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ELISÉE RECLUS
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Là Géographie n'est outre cfcose 40e
l'Histoire dans l'Espace, de même
gue l'Histoire est /a Géographie
dans le Temps,
TOME CINQUIÈME
HISTOIRE MODERNE (Suite)
Révolution r- Contre-Révolution — Les Nationalités
Nègres et Moujiks — Internationales.
HISTOIRE CONTEMPORAINE
Peuplement de la Terre — Répartition des Hommes — Latins
et Germains — Russes et Asiatiques.
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L'HOMME ET LA TERRE
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LES ANCÊTRES
Origines — Milieux tclluriques
Travail — Peuples attardés — Familles, Claies, Peuples
Rythme de l'Histoire
HISTOIRE ANCIENNE
Iranie — Caucasie — Potamîe
TOME H
HISTOIRE ANCIENNE (Suite)
PhénJcie — Palestine — Egypte — Libye — Grèce
Iles et Rivages Helléniques
Rome
TOME III
HISTOIRE ANCIENNE (Suite)
Orient Chinois — Inde — Mondes Lointains
HISTOIRE MODERNE
Chrétiens —* Barbares — La Seconde Rome
Arabes et Berbères — Carolingiens et Normands
Chevaliers et Croisés
TOME IV
HISTOIRE MODERNE (Suite)
Communes — Monarchies — Mongols. Turcs. Tartares et Chinois
Découverte de la Tertv — Renaissance
Réforme et Compagnie de Jésus — Colonies — Roi Soleil
XVIII* Siècle,
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TOMK CINQUIEME
HISTOIRE MODERNE (Suite)
Révolution — Contre- Révolution — Nationalités
Nègres et Moujiks — Internationales.
HISTOIRE CONTEMPORAINE
Partage du monde— Peuplement de la Terre — Latins et
Germains — • Russes et Asiatiques.
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réservés pour tous pays, y compris ta Suide,
ta Norvège, te Danemark et ta Jiottande,
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reserved under the Act approved 3 March sçoS
by Elisée RECLUS.
RÉVOLUTION : NOTICE HISTORIQUE
Neckcr lui ministre des Nuances de 1777 ù 17M1, de Calonne de 178.'}
à 1787, Loménie de Brienne do mai 1787 à aoîU 1788; \eckcr, rappelé,
préside alors aux élections.
1789. 5 mai, ouverture des Mats généraux; 17 juin, le Tlers-Ktal se
constitue en Assemblée nationale; ao juin, serment du Jeu de paume;
aa juin, une partie du clergé se joint au Tiers Klal; a.'J juin, le roi casse
les décisions du Tiers; le ay, les trois ordres se réunissent.
ji juillet, exil de Veker: «i juillet, prise de ta Bastille; ,'1 août,
abandon des privilèges.
i« et 3 octobre, la reine dorme un repas aux gardes du corps; 5 et
octobre, sortie des femmes de Paris, qui ramènent la famille royale de
Versailles,
aa décembre, division de la Franco eu départements; uy décembre,
première vente de biens nationaux.
4790. ao juin, abolition des litre», armoiries et livrées ; «0 décembre,
décrets sur la constitution civile du clergé.
1791. au juin, la famille royale est arrêtée ù Varennes; 17 juillel,
manifestation républicaine décimée au Champ de Mars; ?\ septembre, lu
Législative remplace l'Assemblée constituante.
Octobre-novembre, décrets contre les émigrés.
1792. ao avril, déclaration de guerre à l'Autriche; 8 juin, formation
d'un camp révolutionnaire sous Paris ; ao juin, te peuple envahit
l'Assemblée et le Palais : 5 juiltet, <■ lu Patrie est eu dunger » : :*6 juillet,
manifesta du duc de Brunswick.
10 août, le Palais est pris d'ussaut, le roi esl conduit au Temple, la
Convention est convoquée.
a'i aofct, prise de hongwy ; .'lu août, prise de Verdun ; du a au
'i septembre, massacres ù Paris: ao septembre, combat victorieux à Valmy.
ai septembre, proclamation de tu République par ta Convention ;
') novembre, victoire de Jemmapes.
novembre, rapport du Comité sur le procès de Louis XVI.
V 1
9 L'HOMME *T LA TERRE. — LA REVOLUTION
1193. »i janvier, exécution de taui» XVI,
6 avril, formation du Comité de Kalut public; 3* maUcs révolution-
naires de Paris exigent la mise en accusation don Girondins.
Septembre, victoire de Hondschoote; i6 octobre, victoire de
Wattignies; a décembre (i5 frimaire, an II), la Convention se débarrasse
des Hébertistesot, en avril 1794, des Dantonistcs.
1794. 'iO juillet (u thermidor, au 11), chute de Robespierre.
1195. îïo mars, défaite des révolutionnaires parisiens; ao mai, désar-
mement des faubourgs.
5 octobre (i3 vendémiaire, an lit), soulèvement royaliste à Paris,
écrasé par l'armée; afi octobre, le Directoire remplace la Convention.
1196. Février a août, Conspiration et procès de Bnbcpnï.
i4 avril, victoire de Montcnottc, campagne d'Italie.
1197. 4 septembre (18 fructidor, an V). le Directoire épure les
Conseils de ses éléments royalistes.
1198. 18 juin (3o plairiai, un VI), le Directoire est à son tour privé de
plusieurs de ses membres.
1799. 9 novembre (18 brumaire, an VII), Coup d'tëtat de Bonaparte.
Voici les noms de quelques hommes do valeurs diverses, contem-
porains de la Révolution française :
Conoorckt, né près de Si-Quentin, encyclopédiste 17^-1 794
LtvotsitiH, né h Paris, chimiste. . , , , tt , t 1743-179/i
Goya y Lucikxtkk, peintre, né en Aragon , , , 1746-18*18
(tarait { Wolfgang), poète, né a Francfort-su r-le-Mein 17/19-1833
Godwin (William), littérateur, né près de Cambridge 1766-1836
Buhns (Robert), poète écossais, né près d'Ayr 1759-1796
SemLum (Friedrich), poète, né 11 Marbach , 1 769-1805
Cuvisit (Georges), naturaliste, né à Montbéliard 1 768-1832
Cuatbaubhiano, littérateur, né à St-Malo 1 768-18^8
IIumbuliit (Alexander von), voyageur, né Ct Berlin , , 1769-1859
Kkkthovkk (Ludwig), né à Bonn , . 1 770-1837
Hbubl, philosophe, né à Stuttgart 1 770-1831
WoitDswoHTu, poète, né en Cumberiand. .,,*,♦*, , , 1 770-1850
Scott ( Waller), romancier, né à Kdimbourg . .♦ , 1 771-183»
Tuknbe (John), peintre, né en Devoushire. , . , , , t , , 1 775-1861
ÉVOLUTION
Vidée du ternaire «acre ; Liberté, Egalité* Fraternité,
se perdit bientôt dans les campagnes ravagées et
Je* cités prises d'assaut.
CHAPITRE XVI
IDÉAL DE LA «JJWJMJL -U REINE ET LE ROY. _ ARJHÊB, CLBRQÉ, SËRVAQE
ÉMEUTES ET RÉVOLTES. — CONVOCATION DES ÉTATS QÉNÉRAUX
LE JEU DE PAUME— LA BASTILLE— LE 4 AOUT.— LES DROITS DE L'HOMME
LA FRANCE ET L'EUROPE. - LA TERREUR. - BABŒUF
^^ïe^^clîL 8 ? 6 !!^* ~ aLfiN 5 Rl ^' ™ CONTRE-COUP DE LA RÉVOLUTION
PAYS-BAS, SUISSE. ITALIE. — EXPÉDITION D'ÉUYPTH. — SAINT-DOMINO UE
L'ensemble des événements qui se passèrent en France ô la fin du
dix-huitième siècle et qui a reçu par excellence le nom de « Révolution
française » ne pouvait faire entrer en pleine réalisation que les idées
complètement mûries. I/idéal ne se change en fuits qu'après être devenu
conscient, qu'après nvoir élé urdemment voulu, préparé, acheté, par le
sacrifice de nombreuses victimes volontaires. Or, dans ce monde de sen-
timents, de pensées et d'imaginations qui fut agité pendant le siècle
V 1*
\ t/HOKHE KT LA TBREB. — LA. RftVOMWOK
de ri'iiioyolopddic, quelle fut la dominante qui se dégage et prend un
caractère impérieux sans laisser le moindre doute dans tes esprits ? Cette
idée dominante est résumée dans la fameuse brochure de Sleyès, Le
Tiers KM, le « tiers », c'est-à-dire la bourgeoisie, qui est tout et
cependant était tenue pour rien. Par définition môme, le tiers état
devait être, en dehors de la noblesse et du clergé, l'en semble de la
tiutiou, aussi bien le peuple des paysans et des ouvriers que tes gens ins-
truits ou riches ne différant des nobles que par le manque d'un arbre
généalogique dan» leurs archives familiales. Mais ceux qui revendi-
quèrent leurs droits d'hommes, ceux qui se dirent avec insistance les
égaux des nobles et des prêtres, ce furent les bourgeois proprement dits,
constituant la classe des propriétaires» des chefs d'industrie et des lettrés.
Sans doute, la lamentable population des pauvres, les paysans sucés
par l'impôt et la gabelle, les vieux se traînant courbés sur le sillon, les
hommes hâves auxquels la boue mtMée a la sueur faisait comme un
enduit, et qui, dans les années de disette, mangeaient du pain d'écorec,
tous ces miséreux et faméliques auraient eu l'Apre desir que leur situa-
tion changeât s'ils en avaient eu le moindre espoir* Mais pour eux
comme pour le moujik russe, « le ciel était trop haut » 1 L'idéal du
dix-huitième siècle que réalisa la Révolution française est bien carac
térisé par Les Brigands de Schiller, joués pour la première fois en 178a.
Tous ces « brigands » sont des bourgeois amoureux de justice qui
redressent les torts des seigneurs, du juge, du propriétaire, mais parmi
ces révoltés qu'a soulevés l'iniquité du siècle, il n'y a pas un seul ouvrier,
pas un seul paysan : Schiller ne s'était pas aperçu que ceux-là aussi
étaient, comme les bourgeois ou les (ils de bourgeois, des ôlres odieu-
sement exploités* : s'ils se plaignaient, personne n'entendait leurs
plaintes.
Ainsi l'émancipation politique de la partie du Tiers constituant la
bourgeoisie, déjà voulue, revendiquée par la grande majorité des inté-
ressés, était inévitable : la révolution n'avait à cet égard qu'à confirmer
ce que l'évolution des intelligences et des intérêts avait accompli d'une
façon définitive. Mais ces bourgeois qui voulaient faire reconnaître leurs
droits acquis étaient ils républicains et leur triomphe devait-il aboutir à
celui d'une forme politique égatitaircP Nullement, De même que les
1. Jean Jaurès, le Tkiâtre Social.
1P&AL DE LA. HÉVOLUTION &
colonies américaines, en se détachant de r&ngleterre, se croyaient encore
fidèles, loyales, et protestaient avec une parfaite sincérité de leur dévoue-
ment a la mure-patrie, de môme ta France, en se lançant dans tu grande
aventure de révolte qui devait aboutira la mort violente des souverains
et à la proclamation de la République, iHnll on toute franchise et enthou-
siasme complètement royaliste, Lu multitude ne comprenait point l'exis-
tence d'une société qui nemtpus gouvernée par un roi, parmi maître
ou « débonnaire» ou « grand ». A. part une très faible majorité, com-
posée pour la plupart de penseurs appartenant a la noblesse et à la huule
bourgeoisie, c'est ù-dire aux classes qui disposaient d'un loisir suflisant
et qui pouvaient se rendre compte personnellement des agissements de
lu cour, la masse de lu nation ne demandait qu'a se précipiter servile-
ment et a pleurer d'émotion sur le passage d'un roi. Pendant les années
les plu» agitées qui précédèrent « Quatre- vingt neuf », les hommes qui
dans la suite se distinguèrent le plus par leur ardeur à combattre les
agissements de la royauté et qui vouèrent avec conviction la mort
de « Louis Cu|>et » avaient eu certainement pour idéal premier
un royaume a degrés hiérarchiques, où toute loi, toute grâce aurait
continué de s'épancher d'un tronc comme d'une source naturelle. Il
fallut que la logique impitoyable des événements les cntraintU, les forçat
quand même à devenir républicains. L'échafand qui se dressa pour le
Hoi et la Heine fut un accident, l'effet d'une brouille momentanée
entre les auteurs principaux du drame politique, et quand l'histoire
reprit son cours normal, elle amena tout naturellement la restauration
de la royauté.
Les hommes ne se débarrassent que lentement de leurs préjugés
héréditaires, et plus d'un siècle après la Hévoiulton — uinsi brièvement
nommée comme si elle avait renversé toutes choses — on constate
amplement en France que 1'uncien fond monarchiste subsiste
encore ; la plupart des prétendus citoyens n'ont pas l'audace de l'cM-re.
Ils demandent des maîtres qui pensent et agissent pour eux. Si l'an-
cien royaume ne s'est pas reconstitué, c'est que les candidats ù la domi-
nation, y compris les tribuns du peuple, sont fort nombreux et se
tiennent mutuellement en échec. Et si l'empreinte de la royauté s'est
maintenue* de même celle de l'fêglise. La France est restée culholique
aussi bien que monarchique; certes, elle n'accepte plus les dogmes,
mais elle est toujours éprise d'autorité, croyant aux coups de force et
l/HOMMK ET LA TERRE. ~ LA RÉVOLUTION
aux opinion» toutes faites que lui présentent les » pasteurs des
peuples . A cet égard, la nation ne changea point ou plutôt, elle ne se
modifia qu'avec lenteur, par le déplacement du centre de gravité des
hautes classes vers la classe moyenne, de la noblesse et du clergé vers la
bourgeoisie de plus en plus nombreuse et consciente de son intelligence
e| de su force.
Dans les dernières annécH de sou existence prérévolutionnaire, la
inonurchie manqua complMemenl de sagesse, d'esprit de suite et de
tenue. On eût dit que, prise de folie, elte se plaisait aux aventures et aux
imprudences pour hâter le jour de sa ruine. Marie-Antoinette, qui
n'était devenue Française que pour le triomphe des représentations fas-
tueuses, pour lu gaieté des fêtes et l'intérêt plaisant des intrigues, était
restée princesse autrichienne pour les intérêts de sa maison et, très
ouvertement, se faisait l'agent de sa merc Marie Thérèse, puis de son
frère Joseph li; ses ingérences politiques la mettaient toujours en vue, et
ses folles équipées, ses amitiés compromettantes, enfin In honteuse affaire
du « Collier », qui la montra recevant des bijoux de mains déshonorées,
toutes ces choses lu retenaient au premier plan, sous l'attention malveil-
lante du Paris frondeur. Quant au roi, homme de bonne pûte, de volonté
nulle et de gros préjugés, il se laissait aller a toutes les incohérences, &
toutes les contradictions des politiques diverses qui l'entraînaient succes-
sivement, tantôt comme roi de France, tantôt comme mari de 1' « Autri-
chienne », comme philunlrophe au emur sensible, puis comme gentil
homme, religieux observateur de tous tes vieux abus. D'ailleurs, l'essence
de la royauté, ce n'est pas le pouvoir, mais le caprice. Le prince doit se
sentir au-dessus de tout droit, de toute règle, pour se croire vraiment le
maître. « L'essence et lu vie i\u gouvernement, dit Michelet, était la lettre
de cachet ». Même lorsque le roi ne l'est plus que de nom, après la prise
de la Bastille, en février 171(0, il garde encore son privilège de fuire
enfermer qui lui plnit '.
Jusqu'en l'un née 1788, la torture avait été appliquée duns toute su
férocité par ordre du roi de France, La « question » qui, sous tant de
formes, est encore d'usage courant devant les tribunaux civils et mili-
taires, éluil présentée comme un devoir social, fên 17N», Louis XVI avait
1. Histoire de France, vol. XVII, p. 337. "î
LA REINE ET Ll ROY
7
accepté ta dédicace d'une Apologie de la torture rédigée par un parle-
mentaire d'Aîx, Muyart de Vouglans, avee approbation spéciale du pape
me VI.
Non seulement le roi s'étudiait de son mieux à conserver les institu-
tions du passé, il les aggrava môme en diverses circonstances. C'est ainsi
qu'en 17K1, il barra aux non-nobles tout avancement dans la carrière des
LE PBTIT TBIANON OU MABIB-ANTOINKTTB JOUAIT A LA FERMIERS
armes, n'accordant le plus petit grade d'officier qu'aux gentilshommes
ayant au moins quatre degrés de noblesse paternelle et ne donnant le
titre d'ofllcier général qu'aux personnages urimis à monter dans ses
carrosses royaux 1 . Ce fut môme une des raisons qui rendirent l'armée
si peu vaillante dans la défense de la royauté, lors des grand jours d'é-
preuve. Tous se jalousaient entre eux: les corps de troupes ordinaires en
voulaient aux régiments privilégiés, les sous officiers étaient les ennemis
naturels de leurs supérieurs immédiats, et ceux-ci avaient le môme senti-
1. Michelet, Histoirt d« France, vol. XVI!, p. 358.
8 L'HOMME ET LA TERRE. — LA. «EVOLUTION
ment de haine spontanée contre le» généraux qui trouvaient leur brevet
dans le berceau. L'armée était désorganisa! d'à vu ace lorsque les événe-
ments lu mirent en contact avec te peuple : on lu vit se foudre devant
les émeutes «ans qu'il y eut môme de conflit. les troupes taneées contre
lu futile fraternisaient avec elle.
Si les prédits de l'I'Iglise affectaient volontiers de plaisanter des choses
suintes, ils étaient restés forl sérieux sur lu question* des bien* temporels,
et même la résistance acharnée du clergé a toute mesure qui pouvait
tendit 1 a l'égalisation de l'irnpol fui la principale cause du déficit qui
ruina lu France et mit le royaume a la merci du peuple. J/Kglise
s'était bien soumise à participer quelque peu mu dépenses générales,
mais elle ne déboursait de contribution annuelle qu'à titre de don
gracieux au rot, tout au plus laissait elle gager certain» emprunts sur
ses (erres, ce qui ne lui coûtait rien. Déjà, au milieu du siècle, lo
projet qu'on avait eu d'estimer lous les biens — environ le quart du ter-
ritoire français (\, Dcbidour) — avait été repoussé comme un sacrilège,
car on aurait ainsi dévoilé l:i richesse du clergé et constaté officiel-
lement ce que l'on savait déjà d'une manière générale, l'accaparement
d'une valeur de quatre milliards eu terres soustraites à tout impôt, eu
un pays où le laboureur succombait sous la dîme, les taxes et les corvées.
C'est un des faits les plus instructifs de cette période finale de l'ancien
régime que le mainlien féroce du servage dans les domaines apparte-
nant à l'abbaye de Suint Claude et comportant, outre la ville, les douze
paroisses de sa banlieue, les quinze villages de la baronnie de Moirans
et les cinq villages de lu prévôté de Saint-Luurent-Grandvuux. De même
que lu noblesse, en y comprenant les riches uuohlis, s'était faite le
champion de l'esclavage des noirs dans les Antilles, de même le clergé
voyait le plus saint des devoirs dtms la conservation de au propriété
de serfs blancs, que les héritages, les couliscations, les intrigues, les
caplations lui avaient value aux siècles antérieurs.
Les religieux de Saint Claude, au nombre; de vingt quatre, relevaient
directement du pape, nvec litre de chanoines, et portaient des ornements
qui les assimilaient à des évèques. Klite des moines, ces hauts person-
nages étaient également une élite de noblesse, puisqu'ils ne pouvaient
entrer duns la communauté qu'à la condition d'être nobles t< de quatre
races ». à la fois du côté paternel et du côté maternel : ils représen-
taient donc te choix du choix parmi les privilégiés de France, et comme
SERFS DE L'àBBÀYK DE SAINT-CLAUDE 9
tels avaient è soutenir lo combat pour les intérêts de leur caste. En 1770,
H* 427, Saint-Claude et Ferney.
1: 400 000
l 'o
5 iQ 2oKil.
lorsque les serfs « mainmortables de corps et de biens » que posn&iaient
ÏO L'HOMME ET LA TERRE. — U RÉVOLUTION
tes chanoines de Saint Claude adresseront une humble supplique au roi.
l'opinion publique se passionna pour ces malheureux ; un avocat de
Saint-Claude, Christin» plaida leur cause avec véhémence, puis Voltaire
y apporta cette éloquence qu'il avait mise au service de Calas, et remua
de nouveau la France et te inonde; mais rien n'y fit : appuyés sur le
parlement de Besançon, dont quelques membres avaient aussi des
muimnorlables dans leurs domaine», les seigneurs-moines de Saint
Claude tinrent 'bon contre» leur propre évoque, contre le roi, contre
l'opinion ; jusqu'en pleine Révolution, après la prise de la Bastille, ils
gardèrent leurs serfs, y compris les colons étrangers qu'un sort funeste
avait fait résider un an et un jour dans le pays,
Kt pourtant, cette Krancc, où les survivances du moyen Age étaient
encore si puissantes el si nombreuses, se croyait mûre pour constituer
une société idéule de citoyens égaux et librct»! Pour la guider vers cet
avenir, elle se tournait avec persistance vers le roi, qui, de son côté,
avait le cruel embarras de choisir ses ministres, et, suivant l'impulsion
qu'il subissait, les prenait alternativement parmi les adversaires ou
les amis de la cour. Apres le prodigieux gaspillage d'argent qui
avait suivi le renvoi de Turgot, Louis XVI avait fait appel au protes-
tant étranger Necker, quoique, par son culte môme, ce fumeux banquier
fui, pour ainsi dire, hors la loi. Necker, qui voulait plaire à l'opinion,
conquérir la popularité, réussit en effet dans son ambition, et cela en
sacrifiant sa propre fortune, en s'altaquanl aux pensions et aux siné-
cure», en s'abslenant d'accroître les impôts, môme en établissant des
cours provinciales pour contrôler son administration. C'était trop beau,
et la Courent lu bassesse d'exiger de lui, en récompense de ses efforts,
qu'il « abjurât solennellement les erreurs de Calvin ». II avait trouvé de
l'urgent par ses emprunts et l'on croyait n'avoir plusbesoinde lui (178 1).
On avait essayé de l'économie; avec de Cafonne, on ullait essayer
de la prodigalité. Puisque la richesse se mesure aux dépenses, il sembla
qu'on ne pouvait trop dépenser : de Galonné jetu des millions sans
compter, achetant des châteaux pour le roi, pour la reine, distribuant
les cadeaux, les pensions, les bénéfices! Si étranges furent les générosités
de ce singulier ministre des finances que certains historiens ont cru
voir dans ce personnage un révolutionnaire déguisé n'ayant perpétré
toutes ces folies que pour préparer la catastrophe. « La réforme de la
monarchie étant nécessaire, il fallait amener les grands corps à y con-
NKCKBR, DE GALONNE
tl
sentir, presque à ta vouloir, et pour cela, se rendre leur complice, leur
partager magnifiquement et avec grâce le* restes du trésor, les séduire,
les gorgcr, et les conduire ainsi en riant Jusqu'au bord de l'abîme » •.
Lo ruine prochaine du gouvernement semblait tellement inévitable
que nombre d'autres gouvernements, presses de recueillir l'héritage, se
constituaient déjà au-dessous du monde officiel, dans les sociétés
Cl. P. Setlter.
ÛBKNOBLE A l/ÉFOQUB »JS LA BÊVOWTION
secrètes. Un mouvement de vie intense s'ugitait parmi tous les hommes
que le travail de la pensée et les ambitions du pouvoir groupaient diver-
sement en dehors du contrôle adminislratif. Jamais la franc-maçonnerie
et autres organismes occultes, qui ont existé de lout temps sous les
dénominations tes plus différentes, n'eurent une plus grande activité :
si tout d'un coup l'Etat avec sa hiérarchie avait disparu en entier,
il se serait trouvé soudain un nouveau personnel rompu aux délibé-
rations et aux discours par une large pratique dans les conciliabules
1 . Louis Blanc, Histoire <fo la Révolution française, 2» édition, Tome !I t p. tfit.
I
«^ L'HOMME ET LA TKRRE. — LA RÉVOLUTION
«*l«tidet«UiiH. Cumme chef de ta maçonnerie, le duc d'Orléans ressayait
déjà au rôle de royauté bourgeoise que la i. branche cadette •» devait
exercer effectivement »u dix neuvième siècle. Presque tous les person-
nages qui devinrent fameux pendant les grande» Journées de la Révo-
lution avaient fait leur noviciat d'homme» politiques dans les loges des
société* secrètes, el c'est aussi dans le mystère que Pou formula le « ter-
naire sacré », les trois mots ; Liberté, ICgalilé. Fraternité, choisis plus
tard pour symbole de In République, admirable devise encore si éloignée
d'être devenue réalité !
La part des dhernes fraetious géographiques de la France dans
l'ensemble de l'univre révolutionnaire l'ut très inégale : en un vaste ^
domaine tous les champs ne se ressemblent point en fécondité: il en est '
même qui ne produisent rien. Des provinces entières traversèrent la
période dramatique des événements sans que leur rôle prît un caractère
actif. I,o midi albigeois el toulousain, notamment, avait été trop
privé de force, do sève vitale lors de son écrasement par les
hordes féodales du nord pour qu'il eut retrouvé déjà un peu de
vigueur et d'élan à mettre an service des libertés publiques.
En d'autres provinces, au contraire, notamment dans Vc&t du
royaume, les émeutes populaires forment un prologue à la prise de la
Bastille et acquièrent une importunée loute spéciale par leur nombre
el leur incessante répétition, L'insubordination croissante des < gens
sans aveu, réfractulres el faux-sauniers », signalée par les autorités de
Besançon eulr'autros, dès 1788, les actes de brigandages égalilaires qui
avaient rendu le nom de Mandrin si populaire dans les basses classes,
les pamphlets irrespectueux qui circulaient partout, les marches pillés,
les boula ngors pendus, les châteaux qui flambent, les archives el les
parchemins brûlés — « les écritures maudites qui fout partout des
débiteurs el des opprimés .1 ' —, tous ces coups de mains locaux furent
oubliés dans l'ampleur du mouvement dont ils furent à la fois la pré-
face et l'uu des principaux fadeurs. Kl ces niouvcmenls économiques
ne cessèrent nullement à l'approche de la réunion des Klatstiénéraux
— témoin le pillage des maisons Réveillon et llenriot, les m; et 38
avril 1780, à Paris — ni durant les années qui suivirent : ou peut
même citer la révolte lardive des paysans du canton de Vaud, en 1802,
1, Cité par Tttiuu, Us Oiigines dt> la France Contemporain*.
Ameutes et révoltes
i3
Je» Bourla-Papey, Brûle-Papiers, qui, aux cris de « Paix aux hommes,
guerre aux Papier» », firent des autodafé de paperasses et prirent
possession de terres contestées * !
N* 428. Grenoble et Vieille.
rt
i: 200000
_ — t
— ibKil
Cette Jacquerie agit sans relâche et constitue une sorte de liasse
aux brillantes variations qu'exécutaient a Paris les forces en lutte: elle
fut certainement influencée par les événements de la capitale, mais la
i. Eug. Mottaz, les BourtaPapey et ta révolution Vaudoise.
t6 L*HO*!lfE ET LA TEMtK. ~~ LA RÉVOLUTION
compréhension de ceux-ci n'est possible que si l'on connaît l'appui que
leur apportaient les masses populaires dans les campagnes.
Quant à la part que prit en province la bourgeoisie française» encore
inconsciente de ee qui ta différenciait du peuple \ à l'œuvre préparatoire
de ta Révolution, elle se concentra en deux points vitaux, Rennes et
Grenoble. Ces capitules appartenaient à des contrées ayant eu beau-
coup moins à souffrir de la centralisation despotique du royaume *
et conservaient ainsi une sorte de virginité. En vertu des traditions héré-
ditaires cl des conventions spéciales faites avec la royauté, chaque pro-
vince se distinguait des autres par quelque trait de ses institutions ; c'est
ainsi que la Bretagne, ires fidèle à son passé, avait encore un parlement
qui n'était pas une simple assemblée de valets et de scribes ; loin de là,
ce corps délibérant était aussi fier de ses prérogatives que si l'ancien
duché avait été encore un pays libre et que l'union avec le royaume
limitrophe eût été purement volontaire. Aussi lorsque la Cour eut brisé
la résistance du parlement de Paris, vit-elle se dresser contre elle le par-
lement de Rennes. H fallut mettre le siège devant son palais, arrêter les
manifestants, en envoyer quelques-uns à la Bastille, au mépris de leurs
privilèges de gentilshommes.
Mais à Grenoble, l'affaire fut plus grave. La, le parlement avait le
peuple avec lui, et ce peuple prenait l'initiative de la résistance. Le
Daupliiné n'avait pas, comme la Bretagne, le souvenir de l'indépen-
dance politique, mais il avait mieux : la pratique des libertés réelles.
Les régions hautes de la province, voisines des neiges, ne communi-
quant avec les vallées basses que par d 'âpres sentiers, avaient été
laissées h elles-mêmes par des administrateurs paresseux; elles se
gouvernaient en républiques autonomes, conformément aux coutumes,
et répartissaient l'impôt, toujours scrupuleusement acquitté, mais sans
les conditions exigées ailleurs par le caprice royal. De là un esprit de
Hère résolution et de volonté tenace auquel participaient même des par-
lementaires, pourtant corrompus par la pratique de ta chicane.
Lorsque Tordre d'exil de ces magistrats fut parvenu à Grenoble, la
ville se souleva pour leur faire honneur. On les accompagne en proces-
sion triomphale, un peu malgré eux, puis on les ramène plus triompha-
lement encore, les femmes du peuple les décorent de roses et de verdure,
1. Michel Bakouaine» note manuscrite, — 2. Michelettf t«fc>t>« de France t vo\. XVII,
p. i!9.
PARLEMENT DE VIEILLE l5
puis, saisissant loupa triques, elles se retournent contre la troupe,
soufflettent tes chefs, entourent les soldats, les immobilisent, les dis-
persent, «'emparent des portes de la ville, sonnent les cloches pour
appeler les campagnards de la banlieue. C'est une révolution. Lesordres
de la Cour sont formellement méconnus, et les délégués des trois ordres
su réunissent do leur pleine initiative dans le château de Viztlle, au bord
de la tumultueuse Romanche (ai juillet 1788). Se sentant les représentants
de la France et non seulement du Dauphiné, ils décident, en une longue
séance de vingt heures, que désormais on n'octroierait plus les impôts
a la simple demande du mi, mats seulement de par la volonté du peuple
transmise par tes Etats généraux. De toutes parts on avait les yeux fixés
sur les députés dauphinois et on les encourageait à la lutte ; les soldats
n'osaient plus tirer : les uns parce qu'ils étaient du peuple, les autres
parce qu'ils ne savaient plus, devant la puissance de l'opinion publique,
quels étaient les véritables maîtres. Les députés se dispersèrent, mais
la convocation dos Etats était devenue inévitable, et môme avec prépon-
dérance du Tiers* c'est-à-dire de la bourgeoisie française.
Précisément ce fut un ministère de combat, de pure violence, celui
deLomériic de Brie mie, présenté par la reine comme l'expression directe
de su volonté, qui, poussé par la force des choses, eut à convoquer
les Etats* c'est-à-dire h subordonner te roi à la nation. Cet homme
de défi avait renvoyé les notables pour montrer en quel mépris il
tenait tout ce qui n'était pas dans la domesticité du roi, puis il avait,
comme par gageure, offensé dans leur amour-propre tous ces pauvres
parlements de Paris et de province, qui ne demandaient guère autre
chose que les apparences extérieures dans le respect de leurs privilèges
antiques. Enlln, il avait institué, comme par moquerie de la représen-
tation nationale, une « cour pléuierc », composée de princes du sang
et des courtisans immédiats. Quand même, lorsque la cuisse se trouva
vide, absolument vide, il fallut bien que lîricuuc se relirai cl soumît le
roi à l'Iiumilialion de rappeler Nccker, son ennemi personnel, qui
commença dédaigneusement par soutenir le royaume de France de sa
propre fortune et de sou crédit, Les Etals généraux allaient se réunir.
La bourgeoisie avait triomphé : lu noblesse, le clergé, le roi passaient
au second pion.
Le mouvement des élections prit un caractère de grandeur épique,
dû non seulement à l'importance des événements mais aussi aux dan-
|6 L'HOMHB ET LA TERRE. — LA RÉVOLUTION
gers immédiats «le la situation : la France avait faim. Le froid de l'hiver,
h* mauvaise* recolles de l'année avaient triplé ta misère; lu mortalité,
aggravée eu et là par le» émeutes, s'élttft grandement neemcet, malgré
le» maux qui s'abattaient aur bit, le peuple restait soutenu par l'espé-
ra née des temps nouveaux, le vole, recueil ti dans chaque province
suivant des formes différentes, fut presque universel, si ce n'est h Paris,
ville toujours iniquement traitée, ou des conditions de cens s'atta-
chaient à l'exercice du suffrage Kn province, tous volèrent, à l'exception
des domestiques : environ eittq initiions d'hommes, fait unique dans
l'histoire du monde, prirent part à la grande consultation nationale, et
le» délégués partirent pour Versailles, emportant les « cahiers » où se
trouvaient consignés les doléances, les vtvux, les résolutions, le» espoirs
du peuple. Quoique très modérés dans la forme, les eahiers du Tiers
sont unanimes dans leurs revendications «le justice et d'égalité. Mais
ils témoignent aussi d'une foi monarchique 1res sincère, émue et
respectueuse. Ils sont également pénétrés de vénération pour le chris-
tianisme sous sa forme catholique, et s'ils réclament la liberté de
eonseience, ils ne demandent point la liberté i\qh culte» 1 . Quant aux
nobles et aux prêtres, ils cherchent également ù diminuer le fardeau
qui pèsera sur leur propre, caste et a reporter le poids sur lu caste
rivale. Les nobles veulent l'abolition des àlmu*, la fermeture «les cou-
vents» lu vente jmrlielle (tes biens ecclésiastiques. Le clergé, de son
coté, demunde la suppression des privilèges du gentilhomme et, en
éehange d'une pu ri ic de ses terres, il réclame ce qu'il réclama toujours;
l'éducation des enfants, l'Ame des générations futures 1 .
Les lihtts se réunirent J<* i> mai 1780, grande date considérée histo-
riquement comme le début d'une ère nouvelle, celte de lu domination
bourgeoise dans l'Europe occidentale. Tout d'abord on piétina sur
plure: les ordres, noblesse, clergé, tiers, restant séparés dans leurs salles
de délibérations respectives, on ne s'occupa, ici que de maintenir les
privilèges, là que de les supprimer. Mais l'assemblée du Tiers, portée
par tout le mouvement du siècle, eut les fortes initiatives ; il se constitua
en ■■ Assemblée nationale » et somma les deux autres Ktats d'avoir à se
rendre dans la salle des délibérations. Les curés, qui se sentaient peuple
t. Ch. L. Chassie, Gênit dâh /Wpo/ulwn. — 2. Michelet, HUtoir* de France, XVII,
pp. 463, m.
nÉUWON DES ÉTATS GÉNÉRAUX
'7
par ta pauvreté et qu'exaspérait l'isolement de leurs collègue», le» pré
lats, forent les premiers n obéir, d'abord isolément, puis en masse. La
Cour, qui possédait encore ta force brutale, s'imagina qu'elle avait
aussi la force morale et que l'Assemblée n'aurait pas le courage de se
réunir si des soldats lui barraient la porte. Mais déjà les représentants
du peuple, tout royalistes qu'ils fussent, étaient devenus républicains
D'après une estampe de l'époque.
LA PRIS» DE LA BAHTILLB
sans le savoir et, ebasses d'une salle, ils s'élancèrent dans une autre,
la salle fameuse du Jeu de paume, pour y l'aire serment à l'unanimité,
en un élan d'entliousiasme, de « ne se séparer jamais •>. En personne,
le roî vînt pour ordonner aux dépulés de se disperser et d'attendre son
bon vouloir. Kt c'est alors que Mirabeau foudroya le maître des céré-
monies de la fumeuse apostrophe : u Allez dire à ceux qui vous
envoient que nous sommes ici par la volonté du peuple et qu'on ne
nous en arrachera que par la puissance des baïouueltes u !
Déjà Paris venait à la rescousse pour soutenir l'Assemblée, qui, sans
lui, eût probablement cédé, après emprisonnement ou massacre préa-
|8 L'HOMME ET LA TERRE. — LA RÉVOLUTION
labiés. On attaque une prison pour en délivrer les captifs» put» on brûle
les barrières d'octroi, on s'empare de* |w>udres et de» armes; le» soldats
de la garde française, presque tons Parisiens, se mêlent au peuple; te
régiment de Château vient, composé de Suisses vnudoi* de langue
romande, se sentant
Français de munir* et
de tendances, refuse
de tirer sur la foule ;
les milices s'orga-
nisent, d'autant plus
ardentes a lu lutte
qu'elles sont entou-
rées de troupes étran-
gères, Suisses, Alle-
mands, Croates, Pan-
dours, soudards dont
on ne comprend pas
m£mc le langage.
Et soudain, mal-
gré les chefs et les
conseillers, malgré
tout bon sens mais
entraîné par une foi
soudaine, par un ins-
tinct unanime, le
peuple se précipite
follement contre le
bloc énorme de la
Bastille, contre le noir
cube de pierre à
l'ombre duquel la ville s'agitait i m puissante, et lu forteresse, qui eût pu
se défendre par sa seule masse, Huit pur ouvrir ses portes, fait tomber
ses ponts-lcvis, parce que ses défenseurs eux mêmes sentent que le
grand jour est venu : la Bastille se livra, « par mauvaise conscience »',
la volonté collective de Paris Pavait hypnotisée.
Cabinet deg Estampes,
Blbt. Nationale.
D« LAU1TAY
gouverneur d© la Bastille, oat conduit à rHôtel-àWille
où il n'arriva pas vivant.
i. Michelot, Histoire de la Révolution Française, I, p. 203, édition de 1877.
PRI8B DE LA BASTfLLl
«9
/
La reddition de la Bastille fut un événement capital qui fit trembler
les rois, enthousiasma tes peuple» et prît un senti symbolique universel
dont l'effet dure encore; main, s'il est beau, en des moments désespérés,
de tout risquer pour la cause que Ton aime, combien funeste fut souvent
cette illusion, née de m .
la prise triomphante j/Hu/é» S^Jaj c/*«*'
delà Bastille, que l'en
thousiastne populaire
suffît pour accomplir
r impossible ! Von, les
multitudes eu désor
dre, munies seulement
de pierres et d'armes
de rencontre, risquent
fort de se heurter inu
tilement ù des rem-
parts solides, garnis
d'hommes disciplinés
qui savent pointer les
canons 1 La trompette
de J ericho ne renverse
plus les remparts des
villes. II est impru-
dent de se griser de
paroles, vaincs sono
rites. Pour combattre,
le plus sûr est toujours
d'être le plus fort, eu
môme temps que le
plus clairvoyant : à la
ferveur, à la puissance de la volonté, il importe d'ajouter la science
invincible.
Les événements de Paris réveillèrent certaines populations restées
passives par l'effet du long sommeil dû aux exterminations anciennes
et à l'oppression continue. Jusqu'aux Pyrénées, jusqu'à la mer de
Gascogne, le peuple fut secoué d'un grand frisson, annonciateur de
conjonctures redoutables. Ce fut, disent les contemporains, le temps
» ;
i
i \
Croqtii» exécuté par David d'aprH netare.
FOVM.ON, COMMISSAIRE AUX VIVRB8
»é ùSaumur en 1717. pendu à la lanterne à Pari* en 178».
Sa tête est promenée dans Paris au bout d'une pique, la
bouche pleine de foin.
ao l'homme et la terre. — la révolution
de lu « grande \*mr ». Accoutumés ïi pâtir, le» paysans se préparaient
en mainte endroit* à de nouvelle» souffrances, cherchant un refuge
dan» les bois el cavernes. Mais l'exemple do l>aris avait donné une
nouvelle ardeur aux masses impatiente» de secouer le joug : ehaqiie ville
de province s'empare de sa Bastille, et les ville» entraînent a leur tour
les villages el le» hameaux, bc cultivateur comprend qu'il dispose de
la forée, il assiège le cliAteau du seigneur local, s'empare des archives
qui faisaient de lui un lailhiblc et corvéable, hrAle les litres qui lui
enlevaient son bien, eesse de payer les redevances, et, pour un temps*
redevient un homme libre. Malheur au propriétaire détesté qui avait
brutalisé ses vassaux pendant les temps de prospérité ! Lui aussi, il
ennnaîlra l'insulte, les coups, son château sera démoli, el lui môme
risquera la mort, ù moiiin qu'il ne s'enfuie à l'étranger. Car la Krance
s'organise, chaque jour elle apprend le maniement des armes, et, dans
eette foule immense qui sait désormais attaquer aussi bien que se
défendre, les soutiens particuliers tlu caprice royal et de la noblesse, les
régiments d'Allemands et de Suisses, recrutés à grands frais, se perdent
connue dans une mer.
Les députés de la noblesse siégeant à Versailles, dans l'Assemblée,
prirent galamment les choses. Puisque le peuple, naguère asservi, jetait
au feu leurs ebartriers, parchemins el arbres généalogiques, puisqu'il
cessai td'aequilter les corvées, des astreindre aux servitudes personnelles,
eli bien! les gentilshommes en feraient superbement le saeriliee 1
Sans doute quelques uns d'entre eu* comprirent que la prudence leur
commandait de séparer leur cause de celle des nobles émigrés qui
fuyaient eu ennemis el se préparaient a combattre la France; d'aucuns
se laissèrent aller au faste traditionnel du grand seigneur qui joue avec
les dettes el prodigue l'or comme s'il en avait toujours trop ; mais
l'autre* aussi, pénétrés au dessous de t épidémie par la philosophie du
siècle, savaient parfaitement que leurs anciens droits étaient en
lehors du droit el constituaient une injustice qu'il était temps de
se faire enfin pardonner. U» haut sentiment du saeriliee et la grûcc
avec laquelle on sut l'accomplir Ut de cette « nuit du 'i août », en
cette même année 8y, une date inoubliable. Tous étaient émus, heureux
de se sentir égaux, devoir tomber ces barrières de la féodalité qui de
l'homme uvaicnl luit l'ennemi de l'Homme. L'émulation de justice et de
renoncement gagna le» villes el les provinces privilégiées qui successive-
i
(
ABANDON DBS PRIVILÈGES
M
ment et par acclamation renoncé roui i\ tous les avantages que tu mo-
narchie leur avait concéda pour se fondre dan* la grande unité fran-
çaise. Oir pat croire qu'en eette nuit do révolution se résumaient et tws
réalisaient tous les vœux, toux te» i-spolis des générations passées.
La réflexion vint pourtant et. dès te lendemain, l'œuvre des « hommes
sages » s'attacha à reprendre en détait ce qui avait été abandonné par
une enthousiaste
déclaration de prin-
cipe. Les décrets du
5 uu 1 1 uoùl noti
lient que, sauf lu
dmie, les servitudes
récites ne sont pas
supprimées, mais
que les paysans
avaient le droit de
les racheter « s'ils
s'entendent sur te
prix avec leurs «ei-
gneurs . Kl encore
ces décrets, que le
roi ne sanctionna
qu'en octobre, ne
furent-ilsjamaisdû
ment promulgués.
Lu Jacquerie cou II
nua — rien qu'en
Bretagne vingt-cinq châteaux furent pillés ou brûlés avant le mois de
mars 1790 — , des paysans furent pendus, et ce n'est qu'en juin 170a
qu'une loi définitive abolit les droits sans rachat.
La déclaration des « Droits de l'homme » donna un corps à
l'ensemble des réformes volées pur acclamation, mais des lois nouvelles,
des décréta, des, ordonnances vinrent rapidement prouver que vraiment
peu de chose était changé à l'ancien régime.
I*a grande diversité d'origine, d'apparence, de mœurs cl môme de
langue qui existait dans la nation française explique en partie comment
les représentants venus de toutes les province* se senti reut entraînés
V 2
Portrait par lu&ttey
£•£ QUKN I»H KBBAHOAL
né à Landiviniau en 1746. Leproraier noble qui, durant
la nuit du '* août, renonça & ses privilèges.
aa i/hohmi et la terre; — la révolution
à fonder l'unité nationale» non sur un prétendu lien du sang ni sur
une fraternité traditionnelle, mats sur le droit humain* Les formules
d'après lesquelles on constitua le peuple français auraient parfaitement
convenu à la création d'une république embrassant l'humanité tout
entière '. C'est qu'en effet le mouvement de la pensée pendant le
dix-huitième siècle avait pris un caractère universel; dépassant de
beaucoup les limites de la France et du temps présent, il s'était étendu
ù l'ensemble des pays et des temps; souvent l'attention des historiens
s'était portée bien plus sur les agissements do Frédéric II, sur le
fonctionnement de In constitution anglaise, sur ta guerre d'indépen-
dance des colonies américaines que sur les affaires intérieures de la
Krance ; les mœurs du peuple chinois étaient présentées en exemple ;
on s'intéressait aux noirs de Saint-Domingue* aux insulaires de
l'Océanie. C'est donc par une sorte de floraison naturelle que l'Assem-
blée nationale proclama les droits du Français en les appuyant sur la
pierre angulaire du droit de tons les hommes. San* doute, les légis
lateurs se trompèrent, puisque, suivant la conception maçonnique de
l'époque, ils cherchèrent en dehors de l'homme, dans un Etre
suprême, le garant de la morale humaine: ils prirent leur point
d'appui en dehors de ta conscience individuelle, qui, bien que vacillant
elle môme, n'en est pas moins le grand ressort de toute œuvre sincère :
considérant l'homme comme un éternel mineur, comme un sujet, ils
voulurent le guider par des lois, émanation de In volonté divine dont
ils étaient les interprètes. Quoi qu'il en soit, les droits de l'homme,
qu'ils proclamèrent sous la pression de l'opinion souveraine qui trou-
vait enfin des hérauts, représentent bien le fait capital de l'histoire
depuis les origines de l'humant U'» jusqu'à nos jours. Pour la première
fois une nation se déclare solidaire de toutes les nations du monde,
de toutes les races, au nom du droit que possède chaque homme
d'aller à la recherche du bonheur.
En cette grande époque, la plus belle qu'ait encore traversée
l'humanité , l'idéal des plus hauts philosophes qui avaient émis la
(>ensée humaine dans toute sa Jwauté parut être sur le point de se
réaliser. En mai 1790, lors de la discussion sur te droit du pouvoir
exécutif de déclarer la guerre, Volney propose à l'Assemblée de
i, Jacques de Boitjolin, Bu Peuples de la Franct % p. 9.
d6cuiutio\ des droits de i/homsue
33
regarder l'universalité du genre humain comme formant une seule
et même société dont l'objet est la pain et le bonheur de tout et de
chacun de ses membres ; que dans dette grande société générale, tes
peuples.,, considérés comme des Individu», jouissent des mêmes droiU
naturels et sont soumis aux mêmes règles do justice que tes individus
des sociétés particulières et secondaires ; que, pur conséquent, aucun
peuple n'a le droit d'en-
vahir la propriété d'un autre
peuple ni do le priver de la
liberté et de ses avantages na-
turels », Ainsi tout le globe
terrestre était désormais, dans
la pensée des novateurs, em-
brassé par le même droit
des gens. La fédération des
hommes se constituait en vue
du bonheur universel.
Ce bonheur, c'est par l'éla-
boration de <c lois justes » et
leur égale application à tous les
citoyens qu'on espérait pou-
voir le réaliser. Certes, il n'est
pas di flï ci le de comprendre la
passion fervente qui s'empara
des Français d'alors à l'égard de
la Loi, révéréesymboliquement
comme une déesse. C'est qu'elle devait remplacer le bon plaisir. Elle allait
être substituée au caprice royal multiplié par les mille autres caprices des
subordonnés qui, dû mettre jusqu'au dernier des valets, descendait sur
les malheureux en une cascade de brutalités, d'injustices et de crimes.
Par définition même, la loi, représentée par une balance, serait abso-
lument juste, égale pour tous, et cette assurance su m sait aux malheureux
qui avaient tant souffert de l'iniquité des jugements rendus au nom
du Roy. Ils s'imaginaient que, désormais, la justice impersonnelle
planerait au-dessus de la nation, lumineuse et bienfaisante pour tous
comme les rayons du soleil. Ils ne savaient pas que la monarchie en
devenant polyarchie ne cesse pas d'ôtre une royauté : autant d'hommes
V 2*
Cabinet do» Estampe».
VOtNKY,
NÉ A CBAON EN 1757, MORT B* 1820
a 4 l/llUMMg KT U% TKIMR, — LA îïlVÛlUTION
privilégiés par la possession d'un pouvoir, autant de petits rois qui
discutent, sanctionnent et appliquent les lois à leur profit, La loi fut
toujours celle qu'imposa le plus fort.
Armée par la puissance du peuple du droit de fabriquer des lois,
l'Assemblée nationale eût bientôt de nouveau Hé la France pour la
ramener aux pieds du gouvernement fort dont elle aurait été le seul
conseiller. Mais ta nation vivait déjà de sa propre vie et s'organisait
spontanément pour se défendre contre le retour offensif des seigneurs,
contre le fisc, contre les gens d'affaires, contre les dangers que susci le
la peur.
De village à village les paysans s'associaient ; ils se groupaient
en fédérations avec les villes; et de province a province, pardes-
sus les anciennes limites, se faisaient les alliances : ayant lès-mômes
interdis, le même amour de la paix, le môme souci des récoltes
prochaines et de la liberté conquise, les citoyens se reconnaissaient
et s'embrassaient comme frères, oubliant que jadis leurs pères s'étaient
enlre-hoïs. Naturellement les unions d'amitié se formaient surtout entre
communes et pays que rapprochaient les munira des habitants, la
facilité des communications, les avantages réciproques de l'échange, et,
à cet égard, il serait très utile d'étudier lu répartition des groupes en
cellules primitives qui se constituèrent ainsi en spontanéité parfaite
dans la France entière; mais à cette grande époque on se sentait attiré
mutuellement non seulement en vertu des ressemblances mais aussi
en vertu des contrastes : on aimait à se rencontrer de la plaine à la
montagne et du vignoble au bocage, parce qu'on voulait se connaître
et fraterniser en un môme sentiment d'héroïsme et de bonté. Tous
étaient devenus meilleurs : ce furent les plus beaux jours qu'ait jamais
vus la France, ils sont uniques en Bon histoire. La nation s'était exaltée
par l'enthousiasme bien au-dessus d'elle-même jusqu'à l'amour de
tous les hommes.
L'unification de la France, naguère découpée en Etats féodaux
distincts que la main royale reliait en un seul faisceau, s'accomplissait
donc d'une manière toute spontanée. Il n'y aurait ou qu'à laisser faire
pour que l'ensemble de la nation devînt vraiment u un », mais avec la
diversité normale de tous les groupes naturels constitués pour le tracé
et la confection des routes, pour la demande des subsistances et autres
intérêts communs. La France avait déjà, en quelque sorte, ses cantons.
UNIFICATION DE LA FRANCE
95
ses arrondissements et départements avant que Sieyès ne conçût te
projet de division formelle» que Robert de Vaugondy n'en dressât ta
carte, et que Thouret ne la fît voter par l'Assemblée ; celle-ci» désireuse
d'établir son propre pouvoir, afin de régler le rendement des impôts*
les attributions et la hiérarchie de» fonctionnaires, la subordination
des communes à l'Etat, ne se laissa point influencer par les vœux
Cl, P. Sellier.
LES CHEVALIERS DE SAINT LOUIS RAPPORTANT LEVES IX8IOXK8 DISTINCTIF8,
AINSI QUE LES PORTEURS d'BAV
des populations et procéda brutalement ù la division du royaume.
obéissant û la préoccupation de faire les parts de dimensions égales.
Tout d'abord môme il avait été convenu que chacun des 80 ou 8 1
(9 fois 9) départements serait divisé en neuf districts ou arrondisse-
monts, divisés à leur tour en neuf cantons. Sans doute, la nature des
choses, indépendamment de la volonté des législateurs, exigeait la
suppression des anciennes divisions historiques, féodales, administra-
tives, cléricales, militaires, fiscales ou douanières, qui avaient été
souvent établies par un coup de caprice et que l'on avait toujours main-
tenues sans aucun souci de la volonté des populations intéressées : pro-
vinces politiques, généralités financières, intendances civiles, diocèses
a6 l'homme et la terre, — la, révolution
ecclésiastiques, gouvernement» de l'armée» bailliages ou sénéchaussées
judiciaires, ressorts parlementaires» pays de droit romain et de droit
coutumjer, de gabelles et de rédemption, d'aides et de gratuités, de
concordat et d'obédience \ tout cela devait nécessairement disparaître,
débarrasser la France de son inextricable réseau de frontières entre-
mêlées — et ce qui en reste encore ne peut être conservé que d'une
manière artificielle™; mais les limites de départements, arrondissements
et cantons ne sont pas moins artificielles pour la plus forte part de
leurs contours, et s'effaceront aussi, non d'ailleurs sans avoir eu le
résultat funeste do rompre bien des communications naturelles et d'em-
barrasser de mille manières le mouvement spontané des populations.
Il est certain qu'une division naturelle en a pays » eût donné à la
carte de France un aspect tout autrement irrégulier, la superficie des
divers éléments juxtaposés eût facilement varié du simple au décuple :
les affinités électives différent dans toutes les régions Buivànt la nature
et les productions du sol, le développement moral et intellectuel des
populations, la circulation générale de la vie, En outre, tes progrès de
la civilisation et l'accroissement des facilités dans les rapports de
voisinage n'eussent pas manqué, en l'absence d'une autorité centrale,
de supprimer toutes ces divisions partiellement factices. K l'époque où
furent tracées les lignes administratives départage, il fallait des semaines
pour que le va-et-vient des ordres et des réponses pût se faire entre la
tête et les extrémités du grand corps; hier il fallait encore des heures,
quelques minutes suffisent aujourd'hui. C'est donc un véritable contre-
sens que de vouloir fixer par des lignes immuables une histoire qui se
modifie et se transforme toujours.
La nouvelle distribution administrative de la France devait amener
les législateurs des diverses assemblées à discuter avec passion les
théories contradictoires relatives à l'organisation politique du royaume,
fédéralisme ou centralisation. C'est précisément la question qui s'était
posée pour les colonies américaines après leur victoire commune sur les
forces britanniques; mais la solution ne pouvait être la même dans les
deux contrées* puisque les traditions historiques et les conditions pré-
sentes différaient de part et d'autre. Kn France les centralisateurs intransi-
geants eurent gain de cause, la patrie fut déclarée « une et indivisible »,
1. Louis Blanc, Histoire de la Hémlution française, II, p. 402; — Edmond et Jules
de Concourt, Histoire de la Société Française pendant Ut Révolution, p. 393.
ORGANISATION DE LA FRANCE
»7
en ce sens que les mômes lois» les mêmes formes d'administration
devaient s'appliquer aux population» les plu» opposées par l'origine,
N* 429, Pays et Cantons du Pays Basque et du Béarn,
10
i: 1000000
ir
soKit.
Dans les limites do ia carte, il n'y a guéro que les pays des hautes vallées dont f unité ait
été respectée par la division en canton.
Les points noirs indiquent remplacement des chefs-lieux de canton.
les mœurs et les précédents : partout, au pied des Pyrénées et des Alpes
comme dan» les Ardcnnes et en Bretagne, les citoyens — ou plutôt les
a8 l'homme et la terre. — la révolution
si^Jela —auraient à se conformer aux ordres venus du centre, s'accom-
moder aux vêtements que l'on avait (aillé» pour eux. Evidemment
l'unité artificielle que Ton voulait ainsi fonder était en désaccord avec
le mouvement de l'histoire, avec le rythme de la Terre, et d'ailleurs elle
ne triompha qu'en apparence, car, suivant les milieux, les lois sont tou-
jours diversement appliquées.
Encore en 1791, un député de rassemblée constituante, Achard de
Bonvouloir, protesta contre l'absurde unification des lois, déclarant que
la « majorité des ci-devant Normands entendait conserver sa coutume»,
et plaidait pour une « variété de lois et de règlements en rapport avec les
mœurs et les habitudes particulières de chaque province ». Mais le fana-
tisme de l'autorité, jouant sur lu sens de l'expression « égalité entre les
hommes <*, voulut ignorer quand môme les traditions locales, les coutumes
héréditaires auxquelles tenaient précieusement les indigènes comme a
une part de leur exislence, et le niveau égalilairc fut choisi pour symbole
de la Révolution. Telle province y gagna, telle autre y perdit, notamment
les « vallées .«, c'est à-dire les petites républiques pyrénéennes que les
remparts naturels de leurs montagnes avaient de tout temps défendues
contre le caprice des seigneurs, et qui, désormais ouvertes par la construc-
tion des routes, le défrichement des forêts, et surtout par l'agrandisse-
ment de l'horizon intellectuel et moral, devaient participer à la vie géné-
rale de la grande nation qui les embrassait dans son vaste domaine. C'est
ainsi que les communautés libres, les « universités » des montagnards
perdirent la gérance incontrôlée de leurs intérêts et leurs assemblées sou-
veraines» où chacun et chacune avaient le droit absolu de présence, de
parole et d'initiative. Cette confiscation d'un héritage inappréciable eut
pour conséquence d'inévitables rancunes qui s'ajoutèrent aux éléments
de réaction et de déchirement national.
*
Les beaux jours de l'enthousiasme initial ne pouvaient durer. A
l'exception de quelques représentants, le clergé s'était prêté de mauvaise
grâce au sacrifice des privilèges et, partout où il fut assez fort pour exci-
ter et soulever le peuple, il revendiqua très aprement la possession de ses
terres : des paysans qui n'avaient rien étaient entraînés a se battre pour
conserver les milliards des prélats. Le Cambrésis s'était révolté, emporté
par le même mouvement clérical que les Flandres voisines, où la popu-
lation des campagnes se pressait autour de ses curés, clamant pour le
&RB DES DIFFICULTÉS 3f
maintien des antique» traditions, c'est-à-dire pour leur propre asservisse-
ment. Les paysans murmuraient dans les diocèses de l'ouest et du midi ;
même dans tes villes telles que Ntmes etMontauban, où les haines étaient
entretenues par le contact immédiat des catholiques et des protestante, les
assassinats et les tueries commençaient. En ce conflit, le clergé avait un
précieux avantage : « il savait très bien ce qu'il voulait »\ tandis que
l'Assemblée ne le savait pas. Aussi, lorsque les députés catholiques som-
mèrent leurs collègues de la noblesse et du Tiers d'avoir à déclarer
franchement si oui ou non ils professaient la religion traditionnelle de la
France, ces députés hésitants, incertains et timides parce qu'ils appar-
tenaient a un Age de transition, parce qu'ils étaient à la fois catholiques
par la survivance, libres penseurs par l'éducation, se trouvèrent-ils
fort embarrassés. En 1790, l'Assemblée constituante discuta plusieurs
heures pour savoir si la Révocation de l'édit de Nantes devait être main-
tenue I puis cite s'occupa de la constitution du clergé» tout en ignorant
le dogmo que professait l'église, et décida de payer chèrement des céré-
monies bizarres, fort bonnes pour le peuple, mais méprisables pour la
plupart de ses membres. Comme le satyre de la fable, les représentants
de la nation soufflaient le froid et le chaud. La France devait donc
rester catholique, puisque la foi nouvelle de la fraternité des hommes
en dehors de tout commandement divin n'avait pas encore conscience
d'elle-même. Si la bourgeoisie survécut, triomphante, à tous les événe-
ments chaotiques de la Révolution, c'est qu'elle avait achevé son évo-
lution préalable et ne se laissait point détourner de son idéal. Mais
la pensée libre n'en était pas encore là : elle ne s'était pas dégagée
du mysticisme évangélique et croyait toujours à une morale divine
qu'aurait distillée l'Eglise. Aussi celle-ci reprit-elle le dessus, la série de
ses avatars n'était point achevée.
La société civile essaya pourtant d'un accommodement avec la reli-
gion chrétienne. Des curés républicains se prêtèrent à cette conciliation,
s'imaginant qu'ils pourraient obéir à la fois à l'Evangile du Crucifié et à
celui des Encyclopédistes. Très sincèrement, ils restaient observateurs
de leur foi, tout en prononçant le serment exigé d'eux, en qualité de
fonctionnaires, qu'ils seraient « fidèles à la nation, à la loi et au roi, et
maintiendraient la constitution >». Mais de nouveau se vérifia le proverbe
1. Michelet, Histoire de la Révolution francise, vol* I, passim.
3a l'homme et la terre. — la révolution
des Ecritures que L'on ne peut servir deux maîtres. Le pape désapprouva
les prêtre» assermentés, et bientôt ta foule des catholiques forcenés vit en
eux autant de suppôts du démon, de magiciens empoisonnant l'hostie
par leurs maléfices; on repoussa leurs prières; on s'écarta de leurs céré-
monies avec horreur» tandis qu'on se pressait autour des saints qui
n'avaient pas souillé leur bouche par des paroles que condamnait l'église,
et qui restaient en communion directe avec le saint Père, représentant .
par excellence de l'uncien régime, bien mieux que le roi lui-môme.
L'antagonisme entre la société révolutionnaire et la chrétienté tradition-
nelle devint plus violent, plus inconciliable, lorsque l'Assemblée, con~
vaincue que le peuple ne pouvait se passer de culte décida (pie la grande
fétc nationale serait désormais celle de tu liaison et qu'on la célébrerait
dans l'église même de Notre-Dame, aux lieu et place du culte supprimé,
sur son autel. De pareilles cérémonies, exécutées avec une pompe théâ-
trale et fausse, n'étaient quand môme qu'une sorte de parodie de la messe
catholique et lui étaient de beaucoup inférieures puisqu'elles ne venaient
point du peuple cl que parmi les figurants nul n'était ému. Le conflit
entre tu Raison el l'église devait se terminer au profit de cette dernière,
puisque ta liaison se gérait aussi en déesse, pauvre, impuissante imitation
du passé. Etait-ce une Minerve, une Vierge nouvelle? Mais les prières ne
montèrent point vers elle, tandis qu'au fond des cryptes, les antiques
survivances courbaient encore des fronts devunt des efUgies noircies par
le temps.
D'ailleurs en dehors des formes du catholicisme traditionnel, que
l'on n'osa point proscrire et que même Robespierre, devenu presque
pape en un monde de fidèles, protégea ostensiblement, comme pour y
trouver la garantie la plus sure du pouvoir absolu, tous les républicains,
leurs institutions et leurs teuvres participaient de l'esprit catholique;
tous avaient la prétention de faire de gré ou de force le bonheur de
l'humanité, de lui dicter des lois inviolables, conçues en une cervelle
infaillible. « Tant que vous n'aurez pas acheminé sur une mémo trace et
moulé ù une même forme tous les enfants de la patrie, disait Ducos, c'est
en vain que vos lois proclameront la sainte égalité ». Chaque révolu-
tionnaire portait en soi un dictateur. Heureusement que, pendant la
grande et fervente époque de la Révolution, encore portée par son pre-
mier élan, toutes ces dictatures se combattaient entre elles cl que de leur
choc naissait la résultante, la grande œuvre du peuple. Car si puissants
I
t
>i
r
i
n
L'iTAT ET l/£OLIBI
33
que se soient montrés tels et tels individus, si énergiquement que leur
vouloir ait pénétré dans te chaos des choses, pourtant ni Mirabeau ni
Danton» ni aucun autre n'eussent rien fait sans la pression d'en bas,
sens ta poussée des mille club», des assemblées pullulantes qui partout so
formaient, se groupaient, se fédéraient» aidant à composer, à renouveler,
a ranimer les assemblées plus nombreuses, plus rapprochées du pouvoir.
Cabinet des K*tarnj>?«.
LB9 CHEVALIERS DU POIGNARD
désarmés en présente do l-outo XVI (Février 1701)*
Les fédérations entraînaient les clubs, et ceux-ci les grands corps déli-
bérants. Les Gordcliers, le» Jncobins préparaient, décidaient d'avance ce
que ta Commune de Paris, la Concluante, la Convention décrétaient
ensuite. C'est ainsi que la population française que soulevait l'enthou-
siasme révolutionnaire prenait part , avec ou sans mandat, aux délibé-
rations communes.
A la guerre civile qui se préparait, allumée par les prêtres, et dont les
premiers brandons faisaient naître parfois des incendies, menaçait de
s'ajouter la guerre étrangère, d'autant plus redoutable que l'armée était
encore commandée par des nobles, ennemis plus ou moins déguisés de
H L'HOMME ET hk TERRE. — IA REVOLUTION
la Révolution, et que le roi lui- môme, qu'il le voulût ou non» était for-
cément le complice et le chef virtuel de l'armée des émigrés. Les camps
d'attaque s'étalent formés dans le voisinage de la frontière, à Turin
et à Trêves, et des deux côtés, les communications se faisaient à peu près
librement : même les officiers recevaient leurs pensions et l'Etat pavait
tes uniformes et tes chevaux ; on ne savait où commençait ni où finissait
Cl. F. Sellier
CLUB DES JACOBINS
Aujourd'hui divisé en plusieurs salles abritant la Société d'Anthropologie de Paris
et ses collections.
la France, et, pour Loui§ XVI, elle était bien certainement loin de
Paris : là des troupes solides, de fldMes Allemands l'attendaient pour
le ramener triomphalement dans sa capitale tremblante et désarmée.
Aussi cssuya-t-il de s'enfuir : il avait même parcouru en chaise de poste
plus des trois quarts de la route, vers le camp de Montmédy, d'où il
aurait pu donner In main aux émigrés de Trêves, lorsqu'il fut reconnu
et ramené de Varennes dans son paluis des Tuileries (1791). Le coup fatal
était porté. Désormais le roi et la reine, plus que soupçonnés d'avoir
trahi la nation, ne pouvaient plus espérer de se réconcilier avec la France,
et quels que fussent les témoignages de respect et les serments de
patriotisme échangés de part et d'autre, la rupture devait aboutir au pro-
LA CONVENTION IT LE ROI 35
ces et à la condamnation de Louis XVI. Il fut exécuté le ai janvier 1793.
Cet événement transporte de foreur l'Europe monarchique, surtout
l'Angleterre* qui avait à se faire pardonner l'exécution de Charles I* r .
D'ailleurs meurtre pour meurtre, le premier fut grandement dépassé par
le second en Importance symbolique. La révoiutten anglalie n'avait été
dans l'histoire qu'un fait d'ordre insulaire, national, une dispute entre
Cabinet de* Ertampc».
LOUIS XVI DEVANT fcA CONVENTION
sectes, tandis que la mort de Louis XVI fut un défi lancé à tous les mo-
narques. La Révolution française proclamant les Droits de l'homme
avait pris un caractère mondial, et c'est au nom de tous les peuples
opprimas qu'elle guillotinait son roi. Il s'agissait ici d'une lutte entre
deux principes, la royauté de provenance réputée divine et la liberté de
tous les hommes virtuellement égaux dès leur naissance. Louis XVI se
trouvait être la victime représentative de tout l'ancien régime, de toutes
les survivances longtemps considérées comme saintes, et les émigrés
français qui portaient les armes contre leur patrie, implorant contre
elle les gouvernements étrangers, étaient très logiquement les défen-
seurs de ta cause commune de tous les privilégiés d'Europe. Au-dessus
36 L'HOMME ET LA TERRE. — LA RÉVOLUTION
des divers Etats et de leurs frontières changeantes» planaient, comme
dans les légende» antique», les deux esprits qui se disputent le monde.
La France, comme nation, était alors dans une situation qui semblait
absolument désespérée. Dans l'ouest, tes prêtres et les gentilhommes
avaient réussi à soulever les paysans contre tes bourgeois des villes, qui,
de leur côté, s'étaient rangés avec enthousiasme au nombre des amis de
lu Révolution. Ainsi» les vieilles rancunes, auxquelles s'ajoutait chez les
rudes cultivateurs le juste mécontentement causé par l'arrogante centra-
lisation parisienne, avaient fait surgir de nouveau la guerre qui sévissait
autrefois entre les villes latinisées, christianisées, et les villageois restés
païens. De siècle en siècle, l'écart sëluit maintenu ; quoique les anciens
adorateurs des pierres levées eussent appris u se prosterner dans les
églises, l'inimitié avait persisté entre les deux, castes. La haine de la
gabelle et autres impôts qui s'était umassée dans tes cteurs de la
paysannerie trouvait maintenant à s 'exhaler contre les « bleus », et
l'annonce d'une levée de 3ooooo hommes par conscription mil le feu
aux poudres, lin réalité, les « chouans « étaient fédéralistes, et ne
faisaient que satisfaire leur vieil instinct républicain en allant « chasser
la perdrix » eu compagnie de leurs hobereaux, u demi paysans comme
eux. Cadoudal dit le mot juste h un officier nouvellement débarqué :
•■ L'ami, allez dire aux princes qu'on se bat ici pour mieux qu'eux .
Le désordre chaotique de la province avait luissé h la guerre le temps
de se préparer, et il fut d'autant plus difficile de réprimer le soulève-
ment, surtout en Vendée, quo la nulurc du pays était des plus propices
aux embuscades et aux surprises. In labyrinthe d'enclos dont les indi-
gènes connaissent seuls les détours, des collinettes coupées de plis
et de vallons, sans aucun observatoire naturel d'où Ion puisse
avoir une vue d'ensemble sur la contrée; mille, cent mille défilés
formés par les chemins creux où Ion bute contre les pierres, où l'on
patauge dans la boue, où l'on sVnlize dans les marais; partout des
champs épars, des prés, autant tle réduits fortifiés, dissimulés par des
haies d'arbivs aux branches entremêlées; partout des meurtrières entre
les feuilles d'où Ton peut tirer sans être vu; de toutes parts des signaux
imitant les sons de la campagne, le chaut lointain d'un oiseau, un batte-
ment d'ailes, le bec du pivert qui sonde les troncs d'arbres. Ces bruits
rassurants sont autant d'appels à la mort.
Puis, de l'autre côté de ta France, ce sont les rumeurs de la grande
LA CONVENTION ET LES DKPARTKMEN1S
37
guerre, co sont les régiments en ligne, les corps d 'armée, le» batteries
de canons, les vieux généraux de Frédéric II. Tous les gouvernements
W° 490. Théâtre de la guerre de Vendée
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1 : 4000000
100
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Les principaux districts de l'insurrection vendéenne sont hachurés d'après VidaldeLaBlache.
Les premières rencontres do ta guerre sont colles de Saint-Florent, de Beaupréau, des
Aubiers {25 avril 1798), de Cholot, où tes Vendéens furent victorieux. Bressuire, Taouars,
Baumur (6 juin) furent occupes par <«ux, mais Nantes résista et le* insurgés rentrèrent dans
leurs cantonnements qu'ils surent défendre pendant plusieurs mois contre les armées de la
Convention. Enfin ils furent défaits & Châtfflon, puis à Cholet (17 octobre). Alors eut lieu la
lamentable expédition vers Oranvllle pour donner la main aux Chouans de la Mayenne et aux
Anglais. Au retour, les Vendéens furent mis en déroute au Mans, puis à Savenay (43 décembre).
La guerre qui avait rfébuté, du côté des Blancs, par les massacres de Machecoul (mars*
avril 1793) se termina par les noyades de Nantes et la dévastation de la Vendée par les
4 colonnes infernales », mais la guerre d'embuscade dura jusqu'en 1796.
Le désastre de Quiberon date de juin-Juillet 1795.
d'Europe s'ébranlent successivement contre la France, coupable de leur
avoir jeté en défi la tôle de son roi. Lu Prusse, l'Autriche, d'autres Etats
38 L'HOMME ST tA TERRE. — LA RÉVOLUTION:
alliés fournissent les troupes, que guident les nobles émigrés, tandis que
l'Angleterre donne les subsides. Une nouvelle croisade se forma contre
la nation française et. sans compter la fureur vindicative du clergé,
l'enthousiasme religieux ne manqua pas à cette guerre sainte. En
mainte famille britannique» ce fut vraiment une partie essentielle de la
religion que de haïr les Français, peuple de libertins unissant à la fois
les superstitions catholiques aux blasphèmes de la libre-pensée et aux
futilités du monde élégant. On cherche toujours des raisons pour justifier
ses haines, et môme plus que des raisons : des inspirations divines. Il
resta donc convenu, et durant des générations, que le patriotisme et la
piété n'allaient point sans maudire l'ennemi héréditaire,
Il semblait vraiment impossible que la France pût résister à l'Europe
conjurée contre elle en même temps qu'à la révolte de ses propres
enfants, Et d'ailleurs avait-elle une armée? Les bandes qui lui restaient
gardaient-elles quelque cohésion dans ce vertigineux chaos des révo-
lutions intérieures et sous le commandement d'officiers qui trahissaient
la République? C'est en pleine guerre qu'il fullait réorganiser toutes les
forces militaires, transformer l'armée du roi en armée de la nation,
lever, dresser, discipliner les recrues par centaines de mille et les
opposer aux solides bataillons des envahisseurs.
De toutes les œuvres de la Révolution, ce fut précisément colle-là,
désespérée en apparence, qui réussit le mieux. Le centre de la guerre se
déplaça rapidement : de la France nord-orientale où ta lutte avait
commencé, le conflit fut reporté en Belgique et en Allemagne; les
événements se succédèrent avec la rapidité d'une éruption volcanique.
Ces étourdissants succès militaires, qui consternaient la réaction euro-
péenne, auraient dû la rassurer au contraire, car ils provenaient de ce
que le mouvement de la Révolution était désormais dévoyé, écarté de
son but. C'est à bon escient que de fins politiques avaient essayé de
détourner l'ardeur de la nation vers la passion des batailles.
L'impulsion à laquelle obéirent les Français de la Révolution hors
do leurs frontières est du même ordre complexe que celle d'où sortit le
mouvement des Croisades, lorsque chevaliers, moines et paysans lancés
à la délivrance du Saint-sépulcre se donnaient naïvement comme
prétexte la foi religieuse pour satisfaire leur passion de guerre aven tu*
re use. Des sentiments élevés se mêlaient pour une certaine part u l'élan
qui poussa tant de jeunes hommes vers la frontière. Quelques-uns
OUERRIS DE LA RÉVOLUTION
se croyaient des hérauts de justice et de liberté, ils pensaient À
»• 431. Le» Guerres de la Révolution,
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1 : 4 000 000
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Les hachuras serrées recouvrent le territoire que Louis XIV et Louis XV avaient ajouté au
royaume de France. Le district de MontMHard obéirait au Wurtemberg ceux de Brlsach, de
Sali», de Saar.Unlon, d'IIaguenau k divers princes allemands: Mulhouse était unie aux
cantons suisses! Landau, Philippevllle, MarlenbGurg,) (Bouillon faisaient partie de la France.
U éveohé de Liège est recouvert de hachures espacées. La ~ Lawfeld et Ao » Rocourt sont
des lieux de bataille de la guerre de Sept ans.
l'émancipation de leurs frères" d'Oulre-Rli in et de par delà les Alpes.
£o L'HOMME ET LA TEHBE. — LA RÉVOLUTION
Peut-être même que, dans son ensemble» l'armée républicaine fut vague-
ment pénétrée d'un peu de cet idéal cl se trouva ainsi soulevée au dessus
de la vie ordinaire des camps. Ou moins ce zèle de propagande armée*
ful-it le prétexte que l'on fit valoir tout d'abord. Mais combien vite les
munir» de la soldatesque, les instincts de meurtre cl de pillage eurent
pris le dessus, combien ('ambition, désormais permise au soldat, fit
miroiter a ses yen» tes broderies et galons de l'officier, et jusqu'au
« bftton de innréchnl » ! L'idée du « ternaire sacré ■> se perdit bientôt
ilitns les enmpugues nmtgées el les rites prises d'assaut.
D'ailleurs les victoires des urinées dites républicaines furent achetées
bien cher! Devant l'imminence des dangers on l'on risquait de sombrer,
le gouvernement de la Krauee, que les rumeurs de la foule entraînaient
d'ailleurs dans cette voie, prit « le salut public « pour règle de sa
conduite et sanction de ses actes 1 ,
De même que naguère les prêtres avaient Dieu pour seul juge de
leurs agissements envers les hérétiques, de même les chefs de la
Convention, devenus des maîtres de la Itépuhliquc, ne croyaient plus
avoir de responsabilité que devant leur Intime sentiment du bien. Us
n'obéissaient qu'a un seul devoir : sauver la patrie, quels que fussent les
moyens employés et quelles que fussent les victimes à sacrilier. Or, le
gouvernement se compose toujours d'hommes en chair et en os, ayant
leurs instincts, leurs passions, leur» amours et leurs haines: ta nature
humaine voulait que les détenteurs du pouvoir et toute In tourbe des
parasites gravitant autour i\\*ux vissent des ennemis publics surtout
dans leurs ennemis personnels, et les exécutions sommaires devaient
très fréquemment tomber à faux. Par un monstrueux contre-sens, il se
trouva qu'au moment précis où lu République, succédant a lu monarchie,
prétendait constituer le droit humain, et proclamer comme règle
première le respect de la liberté individuelle, le nouveau régime procéda
au contraire en sens inverse de son principe, et prit pour axiome que lu
vie d'un membre de lu communauté est chose parfaitement négligeable
pour la communauté elle même : quelques gouttes île sang en plus
ou eu moins.
Ce fut l'époque dite de « ta Terreur », non qu'en ces deux années
commençant aux massacres de septembre 179V il y ait eu plus de
t. Théodore Duret, ttwm Blanche, 15 mare 1901, p. 419.
RÉGIME DK l\ TKRMfUH
«I
tueries qu'en nombre d'époques antérieures ; l'histoire de lu France et
celte d'autres paya
racontent beaucoup
d'événement» peu-
(huit lesquels te
ftung tut répandu en
plus grande abon-
dunce ; mais cotte
fois, le sang versé
était celui de roi,
de prêtres et de
nobles : de lu l'épi
thetc do « terrible»
donnée (oui parti-
culièrement à ces
journées de w*n
geanee, on la classe»
des oppresseurs vit
la hache se retour
lier contre elle.
Toutefois , ce
mouvement de ré-
action, phénomène
de rétribution si
normal dans une
masse inconsciente,
eut pour la France
républicaine, qui
naissait à ta vie mo
raie, les plus fu
tmsles clîels. Taudis
que, parmi les ci
lovons, les uns s'ae
coiilumaicnt à ta
vue du sang, aux dé-
nonciations, aux pratiques policières et se groupaient d'avance à la suite
d'un despote quelconque, les autre? se faisaient peur à eux-mêmes et
V 3
Otbluet 4e* Kitampei. Blbl. Nationale
** U.\ VÉRITAMiB UUILLOTLVK OftlUNABlUj
HA hK BON SOUTIEN I»OU« LA UBKBTÉ **
4a
L'HOMME ET LA TERRE. — LA RÉVOLUTION
cessaient do croire à la réaliRation (te leur idéal , Parmi les tètes qu'on
voyait tomber» quelque* unes étaient certainement de celles où
le plus de pensée avait vibré et qui cherchèrent le plus ardemment le
secret de l'avenir. L'opinion publique hésita, les meurtriers tremblèrent
devant tour œuvre de mort et la inaction devint inévitable. La
France, désormais sans boussole, sans ligne de conduite, laissa le
pouvoir aux mains des
ambitieux et des lia-
biles. La Révolution
n'avait été qu'un long
espoir cl l'illusion
d'un jour! La réalisa-
lion on était renvoyée
aux siècles futurs.
L'égalité ne pou-
vait et ru qu'un vain
mot pour ceux qui
n'avaient aucune part
à la propriété, c'est à
dire pour la majorité
de la nation. On répète
volontiers que ta vente
des terres nobles et
des domaines demain
morte ecclésiastique
oui pour résultat de transformer le paysan en propriétaire, mais
cette appréciation bunate n'est point d'accord avec les faits. Ce qui
est vrai, c'ost que le nombre «les possesseurs du sol s'accrut en de
notables proportions, non fixées d'une manière précise par les statis-
tiques de l'époque. Ce fut là certainement une révolution économique
de grande importance, car elle associa de nouvelles couches ù la
vie de la terre cl produisit une poussée vers l'accroissement de la
production, mais le principe de la répartition des biens suivant les
chances de l'hérédité, du savoir-faire et du hasard ne fut en rien
modifié, et lu foule des prolétaires ruraux resta comme ci-devant privée
de tout lopin de terre, condamnée à ne récolter le blé que dans les
champs d'un propriétaire noble ou bourgeois. La loi reconnaissait, il est
Mutée carnftvafet.
ASBIKTTK PORTANT L INSCRIPTION
« JK VJilLLK PO UH LA NATIUN »
DROIT A LA PROPRIÉTÉ
43
LOI DU 4.
JAJfVIKl V92
Série i5i
% Assignai;
vrai, glorifiait le droit à la propriété, mais pour ceux qui possédaient
déjà, comme dans la parabole de l'Evangile : « Celui qui a aura davan-
tage, et à celui qui n'a rien» on ôtera môme ce qu'il a ». Telle était la
conséquence forcée de ce maintien du droit romain dans le régime des
terres. En réalité, c'est bien cela que la bourgeoisie» enivrée de son
accession au pouvoir, entendait par u Droits de l'homme » ; elle procla-
mait sa puissance politique, corrélation h sa puissance économique et à
sa main mise sur le sol producteur» Aussi l'émotion toucha-t-clle au
scandale lorsqu'on
septembre 1789, un
curé d'Issy-rEvôque,
pittoresque village
de i'Aulunois, prit au
sérieux le mot d'éga-
lité et se mit tran-
quillement à procé-
der au partage égal
des terres. On s'em-
pressa de lui faire
savoir qu'il portait
la main sur l'arche
sainte de la pro-
priété, bien plus sa-
crée que tous les tabernacles religieux. Les pauvres, les vagabonds
devaient rester hors la propriété, hors la loi.
Môme politique à l'égard des ouvriers d'industrie. Par la suppression
des « jurandes » et des « maîtrises » on libéra le travail de l'arma-
ture de lois et de coutumes qui interdisait l'accès des métiers aux
artisans ambitieux, et aux bourgeois incompétents ; mais les ouvriers
n'étaient point armés contre les entreprises de leurs patrons. Les « défen-
seurs de toutes les libertés », c'est-à-dire les législateurs, interdirent aux
ouvriers par la loi du it\ juin 1791, le droit de se coaliser pour la
défense de leurs intérêts, qualifiés de « prétendus » dans le texte offi-
ciel. Chapelier, le rapporteur de celle loi, qui, sous diverses formes, a
toujours prévalu depuis, établit très nettement la théorie qui devait per-
mettre aux patrons isolés ou associés de briser toujours la résistance
des ouvriers isolés, « II n'y a plus de corporations dans l'Etat, disait-il,
V 8*
f\f\ L'HOMME ET LA TERRE. — LÀ RÉVOLUTION
il n'y a plus que l'intérêt particulier de chaque indhidu et Tinterai
général. Il n'est permis à personne d'inspirer aux citoyens utt intérêt
intermédiaire ». En vertu de ces principes, la société" pourrait logique-
ment interdire la formation d'un club de joueurs à la balle ou d'une
assemblée d'archéologues, \inst la bourgeoisie» arrivée u son but, inter-
disait au peuple encore opprimé de jvpivniln 1 poui' sa propre cause
le langage qu'elle avait employé elle-mèïne. Les conquérants du pou-
voir, se substituant aux anciens nobles, s'étaient empressés do fermer la
herse de lu citadelle dans laquelle ils venaient d'entrer, Et pour
assurer encore plus solidement le droit exclusif dos propriétaires,
ceux qui n'avaient rien furent exclus du droit de sulfrugi! ; plus du
quart des Français étaient privés du vote ; ils n'acquittaient point la
contribution exigée, trois journées de travail, soit trois francs environ.
Du reste, la multitude encore inconsciente, dont la poussée s'exerçait
d'une manière irrésistible sur les légjsla tours, n'avait que très vaguement
l'instinct de son droit ù la propriété du sol. Les idées socialistes étaient à
peine représentées dans le grand mouvement qui aboutit à la Itévolulion.
Presque toutes tes brochures écrites sur la grande ferveur du renouveau
proclament le respect dû à lu propriété, cl, par une singulière inconsé-
quence, c'est au nom de la propriété même, le premier des privilèges,
que l'on demande la suppression des privilèges. « Des reformes, pas de
révolution»] tel était le cri universel des novateurs qui s'engagèrent,
sans le savoir ni le vouloir, dans l'engrenage de la Révolution. En
résumé, une vingtaine d'écrits vaguement socialistes par l'expression,
cinq ou six autres dont ta tendance est plus précise, déjà conscients, telle
est la place du socialisme dans les q nuire mille brochures qui, avec les
cahiers, expriment les vieux de la France en 1780/. Et durant le cours
des événements tragiques des années suivantes, la lo^iquedes choses ne
lit guère jaillir un idéal nouveau de la pensée» des écrivains, l'instinct
primitif n'avait pas encore pris forme sociale. Ni la masse populaire,
ni ceux qui la représentèrent, les Jacques Houx, les Variai, les Leclere,
n'eurent de doctrines bien nettes. (Jeux qu'on appelu les agitateurs du
peuple ne le guidaient pas, îJs le suivaient \ se bornant à traduire ses
vagues aspirations qui étaient simplement le u désir de mieux, le rêve
de mangera sa faim ». Kt pourtant l'histoire constate que la Révolution,
1. André Lichtuoberger, Revue Socialiste, 2 juia 1898, — 2. Bernard Lazare,
Histoire (tes Doctrines révolutionnaires, p. 13,
DROIT À LA. PROPRIÉTÉ ET A LA COALITION
4u
quoique n'ayant pas mémo vagi les premiers mots du socialisme, en fut
néanmoins le précurseur. C'est qu'elle osa cl qu'une première audace
engendre des audaces nouvelles.
Un seul nom rappelle des tentatives faites pendant ta Révolution en
vue 'd'une transformation sociale qui aurait eu pour mobile l'égalité
entre les hommes et
pour résultai la mise
eu commun de la
terre et île ses pro-
duits, (le nom est ce-
lui de Bu lieu f, auquel
«'ajoute le prénom
de «Grocchus ", sym-
bole d*uno reprise au-
dacieuse des terre»
auxquelles tous les ci-
toyens ont droit. La
société fondée pour
réaliser cet idéal fut
celle des « Egaux ,
qui voulaient réaliser
< la communauté des
biens et du travail » 1 I
On leur donna le
nom <■ d'anarchistes n
qu'ils ne méritaient
point, cor ils comp-
taient, eux aussi,
créer l'égalité par les lois, les ordonnances, la constitution d'un co-
mité de salut public, l'organisation d'une armée de conjurés dont les
soldats n'auraient pas môme été tous initiés au but de l'entreprise. Ces
savantes combinaisons échouèrent et la « Terreur », qui fonctionnait
maintenant au profit de la réaction, écrasa la société des Egaux: la
mort, les prisons, l'exil eurent raison de leur» efforts. Babeuf ,fut guillo-
tiné en 1797, mais son compagnon, le Pisan Buonarolli (17C1-1837),
Câbttwt dti Estampes. BtM. X lit ) i H ).
FBANÇ. EMILB ORACCHtfB BABBtTJT
né à 8aial*Quentln en 1760, exécuté à Vendôme
le 26 mai (t) 1797.
1 B. Philippe Buoaarotti, Conjuration pour Ngalitê, dite de Babeuf, P» *?•
40 L'HOMME ET LA TERRE. — LA RÉVOLUTION
vécut assez longtemps pour donner la main, après i83o. ù de nouveaux
apôtres de l'Egalité, les représentants des écoles socialistes naissantes.
Ainsi, la grande Révolution fut absolument stérile pour la réalisation
du seul idéal qui eût fait la révolution vraie, la suppression de la
pauvreté. Le mouvement économique continua son cours qui devait
aboutir au groupement des capitaux, à la fondation des grandes usines,
au développement du prolétariat. Quant à la prélibalion du gouverne
ment sur le travail des citoyens, elle était restée la même. Ainsi que
l'expose spirituel leiuent un écrivain sceptique, tu réforme des impôts de
l'ancien régime fut une ni m pie mascarade : on leur donna d'autres
noms pour faire plaisir au bon public naïf des contribuables. La
« taille » et les « vingtièmes » furent qualifié» de « contributions
foncières » ; la taxe des « maîtrises et jurandes » et le droit du « marc
d'or » furent remplacés par les « patentes » ; on désigna le droit du
<■ contrôle » par le mot de « timbre » ; les •• aides » se dénommèrent
« contributions indirectes et droits réunis » ; l'affreuse « gabelle », que
maudirent tant de malheureux condamnés aux galères et à la mort,
n'est plus que le modeste « impôt du sel » ; les ■- corvées » furent
supprimées, mais on les remplaça par les prestations. Il n'y eut qu'un
changement : le langage administratif s'enrichit de mots nouveaux 1 .
Mais it y avait un autre impôt, celui du sang. Jamais il ne devait être
aussi effroyablement acquitté que duns les années qui suivirent l'avène-
ment officiel de la bourgeoisie parlementaire.
Du moins, une chose restera l'œuvre de la Convention, interprète
de la classe qui établissait alors sa domination politique. La bourgeoisie
comprenait que le savoir lui était indispensable pour assurer sa puis-
sance et sut profiter pour la génération naissante de tous les progrès
qui s'étaient accomplis dans l'ensemble des sciences. Elle fonda de
grandes écoles, tables toujours abondamment servies dont les miettes
tombèrent heureusement sur le peuple assemblé autour du festin, Sans
doute, ces fondations devaient aboutir & la constitution d'un nouveau
monopole, celui des diplômes, de la dictature intellectuelle, mais les
initiateurs du nouvel ordre de chose» ne virent d'abord dans leur
œuvre que le côté généreux de l'entreprise ; l'extension des études et les
recherches prirent un essor merveilleux.
1. G. de Molinari* Grandeur et décadence de la Guerre, p. 221.
ÉVOLUTION VEftS LA SCIENCE EXACTE 'l7
La Révolution française correspond dans l'histoire de la pensée
à une très grande évolution» celle qui remplaça le» spéculations
métaphysiques par la mensuration, le pesage» la sudation, le
classement, et ceci précisément à une époque oh le langage de
la « sensibilité », de la » sensiblerie », prévalait encore, où le
tragique de la vie était presque toujours accompagné de rhétorique*
Lavoisier, l'une des victimes de la Révolution, avait montré par des
pesées infinitésimales comment un des éléments de l'air se combine
avec les corps oxydés: Guyton de Morveau avait instauré, par sa
méthode de notation chimique, une langue nouvelle qui put servir
pendant un siècle, et même encore de nos jours, à guider les savants
dans leurs études; enfin par la fixation et l'emploi du mètre et de ses
dérivés, œuvre duc aux recherches des astronomes et des mathéma-
ticiens de l'époque, la besogne matérielle des savants se trouva grande-
ment simplifiée : la clarté se lit dans leurs calculs, et du coup la vie
en fut comme allongée puisqu'on pouvait y presser une quantité
plus grande de travail. La forme même de la planète qui nous porte,
mesurée dans l'Europe occidentale, en Lapon ie et dans les régions
équatoriales de l'Amérique avait servi à déterminer la longueur
primaire de l'étalon, que l'on multiplie par les puissances successives de
dix pour obtenir tous les multiples du mètre initial — et que l'on
divise par ces mômes chiffres pour avoir les subdivisions du mètre —, et
qui sert égalomcnt à déterminer les poids en prenant le volume de
l'eau pour intermédiaire. Malgré la ténacité de la routine, la mesure
nouvelle a graduellement remplacé les m aunes » et « brasses» employées
jadis, et peu à peu, elle fait la conquête du monde, môme chez les
peuples que son acte th> naissance, dans cette « période affreuse de la
Révolution », remplit d'une sainte horreur.
Le changement du calendrier n'a pas eu le m<3me succès, quoique ie
calendrier encore employé chez le» nations dites civilisées soit un
ensemble d'absurdités dont quelques-unes touchent au ridicule. Quelle
est cette date du i« janvier, qui ne correspond absolument ù rien de
terrestre ni à rien de stellaire? Us chrétiens ne peuvent trouver d'autre
argument en sa faveur que la légende relative à la circoncision
de I* Homme-Dieu, rite par lequel Jésus fut incorporé à cette môme reli-
gion juive qu'il devait détruire. Mais astronomiquement, logiquement,
on ne saurait faire partir l'année que du commencement d'une des
48 L'HOMME ET LA TERRE. — LA REVOLUTION
quatre saisons* soit des solstices de l'hiver ou de l'été, soit encore des
équinou'S du printemps ou de l'automne. La Révolution française prit
son point de départ h ce dernier changement de saison, au premier ven-
démiaire, date qui devait en mémo temps rappeler aux âges futurs la
proclamation de la République française. Cependant, la plupart des
tribus primitives, et l'on peut le dire, tous les hommes obéissant ù leur
instinct naturel placent le premier jour de Tannée aux premiers jours
du printemps ou « prime-temps » et fêtent alors le « renouveau ». La
division de l'année en mois inégaux n'est pas moins bizarre. Pourquoi
cette différence de jours — a8, »*), 3o et 3i — , différence qui n'est
fondée sur rien, et qu'on se ruppelle non par une raison logique de
quelque nature que ce soit mais par des moyens mnémotechniques plus
ou moins étranges! 1 Ne serait-il pas naturel, comme le firent les mathé-
maticiens novateurs de la Hévolution, de donner à chaque mois le même
nombre de jours — trente, groupés en trois décades — , el d'ajouter à
la fin de l'année les cinq ou six jours réglementa ires qu'exige lu position
respective de lu planète, du soleil et du monde stolluire? Quant aux noms
de ces mois, survivances du calendrier romain, ne devraient-ils pus être
changés, non seulement nu nom du bon sens, mais aussi à celui de la
dignité humaine? Car s'il est absurde d'appeler septembre le « neu-
vième » mois, et ainsi de suite jusqu'à décembre ou « dixième », qu'est
le douzième mois PII est vraiment bas de continuer dans nos langages les
pratiques de flatteries qu'avaient inventées des courtisans agenouillés
devant le conquérant Jules Uteur et In tout-puissant Auguste. Knftn,
importe-il de conserver l'ancienne di vison chaldécmie des mois en
semaines ou groupes de sept jours, dont le rythme est indépendant de
celui des années, et ne faut-il pus ebanger la nom eue la turc des jours,
empruntés sans aucune méthode aux mythologie» d'autrefois, naturiste,
latine et chrétienne?
I a Hévolution française résolut celte question du calendrier par les
soins du mathématicien Homme. Se dégageant avec fierté de la »• rou-
tine chrétienne »>, la nation « inscrivit la République dans la géométrie
céleste » (M. (Ihelct/, lundis que le ebansonnier Kjibre d'Kglanline, élevé
au-dessus de lui-même par le souffle de /Heure (Laurent Tuiihadc),
inventa pour désigner les mois eu appellations magniliques ces
vocables superbes qui forment, ù eux seuls, tout un pocine : « Vendé-
miaire, llmmuire, Frimaire, Nivôse, Pluviôse, Ventôse, (îerminal,
CALENDRIER RÉPUBLICAIN
*9
Floréal, Prairial» Messidor, Thermidor, Fructidor, tous noms qui,
malgré la contre-révolution, sont entrés dans la langue et qui resteront
N* 432. U 1** Floréal en Allemagne.
i: 10000000
A^HoT
22*28 Avri/
29Av>*6Ma>'
"2M"
6-12 Mai
500 Kif.
M-f$ Mm
20-zeMai
leur nom* Les renseiga«t»«nts manquent encore pour les pays alpins.
quand môme sous nos climats de l'Europe occidentale. En d'autres
pays, (les noms imaginés suivant les mômes principes, seront indiqués
par la marche des saisons.
Quant au changement d'ère introduit dans la série des temps par la
5o L'HOMME Bf LA TKBHE. — LA RÉVOLUTION
Révolution française, il n'avait aucune raison de durer, et certainement
l'avenir n'y reviendra point. L'an I* de la République ne fut pas l'avène-
ment d'une nouvelle humanité, débarrassée des préjugé* traditionnels
et vivant heureuse en tout esprit de justice et de paix fraternelle : l'âge
d'or toujours attendu, toujours retardé, n'avait point encore surgi cette
fois; la lueur fugitive que l'on avait «perçue n'était qu'une fausse aurore,
l/ère républicaine remplaçant l'ère chrétienne n'était qu'une illusion
succédant a une autre illusion. Aucune révolution, si importante qu'elle
soit, en son idéal et en ses conséquences réalisées, ne détache le genre
humain de son passé, et ta mission de l'histoire consiste précisément à
montrer le déroulement systématique des événements à travers le cycle
des âges, de même que leur répercussion de peuple en peuple a travers la
surface terrestre. I/ere vraie, encore a trouver, est celle qui déterminera
scientifiquement les dates précises du fait connu le plus ancien dans les
annales de l'huma ni lé \ '
La répercussion du grand drame de France sur les autres contrées de
l'Europe et du monde fut très diverse, suivant les milieux. Kude était la
secousse, et tandis que certains Ktats, comme la Grande Bretagne, exas-
péraient leur résistance devant le danger, d'autres, profondément
ébranlés, devaient s'accommoder au nouvel ordre de choses, se conformer
à de nouvelles réparlions géographiques ; au vieil équilibre instable
en succédait forcément un nouveau, mieux eu rapport avec les conditions
ambiantes.
C'est ainsi que la Belgique entra dans le remous révolutionnaire.
Ancienne dépendance contre nature de l'Espagne, que celle-ci, par suite
de l'impossibilité matérielle des relations à travers le territoire de la
France, avait dû transmettre à son alliée, la non moins catholique et
dévotieuse Autriche, la Belgique avait aussi fait sa révolution quelques
mois après la prise de la Bastille. Ramenée de force sous la domination
impériale, elle avait été envahie dès 1792 par les armées républicaines
pour devenir un grand champ de bataille, où se disputaient, en sol
propice, les destinées de l'Europe. Quanta la Hollande voisine, les jours
n'étaient plus où elle pouvait se mesurer victorieusement avec les flottes
de la France et de l'Angleterre. Le vieil esprit républicain avait disparu,
i. Voir à ce sujet ï Nouvelle proposition pour la suppression de Vère chrétienne,
Temps nouveaux, 6 mai 1905.
1
PAYS BAS AUTRICHIENS ET HOLLANDAIS
5l
et la bourgeoisie, gavée de richesses par la vente des épicéa, avilie mora-
lement par la mauvaise conscience que donne le parasitisme, n'avait
plus l'énergie nécessaire pour employer ses capitaux à la défense du
territoire national. Successivement plusieurs atteintes graves avaient
été portées à l'indépendance de ta Hollande par ses voisins anglais et
prussiens, lorsque les troupes françaises se présentèrent h leur
tour : en quelques
semaines le pays
était livré presque
sans défense, et la
République bulave,
satellite naturel de
la Hépubliquc fran-
çaise, était constituée
(1796). Mais le nou-
vel Etat n'avait plus
de flotte, ou ce qui
en restait ne suffisait
plus à écarter les
vaisseaux de guerre
anglais. Les colonies
lointaines de la Hol-
lande, coupées de
leurs communica-
tions avec Amster-
dam etdépourvues de
forces locales orga-
nisées qui pussent
résister à de nou-
veaux envahisseurs, tombèrent rapidement aux mains des Anglais. Ce
fut pour ceux-ci la revanche de la grande perte qu'ils avaient faite
par la scission des Etats-Unis : il est vrai que partie de ce monde
colonial dut être rendue plus tard à la Hollande, mais l'Angleterre
garda le point stratégique si important du Gap de Bonne-Espérance,
et l'Afrique méridionale avec ses colons hollandais, que, depuis,
pendant ta durée de près d'un siècle, elle n'arriva point à concilier.
Les nations sont rattachées les unes aux autres par un lien d'étroite
Cabinet de* Sitampet. Bfbl. Nationale.
CH. 0. &OMMB,
né à Rlom en 1 7 60. Condamné & mort à la réaction de Prairial
ait III, Il se poignarda avec cinq de ses amis.
5a l'homme et la terre. ~- LA révolution
solidarité : l'intense mouvement de réaction qui s'était produit en
Angleterre se reportait sur la France pour la ramener également en
arrière. It semble, au premier abord , que ce soit un paradoxe de voir les
cause» principales de l'avortenient qu'eut à subir la Révolution dan» la
conquête de l'empire Indien par la compagnie des Indes et, d'une ma-
nière générale, dans le parasitisme colonial de l'Angleterre, avec sescon-
séquences forcées, lu destruction des ennemis indigènes et l'escluvagedcs
noirs. K( cependant celte affirmation s'appuie sur des faits indéniables.
Parmi tant de raisons qui firent dévier l'esprit révolutionnaire et le
lancèrent dans la voie fatale de la guerre a outrance et de lu conquête,
la plus importante ne fut elle pas l'attachement inébranlable de r\ngle
terre à tout le vieux régime du droit divin et des privilèges seigneu-
riaux! 1 N'est-ce pas la, grâce ù la domination îles mers et aux bénéfices
du commerce, que l'Kurope monarchique trouva le solide point d'appui
qui finît par lui amener la victoire? Kt cette force réactionnaire, ofi l'aris-
tocratie anglaise l'avait elle trouvée, sinon dans la complicité que lui
avait fournie le peuple même, perverti par ses victoires dans les régions
lointaines, par la gloire militaire, par les guerres de course et toutes les
infamies du parasitisme colonial!' Les grands crimes commis pur lu traite
d'Afrique et par l'exploitation outraneière d'Asie avaient t'ait déchoir le
peuple à souhait depuis la période révolutionnaire du dix-septième
siècle, et ce recul permettait aux nobles anglais d'employer contre une
deuxième Révolution la nation môme cpii avait accompli la première.
Il est remarquable, en tous cas, que la dévolution se soit faite
en France alors seulement qu'elle avait perdu toutes ses colonies.
L 'empire d'Allemagne pouwiit, par sa masse même, résister très éner-
giquement aux armées républicaines qui luttaient pour la possession de
lu vallée du Rhin. De ce c<Mé, la guerre eut des alternatives diverses,
mais le résultat général du conflit devait développer dans les
populations germaniques un mouvement d'unité patriotique analogue
à celui qui s'était produit en France. Ne fût-ce que par le choc et le
tassement, le chaos se régularisait quelque peu à peu. A la fin du dix-hui-
tième siècle, la Révolution française avait trouvé le Saint-Empire
composé de dix-neuf cents Etats, grands et petits, si Ton enumerc à
part tous les fiefs de la noblesse réputée maîtresse absolue chez elle'.
1, A. Hlm\y t Histoire delà formation territoriale des Etats ai t* Europe centrale*
t. I, pp. 273 et suiv.
ANGLETERRE, ALLEMAGNE 53
Cent ans après, tous ces Etats distincts» ù l'exception de deux,
%• 433. La vallée du Rhin 4 la vaille de la Révolution.
i : 1000000
"eW
Parut la centaine de domaines distincte dans les limites de ia carte, signalons » Spire et
les propriétés de son évfique (Sp.)t Strasbourg et les propriétés de son évéqtie (St.)» les
districts du seigneur de Lichlenberg (U)i les villes dites libres i Landau (La), wissembourg
ou Weissenburg (Wei. ). Heguenau (H.)» Wesselonne (Wa.). Schleltstadt iSchl.ji Offenburg (0.),
Oegenbach(0.), Zell (Z.) eï Harmersbacb (H.)-
n'existent plus que sous la forme de vestiges ou tout au moins de
H L'HOMME ET LA TERRE. — LA REVOLUTION
« cadavres récalcitrants », et ce contraste est du en entier eux
événements déterminés par les guerres et par L'esprit de la Révolution.
A Test de la France, la Suisse se trouvait dans un état de confusion,
en un chaos politique comparable seulement à celui de l'empire alle-
mand. Les Etats ou cantons confédérés formaient la moindre partie du
territoire helvétique : celui-ci comprenait également des bailliages ou
pays sujets. Sept cantons sur treize avaient rang de « villes libres impé-
riales » et quelques familles patriciennes y commandaient à des popu-
lations urbaines et rurales privées de tous droits politiques. Dra&les
n utre» cantons, le pouvoir appartenait au\lergé. Puis des alliés se
rattachaient plus ou moins directement a la Suisse : telle la république
de Genève, telles les principautés ecclésiastiques de Bâle, Valais, Saint-
Gall, la confédération des Grisons» les principautés de Neuchàtel et
Valengin. L'intervention française, soutenue, principalement dans le
canton de Vaud, par des insurrections locales, contrariée ailleurs, sur- J
tout dans les vieux cantons, par l'observance héréditaire des coutumes, s
vint mettre (in à tout cet ensemble de survivances contradictoires, mais
sans respect pour les a Droits de l'homme » solennellement pro-
clamés. En 1798, la République helvétique fut constituée, en pays pra-
tiquement vassal, puisqu'il devait prendre part aux guerres de la
république voisine, lui fournir dix-huit mille hommes de troupes,
conformément aux traditions de la royauté, et lui ouvrir deux routes
militaires à travers les montagnes *.
C'est donc bien a tort que, par un sentiment pourtant très naturel
d'amour-propre, les Suisses se trouvent entraînés a se considérer comme
une race élue, supérieure a leurs voisins par les mérites ; sous l'empire
de cette philosophie commode qui attribue te malheur aux péchés et le
bonheur à ta vertu, les habitants des cantons républicains des Alpes et
du Jura se flattent volontiers d'être bien meilleurs que Français, Alle-
mands ou Italiens, quoique le fait même de l'union entre populations
de langues différentes en une confédération démontre suffisam-
ment l'influence capitale déterminante du relief helvétique. C'est aux
monts protecteurs et aux conditions spéciales qui en dérivèrent que les
Suisses doivent leur liberté politique; le respect des droits humains
n'y est certainement pour aucune part, puisque la principale industrie
1. Ernest Nys, Notes sur ta Neutralité, pp. 50, 51,
CONFÉDÉRATION HELVÉTIQUE 55
des ouatons suisses, depuis le moyeu âge et jusqu'au commencement
de ce siècle, fut de vendre des hommes à tou» te» tyrans de l'Europe :
N* 434. La Suisse en 1796.
U Carte est à l'Echelle de 1 à 3 000000
Voici, d'après A, Himly, les principaux éléments dont se comptxait la Suisse i
U$ U canton» : ZOricft. dont relevaient les villes libres Steto et Winterlhur ; Berne avec
Brugg» Leiuburff, Aarau et ZoUngen ; Lwern* avec Sempach et Surseej Uri et le pays
d'Andermetl î âchwitz avec la ville vawale de Kilasnacht et le pays d'Einsideln (Ei.)t Unter-
waldon t Zugi Olaris et la ville vassale de Werdenberg(We.)s Bâle ! Fribourg ; Soleure j Schaf*
rhouse ot enfin Appenscll.
le» pays assujettis t Sargant (Sa), ThurgOYle «t Prauenfeld (Fr.) appartenant aux S vieux
cantons et Appenxelh — Baden (B.), Bremgarten(Br.), Mellingon (Me.), Rapperswyl (Ra.) ft
Zurich, Berne et Olaris ; — Belttnzona |Be,|etla RivieraauxS vieux cantons; — Locarno
(U.). Val Maggla (Ma.), Lugaito (Lu) et Meudrlslo (Me.) à tous les cantons sauf Appenzell ;
— Morat (Mo,), Grandson (Or.). Orbe (Or.) et Bcnallens (Ec.) à Berne et Fribourg; -
Usnech (Hz.) et Oams (Ga.) à SchwiU et Glarl* 3 — Engelberg et Oersau, libres sous la pro-
lection des 4 cantons forestiers : — le pays de Vsud a la ville de Berne.
Lt* pays astocih t L'abbaye do Saint>Gall, Toggenburg, la ville de Salnt.Qallet Bionne.
Us pat/s oihis 1 le Valais — , Mulhouse —, Neuchâtei et Valengin -, Genève —, une
partie de révéché de Bâle, avec Val Moutier (Mo.) et Neuveville (Ne.) —, les Grisons et ses
sujets, Valtcline» Chiavenna |Ch.) et Haldeasteln (Ha.).
maintenant encore on trouverait dans les vallées alpines des vieillards
qui se vantent d'avoir été parmi ces mercenaires. Malgré la proclama-
56 L'HOMME ET LA TKftRB. — LA RÉVOLUTION
tion de neutralité permanente qui, après i8t5, fit ft la Suisse une situa-
tion tout a fait à part dans l'ensemble do ta politique européenne, les
cantons continuèrent à fournir des troupes â différents Etats, la France,
les Pays-Bas, ta Prusse. En 1816, on comptait environ 3oooo soldats
suisses fournis aux souverains étrangers'. Enfin la constitution fédé-
rale de i8$8 interdit les enrôlements pour le service militaire étranger,
mais sans réussir à les supprimer complètement : c'est en i85y seule-
ment que cette vente des hommes fut imputée a crime ».
Des révolutions analogues à celle de la Suisse se produisirent par
l'effet de la grande poussée générale dans les Etats de la péninsule ita-
lienne. La aussi, le dix huitième siècle avait fait son œuvre prépara-
toire au changement d'équilibre, L'impulsion qui avait été assez puis-
sante pour forcer le pape Clément XIV à condamner, à chasser les
jésuites et qui avait dicté à Bcccnria son livre de noble Immunité sur
Les Mits et tes Peines aillait toute la société bourgeoise, surtout dans
le nord de l'Italie et on Toscane. La question de la propriété avait été
également soulevée, et l'on avait osé porter la main sur les biens du
clergé. Ou dit qu'au milieu du dix-huitième siècle, les deux tiers des
compagnes de l'Italie , et pcut-élre plus encore, se trouvaient possédées
par les ordres ecclésiastiques : du tiers restant, la plus forte part consistait
en grandes propriétés nobiliaires; un neuvième à peine du territoire
italien était cultivé directement par les possesseurs. La pression de
l'opinion publique, éloquemment proclamée par les philosophes con-
temporains, obligea les gouvernements de l'Italie du nord à séculariser *
en grande partie les biens de l'Eglise, comme on le fit aussi en Espagne,
en Autriche et en Bavière; mais celte sécularisation ne profita guère
qu'aux riches capitalistes de la bourgeoisie et la terre n'en resta paB
moins presqu'immobilisée 1 .
L'irruption des armées françaises en Italie eut pour résultat majeur
non de modifier les conditions économiques, mais de changer les rela-
tions de vassclage. L'empereur d'Autriche se trouvait être le véritable
suzerain de l'Italie septentrionale, soit directement, soit par l'entremise
de princes qui gravitaient autour de lui. Il s'agissait donc pour '
la France de repousser les Autrichiens de l'autre côté des Alpes : en réa- !1
i
1. E, van Muyden, Essais Historiques, la Suisse sous le pacte de 1815, t. I»
pp. 53t et suiv. — 2. Ernest Ny», Notes sur la Neutralité, p. 93. — 3. G. de Oreef, \
Essai sur la Monnaie, le Crédit et Us Banques, VIII, p. 5. c
PÉNINBULE ITALIENNE
5 7
lité l'histoire recommençait, sous des apparence» nouvelles, lo mouve-
menl de va-et-vient qui tant de fois avait oscillé au nord entre le»
H* 435. Le» républiques sœurs.
1 : 20000000
26(
5ÔÔ
iOooKil.
La république Batave vécut d* 1795 à 1806; la république Helvétique se transforma en
1798 1 la république Cispadane. formée le 16 octobre 1996 au sud du Pô, s'incorpora dans la
république Cisalpine ; celle-ci, fondée lo 9 juillet 1797, devient, en 1803, la république Italienne
avec Bonaparte pour président. La république Ligure date du S juin 1797 et se fondit dans
l'empire en 180S. La république Romaine dura du 13 février 1798 au mois de se
la république Parthénopéenne vécut du 23 janvier au 13 juin 1799.
leptembre 1799 ;
bouches de la Meuse et celles du Rhin, au centre vers les sources
du Danube, à droite dans les plaines du Pô, La force d'attaque, les
58 1/ HOMME BT LA TERRE. — LA RàvOM'TfON
méthodes nouvelles, rapides/ déconcertantes dans l'art de lu guerre,
enfin, dans une certaine mesure, la faveur des populations dont le sort
politique était l'enjeu, donnèrent l'ascendant aux armées républicaines,
et le traité de Cainpo Kormio constata pour un temps (1707) l'humilia-
tion de la maison d'Autriche.
Le changement d'équilibre consista principalement u constituer en
Italie diverses petites républiques vassales de la France : une république
« Cisalpine », dont le nom même rappelait l'ancienne domination de
Home pour laquelle les campagnes du Po étaient < en deçà < des Alpes,
prit Milan pour capitale. Une république Ligure reçut Gênes pour
chef-lieu ; les KtaU de l'Kglise furent grimés en une république Homatne,
et le sang de saint Janvier dans la cathédrale de Naples eut ordre de se
liquéfier pour annoncer joyeusement la fondation de la république Par-
thénopéenne. Le Directoire, ministère dictatorial qui gouvernait alors
la France, avait adopté cette ligne de conduite politique, très habile si
elle eût été sincères de grouper autour de la république maternelle toute
une poussinière de républiques filiales se succédant d'Amsterdam à
Naples et formant a la France un rempart de peuples défenseurs qui
eussent assuré désormais l'équilibre européen. Toutefois, ces républi-
ques n'étaient guère qu'un nom sans réalité objective, de simples pein-
tures badigeonnées sur la carte de l'Europe. Créées surtout par la force
militaire et maintenues par elle, ces filles n'attendaient qu'un nouveau
coup de force pour ae détacher de leur mère. D'ailleurs n 'avaient-elles
pas été averties du sort qui leur était réservé par les proclamations du
général Bonaparte montrant a ses soldats du haut des Alpes les belles
campagnes de l'Italie? <» Vous êtes mal nourris et presque iiur... Je vais
vous conduire dans les plus fertile» plaines du monde : vous y trou-
verez de grandes villes, de riches province», vous y trouverez honneur,
gloire, richesses »*.
Ces villes, ces provinces, on les pilla, on les accabla de contributions
et d'amendes, en leur annonçant la liberté, la prospérité future. Le
général vainqueur, étourdissant, effrayant son propre gouvernement par
ses victoires successives, soudaines comme des coups de foudre, agissait
désormais à sa guise : il ne se donnait même plus la peine de tire les
ordres du Directoire. H épargne le pouvoir temporel du pape au mépris
1. Proclamation d*Albenga t 20 germinal t an IV,
VSNI8S 5t)
des engagements; il épargne même l'Autriche et* bassement, par le
traité de Campo Pormio. lui abandonne la république do Venise, a
luquelle l'indépendance avait été promise avec attestations.
D'ailleurs ce vieil Elat, qui semblait vénérable par sa grandeur
passée, était tombé au dernier degré de la décrépitude morale. Lorsque
Venise, supplantée par lu Portugal cl l'Espagne, puis par la Hollande
et par l'Angleterre, eut perdu son commerce lointain et ensuite son
industrie, elle avait conservé tes richesses acquises, mais elle eut à les
dépincer du mouvement des échanges : «lies furent employées aux
prêts, aux hypothèques, à l'usure, u Tachât des terres. La république
prudente, qui jadis évitait de l'aire des acquisitions en dehors des îles et
des promontoires faciles a défendre par mer, s'occupait désormais de
bons placements sur terre ferme. Ses. nobles capitalistes se transfor-
mèrent en grands propriétaires fonciers. En 1780, Venise possédait en
Italie et en lslrie, sur les côtes da limites cl albanaises ainsi que dans les
îles Ioniennes de très vastes domaines, peuplés de près de trois millions
d'habitants. Mais ces immenses propriétés restaient immobilisées
entre les mains de leurs détenteurs : le courant circulatoire général
s'était arrêté pour Venise comme pour la plus grande partie des régions
italiennes*. Dès te dix septième siècle, les citoyens de la fameuse repu
blique eurent l'humiliation de voir les Hollandais et les Anglais leur
faire une concurrence heureuse dans les ports de Livourne, de .N a pi es et
d'Aucônc. Venise Unit par expédier ses propres marchandises à Livourne
où venaient les chercher les chargeurs anglais pour les porter en Orient.
Enfin, à la veille du sa chute, l'aristocratie vénitienne ne vivait plus
guère que par les formes les plus basses du commerce capitaliste, le jeu
et la prostitution. Un des plus beaux édifices de lu ville était consacré
aux jeux de hasard cl les patriciens seuls, en robes de magistrats, y
siégeaient' comme banquiers, représentant l'Etat dans sa majesté,
quoique n'étant en réalité que des agents salariés d'une compagnie
de capitalistes juifs et chrétiens. Tous les joueurs se présentaient en
masques, tandis que les banquiers avaient la face découverte*.
A quel degré de honte que se fût abaissée Venise par l'effet du
détraquement des institutions d'Etat où. toute initiative était refusée au
peuple, la vieille république n'eût pas été ainsi livrée a la monarchie
1. G, de Qmt, Essai sur la Monnaie, te Crédit et les Banques t VIII, pp. 4, 5. —
2. Daru, Histoire de Venise*
I
t'»> L*HOMMB ET LA TERUE. — LA RÉVOLUTION
autrichienne si la Krance elle-même ne s'était ulors trouvée flan» un élat
de transition entre la forme républicaine et le pouvoir d'un «cul. Une
volonté personnelle prenait la direction de ta Kranee et se faisait obéir :
cite dictait ta conclusion immédiate de ta paix avec l'Autriche pour
éviter que d autres généraux, sur le» bord» du Hliht, n'obtinssent des
résultais encore plus décisifs que ceux dus à Bonaparte.
dette même volonté décida l'étonnante et romantique expédition
d>4r\ptc. Evidemment la masse de la nation française ni même
la majorité «l'un conseil de gouvernement n'eut la moindre part dans
ces aventures chimériques conçues par un chef d'nrmôe en quota de la
gloire d'un Alexandre ou d*uu César. \eamnoins le Directoire donna
volontiers son assentiment à l'exécution de cette fantaisie, seul mo>en
de relu nier l'avènement d'un maître redoutable. peut -être dan» l'espoir
secret qu'il ne reviendrait jamais du périlleux voyage.
Si géninlcment qu'elle put dire conçue, si brillamment qu'elle l'ut
mise en scène, l'expédition d'Kgypte devait aboutir à un insuccès,
puisque l'objectif prétendu de l'entreprise était d'arracher la domination
des Indes à la (irande Bretagne et que la roule de Calcutta passait alors
par le cap de lionne Kspérance : d'où le nom fantastique d' « aile gauche
«le l'armée d'Vnglcterrc •> donné aux troupes emoyées dans la vallée du
Nil. L'tigyplc, qui avait été l'intermédiaire naturel entre l'Orient et
t 'Occident cl qui devait le redevenir un jour, ne l'élait précisément
plus à l'époque où Bonaparte allait en faire la complète. L'expédition ne
pouvait avoir rien de sérieux : le gouvernement de la rYauce y voyait
une prolongation de pouvoir, un délai dans l'échéauec inévitable de la
retraite: le général qui s'aventurait au hasard en un pays lointain ne
cherchait qu'une fausse gloire, une conquête fielho embellie de souve-
nirs classiques et de belles déclamations humanitaires.
Accompagné de 3t>ooo soldats à chacun desquels il avait promis au
retour de l'expédition « de quoi acheter six arpents de terre m 1 , Bonaparte
remporta tout d'abord de faciles victoires. Après s'être emparé de Malle
d'une façon déloyale et avoir eu la chance d'échapper à la poursuite des
navires anglais, il put s'ériger en envoyé d'Allah, en favori de
Mahomet, en thaumaturge commandant au grand serpent sorti du pied
de I» colonne de Pompée*; mais les mauvais jours succédèrent au
1. Proclamation du 3 floréal, an Vf. ~ 2. Entrevue de Bonaparte... et de plusieurs
muphtis ot iroans dans l'intérieur de la grande Pyramide... le 25 thermidor, an VI.
CAMPAGNE D'ÉOYPTE Ol
triomphe rapide : la flotte française fut anéantie par Nelson dan» les
eaux d'Mmukir, puis l'armée alla se heurter inutilement contre les murs
do Saint- Jean d'Acre; après une campagne horrible parues cruautés, que
Bonaparte, devenu pour un temps despote orientai, comme les Timur
et les Murofl, croyait sans doute permises en ce pays éloigné de
l'Huropc attentive, il s'enfuit, abandonnant hou armée, et, réussissant à
Minée Carnavalet.
luirasB'COL d'ofpicikb postant la déotm ration »ks
tïBOlTS UB l/lIOMMB
tromper les vaisseaux anglais, déburquu en lYunce pour apparaître de
nouveau comme V « ïfomme providentiel »,
L'armée d'Egypte était nécessairement perdue. Elle n'ciU pu se main-
tenir qu'a une condition, celle de sacrifier tout espoir de retour ut de
camper résolument sur la terre conquise pour s'y constituer en Etat
indépendant, à la façon des routiers du moyen âge; mais tes soldats
français tenaient ù rentrer dans leur patrie, et se trouvaient ainsi d'avance
ondamnés a la capitulation, puisque la mer était occupée par tes
Anglais. Le souvenir de l'étonnante expédition disparut comme un
mirage. Il n'en resta que les mémoires précieux, le monument élevé pur
les 1 75 membres de la « Commission des sciences et des arts ». Ces
savants qui avaient accompagné les régiments jusqu'à ta première cata
racte pour étudier le sol, le climat, les inscriptions, les statues, les loin
V 4
e
I
63 l'hohhr et la terre. — LA révolution
=1
beaux et tout ce qui restait de l'antique civilisation égyptienne représen-
taient sur ta terre d'Afrique la poussée triomphante de l'esprit du dix hui
tfème siècle, devenu volonté, grâce à la Révolution française. Ce concours
de recherches intelligentes devait aboutir à ta reconquête de toute une
histoire passée que l'on croyait a jamais ensevelie. La pierre que L'on
découvrit a Rosette, et que les hasards de la guerre ont fait transporter t'
uu Brilhh Muséum^ mit, gr&cc u son inscription trilingue, les etiereheurs »
sur la voie du déchiffrement des hiéroglyphes, et peu u peu, de
stèle en stMe, de manuscrit en manuscrit, se sont révélées tes
annales du monde ancien. Les recherches de lu Commission d'Egypte,
de si heureuse initiative pour la connaissance du passé, eurent une
moindre part à ta préparation de l'avenir. Les mesures de nivellement,
faites par Lepèrc pour établir lu possibilité du creusement d'un canal
entre la Méditerranée cl t» mer Itouge, donnèrent des résultats déco uni
geunts, dont, chiquante ans après, on put heureusement constater
l'erreur. D'après ce geodésien de l'expédition, le niveau du golfe de I
Suez aurait été de près de 10 mètres (9,908) supérieur à celui des eaux
pélusieunes; pour éviter l'inondation des plages de la Méditerranée, il
eût fallu se borner î\ construire un canal a écluses, du Nil à lu mer
Bouge, N'importe, le monde africain faisuit désormais partie de la zone
d'attraction européenne, et, moins de trois quurts de siècle après les ?
batailles fastueuses et inutiles des Pyramides et du mont Tabor, ''
TKgyplc redevenait la grunde porte commerciale de l'Ancien Monde, I
comme au temps des Pharaons et des l'tolémées. il
De l'autre côté de la Terre, ta Hévolution française devait avoir égale-
ment son écho. Cependant ta nouvelle république des Etats Unis, 1res
anglaise de mentalité et de momie, ne pouvait guère se laisser influencer
par un mouvement révolutionnaire qui ne visait a rien moins que la
proclamation des Droits de l'homme. Ayant conquis son indépendance
grÛce aux alliés français venus avec Lafuyettc et Hochambcau, elle n'eut (
point le mauvais goût de rompre complètement avec la nouvelle repu- c
blique, mais elle se tint sur une grande réserve qu'un rien eût changé en
hostilité. La sympathie fut plus grande dans les petits groupes de la si
bourgeoisie créole, qui s'étaient formés à Mexico, Lima, Buenos-Aires,
et de loin subissaient l'influence de la philosophie des encyclopédistes.
Toutefois ces groupes étaient de trop faible importance numérique pour
que leurs prudentes sympathies pussent se transformer en actes, U n'y
*
commission d'Egypte
63
eut de soulèvement à tendances républicaines que dans les colonies
portugaises du Brésil, où le généreux Tlradentes, avec quelques étudiants
N* 436. Egypte et Syrie de Bonaparte.
t
i: eoooooo
W
%oKil.
et officiers, essaya vainement de faire acclamer l'indépendance nationale :
c'était en 1789, l'année môme qui, en France, vit tomber la Bastille.
La révolte s'était produite près d'un siècle trop tôt.
Quant à la grande insurrection péruvienne, celle que dirigea Tupac
V 4*
64 L'HOMME ET LA TERRE. — LA RÉVOLUTION
I
I
Amaru r Couleuvre resplendissante* » ci qui éclata en 1780, deux années
avant que l'indépendance des Etats-Unis d'Amérique fût définitivement
reconnue, ce n'était nullement une révolte ayant pour objectif l'émanci-
pation nationale: quoique provoquée par un insupportable régime
d'oppression, ce ne fut au fond qu'une guerre dynastique* dont te but
était simplement un changement de maître, par lu reconstitution du
pouvoir des Inca. Les conditions mômes de cette insurrection, d'ailleurs
très rapidement et 1res atrocement réprimée, prouvent combien les milieux
de l'Amérique septentrionale ci de l'Amérique du Sud étaient alors peu
comparables entre eux. lundis que les cotons de langue anglaise, ayant
fait autour d'eux la place nette d'indigènes, n'avaient nullement 11
craindre une ligue de tribus indiennes qui pût mettre en péril leur
absolue domination, les descendants des conquistadores vivaient au
contraire dans toutes les parties de leur immense domaine au milieu de
la foule des populations asservies : ils se trouvaient immédiatement en
face d'un élément elliniquc mû contre eux par la lutine et la rancune,
et moins ennemi de l'Espagne lointaine que des fils de l'Espagne, ses
oppresseurs directs. C'est pur une confusion de perspective, duc au
voisinage des deux continents américains, que des écrivains ont cherché
des causes analogues pour des mouvements d'origine tout a fait distincte.
En tout cas, l'influence des idées qui s'étaient élaborées dans l'Europe
occidentale pendant le dix- huitième siècle n'y fut absolument pour «ion. î
La où le contre-coup de la Révolution française se fit sentir d'une 1
manière directe et puissante, ce fut dans la grande île désignée à cette '
époque sous le nom de Saint-Domingue et dans les autres Antilles appar-
tenant politiquement à la France, C'est dans Hic d'Espunola, on le sait,
et dès les premières années de l'occupation castillane, que des nègres
africains avaient été introduits comme esclaves. En 1017, l'importation
annuelle des noirs, régularisée par un édit, s'élevait à quatre mille par
an, et dès l'an ifm, ils étaient assez nombreux sur les plantations de don
Diego Colon, fils de l'amiral, pour ravager la colonie. On a souvent
répété, pour excuser les planteurs, que te travail de la terre était impos-
sible aux blancs sous le soleil des Antilles; mais cette affirmation est
inexacte, ainsi que l'ont démontré les propriétaires eux -mômes, en impor-
tant des « engagés » blancs, qu'ils demandaient a la mère-patrie, et qui,
en échange des dépenses d'entretien et de quelque menu salaire, pro-
mettaient de travailler pour leur patron pendant un certain nombre
LA RÉVOLUTION ET LES ANTILLES 65
d'années. Toutefois, le régime de l'esclavage africain se substitua à loua
les autres modes de travail, et les traitants du Sénégal et autres sociétés
privilégiées, anglaises, hollandaises, françaises, rivalisèrent de zèle aux
dix septième et dix-huitième siècles pour la livraison de belles u pièces
d'Inde » aux propriétaires établis dans les Antilles. Les planteurs français
qui, dans la purtie occidentale de Saint-Domingue, s'étaient substitués
ft» 437. Ile d'Haïti.
1: 6 000000
loo *6q SÊoKII.
Durant te xvu* siècle, des colons français s'établirent an nord-ouest de l'tle at le traita de
Ryswlck (1G97) reconnut la division d'Haïti entra las Espagnols at lis Français. Ceux-ci
acquirent la moitié espagnole en 1795. Lorsque les Fronçai* eurent été expulsés, des états
rivaux se formèrent. Depuis 18U, les daux républiques de Saint-Domingue et d'Haïti se
partagent l'Île par moitié, est et ouest, avec Sanlo-Domlngo et Port-au-Prince pour capitales.
aux Espagnols, eurent bientôt la réputation de posséder le plus beau
cheptel humain, acquis d'ailleurs, comme celui des autres colonies, par
la ruse et de monstrueuses férocités* Le « citoyen » Ducœurjoly» dans
son précieux Manuel des Habitants de Saint-Domingue \ Paris, an X, décrit
eo m plaisamment les « quatre moyens les plus généralement employés
pour se procurer les nègres nécessaires a la culture ». Le premier moyen,
« et le plus productif », était L'enlèvement. La manière de procéder était
1. Cité par A. Cône, Nos Créoles, pp. 24, 29,
66 l'homme et la. terre. — LA révolution
simple, « Quelques-uns se cachent dans les forêts ou près des routes,
attendant le voyageur sans défiance» comme le chasseur attend la proie
timide; d'autres se mettent en embuscade dans tes champs de riz et
enlèvent tous les enfants qu'on y place pourchasser les oiseaux; it y en
a aussi qui se tiennent près des sources et saisissent tous les malheureux
que la soif force d'y venir se désaltérer, ou près des haies, afin d'y prendre
ceux qui y pèchent pour leur nourriture. Mais le poste le plus avantageux
est dans les prés, lorsque l'herbe est haute, ou a côté du sentier qui com-
munique d'un village u l'uutre », Un autre moyen pour se procurer des
csclavos, c'est d'allumer la guerre entre les souverains de la Guinée.
a Les vaincus qui échappent à la mort sont condamnés ù l'esclavage. . .
Arrive-t-il des vaisseaux? les chefs de tribus marchent aussitôt ù la con-
quête de quelques eu nions, brûlent des villes, saccagent les campagnes,
et emmènent captifs tous les habitants, à moins que, victimes de leur
cupidité, ils ne deviennent eux-mêmes la proie du traitant ». Kn
troisième Hou on pourrait « exciter plusieurs souverains contre
leurs propres sujets ". Enfin le dernier moyen, plus ingénieux, était
de « faire substituer aux anciennes pénalités pour les crimes et
les délits parmi les nations noires la peine unique d'être réduit
en esclavage et vendu... On multiplia les crimes pour multiplier
les coupables. Les souverains avaient des gradations subtiles dans les
délits afin d'en établir dans les punitions; ils statuaient que les forfaits
graves coûteraient la liberté non seulement aux coupables mais a tous
les mules de su famille, mais a sa famille entière, mais a ses amis,
et aussi loin qu'il lui plairait d'étendre sa rigueur despotique. On
vendait aussi les débiteurs insolvables et, sur la côte, des marchands
avaient des réserves d'enfants dont on trafiquait dès qu'ils étaient par-
venus à Tiige du travail ».
De pareilles atrocités devaient émouvoir la natiou qui, par ses repré-
sentants, venait de proclamer les Droits de l'homme avec un délirant
enthousiasme. Et pourtant quelques timides voix à peine s'élevèrent en
faveur de ces noirs, les plus opprimés des hommes! Ce que Ton appelle
les « droits acquis », c'est-à-dire les crimes traditionnels, en imposaient
aux philosophes les plus généreux. On n'osait pas toucher à la propriété
des nobles et fastueux satrapes qui gagnaient si facilement des millions
par le travail d'autrui et que l'on avait vus parfois dans Paris ouvrir si
généreusement la main. On n'osait pas dépouiller de si puissants aris-
LÀ CONVENTION ET L'ESCLAVAGE 67
tocrates, mais ceux-ci, dont la conscienee n'était pas tranquille, protes-
taient d'avance contre une expropriation qui semblait logiquement iné-
vitable et commençaient tout d'abord la persécution sans merci contre
les hommes libres de couleur qui se permettaient de revendiquer leur
droit de vote : c'est ainsi que le mulûtre Vincent Ogé, puni seulement
pour avoir voulu voter, eut à subir le supplice de la roue, La fureur
des propriétaire* devint folie lorsque l'Assemblée Constituante, en 1791,
Cl. P. Sttttar,
DK8 SVCBXBIB A SÀlNT-DOMmGUB
toujours insoucieuse du droit des nègres, crut cependant devoir accorder
aux gens de sang môle, nés de père et de mère libres, le privilège de
siéger dans les assemblées coloniales. C'est alors que la plupart des
blancs de Saint-Domingue décrétèrent la scission d'avec la France, cou-
pable d'avoir promulgué la « Déclaration des Droits do l'Homme ». De
même que les émigrés do Coblenz s'alliaient aux Prussiens et aux Impé-
riaux contre la Révolution, de même, et sous la pression d'inté-
rrts de caste, les planteurs de Saint-Domingue se firent Anglais ou Espa-
gnols contre la mère-patrie.
Les noirs s'agitaient à leur tour comme s'étaient agités les hommes
de sang mélo déjà libres. Ils prirent leur affaire en mains, s'émanci-
pèrent eux-mêmes, chassèrent, égorgèrent çà et là leurs anciens maîtres.
68
LHOMUE ET Là TERME. — LA DÉVOLUTION
C'cBt alors, mais alors seulement, que la République française, recon-
naissant le fait accompli» proclama enfin* bien tardivement, l'égalité des
races devant le droit humain. Le représentant Santhonax, annonçant
la bonne nouvelle* Ait aussitôt entouré, adoré comme un dieu. Une
armée de noir», heureux et libres, se précipita pour reconquérir en entier
le territoire de t'ile; Anglais, Espagnols furent expulsés. Depuis on a
souvent bafoué ceux qui, a l'exemple de Dupont et de Robespierre,
disent : « Périssent les colonies plutôt qu'un principe 1 » Mais, cette fois,
c'est précisément parce que la République avait tint par observer le
principe qu'elle garda triomphalement sa colonie et môme en doubla
l'étendue. Et quelques années après, c'est parce que le principe avait été
violé que la colonie fut définitivement perdue pour la France.
n
c
'■■ ■ 1 V * .
t£ PftAlPIAL AN î>
CONTRE-RBVOLUTION : NOTICE HISTORIQUE
1799. 9-10 nov. (18 et 19 Brumaire), Coup d'Etat; afl déc, Bonaparte
premier Consul.
1800, \(\ juin, Murcngo; 3 déc., Hohcnlinden; a 4 déc, attentat de la
rue Saint-Nicaise.
1801 . 9 fév,, traité de Lunéville; t5 juil, établissement du Concordat.
Evacuation de l'Egypte.
1803, a5 mars, paix d'Amiens; « épuration » des corps élus; 19 mai,
création de la Légion d'honneur; 16 août, rappel des émi-
grés; a août, Bonaparte nommé Consul à vie. — Expédition
de Saint-Domingue.
i8o3» 1a mai, rupture de la paix; évacuation d'Haïti.
180$ . Conspiration de Cadouda l ; a 1 mars, exécution du duo d'Enghicn ;
18 mai, Napoléon devient « empereur de la République » ;
a déc, cérémonie du sacre.
i8o5. Camp de Boulogne; aO mai, Napoléon couronné à Milan; 19 oct.,
capitulation d'Dlm; ai oct., Trafalgar; a déc, \ustcrlilss ;
26 déc, paix de Près bourg.
1806. i w janv,, abandon du calendrier républicain; \!\ oct., léna et
Auerstaedt; ai nov., décret ordonnant le blocus continental.
1807. 7.8 fév., Eylau; i.{ juin, Friedland; 8 juil., paix de Tilsitt;
3o nov M les Français à Lisbonne ; 17 déc, bombardement de
Copenhague.
1808. Mai, à- l'entrevue de Rayonne, Napoléon dépose Charles IV et
Ferdinand Vil; aa juil., capitulation de Baylen; 3o août,
capitulation de Cintra .
1809. ao fév M prise de Saragossc; aa avril, Kukmûhl; ai-aa mai,
Essling ou Aspern; 6 juil., Wagram ; 1/1 oct., paix de Vienne.
Le Pape est conduit de Home à Savonc
1810. Révoltes a Buenos Aires, Caracas, au Mexique,
181 1. Recul des Français en Espagne ; ao mars, naissance du roi de
Rome. 7- Succès des insurgés argentins.
70 L'HOMME ET LA TERRE. — COHTRE-RSVOL0TION
i8ia« afl juin, entrée de» Français en Kussie; 5-7 sept, Borodino ou
Moskova; 19 oct., abandon de Moscou; s5 nov,, passage de
ta Bérésina ; oct., conspiration du général Mallet. — Première
locomotive de Stephenson.
i8i3, 36-27 août* Dresde; 16 iS oct., Leipzig, — i3 fév„ bataille de
Salta et libération de l'Argentine ; Bolivar à Caracas.
181 4, Campagne de France; 3t mars, capitulation de Paris; 90 avril,
adieux do Fontainebleau. Restauration.
i8t5, i rt mars, Napoléon débarque au golfe Juan; 18 juin, Waterloo.
Terreur blanche; au* sept., traité de Paris.
181G Exil des Conventionnel», Nouvelle apparition de Bolivar au
Venezuela.
1817, Traversée des Andes par San Martin et bataille de Chacabuco.
1818. Bataille de Maipo; libération du Chili.
18 ii). Libération des Andes grenadines.
i8i!o. i« janv., Riego s'empare de Cadix.
i8a t, 7 avril, prise d'Athènes par les insurgés grecs ; 19 juin, défaite
des hétaïristes eu Valachie; 5 oct., prise de Trlpolihn. —
Libération du Venezuela.
1833. ai juil., chute de l'acropole, — Séparation du Brésil et du
Portugal. — Ghampollion déchiffre la pierre de Rosette.
i8»3, 3 1 août, combat du Trocadéro ; prise de Cadix ; 5 nov., pendaison
do Riego.
18*4, 19 avril, mort de Byron. — Libération du Pérou.
i8a5, 5 fév M Ibrahim-Pacha débarque en Xïorée; aG déc, (i4 ancien
style), conspiration des Dékabristes. — Premier chemin de fer
ouvert au public, qe Stockton ù Darlinglon.
i8a(i, a6 avril, prise de Missolonghi par les Turcs ; a5 (i3) juin, pen-
daison des Dékabristes.
i8a7, ao oct., bataille de Navarin. — Dans l'archipel polaire, Parry
parvient à la latitude 8a°4o*.
i8a8. Les Français en Morée. Compétition dynastique en Portugal,
i8»y. i/| sept., la Turquie reconnaît l'indépendance de la Grèce.
i83o, G juil., prise d'Alger. Journées de juillet (a/» à a6). Journées de
septembre à Bruxelles (a3 a 37), 29 nov., soulèvement en
Pologne,
LUTION
L'œuvre entière de Napoléon consista
dans la violation méprisante de toutes tes
harmonies naturelles.
CHAPITRE XVII
DIX*HU1T BRUMAIRE. — EMPIRE FRANÇAIS. — GUERRES EUROPÉENNES
RESTAURATION ET RÉACTION. — INTERVENTION FRANÇAISE EN ESPAONE
GUERRES D'ÉMANCIPATION DES COLONIES ESPAGNOLES. — BRÉSIL
INDÉPENDANCE HELLÉNIQUE. — DÊKABRISTES. — JUILLET 1830. — BELGIQUE
POLOÛNB, ITALIE» ESPAONE, ANGLETERRE. — ABOLITION DE L'ESCLAVAGE
CONQUÊTE D'ALGÉRIE. — PROGRÈS MATÉRIELS. — ROMANTISME ET CLASSICISME
La France s'était abandonnée lorsque Bonaparte vint la prendre ; elle
ne croyait plus à la liberté, mais elle croyait h la force et s'enivrait de la
rumeur des conquêtes : le moment était donc venu pour elle d'obéir à un.
général d'armée. Les étapes de l'asservissement furent très rapides.
Moins de trois mois après avoir quitté l'Egypte, l' « homme providen-
tiel » pénètre à la tôte de ses soldats dans la salle des « cinq cents » et
disperse les législateurs dont le président môme était son frère et son
7» L'HOMME ET LA TERRE, — CONTRB-RéVOLUTIOW
complice. Ce fut l'attentat du ï8 brumaire (9 nov. 1799), ffui supprima il
la République et rétablissait la monarcbie t bous d'autres formes et sous
un autre nom. D'abord, te général Bonaparte se contenta du titre de
consul, qu'il voulut bien partager avec un Hoger Dueos et un Siéyès, le
môme abbé qui» après avoir inauguré la révolution bourgeoise par sa
brochure sur le Tiers état, vint en clore te cycle par une constitution
faite a l'usage du despote nouveau et concentrant tous les pouvoirs dans
lu tnain de l'Etat.
Mais il fallait se débarrasser do tous les républicains qui restaient en
France, que les honneurs, les places, l'argent, les ambitions militaires
n'avaient pas assagis et dont le silence forcé ne garantissait pas la
future obéissance. Une conspiration royaliste vînt ù point pour faci-
liter la déportation de ces hommes haïs que l'on envoya mourir de la
(lèvre dans les marais de la Guyane. La partie de l'armée la plus
suspecte d'esprit républicain fut désignée pour la mort: ou l'expédia
dans Tile de Saint-Domingue, mêlée a des bandes de chouans revéches.
Bonaparte se promettait ainsi un double avantage. Non seulement il
écartait des soldats dont il aurait pu redouter l'indiscipline, mais il
donnait un gage a tous les partisans de l'ancien régime en France et en
Europe par sa brutale tentative en vue du rétablissement de l'esclavage
des noirs. Celte même armée, qui avait été chargée de proclamer la
République, la suppression des corvée» et du servage sur les bords du
Rhin, recevait maintenant pour mission d'asservir de nouveau les nègres
et de rétablir la traite. En moins de deux années, le climat de Saint
Domingue et la fureur des noirs eurent raison de 35 000 hommes qui
avaient débarqué au Cap Haïtien au commencement de 180a, et qui
menaient avec eux des chiens de combat habitués à se nourrir de la
chair des nègres ; les derniers Français furent emmenés prisonniers par
la flotte anglaise en novembre ittolï. la France perdit ainsi la belle
colonie qui, avunl Cuba, portait le nom de « Perle des Antilles ».
Quant ù l'île double de la Guadeloupe qui s'était vaillamment recon-
quise, en 179/1, sur les envahisseurs anglais et qui, sous pavillon fran-
çais, s'était fièrement gouvernée d'une manière autonome, eu assurant
aux noirs armés leurs droits de citoyens libres, lia un porte ne pouvait
tolérer qu'elle continuât de donner un aussi bel exemple de liberté
populaire* Une armée d'invasion vint rétablir de force l'esclavage, au-
quel des milliers de noirs, préférant la mort, surent échapper par le
PERTE DE SAINT-DOMINGUE ?3
suicide en masse, tandis que des milliers d'autres» menés en Europe et
drossés en chiourmes militaires, périrent à la peine dans tous les
postes périlleux ou insalubres. Ce qui restait & la Guadeloupe dépopula-
tion noire ou blanche était suffisamment averti, et, lorsque les Anglais
se présentèrent devant l'île, on les accueillit en fouie désabusée, s Bans
haine et sans amour ».
A l'égard des Etats-Unis déjà puissants, Bonaparte se garda bien de
Cabinet de» Estampe».
Blbl, Nationale.
m DIX'HOTT BRUMAIBE
(Caricature anglaise.)
procéder avec la môme insolence. Sans consulter d'ailleurs les colons de
la Nouvelle-Orléans et autres établissements de la contrée, il vendit
pour la somme de quatre-vingts millions à la république américaine
tout le territoire de la « Louisiane h, aux espaces encore très mai
connus, qui s'étendait des bouches de l'Alabama, dans le golfe du
Mexique, jusqu'à l'estuaire de la Columbia dans le Grand Océan, domaine
comprenant au moins aôooooo kilomètres carrés, cinq fois la superficie
de la France, San s doute, cette acquisition a l'amiable, qui doublait du
coup la surface des terres de colonisation possédées par les Etats-Unis et
qui leur assurait pour l'avenir les routes de l'Atlantique au Pacifique,
7$ L'HOMME E* LA TBRBK. — CONTRI-RÊVOLUTION
cet achat ne faisait que devancer d'un petit nombre d'années ou de
décade» l'occupation qui se serait produite par ta «impie force des
choses, sous la pression de millions d'hommes, grossissant rapidement
en nombre et dont l'ascendant était devenu irrésistible.
En règle avec les anciens propriétaires d'esclaves» les représentants
par excellence de ce que l'on appelle le « principe do la propriété % le
Premier Consul voulut réconcilier d'une manière éclatante son pouvoir
personnel avec le grand élément conservateur do l'antique autorité, avec
le catholicisme. Le Concordat fut conclu. Par ce pacte avec l'Eglise, qui
rétablissait les anciennes formes du culte, le futur empereur espérait que
son pouvoir, prôné conformément aux rites, ferait désormais partie du
dogme religieux : il voulait donnera sa personne un caractère sacré.
D'uulre part, il se flattait d'avoir enserré les prêtres dans le réseau de la
hiérarchie administrative; il croyait les tenir comme d'humbles fonc-
tionnaires. Il est vrai que tes catholiques sincères se sentiront profon-
dément humiliés de ces conventions bâtardes qui mélangeaient les deux
autorités ; mais l'Eglise a la vie longue, et que de fois les prêtres dont le
devoir était désormais de servir l'Etat s'en révéleront-ils les maîtres ! Le
rétablissement du catholicisme dans sa pompe officielle fut considéré
comme une grande victoire par les fidèles de l'ancien culte, et ils en
surent gré au « nouveau Moïse », malgré Les intempérances de langage
et les brutalités dont son despotisme et son manque de savoir-vivre le
rendirent coupable à l'égard de maint haut prélat et du pape lui-môme.
Et tandis qu'une volonté maîtresse imposait à la Franco la restaura-
tion de l'Eglise officielle, Chateaubriand, un de ces idéologues auxquels
Bonaparte vouait une haine spéciale, collaborait à l'œuvre de réaction
religieuse par son Génie du Christianisme, travail purement littéraire et
tout en surface, qui vantait l'élégance des cathédrales, la sonorité des
cloches et le circuit rapide des faucons dans le ciel bleu : pour plaider la
cause de la religion déchue et en rallumer la flamme, il eût fallu croire
éperdument, du fond d'une Ame simple, à ta mission du Crucifié; or, ni
l'homme d'Etal ni le poète n'avaient celte « foi qui transporte les mon-
tagnes ». Quant à la masse du peuple, déshabituée des cérémonies
religieuses et des processions solennelles, mais encore pénétrée de
i esprit catholique de despotisme intellectuel et d'obéissance, elle tendit
de nouveau l'échiné au harnais traditionnel. Cependant rien ne fit
oublier l'interrègne.
s
09
S
CATÉCHISME NAPOLÉONIEN
i /
La reconstitution de l'Eglise entraînait la réorganisation de l'inslruc-
Uon publique. On n'y manqua point : l'université se modela sur Tannée.
Le maître, qui était surtout le général en chef des forces de terre et de
mer, avait en vue de former des soldats, et l'éducation départie dans
les écoles, les collèges» les lycées devait préparer à celle des caserne».
Désormais on ne tint aucun compte des diversités de race ni de milieu
pour varier en proportion l'enseignement des élèves : partout on eut à
se conformer aux mômes pratiques et à la même méthode d'enseigne-
ment, tout dut se régler à la baguette du tambour. Nulle initiative ne fui
permise au professeur: il n'était plus qu'un instrument» qu'un porte-voix,
ayant a répéter à l'heure dite, îi la minute, les formules édictées en haut
lieu. Jamais la pensée ne fut tenue plus en mépris que sous le règne du
« petit caporal » ; toute supériorité intellectuelle était odieuse a cet
homme qui voulait dominer seul et élre le maître des âmes comme il
était le mullre des corps, Lorsqu'il eut saisi des mains du pape la cou-
ronne impériale pour se la poser sur la tête (180/4), il prit soin de sa propre
apothéose consacrée par le catéchisme scolaire : « Les chrétiens doivent
aux princes qui les gouvernent, et en particulier à Napoléon notre empe-
reur, l'amour, le respect, l'obéissance, la fidélité, le service militaire.
Honorer et servir notre empereur est honorer et servir Dieu môme ».
La guerre en permanence, interrompue de courtes trêves pour la
reconstitution des armées, élait devenue le fonctionnement normal de
l'empire. Sur terre, des triomphes inouïs se succédaient coup sur coup
et la France s'entourait d'Etats conquis gravitant autour d'elle; mais sur
mer, tout ce qui lui restait de puissance après Aboukir était brusquement
annihilé. Devant le cap Trafalgar, Nelson détruisit la flotte impériale
jointe a celle de l'Espagne; désormais tous les pontons, tous les esquifs
qui battaient encore pavillon français n'avaient plus qu'à se blottir au
fond des ports ; tout au plus, protégés par les signaux de terre, pou-
vaient-ils se glisser le longdes côtes de refuge en refuge.
Celte impuissance absolue sur mer contribua certainement par
contre-cou p a lancer sur l'Europe toutes les forces agressives de la
France'. Austerlttz, léna, Wagram répondirent aux victoires anglaises
d'Aboukir et de Trafalgar. De son coté, la Grande Bretagne, seule à com-
mander les mers, put croire dorénavant qu'elle était la maîtresse du
1. Friedrich Ratael, Das Meerats Quelle der Vcslkergrœs$e, p, 75.
78 l'homme kt la terre. — contre-révolution
inonde, ou du moin» de tous tes rivages do la Terre» ce fut le commen-
cement de la thalassocratie anglaise qui devait durer près d'un siècle,
f /aristocratie nobiliaire et commerciale qui gouvernait la nation puisa
dans cet orgueil une force indomptable. Elle employa dans aa formi-
dable lutte contre Napoléon toutes ses ressources en argent et en
hommes, accumulant les emprunts et les dettes, ruinant les industries,
réduisant les foules prolétaires a une misère sans nom» mais avec la cer-
titude qu'après la victoire définitive, lors de l'épuisement général de
l'Europe, elle serait la première parmi les puissances et qu'elle jouirait
môme d'une véritable hégémonie, grâce à son monopole des manufac-
tures et h la possession des marchés lointains.
C'est alors que Napoléon conçut le projet d'enlever à l'Angleterre son
marché par excellence on subjuguant définitivement l'Europe. Le blocus
continental (180O) devait isoler complètement la Grande Bretagne, en
faire plus qu'une île, une terre perdue au delà des océans déserts. 11
était désormais interdit u quiconque de rester neutre dans la lutte; le
petit Etat du Danemark en fit la dure expérience lorsque, en septembre
1807, le gouvernement anglais, sachant aussi bien que son illustre
antagoniste méconnaître le droit des gens, lit bombarder Copenhague
par ses vaisseaux ; quatre jours durant, la ville fut couverte de feu et
la flotte se relira ayant tué plus de deux mille paisibles habitants.
Il est vrai qu'en coupant ainsi toutes relations entre la terre ferme
et «a dépendance naturelle d'où Ire- Manche, l'empereur appauvris-
sait ses sujets, les privai) des produits manu facturés et les ramenait
ainsi vers la barbarie primitive, mais l'espoir d'attirer plus de mal à
IVnnetni qu'il ne «'en faisait à lut-méme le soutenait dans celle lutte
insensée. Le mouvement des échanges était donc presque complète-
ment interrompu et ne se maintenait eu et la que grâce à la contrebande,
d'ailleurs encouragée en secret par maint dignitaire de l'Empire qui en
lirait un ample profit. Nul doute que l'âpre intérêt commercial n'ait été
pour une forte part dans le soulèvement des peuples qui se produisit
contre l'empire après ses premiers désastres. D'ailleurs ce fut justice:
on ne cherche pas impunément à se placer en travers de la marche des
nations.
Or, l'oeuvre entière de Napoléon, en tant qu'il ne se laissa pas porter
par le reflux normal de la réaction triomphante, consista précisément
en une intervention brutale et capricieuse dans tous les événements
i
t
BLOCUS CONTINENTAL
79
européens, dans la violation méprisante de toutes le* harmonies
naturelles qui proviennent de l'accord des peuples avec le milieu et
II* 438. L'Empire de Napoléon en 1811.
*—
MHi
1 : 2 6 0OOOOO
T HT"" T — ûftr
IBboKil.
ïies hachures inclinées recouvrent le territoire relevant directement 4e l'Bnpereur et qui
fut divisé on départements* les hachures verticales indiquent les pays dont .les potentats lui
étaient plus ou moins soumis.
dans le sens de leur développement historique; il ignorait, et voulait
ignorer tout ce qui aurait pu donner à son œuvre une stabilité au
moins momentanée. '
80 L'HOMME RT LA TBBBE. — CONTRE- RÉVOLUTION
Ainsi, sans aucune raison, si ce n'est- colle tic doter malgré lui son
frère aîné Joseph et de lui imposer le gouvernement d'un royaume
(e8o0), l'empereur attire le roi d'Espagne, Charles ÎV, et son fils Ferdinand
a Bayonne, sur territoire français, et, par la menace, force les deux
princes à l'abdication. Mais la nation ne se laissa point donner aussi
facilement qu'une eniironiie. Klle résista avec une vaillance i|iiî ne fut
jamais dépassée. Kn aucun si fcge ou ne vit année plus froidement résolue
ù mourir (pie le {'ut la garnison de Saragosse, alors que les troupes
défendant la ville de maison en maison et voyant le cercle de feu se
rétrécir autour d'elles allèrent s'agenouiller dans I* Kg lise tendue de noir,
assister à leurs propres funérailles * . Mais des gens qui restaient
indifférents à leur propre mort n'étaient point hommes à s'offusquer
de tous les crimes de la guerre el de» horreurs qui eu sont la couse*
quetice : l'atavique férocité manifestée pendant ta guerre de sept siècles
contre les Maures, puis durant la période fanatique de l'Inquisition, se
réveilla contre l'étranger qui, lut môme, apportait la violence et la
cruauté; Jamais scènes pli» Indenses ne furent reproduites que dans
Lus Estrtttjm de fadiwmt, témoignage (pie nous a laissé Goya, d'apri's
l'atroce réalité, de ces sanglantes années, D'ailleurs, la guerre de l'Inde
pendunce espagnole contre les armées de Napoléon fut dans son essence
intime beaucoup plus inspirée par la huine religieuse que pur les revendi-
cations politiques. Certes, elle nous apparaît par ses grands cotés
comme le réveil d'un peuple contra son oppresseur* mais ce peuple
obéissait avant tout a ses prêtres qui voyaient dans les Français des {(eus
sans foi, des athée» révolutionnaires et destructeurs d'images. L'ennemi
était surtout qualifié d' « hérétique » el de » juif ». C'est ta ce qui donna
son caractère d'aeliurnemenl féroce a la guerre dïSspugne. A la fin de la
tuerie, les généraux de Napoléon, dont chaque victoire était inutile,
durent évacuer la péninsule, ramenant avec un gros butin tes débris
de leurs armées que harcelaient les Anglais de Wellington, autres
hérétiques et Dis du diable avec lesquels il fallait bien patienter!
El celte guerre d'Kspagne durait encore lorsque se produisit
une nuira effroyable guerre ; celle de Hussic, encore une conception
impériale qui ressemblait à l'expédition d'Kgypte par le côté roman-
tique de l'aventure, loin de toute ligne de ravitaillement et d'appui.
1. Madame de Staôl, De CAKemagm.
GUERRES D'gSPAQMB ET DE RUSSIE
8l
Naturellement hostile a toute idée d'indépendance nationale, Napoléon
n'avait pas même eu ta précaution d'émanciper la Pologne en passant,
et de se créer ainsi un précieux, quoique bien tardif allié. Epuisé
d'hommes par la bataille de Borodino, H entra pourtant à Moscou, d'où
[Incendie le chassa, ftt, tandis qu'il s'enfuit rapidement en berline de
UAKAUOSSB, LA CATBÉÏHULB AU BOBD »B l/ÈBBE.
Cl. Kubn.édit.
voyage, l'armée bat en retraite à travers les neiges, les marécages, les
forêts, les fleuves débordés, les glaces en dérive. Les Cosaques, les loups
poursuivent, harcèlent lu multitude en déroute : ce n'est plus qu'une
traînée de bandes laissant derrière elle des cadavres, des armes, des
blessés et des prisonniers. Des 7/10000 hommes que Bonaparte avait
amenés en Russie, 1/1 000 seulement retraversèrent la frontière! Il y
eut pourtant une conséquence du terrible drame militaire que Ton peut
qualifier d'heureuse : il mil en contact avec les Slaves et tes Allophyles
de ta Russie d'Europe cl d'Asie des milliers de jeunes Occidentaux
V
5
N» i/llOMMK ET LA TKRHK. — CONTRK-RÉVOLLTION
prisonniers qui, entré» dans la vie civile des Slaves» fuient des civilisa-
teurs, dos porteurs d'idées. Nombre de révolutionnaires russes de lu
deuxième moitié du dit neuvième siècle racontent lu part considérable
qu'eurent ces prisonniers français sur l'émancipation de leur pensée.
L'empila se luttait vers tu lin. La France n'avait guère plus de soldats
valides, et maintenant on recrutait les éphèbes pour les grandes tueries.
Les peuples, voyant baisser l'étoile de Napoléon, se révoltaient sueeessi
vemenl contre lui. Kit pleine bataille, tes Saxons changèrent de rangs :
ils l'avaient aidé à se détendre, ils aidèrent à le combattre et à le pour-
suivre. Le théâtre de la lutte fut reporté en France môme, Paris lut
occupé et l'empereur enfermé dans l'île d'KIbe; mais la cage de l'aigle
était trop rapprochée de son ancienne aire : il s'en échuppa bientôt, et la
France dévastée, exsangue, dépourvue de toute volonté, n'ayant plus une
parole à dire, quoiqu'il s'unît de sa destinée même, Laissa Bonaparte
reprendre le pouvoir, comme elle avait permis que Louis XVIII le reçût
des rois étrangers moins d'une année auparavant et comme elle laissa
celui-ci te ramasser de nouveau cent jours après.
La nation entière était vraiment paralysée, impuissante contre les
hordes ennemies, qui \euaient de l'Orient, traînant avec elles jusqu'à
des tireurs d'are, Bachkir et Kalmuk ' ! Kt pourtant, après le désastre
de Waterloo, quand les garnisons étrangères s'établirent pour lu deuxième
fois dans les citadelles françaises, ou s'aperçut que l'esprit de la Révo-
lution avait continué souterrainemeut son œuvre, puisque le monar
que comprit que tout d'abord il devait se présenter a ses nouveaux sujets
en tenant à la main une charte parlementaire. Il prétendait l'octroyer
gratuitement, mais t'eût -il donnée s'il ne s'y fût senti forcé?
La restauration de la dynastie dite légitime des Bourbons, ainei que lu
déposition de toute la famille ou du clan Bonaparte, même l'exécution
de l'un d'eux, le roi de Naples, Murât, révélaient le plan des rois qui dis-
posaient maintenant du sot de l'Europe : ils voulaient, envers et contre
tous, rétablir l'état politique et social du « concert » des nations te) qu'il
existait avant la prise de la Bastille; ils entendaient que la Révolution
française, que l'empire même n'eussent pas laissé de trace.
Après sa victoire, si chèrement achetée, qui ta laissait sous le fardeau
1. Jean de Bloch, La Guerre, t, I. Description du mécanisme de la guerre, p. 21,
SAINTE ALLIANCE 811
d'une dette nationale, alors considérée comme formidable, de vingt
milliards, et qui avait réduit plus d*un million d'hommes à une misère
sanr espoir, la Hrande Bretagne s'était enfermée dans son « isole ment
splendlde »u tandis que les trois grandes puissance» de l'Europe continen-
tale, ta Russie, l'Autriche, la Prusse, s'étaient étroitement rapprochées
pour constituer la •> Sainte Alliance » ; des formules mystiques indi-
quaient le caractère sacré de leur union. Les trois souverains se plaçaient
CI.P.UfltteelCK
COHOftfcS DB V1BHSB, 1814*1815,
Les doux grands hommes du Congrès étaient Metternich (assis à droite), auteur de la
formule : « L'homme commence au baron », ot Talleyrand (debout & gauche) .- « La parole a
été donnée a l'homme pour déguiser sa pensée ».
sou» la direction immédiate de Dieu, et, quoique représentant trois
cultes différents, orthodoxie grecque, catholicisme latin, protestantisme,
se laissaient également diriger pur l'esprit de la Rome papale, par son
intolérance religieuse: sous cette direction savante, ils voulaient rétahlir
à tout prix le « principe » d'autorité.
f /acte de la « Sainte Alliance », préparé de novembre 1814 à juin
1816 par le congres de Vienne, et signé à Paris le utl septembre rtti5
entre les souverains de la Russie, de lu Prusse et de r Au triche, déclarait
que les trois signataires se considéraient comme « délégués par la Provi-
dence pour gouverner trois branches de la Wme famille »> , et cette famille,
v s*
N'i L'HOMME ET LA TEftRE. — COSTRE-RÉVQLUTION
on devait la dresser suivant t 'un tique méthode du châtiment d'umour.
En France* la réaction nobiliaire et cléricale se rattachait frénétiquement
a l'ancienne tradition monarchique et se conformait aux ordres ûu pape,
à la direction des mission nuire» jésuites; des miracles, accompagné»
cà et là de massacres, se firent dans tes provinces on tu masse du peuple
était encore pleinement asservie h ses prêtres, l'oppression devint si
violente et si haineuse eontre ceux qui ne se prosternaient pas dévotement
devant t'Rglise triompliunte que toute» les oppositions, même les plus
disparûtes, eu vinrent à se réconcilier : les vieux républicains qui
avaient planté les urbres de la liberté et proclamé les droits de l'homme
s'associaient avec les bonapartistes idolâtres dont les yeux étaient
toujours tournés vers Sainte -Hélène. De nouvelles déceptions, des révo-
lutions avortées se préparaient ainsi pour tes générations futures.
Les premières victimes du zèle de lu Suinte Alliance furent précisé-
ment les hommes de dévouement qui avaient lutté avec le plus
d'ardeur contre Napoléon, l'ennemi commun. La « ligue de la Vertu »,
Tuyendbutui, qui s'était constituée en société secrète pour la reconquête
de l'indépendance et de l'unité allemandes, fut officiellement dissoute
et ses membres les plus actifs se virent persécutés pur le gouvernement
môme qu'ils avaient rétabli dans sa force; les camaraderies d'étudiants
furent aprciucnt surveillées ; le régime de l'espionnage se glissa dans
lu jeunesse pour la désunir et la corrompre; on alla même jusqu'à
poursuivre tes sociétés de gymnastique comme autant de repaires de la
révolution haïe.
A l'orient de PKurope, l'œuvre de réaction si; produisit sous une
autre forme, pur l'accroissement du territoire asservi. La « Sainte liussic <>
s annexa ce qui restait de lu Pologne, le grand duché de Varsovie, avec
promesse u npéria le d'en ohserver la consl il ulion, d'y respecter la liberté
de la presse et celle de l'individu, enfin de maintenir la représenta lion
uutiouale ; mais un empereur ne se sent jamais lié par se» engagements,
les homme» d'Etat qui t'entourent trouvent toujours te moyeu de justitier
le crime : les Polonais eurent à partager l'asservissement des Musses et
des autres sujets de l'Empire, Kuropéens et Asiatiques.
Par un phénomène remarquable de contraste facilement explicable,
il se trouva que l'Espagne, seule en Kurope, tîl exception u ce mou
vement général de retour en arrière: les hommes avaient retrempé leur
énergie dans la lutte, et si les popululious de la Péuiusule eussent été
RÉACTION £N K8PAONK 85
liasses ù clhMiiômc par la réaction européenne* e'esl ta révolution qui
eftt triomphé du il mit divin. Ramené a Madrid par les alliés, le roi
N« 438, L« détroit d« Gibraltar.
*
i: 1260000
à 1 fl" Vs Kll.
L'Ile do Léon est 1» nom du pédoncule, maintenant rattaché au continent, et à l'extrémité
duquel se trouve Cadlg. T — Trocadéro, combat du 31 août 1833.
r'crdiuuud VII, qu'entourait toute une cour d'inquisiteurs et de moines,
sutait empresse* de restaurer le régime du bon plaisir; ne daignant
point consentir & faire la part du feu eommo Louis XVHI en France, il
80
L'HOMME ET LA TERRE. — CONTRK-névOLUTION
repuuasu lu constitution que lus Curies avaient volée en 1812. pendant
ta guerre d'insurrection contre les Français, et 8e déclara mettre absolu.
I/inquiHiltott, rétablie, se mil à fonctionner non seulement contre les
hérétiques, mais aussi et surtout contre les libéraux ; les prisons s'em-
plirent ; des militent d'Espagnols, et des meilleurs, prirent le chemin
LE EOCHJSR DE QIBRALTAR
Vua prise du fond de la baie d'Algésira»,
H. J. Kiibn.âdtt.
de l'exil. Mais le besoin de liberté qui agitait la nation dans ses profon-
deurs, conséquence logique de l'héroïsme persévérant qu'elle avait
montré dans sa guerre d'indépendance, était trop impétueux, trop
général pour que le roi, pauvre personnage ignare, inintelligent et
lAche, put trouver en soi cl dans son entourage de confesseurs jésuites
les ressources nécessaires à la lutte.
Des révoltes érïatf'rent sur tous les points de l'Espagne et la
guerre de partisans recommença comme au temps de Napoléon.
Menu* l'armée se retourna contre le régime des prêtres. Hiego s'empare
(i8uo) des forts de l'île de Léon qui commandent au sud les abords de
(ladix. et l'hymne que chantent ses soldats est repris avec enthou-
siasme eu (inlire, en Hiseave, en Vauirre.à Murcieet a Madrid ; on broie
SOULÈVEMENT DE L'ESPAGNE
«7
les cachots de rtii(|uUiliot>, on b* met eu m» relie ver» le palais du mi.
Alors l'histoire se répète, cl tes péripéties qui s'étaient déroulées en
France « lu veille de lu Hévolution se reproduise) il en Espagne. Le roi
effrayé promet le réta
blissementde la cons-
tilution de tHia el
renouvelle son ser-
inent au peupleentassé
devant le pavillon
royal, L'Inquisition
csl abolie par décret,
el les prisons rendent
leurs captifs; même
deux martyrs, qui
soutirent encore des
suites de la torture
subie dans les cachots
du Suint-office, siègent
comme ministres dans
ie conseil : on abolit
les majorais ; tes cou-
vents, dans lesquels
s'était accumulée lu
richesse du pays, sont
obligés d'en rendre
une part. Lu bourgeoi-
sie triomphante se fait
courtoise et parle
méritoire, taudis que le roi, ruminant su vengeance, machine des con-
spiration» avec la u junte apostolique » de l'intérieur el avec les souve-
rains étrangers. C'est alors qu'on vit ce curieux spectacle d'une armée
fnmciiise pénétrant en Kspogne (i8«3) pour y accomplir une mis-
sion analogue à celle dont l'armée de Brunswick avait été chargée en
France au commencement de lu grande Hévolution : le due ri'Angou
léme, neveu du roi Louis XVIII. commandait les forces d'invasion.
1. Gravure empruntée à Us Phéniciens «t t t Ody$sie par Victor Béranl, librairie
Armand Colin.
LA GBOÏTB DE CALYP80 DANS l/fLB DE PÉBÉJJL *
KK l/llOMMB ET LA TBRRE. — CONTKE-RiSVOLUTlON
qui s'avançaient prudemment clans ces redoutables défi lég» où, quelque*
années auparavant, tant d'autres Français avaient été massacrés. Mais
cette foi» les envahisseurs étaient favorisés par la clergé, et I* « armée
de la lui », formée de bandes recrutée» ça et la dans les villages, autour
des couvents et des églises, leur ouvrait le» chemins. Ru moins
de dix mois, la campagne était terminée : l'urinée française s'était
emparée de Cadiz en délivrant le roi de la captivité respectueuse à
laquelle il était soumis, et de nouveau le malheureux, rendu à son
instinct de brutalité féroce et protégé par une armée d'occupation
qui le défendait contre sou propre peuple, put se livrer avec joie a
la persécution de ses ennemis. Mais la désorganisation financière et
administrative ne fit que s'accroître ; l'Espagne eut même à subir la
honte de voir les corsaires d'Alger capturer ses navires et dévaster
ses côtes sans qu'il lui fut possible de se défendre.
La détresse de la monarchie espagnole se compliquait des guerres
extérieures qu'elle avait alors a soutenir contre ses colonies d'Amérique.
On sait avec quelle apretc jalouse les successeurs de Charles-Quint avaient
veillé sur leurs possessions d'outre mer. Ils avaient taché île faire les
ténèbres et le silence sur ces territoires immenses et n'en exploitaient
eux mêmes les richesses que par un strict monopole attribué à quelques
maisons financières, qui étaient également soumises à une soupçonneuse
inquisition. Cartes, plans, statistiques, documents d'histoire et d'ethno-
logie étaient scrupuleusement cachés dans les archives, et peine de
tnorlélait prononcée non seulement contre les pirates qui violaient les
côtes défendues rmiis aussi contre les naufragés qu'y jetaient les
accidents de mer. Ce ne fut pas donc l'un des moindres triomphes de
l'esprit philosophique du dix-huitième siècle que l'autorisation gracieuse
donnée à des astronomes français de mesurer un arc de méridien sur
le plateau des Andes équutoriales et, plus tard, la licence de voyages
d'exploration concédée à des Espagnols et a des étrangers. C'est ainsi
qu'on vit un Félix de Azora, envoyé spécialement pour délimiter les
frontières htspauo portugaises, s'occuper cependant de la géographie
des contrées plalécimes, des mœurs de ia population, des animaux et
des plantes de la pampa, puis publier ses recherches en de grands
ouvrages destinés au public. De même, les Néo-Grenadins Mulis et
Caldas, les Espagnols Huiz et l'avon s'occupèrent de l'histoire
ISOLEMENT DE l'aMÊBIQUE ESPAGNOLE 8()
naturelle des région» andine». Ktifln. MexaiidredeHumboldl, aavanl
N° 440. Empira Hlftpano*Américaln,
i5»»WA6r. 10»*
1 : 80 000 000
o loôô ioàô 4feo KI1.
Amérique centrale* O., Guatemala! H., Honduras» 8., San Salvador; N., Nicaragua*
C.-R., Costa-Ricas P., Panama. - Guyane : G., Georgetown j P., Paramaribo j C, Cayenne-
- Antilles : J-, Jamaïque j H., Haïlij S. D., Saint-Domingue i Pu., Puerio.Rico.
riche» bien apparenté, fortement recommandé par la diplomatie euro-
péenne, réussit à forcer l'on Iréo du Nouveau Monde espagnol, en compa-
!*" L'HOM«E ET LA TERRE. — CONTRE BÊVOU'TION
gnie tic son ami Boiipiamt (1790), et put accomplir ce mémorable
voyage dans l'Amérique équiuoxiate et sur te plateim n unirai n, qui
fut une véritable révolution dans ta connu iswu»ee de tu Terre et de*
hommes.
évidemment révolution naturelle devait tendre à séparer de
1'Kspague ms colonie» améiicatue* comme elle avait séparé de la
Grande Bretagne les trefose groupements politique* devenus les Ktats
Unis. Au sud 00m nu* au nord du double continent, Ion descendants des
Européens subissaient avec rancomr et mépris les «mires qui leur
venaient de la mère pairie, devenue pour eux l'étranger, maigre* la
communauté de ta langue et des traditions; privés de toute initiative
dans la gérance de leurs intérêts locaux, ils n'acceptaient qu*a\ec rage
et le sentiment de leur droit violé la direction des personnages
inexpérimentés et incompétents qu'on leur envoyait d'Kurope, princi
paiement pour se faire une grosse fortune dans leur proeousu lai; mais
dans les contrées de t'IIÎspano Amérique, ces groupes de mécontents
étaient restés pendant trois siècles trop peu nombreux et trop clairsemés
pour que leurs sentiments tacites pussent se I nui s former eu un grand
mouvement de révolte collective*. La tension des esprits n'était pas
assez puissante encore: lu vapeur contenue n'était pas arrivée à une
pression suffisante pour vaincre la résistance des parois solides qui
l'enfermaient. D'ailleurs, la situation se trouvait particulièrement
compliquée dans l'Amérique espagnole par ce fait, que les blancs peu
ou point civilisés, qu'ils fussent Espagnols ou créoles, s'y trouvaient
en contact plus ou moins immédiat avee les populations autochtones
qui constituaient la masse de la nation et contrastaient avec eu* par les
langues, les traditions, les conditions économiques, l'état intellectuel et
moral.
Les Hispano-Américains étaient donc en présence de difficultés
capitales que n'avaient pas rencontrées les A nglo Américains dans leurs
premières tentatives d'indépendance politique. Môme par un singulier
enchevêtrement «les forces en lutte, les révolutions de l' Amérique
espagnole, très multiples dans leurs origines et leurs manifestations,
prirent en maints endroits un caractère nettement clérical cl rétrograde :
ce furent tout d'abord autant de con Ire révolutions, ha désagrégation
politique et militaire qui se produisait alors dans l'état de la péninsule
Ibérique ayant pour conséquence forcée de livrer a elle intime ebaruoe
SOULÈVEMENTS ROYALISTES EN AMÉRIQUE 01
(tes colonies, celles-ci «lurent d'abord , sans résistance tri appui de la métro-
pute, chercher individuellement un équilibre naturel, ton forme à l'Idéal
composite qui représentait la résultante de leur» intérêts et de leurs vieux.
Or. presque partout, tes soulèvements, loin ri'clre suscités par des
revendications républicaines, libérales ou môme patriotiques, se recla
nièrent <le (a fidélité ù l'ancien régime. C'est aux cris de t. Vive Ferdi-
nand VII », le souverain légitime de l'Espagne, même à ceux de « Vive
la suinte Eglise *» que se levèrent les insurgés : ils se croyaient fervents
royalistes, quoique l'obéissance ne transige point, tuais leurs révoltes,
de uni tin* conservatrice pourtant, n'en contenaient pas moins en germe
des révolutions futures.
Le premier ehoe qui causa l'ébranlement général de t'Vmérique
espagnole lut l'entrée des troupes de Napoléon dans la Péninsule, puis
à Madrid : en déposant te roi Bourbon sur le continent d'Europe,
l'empereur lui suscitait, par contre coup, de l'autre coté des mers. i\a
ri*» Bravo <lol Aorte au ri» de la Plata, des multitudes de défenseurs,
qui. lancés dans le conflit des batailles, se retrouvèrent dix ou
\ingl ans après eu un milieu nouveau, bien différent de celui qu'ils
avaient rêvé. De tous les éléments en lutte, fidélité monarchique et
ferveur républicaine, dévotion catholique et liberté de la pensée,
ressouvenir tles vieilles races précolombiennes et désir de constituer
une gruudc nation humaine sans préjugés d'origine et de couleur,
aucun, soif asservissement économique, soit libération du travail, ne
triompha complètement et, de tous les conflits, des compromis, des
concessions mutuelles, sortirent t\va république.* politiquement indé-
pendante»-, d'où l'esclavage tles noirs avait disparu, de même que le
régime oppressif des repart tmirtitos et de la mina, mais qui, presque
toutes, restaient soumises à l'Eglise romaine et au gouvernement mili-
taire. Les anciennes nations aztèque, maya, muysca, quicliua, guarani
s'étaient reconstituées en groupes ethniques et, en môme temps, trans-
formées en peuples modernes, avec de nouveaux alliages <lc race, une
langue, un idéal renouvelés.
L'immensité des territoires compris dans l'Amérique espagnole, des
montagnes Hncheuscs aux étendues de la pampa, empêchait d'avance
tout mouvement d'ensemble dans les insurrections et les guerres qui
devaient aboutir à la constitution des républiques bispa no -américaines.
Les distances étaient trop grandes pour que les communications fussent
<)"* L HOMME ET LA TERRE. — CONTRE-RÉVOLUTION
possibles ; tout au plus de values échos apportaient tes nouvelles, plu*
ou moins déformées, île» événements accomplis. Les soulèvements
se produisirent à des milliers do kilomètres d'éloignemcnt respectif et
Ton s'étonne même que la solidarité des Intérêt)* entre les défenseurs
de l'indépendante commune ait pu triompher de tant d'obstacle
matériels pour amener peu à peu une eertaine unité d'efforts entre de»
population» groupées un tour de centres si distants tes uns des autres.
Celte localisation forcée des premières tentatives d'indépendance
permet à plusieurs villes de revendiquer l'honneur d'avoir été les
initiatrices de I» liberté, suivant l'importance qu'elles attribuent a (et ou
tel mouvement prémonitoire. De» Tonnée 1809, Quito s'était prononcée
au nom tic " Ferdinand MI et de lu sainte Kglise •> ; muis cette révolution
locale, due à quelques avocats créoles, se lit sans que lu nation
éeuadorienne y prit la moindre part et sans que les vibrations se
propageassent au delà des frontières, A Mexico, a Caracas, à -Bueuos-
Aircs, les soulèvements eurent une portée plus considérable et furent
les points de départ des luttes nationales qui durèrent pendant plus
d'une dizaine d années pour aboutir cnlhi ù la défaite définitive de
l'ancienne métropole.
Kn iHo8déjà, des troubles ayant éclaté dans la ville de Mexico, le
vice-roi Ilurigaray avait été emprisonné, mais la révolution proprement
dite n'éclata que deux années plus tard, dans le village de Dolorès, au
nord de la capitale, sous la direction du euré Hidalgo. « au nom de la
sainte Religion et du bon roi Ferdinand VU •>. La lutte, très meurtrière, se
continua moins entre des partis nationaux qu'entre des sectes religieuses,
adoratrices, Tune de Noire- Dame de Montserrat : c'étaient les Kspa-
gnols, l'antre de Notre Dame de (iuadalupe : c'étaient les Indiens de
rVnahuae. (■race à des révolutionnaires généreux qui vinrent de la
Péninsule même pour donner au\ révoltés de l'Vnahuac un sens plus
élevé de lu guerre qui avait déjà coulé tant de victimes. l'indépendance
de In « Nouvelle tis pagne . . connue désormais sous son nom de Mexique,
fut enfin proclamée, el les (Jacltupincs, dénomination haineuse sous
laquelle on embrassait tous les Espagnols, durent quitter le Nouveau
Monde. Mais que de Ibis lu république mexicaine ressembla 1 elle à un
empire absolu, ù un héritage de Montezuma!
Quant aux populations de l'Amérique Centrale, divisées actuellement
en cinq républiques distinctes, elles ne prirent a la lutte contre l'Espagne
MEXIQUE, AMERIQUE CEMTEALE (j3
qu'une pari assez nonchalante et subirent successivement des tyrannies
diverses, dont l'étiquette est devenue républicaine depuis i8»3. Le travail
intime qui *e piodiusit dans ces mitions où. sauf dons le Cosla-IUca,
l'élément indigène, encore mai « latinisé ■>, l'emporte de beaucoup,
consola surtout dans le conflit entre les deux tendances de la centrali-
sation politique et de l'autonomie locale. Le manque force de relations
en Ire des foyers de vie très éloignés, n'ayant aucun ceulrc de puissance
d'attraction considérable, a nécessité la rupture de ia région isthmique
en Klats correspondant a autant de pays ayant chacun leur caractère
physique bien déterminé, une véritable individualité géographique. Le
(iimlemala possède une ossuture continue de plateaux et de cônes
\olcaniques parallèles a l'Océan; le Salvador, beaucoup plus populeux
eu proportion mais de bien moindre étendue, ouvre de larges vallées
entre ses volcans alignés; le Honduras se déploie en un immense éventail
\i»rs la cote basse de la mer des Antilles, tandis que son versant iriéri
diotial s'incline en un hémicycle régulier autour du golfe de Fonseea:
le Nicaragua n'a de régions peuplées (pic sur le pourtour de son grand
lac, élevé seulement d'une trentaine de mètres au-dessus de la mer, et le
(Îostu-Hicacst une zone transversale de grande hauteur se redressant entre
les deux mers et bordée au nord d'une chaîne de volcans. I /ensemble de
l'Amérique Centrale, sinueux et découpé, n'a point d'unité géographique,
el la nature, autant que la rivalité des ambitions locales, a contribué a
l'insuccès des tentatives de fédération qui se sont produites à diverses
reprises pendant le cours du dix neuvième siècle.
Dans le continent méridional du Nouveau Monde, les grands intérêts
avaient gravité principalement aittour de Buenos Aires el de l'estuaire
de la l'tatu dont l'importance commerciale était déjà grande et dont il
était facile de prévoiries haules destinées mondiales. Les Anglais. devenus
les matlres incontestés de l'Océan après la destruction des flottes espa-
gnole et française à Trofalgar. s'étaient empressés, en i8no\ de faire une
démonstration navale devant Buenos \ircs et de proposer aux Argentins
li»ur patronage et leur concours en cas de révolte contre TEspugne. Mais
on se défia prudemment de leurs offres intéressées et par deux Ibis les
« Porte nos ou résidants du Port -> de Buenos Aires les obligèrent au
rembarquement, C'est à la pleine indépendance qu'ils pensaient déjà, el
dès le commencement de 1K10 une junte révolutionnaire s'installait dans
la capitale. En peu d'années, les insurgés arrachèrent tout le territoire
0$ L 1 HOMME ET LA TERR8. — CONTRE-HÉVOLITION
de l'Argentine a la domination <lo» Kspagnnls. Quant à l'enclave
naturelle comprise entre les tient fleuves Paraguay cl Parana, ses
habitants, (îuarnnî silencieux, obéissaient avec ferveur a lu petite aristo
cratiedes blancs de r.\suucinn, comme au temps de la « réduction »> ils
a vu lent obéi à leurs confesseurs, les missionnaires jésuites; Us avaient
accompli prestement leur révolution politique eu se dégageant Hcrupu
IcuKcmcut de toute solidarité avee leur» voisins de l'Argentine. Pendant
plus d'un quart de siècle, le petit Mat, dit république tic Paraguay, resta
presque complètement fermé aux étrangers, autant que Tétaient alors la
Chine et le Japon. Il est vrai que eette fermeture fut imposée par un
homme, type presque inégaté de ces despotes auxquels tout un peuple
obéit aveuglément. Krancia. fils d'un Français et d'une Paraguayenne, se
traça une ligne de conduite rigoureuscà laquelle il se conforma toujours.
Il régna par la terreur, tuais sans cruauté : matin 1 des Aines, il l'était des
corps, à la fois dictateur politique et confesseur universel.
Toutes les auta's populations soulevées de l'Amérique espagnole
se sentaient heureusement solidaires dans leurs revendication* contre
leurs anciens maîtres. (/Argentine en donna un glorieux exemple, eu
i M 1 7 . lorsque les cinq mille hommes qui formaient l'armée de San
Martin franchirent les Andes avec tout leur attirail de guerre pour aller
au secours des insurgés du Chili. Les troupes espagnoles attendaient
l'ennemi à l'issue du col de ta Gumbrc, où passait le sentier suivi par
tous les voyageurs, mais le général argentin, dérobant su marche, s'était
porté au nord par le Valle Hermoso ou « Beau Val ». vers un col, ou
tor/arti, de 3505 mètres de hauteur, d'où il redescendit aur le versant du
Pacifique pour tourner les positions des Espagnols et leur infliger, à
Chaeabuco, une première défaite, suivie l'année d'après de la victoire
décisive de Maipo. lue flottille chilienne débarrassa même le littoral de
toutes les tentatives des anciens maîtres.
Dans la partie septentrionale du continent, c'est aussi à la solida-
rité des petites armées d'insurrection qui s'étaient formées sur plusieurs
points du territoire, des bouc lies de l'Orénoquc aux terres salines de
l'Ataeama, que les républiques américaines durent de pouvoir conquérir
leur indépendance après de terribles péripéties et même des désastres qui
paraissaient définitifs. C'est eu 1810 que l'insurrection éclata dans
Caracas contre le régime espagnol : elle fut bientôt étouffée, 'le
terrible trcmhlcmcnl du sol qui renversa la capitule et plusieurs autres
ARGENTINE, PARAGUAY, CHILI o5
ville* tl 11 Venezuela ayant été vmmAM pur les nombreux dévots de lu
contrée connu* 4 une punition (t'en haut Mais la lutte reprit sur d'autres
11° 441. Valparaiio «t l'Aconoagua.
Ô"
i: 2 600 000
ifoKH.
pointa, notamment dans lu Nouvelle-Grenude, et plusieurs batailles
liiîureuHes remportées par le patriole Bolivar lui ouvrirent les portes
«)<i L'HOMME ET LA TRRRK. — CONTHB-R^VOLUTION
de Carucàs 1 1 H i ."4 > . Bientôt il eut à fuir pour la seconde foin ci à
reprendre la campagne sur les plateaux néo-grenadin». Poursuivi par
l'insuccès, il se relire encore à L'étranger, puii, en fHtti, H apparatl de
nouveau dans te Venezuela, et cette fuis il peut lutter avec acharnement
sans abandonner te territoire contesta et commence par s'assurer le
concours de» esclaves en proclamant l'abolition de In servitude. Cent
alors que la guerre prend une allure vraiment révolutionnaire et répu-
blicaine. I*e roi Ferdinand Vif est oublia, et les Uanâros des grandes
plaines du Venezuela, non moins hardis (pie les Guuchos des pampas
platéennes, parcourent l'espace sur leurs chevaux rapides, enivres de
leur sauvage indépendance. Se massant et se dispersant tour à tour, ils
surprennent l'ennemi en lui échappant soudain ; on voit mémo un
escadron de ces bandes se lancer en plein fleuve pour s'emparer à ta
nage d'une flottille espagnole. lVaprès la légende, cette merveilleuse
cavalerie était composée de fantômes : c'étaient des revenants, des Ames,
(pli entouraient h* général Paca, le meilleur lieutenant de Bolivar. D'un
autre côté, on voit le gouverneur général écrire au roi a la suite
d'une victoire sur te*» Colombiens ; » Toute personne sachant lire et
écrire a été traitée comme rebelle ; en détruisant tous ceux qui ont ce
savoir, j'espère couper ù la racine l'esprit de rébellion «.
Kn iHj() t la région des montagnes grenadines était déblayée de
soldats espagnols; deux ans après, la victoire de Carabobo (juin i8«i)
libérait le Venezuela, mais Porto Cabcllo résista jusqu'en i8a3. Entre-
temps, Bolivar était allé au secours des Ecuadoriens et des Péruviens.
1 «a aussi, a Ayacucho (19 décembre iSs4). les Espagnols furent mis en
démute. Sauf Callao, qui ne tomba qu'en 1836, tout l'immense empire
colonial de Philippe II s'était constitué en républiques nominales n'ayant
certes pas encore conquis leurs libertés civiques, muis jouissant déjà
d'une pleine indépendance comme Etats autonomes. Même dans la mer
des Antilles, où pourtant le gouvernement espagnol pouvait envoyer plus
facilement des secours, la moitié de Die d'Espaftota qui lut restait
s'était également afl'rnncbie de son pouvoir, d'abord sous drapeau
colombien, puis en alliance avec Haïti. L'Espagne garda, pour près
d'un siècle encore, l'île de Cubu, <• la perle des Antilles » et Puerto,
Rico avec un cortège d'Ilots faiblement habités. De tout ce Nouveau
Monde que lui avait donné Colomb, elle n'avait su conserver que ses
plantations de sucre et de tabac avec leurs campements d'esclaves.
VENEZUELA.
NOUVELLE-GRENADE
u:
Délivrée» de maître» ou Itilour» étrangers, les républiques hispuuo
américaine» en profitèrent rapideiumit pour développer tour commerce,
désormais ouvert à toutes les nations européen! ma ; mais elles n'en
restaient pas moins pénétrées des préjugé» anciens, du vieil esprit
théocraliquc des Aztèques et des Inea, à peine modifié par le régime de
la monarchie cléricale
qui avait sévi pendant
trois siècles. U 1 chan-
gement le plu» consi-
dérable produit dans
tes masses populaires
provenait de la guerre
d'indépendance où
leurs diverses pas-
sionssYlaicntexnllées,
aussi bien l'amour du
pillage et la férocité
que l'audace et la vail-
lance. Kn outre* le
libre contact uvec des
immigrants de toute
origine devait élargir
les esprits et préparer
l'alliance future entre
les hommes. Mais les c«wnetd« «lump*. biw, ïtoUowte
.... . . 8IK0M BQMVAH, 17834830
républiques naissantes
n'étaient pas encore prêtes a s'unir en cette gronde fédération à laquelle
les conduisaient les luttes communes récemment supportées, l'expé-
rience de tribulations anulogues, le souvenir des mêmes souffrances,
l'usage d'une langue policée et la disposition géographique du con-
tinent, si bien équilibré dans ses contours, qui leur sert de demeure.
Le congrès de Panama, auquel Bolivar convia les républicains,
les représentants des républiques hispano-américaines (»S*4)» n'aboutit
qu'à des échanges «le politesse cl à de^w^ulions sans portée : il était
impossible que des populations *^&të { feaijtos, comme l'étaient les
descendants métissés des Muy/ç& de» Quictua, des Aymara, des
Araucans, pussent apprécier Id^lcfcq * l'uSilm fédérale entre des
*)H L'HOMME KT LA TERRE. — CONTRE-RKVt>LUTiON
contrées lointaines qui connaissaient à peine le iiuru l'une de l'autre, et
(c sens môme du choix que Bolivar avait tait de Panama comme
umphictyonie de l'Amérique émancipée devait leur érhapper complète-
meul. Qui! pouvaient-elles «avoir de ee seuil des deux mers, destine
a devenir un jour le graud intermédiaire de* richesses sur ta rondeur
terrestre ? D'ailleurs, te mouvement de réaction qui succède immunqua
htement aux convulsions soudaineK se produisait alors dans tous ces
Etats* et Bolivar lui même, qui s'acharnait a t umvre impossible de
eutmilerlftt présidences de républiques, con tribun pour tint- forte part à
cette inivre rétrograde. Se substituant aux anciens maître*, il voulut
gomerner parles mêmes moyens, suppression des journinix. rétablis
sèment des monastères et de leurs écoles, interventions militaires, restau-
ration de lu dictature. Mais il n'eut pus le temps d'exercer le pouvoir
absolu. Déposé avec honueur.il s éteignit O83o) dans son domaine de
San Pedro, près de Santa Marta, en se plaignant de la destinée ;
« Qu'avons nous Tint sinon de labourer la mer? .» s écriait il. Mais avait
il bien compris les événements dont il avait été le principal acteur et qui.
tout eu détiidiaul de l'Espagne ses anciennes colonies, les avaient lait
entrer dans la grande confédération de nations progressistes, libre
meut ouvertes à t'influence de la civilisation européenne '}
Kh même temps que l'Espagne, le petit royaume de Portugal vit ses
im trieuses possessions coloniales du Nouveau Monde lui cchupper. en
apparence par le contre coup de* révolutions d'Europe, mais en réalité
par incompatibilité d'humeur entre tes autorités de la métropole et les
lia h liants de la colonie. Les Portugais de l'Amérique, devenus presque
aussi nombreux que ceux du littoral d'origine, se sentaient assez torts
désormais pour refuser obéissance aux injonctions venues de Lisbonne
et prétendaient se gouverner eux-mêmes. A cet égard, l'opinion se trouva
tellement unanime que le Brésil, tout eu se manifestant comme Etat
monarchique, se détacha du Portugal sans crise révolutionnaire, même
sans effusion de sang: i) lui suffit, eu i8r;. de donner le choix à son
régent Pedro de Bragance entre l'exil ou un trime impérial. Entre son
loyu Usine de soldat et son ambition de prince, le personnage n'hésita
pas, et le Brésil prit son rang parmi les grands Etats autonomes.
Tandis «pie le domaine de la civilisation à type européen s accroissait
dans le Nouveau Momie de toutes les régions continentales où reson-
BHÉSIL KT PORTUGAL UO
nuient les tangue!* (lu 1'thérie. espagnol et portugais, il s'annexait dans
le bassin de ta Méditerranée cette petite terre (Je Grèce, précieux héritage
des temps passés que les conquérants Osmunli avaient rattachée viulçm
ment pendant quelques siècles au monde de la culture asiatique, l*ar un
mouvement de reflux dans le sens d'Occident en Orient, l'Europe repre
naît la eonlréc qui. parmi toutes, devait être considérée comme le pitys
niante des origines, celui dans lequel s'était accompli, ce ni générations
auparavant* ci 1 grand labeur intellectuel et moral cpii fut te point rie
départ de notre activité moderne.
Après rinterventiou russe, en 1770» les Hellènes de lu VIorée ut des
lies a\ aient eu à subir de terribles représailles, surtout de lu part des
bandes albanaises que le gouvernement turc avuil lâchées dans la Grèce
avec licence de meurtre et de pillage. De nouveau, on put se demander
si les vaincus pourraient se relever de leurs désastres.
Certes, la race grecque, ou plutôt l'ensemble des diverses populations
qui parlaient l'idiome hellénique et qui* l'on comprenait sous le nom de
« Grecs *>, aurait été complètement exterminée, jamais la nation n'aurait
pu resurgir, si le régime imposé par les conquérants turcs après la prise
de Gonstantinople avuil duré plusieurs générations. Tous les tirées
avaient été déclarés esclaves, sans droit de rien posséder en propre, et,
passé l'Age de dix uns, cluicuu devait paver un tribut, le har<tt:rh< pour
racheter une année de vie. (Iliaque année, les chrétiens avaient a livrer
un enfant sur cinq, aliu qu'il fût élevé dans le culte de l'Islam et dressé
à la guerre contre ses propres compatriotes. Beaucoup de mères tuaient
leurs fils de leur propre main pour les soustraire ù celle ellroyable
destinée, puis elles se tuaient aussi. Heureusement, les Turcs ignorants,
incapables de gérer l'administration formaliste de ce qui avait été
l'empire bysanlin, devaient s'en remettre pour cette besogne a des
étrangers, c'est à dire précisément a des Grecs qui devenaient respon-
sables pour l'ensemble de leur nation et qui, moyennant finances ou
complaisances, réussissaient souvent à se faire accorder des privilèges
pour eux-mêmes ou les gens de leur nationalité. Bientôt le jour vint où
les Grecs ne furent plus obligés de livrer leurs enfants pour le service
des armées; môme nombre d'entre eux. grâce à leur souplesse aussi
bien qu'à leur intelligence des niTaires, arrivèrent à exercer de3 fonc-
tions diplomatiques fort élevées comme drogmans, secrétaires* ambas-
sadeurs effectifs sinon officiels.
HH> L'HOHME ET LA TKRRK. — - CONTRE-RÉVOLUTION
Bien plus, des Phanariotes, c'est à dire des Oees né» dans te
quartier «îo Constant iuopte dit le Plumai- nu le u fanal », obtinrent,
en î^Jt. la domination de la Moldavie el de la Yalacliie suit» la suze-
raineté du Millau. D'ailleurs les maître* Osmanli n'exerçuienl point
d'exactions savantes : ils n'emparaient de» terres, ou liien ne bornaient 11
piller les récoltes et les maisons, à demander double* et triples impôts,
à 1 Mitonner les mécontents, mais dans lotir groupement civique, les
tirera avaient toujours conservé les aneieunes coutumes, et, sous la
responsabilité d'archontes ou de démogéronlcs, la direetion (le leurs
écoles et de leurs églises. Non seulement |u pratique uiuis aussi l'étude
de leur langue a\ aient contribué à maintenir chez, eux lu conscience de
l'unité nationale. Les Turcs leur permollaienl également le libre exercice
de leur religion el donnaient à leur patriarche une place émincnlc à cAlr
de la Sublime perte : la tolérance du mépris était poussée si loin de la
pari des vainqueurs (pie dans leurs prières quolidienncH tes orthodoxes
grecs demandaient à Dieu et aux saints l'écrasement des barbares,
c'est à dire de leurs maîtres turcs 1 .
Môme l'appropriation des terres par les pachas turcs avait tourné
contre eux en forçant le* tirées dépossédés à tourner leur génie na-
turel vers rîndustrieet surtout \crs le commerce : ce déplacement de tra-
vail eut pour conséquence de livrer tout le mouvement des éehunges
11 des hommes qui, par leur nom. leur langue, leur apparence même,
et souvent par leur propagande active, étaient les porteurs de l'esprit
d'indépendance et rattachaient les uns aux autres, sur tous les points
de l'Orient hellénique, tes éléments d'une constante conjuration, tënlln, il
existait encore des (ireesqui, malgré la complète uiahomélane, avaient
su garder intact le trésor de leur nationalité : c'étaient les Arumtoles
de la Thracc, de la Macédoine et de lu Thessalie, qui gîtaient dans les
hautes vallées, sur les plateaux escarpés, et qui, grAec à la complicité
des paysans d'en l>as t se montraient soudain dans les fermes des Osmanli;
c'étaient aussi les Meubles, ou brigands de l'Kpire, du Parnasse, du
Tnygèle qui défendaient lièreineiil leur m liberté sur la montagne », (les
pillards furent les Urées par excellence, et fournirent ses plus hardis, ses
plus tenaces champions à la liberté renaissante de la nation. C'est même
ehe* eux que la langue eoutiuua de fleurir littérairement : ils l'enrichirent
i, A. Genadios, La Grèce Moderne el la Guerre de l'Indépendance, trad. par Louis
Menant.
m
GOUVERNEMENT DES TURCS
10t
de tours chanta superbe* qui devinrent presque une épopée pendant lu
guerre de l'Indépendance.
Dès iu un de l'empire napoléonien, des Grecs patriotes s'étaient
adressés uux diplomates assemblés u Vienne pour leur demander de
N° 442. La Grande Grôoe.
-M
»• Ë.de Gr.
t
1: 7 5O0OO0
T85 "$Gâ
"SÈoKil.
coin prendre l'Ilellade dans leur plan de remaniement de l'équilibre
européen. Mais leur supplique avait été dédaigneusement écartée. Il ne
leur restait plus qu'a compter sur eux-mêmes et à se constituer eu et la
en sociétés secrètes, soit pour cultiver simplement leur idéal, soit pour
préparer les conspirations en vue de la révolution future. C'est ainsi
que se fondèrent ou se développèrent la société athénienne des
V *
lOi LUÛMME KTLÀTERBE. - CONTRK-HfcVOLUTJON
Philnmus, puis on Théssalie l'IteloTrlf* ou « camaraderie fraternelle »
qu'inspirait le poète Constantin Hhigas, Kn i8ai déjà des héteïristes
go soulevaient en tioutntutie, comptant tm peu sur le prestige de leur
ehof t le prince Alexandre ^psilauli, qui était fils d'un hospodar vainque
et général russe : |M*utélii* esj>éraieirt ils aussi l'intervention do
l'empereur de Russie, auquel il» attribuaient l'ambition pieuse de vouloir
reconstituer l'cmpiru fie NvKanee. Mais la Sainte Alliance ne permit
poinl aux souverains d'Kurope dn se commettre avec des révoltés,
ceux-ci furent bientôt uhaiulouués de tous, aussi bien de leurs puissants
alliés qui' de la population serbe et des paysans roumains qui, tout en
haïssant leurs triait ros turcs nu phanarioles, se mettaient de leurs libéra-
teurs, les patriotes philhcllcnes, Vaincus en bataille rangée, ces premiers
héros de l'indépendance grecque n'eurent qu'à mourir. L'un d'eux se (Il
sauter dans un minent avec Imite sa bande.
Cependant des voix avaient répondu dans la Murée et dans les Iles
aux insurgés de la Houmanic. l/évéquc (îermanos avait appelé les (îrecs
n m armes, la Messénie s'était déclarée indépendante et, dans l'espace
de quelques mois, une flotte de trio petits navires, jouant à cache-cache
dans le labyrinthe des Cyelades, enlevait les embarcations turques,
harcelait la garnison des ports. \ la lin de l'année iK*u, tes insurgés
s'emparaient de Tripolitza, la capitale de la Morée; une première asseui
Idée nationale se réunissait dans A rgos, puis à Hpidaure. et les délégués
trop pressés d'entrer dans te concert des Ktals européens se donnaient
un président on prœdrox avec pouvoirs royaux, le prince phanariotc
Alexandre Mavrocordatos; mais tes Hellènes n'avaient pas encore donné
assez, de preuves pour que les grandes puissances adoratrices du succès
leur fussent devenues favorables, et l'opinion publique, plus puissante
(jue les Etats officiels, n'avait pas encore été suffisamment émue. La Porte
eut te répit nécessaire pour organiser ses armées et ses flottes d'invasion,
et manda le fils du vice roi d'Kgyple, Ibrahim Pacha, qui pénétra dans
la Morée a la tête de -m mm hommes, dressés à la tactique européenne
pur des officient français (i8m5). Kes massaeres et ta dévastation furent
horribles : ta Morée devint une sol il iule, tandis que, de l'autre coté
de l'isthme de Corinthc, la ville de Misxolonglii, on s'étaient réfugiés
des milliers de fïrecs et de philhcllcnes, parmi eux le grand poète
Byron, eut a subir un siège de près d'une année, qui se termina par une
percée héroïque u travers l'urinée des assiégeants et l'explosion d'une
i
c
il
GUERRE D'INDÉPENDANCE
103
citadelle écrasant amis* et ennemi» dans une même ruine (i8«G). C'est
alors que les puissances crûrent le moment venu « d'intercéder pour les
Grecs », entraînée» d'ailleurs par l'ardeur des philhellènes, qui de toutes
parts envoyaient des hommes et de l'argent. Trois étrangers avaient été
placés au premier rang pour la direction dos affaires, Capo d'Istrias, un
protégé russe, comme président; Coclinine, déjà illustre par sa partiel*
BIVAOK DR CÉPHAtiO MB
pution h l'indépendance sud-uméricuinc, comme amiral eu chef; Cliurch,
un autre Anglais, comme généralissime. La Kussie, l'Angleterre, la
France envoyèrent leurs flottes, qui détruisirent presque sans combat
les navires d'Ibrahim Pacliu réunis dans la baie de Navarin (i#u;).
La guerre* était finie : il ne restait plus tju a déblayer ta Grèce conti-
nentale et les îles des traînards musulmans qui s'y trouvaient encore,
Les puissances dictèrent les conditions de paix, qui d'abord reconnais
1. Ont v ure empruntée à Les Phéniciens et l'Odyssée par Victor Bérard, librairie
Armand Colin,
V 6*
I
ai
8
1<
10$ LHOMME ET LA tERRE. — CONTRE'RÊYDUJTION
fiaient ta suzeraineté do la Porte et le paiement d'un tribut par ta Grèce,
mai» qui finirent cependant par reconnaître l'indépendance absolue du
petit royaume. L'histoire moderne offre peu d'exemptes d'une lutte où
les révoltés aient fait preuve de plus tle courage et de persévérance
que dans cette guerre d'indépendance hellénique. Lorsque la Grèce fut
reconnue désormais libre do ta domination turque» il y restait exacte-
ment Cooooo Hellènes et Albanais; « l'ourles émanciper ,'tooooodes leurs
avaient donné leur vie... le tiers avait disparu pour donner la liberté
aux deux autres tiers » \ Celle vaillance des Hellènes souleva dans
toute 1'Huropc une grande admiration : depuis la Hévolufion française
ta jeunesse n'avait éprouvé pareil enthousiasme. Sous le charme des
souvenirs de la grande époque, on s'imaginait volontiers que les héros
de lu nouvelle llellade ranimeraient te génie de la Grèce antique, et l'on
peut dire que lu bourgeoisie libérale se sentit alors vraiment jeune,
enivrée d'espérance : il lui sembla qu'elle célébrait ses noces avec l'idéal.
Du reste, l'émancipation politique d'une partie de lu Grèce n'était que
le symbole de la révolution plus grande qui s'accomplissait dans le
monde oriental. Du coup tous les Grecs se trouvaient moralement
affranchis. Ce qu'ils appellent la « grande idée »», c'est-à-dire la solida-
rité panhellénique, prenait un corps autour duquel ils devaient graviter
désormais, quelles que fussent les conditions spéciales de leurs milieux.
Plus que tous les autres peuples, les Grecs représentaient réellement une ,
a idée », précisément parce que la question de lieu natal, de race ou de ,
langue est chez eux complètement subordonnée u celle du vœu per-
sonnel. « Je suis Hellène 1 » cela suffit pour qu'un Sluvc, un Valuque, un
Albanais, un homme de n'importe quelle nationalité par la descendance
puisse être et doive être réellement considéré comme Grec. C'est la
volonté qui fait la patrie d'élection; les circonstances extérieures ne sont
rien, on ne s'intéresse qu'a la vie dans son essence profonde '. Même la
question de territoire, qui a tant d'importance aux yeux des patriotes
d'autres nations, n'a qu'une valeur très secondaire pour les Grecs. On
peut citer en exemple les résidants du littoral de l'Asie Mineure et les
insulaires de l'archipel Turc qui sont essentiellement hellènes et con-
scients de leur race, très ardents dans leur esprit de cohésion nationale,
mais qui n'aspirent nullement à devenir les sujets du petit roi de Grèce
a
I
é
c
i
t
î
n
1. Pierre de Coubertin, Soc. normande de glogr*, 1900, p. 147. —2, Victor Bérard,
La Turquie et V Hellénisme contemporain, pp. 239, 240.
B
VAILLANCE HELL&NE Io5
et, d'avance, se méfient des mille réglementations tracassières que leur
feraient subir les bureaucrates du royaume : Il leur convient mieux de
s'arranger avec les Turcs, qui n'ont nullement là prétention de leur
imposer un patriotisme ottoman et, les laissant vivre en commu-
nautés distinctes, ne viennent point les tracasser dans leurs congréga-
tions et leurs écoles. Les Grecs de Mytilini (Mylilone, Lesbos), de Smyrne,
de Samos savent qu'ils sont vraiment plus libres et plus prospères sous
la tutelle hargneuse des Osmunli qu'ils ne le seraient sous l'autorité
directe et centralisatrice des fonctionnaires athéniens, et ils attendent
sans impatience tn grande fédération de l'avenir. En réalité» celte
fédération eviste : les Grecs se reconnaissent partout et s'entr'aident de
groupe en groupe, constituant leur unité morale en dehors des délimi-
tations politiques de lu surface.
Pendant ta guerre de l'indépendance hellénique, la HusBie même
avait été le théâtre d'événements qui témoignaient du sentiment de
solidarité reliant déjà toutes les nations de l'Europe en un môme orga-
nisme. Des conjurations politiques, prenant pour prétexte ta succession
de Nicolas V* au trône impérial à la place de son frère aîné Constantin
(i8»5), avaient éclaté brusquement. Elles furent réprimées sans peine par
le terrible empereur qui venait de prendre la couronne ; mais la valeur
intellectuelle des hommes qui furent condamnés à mort ou a l'exil dans
l'armée du Caucase ou dans les mines de la Sibérie fit peut-être plus pour
le mouvement des idées en Russie que ne l'eût fait un changement de
personnel gouvernemental ou la publication d'une charte constitution-
nelle. Les dékabristes ou « décembrisles », ainsi nommés du mois
pendant lequel éclata l'insurrection, laissèrent un si noble exemple, un
si haut enseignement que cette époque peut être considérée comme le
point de départ du grand travail souterrain qui s'est accompli durant
le siècle dans les profondeurs de la nation russe.
En vérité, ce sera dans l'histoire de la Russie un fait capital et de
gloire éternelle que cette conjuration des v dékabristes <» dans laquelle
des nobles privilégiés tentèrent une révolution n'ayant d'autre but que la
destruction de leurs privilèges. H semble qu'on ait vu quelque chose de
semblable en France au dix-huitième Biècle, alors que les nobles et les
abbés, libres d'esprit et de langage, se moquaient si agréablement des
institutions « sacrées » et des « bases éternelles de la société »>, creusant,
loti L'HOMME ET LA. TEHRE. — CONTHK-HévOLUTlON
I
l'I
pour ainsi dire, le sol au-dessous du trône el de l'autel; mnis te moiivc-
ment russe eut un caractère bien autrement profond. Les grands seigneurs
et les prélats français, assez intelligents et affinés pour pressentir tes oi
événements inévitables, en prenaient leur parti devance et, comme de
galants joueurs do dés, affectaient de ne pusse laisser émouvoir par les
nrrôts du destin. Le rot même haussait tes épaules en voyant les signes
avant-coureurs de lu dévolution prochaine : « Après nous, te déluge ! •»
Toutefois ces rieurs ne surent pas garder jusqu'au hout leur attitude de
bon ton et, lorsque ta menace fut réalisée, ils se hâtèrent de cesser tout
persiflage et de reprendre très au sérieux ces avantages de rare, de
fortune et de conventions sociales qu'ils avaient paru mépriser. Ko
Russie, les Pestel, les Moitraviev-Aposlol et leurs compagnons étaient
bien autrement sincères : ce qu'ils voulaient de Unit cfeur c'était de ren-
trer en égaux dans la société de leurs ci-devant inférieurs, de trouver
dans la liberté de tous la garantie de leur propre liberté, Puis, quand
vinrent les jours de la répression, tous ces novateurs laissèrent un
exemple de noblesse et de courage qui ne sera point oublié.
dette explosion de dévouement politique correspond à la rapidité du
mouvement qui s'était produit dans 1 aine russe sous l'influence des
idées do la philosophie occidentale. A l'époque de Pierre te Grand, le
tsar seul était allé chercher en Kurope des exemples et des instruments de
règne, non des idées : la nation même n'avait eu aucune part dans celte
visite 011 des courtisans posthumes voudraient voir l'entrée de vingt
millions d'hommes dans le inonde civilisé. Plus tard, l'impératrice
Catherine avait fait venir, il est vrai, les philosophes à sa cour, et cela
par une sorte de coquetterie envers la culture de l'Occident, mais elle se
garda bien d'appliquer a l'administration de ses peuples les conseils de
I
u
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ri
l»
»!
son ami Diderot. Sans doute ses courtisans s'empressèrent à t'envi de m
parler comme elle le langage à la mode, mais ce n'était la que pure m
affectation : « On était philosophe comme on était bourreau, par servit
lilé a*. Le Tartarc se retrouvait entier sous l'épidémie du dusse, Cepen-
dant lu pensée accrut toujours son influence, el certainement les idées,
même superficielles, que semèrent les écrivains étrangers, trouvèrent e/a
cl la un terrain favorable. Ce fut un élément ajouté a ceux qui préparèrent
ensuite la grande évolution des esprits.
J. Michel Dakounine, Société Nouvelle, septembre 1896, p. 322,
SOULÈVEMENT DES DÉKABW8TE8
IO'
Déjà» l'aristocratie polonaise, située dans utt milieu géographique
beoucoup plu» rapproché de l'Europe occidentale, avait par cela môme
participé au mouvement de» peuples de l'Ouest ; ou peut dire que la
frontière changeante de la véritable Asie commençait au delà du royaume
île Pologne. Muta, avec le» guerres du commencement du siècle, cette
fron fifre se déplaça
brusquement : lu na-
tion russe soulevée
dans ses musses pro-
fondes entra en rap-
port de lutte et d'ex-
termination avec les
armées envahissantes
de Napoléon . Le conflit
commença par des ba-
tailles en régie, il se
termina par une suite
de maitsucrcs, ta dis-
persion de la foule des
envahisseurs dans la
tourmente, mais il en
resta pourtant des
échanges de sympa-
thies et d'idées, mal-
gré lu fureur des ba-
tailles et l'ivresse- du
sang répandu. Pour
rejeter l'étranger, la
nation avait du scie-
ver librement, les ini-
tiatives personnelles avaient été éveillées, les esclaves, se rangeant
à côté de leurs seigneurs, avaient rôvé de reprendre leurs terres.
L'immense élan du peuple dit en môme temps une marche vers la li-
berté. La paix entre les souverains qui avaient triomphé des armées de
Napoléon n'était pas encore conclue que déjà naissait en Russie la con-
spiration des hommes qui se sacrifiaient pour faire entrer le monde
moscovite dans la voie nouvelle ouverte naguère par la Révolution
LES CINQ DÉKABBIBTBS FBKDXTâ (1826)
Pkbtei.. né en 1793 1 officier et diplomate. Bon programme
mportait t h terreaux paysans, )')n
gatoire, une Hussie fédérai! re.
comportait t h terre aux paysans, l'Instruction laïque et obii-
itoire, une Hussie fédérai! re.
Rylbip, né en I784i ancien officier, poète de valeur. Il était
« bon juge * à Saint*Pélersbouiv en 1822.
Bestbuobp.Rouhix t officier de marine, chansonnier, jour*
naliste.
MoukavibV'Apostol, né en 1796; officier. Une légende
raconte que Komme, échappé à la mort et réfugié en Russie,
fut son précepteur.
Kachovskv, officier en retraite. Au jour de la prestation de
serment au nouvel empereur, Kachovsky tua un général, le
prenant pour Nicolas.
IC>8 L'HOMME ET LA TERRE. — CONTRE-RÉVOLUTION
française ; ils se lançaient vers l'avenir avec toute la naïveté de jeunes
barbares n'ayant encore jamais connu les doutes ni les illusions.
Toute l'Europe se trouvait alors en état de fermentation politique :
de toutes parts, on réclamait l'accomplissement des promenées faites par
la Révolution ou par ses héritiers au pouvoir; mais c'est principalement
en France que se concentrait la lutte entre les partis révolutionnaires et
les partisans de la royauté traditionnelle. Charles X, le personnage sans
prestige qui occupait le trône de Louis XIV, semblait choisi à souhait
parle destin comme un admirable exemple du système monarchique
poussé à l'absurde : dépourvu de toute intelligence politique, mais en
môme temps infatué de son droit divin, il bravait son peuple, Pexcitait
niaisement par des lois, des arrêtés, des ordonnances dont il n'avait pas
la force d'assurer l'exécution. Les parti» les plus opposés, républicains
et impérialistes, s'étaient réconciliés contre lui. Trois journées de révo-
lution (i83o), pendant lesquelles il ne fut résolument défendu que par
des mercenaires étrangers, suffirent pour le décider à la fuite, Un fait
caractérise L'homme : durant le voyage de Rambouillet h Cherbourg, où
il s'embarqua le iO août pour l'île de Wight, une des grandes préoccu-
pations de Charles X était de trouver pour son dîner une table carrée,
les tables rondes n'étant pas admises par l'ancienne étiquette royale!
Après un séjour de deux années dans un palais de Grande Bretagne, il
mourut oublié en Autriche.
In autre roi t'avait remplacé, celui que le vieux Lafayelte présentait
au peuple : « Voici la meilleure des Républiques 1 » Mais Louis-Philippe
fut avant tout la bourgeoisie triomphante. La Révolution, qui avait
débuté à la fin du dix-huitième siècle par l'éloquente revendication des
droits de la bourgeoisie, n'acheva complètement son oeuvre qu'avec
l'avènement du « roi citoyen ». La grande industrie, se développant sur
le modèle fourni par l'Angleterre, s'était emparée de la Krancc et se
donnait une charte de gouvernement qui, par le moyen de l'électoral
censitaire et le fonctionnement des deux chambres, consolidait le pou-
voir entre les mains des propriétaires du sol, des riches manufacturiers
et des hauts fonctionnaires. La société légale, composée d'un million
d'électeurs environ, avait enfin réalisé son idéal après ses deux expé-
riences manquées, de la réaction guerrière et de la Restauration. Les
révolutions s'y reprennent souvent à deux fois avant que les résultats en
JOURNÉES DE JUILLET IOQ
soient acquis, et, quand elles reviennent à l'attaque, il leur arrive ordi-
nairement de se présenter sous une forme nouvelle, même d'apparence
contradictoire avec celle de leur première apparition. C'est ainsi qu'après
la victoire de la bourgeoisie anglaise, représentée par le Gommonwcalth,
une autre révolution s'était accomplie, amenant d'abord la dictature
guerrière de Oomwel), puis la restauration de la dynastie légitime;
D'après tin» lithographie ût Décampa.
OHABUI8 X TIBÀNT AU LAPIN.
mais, moins d'un demi-siècle après la décapitation de Charles I 9r ,
la bourgeoisie libérale et parlementaire reprenait son pouvoir avec
Guillaume d'Orange.
La révolution dite de « juillet », qui avait symbolisé en France ^avène-
ment de la classe moyenne, instruite, entreprenante et déjà riche, se
propagea dans le monde européen par un grand ébranlement et môme,
sur les points d'équilibre instable, par de violentes convulsions. Dans le
voisinage immédiat de la France, le petit royaume des Pnys-Has, qui se
composait de deux moitiés mal assorties par leur histoire antérieure,
rompit brusquement la communauté du ménage politique auquel il
avait été condamné. Les populations du sud avaient été certainement
lésées pendant les quinze années d'union officielle. Les Wallons de langue
française subissaient avec impatience l'obligation de se soumettre admi-
nistrât! vement à l'usage d'un idiome qui leur semblait moins civilisé
que le parler maternel; ils se plaignaient aussi de l'inégalité des impôts,
I
nu l'homme et la terre. -- CONTRE-REVOLUTION
repartis à leur détriment, et des vexations de loulc nature qu'ils avaient
uan» cosse a subir comme un peuple conquis. D'autre part, le clergé,
tout-puissant dons les Flandres depuis époque terrible de la domination
espagnole, avait entraîné ses dociles paroissiens dans un mouvement de
haine intransigeante contre le régime hollandais où prévalaient les
traditions calvinistes, L'alliance sëtait laite en Belgique- entre libéraux
et dentaux contre l'ennemi commun, et de cette alliance naquit un
nouveau petit Mat qui, «les son premier jour, dut proclamer sa neutra-
lité et se placer sou» ta proteetion bienveillante des puissance» euro-
péennes ; à l'union forcée avec la Hollande succéda un mariage de raison
entre la Wallonie et la Flandre, associées également malgré elles, La
véritable sympathie a la (1ère liberté pour point de départ : elle ne se
forme que dans les associations franches et spontanées.
Le soulèvement de la Pologne, qui se produisit aussi à la fin de j8;io,
n'aboutit pas eomme la révolution de Belgique, mais il fut peut-être
plus gros de conséquences, et le drame en fut bien autrement tragique
clans l'histoire des nations, Tout d'abord, le» troupes russes furent obli-
gées d'évueuer la contrée et Tannée polonaise, sortie de terre pour ainsi
dire, se trouva' bientôt assez forte pour soutenir le choc des masses *i
d'hommes formidables lancées contre elle. La lutte commencée durant !
le froid hiver dans tas âpres forêts, les campagnes neigeuses* puis dans - *
les boues du printemps, te long des fleuves débordés, se poursuivit I
pendant près d'une année, et souvent des batailles heureuses interrom- l
pireul la marche des envahisseurs. Mais la partie était trop inégale et, le
8 septembre i8:Ji, ta cité de Varsovie fut obligée de se rendre, livrée à
toutes tes borreurs d'un massacre dont l'histoire parlera toujours.
Bientôt après, les débris des bataillons polonais étaient refoulés sur les
territoires de l'Autriche et de la Prusse. Des milliers de fugilifs allèrent
demander asile à l'étranger, notamment en France où se continuèrent
les inconciliables dissensions nationales entre le parti du prétendu
« roi h Czarloryaki et les Polonais franchement révolutionnaires, '
tandis (pie, dans la patrie vaincue, la fraction intelligente et consciente
de la nation restait écrasée sous un régime effroyable de violences et ]
d'injustices.
Les petites révolutions qui éclatèrent sur plusieurs points de l'Italie
du nord furent également réprimées. Là, Metternieh, qui était le grand
inspirateur de la contre révolution européenne, put intervenir directe-
11 1
BELGIQUE. — POLOGNE
ment par te» soldai* de l'Autriche, devenus les exécuteurs de ses hautes
œuvres : L* fin lie tout entière, y compris le Piémout, le royaume des
Deiix-Sieiles et les iîtuls Humains, ne ftil plus qu'une simple dépendance
du gouvernement» impérial et royal »; c'est alors (pie te mol seul de
« liberté » fui tenu a «rime et cessa d'cHre prononcé ailleurs (pie dans les
<( ventes a mystérieuses des « charbonniers ».
tën Espagne» du moins, ou fut plu» libre puisqu'on se battit , mais
Cabinet det Kitaropw.
L'ENLÈVEMENT DBS M0KT3
Par Francisco dt» Ooyu y Luctentes, 1746*1828.
BIU. Nattott*!».
la lutte n'eut point un caractère de franchise. Les habitants de la
Péninsule étaient encore trop asservis aux principes, aux traditions et
aux mœurs de lu monarchie catholique pour s'élancer sincèrement
dans la révolution d'indépendance républicaine : comme dans lu France
voisine ou l'on avait tenté de discipliner tous les éléments de liberté
au service d'une brandie eudette des Bourbons, symbolisant désormais
la bourgeoisie libérale, on s'efforça en Espagne de réunir en un seul
corps politique tous les adversaires de l'ancien régime absolutiste et
d'en fuirc Tannée de la reine Isabelle, intronisée malgré la coutume
dynastique des Bourbons, dite « loi sulique ». D'un côté le clergé, de
l'autre la bourgeoisie libérale groupaient leurs forces : les Cttriïslas,
carlistes tiinsi nommés de Don Carlos, l'héritier légitime du trône,
i
ua i/hgmme et la terre. — contre-révolution
tes CrUtinos, qui portaient le nom de là régente, se heurtèrent en
bataille, non seulement autour de la capitale mais bien plus encore
dan» les provinces, et nota ru ment dans la Navarre et le pays Basque
dont les habitants, par haine de ta centralisation administrative et par
une Juste passion pour leurs libertés locales, se trouvaient étrangement
mûries avec le parti de la réaction. La nature montucusc, frag- i
montée du pays facilita l'Apre persévérance des combattants, et pendant
sept années, de i81'i à i8/|o, se prolongea la lutte, l'une des plus
cruelles que raconte la cruelle histoire. Enfin les Oistiuos triomphèrent,
et l'Espagne put jouir d'un certain répit duns ses annales sanglantes.
Par suite d'un mouvement parallèle dont les péripéties se
déroulaient tragiquement dan» l'état limitrophe, deux souverains se
disputaient aussi le tronc du Portugal, le féroce Don Miguel et la jeune
Maria de Gloria. Lu également, ce fut la cause de la jeune reine,
d'ailleurs à peine moins despote que son rival, qui Jïnit par l'emporter.
En Angleterre, des événements d'une plus grande portée s'étalent
accomplis, d'ailleurs sans entraîner d'effusion de sang. A cette époque,
le pays dont la constitution servait de modèle à toutes les monarchies
parlementaires qui se formaient en Europe, se trouvait lui-môme entravé
dans son fonctionnement normal par des pratiques électorales tout a
(ait injustes. Par suite do- l'extrême lenteur avec laquelle l'Angleterre,
régie par des hommes de loi et les aristocrates A promeut conservateurs,
procède à la modification «le son ancien équilibre politique, la représen-
tation parlementaire rappelait encore l'époque où les comtés du sud
étaient proportionnellement beaucoup plus peuplés et plus riches que
les cou îles du nord. Lorsque les bases de ta délégation électorale furent
établies, le Dcvoushirc était un grand comté maritime, le Somerset et
le Y\ ilts étaient des centres industriels, tandis que le Lancashire, sous
un climat plus rude, avait une population moins dense et plus gros-
sière ' : de là celte énorme prépondérance que l'on accordait avant i83a
en matière de représentation h la partie de l'Angleterre située au sud de
ta rivière Trcnt: actuellement encore, malgré diverses atténuations de
cette injustice, amenées par le temps, les régions méridionales du
royaume sont toujours très favorisées. Ln contrasta de plus en plus grand
t. W, Bagshot, The English Constitution.
ESPAGNE. — ANGLETERRE
Il3
!»• 443. La représentation anglaise en 1832.
Cette oarto est a l'écltelle là S 000 000
Les 5G bourgs pourris qui perdirent leurs deux représentants en 1832 sont marqués par un
point noir. G, Orampound en Cornwall ost le seul bourg « désaffranthl » précédemment. Les
31 bourgs auxquels fut retiré un de leurs deux députés sont marqués par un point ouvert.
Les autres villes, point ouvert et centré, conservèrent leurs deux représentante. Cette diminu-
tion de 143 sièges fut compensée par la création de 22 doubles siègos et 20 simples sièges dans
les villes du Nord et par augmentation du nombre de circonscriptions rurales.
Principales abréviations. Comtés » Mid*dlesox t RuMand j Breek*nook (capitale Brockon) j
Westm-oreland t Cumb-erland; Northumb-erlaod, etc. —Villes désignant un comté i D,
Dorche*ter (Dorsetjt 8, Southampton (Haots)t W, Wilton (Wilts)i Oxf-prd* Heru%prd s
Bed-ford t Oamb-ridge i HunUDgdon i Nort-hawpton » Olo's.ter » Montm-outh j Carmar-then j
Rad-nori Here-ford» Montg-omery» Denb-igh» 8, 8hrewbury (Shronshire) 1 Wo-rcester;
Wa*rwick; Lei*s-terj N, Nottingham {Nottsh L. Uncaster (Lancashireji Statf-ord.
1 t/t L*HOHMK ET U TEHRB. — CONTRK-ftfevOr.UTION
sefublit en Ire In répartition géographique des forces, d'un côté dans
le Parlement, de l'outre dans la nation elle-même, dont la volonté finit
toujours par prévaloir.
Malgré lu résistance de tout» les élément» conservateurs et surtout
de rivalise, eette volonté nationale, enserrée maintenant pour un véri-
table profita, réussit également à faire émanciper les esclave» des
colonies anglaises, Déjà, depuis |8<»K, l'importation des noirs dans les
plantations américaines avait été officiellement interdite; eu 1811,
le Parlement avait assimilé la traite à la piraterie et avait fait approuver
cette interdiction par des traités conclus avee les diverses nations
d'Kurope. Puis en lA'Mu le gouvernement britannique avait rendu
leur liberté à tous les esclaves de la Couronne, Kutin, en i&'W, s'accom-
plit le grand acte de la libération générale : le Parlement vota la somme
d'un demi milliard de francs pour racheter au * planteurs les esclaves
dont U 1 nombre s élevait à près de G.'tynoo individus; dans la seule île
de la Jamaïque on en comptait .'teïinoo. Cet acte d'émancipation fut
loin d'être, comme on a pris l'habitude de le répéter, la première mesure
collective prise à l'égard des nègres asservis. IVahord, en 179a, la
République française avait déjà prononcé la libération des esclaves de
Saint Dominguc, néanmoins, l'opinion devenue légalituire oubliait
volontiers les actes de la Révolution pour ne tenir comme avenues que
les u'uvres de gouvernements bien établis. Puis, en celle même année
1 7*)*-*- 1° Danemark avait aboli la Imite dans ses colonies des Indes occi-
dentales et, en i8o3, avait renouvelé sa décision d'une manière plus
effective en interdisant que les membres d'une même familc puissent
être séparés, en organisant l'instruction parmi les ne.prres, et par
diverses autres mesures, sans toutefois aller jusqu'à ordonner la
libération 1 .
L'exemple de la Grande Bretagne fut successivement imité par les
autres Ktals d'Europe, en partie sous la pression de la volonté
populaire mais peut-être plus encore par obéissance ù l'ascendant
de l'Angleterre, qui avait bien voulu consentira se priver des bénéfices
matériels de la traite des noirs et de la production en grand des denrées *
coloniales, sans que pour cela elle acceptai volontiers la concurrence
des autres nulions. Ayant pâli financièrement de son propre sacrifice,
4. The Examiner, 24 mars 1877.
ABOLITION DR L ESCLAVAOK
I 11)
elle voulait en faire partager te fardeau. Dans la plupart des Antilles,
et nota m ment a la Jamaïque, les planteurs avaient été complètement
ruinés pur la révolution qui s'était produite dans les conditions du
Cabinet de* Estampe*.
D'op.é* une lithographie de Chariot.
COMBAT DB LA BtTB S AIKT* ANTOINE, 1830
travail. D'ailleurs, ce n'était que justice. Il était bon que les noirs, déli-
vrés enfin des ceps et du fouet, désapprissent le chemin des plantations
haïes et réservassent leur labeur au jardinet de ht famille.
Les réformes, déterminées en Angleterre par les victoires successives
de l'opinion publique, se poursuivaient malgré les changements de
lit) L'HOMME BT LA. TBURt. — CONTRK-RÉVQLUTIOW
règne et de ministère. Même c'est par l'entremise d'an gouvernement
conservateur que fut votée le mesure le plus populaire de cette époque,
celle qui abolissait ou réduisait à peu de chose les droits d'entrée sur
tes céréales et qui donnait à l'ensemble du commerce britannique
l'idéal du libre échange. Ceci plaçait franchement la Grande Bretagne
en tôle de toutes les nations civilisées et lui assurait une sorte d'hégé-
monie morale, qui devait paraître méritée pendant un demi-sieele.
Des écrivains se laissèrent même aller a imaginer une prétendue loi
d'après laquelle toute révolution pouvait être désormais conjurée. Il
devult suffire d'imiter l'aristocratie britannique dans l'art de céder
avec une lenteur savamment calculée aux exigences des masses bour-
geoises et populaires, de façon h les diriger toujours et h gagner en
ascendant ce que l'on perdait en privilèges, Mais ces admirateurs quand
même de la sagesse britannique oubliaient que ces réformes tempo-
risatrices ne remédiaient nullement aux maladies chroniques de l'orga-
nisme national, que l'Irlande restait asservie a une ligue de grands
seigneurs qui n'avaient pas môme le courage de résider sur leurs
terres, que l'Inde pullulante et affamée était toujours la chose d'une
âpre compagnie de marchands et qu'en Angleterre, sous la merveilleuse
prospérité d'en haut, les misères d'en bas continuaient de ronger les
foules, quoique pourtant à un moindre degré qu'à l'époque des formi-
dables guerres de l'Empire.
Le gouvernement français, engagé dans une voie différente que
celle des ministres anglais, avait surtout a se faire pardonner ses
origines révolutionnaires : pour entrer en égal dans l'assemblée des
rois, Louis-Philippe devait fournir d'amples gages de sagesse conser-
vatrice et se retourner énergique ment contre ses anciens complices.
II n'y manqua point, et la première décade de son règne fut employée
principalement à susciter des émeutes pour avoir ù les réprimer. En
même temps il avait recours au moyen habituel de corruption en
détournant l'attention publique vers une guerre de conquête, d'ailleurs
sans grand danger. Déjà quelques jours avant la révolution de juillet,
une flotte française avait débarqué dans le voisinage d'Alger des
troupes qui s'étaient portée» rapidement sur la ville, en dispersant ses
défenseurs, et avaient mis un terme au gouvernement des souverains
corsaires. Celte bizarre principauté qui, depuis plus de trois siècles,
GOUVERNEMENT DE JUILLET
II
bravait les puissances chrétiennes et dont l'existence n'eût pas été
possible si de» complicités secrète* ne l'eussent protégée, disparut
des bords de la Méditerranée ; mais la suppression de ce nid de pirates
N* 444. Le Sahel d'Alger et la Mltldja
3»ao-
1: 600000
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soKil.
eût pu s'accomplir sans que la France se crût obligée de faire la guerre
contre les populations de l'intérieur et d'entamer des opérations de
conquête qui se poursuivirent pendant plusieurs générations, et même
au commencement du vingtième siècle ne sont point encore terminées.
De proche en proche, l'empiétement se faisait plus avant dans les
terres, l'annexion d'une tribu entraînant celle des suivantes, com-
pliquées de retours offensif» de la part des indigènes. Les chefs de
IlK L'HOMME ET LA TERRE. — CONTRE-RÉVOLUTION.
l'armée s'intéressaient d'ailleurs (beaucoup moin» au sort des populations
conquise» qu'à ta poursuite de leur métier et ne voyaient guère dans
l'Algérie qu'un vaste champ do manœuvra où les soldats s'exerçaient
pratiquement ù toutes les opérations de guerre, marches et contre-
marches, attaques, assauts, surprises, retraite», escart noue lies, balai II os,
massacres, et où se formait ce que Ton appelle « l'esprit militaire »,
fatalement hostile à toute pensée libre, a toute initiative individuelle,
a tout progrès pacifique cl spontané. On s'imaginait volontiers que celte
guerre incessante d'Algérie aurait pour résultat de préparer l'année
française à soutenir victorieusement de grandes guerres européennes.
C'était une erreur, ainsi qu'un s'en aperçut plus tard en de désastreux
conflits, car les petites expéditions d'Afrique, dirigées contre des bandes
incohérentes et mal armées, ne préparaient point à des campagnes
entreprises contre un ennemi puissant, agissant par grandes masses
et disposant dune formidable artillerie; mais il est certain que les
troupes d'Afrique revinrent en France fort habiles dans l'art de faire la
chasse ù l'homme et qu'elles le montrèrent bien dans les rues de Paris,
au service des « bons principes de l'ordre et de l'autorité ».
La conquête de l'Algérie n'aurait eu que des conséquences déplo-
rables si cette contrée avait du rester simple école de guerre, mais elle
devint aussi, malgré les chefs de l'armée, un terrain de colonisation. La
lutte entre les deux éléments de l'occupation militaire et de la culture
civile eut dans les commencements un caractère» tragique. Ce fut une
guerre à mort, et Ton put craindre pendant de longues années que
l'Algérie, transformée en une grande caserne, restât définitivement
interdite à l'invasion des idées et des muîurs européennes. Et cependant
l'armée, a laquelle tout un cortège de fournisseurs était indispensable, ne
pouvait manœuvrer sans introduire en dépit d'elle même une population
civile qui doomU de la solidité à ses annexions stratégiques. L'œuvre de
conquête était donc engagée dans un cercle vicieux et, quand même,
ne pouvait aboutir qu'à l'amoindrissement, puisa la subordination de
l'élément militaire, fatale issue que celui-ci essayait d'éviter à tout prix.
Aussi le gouvernement dictatorial de l'Algérie voulait limiter
l'extension du territoire occupé par les civils ' ; tout Européen
s'avançant en dehors des limites du pays de campement militaire que
1. Rouire, Revue des Deux Mondes, 15 septembre 1901, p. 357.
CONQU&TB DE l'àLOÉRÏK 1 10
formait le carre du Sahel et de la MIHdJa était mit par cela même hors la
tôt : lé» sentinelles avaient ordre de tirer sur lui. Plus tard on* fit pis
encore, on supprima toute colonisation, mairie dans les environs immé~
diutH cl'Mgor. Le maréchal Valée ayant jugé bon de foire une expédition
QONSTANTIKB ET LB BAVIH DU BUMM8L
guerrière que lui défendait le traité de la Tafna, Abri cl-Kadcr lui déclara
la guerre u son tour, et le maréchal profita de la situation pour ordonner
h Ions les colons du Sahel el de la Mitidja d'ahnndonnor leurs fermes.
Cet ordre, lancé le 20 novembre 18H9, anéantissait du coup neuf année»
d'efforts. En vain, les agriculteurs européens voulaient se défendre tout
seuls, et ils auraient pu le faire, mais on ne permettait pas que des civils
eussent l'honneur, de sauver la colonie : ils furent enfermés de force
190 ^HOMME ET LA TERRE, — CONTRE-RÉVOFUTION
dons les remparts d'Alger, et l'armée mît trois années de guerres» de
massacres, de dépenses forcenées a reconquérir un territoire qu'il eût été
si facile de ne pas perdre 1 . Ce furent les « Vêpres algériennes ». Et
pourtant, le colon méprisé a fini par avoir raison de son ennemi naturel,
le conquérant, et l'Algérie s'est annexéeau monde européen. Ce fut là un
grand pas dans l'ensemble de révolution tmi rattache peu a peu
l'humanité au type île civilisation représenté par les peuples ayant
reçu l'éducation greco romaine.
A l'époque de la conquête de l'Algérie. l'Orient méditerranéen était
aussi troublé par le bruit des armes, Un « pasteur des peuples » s'était
révélé en la personne de Mehemet- AU, qui, officier sans fortune, était
parvenu û la dignité de pacha d'Egypte (180/1), Ses forces, commandées
par son fils Ibrahim avaient combattu en Morée et à Navarin, mais
Mehemet ne tarda pas q se brouiller avec son suzerain et engagea une
lutte dont le couronnement fut In défaite des Turcs a Nérib (a'i juin iH3u),
l/Europc intervint : la Hussie, l'Autriche, l'Angleterre...; c'est à qui
protégerait mieux la Turquie pour acquérir des « droits •> sur elle;
Mehemet Ali dut abandonner In Syrie et se borner ft la possession
héréditaire de l'Egypte.
Après les effroyables guerres de l'Empire, pendant cette partie du
dix neuvième siècle qui vit les populations de l'Kurope reprendre
haleine, des progrès décisifs s'necoinplirent dans la marche de l'esprit
humain, correspondant à l'extension croissante de son domaine matériel.
Les grands voyages recommencèrent, entrepris par des hommes de
science et d'initiative embrassant comme Ilumholdt toutes les études
qui se rapportent au « Cosmos ». Sptx et Martius publièrent sur le fleuve
des Amazones leur admirable récit de voyage (i M 17» 1820), qui ne fût
jamais dépassé en précision et en profondeur; Pilsroy, accompagné de
Charles Darwin, dirigea ces belles explorations ( 1 8a6-i83o) de VAdventare
et du Beugle y point de dépari de si précieuses recherches sur la
formation des îles eoralltgèncs, sur les mouvements de l'écorne terrestre,
sur la genèse et la distribution des animaux.
A la même époque, l'attention des navigateurs se reportait sur les
navigations polaires, non pas seulement comme celles de Chancellor, de
1. Roulre, mémoire citê t pp. 365, 366 367,
EXPLORATION OK LA l'LANÈTK
l'il
lludson, de Bering, pour découvrir un passage du « nord-est » ou du
« nord-ouest ». autour des rivages septentrionaux de l'Asie on de
N* 445. Arohtpel polaire amérloaln.
IS8* HS« U*~ ?§• SI*
U»«W.<feGr
£ îds* îF S* »*
1: 20000000
o zU *'îBi , o" - " "" liio Kll.
B.!.. au sud*ouesl de la terre de Nortta.Devon, Beechey friand. — P.M., dans la
presqu'île d« Boolhla, pile magnétique nord.
Eu 1904-1906» Atnundsen effectua la première circumnavigation complote du Nouveau
Monde pur le passage du Nord «Ouest.
l'Amérique, mais aussi pour cingler directement vers le p<Mc t comme
l'avait fait le pilote Baffln, deux cent années auparavant. Suivant les
y 7
*
laa i/homme bt la tkrre. — contre-rêyolution
traces du baleinier Scoresby, l'un des observateurs le» plus sagaces qui
aient étudié l'Océan Polaire, de» marins envoyés par le gouvernement
britannique, Sabine* John Hoss, Parry, se succédèrent rapidement dans
les parages du nord. En 1837, Parry atteignit la latitude de 8a°4o\ qui
resta pendant de longues années lu plus rapprochée du pôle on l'homme
fut parvenu ; puis, en i83i, James Hoss découvrit, dans le chaos •. es
Iles et presqu'îles de l'archipel polaire, le point précis du pôle
magnétique où l'aiguille de la boussole se dirige vers le sol.
L'expédition de i8/»5, dirigée par Sir John Franklin, eut au contraire un
résultat fatal puisque navires el hommes disparurent dans les ténèbres
du nord; en 18^8, la marine britannique n'envoya pas moins de
quatre expéditions de secours; en i85o, dix navires battaient la mer
autour de Beochcv-island qui avait été un des lieux d'hivernage de
Franklin. On parcourut dons tous les sens le labyrinthe si compliqué de
l'archipel polaire, et non seulement on put retrouver les traces de la
funeste expédition et reconnaître toutes les péripéties du drame de la t
fin, mais encore on découvrit ce fameux passage du nord-ouest tant
cherché depuis plus de trois siècles. En i«53, des navigateurs, venus par
le détroit de Bering, rencontrèrent sur les glaces de l'île Melville d'autres
voyageurs, arrivés par le détroit de liaflln. Toutefois, ce chemin, trouvé à
si grand'pcinc, n'a pu ôtre encore utilisé, et depuis un demi-siècle
personne ne l'a revu (ioo5). Quant aux explorations antarctiques,
poussées moinB à fond que celles du pôle boréal, elles furent arrêtées
pour un long temps, lorsque James Hoss, dans son expédition de 18/11
à i8/*3, se vit arrêté, a i3i5 kilomètres du pôle austral, par une
longue falaise de glace et par le haut continent qui porte les volcans
de l'ErebuB et du ïerror.
I/accroisscment de connaissances que les voyageurs obtenaient en
étendue, les savants le conquéraient en profondeur. Le géologue
explorait, creusait le soi, comparait les roches, leurs analogies, leurs
différences et leurs contrastes, en observait les étagemenU, les plisse- *
menls el les renversements, reconstruisait les Ages de la Terre par les c
changements de toute nature dont il constatait les traces cl lu succession.
En même temps l'historien étudiait les monuments el les archives,
contrôlait les- récils el les légendes, reprenait les documents d'autrefois
pour les soumettre à une discussion nouvelle plus serrée et plus sûre,
ressuscitant ainsi le temps pas.se pour le faire mieux connaître qu'il ne
t
PROGRÈS EN MOBILITÉ
133
» "était connu lui-même, et pressentant de plus en plus clairement
l'avenir, même quand il se trompait sur les détails, Cette époque des
Thierry et des Michelet, des Gervinus» des fîuckle, des Ferrari fui une
très grande époque parce qu'en racontant le* hautes actions, elle en
préparait de nouvelles, L'humanité se commence incessamment, mais
suivant un mode normal et continu : ce qu'elle fit hier nous apprend
ce qu'elle féru demain.
Matériellement, le
tfrand progrès du
temps fut do donner
frriiommedu dix -neu-
vième siècle une beau-
coup plus grande mo-
bilité, de l'augmenter
même en des propor-
tions indéfinies, L'ap-
plication de la vapeur
au transport des voya-
geurs* et de leurs ri-
chesses avait été sou-
vent prédite, même
peut-on dire depuis
les siècles de la Grèce,
En plein moyen ûge,
Roger Bacon ne nous
avait-il pas promis
« des machines telles Cbabu» Dabww, 1809-1882
cjue les plus grands vaisseaux », dirigées par un seul homme, parcourant
les Heuves et les mers avec plus de rapidité que si elles étaient remplies
par des rameurs, telles que des chars sans attelage, se mouvant avec une
incommensurable vitesse »? En effet, puisqu'on connaissait l'action de
la vapeur sur le couvercle des marmites et que l'on connaissait aussi
la facilité du mouvement des roues sur des' ornières en bols ou en
métal, il eût été simple d'associer ces deux faits bien connus et d'en
tirer, comme l'a fait sans doute Roger Bacon, toute la théorie des
chemins de fer. Du moins, les industriels contemporains ou môme pré-
décesseurs des encyclopédistes avaient-ils déjà construit des bateaux à
V V
iaf L f HOMM£ et la TERRE. — CONTRE-RÉVOLUTtOH
vapeur et te» avaient-ils utilisé», malgré le» rires et les sarcasmes des
hommes de bon sens. Dcn\B Papin navigua certainement dès l'année 1707
avec l'aide de la vapeur «tir la rivière Fulda, entre Casse! et Miinden. Les
bateliers de l'endroit lui brisèrent son embarcation révolutionnaire.
C'est uu si6ele suivant que la découverte, triomphant des préjugés ot
de lu sottise, finit pur entrer dans l'industrie fluviale, puis dans l'indus-
trie océanique des transport». Aux navires a vapeur succédèrent les loco-
motives ot les convois sur rails. Vers i83n, les pays initiateurs, Angle-
terre, tëtats Unis, France, Belgique, Allemagne, construisaient ou possé
datent leurs premières voies ferries, et bientôt, le riverain des chemins
de fer, obéissant, de plus en plus facilement a la sollicitation des voyages,
s'accoutumait h la vitesse; d'année en année, la mobilité des peuples
s'accroissait en des proportions imprévues. La révolution qui s'est accom-
plie dans les mumrs pur la facilité du déplacement tient du prodige : en
un pays comme l'Angleterre où l'on ne comptait pendant toute l'année
que deux millions de voyageurs en voitures publiques, c'est maintenant
plus d'un milliard d'individus que transportent les chemins de fer à
longue disluucc, et les autres véhicules en portent bien plus d'un
deuxième milliard. Pour une part d'hommes constamment grandissante,
la vertigineuse vitesse est devenue la nécessité de la vie.
En conséquence, les conditions et l'équilibre des empires ont égale-
ment changé. L* Angleterre et les Etats-Unis du Nord dont les habitants
étaient de beaucoup, grâce à leurs chemins de fer et i\ leurs bateaux a
vapeur, les plus mobiles de tous, prirent ainsi une avance considérable
sur les autres nations par l'acquisition et le prestige d'une ubiquité rela-
tive. L'amour des voyages, naguère exceptionnel ou plutôt difficile a
satisfaire, devint désonnais une passion réalisable pour le plus grand
nombre; les mouvements de migration qui devaient s'accomplir autre-
fois pur déplacements collectifs, à ta manière des trombes, pouvaient
désormais se fuira par individus, par familles, pur groupes spontanés,
dont la masse totale dépassa bientôt tous les anciens exodes en impor-
tance numérique. Au point de vue politique, cet accroissement de mobi-
lité chez les peuples les plus forts, dits « civilisés », leur permit aussi de
faire la conquête matérielle du monde habitable. Quelle peuplade bar-
bare avait la force de résister efficacement à des gens puissamment armés
qui pouvaient apparaître soudain sur tous les rivages, voguant contre
vent et marée et lançant à coup sur d'une ou deux lieues leurs boulets
ROMANTISME i»Ô
incendiaires? Disposant de ta vapeur et de la poudre, l'Europe s'empara
sans peine de toutes le» parties de l'univers qui constituent maintenant
son empire colonial.
Tous les progrès industriels et scientifiques, tous tes nouveaux points
de contact entre les peuple» ont eu pour conséquence nécessaire une évo-
lution correspondante du langage. Lus dictionnaires classiques, aug-
menta de tous les vocabulaires techniques et des mots lié* de l'invention
populaire, forment un ensemble incessummenl renouvelé et de si rapide
accroisse meut que les gros volumes ne peuvent plus se distendre suffi-
samment pour embrasser toutes ces richesses verbales. L'ancienne Langue
académique périt de mule mort au choc de toutes ces nouveautés, tincore
au dix-huitième siècle, on croyait que la langue pouvait être h fixée »,
ainsi que l'avait voulu ilichelieu en fondant la fameuse compagnie du
beau langage. Quoique les écrivains du bel âge de l'Encyclopédie fussent
alors en pleine fermentation d'une vie nouvelle, c'est malgré eux, pour
aiusi dire, que la langue se modifiait et s'élargissait : ils n'eussent guère
voulu que conserver. D'ailleurs il est aisé de comprendre le respect qu'ils
professaient pour leur parler si élégant, si précis et si pur. C'est qu'il se
trouvait alors presque en voie, semblait-il, de prendre un caractère uni
verse! : si tes peuples étrangers l'ignoraient, du moins on l'employait,
bien ou mal, dans toutes les cours, et les historiens superllcicls s'imagi-
naient que la pénétration du langage se ferait de haut en bas, des hommes
du monde aux gens du peuple. L'étonnant succès de la langue française
paraissait définitif; mais, précisément, ce succès constituait un duuger,
car plusieurs se laissaient aller à croire que le français prenait désormais
un caractère exclusif comme expression de la pensée humaine. La langue,
trop bien défendue contre les novateurs, était devenue comme intangible,
cl les écrivains n'osaient rien changer soit dans les mots soit dans les
phrases. tëlle s'était immobilisée. Apres la Révolution, après l'Empire, les
poètes de 1819 étaient encore sous la domination exclusive de Kacinc et
de Boileau ' : ils ne pouvaient chercher du nouveau que dans l'ingénio-
sité des périphrases.
Pour échapper à cette tyrannie verbale, il n'y avait qu'un moyen, la
révolution, et en cftet, c'est bien une révolution que Ht le romantisme!
On s'invectiva, on se bafoua, on se maudit de parte! d'autre. Les amis se
1. Reray de Oourmont, Sur la Langue française, Mercare de France* juillet 1898,
p. 75.
120
t'HOMME KT LA TERHE. — CONTRE-RÉVOLUTION
désunirent, les familles se hrouHlèmtt et jeunes contre vieux se livrèrent
de vraies batailles dans les théâtres. D'ailleurs le romantisme triomphant
portait en lui, comme tôt» les progrès, son élément de réaction : il se
plaisait a l'amphigouri de la foi mystique, et, remontant vers le moyeu
âge, célébrait les hommes bardés île fer, les moines à cagoules, les nobles
demoiselle» tut iront d'ivoire ; il s'ullarduit volontiers ù décrire les ogives
dos cathédrales, les corridors des cachots et les dalles des cimetières, \tuis
cette maladie ne dura qu'un temps ci, lorsque la lutte se fut terminée et
que chaque auteur en prose ou en vers eut acquis toute liberté d'écrire a
su guise, la langue française et les autres idiomes de l'Europe occidentale
également affiné» parla luttes enrichis parties acquisitions nouvelles, se
retrouvèrent plus amples, plus souples, plus compréhensifs et mieux
adaptés à la discussion des grands problèmes qui se posent devant ta
«oc îété co 1 1 tel n pora t ne .
NATIONALITÉS : NOTICE HISTORIQUE
i83o. — au nov,, insurrection de Varsovie et de la Pologne.
i83i.— 3-17 févi\, émeutes a Modene, Bologne, etc. — i3 févr. et
16 sept., émeutes a Paris. — S sept., prise de Varsovie.
i83a. — ai mai, Mehcmot-At! prend Saint-Jcan-d'Acre et, le 21 déc,,
défait l'armée turque à Konieh.
i833. - Agitation on Xendée et à Lyon. — 8 juil., traité d'iinkinr-
Skclessi, livrant les détroits turcs à la Russie.
i83^i. — - 9 i3 avril, insurrection des Canuts ù Lyon et massacre de la rue
Transrionain a Paris. — Tentative de Maxxlni en Savoie,
i835. — a8 juil., attentat de Fiescbi. — Oct. i83C. Louis-Napoléon à
Strasbourg.
1839. — va mai, émeute à Paris, — s/| juin, Meliemet-AM est vainqueur
des Turcs a Nczib.
i8/|o. ■- 6 août, Louis-Nu poléon à Boulogne. — Les puissances inter-
viennent en Orient et, le u sept,, bombardent Beïrul.
i8$t, — ,;j juil., un Imité international rend les détroits A la Porte.
i8/|3 a i8V")< soulèvements multiples en Italie.
1 H\Û. - rN févr., émeute à Crncovie î jacquerie en Gulieie,
18^8. - 3 janv., émeute à Milan. — au janv.-i5 févr., les Napolitains
et les Toscans obtiennent une constitution. — 10 fév., émeute a
Munich, — Paiuh, a 4 févr., Révolution; aS-aO juin, journées de
guerre civile: 10 déc., Louis-Napoléon élu président.
i8'|8. - Com-'Édéhation : a-7 mars, mouvements à Situtlgart, Munich,
Hanovre, Francfort, Hambourg, Carlsruhc, Mannheim, Hcidcl-
borg, etc.; constitutions accordées à Saxc-VVclmur, Nassau,
liesse Darmsludt, etc. — Viexxk : émeute le i3 mars ; état
insurrectionnel durant plusieurs mois; l'empereur s'enfuit le
i5 mai et de nouveau le 7 oct., la période révolutionnaire est
close par la prise de Vienne, le i«nov. — Bkulin : les 18 et
19 mars, on ko bat dans les rues de la capitale prussienne; un
â»8 l'homme et la terre. — NATIONALITÉS
ministère libéral vit jusqu'en tiov. ; — PiunuK, soulevée, le
i» mars est reprise le 17 juin.
1848. — Milan : tes Autrichiens sont chassés le 19 mars; après la bataille
de Custossa, a4 Juin, Radeteky en reprend possession le 7 août.
Vknisk se soulève le 23 mais; la République, proclamée le
!) août, subsiste pondant plus d'un an. — HciiLEtwin, *x(\ mars, les
Allemands chassent les autorités danoises; en avril, l'armée
prussienne vient rétablir Tordre ; — Avril-mni, insurrection
des Polonais de Prusse. ~ Hume, 19 nov., fuite de Pie I\,
18^8. -- Kiunwokt : 3o mars, réunion du p reparle mon t. — 1.{ avril, des
bandes nHolutionnaircs apparaissent a Donauscbingen; durant
quinze mois, le pays de Bade est en ébiilUtiou. — 18 mai,
première séance du parlement allemand. — lojuil,, armistice
entre la Prusse cl le Danemark, provoquant à Francfort, par
contrecoup, l'émeute du iK sept,
i8'|8. — HoNuitiK. Avril mai, soulèvement des Serbes, Croates et Rou-
mains contre les Magyars ; hostilités des juin. — 99 sept.,
première bataille entre Autrichiens et Hongrois ; 3i déc.,
ceux-ci évacuent ttudnpcsl.
i8fy. — «7 fév,, défaite des Hongrois à Kapolna, avril, victoire à
Gudullo, puis le 9 à Vacz et le 19 a Nagy-Sarla; 21 mai, les »
Hongrois reprennent la forteresse de Budapest ; 17 juin, entrée
des Basses en Hongrie; 28 juii., les Hongrois proclament
enlln l'égalité des races; 1 1 août, Gœrgei devient dictateur et
capitule le i3 a \ ila^os.
ïSty. — févr M Home proclame la République; les François débarquent
à Civita-Veccbia le a\ avril et, malgré l'émeute du i3 juin à
Paris, prennent Home le 3o juin, — Florence est en révolution
du lOTévr. au «5 mai. — a3 mars, les Autricliiens battent les
U
Plénum lais à Novare. — i* r avril, prise de Brescia et massacre. *.
18I49. -- 38 mars, Le roi de Prusse est élu empereur d'Allemagne par le n
parlement de Francfort ; il refuse le »8 avril. — ao-3o juin, !
combats dans le pays de Bade, — «3 juil., reddition de Rastadt,
le «7 août do Pet rova radin, le u8 août de Venise, le 97 sept,
de komorn.
ônalitéJ
Le mot « socialisme » est compris par tous
comme lu « lutte pour rétablissement Ûe la
iustice parmi les hommes ».
CHAPITRE XVII
RÉVOLUTION DR 1848 EN FRANCE ET EN EUROPE. ~ SONDE RBUNO
SOCIALISME ET SOCIALISTES. — JOURNÉES OE JUIN* - LUTTES EN ALLEMAGNE
INSURRECTION HONGROISE. - SOULÈVEMENTS A MILAN, VENISE ET ROME
EMPIRE. — QUESTION D'ORIENT. — OUERRE D'ITALIE
LA CHINE ET LES PUISSANCES. ~ LES TAIP1NO. — TRANSFORMATION DU JAPON
L'EUROPE EN INDO-CHINE. — RÉVOLTE DES CIPAVES
Le changement politique auquel l'histoire n laissé un nom retentis-
snnt : « Révolution de i8fl.8 .., mérite en effet d'ôlre ainsi mis en relie!
parmi le» événements du dix-ncuvieme siècle. Si tes résultats apparents
en furent peu durables, du inoins en France d'oïi s'élait envolée rétin-
eetlc de l'incendie, si le ren versement du Iroïic représentatif de la bour»
geoisie française aboutit en moins d'une année au rétablissement d'un
état de choses qui, en fait, était l'empire napoléonien, I» secousse,
t3o l/llOMMS ET LA TERRE. — NATIONALITÉS
ayant eu lieu ù une période, oit le monde ne trouvait en un très grand
nombre de point» dans une situation d'équilibre très instable» se pro-
pagea rapidement de royaume en royaume jusqu'aux extrémités de la
terre, Jamais ta solidarité, consciente ou inconsciente des peuples, ne
s'était manifestée d'une manière plus évidente* jamais on n'avait mieux
senti que la vie de l'humanité civilisée battait suivant le môme rythme.
Le ml Louis Philippe avait à peine débarqué en Angleterre, où tant de
républicains chassés par lui ravalent précédé sur cette terre d'exil, que
le vieux Metternirh, génie vivant de lu contre révolution européenne,
vint le rejoindre, et, bientôt après, le roi de Prusse devait humblement
comparaître devant son peuple de Berlin et lui demander, tête décou-
verte, pardon d'avoir forfait a ses obligations de souverain consti-
tutionnel.
Pur contre coup, l'Allemagne et les provinces non germaniques
gravitant autour d'elle se trouvèrent beaucoup plus profondément
ébranlées que la Franco : dans ce dernier pays, la question de l'unité
nationale n'avait plusù être discutée, personne n'agitait l'idée de fédé-
ration, tandis que le vœu universel de tous les Allemands se portait
vers la constitution d'une grande patrie soustraite à la domination et à
la rivalité jalouse des riluls recteurs, l'Autriche et ta Prusse. Le chaos que
l'on appelait la « confédération germanique . avait été brouillé à plaisir
par ces deux « mauvais bergers » et par les divers princes et prinei-
pieules entre lesquels était partagé l'empire. L'ensemble îles domaines
se compliquait d'enclaves et d'exclaves entremêlées, qui faisaient du
labyrinthe des Ktats et de leurs dépendances proches ou lointaines un
dédale connu seulement do quelques spécialistes. Le manque d'unité
politique déterminée avait eu pour conséquence la formation d'un 1res
grand nombre de petits centres, de foyers indépendants, qui maintenaient
son caractère original à chaque partie de la contrée; mais les lignes de
partage entre les divers Ktats restaient indistinctes, confuses, sans
aucune précision. Néanmoins, a quelque petite principauté que l on
appartint, et que l'on vécût en paix, en rivalité ou en guerre, la nationalité
allemande! n'en restait pas moins fixée par la langue originaire: le
Bavarois se savait Allemand comme le Suxou. l'Autrichien du Danube
n'était pas moins Germain que le Weslphalien de la liulir ou de la
\\ eser.
lue fois toutes les anciennes limites géographiques effacées par
LA RÉVOLUTION DE l$H8 KS F.VROPE l3l
[es voies de communication et les grandes concentration» urbaines, il se
trouva que l'Allemagne était naturellement, dans son essence même,
beaucoup plus unie que les pays voisins artificiellement unifiés.
L'ensemble* malgré ses divisions politiques,
présente un corps plus spontanément national
que? la France elle-même, de la Bretagne ù
tu Provence et de ta Flandre lilloise au pays
Basque. L'extrême diversité politique des Klat»
allemands pouvait donner le change sur ce
fait de l'unité profonde des populations, mnis
le premier acte de la révolution générale fut
de proclamer cette unilé du monde germa-
nique. A eel égard, le mouvement populaire se
rapprocha de l'oeuvre désirée beaucoup plus
que ne le fit plus tard l'empire allemand
reconstitué. D'après la constitution que vota
d'enthousiasme le u parlement préparatoire »
de Francfort, ton* les tëlals de langue alle-
mande s'unissaient par un lien fédéral et se
faisaient représentera Francfort pur une assem-
blée issue du suffrage universel ; l'indigénat
apjwirlenail fie droit dans chaque partie de
l'Allemagne «» x nuiifo de tous les Ktats ;
toutes les douanes intérieures étaient suppri-
mées; les monnaies, les poids, les mesures
devenaient communs, l'armée et la flulte
devaient relever désormais de la grande patrie.
Il esl vrai (pie ce» décisions ne furent point
sanctionnées par la réalité : elles ne donnèrent
lieu qu'à un vain décor, car les révolutions
s\ reprennent à deuv fois et n'atteignent te bul que par des voies
détournées.
lin même temps (pie les Allemands, les diverses nationalités oppri-
mées par te royaume de Prusse ou par l'empire d'Autriche, Tchèques,
Polonais» Uulhcne», Slovènes et Slovaques, Croates, Italiens et Houmains,
eiillu et surlout les Magyars revendiquaient leur indépendance avec
ardeur. Mais les sentiments s'entremêlent parfois de façon bizarre, et
MiMfo Canin valut.
FUSIL-fAKAFLCtS
DB (I Alt DE NATIONAL
i3a l'homme et i\ terbe, — nationalités
ceux là mûmes qui se plaignaient le plu» Aprement de l'injustice
commise envers eux par des oppresseurs trouvaient tout naturel de
se faire obéir pot' des populations d'autres race» et d'autres langue*. Le*
plug zélés patriotes, qui poussaient à ta révolte des habitants germa-
niques du Holstcin et du Schleswig, s'indignaient contre les prétentions
de Danois, de Polonais ou de Bohémiens voulant se libérer du joug
alteiuund.
Précisément alors les populations slaves se reposaient d'une
effroyable guerre civile, Tandis que les Polonais de ta Poznanie essayaient
sans succès de soulever les paysans pour In reconquête de leur indépen-
dance nationale, les paysan» de la (Jnticir, d'origine ruthène, s'étaient
urines de leurs faux pour courir sus aux seigneurs polonais, haïs comme
propriétaires, et Ton évalue ïi deux milliers le nombre des nobles et des
prêtres qu'ils auraient massacrés. La domination de la Prusse et de
l'Autriche sur les provinces polonaise» annexées se consolidait d'autant
plus que des haines traditionnelles divisaient les sujets. Craee à ces
dissensions locales, le gouvernement autrichien avait pu supprimer
l'autonomie politique de la république de Cracovie, dernier débris de ce
qu'avait élé le puissant Ktat de la Pologne (i8'|(>),
Kn Autriche, en Hongrie, dans la Slavie du sud se produisirent des
phénomènes analogues a ceux des pays polonais, mais en de beaucoup
plus amples proportions. Le chaos des nationalités s'y agitait en remous
île mouvements inégaux cl contraires. À la même époque, Prague, !
Vienne, l'est, Zagreb (Agru tu Jetaient en insurrection; pas un bourg du i
sud est de l'ISuropo jusqu'aux portes de Stamboul qui ne fut soulevé
ou dans l'attente liévreuse de quelque grande transformation. Sans aucun
doulc, si tous los opprimés de races diverses avaient su se concéder leurs
droits mutuels et se réunir contre l'oppresseur commun, ils eussent
triomphé des gouvernements traditionnels, quitte à régler ensuite leurs
dillérends particuliers conformément à l'équité. Mais les haines sociales, "
plus vives encore que l'amour de la liberté et de l'autonomie politique, i
empêchèrent cette union. Les seigneurs magyars et polonais, habitués î
au commandement et h la jouissance de la fortune, ne pouvaient i
admettre que leurs paysans roumains, serbes, croates ou ruthênes,
vivant sous le poids du mépris héréditaire, fussent admis comme des
égaux dans le partage de la victoire. "
Rares étaient les esprits intelligents et les camrs généraux, vrais
NATION AUtlB OPPRIMEES ET INCONCILIABLES
N* 446. Confédération germanique.
i33
t
i: 10000000
llb 250 iliO Kil.
Le Usera de hacburcs horizontales, limite la Confédération germanique (1820.1866), dont
l'unique organe commun était la diète siégeant a Francfort et réunissant les délégués de
39 état* i Autriche, Prusse, Bavière, Saxe, Hanovre, etc.
Les pavs relevant de monarques allemands, mais ne faisant pas partie de la Confédération
sont en blanc sur la carte t Prusse de la Trans-Oder, Hongrie, Croatie, Lorobardte» etc.
Les points ouverts indiquent les villes où se produisirent des soulèvements en 1848 (voir
notice historique, page 127)j les points noirs sont, pour la plupart, des lieux de bataille tC«
Custozxoi N « Novare. — D « Donauscbtngon i R « Raatadt. - Ka «= Kapolna» «
Oodollô} V « Vac« et Nagy.Barlo ) P « Peirowaradin î Ko m Komorn; B « Berne* L »
Lucarne,
\'Ah L'HOMME ET l.À TERRE. — NATIONALITES
interprète» de l'histoire, comprenant que l'étroite solidarité outre
toute» les meus qui aspirent à se constituer librement était l'indispen-
sable condition du succès. On dit qu'avant d'entrer en lutte ouverte avec
les Magyars» le patriarche Raïetchitch, an nom du Congrès national des
Serbes réunis a Karlovic, proposa aux représentants de la Hongrie une
entent*? amiable, en vertu de laquelle les Magyars consentiraient à
l'union fraternelle des Slaves autrichiens, tandis que ceux-ci exigeraient
le rappel de toutes les troupes slaves employées en Italie par le gouver-
nement d'Autriche et négocieraient une alliance avec le peuple italien,
lui-même alors engagé dans la gronde lutte du ithargUnenh* . Mais les
ambitions nationales prirent le dessus : les Magyars voulurent a la t'ois
conquérir leur autonomie et maintenir leur domination. Us temps
n'étaient pas encore venus pour la solution naturelle, seule logique et
normale, c'est-à-dire la fédération libre entre toutes le» nationalités de
l'Europe sud -orientale, de Prague à Constantinople,
i
t
Dans la petite Suisse se passèrent aussi des événements mémorables
qui témoignent delà toute-puissance de l'opinion contre les conventions
diplomatiques. Les jésuites, toujours industrieux a tisser leurs toiles
d'araignée, avaient réussi a se faire accueillir clans un certain nombre
de cantons, et îi s'emparer de l'éducation des enfants à Lucarne cl autres
cités catholiques. Kort Imbiles à négocier» ils s'étaient crus également
de force a combattre, cl, sons leur patronage, s'était constituée la ligue
du Sonderbund — « Alliance distincte * —, qui comprenait les sept eau- i
tons catholique» de Hchwlta. Lucerne, l>i, t ntenvalden, Zug, Fribourg
et Valais (iK'|0). Après de longues hésitations et temporisations, le reste
de la Suisse Unit par accepter le défi et triompha des bandes que diri-
geaient les prêtres. La campagne ne dure que quelques jours (novembre
18/17) et prit au dépourvu Metlernich, Guizot et autres ministres qui j
eussent volontiers prêté mainmorte u la religion, Néanmoins la diplo- |
matie européenne parlait encore d'intervention, lorsqu'on apprit lu
nouvelle de ta révolution qui venait de se produire a Paris. Dès le lende- e
main, le »<) février, les citoyens de NeucIuUel se débarrassaient du per- t
sonnage qui gouvernail le canton au nom de lu Prusse, et, malgré toute
la diplomatie de i'Kurope, ils faisaient reconnaître leur indépendance
u
1. A. d'Avril, La Serbie chrétienne, p. 77.
LA SUISSE ET LE SONDERBUND
|35
politique et l'abolition de toute suzeraineté prussienne* Ces événements
curent pour résultat d> donner à fa Suisse une beaucoup plus grande
unité politique, mois au détriment des autonomies locales, te pouvoir
des jésuites avait été rompu, mais au profit de l'Etat : la confédération
des Etats devenait un Etat confédéral.
Eu Italie comme en Suisse, la Révolution uvuit déjà commencé
d'ébranler le peuple de diverses provinces, en Lornbardie, en Sicile,
eSS^vïv:
Cl. J. Ktthn, «dit.
LAC DB8 QtïÀTOB CÀNTOK»
Branche méridional*, vue do l'est,
avant que la rumeur de Paris se fût entendue au delà des Alpes;
même l'attitude presque libérale d'un nouveau pope, Pie IX, avait fait
tourner les regards vers Rome dans l'attente d'un ebrislianisme régé-
néré qui mènerait les peuples affranchis et contlanls vers une ère de
justice et de liberté.
Lorsque la grande secousse de février bouleversa tout le inonde
officiel en Europe, le mouvement italien devint inévitable, Venise se
lit libre et républicaine, et le roi de Sardaigne, Charles Albert, fut
obligé pur la poussée de l'opinion publique de déclarer la guerre à
i'M* l*HOMHK KT LA TKHftt. -— NATIONALITÉS*
I* Autriche sous peine de voir renverser soit propre trône. Ce fut
l'époque du Ittsorgimenfo, de la a Résurrection ». "En quelques semai-
nes, el presque sans combat, l'Italie en était arrivée à pouvoir revendi-
quer son unité politique, cet idéal qui jadis avait flotté devant quelques
nobles esprits, dont ils n'avaient jamais pu tenter la réalisation. Dès les
premiers Jours de conflit entre les révolutionnaires italiens cl les garni-
son» autrichiennes, celles-ci avaient du évacuer Milan et les autres villes
de la Loinbardie occidentale, foyers par excellence du patriotisme
unitaire, où Ton avuit vu le» fumeurs former une ligue pour s'abstenir
de fumer du tabac autrichien et les jeunes filles, oublieuses des u iiuumts
de Vérone a, s'associer par serment pour renoncer d'avance à tout
amour avec ennemi ou compatriote indifférent aux revendications
nationales. Si grande était l'ardeur du sacrifice que les martyrs ne se
comptaient plus cl que le changement d'équilibre politique était reconnu
comme inévitable pur les conservateurs les plus outrés ; mais de leur
côté, les ardents Ituliens ne se condamnaient-ils pas d'avance à un mou-
vement fatal de réaction eu confiant la gérance de leurs droits el le
souci de leur émancipation à des ennemis naturels, a deux souverains,
le pape et le roi?
Le contre-coup de la révolution de février ne se fit guère sentir en
Espagne, tant ce pays était accoutumé aux ébranlements de la guerre
civile ; tandis qu'en dépit de leur isolement traditionnel, les îles Brilan
niques furent secouées par le mouvement d'ondulation générale. Le
peuple s'agita, et le Parlement dut s'entourer d'une véritable armée ;
même en Irlande, on en vint a la franche révolte, révolte condamnée
d'avance a un insuccès lumentablc, car les Irlandais, affaiblis pur une
oppression mainte fois séculaire, el, d'ailleurs, privés de toute force
physique par la famine, Bavaient à peine manier leurs bâtons el se
laissaient choir, exsangues, au bord de la route.
Chose étonnante, le choc en retour des événements d'Kurope aurait
été plus sérieux en conséquences dans l'Inde lointaine cl en Extrême
Orient, car des auteurs anglais attribuent au retentissement des révo-
lutions de l'Occident le soulèvement des Sikh, établis autour de Lahore
et dans le Pendjab ; ceux-ci battirent les années de la Compagnie en
plusieurs rencontres, tandis (pic de nombreuses grèves de Cinghalais
incitaient en danger ta domination de l'Angleterre. Quant aux Toïping
de la Chine, qui, vers la même époque, bouleversèrent l'empire du
CONTRE-COUP» LOINTAINS 1^7
Milieu* il faut certainement voir dans Leur formidable poussée la
preuve que l'Orient et l'Occident commençaient à vibrer parallè-
lement sous l'inlluonce des mêmes causes profondes ; toutefois,
aucun fait ne permet de rattacher directement cette grande révolution
chinoise aux événements qui, vers l'autre extrémité de l'Ancien monde,
agitaient alors le» villes de Paris, de Berlin* de Vienne, de Pest et
de Milan.
Pour l'Amérique latine, il en fut autrement : l'influence morale de
la France est telle dans ces contrées que sa révolution nouvelle secoua
fortement les esprit» et produisit ça et la, notamment dans la Nouvelle
Grenade, quelques mouvements politiques.
La révolution de 1 8/|8 se distinguo do toutes les révolutions anté-
rieures et marque en conséquence une très grande époque do l'histoire,
parce que, du moins en Franco et en Angleterre, c'est-à-dire dans les
deux pays qui avaient déjà poussé à fond une première évolution
politique contre la royauté» le mouvement prit un caractère 1res net
dans le sens d'une transformation sociale. La Révolution dite de 1789
n'avait pas eu d'autre idéal que le triomphe du Tiers état, c'est-à-dire
celui de la bourgeoisie, et l'œuvre, dans son ensemble, était due aux
propriétaires du sol et des maisons, aux industriels, aux commerçants,
aux artisans d'élite, aux gens de professions libérales ; le peuple n'avait
eu qu'à servir de comparse, il avait apporté ses instincts de foule, ses
enthousiasmes, ses colères. Mais en 18/(8, c'est l'ouvrier, c'est le
travailleur qui est l'auteur principal do la révolution. ïl ne connaît
peut-être pas le mol de « socialisme », qui est d'invention récente et
dont quelques écrivains se disputent la paternité, mais il le fait entrer
dans l'histoire; il lui donne sa véritable signification, qui n'a rien
d'abstrait» et que tous comprennent comme la « lutte pour l'établis
sèment do la justice outre les hommes ».
La justice 1 on l'avait déjà solennellement proclamée un demi-siècle
auparavant, sous le nom de « Droits de l'Homme », et même ou avait
ajouté le cri de Kraternitéî à la proclamation de ces droits. Depuis
cette époque, le temps de la réalisation de cet idéal semblait d'autant
mieux venu que de nombreuses machines avaient été inventées pour
alléger le travail humain et que les procédés de la division du labeur
avaient augmenté de beaucoup la production. Or, loin de voir leur
i38
L* HOMME IT LA TEHRE. — NATIONALITÉS.
situation s'améttorer en proportion det progrès mécanique» do l'indus-
trie* le» travailleur* »e trouvaient au contraire en des condition» de
plus en plus incertaines, l'introduction de lu machine dans la manu-
facture permettant au patron de lésiner sur les salaires de son matériel
humain. Qu'importait à celui-ci d'avoir été muni officiellement de ses
droit»! s'il n'avilit pas
môme celui de vivre?
Aussi saisit-il avec
enthousiasme l'occa-
sion de les revendi-
quer. U*s écoles socia-
listes, déjà 1res nom-
breuses, avaient fuit
do fort belles pro-
messes depuis une
vingtaine d'années :
ou les somma de les
tenir. D'après des ré-
cits du temps, une dé
pulation d'ouvriers se
serai t présentée à l'Hô-
tel -de Ville devant les
membres du gouver-
nement provisoire et,
dans un beau lan-
gage de générosité,
leur aurait offert de
« mettre trois mois
de misère au service
de la République *. Certes, Paris et la France eurent alors de fort
nobles élans, et le type du Quaranle-huitard , tel qull est resté dans
la mémoire des générations suivantes, est celui d'un vaillant et d'un
sincère à la figure lumineuse et sympathique, à la barbe ondoyante,
a la parole chaude, «'enivrant volontiers de ses discours aux amples
périodes, plus empreinte* d'une large conllance dans l'avenir que de
solides raisonnements basés sur la compréhension des choses. L'homme
de (8 fut réellement bon, et, pendant les premières semaines qui
Cabinet il» KiUtupe».
sainï-bimok (17604825)
ÉCOLES SOCIALISTES
»3û
suivirent la révolution, on put revivre les grandes émotions tic ferveur
et de joie révolutionnaires que tes enthousiastes avaient éprouvée» au
commencement de ta Révolution française. Des étrangers accouraient
en foute vers' Paris : Charles Dickens* pour ne citer qu'un exemple,
s'essayait à écrire en français» la langue républicaine qu'il déclarait
vouloir parler dé-
sormais.
Toutefois, les
hommes ne se nour-
rissent point de pa-
roles seulement : il
leur faut aussi du
pain» et la société a
laquelle les ouvriers
s'adressaient mainte-
nant pour obtenir
leur salaire bien
gagné, cette société
faisait faillite à ses
promesses ; elle ne
reconnaissait plus ce
« droit au travail »
que des ministres, et
non tics moindres»
avaient officielle-
ment reconnu. C'est que les socialistes étaient encore une minorité
infime» beaucoup trop peu nombreux pour agir sur l'opinion publique
autrement qu'en excitent la surprise, même en éveillant le scandale.
Sans doute, les doctrines de rénovation sociale» échappant au domaine
du pur esprit et de la fantaisie, avaient toutes essayé l'épreuve de l'expéri-
mentation ; elles avaient tenté de se faire vivantes, par cela môme avaient
cessé d'appartenir à l'utopie pour se réclamer de la pratique * ; mais
combien toutes ces théories étaient-elles en désaccord et quelle eût été
l'impossibilité d'en tirer une résultante générale 1 Tels socialistes de
l'époque eussent commencé tout d'abord par instituer le pouvoir absolu
Musée du Luxembourg.
CHARLES FOU8IKB (1772*1837)
1. Bernard Lazare, Histoire fc$ doctrines révolutionnaires, p. 3.
I/Jo L'HOMME ET LA TKHHK. — NATIONALITÉS
avant «T « organiser n te nouveau fonctionnement social ; ,le plus grand
nombre des reformate» n» se AH contenté d'utiliser à de» nouvelles fins
la hiérarchie déjà existante: quelque? autres eussent en premier lieu
fait litière de toute» le» autorités établie».
En face de la routine héréditaire qui condamne au travail mat
rétribué les non possesseur» du sol, que signifiaient le» quelque» expé-
rience* tentées ça et là en vue de la constitution d'une société d'harmonie
où le sort de tous serait assuré et oh la vie s'écoulerait heureuse et
fraternelle) 1 Certainement, les tentatives avaient été fort intéressantes,
mais ce ne furent que de simples éclairs sur le fond noir de la servitude
traditionnelle, lia »«*»» Hubert Uwen, après voir démuni ré que l'homme
est déterminé par son milieu, voulut prouver aussi dans sa manufacture
de NewLanark qu'eu donnant a ce milieu des conditions de justice et
d'équité parfaite, on réussissait a modifier parallèlement les individus.
Puis, en iKa'i, sur la terre vierge de l'Amérique, il avait amplifié ses
expériences et créé des « harmonies n sociales que l'on imita en divers
lieux des Etats-Uni», et qui, presque toutes, réussirent matériellement,
mais pour se laisser absorber de nouveau par l'ambiance du tout-puis-
sant capitalisme.
Moins importantes par les essais de réalisation, les expériences
faites en France avaient eu plus de retentissement dans l'élabo-
ration des idées. Le puissant génie de Charles Kouricr remua profon-
dément l'esprit des penseurs et groupa dans son cortège intellectuel
les plus généreux des hommes ; mais ces disciples qui représentaient
une si remarquable jelilo n'étaient pourtant ni assez nombreux ni assez
riches pour fonder un phalanstère dans le bel ensemble architectural et
hiérarchique conçu par le maître — et, après tout, le phalanstère ne
représentait que le petit côté de la doctrine du maître — ; les essais en
petit que l'on en imagina a Contlé sur-Vcsgre, à Brook-Farm ou ailleurs,
étaient condamnés d'avance comme des œuvres incomplètes. De même ta
colonie deMénilmoniant, qui s'était hardiment établie dans le voisinage
de Paris, et qui tenta de réaliser l'union harmonique des trois forces, le
travail, le capital et le talent, heurtait trop ostensiblement, par son
costume et ses rites, les habitudes traditionnelles de la bourgeoisie, pour
que la loi n'intervînt brutalement el ne dispersât les associés, presque
tous hommes de science et de prestige intellectuel, destinés u laisser une
trace dans l'histoire.
RéAUSATrOÏNS SOCIALISTES %!\i
Pourtant une autre doctrine, plu» simple et môme naïve, près-
qu'enfantine dans ses conceptious sociulcs, devait agir d'une manière
beaucoup plus puissante sur une certaine partie du pouple : ce fut la
doctrine communiste pure, formulé© par Cabet en langage évangé-
lique. Elle donnait toute satisfaction à ce vieil instinct des masses qui
de tout temps leur avait fait voir la cessation do leurs maux dans le
retour vers ta communauté des terres et dans son compté m (Mit naturel,
Ici communauté des bien». Aussi Cabet trouva -Ml de fort nombreux ndlié-
rcnls et lorsque, disant adieu au vieux monde, il partit pour aller fonder
i'Icarie sur la terre vierge de l'Amérique» il fut suivi pur des centaines de
disciples ambitieux de cette vie do paix et de bonheur dont ils devaient
enfin jouir avec lui. Triste personnage que celui d'Icare, dont les ailes
fondirent au soleil I mais comment une communauté sans liberté eùt-
elle pu réussir pour d'autres que pour des moines abêtis par l'obéissance,
le prosterne ment et les macérations ?
La somme des expériences que pouvait invoquer le socialisme nais-
sant pour découvrir à brève échéance l'heureuse solution de la question
sociale était donc bien insuffisante. Et d'ailleurs, les politiciens empiriques,
chargés de gouverner et de légiférer, étaient fort loin de s'entendre sur ta
conduite à suivre ; même, la plupart d'entre eux étaient ils d'avis que la
•« question sociale » n'existe point et qu'il suffit de parer de son mieux
aux difficultés du moment sans essayer de modifier en rien les rapports
entre les capitalistes et la chair à travail. Tandis que des novateurs élo-
quents, généreux, acclamés, la plus belle école de sociologie militante
que le monde ait jamais vue, adressaient aux peuples leurs appels pour
les entraîner vers une forme de société plus équitable, d'autres hommes
préparaient en silence les moyens d'insurger tes travailleurs afin de les
décimer ensuite par un massacre salutaire.
Leur conspiration réussit. Los ouvriers en chômage que l'on employait
inutilement dans les » ateliers nationaux » a brouetter les terres et à
dépaver et repaver les rues furent tout a coup licenciés et, pouruinsi
dire, déliés à la révolte par la meute des journalistes ahoyeurs. En effet,
la bataille éclata, terrible, acharnée, à la fin du mois de juin iK/|8, et,
pendant plusieurs jours, se succédèrent les combats et les massacres de
prisonniers. Les ouvriers insurgés, traités de « Hédouins -■ par les géné-
raux d'Afrique, apprirent à 4curs dépens que la bourgeoisie républicaine
savait égaler, peuMtre même dépasser les rois dans la férocité* de la
V 8
ifa L'HOMME ET' LA TERRE. — NATIONALITÉS
répression. En même temps que tes vainqueur* de juin avaient réduit au
silence pour un long temps les revendications du socialisme, ils avaient
transformé la république en une servante des monarchies de droit divin ;
on France, sous un faux nom, m Présidence », l'Empire fut bientôt fait.
En Angleterre, le mouvement de réaction s'était accompli parallèle-
ment, et même d'une manière plus complète, puisque l'agitation « char-
tiste w avait été étouffée sans que le Parlement eut recours aux grands
moyens de bataille ou de massacre. Privée de ses deux champions,
l'Europe redevenait désormais la proie de ses oppresseurs traditionnels :
un reflux général succédait au flot que la Révolution avait propagé à
travers te monde.
Le Parlement de Francfort se débattait au milieu de difficul-
tés inextricables ; il avait a grouper en une fédération des monar-
chies absolues ! puis a s'occuper des frères allemands non représentés
à la diète, tels ceux du Scblcswig et ceux des bords de la Vistule, et de
bien d'autres problèmes, insolubles par lui. En réalité» le Parlement,
dominé par l'antagonisme des ûcjl* pouvoirs forts — la Prusse et
l'Autriche —, n'était qu'un instrument dans la main des princes
fédérés qui laissaient passer l'orage révolutionnaire. Les Allemands qui,
au nom de l'unité germanique, s'étaient déjà établis victorieusement
dans le Scblcswig évacuèrent leur conquête, et les barricades élevées
dans les rues mêmes de Francfort (t8 septembre) furent déblayées
sans peine. Pour comble d'humiliation, le Parlement finit par choisir
comme empereur d'Allemagne ce même roi de Prusse qui, pendant toute
la période révolutionnaire, avait affecté d'ignorer l'assemblée, qui en
avait contrecarré sournoisement toutes les décisions. Et cette fois encore,
le roi ne fit point aux délégués de la nation l'honneur d'accepter leur
offre ; ce n'est point au populaire, à la bourgeoisie qu'il consentait à
devoir l'empire ; seuls, les autres princes, ses cousins et ses frères, lui
paraissaient être en droit de donner la couronne impériale. Il
n'admettait pas que la transformation se Ht par en bas, elle devait se faire
par en hnut. Et des historiens commentateurs ajoutèrent qu'il ne
fallait pas que cette gratifie révolution de l'unité nationale s'accomplit
dans l'accord et la paix, mut» suivant l'antique méthode de l'histoire,
« par le fer et pur le feu .
Du moins le Parlement de Francfort ne fut pas massacré, La plupart
ÉCRASEMENT DE I/AM.EMAUNE RÉVOLUTIONNAIRE
i43
do se» membres furent rappelé», par l' Autriche, la Prusse, la Saxe, le
Hanovre : le reliquat parlementaire chercha un refuge dans Stuttgart,
mais la dernière allocution du président fut couverte par le roulement
des tambours. C'était te dernier acte de la comédie, la tragédie avait
déjà commencé. Repoussé* vers le sud après de sangtanU combats, les
Cl. S, Kunh, «dit,
DRB8DE £T L'ELBE
insurgés du pays de Bade, c'est-à-dire les défenseurs de l'unité nationale
allemande, furent plus que décimés, puis, après la capitulation de
Kastadt où s'étaient enfermés les derniers champions de la cause
vaincue, le régime de la terreur, apporté par les envahisseurs prussiens,
écrasa les 13a dois pendant de longues années. D'autres Prussiens, à la
même époque, dirigeaient la répression dans la ville de Dresde. Les
conseils de guerre abattaient les tôles, emplissaient les prisons, confis-
quaient les propriétés. L'un des triumvirs qui avaient dirigé la
résistance des insurgés de Dresde, Richard Wagner, déjà célèbre comme
l'auteur du Tatmhiliuter t réussit à s'éeliapper, tandis que Michel
Bakounine, le fameux agitateur russe qui avait été l'âme de la résistance,
V 8*
I^ L'HOMME ET LA TERRE. — NATION AMTé«
fut saisi, jeté dans un cachot, puis livré à l'empereur de Russie, logrand-
mattre de la réaction européenne!.
Ce fut également au tsar Nicolas que s'adressa le gouvernement
d'Autriche pour venir a bout de l'insurrection des Hongrois. Ce peuple
asiatique, frère des Turcs par l'origine et par le langage, avait obéi a
d'autres destinées que moi» voisin des contrée» balkhaniques. La religion
les avait irrémédiablement divisés le» uns des an I res : tandis que les Turcs
s'étaient constitués en avant garde des nations musulmanes, les Hongrois
ou Magyars avaient été, de pur la situation géographique, placés en télé
de toutes les nations chrétiennes et, tantôt vainqueurs, tantôt vaincus,
ou même absolument soumis, ils avaient eu à souffrir plus que tous les
autres dans ta lutte interminable et sans merci. Mais, quoique se sacri-
fiant pour la cause de tous, les Hongrois n'étaient qu'à demi accueillis
par les autres Européens : on les connaissait à peine et l'on voyait en
eux ce qu'ils étaient en effet, des Asiates non encore adaptés à leur
milieu dans ce chaos des peuples, Slaves, Allemands, Italiens, Roumains
et Frioulnns parmi lesquels ils s'étaient aventurés. Ne pouvant
apprendre tous ces parlers si différents de leur propre idiome, les
Hongrois avaient pris naturellement pour langue d'intercourse celle qui
était en usage dans toutes les chancelleries où fie rédigeaient des
conventions et des traités. Leurs propres scribes, leurs moines s'étaient
mis à employer la im>mc langue, le latin, et pendant huit siècles,
jusqu'en i8/i«, les Houveraîris et leurs vassaux* les juges, les clercs,
même les propriétaires de campagne le? parlèrent entre eux ; ce latin
était d'ailleurs très mndillé, réduit à une sorte de jargon, indigent en
formes verbales '.
ta révolution de iK'jN, qui poussait les Hongrois à la revendication
de leur nationaiilé, à la restauration de leur langue, à la reconquête
de leurs droits, les lit entrer pour la première t'ois en nation européenne
parmi les populations occidentale* qu'agitait alors le munie mouvement
de liberté. Leur héroïsme les sacra frères de ceux qui avaient été les
plus grands dans la civilisation aryenne. La situation militaire des
Hongrois semblait tout d'abord désespérée : leur armée ne comprenait
guère que des bandes irréguliercs, tandis que les Slaves de lu contrée,
unis ii ceux des provinces voisines, même à des volontaires de la
t. Anton Bartel, 1S9(î. dictionnaire.
GUERRE AU STRO- HONGROISE
l^B
Halkhanie, apportaient au service de l'Autriche allemande et de son
armée solide toute la force de leur enthousiasme guerrier. Lorsque
II* 447. Plaine de Hongrie.
1 : 6 000 000
0=
100
200
s-sj
300
Vienne était en pleine insurrection et faisait appel à ses voisins
Magyars, ceux-ci, « toujours formalistes cl juristes » (Asscllne), atlen-
!',(> L'HOMMB KT LA TERRE, — NATIONALITÉS
riaient une demando officielle; il» ne vinrent que trop tard et en trop
petit nombre : WïndîsehgrieUutlaquc Vienne le *8 octobre, la horobarde
le 39, temporise le 3o* repousse l'armée hongroise le 3i et pénètre en
vainqueur dans lit capitale autrichienne le 1 w novembre. Bientôt ce fut
le tour de l'est ; le gouvernement hongrois dut l'évacuer el concentrer
toutes le» forces militaires a l'est de lu Tisza. Mais le général polonais
lïcm, qui après avoir commandé Vienne insurge avait réussi à s'échap-
per, accomplissait en Transylvanie tic» prodige» de stratégie victorieuse,
el, bientôt après, (itergei, devenu général eu chef de l'armée magyare,
puissamment réorganisée par Kossulh, remportait successivement des
victoires qui enflammaient d'espoir tous les républicains d'titiropc: les
Autrichiens étaient forcés d'évacuer l'est et de se replier en désordre
jusqu'à la frontière. C'est (dors que l'empereur d'Autriche dut appeler
î\ son secours son grand allié Nicolas, tsar de toutes les Itussies : cent
cinquante mille hommes pénètrent dans la contrée pur les frontières de
l'ouest et du nord, en même temps que du sud s'avancent les Serbes et
que de l'ouest les Allemands reprennent l'offensive. La petite armée
hongroise, entourée de toutes parts, combattit en désespérée jusqu'au
moment où (ïtcrgei, nommé dictateur, capitula au nom de la nation
tout entière dans la plaine de Yilagos, non loin d'Arad (i.'i août 18/19).
Bientôt après toute résistance avait cessé, sauf dans la forteresse de
Komarom lKomorn),quc klapka défendit longtemps encore.
Les Hongrois s'étaient rendus, non au suzerain dit légitime, l'empe-
reur d'Autriche, mais a l'armée russe. Le maréchal Paskicvitch put
écrire à son maître ; a Sire, la Hongrie gil aux pieds de Votre Majesté! »
Mais les Autrichiens se chargèrent de la vengeance : les conseils de
guerre, siégeant eu toute la Hongrie, germanisaient la population par
les verges, le cachot, la fusillade, le gibet, ftmrgri, le général vaincu,
peut-être coupable de trahison, du moins type du militaire toujours
insurgé contre le pouvoir civil, eut la suprême humiliation de se voir
assigner une résidence de luxe et de toucher une pension, tandis que
ses camarades de guerre étaient condamnés aux balles ou à la corde,
ta général autrichien le plus féroce, Haynau le « fouetteur », fui
autrement puni. Visitant peu de temps après une usine de Londres,
il fut reconnu par des ouvriers cl poursuivi ù coups de lanières comme
uue hôte mauvaise.
En Italie, la guerre du Itimyimrtito se déroulu suivant les mômes
ÉCRASEMENT DE LA HONGRIE ET DE l/lTAUK
Hl7
péripéties que lu guerre d'indépendance magyure. Les révolu! ion naires
du nord de ta Pén tuante eurent tout d'abord le dessus, puisque les Autri-
chiens avaient dâ évacuer Milan, et ho retirer dorrière la ligne du Mtncio,
tandis qu'à l'est Venise avait reconquis l'indépendance qui lui avait été
ravio par Bonaparte, un demi-sieele auparavant. Des contingents romains
et napolitains accouraient à l'aide des Lombards, mais les républicains
Ct. J, Kuhn, Mit.
DÔMS OS MlfcAN
n'osèrent pas combuttre seuls et. sacrifiant leurs justes méfiances contre
un roi qui avait trahi, puis espionné, persécuté, emprisonné, mitraillé
leurs amis, ils s'adressèrent au roi Charles-Albert, qui, clans l'espoir de
transformer son petit royaume en une grande monarchie, consentit à
une trahison nouvelle, celle de ta cause du droit divin. Toutefois cette
alliance entre ennemis naturels ne devait pas réussir. Charles-Albert
n'était pas de force à se mesurer contre la puissante armée autrichienne
que dirigeait Itadelzky, vieillard énergique, ct, complètement battu a
CustoKza (aïi juillet i8'|8), puis Tannée suivante, en une nouvelle canv
iVS
l/HOMME ET LA TERRE. — NATIONALITE
pagne, à \ovnra (*5 mars iS'io), il ne lui resta qu'à remettre son abdica
lion mitre les mains de son peuple et à toiser le pouvoir et l'ambition
de ta couronne d'Italie a son fils Victor-Emmanuel, qui» du moins*
n'avait pas un passé de trahison derrière lui,
U victoire de l'Autriche uurait été facilement poussée beaucoup plu»
ù IoimI si les convoitises de ta France n*uvaient été également excitées.
Le confiât tradilion-
■*~"t~"=-*~^~* ^ - nel entre Germains
et Gaulois pour la
domination de l'Ita-
lie recommença soua
une nouvelle forme,
rendu presque mé-
connaissable par les
semblants diploma-
tiques, 11 eût paru
tout naturel que la
France, alors consti-
tuée officiellement
en république, inter-
vint pour défendre
l'indépendance des
république» sœurs,
mais ce fut tout le
contraire : engagée
comme l'Autriclie
musBms mazzini (1805.1872). ^ mw le mouvement
opposi* ù raiTrouchissement des nationalités et des individus, c'est
en champion du pupe qu'elle envoya ses armées en Italie; l'une et
l'autre puissance faisaient assaut de bons principes.
Dans Kcnne. où la Uépublique avait succédé au regnede PiclX.en fuite,
lame de la résistance était le triumvir Giuseppe Maxzlni, le révolution-
naire de sa génération qui, de tous, apporta le plus d'énergie, de vouloir
tenace dans la conspiration, le plus de sagacité dans le choix des hommes,
le plus d'esprit de renoncement personnel dans la vie de tous les jours.
Typedu devoir, il suscitait de* enthousiasmes persévérants, des béroïsmes
de sacrifice, et, quand les meilleurs étaient tombés, austère, impassible, il
l ; r
RÉPUBLIQUE ROMAINE I^g
savait toujours découvrir de nouvelle» victimes volontaires qui couraient ù
ta mort. Il ne reculait point devant la terrible nécessité de l'incessant sacri-
fice des jeunes enthousiastes, car il ne pouvait imaginer pour les autres
de joie supérieure à celte qu'il éprouvait lui-même de souffrir pour la
reconquête de l'Italie une et libre. Apre comme un calviniste, il n'en
était pas moins à certains égards le plus intransigeant des catholiques
pur respect de la Ira
dition romaine. Sa
devise Oio e Pvpofa
faisait dériver les
droits du peuple de
Dieu même, et de ce
Dieu de Home qui
avait par deux fois
donné l'empire du
monde à l'Italie, une
première fois sous les
Césars, une seconde
fois sous les papes, et
qui, dans un avenir
prochain, ne 'man-
querait pus, il en
avait la foi certaine,
d'assurer le troisième
primato a ta répu-
blique d'Italie parmi
les autres nations
de l'univers. Aussi
Mazziui n'était-il pas
ennemi du « Saint-Père » qui avait fui Home pour éviter le contact
des républicains maudits, il aurait voulu lui voir inaugurer une nouvelle
ère de domination religieuse où lu foi démocratique eût donné aux an-
ciens rites un sens nouveau. Kn l'absence du pape, c'est ainsi que, dans
la ville Sainte, il tenta d'interpréter les cérémonies de l'Kglise.
La révolution, née de l'amour de l'indépendance, et pourtant fidèle à
la tradition romaine, impliquait donc une contradiction entre les deux
termes de < Peuple »• et de « Dieu »» ; elle ne pouvait uboutir qu'à de
fiqpr
Cabtttat d« Bitampes. Bibl. Nat.
OIUBEPPË GAMBALDI (1807-1882).
i5o l'homme et latkrrk. — NATIONALITÉS
fatales impasses. Egalement absurde et contradictoire fut le moyen
employé pour étouffer cette révolution : a son mensonge, on opposa un
autre mensonge» puisque In république franentee, ou du moins t'fêlat
hybride qui en portait le nom, revendiqua l'honneur de renverser la
république romaine el de rétablir le régime pu pu lin avec toutes ses ven-
geance» a satisfaire ; encore une foi», la France fut « le soldat de Dieu »
suivant l'ancienne tradition ecclésiastique, fi eut vrai que pour faire ce
bas office de gendarme de lu papauté, le gouvernement français cul préa-
lablement à réprimer une insurrection dans tes mes de Pari»; mois le
peuple, épuisé par la lutte de l'année précédente, n'avait plus lecteur à
ia bataille, el, transportées devant Home, les troupes françaises, enrégi-
mentées au service de Pic l\, purent, grâce au petit nombre des réels
défenseurs de Home, écraser les cli omises rouges de Garibakli.
Complètement déshonorée, la république française n'avait plus désor-
mais qu'à sombrer dans sa honte : elle se détruirai telle-môme en détrui-
sant la république si eu i\ et bien inutilement puisque l'influence de
l'Autriche devint toute maîtresse. La France eut à fournir l'argent cl les
hommes au profit de l'antique camarilta autrichienne. Quant au pape,
remis en possession viagt»re de ses Etats, il comprit, avec le sens profond
des choses qu'inspire le pressentiment de la mort, que le moment était
venu de proclamer solennellement, «ans la moindre atténuation de lan-
gage, la parfaite incompatibilité de l'Eglise avec la société moderne.
Désormais guéri de ses illusions premières, le ■• Souverain Pontife »>
vengea d'abord très amplement les injures faites au Saint-Siège, puis
s'en tint strictement aux principes de réaction absolue qui devaient
trouver leur expression définitive dans le syllabus de i8C4. Quoique
obéissant i\ la loi du changement, qui est celle de toutes choses, le catho-
licisme a la prétention d'élre d'un bloc, comme ces pierres noires
que l'on adore dans les temples d'Asie, 11 se dit et se croit immuable
dans le passé, car le « Pontife romain ne peut ni ne doit se réconci-
lier ni transiger avec le progn>s, te libéralisme et la civilisation mo-
derne ».
L'œuvre de la* réaction était achevée et préparait son code, d'ailleurs
impuissant, La France, qui avait donné le branle au mouvement
révolutionnaire, n'avait donc plus qu'a faire amende honorable en
reprenant dan* son passé une de ses constitutions antérieures. Un grand
SECOND EMPIRE FRANÇAIS l5l
parti, tout-puissant à l'Assemblée, voulait tu faire reculer jusqu'à suint
Louis* mais elle n'alla pas si loin : s'arrélant à l'Empire, elle s'imagina
maintenir ce que i'on appelle les « conquêtes de ta Révolution »,
c'est-à-dire une certaine égaillé politique, économique et sociale, et
ramener en même temps celte période de prestige et de gloire mili-
taire» qui, pourtant,
avait si misérable
mciil abouti à l'humi-
liation et à l'écrase-
ment. Peut rire aussi
le peu pi e f mécontent
de tous les régimes
qui h' étaient succédé
pendant les deux un-
nées d'essais républt
cuins, se lancuit-il de
désespoir dans l'in-
connu, et se disait-il
qu'une volonté per-
sonnelle saurait réa-
liser les mille pro
messes, jusqu'alors
trompeuses, répétées
Itiul de fois par les
écrivains socialistes.
Naturellement, ces
attentes chimériques
devaient être déçues,
caru il gouvernement
personnel doit toujours avoir pour maîtresse préoccupation la volonté
du maître, représenté naturellement pur la tourbe des parasites qui se
pressent autour de lui. Napoléon III no pouvait échapper ù cette loi.
En un livre fameux, £a llfoolulion sociale ilémonlrée pur le CouptVEUil,
l'roudhon essaie d'établir que le nouvel empereur, issu de la liévo-
lution et porté au pouvoir par la volonté des pauvres travailleurs de
la ville et de la campagne, deviendrait forcément l'exécuteur d'une
logique des événements supérieure ît ses caprices et aux appétits de
Cabinet des E»tnmjw».
PROUDHO» (1809-1865)
Bibh Nat.
l5u L'HOMMK KT U TEBHE. — NATIONALITÉS
son entourage; il lui prophétisa te rôle forcé d'un mandataire du
socialisme. Mai» il faut tenir compte de la part d'ironie que l'auteur,
éerivant sous la menace de l'exil et de la prison, avait glissée dan» son
œuvre et qui tuf permettait de triompher quand même de la force
brutale. L'histoire du règne de vingt années nous montre que, malgré
ses antécédents de rêveur à demi socialiste, et malgré ses tendances
congénitales de bienveillance égalitaire, r « homme de décembre »
fut entraîné forcément par les conséquences du parjure et du meurtre
dans une voie de persistante oppression. S'il fut parfois I" « agent
de la «évolution sociale », c v est que tous les hommes, et lui comme
les autres, servent d'instruments involontaires au destin.
Heureusement la pousséode liberté avait été trop énergique pendant
la période révolutionnaire pour qu'il fût possible de l'étouffer entière-
ment: la force vive de l'activité humaine, irrépressible quand mémo,
pouvait être détournée de son but, endiguée et canalisée en des [voies
latérales, mais elle devait se manifester en dépit de tous les obstacles et
produire des changements considérables. Telle fut la raison par laquelle
la prospérité matérielle s'uccrut presque soudain d'une manière si remar-
quable en France et dans toute l'Europe continentale pendant les pre-
mières années marquées par le triomphe de lu réaction. Malgré l'exil, le
bannissement et lu fuite d'un très grand nombre de républicains, malgré
l'émigration de vaillants travailleurs, par centaines de mille, le mouve-
ment industriel et commercial prit un singulier élan, du pour une très
forte part à l'initiative de tous ceux qui, ne pouvant plus porter leur génie
vers Icb transformations politiques et sociales, se dirigeaient vers la créa
tion des entreprises et l'application de procédés nouveaux: ii y eut un
simple déplacement des forces. Aussi l'empire resta-l il quand môme po-
pulaire en France pendant une longue série d'années. Le peuple ne peut
s'attarder à de longs raisonnements sur la complexité des choses: sans
chercher les raisons, il personnifie les événements sous le nom d'un
homme auquel il attribue les conséquences du mouvement économique
contemporain et jusqu'à l'abondance des moissons, dont il connaît
Iiourtant l'origine puisqu'elles sont dues à «on travail.
Mais l'empire qu'avaient voulu des électeurs encore ivres de leur
antique vin de gloire ne pouvait échapper à son destin, qui était de
justifier son prestige par de grandes guerres extérieures. La « question
d'Orient » présenta l'occasion favorable. Seule, la Turquie, tombant en
GUERRE D'ORIENT
153
étal de décomposition politique et presqu'impuissante au point de vue
militaire, n'aurait pu se défendre avec la moindre chance de succès contre
un aussi formidable agresseur que la Husaie. Or le terrible Nicolas I",
*• 448. Théâtre de la guerre d'Orient,
(voir page 154)
i: OOO OOO
*=
Too
200
^ooKii/
1854. 22 avril, bombardement d'Odessa* 14 sept,, débarquement des Alliés à Eupa-
toriat 20 sept, bataille de l'Aimât 26 sept, et 2$ ocl.. combats à Balaolava, S nov„ bataille
d'Inkerman, — 1855. 8 sept.* Prise de Malakoff. — 1856. Traité de Paris.
Uvadia, Résidence des empereurs de Russie.
le souverain qui, depuis un tiers de siècle, trônait dans sa majesté soli-
taire comme une véritable divinité, ce maître réputé invincible mena-
çait alors l'empire ottoman, et ses troupes avaient déjà pénétre dans les
principautés Danubiennes. La ville depuis si longtemps convoitée de
Conslanlinople n'eût été pour lui qu'une proie facile, si les puissances
occidentales, la France et l'Angleterre, n'étaient intervenues pour dé-
l5/| L'HOMME KT LA TERRE. — NATIONALITES
tondre tes Turc». L'intérêt traditionnel tic la Grande Rrctagnc était
engagé à fond, car t» « reine (te» mers >\ qui. depuis ht prise de ftibrattar
et do Malte, est ta principale dominatrice de la Méditerranée, ne voulait h
aucun prix compromettre son empire maritime en luissunt aux Russes
ta libre possession des Dardanelles. Mais, au point de vue géographique,
il s'agissait également en cette affaire de la domination du monde, car
les contrées que baigne la Méditerranée orientale gouvernent tes route»
de l'Europe vers l'Asie centrale et les [rides. Le cu'iirde l'Asie, limitrophe
de la Caspienne, se trouve, il est vrai, livré d'avance au* ambitions de la
Russie, mais pour ce qui est du chemin des Indes, la (irande Bretagne
avait certainement un véritable intérêt national, au point de vue de
l'équilibre des puissances, de défendre aux armées russes l'entrée de
Conslantinople, Sans doute, ce « chemin des Indes •> l'ut jusqu'à nos
jours purement virtuel : personne ne l'utilisait, parce qu'il était prati-
quement inabordable. A peine de rares explorateurs employèrent cette
voie h \mvors l'Asie Mineure, les pays de l'Euphrate, l'Iran et les pla-
teaux de l'Afghanistan ; tous les marchands, soldats ou fonctionnaires
prenaient 1» voie détournée* du cap de Bonne-Espérance ou du canal de
Suez. Mais il n'en est pas moins evact que la compuMe des deux Tur-
quie d'Europe et d'Asie par les armées du tsar, changeant le centre île
gravité du monde politique et donnant aux Russes le contrôle de la
Méditerranée et du golfe Persiquc, aurait irréparablement compromis,
d'abord le prestige de l'Angleterre, puis, par contacts graduels, sa pos-
session cfl'eclive dans les vastes territoires de la péninsule hindoue. C'est
pour une raison analogue, el plus pressante encore, qu'un demi-siècle
auparavant, le gouvernement britannique uvait employé toutes ses res-
sources disponibles à bloquer et à détruire l'expédition française en
Egypte. Quant à la France, ses raisons déterminantes pour se mesurer
contre le colosse russe paraissaient moins claires, et, sans aucun doute,
la nation, laissée a elle-même, n'aurait point risqué cette redoutable
aventure, mais le maître qu'elle s'était donné rêvait peut -être une
revanche de la retraite de Russie on son oncle avait subi son grand
désastre, et peut-être aussi voulait-il se poser en champion de la civili-
sation occidentale contre la demi-barbarie de l'Orient.
La guerre se déroula comme un drame de grande simplicité scénique.
Elle se localisa presque sur un seul point du pourtour immense de
l'empire russe, dans le petit appendice montagneux que la péninsule de
ROUTE DES INDES
tr f
ItlO
Crimée projette on dehors de lu Russie proprement dite au milieu des
eaux de ta mer Noire; a peine quelques petit» incidents militaires sans
H 9 449. Ruwle du Pacifique.
(voir page tS6)
i : 40000000
500
1000
2000 Kil.
La liseré de hachures verticales marque la frontière datant du xvui* siècle. Les hachure 8
inclinées serrées recouvrent les territoires acquis en 1858 (rive gaucho de l'Araur) et en 1860
(rive droite do l'Araur). ESn 1875 Sakhalin tout entier Tut obtenu du Japon par échange avec
les Kouriles. tas hachures espacées indiquent le domaine acquis en 1000 et perdu en 1905,
a. la suite de la guerre russo.Japonalse. — P. A. *=* Port-Arthur.
importance se produisirent-ils sur les côtes do Finlande (prise de Bomar-
sund) et dans lu presqu'île lointaine de Kamtchatka. Pendant plus d'une
i56 l'homme et la terre. — nationalités
année, tous les efforts §e concentrèrent autour de la bole ramifiée que
défendaient les fortifications de Sébastepol. Ce n'était qu'un point, mais
sur co point, les puissances en lutte dirigèrent toutes leurs ressources en
hommes, capitaux» forces offensive» et défensives, La résistance égalait
l'attaque ; les murs démolis le jour se relevaient pendant lu nuit» et de
nouveaux régiment», ceux des alliés venus par mer, ceux des Russes
accourus par terre, remplaçaient incessamment le matériel humain qui
comblait les tranchées et les brèches. A la fin, le sort favorisa les assail-
lants, et toute la moitié méridionale de la forteresse fut arrachée & la
garnison russe (8 septembre i856). Du coup, l'empire moscovite se
trouvait plus que vaincu, il était profondément abaissé. Déjà, Nicolas,
pressentant la chute, était mort d'humiliation et de chagrin î la Russie,
trop inféodée au despotisme pour qu'il lui fût possible do changer de
politique, dut néanmoins « se recueillir ».
Cependant, au moment môme où le prestige de la Russie, où sa puis-
sance apparente étaient le plus sensiblement atteints par les événements
do Crimée, elle se développait prodigieusement en étendue matérielle,
comme par une sorte de croissance automatique. Le territoire immense
qui s'étend a l'ouest de l'Oussouri, entre la rive droite de l'A mur et le
littoral du Pacifique, devenait annexe de l'cmpiro et s'ouvrait à la colo-
nisation. La Russie possédait désormais une façade sur le libre Océan.
Si, du côté de l'ouest, en Europe, des issues maritimes sur la Baltique et
la mer Noire restaient gênées par les détroits, du côté de l'est, elle com-
mandait les espaces océaniques, et le petit village qui se fondait pour
abriter sur les rives du Pacifique les premiers représentants de la puis-
sance slave pouvait se donner fièrement le titre de Vladivostok, « Domi-
nateur de l'Orient ». Le traité formel d'Aïgoun, en i858, consacrait les
annexions russes.
Bientôt après lu guerre de Crimée, l'empire français, fidèle à ses
origines, avait à en soutenir une seconde, qui, d'ailleurs, était depuis
longtemps en gestation. Des engagements antérieurs avaient été conclus
entre Victor-Emmanuel et Napoléon, mais celui-ci, personnage lent,
irrésolu, secoué de brusques frénésies, hésitait à tenir ses promesses,
lorsqu'un patriote italien, Orsini, vint les lui rappeler brutalement, en
faisant éclater des bombes sur son passage, 1 4 janvier i858. Tout d'abord
l'avertissement ne fut pas compris : en proie à la peur et a la vengeance,
l'empereur ne songea qu'à édioter des mesurés répressives contre toute
NAPOLÉON ET l/lTAUE
u>7
liberté, toute manifestation républicaine; mais» pressa par le flot de
l'opinion montante* il lui fallut quand même céder aux sollicitations du
Cl. P. Sellter.
ATTENTA» D*OB8INI
Rue Lapeletier, 14 janvier 1858.
futur roi d'Italie et l'aider à la conquête partielle de son royaume. Une
campagne victorieuse l'amena jusqu'à la ligne du Mincio et du grand
quadrilatère des forteresses autrichiennes. C'est là que Napoléon eût
voulu arrêter le cours de l'histoire, mais elle continua de se dérouler
sans lui. Absolument résolue à constituer son unité politique, la bour-
i58
L'HOMME KT LA TERRE. — NATIONALITÉS
geoisie italienne continuait la guerre et le» révolutions, malgré la paix
de Villafrancu, en vain conclue entre les deux empereur*. Les populu-
H° 460. Italie du Word.
Cette carie est à la même échelle que la carten* 451.
1848. 25 juillet,' Custoïta. — 1849. 2 mars* Novare* 25 avril, débarquement des Français
à Clvita-Vecchia, 30 juin, prise do Rome, . . „
1859. 20 mai. Montebello* 30 ma), Mortara t .11 mal, Patestroi 4 Juin, Magenta; 8 Juin,
Marijman (Mflagnano); 24 Juin, Solferino ; 11 juillet, paix de Villafranca. Parme se réunit à
l' Italie } Modéne chasse son due et se réunit i l'Italie en 1860.
1860. 11 mai, débarquement des Mille k Marsala t 24 juillet. Mtlaxso ; 1« août, débarque-
ment à ïteggio t 7 sept., entrée à Naples: 18 sept.» CasteWdardo (Piémontais contre PoiitUl-
cauxlt 22 sept, bataille du Vulturne; 28 sept.. Capitulation d'Ancône. — 1801. 13 «^Capi-
tulation de Oaôte. — 1862, 24 août, défaite des Garibaldiens a Aspromonte.
1866. 24 Juin, Custom ; 18 juillet, bataille de Lissa. - 1867. 30 oct., les Français occupent
Home ; 3 no v.. Garibaldiens défaits h Mentnna. 1870. 20 sept., le* Italiens entrent à Rome.
1» tagnano de la carte est celui de la défaite de Barberouise en 1175 et non le quatrième
sommet du quadrilatère dont l'eschiera, Vérone et Mantoue sont les trois autres.
lions de l'arme, de Modcne, de la Toscane et de In Komagne annexent
leur t"rri(oire au royaume de Sardaignc, tandis que Garibaldi, à la tôle
GUERRE D ITALIE
I&9
des « mille » — en réalité 1067 compagnons — v s'embarque secrète*
ment, maie non point à Tinsu du ministre Cavour, et soudain réappa-
H- 4». Italie du Sud.
i: 6 000 000
*
r«n t r i g *
IO0
20T
300
raît sur lu côle occidentale de Sicile, à Marsala. Son expédition à travers
l'île, puis de l'autre côté du détroit, dans le continent napolitain, ne fut
lOo l/HOMMK ET LA TERRE. — NATION ALITÉS
qu une marche triomphale et se termina par une bataille décisive (180g),
sur les borda du Vulturne. Le roi de Napies n'avait plu* qu'à affermer
dans la place forte de Gaète avec quelques lldèles» et Garibaldi se prépa-
rait à marcher sur Rome» qui n'càt pas mieux résisté que Paicrme ou
qucNaples. L'Italie était bien presjdesc n foire seulement <-. non point da
st\ c'est -Mire entièrement par ses propres effort», comme elle l'aurait
voulu, inVis en dJptt des réticence^ de son quinteux allié, Il ne i-eata
plus à celui ci que d'entourer précipitamment le pape d'une garnison
française, chargée d'occuper indéfiniment la ville de Home, contre le
peuple italien qui se Tétait donnée pour capitale. C'était s'enfermer lui-
même dons une impasse, car la force constante des choses agissait en
sens inverse de sa volonté d'un jour, soumise aux vicissitudes du temps.
Aussi lorsqu'un de ses ministres, répondant à un interpellatcur qui lui
doinandait quand l'armée française évacuerait Home prononça le mot
« Jamais ! . ce fut une risée dans le monde, L'humiliant démenti ne
devait pas se faire attendre pendant'de longues aimées. Il suffit pour cela
que l'Italie prît dans sa lutte pour l'unité un autre point d'appui que la
France : désormais elle s'appuya sur la Prusse qui, elle aussi, avait à
constituer, sinon son indépendance nationale, du moins son autorité
sur l'Allemagne unifiée, et qui, dans ce conflit, avait le» mêmes adver-
saires que l'Italie.
\ cette époque de si grande importance critique pour l'Europe, le
monde entier se trouvait également agité. La Chine et le Japon, l'Inde et
l'Indo-Chinc, les Etals-Unis, le Mexique étaient pareillement secoués par
de puissantes révolutions*
Quoique les nations ïi civilisation européenne considèrent presque
toutes comme le plus précieux de leurs privilèges de pouvoir fermer,
quand elles le jugent convenable, les portes de leur contrée aux marchan-
dises et aux individus, elles n'en tenaient pas moins la Chine et le Japon
pour des nations barbares parce qu'elles n'accueillaient pas les étrange»,
toutes frontières ouvertes. Grftw à la vapeur qui rapproche les conti-
nents* les tentatives de domination morale, puis de domination maté-
rielle faites au seizième et au dix-septième siècles par les missionnaires
jésuites et autres allaient recommencer, et cette fois avec des repré-
sentants de tout h* monde européen ; pasteurs protestants de sectes
diverses aussi bien que moines catholiques, marchands et spécula-
t
11
II
3
CHINE ET MttBlK i63
tours de toutes catégories, aventuriers do tuut acabit, La plupart de
ceux qui insistaient avec tant de passion pour l'ouverture des ports
de la Chine voulaient en abuser pour l'importation de l'opium,
par exemple, les Chinois comprenaient bien le danger, qui s'accroissait
de jour en jour, et, pour y parer, ils ne pouvaient guère compter
que sur leur science diplomatique. 11 leur (''luit impossible d'avoir
la supériorité dans le conflit des civilisations, car les parties ne
sont plus égales. H fut un temps où l'Orient se développait d'une
manière indépendante de l'Occident. Alors le* deux moitiés de l'Ancien
monde vivaient u part suivant des voies différentes, sans rapports appa-
rents. Mais depuis que l'Europe s'est démesurément agrandie, elle a fait
une deuxième Europe do l'Amérique entière, et la nation chinoise se
trouve maintenant prise comme dans un élan entre les deux branches
du monde moderne. Bien plus, l'Europe primitive a pris une telle exten-
sion que, parla Itussie, elle est devem;" la voisine continentale immé
diule de la Chine, et qu'elle menace de i'"iivahir en plusieurs points
et de l'éviseércr,
Si l'empire chinois, considéré connue Klal. ne sYluil trouvé pris duus
le réseau tics coutumes, des précédents, de l'étiquette, nul doute que
depuis un demi-siècle, il ne se fût accommodé nu\ nouvelles circonstances
politiques pour déplacer sa capitule, se donner un autre centre de gravité
où la résistance fût plus facile à organiser. La position stratégique de
Péking, la « résidence du nord », eut naguère de la valeur parce que les
dangers les plus faciles à prévoir étaient ceux qui auraient pu menacer
la frontière septentrionale. Les empereurs de la dynastie mandchoue,
descendant eux mômes de conquérants qui avaient dû guerroyer pendant
des générations pour vaincre la résistance chinoise, craignaient avec
juste raison les populations guerrières de leur ancienne pu trie, et ils
savaient aussi que les Mongols étaient fréquemment descendus de leurs
plalcaux pour s'installer en maitres dans lu contrée. On comprend donc
que la capitale de l'empire se soit longtemps maintenue dans la région
du nord, si loin du vrai centre de la Chine, qui est la « Kleurdu Milieu »
entre les deux grands fleuves : on pouvait abandonner à elles-mêmes les
populations paisibles cl surveiller les voisins turbulent», d'autant
plus qu'on voyait se former derrière elles, lentement, mais avec lu
rigueur inflexible du destin, une puissance plus redoutable (pie celle des
Mandchou* et des Mongols, la puissance moscovite.
V 9*
IÛ.'| L'HOMME ET LA TKRHE. — NATIONALITÉS
Mais au milieu de ce dix-neuvième siècle, la m émue de ta Russie clait
encore I rcs éloignée, et les attaques vemtnt du coté de la ruer étaient bien
autrement à craindre. Si tes puissances européennes restaient séparées
de l'Kxtrét me Orient par l'épaisseur de ta masse continentale, elles avaient
toute facilité pour atteindre ta Chine par le littoral, et c'est précisément
Cabinet det Estampe».
Uibl, un».
travail »b l'opium. — crtssos
ïa partie du sud et du centre, notamment le bassin du Si kiang, la baie
de llang-tcheou, l'estuaire du Yang tse qu'il leur importait de faire
entrer dan» leur cercle d'influence : à l'époque où les commerçants
d'Kumpe et d* Vmérimie décidaient leurs gouvernements a forcer l'entrée
des ports chinois, le cours du Hnuiip-lio. qui débouche maintenant dans
legnirede Petchili, vers le nord de l'empire, s'ouvrait aussi bien au sud
de la péninsule de Chatiluug. r/i*t doue vers les points menaces
qu'aurait dft se porter tout IVffort de résistance, et, si là vie avait encore
animé le grand corps au point de vue de l'organisation politique, si les
CAPITALES CHINOISES
i65
mattreiï officiels tic l'empire avec leur hiérarchie de mandarins n'avaient
pas été momifiés dans ta ville deux Toi» close, dans le grand sépulcre de
ta cour, Us n'eussent pas manqué de se mouvoir dans la direction du
danger, comme l'avaient fait leurs prédécesseurs des grandes époques
nationales,
In retour vers Nan-king, lu « résidence du Midi », eût déjà ramené les
v« ' '
<. 'A
offiaoe^
Cabinet des Estai»]**.
mbl. iwt.
TBAVAIt DE L'OPIUM. — MISE EN POTS
forces défensives de l'Etat dans ie voisinage du centre de richesse et de
population; sans nul doute, si le gouvernement chinois avait donné cet
exemple d'initiative et de décision dans le péril, les dissensions inté-
rieures qui prirent un tel degré d'acuité, lors de la révolte des Taï-ping,
auraient été en grande partie évitées, et les mandarins n'auraient pas eu
l'humiliation de livrer leur peuple aux mercenaires étrangers. Han kemi,
qui est te centre commercial de l'empire, et où, par lonséquenl,
convergent toutes les ressources des provinces, eût été également bien
iGO
L*ItO.MMK KT LA TERRK. — NATIONALITÉS
choisir ; peut -être nu point de vue stratégique, celui de la défense et de
l'attaque contre tout danger. le lieu le mieux indiqué par la nature eut
été lu cité dp Kiu~Kiang, placée sur mie péninsule rocheuse de» ht rive
méridionale du Vang Ise, cnli"e cet énorme, courant et ta mer intérieure
du l>o yung, parcourue di' cliciinu\ navigables dans ton* le* sens : de lu
le nom de « Ville des neuf fleuves »qu'a pris ta grande cité commerçante
ouverte de force pur les \nglnisù fanaugation européenne. De ce lieu
rentrai, situé à peu près à égale dislance entre Nun king et Hau kou
(Haitkeu, Ihtukow), les \oies majeure* rayonnent de Imites parts, soit
Cabinet dm» B«tamprB
mw. N»t.
POST HE» DIX MILLE ANNÉES A FOU-TCIIKOI',
pur les cours d'eau, soi l par les brèches des montagnes, d'abord vers
tous les points du grand bassin fluvial de la Heur du Milieu, puis au
sud est vers l'on (chenu et les autres ports du Fo kien. au sud ouest
\<TsUmlon, au nord \ers KhY -long et l*eking.
Mais, tandis que les gouvernants chinois s'cnkylosaicnt dans leurs
pulais, devenus de véritables tombeaux, et qu'ils se laissaient bercer,
comme pour lu mort, par la eanlilenc des >ieillcs formule», les événe-
ments suivaient leur eours et de grandes transformations s'opéraient
dans la musse de la nation : en inndilhml leur équilibre, les conditions
économiques du inonde devaient entraîner ta société chinoise, aussi
mobile que toutes les autres sociétés, en de nouvelles conjonctures. (Test
a tort que la Kleur du .Milieu avait conservé son mépris pour l'étranger,
se comparant h ce qu'elle connaissait de l'Kurnpc; cette région si loin-
taine, divisée en tant de petits Ktals hostiles. La Chine avait conscience
GUERRE DE L'OPIUM H»;
de la majesté que lui donnuient la longueur de sa durée, la grandeur de
son passif l'étendue de son domaine, l'immensité de ses populations ,
mais» il lui manquait ïa force d'initiative, et celle forée appartenait aux
insolents étrangers qui commerçaient dans ses ports. Ces « barbares aux
cheveux roux », qui étaient pour la plupart des Anglais à blonde cheve-
lure, méritaient en effet le nom de barbares, leur, métier contestant sur-
tout a introduire par contrebande la funeste drogue de l'opium, recueillie
duns leurs plantations des Indes. Au point de vue moral» l'attitude de la
Chine, refusant d'empoisonner son peuple, était certainement la plus
Comnet «le» Ifetantpet. B,bi - *•*■
TRAVERSANT L'ESTUAIRE DU SI-HO
digne, et la C ronde Bretagne avuit mauvaise grâce à parler de sa culture
supérieure en imposant à ses clients l'usage du poison sous peine de
bombardement et d'assaut. D'ailleurs ce crime politique ne présente rien
d'exceptionnel dans l'histoire de l'humanité. Le torrent circulatoire de
ta vie internationale roula toujours dos flots impurs, et quelle est la
nation commerçante d'Europe qui n'ait pas à se rapprocher d'avoir
vendu aux peuples étrangers, uvec des marchandises diverses plus ou
moins utiles, les eaux de vie frelatées et autres funestes produits?
C'est en 1 83g que commença la guerre dite de l'opium, et naturel
lement elle eut pour premier théâtre l'estuaire de Canton, l'escale la plus
méridionale de l'empire, qui est en même temps la plus rapprochée de
l'tiuropc et de ses colonies asiatiques dans l'Inde et l'Insulmdc. Toute-
puissante sur mer où les jonque» chinoises, lourdes et maladroites, ne
se hasardaient que pour se faire couler à fond, la flotte anglaise put
iC8 l'homme rr la tkrrb. — nationalités
manœuvrer Librement sur les côtes, forcer plusieurs fois l'entrée de Can
(on, bombarder le» forts, prendre eu gage temporaire une des îles situées
près de l'embouchure du Yang-tsc, c'est-à-dire en face même du centre
de l'empire, et s'emparer, définitivement cette fol», d'une île qui lui
assurait la domination commerciale et militaire de toute la Chine méri-
dionale et des mers qui baignent lesud-estde l'Asie. Depuis l'année iS'ii ,
celte colline insulaire de Hongkong, absolument invulnérable de la
pari des Chinois, n'a cessé île grandir en richesse, en population et en
force d'attaque. Kn vertu du traité de \un-Mng, imposé par les Anglais
un i8'|3, cinq porls du littoral furent ouverts librement au commerce
étranger, Cunton, Amoï. Fou-teheou, N'ingp o, ChangliuY. L'année sui-
vante, l'escadre américaine, puis celle de France vinrent ho faire accorder
les mômes avantages ; les Français stipulèrent, en outre, l'abrogation des
lois de proscription contre les missionnaires chrétiens et les catéchumènes
indigènes: de nouveau les prêtres catholiques, auxquels devaient s'asso-
cier les protestants de toutes sectes, recommençaient leur œuvre de
désagrégation dans l'empire.
Peu d'années après, c'est à -dire exactement a l'époque où le monde
occidental était lui-même si profondément secoué dans sa charpente
politique, l'empire chinois fut ébranlé par la grande révolte des Taï-ping,
que des révolutions antérieurs de l'Extrême Orient ont pu certaine *
ment égaler en ruines cl en massacre», mais qui se distingua d'elles *
toutes par ses traits d'origine étrangère. Les bandes groupées autour J
des organisateurs de la lutte qui éclata en i#5o, après une longue prépa- !
ration secrète, appartenaient presqu'exclusivcment à la classe des
Hnkka, prolétaires méprisés des bords du Si-Riang et de ses affluents, |
dans lesquels on voit des Chinois du nord, de race très pure, immigrés |
parmi les PunlL « racines de la Terre », ou aborigènes qui eonsti 'j
tuent le gros de la population du Kuang tung. Les révoltés étaient \
donc des Chinois par excellence», et, dans leur marche triomphante a
travers les pnninces du centre, le long de l'axe de vie de la « Fleur du
milieu >., ils recrutèrent leurs adhérents uniquement purmi les Chinois 'i
patriotes pour lesquels la domination de la dynastie mandchoue était s
lu pire des humiliations nationales : le symbole de la libération était de
luisser pousser la chevelure, suivant l'ancienne mode populaire * de là
le nom de IVhang-mao ou « Longs cheveux » qui détint l'appellation û
commune des insurgés. Et ces Chinois purs se laissent si bien influencer
SOULE V£3f EN'T DES TKÏ-PïUG
»o»
par les enseignements do quelque» missionnaires ù demi compris el par
des traités religieux de médiocre valeur qu'Us adoptent la Cible comme
un livre sacré et ta font partiellement traduire, qu'ils élèvent Jésus-Christ
tf° 462. Chine des Taî-ptng.
i : 16000000
i Ûà
W
BooKiL
L'empire de Taî*ping, de 1851 & 1862, e*t indiqué par un prisé de hachuras, h* ville de
Jung-ngûi» dans le kuang-«i (ut prise par les insurge ma au Utmo 1851, Naa*tctng le 19 ma»
1883 et Ning*po le 9 décembre 1861. Cetl« ville fut reprise d6i 1862, Chuo*hiag (et Bu-tchen
en 1863» Tchang-dien, Hang-tchen, Hu-tchcn au prluUmpt 1*6'», Xun-klng. «nftn, le
19 juillet 1864.
au rang de leur» dieux et reconnaissent les protestants comme « des
frères en la foi ». Ils récitent ave** révérence les « dix grandes lois du
ciel », qui ne sont autre chose que les dix commandements des Juifs,
I70 l/HUMMK ET 1.A TEHRE. — NATIONALITÉS
traduits assez exactement par eux, mais avec l'addition expresse de
l'interdiction «les « choses malpropres », c'est-à-dire do l'opium ot du
tabac. Le communisme des premiers chrétiens, réveillant en eux des
impressions ataviques depuis longtemps engourdies, les aida a pro-
clamer la mise en commun des bien» et à décider la réorganisation de la
propriété terrienne pur de» groupements de vingt cinq familles associées
sur un domaine unique.
Pendant quatorze année*, les Tuï-ping constituèrent un empire
dans l'empire, et très certainement ils eussent réussi à changer
complètement l'équilibre politique du monde chinois si, d*unc
part, ils ne s'étaient laissé guider par un maître aux idées incohé-
rentes que le vertige du pouvoir avait affolé et qui, devenu l'une des
personnes de la « 1res sainte Trinité », ne daignait plus regarder sur la
Terre*, et s'ils ne s'étaient imprudemment heurtés contre les établisse-
ments européens tin littoral, L'Kuropc préférait avoir îi faire au gouver-
nement décrépit «If* PéUng dont elle connaissait les faiblesses et qui
obéissait a ses ordres, que de se mettre en nouveaux frais d'astuce diplo-
matique pour accommoder ses intérêts h ceux d'une Chine», transformée;
des troupes mercenaires de toute race, commandées par des aventuriers
français, anglais, nuiérietuns. les Le BrethondcColigny, lesd'Aigucbclle,
les Ward, Burgcwiuc, Ibdland et le noble Gordon qu'on eût désiré voir
en antre compagnie, se chargèrent de réduire l'insurrection pour le
compte du gouvernement mandchou. C'est donc à l'aide de l'élément
européen que la Chine officielle parvint à se débarrasser d'une révolte
invétérée où l'influence de l'Europe avait eu sa grande part : influence
d'étrangers, si peu nombreux en comparaison de la masse prodigieuse
des Chinois, influence si puissante pourtant qu'on la retrouvait h la fois
dans les conseils du gouvernement et dans les révolutions de la masse
profonde.
Mais les étrangers voulaient posséder une part ofllcielle de pouvoir
correspondant a leurs ambitions et, bien avant la fin de l'insurrection
des Taï-ping la guerre avait éclaté. La Grande Bretagne et la France
s'étaient chargées de représenter les intérêts du « monde civilisé ». Le
bombardement et l'occupation de Canton, puis deux attaques successives
du fort de Peï ho et deux prises de Tien-tsin, enfin la campagne victo-
L Lindesay Brin*?, The Taeping Rébellion in China,
LE JAPON ET l.'KTltANUEH
'7 1
rieuse (»85o) des alliés que couronnèrent l'assaut de Péking, l'incendie
et le pillage du Palais d'été furent lu* principaux événements de l'inva-
sion franco-anglaise qui établissait nettement la supériorité militaire des
puissances occidentales. Après ces catastrophes, le gouvernement chinois
dut s'assouplir et» successivement, suivant les exigences des ambassadeurs
étrangers, de nouveaux ports s'ouvrirent au commerce européen, la liste
des privilégiés s'accrut et le contrôle des douanes leur fut livré. En
môme temps, les missionnaires catholiques, et protestants, s'établissaient
dans l'intérieur, aux endroits qui leur convenaient, et cumulaient, aux
yeux de la foule, le double avantage d'être à la fois des fonctionnaires
chinois et des protégés de l'étranger.
Au Jupon, un changement analogue s'était produit, mais d'une
manière plus simple, plus noble et plus dramatique : les résultats poli-
tiques et soeiuux on furent peut-être, pendant le dix-neuvième siècle, la
plus grande merveille de l'histoire, car il ne s'agit de rien moins que de
l'arrachement d'une nation au cycle fermé de la civilisation orientale et
do son entrée presque soudaine dans le monde européanisé. Evidemment
pureille Iransfornmlion ne peut s'expliquer que pur une pression inté-
rieure d'une puissance c \lraordinaire. On se laisse aller volontiers ti
croire que la sommation du eommodore américain Perry, signifiée en
i853 au gouvernement japonais, d'avoir a ouvrir au commerce des Etats-
Unis les ports de l'empire, fut la raison décisive de la grande révolution :
elle n'en fut que l'occasion. Sans doute ta république américaine, pro-
priétaire depuis quelques années de la partie du littoral qui, dans le
Nouveau Monde, fait précisément face au Japon, devait chercher anxicu-
Hcmcnt des marchés étrangers pour son nouveau port de San-Francisco ;
de même la Russie et toutes les puissances européennes qui s'empres-
sèrent d'imiter les Etats-Unis et de réclamer aussi le libre accès des ports
japonais pour leurs navires avaient un intérêt majeur à trouver un
débouché commercial de l'importance du Japon, mais si grande qu'ait
été la force matérielle et morale développée parcelle convergence d'efforts
extérieurs, elle ne pouvait triompher de la politique traditionnelle du
Japon, religieusement observée pendant plus de deux siècles, qu'à la
condition d'être désirée par une grande partie de lu noblesse féodale des
itaVmio, qui gouvernait alors, sous l'apparente domination du xiogoun et
à l'ombre sainte du mikado. La curiosité de la noblesse japonaise était
tp L'HOMME ET I A TKIlKE. — NATIONALITÉS
éveillée au plu» haut point : elle voulait connaître ce monde étranger qui
«'était annoncé à elle pur ses intervention* on Chine, et surtout par ses
inventions merveilleuses, A peine l'empire était il ouvert que chaque
grand seigneur japonais tenait h posséder des livres, des objets do
l'industrie européenne, des machines et se faisait construire un bateau à
vapeur pour visiter les criques de son domaine.
Mais le conflit devait surgir violemment entre les patriotes conserva
leurs et les jeunes, épris de nouveauté. La révolution intérieure qui avait
eu pour conséquence indirecte l'ouverture des ports aux étrangers conti
nua de désagréger l'ancienne organisation de l'empire, et. quinze années
après l'apparition des vaisseaux du commodorc Perry, il se trouva que
tout était renouvelé, Le monde des commerçants, c'est-à-dire la petite
féodalité que l'on peut comparer h lu bourgeoisie des peuples occiden-
taux, était désormais en libre communication avec les importateurs de
toutes les puissances civilisées; le» grands seigneurs féodaux, qui avaient
fait du Japon une grande réitération d'aristocraties puissantes, devaient
maintenant s'incliner devant le pouvoir central du mikado, non pas
restauré dans son antique absolutisme mais transformé sur le modèle
des souverains constitutionnels de l'Europe. L'imitation fut môme
poussée jusqu'à la puérilité, mais elle n'alla pas jusqu'à la sottise. Tout
en singeant les étrangers pour leur prendre des armes et pour copier deB
articles de loi, en constituant une forte centralisation, les diplomates
japonais ont pris grand soin d enlever aux visiteurs européens les privi-
lèges de la juridiction consulaire, et rien n'a pu les décider à concéder
aux Européens le droit d'acquérir en toute propriété la moindre parcelle
du sol : te Japonais reste niailre chez lui.
En beaucoup de circonstances, le plagiat des moeurs occidentales par
les Japonais est exigé par ces conventions tacites d'une tyrannie absolue
qu'on uppelle les convenances. Ainsi dans les villes» le port du vêtement
est devenu général et obligatoire, et la tendance irrésistible est de
modeler ce vôtement sur celui des Européens, quoiqu'il y ail contraste
naturel des uns et des autres dans te squelette, l'attitude, la démarche, le
goût artistique, l'art et les traditions. Mais, si d'une part, tant de Japo
nais pratiquent un mimétisme ridicule, l'ensemble de la nation qui se
trouve en rapport avec les Européens se laisse aller volontiers à un
nationalisme arrogant, î» la conscience exagérée de sa valeur relative-
ment aux autres peuples, mémo n ce laid chauvinisme qui cherche la
TRANSFORMATION DU JAPON
173
gloire de Bon paya dan» la honte des autre* cl qui fait sa joie du désastre
des rivaux. Par on contraste nu tu roi, ce sont précisément les Japonais
qui se sont crus obligés d'imiter les Européens par le costume. l'éli-
N° 463. Japon méridional.
1 î 10000O00
iéà iio iio Kil.
quette, la démarche, qui éprouvent la plus grande aversion pour
l'étranger; quant à la masse de la nation, qui conserve les mœurs
antique», les vieilles traditions, les vêlements d'autrefois, elle garde aussi
la bonté native et les mnaurs de franche hospitalité.
I-'l l.*I10»M£ ET i.A TERRE. — NATIONALITÉS
Parmi les anciens cultes, celui qui se maintient le mieux est le rite
shitihh « chemin des dieux «, dont l'origine est purement nationale, puis-
qu'il ne faut y voir au foml que la vénération des ancêtres, c'est -ft-dirc
de la race elle même; quant au bouddhisme, que l'on croyait incorporé
dans le fond môme de l'àme japonaise, il n'eut plu» giuVc qu'un souvenir
poétique des anciens temps, une superstition comme la vague croyance
aux fées; et aux gnomes, tin l'ait» tes Japonais sont devenus plus Kuro-
peensque tes Kuropécns mêmes; en majorité, il* ont dépouillé le vieil
homme religieux pour ne plus croire qu'un* lots déduites de l'obser-
vation des fait» H du contrôle de l'expérience.
Quoi qu'il en soit, une chose est certaine, c'est que l'influence euro-
péenne s'est fait sentir d'une façon vraiment révolutionnaire au Japon,
tandis qu'en apparence du moins, la puissante niasse du peuple chinois
aurait été moins entamée, (-'est que l'énorme épaisseur eonlinetitale est
heuueoup plus difficile» pénétrer que l'archipel Japonais, accessible de
toutes parts. Au milieu du siècle, lorsque le royaume du Soleil Levant
s'engageait déjà dans le mouvement décisif d'évolution, lu Chine, dont
la population éluil an moins décuple, pouvait opposer ainsi une force
dix ou douze lois supérieure aux éléments étrangers de transformation :
c'est ainsi qu'un liquide colon; Unit par disparaître dans une grande
quantité d'eau transparente.
Kntre l'archipel Japonais et le continent d'Asie, la péninsule de
Corée se trouvait, en vertu même de sa position géographique, placée,
par les événements qui s'élaient accomplis au milieu du siècle, dans une
situation politique tout à fait équivoque et indécise. Quoique de grande
étendue et d'une forme très bien limitée, lui assurant une individualité
parfaite, cette péninsule n'avait pu échapper aux invasions successives et
alternantes des dcjtx empires qui la tenaient comme dans une mâchoire.
La prise de Péking par les alliés et rhumiliution définitive de l'empire
écarta désormais pour la Corée le danger de lu domination chinoise, mai»
la Chine laissa la place à une puissante héritière qui, à son tour, disputa
au Japon le rolc prépondérant dans la gérance future de la Corée et se
\oil éliminée de uns jours sur les champs de batailles de Mandchouric.
In demi-siècle d'intrigues et de machinations diplomatiques rappelant
un jeu d'échecs par la série des coups, dont les ministres et les consuls,
les commerçants et les missionnaires étaient les pièces, ont donné lu
suprématie tantôt a l'un, tantôt à l'autre gouvernement; la Corée, comme
LA CORÉE ET LES PUISSANCES AVIDES
I7.J
te Maroc, comme la l'une, comme le pays de Sium, n*osl (mime proie
disputée par des puissances avides,
ff 464. Manche de Malawa.
(Voir pige 176.)
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Los possessions directes de la Grande-Bretagne sont l'Ile do Plnang. capitule Georgetown
i>t le tlistrlct de Wellealey, l'enclave de Djndings, celle de Malacca et de SJnj»tptir. U protêt
toral comprend les provinces de Perak, Selangor, Ncgri-Sombilan,Pjohor et l'ahaog.
Tandis que l'influence européenne travaillait avec des succès inégaux,
mais irrésistibles, n pénétrer toutes les régions de l'Extrême Orient qui
176 l'homme et u terre. — nationalités
jusqu'alors tut étaient restées complètement soustraites, Chine, Japon,
dorée» une partie méridionale du littoral tourné vers llnsuliiido était
purement et simplement annexée comme territoire de conquête par l'une
de» puissances européennes. La France, dont tes politiciens entrepre-
nants regrettaient la part de L'empire indien passée au dit-huitième siècle
sous la domination de Ja (îrande Bretagne, voulait une revanche en
d'autres « Indes •>. Kn iK5o, elle commença l'œuvre de conquête pur
l'occupation de Saïgon, sur un (les fleuves latéraux du bas Mekuiig, et,
successivement, de proche en proche, par les armes et la diplomatie,
toute la moitié urientale du corps de l'Indo-Chine fut explorée, earto-
graphiée et annexée ù l'empire colonial français. Peuples pacifiques,
ayant reçu de la Chine leur éducation morale, les habitants de la
Cochinehinc, de TAunam, du Ton kl h ne résistèrent que faiblement ek
s'ils uvuient été traités avec justice, ce que, d'ailleurs, il serait absurde de
demandera des conquérants, ils n'eussent point résisté du tout : agricul-
teurs attachés à la glèbe, ils paient l'impôt à qui l'exige, et, pur leurs
millions de travailleurs, pur la régularité de leurs efforts, lu richesse du
sol cultivé, fournissent de grandes ressources économiques à la puissance
qui tes exploite. Mulgré l'incohérence des régimes de gouvernement
qui se sont succédé. l'Indo-Chiiiu française prend une importance très
rapidement accrue dans le monde de l'Kxtréme Orient.
La péninsule Malaise, qui *c rattache au corps continental de
l'Indo-Chinc, entre le golfe de Marlahan et celui de Siam, se trouve
forcée, par son orientation relativement au détroit de Mulacca, à rester
quand môme beaucoup plus indienne que chinoise : rien n'a changé à
cet égard depuis que « la lumière rayonnait de l'Inde <>. C'est qu'en ces
passages, la voie de navigation nécessaire longe le littoral occidental de
la presqu'île pour se glisser dans la manche de Malncca et contourner
Singapur ou les îlots voisins, pour s'élancer ensuite librement» soit au
nord vers Bangkok, soit au nord-est vers les chemins de la Cochinehine
ou de la Chine, soit encore à l'est ou au sud-est vers les terres dispersées
de rinsulinde. Aussi est il facile de s'expliquer pourquoi les puissances
européennes, dans leur prise de possession graduelle «lu globe, ont com-
mencé l'annexion de l'Indo-Chine par la côte occidentale. Déjà eu iji i,
les Portugais s'emparèrent de la cité de Mulacca, qui, grAce ù sa position
sur un des points les plus étroits du chenal, était devenue le principal
rendefc-vous des navigateurs et, depuis plus de deux siècles, avait imposé
CONQUÊTES EN INDO-CHINE
1
|K «1
1 1
m « coutume » à tous le» pilote» de la Mulaluie. Les Hollandais, puis les
Anglais succédèrent aux Portugais comme do mina leurs de Malacca,
l'Angleterre s'attribua successivement l'île de Puto Pinang et le terri-
toire opposé de Wellesley, sur la Péninsule, ensuite l'île de Singnpur,
tes territoires de Perak, de Salangor, et les Negri Sembilun ou u neuf
Ktats » avant d'établir son pouvoir à Pchang, sur la côte orientale ' :
I)nru ment communiqué par Mtm> Afra**Uti
MINES p'ÉTAIX OU DISTRICT DE FKfUK.
c'est en 1HK8 seulement, près de quatre siècles après l'arrivée des Kuro-
péens dans la péninsule, qu'il» prirent pied sur les plages tournées vers
la merde Chine.
La date décisive qui marqua l'annexion définitive de toutes tes rôles
de l'Océan ù lu domination européenne fut Tannée de la révolte dite des
« cipayes j>. Jusqu'alors la compagnie des Indes avait doublement profilé
de la puissance de ses capitaux, d'un eô lé pour accroître savamment
dans la péninsule le rendement des impôts, de l'autre pour dominer le
Parlement anglais et se faire donner par le budget les forces militaires
\m Ilugh Cliflford, The Geoçraphical Journat, januury 1899.
1
I
IjN L'HOMME ET LA TKHHK. ~ NATIONALITÉS
dont elle avait besoin pour urroudîr cl consolider set* conquêtes. Cepen-
dant l'immensité dos i nieras engagés claiin la domination d'un aussi
vaste empire avait obligé le gouverne ment biilanntque à se substituer
graduellement comme législateur 6 In compagnie, et te transfert ne
^'accomplissait point sans heurts et faux mouvement» qui diminuaient le M
prestige des maîtres auv yeux de lu multitude des sujets. C'est alors, en i
185;. que l'ut introduite imprudemment dans les régiments indignes de
l'Inde une i»t»u\ elle arme, lu carabine Knlleld, dont les cartouches étalent
graissées de tard : du coup, Hindous et Musulmans, que séparait une
haine traditionnelle, soigneusement entretenue par leurschefs, se trou-
vèrent réconciliés ; les adorateurs de la vache et les ninudisseurs du pore,
violentés les uns et les autres dans leur foi et leurs pratiques religieuses,
furent en même temps poussés à l'indiscipline cl a la révolte. Un premier
soulèvement ont lieu dans les cantonnements de Miralh ; mis en fuite,
les vi payes rebelles ne s'emparèrent pas moins de Delhi, la ville rentra lu
de riliiidoiislau, le point de convergence de. ses grande* voies commet'- fl
claies et le poiul stratégique par excellence du double ventant de l'Indus
et du (iange, en même temps que le siège symbolique de l'empire. Tous
les mécontents, encouragés par mille de ces prodiges et. prophéties qui
surgissent toujours pendant les périodes critiques, crurent que le grand
jour du renversement était arrivé et s'insurgèrent à leur tour ; on com-
prit que le destin de l'Angleterre dépendait de la possession de Delhi
vers taquet le se dirigeaient les combattants. Mais le cercle de l'insurrec-
tion se trouva limité, il ne s'étendit pas dans le Pendjab cl n'empiélaque s
légèrement sur les présidences de Madras et de Bombay ; lu plupart des
princes médiatisés restèrent lidèles au gouvernement qui les pensionnait,
et les Afghans se bornèrent à contempler l'assaut du haut de leurs
montagnes. Les Anglais eurent l'avantage et reprirent Delhi après
quatre mois de siège, muis la guerre dura plus d une année avec dos
succès divers accompagnés de massacres et de cruautés monstrueuses.
Naturellement les « civilisés .» qui furent les vainqueurs réprouvent les
crimes de leurs adversaires et se félicitent de leur propre énergie dans lu
politique de terreur et d'extermination sans pitié.
La compagnie ries Indes disparut dans le fracas, et, par sa proclama-
tion du i fr novembre iS5K t lu reine Vicloriu prit directement le pouvoir.
L'Angleterre assuma donc toute responsabilité dans la bonne ou mauvaise
gestion de l'immense empire qui, ù l'époque de la reprise, n'avait pas
<:
RÉVOLTE DES CIPAYE6
'79
moin» de »ao millions d'habitants. Mai» comment une responsabilité
prise de si loin et en parfaite ignorance de cause aurait-elle pu s'uppuyer
sur une garance vraiment honnête et scrupuleuse des Intérêts de ee
peuple immense? D'abord, c'eût été une singulière illusion de croire que
ta nation anglaise elle-même pouvait prendre, en franche solidarité,
la défense de populations asiatiques dont les uneur* sont si différentes
CDMPUK
Document comiminli|u<t par Mme Matsloti,
PALAIS »1Ï CHAH DJKHAK
des sien uns. Petits bourgeois et multitudes de prolétaires commençaient
à peine de s'agiter pour leur propre libération; non encore arrivés au
sentiment de sympathie qui eût do les rattacher à leurs frères irlandais
du Koyaume Uni, on ne pouvait espérer qu'ils sentissent les injus-
tices commises contre tes Hindous comme celles dont ils étaient les vic-
times, ("est a la caste politique supérieure qu'ils s'en remettaient du
bon gouvernement «le ces colonies lointaines, et, dans cette caste
on déléguait naturelle ment le souci des choses de l'Inde à quelques spé-
cialistes, c'est a-dire aux personnages mômes que leurs fonctions de
l8o L'HOMME KT LA TKRHK. — NATIONALITÉS
grands chef* ou de capitalistes avaient fuit les oppresseurs de rtittle et les
usufruitiers de se» richesses ; eu réalité l'ancien régime de lu Compagnie
se maintenait sous des apparences nouvelle», l'aristocratie britannique
gardait g» ])i*oie.
Gepeiidiml la révolte avait réellement changé quelque chose dans
l'équilibre général des populations hindoue»; elles avaient eu comme un
pressentiment lointain de l'unité nationale. Certes, parmi les eipayes
insurgés, appartenant ù toutes tes races et ne se comprenant mutuelle-
ment que par remploi d'un jiirguti militaire» il ne pouvait être question
du sentiment qu'on appelle « patriotisme » en Occident* Les révoltés de
l'Inde, Ylchnoulfles, Sivaïtes, ou Musulmans, Mahratti, Radj poules ou
Jfcnguli, n'auraient pas compris nu cri de revendication de « l'Inde aux
Indiens! <> ou de « l'Inde une ! » analogue a celui qui avait associe toute
la bourgeoisie italienne en une mémo nation ; bien moins encore
auraient-ils pu répéter comme les Allemands : « Notre terre s'étend aussi
loin que résonne ta langue! • (> qui tes avait unis, ce n'était point
l'amour iiUiil pour le sot nourricier ni le sentiment de solidarité cordiale
avec des compagnons d'existence et de travail : c'était la ranereur
<les sonllVances subies eu commun, c'était la haine contre? l'étranger
méprisant et brutal, onlln l'incompatibilité totale de vie et de compré-
hension mutuelle avec des êtres d'une caste absolument distincte.
Kl pourtant, de ce patriotisme tout négatif, nécessitant une active colla-
boration d 'efforts, une sympathie passagère dans les fatigues, les batailles,
ht captivité et la mort, naquit un certain patriotisme hindou, embrassant
vaguement contre l'Anglais des gens d'origine diverse, séparés par des
haines el des traditions héréditaires. De la défaite même surgit la pensée
d'au futur triomphe auquel prendraient pari toutes les populations de
celle immense contrée dont on connaît maintenant d'une manière de
plus en plus précise la merveilleuse individualité géographique entre te
rempart des monts prcsqu'iiifrancbissnbles du nord et les deux mers qui
se rejoignent au sud. Le réseau de chemins de fer et de routes, dont les
nécessités stratégiques (d le besoin du commerce ont couvert la péninsule
depuis la grande révolte, a donné à cette unité géographique de l'Inde une
valeur qu'elle ne pouvait avoir a une époque encore récente, lorsque les
immenses étendues de l'Asie et de la Dravidie devaient paraître à leurs
habitants comme un monde sans bornes.
tin dépit iles races, des langues et des castes, l'Inde est en voie de se
FORMATION DE l'L'NITÂ HINDOUE
181
faire « une »♦ comme se lit l'Italie, et tic se donner une élite de vouloir
et d'action qui crée ta nationalité dW>menfs incohérents naguère. Cola
suffit : ce Tut toujours une infime minorité qui détermina le mouvement
dans lu masse profonde et sans vouloir des foutes sougjuccntcs.
€$ittx
V
10
NÉQRES ET MOUJIKS : NOTICE HISTORIQUE
i85o. — i5 nov., une nouvelle diète ramène l'Allemagne a la situation
d'avant i8,'|8.
i85i. — a déc, coup d'Etat de Louis -Napoléon, approuvé le ao déc.
par un plébiscite. — En Chine, les Tuï ping commencent
leurs conquête».
j85/|. — 10 avril, traité franco-anglais contre in Kussie ; ao sept.,
débarquement des Alliés à Eupatoria ; lutte autour de Sêbas-
topol qui se rend le 8 sept. 1855,
i85(i. — îO nov., et i85;, «9 déc, les Anglais bombardent Canton.
i858. — i'i janv., attentat d'OrsInt (ih i tués et blessés)*
i85(). -- Mai-Jtill., campagne d'Italie. — Oel., révolte de John Broun.
18G0, — Juil, a ocl M expédition de Péking et pillage du Palais d'été.
— Mai à sept., les Mille conquièrent les l)eu\ Siciles ; les
Piémouliiis envahissent tes Etuis pontificaux et rejoignent
(inribaldi.
18O1. — i.'î févr., cupihilutioii de <iaète. — ,'1 mars, muuifeste impérial
supprimant le servage en Russie. — i« avril, premières
hostilités aux Etats I nis. — ai juil., les Nordistes défaits a
Bull Hun.
i8(»a. — (Jaribaldi battu par les Piémontais à Asproiuoiitc. — Les Taï-
ping s'attaquent à Chang-haï. — Les Nordistes sont défaits a
plusieurs reprises, mais empochent les Sudistes de se maintenir
au nord du Potomac.
i8li.'t. — Soulèvement de la Pologne. — Les Allemands occupent le
Holslein. — a '1 juil., victoire nordiste de Gcllysburg et prise
de Vicksburg.
i8b7|. — i<* févr., ta Prusse et l'Autriche envahissent le Danemark, —
19 juil., prise de Nan-kiug. — Marche de Sherman vers
Savannah cl de Cirant sur Itfchmo,ud.
i805. — 9-17 avril. Keddition de Lee cl de Jackson, près de Kichmond.
— i\ avril, Assassinat de Lincoln.
L'Homme arrive de plus en plus à se s<mtii*
homme dans la grande fraternité humu.ue,
CHAPITRE XVIII
PEUPLEMENT DE L'AMÉRIQUE. — TRAITE DES NÈGRES. - ÉLÈVE DES ESCLAVES
t MOUVEMENT ABOLITIONISTE. — TENTATIVE DE JOHN BROWN
A ÉMIORATION D'EUROPE EN AMÉRIQUE. — OUERRE DE SÉCESSION
ÉMANCIPATION DES NOIRS. — OUERRE DU MEXIQUE. — DOCTRINE DE MONROE
ABOLITION DU SERVAQE EN RUSSIE.
I^U'ailelement u l'Ancien Monde, le Nouveau dut subir aussi, pendant
la deuxième moitié du dix -neuvième siècle, de grands changement*
d équilibre politique, nécessités par le déplacement des intérêts et le
moincment des idées. Mais il y eut néanmoins une grande dînèrent c
entre les révolutions de l'Amérique moderne et celles de VKurone et de
l'Asie, c'est que dans les vieux continents les nations et les cluses
engagées dans les conflits appartenaient par l'origine au sol même «tir
lequel elles combattaient, taudis que les populations aux prises mu*
Y 10*
i8.'| l/llOMMK KT LA TERBE. — NEUREB ET MOUJIKS
le continent nouveau étaient en très grande minorité venue» d'outre-mer
et rcpréseutalenUinsi, par le sang aussi bien que par le» idée», l'en-
semble de l'humanité progressive.
Les aborigène* de* Amériques ne pouvaient évidemment prendre
qu'une très faible part aux révolutions : tout au plus ce qui en restait
fut-il entraîné dans le conflit par suite de l'ébranlement général. Le»
populations assimilables, c'est-à-dire les tribus agricoles vivant dan»
les contrée* conquises par les Espagnols, qui, dans le cours des siècles,
s'étaient presque complètement métissées par l'effet des croisements,
se trouveront forcément engagées dans les guerres de l'indépendance
h ispa no américaine. Attirés avec plus ou moins de puissance et d'effi-
cacité dan» l'orbite de lu civilisation européenne, ceB éléments contri-
buèrent, avec le levain fourni par les descendants de race blanche, à
constituer les nations nouvelles de l'Amérique latine. Quant aux chas-
seurs nomades qui parcouraient les régions centrales du Brésil et la plus
grande partie de l'Vinériquo du Nord, ils ne pouvaient être utilisés par
les blancs comme serviteurs dans la mine, le champ ou la prairie. Les
pseudo-civilisés, incapables de les domestiquer directement, et bien trop
égoïsli-s pour les assouplir, les élever par la douceur et la raison,
comme avait essayé de le faire William Penn. avaient eu recours au
moyeu primitif, qui est l'extermination barbare.
Miilgré tout, la ruée indigène des Amérindiens du Nord ne disparaîtra
point de la Terre puisqu'une forte proportion de ses représentants est
aujourd'hui policée et se mêle librement à la population d'origine
européenne; mais les exterminateurs ne manquent point de gens, de
suvants même, pour leur donner raison : l'éviction, la destruction des
faibles par les forts, c'est la coutume que Ton propage volontiers sous
le nom de « loi de Darwin ». La conception du monde telle que se
Vêlaient faite les Peaux-Houges étant incompatible avec l'idée qu'en
ont le* Visages Pales ... le conflit dut fatalement se produire entre les
deux éléments inconciliables, comme il s'était produit autrefois entre le
paire Abel et Caïn. le laboureur*.
\n milieu du dix-neuvième siècle, les descendants des aborigènes
étalent bien peu nombreux en proportion d'un autre élément ethnique,
les petits-fils des Africains importés pendant les deux siècles précédent*
i. PaulCarus, The Mani*t t April 1899, p. 400.
DESTINÉE DES ABORIGÈNES AMÉRICAINS
i85
par le» marchands d'esclaves. En 1860, à ta veille de la guerre civile
qui devait éclater entre les deux moitié» de la république nord-améri-
caine, on comptait près de quatre millions de noirs et métis aux
Etats Unis, c'est-à-dire plus de dix foi» le nombre des anciens
propriétaires du sot.
Les quatre cinquième»
de» gens de couleur
étaient des esclaves, et
l'on comprend que ce
cheptel humain n'ait
pu exercer aucune in-
fluence directe sur la
nation ambiante com-
posée de blancs, Euro
péens par l'origine :
mais les nègres libre»,
eux -mémos se trou-
vaient complètement
en dehors de lu société
des citoyens de race
pâle* soit parleur condi
tion de basse clientèle
et de pauvreté, soit par
la répugnance instinc-
tive et plus encore reli
gieuse ressentie contre
tes « enfants de Chum »>.
Ils étaient, pour ainsi
dire, perdus dans l'es-
pace « puisqu'ils res-
taient « taboues »
dans leur pays de résidence et que le brutal enlèvement de leurs an-
cêtres avait rompu leur lien avec la patrie d'origine. De quelle partie de
l'Afrique venaient leurs pères ou leurs grands-pères? Quels avaient '
été les lieux d'étape depuis le jour de la capture ? Ils l'ignoraient.
Même entre les Antilles, qui sont par la population la véritable
Afrique du Nouveau Monde, et la terre anceslrale, située n l'est de
Ct. P. Sellier.
UNE RUE A BABIA
i86 i/hommk et la terre. — NEGRES et moujiks
l'Atlantique, la dissociation matérielle est complète. Importé» do diverse»
parties du continent noir, les nègres n'ont pu se tenir unis par une
même langue; ils se sont reconstitués par l'adoption forcée des mœurs,
du langage, de la religion de leur anciens dominateurs français ou
anglais, hollandais ou espagnols. Sans doute les nègres d'Haïti ou de la
Jamaïque tiennent à leurs ancêtres parleurs fibre» les plus intimes; dans
leur compréhension des chose», Ils voient en grande partie et. raisonnent
comme leurs parents de race ; ils ont des proverbes analogues avec lo
môme lour ironique, se répètent les mêmes chants et pratiquent encore
les mômes MiiperslUions. Ce qui reste en Haïti du culte du Vaudoux doit
tort ressembler a l'adoration du serpent dans le temple de Whydah, et
tel lent" empoisonnement ressemblant a une maladie de langueur no
diffère point dans les villuges africains ut sous les palmiers de Sninl-
Domingue. Mais si les analogies d'existence, d'instinct et de pensée» so
maintiennent entre tes parent» séparés, ceux ci n'ont plus aucun rap-
port les uns avec les autres, et le Haïtien notamment n'a d'autre pallie
intellectuelle que la France, le pays de ses ancien» maîtres.
Lu ci devant capitale du Brésil, liahia, est le seul point do l'Amérique
méridionale oîi spontanément se soit produit le besoin de communication
et d'intercourse avec la mère pairie, et cela probablement parce que les
noirs suivaient eux mêmes très fréquemment celte route de la mer. Les
nègres Minas, qui constituent une aristocratie de couleur dans cette
terre du Nouveau Monde, ont du moins entendu parler du « pays des
mines », qui est la <• Côte de l'Or », et ils connaissent le nom d'Klmina,
ville du centre de la région d'où leurs aïeux avaient été emmenés do
force. Plusieurs de ces anciens esclaves, on Uls d'esclaves, devenus libres
de leurs mouvements, sont retournés dans la contrée d'origine, for-
mant des corporations puissantes en mainte ville du littoral. Des intérêt»
de commerce, des relations de parenté et d'amitié sans cesse grandis-
sants unissent les deux continents, assez rapprochés en ces endroits, et,
grâce a ce premier poinl d'utlaehe, les rapport» deviendront de plus en
plus nombreux entre le Portugal américain qui est le Brésil, et les
diverses colonies portugaises cédées maintenant» de» maîtres nouveaux.
Chez les Nègres d'Afrique plus ou moins métissés qui se disent « Por-
tugais ... le Brésil est familièrement connu sous le nom de Tahom\
l . Richard Burlun, To the Gold Coast for goM.
RAPPORTS ENTRE LES NÈGRES DES DEl'X CONTINENTS 187
abréviation du salut usuel « Sta bom »* Comment étes-vousi'
Comment vous portez-vous '£
Les planteurs de l'Amérique du Nord essayeront également de nouer
des relations directes entre les tëtats à esclaves et la Côte de Guinée:
N° 465. Isthme entre l'Amérique et l'Afrique.
==? ï/wjjjp -■/ , - : f*'** . /^fKJ^
w»
o«d»Gn
t
i: 60 000000
1 lôbô
JfcoKlI.
mais cette œuvre ne pouvait aboutir à des résultats sérieux, puisqu'elle
était dirigée, du moins en partie, par des propriétaires d'eseluves qui
avaient la prétention d'être en même temps des philanthropes et qui
voulaient se débarrasser des affranchis, les déporter sur le» côte»
d'Afrique, afin que leurs propres travailleurs n'eussent pas sous les
1#8 L'HOMME ET LA TEAHE. — NEGRES ET MOUJIKS
yeux l'exemple d'hommes libres. Dés Tannée i8i5, un nègre enrichi du
Massachusetts avait emmené dans tes possessions anglaises de Sierra
Leone une quarantaine de *ea compatriotes, et c*est à son imitation
que se fondèrent plus tard le» diverses sociétés de colonisation des noirs
dont la fusion détermina, en »8/|8, grande année des révolutions, la
naissance de la république de Mbériu qui» jusqu'à maintenant, n'a pas
justifié son nom d'une manière très brillante. On peut juger de l'esprit
qui animait le» politiciens esclavagistes des Ktats Unis par ce fait que la
république nord-américaine fut la seule de toutes les grandes puissances
du monde policé à refutier de reconnaître le nouvel Ktat qui venait
de se constituer sur la côte d'\frique. Il lui eut paru trop humiliant de
condescendre à répondre par un mot de politesse à des noirs, lits d'an-
ciens esclaves.
A Tidéc de se défaire des nègres libres par la déportation, la logique
même des choses substitua chez les planteurs la volonté bien arrêtée de
ravir aux affranchis cette liberté détestée que les propriétaires de la
génération précédente leur avaient concédée si îuternpçstivement. Déjà
ces nègres libres ne Tétaient guère que de nom; tout ce qui constitue le
citoyen, droit de réunion, droit de vote, droit d'émettre un jugement
devant les tribunaux leur était dénié : ils ne pouvaient même servir de
témoins, si ce n*est contre des esclaves ou des hommes de leur caste, et
encore sans la formalité d'un serment, considéré comme chose trop
noble pour une bouche africaine, accoutumée au mensonge 1 . Un costume
d'infamie les désignait de loin a la défiance et au mépris du blanc. Si
un nègre avait l'audace de se défendre contre un agresseur ou un insul-
tcur de la race noble, il était puni, et s'il avait le malheur de tuer son
adversaire, il était jugé comme meurtrier. Des heures lui étaient fixées
pour sortir de sa demeure et pour y rentrer, et si on le rencontrait
à un moment défendu, on le punissait à coups de fouet*. On ne lui
accordait point de passeport et, dans la plupart des Etats-Unis, on lui
interdisait tout voyage par chemin de fer : de fait les nègres libres étaient
internés comme des prisonniers. En vertu d'une décision de la cour su-
prême, « ils n'avaient aucune espèce de droit que les blancs fussent
tenus de respecter: ils pouvaient justement, légalement, être réduits en
esclavage pour le profit du blanc > \
I. flegro'law of South Carolina* pp. 13 et suiv. — 1 lbid., p. 24. — 3. Ktvue
des Dm* Mondes, 1** déc. 1860,
DOCTRINE DE L'ESCLAVAGE 189
Et c'est en eflfet ce que les Etat» du Sud décidaient ù l'envi. Dans le
courant de l'année 1869, la législation de l'Arkansas votait une loi de
bannissement contre tous les affranchi» de l'Etat, et le i w janvier
suivant* elle faisait mettre aux enoheres et vendre comme esclave» tous
les malheureux qui ne s'étaient pas résolus à quitter leurs foyer». Morne
loi de bannissement promulguée Tannée suivante dans le Missouri. Lu
Louisiane, le Mississippi s'étaient également empressés de suivre l'exemple
donné par l'Arkunsas. Ailleurs on arrivait au même résultat par des
résolutions hypocrites, sous prétexte de punir la paresse* l'ivrognerie
ou l'immoralité ; or, quel nègre ne risquait d'élre aecusé d'immoralité
par le blanc qui voulait le faire travailler à son profit! Môme aux porte»
de la capitale de l'Union, les esclavagistes du Maryland demandaient que
les soixante-quinze mille affranchis de l'Etat fussent de nouveau réduits
en esclavage ou distribues entre les citoyen» blanc». Et quelle était lu
raison sur laquelle ils appuyaient leur atroce demande? C'est que le
nègre libre se corrompant par l'oisiveté, le devoir du blanc était de le
(i moraliser par le travail ». C'est par dévouement que le» éducateur» de
la société voulaient bien consentir a devenir propriétaires de chair hu-
maine! Il est vrai que lu législature n'osa pas promulguer franchement la
loi, mais elle la vota indirectement en autorisant les blancs a prendre
les enfants des noirs de leur propre gré et en « permettant aux gens de
couleur de renoncera leur liberté »1 effrayante permission qui ressem-
blait a un ordre. Désormais tout affranchissement de nègre était absolu
ment interdit au propriétaire, si ce n'est par ordre de la législation,
quand le nègre avait révélé l'existence d'un complot contre les blancs :
le traître à sa cause était 1» seul qui fût digne de la liberté!
Ainsi l'esclavage et cette servitude déguisée qu'on appelait la liberté
du noir allaient s'aggravunt d'année en année en vertu de l'impor-
tance des intérêts menacés. Le temps n'était plus où, «mis l'influence de
la philosophie du dix-huitième »ieele, les planteurs étaient les premiers
à déplorer la « hideuse institution « et prenaient pour argument contre
l'Angleterre le « crime » de leur avoir légué le déplorable héritage. Au
début du dix-ncuvteme siècle, dans le Congre» mémo, Mason, JcITerson
tonnaient contre ce crime auquel on les avait condamnés contre leur
vouloir, et c'est principalement parmi les planteur» que se recrutaient les
société» d'émancipation des noirs. Même en iH3i et jS3**, la législature
de la Virginie discutait les mesures u prendre pour arriver ù l'exlluc-
\i\t* !.*IIO.MUK KT LA TKRBR. — NÈGKKS ET MOUJIKS
1i< n graduelle de l'esclavage, Vingt ans après, le S irgiuîei» qui fût tenu '
a propos de ht servitude des noirs le langage désapprobateur de «on
père risquait d'être expulsé comme indigne de ta société de ses
égaux. « {i Tut un temps où nous avions encore des doutes et des
goupilles, dînait le sémdeur linuuiioud. Mais nous n'avons plus tineun
doute aujourd'hui... Notre roi i science est désormais trunquilk\ notre
résolution est calme et ferme »>. Le fumeux Calloun ajoutait tpie « l'escla-
vage i*sl la banc 1 la plus sûre et lu plu» stable des institutions libres dans
le inonde ». Kl tous s'exclamaient à i'envi pur des affirmations du même
genre jusqu'à ce (pu» la formule définitive eût été prononcée par un
gouverneur d'Ktal, Mae Diiffle : « l/cselavuge est lu pierre annulai rc de
noire éditlee républicain »,
\a\ cause des riches et des propriétaires d'hommes eut naturellement
â son service l'Kglise en corps, non seulement dans les Kbits à eschnes,
tuais aussi dmiK les Klals libres : la Bible, le \ouveau Testament non
moitis que l'Ancien, ne touche à la propriété de l'homme par l'homme
que pour la déclarer sucrée comme toutes les autres. Même les sectes qui
avaient eu des tendances révolutionnaires à l'origine et qui avaient
affirmé, avec Wcsley. (pie » l'esclavage est l'ensemble de tous les
etimes », même ces groupes tic lidclcs eu étaient arrivés de concession
eu concession à permettre à leurs évêques de se faire éleveurs d'esclaves.
Les seuls qtittkcrs étaient restés intransigeants dans leur réprobation, et
c'étaient précisément, les seuls de tous les protestants auxquels la grande
aristocratie evnugéliquc refusât le titra de « frères ».
L'Kglise, dans la très forte majorité de ses pasteurs, était très solide-
meut eu régi inentée: il fallait également domestiquer la science : elle s'y
pfétu fort bien dans la personne des savants. D'un coté, les prêtres élu
biisstueut de leur mieux que Canaan, le Syrien, et sou prrcChamou Hain,
l'ancêtre des Hatnilcs, avaient été maudits par Dieu, et que les nègres,
quoique n'appartenant pas ù leur race, avaient été maudits du même
coup: d'un autre coté, les autliropologistes américains, rangés en masse
parmi les partisans de la multiplicité des origines humaine*, enseignaient
la diversité foncière, absolue» spécifique <\n blanc et du noir et l'infério-
rité indiscutable de celui ci. intermédiaire naturel entre l'homme et le
singe. C'est à-dire qu'un point de vue de ta doctrine, prêtres et savants se
trouvaient en opposition complète, mais la contradiction n'était qu'appa-
rente, car la haine concilie tout, et l'on pouvait faire argument de l'une
LA RELIGION ET LA SCIENCE JUSTIFIANT L'ESCLAVAGE
191
ou l'autre théorie. Que le* nègre» fussent des homme» maudit», écrasé»
bous le poids d'un crime originel, irrémissible, ou bien qu'il» lussent une
espèce inférieure à Vhomo supieits, peu importait, puisque de toutes
manières on pouvait les déclarer destinés h une éternelle servitude.
Appuyés sur des forces qui. partout ailleurs, sont ennemies, l'Eglise
el la Science, les esclavagistes avaient aussi l'audace de faire accepter In
Ct. P. Setlter.
VENTE Xt'UNK SÉORESSE KT DE SKS KSFANTS
(Estampe do 1811).
condition nuturelle d'cselnvage par les nègres eux-mêmes. Certes il ne
muiiquail pas de ces malheureu* ayant appris la ritournelle de l'abjura-
tion et se vantant de leur propre bassesse ; dans tous les bazars de vente,
on voyait des nègres riant bestialement à toutes les plaisanteries des
tic licteurs blancs et se laissant palper sans en souffrir. Ils montaient
sur l'estrade, faisaient des gambades, prenaient des attitudes, détaillaient
même la qualité de leurs muscles, do leur force, de leur adresse,
et surtout de leur docilité ; méprisés par tous, ils mettaient leur
gloriole a entretenir le mépris. Ainsi l'éducation morale du noir accom-
pagnait 1 éducation physique entreprise méthodiquement duns les Etats
du centre, au contact de l'industrie du bétail. Lu valeur de l'cschue noir
comme l«Me de labeur avait été plus seieiitillqucment comprise aux Ktals-
IQ2 VUOMHE ET LA TERRE, — NÈGRES ET MOUJIKS
Unis, paya d'Initiative commerciale el industrielle, que dans tout autre
payg do inonde. Des éleveur» de la Virginie, du Keuluckv, du Missouri»
imitant les zootechniciens occupés aux croisements des races animales»
s'ingéniaient très fructueusement à reporter cette industrie sur l'homme
noir» et les résultats obtenus étaient des plus remarquables. Au milieu du
dix-neuvième siècle, ces Etuis de la zone médiane, où pénétrait déjà le
régime industriel des blancs avec leur travail salarié, déplaçaient graduel-
lement leurs intérêts agricoles et ne produisaient ni en ton, ni riz, ni sucre
comme les Etats méridionaux du littoral. Ils n'occupaient surtout de la
production et de l'exportation du bétail et des hommes. Us vendaient
ainsi par an jusqu'à cent mille noirs, dits « Virgin ton s .-, sur les marchés
du Char les ton, Savannah. Mobile, la Aouvelie-Orléans. Kl ces hommes,
il faut le dire* étaient vraiment beaux, d'admirables échantillons de la
science pratique des éleveurs. On pouvait les lu 1er aux cuisses, aux bras,
aux reins; tous les muselés, bien saillants, se tendant à Taise, étaient
propres à tous les travaux; les bras tombaient superbement des deux
côté» de la poitrine bombée: les dents blanches, bien rangées, solides,
brisaient d'un coup les deux noyaux do lu pacaiie. Les éleveurs étaient
tiers de leur bétail humain et prétendaient en même temps avoir su
donner à ces corps superbes le genre d'Ame qu'il leur fallait. « Puisque le
bonheur est l'absence de peines et de soucis, disait l'un d'eux, je croiB
que nos esclaves sont les quatre millions d'hommes les plus heureux
qu'éclaire le soleil. Satan s'introduit dans leur Kden sous la forme d'un
abolitioniste « -.
On aurait pu croire que les « républicains <> de la Nouvelle Angleterre
eussent de tout temps plaidé l'émancipation des serfs, mais le fait est
qu'un demi siècle après ta fondation de la République, nul ne pensait a
libérer les esclaves: on s'en tenait religieusement a la lettre et à l'esprit
de la Constitution qui avait maintenu la servitude des Africains. Le
premier blanc qui osa réclamer dans un journal la libération des
esclaves, William Lloyd (iarrison, fut traîné, la corde au cou, dans les
rues de Boston el jeté en prison (iStt5). Mais ce journaliste était un
héros : bientôt il ne fut plus seul, il groupa des vaillanls autour de lui;
chaque grande ville vit poindre une société d'abolttiomstca et le parti
s'accrut rapidement en proportion même des transformations qui
s'opéraient chez les esclavagistes el qui tendaient ô transformer une
simple institution de fait en l'application d'une système absolu de poli-
PREMIERS A&OLITIONISTKB ig3
tique et de morale. Au nom du « principe a de l'esclavage» les gens du
Sud se plaçaient au-dessus de la Constitution ; de même les gêna du Nord
commençaient, avec Sumner. à invoquer » une loi plu» haute », et,
avec Wendclt Phillips, à « maudire ta république infâme ». Tandis que»
dans le Sud, on se mettait à pourchasser et à pendre les voyageurs
soupçonnés de tendances abolitionistes, des révoltés, des contempteurs
de lois se liguaient dans les Etats du Nord en conjurations et en sociétés
secrètes pour secourir les esclaves fugitifs et les acheminer vers la terre
libre du Canada par les « chemins de fer souterrains > , c'est à-dire par
les routes sûres qui réunissaient les unes aux autres les rares maisons
hospitalières enlr'ouvertes la nuit aux malheureux noirs. Mais, jusqu'à
l'époque (i85i) où Mme Beecher Stowe publia le fameux roman Uncle
Tom's Cabin qui remua le monde entier, môme en Afrique et au fond de
la Chine, le parti des abolitionistes était franchement méprisé par tous
ceux qui se piquaient de belles manières, de nobles pensées et de
gracieux langage. Parier des noirs avec sympathie était tenu pour un
indice de vulgarité; de même que cinquante an* plus tard Tépithèle
d* « anarchiste », le mot « aholitioniste » indiquait non seulement un
criminel, mais encore un malappris. Les savants étaient d'accord à cet
égard avec les personnages officiels. Boston se disait ilw iiub of the Uni-
verse, le « moyeu de la roue du monde , et pourtant, dans ce centre
de l'univers, toute idée tendant a la libération des noirs était flétrie en
termes hautains par ceux qui prétendaient à la domination morale de la
société. L'université de Harvard tout entière, étudiants et professeurs,
condamnait solennellement la mauvaise doctrinr de l'émancipation.
Cependant la différence des conditions économiques entre le Nord et
le Sud, et surtout l'esprit de dictature qui s'était emparé des politiciens
esclavagistes, devaient rendre la guerre inévitable entre les deux moitiés
de la république américaine : bien avant la lutte finale, de brusques
conflits l'annoncèrent ça et là, car c'est un des traits essentiels de l'his-
toire que des frissons avant-coureurs précèdent les grands boulever-
sements. C'est ainsi qu'après un vote du Congrès, qui créait en i854 les
deux Territoires nouveaux de Kansas et de Nebrasko, la guerre éclata
spontanément dans la première de ces deux contrées entre esclavagistes
et libres colons. Les propriétaires d'esclaves du Missouri, excités de
loin par les politiciens du Congrès, voulaient quand môme, et par la
violence, peupler le Kansas de nègres asservis. Aux jours de vote, les
Uj\ L'HOMMK ET i.A TEIiRK. — NÈtiHfM KT MOUJIKS
Missouiiens en vahUsaifint les «aHes d't'leeLt«*ii ( assoiiiinaUMit le» laboureur»
venus dey paya libres» puis annonçaient triomphalement leur victoire.
D'outre part, le flot des travailleurs continuait de se porter des Etats du
Nord et du Nord -Est ver» le sol nouveau : on se battit sérieusement en
mainte rencontre. Ce fut le prélude de la grande guerre qui allait éclater
quelques années plus tard ; plusieurs des hommes qui prirent part à ces
escarmouches y tirent leur apprentissage pour la terrible lutte. Le Kansus
fut conquis par tes obolillonisles du Nord mais, en réalité, perdu pour lu
cause, puisque le premier article de la constitution interdisait à tout
nègre, esclave ou libre, de mettre jamais le pied sur le territoire ùV
l'Etat : toujours le compromis entre le bien et le mal !
Les intérêts seuls étaient enjeu dans les guerres civiles du Kansas :
il y manquait le dévouement révolutionnaire pour une cause désin-
téressée. Les nègres esclaves* étaient trop étroitement tenus pour qu'il
leur lui possible de susciter eux-mêmes une guerre servile ; les proprié
laires disposaient d'une forée matérielle trop considérable et la police
des plantations se faisait d'une manière trop rigoureuse pour que la
moindre tentative ne fut aussitôt réprimée; c'est à quelques blancs, et
notamment ti John lirown. que revint l'honneur de représenter la nation
dans ci» quelle avait de plus noble et de plus généreux. Ce fermier virgi-
nien, d'origine septentrionale, avait projeté de réunir autour de lui une
armée de noirs fugitifs et de constituer avec eux une république guer-
rière dans les monts Allegliany, transformés eu citadelle. « Dieu
lui-même, disait il, avait créé ces montagnes pour en faire le lieu
de défense des esclaves révoltés ». Puritain convaincu, mais homme
d'action plus encore que de prière» il se croyait choisi pour tenir le glaive
du Seigneur dans une guerre de libération des noirs. Celte guerre lut
courte, purement locale et bien minime par le nombre des combattants,
mais elle (ut héroïque de la part des agresseurs et bien autrement noble
par le but qu'ils lui avaient donné que ne le l'ut plus tard la guerre dite
de .• Sécession . Tandis que celle-ci, qui brassa de* millions d'hommes
pendant quatre longues années, tentait, vainement il est vrai, de dérouler
ses formidables conflits sans porter la moindre atteinte au texte littéral
de la Constitution, l'incident de la révolte et de In mort de John Brown
s'accomplit, sans aucune hypocrisie, en dehors des agissements officiels
et convenus. Le héros fut l'inspirateur de tous ceux qui, dans le grand
conflit, eurent devant les yeux un idéal vraiment humain. Ainsi que le
TENTATIVE DE JOHN BltOWN
'0 5
répéta le refrain de l'hymne 'guerrier chanté plus tard par les nègres
affranchi» ; u L'âme de John lïrown ma reliait devant eux ».
Quant aux faits matériel» de la petite insurrection locale, la majes-
tueuse histoire officielle cherche, sembte-t-H n tes oublier, et» dans ces
Etats- 1 !nis, où l'on
remémore si volon-
tiers le souvenir des
grandshommes.avcc
le respect supersti-
tieux de tout ce qui
leur appartint, on
ne trouve point de
pierre ni d'inscrip-
tion qui rappelle en
termes élogleux, ou
mémo décents, la
mémoire de John
Dm w n. C'est le i G oc-
tobre iS5o qu'avec
vingt deux amis et
«es propres fils il
s'empara d'un ma
gasin d'armes situé
dans lu ville de Har-
per s Kcrry. Ce point
stratégique, au eon-
Huent du Potomucet
do la Sheiiandoah. t , ,
était fort bien choisi J0HK BBOWK
<-t. si les libres des * é e « mo > > oadu * 2 d « cmbro im
environs s'étaient portés îison secours, si l'insurrection s'était propagée
de campague en campagne, il eût pu résister longtemps, mais il m*
se produisit point de soulèvement, cl de toutes parts les milices virgi-
Miennes vinrent l'assiéger. La petite bande, plus que décimée, fut bien
tôt capturée, et John Brown, couvert de blessures, fut pendu le
•*. décembre dans une bourgade voisine de Harper's Ferry, Son dernier
acte, avant de tendre son cou à la corde du gibet, fui de baiser
L'HOMME ET LA TERRE. — NÈGRES ET MOUJIKS
au front un négrillon qui se trouvait parmi les curieux : acte symbolique
et promesse d'un avenir qui ne s'est pas encore réalisé entre les races
de la République américaine.
Si les historiens des Etats-Unis, plus fidèles à la lettre qu'à l'esprit,
ne rendent pas toutù fait justice à l'insurrection de John Brown, peut-
être ne tiennent-ils pas non plus suffisamment compte de l'énorme
appoint que leur donna, dans la victoire définitive du Nord, le flot des
immigrants européens venus en si grand nombre dans la force de l'âge,
en pleine initiative de travail et d'aventure et, pour une forte part, plus
amoureux de liberté que les Américains eux-mêmes. L'immigration
d'Europe dans le Nouveau Monde est un phénomène économique et so-
cial de grande importance qu'il est nécessaire d'étudier avec soin.
Si ce n'est sur le* rivages orientaux do l'Amérique du Nord, l'émi-
gration des Européen* dans les contrées du Nouveau Monde découvertes
à la fin du quinzième *îècle et au seizième n'avaiteu qu'une faible valeur
relativement a l'ensemble de lu population. Tout d'abord un certain
nombre d'avenlurierh. fascinés par les récits des premier» conquérants,
s'étaient précipités vers les terres nouvellement découvertes. Malgré les
défenses formelle» d'é migrer sans ordres, autrement que pour le service
du roi, des navire» de contrebande prenaient la mer montés par de
hardis compagnons. Mais les mesures de précaution contre l'émi-
gration interlope devinrent de plus on plus sévères, tandis que les occa-
sions de s'enrichir rapidement se faisaient plus rares et que la curiosité
des prodiges d'outre mer diminuait en force. Le mouvement de migra-
tion de l'Espagne et du Portugal cessa tout à fait vers les contrées d'Amé-
rique tombées en leur possession, et désormais la population d'origine
européenne ne s'accrut que par la naissance de métis ou de rares descen-
dants des autochtones de sang pur et par l'importation d'« enga-
gés » venus sur cornu laiule et exploitant le sol au profit des maîtres.
Cependant, l'émigration avait été, pour ainsi dire, amorcée par
ces éléments de souche européenne pendant les trois cents premières
années de l'occupation.
Dès le milieu du dix-huitième siècle, l'importation des « engagés »»
allemands en Pennsylvanie avait été assez active pour eflrayer Burke :
il exprimait en 170Ï» la crainte que cette colonie devint complète-
ment étrangère à la «irande Bretagne par le langage, les mœurs et les
IMMIGRATION Al'X ETATS-UNIS
»w
tendances ; cependant l'émigration ne prît un caractère continu et régu-
lier qu'après les guerre» de l'Empire» au commencement du dix-neuvième
K« 456. Immigration aux Étttt-Unit de 1820 à 1906.
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S années 8
Les chiffres les plus récemment publias et que o'a pas connus l'auteur dépassent
tin million d'immigrant* » 1 027 000 du ("juillet 1904 au 30 juin 1905 et i O30OOQ pendant les
doute mois suivants.
siècle. A mesure que diminuait la traite de» esclaves et que le travail
salarié tendait u remplacer l'achal direct des noirs» le uombre des émi-
ig8 1/ HUM ME ET |.A TEHRR. — NÊUHKS ET MOUJIKS
forants d'Europ? s'accroissait : de milliers, il s'élevait graduellement a
des dizaine», puis à dus centaines de milliers par tin. Pondu ni les cent
années qui se terminèrent uu 'Sa Juin 1900, la multitude îles homme»
; qui ol>niii1oiinèi%iit volontairement l'Europe pour se» chercher une patrie
nouvelle par delù l'Océan peut être évoluée à trente millions.
Jamais durant le cours de l'histoire nu s'était accomplie pareille
migration des peuples: les grands exode» purent avoir la môme impor-
tunée relative que le peuplement de l'Amérique, mais ils no mirent cer-
tainement pas en branle d'aussi puissantes multitudes d'indnidus.
Malgré la recrudescence nouvelle que, depuis iSt)8, ou constate dans
l'émigration européenne, grAee à l'exode des Italiens, des Vittrichiftis
et des Husscs, on peut se demander si h» vingtième siècle ne restera pas
in teneur au dix neuvième à cet égard, car si les moyens de communi-
cation sont beaucoup plus nombreux <d plus efllcuces que naguère, ils
servent beaucoup plus nu mouvement de va-el vient qu'au déplacement
déllnilif sans volonté de retour : on voyage davantage, mais peut-être
«'migrera t on moins, parce que l'équilibre de population et de ressources
setablit de plus eu plus dans les diverses contrées. Cesl en l'année
ISS-! que. pendant le dix-neuvième siècle, l'émigration atteignit !*■
sommet de sa courbe ; tes seuls tëlats-Unis reçurent 788 1)93 immigrants,
pour la plupart dans la force de l'âge ; près d'un million d'hommes,
isolés ou par petits groupes, avaient changé de monde.
Une remarquable division des éléments nationaux s'était opérée dans
cette œuvre immense d'expatriation. Sur les trente millions d'émigrunls,
vingt avaient pris la roule des Klals l ni» et ces foules comprenaient
presqu'exclusivemeul des Kuropéens du nord, Anglais, Keossais et
Irlandais, Allemands et Scandinaves. Dans T Amérique du Sud. au
contraire, l'élément prépondérant parmi les nouveau venus fut celui
dus gens du itddi de l'Kurope : Italiens, Espagnols, Portugais, Quant
aux Fronçais, peuple établi sur tes deux versants méditerranéen cl
océanique, ils sont représentés dans les deux continents du Nouveau
Monde eu proportions à peu près égales, assez faibles d'ailleurs.
De part et d'autre le mélange d'éléments ethniques d'origines diverses
ne cesse de fondre les populations du nord et du sud en une masse
d'hommes essentiellement cosmopolite. Pas une famille qui n'ait parmi
les siens des Slaves, des Allemands et des Latins,
Si facile qu'elle soit devenue, l'émigration, c'est-à-dire l'arrachement
EXODE D'EUROPE EN AMÉRIQUE igo
de sa personne au milieu natal, demande toujours du courage, de l'ini-
tiative et de la résolution. Jadis elle ne s'opérait guère qu'à main armée
H* W. Pays d'origine des Immigrants aux États-Unis.
IMMIGRANTS
300 000 —r-J 1 1— i 1— I 1— I L~i-JL~I L— I t_ J . ~ .i— J... I l.,l_l I— L. .l - .l , J- -l .,4wJ — i — l
ÎBO 000 _
900 000 -
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BRITANNIQUES..
100 000
ALLEMANDS ■-■
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ANNÉES S
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pour la conquête, comme au temps des Marnerttns, ou bien par cara-
vanes de marchands, sous la protection des coutumes et des traités.
20t> L'HOMME ET LA TERRE, — NÈGRKB ET MOUJIKS
Actuellement, ce sont des individus isolés, plu» encore que de» familles»,
des clans ou des sectes, qui tentent la redoutable aventure du déraci-
nement, mais c'est avec prudence, môme parfois avec une certaine
timidité, qu'ils procèdent, à la façon des animaux à tentacules, de
manière a prévoir les dangers, à diminuer les risques ; ils cherchent tout
d'abord à se créer une deuxième patrie, où ils trouveront la langue,
les traditions maternelles, et, s'il est possible, des mœurs analogues à
celles du « pays », les sympathies cordiulcs de parents et d'amis. Les
provinciaux, les étrangers qui vont s'établir dans une grande ville ne
s'y dispersent point au hasard ; ils se groupent en quartiers, n'efforçant
de s'entr'aider contre l'indifférence ou l'hostilité des inconnus et les
dangers du sort. Les diverses nationalités se massent en Ilots archéolo-
giques dans toutes les cités capitales, Paris, Londres, New-York, San-
Francisco, de même qu'autrefois dans les Universités, les étudiants se
distribuaient eu «• hospitaux», en « collège» », en «■ nations ■■» Lorsque
par l'heureuse chance de quelque circonstance imprévue, un é migrant
a trouvé une résidence très hospitalière, des compatriotes viennent fré-
quemment essaimer autour de lui comme des abeilles autour d'une
«mère». Ainsi les « Barcclon nettes des Hautes Alpes qui sont devenus
marchands d'étoffes a Mexico, ont été successivement appelés ou se sont
invités auprès d'amis et de .parents qui avaient eu la chance de faire
fortune dans cette industrie vers le milieu du dix-neuvième siècle. En
cinquante années le nombre des capitalistes « bu rce Ion nettes », d'ailleurs
gens sans grande initiative, mais favorisés pur un travail de routine qui
demande seulement entr'aide, s'est élevé* à quatre cent cinquante
« valant » certainement plus d'une centaine de millions \
Des exemples du même genre étaient jadis la règle, ils sont encore
très fréquents, quoique l'homme soit arrivé à se sentir beaucoup plus
homme dans la grande fraternité humaine. Celui qui a des sentiments
nobles et qui se sait juste et bon trouvera partout, ou du moins méritera,
des compagnons. Les vieux ordinaires de ceux qui se déplacent à la
surface de la terre sont révélés surtout par les noms qu'ils donnent aux
contrées nouvelles où ils vont s'établir, et oh, fréquemment, ils croient
reconnaître des traits aimés du pays d'origine. La Nouvelle Angleterre,
pour ne citer que celte colonie moderne, est, de toutes, celle où s'est
1. 6m. Chabaud, Des Barcebnneties à Mexico; Edmond Dcmolins, les français
«T aujourd'hui» types sociaux du Midi et du centre, pp. 29 et suiv.
IMMIGRATION AUX $TATS-UWS
SOI
le mieux reproduite ta » Vieille contrée » par les noms» la disposition
et l'aspect des ville» et des villages* Quelle cité anglaise n*a pas son
homonyme dans la province américaine qui» précisément, fut la
première 4 se détacher de ta mère-patrie ?
Do nos jours, les hommes qui é migrent sur une autre terre, sous
d'autres deux, par amour des aventures ou par curiosité de l'inconnu,
sont une exception. Le pain et lu liberté sont les deux principaux
CL R fellta
IH1CIBAWT8 TBAVaaSAHT L'ATLAHTlQirS
Estampe de 1855.
objectifs des émigrants européens, et l'ont surtout été pendant la
période de révolution qui marqua le milieu du dix-neuvième siècle.
I/exode irlandais qui se produisit h cette époque et qui vida de ses
habitants certains districts avait) eu la iaim pour cause unique, Une
famine atroce, dont la cause occasionnelle était la maladie des pommes
de terre, mais dont la véritable raison consistait clans l'appropriation du
sol parle capitaliste étranger, cette effroyable mortalité avait enlevé plus
du dixième de la population, et la plupart des malheureux qui restaient
n'avaient d'autre passion que de s'enfuir, d'aller chercher le salut dans
ces Etats-Unis d'Amérique où l'on savait que de» compagnons de misère
avaient obtenu de l'ouvrage, de hauts salaires ou même la fortune. Tous
V 11
<
WJ l/jlO.MMK KT I.A TK1UIK, NKi.llfcS KT Mot.JIKs
«eus qui avaient quelque terre lu vendaient 11 n'importe quel prix pour
payer leur traversée ; d'autres s'adressaient à t'upîninit publique de
l'Angleterre, «lonloureusemcnt émue par les nouvelle* de ht famine,
où de toutes parts ailtnnioitt les souscription»; enlin «le nombreux
propriétaire*, sur lu» domaines desquels «les travailleurs avaient péri,
conseillaient à jiujer le vo\age (l'une partielle leurs paysans, pcul-élre
«lans l'espoir de se débarrasser en même temps «lu remords «le leur
crime. Tous ces moyens réunis agirent ni bien «pie. «tans l'espace de
six années, «le iK^ — lc btwk Jorty sevett~~ii iH,V*. la population irlaii-
daise descend il «le H io«i ooo individus à <i million*. La <• Pauvre vieille
femme » Slum Von Vocttt, ainsi «pie les Irlandais nomment mélancoli-
piMiiciH leur mère pu trie t avait perdu pins do quart de «es entants.
De iXidià loon, ta statislupie de l'immigration aux Klalsl nis enregistra
l'entrée de tiojoou Irlandais el «te :t:i'|u uuu KcokkuU el Anglais pro
premctU dits.
I/émigratiou alleutautle - d'abord moins furie miuicriqiuniieiit,
destinée à «lépasscr amplemenl l'émigration irlandaise el plu* (uni
à être remplacée par mw puissante vague italienne el slave, eut
certainement aussi la faim pour conseillère, surtout dans les districts
liumunBct silésiens: toutefois, à eel élément des !iiiiit*th|iic*H bc joignit- un
autre élément, de beaucoup plus haute valeur înhilleeluelle et morale,
eelui des hommes qui avaient lutté «tans leurs pa>s pour lu cause
populaire el qui avaient été vaincus. \.u désillusion leur rendait le
sôjoiir trop amer dons la patrie.' marâtre, el ils s'eni'u> aient vers la répu-
blique des Ktals-liniB qui, certes, était bien loin «le l'idéal rè\é, mais qui
lu moins offrait le large espace uses immigrants, la pleine liberté d'à lier
•I de venir, ainsi que le facile accès de* tribunes et des journaux. Il est
«lirtieile d'apprét'iei à sa valeur dans l'histoire des Kluls-l nis le i oie «le
'elle immigration républicaine, ou du moins radicule, ger ma nique en
très grande majorité, qui vint influencer l'ensemble de l'éducation
nationale américaine. Eu lotit eus, il «si certain que la guerre «le
« Sécession » dut pour um? très Ibrle part ses consétpmnces anolilio-
uistes à l'ardente pmpagande des républicains d'Kuropc qui s'étaient
engagés en multitudes dans les rangs des Kédémux du nord «*l qui
mnso tidèrent l'armée plus encore nu point «le vue moral qu'au point de
vue matériel, puisqu'ils apportaient leurs convictions républicaines et la
haine de l'esclavage. Les Allemands seuls fournirent à l'Union njoooo
ÉMIGRATIONS IRLANDAISE ET ALLEMANDE
%g'S
milicien» : c'est à eux qu'on attribue surtout la conservation de l'Etat du
Missouri dans ta ligue du Nord*
C'est aussi parmi les révoltés qu'il faut classer les jeunes gens qui
se dérobent à la conscription pur l'exil volontaire. C'est en Allemagne
et en A ustro- Hongrie que se sont recrues pour lu plupart ccr émigrants
qui préfèrent les dangers d'un pays inconnu aux casernes de la terre
SM1QBANTS SB DIBIOBAKT VBRS LE PAR-WKST
(Estampe de 1855).
natale. Les lies Britanniques, où l'armée ne se recrute que par des mer-
cenaires, n'ont pas eu à fournir aux colonies cette catégorie d'occupants
et la Hnssie n'y u guère contribué que dans les dernières années par ses
mcnnomleset autres gens do foi auxquels leurs principes religieux et
humanitaire* interdisent de porter les armes. Mais, précédemment* les
grandes insurrection» de la Pologne avaient eu pour résultat de diriger
vern l'Europe oeccidentale et les Etats-Unis la plupart des patriotes
polonais qui avaient pu échapper à l'emprisonnement, a la déportation
ou a la mort. La France et l'Espagne ont pris également part ù ce mou-
vement de migration pour cause de lois militaires, mois, en ces deux
contrées, les foyers d'émigration furent pendant longtemps presque
limités aux provinces Basques entre l'Adour et les Pyrénées cati labres.
C'est que les Basques, très fiers de leur liberté, préfèrent l'expatriation
V 11*
'io4 L*HOMME ET LA TERRE. — NÈGRES ET MOUJIKS
avec toute» ses chances de désastre et de mort au régime avilissant des
garnisons et parient pour L'Amérique où on est étonné de rencontrer
une si forte proportion des leurs. Les république* espagnoles du Nou
veau Monde, du Mexique, du Chili montrent par tu multitude de leurs
noms cuskariens quelle port énorme l'élément busqué a prise dans le
peuplement do ces immenses contrées. De môme les Acoriens, pourtant
amoureux de leurs tics natales, les fuient en grand nombre plutôt que
de porter In informe. Quoi qu'on puisse en penser, ee ne sont point les
tâches qui s en vont ainsi plutôt que de servir : ce sont les plus éner-
giques, ceux qui ont le plus d'initiative personnelle, et ils enrichissent
d'autant Ira pays nouveaux qu'ils vont habiter.
Lorsque la tension des deux, forces opposées eut rendu la guerre iné-
vitable, les gens du Sud s'imaginaient volontiers qu'ils remporteraient
facilement sur leurs adversaires, (icntilshommcs se prétendant issus de
l'aristocratie britannique, ils affectaient un grand mépris pour les bouti-
quiers et travailleurs qu'ils auraient à combattre et dans lesquels ils
voyaient les semblables tic leurs propres esclaves, chiourme bonne à
réduire comme ce* esclaves révoltés que leurs anciens maîtres, au
témoignage d'Hérodote, combattirent et dispersèrent non avec les armes»
mais avec le fouet. D'ailleurs ils étaient les seuls a posséder les cadres
d'une armée. La grande majorité des officiers de terre et de nier s'étaient
naturellement rangés du calé des esclavagistes auxquels tes relations
sociales et tes fêtes mondaines les avaient rattachés. Les Sudistes avaient
eu quelque expérience militaire au Mexique et dans l'Amérique centrale,
et l'habitude du commandement dans les campements de leurs nègres
en avait fait autant d'officiers nés ; comparés à eux, les gens du Nord
n'étaient au premier contact que des bandes indisciplinées. Toutefois, si
confiant* qu'ils fussent, sinon dans la justice du moins dans la légalité,
dans la tradition juridique de leur cause ainsi que dans leur excellence
personnelle, les esclavagistes du Sud ne pouvaient douter de ce fait
incontestable, la supériorité matérielle de leurs adversaires du Nord.
C'est à ceux-ci 1res certainement qu'appartenait la force. Hs étaient de
beaucoup les plus nombreux et à leurs rangs serrés ils pouvaient ajouter
sans fin la foule des immigrants d'Europe qui se présentaient tout aussi
dispos à prendre les armes de la guerreque les outils du travail ; en outre,
ils avaient les ressources prodigieuses que leur donnait une industrie de
ao5
Gl'KHRE DE SÉCESSION
beaucoup supérieure à celle des gens dw Sud t d'avance ils disposaient
N* 4SI, Théâtre de la guerre de Sécession.
NEW YOM
i : I6000000
260
500
1000 Kîf
Los point» noirs indiquent le* lieux de bataille, — Getiy.-burg eal en Pennsylvanie, près
a frontière du Marylandj Savawiah est la ville la (.lus méridionale de la Caroline du Sud
des trésors que donnent lu science e| riullûitivc; enfin le n'seau de clic
mi ns de fer. dont le» mailles s'en Ire -croisaient sur toul le territoire, leur
ao6 l'homme kt la terre. — nègres et moi/jiks
permettait de tuiro manœuvrer teg troupe» à Taise pour l'attaque et poin-
ta défense.
Evidemment le» politiciens qui lancèrent le» Ktut» confédéré»
dam lu révoile et dan» lu guerre n'Ignoraient point ce» énorme» avan-
tage» que possédaient tes Etat» unioniste», mais, dan» leur jaetanee.
explicable par le» précédent», ils s'imaginaient que leurs adversaires
ne sauraient pas utiliser ces forée» immenses : ils comptaient Mu-
le maintien de l'ascendant (|ue l'orgueil, la violence, l'habitude de
l'autorité leur avaient toujours assuré dans les ussemblées délibérantes :
lu domination qu'ils avaient exercée dans le Sénat, qu'il» avaient
souvent disputée avec succès dans la Chambre des représentants, ils
comptaient l'acquérir uuhhî sur la foule sans nom qui s'agitait dans les
villes industrielles du Nord. Le mépris de ses adversaires est une grande
force, mais il ne faut pas en abuser. Les Sudistes n'avaient pas égalé
leurs rivaux du Nord par le sérieux de l'étude, par l'intensité du travail
matériel et moral, mais ils les avaient souvent vaincus par la véhé-
mence du discours, par la faconde oratoire : habitué» îi commander les
nègres, ils s'imaginaient aussi pouvoir commander aux btuncs : la gri
série de leur» paroles les suivit jusque sur les champs de bataille.
N'allaient-ils pas jusqu'à revendiquer lu supériorité intellectuelle.
quoique leur littérature, comparée a celle du Nord, et notamment a celle
de la Nouvelle Angleterre, fut sans valeur aucune. Ils donnaient a celte
inégalité humiliante une raison des plu» bigarres, prétendant que les
Méridionaux, conservateurs naturels de la tradition, ne voulaient à
aucun prix se départir de la littérature? classique des Milton. des Drydeu,
des Coldsmilh, des Pope; aussi découragea it-nt-lls tous les efforts qui
auraient eu pour résultai la création d'une littérature nouvelle*.
Les premiers événements de la guerre semblèrent justifier la cmi-
ftance des esclavagistes. In bombardement leur livra (i(i avril 1861) le
fort Suinter, principale forteresse de ta baie de Charleston, ville « sainte >
des confédérés, et la rencontre de Bull Hun, dans les terres marécageuses
qui bordent à l'ouest te bas Potomae, se termina par la fuite presque
ridicule des Fédéraux, troupes sans cohésion qui voyaient le feu pour la
première fois. Il fallut arrêter brusquement les opérations militaires
dans lesquelles ou s'était imprudemment engagé et se borner à la défen-
U Thomas Nelsou Pajçfi, Marva Chan,
PPKMIÈKKS DÉFAITES DES F&OÊRAUX
mo*
sive en s Abritant derrière des fortMlcattoroi en terre où les recrues s'exer-
çaient à l'apprentissage de leur métier. Mais (e simple campement sur
un point de future attaque déterminait de plus en plus l'élut de guerre, et
le* escarmouches prenaient graduellement le caractère de bataille. La
position géographique den deux, capitules ennemies, Washington et
Hic h moud, forçait les urmées ù graviter autour de ces places. Tandis que
les v Confédérés » ou Sudistes, plus audacieux et plus libres de leurs
mouvements, se hasardaient avec une singulière audace jusque dans le
voisinage de Wa-
shington, essuyaient
ùo la surprendre
môme à revers par
nue campagne fuite
dans le Maryland el
diius la Pennsylva-
nie, les < Fédéraux ■■
un gens du Nord
poussaient lentement
leurs travaux d'up-
proche vers Rich
moud, soit pur le
nord, à travers les
vallées parallèles des
rivière» qui les sépa-
raient de James-rivcr,
suit pur l'est, dans la péninsule môme qui se relève ou plutôt s exoude
par degrés dans la direction de la ville convoitée. Que de fois les
armées, enfin exercées Tune et l'autre à la tuerie, se heurtèrent en batailles
indécises, et (pie de fois elles avancèrent et reculèrent successivement
après de terribles assauts qu'on se livrait de pari et d'autre ! Rare-
ment guerre fut plus sanglante, rarement plus de vies humutnes furent
sacrifiées sur les champs de bataille que pendant cette lutte de quatre
années.
D'abord vaincus sur terre, les Fédéraux avaient eu la victoire dans
leur premier combat naval, et bientôt l'avantage capital que donnent
l'industrie el le commerce avait permis aux, assaillants de pousser leur
blocus le long des côtes du territoire esclavagiste et même de pénétrer
Cl. du Caitury.
SCÈSS DE OU£»RB
(Croquis de Frank. H. Schell),
Ix» Messe de gauche demande au dessinateur d'écarter le
corps du soldat qui était venu mourir sur lui. Au centre, un
jeune homme pan»e sa cheville, aux pied» d'un cadavre qu'il
dit être «lut de son père.
1I08 l/HOJWME ET I.A TERRE. — «EURE» ET MûrJlKS
ça cl la cluriH les estuaires et les embouchures du littoral. Sans doute des
corsaires du Sud et des marins étrangers réussissaient fréquemment a.
forcer ce blocus pour introduire dans le domaine assiège' des ormes, des
approvisionnements, des correspondu nées» mais ces apports se toisaient
h très grands frais, en échange de colon dont la récolte diminuait chaque
année. Le Jour vint où le cercle de fer rejoignit ses deux extrémités,
lorsque les flottille» des fleuves de l'intérieur se réunirent, devant Yicks-
burg, uux vaisseaux venus de la mer pur le bus Mississippi. Tnndisque le
gros des années se pressai! sur le pourtour du noyau formé pur les deux
capitales, l'énorme rJrenit qui se prolongeait au loin vers te sud ouest
se trouvait étreint par les forces du nord : virtuellement le conflit devait
se résoudre a l'avantage du boa qui déjà leniiit su victime en sa gueule
distendue.
Cependant l'hallucination produite pur le résultat des premiers con-
flits et le désir secret qu'avaient les puissances européennes 'l'écarter la
concurrence redoutable d'une rivule triomphante eu industrie eten com-
merce produisirent dans l'esprit de la plupart des politiciens ridée que
la résistance des Confédérés Unirait par lasser les fanatiques de l'I nioii
et même par épuiser leurs ressources, lie plus fameux homme d'ISlul qui
vécût à celle époque, l'illustre (iladslone, di'jù connu sous le nom de
(ircal Otit Utitt, donna pourtant la preuve de srm manque de clairvoyance
politique puisqu'il félicita publiquement les chefs de la Confédération
d'avoir su w créer une nutioti ». Ce qui leur manquait pour cela, c'était
d'avoir une idée rectrice capable de soulever la masse du peuple et de la
passionner d'une manière durable par l'enthousiasme d'une noble cause.
Mais si les propriétaires d'esclaves affectaient de croire que l'esclavage
des noirs était vraiment un principe pour lequel il est juste de saeriiier
sa vie, lu masse des « petits blancs ■■ sans propriété restaient parfaitement
insoucieux de tout ce verbiage et si, d'une part, ils haïssaient les nègres
à cause de la différence de lu peau et la concurrence du travuil, d'antre
part, ils délestaient les <« grands blancs , les hautains patrons. Toutefois,
si les politiciens des Ktals confédérés s'étaient appuyés sur le principe
fondamental de toute libre association, s'ils avaient revendiqué le droit
naturel de l'homme à l'autonomie personnelle et à la liberté du grou-
pement suivant les sympathies, s'ils avaient dit simplement : « Votre
compagnie nous déplaît, gens du Nord, et nous entendons désormais
vivre comme il nous convient, en choisissant nos alliés selon notre
FAIBLESSE R&ELLK DES CONFÉDÉRÉS 900
goût! * II* se seraient trouvé* sur un terrain solide et auraient été inat-
taquables au point de vue de la justice humaine. Certes, il est à croire
qu'il» n 'eussent pas manqua de prendre cette franche attitude s'ils avaient
été seuls, mais ils se présentaient dans la lutte a coté des petits bluncs
méprisés» bien plus encore, accompagnés de leurs chiourmes d'es-
c laves, et, dans cette situation complexe, Ils auraient eu ta plus mauvaise
grâce u réclamer d'une même haleine le droit a leur liberté personnelle
et celui d'asservir autrui. Ils étaient donc forcés de s'en tenir aux
précédents historiques, aux textes des lois, à la discussion des grimoires
de Constitution et de jurisprudence; comme ci-devant duos I enceinte
du Douglas, ils discutaient dos points de droit dans le ehamp ouvert des
batailles; la voix aigre et niaise de» avocats accompagnait le tonnerre
du canon.
De leur e<Mé, les Unionistes ne se déprenaient que très lentement de
leur formalisme constitutionnel pour se rattacher franchement à un
principe, celui du droit de l'homme a la liberté. Les proclamations
officielles en référaient misérablement a lit lettre de tu loi : les abolilio-
tristes seul», ceux (pie l'on appelait « sectaires » et « fanatiques . sau-
taient- u pieds joints pardessus le compromis du Missouri •>, le « procès
Dread Scott , les jugements de la Cour suprême » et autres précédent»
parlementaires et légaux. Les émigrants qui se faisaient recevoir au
nombre des citoyens et s'enrôlaient eu foule dans l'armée voyaient aussi
les choses de plus haut et de plus loin que les natifs, accoutumés aux
subtilités constitutionnelles : il l'ai lait une hérédité de quelques généra
lions dans les traditions absurdes pour professer que les noirs étaient
une u propriété j» de môme outre que le bétail. Les étrangers nouveau-
venus auraient trouvé tout naturel d'enlever les esclaves des plantations
et de les c u régi i mm ter contre leurs anciens maîtres, mais le scrupuleux
président Lincoln et les savants légistes qui l'entouraient ne virent
d'abord dans le negre que la pure marchandise déterminée par les anté-
cédents légaux, et même, lorsque la logique des événements eut fait
justice de toute celte logomachie, lorsqu'il fallut pourtant émanciper et
armer les noirs, te respect de la formule obligea les délibérateurs à les
désigner par une bizarre périphrase. On ne vît en eux que de lu << con-
trebande de guerre », c'est à-dire do simples objets comme de la poudre
et des balles, et longtemps les actes relu tifs a celle contrebande vivante
furent rédiges en un jargon incompréhensible à tous autres que les
î»|0
l'homme et la tkhrb.
NÈGRKS ET MOUJIKS
juristes initiés. 0c même, lorsque le nouvel Ktat — la Virginie Occiden-
tale — fui détaché de l'Elut à esclaves dit familièrement » Old Virginiu »,
ta volonté formelle des habitant» ne parut pas suffisante pour justifier eel
acte administratif, qualifié d'attentat pur tes Sudistes, et Lincoln se crut
obligé de l'envelopper do tout un su van l verbiage, sur lequel des milliers
de easuistes ne mirent à ergoter,
Quand môme, il fallut bien en venir à l'acte pur excellence, ù lu ddc-l-
Cl. du Ctntury,
BATAILLE D'ÀjNTIBTAM
Le» Fédéraux emportant le pont de Burnaide (17 sept. 1863),
d'après le croquis de Kdwln Forbea, fait durant le combat.
aion ultime qui formait comme le noyau de tout cet amas de choses
secondaires discutées entre les deux moitiés de la république nord amé-
ricaine. Lu proclamation du i" r janvier i8(».'l annonça que « toutes les
personnes tenues en eselavafrc dans chacun îles Etals insurgés contre
l'Union seraient libres dorénavant et à toujours «. On peut dire que la
révolution était faite désormais, puisque les unionistes étalent d'accord
pour combattre au nom d'un priucipe et que leurs immense!» ressources
ne s'appliquaient plus au busard, pour une cause dont on ignorait la jus-
tice. Mais l'émancipation graduelle des 3 900000 esclaves qui vivaient
dans tes plantations des Etats du Sud devait logiquement se compléter
LIBÉRATION DES NJklHKS
til 1
par la mise on liberté des 800 ooo noir» asservis qui se trouvaient encore
dtmtt les Ktats occupés par les Unionistes. Le scrupuleux président Un-
coin Ilxaituu i«" janvier 1900 le délai d'émancipation du dernier travail-
leur nègre des Etats-Unis, mais l'enchaînement des faits demandait une
solution plus rapide, et bientôt, dans chaque KM, les esclaves furent
définitivement racheté*. Mais habitués ft la discipline par la terrible école
do l'esclavage, les nègres du Sud continuèrent «le l'observer pendant
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Cl du Century.
LIS P(»T DB BUHNSIDK EX 1886
lu guerre, soit envers leurs anciens maîtres, soit envers leurs cmanci-
palcurs. Tout au plus quelques milliers d'entre eux salaient ils enfuis
{les plmi talions pour rejoindre les armée» fédérales où les officiers du
Nord les accueillirent comme « contrebande de guerre », se permettant
de les utiliser au proiit de l'union en les incorporant dans les régiments
de marche. Lorsque les Fédéraux purent cnlin passer de ta défensive à la
franche offensive et pénétrer au loin dans les plantations des Klats méri-
dionaux, armés de la proclamation de ta liberté, les noirs valides purent
accourir de toutes parts dans les rangs des envahisseurs, et jusqu'à
!»nn ooo d'entre eux combattirent ainsi pour la cause de leur race, mats
2JU I.'HOMMK ET I.A TERRE. — NÈGRES ET MOUJIKS
sans qu'aucune atteinte ait été portée par eux à ta légalité apparente, sang
que tour prise d'armes pût donner a leurs actes te moindre caractère
d'insurrection ,
Les événements se presseront. Le point de virement définitif s'accom-
plit dans les premiers jours de juillet iHQ3, immédiatement avant ta féïe
nationale, C'est «lors que Yicksbti rg, le verrou qui fermait aux Fédéraux
la route naturelle du Mississippi, tomba cuire leurs mnins et que In
dernière tentative des (Confédérés, s'avançait! en masse avec le gros de
leur armée, vint échouer contre le triangle puissamment fortifié des col-
lines de Gettvsbarg, en Pennsylvanie. U force de la révolte étail délini-
tivement brisée. Hommes, ressources matérielles, confiance commen-
çaient à manquer, et tout ce qui restait disponible éloit dirigé vers les
fortillcations multiples qui tonnaient un labyrinthe d'embûches au-
devant de Kiclimond. L'immense territoire compris entre l'Atlantique»
le golfe du Mexique et le Mississippi n'uvait plus d'élément* de résis-
tance : on eiït pu le comparer à une coquille d'œuf presque vide. Aussi
le* troupes fédérales faisaient elles effort pour traverser cette région dans
son plus grand diamètre. Après des victoires décisives remportées dans
la partie centrale du domaine de r insurrection, c'est-u dire devant la
courbe supérieure du grand fleuve Tennessee — là oii se terminent les
chaînes méridionales des Alléchantes et où commencent les vastes
plaines en culture de la Géorgie — ♦ le général Sliermuii disposa ses
troupes en colonnes parallMes, non pour écraser l'ennemi qui ne pou-
vait opposer îles armées sérieuses de combat, mais pour ravager les
campagnes, couper toutes les ligues de communication, roules, ponts et
chemins de fer. brûler villes, villages et plantations, rendre absolu-
ment impossible Unité, continuation de la guerre en faisant un vide
absolu entre les Kluts mississippictis et tes Ktals ulhmliqucs. Jamais,
peuUMre même du temps des Mongols, destruction plus méthodique
n'avait été accomplie, L'incendie se propagea sur un espace de plus de
100 kilomètres de lurgeur, de plus de 5ou kilomètres en longueur.
Du moins celle effroyable marche atteignit son 1ml stratégique*
Arrivé au bord de la Hier, près de Savannub, le général Sherman rejoint
la (lotie de l'Atlantique, et le cercle se rétrécit autour des confédérés de
manière a les étouffer. C'était nu commencement, de l'année iHG5. Main-
tenant les Fédéraux avancent à la fois du nord, du sud, de l'est et de
l'ouest sur les positions du général Lee, autour de Hichmoud et de l'eters-
REI>OIT!ON DE l/AftMÈE CONFÉDéKÉK
ai3
burg, et, le 17 avril, \m derniers révoltés, entourés de (ouïes paris, n ont
plus qu'à déposer le» armes. La snnglnnte guerre était «nie et l'équilibre
H* 459. Les deux Capitales de la guerre de Séoetalon.
*è* VV.de Gr.
—~j
1: 2 6O0 000
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50
Hoaà
100
160 Kil.
puli tique cl social de la république nouvelle, surgic de lu tourmente, se
Irouvu complément ctiangt\ Désormais les gens » peau bhmrhe conli
»t't L*HOMMK ET LA TERRE. — NÈGRES KT MOUJIKS
nu&rcnt niaisement, pour la plupart, à mépriser, même à haïr tes gêna à
peau notre ou bistrée, mai» du moins n'y eut-il plus de principe »
d'esclavage, d' « institution divine », Comme pour donner un caractère
épique ù la Un de la formidable lutte. Lincoln, le président qui avait été
le porte parole de réinuncipution des imirs, fut assassiné en plein
triomphe,
La victoire des tëluls du Nord sur les Ktats du Sud eut les consé-
quences ordinaires: elle fit accepter le succès comme légitime par la
grande majorité de ceux qui l'eussent maudit d'uvanee et Ht naître aussi
par milliers des prophètes du lendemain cjui croyaient avoir annoncé
les événements bien avant qu'ils fussent accomplis. Les moines voix
intéressées, qui avaient prévu le triomphe inévitable du Sud parce
qu'elles le désiraient, reconnaissaient maintenant qu'il eut été vraiment
insensé de ne pas croire à celle « destinée manifeste » qui enl rainait la
république nord -américaine vers l'unité et l'accroissement do au puis-
sance. Et bien certainement, malgré les haines et les rancœurs suscitées
par la terrible extermination, les Ktats I nis sortirent de la guerre plus
étroitement u*sociés qu'ils ne l'avaient été ù aucune période de leur his-
toire. Bien plus, les Ktals du Nord à type de civilisation industrielle se
trouvèrent réellement agrandis par une extension naturelle qui se pro-
duisait du nord vers le centre et du centre vers le sud. L'é migration
directe des colons de la Nouvelle Angleterre vers tes Ktals de l'ouest el
du centre fut le véhicule de ce travail d'iutussusccption. On peut en
juger surtout par ce fait que le cadre typique de l'autonomie locale dans
le Massachusetts el les Klats voisins, le /of/wx/ii/>, s'est propagé dans
l'ouest, contrairement à ta forme du « comté », moins populaire dans
sou organisme'. Les habitants du Conuectieul surtout sont devenus
fameux par leurs mœurs de migrateurs, de nomades politiques, allant
porter aux autres Kluls duns leur mrpei bwj ou valise la charte d'admi-
nistration nouvelle.
Soutenues par ce mouvement continu d'immigration, toutes les
conquêtes du travail libre furent autant de conquêtes du nord : il empiéta
ainsi par delà les frontières du Missouri, du Kentucky, du Tennessee»
même jusque dans l'Aluhamu, où l'exploitation des riches terrains
houillersel ferrugineux lit naître soudain de grandes villes entourées
1, Emile Boutmy» Elément» d'une Psychologie politique du Peuple américain, p. 42.
CONSÉQUENCES DE LA GUERRE
au
d'usines et où le» uueurs des salariés blauca se répandirent parmi tes
travailleur» nègres. Le littoral de lu Floride avec se» hôtels superbes, ou
viennent par millier* les valétudinaires et les oisifs des cités atlantiques,
cal devenu aussi comme un prolongement économique des càtesde la
Nouvelle Angleterre, de New- York et de New- Jersey.
fi" m, Les Indiens et les Nègres aux Etats-Unis.
Indiens I
»+r~E^BM.
0>i t-T 7't7 t7-36 36-6Q eû-100%
i: 40000000
*
600
1000
2000 Kit.
Quant tm résultat majeur de in guerre, l'émancipation des noirs, il
vu su us dire que, si «lie fui proclamée à une dutc précise, elle ne fut
point réalisée aussitôt, La servitude ne disparut, ou plutôt tie se trans-
forma que lentement en sa forme industrielle moderne, qui est le sala-
riat ; encore de nos jours, près d'un demi-steele après réinunclpution
officielle, se maintiennent dons les pratiques et les lois, surtout au fond
des mues, bien des vestiges répugnants de l'ancien élut de choses. Même
il est arrivé que des juristes ont essayé de rétablir indirectement l'cwla-
ytlO L'HOMME ET J.A TERRE. — NÈGRES ET MOUJIKS
vuge par toutes sortes d'artifices légaux, cl qu'ils ont trouvé des complice*
dans tes tribunaux et parlements d'Etat. De pareilles iniquités sont iné-
vitables, car les anciennes institutions ont ta vie dure; et, du il leurs*
toutes les exploitations de l'homme par l'homme, esclavage, servage
salariat, ne prennent elles pas des formes analogues, difficiles ù distin-
guer duu* les divers milieux i 1
La république nord américaine sortait si puissante de la guerre
civile qu'elle avait même pu remporter une grande victoire morale
contre une puissance étrangère sans avoir eu a se donner la peine d'en
venir aux menaces, ou seulement aux sérieuses remontrances. Dfcs lu
fin de l'année 1SG1» c'est ù-dire lorsque la Sécession étuit prononcée, et
que lu guerre avait déjîi causé ses premiers désastres, Napoléon III,
l'empereur de hasard, que tourmentait toujours une idée chimérique,
intervenait diplomatiquement dans les affaires intérieures du Mexique
pour y faire alliance avec le parti clérical, tout en servant les intérêts de
quelques tripoleurs de Nuances. Voyant dans quelle aventure on les
menuit. l'Angleterre et l'Espagne, qui s'étaient alliées à ta France pour
formuler des revendications sur les questions d'emprunts et de douanes,
s'empressèrent de se retirer, et l'empire napoléonien resta seul pour
chercher noise u la république mexicaine.
D'uprcs le témoignage des chroniqueurs de l'époque, il paraît établi
qu'en envoyant ses troupes au Mexique pour y détruire le régime répu-
blicain et le remplacer pur un empire, Napoléon lit, silencieux d'ordi-
naire, aurait pourtant celle fois laissé échapper un secret : Ceci c'est la
grande pensée du règne! » Se croyant arbitre suprême, placé au gou-
vernail de l'Immunité, il ne visait ù rien moins qu'à souslruire le Nou-
veau Monde ù riufluence pré pondéra ri le des A nglo Américains et à faire
pour illispano Amérique ce qu'il croyait avoir fait pour lu France, lui
tracer un lit permanent comme aux fleuves rectifiés, l'arracher défini-
tivement au régime incertain et changeant des inslmcls et des caprices
populaires, lui imposer une évolution venue d'en haut et réglée par la
volonté d'un homme, d'un empereur, toujours présumée prudente et
sage. Afin de donner ù son dessein une apparence absolument désinté-
ressée, il se garda bien d'imiter son oncle qui n'avait eu de troncs que
pour sa dynastie : celui dont il fît choix comme représentant de son
idéal monarchique appartenait a l'antique maison d'Autriche, celle de
EXPÉDITION DU MEXIQUK «17
toute* les ramilles princiers d'Etiro|>c vers laquelle les fanatiques de la
tradition de servitude lèvent te» >cux avec le plus tic vénération. Le
moment semblait bien choisi pour introniser te dépendant des Habs-
bourg en ce pays qui avait été conquis pur les lieutenant* de Charles-
Qui ni. En effet, ta
* doctrine de Mon roe »
qui interdisait aux
puissances d'Europe
d'intervenir dans les
alfa i rcs po l i tiq ues tics
Etui h américains* se
trouvait momentané-
ment frappée de ca-
ducité puisque lu ré-
publique nord -amé-
ricaine était alors dé.
«unie: peut-être môme
les politiciens qui
cherchaient ù iniptV
riu lifter te Mexique
espéraienl-il» que lu
force de l'exemple et
lu communauté des
intérêts décideraient
les Biais confédérés,
c'est-à-dire l'aristocru-
lie esclavugisle des
régions lloridicn ne»
et mississippicuuc», h «allier intimement au nouvel empire mexicain.
Mais toutes ces combinaisons manquaient de prescience et de
sagacité: la plus grande pensée de Napoléon 111 fut en réalité la plus
grande folie. D'abord les troupes françaises, qui avaient combattu avec
succès les plus redoutables armées sur les champs rie» batuille de
l'Europe, se heurtèrent n de vaillants ennemis qu'elles avaient eu le tort
de mépriser d'avance. Môme lu première rencontre sérieuse fut pour
elles un insuccès : le 5 mai i<S(h, un assaut de l'ucblu fut victorieusement
repoussé, et plus d'une année s'écoula avant que i*arm«e française pAt
(1. Ltplfanftt.
BBNÏTO JUARKZ, 1806-1872.
PnMdent de la république Mexicaine.
3l8 J.' HOMME ET LA TERRE. — NÈGRES ET MOUJIKS
se réorganiser et pénétrer enfin dans ta ville de Puebla pour s'ouvrir la
route de Mexico, Les Français y entrèrent (in juin i8(W) et y prépa-
rèrent t 'intronisation officielle de Maximilien qui vint prendre possession
de son empire Tannée suivante, après s'être fait sacrer par le pape. Mais
la guerre n'était point Unie. Quoique les régiments français, appuyant
Tannée cléricale des généraux conservateurs, fussent presque toujours
vainqueurs en rase campagne, et que le gouvernement républicain,
présidé par l'Indien Benito Juarcz, dut fuir de ville en ville, il n'en
organisait pas moins des guérillas qui harcelaient partout les vainqueurs,
coupaient les routes, s'emparaient des approvisionnements. On pendait
les patriotes par centaines, ils renaissaient par milliers,
Lorsque ta ruine complète des esclavagistes eut amené lu grande
évolution de l'histoire américaine, Napoléon comprit qu'il n'avait plus
qu'a préparer sa retraite, a modifier prudemment sa politique en laissant
Maximilien se tirer de la périlleuse affaire, s'il était encore possible. Le
malheureux crut qu'il réussirait par la terreur et, par un décret d'octobre
iM>5, prononça la peine de mort dans les vingt-quatre heures contre
tout adversaire capturé. C'est le décret qui se retourna contre lui. et qui
lui fut appliqué, Tannée suivante, dans les fossés de Qucrcturo. Il avait
régné trois années, mais pas un jour de cet empire ne s'écoula sans que
les historiens n'aient lu clairement son horoscope de victime expiatoire ;
la grande pensée» lui avait été funeste. Il ne semble pas d'ailleurs que le
crime politique dont la France, sacrifiée aux chimères de son maître,
s'était rendue coupable sans y participer moralement, ail eu pour
conséquence de susciter contre elle des sentiments de liai tic et «le
vengeance dans Tftine des Mexicains. Un sûr instinct avait averti ceux ci
que l'envahisseur, ennemi d'occasion et non pas de nature, ne leur en
voulait nullement, et ils lui pardonnèrent, préférant se rappeler les
enseignements de la Révolution française que les caprices incohérents
de la contre- révolution impériale. Kn outre, ils comprenaient que, dans
la bataille des intérêts, aussi Apre entre les nations qu'entre les individus,
ils n'avaient rien à craindre mais beaucoup à espérer de la solidarité
morale de leurs frères « latins », tandis qu'ils avaient, au contraire, tout
à redouter de leurs amis d'un jour, voisins d'outre Uîo Grande.
Quoi qu'il en suit, l'issue de la guerre du Mexique avait puissamment
assis la « doctrine de Monroë *» comme une vérité politique désormais
indiscutable : pendant le demi siècle qui venait de s'accomplir, les
DOCTRINE DR MONROK
«Ml
ambitions étaient devenues une ferme réalité. Désormais l'esprit le plus
chimérique ne pourrait imaginer qu'il serait possible à la France, à
l'Angleterre ou a n'importe quelle puissance européenne de modifier ù
son caprice réquilibre politique du Nouveuu Monde, soit dan»
l'Amériquo du Nord, soit dan» l'Amérique du Sud. Le principe établi pur
le président Monroë, lors de» révoltes de l'indépendance hispuuo
américaine, ne pouvait dorénavant plu» trouver de contradicteurs. Par
la force dos choses, uussi bien que par lu conscience ortfUuiileuHe de
Cl. IrJpplttOOtt.
J/a^L'KDLX A yUKiiKTABO
leur rôle parmi les nations, les Klals-Unis en étaient arrivés à disposer
dans lotit le monde occidental d'une ivello préséance. Ils constituaient
une république, patronne d'autres républiques, formant, pour ainsi dire,
le contraste, dans l'ordonnance générale du monde, avec l'empire russe,
h* plus puissant de tous pur l'étendue territoriale, et celui qui représente
par excellence les principes conservateurs du despotisme antique.
IprcH le ^tuikI ébranlement de la guerre de Crimée, le gouvernement
russe avait en h composer aver l'opinion publique eu émoi. Quoique lu
nation n'eût pas uu seul organe représentatif direct par lequel su
compréhension des choses put se manifester ofHcicllemcnt, elle ne s'en
330 l'HOMMB BT hK TERRE. — NÈGRES ET MOtWKS
agitait pas moins, el des révoltes locales, signes avant-coureurs
d'une transformation générale* témoignaient de l'impatience gran-
dissante des sujets. Le gouvernement central, si désireux qu'il fût de
maintenir ta routine traditionnelle, ne pouvait ignorer cet état de
choses et cherchait à donner une certaine satisfaction au* exigences
populaires. Sans doute la nation russe, avec l'égoïsme collectif qui
appartient ù cms amas d'homme» déterminas par la série séculaire des
événements, permettait uses gouvernants do poursuivre contre l'étranger
sa politique de conquête et d'oppression; même elle voyait avec une
certaine satisfaction tes annexions loin (ai nés qui ajoutaient h l'Empire les
immenses étendues asiatiques; elle approuvait les campagnes du Caucase
qui ahouliSKaient en 1K09 fi la capture de Chumil, prophète et guerrier,
el, en iHGfl. pacifiaient par le dépeuplement complet tout ce qui restait
de territoire» insurgé» dans la Caucasie occidentale; même la masse du
peuple russe se trouvait certainement d'accord avec son gouvernement
pour approuver l'écrasement d'utic nouvelle insurrection polonaise
en iKtt.'l. Comme huit d'antres populations, eetle de la « Sainte Htissie »
ne demandait justice «pie pour elle môme et participait volontiers à
l'Injustice contre les autres,
Les améliorai ions matérielles sont celles «pie les gouvernements se
laissent arracher le plu» volontiers, parer qu'ils sont les premiers à eu
proliler. Le réseau des chemins de 1er commença de se rattachera la seule
ligne de grande communication qui existât alors, celle qui reliait l'une a
l'autre les deux rupitales Moscou el Pélershonrg. Quelques roules, devan-
cées par tes voies de fer en maintes régions de l'empire, se tracèrent ea et
là et des ponts furent jetés sur les fleuves. Kn môme temps, on ouvrit des
écoles pour les enfants de la bourgeoisie naissante et publia des amnisties
pour le passé; la liberté fut rendue aux quelques dékabristes exilés
(pli vivaient encore et les membres de leurs familles furent réhabilités.
Kn même temps*, en i^^;, on décida de porter la main sur l'arche
sainte du servage qui. depuis l'attentat de lioris Ooduno\ contre la
liberté russe, avait si profondément rongé le cœur de la nation, (domine
toujours en pareille circonstance, celle dérision « libérale » du gouver
ncment avait été dictée par la nécessité. L'empereur Alexandre en
exposa la raison aux nobles réunis au Kreml* : « Donnons la liberté
atin qu'elle ne soit prise de vive force ». Les soulèvements partiels
el les révoltes individuelles des paysans étaient fréquentes et, d'autre
(
LIBÉRATION DES BBRFS i3i
part, maint gelgneur était de camr avec les révolta. Deg gerfs désespérés
fuyaient en multitudes vers le» steppes de Jn Russie méridionale et
1rs coiittit» sanglants se produisaient dans les maisons de campagne
des seigneurs. On é vu I mût on moyenne annuelle h sohanlc-dix le nombre
des propriét aires que les paysans massacraient, parfais avec le raffine-
ment de la torture et du bûcher V
C'est te 17 mars i8Gj (le 5 en style russe) que fut inaugurée l'ère
de l'affranchissement. On comprend quelle Ait l'immensité du chan-
gement économique et social dans tout l'organisme de la nation, puis-
que le nombre des paysans mâles a libérer dans la Russie d'Europe, en
Sibérie, dans la Transcaucasic s'élevait a près de douze millions (dix
millions et demi d'individus lors du recensement de 1857, le dernier
qui les ait comptés), sur lesquels huit A neuf cent mille appartenaient
aux domaines impériaux et aux diverses administrations. En ajoutant
à ce* m Ames « d'hommes celles des femmes de tous âges, l'ensemble
des serfs, peu éloigné de >/t millions, représentait, selon Semcvsky,
un peu plus de la moitié (53 0/0) de toute la dusse des paysans de
l'Kmpire et plus du tiers (3; */» 0/0) de la population delà Russie propre
ment dite.
Le travail purement administratif de l'émancipation, commencé
par degrés et d'abord dans les gouvernements les plus rapprochés de
l'Europe civilisée, se prolongea pendant une période de deux années,
mais les paiements d'argent imposés aux paysans pour la terre qu'ils
reçurent en propriété indivise de leurs communes continuèrent jusqu'à
la fin du siècle. Eu euet, on s'était bien gardé de laisser aux serfs libérés
le lot de terre qu'ils occupaient lorsqu'on les asservit à la glèbe : ou
leur fit racheter le sol, dont, en justice, on ne pouvait leur dénier la pro-
priété : le gouvernement lui-môme no permettait pas aux seigneurs de
les en priver et, quant aux paysans, ils n'avaient cessé de le revendiquer
dans leurs légendes, dans leurs chants et leurs récits autour du foyer.
Non seulement on leur imposa le rachat à un taux représentant en
maint district deux a trois fois la valeur commerciale de la terre, mais
on ne leur permit même pas d'acquérir la superficie totale du terrain
qu'ils cultivaient sous le servage, Le nadyel fut rogné surtout dans les
provinces fertiles du midi» et n'aurait pu nourrir le travailleur et sa
1. Alex. Tratchevski, Repue Internationale de Sodohgù, août 1895, p. \%
V 12
'VA'*. L'HOMME KT I.A TKRnE. — SKtiHKS HT MOUJIKft
lainilto qu*uu moyeu tic procédés perfectionnés dont H n'était point
question à cette époque en Hussic \u fond, sous le nom de rachat, les
paysan* niaient ù indemniser li' si* teneur pour lotir tîliertt* personnelle
cl pour l'affranchissement <i«*s Iihmm journées de corvée pur semaine que
chaque serf, homme ou femme, lui devait \
( u (1rs plus brusques changements produits par I» libération des
serfs lut la ruine d'une très grande partie «le la noblesse, A |»eine les
nobles — surtout ceux qui ne xisiluicnl leurs terres (pu* pour) passer
quelques mois à la belle saison — avaient ils reçu lesobligïdious représen-
tant le prix du radial qu'ils les négociaient el eu dépensaient U» mou
la 11 1 avec un luxe fastueux D'à ut l'es vendaient les (erre* qui constituaient
leur fortune particulière : ou dit (pie près de .'lo millions d'hectares
devinrent ainsi en peu de temps la proie des spéculateurs et des
usuriers, tandis (pie l'Ktat. par tes facilités ollertes a l'hypothèque des
(erres et aussi par des couHscalioiis, devenait propriétaire de fait de
In majeure partie des domaines seigneuriaux. Knlin, heaticoup de
propriétaire^ sans doute la majorité, plus attirés par la vie du fonc-
tionnaire que pur celle du gentilhomme campagnard, préféraient louer
leurs terres aux paysans que de les faire valoir eux mêmes et ne réussis-
saient qu'à précipiter à la ruine leurs anciens serfs.
An milieu de lu population agricole augmentant rapidement, dépour
Mie de terres suffisantes et pour laquelle ta culture du sot est le seul tru
vnil possible, les prix des baux s'élevèrent bientôt. Vussi, depuis quarante
ans, la situation d'une quarantaine de millions de paysans n'ai elle cessé
d'empirer dans la Itussie centrale : le rachat », les impôts croissants,
les tiaux élevés, l'ignorance de lionnes méthodes ctilluralcs ont amené
l'agriculteur russe au même niveau que celui de l'Irlande. Cerles, il y a
des exceptions, l'initiative el l'entr'aute ont élé suffisantes va «I là — prin-
cipalement dans le gouvernement de Moscou — pour luire remplacer le
soc primitif par la charrue profonde et pour introduire avec le trèfle une
méthode d'assolement quadriennale. Mais combien de paysans suc
eiuubent à la misère et combien échangent un esclavage pour un
autre, celui du tumiw pour celui de l'usurier, juif on orthodoxe, plus impla-
cable encore! Que de commune*, «pie de districts se trouvent décimés
par suite de mauvaises récoltes el de la famine toujours meuucunlc!
1. Pierre Kropotkiiic. Notes matotatrites.
SUSÈBK DL PAYSAN JUÏSSE au3
In fait grave se produisit a ta iitème épuque, tu naissance d'un pro-
létariat industriel : une nouvelle caste *e formait ainsi en môme temps
que lu caste de lu bourgeoisie s'accroissuit en force par la fondation dos
manufactures et l'asservissement du commerce, mai», quoi qu'on en
puisse penser. los ouvriers d'usine renier»» en Kussie l'infime minorité.
Si, dans le» provinces «en traies, les petites industries paysanne* et saison-
nières occupent plus de sept millions de personnes, le service des manu-
factures, malgré les primes et les faveurs gouvernementales, ne réclame
gnM* que deux millions de travailleurs, r'est-a dire qu'il n'a emprunte 1
au travail agricole quu moins d'un cinquantième de l'augmentation de
population entre» i8(ii et ino5. Aujourd'hui encore, l'immense majorité
de la population russe n'a d'autre ressource que l'agriculture.
Toute grande révolution est génératrice de progrès et de regres, et
suivant que l'histoire examine les uns ou les autres, elle est portée; soit à
déplorer soit a célébrer les résultais de l'événement. Mais, quant aux
conséquences de l'émancipation des serfs de la Hussic, il n'y a point de
doute possible. Malgré toutes les réticences et les mauvaises volontés,
malgré les maussades tentatives des réformateurs qui tachaient de
reprendre d'une main ce qu'ils donnaient de l'autre, l'esclavage n'était
pus moins aboli; le maître n'avait plus le droit de cravacher sou
domestique ni la maîtresse celui de percer d'épingles la chair de sa
rivale serve; le travailleur pourrait désormais travailler en chantant,
puisque il avait racheté sa terre et la disait sienne, pouvait lu
retourner, la féconder avec amour. L'admirable conséquence de l'éman-
cipation, c'est que du coup commençait à se former une opinion
publique duus cette niasse jadis inerte, et qu'il fallait déjà, en vertu de
la logique des choses, donner une certaine satisfaction à celle opinion
publique. C'est o* uni que l'institution du jury fut admise en Hussie.au
grand scandale des vieux conservateurs : un des verdicts les plus reten
tissants du nouveau tribunal fut d'acquitter une jeune lllle, Vcra
Zassoulitcb, qui avait vengé la fustigation d'un prisonnier sur la
personne du coupable en chef, le général de la police (1878), De môme,
le gouvernement fut entraîné par l'esprit de l'émancipation jusqu'à laisser
les paysans exposer leurs doléances et formuler leurs propositions dans
les assemblées cantonales ou zemsfpu, La Hussic vit res choses étranges ;
les juges de paix élus au second degré par tous les paysans à l'égal de
leurs seigneurs, puis des parlements où les campagnards se permettaient
V „•
ȕl/l
l/lIOMMK ET LA TBRHK. — NÈGRES ET MOI JIKS
de discuter leurs intérêts avec bon Bens, môme avec esprit et dans un
beau langage. Sans doute diverses mesures restrictive», surtout sous le
règne d'Alexandre III. réussi ren t ù supprimer presque complètement ce
premier essai d'une représentation directe des intérêts ; mais la chose
certaine, inéluctable, que nul gouvernement ne pouvait rayer de l'his-
toire, c'est que la nation russe se trouvait déjà placée par son mou-
vement social cl politique dans un milieu analogue ù celui des autres
nations policées de l'Europe et que, par conséquent, toutes tes révolu-
lions de la pensée devaient > rencontrer une société préparée a les com-
prendre. Le monde moderne s'était agrandi de toute l'immensité de la
Itussie.
INTERNATIONALES : NOTICE HISTORIQUE
1866. — i4 juin, déclaration do guerre de la Prusse et de l'Italie à
l'Autriche; s/i juin, Custom; 3 juil., Sadowa ou Kôniggratz ;
!\ juil., remise de la Vénétic a la France; 17 Juii., les Prussiens
arrivent devant Vienne ; »o juil., Lissa; 31 juil., armistice,
— Congrès de ('Internationale ouvrière « Genève. -— k nov.,
Mentuna.
1867. — 5 févr., les Français quittent Mexico ; 19 juin, exécution de
Mnximilien. — La Russie vend l'Alaska aux Etats-Unis. —
Insurrections en Crète et à Cuba.
1868, — 17 sept.! insurrection à Cadiz; 3o sept, fuite d'Isabelle, —
Prise d« Samarkand par les H us ses. — Coup d'Etat au Japon.
1869. — 1 7 nov., ouverture du canal de Huez.
1870. — 8 mai, plébiscite; 10, juil., déclaration de guerre à la Prusse;
a août, premiers coups de feu; i$-i8 août, Borny, Uezon ville,
(iravelotte, St-Privat ; 1-9 sept-, Sedan : 4 sept,, proclamation
de ta république; 18 sept., investissement de Paris; 37 oct.»
reddition de Metz; 9 nov., Coulmiers; 3 janv. 1871, Bapaume;
tojanv., Yiilcrscxcl ; 18 janv., le roi de Prusse est proclamé
empereur allemand à Versailles ; u8 janv,, reddition de Paris
et armistice ; 1* févr., l'armée de l'Est se réfugie en Suisse.
1870. — 20 sept., entrée des Italiens à Rome ; 16 nov., Amédée de
Savoie, roi d'Espagne.
1871. — 8 févr., élections en France ; i« r murs, paix; 18 man-98 mai*
Commune de Paris.
1872. — Début de la guerre carliste.
1873. — u févr., Amédée quitte l'Espagne. — si4 mai, Mac-Mabon
remplace Thiers. — Juil*, mouvements fédéralistes à Malaga,
Cadix, Séville, Cartagena. — 16 sept., évacuation du territoire
français par les armées allemandes; 20 nov., organisation du
Septennat. — lies Eusses prennent Khiva.
1874. — 3 janv., coup d'Etat du général Pavia; vi janv., reddition de
Cartagena ; 39 déc. , la royauté est rétablie par Martinez Campos.
îia6 L*HOMHE ET LA TKRRE. — INTERNATIONALES
l 8-5.^-3o janv., la république française est volée par 353 contre
35a voix. — Soulèvement en Herzégovine.
1876, — a8 févr.. fin de la guerre carliste. — an mai, déposition de Abd-
ui -Asta, assassiné le 11 juin; 3 1 août, Abd-ul ilamid remplace
Mourad Y\ — Guerre serbo-turque.
1877, — 16 mai, coup d'Etat de Mac-Mahon ; ocl., élection des 363.
— ta juin, les Russes troversenl le Danube; juiL-déc, luttes
autour de Plcvna ; 18 nov., prise de Kars.
1878, — i/j févr., la flotte anglaise traverse les Dardanelles; 3 mars,
traité de San-Stefano ; i3 juin-i3 juil., congres de Berlin.
187*]. — 3o janv.» démission de Mac-Mahon. - - Guerre anglo-afghane.
Guerre enta» le Chili et une alliance bolivio péruvienne.
1881 . — Les (tusses entrent en Turkménte et les Français en Tunisie. —
ha Thessalle est remise à la Grèce.
iKKa. — 11 juil., bombardement d'Alexandrie; les Anglais occupent
l'Egypte. — Prise de Hanoï.
188X — La guerre éclate entre la Serbie et la Bulgarie. — Les Français
s'emparent de l'A imam.
i88i — Les Russes prennent Mer\. —Guerre franco-chinoise.
j885, — Févr., la conférence tic Berlin organise l'occupation européenne
de l'Afrique. — 18 sept., réunion de la lloumélic à la Bulgarie.
— aG janv., prise de Khartuni parie Mahdh — u8 févr., défaite
de Lang-Son ; 9 juin, paix franco-chinoise. L'Angleterre annexe
la Harmonie.
18SO, — l.n blocus européen empêche la Grèce de partir en guerre.
i88i). — i5 nov., Proclamation de la république nu Brésil.
i8i)'|.i8*)5. —Guerre sino japonaise. —Premiers travaux du Transsi-
bérien.
i8oli — i« f mars, défaite de» Italiens & Adoua.
1897, — Révolte en Crète ; guerre gréco-tunpic.
,« ( j«. — Affaire» Dreyfus. — Mai à août, guerre hispauo américaine. —
Sept., bataille d'Omdurinun; Français cl Anglais à Kachoda. —
Les Russoss'instaltenla Port-Arthur et les Anglaisa WcMiaï-wcï.
,Hyy. — Junv., les Vllcmands ïi Khm-Tcheu. — liisitrrection aux
Philippines. t
lyuo. — Soulèvement des Boxeurs en Chine ; expédition européenne. 1
Lu conciliation entre te Capital et te Travail est impossible,
mais chaque nowreil* lutte (tonne lieu à des transactions
qui se rapprochent de la justice.
CHAPITRE XX
INTERNATIONALE OUVRIÈRE. — CANAL OE SUEZ. » SAOOWA
UNITÉ ITALIENNE. - GUERRE FRANCO- ALLEMANDE. — ESPAGNE
LA COMMUNE DE PARIS ET LE PÉOÊRALISME ESPAGNOL
PHYLLOXERA. — OUERRE RUSSO-TURQUE. — TRAITÉ OE BERLIN
EXPANSION COLONIALE. — PARTAGE DE L'AFRIQUE. — L'EUROPE ET L'ASIE
GUERRE AMÉRICANO-ESPAGNOLE. — SYNDICAT DES NATIONS
Les diverses révolutions d'Europe, qui rejetèrent tous les malheu-
reux exilé» on réfugié» en dehors île leur patrie, eurent du moins ee
résultat très important dans riïistoire, qu'elles les aidèrent a constituer
des groupements nouveaux en dehors de* sentiments exclusif», toujours
mesquins, de l'origine nationale. Dans ees quartiers du centre de
Londres où, par un phénomène d'agrégation dû & la nécessité de l'appui
mutuel, se reneon traient tous les révolutionnaires étrangers, Italiens de
Tl8 t.'llOMMK ET LA TERRE. — INTERNATIONALES
Venise, do Gênes et de Home, tispaguols de Barcelone, de (Valence, Pari-
siens et Badois, Polonais et Russes, l'alliance devait ne faire : la com-
munauté du but, des intérêts, des moyens employés amenait une
entente au moins partielle entre les proscrits, malgré l'obstacle qu'oppo-
saient le» différences de miroir» et de langage ainsi qui; les rivalités
des ambitions chez ceux qui eouvoî talent le pouvoir. Une sorte de gou-
vernement occulte des Etats-l ; nJs d'Europe en formation se constitua
ainsi, sans que t 'orgueilleuse Angleterre? daignât connaître les agisse-
ments des hommes tombés qui lui avaient demandé tin asile et qui
travaillaient a la reconstruction du monde. C'était incontestablement
un fait politique de premier ordre que eut essai d'accord international
en vue de l'établissement d'un nouvel équilibre? européen reposant sur
la liberté civique et sur ta représentation équitable de tous les intérêts;
ruais les engagements réciproques pris pur tes contractants manquaient
de la sanction populaire qui, seule, pouvait leur donner lu réalisation
future; et, d'ailtcur*, la plupart de ecs hommes politiques, ayant eux-
mêmes été a l'œuvre duns le gouvernement de leur pays d'origine,
n'apportaient point un désintéressement absolu à la poursuite de leur
mission.
Combien plus iuiportuiilc que celte entente provisoire entre person-
nages de diverses nations fut l'autre internationale, celle qui naquit
spontanément parmi des travailleurs et des faméliques appartenant à
toutes les nations et se reconnaissant frères par la volonté commune.
Les astronomes, les géographes, les voyageurs avaient découvert l'unité
matérielle do la planète, et voici que d'humbles ouvriers, anglais, alle-
mands, suisses, français, d'autant plus heureux de s'aimer qu'ils avaient
été destinés à se haïr et qu'ils s'exprimaient difficilement dans une
langue qui n'était pas la leur, s'étreignaient en un môme groupe et
s'unissaicul pour ne former qu'une seule nation, au mépris de toutes
les traditions cl dos lois de leurs gouvernements respectifs! Cette unité
morale, cette humanité dont les philosophes s'étaient entretenus jadis
et que la plupart considéraient comme un rôve impossible en arri-
vait enfin à un commencement de réalisation dans les rues boueuses
de Londres, sous le lourd brouillard jaunâtre et fuligineux !
Les commencements de l'œuvre furent peu de chose et Ton a peine à
en distinguer les origines, qui sont nombreuses, et que Ion retrouve fort
loin dans le passé, comme on poursuit dans les tissures du sol les
INTERNATIONALE OUVRIÈRE a»tt
racine* et les radicelles d'un grand arbre. C'est donc; à juste titre
que l'on peut signaler tels et tel* groupes socialistes, mÔmc «vaut tu
révolution de 18^8, comme uyant prépaie l'Internationale, et quelque»
vanités de parti en oui profité pour s'atlribntT la gloire d'avoir donné
l'impulsion décisive à ce mouvement. Le fait est qu'upres de multiples
initiatives, la société uuiivelle apparut, «n 186$, dans les réunions po-
pulaires de Londres, absolument el définitivement consciente de sou
but, parlant un tangage dont tous tes termes avaient été scrupuleusement
précisés, car les hommes qui tes prononçaient s'adressaient au monde
entier et savaient que leurs paroles seraient entendues de siècle en siècle.
Comprenant que « l'émancipation des travailleurs ne se ferait que par
tes travailleurs eux-mêmes », russoeiatiou internationale faisait appel à
toutes les énergies de ceux qui travaillent pour combattre tout mono
jyole, tout privilège de classe, et les mettait eu garde contre toute parti-
cipation aux pussions et aux intrigues de ta politique bourgeoise. Dans
sa teneur générale, te muni les le des ouvriers internationaux retentissait
bien comme un cri de guerre contre tous les gouvernements, mais, par
delà ceux-ci, il s'adressait fraternellement ù tous tes hommes envers les-
quels « la vérité, la justice, la morale devaient être la ligne de conduite,
sans distinction de couleur, de foi ni de nationalités. Pus de devoirs sans
droits, pas de droits sans devoirs 1 » Peut-être y avait-il un mot de trop
dans cette proclamation des ouvriers associés, le mot de « foi », car
l'homme qui croit h un pouvoir surnaturel el se conforme aveuglement
aux ordres qu'il suppose lui être envoyés du ciel ue peut avoir aucune
compréhension de la liberté et, par conséquent, n'appartiendra jamais à
une association de camarades revendiquant leurs droits et les conqué-
rant de haute lutte. t
L'émotion fut grande dans le monde de lu classe possédante qui se
distribue les places et qui fait travailler u son protlt les multitudes des
paysans et des ouvriers. Entraînés par lu logique des choses, qui montre
déjà dans le présent la réalisation de l'avenir, la bourgeoisie s'imagina
que La foule des travailleurs faisait' partie de l'élite groupée eu Interna-
tionale et f dans su terreur, elle crut voir soudain des milliers d'ouvriers
hostiles se dresser devant elle. C'était une illusion dont elle se vengea
plus tard par des emprisonnements, des bannissements et des fusillades,
mais, si faible que fût au commencement le nombre des hommes con-
scients de ta force de l'idée, comprenant l'antagonisme absolu du
i
'A'iu l/HOMMK KT LA TEftRK. — - INTERNATIONAUX
travail libre et du monopole capitaliste, les jierséeution* ne devaient
point en venir à bout. Cette fois la semence était bien Jette sur un sol
favorable! 'fin France, notamment» on eut la naïveté de croire, après
In Commune, que le» loi», les décrets, les menaces de procès avaient
supprimé l'Interna-
tionale, que la graine
en était extirpée du
sol; mais.quelcnom
reste on disparaisse,
que le» étiquettes
changent ou se modi-
fient, il n'importe au
fait qui demeure «cr-
iai u, inébranlable*
comme un arrêt du
destin. L'Inlcrnutio
il a le est le produit
même de la civilisa
lion contemporaine!
Les travailleurs ont
échappé à l'igno-
rance première: ils
savent et sauront de
plus eu plus que leurs
intérêts sont les
mêmes en deçà et au
.delà des frontières,
sur toute la surface du
globe, que leur petite
patrie se rapetissera
sans cesse, comparée ù la grande patrie qui est l'Humanité.
D'ailleurs, les gouvernants avaient beau combattre l'Internationale
en l'un de se» éléments, l'Internationale ouvrière, ils n'en étaient
pus moins entraînés par le courant de l'histoire vers des manifesta-
lions qui devaient aboutir au même résultat : eux aussi travaillaient
îi l'abaissement des bornes nationales sur le routineiil d'Kuropc :
les réseaux de voies ferrées se soudaient les uns aux autres en mailles de
Cl. dn hivrtt Ût ta Wtne.
MICHEL HAKOUXIXX, 1814-1876
tNTEH NATIONALE COMMERÇANTE *i3l
plus en plus nombreuses ; on perçait un 8 ou terrain au-dessous des
Alpes pour unir la France et l'Italie, tandis que, dam l'Amérique
du Nord* on jetait hâtivement des rails par-dessus les plateaux et les
déserts des Rocheuses pour mettre en communication, à travers tes
continents, le» deux
grands ports de l'At-
lantique et du Paci-
fique, New -York et
Son Francisco.
On travaillait
même ù fatrequclquc
chose de plus grand,
à couper le pédon-
cule qui rattachait
l'Afrique au reste de
l'Ancien Monde! C'é-
tait en réalité la
reprise d'une œuvre
que la nature avait
déjà faite, probable-
ment pendant une
courte période des
Ages quaternaires, et
que les hommes
avaient aussi menée
à bonne On pur une
voie indirecte, il y a
plus de deux mille
ans. La légende et
l'histoire parlent du
creusement d'un canal, tracé de la branche orientale du Nil au golfe
d'Arsinoë, à l'extrémité de la mer Hougc, et l'on sait que Darius, utilisant
tes travaux du pharaon Xechao, leur donna une largeur suffisante pour y
faire passer deux trirèmes de front. Fermé par les sables, le canal fut
réparé sous les Ptolémées, puis restaure* au inoins pour la deuxième fois
sous le règne de Trajan : c'était le « Pleure » par lequel on transportait
sur les bords du \il les blocs de; porphyre extraits des montagnes rive-
OL PJnknu ti CfoMer,
KAEIi MARX, 1818.1883
Dans l'Internationale, Kart Marx ropVèwntaU la tendance
centraliste ot socialiste, Michel Bakountne la tendance fédéra-
lUte ot anarchiste.
2^2 L'HOMME ET LA TERRE. INTERNATIONALES
raines de la mer Rouge. Amru rétablit encore cette voie navigable,
mais, après lui, sables et boues tirent de nouveau leur œuvre, et, pen-
dant onze siècles, l'Afrique se souda derechef au corps continental de
l'Asie. Pourtant tous les grands esprits rêvaient la restauration du
canal égyptien. Les vers que Marlowe met dans la bouche de Tamerlan
prouvent combien cette préoccupation du percement de l'isthme han-
tait les imaginations à l'époque de la Renaissance :
« And hère, not far frorn Àlexandrio,
Whereas the Tyrrhcne and the Red Sea meet,
Beeing distant less than- full a hundred leagues,
l mcaa to eut a chaonel to thetn both,
That men might quickly sail to tadia » 1.
Pendant la période de ferveur de la grande industrie moderne, alors
même qu'on attendait du travail intensif des ouvriers une sorte de réno-
vation mondiale, les disciples de Saint-Simon, devenus fanatiques du
percement de l'isthme asiatique africain, en firent presque un dogme de
leur religion, et ce sont les ingénieurs envoyés par eux sur les lieux qui
firent les nivellements préliminaires et les projets de l'œuvre, repris plus
tard au profit des spéculateurs et des financiers. On peut dire que, vir-
tuellement, le canal était déjà percé lorsque Bourdaloue eut terminé son
travail géodésique de mer à mer en 18/47. Mais plus de vingt années
durent s'écouler avant que l'entreprise réussit à triompher définitivement
des rivalités politiques, des jalousies commerciales, du mauvais vouloir
de la Grande Bretagne et de la Porte; et ce triomphe n'aurait été certai-
nement pas obtenu sans les prodigieuses libéralités du khédive d'Egypte,
Ismaïl Pacha, sans les millions et les millions de francs payés en
réclame et sans le travail gratuit des fellahin corvéables recueillant la
terre du canal dans leurs couffins de fibres. Enfin, le 17 novembre 1869,
une somptueuse escadre de bateaux décorés et fleuris remonta le canal
interocéanique de Port-Saïd au lac Timsah. C'était là certainement un
fait capital dans l'histoire du commerce, et même dans celle de la prise
de possession du globe par l'humanité : mais l'appréciateur banal des
événements y vit surtout un triomphe de la France, qui, par ses ingé-
nieurs, avait* fait les études, qui avait fourni les capitaux, et dont la
souveraine, encore belle, présidait magnifiquement au cortège.
1. Tambarlaine the Great. — Et ici, non loin d'Alexandrie— où la Méditerranée
et la mer Rouge se rapprochent - et sont séparées de moins dé cent lieues — je
creuserai un canal - afin que l'homme abrège sa route vers les Indes.
PERCEMENT DU CANAL DE SUEZ
233
Or, précisément ce triomphe devait être brusquement suivi d'un
terrible écrasement, causé par la guerre franco-germanique, et par un
singulier revirement de l'Angleterre : ce pays, qui n'avait cessé de
s'opposer au percement du canal pendant toute la période des travaux,
N° 461. Routes de Londres à Bombay.
10°
Capetown
crdeGr*.
10'
La Route de terre actuelle passe par Moscou, Tachkent, Merv, en attendant ia voie ferrée
Odessa, Tiflis, Téhéran, Kwettah. — La route de mer passe par le Cap ou par Gibraltar.
Suez et Aden. — Les routes mixtes sont celles de Marseille et Suez ou de Constantinople.
Adana et Koveït.
L'arc de grand cercle joignant Londres à Bombay est, dans cette carte, une ligne droite;
les distances — 1 centimètre par 10 degrés, sont correctes le long de îa base et dans la direc-
tion normale. Le navire doublant le Cap de Bonne-Espérance se trouve plus loin de Bombay
qu'au départ de Londres.
changea soudain d'avis, des que l'œuvre fut achevée, el, par un achat
d'actions, se trouva ie propriétaire principal de la voie, destinée à
devenir le grand chemin des Indes. Aussi longtemps que l'Angleterre
pouvait craindre qu'une autre puissance s'installât solidement en
Egypte, le Lieu d'étape par excellence entre Londres et Bombay, elle
»34 L'HOMME ET LA TKHHK, — I.NTKftNATiOtfAU;»
devait mettre tout en œuvre pour que la route do circumnavigation par
le cup de Bonne Espérance restât ta seule fréquentée par les navires, et
dès qu'une deuxième voie, plus courte? et moins périlleuse, se trouvait
ouverte désormais, it lui fallait a tout prix, sinon s'en emparer, du moins
y occuper le promier rang, Mais au dessus de toutes les rivalités natio-
nale* venait se placer l'intérêt majeur du genre humain qui rapprochait
les peuples et les races, Juxtaposait, pour ainsi dire, les rives du Pacifique
et celles de l'Atlantique, recréant ù nouveau la forme des continents.
De pareils résultats l'emportent singulièrement dans l'histoire essen-
tielle du monde sur les conséquences relativement passagères musées par
les conflits de peuple à peuple, même pur des guerres d'invasion, si
terribles qu'elles soient et si nombreux les désastres causés par ces ren-
contres. A cette époque, l'initiative dans les affaires européennes n'appar-
tenait plus a la France, qui n'avait plus de politique nationale; et que
gouvernait un homme malade», usé, hésitant et réticent. Le jeu de la
diplomatie était dirigé par la Prusse, qui se trouvait alors guidée et tenue
par un homme d'intelligence claire, de volonté puissante et de parfaite
supériorité à tout scrupule ou préjugé. Déjà le comte de Bismarck avait
absolument déblayé le terrain politique dans l'assemblée du monde
germain en établissant d'une manière indiscutable l'hégémonie de la
Prusse dans les affaires de l'Allemagne. Tout d'abord (|K64) il tran-
chait au protll de la Prusse la question des frontières du Danemark en
sVtuparnut de toute la partie, incontestablement «germanique, de ce
royaume située au sud deKlensburg, et même en reportant ta limite poli
tique à près d'une centaine de kilomètres au nord, en plein territoire de
l'Kmpire danois : pour se mettre eu règle avec; te principe des nationa-
lités, on s'était contenté de dire que les Danois pourraient à l'occasion se
rattacher de nouveau à la patrie Scandinave par un vole librement émis.
mais ce vote ne fut jamais demandé. La Prusse devint ainsi maîtresse de
l'annexe stratégique la plus importante de sou domaine : le Holsteiu n
domine la bouche de l'Elbe et celle de la Truve et possède les cam- l(
pagnes à. travers lesquelles passe le grand canal de navigation de Kiel à
riilbe, déjà considéré lors de l'annexion comme un des travaux les plus
urgents à entreprendre pour compléter l'outillage du futur empire'.
i. Voir Carlo n" 2M.1, page 489, vol. III.
U PRUSSE ET L'AUTRICHE »35
Après co premier coup qui assurait ta punition de la Prusse du côté
du nord et lui donnait une frontière stratégique parfaite, à la fois offen-
sive et défensive, il «'agissait de faire un nouveau mouvement plus
décisif encore, en expulsant l'Autriche de lu Confédération germanique.
La combinaison semblait d'autunt plus difficile à réaliser que l'Autriche
avait prêté son appui à la Prusse pour conquérir le Holstcin, et le premier
acte de reconnaissance allait être de lui déclarer lu guerre. Ou n'hésita
point» de savantes manœuvres diplomatiques réussirent à brouiller les
deux grandes puissances allemandes. La guerre éclata (i8(i(i) cl In
Prusse, mieux arméo, préparée depuis longtemps, tout à fait consciente
de son but, et bien en règle avec l'Europe où cite s'était assuré l'alliance
de l'Italie et la non-intervention dos Français et des Russes, marcha
presque mathématiquement a la victoire. Deuv semaines après la
déclaration de guerre, elle gagnait lu bataille décisive de Sadowa et pro
filait très habilement de sou triomphe pour ne demander guère a
l'Autriche que des satisfactions morales, d'autant plus efficaces en
réalité qu'elles Imposaient au vaincu une sorte de gratitude. Le vieil
empire de Habsburg se trouvait exclu de la Confédération germanique,
tandis que les autres tëlats de l'Allemagne, royaume», électorals, prînci
pautés et villes * libres » changeaient d'orientation et gravitaient do
force dans le cercle de l'hégémonie prussienne.
Ainsi la nation allemande, qui, en i848, avait tenté de se constituer
spontanément tout entière ol pur la libre volonté de ses peuples, reparais
sait vingt ans après, reformée par la volonté (l'un muttrc, mais, cette fois,
incomplète, mutilée, puisque les Allemands autrichiens étaient rejetés
eu dehors du nouveau groupement, et qu'on devait s'en remettre à des
guerre» ou a des révolutions futures pour terminer l'œuvre commen-
cée. Au fond, cette politique a de fer et de sang a, dans laquelle les
historiens ndoroleurs du succès virent le témoignage du génie monar
chique de la Prusse, avait consisté a empêcher, parla force 'et parla ruse,
la formation libre et pleine de la nation allemande, pour la refaire plus
tard sous l'aspect d'une armée, dont les cadres ne comprennent pas
encore tous ses régiments.
l/unilé pangermauique n'est donc pas encore faite; quant à l'unité
italienne, on peut considérer celte étape de l'histoire comme définitive-
ment parcourue. Pourtant l'Italie, dans sa campagne contre l'Autriche,
travail pas été heureuse. Mlle avait perdu sur terre lu bataille de Cuslozza
2«'H> L'HOMME ET LA TERRK, — INTEHNATIONUES
et, sur mer, sa flotte, dont elle espérait beaucoup* fui ou partie détruite
et dispersée dutin l'Adriatique, près de l'Ile de Mssa. C'est alors que
l'Autriche, uyant complètement sauvé du côté de l'Italie son prestige
milita ire, mais obligé* quand même de ramener ton armée au delà des
Alpes pour couvrir su capitale contre lu Prusse, se tira d'embarras par
un eoup de théâtre, en cédant la Vénélie h son allié Napoléon III qui, à
son tour, la remit îi Victor-Kinmanuel. sons réserve d'une acceptation
parle suffrage populaire*. Après diverses simagrées diplomatiques, des-
tinées h Irunaférer à la Prusse le mérite île ta cession, l'ancien royaume
de Piémont, arrivé uttx limites naturelles de tu Péninsule, put enfin
arrondir son domaine jusqu'à l'hémicycle des Alpes : l'Italie élall
achevée au point de vue géographique, bien que toujours incomplète si,
en pareille matière, lu politique obéissait au vœu des populations, car il
est certain que. duus le Tirol méridional et en latrie, les citadins de
langue italienne seraient eu très grande majorité désireux d'entrer dans
l'unité péninsulaire,
Provisoirement, la garnison française continuait de protéger le pape
contre l'entrée des troupes d'Italie dan» lu ville de Home, mais qui ne
pressentait combien cet entêtement était contraire aux nécessités de
l'histoire ? Dès que la guerre franco-allemande eut manifesté la supério-
rité de la Prusse, le gouvernement italien s'empressa d'occuper tout le
territoire de Home, province et ville, « alla d'assurer l'Indépendance
spirituelle du pape ■• (ao septembre 1870). L'ironie était un peu forte;
mais que restait-il à faire à Pic IX» sinon à se soumettre et a prononcer
l'excommunication majeure contre l'envahisseur? Précisément un con-
cile venait de se réunir au Vatican pour voter l'infaillibilité du Sou-
verain Pontife. Il était dans la logique des choses qu'à la suppression
effective et totale du pouvoir temporel correspondit l'exultation du pou-
voir spirituel. Devenu le » prisonnier du Vatican », le pape s'élevait
au rang des dieux.
A la même époque l'Espagne se débattait dans une crise de naissance
etd'adaption aux idées modernes. En i8l>8, un mouvement générai de
dégoût, causé pur les intrigues et les mœurs de ta cour, avait abouti à
l'expulsion de la reine Isabelle au moment même où elle s'alliait étroi-
tement avec Napoléon et le pape pour assurer le maintien du pouvoir
temporel de l'Eglise,
Quoique la révolution eût porté a la dispute du pouvoir loulc une
UNITÉ DE L'iTAUK
a3;
foule d'ambitieux, princes, géuéraux, diplomates, orateurs, la poussée
libérale d'en bas donna tout d'abord à la situation un caractère pres-
que républicain : on se* débarrassa des jésuites, on supprima tes biens
do main morte, on proclama l'entière liberté de ia presse ut de l'en-
seignement; môme l'octroi des villes, ce chancre de la vie nationale,
fut aboli, et l'on reconnut a chaque citoyen de vingt-cinq ans le droit
^■ fc '.,L*-.H,*a6-V£
"ÏVl^
(~ „~-'~'*^ ».
-.3 \ ■
*■ VUE GKp&Àf," I)U '^TÎcTAfnr?
ci. p. BeUler.
VUK DU VATICAX Kt UK SES JAHWSS
de suffrage, ha Képubliquc eut été certainement instituée eu Kspagnc
si l'Etat n'avait en ses deux parasites, l'armer et la flotte, et s'il n'avait
été lui même le parasite de ki»s colonies lointaines, les Philippine» et
les Antilles.
Cuba, « la perle antillienue .> par excellence, s'était révoltée en même
temps que la métropole et, comme 1'Kspagne, revendiquait sou indépen-
dance, tout en cherchant a se débarrasser de sa périlleuse institution,
l'esclavage des noirs, gage certain de révolutions et de Literies futures,
Mais il y avait trop d'arpent à gagner dans les riches plantations pour
que les avides fonctionnaires et les aventuriers d'outre- mer ne missent
tout en uîuvre pour réprimer l'insurrection cubaine et maintenir la
servitude des Africains: d'éloquents discours sur l'honneur national
!»38 L* HOMME ET LA TKRRE. — INTERNATIONALE»
suffirent pour tromper lu foule naïve des citoyens, Encore encombrée de
tout «on appareil monarchique, y comprit) le» colonies à esclaves,
Plitapagnc ne pouvait donc que se reconstituer en monarchie et la régence
de Serra no n'eut guère (l'autre mission que d'humiliantes démarches è
la recherche d'un roi. On crut en avoir trouvé un dans la personne d'un
prince de Hohcnzo lient, mais ce choix eût pu faire éclater In guerre entre
la France et l'Allemagne avant que Bismarck fût complètement prêt à
l'attaque, et tes courtisans en quête de souverain» se tournèrent vers un
autre personnuge, le prince Amédéc de Savoie», qui consentit à goûter au
fruit, parfois amer, de la royauté* (1870): il s'en fallut de peu que sa
destinée ressemblât h celle d'un autre couronné, l'empereur Maximilien.
Pendant plus de deux années, il eut a lutter contre ses ennemis, d'un
côté les carlistes, d'un autre coté les républicains, et, plus encore, contre
ses prétendus amis, les monarchistes constitutionnels et libéraux; il eut
surtout à conformer sa volonté aux ordres de l'Kglise et ù ceux des
grands propriétaires de Cuba. Enfin, il ne lui resta plus qu'a s'enfuir
(1873), laissant le pouvoir au parti qui se montrerait le plus fort.
C'est au milieu de l'année 1870 que la lutte diplomatique, depuis
longtemps engagée entre la France et la Prusse, éclata en déclaralion de
guerre. Bismarck avait eu le talent (ramener la rupture définitive, même
par des mensonges télégraphiques, mais il s'était arrangé de manière à
faire prononcer le mot falal par l'adversaire : devant l'opinion publique,
si facile a tromper, les torts devaient peser sur lit France. C'était là déjà
une première victoire. Mais, dès les premiers jours des hostilités, la
Prusse remporta un deuxième succès nus yeux du monde, elle montra
qu'elle éluil absolument prête pour le combat, tandis que la France,
coniiée à de vieux militaires inintelligents el jaloux les uns des autres,
n'avait su que se vanter sottement d'avoir prévu jusqu'au ■■< dernier bou-
lon de guêtre .1, taudis qu'elle était en réalité prise à t'improvisle el ne
possédait ni les plans, ni les \ ivres, ni l'artillerie nécessaires; elle allait
se battre au hasard contre un ennemi qui visait nettement sou objectif.
Quant aux chances générales, tirées de l'équilibre des nations, elles
étaient également en faveur de l'Allemagne. Si l'empire français possé-
dait un certain prestige, dû à «es guerres heureuses, il se trouvait pour-
tant très diminué par sa dernière aventure mexicaine et par ses diverses
déconvenues diplomatiques avec la Prusse, tandis «pie celle-ci avait
FRAKCE KT M.I.EftfAONK a.'ig
ho ii prestige Unit nouveau, étmcchmt, Pi obtenu cIiiiik lu guerre contre
rViitrtehc «vw une sûreté de méthode que n'avaient pus eue les vain-
queurs (le Magenta et de Solférirm, Il est vrai mu* le régime impérial ctc»
la France, conscient tic «a faiblesse croissante, oviill essayé tic se conso-
lider parmi plébiscite qui a\ ait répondu fi ses questions équivoques par
uncupprobation banale; muis la Frussc ii'uvnil pus ru besoin de recourir
a de semblubles subterfuges : ht guerre contre la France > était réelle
inenl populaire. Si le» gouvernement français pouvait créer un enlboti
siasme factice ru faisant crier par su potiee ; n \ lïf rlhi ! à Merlin! » les
armées allemandes qui marchaient d'urgence vers la frontière française
étaient bien résolues à combattre, a vaincre el a pousser, s'il le fallait.
jusqu'à Paris et «u delà. Tandis qu'en France, la masse des Itabilauls
n'avait aucune ammonite spéciale conlre l'Allemand (ai plutôt s'en tenait
à la malveillance native éprouvée spontanément contre tout étranger, les
jeunes gens de la Germanie, ayant tous passé par l'école, y avaient appris
que le; Français est « l'ennemi héréditaire .1, tous avaient «Vite lu leçon
qui leur enjoignait de venger lu meurtre de Conradiu, perpélré au
Ircizieme siècle par te roi Cbarles d'Anjou, el la dévastation du Palalinal
ordonnée par Louvois; tous partageaient l'enthousiasme patriotique
des nationalistes pour la reconquête de T Alsace-Lorraine, et bon nombre
allaient jusqu'à la lutine farouche du Français qui inspirait Uiiekert:
« Sur le champ du voisin, laneeau moins 11110 pierre, pour qu'eu retom-
bant elle* éerase une fleur 1 . »
An point de vue tout à fait général de l'unité nationale, qui était, au
fond, la raison d'être de l'expansion germanique el i\vv^ détail, seeou
daire quoique terrible, qui est la bataille, le massacre, l'invasion, il est
certain que la France était aussi en désavantage marqué. A l'époque on
l'Allemagne était divisée eu de nombreux Ktatts, empires, royaumes,
principautés, villes libres et médiatisées, et où l'Italie. » cette belle
expression géographique », se trouvait elle-même décomposée eu frag
immls politiques dont le plus précieux appartenait aune puissance élrau
Hère, il était devenu proverbial de contraster ces enchevêtrements de
frontières el d'enclaves avec ce que l'on appelait <■ la glorieuse unité
n-ançaise ». On avait pris dans leur sens étroit les qualificatifs de » une
et indivisible « donnés à la république comprise entre les Pyrénées et le
Khin, et pourtant ces mots mêmes, poussés comme mi cri de guerre
pendant les discussions civiles qui suivirent In chute de la ro\auté.
»$0 l.'HOMME ET LA TERRE. — INTERNATIONALES
prouvent que les tendances naturelles a la dissociation politique avalent
été puissantes. Le fait est que la France, prise dans son ensemble, est
beaucoup moins une que l'Allemagne, et même que ritalie.
La ralsonf profonde de ce contraste, est essentiellement géographique.
La France appartient a deux versants : par sa face méridionale, elle fait
partie de l'aire méditerranéenne et, par la face opposée, twmprenant la
plupart de ses bassins fluviaux, elle regarde vers l'Océan, tandis que
l'Allemagne est tout entière sur la pente du nord et que, inversement,
l'Italie est complètement méditerranéenne. 11 en est résulté que, malgré
les mélanges, les croisements, les migrations et contre-migrations, la
population du territoire à double inclinaison, qui est devenu la France, a
gardé une très remarquable diversité, sinon dans les villes, du moins
dans les districts reculés des campagnes. Il eBt certain qu'entre l'Euska-
rien de la Nivc ou de la Bidassoa et l'Ardennais ou le Lorrain, il y a une
différence de type beaucoup plus grande qu'entre le Tirolien et le Meek-
lembourgeois ou même qu'entre le Lombard et le Sicilien, pourtant si
distincts l'un de l'autre. Ce qui a pu causer l'illusion des étrangers et des
Français eux -mômes qui vantent leur unito* nationale, c'est, d'une part, la
confusion qui se fait très fréquemment entre le pays tout entier et la ville
de Paris, considérée comme un résumé de la nation, quoiqu'elle s'en
distingue pourtantpar de si frappants contrastes, et, d'autre part, l'étrange
aberration de ceux qui voient dans l'uniformité administrative l'indice
d'une ressemblance entre les populations que l'on soumet au même
régime. La carte étant divisée de la même manière en départements,
arrondissements et cantons, quelques-uns s'imaginent que l'évolution
politique etjsociale s'est accomplie naturellement et spontanément sui-
vant un même mode sur les bords de la Méditerranée et sur les plages de
l'Océan,
Encore à un autre point de vue l'Allemagne entrant en conflit avec
la France lui était supérieure : elle ne possédait pas de colonies. L'empire
français n'avait pu avoir de politique une et droite, bien lancée comme
une flèche, parce qu'il lui avait fallu disperser sa pensée et ses actes. En
conséquence, la nation tout entière s'était trouvée comme » décentrée »
dans sa force de résistance : la conquête et l'occupation de l'Algérie, les
affaire» du Mexique, de la Chine et de i'ïndo-Chine ainsi que toutes les
annexions coloniales avaient réduit d'autant la part de la France dans
la vie de l'Europe: c'est a ce déplacement d'énergie que doit être
FRANCK ST AILBWAGNB
iki
attribuée pour une grande pari ta formation de l'Italie une et de la
victorien ko Allemagne*. Lorsque la guerre éclata, le gouvernement fran-
çais dut abandonner précipitamment tous ses projeta lointains; telle
colonie, le Grand Bassam, par exemple, fut complètement évacuée et,
dan» In principale de* possessions françaises, l'Algérie, mu in le popula-
tion opprimée crut que te moment favorable était venu de reconquérir
(Cabtaet d<* £atampet|*
[BIW. Nationale).
bA OOBOB JD8 OIUVBLOTTE
l'indépendance. Des massacres de nouveau* occupants eurent lieu et la
reconquête de la kabytie coûta de longs et pénibles efforts.
Mutin, la France était, on 1870, beaucoup plus divisée politique-
ment et socialement, par suite, beaucoup moins disciplinée que l'Alle-
magne : précisément te progrès qu'elle avait accompli dans le sens de
l'idée républicaine et socialiste tu partageait en deux camps ennemis, qui
renduient impossible ton le cuivre commune. Lorsque la guerre lut décln
rée, les ennemis de l'empire, qui représentaient l'élite intellectuelle de
la France, protestèrent avec indignation, et la police dut procéder tout
1. Friedrich Ratsel» Da* Me«r als Quelle der Vœlkergrmast, p* 75,
V
13
u/fi l/lIOMHK ET LA TERfiE. — INTERNATIONALES
d'abord à terroriser ta population de^aris; puis, quand ta roue de ta
Fortune eut tourné et que l'empire fut tombé, aux aeolamatîons des répu-
blicains, quand le monde contempla de loin avec un sorte de stupeur le
spectacle de» cités françaises cl surtout de la eapitate;exuttant d'enthoti*
Kiasnio à la nouvelle d'un désastre, tuais d'un désastre qui tes débarras-
sait d'un tnaltro, tout l'organisme militaire changea aussitôt d'allure cl
d'orientation. Tandis que tes gardes nationales el tes corps francs se
constituuieiit rapidement pour prendre part à ta résistance» ceux qui
appartenaient à la caste militaire se désintéressaient de ta lutte; des marc-
chaux, comme liazainc» réservaient leur armée, dans l'espoir de rétablir
l'empire ou d'aider a quelque réaction monarchique: d'autres grands
personnages militaires ne se battirent que pour la forme, et plus d'un
dans le désir d'être vaincus. Lue franche inimitié, encouragée par tes
chefs, régna bientôt entre les soldats réguliers et les citoyens sans mandat
qui avaient la prétention de se défendre sans avoir passé par la caserne
et les salles de police : il ne fallait de victoire à aucun prix, puisqu'elle eût
profité à la République avec lotîtes ses conséquences sociales. )m France
étant désunie, sa défaite devenait inévitable, et loti peut s'étonner que la
résistance ait duré si longtemps. Ceux qui n'avaieul pas voulu la guerre
furent ceux qui prolongèrent la lutte et défendirent la cause de la France,
devenue celle de la république, avec le plus d'acharnement.
Les troupes impériales furent rapidement culbutées en Alsace et sur
la frontière de Lorraine. Après d'effroyables tueries, l'armée de Basaine,
forte de 1 70000 hommes, se laissa enfermer dans Met/., d'où elle n'essaya
point de sortir, livrée d'avance par ses chefs, et le y septembre, une
quarantaine de jours après la déclaration de guerre, une autre grande
armée, reniée devant Sedan, essaya vainement de s'ouvrir un passage.
L'empereur était prisonnier, l'empire était tombé: tout semblait déjà
Uni, mais la République ne voulait pas s'avouer vuincue. De nouvelles
armées surgirent du sol. Paris, que Thiers, treu te années auparavant,
avait environnée de loris pour la bombarder en eas de révolte, voulut
quand même les utiliser contre l'ennemi, malgré son gouvernement,
qui se préparait a la fuite, elles Prussiens durent faire une longue et
pénible eampagne d'hiver, poussée jusque dans le voisinage de Besançon,
de Bourges, de Rennes, occuper environ la moitié de la France, avant
que l'opinion publique permit au gouvernement du s'incliner devant le
droit de la foire et de signer les préliminaires de la paix qui devait
GLKRRK FRANCO- ALLEMANDE a$3
coûter a In nation deux provinces populeuses et cinq milliard* de francs
(1871), ta plus grosse contribution de guerre qui ait juniuis été payée :
aussi les financiers parlent Us de ee mouvement de fonds avec une émo-
tion respectueuse,
L'abaissement de tu France, l'exaltation de lu Prusse, transformée
désormais en empire d'Allemagne, produisirent un très grand ébranle-
ment dans le monde. Tous ceux qui juraient pur des opinions tradition-
01. G*l»r.
PAYSAGE DE hk GRAND K KABYWB
DmWre le village perché au sommet de la montagne, suivant le mode affectionné par
les Kabyles, on aperçoit très Indbltnotement la crête des hauts sommets du Djurdjuta.
nollc* cl suhissutcnl d'anciens prestiges virent avec stupeur qu'ilss'élaienl
trompés jusqu'alors et qu'ils auraient a se tourner vers un nouveau soleil
levant. Par un brusque changement, des banalités nouvelles succéderont
aux redites anciennes; ou apprit à débiter les mêmes niaiseries eu dépla-
çant les noms. Kn maints endroits, du fond de l'Amérique jusqu'aux
archipels Océaniens, il fui convenu que lu France avait cessé d'exister et
n'avait plus d'apparence de vie que grâce a la générosité du vainqueur.
Du coup, Américains du Nord, Australiens, Russes, Japonais» frappés
par un sens de l'histoire remis a neuf, comprirent que la littérature
française avait été surfaite et que Ton consucrait dans les écoles un trop
V 13*
il'l'l l/HOMME ET LA TKBHE. — INTERNATIONALES
grand nombre d'heures à renseignement d'une langue parlée par une
nation de vaincus. Kl m£i»e, chez les petits peuples barbares ou l'ensoi-
gnement publie n'existe pas encore, mais où l'on a du moin» un embryon
d'armée, on ne manqua de remplacer le bicorne et le clmco pur le casque
ù (milite : c'était encore une manière de rendre hommage à tu civilisation,
c'esl-iVdire a lu force. De toutes part» surgirent le* prophètes annonçant
tu dispurilion détlnitive de lu France» non pur l'effet de sou entrée pro-
eliuine dans l'iniili* supérieure d'un monde plus civilise', tuais pur suite
de lu conquête et de tu suppression violentes. On ultu même jusqu'à pré-
senter lu chose eu formules scientifique*, et, d'après la « loi de Bri'h'k d,
qui règle la destinée des hommes conformément au cycle du méridien
magnétique, ht nation française serait complètement eflacée du grand
livre d'Or depuis ia bataille de Sedan, Enfln, la manie se répandit, et
peut-être plus encore en France qu'en Allemagne, de contraster ce que
l'on appelle le « génie latin », qui serait celui de la centralisation, du
catholicisme, du jacobinisme, avec ce que Ton dit être le « génie ger-
manique », qui, uvec tu possession de toutes les vertus, comporterait
avant tout l'élan personnel et la libre initiative. Kn vertu de ce contraste
des deux génies, ce serait l'armée en rangs et en colonnes de l'empereur
Guillaume qui représenteront l'esprit de liberté dnns l'histoire du
monde contemporain.
Mais, quoiqu'on pleine détresse, tu France vivait encore, et même,
grâce au désarroi momentané du gouvernement central, ta vie de ta
nation prenait un ruruelèrc plus spontané, plus sincère, plus saisissant
j Kir ses contrastes et, en même temps, plus encourageant parues promesses
pour l'avenir. Les deux France qui, pendant la gtiem*, s'étaient déjà
dressées l'une eontre l'autre, rendant ainsi toute victoire commune
absurde et impossible, se relrouvmont après lu paix, plus ennemies et
plus acharnées à lu lutte qu'elles ne l'avaient jamais été. Tous les partis
politiques et religieux qui voyaient duns les idées républicaines et socia-
listes une menace pour leurs privilèges s'étaient réunis eu une masse
conipucte et furieuse pour ramener le peuple dans le giron de FKglisc et
de la monarchie, fallùl-il même pour cela s'appuyer sur lu complicité
de l'étranger qui venait d'infliger à la France la plus cruelle des humi- j
lirions, Mais il ne déplaisait pas au vainqueur de voir su victime se
débattre dans ce qu'il x'hiuighiuil devoir être le désordre chaotique de la t
hévolulion. Bismark ne tll donc rien pour aider les partis monarchiques l
CONSÉQUENCES DR LA DÉFAITE FRANÇA1SK
a45
à reconstituer lu royauté qu'il leur fallait à tout prix, et, d autre port,
l'Italie, quoique constituée en Etat monarchique, .devait être absolu mont
hostile an retour d'une Fraïu-e de droit divin, alliée de lu papauté. Livrée
à ses propret forces, ta réaction monarchique française avait du moins
N° 432. La France envahie en 1971.
*
sua
w
Teo"
jaaKB 3&c
U territoire occupé par les Allomandt à la fin de ParmisUce — le 26 février 1871 — est
recouvert de hachures d'après VldaMâblacliej Bitche, qui n'ouvrit eea portes aue le *^ maw »
Langrws, Auxonne, Besançon étalent alors libres de troupes allemandes, — Boltort, assiégée a
partir du « novembre 1870, ne capitula que sur Tordre veau de Paris et la garnison sortit la
18 février avec Jps honneurs de la guerre. — Aux dates de batailles données page 226. et
dont Goultnlers, Bapaume et VUIersexel sont considérées comme des vfrloires françaises,
o joutons la défense de Châteaudun (18 oc M, la bataille indécise de Boaune*la*Kolande
{{« nov.}, les défaites du Mans (10*12 janv.) et deSaint«Quentln(19 Janv.).
pour elle fous ceux des Pruneais, et ils étaient fort nombreux, qui en vou-
laient h Paris et aux républicains en général de leur longue résistance
et ut* voyaient de salai que dans la paix, le silciiee et lu routine. Sous le
nom de « ruraux », dont ils étaient llers, les représentants monarchiques
tlo la France qui formaient la majorité de l'Assemblée auraient môme
il4G L'HOMME ET l.K TJSfUU'. — INTEH.NATIONALKS
voulu s'éloigner de Paris comme d'une cité pestiférée et siéger «hrtis
quelque ville aux rues paisible», Bourges, pur exemple, qui fut déjî»,
au temps jadis, tu résidence des rois vaincus. Quant à Pari», la ville
maudite, on décida de la mettre aux pied» d'Une idole catholique, en
{Minilion île se» péchés, el, sur la bulle Montmartre, consolidée, élnytV ù
grand frais, s'érigea lentement lu laide basilique du Sucre Ca»ur.
Mais en face de telle assemblée rurale, dont le premier acte Tut un
proslernemenl el (fui était absolument décidée i\ se placer sous* la domi-
nation iVini roi, héritier des Louis XIV et de» Louis XVI, plusieurs ville»,
et Paris la première, se constituaient on communes ■». Qu'entendait In
foute républicaine par ce mot aux multiples origines historiques prove-
nant de France et d'Italie, du moyen Age, de la Henuissancc et do la
Révolution? En premier lieu, elle y voyait utw organisation de lutte a
outrance contre la monarchie que voulaient reconstituer les Huruux et
contre le pouvoir temporel, exercé si volontiers parles prêtres el moines.
Mais elle y voyait aussi, ce qu'elle avuil vu, près d'un siècle auparavant,
dans la République elle mémo, l'aube d'une société nouvelle dans laquelle
il y aurait plus de justice el plus de liberté, dans laquelle chacun serait
assuré de manger son pain et dans laquelle l'homme, désormais débar-
rassé du souci de la faim, pourrait s'occuper d'ambitions plus hautes,
comprendre les joies de la vie intellectuelle et morale.
Les circonstances qui déterminèrent le mouvement de la Commune
étaient, après tout, un fait assez banal, la molle défense du gouvernement
et l'abandon d'un pure d'artillerie dont les Prussiens, entrant dans Paris,
eussent pu s'emparer; mais ce furent là de simples détails. La France
était désunie; il fallait que les deux éléments opposés se groupassent
franchement l'un contre l'autre dans toute la sincérité de leurs aspira-
tions, dans toute ta droiture de leurs volontés. C'est là ce que firent les
comrnunalîstes de Paris, plus connus, comme tous les vaincus, par un
nom d'insulte, celui de « communards ». C'est que les conditions de
péril suprême dans lesquelles se trouvait alors la ville de Paris étaient
de nature à hausser les cœurs. Triplement entourée par tes troupes
allemandes, qu'eût réjouies te pillage, par les troupes françaises, qui brû-
laient de se venger des victoires germaniques sur leurs compatriotes, el
par la musse de la nation française! qui se serait volontiers ruée sur Paris,
foyer d'incessantes révolutions, la grande cité ne pouvait espérer de
vaincre, malgré l'immensité de ses ressources. Pas un homme ayant
LA COMMUNE DE l'ABIP 3^7
quelque notion de V histoire n'eut le moindre doute sur l'issue finale
du conflit. Tous ceux qui acclamaient la Commune, vieux routier» des
révolutions antérieures ou jeune» enthousiaste* épris de liberté, savaient
d'avance qu*Hs étaient voués tV ta mort. Victimes propitiatoires, ils
devaient à lu noblesse de leur dévouement, a l'ampleur de leurs idées
une gravité sereine, qui se» relit? lui! sur la physionomie générale de Paris
et lui don nuit, en ces jours de résolution virile et de complet désinté-
ressement, une physionomie de majestueuse grandeur qu'elle n'avait
jamais eue. Les hommes marnes qui étaient portés au pouvoir obéissaient
pour la plupart à des mobiles plus élevés que ceux qui dirigent d'or-
dinaire les ambitieux de titres, d'honneurs ou de puissance. Eux aussi
voyaient, après un laps de quelques semaines ou de quelques mois,
l'inévilabte défaite se dresser devant eux.
Condamnés d'avance a une impitoyable répression, les gens de la
Commune auraient (16 profiter du court répit de l'existence pour laisser
de grands, d'incomparables exemples, pour amorcer, par delà révo-
lutions et contre-révolution», une société future débarrassée de la famine
et du fléau de l'urgent. Mais, pour entamer une œuvre semblable, il eût
été nécessaire de s'accorder en une volonté commune et de mettre en
pratique un savoir éprouvé déjà. Or, les révoltés de Paris représentaient
des groupe» fort disparates qui devaient forcément agir en sens inverse
les uns des autres. Dam» le nombre* quelques-uns en étaient encore restés
à des accès de romantisme jacobin, d'autres n'avuient que d'honnêtes
instincts révolutionnaires; une minorité seulement comprenait qu'il
eût été nécessaire de procéder avec méthode i\ la destruction de
toutes les institutions d'Klal et h ta suppression de tous tes obstacles
qui empêchent te groupement spontané des citoyens. Somme toute,
ftetivrc du gouvernement!, de lu Commune fut minime, et H ne pou-
vait eu être différemment, puisqu'il était en réalité entre les mains du
peuple armé. Si les citoyens avaient «té poussé» par une volonté com-
mune de rénovation sociale, ils l'eussent imposée à leurs délégués,
mais ils n'avaient guère que la préoccupation de la défense : bien com-
battre et bien mourir.
Le tort principal du gouvernement de la Commune, tort inévitable,
puisqu'il dérivait du principe même sur lequel s'était constitué le pou-
voir, était précisément celui d'être un gouvernement et rie se substituer
au peuple par la force des omises. Ijc fonctionnement naturel de la puis-
3$8 l/HOMMK KT »i.A TERRfc. -~ INTKRHATiaNALKS
sanee et te vertige dit commandement l'en train ère» t & se considérer uti
peu «wiime te reprégenlnnt de toui l'tëtat franeak de toute la République
et non pas seulement de In Commune do Paris faisant appel à une libre
association avec d'mttrcs coinmitncs, villes o( campagne» Même tu conta-
gion do la li die ipitiveriiciuciilule avait si hien attaqué le nouveau pouvoir
quMI s'était cru obligé
d'entrer en rotations
oftlciclles avee les re-
présentants dos KIiiIh
tuonareltifpies euro-
péens, oubliant ainsi
son origine iiumtv
diate, colle de la ré-
volle: issu du peuple.
il n'imaginait pour-
laid appartenir déjà
ît une autre classe,
colle des maîtres.
Mais le peuple par-
lait aussi par sa bou-
che quand parut le
décret (pd abolis
sait ta conscription,
(piand In Commune
rompit ses liens* avec
le clergé, rendit leur»
liantes au\ emprun-
leurs du Mont de
Piélé, leurs amendes
et retenues de suhiircuuv ouvriers, la quittance de leur»» loyers aux loca-
taires. Vêlait ce pas là comme une timorée de société communiste .*>
l'ait qui se voyait pour la première fois dans l'histoire, les Parisiens
neu voulaient aucunement à l'ennemi qui tes avait tenus assiégés pen-
dant cinq mois cl dont les érnflures d'obus marquaient encore les monu-
ments. Les Allemands campaient encore autour des forts extérieurs de
l'est, de Saint-Denis à Vilteneuvo-Sninl-Georges, mais on ne haïssait
point ces gens qui faisaient par ordre leur métier de soldats. Le monde
VARLIN
Ouvrier relieur, fusillé en mit! 1871.
GOUVERNEMENT UK LA COMMUNE
a't9
qui regardait Paris put même constater alors avec clonucinent combien
les idées de la fraternité des peuples, proclamées par l'Internationale,
étaient devenues une réalité vivante. Ce que don littérateurs» de» artistes,
Kiif^uc l'ettetau (dans fjt Pressf), Courbet avaient demandé souk
rKmpirc, le renversement de ta colonne Vendôme, le peuple de
Pari» le voulait effectuer en vue
*3iT
même de ceux dont le haut pilier
rappelait les défaites. Chose inouïe
jusqu'alors, Ion vu î neus renver
surent avec enthousiasme le mo
miment d'anciennes victoires, uou
pour flatter bassement ceux qui
venaient de vaincre a leur tour,
muis pour lémotjriit*r h ta (tu de
leurs sympathies fraternelles en-
vers les frères qu'on avait menés
contre eux et de leurs senti ineuls
d'exécration contre tes maîtres et
rois qui» de part et d'autre, con-
duisaient leurs sujets à l'abattoir.
La Commune n'aura H eu que ce
fait à sou actif qu'il faudrait la
placer très liant dans I Y votai bu
{les rt^es contemporains.
tivideiimu'itl, une société* nou-
velle qui agissait en si complet
désaccord avec les anciennes po-
litique* ne pouvait susciter dans le
monde banal des classes gouver-
nementales qu'un sentiment universel d'horivur et de réprobation î
J.es membres de la Commune ii'nvutaul-ils pas commencé par
limiter leurs propres appointements au strict nécessaire et continué
de prendre modestement leurs repas chez te « maslroquel dit coin ?
Cou* d'entre eux qui avaient été pris dans les nuu/s des ouvriers
iiYhiieiil-ils pas restés eumarades de leurs ci devant compagnons de
travail, laissant leurs Tommes et leurs filles dans les ateliers de coulure ou
les lavoirs (te blanchisserie? De pareilles dérogations auv traditions de
Cnhltiet de» Kttampcs.
CIJÀRLEl 0KUnci«VKft ^1809.18/1).
Tué sur les barricade*, le 25 mut.
Dans lo Con«eil de la Commune. Delescluie
appartenait à la majorité et représentait l'élé-
ment Jacobin ; Varlin, membre de l'Interna-
tionale, fattait partie de ta minorité» de ten-
dance plus soeiallslp.
»5o L'iIOMMfc ET LA TERRE. ~ INTERNATIONALES
tout gouvernement qui se respecte ne pouvaient être pardounées et, dès
les premières rencontres autour de Paris, l'armée régulière ne manqua
pas d'appliquer à se» prisonnier» te nouveau code de guerre qui permet
à tout militaire de s'arroger droit de mort sur tout civil. A ces tueries,
la Commune répondit par un <* dderet sur les otages », qu'elle exécuta
tardivement et suns oser pu prendre la complète responsabilité, tandis
que continuait gaiement le massacre des communards autour de Paris,
pain, durant la <> semaiue sanglante », dans les rues cl dans les maisons,
et, après les soixanle-dU jours de la Commune, dans les casernes et les
prisons. Le contraste entre les deux morales ho montrait évident. Tandis
que les socialistes de Paris, faits au respect de la vie humaine, ne s'étaient
décidés qu'à errur défendant au* représailles contre des personnages de la
caste ennemie, la mise à mort de tout citoyen de la cité rebelle était tenue
comme méritoire parmi les prêtres, les jugt»s et les soldats. Kt l'on vit
un cher de l'armée « de l'ordre », un des oflleiers supérieurs qui avaient
teuu,souH l'Empire la %ic la plus basse, racontée plus tard par lui tVtme
façon cynique, ou te vit faire un choix parmi les prisonniers,
désignant pour la mort lotis ceux qui avaient une tête noble, intelligente
et lière, surtout des vieux, parce que ceux-ei avaient obéi à des convic-
tions, et de très jeunes, parce que ceux-là avaient eu pour mobile
l'enthousiasme des grande* choses.
Ou peut le dire : le but nettement poursuivi par les conservateurs,
lors de la répression de la Commune, fut de procéder à une sélection à
rebours, comme on l'avait fait du temps de l'Inquisition, en supprimant
les hommes coupables d'une intelligence supérieure, trop hauts de
pensée et de vouloir pour s'accommoder à la torpeur qui convient aux
sujets obéissants. Cette sélection des victimes avait réussi aux prêtres
de l'Espagne, qui empêchèrent en effet leurs concitoyens de penser et
d'agir pendant trois cents années. Kn France, elle ne put être poursuivie
avec assez de méthode pour arriver à des résultats aussi décisifs, mais
elle eut aussi des conséquences très appréciables dans l'évolution histo-
rique de ta génération suivante. Que de fois, dans les circonstances
graves, eut-on à constater que les hommes manquaient î Kt, dans son
ensemble, si le socialisme a cessé d'avoir son caractère généreux,
dévoué, humanitaire, pour se transformer eu un parti politique prêt
à s'assouplir dans toutes les intrigues des parlements, ne faut-il pas
en chercher Tune dos causes dans ce fait qu'il avait été privé de ses
ÉCRASEMENT DE LA COMMUNE
»5 ï
meilleurs hommes ? C'est à la tôlo qu'on l'avait frappé. Mais « rien
ne se perd », nous dit-on. et, s'il est vrai que ta réaction put croire
« l'hydre socialiste » enfin décapitée, d'autre part les événements
de ta Commune, agrandis par l'écho, se propageront au loin dans tes
masse* profondes des peuples comme une garantie do délivrance, Partout,
jusqu'au fond de» prisons russes et dos mines de Sibérie, on se reprit à
Blbt. Kfitfotiale.
UK COLOHKB VfiHDÔME RENVERSAS
espérer. L'histoire de Paris, proclamant la fraternité des hommes, prit
des proportions épiques.
Cette remarquable force morale que possède le seul nom de Paris
dans l'ensemble de l'évolution humaine, et par suite dans le mouvement
des révolutions, s'explique, comme sa force d'attirance matérielle, parles
conditions géographiques de son milieu. De toutes parts, tes papillons
viennent à ce foyer de lumière, au risque do s'y brûler. La convergence
des rivières vers le centre naturel du bassin de la Seine est comme un
symbole du mouvement qui en traîne les hommes d'intelligence et
d'ambition vers ce foyer d'activité. Il ne s'agit pas seulement des immi-
grants qui se dirigent vers Paris comme vers toute autre grande cité
«5*1 l/HUMMK ET \.K TKRRK. — INTERNATIONALES
pour y trouver des clients dutis leur commerce ou dans leur profession ; à
cet égard, Paris est déposé par d'autre» agglomérations urbaines où
se crée plus de richesse monétaire et en moins de temps; il s'agit surfont
de ceux qui sont appelés pnr ta vie intellectuelle, morale, artiHtk|ttc de
la cité, par le charme qu'elle exerce comme personne collective : un sa
sent fascine" pnr elle. Paris est le pays tropieal, le printemps perpétuel
de l'intelligence. Les chiffres traduisent cet élal tic chose» puisque.
Iiiu les proportions gardées, Paris est la ville cupilale qui recoil de beau
coup In plus forte part de* visiteurs, la vie s'y fait ainsi pins intense cl
plus varice dans ses manifestations.
Les éléments primordiaux de la population indigène présentent
aussi, au point de vue de révolution, un caractère frappant de dualité
ethnique, L'étude de la carte de» (imites nous montre les Belges, peuples
qui étaient certainement germains ou fortement germanisés, se
rencontrant, dans les basses vallées de la Manu? et de l'Orne, avee les
(«elles proprement «lits : là, les deux nappes s'unissaient, apportant
chacune sou caractère propre; l'hérédité, legs du milieu antérieur,
produisait des contrastes forcés dans In mentalité et les éuergies des
diverses populations qui, depuis des siècles et des siècles, travaillaient à
se mélanger et à se fondit» eu des millions de familles. Celle Julie conti-
nue qui s'opère dans les profondeurs sociales doit se manifester par une
effervescence plus grande, par un travail extérieur dont la force va,
dans les occasions extîeptionnelles, jusqu'aux explosions révolution-
naires. Kilos peuvent se produire tantôt dans un sens, tantôt dans un
autre, soit dans la direction du progrès, soit, au contraire, eu \ut mouve-
ment de régression. Ainsi, pendant la période de la lïéfornie. le Paris
des Ligueurs tpuvrail incontestablement au service de 1'Kglise cou Ire
la pensée libre : ce fut une triste contre-révolution que le massacre tic la
Saiut-fïurthélcmy! .Mais, en d'autres ci reon s la nées, Paris se trouva cor- ^
tainement en tète de la nation française, combattant et souffrant pour la
cause commune de tous les peuples. La décade qui porte par excellence
le nom de « dévolution » mérite réellement d'éîre distinguée entre» totdes
par le flot de sentiments et do pensées dont Paris fut alors le porte-voix j
pour le genre humain et par la signification des actes qui s'y produi-
sirent. Puis, après cette grande époque, de laquelle date le monde
moderne, que d'autres moments, dans le dix -neuvième siècle, furent v
l
FORCE ATTRACTIVE DE PARIS
3Û3
aussi des événements d'importance muwiiukt: la révolution de i848, qui
so répercuta en crises secondaires dans I» inonde entier el inaugura
rentrée pour ainsi dire officielle du socialisme dans les agitations poli
tiques, et ta révolution de 187 1, la Commune de Paris, qui suscita huit
d'espérances dans le» vsprtls de» peuples opprimas!
Quelques jouis uvitnl la Commune, llismurck, regardant du haut
d'une eoUine la ville de Paris, qui
venait de ea pi lu 1er, lu m nul mit ù
ses courtisans d'un geste de dé-
dain : « ta Mte est morte ! »>
disait-il, Kt peut-cire que jamais
l'action de Paris révolution nuire
n'avait été aussi puissante dans
l'histoire de révolution générale.
C'est a partir dn tnotneut où tut
proclamée la Commune de Paris,
et plan encore après won écrase-
ment, que les opprimés de toute»
le» nation», conscients de leur
(solidarité, se sentirent vraiment
uni* en un même idéal, désigné
par un même ternie symbolique.
Notamment PKspiiguc, qui se
trouvait en état de révolution per-
manente, depuis Vvk pulsion de
la reine Isabelle, fut ébranlée profondément par IVveinple de Paris,
el, lorsque la république espagnole eut été proclamée ( 187*1).
te mouvement général qui se produisît dans lu plupart des pro-
vinces et des municipalités prit unearaclere essentiellement com*
mnnaliste. Le principe de la Fédération, qui semble écrit sur le sol
môme de l'Kspuguc, où chaque division naturelle de lu contrée a
gardé sa parfaite individualité géograpbique, parut être sur le point
de triompher : il fut même accueilli pour un temps el porta au
pouvoir un fervent disciple de Proudhou, l'intègre Pi y Margall, un
des rares homme* que l'exercice de l'autorité m* réussit point à
corrompre. Mais la centralisation militaire était devenue trop puissante
JjSAN'BAPTIST* M IL LIÉ HE, 1817-18*1,
Bien que n'ayant pua pris part a la Corn'
nuitia, il fut fiisllllé le 21 mai, sur ta place du
Panthéon.
»5f| L*HOMMtî ET LA TERRE. — INTERNATIONALES
pour qu'elle pût tâcher la nation qui était sa proie, et Ton suscita une
nouvelle insurrection de carlistes qui rendit Tannée nécessaire. De
prétendus républicains, des orateurs au verbe retentissant se prêtèrent à
ce jeu pour ramener la domination du sabre» et le mutin du 3 jan-
vier iKy'i, un général entrait avec tambours et fusils duns la salle de
délibération des Cortès : ainsi s'installent les royautés.
Cependant, une des communes fédérées qu'avait fait surgir la révo-
lution, la ville de Cnrlugcua, se défendait encore vaillamment, grâce à la
ceinture de forts qui t'entourait et aux navires de guerre dont elle s'était
saisie. Hepréscnlée par des hommes plus conscients, plus logiques, plus
résolus, plus tenaces que la plupart des révolutionnaires de l'époque, la
commune de (lartugena se rapprocha beaucoup plus (pie ne l'avait fuit
Paris de l'idéal d'égalité et de fraternité entre citoyens et s'attaqua bien
plus franchement aux problèmes sociaux : pendant longtemps encore,
les prolétaires Cnrlugénais se rappelèrent leurs heureux jours de travail
et leur bien-être pendant le siège. Les défenseurs de la ville avaient pris
leur rôle, très au sérieux : ils ne craignirent pas (m juillet 1873) de
libérer les quinze cents prisonniers du bagne, et de leur confier l'équi-
pement de la Hotte; avec eux ils entreprirent des croisières en pleine
Méditerranée; avec eux ils livrèrent un combat naval aux bâtiments
de « Tordre » et se présentèrent devant A hneriu cl A licante; puis f lors-
que le dernier fort de Carlagena eut capitulé, ils percèrent la ligne de
blocus sur le navire cuirassé La Xumunvia pour aller remettre aux auto-
rités françaises d'Oran les personnages révolutionnaire» que la réaction
triomphante n'eût pas manqué de fusiller (19 janvier 187/4).
A la fin de l'année, rappelé par Martine» Campos, Alphonse XII, le
jeune Ills de la reine Isabelle, dûment béni par le pape pour entre-
prendre sou œuvre de réparation monarchique et religieuse, débarquait
à Barcelone, et, plus carliste que don Carlos lui même, se mettait à
l'œuvre, secondé par le ministre Canovas, pour elîacer les traces des
réwilulitm» qui remuent d'ébranler l'Espagne. Tout d'abord, il abolit le
jury, le mariage civil, la liberté de l'enseignement, rendit a l'Eglise et
aux congrégations les biens ecclésiastiques non vendus, interdit aux
non catholiques tout exercice public du culte : il se rapprocha le plus
possible du régime des beaux temps de l'Inquisition, suas d'ailleurs
arrivera satisfaire l'Eglise. Dans les colonies, il maintint a outrance les
privilège» des planteurs, tout en faisant amende honorable à la république
INSURRECTION DK CAftTHAGfcMS
»55
des Etats-Unis, dont on Avait captait un uu vire et mstilé tic» citoyens.
De ce c6te\ la monarchie espagnole» n'avait d'autre espérance que
cette de gagner du temps, car nul homme de bon sens ne pouvait
douter do In « destinée manifeste » ù laquelle étaient vouée» les cotante»
antil lien uns. Sans doute, la population de Cuba citait trop divisée
quant a ses iutérols pour qu'il lui fut possible de s'émanciper de la
ci. j, Ktihn, «lit.
CABTHAOÈNB ET SA BAIB
« mère-patrie » aussi longtemps cpie dos nègres esclaves y existaient
encore. Le» « péninsulaires»-, c'est ù-dirc les KspajLmots natifs, marchands
ou fonctionnaires, qui vouaient exploiter les habitants de l'île, y étaient
fort nombreux cl s'y appuyaient insolemment sur la garnison. D'antre
part, les Cubains de race blanche ou mêlée, qui se trouvaient engagés en
des luttes directes d'intérêt avec les Espagnols privilégiés, n osaient point
se révolter tutti qu'ils participaient au crime de l'asservissement des noirs
cl qu'ils avaient ù craindre une insurrection servile; enlin, les noirs eux-
mêmes, répartis sur un vaste territoire on toute concentration d'cflbrls
SÛfi l.'HOHMK KT LA. TERRE. — INTERNATIONALES
était difficile, eussent été bien einbarransés pour donner un caractère
général à leurs soulèvement, presque toujours locaux, diriges contre un
maître ou contre- mu il ru abhorré, et le nombre rapidement croissant
des affranchis introduisait entre Africains et Africains une rivalité
d'intérêts et de sympathies. Eu outre, In surveillance de l'Ile étuit facile :
les navires pouvaient ha ri 8 peine blot|tier Ira principaux abords de lu cote,
et ia forme très étroite de Cuba permettait î» une armée espagnole de
balayer à Taise tout l'intérieur du pays. Tout cela, certainement, expliquait
dans une certaine mesure Ja ténacité! du gouvernement rspugnol cou une
dominateur de Cuba, miiis quel homme d'iâtal eût pu coinpler a lu fois
sur l'extinction pacifique de l'esclavage et sur la constante longanimité*
des Apres ci tout puissants voisins du nord, les marchands américains?
La perle de Cuba, de Puerto IWeo, des Iles Vierges n'était pour l'Kspagne
qu'une question de temps.
Connue la péninsule Ibérique, après ses essais «le république fédéra
Ihc, la France, après la Commune, était emportée \mv un mouvement de
réaction oulraueièrc. Mais, de nulme qu'eu Kspugiic, il était impossible
aux gouvernants français d'aller vers le passé missi loin qu'ils le vou-
laient et que la logique leur commaudtiil de le faire. D'abord, ils
n'osèrent pas rétablir la royauté, c<* qui, pourtant, était leur premier
devoir de « ruraux » et de chrétiens. La terrible résistance de ce Paris
qu'ils haïssaient, qu'ils avaient fui, et qui les fascinait jHiurtanl, les avait
emplis de (erreur, obligés même a faire des promesses, a offrir des
garanties qu'il eut été difficile île récuser aussitôt. Au moins les fils des
communalistes massacres purent ils, voyant les choses de haut, attester
la victoire de leurs pères, puisque dans le maintien t\i\ mol > République »
il y avait quand même la recon uaissa née d'un principe nouveau, celui
du droit de l'homme se substituant au droit divin. Les fanatiques de
réaction le comprenaient bien ainsi, mais ils étaient liés, amarrés pur
tout uii réseau fie circonstances qui les empêchaient de rétrograder par
delà le siècle jusqu'aux années qui précédèrent In date fatale de 178^,
Même le roi qu'ils avaient choisi, et auquel ils reconnaissaient le double
privilège de réconcilier les deux branches de 1» monarchie, puisque
l'héritier naturel du comte de Chambord était le petit fils de Louis-
Philippe, même ce roi, vraiment providentiel, refusa au dernier
moment de risquer l'aventure d'une restauration. La royauté dut abdiquer
par impuissance sénile; mais, longtemps après décès, les morts gouvernent
ÉTAT CHAOTIQUE DE LA FRANCE
«57
le» vivants: la Hénubliquo sans républicains », telle fut ta formule
prcsqu'oiftciotip du régime instauré dans la France vaincue. Lo gpeetaete
W» 463, Invasion du Phylloxéra
(voif page 258).
DiBtriots fortement phyUoxôrés en i&BO
faiblement atteint* »... rt
indemne*
t: 7600 000
m
tt
** ** " 1 i ""i ?J
"woKit
100
de col état cJo chows illogique fut a la foi» lamentable et jisiMc: c'était
nu métan^e de survivances disant Les. î.n situation politique d'au pays
a58 i/hommr et la tehrb. — internationales
dont le» citoyens partent de principe opposés* ne peut être provisoire-
ment que te chaos.
Une nuire calamité vint frapper lu France . Lu masse de la nation, fort
économe, ayant eu à subir déjà la terrible destruction que cause la guerre,
fut ravagée pur le phylloxéra, désastre comparable ait premier : on ne peut
évaluera moins de dix nul lia ni s la porto réelle subie par une région de
la France, celle qui précisément avait échappé à l'autre in vasion \
Kl celle perle en argent n'était que peu de chose en comparaison de Par
rôt du travail qui, se produisant dans toute une industrie nationale,
meuucail de changer les habitudes traditionnelles, et les modifiait
puissamment en effet-, déplaçait les populations pour ainsi dire, et
faisait une autre Ame à une partie notable de la nation. Maints dépar-
tements où l'on ne connaissait point la tnincre, ou le bien-être général
était la régie, tel» l'Hérault et la Gironde, furent gravement atteint» par le
prolétariat agricole, et la mendicité y reparut. Les propriétés, fort dépré-
ciées, eliungewut de mains, et, en beaucoup d'endroits, de grands
domaines se constituèrent, embrassant des centaines de petits vignobles
ruinés dont les anciens possesseurs avaient dû quitter te pays. Tandis
que lu majorité de vvux qu'avait frappés le désastre se tournaient vers le
gouvernement pour avoir, les uns de petits secours, les autres de» places,
quelques hommes d'initiative s'ingéniaient à trouver de meilleurs
procédés de cul turc et à créer do nouvelle» industries; d'autres allaient
s'établir eu Algérie ou en des colonies lointaines, lt n'est pas douteux non
plus que la propagation du phylloxéra ait contribué a augmenter chez le
paysan français cette prudence qui le distingue dans l'accroissement de
sa famille : tmiuqtiaul de confiance dans l'avenir, il limite volontiers le
nombre de ses enfants, et la France, où la jeunesse se fuit rare, diminue-
rait en population si les immigrants, Belges, Italiens, Suisses, Germains
et Slaves, ne venaient combler les vides.
A cet égard, 1rs u titre» nations policées dn monde, u l'exception de
certaines contrées où domine l'élément bourgeois — telles que le pays
« saxon » en Transylvanie, et de nombreux districts de la Nouvelle Angle-
terre — no se laissent point dominer parle même esprit de prudence, et la
population s'accroît très rapidement dans l'ensemble des Ktats dont les
Gabriel Hanoleau, Xouttlle ftevue, 15 iiow 1902.
OUBRRB RUSSO-TURQUE a5g
statisticiens dressent régulièrement les tableaux ; main à tin autre point
de vue, l'Europe et tes nations européanisées s'aventurent moins à in
légère qu'auparavant ditns le» cniiHits diplomatiques et les violences «
main armée. Le terrible eboe franco-allemand semble avoir assagi les
«inducteurs dos peuples, Quoiqu'il aucune autre époque de lMiistoir-f» on
n'ait fait dans te monde, mi proportion des ressources nationales, autant
de dépenses de guerre, bien que les armées aient beaucoup dépassé en
nombre et en organisation sa\anic toutes tes masses d'hommes dont les
plus grands capitaines se soient fait suivre jusqu'à maintenant» et que
les approvisionnements en forces destructives aient graduellement repré-
sente* un ensemble budgétaire que Pou eût dit impossible, même sous un
Napoléon, cependant les nations de l'Europe, militarisées n outrance,
se bornent à s'observer méchamment, tout en parlant de paix, de res-
pect des traités, de la sollicitude des gouvernements pour le bonheur des
peuples. Chaque nation emploie des millions et même des milliards
k blinder ses frontières et ses navires, à remplir ses arsenaux d'obus et
ses casernes de chair a canon. La guerre a été proclamée sainte, évoen-
Irice tle force et de vaillance; même le grand stratège des victoires
allemandes, de YïoUke, a daigné rompre naguère son silence habituel
pour déclarer que la paix universelle « n'est pas un beau rêve n. Ce-
pendant, les peuples civilisés n'osent se risquer dans les belles
réalités de nouvelles guerres et de nouveaux massacres.
Depuis ta capitulation de Paris, l'Europe dite chrétienne est restée en
paix armée et la guerre ne s'est produite que dans la péninsule des
Balkans où les Uusses, ayant, pour prétexte des massacres et des horreurs
île toute nature commis dans les pays slaves de ta Turquie, croyaient
pouvoir remporter de faciles triomphes. L'homme malade, pensait-on,
n'oserai l pas résister au » colosse du Nord .». Il résista cependant, et les
péripéties de cette guerre russo-turque, 1877 et 1878, furent de nature à
faire hésiter encore plus tons les fauteurs de luttes armées et à montrer
-m nubien de pareilles aventures peuvent, en eus de résistance sérieuse,
causer à l'assaillant de terribles déconvenues. Sans doute, la Russie était
le beaucoup la plus forte en hommes et en matériel de guerre; de plus,
méprisant son ennemi, elle comptait en toute confiance sur un rapide
succès. Et les généraux courtisaus qui se pressaient autour du souve
rain marchant au-devant de son triomphe eurent le dépit de le faire
assister à maints désastres. S'élaut lancée trop précipitamment à travers
<
»
a6o L*HOHME ET LA TERRE. — IlfTKftKATIONALES
tes Balkans sur la roule de Constant! uop Le, l'armée russe fut attaquer
en flanc et vivement ramenée sur la défensive, puis elle vint se heur-
ter imprudemment contre tes mûrit de Plevna en laissant tes longues
pentes d'accès couvertes de cadavres. On comprit alors combien les
progrès de la balistique* avaient change le» conditions de la guerre,
en augmentant les chances d'assiégés résolus attendant tranquillement
f'eunenii. Pourtant, l'inégalité des forces et des ressources 'était trop
grande entre les belligérants pour que victoire définitive ne restât pas
aux Russes, aidés d'ailleurs pur les Roumains; mais, cette fois encore,
ils n'atteignirent par leur but : Tsnrograd, u la cité des Tsars ». Peu
rassurés sur l'attitude de la cité populeuse et sur celle de la flotte
anglaise, ils s'arrêtèrent au faubourg de San-Htefano, où (1878 ils
dictèrent une paix humiliante auv Turcs, teur laissant à peine un pied
à terre en Kuropc, sous le haut contrôle du vainqueur.
Toutefois, ce grand changement d'équilibre dans la force relative des
grandes puissances européennes était trop considérable pour que celles-ci
ne demandassent pas à reviser le contrat, tilles envoyèrent leurs ministres
a Berlin, sous la présidence du comte de Bismark, considéré comme une
sortiMle doyen dans les conseils de la force, et c'est là que se lit sans
appel la répurtition nouvelle des territoires de la ttalkanic et de l'Asie
Mineure entre les Ktats. U Serbie et te Monténégro, désormais attVanchis
de la suzeraineté turque, reçurent un accroissement de territoire. La
Bulgarie se constitua en principauté tributaire, tondis que la Roumélic
au sud des Balkans, resta province turque : la nationalité bulgare se
trouvait ainsi coupée en deux ; il fallait conserver des éléments d'in
trigueset de guerres futures. Quant à la Roumanie, elle fut payée par la
perte de la Bessarabie de l'aide efficace qu'elle avait donnée à la Russie
en un moment périlleux, et on ne lut donna que les marécages de la
Dobrudja, en échange de la province fertile et populeuse qu'elle était
forcée d'abandonner. Les Busses se taillèrent naturellement une belle part
dans le territoire de hi nation vaincue : à la Bessarabie d'Europe, ils
joignirent nue bande de l'Asie Mineure dans laquelle se trouvent la place
forte de Kars et le port, très heureusement situé, de Batum. Quant à l'Au-
triche, qui avait sans doute rendu quelques services diplomatiques, elle
reçut pour sa peine un petit havre sur l'Adriatique, et, cadeau bien plus
important, la gérance indélinie des deux provinces slaves delà Bosnie et
de l'Herzégovine, larges morceaux de la péninsule balkanique venant
CONGRÈS DE BERLIN
aôi
W> 464. — Amoindrissement de I» Turquie durant te XIX» siècle.
«nder
10* £ . de Gr,
Cette carte est a l'échelle de 4 à 10 000 000.
La Russie occupa partie de ta Bessarabie en 1812. Vert la même époque, la Serbie obtenait
une demi-indépendance. Eu 1820, la Russie avança Jusqu'au Danube et Ût reconnaître K la
Valeehle et à la Moldavie (unies en 4961) un statut spécial La Grèce devint Etat indépendant
en 1830. En 1856, la Bessarabie du sud fut donnée a ta Moldavie.
En 1878, la Roumanie dut évacuer la rive gauohe du Prut, mats obtint la Dobrudja { la
Serbie fut agrandie du district de Nlch et le Monténégro d'une bande de territoire comprenant
Dulcigno t la Bulgarie fut détachée de la Turquie et la Roo méfie placée sou* un gouverneur
chrétien t la Bosnie et l'Herzégovine fut remises à l'Autriche et le dtttriot deNovi*Pasar(N. FM
occupé conjointement.
En 188t, la Otece obtint le ThestaUe t an 1886, ta RouméUe se joignit à- la Bulgarie en
1887. le Crète fat déclarée autonome sous un gouverneur hellène.
V 14
î*6a l'homme et la tbrhe. — internationales
fort à propos arrondir l'Empire austro-hongrois en modifiant lu forme
bizarre que lui donnait le long glaive du littoral de la Dalmatie* 11
n'y eut pas jusqu'à la Perso à laquelle» on n'uecordât son lopin de terre.
K n lin, la Grande Bretagne, qui avait été pour ainsi dire vaincue en
même temps que la Turquie, qu'elle n'avait pu secourir efficacement
qu'au dernier moment, dut au talent de son plénipotentiaire, lord
Beaconsfleld, de se Taire céder l'île de Cypre, moyennant pension, ainsi
qu'une sorte de protectorat sur l'Asie Mineure, Toutefois, cette dernière
clause, qui eut exigé un grand déploiement de forces, ainsi que d'amples
débours, est restée à peu près lettre morte, quoique la nation anglaise eût
pu profiter do celte situation pour se faire la protectrice efiicacc des
Arméniens et s'assurer ainsi une très puissante clientèle en ce (peuple
intelligent. D'autres stipulations du traité de Herlin furent également de
vains écrits, eulr'aulres celle par laquelle tu rorte s'engageait à départir
également lu justice à tous ses sujets, su h s acception de rare ni île culte,
et notamment a protéger les agriculteurs arméniens contre les pillards
kurdes : jamais promesse ne fut plus atrocement violée.
Quoique les délibérations solennelles du grand conseil de l'Europe ne
pussent avoir de videur réelle que rai i Iléus par la volonté des peuples
eux-mêmes, elles tiraient du moins une certaine importance de oe fait
qu'elles étaient jissues d'une assemblée représentant l'Europe entière.
Le monde ofliciel s'était donc singulièrement élargi depuis le traité de
V\ cstphulie, même depuis le congrès de Vienne 1 En outre le langage des
diplomates avait changé. Us ne parlaient plus seulement au nom de
leurs souverains respectifs, ils s'exprimaient fort courtoisement à l'égard
d'une autre puissance, l'ensemble des nations civilisées. Evidemment,
on avait conscience d'un nouvel état de choses, d'une certaine unité
morale provenunt de l'existence d'une opinion publique européenne.
Non seulement les puissances avaient une frayeur mutuelle de s'attaquer,
elles comprenaient aussi qu'une nouvelle grande guerre d'Europe eut
déplu, même a ceux qui auraient eu la victoire en perspective* Mais
d'autre part, elles savaient que des conquêtes faites en pays lointain sur
des peuples réputés barbares ou sauvages leur seraient plus que par-
données, attribuées même à mérite cl à gloire. C'est donc avec l'encoura-
gement tacite de leurs peuples que les gouvernants d'Europe se mirent
à dépecer Afrique, Asie, Océanie, pour s'en distribuer les morceaux et
eu constituer leur empire colonial. ,,
NOUVELLE POLITIQUE MONDIALE
a(i3
\n commencement du vingtième »>ecïe, les puissances ont presque
terminé le partage de l'Afrique, souvent désignée sous le nom de « Con-
II 4$5. L'Afrique découpée en possessions européennes,
"^ Gibraltar
W-
4
Capttown
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0*do5r.
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40»
60*
t : 7 6 000 000
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^ooo Kil.
La Grande Bretagne occupe l'Egypte, 1« Soudan, «te., du Caire a Mombasu, l'Afrique
méridionale de Blantyre a Capetow», puis commande à Bathurst» Freotown, Akka, Lagos,
enfin à Walflshbay, Zanzibar et Barbara. -— Les possessions françaises aboutissent & la mer h
Alger, Tunis, Sefnt>Louis, Konalcry, Blngerville. Porto-Nuovo et Libreville et de l'autre côté
du continent comprennent Madagascar et le territoire d'Obock. — L'Allemagne ost installée
à Daressalam, Windhuk, Buca et Lomé. — La Turquie conserve Tripoli. — Le rot des Belges
sous le nom de souverain de l'Etat indépendant du Congo régne £ Borna. — L'Italie est à
Massue et Magadoxo, l'Espagne à Rio de Oro et Bâta, et te Portugal à Bissao, Cablnda. Saint-
Paul de Loanoa et Chlnde.
tineni noir n, en partie parce qu'il cal habité pur des nègres cl quelque
peu aussi parce qu'il n'est pas entièrement connu* De vastes territoires
V i'**
aU4 l'homhk kt la tkrre. — la commune
ayant une superflu ru de plusieurs milliers de kilomètres carré» ont déjà
leur maître officiel, d'après l'atmanacl» de Gotha, mois n'ont été encore
parcourus pur aucun voyageur. An point de vue de lu conquête, il
importa peu, wir il n'est pus douteux que lu forée d'attaque militaire que
possèdent km Etals européens soit assez, grande pour triompher de peu
pladcs sans discipline ni stratégie. Il suffit que tel ou le) pays soit attribué
par coiiveiilkin diplomatique h la (iniiide Bretagne, a la France ou a
l'Allemagne puur que cette puissance choisisse patiemment son heure
d'occupation générale ou partielle et de mise eu exploitation commet'
claie. Actuellement le continent africain j»eut être considéré comme
n'étant plus qu'une simple dépendance économique de l'Europe. 11 est
loisible d'uflirmer qu'avec leur force réelle, d'une si absfifâe supériorité,
et leur prestige triomphant, les blancs n'eussent rencontré aucune résis-
luricx! «i l'occupation des diverses contrée* n'avait donné lieu de leur
pari » de» injustice» et a des atrocités de toute espèce; d'ailleurs, eu
maintes oceasions, les guerres, les insurrections ont été voulues, parce
qu'elles donnaient aux officiers l'occasion de les réprimer et d'acquérir
ainsi gloire, honneurs, litres et avancement.
L'argument par excellence des politiciens ardents h découper le
monde eu territoires coloniaux consiste a plaider la nécessité de trouver
des exuloires pour la population grandissante de l'Europe et pour la
surabondance des produits manufacturés. A cet article fondamental
on ajoute, sans en croire un mot, quelques redites sur l'influence mora-
lisatrice de la civilisation chrétienne, et la conscience est satisfaite.
Il est Mai que la plupart de ces territoires annexés sous des latitudes
lointaines ne conviennent point a l'acclimatement des Européens, et '
que d'ailleurs ceux ci, même s'ils étaient favorisés d'un climat qui leur
fût propice, n'y trouveraient pas d'occupations conformes a leur genre de
vie. Ces vastes domaines ajoutés au territoire dit «colonial» ne doivent
doue pas élre considérés comme de véritables colonies puisqu'ils ne sont
point destinés à recevoir des colons; ils ne peuvent servir à loger les
excédents de population émigrant d'Europe. Ce sont tout simplement
des lieux de résidence pour quelques marchands qui cherchent à exploi-
ter les richesses naturelles des lieux et à pourvoir aux besoins des tndi
gènes. Mais lu plupart de ces naturels, habitués à uncexiBlence des plus
simples, trouvent autour d'eux, dan» les produits du sol, tout ce qui leur
est nécessaire; il finit donc que les efforts des colonisateurs prêtai-
PARTAGE DE lA^flUQUE »65
dut» se combinent pour faire naître de nouvelle» demande*, notamment
celle de l'eau-dc-vic ou d'un poison quelconque baptisé de ce nom ; chez
les nègres que Ton pousse à la folie, la monnaie, jadis inconnue, n'a pris
iTutiHlé que pour rachat du genièvre ou du trois-six 1 » Voilù, dans les
pays occupés du Continent noir, ce que l'on dit cire le commencement
de la civilisation, retape qui succède t* celle de l'esclavage. Admettons
Cl. 1. Calttnlet,
OtTè A TÎUVBB8 LK NIGER, PB&S ÛK fcAFÊLÉ
qu'il y a progrès, puisque l'acheteur nègre est maintenant étiquete*
homme libre.
Les origines des a uucxious coloniales modernes de l'Afrique remon-
tent aux âges des explorations maritimes génoises et portugaises, lors-
que les navigateurs du treizième et du quatorzième siècle découvrirent
l'île de Lagname, appelée plus tard Madeira, et la terre de Laueelot, dite
maintenant Lamerote. dans les Canaries. Des îles, les explorateurs pas
seront bientôt au littoral; depuis cette époque, des représentants de
l'Europe, commerçants et missionnaires, résident en Afrique et ïe
mélange des sangs se fait aussi bien que celui des idées. C'est encore en
1. A. d'Àlmada Nogreiros, Congrès Colonial international de Paris, 1900.
360 l.'HOMME ET 1.A TKRRK. — INTERNATIONALES
souvenir des Portugais que ie« nègres du Congo donnent aux Européens
les noms de M'puui, « gens du Pouf on », du Portugal'. Les indigènes
de la région eôtiere doivent aussi plus qu'uu nom mit missionnaire* qui
leur vinrent do Lisbonne et d'Oporlo : ils leur doivent la croix dont il»
ornent leurs maisons sans en connaître d'ailleurs l'origine, ils leur doi-
vent la consécration officielle a un saint patron, (a zina dia mntu : ri&gres
et négresses fétichistes sont, en vertu de l'aspersion, de vrais baptisés,
Ce furent également dut; prêtres du (UirUi qui apporteront aux africains
les statuettes de Jésus et de ta Vierge ol les images de saints qui se sont
graduellement changées en fétiches M que Pon a longtemps crues de pro-
venance autochtone i ces Uguriues grossières, hérissées de clous, repré
sentaient le Oucillé, percé de coups de lances, et la Notre-Dame des
Sopl-Douleurs. Dans l'intérieur du pays, cm ne voit point de ces fétiches,
ils n'existent que dans les contrées occidentales visitées jadis par les con-
vertisseurs. Des images grotesques, voilà tout ce qui reste des antiques
conversions. Les formes religieuses enseignées jadis par les prêtres catho-
liques se détériorent de la façon la plus bizarre par te fait du retour aux
conceptions ancien tics, lorsque les missionnaires cessent de visiter la
contrée. Ainsi cliejs les Bainba, riverains du bas Congo* le* jeunes
hommes de lu tribu sonl jetés par les sorciers dans un étal de syncope
semblable a la mort, et cet état se continue pendant trois jours, après
lesquels vient la résurrection. Evidemment il s'agit d'imiter ici le « Sei-
gneur Jésus i) datis le grand mystère de sa mort et de son retour triom-
phant à la vie*.
L'empire colonial portugais, (pii s'étendait vers tes contrées inconnues
de l'intérieur, n'uvull point de limites précises. 11 était censé comprendre
toutes les contrées du continent eu dehors de In Maurélunic cl du bassin
nilotique ; mois les pays occupés n'avaient qu'une faible superficie rela-
tive, le petit Portugal ne pouvant fournir qu'un faible nombre de plan-
teurs cl d'aventuriers. Les Hollandais lui ravirent la partie méridionale de
l'Afrique, c'est-à-dire le district du Cap de lionne- Kspénincc, qui passa
plus tard en la possession des Anglais avec tout le territoire adjacent;
puis le» nouveuu-venus» annexant terre après terre, en vinrent pendant
le cours du siècle à s'emparer hardiment d'une large atone dans la
région du Zamhczc, feignant d'ignorer absolument la prétention du
1. Cb, Lttnaire, notes manuscrites. ~ 2. Keane, Man t Past and JVcmjiI. p. 109.
UGNK DL' CAP AU CAIRE atig
Portugal, reconnue dopuis trois siècles par le droit public euro|)écn,
do posséder toute la largeur du continent africain, de lu côte a In
contre-côte, de l'Angola au Mocambiquc, Bien plu», après «voir pri»
le territoire qui leur convenait, les Anglais étendent mu- le reste des pos-
sessions portugaises une sorte de protectorat et, dans l'opinion générale
des prophètes politiciens, tout l'ancien domaine hautairicii passera toloii
tard duns les tnuins de l'Angleterre, be Portugal, devenu fendu luire de
la (irnude Bretagne, ne serait en réalité que l'usufruitier des richesses
territoriales dont If maître éminenl s'emparera pur annexions succes-
sives en proportion des intérêts du tnotnenl. Pendant sa guerre contre
les Bocrs des républiques hollandaises, ne s'en! il pas servi du port de
Lourcnco-Marqurx comme si cet admirable havre lui appartenait
officiellement.-'
A ces très importantes possessions de lu pointe méridionale d'Mïiquc,
où se trouvait, avant l'ouverture du canal de Suc;;, le lieu d'étape tiéres-
sain» pour les wivlgutciirs entre les terres meraincs de l' Atlantique cl
celtes de la mer des ImJes, l'Angleterre u su joindre une bande de ter-
rains ffiii s'étend au nord jusqu'au Tanganxika et qui reprend non
loin de l'an Ire extrémité du lae pour se continuer par le bassin nUotiquc
jusqu'à la Méditerranée. Malgré I» lacune séparant en deuv cette zone
médiane de l'Afrique, les nalionalisles anglais comptent l'utiliser à leur
profit par la construction d'une voie ferrée de sept à huit mille kilo
mètres de longueur qui rejoindriuHe port du Gap a celui d'Alexandrie
et que des embranchements rattacheraient de disUmee en distance aux
marc liés du liltoral sur l'Océan Indien et la mer Bouge. On peut consi-
dérer plus de la moitié de cette couvre comme achevée déjà, puise pie le
chemin de fer du sud traverse te Zamhesse — lu ligne a été ouverte en
septembre^ 1905 —, que celui du nord atteint Khartiim, et que, dans
les espaces intermédiaires, les bateaux à vapeur vont et viennent sur le
Nil et sur les grands lacs. Ïm Grande Bretagne est donc la souveraine
prépondérante de toute lu moitié orientale de l'Afrique, où les autres
puissances n'ont que des colonies d'importance secondaire. Cependant
tout ne se présente pas encore au gré des ambitieux de territoire, car
les monts de l'Ethiopie, où te Nil Bleu prend naissance, se dressent
encore insoumis comme une haute ci ludetle. el. l*Kgyple anglaise reste
incomplète aussi longtemps qu'elle ne possède pus les sources du
fleuve et ne peut en régler le cours pour l'irrigation de ses plaines
!»7° l.'llOMME ET LA TERRE. — INTERNATIONALES
A rota?»! de l'Afrique, les marchands britanniques possèdent aussi
de très riches doitmhies d'exploitation, parmi lesquels les terres popu-
leuses que parcourt le Niger inférieur; muis de ce côté du continent,
eVsl ù tu Fmnee qu'est échue ta plus vnste étendue du sol, Une
grande partie de ce territoire se compose de solitudes désertes, car, ainsi
que le disait un ministre initiais : - le coq gaulois aime ù gratter le
saille ; mais les principales colonies françaises de l'Afrique comprennent
plus de ta moitié des pays mauréluniens, c'est à dire la région qu'on
peut appeler l'Europe africaine. C'est une contrée qui, par sa position
sur le pourtour du bassin de la Méditerranée 1 , en face de l'Espagne, de la
France, do l'Italie, lait géngraphiquement partie de ce « monde latin »,
auquel, bisloriquemeul. elle appartint aussi au temps de la grande
Home, La Tunisie. l'Algérie, dont la population autochtone est celle des
Berbères, très probablement apparentée aux autres aborigènes des bords
de la Méditerranée occidentale, n'ont reçu que depuis une époque relati
veinent récente l'élément ethnique étranger dus Vrahcs, mais, aotuellu
ment, le (lux des immigrants, Italiens, Français, Espagnols, mêlés de
quelques autres Européens, implante sur le sol une nouvelle race qui,
par ses origines, parait bien prédisposée a s'enraciner fortement et qui,
en efl'el, malgré les factieux pronostics du commencement, s'est parlai
temeul acclimatée. L'Europe sVst réellement agrandie par l'annexion de
l'Afrique mineure, connue elle s'est agrandie à l'autre extrémité du con-
tinent unir par le peuplement du (îffp et des colonies voisines.
L'Algérie, quoique s'élemlunt déjà fort loin dans ledéserl, grâce aux
oasis qui le parst'meuf jusqu'au Tonal, se trouve pratiquement séparée des
mitres possessions françaises situées sur les bords du Sénégal, sur le haut
et sur le moyeu Niger, sur les rives du lue Tchad ou Tztulé, sur les
rivages du golfe de (minée, et, à bien plus forte* raison, dan» les espaces
torrides du Uuadaï : des expéditions militaires fort coûteuses et des explo-
rations de luirdis voyageurs s aventurant dans l'inconnu n'ont pu encore
rattacher les «leux extrémités de cet immense empire africain que par un
résinai d'itinéraires aux mailles fort espacées. D'ailleurs, si l'Algérie et la
Tunisie sont des colonies de peuplement ou les Européens cultivent le
sol el fondent des familles, les uulres territoires annexés par la France
au delà du désert ne sont point des colonies proprement dites, el même,
au point de vue utilitaire, sont toujours une cause de dépense pour le
budget national : elles ne peuvent rapporter de profil qu'à des négociants
UQXZ DU CAl» \V CA1BK
*7I
et » des fournisseurs de l'armée. Néanmoins, ta Terre se rapetissant
chaque jour, «race à ta vitesse, à l'ubiquité que les nouveaux moteurs
ft° 466, L'Abyaiinie indépendante*
1: 12 600000
J9WlA»ni«tl«« r«aiidfia««
POMMQSgiOB* 1
(îouiii'iil à l'homme, l'espace désert qui sépare le plateau mauritanien
de la vallée nigérienne se rétrécit eu conséquence et l'ensemble de la
i*" a L HOMME ET LÀ TEBRE. — INTERNATIONALES
Krauee africaine jusqu'au Congo promet de présenter un jour une cor
tuitie unité géographique. On peut «an» folie rêver la construction d'un
chemin do fer qui réunira le golfe de Gabès au detta du Niger par le lue
Tzudé al la création d'une voie f musa frirai ne comme tronçon d'une
limite do transit rapide outre lu France et le Brésil.
Quant à l'Allemagne, également riche en déserts, elle possède au sud-
ouest de l'Afrique de grande» étendues rocheuses qu'un budget généreux
essaie péniblement de fertiliser; mais c'est à Test du continent que se
trouve son domaine le mieux pourvu en population, en ressources actuelles
et en promesses : il borde d'une extrémité à l'autre la mer intérieure
de l'Afrique, le Tnuganyika, et confine au \yanza, plus vaste encore.
\ cette Afrique allemande correspond, de l'autre cAté du Taugauyiku,
l'immense Etat du Congo, dit »• indépendant n parles traités parce qu'il
n'appartient encore à aucune puissance européenne, tnr<i» dont un
souverain d'Europe a fait sou domaine particulier et que subvcii lion neiil
les uiiunecx volées pur sou Parlement. Ce royaume congolais, cent vingt
fois grand cmrimr la Jiolgique, complète In liste des annexions euro
péenues avec l'Erythrée et la Somalie italiennes t »t la petite part de l'Es
pagne en îles 4»! en lisières. Il ne reste donc ù prendre que l'Ethiopie..',
moins que eel empire s'européanise peu a peu, e*est-u-dire se livre ativ
marchands, aux industriels et aux spéculateurs d'Europe. Au nord, la
TripolUuiue a déjà son conquérant présomptif, reconnu par les puis-
sances chrétiennes, i'ftalie; enliu, à l'extrémité nord occidentale, le
Maroc donne lieu chaque année à lu réunion de plénipotentiaires euro
péens et au mouvement des eseadres. Quel eu sera l'heureux possesseur
ou quels eu seront les eopurlageanls avides et jaloux; 1
Si le Maroc n jusqu'à présent échappé à la prise île possession par une
puissance européenne, c'est précisément purée qu'il était convoité depuis
des siècles et que les ambitions rivales se neutralisaient, Le Maroc tient
presqu'a l'Espagne. Coula s'avance vers Gibraltar, Tanger vers Tarifa.
Vussi, lorsque les sept cenlsanuées de guerre entre musulmans cl chrétiens
pour la possession du sol ibérique se furent terminées au profit des der
nient, ceux-ci prirent position pour uller poursuivre leurs ennemis jusque
dans le continent voisin* et celte poussée eut pour résultat la prise de
Ceuta et des autres presidlos, fortins du littoral mauritanien qui, au point
tic vue de la conquête, n'ont pour ainsi dire qu'une valeur symbolique.
Le véritable protecteur du Maroc contre une invasion espagnole fut en
TEtUUTOinES CONTESTÉS DE 1,'aFHIQUK rfS
réalité la Grande Bretagne, qui occupa Tu ttger de 1662 a it>8$et, quelques
années plus tard s'emparent de Gibraltar, planta ainsi une épine dans In
chair mémo de l'Espagne et surveilla te détroit. lïlefmée à vif, la nation
humiliée ne" pou voit guère songer à pousser plus avant ses conquêtes sur
le continent africain. Elle ressuya pourtant tt diverses reprises, mais des
avertissements polis n'élevant en sourdine de di ventes parties de l'Europe
U. Ouvvymr,
mosquée a mm vas
lut aiguillèrent qu'elle devait se contenter des positions acquises. l)e
son côté, la France, regrettant les occasions perdues, veille à la fron-
tière nigérienne* cherche tt infiltrer son protectorat par-dessus les
limites de l'empire, tandis que l'Angleterre et l'Allemagne travaillent
a implanter solidement leur commerce et leur influence dans les
ports du littoral.
Pour excuser d'avance, soit l'annexion (\u Maroc par Fini des Etats
européens, soit le partage de la contrée* ou se plaît a comparer cet
empire ii la Turquie en le qualifiant aussi d f « homme malade » ; mais
celte plaisanterie n'est pas justifiée : aucune population opprimée n'y
réclame l*i n tervention étrangère et, si l'on fait abstraction des commerçât! ts
a;4 l'homme et la terre. — INTERNATIONALES
juifs» U n'y a entre? les tribus ni antmositederace, ni haine de religion;
lo Maroc n*a que faire» de tous ce» médecins qui l'entourent, lui offrant u
I envi des remèdes et des préservatifs. Si tout d'un coup, le» « bachadour -,
ministre ou <• ambassadeurs ■• étrangers qui résident h Tanger, venaient
à disparaître, et si les populations marocaines n'avaient plus à se délier
tic ces diplomates aux ambitions rivales, l'équilibre intérieur de la
nation ne serait en rien changé : les deux cinquièmes du territoire qui
porte sur les cartes le nom de « Maroe » continueraient de payer l'impôt
et de constituer le pays soumis, se laissant administrer par les fonction-
naires de l'empereur, tandis que les enclaves indépendantes dont tes
habitants se refusent aux taxe* et qui représentent les trois cinquièmes
du pays* formeraient autant de petites républiques très vivaecs se
suffisant à ellcs-mcuics, grâce à leur petit commerce et à la liberté de
l'émigration périodique. Ue Bled es Siba, le « J*u\s libre », ne demande
rien à l'Kurope, si ce n'est qu'on ne touche pas à ses droits. Mais quelle
est la grande puissance qui, succédant h l'empereur du Maroc aura le
tact nécessaire pour ne pas froisser ces tribus autonomes?
J>ans le continent d'Asie où se sont assis de puissants empires
depuis des Ages immémoriaux, les nations d'Europe n'ont pu procéder
au partage avec la même désinvolture que dans le continent noir. Mais
chaque possession européenne est devenue un point d'appui pour des
annexions nouvelles d étendue considérable. Ainsi la Hussic a profité de
sa domination sur la Sibérie», qui représente déjà le tiers de la superficie
asiatique, pour étendre son intluence politique et même administrative
sur les territoires voisins, Mandchourie, Mongolie», Dsungarie, Kach-
garie. et, de ce côté, la frontière est devenue flottante, en sorte qu'on se
demande de combien de centaines de mille kilomètres carrés le terri
toire russe s'est réellement agrandi. De leur coté, les Anglais, maîtres de
rinde, se subordonnent de plus en plus tes principautés vassales,
consolidant par de nouvelles annexions leurs « frontières .scienti-
fiques .. de l'ouest sur les liantes terres des lîaloutehes et des Afghans;
au centre, ils s'attaquent au Tibet par delà le formidable Himalaya,
tandis qu a t'est, ils arrondissent leurs domaines il.» la Harmanicct s'em-
parent des riches petits Klals de la péninsule malaise, tinflti. la France,
t. II. de Segoiuac, Société ttt géogr. d'Alger et de l'Afrique du AW, 2' trim.1902.
p. 18,?.
LE MAROC ET LES PUISSANCES
*i m t Ù
ayant campé ses soldat» et factionnaires sur le littoral de la mer de
Chine, étend ses possessions dans l'intérieur aux dépens du royaume de
Siam maintenant réduit à peu de chose.
N° 467. Le Maroc du Sultan et le Bled es Siba,
9*
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W.dtCm «*
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j
i: 7 60OOO0
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100
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600 Kil.
lia RtedeaSibaost recouvert de hachures d'après ta carte de M. Camille Fidel {Bulletin de
la Société à* Ghgnphie d'Oran, 1903). Le Bled et Maghsen comprenait alors le Maroc
maritime, de Télouao a Uni, ainsi que Fes, Marrakech, le TaHlolt et divers districts. En
1907, il se réduirait» d'après M. de Si-gonzac, au triangle Tanger. Fes, Rabat.
A l'occident de l'Asie, l'Anatolie et la Perse présentent un spectacle
analogue à celui du Maroc. Ces contrées doivent aussi à des ambitions
rivales de rester sous le joug de leurs maîtres maJiomélans actuels. Le
a;0
L'HOMME ET LA TERRE. — INTERNATIONALES
Russie, l'Angleterre, l'Allemagne convoitent l'Asie Mineure et laMésopo
lamie : d'où conflits incessants et maintien de la domination turque. La
Perse est comme un vaste échiquier dont les joueurs anglais et russes
\
H* 468. l'aîghanlstan indépendant.
t: 12600000
400
HwoKil.
poussent savamment tes pièces tout en adressant de respectueux hom-
mages uu chah des chahs eu son patins de Téhéran.
La où le régime européen ne s'introduit pas directement, par voie
de conquête, il se glisse indirectement, par voie d'initiation, et c'est
ainsi que, transformant tout son organisme intérieur, le Japon est
devenu pour ainsi dire un fragment de l'Europe, transporté en plein Océan
/
/
/
fï
PAYS A CONQUÉRIR «77
Pacifique, par delà le continent d'Asie. C'est comme puissance euro-
If» 469. Le Slam entre ta Barmanie et l'Annam
1 : 12 600 000
t 2oT
400
800 Kil.
péenne» par des moyens empruntés à l'Europe et même avec une maîtrise
«les plus savantes/que le Japon fut récemment le vainqueur rapide et
'JtyS 1,'ilOMMK ET LA TEKKK. — INTER NATION A I.KS
décisif de ta Chine. PaB une rencontre sur mer ou sur terre qui ne* tournât
brillamment à son avantage, A l'embouchure du Yatou. la flotte
chinoise fut exterminée ; à l'assaut de WeMiaï-weï, la garnison chinoise
dut se rendre. Eu peu de semaines les forces japonaises avaient mis
l'empire ù leur merci, et du coup, elles auraient profondément entamé
le territoire continental, s * l es puissances européennes n'étaient inter-
venues pour que l'équilibre de PKxtrôme Orient ne fut pas brusquement
modifié en leur défaveur.
L'inauguration du vingtième sie.olese lit dans la t ; leur du Milieu par
une intervention de toutes les puissances « civilisées », y compris le
Japon et les Etats-Unis d'Amérique, La véritable raison de celte invasion
collective n'est pas de celles que Pon puisse avouer : les instruments
diplomatiques ne constatent point avec une candeur naïve que des Etats
peuvent avoir comme de simples particuliers l'amour du pillage pour
mobile. Le Japon ayant annexé à son archipel national la grande île de
Formose, ainsi que d'autres HoU, la Russie voulut aussi prendre un
grand morceau de la Chine; la France, l'Allemagne, l'Angleterre tenaient
également a s'emparer de quelque bon lambeau.
Mais non seulement chaque grande puissance aspirait a saisir un
gage matériel de conquête consistant en bonnes terres, en ports, en
marchés de commerce, il lui fallait aussi des privilèges d'industrie cl de
monopole en telle ou telle, province de l'intérieur; les négociants
d'Europe et des Etals l nis jetaient leur dévolu sur les mines connues
ou présumées, sur telle on telle série de stations pour des voies
ferrées à construire. Et, plus avides que les diplomates, plus insa-
tiables que les marchands eux-mêmes, les missionnaires protestants
et catholiques réclamaient de toute part des paiements, des peu
sinus, des excuses a\ec cadeaux expiatoires, et en outre des ven-
geances pour des persécutions et des outrages, vrais ou prétendus tels.
Le concert des réclamations fut entendu parles puissances d'Europe,
mais toutes voulaient intervenir îi la fois, de peur que l'une cm
l'autre d'entre elles ml trop avantagée lors de la distribution des
prises. Ce que l'on appela la <> guerre » parut d'autant, plus horrible
qu'il n'y eut point de résistance : ce ne fat que massacre et pillage;
tous s'y complaisaient d'abord et se félicitaient mutuellement de leurs
crimes, puis, lorsque l'Europe s'en étonna, meurtrier* cl pillards se
lavèrent les mains, accusant leurs alliés : Français, Anglais, Russes,
LES ARMÉES EUROPÉENNES EN GHIHE »79
\H mands, Américains, Japonais, rejetèrent les uns sur le* autre»
M* 470. La Ohtnt et tes Puissance*.
101*30'
111*30*
121*30'
V
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101*30' E. de Gr.
IMW
12I«S0*
i: 20 000 000
lT 200 """'Ijilï '
TîooKil.
Depuis 1895, I*urt 'Arthur fut successivement occupé par le Japon, î par ;la Russie et a
nouveau parle Japon. Forniûse «st restée aux mains des Japonais. La Clrando Uretagne est,
depuis 1841, installée à Hong-Kong, <lout le domaine a été récemment «grandi i la Chine lui
a aussi codé Weï-haMveï. Kiao-tclwu w\ une possession allemande et la baie de Kwung*
Tclieu une possession française» A Chang-hai, toutes le* puissances ont des concessions
territoriales.
I,es„ pointa ronds indiquent les portes ouvertes au commerce étranger,
l'oJTrovahlt' tuerie, tout en «Tlurunnl d'amples indemnités pour l'cutivit*
a8o l'homme et la tkare. — internationales
accomplie. En outre, ils demandèrent des châtiment» pour leurs ad ver-
Bâfres. L'Egliso chrétienne en fit autant, comme pour témoigner avec
éclat de la part qu'elle avait prise dans la guerre d'extermination et de
butin : on vit dans les chapelle» des tètes de décapités exposées a ta
gloire du Dieu vengeur et de bbb missionnaires fidèles V
Quoique les puissances d'Europe unies au Japon s'occupent avec zèle
de mordiller le pourtour de la Chine, l'empire est trop vaste t*l
sa population, recensée en 1901 au chiffre de /i»5 militons d'individus,
représente une part trop considérable de l'humanité policée pour que les
ussaillants n'aient pas rcronnu l'impossibilité de partager immédiate-
ment la Chine : on a renvoyé à plus tard cette œuvre formidable de dé
pècement de l'empire chinois suivant un tracé largement compris dit
« sphères d'influences », ou plutôt on s'en est remis îk tu bonne pmvi
dence qui protège les habiles dans la répartition du butin,
1^8 Etats Unis d'Amérique, rivuux de la Hussic duns la prétention
d'être la première parmi les grandes puissances du monde moderne, ne
prirent qu'une part secondaire dans les affaires de Chine: ils avaient
ailleurs des intérêts plus puissants, bu « doctrine de Monroe" » , qu'ils
opposaient Aprement aux gouvernements européens dans les questions
politiques relatives au Nouveau Monde, aurait du logiquement leur inter
dire toute immixtion dans les débuts se rapportant à des pays ou à des
parages non américains. Mais il n'en fut pas ainsi : la conscience de sa
force accroissait l'ambition de la république américai ne, et le» autres Etats
la virent prendre part au partage des lies Océaniennes, Elle disputa l'or
chipel de Samoa aux Allemands et aux Angluis, pour ganter finalement
l'une dcB îles, et s'emparer de tout le groupe havaïien, plus rapproché de
ses rivages. En réalité, cette dernière acquisition n'était, sous forme
politique, qu'une affaire commerciale: des planteur* américains et du ces
missionnaires religieux que l'on rencontre dans toutes les affaires de cap-
lation avaient graduellement monopolisé et mis eu culture les bonnes
terres de l'archipel pour la production de la canne à sucre. Des
engagés, importés des Avoirs, des lies Océaniennes, de la Chine, du
Japon, remplaçaient sur ces champs tes indigènes voués au dépérissement
et à la mort, et ies récoltes, fort abondantes, purent bientôt, grâce à l'an-
nexion, bénéficier de la libre importation dans les Etats- fuis. C'était.
1, Nw-York Herald, 18 aopt. 1900.
r.UKRMK Il (SPA NO- AMÉRICAINE uHl
en infraction ù tii doctrine traditionnelle, lu couUmtulinn de I ntictaiiiic
politique dus l'SfttivutfUtes.
Puis éclata la guerre hispano •aiuuriuaiiu!, dans laquelle le #uuvoriic-
iitetil espagunl s'était ttitsst** entraîner pur sou obstination folle ù conti-
nuer l'oppression économique el politique du <!uba : un peu de sagesse,
un semblant fie justice, quelques sentimenU d'équité cuisent luit des
Cubains, à bon droit méfiants do leurs voisins, les \ankees, d'ardents
ci. Kttira, Mit.
ON COIN DU PORT DK UX ttAVAHB
patriotes easlHIans. Mais il est rare qui; les maîtres saehettt «e modérer:
ils vont jusqu'aux extrêmes limites de leur pouvoir el leutenl le destin ;
letirenUMement, qu'ils appellent l'honneur, le veut ainsi. L'Kspagae mur-
clia doue couseiemmeut au-devant de sa ruine, en laissant le beau rôle
i\u\ politiciens des Klals-l nis, qui, naturellement, curent lu prétention
d'intervenir au nom de la justieecl de l'humanité. Les ultimes agissements
de la soldatesque espagnole dans la malheureuse Cuba, où, avec quel
ques intermittences, la lutte durait depuis à peu près quuranic ans,
furent véritablement horribles ; jamais les procédés de guerre n'avaient
V
15
aSa L* HOMME KT I.A TKHRR. — INTKRN\tIONAL««
ruusé de plus grands désastres dans la colonie. Le recensement de 1887
ayant indiqué une population insulaire de 1762000 individus, celui
qui, plus de dix années après, suivit ia retraite des garnisons espagnole»*
donna un total moindre de a6y 000 personnes. Les patriotes de l'Ile
purent croire que ces pertes seraient lu rançon de leur liberté et que les
Ktats-Uuis tiendraient leur promesse de respecter lu parfaite autono-
mie des Cubains, libéré* par Les urines de la République américaine,
grande et généreuse. tit eu effet, officiel Irmcnl. depuis igmi, Cuba u
rang de puissance indépendante, possédant sun président de la Répu-
blique, son vice-président et deux Chambres élues, mais ce sont là des
(jetions qui ne trompent personne: h tous les points de vue, cl surtout
économiquement, lu grande Ile fuit jMirlie du domaine de lu haute
finance américaine. Main la guerre présentait d'autres enjeux, la riche
AntiUe, Puerto Rico, et là bas, dans les mers de Chine, le vaste archipel
des Philippines 1
L'extrême disproportion des forées entre les vaisseaux ainérieatus et
tus Hottes espagnoles, au matériel usé, à l'artillerie surannée, donna au\
péripéties do la guerre, aux Philippines et dans les eaux antiilieiines, un
aspect thcAlral bien propre à frapper l'imagination des simples et ù sus
citer l 'enthousiasme enfantin du peuple vainqueur. Le délilé circulaire
des vaisseaux de l'amiral Dewey, passuul successivement devant la Hotte
espagnole, dans la baie de Manilla, el, en moins d'une heure, la trans-
formant en un immense brasier; les navires de l'amiral Ccnara s'éehap
pant l'un après l'autre de l'étroit goulet de Santiago, et allant, sans
combattre, s'échouer d'écueil en écueil tout te long de la côte, ce furent
là des tableaux puissamment tragiques dont s'em punirent immédiatement
les journalistes, les romunciers, les acteurs et les rime-un», exaltant jus-
qu'au délire le patriotisme des politiciens d'Amérique, taiir langage
avait subitement changé et, dans les assemblées, on cessa de célébrer
l'émancipation des peuples sur le mode lyrique pour ne plus s'occuper
que de conquête et de butin : comme les courtisans de Napoléon avant
la campagne de Russie, ceux des u héros » américains ne parlaient plus
quedes » plis frémissants du drapeau » et du « vol de l'aigle aux ailes
déployées ■. Mais, chose plus grave, la République se laissa coin ploiement
infecter par l'exemple de toutes les brutalités antiques,
U est vrai que la conquête violente est inconciliable avec la Consti
tution, mais, cette Constitution, que l'on affecte de continuer à vénérer
OCCUPATION IJES PHtUPPINKS
«83
religieusement, manque de IVîtuKlU'iUS nécessaire pour qu'on puisse y con-
former lu politique n incrimine, ff ni se développe et se modifie avec le
temps, soi! eu bien soi) eu mal. suivant les impulsions du peuple lui-
même. D'ailleurs, lu Cour suprême* qui o»\ le grand interprète de la Con-
stitution, u décidé à plusieurs reprise* que lu volonté du Congres eut
supérieure h cette Constitution. \u début tle ta guerre d'indépendance,
le paiement des laves par les colonies non représentées au parlement
de Westminster leur sembla IL l'injustice pur excellence, et, plus d'un
Cf. I*. tailler,
r.vK Hv.ksH u'ftvtcriox kh iklaniuï (Voir page 284),
Sons la direction dfl la police, l«* fermier «*sl oxptilsé et la maison est rtmduo indubitable.
siècle après, ces mêmes colonies devenues la Hcpublwjttc uord-ame-
rieaiiic. trouvent parfaitement juste d'imposer des droits de diverses
natures auv populations de Puerto -Hieo, sans qu'il soit nécessaire de
les euiisiilter 1 .
Kl malgré Constitution et doctrine \Ionroe\ l'Amérique de Washington
-e croit l'ondée ji garder tes Philippines en possession collective et
procède a roecupalion de ws îles pur des moyens empruntés aux prn-
t. Darlas H. Pingrey, The forum* net. 1900.
V
15*
«8$ J/IIUM.MK KT i..\ TKHKK. — 1NTKHN ATloNAl.KS
tiques do rexlerminalcur hébreux Josiié et du lurlureur Torqueinada.
Dans tes temps modernes, pourtant féconds eu horribles représailles. ;
comme tous les Ages do l'humanité oscillant du bien tut mal, il est peu
d'incidents aussi abominables que l'ordre militaire du généra! Smith, eon-
diiuiitiiiil à mnrl tous les mules de l'Ile Snuiar. àp's do plus de tlk ans !
\insj. au commencement du xin^ticiue siècle, la i*é|»iiliii<|ti(* nord
américaine s'est jointe aux autres grandes puissances dans !;i liiste soit s
ilurilt' 1 de la politique ujfivssm 1 . créatrice do mésintelligences iuter *
nationales, cl s'accoutume à l'idée do jifuerros nouvelles. Kl |hmii*IuiiL
l'ensemble des peuples civilisés est actuellement réparti d'une manière '
assez él 11 >ile sur le «rlnhc rapetissé pour qu'il subisse les mêmes ébranle '
meiits, participe au\ mêmes mnuwmcuts d'opinion cl tende à s'udmi
nistrer d'après des principes communs, Contrairement à cotte tendance,
tuais s'y soumclluul on apparence 1 puisqu'on ne parle plus du « concert
européen » mais du concert mondial, les divers grands Klals, ol)éis-
sttnl à leurs traditious de rivalité cl de lutine, continuent leur au i
cicuuc politique (te conquête et d*unnc\iou. de privilèges et de mo
uopulcs, cherchent même à dresser des murailles de Chine le loujj do
leurs l'roittières et n'abdiquent uullenieul le \ieuv droit d'opprcsMou cl i
de massacre sur leurs sujets. On u vu lu Porte l'aire tuer méthodique i
ment plus de .'iuii oou Vruiéuietis. dont elle redoutait l'intelligence <
liùli\i' et l'esprit trop ulVrauchi: on a \n lu Hussie assister cnm-
plnisaïunionl à ces horreurs, les faciliter menu*, peut être parce (pie ses ■
régiments n'auraient aucune peine ducs un avenir prochain à occuper
une (erre sans habitants suspects d'esprit rcxntulinnmiirc; on voit etiliu
chaque jj;ou\ornein"ul se réserver tic continuer chez. lui. selon les
circonstances, des agissements de toute nature, si blâmés qu'il* soient
par l'opinion du nrmdi' entier. Cependant, au dessus de ces nations et
de ceux qui les régissent, apparaît déjà, cl de plus eu plus uelle. une iuia^e
plus jurande, celle du j»cmv humain se coiislUtuiut eu organisme unitaire.
N'est -n« pas di'jà un l'ail d'importance capitale dans l'histoire (pic
preque lotdes les nations policées de la Terre se soienl associées en
« Union postale l uherselle » pour le transport, à Irnxcrs les eonti »
ncuts et les mers, des lettres et documents écrits, dos imprimés et
papiers d'à IV; lires uussi hicu que des échantillons do commerce, colin
pour le paiement de petites sommes d'argent, cl cela pour un prix
t
SYNDICAT »RH NATIONS
Ï*X5
inliiimo. tléterminé d'avance suivant un Inrir uniforme ? Depuis
lumu'C 1W7Ô. li» service fonctionne d'une manière irréprochable saiis
que les tlivers Htnt»* aient ù s'en occuper autrement que pour fournir
ù l'entreprise uui\ersclle le» matériel nécessaire auv e\pédi lions et pour
toucher I» part des recettes qui leur revient d'après les comptes géné-
raux. Chaque année, quelque nouvelle facilité, quelque réduction tl
taxe est <<ciiiscmiLm" aux intéressés, chaque année ITitio» postale em-
brasse quelque nouveau pays clans sa ligue qui eoiupreiul déjà plus d'un
milliard d'hommes, et le mouvement prodigieux de ses amures s'accroît
e
N° 471, Union postale universelle,
ùmetxts ftomat&ftxtpftiyue
1:325000000
l. - .i. j ma= . ^ i . t ..
W00
I0OM
isowhil,
bu JW7. la Umw, l* AlyMinie, le Maroc* l'Afghanistan, lo Népal, le Bhulau et le MiMaiinL
d Oman ne font pas encore oMdellement partie de l'union postale tinivanteJJe. En Chine, un
service indépendant se rallat'he a l'union universelle et il n'en coûta que 25 centimes pour
expédier une lettre de l'Burope en n'importe quelle grande ville chinoise.
U «rise «erré recouvra lw différentes partie» de J'empire britannique entra Iwqucllvs le
port de* lettres n'est que d« 10 centimes par 15 grammes. Les territoires latot's en Marie
sont ceux ou, par suite du manque d'habitants, le service n'est pas orjïûnisi'-,
dans des proportions imprévues. Pour eelte immense h nie d'araignée
étendant ses (ils en réseau v sur toute la surface terraqnée, on a choisi
comme centre ta ville de lierw, humble «capitale qui ne porte ombrage
tu aux Londres, ni uti\ Paris, ni aux Chicago.
Kt depuis lu réussite de celte belle ceuvre mondiale, beaucoup
d'autres ont été lancées avec le même succès par I*îiii1i»(i\ c* des huit
»8t) l'JIOMMK KT LA TKHRE. INTERNATIONALES
vidu* et tics fzrotipesnuYqiirl» les gouvernements, contraints par la force
«le l'opinion ]>ublic|itts ont du fournir des moyens d'exécution. C'est ainsi
que tas marin* tic loules tas nations échangent les nouvelles pur clou
signaux comprisse tous, C'est ainsi que les contagions, peste ou choléra,
sonl arréléesau lioud uritfine. et que l'étui fin barotuctiWqanUétagraphié
dohsenaloire «n observatoire, oit dresse. «'Inique jour depuis 18&I,
la curie des prenions atmosphériques, base de toute prévision
du temps. Kl ca tic «ont lu ipic d'insi^uiliauls résultats de l'entaille
mondiale eu comparaison de ceux que (mit de philanthropes itltcmlent
de l'a rhil rage! Il est vrai que. pour le moment, ils x*\ prcnnenl fort
umL s'enlendant pour choisir comme arbitres les personnages dont
l'objectif est directement oppose à celui des nations, les maîtres qui
vivent en parasites de la moelle du peuple et dont l'intérêt immédiat
est de le tenir en esclavage. Lorsque la conférence de La Haye se réunit
en iSt|i|. 1rs inspirateurs de ce Congrès inlernulionul avaient cru
témoigner d'une» habileté géniale en faisant lancer les invilnlions par
le hnv, celui do Ions les humilies qui. par le litre et rîlliision des
pamrcs d'esprit, se rapproche le plus de ta majesté divine. On
s'iinayina béalcmenl (pie la paix uuiu'rvelle uviiil grande chance
de se réaliser parmi les peuples puisque l'empereur de Imitas les
Hu^ies se déchirait partisan de la eoneiliution universelle. Mais au
mmneul mémo où le Isar convoquai! tas délégués des puissances a se
réunir sons su grande ombre, il appelait sous les armes de nouvelle»
force* militaires, décrétai! l'accroissement de sa flotte et le re« force-
ment de sou artillerie. Kn même temps, comme pour rassurer les Kutls
conquérants en appétit d'annexions, on se «farda bien d'appeler à la
réunion les représentants des peuples menacés : les envoyés des
république* sud africaines, auxquelles rVnglrlerre faisait abus une
guerre indique, ne lurent point admis ; de plus, pnr « convenance
internationale ■», te représentant de Dieu sur la terre, celui dont
la mission est de prêcher la paix parmi les boni mes, fui oublié de la
lista des invitations. La conférence de La Haye, eu dépit de sou illustre
patronage, ne fut dune qu'une comédie politique, cl puurtnitL il ne
faut pus moins la considérer comme un signe des temps, car, si
l'opinion des liiumiu** qui pensent n'avait conclu à la nécessité de subs-
tituer l'arbitrage à toutes tas violences de la pierre, on ne se serai! pas
mis en peine pour fui donner le change.
i:(»NKfcHKM:K l)K LA HAVK H^7
(jnui qu'il uit suit. t a u|i|utriti«»ti de vt*Ht? nouvelle amphictYonic des
peupîease i mu d Teste de plus en pins, malgré les intérêts prives, eYehisirs,
des divers Etats qui voudraient maîulciur leur isolement julou\ cl qui,
ou dépil tlVux inclues, soûl obligés de se eousltluer un nu syndical
général, hc tln'ïVt i'f s'élargit, puisqu'il embrasse maintenant l'ensemble
des (erres cl des mors, mais les forces qui (''latent en tulle (tans chaque
Klul particulier sou! également celles (|ui se coinhullenl pur toute tu
TtTtv. (vu chaque pa\s, le Capital cherche à maîtriser tes tni\iillUuirs
de même sur te grand marché du monde, le Capital, accru démesurément,
insoucieux de Imites les uiieiciiues frontières, leule de Taire teuvrer à
sou pmlil lit masse des producteurs e( à s'assurer Ions tes eoiisom
uni leurs du globe, sauvages et barbares aussi bien que civilisés.
Déjà l'on a vu des ordres de bourse déterminer l'envoi d'une escadre,
quand le ministère français lit occuper Mils tune pour récupérer une
créance usuruire, el tel le guerre, celle de la Grèce contre la Turquie, en
|H;)7, fat telletueul mélangée de spéeulaliotis sur les fonds olloiuaus
que Ton put se demander jusqu'à quel point les husIHilés étaient
sérieuses el servaient à cacher, sous la comédie des batailles et des
canonnades, le jeu plus passionna ni de la hausse et de la baisse. t'Aident-
ment, fout avait été machiné d'autnee: ou s'ui rangea pour donner ta
victoire au\ gros bataillons de la Turquie et pour assurer à la petite
(ireee la possession, du moins médiatisée, de l'île de Crète, qui clail
l'enjeu de la guerre.
Actuellement, la toute puissance du Capital el sou earaelêre inler
national sunl des phénomènes si bien établis (pu 1 l'on parle (oui simple
ment, comme d'un fail acquis, de ta substitution prochaine des banques
uuk gouvernements pour l;i gérance île l'administration ainsi que des
entreprises de la pni\ cl de la guerre. D'ailleurs, puisqu'elles gèrent
déjà direelemenl — quoique sous nu nom supposé — les milliards
du budget, m* gèrent elles pus aussi indircetemeni loulcs les affaires de
l'Kliil ? Kl, par cela même, les diverses iudividuatilés politiques ne
prennent elles pas un earaelêre de plus tut plus international sous la
direction du syndicat, qui peut avoir intérêt hinliU à exalter, tantôt h
humilier tel ou let pantin de la comédie politique cl qui voit dans les
initions Hiitiuil de chiffres à inscrire, suivant les besoins du moment, à
Icllc ou telle colonne du grand livre) 1 Kl pourtant, si effroyablement
puissants que soient devenus ces groupes do commanditaires qui se dis
■>NK
I. HUMMK KT I.A TERRE. — INTKHXATtON AI.ES
piitcnt les trésors du momie, ils ne sont pns encore Us nudlres; ehuquc
jour voit ilefcs iotillits se produire entre eux cl les multitudes do travail -
leurs qu'il* emploient. C'est que tu roiilruriirlum économique est absolut?
entre le Capital et le Travail. Tattilis que le premier a pour lenduneo
naturelle de réduire en eselu va jre tous renv qui peinent à sou service
le second m» peut que pih'iclilcr. s'avilir, sombrer dans lu busse routine
s'il n'est lilnv, s|Mmlaué. joncux, créaleur de forée personnelle et oViui-
liulhc. l,u eoiieititttion de ces deux coulruires, quudrulurc du eorele que
cherchent <le bonne* Ames, csl impossible, mais, n chaque nouvelle
Itilte. le résultai donne lieu à des transactions temporaires qui, s'il v a
progrès, se rapprochent yruduellemcnl de la justice, eomporlant la libre
piirtieipaliou de tous les hommes au Irtmiil. a ses proituitsel mt v nier
\ ci Iles ipi'il découvre.
Tel esl l'idéal de la société. Ktudious Télal actuel des choses pour
soir si. dans sa marche aujourd'hui si rapide. l'Iiumuiiilé se mcol dans
la direction \oiiluc,
.<***
LIVRE QUATRIÈME
HISTOIRE CONTEMPORAINE
I
Peuplement de la Terre, — Les Villes et les Campagnes
Latins et Germains. — Russes et Asiatiques
L'Angleterre et son cortège
Le Nouveau Monde et l'Océanle, — L'État moderne
La Culture et la Propriété, — L'Industrie et le Commerce
La Religion et la Science. — Éducation.— Progrés
Uvra QMBtmiêrE
JJNf&WONm
U Ji n A à t e * racer "»* frontière politique sur te crête
cls awu&anêe P ° Ur * xbm886r i"*%««ne»t
CHAPITRE I
CONNAISSANCE SCIENTIFIQUE DE U PLANÈTE. — BÊCHONS Pftl nimc
PATR JpT , ? A J E ET A «AINES NATIONALES. — FRONTIÈRES ÛITFS NATl!l»:i i ce
NATIONALITÉS. » GANGLIONS MONDIAUX 1 ~ RACES SWWwffi
i)u moins* les progrès de l'Iiomme <l«ns la connaissance do su
demain. sonl-il» ia«inloBtahlc«. Aux origines do l'histoire, l'horizon
entourant dinquo peuplade lui paraissait la borne dn monde, de tous les
•■AI* file était assise par l'inconnu. Uatntemmi la scient de l«m* pro-
file à chacun. Il n'es! pas un homme d'instruction moyenucqui n'ait la
sensation de vivre sur une boule terrestre dont il pourrait foire I«. tour
sans avoir ù lutter contre des monstres et sans rencontrer de prouves.
Dunmt le dix-neuvième siècle, les traits principaux de lu plamMc
^»dre ira cercles polaires ont été thés «U'dhiilivement; les m videra se
'M)\ l/llOMHB ET LA TERHE. — J*t:t'l'l,K.MK.NT )>K I.A TKHHK
Boni pou à peu dissipés ' les voyugours africain* ont Uni par débrouiller
techeveau des rivières uilotiques, mii^ohti^» et /umbéziques et ont
décotiverl les exutoires rie» grands lacs vers les bassins fluviaux; le
rattachement tin TsangJm a» Bndimaptilra « élé éeluirci à son tour, et
nombre d'autres questions moins importantes «ont élucidées. Bref, îl
est maintenant possible (te présenter tut tableau à peu près eohcrenl de
lu terre limitée aux cinq continents, muis un est encore loin de posséder
des curies à grande échelle de Ions les pu\s habités. L'Kurope. de la
rihlamic au l'orttigal. de l'Hcosse à la Mer Noire, l'Afrique septentrio-
nale. d'Oniri à la Mer Houge, l'Inde, lu plus grande partie des Klitls
I ri i s ont leur dossier constitué par ries carte* lopographiques. cl i I es
tl etat-niujor. où les détails complets du modelé cl des eaux. Us forets,
les rul I lires el les habitations humaines ont été représentés: maisque de
lacunes dans les earles d'autres pays! Les alla* eu eours de publication,
tels ceux de Slieler et de Vivien de Salut Martin, ijui dessinent les pu) s
autres que eeuv d'Kurope à des échelles variant du .*i au Soooooo* de
lu grandeur véritable, nul souvent de la difficulté a remplir les
mailles du réseau de triungulation: ù défaut de renseignements précis,
le cartographe est forcé d'interpréter les documents qu'il possède. Le
projet de Penek de dresser une tlgurution du monde à l'échelle uniforme
du millionième ne pourrait être encore mis a exécution pour le Tibet,
l'Amazonie, le Sahara el la l'npouasio sans de grondes taches blanches,
mais celle eurte se fera, comme se feront aussi plus lard lis relevés
précis constituant les cartes to|K>graphique.s, car il ne se passe pas de
jours que cet inventaire des formes de la superlicie terrestre ne
s'accroisse de noimtiix détails et ne se dessine mee plus de rigueur,
Mais il reste à cou uni Ire les deux calottes polaires, défendues pur les
banquises cl les mura de glaces. Dans la zone boréale, l'espace non
parcouru n'était plus, cm iuo.'l, que de ISjjNoouo kilomMres carrés \
soit environ la lu* 1 ' partie de la superlicie terrestre, une Ibis et demie
la surface de la Méditerranée, el les explorations polaires se succèdent
si rapidement de nos jours qu'on peut s'attendre ebacpie année à une
extension notable des itinéraires dans ta direction ilti pôle.
Dans les parages de la zone polaire australe, c'est à-dire vers l'Antarc-
tide, la surface du vide à conquérir par les explorateurs est beaucoup
t. Olinlo .Nfarinelli, Hivista giogr, JtaL t april 1 903, p. 194.
TKRRITOIRK» f»Kt« CONNUS 'A\fi
plus \ttstt-. i?t moins nettement délimitée : on pou! l'évoluer nrhiplleinetil
N* 472. Etude progressive du globe : Papouasie et Vallée du Danube.
Htf
**Èf , Ê6"L*JSud.
w$* E.de Gr.
!M«*0'
i : 1000000
— — irana-j-ri-fr- s
10 26
esoKil.
I.e ri'lcvê de ces deux rhières de Nouvelle -OiuiU'e (ou l'upouasiej, aboutissant n la
côte sud-occidentale, a été effectué en octobre 1906 pur J. II. Ilundiu* van Herwerdeii.
Les lignes pointiltée& indiquent des directions de sommets lointain». Les rivières «ont nuvi*
cables pour les bateaux calant trois mètres jusqu'aux traits transversaux.
V. «, i Village abandonna; Vill : village occupé on 1906.
à *to millions de kilomètres carrés, ce qui représente une surface équiva*
huit auv deux Hors de celle de l'Afrique.
Il y a la quelque chose d'humiliant pour le génie de l'homme, et la
aijl» l/flOMMK KT LA TKItltK. PKI l'LKMKNT 1>K LA TKRBK
compétition qui s'est produite entre savants, Neiges, Aurais, Français»
■
ticotsai*. Allemands, Vorvâa/iens, en vue de forcer tes banquise*
N 473. Région polaire arctique.
1: 40 000 000
r _.,_ r , ajr ...„ w
" ,r iïooKil.
AKirriUE :
A. Cagui, 25 avril iwu, h;. 86*84'.
C. Peaty, 21 avril t'JOS. lut. 84*17*. '
Antahcjtioeî
A. SeatU 21 décembre ï'JOJ, kl. 82°17\
B'. #r««\ 13 mar-î l'Jfli, lat. JW,
C\ f.W, jimvhtr 1774. lai. 7|»10\
B. A'anwji, 7 avril 18ï»5, Int. 8G«14\
D. 0* /-o/i/T,a4 juin 1H81, lat. 77"42\
B. We'delt, 20 février 1823, lat. 74»I5\
Ct />* GrHudu!, 23 mars 1898, lut. 7I«3G\
D. hclhn$tlwuwni t&v. 1820, lut. G9° unvirutu
Us deux carks n" 473 et n» 474 sont dressées* la même felnllo.
méridionales, prouve que rtiotntm* a ressenli eomme une lilessure
d'amour propre a n'avoir, pour ainsi dire, qu'é#ru lijrné sur quelques
t. Di'puls, K» 21 Avril 190«, il iwt jiArvmiu un plus prix du pôle, ii «;«iï\
KKUNJNB t'ULAIRKS
-*[):
points le pourtour du continent présuma. Il est vrai que Ion voyages de
pénétration faits dans ce ruvuume des neigrc» et drs gliiras où nul nu
N° 474. Région polaire «ntarotlque.
W*
ito»+
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\T.duftoi
{Edouard
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p.*
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T,é'£fKferbyj
rompu* trouver des frères en hunmnia'\ où l'on n'a encore rencontré
jusque muintentuilni mammifère, ni reptile — seulemen Ides pingouins.
ti( J
s
1,'llOM.MK KT I.A TKRRE.
PKL'I'LKHKNT IlE LA TKHHK
des poissons et un insecte —, il est vrai que ces voyages ne sont pua com-
parable* en intérêt d'utilité immédiate u ceux qu'on entreprend en terres
populeuse» et fertiles, mai» il suffit que ces terre» el ces eaux antarctiques
soient inconnue», et qu'elle» soient des plus dangereuse» à tenter, comme
si lu mort en défendait l'entrée, pour (pie l'homme veuille les parcourir,
on connaître la forme, l'aspect el Imites les conditions physiques.
L'homme veut explorer jusqu'à la dernière roche de son dormi i ne ter-
raqué. Kl pourtant,
l'illustre navigateur
Cook, ayant, comme
il arrive souvent aux
grands hommes, vou-
lu fixer des limites
a lu postérité, pré-
tendait que jamais
aucun marin ne voya-
gerait sous des lati-
tudes plus rappro-
chées du pôle cpi'il
ne l'avait fit II lui-
même (177^). Décou-
ragés par cette prophétie, bien rares se firent les voyageurs osunl se
hasarder au delà des premières citadelles flulluutcs détachées des gla-
ciers du sud. Les explorations polaires antarctiques ne iccom menée rent
que dans la troisième décade du dix neuvième siècle, en môme lernps
cpie se produisait une nouvelle poussée vers le Nord; puis, après la
découverte de la Terre de \icloria, de ses hauts volcans et de la grande
falaise de giuce que l'on crut infranchissable, les tentatives cessèrent de
nouveau. Muis la volonté humaine est incompressible. Les voyages
polaires anlaretiques ont repris avec le vingtième siècle. Le premier
hivernage dans les banquises australes se fit a\ec Adrien de (ierlaclie
(été de iHpK), puis les marins de la Étiscuvery osèrent «ravir le volcan
Terror et pousser au sud à travers les neiges sur les plateaux du conti-
nent de glaee ( iuoy-ii)o.T|.
Kl la curiosité des contours extérieurs n'est pas lu seule qui ultime
(habitant de la Terre, il veut aussi pénétrer sous l'écorce, en savoir la
composition, en étudier la vie. L'muvre de réaction qui a poussé
cl. Huudiut van Hewwten.
CXK FÎHOOCB Sl*B I.A NOOKD'KIVIKK, SOIÏVBM.R-CIIMKÉK
RXPL0RATEUR8 \ l'OUVRAOE
»99
l'homme a triompher de l'espace auquel U était primitivement asservi et
h se déplacer ù volonté vers n'importe quel point de ta planète l*a porté
tacitement à maîtriser toutes les conditions du milieu, natif ou de mon
choix, d'abord pour te» connaître, puis* pour le» modifier à «un |rré.
Après avoir reconnu les Ibrmos et mesure les dimensions de sou habitai,
il a fouille" le sol, soruté les assises, jiounuivi les veines de sable, d'argile
Cl Âm d» ttartech*
LA B8UOJ0A MUS* DAffS US ClbAOSS 08 L*ÀNTA&OTIQ178
Photographie prisa au olutr de la luae.
on de charbon, le» filets d'eau ou de métal» comparé le» lorrains entre
eux, découvert leur âge et leur rapport do succession : il est devenu géo-
logue, et ces mômes cartes qu'il a su faire pour indiquer les positions
respectives de tous les traits de la surface terrestre, il les a reprises pour
y indiquer ta superposition des strates ainsi que leur usage dans ses tra-
vaux. Tandis que des travailleurs explorent ainsi la Terre, d'autres par-
, courent les fleuves, les lacs cl les mers : ils en étudient la température,
la salinité, les courants, la houle, tes abîmes, les tourbillons ; ils en si-
gnalent les dangers, découvrent les moyens de les éviter. D'autres
.'too l/HOMMK KT I.A TKHKK. — PKUPMtMfïNT t>K l.\ TKMHK
cvplorcnt les gouffres de Ion, lu» laves t*t 'ti*s cratères, lundis que d'autres
encore sondent l'espace aérien et en étudient les phénomènes jusque
pur delà les confins de l'air respirante, à trots fois ta hauteur des plus
hautes montagnes. Puis l'homme » voulu Hier la géologie à la géogra-
phie par l'histoire, trouver te pourquoi el le comment de chaque trait du
sol, reconstituer l'évolution graduelle de chaque modelé et, ainsi (pic
rétudiuut passe de l'anutomie à la physiologie, il Tant désormais qui; le
géographe considère le globe terrestre comme un être vivant dont les
organe» se modifient incessamment.
ICI que de recherches annexes, de sciences spéciales se rattachent ù
ces ordres primaires d'études dans le grand dotnuiue du genre humain !
Ut n'est pas seulement par milliers, c'est par taillions, pour être juste
envers tous les humbles, que l'on doit compter les collaborateurs de
l'uiuvra immense : la connaissance el l'aménagement de ia planète.
Relativement à la superficie de la terre habitable, le nombre «les
homuicK est encore très minime, puisqu'il ne dépasse» guère un milliard
el demi. On peut, suivant les métaphores des poêles, comparer les géné-
rations humaines aux « sables des grèves » ou an\ << Ilots de' l'Océan d,
mais ce sont là des exagérations singulières : en réalité, si tous les
hommes se trouvaient distribués sar les continents à égale distance les
uns des un 1res, chacun d'eux aurait pour domaine particulier l'espace fie
neuf hectares, soit nuooo mètres carrés : à peine verrait il, à .'Ion mètres
de lui dans toutes les directions, ses voisins les plus m p proches, Si, an
contraire, on voulait réunir tous les hommes dans quelque grande plaine
entourée d'au but amphithéâtre du montagnes, en donnant à chaque
individu un m être carré d'espace, c'est-à-dire beaucoup plus que n'en
ont les foules pressées dans les fêtes ou les réunions politiques, la super-
ficie des terrains occupés par le gonre humain aurait une étendue de
t Ooo kilomètres carrés, soit la 90 nuo* partie de la terre ferme. Ainsi
Londres et su grande banlieue suffiraient pour donner place à tous les
habitants actuels de la Terre ',
Mais les hommes ne se concentrent pas tous en un point, ni ne s'es-
pacent suivant les cases d'un échiquier couvrant la (erre, heur répar-
tition est extrêmement irrégulière, obéissant à des lois aux multiples
I, ttitltcUn d« la Saeivtt NeticHàteloiiù d$ gèographfo, tomu V, 1889-90, p. 122.
RÉPARTITION DES HOMMES
Soi
facteur». Il semblerait que tu première condition eût èié de se procurer
1» nourriture et quu, dans le cours des âge», le»» hommes dussent s'être
tfni duel I ement rapprocha de ia zone tropicale, où, nous dit d« H nmboMt,
N» 475. Londres et le genre humain.
enoaks
& — i_
IS'
l-T-,-
i; 500000
10
£0
30 Kil.
lœ liseré de hachure? limite London Police ÎHttrkU aussi appel* Grtater Londott, dont lu
xujwrftciw est de 1787 kilomètres carrés ut qui renferme 7113561 habitante (1906).
I.« wrole trac* uutmir dt« Ctturitig Cross nomme reiitw a 22800 mdtrw. du rayon H
1 fftnmwOOO de nuMrts carré* du surface.
quelques mètres carrés suffisent à nourrir l'habitant» puis finalement, se
presser dans ces lerriloires d 'éternel printemps, où presqu'aucun tnivnil
n'est nécessaire pour s'assurer l'existence. La vérité est Uiut autre : lais-
sant de côté la question de savoir quelle fut l'origine de la mec humaine,
ou des races humaines, il faut constater quïi aurune époque, les pays
V 16
3oa L'HOMME ET LA TERRE. — PEUPLKMENT DE LA TKRRK
chaud» n'ont été habiles par une population plu» dense que 1rs autres
contrées : actuellement lu fraction de l'hiimunitéqui vit dans ta ceinture
cqtialorialc est bien inférieurtî ù ce que demandera il une répartition uni
forme sur le globe. On peut même dire que» depuis deux mille année»,
it s'est opéré vers le Nord une sorte do mouvement de» groupements
humains parvenu b ù former des nations policées. Si l'homme vit fie rien
dans certaines parties de la zone tropicale, il n'y prospère pas, e! l'exis-
tence purement vég (Hâtive ne le conduit pas h développer son intelli-
gence cl h se rendre maître de la nature trop clémente qui l'environne.
L'homme pullule, au contraire» dans les territoires réclamant de sa part
un travail constant, d'où résulte une évolution graduelle de son Mm.
Sauf quelques exceptions, ces « régions de l'effort » sont toutes situées
dans la zone tempérée septentrionale.
C'est ainsi que, besoin de travail ou mépris du climat, aucune contrée
ne B'est trouvée trop froide pour l'existence de l'homme. Dans la zone
où le sol est durci par de longs mois d'hiver, l'habitant primitif
trouvait à vivre en «'adonnant ù la pêche ou à la chasse; maintenant,
l'humanité a bu s'y procurer des provisions en abondance ; pur le
vêtement, des demeures confortables et le combustible, ni le a créé
un milieu nouveau, transportant en plein nord \v. climat du midi :
n'ayant pas le soleil, elle en a du moins emmagasiné les forces et les
utilise loin des contrées où elles agissent naturellement. On ne s'étonne
plus de trouver de puissantes cités comme Pétcrsbourg a une si grande
distance de l'équateur, sous le tio« degré de latitude, bien près de la ligne
isothermique indiquant le point de glace pour la moyenne de la tempé-
rature annuelle: plus d'un million de personnes se pressent dans cette
ville de fondation a peine séculaire, construite en un sol alternativement
boueux et gelé. Kn Sibérie, nombre de villes situées au nord du zéro
isothermique se peuplent rapidement; des groupes d'habitations per-
manentes se fondent chaque année dans la direction du pôle. Kn 1890,
c'était vers le /jq* degré, sous lu même lutitude que la France, qu'on
aurait trouvé, dans le Canada oriental, les dernières cultures et maisons
dcsbluncs; mais là aussi, comme dans l'ancien monde, le peuplement
se continue vers le cercle polaire. Bien n'empêche que la baie de lludson
reçoive un collier de villes sur tout son pourtour et que des postes
commerciaux, des sa na te» ires, des usines et des établissement» scienti-
fiques se fondent dans l'archipel de l'Aret'idc. I,c* SpiUberga déjà ses
ÉMltilUTlON HATiONNKLI,E M
hôtels, ses uppontemcuU, ses commencements de roules; il aura peut-
être un jour ses ttahylone et ses Alex a ml ne.
La terre étant désormais ouverte à tous — du moins en principe, car
l'homme m s'appartient pas encore —, il cal lolsibleà chuqueindividu, u
unique groupe d'ami», de se laisser aller spontanément à la force d'appel
que telle ou telle pnrlie de la lerre eveiee sur eux. Hien ne serait plus
fucile, semblc-t-it, que de réaliser le vœu formule* par Hiehard Wagner
d'organiser une < émigration rationnelle du genre humain vers les
pays du Midi; mais 11 n'est pas dit que de la mobilité acquise mainte-
nant par l'homme résulte le mouvement dont parle l'artiste. Les indi-
vidus en bonne santé se font un idéal conforme au climat qui les a
moulés; combien de fois a-l-on pu voir un Ecossais suffoquer de cua
leur à coté d'un méridional à peine dégelé ! Tout ce qu'on peut prévoir,
c'est qu'un avenir prochain saura utiliser les climats divers du globe
pour parer aux défectuosités de l'organisme de chacun : l'enfant pourra
être élevé à l'air vivifiant du Nord, le rhumatisant saura trouver un
climat -sec, le nerveux aura toute facilité pour atteindre les altitudes
élevées, le vieillard se réchauffera aux pays du soleil,
Quoiqu'il en soit du désir de chaque homme isolé ou de tout grou-
pement humain de changer d'habitat, le peuplement de la terre est re
tenu dans son évolution par une série de phénomènes que la routine
et la force d'antiques survivances influencent largement. La planète
est découpée politiquement par un lacis de frontières qui divisent
les diverses parties de la terre» déclarées propriété impériale» royale
ou nationale. C'est toute une révolution de la pensée qu'il est néces-
saire d'acromplir pour modifier a cet égard les conventions tradi-
tionnelles. D'ailleurs il est d'autant plus facile de déraisonner, de se
tromper et de tromper les autres en pareille matière que l'on imagine
sous un inémi» mot des choses très différentes cl que, même, ou les
emploie dans la conversation courante ou des sens très opposés, d'amour
et de haine, de tendresse et de férocité. Tel est te mol de « patrie » qui
signifie le lieu 011 l'on s'éveilla d'abord à la vie dans les liras de son père,
et que Ion eom prend aussi comme le territoire fermé autour duquel il
n'existe d'autres hommes que des ennemis.
il est certain que, prise dans sa première acception, l'amour de la
« patrie est légitime et normal. On aime naturellement le plus ce que
V 16*
I
3o£ L*HOMME KT LA TERRE. — PEUPLEMENT DE LA TERRE
fort connaît le mieux. Itien de plus conforme à révolution humaine. La ;
communion d'amour créée par te travail fait chérir le sillon d'où l'on a j
tiré sa nourriture, où Ton a peiné, où l'on a souffert, oft Ton a aussi
trouvé, après les fatigues et les ennuis, la consolation et le repos. Cette
terre, qui vous a donné naissance et vous a nourri, est également celle
où se sont formées toutes los associations de la vie, où, après avoir sucé
te lait do sa mère, on vil et on connut tous ses semblables, où Ton aima
et où se fonda la famille, où, tous les instants, on savoura la caresse du
langage que Ton comprend et du chant qui vous a fuit rire ou pleurer. (1
Voilà de pures et nobles sources dérivant uniquement des conditions ; ,
normales de la vie. D'ailleurs on ne saurait s'étonner que choque groupe u
humain, se croyant, sinon seul au monde du moins seul intéressant, M
seul ù mériter le bonheur, donne une valeur exceptionnelle au coin de
terre habité par lui, les autres régions lui semblant inférieures parce
qu'elles ne lui appartiennent pas. En outre les contrées les plus popu-
leuses, les « patries » les plus « illustres »se distinguant parmi toutes les
autres par des avantages matériels évidents, leurs hubitunts sont natu-
rellement portés à s'en faire un mérite collectif, comme si le sol du
domaine national, plus noble que celui des autres pays, était une
récompense spéciale due a ses résidants par le Destin.
Cette illusion de propriétaire explique dans une certaine mesure
ta prétention qu'a le pulriole d'aimer son pays d'un amour excessif,
mais à cette cause il s'en joint aussi d'exécrables. Si l'on rencontre
dans chaque nation des individu» qui travaillent a se débarrasser de tout
préjugé, de toute impulsion irraisonnée, de toute idée purement tradi-
tionnelle, la nation elle-même eu est encore dans son ensemble h la
morale primitive de La force. Elle se piuU ù ravir, à tuer, a chanter
victoire sur les cadavres étendus, tille se glorifie de tout le mal que ses
ancêtres ont fuit à d'autres peuples; elle s'enthousiasme, s'affole à
célébrer en vers, eu prose, en représentations triomphales toutes les
abominations que les siens ont commises en pays étranger: elle invite
même solennellement sou Dieu u prendre part à l'ivresse populaire.
Elle ne se borne point à vanter les anciennes tueries, elle se plaît ù en
préparer de nouvelles, non seulement contre les pays voisins mais,
chose plus incompréhensible encore, contre des terres éloignées dont
les habitants n'ont pas même entendu parler de leurs envahisseurs.
A l'amour du sol et du parler natal que l'on vante toujours benot-
PATRIOTISME LÉGITIME ET PATMOTISMK A.V10E
3o5
tentent comme la source du patriotisme, se mêlent donc l'avidité du
pillage et ta haine de l'étranger pour faire éclore cette fleur hybride que
l'on célèbre volontiers comme la plus belle 1 Pourtant les progrès moraux
et intellectuels réalisés pendant le cours des générations ont dessillé
bien des yeux ; plusieurs même commencent à comprendre combien
cet égoïsme « ethnocentrique » est absurde chez les autres, mais ils ne
veulent pas admettre qu'il soit aussi niais cbe?. eux-mêmes. Qui que nous
fvi t.{i»-»*t
17KB MAISON SUR hk 7B0NTIÀ&S A JtAl&UIH (SOBDJ
D'après une photographie de M. UprSlre.
soyons, nous vouions tous être le « peuple du Milieu », comme les
Chinois. Si la « grande nation » française a répélé par les mille voix
doses journuux qu'elle « marche h la têïe de la civilisation ■■, Hegel, que
les Allemands ont bien voulu croire sur parole, afllrme que son peuple
est ■< riucorporalion de l'esprit objectif «« ce qui se peut traduira par
celte phrase plus simple, que» les Allemands sont les seul» a comprendre
la vérité » \
N'csI-cc pas au même genre de manie qu'il faut attribuer l'insis-
tance de mauvais goût avec laquelle les savants de divers pays af-
fectent de parler de leurs Ira vaux comme appartenant ù la science
« allemande », ù la science « française », sans comprendre que pareille
i. Ludwig Oumplowicz, Sociale Sinne&iauschungcn, Noue Deutsche Rundschau,
1896,
3o6 l/lIOHMK ET LA TERJtE. — PEUPLEMENT DE LA TERHK
Yanltô égale eu ridicule celle qu'on aurait a se targuer de la science
» bourguignonne », « vaudoîsc » ou du Saliskummergut.
Quel contraste avec le langage du nos ancêtres de 17&J! Keoutez
Gondorcel parlant de l'établissement du système métrique: « L'Académie
a cherché it exclure toute condition arbitraire, tout ce qui pouvait faire
soupçonner l'influence d'un intérêt particulier h ta France ou d'une
prétention nationale; elle a voulu en un mol que, si tes principes et les
détail» de colle opération pouvaient passer seuls ù lu postérité, il fût
impossible de deviner par quelle nation elle a été ordonnée et exécutée».
Et le décret delà Constituante en 17*)'* reproduisait l'idée dans des termes
semblables. A la même époque l'étendard du comte de Warwiok, pris
pendant la guerre de Cent ans, en i.V-*7* fut brûlé pur la garde nationale
de Montnrgis en respect de la fraternité des peuples.
Le ïomï du débat sur l'idée de patrie et sur les problèmes politiques
en général est de savoir s'il existe une morale collective différente de la
morale individuelle; si la grossièreté refusée à l'homme isolé est bien-
séante dans les groupes policés. La psychologie des foules est sans
cloulo une science nouvelle, mais elle n'a jamais tenté de présenter
comme louante ce que chaque jour on condamne dans l'individu, A
défaut de quoi, rien qu'à vouloir se conformera la u morale chrétienne »,
on est bien forcé d'admettre la vérité de la remarque de Tolstoï :u S'il est
honteux pour 1111 jeune homme de manifester grossièrement son
égoïsme, soit eu ne laissant rien & manger aux autres, soit en bousculant
les faibles qui lui barrent le chemin, soit en se servant de sa force
pour les priver du nécessaire, il est tout aussi honteux de désirer ce
qu'on appelle l'agrandissement île sa patrie, et, puisqu'on trouve sol
et ridicule de faire son propre éloge, on devrait juger aussi solde faire
l'éloge de son pays... » '. L'égoïame collectif est plus funeste encore c pie
iY'tfuïsine individuel, parce qu'il se multiplie à l'infini ; si chaque
personne humaine a droit a notre sympathie et à notre dévouement,
à plus forte raison chaque groupe d'hommes, chaque peuplade,
chaque nation. A s Vu tenir simplement à la morale telle qu'elle se pra
tique uctuellemt'nt entre gens qui se respectent, les haines patriotiques
n'ont pins aucun sens.
Les patries, telles que chaque homme d'tëlat a pour « devoir n de les
1. la lleiwe manche, i« mai 1896, traduction Alf. Athys.
KH0ST1ÈRKB NATUHKU.E8 3o;
exulter au-dessus des autres nations, ne donnent lieu qu'a des raison-
No 476, Voies ferrées entre Calais et Milan.
{Voir page 3iQ).
"W
2* E . de Gr.
t: 5000000
lîïïfc r-J -i li.ifcàt-r >, I
IQO
200
300 Kil.
Travaux en cours i Tunnel du LcUcnberg. do Spie* à Brigue.
Travaux en projet, soulevant ton» «te forte» objection? : Joux 4 Vailorbes en amélioration
do In ligne do Ponturlierj Uon». le- Sa u In 1er à Genève par Sa in t-Cta iule-, Saint- Amour a Belle,
garde t Cliumaunix n Aosle, sous-frant-hksanl le mont Blanc; Albertville à Aoste par le petit
Saini. Bernard ; Ken» a. 8a in t- Florentin j Uharre (D) à Are-Senans (A).
ncmcnls faux et ù d*;» complications funestes. Kl tout d'abord, ce que les
3o8 L'HOMME ET LA TEHRK, — PEUPLEMENT DE LA TERRE
diplomates rabâchent à propos de « frontières naturelles », qui sépare-
raient les Etats en vertu d'une sorte de prédestination géographique, est
dépourvu de raison. 11 n'y a point de frontière» naturel les dans le sens
que leur donnent les patriotes, Le cas des Iles, telle la Grande Bretagne,
mis à part, toutes les bornes plantées entre Jes nations sont des œuvres
de l'homme, et rien n'empêcherait qu'elles fussent déplacées ou sim-
plement réduites en sable ou en mortier, Sans doute, il y a des de-
grés dans l'absurde , et telle frontière, comme cette ligne brisée que
des plénipotentiaires ont tracée, après discussions, protocoles et recti-
fications, entre la France et la Belgique, sur une longueur de près de
3oo kilomètres à vol d'oiseau, est une fantuisie risible pour le contre-
bandier, quoique fort gênante pour le voyageur paisible; mais les lignes
de partage politique menées sur les sommets alpins et sur les crêtes
des Pyrénées ne sont pas moins arbitraires et ne respectent pas davan-
tage tes affinités naturelles. Sans doute lu limite franco-belge sépare
la Flundre de la Flandre, le Humant du Hainaut et TArdeune do l'Ar-
detiue; mats la ligne de démarcation marquée de pierre en pierre
sur les grandes Alpes ne coupe-t-cllc pas en deux des territoires dont
les habitants parlent la même langue et pratiquent les mêmes mœurs,
faisaient partie jadis de la même confédération? NVt-ellc pas violem-
ment rejeté, d'un coté vers l'Italie, de l'autre vers la France, les
« escnrts » du Hriuncomiais, unis autrefois en République? Kt, dans les
Pyrénées, la frontière ne désunit-elle pas Masques et Basques, Aragonais
et Aragonais, Catalans et Catalans? De part et d'autre, c'est bien malgré
eux que bergers et bâcherons respectent cette ligne fictive qui leur
vaut, de la pari des Etuts souverains, menaces, amendes et prison.
Somme toute, le fleuve est encore la frontière la moins néfaste de
toutes, parce qiw l'attraction exercée naturellement par les sots fertiles
de la vallée et le commerce qui y circule combat lu tendance de la
frontière à dépeupler ses abords, tandis que, dans la montagne, cette
dernière action s 'ajoute h celle de lu haute altitude dont l'efiet normal
est de raréfier la population. Aussi ne faut-il pas s'étonner que, sur les
quelques dizaines de mille kilomètres que comportent les limites des
Etats européens, le fil de l'eau n'entre que pour un millier de kilomètres
tout au plus, dont le plus long morceau est. représenté par le courant
Drina-Suve-Danube, de Bajina-Bachtû (Serbie) a Silislria (Dobrudja).
Très logiques, diverses puissances qui s'étaient partagé le sol, dans
MARCHES INTERDITES
l'antiquité et au moyen âge, stipulaient que la frontière marquée par
des murs» des palissades ou par un fossé de travail humain serait
rendue à ta nature sauvage» interdite aux hommes. C'était, en effet,
le moyen le plus sûr d'empêcher le malheureux dépossédé de revenir
a la place du foyer dévasté et do recreuser le sillon dans le sens accou-
tumé. C'est ainsi que procédèrent l'Empereur de Chine et celui de
Corée entre leurs domaines, et c'est ainsi qu'en agissaient les barons
Cl. S. Kubn, édlt.
t'NK Vt*K DE BR1AKÇOX, CASBSSKS BT FORTIIPÏCATIOS8.
féodaux pour l'établissement de leurs « marches *\ de partage. Mais les
conventions s'oublient, In surveillance se relâche, tandis que l'amour
de ia terre dure chez ie paysun, et, quand les années, les lustres, les
siècles sont passés t ta marche interdite est habitée de nouveau. De nos
jours, les Etat» en agissent autrement, et môme avec des résuilats plus
funestes, car, des deux ctilés, la ligne de frontière exerce comme une
sorte d'hypnotisme sur les soldats, les gendarmes, les douaniers
chargés du soin d'en garder les bornes et les poteaux. Partout où l'on
a toléré l'existence d'un sentier, permis la construction d'une route ou*
cas plus important encore, d'un canal ou d'une voie ferrée, chaque
passant est suivi d'un regard inquisiteur; s'il paraît suspect, on i'intor-
3lO L'HOMME ET h\ TERRE. — PEUPLEMENT Ï>K LA TKRKE
rage, on le fouille* ou l'emprisonne, il appartient comme une chose
uu cordent i\v la patrouille. Des casernes s'élèvent de choque coté te
long des route» quelque peu fréquentées, et des fortifications barrent
tous le» passages considérés comme ayant mie valeur stratégique.
Que l'on prenne pour exempte de séparation politique une frontière
dite naturelle, comme celle «les Ylpes entre ta France et l'Italie, et
l'on reconnaîtra que l'escarpement «les pentes, la hauteur du» cols,
l'abondance des neiges, la fatigue des escalades huiiI peti de chose
en fait de limites, en comparaison des cordons do di nia nés cl tic postes
militaires, Autrefois le« montagnards eommuniquaienl librement de
versant à versant pendant une grande moitié de l'année; n'ayant aucune
raison de se haïr, ils s'en liquidaient de montagne ù montagne et, suivant
les saisons, menaient leurs troupeaux sur les alpages tes plus favorisés.
Telle commune, dont les frontières n'étaient point indiquées par des
bornes, s'était établie sur le dos d'une crête afin d'avoir des champs
sur une pente answi bien (pie des prairies et des bois sur la pente
opposée; une république môme ne s'étendait elle pas des basses vallées
françaises aux basses vallées italienne», et, parmi des roules, n'avait-elle
pas un tunnel, la ■ Tra verset te »■ dn Viso, qui, des centaines
d'années avant le siècle des ingénieurs, évitait déjà aux montagnards
la trop pénible escalade de la crcle? Maintenant <« l'ordre règne » sur
ees hauteurs et des autorités julouscs reillent à ce «pic les voisins ne
*c visitent point mutuellement sans paperasses ou sans interrogatoires.
On ne trace plus de sentier dans le» Alpes sans en référer à Itome et
à Paris. Depuis quarante ans. il existe cinq routes carrossables par-
dessus les cols tic lu frontière franco italienne, celles du Pelit-Saint-
Bernnrd, du mont (louis, du moul (ienèvre, du col de Larche et du
col de Tende, et, pendant cet Age de progrès ù outrance, on s'est bien
gardé de tracer »n nouveau chemin. De même, on se contente de la
voie ferrée qui passe sous les montagnes de lu Mauriennc, entre Mouimc
et Uni don née lie. vide qui ne serait peut- cire pas encore construite
si, à l'époque oîi elle fut cnlamée, les deux versants n'avaient appar-
tenu au même souverain, à la fois maître du Piémont et de ta Savoie.
Kl que de tracas cause, aux autorités françaises l'ouverture du tunnel
du Simploii! Admettant même que les > questions patriotiques u en-
trent pour rien dans le choix d'une nouvelle voie entre Paris cl Milan,
entre l'Angleterre et l'Italie, pourrait-on eu dire autant de la ligne
FUONTlfenE DKS ALPB8
3u
Mnrseille Mtlnn;' Il serait pouiUmt, semble-Ml. twlispeni*&bfc de réunir
ce» doux grandes elles européenne* par le court embranchement —
N« 477. Votes ferrées de Marseille à Milan.
a» M'
«•«o* E . dé~^r t
vr
i : 3000000
*
w
W
IfoKiL
vingt kilomètres u vol d'oiseau entre Brîançon et Bnrdouttechc — qui
passerait sous le col des Kchcllcs de Planpincl en un souterrain d'un
3t3 L'HOMME ET Là TERBfi. — PEUPLEMENT DE LA TEHRE
peu plus de 3 kilomètres. Aussi longtemps que cette ligne majeure de
communication ne sera pas terminée, le commerce de Marseille sera
grièvement lésé par le gouvernement même qui a charge de le pro-
téger, mais te génie militaire n'admet pas qu'on vienne forer des tunnels
dans sa frontière. Depuis un demi-siècle, on se dispute à propos d'une
autre voie ferrée, considérée comme absolument urgente, celle qui join-
drait Nice et Turin par le col de Tende, La construction en est décidée»
votée, approuvée, mais il ne suffît pas d'établir le devis d'un chemin,
d'en faire et d'en vérifier le tracé* il faut aussi construire des forts
qui le bombarderont et loger les poudres qui te feront sauter. Finale-
ment, les Italiens posent la voie, en contournant lu frontière français,
Les fortifications» telle est en effet la grosse question relativement aux
frontières. Qu'on en juge pur Briançon, l'ancien lieu de marché où se
rendaient les pacifiques montagnards d'en deçà et d'au delà pour dis-
cuter leurs affaires et renouer leur amitié. Maintenant, c'est un ensemble
de remparts, de bastions, de casernes, de ponts fortifiés, de batteries
percées dans le roc, cl chaque montagne environnante, escaladée par
une succession de forts, porte à son sommet une autre citadelle* Les
redoutes s'élèvent jusqu'au-dessus de la zone des avalanches, et les chas-
seurs alpins qui tiennent garnison dans ces murs toujours exhaussés de
neiges ne peuvent les aborder sans creuser des tranchées et des tun-
nels. Le plus haut sommet de tout le massif, le Gliubcrlon, qui n'a pas
moins de 3 i38 mètres, soit 1H00 mètres de plus que lîriançon, perdue
comme au fond d'un gouffre, est aussi couronné pur un fort, ouvrage
italien qui commande tous les travaux de défense des pitons français:
tes deux nations se combattent à coups de millions, tout en échangeant
des politesses diplomatiques. La route du mont Genèvre est coupée en
plusieurs endroits et suspendue au-dessus de formidables précipices que
franchissent des ponts levïs. Des dépenses fuites de part et d'autre en
constructions, en manœuvres, en approvisionnements nécessitent un
budget annuel qui, après un siècle, représenterait la rançon d'un
royaume. Il est facile de comprendre pourquoi les nations limitrophes
reculent devant la tâche de créer des communications nouvelles. Une
roule est coûteuse sans doute, mais les forts qui la barrent le sont bien
davantage encore!
On comprend aussi pourquoi, sous un pareil régime, la zone des
frontières se dépeuple. Déjà les habitants de ta haute montagne avaient
FRONTIÈRE J)E8 PYRÉNÉES
3l3
tendance à émigrer en des contrées moins froides* plus riches en indus-
tries et en ressources; mais ce mouvement spontané s'accélère par l'effet
de lu domination militaire. Les grands chah, maîtres de leurs garnisons
et n'ayant en face d*eux qu'une faible population civile, en tiennent
d 'autant moins compte que les fonctionnaires de toute nature, plus nom-
N 4 478. Votes ferrées de la Gironde à l'Ebre.
(Voir page SU)
Barcelone
i: 5 000 000
*
W
W
"âoKil.
Us voie» dont lot construction est, parait -il, décidée «ont celles d'Olornn à Jaca par le
Sotnport* (altitude 1 632 maires) % do Rt-Oiroiia h Urida, passant on tunnel h 1 300 mdtros
d'altitude nous le coi do Salau ; d* Ax & Puycerda par le col de Puymorens (1 931 mètres), et do
Pttycorda a Ripoll par le col de Tosa (180O mètres). I<e Pourlalet est & quelques kilomètres à
l'est du Somport.
breux en proportion sur lu frontière que dans toute autre partie du
territoire, sont absolument à leur dévotion. Sous prétexte de défense
nationale et des intérêts majeurs de In pairie, toute volonté individuelle
reste supprimée. N'ayant qu'à obéir, les citoyens préfèrent s'éloigner, ne
laissant autour des casernes et des forts que les fournisseurs et parasites
de ces sortes de lieux. lin réalité, on peut dire que lo fait de tracer une
,'tl'l I.'HOUMK KT LA TKRHK. — PEUPLEMENT UK LA. TERRE
frontière politique sur In crête de» Mpes a sufli pour exhausser pratique-
ment ces montagnes et tes rendre inaccessibles à leurs ancien» hululants.
Les Pyrénées nous montrent te môme phénomène économique, d'une
manière plus saisissante encore. Il n'existe pas une seule grande route
qui franchisse celte chaîne à plus (te jiooo mètres en hauteur: entre le
col de Puymorens (iu.'îi mètre») n l'est, elle Pourtulct (l'tl")» l'ouest,
sur un espace rectiligne de iuo kilomètres, il n'y .1 pas un seul chemin
carrossable entre lu vallée de la (îuronuc et lu vallée de l'Hure. Aucun
chemin de fer ne traverse les Pyrénées, car la ligne de Perpignan à
Barcelone s'accroche aux promontoires extrêmes de lu chaîne uu dessus
du littoral marin, tandis que la voie de Buvouitc ft Madrid contourne
absolument les monts, du côté de Pouest, pour décrira une grande
courbe à travers le pays Basque. Le réseau des chemins de fer présente
donc une lacune de V*<> kilomètres entre deux de ses lignes parallèles,
et pourtant, dans l'énorme espace intermédiaire, le tracé du chemin de
fer qui réunirait les deux grandes villes cl centres tic commerce, Tou-
louse cl Saragosse, se trouve tout indiqué. Des projets et devis ont été
naturellement présentés par dizaines et discutes par toutes les assem
blées délibérantes : les caries déjà dressées eu vue de celle ligne indis
pensable rempliraient des bibliothèques, mais les frénésie» de la poli-
tique électorale empêchent Toulousains et Aragonais de penser à leurs
intérêts : il suffit aux candidats de planter des jalons de temps en temps
et de faire promener des ingénieurs sur la ligne future pour que tout le
monde suit satisfait. Puis, après boire, ou trouve te moyen de placer
encore le vieux mot : Il n'y a plus de Pyrénées î » alors qu'elles se
huiissent, pour ainsi dire, entre les haies de soldais, de gendarmes, de
miqueh-ts et de carabiniers. De même que dans les Alpes, la populuiion
diminue, plus que décimée par Pémigralion, malgré l'attraction qu'exer-
cent en été le» villes deguenson cl de plaisir. La frontière ne représente
auprès des gouvernements respeelifs que des raisons de méfiance, de
surveillance, et les résidants sont considérés comme autant de gêneurs,
troublant les opérations de douane et de stratégie. Ce que les habitants
primitifs ont de mieux à faire est de s en aller, La borne de jalousie et
d'inimitié, telle est la seule raison pour laquelle, pendant un demi-siècle*
on n*a construit qu'une route de voilures et pas un chemin de fer à
travers les Pyrénées. Douxe amorces ont été poussées dans les vallées, en
attendant le jour oii (alliance plus intime des peuples permettra de
ÏUCTKS Ji\\MITIÉ LOCAL" X
■J v
forer les montagnes sans garnir du fort Uku lions les approches «les
soûler ruina.
Kvidomment, les vrais intérêts locaux ne peuvent être compris par des
administrations lointaines vivant encie grandes cités où rien ne rappelle
les pAtuniges, les forets, les sites de la iiioiHu^ik*. \ulrcfuis, toutes les
Cl. J. Kuhit, tfillt.
LA FALAISE DB SHAKESPEARE, A DEUX KILOMÈTRES A t'OUKST DE DOUVRES
communes des deux versants, le long des Pyrénées, de même que sur
les plateaux de la péninsule espagnole, étaient liées par des/w/Vmv, mot
ijue l'on écrivait aussi /*«jmVw, comme s'il élail dérivé de paix, cl ces
contrais stipulaient, pour une période variable île dix, neuf, sept ou cinq
ans, des pactes d'amilié, valables mémo en temps de pierre : « Les habi-
tants des montagnes et vallées françaises et espagnols pourront com-
mercer, communiquer avec leurs voisins et faire l'échange de leurs
marchandises comme en temps de paix. Kt les bestiaux desdits pays
pourront pâturer dans toutes les parties de ia montagne comme en
temps de puix , Telles étaient les conventions expresses des faciercs,
signées par les délégués des commune* au nom de leur » souveraineté
3i0 l'homme et la terre. — PEUPLEMENT de la terre
légitime » et toujours en plein air, «sous le ciel libre, à côté de ta borne
frontière. Même dans les traités européens, même lors du traité d'Utrcchl
en 1713, ces contrats étaient tenus comme valables: on continua d'en
conclure d'analogue* jusqu'après la Révolution française; à la fin du dix-
neuvième siècle (1887), on en célébrait encore près de Saint-Jesn-de-Luz,
mais le bciis s'en était perdu, et les gendarmes, tes douaniers, les
employés du gouvernement affectaient de les ignorer \ Àrdouin-
Dumazet* cite des survirunces anulogues sous le nom de droit de
« compaseuîté », c'est-à-dire de pAturage en commun ; les vingt et une
communes du pays de Cize font paître leur bétail dans la vallée espa-
gnole d'Aczcoa; de môme, te pays français de Jiarélous a droit de pâtu-
rage sur la vallée de Koncal, moyennant un hommage annuel compor-
tant la remise de trois génisses de deux ans, sans défunts.
L'humeur ombrageuse que mettent h*s patriotes à surveiller leurs
frontières déterre se porte mémo sur les frontières marines, au milieu
des flots changeants. Ainsi le Pas de Calai» semble former une barrière
suffisante pour qu'on n'ait pas à en garder les abords : c'est un fossé de
citadelle suffisamment large aux yeux de la garnison de Douvres,
bastion extrême de l'Angleterre, Lors du grand élan industriel qui,
vers le milieu du \i\° siècle, porta les ingénieurs à l'entreprise tics voies
majeures de communication, il semblait indispensable d'établir une
voie continue entre les deux principales cités du monde, Londres et
Paris. Le détroit n'a que 3i kilomètres de rive à rive, cl le creux le plus
profond où viennent se rencontrer les grands courants de marée, qui
se propagent a rencontre les uns des autres, de la mer du Nord et de
la Manche, n'a que 54 mètres : le tout n'est qu'une simple éraflure
d'abrasion superficielle. Aussi les faiseurs de projets — ponts, viaducs,
conduits tabulaires, tunnels — se présenterai tt-ils en grand nombre;
mais, aussi longtemps que l'entreprise parut chimérique, les gouver-
nements respectifs s'y intéressèrent peu. Lorsqu'enfin, en 1868, un
inventeur, Thomé de (.lamoud, força l'opinion publique, après trente
années de sondage et de recherches, à comprendre le sérieux de ses
plans, lorsque des travaux préliminaires sur les rôles de France et
d'Angleterre eurent démontré que l'œuvre était parfaitement prati-
cable, alors les autorités militaires britanniques, saisies d'une soudaine
1. Wentworth Webstur. Société Ramona* 1892. — 2. Voyage en France, 41* série,
pp. 88, 131, 157.
PAS DE CALAIS Si?
frayeur, interdiront absolument la continuation dit travail : la pensée
que des régiments d'envahisseurs pourraient un jour émerger de par-
dessous la mer leur apparut comme une effroyable vision. Sans doute,
cette crainte est puéVite, mais elle est basée sur les avantagea incat»
N*47& Voyageurs traversant la Manche et la frontière franco-belge.
vovAoetrm
1800000-
1600 000*.
1400000
de Belgique
vtf» la France.
de Frêne»
t 2OOOO0
ver» 1* Belgique.
1000000.
eooooo_
600000-
400000,
de France
vers l'Angleterre,
total: 300000*
td. par ta
Comp'-» du Nord
•?r
En réalité, le contraste est moindre que celui qui ressort des chiffres ci.dessus, fournis
par les compagnies de l'Ouest et «lu Nord. Par tes ports breton*, par Saint-Malo et GranvilJu,
avec escale aux Iles Normande*, par Ounkerque vers les ports anglais et écossais de la mer
du Nord* il se produit an certain mouvement qui viendrait s'ajouter à celui qu'indique
le diagramme.
D'autre part ta voie ferrée directe Parts.CoiogrteBerlin-Saint'Péterbourg traverse la
Belgique et son trafic charge Indûment les courbe* supérieures
II est remarquable que, année après année, le nombre d*« voyageur* entrant en i«rance
par la frontière du nord suit plus élevé que celui de ceux qui en sortent. Pour te mouvement
anglO'français, les renseignements fournis ne permettent pas do voir s'il en est de même.
culablcs qu'a valus à la Grande Bretagne sa position purement insulaire.
Pourtant il est certain que, grâce ù ce chemin nouveau reliant
matériellement l'île anglaise ù son ancien continent» Londres aurait vu
décupler annuellement ic nombre do ses visiteurs européens, et la
.ilS I/1I0MMK ET LA TKRRK. PET PL KM F. M' HE U\ TKKHE
Grande Bretagne, devenant la léle du pouf de Lonl l'Ancien Monde ver»
l 'Amérique, serait pur cela môme l'entrepôt presque exclusif du com-
merce continental, au détriment du Havre, de Dunkcrquc, d'An ver»,
do Kottcrdarn, de Brème, de Hambourg. On peut juger de In perte qu'a
faite I 1 Angleterre à ce point de vue eu comparant le nombre de voya
geurs qui traversent annuellement la frontière franco belge à ceux qui
franchissent le détroit: il est cinq fois plus considérable pour le premier
ensemble de voies et, cependant, le groupe Amsterdam Bruxelles est
loin d'exercer^ une force d'attraction comparable a celle de Londres.
Non content des obstacles (pie lu nature a mis ù l'entrée dans le
Royaume l. ni, cet Ktat u pris récemment, à l'instar des Etats-Unis et
bous la même inlluenee régressive qui détermina la guerre du Trunsvaal,
une décision à la fois inutile et vexutoire : lu visite sanitaire des voya
geurs de .'i c classe, qui, en outre, doivent juslilier de In possession de
i»5 francs. En fait, on refuse l'admission à quelques douzaines de
personnes par an, mais on eu trucusseel humilie des milliers.
Pour juslilier l'existence des frontières, dont l'absurdité saute quand
même aux yeux, on lire argument des nationalités, comme si les
groupements politiques avaient tous une constitution normale et qu'il
y eiH superposition réelle entre le territoire délimite et l'ensemble de
la population consciente de sa vie collective. Sans doute, chaque indi-
vidu a le droit de se grouper, de s'associer avec d'autres suivant ses
affinités, parmi lesquelles la communauté de nucurs, de langage, d'his-
toire est la première de toutes en importance, mais celte liberté môme
du groupement individuel implique la mobilité de la frontière; combien
peu en réalité le franc vouloir des habitants est il franchement d'accord
avec les conventions officielles î
Lu révolte de lu tîrccc, pendant la première moitié du dix-neuvièuu'
siècle, fut l'événement <|ui donna le plus de corps à ce principe illusoire
des nationalités, auquel ou a voulu donner une vertu spéciale, comme s'il
y avait au droit d'insurrection d'autre origine essentielle que la volonté
de l'individu s'tmissunl ù d'autres volontés. Les prodigieux événements
que* se rappeluieut tes classiques et les romantiques de la bourgeoisie
instruite, les noms d'Athènes, de Marathon, de Platées, de Salamine
agissaient sur les esprits cuinme un exorcisme: tandis que les révoltée
de la Mon'c et des îles s'insurgeaient simplement pour se débarrasser
NATIONALITÉS GRECQUE KT ITALIENNE
:iii>
des exaelem'H osmunli. leurs amis de l'Europe occidentale, les « pliîihH
Ifencs », croyaient alisier a une résurrection de» Mtltiadc et des IVrieU*s|;
lu (irèoc untique surgissait de son tombeau avec les Botxaris et le» Capo
ri 'I stria. L'opposition des races et des langues entre Grecs européens et
Turcs de provenance asiatique, de rmVne que le contraste îles religions
N« 480. Itolia Irredenta.
i : 4000000
60
100
«oo Kit.
Les parties hachurées sont habitées par do» Italiens non rattachas a la mère.palrie, ou
par des Ladins de langue rotnuuo (autour 6$ Clés, de Cav&kse et de Cortlna)* Il y a, près do
Trente, un Ilot jfermanique ainsi que deux autres en Halle, h l'est du lac de Oardo. Les popti-
tatlons slaves pénètrent le long de la vallée de la Save jusqu'aux environs d'Udine.
entre chrétien* et musuimuns, entre la croix et le croissant, aidait
encore à fortifier dans les esprits l'idée chimérique de l'existence de
nationalités réelles constituant des êtres collectifs; la question de l'ori-
gine vraie des Grecs modernes, Ghkjpelar ou Slaves, notait posée que
pour un petit nombre d'érudits,
Kprès l'expérience de la f»rî*ce oï In sol u lion boiteuse que lui don
lièrent les grandes puissances européennes, vint In formai ion de l'ttii
.">'40 LHOMME ET LA TERRE. — PEUPLEMENT DE LA TERRE
lie, plus caractéristique au point de vue des {nationalités que ne t avait
été ta tentative presqu'avortée de l'émancipation hellénique, eur, tondis
que la nation grecque, dispersée sur tous les rivages de l'Orient.
n'offre de frontière précise en aucune partie de son domaine* la popu-
lation de langue ilatienne correspond d'une manière assez, exacte aux
contours géographiques de lu Péninsule: h Alfti ehe ehigono t'Italia li
mitent, sauf quelques enclaves, ta contrée date suouu il &i\ D'ailleurs
cette unité italienne, qui semblait si bien indiquée pur l'enceinte en
amphithéâtre des Alpes, avait été clamée d'uvanee pur de très nom
tireuse écrivains : dès les Ages de 1» Dévolution française, elle était devenue
la revendication par excellence de tous les patriotes de la Péninsule. Kl
que de fois ceux-ci. passant du vouloir à l'action, tentèrent i*u>uvrc
d'affranchissement cl d'unification de l'Italie î L'ensemhJc de ces IcnUi
tives constitue l'une des épopées les plus remarquables que nous pré-
sente l'histoire des peuples. L'Italie <- une ■ s'est [faite, toutefois il reste
encore une Italie « non rédimée > , comprenant l'Istric, le Trcntin, Malte,
tandis que. d'autre part, la nationalité « rédimée », devenue gronde
puissance, s'est empressée d'imiter ses devancières, en attentant à
d'autres nationalités dans le continent d'Afrique pour se donner un
cortège de colonies. tëlle occupe l'Erythrée et la Somalie orientale, en
attendant que la mort de t'i< homme malade [la fasse héritière de ta
Tripoli ta j»e et lui permette de faire valoir ses « droits » a la possession
de l'Albanie.
La troisième grande expérience, celle de l'Allemagne, beaucoup plus
compliquée, se poursuit depuis plusieurs générations : mais peut-on
voir sérieusement dans cette évolution confuse un développement du
principe des nationalités!' Lorsque lu nation allemande s'engagea dans
ce mouvement d'unité, elle n'était point, comme l'Italie-, soutenue dans
son œuvre par le symbole visible que donne un domaine géographique
bien distinct, marqué par des limites pu'eim. L'Allemagne n'ti point
de frontières naturelles : Gaules, Slavic, Scandinavie et Germanie se
pénètrent mutuellement et par des emprises profondes. Pour que lu '
conscience commune de ITnité nationale pût naître, se développer, S
atteindre sa maturité de réalisation, le lien de collision devait être non
le territoire, mais la langue ou du moins la parenté des lungoges. En »v
L Les Alpes qui ceignent l'Italie,., où résonne le si. A la j>ng<* :i22. nume idtk- :
où résonne la langue allemande.
WVtt ALLKMAWDR 3ïSl
fondant par degré» en un même dialecte noble, serrant à L'oxpreurion
N* 481. Aire du Pangermanisme.
M*-
Amatordai
«o*
«»*■
s» Ede Gr.
1: 16000000
o aoo " «oo ~ ' '"600 Kil.
Hors de» frontières d'Aile magne, tes pays habités par dos populations do langue allemande
«oui reconverti» d'un grisé serré, et ceux habité» par des population» do tangues germaniques
[flamand- hollandais, danois. norvégien, suédois) d'un grisé lâche.
Us allophyles de l'Empire, Urraina, Danois, Slaves divers, sont reprenantes par un
pointillé.
Certains pangerroanistes réclament pour l'Allemagne toute l'Kurope Centrale, d'Anvers à
la Transylvanie et de Trieste & Dorpat.
des hautes pensées, les idiomes populaires préparaient la patrie. L'Aile*
323 l/HOMMB IT LA TEHRff. — FEUPLKHKNT DE UA TERRg
mstgno se fit ainsi dans les esprits bien longtemps avant qu'on essayât de
lui donner une existence pratique. Lorsque la nation germanique était
encore découpée en un nombre mat défini de grands et de petits Etats
et de provinces uyant chacun son idéal unitaire distinct, le sentiment
national travaillait déjù ù lu roustitution unitaire de toute la partie
de l'Europe centrale, tcw die tleutscfte Zumje ktingl. On peut dire que
l'Allemagne est m'en plus la création de Leasing que celle de Bismarck,
et combien la première partie de l'œuvre dépasse la seconde en logique
ut en précision t Elle est complète, en un tenant, et ne se complique
d'aucune atteinte porté» a des droits étrangers; elle ombrasse bien toute
l'Allemagne et ne pense pas il s'agrandir aux dépens des voisins sous
prétexte de politique, de stratégie et de précédents historiques.
Mais, en comparaison de cette Allemagne des penseurs, bien diffé-
rante en a été la réalisation I Combien de fois les auteurs du drame
ont-ils voulu consolider le principe de ta nationalité par sa violation
même, fortifier la patrie allemande en l'appuyant sur une zone exté-
rieure de territoires qui ne lui appartiennent pas, et qui, en vertu de
la langue, de l'origine, aussi bien que de la votonté précise des habi
tants, sont une part vivante de la chair d'une autre nation I Malgré les
commentaires, les restrictions, les gloses scientifiques, il ne saurait y
avoir de doute sur le fait de l'attachement des Alsaciens de langue
allemande aussi bien que des Lorrains de langue Française à l'ensemble
politique dont Paris est le chef-lieu. Il n'est pas douteux non plus que
les Danois vivant au nord de l'KIder jusqu'à la frontière actuelle du
Jylland sont bien de vrais Danois, non moins par le cœur que par la
langue et la tradition des aïeux. Enfin, près d un siècle et demi s'est
écoulé dans les plaines orientales de la Germanie depuis que les Polo-
nais de la Poznanie ont été violemment attribués à la Prusse et les des-
cendants de ceux qui furent ainsi arrachés à tout leur passé sont restés
Polonais quand même, protestant toujours au fond du cœur contre le
tort inexpiable commis envers leur race.
Ainsi l'Allemagne comme l'Italie et comme ta Grèce — car celle-
ci, dans ses ambitions nationales, ne se gêne point pour revendiquer
comme autant d'Hellènes bien des Roumains, des Albanais, des Slaves
et tnome des Turcs de la Macédoine, de la Thrace et des îles — , toutes
ces nations aux grands appétits n'ont plus le droit de reprocher aux
autres, France, Grande Bretagne ou Russie, de ne pas avoir respecté,
PATntOTIBMK EXPANSIONIKTE 3a3
dans leurs annexions amiable* ou leurs conquête» brutales, le h prin-
cipe » des nationalités. Le fait est que les uns et tes autres se sont éga-
lement fuisse guider par un esprit collectif de spoliation et de pillage,
et cet esprit se manifeste surtout quand H s'agit de terres lointaines que
l'on qualifie hypocritement de» colonies », quoique, pour lu plupart,
elles ne deviennent point des lieux de séjour pour les émigrés du pays
conquérant et restent uniquement des contrées d' « exploitation « à
outrance où des militaires vont se « dévouer pour lu gloire de la patrie »,
et où des spéculateurs essaient de s'enrichir par le travail gratuit d'es-
claves, de i coolies ■, « boys » ou corvéables. Naturellement, on accom-
pagne tous ces attentats du jargon voulu relatif à la « lutte pour
l existence ; des noms de savants, des formules tronquées, des affirma-
lions pédanteBq lies donnent un air philosophique aux antiques préjugés,
aux vanités héréditaires, aux passions haineuse». Des mots grecs, des
tournures allemandes justifient les massacres et les conquêtes aux yeux
des coupables ; il leur suffit de se dire issus d'une race supérieure et d'en
fournir comme preuve évidente la force, la brutalité même. « C'est ce
que faisaient, sans avoir appris l'anthropologie les anciens Hébreux
quand ils égorgeaient sans remords Philistins et Amalécites >i \
Mats le patriotisme agressif s'est fait savant pendant le cours t\u
dix ucuviï'mc siècle, alln de donner plus de corps à celle illusion des
nationalités. Autrefois les conquérants d'un pays ne s 'ingéniaient point
u enseigner leur langue aux vaincus ; au contraire, il leur plaisait do
voir en eux des êtres inférieurs, incapables de s'élever jusqu'à ia dignité
de leurs maîtres par l'usage des mêmes expressions, des mêmes gestes,
du même accent, du même son de voix ; le triomphateur aimait à se
moquer de l'incompréhensible brcdouillemenl de son captif ; toutes
les cruautés lui semblaient permises par cette différence de langage
qui, d'après lui, constituait une preuve évidente d'inégalité, au détri
ment de ceux qu'il pouvait insulter dans son bel idiome de victorieux.
Que de fois, depuis les guerres de Gulaad et d'Ephraïm, racontées par le
livre des Juges % que de fois s'est-on rué ou massacre des ennemis parce
qu'ils n'avaient pas su prononcer le mot de Shibhafclh ou tel autre mot
de passe avec le véritable accent du terroir ! Il est vrai qu'on n'avait pas
encore découvert ce que Ton appelle le principe des nationalités. Depuis
1. Paul Mantoux, Pages Libres, 22 mars 1902. — 2. Chapitre XU, versets 5. G.
V J7#
3»4 L'HOMME ET LA TERRE. — PEUPLEMENT t>E LA TERRE
on se hâte de déguiser tes vaincus en compatriotes. On le» gave de leçons
et d'exemples pour qu'Us apprennent tu langue du vainqueur et qu'on
puisse, dès la deuxième génération, les considérer comme appartenant à
la race. C'est ainsi que, par ordre, Icb enseigna des maisons et les in-
scriptions des voitures, les annonces oillcietles sont écrites dans l'idiome
des maîtres : le Slovaque, le Serbe, te Komnuîn doivent s'efforcer à
parler magyar, le Polonais et le Danois s'exprimer en allemand, le
Breton prier en français.
Toutefois les haines nationales s'atténuent en dépit des efforts tentés
par les nationalistes et tes gouvernements. Or te 8 on se liait de frontière
à frontière, mais qu'est cette aversion en comparaison de celle qui se
produisait autrefois d'une manière spontanée contre l'homme du dehors,
uniquement parce qu'il était étranger? Tous ceux qui ont visité l'Angle-
terre à deux ou plusieurs reprises, pe'ndunt une période de quelques
décades, ne peuvent manquer d'avoir été frappés des progrès admirables
accomplis en bienveillance mutuelle et en politesse cordiale depuis le
milieu du siècle. Jadis l'étranger uvail a craindre la grossièreté, même
la violence des natifs. Le continental, que sa ligure, son costume, sou
langage ou son accent désignaient à la foute, était tourné en ridicule,
insulté, Damned Frenc/tmau était une des expressions usuelles dont
l'étranger, même n'appartenant point h la nation des « ennemis hérédi-
taires », pouvait craindre d'être poursuivi dans ses promenades. L'Anglais
inconnu, ù]plus forte raison le non* Anglais, arrivant dans un village
pour la première fois, ne devait guère être rassuré relativement à l'attitude
des gens de l'endroit, surtout des enfants. Dès qu'il était signalé, gare à
lui, tout particulièrement s'il avait le malheur d'être affligé de quelque
in lin ni lé physique, d'être trop richement ou trop pauvrement habillé:
u MU, thereis « stranger* hmve ashne. al htm ! » tel était le cri par lequel
on l'accueillait f . El souvent, on ne se bornait pas à la menace de lui
lancer des pierres, on en jetait réellement, et il lui fallait chercher refuge
dans une auberge où te poursuivaient encore les rires et les moqueries
des rustres, puis les anciens prolongeaient sa torture en le soumettant
comme un espion à un interrogatoire en règle. Parfois on lui coupait la
retraite avant qu'il eût trouvé un asile, et les insulleurs l'entouraient en
dansant autour de lui comme autant de sauvages autour d'une victime à
1. Bill» voici un étranger, lance-lui une pierre.
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OAHOUOHB HUMAIN» 3&7
scalper. C'est là ce que l'on appelait « ta dattee the ftog» — nous dirions
la danse du porc épie, On écrivain bien connu, Richard Heath, qui a
profondément étudié la vie rurale en Angleterre, raconte com-
ment sa mère, de naissance hollandaise, ne pouvait sortir de ches elle
sans être ainsi forcée comme un gibier par des persécuteurs et sans voir
la ronde féroce se dérouler autour d'elle. Quel changement cinquante
ans après ! Sans doute, le " vieil homme » n'est pas encore complètement
dépouillé et» ci et là, dans les campagnes reculées» l'étranger n'est
pus à l'abri de toute injure, mois, d'ordinaire, la courtoisie, môme In
bienveillance elle cordialité se manifestent sous toutes les formes.
Ki» dépit de la revéche persistance que mettent les esprits retardataires
u maintenir, même a baigner de sung les bornes de la frontière— bornes
qui, d'ailleurs* n'ont pas le mérite de la durée, puisqu'elles changent si
fréquemment — , les chaîne» qui rattachaient l'individu au sol natal sont
devenues plus fragiles, pour ainsi dire, et les attractions spéciales de
chaque contrée ont moins de force à exercer pour que les hommes se
laissent entraîner par elles conformément a leurs affinités propres. La
population tend de plus en plus à se répartir sur la planète suivant les
avantages de toute nature que présentent les diverses contrées nu point
de vue du climat, des ressources pour le travail, des facilités de la vie,
même de la beauté des paysages. Grâce à cet accord de plus en plus facile
entre l'homme et le globe, puisque chaque individu peut maintenant
prévoir, hâter ou même vivre le jour où il s'établit sur un sol d'élection,
sur une terre qu'il s'était « promise » h lui-même, une distribution nor
maie des hommes se fait dans les diverses parties de la Terre en propoi
tion de leurs éléments d'accommodation. L'exode de quelque vuujl
millions d'Européens vers l'Amérique du Nord a élé le résultat le plus
important de cette molilitc de l'homme, mais d'autres régions tempérées
et même tropicales du Nouveau Monde se sont aussi peuplées et ne man-
queront pas de se peupler davantage. Lue grande partie des étendues sibé
tiennes et de la Chine extérieure, l'Australasie, nombre de contrées afri»
raines reçoivent et recevront de la même manière des populations nou-
velles : le genre humain, comme l'eau de la mer, cherche son niveau, et
maintenant il peut le trouver sans peine, par la disparition, au moins
partielle, des obstacles qui gênaient son mouvement.
Ainsi qu'il convient a un organisme aussi vaste el aussi complexe
3a8
L'HOMME Et LA TE RM. — PEUPLEMENT DE LA TERRE
que l'est celui du corps mondial, l'ensemble de l'humanité te choisit
spontanément tel ou tel centre pour la gérance spéciale d'une, classe
d'intérêts ou pour la discussion approfondie de certains problèmes : loin
de reconnaître une capitale unique, elle désigne, en considération des
avantages qui doivent en résulter, une ville du monde civilisé, en Europe
ou dans le Nouveau Monde, comme lieu
d'administration permanente ou de réunion
temporaire. Dans certains cas, ce sont les gou-
vernements, agissant comme individus, qui
font choix de la ville rectrice, le plus souvent,
l'initiative appartient aux sociétés scientifiques
ou autres, dirigées dans l'option par l'impor-
tance des travaux qui se sont faits dans tel
ou tel endroit, quelquefois même par la beauté
du lieu. C'est par dizaines que se sont ainsi
constitués des 1 ) centrés naturels, acceptés par
tous en parfaite unanimité. Ainsi Paris est la
■' ville choisie par tous les Etats pour siège de la
a Commission du mètre » ; Londres, ou plutôt
son faubourg Greenwich, est traversé par le
méridien international commun, et c'est là que se centralisent les infor-
mations relatives aux longitudes terrestres ; « l'heure de Greenwich »
règle les chronomètres clu monde entier, suivant un mode de fuseaux
auquel la France a seule refusé jusqu'ici son approbation* Berne qui,
pourtant, est une bien humble capitale, comparée aux grandes cités du
monde, a été prise pour station centrale d'organisation par tes Postes et
Télégraphes, ainsi que par l'organe international dcB Chemins de fer, le
secrétaire des Sociétés de la Paix, le bureau de Propriété artistique et
littéraire, etc., etc. Les sociétés savantes se groupent autour de Rome pour
la statistique, et les géologues regardent vers Berlin pour la confection
de leur carte commune, tandis que Bruxelles, déjà centre de }' " Institut
Colonial International » et du •• Bureau géologique », s'occupe de dresser
pour les bibliographes le bulletin de tous les livres, articles et documents
divers ayant paru chaque année*. Genève est le siège de la « Convention m
pour les soins à donner aux blessés sur les champs de bataille; Stras-
UH «BQTJIMâU
1. L'Office Bibiothèque de Bruxelles a adopté la classification décimale. (Principe
Melvil Dewey.)
PEUPLES SUPPRIMÉS
3 29
bourg centralise les renseignements relatifs h la séismologie; un palais
doit s'élever à La Haye pour recevoir les ■■ délégués de la paix », etc.
Outre les centres de travail qu'il importe de ne point déplacer aOn
de maintenir la régularité de la besogne, des lieux de rendez-vous,
changeant d'année en année, ou suivant des périodes différentes, attirent
les Intéressés, savants, artistes, industriels ou
autres, vers tas contrées qui, suivant les époques
et pour l'œuvre spéciale dont il s'agit, paraissent
avoir la plus grande force d'attraction. Ces lieux
de réunion deviennent en réalité, pendant
quelques jours, les centres naturels où spontané-
ment se porte la vie de l'humanité. Los congres
itinérants promènent librement sur la Terre leurs
œuvres collectives.
L'espace grandissant, la plus savante orga-
nisation des ressources permettent à la population
de s'accroître indéfiniment d'année en année, de
décade en décade, et chaque nouvelle évaluation
faite par les ethnographes depuis le commence
ment du dix-neuvième siècle prouve qu'il y a
augmentation notable. Et pourtant d'inutiles
exterminations ont eu lieu, comme si la place
manquait à l'homme! 11 est vrai que dans la
série des tribus éliminées, on en compte plusieurs que l'on n'a point
supprimées volontairement et qui sont mortes simplement par suite
de leur impuissance à se faire ou milieu nouveau. Les Européens
sont accompagnés partout d'un cortège de maladies, terribles gardes
du corps dont ils se servent parfois inconsciemment pour faire la place
nette devant eux. Ils méritent le nom que leur donnent les Tineh de
l'Amérique boréale, Ewk DactlittU « ceux qui traînent la mort après
eux »\ C'est ainsi que nombre d'insulaires océaniens ont disparu jus-
qu'au dernier, non qu'on les ait exterminés de propos délibéré, mais
indirectement, par le milieu nouveau créé autour d'eux. De même,
dans les régions boréales, l'arrivée de l'homme blanc a fait dépé-
rir les autochtones. C'est ainsi que les .Lapons russes de la péninsule
VN BNTFÀNT ESQUIMAU
t. PeU tôt; Elle Reclus, le Primitif d'Australie, pp, 37i et suiv.
33o i/kokme et la tjrre. — pbuplbmknt dk la terre
de Kola se trouvent évidemment en vole d'extinction : maladif» pour la
plupart, rouvert» de plaies et d'ulcère»* sale» et nauséabonds, triâtes et se
désintéressant d'eux-mêmes, ils diminuent graduellement on nombre, et
no sont plus,au commencement du vingtième site le, que îôooo individus,
réparti» en vingt-cinq villages, sur un espace d'environ 100000 kito-
mètres carré»'. Les tiskimaux du Groenland polaire étaient encore 3oo
en i8go; douze ans après ils avaient diminué d'un tiers (Peary). De l'autre
coté de» terres boréale» de l'Amérique, de la pointe Barrow aux île» Aléou
tiennes, il n'y a plus que 5oo indigènes, lu où il eu vivait cinq foi» plus
au milieu du dix neuvième siècle. En appauvrissant le» mers boréales,
les baleinier» ont supprimé le» ressources qui {Remettaient aux riverains
de continuer le combat de lu vie.
Le plus souvent la desiruetion des aborigènes a été voulue : le fusil,
le poison, les contagions disséminées sciemment ont fait réouvre de
mort. C'est ainsi que les colons de la Tasmanie ont tué tous les « noirs ■
de 171e ; on donnait mémo de» primes aux assassins pour buter la besogne
et des eh tisseurs traquaient le gibier humain ; la dernière femme de Tas-
manie, une vieille de soixante-quinze ans passés, dite plaisamment
Lalla Hook, fut tuée, en iSyfi, comme une guenon, dans le branebage
d'un arbre ou elle s'était réfugiée. D'autres tribus australiennes furent
« nettoyées >» de la môme manière et, dans le Queensland, on cul l'ingé-
nieuse idée de dresser une police « noire », eVsl-ù-dire indigène, à l'ex-
termination des rôdeurs de leur propre race rencontrés dans le
voisinage des campements. Les Guanches des Canaries avaient été déjà
tués ou vendus pour la plupart en dehors de l'Archipel, dès le xvi* siècle,
et le dernier insulaire de sang pur mourut en 18118. L'Amérique du
Nord — surtout la Californie — fut un immense abattoir des abori
gènes : des nations entières disparurent, il y a près d'un siècle, ù l'époque
à laquelle fut écrit le livre de Cooper, Le dernier des Mohicans, vrai non
seulement pour les Indiens de cette tribu mais encore pour tant d autres
populations chasseresses du Nouveau Monde. Dans l'Amérique méri-
dionale, les Espagnols, les Portugais accomplirent une œuvre de des
truction analogue a celle des Anglo-Américains de l'Amérique du Nord,
et, dans tes Antilles, il ne reste plus de descendants des million» de
naturels qu'avaient trouvés les conquérants; à peine i«o Caraïbes de
t. IL Gosbcl, Globus.n* 16, 28 octobre 1902.
DISPARITIONS APPARENTES 33 1
race pure dans les forêts de la Dominique, c'est Ift tout ce qui resle des
anciennes tribus, avec quelques métis deSuiulN inrenl et ceux de» îles de
la baie» sur la côte de Honduras. Dans la Terre de t'en, lu chasse &
l'homme dure encore : une moitié des indigènes périt sous le» balles,
tandis que l'autre moitié meurt de phtisie dans les missions.
Des expulsions en masse, notamment celle dont les Russes prirent
la responsabilité terrible* après l'occupation des hautes vallées cauca-
siennes* Turent aussi des tueries partielles, car de pareils exodes ne peu-
vent s'accomplir sans qu'il y ail un formidable déchet d'hommes, par
l'eflel des maladies, des famines, de lu nostalgie, des conflits aveu les
étrangers. Kn perdant leur patrie, leur nom» les malheureux perdent
leur urne. Qui parlera désormais des Teherkesscs, des Alikltaxes, des
Tchétchènes, des Lcsghiens? Ils se fondent au milieu des Turcs, des
Grecs et autres, elieas Lesquels se trouvent les lambeaux fie terre qu'on
leur u distribués. Cependant des représentants de la race continuent
d'exister, et si l'on parle un jour de lu disparition totale de ces tribus
on ne sera justifié qu'à demi, leur mort ne sera qu'apparente. Que de
mitions sont ainsi considérées comme détruites, alors qu'elles se sont
simplement assimilées aux populations environnantes. Du moins
leur descendance s'est maintenue, comme celle des Sabins a persisté
dans Home. De marne des libres, des Ugures vivent toujours dans les
Gaules, et l'Angleterre u ses Bretons. Le sang des Algonquins et des
Séminolcs se retrouve cites les Américains du Nord et celui des Araucatis
chez les Hispano-Chiliens.
Divers statisticiens ont hasardé l'évaluation du nombre des hommes
que pourrait nourrir notre globe planétaire. Ce chitl're dépend en pre-
mier lieu du genre de vie que Ton suppose à l'habitant moyen, car une
population chasseresse de quelque 5oo millions pourrait être à l'étroit
sur ce globe où 'vivent aujourd'hui trois fois plus d'hommes. D'autre
part, si Ton cherche à se baser sur l'alimentation moyenne de l'Euro-
péen* que de points sujets à controverse soulève une pareille étude î La
productivité des différents sols dépend de facteurs encore si peu connus,
la « ration nécessaire » varie encore tellement, suivant les auteurs
spécialistes, qu'il ne faut point s'étonner de la divergence des résultats.
Woyeikov a calculé 1 qu'une population de seize milliards d'hommes,
i, Otiiseppe Hicchicri, Universifà popuiate, 1903, n° 24.
53» l'homme kt la TERRE. — PEUPLBMBHT de la terre
dans la seule bande équatoriale comprise entre le i5* degré nord et le
i5* degré sud, n'aurait rien que de normal. Dans les régions tropicale*
productives en bananes et autres plantes à rendement nourricier consi-
dérable, une surface de i5 mètres carrés suffit, nous dit Hutnboldt,
à produire régulièrement la nourriture d'un homme. C'est dire qu'en
utilisant, dans les bassins de la Ganga et des autres fleuves de l'Inde,
sur le versant oriental du plateau mexicain, dans les Yungas de la
Bolivie et les vallées fluviales de la Colombie, du Brésil, sur les côtes
de l'Amérique centrale, les terres à fécondité puissante, on trouverait
sans peine des territoires dix et vingt fois plus grands que les aa 600 kilo-
mètres carrés nécessaires pour assurer sa subsistance à l'humanité tout
entière qui, proportionnellement» pourrait atteindre sans danger quinze,
vingt, trente milliards d'individus. Que de districts purement agricoles
existent déjà oh la population, vivant uniquement du produit de ses
jardins, dépasse de beaucoup en densité kilométrique les industriels
pressés autour de nos usines de l'Europe occidentale! On peut prendre
comme exemple l'île de Tsung-Ming, où près de 1 300 000 habitants,
au nombre de 1 '176 par kilomètre carré, tournent et retournent inces-
samment le sol pour en tirer leur pain.
Tout en constatant qu'aucune considération de quantité ne saurait
prévaloir sur la qualité de l'humanité de domain, nous pouvons
admettre avec un évaluateur circonspect, Ravenstein, que la capacité
d'accommodation de notre Terre s'élèverait à six milliards d'êtres
humains. Toutefois pareils calculs ne peuvent avoir de valeur sérieuse
tant qu'ils partent de l'hypothèse première que les conditions actuelles
du travail ne changeront point, et que la Terre se remplira peu à peu
suivant le modèle présenté de nos jours par les diverses régions de
l'Europe : il faut prendre en considération ce fait capital, que la culture
n'a pas encore le caractère intensif dicté par la science et que l'accrois-
sement des produits facilitera l'augmentation des hommes, suivant un
taux complètement imprévu. En outre, il faut reconnaître que l'étendue
des bonnes terres, actuellement très limitée, ne peut manquer de grandir
en de fortes proportions, ici par l'irrigation du sol, ailleurs par le drai-
nage ou par le mélange des terrains. En réalité, il n'existait point de
u bonnes terres » jadis : toutes ont été créées par l'homme, dont la puis-
sance créatrice, loin d'avoir diminué, s'est au contraire accrue en
d'énormes proportions. Les régions devenues de nos jours les plus
CAPACITÉ D'ACCOMMODATION DU GXOBS
333
fécondes étaient autrefois couvertes de forêts et de marécages; graduel-
lement, de siècle en siècle, l'homme a conquis par la bâche ou la charme
des étendues plus vaste», et le* mômes espaces qui ne pouvaient nourrir
N» 482. Deux territoires de même population : Uruguay et Tsung-Mlng.
' 160
1: 7 800 000
200~~
'SooKtl.
La ftéoubliaue de l'Uruguay comptait 1 088 086 habitant* en décembre 1904; il faut
ajouter à «5 ÏSoiS une portion di Tla province brfcilienae Rio Grande do Su! (H49070
habitante en 1900) pour arriver aux 1 200 «00 insulaires do Tsung-Min* On constatera que
les deux pays «ont situés à la même latitude, mais en des hémisphères différent»,
un seul individu par la chasse ou la poche, en alimentent aujourd'hui
des centaines; môme les champs do cailloux, les carrières, les roches,
comme celles de Malte, deviennent de fertiles jardins dans lesquels le
travail enferme, sous forme déplantes,; une réserve de chaleur solaire
334
L*HOMME ET Là TERRE. — PEUPLEMENT DE LA TERRE
de plus en plus considérable. Tout progrès de la science agricole appli-
qué sur tes dix mille millions d'hectares que t'uumanité. possède en
terres eu ÏU vantes représente un accroissement possible de nourriture et
une augmentation correspondante de mangeurs. Précisément la partie
du monde qui, dans son ensemble, est Le mieux adaptée à la production
végétale et, par conséquent, h l'alimentation humaine, est à peine
entamée par le travail dans l'immensité de son pourtour; et ce travail
est employé pour une bonne part a la production ou h la cueillette
de denrées industrielles d'utilité secondaire. Telle étendue forestière
d'un millier de kilomètres carrés offre à peine quelques clairières où
l'homme s'occupe de gratter le sol pour y jeter tic 1» semence qui se
reproduira au centuple, si les herbes folles nr l'ont pus immédiate
ment étouffée. En Colombie, telle agglomération de en lianes hubitée pur
des pôcheurs n'a d'autres jardins que des panicrK de terre stiKpendus
aux brnnehes de ^ntndg arbres.
œSHOAAU
La géographie n'est paa ùboet immuable, elle ae
tait, se ratait tous iea jours: à chique instant
elle se moditie par l'action de l'homme.
CHAPITRE H
HORREUR ET SPLENDEUR DES VILLES. - IMMIGRATION DES CAMPAONAR0S
RÉPARTITION DES VILLES. - RÉSEAU D'ÉTAPES
CROISSANCE NORMALE ET ANORMALE. — ORIGINALITÉ DES VILLES
VILLES POLITIQUES, MILITAIRES, INDUSTRIELLES. - ORGANISATION URBAINE
HVOIENE ET ART. — VILLES-JARDINS
A la force d'à lira cti on nu tu relie du sol qui tond à répartir norma-
lement les hommes* à les distribuer rythmiquement sur la terre entière,
s'ajoute, dans le monde moderne, une force tout à fait opposée en appa-
rence, celle qui groupe des centaines de milliers ou môme des millions
d'hommes en certains points étroits autour d'un marché, d'un palais,
d'un forum ou d'un parlement. Des villes» déjà considérables au com-
mencement de l'ère des voies ferrées, deviennent des cités immenses,
des amas de maisons alignées, que parcourt un réseau infini de rues et
336 l'hommk bt la t*rrb. — RÉPARTITION DBS hommes
de ruelles, de boulevards et devenues» au-dessus; desquels pèse, le jour»
un dôme grisâtre de lumée, taudis que, la iiuit> une lueur s'en élève» Illu-
minant le ciel. Les Babylone, les ISiuive antiques émerveillèrent les
peuples, mais combien plus grandes, plus complexes, plus grouillantes
de matière humaine et de machines prodigieuses sont les Babylones
modernes, que les uns maudissent et que les autres célèbrent! Rousseau,
déplorant l'avilissement de tant de campagnards qui vont se perdre dans
les grandes villes, appelle celles-ci .. Gouffres de l'espèce humaine •-,
tandis que Herder voit en elles les « Camps retranchés de la Civilisation ».
Kl voici comment les juge ttuskin \ s'attaquant surtout à la ville qui,
de nos jours, est la plus grande, non la plus hideuse de toutes, In capitale
de l'immense empire britannique : «Faire de l'argent est le grand jeu
des Anglais. Ainsi voyez celle énorme, cette sale ville de Londres,
bru > a nie, grondante, fumante, puante, un amas hideux de briques
surchauffées, rejetant le poison par chaque pore ! Vous imnginex-vous
que ce soit une cité de travail ? Non, pas une de ses rues ! C'est une
grande ville de jeu, d'un jeu très laid, d'un jeu très laborieux, mais qui
néanmoins n'est qu'un jeu... C'est une immense table de billard sans
lapis, et avec des poches aussi profondes que l'abîme insondable ; mais
après tout, ce n'est qu'un billard ! » Il est vrai, toutes les vitupérations
des muudisseurs sont jusliJiées, mais aussi toutes les exaltations des
gloriflcatcurs. Que de forces vives se sont éteintes, faute d'emploi, ou bien
entre-délruites par la haine, dans ces villes à l'air impur, aux contagions
mortelles, aux luttes désordonnées ! Mais aussi n'est ce pas de ces réunions
d'hommes qu'ont jailli les idées et que s'est lait l'enfantement des uni vies
nouvelles, qu'ont éclaté les révolutions qui ont débarrassé l'humanité
des gangrènes séniles ? « Il est, il est au monde une infernale cuve ».
clame Barbier, et, de son c«Mé, Hugo magnifie ce méinc Paris en tics
vers enthousiastes : < Paris est la cité mère... où pour se nourrir de
l'idée viennent les générations ».
l/oeuvre multiple des villes, pour le bien et pour le mal, se préilgtirc
dans les passions et la volonté des gens fuyant la campagne ou les
petites villes pour trouver une vie plus ample, parfois l'étiolcmenl et la
mort, dans une grande cité. Mais sans nous occuper des hardis nova
teurs qui se dirigent de leur plein gré vers telle ou telle Babylone
1. Thé Crown of thé mld OUv*, pp. 81, 32. Edit de 1897.
HORREUR ET 8PLÏNDKUR DE* VILLES 3$7
moderne, il faut compter ceux — et ilt sont légion — qui sont amenés
ver» les centres de population et déposé» comme des alluvtons qu'en-
traîne le courant pour les abandonner sur ses plages : les paysans évincés
de leur lopin de terre par les convenances de quelque grand acquéreur
ou par un caprice du seigneur qui transforme ses champs en pâturages
ou en terrains de chasse ; les domestiques de campagne que tes citadins
ci. vr. Rwtft
VX COIK DB MVBBPOOL
Un cabinet d'aisance, un robinet d'eau, un bac il ordures pour une douzaine de maison»*
appellent autour d'eux ; le» nourrices allaitant les enfants a la place des
mères ; les ouvriers» soldats, employés et fonctionnaires auxquels un
assigne une demeure dans la grand'ville et, d'une manière générale, tous
ceux qui» obéissant a des maîtres ou bien au maître le plus impérieux,
la nécessité économique, grossissent forcément la population urbaine.
C'est un plaisant langage que celui des propriétaires moralistes qui
conseillent aux campagnards de rester attachés a la terre, alors que, par
leurs agissements, ils déracinent le paysan et lui créent des eonditions
de vie Pobligcani à s'enfuir vers Ut cité. Qui supprima les communaux,
qui réduisit, puis abolit complètement les droits d'usage, qui défricha les
forêts et les landes, privant ainsi le paysan du combustible nécessaire ?
;t:iS l/MUMMK KT LA TKItltK. — REPARTITION I»BS HuMMKR
Qui muni la propriété |iour liien marquer h constitution il* mm
aristocratie terrienne ? Huis, quand furent née* les grandes indus ,
tries, le propriétaire foncier ne eessa-t-il point de s'adresser au petit
liuiteur *1« lu campagne, aux humbles fabricants de village? Et quand le
paysan n'eut plu* de terres communales, quand les petite» industrie»
vinreulù tut manquer, quand les ressources diminuèrent, eu intime temps
que M'accroissaient les besoins et les occasions de dépense, est- il étonnant
que la fuite vers ta cité soit devenue inévitable? Le seigneur n'utilisant plus
dune manière permanente la main-d'œuvre agricole, celle-ci est forcée
de s'exiler, condamnée par le chômage. Quand le propriétaire a besoin de
beaucoup de bras pour lu moisson ou la vendange, il ne s'adresse plus
aux anciens clients de sa terre mais aux gens de Y « armée roulante »,
aux Irlandais, aux Flamands, aux « Gavachcs >f h des travailleurs in cou
nus qui viennent on ne sait d'où, dont on ne connaît ni le lieu natal,
ni la langue, ni les rweurs, et qui disparaîtront sans laisser de traces.
Ainsi le grand nombre des immigrants attirés vers le tourbillon des
cités obéit a une loi plus puissante que sa volonté : son eu priée personnel
n'a qu'une part très secondaire dans la force qui Ta sollicité. Quant a la
proportion, relativement peu considérable, des fuyards de lu campagne
qui se dirigent volontairement vers les cités, elle se décompose en
éléments de valeur très inégale, car si chacun veut > chercher sa joie,
son intérêt, une satisfaction plus intense de sa vie passionnelle, cet idéal
varie absolument suivant les individus. Il en est beaucoup qui se laissent
aller à une sorte de hantise inexplicable en apparence. On reste confondu
d'étonnernent en voyant, dans les montagnes du Jura, dans les Pyrénées
ou les Cévcuties, telle maisonnette admirablement située que son posses-
seur légal laisse tomber en ruines. Elle semble pourtant avoir a son
avantage tout ce qui peut la faire aimer, A côté de la demeure, ombra-
geant le toit, s'élève l'arbre patrimonial ; une source d'eau pure jaillit
auprès dans un pli de la prairie ; tout ce que l'on aperçoit du seuil,
le jardin, les prés, le» champs, les bosquets appartenaient, et même appar-
tiennent encore, à la famille : celle-ci ne comprend que deux vieillards
cherchant h utiliser leur reste de force à la culture et au ménage:
mais tout péril, le marais gagne sur le pré, la mauvaise herbe envahit
les allées et les plates-bandes du jardin, les moissons s'amoindrissent
d'année en année, et les toits s'effondrent sur les granges et les greniers.
Quand les vieux n'y seront plus, la maison s'écroulera. Mais ii'onMls
ÉMtORÀtlOH DIS CAMPAGNARDS 33$
donc point de famille, OU, pet i Mil», ou neveux, qui puissent continuer
l'œuvre des, aïeux comme ceux-ci la continuèrent? Ile ont un fils, il
est vrai, mats ce fils méprise La terre: il s'est Tait gendarme dans quelque
ville lointaine, trouvant son plaisir a ramasser des ivrognes et à dreaser
des « procès- verbaux ». Quand ses parents mourront, il ne saura que
faire des champs patrimoniaux : ils retomberont en friche et quelque
grand seigneur les achètera ou plutôt les recevra presque gratuitement
pour arrondir son domaine de chasse.
Si telles étaient les seules causes du prodigieux accroissement des
citéa, elles deviendraient des chancres sociaux et Ton serait en droit
de les maudire, comme le firent les prophètes d'iraêl pour la Bahylone
antique. Ces villes que l'on voit grandir de jour en jour, presque d'heure
en heure, projetant comme des pieuvres leurs longs tentacules dans les
campagnes, seraient en eftet des monstres, des vampires gigantesques,
suçant la vie des hommes. Mais tout phénomène est complexe. Si les
pires, les dépravés et les décadents vont se hrû-ler ou pourrir plus vite
dans un milieu furieux de plaisir ou déjà déliquescent, les meilleurs,
ceux qui veulent apprendre et chercher des occasions de penser, de
s'améliorer, de grandir en écrivains, en artistes, même en upôtres de
quelque vérité, ceux qui se dirigent pieusement vers tes musées, les
écoles, les bibliothèques, et ravivent leur idéal au contact d'autres
hommes également épris de giundes choses, ceux-là ne sont-ils pas aussi
les immigrants des cités et n'est-ce pus grâce à eux que le char de la civi-
lisation humaine continue de rouler à travers les tiges P Quand les villes
s'accroissent, l'humanité progresse, quand elles diminuent, le corps
social menacé régresse vers la barbarie.
Avant de s'être donné la peine de réfléchir, on peut s'imaginer
volontiers que tes villes se soient distribuées au Itassrd, et, de fait,
nombre de récits nous montrent des fondateurs de cités s'en remet-
tant au destin pour le choix de l'emplacement où s'établiront les
foyers domestiques, où se dresseront les murailles protectrices : c'est
du vol des oiseaux, de l'arrêt d'un cerf force à la course, de
l'échouement d'un navire que dépend la construction de la ville, ta
capitale de l'Islande, Reykjavik, naquit ainsi de parla volonté des dieux '
1. Laborme, Annuaire du Club alpin t 1S86.
3$0 i/HOMMK ET LA TERRS, — RÉPARTITION DES HOtfMSS
En 87^, lorsque le fugitif Ingotfr, arrivant en vue de l'Islande, lança
dans ta mer tes images de hois qui représentaient les idoles du foyer, il
H* 483. Villages normalement espacée.
Institut (kwjrxtftittçttt.JinixtJJes
Jbte&m •Toussaint.
1
isKil
essaya vainement de les suivre : elles lui faussèrent compagnie* et il dut
fonder sur le rivage un campement temporaire, jusqu'à ce que, trois ans
après, il retrouvât les bois sacrés près desquels il transféra sa ville,
RÉPARTITION DES YIIXKB
Hl
d'ailleurs aussi avantageusement située qu'elle peut l'être en ce redou
table ■* Pays des Glace» » .
Si la Terre était complètement uniforme dons son relief, dans la
N° 494. Villages anormalement espacés.
ItutùiU Cë&nptefae t £mav/fat
îr-.rQgrt-
ioKiL
I «
qualité du sol et les conditions du climat, les villes occuperaient une
position géométrique pour ainsi dire : l'attraction mutuelle, l'instinct
de société, lu facilité des échanges les auraient fait naître à des distances
égales les unes des autres. Etant donnée une région plane* sans obstacles
V U
34a l'homme st la tiiuri. — RÉPARTITION dks hommes
naturels, sans fleuve, sans port, située d'une manière particulièrement
favorable, et non divisée en Etats politiques distincts, la plus grande cité
se fût élevée directement au centre du pays ; les vîHes secondaires se
seraient réparties à des intervalles égaux sur le pourtour, espacées ryth-
miquement, et chacune d'elles aurait eu son système planétaire de villes
inférieures, ayant leur cortège de villages. La distance normale d'une
journée de marche, tel devrait Aire sur une plaine uniforme l'intervalle
entre les diverses agglomérations urbaines : le nombre de lieues parcou-
rues par un marcheur ordinaire entre l'aube et ic crépuscule, soit douze
ù quinze correspondant aux heures du jour, constitue l'étape régulière
d'une ville à l'autre. La domestication des animaux, puis l'invention des
roues, et, depuis, les maehines ont, graduellement ou brusquement,
modifie les mesures primitives : le pas de la monture, puis le tour d'essieu
déterminèrent recuit" normal entre les grandes réunions d'hommes.
Quunl aux villages, leur distance moyenne a pour étalon le parcours
«pie peut fournir l'agriculteur poussant sa brouette chargée de foi» ou
d'épis. L'eau pour le bétail, le transport facile des fruits du sut, voilà ce
qui règle remplacement de rétable, du grenier et de la chaumière.
Kn nombre de contrées peuplées depuis longtemps et présentant
encore dans la distribution urbaine de leurs habitants les distances pri-
mitives, on retrouve, dans le désordre apparent des villes, un ordre de
répartition qui fut évidemment réglé jadis par le pas des marcheurs.
Dans la « Fleur du Milieu », en Itussie, où les voies ferrées sont de
création relativement récente, en France même, on peut constater
l'étonnant» régularité avec laquelle se distribuèrent les agglomérations
urbaines avant que les exploitations minières et industrielles vinssent
troubler l'équilibre uaturet des populations '. Ainsi, la ville capitale de la
France, Paris, s'est entourée, vers les frontières ou les côtes du pays, de
cités dont l'importance ne le cède qu'à la sienne : Bordeaux, Nantes,
Houcn, Lille, Nancy, Lyon. L'antique ville, phénicienne puis grecque, de
Marseille appartient par ses origines à une autre phase de l'histoire que
les cités gauloises, puis françaises ; cependant sa position s'harmonise
avec la leur, car elle se trouve îi l'extrémité méditerranéenne d'un rayon
qui doublerait la distance normale de Paris aux grandes planètes
urbaines de son orbite. Entre ta capitale et les chefs-lieux de deuxième
1* Gofcert, U Gcrotype.
RÉSEAU D'ETAPES 343
ordre, se fondèrent, à des intervalles sensiblement éguux, des cités
moindres, mui* encore considérables, séparées par une double étape, soit
H* 485. Villes européennes d'au moins 100000 habitants.
t: 32O0OQO0
■tïot
Tôoo"
2000 Kit
La surface des cercles est proportionnelle a, la population des villes qu'ils représentent a
raison de 1S00OO habitants par millimètre carré environ. Us seules agglomérations de
100000 habitants sont reportées ici, autant que possible avec leurs faubourgs. En outre,
un certain nombre de villes ont dtt être fusionnées en un seul cercle. Voici les groupes i
South Sbietds, Qateshead, Sunderl&nd et Neweastle. — Preston, BJackburn et Burnley. —
Halifax, Bradford et Ueds. — Birkenhesd, Oldbam, Manchester et Liverpool. ~ Derby,
Nottlngham et Sheflleld. — WoWerhampton. Salford et Birmingham. — Southamptott
Brlghton et Portsmouth avec Londres. ~ La Haye et Rotterdam. — Gan<l, Anvers et
Bruxelles. — Roubaix et Lille.» Altona et Hambourg. — Scbôneberg, Rixdorf, Charlotten*
burs et Berlin. — Bochura, Qelsenktrchen, Barmen, Blberfeld, Dortmund, Duisburg, Essen
et Dusseldorf.
de vingt-cinu; à trente « lieues n : Orléans, Tours, Poitiers, Angoulôme.
Enfin, h moitié chemin de chacun de ces centres de troisième ordre se
V i8*
3Vl L'HOMME ET LA TERRE. — ttÉPARTlîION DES HOMMES
sont formées des ville» modestes, indiquant l'étape moyenne : Ktumpes,
Ainboto, Ghfllollcraiitt. Ruffec, Ubourne. Ainsi le voyageur, traversant
tu France, trouvait alternativement une ville de simp le détassement et
une ville de complot réconfort : la première suffisait au piéton, la
seconde convenait au cuvulier. Sur presque toute» les routes, le rythme
«les cités se produit de la même manière, cadence naturelle réglée par la
marche des hommes, «les chevaux et tles voitures.
Les irrégularité 1 s du réseau des étapes s'expliquent Imites pur les
traits du relief, le cours des fleuves, les mille contrastes de ta géogra-
phie. La nature du sol, en premier lieu, détermine les hommes dans leur
choix d'un emplacement pour les demeures. Le village ne peut naître
(pie là où naît l'épi; il s'écarte de la lande ingrate» des amas de gra-
viers, des argiles dures à défoncer, et surgit d'abord spontanément dans le
voisinage des terres meubles, faciles à labourer, et non dans les régions
basses et humides, d'une fécondité exeeplk miellé: l'histoire de l'agri-
culture montre même que ces alluvions molles éloignent l'homme
par leur insalubrité; elles ne furent u:u-* en culture que par des efforts
collectifs, répondant a une période de l'Immunité déjà très avancée.
Les terres trop inégales, de même (pie les sols trop uriiles, n'attirent
pas non plus les populations, empêchent ou retardent la fondation des
cilés. Les glaciers, les neiges, les vents froid s ex puisent, pour ainsi dire,
les hommes des âpres vallées des montagnes: lu tendance naturelle des
villes est de se fumier immédiatement en dehors de lu région difficile,
au premier endroit favorable qui se présente à l'issue même des vallées.
Chaque torrent u sa ville riveraine dans ta campagne basse, lu où son
lit, soudainement élargi, se ramifie en une multitude de branches u tra-
vers les graviers. Chaque double, triple ou quadruple confluent de vul-
léesfail naître une annule agglomération, d'autant pius considérable,
toutes choses égales d'ailleurs, que les lits convergents roulent une eau
plus abondante. Kst-il position plus naturellement indiquée que celle de
Zuragowi, sur le milieu du cours de l'Eure, au croisement de la double
vallée où coulent le (iallayo et le Huervu? Kl lu cité de Toulouse, métro
• pôle du midi de la France, noccupc-t-clle pas un lieu que le doigt d'un
enfant aurait pu signaler d'avance comme un rendez vous de peuples,
l'endroit où commence lu navigation fluviale, au dessous du confluent
delà haute Garonne, de l'Ariegc et du lier»? Aux deux angles occiden
taux de lu Suisse, Bûle et Genève se sont élevées au carrefour des grandes
CONFLUENTS, COUDES, ESTCAtBÊS 'S&
voles suivie» par les peuples migrateurs, et, sur le versant méridional
des Alpes, toutes les vallées sans exception ont à teur porte de sortie une
vitte gardienne ; de puissantes citée, Milan et tant d'autres, marquent les
points de convergence, et la haute vaille du l'A, constituant les trois
quarts d'un cercle immense, a pour centre naturel ta ville de Turin.
Sur le cours intérieur du fleuve, la fondation déciles est déterminée
par des conditions umilogues du milieu : au bec de deux courants ou sur
un point de diminution des trois, qiuitre voies navigables ou des routes
naturelles qui se présentent à. la fois, »u lieu des deux uniques de l'amont
et de Pavai. Ailleurs d'autres groupes se fixent aux cscules d'arrêt néces-
saires, rapides, cascades, délllés rocheux, où viennent mouiller les
barques, où st.» transbordent les marchandises ; les étroits des fleuves, là
où le passage» de rive a rive se fait avec facilité, sont aussi des endroits
indiqués pour un emplacement de village ou mémo de ville, si d'autres
avantages sujoutcut ù celui qu'ofl're le rétrécissement fluvial. Telle
courbe bien inarquée d'un cours d'eau, rapprochant sa vallée iVim
grand centre d'activité situé dans un autre buHriii, peut inviter aussi les
hommes en grand nombre, C'est ainsi qu'Orléans a dû se butir sur la
rive de la boire qui se développe le plus au nord dans la direction de
Paris, et queTzarilsin se trouve h l'endroit où lu Volga se rapproche du
Don. Enfin, sur chaque fleuve, le point vital par excellence est l'endroit,
voisin de l'embouchure, où la marée montante vient arrêter et soutenir
le courant supérieur et où les embarcations, amenées par le courant d'eau
douce, rencontrent naturellement les navires de mer voguant avec le
flux. Dans l'organisation hydrographique, ce lieu de rencontre peut être
assimilé au collet de l'arbre, entre le système tic végétation aérienne et
celui des racines profondes, c'est la forme normale du grand port euro-
péen sur les mers à marée ; Hambourg ou Londres, Anvers ou Bordeaux.
Les découpures du littoral influent aussi sur la répartition des villes.
Certaines cales sablonneuses à peine infléchies, inabordables aux
navires, si ce n'ost pendant les rares journées de calme plat, sont autant
que possible évitées par l'homme de l'intérieur aussi bien que par le
marin aventuré sur l'océan. Ainsi la ctMc, de irio kilomètres en longueur,
qui se profile en droite lîjrne de l'estuaire de la Gironde à la bouche de
IWdour, n'a d'autre ville que la petite Arcachon, simple lieu de bains et
de villégiature, située en arrière de lu rive, en dedans clu rempart formé
par les dunes du cap Ferret. De même les formidables cordons littoraux
346
L'HOMME ET LA TËBH£. — RÉPARTITION DE» HOMMES
qui bordent tes Caroline», le long de l'Atlantique, ne donnent accès,
entre Norfolk et YYîlminglon, qu'à de pauvre* bourgs entretenant à
grand'poine un dangereux tralic. tin d'autres régions côtières, les îles et
les Ilots, les rocher», les promontoires, les presqu'îles, multipliant les
mille dérhiqueturcs et entailles dos escarpements, empêchent également
la naissance des
I». 486. Côte déwrte. vi|h>s mft , gré |eg
avantages que pré-
sentent les eaux
profondes el bien
abritées. La vio-
lenee d'une nature
trop ton ri non tée ne
permet qu'à un pe-
tit nombre d'hom-
îiil's de s'y grouper
ti t'uise. Les sites les
plus favorables sont
ceux où la côte,
sous un climat tem-
péré, est accessible
à la fois du dehors
et du dedans aux
véhicules de toute
sorte, navires et
chariots.
Par contraste
avec la cote reetili-
gue des Landes ,
presque dépourvue d<* villes et de villages, on peut citer le littoral de la
Méditerranée languedocienne entre le delta du Rhône et la bouche de
l'Aude. Dans cette région, les centres de population considérables se
rapprochent davantage qu'ils ne le fout en moyenne dans le reste de la
France, bien que la dtmsilé kilométrique des habitants ne dépasse point
la normale de l'ensemble du territoire. La raison de ce collier de villes
doit être cherchée dans la disposition géographique de la contrée. La
route que suivaient les hommes d'Italie pour se rendre en Espagne ou en
i: 6 000 000
60
100
200 Kil.
C&TB8 DÉSERTES ET CÛTE8 PKUPtÉES
«7
Aquitaine évitai! également tes montagne» abruptes de l'intérieur et
tes marécages, les lacs satins, tes bouches fluviales de la côte. La partie
«• 487. Cotes à ports nombreux.
à-
1: 5000000
là'o itio
300 Ktt.
haute, abrupte, très faiblement peuplée, presqu* in hospitalière que
limite au sud le mur des Cévcnnes commence dans le voisinage même
348 l'homme kt la terre, — REPARTITION des hommeb
(te la mer, et, par suite, le mouvement de l'histoire se trouva rejeté
sut' la route du littoral méditerranéen. D'outre part, le commerce devait
chercher des lieux d'accès, soit à l'embouchure des rivières, celle de
l'Aude ou de l'Hérault* ou bien duns une anse protégée artificielle-
ment pur des jetées. C'est pur l'effet de ces appels mie se sont fondées
Narlioune, qui eut su période do puissance mondiale alors qu'elle était
la plu» populeuse des Gaules ; IJéjûcrs, qui Tut prospère du temps des
Phéniciens et qui est encore l'un des grands marchés agricoles de ta
France: Agde, la ville grecque, à laquelle a succédé eu importance
Celle, autre ville d'origine hellénique; Montpellier, la capitale intellec-
tuelle du Midi, 011 les Sa n'usina et les Juifs furent les précurseurs de la
Henutssauec, Au delà, les villes se pressent encore, et l'antique Nîmes,
assise au bord de sa fontaine, se raccorde avec le cours du Hhoue par
les trois cités d'Avignon. île lïeuucaire et d'Arles.
Toutes les conditions de In nulore, agricoles, géographiques, clima-
tiques, influent en bien ou en mal sur le développement des villes.
Chaque avantage augmente leur force d'attraction, chaque désavantage
les diminue. La grandeur des groupes urbains se mesure* exactement îi
la somme des privilèges naturels, en admettant, bien entendu, (pie
l'ambiance historique soit identiquement la même. |)ei« cités, Tune
d'Afrique, l'autre d'Kurope, se trouvant en des conditions similaires,
n'en seront pas moins très différentes, puisque l'évolution de l'histoire
environnante diffère pour chacune d'elles : néanmoins il y aura paral-
lélisme dans leurs destinées. Par un phénomène analogue a celui des
perturbations astrales, deux centres urbains rapprochés s'influencent
mutuellement, soit pour se développer de concert lorsque leurs avan-
tages se complètent, telles Livcrpool, la commerçante, et Manchester, la
manufacturière, soit pour se nuire lorsque les privilèges sont de môme
ordre : c'est ainsi que, près de Bordeaux, sur le fleuve; Garonne, la ville
de Libourne, située de l'autre coté de V « Knlre-deux-Mcrs », sur le fleuve
Dordognc, aurait pu rendre au trafic des services presque identiques ;
mais le voisinage de la première a fait tort à la seconde ; celle-ci, man-
gée par sa rivale, et perdant, h peu de chose près, toute sa valeur mari-
time, n'a plus d'importance que comme lieu d'étape continentale.
Il faut constater aussi ce phénomène remarquable que la force géo-
graphique peut, comme celte de la chaleur ou de l'électricité, se trans-
porter u distance, agir au loin de son foyer et faire surgir par contre-
cités en lutte et cités abkociâkh
%
coup une ville (tons un site que des raisons diverses rendent préférable
au lieu d'origine. On peut cilcr en exemple trois des porte île ta Méditer-
ranée où le» delta» fluviaux créent des conditions spéciale» pour le»
ville» d'échange : Alexandrie, qui, malgré son éloignoment du courant
mlotique, n'en est pas moins l'entrepôt cominorei.il de lout le bassin»
Venise, le port de; la plaine padune, el Marseille, celui de In vallée du
'i*f«fti ^if
v*minf
(I. J. Killm. Mit.
HAlUmhLK JET LB PORT, VUS PE NOTSB-UAMfi UK !.A <i\RJ>K
Hhône, Kloignée de vingt kilomètres de l'embouchure du Dniepr,
Odessa en surveille le trafic.
Après les avantages du climat cl du sol, ceux du sous-sol exercent
parfois une influence décisive. Telle ville noît brusquement en un silo
défavorable en apparence* grucc ù 1» richesse souterraine de la contrée
en pierres a bâtir, en argiles ù façonner ou a sculpter, en substances chi-
miques, en métaux de toute espèce, eu combustibles minéraux. Ainsi
Potosi. Cerro de Pasco, VirgînhvCîty sont nées en des régions où
jamais, sans lit présence des veines d'argent, ville n'aurait pu se fonder,
MerlhyrTydiil, Le Creusot, Kssen, Liège, Scraiilon sont des créations
de la bouille. Toutes les forces naturelles, naguère inutilisées, font naître
L'HOMME ET LA TERRE. — RÉPARTITION DES H0MMK8
des cités nouvelles précisément aux endroits que l'on évitait jadis, soit
au pied des cataractes, comme Ottawa, soit dans tes montagnes, à portée
des conduites qui distribuent l'électricité, coin mu dans tes vallées de la
N° 488. Un port d'estuaire : Anvers et l'Escaut,
:r;^:""^.y-^
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La navigation est excessivement dl (licite dans l'Escaut* à cause des bancs de sable, des
coudes brusque» du chenal, des courant» de marée et des brouillards fréquents. Malgré cela,
le pori d'Anvers est extrêmement prospère. Le port de Zeebrugge, récemment ouvert au trafic
ainsi que te canal maritime le reliant à Bruges, doit rendre des serviras au commerce belge
sans nuire à Ostende, ni à Anvers.
Suisse. (Iliaque acquisition tic l'homme crée des points vitaux en des
lieux imprévus, de même que chaque nouvel organe se donne des
centres nerveux correspondants. Quel changement rapide dans la ré-
partition des villes, lorsque l'homme sera devenu maître de l'aviation
et de l'aéronautique ! De môme qu'il recherche maintenant au bord de
la mer des endroits favorables pour expédier et recevoir les navires, de
SUUUISSKMENT DE NOUVELLES CITÉS
35 1
môme il so sentira naturellement porté comme l'aigle vers tes hautes
cimes d'où son regard e info l'a sacra l'infini de l'espace .
A mesure que s'agrandit le domaine de l'humanité consciente et que
les attractions se font sentir sur un espace plus étendu, les villes appar-
H* 489. Un port de haute mer ; San franolsco.
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«H«W.d*Gr,
ut*jr
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■ 1-
10
25
wn wt mnij
seKil.
tenant à un organisme plus vaste peuvent ajouter aux avantages spé-
ciaux, cause de leur naissance, des privilèges d'une nature plus géné-
rale qui leur assurent un rôle historique d'importance majeure. G'est
ainsi que llotnc, Paris, Berlin ♦ nous l'avons vu, n'ont cessé d'acquérir,
dans leur agrandissement tutoie, de nouvelles causes d'agrandissement';
et ne peut-on en dire autant de Londres, actuellement la plus grande
cité du monde? La principale raison de sa prospérité, la situation du
1. J. G. Kohi, Dû gevgraphischc Loge der llauptstâdte Europas,
35a l'homme et la terre. — RÉPARTITION des hommes
port» à la tôle de navigation maritime sur la Tamise, a mis la ville,
devenue capitule du Royaume ('ni, à môme de profiter d'autres avan-
tages qui. sans cela, seraient restes ctt puissance* mais sans se réa-
liser jamais. Ainsi de progrès en progrès par rapporta l'ensemble du
monde, Londrc* a Uni par devenir le point central que, de toutes les
extrémités du globe, on peut en moyenne atteindre le plus facilemenl.
Dans le développement des cité», il arrive très fréquemment tpie la
croissance ou ht décroissance de ces grands organismes s'accomplit
d*un mouvement très irrégulier, para coups que déterminent des évolu-
tions rapides de l'histoire. Ainsi, pour prendre encore l'exemple de
Londres, on voit qu'à l'origine, les avantages locaux de cette ville, tout
en ayant une certaine importance, n'étaient point de nature à lui pro-
curer le rang qu'elle a pris parmi les autres cités. Certes, sa position,
dans une plaine bleu limitée au nord par des coteaux protecteurs, au
bord d'un grand fleuve cl au confluent d'une petite rivière, à l'endroit
même où le va ct-vicnt de la marée facilitait l'alternance de la naviga-
tion, l'embarquement et le débarquement des marchandises, toutes ces
conditions éluieni «les plus favorahles à Londres pour la faire prévaloir
dans sa lutte d'existence avec les autres cités de l'Angleterre, mais
ces privilèges locaux ne prirent leur véritable valeur que lorsque les
Homaius curent choisi celle position pour en faire le centre de couver-
gence des routes tracées en tous sens dans la moitié méridionale de la
grande tic, La Borne britannique devait s'élever au lieu choisi comme
centre du réseau. Mais lorsque les légions romaines durent abandonner
Albion et (pie toutes les « roules hautes », hùjh ttltvrte* construites entre
les postes militaires et le port de la contrée, eurent été délaissées,
Londinium perdit par cela même toute son importance et ne fut plus
qu'une simple ville de la Bretagne, réduite, comme tant d'autres, a ses
avantages purement locaux, et, pendant deux cents années, clic resta
complètement ignorée de l'histoire \ Il fallut que tes relations se réta-
blissent avec le continent pour que la position do Londres reprit sa
valeur. t
Les faveurs administratives, l'appel des courtisans et courtisanes, des
fonctionnaires, des policiers, des soldats et la foule intéressée qui se I
presse autour des « dix mille d'eu haut « donnent aux capitales un rôle <
t. Gomme, Village Communitics, pp. 48,51 ; Orecn, The Makinç of En gland, p. 118.
AVATARS f)l: DÉYJEUlPPfiMKNT
353
trop distinct pour qu'il convienne de les C-tudicr comme des types de
groupe urbain : leur développement «si fut- lice on très grande partie. On
peut mieux raisonner sur la vie des cités qui doivent leur histoire presque
uniquement au milieu géographique. Aucun travail n'est plus fructueux
pour un homme studieux que la biographie d'une ville dont l'aspect,
mieux encore que les annales, permet de constater sur pince les change-
ci. Meliitolrtcr et pfc.
I.B CRKUHOT V.T HE8 U8ISK8
ments successifs se déroulant tic siècle en siècle, suivant un certain
rythme. On voit reparaître par les yeux de l'esprit la cabane du pécheur
et celle de son voisin le jardinier; deux ou trois fermes parsemaient alors
la campagne, un moulin tournait sa roue sous le poids de l'eau plon-
geante. Plus tard, une tour de guet s'éleva sur ta colline. De l'autre côté
de la rivière, sur la plage que venait entamer la proue du bue, on cons
truisil une nouvelle hutte; une auberge, une boutique appelèrent les
passants et les voyageurs près de la maisonnette du batelier, puis un
marché s'établit sur la terrasse nivelée du voisinage, ï.ne vtiie.de plus
en plus largement frayée par les pas de l'homme et des animaux, des-
cendit de la plaine à la rivière, taudis qu'un sentier serpentin échappa la
354 l'homme et la terre. — RÉPARTITION des hommes
colline; des roule» futures commencèrent à se montrer sur l'herbe foulée
de» champs, et des maisons s'emparèrent des quatre angles du carrefour
L'oratoire devint l'église» l'échu fa ud de guet se fit château fort, caserne
ou palais; le village grandit en ville, puis ett cité.
La vraie manière d'étudier une agglomération urbaine ayant vécu
d'une longue existence historique est de la visiter en délait conformé-
ment aux phénomènes dosa croissance. Il faut commencer par le lieu
que sacra presque toujours la légende, où fut son berceau, et finir par
ses usines et ses dépotoirs.
Chaque ville a son individualité particulière, sa vie propre, sa physio-
nomie, tragique ou dolente chez les unes, gaie, spirituelle chez les autres.
Les générations qui s'y succédèrent lui ont laissé leur caractère dis-
tinctif; elle constitue une personnalité collective dont l'impression sur
l'être isolé est mauvaise ou bonne, hostile ou bienveillante. Mais la
ville est aussi un personnage très complexe, et chacun de se» divers
quartiers se distingue des autres par une nature particulière. L'étude
logique des villes, à la fois dans leur développement historique et dans
ta physionomie morale de leurs édifices publics el privés, permet de
tes juger comme on jugerait des individus : on constate quelle est la
dominante do leur caractère cl jusqu'à quel point, dans la complexité de
leurs influences, elles ont été utiles ou funestes au progrès des populations
qui se sont trouvées dans leur rayon d'activité, H est des villes que l'on
voit tout d'abord consacrées au travail, mais qui peuvent singulièrement
contraster entre cites, suivant le fonctionnement normal ou pathologique
donné aux industries locales, qu'elles se développent en des conditions
de paix, d'égalité relative et de tolérance mutuelle, ou bien qu'elles soient
entraînées dans les remous d'une furieuse concurrence, d'une spéculation
chaotique et d'une exploitation féroce de la classe des prolétaires.
D'autres villes se montrent à première vue banales, bourgeoises, routi-
nières, sans originalité, sans vie; d'autres ont été buttes pour la domina-
nation, pour l'écrasement des pays environnants: ce sont des instru-
ments de conquête et d'oppression ; a leur vue, on éprouve un sentiment
de crainte ou d'horreur spontanée. D'autres encore, h l'aspect toujours
vieux, même dans leurs parties modernes, sont des lieux d'ombre, de
mystère ou de peur, où Ton se sent pénétré des sentiments d'un autre âge,
tandis qu'il est des cités éternellement jeunes qui disposent à la joie, où
la moindre charpente prend un profil original, où les maisons sont gaies,
ORIGINALITÉ DES VILLES
355
comme le» habitant» d'allure poétique, ajoutant leur propre vie à colle
tle l'homme. Enfin que de cités & faces multiples où chaque classe de la
société trouve des quartiers qui lui ressemblent et dont les siècles ne
N« 400, Villages agricoles et industriels.
r. 200000
o I
itiai
modifient que très lentement l'altitude et le langage! Combien de
sites lamentables devant lesquels on voudrait pleurer!
Les contrastes se montrent clairement dans le modo de croissance
que présente chaque cité. Suivant l'importance de la direction de ses
échanges par terre, celle ci projette ses faubourgs, comme des tentacules,
le long des routes ; de môme, celle qui longe un fleuve se continue au loin
35() l'hommb bt LA TEKRË. — répartition des iiommkb
sur la berge, en face de» lieux d'ancrage et de débarquement. Ou est
souvent frappé de l'inégalité bteurre que présentent deux quartier» rive-
rains, paraissant aussi bien situés l'un que l'autre pour lu résidence de
l'homme: la cause de cette différence s'explique par ta direction
du mouvement fluvial. Ainsi lu pl.icede hordeaiix suggère aussitôt l'idée
que le véritable centre du cercle habile devrait se trouver sur la rive
droite du fleuve, à l'endroit où se sont élevées les maisons du petit fau-
bourg de ta Bastide: muis la (juron nu, décrivant u no courbe puissante,
longe de ses eaux vivantes les quais de la rive gauche : c'est donc du
côté ou se jette le véritable fleuve que doit se porter aussi le courant
commercial, l'activité politique. La population suit la marche des eaux et
s'éloigne des bancs vaseux de lu rive droite. Le monopole a fuit le reste
en s'emparent du faubourg pour l'enserrer tle rails et de barrièms en
cercles entrecroisés et pour l'enlaidir de hangars et d'entrepôts.
On a souvent prétendu que les villes ont une tendance à grandir in-
cessamment dans le sens de l'Ouest. Ce fait que l'on consulte en nombre
de cas se comprend très bien dans les contrées de t'Kuropc occidentale
et dans celles qui ont un climat analogue, puisqu'on ces pays le côté
de l'occident est celui d'où le vent souille avec le plus de fréquence.
Les habitants qui s établissent dans les quartiers tournés vers l'air libre
ont moins ù craindre les maladies que les gens demeurant à l'autre
extrémité des villes, sous un vent qui s'est chargé d'impuretés
en passanl au-dessus des cheminées, des bouches d'égout et des
milliers ou millions de personnes humaines. Kn outre, il ne finit pas
oublier que les riches, les oisifs, les artistes, qui peuvent jouir pleinement
de la contemplation des deux, ont plus souvent l'occasion d'admirer les
beautés du crépuscule que celles de l'aurore: ils suivent inconsciemment
le mouvement du soleil dans sa direction de l'est a l'ouest, et, le soir, se
plaisent a le voir descendre dans les nuées resplendissantes. Mais que
d'exceptions dans cette croissance normale des villes suivant la marche
du soleil! La forme et le relief du sol, l'attraction des beaux sites, la
direction des eaux courantes, les quartiers parasitaires nés des nécessités
de l'industrie el du commerce ont fréquemment pour effet de détourner
les hommes de richesse et de loisir vers d'autres parties de la ville que
celle de l'Occident. Bruxelles et Marseille sont deux exemptes de cette
divergence du type normal.
Par le fait de son développement môme, l'agglomération urbaine,
QUARTIERS KST ET OUEST
357
comme tous lo» organismes, tend à mourir. Obéissant aux conditions
du temps, elle se trouve déjà vieille quand surgissent d'autres cités im-
patiente» de vivre à leur tour. Stms doute, elle garde quand même quel-
ques conditions de durée, grâce* ô ta force d'inertie commune de
ceux qui t'habitent, grâce a ta routine et à la puissance d'appel que tout
centre exerce sur le cercle des alentours ; mais* sans compter les accidents
mortels qui peuvent frapper les villes aussi bien que les hommes, chaque
Cl. J. Kutm, Mit.
t\S COIN* l>B LA HACTK VIM.R 1*« «'ÀRCASSOSTNK
personne urbaine ne se rajeunit, ne se refait incessamment qu a la con-
dition de dépenser une somme d'efforts de plus en plus considérable, et,
souvent, elle recule devant celle nécessité constante. Lu cité doit élargir
ses rues et ses places, rebâtir, déplacer ou raser ses murailles, remplacer
de vieilles constructions, sans objet désormais, par des édifices répondant
à ses tïesoin» nouveaux,
Tandis qu'une ville d'Amérique naît tout accommodée à son milieu,
Paris, vieilli, encombré, encrassé, doit se reconstituer tous les jours,
et, dans la compétition des existences, ce labeur continu lui crée une
très grande infériorité vik à vis des cités nouvelles comme New-York
358 l'homme et la terre. — répartition ors hommes
et Chicago. Telle» est la raison pour laquelle, dans les bassins de
Hmi pli raie et du Nil, des ville» immenses comme îiab\lom\ Ninive,
Le Caire ont successivement changé (te pince. Tout en gardant,
du moins en partie, son importance historique, grâce aux avantages du
lieu» chacune rie ces villes devait abandonner ses quartiers surannés et
se reporter plus loin, pour éviter le» décombres et, souvent aussi, les
pestilences, issues des amas d'immondices ; généralement le site délaissé
des villes qui se dépluceut est occupé par des tombeaux.
D'autres causes de mort, plus décisives parce qu'elles ont pour
raison le développement même de l'histoire, ont frappé mainte cité
jadis fameuse : des circonstances analogues & celles qui ta firent naître
en ont rendu la destruction inévitable. Ainsi le remplacement d'une
route ou d'un carrefour par d'autres voies plus favorables peut supprimer
du coup la ville que les transports avaient créée. Alexandrie ruina Péluse,
Cartagcna de-las Indias rendit Puerto- Bel le u la solitude des forets.
L'appel du commerce et lu répression de la piraterie ont changé de place
beaucoup de cités bâties sur le littoral rocheux de la Méditerranée. Jadis
elles étaient perchées sur d'Apres collines et ceintes de murailles épaisses
pour se défendre contre les seigneurs et les corsaires; maintenant, elles
sont descendues de leurs rocs et s'étalent largement sur le bord de ta
mer: partout le tnmjo est devenu marina; a l'Acropole succède le J'irée.
Dans nus sociétés autoritaires où les institutions politiques ont sou-
vent donné h la volonté d'un seul une influence prépondérante, il est
arrivé que le caprice d'un souverain plaçât des villes en des endroits où
elles ne seraient point nées spontanément. Ayant été fondées en des lieux
contre nature, elles n'ont pu se développer qu'au prix d'une énorme
déperdition de forces vives. Ainsi se bâtirent, à grands frais, Madrid,
Pétersbourg, dont les casinos et les hameaux primitifs laissés ù eux-
mêmes, sans Charles-Quint ni Pierre l or , ne seraient jamais devenus
des cités populeuses comme elles le sont aujourd'hui. Néanmoins, quoi-
que créées par le despotisme, elles doivent au travail associé des
hommes de vivre comme si elles avaient une origine normale: non
destinées par le relief naturel du sol à devenir des centres, elles le sont
pourtant, grâce a la convergence des routes, des canaux, des voies
ferrées, des correspondances, des échanges intellectuels. Car la
géographie n'est pas chose immuable; elle se fait, se refait tous les
jours: ii chaque instant, elle se modifie par l'action de l'homme.
VILtBB POUTIQUKS ôbg
Maintenant on ne cite plu» guère de Géiar bâtisseur de capitales»
de grands capitalistes ou spéculateurs, présidents de syndicats financier,
PARTS. L'ffBTTRB W REPAS, QtTÀRTtEB *DV TEMPLE
'après le tableau de V. Gttbwt.
CI. P. Sellier.
leur'ont succède'' comme fondateurs de villes. On voit les constructions
s'ériger en quelques mois sur' une étendue considérable avec un outillage
36o i/homme et la terre, — répartition des hommes
«plendide, un aménagement merveilleux ; même tes écoles, les biblio-
thèques et les musées n'y manquent point* Si le choix des emplacements
est favorable, les créations nouvelles sont entraînées dans le mouvement
général de la vie, cl le Creusât, Crewe, Barrow-on-Fumess, Denver, la
Plata prennent rang parmi les centre» de population ; mais le site a t-il
été mal choisi, les villes meurent avee tes intérêts particuliers qui leur
donnèrent naissance: Cheyenue-City, cessant d'être la gare terminale
d'un chemin de fer, expédie ses maisonnettes plus avant' sur la ligne
ferrée, et Canton -City disparaît quand s'épuisent les mines d'argent qui
groupèrent les 'vdiitanls dans ce désert affreux. D'ailleurs, si le caprice
du capital essaie parfois de fonder des villes que tes intérêts généraux de
la société condamnent à périr, ii détruit aussi de nombreux groupes de
populations qui ne demanderaient qu'à vivre. Ne voit-on pas, dans la
grande banlieue de mainte importante cité de gros banquiers et proprié
taires terriens augmentant chaque année leur domaine de centaines
dlwctares, changeant méthodiquement les cultures eu plantations ou en
pares à faisans ou à gros gibier, et rasant tous les hameaux et villages
pour leur substituer de distance en distance quelques maisonnettes
de gardiens?
Parmi les villes qui sont à demi ou même complètement factices et
qui ne répondent pas aux besoins réels des sociétés travailleuses laissées
ù elles-mêmes, il faut citer aussi les places de guerre, du moins celles
que font construire de nos jours les grands Ktals centralisés. Il n'en était
pas ainsi lorsque la cité contenait toute la tribu on formait le noyau
naturel de la nation : alors il lui fallait bien se proléger en élevant des
remparts qui suivaient exactement le pourtour des quartiers et
dressaient à leurs angles des tours de guet. A celte époque, la citadelle, où
tous les citoyens se réfugiaient en cas de danger suprême, n'était autre
jue le temple, bâti au haut de la colline gardienne, le monument devenu
sacré par les statues des dieux. Les villes qui constituaient un organisme
double comme Athènes, Mégarc, Corinthe devaient protéger môme la
route intermédiaire par de longs murs parallèles.
L'ensemble des fortifications, s'expiiquanl par la nature du sol,
prenait dans le paysage un aspect harmonieux et pittoresque. Mais,
en nos jours d'extrême division du travail, où la force militaire est
devenue pratiquement indépendante de la naliou et où nul civil ne
peut s'ingérer a donner son avis en matière stratégique, la plupart des
REPARTITION ft-E U»Pt/LA J noN DU GLOBE
plue de 200
u>«o»Kil
VIUE8 MILITAIRES
36 1
ville» fortes ont de» contours tout à fait disgracieux, sans aucune
harmonie avee les ondulations du sol, coupant le pays suivant de»
tracés offensants pour le regard. Du moins, les ingénieurs italien»
de la Renaissance, puit) Vauban et ses émules s*essayaient-ils à des-
siner lo profil de leurs places fortifiées suivant une symétrie parfaite :
quelques-uns de ces ouvrages, ayant l'aspect de croix à étoiles avec
LA VItMÎ d'AIBIS.SUB'LA-LYS
Ci. ï». SttUlttf.
Aire subit plusieurs «l*ges aux dix-soptiômô et riix*huiUdmo siècles ; ses forUftc&ttons ont
p«rdu toute valeur dopuis longtemps.
rayons et gemmes, contrastent régulièrement par les murs blancs de
leurs bastions et redans avec la calme placidité des campagnes om-
breuses. Mnis nos places modernes n'ont plus l'ambition de se faire
belles ; celle préoccupation n'existe pas dans l'esprit des constructeurs.
D'un regard jeté sur le plan des villes fortes, on voit, en effet, qu'elles
sont laides, hideuses, en désaccord complet avec leur milieu. Loin
d'épouser les contours du pays, de prolonger librement ses bras dans
les campagnes, la pince de guerre est comme amputée de ses membres,
V 19
I
363 L'HOMME fit U TERRE. — RÉPARTITION DES HOMMES
atteinte dans ses organe» essentiels. Que l'on constate la triste forme
extérieure prise par de* cités comme Strasbourg* Mels, Lille 1 Cette
dernière ville s'est trouvée tellement à l'étroit dans ses remparts qu'elle
a dû ( pour ainsi dire, résurgir eu dehors de lu zone des servitudes mili-
taires, ftoubaix et Tourcoing doublent l'agglomération fortifiée et,
aujourd'hui, on cherche à regrouper les trois éléments en un tout
harmonieux, uu moyen de larges boulevards.
Malgré la beauté de quelques édifices, ta grâce de ses promenades,
t'allirunce fie su population, Paris est aussi une des villes qu'enlaidit
la brutale enceinte. Dégagé do ce déplu i su nt ovale en lignes brisées,
l'organisme se serait développé d'une façon esthétique et rationnelle,
il aurait pris une figure élégunlc donnée par lu vie.
Une autre cause de laideur dans nos villes modernes provient de
l'invasion des grandes industries manufacturières. Presque chaque
agglomération urbaine est assombrie par un ou plusieurs faubourgs,
hérissés de cheminées puantes, traversés de rues noires : d'immenses
constructions les bordent, aveugles ou percées d'innombrables fenêtres
à l'écœurante symétrie, Le sol tremble sous l'effort des machines eu
mouvement, sous le poids des camions et des trains de marchandises.
Que de villes, surtout dans la jeune Amérique, où l'air est presque
irrespirable, où tout ec que l'on aperçoit, te sol, les routes, les mu-
railles, le ciel, suinte tu boue et le charbon! Peut-on se rappeler sans
horreur et dégoût une agglomération minière comme celte intermi-
nable et sinueuse Kcranluii, dont les soixante-dix mille habitants n'ont
pas même un hectare de gazon souillé et de feuillages noircis pour
consoler les yeux de tontes les h i (leurs de l'usine ! Kt l'énorme Pitts*
burg, avec sa couronne semi-circulaire de hauts faubourgs qui
flambent et qui fument, comment se l'imaginer sous une atmosphère
plus salie, quoique, d'après les indigènes, elle ait gagné en propreté
des rues et en clarlé des horizons depuis l'introduction du gaz nalurct
dans les usines? D'autres villes, moins noires, sont u peine moins
hideuses, de par le fait des compagnies de voies ferrées qui se sont
emparées des rues, des places, des promenades et qui font renâcler cl
siffler leurs locomotives en écrasant la foute sur leur parcours. Quel-
ques-uns des plus beaux sites de la Terre ont été déshonorés : ainsi
c'est en vain qu'a Bufl'alo le promeneur essaierait de suivre la rive
de l'admirable fleuve Niagara, h travers fondrières, croisements de
HYGIÈNE DK8 VILM&
363
lignes, canaux vaseux» amas de graviers et d'ordures et toutes les immon-
dices de la cité.
Une spéculation barbare enlaidit aussi les rues par ses lotissements
de terrain, où les entrepreneurs élèvent de vastes quartiers, combinés
N° 491. Lille, Roubalx, Tourcoing.
1 : 250000
fr— t
t
10
iskil.
Toutes les villes dont les noms sont Indiqués ont au moins 5 000 habitant*. Ut densité de
population de ce territoire a cheval «urla frontière, est d environ 1 000 habitants par kilomètre
carré.
d'avance par des architectes qui n'ont pas môme visité les emplace-
ments» et bien moins encore se sont donné la peine d'interroger les
futurs habitants; ils dressent ici une église ogivale pour les épiscopaux,
ailleurs, une bâtisse romane pour les presbytériens, plus loin* une
sorte de panthéon pour les baptistes, tracent leurs rues en carrés et
V J9*
I
304 L'HOMME KT I.ATEtlUK. — RÉPARTITION DES HOMMES
en losanges, vurient bixurretnent le dessin géométrique des places et
le style des maisons, tout en gardant religieusement tes coins les plus
avantageux pour les débits de boissons funestes. Villes factices, con-
struites sur un type banal et témoignant toujours par quelque enté
de l'insolence fastueuse des constructeur»!
Quoi qu'il en soit, toute ville nouvelle arrive aussitôt, par le fait
même de la juxtaposition des demeures, h constituer un organisme
collectif, dont chaque cellule individuelle cherche à se développer en
santé parfaite, condition première 'de la santé de l'ensemble. I/hisfoirc
est là pour enseigner que les maladifs des uns entraînent celles des
atilres et qu'il est dangereux pour les palais de laisser la peste dévaster
les taudis, Aucune municipalité n'ignore de quelle importance serait
un assainissement complet de la ville par le nettoyage des rues, l'ou-
verture de ]) laces gazomiées el fleuries, ombragées de grands arbres,
la disparition rapide de toutes les immondices cl la diffusion de l'eau
pure en abondance dans tous les quartiers et foules les maisons, A
cet égard, les villes des pays les plus avancés sont en rivalité paci-
fique pour mettre en pratique ou Ù l'essai des procédés particuliers
de nettoyage et de confort. Il est vrai que les villes, comme les Ktats.
ont des gouvernants incités par leur milieu même à s'occuper surtout
de leurs intérêts privtV, mais c'est déjà beaucoup de savoir ce qu'il
convient de Taire pour que les organismes urbains fonctionnent un
jour mécaniquement, pour l'acquêt des provisions, la circululiou des
eaux pures, cie la chaleur, de la lumière, des forces, de la pensée, la
répartition constante de; l'outillage et l'expulsion îles matières devenues
inutiles ou funestes. Cet idéal est encore fort loin d'être réalisé; du
moins, nombre de villes sont-elles déjà devenues assez salubres pour
que la vie moyenne y dépasse celle de mainte campagne, dont les
lia bitunls aspirent continuellement l'odeur des pourritures et des fumiers
et sont restés dans l'ignorance primitive de fonte hygiène.
La conscience de la vie urbaine se manifeste aussi par les préoc
cupalions d'art. Connue Athènes jadis, comme Florence, Niirnbcrg
et les uutres cités libres du moyeu âge, chacune de nos villes modernes
tient a se faire belle : il n'est pas jusqu'au plus humble village qui
ne se donne un clocher, une colonne ou une fontaine sculptée. Art
fort triste et fort maussade en général que cet art manipulé par des
professeurs a diplômes, sous la surveillance d'une commission d'incom
HVUlfcNK DES VILLES 365
|H'ïents t d'tttitani phin prétentieuse qu^lW est plu» ignorante. L'art
Cl. 11. Hotnw.
QUELQUES VI8ILLBS MAISO.VS Ofi LA mOH-STRBBT K EDIMBOUBO
réel est toujours spontané et ne n'uecommode point des alignements im-
posés par la voirie. Les petits esprits, comme il en est tant dans les
366 l'homme kt la tbrrk. — RÉPARTITION des 1IOMMK3
conseils municipaux» procèdent souvent à la façon de ces BJummius
qui commanderaient volontiers à leurs soldats de repeindre les tableaux
détériorés ; ils s'imaginent que par la symétrie ils atteindront la beauté
et que des reproductions identiques donneront à leurs cités des Par-
thé non et des Saint-Marc. N'avons-nous pas en Europe une ville que
ses bâtisses mêmes rendent banale par excellence, la vaste Munich, qui
renferme tant et de si scrupuleuses imitations de monuments grecs
et bysantins, chefs-d'œuvre auxquels manquent le milieu, l'air, le
sol et les hommes?
Les copistes réussiraient-ils a faire surgir des monuments en tout
semblables à ceux qui leur ont servi de modèles» ils n'en auraient pas
moins produit un travail contre nature, car un édifice ne se comprend
pas sans les conditions d'espace et de temps qui l'ont fait naître. Chaque
ville a sa vie propre, ses traits, sa physionomie particulière : avec quelle
vénération les bâtisseurs doivent-ils s'en approcher! C'est un attentat
contre la personnalité collective constituée parla cité que de lui enlever
son originalité pour la hérisser de constructions banales ou de mono
ments contradictoires a son rôle actuel ou a son passé! Le grand art est
de transformer la cité nouvelle pour l'adapter nu\ nécessités du travail
moderne, en conservant tout ce quelle eut de pittoresque, de cu-
rieux ou de beau dans les siècles d'autrefois ; il faut savoir y maintenir
la vie et lui rendre la salubrité et l'utilité parfaites, de môme que des
mains pieuses rétablissent la santé d'un malade. C'est ainsi que, dans la
ville d'Edimbourg, des hommes d'intelligence, à la fois artistes et savants,
ont entrepris de restaurer l'admirable rue dite High-Strect, qui descend
du château-fort au palais dllolyrood, unissant les deux cellules mai
tresses de l'ancienne ville. Abandonnée tout à coup, lors du départ pour
l'Angleterre du roi Jacques, parles parasites de la cour, chambellans,
militaires, hommes de plaisir, fournisseurs et gens de loi, celle avenue
de riches maisons avait changé d'habitants: les pauvres en avalent fait
leur demeure, aménageant de leur mieux les vastes salles en les divisant
par des cloisons grossières, Deux siècles après ht désertion de cette rue,
elle était devenue un ensemble de masures aux cours nauséabondes, aux
réduits envahis par tes fièvres : la population, vôtue de loques malsaines,
toujours souillées de boue, se composait en grande partie d'infirmes, de
scrofuleux et d'anémiés. Aux vices élégants de lu cour avaient succédé
les vices dans toute leur hideur publique. C'est à ces affreuses son tin es
BK8TAU RATION »ES VUMSS 367
que se sont attaqués les restaurateur», transformant graduellement
chaque maison, rétablissant tes escaliers aux larges rampes et les salles
aux cheminées monumentales, Introduisant partout à grands flots l'air
puret ta lumière, amenant Peau en abondance dans le moindre grenier,
ajoutant des bas-reliefs et des ornements aux murailles nues de l'édifice.
Le pittoresque des constructions est maintenu avec respect, même accru
par des tour», des clochetons, des belvédères, mais sans l'horrible accom-
pagnement des ordures et de la puanteur; la me jadis pavoisé© de loques
a maintenant ses balcons décorés de fleur» et de feuillages. La cité repa-
raît dans sa fraîcheur nouvelle, de même que, dans un jardin, la fleur
rejaillit du pied sans qu'un renversement violent ait bouleversé le sot
autour de la tige première.
Mais, dans une société oîi les homme» ne sont pas assurés du pain,
où les misérables et même les famélique» constituent encore une forte
proportion des habitants de chaque grande cité, ce n'est qu'un demi-
bien de transformer les quartiers insalubres, si les malheureux qui les
habitaient naguère se trouvent expulsés de leurs anciens taudis pour aller
en chercher d'autres dans la banlieue et porter plus ou moins loin leurs
émanations empoisonnées. Les édiles d'une cité fussent-ils sans excep-
tion des hommes d'un goût parfait, chaque restauration ou reconstruc-
tion d'édifice se fit-elle d'une manière irréprochable, toutes nos villes n'en
offriraient pas moins le pénible et fatal contraste du luxe et de la misère,
conséquence nécessaire de l'inégalité, de l'hostilité qui coupent en deux
le corps social. Les quartiers somptueux, insolents, ont pour contre-partie
des maisons sordides, cachant derrière leurs murs extérieurs, bas et
déjetés. des cours suintantes, des amas hideux de pierrailles, de misé-
rables lattes. Môme dans les villes dont les administrateurs cherchent
h voiler hypocritement toutes les horreurs en les masquant par des clô-
tures décentes et blanchies, la misère n'en perce pas moins au travers :
on sent que là derrière, la mort accomplit son œuvre plus cruellement
qu'ailleurs. Quelle est, parmi nos cités modernes, celle qui n'a pas son
Whlie-Chapel et son Mile Endroud? Si belle, si grandiose qu'une agglomé-
ration urbaine puisse être dans son ensemble, elle a toujours ses vices
apparents ou secrets, sa tare, sa maladie chronique, entraînant irré-
vocablement la mort, si l'on ne réussit pas a rétablir la libre circulation
d'un sang pur dans tout l'organisme.
Que de cités sont encore éloignées de ce type de salubrité et
!
468 l'hosimb et la tkbre. — répartition des hommes
d'esthétique futures ! Un diagramme, publié dans l'annuaire du Péters
bourg pour Tannée iKp/i donne un saisissant exemple de la consomma-
tion do vies humaines par celle capitale : partant de l'aimée 175/i, époque
à laquelle la population de Pétersbourg était de 100000 individus,
la courbe d'accroissement s'élève en i»6 années ù oâo 000 personnes, tan-
dis que la courbe de population hypothétique, calculée d'après In mor-
talité et sans tenir compte des immigrants, descendu noooo au-dessous
de zéro. La natalité ne dépasse quelque peu la mortalité que depuis i8H5.
année du grand nettoyage Kl dans le inonde, combien de villes, Buda-
pest, Lima, llio de Janeiro, seraient encore eu voie de dépérissement
rapide si les gens de la campagne ne venaient combler les vides laissés
par les morts! Si les Parisiens s'éteignent après deux ou trois généra
tUms, n'est-ce pas rôdeur pernicieuse de la ville qui en est cause ; si les
Juifs polonais sont réformés comme conscrits eu plus grand nombre que
les jeune» gens de» autres nationalités, la faute n'en est-elle pas encore
aux villes où ils végétant pauvrement dans le yhctfa,
Kt que d'agglomérations dont le ciel semble élit» tendu d'un voile
funéraire! A pénétrer dans une cité fumeuse, telle que Manchester ou
Seruing, Essen, LeCreusot ou Pittsburg, on jugera amplement si les
œuvres des lilliputiens humai «s ne suffisent pus ù ternir la lumière,
à profaner la beauté do la nature. Or, une très faible quantité de charbon
échappé à lu combustion, tin voile continu d'une fine lion de millimètre
d'épaisseur' suttlt, surtout si elle s'alita ù des broiil I lards, pour contre-
balancer la lumière solaire. L'atmosphère opaque qui parfois pèse sur
lu ville de Londres est célèbre a juste titre.
D'ailleurs, l'assainissement des centres urbains soulève bien d'autres
problèmes que celui de la fumée, en somme facile a résoudra. Le sys-
tème d'évacuation des vidanges cl ordures ménagères, l'épuration «les
eaux d'égout, soit par dos procédés chimiques, soil par leur emploi
rationnel eu agriculture, sont loin d'avoir reçu des solutions heureuses
ou acceptées, et môme Imp de municipalités semblent m; pas s'in-
quiéter de ces questions. Le» choix d'un sol de roulement ne donnant ni
poussière ni boue, l'organisation efficace des transports en commun ont
aussi leur influence sur la santé générale.
De nombreux indices montrent que le mouvement de flux qui
1. Cb. Dulour, Bulletin de ta Soc. Vaudoise des Sciences NaUtrellts t juin-sept, t895,
p. 145.
Vll.LKS-ClMETlfeKE» M)\)
porte vers tes villes lu population des campagne* peut s'arrêter
et môme se transformer imi un mouvement de reflux. Tout d'abord .
lu cherté de loyer» urbains cunduisit naturellement les travailleurs à se
déplacer vers lu grande banlieue, et les chefs «l'iudiislrie no pouvaient
que favoriser l'exode, puisqu'il devait amener une baisse dans le prix de
lu main d'umvre. La bicyclette, les tramways à service matinal, les train»
ouvriers ont |x*rml» à dos milliers d'ouvriers et de petils employés de
?*#*.
T ^.
L*XK MAISO.V U£ H01'K.VKVJJ,LK
Ville industrielle «les environs de Manche»ter.
se loger avee quelque avantage pécuniaire dans un air moins chargé
dacide carbonique. Ainsi en Belgique, les communes rurales d'un
grand nombre de districts ont gardé leur population, grâce, a l'ev-
tension des « coupons de semaine ». tën rguo. on ne comptai!
pas moins de i5ooou ouvriers qui résidaient la nuit vi le dîmanebe
en leur village, tout eu allant chaque jour de semaine travailler
môme à 5o kilomètres de distante — aboiinemeiil hebdomadaire de
2 fr. a5 — , dans une usine on mu nu facture de quelque ville éloignée.
Mais la solution est biUarde, car te chef de famille s'épuise eu longs Ira-
370
LHOMME ET LA TERRE. — UÈPARTITION DES HOMMES
jets, en mauvais repus, en repos nocturne» écourtés, el du reste L'assai-
nissement (lt?a villages soulève les même» problèmes que celui des vit les ',
Ce n'est pas tout : réleelrieité, que fournit l'eau courante, leud ù
remplacer le charbon et à disperser les usines leloug des cours d'eau,
C'est ainsi que l'on a vu la ville de Lyon, pourtant si ibrteparsa puis-
sance d'attraction un point de rue du travail et des urts, diminuer de
plusieurs iniltiei'K d'hululants pur année, non parée que su prospérité
élu il entamée, mais
un contraire parce
que ses rirhes tis-
seurs et autres in-
dustriels avaient
étendu leur domaine
d'activité dans tous
les départements voi-
sins, jusque dans les
Alpes, partout ou des
cascades ou rapides
leur fournissaient la
force motrice néces-
saire.
A bien considérer
les choses, Ion te ques-
lion d edilité se confond avec la question sociale elle-même, Tous Jes
homme» sans exception arriveront-ils à pouvoir respirer l'air en quan-
tité suffisante, à jouir pleinement de la lumière du soleil, à savourer
la beauté des embraies et le parfum des roses, à nourrir généreuse-
tuent leur famille sans craindre que le pain vienne à manquer dans la
huche? S'il en est ainsi, mais seulement alors, les villes pourront atteindre
leur idéal et se transformer d'une manière exactement conforme
aux besoins el aux plaisirs de tous, devenir des corps organiques par-
faitement sains et beaux.
C'est à ce programme que prétend répondre la ville jardin. Et de fait,
des industriels intelligents, des architectes novateurs ont réussi a créer en
Angleterre, où le tandis urbain était le plus hideux, un certain nombre
VU QUARTIEK OUVRIER A MAN<HE8TKB
Ty|H» des elum* anglais.
t. tëmile VanUflrv«UUs //wwrfe rurat.
VU.LK8-JARDINB
3 7 .
de centres en des condition» aussi parfaitement salues pour le pauvre que
pour lu riche. Port-Suntîghl, Bourneville, Letehworth contrastent
certes heureusement avec tes stums de Uvcrpoot, de Manchester et villes
analogues, et 1rs tables de mortalité de ces localités rivalisent par
leur faible taux, avec celles des quartiers les plus somptueux de nos capi-
tales — 10 a u* décès annuels pour 1000 habitants — , mais ce sont tou
jours des privilégiés qui habitent les villes-junlins et le bon vouloir des
philanthropes n'est
pas suffisant à conju-
rer tes couséquettees
de l'antagonisme
(pti existe entre le
Capital et le Travail,
ïl n'est pas indis-
pensable d'en venir à
ces etval iousde noire
époque pour trouver
des preuves tou-
chantes du désir de
iH'autc qu'éprouvait
maint village de nos
uneetres et qui ne se
trouve satisfait que
par un ensemble harmonique. On peut citer notamment le» communes
des Polabes, gens d'origine slave qui vivent dons le bassin de la Jeclze,
affluent Imnovricu do l'Elbe, lit, toutes tes maison» sont disposées dédis
tance en distance autour d'une grande place ovulaire, dans laquelle
se trouvent un petit étang, un bois de chênes ou de tilleuls, quelques
tables et des sièges en pierre; chaque de m eu ri', dominée par un haut
pignon que supportent des charpentes en saillie, tourne sa façade vers
ht place et présente, au-dessus de sa porte, une inscription biographique
et morale, ha verdure des jardins extérieurs se développe en un beau
cercle d'arbre», interrompu seulement par la roule qui rattache
la place au grand chemin; c'est sur celte ligne de raccordement avec
les autres villages qu'ont, été construites l'église, l'école et l'auberge 1 .
twx maison ocrv&xânB a ustchwobmi.
Nouvelle ville-Jardin k 50 kilomètres de Londres,
1. D* Tetznor, (Uabm % 1 avril 1900.
873 l/UOMME ET LA TKRRK. — RÉPARTITION DES HOMMES
La population est tellement concentré*} en certaines grandes villes
qu'elle dépasse mille habitants par hectare» notamment dans quelques
quartiers de Paris; à Prague» tes foules se pressent bien plu» encore;
à New-York» en i8a6, la pullulation des êtres humain» aurait
atteint sa plus forte densité, 1 860 individus par hectare, sur une
étendue de i3o hectares'. Autour des villes que le génie militaire n'a
pas entourée* d'une marche interdite au peuplement, la campagneclle-
méme se couvre de villas et de maisons. Attiré*» vers ce qui est leur
centre naturel, les agriculteurs se rupprochent de plus en plus du massif
continu de constructions et forment duns son pourtour un anneau de
population dense ; forcés en conséquence du se contenter d'un moindre
espace pour leur habitation et leurs cultures, ils se livrent à un travail
plus intensif; de pâtres ils se font laboureurs, et de laboureurs jardiniers.
Les cartes démographiques montrent bien ce phénomène de lu réparti-
tion annulaire des campagnards se transformunteu horticulteurs, (l'est
ainsi que la ville de Hayreutli est ceinte d'une zone on lu densité de lu
population est de 109 habitants par kilomètre carré; autour de Bamberg,
la densité kilométrique atteint le chiffre de 180 individus, et le terrain
sur lequel cette foule s'est amassée était pourtant à l'origine de 1res
faible valeur ; mélange de sable et de tourbe, il m» convenait autrefois
qu'à la croissance des conifères : on en a fait un sol de jardin incompa-
rable*. Dans la région méditerranéenne, il arrive que l'amour de In
ville, au lieu de peupler la campagne de banlieue, ta dépeuple au con-
traire. Le grand privilège de pouvoir discuter tes intérêts publics a, par
tradition, changé tout le monde en citadins. L'appel de l'agora comme
en Grèce, de la vie municipale comme en Italie, attire les habitants
vers la place centrale où se déballent les affaires communes, plus encore
sur les promenoirs publics qu'entre les murs sonores de la maison de
ville. C'est ainsi qu'en Provence, le petit propriétaire, au lieu d'habiter
ses champs, reste quand même un « urbain »> invétéré. Quoiqu'il pos-
sède mas ou bastide, il ne s'installe point dans ce clos rural, mais il
réside dans la ville d'où il peut aller, en se promenant, visiter ses arbres
chemin, c'est là, sur celte ligne de raccordement fruitiers et en faire la
cueillette. Les travaux de la campagne sont pour lui chose secondaire 1 .
Par un mouvement de réaction bien naturel contre l'effrayante con-
i. Lawrence Corlheïl, Revue scientifique, 27 Juin 1896, p. 815.— 2. Chr. Saadler,
Vclks-Karttn, p. 1—3. Edmond DemoJins, les Français d'aujourd'hui, pp. 106, 107.
3 7 a
U VILLE ET LA BANLIEUE
sommation d'hommet» l'avilissement de tant dé caractères, la corruption
N* 492, Stums de Manchester et Salford,
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i : eo ooo
(Mlii'rM t ",'\\
,.a ■ t-- ».—
r r~' — t Kii.
D'après les travaux de T. R. Msrr, Hottsing conditions in Mawhetter and Salford* les
blocs de maisons noirs ou recouverts dos grisés 1 ou 2 doivent disparaître & cause de leurs
conditions hygiéniques déplorables. Us autres habitation» sont relativement saines.
de tant d'Ames naïveg qui se brassent dans V « infernale cuve», des réfor-
mateurs demandent la destruction des cités, le retour volontaire de toute
374 l'homme et la terre. — répartition des hommes
la population vers la campagne. San» doute, dan» une société consciente,
voulant résolu mont la renaissance de l'humanité par ta vie des champs,
cette révolution telle qu'il n'en fut jumuitt serait strictement possible,
puisque, m évaluant à cent millions de kilomètres carrés seulement la
superficie des terres de séjour agréable et salubre, deux maisons par
kilomètre carré, contenant chacune sept h huit habitants, suffiraient à
loger l'humanité; mais la nature humaine, dont ta loi première est la
sociabilité, ne s'accommoderait point de cet éparpillement Certes il
lui faut le bruissement des arbres et le gazouillis des ruisseaux, mais
il lui faut aussi l'association avec quelques-uns et avec tous : le globe
entier devient pour elle une énorme cité qui peut seule la satisfaire.
\ctuellemeni, rien ne fait présumer que ces prodigieuses aggloméra-
tions d'édifices aient atteint leur plus grande étendue imaginable : bien
au contraire. Dan» les pays de colonisation nouvelle, où le groupement
des hommes s'est fait spontanément, de manière à s'accorder avec les
intérêts et les goûts modernes, les villes ont une population proportion-
nelle beaucoup plus considérable que les agglomérations urbaines des
contrées vieillies d'Europe, et quelques-uns des grands foyers d'appel ont
plus du quart ou du tiers, parfois même de la moitié des habitants du
pays. Comparée a l'ensemble de son cercle d'attraction, Melbourne est
une plus grande cité que Londres, parce que la population environnante
est plus mobile, et qu'il ne faut pas l'arracher, comme en Angleterre,
des campagnes où elle s'était enracinée pendant des siècles. Cependant,
ce phénomène exceptionnel de pléthore dans tes villes australiennes pro-
vient en grande partie de la répartition du sol des campagnes en vastes
domaines où les immigrants n'ont pas trouvé place; ils ont été chassés
des UUiJamUu vers tes capitales *. Quoi qu'il en soit, le travail de trans-
plantation devient de plus en plus facile et l'accroissement de Londres
pourra se faire sans cesse avec une moindre dépense de forces. Au com-
mencement du vingtième siècle, cette ville n'a guère qu'un septième de la
population des îles Britanniques; il n'est aucunement impossible qu'elle
acquière, elle aussi, le tiers ou le quart des habitants du pays, d'autant
plus que Londres n'est pas seulement le centre attractif de la Grande
Bretagne et de l'Irlande, mais qu'elle est aussi le principal marché de
l'Europe et d'une grande partie du monde colonial. Une prochaine
1. J« Denain-Darrays, Questions diplomatiques et coloniales, 1" févr. 1903*
ACCROISSEMENT DBS OR\N|>ES CITÉS 3;5
agglomération de dix, de vingt million* d'hommes, soit dans te bassin
ft« 413. Quartiers de Itew-York.
(Voir pas* 871)
1: 100000
h
Ikîi.
Dan» la cité de New. York, les grisés 1 à 9 Indiquent la densité de population par quartiers»
1 correspond » 2S0-500 habitants par hectare et ainsi de suite par échelon do 260 j le chiffre 9
correspond à 2250*2500 par hectare.
inférieur de la Tamise, soit à la boudic du Hudson t ou dans tout autre
376 L'HOMME ET LA TERRE. — nêPARTITION DES HOMMES
lieu d'appel, n'aurait rien qui pût surprendre, et même ïi faut y
préparer nos esprit* comme à un phénomène normal de la vie des
sociétés. La croissance des grands foyers d'attraction ne pourra s'enrayer
qu'à l'époque 011 l'équilibre se sera établi entre lu puissance attirante de
chaque centre sur les habitants des espaces intermédiaires. Mais alors
le mouvement ne s'arrtMcra point :it se transformera de plus en plus «11
cet incessant échange dépopulation entre les cités que Ton observe déjà
ctqui peut elre comparé au va-et-vient du sang dans le corps humain.
Sans aucun doute, le nouveau fonctionnement donnera naissance ti do
nouveaux organismes, et les villes, déjà tant de fois renouvelées, auront
ù renaître encore sems de nouveaux aspects vn accord avec l'ensemble
de l'évolution économique et sucialf.
L'Histoire n'a pas désert è
les rivages de la Méditerranée t
CHAPITRE III
VANITÉS NATIONALES. - LATINS. - ORIENT MÉDITERRANÉEN
L'HOMME MALADE. — GRÈCE. — ITALIE. - PÉNINSULE IBERIQUE
FRANCE : SES COLONIES, L'AFFAIRE DREYFUS, PARIS ET LA PROVINCE
OllUANTHROPIE- — AFRIQUE MINEURE. - MAROC ET SAHARA
ALLEMAONE : SES DÉFENSES MARITIMES, LA NAVIGATION INTÉRIEURE
AUSTROHONORIE. - BEtOIQUE. » HOLLANDE. - SCANDINAVIE
De même que l'individu, en m passion instinctive de durer quand
mémo» repousse l'idée de la mort et suscite dans son imagination le
rêve de l'immortalité personnelle, de même les nations ne veulent pas
udmetlrc qu'elles puissent disparaître : les changements inévitables,
révolutions et catastrophes, sont tenus, pour ainsi dire, de respecter leur
existence. Non seulement elles voudraient continuer de vivre, il leur
conviendrait aussi d'avoir la primauté, sinon en toute» choses du moins
par quelque trait qui les classe au premier rang. On plaisante volon*.
378 L'HOMME ET Uk TBBBE. — UïlNS ET GERMAINS
tiers la France de ce qu'elle se dit ta « Grande Nation », mais quelle
de ses voisines ou de ses rivâtes lointaines ne se considère pas aussi
comme méritent ce titre? La Grande Bretagne n'est-elle pas lu
dominatrice des mers» n'enguirtande-t-clle pas le monde d'un cercle de
colonies dent l'une ou plusieurs sont toujours éclairées par le soleil à son
zénith ? L* « Anglo-Saxonnie» transatlantique ne se vantc-t-elto pas d'être
parmi les nations lu plus audacieuse et la plus ingénieuse» ta plus apte
aux découverte» et au progrès? [Allemagne ne. bc dit-elle pas la pre-
mière par la puissance de son géitie et l'ampleur de ses pensées ? La
« Sainte Russie •> s'intitule la grande dévoratrice des royaumes cl des
empires, l'héritier? universelle de tous les Etats de l'Ancien Monde. La
Chine est la grande uïeule, la nation immortelle, et te Japon, l'empire
du « Soleil Levant ». s'est donné pour carrière l'immensité des temps. II
est ainsi des nations qui vantent surtout leur passé parce qu'elles doivent
bien reconnaître qu'elles ne surit pus les premières dans le présent, La
(irèce s'enorgueillit d'être le pays de Platon et d'Arislolo, d'Hérodote el
de Thucydide, d'Kschyle et de Sophocle, d'A pelle el de Phidias, tandis
que Home parle de son ancien empire sur le monde alors connu et
gouverne encore en de nombreux pays pair m langue, son esprit, sa
religion, sa morale et ses lois. Kiifln les plus petits Etats croient avoir
au moins une supériorité* : c'esl en toute sincérité naïve que les Suisses,
iors des fêtes nationales, se congratulent sur leurs vertus, et môme le
peuple errant des Juif», emportant sa patrie h la semelle de ses souliers,
se proclame 1* « Elu de Dieu ■ .
Pour donner plus de corps à leurs revendications de supériorité, les
putrioles de chaque nation aiment u s'appuyer sur une fraction de l'hu-
manité plus vaste, tt laquelle on applique, certainement a tort, le nom
de « race < -, d'une signification très élastique. J^es peuples méditerra-
néens qui participèrent ù l'antique civilisation romaine sont dits
« Latins », comme si les langues qu'ils parlent, italien, espagnol, por-
tugais, français, roumain et romanche, leur constituaient une sorte de
descendance morale à l'égard des anciens habitants du Latium ; môme
on ajoute d'ordinaire les Hellènes de l'Europe, des lies et de l'\sic
Mineure a cette prétendue race des Latins et on leur donne comme
clientèle naturelle les terres de l'Afrique Mineure ou Mauritanie, dont
les résidants berbères sont trop peu nombreux pour qu'on leur accorde
le droit de former une race à part.
VAN1T&8 NATIONALES 379
Bien plus» tes Latins s'attribuent aussi la moitié du Nouveau Monde,
c'est-à-dire toute» les populations d'origine très mélangée, blanche,
rouge et noire, qui parlent te français, l'espagnol ou le portugais* dans
les Antilles, le Mexique, l'Amérique Central» et tout lu eonlinent colom-
bien au sud de Panama.
En dehors du monde latin, ceux qui luttèrent le plu» énergiquement
contre la puissance de Rome et qui finirent par la renverser, les
Germain», occupant la plus grande partie de l'Europe centrale, se disent
former une deuxième race, à laquelle se rattachent au Nord, comme
sousruce, les Scandinaves du Danemark, de la Suède, de la Norvège et
de l'Islande. Kn outre, le» Germains revendiquent comme appartenant
à leur race tous ceux qui, dans le» îles Britanniques! aux Etats-Unis
et dans la Puissance du Canada, ont pris le nom d' « Anglo-Saxons »
et prétendent aussi constituer ù eux seuls la race dirigeante du monde.
Les Slaves de l'tiurope orientale, débordant à l'ouest sur l'Allemagne,
au sud-ouest sur l'Austro-Hongrie el la Hulkanie, au sud-est sur les ré-
gions caucasiennes, ù Test sur les immenses territoires de l'Asie, em-
brassent aussi sous le nom de race slave bien des peuples assujettis,
Enfin, les nations dominatrices du monde à culture de type européen
veulent bien consentir ù faire une place à coté d'elles, sous le nom de
race < jaune > , aux cinq cent millions de Chinois, d'Indo-Chinois et de
Mongols.
Quant aux Japonais, les classificulcurs se trouvent embarrassés :
faut-il les placer parmi les a jaune* », auxquels ils appartiennent par
l'origine, la couleur, la langue, les traditions; ou bien doit-on les
rattacher virtuellement aux Anglo-Saxons, avec lesquels ils se sont étroi-
tement alliés au point de vue politique el dont ils cherchent h copier
les imbum? De marne, sous quel vocable désigner les trois cent millions
de péninsulaires hindous ou dravidiens? d'ordinaire, ou est disposé à
ne voir en eux qu'une simple dépendance de la <■ race > uuglo*saxonne
qui les gouverne.
Depuis la dernière moitié du dix-neuvième siècle, un grand nombre
de « Latins », considérés comme personnages représentatifs, se laissent
aller à un certain découragement, et semblent admettre comme une
sorte d'axiome, que - L'ûmc lutine est vidée », que le génie de la race est
définitivement épuisé. De pareilles niaiseries ne peuvent s'expliquer
38o
l/ffOMMK ET LA TERRE. — LATINS ET GERMAINS
autrement que par la vanité blessée. Lies triomphes rapide» et décisifs
de l'armée allemande pendant la guerre de 1870, la supériorité incon-
testable de tels ou tels Allemands. Anglais, Américains ou Russes
en diverses branches de la science ou de l'art, la furie d'applications
industrielles par lesquelles les Etats-Unis se sont placés au premier rang
constituent tant de preuves éclatantes do l'extension des progrès
matériels et intellectuels dans le monde* que les Latins ne peuvent évi-
demment plus revendiquer l'hégémonie ; ils se sentent distancés» et de
CI. J. Kuha, Mit.
UA eiTADSLMS DU OAIRJS
dépit se croient déjà morts. C'est chose risiblc que toutes ces litanies
et oraisons funèbres prononcées sur leur défunte race par les Latins
eux-mêmes et reprises en chœur par Anglo-Saxons et Germains. Heureu-
sement que ce deuil se mène sur des peuples vivants et bien vivants :
l'histoire n'a point déserté les rivages de In Méditerranée.
A l'exception de deux points stratégiques, Gibraltar et Malte, la partie
occidentale de celle mer intérieure est bien latine, mais les cAtes orien-
tales en sont très disputées, et d'ailleurs, la majorité des populations
M EDITH l\ i\ \ N É K URIKMTA I. K
Ml
qui, île ce calé, appartiennent ou vvrannl méditerranéen» est encore restée
eu dehors du cercle des annexions européennes, sinon nu point de vue
politique™ car T Egypte est devenue dépendance directe de In tirande
Bretagne du moins quant aux rweurs, aux langues et à tu conscience
ethnique, Ces tul mira foies contrées, qui furent le Ihértlre de nuire pre*
mlcre civilisation historique, ont été tellement foulées, usées, rabotées
-*%&
Él'AVATJOH d'uS TEMPLE A ximm
Cl. du UlobtU.
pour ainsi dire, par les conquérants successifs, qu'elles ont peine à
refleurir. Les restes des grandes nations qui s'y succédèrent, Arméniens
cl Héléens, Klantiles et Chuldéena, descendants des peuples de l'Asie
Mineure, Phrygiens, Lydiens et Lyciens, Phéniciens de la Syrie,
Kgypltenft du Nil et gens de la Gyrénaïquc, ont du de génération en
génération se prosterner devant tant de maîtres, qu'ils en ont perdu
tout ressort : ils ne conçoivent même plus que, comme leurs ancêtres,
il leur fui possible de vivre eu indépendance politique : cluuigrr de dntui*
V -M
38» L'HOMME ET LA TEHHE. — LATINS ET QEHHA1NS
nateurs, acquérir quelques privilèges, obtenir la tolérance pour leurs
cultes respectiM cela se borne leur ambition collective. Toute initiative
a disparu ; ces indigènes n'ont plus que la souplesse, la plasticité, la ruse
pour s'accommoder à leur condition de servitude, môme pour en tirer
quelque inférât matériel. Depuis tes commencements de l'histoire dans
ces pays méditerranéens de l'Orient, il y a, & certains égards, un grand
recul ; la population u certainement diminué et la surface complètement
déserte s'est accrue. Les sables vont en maints endroits jusqu'aux bords
de l'tëu pli rate, et les Hédouin* nomades parcourent ce qui fut autrefois
la campagne féconde des Chatdéens,
Sur une grande partie du territoire de l'antique Syrie, la population
s'est concentrée sur les deux versants de» monts du littoral, surtout vers
les deux métropole» actuelles, d'un coté Itairout, de l'autre Damas,
Quoique dépendants du Grand Seigneur, le» hah!înnts de lu contrée
ont, pour une bonne part, conservé les pratiques religieuses des
temps de la domination bysantine. Les cultes et les sectes avec leurs rites
cl leurs traditions héréditaires sont les causes déterminantes de la division
îles hommes en sociétés et en nations diverses, et cela non seulement
parce que les religions orientent spécialement la vie, mais parce qu'elles
correspondent à une instruction, h une éducation particulières : elles
modifient la volonté, les mœurs, et jusqu'au type du visage et du corps.
tëntre Musulmans, Melunti, Druscs, Maronites, (irees unis, (Jrecs
orthodoxes, Syriaques et Arméniens, qui proviennent pour lu plupart
du même fond ethnique et des mômes croisements de race, les différences
se sont faites profondes et manifestes dans les gestes, les physionomies,
les attitudes, dans tout le « rythme \isihlede ta vie », caries « grandes
caractéristiques de l'individu proviennent des idées maîtresses » \
Les sociétés seuil des « organismes que des idées reclriees modiuent
suivant un type particulier ». le faciès change en même temps que
les idées; sur le fond niitionul se pose une nouvelle empreinte, celle du
caractère* professionnel, auquel se surajoute le type moral, celui déridée,
Parmi les divers Syriens, le chrétien n'a point la supériorité monde.
Kcarlé des fondions nobles et respectées, méprisé, honni, tenu pour
inférieur par sa naissance même, obligé de s'ingénier pour se défendre,
de vivre d artifices cl de ruses, réduit aux résignalions patientes, aux
1. Amlré Clievrillon, tin Syrie, Société normande do Géographie, janvier- février
1898. p. 33.
PEUPLES DE L'ORIEttT MÉDITERRANÉEN
383
longues sollicitations, le chrétien d'Orient est devenu à la foi» humble,
obséquieux et intelligent, mai» d'une intelligence qui ne crée ni
n'invente et à laquelle manquent les idées générales,
La volonté, l'initiative, la pensée originale et personnelle lui font
également défaut*,
La petite Palestine, avec l'étroit bassin
fermé du Jourdain, est aussi un champ
de religions diverses, représentant autant
de patries différentes. I*cs musulmans,
ceux qui professent le cuite du sullan,
sont le» plus nombreux, mais ils accueil-
lent avec tolérance les chrétiens et les
juifs. Les premiers forment autant d'ar-
mées ennemies qu'ils comptent de rites
distincts : catholiques romains» ortho-
doxes grecs, protestants de dénomination»
diverses ont églises, chapelles, couvents,
hôpitaux» dont les intérêts distincts sont
1res énergiquement défendus; des rixes
ont souvent éclaté et des batailles sérieuses
auraient eu lieu si les soldats musulmans
n'étaient charitablement intervenus. Il sem-
ble à chacun de ce» chrétiens qu'il a un
droit spécial à posséder le lieu saint où
se» propres péchés ont été expiés par itaNDUH* g jthy» a jknvajitmt
In mort d'un Dieu, et il ressent comme
un outrage que d'autres puissent émettre une prétention égale à la
sienne.
Qunntaux Juifs, ne sont-ils pas clic» eux, sur le sot que Jéhovah lui-
même a donné à leurs ancêtres? Musulmans et chrétiens ne sont, à leurs
yeux, que des intrus dans cette terre do promission; et cependant, bien
que descendants des plus antiques immigrants, ne leur faut-il pas
demander humblement un accès dans ce pays, accès qu'on ne leur
accorde pas toujours? Les Juifs no sont actuellement qu'au nombre de
CI. P. SoIUff.
t. André Chevriïlon, ouvrage cité, p. 35.
V
20*
384 l'homme et la terre. — latins et germains.
soixante mille — soit environ un sur dix habitants — dans les limites
de la Palestine» et sur ces soixante mille Individus, environ la moitié se
compose de mendiants et de parasites entretenus par ta charité des riches
banquiers de l'Occident. La gloire d'Israël ne resplendit point dans la
Jérusalem actuelle, cependant le « peuple élu » compte bien rebâtir
un jour son temple sur la montagne de Sion, Sur les dix millions de
Juifs épars dans te monde, il en est environ deux cent mille, les
u Sionistes », qui se sont ligués ett une société espérant contre toute
espérance que la terre des aïeux leur sera rendue en dépit du sultan,
des mahométans et des chrétiens, en dépit même de l'immense majo-
rité de leurs coreligionnaires indifférents; mais comment la petite Pales-
tine, dont le sol nourrit maigrement aujourd'hui 34oooo habitants,
pourra-t-ellc recevoir la foule des Juifs revenus de la troisième et si
longue captivité ? C'est ulors qu'interviendra te miracle pour faire affluer
vers Jérusalem, la nouvelle Londres, toutes les richesses du monde
entier 1
Déjà le pays limitrophe de la Judée, l'Kgypte, n'appartient plus, à
peine de nom, à un maître muNulman. On sait que dans le partage de
l'Afrique — presqu 'entièrement achevé de nos jours, puisque l'A bys-
sinieel le Maroc en sont les seuls morceaux non encore répartis — , la
Grande Bretagne s'est fort dextremeut adjugé les terres du Nil, les plus
désirables du monde à la fois par leur merveilleuse fertilité et par leur
position au centre même du groupe des anciens continents, sur le pas-
gage de l'Kurope aux Indes.
On dit même que l'Angleterre considère comme sienne la haie de
Bomba, directement au sud de la Crète, cl s'est ainsi assuré d'avance
la possession de tout le littoral qui s'étend à 1000 kilomètres à
l'ouest d'Alexandrie; do même que les anciens Ptolémées et autres
dominateurs de l»'Kgryptc, elle se laisse facilement aller à considérer la
G y ré i nuque comme une dépendance naturelle de lu terre du MI, et dût
l'Italie, comme elle le désire, établir ses colonies dans le pays de Barka,
l'Angleterre aura pris du moins son gage de contrôle cl de surveil-
lance navale. L'intérêt de cet Ktat est évident ; l'établissement d'une
voie ferrée entre un port de la Cyrénaïque cl Suez permettrait de
réduire de vingt-quatre heures au moins le trajet de Londres à Bombay
par Marseille, Alexandrie et Port-Saïd ; pour un paquebot rapide, la tra-
versée de la Méditerranée, de Brindisi ù Bomba, ne prendrait qu'une
EGYPTE £T CYRÉNAlQUE 385
trentaine d'heures. La possession de Cypre, dans le golfe qui baigne
à la fois les rives de lu Cilioie et celles de ta Syrie, en vue du Taurus
el du Libau, contribue ausBi fortement a donner aux anglais une posi-
tion prépondérante dans la Méditerranée orientale.
Mais quoique Cypre et l'Egypte aient été arrachées à l'empire du
Chef des Croyants, cet empire existe encore* et môme la rivalité des puis-
N« 494. Méditerranée anglaise*
t
t: 40000000
i&ooKil.
La baio de Bomba est celle qui crause & t'est le pay» de Darka.
sauces lui promet de long» jours. En réalité la Turquie, avec ses dépen-
dances d'Europe, d'Asie et d'Afrique, ne s'appartient pas a elic-mômc ;
elle est la chose de ce que l'on appelle le « concert européen », c'est-à-dire
l'Angleterre eu son « gplctidide isolement a et les deux groupes d'tëlals,
Tripiice et Duplicc. Si le sultan est le mettre redoutable, c'est parce
qu'on veut bien Lui permettre de l'cHrc, et vraiment les gouvernements
d'Europe sont fort larges dans leurs autorisations. Ils lui donnent
pouvoir d'opprimer ses sujets de toute race, de toute langue, do toute
religion; à sa guise il peut lever les impôts ot en garder le produit, il
g86 l'homme et la terre. — LATINS et germains
peut amplement même user du droit de vie et de mort qui appartient
aux souverains absolus.
Les massacres d'Arménie, trop savamment 'organisés [pour qu'on y
vit le résultat de soulèvements populaires et de guerre entre races,
furent, de toute» les abominations modernes, celles peut-être qui
représentent le plus gros amas de crimes. A Constantinoplc même, ta
tuerie — du »6 au 39 août 189G — se lit avec une méthode qui
témoigne de ta volonté froide do l'ordonnateur des assassinats. La
veille, on avait marqué a la craie les maisons des Arméniens destinés à lu
mort, malheureux qui, surveillés de toutes parts, ne pouvaient songer à
fuir cl n'avaient qu'à [se résigner patiemment à l'inévitable. Puis, à
l'aurore, les bouchers et gens de métiers sanglants, experts au dépeçage
des bêles, commençaient leur tournée* et procédaient rapidement, sans
tumulte, sans cri, à l'abatagc de leurs victimes : presque partout l'opé-
ration se faisait en plein jour, sur le seuil même de la maison qui devait
rester tachée de sang, en signe du courroux impérial. Ainsi périrent des
milliers d'hommes dans la force de l%e, Combien exactement? Les
rapports officiels resteront sans doute inconnus longtemps ; les évalua-
tions approximatives parlent de sept mille cadavres. Quant à ceux qui,
de 1894 u 1896* et encore en 1900, périrent sous les coups des Kurdes
dans les provinces de Van, Erzcrum, Mamurel-el-Azis» Iiillis, Sivos, Diar-
hekir, Hatep, les chiffres d'appréciation varient de 3 à 5oo mille» et une
émigration continue, surtout vers la Transcaucasie, a encore réduit, à
quelques centaines de mille vraisemblablement, le nombre des Armé
niens de ces provinces, qui, avant les massacres, atteignait un million
suivant les uns et deux suivant les outres 1 ion s'accorde généralement
pour admettre que les Arméniens ne constituaient la majorité que dans
des districts limités, ainsi autour de Zcitun, Mueh, Van, etc. Du récit
des borreurs de ce temps, il faut dégager la conduite des habitants
de Zcitun, qui, voyant lu tournure des affaires, organisèrent la défense
de leurs montagnes, firent la garnison prisonnière (a8 octobre 1895),
et résistèrent à une armée turque jusqu'à ce que les consuls européens
eussent négocié une reddition (3o janvier 189G), Cette issue « sauvait la
face » du sultan et protégeait les Armén ions contre tonte grave moles-
tation ultérieure. Les Xeitottnioles avaient conquis le droit à l'existence.
1 Consulter Pierre Quittera, JPfvr CJrminie, Cahiers de Quinzaine, juin 1903.
MASSACRES D'ARMÉNIE
38 7
Que de pareils agissements aient été toléré» par le» puissances euro-
péennes, it Bomble d'abord impossible de se l'expliquer, car on exige du
moins un certain décorum dans la conduite des maîtres ; mais il est de
tradition, en pareille matière, que les souverains aient les mains libres,
et d'ailleurs les gouvernements, qui tous ont conscience de quelque
méfait analogue, se sentent plus ou moins solidaires, même dans le
crime, et par esprit de corps cherchent à faire le silence, à masquer
CL du Daily Graphie
ZEITUN, DANS hB TA If BU»
l'attentat qu'ils auraient dû prévenir, Peut-être même que, dans cette
affaire des Arméniens, it y eut aussi une certaine complicité tacite. Sans
purler de ces prétendus hommes d'Etats, de ces bas diplomates, qui
mettaient leur honneur à recevoir décorations et titres de la main san-
glante, la Russie n 'eut-elle lpa s quelque intérêt à voir débarrasser sa
frontière transcaucasienne d'un peuple à tendances indépendantes,
presque républicaines, associé par nombre de ses jeunes hommes aux
groupes redoutables des étudiants russes? htk complicité de la politique
moscovite est d'autant plus grave que jusqu'à 188a, sous le prétexte
d'une communauté de religion, la pratique constante des tzars avait été
388 l'homme et la terre. — LATINS et germains
de s'appuyer sur les Arméniens pour se ménager des intelligences dons
l'empire turc. Enfin Tun des souverains d'Europe, l'empereur Allemand,
affecta quand même et toujours do se dire te « grand ami » du sut ton,
dont il a fuit encadrer et manoeuvrer les armées par les officiers de ses
propres troupes. Quelle que soit la raison de l'attitude protectrice de
l'Allemagne & l'égard du gouvernement turc, il est certain que les
béiiélicen matériels dus à cette bienveillante ont été considérables. La
future voie ferrée du Bosphore au golfe Héroïque est concédée ù des
Allemands, et ceux-ci comptent bien sur l'appui du sultan pour entrer
rapidement en possession de l'outillage commercial de l'empire, en
Europe et en Asie.
Du reste, que ce soit par faveur ou par menace, la Turquie, considérée
comme puissance européenne, se trouve enivrement ù In merci des
capitalistes qui gèrent ses finances et disposent indirectement des armées
et des flottes de l'Europe. Le < Sultan Houge » n'a qu'a s'incliner quand
les ambassadeurs étrangers viennent apporter leurs ordres* L'Angleterre
délimite à son gré l'a mère- pays d'Adcn sans que le gouvernement turc
ait à y redire; la Uussie expédie librement par les Dardanelles ses vais-
seaux de guerre, plus ou moins déguisés eu bulcaux de plaisance ; la
France, soucieuse des intérêts de financiers véreux, prend tranquille-
ment une lie eu gage sans qu'on fasse la moindre tentative pour la
lui disputer. Enfin l'Autriche confisque a sou profit deux [provinces en
partie mnhoiwUanes, tandis que d'autres provinces conquièrent leur
indépendance. Pendant le dernier siècle, le territoire et In population de
ta Turquie d'Europe se sont amoindris de près des trois quarts \
Ce. n'est pas à un <» homme malade », c'est à un invalide amputé de bras
et de jambes que l'on devrait comparer ce qui reste de l'empire de
Souleïman le Magnifique. Or, la Turquie se trouvant sous la dépendance
de jour un jour plus étroite des financiers européens, il est à présumer
que ceux -ci continueront de distribuer le pays à leurs protégés princiers
comme ils l'ont déjà fuit pour la Houmanie, lu Serbie, la Bulgarie,
la Bosnie-Her/égovine, l'Ile de Samos et la Crète.
Pourtant les ressources de toute nature, eu hommes, en terres, en
produits variés, que possède la Turquie, en Europe et dans l'Asie
antérieure, dans les limites qu'on a bien voulu lui laisser pour un
1. Voir la carte n° 464, pago 261.
DÉMEMBRKWENT DE LA TURQUIE
temps, sont encore d'une haute valeur. D'abord le peuple turc est, eit
Europe, celui dont les individus sont les plu» forts et ies plus sains;
s'il n'est pas te plus intelligent, s'il est même le moins souple
à l'adaptation, c'est du moins le plus honnête et le plus sincère, de
même que le plus sobre et celui qui use le moins de boissons excitantes.
Certainement aussi les Albanais et tes Lozes, les Kurdes, les Arabes et
HVfHMfîCÏK FOPtfLATIOH
DIMINUTION DIS LA TURQUIE DE 1812 A 1905
Diminution do la Turquie depuis 1812 : Bessarabie 44572 kilomètres carrés j
Grèce 65036s Roumanie 131 020; Serbie 48 303; Monténégro 9438; Bulgarie-Roumé-
lie 96660; Bosnie- Herzégovine M 018 ; Crète 8660; total 454 707 kilométras carrés;
reliquat 169910 kilomètres carrés ; diminution proportionnelle 72,8 0/0,
Les districts qui obéissaient au sultan en 1812 sont actuellement occupas par plus
de 25 millions d habitants dont 6130200 seulement sont restés sous la dominai»
de la Porte: diminution proportionnelle 75,8 0/0.
Lion
tant d'autre» populations enfermées dans les limites de ce qu'on appelle
ta Turquie ont une grande vitalité nationale et constitueraient d'admi-
rables éléments de progrès dans un pays libre; mais leurs forces sont
employées au dam les uns des autres ; de même qu'en Asie les passions
des Kurdes ont été soulevées contrôleurs voisins d'Arménie, de même
en Kuropo, les Albanais, les Tchcrkesses expulsés des hautes vallées
du Guucnse, les Grecs ont été lancés contre les Bulgares et les
Serbes; l'équilibre politique se maintient par la haine réciproque
des asservis. Non seulement on se hait de peuple ù peuple par suite
des simples différences de race, de langue, de traditions, mais dans un
même peuple on s'cnlrc-délcste de classe ù classe parce que le gou~
3oo l'homme kt la terre. — LATINS et germainb
vernement turc a confié toute» le» basse» besogne» d'oppression et
d'exaction à des sujets choisis parmi tes vaincus, C'est de leurs propres
compatriotes ou coreligionnaires que les malheureux de chaque
nationalité ou de chaque culte ont à se plaindre dans leurs infortunes.
Il faut remarquer que dans l'Orient turc, l'administration B'oecupe
fort peu des subdivisions territoriales ; les indigènes relèvent de telle
ou telle autorité* non en vertu du lieu qu'ils habitent mais en vertu de la
religion qu'ils professent; des habitants dont les maisons sont con-
tigues se trouvent fournis à des impôts autres et régis par des lois dif-
férentes parée que leur dieu — ou le cérémonial d'adoration du même
dieu — n'est pas le môme. Cette conception de gouvernement» qui ferait
honneur ù ta tolérance des Turcs, si elle n'Unit accompagnée d'autres
pratiques moins louables, explique comment il n'y eut jamais, chez les
hululants de l'Empire, de conscience commune; toujours ils se sentirent
désunis, entraînas pardes intérêts hostiles, animes d'ambitions différentes.
L'unité artiUciellcqui leur fut donnée pendant les périodes «"expansion
et de conquête provint uniquement de la solidité des armées,
c'est-à-dire du régime de la terreur. Mais dès que ce lien de la force
vint à se rcMcher, même ù se détendre complètement, les peuples,
ennemis surtout pur lu volonté gouvernementale, se retrouvèrent les
uns ù côté des autres comme des bètes féroces enfermées en une cage
commune. Peu ù peu, au soulèvement concerté contre les oppresseurs
Osmanli s'est substituée une lutte qui épargne presque les Turcs et à
laquelle le spectateur non initié ne peut rien 'comprendre : Grecs, Bul-
gares, Koutzo-Valaques, Herbes, Monténégrins, môme des factions
rivales d'une identique nationalité s'enlrc-massacrcnt sous l'œil placide
du gouvernement de Stamboul et dos' cinq puissances. Actuellement,
donc, les haines, les ambitions rivales, les survivances et superstitions
monarchiques sont trop tenaces pour qu'il soit possible d'espérer en lu
seule solution vraiment normale, qui serait lu libre fédération de toutes
les populations de l'Europe sud-orientale en un ensemble de groupes
égaux en droits, de communes autonomes, ne formant unité que pour les
intérêts communs et la résistance n des agressions du dehors. Ce serait
le seul moyen d'éviter le crime qui se prépare après tant d'autres, le
bannissement de tous les Turcs hors de leurs anciennes conquêtes d'Eu-
rope. Jusqu'à nos jours toute constitution d'un Etal chrétien dans la
Balkanie eut pour conséquence pratique l'expulsion des mulsulmuns.
EXTERMINATION OU FÊOÉBATION
3gi
Mats dans l'histoire de» nations, laquelle eut toujours assez le respect
du sol et de la liberté d'autrui pour avoir maintenant le droit de jeter
la pierre aux descendante de conquérants anciens? Le temps ne Serait-il
pas venu de vivre en paix à côté les uns des autres sur cette bonne Terre,
si ample qu'elle pourrait sans peine recevoir une population décuple et
lui donner en abondance le pain et le bien-être ? Constatons du reste
qu'il existe des éléments d'entente, recrutés surtout parmi les révolution-
Cl.de la Vie ItltatTé*.
MONABtèRE I>£ RILA JJK MACEDOINE
na ires turcs, bulgares, macédoniens et arméniens qui se sont rencontrés
à Genève, à Paris ou ailleurs.
De tous les Orientaux, les Grecs sont, entre eux, les plus rapprochés
de cet idéal de la fédération future, et cclu parce que leur exis-
tence comme nation n'est pas rattachée matériellement à celle du
petit royaume hellénique comprenant officiellement, d'après tes traités,
une partie de la péninsule du Pindc, la Morée, les lies Ioniennes
et les îles Egéennes de l'Hurope. La Grèce est bien plus que cela, car
en dehors du royaume, il y a des régions grecques dont les habi-
tants, pleins d'une ardent patriotisme de race et de langue, ne consen-
{
11
I
•*{)» l/HOMMR ET LA TRRRB. — LATINS £T GERMAINS
tiraient point à échanger leur sort contre celui des électeurs d'Mhène»
ott de Patras : sans doute ils sont censés faire partie de l'assemblage des
sujets du Grand Seigneur ; même Us ont parfois à subir des avanies de
lu part de fonctionnaires hargneux ou de diplomates désobligeants, mais
ces ennuis sont le prix (rachat dont ils paient leur autonomie réelle
dans In libre administration de leurs écoles et outres établissements,
ainsi que dans la gérance de leurs intérêts communs ; ensembles ils cons*
ti tuent bien la cellule d'attente d'un corps politique et social beaucoup
plus ample et de signification plus haute que le petit Ktat enfermé dans
les frontières de t'Ëpiro et de la ThcssuHc.
Peut-être même ont ils une conscience exagérée de leur force collée
live, et, comme tous les patriotes, sont-ils ton lés de s'attribuer dans
l'avenir une plus large part qu'il ne leur revient. Le fait est qu'ils ont
été amèrement surpris lorsqu'ils se sont aperçus que, dans ie mou-
veinent de désintégration subi par la Turquie contemporaine, des
peuples tenus pur eux en médiocre estime et considérés comme des
barbares sans droits se sont dressés en face d'eux, réclamant l'égalité
dans le partage ou la fédération. Il leur faudra encore du temps pour î
n'habituer ù l'Idée (pic Turcs et Bulgares ne se soumettront pas tt leur "
hégémonie. li
La période d'expansion semble finie pour le monde hellénique, A
Actuellement, la grande tâche est un travail d'élaboration interne qui
élève et renouvelle l'ensemble de la nation et lui permet, non certai* "
nemenl d'égaler les aïeux — car la Grèce brillait alors en flamme isolée
au milieu îles ténèbres—, mais de n'être inférieure à aucune des nations
policées dans les diverses manifestations de la vie, non seulement le ;
commerce et l'industrie, mais aussi les arts et la pensée ! Il est encore
certaines parties de lu (irèce dont les populations ne semblent qu'à
lemi dégagées de la barbarie superstitieuse du moyen âge turc nu
vénitien. L'Apre Klolie, les monts sauvages du Tu ygèle «ont encore des
contrées de misère et d'ignorance ; maintes tics, qui furent jadis culti-
vées par des populations prospères, ne sont aujourd'hui que des rochers
dont les hâves habitants émigrent vers des lieux plus heureux. Même
après des siècles, le monopole tue : c'est ainsi que la plupart des insu-
laires grecs de 1'Kgcc ne pratiquent ni la pêche, ni la navigation, malgré
l'excellence de leurs rades cl de leurs petites criques abritées, malgré
l'appel tics brises alternantes : le souvenir confus de la gloire passée ne
fédération ms oregs
3g3
réveille point leur initiative. La came en est dit Philippson*, à
Pancienne domination de Venise qui interdisait tout traita non régie
mente par elle à son exclusif profit.
De même que la Grèce, l'Italie est fort inhale par le développement
do se» diverses parties. Le contraste est si grand entre la moitié septen-
trionale de tu Péninsule et la moitié méridionale qu'il a pu êlrcconsi-
Cl, J. Kuhïi.&M.
Mï PORT I)K OKXKM
déré par nombre d'Italiens comme l'opposition normale de deux nations,
enfermées dans un même cadre géographique mais restant moralement
étrangères l'une à l'autre.* Le fait est que la plupart des Napolitains et
des Siciliens sont portés à se croire des peuples vaincus réunis par
force aux « Wéraonlais » ou « Continentaux ». A tous les points de vue
l'évolution diffère. Tandis que dans le nord* Milan, Turin, Gènes parti
oipent au mouvement intense de la viV européenne et que Florence
reprend la vie d'art et de beauté qu'elle eut à l'époque de la Uenaissnnce,
Naples eat en voie de se laisser distancer et de perdre même la primauté
purement matérielle que lui donnait le nombre des habitants ; quant au
1. Petormann's Mittailungen, Ergiinzung&hcft.
3q4 l/liOMMK ET LA TERRE. — LATINS ET GERMAINS
territoire des provinces mon tueuses qui en dépendent, il ne suit l'Italie
du nord que d'un pas boiteux. Le méridional reste inférieur à tous
égards» si ce n'est par tes qualités natives de bonté» de droiture, de
cordialité naïve. L'industrie s'introduit dans le pays sans qu'il t'ait
appelée, et malgré lui ; les préposés que le gouvernement lui donne pour
le diriger, l'assouplir, le morigéner sont des gens qui viennent du Nord;
on considère volontiers ces fonctionnaires comme des intrus et des paru-
sites. Même un (îarihaldi n'a point proféré tu parole décisive qui ait pu
faire résurgir la Grande Grèce de son long sommeil !
Malgré les apports successifs de la a civilisation » Jes Siciliens sont à
certains égards dans un état social très inférieur à leurs ancêtres les
Sicules, ainsi que le montre Paspcel des campagnes. Actuellement les
laboureurs et autres gens de la terre travaillant sur les grands iiefs des
riches propriétaires toujours absents habitent les villes, même quund il»
ont à faire chaque jour une ou deux lieues pour aller cultiver leur
champ : il n'y a que de grandes agglomérations urbaines en Sicile parce
que les campagnes sont désertes la nuit. Quelle est la cause de celle
prodigieuse déperdition de forces sinon l'insécurité du pays, qui n'a cessé
depuis la période des guerres carthaginoises : de tous temps, il eût été
dangereux d'habiter tu campagne, sous les Romains, pendant les guerres
servilcs, plus tard, lors des incursions des Sarrasins, et maintenant
encore par suite du brigandage. Du temps des Sicules au contraire, les
villages s'éparpillaient gaîment au milieu des cultures, et les habitants
n'avaient cure de se construire des murailles de défense. Soixante-dix
générations avant nous, la population sicilienne étuit plus normalement
distribuée que de nos jours, parce qu'elle était plus heureuse* ,
L'aspect de la campagne n'a pris le caractère enjoué et varié des
champs cultivés avec amour que sur les pentes orientales de l'Etna et
dans certains districts du nord de l'île, où le sol est très morcelé, entre de
petits exploitants qui sont propriétaires eux-mêmes et vivent sur leurs
étroites parcelles*.
Dans ta grande lie de Sardaigne, beaucoup moins peuplée que la
Sicile, la situation est encore pire. Divisée jadis en vastes iiefs distribués
aux nobles de l'Espagne, elle a hérité d'un régime terrien peut-être plus
lamentable qu'autrefois, 'car si les dîmes ont disparu avec la féoda-
t. Georges Perrot, lïev m de* Deux Mondes, 1« juin 1 897, p. 627. — 2. Paul Ghio,
Notes sur V Italie contemporaine, p. 86.
SICILE ET 8ARDAIGNE 3g5
Utô, de trop lourds impôts les ont remplacées, et l'impuissance écono-
mique des cultivateurs est telle qu'une très forte part des prolétaires
H* 496. Communes de Sicile.
14*48* £.da Gr
1: 500000
mm
10
20
îoKil.
Cette carte porte absolument toute» les agglomérations de maisons que Von peut relever
sur la carte d'Elatmajor Halieane, dont l'échelle est de là 100 OQO. Et pourtant cette portion
de la Sicile a une d ensilé kilométrique très élevée, environ 130, soit près de deux fois
celle de la France*
campagnards se trouve obligée d'abandonner (le sol a l'Etat ; le fisc
devient le propriétaire d'un territoire de plus en plus étendu, dont
il ne sait que faire et qui retombe en friche. En 1900, les percepteurs
d'impôts procédèrent ainsi en Sardaigne à 3887 ventes judiciaires,
.'tg6 L'HOMMK ET LA TERRE. — LATINS £T GERMAINS
dont près du quart — 856 — pour des arriérés moindres do & francs 1 .
Est-it étonnant que Je brigandage* c'est-à-dire la revendication de la
terre par le paysan contre le feudataire et contre VElat, ait sévi pendant
(tes siècles, avec la complicité tacite do toutes les populations de la cam-
pagneMt n'y eut jamais de brigandage en Toscane parce que les cultiva-
teurs mangeaient ie blé de leurs champs cl le fruit de leurs vergers; il
n'y on eut pas non plus dans l'immense pluine lombardo vénitienne
parce que la nature du pays, depuis longtemps traversé de routes dans
tous le» sens, rendait la répression très fucile; mai» partout ailleurs, dans
toute la partie méridionale de l'Italie et duns les deux grandes îles de
Sicile et doSardaîgnc, où tes montagnes offraient naguère des retraites
sûres aux persécutes, les brigands ont souvent constitue' de véritable»
Etats aux frontières flottantes, Paul fihio nous parle d'un chef do bande
i|ui tenait la montagne des Marches et se qualifiait de « très grand maître
et très puissant prince » ; il buttait même monnaie à sa propre effigie, et
s'il avait reçu l'investiture du pape, rien ne t'eût empêché (rentrer dans
rassemblée des hauts personnages officiels. Un Pierre de Culubrc, hors
la loi nu dernier siècle, s'était proclamé « empereur des monts, roi des
forcis et médiateur des routes de .Naples à Florence ».
Les conditions économiques étant fort différentes dans les deux
moitiés de la péninsule, te mouvement d'émigration, qui a pris une
importance capitale dans la vie de l'Italie, présente un contraste remar-
quable suivant le lieu d'origine des émigrants. bes gens du Nord, ouvriers
disposant non seulement de leurs bras mais d'une instruction relu
tive, émigrent surtout temporairement: comme maçons, constructeurs
de routes, mécaniciens, les < Piémontais » se savent toujours assurés de
toucher un bon salaire ; ils s'exilent temporairement en vertu de la loi
de « capillarité sociale .», se rendent en France, en Suisse, en Alle-
magne, dans lus diverses parties de l'Europe, et même poussent jusque
sur les chantiers de- V Asie, où ils ont perforé, notamment, pour le compte
de la Russie, le tunnel du Grand Khingan sur le Transsibérien; grûcc a
leur spécialité de travail, à leur adresse, leur activité, leur vie sobre, ils
amassent un petit pécule, puis reviennent duns la patrie. Quant aux
exjïatriés de l'aride Mguric, des Marches, des \briixzcs, tics Pouilïcs, des
mon tueuses Calahrns. de la pauvre lksilieatc, de la Sicile affamée, ils
1, Paul Ohîo, ouvrage cité, p, 95.
LE BRIGANDAGE EN ITALIE 3q7
émigrent d'une manière permanente sans espoir de retour. Ce sont eux
qui fournissent te plut gros contingent eux aoo ooo Italien» qui, depuis
*• 48». Italie, Malte, Tunl«.
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t : 6 000 000
"^Kil.
Maïle, pour le compte <te l'Angleterre, Bixerte, pour le comp'e de le France, surveillent
l'isthme méditerranéen. L'Italie a une station de torpilleurs à Mct&ioe.
iQo3 t traversent annuellement l'Atlantique Nord 1 , eux qui, par l'accrois
sèment de sa population, ont fait de Marseille la deuxième ville de France,
eux qui ont monopolisé lu navigation fluviale sur le fleuve Paranà
1, Voir Diagrammes» n* 45G et 457, pages 197 ut 199.
3o8 L*HOMMK 1T l.A TERRE. — IÀTÏN8 ET GERMAINS
et l'estuaire IMatéen, eux aussi qui sont en vole d'italianiser la Tunisie,
L'Italie, encore si pauvre ehes elle dans certaines de ses provinces, a
eu beaucoup à 80 ufl ri r, comme ta France, de ses passions coloniales et du
déplacement de forces qui en a été la conséquence, Cette ambition, qui
eut pour résultat le désastre subi sur le plateau de l'Ethiopie en 1895, avait
eu d'abord un autre objectif. f*a conquête de Tunis semblait très souhai-
table aux politiciens de In Péninsule: la gloriole traditionnelle popu-
laire crtt été satisfaite de continuer la politique de la grande Rome contre
Cartilage, et l'entreprise ne présentait point de danger. Mai» les puissances
d'Europe ne donnèrent point leur consentement, parait-il; la Grande
Bretagne surtout* qui possède l'arsenal de Malte au centre de la Méditer-
ranée, voyait de mauvais œil l'extension de l'Italie « une » sur les
deux côtés de la mer Intérieure. Sous l'inspiration de Bismarck, qui
brouillait ainsi la France et l'Italie pour de longues années, l'occasion fut
saisie par un autre larron, et maintenant l'Italie fait presqu'ou vertement
ses préparatifs pour l'annexion de la Tripolilaine et de la Cyrénaïquc, Ce
n'est plus qu'une question d'opportunité, le syndicat européen des
financiers et des rots ayant donne son approbation diplomatique. On
parle aussi des projets qui, lors du démembrement de l'Empire turc,
donneraient l'Albanie à la puissance qui lui fait face, de l'autre côté de
l'Adriatique.
Quoi qu'il en soit des annexions futures, l'Italie a toujours le plus
grave des problèmes a résoudre dans ses propres limites. Elle obéit à
deux maîtres et, par conséquent, se trouve divisée contre elle-même. Sa
propre capitale abrite des souverains forcément ennemis puisqu'ils
représentent deux principes opposés, l'un d'origine céleste, l'autre de
délégation nationale. Le pape est sinon Dieu, du moins son vicaire, son
ambassadeur direct, chargé de dicter au monde entier des fidèles et 'des
infidèles les infaillibles volontés d'en haut. Néanmoins ce n'est qu'un
humble petit prince, au domaine tellement circonscrit dans tous les
sens qu'un boulet de canon passerait facilement par-dessus, tandis que
le roi d'Italie, simplement homme et quelque peu maudit, est un fort
grand personnage, a (e bon frère » des plus puissants empereurs. Corn-
*
ment concilier ces éléments inconciliables, sinon par de continuels
échappatoires et subterfuges, par tout un échafaudage de mensonges
qui d'ailleurs ne peuvent tromper psrsonne? Et les patriotes italiens,
qui ont enfermé Le pape dans un étroit quartier de Home, n'en sont pas
L'ITALIE ET SES DÉSIRS COLONIAUX
%
moin» emplis de fierté à la pensée que de toutes tes parties du monde
catholique les vœux montent en un chœur immense vers le « Souverain
Pontife »>t Lui Aussi est quand mâme un Italien, et ceux qui regrettent
R* 497. Lisbonne et le Tage.
(Voir page 400).
m
wW.de Gr.
t: 1000000
bUUUlUiaMl
■ * -■—
10
th
50
les temps de l'antique domination romaine aiment à en voir comme un
reflet dans le cercle immense de l'Eglise. Les conflits sont donc inévi-
ta blés puisque la tension des esprits se produit en sens inverse, susci-
tant les rancunes et les haines. Los luttes entre Guelfes et Gibelins «e
fioo L'ilOMMg KT LA. TKRRE. — LA.TINS ET U&RUMKB
continuent sous jdViutros for moi et, tant que tes nattons seront enter*
liiéu* dans leurs frontières el dan* leur corselet du vieilles traditions
politiques, te mémo balancement qu'aux époques du moyen âge et du
la Renaissance entraînera l'Halle, tantôt vent m voisine du Non!, l'Alle-
magne, tantôt vers quelque antre grand Klnl.
Les deux royaumes qui se partagent inégalement la péninsule Ibé-
rique, l'Espagne et te Portugal, au sont miliiteitus séparés et hostiles,
s'enfermant chacun dans son patriotisme local et dans la routine d'ad -
ministration. La conséquence naturelle a été de faire du Portugal une
quantité presque négligeable, n'ayant plus guère qu'un semblant d'indé-
pendance politique. Trop faible pour ne pas avoir besoin d'appuis étran-
gers dans les questions d'ordre international» trop divisé, même au
point de vue géographique, par le contraste que présentent les doux
moitiés du pays séparées par l'estuaire du Tage, trop ignorant et
dépourvu de valeur propre dans la masse de sa population, enfin trop
privé de ses éléments [énergiques pur la constante émigration qui
emporte ses meilleurs enfants vers les côtes brésiliennes, le Portugal n'a
pas la force de réagir contre les intérêts de famille, de pouvoir et d'ar-
gent qui entraînent ses maîtres dans l'orbite des [puissances étrangères,
ou plutôt dans celle de la Grande Bretagne, reine des marrhés portugais
par le symbole de sa monnaie, si bien dénommée le « souverain ».
Malgré l'humiliation que les Anglais lui firent subir en i8$5, lorsque,
passant de la vallée du Limpopo au* abords du lac Nyaasa, ils s'empa-
rèrent du bassin moyen du Zumbèze, traditionnellement considéré
jusqu'alors comme possession portugaise, l 'usiervUseimut réel du petit
royaume à la politique anglaise est devenu si patent que môme les
colonies africaine* de Luanda et du \f )jitnbiqu3, sans parler do Lou-
renço-Mnrqucz, sont déjà subordonnées au t. exigences administratives et
fiscales de l'Angleterre.
Peut-être l'Espagne se trou ve-l-e lie en voie du subir une humiliation
de même nature. Aussi bien rattachée aux ports britanniques par les
chcmins'de l'Océan qu'elle Test à la France, et n'ayant avec celle-ci que
deux voies ferrées d'union directe, la Péninsule est en grande partie la
vassale de la finance anglaise, qui commandite chez, elle tant de mines*
de chemins de fer, de manufactures et autres entreprises. Mémo l'ou-
trage indélébile fait à l'Ëipagnc coin mu nation par l'occupation mili-
21
l/ ESPAGNE ET G1BJULTAK flo3
taire de Gibraltar contribue, tuât tes hommes sont voulcs, à augmenter
le prestige de l'Angleterre ; cet épieu enfoncé dans la chair vive rond
tout le corps malade* Ce seul point a peine perceptible sur l'ensemble
de la carte n'en est pas moins suffisant pour déterminer toute la poli-
tique do l'Etal, L'tëspagno n*ose plus môme se défendre : la position
d'Algésiras dominant celte de la citudello anglaise par-dessus le golfe,
lu (Jrunde Bretagne a signifié aux Kspugnols qu'elle considérerait comme
un ncle « pou amical » la construction de tout ouvrage militaire sur la
pointe qui fait face à ses propres fortifications, et l'Espagne se trouve
obligée d'interrompre ses travaux défensifs, tandis que le génie anglais
accroît a loisir les moyens d'attaque.
Les événements graves qui privèrent récemment l'Espagne de tout
son empire colonial — à l'exception de quelques « presidios <• africains
sans grande valeur, des Canaries, de Fernundo-Fo et d'Annobon —
auraient dà faire comprendre aux dirigeants de la nation qu'il était indis-
pensable de prendre des? voies nouvelles. Mais les gouvernements, enfer-
rés dans leurs pratiques traditionnelles et dans l'état d'amc qui en est la
conséquence, peuvent-ils se conformer à d'autres avertissements que
ceux d'une brutale révolution? Non seulement ou s'est gardé de réformer
un seul abus, mais on en a indmc augmenté le nombre, L'Kglisc a réclamé
des privilèges et des garanties, l'urinée de nouveaux honneurs, la marine
un accroissement «le budget. tën des circonstances si graves où les desti-
nées de riCspugm; étaient enjeu, les hommes « d'Klat » no voyaient pour
la plupart que leurs intérêts de classes, Tous ceux qui s'étaient ambitieu-
sement déclarés capables de gérer les affaires du pays eussent du au
moins faire preuve de volonté, de suite dans les idées, de force et de joie
dans l'action. Or, à aucune époque de son existence, i'Kspagne officielle
n'avait eu à un plus haut degré le culte de l'emphase oratoire. Les diri-
geants étaient montés au pouvoir parce qu'ils savaient bien parler : c'est
comme orateurs, amples et sonores dans leurs discours, habiles, souples
et pressés dans leurs ripostes, qu'ils avaient été choisis. On ne leur
demandait pas d'avoir raison, mais d'avoir le dernier mot dans les tour-
nois parlementaires; quant aux actes politiques, au caractère et à la
tenue de la conduite, c'étaient là des choses qui, échappant à l'admiration
des badauds, étaient considérées par cela même comme secondaires. Le
Congrès espagnol; celui de tous les Parlements d'Europe « élu « suivant
les pratiques administratives les plus éhontées, était également celui où
V 21*
I
\o% 1,'HOMMK KT I.A ÏKHRE. — UT1NS KT GERMAINS
l'on entendait tes plus beaux discours. Les désastres se succédèrent
coup sur coup, mais que de fortes paroles avaient été prononcées pour
dramatiser ces malheurs ou pour les transformer en autant de
triomphes t On pouvait en écrire toute une anthologie, comparable au*
plus beaux modMes de l'antiquité classique.
Si l'Kspuguc a payé ainsi les frais de su défaite par d'admirables
prosnpopecs, elle n'en est pas moins obligée, comme les autres peuples,
de s'accommoder a la vie contemporaine. A mesure que les questions
nationale.* consent d'être exotiques, extérieure», pour toucher uux inté-
rêt « ili province ou de clause, l'art de «lin! avec 'sonorité* diminue
d'importance : ou est forcé désormais rie s'occuper de faits, de chiffres,
d'éléments précis. Une évolution analogue à celle qui n'accomplit dans
tous les autres pays se produit dans la Péninsule. Quoique le socia-
lisme n'ait point encore aboli les voltiges de la phrase —loin de la -,
cependant il u déjà quelque peu simplifié le langage de la tribune, et les
artistes eu belles paroles sont obligés de met In 1 une sourdine a leur voi.v
pour ne pas déplaire à leur public de travailleurs, ha \ic nationale
devient plus sérieuse el le langage rinll se conformer par une sobriété ,<
plus grande îi cette participation de plus eu plus intense à l'élude des it
problèmes contemporains. Ainsi (pie te dit très justement un écrivain \
moderne : « C'est bien îi tort que Ton accuse le peuple espagnol d'être <
un peuple dégénéré ; il n'est pas encore constitué, ou peut dire qu'il l
n'existe pas »\ hn formation normale ni avait élé étouffée dans l'œuf i
pur les Ferdinand d'Aragon, les (lluirles-Quint, les Philippe II... Muis
l'Espagne, le Portugal naissent à lu vie : les malices sont tenus, bien
malgré eux» de compter avec une opinion publique.
La l'Yan ce , comme l'Kspagne, a élé très fortement atlciulc et diminuée
politiquement : il lui est désormais interdit de réver, comme elle le lit
plusieurs fois dans sou histoire, de garder ou de reprendre le premier rang
parmi les nations. Il lui Faut se contenter de n'être qu'une unité dans le
« concert •> des huit « grandes puissances », de ne pouvoir classer sou
armée qu'au 3° rang el sa (lotte de guerre au il*' ou 'i", lundis que par
sa population, sou commerce et son industrie, clic vient bien plus en
arrière dans la liste de prééminence, Impuissante ù faire prévaloir sa
1* R. Mella. Cris* d*unt nationalité, Humanité nouvelle, juillet 1900, p. 97.
I. RSPALl.NK NOrVKI.LB
$oa
volonté dons les conseils de l'Europe, elle a chercha à se dédommager
par des annexions de territoire»» an delà dos mers ; après la Grande
Bretagne, elle est la nation militaire qui n te phi* subi celte maladie con-
tagieuse à laquelle Novîcov u dorme le nom de « kilomètritc »\ L'étendue
de? l'empire colonial qui, d'après les curies, est censé' appartenir à lu
France dépasse de beaucoup en superficie l'espace que ta métropole
occupe en Kuropt», \m conséquence inévitable de toutes pes annexions
Cl. A nt. Thomas.
VI* B «KNfcttAI.E DK It.tKC'KI.ON'K
est d'affaiblir le pu>s, sinon colonisateur du moins conquérant : celle
tcgétatjon touffue de rameaux ad ven lices doit épuiser in sève du tronc
principal. Il su (Uni il que la puissance fût engagée on des entreprise*
\itales d attaque ou de défense a vee le restn de PKurope pour qu'il lui
devint impossible du s'occuper des contrées situées complètement en
dehors de son orbite d'attraction. N'est ce pas là d'ailleurs ce qui
arriva pendant les guerres de la Révolution ut de l'Empire ? La plupart
des possessions françaises doutre-mer cessèrent de lui appartenir
parce que nul intérêt ne portail les populations indigènes à se défendre
contre la moindre attaque des vaisseaux anglais qui - commandaient aux
flots ». Kl même pendant la guerre de 1870, des territoires désignés
i. Cotma'ertce et colonie sociales, pp. ÎI77 etsUÎV,
$0<i t'HOMMK ET LA TBHItE. — LATINS Et GERMAINS
officiellement comme « colonie» françaises ■> furent complètement
évacués sans môme qu'un ennemi se donnât 1» peine de ton attaquer.
Kvidemment toi» ces pays éloigné» île la contrée d'où sont venus les
envahisseurs restent de» acquisitions précaires puisque les conquérants
n'y ont pns fuit souche et ne s'y trouvent qu'en exploiteur» haïs,
eu visiteur* redoutés. U\ proportion des Français qui résident dans
le» territoires, dits coloniaux situés m dehors de la Mauritanie et
n'ayant pour habitants que (les indigènes avec ou sans droit de vote
est infinitésimale, pour ainsi dire. Dans toutes le» colonies africaines»
asiatiques et océaniques, la ltéunion et la Nouvelle-Culédonic exceptées,
on ne compte guère (pie n;iooo européens mils, dont tout nu plus tmooo
français, et Mooo hommes de troupe venant de la métropole. Les
possessions de l'Indo-Cliiiie, qui ont rertainemeiil une très grande
importance économique et qui ne peuvent manquer d'acquérir d'année
en année une valeur constamment ■ accrue, dohenl leurs progrfo maté-
riels beaucoup moins à leurs propriétaires et administrateurs français
tpi 'aux marchands européens d'autre origine, aux immigrants chinois et
surtout au v indigènes eux-mêmes, qui soit Ides gens de labour et d'intelli-
gence. Quant au* Antilles françaises, lu Martinique et la (Guadeloupe,
les (Ils des anciens esclaves, encore noirs ou foncés de couleur à cause
de leur origine africaine* sont pourtant devenus Français parla langue,
l'éducation, le suffrage et la conscience nationale; mais pour le com-
merce, ils sont outrés déjù, en dépit des tarifs différentiels, dans le cercle
d'attraction des Ktats-tJnis.
Malgré le nombre et retendue de ses possessions coloniales, dans
lesquelles les patriotes français feignent de trouver la force, et qui sont
un réalité une cause de faiblesse, la France comprend l'insécurité dosa
position a côté de deux Fiais beaucoup plus puissants qu'elle, l'un par
son argent et sa Hotte, la Grande Bretagne, l'autre par sa population et
son armée, l'empire germanique; aussi a-t-ellc dû chercher une alliance,
au risque de faire bon marché de ce que l'on appelait jadis les prin
eipes républicains, les diplomates se sont évertués à marier les sons de
ta Marseillaise et de l'Hymne du Tsar. Le fier idéal qui inspirait les
hommes de la Convention est bien oublié de leurs petits-neveux. Toute-
fois, des .sentiments très multiples se sont mélangés aux «'jouissances
officielles populaires occasionnées par celte alliance. A côté des flagor-
neurs trop heureux de se reconnaître les \ aie ts d'un haut personnage,
POLITIQUE DE Lk FRANCK fa>7
il n'a pus manque de gens sincèrement joyeux "de manifester leur sym-
palliic pour un peuple étranger; une petite union » Hé formée, qui, en
dehors dut* siniagréeg officielles, constitue un élément de la fraternité
future. \m défaite de la Hussie en Orient cl lu Révolution qui gronde de
la mer Noiro h la Baltique n'a pu qu'aviver le dernier gentiment tandis
que celui des gphères d'en haut éluit proportionnellement diminua.
La politique « bassement bourgeoise » qui dirigeait les affaire» poli-
«irPBBPIf'lK VOPVLATION
LA WA.VCK KT I.RS fOLOSlKS
1. Atgéria et Tunisie — 2. Soudan et Afrique occidentale, du Sénégal au Dahomey. —
3. Hahara — 4. Congo. — 5. Madagascar. — 6. Cochinchine, Cambodge, Annam. — 7. TonJcia.
— 8. Autres colonies en A«io, Afrtqua, Amérique et Oeéanl».
liquesde ta France et de l'Europe pendant le centenaire de lu Itévolu
lion est bien ca raclé ri »c5e par les menace» officieuses que te cabinet du
Quai d'Orsay lit entendre, en 1808, h la Porte. C'était après les effroyable*
massacre» de l'Arménie. Le sultan porte; par l'enivrement de sa toute
puissance, avait osé contrarier quelques spéculation» malpropres de finan-
ciers européens. « Prenez garde! lui cria-t-on aussitôt, il ne faudrait pas
qu'il Constantiuople on se tfl d'illusions. La crainte morbide des respon
Habilités, qui a paralysé l'action des puissances dans les affaires d'Ar
ménic, ne garantit nullement à. ta Porte l'impunité à propris des indem-
nités en question... Tant qu'il ne s'agissait que d'Immunité, de droit et
de protection d'une clienfele en péril de mort, l'Europe pouvait bien
faH L'ilOMMK KT LA TKttHK. — LATINS HT OEH MAINS
reculer,,. Chaque puissance retrouve toute su lucidité et toute son
énergie dès qu'il est question des intérêts matériels do ses ressorti s
Hauts » '. Tu©» vos A rmdniens si le ctL'ur vous en dit» mais ne touchez pus
à notre argent.
Vraiment une pareille indifférence devant tes injustices les plus
flagrantes, devant tes crimes collectifs tes plus uttreux pouvait a bon
droit porter des esprits moroses à s'imaginer que c'en était bien fini, que
lu sourii! de toutes les nobles passions était irrémédiablement tarie. Kt
pourtant, a cette époque, se produisit un événement en sot fort banal,
un déni de justice commis .sciemment envers un officier qui avait le tort
de déplaire à ses camarades. De pareilles choses se présentent tous les
jours, mais il faut une certaine combinaison de circonstances, puis le
temps nécessaire pour que l'opinion se passionne, et enfin le talent,
le vouloir conununieatlfs de quelques hommes vuillants pour déter-
miner h* mouvement général.
Tous ces éléments se rencontrèrent cluits t'afl'aire Dreyfus, « l'affaire »
pur excellence qui fut le procès de l'armée, non seulement de l'armée
française, mais de toutes les armées tic tous les temps et de tous les pays,
parce qu'il établit les conséquences fatales de l'autorité indiscutée, la
cruauté, la sottise, l'esprit systématique de caprice et de mensonge, et
surfont la subordination de tout sentiment de justice et d'honneur à
l'esprit de corps. Tant de vœux et de volontés, s'étanvautdc toutes les
parties du monde, se sont unis dans celle affaire, représentative de mil-
lions d'autres utt'aircs restées inconnues ou négligées, si ce n'est dans un
cercle local, qu'on peut y voir un événement d'ordre universel et que ce
procès a par cela même « contribué à la future unité de la race humaine ».
tin outre, il dut une beauté tragique à su longue doive, à ses péripéties
poignunlcs, à sou coup de théâtre. « Par les attaques féroces, puériles,
sournoises des uns, elle eut l'intérêt compliqué de» drames barbares,
et par la ferme défense des citoyens, elle acquit la simple beauté harmo-
nieuse de la tragédie antique » ».
Cette guerre forcenée des deux moitiés de la France* n propos d'un
homme qui, pur sou génie, sou intelligence ou ses qualités morales ne
s'élevait en rien au-dessus de lu banalité moyenne, est un des mille inci-
dents de la lutte incessante qui sévit dans tous tes milieux, entre consenti
t. Article du Tetu/w, ruproduit par le Merhveret, 1*' soûl 1898. — 2. Ch. Péguy»
Hwue Blanche, 15, VIII, 1899, pp. 631, 6M2.
(.'AFFAIRE DREYFUS
leur» et novateurs, mais peut-être eu Fronce avec plus d'acharnement
qu'ailleurs à cause de là puissance presque égale des éléments en oppo-
sition, symbolisés par lo contraste géographique du massif central et des
plaines, c'est-à-dire du lieu de raréfaction eldu foyer d'appel. Pourtant
te contraste est double* eur si les région* montueuseH du centre consti-
tuent un monde tout
différent des husstn»
de ta Seine, de la
SaAne, de lu Garonne,
il y a également une
opposition nette entre
le Nord et le Midi,
mats les deux formes
d'antagonisme se ma
nifeslent diversement.
I/iiidividualilé pro-
\ inciale persiste loiig-
temps chea les immi-
grants de Paris, no
(Animent chez 1* Auver-
gnat, le Marchois, le
Savoyard, qui conti-
nuent de vivre ù part
dans la foule, coucen*
très dans lo pensée du
gain, On peut dire
d'une manière géné-
rale que lo dépaysé de la province arrive avec un sentiment de respect
presque religieux pour lu grand' vil le, qui représente à ses yeux, et à
juste raison, 'un centre intellectuel très supérieur u son milieu pri-
mitif, en même temps que la cité dans laquelle s'est déroutée ta grande
histoire et où se roneeiitrcul d'immenses trésors apportés du inonde
entier. Mais le « Méridional » proprement dit, le Toulousain, le
Marseillais, le Gascon, a d'autres façons de voir : il ne se croit point
inférieur au Parisien ; on dirait qu'il a gardé comme un reste de l'orgueil
du Romain ou du citoyen tle la Pwvincia lorsque ceux-ci se hasardèrent
dans les froides régions marécageuses ou forestières du Nord de la Gaule;
ÉMILK KOLA < 1S40-1902)
CI. 3. Ktthn. Mit.
4 io
L'HOMME ET LA TERRE. — LATINS ET GERMAINS
peut-être se rappelle-l-il instinctivement les jours du moyen âge*
avant l'atroce Simon de Montfart, quand les gens de la langue d'oc,
Albigeois et autres, avaient amplement conscience de la supériorité de
leur civilisation, comparée & celle des Barbares du Nord, Peut-être quel-
que» Méridionaux arrivent-ils môme, sans trop s'en rendre compte, avec
0. J. Ktthn, édit.
I
LA OROTTK DE LOt'RDKS
un sentiment de vengeance. Les grands parleurs d'entr'eux viennent
déployer leur (onuanle éloquence comme en pays conquis.
Phénomène qui peut sembler bizarre, el qui cependant est une
conséquence naturelle de l'oppression, en et là victorieuse, que les
envahisseurs du Nord firent jadis subir aux population» méridionales,
celles-ci réagissent maintenant contre les septentrionaux suivant un
mode très complexe. Taudis qu'il y a six cents uns, elles représentaient
sans contredit la partie la plus avancée de la nation, leur action se
complique de nos jours d'éléments régressifs très puissants. A côté
d'une majorité d'électeurs doul la couleur politique est dénommée
C0NTRA8TK MM DEl'X FRANCK
«H
« radicale », voir© « radicale socialiste », dont les représentants s'em-
ploient à ta séparation de l'Eglise el de rKlul, à côté de paysans qui
entrent délibérément dans la vate coopérative, même communiste, se
trouvent le» groupements les plus violemment superstitieux et réaction-
naires. Si la langui» provençale essaie de renaître 11 lu vie, ce qui est
mjii droit— elle justifie d'ailleurs son ambition légitime par des poèmes
Cl. J. Rubn, «dit.
LE PPV B» VBLAV
A gauche SaJnt.MIchol d'Aiguilhe. au centre Nolre.Daroe.de.Hrance, k droite ta Cathédrale.
d'un*! grande beauté littéraire — . | ( » sens général de ce mouvement se
porte franchement vers la réaction catholique. Kl nVst.il pas honteux
<pie la passion cruelle des courses de taureaux, avee mise à mort de
l'animal et tout l'effroyable prélude de chevaux é\ en très et d'hommes en
danger, se soit emparée de tant de villes du Midi, et qu'elles en aient senti
leur vieil esprit municipal se réveiller contre le gouvernement central,
coupable de vouloir appliquer les lois» pourtant bien peu draconiennes,
édictées durant le siècle pour la protection des animaux?
I
\VA 1/ HOMME KT LA. TKRRK. — LATINS KT tiKRMAINS
Dans ce conflit des deux France» il est naturel que tes éléments con- '
servatetm se soient allégés de tout ce qui pouvait alourdir le combat. La
monarchie les gène, d'autant plus que, loin d'être un principe absolu,
elle est subordonnée à l'existence d'une famille royale ou impériale, et
que plusieurs d'entre elles se disputent le pouvoir. Le» tentatives de res-
tauration aytifit échoué, précisément à cause de ces compétitions entre
candidats à lu souveraineté, il n paru plus pratique de se « rallier îi la
République » conformément it l'avis du pape, canin nom n'engage ù
rien, et sous celui de « Chose commune » on peut embrasser les survi-
vances du passé tes plus contradictoires aux idées nouvelles. Naturelle
meut le centre de rut lie meut pour la droite et la gauche de la gronde
armée conservatrice devait cire ta vieille Eglise catholique, assouplie
1res adroitement a toutes les manoeuvres modernes, mais incapable de
transiger sur les principes qui sont, comme ils le furent toujours, l'asser-
vissement des esprits et des volontés à la tradition religieuse. Le respect
des intérêts acquis est follement respecté en pareille matière que le per-
sonnel de la réaction franc ni se semble avoir a peine changé pendant
un siècle. C'est une des 1res intéressantes et très logiques conséquences
de l'histoire, que, sous la Hépuhliquc officiel le, la plupart de ceux qui
commandent l'armée française Boieul précisément les petits fils des
émigrés royalistes qui envahirent la France à la solde de la coalition
des rois. Les noms énumérés dans les annuaires coïncident d'une
manière étonnante, à un siècle de dislance, ù ceux qui figuraient à
Cohlentz et a Quihcron dan» la liste des mercenaires étrangers* . Par
une évolution toute un lu relie et qu'il serait par conséquent injuste de
reprochera qui que ce soit, les royalistes envahisseurs de la France se
sont transformés en « patriotes intransigeants • .
Sans être unique à cet égard parmi tes nations, la France est cejien-
danl celle que Ton cite d'ordinaire comme le groupe ethnique le plus
infertile en progéniture. Tandis que dans la plupart des contrées euro-
péennes et des autres pays appartenant au même type de civilisation, la
population, aidée par les admirables progrès de l'hygiène moderne et
la décou verte incessante de nouvelles ressources, s'accroît suivant dos
proportions qui n'avaient été jamais atteintes, la France n'augmente
que très faiblement eu résidants, et même il est arrivé plusieurs fois
t. l'rbain Gohfor, fArmfe de Cottttt, llevut Blanche* t* r juillet 1898.
L
ïl
II
%
i
t
OUG&NTHROPiE
4i3
depuis quelques année» que le nombre des naissance» ait été inférieur
à celui des décès el que seule l'immigration d'étrangers ait empêché un
véritable recuide ta population française. A l'exception de ia Bretagne,
H* #96. Aoorotttement de la Population française durant le XIX* sièole,
w«-
*v*
i : 10000000
D'après K 'ihrquan
hmiinrit-TMi- ■ . «.* ■
o ioo m
*.— -.
"âoKil
Us chiffres indiquent la population de 1900, pour 1000 habitants en tSUO: on voit que dans
une qutnxaine de départements, il y a eu diminution effective.
A 1000 habitante en 1800, correspondent environ* en 1900. France H50, Espagne 1800,
Italie 3400, Suiase 2500, Allemagne, Belgique, Hollande 3000 (t) t Angleterre 3300 (T).
c'est à-dire de la province française qui purtieipe le moins à la vie géné-
rale de la nation, le pays lout entier, surtout pour la classe de ses
terriens, professe le précepte de la « réserve morale » que recomman
daient si chaleureusement Malthus cl Stuart Mill. Les conséquences en
4 1 4 1/HOMME KT LA TERfiK. — LATINS ET GKRMAIN8'
sont telles que le généralissime de» forces allemandes, voyant avant
tout dans tes peuples des réserves d'hommes valides pour le combat et
pour le massacre, célèbre la victoire que l'armée germanique remporte
chaque année sur l'armée française: un écart annuel de cent mille
naissances équivaut en effet, dans l'équilibre militaire, à une énorme
tuerie sur un champ de bataille.
Or ces causes profondes, intimes, du recul ou du progrès de la popu-
lation font davantage, sinon pour la prospérité vraie du moins pour
l'influence relative des nations, que les brusques événements politiques,
les immigrations ou les exode». La population d'un simple canton d'une
vingtaine de mille individus, dont pendant quatre siècles le taux des nais-
sauces dépasserait celui des décès de deux pour cent — unirait par
exemple ia 'natalité d'Aulrtclic-Hongrie, trcule-huit pour mille, u ht
mortalité anglaise, dix-huit pour mille —, pourrait théoriquement
atteindre cinquante millions d'hommes, assez pour couvrir ïe ter
ritoire de l'Allemagne entière ; puis si par un brusque retour la propor-
tion venait à changer du tout au tout, les cinquante millions se rédui
raient de nouveau a quelques milliers d'individus au bout de ce môme laps
de quatre cents années. C'est ainsi que l'on u vu la popululion franco
canadienne grandir d'une façon merveilleuse, pousser ses (lots humains
comme une marée, montrer vingt-cinq mille individus la où il ne s'en
trouvait qu'un seul millier cent années auparavant; et, d'autre part, que
fies nations, ayant perdu leur ressources eu terres, en eau» en relations
de commerce, ont fini par disparaître, tels tes Hymiariles et les Babylo-
niens, ne laissant plus qu'un nom et des vestiges là où ils avaient cultivé
de vastes campagnes et dressé des cités populeuses. Mais ces révolutions,
de si haute importance historique, frappent beaucoup moins les esprits
que des faits brusques, d'intérêt tout a fait secondaire, « La dépopulation
lue les nations sans faire souffrir aucun des individus dont elles se com-
posent, et nulle douleur n'étant ressentie, nulle plainte no se fait
entendre < \ Cette maladie sociale, ù laquelle Arisloteadonné lenomd'oli-
gantliropic, menace-l-elle actuellement l'existence de la nation fran-
çaise ? Le moment est-il venu pour elle de se préparer ù mourir ?
Quelles sont les causes du ralentissement dans les progrès de la popu-
lation kilométrique! 1 Evidemment elles sont multiples, mais il est très
1. Arsène Dutnnnt, Revue Scientifique, 20 juillet 1895, p. 92.
difficile de savoir dans quel ordre d'importance H faut te» ranger, et
cet ordre d'ailleurs peut varier suivant tes divers?» provinces, ï^e fait
caractéristique dans la diminution partielle de la population française
est celui ci, que « la pauvreté entretient la vitalité de ta race, tandis que
la richesse ou l'ai sa r» ce constitue un pacte avec la mort » ' , Les quutre
groupes de départements qui se dépeuplent sont les très riches contrées
de ta busse Normandie, la Gascogne orientale avec le Qnerey, une partie
du Languedoc, la Provence et la région bourguignonne et champenoise-
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Cl. Altartl.
itns route MÉBiDiûNALB (Narbotmo, le 5 mai 1907.)
Les deux départements où le mal est le plus invétéré, l'Hure et le Lot-et-
Garonne, dont la liste annuelle des morts dépasse celle des naissances
depuis deux tiers de siècle» sont parmi ceux dont les terrains ont la plus
grande fécondité. Ce n'est point ici parce que le banquet de la vie n'est
pas servi que les candidats au festin sont obligés de partir ou que même ils
n'ont pas l'occasion de naître ; tes ressources sont abondantes, elles vont
jusqu'à la surabondance; c'est par la conception spéciale de la vie qui est
devenue l'idéal des propriétaires que s'explique la réserve des forces qui
s'emploient ailleurs à l'accroissement de la natalité. Dans ces districts,
1. Arsène Dumont, Revue mensuelle de PEeote <f Anthropologie de Paris,
15 janvier 1897.
il*» l/llOMMK KT U TKnRK. — LATINS It GEBMAIN8
non seulement le nombre dos mariages officiels diminue régulière
ment et relui dea célibataire* augmente, mais tes époux eux-mêmes se
rapprochent de plus en plu» du célibat*.
Quel c»t donc leur idéal? Celui de perpétuer tu richesse ou du moins
le bien-être dans lu famille. \e pouvant la garder pour lui seul par delft
le tombeau, l'égoïste possesseur veut du moins que le domaine ne soit
pas morcelé et il préfère courir le risque d'avoir h le transmettre a un
cousin plutôt que de le partager entre plusieurs entants. Chose bizarre
et contre nature : la procréation des entants, c'est à -d ire révocation de
lu génération qui vient et qui tic v ni il continuer pour le mieux l'œuvre
de l'immunité, est laissée aux malheureux, a ceux qui n'ont uueun souci
de l'avenir. Kt celle incurie des géniteurs vaut peut être encore mieux
que le souci de eeux qui voient dans les (Minuits la simple continuité
du nom. de l'héritage, de l'influence aristocratique ou bourgeoise.
Si te propriétaire lient a l'éternelle durée de sa propriété, du inoin^
peut-il lu trunsmettre aux siens, tandis qu'une autre catégorie d'indi
vtdus n'a pus même cel idéal. Le fonctionnaire, e'est-u dire l'homme
préposé ù la surveillance de ses concitoyens, est facilement entraîné »
n'avoir que «les ambitions personnelles. Les officiers, les employés de
l'Etat, les salariés des compagnies ont une existence assurée, non uni-
quement pur leur travail, comme il semblerait au premier abord, mais
surtout par le bon vouloir de supérieurs qui peuvent les renvoyer, les
ruiner, quand il leur conviendra. Bien plus, tous ces employés n'ont en
perspective des appointements supérieurs, une amélioration de leur sort
qu'a la condition de plaire aux chefs: l'avancement esta ce prix. L'intérêt
leur impose doue des visites, des services, des complaisances, un certain
décorum indispensable pour accroître leurs chances d'à va ncemenl : les
dépenses sont presque toujours celles du rang auquel on aspire. Dans
ces conditions une famille nombreuse est impossible; elle serait même
un scandale aux yeux de ceux qui peuvent distribuer les bourses et les
places aux enfants supplémentaires. Des raisons analogues entraînent
aux mêmes pratiques eeux qui exercent des professions libérales, tels
que les médecins et les avocats ; enfin les individus dont les fonctions
impliquent une éducation Hâtivement supérieure et qui jouissent
en même temps d'un revenu fixe, c'est à-dire les recteurs et professeurs
t. Edmond Demolins, A quoi tient la supériorité des Angh*Sa*om, p. 130,
PH0PR1ÉTAIRK8 KT FONCTIONNAIRES
««7
<ie faculté* et de lycées, «ont d'otrtimitre pauvres m enfants; par une
charmante ironie des choses, ce sont les pontife» de la morale publique
qui, après d'autres pontifes, tes prête» célibataires, s'adonnent le plus
manifestement à l'abstention volontaire ». Outre Ira faits de limitation
consciente des familles que Ton observe en si grand nombre dans les
classes des propriétaires e| de» titrés, il faut mentionner aussi.
Cl. Geber
LU VlJttX TB.VÊS, .IXClKJf KIU DK IMB4TKH
«t'apres la plupart des médecins, les faits de stérilité conjugale provenant,
chez les familles aisées, de la suralimentation en substances azotes. (Jri
s'imagine volontiers qu'on accroissant les doses de nourriture, en faisant
travailler à outrance l'appareil digestif, on fiuifiieeu force et en santé.
C'est le contraire», l/in fécondité est causée fréquemment dans les couples
parcelle riebesse coiilinuelle d*aUmeuts toniques auxquels on ajoute le
vin pur, le café fort et les liqueurs. CVsl ainsi que les plantes trop
amplement nourries s'épuisent en feuilles et ne portent pas de fruits ".
1. Aisèae Dumoat, Profession et Natalité, Séance de la Société d'Anthropologie
de Paris» 4 février 1897. — 2. Maarel» Ot la dépopulation Ac la France, Moine Société,
18 décembre 1896.
ii8 l'jiommk kt m tkrbk. — LATINS kt germains
Lu composition sociale «te nombre do < -mi Ires industriels qui guident
officiellement une position très secondaire dans tes départements com-
porte tin noyau puissant de familles très riches ayant l'orgueil de leur
ù tua lion et tenant le monde des fonctionnaires eu assez médiocre estime.
\ celte aristocratie industrielle répond un nombreux prolétariat* eon
stiluunL lu ^ruude majorité de la population, cnllu une classe intermé-
diaire de détaillants vivant de* la clientèle tles ouvriers et soumis parfois
au pouvoir discrétionnaire des maîtres. Or ce* diverses classes ont une
forte natalité, de beaucoup supérieure a celle des sociétés bourgeoises
composées de rentiers et de fonctionnaires. L'existence est aléatoire aussi
bien pour l'ouvrier que pour le patron ; l'un et l'autre courent après lu
fortune et en acceptent les chances: risquant chaque jour des #ains et
«les perles, ils ne craignent pas d'aventurer aussi des enfants dans la
butaitle de la vie ; oa a même constaté que, par la contagion des idées cl
respriurimitalion. la population agricole qui entoure les cent ros ouvriers
se laisse col rainer à fonder des familles nombreuses. Du mont en a con-
staté des exemples remarquables autour de Dtiukcrquc, de Lillebonne et
aalres villes industrielles.
Ainsi les conditions économique* et sociales réagissent diversement
Hurlequilibrcdc la population, faisant varier sanscesse les oscillations de la
vie et de la mort. Quoiqu'il eu soit de ces alternatives, le progrès n'est
point un mouvement qui se mesure seulement parordre numérique, sui-
vant la statistique précise des télés d'hommes, <|e femmes et d'enfants. Le
nombre est, à n'en pas douter, un élément de civilisation, mais il uVnesl
pas le principal et, menus dans certains cas, il peut être un obstacle au
développement d'un vrai propres en bien être personnel et collectif, ainsi
qa'en bonté mutuelle.
D'autre part, l'immigration sur son territoire des populations a voi-
sinant la France prend la place des enfunts qui n'y naissent point, et il
est indiscutable (pie les 111s d'étrangers font de « bons Français • ,
d'aussi parfaits patriotes que furent d'enthousiastes Prussiens les
Dubois Heymond, les Ycrdy du Vernois et autres descendants des Cal-
vinistes. On a souvent remarqué que parmi les hommes ayant le plus
véhémentement discouru sur la ■• gloire de la France », il s'en
trouve un certain nombre dont un, deux ou plusieurs grands parents
sont nés eu dehors des frontières de ce pa\s : le sol, le milieu,
la longue façonnent l'individu qui prend rang dans la masse de la
AFRIQUE MiNElBK /ji u
nation. Tout bien considéré, il no semble ptts que la France, comparée
h ses voisinas, leur cède en valeur dans sa pari tic In» ail utile.
C'est aux nations haines, et surtout ù la France, qu'il faut ndtaeher
l'Afrique mineure, c'esl-a-dire la partie itu continent africain que les
étendues sableuses et pierreuses du Sahara, jadis tut moins partiellement
occupée» par un bras de mer (De Lapparent), limitent sur tout le front
méridional, du golfe de Cabès à l'Atlantique île» Canaries. Par la con-
tinuité tien terres émerges, cette « moindre Afrique », lu Muurélanie,
appartient bien au couttueut noir, mais pur son architecture géologique,
par la direction, ta nature et les plissements de ses chaîna de montagnes
(tëd. Sucss), par se» plantes et sa faune, aussi bien que par ses race*
d'hommes nu toc h thon es, cette contrée est lieaticoup plus européenne
qu'africaine : elle forme un tout avec le monde méditerranéen que con-
stituent l'Italie el ses îles, la Provence, le Languedoc, les Haléares et la
péninsule Ibérique.
Cependant les événements politiques séparèrent fréquemment pendant
le cours de l'histoire les deux versants do la mer intérieure : les dangers
de la navigation étaient si grands avant l'époque moderne que les mou-
vements de colonisation étaient presque toujours empêchés ou lon-
guement retardés et que les expéditions militaires étaient souvent coin-
promises : it fallait alors autant de jours pour aller d'une rive a l'autre
qu'il faut d'heures pendant ce siècle aux navires ù marche rapide. Après
l'effondrement de l'empire romain, la séparation complète s'était pro-
duite entre les populations des deux rives, et môme la migration victo-
rieuse des Arabes avait pu se faire le long de la côte septentrionale du
continent sur l'énorme distance qui sépare la mer Houge de l'Atlantique,
le Sinaï des Pyrénées. Le mouvement normal du Nord au Midi, entre les
deux moitiés du monde méditerranéen, ayant été interrompu, une
pression secondaire de t'est à l'ouest avait pu se manifester.
Actuellement, la cohésion naturelle a pu se reconstituer, quoique
d'une manière, brutale, par la conquête militaire. L'Algérie, la Tunisie
sont bien des colonies françaises ou plutôt des colonies sud européennes,
puisque les principaux immigrants sont des Français du Midi, des Fspn-
gnols el des Maliounais.des Maltais et des Italiens : ceux-ci prédominent
même très largement dans la Tunisie, lundis que les Espagnols
remportent numériquement sur les Français dans l'Oranie. Toutefois,
I
ho L'HOMME KT LA TERRB. — LATINS ET OKUMÀIN8
les terres maurétatùcmics ne sont que très particUcmcut.au point do vue
ethnologique, des annexe* de l'Kuropc moderne; elle* sont avant tout
un pays berbère, et encore, dans une certaine mesure, une région do
conquête arabe : l'Asie s'y mélange doue avec l'Huropc et avec Tan-
tique Occîtanic. Lorsque Napoléon lit, au grand scandale des cotons
français, qualifia l'Algérie de « royaume arabe », il y avait dans son dire
une grande part de vérité. Du reste, les militaires français qui avaient
rattaché l'Algérie à l'Europe professèrent toujours la même opinion que
l'empereur de leur choix, et celte opinion leur était imposée par l'esprit
de corps : le désir de commander» si naturel à des soldats, leur faisait
préférer des sujets arabes, dont ils étaient les maîtres absolus, a des con- '(
citoyens français qu'ils pouvaient sansdouletrailer en pékins et mépriser»
du moins en parole», mais qui restaient protégés par la loi commune.
Puis vint Tète de la colonisation «Mctalle; on avait empêché les
immigrants de s'établira leur gré sur des terres achetées aimablement
aux Arabes; maintenant on allait déterminer d'avance le lieu où serait
bali un village de tant de maisons avec des jardins de tant d'arcs et des
champs de tant d'hectares, et on y expédierait un nombre de cultivateurs
fixé dans les bureaux de Paris, avec un cahier de charges dûment signé
et paraphé par toute la série des autorités militaires et civiles, Aïn-Pouka,
le premier village fondé parle général Bugcaud, qui a reçu dans l'histoire
la réputation d'un grand colonisateur, fut inauguré en marche militaire
par une compagnie de 1 '17 colons ayant a sa télé oflieiers et soldais et
préeédéc de tambours. Chaque concessionnaire recul, avec la demeure
et le champ, un douaire de sept cents francs cl une femme mandée de
Toulon par le général. Ou comprend ce que devint la population de ce
village officiel, heureusement remplacée en peu de temps par des fa
milles de cultivateurs sérieux. Fmikn est devenu le gracieux village côtici
de Castiglione, aux habitations éparscs sur la plage et dans les vignobles.
U comédie île la colonisation officielle se changea plus lard en tra-
gédie, lorsque, en iK'18, l'Assemblée Nationale, voulant se débarrasser des
révolutionnaires parisiens, s'occupa d'installer d'un coup quinze mille
colons dans une quarantaine de villages fondés de tous les crtlés un peu
au hasard. (îe fut un lamentable désarroi. La plupart des colons hupro
visés périrent ou se dispersèrent : en Ici village il ne resta plus qu'ut»
seul individu, nommé par dérision « le garde des ruines ». Une fois en-
core, il fut prouvé que la colonisation ofiicielle est plus funeste qu'utile
COLONISATION OFFICIELLE
4a 1
par les dépenses qu'elle entraîne, les mauvais éléments qu'elle apporte et
le découragement qu'elle fait subir aux colons libres.
Retardé par cette déplorable ingérence du gouvernement duns ta
colonisation, le peuplement s'est pourtant effectué d*unc manière
continue, par le fait des initiative» personnelle». Dès les premiers jours,
un commencement de prise de possession oftective s'était produit en
dehors des forteresses et des camps occupés par les soldat» et les parasites
BÔKB, VU» PBISB DU SITE Il'HIPrOlïJÎ
Ct. J. Kutrn, Mit.
de l'armée. Malgré l'incertitude politique de l'avenir, quelques vaillants
jardiniers et agriculteurs s'étaient hasardés dans les campagnes hors
de la zone du canon ct commençaient par la pioche l'ère de l'annexion
réelle. Décimés por les (lèvres et p^r les balles, les âpres laboureurs ne
se découragent pas : aux premiers arrivunls en "succèdent d'autres plus
nombreux. Les villages vidés parla mort se repeuplent de nouveau, puis
une seconde et une troisième fois* Môme les villages officiels Unissent
par prospérer lorsque les anciens concessionnaires ont disparu et que
la colonisation libre s'y est installée. Les maisons blanches aux tuiles
rouges s'élèvent sur les collines a côté des pins et des caroubiers, éclai-
V 22
4aa l'homme et lu. terre. — latins et uedmains
rant do loin l'espace, tandis que tes tentes noires des Arabes, collées contre
le sol, se perdent dan* tes* accidents dit terrain. Les habitations euro-
péennes se groupent, s'alignent en rues* des villes naissent unies par
des routes» puis par des voies ferrées: l'ensemble des points occupés se
relie en un tout géographique par un réseau de voies de communication»
et peu à peu la société civile européenne, colle du travail, de l'industrie,
remplace, écarte, dans les casernes et les camps, tes troupes de toutes
urnmet de tous uniformes qui, seules, dans les premières décades, avaient
représenté aux veut des Arabes la « grande tente » de la France. Tout
d'abord les musulmans d'Afrique s'étaient imaginé que la France était
un pays divisé en quatre grandes tribus, les Zouaves, les Chasseurs
d'Afrique, les Grandes Capotes et les a Joyeux. » du disciplinaires, ainsi
nommés par antiphrase. Les Arabes no voyaient dans les civils qu'une
caste inférieure comparable à celle de leurs propres bergers \
Certains prophètes, grands partisans de la force, avaient affirme déjà
que, dans le conllil inévitable des races, les immigrants européens, gran-
dissant incessamment en nombre, tin iraient par exterminer les popula
lions d'autre origine, par se substituera elles, comme les \nglais se sont
substitués aux Pcaux-Kouges et aux Tasmaniens. Une atroce famine
qui Ut périr pont être un demi-million d'indigènes algériens, en 1857,
parut d'abonl donner raison ù ces théoriciens de l'extermination, mais
après ce grand désastre national, la reprise de la natalité arabe et kabyle
a été fort considérable, les vides se sont comblés et la population s'est
accrue de nouveau. Pendant les dernières décades, l'augmentation des
éléments nationaux, que l'on peut qualifier « d'indigènes » en compa-
raison des gens venus d'tëuropc s'est maintenue dans lu même propor-
tion que celle des immigrants étrangers. Ceux-ci ne fortncnlqu'un sixième
ou un septième du chiffre total des habitants : au point de vue numérique
les éléments africains cl asiatiques possèdent donc une très grande supé-
riorité, compensant en partie la prépondérance que donnent à l'élément
français le prestige de la conquête, la possession des richesses militaires
et la cohésion poliliqiuvadministralive, industrielle et commerciale.
La plus grande faiblesse des indigènes, comparés aux Franco-Euro-
péens, est leur manque d'unité. D'abord chaque ville rompt la cohésion
du monde arabe; presque sans exception, lu population des groupes
1. Emile Masquoray, Souvenirs et Visions d'Afrique* p. 36.
INFÉRIORITÉ DBS INDIGÈNES fo$
urbains est européenne en grande majorité, et même on ceux où l'élément
arabe est très considérable, ta direction se trouve si bien centralisée
entre tes mains (les Fronçais par tes institutions politiques et les avan-
tages de lu culture intellectuelle et de lu fortune que leur prépondérance
est énorme : il n'y a pas de comparaison possible eutre les habitants
d'origine européenne et les indigènes, Ce n'est pas tout» les villes sont
attachées tes unes aux autres Binon par des chemins de fer du moins
par des roules, oit la circulation consciente représentée par les messages,
les lettres, les journaux, les envois de toute nature est française par
essence : ce réseau, représentant le système nerveux entre tous les gan-
glions des villes, assure la supériorité des immigrants au point de vue
de la cohésion et de l'influence.
Mais il y a plus encore, il existe certains districts de campagne où
les Arabes sont en minorité et où leurs domaines ethniques se trouvent
par conséquent séparés les uns des autres. Ainsi le Sahel d'Alger et la
grande plaine delà Mitidja sont des terres essentiellement françaises on
les Arabes ne sont plus guère que des hôtes tolérés et, pour la plupart,
de simples mercenaires. En cette région, une lacune d'autant plus
grande se produit dans le monde arabe que presqu* immédiatement a
Test des campagnes occupées par les villages français de la Mitidja
s'élève la haute citadelle du Djurdjura, habitée par près d'un million
de Kabyles ayant parfaitement conscience de leur origine distincte
comme nation. Vers «on milieu» la masse des Arabes de l'Algérie fran-
çaise se trouve donc coupée en deu\ moitiés distinctes. Au sud d'Onu»,
le peuplement des campagnes par tes colons espagnols et français
a produit un phénomène analogue : malgré la présence de Marocains
au nombre de 7 000 (recensement de 1900), les musulmans sont en
minorité effective dans l'arrondissement d'Oran, et les Arabes de
l'ouest, limitrophes de ta frontière, sont coupés de toute commun)
cation facile aveu les Arabes do Test, vivant sur les plateaux cl les hau-
teurs qui dominent la vallée du Ghétiff. En réalité, on peut dire que la
confidence collective de la nationalité arabe est due surtout a la
présence des Français en Algérie, Avant le milieu du siècle, la diffé-
rence essentielle, unique aux yeux des indigènes, était celle du culte :
la dissemblance d 'origine est de mieux en mieux constatée et se substitue
partiellement à celle de la foi, à mesure des progrès de l'irréligion et
d'une supérieure compréhension des choses.
V 22*
4a'l
l HOMME ET LA TERHK.
LATINS KT GERMAINS
Cependant, si le» contrastes historiques sont mieux compris, un
rapprochement moral ne manqua pan de s'accomplir, malgré les indi-
vidus eux-mêmes qui en sont l'objet, contrairement a leurs propres et
H* 499. Répartition de fa population de l'Afrique du Nord
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la longitude des chefe-lieux ndiaués sur la earto n° 499). La largeur des colonne» est propor- *
.. -— 1»[*'- ,—,,...,.„ v „«.„ WW o oui •« wui« h- vvrp un largeur un» CQIOJII19S BSl JJ )DOT
SïSî'SJ «i^EX]** 10 ! 1 . t( T e d î l'arrondiHsemenl représenté. Dans chaque colonne,
lordro des nationalités est le même i de bas en haut. Français (en blanc), Israélites (en noir)
Espagnols Italiens (deux grisés de sons différents), antres étrangers (en blanc», Arabes et
.Berbères (Marocains inclus).
constantes affirmations. Us se prétendent à jamais inconciliables, comme
le feu et Teau; mais ce ne soi il lu que des paroles, des expressions pro-
verbiales. Tout d'abord, les colons d'Europe, aventurés au loin au milieu
ÉVOLUTION DKS POPULATIONS
TàO
de Kabyles et d'Arabes, doivent obéir a l'Instinct du conservation , et
s'acclimater moralement, «'adapter au nouveau séjour : In langue, le
mode do penser, le» masure se modifient quelquefois dune manière
complète. Pour (es indigènes resté» dans le» ville», le phénomène est
*• 600, Algérie, Tunisie, Sahara»
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0=
i: 12 800 000
500
ïsoKil.
analogue : la plupart d'entre eux deviennent des prolétaires de la môme
fayon que les aulres maiioîuvres se réunissant dans Alger el dans
les ports secondaires du littoral. Entre ces deux extrêmes, les approxi-
mations se font diversement nn dépit des insultes eldes haines échangées»
en dépit des injustices dont la race victorieuse est certainement coupable.
Par le vêtement mérne, la ressemblance s'accroît. La plupart des
colons d'Algérie ne sont point habillés comme des paysans français : ou
fati L*HOMME ET I,A TEfiRB. — LATINS ET GKAMA1N8
venait plutôt eu eux tics Espagnols, u la veste courte, la large cein-
ture de laine, noire, rouge on violelle, aux espadrilles ou atparg&teg. Et
quant aux Arabes el gens île toute ruée qui peuplent le» faubourgs el bus
quartiers de» villes et qui se réclament plus ou moins vaguement du
nom de « musulmans », combien en est-il qui portent une défroque san»
nom, composée de vêlements malpropres, hélas! mais pittoresques, oîi
la culotte, le turban, la chéchia rappellent l'ancien costume méditer-
ranéen du sud, tandis que te reste ressemble u lu velure des Napolitains.
Et le mélange des races, qui n'existerait pas d'après lastatîslique des ma-
riages, ne se poursuit-il incessamment eu dehors des unions officielles î»
Combien les traces du sang européen sont évidentes dans la plupart des
villes et môme dans les campagnes ! Eu Un, au point de vue moral, il faut
voir Arabe» et colons français sur les mômes lieux de marché, discutant
leurs vente* et leurs achats 1 On reconnaît bien alors qu'ils constituent
la même pâte humaine, avec les mêmes finesses, les mêmes ruses, et au
fond lu même bonhomie.
Le meilleur ciment d'union entre les deux éléments ethniques les
plus divers, le Français du Nord et l'Arabe a demi nomade, est celui que
fournissent les Européens méridioimui et principalement les Espagnols
aux familles nombreuses. Ceux-ci ne sont-ils pus déjà des Maures par
une moitié de leurs ancêtres, rendant maintenant aux Arabes ce
qu'ils reçurent d'eux jadis? Quant uux colons français, ils sou (Iront de la
maladie nationale pur excellence, c'est ù dire de la peur du mariage et
des soucis paternels. Les jeunes filles des maisons bourgeoises trouvent
difficilement ù se marier, et lus dots, les positions respectives de fortune
se discutent de longues années à ravunce, Les plaies de la « paléopar-
théuie » et de V « oliganlhropin >* existent aussi sur cette terre qu'il
s'agirait avant tout de peupler.
Quoi qu'il eu soit, ou n'a point a craindre actuellement que la sépa-
ration se fasse de nouveau 'Mitre lu Maurétuujc et l'Europe* Les musul-
mans de diverses races qui consti tuent le gros de la population sont trop
séparés tes uns des autres pur tes villes, les territoires de colonisation
européenne el les voies ferrées pour qu'un soulèvement national ou
plutôt une série de soulèvements locaux puisse désormais rejeter dans la
mer les envahisseurs français î Arabes el Kabyles pourraient tout au
plus servir d'ulliés à tel parti en cas de dissensions civiles ou à tel
envahisseur étranger en cas de grande guerre. Désormais le danger
DANGERS DU PAN18LAMI8HE
W7
menaçant directement la dotntmUion français* 1 ne viendra certainement
pas des musulmans d'Afrique, hic» que celte perspective hante te»
esprits de certain a écrivains soupçonneux. \jr fttuati*mc de religion ou
d'origine ethnique n'eal qu'à lu surface, on le sont bien : ce quo l'on
prend pour tel n'est d'ordinaire quo l'amour-proprc tortillé par ta rou-
tine antique, L'ère de la guerre suinte passe pour l'Arabe comme elle
a passé pour le chrétien, et si jamais le panislamisme devait, de l'Indus à
l'Adriatique et du Nil à l'Atlantique, se dresser devait! riCuropécn. cela
ri. uciwr.
SCÈNK UB MARCHÉ KK ALUBMS
serai I un épisode de la guerre éternelle de l'evploité contre l'exploiteur,
cl non de celle du mnhométan contre le round.
.Non, les in fl lient" es de provenance européenne prévaudront de plus
en plus ; mais n'est-ce pas une loi inéluctable que la colonie ail oigne un
jour sa majorité politique t et si elle se trouve alors, comme il n'est
pas douteux, en des conditions différentes de celles de la métropole par
quelques éléments essentiels, ne rêve tuliquera I elle pas son autonomie?
Alors les Algériens, issus de tant de races méditerranéennes, Ligures et
Ibères par l'origine commune, se sentiront Algériens et non Fronçais, et
auront inévitablement a l'égard de la et devant métropole un idéal
d'émancipation ou de libre fédération politique; c'est avec ta plus
4a8 l'homme et la terre, — latins kt germains
extrême prudence,, avec un tact délicat et respectueux, qu'il faudra
traiter alors* ces colons d'outre mer pour conserver leur allégeance et
leur sympathie. Le danger de l'unité coloniale serait grand tri les
Sottes françaises n'avaiont plu» leur complète liberté d'allures, si
Marseille et Toulon se trouvaient coupées de leurs communications
avec Alger et Bizertc. Spécialement la Tunisie, où, parmi les Européens,
les colon» français sont en minorité, risquerait alors de tomber comme
un fruit muraux, mains de lu nation d'Europe la plus rapprochée, celle
que la géographie désigne comme l'héritière de la Home antique.
Quoi qu'il en soit des perspectives politiques d'ordre secondaire,
la Maurétauie est désormais une nouvelle province de la « plus grande
Europe », même eu y comprenant le Maroc qui pourtant est censé jouir
encore de son indépendance. Ce pays de l' « Occident », le Maghreb des
Arabes, est circonvenu de tous les cotés pur les puissances européennes,
dont les représentants, avec un trcs'nombreux cortège île résidants hiver-
ncurs, se sont établis a 'Tanger pour eu faire une ville franchement
européenne, indice de leur prise de possession future*. Travaillé à l'in-
térieur pur des intrigues de lotile nature, le .gouvernement central ne
peut agir sans avoir « demander les conseils et à recevoir les subsides
des rivaux d'Europe qui se disputent son héritage, et quant aux tribus
indépendantes, qui constituent le bled essiba, « pays de l'insoumission »,
elles dépendentégalement de l'ÏCuropc, du moins indirectement, puisque
les objots de fabrication industrielle ont tous cette origine, et chaque
année cette dépendunce commerciale s'accroît par la force des choses.
Bien plus, des ouvriers marocains, par dizaines de milliers, ont pris
l'habitude daller travailler comme bûcherons, cultivateurs, bouviers et
manœuvres dans l'Algérie voisine et se rattachent ainsi économiquement
à la civilisation européenne: il n'y aurait qu'à laisser agir suns aucune
pression extérieure le» influences naturelles du simple eontact pour que
chaque année le Maroc s'européanisât davantage ; toute guerre de con-
quête ne pourrait que retarder le mouvement en ajoutant la haine, le
désir de la vengeance aux sentiments déjà hostiles naissant de l'idée
de supériorité religieuse, car le musulman adorateur du dieu unique
méprise volontiers le « chien de roumi », celui qui n'a pas moins de trois
dieux en un seul ainsi qu'une déesse mère, à moins, chose plus grave
encore, qu'il reste indiffèrent a toute idée ou pratique religieuse.
L'européanisa lion et plus spécialement la francisation automatiques
EUHOPÉANI8ATI0N OU MAROC
foQ
du Maroc s'accompliront d'uulant plus vite qu'elles seront aidées par la
construction des voies ferrées. \ cet égard, te chemin de fer qui se pour-
suit jusque dans le désert, h Figuig et au delà, a déjà fait merveille. Les
gens des oasis, que les brutalités militaires avaient d'abord initiés a la
guerre, se laissent volontiers séduire par les appâts d'un trafic fructueux,
et c'est maintenant à revers, par-dessus les cols du Grand Atlas, que se
fuit l'investissement commercial dti Maroc. Mais la principale porte
CJ.J.Ktihn t Wtt,
UNE BUE DK tAQHOUAT
d'accès qui donne entrée dans l'empire d'Occident est, du côté de la
frontière algérienne, l'avenue large qui s'ouvre par Oudjda, dans la
direction de Fez, cuire les monts du littoral de l'Atlas proprement dit.
Le va-et-vient des migrations et du commerce s'est toujours fait parcelle
vallée médiane, et c'est là que devra passer forcément la continuation
du chemin de fer longitudinal de la Muurétanic, entre le golfe des Syrtcs
et l'A thmtique : c'est doue par H ntérieur des terres, parallèlement à la côte,
que se développe l'ave normal du mouvement humain, ta voie historique
des Berbfcres et des Homains, des Vandales et des Bysanlins, des Arabes
et des Français. De même qu'en Tunisie, la côte méditerranéenne est au
4'ta l'homme et la terre. — la.tiKs kt germmns
Maroc très peu accessible ; tes chaîne» du tUlorat forment autant de rem-
parts successif* qui empêchent te trafic et qui môme, sur la plus grande
partie de Télenduo côUcrc, ont in tordit toute visite d'étrangers. Los îlots
et presqu'îles que possède l'Espagne entre MclîUu et Ceutû ne sont que
des rochers stériles d'où nul sentier ne pénètre dans l'intérieur et où Ton
dresse parfois nn pavillon de détresse pour demander quelques barils
d'eau pure aux. embarcations qui pussent.
Lu môme politique d'attente et do bon vouloir eût suffi pour rat-
tacher graduellement a la France les diverses oasis qui parsèment te
désert au sud de Tunis et d'Alger : l'intérêt économique seul relierait les
colonies muurélaniciincs aux possessions françaises du Sénégal et du
Niger, mais une pareille conduite exclurait l'accomplissement de
hauts faits d'urinos et par suite l'avancement de brillants officiers. Ou a
donc préféré de coûteuses expéditions militaires aboutissant a des
exterminations partielles. Vvanl ces exploits on avait trouvé moyen de
supprimer tout commerce de caravanes : le trafic, du Soudan, gêné pur
les douanes et les exactions, s'était en entier détourné vers le Maroc et la
lïipolilame, et les Touareg étaient devenus d'irréconciliables ennemis.
C'est en 1897 seulement, après soixante sept unnées d'occupation algé-
rienne, que les agents postaux d'Aïn-Sefra, dans l'extrême sud de
l'Oranie, ont, pour la première fois, reçu un courrier de Tom bouclera»
comprenant une quarantaine de lettre» : les indigènes qui accomplirent
ce trajet avaient mis plus de trois mois à traverser le désert. Du côté des
Français, il a fallu attendit* Tannée 1900 avant qu'une expédition, celle
de Foureau, partie des ports extrêmes de l'Algérie, accomplît entièrement
la traversée du désert, non sans grandes fatigues et sans péri! de désastre, Il
est certain toutefois qu'en parfait mépris du gouvernement français, les
marchands toualicl autres, et surtout des guerriers fouareg cheminaient
librement des frontières de l'Algérie aux rives du Niger : toutes les nou-
velles importantes de l'Europe, d'ailleurs plus ou moins modifiées sui-
vant les passions et les espoirs des indigènes, se propageaient à travers
les solitudes, le long des pistes des caravanes. Or, le jour viendra où,
de par les indications de la géographie, les voies majeures de l'Europe
vers l'Amérique du Sud passeront par le Sahara (runsmaurélariicn.
Kn Euro j je, le rôle d'importance prépondérante au point de vue ma-
tériel appartient incontestablement à la rivale héréditaire de la France,
PROGRÈS DE l/ALLKMAONfc /|3l
à la Germanie. Les progrès qu'elle a réalisés pondant le dernier tiers de
*
siècle tiennent du prodige et dépassent môme pour lu plupart, en indus
trie et en commerce, l'accroissement étonnant qu'a pris ta population,
s'éleva nt de quarante millions d'hommes jusqu'à soixante. Une série
de visites, faites à quelques années d'intervalle dans ses capitales et ses
contrées les plus laborieuses, Berlin, Hambourg, la Saxe, la Westphalic,
les bords du Rhin, permet de constater combien les changements ont
été considérables et combien la pauvreté relative de l'Allemagne parmi
les nations d'iïuropé s'est transformée eu richesse. Les observations
les plus instructives à cet égard sont celles que Ton peut faire dans les
pays nouveaux, on telle industrie particulière a pris soudain naissance
avec un parfait ensemble d'applications scientifiques dont les établisse-
ments plus anciens n'ont pas pu profiter aussi complètement. De môme,
telle lande Kablonneusc, où ça et tu se corrompaient des eaux noirâtres
et où poussaient quelques touffes de bruyères, est devenue une cam-
pagne somptueuse dont le sol, savamment composé, produit les plus
belles récoltes, que de toutes parts viennent admirer les agronomes.
Si les progrès matériels, variant d'ailleurs duns toutes les branches
du travail humain, nous fournissaient un étalon précis, un " moire "
pour les progrès intellectuels et moraux, on pourrait tenter de mesurer
le pas accompli par la nation allemande daim sa marche vers un avenir
d'égalité et de justice. Mais de pareilles appréciations ne peuvent élre
faites : même y a-l-il peut être empêchement absolu a la marche paral-
lèle des deux évolutions matérielle et intellectuelle, comme si l'énergie
de la nation ne pouvait produire plus d'un résultat à la fois. Nous ne
pouvons émettre que des jugements partiels, éléments du jugement défi-
nitif que prononcera l'histoire. En se laissant guider par certains
indices, dégagés de leur enchevêtrement immense avec les mille phé-
nomènes de la réalité, d'orgueilleux patriotes peuvent aller facilement
jusqu'à l'insanité. N'est-ce pas une idée folie qui induisait Hegel è
voir dans la constitution de l'Etal prussien une sorte d'aboutissement
de l'idéal des peuples en marche ? Du moins te philosophe admettait il
les races non germaniques comme appartenant au genre humain,
tandis que des élèves logiques vont jusqu'à faire des Allemands une
humanité spéciale : ainsi le livre des frères Lindenschmtl' développe
1. DU Râtset for Vûmelu oder sind die Deutschen. tingcwatiderl ? Mainz, 4846
W*
L'HOMME Et LA TERRE.
LATINS ET GERMAINS
nettement cette idée que le- Germain seul a droit au titre d'homme;
ainBt le général de KreUchmann » parlant des Français, déclare.,,
» Celle nation pourrie n'arrivera jamais ù s'élèvera la hauteur miellée-
tuellc que nous font atteindre Dieu et nos prince» ».
Quoi qu'il en soit* certaine» des qualités essentielles à celui qtti
veut mériter le nom d'homme ne sont point encore l'attribut banal
de la multitude des
sujet* de l'empereur
ger ma ni que. Parlent -
ils elagisscnl -ils avec
le courante qui con-
vient à des hommes?
Ht leur fierté de lan-
gage et d'uttilude,
s'est -elle accrue de-
puis que les salaires
ont augmenté et que
le pain est devenu
plus abondant i»
I /opinion générale
manifestée par la
presse, le ton des dis-
cours tenus dans les
assemblées, la teneur
des eon versai ions proférées dans les lieux publies ne permettent guère
de soutenir que l'Allemand moyen, pris pour type de la nation, ait
réellement progressé en videur personnelle depuis qu'il célèbre la
victoire de Sedan,
Sans doute, l'opinion publique, composée de millions d'intérêts
privés, finit par triompher des volontés du maitre le plus bruyam-
ment manifestées, sans doute, les éléments du renouveau ne manquent
pas, mais leur action ne s exerce que dans certains domaines limités tels
que Tari; en fait la lutte ne s'engage point sur les questions essen-
tielles : le principe même de la souveraineté divine, impériale et royale
n'est point mis en discussion et le peuple reste bien tout entier soumis
Cl. J»I«w UfittectC*.
HUHICIKNH AU l'A» DB PARADIS
1 Métis de Guerre, édité par Uly Braun.
OPINION PUBMQL'K EN ALI.KMAGNK 433
* par la grâce de Dieu >. Nul « Quatre viii#Luetif » n'est passé parlé
et les sujet» ne semblent nullement désirer que l'orage vienne nettoyer
l'air impur. Le mot même de « Révolution » souvent employé en
d'antiques phraséologie* semble n'uvoir plu* de sons. La discipline
par laquelle passent tous leg enfants, le» élevés, les étudiant», les soldats,
les employés, les fonctionnaires est devenue Pâme de ta nation,
et eette ame « revê-
tu un caractère mé-
canique : elle opère
au moyen de leviers
que l'on meut de
Potsdam ou de Ber-
lin. Cotte même dis-
cipline manœuvre
également bien dans
les rungs des socia-
listes, c'est -à-dire des
enrégimenté» d'une
organisation future :
le conflit en lit; les
divers partis, qui
semble formidable
les jours d'éleeltom,
n'est pas après tout
aussi violent qu'il le
parait et comporte
des accommodements futurs. Quant à l'Allemand moyen, il aime h pren-
dre les choses « a son sise », Arv/w/M, sans réfléchir & ce fait qu'en s'ac-
commodant de son mieux ù Pïnjnslice, il facilite la besogne de ses
maîtres et leur permet d'en agir à leur guise, d élargir le cercle de
leur oppression méthodique. Il est certain que, cinquante ans après les
révolutions de i8$8, le peuple germanique, très enrichi matériellement,
très policé et amplement muni d'un bagage de connaissances détaillées»
est néanmoins plus facile à tromper cl à réduire : il embolie mieux le
pas. N'est-ce pas un des signes historiques les moins douteux que toute
l'armée des étudiants allemands, forte de plus do trente mille hommes,
ait si bien épousé ses intérêts de classe, aristocratique ou bourgeoise,
Cl. Arvn».
ÉTUDIANTS ALLEMANDS
Après le duel, lu blessure est savamment arrangée
434 !/l!OMMK ET I.A TERRE. — LATINS ET C.BRMAINS
qu'elle répudie le socialisme en masse ? Kvidctnmeut, elle devrait
représenter Pavant-garde de la pensée naUoiiatOi ne , fût-ce que par
audace intellectuelle el par effervescence de jeunesse; tuais elle s'est
assagie depuis les temps glorieux du Tugmdbuntl, el les défis héroïques
n'ont trait qu'aux rangées de chope* et aux coups de rapière.
A certains égard», le moyen Age dure encore en Allemagne, la Révo-
lution de i8'|K, tw»» partielle et très combattue pur tous les éléments de
réaction, n'ayunl pas eu le temps ni la volonté méthodique d'abolir tout
ce qui reste du système féodal, C'est en 18^7 seulement que l'esclavage a
été complètement aboli en Prusse .'jusqu'à cette date, l'Etat s'était donné
pour devoir de protéger lu « propriété de l'Américain qui aurait eu la
fantaisie d'amener avec lui des esclaves de ses plantations *. Ce respect
de la propriété étrangère n'allait pas sans une observance rigoureuse des
privilèges de la propriété seigneuriale en Allemagne» et ces privilèges,
dont quelques uns ont été transférés directemeutù ta hiérarchie de l'Ëtat,
comportent encore bien des inégalités sociales, malgré le suffrage uni
versel, que le peuple a d'ailleurs reçu en cadeau elqu'il n'a point conquis
de haute lutte. Us assemblées supérieures des divers Etats représentent
presqu'u nique ment les antiques survivances féodales, et les cercles
militaire* supérieurs sont» par le fait des coutumes de l'avancement, des
assemblées strictement nobiliaires. Enfin la loi de lèse -majesté, la seule
pour luquclle il n'y ait jamais de pardon, est appliquée en Allemagne
avec une redoutable sévérité : ou n'admet pas qu'en cette grave matière
il puisse y avoir doute dans l'esprit des sujets : une personnalité
vivante, un être agissant, écrivant et partant est au centre de tout, dans le
mécanisme de l'Etat, el n'entend pus qu'on méconnaisse ou qu'on
défigure sou rôle.
Quoi qu'on en dise cl quoi qu'on ait pris l'habitude de répéter, surtout
en France, par réaction contre les illusions d'antan, il y a pourtant entre
la république et la monarchie plus qu'une différence de mots, plus qu'un
ettu truste de symliolos, En monarchie, la logique, aussi bien que la loi
ramène tous les eitoyens*tt s'occuper de la personne officielle, qu'elle qu'en
soit la valeur, taudis qu'en république on peut négliger cet individu, s'il
est vraiment négligeable, malgré la routine et la centralisation des
pouvoirs hiérarchisés. C'est déjù un très grand débarras que la dispa-
1. Eduard Meyer, Die Sklavcrei in Atterthum, p. 12.
L'ALLEMAGNE MONARCHIQUE 435
riticm d'une abHtmliU? traditionnelle momifiée en uii homme qui se gère
SCSNJS Dfi PFMTB VU.L* ALLBStAKDB
Gravure Urée de fftrmann et Dorothée*
en dieu el que la foule prend volontiers comme tel : délivré de ce kyste
gênant, le corps social a plu» de chance de fonctionner en santé, et
m
L IHIMMK KT LA TKRHK.
LATINS KT tiKRMAINS
l'esprit, dégage* de ce caudtemar, \v\mv à lu solution d'autre* problèmes.
Lorsqu'un souverain partage les pussions de son peuple, on le considère
N w 501-502. Océan Atlantique nord,
1 : 40 000 000
0=
500
IÔ0Ô
ï^ooKil.
L'an* do grand cercle réunissant Hambourg et New. York est pris comme base recMUgne des deux
moitiés de cotlo carte. L'ôtoilo au ttud du lac Michigaa indique la position, en 1905, du
centre de gravité de la population des Etats-Unis.
volontiers comme l'inspirateur, c'est a lui que l'on attribue les conquêtes.
Disposant d'une puissance matérielle prodigieuse, il a la pudeur de. ne
KKI.ATIO.NS EXTERIEURES 1>K L'àI.LRMMJNK ^7
pas l'utiliser en guerre» euro|>éenttt* et, de ee côtiK attend tes coups du
hasard, qui sg produisent toujours en faveur du plus fort; mais H se
de New- York à Hambourg.
Habitante [
3
par Kil.car. moins de 10
date à
EB •
100
pïûsdbiôo
Dans les limites de la carte, les lignes droites représentant les trajets les plus directs, on voit
l'importance de l'isthme écossais et du détroit do Belle- Ile pour la traversée rapide de
l'ÀUan tique en été.
démène activement pour agrandir son do tuai ne extérieur et pour se faire
redouter par les pelits Etats lointains. Afin de mener a bien cette poli»
138 L'HOMME gT LA TKRRB. — LATINS ET CERJUINS
tique menaçante, il a besoin d'une flotte militaire assez nombreuse qui lui
permette de montrer soj» étendard impérial dans ton» les port» du
monde et de garder en même temps dans le» mers voisines de son empire
assez de vaisseaux pour répondre à l'importance relative de la flotte com-
merciale et surtout pour imposer ie reHpeet. Tant de millions s'emploient
chaque année à l'accroissement de ces forces navales offensives que,
d'avance, le prestige de leur irrésistible puissance se fait sentir et que lu
Grande Bretagne, déjà cuirassée du côté du sud contre les attaques pos-
sible» de la France, a dû s'occuper de se dérendre aussi sur ses rivages
orientaux, ou, suivant le langage militaire, de se créer une nouvelle
« ligne de base », L'estuaire, où l'on voit déjà Tune de» œuvres humaines
les plus étonnantes, le fameux pont de la Forth, va bientôt se hérisser de
fortifications chargées de protéger éventuellement contre la flotte
allemande les richesses d'Edimbourg et de Glasgow et cette admirable
zone de labeur que constitue la basso Ecosse : une puissante barrière
occupera rentrée de l'isthme où les intérêts du commerce général
exigeraient le creusement d'un canal de grande navigation sur la
ligne transatlantique directe de Hambourg à New-York, Si les îles
Britanniques ne se complaisaient pus dans leur isolement, comme elles
l'ont aussi montré dans leur refus de sous franchir le Pas de Calais,
elles se fussent appliquées a l'œuvre relativement facile de la coupure écos
saise, de môme qu'ailleurs s'est faite la coupure égyptienne, et qu'en
Allemagne s'est ouverte la porte de Kicl entre les deux mers, seau
dinave et germanique.
Kn tous cas, il faut constater que s'il devait jamais se produire un
conflit maritime entre les deux puissances, cello qui abandonna l'île
Ilctgolaiid en échange de Zanzibar et celle qui en prit possession, l'Al-
lemagne aurait certainement de très grands avantages géographiques,
S'avançant très au loin dans les mur» boréales, l'île anglo-bretonne est
attaquable sur nombre de points et serait obligée du disperser ses
forces, même dans les eaux occidentales; l'Allemagne, au contraire, ne
peut fitre abordée sur aucun point : sa culc basse de la mer du Nord
esl partout défendue par des bancs de sable ou cuirassée de fortifica-
tions, Grâce au » tirant d'eau « des navires de guerre de nos jours, les
côtes allemandes de lu Baltique sont aussi peu accessibles aux (loties
ennemies et sont encore protégées par leur éloigncmcnt des bases
d'opération anglaise et française et par le passage forcé en vue de
FORTE POSITION DE l 9 ALLEMAGNE
43 9
Copenhague. La force d'attaque, massée en avantde l'Elbe etde la Weser,
c'est-à-dire là où viennent affluer toutes les ressources de FAUemagne,
resterait donc tout entière pour se porter vers les parages désignés. Le port
d'Emden, négligé depuis plusieurs siècles, recreuse ses chenaux et
N* 603. Cote allemande de la Mer du Word.
7* E.d«6r.
1 ! 2 000 000
ta^s
25
■A-j.-jt.-i
50
tooKil.
reconstruit ses digues pour compléter ce front de défense qui s'étend de
la frontière de la Hollande à celle du Danemark et que servent si admi-
rablement les routes de l'intérieur descendant vers lu mer par la pente
égale que forme dans tout son ensemble le territoire de l'Allemagne. Le
système des canaux, non encore achevé, est merveilleusement préparé par
44o L'HOMME ET LA TEftttK. — - LATINS ET OERMAÏNS
la nature elle-même : les anciens cours des rivières indiquaient d'avance
le tracé des routes liquides artificielles. Dès l'année 1669» la haute Oder
*e continuait vers la basse Elbe par le canal de la Spree, simple restaura-
tion d'un ci-devanOit, et les denrées expédiées de Breslau arrivaient en
moins d'un mois devant les quais de Hambourg. Grâce à cette diago-
nale de navigation, l'unité commerciale était faile bien longtemps avan
qu*on pût songer a l'unité politique \
Solide et compacte comme elle Test, l'Allemagne doit être normale-
ment, mémo sans l'aide des ambitions patriotiques, un centre des plus
actifs. Il est des contrées qui, sans appartenir a l'empire germanique,
n'en font pas moins partie intégrante de l'Allemagne littéraire, scienti-
fique, philosophique et sociulc. Telles sont les provinces danubiennes
de l'Autriche, la zone septentrionale de la Suisse, et même, dans une
certaine mesure, le district des Carpatcs hongroises dite pays saxon »,
ainsi qu*en Courtaude, en Livonie en Ëhstonic certaines enclaves
urbaines: Sehweinfurt, de Béer, J un ker, néB dans l'empire des Tzars,
sont bien des Allemands ut non des Musses. La statistique annuelle des
libraires de Leipzig publie les listes desouvrag-es allemands appartenante
tout cet ensemble de 76 millions d'individus : c'est la port de la grande
Allemagne dans le travail intellectuel du monde. Evidemment, ce sont
là des éléments d'unité bien supérieurs à ceux que proclament les traités
et que sauvegardent soldats et gendarmes; malgré les frontières, le vrai
travail du camr et de la pensée se fuit en commun et le groupement
naturel fonctionne librement dans l'organisme humain.
Cette unité naturelle et libre ne su fli t pas ù des patriotes impatients»
qui la voudraient artificielle et forcée. A ce désir d'agrandissement, sou-
vent énoncé avec fracas, répond, de l'autre côté du lac de Constance, un
sentiment évident de crainte : il faut constater que la Suisse est strate-
giquement ouverte le long de la frontière du Rhin. En dépit du lien
national très ardent qui anime d'autant plus les Suisses que leur patrie est
plus petite, l'instinct les avertit que la défense stratégique, très possible
en théorie, serait pourtant impossible, parce que la volonté résolue
ne peut être la passion collective de toute une armée, et l'on sait
d'avance que les paroles sonores prononcées dans les banquets patrio-
tiques n'ont point valeur de prophétie.
1. J. Partsch, loge und Bedeumg Bresiaus, p. 11.
PLU» liUANDK ALLEMAGNE <\fi\
Du càtéde l'Autriche, tes sentiments sont loin d'être aussi unanime* :
tVwt cAté, te bloc tchèque est un obstacle entre Berlin et Vienne, puis
il existe certainement de nombreux patriotes autrichiens, mais, d'autre
part, les Intérêt* immédiats de la conquête allemande sont 1res
bien servis, jusqu'en des discours ofliciols ot en plein parlement de
N* 503. Voies navigables d'Allemagne,
M. du NORD
t: 12 600000
■fife 5
*
tooKil.
ï*a construction d'an canal de l'Elbe à la Wosor et au Rhin fut repouwoeil y a quelques
années par le Reiehsteg. 11 faudrait encore unir l*Blbe au Danube» puis l'Oder à la Viuule
ot au Danube. $nûn améliorer ou doubler te canal qui relie le Rhin au Danube.
l'Empire. Tous savent que lu fabrique de l'ancienne monarchie des
Habsbourg ne répond plus aux nécessités modernes et n'est plus qu'une
survivance incomprise de ceux, même qui sont chargés d'en pratiquer
les couloirs mystérieux. Sans doute il ne manque pas par le monde
d'autres monument» antiques, rendus vénérables par leur ancienneté
même, qui ne suhsisu'nlqticgrAccù l'illusion créée par le respect ; mais,
dès <pie l'on se met a désarticuler les vieux squelettes! dès que des corps
V 23
«a
I. HOMME ET LA TERRE.
LATINS ET GERMAINS
jeunesse iormenleu place des las d'ossements congés* U ne reste pins
qu'à déblayer le sot de tous ces débris du moyen Age. En Autriche,
plu* que partout ailleurs, c*est le butai qui devrait être In grand instru
ment de règne.
Les nationalités s'éveillent de plus en plus, 8e prépaient à la lutte
<>l n'admettent plus un milieu fonctionnant seulement en vue de dresser
des corvéables et des soldais, lu nouvel équilibre se constitue et loua
les intéressés qui entourent ce monde en voie de refonte suivent avec
POBTION D*UV VTf.LAOB DBS POLABBS
CL dtt Ôtfihiu.
avidité tes péripéties dune genèse qu'il» espèrent modifier à leur
avantage. Ainsi l'Allemagne ne se contente pas de veiller à sa part
légitime d'accroissement, qui est la région occupée par la population
de langue germanique : elle regarde par delà les Alpes, jusqu'aux bords
de l'Adriatique» et réclame comme devant lui revenir cette môme ville
de Triestc que l'Italie revendique également et que les Slaves de l'ÎBtrio
disent aussi leur* appartenir de droit.
Commeiil régler tous ces conflits, calmer toute» ces convoitises sans
démuscler les chiens de ta guerre. La meute question de balance entre
les groupes nationaux qui rend Ta venir de la Balkauie si incertain me-
nace également l'A ustro Hongrie, et ne pourrait dire résolue que de la
même manière, par la libre discussion entre gens de langues, de
races, de meeurs, de coutumes différentes. L.a confédération de tous ces
peuples divers, ennemis même, mais sollicités par des intérêts généraux
CONFLIT» EN AUSTRO-HONGRIE
443
commune, devrait naître du chaos actuel et servir d'exemple aux grands
i;talh centralisés du centre de l'Europe; mais les « pieux désir» •> n'ont
pus <le sens en politique, il n'Importe que de constater le» mouvement
et d'en déterminer lu résultante. Eh bien, il est certain que, dans l'état
actuel de la civttitwtion qui ne respecte ni les droits de l'individu ni
ceux îles minorités, le début oftleiel sera eiroonserit entre les grandes
|>uiHsnnreH, empires de Russie et d'Allemagne, royaumes d'Italie elde
Ct. du Qiobu*.
MAISON AVX ENVIRONS DE HAMBOURG
Hongrie : le droit d'intervention des petits* Serbes et Croates, Albanais
ct Roumains, Slovènes ct Slovaques ne sera reconnu qu'en proportion
de leur» révoltes. A eux d'exiger cl de prendre, on ne leur donnera que
ce qu'ils auront conquis.
Kl ils sont certainement en train de conquérir leur liberté. A cet
égard, l'évolution est évidente depuis une vingtaine d'années. Malgré
tes obstacles que les gouvernements opposent à toute instruction qui
contient une trace de libre examen, à l'école qui ne pétrit pas le cerveau
de l'enfant pour en faire exclusivement un loyal sujet, les nouvelles du
monde entier circulent de plus en plus ct pénètrent dans les lointains
V 23*
M'ï t'ilOMME ET LA TERRE. — LATINS ET GERMAINS
village*. Graduellement leg peuples opprimés se rendent compte qui»
leur cas n'est point unique au inonde. Chaque jour raffermît chez
eux la volonté de se défendre et de profiter des enseignements de leurs
voisins. A vrai dire, le» question» se mêlent et, dans la lutte» on ne dis-
tingue pas toujours nettement le seigneur, au profit duquel se fait
le travail journal ior» de l'oppresseur qui restreint les libertés politiques
et dont le siège se trouve* souvent uu loin, les biftirrcrics gouvernemen-
tales rattachant Fiumc a ftudapest et Lernberg ù Vienne. Le» revendica -
lions du Kulhèiie contre le Polonais autrichien, du Roumain et du
Croate contre te Magyar, de l'Italien, du Slovène et du Tchèque contre
l'Allemand se nourrissent de la résistance du Poznan ien contre les ordres
de Berlin, de celle» des finlandais contre Saint-l'élersbourg, de celle de
l'Arménien contre Stamboul. I/cxomple de 1'tëgyptien, de tindou se
dressant eu face de l' Anglais, ceux du Malgache, du Congolais,
do l' Atcliiuois même ne sont point perdus pour le Slave ni le Géorgien.
Sur les autres frontières de l'Allemagne se présentent des phénomènes
analogues montrant l'instabilité de l'équilibre politique actuel et l'inévi-
table approche de grandes révolutions. Ainsi la Belgique» ci-devant le
drittip ih lulaillc de l'Kurope occidentale, continue d'être tHsputée entre
des forces contraires, représentées tnuiutctiaut par les dmis. éléments
ethniques des Flamands et des Wallons, partiellement différents par l'ori
gine et complètement distincts parte langage; les premiers oui un parler
tudesque, dont les patois tendent de plus en plus, sous l'effort du patrio
tisme local, n se/onfondre avec le hollandais; les seconds, au contrai re,
parlent divers dialectes d'une langue rapprochée du français et gravitant
vers lui par l'effet du commerce et de la littérature . Ce fuit, te contraste
des idiomes, semble une raison suffisante à ceux qui voient seulement
les choses de l'instant et de la surface pour affirmer la parenté française
des Wallons, le cousinage allemand des habitants de la Flandre, dési
gués jadis sous le nom do Thiois d'après leur langue ; d'ailleurs on peut
dire eu toute justice que ces deux purent es ont tini par se réaliser h isto
riqiiement dans une forte mesure, grâce a la communauté de sentiments
et de pensées que donne u ne même nourriture intellectuelle: peu importe
que, quant aux origines, la plus germaine des deux demi-nations de la
Belgique soit probablement celle des Wallons,
1/iiïie et l'autre eurent une grande histoire, surtout pendant la période
FLAMANDS ET WALLON» 445
des autonomies communales, moi* il suffit que le» deux élément* eth-
M* 606. Bruxelles et ta limite des Umguet
1 : 200000
t
%m.
Les limites indiquées sont cell«» des communes de cette portion du Bratmnt. Le promier
chiffre (inclina) indique la proportion des francophones parmi ceux qui ne parient qu'une langue ;
lorsque ce chiffre dépasse 50, le territoire est grfee. Le second chiffre donne la proportion des
personnes pouvant parier français parmi les habitant* de plus de trois ans. Ces deux chiffres
coïncidant pour les communes wallonnes du bas de la carte, on a inscrit, en seconde ligne,
la proportion d«*a personnes sachant le flamand. On remarque le passage brusque d'une langje
« l'autre, ainsi Tourneppe (T.) et Draine l'Attend (B«).
niques fussent en rivtililé pour que les souverains et les casles intéres-
sés, exploitant leur désaccord, en profitassent pour les opprimer
I
W l'uommk et u, terris. — latins et gkrmwns
ogaLcmcnt. Les persécutions dirigée* par tes Espagnols de Philippe IL
puis l'oppression systématique établie pur les prêtres, les moine», les
noble» propriétaire» avaient si bien réussi dans les province» belges, et
surtout dans les Flandres, qu'on vit lu population s'insurger contre les
réformes, se cabrer contre Vidée de liberté, se proslerner pour rester
esclave. Les révolutions belges furent toutes contraires uu mouvement
de progrès qui emportait le siècle : même «'elle de i83o mêla si bien les
éléments de inaction et d'indépendance qu'on se demande s'il faut s'en
féliciter ou s'en plaindre. Encore de nus jours ù Thielt, les habitants
montrent avec orgueil un bus-relief qui représente leurs grands-pères se
pressant autour d'un prêtre et brandissant leurs faux contre les « infâmes
révolutionnaires ».
D'une manière générale, on peu! dire que lu Wullonuic, plus éclairée,
plus instruite, plus ouverte aux idées nouvelles, plus industrieuse, s'est
prêtée moralement aux influences diuuomement d'émancipation, venu
surtout de France, lundis (pie les provinces flamandes, restées fidèles ù
l'esprit du catholicisme, ont beaucoup plus éuergiqueincut résisté à l'in-
fluence française, du moins au point de vue politique, enr elles sont
obligées par les conditions économiques d'apprendre d'une manière
plus ou moins parfaite lu langue française, qui est celle de la vie plus
active, et le quart des Flamands est compté parmi les « bilingues » de la
Belgique; en outre, le marché du travail sollicite chaque année une cen-
taine de mille Belges occidentaux de langue thîoise a passer des semaines
ou des mois en France dans les eliumps ou sur les chantiers, sans compter
tous ceux qui unit s'établir définitivement outre fron tière. Devenus
maintenant, gmec ù une longue domination <lti régime clérical, ceux qui
participent le plus amplement ù la possession du pouvoir, à la distribu
tion des titres, des honneurs, des places et des sinécures, les Flamands
se complaisent volontiers aux ambitions d'un patriotisme exclusivement
belge, mais il ne manque pas de voix flamandes qui parlent eu faveur
d'une alliance plus intime avec les Pays Bas. L'empire germanique menace
ù Test et son objectif principal est la ville il' Anvers, qui. se 1 couvant sur lu
roule directe de l'Allemagne vers lu Manche, subil t'asceudunt du pays
dont le commerce lui profile; Anvers est un très grand port allemand
d'expédition vers l'Angleterre et les pays Ira nsocéauiques. et les chemins
de fer belges sont les agents naturels de riuttiicncc allemande. Lu Bel
gique eat un morceau d'uiilaul plus dcsiruhlcaux yeux des unnexionistes
FLAMANDS ET WALLONS
4/17
de l'Europe centrale qu'elle apporterai! probablement, avec sa population
si dense et ses prodigieuses richesses industrielles» un gros lot colonial,
cet énorme Etat du Congo, qui occupe te centre du continent d'Afrique.
De tous les métal ts perpétrés en Afrique par les blancs, ceux qui depuis
vingt ans ont été commis dan» l' « Etat indépendant du Congo » sont
peut-être les plus horribles : ils sont les plus récents, les plus scientifi-
quement organisés, ceux où te commerce et l'autorité se mêlent avec le
/ ' \
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INSULINDE
DU CONGO 1
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\Sfcl«*quJ
Rolland» jf
^sjsltiqu»
Hollaro»^^
St'PKRMCIE FOPUJ.ATIÛW
LA BKl,<UQVK, LB COïïOO, J,A HOLLANDE KT 3BS V0LOSIB&
L Sumatra. — 2, Java ot Madoera. — s. Baîi et Lombok. — i. Bornéo (portion
hollandaise). — S. Célébéa, — G. Autres Iles et portions d'Iles, notamment moitié occidentale
de la Papouaaie.
U densité kilométrique de la population de Java est d'environ â3Q, «oit trois (ois celle
do la France» et près de 500 fois celle de la Papouasie ou Nouvelle Guinée.
plus d'astuce. Mais quel est l' Anglais, l'Allemand, le Français dont la main
est assez pure pour que sa protestation ne soit entuchén de partialité ?
La Hollande, encore plus visée que la Belgique par les patriotes pan-
germanistes, présente des avantage* analogues» et la, semble- t-il, le
fruit se rapproche davantage de la maturité, La parenté des langues
embrasse tous les habitants de la contrée et la géographie même Tait du
delta rhénan une dépendance de la vallée du grand fleuve. Le commerce
national, le plus considérable du monde en proportion du nombre des
habitants, est pour une bonne part alimenté directement par les
exportations allemandes. Hottcrdam et Amsterdam sont aussi, comme
Anvers, tle grands ports germaniques. Le bruit public, souvent mieux
averti que les plus Ans diplomates, a prétendu qu'à diverses reprises des
menaces ont grondé du côté de Berlin et que le chef des gros bataillons
M8 l/HOMME ET 1à TEftRE. — LATINS KT GERMAINS
avait fait comprendre à la souveraine des Paya-Ban» devenue vassale par
son mariage, qu'il était prêt a faire marcher ses troupe en cas de
désordre ou de grèves prolongées. Est-il vrai que l'Empereur ait parlé
en mattre ? Peu importe, puisque l'opinion suffit à créer la situation
politique, La Hollande se sent en danger, et son cas est d'autant plus
grave qu'elle est absolument incapable de se défendre ; comme un navire
trop chargé de voilure, elle risque de chavirer par la seule action de la
tempête. Mais le sort de la Hollande entraîne également celui de L'im-
mense empire colonial qui occupe» l'angle du monde asiatique, entre
l'Indo-Chinc et l'Australie. La perte ou simplement la diminution de
l'autonomie politique des Pays-Bas déplacerait donc l'équilibre de lu
puissance, non seulement en Europe mais bien plus encore dans ta
région de ses antipodes. L'Insulinde est le joyau de la planète, et Ton se
demande quel maître étranger va succéder aux Hollandais comme
possesseur de ces merveilles, puisque malheureusement leB indigènes
ne s'y gouvernent point eux-mêmes! Certainement la Grande Bretagne
il l'intérêt te plus essentiel a ne pas laisser l'empire allemand compléter
son littoral par l'annexion de la Hollande et i\ ne pas permettre qu'une
nouvelle Inde se constitue un profit de «a rivale ; mais pour ap-
j Hiver sa volonté, il faut qu'elle ait la force en main.
Malgré 1 étendue considérable do leurs domaines réunis, les trois
royaumes qui constituent la Scandinavie ne représentent dans le inonde
européen qu'un ensemble politique de troisième grandeur. D'ailleurs, si
les terres sont vastes, elles sont, en proportion de In surface, 1res faible-
ment peuplées : une di?.aiucdc millions d'habitants ne sont que bien peu
de chose dans le voisinage immédiat de la puissante Allemagne, de
l'immense Russie el des îles Britanniques aux colonies innombrables.
Deux faits récents dominent la politique des pays Scandinaves, enfin
libérée de la crainte du « Colosse du Nord » : Ibumiliation de la Russie
eu Extrême Orient et lu scission de lu Norvège d'avec lu Suéde. Il faut
voir dans ce dernier acte, rendu possible par les défaites de Uao-Yang
et de Moukden, une victoire du principe de nationalité* nationalité tin
giusliquc» nationalité géographique, modelée pur le contraste de la mou
tagncetde la plaine, de ta mer toujours ouverte a l'ouest et du bassin
périodiquement couvert de glaces à l'est. La victoire fut pacifique, ce
qui prouve l'assagissemen t graduel de riiumanitc, mais elle fut incom
SCANDINAVIE ET RUSSIE 44g
plèts» puisque le pays autonome cherche un roi ( ioo5) cl n'a pas osé aller
jusqu'au bout de sa pensée : la Scandinavie, tranquillisée du côté de la
Russie, est toujours dominée par la crainte de ses autres voisins.
Pendant longtemps, le double royaume de Suède et Norvège — sous
la présidence constitutionnelle du même roi — a pu craindre l'invasion
de la Russie à l'ouest du territoire de laquelle il forme une puissante
barrière. Que Ton s'imagine le littoral russe continuant à l'ouest» de la
péninsule de Kola au cap Nord, puis au sud-ouest et au sud par toute la
côte norvégienne de Qortla, et du coup, la Russie posséderait bien plus
que « cette fenêtre ouverte sur l'Europe » que lui donne la fondation de
Saint-Pétersbourg! Celte façade immense sur l'Atlantiquo boréal et la
nier du Nord, disposant de ports admirables et d'une flotte servie par
lotit un peuple de marins, exerçait sans doute une telle attraction sur le
gouvernement de Saint Wlcrslxmrg que le peupto de la Péninsule devait
chercher à s'appuyer sur l'Allemagne, L'acquisition de ce territoire
Scandinave par l'empire russe — ou même d'un fragment, car le
domaine moscovite s'approche le long de la Kungama a moins de
3o kilomètres de la mer libre 1 — aurait forcément donné à la rivalité
traditionnelle de la Grande Bretagne cl de ta Russie un caractère tra
gique. La tentative de russification et de militarisation de la Finlande
en 1899 peut être considérée comme un premier mouvement du grand
Empire dans la direction de la Norvège septentrionale. La guerre russo-
japonaise empêcha la continuation de celle politique, et peuMHre les
Finlandais sont- ils maintenant assez forts pour que soient définitive
ment frustrés les désirs du tzar blanc.
Il était donc naturel que» dans l'ensemble, le groupe Scandinave gra-
vitât dans l'orbite de l'Allemagne ou de l'Angleterre, elles événements qui
pourraient le délier de ce groupement sont trop récents pour qu'un chan
geutent de front ait été possible. Même le Danemark, que des alliances
dynastiques devraient rapproe lier surtout de la Russie cl de l'Angleterre,
se laisse entraîner relativement à l'empire germanique dans une sorte
tic vasselagc et doit feindre d'oublier l'outrage national qu'il subit depuis
que des ordres de Berlin empêchent les Danois annexés parla force de
manifester librement leurs vieux, eouformémcul au traité de 186$.
En entrant dans le monde de la civilisation moderne, les Scandi-
1. Voit Carte n« 508, page 465.
4ôô
I. HOMME ET LA. TERRE.
LATINS ET GERMAINS
naves y ont apporté un caractère nettement déterminé par les condi
lions toutes particulière* de leur milieu : ils ont des traits bienaeu\,
dans lesquels on retrouve l'influence de cette nature du Nord, aux longs
étés, aux interminables hivers, aux jours qui se confondent avec 1rs
jour* sans autre intervalle qu'un mystérieux crépuscule, aux nuits qui
■-.^J -H-ji, --,^
VStl VAM.ÉE OS XOBVSOS.
«iceedenl aux nuits, séparées seulement par une fugitive aurore. Ka
terre dans laquelle ils (tout nés les domine Imp puissamment par ses
phénomènes pour qu'ils puissent s'y soustraire comme unie fait dims
un milieu au\ oscillations plus égales; ils ne peuvent échappera l'im-
pression des grandes étendues lacustres et des forêts sans lin, des neiges
qui recouvrent le sol pendant plusieurs mois el des glaces qui durcissent
l'eau des lacs, des estuaires et delà mvv elle-même V Les Scandinaves de
l'Extrême Nord sont toujours hantés par le rêve des longues nuits, et
1, Maurfcff Ciaadolphe, Société normande de Géographie, juillet-août 1898,
p. 220.
PAYS SCANDINAVES /|5l
l'intimité de leur vie avec la nature les maintient dans un véritable culte
pour te beauté des choses extérieures : à cet égard, ils sont restés'
païens.
Lu dispersion dos rares habitante sur de vastes espaces eut aussi
des conséquences d 'importance majeure sur le caractère des Scandi-
naves. ConHués dans les clairières cultivables de la grande forêt ou
dans les étroites criques de leur» jjords sinueux, les divers groupes
L'NK VALLÉE DE gU&I>K.
devaient compter sur leur énergie pour conquérir lu nourriture, de
chaque jour ; ils n'avaient que faire du patronage lointain d'un seigneur
ou de lu protection de lois promulguées quelque part dans n ne haute
assemblée ; il leur fallait délibérer en petits groupes, agir eu toute
hardiesse et liberté personnelles, rester leurs propres, ma lires : de là ces
tunes si fortement volontaires qui se sont révélées dans les grandes
entreprises de pénétration polaire, a. la traversée du Groenland, a la
conquête des glaces arctiques, de même qu a la recherche de l'idéal
dans l'expression littéraire de leur pensée.
Les langues que l'on parle dans les contrées Scandinaves se ratta-
chent étroitement à l'allemand et leurs littératures ont été très fortement
influencées par les penseurs de l'Europe centrale, quoiqu elles aient
toujours gardé une singulière originalité. Ou a constaté en outre que,
45?
L'HOMME ET LA. TERRE. — LATINS ET GERMAINS
durant leur belle poviudo litleraire, au dix-neuvième siècle, le Dane-
mark el la Norvège ont été animés chacun d'une impulsion différente,
i^s écrivain» danois furent pessimistes pour la plupart, tandis queues
Norvégien» étaient optimiste», plein» d'entrain et d'enthousiasme juvé-
niles. La cause de ce contraste frappant n 'est-elle pas dans la situation
politique des deux
pa\s, rnti qui se
sent impuissant en
face de l'Allemagne
envahissante, l'aulne
qui, placé à coté de la
Suède, se trouve plus
éloigné du danger
immédiat et com-
merce joyeusement
avec le monde entier?
Les conditions du
milieu cosmique se
reflètent dans la vie
sociale des peuples
et dans la pensée de
leurs écrivains : c'est
à elles que les Scan-
dinaves doivent leur
si puissante origina-
lité, cl s'ils l'expriment d'une manière énergique, c'est grâce à leur
liberté relative, plus grande, plus agissante que celle de la plupart des
autres nattons.
dette initiative, ils eu ont donné récemment une preuve nouvelle' en
proposant lu fondation d'une ligue puugcrtuautquc embrassant non
seulement les peuples européens de souci ic teutonne. Allemands, Scan
dinaves, Hollandais, Flamands, Suisses du Nord, mais aussi les Anglais,
« Bretons n germanisés, et les Canadiens et Américains de langue
anglaise, quoiqu'il soit difllcilc de considérer ces derniers comme étant
vraiment des Allemands de race dans la pensée de ses auteurs. Kvidem-
ct J. Kuhn, MU.
11KKRIK IBSEN, 1828-1906,
1. Bjoonstjerne Hjoernson. lierlinrr Tagblatu avril 1903.
FÉDÉRATION U£S PEl'PLKS GERMAINS
453
meut cette ligue devrait ôlre éminemment pacifique, mais n'est-ce pas
ie comble do l'utopie de supposer que pareille alliance puisse êlre pure
de toute idée rie domination, alors que les trois noyaux autour desquels
viendrait se constituer l'immense organisme de plus d'un demi milliard
d'homme» reposent essentiellement sur la hiérarchie militaire, t'tisser-
vissement colonial et la haine des races de couleur différente! 1 Le grou-
pement rêvé ne pourrait avoir lieu tant que les révolutions intérieures ue
seront pas faites dans chacune des nations constituantes. L'union entre
les hommes de nonne volonté, indépendamment de 1» race et de lu
tangue, n 'est-elle pas un chemin plus court f»our iirriver au but, la
fraternité humaine!'
ha possession de Comtantinoph ne vaut pas
celte des chemins aujourd'hui déserta qui
se rencontrent efaus tes marais du Selstan.
CHAPITRE IV
PANSLAVISME, — TRAVAIL DE CONCENTRATION UNITAIRE. — KOLA
ALLOPHYLES. — JUIFS. — POLONAIS 6T ALLEMANDS DBS PROVINCES BALTIQUES
FINLANDAIS. — TCHERKBSSES, GÉORGIENS ET ARMÉNIENS. — DOUKHOBORTZI
REFOULEMENT DES ASIATIQUES. » TRANSCASPIENNE, TURKESÏAN ET STEPPES
IRAN ET IRANIENS. — PAMIR, TIBET» MONQOLIE, SIBÉRIE
MANDCHOURIE. — CHINE ET CHINOIS. —JAPON ET JAPONAIS. — CORÉE
Le pangermanisme, qui avait été précédé par le panhellénisme,
devait donner naissance à d'autres tentatives de groupement par raees,
vraies on prétendues telles : le panslavisme a trouvé également ses fana-
tiques. Le philologue russe Grigorovilch ayanl fait un voyage dans les
Balkans, vers i8a5» y découvrit, pour ainsi dire, la nationalité slave des
Bulgares, qui avaient alors quelque peu l'illusion d'être des Oecs '.
1. Novicov, Conscience et volonté sociales, p. 185
i r )6 l/HOMME ET LA TERRK, — RI. 98 ES ET ASIATIQUES
Ce fut l'origine de la nouvelle religion du patriotisme slave. ^Puis
d'autres savant* découvrirent te» « frères » do PAustro-Hongrie, on
étudia leur» mœurs, leurs coutumes, leurs légendes* et des sociétés se
fondèrent en Russie pour aider ces compatriotes lointains e^leur donner
conscience de la grande nationalité slavonne. On glorifia les Serties, on
s'éprit tles Monténé-
grins. Mais, par un
phénomène de psy
chnlogio facile h com
prend rc, les Polonais «
pourtant une nation
slave K*il en fut, res-
tèrent tacitement ex
p lus de la grande con-
fraternité : leur patrie
Usine national, pour
lequel ils avaient tu ni
dr fois combattu, les
rendait pou dignes
d'entrer dans la fa
mille; ou leur repro-
chait aussi de ne pas
professer la religion
orthodoxe, ce qui du
reste est aussi le cas
ci. au tffoôw*. pour les Slaves plus
éloignés de la Russie,
les Croates et les Tchèques. Certes, les pansluvislcs russes auraient tout
intérêt à rendre leurgrund empire sympathique aux Slaves occidentaux,
» le faire aimer et invoquer comme protecteur éventuel en'eas d'oppres-
sion de la part des Germains ou des Magyars. Mais l'empire russe n'est
point aimable, el du côté de l'Occident surtout il se montre par sou
caractère hostile cl menaçant.
I, 'obstacle capital ù la propagation du panslavisme est le même qui se
dresse eu travers de la marche du pangermanisme. et, en Russie, il est bien
autrement difficile u écarter. Le caractère despotique do l'empire, îi tous
les points de vue, traditionnel, militaire, administratif, religieux mAme.
JEfKKS <i£X8 Bt/UJAHHS
LA RUSSIE ET LES SLAVES ^7
repousse tout mouvement spontané de gravitation : le monde relative-
H° 606. Slave» extérieur».
1: 12 500000
100
300
600 Kil.
U grise serti- recouvre les territoires de* Slaves non soumis au joug russe ; le grisé lâche,
le domaine des Slaves de Russie.
inent civilise de l'Occident ne peut se sentir attiré vers la monarchie
autocratique de l'Europe orientale. Sans doute, les Tchèques et les
158 l/liOMMK KT I.A TEHKE. — RUSSES ET ASIATIQUES
Moravos éprouvent Mon une certaine fierté de race on pensant qu'ils sont
étroitement apparentés aux Slaves de la grande Russie, mais ils savent
aussi qu'ils sont très supérieurs à la nation russe par l'ensemble de leur
civilisation et ne voudraient à aucuu prix échanger leur sort contre
celui de leurs voisins polonais. De même Croates, Serbes, Slovènes,
tout en se plaignant à bon droit do la domination de leurs maîtres
politiques, Autrichiens et Hongrois, savent parfaitement qu'ils n'auraient
rien a gagner si les Moscovites les rem plaçaient.
La force active du panslavisme se trouve donc singulièrement
limitée dans son champ d'action. Il lui restait surtout les populations
rtithencs de la Galicie, que les agents russes excitaient contre les pro-
priétaires polonais et qui d'ailleurs n'avaient point atteint un niveau
de culture bien supérieur a celui des moujik de la Russie ; mais, quand
même, le gouvernement russe a trouvé moyen de déplaire à ces
Ruthènes étrangers et de leur faire préférer leurs propres domina-
teurs autrichiens. Les Rutlicnes étaient pour la plupart des « Crées
unis », c'est-a-dirc des orthodoxes de la môme religion que
tes Russes, quoique rattachés ù la suprématie de Rome : le saint
synode s'est rendu plus que suspect à ces voisins do la Calicieen per-
sécutant rudement ses propres sujets a uniates » et en les forçant ù
changer d'obédience. Lu sympathie des Rulhèncs se porle donc non vers
les Russes proprement dits mais seulement vers les « Petits Russiens »,
dont ils sont les frères par la langue et les mœurs, et, dans toutes les
circonstances où ces sympathies ont pris une forme active, elles ont été
réprimées comme révolutionnaires : les simples manifestations de
confraternité entre savants, archéologues ou grammairiens sont
sévèrement interdites. C'est donc à juste titre que le panslavisme est
mal vu par la majorité des Slaves occidentaux ; n'ayant guère pour
amis, du côté de l'Europe, que les journalistes à gages, il ne peut agir
que vers l'Orient et poursuivre la conquête des nations et tribus de
rAsic. turques, mongoles et chinoises. Et là, en effet, n'n-l on pas vu
l'empire russe s'agrandir jour par jour, pour ainsi dire?
Tandis que l'autocratie moscovite eflruyuit à bon droit les Slaves
de la Turquie et de l'Europe centrale, la République française la flattait et
finissait par obtenir son alliance, dont elle paie d'ailleurs largement
les frais par ses prêts financiers. Cette union « duplice » de la France et
de la Russie, répondant a la « triplicc »> de l'Allemagne, de l'Autriche
SYMPATHIES ET ANTIPATHIES SN EUROPE
45g
«t de l'Italie» doit en partie tton origine aux instincts réactionnaires de
tout ce qui reste des anciens partis monarchiques* heureux d'avoir
N« 007. Voies navigables et principales voies ferrées de Russie.
««È.daGr.
37«
4tf»
1 : 20O0O00O
o' r " ,r '' T ttf 5*4 "
ToWih
oncore un empereur à courtiser, un protocole à observer bassement,
des flatteries à échanger contre des titres et des croix. Mais il faut surtout
t'HOMMK KT LA TKRRK. — RUSSES KT ASIATIQUES
voir liant* cette alliance le contre-coup de la guerre franco-allemande :
les rapprochements spontanés entre imitons se font ii^s souvent «uns
l'influencé d'une haine ou d'une crainte commune. H est certain qu'en
dehors de** confabutatiou* officiel k»ot des grimoires diplomatiques, une
réelle sympathie su manifeste entre Français et tinsses, faite pour une
grande part de I aversion dont les uns et les autres si» sonl en majorité
laissé envahir à Têtard des Allemands, lto même, au moyeu Age, pen-
dant le» longues dissension* de l'Angleterre et de lu France, celle-ci eut
toujours riveosse pour alliée naturelle; malgré la différence compIMe
des milieux et du genre de vie, l'amitié naissait de lu guerre contre
l'ennemi commun, Dans une eertaine mesure un pourrait comparer
l'ensemble des nations ii une batterie électrique où des métaux et des
liquides différents, juxtaposés en ordre alternatif, développent un
courant par leurs électricités contraires. Quoi qu'il en soit, l'alliance
des tëtats situés au\ deux foyers de la grande ellipse d'Europe
n'a pu «Hre conclue sans en traîner un double résultai, la russification
morale de la France, admise parmi les puissances correcte», et la fran-
cisation n ion» h* de la Kussic, placée dans une situation absolument
contradictoire par Ma politique étrangère et par son autocratie tradi-
tionnelle ît l'intérieur. La Dupli ce contribue bien malgré elle à ecchasué-
croisé d'attractions qui désagrège peu à peu l'unité verbale de chaque
pays et lui substitue, d'une part Ten tente naturelle, mais le plus souvent
tacite, de tous les peuples, et de l'autre, l'intérêt commun de tous les
gouvernements : certainement le résultat de l'intimité franco-russe
sera de ha ter l'échéance de l'inévitable révolution dans le grand
empire slave. L 'évolution extérieure aide a l'évolution intérieure.
De môme que dans tous les autres Ktuls, il se fait en Russie un
travail d'unification sous lu pression de deux forces bien différentes,
l'une spontanée, provenant du fonctionnement naturel de la vie, l'autre
brutale cl destructive, inspirée par la hiérarchie gouvernementale. Tout
d'abord l'unité matérielle du pays, donnée pur le creusement des
canaux, la navigation des rivière?» el la construction des chemins de 1er,
est une nécessité première, à In fois roiiséqurnct» et cause du rapproche-
ment des hommes el de lu solidarité économique des intérêts. A cet
égard la Ituwrie doit forcément s'uiiilicr. régler sou mouvement inté-
rieur, eu des foyers de vie de plus i*n plus actifs, v\ ramener ses
frontières vers te centre, tout eu accroissant prodigieusement les
V
34
TRAVAIL U'UNiriCATION DE LA RUSSIK 463
ressources de l'ensemble. Kvidemmdnt le pouvoir n'a qu'à céder en
Uohant de profiler nu mieux de tout ce travail de l'industrie moderne,
qu'il retarde d'ailleurs par ses prélibanous, le placement de ses parasites
el sa réglementation à outrance. Eu outre, il cherche à détourner le
réseau des voies ferries et des routes de m destination naturelle, qui esl
de faciliter les communications; des le début, il u choisi un écartement
de rails plus grand que la voie normale, de manière que voyageurs ei
marchandises sont obligés de subir un transbordement: il veut employer
les chemins de fer surtout comme un immense appareil stratégique, un
moyen de défense et d'attaque contre les voisins, rattachant forteresse h
forteresse ; mais quoi qu'il fasse et quelques ennuis qu'il inflige au*
voyageurs et aux expéditeur*, les chemins de fer fonctionnent néan-
moins normalement en aidant a ta circulation des marchandises el des
idées, et quand môme à la révolution.
Le travail d'miilicatîon à l'intérieur se complète par un accroisse-
ment de souplesse dans les rapports avec l'extérieur. On sait que,
malgré l'immensité de son territoire, malgré la longueur actuellement
incalculable de son littoral maritime, lu Kussie n'a, pour ainsi dire,
pas d'issue complète vers la mer: le golfe de Finlande et la Baltique se
trouvent simm fermés, du moins à demi clos à leur sortie par les Iles
danoises; la mer Noire est commandée par les deux détroits ou fleuves
clu Bosphore et de rilellcspont; la mer Blanche reste bloquée pen-
dant six longs mois d'hiver; Mkolaïcv el Vladivostok, sur les côtes
lointaines de la Mandchourie, ont aussi leur période annuelle de
places et de brouillards. Kl cependant, on le sait, la Kussie novgu-
rodienne avait déjà *a libre sortie par la côte mourmanc avant
qu'Ivan le Terrible fit trembler ses courtisans de Moscou, avant que
l»ierre le Grand ouvrît sur l'Kurope la fenêtre que lui donnait le port de
la Neva, avant que Nicolas H Imposât son nom à la ville maîtresse de
la boucle amourieime cl que des flottes déployassent le drapeau russe
sur l'océan Pacifique. L oppression brutale des tsars avait fermé la porte
de sortie sur l'Atlantique boréal, même lorsque la contrée retomba en
leur pouvoir : Kola «luit devenu un lieu d'exil depuis le milieu du
quinzième siècle; des monopoles de pèche avaient été constitués au profil
des tsars et de leurs courtisans: les couvents de la mer Blanche, devenus
possesseurs de domaines immenses, avaient arrêté lu développement de
tonte industrie. C'est à ta fin du dix-huitième sieele seulement, sous
v
V 24*
ft(»4 l/ HOMME ET i.\ TERRE, — RUSSES ET ASIATIQUE»
l'impératrice Catherine, que l'on décida (l'établir un port dans le Qord
de Kola, mais les ukases promulgué» restèrent lettre morte. Il faillit
l'enseignement des navigateur» étrangers, surtout des Norvégiens, pour
montrer quelle était l'importance nautique de ces ports de la cAte
mourmane, qui restent complètement dégagés de glaces pendant toute
l'année. Parmi tous ces havres, celui de Catherine, rebaptisé maintenant
du nom d'Atcxnridrovsk, présente le plus d'avantages pour l'attcrrissc-
ment des navires et la construction d'une cité, bien que l'endroit ,
C'AMPRMKXT DE LAPON»
connue la station voisine. YanlO la norvégienne, se trouve à près de
3oo kilomètres au nord du cercle polaire (Cm/ ist*) et reste par conséquent
pendant près de deux mois — du <t\ novembre au 17 janvier —
dans les ténèbres de lu grande nuit arctique. Le nouveau port
l'emporterai! sur tous autres eotnme lieu d'approvisionnement mari
lime pour Moscou. KHershourg et le reste de lu Kussic s'il était
relié au réseau des chemins de fer par une voie de 1 ^5 kilomètres,
tout indiquée d'avance par le .sillon ouvert à la racine de la péninsule
mournuine, de la mer Blanche à Kola par lacs et rivières. Il ne tient
qu'au commerce russe de trouver en cet endroit la porte librement
ouverte sur lu mer, désirée depuis («ut de siècles !
Bien plus importante encore dans l'équilibre général du mondeétail
RUSSIE ET SCANDINAVIE
m
la libre issue ouverte que la Russie avait cru go donner sur les euux
du Pacifique japonais et chinois, La Russie, sinon cluse, du moins gênée
dans la direction de l'Occident, s'ouvrait complètement à l'Orient : elle
N° 508. Pédoncule Scandinave.
«♦E.deGr.
m
Cette carte ast 4 l'échelle de 1 à 1000000,
U territoire de Finlande s'avance en une étroite bande dans la direction de Tromsô an
nord do la Kengama, jusqu'à une trentaine de kilomètres du fond des fjords.
tournait sa principale façade vers l'A sic» où rien ne semblait l'arrêter.
Mais elle voulut trop embrasser; non et m toute d'occuper les voies slra*
lexiques de Mandchou rie et d'être installée à Port-Arthur, elle fit sentir
'jGG l/lIOMMK KT I.A. TERRE, — RUSSES ET A8UT1QVE8
son influence en Corée ;' elle pensa traiter les Japonais comme elle
avait traité Lob Chinois... Le conflit survenant, ic Jaune a vaincu le
Blanc, L'empire rime sort bafoue de l'aventure, ayant désormais perdu
toute autorité en Occident comme en Orient. Et tout cela ne serait rien,
si les défaites lointaines 11*111 aient pennin aux « humilias et offenses » de
sun propre domaine de relever lu tête, et au* peuples opprimés de se
reprendre a l'espoir.
Que de contrastes ethniques existent encore dans l'immense territoire
dévolu au tsar par lu « grâce de Dieu », c'est ù-dire par L'héritage cl lu con
quôtel Les ikl million» d'hommes énumérés pur la statistique* sont encore
loin de constituer une nation homogène etde se sentir unis par un palrio
ttsme commun* La force venant à disparaître soudain, une très grande
variété de nations se montrent aussitôt. Les seulcsqui ne peuvent songer
à se séparer sont précisément celle» qui sont les plus distinctes de lu
souche slave pur leur origine, les aborigènes épars que Ton désigne
d'une manière générale sous le nom d'« allophytes » et auxquels une
longue oppression, une conscience héréditaire d'infériorité politique
ont fini par enlever tout génie propre, toute individualité. Nombre de
ces groupes ethniques jadis indépendants oui tout perdu : ils s'unissent
à la masse russe comme une simple mutierc humaine sans ajouter une
nouvelle idée à l'indépendance collective. Tels les /ira nés de lu Rama et
de la Dvina, qui n'ont point conservé leurs traditions et vit eut depuis
longtemps en serfs humbles et rampants, sans aucune volonté d'existence
politique autonome; ils méprisent même leur propre langue et n'ont
d'autre ambition que d'être admis parmi les maîtres, fût-ce comme ser-
viteurs *. Au fond, ils ne tliftcrculpas beaucoup des paysans russes» leur,
mode de penser et leurs superstitions se ressemblent ; dès que la langue
est devenue commune, Ta r tares et Kalmouk, Ostiak et Vogules, Tcherc
misses et Mord vines se sont transformés en tinsses, mais ou a constaté
que le type mongol se conserve beaucoup mieux chez les femmes que
chez les hommes dans la Russie orientale. C'est d'ailleurs un fait constant
que l'on remarque on Fin lande aussi bleu que chez, tes Allemands des
Selle Comuni des Vlpes et dans l'île de (lapri : le type originaire se
maintient surtout chez la femme, conserva triée de la race.
1. Voir Diagrammes pafjus ■184 otttUi. — 2. Chakuv, IHvUion ethnographique de h
liussie, Soc. de géographie do St-Pétersbourg, iï-îi'i octobre 1900.
RUSSIFICATION DE* ALLOPHYI.ES $67
ainsi le jeu naturel des institutions, le mouvement graduel do l'his-
toire assurent la russification complète des éléments d'origine toura-
i tienne, soit turque, soit mongole, Môme la religion ne constitue point
un obstacle absolu a l'œuvre d'assimilation nationale* et, tout en restant
de fidèles disciples du prophète, les Tartarcs de Kuzart, de la Grimée et
du Caucase deviennent uussi des patriotes russes ou prennent part au*
mouvements qui entraînent les autres éléments de la population. Los
Juifs eux-mêmes, quoique franchement, atrocement persécutés, se rus-
sifient pourtant. Exi-
las ou réfugiés à
l'étranger, Us un
manquent pas de se
réclamer du nom de
Russes, e( ils le sont
eu eflH presque tous
parla langue, parles
idées et les aspira-
tions. Ils ont tint* ten-
du née évidente a ren -
Uvv dans la grand**
masse de ta nation,
à se dégager de la
caste héréditaire que
les nécessités tic l'existence leur avaient imposée, tnôintï à se faire ni
Europe, par l'étude et le savoir, les représentants du génie russe. Le
gouvernement, fidèle observateur des survivances du passé, entre-
tient les anciennes haine» de religion, de profession et de prétendue
race; il maintient, on peut le dire, les pratiques de l'internement ou
domicile forcé, puisque le territoire assigné h la résidence des Juifs est
strictement délimité ; en réalité, ils sont confinés dans un vaste ghetto :
pour eux la frontière estdouhlc, et, s'il leur est nécessaire? do la franchir,
les dépenses, les difficultés de toute nature s'accroissent à l'infini tën
fermés, ou du moins gênés matériellement, les Juifs le sont encore
beaucoup plus au point de vue de leur développement intellectuel,
puisqu'on a pris les mesures les plus sévères pour restreindre chez cuv
les progrès de renseignement* « Défense d'apprendre a, voilà la règle,
«railleurs conforme au principe de toute autorité traditionnelle, et la
k. *f*m
ci. JnM.
MAIKOK A KH'IlIKBVt APRfetf LK POOROWE
'|08
L'HOMMK KT LA TKBBK. — RUSSES ET ASIATIQUES
soupape de sûreté qu'il u fallu ouvrir quand môme, sous forme d'autori-
sation et de licences, est singulièrement étroite. Et pourtant, si forte est
la poussée qui porto les Juifs à vivre de la vie du cerveau que les
règlements prohibitifs de l'instruction sont viole'* partout et que, toute
N° 509. Aire des Julfe de Russie,
80*
JOB#
If
i: te oooooo
IffooKit.
Avant le* Avènement» récents, on admettait quo tes Juifs formaient la majorité de la
population à Berdilohev, Bielostok ol Kamenetï-PodoUk.
C'est en 1905 qu'eurent lieu les pogrome» dan» la plupart des ville* et des villages
Indiqués sur la carie n* 510 .
proportion gardée, la part Israélite de la population russe n'est point
inférieure en connaissances aux éléments slaves. Peut-être même leur
serait-elle supérieure. Malgré toute l'oppression d'en haut, malgré les
préjugés d'en bas, les Juifs russes participent donc à l'ensemble des
ÉLÉMENTS HÉTÉHCKÏKNKS
Ji«Hi
mouvements de lu nation: ils sont entrés dans ta grande unité russe,
stade préliminaire d'une évolution plus vaste.
Mais, dans ie sel» même de l'empire, de franches hostilités nationales
empêchent l'immense Russie de se présenter au monde comme un tout
H* 51 0. Quelques lieux de pogromes récente.
bas
i : 16000000
ëtr
Aku,
politique. Quoique l'annexion de la Pologne ait commencé depuis plus
d'il n siècle, elle n'est encore qu'un fait brutal , rassimilation ne s'est point
accomplie, ta langue rappelle constamment aux uns et aux autres la
différence de nationalité, la religion marque périodiquement dans les
rites et les prières une ligne de démarcation précise, et les traditions,
les souvenirs parlent du sang versé; tes noms de» batailles résonnent
encore avec un son lugubre. Or In Pologne n'est pas seulement une
470 l'homme et ï.a terbk. — RUSSES et asiatiques
partie très considérable de l'empire, contenant environ le douzième de
tous les habitants de l'f mmeiiBe domaine, elle est aussi la contrée la plus
avancée du côté de l'Ouest et fuit déborder circulairement en pleine
Allemagne la ligne des frontière», c'est-à-dire qu'elle est le véritable
Occident de l'Empire, autrement dit la part la plus civilisée et» malgré
l'oppression politique, celle qui est encore le plus développée pur les
forces in lellectuelles. Les Polonais ont parfaitement conscience d'avoir
été les civilisateurs, les porteurs de torches pour l'Orient de l'Europe et
en ont d'autant plus de rancune contre ces disciples rebelles, qui les ont
si barbarement asservis. Ce n'est pas tout : la Pologne est par excel-
lence la pluce d'armes pour l'attaque, la citadelle de défense contre
l'Allemagne et, par conséquent, c'est elle qui, en cas de guerre, aurait le
plus de risques à courir, le plus de maux ù subir pour rcuscmblo de rot
empire dont elle est a la fois le souffre douleur et, par son industrie, le
travailleur le plus actif. Ces conditions historiques et économiques
donnent ù la Pologne une situation toute particulière dans l'ensemble
de l'Europe, dont elle occupe exactement te contre géométrique. Elle
est moralement en guerre d'indépendance contre la Hussie et non
moins en lutte contre l'Allemagne, qui opprime, persécute, outrage de
toutes les manières les Polonais que l'ancien partage lui avait attribués.
H n'y a trêve que du coté du sud : l'Autriche, tiraillée dans tous les
sens par les nationalités en conflit, a tout intérêt à ménager les Polo-
nais, qui participent largement aux positions honorifiques; mais, là,
ceux-ci ne peuvent point se considérer comme innocents envers les
Kuthenes du crime d'oppression qu'ils reprochent aux Russes et aux
Allemands, Los paysans ruthèucs labourant le sol dans les domaines do
ta seigneurie ou sxlachlu polonaise ont souvent raconté leurs misères.
Ainsi la violation du droit contre les peuples de la contrée a créé dans
ces régions de l'Europe une situation qui reste sans issue sous le
régime des politiques impériales de caprice et de boit plaisir.
Sur les bords de lu Baltique, autre lutte des nationalités, mais plus
compliquée et moins franche dans ses allures. Là ce sont les Allemands,
au nombre d'environ cent vingt mille, dont les droits naturels sont
violés, notamment par la russification de leur université de Dorpat —
désormais connue sous le nom russe de Youryev —, où leurs jeunes
gens étudiaient sous des professeurs de langue et d'éducation germa-
niques. Mais ces colonies allemandes, dont le centre est la ville de
POLONAIS, LITIIUANJKN8, FINLANDAIS \~ ( i
Higa, comprennent en réalité deux classes aux intérêts contradictoires,
la riche bourgeoisie dirigeante et le prolétariat des Kielmiautscheu,
tenu en médiocre estime perses propres compatriotes. En outre, les
Allemands» qui restèrent jusqu'en i8iy les maîtres absolus du sol, et,
par le sol, des paysans eut- mêmes, Etistes, JJves et Leltons t sont
encore très amplement privilégiés par la richesse, les places, les
titres et leur part de domination politique. Toute proportion gardée,
l'aristocratie allemande des Provinces bal tiques a beaucoup plus large-
ci. «in rhatO'Ciiib.
LK PORT d'aLKXASDHOVSK» DANS LA PÊSINBULK I>K KOJ.A
ment participé que les Husscs eux-mêmes à la possession du pouvoir, cl
nombre do ses représentants ont tranquillement coopéré à l'œuvre de
russification. In changement dans l'équilibre de l'Europe mettrait peut-
être leur conscience plus h Yimv eu les uutorisunt ù se « germaniser » cl
a exercer envers les Lithuaniens des persécutions analogues u celles que
subissent les Polmiuis d'Allemagne.
tin Finlande, lu question se présente beaucoup plus nettement : là le
crime est manifeste et tout un peuple eu souffre directement sans qu'il
soit coupable lui-même du moindre tort envers uutrui. Etablis dans la
contrée depuis un temps immémorial, les «Suomi ou Finlandais se sont
développés en culture au moins aussi heureusement que leurs voisins
slaves ou scandinuves, et maintenant sont entièrement leurs égaux, pro-
'17*-* L'hoMMK KT !.A TERRE. — RUSSES KT ASIATIQUES
hautement leurs supérieurs par leur» qualités morales* énergie, probité,
droiture. D'ailleurs les traditions du peuple (in nui h furent toujours
pacifiques. A ta lecture de la grande épopée nationale du Kulevafa
recueillie par Elias Lômirol, on est frappé du caractère de majesté tran
quille que présentent se» héros. A lors qu'Homère se plaît aux récits guer
riet'H, que lu chanson de Roland est une longue description de Im tailles,
le Kalcvala évite» avec soin tes sanglants tableaux : les héros finnois
accomplirent plus souvent leurs exploits par la puinsuoce du chant et de
lu parole que par l'épée; le vainqueur n'est pas celui dont le bras est le
plus fort, mais celui dont l'esprit est le plus sage, qui détient les
fMWofrit nriffhtellrft** Lorsque, en 1809, la conquête eut fait passer les
Finlandais de lu domination du roi de Suède à celle du tsar, ils ne furent
point mêlés ainsi que te commun des sujets aux multitudes asservies du
reste de l'empire, mais l'empereur leur assura, u titre «le « grand-duc
de Finlande », le maintien de leur constitution spéciale, cJe leur diète et
de leur existence indépendante de « mil ion libre . Toutefois, en dépit
des promesses du souverain, le peuple finlandais n'eut point à « bénir ses
destinées a, et, successivement, ses libertés furent amoindries, ses charges
accrues, In premier coup direct fut porté en i8on par l'annexion,
plus ou moins déguisée, au reste de l'empire; nombre de Finlandais
qui refusèrent de se courber devant le violateur de son sermeut
s'éloignèrent de leur patrie: tuais la lutte est loin d'être terminée.
Du moins, le gouvernement russe, forcé par une certaine altitude de
bon ton envers l'Kurope qui le regarde, est obligé à beaucoup de ména-
gements pour un peuple aussi remarquable par sa tenue, ses connais
sunces. son amour du travail que l'est le peuple finlandais ; mais sur les
autres confins de son empire, du coté de l'Asie, il ne se croit point forcé
à de pareilles précautions et procède rapidement aux emprisonnements
et aux massacres. On sait comment la guerre de ta conquête cuucasienne
fut poursuivie pendant des générations comme une sorte d'école pra-
tique pour « l'art de tuer les humains «, Il est certain que, môme sans
combat, la Hussie eût pu conquérir le Caucase, puisque, dés lu fin du
dix-huitième siècle, elle l'avait enfermé dans le cercle de ses possessions ;
les plaines de la Cîscaucasie étaient parcourues dans tous les sens par des
Cosaques, et, de l'aulre côté des monts, la fiéorgie s'était donnée à
t. René Puaux, préfaça de « Pour ma Finlande », par lutta ni Aho.
PEUPLES OU CAUCASK ^3
l'empire ; les deux mers* à l'est ta Caspienne, a l'ouest ta mer Noire,
appartenaient à ses vaisseaux : désormais, les tribus du Caucase, enfer-
mées dans leurs haute* vallées, ne pouvaient avoir de communications
avec le reste du monde que par le territoire russe, et devaient forcément
s'entendre avec le peuple assiégeant pour l'entretien de leur petit trafic
ainsi que pour le va-et-vient de leurs migrations temporaires.
La domination russe devint bien plus inévitable encore lorsque la
roule militaire de Yladikavkas h Tiflls eut été construite, dès le com-
mencement du dlx-ueuviôme siècle, par le passage du Darial, le long du
Terek et de l'Aragva, ut que la chaîne du Caucase fut ainsi coupée en
deux. Une deuxième route, celle du Mamisson, joignit la vallée du
Tcrek a celle du Mon, coupant encore la Caucasie occidentale en deux
fragments, puis d'autres chemins, de-ci et delà, montèrent à l'escalade
des monts à travers les bais et les forêts. Ainsi que le chanta Lermontov,
le géant Kazhck se prit à trembler quand il vit les nains de la plaine
s'avancer contre lui, armés de pelles et de pioches, armes bien au-
trement redoutables que le canon.
Mais cette domination qui s'accomplissait par la force même des
choses, les Russes voulurent la hâter pur la destruction des vergers et
des villages, par l'extermination des hommes. Chaque vallée fut succes-
sivement conquise et nettoyée d'ennemis. Au milieu du dix-neuvième
siècle, les Tcherkesscs du Caucase occidental, encore a peine entamés
par la guerre, étaient au nombre d'un demi-million ; lorsqu'ils furent
forcés dans leurs hautes vallées, on les évaluait à environ 3oouou :
près de la moitié des montagnards avait péri. Mais la haine du vainqueur
s acharnait contre eux. Une proclamation du prince gouverneur, le
grand-duc Michel, ordonna que te vide se fit devant lui, dans l'espace
d'un mois, sous peine de captivité. Le vide se Ht en effet et, dans les six
premiers mois de l'année i8(ilj, près de atioooo fugitifs traversèrent la
mer Noire; de i858à i8ti.4 on en compta officiellement près de quatre
cent mille. La Porte leur offrait un asile eu diverses parties de la Tur-
quie d'tëurope et de l'Analolie, mais ils étaient ensauvagés par la guerre,
aigris par le sort; devenus méchants, ils ne voyaient que des enne-
mis, et leurs nouveaux voisins les détestaient en effet, on s'assas-
sinait de part cl d'autre, et les nouvelles colonies ne prenaient point
racine dans le sol. Les cent cinquante mille Tcherkesscs que Ton avait
domiciliés en Bulgarie, près de la frontière sorbe, ont presqu'entière ment
$7$ l/HOMME ET t\ TERRE. — RUSSES KT ASIATIQUES
disparu : ils sont tous morts ou disposés. I*u race a cessé d'exister '.
Après cet horrible dépeuplement du Caucase occidental, nettoyé
de ses Tcherkesses, Abkhazca el Adighé, il paraissait indispensable que
la Russie lâchAt do foire disparaître aussitôt que possible les traces do
son tiMivre mauvaise, en faisant rentrer lu vie dans les demeures aban-
données, en remettant à d'autres moins de laboureurs le manche de lu
charrue. Mais le gouvernement russe ne fit point appel aux habitants
Umïknpk de la carte 511.
Slaves : 1, Grands R tissions ; 2, Petits Russiens; 3, quelque Bul-
gares disséminés,
Caucasiens : 't, Géorgiens et Lazes; 5, Adiglié; 6, Kabardes;
7, Abkhazes;9, Tchétchènes; 10, Avares; 11, aulres Léchions;
12, Koubatohi.
Trucs et Ta»tares : 43, Turtares; 14, Nogaï; 15, Kirghis :
1<>, Koumik; 17, Turc» proprement dit».
Aryens : 8, Osws; 18, Arméniens; 19, Talcs ctTaliches; 20, Kurdes;
21, drues; 22, Allemands.
MûNiiOLs : 23, Kttlmouk.
En T. se trouve l'ancien centre des Tdicrkessos ; en D., nelui des
Dukhnbortzi, avant leur émigration.
des contrées voisines, Arméniens, Grousions ou Luxes, qui eussent pu
vivre d'un genre de vie analogue ù relui de» Abkhazes; désireux de
russifier complètement le pays, il offrit des terres a des colons de la
Petite Russie, mais sans leur fournir des avantages qui pussent com-
penser le, changement absolu de milieu : les fils de la steppe ne s'accou-
tumèrent point aux roches abruptes, aux gorges profondes de la mon-
tagne. D'ailleurs, pour les attirer t 1 ! les retenir, il eut fallu construire
des routes, établir des entrepôts cl des marchés cl, pardessus tout, laisser
aux colons leur libre choix des terres et des cultures ; en un mot, il
eut fallu que l'administration fonctionnât eu sens inverse de sa nature.
Toutefois, ou ne manqua point de projeter de trî-s grandes omvres en
vue du peuplement de l'ancienne Abkhasie et du territoire des Adighc':
mais les plans furent ouhliés.ou bien entamés d'une manière incohérente
1. Eugène PittarJ, Dans ta Dobradja, p. 103.
COLONISATION DKft VALLéKS CAUCASIENNES
H-0
et sans suite. \u commencement du vingtième siècle, on évaluait à
i5 ooo individu» seulement le nombre des habitants du territoire, main-
tenant vide, qui s'étend sur un espace d'environ 10000 kilomètres carrés.
N* 511 . Peuples de la Caucasie.
5»
i : soooooo
iiô
W
Too KIK
lie ces résidants, les quatre cinquièmes sont des Abkluiy.es qui avaient
accepté la grAce du vtduqiietir. on ne comptait que Goo Tclierkcsscs ot
le reste se composait de colons doriffi ne diverse, pour ia plupart établi»
dans l« voisinage du litlnrul : l'intérieur était presqu entièrement
^6 l/llOMMK KT I,A TERRE. — RUSSES ET ASIATIQUES
désert V Pour adirer l'immigration h flots pressés, il ru ni ta il certai-
nement tic « laisse!' faire », après avoir construit et parfaitement amé-
nage* dan» son ensemble la route du littoral qui réunit l'embouchure
du Rton au détroit de Yôm-kateh. i/ancienne corniche établie par
Mi lh rida te est depuis longtemps détruite par les érosions et tcséhoulis:
mais il est étrange que le premier souei des H us s os n'ait pas été de
construire tout d'abord celte roule stratégique et commercial. On s'est
repris ù deux fois pour la faire : d'abord les Ingénieurs ordinaires du
gouvernement se chargèrent do celte uuivre, la commençant sur
une centaine de points et ne lu terminant nulle part; puis le général
Annenkov, qui avait dirigé la construction du chemin de fer transeas-
pîen eu ites conditions de célérité inusitée, transportant d'un coup vingt
cinq mille terrassier» provenant des provinces de l'intérieur dévastées
par la famine, se lit fort d'achever la route en deux années. Il ne tint
pas complètement parole et les crédits ne lui furent pas continués plus
longtemps : toutefois, la prise de possession définitive de la contrée par
les colons, agriculteurs cl industriels, n'ont qu'une question de temps,
car la pression de la population montante se produit également, à l'ouest
et à Test, vers Novo-Hossiisk et vers Batonm ; la vie fera disparaître de
nouveau la trace des anciens massacres.
Au sud du Caucase, dans les vallées larges et bien ouvertes du Hton
et de la Kura, la russification des indigènes se fait d'une manière auto-
matique, par la force même des choses, puisque la colonisation modifie
constamment l'équilibre au bénéfice de la Russie et qu'en même temps
le pouvoir, la direction administrative, le commandement des troupes,
toutes les initiatives d'autorité appartiennent au tsar et à ses repre*
sentants; mais cela ne suffit point aux dominateurs de la contrée : au
jeu naturel provenant de la situation économique et des conditions
politiques du pays s'ajoutent les manœuvres brutales des centralisateurs,
pour lesquels tonte diversité de langue, de religion, de nuours, relati
veinent à la pratique des Russes, est un véritable délit, presqu'un
crime. Ils ont oublié que les Ka rivet ou Géorgiens sont, par l'acte mémo
du Iruilé primitif, de simples alliés et protégés de l'empire russe. Ils
veulent ignorer qu'en «709. lorsque le roi Georges III, personnage triste,
débauché, malingre, se laissa persuader par le ministre russe qu'il ferait
1. Jean Carol, Les Deux Routes du Caucast,
IVUSSIB ET tiÉURGIK 4—
*i I
bien de remettre son royaume entre les mains du tsar de toute» le»
Kussics, celui-ci donna sa « parole impériale » qu'il respecterait à tout
jamais les droits et privilèges de ses loyaux Géorgiens ; ils refusent de
se rappeler que l'on garantit à la nation le maintien de sa langue,
de ses coutumes, de «a religion, de sa milice» môme de sa monnaie.
Kl pendant tout le dix-neuvième siècle, Tunique politique des tsars lut
de combattre Tan-
tique civilisation et
de supprimer les re-
lations déjà établies
a\ee TOeeident qui
avait introduit sa lit
lératurc dans le pays.
Kl. maintenant, les
recrues géorgiennes
sont déportées dans
la Russie du nord,
jusque dans la Sibé-
rie, la langue kartvei
esl prohibée devant
les tribunaux, dans
les écoles, dans les sé-
minaires; en mainte
église elle est égale-
ment défendue. Pour
rompre la nationalité
géorgienne, le gou-
vernement rachète ou exproprie des territoires considérables qu'il
répartit entre des colonies de Cosaques ou de paysans russes. Pendant
lu guerre de Crimée, les Géorgiens jouirent d'une sorte de neutralité
tacite, mais, depuis cette époque, le régime d'oppression est devenu plus
rude et ressemble môme à celui de la Pologne, avec cette aggravation
que la présence de plusieurs races permet au pouvoir central de les
evcller les unes contre les autres et t. d'assurer Vim\vc a à peu de frais \
Les poètes de la nation comparent tristement leur patrie à Tancétre
CI. Bionilttïé.
BOL18E BT CHATEAU PB C'HILOA-IHISBIU.
VALLÈS Ofi L'ALAUN, OÉOROIE
1. Warlam Tcherkesof, Notes manuscrites..
f ï}# l/HOMMK KT LA TERRE. — RUSSES ET ASIATIQUES
Prométhée, cloué sur le Caucase ; mai», IU n'ont pat* comme lui l'invin
cible confiance en l'avenir : ils savent que, si de grandi 1 * choses no
n'accompliront avant une ou deux générations, tours fils ou leurs
petits ~f)U seront des llusscs.
Les Huïkanesou Arméniens n'eurent point à recevoir d'assurances
directes de la "part détours dominateurs actuels, puisqu'ils avaient déjà
perdu leur indépen-
dance politique aux
époques successives
où ils passèrent sous
le régime moscovite
par l'annexion de la
(îéorgie et les con-
quêtes sur la Perse et
sur la Turquie. Mais
les promesses indi-
rectes et les engage-
ments diplomatiques
ne m&nqueren l poi ti t .
Maîtres de la métro-
pole religieuse, Etch-
miadzin, les Russes
en ont fait surtout
un centre adminis-
tratif pour la répurtt
lion des diocèses et
des paroisses, pour
ta nomination des prélats et de leurs subordonnés* Le but du pouvoir
est d'utiliser tous les prêtres arméniens comme de simples valets
d'église, chargés d'entraîner de force les Grégoriens dans le giron de
l 'orthodoxie. L'usage de la langue des aïeux est désormais interdit dans
les écoles ; il est défendu aux Ilaïkanes d'apprendre leur propre histoire
et lu géographie de leur pays, de parier leur propre idiome en toute cir-
constance officielle ou devant des fonctionnaires : les oppresseurs savent
bien que la langue est le véhicule de la pensée, et qu'en changeant la
parole on finit par changer l'aine elle-même. Néanmoins les Arméniens,
désireux de s'instruire envers et contre tous, secondent de leur mieux les
Cl Xfvltuoit.
POTIERH DE (lOl'RIK, \V Kl' Il t>fi BATCM
i
l/AflH&NIB ET LES PUISSANCES
*79
efforts de» habitants de TiflU qui voudraient posséder une grande éeole
universitaire dans leur ville, ni bien planée pour devenir un centre
d'études ; mais te gouvernement russe» assuré que renseignement,
même donne* par des professeurs slaves, ne se servant que d'un idiome
slave, n'en profiterait pas moins tout d'abord aux Arméniens, a jusqu'à
maintenant résisté aux demandes de Tiflis. et les jeunes gens sont tou-
jours obligé» de se
rendre dans lu Russie
proprement dite ou
a l'étranger pour y
faire leurs éludes. En
toute occasion, les
Arméniens se heur
Uînt contre le mau-
vais vouloir raison né
de leurs maîtres, et
la moindre protesta-
tion entraîne pour
le mécontent l'exil
en Sibérie, c'est à
dire la mort rapide
ou lente. U> sulut ne
peut tMre que dans
t'uiiumte eu Ire les dif-
férents peuples sou
mis au tsar.
Ce qu'est au fond
la politique russe à
l'égard de ses fidèles sujets, les Arméniens, on eut l'occasion de le
constater récemment par l'attitude du gouvernement turc, qui se trou-
vait alors devant l'empire slave en état de demi-vassalité. Certes, la
puissance de la Russie est telle que sou désir eût été loi et que, si
elle ne les eut point désirées, les tueries d'Arméniens dans le Haïasdun
turc n'auraient point eu lieu. Mais ces crimes furent voulus. Ainsi que
l'a dit un « homme tf'Elal , « le gouvernement de Stamboul tenta de
m supprimer la question arménienne en supprimant les Arméniens
eux-mêmes»». Pendant longtemps, le peuple des Haïkanes s'était
Tvpa oÉoaoïKH
CI, RoI&MhviU, &;tifiu.
48o L*ttO»MB ET LA TERRE. — RUSSES KT ASIATIQUES
trouva dans les mémo» conditions que tous les autres peuples de
lu Turquie» ce pays de caprice et d'oppression barbare, et, comme les
Grecs et les Raya de toute origine, avaient été soumis aux <■ mangeries »■ ( ¥
e'est-à-dire aux exactions de toute espèce, aux impôts forcés, aux contri
Imitons ordinaires et extraordinaires, aux corvées ot aux tailles. Mais
réerascment *« se faisait pas d'une manière méthodique et pouvait
varier suivant le caractère des administrateurs : en outre, les gens res-
taient libres de gérer à leur façon leur» petites affaires communales, de
se gouverner religieusement comme ils l'entendaient, de parier leur
langue comme ii leur convenait, d'ouvrir des écoles quand il» avaient
pu se procurer l'argent; d'ailleurs la majorité des fonctionnaires
appartenant à leur nation, ceux-ci s'efforçaient quelquefois de détourner
les pilleries de leurs compatriotes pour les faire tomber plutôt sur des
gens d'autres races, Cirées, Kurdes ou même Turcs. Grûceà son instruc-
tion supérieure et a sa souplesse naturelle, la classe cultivée des
Arméniens en était arrivée a occuper dans l'empire, et surtout ù
Constantinople, une situation presque privilégiée, et quelque avantage
en revenait à la population malheureuse du HaYasdan, enfin, l'influence
du gouvernement anglais, alors tout puissant auprès de la Porte et
protecteur naturel des missions et des écoles protestantes, britanniques
et américaines, nombreuses eu Arménie, s'exerçait directement en
faveur du peuple que ses protégés cherchaient ù convertir,
Mais îa nature de la bascule politique en tout gouvernement de
eaprice est de s'incliner tantôt a droite, tantôt ïi gauche, et chacune
de ces oscillations peut avoir pour conséquence l'écrasement d'un
peuple. C'est là ce qui arriva pour les Arméniens. Une puissance redou-
table, la Russie, remplaça la Grande Bretagne dans la faveur du
sultan et dans la direction de sa politique. Ou lui dit que ces Armé-
niens nourrissaient des velléités d'indépendance : on lui raconta, ce qui
est vrai d'ailleurs, que ces Arméniens fondaient des imprimeries,
qu'ils écrivaient des livres et des journaux, qu'ils enseignaient à leurs
enfants l'histoire des temps anciens pendant lesquels la race haïkane
était puissante et libre; on ajouta que. parmi ces jeunes Arméniens sortis
des universités étrangères, Genève, Zurich, Paris, plusieurs étaient
socialistes, anarchistes même, et publiaient des brochures de propagande
où l'on s'attaquait directement ù son autorité. La Russie, qui se
niellait déjà de l'intelligence arménienne, de l'esprit de liberté qui
massachks îï'abmésikn»
/i8j
germe dans la raeu opprimée, n'eut pas de peine à trouver un com-
plice en suspicion cl en persécution, vl, d^uiilcurs. le pouvoir absolu
N 9 512. Lieux de massacres en Arménie.
E.d» Gr. ««
D'aprèaP. Quittant.
jnrmM
100
t; 7 500 000
2A ""■
nfcKiL
Lus points noire Indiquent quelques-uns des lieux d'égurgement ou de lutte.
Dates de* principaux massacres: J8*i4, août-septembre, Much, Sassoun; — 1895, 30 sep-
tembre, Cotwtanttooptei 3 octobre, Ak-hisear. à 130 kilomètres do Constantin© pie t 8* Tré.
bisondet 15, Hadjlnj 21, Ewindjan» 23, Manche i 25, Quniwbbane, BfUli ; 27, Blrediik,
Orfa, Baïbourti 28, Kara-hissan 30, Brseroum j («■ novembre, Diabekir t i à 5, Arapjïhir i
7, Mardi t»; 4 à S.Malatlaj 8, Knghlm 10 à H, Karpottth; 12, divas. Gurunt 15, Aialsb,
Maisevan. Amaaia, Tokati 18, Moraehe, Venldjô» 2*». Vanj 28, Zilleh; 30, Kafoariehi 28 dé-
cembre, Biredjlk; — 1896» 1« janvier, Orfas Juto, Van -, août, ConstanLinople j septembre,
Egniiij 6 octobre, Eweroumi 5 novembre, Everek.
De 1896 à 1904, les tueries n'ont point casse', mais elles ont été moins systématiques.
de ta Turquie n'avait pas manqué de comprendre d'inatinel ce qu'il
avait à craindre d'une nation qui prenait conscience de sa force et visait
à son indépendance. Désormais nul Arménien ne trouva plus grâce
devant le maître, et les courtisans surent qu'il justifierait tous les crimes
V 2$
48a l'homme et la te ÏUÏE. — RUSSES et asiatiques
d'extorsion, mémo los assassinats on masse ; tes massacres commence-
ront, puis, l'habitude une fois prise» ta tuerie se fit avec méthode,
Quoi est le nombre de ceux qu'on égorgea? nous sommes-nous
déjà demandé. D'après les missionnaires» les consuls et les négociants
européens, le chiffre des victimes est de trois cent initie au moins; on
connaît tes communautés qui ont été méthodiquement visitées par les
bourreaux, c'est u -dire pur les soldats du corps privilégié que l'on dé-
signe du nom de hamidiê, d'après le sultan lui même, Abdul Harnid,
et des rapports circonstanciés permettent d'évaluer une moyenne
approximative par centre de massacre \
Mais cette tuerie est loin de représenter toutes les perles faites pur
l'Asie Mineure orientale en population, en civilisation et en ressources
de toute espèce. D'abord* tous les Arméniens qui ont pu s'enfuir, soit
en bandes, soit isolément, les uns par la frontière persane, tes autres
vers ta Hussic, d'autres encore dans la Bulgarie, l'Archipel, l'Ile de
Cypre, dans les ambassades et les églises des missions, atteignent peut-
être un nombre d'individus aussi considérable que celui des massacrés.
Ces morts, cet exode ont pour conséquence fatale de laisser la bar-
barie reprendre le dessus. En maints districts, celui de Van par exempte,
les Arméniens seuls bAtissaienl les maisons, cultivaient les jardins,
lissaient les étoffes et fabriquaient les meubles. Il est très vrai que,
dans les villages du Sassoun, les massacreurs, sur la demande des mon-
tagnards kurdes, épargneront un urtisan pour chaque corps de métier,
jardinier, ma von, forgeron, charpentier; mais ces gens, n'ayant plus la
joie du travail, laissèrent bientôt périr leur industrie. Et, si la civilisa-
tion matérielle subit un terrible mouvement de recul, que dire du
moral de peuples qui se sont habitués a la vue du sang humain, qui
se sont plu au pillage et aux tueries, et parmi lesquels restent surtout les
lâches qui se font petits, humbles pour acheter une vie trop chère a
conserver au prix de tant d'humiliations!
Le patriotisme russe, tel qu'il est compris par le gouvernement,
l'oblige à sévir non seulement contre des allophylcs, tels que les Kartvel
et les Haïkanes, mais aussi contre ceux des Russes d'origine pure dont
les pratiques religieuses ne sont pas modelées sur le type orthodoxe.
Déjà, dans la Russie proprement dite, nombre de sectes, les unes com-
1. Victor Bérard, la Politique du Sultan ; — Lepsius, V Arménie et l'Europe,
GOUVERNEMENTS ENNEMIS DE LEURS SUJETS ^83
posée* do conservateur» roskotniki, les autre» de novateurs, tels Ira
Stoundistes, sont franchement persécutées ; mais au delà du Caucase,
en pleine Asie, les DukhaborUi ou « Lutteurs par l'Esprit » ont été
pourchassés comme un gibier. Etablis depuis plus de cinquante ans dans
les vallées méridionales de ta Transoaucasie, enta» Kars et Tiflis, ces
homme» de foi cultivaient paisiblement ta terre, ne songeant qu'à
leur salut et se refusant à tout service militaire, par respect pour la
01. p)«bsdwL
UH PAYSAGE »» I*A OTUÏTBCÀirCÀSIB HÊKIDXOHAIB
parole divine : « Tu ne tueras point». Coups de fouet, emprisonnement,
décimation même, rien n'y fit, clpeuUMre que la secte eût fini par
disparaître complètement dans les cachots de la Sibérie si l'opinion
publique du monde civilisé, en premier lieu celle des Quakers anglais,
n'était intervenue. On leur laissa lu liberté de l'exil, et la plupart des
Doukhobors vivent maintenant en communauté dans le froid pays
d'Àlberta, que parcourt le Saskatchevan ; depuis, la soif du martyre,
qu'explique leur vie antérieure, semble avoir parfois saisi certains
« Lutteurs » et a troublé la paix de leur nouveau domaine.
Les frontières de la Russie transcaucasienne du côté de la Turquie et
de la Perse sont actuellement fixées par la diplomatie eruopéenne,
V 25*
A84 L*HOMME ET LA TEKRB. — RUSSES ET ASIATIQUES
mais du côté de Test, dans le continent d'Asie, l'agrandissement du
territoire s'est poursuivi d'une manière* presque continue : il semblait
que rten ne dût arrêter ce mouvement, irrésistible comme celui de la
marée qui fuit refluer l'Occident sur l'Orient, agissant en sens inverse du
mouvement historique des peupios méditerranéens» que des théoriciens
ont voulu ériger en loi ',
Les immenses empiétements de la Russie, dans les territoires
de l'Asie centrale,
constituent un phé-
nomène double, de
grande importance
pour l'équilibre mo-
ral et politique du
monde ; l'Asie s'eu-
ropéanise, et l'Eu-
rope, par rintermé-
dîaire de la Russie,
tend à régresser vers
le type asiatique.
Chaque document
statistique, arrivé de
ces pays lointains,
bien enveloppés en
nu hrouillurd épais*
si par la politique,
nous prouve que les
deux évolutions se
poursuivent sans ar-
rêt. L'aire de la civi-
lisation européenne
s'agrandit en Caucasie, en Torkménie, en Dsungarie, en Mongolie,
en Chine ; mais rien ne se donne gratuitement en ce monde, et l'asia-
tisatton d'une partie de lu Terre correspond à l'curopéanisation de l'autre
partie.
Or, Ich enseignements do l'histoire nous disent les dangers de
COMPOSITION ETHHOGKAPHIQtJS DE
« TOUTES Ï.B8 KUSSm »
Abvkn-8 i t, Russes: 2. Polonais; 3, Lithuanien»»; 4, Kou>
mains et Latins; 5, Germains; 6, Arméniens* 7, autre» Aryens.
Sémite» t 8. Juifs.
CAUCABtfîKH t 9, Géorgiens: 10, autres Caucasiens.
Oukalo-AltàïEnb t 1 1 , Finnois ; 12,TurcO'Taftar«Sï U.Mon-
gols et Ouralo-Altaïens.
Actbes j>bvi*lk» i 14, Chinois, Japonais, Coréens et
Hyperboréen*.
1 W. M. Ramsay, Geogrnphicul Journal, sept. 1902* p. 258.
SERVITUDE ORIENTALE 485
l'Orient : il conquit les Macédonien» et les Grecs d'Alexandre, puis le»
Romains d'Elagabale et les chrétiens des Croisades. Un poison cent fois
séculaire, celui d'une servitude traditionnelle, atavique, s'infiltre facile-
ment dans les veines de l'Européen : la conception orientale relative à
la nécessité d'un gouvernement fort s'en trouve consolidée d'autant,
et Ton sait s'il manque en Occident d'âmes basses, heureuses de se renier
et d'obéir. Sous l'influence du venin, la divinité du " tsar blanc "
SÏTrERWCIE POPULATION
DIVISION Dl ï/EMPIBB BP88B
En dehors de la Russie d'Europe proprement dite, ta statistique distingue i 1, Pologne ;
vixJr* . e; ~ 3 < Gauc ™°. y compris lu Ciscaucosie t -4, Sibériej _ BiTranscasplenne,
Turkeslan el provinces des Steppe» (de la rivière Oural, a »'oue*t, au lac Balkach, a l'est, et a
Omak, au nord), sans tes territoires de Bokliara et de Khiva. »«<»»» i •», « a
paraît d'autant plus évidente aux yeux de ses sujets d'Europe et des flat-
teurs qui prétendent vouloir aussi le servir. Les pillards turkmènes, dont
Skobelev a fait par ses victoires des soldats de la Sainte Russie,
apportent leur enthousiasme guerrier au service d'uu despotisme
sans limites, et, par le fait de la solidarité qui lie maintenant tous
les peuples, l'aggravation du pouvoir absolu, que la force des choses
donne à l'homme qui est à la fois le successeur de Djenghte-khaii et celui
d'Ivan le Terrible, s'appesantit sur l'état d'esprit de toute l'Europe
occidentale. 11 ne s'agit que d'opposer Cosaques à Russes, Lithuaniens
à Polonais, Tartan» à Arméniens, Kalmuk à Finlandais, Turkmènes
à Juifs ou à Géorgiens.
Le titre d'un métal pur décroît fatalement par suite de son
alliage avec un autre métal ; par la môme raison la qualité de la
486 l'komhf et la terre. — RUSSES et asiatiques
civilisation européenne est diminuée par l'annexion de « toutes les
Russie» », eonimeelle diminua jadis par la conquête du Nouveau Monde.
De longues années devront s'écouler peut-être avant que, par une lente
élaboration, nous ayons pu éliminer de notre organisme le poison
laissé dans les âmes par tous le» anciens despotisme» d'Asie,
La conquête russe trouva les Etats transcaspiens en situation lamen-
table de guerre, d'asservissement, de pauvreté, et tout d'abord, par
son intervention» accrut la misère, aida au dépeuplement, les eaux
salines des marais, tes sables du désert avoient repris une grande partie
des territoires jadis cultivés, la nature sauvage empiétait sur le» travaux
de l'homme. Tant de canaux d'irrigation ruinés déversaient leurs
eaux dans les marécages que les fièvres régnaient en permanence dans
les contrées qui furent autrefois les plus populeuses. " SI tu veux mourir,
pars pour le Kmiduz s, dit un proverbe. « On n'a pa& eu le temps do la
regarder, et déjà l'eau du Marutchak a tué son homme », ajoute un
autre- dicton, relatif au pays de Mcrv. La dessiccation du climat eut peut-
être une pari dans l'amoindrissement des terres habitables, mais l'incurie
de l'homme, suit*» des guerres et du cortège de maux qui les suit, fut
probablement une cause plus grave encore de la détérioration du sol.
Les deux villes de Samarkand et de Hokhara ne sont plus guère que
deux oasis cernées par les dunes. Mai nie cité avait déjà disparu sous les
subies mouvants elles ttnkhariotrs s'attendaient au même sort pour leur
capitale assiégée» Dans cette partie du double bassin fluvial, les rivières
afttucnles nesufUscnt plus à fertiliser les terres meubles et les argiles,
les populations résiduntes devaient s'arrêter là où s'arrêtent les eaux, et
tout le reste appartenait aux pillards nomades, d'un coté Jusqu'à la Cas-
pk-arie, de l'autre jusqu'aux steppes herbeuses de la Sibérie, avec la
seule interruption des deux cours fluviaux du laxarte et de l'Oxus.
Toutes les régions jadis prospères de cet Iran extérieur présentaient
l'aspect de la ruine, de la tristesse et de l'abandon, Les archéologues y
recherchent les débris de cités antiques et parcourent péniblement de
vaste» solitudes que Fou suit avoir été autrefois grouillantes d'hommes
et de bœufs laboureurs. Les Mongols « ont passé là», c'est vrai, mais le
pays eut pu refleurir comme ont prospéré de nouveau les régions de
l'Europe du centre et de l'Occident, si les contrées du haut laxarte et
du haut Oxus n'avaient pas été, ponr ainsi dire, « en l'air », menacées
parles hordes de nomades ennemis, entre des montagnes, des plateaux
RÉGRESSION DU TU RK EST AN
48 7
difficiles à franchir et de» solitudes désertes plus redoutables encore,
puisqu'elles interrompaient toute communication avec d'autres pays
civilisés. Quel architecte rebâtirait maintenant les superbes mosquées de
N* 613. Transoasplenne et Turkestan russe.
t: 20000000
sa tssts
260
MO
SooKil.
Us émir* desdeux Etats de Khiva (55 000 kilomètres carrés. 800000 habitants) et doBokhara
(20000 kilomètres carrés» 1 250 OO0 habitants) jouissent d'une autonomie comparable a celle
du Bey de Tunis,
la Transoxianc, entre les cabanes on torchis des indigènes el les affreuses
casernes des (lusses ?
La détérioration intellectuel le el morale a marché de pair avec l'ap-
pauvrissement matériel. Sous le régime des Tamcrlan qui faisaient
trembler le monde et devant lesquels le monde trcmhlc encore par ata-
488 l'homme et la terre. — RUSSES kt asiatiques
visme, Bokharu était devenue par excellence la cité de l'hypocrisie et du
vice. Qu'on lise à ce sujet les effrayantes descriptions qu'en donnait
Vambéry * au milieu du dix-neuvième siècle, époque à laquelle certaines
parties de laTurkménie, notamment le fiofchara, étaient plus inaccessibles
que la Chine* le Japon ou le Tibet, La caste fanatique des mollah
exerçait alors son inquisition avec une terrible rigueur» et, sous leur
domination i il y avait eu certainement une régression très grande dans
toute la contrée par comparaison avec les temps helléniques et les
premiers siècles de la propagande musulmane. Cette région du Tourun
est l'un des pays qui portent le plu» visiblement le caractère de la
déchéance, et, à cet égard, il convient de le citer en exemple comme la
Babylouic, le royaume de Palmyre et les provinces de l'Asie Mineure.
Maintenant un nouvel ordre de choses a commencé au point de vue
politique pour les vallée» du Sir et de l'Ain u, grâce aux colons venus
en grand nombre d'Kuropc, aux industries apportées dans la contrée,
aux moyens de communication qui rattachent les villes entra elles et à
la Russie, L'empire moscovite s'est annexé tout le Turkcslan, à l'excep-
tion d'une partie de la Bactriutic, située au sud de l'Amu et laissée
provisoirement au royaume* tara pou que l'émir de Kabul est chargé
de maintenir intact entre les deux puissances qu'il pressent être fort
suspectes l'une à l'autre.
L'esclavage a été supprimé par l'effet des changements économiques
a la suite d'un jgrsnd massues e de captifs, et les pirates ne visitent plus
en bandes te plateau de l'Iran, jusqu'au delà de Meched, pour y capturer
de paisibles laboureurs. La population s'accroît de nouveau dans ces
contrées qu'une sorte de consentement général regarde, à tort ou à
raison, comme le berceau du monde et que les dominateurs successifs
avaient presque dépeuplées. La paix entre les tribus elles races permet
de rétablir les canaux d'irrigation, de restaurer les cultures le long des
fleuves et de reconstruire les aucîeunos capitales. Les grandes étendues
désertes qui limitaient jadis le domaine de la culture eu dehors des
vallées supérieures des fleuves et qui privaient ces contrées de tout apport
commercial, de tout aliment intellectuel, ne sont plus des obstacles,
puisque des routes, des lignes de fortins et d'auberges assurent en toute
saison la continuité des rapports. Un chemin de fer, partant du port de
1. Voyage d'un faux derviche,
PÉNÉTRATION EUROPÉENNE
Wft
Krasnovodsk, qui fuit face à Baku, longe lu base septentrionale du Caucase
Iranien et, choisissant comme station tés campement» des Turkmènes
jadis les plus redoutés» passe à Mcrv pour lancer comme une antenne
un embranchement vers lu brèche de Hérot, tandis qu'une autre ligne,
traversant POxus sur un pont qui est une de» merveilles de l'industrie
moderne, va rejoindre les cités, naguère mystérieuses, de Bokhara et de
Samarkand. D'autres voici» ferrées se détachant du Transsibérien feront
et. du Ohbut.
U 10UKTS KiatïIIIZB «*r »KS habitant»
de Tachkcnd et des villes du Kerghano des colonies complètement russes,
et, sans doute, dans un avenir prochain, pénétreront au cœur de la Chine
par la voie la plus droite, L'ancienne roule de la « soie », ouverte entre
l'Ataï et le Trans-Alat
D'ailleurs, il faut le dire, le régime de domination, si dur qu'il
puisse être, est certainement moins mauvais que ne Pelait celui de la
guerre incessante-, du pillage et des tortures. Les empalements, les écor-
chemeuts, les broiements a petit feu se pratiquaient volontiers dans
l'entourage de ces petits souverains. Certaines tribus turkmènes n'avaient
absolument d'autre profession que la violence et le meurtre. Dès qu'il
savait se tenir sur un cheval, l'enfant suivait son père en s'accrochanta
la crinière de la monture et prenait part à l'expédition de guerre. On lui
confiait les oreilles et les nez coupés et on lui enseignait à dépouiller les
4ûO L'HOMME ET LA TERRE. — RUSSES ET ASIATIQUES
cadavres de leura bijoux et de leurs amulette». Ce n'était point chose
rare que de percer le mollet d'un esclave pour y passer une corde que le
Turkmène attachait à l'arçon de sa selle. Le malheureux courait à côté
.du coursier: s'il tombait, épuisé, malgré les coups de fouet qui lui
rendaient la force du désespoir, le cavalier coupait ta corde, et l'esclave
gisait râlent sur le sol.
Naguère les conditions géographiques de la chaîne bordièreque
forme le Caucase iranien rendaient les guerres entre voisins d'eu haut
et d'en bas absolument inévitables et incessantes : l'eau estait néces-
saire aux uns et aux uutres. fên effet, tes Iraniens tiennent u garder pos-
session, dans toute la longueur du cours, des ruisseaux qui sourdentsur
les hauteurs et, plutôt que de les laisser tarir dans le désert» ils cherchent
à les capter en entier pour leurs cultures pur des eu n aux d'irrigation.
De leur côté, les pillards de la pluine entendaient ne pas se laisser enle-
ver les aiguades accoutumées; toute goutte d'eau qui leur était ravie
devait ôtre rachetée par le sang. D'ailleurs, ces nomades étaient égale-
ment agriculteurs et avaient besoin d'eau pour leurs champs qu'Us fai-
saient cultiver pur des captifs recrutés ça, et là et travaillant sous les
coups de lanières en cuir, Il ne Leur suffisait donc pas de posséder les
mares du Daumn-i Koh ou « Picdmout », mais ils cherchaient aussi à
reinou ter vers les sommets et tes vallées de l'intérieur pour s'emparer
do la région des sources, La guerre était donc continuelle et sévissait sur
tous les points ù la fois avant que les armées russes eussent immobilisé
les populations dans le cercle prescrit. Les nomades touraniens mon-
taient fi l'assaut du plateau d'Iran lentement, par empiétements succes-
sifs, et nul n'avait plus l'audace de leur résister. Prés de chaque source
des hautes vallées se montrent les tours de défense où se réfugiaient les
indigènes quand un cri de détresse annonçait l'arrivée d'un alamun,
ou horde de ravageurs turkmènes. La conquête russe ayant mis
un à cette guerre incessante et au dépeuplement, les habitants du
Khorassan et du Seïslan en éprouvent une telle reconnaissance pour
les porteurs de la paix que nombre d'entre eux la témoignent par
l'adoption des mœurs et des costumes de lu Russie .ils vont jusqu'à
saluer en se découvrant la tête, ce qui auparavant eût été considéré
comme le comble de l'inconvenance 1 .
1. A. Vambéry, la Géographie* 15 mars 1901.
DÉBUT D'UNE ÈRE NOUVELLE 4g|
L'Iran cal la contrée de l'Asie dont les conditions géographiques ont
été le plus profondément changées et comme renversées par L'extension
du monde civilisé. Le plateau d'Elam, si heureusement situé jadis pour
la constitution d'une individualité nationale bien caractérisée, en même
temps que d'une invincible puissance militaire, cette forteresse naturelle
qui s'avançait en promontoire au-dessus des terres fécondes de ta Méso-
potamie et qui, d'un autre côté, se trouvait défendue perdes mers et des
solitudes, cette contrée superbe, source do vie d'où la civilisation s'épan-
chait a rOecidcat vers l'Europe, à l'Orient vers les Indes, se trouve main-
tenant livrée d'avance aux entreprises des deux puissances rivâtes qui
l'assirent, et précisément des deux côtes où elle était inattaquable autre-
fois. Le golfe PerBique n'est actuellement qu'une immense rade pour les
navires anglais qui débarquent leurs marins en conquérants, tantôt sur
un point, tantôt sur un autre; sur le revers septentrional, la mer Cas-
pienne est un lac entièrement russe, tandis que Cosaques et Turkmènes
enrégimenté» n'attendent qu'un signal pour escalader les pentes exté-
rieures du plateau et redescendre vers Téhéran : déjà leurs route» mon-
tent à l'assaut de tous les points stratégiques.
Après le passage dévastateur des Mongols sur le plateau d'Iran, la
puissance militaire du royaume ne pouvait que décliner par suite de
l'inégalité très grande que les différences do l'armement ont créée a
l'avantage des nations occidentales, même des Turcs, dans leurs relations
avec la Perse. Pourtant les Iraniens reprirent encore deux fois i'ofTcusive.
Le chah Abbas, à la fin du seizième siècle, puis l'aventurier Nadir-chah,
cent cinquante ans plus tard, liront grande figure dans le monde
musulman, mais leur force ne m porta guère que du côté de l'Orient.
Nadir, établissant sa capitale a Mechcd, vers l'est du Caucase iranien,
refoula devant lui les guerriers afghans et descendit jusque dans
l'Inde, où il détrôna le Grand Mongol ; au nord-ouest, il put rejeter les
avant-postes des Russes jusqu'au pied du Caucase; mais ce fut le dernier
effort extérieur de la Perse et, depuis celle époque, le royaume dut se
borner strictement au souci de ses propres affaires intérieures.
Ce renversement de l'histoire, conséquence du changement de valeur
et d'importance qu'ont subi les conditions du milieu géographique pen-
dant le cours des siècles, se présente pour la Perse d'une manière vrai-
ment tragifpic. La solidité naturelle et lu continuité des remparts exté-
rieurs de l'Ira nie, i'uuité intérieure de la contrée en avaient fait une terre
4tp L'HOMME ET LA TEHHK. — RUSSES ET ASIATIQUES
bénie par Qrmuzd. te dieu du Bien, et la voilà maintenant livrée au dieu
du Mal. C'est que l'ambiance elle-même, comme tous les autres phém>
mènes, a son évolution dans l'infini des choses. Sans doute lu "erse a
gardé ses monts, ses déserts, son climat, mais ses peuples, quoique
encore tes premiers par raffinement de l'intelligence, ont changé d'indus-
trie, de langue, de religion, de mœurs; sa puissance est devenue faiblesse
relativement à la force des contrées environnantes. Les centres de vie
politique se sont déplaces a la Burface de la terre, et, fait de premier
ordre dominant tous les autres, le monde solidaire de la civilisation
commune s'est immensément agrandi autour du plateau de l'Iran. Aux
siècles primitifs de l'histoire, c'est a la liahylouic, au pays d'Assur, à
l'Arménie, à la Margianc, à la Buclriane que les habitants des hautes
plaines de Perse avaient affaire; maintenant c'est à des puissances qui
commandent aux extrémités de l'Ancien Monde et dont le» capitales se
trouvent en des contrées complètement ignorées des Darius et des Chos-
roès. La Ktisstc cl l'Angleterre sont à présent les deux suzeraines rivales
durit le gouvernement de la Perse doit avoir le eonslaut souci d'étudier
les* volontés et les caprices, de courtiser les faveurs, d'éviter les colères,
de prévenir les vwux. Kiun ti*eût été plus facile pour elles que d'étendre
la main sur le pays cl de s'en emparer sans coup férir, si cites avaient
pu s'en tondre sur la ligue des frontières et si n'était soUK-entendue une
certaine obligation de décence diplomatique & ne se point JiAler en
matière d'annexion». Depuis ifi3o, on se montre dans le Scïslnn, entra
Ghiriehk, sur niclmcnd, et Faruh, le lieu de la future bataille où doit se
décider le sort de l'Asie'. Lorsque celte prophétie se répandit dans le
monde iranien, ou ignorait quels peuples s'eutre-ehoqueraient dans le
grand conflit; ou sait maintenant que ce sont les armées des Husses et
des Anglais.
C'est au milieu du dix-huitième siècle que la marine britannique
fonda son premier établissement sur la terre de l'Iran, à Itoucnir, l'un
des ports du golfe Pcrsique. Pour les Anglais, c'était uue conséquence
nécessaire de la conquête des royaumes hindous qu'ils étaient alors en
train d'accomplir. Il leur fallait absolument posséder, soit en maîtres,
soit en concessionnaires usagers, des lieux de ravitaillement et d'étape
sur le chemin militaire des Indes. Ils s'installèrent u Itouchir par la
1. A. Vambéry, La Géographie, 15 mars 1901.
fMPUISBANCE DK |.A PERSE 4«3
même raison qui, plus tord. leur fit prendre Hic de Malle, put* Aden et
Perim, leur fil acquérir les action» du canut de Suez, leur dicta ta bataille
de Tell-el-Kebir, installa leurs régiments indiens au Caire, puis le long
de la vallée du Nil» enfin û Bernera* sur ta côte des Somat, A leur établis-
sement de Boucliir succédèrent plusieurs autres, et l'on peut dire que
maintenant le golfe tonique est une rner complètement anglo-indienne :
le gouvernement de Téhéran, tes petits sultans de la côte d'Arabie n'y
Cl. <ïti Gfogr. .tournai
DAUKT, StlK LA BOUTS DK BOPOHIB A OHIRAB
d'après une photographie de P. Moïe*worth*Syke».
commandent que de nom. Kn outre une compagnie britannique possède
la ligne du télégraphe qui longe le littoral jusqu'aux possessions
anglaises du Mekran et au port indien de Kuralchi. Par les marchés
de Bassorah et de Mohammerah, de Kovcït, ainsi que par la navi-
gation de la rivière Karun, enfin par les opérations banquières
de ses protégés, les Parai, la Grande Bretagne dispose de tout le
commerce méridional de l'Iran. Nulle atteinte ne lui serait plus sen-
sible qu'une tentative de concurrence à sou monopole commercial aux
bouches de rKuphrate, et c'est avec une véritable rage qu'elle accueillit
les projets de l'Allemagne sur le chemin de fer du Bosphore a Bagdad et
Bassorah.
De leur coté, les Russes sont maîtres tiens l'autre partie de la contrée
limitrophe de leur territoire Iranscnucasien et transeaspien. Il y a long-
L HOMME ET LA TERRE. — RUSSES ET ASIATIQUES
temps qu'ils ont vengé leur insuccès des premières années du dix-
huitième siècle. Trente ans après l'établissement de la nouvelle dynastie
turkmène qui réside à Téhéran t ils s'emparaient de toute l'Arménie per-
sane qui touche à l'Ara rat et Axaient la frontière h leur guise; ils inter-
disaient même à tout vaisseau de guerre persan la navigation de la
Caspienne ; sans en avoir le droit par traité, ils installaient un arsenal
dans l'îlot d'Achurada, langue de sable qui, située à l'angle sud-oriental
de la mer, appartient incontestablement a la Perse; et depuis longtemps
ils ne se donnent même plus la peine de répondre aux requêtes obsé-
quieuses du cabinet de Téhéran ; il leur a convenu d'avoir un dépôt
d'armes et de troupes dans ce port militaire, et c'est pure magnanimité
de leur part de consentir a ne pas pénétrer plus avant. Au nord, ils
occupent au point de vue commercial une situation analogue u celle des
Anglais dans le sud, et par la roule d'Etweli el de Kechl, ft l'ouest, par
celle de M oc lied, à Test* ils desservent tout le mouvement des marchan-
dises, de môme qu'à l'occasion ils pourront diriger la marche des
troupes et l'expédition des pièces d'artillerie.
La Perse est donc, pour ainsi dire, dans la situation d'un corps que
se disputent deux carnassiers : sa tôle est prise dans une gueule dévo-
rante, ses pieds sont tenus pur d'autres mâchoires. De mémo que l'Afgha-
nistan, la Turquie et le Maroc, ces « hommes malades *i, la Perse ne doit
le semblant d'indépendance qui lui reste qu'à la jalousie des puissances,
incapables de se mettre d'aenord sur la façon de la dépecer. Nul phé-
nomène de l'histoire contemporaine ne montre plus éloquemment com-
bien l'équilibre politique de noVe monde est instable et incertain. La
Perse a virtuellement cessé d'exister comme pays autonome, et son
gouvernement n'est plus qu'une machine à extraction d'impôts pour
les dépenses royales, les pensions civiles et militaires, les fastueuses
ambassades, tes fonctions inutiles. Môme pour la fixation des fron-
tières, les employés persans ne sont guère que les porte-mire des offi-
ciers russes et britanniques. Quant uu peuple, il n'a pas encore fait
connaître sa volonté.
Ce conflit des deux puissances européennes représentant au centre
de l'Asie deux formes différentes de la civilisation est peut-être le fait le
plus considérable de l'histoire au commencement du vingtième siècle,
car la Perse est, avec la Mésopotamie limitrophe, le véritable centre
monumental de l'Ancien Monde, comme l'isthme de Suez en est le centre
IMPUISSANCE DE LA PERSE 4q5
maritime. Là se trouvera dan» l'avenir l'étape majeure entre l'Europe et
les Indes» ce qui d'ailleurs eut certainement lieu dans l'époque préhisto-
rique, puisque la langue aryenne et la civilisation correspondante se
*• 614. La Pars» divisée.
E.d«Qr,
w*
■ ■ [,= . . * * -.■-■^-_J.. -J
60*
SI*
1 : 20000000
o tf» èoo
TftoKH.
Le» deux grisés indiquent les sphères d'innuence que la Grande Bretagne et la Russie se
sont reconnues en 1907. »•»«•#•»
U route de terra directe d'Europe aux Inde» passerait par Tiflis, Redit, Téhéran, suivrait
valtéed n ; d * p00r 8 * glief ™ h ot Kandabap » P uls Kwettah et la
répandirent ùTOrient vers l'indus et ii l'Occident vers la mer Kgtfc, en
descendant du plateau de l'Iranic. Au point de vue de son rôle histo-
rique, la Perse mérite donc d'être étudiée avec une attention toute spé-
4o6 l/HOMttK ET I.A TERRE. — RUSSES KT AftUTIQUBS
cialç comme point vital par excellence dans l'organisme terrestre.
Le signe le plus éloquent de la décadence extérieure est l'état des édi-
fices qui furent jadis élevés et décorés avec toute la magnificence de l'art
pour servir d'universités et qui sont -maintenant utilisés comme écuries ou
caravansérails, à moins qu'ils ne tombent en ruines. Et les hommes, som-
bM-il, sont fout aussi déchus. Quel écart de dégénérescence, ilu moins
apparent, entre ces fils purs » de l'Iran, « qui ne mentaient jamais »
(Hérodote), et les Persans «répliques de nos jours, qui subissent basse-
ment la plus vile des tyrannies et ne s'en excusent que par le mépris d'eux-
mêmes et de tous ; la longue durée de l'asservissement en a fait les plus
ingénieux des menteurs. Quand les formes de la politesse exigent que
Ton se présente devant un supérieur en avançant le cou comme pour
dire ; « Prends ton sabre, abats ma téle «, il est facile de comprendre que
toute sincérité est bannie de la conversation. Il faut que chaque personne
s'accommode à son interlocuteur pour parer a ses ruse», échapper à ses
intrigues: « pigeon avec pigeon, faucon avec faucon », tel est le pro-
verbe que l'on aime à répéter en se donnant une ligne de conduite pour
les affaires ; mais l'Iranien de bonne compagnie voit aussitôt avec qui il
se trouve, car il est profond observateur. II doit a la société policée dans
laquelle il vit une parfaite courtoisie, il est tenu aussi de lui procurer les
avantages d'une conversation nourrie d'allusions classiques, de beaux
vers déclamés avec grâce et avec force, de nobles pensées bien dites et
présentées au bon moment. D'ailleurs, ces devoirs de société n'empêchent
pas qu'une certaine arrogance de bon ton, un certain mépris des hommes
et des choses se mêlent chez tes amis et chez les hôtes au langage le
plus raffiné 1 .
La longue hérédité de culture se manifeste chez les Persans, peut être
plus que chez les autres peuples ayant eu derrière eux un passé cent
fois séculaire de civilisation. Telle est la cause pour laquelle la régres-
sion qui s'est opérée dans la vie du peuple choque davantage que
ne le ferait sa mort. Que Babel soit tombée, que Xinive ail été recou
verle par tes sables, la fin naturelle de toutes choses veut qu'il en soit
ainsi : ce qui a vécu retourne ù la poussière. Mais quand même, la Perse
vil encore dans sa décadence profonde. H y avait là des millions
d'hommes, ils y sont toujours, quoique diminués : des villes populeuses
1. Hermann (Armioius) Varabéry, Siuenbîlder aus àem Morgenlande t p. 137 et
suivantes.
t
GRANDEUR DE 1.A PERSE ^97
s'élevaient au milieu de» jardins de roses, toutes ne sont pas démolies et
tes rosiers fleurissent, La tangue, si riche et si belle, est restée l'une des
plus appréciées et des plus influentes de l'Asie; elle se répand, modifie
tes parlers voisins, agit sur ta littérature contemporaine; en chaque
siècle» depuis Firdouai, dos poètoa ont fait revivre le passé dans la splen-
deur de leurs vers et des hommes émlnents ont témoigné de la persis-
tance du génie iranien; de nos jours môme» les BAIri, ces héros qui
Cl. du Oeopr. Journal.
COLOKHS DAK8 LB &ÊSK&T AU JSUP'RST PB KIRMAN
D'après une photographie de P. Moles worth-Sykes.
Ce piller, de 16 m. 4e haut, destiné à jalonner la route, date de l'époque Seldjoucide.
voulaient ouvrir la « porte » d'un nouveau monde de justice et de bonté»
nous ont montré une vertu de dévouement et une grandeur d'ûme qui
n'ont jamais été dépassées. Ces hautes manifestations de la vie morale
témoignent que le flux intérieur n'a point tari : il ressemble à ces kanal
ou canaux d'irrigation dont on ne voit point briltcr les eaux et dont on
n'entend point le murmure, mais qui n'en fertilisent pas moins le sol et
font s'épanouir les (leurs. Tout nous clame que si la force de l'Iran est
assoupie, elle n'est point détruite et qu'un flot pur continue de couler
mystérieusement sous le rocher brûlé.
Les Persans proprement dits ont le très grand mérite d'aimer
ia paix, d'éviter avec soin toute occasion de dispute. Les armées du chah
se composent presqu'uniquement de Turcs, hommes qui ajoutent aux
L'HOMME ET LA TERRE. — RUSSES ET ASIATIQUES
mœurs violentes de la soldatesque de redoutables caractères ataviques*
car ils descendent de pillards mercenaires appelés dans lu contrée pour
en contenir les habitants : ils sont conquérants par hérédité ; de tout
temps, même lorsqu'ils n'étalent pas encadrés en régiments et en batail-
lons et ne recevaient pas les ordres directs de leurs chefs, ils s'imagi-
naient volontiers avoir le droit de verser le sang. A cet égard leur
mentalité nous parait plus qu'étrange : ils se font fastueusement cadeau
des meurtre» qu'ils ont commis, tant cet acte leur paraît noble et digne
d'envie. « Je te donne ce cadavre comme si tu l'avais tué » ; et l'ami
accepte orgueilleusement le don sinistre qui fait de lut le meurtrier. Ce
sont mm tes Turcs qui, dans les derniers siècles, ont imposé des souve-
rains a la Perse, La famille actuellement régnante appartient à la tribu
des Khadjar, dont le domaine originaire se trouve à l'angle sud-oriental
de la Caspienne, constituant le territoire stratégique d'Asterabad. Avant
les Khadjar, une autre peuplade turkmène avait conquis la prééminence
guerrière et dotnina tout le monde iranien dans la personne de Nadir-
chah, le « Fils de l'Epée ». Cette tribu est celle des Afolmr, qui vil dans
les hautes vallées de l'Atrek et du Gurgen, disputant à des Kurdes, trans-
plantés loin des monts arméniens, la possession de ces parages.
Eh bien I chez ces soudards même, la puissance d'attraction exercée
par la civilisation iranienne est si forte que tous l'acceptent sans protes-
tation et cherchent à s'en réclamer. Nombre de tribus qui sont très sûre-
ment de provenance turkmène ou sémitique parient le persan aussi bien
que les Farsi de Chiras. Dans les districts presque exclusivement turcs,
comme certaines parties de l'Azerbeidjan, la population est en maints
endroits devenue bilingue, la langue turque se dégradant peu à peu à
l'état de patois, tandis que le persan prend le caractère de langage
noble; la famille régnante, de môme que celles des principaux digni-
taires, issus également des Khadjar et des Afchar, gens réputés impurs,
cherchent à se prouver qu'ils sont bien de la grande race iranienne, et
les vers qu'ils apprennent, ceux que l'on récite ou chante devant
eux dans les banquets célèbrent les merveilleux combats de Hustem et
de Feridun contre les impurs démons des nuits, c'est à-dire contre les
ancêtres mêmes de ceux qui prétendent les célébrer. Pareil phénomène,
on le sait, se produit dans toutes les contrée* où des conquérants
barbares se trouvent en contact avec des vaincus de beaucoup leurs
supérieurs en culture, Ainsi les Mandchoux s'efforcent de devenir Chl-
ORGANISATION DBS TOL'IUNIKNS
m
nota et lo deviennent on effet: l'incontestable supériorité de ta civilisa-
tion iranienne u pénétré profondément tous tes éléments du pluU»qii.
POBTB DB MOSQUB8 BN TUBKBSTAN
d'après le tableau de Veroschagin.
Même dans l'Orient, elle s'impose à tous les voisins. Les Turcs
d'Europe parlent à demi persan et ce qu'ils ont d'architecture est entiè-
rement dérivé des monuments de la Perse. Du côté du nord, avant que la
bQO L'HOMME KT M TEftRK. — HUflSES ET ASIATIQUES
Russie fût intervenue, tous progrès, ca science et m industrie aussi
bien qu'en art, avaient pour patrie originelle les plateaux limités au
nord pur le Caucase transcaspien, et, (tu côte 1 de l'est, cette même civili-
sation eut une telle influence que plus de deux cents millions d'individus
parlent dans l'Inde des langues dérivées du persan pour une large part :
les Anglais furent môme sur te point de faire (te rhhidoustuni le parler
officiel de toule la péninsule. Que serait-ce donc si, au lieu d'apprécier
seulement l'influence exercée par la nation persane depuis Mahomet,
on embrassait, dans le cycle do l'œuvre iranienne, toutes les populations
qui se glorifient d'avoir pour idiomes des langages provenant de celui
des Aryens protohistoriques! Ce n'ont plus alors l'Orient, mais le monde
entier qui aurait stiliî L'action prépondérante des peuples ayant vécu
tu haut sur les terres iraniennes. Les Persans actuels, en y comptant les
ullophyles de toute race, ne sont probablement qu'au nombre de sept
millions, et tous les Européens, Américains, Australiens, Hindous qui
se réclament directement, a tort on à raison, du sang aryen, tous ceux
aussi qui, en justice parfaite, peuvent du moins affirmer qu'ils appar-
tiennent à la mérne sphère de rayonnement intellectuel représentent
une multitude cent fois supérieure a celle de liranie, au moins sept
cents millions d'individus. On pourrait y ajouter les cinq cents millions
d'habitants de l'Asie orientale, puisque ccu.v-là aussi, par ['intermédiaire
des Hak ou « Cent familles ». ont reçu l'impulsion première des immi-
grants d'Klain, c'est-à-dire des montagnards iraniens*.
EnlliK en présageant le cours de l'histoire, tel qu'il s'anuouee dans
un avenir prochain, connue si les événements étaient accomplis déjà,
u 'est-il pas do foute évidence que tous les peuples de la terre se dirigent
dans le sens j ndiqué par le mouvement des idées aryennes? La civilisation
contemporaine dans son ensemble, avec son cortège de sciences et de
philosophie», ne peut se concevoir autrement que rattachée par mille
Liens au monde aryen, et, par conséquent, nous avons tous à considérer
comme une patrie des âmes cette haute terre du continent asiatique,
où se parle la langue originale de notre pensée commune.
La situation humiliante que la Perse occupe parmi les Etats
ne diminue aucunement l'importance virtuelle de la contrée dans
l'ensemble géographique de l'Ancien Monde, et, quand les peuples ne
1. Terrien de la Conperîe, passim. ~ Voir premier chapitre du loiae III.
26
FUTURE ROUTK DES INDES 6o3
seront plus livrés Aux caprices des conquérant» et clos rois héréditaires,
quand l'homme, suivant l'antique prophétie, aura procuré là victoire
définitive au vieil Orinunl, le génie du Bien, par l'acuité de son intelli-
gence et le forée de son bras, la Perse reprendra les avantages qu'elle
eut autrefois dans l'économie générale du monde. Ce qui fit jadis son
importance, c'est d'avoir été le lieu do passage obligé de tous les progrès
entre les peuples de l'Orient et ceux de l'Occident : elle reprendra ce
rôle d'intermédiaire naturel pour l'Inde et l'Europe, car la géographie le
veut ainsi. De même que la route océanique si détournée qui doublait le
continent africain par le cap de Bonne Espérance a été remplacée par la
voie relativement courte qui passe par le canal de Suex, de môme cette
ligne de navigation devra laisser un jour ses voyageurs nu chemin direct
de 8 ooo kilomètres qui, par Vienne, Constantinople, Bagdad, Ispahan et
Kandahar, ou par Perekop, Kcrlch, Tiïlis et Téhéran, transportera les
Occidentaux en moins d'une semaine a Kuratchi, à Bombay, à Delhi,
dans n'importe quelle cité de l'immense réseau de l'Inde. Ce pays de
l'Iran, duquel les voyageurs s'écartent prudemment aujourd'hui, devien-
dra un centre d'appel où convergeront les voies majeures de la civilisation.
Les Occidentaux upprendront alors à connaître mieux leurs frères de
langue, de mœurs et de génie, dont tant de siècles de culture différente
les avaient éloignés, et renoueront avec eux les liens de la parenté antique.
Ils comprendront aussi pourquoi la lutte d'influence entre l'Angleterre
et la Russie a propos du territoire persan a duré pendant des générations
et soulevé tantde haines. La possession de Constantinople pour laquelle
on a versé tant de sang ne vaut pas celle des chemins, aujourd'hui presque
déserts, qui se rencontrent dans les marais du Scïstan.
A Test de la Perse et de l'Afghanistan, le front de bataille se continue
pourles deux puissances en conflit; mais, dans cette région, les conquêtes
de la Russie, bien différentes en cela des annexions de territoire faites par
l'Angleterre» ont cet avantage capital de s'accomplir comme par un phé-
nomène de croissance naturelle etsui vaut des loisd'afftnité géographique.
Chaque pays limitrophe s'agrège facilement à la contrée voisine déjà con-
quise. De même que l'Arménie du sud continue naturellement les vallées
et les montagnes de l'Arménie du nord ; de môme que les rives méridio-
nales de ta Caspienne complètent harmonieusement le cercle du littoral
russe ; de môme le cours de l'Oxus se continue par de hautes vallées jusque
Vl 26*
5o/t
LHOMMK ET LA ÎEftllE.
RUSSES ET ABUTIQUES
sur les terrasses neigeuses qui dominent l'Inde; le prolongement normal
des plaines do la Sibérie du sud se fait vers la Mongolie, sur le revers de
l'Altaï et du Sayan ; jusque dans l'Océan pacifique, l'Ile de Sakhalin se
poursuit au sud par la terre de Yéso, dans laquelle les ethnologisles
retrouveraient à souhait des Aïno barbus, frères des moujik de la
Grande Russie. Tout rattachement d'un nouveau domaine & l'immense
empire était ainsi, sinon justifié, du moins expliqué, excusé d'avance,
sous prétexte de cohésion
géographique. Munis de ces
ruisons paraissant bonnes
aux favorisés du sort, les en-
vahisseurs russes pouvaient
ainsi marcher de proche en
proche jusqu'au fond de la
Chine et, certes, ils n'y au-
raient pas manqué, s'ils n'a-
vaient rencontré sur leur
chemin de redoutables adver-
saires.
D'ailleurs, ce n'est pas
seulement la continuité géo-
graphique des territoires qui
facilite l'oeuvre de conquête,
les conditions ethnologiques
sont également favorables
aux empiétements de la Rus-
sie, Les adversaires qu'elle rencontre sont des frères de race pour un
grand nombre des allophyles qui peuplent l'empire. Les Turcomans, qui
se défendirent avec une si extraordinaire vaillance contre les Russes de
Skobelcv, se sont réconciliés facilement quand ils ont vu dans les rangs
de l'armée moscovite d'autres tribus turcomancs, ayant leurs mœurs,
leur langue, leur mentalité. Les Kirglm de la Kachgarie reconnaîtront
comme des compatriotes ceux qui leur viendront des steppes occiden-
tales, et des Boudâtes aux autres Mongols, la transition sera presqu'în-
scnsible.Par la force même des choses, les Russes ont suivi la méthod
des chasseurs d'éléphants sauvages qui introduisent des animaux domes-
tiques dans l'enclos où se démène le captif pour le calmer et l'accou
TYPE XIBQBtZ
LES RUSSES EN ASIE
5o5
tumer graduellement à la servitude. Tous tes types asiatiques sont repré-
sentés dans la Russie d'Europe — même tes Katmuk, ~- et peuvent
se montrer en Asie comme autant de Russes authentiques. Ils le sont
d'ailleurs par le consentement universel, quelle que soit ta diversité des
origines, Un admirable voyageur, Poianin, n'est-U pas à la fois Sa-
moyède et Musse!* Nul ne s'occupe de rechercher quelle proportion de
sang slave coule dons ses veines. Des écrivains polonais, ennemis
Irréconciliables de In Ruesic, et
en même temps fervents adeptes
de lu théorie d'après laquelle lu
suprématie intellectuelle et tno
raie appartient à la prétendue
« race » aryenne, se plaisaient à
rejeter les « Moscovites » en
dehors de ce monde privilégié, et
h voir en eux de» métis de Mon-
gols, des Asiates, et non des Eu-
ropéens. Mais c'est précisément
parce que cette thèse a une part
de vérité que les Russes s'asso-
cient facilement h leurs voi-
sins tes Orientaux par le gé-
nie naturel ci les entraînent en
peu de temps dans leur orbite.
Au nord-est de l'Afghanistan, la forme géométrique du sot adonné de
grands avantages à la Russie, du moins par l'accroissement de son pres-
tige militaire. En effet, des postes de soldats occupent des points domina-
teurs sur les plateaux pa m irions et pourraient à l'occasion descendre
sur le versant méridional de rHindu-kuch dans le Kachtniret le Katîris-
tan, au cas 1res improbable où des expéditions stratégiques de quelque
importance seraient possibles dans celte région des glaces et de la mort. Au
point de vue politique» ces détachement» de troupes alpines n'ont d'im-
portance que parce qu'ils attirent l'attention des peuples citron voisins et
leur montrent, comme une sorle de symbole fatidique, des représentants
armés de la nation militaire invoquée par les uus, redoutée pur les autres.
Déjà, dans la grande plaine de la Kachgaric, qui s'étend u l'orient des
Pamir, la puissance de la Russie, quoique figurée par un simple décor,
Ct. Pftûl Sommier.
TCukHkmmtt obs mosts ou bal
5o6 ï/HOMMB KT LA TERRE. — RUS8KB ET ASIATIQUES
est gouttant considérée comme un fuit matériel et indiscutable : on nous
dît qu'en l'aimée 1897» le consul général de Russie établi h Kachgar
disposait en réalité, grkcà h» pelitc troupe de 6$ Cosaque», du pouvoir
effectif de ionien les contrées qu'arrose te Tarim\ l'autorité ehiuoise
n'existant guère que pour la forme. A vrai dire, le fait a été contesté par
d'autre» voyageur»; il est probable qu'il a été temporairement exact.
Quant auTibet et a la Mongolie, il est difficile de savoir jusqu'à quoi
point avait été poussé le travail d'annexion à la Hussie avant la guerre
de 1904* puisque le mystère des couvents bouddhistes permet aux
diplomates de cacher leurs agissements. On sait seulement que le palais
du DataMama, si soigneusement interdit aux voyageurs ordinaires et
même a des hommes de la valeur intellectuelle et de la notoriété d'un
Sven Ifedin, s'ouvre, on du moins s'ouvrait facilement a tel moine
obscur, fidèle sujet du tsar blanc, et on sait que des cadeaux s'échan-
gaient entre les deux souverains, accompagnés de papiers importants ou
se règle le destin des peuples d'Asie centrale, en dehors de leur volonté.
En Mongolie, mômes allées et venues des pieux émissaires dans
les grandes bonzeries qui gouvernent les tribus nomades, car les
Mongols ne sont plus la terrible nation des gens de guerre, qui, saisis de
la folie des aventures, descendaient en déluges irrésistibles sur la
Chine ou sur l'Europe. De modernes évaluations, qu'il est impossible
de ne pas croire exagérées, nous disent que la population mongole
serait en majorité composée de lama : dans les régions orientales, les
parents consacreraient deux enfants sur trois à la prêtrise \ Le gouver-
nement chinois aurait grand intérêt ù voir décroître la natalité d'année
en année chez ces Mongols redoutés qui mirent si souvent l'empire en
danger. De leur côté les conquérants russes peuvent marcher de
l'avant, sans avoir à s'inquiéter de celte tourbe d'assouvis, occupée seu-
lement de son salut spirituel et des moyens de l'atteindre, prières, génu-
flexions, balancements de la tôle et des membres. Ou le voit, les Occi-
dentaux, représentés spécialement par le* Russes, n'ont plus h craindre
maintenant, connue leurs ancêtres slaves ou snrmutes, une invasion des
Huns : oc ne sont plus les Mongols qui débordent sur l'Europe. Bien au
contraire, ce sont les Européens qui débordent surtout l'Extrême Orient,
les uns Anglais, Allemands, Français, dans les ports du littoral, les
i Hotderer, Bulletin dû h Société de Géographie, 2* trlmeatw 1899, p. 203. —
2. Marcel Monnier, le tour (CAsie, C Empire du Milieu, p. 126.
PÉNÉTRATION RUSSE DANS l/ EMPIRE CHINOIS
J07
autres, Russes, dans le» régions de l'intérieur. Dans ce mouvement
général d'invasion, l'action des Slaves est de beaucoup la plus impor-
tante* car les Européens qui s'établissent dans les réglons entières ne s'y
fiient 'guère à résidence définitive : ils ne s'y trouvent pour la plu-
part qu'en étrangers et sans famille, tandis que tes tinsses, venus par la;Si-
béric, se fixent d'or-
dinaire sur le sol t»t
y font souche en se
mélangeant aux po-
pulations indigènes,
qu'ils s'assimilent
graduellement. Le
territoire des Jaunes
est ainsi définitive-
ment en val 11 et de-
vient part intégrante
de Taire de civilisa-
tion européenne. Or,
si arriérés qiiCKoient,
en majorité, les co-
lons slaves de l'Asie,
il n'en est pas moins
vrai que, dans l'en-
semble, ils portent
avec eux la pensée
européenne, c'est iV
dire le progrès, te
philonéisme.et l'em-
portent en valeur
virtuelle sur la cul-
ture chinoise, misonéiste, tournée vers le pusse. Le changement d'équi-
libre a été complet pendant ces deux mille années.
Toute la partie septentrionale du continent, la Sibérie, esfdéjà une
« Kussie d'Asie », malgré le gouvernement lui-même qui s'ingéniait
depuis l'époque divan le Terrible à faire de ce territoire un simple
domaine d'Etat sans libres relations avec les provinces européennes. Le
commerce était strictement monopolisé, l'immigration n'était tolérée
90CULI8TK8 KtJ89EB CONDAMNÉS A03C TRAVAUX FORCÉS
5o3 L'HOMME ET LA TEIUtE. — RUSSES ET ASIATIQUES
que suivant certaines règles et en des régions désignées, même elle m
se produisit guère que grâce à des bandes de fugitifs échappés à la servi-
tude. Les valide» de l'Altaï sans exception restaient interdites, même
aux colons libres. La contrée était tout entière domaine impérial réservé
aux serfs qu'on y envoyait pour l'exploitation directe des mines. Le reste
du pays était surtout considéré comme une grande prison où, suivant la
gravité des délits et des crimes, le pouvoir distribuait les punitions,
condamnant les ( uns à une résidence fixe, les autres au séjour dans une
forteresse, d'autres encore au dur travail des mines ou à la captivité du
bague. C'est par dizaines de milliers que les malheureux criminels civils,
vagabonds ou condamnés politiques, les meilleur» hommes, l'élite do la
Russie, étaient menés d'étape en étape par-dessus In frontière de l'Oural
et se répartissaient diversement dans l'immense étendue silurienne,
jusque dans les tundra glacées du littoral polaire. Mnis en peuplant
la Sibérie de ses adversaires politiques, le gouvernement russe s'expo-
sait à développer les tendances séparatistes des Sibériens, el peut-être
que ceux-ci eussent tenté de se rendre indépendants, si les populations
indigènes, d'origine mongole, turque, mundchouc, n'avaient eu le temps
de se mêler intimement à lu partie indifférente de lu population russe
et de former avec elle une musse veule, assouplie a toutes les servitudes.
D'ailleurs, la Sibérie tenait a la Russie d'Hampe par un véritable
fil, lien matériel qu'il eût été difficile de rompre parce que tous avaient
intérêt a le garder. Ce lieu qui maintient l'union politique des deux con-
trées d'Europe et d'Asie, c'était la grande roulis le trukt* qui réunissait
le seuil de l'OurnL entre l'erm et ^éku 1er in eu bourg, au lac Baïkal et uu
fleuve A mur. Iles avenues ouvertes à la hache duns l'immense fai'ya ou
forôl m noire »> , des jionts sur les ruisseaux, des bacs sur les grands fleuves
rattachaient, en une ligne continue de plusieurs milliers de kilomètres,
les diverses pistes frayées îi travers sables, boues ou rochers. Le convoi de
charrettes, ou de traîneaux, suivant la saison, se mouvait lentement en
longues iiles sur l'interminable route; cependant, après des semaines ou
des mois, voyageurs cl marchandises finissaient pur arriver au lieu de
destination. Des lieux d'étape, qui étaient eu même temps des marchés,
des rendez-vous de population, se- succédaient de distance en distance et,
dans les endroits les plus favorablement situés, des rangées déniaisons
bordaient le trakt sur plusieurs lieues de longueur. C'est aussi le long du
Irak! que naquirent toutes les villes de la Sibérie méridionale, là où des
COLONISATION DK LA SIBÉRIE
60Q
groupes de peuplement ne l'avaient pas déjà précédé. H est curieux de
voir par les cartes de densité kilométrique combien la population s'est
pressée spontanément sur le parcours de la ligne de vie, qui est le véri-
N» $15, Sibérie Centrale.
1: 20000000
*
SÎT
TjboKil.
table prolongement de l'Kuropeù travers la masse continentale de l'Asie.
Dans l'histoire de la civilisation générale» le trakt prit certainement
une beaucoup plus grande importance que n'en possèdent les fleuve»
eux* mômes, ces admirables voies de communication que fournissent
5lO L'HOMME ET LA TERRE. — RUSSES ET ASIATIQUES
l'Ob\le YeniseY, ta Lena avec leurs nombreux affluents. En effet le trakt
se développe de l'ouest à l'est, il constitue tu moitié* de la voie qui
réunit l'Atlantique au Pacifique, tandis que les fleuve» s'écoutent unifor-
mément vers le nord, dans la direction de» tundra inhabitables.
Cependant ces puissants cours d'eau sont devenus, eu* aussi, les véhi-
cules d'une circulation vitule très active dans tout leur réseau méri-
dional, grâce à la vapeur qui les utilise pendant la moitié de l'unnée
POÎÎT W TBAX88IBÉRIEK SUR l/OB*
où il» sont libre» des places. Même dans leurs estuaires du nord, l'Ob'
et le Yeniseï s'ouvrent graduellement uu commerce de l'Europe. Ce
« passage de l'est >» ou du « nord-est »> , que cherchèrent pendant longtemps
les navigateurs anglais et hollandais, avait fini par tHre considéré
comme impossible avant l'expédition qui rendit u jamais célèbre le
nom de Xordenskjôld, mais il deviendra certainement facile à une
époque rapprochée de nous et prendra une réelle importance écono-
mique dans le commerce du monde, car les obstacles, jadis presque
insurmontables, sont de ceux que Ton peut écarter. D'abord le régime
des saisons, l'étal des glaces sera de mieux en mieux eiinnu et prévu, et
la meilleure construction des navires, leur outillage plu» puissant et
TRAKT ET FLEUVE» SIBÉRIENS 5n
plus complet permettront aux marins do traverser te» banquises. Lors-
que l'appel du commerce des fleuves sibériens aura rendu nécessaires les
communications par ta voie maritime, des équipages se trouveront pour
les frayer.
Le trakt a perdu de bou importance relative depuis ta construc-
tion du chemin de fer transcontinental que les voitures parcourent
actuellement on moins d'heures que les chars des caravaniers ne met-
talent de Jours autrefois, mais lu route nVn cal pas moins indispensable
VILLAGE D'USOLA, SU» LB TRAKT, PRÈS D*IRKOUT8K
Ct. &OQh&t«hevtftl.
au trafic intermédiaire. Evidemment la vie se portera plus intense vers
les villes qui jalonnent la voie nouvelle à une distance moyenne de
rclai, et qui, par une révolution presque soudaine, se trouvent entraî-
nées dnns Taire d'attraction des grandes cités européennes. Vn porterie
la Sibérie, Vladivostok, la « Dominatrice de l'Orient,», sert officielle-
ment de gare terminale sur le Pacifique au chemin de Torde i'Ëurasie,
mais une voie d'embranchement, qui est déjà devenue la ligne maîtresse,
se ramitie vers le sud pour aller rejoindre le golfc de Pc-lcliili et la mer
de Corée, sous un climat plus bénin, où l'on n'a pas a redouter la
fermeture des ports par les glaces de l'hiver. Mnly, lu « lointaine »,
appropriée par laHussic durant» courte période d'extension rnandehou-
riemie complète, Port-Arthur, à l'extrémité de lu péninsule avancée
5ï2 L'HOMME ET LA TERRE. — RUSSES ET ASIATIQUES
de Liuo tung; les deux cités forment un ensemble maritime complet
avec port de comment port de guerre, arsenaux et chantiers. Pour aller
rejoindre ces villes neuves, construites en plein territoire, sinon chinois,
du moins de civilisation conmeientte, il a fallu traverser montagnes,
plaines et fleuves de la Mandchourie et y bâtir, de distance en distance,
non seulement des stations, mais aussi des forteresses et des villes où la
population s'est rapidement amassée. Gomment les diplomates de toute
nation pouvaient-ils feindre de croire à la prochaine évacuation de la
Mandchourie par les armées d'occupation russe, alors que celles-ci
avaient a garder tout un réseau de voies ferrées et les villes d'étape?
En effet, tes Russes s'étaient engagés à évacuer les campagnes mandchoues
dépourvues de routes, niais n'est-ce pas alln de se concentrer le long
des voies stratégiques? Autant dire que, dans une mine, ils garderaient
seulement les veines de métal.
La révolution que cette voie nouvelle introduit dans la circulation de
la vie à la surface de la Terre fera sentir rapidement ses effets. Le chemin
transcontinental ne fut guère utilisé tout d'abord que pour le transport
des troupes: les intérêts stratégiques primaient toute considération d'uti-
lité nationale ou internationale, cl, d'ailleurs, l'état rudimentaire de la
voie, aux ponts branlants, à l'outillage iusuflisant, ne permettait pas
l'organisation de trains pour le commerce et le transport régulier des
hommes et des marchandises. Puis on s'est occupé de faciliter les voyages
aux gens des classes fortunées et d'agencer des trains de luxe de Calais
a Peking; le changement sera très considérable dans la direction et le
mélange des éléments ethniques, puisque les raisons d'économie et de
rapidité feront préférer la voie directe par terre au long détour maritime
par la circumnavigation de l'Asie. Mais la force de» choses entraînera
bientôt l'utilisation démocratique de la voie nouvelle, et le va-et-vient
des émigrants travailleurs entre l'Europe et l'Asie s'accomplira sans
peine, bien autrement important dans ses conséquences que ne le furent
autrefois les débordements de Huns ou de Mongols.
Et, cependant, ces premiers résultats d'une incalculable valeur histo-
rique ne seront qu'un faible commencement, car le chemin de fer
sibérien ne suit pas le tracé direct que l'attraction mutuelle des nations
finira par imposer aux lignes de circulation majeure entre l'Europe et
l'Asie. D'abord la Chine elle-même continue son réseau de voies ferrées,
ce qui doublera, centuplera sa puissance d'appel sur l'Europe et modi
VOIE TBANSSIBÉHItïNNE 5|,«J
fiera en outre toute la vie sociale des Enfant» de Han, car, en ce vaste
pays, les transporta utilisent surtout l'admirable système fluvial
!»• SIC Province du Sz«tehuen.
i: eoooooo
100
200
Too Ml.
et les voyageurs vont généralement à pied, les routes de voilure
ayant ainsi beaucoup moins d'importance que les sentiers, souvent
tracés économiquement sur la crête des digues fluviales et des levées
5l4 L'HOMME Et LA TERRE. ~ RUSSES ET ASIATIQUES
entre les champs; même en territoires do montagnâB on avait fréquem-
ment remplacé des chemins par des escaliers attaquant de front les
escarpements : de» centaines, des milliers de marches mènent de la
plaine inférieure aux pâturages d'en haut, arrosés par les pluies ou
strié» de neiges, Sur la route principale qui réunit ta vallée de Ouan, sur
le Yang-tse, à Tcheng~tu, la capitale du Szetchueit, toutes les escalades
de monta se font ainsi par clés marches de granit étagée* sur le flanc des
rochers : le col de Chen-kia-tehao, haut de 835 métros, présente une
superbe volée de cinq mille gradins * .
La transformation de tout cet antique outillage, tran formation qui a
durd des siècles en Europe et qui sera dans l'empire du Milieu l'œuvre
de quelques décades, nécessite ru certainement dans un avenir très pro-
chain le rattachement direct de l'Europe à l'Asie d'Orient par les voies
qui passent au nord ut uu sud du Ttan-chan. Les antiques chemins des
caravanes de la « Soie » et du « Jade » se rouvriront sou» une forme
moderne, ayant toutes pour ohjcetif la Chine centrale, dont le point vital
par excellence est le coude supérieur du Uoang-ho.au grand tournant
de I,an4chéu. En dépit de sa politique d'isolement jaloux, et contraire
meni à la volonté de ceux qui la gouvernent, la Russie deviendra forcé-
ment le lieu de passage le plus actif entre les deux moitiés de l'Ancien
Monde. Cette m£mc contrée, qui, jusqu'à une époque récente, était
murée, pour ainsi dire, sans libres communications avec la mer, possé-
dera désormais les principaux carrefours de la grande voie internationale
entre l'Occident et l'Orient : d'avance on peut désigner ces points vitaux \
Mais au point de vue politique, ne voit-on pas aussitôt que celle
attribution économique* a la Russie des voies de communications traits-
asiatiques aura pour conséquence d'exposer aux entreprises de L'empire
occidental toute lu partie de la Chine au nord du fleuve Jaune. En effet,
la capitale uctuelle de la Fleur du Milieu est située a l'extrémité septen-
trionale de la Chine proprement dilc, au point de croisement formé par
deux grandes) voies, celle» qui descendent de lu Mongolie et de la Mand-
chou rie vers les plaines du Pe-Mto et du Hoang-ho, tes nécessités de la
défense le voulaient uinsi, mais les Chinois se trouvent aujourd'hui en
face d'un ennemi qui peut les attaquer non seulement île front, par la
Mandchourie et la Mongolie, muis aussi de flanc pur les chemins qui
t. Isabelle Bishop, Journal of the ft. Géographie Society, July 1897, p. 21 —
2. Voir Carte à la page 521 .
5i5
FUTURE VOJK tt'ORIEKT
descendent du Tian-chan cl du Pamir, Ce «ont là dp» circonstances
tout à fait imprévues qui changent absolument ta valeur de» anciens
Imités géographique». Toutefois lu Chine n'est plus seule à défendre les
points menacés de «ou territoire, Là encore la lùissie agressive retrouve
les adversaires qu'elle a dan» l'Asie Mineure, en Perse, dut» l'Afghanis-
tan, sur les frontières du Tibet : sur l'immense pourtour de l'empire,
UNE DBS BUES PRINCIPALES DE MOITKDEN
Cl. ï\ SelHw,
partout 80 déroule le conflit en Ire l'Angleterre et la Hussic. En Chine»
la lutte est en outre singulièrement compliquée par les agissements de
toutes les puissances du monde, le Japon en léle, puis la France, l'Alle-
magne et jusqu'à la petile Belgique, ayant toutes à s'assurer soit des
territoires, soit des concessions ou des marchés.
Môme si la Chine devait être conquise, militairement occupée par des
soldats étrangers, régulièrement administrée par des fonctionnaires
européens, elle n'en resterait pas moins lu Chine parles mœurs et le
génie de ses habitants. De même que lTlalie, asservie aux rois d'Espagne,
aux empereurs allemands ou autrichiens, aux armées républicaines et
5i6 l'HOMWB RT 1.A TKRRE, ™ RUSSKS Et ASIATIQUES
impériales de la France, n'avait aucunement censé pour cela d'être par
«on territoire une « expression géographique » bien nettement délimitée,
et par sa population une a personne ethnique » des mieux caractérisées»
N» 617. Pékin et la Mer Jaune.
E.titoGr. tw*
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1: 6 000 000
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o m 200 300KII.
ka baie au ba* de la carte est celle de Kiao-tchéou, concédée au gouvernement allemand.
de mémo la Chine subit toutes les invasions, non certainement sans en
être modifiée, du moins sans en être entamée dans sa personnalité natio-
nale. Elle a la force invincible que donne la patience, et le temps finit
toujours parlai donner raison. Même en dehors de la Chine là où des
FORCE INVINCIBLE DE LA CHINE
a
«7
colonies chinoises ont pris racine, elles se maintiennent grandissantes,
fnassimi lubies, an milieu des populations hétérogènes, cherchant tou-
jours a se gitiupcr, anit dan» un quartier distinct, soit même dons une
N* 51 a Péninsule de Uto-tufig,
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E.doGr. t«0«
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100
200
300 KiL
ville séparée. Ainsi, près de Saïgon, les Chinois ont construit les hulteset
les baraquements de Cholon, une ville particulière, que découpe un
réseau de coulées naturelles et de canaux fourmillant de jonques et de
bachots. Ils sont bien là chez eux, et certes bien plus solidement assis
que leurs voisins de Saïgon, les fonctionnaires et les soldats français.
Du reste, la prodigieuse force de résistance que présentent les Chi-
5i8 l'homme et la terre. — RL'&BE» et asiatique
nois aux tentatives d'assimilation exercée» contre eux ù l'étranger est
un fait si bien connu qui! faut y voir certainement une des causes de
l'empêchement que l'on met à leur séjour aux Etats-Unis et en Australie :
on craint que, dans la concurrence vitale entre nattons, la solidarité des
instincts vl des intérêts leur donne une trop forte prépondérance. Ce
qui fait ta force de ta Chine, c'est précisément son apparente faiblesse,
tille n'a pas lu cohésion politique donnée par l'unité de pouvoir et par
une rigoureuse centralisation, mais chacune des cellules qui composent
le grand ensemble chinois ressemble uux autres par sa morale, ses ten-
dances cl nu vie. Chaque groupe de familles pense de ta môme manière,
se donne le même idéal, oppose à toul changement la même force de
résistance, Qu'importe si le navire est percé a l'un ou l'autre point de
sa carène, puisque Ioub les compartiments en sont élunches * ?
Môme les Chinois de lu vieille souche ont encore conservé à l'égard
du monde extérieur, \ compris l'Europe, leur force d'initiative morale.
Aux yeux de ces philosophes conservateurs, les étrangers qui les
entourent ne sont pas nécessairement des u barbares », comme relaient
pour les Grecs ceux qui vivuient en dehors de leur microcosme hellé-
nique : ils voient en eux des hommes qui n'ont pas encore compris les
principes sur lesquels repose le « royaume du Milieu ». Le devoir des
Chinois est doue de donner à leur voisins ta vraie compréhension des
choses, ù la fois par la parole et par l'exemple. Il n'est pas étonnant que,
guidés parcelle théorie unitaire, les Chinois ne connaissent pas comme
les Européens l'idée de « patrie » et qu'Us n'aient pas même dans leur
langue un mot pour l'exprimer *. La vraie patrie est pour eux l'ensemble
du monde où l'on est arrivé a comprendre, comme ils le font eux-
mêmes, la constitution normale de la' famille et de la société.
Toutefois, la mobilité croissante de l'individu et l'ébranlement, la
destruction même des familles qui en est la conséquence présagent
aux populations de l'Extrême Orient une révolution sociale et politique
beaucoup plus profonde que ne l'ont été les bouleversements modernes
de l'Europe occidentale, amenés depuis de longs siècles pur des change-
ments graduels. La civilisation de la Chine et des contrées qui se
trouvent dans su dépendance morale, telles que le Toukin et laCoeUin-
chine, repose absolument sur l'unité de la famille, objet d'un véritable
1. Marcel Monnter, le tour d?A*i*, VEmpite du Milieu, — 1 Léon de Rosny,
Publ de la Soe. «f Ethnographie.
LA CHÏMB BT t'ïDÉK DE PATRIE 5 1&
culte; la famille chinoise. Mie est la religion de» Chinois, L telle est aussi
AOBBROB OHIKOrSlt. — LB BBPA3 DBS C00LÏ8
d'après le dessin de M. Oervaïs Courteltemeot.
la raison d'être de leur vie politique. La commune; est simplement une
fédération de familles, de môme que l'Etat est une fédération de
530 iZhOMMB KT LA TKRRE» — RUSSE» KT ASIATIQUES
communes. De h\ cette prodigieuse force do résistance que la civilisation
orientale dans son ensemble présente aux allmpies do» novateurs, à la
poussée de» millionnaires, des marchands et de» conquérants venu» des
contrées occidentales. Et cependant elle cédera, puisqu'elle n'est pas
d'accord avec les conditions nouvelles qui lui sont faites par le milieu.
Il est certain que lu civilisation chinoise s'est partiellement nu r vécue
et que le peuple se trouve» par conséquent, en état de régression, étui
constaté pur le prodigieux réseau de superstitions dont les n Knfants de
liait » se sont laissé enserrer et qui i» » eessé de s'acerottre avec In
succession des Ages. Le Chinois n'a pas la liberté d'esprit de l'homme qui
est plein de confiance eu sol- même et qui éprouve la joie de l'action.
Il s'est emprisonné dans ses pratiques « comme lu chrysalide dans le
cocon ». Il n'ose plus agir : chacun de ses actes «lait éïre réglé par un
jeteur de sorts ou un discorde bonne aventure; il se fait diriger par
la géomancie, la nécromancie, les mille ligures fugitives de l'air et des
eaux ; les esprits forts ne le sont qu'eu apparence, mais, tout en se
donnant un air dégagé, ils se gardent bien de risquer une action en un
lieu, un temps ou une compagnie détendus par les présages. Telle est
la raison pour laquelle les Chinois manquent fréquemment à des rendez
vou» donnés; ils en sont fort chagrins cl s'en accusent les premiers,
mais la destinée même leur défendait de tenir leur parole : ils ne pou
vaient courir au-devant d'un malheur qui pour eux était certain \
Les voyageurs qui ont étudié les mu-iirs ehiuoiscs parlent pour la
plupart avec étnnuement de lu superstition des indigènes, comme si
la grande moyenne des européens n'eu est pas avi même point, ou du
moins n'est que très partiellement dégagée des mêmes hallucinations
et des mômes pratiques. Lu principale différence dans les superstitions
de l'Orient et de l'Occident c'est que les premières sont <» nues » peut-on
dire. Les Chinois ne les entourent pas de tout un réseuu de cérémonies
religieuses réglées par un clergé olïieiel; uuii», que l'on reçoive ses amu-
lettes d'un prêtre établi ou de quelque nécromancien blotti dans une
caverne, le résultat est bien le môme : de part et d'autre, c'est de lu pièce
â étoffe ou do la médaille, du fragment de jade ou d'une coquille d'os
que l'on attend le salut. L'estampille est distincte, mais l'Kuropéen
comme le Chinois se laisse* aller volontiers à la peur, et, cessant alors de
1» Marc Monnier, U Tmir d*Axit\ V Empire du Milieu, pp. 360, 301.
BrPKRBTITlGN BN ClilNB Ht AII.MCUM OUI
raisonner, it a recours à toutes sortes do fétiches pour w» faire protéger
roi il iv It! mauvais sort,
lue autre différence do détail entre les superstitions orientales et
les superstitions occidentales est que cette» de* Chinois «ont plus mttu
listes que celle don Européens. Les l'un tome», qui ont au si grand rôle
dans lu mythologie chrétienne, soit «somme diable», soit comme rêve
mmts, vampiresou loups garnie, sont moins redoutés en Chine, proba-
blement purée que le eiiile des uueétres, entretenu uvee le plus grand
soin, a paeiilé la contrée. Les aïeu* n'ont pas ù se plaindre de leurs bis.
(pli IcuruHsurcnl des tombeaux bien entretenus et de riches offrandes:
mais les forces de lu Terre, toujours mystérieuse» et redoutables, peuvent
vUv souvent offensées sans que l'homme, si Iréie en fuee de ces puis
saiiees, snebe quel a été son crime : de là «les cérémonies coûteuses. île
fréquentes oraisons et des pratiques de toute espèce, pour lesquelles on
n'a pus ù consulter de prêt res proprement dits, inaisdesgéouiauciens, des
hydromaneiens, des astrologues, mille eliarlaluns plus ou moins
sincères, qui eoiistiluent bien l'équivalent du clergé. Les grands
fétiches qu'ils'agit de conjurera tout prix sont ceux du feittj rhoul.—vW\
a-dire« l'air et l'eau», — l'ensemblcde toutes les conditions du milieu el
le grand dragon, autrement dit la terre v i vante avec tout ce qui se meut à
sa surface et dans ses profondeurs 1 . Pour vivre en harmonie avec ces
forées, pour rythmer ses manifestations propres, chacun des actes de
sa vie avec les phénomènes de la nature, il faudrait avoir toutes les
sciences, el le Chinois, pas plus que les autres hommes, ne les possède :
il n'a (jue l'empirisme, plus ou moins fondé sur une certaine evpé
rience des choses.
Des écrivains ont émis l'opinion que Chinois et Occidentaux restent
mutuellement t ni péué trahies dans leur mode de sentir el de penser :
tout accord apparent, serai! forcément un malentendu, puisque
les mots eu* niâmes sont intraduisibles de langue à langue. Cela est
vrai partiellement, mais ne Test que pour un temps entre» tous le*
peuples, entre toutes les communautés distinctes. Lu compréhension
réciproque» d'abord impossible, puis difficile, ineumplcle et décevante,
ilnil par devenir entière chez des individus, d'abord exceptionnels, puis
de plus en plus nombreux, représentants avancés de leur lype tic race,
t. M. J. Matignon, Superstition, Crime et Mus ère en Chine,'p. 6 etsuiv.
V
27
jaa l'homme kt la tkrrk. — russes et asiatique
de nation ou de profession spéciale. A mesure que le» points tic contact
se multiplient, ta compréhension mutuelle s accroît: ou arrive a se
pénétrer l'un l'autre, non seulement par tu pensée, mais encore par
l'instinct. Mais il faut qu'il y «H sympathie, attraction naturelle : le
marchand qui ne voit dans ses transactions avec l'indigène que tien taëls '
ù tfitfrucr, le mittsionnuire <(iii se borne ù baptiser les mourants pour les
envoyer en paradis, le militaire qui gagne la croix en transperçant des
ventres de poussuhs, ceux là certainement ne Feront rien d'utile pour la
pénétration mutuelle des génies de l'Orient et de l'Occident et leur fusion
en une compréhension supérieure vraiment humaine. L'industrie euro
péeuue qui conquiert lu Chine fera tlt'jà beaucoup pour amener nue plus
intime union, car c'est a dos ouvriers chinois que sont confiés fenlretien
el lu conduite de tous ces engins révolutionnaires qu'un appelle bateaux
à vapeur, locomotives, dynamos. Bien plus, lu science, la vraie, celle
qui observe, expérimente et compare, pénètre dans les écoles chinoises.
Les géographes tic la Fleur du Milieu se résignent a croire que la Chine
ne constitue pus à elle seule presque Unit le monde habitable el que les
«barbares» n'eu occupent pas seulement les « coins», 'fous ceux qui
étudient changent l'orientation de leur pensée el l'ampleur de leur
horizon : aux ouvrages de Coufucius cl d autres philosophes moraux,
ils ajoutent t'élude dos économistes et des savants modernes de l'Ocei-
dftitl ; ils vont jusqu'à réformer leur pratique médicale, quoique les
médecins iPtëurope ne puissent pus encore leur apporter de métliodes
assurées pour le Irailemcnt de ehueun des cas particuliers. Tout change
et se transforme : lu musique de nos artistes européens, a Inquelle on
croyait les Chinois absolument rebelles, a fini par triompher de leur
atavisme, el Cunlou, Chungliuï, Im-tehéou uppréeienl déjà très
judicieusement la « musique de l'A venir .1.
Des puissances qui se disputent acluellemen Ides lambeaux du terri-
toire chinois, il 11*01 est en rculitt'» que deux dont les annexions puissent
cire considérées comme tle nature a repclrirla population locale au point
de l'absorber dans une nationalité différente. Cesdcnx puissances sont la
(hissie el lr Jupon dont les empires continent h celui du Milieu, el qui,
par la pénétration constante des immigrants et des mœurs, par des mu
ringes, arrivent à transformer les annexé» jusque dans leur conscience
politique, Pareil résultat oc saurait être évidemment dans l'ambition de
ta France, quelque étendue que puissent acquérir un jour ses emprises sur
PÉNÉTRATION DE LA SCIENCE EN CHINE 5a3
tes piminees méridionales : ae» gibets chinois noteront des Chinois. \m
N» 619, Vote» ferrées de la Chine.
IH°30'
iai«jo'
D'après Càùw et Beiyique, M'
ŒOBMINrs DB JT1SR
exploités; «***«*» en oonatruation; *— • «a projet; ..♦♦..«♦• ftiftui*.
t """-
t: 20 ooo ooo
200
600
1200 Kit,
u U x Y a»fE;^OBttfé»difDc»oment navigable entre Mchangct Tchung.Kingj ainsi s'explique
la nécessité d'une rôle ferrée parallèle au courant du grand flouvc.
(H'andc Bretagne, malgré toute son influence an point do vue de
V 27*
Ôilft L'HOMME ET LA TERRE, — RUSSES ET ASIATIQUES
t
L'équilibre commercial, ne songe nollementa angliciser le» Chinois, aux-
quels d'ailleurs ta plupart de ses colonies ferment leurs portes, les Etats
Unis, pour la môme raison» auraient mauvaise grâce n s'associer on
Chine à ces mêmes hommes que leur politique offense si grave-
ment dans le territoire de l'Union américaine. Butin l'Allemagne, si
bien disciplinée que noient ses fonctionnaires et ses soldat», ne changent
point les Chinois eu Germain» : elle ne som que puissance conquérante
et dominatrice, représentée par un groupe de maîtres, que Ton tiendra
toujours pour des étrangers et qui resteront détesté» si leur politique ne
prend une autre direction.
Pour la Russie, c'est uutre chose. Klle se présente le long des trou
lières de la Chine pur les caractères mémos qui la fout ressembler à l'em-
pire du Milieu. Elle arrive avec tous ses troupeaux de jHHiples asiatiques,
Bouriales et Muudchoux, Kirghto et Mongols, tous descendants de hordes
qui reconnurent autrefois la suzeraineté de l'empereur jaune et qui se
prosternent aujourd'hui devant le tzar blanc. L'alliance matérielle,
intime, populaire, se fait sans peine par tous ces éléments ethniques,
tandis que l'influence russe proprement dite est duc à la colonisation
agricole sur les bords.de l'Amiir et de l'Oussourl, uu tracé des routes
«t des chemins de for, a lu construction des villes et à l'ouverture des
écoles.
Du côté où elle produisait son action le plus efficace, le caractère de
celte pénétration graduelle a été certainement quelque peu modifié durant
les deux dernières années (1905). l/t souvenir des quelques milliers de
Chinois — cinq mille, dit -on — attaché» deux, par deux et noyés
à Btagovctchcnsk eu ujo/j ne se perdra pas de si lot parmi les iils
de liait. Mais sur toute lu périphérie mongole et lurkestunc — 3000 kilo
mètres à vol d'oiseau entre les sources de l'A mur et celles de l'A mu
daria —, la situation respective des éléments en présence ne doit guère
avoir changé depuis les défaites des Russes dans la péninsule de Liao-
tung et dans la vallée du Liao-ho. De part et d'autre de la limite ofli-
cielle, des populations de même nature en Iront dans le cercle de lu
civilisation russe.
Le Japon possède, dans ses relations avec la Chine, des avau
toges analogues. l'ormose, les îles Kiu Kiu, les Pcseudorcs, conquêtes
récentes des Japonais, se relient à l'empire du Soleil Levant de la même
manière que les grandes iles proprement dites japonaises se rattachent
RELATIONS DBS RUSSES ET DBS CHINOIS
5aB
les une» aux autres, et les Japonais qui s'introduisent en nombre dans
ces terres conquises ont, grâce a leur culture supérieure, un très
grand ascendant d'assimilation sur les populations natives, Actuellement,
le Japon travaille à obtenir le môme résultat en Chine» même en te
faisant instructeur et incitateur, en se rendant indispensable comme
interprète de la civilisation d'Europe, il cherche à s'accommoder si
bien au nouvel ordre de choses qu'il puisse à l'occasion s'annexer faci»
&COLK JAPONAISE 8098 L*ANCIBK RÉGIME,
a ?* &eM«r.
lement une bonne part de la Chine, ou s'unir avec elle en une confédé-
ration deTOrioiil assez puissante pour contre-batancer les Etats de l'Occi-
dent. Parmi les étrangers qui se précipitent maintenant vers la Chine,
ce sont les Japonais qui sont en plus grand nombre, et c'est dans les
écoles japonaises que se rendent surtout les élèves chinois pour étudier
les sciences de l'Europe, Qui peut dire si, dans ces écoles, les jaunes de la
Chine n'apprendront pas à devenir soldats comme le sont devenus les
jaunes du Japon ? il est malheureusement facile, par une éducation à
rebours, de ramener un citoyen pacifique vers la vie brutale de l'anima-
lité primitive, dccliangerdcs laboureurs en militaires. Les « Fils du ciel »
disent de leurs soldats que ce sont des « tigres en papier », mais, si peu
5a6 l'hummk et la terrb. — hussks kt asiatiques
qu'on les niilo, on peut certainement eu fa i rôties « tigres pour de buu »\
C'est là un danger imminent eu cas de nouveaux conflits.
On répète généralement que les Japonais ont su merveilleusement
imiter les Européen» duns les formes extérieures de leur civilisation,
mais que le fond de lu nature japonaise au point de vue moral ne se
trouve en rien modifié. Toutefois, ce sont lu des affirmations qui ne
tiennent pus Uevimt l'examen des laits, car parmi les changements
accomplis il en est beaucoup qui témoignent d'une conception très'
différente des anciennes idées quant a t'ideal do lu société, Certaines
révolutions analogues pur les effets impliquent des évolutions préalables
ayant suivi de part et d'autre, en Europe et sous le « Soleil Levant », la
même marche dans les esprits. Ainsi la destruction du régime féodal ne
peut jpas être considérée comme une vaine imitation. I ine transformation
politique et sociale d'une telle importutice, née pour une forte part chez
ceux-là mômes qui devaient le plus en souffrir personnellement, n'aurait
pu s'accomplir si elle n'avait correspondu h un mouvement intérieur de
la nation. On doit en dire autan! de l'abolition du servage, révolution
dont les effets directs furent ressentis directement pur deux millions
d'hommes et qui changea profondément les conditions d'existence pour
toute la masse pro loin ire.
Un parallélisme historique des plus remarquables a fait de
l'émancipation des serfs au Japon le pendant d'événements ana-
logues accomplis en lUissie et dans les Klats-Unis d'Amérique, d'où
était partie, en i853, l'expédition du corn inodore Perry. forçant au
nom du commerce mondial l'ouverture des ports japonais. Le phéno-
mène d'uni! contemponinéité presque rigoureuse dans ta même révolu-
tion sociale, la libération des esclaves, en Kussie, aux Etats-Unis, au
Japon, tous pays si éloignés le» uns des antres, si différents par leur
passé et par le génie naturel des habitants, témoigne hien d'une impul-
sion générale culminant le monde entier dans une tnôme direction.
Toutefois il faut dire que, dans celte évolution sociale, les Japonais l'em-
portèrent en esprit de justice, puisqu'ils complétèrent la mise en
liberté des paysans par la distribution de terres cl par une organisation
complète de L'instruction publique, devenue applicable u chaque village,
à chaque groupe de muisous.
1, Félix Régamey. Humanité Nouvelle sopt 1M0, p. 290,
ÉMANCIPATION DES SEHPS AU JAPON
5*7
Certes, de pareils changements ne sont pas de ceux dont on puisse
diminuer l'importance Jusqu'à les comparera l'adoption de costumes
nouveaux, ou au remplacement du tatouage par des vêtements euro-
»• 520. Yokohama et set environs.
1: 2000000
Jnb
Tir
^Kil.
péens. Si l'évolution japonaise s'était bornée a ces formes extérieures,
celles-ci, sans grande signification spéciale» auraient nu <Mre attribuées à
un accès collectif de vanité, à une fièvre épidémique de la mode, mais
aux modes nouvelles, qui du reste ne sont pas sans un travail corres-
pondant de l'esprit, s'ajoutent bien des changements qui touchent à ce
qu'il y a de plus intime dans la faconde sentir et de penser, de se pas-
5a8 l'homme et la terre. — russes et asiatiques
«tonner même. L'exemple le plug frappant de ce renouvellement du
Japon est l'abandon de la coutume du harakiri ou suicide par point
d'honneur dont les nobles japonais s'entretenaient avec un si farouche
orgueil et que, d'ailleurs, ils ont eu le bon esprit de ne pas remplacer par
le duel à la française.
Néanmoins» des observateurs maussades, étonnés et comme froissés de
cette fièvre d'imitation qui s'était emparée d'une partie du peuple
japonais après l'ouverture des ports au commerce étranger, nous
avaient prédit que ce beau «Me ne durerait point et qu'on verrait un
beau jour tous ces gens de race aïno, malaise ou polynésienne rejeter
avec horreur les importations d'autres races ; mais la prophétie n'avait
aucune chance de réalisation, ce qui n'a pas empoché d'ailleurs ta réac-
tion de se produire, en ce sens que les Japonais obtempèrent à l'an-
cien exclusivisme national et tiennent à honneur d'éloigner de leur gou-
vernement tous les anciens éducateurs : il leur convient de marcher seuls
et de déchirer les lisières, N'est-ce pas la meilleure preuve qu'ils ont bien
appris leur rôle et que les idées acquises ne sont point do simples bana-
lités de surface ? lis savent, a n'en pas douter, que les observations de
leurs savants, les découvertes de leurs naturalistes, ies constructions de
leurs ingénieurs sont des (cuvres de bon aloi, dignes de figurer à côté
de travaux analogues des émules occidentaux. Kn outre» ils ont cette
faiblesse, dont aucune fraction de l'humanité n'est exempte» de reven-
diquer leurs gloires « nationales *> comme ayant une vuleur exception-
nelle ; ainsi que nous, ils ont leurs arrogants jin-go, grotesque tribu
de vantards dont le nom a mérité de traverser l'Océan, puisque partout
on retrouve cette insupportable engeance.
Ce qui empoche de douter que les transformations politiques
et sociales du Japon sont bien réellement des changements définitifs» ne
permettant plus de retour en arrière, c'est qu'elles ont passé, pour
ainsi dire, par l'épreuve du feu. Les éléments de renouveau se sont
heurtés contre une réaction formidable et n'ont pu triompher que par
des guerres intestines» des révolutions et des contre-révolutions. La
résistance des daïmb on seigneurs féodaux et des nobles ou samouraï
dura pendant une quinzaine d'années, se déroulant avec une ampleur
superbe d'épopée et brisant absolument tes moules traditionnels de la
société du moyen âge. Ce sont des faits sur lesquels il n'y a plus à
revenir. On vit cette chose monstrueuse naguère : des mariages de classe
SOLIDARITÉ DES PEUPLES
;>39
à classe, des écoles où, côte à côte, fils de nobles et Vite d'ouvriers s'étu-
diaient à la solution des mêmes problèmes. Le sentiment de l'honneur,
symbolisé par l'étiquette, par les pratiques réglementées, aurait été telle-
ment blessé chez les Japonais de l'ancien régime qu'ils n'eussent pas
UN NAVIRE J>K OU ERRE JAPONAIS
hésilé à s'ouvrir le ventre pour ne pas justifier par leur présence ia pos-
sibilité d'abominations semblables.
N est un art d'origine européenne, l'art monstrueux de la guerre,
dans lequel les Japonais se sont montrés de très brillants élèves. Ayant
prestement appris à manier les fusils et les sabres, à charger et à tirer le
canon, à manœuvrer sur le terrain, à équiper et à diriger les
navires de guerre, ils étaient déjà passés moîtres dans la science des
grandes exterminations -quand on les croyait encore dans la période» de
l'apprentissage. Ce peuple, chez lequel survit encore en et là le vieil
instinct des pirates malais, fait certainement grand honneur aux capi-
taines prussiens et autres qui l'ont dressé militairement. Les Chinois
pacifiques méprisent précisément les insulaires du Japon » cause de leur
53o l/HOMME ET LA TERKK. — RUSSES KT ASIATIQUES
esprit belliqueux el les appellent Ou fiaug nu » Brute* - -, les accusant de
ne bien savoir que deux choses, donner un coup de sabre et « faire
poum », oW-à-dire décharger des armes à feu \ Eu effet, pendant la
guerre de 1895, ils ont dû expérimenter sur eux-mêmes qu'ils ne
s'étaient pas trompés sur tes talents homicides de leurs rivaux. Et, jugés
par les praticiens et les stratégislcs, les officiers japonais se sont montrés
certainement, par la précision et ta solidarité de leurs mouvements* par
les combinaisons savantes de leurs opérations, supérieurs de beau-
coup à ceux auxquels avait été* conllé naguère le maniement des
grandes armées dans les Balkans et en France.
11 est à craindre, tant les hommes sont encore soumis il la folie des
haines nationales, il est ù craindre que ces aligneurs de soldats et
pointeurs de canons aient encore à faire preuve de leur science, mais
pour longtemps, la susceptibilité* de la Russie sur sa frontière d'Extrême
Orient est endormie par le renouvellement qui se produit en ses pro-
vinces européennes.
Japonais et Chinois restent seuls face à face en Mandcbourie; quant
à la Corée, à peine peut on en compter les habitants: sans doute ils
devraient s'appartenir et n'avoir a craindre ni maîtres du sud ni maîtres
du nord ; mais, accoutumés ù une servile obéissance envers leurs propres
fonctionnaires et employés impériaux, ils ne «mil point un peuple.
Certes, la Corée est une individualité géographique bien délimitée
[Mit* sa forme péninsulaire et pur les massifs montagneux qui la séparent
de la Mandcbourie. Il eût donc été tout naturel qu'elle se constituât en
Elut distinct ou du moins quVltc reprit son unité nationale après l'avoir
perdue pruvi soi rement à In suite d'invasions armées, D'autre part, la
Curée 1 présente des Imits parliculiers qui l'exposèrent de tout temps à de
grauds dangers politiques et h la perte ou h l'amoindrissement de son
indépendance. Comme l'Italie, à laquelle leCho-seu ou « Pays de la l*aix
Matinale « ressemble par su forme, ses dimensions, sou climat, ses
produits, ses bons ports, la presqu'île coréenne est très longue en pro-
portion de sa largeur, et les saillies montagneuses de ses « Apennins «la
divisent en btissins. séparés où se sont cantonnés souvent des princes en
lutte; encore comme en Italie, les riches vallées de la Corée du centre
et du midi ont attiré les envahisseurs du Nord, nomades mieux dres-
I. Vil li» tard d« higuvrii*. La Corée, p. Ifi.
NOUVKLLK CIVILISATION JAPONAISE
53 1
ses an métier de lu guerre que ie* pacifiques laboureurs coréen» ; enfin
ta Chine, avec son domaine immense, sa population surabondante, son
antique civilisation et in supériorité de sou industrie, devait exercer sur
la Corée une très grande force d'attraction et même la réduire à la con-
dition do vassale. Pendant lut périodes de l'histoire qui favorisèrent la
puissance extérieure du Japon, la Corée se trouva sollicitée par deux
forées agissant en sens contraire : les deux grand» empires, le con-
tinental et rinsulaire, se disputaient la tutelle de l'élat interposé. Le râle
de suzeraine appartint le plus fréquemment à la Chine.
En fait, par l'i m migration continue des Japonais, aussi bien que pur
le succès de se» armes, t'Kmpirc du Soleil Levant s'est maintenant
assuré lu possession du la Corée, mais, dans les territoires limitrophes,
lu question se complique de tons les éléments ethniques et sociuux
agissant dans le reste du monde et qui peuvent favoriser l'un ou
l'autre des rivaux, Les nations ont conscience de lu solidarité des intérêts
de l'Europe et de l'Asie el le moindre événement fait vibrer ù la fols
toute l'humanité.
INDEX ALPHABÉTIQUE
TABLE DES GRAVURES
LISTE DES CARTES
TABLE DES MATIÈRES
INDEX ALPHABÉTIQUE
s propres contenus dans le Tome V
ftt en grane; t« noms d'auteurs, personnage» historiques, ett
gnes, villes, etc., en romain.
^ ipvrtent au texte, les chiffres inclinés indiquent quo le nom cor-
localisé sli/ imo carte K ta nage Indiqua,
Aar, riv., 5.5.
Àarau, loc. 55.
.iMos, c/m»/»., '«9t.
Abd-d-Kader, 119,
Ahd'ol'Att*, 226.
.ibdulflamt'd, 226, 482.
/1M, 184.
Abknaass, 331, 474, m.
Ahk nazie, ter., 474,
Abo, lot*., </tf$,
Abolitionistes, 194. 209.
Abus, loc., 34 L
Aboukir, loc.» 2, 03, 77.
Abruz/.es, ter., /59, 396,
Abyssinie, 1er.. ^$,285,384.
Acheville, loc, »W5.
Achourada, Dot. 494.
Ackorniann, toc.» 153, 4H9,
Aconcagua, mont, 93,
Acores, îles, 280.
Acropole d'Athènes, 70.
Adana, loc, V33, 481.
Addn, riv,, 55, M*.
Adcn, loc, et golfe, £M,
?7i, 388, 493.
Adige,riv.. m, 319,
Adlghé, 474. 475
Adis Aboba, loc, 27 /.
AtliMii't riv., JÎ7, 345.
Adriatique, mer., 236, 260,
MI, 319, 398, 427, 442.
Ad lia, loc, 226, ?</.
Aezcoa, vallée, 316.
Afchar, 498.
Afghanistan, ter., 154, 285,
443,503,505,515.
Afghans» 274.
Africaine» 184, 192, 256,
266.
.Afrique, 52, 118, 141, 185,
187, 188, 193, 226, 227,
: 231, 232, 262, 2H3< 265,
260, 269, 270, 272, 274,
295, 320, 348, 334, 385,
407, 447,
Afrique méridionale, 51,
Afrique occidentale, 407,
Afrique orientale, $71, 378,
419.
Afrique septentrionale., mi-
neure, 294, 377, 378, 419,
Agadir, loc., 275,
Agassiz (.M"*), 177.
Agde,loc„348.
Affront* Inc., 133, 457.
Ako Juhani, 471.
Aigu», Inc., 156.
Ain, riv., 9,
Aïmfotikn, voir CuHtiglioue,
Aïno, 504, 527.
Aïn-sefra, 4M, 430.
Alntab, 4SI.
Aire-sur.la-l.ys, 361.
Aisne, riv., 39,
Aix.e» -Provence, loc., 7.
Akubah, loc. et golfe, 03.
Akmolmsk, lnc, 509,
Akra, loc, 'Jû3.
Alabama, riv, et ter., 73,
205, 214.
Alftl, mont, 489.
Alameda, loc, 331.
Alaska, ter., 225, $w.
Albanais, 104, 322, 388,
389, 443.
Albanie, ter., 101, 26 i, 320,
398.
Albenga, loc, 58.
Albertn, ter., 483.
Albertville, loc, 307, 31 L
Albigeois, 410.
Albion, iw> Oran<fe*Bretn<
gîte.
Aléoutes, Iles, 165, 320.
Alessandra, loc, 15H, 3 11.
Alexandre de Manédoine, 60;
220, 485.
Alexandre III, Russie, 224.
Alexaudretto, golfe d\ 4SI,
Alexandrie, loc, 6'*f, 226,
232, 269, 303, 349, 358,
384, 386,
Alexandro vfik.deux locdilT.,
464. 4M; — 409,
Alger, loc, 70, 79, 88, 116,
117, 119. 120, 203, 385,
423, 424, 425, 428, 430.
Algérie, ter., 70, 118, 119,
120, 240. 241, 258, 270,
407, 419 à 430, 425.
Algériens, 427.
Algésiras, loc., H3, 86. 4o».
Algonquins, 331.
Alfcante, loc, 254.
Allahabad, Inc., 496.
Alleghanies, monts, 212.
Allemagne, 38, 62, 53, 55,
124, 128, 130, 131, 133,
142, 160, 182, 202, 234,
235, 238, 239, 240, 241,
244, #M, 264, 272, 273,
276, 278, 320. 321, 322,
377 à 453 passim, 458,
470, 471, 493, 515, 523.
Allemands, 18, 20, 34,
58, 128, 130, 131, Wl,
144, 145, 146, 180, 182,
198, 199, 202, 226, 239,
245, 248, 279, 280, 296,
305, 325, 380,388, 431,
432, 433, 440, 444. 447,
452. 460, 466, 470, 471,
474, 475, 506.
536
L* HOMME gf l.\ IgfUtg
Allemande oVAutriohe,
235.
Allier, riv., 307.
AUophyle», 81» 406, 467,
500.
Aima, riv,, 133.
Almoria, loc,, 254.
Alpes» mont» 27, 39, 54, 56,
58, 135, 331, 236, 293,
308, 310, 314, 320, 345,
370, 442, 446.
Alphonse A7/,2&pagne, 254.
Alsace, Alsace . Lorrain©,
239, 242.
Altaoiens, 322.
Altaï, mont., 504. 808» 609,
Altona, loc, 343, 499.
Amagizan, mont, 527,
Amaléoltet, 323.
Amasia, loc., 4SI.
Araawnes, riv., 210, 120,
Amaxonie, ter., 294.
Amboise, loc, 344.
Amfdée de Savoie, 225, 238*
Américains, 196, 243,
279, 280, 331, 380, 434,
452, 500.
Amérique, 49, 88, 90 à 98,
121, 140, 141, 163, 161,
171, 183 à 219, passim,
243, 280» 289, 318, 327,
328, 330, 357, 362, 379.
407, 486.
Amérique boréale, 329, 330,
339.
Amérique centrale, 89, 93,
204, 332, 379.
Amérique espagnole, latine,
méridionale, 64, 89, 90 à
98, 137, 184, 186, 198,
219. 330, 430.
Amérique septentrionale,
des Etats-Unis, 64, 184,
187, 196, 219, 231, 282,
283,319,327,330.
Amérindiens, 184.
Amiens, loc, 69.
Amoï, loc, 168.
Anvth 232.
Amsterdam, loc., 51, 67, 58
318, 321, 447.
Amu daria, riv., 276, 486,
487, m.
Amundsm, 12t.
Amur, riv., 166, 156, 508,
524.
Anadyr, riv. t 163.
Anania, toc, 4û9.
Anatnlie, voir Asie Mineure,
Ancien Monde, 62, 163, 183,
23t, 3)8, 378, 494, 500,
514.
Ancône, loc.. 59, 16R,
Andermatt, loc, 5.5.
Andes, monts, 70, 88, 94.
AmlrinopJe, loc, 101, 261,
398.
Angara, riv,, 509.
Ango, riv., 9.
Angers, loc, 97.
Anglais, 37, 51, 59, 61,
67» 68, 73, 80, 93, 103,
166, 167, 168, 177, 178,
180, 182, 198, 202, 226,
266,269, 274, 280, 294,
324, 325, 339, 380, 385,
400, 422, 444, 447, 452,
492, 494, 500, 506.
Anglesey, Ile, 113, 347,
Angleterre, souvent syno-
nyme de Grande Breta-
gne, 5, 38, 50, 51 à 53, 59,
60, 71. 103, 108, 112 a
116, 1J3, 120. 124, 130,
137, 153, 154, 177, 178,
189, 202, 216, 219, 226,
228, 233, 269, 273, 276,
278, 286, 310, 316, 317,
318, 324, 331, 352, 366,
370, 374, 384, 388, 397,
400, 403, 446, 448, 449,
480, 492, 493, 503, 515,
523.
Anglo- Américains, 190,
216. 330.
Anglo.Sttxonnic, 378.
Anglo-Saions, 330, 379,
380.
Angola, loc, 269.
Angoulême, loc, 343.
Annam, ter., 176, 226, 277,
407.
Annay, loc, 336.
Annemasse, loc, 307,
Annenkov [gèn,), 476,
Annobon, lie, 403.
Antarctide, ter., 294, 297,
299.
Antietam, loc, 210.
Antilles, îles, 8, 64, 65, S9 t
115, 185, 330, 379. 406.
Antioch, loc, 35/.
Anvers, loc*, 99, 318, 323,
*43, 345, 339, 441, 446.
Aoste, loc, 307, 31 L
Apeltc, 378.
Apennins, monts, 530.
Apponiell, loc, 66.
Apulie, 169,
Aquitaine, ter., 347.
Arabes, 270, 380, 422 à 429.
Arabie, ter., 492, 496,
Arubkir, loc, 4SI.
Arnd, loc, 145, 146.
Aragonai», 308,314,
Aragva, riv., 472.
Aral, mer d\ 437, 496.
Arat-ut, mont, 49$.
Araueans, 331.
Araxe» riv., 49S.
Arbèrouc, ter., 27,
Arbusloc, 341.
Arcachon, loc , 345.
Archipel François-Joseph,
polaire, sibérien, 296.
Archipel japonais, 174
Archipel océanien, 243.
Archipel Parry, 121.
Arcos, loc, 340.
Arcole, loc, 79.
Arc-Senans, loc, 307.
Arctide, 294, 296, 302.
Ar donnais, 240.
Arrfcnnc, mont et ter., 27,
308.
Ardo\tin*Dumazet, 316.
Ares»y, loc., 341.
Argelos, foc, 341
Argentine, ter., 70, 89, 94,
95.
Argentins, 93.
Argon, riv., 155.
Argos,loc, 102.
Arkansas, riv. et ter., 189,
m.
Ariège, riv., 344.
Aristote, 378, 414.
Arles, toc, 348.
Arleux'en-Gobelle, 363.
Armatolee, 100.
Arménie, 1er., 386, 387, 389,
400, 407, 478 à 482, 487,
492, 494, 503.
Arméniens, 262, 284,381,
382, 385, 386, 387, 388,
408, 444, 474, 473, 478 à
482, 484, 485.
INPKX ALPHABETIQUE
537
Armentière», toc, 363,
Arona» toc, 307.
Arno, riv,, 168.
Arnos, Ioc, Ml.
Arras, ioc, tf&
Araamas, Ioc, 4#9.
Arsinoé; golfe d*, 23 1.
Artiguelonne, riv., 341.
Artix, Ioc, MA
Arve, riv., 55.
Aryens, 474,475, 484,500.
Ascension, Ho, 94, 187.
Allâtes, Asiatique!, 84,
144, 289,455 &531 />o*«m.
Asie. 52, 107, 150, 154, 168,
174, 480, 183» 227, 232,
262, 274 à 279, 378, 379,
385, 388, 389, 396, 402.
407, 420,453 à 531 passim.
Asie centrale, 154, 388, 482,
Son à 512.
Asie mineuro, 104, 154, 200,
262, 275, 276, 378, 381,
482,488,515.
Asie orientale, voir Extrême
Orient.
Aspern, voir Essling.
Assab, Ioc., 271.
Assetine {louis) t 145.
Assiut, toc, $3.
Aasur, ter., 491.
Asproraonte, moût, i58,
169, 182.
Asterabad, Ioc, 487 % 496,
498.
Astis, Ioc, Ml.
Astrakhan, Ioc, 4$9 t 476.
Atacama, désert. 94.
Atbara, riv., 271.
Atchlnoi», 444.
Athènes, Ioc, 70, loi, 261,
318, 360, 364, 385, 386,
392.
Atliis, Ioc, Me
AthyaKAljred), 306,
Atlanta, Ioc, 205.
Atlantique, 186, 201» 212,
213, 231, 234, 269, 346,
347, 397, 419, 427, 429»
436, 437, U% 463, 510.
Atrek, riv., 487, 495,/m.
Aubertin, Ioc, 34t.
Aubin, Ioc, 341.
Auby, Ioc, 356.
Auch, Ioc, 318.
Aude, riv., 346, 348.
Auerstadt, Ioc, 69.
Augaelengue, Ioc, 341.
Augusta, Ioc, 396,
Augutti, 48.
Aunay, Ioc, 340.
Auribat, Ioc, 27.
Ausse vieille, Ioc, 34 1.
Austerlita, Ioc, 69, 77. 79.
Auatralusie, 327.
Australie, 448, 518.
Australiens, 243, soo,
Austro-Hongrie, voir Au.
triche et Hongrie.
Autriche, ter., 37, 50, 56,
59, 60, 83, 108, 109, 120,
130 à 134, 133, 136, 124
4146,148,150,182,203,
225, 235, 236, 239, 260,
261, 321, 379, 388, 414,
440 à 444, 45G, 458, 470.
Autrlobiens,6,56,128,130 l
146, 147, 198, 199, 458.
Auvergnats, 409,
Auxonne, Ioc, Uô.
Avares, 474, 476,
Avely, Ioc, 341.
Avignon, Ioc, 311, 348.
Avion, loc„ 366.
A vola, olc, 396.
AmHA.<r)>m.
Ax, Ioc, 313.
Ayacucho, Ioc, 96.
Ayraara, 97.
Ayr, Ioc, 2.
Azara (FUix <f ), 88.
Azerbeidjan, ter., 495, 498.
Aztèques, 91, 97.
B
Babel, voir Babylone.
Bab-el-Mandeh (détroit),
271.
Bftbl, 497.
Babœuf (Fr, Em. Gracchus),
2,45.
Babylone, Ioc, 303, 336,
339, 358, 496.
Babylonie, ter., 486, 491.
Babyloniens, 414.
Baobklr, 82.
Bacon [Roger), 123.
Bactriane, ter,, 486, 491.
Bade, ter., 53, 66, 128, 133,
143.
Badatt, 143, 228.
Bafélô, Ioc, 465,
Bafa, 131.
Bagdad, Ioc, 492» 496 t 500.
Bagnères, Ioc, 313.
BagshotiW.), 112.
Bahia, Ioc, 183, 127,
Baïbourt, Ioc, 481.
BaiedeBaflta, 14,390.
Baie de San Pablo, 361.
Baie diliidson, 121, 302.
Bailleul-sir-Berthoult* Ioc,
356,
BaïkaJ, Ioc, 166, 505, 609.
Bajino-Baehta, Ioc, 308.
Bak, 500.
Baftouninc {Michel), 14,106,
143,230,231.
Baku, Ioc, 476, 488, 495,
Balaklava, Ioc, 153.
Bâle, Ioc, 39, 54, 66, 307,
344.
Baléares, lies, 386, 419.
Bali, tle, 447.
Baikach, lac, 455, 487, 609.
Balkans, Balkanie, monts
et ter., 259, 260. 379, 390,
442, 455, 530.
Balleny (Ile), Î97.
Baloutohes, 274.
Balta, Ioc, 469.
Baltimore, Ioc, 213.
Baltique, mer, 156, 438,
441, 459, 463, 470.
Bamha, 266.
Bamberg, Ioc, 272.
Bamian, col, 270.
Bangkok, Ioc, 272, 277.
Bapaume, Ioc, 225, 246,
Barbate* riv., 85.
Barberousse, 138,
Barbier (Aug.), 336.
Barcelone, Ioc, 228, 313,
314, 405.
Barcelonnette, Ioc, 317.
Bardonnèche, Ioc, 310, 311.
Barétons, ter., 316.
Barka, ter., 385.
Barking, Ioc, 891,
Barmanie, ter., 226, 277.
Barmen, Ioc, 343.
Barnet, Ioc, 301.
Barnstaple, Ioc, 347.
Barrow*in*Furness,Ioc, 360.
Bartel (Anton.), 144.
Barzan, Ioc, 340.
538
L'nuxnu; tir u tkhhk
Basilîcatp, ter., 169, 39«.
Bat quei» 203, 240, 308.
Basse-Navarrc ter., 27.
Rasaoralh toc 384» 492,
m,
Sassuto» 444.
Bastille, a Paris, 1, ». tt, tO,
12* 14» 17, 18, 19. 20,
50, 63, 82.
Bâta, loc, 203.
Butbursl» cap» £tf3.
Bntim, loc* 385, 424, «5.
Hat uni, lue, 200, 3éf5, 474.
476, 48 J.
Bavarois, 130.
Bavière, 1er, 133.
Bayldi, lue, 69.
Bay longue, riv., .14 i.
Bayonne, U>c, 27, 69, KO.
3U 314.
Bayreuth, loc» 372.
Bazaine (mar.), 242.
Beaconsfwlâ {lord), 202.
Bivtucaire, loc, 848.
Heauiuonl, lue, .155.
BenuttL>*la*Holaiide, £V5.
Beaupreau, lue, 37.
Beccaria, 56.
Budford, loc.» IM
Bédouins, 382
Beecher-Stowe (M*), 193.
Beschy Mand, 121. 122.
#*er [de), 440.
Beethoven (Ludw.), 2.
Beïrut, loc, «3, 127, 382.
Belfast, lue, 343,
Bcltort, loc, 2*5, 307,
Belges, 252, 263, 296, 325,
446.
Belgique*, ter.. 38, 50, 71,
109, 124, 272, 308, 317.
321 f 369. 377, 413, 444
a 447» 515.
Belgrade, loc.» 146, SGI, 321,
4S7,
Bettegardo, lue, rï07.
Belle-ïsle, lie française», 37,
347,
Belle- Ish, détroit muéri*
cain, 437.
BelUnzoïia, toc.» 66.
Bollone, loc, 355.
Beluchistan, ter., 27ff.
Z?ew (gé/i.), 146.
Bender, lot'.., 2H1.
Bcngkalis, Inc., /;<j.
Benkia, loi\, 331,
Birard (Victor), 87. 103» 104»
161» 482.
Berbera, In»-., 211, m, Î93.
Berbères, 270, 424» 429.
Berditchev, lot.» 4M.
Beresina» riv.» 70.
Bergen oj) Zoom, loc, 3Sfh
Bering, détroit, 122.
Berkeley, ta., M 1.
Berlin, loc, 2, 57, 127, 13»,
m, 226, 227, 239, 2«0,
262, 317, 3*7, 328, 343,
351, 3.V5, 431, 433, 141,
444, 448, 449, 4M,
Bénit», loc. 55, 57, 133,
24Q % 285, 307, 32/, 328,
413.
Bcriiouil. lue, 341
Bertaux (J.), 29.
Besançon, loc, in, 12, 3ft
55, 242, 245, 307,
Bo^ingrand, lue» 3-W.
Bessarabie, ter-, 200, 260,
20 J, 389.
fiestrugef-Jioumùiy 107.
Beuy-Mendorex» riv., toi.
B^veiand» ter., 360.
Beyric loc, 34 J.
Bfctara, loc» 348.
Bhamo, lue, 377.
Bhulan, ter., 285.
Biacho Suint-Vincent, loc,
355.
Biblis, loc. 386, 4X1
Bidassoa, riv.» 27,
Bielostok, loc, 4M.
Bienne, riv., 9.
Bienne, loc, 55.
Bilbau» loc, 413.
Billingshamen, 296.
Biîly, deux loc diflr.,3J i» 366.
Bingerville, Inc.» 2G3.
Birodjik, ta.. 4SI.
Birkenhoad, loc, 343,
Birket-Keruu, loc, 63.
Birmingham, loi;., 343,
Biscaye, 1er., 86,
Bishop (Isabelle), 514.
Biskra, loc, 425.
Bismarck, 234, 238. 244,
253, 260, 322, 398.
Bi&sao, loc» 263.
Bitche, loc, 246.
Bizanos, loc.» 341,
Bisterto, loc, 397, 428.
BjttrnMOR. (iijœmutf'erm),
452.
Black barn. loc. 343.
Blagovotchiiiisk, loc. /4-î,
524,
Blam (fouis), 11, 26.
Blancs, 466,
Blancs-Russiem, 4&7.
Blantyre, loc 203.
BuHl.el-Mafglimi, ter,, 275.
BUd-es-SibiUer.» 274» 275.
Blida, loc, i/7.
Bloch (Jean de), 82.
Boawm. tac, 341.
Boehntn. loc, 343.
Boera, Boeren» 269.
Bognpol, loc, 40»,
Bubônus ter., 133, 321
Bohémiens, 132.
lioilcau, 125.
Bois- Bernard, loc, ;/5.î,
Boisjolin (Jacques de), 22.
BoisyA , olrc-Dame,loc,355.
Bokliara, lue, 27 ff, 485, 486,
«7,488, 4M,
Boknaxiotes, 486.
Bolivar, 70» 95, 96» 97, 98.
Bolivie, 1er.» M, 332,
Bologne, loc, 127, 319,
Borna, loc, 2il3,
Bomarsund, île, 155.
Bomba, loc, 384, 3£5.
Bombay, loc, 178 233, 38 i»
500.
Bonaparte (Joseph), 80.
Bonaparte (A'ap,), 2, 57.
58, 60, 61, 69» 71, 72,
73, 74, 81, 82,
Bûnc loc, 421, 424, 42fi.
Bonn, ïoc, 2.
Boane-tëspôranee, vttir Cap.
Bonpland, 90.
Bonvouloir (Achard de), 27.
Boothia» presqu'île, 121.
Boquelo do los Pat os, <ol,
m.
Bordeaux, loc, 267, 313,
342, 345, 348, 356.
Borkum, lie, 459.
Bornéo» tic, 447.
Borny, loc, 225.
Borttdino, loc, 70, 81.
Bosniaques, 146.
Bosnie ter., 260, 2G1, 388,
389.
INPKX AI.PHABftTIQUK
*39
itosphoro, d(U., H U 388,
163. 493.
Ifcwton, toc, 192, 191).
Boisant, 319.
Hotichir, loc, 492, 493, 4W.
Houfarlk» lue, i/. ¥ ,
! tottfjptrbw» toc, .t*i.
Hougio, toc, 242, 42$.
Houlllou. toc, 39.
Htnilognu-sttr*.\ter, Un*., 69.
127.
ttOQtnnuH» loc, ML
Bourbons* 82, 111,
Bourdaîoue, 232.
Bourges, loc, f 24, 246, Jlfl?.
Bouriates, 504, 524.
Bourla-Papey, 12.
BrUirth Musutim,» Londres, (Calai», loc, Mï, , r #ta*
62. * CaAw. 10.
Brooktarm, loc., 140,
Brooklyn, loc, .375,
Hromley, lot., Util.
Brown {John), 182, 183.
194, 195. 196.
Bruce {mil.), 296.
Britek, 244.
Urnge», loc, 3àV.
Brtiifg» loc, £5.
Urûn», loc, Mtf, 32/, «7«
Bruxelles, loc, 39, 90, 2W,
^for» 3i«, 328, w w,
356, 41% 445,
Bucii« lue, tftf&
liucclmri, loc, Jff.î.
Buekle, 123,
iourneinouth, loc. 344. , u IHja|H , st , loc . m , w/
tountevil k loc, 369, 371. : n2 , ,., 7t lu% nfii i9 ,
IHiunKM, loc, m , 2t j, î( Wf , J(îgi WA /|U
i litienoK-Airi'.s, loc et 1er.,
1 G2, 69, 89 t 93, 553.
KufTiilo, loc, 362.
ïititî, riv., ij.ï, m.
' Bttgeaud (gén.), 420,
I Bukarest, loc, 291, 321.
! Bulgares, 389, 390, 392,
j 45S, 451, 474.
Hrcdcon. ter,, et Urwk- l*«l(fr«rii*. ter, 226, 2iM, ?';/.
nock,loc, m. 388,389, 473.
Ilrâmts loc, 318, «/, 439. . 1MI H»»>» l"* 1 -. 182, 20(ï,
Hreiuertutfcn, loc, 439. i -**"*•
llnmtKitrk». loc .«. Bulmvu.w, toc, 203.
(tonner, col., m Buonamtti (Pïtil.), 45,
Boutenac, lue, 440.
/fo«tmy (Emik), 2U,
Boxeurs, 226.
Iteabant, 1er., 340, 4M.
llradford, loc. 343.
Hrahtiiainitia, riv., 294.
ttraiiiu l'Alleud, loc 44.',,
liraun (lily), 432.
îiroscia, loc, 5$, 128, 3 lit,
Itrfeil, 1er., 63, 70, 71, A»,
98.99, 184,180,226,272,
332.
llttttlail, toc, 331. 440, 4/A
Brossuire, loc, 3?,
Brest, loc, 37, 341 .
Brest* Ltlov&k, loc, 7#&
Bretagne, ter., 11. 21, 131,
352, 374.
Bretons, 324, 331, 452.
Jlriaiiçoii, loc, 303, 309, 311,
312.
Btïa nommais, toi'., 308.
Ilriaiiitk, loc, 4tiu,
Briï-sur-Mer, loc, 349.
Itrightou, loc, >U3.
Brigue loc, 30Î.
Hrindisi, loc. 384.
Hrisiich, lm:., 39.
tfrfelol, loc, 347.
tfttrgewitie, 170.
Burke, 196.
Burnley, loc, 343.
Bttrns (Bob.), 2.
HiinisiuV, loc, 210, 21t.
Burton (fiich.) t 186.
Hiiscomi, loc, 395.
Byron, 70, 102.
ttysunco (Kjii{iir»j île), HI2.
Byâantlns, 429.
Calteu 141.
Cal tint t», loc, 203,
VMte. loc, 70, 8fi, 86, 88»
92, 225, 273.
Cadoudal {(Uor.) t 36, 69.
Oii'ti» loc, 248.
Cagni, 296.
Calubre, 1er., 396, 397.
Calcutta, loc. 60.
Caldus, 88.
CaUfomie, ter., 330. 3ât.
Callao, |oc, 06.
Caikun, 190.
Cahnm (de), 1, 10, M.
Citlott»s poliiires, 29't.
Calvin (Jean), 10,
Camhodgi?, tur., ^/i*. wi".
(îainhr^sio, 1er., 28.
(.'muliridico, loc, 2, 113.
Campanks tor„ 139.
Gumporormlo, loc, r>8, r>«.t,
79.
Canada, ter., 193, 302.
Canadiens, 452.
Canal do Uristol, 347.
Canal Kaiser Wilhelui, nu.
Canal maritinu» tlp Manches-
ter, 373.
Canal Saint-Oeorjfi'S, 34ï.
Canaries, lie», 265.330, 4(13,
419.
Canicattini, loc, wr>.
Canoiw, 254.
Caulin, cap, 37 â.
Canton, loc, 166, 167, I6«,
Iti'J, 170, 182, 219, 522,
m.
Canuts, 127.
Cap Blanc W>
Cap Ruiu 39t.
Cap CJiarles» 313,
Cap de Boom'- espérance»
51,60, 154, 233, 2U4, 266,
2fi9,270,27l,50:t.
Cap ItaltÏLMj, loc, cî, 72.
Cap Henri, 21$.
Caj> Nord, 449, ^6*5,
Cap Vert, 137.
Capet (touis), voir Luth
XVL
Capetown, loc, 243, 209.
Capo œistria, 103, 319.
Capri, lie» 466.
Carahobo, loc, 96.
Caracas, loc, 69, 7U, 39,
92, 95, 96.
GaraUbes, 330.
Carcassoano, loi-., 313, :i57.
CardilT, loc» 341.
(Jardigan, loc, 113.
Caria thie, ter., H9.
Carlistes! 111.
:>4o
L'HOMME KT U tSRRK
Carlsnihe toc, 127, /.ï.'i,
Ctmnurthfn. loc. Wî.
Curnavon, loi 1 ,, 113.
Camû'h*. tcf.» 3/0.
r\md (./aa«). V76.
CawUues* ter. d*Aintolt|iits
*<M, ît'ift.
Carpates, monts, /«, 44».
Ctttwitir.it y, 360.
Cartagona, loc. irKKpajrue,
225. 254» 255.
Ciirtiigeita *li* bslrnlhislnc.
.'158.
Gartagenais, 254.
CnrMiuffc Inc., 398.
Canin </ J ««7), 184,
Caspienne, mer, 154, 4A9*
473, 486, IA#\ 491, 494,
496, Jf>.«>, 500, 5<in.
Citssavo, loc, •Utfi.
Cassel, lut,, 124.
CasleMe, lui 1 ., .ï//.
CtwMthtattfo* hic. /5.S'.
CnMJK:)ioiie,Aïn'Fmika,bic.
Catalans. ;tt)8.
Catanc, loc, .ÏWi*.
Catherin* de Utmie, tt»6,
m.
Cuuhios, lue, 341.
Caucase, monts 105, 22(1,
389, 406, 472, 473. «4.
'•TH, 491, M5.
Caunise iranien, mont*;,
4,\,\ 488. 490. 491, 48*.
498.
Caucasie, 1er.. 2211. 472.
i;a. 4R4. 485.
Caucasiens, 474, 4<'.î,
484 .
Cavalesxe. hic, .3/0.
( >«*««/•> îsy.
Cayenne, toe, -VA
/■«*«, 325.
Cfunite. tu». 447. v.c.
Celtes, 252.
Céphalouie, île. /f/A lu: 1 ..
l'fflu <ii Pascn, lai.. .149.
Cernera (amir.) % 282,
G'«W (./«/**), 48, 359.
Cescan, lue, -MI.
Celle, lue. 348.
Cetlinjejor., ML 73*.
On la. lue.. ,V.î, 27*2, '2 M,
Ovonnes, inuiiK im, 347.
Chahaud (£'/«, |, 200.
ChaVrt<m, muni, 312.
Chacabuco, lœ, 70, 94.
Chattov, 466,
Ghaldéens, 381, 382.
Clliilon-surSuoue loc, W7,
Chah»*»*, lur., ?7.
Ckambard {duc de), 256.
CtomY, 220.
Cli:mioumx» Inc., Jtf;, #//.
Cluimjiagiuilfe, lue, 340,
Charopery, hic, 370.
Champotlion, 70.
Clumiçliut, toc, 108, 182,
M0. z?70. :i:)2, m .5;'/,
523.
Chu»-tuit)?. ter. *»t eap. 164,
Clmu-hiiiit, h>c, 18».
Chapelier* 43,
Chnrtug Cross tï tanntre*.
/**«w<w /«, ,t*g/.. an.
r/aiWfK /i\ /?*/*., 69, 80,
Charles yuint, 88, 217, 358,
404,
Cfar/fc* -V. /»>««(•«', 108, 109.
Charles Albert* Sardaignv,
135, 147.
/:Aar/M d'Anjou, 289.
ChaHesUin, h»v., 192, ;W.
2»6.
CliaHottcalmrg, I<m„ i'^.ï.
f'frnwiA [VU. /,.), tfi.
Chateaubriand, 2, 74.
(lluHeumlun, Inr., ^.ï.
UiAieUcraiill.hic, al).
ChâUHon, toc, lit.
Ctwkt (A/i«A.) f 48.
c:ii<»lif t l'iv.. Ï2.1, 7^5,
Uwmae, h>c, WK
Clu'ii-kia-ldiao, «»l., 5I0.
Chea-M, ti»r., Ifitf.
ChifrimurK, l'w.t Î0«* -/'î.
Clierinignac, |or„ .Ï4fl.
(Uintsapeake. riv., i'J3.
Oliesliire, 1er., ÎVi.
riirahutit, hic, 30/.
Chevrilfan Urf), :i82, :j8:t.
Cïieyeime-Cily, MO.
Cliiamuiunte, tue, .1f/.5.
llhiavcnun, loc, 4&
Chibii, hic, .$ï?.
Chini^o, inr., 285, :;58.
Ciiihlii-lnisseli, htc, 477.
Chili, iet\, 70, 95, 204, 22fi
Chilk», tiv.. /«$.
Chimie, loc. ïfiX
Chine, ter.. 94, 129, IM.
160 à 171. 172, 174. 176.
177, 182, 193. 240, lïti,
*77, 278, r.9 t 280, 28^.
285, 309, 327, 342, 378.
482, 486, 488, 499, 500.
503. 509 i\ 531.
Ghlnoie, 163. 168. 170,
305, 379. 484, 498, 500,
513 n 524, 530.
Cil tm, lie, 101
Chiras. ha:., 493, m, 498.
Ghkipetara. 319.
Chotet, loc, 3ï.
Chnlun, Joe, 517.
t.Uto&Htès, 492.
Chouans, 37, 72.
ChrùtUn d« A'ai'nf-f/mo/c
10.
ClMMi-kili^, lue, an.
CAwi4(fàt.),10:i.
Clliiîie. ter., 385.
Ciuco Villa», ter,, 'il.
CinghalalB. 136.
Ci 11 Ira, hie, 6y. ;W.
Cipayes, 129, 177, 179,
180,
CtKcaut:usie, 1er., 472.
Civïta-Vecchia. loc, 128,
Un.
Cm», 1er., i?r, 31 fi.
Clêtnent XtW //«/j*** 56.
ClestJoe., .Ïi9.
CUffordiUugh), 177.
Cti|»periou, Jh», au.
Cubknz, loe, M, 67, 412.
Cochinchïne, 1er., 178, -2?î,
407, 518.
Coehrane (amir.), 103.
Cocos, lie, H9.
Col île Larelie, voir Nirelie.
CohiKiie, loc, 39> 317, ML
41%* 44t.
CMvné {ChrittL), 96.
Colombie, ter., 89, 332.
Colombiens, 96.
Colon (Ihn Diego), 64.
Cottim'ùa, riv„ 73.
Connues, toc, Mi.
Cutieameuu, ioc, 317.
Con«l«'»sur PKscuiit, loc. 3»,
CoiMié-siirA'eKjtre. loc, 1 40.
t'owforert, 2, 306.
INDEX ALPBABfolQUX
541
Com (A.)* 65.
Confédération germanique
235.
Confédération helvétique
56.
Confédéré», Sudistes,
183. 199» 204 à 214,
Confucim, 523.
Congo, riv. et ter,, $43, 266,
272, r 407, 447,
Congolais» 444.
Connecticut» Hv., 214.
Cannvttn, 239,
Cotes, toc, 340.
Cracovie, loc, 12?» m, «a,
W m.
Craon, loc, 123.
Cravans, loc. v 340.
Crémone, loc, 3Ifl,
Crôte, Ho, W/ t 225, Ml,
287, 384* 5^, 388, U80.
Creiisnt, voir Le Cmisot.
Crewo, loc, 360.
Crîinéo, ter., 153, 156, 219.
466, 477.
Crlstinos, 112
Constance, loc, 807, 360, Croates, 18, lis. 131, /M.
44V * ' 443, 444, 456, M7,,458.
Constantin (grand-duc), 105.
Constantine, loc, 119, 153,
424, 4M.
Honstantinople, loc, 99,
100, loi, 132, 134, 151,
233, 260, 201, 383, 386,
407, 457, 503.
Continentaux, 393.
Conventionnels, 70.
Conk (/.), 296, 298.
Cooper, 330.
Copenhague, loc., 57, on,
78, »l t 439, «i.
Coppet, loc., 9.
Corbehero, loc, 855.
Corée, ter, ot baie, 76, 166,
m t 174, 175, 176, M%
508, 617, 528.
Coréens, 484, 530, 531.
Cortou, Ile, 101.
Corintho, loc, 102, 360.
Cork, loc, 347.
Corme-Ecluse, Joe, 340.
CornwaU, ter., lis.
Contantes, ter., 333,
Corse, Me, 168, 383.
CotthMt <£.), 372.
Cortina. loc, 319,
Cosaques, 81, 472, 477,
485,491,806.
Costa-Rica, 1er., 89, 93,
Côte de l'Or, 1er. afrirnii»,
186.
Coubertin (Pierre de), 104.
Coulmiers, loc, 225, 246.
Courbet (Guet.), 249.
Courcelles, loc, 335.
Courohelette, loc, 365.
Courlande, ter., 321, 440,
Courrières, loc, 366.
Cotirtrai, loc, 350, 363. \ Danton,]®.
V
Croatie, ter., 133, 3* t.
Croix, loc, 363.
Cromwtl, 109.
Crovdon, loc, 301.
Csartoryshi, 110.
Cuba, Ile, 72, 89, 98, 225,
237, 238*255, 256, 281,
282.
Cubain», 255, 281, 282.
Cuiney, loc, 35$.
Cuisinier (Louis), 265.
Cumbertand, ter., a. 113.
Cumin*» col* 94, 96.
Cuneo, loc, 31 U
Cuqueron, loc, 34 L
Cmtossftt loc, 128, 133, 147»
/M, 238,235.
Cuvier (Georges), 2.
Cuxhaven, loc, 459.
Cyclades, lies, loi, 102.
Cypre, Ile, 262, 386, 482.
CyrénoWrue, ter., 381, 384,
398.
Dahomey, ter. 407.
&Aiguebtllt t VQ,
Dalilci, loc, 493.
Dalmatie, ter,, 262.
Dalny, loc, 511, 516, 517.
Daman* Koh, tor., 490.
Damas, loc, 382.
Damiette, loc, 63.
Danemark, ter., 78. 12»,
128, 182, 234, 3U, 379,
439, 449, 462.
Danois, 128, 132, 284, 321
4 325,349,449,452.
Ban une, riv., 57, 143, I53 t
226, SOI, SOS, 308, 385,
441 t 459, 408.
Danxig, loc, 57, 441.
Dardanelles, détroil, toi,
154, 226, 388.
D&r*es-ftalain, loc, 203.
Darial, col, 472.
Darius, 231, 492.
Darliflgtton, loc, 70.
Dartford, loc, 891.
Dartmouth» toc, 847.
Daru, 59,
Darwin (Charles), 120, 123,
184.
Dauphiné, 1er,, 14, 15.
David, 19.
Dax, loc, 97, 313.
Debdti, loc, 275,
Debidour (A,) t 8.
Dékabristes, 70, 71, 105,
107, 220.
Delaunay, 18.
Dolawnre, riv. et 1er., 2/3.
Deleschize (Charles), 249.
Delhi, toc, 178, 503.
Deloche(A.),%, 68, 71,126,
129, 181, 183, ï24, 227,
288, 291, 298, 334, S35,
376,377,453,455,531.
Demotins (Edmond), 200,372,
416,
Denain-Dellays, 374.
Denbigb, loc, 118.
Dendre, riv., 860.
Denguin, loc, 341,
Denver, loc, 360.
Derbent, loc, 476.
Derby, loc, 113, 343.
Deux-Sictles, ter., 111, 182.
Devon, Devonshire, ter,, 2,
112, m.
Dewey (Mehil), 328.
Dwey (amir.), 282, 322,328.
DiaMo, mont, 361.
Diarbekir. loc, 386, 48 t.
Dickens (Charles), 139.
Diderot, 106.
Dijon, loc, 307.
Dindings, loc, 175.
Djabadari, 483,
Djajiha. riv., 187.
Djebel Marmouclm. U7.
Djebfel Tididjel, 117.
Djebel Zerousa, 117.
Djthan, chah., 118.
28
542
i/hommc st la TÏRRE
Djenghii-fthàn, 683.
1>jlboutK loc, tt*.
Djohor. loc et ter.* 176.
Djordjatti. 477.
Djuba, riv., £77.
Djtirdjura, monte, 243, 423.
Dniepr, riv., 733, 349, 3M,
Dniestr, riv., m, Wl, 469.
Dobrudjn, ter.. 260, #0*.
DÔle, loo. f 307,
Dotorès, loc, 92.
Dollart, baie, 459.
Domène, loc, 73.
Dominique, île, 33t.
Domo d* Osaola, loc., 307.
Don, riv., 345, 459, 408,
Don Carlo», 111, 254.
Don Miguel (Portug.), 112.
Donausclwigen, loc. 128,
733.
Dorchester, loc, i/,3.
Dordogne, riv., 348.
Dorpat, loc.» 327, 408, i:n.
Dorset, ter., 773.
Dortmund, loc, $48,
Douai, loc.» 356,
Douarnenez, loc, 3^7.
Doubs, riv., 39, 66, 30?.
0oukhobor8,474. </ 75,4 83,
Doumy, loc, 341.
Dourges, loc, 365.
Douvro, loc, 315, 316.
Dra, riv., 276.
Drac riv., 13.
Drave, riv., 146, 201, 319.
Dravidie, ter», 180.
Drazon, loc., 341.
Dresde, loc, 70, 735, 143,
m.
Dreyfus {Affaire Alfred),
226, 408, 409.
Drht, riv., 707.
Drina, riv., 308.
Drocourt, toc, 355.
Dnuses, 382.
Dryden, 206,
Daungario, ter., 274, 484.
Dublin, loc, 347.
Duboù'Rtymond, 418»
Dm d* Angouitme, 87.
Due de Brunswick* 1, 87.
Due tiEngldcn, 09.
Ducosurjoli, 65.
Dueos (Roger), 32, 72.
Dufour [Chéries), 368.
DiJixImrg, loc, 343.
Xhûàgno, loc, 2 fil.
Ournont (wlr^n*), 414, 415,
416, 418»
Diroa, riv,, rftft>» 463.
Dunkerque. ïoc, 317, 318.
418.
Durante, riv., 377.
7>tiret {Théophile), 40.
Durhnni, loc. et ter., lit.
DtiKHRldorf, loc, 3#3.
Dvmymr, 273.
Dvina, riv., 308, 459, 400,
Dyle, riv., 330.
East river, 37&
Bbre, riv., 81, 37ï, 314,
344,
Kchallenx, loc, 65,
échelles do Planphiot, rai,
105, 377,
EckmOh), loc, 69.
Ecossais. 198, 202, 294,
303.
Ecosse, 1er., 294, 488, 4«lJ.
Ecuador, t«r., 39.
Ecuadoriens, 96.
Edimbourg, loc, 2, 365,
366, 438.
Egée, mer, 707, 261, 392,
495.
Ëghinjoc, 431.
Egypte 1er., 2, 60, 61, 69,
71, 80, 102, 120, 154,
22G, 232, 233, 263, 269,
381, 364, 386.
Egyptiens, 381, 444.
Ehstes, 471.
EhstoiuV, ter., 440.
Eider, riv., 322, 469.
Einsideln, loc, 55.
Elagabole, 485.
Elam, ter., 491, 498.
Elamltes, 381.
Elbe, riv., 143, 234, 371,
439, 440, 441, 469.
Slbe, lie, 82» 168.
Eiberfeld, loc, 343.
Eleu.dit«liauwctte,loc.,355.
Elis Jsland, 376.
Elisabelngrad, «w> Yelisa-
bethgrad.
Elgolea, loc.» 426,
Eltnina, loc, 186, 187,
Emden, toc, 439, 469,
Empire allemand, 242.
Empire austro * hongrois,
262, 235.
Empire bysastin, 99.
Emnire chinois, 163.
Empire français, 79, tltî,
120, 129, 197, 216.
Empire indien, 52.
Empire japonais, du Soleil
Levant, 378.
Empire mexicain, 217.
Empire russe, 220.
Empire turc 39».
Ems, toc, 469.
Enfletd, loc, 307.
Engelberg, loc, 66.
Bntre-deux*Mers, ter., 348.
Eutrerics, ter., 333.
Enseli, loc, 494,
Ephraïm, 323.
Erebtis, volcan, 122, 297,
Eritb, loc, SOL
Erithree, ter., $71, 272.
j 310, 320.
| Erivan, toc, 476,
Erquelines, loc, 366.
Erzendja», loc, 4SI.
Enerum, loc, 386, 47 r,,
4SI
Escaut, riv,, 39, 360.
Eschyle, 378.
Etkimau, 328, 329, 330.
Espagne, ter., 50, 56, 59,
64, 69, 71, 77, 80, 8t,
84 a 90, 96, 98, 112, 113,
136, 196, 203, 216, 225,
227, 236, 237, 250, 253,
254, 256, 261, 263, 270,
272, 273, 281, 346. 394,
400, 403, 404, 405, 413,
419, 430, 436, 51$.
Espagnols, 65, 67, 68, 86,
88, 90, 92, 94, 96, 184,
198, 228, 255, 270, 336,
403, 419, 424, 426, 446.
EspaÛola, lie, 64.
Espicheï, cap, 399.
Esquercnines, loc, 356,
Essen, loc, 343, 349, 368.
Essex, ter., 173.
Essling, loc, 69, 79.
Eslrées, loc, 355,
Estuaire Platéen, 398.
Etaing, loc, 366,
Estampes, loc, 844.
INDEX ALI>UA.BÉTIQUE
543
Etat imtépMidant du Congn,
$na, 447.
Fïtats Chatu £Î7, 294.
Etat» <|p relises pontifl*
eaux, 58, 1H.182.
RtaM.l'nis. 54, 73, 90» 124,
140» 160, m, 182 * 225
ftamm, 255, 26 î, 262,
278, 280. 281, 282, 31 8.
379, 380, 406, ^.W. 518,
52a, 521».
Klebmindiriii, l»r., 477, W.
Kthîopù*, ter., 269, 272,
3 y 8.
Ktttu. v»k'»n, 394, 397.
ftt»li<*, tw\, :i**2.
KiibéisJle, ////.
Giipaluria, Juc, 753. 182.
Kiiphmli*, riv., 154, 282,
358, ,'182, 385, 493, -/iM,
lCiiro«ic,fi11,
Kun*. riv, ni 1er.. US.
Europe île J A 531» ptissùn.
Européens, 144, 172, 173,
174. 177, 185, 196, 264,
260, 270, U27, 329, 331,
426, 428, 500, 505, 506.
507,518,520, 521, 526.
Euskariens, coir Basques,
Kverek. Un,, 48 L
Kviii, !«<•„ HU.
Kxtr<*iiM' Orient, |36, 164,
168, 17'». 176, 278, 448,
511) A 531.
Extrême Nord, 451).
K.vlnit. ioc, 6 y.
Fahrr it ligtantim, 48,
Faclaxln, toc, 226.
Falais* de Shakespeare, voir
Sliakuspcar** Cliir.
Falklaud, 1K M.
Falmoutu, toc, «?.
Klllll)H)l)X. loc, J&&
Farah, Inc., 491, 495,
Farbus. loc, 3.W.
Farsi, 498.
Fnrwest, ter., 203.
Fiaicjlle, col, 9.
Fédéraux, Nordistes, 1 s 2,
193, 204 a 214.
Ferdinand (T£spagne t 80,
267, 404.
Ftrditmnd VU, 91, 92, 96,
V
FergRana, ter., 487, 489.
Fear. cap, #4f.
Ferin, toc, 35*
Ferla, lot*,, 395.
Fernando. Po, île, 403.
Ferney, loc, 9.
Ferrari, 123,
Ferrel, cap, 345.
Fenehy, loi:,, 3.5 5.
Fox, lia:., itf&429.
*Y«W (Camille), 275,
/Ve*?A(, 127.
Figuiff, !oe., 2?.5, 42 % 429.
Finlandais, 444, 440, 471,
'«72, 485.
Finlande, 155, 294, 4 4 9, 463,
4M, 466, 470, 472.
Finnois, 484.
Firdouzi, 497.
Kr'tevy, 120,
Fi unie, loc, 3/0.
Flamands, 338, 444, 44fi,
452.
Flandre, ter., 2<t, 131, 308,
W 444, 446.
Fl<»i.»burjr, lor., 234, 45»,
Fiers, loc. .m,
Fleur du Milieu, emV Chine.
Fleuras, Un-,, 39.
FlinU 1er., /W.
Florence, Ir.c, 128. f$A\
364, 393, 3%.
Floride, 1er., <W, 105, 215.
Floridln, loc, 3fl.î.
Foix, Joe,, SIS.
Fokien, ter., 166, 109.
Fonscea, golfe, 93.
Fontainebleau* Un;., 70.
Fonletmy, Inc., 37.
Forbaeh, lot,, 246.
Forbes (Fdwin), 210.
Forme**, île, /«s, 278, 379,
523, 524.
Forth, riv., 438.
Foulhn, 19,
Fouqutères - 1< z - l^ns, .5.35.
Fourcou, 430.
/Wf'er (Charles), 139, 140.
Français, 6,18,23,38,43,
54, 65, 69, 70, 72, 80, 86,
«8, 94, Î2H, 158, 168,
198, 218» 226, 235, 239,
240, 2 '.5, 270, 278, 294,
225, 406, 418, 419, 423,
424, 426. 427, 429, 432,
447, 460, 506.
Franc*, 1 à 181 pasum,
216,218,264, 272 6 274.
278, 302, 306, 308, 310,
316, 328, 342, 344, 346,
348, 377 à 453 pannm,
458, 515, 516, 523, 529,
33, 39, 55, 317, 321,395,
4ht
Fronce africaine, tw Algé-
rie,
Franche. Comté, ter,. 317,
321.
Francia, Paraguay, 94.
Franco-Européens, 422.
Francofonte. toc, 395,
Frankfurl, loc, 2, .5?, 127,
128, 131, m, 148, .lia,
321.
Fraaklitt (John), 121, 122.
Fratienfeld, toc, M.
Frédéric //, Prusse, 22.
Fnwlow'i), toc., m, ïfl$.
Fmtiiax-les.Montauban,3. < î5.
Fresnoy, I«l*m 3/i5.
Frlbourg, loi*, de Suisw», U,
134.
Friodlund, toc, 69, 79.
FHoul, ter,, <I19, 463.
Frioalans, 144.
Fttlcla, loc, 124.
Fiuuin, loc, 173.
Fusiyaina, voleau, 173, &>}.
Fu-tcliéu, îtM.., 168, JH9,
522.
Oaliès, golfe de, 272, 419,
425,
Gachuplnea, 92.
Oadtatcb, Joe, 40».
Oaete, toc, 160, 182.
Galaad, 323.
Galapagos, lies, Sff,
Galice, ter., 86.
Galicte, ter., 127, 132, 458,
Gallayo, riv., 344.
Galway, loc, 347.
Gams, loc, 55.
Gand, toc, 30, 3^3, Un.
Gandolphe (Maur,), 450.
Gansa, riv., 178, 332.
Caribatdi (dus.), 149, 150,
158, 160, 182, 394.
Garonne, riv., 314, 344. 348,
356, 409.
28*
544
l'homme et la terre
Garrison (Ltoyd), 192.
Gascogne, ter.» 415.
Gascons, 409.
Gateshead, loc, 343.
Gauchos, 96.
Gaules, ter., 252, 320. 331,
348, 378, 409.
Gaulois, 14»,
Ga vaches, 338.
(lave d'Oloro», M.
Gave de Pau, 34 L
Geditf-tdiuï, riv., ioi.
Oegenbach, loc, 4&
G«iot (J ), 419, 427.
Gel&mkircliei), lue.» 343.
Gemozac, loc, 3*0.
Gcnadios, 100.
G$neR, loc, 57, 58. M $ 22**,
311, 3.$$, 393.
Genève, loc, 9, 5.5, 225, 245,
307. JM, SI 2, 328, 344,
391, 420, 480.
Gcnèvre,mont.310,£//,312.
Georges lit, Géorgie, 476.
Georgetown» loc. du la Gu-
yane, 89.
Georgetown, loç. de Pinattg,
Géorgie, 1er. d'Amérique,
M, 205.212.
Géorgie, ter. Cauraxien, 272
à 276.
Géorgiens, 444, 474, JfS,
476, 477, 478, 479, 484,
485.
Gerlache {Adrien de). 296,
298, 299.
Germains, 130, 148, 258,
377 à 431, 432, 456, 485,
524.
Germanie, voir Allemagne.
Germanns, èvique, 102.
Gereau, loc, M.
GervatS'Courtelkment, 519.
Gervinust 1211.
Gettvsburg, loc, 182, SOS,
212.
Gcx, loc, 9.
Ghadarnes, loc, *S&
6M'o (Pau/), 394, 396.
Ghiricht, loc, 491.
Oiarrutuno, loc, 3P&
Gibelins, 399.
Gibraltar, loc, 79, «5, 86,
154, 233, 203, 272, 273,
Gibraltar, gai ta, ?*3, 380,
384, «M, 403.
<?<&«* (K,}, 359.
Gironde, riv.» 258, 313, Jtf»
345.
Girondin», 2.
Giseh, ïoe, ff&
Oitomic loc, 4ns. 4H».
Givroxac, loc, $40.
Gladstone, 208.
Glnniorgan, lo<\, 113,
Glatis, loc, .5.5.
Ohtftcow» loo„ 438,
Oloslur. loi*., i/ï.
Gobert, 342,
UodtiUA. l«c, 128, 133.
Godunov (Bons), 220,
GWmit(H'<7M,2.
Co-fe/, 330.
Gôktept\ loc, 487*
tioergei (gén.), 128» 1 40.
Gcerz, loi*., 319.
Gattlte (IVotfgang), 2.
GoBiiIziu, loc, 365.
Gohier (Urbain), 412.
Goldsmilh (Oliver), 206.
Golfe de CoroV, /?.ï.
Golfe dcGabes, 419.
Utilfe Persique, 388. 491,
492. 499.
Golta, lue., 4M.
Gomme, 352.
Concourt {Ed. et Jutes), 26.
Gor, loc, 2? 3,
Gordon (gén*)* 1*0.
Gotlia, lue, 264.
Uolthard.col, Mî\ m
Gourmont (Itemy de), 125
Gotiiy-jtouS'ItoiK, Joe., «3.55.
Govwnoi* friand, 3?.ï.
Cïoya y Lucimtes, 2, 111,
Oozzo, île, £07,
Grafenau, lue,, 295.
Grampound, loc, 143.
Grand Allas, rnonl, 429.
Grand HaKsani, 1er., 241.
Grand Khingam, mont, 396,
Grande Bretagne, lie, 50,
60, 77, 78, 79, 83, 90,
108, 114, 116, 154, 167,
170, 176, 196, 231, 2(Ï2,
203, 264, 269, 273, 279,
288, 308, 317, 318, 322,
374, 378, 381, 384, 396,
398, 400. 403, ï 405, 406.
410, 413, 438," 448, 449,
Grande Bretagne, suit*»,
480, 492, voir mm An-
gloterre.
Grande Grec», 1er., 394.
Grand* Kabylte, ter,, 243.
Grande Pyramide de Gt#eh,
60.
Grande Kussie, ter., 504.
Grandes Landes, ter., 27.
Grands - Bussions , 474,
475.
Gransoii, loc, âô.
Grant (gmêr.), 182.
Oran ville, loc. 37, 317.
Grutz, loc. d'Autriche, 319.
Gravellotta, loc, 307.
Gravclotle, loc, 225, 241,
X45.
Grèce, ter., 70, 99, 104, 123.
226, UU 287, 318, 319,
322, 372, 377, 378, 389,
391, 392, 393, 452,
Grecs, 99, 100, lot, 102,
103, 104, 105, 319, 331,
382, 389. 390. 391, 393,
455, 458, "474, 476, 480,
484, 518.
Greej (Guiti de), 56, 59.
Green (Richard), 352.
Ureemvicli, loc, 30i,m.
Grégoriens, 478.
Grenoble, loc., 11, 13, 14,
311.
Crusse, riv., 13.
Grezae, If h;., 34lh
Grigorovitck, 455.
Grisons, t«r„ 54.
Groenland, ter., 121, *»«,
330, 451.
Grouslens, 474.
Guadalcje, riv., X$.
Guadalquivir,riv., W.
Guadeloupe, Ile, 72, 73,
406.
Uuadiaro, riv,, H5.
Guanches, 330.
Guarani, 91, 9'».
Guatemala, ter., 89, 92.
Guelfes, 399,
Guelma, loc, 424, 425,
Guemesey, lie, 57, 347.
Guillaume <f Orange, 109.
Guillaume /", AUem., 244.
Guinée ter., 66, 187, 270.
Guizot, 134.
Gumphvits (ÎMdishis), 305.
INDEX ALPHABÉTIQUE
545
Gumuch-liaae, l«c ( 487.
GurgMt, riv,, 497.
Curun» lue.» 4SI,
Ouyane, ter.. 72, A»,
Habsbourg, 217» 441.
llinljm, lot',, 4M.
Hagueimu, loc, 30, 53.
Haïnsdau, cote Arménie,
Haï-fong, loc, 521.
Haïkanes, w£r Arméniens.
llaïnan, lie, Ifl0, $£3,
Haïuaut, t?r„ 308,
Haïti, lie, 69, 30, 90, 186.
Haïtiens, 1*»6*
Hakka, 168.
Mal» loc, 4/<S.
Haldons (ein, loc» 55,
Hftluli, loc, 386, 43i.
Halifax, loc, W3.
Halluinjoc, 3W, 303.
Hatnadou, loc, 4M.5.
Haml>lain<U'7M'r&t, loc, 3M.
Hambourg, loc, 127, /J3,
318, Jî?A 343, 345, 431,
436, 437, 438, 440, 44/.
Hamel, loc, 355.
Hamttee, 185, 190.
Hammond, 190.
Hampton, loc, 30 1.
H an, riv., 169, 513.
Hang, riv., 169.
Hang-tcliéu, loc, 164, ifftf,
33.3.
Hau-kôu, llanktou, loc,
165, 1 C.C, 169, 279, 553,
Hanoï, loc, 109, 226, 423,
ffanoteau (Gab,), 258.
Hanovre, loc el 1er., 127,
133, 143,324.
Haii-tchuiig, loc, 513.
Hauts, ter., 11$,
Hanwell, loc, 301.
Harmersbach, loc, 53.
Harnes, loc» 355.
Harpers-ferry, loc, 195, S 23.
Harrow-oii.tfie-Hill, loc,
301.
Harward, loc, 193.
Hatteras, Cap, 346.
Haut Atlas, mont, 275.
Haute Deûle, riv., 355.
Havre» loc, 318.
Haynau, 146.
Hébreux, 323,
Hegel, 2, 305, 431.
Heidelherg, loc, 127.
Uelgoland, lie, 43», 459.
Itellade, ter., 101.
Hellènes, 99, 102, 104,
322, 378.
Ili'lsingfors, loc, 405.
Hellespont, détroit, 463.
Helmend, riv., 270, 491,
495.
llendon, loc, 30t.
Ilénjn LiéUrd, loc, 35$.
lUnriot, 12.
livrât, loc, 270, 4M, 48H,
495.
Herder, 336.
Hereford, loc, 113.
Hérault, riv., 258, 348.
Herirud, riv., 276.
Hérodote, 204, 378, 496.
Herttord, loc, 113.
Herzégovine, ter., 226, 260,
m, 389.
I Icsse- Darius tadt, ti»r., 127.
Hétaïristee» 70, 102.
Hétéens, 381.
Hidalgo* curé, 92.
Himalaya, monts, 274.
Himty [A.), 52, 55.
Hindous, 178. 179, 444,
500.
Himlu-kudi, monts, 370,
487, 502.
Hîndustari, ter., 178.
Ilippone. loc, 421.
Hispano»Àmérioaina,90.
H ispano- Amérique, 90, 216.
HUpano-Ghlliena, 331.
Hoaï, riv., 169.
Hoang-ho, riv., 155, 164,
279, 514, 516 f 523.
Hobokcn, loc, 375.
HohenHnden, loc, 69.
HohenzoUern, 238.
Holderer, 506.
HoUand, 170,
Hollandais, 59» 177, 266,
448, 452.
Hollande, ter,, 50, 51, 59,
377, 439, 447, 448, 459,
Holstein, tor., 132, 182, 234,
235.
llolyheari, loc, 3*7,
Holyrood, loc» 361
Home (Bruce)* 365,
Homel, loc, 468, 469.
Homère, 472.
Honan, ter., 169.
Hondim van Herwerden,
295, 298.
Hondschootc, loc, 2.
Honduras, ter., S9, 93, 331.
Hongkong» loc., 279, 523.
Hongrie, ter., 128, 132, 133,
13'., 146, 147, 232,t'J*i,
377, 379, 414, 443."
Hongrois, 128, 144, 146,
325 458.
HoWde Ville» a Paris, 18,
138.
Houplines, loc, 303.
Hsj-ngan, Sjngan, loc, 513,
613.
Hudson-Bn.Y, 302, 37.5.
H n t\ loc, 277.
Muesca, loc, 313.
Huervu, riv., 344.
Hugo { Victor), 336.
Humàoidt (Alex, von)* 2»
89, 120, 301, 332.
Huilait, ter., 169.
Hung, riv., 169.
Huas, 506, 512.
Ilunta» riv., 459.
Huntmgdon, loc, 1/3,
Hupé, iwr.» 169.
Hu-tcheu, loc, 169.
Hymiarites, 414.
1
lui», voir Yalu,
lakutsk, loc, 155.
laxartès, riv., voir Sïr.
Ibères, 331, 427.
lMrie, ter,, 99.
Ibrahim pacha, 70, 103,
119.
Ibsen (Henrék), 452.
Icare, 141,
Icarie, ter., 141.
lchim, riv., 487, 509.
IdHa, loc, 319.
Id»u, cap, 527.
iéna, loc, 69, 77.
lénidjé, Joe, 48L
lénikalé, voir Yeni*Kateh.
lénisséî, 155, 29$, 506, 509.
546
l/HOMME Bt LA TERRE
lémsséiKk. !<»<.., 4W.
Uni, toc, Ï7ô*
Igharghar, riv., ^5,
lie il« tu Gonave. 64.
Ile de Pierre l« t ?P7.
IloUttCupVerU/*?.
Ile Mrivllk», m.
Iles UritamtKiiKw, 136, /M,
2u:i, :i?4, :i79, 448,
Ittrt Billot. SÏ7.
Iles K^cniins, 3*11.
Iles Ioniennes, 59,391.
Ht 1 » Normandes, 3tî,
lit»* (kfomnes, 280.
Iles Vierges, 256.
Mord, Um\, W.
Illinois, riv. el li«r., 205.
Inde, Indes Anglaises, 60,
11 G, 136, 154, 155. 160,
166, 170 a 180, 232, 209,
274, 270 t 294, 332, «74.
m i*ii, vj2, 4%, sua.
Imitait*, riv. i'i 1er.. 20$.
Indiens, 92, 180, 218, 330.
Indochine, 129, 160. 170,
177, 240. 400, 418.
IndoChtuois, :t"9.
Indre, riv,, 5r.
Indus, riv.» 178, *?«, «84.
427, 4fi7, 495.
/m«u//a 340.
lugul, riv., i.îï.
IngiilcU. riv., WJ,
tnkermun, Inc., 143.
Ittn, riv.. 55, :>«.$, .ï/f.
Iimsbruck, loi:., 310.
Inoboga, cap, 4 £7,
la^ilaMoc, 426.
Jtwulinde, 167, 170, ',47.
448.
lowa» riv. et toi*., $06.
Iran, lt>r., 154, 486, 489,
490, «tf.
Iraniens, 490,491 , 492, 496.
Iraiiady, riv., 277.
Irk, riv.» 373
Irkutsk, lue, 1&H, 4//d,
511.
Irlandais 130, 198, 338.
Irlande, llf\ Il fi, 130, 222,
203, 2K3, 374.
lrtich, riv., ■/*?, 4W>.
rwell, riv., 373.
Isabelle d'Espagne, 225,
236, 253.
habey, 21.
Isère, riv., jj. 3//.
Islande, lie, 339. 1 40, 370.
hmail-pacha, 232.
Istimtf, toc, 4S&
iKpalmii, lm\, 457» «4, 50».
Israël, 384, 424.
Issy l'EvOquo, lac.., 43.
Issyk-kul, lac, W7.
Islrie, ter., 50, 230, 3i'j.
32«, 442.
Italie, ter., 2, 3, 56, 57,
58. 59.71. 110. 111, 127.
120, 134, 135» 147, 148.
140, 157 à 100, M,
I6ÎK 181, 182, 225, 231,
235 a 241, 240, itt.% 270,
272, 308, 31 U. 310, 320.
340. 303, 372. 377, 38'*,
:i!#l à 400, 'il 3, 417, '«42,
443, 450, M 5, 530.
Italien». 34, 131, i:h, 144,
158. 198, 199. 202» 225,
226, 228, 258, 270, 31»,
325, 392, 307, 399, 419,
424. 444.
l-ti'hauK, ltw\, Vi3.
Itugartiy, 92.
M*« le Trrribie, Huante*
463, 485, 507.
Ivanovn Ynsnesiensk, WU.
ly.i»M(*îi.L<»ns, loc, •?$£
Jara, Inc., -H.».
Jackson, 182.
Jacinel, loi:., fît,
Jacobins» 33,
Jacques I vt , Angleterre, 306.
Jaruby, riv,, 333.
Jade, riv., 469.
JalTa, loc, 83.
Jamaïque, lie, <W> 114, 115,
186.
Jamesrivcr, 207, 213,
Jan Mayen, le, 29G.
Japon, ter., 94, 129, 100,
171. 172,173, 174. 176,
226, 276 à 280, 21% 378,
480, 515 à 531,
Japonais, 172, 173, 174»
243, 279, 379, 466, 484,
524 à 531.
Jansy, Joe, 2tit.
Jaunes, 466» 507,
Jaurh {Jean), 4.
Java, Ile, 447.
Juvéniles, loi\» $40,
JeeUe, riv„ 371.
Jeffenon, 189.
Jemmaneti, Inc., 1, 39 t
Jt«r«y., lo<\, 86,
Jerieho, lo(!„ 19.
Jersey, Ile, 9T* 347,
Jersey «City, \w.. f 37o.
Jorinalam. Sion, 1»h\. «•'/,
383, 384.
Jésuites, 50, 134, 135.
Jêsw.VhrisU 47, 160, 200.
.A»// (#«■'). 4d7.
Joseph II, Autriche, «i.
JoHtté, 284,
Jourdain, riv., 383.
Joux, loc, 3(17.
Juan, g«>lfe, 70.
Juan Fflruanrfttz, IU«, sa.
./mirez (liemlo), 217, 218»
Judw, ter., 38'i.
Juifs, 109, 348, a 78, 38H,
384, 407, 4(tX t 409, 484,
485.
Junker, 440.
Juviis nifMits, 54, 338.
JurAliçun, Inc., 341.
Jyllmui, ter., 322.
Kabardes, 474, 47 r>.
Kahul, loc, 27ti. 486, 4<\? t
Kabyles, 243, 423, 425, 426.
KaJjylift,ter.,241.
Kach^nr, Int., 487, 506,
Kachfîarie, (or., 274. 504,
505.
Ktwhmir, 1er., 505.
Kachovuhy, 107,
KatiriHtan, ter., 505.
Knï'fong, Ion., 60, 521,
K a marie h, )m\, i/A7.
Kalgan, loc, 55Î3,
Kalisz. |ov,, 408.
Kalmuk, 82, 466, 474, 47 â,
485» 505.
Kama, riv., 459.
KîUiicnetz-Podolsk.loc.'iiiS,
469.
Kanipar, loc, /?5,
Karutt'liatka, ter., ./£•?.
Kan, riv.. m.
Kandahar, |o«„ 49S, 5o:r.
Kanguma, riv., 40$,
Kansas, ter., 193» 1 94, 20$.
Kapoln», loc, 128, J3&
Karahîsaap, loc, 4*7.
KaHuviCt loc., 134.
Kats, loc., 226, 260» 41$,
482.
Kartvel, iw> Géorgiens.
Karuu, riv., 492, 4M,
KhmmIh, loc, 271.
Kavatsu, baie, JSVr.
Kazan, loc, 450, 46(j.
Kaiclipk, mont, '«72.
Keane, 266.
Kenl, ter.. /M.
Kpiiliwky, riv. cl ter., I ( J2,
20$, 214.
KoriiliMit riv., i$$.
Kortcli, loc, 153, 5«:i.
Klifiljarov.sk, loc. /.$•?.
Khadjar, 498.
Kh.ir|juul»loc, 4<V/.
K h Art uni. loi.., 226, 269.
KhiilatiKii, riv., /-î5.
Kherson, lue, /M, ma.
Khci')î(nii\Si',ca|», 7£.ï.
Khiva, loc, 2?.î, J.vr. /w.
KhnrasMiu, 1er., 429, 490,
Kialiuir, riv., 169, $13.
Kiaiijf.si et luanK-.su, Ut.,
Kiuii-lcliéu, loi-., 22fi. tfy»,
■5J7, 51*3.
Kja-ting, loc, $13,
Kichinev, loc, 467, 4n»,
KM, Ira?.. 234, 438, m
Kiji*v, li>r„ 4$7, 439, JUS,
4(i9.
Kitito, loc, /? 3.
Ktrghte, 474, m, 489, 504,
524.
Kirman, loc, 496, 497.
Kitia. loc, tf«|.
Kiu-ktuHg.riv., 166. /fi».
Kiu-kiu, Iles, à.
Khige il furt, loc, 31».
h'kpka (gén.)t 146.
Rlaindeutsohen, 471.
Klepbtee, too.
KliuUy, loc, 4M.
Koei-tehou, 1er., M9,
KofiK loc, $27.
IN0EX ALPHABÉTIQUE
/fo& (/, 6'.)» 351.
Kokan, lue., 43t.
Kola, île ol presqu'île, 330,
449, 4G3, 4M*
Kolpino» lac,, 468.
Kolynio, riv., m,
Knmorn, Cûinammjoc . 1 28,
133, 146,
Konakry, loc, 2H3,
Konieli, loc, 127.
Kanifflîraiï, lot;., 225.
Hossuth, 146,
Koubatohi, 474, 475.
Koumanes, 145,
Koumik, 474, 476.
Kouriles, îles, m,
Koutïo-Vataqueu, «90,
Koveït, loc, 233, 492, 49$.
Ko v no, loc, 4ti3,
Krasnoïarsk, loc, 4H8, 49$,
Ô09.
KrasitovodskJnc, 4X7, 488,
4M,
Krenicntcliug, lue, 469.
Kreml' à Moscou, 220.
Kretsehmann iigin.), 432.
Krist imita, loc, 3?/.
Krolovilx, loc, 4H9.
Krapoikin* {Pierre), 222.
Kuaitf(*«i t ti*r.. WV.
Kuang.tuug, ter., 166, 1G9,
Kultn (7,), 267, 28t. 309,
315, 349, 357, 380, 409,
411,412,421,429.
Knndnz. U*c, 4H4, ■/*?.
Kupka(Fr.)< 3, 68, 71, 126,
129, 181, 183, 224, 227.
288, 291, 293, 334, 335,
376,377, 453, 455,531.
Ki ira, riv., 475, 49$.
Kuratohj, loc, 493, Sun,
Kurdes, 386, 388, 389, 474,
476, 480, 482,498.
Iviïssnadtt, Inc., S$.
Kustendjc loc, 261,
Ku taïVt, lac, 47$,
KwatiK*lch(hi ( haie 279.
Kweftoh, loc, 233, -Jî n,
495.
Lalmrre, loc, 307.
La Bastide, deux loc, 34 U
La Bastide de Hordeaux,
356.
547
Labowie, 339.
Uo de Garde, 319,
Lac des Ours, 121.
Lac de» Quatre- Cantons,
135,
Lac Isachsen, 121.
LaCommaattc ïoe, 341.
Lac Kudolphe, '471.
LaCumbre, col, M.
Xiadins, 319.
Larto, loc.., 39$.
Ladoga, lac, 465.
lalayette(j>ên,\ t M t 108.
Ume (/».) et 6Vis432.
Laghotial, loc, 425, 429.
Lapamc co(> Madère
Lajjos, loc, 203.
La Havane, loc., 281.
La Haye, loc, 286, 287, 329,
343.
Laiiore.loc, 136, 270.
Laibaoli, loc, 319, 44 î, 467.
LaMehéu, )oc,.f/tf, S 17.
La Jard, loc, 340.
Lalla liook, 320.
Laaiores t. loc, ; U$.
Lampedusa, île, 397.
Laniîashirc lor., 112. 113.
\,;nuUi\i t \ov.,39,$3,
Lande», ter., 346.
Landes de llaspam.'ti, de
Mixt>, 27.
!.,aiijîres, lue, 24$.
Lançon, loc, 226.
Languedoc, 1»t., 415, 419.
La Xmivello-Orléans, loc,
73, 192, 20$.
Landchéu, tu*:., 514, &<*&,
Laiiîerote, île, 265.
Laos, ter., 277.
La Pax* loc, 89,
La Plata, loc, csluair<> et
ter.,93,.ï.^,360.
Laponic 1er., 47.
Lapons, 329.
I«i Parle, voir Turquie.
Ijtpparent (de), 419.
Irradie, loc, 27$.
LarbalffL loc, 27.
La relu», col de, 311.
Larinta, loc, 2HI.
LaKochelle, loc, 245.
Laroiis, loc, 341.
Latapia,loc.,119.
Latins, 198, 289,377 a 453,
484.
548
l'hommk et la terhe
Latfum, ter.» 378.
Lausanne, toc. 30?.
Lauwin» loc.* 355.
Laval, toc, 37.
La Vatotte, toc, 307.
lamsier, 2, 47.
tawfcld, lac, 30.
Laces» 388, 474, /75.
Lea, riv., 30 1
le Brethon de Coli$ny> 170.
Le Cnire, ïoe, 03, 203, 269,
271, 358, 380, 493.
Leclerc, (gén.), 44.
Lécluse, loc, 35^.
Le Creusot, !n(\, 3W, 355,
360, ;t08.
Lu(gin.) t m t l m.
Leeds, I<h ., 3/3.
Le Forest, loc, 355.
Lpgnano. toc, J5*.
Le Guen de Kerangal, 21.
Le Havre toc, ?/5. 257, 318.
U.|i«g.l«c.,«7,70,7P t 3J?7,
440, //J,
Leisk-r, Leice^ler, toc, 119.
U'ith, toc, //5.
Lenmire (Charles), 266.
Le Mmi», lue.,, 37, 2/5,
Lomberg, loc, //.î, 3tf/»
444, 467.
Lena,Hv..;5£,29e.olu.
Len», toc, .ïJjî.
Lentini, loc» 395.
Lenzburg, loc., 55.
Lepère, 62.
Leprêtre, 305.
tep8ius f 482.
(40 Pu,v*en«V*la>\ loc, 411.
Lerida, lue, 3/3.
Lermontov, 473.
Lers, riv., 344.
LosAilbieniJoc^?.
Lescacloc, 3^/.
Lesghiens, 331, 474, 4îô.
Les Gouda, toc, 3/fl.
Leasing, 322.
Letchwortln loc, 371.
Lettons, 471.
iiiao-ho, riv., 617.
Liao-tecluin„ eaj>, 616.
Liao-tung, ter. etgolfe,5/tf,
517.
Liao»yang, loc, 448, 5J7,
Liban, mont, 386,
Liberia,loc,188.
Liberty Islund. 575.
Libourne, loc, 344, 348.
Libreville, loc, *03,
Lichtûtiberg, loc, 53.
Lichtenberger {André), 44.
Licodïajoc, 305.
Liéga, loc, 349,
Ligures, 831, 427.
Ligurio, ter., 396.
Lille, toc, 30, 2/3,307,325,
1*342,3/3,362, 363.
Ullebonne, loc, 418.
Umtt,loc.,62,W3fl8.
Llinorich» loc, 3/7.
Uinpopo,riv., 400.
£inc0to (iJ*A). 182, 209,
210,211,214.
Lincoln, loc, 113.
Undenschtnitt, 431.
Undsay Brinc, 170.
Llngga, île, ^75.
Lipari, U<%/5ô. 397.
Liri, riv., 759.
Lisbonne, lue.» 69, 79. 99,
200,3*5,399, 418.
Lissa, île US, 225, 235.
Uthuantetts,47i,384,485.
Lfvadia, loc, 753.
Livarpool, loi;,, 337, 343,
3/7,348,371,
Lives, 471.
Li von te ter., 440.
Livournc, loc, 59, 15S.
Ljubljaan, voir Luibach,
Llaneros, 96.
Luanda, ter., 400.
Locaruo, loc, 66.
Lod?., loc, 408.
I/ijfrono, loc, 3/3.
Une riv., 37.
Loire riv., 3? t 3.9, 307, 343.
Lotsin, lue, 366.
Loinbardie, ter., 66, 133,
135, 136,
lombards, 147, 2ï0.
Lomfiok, lie* 447.
Lomc, loc, 263.
Loménie de Brienne, 1, 15.
Loin me, toc, 303.
Londres, loc, £7, 79, 140,
200, 227* 228, 229, 233,
US, 285, 300, 30 J t 316,
317, 318, 328, 336, 341,
3/3, 345, 351, 352, 368,
371,374,384,335, 416.
Jsmg {&), 296.
Long- Nanti •City. 375,
Loogwy, toc, U 39.
Lânntôt (Elias), 472.
Loim, loc, 341.
Lon»-te-gauinier, ïoc, S07.
Lookout, cap, Ht.
Loos, loc, 366.
LorieitMoc, W,
Lorraine, ter., 242.
Lorrains, 240,321, 322.
Lôtchberg, col, 307. ■
Lot'eMIaronmstcr., 415.
Lougot, toi, 311
louis XIV, 39, 108, 240,
louis XV, 39.
Louis XVI, 2,5, 6. M), 39,
34, 35, 246.
Louis XVUI, 82, 85, 87.
Louisiane ter., 73, 189, 206,
fouis* Napoléon, voir Na*
poiéon ///.
Louis-Philippe, 108* 116,
130, 256.
Lottisville toc, £05.
lourdes, loc. 410,
I/mren zo -Marques, toc. 209,
400.
Louvoist 239.
Luang-prabang, loc, 277,
Lucerno, loc, 66, 733,1 84.
Lacques lo<**» ***•
Lugatio, toc, 66.
Liiti*' ville, loc, 69.
Luxembourg, loc, et 1er., $46
Luy-oti-lMani. riv.,??.
Lu v -en -France, riv., il.
Luj!on, lie, 1€9,
Lyclene, 381.
Lydiens, 381.
Lyon, loc, W, 267, 307,
311, 342, 370.
Lys, Hv.. 360.
M
Mac Duffie. 190.
Macédoine, ter., 101, Ml,
322, 39L
Macédoniens, Wi.
Machecoul, loc, 37.
Mackonsie, riv,, 296,
Mâcon. toc, 307.
Mac-Mahon [mar,) t 225,
226.
Madagascar* lie, £63,40?.
Madère, île, 265.
INDEX ALPII&BftTIQVt
549
Madras, Iqc, 178.
Madrid, toc, 67, 79, 83, 86,
91,314, 3SS.
Magadoxo, Mogadicho, loc,
m, '411.
Magdeburg, loc, 3*/.
Magenta» loc, j$S, 239.
Maghreb, ter., 428.
Magyar», 12», «ai, 134,
144, J«, 444, 456.
MahHi (te), 226.
Mtttiomet, 60, 500.
Mabonnals» 419.
Mahratti, 180.
Maljto, riv., 70, 94,
Muison- carrée, loc, 7/7.
Malacca, loc. et presqu'île,
J7$,176,177,
Mataga, loc, 22.1, 276.
MabkolT, mamelon à Se)»».
tofio), JJ&
Malais, 527.
Malaimc, 1er., 1 77.
Mnlatia, loc, 4SI.
Malgaches, 444.
Malinot, loc, uth
Matlet (gén,), 7(1.
Malpelo, tic 89,
Maltais. 419.
Malte, île, 60, 79, 15'*, 320,
«83, 380, 3&Î, .307, 398,
492.
Matthus, 413.
Mamisson, riv., 472.
Mamouratal'Am, ter., 386,
431.
Manche, mer, 37, 174, 246,
316, 317, «W, 446.
Manchester, loc, 343, 348,
368,369,370, 371, «Ï7&
Mandalay, loc, 277.
MandchourH ter., 166, 174,
274, 463, 464. 512, 514,
530.
Mandchou*, i 63, 498,524.
Mandrin, 12.
Manilla, baie de, 282.
Mamihoim. loc, 39, 127,
441.
Man loue, loc, ISS, 319.
Mantouz (Paul), 323.
Marach, loc,, 4SI.
Marakech, loc, 275.
Marathon, loc, 318.
Marbach, loc, 2
Marche, ter., 158, 396.
Marohots, 409.
Marcq*SR-BaroBUli loc, 363.
Mardin, loc, 481.
Maremne, ter., 27.
Marengo, loc, $9, 79.
Maronsin, ter., 27.
Margiane, 1er., 491.
Maria de Florin, Portugal,
112.
M ane- A Moi nette, 6, 7.
Marienbourgr. loc, 39.
Marie -Thérèse, 6.
Marignnri, olc, 163.
MnrimlU (O,), 294,
Muriupol, loc., 489,
Marloive, 232.
Marne, riv., 39, 2:)2, 307,
Maroc, ter., 175, 363, 272,
273, 274, 275, 285, 377,
384, 42» à 430, 49:*.
Marocains, 423, 424.
Maronites, 382,
Marr (T. Il), 37.'1,
Marsula. lue, H9.
Marseillais. 409.
Marseille, loc, 333, 26?, 311,
312, 321, 328, 342, 349,
356,384. «397, 428.
Mars-la-Tour, loc, 24$.
Martaban, jyolfe de, 176.
Martinet Cumpos, 225, 254,
Martinique, île, 406.
Martius (et fyix), 120,
Marx (Karl), 231.
Maryland, tur., 159, 205,
207, 213.
Mascara, loc, 424, 426,
Mason, 189.
Masqueray (Emile), 422.
Massachusetts, 1er., 188,
214,
MrtsHiial), loc, 2fi3, 27 1.
Malium, cap, 117.
Matignon, 522.
Maurel, 417.
Maures, 80.
Mauritanie, ter., 266, 270,
276, 378, 406, 419, 428,
429.
Maurienne, ter., 310,
Mavrucordato (Alex.)* 102.
Mmimilim, Mexique, 218,
225, 238.
Maya, 91.
Mayence, loc, 30, 245, 30t.
Mayenne, riv, et ter., 37.
Maxagran, loc* $70,
Mazur- i-cherif, loc, 276.
Mazeres, loc.» 841.
Maxerolles» deux toc, 340,
341.
Maz$ini (Gt«*.), 127, 148»
149.
Méandre, riv., iûl.
Meched, loc, 276, 287, 486,
490, 493, 496.
Mecklembourgeois, 240.
Médéa, loc, 424, 426.
Méditerranée, 62, 99, 117,
154, 232, 240, 254» 269,
270, 294, 346. 349, 358,
380, 381, 384, 335, 398.
Medjerda» riv., 426.
Medlock, riv,, 373.
Mégart», loc, 360.
Mehemet-AU, 120, 127.
MeîUott, loc, 341.
Meknes, loc, 273, 276.
Mékong, riv,, 176, 277, 623.
Mckrun, ter., 492. 493.
Mêla, cap., 5Î7.
Melbourne, lot., 374.
Melilta, loc, 276, 430.
Melilli, loc, 39$.
Melilopol, toc, 135, 468.
Mettu (H.), 404.
Mellittgen, loc, 66 ,
Met ville, lie, 122.
Meuatn, riv., 277.
Ménard (Louis), 100.
Meudo7.a,k>c,et riv., 96.
Mondrisio, loc, 65.
Mén il montant a Paris, 140,
Menin, loc, 36$.
Montana, loc, 163, 159, 225.
Mer Adriatique, voir Adria*
tUiuc.
Mer arctique, iU.
Mer Blanche, 469, 463, 464,
466.
Mer Atov, 153.
Mer «le Barenh, 29$.
Mer de Bering, 156.
Mer de Chine, 177, 275,282.
Mer de Crète, 101.
Mer de Gascogne, 19.
Mer de Poyang, wtVPoyang-
hu.
Mer des Antilles, 93, 96.
Merdes Caraïbes, 65.
Mer de Sicile, 397.
Merd'Okhot9k,/5S.
550
l'homme bt la terre
Mer du Japon» ISS.
Mer du Nord, US, 31 ft, 317,
MO, '«38, 449.
Mer Ionienne» /30» SOI,
Mer Jaune, /££, Slff,âî7,
Mer Ligurlenno, 155,
Mur Noire, M, m, 156,
2ff/, 294, 4Ô9, 463, 472,
. 47X
MwHoubi*, 62, M. 231,232,
2G9, £77, 294, 419.
Mer Tyrrtrônienno, tt*. .W.
Mura», loc, 3J&
Mcrroiiario, mont* W.
MérieouM, loc, 3Ô5.
Méridionaux, 409, 4io,
Meriunoth, ter.» i/3.
Mmivim, Ion., /Si.
Merlhyr Tydftl, loc, 34*.
MiM'tttchak, riv., 484, 494.
Mt'i-v, 220, m* 27fi, 4..4.
J*?. 489, *35.
Môsopidamits ter., :!7.> ( 494.
Mcssi'iiif, ter., 102.
Mvssim*. |fi*ï., M, H>1, 3*7.
Metternich, 11(1. 130, 134.
Metuali. 382.
MHz, lue., 225, 242, ï«.
3«2.
.\k- Ut/il C 4Jf>.
Mciims riv., .19, 57, *)/. M«.
Mexicains. 218.
Mexico. loc, t>2. s», »J2, 200,
21 «. 225.
M<"Omu»\ 1er. pI |ï»Ui\ lîtf,
73, SU. t<»0, 183, 204, 21*2,
216.217. 218, 1!40,37<I.
Mvyer {iïduard), 481.
Mivhé {grand-duc), 473.
Michèle! {Jutes), (1, 7. 14,
10, JH. 31, 123.
MivlnKiUi, lue, *»$, «*;,
.MiiidcliMiut'K. l«'. t Wi.
Mitldliwoc, 1er., Ut '
Midoims riv.» 27.
Milan, loc, .55, .5/. 58, «<l,
;,«*, 127. 128, 129, iW.
13*». 137, 117, Aï.V, JMtf,
310. 3/ i, 345, 398.
Mila/./.o, loc. /.îfl,
MilifHml r»«d, à Londres,
3fi7.
Milfiiiil-uuVPii.liir., 44?.
MiiiaiKi, toi;., 424. J25,
MiMello, lue JMtf.
,tfi« (.S'ruarf), 413.
MOI*, Oaribaldtati, 158,
182.
tfttit'ére (/. S.), 253.
Mitton, 206.
Min, rtv„ 4/,ï,
Minât, 186.
Mindo, riv., 147, 1ft7.
Minet), loc, 30-î.
Minsk, toc, 400.
Mirabeau, 17,' 33.
Mirath, loc., 178.
Miropol, lue.» *flfl.
Mississippi, riv., 18»j, t&& %
208, 212.
MiKsulofiifhi» loc, 70, /#/*
102.
Missouri, riv. et ter., 189.
192» 193, 203, 205, 209,
2 Ki.
Missouriens, 10 4.
Mithridate, 476.
Milidja, t<»r., i/7, 110. .23.
Mixo. 1t*r., 27.
Mobili\ lias, 192.
Moçumlrif(iii*. ter., 2fi'J. 400.
Modancloc, 310, 311.
Modems loi-.. 127, 158, 31U.
Modka, lot 1 ., .30.1.
Mof£udorJo<s,2i •!,
Mohammerah, loi-., VJ2,
Mohioans, 330.
MoHilcv, Mogilov. 40S, 4Wt.
Moirans loc, &
Mo'ixr, 74.
Mokka, loi-., 2T/.
Moldavie. 1er.. 100, iMI,
J Motettttftrth-St/ke» (/*.), 495.
: 497.
i Malinuri <«. rfr), 46.
j Mothe {de), 259.
| Motnas, loc, .!f4/.
j Alt un lias i. toc, i*iâ.
Mong.tlii*, 1er., /.W, 274,
484, 50 i.MMi, . r ) 14.
Mongole, tr>3, 212, 'W,
474, 4U» t 484, 48G, 4^1,
504, 505, 50*>, 512, 524.
Xhnwer {Mtireet), 50iî,
518, 520.
j/fww, 183, 217, 218,
219,280,283.
Monrovia, loc, /S'î", 26*.ï.
Mons. ïor., .ÏV,
Moutarci»m,lo(.'.,34i.
Mont Blanc» ^7, 5//.
Mont Omis, m* 310, ^il,
31 fî.
Mont -do- Marsan, loc M Sf,
Montehello, loc, M5.
Monte J un to»J(9&
Monte Lauro, 395,
Monténégrins, 390. 45G.
Montenvgru, 1er., 2fi(), ïtf/,
389.
MonliMiotto, In,., 2.
Montt» fiosa, 3 il,
Monta^nns Rocheuses, voir
KovheuHfMt.
Monlar^w, loc.,306,
Montanhan. ioc, ?£.
Month^liatd. loc. f 2, >&, £<;.
MonteiHissu, loc, ^.7.
Montovtdi'o, loc, 89, 3*13.
Montezuma, 92,
MoiitGt»fièYrM10,3i/.
.M on iKomory, loc. d« Cirun.
ilo»ltn»la^ti(>, 7/3.
Moittftonipry, \w. dt i s lilats
l.'nÎR, 20.ï.
MouUguy, !<»»., 3<5.{.
Morit)iii;(«n,|oi M 3C7.
Mont marins à Paris. 240.
Mmitiiifrly, l<u-. t 24,
Mofitttioutlijoc. tdli'r., US,
MmtliH'Utcr, loc. d»* Sain-
toiiK*, -140.
Montpellier, Un. du I«mi*
^tiodfM'. 348.
MoJït Saiiit-Mirhcl. H«s 7. r i,
Monts Alli*({liuuivs, voir AHw*
tîhanii^s.
Mont Taliiir, «2. «3.
M»rat, i«c„ -5.5,
Morava, riv., 144,
Moravee, un, 458.
Mo!'uvïisti'r.,«ï2/.
Mordvln, 4nr>.
MonV, ter., 70, /«/, ici2,
120,318,391.
Morlaixjoc.,347,
Mort»Knt>, lue. «140.
Morlura, l<"*., J4H.
Morwmt {(iuylon dr), 47,
MiNM-nti, lot'., 70, 81, 220,
222, V-W. 4.VJ, 4H3, 4'*,4.
Moscovites, 458, 505.
Mosi'lhsriv.,30.
Moskova, riv., 70.
Mostagan(*tn,lov„ 424, 4'Jô.
Mottaz (Ettg.), 13.
INDEX AU'IUUÉTIQl'E
551
Mottclieux» loc, 36S.
Moueh.V. loc, #«,
Mouscrott, toc, 363.
Moujik, <g2 à m.
Mourut*, Turquie, 61, 226.
Mouravief- Apostat, 1 06.
M'putU, 2C6.
Mueh.loc, 386,**/.
Mukdei». loi-., /M. 448.515.
.Mulhouse, loc. 30, .5.>.
Mutuya. riv., 275.
Afammius, 366.
MtiiKlt'iK lue* 12'*,
Munich, Mtim'heii, 57, 127,
i;i3, 32;. 366, mi.
.l/«/*t/ [Joseph^ 82.
Minuit», lue, 86.
MttrRliuh. riv., 27tf. JA7,
Musulmans, 178, 180,
•in.., tloii.
Mitf/ari de Vougtarut, 7.
Mutjden (lu van), 56.
Mya. riv.. 42Ô.
Mttyiëne, île, /«/, 105, 287.
.Vin/a/ (/W), 501.
Xmiïr+hatt* 491, 498.
Natfasak». )<>r., 173.
Nu#y-sarlo. lot '„ 7.R
Xatii*diiih, loc 52.?,
Nntnur. loi-., 39.
Naucy. loc. i'^î, :'.57, 3tf<\
342.
Xtitikuiff. loc. 165, 166, 168,
i«». 182, J?.ï.
Nan-nitiK, lu**., SH-'L
tXanxt'n. 206.
Nantes, I<«\, 37, ï«, «;,
3i2,
N'a pics, lnr„ 47. 58, ;fl, 82.
m*. /«», loo.m :i%.
Sapotttm /« (voir 7itoM<
.V«Hfo«///,l51,2l6 ( 217,
218, 236, 420.
Napolitains, 1 27, :ti*:f, 426,
Xarliomu*. loc., 313, 3i8,
415.
Narca*l'*l, loc, .'M t.
Xurdos, loc, 3.5*5.
Narvik, loc. W'î.
Nassau, ter,. 127.
Navailles, toc, 341.
Xa varia, loc, 70, iô/, 12 t.
Navarre, ter., 86. 112.
Nebraska, ter., 193.
Xechao, 231,
Necker, 1, 10. 11, 15.
Xvgreiroit (A. <PA.) t 265.
Nègres, 64, 114, 182 u
224, 266.
Ne^ri Hembilan, ter., 17â,
Xelim, 61, 77.
Néo-Grenadins, 88.
Nopal, 1er., W.
Xortehinsk, loc., /£$.
Net ht, riv., un,
Neticliatel. loc„ 54, -î-î, WJ,
134.
Neuveville.loc, tô.
Neuvreuil, loc, 355.
Neva, riv., 469, '.63.
XeVUW, lue, 307.
A'n't'nsott, 478.
Nrwcasllc, Ita:., 343.
New- Jersey, 1er., 2M. 2/3,
215,374.
New I,aw.rk, loc, 1 4».
Newporl, lo<\, 347.
New- Y«rk, lue et 1er., 2W.
MS, 215, 231, 357, 372,
• V5, 43ti % 438.
Nw.il). loc, 120, 127.
N'uati-IUM'i, ter,, VMh
Niiigara,ealar. ( ï*fi2,
Nicaragua, ter., ti'J, 03.
Nice toc, ^?. 3//, «12.
Nirh.toc, «©/.
Ni<ha|Mir. loc, 4UÛ.
Xieola* /*', 105, 107, 145,
H6, 156, 46Î*.
Niémen, riv., 4ùih
Niger, riv., 265, 270. 272,
4M.
Nijni-KolyniJik, loc., 1U.
Nijn j - N»vK»nMl« loi 1 ., 4»i7.
N'tkolaù'f, loc «i* Extrême
Orient, 463.
Nikolaicf, loc île Hussic,
4M t 4m.
Nil, Piv.. 6«, 2Î11, 26V, Ml,
1158, 981, ÎI8Ï, 3HS t '»27,
1112.
\U lilou, riv., 260, 27/.
\tmw. lu»:.. 20, 348. 358.
NinfM»J. loc, itftf, i?3.
Xininv lu*;., :iafi, 358, 106.
Nippon, lie, ;â^,W.Ï.
Nïppur.loc.,381.
Niu-tcliwanfc, J/?, 5?.ï.
Nlvc, riv., ^7.
Nogaï. 474, 47 S,
Noîrmou tiers, îlo, $7.
Noirs, voir Nègres*
Xomu, riv., 156,
NoorU.rlvicr, MS, 208.
Nord, ter. de Franco, 206,
208. 21!. 203,1105.
Northnskjôhl, 510,
XoroVrney» ïl«t M9.
Nordtstes,i'<>t> Fédéraux
Norfolk, ter. anglais, 113
Norfolk, lowuiiéricaiiuvW;.
XnrntatKlk!, ter., 415,
Normands, 28.
Xorlhatnplun, ioo n Ut
NortluuniaM'lauil, ter., 1 13.
XorvèKe, ior., Ml t 379, 4 48
a 'j53, 4U5
Norvégiens, 294,325,452.
464.
NosovjU'lii, lor., 4Q9.
Xoto, loc, SU.
XottiiiKham, \w* rt ter.,
113, 343.
Xouvcati Monde, »w> Am« ; *
rûj ne.
Nouvelle A«Kieterre, 114.
102. 206, 2Î5, 25«J.
Xouvellt'C;alédrmi.',tle,406,
Xoiivelle Kspagne, ter., 02.
Nouvelle l'ranw, 1er., 205,
Nouvelle (Jreuade, (er., 05,
07, 137,
Nouvelle(>winée,l*apouasic,
lie, L>05, 208.447.
Nouvelle Hellade, Ut., U'».
Xnvare, loc. 128, iU, 147,
1ÔS.
Xovaya Zctulya, îli», Jî/*l.
Novgorod, loc.. 4«:t, 4M.
Xovjïorod «Sevi»rsk, loc,, 4hU.
Xwicrn\ 405, 455.
Novîpiizfii*. loc, 'JfiL
XuvotiiOÀkovKk, loc, 4M.
NnvO'ltos«ïJisk t loc, 47i.
Novo-Sylikov, loi;., 4ti9.
Xiivotc-herkank, loc, 4(i'J.
XoyeHt's-snus-Lenu, Xoyel*
les-suus* Helloniî, Xoyelles*
Oodatilt, lr*>w loc, 346.
NOrnliem, loi-., î«4.
Xyan?.a, lue, 272.
ne
L HOMME £T IK TÊRBE
Nyassa, lac, 400,
Atyt (Ernest)* 54, 56.
Oakland, loc.» 35/.
Ob, riv., 2Sff, 506, 4M.
Obdorsk, toc, 609.
Obeokutn, loc, 271.
Obock, loc, £M, ??i.
Obricourt, loc, MS.
Occidentaux» 8i,S03,506.
Occitnmo, (or., 420.
Océan arctique» polaire», 122»
Un, 296.
Oitfan Atlantique vint At-
lantique
Ortfanii», 22, 262, 2«9, 407.
Océan 1 ad loti, 93, 269,
Océan Pacifique vm'r Paci-
fique
Ochim». Il»', âiî.
Odaki, loc, S27.
Oduvara, loc, SUT.
Of|i'r»riv M i4S,
Oilessu, loi-.. /M, r>.ï.ï, \\k%
3Sfi, 4S7, 4S9, 4tW, 4H9,
Odimmboowc riv., .'/.'M.
(Haitlo, riv,. 150.
OITfiiburir. loc, .S.Ï.
tyé(J'f7i<YAf). 6?
Otfliu, riv., 5.5.
Oliio, riv. i*l |i«r„ j?f«.
Ois>, riv., .ïft 252.
oka, riv., 4.5P.
Okhotsk, lui:., iss,
( tbhutbui'f;. loc, 4SU A
Oldhnnt, lin-., 343.
Olumii, loi'., 27*313.
Oman, loc t>\ ter., t'.V,î»
Ombrie ter., 45*.
Ofudtmnun, loc, 226.
Omi, mont, S 13.
Omsk, |oc, soft.
thuya, lac: et riv., 4 $9, 4t!S,
Onon, riv., /55,
CifJtiftn, loc, 266.
Opjiy, loc, &S&
Oraiu bu;.. 254, 21» i, 42a,
424, 42S.
Oramo, tvr., '*!'.».
Orbe riv,. », .î.î.
Oreados du Sud. ib>s, 297,
( )rrli», loc. 4H9.
Oivl.loc, 4Hit.
Orcnoquc riv., 94.
Orfa, toc» 4êL
Ortsataux, 391, 505.
Orléans, loc., 343, 345.
Orléan ville, lac, 424, 4M.
Oriuur, détroit, 4U&.
0«m»;i57,182,
Owkjoc,,/*?.
Ortliex, lor„ 313.
Osaka, loc, /M
Oimanli, 99, tOG, 105, 390.
OiBes, 474, 4? S.
Ostabiircl, U»r.. 27.
Onto, riv., 449,
Osto»di\ \ov„ym.
OslKHcsIamMec, 4S9>
Ofltiak, 466.
Ostricmirt. loi., US.
Ottawa, loc, :i5(i,
Ouadut, ter., 270.
OuauJocûlO, S VU
Oudjda, lue. 27. ï, 429.
OuxM-Ilunm, 117.
Oiif.'d-MazjiKi'iia, vuir Ma-
zagran.
OuuKrinl, Ib-, -î/r.
Omnan. loc, Mit.
Oiui|.cr J(liia. riv., 27A,
Oural, mont ft riv., 4AQ,
4ST< .'t05, 51)8.
OuratoAltaiens, 484.
Oiksouiî, 210, /Jft\524.
OusMuirUoc, 4 s;.
Ovt(ljn|M||Joi'„ 140.
(hwn {Richard), 141,
Oxford, loc ot Iit., 113.
Oxus.iW/- Ainu-daHa.
Ovaniiax, loc, tf.
l'avanie 7a, 15»1, 231,234,
277, 35/, 463, 46'.. 50'*.
M«, 51t. «7.
Pudmte loc, 319.
Pacz{&tn.) t 96.
Pû*M7Vt. Aefcwi), 206,
Pahnng. loc t»t riv., J7.5.
Pnklmt, lue, 523.
l'nlatiual, U<r., A3, 239.
Palazzoln, |or., :wîi.
Palwmcloc. /.5«, Hi«», .ÎV5,
!'itk«tim» f t»T„ :i«:i à a«r»,
I'ab'Mm, lo*:„ Ï5S.
Pal mas n»j», /NT.
Palniyr#,lnt\ t 488.
Pamir, monts, ??fl, 457,505,
SIS.
Pampelona, toc, 3i3,
Panama, loc et isthme &9,
97, 98, 379.
Ptmdoura, 18.
raiitollttritt, tic m.
Pao*nhiK« loc, 5/1
Papin {Denys), 124.
L J apouasic voir Nouvelle
Guinée
PA<|U<*, tltHle, M, 95.
Paraguay, riv. et ter., \t4.
95.
Paraguayens, 91.
Paramaribo, lor., 89.
Purana. riv., V7, 3M, 397.
l'arbayso, loc, «ÏJ/.
Paris, lue, 1 à 21 pnmm, 34,
57, 70, ?», 82, «a, 127,
l»4 f i:»7 à 140, 200, 22f».
n% 2'i«, 242, 2'iri, 24c
i'jr, 248 à 2fA 25ii, 2S7 t
2.V», 28a» ^0?, alO, 5/i,
Htfi, iil 7, 322. 322, 328,
:i*J6, 342, aV», 351, 357,
3.V.», 3«i2, 372, %U< 391,
409, 4Î5, i20, ^,/A 480.
Parisiens, 17, 228, 248,
366,400.
Panne, ta'., 57. iri8,,m
Parry. 70, 122.
Parai, 49a.
Purtitch, 440.
Pas do Calais, (tttroit, I3f>,
317,438,
Pasftievitottt 146.
pHXKUKff du \ord-Kst, A 10.
Passafçcdu Xortl-Oucsl, Il 1*
Passa il. loi'., 20 J.
Pata^xtic ti»r., X9.
Pafesnon, % 13, etc, 527.
Pat nu, loc, /«/, 392.
Pau, loc, SU, 341.
Pavia {gén. ) t 225.
Pavic l«c, ISS,
Pavon t 88.
Pays-lias. 3, 51, &6, StJ t
446, 447 à 448.
Pays Basqui>, 27 1 121* 131,
314.
Pays d*Aïbrut, 27.
Pays d'Axel, M0.
Pays de Katxand, 350.
Pays d(î Wumi, 3Ô0.
INDEX ALPHABÉTIQUE
553
Pays Saxon, 258, 440.
Peary, 296, 330.
Peanx-Rougei, 184, 422.
Pechaver.toc^ff.
Pedro de Uragance, 98.
Péguy (Ch.), 409.
Pehang, riv, et ter., 177.
Pei.)io,riv„1?U,514,J7&
Pei.kiang, riv., 169.
Péking, Joe.» M*. 163, 166,
170, 171, 174, 182, ??»,
464, 512, 4M, JlM,
Peltetan (Eugène), 249.
Péluse, toc, 358.
Pelves, toc., 355.
Pelvoux, mont, -31/.
Pembrokt'.tor,, //ï,
/toidlr, 294.
Pendjab, ter.,i:i6, 178, i**«.
Péninsule de Kola. 330.
Péninsule dns lîalkans, twr
Kalkanji».
Péninsule hiridoni*, e«>
Inde.
Péninsule ibérique,! tnliet » rie,
voir Espagne et ttulk*.
IViiiiisutcï MiituiMS 175, 176,
178,
P««rt (Willinm), 184.
Pennsylvanie, t»r., 1%, 20.ï,
207, 2» 2.
Pitnzumas lut*., 347,
Perak, loc. cl riv., //.5, 177.
IVreJil. «<•, A'ï. «7,
Pcreknp, Joe, /$& 5o:i.
Péril», lit*. 492.
Pcrtn, loc.. 440, 508.
lYrnainbnco, lo«„ /*?.
Pérou, tcr M 70, «0,51 1.
Perpignan, loc., <t/3, 31 i.
Pcnvt (G<ror.) f 394.
Jtovy (Commodore), 171 , 172,
526.
Persans» 496 a 508.
Perse, ter., Ift», 262» 275,
i>76\ 478, S 83, '.91 a 503,
4S&
Pwrsique.tw golfe I Vrshpie.
Péruviens, 96.
Pescador'S, tlct», .124.
Pesehtera, toc., I6H.
Pest, vnir Budapest.
/»«sfW, 106, 107.
PelHnli, ter., roMh cl dé-
troit, 16'i SU, .57î\
Pelchunt, rïv., 44C.
Pélewboiirg, voir Saint. Pê-
tersbourg
Petit Be!t,dét„ 459.
Petitot, 329.
Petit •Saint * Déniant , col,
307, 310, 311.
Petites Russie*, 473.
PetttsRusslens, 4M, 458,
474, 475.
Petrovaradîn, loe.» 1*28, 133
PhaUhourg, loc., 245.
Pbîtnar à Cotis wiUnople,
100.
Phanariotes, 106.
Pharaons^ 62.
Phéniciens, 348, 381.
/WoViu, 378.
Philadelphie lo«., :*««.
Philippe il,W,m.
Philippe ville, U»e. di* Hi*|.
KÏi|ue,3fl,
PltilipjM villa, lue, d'Altfé-
rie. 424, 425.
Philippines, îles, 22'i, 237,
2«2. 28a.
Phitippopoli, lue., ini.
Philippin, U93.
Philistins, 323.
Philomus, 102.
Phrygiens, 381.
Piave, riv., M t 319.
Ptonoii l, ter., lui, Ut, 236,
310.
PiémontaiM28, 158, 182,
393, 396.
PU VI, pape, 7.
Pie IX, pape, 128, 135,148,
150, 236.
Pierre P*, Hume, 106, 358,
463,
Pierre de Calabre, 396.
Pjfiaiig, île, 175,
Pinile, inotit,:i ( Jl.
Pingretf, (/>,}, 283.
Pin'ïo, toc, 358.
Pisany, Kk.., 340.
Pittard, 474.
PiUsbunï. toc, 362, 368.
Pi? JlarjvJifFr.) ( 253.
Planpînet, «Wr Kt'hcNfK,
Platées, b.c., 318.
Platon, 378.
Plevnajoe., 22fi. 260.
Plotivitin, loc„£4£
PiymoiithJia^'H;.
Pnom-penh, loc» 577.
PÔ. riv., 4â> 67, 59, /4«, 3#,\
3/4,3/3,345.
Pointe Barrow, cap, 330 ,
Pointe tjeona, cap, tfa.
Pointe Marroqui, cap, 85.
Pointe Pescadiî, cap, //?.
Point Ueyes, cap, 351,
Poitiers, »or.,.ï?, 343.
Pola,loc„.?/&
Polabes, 371, 442.
paie Nord, ?fiw.
Pôle Sud, 297,
Polynésiens, 527.
Pologne, ter., 70, 71,81.84.
107, 109, 111, 127, 132,
182, 203, 321, 469. 470,
477, 485.
Polonais, 84, 110, 128,
131, 132, 110, 228, 322,
324, 371, 444, 456, 457,
470, 471,484,485,505.
Poiitarlier, io<\, 307.
Pontificaux, 158.
Pontviii.loc, 365.
Pope (Alex.), 20G.
Port-Arthur, lof.. U5 t 226,
2,-9, 464, 50». 540. 517,
523.
Port •nu- Prince, ïoe, 'M
Porte d'Or, UcL.JWI.
Portenos, 93.
Porforpu'MH*, loe., 355.
Porto.Alh'gre, loc, 333.
Porto-Cabello, lor. ,96.
PurtO'Nuovo, loc, îîO'i.
| J «rt.Saïd, toc, 232. 384,
3S5.
l'ortsmouth, lop, 343.
Porl-SunlighlJoe.,371.
Portugais, 98, 176, 177,
198, 266, 330.
Portugal, ter., 50, 7», l J8.
99, 186, 19fi, ^^.^266,
26V, 2y'i, 400, 404.
Pnsen.loc, 457.
Potanin, 505.
Polomac, riv., 182.1206,
'213.
Potosi, loe., 349.
Pcdsdam, loc, 433.
Pouilk'M, ter., 396.
Ponrtalel,coK3M, 314
I^riyaii^liu, lac, 168, MU,
PnuiHnie, ter,, 322,
554
L HÛJIMK KT LA TERRE
Posnaolen, Polonais
d'Allemagne, 322» 444.
Prague, loc , 128, 132» m,
rM t .nu 372.457.
Preguillac lue. 340.
Presbourfj, loi;., 69.
1* les ton, |ut>., $43.
VtvUtm, loc, *<W.
l'rincipautéfi (laiiulrietmes,
15:*.
Prmmtktt\ 478.
Pifjtttihon, 151, 25y.
ProvtMicc ter.» 131, U72.
415.419.
Province* biiHqties 2<>3.
J'riissr, tPr., «7, 56, 79. 83
ion. 128, tau, i:n, m,
/M. 134, 142. 143, 160,
163. Kit. 182. 225, 234,
artr>, 2:10, 238, 2:19, 322,
434.
Prussiens, 67, 143, 225,
242.24fi f 418.
l'rut, nv.. i'tf /.
J'skov. loi:., -//M.
/>/o/wf<Vs, 62,131,384.
i'tttt tcrf/fonc), 472.
Piiphla, Ion, 217, 218. •
l'iJcrlfi-lU'lld, loc, 8.18.
l'Ufl'lo-Uit'U, île -S», 98,
250, 2H2, 28Î*.
Poissa mv dtt Canada, i:V,
Punti, 168.
i'U,VPfl*dn. Jim-.. -Ï/-Î,
Piiyiiw immis. ni!. J/A 314.
Pyrètit'es, itiotits, (y. 27.
2«3. 239, 308, m 31t.
:il">. 338,419.
(Juailrants d'Hiidcrliy, de
Uns*. <U* Vwtoriît, tii»
UVddidl, Mî.
Quakers, 190, 48».
Quarnwo, r;nl«\ 31U.
Qiit't'itslait<t, ti*r..330.
guiM'ijstuwn, Inc., 34 i.
ym»ivY. 1er., il A.
QivrHam, |ih\, a 18. 219.
Qut'Muiy-Kurth'ftle loc, 3fi.j.
QMilh't'tm,jir»'srnj , ili' 1 .ï;.'ii2.
Ûuiohua. 91.94.
f Juiôry •lt**Mn( le loc, ."Jtf.î.
Quittant (ftVrif?), 88*». 4*1.
Qail», |i»r., W, 92.
Rabat, Inc., 27.5.
Jfarfa*, 125.
Jfobfriy (|é«.)» 12& 127.
Ra<ypout«a> 180.
Haduor, loti.. i/3.
Kagasa, toc. dp Mlclto, .WA
Maguu», loc, d'Illyrie, V,
Haïetchiclu 134.
Haimbftauraurt ,loc, 35.5.
KambouilK loc. 108.
Hamsay {W. M.) t 484.
Jtaiigrjon,lcic, ??7.
Hapualiatunk, riv.. 2J3.
Happorswyl. loc, Aï.
Raskolniki, 48.').
Kasfadt, lay„ 128, 133, 143.
ffala*/ (*>.), 77, 241.
Rnvenstein, 332.
Raya, 4 ko.
HiUltvW.
Ht"ilit,loc,494, 4».S.
/fecfar (AViV), 329.
HtMOCio, lw„ M*, /4îl, .3»?.
Unions j n»bires, 293 à 297.
lU'ii'lLstiufTiMi, loc. i!45,
Ht'ims, Inc., m, 2.î<\
ItYaaetUuc, 1 4. 37, 243, 2/5.
Ki'l»nh(it]ut> niiifriptiliie, iWr
Klals-I'nis.
Hooubliqu»» lialavc 61, 51.
Hé|iublio/K'visnlj>ims ligure
|iartli^iiopiV(>uiii>. .5?, 58.
Hvjjuhliiiiii» i-is|i«daats 57.
HètMiblii|Ufdi«Crai'f)Vtt*.t:i2.
!tf ; l»uldîi|tu>ijv Wuisc 59.
l<i>pviî>ïiipif i>Kpaj^nnli', 20'».
itt'ptibliqito triinçtiise. .11,
«8. 111. 1.10,242.
{{(•IHlliUqiu* lU'lvtHitpii*, vnir
Suisse
i{(' , nuh)j(|U(»itnli(.'iiin',.îr 1 149.
ltt k {Mllrli(]iat iiu'Xiraïtif. 216,
•M"
\W\mU\u\\u> romaine -î/. 58,
1 49.
lU'taild. loc, Mtf.
Ht'utuioti, th., 4o*i,
tUveitton, 12.
lîc villa <îif(i*dii. 11**. A».
lU'ykïavik, loi*., :t:t9.
Ht>vaivilti>.tiw., 225.
Hhin.nv.,^, 52,55,57, SU,
72.2»9,w;.4»l t 440.^/.
KInuii'K, Ile, I0L
Hhône, riv., 9, &?, /.îs, 30"
3//. ;i4G, a 4 H. 349.
Rinzan, lot 1 ., 400.
Ricchteri (G.) f 334.
Richelieu, 125.
lifcitmofirit lot'. d'Am^-
riqup. 182, «W. 2«7, 212,
Riego* 70, 8G.
Hif, tPi„ 275.
H îifH. loc, J^ /,*//#, 470.
/ftjgw (C*oa«faaiia), 102.
Hila, monastèn», 3«1.
Hio Hravadal Xorle, 91,
Hlo d<* AnoucaBua, 95.
Hio de Ghonpa, »5.
Hio de .lauciiM, loc, AS. /V7,
3G8.
HiodiflttI'tntn.91 t '^.!f.
Hio d'Oro, ter., 263,
Hio Grande dol Nopl*», riv.,
218.
lîio Oraiati* do Hul, 1er., 3M.
Uîom, Imt., 51.
Hjn Maï|io, riv., tf5.
Hio Moitdox.'i, riv., M.
Htun. riv,, 472» 474, 4? ï.
HioHati Juan, riv., H.
Hioux, ioc, 340.
Hi|)oll, loi?., 3/ï.
Hiuw. Ile /7.ï.
Ht vivra da Tessia, l«r., .5.5,
Hixitorf. loc,.i/.t
HoaniM', loc, :joî.
Robot pur rt\ 2, 32, 68,
Ittic.a. va\\, :iUU,
fiochitmbraiti 62.
Hoclu'ux, nioats, 231.
Hodiiicoiirt, loc,. 3.51
Hocoart, 1«m:„ VJ.
Itœuxjoi-.. 3.5.5.
Roi de Rome, 69.
Rouiac/n'iUt 479.
Itokuii. riv., J75.
Holîiittugava, riv.. .527.
Mnrf, 472.
Hoaiagius tov.s 158.
Romains, 352. 394, 409,
429, 485.
Hnmam-hc riv.. M, 15.
Hoiiu*. loc. 57, 69, ?&, 83,
128, 129, 135, 148, 149,
150, MX, 159, 160, 225,
228, 236, 270, 310, H*U
328, 331, 351, 352. 37*.
376, 380, 385, 898, 428.
INDEX ALPHABETIQUE
r " "
Komforri, |oc, 301,
fomme{Vh t G.) t 48,107.
Rottcal, vaille 31 H.
Roiu:i|, lo«\, 363,
Ronda, loc S<3.
Rontignanjoc,&//.
Hoos, lac. «Î5&
Kosptte, loc, «2, tfï, 70.
Hosolini, loc, Jft$,
Hosx {James), 122.
Hostov, U«: M ,f«K ( 400,
Rotterdam, Ion,, M, 31 8,
Mi t 343<44J t MÏ.
Kutibaix, lot-.. 343, 362, 3H3.
Kouen, loc, W :Mr,342.
/fouûe, 118,120.
Roumains, 1 28, 1 ï î , l 4 4 ,
N5, 260, 322. 324, 354,
394, 443, 444,484.
Roumanie, 1er., 102. 260,
388, :m
Houiitflie, 1er., 226, 26o,
?fli. 361. 389,
Rousseau (J. J.), 336,
fïouvroy, Joe» 'ï'î-î.
Roux {Jacques), 44.
Kovigo, loc 1/7.
Royaume ï : i)i, ter., 179,
:il8, 352.
/laffAerl, 238.
Rudolf, lac, i7/.
Ruu*eclnc,3U.
Hnhr.riv., 130.
/J««. 88.
Rumine), ri v. t Jl'X
Huuel. riv.. -33'/.
tiuskiniJotm^m.
Russes* 84, 106, 128, 154,
156, 198, 199, 225, 226,
228, 235, 24», 259, 278,
289, 325, 331, 380, 440,
455 à 531 pamm.
Hiiwk 1er., 70. ?», 80 h 84,
103 A 10". 120. 12". H 4,
416, H3, 154, 155, 171,
182, 183, 2»3, 221 a 225,
259 à 261, 274 a 280, W
286, 29H t 321, 322. 342,
34», 861, 38 ;, 388, 3%,
407, 4'i3, 448, 449, 455
à 531 pntifim.
Ruthènes, 131, un, 444,
Wy, 458, 470.
Rutland, 1er., 113,
Ryleif, 107.
Saane, riv., W.
Saar- Union, loc, 39.
Sabine, 122.
Sablns, 331.
âacrainetUo, p»v„ 331.
Sndo, riv„ 399.
Sadowa, loc, 225, 227. 235.
Sali, loi!,, 27 S.
Sagami. cap, 521.
Sahara, 1er., i»;$, 294, 377,
419, 424, «3, 430.
Sa M, 1er.. 117. 119, 423.
SaïKOii. loc, 176, *??, 517.
Haillycn Ostrevcnt, SU,
Saint- Arnaud, lot:., 307.
Saint -A mire loc, Mfc
Snint*Glauf|fs loc, 8. 0. 10.
jro;.
Saint-Dents.loe,248.
Saint-Domirifruc fie M. 22,
64, 67, 69, 72, 73, 114.
186.
Saint-Ktienne, lot., 257,
307,
Suinl.FausI.loc, 341.
Saint- Florent, loe, 37.
«Suint 'Florin lin, loi;., M7,
SainMîall., loc, 54, SS,
Saint 'Germain du Seudre,
loc, 34».
Saint .Girons, ioc, 313.
«ainl.Oothartl.coi, m, 311.
Saîiit«Ieaii*d'Acre, loc, 61,
(13, 127,
Saint -Jean*de>LiM,loc, 316.
Saint * Laurent •Grand vaux,
8, 9.
Suint-Laurent, loc, 35>ï.
Saiut-Leandrc, loc, 316,
Snint.L(Hfer,loe, 34ti.
Saint I jouis, 151.
Sainl-Loiii.s.de-St 4 néfÇHl,loe,
187, 2US, ïM.
Saint-Alulo, loc, 2. 37, 317.
.Sainl-Micliel-d'Aiguillic au
Fuy, 411.
Saint.Xuzaire. loe. 347.
Saint-Xiï'olns, loc, 350.
Saint. Palais, lue, 340.
Saint-Paul-de.Loanda, 203.
Saint-Pétorsbourçj, loc, 79,
220, 317, 321, 358, 368,
444,. 449, 4M, 464, 40S,
40S.
Sain UPriva», loc, 225. 21$,
Bain t-Quan tin. lue, 340.
Saint-Quentin, loc, 2. 24$.
Saint.Homain, loc. 34».
8anit-8ébnsti«i,loe,3t3.
Baint-Seurm» loc, 34o.
Suint -Simon de Pel Ion aille,
loc, 340.
Saint-Simon* 138, 232.
Maint- Vinrent, île, 331.
•Sainte-Oertrude, Inc., 34U.
Sainte- Hélène, Ile, 8i, m.
Sainte HitKsie.tur.. ^'20, :ï78.
Saison, riv., 27.
Sakhalin. ile, ISS, 5ff,,
Sakara, loi:., 4??.
Salanurte, loe.,318,
Saiangor, ter.. 17 S.
Salau. col, a la.
Sala y Uoinez, île. *9.
Salfortl, loc, 343,373.
Sallaumines, loc, 355.
Salm, loc et tpr., M.
•Sulonique, loc, ^«/. -ï-s -î.
Salta. loi-., 70.
Saltien, i*iv„ 2??.
Salvador, *w> San Salvador.
HuIzicnnimerKiit, ter., :\w\.
Sa manu, haie, 6$.
Samar, île, 284.
Sninara,h)c, 4S9.
Samarkand, loc, 225, ïrc,
485, 4S? t 488, 4Ur K 5<u.
Samoa, ile,280.
»amo».lie,lU5,388.
Samoyèdee, 505.
San Ainhrosio, loc, M*.
Sandler {Ch.), 372.
Sati Félix, lutî.» »».
•San Francisco, loc. 171,
200, 231, m
Sanfî-yanif. loi-., $23.
San Lucar, loc, M.
$an*Afttrtin, 94.
San Marino, loc cl lec .;;.
San Pedro, loc, <J8.
San Palilo, \m'u*,3Sl.
San lïaphael, loc, 3-U.
San Hoijaceajj, !xî.
San Salvador, ter., H.% 93.
San Slctono. loc, 226. 260.
Sauta F* 4 de Bogota, loc,
89.
Sauta Maria, loc, 98.
San tarent, loc, $99.
Santhonar, 68.
55U
L'HOMME HT LA TKURE
Santiago, loc de Saint-Do-
mingtio, G&
Santiago du Chili, lac,, M.
Santiago dn Cuba, loc, 282.
Santo Domingo, loc.. ff&
Saôun, riv., a», 55, 30?, 311
409.
Saouru, rie, 2?5, 42$.
JJamgossi», Zaragosa, loc,
69, 79, 80, 81, .ïM 314,
:J44.
Saratov.loc, 4ti9.
Sardalgm», Ile 135, l'if),
5*5, 394 à 396, #'7.
Sargans, loc», 55.
Sarmatee, 506.
Sarraaloa, 348, 394.
ttarltio, riv., 37,
Saseno, loc, 101.
Maskatcuevuti, riv., 483.
Saunage lut;.. 13.
Snssun, loc, 4SI, 482.
ftaumurjoc, 19, «ï*\
Sauvageon, Un*., 34J.
Savannali.* loc, 1H2, 192,
205 212.
Save/ riv., W% Ml> 308,
3/9.
Savauay, lue, 37,
Suvuie, ter., 55, 127, 310,
Savone, loc, ffff, 3//.
Savoyards, 409.
Saxe.tor., MS,143 f 4ïil.
Saxc\V?iinnr, ter., 27.
Saxons* 82, 130.
Sayau, monts, 504, 609.
Scandinaves, m 199,
379, 449 à 45».
Scandinavie, 1er., , 320,
377, 448 à 452.
Scarju», riv., 355.
SchaiïouKe, lot:., $5,
Schithr, 2, 4.
SchHriv., 449*
Schltsvig, lue. et ter., 12H,
132. LU 142, m
Schlitttstudl Joe, J.Ï.
SchlusBelJiurg, toc, 4tiH.
Schneider et Cie, 253.
Schondiurg, loc, /i/.ï.
Schouwen, ïltt, U(K
Schweinfttrtt 440.
Scliwytx.loc. et ter., 34, 1 36.
Seilla, détroit, 161.
Scilly, Iles, 347,
Scordia^oc, 395.
Scoreeby, 122.
Scott {J t )> 296,
.Veo« (Walter), 2.
Hcuturî, tue., /tf i.
Sehastojtol, loc, /.$jf, 156,
182.
Seïm, riv., ?M
StHlan. loc, 225, 242, 244,
*«, 432.
Sedrud, riv., *05.
Segonzac f», 274, 278.
Seine, riv,, 37, 30, ar»t, 30?,
409* 441.
Seïstan, 1er.. 49». 492, 495,
rm.
Seinugor, ier,. /M
Stflttfoucidrs, 497.
AW/w (/W), 283, 359, 361,
515, 525.
SeuwnovKka, loc, 4V9.
Semersky* 221.
Séminolfts, 331.
Seminalutiusk, loc» 50».
Sémites, 4 84.
Scmpach, toc, 55.
Hi'inuc riv., 9,
Héritai, riwetter.,65, /*r,
27(1, 4<t7, 430.
Serine, riv,, 3W, 445.
Suiis, loc, 30 7.
Séoul, loc, /5<5.
Scraing. toc, 368.
Sarajevo, loc., ?'j J, 457.
Serbes, 128, 134,1^,146,
324, 389, 390, 443, 456,
447. 458,
Serine, 1er., 220, 260, 261,
308, 388. 389.
Serrano* 238. r ' *
Serres, deux loc dilT., 34 i.
Sestiu.riv., 55. ■ . , ,
iWtlf, loc, «4, 425. »**
Sutli Gommu ui, ] groupe de
i*,villages, 460.
SetahaUoc, 320.
Seudre, riv., 3 W, "^ £3
Sevenoaks, lot., #07.
Sèvre, riv., 37.
Khukespeur's Cliïï, 315.
Slieffield, loc, 343.
Slieuandouh, riv., S 43.
Sherman* 182, 212.
Shetlands du Sud, Iles, 297.
Shrcwsbury, loc, 113,
Shropshire, ter., 113.
Siam, tor.,'175, 176, 275.
Siuiig.kiauff, riv., 189.
.Wrie.t er., t«5» 22». 274,
*06, 302, 476, 478, 483,
486, 504,507 a 513.
Sibériens, 508.
SidMIe, 135, «& 160.994,
395, 3y6, 397.
Siciliens, 240, 393, 394.
Slcttles, 394.
Sidi-lH-l-Abbés, loc, 424,
425.
Stdi-I'Vrrucli, loc, 2/7,
Sierra Leone, toc, 188.
Siéyh, 4, 25, 72.
SMta,riY.,16ft, 167.
Si-kiang,l64, 168, lM t M3
Sikh, 136.
Silt^ie, ter., 133.
SiliHlrlclm;., 308.
Simle m)iol, loc, 133 1 4Q9,
Simon de Mont fort, 410.
Simplon, eol, 307, 310, 311.
Sinaï, mon i,63 t 419.
Hingapur, loc, 175, 1 76, 1 77,
Sion.tW/'JeruKuIem,
SiracuKa.loc,3^,
Sirdaria, laxarti», riv.,
407, 486.
Sir«ts,lec, 34 1.
Sivailes, 180.
Sivas,loc,386,^/,
Skobekv, 485, 504.
Slaves, 81, 82, 104, 144,
198, 258, 319, 321, 322,
37<J, 442, 444, 455 à &3i
passim.
Slaves occidentaux, 134,
456 à 458.
Hlavie, 1er., 132, 320.
Slovaques, 131, 145. 324,
443, 457.
Slovènes, 131, 443, 444,
457, 458.
Smith (gin.), m.
ttmyrne, loc, 10 l t H)ù, 261,
385.
Sachatduvski, 507, 504.
&»na,loc,tffl /,447.
Solarino,t(>e„3^.
Solttrino, loc, 168, 239.
Somal, 493.
Somalie, lur., J?71, 272, 320.
Somerset, ter., 112, 113*
Sommier {Paul), 505.
Soinport, col, 313.
Sonderbund, 129.
INDEX ALPHABÉTIQUE
r>&7
Soutfkfu,rlv.ȣ77.
Sophocle, 378.
Sorraïa,riv., 50&
Sort in o, lut., 3ff.î.
Soudan, ter., 255, 271, 430.
ftoubestre, ter., £7.
âoule.riv.. £7.
Souteïman le Magnifique,
388.
Sotiraje, lue, 469,
Southampton.loc, 7/5, 5./5,
South Farallon, tic» 351.
South Shit'Uls, toc, 5/5.
Sparte!, cap. #5, 275,
Sparlivcnto, cap, 397,
Spicz, loc, 50?.
Spiro,loc„ 55.
Spitxtiiïiv. Ile, *£MT t :*02.
Spix'iet MarUus) t m.
Spree,riv.,440.
Spomies, lies, 70/.
StaiiuwJoc, JOJ.
Staff ord, Inc., 113.
Stamboul, voir Cous tan ti-
nople.
Stanovoï, monta, 755.
Stavodo,loc, 409,
Stavropol, loc, 475,
Stein, loc,, «55.
Stephenson, 70.
•S'teefer, 294.
Stockholm, hic., 52 7.
Stocklon,loc, 70.
Stor, riv., 459.
Stounàlstes, 483.
Htralsund, loc., 79.
StraBbourtf, loc, 39, 55,
127, 245, 307, 328, 329,
362.
Stuttgart, loc, 2, 127, 143,
ai.
Styrie,ter.,4,5/i>.
Sudistes, voir Confé-
dérés.
Suédois, 325.
Suède, ter., 321, 379, 448 ù
453, 4M,
Suess, 419.
Suoz, loc. isthme 'et golfe,
62.55,154,225, 227,255,
269, 38), 555, 494* 503.
SufTolk, ter., 113.
Suisse, ter., 3, 34, 54, 55,
56, 57, 134, 135, 225, 319,
321, 344, 350, 396, 4U
440.
Suisses, 18, 20, 54, 258,
378, 440, 452.
Sui-ting» loc, 613,
Suleirnandugh, monts, 27S,
Siilitm, loc* $61,
Sumatra, lie, 17 S, 447.
Siunfdagava, riv., $27,
Sam ter, fort. 206.
Sunderlmul, loc, 343.
Suugari, riv., 755.
Suomi, i'oir Finlandais.
Hurbiton, loc, 301.
Kurroy, 1er., 7/5.
Sursis loc, 55.
Snruga,baie« 527.
Sus, riv., 273.
Susquchanna, riv., 213,
•SuKsex, ter., 113.
SiMtn Iledin, 506.
Svir, riv., 450.
SwHiisea, loc, 347.
Swift (W.), 337.
Su-tchéu, loc, 700.
8ylt,îie,</50.
Syriaques, Syriens, 190,
382.
Syrie 1er., 120, «Ht, 382,
385.
Syrfes, golfes, 429.
Szegedjnjoc 145.
Szelchnen, ter., m t 513,
514.
Tabrîs, loc., 495,
Tachki'nt, toc, 233, 7*7,
489.
Tafllelt, ter„i75.
Taganrog, loc, 459, 4M.
Tnge,rîv.,JW, 400, 40t.
Ta|?lianïPitto,riv„ 319,
Tailiiadâ (/„.), 48.
Taine, 12.
Taïping, 129, 136, 165,
168, 169, 170, 182.
Tai*yneit,loe, $23.
Takasuki, loc, 527.
Taling<ho,riv.,5i7.
Tamertan, 61, 232, 487.
Tain km tin, loc, 425.
Tamise, riv., 301, 352, 375.
Tana,lac,27i.
Tauganyika, tau, 269. 272.
Tanger, loc, «5, 272, 273,
274,275,355,428.
Tan*ac,ioc.,5#0.
Taaurirt, loc, 725.
Tarasse», loc, 348.
Tarbagatai, monts, 509.
Tarhes, loc, 373,
Tarifa, toc» 272.
Tariro, riv., ôllf>.
Turkhu», ctp, 153,
Tarsacq, loc, 341.
Tartares, 106, 466, 407,
474, 475, 484, 485.
Tarudant, U»c. f $ 75.
Tas, riv., 509.
Tasa, loc, 275.
Tajunanv», toc, 380.
Tasmaniens, 422.
Taira, ter., 330.
Tauride, 1er., 153.
Taurus, mont, 385, 3«7.
Taygète, mont, 392.
Tchad, Tmdé, lac 270.
Tchang<-mao, voir Taï-
ping.
Tchang-lctiéu, loc, 169.
Tcliefu,luc,5/«,5/7.
Tche-kiang, 1er., 169.
Tchèques, 131, 444, 456,
457,
Tclumg-tin&Iou., 523.
Tcheng-tu, loc, 279, 510,
513,5*3.
Tcneremisses, 466, 505.
Tcherkesoj {Wartam), 477.
Tcherkeesee, 331, 389,
473, 474. 475.
Tehernigov. loc, 409.
Tchesme, loc, 101.
Tchétchènes, 331.
Tuhili, voir Petrhili.
TchifiK-kiaiiff» loc, 523.
Tchita, loc, 155.
Tchitral, U<r., 27'i.
Tclni, riv., 4H7,
Tchung.king, loc, 513, 523.
Tedchen, riv., 495,
Togo, voir Tage.
Téhéran, loc, 233, 276, 4S7 t
491, 493, 494, 495, 503,
Ten-cl.Kebir.loc.,49».
Tende col, 311, 312.
Ténôs,loc, 417.
Tennessee riv., 205,2 1 2,21 4.
Tensift, riv., £75.
Terek,riv,,472.
Termonde, loc, 359,
Terneuztm.loc, 359.
&5*
l'hommk bt u tkbrk
Terre de ttnfftn, de Banks,
d'tëllesmere, du Ornnl, de
Grinell, de Nortk-Devon,
de N r orth*Ltftcoln, de
Nurth-^omerstH. uu Prtn*
m Albert* du Prince du
Galles, du roi Guillaume,
dp Wnlliwloii, /£/.
Terre do Cnata, d'Endcrby,
dt» Uralmm, de Guillaume
II, de Knox, de Kemp,
du roi Edouard, de Wil-
Terre d« Victoria, j?*7. 298.
Terre de Feu, 33 1,
Terrien de ta Couperit, 500.
Territoire di» Commande*
ment* 424.
Territoire d'olioi-k, a 71.
Tes*ïn, riv,, M, J«7,
Tesson, Inc..» .M«,
Telunn,loc,tf75.
7'ef3ii«-(*\) t :i7t.
Texas, ter., s?«J.
Thains.loc, m
ThuitiftS,i'of>TaiMK(*.
Tiiélus,Ioc,&»$.
Tlienne, lot\, 31».
Tht'udtiKip, lai;., 163, 409.
Thessalie, ter., 101, 102.
226, Ml, 392.
Thozac loc, 4-/tf.
ThielUoc, J*«.
7'to'erry Mm*), m.
77«>r«, 225, 242.
Thioia, 444.
Thf iloiu IIp, 340.
Thomi dr Gtinvmd, 31 fi.
Thouars, loc, ,ï7.
Ttamret, 25.
Thraeu, 1er., 322,
Thucydide* 378.
Thurgovie, 1er., .5.5.
Tiatwhaii, monts, **7, .115.
Tibet, 1er., 274, 294» 4HH,
506, 515.
Tibre, riv., /4.v,/j9.
Tieii-tsin, loi:., 170, ,î;tf,
Thlis, loc, *M, 476, 477,
483, 49 J, 603.
Tigre, riv., 4M.
Tilloyjuc, &&&.
Tilsilt, lw„ 60, 99.
Timassauin, loc., 4J6.
Timinioim Joe., 423,
Timsah,lac v 2»2.
Ttneh, »29.
Tirwkntéf, 63.
TiroUer.» 236, 3/ô.
Tlroltent, 240.
TiaKa, riv., /«, 146, j?ei.
Tiai.ony.ou, !oc, 424, 425,
Tk'ineiHi, toc, m, 424,
425,
Tobolsk, Joe, 609.
TntftfenburK, loc, 66.
Toknl, loc, #*/.
Tokio, loc, *jî3, J73, S*?.
Toledo, lt>e, 4oi.
TateUA {léan), 306,
Toniat, Joc„ 271,
TornboïK-liHÉ, ln<\, «?ff;ï, 430.
Toiicgavn,riv., .îi?7.
Toiikin, 1er., m, 176, :'??,
270.407,518.
Twquemuda, 284.
Tornea, riv., 40J.
Torres Vedras, loc, 79.
399.
TortPi|«iM)»ts lue, 35.J.
Torlutfa. île, 6.1.
Tosa.c»), 813.
Toscane, 1er., 56* 16X, 396.
Toscans, 127.
Touareg, 430.
Ton» t. ter., 270.
Toiiffiuirt, loc, 426.
Toulon, loe., 311, 420, 428.
Toulousains, 314, 400,
Toulouse, Joe, ^?, .m,
314, .'(44.
Touran, 1er.» 488.
Tourcoing. loc, 362, 3W,
Tour*, loi«. ( 37, 245, 343.
Trafalgar, c:a|i, 69, 77, M,
03.
7Vcr/aA, 231.
Transcaucasie, 1er., 221,
386, 483.
Tr!UWilal t tnont. 4 «y.
Transoder, ter,, 133.
Transoxiane, ti-r., ,/#;.
Trunsttjberien, voie ferrée,
226, 3%.
Trannvaal.tor., 318.
Transylvanie, ter., 146, 258,
321.
Trapani, k«: M .ïfl?.
7>tttclun'ski> 221.
Trave, riv., 234.
Traversette, col, 3KU/7.
Trebixonde, loe., *;.î, /va
Trenne, rm, 469.
Trent t riv„ 112.
Trente, toc, a m
Treuil», ter., 320.
Trêves, lac, 34,
Trévise, loc, 319.
Tripoli, loc, 983, 3U.
TripoliUme, ter., 272, 320,
398, 430.
Tripulitza.lof.,70, 102.
Trouadèro. loc, 70, S5 t
Trois Pointes, cap. 1H t.
Trotnso, toc, 4U.
Troyes, loc., 40, .m.
TxrtitKbo, riv.* 2*J4.
Tsaritsin, loc, nlfl.
TMiircifrrad! •'«*> Ointlnnli*
nofite,
TKi'iiau, loc., jî?3.
Tsing-HiiK, monts, ûh'i.
TKUtiK-MinK« He, 332, 333.
Tsu-Hima, tlu, 473.
Tugendbund, 84.
Tunjî-ting, lue, /«&.
Tanguska, riv.. MU.
Tunis loc, Mb, W, 8S6 t
397, MH, 413, 4H, 'i3(J.
Tunisie, tnr.» 226, 270, 407,
410,425. 428, 42»,
Tupufï Amant, 63, 61.
Tupuiignto, mont, 96.
Turoomaos, 504.
Turcs» 70, oo, loo. joj,
105, 120, 144, 154. 260,
319, 331, 392, 't/i, 476,
480,484,491, 107 à 400.
Turgot, 10.
Tarin, loc, 34, 65. f,7, 16H,
307. 341, 312. 345, 3<J3,
397, 413.
Turkestun, Tnrkméaie, ter ,
226, 276, 482. 486. 4*7.
Turkmènes.485, 686a 400,
491.
Tumer {John), 2.
7 T «rottaA(K(d«r),4l3.
Turquie, ter., 70, 79, 120,
152, 154, 232, 250, 262,
M3, 273, 284, 287, :i«5,
388, «89, 302, 407. 458,
473, 478, 470, 480, ',83.
404.
Tyriinpol, Joe, ^6*5.
Tzade, voir Tchad.
ttmix \u»hab*tiqub
l)datpur»toc, 179.
Udine, loc, 329.
Uganda, ter., gri.
Ulm,toc,69, 7*.
Unkiar Bkalessi, toc, 127.
Ualatas, Grecs unis, 382,
456.
Unioniste», voir Fédéraux.
Unterwald, ter.» 66,
Upsala, loc, 466.
Urt, ter., 66,
Uruguay, riv. et 1er., 333,
Usola, loc., 511»
IHrecht, loc, 316.
UUoach, loc» 66.
Uxbridge, loc, 391.
Utein, loc., 341,
tho»Uoc, 34J,
Vac«,loc.,128, ïtt.
Vftlachie, ter., 70, 100, 2tf/.
Valais, ter., 54. 64 134.
Valaques,429.
Valêeimar.) t \i%
Valence, lot. d'Espagne,
228,
Valence, loc. de France, 3 11.
Valenciennes, loc., 39,
Vatengin, ter., 54, 66,
Valentia, loc, 347,
Vallées des Pyrénées,
A*pe, Baîgorry.Baretous,
Baxtan. Val Carlos, Os-
sau, Ossea, £7.
Valle Hermosa, 94.
Vallorbes, loc, 307.
Val Maggia, Val Mouliera
55.
Valroy, loc, 1, 39,
Valparaiso, loc, 89, 96,
Valserlne, ter., 66,
Vambêry (Arminiua), 488.
490,493,496.
Van, loc, 386, 481AS2.
Vandemtde {Emile), 370.
Vannes, loc, 37,
Vardar,riv., 101,261,
Vardo, loc*, 463, 46L
Varemies, loc, 1, 34.
Variât* 44.
Varlin, 248.
Vaway, toc, 340,
Varsovie, loc» 47, 84, 109,
135, 127, 321. 457, 469 t
493,
Vatican à Home, 236, 237.
Paufon, 361.
Vaude, ter., 12, 54, 66.
Vaudoie, 18.
Vaudoux» 180.
Vaugondy {Rob. de), 25.
Vendée, ter., .16, 127.
Vendéens, 37.
Vénétie, ter., 225.
Venezuela, ter., 70, 95, 96,
97,
Venise, loc, 67, 59, 128,
129, 147, 188, 228, 319,
349, $86, 393.
VercellUoc, 311,
Vardunjoc, 1.
Verdy du Vernois (gin,),
418.
Veretichaguine, 499.
Verkolansk, loc, 166,
Vérone, loc, 136, 168, 319,
Verrière, loc, 246,
Versailles, loc, 1, 16, 20,
225.
Vestfjord, 406, i
Viborg, loc, 46$,
Vickaburg» loc, 182, 206,
208, 212.
Victor Emmanuel, 148, 156.
Victoria, Angleterre, 178.
Victoria Faite, 267.
Vidal du la Blaehe, 37, 245.
Vieillenave, loc, 341
Vienne, loc d'Autriche, 67,
69, 79, 83, 101, 127, 132,
133, 137, 146, 146, 225,
262, 821, 362, 386, 441,
444, 467, 503.
Vienne, riv., 3?.
Vif, loc, 13,
Vilagos, loc.,128,146.
Vilaine, riv., 37,
Villafranca, loc, 16 8.
Villars-en-Pons, loc, 340,
Villasmundo, loc, 396,
Villeneuve - Saint * Georges ,
toc, 248.
Villersexel, loc, 225, 246.
Villetard de Laguirie, 530.
VUna, loc, 468,
Vimy, loc, 366,
Virginie, ter., 189, 192, 206,
210, 213, 346.
Virginia City, 349.
vtrginien», 190, 192.
ViroTl*t,loc,M0.
Visages Piles, 184.
Vteo, mont, 311.
VistriUa, riv., 101.
Vistule, riv., 142, 146, 44 L
469, 468.
Vitry en Artois, loc, 366.
Vivien de Saint-Martin, 294.
Vieille, loc, 13,15.
Vizzini, loc, 396.
Vladikavka*, loc, 476,
Vladivostok, loc, 166, 156,
463, 511.
Vogules, 466.
VojusUa, riv., loi.
Volcan Tewor, 298.
Volga, riv,, 345, 469, 488,
Volney, 22, 23.
Voltaire, 10.
Volturne, riv., 158, 169,
160.
Voronege, loc, 469,
W
Walclwrun, tic 360.
W r a#t*r(AtcM,148,a02 t 303.
Wagram, loc, 69, 77, 79.
Wallftshbay, ter., 268.
Wallonnio, ter. ,110.446.
Wallons, 109, 444, 445.
Wanstead, loc, 301,
Word, 170,
Watertord, loc, 347.
Watford, loc, 361.
Warwick, loc, lis.
Warwiok {comte de), 306.
Washington, loc, 206, 207,
213,
Washington, 283.
Wasselonne, loc, 53.
Wattignies, loc, 2, 89,
Wattrelos, loc, 363.
WeddeU, 296.
WeMiaï-weï, loc, 22fi, 278,
279, 617.
Wei-ho,riv.,5i3.
Wellesley, ter., 176.
Wellington, 80.
WendeU PHUipp8 t in,
Wmtmrlh Webster, 316.
Werdenberg, loc, 66,
Wervieq, loc, 863.
660
l'homme rr là terbk
Wemt, riv,, 130, 43!>, 441 t
45».
Wealty, 190,
Westham, toc. sot.
Westminster, à Londre»,
283,
Weetnrmrokwd, ter,» ïl'i,
Westphajie, ter., 262, 4:tl.
Weetpbalien*, 130.
Wevelghom, loc, 363.
Wexîord» loc, 347.
WhiteCbapeî ( àLondres»367.
Whydah, loc, 186, 187.
Wight,tle,t08.
Wilhernshaycn, loc, 459.
WillervaUoc, 3U.
Wilmmgton, loc» 346.
YVUtonJoc» 118.
Wtite,t«r.,HS,jrtt.
Wmdbuik,ioc.,2fl$.
Winditffwt* 146.
Winterthitr, loc, u.
Wisconsin, ter.» 20$,
Wissembourg, Weissenburg,
loc, 44.
Wolverhampton» toc, 343.
Woodford, loc, 391.
Woolwieh, loc, 301.
Worceatarjûc.» 113.
Wmktvorthi 2,
\V<yeikov t m,
WraBgel,lle,m,
Wurtemberg, ter.» 49, «4,
YaUm,riv.» 278, 4 J7.
Yanfceea, 281,
Yangtse-kiaiig, riv,, lie,
169, 2T9, m, SIS, 514,
523.
Yanina, loc, 261.
Yaroslav, loc* 469.
Yaïgat, loc, 4SI.
Yedo, loc. et haie, 627.
Yftgorovsk, loc, 469
Yekaterinburg, loc, 505.
YukntiTinostov, loc, 469.
YfliBnbolhgrwJ, loc, 488,
Yemen, U i i\, 271.
Yeni*kaloh, loc, 1Ô3, 476.
Yeao, Ile, 275,50*.
Yon, lie, 37. '
Yokohama» loc, 27 3 t S27.
Yokosuka, loc, $27.
Yonne, riv., 49, £97,
York» loc* et ter.» 113.
Yorkriver, riv., VIS.
Youriev, Dorput, loc, 470.
Ypsitanti (Àkz\), 102.
Yuen»ktang» riv., 169.
Yu-kUog, riv.» tés.
Yukon»wv„ 296.
Ywtgsj de Bolivie, tar» 382.
Yting*ngan, loc» 169,
Yunuan, loc et ter,, 277,
m.
J5ngre! , voir Agram.
Zambèase, riv., 260, 2(i7,
260.
Xanto, No, loi.
Zanzibar, loc et flp, 26.1,
438,
Zarafchan, riv,, 27tf, 4x7.
Zaragosa, m) 8aragOKso.
Zassouliteh {Vem) % 223.
Zeobraggo, toc, M&,
Zeeland, tor., MO*
Zeltott&iotes, 386.
Zttitun» loc.» 386, 387, 4HL
Xell, loc, 53.
Zilleh» loc, 481,
Zlranea, 466.
Zlynka, loc, 469.
Zoflngen, loc» m
Zolotonoctia, loc, 460,
ZugJocM, t:*4,
Zurich, loc, 66, 397, mt.
TABLE DES GRAVURES
Au Tome V
CHAPITRE XVI
Page*
La Révolution T 4
Le Petit Trianon, oa Mario. Antoinette jouait à la fermière. , 7
Grenoble à l'époque delà Bévolution,,,, il
La Prise de la Bastille , .... n
De Launay, Gouverneur de la Bastille, est conduit à l'Hôtel de Ville, où il n*ar*
riva pas vivant ib
Foullon, commissaire aux vivres jy
Le Guen de Kérangal . 2t
Volney, né àCraon en 1757, mort en 1820... 23
Les Chevaliers de Saint Louis rapportant leurs insignes distinctes, ainsi que les
porteurs d'eau ♦ , ■,..., 4 25
Prise dos Tuileries, 10 août 1792 , 29
Les Chevaliers du Poignard 33
Club des Jacobins. , 34
Louis XVÏ devant ta Convention 35
lia véritable Guillotine ordinaire 41
Assiette portant l'inscription : « Je veille pour la natiou 42
Assignat de cinquante sols payable au porteur. 43
Franeois.Emile Gracchus Babeuf, 1760*1797. 45
Ch.-G. Romme, 1750*1795 51
Hausse-col d'officier portant la déclaration des Droits de l'Homme 61
Une sucrerie à Saint-Domingue f>7
Cul «de-lampe,, 6»
CHAPITRE XVlf
Gontre*R6volution , 71
Le Dix-Huit Brumaire 73
Le Mont Saint-Michel 75
Saragosse, ta Cathédrale au bord de TBbre 8i
Congrès de Vienne, 1814-1815 83
Le Hocher de Gibraltar . 86
La Grotte de Calypso dans l'Ile de Péréjil 87
V 29
5Ç2 l'homme bt la terre
Simon Bolivar, 19184880 •■ 97
Rivage de Céphatonie • ■ i03
Las Cinq Dékabrittas pendus..,, t07
Charles X tirant au lapin t09
L'enlèvement des morts 14 *
Combat de la rue Saint-Antoine, 1830 * 15
Constantine et le Ravin du R uni mol * i9
Charles Darwin, 18094882 « 12s
Cut-delampe «. — ■
126
GHAPHRE XVIII
Les Nationalités r f
Fusil-Parapluie de Garde National l31
Lac des Quatre-Cantons • •■•• «•• ■•• 13!i
Saint-Simon 138
Charles Fonder, 17724837 ■■ 18y
Dresdeet PElbo ■•■•■ l ' |ÎJ
Dôme de Milan
GiuseppeMazzmi, 18054872... t48
Giuseppe Oaribaldi, 180M882 «»
Proudhon ♦....* ■ ■ * ll "
Attontat d*Orsini, rue Lepeletiir, 14 jomitr 1858 157
Scilla et ie Détroit, vue prise au nord de Messine ■ . l fi 1
Travail do l'opium. Cuisson 1G4
«Travail do l'opium. Mise en pots 165
Pont de dix mille années ù Fou.Tchéou 166
— traversant l'estuaire du Si-Ho • **'
Mines d'ttain du district de Pôrak 1 ??
Udaïpur. Palais du Chah D Jehan. . • ny
Cul-de.lampo •
CHAPITRE XIX
Nègres et Moujiks • m
Une rue à Bah ia 185
Vente d'une négresse et de ses enfants 19i
John Brown, 18004859 i96
Enrigranls traversant PAtlantiqua 20 *
Emigrants se dirigeant vers le Far-West 203
407
Scène de Guerre......
Bataille d*Antietam ■• 21 °
Le Pont de Burnside en 1886 . « 211
TA1IUS »ES GRAVUHKS 503
Page»,
Benito Juarez, 1806.1872 ... %t 2Î7
L'Aqueduc à Queretaro. , 2t9
Cul-do-laape 224
CHAPITHE XX
Internationales 227
Michel Bakounine, 1814*1876 230
Karl Marx, 1818-1883. . , 231
Vue du Vatican et de sos jardins , . . 237
Oorge de Gravolotte, 16 août 1870 241
Pavsago de la grande Kabylio 24»
Varlin, ouvrier relieur fusillé en 1871 24b
Charles Dolescliue, 1809*1871 249
La Colonne Vendôme ronversée 251
Jean-Baptisto MiMère, 1817-1871 253
Carthagène et sa baie 255
Gué a travers la Nigor, près de Baîélé 265
Chute du Zambèze (Victoria Kalls) 267
Mosquée à Meknès 273
Un coin du port de La Havane 281
Une scène d'éviction en Irlande 283
Cul -de- lampe 288
LIVRE QUATRIÈME. — Histoire Contemporaine,
Histoire Contemporaine 291
CHAPITRE PREMIER
Peuplement de in terre , 293
Une pirogue sur la Noord-Rivier, Nouvelle -Guinée 39s
La Belgica prise dans les glaces do l'Antarctique 299
Une maison sur la frontière à Halluin (Nord) 305
Une vue do Briançon, casernes et fortifications 309
La Falaise de Shakespeare 315
Le congrès des Etudiants à Lille 325
Un Esquimau 328
Un enfant Esquimau 329
Gul.de*lampe , 334
564
l/HOMMK BT I-A WKttS
CHAPITRE 11
Itépartition dti Hoxnmet
Un coin de Uverpoot
Marseille et le port, rue de * nire-Dame de la darde.
Le Creuset et ses usines
Ua coi» de la haute ville de Carcassonnc
Paris. L'heure du repas, quartier du Temple
La ville d*Aire«sur.la.Lys
Quelques vieilles maisons de la High-Streetô Edimbourg
Une maison de Boumeville. ...
Un quartier ouvrier à Manchester
Une maison ouvrière à Letchwortb
(ni. do- lampe
335
337
349
35a
357
359
361
365
36*J
370
371
376
CHAPITUE lïi
Latins et Qormainr
La Citadelle du Caiu'
Excavation d'un temple à Nippm
Mendiante juive à Jérusalem
Monastère de BPa, en Macédoine
Le Port de GÔnes»
Tolède et le Tage
Vue générale de Barcelone
Emile Zola, 1840-1902
La Grotte de Lourde
Le Puy*en*Veloy
Une foule méridional»
Le vioux Ténès, ancien nid de piratt*
Bône, vue prise du site d*Hippone. ,
Scène de marché en Algérie
Une rue de Laghouot
Musiciens au pas de parade
Etudiants allemands
Scène de petite ville allemande
Portion d'un villago des Polabi* ■
Maison aux environs do Hambourg
La Belgique» le Congo, la Hollande et ses colonies.
Une vallée de Norvège
Une vallée de Suède
Henrik Ibsen, 1828*1 W>
CuLde-lampp
377
33»
381
383
391
393
401
405
409
410
411
415
417
421
427
429
433
435
442
U3
447
450
451
452
453
TABLB DES GRAVLRSs 565
CHAPITRE IV
nuises «t Awlttiques. , 4*55
Jeunes gens Bulgares / iS $
Campement de Lapons. , , ' f $4
Maison à Kichinev» après le pogrome 407
ta Port d'Atexandrovsk dans la péninsule de iCola 471
Eglise et Château de Childa-Inisséli 477
Potiers de Gourie au sud de Batum... 47$
Type géorgien 479
Un paysage de la Transcaocasie méridionale '«83
Composition ethnographique de « toutes les Russie» » 484
Divisions de l'Empire russe, 485
La Iourte kirghixe et ses habitants ',89
Daliki, sur la route de Bouchir à Chiras 493
Colonne dans le désert au sud-est de Kirman.. , ♦ 497
Porte de mosquée en Turkestan 499
Le Derviche conteur à Samarkand 501
Type Kirghiz 50^
Tcheremisse des monts Oural 505
îtocialistes russes condamnés aux travaux forcés 507
Pont du transsibérien sur l'Ob' 510
VUlago d'Usola, sur le trakt» près d'Irkutsk 511
Une des rues principales de Mukden 515
Auberge chinoise, le repas des coolis 519
Une école japonaise sous l'ancien régime 525
Un navire de guerre japonais., 529
Cul-de-lampe y^Âîl^s- 5 3*
DES CARTES
N* - \ / Pau*»
427 Salnt-Claude et \0jfj\\^r. , 9
428 Grenoble et Vlrille. . ? , *3
429 Pays et Gantons du pays Basque et du Béarn 27
430 Théâtre de la guerre de Vendée 37
431 Les guerre* de la Révolution 39
432 Le t« T Floréal en Allemagne , , 49
433 La Vallée du Rhin à la veille do In Révolution 53
434 LaSuiss>en 1795 55
435 Les Républiques soaura 57
436 Egypte et Syrie de Bonaparte 63
437 ïled*Hatti 65
438 L'Empire de Napoléon en 1811 , 79
439 Le Détroit de Gibraltar 85
440 Empire Hispano-Américata 89
441 Valparaiso et l'Aconcagua 95
442 La Grande Grèce 101
443 La Représentation anglaise en 1832 113
444 Le Sahel d'Alger et la Mitidja 11?
445 Archipel {polaire américain 121
Confédération germanique 133
447 Plaine de {Hongrie 145
446 théâtre de la guerre d'Orient 153
449 Russie du Pacifique 155
450 Italie du Nord 158
451 Italie du Sud 1 59
452 Chine des Taï-ping 169
453 Japon méridional 173
454 Manche de Malacca 175
455 Isthme entre l'Amérique et l'Afrique 1*7
456 Immigration aux Etats-Unis de 1820 à 1905 197
457 Pays d'origine des immigrants aux Etats-Unia 199
458 Théâtre de la Guerre de Sécession 205
459 Les deux Capitales de la Guerre de Sécession 213
460 Les Indiens et les Nègres aux Etats-Unis 215
508 i.'hommk rt u tkhhe
N* Pages
kW Boutes de Londres à Bombay 238
462 La France envahie en 1871 .245
463 Invasion du phylloxéra 257
4 64 Amoindrissement de ta Turquie durant le xix» siècle 261
465 L'Afrique découpée en possessions européennes 263
466 L'Abyssinie indépendant© 271
467 Le Maroc du Sultan et le Bled es Sibn 275
i08 L'Afghanistan indépendant 270
469 Le Siaw entre la Barmanie et TAnnaro. 277
470 La Chine et les Puissances 279
471 Union postale Universelle 285
472 Ktudc progressive du globe j Papouasie et Vallée du Damil* 295
47tt Région poloire arctique 29e
474 Région polaire antarctique. . , 297
47.1 Londres et le genre humain .301
476 Voies ferrées entre Calai» et Milan 307
477 Voies ferrées do Marseille [a Milan 311
478 Voies ferrées de la Gironde à l'Ebre 3t3
479 Voyageurs traversant la Manche et la fron Itéré fraw a o< belge :*1 7
48» Italia irredenta 319
481 Aire du Pangermanisme • 32i
'«82 Deux territoires de même population: Uruguay et Tsung-Ming 333
48.** Villages normalement espacés 3\o
484 Villages anormalement espacés 341
485 Villes européennes d'au moins 100000 habitants 348
486 Côte déserte 346
487 Côtes à ports nombreux 347
488 Un port d'estuaire i Anvers et l'Escaut 350
489 Un port de haute mer ; San Francisco 35i
490 Villages agricoles et industriels 355
491 Lille, Roubaix. Tourcoing 363
492 Slums ,de Manchester et Salford 378
493 Quartiers de New- York 375
494 Méditerranée anglaise 385
495 Communes de Sicile, 395
496 Italie, Malte, Tunis. . 397
497 Lisbonne ot le Tage . . . . 399
498 Accroissement de la population Jranvaise durant lu xut* sietlf 413
499 Répartition de la population de l'Afrique du Nord 424
500 Algérie, Tunisie, Sahara , . 425
501 Océan atlantique nord : 436
502 — de New-York à Hambourg ,437
503 Côte allemande de la mer du Nord 439
LISTE DK8 « A.KT&S 569
X** Pii^eti
504 Voies navigables d'Allemagne . ... 'i'»l
505 Bruxelles et la limite des Langues 4 45
506 Slaves extérieurs . 457
507 Voies navigables et principales voies ferrées de Russie,. , . 459
508 Pédoncule Scandinave 465
509 Aire des Juifs de Russie 4«iK
5M Quelques lieux de pogromes récents - y # tîy
5tl Peuples de la Caucasie '«75
512 Lieux de massacres en Arménie '»H!
513 Transcapienne et Turkestan russn. , . 487
514 La Perse divisée W
515 Sibérie centrale . 509
516 Province du Szetchuen 51 h
517 Pekingetla mer Jaune., 516
518 Péninsule de Liao-tung 517
519 Votes ferrées de Chine 52a
52*i Yokohama et ses environs 527
Cabtr k.v cot'f.Ki its m" ». Répartition d<» la population du globe :i«iO
o vt
<-5 MM S
•'■V;.;;!^'
CORRECTIONS ET ADDITIONS
Pagf>«
170, note* au lieu de Lindesay Brine. Un Lindsay Brine.
264, ligne 12, au lieu âe absurde, tfr« absolu?.
343, légende carte : Salford n'appartient pas au groupe de villes Wolvorhampton*
Birmingham, mais à celui de Birkenhead*01dham*Manchcgter~LiYerpoo1.
'«68, légende carte : D'après le recensement de 1897» Berditchcr est une ville presque
entièrement juive j à Brest -Litovsk, Bietostok, Oroduo, Vitebsk, Minsk, les
Juifs forment plus des 50 % de la population, et à Kamenote-Podolsk,
Kovno. Mohilev, environ 45 %,
DES MATIÈRES
du Tome V
LIVRE TROISIÈME (êttiu) : HUtoiro moderne.
Chapitre XVI
LA RÉVOLUTION'
N'otiee historique
Idéal do la Révolution. -La Heine etleltoy. —Armée, clergé» servage. — Émeutes
et révoltes. Convocation des Etats Généraux. - Le jeu de Paume. — La
Bastille.— Le 4 aoflt. — Les Droits de l'homme. — La France et l'Europe, -
La Terreur.— Babœuf. — Renouveau de la science. — Calendrier. — Contra*
coup de la Révolution. — Pays-Bas, Suisse, Italie. -Expédition d'Egypte,
Saint- Dominguiv
CllAriTRK XVII
CONTRE-RJÈVOLUIION
Notice historique r,9
Dix- huit ftrumairc. - Empire français. — Guerres Européennes. — Kcstau-
ration et réaction. — Intervention française en Espagne. — Guerre d'émanct-
pation de* colonies espagnoles. — Brésil. — Indépendance hellénique. -
Dékabristes. — Juillet it*«0. — Belgique. — Pologne, Italie, Espagne, Angle,
terre. — Abolition de IVftf lavage. — Conquête d'Algérie. — Progrès matériels.
— Romantisme et classicisme 71
Chapiths XVI II
LES NATIONALITÉS
Notice historique 127
Révolution de 18î8 en rranee «t en Europe. — - Sonderbund. — Socialisme et
socialistes. — Journées de Juin. — Luttes en Allemagne. — Insurrection
hongrois**. - Soulèvements a Milan, Venise et Rome. — Empire. — Question
d'Orient. - Muerre d'Italie. — La Chine et les puissances, — Les Taïping. —
Transforma lion du Japon. — J/Kurope en Indo-Chine, — Révolte des
Cipayes tft»
574 l/HOMMK KT LA TKRIIK
Ckapitiiii XIX
NÈGRES ET MOUJIKS
Notice historique 182
Peuplement de l'Amérique, — Traite des nègres. ~- Élève des esclaves. —
Mouvement abolitioniste, — Tentative dû John Brown. — Émigration
d'Europe en Amérique. — Guerre de Sécession. ■— Émancipation dos noirs. - -
Guerre du Mexique. — Doctrine de Monrod. — Abolition du servage en Russie. 183
INTERNATIONALE
Notice historique 22$
Internationale ouvrière. — Canal de Suc». — Sadowa. — Unité Italienne* —
Guerre franco-allemando, — Espagne. — La Commune de Paris et le Fédéra-
lisme espagnol, — Phylloxéra. — Guerre russo-turque. — Traite de Berlin.
— Expansion coloniale. - Partage de l'Afrique. — L'Europe et l'Asie. —
Guerre nméricano*espagnole. — Syndicat des nations 227
LIVRE QUATRIÈME : Htetolre contemporaine.
Chapitre I
PEUPLEMENT DE LA TERRE
Connaissance scientifique de la planète, -- Régions polaires. Recensement
des hommes. — Colonisation du Nord. — Patriotisme et lutines nationales. —
Frontières dites naturelles. - - Nationalités. — Ganglions mondiaux* — Races
supprimées ; 293
RÉPARTITION DES HOMMES
Horreur et splendeur des villes* — Immigration des campagnards. — Répartition
des villes. — Réseau d'étapes* — - Croissante normale et anormale* — Origina-
lité des villes* — Mlles politiques, militaires, industrielles* — Organisation
urbaine, — Hygiène et art. — Vilïes*jardins :*35
CHAl'ITHE III
LATINS ET GERMAINS
Vanités nationales. - Litins. — Orient méditerranéen. — L'homme malade. —
Grèce. — Italie. — Péninsule Ibérique. *— France : ses colonies, l'affaire
Dreyfus, Paris et la province. — Oliganthropie* - Afrique mineure. — Maroc
et Sahara. — Allemagne : ses défenses maritimes, la navigation intérieure.
— Austro- Hongrie. — Belgique. — Hollande. — .Scandinavie 377
TABLE DKS MÀTIBHK* 575
CttANTBS IV
RUS8I&J ET ASIATIQUES
Panslavisme. - Travail de concentration unitaire. — Kola. — Allophyles.
Juifs, — Polonais et Allemands des provinces baltîques. — Finlandais. —
Tcherkesses, Géorgiens et Arméniens. — Dotikhobors. — Refoulement des
Asiatiques, — Transcaspienne, Turkestan et stoppes. - Iran et Iraniens.
Pamir, Tibet, Mongolie, Sibérie. - Mandchouric —Chine et Chinois. — Japon
et Japonais. - Corée r,^
IHDSX ALPHASÉTIQUB, 535
TABLK DKB ORAVURE9 56(
LI8TB DES OARTBS ggy
CoRRBCTlOHfl *T ADDITIONS f >70
Table dssmatiêees s?a
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