Skip to main content

Full text of "L'Homme et la Terre - 5"

See other formats


'* - • 






& 



'^"fff 



ELISÉE RECLUS 






♦ 



Là Géographie n'est outre cfcose 40e 
l'Histoire dans l'Espace, de même 
gue l'Histoire est /a Géographie 
dans le Temps, 



TOME CINQUIÈME 

HISTOIRE MODERNE (Suite) 

Révolution r- Contre-Révolution — Les Nationalités 
Nègres et Moujiks — Internationales. 

HISTOIRE CONTEMPORAINE 

Peuplement de la Terre — Répartition des Hommes — Latins 
et Germains — Russes et Asiatiques. 



\ 







J 




\ ■ 

.'■ ■ il 



, , ■■ .f ' 



PARIS 

LIBRAIRIE UNIVERSELLE 
SB, Rue de Provence, 



L'HOMME ET LA TERRE 



MO H' 



Matières contenues dons le 

TOME r 

LES ANCÊTRES 

Origines — Milieux tclluriques 
Travail — Peuples attardés — Familles, Claies, Peuples 

Rythme de l'Histoire 

HISTOIRE ANCIENNE 
Iranie — Caucasie — Potamîe 



TOME H 

HISTOIRE ANCIENNE (Suite) 

PhénJcie — Palestine — Egypte — Libye — Grèce 

Iles et Rivages Helléniques 

Rome 



TOME III 

HISTOIRE ANCIENNE (Suite) 

Orient Chinois — Inde — Mondes Lointains 

HISTOIRE MODERNE 

Chrétiens —* Barbares — La Seconde Rome 

Arabes et Berbères — Carolingiens et Normands 

Chevaliers et Croisés 



TOME IV 

HISTOIRE MODERNE (Suite) 

Communes — Monarchies — Mongols. Turcs. Tartares et Chinois 

Découverte de la Tertv — Renaissance 

Réforme et Compagnie de Jésus — Colonies — Roi Soleil 

XVIII* Siècle, 



ELISEE RECLUS 




i Hîx 



me 



t1 





/_ s\i.i,i: if N 
. ;uisirioN 




nr* 




tio 






le Temps, 



TOMK CINQUIEME 
HISTOIRE MODERNE (Suite) 

Révolution — Contre- Révolution — Nationalités 
Nègres et Moujiks — Internationales. 

HISTOIRE CONTEMPORAINE 

Partage du monde— Peuplement de la Terre — Latins et 
Germains — • Russes et Asiatiques. 




PARIS 

LIBRAIRIE UNIVERSELLE 
83, Rue de Provence, 3 3 



< -*j 



i 



/.( 



! SI 



H 



Tous droits de traduction et de reproduction 
réservés pour tous pays, y compris ta Suide, 
ta Norvège, te Danemark et ta Jiottande, 



Pubtisbed the 25 October $$ob 

Privilège of Copyright in the United States 

reserved under the Act approved 3 March sçoS 

by Elisée RECLUS. 



RÉVOLUTION : NOTICE HISTORIQUE 



Neckcr lui ministre des Nuances de 1777 ù 17M1, de Calonne de 178.'} 
à 1787, Loménie de Brienne do mai 1787 à aoîU 1788; \eckcr, rappelé, 
préside alors aux élections. 

1789. 5 mai, ouverture des Mats généraux; 17 juin, le Tlers-Ktal se 
constitue en Assemblée nationale; ao juin, serment du Jeu de paume; 
aa juin, une partie du clergé se joint au Tiers Klal; a.'J juin, le roi casse 
les décisions du Tiers; le ay, les trois ordres se réunissent. 

ji juillet, exil de Veker: «i juillet, prise de ta Bastille; ,'1 août, 
abandon des privilèges. 

i« et 3 octobre, la reine dorme un repas aux gardes du corps; 5 et 
octobre, sortie des femmes de Paris, qui ramènent la famille royale de 
Versailles, 

aa décembre, division de la Franco eu départements; uy décembre, 
première vente de biens nationaux. 

4790. ao juin, abolition des litre», armoiries et livrées ; «0 décembre, 
décrets sur la constitution civile du clergé. 

1791. au juin, la famille royale est arrêtée ù Varennes; 17 juillel, 
manifestation républicaine décimée au Champ de Mars; ?\ septembre, lu 
Législative remplace l'Assemblée constituante. 

Octobre-novembre, décrets contre les émigrés. 

1792. ao avril, déclaration de guerre à l'Autriche; 8 juin, formation 
d'un camp révolutionnaire sous Paris ; ao juin, te peuple envahit 
l'Assemblée et le Palais : 5 juiltet, <■ lu Patrie est eu dunger » : :*6 juillet, 
manifesta du duc de Brunswick. 

10 août, le Palais est pris d'ussaut, le roi esl conduit au Temple, la 
Convention est convoquée. 

a'i aofct, prise de hongwy ; .'lu août, prise de Verdun ; du a au 
'i septembre, massacres ù Paris: ao septembre, combat victorieux à Valmy. 

ai septembre, proclamation de tu République par ta Convention ; 
') novembre, victoire de Jemmapes. 

novembre, rapport du Comité sur le procès de Louis XVI. 

V 1 



9 L'HOMME *T LA TERRE. — LA REVOLUTION 

1193. »i janvier, exécution de taui» XVI, 

6 avril, formation du Comité de Kalut public; 3* maUcs révolution- 
naires de Paris exigent la mise en accusation don Girondins. 

Septembre, victoire de Hondschoote; i6 octobre, victoire de 
Wattignies; a décembre (i5 frimaire, an II), la Convention se débarrasse 
des Hébertistesot, en avril 1794, des Dantonistcs. 

1794. 'iO juillet (u thermidor, au 11), chute de Robespierre. 

1195. îïo mars, défaite des révolutionnaires parisiens; ao mai, désar- 
mement des faubourgs. 

5 octobre (i3 vendémiaire, an lit), soulèvement royaliste à Paris, 
écrasé par l'armée; afi octobre, le Directoire remplace la Convention. 

1196. Février a août, Conspiration et procès de Bnbcpnï. 
i4 avril, victoire de Montcnottc, campagne d'Italie. 

1197. 4 septembre (18 fructidor, an V). le Directoire épure les 
Conseils de ses éléments royalistes. 

1198. 18 juin (3o plairiai, un VI), le Directoire est à son tour privé de 
plusieurs de ses membres. 

1799. 9 novembre (18 brumaire, an VII), Coup d'tëtat de Bonaparte. 

Voici les noms de quelques hommes do valeurs diverses, contem- 
porains de la Révolution française : 

Conoorckt, né près de Si-Quentin, encyclopédiste 17^-1 794 

LtvotsitiH, né h Paris, chimiste. . , , , tt , t 1743-179/i 

Goya y Lucikxtkk, peintre, né en Aragon , , , 1746-18*18 

(tarait { Wolfgang), poète, né a Francfort-su r-le-Mein 17/19-1833 

Godwin (William), littérateur, né près de Cambridge 1766-1836 

Buhns (Robert), poète écossais, né près d'Ayr 1759-1796 

SemLum (Friedrich), poète, né 11 Marbach , 1 769-1805 

Cuvisit (Georges), naturaliste, né à Montbéliard 1 768-1832 

Cuatbaubhiano, littérateur, né à St-Malo 1 768-18^8 

IIumbuliit (Alexander von), voyageur, né Ct Berlin , , 1769-1859 

Kkkthovkk (Ludwig), né à Bonn , . 1 770-1837 

Hbubl, philosophe, né à Stuttgart 1 770-1831 

WoitDswoHTu, poète, né en Cumberiand. .,,*,♦*, , , 1 770-1850 

Scott ( Waller), romancier, né à Kdimbourg . .♦ , 1 771-183» 

Tuknbe (John), peintre, né en Devoushire. , . , , , t , , 1 775-1861 




ÉVOLUTION 



Vidée du ternaire «acre ; Liberté, Egalité* Fraternité, 
se perdit bientôt dans les campagnes ravagées et 
Je* cités prises d'assaut. 



CHAPITRE XVI 



IDÉAL DE LA «JJWJMJL -U REINE ET LE ROY. _ ARJHÊB, CLBRQÉ, SËRVAQE 

ÉMEUTES ET RÉVOLTES. — CONVOCATION DES ÉTATS QÉNÉRAUX 

LE JEU DE PAUME— LA BASTILLE— LE 4 AOUT.— LES DROITS DE L'HOMME 

LA FRANCE ET L'EUROPE. - LA TERREUR. - BABŒUF 

^^ïe^^clîL 8 ? 6 !!^* ~ aLfiN 5 Rl ^' ™ CONTRE-COUP DE LA RÉVOLUTION 
PAYS-BAS, SUISSE. ITALIE. — EXPÉDITION D'ÉUYPTH. — SAINT-DOMINO UE 

L'ensemble des événements qui se passèrent en France ô la fin du 
dix-huitième siècle et qui a reçu par excellence le nom de « Révolution 
française » ne pouvait faire entrer en pleine réalisation que les idées 
complètement mûries. I/idéal ne se change en fuits qu'après être devenu 
conscient, qu'après nvoir élé urdemment voulu, préparé, acheté, par le 
sacrifice de nombreuses victimes volontaires. Or, dans ce monde de sen- 
timents, de pensées et d'imaginations qui fut agité pendant le siècle 

V 1* 



\ t/HOKHE KT LA TBREB. — LA. RftVOMWOK 

de ri'iiioyolopddic, quelle fut la dominante qui se dégage et prend un 
caractère impérieux sans laisser le moindre doute dans tes esprits ? Cette 
idée dominante est résumée dans la fameuse brochure de Sleyès, Le 
Tiers KM, le « tiers », c'est-à-dire la bourgeoisie, qui est tout et 
cependant était tenue pour rien. Par définition môme, le tiers état 
devait être, en dehors de la noblesse et du clergé, l'en semble de la 
tiutiou, aussi bien le peuple des paysans et des ouvriers que tes gens ins- 
truits ou riches ne différant des nobles que par le manque d'un arbre 
généalogique dan» leurs archives familiales. Mais ceux qui revendi- 
quèrent leurs droits d'hommes, ceux qui se dirent avec insistance les 
égaux des nobles et des prêtres, ce furent les bourgeois proprement dits, 
constituant la classe des propriétaires» des chefs d'industrie et des lettrés. 

Sans doute, la lamentable population des pauvres, les paysans sucés 
par l'impôt et la gabelle, les vieux se traînant courbés sur le sillon, les 
hommes hâves auxquels la boue mtMée a la sueur faisait comme un 
enduit, et qui, dans les années de disette, mangeaient du pain d'écorec, 
tous ces miséreux et faméliques auraient eu l'Apre desir que leur situa- 
tion changeât s'ils en avaient eu le moindre espoir* Mais pour eux 
comme pour le moujik russe, « le ciel était trop haut » 1 L'idéal du 
dix-huitième siècle que réalisa la Révolution française est bien carac 
térisé par Les Brigands de Schiller, joués pour la première fois en 178a. 
Tous ces « brigands » sont des bourgeois amoureux de justice qui 
redressent les torts des seigneurs, du juge, du propriétaire, mais parmi 
ces révoltés qu'a soulevés l'iniquité du siècle, il n'y a pas un seul ouvrier, 
pas un seul paysan : Schiller ne s'était pas aperçu que ceux-là aussi 
étaient, comme les bourgeois ou les (ils de bourgeois, des ôlres odieu- 
sement exploités* : s'ils se plaignaient, personne n'entendait leurs 
plaintes. 

Ainsi l'émancipation politique de la partie du Tiers constituant la 
bourgeoisie, déjà voulue, revendiquée par la grande majorité des inté- 
ressés, était inévitable : la révolution n'avait à cet égard qu'à confirmer 
ce que l'évolution des intelligences et des intérêts avait accompli d'une 
façon définitive. Mais ces bourgeois qui voulaient faire reconnaître leurs 
droits acquis étaient ils républicains et leur triomphe devait-il aboutir à 
celui d'une forme politique égatitaircP Nullement, De même que les 

1. Jean Jaurès, le Tkiâtre Social. 



1P&AL DE LA. HÉVOLUTION & 

colonies américaines, en se détachant de r&ngleterre, se croyaient encore 
fidèles, loyales, et protestaient avec une parfaite sincérité de leur dévoue- 
ment a la mure-patrie, de môme ta France, en se lançant dans tu grande 
aventure de révolte qui devait aboutira la mort violente des souverains 
et à la proclamation de la République, iHnll on toute franchise et enthou- 
siasme complètement royaliste, Lu multitude ne comprenait point l'exis- 
tence d'une société qui nemtpus gouvernée par un roi, parmi maître 
ou « débonnaire» ou « grand ». A. part une très faible majorité, com- 
posée pour la plupart de penseurs appartenant a la noblesse et à la huule 
bourgeoisie, c'est ù-dire aux classes qui disposaient d'un loisir suflisant 
et qui pouvaient se rendre compte personnellement des agissements de 
lu cour, la masse de lu nation ne demandait qu'a se précipiter servile- 
ment et a pleurer d'émotion sur le passage d'un roi. Pendant les années 
les plu» agitées qui précédèrent « Quatre- vingt neuf », les hommes qui 
dans la suite se distinguèrent le plus par leur ardeur à combattre les 
agissements de la royauté et qui vouèrent avec conviction la mort 
de « Louis Cu|>et » avaient eu certainement pour idéal premier 
un royaume a degrés hiérarchiques, où toute loi, toute grâce aurait 
continué de s'épancher d'un tronc comme d'une source naturelle. Il 
fallut que la logique impitoyable des événements les cntraintU, les forçat 
quand même à devenir républicains. L'échafand qui se dressa pour le 
Hoi et la Heine fut un accident, l'effet d'une brouille momentanée 
entre les auteurs principaux du drame politique, et quand l'histoire 
reprit son cours normal, elle amena tout naturellement la restauration 
de la royauté. 

Les hommes ne se débarrassent que lentement de leurs préjugés 
héréditaires, et plus d'un siècle après la Hévoiulton — uinsi brièvement 
nommée comme si elle avait renversé toutes choses — on constate 
amplement en France que 1'uncien fond monarchiste subsiste 
encore ; la plupart des prétendus citoyens n'ont pas l'audace de l'cM-re. 
Ils demandent des maîtres qui pensent et agissent pour eux. Si l'an- 
cien royaume ne s'est pas reconstitué, c'est que les candidats ù la domi- 
nation, y compris les tribuns du peuple, sont fort nombreux et se 
tiennent mutuellement en échec. Et si l'empreinte de la royauté s'est 
maintenue* de même celle de l'fêglise. La France est restée culholique 
aussi bien que monarchique; certes, elle n'accepte plus les dogmes, 
mais elle est toujours éprise d'autorité, croyant aux coups de force et 



l/HOMMK ET LA TERRE. ~ LA RÉVOLUTION 

aux opinion» toutes faites que lui présentent les » pasteurs des 
peuples . A cet égard, la nation ne changea point ou plutôt, elle ne se 
modifia qu'avec lenteur, par le déplacement du centre de gravité des 
hautes classes vers la classe moyenne, de la noblesse et du clergé vers la 
bourgeoisie de plus en plus nombreuse et consciente de son intelligence 
e| de su force. 

Dans les dernières annécH de sou existence prérévolutionnaire, la 
inonurchie manqua complMemenl de sagesse, d'esprit de suite et de 
tenue. On eût dit que, prise de folie, elte se plaisait aux aventures et aux 
imprudences pour hâter le jour de sa ruine. Marie-Antoinette, qui 
n'était devenue Française que pour le triomphe des représentations fas- 
tueuses, pour lu gaieté des fêtes et l'intérêt plaisant des intrigues, était 
restée princesse autrichienne pour les intérêts de sa maison et, très 
ouvertement, se faisait l'agent de sa merc Marie Thérèse, puis de son 
frère Joseph li; ses ingérences politiques la mettaient toujours en vue, et 
ses folles équipées, ses amitiés compromettantes, enfin In honteuse affaire 
du « Collier », qui la montra recevant des bijoux de mains déshonorées, 
toutes ces choses lu retenaient au premier plan, sous l'attention malveil- 
lante du Paris frondeur. Quant au roi, homme de bonne pûte, de volonté 
nulle et de gros préjugés, il se laissait aller a toutes les incohérences, & 
toutes les contradictions des politiques diverses qui l'entraînaient succes- 
sivement, tantôt comme roi de France, tantôt comme mari de 1' « Autri- 
chienne », comme philunlrophe au emur sensible, puis comme gentil 
homme, religieux observateur de tous tes vieux abus. D'ailleurs, l'essence 
de la royauté, ce n'est pas le pouvoir, mais le caprice. Le prince doit se 
sentir au-dessus de tout droit, de toute règle, pour se croire vraiment le 
maître. « L'essence et lu vie i\u gouvernement, dit Michelet, était la lettre 
de cachet ». Même lorsque le roi ne l'est plus que de nom, après la prise 
de la Bastille, en février 171(0, il garde encore son privilège de fuire 
enfermer qui lui plnit '. 

Jusqu'en l'un née 1788, la torture avait été appliquée duns toute su 
férocité par ordre du roi de France, La « question » qui, sous tant de 
formes, est encore d'usage courant devant les tribunaux civils et mili- 
taires, éluil présentée comme un devoir social, fên 17N», Louis XVI avait 

1. Histoire de France, vol. XVII, p. 337. "î 



LA REINE ET Ll ROY 



7 



accepté ta dédicace d'une Apologie de la torture rédigée par un parle- 
mentaire d'Aîx, Muyart de Vouglans, avee approbation spéciale du pape 
me VI. 

Non seulement le roi s'étudiait de son mieux à conserver les institu- 
tions du passé, il les aggrava môme en diverses circonstances. C'est ainsi 
qu'en 17K1, il barra aux non-nobles tout avancement dans la carrière des 




LE PBTIT TBIANON OU MABIB-ANTOINKTTB JOUAIT A LA FERMIERS 

armes, n'accordant le plus petit grade d'officier qu'aux gentilshommes 
ayant au moins quatre degrés de noblesse paternelle et ne donnant le 
titre d'ofllcier général qu'aux personnages urimis à monter dans ses 
carrosses royaux 1 . Ce fut môme une des raisons qui rendirent l'armée 
si peu vaillante dans la défense de la royauté, lors des grand jours d'é- 
preuve. Tous se jalousaient entre eux: les corps de troupes ordinaires en 
voulaient aux régiments privilégiés, les sous officiers étaient les ennemis 
naturels de leurs supérieurs immédiats, et ceux-ci avaient le môme senti- 



1. Michelet, Histoirt d« France, vol. XVI!, p. 358. 



8 L'HOMME ET LA TERRE. — LA. «EVOLUTION 

ment de haine spontanée contre le» généraux qui trouvaient leur brevet 
dans le berceau. L'armée était désorganisa! d'à vu ace lorsque les événe- 
ments lu mirent en contact avec te peuple : on lu vit se foudre devant 
les émeutes «ans qu'il y eut môme de conflit. les troupes taneées contre 
lu futile fraternisaient avec elle. 

Si les prédits de l'I'Iglise affectaient volontiers de plaisanter des choses 
suintes, ils étaient restés forl sérieux sur lu question* des bien* temporels, 
et même la résistance acharnée du clergé a toute mesure qui pouvait 
tendit 1 a l'égalisation de l'irnpol fui la principale cause du déficit qui 
ruina lu France et mit le royaume a la merci du peuple. J/Kglise 
s'était bien soumise à participer quelque peu mu dépenses générales, 
mais elle ne déboursait de contribution annuelle qu'à titre de don 
gracieux au rot, tout au plus laissait elle gager certain» emprunts sur 
ses (erres, ce qui ne lui coûtait rien. Déjà, au milieu du siècle, lo 
projet qu'on avait eu d'estimer lous les biens — environ le quart du ter- 
ritoire français (\, Dcbidour) — avait été repoussé comme un sacrilège, 
car on aurait ainsi dévoilé l:i richesse du clergé et constaté officiel- 
lement ce que l'on savait déjà d'une manière générale, l'accaparement 
d'une valeur de quatre milliards eu terres soustraites à tout impôt, eu 
un pays où le laboureur succombait sous la dîme, les taxes et les corvées. 
C'est un des faits les plus instructifs de cette période finale de l'ancien 
régime que le mainlien féroce du servage dans les domaines apparte- 
nant à l'abbaye de Suint Claude et comportant, outre la ville, les douze 
paroisses de sa banlieue, les quinze villages de la baronnie de Moirans 
et les cinq villages de lu prévôté de Saint-Luurent-Grandvuux. De même 
que lu noblesse, en y comprenant les riches uuohlis, s'était faite le 
champion de l'esclavage des noirs dans les Antilles, de même le clergé 
voyait le plus saint des devoirs dtms la conservation de au propriété 
de serfs blancs, que les héritages, les couliscations, les intrigues, les 
caplations lui avaient value aux siècles antérieurs. 

Les religieux de Saint Claude, au nombre; de vingt quatre, relevaient 
directement du pape, nvec litre de chanoines, et portaient des ornements 
qui les assimilaient à des évèques. Klite des moines, ces hauts person- 
nages étaient également une élite de noblesse, puisqu'ils ne pouvaient 
entrer duns la communauté qu'à la condition d'être nobles t< de quatre 
races ». à la fois du côté paternel et du côté maternel : ils représen- 
taient donc te choix du choix parmi les privilégiés de France, et comme 



SERFS DE L'àBBÀYK DE SAINT-CLAUDE 9 

tels avaient è soutenir lo combat pour les intérêts de leur caste. En 1770, 

H* 427, Saint-Claude et Ferney. 




1: 400 000 

l 'o 



5 iQ 2oKil. 

lorsque les serfs « mainmortables de corps et de biens » que posn&iaient 



ÏO L'HOMME ET LA TERRE. — U RÉVOLUTION 

tes chanoines de Saint Claude adresseront une humble supplique au roi. 
l'opinion publique se passionna pour ces malheureux ; un avocat de 
Saint-Claude, Christin» plaida leur cause avec véhémence, puis Voltaire 
y apporta cette éloquence qu'il avait mise au service de Calas, et remua 
de nouveau la France et te inonde; mais rien n'y fit : appuyés sur le 
parlement de Besançon, dont quelques membres avaient aussi des 
muimnorlables dans leurs domaine», les seigneurs-moines de Saint 
Claude tinrent 'bon contre» leur propre évoque, contre le roi, contre 
l'opinion ; jusqu'en pleine Révolution, après la prise de la Bastille, ils 
gardèrent leurs serfs, y compris les colons étrangers qu'un sort funeste 
avait fait résider un an et un jour dans le pays, 

Kt pourtant, cette Krancc, où les survivances du moyen Age étaient 
encore si puissantes el si nombreuses, se croyait mûre pour constituer 
une société idéule de citoyens égaux et librct»! Pour la guider vers cet 
avenir, elle se tournait avec persistance vers le roi, qui, de son côté, 
avait le cruel embarras de choisir ses ministres, et, suivant l'impulsion 
qu'il subissait, les prenait alternativement parmi les adversaires ou 
les amis de la cour. Apres le prodigieux gaspillage d'argent qui 
avait suivi le renvoi de Turgot, Louis XVI avait fait appel au protes- 
tant étranger Necker, quoique, par son culte môme, ce fumeux banquier 
fui, pour ainsi dire, hors la loi. Necker, qui voulait plaire à l'opinion, 
conquérir la popularité, réussit en effet dans son ambition, et cela en 
sacrifiant sa propre fortune, en s'altaquanl aux pensions et aux siné- 
cure», en s'abslenant d'accroître les impôts, môme en établissant des 
cours provinciales pour contrôler son administration. C'était trop beau, 
et la Courent lu bassesse d'exiger de lui, en récompense de ses efforts, 
qu'il « abjurât solennellement les erreurs de Calvin ». II avait trouvé de 
l'urgent par ses emprunts et l'on croyait n'avoir plusbesoinde lui (178 1). 
On avait essayé de l'économie; avec de Cafonne, on ullait essayer 
de la prodigalité. Puisque la richesse se mesure aux dépenses, il sembla 
qu'on ne pouvait trop dépenser : de Galonné jetu des millions sans 
compter, achetant des châteaux pour le roi, pour la reine, distribuant 
les cadeaux, les pensions, les bénéfices! Si étranges furent les générosités 
de ce singulier ministre des finances que certains historiens ont cru 
voir dans ce personnage un révolutionnaire déguisé n'ayant perpétré 
toutes ces folies que pour préparer la catastrophe. « La réforme de la 
monarchie étant nécessaire, il fallait amener les grands corps à y con- 



NKCKBR, DE GALONNE 



tl 



sentir, presque à ta vouloir, et pour cela, se rendre leur complice, leur 
partager magnifiquement et avec grâce le* restes du trésor, les séduire, 
les gorgcr, et les conduire ainsi en riant Jusqu'au bord de l'abîme » •. 
Lo ruine prochaine du gouvernement semblait tellement inévitable 
que nombre d'autres gouvernements, presses de recueillir l'héritage, se 
constituaient déjà au-dessous du monde officiel, dans les sociétés 




Cl. P. Setlter. 



ÛBKNOBLE A l/ÉFOQUB »JS LA BÊVOWTION 



secrètes. Un mouvement de vie intense s'ugitait parmi tous les hommes 
que le travail de la pensée et les ambitions du pouvoir groupaient diver- 
sement en dehors du contrôle adminislratif. Jamais la franc-maçonnerie 
et autres organismes occultes, qui ont existé de lout temps sous les 
dénominations tes plus différentes, n'eurent une plus grande activité : 
si tout d'un coup l'Etat avec sa hiérarchie avait disparu en entier, 
il se serait trouvé soudain un nouveau personnel rompu aux délibé- 
rations et aux discours par une large pratique dans les conciliabules 

1 . Louis Blanc, Histoire <fo la Révolution française, 2» édition, Tome !I t p. tfit. 



I 



«^ L'HOMME ET LA TKRRE. — LA RÉVOLUTION 

«*l«tidet«UiiH. Cumme chef de ta maçonnerie, le duc d'Orléans ressayait 
déjà au rôle de royauté bourgeoise que la i. branche cadette •» devait 
exercer effectivement »u dix neuvième siècle. Presque tous les person- 
nages qui devinrent fameux pendant les grande» Journées de la Révo- 
lution avaient fait leur noviciat d'homme» politiques dans les loges des 
société* secrètes, el c'est aussi dans le mystère que Pou formula le « ter- 
naire sacré », les trois mots ; Liberté, ICgalilé. Fraternité, choisis plus 
tard pour symbole de In République, admirable devise encore si éloignée 
d'être devenue réalité ! 

La part des dhernes fraetious géographiques de la France dans 
l'ensemble de l'univre révolutionnaire l'ut très inégale : en un vaste ^ 

domaine tous les champs ne se ressemblent point en fécondité: il en est ' 

même qui ne produisent rien. Des provinces entières traversèrent la 
période dramatique des événements sans que leur rôle prît un caractère 
actif. I,o midi albigeois el toulousain, notamment, avait été trop 
privé de force, do sève vitale lors de son écrasement par les 
hordes féodales du nord pour qu'il eut retrouvé déjà un peu de 
vigueur et d'élan à mettre an service des libertés publiques. 

En d'autres provinces, au contraire, notamment dans Vc&t du 
royaume, les émeutes populaires forment un prologue à la prise de la 
Bastille et acquièrent une importunée loute spéciale par leur nombre 
el leur incessante répétition, L'insubordination croissante des < gens 
sans aveu, réfractulres el faux-sauniers », signalée par les autorités de 
Besançon eulr'autros, dès 1788, les actes de brigandages égalilaires qui 
avaient rendu le nom de Mandrin si populaire dans les basses classes, 
les pamphlets irrespectueux qui circulaient partout, les marches pillés, 
les boula ngors pendus, les châteaux qui flambent, les archives el les 
parchemins brûlés — « les écritures maudites qui fout partout des 
débiteurs el des opprimés .1 ' —, tous ces coups de mains locaux furent 
oubliés dans l'ampleur du mouvement dont ils furent à la fois la pré- 
face et l'uu des principaux fadeurs. Kl ces niouvcmenls économiques 
ne cessèrent nullement à l'approche de la réunion des Klatstiénéraux 
— témoin le pillage des maisons Réveillon et llenriot, les m; et 38 
avril 1780, à Paris — ni durant les années qui suivirent : ou peut 
même citer la révolte lardive des paysans du canton de Vaud, en 1802, 



1, Cité par Tttiuu, Us Oiigines dt> la France Contemporain*. 



Ameutes et révoltes 



i3 



Je» Bourla-Papey, Brûle-Papiers, qui, aux cris de « Paix aux hommes, 
guerre aux Papier» », firent des autodafé de paperasses et prirent 
possession de terres contestées * ! 

N* 428. Grenoble et Vieille. 




rt 



i: 200000 

_ — t 



— ibKil 



Cette Jacquerie agit sans relâche et constitue une sorte de liasse 
aux brillantes variations qu'exécutaient a Paris les forces en lutte: elle 
fut certainement influencée par les événements de la capitale, mais la 



i. Eug. Mottaz, les BourtaPapey et ta révolution Vaudoise. 



t6 L*HO*!lfE ET LA TEMtK. ~~ LA RÉVOLUTION 

compréhension de ceux-ci n'est possible que si l'on connaît l'appui que 
leur apportaient les masses populaires dans les campagnes. 

Quant à la part que prit en province la bourgeoisie française» encore 
inconsciente de ee qui ta différenciait du peuple \ à l'œuvre préparatoire 
de ta Révolution, elle se concentra en deux points vitaux, Rennes et 
Grenoble. Ces capitules appartenaient à des contrées ayant eu beau- 
coup moins à souffrir de la centralisation despotique du royaume * 
et conservaient ainsi une sorte de virginité. En vertu des traditions héré- 
ditaires cl des conventions spéciales faites avec la royauté, chaque pro- 
vince se distinguait des autres par quelque trait de ses institutions ; c'est 
ainsi que la Bretagne, ires fidèle à son passé, avait encore un parlement 
qui n'était pas une simple assemblée de valets et de scribes ; loin de là, 
ce corps délibérant était aussi fier de ses prérogatives que si l'ancien 
duché avait été encore un pays libre et que l'union avec le royaume 
limitrophe eût été purement volontaire. Aussi lorsque la Cour eut brisé 
la résistance du parlement de Paris, vit-elle se dresser contre elle le par- 
lement de Rennes. H fallut mettre le siège devant son palais, arrêter les 
manifestants, en envoyer quelques-uns à la Bastille, au mépris de leurs 
privilèges de gentilshommes. 

Mais à Grenoble, l'affaire fut plus grave. La, le parlement avait le 
peuple avec lui, et ce peuple prenait l'initiative de la résistance. Le 
Daupliiné n'avait pas, comme la Bretagne, le souvenir de l'indépen- 
dance politique, mais il avait mieux : la pratique des libertés réelles. 
Les régions hautes de la province, voisines des neiges, ne communi- 
quant avec les vallées basses que par d 'âpres sentiers, avaient été 
laissées h elles-mêmes par des administrateurs paresseux; elles se 
gouvernaient en républiques autonomes, conformément aux coutumes, 
et répartissaient l'impôt, toujours scrupuleusement acquitté, mais sans 
les conditions exigées ailleurs par le caprice royal. De là un esprit de 
Hère résolution et de volonté tenace auquel participaient même des par- 
lementaires, pourtant corrompus par la pratique de ta chicane. 

Lorsque Tordre d'exil de ces magistrats fut parvenu à Grenoble, la 
ville se souleva pour leur faire honneur. On les accompagne en proces- 
sion triomphale, un peu malgré eux, puis on les ramène plus triompha- 
lement encore, les femmes du peuple les décorent de roses et de verdure, 

1. Michel Bakouaine» note manuscrite, — 2. Michelettf t«fc>t>« de France t vo\. XVII, 
p. i!9. 



PARLEMENT DE VIEILLE l5 

puis, saisissant loupa triques, elles se retournent contre la troupe, 
soufflettent tes chefs, entourent les soldats, les immobilisent, les dis- 
persent, «'emparent des portes de la ville, sonnent les cloches pour 
appeler les campagnards de la banlieue. C'est une révolution. Lesordres 
de la Cour sont formellement méconnus, et les délégués des trois ordres 
su réunissent do leur pleine initiative dans le château de Viztlle, au bord 
de la tumultueuse Romanche (ai juillet 1788). Se sentant les représentants 
de la France et non seulement du Dauphiné, ils décident, en une longue 
séance de vingt heures, que désormais on n'octroierait plus les impôts 
a la simple demande du mi, mats seulement de par la volonté du peuple 
transmise par tes Etats généraux. De toutes parts on avait les yeux fixés 
sur les députés dauphinois et on les encourageait à la lutte ; les soldats 
n'osaient plus tirer : les uns parce qu'ils étaient du peuple, les autres 
parce qu'ils ne savaient plus, devant la puissance de l'opinion publique, 
quels étaient les véritables maîtres. Les députés se dispersèrent, mais 
la convocation dos Etats était devenue inévitable, et môme avec prépon- 
dérance du Tiers* c'est-à-dire de la bourgeoisie française. 

Précisément ce fut un ministère de combat, de pure violence, celui 
deLomériic de Brie mie, présenté par la reine comme l'expression directe 
de su volonté, qui, poussé par la force des choses, eut à convoquer 
les Etats* c'est-à-dire h subordonner te roi à la nation. Cet homme 
de défi avait renvoyé les notables pour montrer en quel mépris il 
tenait tout ce qui n'était pas dans la domesticité du roi, puis il avait, 
comme par gageure, offensé dans leur amour-propre tous ces pauvres 
parlements de Paris et de province, qui ne demandaient guère autre 
chose que les apparences extérieures dans le respect de leurs privilèges 
antiques. Enlln, il avait institué, comme par moquerie de la représen- 
tation nationale, une « cour pléuierc », composée de princes du sang 
et des courtisans immédiats. Quand même, lorsque la cuisse se trouva 
vide, absolument vide, il fallut bien que lîricuuc se relirai cl soumît le 
roi à l'Iiumilialion de rappeler Nccker, son ennemi personnel, qui 
commença dédaigneusement par soutenir le royaume de France de sa 
propre fortune et de sou crédit, Les Etals généraux allaient se réunir. 
La bourgeoisie avait triomphé : lu noblesse, le clergé, le roi passaient 
au second pion. 

Le mouvement des élections prit un caractère de grandeur épique, 
dû non seulement à l'importance des événements mais aussi aux dan- 



|6 L'HOMHB ET LA TERRE. — LA RÉVOLUTION 

gers immédiats «le la situation : la France avait faim. Le froid de l'hiver, 
h* mauvaise* recolles de l'année avaient triplé ta misère; lu mortalité, 
aggravée eu et là par le» émeutes, s'élttft grandement neemcet, malgré 
le» maux qui s'abattaient aur bit, le peuple restait soutenu par l'espé- 
ra née des temps nouveaux, le vole, recueil ti dans chaque province 
suivant des formes différentes, fut presque universel, si ce n'est h Paris, 
ville toujours iniquement traitée, ou des conditions de cens s'atta- 
chaient à l'exercice du suffrage Kn province, tous volèrent, à l'exception 
des domestiques : environ eittq initiions d'hommes, fait unique dans 
l'histoire du monde, prirent part à la grande consultation nationale, et 
le» délégués partirent pour Versailles, emportant les « cahiers » où se 
trouvaient consignés les doléances, les vtvux, les résolutions, le» espoirs 
du peuple. Quoique très modérés dans la forme, les eahiers du Tiers 
sont unanimes dans leurs revendications «le justice et d'égalité. Mais 
ils témoignent aussi d'une foi monarchique 1res sincère, émue et 
respectueuse. Ils sont également pénétrés de vénération pour le chris- 
tianisme sous sa forme catholique, et s'ils réclament la liberté de 
eonseience, ils ne demandent point la liberté i\qh culte» 1 . Quant aux 
nobles et aux prêtres, ils cherchent également ù diminuer le fardeau 
qui pèsera sur leur propre, caste et a reporter le poids sur lu caste 
rivale. Les nobles veulent l'abolition des àlmu*, la fermeture «les cou- 
vents» lu vente jmrlielle (tes biens ecclésiastiques. Le clergé, de son 
coté, demunde la suppression des privilèges du gentilhomme et, en 
éehange d'une pu ri ic de ses terres, il réclame ce qu'il réclama toujours; 
l'éducation des enfants, l'Ame des générations futures 1 . 

Les lihtts se réunirent J<* i> mai 1780, grande date considérée histo- 
riquement comme le début d'une ère nouvelle, celte de lu domination 
bourgeoise dans l'Europe occidentale. Tout d'abord on piétina sur 
plure: les ordres, noblesse, clergé, tiers, restant séparés dans leurs salles 
de délibérations respectives, on ne s'occupa, ici que de maintenir les 
privilèges, là que de les supprimer. Mais l'assemblée du Tiers, portée 
par tout le mouvement du siècle, eut les fortes initiatives ; il se constitua 
en ■■ Assemblée nationale » et somma les deux autres Ktats d'avoir à se 
rendre dans la salle des délibérations. Les curés, qui se sentaient peuple 

t. Ch. L. Chassie, Gênit dâh /Wpo/ulwn. — 2. Michelet, HUtoir* de France, XVII, 
pp. 463, m. 



nÉUWON DES ÉTATS GÉNÉRAUX 



'7 



par ta pauvreté et qu'exaspérait l'isolement de leurs collègue», le» pré 
lats, forent les premiers n obéir, d'abord isolément, puis en masse. La 
Cour, qui possédait encore ta force brutale, s'imagina qu'elle avait 
aussi la force morale et que l'Assemblée n'aurait pas le courage de se 
réunir si des soldats lui barraient la porte. Mais déjà les représentants 
du peuple, tout royalistes qu'ils fussent, étaient devenus républicains 




D'après une estampe de l'époque. 



LA PRIS» DE LA BAHTILLB 



sans le savoir et, ebasses d'une salle, ils s'élancèrent dans une autre, 
la salle fameuse du Jeu de paume, pour y l'aire serment à l'unanimité, 
en un élan d'entliousiasme, de « ne se séparer jamais •>. En personne, 
le roî vînt pour ordonner aux dépulés de se disperser et d'attendre son 
bon vouloir. Kt c'est alors que Mirabeau foudroya le maître des céré- 
monies de la fumeuse apostrophe : u Allez dire à ceux qui vous 
envoient que nous sommes ici par la volonté du peuple et qu'on ne 
nous en arrachera que par la puissance des baïouueltes u ! 

Déjà Paris venait à la rescousse pour soutenir l'Assemblée, qui, sans 
lui, eût probablement cédé, après emprisonnement ou massacre préa- 



|8 L'HOMME ET LA TERRE. — LA RÉVOLUTION 

labiés. On attaque une prison pour en délivrer les captifs» put» on brûle 
les barrières d'octroi, on s'empare de* |w>udres et de» armes; le» soldats 
de la garde française, presque tons Parisiens, se mêlent au peuple; te 
régiment de Château vient, composé de Suisses vnudoi* de langue 

romande, se sentant 
Français de munir* et 
de tendances, refuse 
de tirer sur la foule ; 
les milices s'orga- 
nisent, d'autant plus 
ardentes a lu lutte 
qu'elles sont entou- 
rées de troupes étran- 
gères, Suisses, Alle- 
mands, Croates, Pan- 
dours, soudards dont 
on ne comprend pas 
m£mc le langage. 

Et soudain, mal- 
gré les chefs et les 
conseillers, malgré 
tout bon sens mais 
entraîné par une foi 
soudaine, par un ins- 
tinct unanime, le 
peuple se précipite 
follement contre le 
bloc énorme de la 
Bastille, contre le noir 
cube de pierre à 
l'ombre duquel la ville s'agitait i m puissante, et lu forteresse, qui eût pu 
se défendre par sa seule masse, Huit pur ouvrir ses portes, fait tomber 
ses ponts-lcvis, parce que ses défenseurs eux mêmes sentent que le 
grand jour est venu : la Bastille se livra, « par mauvaise conscience »', 
la volonté collective de Paris Pavait hypnotisée. 




Cabinet deg Estampes, 



Blbt. Nationale. 



D« LAU1TAY 



gouverneur d© la Bastille, oat conduit à rHôtel-àWille 
où il n'arriva pas vivant. 



i. Michelot, Histoire de la Révolution Française, I, p. 203, édition de 1877. 



PRI8B DE LA BASTfLLl 



«9 



/ 



La reddition de la Bastille fut un événement capital qui fit trembler 
les rois, enthousiasma tes peuple» et prît un senti symbolique universel 
dont l'effet dure encore; main, s'il est beau, en des moments désespérés, 
de tout risquer pour la cause que Ton aime, combien funeste fut souvent 
cette illusion, née de m . 

la prise triomphante j/Hu/é» S^Jaj c/*«*' 
delà Bastille, que l'en 
thousiastne populaire 
suffît pour accomplir 
r impossible ! Von, les 
multitudes eu désor 
dre, munies seulement 
de pierres et d'armes 
de rencontre, risquent 
fort de se heurter inu 
tilement ù des rem- 
parts solides, garnis 
d'hommes disciplinés 
qui savent pointer les 
canons 1 La trompette 
de J ericho ne renverse 
plus les remparts des 
villes. II est impru- 
dent de se griser de 
paroles, vaincs sono 
rites. Pour combattre, 
le plus sûr est toujours 
d'être le plus fort, eu 
môme temps que le 
plus clairvoyant : à la 
ferveur, à la puissance de la volonté, il importe d'ajouter la science 

invincible. 

Les événements de Paris réveillèrent certaines populations restées 
passives par l'effet du long sommeil dû aux exterminations anciennes 
et à l'oppression continue. Jusqu'aux Pyrénées, jusqu'à la mer de 
Gascogne, le peuple fut secoué d'un grand frisson, annonciateur de 
conjonctures redoutables. Ce fut, disent les contemporains, le temps 




» ; 

i 

i \ 
Croqtii» exécuté par David d'aprH netare. 

FOVM.ON, COMMISSAIRE AUX VIVRB8 

»é ùSaumur en 1717. pendu à la lanterne à Pari* en 178». 

Sa tête est promenée dans Paris au bout d'une pique, la 

bouche pleine de foin. 



ao l'homme et la terre. — la révolution 

de lu « grande \*mr ». Accoutumés ïi pâtir, le» paysans se préparaient 
en mainte endroit* à de nouvelle» souffrances, cherchant un refuge 
dan» les bois el cavernes. Mais l'exemple do l>aris avait donné une 
nouvelle ardeur aux masses impatiente» de secouer le joug : ehaqiie ville 
de province s'empare de sa Bastille, et les ville» entraînent a leur tour 
les villages el le» hameaux, bc cultivateur comprend qu'il dispose de 
la forée, il assiège le cliAteau du seigneur local, s'empare des archives 
qui faisaient de lui un lailhiblc et corvéable, hrAle les litres qui lui 
enlevaient son bien, eesse de payer les redevances, et, pour un temps* 
redevient un homme libre. Malheur au propriétaire détesté qui avait 
brutalisé ses vassaux pendant les temps de prospérité ! Lui aussi, il 
ennnaîlra l'insulte, les coups, son château sera démoli, el lui môme 
risquera la mort, ù moiiin qu'il ne s'enfuie à l'étranger. Car la Krance 
s'organise, chaque jour elle apprend le maniement des armes, et, dans 
eette foule immense qui sait désormais attaquer aussi bien que se 
défendre, les soutiens particuliers tlu caprice royal et de la noblesse, les 
régiments d'Allemands et de Suisses, recrutés à grands frais, se perdent 
connue dans une mer. 

Les députés de la noblesse siégeant à Versailles, dans l'Assemblée, 
prirent galamment les choses. Puisque le peuple, naguère asservi, jetait 
au feu leurs ebartriers, parchemins el arbres généalogiques, puisqu'il 
cessai td'aequilter les corvées, des astreindre aux servitudes personnelles, 
eli bien! les gentilshommes en feraient superbement le saeriliee 1 
Sans doute quelques uns d'entre eu* comprirent que la prudence leur 
commandait de séparer leur cause de celle des nobles émigrés qui 
fuyaient eu ennemis el se préparaient a combattre la France; d'aucuns 
se laissèrent aller au faste traditionnel du grand seigneur qui joue avec 
les dettes el prodigue l'or comme s'il en avait toujours trop ; mais 
l'autre* aussi, pénétrés au dessous de t épidémie par la philosophie du 
siècle, savaient parfaitement que leurs anciens droits étaient en 
lehors du droit el constituaient une injustice qu'il était temps de 
se faire enfin pardonner. U» haut sentiment du saeriliee et la grûcc 
avec laquelle on sut l'accomplir Ut de cette « nuit du 'i août », en 
cette même année 8y, une date inoubliable. Tous étaient émus, heureux 
de se sentir égaux, devoir tomber ces barrières de la féodalité qui de 
l'homme uvaicnl luit l'ennemi de l'Homme. L'émulation de justice et de 
renoncement gagna le» villes el les provinces privilégiées qui successive- 



i 



( 



ABANDON DBS PRIVILÈGES 



M 



ment et par acclamation renoncé roui i\ tous les avantages que tu mo- 
narchie leur avait concéda pour se fondre dan* la grande unité fran- 
çaise. Oir pat croire qu'en eette nuit do révolution se résumaient et tws 
réalisaient tous les vœux, toux te» i-spolis des générations passées. 

La réflexion vint pourtant et. dès te lendemain, l'œuvre des « hommes 
sages » s'attacha à reprendre en détait ce qui avait été abandonné par 
une enthousiaste 
déclaration de prin- 
cipe. Les décrets du 
5 uu 1 1 uoùl noti 
lient que, sauf lu 
dmie, les servitudes 
récites ne sont pas 
supprimées, mais 
que les paysans 
avaient le droit de 
les racheter « s'ils 
s'entendent sur te 
prix avec leurs «ei- 
gneurs . Kl encore 
ces décrets, que le 
roi ne sanctionna 
qu'en octobre, ne 
furent-ilsjamaisdû 
ment promulgués. 
Lu Jacquerie cou II 
nua — rien qu'en 
Bretagne vingt-cinq châteaux furent pillés ou brûlés avant le mois de 
mars 1790 — , des paysans furent pendus, et ce n'est qu'en juin 170a 
qu'une loi définitive abolit les droits sans rachat. 

La déclaration des « Droits de l'homme » donna un corps à 
l'ensemble des réformes volées pur acclamation, mais des lois nouvelles, 
des décréta, des, ordonnances vinrent rapidement prouver que vraiment 
peu de chose était changé à l'ancien régime. 

I*a grande diversité d'origine, d'apparence, de mœurs cl môme de 
langue qui existait dans la nation française explique en partie comment 
les représentants venus de toutes les province* se senti reut entraînés 

V 2 




Portrait par lu&ttey 



£•£ QUKN I»H KBBAHOAL 



né à Landiviniau en 1746. Leproraier noble qui, durant 
la nuit du '* août, renonça & ses privilèges. 



aa i/hohmi et la terre; — la révolution 

à fonder l'unité nationale» non sur un prétendu lien du sang ni sur 
une fraternité traditionnelle, mats sur le droit humain* Les formules 
d'après lesquelles on constitua le peuple français auraient parfaitement 
convenu à la création d'une république embrassant l'humanité tout 
entière '. C'est qu'en effet le mouvement de la pensée pendant le 
dix-huitième siècle avait pris un caractère universel; dépassant de 
beaucoup les limites de la France et du temps présent, il s'était étendu 
ù l'ensemble des pays et des temps; souvent l'attention des historiens 
s'était portée bien plus sur les agissements do Frédéric II, sur le 
fonctionnement de In constitution anglaise, sur ta guerre d'indépen- 
dance des colonies américaines que sur les affaires intérieures de la 
Krance ; les mœurs du peuple chinois étaient présentées en exemple ; 
on s'intéressait aux noirs de Saint-Domingue* aux insulaires de 
l'Océanie. C'est donc par une sorte de floraison naturelle que l'Assem- 
blée nationale proclama les droits du Français en les appuyant sur la 
pierre angulaire du droit de tons les hommes. San* doute, les légis 
lateurs se trompèrent, puisque, suivant la conception maçonnique de 
l'époque, ils cherchèrent en dehors de l'homme, dans un Etre 
suprême, le garant de la morale humaine: ils prirent leur point 
d'appui en dehors de ta conscience individuelle, qui, bien que vacillant 
elle môme, n'en est pas moins le grand ressort de toute œuvre sincère : 
considérant l'homme comme un éternel mineur, comme un sujet, ils 
voulurent le guider par des lois, émanation de In volonté divine dont 
ils étaient les interprètes. Quoi qu'il en soit, les droits de l'homme, 
qu'ils proclamèrent sous la pression de l'opinion souveraine qui trou- 
vait enfin des hérauts, représentent bien le fait capital de l'histoire 
depuis les origines de l'humant U'» jusqu'à nos jours. Pour la première 
fois une nation se déclare solidaire de toutes les nations du monde, 
de toutes les races, au nom du droit que possède chaque homme 
d'aller à la recherche du bonheur. 

En cette grande époque, la plus belle qu'ait encore traversée 
l'humanité , l'idéal des plus hauts philosophes qui avaient émis la 
(>ensée humaine dans toute sa Jwauté parut être sur le point de se 
réaliser. En mai 1790, lors de la discussion sur te droit du pouvoir 
exécutif de déclarer la guerre, Volney propose à l'Assemblée de 

i, Jacques de Boitjolin, Bu Peuples de la Franct % p. 9. 



d6cuiutio\ des droits de i/homsue 



33 



regarder l'universalité du genre humain comme formant une seule 
et même société dont l'objet est la pain et le bonheur de tout et de 
chacun de ses membres ; que dans dette grande société générale, tes 
peuples.,, considérés comme des Individu», jouissent des mêmes droiU 
naturels et sont soumis aux mêmes règles do justice que tes individus 
des sociétés particulières et secondaires ; que, pur conséquent, aucun 
peuple n'a le droit d'en- 
vahir la propriété d'un autre 
peuple ni do le priver de la 
liberté et de ses avantages na- 
turels », Ainsi tout le globe 
terrestre était désormais, dans 
la pensée des novateurs, em- 
brassé par le même droit 
des gens. La fédération des 
hommes se constituait en vue 
du bonheur universel. 

Ce bonheur, c'est par l'éla- 
boration de <c lois justes » et 
leur égale application à tous les 
citoyens qu'on espérait pou- 
voir le réaliser. Certes, il n'est 
pas di flï ci le de comprendre la 
passion fervente qui s'empara 
des Français d'alors à l'égard de 
la Loi, révéréesymboliquement 
comme une déesse. C'est qu'elle devait remplacer le bon plaisir. Elle allait 
être substituée au caprice royal multiplié par les mille autres caprices des 
subordonnés qui, dû mettre jusqu'au dernier des valets, descendait sur 
les malheureux en une cascade de brutalités, d'injustices et de crimes. 
Par définition même, la loi, représentée par une balance, serait abso- 
lument juste, égale pour tous, et cette assurance su m sait aux malheureux 
qui avaient tant souffert de l'iniquité des jugements rendus au nom 
du Roy. Ils s'imaginaient que, désormais, la justice impersonnelle 
planerait au-dessus de la nation, lumineuse et bienfaisante pour tous 
comme les rayons du soleil. Ils ne savaient pas que la monarchie en 
devenant polyarchie ne cesse pas d'ôtre une royauté : autant d'hommes 

V 2* 




Cabinet do» Estampe». 

VOtNKY, 
NÉ A CBAON EN 1757, MORT B* 1820 



a 4 l/llUMMg KT U% TKIMR, — LA îïlVÛlUTION 

privilégiés par la possession d'un pouvoir, autant de petits rois qui 
discutent, sanctionnent et appliquent les lois à leur profit, La loi fut 
toujours celle qu'imposa le plus fort. 

Armée par la puissance du peuple du droit de fabriquer des lois, 
l'Assemblée nationale eût bientôt de nouveau Hé la France pour la 
ramener aux pieds du gouvernement fort dont elle aurait été le seul 
conseiller. Mais ta nation vivait déjà de sa propre vie et s'organisait 
spontanément pour se défendre contre le retour offensif des seigneurs, 
contre le fisc, contre les gens d'affaires, contre les dangers que susci le 

la peur. 

De village à village les paysans s'associaient ; ils se groupaient 
en fédérations avec les villes; et de province a province, pardes- 
sus les anciennes limites, se faisaient les alliances : ayant lès-mômes 
interdis, le même amour de la paix, le môme souci des récoltes 
prochaines et de la liberté conquise, les citoyens se reconnaissaient 
et s'embrassaient comme frères, oubliant que jadis leurs pères s'étaient 
enlre-hoïs. Naturellement les unions d'amitié se formaient surtout entre 
communes et pays que rapprochaient les munira des habitants, la 
facilité des communications, les avantages réciproques de l'échange, et, 
à cet égard, il serait très utile d'étudier lu répartition des groupes en 
cellules primitives qui se constituèrent ainsi en spontanéité parfaite 
dans la France entière; mais à cette grande époque on se sentait attiré 
mutuellement non seulement en vertu des ressemblances mais aussi 
en vertu des contrastes : on aimait à se rencontrer de la plaine à la 
montagne et du vignoble au bocage, parce qu'on voulait se connaître 
et fraterniser en un môme sentiment d'héroïsme et de bonté. Tous 
étaient devenus meilleurs : ce furent les plus beaux jours qu'ait jamais 
vus la France, ils sont uniques en Bon histoire. La nation s'était exaltée 
par l'enthousiasme bien au-dessus d'elle-même jusqu'à l'amour de 

tous les hommes. 

L'unification de la France, naguère découpée en Etats féodaux 
distincts que la main royale reliait en un seul faisceau, s'accomplissait 
donc d'une manière toute spontanée. Il n'y aurait ou qu'à laisser faire 
pour que l'ensemble de la nation devînt vraiment u un », mais avec la 
diversité normale de tous les groupes naturels constitués pour le tracé 
et la confection des routes, pour la demande des subsistances et autres 
intérêts communs. La France avait déjà, en quelque sorte, ses cantons. 



UNIFICATION DE LA FRANCE 



95 



ses arrondissements et départements avant que Sieyès ne conçût te 
projet de division formelle» que Robert de Vaugondy n'en dressât ta 
carte, et que Thouret ne la fît voter par l'Assemblée ; celle-ci» désireuse 
d'établir son propre pouvoir, afin de régler le rendement des impôts* 
les attributions et la hiérarchie de» fonctionnaires, la subordination 
des communes à l'Etat, ne se laissa point influencer par les vœux 




Cl, P. Sellier. 

LES CHEVALIERS DE SAINT LOUIS RAPPORTANT LEVES IX8IOXK8 DISTINCTIF8, 

AINSI QUE LES PORTEURS d'BAV 



des populations et procéda brutalement ù la division du royaume. 
obéissant û la préoccupation de faire les parts de dimensions égales. 
Tout d'abord môme il avait été convenu que chacun des 80 ou 8 1 
(9 fois 9) départements serait divisé en neuf districts ou arrondisse- 
monts, divisés à leur tour en neuf cantons. Sans doute, la nature des 
choses, indépendamment de la volonté des législateurs, exigeait la 
suppression des anciennes divisions historiques, féodales, administra- 
tives, cléricales, militaires, fiscales ou douanières, qui avaient été 
souvent établies par un coup de caprice et que l'on avait toujours main- 
tenues sans aucun souci de la volonté des populations intéressées : pro- 
vinces politiques, généralités financières, intendances civiles, diocèses 



a6 l'homme et la terre, — la, révolution 

ecclésiastiques, gouvernement» de l'armée» bailliages ou sénéchaussées 
judiciaires, ressorts parlementaires» pays de droit romain et de droit 
coutumjer, de gabelles et de rédemption, d'aides et de gratuités, de 
concordat et d'obédience \ tout cela devait nécessairement disparaître, 
débarrasser la France de son inextricable réseau de frontières entre- 
mêlées — et ce qui en reste encore ne peut être conservé que d'une 
manière artificielle™; mais les limites de départements, arrondissements 
et cantons ne sont pas moins artificielles pour la plus forte part de 
leurs contours, et s'effaceront aussi, non d'ailleurs sans avoir eu le 
résultat funeste do rompre bien des communications naturelles et d'em- 
barrasser de mille manières le mouvement spontané des populations. 

Il est certain qu'une division naturelle en a pays » eût donné à la 
carte de France un aspect tout autrement irrégulier, la superficie des 
divers éléments juxtaposés eût facilement varié du simple au décuple : 
les affinités électives différent dans toutes les régions Buivànt la nature 
et les productions du sol, le développement moral et intellectuel des 
populations, la circulation générale de la vie, En outre, tes progrès de 
la civilisation et l'accroissement des facilités dans les rapports de 
voisinage n'eussent pas manqué, en l'absence d'une autorité centrale, 
de supprimer toutes ces divisions partiellement factices. K l'époque où 
furent tracées les lignes administratives départage, il fallait des semaines 
pour que le va-et-vient des ordres et des réponses pût se faire entre la 
tête et les extrémités du grand corps; hier il fallait encore des heures, 
quelques minutes suffisent aujourd'hui. C'est donc un véritable contre- 
sens que de vouloir fixer par des lignes immuables une histoire qui se 
modifie et se transforme toujours. 

La nouvelle distribution administrative de la France devait amener 
les législateurs des diverses assemblées à discuter avec passion les 
théories contradictoires relatives à l'organisation politique du royaume, 
fédéralisme ou centralisation. C'est précisément la question qui s'était 
posée pour les colonies américaines après leur victoire commune sur les 
forces britanniques; mais la solution ne pouvait être la même dans les 
deux contrées* puisque les traditions historiques et les conditions pré- 
sentes différaient de part et d'autre. Kn France les centralisateurs intransi- 
geants eurent gain de cause, la patrie fut déclarée « une et indivisible », 

1. Louis Blanc, Histoire de la Hémlution française, II, p. 402; — Edmond et Jules 
de Concourt, Histoire de la Société Française pendant Ut Révolution, p. 393. 



ORGANISATION DE LA FRANCE 



»7 



en ce sens que les mômes lois» les mêmes formes d'administration 
devaient s'appliquer aux population» les plu» opposées par l'origine, 

N* 429, Pays et Cantons du Pays Basque et du Béarn, 




10 



i: 1000000 



ir 



soKit. 



Dans les limites do ia carte, il n'y a guéro que les pays des hautes vallées dont f unité ait 
été respectée par la division en canton. 

Les points noirs indiquent remplacement des chefs-lieux de canton. 



les mœurs et les précédents : partout, au pied des Pyrénées et des Alpes 
comme dan» les Ardcnnes et en Bretagne, les citoyens — ou plutôt les 



a8 l'homme et la terre. — la révolution 

si^Jela —auraient à se conformer aux ordres venus du centre, s'accom- 
moder aux vêtements que l'on avait (aillé» pour eux. Evidemment 
l'unité artificielle que Ton voulait ainsi fonder était en désaccord avec 
le mouvement de l'histoire, avec le rythme de la Terre, et d'ailleurs elle 
ne triompha qu'en apparence, car, suivant les milieux, les lois sont tou- 
jours diversement appliquées. 

Encore en 1791, un député de rassemblée constituante, Achard de 
Bonvouloir, protesta contre l'absurde unification des lois, déclarant que 
la « majorité des ci-devant Normands entendait conserver sa coutume», 
et plaidait pour une « variété de lois et de règlements en rapport avec les 
mœurs et les habitudes particulières de chaque province ». Mais le fana- 
tisme de l'autorité, jouant sur lu sens de l'expression « égalité entre les 
hommes <*, voulut ignorer quand môme les traditions locales, les coutumes 
héréditaires auxquelles tenaient précieusement les indigènes comme a 
une part de leur exislence, et le niveau égalilairc fut choisi pour symbole 
de la Révolution. Telle province y gagna, telle autre y perdit, notamment 
les « vallées .«, c'est à-dire les petites républiques pyrénéennes que les 
remparts naturels de leurs montagnes avaient de tout temps défendues 
contre le caprice des seigneurs, et qui, désormais ouvertes par la construc- 
tion des routes, le défrichement des forêts, et surtout par l'agrandisse- 
ment de l'horizon intellectuel et moral, devaient participer à la vie géné- 
rale de la grande nation qui les embrassait dans son vaste domaine. C'est 
ainsi que les communautés libres, les « universités » des montagnards 
perdirent la gérance incontrôlée de leurs intérêts et leurs assemblées sou- 
veraines» où chacun et chacune avaient le droit absolu de présence, de 
parole et d'initiative. Cette confiscation d'un héritage inappréciable eut 
pour conséquence d'inévitables rancunes qui s'ajoutèrent aux éléments 
de réaction et de déchirement national. 

* 

Les beaux jours de l'enthousiasme initial ne pouvaient durer. A 
l'exception de quelques représentants, le clergé s'était prêté de mauvaise 
grâce au sacrifice des privilèges et, partout où il fut assez fort pour exci- 
ter et soulever le peuple, il revendiqua très aprement la possession de ses 
terres : des paysans qui n'avaient rien étaient entraînés a se battre pour 
conserver les milliards des prélats. Le Cambrésis s'était révolté, emporté 
par le même mouvement clérical que les Flandres voisines, où la popu- 
lation des campagnes se pressait autour de ses curés, clamant pour le 



&RB DES DIFFICULTÉS 3f 

maintien des antique» traditions, c'est-à-dire pour leur propre asservisse- 
ment. Les paysans murmuraient dans les diocèses de l'ouest et du midi ; 
même dans tes villes telles que Ntmes etMontauban, où les haines étaient 
entretenues par le contact immédiat des catholiques et des protestante, les 
assassinats et les tueries commençaient. En ce conflit, le clergé avait un 
précieux avantage : « il savait très bien ce qu'il voulait »\ tandis que 
l'Assemblée ne le savait pas. Aussi, lorsque les députés catholiques som- 
mèrent leurs collègues de la noblesse et du Tiers d'avoir à déclarer 
franchement si oui ou non ils professaient la religion traditionnelle de la 
France, ces députés hésitants, incertains et timides parce qu'ils appar- 
tenaient a un Age de transition, parce qu'ils étaient à la fois catholiques 
par la survivance, libres penseurs par l'éducation, se trouvèrent-ils 
fort embarrassés. En 1790, l'Assemblée constituante discuta plusieurs 
heures pour savoir si la Révocation de l'édit de Nantes devait être main- 
tenue I puis cite s'occupa de la constitution du clergé» tout en ignorant 
le dogmo que professait l'église, et décida de payer chèrement des céré- 
monies bizarres, fort bonnes pour le peuple, mais méprisables pour la 
plupart de ses membres. Comme le satyre de la fable, les représentants 
de la nation soufflaient le froid et le chaud. La France devait donc 
rester catholique, puisque la foi nouvelle de la fraternité des hommes 
en dehors de tout commandement divin n'avait pas encore conscience 
d'elle-même. Si la bourgeoisie survécut, triomphante, à tous les événe- 
ments chaotiques de la Révolution, c'est qu'elle avait achevé son évo- 
lution préalable et ne se laissait point détourner de son idéal. Mais 
la pensée libre n'en était pas encore là : elle ne s'était pas dégagée 
du mysticisme évangélique et croyait toujours à une morale divine 
qu'aurait distillée l'Eglise. Aussi celle-ci reprit-elle le dessus, la série de 
ses avatars n'était point achevée. 

La société civile essaya pourtant d'un accommodement avec la reli- 
gion chrétienne. Des curés républicains se prêtèrent à cette conciliation, 
s'imaginant qu'ils pourraient obéir à la fois à l'Evangile du Crucifié et à 
celui des Encyclopédistes. Très sincèrement, ils restaient observateurs 
de leur foi, tout en prononçant le serment exigé d'eux, en qualité de 
fonctionnaires, qu'ils seraient « fidèles à la nation, à la loi et au roi, et 
maintiendraient la constitution >». Mais de nouveau se vérifia le proverbe 

1. Michelet, Histoire de la Révolution francise, vol* I, passim. 



3a l'homme et la terre. — la révolution 

des Ecritures que L'on ne peut servir deux maîtres. Le pape désapprouva 
les prêtre» assermentés, et bientôt ta foule des catholiques forcenés vit en 
eux autant de suppôts du démon, de magiciens empoisonnant l'hostie 
par leurs maléfices; on repoussa leurs prières; on s'écarta de leurs céré- 
monies avec horreur» tandis qu'on se pressait autour des saints qui 
n'avaient pas souillé leur bouche par des paroles que condamnait l'église, 
et qui restaient en communion directe avec le saint Père, représentant . 
par excellence de l'uncien régime, bien mieux que le roi lui-môme. 
L'antagonisme entre la société révolutionnaire et la chrétienté tradition- 
nelle devint plus violent, plus inconciliable, lorsque l'Assemblée, con~ 
vaincue que le peuple ne pouvait se passer de culte décida (pie la grande 
fétc nationale serait désormais celle de tu liaison et qu'on la célébrerait 
dans l'église même de Notre-Dame, aux lieu et place du culte supprimé, 
sur son autel. De pareilles cérémonies, exécutées avec une pompe théâ- 
trale et fausse, n'étaient quand môme qu'une sorte de parodie de la messe 
catholique et lui étaient de beaucoup inférieures puisqu'elles ne venaient 
point du peuple cl que parmi les figurants nul n'était ému. Le conflit 
entre tu Raison el l'église devait se terminer au profit de cette dernière, 
puisque ta liaison se gérait aussi en déesse, pauvre, impuissante imitation 
du passé. Etait-ce une Minerve, une Vierge nouvelle? Mais les prières ne 
montèrent point vers elle, tandis qu'au fond des cryptes, les antiques 
survivances courbaient encore des fronts devunt des efUgies noircies par 
le temps. 

D'ailleurs en dehors des formes du catholicisme traditionnel, que 
l'on n'osa point proscrire et que même Robespierre, devenu presque 
pape en un monde de fidèles, protégea ostensiblement, comme pour y 
trouver la garantie la plus sure du pouvoir absolu, tous les républicains, 
leurs institutions et leurs teuvres participaient de l'esprit catholique; 
tous avaient la prétention de faire de gré ou de force le bonheur de 
l'humanité, de lui dicter des lois inviolables, conçues en une cervelle 
infaillible. « Tant que vous n'aurez pas acheminé sur une mémo trace et 
moulé ù une même forme tous les enfants de la patrie, disait Ducos, c'est 
en vain que vos lois proclameront la sainte égalité ». Chaque révolu- 
tionnaire portait en soi un dictateur. Heureusement que, pendant la 
grande et fervente époque de la Révolution, encore portée par son pre- 
mier élan, toutes ces dictatures se combattaient entre elles cl que de leur 
choc naissait la résultante, la grande œuvre du peuple. Car si puissants 



I 



t 

>i 



r 



i 
n 



L'iTAT ET l/£OLIBI 



33 



que se soient montrés tels et tels individus, si énergiquement que leur 
vouloir ait pénétré dans te chaos des choses, pourtant ni Mirabeau ni 
Danton» ni aucun autre n'eussent rien fait sans la pression d'en bas, 
sens ta poussée des mille club», des assemblées pullulantes qui partout so 
formaient, se groupaient, se fédéraient» aidant à composer, à renouveler, 
a ranimer les assemblées plus nombreuses, plus rapprochées du pouvoir. 




Cabinet des K*tarnj>?«. 

LB9 CHEVALIERS DU POIGNARD 

désarmés en présente do l-outo XVI (Février 1701)* 

Les fédérations entraînaient les clubs, et ceux-ci les grands corps déli- 
bérants. Les Gordcliers, le» Jncobins préparaient, décidaient d'avance ce 
que ta Commune de Paris, la Concluante, la Convention décrétaient 
ensuite. C'est ainsi que la population française que soulevait l'enthou- 
siasme révolutionnaire prenait part , avec ou sans mandat, aux délibé- 
rations communes. 

A la guerre civile qui se préparait, allumée par les prêtres, et dont les 
premiers brandons faisaient naître parfois des incendies, menaçait de 
s'ajouter la guerre étrangère, d'autant plus redoutable que l'armée était 
encore commandée par des nobles, ennemis plus ou moins déguisés de 



H L'HOMME ET hk TERRE. — IA REVOLUTION 

la Révolution, et que le roi lui- môme, qu'il le voulût ou non» était for- 
cément le complice et le chef virtuel de l'armée des émigrés. Les camps 
d'attaque s'étalent formés dans le voisinage de la frontière, à Turin 
et à Trêves, et des deux côtés, les communications se faisaient à peu près 
librement : même les officiers recevaient leurs pensions et l'Etat pavait 
tes uniformes et tes chevaux ; on ne savait où commençait ni où finissait 




Cl. F. Sellier 
CLUB DES JACOBINS 

Aujourd'hui divisé en plusieurs salles abritant la Société d'Anthropologie de Paris 

et ses collections. 

la France, et, pour Loui§ XVI, elle était bien certainement loin de 
Paris : là des troupes solides, de fldMes Allemands l'attendaient pour 
le ramener triomphalement dans sa capitale tremblante et désarmée. 
Aussi cssuya-t-il de s'enfuir : il avait même parcouru en chaise de poste 
plus des trois quarts de la route, vers le camp de Montmédy, d'où il 
aurait pu donner In main aux émigrés de Trêves, lorsqu'il fut reconnu 
et ramené de Varennes dans son paluis des Tuileries (1791). Le coup fatal 
était porté. Désormais le roi et la reine, plus que soupçonnés d'avoir 
trahi la nation, ne pouvaient plus espérer de se réconcilier avec la France, 
et quels que fussent les témoignages de respect et les serments de 
patriotisme échangés de part et d'autre, la rupture devait aboutir au pro- 



LA CONVENTION IT LE ROI 35 

ces et à la condamnation de Louis XVI. Il fut exécuté le ai janvier 1793. 
Cet événement transporte de foreur l'Europe monarchique, surtout 
l'Angleterre* qui avait à se faire pardonner l'exécution de Charles I* r . 
D'ailleurs meurtre pour meurtre, le premier fut grandement dépassé par 
le second en Importance symbolique. La révoiutten anglalie n'avait été 
dans l'histoire qu'un fait d'ordre insulaire, national, une dispute entre 




Cabinet de* Ertampc». 

LOUIS XVI DEVANT fcA CONVENTION 

sectes, tandis que la mort de Louis XVI fut un défi lancé à tous les mo- 
narques. La Révolution française proclamant les Droits de l'homme 
avait pris un caractère mondial, et c'est au nom de tous les peuples 
opprimas qu'elle guillotinait son roi. Il s'agissait ici d'une lutte entre 
deux principes, la royauté de provenance réputée divine et la liberté de 
tous les hommes virtuellement égaux dès leur naissance. Louis XVI se 
trouvait être la victime représentative de tout l'ancien régime, de toutes 
les survivances longtemps considérées comme saintes, et les émigrés 
français qui portaient les armes contre leur patrie, implorant contre 
elle les gouvernements étrangers, étaient très logiquement les défen- 
seurs de ta cause commune de tous les privilégiés d'Europe. Au-dessus 



36 L'HOMME ET LA TERRE. — LA RÉVOLUTION 

des divers Etats et de leurs frontières changeantes» planaient, comme 
dans les légende» antique», les deux esprits qui se disputent le monde. 

La France, comme nation, était alors dans une situation qui semblait 
absolument désespérée. Dans l'ouest, tes prêtres et les gentilhommes 
avaient réussi à soulever les paysans contre tes bourgeois des villes, qui, 
de leur côté, s'étaient rangés avec enthousiasme au nombre des amis de 
lu Révolution. Ainsi» les vieilles rancunes, auxquelles s'ajoutait chez les 
rudes cultivateurs le juste mécontentement causé par l'arrogante centra- 
lisation parisienne, avaient fait surgir de nouveau la guerre qui sévissait 
autrefois entre les villes latinisées, christianisées, et les villageois restés 
païens. De siècle en siècle, l'écart sëluit maintenu ; quoique les anciens 
adorateurs des pierres levées eussent appris u se prosterner dans les 
églises, l'inimitié avait persisté entre les deux, castes. La haine de la 
gabelle et autres impôts qui s'était umassée dans tes cteurs de la 
paysannerie trouvait maintenant à s 'exhaler contre les « bleus », et 
l'annonce d'une levée de 3ooooo hommes par conscription mil le feu 
aux poudres, lin réalité, les « chouans « étaient fédéralistes, et ne 
faisaient que satisfaire leur vieil instinct républicain en allant « chasser 
la perdrix » eu compagnie de leurs hobereaux, u demi paysans comme 
eux. Cadoudal dit le mot juste h un officier nouvellement débarqué : 
•■ L'ami, allez dire aux princes qu'on se bat ici pour mieux qu'eux . 

Le désordre chaotique de la province avait luissé h la guerre le temps 
de se préparer, et il fut d'autant plus difficile de réprimer le soulève- 
ment, surtout en Vendée, quo la nulurc du pays était des plus propices 
aux embuscades et aux surprises. In labyrinthe d'enclos dont les indi- 
gènes connaissent seuls les détours, des collinettes coupées de plis 
et de vallons, sans aucun observatoire naturel d'où Ion puisse 
avoir une vue d'ensemble sur la contrée; mille, cent mille défilés 
formés par les chemins creux où Ion bute contre les pierres, où l'on 
patauge dans la boue, où l'on sVnlize dans les marais; partout des 
champs épars, des prés, autant tle réduits fortifiés, dissimulés par des 
haies d'arbivs aux branches entremêlées; partout des meurtrières entre 
les feuilles d'où Ton peut tirer sans être vu; de toutes parts des signaux 
imitant les sons de la campagne, le chaut lointain d'un oiseau, un batte- 
ment d'ailes, le bec du pivert qui sonde les troncs d'arbres. Ces bruits 
rassurants sont autant d'appels à la mort. 

Puis, de l'autre côté de ta France, ce sont les rumeurs de la grande 



LA CONVENTION ET LES DKPARTKMEN1S 



37 



guerre, co sont les régiments en ligne, les corps d 'armée, le» batteries 
de canons, les vieux généraux de Frédéric II. Tous les gouvernements 



W° 490. Théâtre de la guerre de Vendée 




*f~ 



w*~ 



-m* 



Ma»s-«* 



o»de Gr. 



-«• 



*■ 



1 : 4000000 



100 



■fto Kil. 



Les principaux districts de l'insurrection vendéenne sont hachurés d'après VidaldeLaBlache. 

Les premières rencontres do ta guerre sont colles de Saint-Florent, de Beaupréau, des 
Aubiers {25 avril 1798), de Cholot, où tes Vendéens furent victorieux. Bressuire, Taouars, 
Baumur (6 juin) furent occupes par <«ux, mais Nantes résista et le* insurgés rentrèrent dans 
leurs cantonnements qu'ils surent défendre pendant plusieurs mois contre les armées de la 
Convention. Enfin ils furent défaits & Châtfflon, puis à Cholet (17 octobre). Alors eut lieu la 
lamentable expédition vers Oranvllle pour donner la main aux Chouans de la Mayenne et aux 
Anglais. Au retour, les Vendéens furent mis en déroute au Mans, puis à Savenay (43 décembre). 

La guerre qui avait rfébuté, du côté des Blancs, par les massacres de Machecoul (mars* 
avril 1793) se termina par les noyades de Nantes et la dévastation de la Vendée par les 
4 colonnes infernales », mais la guerre d'embuscade dura jusqu'en 1796. 

Le désastre de Quiberon date de juin-Juillet 1795. 

d'Europe s'ébranlent successivement contre la France, coupable de leur 
avoir jeté en défi la tôle de son roi. Lu Prusse, l'Autriche, d'autres Etats 



38 L'HOMME ST tA TERRE. — LA RÉVOLUTION: 

alliés fournissent les troupes, que guident les nobles émigrés, tandis que 
l'Angleterre donne les subsides. Une nouvelle croisade se forma contre 
la nation française et. sans compter la fureur vindicative du clergé, 
l'enthousiasme religieux ne manqua pas à cette guerre sainte. En 
mainte famille britannique» ce fut vraiment une partie essentielle de la 
religion que de haïr les Français, peuple de libertins unissant à la fois 
les superstitions catholiques aux blasphèmes de la libre-pensée et aux 
futilités du monde élégant. On cherche toujours des raisons pour justifier 
ses haines, et môme plus que des raisons : des inspirations divines. Il 
resta donc convenu, et durant des générations, que le patriotisme et la 
piété n'allaient point sans maudire l'ennemi héréditaire, 

Il semblait vraiment impossible que la France pût résister à l'Europe 
conjurée contre elle en même temps qu'à la révolte de ses propres 
enfants, Et d'ailleurs avait-elle une armée? Les bandes qui lui restaient 
gardaient-elles quelque cohésion dans ce vertigineux chaos des révo- 
lutions intérieures et sous le commandement d'officiers qui trahissaient 
la République? C'est en pleine guerre qu'il fullait réorganiser toutes les 
forces militaires, transformer l'armée du roi en armée de la nation, 
lever, dresser, discipliner les recrues par centaines de mille et les 
opposer aux solides bataillons des envahisseurs. 

De toutes les œuvres de la Révolution, ce fut précisément colle-là, 
désespérée en apparence, qui réussit le mieux. Le centre de la guerre se 
déplaça rapidement : de la France nord-orientale où ta lutte avait 
commencé, le conflit fut reporté en Belgique et en Allemagne; les 
événements se succédèrent avec la rapidité d'une éruption volcanique. 
Ces étourdissants succès militaires, qui consternaient la réaction euro- 
péenne, auraient dû la rassurer au contraire, car ils provenaient de ce 
que le mouvement de la Révolution était désormais dévoyé, écarté de 
son but. C'est à bon escient que de fins politiques avaient essayé de 
détourner l'ardeur de la nation vers la passion des batailles. 

L'impulsion à laquelle obéirent les Français de la Révolution hors 
do leurs frontières est du même ordre complexe que celle d'où sortit le 
mouvement des Croisades, lorsque chevaliers, moines et paysans lancés 
à la délivrance du Saint-sépulcre se donnaient naïvement comme 
prétexte la foi religieuse pour satisfaire leur passion de guerre aven tu* 
re use. Des sentiments élevés se mêlaient pour une certaine part u l'élan 
qui poussa tant de jeunes hommes vers la frontière. Quelques-uns 



OUERRIS DE LA RÉVOLUTION 

se croyaient des hérauts de justice et de liberté, ils pensaient À 

»• 431. Le» Guerres de la Révolution, 



J*W 



•*!«' 



M* 




E.dsGr, s*ao 



6*J0* 



r*so' 



1 : 4 000 000 



50 



TÔT 



^oKit 



Les hachuras serrées recouvrent le territoire que Louis XIV et Louis XV avaient ajouté au 
royaume de France. Le district de MontMHard obéirait au Wurtemberg ceux de Brlsach, de 
Sali», de Saar.Unlon, d'IIaguenau k divers princes allemands: Mulhouse était unie aux 
cantons suisses! Landau, Philippevllle, MarlenbGurg,) (Bouillon faisaient partie de la France. 

U éveohé de Liège est recouvert de hachures espacées. La ~ Lawfeld et Ao » Rocourt sont 
des lieux de bataille de la guerre de Sept ans. 

l'émancipation de leurs frères" d'Oulre-Rli in et de par delà les Alpes. 



£o L'HOMME ET LA TEHBE. — LA RÉVOLUTION 

Peut-être même que, dans son ensemble» l'armée républicaine fut vague- 
ment pénétrée d'un peu de cet idéal cl se trouva ainsi soulevée au dessus 
de la vie ordinaire des camps. Ou moins ce zèle de propagande armée* 
ful-it le prétexte que l'on fit valoir tout d'abord. Mais combien vite les 
munir» de la soldatesque, les instincts de meurtre cl de pillage eurent 
pris le dessus, combien ('ambition, désormais permise au soldat, fit 
miroiter a ses yen» tes broderies et galons de l'officier, et jusqu'au 
« bftton de innréchnl » ! L'idée du « ternaire sacré ■> se perdit bientôt 
ilitns les enmpugues nmtgées el les rites prises d'assaut. 

D'ailleurs les victoires des urinées dites républicaines furent achetées 
bien cher! Devant l'imminence des dangers on l'on risquait de sombrer, 
le gouvernement de la Krauee, que les rumeurs de la foule entraînaient 
d'ailleurs dans cette voie, prit « le salut public « pour règle de sa 
conduite et sanction de ses actes 1 , 

De même que naguère les prêtres avaient Dieu pour seul juge de 
leurs agissements envers les hérétiques, de même les chefs de la 
Convention, devenus des maîtres de la Itépuhliquc, ne croyaient plus 
avoir de responsabilité que devant leur Intime sentiment du bien. Us 
n'obéissaient qu'a un seul devoir : sauver la patrie, quels que fussent les 
moyens employés et quelles que fussent les victimes à sacrilier. Or, le 
gouvernement se compose toujours d'hommes en chair et en os, ayant 
leurs instincts, leurs passions, leur» amours et leurs haines: ta nature 
humaine voulait que les détenteurs du pouvoir et toute In tourbe des 
parasites gravitant autour i\\*ux vissent des ennemis publics surtout 
dans leurs ennemis personnels, et les exécutions sommaires devaient 
très fréquemment tomber à faux. Par un monstrueux contre-sens, il se 
trouva qu'au moment précis où lu République, succédant a lu monarchie, 
prétendait constituer le droit humain, et proclamer comme règle 
première le respect de la liberté individuelle, le nouveau régime procéda 
au contraire en sens inverse de son principe, et prit pour axiome que lu 
vie d'un membre de lu communauté est chose parfaitement négligeable 
pour la communauté elle même : quelques gouttes île sang en plus 
ou eu moins. 

Ce fut l'époque dite de « ta Terreur », non qu'en ces deux années 
commençant aux massacres de septembre 179V il y ait eu plus de 

t. Théodore Duret, ttwm Blanche, 15 mare 1901, p. 419. 



RÉGIME DK l\ TKRMfUH 



«I 



tueries qu'en nombre d'époques antérieures ; l'histoire de lu France et 
celte d'autres paya 
racontent beaucoup 
d'événement» peu- 
(huit lesquels te 
ftung tut répandu en 
plus grande abon- 
dunce ; mais cotte 
fois, le sang versé 
était celui de roi, 
de prêtres et de 
nobles : de lu l'épi 
thetc do « terrible» 
donnée (oui parti- 
culièrement à ces 
journées de w*n 
geanee, on la classe» 
des oppresseurs vit 
la hache se retour 
lier contre elle. 

Toutefois , ce 
mouvement de ré- 
action, phénomène 
de rétribution si 
normal dans une 
masse inconsciente, 
eut pour la France 
républicaine, qui 
naissait à ta vie mo 
raie, les plus fu 
tmsles clîels. Taudis 
que, parmi les ci 
lovons, les uns s'ae 
coiilumaicnt à ta 
vue du sang, aux dé- 
nonciations, aux pratiques policières et se groupaient d'avance à la suite 
d'un despote quelconque, les autre? se faisaient peur à eux-mêmes et 

V 3 




Otbluet 4e* Kitampei. Blbl. Nationale 

** U.\ VÉRITAMiB UUILLOTLVK OftlUNABlUj 
HA hK BON SOUTIEN I»OU« LA UBKBTÉ ** 



4a 



L'HOMME ET LA TERRE. — LA RÉVOLUTION 



cessaient do croire à la réaliRation (te leur idéal , Parmi les tètes qu'on 
voyait tomber» quelque* unes étaient certainement de celles où 
le plus de pensée avait vibré et qui cherchèrent le plus ardemment le 
secret de l'avenir. L'opinion publique hésita, les meurtriers tremblèrent 
devant tour œuvre de mort et la inaction devint inévitable. La 
France, désormais sans boussole, sans ligne de conduite, laissa le 

pouvoir aux mains des 
ambitieux et des lia- 
biles. La Révolution 
n'avait été qu'un long 
espoir cl l'illusion 
d'un jour! La réalisa- 
lion on était renvoyée 
aux siècles futurs. 

L'égalité ne pou- 
vait et ru qu'un vain 
mot pour ceux qui 
n'avaient aucune part 
à la propriété, c'est à 
dire pour la majorité 
de la nation. On répète 
volontiers que ta vente 
des terres nobles et 
des domaines demain 
morte ecclésiastique 
oui pour résultat de transformer le paysan en propriétaire, mais 
cette appréciation bunate n'est point d'accord avec les faits. Ce qui 
est vrai, c'ost que le nombre «les possesseurs du sol s'accrut en de 
notables proportions, non fixées d'une manière précise par les statis- 
tiques de l'époque. Ce fut là certainement une révolution économique 
de grande importance, car elle associa de nouvelles couches ù la 
vie de la terre cl produisit une poussée vers l'accroissement de la 
production, mais le principe de la répartition des biens suivant les 
chances de l'hérédité, du savoir-faire et du hasard ne fut en rien 
modifié, et lu foule des prolétaires ruraux resta comme ci-devant privée 
de tout lopin de terre, condamnée à ne récolter le blé que dans les 
champs d'un propriétaire noble ou bourgeois. La loi reconnaissait, il est 




Mutée carnftvafet. 



ASBIKTTK PORTANT L INSCRIPTION 
« JK VJilLLK PO UH LA NATIUN » 



DROIT A LA PROPRIÉTÉ 



43 



LOI DU 4. 
JAJfVIKl V92 



Série i5i 



% Assignai; 



vrai, glorifiait le droit à la propriété, mais pour ceux qui possédaient 
déjà, comme dans la parabole de l'Evangile : « Celui qui a aura davan- 
tage, et à celui qui n'a rien» on ôtera môme ce qu'il a ». Telle était la 
conséquence forcée de ce maintien du droit romain dans le régime des 
terres. En réalité, c'est bien cela que la bourgeoisie» enivrée de son 
accession au pouvoir, entendait par u Droits de l'homme » ; elle procla- 
mait sa puissance politique, corrélation h sa puissance économique et à 
sa main mise sur le sol producteur» Aussi l'émotion toucha-t-clle au 
scandale lorsqu'on 
septembre 1789, un 
curé d'Issy-rEvôque, 
pittoresque village 
de i'Aulunois, prit au 
sérieux le mot d'éga- 
lité et se mit tran- 
quillement à procé- 
der au partage égal 
des terres. On s'em- 
pressa de lui faire 
savoir qu'il portait 
la main sur l'arche 
sainte de la pro- 
priété, bien plus sa- 
crée que tous les tabernacles religieux. Les pauvres, les vagabonds 
devaient rester hors la propriété, hors la loi. 

Môme politique à l'égard des ouvriers d'industrie. Par la suppression 
des « jurandes » et des « maîtrises » on libéra le travail de l'arma- 
ture de lois et de coutumes qui interdisait l'accès des métiers aux 
artisans ambitieux, et aux bourgeois incompétents ; mais les ouvriers 
n'étaient point armés contre les entreprises de leurs patrons. Les « défen- 
seurs de toutes les libertés », c'est-à-dire les législateurs, interdirent aux 
ouvriers par la loi du it\ juin 1791, le droit de se coaliser pour la 
défense de leurs intérêts, qualifiés de « prétendus » dans le texte offi- 
ciel. Chapelier, le rapporteur de celle loi, qui, sous diverses formes, a 
toujours prévalu depuis, établit très nettement la théorie qui devait per- 
mettre aux patrons isolés ou associés de briser toujours la résistance 
des ouvriers isolés, « II n'y a plus de corporations dans l'Etat, disait-il, 

V 8* 




f\f\ L'HOMME ET LA TERRE. — LÀ RÉVOLUTION 

il n'y a plus que l'intérêt particulier de chaque indhidu et Tinterai 
général. Il n'est permis à personne d'inspirer aux citoyens utt intérêt 
intermédiaire ». En vertu de ces principes, la société" pourrait logique- 
ment interdire la formation d'un club de joueurs à la balle ou d'une 
assemblée d'archéologues, \inst la bourgeoisie» arrivée u son but, inter- 
disait au peuple encore opprimé de jvpivniln 1 poui' sa propre cause 
le langage qu'elle avait employé elle-mèïne. Les conquérants du pou- 
voir, se substituant aux anciens nobles, s'étaient empressés do fermer la 
herse de lu citadelle dans laquelle ils venaient d'entrer, Et pour 
assurer encore plus solidement le droit exclusif dos propriétaires, 
ceux qui n'avaient rien furent exclus du droit de sulfrugi! ; plus du 
quart des Français étaient privés du vote ; ils n'acquittaient point la 
contribution exigée, trois journées de travail, soit trois francs environ. 
Du reste, la multitude encore inconsciente, dont la poussée s'exerçait 
d'une manière irrésistible sur les légjsla tours, n'avait que très vaguement 
l'instinct de son droit ù la propriété du sol. Les idées socialistes étaient à 
peine représentées dans le grand mouvement qui aboutit à la Itévolulion. 
Presque toutes tes brochures écrites sur la grande ferveur du renouveau 
proclament le respect dû à lu propriété, cl, par une singulière inconsé- 
quence, c'est au nom de la propriété même, le premier des privilèges, 
que l'on demande la suppression des privilèges. « Des reformes, pas de 
révolution»] tel était le cri universel des novateurs qui s'engagèrent, 
sans le savoir ni le vouloir, dans l'engrenage de la Révolution. En 
résumé, une vingtaine d'écrits vaguement socialistes par l'expression, 
cinq ou six autres dont ta tendance est plus précise, déjà conscients, telle 
est la place du socialisme dans les q nuire mille brochures qui, avec les 
cahiers, expriment les vieux de la France en 1780/. Et durant le cours 
des événements tragiques des années suivantes, la lo^iquedes choses ne 
lit guère jaillir un idéal nouveau de la pensée» des écrivains, l'instinct 
primitif n'avait pas encore pris forme sociale. Ni la masse populaire, 
ni ceux qui la représentèrent, les Jacques Houx, les Variai, les Leclere, 
n'eurent de doctrines bien nettes. (Jeux qu'on appelu les agitateurs du 
peuple ne le guidaient pas, îJs le suivaient \ se bornant à traduire ses 
vagues aspirations qui étaient simplement le u désir de mieux, le rêve 
de mangera sa faim ». Kt pourtant l'histoire constate que la Révolution, 

1. André Lichtuoberger, Revue Socialiste, 2 juia 1898, — 2. Bernard Lazare, 
Histoire (tes Doctrines révolutionnaires, p. 13, 



DROIT À LA. PROPRIÉTÉ ET A LA COALITION 



4u 



quoique n'ayant pas mémo vagi les premiers mots du socialisme, en fut 
néanmoins le précurseur. C'est qu'elle osa cl qu'une première audace 
engendre des audaces nouvelles. 

Un seul nom rappelle des tentatives faites pendant ta Révolution en 
vue 'd'une transformation sociale qui aurait eu pour mobile l'égalité 
entre les hommes et 
pour résultai la mise 
eu commun de la 
terre et île ses pro- 
duits, (le nom est ce- 
lui de Bu lieu f, auquel 
«'ajoute le prénom 
de «Grocchus ", sym- 
bole d*uno reprise au- 
dacieuse des terre» 
auxquelles tous les ci- 
toyens ont droit. La 
société fondée pour 
réaliser cet idéal fut 
celle des « Egaux , 
qui voulaient réaliser 
< la communauté des 
biens et du travail » 1 I 
On leur donna le 
nom <■ d'anarchistes n 
qu'ils ne méritaient 
point, cor ils comp- 
taient, eux aussi, 
créer l'égalité par les lois, les ordonnances, la constitution d'un co- 
mité de salut public, l'organisation d'une armée de conjurés dont les 
soldats n'auraient pas môme été tous initiés au but de l'entreprise. Ces 
savantes combinaisons échouèrent et la « Terreur », qui fonctionnait 
maintenant au profit de la réaction, écrasa la société des Egaux: la 
mort, les prisons, l'exil eurent raison de leur» efforts. Babeuf ,fut guillo- 
tiné en 1797, mais son compagnon, le Pisan Buonarolli (17C1-1837), 




Câbttwt dti Estampes. BtM. X lit ) i H ). 

FBANÇ. EMILB ORACCHtfB BABBtTJT 

né à 8aial*Quentln en 1760, exécuté à Vendôme 
le 26 mai (t) 1797. 



1 B. Philippe Buoaarotti, Conjuration pour Ngalitê, dite de Babeuf, P» *?• 



40 L'HOMME ET LA TERRE. — LA RÉVOLUTION 

vécut assez longtemps pour donner la main, après i83o. ù de nouveaux 
apôtres de l'Egalité, les représentants des écoles socialistes naissantes. 
Ainsi, la grande Révolution fut absolument stérile pour la réalisation 
du seul idéal qui eût fait la révolution vraie, la suppression de la 
pauvreté. Le mouvement économique continua son cours qui devait 
aboutir au groupement des capitaux, à la fondation des grandes usines, 
au développement du prolétariat. Quant à la prélibalion du gouverne 
ment sur le travail des citoyens, elle était restée la même. Ainsi que 
l'expose spirituel leiuent un écrivain sceptique, tu réforme des impôts de 
l'ancien régime fut une ni m pie mascarade : on leur donna d'autres 
noms pour faire plaisir au bon public naïf des contribuables. La 
« taille » et les « vingtièmes » furent qualifié» de « contributions 
foncières » ; la taxe des « maîtrises et jurandes » et le droit du « marc 
d'or » furent remplacés par les « patentes » ; on désigna le droit du 
<■ contrôle » par le mot de « timbre » ; les •• aides » se dénommèrent 
« contributions indirectes et droits réunis » ; l'affreuse « gabelle », que 
maudirent tant de malheureux condamnés aux galères et à la mort, 
n'est plus que le modeste « impôt du sel » ; les ■- corvées » furent 
supprimées, mais on les remplaça par les prestations. Il n'y eut qu'un 
changement : le langage administratif s'enrichit de mots nouveaux 1 . 
Mais it y avait un autre impôt, celui du sang. Jamais il ne devait être 
aussi effroyablement acquitté que duns les années qui suivirent l'avène- 
ment officiel de la bourgeoisie parlementaire. 

Du moins, une chose restera l'œuvre de la Convention, interprète 
de la classe qui établissait alors sa domination politique. La bourgeoisie 
comprenait que le savoir lui était indispensable pour assurer sa puis- 
sance et sut profiter pour la génération naissante de tous les progrès 
qui s'étaient accomplis dans l'ensemble des sciences. Elle fonda de 
grandes écoles, tables toujours abondamment servies dont les miettes 
tombèrent heureusement sur le peuple assemblé autour du festin, Sans 
doute, ces fondations devaient aboutir & la constitution d'un nouveau 
monopole, celui des diplômes, de la dictature intellectuelle, mais les 
initiateurs du nouvel ordre de chose» ne virent d'abord dans leur 
œuvre que le côté généreux de l'entreprise ; l'extension des études et les 
recherches prirent un essor merveilleux. 

1. G. de Molinari* Grandeur et décadence de la Guerre, p. 221. 



ÉVOLUTION VEftS LA SCIENCE EXACTE 'l7 

La Révolution française correspond dans l'histoire de la pensée 
à une très grande évolution» celle qui remplaça le» spéculations 
métaphysiques par la mensuration, le pesage» la sudation, le 
classement, et ceci précisément à une époque oh le langage de 
la « sensibilité », de la » sensiblerie », prévalait encore, où le 
tragique de la vie était presque toujours accompagné de rhétorique* 
Lavoisier, l'une des victimes de la Révolution, avait montré par des 
pesées infinitésimales comment un des éléments de l'air se combine 
avec les corps oxydés: Guyton de Morveau avait instauré, par sa 
méthode de notation chimique, une langue nouvelle qui put servir 
pendant un siècle, et même encore de nos jours, à guider les savants 
dans leurs études; enfin par la fixation et l'emploi du mètre et de ses 
dérivés, œuvre duc aux recherches des astronomes et des mathéma- 
ticiens de l'époque, la besogne matérielle des savants se trouva grande- 
ment simplifiée : la clarté se lit dans leurs calculs, et du coup la vie 
en fut comme allongée puisqu'on pouvait y presser une quantité 
plus grande de travail. La forme même de la planète qui nous porte, 
mesurée dans l'Europe occidentale, en Lapon ie et dans les régions 
équatoriales de l'Amérique avait servi à déterminer la longueur 
primaire de l'étalon, que l'on multiplie par les puissances successives de 
dix pour obtenir tous les multiples du mètre initial — et que l'on 
divise par ces mômes chiffres pour avoir les subdivisions du mètre —, et 
qui sert égalomcnt à déterminer les poids en prenant le volume de 
l'eau pour intermédiaire. Malgré la ténacité de la routine, la mesure 
nouvelle a graduellement remplacé les m aunes » et « brasses» employées 
jadis, et peu à peu, elle fait la conquête du monde, môme chez les 
peuples que son acte th> naissance, dans cette « période affreuse de la 
Révolution », remplit d'une sainte horreur. 

Le changement du calendrier n'a pas eu le m<3me succès, quoique ie 
calendrier encore employé chez le» nations dites civilisées soit un 
ensemble d'absurdités dont quelques-unes touchent au ridicule. Quelle 
est cette date du i« janvier, qui ne correspond absolument ù rien de 
terrestre ni à rien de stellaire? Us chrétiens ne peuvent trouver d'autre 
argument en sa faveur que la légende relative à la circoncision 
de I* Homme-Dieu, rite par lequel Jésus fut incorporé à cette môme reli- 
gion juive qu'il devait détruire. Mais astronomiquement, logiquement, 
on ne saurait faire partir l'année que du commencement d'une des 



48 L'HOMME ET LA TERRE. — LA REVOLUTION 

quatre saisons* soit des solstices de l'hiver ou de l'été, soit encore des 
équinou'S du printemps ou de l'automne. La Révolution française prit 
son point de départ h ce dernier changement de saison, au premier ven- 
démiaire, date qui devait en mémo temps rappeler aux âges futurs la 
proclamation de la République française. Cependant, la plupart des 
tribus primitives, et l'on peut le dire, tous les hommes obéissant ù leur 
instinct naturel placent le premier jour de Tannée aux premiers jours 
du printemps ou « prime-temps » et fêtent alors le « renouveau ». La 
division de l'année en mois inégaux n'est pas moins bizarre. Pourquoi 
cette différence de jours — a8, »*), 3o et 3i — , différence qui n'est 
fondée sur rien, et qu'on se ruppelle non par une raison logique de 
quelque nature que ce soit mais par des moyens mnémotechniques plus 
ou moins étranges! 1 Ne serait-il pas naturel, comme le firent les mathé- 
maticiens novateurs de la Hévolution, de donner à chaque mois le même 
nombre de jours — trente, groupés en trois décades — , el d'ajouter à 
la fin de l'année les cinq ou six jours réglementa ires qu'exige lu position 
respective de lu planète, du soleil et du monde stolluire? Quant aux noms 
de ces mois, survivances du calendrier romain, ne devraient-ils pus être 
changés, non seulement nu nom du bon sens, mais aussi à celui de la 
dignité humaine? Car s'il est absurde d'appeler septembre le « neu- 
vième » mois, et ainsi de suite jusqu'à décembre ou « dixième », qu'est 
le douzième mois PII est vraiment bas de continuer dans nos langages les 
pratiques de flatteries qu'avaient inventées des courtisans agenouillés 
devant le conquérant Jules Uteur et In tout-puissant Auguste. Knftn, 
importe-il de conserver l'ancienne di vison chaldécmie des mois en 
semaines ou groupes de sept jours, dont le rythme est indépendant de 
celui des années, et ne faut-il pus ebanger la nom eue la turc des jours, 
empruntés sans aucune méthode aux mythologie» d'autrefois, naturiste, 
latine et chrétienne? 

I a Hévolution française résolut celte question du calendrier par les 
soins du mathématicien Homme. Se dégageant avec fierté de la »• rou- 
tine chrétienne »>, la nation « inscrivit la République dans la géométrie 
céleste » (M. (Ihelct/, lundis que le ebansonnier Kjibre d'Kglanline, élevé 
au-dessus de lui-même par le souffle de /Heure (Laurent Tuiihadc), 
inventa pour désigner les mois eu appellations magniliques ces 
vocables superbes qui forment, ù eux seuls, tout un pocine : « Vendé- 
miaire, llmmuire, Frimaire, Nivôse, Pluviôse, Ventôse, (îerminal, 



CALENDRIER RÉPUBLICAIN 



*9 



Floréal, Prairial» Messidor, Thermidor, Fructidor, tous noms qui, 
malgré la contre-révolution, sont entrés dans la langue et qui resteront 

N* 432. U 1** Floréal en Allemagne. 




i: 10000000 



A^HoT 



22*28 Avri/ 



29Av>*6Ma>' 



"2M" 



6-12 Mai 



500 Kif. 



M-f$ Mm 



20-zeMai 




leur nom* Les renseiga«t»«nts manquent encore pour les pays alpins. 



quand môme sous nos climats de l'Europe occidentale. En d'autres 
pays, (les noms imaginés suivant les mômes principes, seront indiqués 
par la marche des saisons. 

Quant au changement d'ère introduit dans la série des temps par la 



5o L'HOMME Bf LA TKBHE. — LA RÉVOLUTION 

Révolution française, il n'avait aucune raison de durer, et certainement 
l'avenir n'y reviendra point. L'an I* de la République ne fut pas l'avène- 
ment d'une nouvelle humanité, débarrassée des préjugé* traditionnels 
et vivant heureuse en tout esprit de justice et de paix fraternelle : l'âge 
d'or toujours attendu, toujours retardé, n'avait point encore surgi cette 
fois; la lueur fugitive que l'on avait «perçue n'était qu'une fausse aurore, 
l/ère républicaine remplaçant l'ère chrétienne n'était qu'une illusion 
succédant a une autre illusion. Aucune révolution, si importante qu'elle 
soit, en son idéal et en ses conséquences réalisées, ne détache le genre 
humain de son passé, et ta mission de l'histoire consiste précisément à 
montrer le déroulement systématique des événements à travers le cycle 
des âges, de même que leur répercussion de peuple en peuple a travers la 
surface terrestre. I/ere vraie, encore a trouver, est celle qui déterminera 
scientifiquement les dates précises du fait connu le plus ancien dans les 
annales de l'huma ni lé \ ' 



La répercussion du grand drame de France sur les autres contrées de 
l'Europe et du monde fut très diverse, suivant les milieux. Kude était la 
secousse, et tandis que certains Ktats, comme la Grande Bretagne, exas- 
péraient leur résistance devant le danger, d'autres, profondément 
ébranlés, devaient s'accommoder au nouvel ordre de choses, se conformer 
à de nouvelles réparlions géographiques ; au vieil équilibre instable 
en succédait forcément un nouveau, mieux eu rapport avec les conditions 
ambiantes. 

C'est ainsi que la Belgique entra dans le remous révolutionnaire. 
Ancienne dépendance contre nature de l'Espagne, que celle-ci, par suite 
de l'impossibilité matérielle des relations à travers le territoire de la 
France, avait dû transmettre à son alliée, la non moins catholique et 
dévotieuse Autriche, la Belgique avait aussi fait sa révolution quelques 
mois après la prise de la Bastille. Ramenée de force sous la domination 
impériale, elle avait été envahie dès 1792 par les armées républicaines 
pour devenir un grand champ de bataille, où se disputaient, en sol 
propice, les destinées de l'Europe. Quanta la Hollande voisine, les jours 
n'étaient plus où elle pouvait se mesurer victorieusement avec les flottes 
de la France et de l'Angleterre. Le vieil esprit républicain avait disparu, 

i. Voir à ce sujet ï Nouvelle proposition pour la suppression de Vère chrétienne, 
Temps nouveaux, 6 mai 1905. 



1 



PAYS BAS AUTRICHIENS ET HOLLANDAIS 



5l 



et la bourgeoisie, gavée de richesses par la vente des épicéa, avilie mora- 
lement par la mauvaise conscience que donne le parasitisme, n'avait 
plus l'énergie nécessaire pour employer ses capitaux à la défense du 
territoire national. Successivement plusieurs atteintes graves avaient 
été portées à l'indépendance de ta Hollande par ses voisins anglais et 
prussiens, lorsque les troupes françaises se présentèrent h leur 
tour : en quelques 
semaines le pays 
était livré presque 
sans défense, et la 
République bulave, 
satellite naturel de 
la Hépubliquc fran- 
çaise, était constituée 
(1796). Mais le nou- 
vel Etat n'avait plus 
de flotte, ou ce qui 
en restait ne suffisait 
plus à écarter les 
vaisseaux de guerre 
anglais. Les colonies 
lointaines de la Hol- 
lande, coupées de 
leurs communica- 
tions avec Amster- 
dam etdépourvues de 
forces locales orga- 
nisées qui pussent 
résister à de nou- 
veaux envahisseurs, tombèrent rapidement aux mains des Anglais. Ce 
fut pour ceux-ci la revanche de la grande perte qu'ils avaient faite 
par la scission des Etats-Unis : il est vrai que partie de ce monde 
colonial dut être rendue plus tard à la Hollande, mais l'Angleterre 
garda le point stratégique si important du Gap de Bonne-Espérance, 
et l'Afrique méridionale avec ses colons hollandais, que, depuis, 
pendant ta durée de près d'un siècle, elle n'arriva point à concilier. 
Les nations sont rattachées les unes aux autres par un lien d'étroite 




Cabinet de* Sitampet. Bfbl. Nationale. 

CH. 0. &OMMB, 

né à Rlom en 1 7 60. Condamné & mort à la réaction de Prairial 
ait III, Il se poignarda avec cinq de ses amis. 



5a l'homme et la terre. ~- LA révolution 

solidarité : l'intense mouvement de réaction qui s'était produit en 
Angleterre se reportait sur la France pour la ramener également en 
arrière. It semble, au premier abord , que ce soit un paradoxe de voir les 
cause» principales de l'avortenient qu'eut à subir la Révolution dan» la 
conquête de l'empire Indien par la compagnie des Indes et, d'une ma- 
nière générale, dans le parasitisme colonial de l'Angleterre, avec sescon- 
séquences forcées, lu destruction des ennemis indigènes et l'escluvagedcs 
noirs. K( cependant celte affirmation s'appuie sur des faits indéniables. 
Parmi tant de raisons qui firent dévier l'esprit révolutionnaire et le 
lancèrent dans la voie fatale de la guerre a outrance et de lu conquête, 
la plus importante ne fut elle pas l'attachement inébranlable de r\ngle 
terre à tout le vieux régime du droit divin et des privilèges seigneu- 
riaux! 1 N'est-ce pas la, grâce ù la domination îles mers et aux bénéfices 
du commerce, que l'Kurope monarchique trouva le solide point d'appui 
qui finît par lui amener la victoire? Kt cette force réactionnaire, ofi l'aris- 
tocratie anglaise l'avait elle trouvée, sinon dans la complicité que lui 
avait fournie le peuple même, perverti par ses victoires dans les régions 
lointaines, par la gloire militaire, par les guerres de course et toutes les 
infamies du parasitisme colonial!' Les grands crimes commis pur lu traite 
d'Afrique et par l'exploitation outraneière d'Asie avaient t'ait déchoir le 
peuple à souhait depuis la période révolutionnaire du dix-septième 
siècle, et ce recul permettait aux nobles anglais d'employer contre une 
deuxième Révolution la nation môme cpii avait accompli la première. 

Il est remarquable, en tous cas, que la dévolution se soit faite 
en France alors seulement qu'elle avait perdu toutes ses colonies. 

L 'empire d'Allemagne pouwiit, par sa masse même, résister très éner- 
giquement aux armées républicaines qui luttaient pour la possession de 
lu vallée du Rhin. De ce c<Mé, la guerre eut des alternatives diverses, 
mais le résultat général du conflit devait développer dans les 
populations germaniques un mouvement d'unité patriotique analogue 
à celui qui s'était produit en France. Ne fût-ce que par le choc et le 
tassement, le chaos se régularisait quelque peu à peu. A la fin du dix-hui- 
tième siècle, la Révolution française avait trouvé le Saint-Empire 
composé de dix-neuf cents Etats, grands et petits, si Ton enumerc à 
part tous les fiefs de la noblesse réputée maîtresse absolue chez elle'. 

1, A. Hlm\y t Histoire delà formation territoriale des Etats ai t* Europe centrale* 
t. I, pp. 273 et suiv. 



ANGLETERRE, ALLEMAGNE 53 

Cent ans après, tous ces Etats distincts» ù l'exception de deux, 
%• 433. La vallée du Rhin 4 la vaille de la Révolution. 




i : 1000000 



"eW 



Parut la centaine de domaines distincte dans les limites de ia carte, signalons » Spire et 
les propriétés de son évfique (Sp.)t Strasbourg et les propriétés de son évéqtie (St.)» les 
districts du seigneur de Lichlenberg (U)i les villes dites libres i Landau (La), wissembourg 
ou Weissenburg (Wei. ). Heguenau (H.)» Wesselonne (Wa.). Schleltstadt iSchl.ji Offenburg (0.), 
Oegenbach(0.), Zell (Z.) eï Harmersbacb (H.)- 

n'existent plus que sous la forme de vestiges ou tout au moins de 



H L'HOMME ET LA TERRE. — LA REVOLUTION 

« cadavres récalcitrants », et ce contraste est du en entier eux 
événements déterminés par les guerres et par L'esprit de la Révolution. 
A Test de la France, la Suisse se trouvait dans un état de confusion, 
en un chaos politique comparable seulement à celui de l'empire alle- 
mand. Les Etats ou cantons confédérés formaient la moindre partie du 
territoire helvétique : celui-ci comprenait également des bailliages ou 
pays sujets. Sept cantons sur treize avaient rang de « villes libres impé- 
riales » et quelques familles patriciennes y commandaient à des popu- 
lations urbaines et rurales privées de tous droits politiques. Dra&les 
n utre» cantons, le pouvoir appartenait au\lergé. Puis des alliés se 
rattachaient plus ou moins directement a la Suisse : telle la république 
de Genève, telles les principautés ecclésiastiques de Bâle, Valais, Saint- 
Gall, la confédération des Grisons» les principautés de Neuchàtel et 
Valengin. L'intervention française, soutenue, principalement dans le 
canton de Vaud, par des insurrections locales, contrariée ailleurs, sur- J 

tout dans les vieux cantons, par l'observance héréditaire des coutumes, s 

vint mettre (in à tout cet ensemble de survivances contradictoires, mais 
sans respect pour les a Droits de l'homme » solennellement pro- 
clamés. En 1798, la République helvétique fut constituée, en pays pra- 
tiquement vassal, puisqu'il devait prendre part aux guerres de la 
république voisine, lui fournir dix-huit mille hommes de troupes, 
conformément aux traditions de la royauté, et lui ouvrir deux routes 
militaires à travers les montagnes *. 

C'est donc bien a tort que, par un sentiment pourtant très naturel 
d'amour-propre, les Suisses se trouvent entraînés a se considérer comme 
une race élue, supérieure a leurs voisins par les mérites ; sous l'empire 
de cette philosophie commode qui attribue te malheur aux péchés et le 
bonheur à ta vertu, les habitants des cantons républicains des Alpes et 
du Jura se flattent volontiers d'être bien meilleurs que Français, Alle- 
mands ou Italiens, quoique le fait même de l'union entre populations 
de langues différentes en une confédération démontre suffisam- 
ment l'influence capitale déterminante du relief helvétique. C'est aux 
monts protecteurs et aux conditions spéciales qui en dérivèrent que les 
Suisses doivent leur liberté politique; le respect des droits humains 
n'y est certainement pour aucune part, puisque la principale industrie 

1. Ernest Nys, Notes sur ta Neutralité, pp. 50, 51, 



CONFÉDÉRATION HELVÉTIQUE 55 

des ouatons suisses, depuis le moyeu âge et jusqu'au commencement 
de ce siècle, fut de vendre des hommes à tou» te» tyrans de l'Europe : 

N* 434. La Suisse en 1796. 




U Carte est à l'Echelle de 1 à 3 000000 

Voici, d'après A, Himly, les principaux éléments dont se comptxait la Suisse i 

U$ U canton» : ZOricft. dont relevaient les villes libres Steto et Winterlhur ; Berne avec 
Brugg» Leiuburff, Aarau et ZoUngen ; Lwern* avec Sempach et Surseej Uri et le pays 
d'Andermetl î âchwitz avec la ville vawale de Kilasnacht et le pays d'Einsideln (Ei.)t Unter- 
waldon t Zugi Olaris et la ville vassale de Werdenberg(We.)s Bâle ! Fribourg ; Soleure j Schaf* 
rhouse ot enfin Appenscll. 

le» pays assujettis t Sargant (Sa), ThurgOYle «t Prauenfeld (Fr.) appartenant aux S vieux 
cantons et Appenxelh — Baden (B.), Bremgarten(Br.), Mellingon (Me.), Rapperswyl (Ra.) ft 
Zurich, Berne et Olaris ; — Belttnzona |Be,|etla RivieraauxS vieux cantons; — Locarno 
(U.). Val Maggla (Ma.), Lugaito (Lu) et Meudrlslo (Me.) à tous les cantons sauf Appenzell ; 
— Morat (Mo,), Grandson (Or.). Orbe (Or.) et Bcnallens (Ec.) à Berne et Fribourg; - 
Usnech (Hz.) et Oams (Ga.) à SchwiU et Glarl* 3 — Engelberg et Oersau, libres sous la pro- 
lection des 4 cantons forestiers : — le pays de Vsud a la ville de Berne. 

Lt* pays astocih t L'abbaye do Saint>Gall, Toggenburg, la ville de Salnt.Qallet Bionne. 

Us pat/s oihis 1 le Valais — , Mulhouse —, Neuchâtei et Valengin -, Genève —, une 
partie de révéché de Bâle, avec Val Moutier (Mo.) et Neuveville (Ne.) —, les Grisons et ses 
sujets, Valtcline» Chiavenna |Ch.) et Haldeasteln (Ha.). 



maintenant encore on trouverait dans les vallées alpines des vieillards 
qui se vantent d'avoir été parmi ces mercenaires. Malgré la proclama- 



56 L'HOMME ET LA TKftRB. — LA RÉVOLUTION 

tion de neutralité permanente qui, après i8t5, fit ft la Suisse une situa- 
tion tout a fait à part dans l'ensemble do ta politique européenne, les 
cantons continuèrent à fournir des troupes â différents Etats, la France, 
les Pays-Bas, ta Prusse. En 1816, on comptait environ 3oooo soldats 
suisses fournis aux souverains étrangers'. Enfin la constitution fédé- 
rale de i8$8 interdit les enrôlements pour le service militaire étranger, 
mais sans réussir à les supprimer complètement : c'est en i85y seule- 
ment que cette vente des hommes fut imputée a crime ». 

Des révolutions analogues à celle de la Suisse se produisirent par 
l'effet de la grande poussée générale dans les Etats de la péninsule ita- 
lienne. La aussi, le dix huitième siècle avait fait son œuvre prépara- 
toire au changement d'équilibre, L'impulsion qui avait été assez puis- 
sante pour forcer le pape Clément XIV à condamner, à chasser les 
jésuites et qui avait dicté à Bcccnria son livre de noble Immunité sur 
Les Mits et tes Peines aillait toute la société bourgeoise, surtout dans 
le nord de l'Italie et on Toscane. La question de la propriété avait été 
également soulevée, et l'on avait osé porter la main sur les biens du 
clergé. Ou dit qu'au milieu du dix-huitième siècle, les deux tiers des 
compagnes de l'Italie , et pcut-élre plus encore, se trouvaient possédées 
par les ordres ecclésiastiques : du tiers restant, la plus forte part consistait 
en grandes propriétés nobiliaires; un neuvième à peine du territoire 
italien était cultivé directement par les possesseurs. La pression de 
l'opinion publique, éloquemment proclamée par les philosophes con- 
temporains, obligea les gouvernements de l'Italie du nord à séculariser * 
en grande partie les biens de l'Eglise, comme on le fit aussi en Espagne, 
en Autriche et en Bavière; mais celte sécularisation ne profita guère 
qu'aux riches capitalistes de la bourgeoisie et la terre n'en resta paB 
moins presqu'immobilisée 1 . 

L'irruption des armées françaises en Italie eut pour résultat majeur 
non de modifier les conditions économiques, mais de changer les rela- 
tions de vassclage. L'empereur d'Autriche se trouvait être le véritable 
suzerain de l'Italie septentrionale, soit directement, soit par l'entremise 
de princes qui gravitaient autour de lui. Il s'agissait donc pour ' 

la France de repousser les Autrichiens de l'autre côté des Alpes : en réa- !1 



i 



1. E, van Muyden, Essais Historiques, la Suisse sous le pacte de 1815, t. I» 
pp. 53t et suiv. — 2. Ernest Ny», Notes sur la Neutralité, p. 93. — 3. G. de Oreef, \ 

Essai sur la Monnaie, le Crédit et Us Banques, VIII, p. 5. c 



PÉNINBULE ITALIENNE 



5 7 



lité l'histoire recommençait, sous des apparence» nouvelles, lo mouve- 
menl de va-et-vient qui tant de fois avait oscillé au nord entre le» 

H* 435. Le» républiques sœurs. 




1 : 20000000 



26( 



5ÔÔ 



iOooKil. 



La république Batave vécut d* 1795 à 1806; la république Helvétique se transforma en 
1798 1 la république Cispadane. formée le 16 octobre 1996 au sud du Pô, s'incorpora dans la 
république Cisalpine ; celle-ci, fondée lo 9 juillet 1797, devient, en 1803, la république Italienne 
avec Bonaparte pour président. La république Ligure date du S juin 1797 et se fondit dans 
l'empire en 180S. La république Romaine dura du 13 février 1798 au mois de se 



la république Parthénopéenne vécut du 23 janvier au 13 juin 1799. 



leptembre 1799 ; 



bouches de la Meuse et celles du Rhin, au centre vers les sources 
du Danube, à droite dans les plaines du Pô, La force d'attaque, les 



58 1/ HOMME BT LA TERRE. — LA RàvOM'TfON 

méthodes nouvelles, rapides/ déconcertantes dans l'art de lu guerre, 
enfin, dans une certaine mesure, la faveur des populations dont le sort 
politique était l'enjeu, donnèrent l'ascendant aux armées républicaines, 
et le traité de Cainpo Kormio constata pour un temps (1707) l'humilia- 
tion de la maison d'Autriche. 

Le changement d'équilibre consista principalement u constituer en 
Italie diverses petites républiques vassales de la France : une république 
« Cisalpine », dont le nom même rappelait l'ancienne domination de 
Home pour laquelle les campagnes du Po étaient < en deçà < des Alpes, 
prit Milan pour capitale. Une république Ligure reçut Gênes pour 
chef-lieu ; les KtaU de l'Kglise furent grimés en une république Homatne, 
et le sang de saint Janvier dans la cathédrale de Naples eut ordre de se 
liquéfier pour annoncer joyeusement la fondation de la république Par- 
thénopéenne. Le Directoire, ministère dictatorial qui gouvernait alors 
la France, avait adopté cette ligne de conduite politique, très habile si 
elle eût été sincères de grouper autour de la république maternelle toute 
une poussinière de républiques filiales se succédant d'Amsterdam à 
Naples et formant a la France un rempart de peuples défenseurs qui 
eussent assuré désormais l'équilibre européen. Toutefois, ces républi- 
ques n'étaient guère qu'un nom sans réalité objective, de simples pein- 
tures badigeonnées sur la carte de l'Europe. Créées surtout par la force 
militaire et maintenues par elle, ces filles n'attendaient qu'un nouveau 
coup de force pour ae détacher de leur mère. D'ailleurs n 'avaient-elles 
pas été averties du sort qui leur était réservé par les proclamations du 
général Bonaparte montrant a ses soldats du haut des Alpes les belles 
campagnes de l'Italie? <» Vous êtes mal nourris et presque iiur... Je vais 
vous conduire dans les plus fertile» plaines du monde : vous y trou- 
verez de grandes villes, de riches province», vous y trouverez honneur, 
gloire, richesses »*. 

Ces villes, ces provinces, on les pilla, on les accabla de contributions 
et d'amendes, en leur annonçant la liberté, la prospérité future. Le 
général vainqueur, étourdissant, effrayant son propre gouvernement par 
ses victoires successives, soudaines comme des coups de foudre, agissait 
désormais à sa guise : il ne se donnait même plus la peine de tire les 
ordres du Directoire. H épargne le pouvoir temporel du pape au mépris 

1. Proclamation d*Albenga t 20 germinal t an IV, 



VSNI8S 5t) 

des engagements; il épargne même l'Autriche et* bassement, par le 
traité de Campo Pormio. lui abandonne la république do Venise, a 
luquelle l'indépendance avait été promise avec attestations. 

D'ailleurs ce vieil Elat, qui semblait vénérable par sa grandeur 
passée, était tombé au dernier degré de la décrépitude morale. Lorsque 
Venise, supplantée par lu Portugal cl l'Espagne, puis par la Hollande 
et par l'Angleterre, eut perdu son commerce lointain et ensuite son 
industrie, elle avait conservé tes richesses acquises, mais elle eut à les 
dépincer du mouvement des échanges : «lies furent employées aux 
prêts, aux hypothèques, à l'usure, u Tachât des terres. La république 
prudente, qui jadis évitait de l'aire des acquisitions en dehors des îles et 
des promontoires faciles a défendre par mer, s'occupait désormais de 
bons placements sur terre ferme. Ses. nobles capitalistes se transfor- 
mèrent en grands propriétaires fonciers. En 1780, Venise possédait en 
Italie et en lslrie, sur les côtes da limites cl albanaises ainsi que dans les 
îles Ioniennes de très vastes domaines, peuplés de près de trois millions 
d'habitants. Mais ces immenses propriétés restaient immobilisées 
entre les mains de leurs détenteurs : le courant circulatoire général 
s'était arrêté pour Venise comme pour la plus grande partie des régions 
italiennes*. Dès te dix septième siècle, les citoyens de la fameuse repu 
blique eurent l'humiliation de voir les Hollandais et les Anglais leur 
faire une concurrence heureuse dans les ports de Livourne, de .N a pi es et 
d'Aucônc. Venise Unit par expédier ses propres marchandises à Livourne 
où venaient les chercher les chargeurs anglais pour les porter en Orient. 
Enfin, à la veille du sa chute, l'aristocratie vénitienne ne vivait plus 
guère que par les formes les plus basses du commerce capitaliste, le jeu 
et la prostitution. Un des plus beaux édifices de lu ville était consacré 
aux jeux de hasard cl les patriciens seuls, en robes de magistrats, y 
siégeaient' comme banquiers, représentant l'Etat dans sa majesté, 
quoique n'étant en réalité que des agents salariés d'une compagnie 
de capitalistes juifs et chrétiens. Tous les joueurs se présentaient en 
masques, tandis que les banquiers avaient la face découverte*. 

A quel degré de honte que se fût abaissée Venise par l'effet du 
détraquement des institutions d'Etat où. toute initiative était refusée au 
peuple, la vieille république n'eût pas été ainsi livrée a la monarchie 

1. G, de Qmt, Essai sur la Monnaie, te Crédit et les Banques t VIII, pp. 4, 5. — 
2. Daru, Histoire de Venise* 



I 



t'»> L*HOMMB ET LA TERUE. — LA RÉVOLUTION 

autrichienne si la Krance elle-même ne s'était ulors trouvée flan» un élat 
de transition entre la forme républicaine et le pouvoir d'un «cul. Une 
volonté personnelle prenait la direction de ta Kranee et se faisait obéir : 
cite dictait ta conclusion immédiate de ta paix avec l'Autriche pour 
éviter que d autres généraux, sur le» bord» du Hliht, n'obtinssent des 
résultais encore plus décisifs que ceux dus à Bonaparte. 

dette même volonté décida l'étonnante et romantique expédition 
d>4r\ptc. Evidemment la masse de la nation française ni même 
la majorité «l'un conseil de gouvernement n'eut la moindre part dans 
ces aventures chimériques conçues par un chef d'nrmôe en quota de la 
gloire d'un Alexandre ou d*uu César. \eamnoins le Directoire donna 
volontiers son assentiment à l'exécution de cette fantaisie, seul mo>en 
de relu nier l'avènement d'un maître redoutable. peut -être dan» l'espoir 
secret qu'il ne reviendrait jamais du périlleux voyage. 

Si géninlcment qu'elle put dire conçue, si brillamment qu'elle l'ut 
mise en scène, l'expédition d'Kgypte devait aboutir à un insuccès, 
puisque l'objectif prétendu de l'entreprise était d'arracher la domination 
des Indes à la (irande Bretagne et que la roule de Calcutta passait alors 
par le cap de lionne Kspérance : d'où le nom fantastique d' « aile gauche 
«le l'armée d'Vnglcterrc •> donné aux troupes emoyées dans la vallée du 
Nil. L'tigyplc, qui avait été l'intermédiaire naturel entre l'Orient et 
t 'Occident cl qui devait le redevenir un jour, ne l'élait précisément 
plus à l'époque où Bonaparte allait en faire la complète. L'expédition ne 
pouvait avoir rien de sérieux : le gouvernement de la rYauce y voyait 
une prolongation de pouvoir, un délai dans l'échéauec inévitable de la 
retraite: le général qui s'aventurait au hasard en un pays lointain ne 
cherchait qu'une fausse gloire, une conquête fielho embellie de souve- 
nirs classiques et de belles déclamations humanitaires. 

Accompagné de 3t>ooo soldats à chacun desquels il avait promis au 
retour de l'expédition « de quoi acheter six arpents de terre m 1 , Bonaparte 
remporta tout d'abord de faciles victoires. Après s'être emparé de Malle 
d'une façon déloyale et avoir eu la chance d'échapper à la poursuite des 
navires anglais, il put s'ériger en envoyé d'Allah, en favori de 
Mahomet, en thaumaturge commandant au grand serpent sorti du pied 
de I» colonne de Pompée*; mais les mauvais jours succédèrent au 

1. Proclamation du 3 floréal, an Vf. ~ 2. Entrevue de Bonaparte... et de plusieurs 
muphtis ot iroans dans l'intérieur de la grande Pyramide... le 25 thermidor, an VI. 



CAMPAGNE D'ÉOYPTE Ol 

triomphe rapide : la flotte française fut anéantie par Nelson dan» les 
eaux d'Mmukir, puis l'armée alla se heurter inutilement contre les murs 
do Saint- Jean d'Acre; après une campagne horrible parues cruautés, que 
Bonaparte, devenu pour un temps despote orientai, comme les Timur 
et les Murofl, croyait sans doute permises en ce pays éloigné de 
l'Huropc attentive, il s'enfuit, abandonnant hou armée, et, réussissant à 




Minée Carnavalet. 

luirasB'COL d'ofpicikb postant la déotm ration »ks 

tïBOlTS UB l/lIOMMB 

tromper les vaisseaux anglais, déburquu en lYunce pour apparaître de 
nouveau comme V « ïfomme providentiel », 

L'armée d'Egypte était nécessairement perdue. Elle n'ciU pu se main- 
tenir qu'a une condition, celle de sacrifier tout espoir de retour ut de 
camper résolument sur la terre conquise pour s'y constituer en Etat 
indépendant, à la façon des routiers du moyen âge; mais tes soldats 
français tenaient ù rentrer dans leur patrie, et se trouvaient ainsi d'avance 
ondamnés a la capitulation, puisque la mer était occupée par tes 
Anglais. Le souvenir de l'étonnante expédition disparut comme un 
mirage. Il n'en resta que les mémoires précieux, le monument élevé pur 
les 1 75 membres de la « Commission des sciences et des arts ». Ces 
savants qui avaient accompagné les régiments jusqu'à ta première cata 
racte pour étudier le sol, le climat, les inscriptions, les statues, les loin 

V 4 



e 



I 



63 l'hohhr et la terre. — LA révolution 



=1 



beaux et tout ce qui restait de l'antique civilisation égyptienne représen- 
taient sur ta terre d'Afrique la poussée triomphante de l'esprit du dix hui 
tfème siècle, devenu volonté, grâce à la Révolution française. Ce concours 
de recherches intelligentes devait aboutir à ta reconquête de toute une 
histoire passée que l'on croyait a jamais ensevelie. La pierre que L'on 
découvrit a Rosette, et que les hasards de la guerre ont fait transporter t' 

uu Brilhh Muséum^ mit, gr&cc u son inscription trilingue, les etiereheurs » 

sur la voie du déchiffrement des hiéroglyphes, et peu u peu, de 
stèle en stMe, de manuscrit en manuscrit, se sont révélées tes 
annales du monde ancien. Les recherches de lu Commission d'Egypte, 
de si heureuse initiative pour la connaissance du passé, eurent une 
moindre part à ta préparation de l'avenir. Les mesures de nivellement, 
faites par Lepèrc pour établir lu possibilité du creusement d'un canal 
entre la Méditerranée cl t» mer Itouge, donnèrent des résultats déco uni 
geunts, dont, chiquante ans après, on put heureusement constater 
l'erreur. D'après ce geodésien de l'expédition, le niveau du golfe de I 

Suez aurait été de près de 10 mètres (9,908) supérieur à celui des eaux 
pélusieunes; pour éviter l'inondation des plages de la Méditerranée, il 
eût fallu se borner î\ construire un canal a écluses, du Nil à lu mer 
Bouge, N'importe, le monde africain faisuit désormais partie de la zone 
d'attraction européenne, et, moins de trois quurts de siècle après les ? 

batailles fastueuses et inutiles des Pyramides et du mont Tabor, '' 

TKgyplc redevenait la grunde porte commerciale de l'Ancien Monde, I 

comme au temps des Pharaons et des l'tolémées. il 

De l'autre côté de la Terre, ta Hévolution française devait avoir égale- 
ment son écho. Cependant ta nouvelle république des Etats Unis, 1res 
anglaise de mentalité et de momie, ne pouvait guère se laisser influencer 
par un mouvement révolutionnaire qui ne visait a rien moins que la 
proclamation des Droits de l'homme. Ayant conquis son indépendance 
grÛce aux alliés français venus avec Lafuyettc et Hochambcau, elle n'eut ( 

point le mauvais goût de rompre complètement avec la nouvelle repu- c 

blique, mais elle se tint sur une grande réserve qu'un rien eût changé en 
hostilité. La sympathie fut plus grande dans les petits groupes de la si 

bourgeoisie créole, qui s'étaient formés à Mexico, Lima, Buenos-Aires, 
et de loin subissaient l'influence de la philosophie des encyclopédistes. 
Toutefois ces groupes étaient de trop faible importance numérique pour 
que leurs prudentes sympathies pussent se transformer en actes, U n'y 



* 



commission d'Egypte 



63 



eut de soulèvement à tendances républicaines que dans les colonies 
portugaises du Brésil, où le généreux Tlradentes, avec quelques étudiants 



N* 436. Egypte et Syrie de Bonaparte. 




t 



i: eoooooo 



W 



%oKil. 



et officiers, essaya vainement de faire acclamer l'indépendance nationale : 
c'était en 1789, l'année môme qui, en France, vit tomber la Bastille. 
La révolte s'était produite près d'un siècle trop tôt. 

Quant à la grande insurrection péruvienne, celle que dirigea Tupac 
V 4* 



64 L'HOMME ET LA TERRE. — LA RÉVOLUTION 



I 



I 



Amaru r Couleuvre resplendissante* » ci qui éclata en 1780, deux années 
avant que l'indépendance des Etats-Unis d'Amérique fût définitivement 
reconnue, ce n'était nullement une révolte ayant pour objectif l'émanci- 
pation nationale: quoique provoquée par un insupportable régime 
d'oppression, ce ne fut au fond qu'une guerre dynastique* dont te but 
était simplement un changement de maître, par lu reconstitution du 
pouvoir des Inca. Les conditions mômes de cette insurrection, d'ailleurs 
très rapidement et 1res atrocement réprimée, prouvent combien les milieux 
de l'Amérique septentrionale ci de l'Amérique du Sud étaient alors peu 
comparables entre eux. lundis que les cotons de langue anglaise, ayant 
fait autour d'eux la place nette d'indigènes, n'avaient nullement 11 
craindre une ligue de tribus indiennes qui pût mettre en péril leur 
absolue domination, les descendants des conquistadores vivaient au 
contraire dans toutes les parties de leur immense domaine au milieu de 
la foule des populations asservies : ils se trouvaient immédiatement en 
face d'un élément elliniquc mû contre eux par la lutine et la rancune, 
et moins ennemi de l'Espagne lointaine que des fils de l'Espagne, ses 
oppresseurs directs. C'est pur une confusion de perspective, duc au 
voisinage des deux continents américains, que des écrivains ont cherché 
des causes analogues pour des mouvements d'origine tout a fait distincte. 
En tout cas, l'influence des idées qui s'étaient élaborées dans l'Europe 
occidentale pendant le dix- huitième siècle n'y fut absolument pour «ion. î 

La où le contre-coup de la Révolution française se fit sentir d'une 1 

manière directe et puissante, ce fut dans la grande île désignée à cette ' 

époque sous le nom de Saint-Domingue et dans les autres Antilles appar- 
tenant politiquement à la France, C'est dans Hic d'Espunola, on le sait, 
et dès les premières années de l'occupation castillane, que des nègres 
africains avaient été introduits comme esclaves. En 1017, l'importation 
annuelle des noirs, régularisée par un édit, s'élevait à quatre mille par 
an, et dès l'an ifm, ils étaient assez nombreux sur les plantations de don 
Diego Colon, fils de l'amiral, pour ravager la colonie. On a souvent 
répété, pour excuser les planteurs, que te travail de la terre était impos- 
sible aux blancs sous le soleil des Antilles; mais cette affirmation est 
inexacte, ainsi que l'ont démontré les propriétaires eux -mômes, en impor- 
tant des « engagés » blancs, qu'ils demandaient a la mère-patrie, et qui, 
en échange des dépenses d'entretien et de quelque menu salaire, pro- 
mettaient de travailler pour leur patron pendant un certain nombre 



LA RÉVOLUTION ET LES ANTILLES 65 

d'années. Toutefois, le régime de l'esclavage africain se substitua à loua 
les autres modes de travail, et les traitants du Sénégal et autres sociétés 
privilégiées, anglaises, hollandaises, françaises, rivalisèrent de zèle aux 
dix septième et dix-huitième siècles pour la livraison de belles u pièces 
d'Inde » aux propriétaires établis dans les Antilles. Les planteurs français 
qui, dans la purtie occidentale de Saint-Domingue, s'étaient substitués 

ft» 437. Ile d'Haïti. 




1: 6 000000 



loo *6q SÊoKII. 

Durant te xvu* siècle, des colons français s'établirent an nord-ouest de l'tle at le traita de 
Ryswlck (1G97) reconnut la division d'Haïti entra las Espagnols at lis Français. Ceux-ci 
acquirent la moitié espagnole en 1795. Lorsque les Fronçai* eurent été expulsés, des états 
rivaux se formèrent. Depuis 18U, les daux républiques de Saint-Domingue et d'Haïti se 
partagent l'Île par moitié, est et ouest, avec Sanlo-Domlngo et Port-au-Prince pour capitales. 

aux Espagnols, eurent bientôt la réputation de posséder le plus beau 
cheptel humain, acquis d'ailleurs, comme celui des autres colonies, par 
la ruse et de monstrueuses férocités* Le « citoyen » Ducœurjoly» dans 
son précieux Manuel des Habitants de Saint-Domingue \ Paris, an X, décrit 
eo m plaisamment les « quatre moyens les plus généralement employés 
pour se procurer les nègres nécessaires a la culture ». Le premier moyen, 
« et le plus productif », était L'enlèvement. La manière de procéder était 



1. Cité par A. Cône, Nos Créoles, pp. 24, 29, 



66 l'homme et la. terre. — LA révolution 

simple, « Quelques-uns se cachent dans les forêts ou près des routes, 
attendant le voyageur sans défiance» comme le chasseur attend la proie 
timide; d'autres se mettent en embuscade dans tes champs de riz et 
enlèvent tous les enfants qu'on y place pourchasser les oiseaux; it y en 
a aussi qui se tiennent près des sources et saisissent tous les malheureux 
que la soif force d'y venir se désaltérer, ou près des haies, afin d'y prendre 
ceux qui y pèchent pour leur nourriture. Mais le poste le plus avantageux 
est dans les prés, lorsque l'herbe est haute, ou a côté du sentier qui com- 
munique d'un village u l'uutre », Un autre moyen pour se procurer des 
csclavos, c'est d'allumer la guerre entre les souverains de la Guinée. 
a Les vaincus qui échappent à la mort sont condamnés ù l'esclavage. . . 
Arrive-t-il des vaisseaux? les chefs de tribus marchent aussitôt ù la con- 
quête de quelques eu nions, brûlent des villes, saccagent les campagnes, 
et emmènent captifs tous les habitants, à moins que, victimes de leur 
cupidité, ils ne deviennent eux-mêmes la proie du traitant ». Kn 
troisième Hou on pourrait « exciter plusieurs souverains contre 
leurs propres sujets ". Enfin le dernier moyen, plus ingénieux, était 
de « faire substituer aux anciennes pénalités pour les crimes et 
les délits parmi les nations noires la peine unique d'être réduit 
en esclavage et vendu... On multiplia les crimes pour multiplier 
les coupables. Les souverains avaient des gradations subtiles dans les 
délits afin d'en établir dans les punitions; ils statuaient que les forfaits 
graves coûteraient la liberté non seulement aux coupables mais a tous 
les mules de su famille, mais a sa famille entière, mais a ses amis, 
et aussi loin qu'il lui plairait d'étendre sa rigueur despotique. On 
vendait aussi les débiteurs insolvables et, sur la côte, des marchands 
avaient des réserves d'enfants dont on trafiquait dès qu'ils étaient par- 
venus à Tiige du travail ». 

De pareilles atrocités devaient émouvoir la natiou qui, par ses repré- 
sentants, venait de proclamer les Droits de l'homme avec un délirant 
enthousiasme. Et pourtant quelques timides voix à peine s'élevèrent en 
faveur de ces noirs, les plus opprimés des hommes! Ce que Ton appelle 
les « droits acquis », c'est-à-dire les crimes traditionnels, en imposaient 
aux philosophes les plus généreux. On n'osait pas toucher à la propriété 
des nobles et fastueux satrapes qui gagnaient si facilement des millions 
par le travail d'autrui et que l'on avait vus parfois dans Paris ouvrir si 
généreusement la main. On n'osait pas dépouiller de si puissants aris- 



LÀ CONVENTION ET L'ESCLAVAGE 67 

tocrates, mais ceux-ci, dont la conscienee n'était pas tranquille, protes- 
taient d'avance contre une expropriation qui semblait logiquement iné- 
vitable et commençaient tout d'abord la persécution sans merci contre 
les hommes libres de couleur qui se permettaient de revendiquer leur 
droit de vote : c'est ainsi que le mulûtre Vincent Ogé, puni seulement 
pour avoir voulu voter, eut à subir le supplice de la roue, La fureur 
des propriétaire* devint folie lorsque l'Assemblée Constituante, en 1791, 




Cl. P. Sttttar, 

DK8 SVCBXBIB A SÀlNT-DOMmGUB 



toujours insoucieuse du droit des nègres, crut cependant devoir accorder 
aux gens de sang môle, nés de père et de mère libres, le privilège de 
siéger dans les assemblées coloniales. C'est alors que la plupart des 
blancs de Saint-Domingue décrétèrent la scission d'avec la France, cou- 
pable d'avoir promulgué la « Déclaration des Droits do l'Homme ». De 
même que les émigrés do Coblenz s'alliaient aux Prussiens et aux Impé- 
riaux contre la Révolution, de même, et sous la pression d'inté- 
rrts de caste, les planteurs de Saint-Domingue se firent Anglais ou Espa- 
gnols contre la mère-patrie. 

Les noirs s'agitaient à leur tour comme s'étaient agités les hommes 
de sang mélo déjà libres. Ils prirent leur affaire en mains, s'émanci- 
pèrent eux-mêmes, chassèrent, égorgèrent çà et là leurs anciens maîtres. 



68 



LHOMUE ET Là TERME. — LA DÉVOLUTION 



C'cBt alors, mais alors seulement, que la République française, recon- 
naissant le fait accompli» proclama enfin* bien tardivement, l'égalité des 
races devant le droit humain. Le représentant Santhonax, annonçant 
la bonne nouvelle* Ait aussitôt entouré, adoré comme un dieu. Une 
armée de noir», heureux et libres, se précipita pour reconquérir en entier 
le territoire de t'ile; Anglais, Espagnols furent expulsés. Depuis on a 
souvent bafoué ceux qui, a l'exemple de Dupont et de Robespierre, 
disent : « Périssent les colonies plutôt qu'un principe 1 » Mais, cette fois, 
c'est précisément parce que la République avait tint par observer le 
principe qu'elle garda triomphalement sa colonie et môme en doubla 
l'étendue. Et quelques années après, c'est parce que le principe avait été 
violé que la colonie fut définitivement perdue pour la France. 



n 

c 



'■■ ■ 1 V * . 




t£ PftAlPIAL AN î> 



CONTRE-RBVOLUTION : NOTICE HISTORIQUE 



1799. 9-10 nov. (18 et 19 Brumaire), Coup d'Etat; afl déc, Bonaparte 

premier Consul. 

1800, \(\ juin, Murcngo; 3 déc., Hohcnlinden; a 4 déc, attentat de la 

rue Saint-Nicaise. 

1801 . 9 fév,, traité de Lunéville; t5 juil, établissement du Concordat. 
Evacuation de l'Egypte. 

1803, a5 mars, paix d'Amiens; « épuration » des corps élus; 19 mai, 
création de la Légion d'honneur; 16 août, rappel des émi- 
grés; a août, Bonaparte nommé Consul à vie. — Expédition 
de Saint-Domingue. 

i8o3» 1a mai, rupture de la paix; évacuation d'Haïti. 

180$ . Conspiration de Cadouda l ; a 1 mars, exécution du duo d'Enghicn ; 
18 mai, Napoléon devient « empereur de la République » ; 
a déc, cérémonie du sacre. 

i8o5. Camp de Boulogne; aO mai, Napoléon couronné à Milan; 19 oct., 
capitulation d'Dlm; ai oct., Trafalgar; a déc, \ustcrlilss ; 
26 déc, paix de Près bourg. 

1806. i w janv,, abandon du calendrier républicain; \!\ oct., léna et 

Auerstaedt; ai nov., décret ordonnant le blocus continental. 

1807. 7.8 fév., Eylau; i.{ juin, Friedland; 8 juil., paix de Tilsitt; 

3o nov M les Français à Lisbonne ; 17 déc, bombardement de 
Copenhague. 

1808. Mai, à- l'entrevue de Rayonne, Napoléon dépose Charles IV et 

Ferdinand Vil; aa juil., capitulation de Baylen; 3o août, 
capitulation de Cintra . 

1809. ao fév M prise de Saragossc; aa avril, Kukmûhl; ai-aa mai, 

Essling ou Aspern; 6 juil., Wagram ; 1/1 oct., paix de Vienne. 
Le Pape est conduit de Home à Savonc 

1810. Révoltes a Buenos Aires, Caracas, au Mexique, 

181 1. Recul des Français en Espagne ; ao mars, naissance du roi de 

Rome. 7- Succès des insurgés argentins. 



70 L'HOMME ET LA TERRE. — COHTRE-RSVOL0TION 

i8ia« afl juin, entrée de» Français en Kussie; 5-7 sept, Borodino ou 
Moskova; 19 oct., abandon de Moscou; s5 nov,, passage de 
ta Bérésina ; oct., conspiration du général Mallet. — Première 
locomotive de Stephenson. 

i8i3, 36-27 août* Dresde; 16 iS oct., Leipzig, — i3 fév„ bataille de 
Salta et libération de l'Argentine ; Bolivar à Caracas. 

181 4, Campagne de France; 3t mars, capitulation de Paris; 90 avril, 
adieux do Fontainebleau. Restauration. 

i8t5, i rt mars, Napoléon débarque au golfe Juan; 18 juin, Waterloo. 
Terreur blanche; au* sept., traité de Paris. 

181G Exil des Conventionnel», Nouvelle apparition de Bolivar au 
Venezuela. 

1817, Traversée des Andes par San Martin et bataille de Chacabuco. 

1818. Bataille de Maipo; libération du Chili. 
18 ii). Libération des Andes grenadines. 
i8i!o. i« janv., Riego s'empare de Cadix. 

i8a t, 7 avril, prise d'Athènes par les insurgés grecs ; 19 juin, défaite 

des hétaïristes eu Valachie; 5 oct., prise de Trlpolihn. — 

Libération du Venezuela. 
1833. ai juil., chute de l'acropole, — Séparation du Brésil et du 

Portugal. — Ghampollion déchiffre la pierre de Rosette. 
i8»3, 3 1 août, combat du Trocadéro ; prise de Cadix ; 5 nov., pendaison 

do Riego. 
18*4, 19 avril, mort de Byron. — Libération du Pérou. 
i8a5, 5 fév M Ibrahim-Pacha débarque en Xïorée; aG déc, (i4 ancien 

style), conspiration des Dékabristes. — Premier chemin de fer 

ouvert au public, qe Stockton ù Darlinglon. 
i8a(i, a6 avril, prise de Missolonghi par les Turcs ; a5 (i3) juin, pen- 
daison des Dékabristes. 
i8a7, ao oct., bataille de Navarin. — Dans l'archipel polaire, Parry 

parvient à la latitude 8a°4o*. 
i8a8. Les Français en Morée. Compétition dynastique en Portugal, 
i8»y. i/| sept., la Turquie reconnaît l'indépendance de la Grèce. 
i83o, G juil., prise d'Alger. Journées de juillet (a/» à a6). Journées de 

septembre à Bruxelles (a3 a 37), 29 nov., soulèvement en 

Pologne, 





LUTION 



L'œuvre entière de Napoléon consista 
dans la violation méprisante de toutes tes 
harmonies naturelles. 



CHAPITRE XVII 



DIX*HU1T BRUMAIRE. — EMPIRE FRANÇAIS. — GUERRES EUROPÉENNES 

RESTAURATION ET RÉACTION. — INTERVENTION FRANÇAISE EN ESPAONE 

GUERRES D'ÉMANCIPATION DES COLONIES ESPAGNOLES. — BRÉSIL 

INDÉPENDANCE HELLÉNIQUE. — DÊKABRISTES. — JUILLET 1830. — BELGIQUE 

POLOÛNB, ITALIE» ESPAONE, ANGLETERRE. — ABOLITION DE L'ESCLAVAGE 
CONQUÊTE D'ALGÉRIE. — PROGRÈS MATÉRIELS. — ROMANTISME ET CLASSICISME 

La France s'était abandonnée lorsque Bonaparte vint la prendre ; elle 
ne croyait plus à la liberté, mais elle croyait h la force et s'enivrait de la 
rumeur des conquêtes : le moment était donc venu pour elle d'obéir à un. 
général d'armée. Les étapes de l'asservissement furent très rapides. 
Moins de trois mois après avoir quitté l'Egypte, l' « homme providen- 
tiel » pénètre à la tôte de ses soldats dans la salle des « cinq cents » et 
disperse les législateurs dont le président môme était son frère et son 



7» L'HOMME ET LA TERRE, — CONTRB-RéVOLUTIOW 

complice. Ce fut l'attentat du ï8 brumaire (9 nov. 1799), ffui supprima il 
la République et rétablissait la monarcbie t bous d'autres formes et sous 
un autre nom. D'abord, te général Bonaparte se contenta du titre de 
consul, qu'il voulut bien partager avec un Hoger Dueos et un Siéyès, le 
môme abbé qui» après avoir inauguré la révolution bourgeoise par sa 
brochure sur le Tiers état, vint en clore te cycle par une constitution 
faite a l'usage du despote nouveau et concentrant tous les pouvoirs dans 
lu tnain de l'Etat. 

Mais il fallait se débarrasser do tous les républicains qui restaient en 
France, que les honneurs, les places, l'argent, les ambitions militaires 
n'avaient pas assagis et dont le silence forcé ne garantissait pas la 
future obéissance. Une conspiration royaliste vînt ù point pour faci- 
liter la déportation de ces hommes haïs que l'on envoya mourir de la 
(lèvre dans les marais de la Guyane. La partie de l'armée la plus 
suspecte d'esprit républicain fut désignée pour la mort: ou l'expédia 
dans Tile de Saint-Domingue, mêlée a des bandes de chouans revéches. 
Bonaparte se promettait ainsi un double avantage. Non seulement il 
écartait des soldats dont il aurait pu redouter l'indiscipline, mais il 
donnait un gage a tous les partisans de l'ancien régime en France et en 
Europe par sa brutale tentative en vue du rétablissement de l'esclavage 
des noirs. Celte même armée, qui avait été chargée de proclamer la 
République, la suppression des corvée» et du servage sur les bords du 
Rhin, recevait maintenant pour mission d'asservir de nouveau les nègres 
et de rétablir la traite. En moins de deux années, le climat de Saint 
Domingue et la fureur des noirs eurent raison de 35 000 hommes qui 
avaient débarqué au Cap Haïtien au commencement de 180a, et qui 
menaient avec eux des chiens de combat habitués à se nourrir de la 
chair des nègres ; les derniers Français furent emmenés prisonniers par 
la flotte anglaise en novembre ittolï. la France perdit ainsi la belle 
colonie qui, avunl Cuba, portait le nom de « Perle des Antilles ». 

Quant ù l'île double de la Guadeloupe qui s'était vaillamment recon- 
quise, en 179/1, sur les envahisseurs anglais et qui, sous pavillon fran- 
çais, s'était fièrement gouvernée d'une manière autonome, eu assurant 
aux noirs armés leurs droits de citoyens libres, lia un porte ne pouvait 
tolérer qu'elle continuât de donner un aussi bel exemple de liberté 
populaire* Une armée d'invasion vint rétablir de force l'esclavage, au- 
quel des milliers de noirs, préférant la mort, surent échapper par le 



PERTE DE SAINT-DOMINGUE ?3 

suicide en masse, tandis que des milliers d'autres» menés en Europe et 
drossés en chiourmes militaires, périrent à la peine dans tous les 
postes périlleux ou insalubres. Ce qui restait & la Guadeloupe dépopula- 
tion noire ou blanche était suffisamment averti, et, lorsque les Anglais 
se présentèrent devant l'île, on les accueillit en fouie désabusée, s Bans 
haine et sans amour ». 

A l'égard des Etats-Unis déjà puissants, Bonaparte se garda bien de 




Cabinet de» Estampe». 



Blbl, Nationale. 



m DIX'HOTT BRUMAIBE 

(Caricature anglaise.) 



procéder avec la môme insolence. Sans consulter d'ailleurs les colons de 
la Nouvelle-Orléans et autres établissements de la contrée, il vendit 
pour la somme de quatre-vingts millions à la république américaine 
tout le territoire de la « Louisiane h, aux espaces encore très mai 
connus, qui s'étendait des bouches de l'Alabama, dans le golfe du 
Mexique, jusqu'à l'estuaire de la Columbia dans le Grand Océan, domaine 
comprenant au moins aôooooo kilomètres carrés, cinq fois la superficie 
de la France, San s doute, cette acquisition a l'amiable, qui doublait du 
coup la surface des terres de colonisation possédées par les Etats-Unis et 
qui leur assurait pour l'avenir les routes de l'Atlantique au Pacifique, 



7$ L'HOMME E* LA TBRBK. — CONTRI-RÊVOLUTION 

cet achat ne faisait que devancer d'un petit nombre d'années ou de 
décade» l'occupation qui se serait produite par ta «impie force des 
choses, sous la pression de millions d'hommes, grossissant rapidement 
en nombre et dont l'ascendant était devenu irrésistible. 

En règle avec les anciens propriétaires d'esclaves» les représentants 
par excellence de ce que l'on appelle le « principe do la propriété % le 
Premier Consul voulut réconcilier d'une manière éclatante son pouvoir 
personnel avec le grand élément conservateur do l'antique autorité, avec 
le catholicisme. Le Concordat fut conclu. Par ce pacte avec l'Eglise, qui 
rétablissait les anciennes formes du culte, le futur empereur espérait que 
son pouvoir, prôné conformément aux rites, ferait désormais partie du 
dogme religieux : il voulait donnera sa personne un caractère sacré. 
D'uulre part, il se flattait d'avoir enserré les prêtres dans le réseau de la 
hiérarchie administrative; il croyait les tenir comme d'humbles fonc- 
tionnaires. Il est vrai que tes catholiques sincères se sentiront profon- 
dément humiliés de ces conventions bâtardes qui mélangeaient les deux 
autorités ; mais l'Eglise a la vie longue, et que de fois les prêtres dont le 
devoir était désormais de servir l'Etat s'en révéleront-ils les maîtres ! Le 
rétablissement du catholicisme dans sa pompe officielle fut considéré 
comme une grande victoire par les fidèles de l'ancien culte, et ils en 
surent gré au « nouveau Moïse », malgré Les intempérances de langage 
et les brutalités dont son despotisme et son manque de savoir-vivre le 
rendirent coupable à l'égard de maint haut prélat et du pape lui-môme. 

Et tandis qu'une volonté maîtresse imposait à la Franco la restaura- 
tion de l'Eglise officielle, Chateaubriand, un de ces idéologues auxquels 
Bonaparte vouait une haine spéciale, collaborait à l'œuvre de réaction 
religieuse par son Génie du Christianisme, travail purement littéraire et 
tout en surface, qui vantait l'élégance des cathédrales, la sonorité des 
cloches et le circuit rapide des faucons dans le ciel bleu : pour plaider la 
cause de la religion déchue et en rallumer la flamme, il eût fallu croire 
éperdument, du fond d'une Ame simple, à ta mission du Crucifié; or, ni 
l'homme d'Etal ni le poète n'avaient celte « foi qui transporte les mon- 
tagnes ». Quant à la masse du peuple, déshabituée des cérémonies 
religieuses et des processions solennelles, mais encore pénétrée de 
i esprit catholique de despotisme intellectuel et d'obéissance, elle tendit 
de nouveau l'échiné au harnais traditionnel. Cependant rien ne fit 
oublier l'interrègne. 




s 



09 



S 



CATÉCHISME NAPOLÉONIEN 



i / 



La reconstitution de l'Eglise entraînait la réorganisation de l'inslruc- 
Uon publique. On n'y manqua point : l'université se modela sur Tannée. 
Le maître, qui était surtout le général en chef des forces de terre et de 
mer, avait en vue de former des soldats, et l'éducation départie dans 
les écoles, les collèges» les lycées devait préparer à celle des caserne». 
Désormais on ne tint aucun compte des diversités de race ni de milieu 
pour varier en proportion l'enseignement des élèves : partout on eut à 
se conformer aux mômes pratiques et à la même méthode d'enseigne- 
ment, tout dut se régler à la baguette du tambour. Nulle initiative ne fui 
permise au professeur: il n'était plus qu'un instrument» qu'un porte-voix, 
ayant a répéter à l'heure dite, îi la minute, les formules édictées en haut 
lieu. Jamais la pensée ne fut tenue plus en mépris que sous le règne du 
« petit caporal » ; toute supériorité intellectuelle était odieuse a cet 
homme qui voulait dominer seul et élre le maître des âmes comme il 
était le mullre des corps, Lorsqu'il eut saisi des mains du pape la cou- 
ronne impériale pour se la poser sur la tête (180/4), il prit soin de sa propre 
apothéose consacrée par le catéchisme scolaire : « Les chrétiens doivent 
aux princes qui les gouvernent, et en particulier à Napoléon notre empe- 
reur, l'amour, le respect, l'obéissance, la fidélité, le service militaire. 
Honorer et servir notre empereur est honorer et servir Dieu môme ». 

La guerre en permanence, interrompue de courtes trêves pour la 
reconstitution des armées, élait devenue le fonctionnement normal de 
l'empire. Sur terre, des triomphes inouïs se succédaient coup sur coup 
et la France s'entourait d'Etats conquis gravitant autour d'elle; mais sur 
mer, tout ce qui lui restait de puissance après Aboukir était brusquement 
annihilé. Devant le cap Trafalgar, Nelson détruisit la flotte impériale 
jointe a celle de l'Espagne; désormais tous les pontons, tous les esquifs 
qui battaient encore pavillon français n'avaient plus qu'à se blottir au 
fond des ports ; tout au plus, protégés par les signaux de terre, pou- 
vaient-ils se glisser le longdes côtes de refuge en refuge. 

Celte impuissance absolue sur mer contribua certainement par 
contre-cou p a lancer sur l'Europe toutes les forces agressives de la 
France'. Austerlttz, léna, Wagram répondirent aux victoires anglaises 
d'Aboukir et de Trafalgar. De son coté, la Grande Bretagne, seule à com- 
mander les mers, put croire dorénavant qu'elle était la maîtresse du 

1. Friedrich Ratael, Das Meerats Quelle der Vcslkergrœs$e, p, 75. 



78 l'homme kt la terre. — contre-révolution 

inonde, ou du moin» de tous tes rivages do la Terre» ce fut le commen- 
cement de la thalassocratie anglaise qui devait durer près d'un siècle, 
f /aristocratie nobiliaire et commerciale qui gouvernait la nation puisa 
dans cet orgueil une force indomptable. Elle employa dans aa formi- 
dable lutte contre Napoléon toutes ses ressources en argent et en 
hommes, accumulant les emprunts et les dettes, ruinant les industries, 
réduisant les foules prolétaires a une misère sans nom» mais avec la cer- 
titude qu'après la victoire définitive, lors de l'épuisement général de 
l'Europe, elle serait la première parmi les puissances et qu'elle jouirait 
môme d'une véritable hégémonie, grâce à son monopole des manufac- 
tures et h la possession des marchés lointains. 

C'est alors que Napoléon conçut le projet d'enlever à l'Angleterre son 
marché par excellence on subjuguant définitivement l'Europe. Le blocus 
continental (180O) devait isoler complètement la Grande Bretagne, en 
faire plus qu'une île, une terre perdue au delà des océans déserts. 11 
était désormais interdit u quiconque de rester neutre dans la lutte; le 
petit Etat du Danemark en fit la dure expérience lorsque, en septembre 
1807, le gouvernement anglais, sachant aussi bien que son illustre 
antagoniste méconnaître le droit des gens, lit bombarder Copenhague 
par ses vaisseaux ; quatre jours durant, la ville fut couverte de feu et 
la flotte se relira ayant tué plus de deux mille paisibles habitants. 

Il est vrai qu'en coupant ainsi toutes relations entre la terre ferme 
et «a dépendance naturelle d'où Ire- Manche, l'empereur appauvris- 
sait ses sujets, les privai) des produits manu facturés et les ramenait 
ainsi vers la barbarie primitive, mais l'espoir d'attirer plus de mal à 
IVnnetni qu'il ne «'en faisait à lut-méme le soutenait dans celle lutte 
insensée. Le mouvement des échanges était donc presque complète- 
ment interrompu et ne se maintenait eu et la que grâce à la contrebande, 
d'ailleurs encouragée en secret par maint dignitaire de l'Empire qui en 
lirait un ample profit. Nul doute que l'âpre intérêt commercial n'ait été 
pour une forte part dans le soulèvement des peuples qui se produisit 
contre l'empire après ses premiers désastres. D'ailleurs ce fut justice: 
on ne cherche pas impunément à se placer en travers de la marche des 
nations. 

Or, l'oeuvre entière de Napoléon, en tant qu'il ne se laissa pas porter 
par le reflux normal de la réaction triomphante, consista précisément 
en une intervention brutale et capricieuse dans tous les événements 



i 

t 



BLOCUS CONTINENTAL 



79 



européens, dans la violation méprisante de toutes le* harmonies 
naturelles qui proviennent de l'accord des peuples avec le milieu et 

II* 438. L'Empire de Napoléon en 1811. 




*— 



MHi 



1 : 2 6 0OOOOO 

T HT"" T — ûftr 



IBboKil. 



ïies hachures inclinées recouvrent le territoire relevant directement 4e l'Bnpereur et qui 
fut divisé on départements* les hachures verticales indiquent les pays dont .les potentats lui 
étaient plus ou moins soumis. 

dans le sens de leur développement historique; il ignorait, et voulait 
ignorer tout ce qui aurait pu donner à son œuvre une stabilité au 
moins momentanée. ' 



80 L'HOMME RT LA TBBBE. — CONTRE- RÉVOLUTION 

Ainsi, sans aucune raison, si ce n'est- colle tic doter malgré lui son 
frère aîné Joseph et de lui imposer le gouvernement d'un royaume 
(e8o0), l'empereur attire le roi d'Espagne, Charles ÎV, et son fils Ferdinand 
a Bayonne, sur territoire français, et, par la menace, force les deux 
princes à l'abdication. Mais la nation ne se laissa point donner aussi 
facilement qu'une eniironiie. Klle résista avec une vaillance i|iiî ne fut 
jamais dépassée. Kn aucun si fcge ou ne vit année plus froidement résolue 
ù mourir (pie le {'ut la garnison de Saragosse, alors que les troupes 
défendant la ville de maison en maison et voyant le cercle de feu se 
rétrécir autour d'elles allèrent s'agenouiller dans I* Kg lise tendue de noir, 
assister à leurs propres funérailles * . Mais des gens qui restaient 
indifférents à leur propre mort n'étaient point hommes à s'offusquer 
de tous les crimes de la guerre el de» horreurs qui eu sont la couse* 
quetice : l'atavique férocité manifestée pendant ta guerre de sept siècles 
contre les Maures, puis durant la période fanatique de l'Inquisition, se 
réveilla contre l'étranger qui, lut môme, apportait la violence et la 
cruauté; Jamais scènes pli» Indenses ne furent reproduites que dans 
Lus Estrtttjm de fadiwmt, témoignage (pie nous a laissé Goya, d'apri's 
l'atroce réalité, de ces sanglantes années, D'ailleurs, la guerre de l'Inde 
pendunce espagnole contre les armées de Napoléon fut dans son essence 
intime beaucoup plus inspirée par la huine religieuse que pur les revendi- 
cations politiques. Certes, elle nous apparaît par ses grands cotés 
comme le réveil d'un peuple contra son oppresseur* mais ce peuple 
obéissait avant tout a ses prêtres qui voyaient dans les Français des {(eus 
sans foi, des athée» révolutionnaires et destructeurs d'images. L'ennemi 
était surtout qualifié d' « hérétique » el de » juif ». C'est ta ce qui donna 
son caractère d'aeliurnemenl féroce a la guerre dïSspugne. A la fin de la 
tuerie, les généraux de Napoléon, dont chaque victoire était inutile, 
durent évacuer la péninsule, ramenant avec un gros butin tes débris 
de leurs armées que harcelaient les Anglais de Wellington, autres 
hérétiques et Dis du diable avec lesquels il fallait bien patienter! 

El celte guerre d'Kspagne durait encore lorsque se produisit 
une nuira effroyable guerre ; celle de Hussic, encore une conception 
impériale qui ressemblait à l'expédition d'Kgypte par le côté roman- 
tique de l'aventure, loin de toute ligne de ravitaillement et d'appui. 

1. Madame de Staôl, De CAKemagm. 



GUERRES D'gSPAQMB ET DE RUSSIE 



8l 



Naturellement hostile a toute idée d'indépendance nationale, Napoléon 
n'avait pas même eu ta précaution d'émanciper la Pologne en passant, 
et de se créer ainsi un précieux, quoique bien tardif allié. Epuisé 
d'hommes par la bataille de Borodino, H entra pourtant à Moscou, d'où 
[Incendie le chassa, ftt, tandis qu'il s'enfuit rapidement en berline de 




UAKAUOSSB, LA CATBÉÏHULB AU BOBD »B l/ÈBBE. 



Cl. Kubn.édit. 



voyage, l'armée bat en retraite à travers les neiges, les marécages, les 
forêts, les fleuves débordés, les glaces en dérive. Les Cosaques, les loups 
poursuivent, harcèlent lu multitude en déroute : ce n'est plus qu'une 
traînée de bandes laissant derrière elle des cadavres, des armes, des 
blessés et des prisonniers. Des 7/10000 hommes que Bonaparte avait 
amenés en Russie, 1/1 000 seulement retraversèrent la frontière! Il y 
eut pourtant une conséquence du terrible drame militaire que Ton peut 
qualifier d'heureuse : il mil en contact avec les Slaves et tes Allophyles 
de ta Russie d'Europe cl d'Asie des milliers de jeunes Occidentaux 

V 



5 



N» i/llOMMK ET LA TKRHK. — CONTRK-RÉVOLLTION 

prisonniers qui, entré» dans la vie civile des Slaves» fuient des civilisa- 
teurs, dos porteurs d'idées. Nombre de révolutionnaires russes de lu 
deuxième moitié du dit neuvième siècle racontent lu part considérable 
qu'eurent ces prisonniers français sur l'émancipation de leur pensée. 

L'empila se luttait vers tu lin. La France n'avait guère plus de soldats 
valides, et maintenant on recrutait les éphèbes pour les grandes tueries. 
Les peuples, voyant baisser l'étoile de Napoléon, se révoltaient sueeessi 
vemenl contre lui. Kit pleine bataille, tes Saxons changèrent de rangs : 
ils l'avaient aidé à se détendre, ils aidèrent à le combattre et à le pour- 
suivre. Le théâtre de la lutte fut reporté en France môme, Paris lut 
occupé et l'empereur enfermé dans l'île d'KIbe; mais la cage de l'aigle 
était trop rapprochée de son ancienne aire : il s'en échuppa bientôt, et la 
France dévastée, exsangue, dépourvue de toute volonté, n'ayant plus une 
parole à dire, quoiqu'il s'unît de sa destinée même, Laissa Bonaparte 
reprendre le pouvoir, comme elle avait permis que Louis XVIII le reçût 
des rois étrangers moins d'une année auparavant et comme elle laissa 
celui-ci te ramasser de nouveau cent jours après. 

La nation entière était vraiment paralysée, impuissante contre les 
hordes ennemies, qui \euaient de l'Orient, traînant avec elles jusqu'à 
des tireurs d'are, Bachkir et Kalmuk ' ! Kt pourtant, après le désastre 
de Waterloo, quand les garnisons étrangères s'établirent pour lu deuxième 
fois dans les citadelles françaises, ou s'aperçut que l'esprit de la Révo- 
lution avait continué souterrainemeut son œuvre, puisque le monar 
que comprit que tout d'abord il devait se présenter a ses nouveaux sujets 
en tenant à la main une charte parlementaire. Il prétendait l'octroyer 
gratuitement, mais t'eût -il donnée s'il ne s'y fût senti forcé? 

La restauration de la dynastie dite légitime des Bourbons, ainei que lu 
déposition de toute la famille ou du clan Bonaparte, même l'exécution 
de l'un d'eux, le roi de Naples, Murât, révélaient le plan des rois qui dis- 
posaient maintenant du sot de l'Europe : ils voulaient, envers et contre 
tous, rétablir l'état politique et social du « concert » des nations te) qu'il 
existait avant la prise de la Bastille; ils entendaient que la Révolution 
française, que l'empire même n'eussent pas laissé de trace. 

Après sa victoire, si chèrement achetée, qui ta laissait sous le fardeau 

1. Jean de Bloch, La Guerre, t, I. Description du mécanisme de la guerre, p. 21, 



SAINTE ALLIANCE 811 

d'une dette nationale, alors considérée comme formidable, de vingt 
milliards, et qui avait réduit plus d*un million d'hommes à une misère 
sanr espoir, la Hrande Bretagne s'était enfermée dans son « isole ment 
splendlde »u tandis que les trois grandes puissance» de l'Europe continen- 
tale, ta Russie, l'Autriche, la Prusse, s'étaient étroitement rapprochées 
pour constituer la •> Sainte Alliance » ; des formules mystiques indi- 
quaient le caractère sacré de leur union. Les trois souverains se plaçaient 




CI.P.UfltteelCK 
COHOftfcS DB V1BHSB, 1814*1815, 

Les doux grands hommes du Congrès étaient Metternich (assis à droite), auteur de la 
formule : « L'homme commence au baron », ot Talleyrand (debout & gauche) .- « La parole a 
été donnée a l'homme pour déguiser sa pensée ». 

sou» la direction immédiate de Dieu, et, quoique représentant trois 
cultes différents, orthodoxie grecque, catholicisme latin, protestantisme, 
se laissaient également diriger pur l'esprit de la Rome papale, par son 
intolérance religieuse: sous cette direction savante, ils voulaient rétahlir 
à tout prix le « principe » d'autorité. 

f /acte de la « Sainte Alliance », préparé de novembre 1814 à juin 
1816 par le congres de Vienne, et signé à Paris le utl septembre rtti5 
entre les souverains de la Russie, de lu Prusse et de r Au triche, déclarait 
que les trois signataires se considéraient comme « délégués par la Provi- 
dence pour gouverner trois branches de la Wme famille »> , et cette famille, 

v s* 



N'i L'HOMME ET LA TEftRE. — COSTRE-RÉVQLUTION 

on devait la dresser suivant t 'un tique méthode du châtiment d'umour. 
En France* la réaction nobiliaire et cléricale se rattachait frénétiquement 
a l'ancienne tradition monarchique et se conformait aux ordres ûu pape, 
à la direction des mission nuire» jésuites; des miracles, accompagné» 
cà et là de massacres, se firent dans tes provinces on tu masse du peuple 
était encore pleinement asservie h ses prêtres, l'oppression devint si 
violente et si haineuse eontre ceux qui ne se prosternaient pas dévotement 
devant t'Rglise triompliunte que toute» les oppositions, même les plus 
disparûtes, eu vinrent à se réconcilier : les vieux républicains qui 
avaient planté les urbres de la liberté et proclamé les droits de l'homme 
s'associaient avec les bonapartistes idolâtres dont les yeux étaient 
toujours tournés vers Sainte -Hélène. De nouvelles déceptions, des révo- 
lutions avortées se préparaient ainsi pour tes générations futures. 

Les premières victimes du zèle de lu Suinte Alliance furent précisé- 
ment les hommes de dévouement qui avaient lutté avec le plus 
d'ardeur contre Napoléon, l'ennemi commun. La « ligue de la Vertu », 
Tuyendbutui, qui s'était constituée en société secrète pour la reconquête 
de l'indépendance et de l'unité allemandes, fut officiellement dissoute 
et ses membres les plus actifs se virent persécutés pur le gouvernement 
môme qu'ils avaient rétabli dans sa force; les camaraderies d'étudiants 
furent aprciucnt surveillées ; le régime de l'espionnage se glissa dans 
lu jeunesse pour la désunir et la corrompre; on alla même jusqu'à 
poursuivre tes sociétés de gymnastique comme autant de repaires de la 
révolution haïe. 

A l'orient de PKurope, l'œuvre de réaction si; produisit sous une 
autre forme, pur l'accroissement du territoire asservi. La « Sainte liussic <> 
s annexa ce qui restait de lu Pologne, le grand duché de Varsovie, avec 
promesse u npéria le d'en ohserver la consl il ulion, d'y respecter la liberté 
de la presse et celle de l'individu, enfin de maintenir la représenta lion 
uutiouale ; mais un empereur ne se sent jamais lié par se» engagements, 
les homme» d'Etat qui t'entourent trouvent toujours te moyeu de justitier 
le crime : les Polonais eurent à partager l'asservissement des Musses et 
des autres sujets de l'Empire, Kuropéens et Asiatiques. 

Par un phénomène remarquable de contraste facilement explicable, 
il se trouva que l'Espagne, seule en Kurope, tîl exception u ce mou 
vement général de retour en arrière: les hommes avaient retrempé leur 
énergie dans la lutte, et si les popululious de la Péuiusule eussent été 



RÉACTION £N K8PAONK 85 

liasses ù clhMiiômc par la réaction européenne* e'esl ta révolution qui 
eftt triomphé du il mit divin. Ramené a Madrid par les alliés, le roi 

N« 438, L« détroit d« Gibraltar. 




* 



i: 1260000 
à 1 fl" Vs Kll. 



L'Ile do Léon est 1» nom du pédoncule, maintenant rattaché au continent, et à l'extrémité 
duquel se trouve Cadlg. T — Trocadéro, combat du 31 août 1833. 



r'crdiuuud VII, qu'entourait toute une cour d'inquisiteurs et de moines, 
sutait empresse* de restaurer le régime du bon plaisir; ne daignant 
point consentir & faire la part du feu eommo Louis XVHI en France, il 



80 



L'HOMME ET LA TERRE. — CONTRK-névOLUTION 



repuuasu lu constitution que lus Curies avaient volée en 1812. pendant 
ta guerre d'insurrection contre les Français, et 8e déclara mettre absolu. 
I/inquiHiltott, rétablie, se mil à fonctionner non seulement contre les 
hérétiques, mais aussi et surtout contre les libéraux ; les prisons s'em- 
plirent ; des militent d'Espagnols, et des meilleurs, prirent le chemin 




LE EOCHJSR DE QIBRALTAR 
Vua prise du fond de la baie d'Algésira», 



H. J. Kiibn.âdtt. 



de l'exil. Mais le besoin de liberté qui agitait la nation dans ses profon- 
deurs, conséquence logique de l'héroïsme persévérant qu'elle avait 
montré dans sa guerre d'indépendance, était trop impétueux, trop 
général pour que le roi, pauvre personnage ignare, inintelligent et 
lAche, put trouver en soi cl dans son entourage de confesseurs jésuites 
les ressources nécessaires à la lutte. 

Des révoltes érïatf'rent sur tous les points de l'Espagne et la 
guerre de partisans recommença comme au temps de Napoléon. 
Menu* l'armée se retourna contre le régime des prêtres. Hiego s'empare 
(i8uo) des forts de l'île de Léon qui commandent au sud les abords de 
(ladix. et l'hymne que chantent ses soldats est repris avec enthou- 
siasme eu (inlire, en Hiseave, en Vauirre.à Murcieet a Madrid ; on broie 



SOULÈVEMENT DE L'ESPAGNE 



«7 



les cachots de rtii(|uUiliot>, on b* met eu m» relie ver» le palais du mi. 
Alors l'histoire se répète, cl tes péripéties qui s'étaient déroulées en 
France « lu veille de lu Hévolution se reproduise) il en Espagne. Le roi 
effrayé promet le réta 
blissementde la cons- 
tilution de tHia el 
renouvelle son ser- 
inent au peupleentassé 
devant le pavillon 
royal, L'Inquisition 
csl abolie par décret, 
el les prisons rendent 
leurs captifs; même 
deux martyrs, qui 
soutirent encore des 
suites de la torture 
subie dans les cachots 
du Suint-office, siègent 
comme ministres dans 
ie conseil : on abolit 
les majorais ; tes cou- 
vents, dans lesquels 
s'était accumulée lu 
richesse du pays, sont 
obligés d'en rendre 
une part. Lu bourgeoi- 
sie triomphante se fait 
courtoise et parle 

méritoire, taudis que le roi, ruminant su vengeance, machine des con- 
spiration» avec la u junte apostolique » de l'intérieur el avec les souve- 
rains étrangers. C'est alors qu'on vit ce curieux spectacle d'une armée 
fnmciiise pénétrant en Kspogne (i8«3) pour y accomplir une mis- 
sion analogue à celle dont l'armée de Brunswick avait été chargée en 
France au commencement de lu grande Hévolution : le due ri'Angou 
léme, neveu du roi Louis XVIII. commandait les forces d'invasion. 

1. Gravure empruntée à Us Phéniciens «t t t Ody$sie par Victor Béranl, librairie 
Armand Colin. 




LA GBOÏTB DE CALYP80 DANS l/fLB DE PÉBÉJJL * 



KK l/llOMMB ET LA TBRRE. — CONTKE-RiSVOLUTlON 

qui s'avançaient prudemment clans ces redoutables défi lég» où, quelque* 
années auparavant, tant d'autres Français avaient été massacrés. Mais 
cette foi» les envahisseurs étaient favorisés par la clergé, et I* « armée 
de la lui », formée de bandes recrutée» ça et la dans les villages, autour 
des couvents et des églises, leur ouvrait le» chemins. Ru moins 
de dix mois, la campagne était terminée : l'urinée française s'était 
emparée de Cadiz en délivrant le roi de la captivité respectueuse à 
laquelle il était soumis, et de nouveau le malheureux, rendu à son 
instinct de brutalité féroce et protégé par une armée d'occupation 
qui le défendait contre sou propre peuple, put se livrer avec joie a 
la persécution de ses ennemis. Mais la désorganisation financière et 
administrative ne fit que s'accroître ; l'Espagne eut même à subir la 
honte de voir les corsaires d'Alger capturer ses navires et dévaster 
ses côtes sans qu'il lui fut possible de se défendre. 

La détresse de la monarchie espagnole se compliquait des guerres 
extérieures qu'elle avait alors a soutenir contre ses colonies d'Amérique. 
On sait avec quelle apretc jalouse les successeurs de Charles-Quint avaient 
veillé sur leurs possessions d'outre mer. Ils avaient taché île faire les 
ténèbres et le silence sur ces territoires immenses et n'en exploitaient 
eux mêmes les richesses que par un strict monopole attribué à quelques 
maisons financières, qui étaient également soumises à une soupçonneuse 
inquisition. Cartes, plans, statistiques, documents d'histoire et d'ethno- 
logie étaient scrupuleusement cachés dans les archives, et peine de 
tnorlélait prononcée non seulement contre les pirates qui violaient les 
côtes défendues rmiis aussi contre les naufragés qu'y jetaient les 
accidents de mer. Ce ne fut pas donc l'un des moindres triomphes de 
l'esprit philosophique du dix-huitième siècle que l'autorisation gracieuse 
donnée à des astronomes français de mesurer un arc de méridien sur 
le plateau des Andes équutoriales et, plus tard, la licence de voyages 
d'exploration concédée à des Espagnols et a des étrangers. C'est ainsi 
qu'on vit un Félix de Azora, envoyé spécialement pour délimiter les 
frontières htspauo portugaises, s'occuper cependant de la géographie 
des contrées plalécimes, des mœurs de ia population, des animaux et 
des plantes de la pampa, puis publier ses recherches en de grands 
ouvrages destinés au public. De même, les Néo-Grenadins Mulis et 
Caldas, les Espagnols Huiz et l'avon s'occupèrent de l'histoire 



ISOLEMENT DE l'aMÊBIQUE ESPAGNOLE 8() 

naturelle des région» andine». Ktifln. MexaiidredeHumboldl, aavanl 



N° 440. Empira Hlftpano*Américaln, 




i5»»WA6r. 10»* 



1 : 80 000 000 

o loôô ioàô 4feo KI1. 

Amérique centrale* O., Guatemala! H., Honduras» 8., San Salvador; N., Nicaragua* 
C.-R., Costa-Ricas P., Panama. - Guyane : G., Georgetown j P., Paramaribo j C, Cayenne- 
- Antilles : J-, Jamaïque j H., Haïlij S. D., Saint-Domingue i Pu., Puerio.Rico. 

riche» bien apparenté, fortement recommandé par la diplomatie euro- 
péenne, réussit à forcer l'on Iréo du Nouveau Monde espagnol, en compa- 



!*" L'HOM«E ET LA TERRE. — CONTRE BÊVOU'TION 

gnie tic son ami Boiipiamt (1790), et put accomplir ce mémorable 
voyage dans l'Amérique équiuoxiate et sur te plateim n unirai n, qui 
fut une véritable révolution dans ta connu iswu»ee de tu Terre et de* 
hommes. 

évidemment révolution naturelle devait tendre à séparer de 
1'Kspague ms colonie» améiicatue* comme elle avait séparé de la 
Grande Bretagne les trefose groupements politique* devenus les Ktats 
Unis. Au sud 00m nu* au nord du double continent, Ion descendants des 
Européens subissaient avec rancomr et mépris les «mires qui leur 
venaient de la mère pairie, devenue pour eux l'étranger, maigre* la 
communauté de ta langue et des traditions; privés de toute initiative 
dans la gérance de leurs intérêts locaux, ils n'acceptaient qu*a\ec rage 
et le sentiment de leur droit violé la direction des personnages 
inexpérimentés et incompétents qu'on leur envoyait d'Kurope, princi 
paiement pour se faire une grosse fortune dans leur proeousu lai; mais 
dans les contrées de t'IIÎspano Amérique, ces groupes de mécontents 
étaient restés pendant trois siècles trop peu nombreux et trop clairsemés 
pour que leurs sentiments tacites pussent se I nui s former eu un grand 
mouvement de révolte collective*. La tension des esprits n'était pas 
assez puissante encore: lu vapeur contenue n'était pas arrivée à une 
pression suffisante pour vaincre la résistance des parois solides qui 
l'enfermaient. D'ailleurs, la situation se trouvait particulièrement 
compliquée dans l'Amérique espagnole par ce fait, que les blancs peu 
ou point civilisés, qu'ils fussent Espagnols ou créoles, s'y trouvaient 
en contact plus ou moins immédiat avee les populations autochtones 
qui constituaient la masse de la nation et contrastaient avec eu* par les 
langues, les traditions, les conditions économiques, l'état intellectuel et 
moral. 

Les Hispano-Américains étaient donc en présence de difficultés 
capitales que n'avaient pas rencontrées les A nglo Américains dans leurs 
premières tentatives d'indépendance politique. Môme par un singulier 
enchevêtrement «les forces en lutte, les révolutions de l' Amérique 
espagnole, très multiples dans leurs origines et leurs manifestations, 
prirent en maints endroits un caractère nettement clérical cl rétrograde : 
ce furent tout d'abord autant de con Ire révolutions, ha désagrégation 
politique et militaire qui se produisait alors dans l'état de la péninsule 
Ibérique ayant pour conséquence forcée de livrer a elle intime ebaruoe 



SOULÈVEMENTS ROYALISTES EN AMÉRIQUE 01 

(tes colonies, celles-ci «lurent d'abord , sans résistance tri appui de la métro- 
pute, chercher individuellement un équilibre naturel, ton forme à l'Idéal 
composite qui représentait la résultante de leur» intérêts et de leurs vieux. 
Or. presque partout, tes soulèvements, loin ri'clre suscités par des 
revendications républicaines, libérales ou môme patriotiques, se recla 
nièrent <le (a fidélité ù l'ancien régime. C'est aux cris de t. Vive Ferdi- 
nand VII », le souverain légitime de l'Espagne, même à ceux de « Vive 
la suinte Eglise *» que se levèrent les insurgés : ils se croyaient fervents 
royalistes, quoique l'obéissance ne transige point, tuais leurs révoltes, 
de uni tin* conservatrice pourtant, n'en contenaient pas moins en germe 
des révolutions futures. 

Le premier ehoe qui causa l'ébranlement général de t'Vmérique 
espagnole lut l'entrée des troupes de Napoléon dans la Péninsule, puis 
à Madrid : en déposant te roi Bourbon sur le continent d'Europe, 
l'empereur lui suscitait, par contre coup, de l'autre coté des mers. i\a 
ri*» Bravo <lol Aorte au ri» de la Plata, des multitudes de défenseurs, 
qui. lancés dans le conflit des batailles, se retrouvèrent dix ou 
\ingl ans après eu un milieu nouveau, bien différent de celui qu'ils 
avaient rêvé. De tous les éléments en lutte, fidélité monarchique et 
ferveur républicaine, dévotion catholique et liberté de la pensée, 
ressouvenir tles vieilles races précolombiennes et désir de constituer 
une gruudc nation humaine sans préjugés d'origine et de couleur, 
aucun, soif asservissement économique, soit libération du travail, ne 
triompha complètement et, de tous les conflits, des compromis, des 
concessions mutuelles, sortirent t\va république.* politiquement indé- 
pendante»-, d'où l'esclavage tles noirs avait disparu, de même que le 
régime oppressif des repart tmirtitos et de la mina, mais qui, presque 
toutes, restaient soumises à l'Eglise romaine et au gouvernement mili- 
taire. Les anciennes nations aztèque, maya, muysca, quicliua, guarani 
s'étaient reconstituées en groupes ethniques et, en môme temps, trans- 
formées en peuples modernes, avec de nouveaux alliages <lc race, une 
langue, un idéal renouvelés. 

L'immensité des territoires compris dans l'Amérique espagnole, des 
montagnes Hncheuscs aux étendues de la pampa, empêchait d'avance 
tout mouvement d'ensemble dans les insurrections et les guerres qui 
devaient aboutir à la constitution des républiques bispa no -américaines. 
Les distances étaient trop grandes pour que les communications fussent 



<)"* L HOMME ET LA TERRE. — CONTRE-RÉVOLUTION 

possibles ; tout au plus de values échos apportaient tes nouvelles, plu* 
ou moins déformées, île» événements accomplis. Les soulèvements 
se produisirent à des milliers do kilomètres d'éloignemcnt respectif et 
Ton s'étonne même que la solidarité des Intérêt)* entre les défenseurs 
de l'indépendante commune ait pu triompher de tant d'obstacle 
matériels pour amener peu à peu une eertaine unité d'efforts entre de» 
population» groupées un tour de centres si distants tes uns des autres. 

Celte localisation forcée des premières tentatives d'indépendance 
permet à plusieurs villes de revendiquer l'honneur d'avoir été les 
initiatrices de I» liberté, suivant l'importance qu'elles attribuent a (et ou 
tel mouvement prémonitoire. De» Tonnée 1809, Quito s'était prononcée 
au nom tic " Ferdinand MI et de lu sainte Kglise •> ; muis cette révolution 
locale, due à quelques avocats créoles, se lit sans que lu nation 
éeuadorienne y prit la moindre part et sans que les vibrations se 
propageassent au delà des frontières, A Mexico, a Caracas, à -Bueuos- 
Aircs, les soulèvements eurent une portée plus considérable et furent 
les points de départ des luttes nationales qui durèrent pendant plus 
d'une dizaine d années pour aboutir cnlhi ù la défaite définitive de 
l'ancienne métropole. 

Kn iHo8déjà, des troubles ayant éclaté dans la ville de Mexico, le 
vice-roi Ilurigaray avait été emprisonné, mais la révolution proprement 
dite n'éclata que deux années plus tard, dans le village de Dolorès, au 
nord de la capitale, sous la direction du euré Hidalgo. « au nom de la 
sainte Religion et du bon roi Ferdinand VU •>. La lutte, très meurtrière, se 
continua moins entre des partis nationaux qu'entre des sectes religieuses, 
adoratrices, Tune de Noire- Dame de Montserrat : c'étaient les Kspa- 
gnols, l'antre de Notre Dame de (iuadalupe : c'étaient les Indiens de 
rVnahuae. (■race à des révolutionnaires généreux qui vinrent de la 
Péninsule même pour donner au\ révoltés de l'Vnahuac un sens plus 
élevé de lu guerre qui avait déjà coulé tant de victimes. l'indépendance 
de In « Nouvelle tis pagne . . connue désormais sous son nom de Mexique, 
fut enfin proclamée, el les (Jacltupincs, dénomination haineuse sous 
laquelle on embrassait tous les Espagnols, durent quitter le Nouveau 
Monde. Mais que de Ibis lu république mexicaine ressembla 1 elle à un 
empire absolu, ù un héritage de Montezuma! 

Quant aux populations de l'Amérique Centrale, divisées actuellement 
en cinq républiques distinctes, elles ne prirent a la lutte contre l'Espagne 



MEXIQUE, AMERIQUE CEMTEALE (j3 

qu'une pari assez nonchalante et subirent successivement des tyrannies 
diverses, dont l'étiquette est devenue républicaine depuis i8»3. Le travail 
intime qui *e piodiusit dans ces mitions où. sauf dons le Cosla-IUca, 
l'élément indigène, encore mai « latinisé ■>, l'emporte de beaucoup, 
consola surtout dans le conflit entre les deux tendances de la centrali- 
sation politique et de l'autonomie locale. Le manque force de relations 
en Ire des foyers de vie très éloignés, n'ayant aucun ceulrc de puissance 
d'attraction considérable, a nécessité la rupture de ia région isthmique 
en Klats correspondant a autant de pays ayant chacun leur caractère 
physique bien déterminé, une véritable individualité géographique. Le 
(iimlemala possède une ossuture continue de plateaux et de cônes 
\olcaniques parallèles a l'Océan; le Salvador, beaucoup plus populeux 
eu proportion mais de bien moindre étendue, ouvre de larges vallées 
entre ses volcans alignés; le Honduras se déploie en un immense éventail 
\i»rs la cote basse de la mer des Antilles, tandis que son versant iriéri 
diotial s'incline en un hémicycle régulier autour du golfe de Fonseea: 
le Nicaragua n'a de régions peuplées (pic sur le pourtour de son grand 
lac, élevé seulement d'une trentaine de mètres au-dessus de la mer, et le 
(Îostu-Hicacst une zone transversale de grande hauteur se redressant entre 
les deux mers et bordée au nord d'une chaîne de volcans. I /ensemble de 
l'Amérique Centrale, sinueux et découpé, n'a point d'unité géographique, 
el la nature, autant que la rivalité des ambitions locales, a contribué a 
l'insuccès des tentatives de fédération qui se sont produites à diverses 
reprises pendant le cours du dix neuvième siècle. 

Dans le continent méridional du Nouveau Monde, les grands intérêts 
avaient gravité principalement aittour de Buenos Aires el de l'estuaire 
de la l'tatu dont l'importance commerciale était déjà grande et dont il 
était facile de prévoiries haules destinées mondiales. Les Anglais. devenus 
les matlres incontestés de l'Océan après la destruction des flottes espa- 
gnole et française à Trofalgar. s'étaient empressés, en i8no\ de faire une 
démonstration navale devant Buenos \ircs et de proposer aux Argentins 
li»ur patronage et leur concours en cas de révolte contre TEspugne. Mais 
on se défia prudemment de leurs offres intéressées et par deux Ibis les 
« Porte nos ou résidants du Port -> de Buenos Aires les obligèrent au 
rembarquement, C'est à la pleine indépendance qu'ils pensaient déjà, el 
dès le commencement de 1K10 une junte révolutionnaire s'installait dans 
la capitale. En peu d'années, les insurgés arrachèrent tout le territoire 



0$ L 1 HOMME ET LA TERR8. — CONTRE-HÉVOLITION 

de l'Argentine a la domination <lo» Kspagnnls. Quant à l'enclave 
naturelle comprise entre les tient fleuves Paraguay cl Parana, ses 
habitants, (îuarnnî silencieux, obéissaient avec ferveur a lu petite aristo 
cratiedes blancs de r.\suucinn, comme au temps de la « réduction »> ils 
a vu lent obéi à leurs confesseurs, les missionnaires jésuites; Us avaient 
accompli prestement leur révolution politique eu se dégageant Hcrupu 
IcuKcmcut de toute solidarité avee leur» voisins de l'Argentine. Pendant 
plus d'un quart de siècle, le petit Mat, dit république tic Paraguay, resta 
presque complètement fermé aux étrangers, autant que Tétaient alors la 
Chine et le Japon. Il est vrai que eette fermeture fut imposée par un 
homme, type presque inégaté de ces despotes auxquels tout un peuple 
obéit aveuglément. Krancia. fils d'un Français et d'une Paraguayenne, se 
traça une ligne de conduite rigoureuscà laquelle il se conforma toujours. 
Il régna par la terreur, tuais sans cruauté : matin 1 des Aines, il l'était des 
corps, à la fois dictateur politique et confesseur universel. 

Toutes les auta's populations soulevées de l'Amérique espagnole 
se sentaient heureusement solidaires dans leurs revendication* contre 
leurs anciens maîtres. (/Argentine en donna un glorieux exemple, eu 
i M 1 7 . lorsque les cinq mille hommes qui formaient l'armée de San 
Martin franchirent les Andes avec tout leur attirail de guerre pour aller 
au secours des insurgés du Chili. Les troupes espagnoles attendaient 
l'ennemi à l'issue du col de ta Gumbrc, où passait le sentier suivi par 
tous les voyageurs, mais le général argentin, dérobant su marche, s'était 
porté au nord par le Valle Hermoso ou « Beau Val ». vers un col, ou 
tor/arti, de 3505 mètres de hauteur, d'où il redescendit aur le versant du 
Pacifique pour tourner les positions des Espagnols et leur infliger, à 
Chaeabuco, une première défaite, suivie l'année d'après de la victoire 
décisive de Maipo. lue flottille chilienne débarrassa même le littoral de 
toutes les tentatives des anciens maîtres. 

Dans la partie septentrionale du continent, c'est aussi à la solida- 
rité des petites armées d'insurrection qui s'étaient formées sur plusieurs 
points du territoire, des bouc lies de l'Orénoquc aux terres salines de 
l'Ataeama, que les républiques américaines durent de pouvoir conquérir 
leur indépendance après de terribles péripéties et même des désastres qui 
paraissaient définitifs. C'est eu 1810 que l'insurrection éclata dans 
Caracas contre le régime espagnol : elle fut bientôt étouffée, 'le 
terrible trcmhlcmcnl du sol qui renversa la capitule et plusieurs autres 



ARGENTINE, PARAGUAY, CHILI o5 

ville* tl 11 Venezuela ayant été vmmAM pur les nombreux dévots de lu 
contrée connu* 4 une punition (t'en haut Mais la lutte reprit sur d'autres 



11° 441. Valparaiio «t l'Aconoagua. 




Ô" 



i: 2 600 000 



ifoKH. 



pointa, notamment dans lu Nouvelle-Grenude, et plusieurs batailles 
liiîureuHes remportées par le patriole Bolivar lui ouvrirent les portes 



«)<i L'HOMME ET LA TRRRK. — CONTHB-R^VOLUTION 

de Carucàs 1 1 H i ."4 > . Bientôt il eut à fuir pour la seconde foin ci à 
reprendre la campagne sur les plateaux néo-grenadin». Poursuivi par 
l'insuccès, il se relire encore à L'étranger, puii, en fHtti, H apparatl de 
nouveau dans te Venezuela, et cette fuis il peut lutter avec acharnement 
sans abandonner te territoire contesta et commence par s'assurer le 
concours de» esclaves en proclamant l'abolition de In servitude. Cent 
alors que la guerre prend une allure vraiment révolutionnaire et répu- 
blicaine. I*e roi Ferdinand Vif est oublia, et les Uanâros des grandes 
plaines du Venezuela, non moins hardis (pie les Guuchos des pampas 
platéennes, parcourent l'espace sur leurs chevaux rapides, enivres de 
leur sauvage indépendance. Se massant et se dispersant tour à tour, ils 
surprennent l'ennemi en lui échappant soudain ; on voit mémo un 
escadron de ces bandes se lancer en plein fleuve pour s'emparer à ta 
nage d'une flottille espagnole. lVaprès la légende, cette merveilleuse 
cavalerie était composée de fantômes : c'étaient des revenants, des Ames, 
(pli entouraient h* général Paca, le meilleur lieutenant de Bolivar. D'un 
autre côté, on voit le gouverneur général écrire au roi a la suite 
d'une victoire sur te*» Colombiens ; » Toute personne sachant lire et 
écrire a été traitée comme rebelle ; en détruisant tous ceux qui ont ce 
savoir, j'espère couper ù la racine l'esprit de rébellion «. 

Kn iHj() t la région des montagnes grenadines était déblayée de 
soldats espagnols; deux ans après, la victoire de Carabobo (juin i8«i) 
libérait le Venezuela, mais Porto Cabcllo résista jusqu'en i8a3. Entre- 
temps, Bolivar était allé au secours des Ecuadoriens et des Péruviens. 
1 «a aussi, a Ayacucho (19 décembre iSs4). les Espagnols furent mis en 
démute. Sauf Callao, qui ne tomba qu'en 1836, tout l'immense empire 
colonial de Philippe II s'était constitué en républiques nominales n'ayant 
certes pas encore conquis leurs libertés civiques, muis jouissant déjà 
d'une pleine indépendance comme Etats autonomes. Même dans la mer 
des Antilles, où pourtant le gouvernement espagnol pouvait envoyer plus 
facilement des secours, la moitié de Die d'Espaftota qui lut restait 
s'était également afl'rnncbie de son pouvoir, d'abord sous drapeau 
colombien, puis en alliance avec Haïti. L'Espagne garda, pour près 
d'un siècle encore, l'île de Cubu, <• la perle des Antilles » et Puerto, 
Rico avec un cortège d'Ilots faiblement habités. De tout ce Nouveau 
Monde que lui avait donné Colomb, elle n'avait su conserver que ses 
plantations de sucre et de tabac avec leurs campements d'esclaves. 



VENEZUELA. 



NOUVELLE-GRENADE 



u: 



Délivrée» de maître» ou Itilour» étrangers, les républiques hispuuo 
américaine» en profitèrent rapideiumit pour développer tour commerce, 
désormais ouvert à toutes les nations européen! ma ; mais elles n'en 
restaient pas moins pénétrées des préjugé» anciens, du vieil esprit 
théocraliquc des Aztèques et des Inea, à peine modifié par le régime de 
la monarchie cléricale 
qui avait sévi pendant 
trois siècles. U 1 chan- 
gement le plu» consi- 
dérable produit dans 
tes masses populaires 
provenait de la guerre 
d'indépendance où 
leurs diverses pas- 
sionssYlaicntexnllées, 
aussi bien l'amour du 
pillage et la férocité 
que l'audace et la vail- 
lance. Kn outre* le 
libre contact uvec des 
immigrants de toute 
origine devait élargir 
les esprits et préparer 
l'alliance future entre 
les hommes. Mais les c«wnetd« «lump*. biw, ïtoUowte 

.... . . 8IK0M BQMVAH, 17834830 

républiques naissantes 

n'étaient pas encore prêtes a s'unir en cette gronde fédération à laquelle 
les conduisaient les luttes communes récemment supportées, l'expé- 
rience de tribulations anulogues, le souvenir des mêmes souffrances, 
l'usage d'une langue policée et la disposition géographique du con- 
tinent, si bien équilibré dans ses contours, qui leur sert de demeure. 

Le congrès de Panama, auquel Bolivar convia les républicains, 
les représentants des républiques hispano-américaines (»S*4)» n'aboutit 
qu'à des échanges «le politesse cl à de^w^ulions sans portée : il était 
impossible que des populations *^&të { feaijtos, comme l'étaient les 
descendants métissés des Muy/ç& de» Quictua, des Aymara, des 
Araucans, pussent apprécier Id^lcfcq * l'uSilm fédérale entre des 





*)H L'HOMME KT LA TERRE. — CONTRE-RKVt>LUTiON 

contrées lointaines qui connaissaient à peine le iiuru l'une de l'autre, et 
(c sens môme du choix que Bolivar avait tait de Panama comme 
umphictyonie de l'Amérique émancipée devait leur érhapper complète- 
meul. Qui! pouvaient-elles «avoir de ee seuil des deux mers, destine 
a devenir un jour le graud intermédiaire de* richesses sur ta rondeur 
terrestre ? D'ailleurs, te mouvement de réaction qui succède immunqua 
htement aux convulsions soudaineK se produisait alors dans tous ces 
Etats* et Bolivar lui même, qui s'acharnait a t umvre impossible de 
eutmilerlftt présidences de républiques, con tribun pour tint- forte part à 
cette inivre rétrograde. Se substituant aux anciens maître*, il voulut 
gomerner parles mêmes moyens, suppression des journinix. rétablis 
sèment des monastères et de leurs écoles, interventions militaires, restau- 
ration de lu dictature. Mais il n'eut pus le temps d'exercer le pouvoir 
absolu. Déposé avec honueur.il s éteignit O83o) dans son domaine de 
San Pedro, près de Santa Marta, en se plaignant de la destinée ; 
« Qu'avons nous Tint sinon de labourer la mer? .» s écriait il. Mais avait 
il bien compris les événements dont il avait été le principal acteur et qui. 
tout eu détiidiaul de l'Espagne ses anciennes colonies, les avaient lait 
entrer dans la grande confédération de nations progressistes, libre 
meut ouvertes à t'influence de la civilisation européenne '} 

Kh même temps que l'Espagne, le petit royaume de Portugal vit ses 
im trieuses possessions coloniales du Nouveau Monde lui cchupper. en 
apparence par le contre coup de* révolutions d'Europe, mais en réalité 
par incompatibilité d'humeur entre tes autorités de la métropole et les 
lia h liants de la colonie. Les Portugais de l'Amérique, devenus presque 
aussi nombreux que ceux du littoral d'origine, se sentaient assez torts 
désormais pour refuser obéissance aux injonctions venues de Lisbonne 
et prétendaient se gouverner eux-mêmes. A cet égard, l'opinion se trouva 
tellement unanime que le Brésil, tout eu se manifestant comme Etat 
monarchique, se détacha du Portugal sans crise révolutionnaire, même 
sans effusion de sang: i) lui suffit, eu i8r;. de donner le choix à son 
régent Pedro de Bragance entre l'exil ou un trime impérial. Entre son 
loyu Usine de soldat et son ambition de prince, le personnage n'hésita 
pas, et le Brésil prit son rang parmi les grands Etats autonomes. 

Tandis «pie le domaine de la civilisation à type européen s accroissait 
dans le Nouveau Momie de toutes les régions continentales où reson- 



BHÉSIL KT PORTUGAL UO 

nuient les tangue!* (lu 1'thérie. espagnol et portugais, il s'annexait dans 
le bassin de ta Méditerranée cette petite terre (Je Grèce, précieux héritage 
des temps passés que les conquérants Osmunli avaient rattachée viulçm 
ment pendant quelques siècles au monde de la culture asiatique, l*ar un 
mouvement de reflux dans le sens d'Occident en Orient, l'Europe repre 
naît la eonlréc qui. parmi toutes, devait être considérée comme le pitys 
niante des origines, celui dans lequel s'était accompli, ce ni générations 
auparavant* ci 1 grand labeur intellectuel et moral cpii fut te point rie 
départ de notre activité moderne. 

Après rinterventiou russe, en 1770» les Hellènes de lu VIorée ut des 
lies a\ aient eu à subir de terribles représailles, surtout de lu part des 
bandes albanaises que le gouvernement turc avuil lâchées dans la Grèce 
avec licence de meurtre et de pillage. De nouveau, on put se demander 
si les vaincus pourraient se relever de leurs désastres. 

Certes, la race grecque, ou plutôt l'ensemble des diverses populations 
qui parlaient l'idiome hellénique et qui* l'on comprenait sous le nom de 
« Grecs *>, aurait été complètement exterminée, jamais la nation n'aurait 
pu resurgir, si le régime imposé par les conquérants turcs après la prise 
de Gonstantinople avuil duré plusieurs générations. Tous les tirées 
avaient été déclarés esclaves, sans droit de rien posséder en propre, et, 
passé l'Age de dix uns, cluicuu devait paver un tribut, le har<tt:rh< pour 
racheter une année de vie. (Iliaque année, les chrétiens avaient a livrer 
un enfant sur cinq, aliu qu'il fût élevé dans le culte de l'Islam et dressé 
à la guerre contre ses propres compatriotes. Beaucoup de mères tuaient 
leurs fils de leur propre main pour les soustraire ù celle ellroyable 
destinée, puis elles se tuaient aussi. Heureusement, les Turcs ignorants, 
incapables de gérer l'administration formaliste de ce qui avait été 
l'empire bysanlin, devaient s'en remettre pour cette besogne a des 
étrangers, c'est à dire précisément a des Grecs qui devenaient respon- 
sables pour l'ensemble de leur nation et qui, moyennant finances ou 
complaisances, réussissaient souvent à se faire accorder des privilèges 
pour eux-mêmes ou les gens de leur nationalité. Bientôt le jour vint où 
les Grecs ne furent plus obligés de livrer leurs enfants pour le service 
des armées; môme nombre d'entre eux. grâce à leur souplesse aussi 
bien qu'à leur intelligence des niTaires, arrivèrent à exercer de3 fonc- 
tions diplomatiques fort élevées comme drogmans, secrétaires* ambas- 
sadeurs effectifs sinon officiels. 



HH> L'HOHME ET LA TKRRK. — - CONTRE-RÉVOLUTION 

Bien plus, des Phanariotes, c'est à dire des Oees né» dans te 
quartier «îo Constant iuopte dit le Plumai- nu le u fanal », obtinrent, 
en î^Jt. la domination de la Moldavie el de la Yalacliie suit» la suze- 
raineté du Millau. D'ailleurs les maître* Osmanli n'exerçuienl point 
d'exactions savantes : ils n'emparaient de» terres, ou liien ne bornaient 11 
piller les récoltes et les maisons, à demander double* et triples impôts, 
à 1 Mitonner les mécontents, mais dans lotir groupement civique, les 
tirera avaient toujours conservé les aneieunes coutumes, et, sous la 
responsabilité d'archontes ou de démogéronlcs, la direetion (le leurs 
écoles et de leurs églises. Non seulement |u pratique uiuis aussi l'étude 
de leur langue a\ aient contribué à maintenir chez, eux lu conscience de 
l'unité nationale. Les Turcs leur permollaienl également le libre exercice 
de leur religion el donnaient à leur patriarche une place émincnlc à cAlr 
de la Sublime perte : la tolérance du mépris était poussée si loin de la 
pari des vainqueurs (pie dans leurs prières quolidienncH tes orthodoxes 
grecs demandaient à Dieu et aux saints l'écrasement des barbares, 
c'est à dire de leurs maîtres turcs 1 . 

Môme l'appropriation des terres par les pachas turcs avait tourné 
contre eux en forçant le* tirées dépossédés à tourner leur génie na- 
turel vers rîndustrieet surtout \crs le commerce : ce déplacement de tra- 
vail eut pour conséquence de livrer tout le mouvement des éehunges 
11 des hommes qui, par leur nom. leur langue, leur apparence même, 
et souvent par leur propagande active, étaient les porteurs de l'esprit 
d'indépendance et rattachaient les uns aux autres, sur tous les points 
de l'Orient hellénique, tes éléments d'une constante conjuration, tënlln, il 
existait encore des (ireesqui, malgré la complète uiahomélane, avaient 
su garder intact le trésor de leur nationalité : c'étaient les Arumtoles 
de la Thracc, de la Macédoine et de lu Thessalie, qui gîtaient dans les 
hautes vallées, sur les plateaux escarpés, et qui, grAec à la complicité 
des paysans d'en l>as t se montraient soudain dans les fermes des Osmanli; 
c'étaient aussi les Meubles, ou brigands de l'Kpire, du Parnasse, du 
Tnygèle qui défendaient lièreineiil leur m liberté sur la montagne », (les 
pillards furent les Urées par excellence, et fournirent ses plus hardis, ses 
plus tenaces champions à la liberté renaissante de la nation. C'est même 
ehe* eux que la langue eoutiuua de fleurir littérairement : ils l'enrichirent 

i, A. Genadios, La Grèce Moderne el la Guerre de l'Indépendance, trad. par Louis 
Menant. 



m 



GOUVERNEMENT DES TURCS 



10t 



de tours chanta superbe* qui devinrent presque une épopée pendant lu 
guerre de l'Indépendance. 

Dès iu un de l'empire napoléonien, des Grecs patriotes s'étaient 
adressés uux diplomates assemblés u Vienne pour leur demander de 

N° 442. La Grande Grôoe. 




-M 






»• Ë.de Gr. 




t 



1: 7 5O0OO0 

T85 "$Gâ 



"SÈoKil. 



coin prendre l'Ilellade dans leur plan de remaniement de l'équilibre 
européen. Mais leur supplique avait été dédaigneusement écartée. Il ne 
leur restait plus qu'a compter sur eux-mêmes et à se constituer eu et la 
en sociétés secrètes, soit pour cultiver simplement leur idéal, soit pour 
préparer les conspirations en vue de la révolution future. C'est ainsi 
que se fondèrent ou se développèrent la société athénienne des 

V * 



lOi LUÛMME KTLÀTERBE. - CONTRK-HfcVOLUTJON 

Philnmus, puis on Théssalie l'IteloTrlf* ou « camaraderie fraternelle » 
qu'inspirait le poète Constantin Hhigas, Kn i8ai déjà des héteïristes 
go soulevaient en tioutntutie, comptant tm peu sur le prestige de leur 
ehof t le prince Alexandre ^psilauli, qui était fils d'un hospodar vainque 
et général russe : |M*utélii* esj>éraieirt ils aussi l'intervention do 
l'empereur de Russie, auquel il» attribuaient l'ambition pieuse de vouloir 
reconstituer l'cmpiru fie NvKanee. Mais la Sainte Alliance ne permit 
poinl aux souverains d'Kurope dn se commettre avec des révoltés, 
ceux-ci furent bientôt uhaiulouués de tous, aussi bien de leurs puissants 
alliés qui' de la population serbe et des paysans roumains qui, tout en 
haïssant leurs triait ros turcs nu phanarioles, se mettaient de leurs libéra- 
teurs, les patriotes philhcllcnes, Vaincus en bataille rangée, ces premiers 
héros de l'indépendance grecque n'eurent qu'à mourir. L'un d'eux se (Il 
sauter dans un minent avec Imite sa bande. 

Cependant des voix avaient répondu dans la Murée et dans les Iles 
aux insurgés de la Houmanic. l/évéquc (îermanos avait appelé les (îrecs 
n m armes, la Messénie s'était déclarée indépendante et, dans l'espace 
de quelques mois, une flotte de trio petits navires, jouant à cache-cache 
dans le labyrinthe des Cyelades, enlevait les embarcations turques, 
harcelait la garnison des ports. \ la lin de l'année iK*u, tes insurgés 
s'emparaient de Tripolitza, la capitale de la Morée; une première asseui 
Idée nationale se réunissait dans A rgos, puis à Hpidaure. et les délégués 
trop pressés d'entrer dans te concert des Ktals européens se donnaient 
un président on prœdrox avec pouvoirs royaux, le prince phanariotc 
Alexandre Mavrocordatos; mais tes Hellènes n'avaient pas encore donné 
assez, de preuves pour que les grandes puissances adoratrices du succès 
leur fussent devenues favorables, et l'opinion publique, plus puissante 
(jue les Etats officiels, n'avait pas encore été suffisamment émue. La Porte 
eut te répit nécessaire pour organiser ses armées et ses flottes d'invasion, 
et manda le fils du vice roi d'Kgyple, Ibrahim Pacha, qui pénétra dans 
la Morée a la tête de -m mm hommes, dressés à la tactique européenne 
pur des officient français (i8m5). Kes massaeres et ta dévastation furent 
horribles : ta Morée devint une sol il iule, tandis que, de l'autre coté 
de l'isthme de Corinthc, la ville de Misxolonglii, on s'étaient réfugiés 
des milliers de fïrecs et de philhcllcnes, parmi eux le grand poète 
Byron, eut a subir un siège de près d'une année, qui se termina par une 
percée héroïque u travers l'urinée des assiégeants et l'explosion d'une 



i 
c 

il 



GUERRE D'INDÉPENDANCE 



103 



citadelle écrasant amis* et ennemi» dans une même ruine (i8«G). C'est 
alors que les puissances crûrent le moment venu « d'intercéder pour les 
Grecs », entraînée» d'ailleurs par l'ardeur des philhellènes, qui de toutes 
parts envoyaient des hommes et de l'argent. Trois étrangers avaient été 
placés au premier rang pour la direction dos affaires, Capo d'Istrias, un 
protégé russe, comme président; Coclinine, déjà illustre par sa partiel* 




BIVAOK DR CÉPHAtiO MB 

pution h l'indépendance sud-uméricuinc, comme amiral eu chef; Cliurch, 
un autre Anglais, comme généralissime. La Kussie, l'Angleterre, la 
France envoyèrent leurs flottes, qui détruisirent presque sans combat 
les navires d'Ibrahim Pacliu réunis dans la baie de Navarin (i#u;). 

La guerre* était finie : il ne restait plus tju a déblayer ta Grèce conti- 
nentale et les îles des traînards musulmans qui s'y trouvaient encore, 
Les puissances dictèrent les conditions de paix, qui d'abord reconnais 

1. Ont v ure empruntée à Les Phéniciens et l'Odyssée par Victor Bérard, librairie 
Armand Colin, 

V 6* 



I 



ai 

8 



1< 



10$ LHOMME ET LA tERRE. — CONTRE'RÊYDUJTION 

fiaient ta suzeraineté do la Porte et le paiement d'un tribut par ta Grèce, 
mai» qui finirent cependant par reconnaître l'indépendance absolue du 
petit royaume. L'histoire moderne offre peu d'exemptes d'une lutte où 
les révoltés aient fait preuve de plus tle courage et de persévérance 
que dans cette guerre d'indépendance hellénique. Lorsque la Grèce fut 
reconnue désormais libre do ta domination turque» il y restait exacte- 
ment Cooooo Hellènes et Albanais; « l'ourles émanciper ,'tooooodes leurs 
avaient donné leur vie... le tiers avait disparu pour donner la liberté 
aux deux autres tiers » \ Celle vaillance des Hellènes souleva dans 
toute 1'Huropc une grande admiration : depuis la Hévolufion française 
ta jeunesse n'avait éprouvé pareil enthousiasme. Sous le charme des 
souvenirs de la grande époque, on s'imaginait volontiers que les héros 
de lu nouvelle llellade ranimeraient te génie de la Grèce antique, et l'on 
peut dire que lu bourgeoisie libérale se sentit alors vraiment jeune, 
enivrée d'espérance : il lui sembla qu'elle célébrait ses noces avec l'idéal. 
Du reste, l'émancipation politique d'une partie de lu Grèce n'était que 
le symbole de la révolution plus grande qui s'accomplissait dans le 
monde oriental. Du coup tous les Grecs se trouvaient moralement 
affranchis. Ce qu'ils appellent la « grande idée »», c'est-à-dire la solida- 
rité panhellénique, prenait un corps autour duquel ils devaient graviter 
désormais, quelles que fussent les conditions spéciales de leurs milieux. 
Plus que tous les autres peuples, les Grecs représentaient réellement une , 
a idée », précisément parce que la question de lieu natal, de race ou de , 
langue est chez eux complètement subordonnée u celle du vœu per- 
sonnel. « Je suis Hellène 1 » cela suffit pour qu'un Sluvc, un Valuque, un 
Albanais, un homme de n'importe quelle nationalité par la descendance 
puisse être et doive être réellement considéré comme Grec. C'est la 
volonté qui fait la patrie d'élection; les circonstances extérieures ne sont 
rien, on ne s'intéresse qu'a la vie dans son essence profonde '. Même la 
question de territoire, qui a tant d'importance aux yeux des patriotes 
d'autres nations, n'a qu'une valeur très secondaire pour les Grecs. On 
peut citer en exemple les résidants du littoral de l'Asie Mineure et les 
insulaires de l'archipel Turc qui sont essentiellement hellènes et con- 
scients de leur race, très ardents dans leur esprit de cohésion nationale, 
mais qui n'aspirent nullement à devenir les sujets du petit roi de Grèce 



a 



I 



é 



c 
i 

t 

î 

n 



1. Pierre de Coubertin, Soc. normande de glogr*, 1900, p. 147. —2, Victor Bérard, 
La Turquie et V Hellénisme contemporain, pp. 239, 240. 



B 



VAILLANCE HELL&NE Io5 

et, d'avance, se méfient des mille réglementations tracassières que leur 
feraient subir les bureaucrates du royaume : Il leur convient mieux de 
s'arranger avec les Turcs, qui n'ont nullement là prétention de leur 
imposer un patriotisme ottoman et, les laissant vivre en commu- 
nautés distinctes, ne viennent point les tracasser dans leurs congréga- 
tions et leurs écoles. Les Grecs de Mytilini (Mylilone, Lesbos), de Smyrne, 
de Samos savent qu'ils sont vraiment plus libres et plus prospères sous 
la tutelle hargneuse des Osmunli qu'ils ne le seraient sous l'autorité 
directe et centralisatrice des fonctionnaires athéniens, et ils attendent 
sans impatience tn grande fédération de l'avenir. En réalité» celte 
fédération eviste : les Grecs se reconnaissent partout et s'entr'aident de 
groupe en groupe, constituant leur unité morale en dehors des délimi- 
tations politiques de lu surface. 

Pendant ta guerre de l'indépendance hellénique, la HusBie même 
avait été le théâtre d'événements qui témoignaient du sentiment de 
solidarité reliant déjà toutes les nations de l'Europe en un môme orga- 
nisme. Des conjurations politiques, prenant pour prétexte ta succession 
de Nicolas V* au trône impérial à la place de son frère aîné Constantin 
(i8»5), avaient éclaté brusquement. Elles furent réprimées sans peine par 
le terrible empereur qui venait de prendre la couronne ; mais la valeur 
intellectuelle des hommes qui furent condamnés à mort ou a l'exil dans 
l'armée du Caucase ou dans les mines de la Sibérie fit peut-être plus pour 
le mouvement des idées en Russie que ne l'eût fait un changement de 
personnel gouvernemental ou la publication d'une charte constitution- 
nelle. Les dékabristes ou « décembrisles », ainsi nommés du mois 
pendant lequel éclata l'insurrection, laissèrent un si noble exemple, un 
si haut enseignement que cette époque peut être considérée comme le 
point de départ du grand travail souterrain qui s'est accompli durant 
le siècle dans les profondeurs de la nation russe. 

En vérité, ce sera dans l'histoire de la Russie un fait capital et de 
gloire éternelle que cette conjuration des v dékabristes <» dans laquelle 
des nobles privilégiés tentèrent une révolution n'ayant d'autre but que la 
destruction de leurs privilèges. H semble qu'on ait vu quelque chose de 
semblable en France au dix-huitième Biècle, alors que les nobles et les 
abbés, libres d'esprit et de langage, se moquaient si agréablement des 
institutions « sacrées » et des « bases éternelles de la société »>, creusant, 



loti L'HOMME ET LA. TEHRE. — CONTHK-HévOLUTlON 



I 



l'I 



pour ainsi dire, le sol au-dessous du trône el de l'autel; mnis te moiivc- 
ment russe eut un caractère bien autrement profond. Les grands seigneurs 
et les prélats français, assez intelligents et affinés pour pressentir tes oi 
événements inévitables, en prenaient leur parti devance et, comme de 
galants joueurs do dés, affectaient de ne pusse laisser émouvoir par les 
nrrôts du destin. Le rot même haussait tes épaules en voyant les signes 
avant-coureurs de lu dévolution prochaine : « Après nous, te déluge ! •» 
Toutefois ces rieurs ne surent pas garder jusqu'au hout leur attitude de 
bon ton et, lorsque ta menace fut réalisée, ils se hâtèrent de cesser tout 
persiflage et de reprendre très au sérieux ces avantages de rare, de 
fortune et de conventions sociales qu'ils avaient paru mépriser. Ko 
Russie, les Pestel, les Moitraviev-Aposlol et leurs compagnons étaient 
bien autrement sincères : ce qu'ils voulaient de Unit cfeur c'était de ren- 
trer en égaux dans la société de leurs ci-devant inférieurs, de trouver 
dans la liberté de tous la garantie de leur propre liberté, Puis, quand 
vinrent les jours de la répression, tous ces novateurs laissèrent un 
exemple de noblesse et de courage qui ne sera point oublié. 

dette explosion de dévouement politique correspond à la rapidité du 
mouvement qui s'était produit dans 1 aine russe sous l'influence des 
idées do la philosophie occidentale. A l'époque de Pierre te Grand, le 
tsar seul était allé chercher en Kurope des exemples et des instruments de 
règne, non des idées : la nation même n'avait eu aucune part dans celte 
visite 011 des courtisans posthumes voudraient voir l'entrée de vingt 
millions d'hommes dans le inonde civilisé. Plus tard, l'impératrice 
Catherine avait fait venir, il est vrai, les philosophes à sa cour, et cela 
par une sorte de coquetterie envers la culture de l'Occident, mais elle se 
garda bien d'appliquer a l'administration de ses peuples les conseils de 



I 



u 

:r< 
ri 

l» 



»! 







son ami Diderot. Sans doute ses courtisans s'empressèrent à t'envi de m 

parler comme elle le langage à la mode, mais ce n'était la que pure m 

affectation : « On était philosophe comme on était bourreau, par servit 
lilé a*. Le Tartarc se retrouvait entier sous l'épidémie du dusse, Cepen- 
dant lu pensée accrut toujours son influence, el certainement les idées, 
même superficielles, que semèrent les écrivains étrangers, trouvèrent e/a 
cl la un terrain favorable. Ce fut un élément ajouté a ceux qui préparèrent 
ensuite la grande évolution des esprits. 

J. Michel Dakounine, Société Nouvelle, septembre 1896, p. 322, 



SOULÈVEMENT DES DÉKABW8TE8 



IO' 



Déjà» l'aristocratie polonaise, située dans utt milieu géographique 
beoucoup plu» rapproché de l'Europe occidentale, avait par cela môme 
participé au mouvement de» peuples de l'Ouest ; ou peut dire que la 
frontière changeante de la véritable Asie commençait au delà du royaume 
île Pologne. Muta, avec le» guerres du commencement du siècle, cette 
fron fifre se déplaça 
brusquement : lu na- 
tion russe soulevée 
dans ses musses pro- 
fondes entra en rap- 
port de lutte et d'ex- 
termination avec les 
armées envahissantes 
de Napoléon . Le conflit 
commença par des ba- 
tailles en régie, il se 
termina par une suite 
de maitsucrcs, ta dis- 
persion de la foule des 
envahisseurs dans la 
tourmente, mais il en 
resta pourtant des 
échanges de sympa- 
thies et d'idées, mal- 
gré lu fureur des ba- 
tailles et l'ivresse- du 
sang répandu. Pour 
rejeter l'étranger, la 
nation avait du scie- 
ver librement, les ini- 
tiatives personnelles avaient été éveillées, les esclaves, se rangeant 
à côté de leurs seigneurs, avaient rôvé de reprendre leurs terres. 
L'immense élan du peuple dit en môme temps une marche vers la li- 
berté. La paix entre les souverains qui avaient triomphé des armées de 
Napoléon n'était pas encore conclue que déjà naissait en Russie la con- 
spiration des hommes qui se sacrifiaient pour faire entrer le monde 
moscovite dans la voie nouvelle ouverte naguère par la Révolution 




LES CINQ DÉKABBIBTBS FBKDXTâ (1826) 



Pkbtei.. né en 1793 1 officier et diplomate. Bon programme 
mportait t h terreaux paysans, )')n 
gatoire, une Hussie fédérai! re. 



comportait t h terre aux paysans, l'Instruction laïque et obii- 
itoire, une Hussie fédérai! re. 
Rylbip, né en I784i ancien officier, poète de valeur. Il était 



« bon juge * à Saint*Pélersbouiv en 1822. 

Bestbuobp.Rouhix t officier de marine, chansonnier, jour* 
naliste. 

MoukavibV'Apostol, né en 1796; officier. Une légende 
raconte que Komme, échappé à la mort et réfugié en Russie, 
fut son précepteur. 

Kachovskv, officier en retraite. Au jour de la prestation de 
serment au nouvel empereur, Kachovsky tua un général, le 
prenant pour Nicolas. 



IC>8 L'HOMME ET LA TERRE. — CONTRE-RÉVOLUTION 

française ; ils se lançaient vers l'avenir avec toute la naïveté de jeunes 
barbares n'ayant encore jamais connu les doutes ni les illusions. 

Toute l'Europe se trouvait alors en état de fermentation politique : 
de toutes parts, on réclamait l'accomplissement des promenées faites par 
la Révolution ou par ses héritiers au pouvoir; mais c'est principalement 
en France que se concentrait la lutte entre les partis révolutionnaires et 
les partisans de la royauté traditionnelle. Charles X, le personnage sans 
prestige qui occupait le trône de Louis XIV, semblait choisi à souhait 
parle destin comme un admirable exemple du système monarchique 
poussé à l'absurde : dépourvu de toute intelligence politique, mais en 
môme temps infatué de son droit divin, il bravait son peuple, Pexcitait 
niaisement par des lois, des arrêtés, des ordonnances dont il n'avait pas 
la force d'assurer l'exécution. Les parti» les plus opposés, républicains 
et impérialistes, s'étaient réconciliés contre lui. Trois journées de révo- 
lution (i83o), pendant lesquelles il ne fut résolument défendu que par 
des mercenaires étrangers, suffirent pour le décider à la fuite, Un fait 
caractérise L'homme : durant le voyage de Rambouillet h Cherbourg, où 
il s'embarqua le iO août pour l'île de Wight, une des grandes préoccu- 
pations de Charles X était de trouver pour son dîner une table carrée, 
les tables rondes n'étant pas admises par l'ancienne étiquette royale! 
Après un séjour de deux années dans un palais de Grande Bretagne, il 
mourut oublié en Autriche. 

In autre roi t'avait remplacé, celui que le vieux Lafayelte présentait 
au peuple : « Voici la meilleure des Républiques 1 » Mais Louis-Philippe 
fut avant tout la bourgeoisie triomphante. La Révolution, qui avait 
débuté à la fin du dix-huitième siècle par l'éloquente revendication des 
droits de la bourgeoisie, n'acheva complètement son oeuvre qu'avec 
l'avènement du « roi citoyen ». La grande industrie, se développant sur 
le modèle fourni par l'Angleterre, s'était emparée de la Krancc et se 
donnait une charte de gouvernement qui, par le moyen de l'électoral 
censitaire et le fonctionnement des deux chambres, consolidait le pou- 
voir entre les mains des propriétaires du sol, des riches manufacturiers 
et des hauts fonctionnaires. La société légale, composée d'un million 
d'électeurs environ, avait enfin réalisé son idéal après ses deux expé- 
riences manquées, de la réaction guerrière et de la Restauration. Les 
révolutions s'y reprennent souvent à deux fois avant que les résultats en 



JOURNÉES DE JUILLET IOQ 

soient acquis, et, quand elles reviennent à l'attaque, il leur arrive ordi- 
nairement de se présenter sous une forme nouvelle, même d'apparence 
contradictoire avec celle de leur première apparition. C'est ainsi qu'après 
la victoire de la bourgeoisie anglaise, représentée par le Gommonwcalth, 
une autre révolution s'était accomplie, amenant d'abord la dictature 
guerrière de Oomwel), puis la restauration de la dynastie légitime; 




D'après tin» lithographie ût Décampa. 
OHABUI8 X TIBÀNT AU LAPIN. 

mais, moins d'un demi-siècle après la décapitation de Charles I 9r , 
la bourgeoisie libérale et parlementaire reprenait son pouvoir avec 
Guillaume d'Orange. 

La révolution dite de « juillet », qui avait symbolisé en France ^avène- 
ment de la classe moyenne, instruite, entreprenante et déjà riche, se 
propagea dans le monde européen par un grand ébranlement et môme, 
sur les points d'équilibre instable, par de violentes convulsions. Dans le 
voisinage immédiat de la France, le petit royaume des Pnys-Has, qui se 
composait de deux moitiés mal assorties par leur histoire antérieure, 
rompit brusquement la communauté du ménage politique auquel il 
avait été condamné. Les populations du sud avaient été certainement 
lésées pendant les quinze années d'union officielle. Les Wallons de langue 
française subissaient avec impatience l'obligation de se soumettre admi- 
nistrât! vement à l'usage d'un idiome qui leur semblait moins civilisé 
que le parler maternel; ils se plaignaient aussi de l'inégalité des impôts, 



I 

nu l'homme et la terre. -- CONTRE-REVOLUTION 

repartis à leur détriment, et des vexations de loulc nature qu'ils avaient 
uan» cosse a subir comme un peuple conquis. D'autre part, le clergé, 
tout-puissant dons les Flandres depuis époque terrible de la domination 
espagnole, avait entraîné ses dociles paroissiens dans un mouvement de 
haine intransigeante contre le régime hollandais où prévalaient les 
traditions calvinistes, L'alliance sëtait laite en Belgique- entre libéraux 
et dentaux contre l'ennemi commun, et de cette alliance naquit un 
nouveau petit Mat qui, «les son premier jour, dut proclamer sa neutra- 
lité et se placer sou» ta proteetion bienveillante des puissance» euro- 
péennes ; à l'union forcée avec la Hollande succéda un mariage de raison 
entre la Wallonie et la Flandre, associées également malgré elles, La 
véritable sympathie a la (1ère liberté pour point de départ : elle ne se 
forme que dans les associations franches et spontanées. 

Le soulèvement de la Pologne, qui se produisit aussi à la fin de j8;io, 
n'aboutit pas eomme la révolution de Belgique, mais il fut peut-être 
plus gros de conséquences, et le drame en fut bien autrement tragique 
clans l'histoire des nations, Tout d'abord, le» troupes russes furent obli- 
gées d'évueuer la contrée et Tannée polonaise, sortie de terre pour ainsi 
dire, se trouva' bientôt assez forte pour soutenir le choc des masses *i 

d'hommes formidables lancées contre elle. La lutte commencée durant ! 

le froid hiver dans tas âpres forêts, les campagnes neigeuses* puis dans - * 
les boues du printemps, te long des fleuves débordés, se poursuivit I 

pendant près d'une année, et souvent des batailles heureuses interrom- l 

pireul la marche des envahisseurs. Mais la partie était trop inégale et, le 
8 septembre i8:Ji, ta cité de Varsovie fut obligée de se rendre, livrée à 
toutes tes borreurs d'un massacre dont l'histoire parlera toujours. 
Bientôt après, les débris des bataillons polonais étaient refoulés sur les 
territoires de l'Autriche et de la Prusse. Des milliers de fugilifs allèrent 
demander asile à l'étranger, notamment en France où se continuèrent 
les inconciliables dissensions nationales entre le parti du prétendu 
« roi h Czarloryaki et les Polonais franchement révolutionnaires, ' 

tandis (pie, dans la patrie vaincue, la fraction intelligente et consciente 
de la nation restait écrasée sous un régime effroyable de violences et ] 

d'injustices. 

Les petites révolutions qui éclatèrent sur plusieurs points de l'Italie 
du nord furent également réprimées. Là, Metternieh, qui était le grand 
inspirateur de la contre révolution européenne, put intervenir directe- 



11 1 



BELGIQUE. — POLOGNE 

ment par te» soldai* de l'Autriche, devenus les exécuteurs de ses hautes 
œuvres : L* fin lie tout entière, y compris le Piémout, le royaume des 
Deiix-Sieiles et les iîtuls Humains, ne ftil plus qu'une simple dépendance 
du gouvernement» impérial et royal »; c'est alors (pie te mol seul de 
« liberté » fui tenu a «rime et cessa d'cHre prononcé ailleurs (pie dans les 
<( ventes a mystérieuses des « charbonniers ». 

tën Espagne» du moins, ou fut plu» libre puisqu'on se battit , mais 




Cabinet det Kitaropw. 



L'ENLÈVEMENT DBS M0KT3 
Par Francisco dt» Ooyu y Luctentes, 1746*1828. 



BIU. Nattott*!». 



la lutte n'eut point un caractère de franchise. Les habitants de la 
Péninsule étaient encore trop asservis aux principes, aux traditions et 
aux mœurs de lu monarchie catholique pour s'élancer sincèrement 
dans la révolution d'indépendance républicaine : comme dans lu France 
voisine ou l'on avait tenté de discipliner tous les éléments de liberté 
au service d'une brandie eudette des Bourbons, symbolisant désormais 
la bourgeoisie libérale, on s'efforça en Espagne de réunir en un seul 
corps politique tous les adversaires de l'ancien régime absolutiste et 
d'en fuirc Tannée de la reine Isabelle, intronisée malgré la coutume 
dynastique des Bourbons, dite « loi sulique ». D'un côté le clergé, de 
l'autre la bourgeoisie libérale groupaient leurs forces : les Cttriïslas, 
carlistes tiinsi nommés de Don Carlos, l'héritier légitime du trône, 



i 



ua i/hgmme et la terre. — contre-révolution 

tes CrUtinos, qui portaient le nom de là régente, se heurtèrent en 
bataille, non seulement autour de la capitale mais bien plus encore 
dan» les provinces, et nota ru ment dans la Navarre et le pays Basque 
dont les habitants, par haine de ta centralisation administrative et par 
une Juste passion pour leurs libertés locales, se trouvaient étrangement 
mûries avec le parti de la réaction. La nature montucusc, frag- i 

montée du pays facilita l'Apre persévérance des combattants, et pendant 
sept années, de i81'i à i8/|o, se prolongea la lutte, l'une des plus 
cruelles que raconte la cruelle histoire. Enfin les Oistiuos triomphèrent, 
et l'Espagne put jouir d'un certain répit duns ses annales sanglantes. 

Par suite d'un mouvement parallèle dont les péripéties se 
déroulaient tragiquement dan» l'état limitrophe, deux souverains se 
disputaient aussi le tronc du Portugal, le féroce Don Miguel et la jeune 
Maria de Gloria. Lu également, ce fut la cause de la jeune reine, 
d'ailleurs à peine moins despote que son rival, qui Jïnit par l'emporter. 

En Angleterre, des événements d'une plus grande portée s'étalent 
accomplis, d'ailleurs sans entraîner d'effusion de sang. A cette époque, 
le pays dont la constitution servait de modèle à toutes les monarchies 
parlementaires qui se formaient en Europe, se trouvait lui-môme entravé 
dans son fonctionnement normal par des pratiques électorales tout a 
(ait injustes. Par suite do- l'extrême lenteur avec laquelle l'Angleterre, 
régie par des hommes de loi et les aristocrates A promeut conservateurs, 
procède à la modification «le son ancien équilibre politique, la représen- 
tation parlementaire rappelait encore l'époque où les comtés du sud 
étaient proportionnellement beaucoup plus peuplés et plus riches que 
les cou îles du nord. Lorsque les bases de ta délégation électorale furent 
établies, le Dcvoushirc était un grand comté maritime, le Somerset et 
le Y\ ilts étaient des centres industriels, tandis que le Lancashire, sous 
un climat plus rude, avait une population moins dense et plus gros- 
sière ' : de là celte énorme prépondérance que l'on accordait avant i83a 
en matière de représentation h la partie de l'Angleterre située au sud de 
ta rivière Trcnt: actuellement encore, malgré diverses atténuations de 
cette injustice, amenées par le temps, les régions méridionales du 
royaume sont toujours très favorisées. Ln contrasta de plus en plus grand 

t. W, Bagshot, The English Constitution. 



ESPAGNE. — ANGLETERRE 



Il3 



!»• 443. La représentation anglaise en 1832. 




Cette oarto est a l'écltelle là S 000 000 

Les 5G bourgs pourris qui perdirent leurs deux représentants en 1832 sont marqués par un 
point noir. G, Orampound en Cornwall ost le seul bourg « désaffranthl » précédemment. Les 
31 bourgs auxquels fut retiré un de leurs deux députés sont marqués par un point ouvert. 
Les autres villes, point ouvert et centré, conservèrent leurs deux représentante. Cette diminu- 
tion de 143 sièges fut compensée par la création de 22 doubles siègos et 20 simples sièges dans 
les villes du Nord et par augmentation du nombre de circonscriptions rurales. 

Principales abréviations. Comtés » Mid*dlesox t RuMand j Breek*nook (capitale Brockon) j 
Westm-oreland t Cumb-erland; Northumb-erlaod, etc. —Villes désignant un comté i D, 
Dorche*ter (Dorsetjt 8, Southampton (Haots)t W, Wilton (Wilts)i Oxf-prd* Heru%prd s 
Bed-ford t Oamb-ridge i HunUDgdon i Nort-hawpton » Olo's.ter » Montm-outh j Carmar-then j 
Rad-nori Here-ford» Montg-omery» Denb-igh» 8, 8hrewbury (Shronshire) 1 Wo-rcester; 
Wa*rwick; Lei*s-terj N, Nottingham {Nottsh L. Uncaster (Lancashireji Statf-ord. 



1 t/t L*HOHMK ET U TEHRB. — CONTRK-ftfevOr.UTION 

sefublit en Ire In répartition géographique des forces, d'un côté dans 
le Parlement, de l'outre dans la nation elle-même, dont la volonté finit 
toujours par prévaloir. 

Malgré lu résistance de tout» les élément» conservateurs et surtout 
de rivalise, eette volonté nationale, enserrée maintenant pour un véri- 
table profita, réussit également à faire émanciper les esclave» des 
colonies anglaises, Déjà, depuis |8<»K, l'importation des noirs dans les 
plantations américaines avait été officiellement interdite; eu 1811, 
le Parlement avait assimilé la traite à la piraterie et avait fait approuver 
cette interdiction par des traités conclus avee les diverses nations 
d'Kurope. Puis en lA'Mu le gouvernement britannique avait rendu 
leur liberté à tous les esclaves de la Couronne, Kutin, en i&'W, s'accom- 
plit le grand acte de la libération générale : le Parlement vota la somme 
d'un demi milliard de francs pour racheter au * planteurs les esclaves 
dont U 1 nombre s élevait à près de G.'tynoo individus; dans la seule île 
de la Jamaïque on en comptait .'teïinoo. Cet acte d'émancipation fut 
loin d'être, comme on a pris l'habitude de le répéter, la première mesure 
collective prise à l'égard des nègres asservis. IVahord, en 179a, la 
République française avait déjà prononcé la libération des esclaves de 
Saint Dominguc, néanmoins, l'opinion devenue légalituire oubliait 
volontiers les actes de la Révolution pour ne tenir comme avenues que 
les u'uvres de gouvernements bien établis. Puis, en celle même année 
1 7*)*-*- 1° Danemark avait aboli la Imite dans ses colonies des Indes occi- 
dentales et, en i8o3, avait renouvelé sa décision d'une manière plus 
effective en interdisant que les membres d'une même familc puissent 
être séparés, en organisant l'instruction parmi les ne.prres, et par 
diverses autres mesures, sans toutefois aller jusqu'à ordonner la 
libération 1 . 

L'exemple de la Grande Bretagne fut successivement imité par les 
autres Ktals d'Europe, en partie sous la pression de la volonté 
populaire mais peut-être plus encore par obéissance ù l'ascendant 
de l'Angleterre, qui avait bien voulu consentira se priver des bénéfices 
matériels de la traite des noirs et de la production en grand des denrées * 
coloniales, sans que pour cela elle acceptai volontiers la concurrence 
des autres nulions. Ayant pâli financièrement de son propre sacrifice, 

4. The Examiner, 24 mars 1877. 



ABOLITION DR L ESCLAVAOK 



I 11) 



elle voulait en faire partager te fardeau. Dans la plupart des Antilles, 
et nota m ment a la Jamaïque, les planteurs avaient été complètement 
ruinés pur la révolution qui s'était produite dans les conditions du 




Cabinet de* Estampe*. 



D'op.é* une lithographie de Chariot. 



COMBAT DB LA BtTB S AIKT* ANTOINE, 1830 



travail. D'ailleurs, ce n'était que justice. Il était bon que les noirs, déli- 
vrés enfin des ceps et du fouet, désapprissent le chemin des plantations 
haïes et réservassent leur labeur au jardinet de ht famille. 

Les réformes, déterminées en Angleterre par les victoires successives 
de l'opinion publique, se poursuivaient malgré les changements de 



lit) L'HOMME BT LA. TBURt. — CONTRK-RÉVQLUTIOW 

règne et de ministère. Même c'est par l'entremise d'an gouvernement 
conservateur que fut votée le mesure le plus populaire de cette époque, 
celle qui abolissait ou réduisait à peu de chose les droits d'entrée sur 
tes céréales et qui donnait à l'ensemble du commerce britannique 
l'idéal du libre échange. Ceci plaçait franchement la Grande Bretagne 
en tôle de toutes les nations civilisées et lui assurait une sorte d'hégé- 
monie morale, qui devait paraître méritée pendant un demi-sieele. 
Des écrivains se laissèrent même aller a imaginer une prétendue loi 
d'après laquelle toute révolution pouvait être désormais conjurée. Il 
devult suffire d'imiter l'aristocratie britannique dans l'art de céder 
avec une lenteur savamment calculée aux exigences des masses bour- 
geoises et populaires, de façon h les diriger toujours et h gagner en 
ascendant ce que l'on perdait en privilèges, Mais ces admirateurs quand 
même de la sagesse britannique oubliaient que ces réformes tempo- 
risatrices ne remédiaient nullement aux maladies chroniques de l'orga- 
nisme national, que l'Irlande restait asservie a une ligue de grands 
seigneurs qui n'avaient pas môme le courage de résider sur leurs 
terres, que l'Inde pullulante et affamée était toujours la chose d'une 
âpre compagnie de marchands et qu'en Angleterre, sous la merveilleuse 
prospérité d'en haut, les misères d'en bas continuaient de ronger les 
foules, quoique pourtant à un moindre degré qu'à l'époque des formi- 
dables guerres de l'Empire. 

Le gouvernement français, engagé dans une voie différente que 
celle des ministres anglais, avait surtout a se faire pardonner ses 
origines révolutionnaires : pour entrer en égal dans l'assemblée des 
rois, Louis-Philippe devait fournir d'amples gages de sagesse conser- 
vatrice et se retourner énergique ment contre ses anciens complices. 
II n'y manqua point, et la première décade de son règne fut employée 
principalement à susciter des émeutes pour avoir ù les réprimer. En 
même temps il avait recours au moyen habituel de corruption en 
détournant l'attention publique vers une guerre de conquête, d'ailleurs 
sans grand danger. Déjà quelques jours avant la révolution de juillet, 
une flotte française avait débarqué dans le voisinage d'Alger des 
troupes qui s'étaient portée» rapidement sur la ville, en dispersant ses 
défenseurs, et avaient mis un terme au gouvernement des souverains 
corsaires. Celte bizarre principauté qui, depuis plus de trois siècles, 



GOUVERNEMENT DE JUILLET 



II 



bravait les puissances chrétiennes et dont l'existence n'eût pas été 
possible si de» complicités secrète* ne l'eussent protégée, disparut 
des bords de la Méditerranée ; mais la suppression de ce nid de pirates 

N* 444. Le Sahel d'Alger et la Mltldja 



3»ao- 




1: 600000 



ta 





taxaOÊ 



tkaj 



10 



^sSEGSS^BSaBK^BBfl 



eo 



soKil. 



eût pu s'accomplir sans que la France se crût obligée de faire la guerre 
contre les populations de l'intérieur et d'entamer des opérations de 
conquête qui se poursuivirent pendant plusieurs générations, et même 
au commencement du vingtième siècle ne sont point encore terminées. 
De proche en proche, l'empiétement se faisait plus avant dans les 
terres, l'annexion d'une tribu entraînant celle des suivantes, com- 
pliquées de retours offensif» de la part des indigènes. Les chefs de 



IlK L'HOMME ET LA TERRE. — CONTRE-RÉVOLUTION. 

l'armée s'intéressaient d'ailleurs (beaucoup moin» au sort des populations 
conquise» qu'à ta poursuite de leur métier et ne voyaient guère dans 
l'Algérie qu'un vaste champ do manœuvra où les soldats s'exerçaient 
pratiquement ù toutes les opérations de guerre, marches et contre- 
marches, attaques, assauts, surprises, retraite», escart noue lies, balai II os, 
massacres, et où se formait ce que Ton appelle « l'esprit militaire », 
fatalement hostile à toute pensée libre, a toute initiative individuelle, 
a tout progrès pacifique cl spontané. On s'imaginait volontiers que celte 
guerre incessante d'Algérie aurait pour résultat de préparer l'année 
française à soutenir victorieusement de grandes guerres européennes. 
C'était une erreur, ainsi qu'un s'en aperçut plus tard en de désastreux 
conflits, car les petites expéditions d'Afrique, dirigées contre des bandes 
incohérentes et mal armées, ne préparaient point à des campagnes 
entreprises contre un ennemi puissant, agissant par grandes masses 
et disposant dune formidable artillerie; mais il est certain que les 
troupes d'Afrique revinrent en France fort habiles dans l'art de faire la 
chasse ù l'homme et qu'elles le montrèrent bien dans les rues de Paris, 
au service des « bons principes de l'ordre et de l'autorité ». 

La conquête de l'Algérie n'aurait eu que des conséquences déplo- 
rables si cette contrée avait du rester simple école de guerre, mais elle 
devint aussi, malgré les chefs de l'armée, un terrain de colonisation. La 
lutte entre les deux éléments de l'occupation militaire et de la culture 
civile eut dans les commencements un caractère» tragique. Ce fut une 
guerre à mort, et Ton put craindre pendant de longues années que 
l'Algérie, transformée en une grande caserne, restât définitivement 
interdite à l'invasion des idées et des muîurs européennes. Et cependant 
l'armée, a laquelle tout un cortège de fournisseurs était indispensable, ne 
pouvait manœuvrer sans introduire en dépit d'elle même une population 
civile qui doomU de la solidité à ses annexions stratégiques. L'œuvre de 
conquête était donc engagée dans un cercle vicieux et, quand même, 
ne pouvait aboutir qu'à l'amoindrissement, puisa la subordination de 
l'élément militaire, fatale issue que celui-ci essayait d'éviter à tout prix. 
Aussi le gouvernement dictatorial de l'Algérie voulait limiter 
l'extension du territoire occupé par les civils ' ; tout Européen 
s'avançant en dehors des limites du pays de campement militaire que 

1. Rouire, Revue des Deux Mondes, 15 septembre 1901, p. 357. 



CONQU&TB DE l'àLOÉRÏK 1 10 

formait le carre du Sahel et de la MIHdJa était mit par cela même hors la 
tôt : lé» sentinelles avaient ordre de tirer sur lui. Plus tard on* fit pis 
encore, on supprima toute colonisation, mairie dans les environs immé~ 
diutH cl'Mgor. Le maréchal Valée ayant jugé bon de foire une expédition 




QONSTANTIKB ET LB BAVIH DU BUMM8L 



guerrière que lui défendait le traité de la Tafna, Abri cl-Kadcr lui déclara 
la guerre u son tour, et le maréchal profita de la situation pour ordonner 
h Ions les colons du Sahel el de la Mitidja d'ahnndonnor leurs fermes. 
Cet ordre, lancé le 20 novembre 18H9, anéantissait du coup neuf année» 
d'efforts. En vain, les agriculteurs européens voulaient se défendre tout 
seuls, et ils auraient pu le faire, mais on ne permettait pas que des civils 
eussent l'honneur, de sauver la colonie : ils furent enfermés de force 



190 ^HOMME ET LA TERRE, — CONTRE-RÉVOFUTION 

dons les remparts d'Alger, et l'armée mît trois années de guerres» de 
massacres, de dépenses forcenées a reconquérir un territoire qu'il eût été 
si facile de ne pas perdre 1 . Ce furent les « Vêpres algériennes ». Et 
pourtant, le colon méprisé a fini par avoir raison de son ennemi naturel, 
le conquérant, et l'Algérie s'est annexéeau monde européen. Ce fut là un 
grand pas dans l'ensemble de révolution tmi rattache peu a peu 
l'humanité au type île civilisation représenté par les peuples ayant 
reçu l'éducation greco romaine. 

A l'époque de la conquête de l'Algérie. l'Orient méditerranéen était 
aussi troublé par le bruit des armes, Un « pasteur des peuples » s'était 
révélé en la personne de Mehemet- AU, qui, officier sans fortune, était 
parvenu û la dignité de pacha d'Egypte (180/1), Ses forces, commandées 
par son fils Ibrahim avaient combattu en Morée et à Navarin, mais 
Mehemet ne tarda pas q se brouiller avec son suzerain et engagea une 
lutte dont le couronnement fut In défaite des Turcs a Nérib (a'i juin iH3u), 
l/Europc intervint : la Hussie, l'Autriche, l'Angleterre...; c'est à qui 
protégerait mieux la Turquie pour acquérir des « droits •> sur elle; 
Mehemet Ali dut abandonner In Syrie et se borner ft la possession 
héréditaire de l'Egypte. 

Après les effroyables guerres de l'Empire, pendant cette partie du 
dix neuvième siècle qui vit les populations de l'Kurope reprendre 
haleine, des progrès décisifs s'necoinplirent dans la marche de l'esprit 
humain, correspondant à l'extension croissante de son domaine matériel. 
Les grands voyages recommencèrent, entrepris par des hommes de 
science et d'initiative embrassant comme Ilumholdt toutes les études 
qui se rapportent au « Cosmos ». Sptx et Martius publièrent sur le fleuve 
des Amazones leur admirable récit de voyage (i M 17» 1820), qui ne fût 
jamais dépassé en précision et en profondeur; Pilsroy, accompagné de 
Charles Darwin, dirigea ces belles explorations ( 1 8a6-i83o) de VAdventare 
et du Beugle y point de dépari de si précieuses recherches sur la 
formation des îles eoralltgèncs, sur les mouvements de l'écorne terrestre, 
sur la genèse et la distribution des animaux. 

A la même époque, l'attention des navigateurs se reportait sur les 
navigations polaires, non pas seulement comme celles de Chancellor, de 

1. Roulre, mémoire citê t pp. 365, 366 367, 



EXPLORATION OK LA l'LANÈTK 



l'il 



lludson, de Bering, pour découvrir un passage du « nord-est » ou du 
« nord-ouest ». autour des rivages septentrionaux de l'Asie on de 

N* 445. Arohtpel polaire amérloaln. 



IS8* HS« U*~ ?§• SI* 




U»«W.<feGr 



£ îds* îF S* »* 



1: 20000000 

o zU *'îBi , o" - " "" liio Kll. 



B.!.. au sud*ouesl de la terre de Nortta.Devon, Beechey friand. — P.M., dans la 
presqu'île d« Boolhla, pile magnétique nord. 

Eu 1904-1906» Atnundsen effectua la première circumnavigation complote du Nouveau 
Monde pur le passage du Nord «Ouest. 

l'Amérique, mais aussi pour cingler directement vers le p<Mc t comme 

l'avait fait le pilote Baffln, deux cent années auparavant. Suivant les 

y 7 



* 



laa i/homme bt la tkrre. — contre-rêyolution 

traces du baleinier Scoresby, l'un des observateurs le» plus sagaces qui 
aient étudié l'Océan Polaire, de» marins envoyés par le gouvernement 
britannique, Sabine* John Hoss, Parry, se succédèrent rapidement dans 
les parages du nord. En 1837, Parry atteignit la latitude de 8a°4o\ qui 
resta pendant de longues années lu plus rapprochée du pôle on l'homme 
fut parvenu ; puis, en i83i, James Hoss découvrit, dans le chaos •. es 
Iles et presqu'îles de l'archipel polaire, le point précis du pôle 
magnétique où l'aiguille de la boussole se dirige vers le sol. 
L'expédition de i8/»5, dirigée par Sir John Franklin, eut au contraire un 
résultat fatal puisque navires el hommes disparurent dans les ténèbres 
du nord; en 18^8, la marine britannique n'envoya pas moins de 
quatre expéditions de secours; en i85o, dix navires battaient la mer 
autour de Beochcv-island qui avait été un des lieux d'hivernage de 
Franklin. On parcourut dons tous les sens le labyrinthe si compliqué de 
l'archipel polaire, et non seulement on put retrouver les traces de la 
funeste expédition et reconnaître toutes les péripéties du drame de la t 

fin, mais encore on découvrit ce fameux passage du nord-ouest tant 
cherché depuis plus de trois siècles. En i«53, des navigateurs, venus par 
le détroit de Bering, rencontrèrent sur les glaces de l'île Melville d'autres 
voyageurs, arrivés par le détroit de liaflln. Toutefois, ce chemin, trouvé à 
si grand'pcinc, n'a pu ôtre encore utilisé, et depuis un demi-siècle 
personne ne l'a revu (ioo5). Quant aux explorations antarctiques, 
poussées moinB à fond que celles du pôle boréal, elles furent arrêtées 
pour un long temps, lorsque James Hoss, dans son expédition de 18/11 
à i8/*3, se vit arrêté, a i3i5 kilomètres du pôle austral, par une 
longue falaise de glace et par le haut continent qui porte les volcans 
de l'ErebuB et du ïerror. 

I/accroisscment de connaissances que les voyageurs obtenaient en 
étendue, les savants le conquéraient en profondeur. Le géologue 
explorait, creusait le soi, comparait les roches, leurs analogies, leurs 
différences et leurs contrastes, en observait les étagemenU, les plisse- * 

menls el les renversements, reconstruisait les Ages de la Terre par les c 

changements de toute nature dont il constatait les traces cl lu succession. 
En même temps l'historien étudiait les monuments el les archives, 
contrôlait les- récils el les légendes, reprenait les documents d'autrefois 
pour les soumettre à une discussion nouvelle plus serrée et plus sûre, 
ressuscitant ainsi le temps pas.se pour le faire mieux connaître qu'il ne 



t 



PROGRÈS EN MOBILITÉ 



133 



» "était connu lui-même, et pressentant de plus en plus clairement 
l'avenir, même quand il se trompait sur les détails, Cette époque des 
Thierry et des Michelet, des Gervinus» des fîuckle, des Ferrari fui une 
très grande époque parce qu'en racontant le* hautes actions, elle en 
préparait de nouvelles, L'humanité se commence incessamment, mais 
suivant un mode normal et continu : ce qu'elle fit hier nous apprend 
ce qu'elle féru demain. 
Matériellement, le 
tfrand progrès du 
temps fut do donner 
frriiommedu dix -neu- 
vième siècle une beau- 
coup plus grande mo- 
bilité, de l'augmenter 
même en des propor- 
tions indéfinies, L'ap- 
plication de la vapeur 
au transport des voya- 
geurs* et de leurs ri- 
chesses avait été sou- 
vent prédite, même 
peut-on dire depuis 
les siècles de la Grèce, 
En plein moyen ûge, 
Roger Bacon ne nous 
avait-il pas promis 
« des machines telles Cbabu» Dabww, 1809-1882 

cjue les plus grands vaisseaux », dirigées par un seul homme, parcourant 
les Heuves et les mers avec plus de rapidité que si elles étaient remplies 
par des rameurs, telles que des chars sans attelage, se mouvant avec une 
incommensurable vitesse »? En effet, puisqu'on connaissait l'action de 
la vapeur sur le couvercle des marmites et que l'on connaissait aussi 
la facilité du mouvement des roues sur des' ornières en bols ou en 
métal, il eût été simple d'associer ces deux faits bien connus et d'en 
tirer, comme l'a fait sans doute Roger Bacon, toute la théorie des 
chemins de fer. Du moins, les industriels contemporains ou môme pré- 
décesseurs des encyclopédistes avaient-ils déjà construit des bateaux à 

V V 




iaf L f HOMM£ et la TERRE. — CONTRE-RÉVOLUTtOH 

vapeur et te» avaient-ils utilisé», malgré le» rires et les sarcasmes des 
hommes de bon sens. Dcn\B Papin navigua certainement dès l'année 1707 
avec l'aide de la vapeur «tir la rivière Fulda, entre Casse! et Miinden. Les 
bateliers de l'endroit lui brisèrent son embarcation révolutionnaire. 

C'est uu si6ele suivant que la découverte, triomphant des préjugés ot 
de lu sottise, finit pur entrer dans l'industrie fluviale, puis dans l'indus- 
trie océanique des transport». Aux navires a vapeur succédèrent les loco- 
motives ot les convois sur rails. Vers i83n, les pays initiateurs, Angle- 
terre, tëtats Unis, France, Belgique, Allemagne, construisaient ou possé 
datent leurs premières voies ferries, et bientôt, le riverain des chemins 
de fer, obéissant, de plus en plus facilement a la sollicitation des voyages, 
s'accoutumait h la vitesse; d'année en année, la mobilité des peuples 
s'accroissait en des proportions imprévues. La révolution qui s'est accom- 
plie dans les mumrs pur la facilité du déplacement tient du prodige : en 
un pays comme l'Angleterre où l'on ne comptait pendant toute l'année 
que deux millions de voyageurs en voitures publiques, c'est maintenant 
plus d'un milliard d'individus que transportent les chemins de fer à 
longue disluucc, et les autres véhicules en portent bien plus d'un 
deuxième milliard. Pour une part d'hommes constamment grandissante, 
la vertigineuse vitesse est devenue la nécessité de la vie. 

En conséquence, les conditions et l'équilibre des empires ont égale- 
ment changé. L* Angleterre et les Etats-Unis du Nord dont les habitants 
étaient de beaucoup, grâce à leurs chemins de fer et i\ leurs bateaux a 
vapeur, les plus mobiles de tous, prirent ainsi une avance considérable 
sur les autres nations par l'acquisition et le prestige d'une ubiquité rela- 
tive. L'amour des voyages, naguère exceptionnel ou plutôt difficile a 
satisfaire, devint désonnais une passion réalisable pour le plus grand 
nombre; les mouvements de migration qui devaient s'accomplir autre- 
fois pur déplacements collectifs, à ta manière des trombes, pouvaient 
désormais se fuira par individus, par familles, pur groupes spontanés, 
dont la masse totale dépassa bientôt tous les anciens exodes en impor- 
tance numérique. Au point de vue politique, cet accroissement de mobi- 
lité chez les peuples les plus forts, dits « civilisés », leur permit aussi de 
faire la conquête matérielle du monde habitable. Quelle peuplade bar- 
bare avait la force de résister efficacement à des gens puissamment armés 
qui pouvaient apparaître soudain sur tous les rivages, voguant contre 
vent et marée et lançant à coup sur d'une ou deux lieues leurs boulets 



ROMANTISME i»Ô 

incendiaires? Disposant de ta vapeur et de la poudre, l'Europe s'empara 
sans peine de toutes le» parties de l'univers qui constituent maintenant 
son empire colonial. 

Tous les progrès industriels et scientifiques, tous tes nouveaux points 
de contact entre les peuple» ont eu pour conséquence nécessaire une évo- 
lution correspondante du langage. Lus dictionnaires classiques, aug- 
menta de tous les vocabulaires techniques et des mots lié* de l'invention 
populaire, forment un ensemble incessummenl renouvelé et de si rapide 
accroisse meut que les gros volumes ne peuvent plus se distendre suffi- 
samment pour embrasser toutes ces richesses verbales. L'ancienne Langue 
académique périt de mule mort au choc de toutes ces nouveautés, tincore 
au dix-huitième siècle, on croyait que la langue pouvait être h fixée », 
ainsi que l'avait voulu ilichelieu en fondant la fameuse compagnie du 
beau langage. Quoique les écrivains du bel âge de l'Encyclopédie fussent 
alors en pleine fermentation d'une vie nouvelle, c'est malgré eux, pour 
aiusi dire, que la langue se modifiait et s'élargissait : ils n'eussent guère 
voulu que conserver. D'ailleurs il est aisé de comprendre le respect qu'ils 
professaient pour leur parler si élégant, si précis et si pur. C'est qu'il se 
trouvait alors presque en voie, semblait-il, de prendre un caractère uni 
verse! : si tes peuples étrangers l'ignoraient, du moins on l'employait, 
bien ou mal, dans toutes les cours, et les historiens superllcicls s'imagi- 
naient que la pénétration du langage se ferait de haut en bas, des hommes 
du monde aux gens du peuple. L'étonnant succès de la langue française 
paraissait définitif; mais, précisément, ce succès constituait un duuger, 
car plusieurs se laissaient aller à croire que le français prenait désormais 
un caractère exclusif comme expression de la pensée humaine. La langue, 
trop bien défendue contre les novateurs, était devenue comme intangible, 
cl les écrivains n'osaient rien changer soit dans les mots soit dans les 
phrases. tëlle s'était immobilisée. Apres la Révolution, après l'Empire, les 
poètes de 1819 étaient encore sous la domination exclusive de Kacinc et 
de Boileau ' : ils ne pouvaient chercher du nouveau que dans l'ingénio- 
sité des périphrases. 

Pour échapper à cette tyrannie verbale, il n'y avait qu'un moyen, la 
révolution, et en cftet, c'est bien une révolution que Ht le romantisme! 
On s'invectiva, on se bafoua, on se maudit de parte! d'autre. Les amis se 

1. Reray de Oourmont, Sur la Langue française, Mercare de France* juillet 1898, 
p. 75. 



120 



t'HOMME KT LA TERHE. — CONTRE-RÉVOLUTION 



désunirent, les familles se hrouHlèmtt et jeunes contre vieux se livrèrent 
de vraies batailles dans les théâtres. D'ailleurs le romantisme triomphant 
portait en lui, comme tôt» les progrès, son élément de réaction : il se 
plaisait a l'amphigouri de la foi mystique, et, remontant vers le moyeu 
âge, célébrait les hommes bardés île fer, les moines à cagoules, les nobles 
demoiselle» tut iront d'ivoire ; il s'ullarduit volontiers ù décrire les ogives 
dos cathédrales, les corridors des cachots et les dalles des cimetières, \tuis 
cette maladie ne dura qu'un temps ci, lorsque la lutte se fut terminée et 
que chaque auteur en prose ou en vers eut acquis toute liberté d'écrire a 
su guise, la langue française et les autres idiomes de l'Europe occidentale 
également affiné» parla luttes enrichis parties acquisitions nouvelles, se 
retrouvèrent plus amples, plus souples, plus compréhensifs et mieux 
adaptés à la discussion des grands problèmes qui se posent devant ta 
«oc îété co 1 1 tel n pora t ne . 




NATIONALITÉS : NOTICE HISTORIQUE 



i83o. — au nov,, insurrection de Varsovie et de la Pologne. 

i83i.— 3-17 févi\, émeutes a Modene, Bologne, etc. — i3 févr. et 
16 sept., émeutes a Paris. — S sept., prise de Varsovie. 

i83a. — ai mai, Mehcmot-At! prend Saint-Jcan-d'Acre et, le 21 déc,, 
défait l'armée turque à Konieh. 

i833. - Agitation on Xendée et à Lyon. — 8 juil., traité d'iinkinr- 
Skclessi, livrant les détroits turcs à la Russie. 

i83^i. — - 9 i3 avril, insurrection des Canuts ù Lyon et massacre de la rue 
Transrionain a Paris. — Tentative de Maxxlni en Savoie, 

i835. — a8 juil., attentat de Fiescbi. — Oct. i83C. Louis-Napoléon à 
Strasbourg. 

1839. — va mai, émeute à Paris, — s/| juin, Meliemet-AM est vainqueur 
des Turcs a Nczib. 

i8/|o. ■- 6 août, Louis-Nu poléon à Boulogne. — Les puissances inter- 
viennent en Orient et, le u sept,, bombardent Beïrul. 

i8$t, — ,;j juil., un Imité international rend les détroits A la Porte. 

i8/|3 a i8V")< soulèvements multiples en Italie. 

1 H\Û. - rN févr., émeute à Crncovie î jacquerie en Gulieie, 

18^8. - 3 janv., émeute à Milan. — au janv.-i5 févr., les Napolitains 
et les Toscans obtiennent une constitution. — 10 fév., émeute a 
Munich, — Paiuh, a 4 févr., Révolution; aS-aO juin, journées de 
guerre civile: 10 déc., Louis-Napoléon élu président. 

i8'|8. - Com-'Édéhation : a-7 mars, mouvements à Situtlgart, Munich, 
Hanovre, Francfort, Hambourg, Carlsruhc, Mannheim, Hcidcl- 
borg, etc.; constitutions accordées à Saxc-VVclmur, Nassau, 
liesse Darmsludt, etc. — Viexxk : émeute le i3 mars ; état 
insurrectionnel durant plusieurs mois; l'empereur s'enfuit le 
i5 mai et de nouveau le 7 oct., la période révolutionnaire est 
close par la prise de Vienne, le i«nov. — Bkulin : les 18 et 
19 mars, on ko bat dans les rues de la capitale prussienne; un 



â»8 l'homme et la terre. — NATIONALITÉS 

ministère libéral vit jusqu'en tiov. ; — PiunuK, soulevée, le 
i» mars est reprise le 17 juin. 

1848. — Milan : tes Autrichiens sont chassés le 19 mars; après la bataille 
de Custossa, a4 Juin, Radeteky en reprend possession le 7 août. 
Vknisk se soulève le 23 mais; la République, proclamée le 
!) août, subsiste pondant plus d'un an. — HciiLEtwin, *x(\ mars, les 
Allemands chassent les autorités danoises; en avril, l'armée 
prussienne vient rétablir Tordre ; — Avril-mni, insurrection 
des Polonais de Prusse. ~ Hume, 19 nov., fuite de Pie I\, 

18^8. -- Kiunwokt : 3o mars, réunion du p reparle mon t. — 1.{ avril, des 
bandes nHolutionnaircs apparaissent a Donauscbingen; durant 
quinze mois, le pays de Bade est en ébiilUtiou. — 18 mai, 
première séance du parlement allemand. — lojuil,, armistice 
entre la Prusse cl le Danemark, provoquant à Francfort, par 
contrecoup, l'émeute du iK sept, 

i8'|8. — HoNuitiK. Avril mai, soulèvement des Serbes, Croates et Rou- 
mains contre les Magyars ; hostilités des juin. — 99 sept., 
première bataille entre Autrichiens et Hongrois ; 3i déc., 
ceux-ci évacuent ttudnpcsl. 

i8fy. — «7 fév,, défaite des Hongrois à Kapolna, avril, victoire à 

Gudullo, puis le 9 à Vacz et le 19 a Nagy-Sarla; 21 mai, les » 

Hongrois reprennent la forteresse de Budapest ; 17 juin, entrée 
des Basses en Hongrie; 28 juii., les Hongrois proclament 
enlln l'égalité des races; 1 1 août, Gœrgei devient dictateur et 
capitule le i3 a \ ila^os. 

ïSty. — févr M Home proclame la République; les François débarquent 

à Civita-Veccbia le a\ avril et, malgré l'émeute du i3 juin à 

Paris, prennent Home le 3o juin, — Florence est en révolution 

du lOTévr. au «5 mai. — a3 mars, les Autricliiens battent les 

U 
Plénum lais à Novare. — i* r avril, prise de Brescia et massacre. *. 

18I49. -- 38 mars, Le roi de Prusse est élu empereur d'Allemagne par le n 

parlement de Francfort ; il refuse le »8 avril. — ao-3o juin, ! 

combats dans le pays de Bade, — «3 juil., reddition de Rastadt, 

le «7 août do Pet rova radin, le u8 août de Venise, le 97 sept, 

de komorn. 




ônalitéJ 



Le mot « socialisme » est compris par tous 
comme lu « lutte pour rétablissement Ûe la 
iustice parmi les hommes ». 



CHAPITRE XVII 



RÉVOLUTION DR 1848 EN FRANCE ET EN EUROPE. ~ SONDE RBUNO 

SOCIALISME ET SOCIALISTES. — JOURNÉES OE JUIN* - LUTTES EN ALLEMAGNE 

INSURRECTION HONGROISE. - SOULÈVEMENTS A MILAN, VENISE ET ROME 

EMPIRE. — QUESTION D'ORIENT. — OUERRE D'ITALIE 

LA CHINE ET LES PUISSANCES. ~ LES TAIP1NO. — TRANSFORMATION DU JAPON 

L'EUROPE EN INDO-CHINE. — RÉVOLTE DES CIPAVES 

Le changement politique auquel l'histoire n laissé un nom retentis- 
snnt : « Révolution de i8fl.8 .., mérite en effet d'ôlre ainsi mis en relie! 
parmi le» événements du dix-ncuvieme siècle. Si tes résultats apparents 
en furent peu durables, du inoins en France d'oïi s'élait envolée rétin- 
eetlc de l'incendie, si le ren versement du Iroïic représentatif de la bour» 
geoisie française aboutit en moins d'une année au rétablissement d'un 
état de choses qui, en fait, était l'empire napoléonien, I» secousse, 



t3o l/llOMMS ET LA TERRE. — NATIONALITÉS 

ayant eu lieu ù une période, oit le monde ne trouvait en un très grand 
nombre de point» dans une situation d'équilibre très instable» se pro- 
pagea rapidement de royaume en royaume jusqu'aux extrémités de la 
terre, Jamais ta solidarité, consciente ou inconsciente des peuples, ne 
s'était manifestée d'une manière plus évidente* jamais on n'avait mieux 
senti que la vie de l'humanité civilisée battait suivant le môme rythme. 
Le ml Louis Philippe avait à peine débarqué en Angleterre, où tant de 
républicains chassés par lui ravalent précédé sur cette terre d'exil, que 
le vieux Metternirh, génie vivant de lu contre révolution européenne, 
vint le rejoindre, et, bientôt après, le roi de Prusse devait humblement 
comparaître devant son peuple de Berlin et lui demander, tête décou- 
verte, pardon d'avoir forfait a ses obligations de souverain consti- 
tutionnel. 

Pur contre coup, l'Allemagne et les provinces non germaniques 
gravitant autour d'elle se trouvèrent beaucoup plus profondément 
ébranlées que la Franco : dans ce dernier pays, la question de l'unité 
nationale n'avait plusù être discutée, personne n'agitait l'idée de fédé- 
ration, tandis que le vœu universel de tous les Allemands se portait 
vers la constitution d'une grande patrie soustraite à la domination et à 
la rivalité jalouse des riluls recteurs, l'Autriche et ta Prusse. Le chaos que 
l'on appelait la « confédération germanique . avait été brouillé à plaisir 
par ces deux « mauvais bergers » et par les divers princes et prinei- 
pieules entre lesquels était partagé l'empire. L'ensemble îles domaines 
se compliquait d'enclaves et d'exclaves entremêlées, qui faisaient du 
labyrinthe des Ktats et de leurs dépendances proches ou lointaines un 
dédale connu seulement do quelques spécialistes. Le manque d'unité 
politique déterminée avait eu pour conséquence la formation d'un 1res 
grand nombre de petits centres, de foyers indépendants, qui maintenaient 
son caractère original à chaque partie de la contrée; mais les lignes de 
partage entre les divers Ktats restaient indistinctes, confuses, sans 
aucune précision. Néanmoins, a quelque petite principauté que l on 
appartint, et que l'on vécût en paix, en rivalité ou en guerre, la nationalité 
allemande! n'en restait pas moins fixée par la langue originaire: le 
Bavarois se savait Allemand comme le Suxou. l'Autrichien du Danube 
n'était pas moins Germain que le Weslphalien de la liulir ou de la 
\\ eser. 

lue fois toutes les anciennes limites géographiques effacées par 




LA RÉVOLUTION DE l$H8 KS F.VROPE l3l 

[es voies de communication et les grandes concentration» urbaines, il se 
trouva que l'Allemagne était naturellement, dans son essence même, 
beaucoup plus unie que les pays voisins artificiellement unifiés. 
L'ensemble* malgré ses divisions politiques, 
présente un corps plus spontanément national 
que? la France elle-même, de la Bretagne ù 
tu Provence et de ta Flandre lilloise au pays 
Basque. L'extrême diversité politique des Klat» 
allemands pouvait donner le change sur ce 
fait de l'unité profonde des populations, mnis 
le premier acte de la révolution générale fut 
de proclamer cette unilé du monde germa- 
nique. A eel égard, le mouvement populaire se 
rapprocha de l'oeuvre désirée beaucoup plus 
que ne le fit plus tard l'empire allemand 
reconstitué. D'après la constitution que vota 
d'enthousiasme le u parlement préparatoire » 
de Francfort, ton* les tëlals de langue alle- 
mande s'unissaient par un lien fédéral et se 
faisaient représentera Francfort pur une assem- 
blée issue du suffrage universel ; l'indigénat 
apjwirlenail fie droit dans chaque partie de 
l'Allemagne «» x nuiifo de tous les Ktats ; 
toutes les douanes intérieures étaient suppri- 
mées; les monnaies, les poids, les mesures 
devenaient communs, l'armée et la flulte 
devaient relever désormais de la grande patrie. 
Il esl vrai (pie ce» décisions ne furent point 
sanctionnées par la réalité : elles ne donnèrent 
lieu qu'à un vain décor, car les révolutions 
s\ reprennent à deuv fois et n'atteignent te bul que par des voies 
détournées. 

lin même temps (pie les Allemands, les diverses nationalités oppri- 
mées par te royaume de Prusse ou par l'empire d'Autriche, Tchèques, 
Polonais» Uulhcne», Slovènes et Slovaques, Croates, Italiens et Houmains, 
eiillu et surlout les Magyars revendiquaient leur indépendance avec 
ardeur. Mais les sentiments s'entremêlent parfois de façon bizarre, et 




MiMfo Canin valut. 
FUSIL-fAKAFLCtS 
DB (I Alt DE NATIONAL 



i3a l'homme et i\ terbe, — nationalités 

ceux là mûmes qui se plaignaient le plu» Aprement de l'injustice 
commise envers eux par des oppresseurs trouvaient tout naturel de 
se faire obéir pot' des populations d'autres race» et d'autres langue*. Le* 
plug zélés patriotes, qui poussaient à ta révolte des habitants germa- 
niques du Holstcin et du Schleswig, s'indignaient contre les prétentions 
de Danois, de Polonais ou de Bohémiens voulant se libérer du joug 

alteiuund. 

Précisément alors les populations slaves se reposaient d'une 
effroyable guerre civile, Tandis que les Polonais de ta Poznanie essayaient 
sans succès de soulever les paysans pour In reconquête de leur indépen- 
dance nationale, les paysan» de la (Jnticir, d'origine ruthène, s'étaient 
urines de leurs faux pour courir sus aux seigneurs polonais, haïs comme 
propriétaires, et Ton évalue ïi deux milliers le nombre des nobles et des 
prêtres qu'ils auraient massacrés. La domination de la Prusse et de 
l'Autriche sur les provinces polonaise» annexées se consolidait d'autant 
plus que des haines traditionnelles divisaient les sujets. Craee à ces 
dissensions locales, le gouvernement autrichien avait pu supprimer 
l'autonomie politique de la république de Cracovie, dernier débris de ce 
qu'avait élé le puissant Ktat de la Pologne (i8'|(>), 

Kn Autriche, en Hongrie, dans la Slavie du sud se produisirent des 
phénomènes analogues a ceux des pays polonais, mais en de beaucoup 
plus amples proportions. Le chaos des nationalités s'y agitait en remous 
île mouvements inégaux cl contraires. À la même époque, Prague, ! 

Vienne, l'est, Zagreb (Agru tu Jetaient en insurrection; pas un bourg du i 

sud est de l'ISuropo jusqu'aux portes de Stamboul qui ne fut soulevé 
ou dans l'attente liévreuse de quelque grande transformation. Sans aucun 
doulc, si tous los opprimés de races diverses avaient su se concéder leurs 
droits mutuels et se réunir contre l'oppresseur commun, ils eussent 
triomphé des gouvernements traditionnels, quitte à régler ensuite leurs 
dillérends particuliers conformément à l'équité. Mais les haines sociales, " 

plus vives encore que l'amour de la liberté et de l'autonomie politique, i 

empêchèrent cette union. Les seigneurs magyars et polonais, habitués î 

au commandement et h la jouissance de la fortune, ne pouvaient i 

admettre que leurs paysans roumains, serbes, croates ou ruthênes, 
vivant sous le poids du mépris héréditaire, fussent admis comme des 
égaux dans le partage de la victoire. " 

Rares étaient les esprits intelligents et les camrs généraux, vrais 



NATION AUtlB OPPRIMEES ET INCONCILIABLES 

N* 446. Confédération germanique. 



i33 




t 



i: 10000000 

llb 250 iliO Kil. 



Le Usera de hacburcs horizontales, limite la Confédération germanique (1820.1866), dont 
l'unique organe commun était la diète siégeant a Francfort et réunissant les délégués de 
39 état* i Autriche, Prusse, Bavière, Saxe, Hanovre, etc. 

Les pavs relevant de monarques allemands, mais ne faisant pas partie de la Confédération 
sont en blanc sur la carte t Prusse de la Trans-Oder, Hongrie, Croatie, Lorobardte» etc. 

Les points ouverts indiquent les villes où se produisirent des soulèvements en 1848 (voir 
notice historique, page 127)j les points noirs sont, pour la plupart, des lieux de bataille tC« 
Custozxoi N « Novare. — D « Donauscbtngon i R « Raatadt. - Ka «= Kapolna» « 
Oodollô} V « Vac« et Nagy.Barlo ) P « Peirowaradin î Ko m Komorn; B « Berne* L » 
Lucarne, 



\'Ah L'HOMME ET l.À TERRE. — NATIONALITES 

interprète» de l'histoire, comprenant que l'étroite solidarité outre 
toute» les meus qui aspirent à se constituer librement était l'indispen- 
sable condition du succès. On dit qu'avant d'entrer en lutte ouverte avec 
les Magyars» le patriarche Raïetchitch, an nom du Congrès national des 
Serbes réunis a Karlovic, proposa aux représentants de la Hongrie une 
entent*? amiable, en vertu de laquelle les Magyars consentiraient à 
l'union fraternelle des Slaves autrichiens, tandis que ceux-ci exigeraient 
le rappel de toutes les troupes slaves employées en Italie par le gouver- 
nement d'Autriche et négocieraient une alliance avec le peuple italien, 
lui-même alors engagé dans la gronde lutte du ithargUnenh* . Mais les 
ambitions nationales prirent le dessus : les Magyars voulurent a la t'ois 
conquérir leur autonomie et maintenir leur domination. Us temps 
n'étaient pas encore venus pour la solution naturelle, seule logique et 
normale, c'est-à-dire la fédération libre entre toutes le» nationalités de 
l'Europe sud -orientale, de Prague à Constantinople, 



i 



t 



Dans la petite Suisse se passèrent aussi des événements mémorables 
qui témoignent delà toute-puissance de l'opinion contre les conventions 
diplomatiques. Les jésuites, toujours industrieux a tisser leurs toiles 
d'araignée, avaient réussi a se faire accueillir clans un certain nombre 
de cantons, et îi s'emparer de l'éducation des enfants à Lucarne cl autres 
cités catholiques. Kort Imbiles à négocier» ils s'étaient crus également 
de force a combattre, cl, sons leur patronage, s'était constituée la ligue 
du Sonderbund — « Alliance distincte * —, qui comprenait les sept eau- i 

tons catholique» de Hchwlta. Lucerne, l>i, t ntenvalden, Zug, Fribourg 
et Valais (iK'|0). Après de longues hésitations et temporisations, le reste 
de la Suisse Unit par accepter le défi et triompha des bandes que diri- 
geaient les prêtres. La campagne ne dure que quelques jours (novembre 
18/17) et prit au dépourvu Metlernich, Guizot et autres ministres qui j 

eussent volontiers prêté mainmorte u la religion, Néanmoins la diplo- | 

matie européenne parlait encore d'intervention, lorsqu'on apprit lu 
nouvelle de ta révolution qui venait de se produire a Paris. Dès le lende- e 

main, le »<) février, les citoyens de NeucIuUel se débarrassaient du per- t 

sonnage qui gouvernail le canton au nom de lu Prusse, et, malgré toute 
la diplomatie de i'Kurope, ils faisaient reconnaître leur indépendance 

u 
1. A. d'Avril, La Serbie chrétienne, p. 77. 



LA SUISSE ET LE SONDERBUND 



|35 



politique et l'abolition de toute suzeraineté prussienne* Ces événements 
curent pour résultat d> donner à fa Suisse une beaucoup plus grande 
unité politique, mois au détriment des autonomies locales, te pouvoir 
des jésuites avait été rompu, mais au profit de l'Etat : la confédération 
des Etats devenait un Etat confédéral. 

Eu Italie comme en Suisse, la Révolution uvuit déjà commencé 
d'ébranler le peuple de diverses provinces, en Lornbardie, en Sicile, 



eSS^vïv: 







Cl. J. Ktthn, «dit. 



LAC DB8 QtïÀTOB CÀNTOK» 

Branche méridional*, vue do l'est, 



avant que la rumeur de Paris se fût entendue au delà des Alpes; 
même l'attitude presque libérale d'un nouveau pope, Pie IX, avait fait 
tourner les regards vers Rome dans l'attente d'un ebrislianisme régé- 
néré qui mènerait les peuples affranchis et contlanls vers une ère de 

justice et de liberté. 

Lorsque la grande secousse de février bouleversa tout le inonde 
officiel en Europe, le mouvement italien devint inévitable, Venise se 
lit libre et républicaine, et le roi de Sardaigne, Charles Albert, fut 
obligé pur la poussée de l'opinion publique de déclarer la guerre à 



i'M* l*HOMHK KT LA TKHftt. -— NATIONALITÉS* 

I* Autriche sous peine de voir renverser soit propre trône. Ce fut 
l'époque du Ittsorgimenfo, de la a Résurrection ». "En quelques semai- 
nes, el presque sans combat, l'Italie en était arrivée à pouvoir revendi- 
quer son unité politique, cet idéal qui jadis avait flotté devant quelques 
nobles esprits, dont ils n'avaient jamais pu tenter la réalisation. Dès les 
premiers Jours de conflit entre les révolutionnaires italiens cl les garni- 
son» autrichiennes, celles-ci avaient du évacuer Milan et les autres villes 
de la Loinbardie occidentale, foyers par excellence du patriotisme 
unitaire, où Ton avuit vu le» fumeurs former une ligue pour s'abstenir 
de fumer du tabac autrichien et les jeunes filles, oublieuses des u iiuumts 
de Vérone a, s'associer par serment pour renoncer d'avance à tout 
amour avec ennemi ou compatriote indifférent aux revendications 
nationales. Si grande était l'ardeur du sacrifice que les martyrs ne se 
comptaient plus cl que le changement d'équilibre politique était reconnu 
comme inévitable pur les conservateurs les plus outrés ; mais de leur 
côté, les ardents Ituliens ne se condamnaient-ils pas d'avance à un mou- 
vement fatal de réaction eu confiant la gérance de leurs droits el le 
souci de leur émancipation à des ennemis naturels, a deux souverains, 
le pape et le roi? 

Le contre-coup de la révolution de février ne se fit guère sentir en 
Espagne, tant ce pays était accoutumé aux ébranlements de la guerre 
civile ; tandis qu'en dépit de leur isolement traditionnel, les îles Brilan 
niques furent secouées par le mouvement d'ondulation générale. Le 
peuple s'agita, et le Parlement dut s'entourer d'une véritable armée ; 
même en Irlande, on en vint a la franche révolte, révolte condamnée 
d'avance a un insuccès lumentablc, car les Irlandais, affaiblis pur une 
oppression mainte fois séculaire, el, d'ailleurs, privés de toute force 
physique par la famine, Bavaient à peine manier leurs bâtons el se 
laissaient choir, exsangues, au bord de la route. 

Chose étonnante, le choc en retour des événements d'Kurope aurait 
été plus sérieux en conséquences dans l'Inde lointaine cl en Extrême 
Orient, car des auteurs anglais attribuent au retentissement des révo- 
lutions de l'Occident le soulèvement des Sikh, établis autour de Lahore 
et dans le Pendjab ; ceux-ci battirent les années de la Compagnie en 
plusieurs rencontres, tandis (pic de nombreuses grèves de Cinghalais 
incitaient en danger ta domination de l'Angleterre. Quant aux Toïping 
de la Chine, qui, vers la même époque, bouleversèrent l'empire du 



CONTRE-COUP» LOINTAINS 1^7 

Milieu* il faut certainement voir dans Leur formidable poussée la 
preuve que l'Orient et l'Occident commençaient à vibrer parallè- 
lement sous l'inlluonce des mêmes causes profondes ; toutefois, 
aucun fait ne permet de rattacher directement cette grande révolution 
chinoise aux événements qui, vers l'autre extrémité de l'Ancien monde, 
agitaient alors le» villes de Paris, de Berlin* de Vienne, de Pest et 
de Milan. 

Pour l'Amérique latine, il en fut autrement : l'influence morale de 
la France est telle dans ces contrées que sa révolution nouvelle secoua 
fortement les esprit» et produisit ça et la, notamment dans la Nouvelle 
Grenade, quelques mouvements politiques. 

La révolution de 1 8/|8 se distinguo do toutes les révolutions anté- 
rieures et marque en conséquence une très grande époque do l'histoire, 
parce que, du moins en Franco et en Angleterre, c'est-à-dire dans les 
deux pays qui avaient déjà poussé à fond une première évolution 
politique contre la royauté» le mouvement prit un caractère 1res net 
dans le sens d'une transformation sociale. La Révolution dite de 1789 
n'avait pas eu d'autre idéal que le triomphe du Tiers état, c'est-à-dire 
celui de la bourgeoisie, et l'œuvre, dans son ensemble, était due aux 
propriétaires du sol et des maisons, aux industriels, aux commerçants, 
aux artisans d'élite, aux gens de professions libérales ; le peuple n'avait 
eu qu'à servir de comparse, il avait apporté ses instincts de foule, ses 
enthousiasmes, ses colères. Mais en 18/(8, c'est l'ouvrier, c'est le 
travailleur qui est l'auteur principal do la révolution. ïl ne connaît 
peut-être pas le mol de « socialisme », qui est d'invention récente et 
dont quelques écrivains se disputent la paternité, mais il le fait entrer 
dans l'histoire; il lui donne sa véritable signification, qui n'a rien 
d'abstrait» et que tous comprennent comme la « lutte pour l'établis 
sèment do la justice outre les hommes ». 

La justice 1 on l'avait déjà solennellement proclamée un demi-siècle 
auparavant, sous le nom de « Droits de l'Homme », et même ou avait 
ajouté le cri de Kraternitéî à la proclamation de ces droits. Depuis 
cette époque, le temps de la réalisation de cet idéal semblait d'autant 
mieux venu que de nombreuses machines avaient été inventées pour 
alléger le travail humain et que les procédés de la division du labeur 
avaient augmenté de beaucoup la production. Or, loin de voir leur 



i38 



L* HOMME IT LA TEHRE. — NATIONALITÉS. 



situation s'améttorer en proportion det progrès mécanique» do l'indus- 
trie* le» travailleur* »e trouvaient au contraire en des condition» de 
plus en plus incertaines, l'introduction de lu machine dans la manu- 
facture permettant au patron de lésiner sur les salaires de son matériel 
humain. Qu'importait à celui-ci d'avoir été muni officiellement de ses 

droit»! s'il n'avilit pas 
môme celui de vivre? 
Aussi saisit-il avec 
enthousiasme l'occa- 
sion de les revendi- 
quer. U*s écoles socia- 
listes, déjà 1res nom- 
breuses, avaient fuit 
do fort belles pro- 
messes depuis une 
vingtaine d'années : 
ou les somma de les 
tenir. D'après des ré- 
cits du temps, une dé 
pulation d'ouvriers se 
serai t présentée à l'Hô- 
tel -de Ville devant les 
membres du gouver- 
nement provisoire et, 
dans un beau lan- 
gage de générosité, 
leur aurait offert de 
« mettre trois mois 
de misère au service 
de la République *. Certes, Paris et la France eurent alors de fort 
nobles élans, et le type du Quaranle-huitard , tel qull est resté dans 
la mémoire des générations suivantes, est celui d'un vaillant et d'un 
sincère à la figure lumineuse et sympathique, à la barbe ondoyante, 
a la parole chaude, «'enivrant volontiers de ses discours aux amples 
périodes, plus empreinte* d'une large conllance dans l'avenir que de 
solides raisonnements basés sur la compréhension des choses. L'homme 
de (8 fut réellement bon, et, pendant les premières semaines qui 




Cabinet il» KiUtupe». 

sainï-bimok (17604825) 



ÉCOLES SOCIALISTES 



»3û 



suivirent la révolution, on put revivre les grandes émotions tic ferveur 
et de joie révolutionnaires que tes enthousiastes avaient éprouvée» au 
commencement de ta Révolution française. Des étrangers accouraient 
en foute vers' Paris : Charles Dickens* pour ne citer qu'un exemple, 
s'essayait à écrire en français» la langue républicaine qu'il déclarait 
vouloir parler dé- 
sormais. 

Toutefois, les 
hommes ne se nour- 
rissent point de pa- 
roles seulement : il 
leur faut aussi du 
pain» et la société a 
laquelle les ouvriers 
s'adressaient mainte- 
nant pour obtenir 
leur salaire bien 
gagné, cette société 
faisait faillite à ses 
promesses ; elle ne 
reconnaissait plus ce 
« droit au travail » 
que des ministres, et 
non tics moindres» 
avaient officielle- 
ment reconnu. C'est que les socialistes étaient encore une minorité 
infime» beaucoup trop peu nombreux pour agir sur l'opinion publique 
autrement qu'en excitent la surprise, même en éveillant le scandale. 
Sans doute, les doctrines de rénovation sociale» échappant au domaine 
du pur esprit et de la fantaisie, avaient toutes essayé l'épreuve de l'expéri- 
mentation ; elles avaient tenté de se faire vivantes, par cela môme avaient 
cessé d'appartenir à l'utopie pour se réclamer de la pratique * ; mais 
combien toutes ces théories étaient-elles en désaccord et quelle eût été 
l'impossibilité d'en tirer une résultante générale 1 Tels socialistes de 
l'époque eussent commencé tout d'abord par instituer le pouvoir absolu 




Musée du Luxembourg. 
CHARLES FOU8IKB (1772*1837) 



1. Bernard Lazare, Histoire fc$ doctrines révolutionnaires, p. 3. 



I/Jo L'HOMME ET LA TKHHK. — NATIONALITÉS 

avant «T « organiser n te nouveau fonctionnement social ; ,le plus grand 
nombre des reformate» n» se AH contenté d'utiliser à de» nouvelles fins 
la hiérarchie déjà existante: quelque? autres eussent en premier lieu 
fait litière de toute» le» autorités établie». 

En face de la routine héréditaire qui condamne au travail mat 
rétribué les non possesseur» du sol, que signifiaient le» quelque» expé- 
rience* tentées ça et là en vue de la constitution d'une société d'harmonie 
où le sort de tous serait assuré et oh la vie s'écoulerait heureuse et 
fraternelle) 1 Certainement, les tentatives avaient été fort intéressantes, 
mais ce ne furent que de simples éclairs sur le fond noir de la servitude 
traditionnelle, lia »«*»» Hubert Uwen, après voir démuni ré que l'homme 
est déterminé par son milieu, voulut prouver aussi dans sa manufacture 
de NewLanark qu'eu donnant a ce milieu des conditions de justice et 
d'équité parfaite, on réussissait a modifier parallèlement les individus. 
Puis, en iKa'i, sur la terre vierge de l'Amérique, il avait amplifié ses 
expériences et créé des « harmonies n sociales que l'on imita en divers 
lieux des Etats-Uni», et qui, presque toutes, réussirent matériellement, 
mais pour se laisser absorber de nouveau par l'ambiance du tout-puis- 
sant capitalisme. 

Moins importantes par les essais de réalisation, les expériences 
faites en France avaient eu plus de retentissement dans l'élabo- 
ration des idées. Le puissant génie de Charles Kouricr remua profon- 
dément l'esprit des penseurs et groupa dans son cortège intellectuel 
les plus généreux des hommes ; mais ces disciples qui représentaient 
une si remarquable jelilo n'étaient pourtant ni assez nombreux ni assez 
riches pour fonder un phalanstère dans le bel ensemble architectural et 
hiérarchique conçu par le maître — et, après tout, le phalanstère ne 
représentait que le petit côté de la doctrine du maître — ; les essais en 
petit que l'on en imagina a Contlé sur-Vcsgre, à Brook-Farm ou ailleurs, 
étaient condamnés d'avance comme des œuvres incomplètes. De même ta 
colonie deMénilmoniant, qui s'était hardiment établie dans le voisinage 
de Paris, et qui tenta de réaliser l'union harmonique des trois forces, le 
travail, le capital et le talent, heurtait trop ostensiblement, par son 
costume et ses rites, les habitudes traditionnelles de la bourgeoisie, pour 
que la loi n'intervînt brutalement el ne dispersât les associés, presque 
tous hommes de science et de prestige intellectuel, destinés u laisser une 
trace dans l'histoire. 



RéAUSATrOÏNS SOCIALISTES %!\i 

Pourtant une autre doctrine, plu» simple et môme naïve, près- 
qu'enfantine dans ses conceptious sociulcs, devait agir d'une manière 
beaucoup plus puissante sur une certaine partie du pouple : ce fut la 
doctrine communiste pure, formulé© par Cabet en langage évangé- 
lique. Elle donnait toute satisfaction à ce vieil instinct des masses qui 
de tout temps leur avait fait voir la cessation do leurs maux dans le 
retour vers ta communauté des terres et dans son compté m (Mit naturel, 
Ici communauté des bien». Aussi Cabet trouva -Ml de fort nombreux ndlié- 
rcnls et lorsque, disant adieu au vieux monde, il partit pour aller fonder 
i'Icarie sur la terre vierge de l'Amérique» il fut suivi pur des centaines de 
disciples ambitieux de cette vie do paix et de bonheur dont ils devaient 
enfin jouir avec lui. Triste personnage que celui d'Icare, dont les ailes 
fondirent au soleil I mais comment une communauté sans liberté eùt- 
elle pu réussir pour d'autres que pour des moines abêtis par l'obéissance, 
le prosterne ment et les macérations ? 

La somme des expériences que pouvait invoquer le socialisme nais- 
sant pour découvrir à brève échéance l'heureuse solution de la question 
sociale était donc bien insuffisante. Et d'ailleurs, les politiciens empiriques, 
chargés de gouverner et de légiférer, étaient fort loin de s'entendre sur ta 
conduite à suivre ; même, la plupart d'entre eux étaient ils d'avis que la 
•« question sociale » n'existe point et qu'il suffit de parer de son mieux 
aux difficultés du moment sans essayer de modifier en rien les rapports 
entre les capitalistes et la chair à travail. Tandis que des novateurs élo- 
quents, généreux, acclamés, la plus belle école de sociologie militante 
que le monde ait jamais vue, adressaient aux peuples leurs appels pour 
les entraîner vers une forme de société plus équitable, d'autres hommes 
préparaient en silence les moyens d'insurger tes travailleurs afin de les 
décimer ensuite par un massacre salutaire. 

Leur conspiration réussit. Los ouvriers en chômage que l'on employait 
inutilement dans les » ateliers nationaux » a brouetter les terres et à 
dépaver et repaver les rues furent tout a coup licenciés et, pouruinsi 
dire, déliés à la révolte par la meute des journalistes ahoyeurs. En effet, 
la bataille éclata, terrible, acharnée, à la fin du mois de juin iK/|8, et, 
pendant plusieurs jours, se succédèrent les combats et les massacres de 
prisonniers. Les ouvriers insurgés, traités de « Hédouins -■ par les géné- 
raux d'Afrique, apprirent à 4curs dépens que la bourgeoisie républicaine 
savait égaler, peuMtre même dépasser les rois dans la férocité* de la 

V 8 



ifa L'HOMME ET' LA TERRE. — NATIONALITÉS 

répression. En même temps que tes vainqueur* de juin avaient réduit au 
silence pour un long temps les revendications du socialisme, ils avaient 
transformé la république en une servante des monarchies de droit divin ; 
on France, sous un faux nom, m Présidence », l'Empire fut bientôt fait. 

En Angleterre, le mouvement de réaction s'était accompli parallèle- 
ment, et même d'une manière plus complète, puisque l'agitation « char- 
tiste w avait été étouffée sans que le Parlement eut recours aux grands 
moyens de bataille ou de massacre. Privée de ses deux champions, 
l'Europe redevenait désormais la proie de ses oppresseurs traditionnels : 
un reflux général succédait au flot que la Révolution avait propagé à 
travers te monde. 

Le Parlement de Francfort se débattait au milieu de difficul- 
tés inextricables ; il avait a grouper en une fédération des monar- 
chies absolues ! puis a s'occuper des frères allemands non représentés 
à la diète, tels ceux du Scblcswig et ceux des bords de la Vistule, et de 
bien d'autres problèmes, insolubles par lui. En réalité» le Parlement, 
dominé par l'antagonisme des ûcjl* pouvoirs forts — la Prusse et 
l'Autriche —, n'était qu'un instrument dans la main des princes 
fédérés qui laissaient passer l'orage révolutionnaire. Les Allemands qui, 
au nom de l'unité germanique, s'étaient déjà établis victorieusement 
dans le Scblcswig évacuèrent leur conquête, et les barricades élevées 
dans les rues mêmes de Francfort (t8 septembre) furent déblayées 
sans peine. Pour comble d'humiliation, le Parlement finit par choisir 
comme empereur d'Allemagne ce même roi de Prusse qui, pendant toute 
la période révolutionnaire, avait affecté d'ignorer l'assemblée, qui en 
avait contrecarré sournoisement toutes les décisions. Et cette fois encore, 
le roi ne fit point aux délégués de la nation l'honneur d'accepter leur 
offre ; ce n'est point au populaire, à la bourgeoisie qu'il consentait à 
devoir l'empire ; seuls, les autres princes, ses cousins et ses frères, lui 
paraissaient être en droit de donner la couronne impériale. Il 
n'admettait pas que la transformation se Ht par en bas, elle devait se faire 
par en hnut. Et des historiens commentateurs ajoutèrent qu'il ne 
fallait pas que cette gratifie révolution de l'unité nationale s'accomplit 
dans l'accord et la paix, mut» suivant l'antique méthode de l'histoire, 
« par le fer et pur le feu . 

Du moins le Parlement de Francfort ne fut pas massacré, La plupart 



ÉCRASEMENT DE I/AM.EMAUNE RÉVOLUTIONNAIRE 



i43 



do se» membres furent rappelé», par l' Autriche, la Prusse, la Saxe, le 
Hanovre : le reliquat parlementaire chercha un refuge dans Stuttgart, 
mais la dernière allocution du président fut couverte par le roulement 
des tambours. C'était te dernier acte de la comédie, la tragédie avait 
déjà commencé. Repoussé* vers le sud après de sangtanU combats, les 




Cl. S, Kunh, «dit, 



DRB8DE £T L'ELBE 



insurgés du pays de Bade, c'est-à-dire les défenseurs de l'unité nationale 
allemande, furent plus que décimés, puis, après la capitulation de 
Kastadt où s'étaient enfermés les derniers champions de la cause 
vaincue, le régime de la terreur, apporté par les envahisseurs prussiens, 
écrasa les 13a dois pendant de longues années. D'autres Prussiens, à la 
même époque, dirigeaient la répression dans la ville de Dresde. Les 
conseils de guerre abattaient les tôles, emplissaient les prisons, confis- 
quaient les propriétés. L'un des triumvirs qui avaient dirigé la 
résistance des insurgés de Dresde, Richard Wagner, déjà célèbre comme 
l'auteur du Tatmhiliuter t réussit à s'éeliapper, tandis que Michel 
Bakounine, le fameux agitateur russe qui avait été l'âme de la résistance, 
V 8* 



I^ L'HOMME ET LA TERRE. — NATION AMTé« 

fut saisi, jeté dans un cachot, puis livré à l'empereur de Russie, logrand- 
mattre de la réaction européenne!. 

Ce fut également au tsar Nicolas que s'adressa le gouvernement 
d'Autriche pour venir a bout de l'insurrection des Hongrois. Ce peuple 
asiatique, frère des Turcs par l'origine et par le langage, avait obéi a 
d'autres destinées que moi» voisin des contrée» balkhaniques. La religion 
les avait irrémédiablement divisés le» uns des an I res : tandis que les Turcs 
s'étaient constitués en avant garde des nations musulmanes, les Hongrois 
ou Magyars avaient été, de pur la situation géographique, placés en télé 
de toutes les nations chrétiennes et, tantôt vainqueurs, tantôt vaincus, 
ou même absolument soumis, ils avaient eu à souffrir plus que tous les 
autres dans ta lutte interminable et sans merci. Mais, quoique se sacri- 
fiant pour la cause de tous, les Hongrois n'étaient qu'à demi accueillis 
par les autres Européens : on les connaissait à peine et l'on voyait en 
eux ce qu'ils étaient en effet, des Asiates non encore adaptés à leur 
milieu dans ce chaos des peuples, Slaves, Allemands, Italiens, Roumains 
et Frioulnns parmi lesquels ils s'étaient aventurés. Ne pouvant 
apprendre tous ces parlers si différents de leur propre idiome, les 
Hongrois avaient pris naturellement pour langue d'intercourse celle qui 
était en usage dans toutes les chancelleries où fie rédigeaient des 
conventions et des traités. Leurs propres scribes, leurs moines s'étaient 
mis à employer la im>mc langue, le latin, et pendant huit siècles, 
jusqu'en i8/i«, les Houveraîris et leurs vassaux* les juges, les clercs, 
même les propriétaires de campagne le? parlèrent entre eux ; ce latin 
était d'ailleurs très mndillé, réduit à une sorte de jargon, indigent en 
formes verbales '. 

ta révolution de iK'jN, qui poussait les Hongrois à la revendication 
de leur nationaiilé, à la restauration de leur langue, à la reconquête 
de leurs droits, les lit entrer pour la première t'ois en nation européenne 
parmi les populations occidentale* qu'agitait alors le munie mouvement 
de liberté. Leur héroïsme les sacra frères de ceux qui avaient été les 
plus grands dans la civilisation aryenne. La situation militaire des 
Hongrois semblait tout d'abord désespérée : leur armée ne comprenait 
guère que des bandes irréguliercs, tandis que les Slaves de lu contrée, 
unis ii ceux des provinces voisines, même à des volontaires de la 

t. Anton Bartel, 1S9(î. dictionnaire. 



GUERRE AU STRO- HONGROISE 



l^B 



Halkhanie, apportaient au service de l'Autriche allemande et de son 
armée solide toute la force de leur enthousiasme guerrier. Lorsque 

II* 447. Plaine de Hongrie. 




1 : 6 000 000 



0= 



100 



200 



s-sj 



300 



Vienne était en pleine insurrection et faisait appel à ses voisins 
Magyars, ceux-ci, « toujours formalistes cl juristes » (Asscllne), atlen- 



!',(> L'HOMMB KT LA TERRE, — NATIONALITÉS 

riaient une demando officielle; il» ne vinrent que trop tard et en trop 
petit nombre : WïndîsehgrieUutlaquc Vienne le *8 octobre, la horobarde 
le 39, temporise le 3o* repousse l'armée hongroise le 3i et pénètre en 
vainqueur dans lit capitale autrichienne le 1 w novembre. Bientôt ce fut 
le tour de l'est ; le gouvernement hongrois dut l'évacuer el concentrer 
toutes le» forces militaires a l'est de lu Tisza. Mais le général polonais 
lïcm, qui après avoir commandé Vienne insurge avait réussi à s'échap- 
per, accomplissait en Transylvanie tic» prodige» de stratégie victorieuse, 
el, bientôt après, (itergei, devenu général eu chef de l'armée magyare, 
puissamment réorganisée par Kossulh, remportait successivement des 
victoires qui enflammaient d'espoir tous les républicains d'titiropc: les 
Autrichiens étaient forcés d'évacuer l'est et de se replier en désordre 
jusqu'à la frontière. C'est (dors que l'empereur d'Autriche dut appeler 
î\ son secours son grand allié Nicolas, tsar de toutes les Itussies : cent 
cinquante mille hommes pénètrent dans la contrée pur les frontières de 
l'ouest et du nord, en même temps que du sud s'avancent les Serbes et 
que de l'ouest les Allemands reprennent l'offensive. La petite armée 
hongroise, entourée de toutes parts, combattit en désespérée jusqu'au 
moment où (ïtcrgei, nommé dictateur, capitula au nom de la nation 
tout entière dans la plaine de Yilagos, non loin d'Arad (i.'i août 18/19). 
Bientôt après toute résistance avait cessé, sauf dans la forteresse de 
Komarom lKomorn),quc klapka défendit longtemps encore. 

Les Hongrois s'étaient rendus, non au suzerain dit légitime, l'empe- 
reur d'Autriche, mais a l'armée russe. Le maréchal Paskicvitch put 
écrire à son maître ; a Sire, la Hongrie gil aux pieds de Votre Majesté! » 
Mais les Autrichiens se chargèrent de la vengeance : les conseils de 
guerre, siégeant eu toute la Hongrie, germanisaient la population par 
les verges, le cachot, la fusillade, le gibet, ftmrgri, le général vaincu, 
peut-être coupable de trahison, du moins type du militaire toujours 
insurgé contre le pouvoir civil, eut la suprême humiliation de se voir 
assigner une résidence de luxe et de toucher une pension, tandis que 
ses camarades de guerre étaient condamnés aux balles ou à la corde, 
ta général autrichien le plus féroce, Haynau le « fouetteur », fui 
autrement puni. Visitant peu de temps après une usine de Londres, 
il fut reconnu par des ouvriers cl poursuivi ù coups de lanières comme 
uue hôte mauvaise. 

En Italie, la guerre du Itimyimrtito se déroulu suivant les mômes 



ÉCRASEMENT DE LA HONGRIE ET DE l/lTAUK 



Hl7 



péripéties que lu guerre d'indépendance magyure. Les révolu! ion naires 
du nord de ta Pén tuante eurent tout d'abord le dessus, puisque les Autri- 
chiens avaient dâ évacuer Milan, et ho retirer dorrière la ligne du Mtncio, 
tandis qu'à l'est Venise avait reconquis l'indépendance qui lui avait été 
ravio par Bonaparte, un demi-sieele auparavant. Des contingents romains 
et napolitains accouraient à l'aide des Lombards, mais les républicains 




Ct. J, Kuhn, Mit. 



DÔMS OS MlfcAN 



n'osèrent pas combuttre seuls et. sacrifiant leurs justes méfiances contre 
un roi qui avait trahi, puis espionné, persécuté, emprisonné, mitraillé 
leurs amis, ils s'adressèrent au roi Charles-Albert, qui, clans l'espoir de 
transformer son petit royaume en une grande monarchie, consentit à 
une trahison nouvelle, celle de ta cause du droit divin. Toutefois cette 
alliance entre ennemis naturels ne devait pas réussir. Charles-Albert 
n'était pas de force à se mesurer contre la puissante armée autrichienne 
que dirigeait Itadelzky, vieillard énergique, ct, complètement battu a 
CustoKza (aïi juillet i8'|8), puis Tannée suivante, en une nouvelle canv 



iVS 



l/HOMME ET LA TERRE. — NATIONALITE 



pagne, à \ovnra (*5 mars iS'io), il ne lui resta qu'à remettre son abdica 
lion mitre les mains de son peuple et à toiser le pouvoir et l'ambition 
de ta couronne d'Italie a son fils Victor-Emmanuel, qui» du moins* 
n'avait pas un passé de trahison derrière lui, 

U victoire de l'Autriche uurait été facilement poussée beaucoup plu» 
ù IoimI si les convoitises de ta France n*uvaient été également excitées. 

Le confiât tradilion- 
■*~"t~"=-*~^~* ^ - nel entre Germains 

et Gaulois pour la 
domination de l'Ita- 
lie recommença soua 
une nouvelle forme, 
rendu presque mé- 
connaissable par les 
semblants diploma- 
tiques, 11 eût paru 
tout naturel que la 
France, alors consti- 
tuée officiellement 
en république, inter- 
vint pour défendre 
l'indépendance des 
république» sœurs, 
mais ce fut tout le 
contraire : engagée 
comme l'Autriclie 
musBms mazzini (1805.1872). ^ mw le mouvement 

opposi* ù raiTrouchissement des nationalités et des individus, c'est 
en champion du pupe qu'elle envoya ses armées en Italie; l'une et 
l'autre puissance faisaient assaut de bons principes. 

Dans Kcnne. où la Uépublique avait succédé au regnede PiclX.en fuite, 
lame de la résistance était le triumvir Giuseppe Maxzlni, le révolution- 
naire de sa génération qui, de tous, apporta le plus d'énergie, de vouloir 
tenace dans la conspiration, le plus de sagacité dans le choix des hommes, 
le plus d'esprit de renoncement personnel dans la vie de tous les jours. 
Typedu devoir, il suscitait de* enthousiasmes persévérants, des béroïsmes 
de sacrifice, et, quand les meilleurs étaient tombés, austère, impassible, il 



l ; r 




RÉPUBLIQUE ROMAINE I^g 

savait toujours découvrir de nouvelle» victimes volontaires qui couraient ù 
ta mort. Il ne reculait point devant la terrible nécessité de l'incessant sacri- 
fice des jeunes enthousiastes, car il ne pouvait imaginer pour les autres 
de joie supérieure à celte qu'il éprouvait lui-même de souffrir pour la 
reconquête de l'Italie une et libre. Apre comme un calviniste, il n'en 
était pas moins à certains égards le plus intransigeant des catholiques 
pur respect de la Ira 
dition romaine. Sa 
devise Oio e Pvpofa 
faisait dériver les 
droits du peuple de 
Dieu même, et de ce 
Dieu de Home qui 
avait par deux fois 
donné l'empire du 
monde à l'Italie, une 

première fois sous les 
Césars, une seconde 
fois sous les papes, et 
qui, dans un avenir 
prochain, ne 'man- 
querait pus, il en 
avait la foi certaine, 
d'assurer le troisième 
primato a ta répu- 
blique d'Italie parmi 
les autres nations 
de l'univers. Aussi 
Mazziui n'était-il pas 
ennemi du « Saint-Père » qui avait fui Home pour éviter le contact 
des républicains maudits, il aurait voulu lui voir inaugurer une nouvelle 
ère de domination religieuse où lu foi démocratique eût donné aux an- 
ciens rites un sens nouveau. Kn l'absence du pape, c'est ainsi que, dans 
la ville Sainte, il tenta d'interpréter les cérémonies de l'Kglise. 

La révolution, née de l'amour de l'indépendance, et pourtant fidèle à 
la tradition romaine, impliquait donc une contradiction entre les deux 
termes de < Peuple »• et de « Dieu »» ; elle ne pouvait uboutir qu'à de 




fiqpr 



Cabtttat d« Bitampes. Bibl. Nat. 

OIUBEPPË GAMBALDI (1807-1882). 



i5o l'homme et latkrrk. — NATIONALITÉS 

fatales impasses. Egalement absurde et contradictoire fut le moyen 
employé pour étouffer cette révolution : a son mensonge, on opposa un 
autre mensonge» puisque In république franentee, ou du moins t'fêlat 
hybride qui en portait le nom, revendiqua l'honneur de renverser la 
république romaine el de rétablir le régime pu pu lin avec toutes ses ven- 
geance» a satisfaire ; encore une foi», la France fut « le soldat de Dieu » 
suivant l'ancienne tradition ecclésiastique, fi eut vrai que pour faire ce 
bas office de gendarme de lu papauté, le gouvernement français cul préa- 
lablement à réprimer une insurrection dans tes mes de Pari»; mois le 
peuple, épuisé par la lutte de l'année précédente, n'avait plus lecteur à 
ia bataille, el, transportées devant Home, les troupes françaises, enrégi- 
mentées au service de Pic l\, purent, grâce au petit nombre des réels 
défenseurs de Home, écraser les cli omises rouges de Garibakli. 

Complètement déshonorée, la république française n'avait plus désor- 
mais qu'à sombrer dans sa honte : elle se détruirai telle-môme en détrui- 
sant la république si eu i\ et bien inutilement puisque l'influence de 
l'Autriche devint toute maîtresse. La France eut à fournir l'argent cl les 
hommes au profit de l'antique camarilta autrichienne. Quant au pape, 
remis en possession viagt»re de ses Etats, il comprit, avec le sens profond 
des choses qu'inspire le pressentiment de la mort, que le moment était 
venu de proclamer solennellement, «ans la moindre atténuation de lan- 
gage, la parfaite incompatibilité de l'Eglise avec la société moderne. 
Désormais guéri de ses illusions premières, le ■• Souverain Pontife »> 
vengea d'abord très amplement les injures faites au Saint-Siège, puis 
s'en tint strictement aux principes de réaction absolue qui devaient 
trouver leur expression définitive dans le syllabus de i8C4. Quoique 
obéissant i\ la loi du changement, qui est celle de toutes choses, le catho- 
licisme a la prétention d'élre d'un bloc, comme ces pierres noires 
que l'on adore dans les temples d'Asie, 11 se dit et se croit immuable 
dans le passé, car le « Pontife romain ne peut ni ne doit se réconci- 
lier ni transiger avec le progn>s, te libéralisme et la civilisation mo- 
derne ». 

L'œuvre de la* réaction était achevée et préparait son code, d'ailleurs 
impuissant, La France, qui avait donné le branle au mouvement 
révolutionnaire, n'avait donc plus qu'a faire amende honorable en 
reprenant dan* son passé une de ses constitutions antérieures. Un grand 



SECOND EMPIRE FRANÇAIS l5l 

parti, tout-puissant à l'Assemblée, voulait tu faire reculer jusqu'à suint 
Louis* mais elle n'alla pas si loin : s'arrélant à l'Empire, elle s'imagina 
maintenir ce que i'on appelle les « conquêtes de ta Révolution », 
c'est-à-dire une certaine égaillé politique, économique et sociale, et 
ramener en même temps celte période de prestige et de gloire mili- 
taire» qui, pourtant, 
avait si misérable 
mciil abouti à l'humi- 
liation et à l'écrase- 
ment. Peut rire aussi 
le peu pi e f mécontent 
de tous les régimes 
qui h' étaient succédé 
pendant les deux un- 
nées d'essais républt 
cuins, se lancuit-il de 
désespoir dans l'in- 
connu, et se disait-il 
qu'une volonté per- 
sonnelle saurait réa- 
liser les mille pro 
messes, jusqu'alors 
trompeuses, répétées 
Itiul de fois par les 
écrivains socialistes. 
Naturellement, ces 
attentes chimériques 
devaient être déçues, 
caru il gouvernement 

personnel doit toujours avoir pour maîtresse préoccupation la volonté 
du maître, représenté naturellement pur la tourbe des parasites qui se 
pressent autour de lui. Napoléon III no pouvait échapper ù cette loi. 
En un livre fameux, £a llfoolulion sociale ilémonlrée pur le CouptVEUil, 
l'roudhon essaie d'établir que le nouvel empereur, issu de la liévo- 
lution et porté au pouvoir par la volonté des pauvres travailleurs de 
la ville et de la campagne, deviendrait forcément l'exécuteur d'une 
logique des événements supérieure ît ses caprices et aux appétits de 




Cabinet des E»tnmjw». 

PROUDHO» (1809-1865) 



Bibh Nat. 



l5u L'HOMMK KT U TEBHE. — NATIONALITÉS 

son entourage; il lui prophétisa te rôle forcé d'un mandataire du 
socialisme. Mai» il faut tenir compte de la part d'ironie que l'auteur, 
éerivant sous la menace de l'exil et de la prison, avait glissée dan» son 
œuvre et qui tuf permettait de triompher quand même de la force 
brutale. L'histoire du règne de vingt années nous montre que, malgré 
ses antécédents de rêveur à demi socialiste, et malgré ses tendances 
congénitales de bienveillance égalitaire, r « homme de décembre » 
fut entraîné forcément par les conséquences du parjure et du meurtre 
dans une voie de persistante oppression. S'il fut parfois I" « agent 
de la «évolution sociale », c v est que tous les hommes, et lui comme 
les autres, servent d'instruments involontaires au destin. 

Heureusement la pousséode liberté avait été trop énergique pendant 
la période révolutionnaire pour qu'il fût possible de l'étouffer entière- 
ment: la force vive de l'activité humaine, irrépressible quand mémo, 
pouvait être détournée de son but, endiguée et canalisée en des [voies 
latérales, mais elle devait se manifester en dépit de tous les obstacles et 
produire des changements considérables. Telle fut la raison par laquelle 
la prospérité matérielle s'uccrut presque soudain d'une manière si remar- 
quable en France et dans toute l'Europe continentale pendant les pre- 
mières années marquées par le triomphe de lu réaction. Malgré l'exil, le 
bannissement et lu fuite d'un très grand nombre de républicains, malgré 
l'émigration de vaillants travailleurs, par centaines de mille, le mouve- 
ment industriel et commercial prit un singulier élan, du pour une très 
forte part à l'initiative de tous ceux qui, ne pouvant plus porter leur génie 
vers Icb transformations politiques et sociales, se dirigeaient vers la créa 
tion des entreprises et l'application de procédés nouveaux: ii y eut un 
simple déplacement des forces. Aussi l'empire resta-l il quand môme po- 
pulaire en France pendant une longue série d'années. Le peuple ne peut 
s'attarder à de longs raisonnements sur la complexité des choses: sans 
chercher les raisons, il personnifie les événements sous le nom d'un 
homme auquel il attribue les conséquences du mouvement économique 
contemporain et jusqu'à l'abondance des moissons, dont il connaît 
Iiourtant l'origine puisqu'elles sont dues à «on travail. 

Mais l'empire qu'avaient voulu des électeurs encore ivres de leur 
antique vin de gloire ne pouvait échapper à son destin, qui était de 
justifier son prestige par de grandes guerres extérieures. La « question 
d'Orient » présenta l'occasion favorable. Seule, la Turquie, tombant en 



GUERRE D'ORIENT 



153 



étal de décomposition politique et presqu'impuissante au point de vue 
militaire, n'aurait pu se défendre avec la moindre chance de succès contre 
un aussi formidable agresseur que la Husaie. Or le terrible Nicolas I", 

*• 448. Théâtre de la guerre d'Orient, 
(voir page 154) 




i: OOO OOO 



*= 



Too 



200 



^ooKii/ 



1854. 22 avril, bombardement d'Odessa* 14 sept,, débarquement des Alliés à Eupa- 
toriat 20 sept, bataille de l'Aimât 26 sept, et 2$ ocl.. combats à Balaolava, S nov„ bataille 
d'Inkerman, — 1855. 8 sept.* Prise de Malakoff. — 1856. Traité de Paris. 

Uvadia, Résidence des empereurs de Russie. 



le souverain qui, depuis un tiers de siècle, trônait dans sa majesté soli- 
taire comme une véritable divinité, ce maître réputé invincible mena- 
çait alors l'empire ottoman, et ses troupes avaient déjà pénétre dans les 
principautés Danubiennes. La ville depuis si longtemps convoitée de 
Conslanlinople n'eût été pour lui qu'une proie facile, si les puissances 
occidentales, la France et l'Angleterre, n'étaient intervenues pour dé- 



l5/| L'HOMME KT LA TERRE. — NATIONALITES 

tondre tes Turc». L'intérêt traditionnel tic la Grande Rrctagnc était 
engagé à fond, car t» « reine (te» mers >\ qui. depuis ht prise de ftibrattar 
et do Malte, est ta principale dominatrice de la Méditerranée, ne voulait h 
aucun prix compromettre son empire maritime en luissunt aux Russes 
ta libre possession des Dardanelles. Mais, au point de vue géographique, 
il s'agissait également en cette affaire de la domination du monde, car 
les contrées que baigne la Méditerranée orientale gouvernent tes route» 
de l'Europe vers l'Asie centrale et les [rides. Le cu'iirde l'Asie, limitrophe 
de la Caspienne, se trouve, il est vrai, livré d'avance au* ambitions de la 
Russie, mais pour ce qui est du chemin des Indes, la (irande Bretagne 
avait certainement un véritable intérêt national, au point de vue de 
l'équilibre des puissances, de défendre aux armées russes l'entrée de 
Conslantinople, Sans doute, ce « chemin des Indes •> l'ut jusqu'à nos 
jours purement virtuel : personne ne l'utilisait, parce qu'il était prati- 
quement inabordable. A peine de rares explorateurs employèrent cette 
voie h \mvors l'Asie Mineure, les pays de l'Euphrate, l'Iran et les pla- 
teaux de l'Afghanistan ; tous les marchands, soldats ou fonctionnaires 
prenaient 1» voie détournée* du cap de Bonne-Espérance ou du canal de 
Suez. Mais il n'en est pas moins evact que la compuMe des deux Tur- 
quie d'Europe et d'Asie par les armées du tsar, changeant le centre île 
gravité du monde politique et donnant aux Russes le contrôle de la 
Méditerranée et du golfe Persiquc, aurait irréparablement compromis, 
d'abord le prestige de l'Angleterre, puis, par contacts graduels, sa pos- 
session cfl'eclive dans les vastes territoires de la péninsule hindoue. C'est 
pour une raison analogue, el plus pressante encore, qu'un demi-siècle 
auparavant, le gouvernement britannique uvait employé toutes ses res- 
sources disponibles à bloquer et à détruire l'expédition française en 
Egypte. Quant à la France, ses raisons déterminantes pour se mesurer 
contre le colosse russe paraissaient moins claires, et, sans aucun doute, 
la nation, laissée a elle-même, n'aurait point risqué cette redoutable 
aventure, mais le maître qu'elle s'était donné rêvait peut -être une 
revanche de la retraite de Russie on son oncle avait subi son grand 
désastre, et peut-être aussi voulait-il se poser en champion de la civili- 
sation occidentale contre la demi-barbarie de l'Orient. 

La guerre se déroula comme un drame de grande simplicité scénique. 
Elle se localisa presque sur un seul point du pourtour immense de 
l'empire russe, dans le petit appendice montagneux que la péninsule de 



ROUTE DES INDES 



tr f 

ItlO 



Crimée projette on dehors de lu Russie proprement dite au milieu des 
eaux de ta mer Noire; a peine quelques petit» incidents militaires sans 

H 9 449. Ruwle du Pacifique. 

(voir page tS6) 




i : 40000000 



500 



1000 



2000 Kil. 



La liseré de hachures verticales marque la frontière datant du xvui* siècle. Les hachure 8 
inclinées serrées recouvrent les territoires acquis en 1858 (rive gaucho de l'Araur) et en 1860 
(rive droite do l'Araur). ESn 1875 Sakhalin tout entier Tut obtenu du Japon par échange avec 
les Kouriles. tas hachures espacées indiquent le domaine acquis en 1000 et perdu en 1905, 
a. la suite de la guerre russo.Japonalse. — P. A. *=* Port-Arthur. 

importance se produisirent-ils sur les côtes do Finlande (prise de Bomar- 
sund) et dans lu presqu'île lointaine de Kamtchatka. Pendant plus d'une 



i56 l'homme et la terre. — nationalités 

année, tous les efforts §e concentrèrent autour de la bole ramifiée que 
défendaient les fortifications de Sébastepol. Ce n'était qu'un point, mais 
sur co point, les puissances en lutte dirigèrent toutes leurs ressources en 
hommes, capitaux» forces offensive» et défensives, La résistance égalait 
l'attaque ; les murs démolis le jour se relevaient pendant lu nuit» et de 
nouveaux régiment», ceux des alliés venus par mer, ceux des Russes 
accourus par terre, remplaçaient incessamment le matériel humain qui 
comblait les tranchées et les brèches. A la fin, le sort favorisa les assail- 
lants, et toute la moitié méridionale de la forteresse fut arrachée & la 
garnison russe (8 septembre i856). Du coup, l'empire moscovite se 
trouvait plus que vaincu, il était profondément abaissé. Déjà, Nicolas, 
pressentant la chute, était mort d'humiliation et de chagrin î la Russie, 
trop inféodée au despotisme pour qu'il lui fût possible do changer de 
politique, dut néanmoins « se recueillir ». 

Cependant, au moment môme où le prestige de la Russie, où sa puis- 
sance apparente étaient le plus sensiblement atteints par les événements 
do Crimée, elle se développait prodigieusement en étendue matérielle, 
comme par une sorte de croissance automatique. Le territoire immense 
qui s'étend a l'ouest de l'Oussouri, entre la rive droite de l'A mur et le 
littoral du Pacifique, devenait annexe de l'cmpiro et s'ouvrait à la colo- 
nisation. La Russie possédait désormais une façade sur le libre Océan. 
Si, du côté de l'ouest, en Europe, des issues maritimes sur la Baltique et 
la mer Noire restaient gênées par les détroits, du côté de l'est, elle com- 
mandait les espaces océaniques, et le petit village qui se fondait pour 
abriter sur les rives du Pacifique les premiers représentants de la puis- 
sance slave pouvait se donner fièrement le titre de Vladivostok, « Domi- 
nateur de l'Orient ». Le traité formel d'Aïgoun, en i858, consacrait les 
annexions russes. 

Bientôt après lu guerre de Crimée, l'empire français, fidèle à ses 
origines, avait à en soutenir une seconde, qui, d'ailleurs, était depuis 
longtemps en gestation. Des engagements antérieurs avaient été conclus 
entre Victor-Emmanuel et Napoléon, mais celui-ci, personnage lent, 
irrésolu, secoué de brusques frénésies, hésitait à tenir ses promesses, 
lorsqu'un patriote italien, Orsini, vint les lui rappeler brutalement, en 
faisant éclater des bombes sur son passage, 1 4 janvier i858. Tout d'abord 
l'avertissement ne fut pas compris : en proie à la peur et a la vengeance, 
l'empereur ne songea qu'à édioter des mesurés répressives contre toute 



NAPOLÉON ET l/lTAUE 



u>7 



liberté, toute manifestation républicaine; mais» pressa par le flot de 
l'opinion montante* il lui fallut quand même céder aux sollicitations du 




Cl. P. Sellter. 



ATTENTA» D*OB8INI 

Rue Lapeletier, 14 janvier 1858. 



futur roi d'Italie et l'aider à la conquête partielle de son royaume. Une 
campagne victorieuse l'amena jusqu'à la ligne du Mincio et du grand 
quadrilatère des forteresses autrichiennes. C'est là que Napoléon eût 
voulu arrêter le cours de l'histoire, mais elle continua de se dérouler 
sans lui. Absolument résolue à constituer son unité politique, la bour- 



i58 



L'HOMME KT LA TERRE. — NATIONALITÉS 



geoisie italienne continuait la guerre et le» révolutions, malgré la paix 
de Villafrancu, en vain conclue entre les deux empereur*. Les populu- 

H° 460. Italie du Word. 




Cette carie est à la même échelle que la carten* 451. 
1848. 25 juillet,' Custoïta. — 1849. 2 mars* Novare* 25 avril, débarquement des Français 
à Clvita-Vecchia, 30 juin, prise do Rome, . . „ 

1859. 20 mai. Montebello* 30 ma), Mortara t .11 mal, Patestroi 4 Juin, Magenta; 8 Juin, 
Marijman (Mflagnano); 24 Juin, Solferino ; 11 juillet, paix de Villafranca. Parme se réunit à 
l' Italie } Modéne chasse son due et se réunit i l'Italie en 1860. 

1860. 11 mai, débarquement des Mille k Marsala t 24 juillet. Mtlaxso ; 1« août, débarque- 
ment à ïteggio t 7 sept., entrée à Naples: 18 sept.» CasteWdardo (Piémontais contre PoiitUl- 
cauxlt 22 sept, bataille du Vulturne; 28 sept.. Capitulation d'Ancône. — 1801. 13 «^Capi- 
tulation de Oaôte. — 1862, 24 août, défaite des Garibaldiens a Aspromonte. 

1866. 24 Juin, Custom ; 18 juillet, bataille de Lissa. - 1867. 30 oct., les Français occupent 
Home ; 3 no v.. Garibaldiens défaits h Mentnna. 1870. 20 sept., le* Italiens entrent à Rome. 

1» tagnano de la carte est celui de la défaite de Barberouise en 1175 et non le quatrième 
sommet du quadrilatère dont l'eschiera, Vérone et Mantoue sont les trois autres. 

lions de l'arme, de Modcne, de la Toscane et de In Komagne annexent 
leur t"rri(oire au royaume de Sardaignc, tandis que Garibaldi, à la tôle 



GUERRE D ITALIE 



I&9 



des « mille » — en réalité 1067 compagnons — v s'embarque secrète* 
ment, maie non point à Tinsu du ministre Cavour, et soudain réappa- 

H- 4». Italie du Sud. 




i: 6 000 000 



* 



r«n t r i g * 



IO0 



20T 



300 



raît sur lu côle occidentale de Sicile, à Marsala. Son expédition à travers 
l'île, puis de l'autre côté du détroit, dans le continent napolitain, ne fut 



lOo l/HOMMK ET LA TERRE. — NATION ALITÉS 

qu une marche triomphale et se termina par une bataille décisive (180g), 
sur les borda du Vulturne. Le roi de Napies n'avait plu* qu'à affermer 
dans la place forte de Gaète avec quelques lldèles» et Garibaldi se prépa- 
rait à marcher sur Rome» qui n'càt pas mieux résisté que Paicrme ou 
qucNaples. L'Italie était bien presjdesc n foire seulement <-. non point da 
st\ c'est -Mire entièrement par ses propres effort», comme elle l'aurait 
voulu, inVis en dJptt des réticence^ de son quinteux allié, Il ne i-eata 
plus à celui ci que d'entourer précipitamment le pape d'une garnison 
française, chargée d'occuper indéfiniment la ville de Home, contre le 
peuple italien qui se Tétait donnée pour capitale. C'était s'enfermer lui- 
même dons une impasse, car la force constante des choses agissait en 
sens inverse de sa volonté d'un jour, soumise aux vicissitudes du temps. 
Aussi lorsqu'un de ses ministres, répondant à un interpellatcur qui lui 
doinandait quand l'armée française évacuerait Home prononça le mot 
« Jamais ! . ce fut une risée dans le monde, L'humiliant démenti ne 
devait pas se faire attendre pendant'de longues aimées. Il suffit pour cela 
que l'Italie prît dans sa lutte pour l'unité un autre point d'appui que la 
France : désormais elle s'appuya sur la Prusse qui, elle aussi, avait à 
constituer, sinon son indépendance nationale, du moins son autorité 
sur l'Allemagne unifiée, et qui, dans ce conflit, avait le» mêmes adver- 
saires que l'Italie. 

\ cette époque de si grande importance critique pour l'Europe, le 
monde entier se trouvait également agité. La Chine et le Japon, l'Inde et 
l'Indo-Chinc, les Etals-Unis, le Mexique étaient pareillement secoués par 
de puissantes révolutions* 

Quoique les nations ïi civilisation européenne considèrent presque 
toutes comme le plus précieux de leurs privilèges de pouvoir fermer, 
quand elles le jugent convenable, les portes de leur contrée aux marchan- 
dises et aux individus, elles n'en tenaient pas moins la Chine et le Japon 
pour des nations barbares parce qu'elles n'accueillaient pas les étrange», 
toutes frontières ouvertes. Grftw à la vapeur qui rapproche les conti- 
nents* les tentatives de domination morale, puis de domination maté- 
rielle faites au seizième et au dix-septième siècles par les missionnaires 
jésuites et autres allaient recommencer, et cette fois avec des repré- 
sentants de tout h* monde européen ; pasteurs protestants de sectes 
diverses aussi bien que moines catholiques, marchands et spécula- 



t 

11 

II 

3 



CHINE ET MttBlK i63 

tours de toutes catégories, aventuriers do tuut acabit, La plupart de 
ceux qui insistaient avec tant de passion pour l'ouverture des ports 
de la Chine voulaient en abuser pour l'importation de l'opium, 
par exemple, les Chinois comprenaient bien le danger, qui s'accroissait 
de jour en jour, et, pour y parer, ils ne pouvaient guère compter 
que sur leur science diplomatique. 11 leur (''luit impossible d'avoir 
la supériorité dans le conflit des civilisations, car les parties ne 
sont plus égales. H fut un temps où l'Orient se développait d'une 
manière indépendante de l'Occident. Alors le* deux moitiés de l'Ancien 
monde vivaient u part suivant des voies différentes, sans rapports appa- 
rents. Mais depuis que l'Europe s'est démesurément agrandie, elle a fait 
une deuxième Europe do l'Amérique entière, et la nation chinoise se 
trouve maintenant prise comme dans un élan entre les deux branches 
du monde moderne. Bien plus, l'Europe primitive a pris une telle exten- 
sion que, parla Itussie, elle est devem;" la voisine continentale immé 
diule de la Chine, et qu'elle menace de i'"iivahir en plusieurs points 
et de l'éviseércr, 

Si l'empire chinois, considéré connue Klal. ne sYluil trouvé pris duus 
le réseau tics coutumes, des précédents, de l'étiquette, nul doute que 
depuis un demi-siècle, il ne se fût accommodé nu\ nouvelles circonstances 
politiques pour déplacer sa capitule, se donner un autre centre de gravité 
où la résistance fût plus facile à organiser. La position stratégique de 
Péking, la « résidence du nord », eut naguère de la valeur parce que les 
dangers les plus faciles à prévoir étaient ceux qui auraient pu menacer 
la frontière septentrionale. Les empereurs de la dynastie mandchoue, 
descendant eux mômes de conquérants qui avaient dû guerroyer pendant 
des générations pour vaincre la résistance chinoise, craignaient avec 
juste raison les populations guerrières de leur ancienne pu trie, et ils 
savaient aussi que les Mongols étaient fréquemment descendus de leurs 
plalcaux pour s'installer en maitres dans lu contrée. On comprend donc 
que la capitale de l'empire se soit longtemps maintenue dans la région 
du nord, si loin du vrai centre de la Chine, qui est la « Kleurdu Milieu » 
entre les deux grands fleuves : on pouvait abandonner à elles-mêmes les 
populations paisibles cl surveiller les voisins turbulent», d'autant 
plus qu'on voyait se former derrière elles, lentement, mais avec lu 
rigueur inflexible du destin, une puissance plus redoutable (pie celle des 
Mandchou* et des Mongols, la puissance moscovite. 

V 9* 



IÛ.'| L'HOMME ET LA TKRHE. — NATIONALITÉS 

Mais au milieu de ce dix-neuvième siècle, la m émue de ta Russie clait 
encore I rcs éloignée, et les attaques vemtnt du coté de la ruer étaient bien 
autrement à craindre. Si tes puissances européennes restaient séparées 
de l'Kxtrét me Orient par l'épaisseur de ta masse continentale, elles avaient 
toute facilité pour atteindre ta Chine par le littoral, et c'est précisément 




Cabinet det Estampe». 



Uibl, un». 



travail »b l'opium. — crtssos 



ïa partie du sud et du centre, notamment le bassin du Si kiang, la baie 
de llang-tcheou, l'estuaire du Yang tse qu'il leur importait de faire 
entrer dan» leur cercle d'influence : à l'époque où les commerçants 
d'Kumpe et d* Vmérimie décidaient leurs gouvernements a forcer l'entrée 
des ports chinois, le cours du Hnuiip-lio. qui débouche maintenant dans 
legnirede Petchili, vers le nord de l'empire, s'ouvrait aussi bien au sud 
de la péninsule de Chatiluug. r/i*t doue vers les points menaces 
qu'aurait dft se porter tout IVffort de résistance, et, si là vie avait encore 
animé le grand corps au point de vue de l'organisation politique, si les 



CAPITALES CHINOISES 



i65 



mattreiï officiels tic l'empire avec leur hiérarchie de mandarins n'avaient 
pas été momifiés dans ta ville deux Toi» close, dans le grand sépulcre de 
ta cour, Us n'eussent pas manqué de se mouvoir dans la direction du 
danger, comme l'avaient fait leurs prédécesseurs des grandes époques 
nationales, 

In retour vers Nan-king, lu « résidence du Midi », eût déjà ramené les 



v« ' ' 



<. 'A 



offiaoe^ 




Cabinet des Estai»]**. 



mbl. iwt. 



TBAVAIt DE L'OPIUM. — MISE EN POTS 



forces défensives de l'Etat dans ie voisinage du centre de richesse et de 
population; sans nul doute, si le gouvernement chinois avait donné cet 
exemple d'initiative et de décision dans le péril, les dissensions inté- 
rieures qui prirent un tel degré d'acuité, lors de la révolte des Taï-ping, 
auraient été en grande partie évitées, et les mandarins n'auraient pas eu 
l'humiliation de livrer leur peuple aux mercenaires étrangers. Han kemi, 
qui est te centre commercial de l'empire, et où, par lonséquenl, 
convergent toutes les ressources des provinces, eût été également bien 



iGO 



L*ItO.MMK KT LA TERRK. — NATIONALITÉS 



choisir ; peut -être nu point de vue stratégique, celui de la défense et de 
l'attaque contre tout danger. le lieu le mieux indiqué par la nature eut 
été lu cité dp Kiu~Kiang, placée sur mie péninsule rocheuse de» ht rive 
méridionale du Vang Ise, cnli"e cet énorme, courant et ta mer intérieure 
du l>o yung, parcourue di' cliciinu\ navigables dans ton* le* sens : de lu 
le nom de « Ville des neuf fleuves »qu'a pris ta grande cité commerçante 
ouverte de force pur les \nglnisù fanaugation européenne. De ce lieu 
rentrai, situé à peu près à égale dislance entre Nun king et Hau kou 
(Haitkeu, Ihtukow), les \oies majeure* rayonnent de Imites parts, soit 




Cabinet dm» B«tamprB 



mw. N»t. 



POST HE» DIX MILLE ANNÉES A FOU-TCIIKOI', 



pur les cours d'eau, soi l par les brèches des montagnes, d'abord vers 
tous les points du grand bassin fluvial de la Heur du Milieu, puis au 
sud est vers l'on (chenu et les autres ports du Fo kien. au sud ouest 
\<TsUmlon, au nord \ers KhY -long et l*eking. 

Mais, tandis que les gouvernants chinois s'cnkylosaicnt dans leurs 
pulais, devenus de véritables tombeaux, et qu'ils se laissaient bercer, 
comme pour lu mort, par la eanlilenc des >ieillcs formule», les événe- 
ments suivaient leur eours et de grandes transformations s'opéraient 
dans la musse de la nation : en inndilhml leur équilibre, les conditions 
économiques du inonde devaient entraîner ta société chinoise, aussi 
mobile que toutes les autres sociétés, en de nouvelles conjonctures. (Test 
a tort que la Kleur du .Milieu avait conservé son mépris pour l'étranger, 
se comparant h ce qu'elle connaissait de l'Kurnpc; cette région si loin- 
taine, divisée en tant de petits Ktals hostiles. La Chine avait conscience 



GUERRE DE L'OPIUM H»; 

de la majesté que lui donnuient la longueur de sa durée, la grandeur de 
son passif l'étendue de son domaine, l'immensité de ses populations , 
mais» il lui manquait ïa force d'initiative, et celle forée appartenait aux 
insolents étrangers qui commerçaient dans ses ports. Ces « barbares aux 
cheveux roux », qui étaient pour la plupart des Anglais à blonde cheve- 
lure, méritaient en effet le nom de barbares, leur, métier contestant sur- 
tout a introduire par contrebande la funeste drogue de l'opium, recueillie 
duns leurs plantations des Indes. Au point de vue moral» l'attitude de la 
Chine, refusant d'empoisonner son peuple, était certainement la plus 




Comnet «le» Ifetantpet. B,bi - *•*■ 

TRAVERSANT L'ESTUAIRE DU SI-HO 

digne, et la C ronde Bretagne avuit mauvaise grâce à parler de sa culture 
supérieure en imposant à ses clients l'usage du poison sous peine de 
bombardement et d'assaut. D'ailleurs ce crime politique ne présente rien 
d'exceptionnel dans l'histoire de l'humanité. Le torrent circulatoire de 
ta vie internationale roula toujours dos flots impurs, et quelle est la 
nation commerçante d'Europe qui n'ait pas à se rapprocher d'avoir 
vendu aux peuples étrangers, uvec des marchandises diverses plus ou 
moins utiles, les eaux de vie frelatées et autres funestes produits? 

C'est en 1 83g que commença la guerre dite de l'opium, et naturel 
lement elle eut pour premier théâtre l'estuaire de Canton, l'escale la plus 
méridionale de l'empire, qui est en même temps la plus rapprochée de 
l'tiuropc et de ses colonies asiatiques dans l'Inde et l'Insulmdc. Toute- 
puissante sur mer où les jonque» chinoises, lourdes et maladroites, ne 
se hasardaient que pour se faire couler à fond, la flotte anglaise put 



iC8 l'homme rr la tkrrb. — nationalités 

manœuvrer Librement sur les côtes, forcer plusieurs fois l'entrée de Can 
(on, bombarder le» forts, prendre eu gage temporaire une des îles situées 
près de l'embouchure du Yang-tsc, c'est-à-dire en face même du centre 
de l'empire, et s'emparer, définitivement cette fol», d'une île qui lui 
assurait la domination commerciale et militaire de toute la Chine méri- 
dionale et des mers qui baignent lesud-estde l'Asie. Depuis l'année iS'ii , 
celte colline insulaire de Hongkong, absolument invulnérable de la 
pari des Chinois, n'a cessé île grandir en richesse, en population et en 
force d'attaque. Kn vertu du traité de \un-Mng, imposé par les Anglais 
un i8'|3, cinq porls du littoral furent ouverts librement au commerce 
étranger, Cunton, Amoï. Fou-teheou, N'ingp o, ChangliuY. L'année sui- 
vante, l'escadre américaine, puis celle de France vinrent ho faire accorder 
les mômes avantages ; les Français stipulèrent, en outre, l'abrogation des 
lois de proscription contre les missionnaires chrétiens et les catéchumènes 
indigènes: de nouveau les prêtres catholiques, auxquels devaient s'asso- 
cier les protestants de toutes sectes, recommençaient leur œuvre de 
désagrégation dans l'empire. 

Peu d'années après, c'est à -dire exactement a l'époque où le monde 
occidental était lui-même si profondément secoué dans sa charpente 
politique, l'empire chinois fut ébranlé par la grande révolte des Taï-ping, 
que des révolutions antérieurs de l'Extrême Orient ont pu certaine * 

ment égaler en ruines cl en massacre», mais qui se distingua d'elles * 

toutes par ses traits d'origine étrangère. Les bandes groupées autour J 

des organisateurs de la lutte qui éclata en i#5o, après une longue prépa- ! 

ration secrète, appartenaient presqu'exclusivcment à la classe des 
Hnkka, prolétaires méprisés des bords du Si-Riang et de ses affluents, | 

dans lesquels on voit des Chinois du nord, de race très pure, immigrés | 

parmi les PunlL « racines de la Terre », ou aborigènes qui eonsti 'j 

tuent le gros de la population du Kuang tung. Les révoltés étaient \ 

donc des Chinois par excellence», et, dans leur marche triomphante a 
travers les pnninces du centre, le long de l'axe de vie de la « Fleur du 
milieu >., ils recrutèrent leurs adhérents uniquement purmi les Chinois 'i 
patriotes pour lesquels la domination de la dynastie mandchoue était s 
lu pire des humiliations nationales : le symbole de la libération était de 
luisser pousser la chevelure, suivant l'ancienne mode populaire * de là 
le nom de IVhang-mao ou « Longs cheveux » qui détint l'appellation û 
commune des insurgés. Et ces Chinois purs se laissent si bien influencer 



SOULE V£3f EN'T DES TKÏ-PïUG 



»o» 



par les enseignements do quelque» missionnaires ù demi compris el par 
des traités religieux de médiocre valeur qu'Us adoptent la Cible comme 
un livre sacré et ta font partiellement traduire, qu'ils élèvent Jésus-Christ 



tf° 462. Chine des Taî-ptng. 




i : 16000000 



i Ûà 



W 



BooKiL 



L'empire de Taî*ping, de 1851 & 1862, e*t indiqué par un prisé de hachuras, h* ville de 
Jung-ngûi» dans le kuang-«i (ut prise par les insurge ma au Utmo 1851, Naa*tctng le 19 ma» 
1883 et Ning*po le 9 décembre 1861. Cetl« ville fut reprise d6i 1862, Chuo*hiag (et Bu-tchen 
en 1863» Tchang-dien, Hang-tchen, Hu-tchcn au prluUmpt 1*6'», Xun-klng. «nftn, le 
19 juillet 1864. 

au rang de leur» dieux et reconnaissent les protestants comme « des 
frères en la foi ». Ils récitent ave** révérence les « dix grandes lois du 
ciel », qui ne sont autre chose que les dix commandements des Juifs, 



I70 l/HUMMK ET 1.A TEHRE. — NATIONALITÉS 

traduits assez exactement par eux, mais avec l'addition expresse de 
l'interdiction «les « choses malpropres », c'est-à-dire do l'opium ot du 
tabac. Le communisme des premiers chrétiens, réveillant en eux des 
impressions ataviques depuis longtemps engourdies, les aida a pro- 
clamer la mise en commun des bien» et à décider la réorganisation de la 
propriété terrienne pur de» groupements de vingt cinq familles associées 
sur un domaine unique. 

Pendant quatorze année*, les Tuï-ping constituèrent un empire 
dans l'empire, et très certainement ils eussent réussi à changer 
complètement l'équilibre politique du monde chinois si, d*unc 
part, ils ne s'étaient laissé guider par un maître aux idées incohé- 
rentes que le vertige du pouvoir avait affolé et qui, devenu l'une des 
personnes de la « 1res sainte Trinité », ne daignait plus regarder sur la 
Terre*, et s'ils ne s'étaient imprudemment heurtés contre les établisse- 
ments européens tin littoral, L'Kuropc préférait avoir îi faire au gouver- 
nement décrépit «If* PéUng dont elle connaissait les faiblesses et qui 
obéissait a ses ordres, que de se mettre en nouveaux frais d'astuce diplo- 
matique pour accommoder ses intérêts h ceux d'une Chine», transformée; 
des troupes mercenaires de toute race, commandées par des aventuriers 
français, anglais, nuiérietuns. les Le BrethondcColigny, lesd'Aigucbclle, 
les Ward, Burgcwiuc, Ibdland et le noble Gordon qu'on eût désiré voir 
en antre compagnie, se chargèrent de réduire l'insurrection pour le 
compte du gouvernement mandchou. C'est donc à l'aide de l'élément 
européen que la Chine officielle parvint à se débarrasser d'une révolte 
invétérée où l'influence de l'Europe avait eu sa grande part : influence 
d'étrangers, si peu nombreux en comparaison de la masse prodigieuse 
des Chinois, influence si puissante pourtant qu'on la retrouvait h la fois 
dans les conseils du gouvernement et dans les révolutions de la masse 
profonde. 

Mais les étrangers voulaient posséder une part ofllcielle de pouvoir 
correspondant a leurs ambitions et, bien avant la fin de l'insurrection 
des Taï-ping la guerre avait éclaté. La Grande Bretagne et la France 
s'étaient chargées de représenter les intérêts du « monde civilisé ». Le 
bombardement et l'occupation de Canton, puis deux attaques successives 
du fort de Peï ho et deux prises de Tien-tsin, enfin la campagne victo- 

L Lindesay Brin*?, The Taeping Rébellion in China, 



LE JAPON ET l.'KTltANUEH 



'7 1 



rieuse (»85o) des alliés que couronnèrent l'assaut de Péking, l'incendie 
et le pillage du Palais d'été furent lu* principaux événements de l'inva- 
sion franco-anglaise qui établissait nettement la supériorité militaire des 
puissances occidentales. Après ces catastrophes, le gouvernement chinois 
dut s'assouplir et» successivement, suivant les exigences des ambassadeurs 
étrangers, de nouveaux ports s'ouvrirent au commerce européen, la liste 
des privilégiés s'accrut et le contrôle des douanes leur fut livré. En 
môme temps, les missionnaires catholiques, et protestants, s'établissaient 
dans l'intérieur, aux endroits qui leur convenaient, et cumulaient, aux 
yeux de la foule, le double avantage d'être à la fois des fonctionnaires 
chinois et des protégés de l'étranger. 

Au Jupon, un changement analogue s'était produit, mais d'une 
manière plus simple, plus noble et plus dramatique : les résultats poli- 
tiques et soeiuux on furent peut-être, pendant le dix-neuvième siècle, la 
plus grande merveille de l'histoire, car il ne s'agit de rien moins que de 
l'arrachement d'une nation au cycle fermé de la civilisation orientale et 
do son entrée presque soudaine dans le monde européanisé. Evidemment 
pureille Iransfornmlion ne peut s'expliquer que pur une pression inté- 
rieure d'une puissance c \lraordinaire. On se laisse aller volontiers ti 
croire que la sommation du eommodore américain Perry, signifiée en 
i853 au gouvernement japonais, d'avoir a ouvrir au commerce des Etats- 
Unis les ports de l'empire, fut la raison décisive de la grande révolution : 
elle n'en fut que l'occasion. Sans doute ta république américaine, pro- 
priétaire depuis quelques années de la partie du littoral qui, dans le 
Nouveau Monde, fait précisément face au Japon, devait chercher anxicu- 
Hcmcnt des marchés étrangers pour son nouveau port de San-Francisco ; 
de même la Russie et toutes les puissances européennes qui s'empres- 
sèrent d'imiter les Etats-Unis et de réclamer aussi le libre accès des ports 
japonais pour leurs navires avaient un intérêt majeur à trouver un 
débouché commercial de l'importance du Japon, mais si grande qu'ait 
été la force matérielle et morale développée parcelle convergence d'efforts 
extérieurs, elle ne pouvait triompher de la politique traditionnelle du 
Japon, religieusement observée pendant plus de deux siècles, qu'à la 
condition d'être désirée par une grande partie de lu noblesse féodale des 
itaVmio, qui gouvernait alors, sous l'apparente domination du xiogoun et 
à l'ombre sainte du mikado. La curiosité de la noblesse japonaise était 



tp L'HOMME ET I A TKIlKE. — NATIONALITÉS 

éveillée au plu» haut point : elle voulait connaître ce monde étranger qui 
«'était annoncé à elle pur ses intervention* on Chine, et surtout par ses 
inventions merveilleuses, A peine l'empire était il ouvert que chaque 
grand seigneur japonais tenait h posséder des livres, des objets do 
l'industrie européenne, des machines et se faisait construire un bateau à 
vapeur pour visiter les criques de son domaine. 

Mais le conflit devait surgir violemment entre les patriotes conserva 
leurs et les jeunes, épris de nouveauté. La révolution intérieure qui avait 
eu pour conséquence indirecte l'ouverture des ports aux étrangers conti 
nua de désagréger l'ancienne organisation de l'empire, et. quinze années 
après l'apparition des vaisseaux du commodorc Perry, il se trouva que 
tout était renouvelé, Le monde des commerçants, c'est-à-dire la petite 
féodalité que l'on peut comparer h lu bourgeoisie des peuples occiden- 
taux, était désormais en libre communication avec les importateurs de 
toutes les puissances civilisées; le» grands seigneurs féodaux, qui avaient 
fait du Japon une grande réitération d'aristocraties puissantes, devaient 
maintenant s'incliner devant le pouvoir central du mikado, non pas 
restauré dans son antique absolutisme mais transformé sur le modèle 
des souverains constitutionnels de l'Europe. L'imitation fut môme 
poussée jusqu'à la puérilité, mais elle n'alla pas jusqu'à la sottise. Tout 
en singeant les étrangers pour leur prendre des armes et pour copier deB 
articles de loi, en constituant une forte centralisation, les diplomates 
japonais ont pris grand soin d enlever aux visiteurs européens les privi- 
lèges de la juridiction consulaire, et rien n'a pu les décider à concéder 
aux Européens le droit d'acquérir en toute propriété la moindre parcelle 
du sol : te Japonais reste niailre chez lui. 

En beaucoup de circonstances, le plagiat des moeurs occidentales par 
les Japonais est exigé par ces conventions tacites d'une tyrannie absolue 
qu'on uppelle les convenances. Ainsi dans les villes» le port du vêtement 
est devenu général et obligatoire, et la tendance irrésistible est de 
modeler ce vôtement sur celui des Européens, quoiqu'il y ail contraste 
naturel des uns et des autres dans te squelette, l'attitude, la démarche, le 
goût artistique, l'art et les traditions. Mais, si d'une part, tant de Japo 
nais pratiquent un mimétisme ridicule, l'ensemble de la nation qui se 
trouve en rapport avec les Européens se laisse aller volontiers à un 
nationalisme arrogant, î» la conscience exagérée de sa valeur relative- 
ment aux autres peuples, mémo n ce laid chauvinisme qui cherche la 



TRANSFORMATION DU JAPON 



173 



gloire de Bon paya dan» la honte des autre* cl qui fait sa joie du désastre 
des rivaux. Par on contraste nu tu roi, ce sont précisément les Japonais 
qui se sont crus obligés d'imiter les Européens par le costume. l'éli- 

N° 463. Japon méridional. 




1 î 10000O00 

iéà iio iio Kil. 



quette, la démarche, qui éprouvent la plus grande aversion pour 
l'étranger; quant à la masse de la nation, qui conserve les mœurs 
antique», les vieilles traditions, les vêlements d'autrefois, elle garde aussi 
la bonté native et les mnaurs de franche hospitalité. 



I-'l l.*I10»M£ ET i.A TERRE. — NATIONALITÉS 

Parmi les anciens cultes, celui qui se maintient le mieux est le rite 
shitihh « chemin des dieux «, dont l'origine est purement nationale, puis- 
qu'il ne faut y voir au foml que la vénération des ancêtres, c'est -ft-dirc 
de la race elle même; quant au bouddhisme, que l'on croyait incorporé 
dans le fond môme de l'àme japonaise, il n'eut plu» giuVc qu'un souvenir 
poétique des anciens temps, une superstition comme la vague croyance 
aux fées; et aux gnomes, tin l'ait» tes Japonais sont devenus plus Kuro- 
peensque tes Kuropécns mêmes; en majorité, il* ont dépouillé le vieil 
homme religieux pour ne plus croire qu'un* lots déduites de l'obser- 
vation des fait» H du contrôle de l'expérience. 

Quoi qu'il en soit, une chose est certaine, c'est que l'influence euro- 
péenne s'est fait sentir d'une façon vraiment révolutionnaire au Japon, 
tandis qu'en apparence du moins, la puissante niasse du peuple chinois 
aurait été moins entamée, (-'est que l'énorme épaisseur eonlinetitale est 
heuueoup plus difficile» pénétrer que l'archipel Japonais, accessible de 
toutes parts. Au milieu du siècle, lorsque le royaume du Soleil Levant 
s'engageait déjà dans le mouvement décisif d'évolution, lu Chine, dont 
la population éluil an moins décuple, pouvait opposer ainsi une force 
dix ou douze lois supérieure aux éléments étrangers de transformation : 
c'est ainsi qu'un liquide colon; Unit par disparaître dans une grande 
quantité d'eau transparente. 

Kntre l'archipel Japonais et le continent d'Asie, la péninsule de 
Corée se trouvait, en vertu même de sa position géographique, placée, 
par les événements qui s'élaient accomplis au milieu du siècle, dans une 
situation politique tout à fait équivoque et indécise. Quoique de grande 
étendue et d'une forme très bien limitée, lui assurant une individualité 
parfaite, cette péninsule n'avait pu échapper aux invasions successives et 
alternantes des dcjtx empires qui la tenaient comme dans une mâchoire. 
La prise de Péking par les alliés et rhumiliution définitive de l'empire 
écarta désormais pour la Corée le danger de lu domination chinoise, mai» 
la Chine laissa la place à une puissante héritière qui, à son tour, disputa 
au Japon le rolc prépondérant dans la gérance future de la Corée et se 
\oil éliminée de uns jours sur les champs de batailles de Mandchouric. 
In demi-siècle d'intrigues et de machinations diplomatiques rappelant 
un jeu d'échecs par la série des coups, dont les ministres et les consuls, 
les commerçants et les missionnaires étaient les pièces, ont donné lu 
suprématie tantôt a l'un, tantôt à l'autre gouvernement; la Corée, comme 



LA CORÉE ET LES PUISSANCES AVIDES 



I7.J 



te Maroc, comme la l'une, comme le pays de Sium, n*osl (mime proie 
disputée par des puissances avides, 

ff 464. Manche de Malawa. 

(Voir pige 176.) 




IW» 



"^.T" 


-^.'JlT.l 


-— ~4-._i-=^. 


7V^ 


r ,__. . . . - j_ 


feM^ 


"^^ IL 

îïftv 


r"V "TU!.." r. r. - !^ -iiïrun 






*. 






'-'« "i "". 'r". 1 !!.* ! 




- " . " T 1 ."_".'"_T.^.""J1'ZZIZI 






* . . — .,— 




— — 




; isa 



: ■**■-. . rv:.':i"j 



loo* E. de Gr. 



fc 



1 : 5000000 

'lOO 200 



'SooKil. 



Los possessions directes de la Grande-Bretagne sont l'Ile do Plnang. capitule Georgetown 
i>t le tlistrlct de Wellealey, l'enclave de Djndings, celle de Malacca et de SJnj»tptir. U protêt 
toral comprend les provinces de Perak, Selangor, Ncgri-Sombilan,Pjohor et l'ahaog. 

Tandis que l'influence européenne travaillait avec des succès inégaux, 
mais irrésistibles, n pénétrer toutes les régions de l'Extrême Orient qui 



176 l'homme et u terre. — nationalités 

jusqu'alors tut étaient restées complètement soustraites, Chine, Japon, 
dorée» une partie méridionale du littoral tourné vers llnsuliiido était 
purement et simplement annexée comme territoire de conquête par l'une 
de» puissances européennes. La France, dont tes politiciens entrepre- 
nants regrettaient la part de L'empire indien passée au dit-huitième siècle 
sous la domination de Ja (îrande Bretagne, voulait une revanche en 
d'autres « Indes •>. Kn iK5o, elle commença l'œuvre de conquête pur 
l'occupation de Saïgon, sur un (les fleuves latéraux du bas Mekuiig, et, 
successivement, de proche en proche, par les armes et la diplomatie, 
toute la moitié urientale du corps de l'Indo-Chine fut explorée, earto- 
graphiée et annexée ù l'empire colonial français. Peuples pacifiques, 
ayant reçu de la Chine leur éducation morale, les habitants de la 
Cochinehinc, de TAunam, du Ton kl h ne résistèrent que faiblement ek 
s'ils uvuient été traités avec justice, ce que, d'ailleurs, il serait absurde de 
demandera des conquérants, ils n'eussent point résisté du tout : agricul- 
teurs attachés à la glèbe, ils paient l'impôt à qui l'exige, et, pur leurs 
millions de travailleurs, pur la régularité de leurs efforts, lu richesse du 
sol cultivé, fournissent de grandes ressources économiques à la puissance 
qui tes exploite. Mulgré l'incohérence des régimes de gouvernement 
qui se sont succédé. l'Indo-Chiiiu française prend une importance très 
rapidement accrue dans le monde de l'Kxtréme Orient. 

La péninsule Malaise, qui *c rattache au corps continental de 
l'Indo-Chinc, entre le golfe de Marlahan et celui de Siam, se trouve 
forcée, par son orientation relativement au détroit de Mulacca, à rester 
quand môme beaucoup plus indienne que chinoise : rien n'a changé à 
cet égard depuis que « la lumière rayonnait de l'Inde <>. C'est qu'en ces 
passages, la voie de navigation nécessaire longe le littoral occidental de 
la presqu'île pour se glisser dans la manche de Malncca et contourner 
Singapur ou les îlots voisins, pour s'élancer ensuite librement» soit au 
nord vers Bangkok, soit au nord-est vers les chemins de la Cochinehine 
ou de la Chine, soit encore à l'est ou au sud-est vers les terres dispersées 
de rinsulinde. Aussi est il facile de s'expliquer pourquoi les puissances 
européennes, dans leur prise de possession graduelle «lu globe, ont com- 
mencé l'annexion de l'Indo-Chine par la côte occidentale. Déjà eu iji i, 
les Portugais s'emparèrent de la cité de Mulacca, qui, grAce ù sa position 
sur un des points les plus étroits du chenal, était devenue le principal 
rendefc-vous des navigateurs et, depuis plus de deux siècles, avait imposé 



CONQUÊTES EN INDO-CHINE 



1 



|K «1 



1 1 

m « coutume » à tous le» pilote» de la Mulaluie. Les Hollandais, puis les 
Anglais succédèrent aux Portugais comme do mina leurs de Malacca, 
l'Angleterre s'attribua successivement l'île de Puto Pinang et le terri- 
toire opposé de Wellesley, sur la Péninsule, ensuite l'île de Singnpur, 
tes territoires de Perak, de Salangor, et les Negri Sembilun ou u neuf 
Ktats » avant d'établir son pouvoir à Pchang, sur la côte orientale ' : 




I)nru ment communiqué par Mtm> Afra**Uti 
MINES p'ÉTAIX OU DISTRICT DE FKfUK. 

c'est en 1HK8 seulement, près de quatre siècles après l'arrivée des Kuro- 
péens dans la péninsule, qu'il» prirent pied sur les plages tournées vers 
la merde Chine. 

La date décisive qui marqua l'annexion définitive de toutes tes rôles 
de l'Océan ù lu domination européenne fut Tannée de la révolte dite des 
« cipayes j>. Jusqu'alors la compagnie des Indes avait doublement profilé 
de la puissance de ses capitaux, d'un eô lé pour accroître savamment 
dans la péninsule le rendement des impôts, de l'autre pour dominer le 
Parlement anglais et se faire donner par le budget les forces militaires 

\m Ilugh Cliflford, The Geoçraphical Journat, januury 1899. 



1 



I 

IjN L'HOMME ET LA TKHHK. ~ NATIONALITÉS 

dont elle avait besoin pour urroudîr cl consolider set* conquêtes. Cepen- 
dant l'immensité dos i nieras engagés claiin la domination d'un aussi 
vaste empire avait obligé le gouverne ment biilanntque à se substituer 
graduellement comme législateur 6 In compagnie, et te transfert ne 
^'accomplissait point sans heurts et faux mouvement» qui diminuaient le M 

prestige des maîtres auv yeux de lu multitude des sujets. C'est alors, en i 

185;. que l'ut introduite imprudemment dans les régiments indignes de 
l'Inde une i»t»u\ elle arme, lu carabine Knlleld, dont les cartouches étalent 
graissées de tard : du coup, Hindous et Musulmans, que séparait une 
haine traditionnelle, soigneusement entretenue par leurschefs, se trou- 
vèrent réconciliés ; les adorateurs de la vache et les ninudisseurs du pore, 
violentés les uns et les autres dans leur foi et leurs pratiques religieuses, 
furent en même temps poussés à l'indiscipline cl a la révolte. Un premier 
soulèvement ont lieu dans les cantonnements de Miralh ; mis en fuite, 
les vi payes rebelles ne s'emparèrent pas moins de Delhi, la ville rentra lu 
de riliiidoiislau, le point de convergence de. ses grande* voies commet'- fl 

claies et le poiul stratégique par excellence du double ventant de l'Indus 
et du (iange, en même temps que le siège symbolique de l'empire. Tous 
les mécontents, encouragés par mille de ces prodiges et. prophéties qui 
surgissent toujours pendant les périodes critiques, crurent que le grand 
jour du renversement était arrivé et s'insurgèrent à leur tour ; on com- 
prit que le destin de l'Angleterre dépendait de la possession de Delhi 
vers taquet le se dirigeaient les combattants. Mais le cercle de l'insurrec- 
tion se trouva limité, il ne s'étendit pas dans le Pendjab cl n'empiélaque s 
légèrement sur les présidences de Madras et de Bombay ; lu plupart des 
princes médiatisés restèrent lidèles au gouvernement qui les pensionnait, 
et les Afghans se bornèrent à contempler l'assaut du haut de leurs 
montagnes. Les Anglais eurent l'avantage et reprirent Delhi après 
quatre mois de siège, muis la guerre dura plus d une année avec dos 
succès divers accompagnés de massacres et de cruautés monstrueuses. 
Naturellement les « civilisés .» qui furent les vainqueurs réprouvent les 
crimes de leurs adversaires et se félicitent de leur propre énergie dans lu 
politique de terreur et d'extermination sans pitié. 

La compagnie ries Indes disparut dans le fracas, et, par sa proclama- 
tion du i fr novembre iS5K t lu reine Vicloriu prit directement le pouvoir. 
L'Angleterre assuma donc toute responsabilité dans la bonne ou mauvaise 
gestion de l'immense empire qui, ù l'époque de la reprise, n'avait pas 



<: 



RÉVOLTE DES CIPAYE6 



'79 



moin» de »ao millions d'habitants. Mai» comment une responsabilité 
prise de si loin et en parfaite ignorance de cause aurait-elle pu s'uppuyer 
sur une garance vraiment honnête et scrupuleuse des Intérêts de ee 
peuple immense? D'abord, c'eût été une singulière illusion de croire que 
ta nation anglaise elle-même pouvait prendre, en franche solidarité, 
la défense de populations asiatiques dont les uneur* sont si différentes 




CDMPUK 



Document comiminli|u<t par Mme Matsloti, 
PALAIS »1Ï CHAH DJKHAK 



des sien uns. Petits bourgeois et multitudes de prolétaires commençaient 
à peine de s'agiter pour leur propre libération; non encore arrivés au 
sentiment de sympathie qui eût do les rattacher à leurs frères irlandais 
du Koyaume Uni, on ne pouvait espérer qu'ils sentissent les injus- 
tices commises contre tes Hindous comme celles dont ils étaient les vic- 
times, ("est a la caste politique supérieure qu'ils s'en remettaient du 
bon gouvernement «le ces colonies lointaines, et, dans cette caste 
on déléguait naturelle ment le souci des choses de l'Inde à quelques spé- 
cialistes, c'est a-dire aux personnages mômes que leurs fonctions de 



l8o L'HOMME KT LA TKRHK. — NATIONALITÉS 

grands chef* ou de capitalistes avaient fuit les oppresseurs de rtittle et les 

usufruitiers de se» richesses ; eu réalité l'ancien régime de lu Compagnie 
se maintenait sous des apparences nouvelle», l'aristocratie britannique 
gardait g» ])i*oie. 

Gepeiidiml la révolte avait réellement changé quelque chose dans 
l'équilibre général des populations hindoue»; elles avaient eu comme un 
pressentiment lointain de l'unité nationale. Certes, parmi les eipayes 
insurgés, appartenant ù toutes tes races et ne se comprenant mutuelle- 
ment que par remploi d'un jiirguti militaire» il ne pouvait être question 
du sentiment qu'on appelle « patriotisme » en Occident* Les révoltés de 
l'Inde, Ylchnoulfles, Sivaïtes, ou Musulmans, Mahratti, Radj poules ou 
Jfcnguli, n'auraient pas compris nu cri de revendication de « l'Inde aux 
Indiens! <> ou de « l'Inde une ! » analogue a celui qui avait associe toute 
la bourgeoisie italienne en une mémo nation ; bien moins encore 
auraient-ils pu répéter comme les Allemands : « Notre terre s'étend aussi 
loin que résonne ta langue! • (> qui tes avait unis, ce n'était point 
l'amour iiUiil pour le sot nourricier ni le sentiment de solidarité cordiale 
avec des compagnons d'existence et de travail : c'était la ranereur 
<les sonllVances subies eu commun, c'était la haine contre? l'étranger 
méprisant et brutal, onlln l'incompatibilité totale de vie et de compré- 
hension mutuelle avec des êtres d'une caste absolument distincte. 
Kl pourtant, de ce patriotisme tout négatif, nécessitant une active colla- 
boration d 'efforts, une sympathie passagère dans les fatigues, les batailles, 
ht captivité et la mort, naquit un certain patriotisme hindou, embrassant 
vaguement contre l'Anglais des gens d'origine diverse, séparés par des 
haines el des traditions héréditaires. De la défaite même surgit la pensée 
d'au futur triomphe auquel prendraient pari toutes les populations de 
celle immense contrée dont on connaît maintenant d'une manière de 
plus en plus précise la merveilleuse individualité géographique entre te 
rempart des monts prcsqu'iiifrancbissnbles du nord et les deux mers qui 
se rejoignent au sud. Le réseau de chemins de fer et de routes, dont les 
nécessités stratégiques (d le besoin du commerce ont couvert la péninsule 
depuis la grande révolte, a donné à cette unité géographique de l'Inde une 
valeur qu'elle ne pouvait avoir a une époque encore récente, lorsque les 
immenses étendues de l'Asie et de la Dravidie devaient paraître à leurs 
habitants comme un monde sans bornes. 

tin dépit iles races, des langues et des castes, l'Inde est en voie de se 



FORMATION DE l'L'NITÂ HINDOUE 



181 



faire « une »♦ comme se lit l'Italie, et tic se donner une élite de vouloir 
et d'action qui crée ta nationalité dW>menfs incohérents naguère. Cola 
suffit : ce Tut toujours une infime minorité qui détermina le mouvement 
dans lu masse profonde et sans vouloir des foutes sougjuccntcs. 




€$ittx 



V 



10 



NÉQRES ET MOUJIKS : NOTICE HISTORIQUE 



i85o. — i5 nov., une nouvelle diète ramène l'Allemagne a la situation 

d'avant i8,'|8. 
i85i. — a déc, coup d'Etat de Louis -Napoléon, approuvé le ao déc. 

par un plébiscite. — En Chine, les Tuï ping commencent 

leurs conquête». 
j85/|. — 10 avril, traité franco-anglais contre in Kussie ; ao sept., 

débarquement des Alliés à Eupatoria ; lutte autour de Sêbas- 

topol qui se rend le 8 sept. 1855, 
i85(i. — îO nov., et i85;, «9 déc, les Anglais bombardent Canton. 
i858. — i'i janv., attentat d'OrsInt (ih i tués et blessés)* 
i85(). -- Mai-Jtill., campagne d'Italie. — Oel., révolte de John Broun. 
18G0, — Juil, a ocl M expédition de Péking et pillage du Palais d'été. 

— Mai à sept., les Mille conquièrent les l)eu\ Siciles ; les 
Piémouliiis envahissent tes Etuis pontificaux et rejoignent 
(inribaldi. 

18O1. — i.'î févr., cupihilutioii de <iaète. — ,'1 mars, muuifeste impérial 

supprimant le servage en Russie. — i« avril, premières 

hostilités aux Etats I nis. — ai juil., les Nordistes défaits a 

Bull Hun. 
i8(»a. — (Jaribaldi battu par les Piémontais à Asproiuoiitc. — Les Taï- 

ping s'attaquent à Chang-haï. — Les Nordistes sont défaits a 

plusieurs reprises, mais empochent les Sudistes de se maintenir 

au nord du Potomac. 
i8li.'t. — Soulèvement de la Pologne. — Les Allemands occupent le 

Holslein. — a '1 juil., victoire nordiste de Gcllysburg et prise 

de Vicksburg. 
i8b7|. — i<* févr., ta Prusse et l'Autriche envahissent le Danemark, — 

19 juil., prise de Nan-kiug. — Marche de Sherman vers 

Savannah cl de Cirant sur Itfchmo,ud. 
i805. — 9-17 avril. Keddition de Lee cl de Jackson, près de Kichmond. 

— i\ avril, Assassinat de Lincoln. 




L'Homme arrive de plus en plus à se s<mtii* 
homme dans la grande fraternité humu.ue, 



CHAPITRE XVIII 



PEUPLEMENT DE L'AMÉRIQUE. — TRAITE DES NÈGRES. - ÉLÈVE DES ESCLAVES 
t MOUVEMENT ABOLITIONISTE. — TENTATIVE DE JOHN BROWN 
A ÉMIORATION D'EUROPE EN AMÉRIQUE. — OUERRE DE SÉCESSION 
ÉMANCIPATION DES NOIRS. — OUERRE DU MEXIQUE. — DOCTRINE DE MONROE 

ABOLITION DU SERVAQE EN RUSSIE. 



I^U'ailelement u l'Ancien Monde, le Nouveau dut subir aussi, pendant 
la deuxième moitié du dix -neuvième siècle, de grands changement* 
d équilibre politique, nécessités par le déplacement des intérêts et le 
moincment des idées. Mais il y eut néanmoins une grande dînèrent c 
entre les révolutions de l'Amérique moderne et celles de VKurone et de 
l'Asie, c'est que dans les vieux continents les nations et les cluses 
engagées dans les conflits appartenaient par l'origine au sol même «tir 
lequel elles combattaient, taudis que les populations aux prises mu* 

Y 10* 



i8.'| l/llOMMK KT LA TERBE. — NEUREB ET MOUJIKS 

le continent nouveau étaient en très grande minorité venue» d'outre-mer 
et rcpréseutalenUinsi, par le sang aussi bien que par le» idée», l'en- 
semble de l'humanité progressive. 

Les aborigène* de* Amériques ne pouvaient évidemment prendre 
qu'une très faible part aux révolutions : tout au plus ce qui en restait 
fut-il entraîné dans le conflit par suite de l'ébranlement général. Le» 
populations assimilables, c'est-à-dire les tribus agricoles vivant dan» 
les contrée* conquises par les Espagnols, qui, dans le cours des siècles, 
s'étaient presque complètement métissées par l'effet des croisements, 
se trouveront forcément engagées dans les guerres de l'indépendance 
h ispa no américaine. Attirés avec plus ou moins de puissance et d'effi- 
cacité dan» l'orbite de lu civilisation européenne, ceB éléments contri- 
buèrent, avec le levain fourni par les descendants de race blanche, à 
constituer les nations nouvelles de l'Amérique latine. Quant aux chas- 
seurs nomades qui parcouraient les régions centrales du Brésil et la plus 
grande partie de l'Vinériquo du Nord, ils ne pouvaient être utilisés par 
les blancs comme serviteurs dans la mine, le champ ou la prairie. Les 
pseudo-civilisés, incapables de les domestiquer directement, et bien trop 
égoïsli-s pour les assouplir, les élever par la douceur et la raison, 
comme avait essayé de le faire William Penn. avaient eu recours au 
moyeu primitif, qui est l'extermination barbare. 

Miilgré tout, la ruée indigène des Amérindiens du Nord ne disparaîtra 
point de la Terre puisqu'une forte proportion de ses représentants est 
aujourd'hui policée et se mêle librement à la population d'origine 
européenne; mais les exterminateurs ne manquent point de gens, de 
suvants même, pour leur donner raison : l'éviction, la destruction des 
faibles par les forts, c'est la coutume que Ton propage volontiers sous 
le nom de « loi de Darwin ». La conception du monde telle que se 
Vêlaient faite les Peaux-Houges étant incompatible avec l'idée qu'en 
ont le* Visages Pales ... le conflit dut fatalement se produire entre les 
deux éléments inconciliables, comme il s'était produit autrefois entre le 
paire Abel et Caïn. le laboureur*. 

\n milieu du dix-neuvième siècle, les descendants des aborigènes 
étalent bien peu nombreux en proportion d'un autre élément ethnique, 
les petits-fils des Africains importés pendant les deux siècles précédent* 

i. PaulCarus, The Mani*t t April 1899, p. 400. 



DESTINÉE DES ABORIGÈNES AMÉRICAINS 



i85 



par le» marchands d'esclaves. En 1860, à ta veille de la guerre civile 
qui devait éclater entre les deux moitié» de la république nord-améri- 
caine, on comptait près de quatre millions de noirs et métis aux 
Etats Unis, c'est-à-dire plus de dix foi» le nombre des anciens 
propriétaires du sot. 
Les quatre cinquième» 
de» gens de couleur 
étaient des esclaves, et 
l'on comprend que ce 
cheptel humain n'ait 
pu exercer aucune in- 
fluence directe sur la 
nation ambiante com- 
posée de blancs, Euro 
péens par l'origine : 
mais les nègres libre», 
eux -mémos se trou- 
vaient complètement 
en dehors de lu société 
des citoyens de race 
pâle* soit parleur condi 
tion de basse clientèle 
et de pauvreté, soit par 
la répugnance instinc- 
tive et plus encore reli 
gieuse ressentie contre 
tes « enfants de Chum »>. 
Ils étaient, pour ainsi 
dire, perdus dans l'es- 
pace « puisqu'ils res- 
taient « taboues » 
dans leur pays de résidence et que le brutal enlèvement de leurs an- 
cêtres avait rompu leur lien avec la patrie d'origine. De quelle partie de 
l'Afrique venaient leurs pères ou leurs grands-pères? Quels avaient ' 
été les lieux d'étape depuis le jour de la capture ? Ils l'ignoraient. 

Même entre les Antilles, qui sont par la population la véritable 
Afrique du Nouveau Monde, et la terre anceslrale, située n l'est de 




Ct. P. Sellier. 



UNE RUE A BABIA 



i86 i/hommk et la terre. — NEGRES et moujiks 

l'Atlantique, la dissociation matérielle est complète. Importé» do diverse» 
parties du continent noir, les nègres n'ont pu se tenir unis par une 
même langue; ils se sont reconstitués par l'adoption forcée des mœurs, 
du langage, de la religion de leur anciens dominateurs français ou 
anglais, hollandais ou espagnols. Sans doute les nègres d'Haïti ou de la 
Jamaïque tiennent à leurs ancêtres parleurs fibre» les plus intimes; dans 
leur compréhension des chose», Ils voient en grande partie et. raisonnent 
comme leurs parents de race ; ils ont des proverbes analogues avec lo 
môme lour ironique, se répètent les mêmes chants et pratiquent encore 
les mômes MiiperslUions. Ce qui reste en Haïti du culte du Vaudoux doit 
tort ressembler a l'adoration du serpent dans le temple de Whydah, et 
tel lent" empoisonnement ressemblant a une maladie de langueur no 
diffère point dans les villuges africains ut sous les palmiers de Sninl- 
Domingue. Mais si les analogies d'existence, d'instinct et de pensée» so 
maintiennent entre tes parent» séparés, ceux ci n'ont plus aucun rap- 
port les uns avec les autres, et le Haïtien notamment n'a d'autre pallie 
intellectuelle que la France, le pays de ses ancien» maîtres. 

Lu ci devant capitale du Brésil, liahia, est le seul point do l'Amérique 
méridionale oîi spontanément se soit produit le besoin de communication 
et d'intercourse avec la mère pairie, et cela probablement parce que les 
noirs suivaient eux mêmes très fréquemment celte route de la mer. Les 
nègres Minas, qui constituent une aristocratie de couleur dans cette 
terre du Nouveau Monde, ont du moins entendu parler du « pays des 
mines », qui est la <• Côte de l'Or », et ils connaissent le nom d'Klmina, 
ville du centre de la région d'où leurs aïeux avaient été emmenés do 
force. Plusieurs de ces anciens esclaves, on Uls d'esclaves, devenus libres 
de leurs mouvements, sont retournés dans la contrée d'origine, for- 
mant des corporations puissantes en mainte ville du littoral. Des intérêt» 
de commerce, des relations de parenté et d'amitié sans cesse grandis- 
sants unissent les deux continents, assez rapprochés en ces endroits, et, 
grâce a ce premier poinl d'utlaehe, les rapport» deviendront de plus en 
plus nombreux entre le Portugal américain qui est le Brésil, et les 
diverses colonies portugaises cédées maintenant» de» maîtres nouveaux. 
Chez les Nègres d'Afrique plus ou moins métissés qui se disent « Por- 
tugais ... le Brésil est familièrement connu sous le nom de Tahom\ 

l . Richard Burlun, To the Gold Coast for goM. 



RAPPORTS ENTRE LES NÈGRES DES DEl'X CONTINENTS 187 

abréviation du salut usuel « Sta bom »* Comment étes-vousi' 
Comment vous portez-vous '£ 

Les planteurs de l'Amérique du Nord essayeront également de nouer 
des relations directes entre les tëtats à esclaves et la Côte de Guinée: 

N° 465. Isthme entre l'Amérique et l'Afrique. 



==? ï/wjjjp -■/ , - : f*'** . /^fKJ^ 




w» 



o«d»Gn 



t 



i: 60 000000 

1 lôbô 



JfcoKlI. 



mais cette œuvre ne pouvait aboutir à des résultats sérieux, puisqu'elle 
était dirigée, du moins en partie, par des propriétaires d'eseluves qui 
avaient la prétention d'être en même temps des philanthropes et qui 
voulaient se débarrasser des affranchis, les déporter sur le» côte» 
d'Afrique, afin que leurs propres travailleurs n'eussent pas sous les 



1#8 L'HOMME ET LA TEAHE. — NEGRES ET MOUJIKS 

yeux l'exemple d'hommes libres. Dés Tannée i8i5, un nègre enrichi du 
Massachusetts avait emmené dans tes possessions anglaises de Sierra 
Leone une quarantaine de *ea compatriotes, et c*est à son imitation 
que se fondèrent plus tard le» diverses sociétés de colonisation des noirs 
dont la fusion détermina, en »8/|8, grande année des révolutions, la 
naissance de la république de Mbériu qui» jusqu'à maintenant, n'a pas 
justifié son nom d'une manière très brillante. On peut juger de l'esprit 
qui animait le» politiciens esclavagistes des Ktats Unis par ce fait que la 
république nord-américaine fut la seule de toutes les grandes puissances 
du monde policé à refutier de reconnaître le nouvel Ktat qui venait 
de se constituer sur la côte d'\frique. Il lui eut paru trop humiliant de 
condescendre à répondre par un mot de politesse à des noirs, lits d'an- 
ciens esclaves. 

A Tidéc de se défaire des nègres libres par la déportation, la logique 
même des choses substitua chez les planteurs la volonté bien arrêtée de 
ravir aux affranchis cette liberté détestée que les propriétaires de la 
génération précédente leur avaient concédée si îuternpçstivement. Déjà 
ces nègres libres ne Tétaient guère que de nom; tout ce qui constitue le 
citoyen, droit de réunion, droit de vote, droit d'émettre un jugement 
devant les tribunaux leur était dénié : ils ne pouvaient même servir de 
témoins, si ce n*est contre des esclaves ou des hommes de leur caste, et 
encore sans la formalité d'un serment, considéré comme chose trop 
noble pour une bouche africaine, accoutumée au mensonge 1 . Un costume 
d'infamie les désignait de loin a la défiance et au mépris du blanc. Si 
un nègre avait l'audace de se défendre contre un agresseur ou un insul- 
tcur de la race noble, il était puni, et s'il avait le malheur de tuer son 
adversaire, il était jugé comme meurtrier. Des heures lui étaient fixées 
pour sortir de sa demeure et pour y rentrer, et si on le rencontrait 
à un moment défendu, on le punissait à coups de fouet*. On ne lui 
accordait point de passeport et, dans la plupart des Etats-Unis, on lui 
interdisait tout voyage par chemin de fer : de fait les nègres libres étaient 
internés comme des prisonniers. En vertu d'une décision de la cour su- 
prême, « ils n'avaient aucune espèce de droit que les blancs fussent 
tenus de respecter: ils pouvaient justement, légalement, être réduits en 
esclavage pour le profit du blanc > \ 

I. flegro'law of South Carolina* pp. 13 et suiv. — 1 lbid., p. 24. — 3. Ktvue 
des Dm* Mondes, 1** déc. 1860, 



DOCTRINE DE L'ESCLAVAGE 189 

Et c'est en eflfet ce que les Etat» du Sud décidaient ù l'envi. Dans le 
courant de l'année 1869, la législation de l'Arkansas votait une loi de 
bannissement contre tous les affranchi» de l'Etat, et le i w janvier 
suivant* elle faisait mettre aux enoheres et vendre comme esclave» tous 
les malheureux qui ne s'étaient pas résolus à quitter leurs foyer». Morne 
loi de bannissement promulguée Tannée suivante dans le Missouri. Lu 
Louisiane, le Mississippi s'étaient également empressés de suivre l'exemple 
donné par l'Arkunsas. Ailleurs on arrivait au même résultat par des 
résolutions hypocrites, sous prétexte de punir la paresse* l'ivrognerie 
ou l'immoralité ; or, quel nègre ne risquait d'élre aecusé d'immoralité 
par le blanc qui voulait le faire travailler à son profit! Môme aux porte» 
de la capitale de l'Union, les esclavagistes du Maryland demandaient que 
les soixante-quinze mille affranchis de l'Etat fussent de nouveau réduits 
en esclavage ou distribues entre les citoyen» blanc». Et quelle était lu 
raison sur laquelle ils appuyaient leur atroce demande? C'est que le 
nègre libre se corrompant par l'oisiveté, le devoir du blanc était de le 
(i moraliser par le travail ». C'est par dévouement que le» éducateur» de 
la société voulaient bien consentir a devenir propriétaires de chair hu- 
maine! Il est vrai que lu législature n'osa pas promulguer franchement la 
loi, mais elle la vota indirectement en autorisant les blancs a prendre 
les enfants des noirs de leur propre gré et en « permettant aux gens de 
couleur de renoncera leur liberté »1 effrayante permission qui ressem- 
blait a un ordre. Désormais tout affranchissement de nègre était absolu 
ment interdit au propriétaire, si ce n'est par ordre de la législation, 
quand le nègre avait révélé l'existence d'un complot contre les blancs : 
le traître à sa cause était 1» seul qui fût digne de la liberté! 

Ainsi l'esclavage et cette servitude déguisée qu'on appelait la liberté 
du noir allaient s'aggravunt d'année en année en vertu de l'impor- 
tance des intérêts menacés. Le temps n'était plus où, «mis l'influence de 
la philosophie du dix-huitième »ieele, les planteurs étaient les premiers 
à déplorer la « hideuse institution « et prenaient pour argument contre 
l'Angleterre le « crime » de leur avoir légué le déplorable héritage. Au 
début du dix-ncuvteme siècle, dans le Congre» mémo, Mason, JcITerson 
tonnaient contre ce crime auquel on les avait condamnés contre leur 
vouloir, et c'est principalement parmi les planteur» que se recrutaient les 
société» d'émancipation des noirs. Même en iH3i et jS3**, la législature 
de la Virginie discutait les mesures u prendre pour arriver ù l'exlluc- 



\i\t* !.*IIO.MUK KT LA TKRBR. — NÈGKKS ET MOUJIKS 

1i< n graduelle de l'esclavage, Vingt ans après, le S irgiuîei» qui fût tenu ' 
a propos de ht servitude des noirs le langage désapprobateur de «on 
père risquait d'être expulsé comme indigne de ta société de ses 
égaux. « {i Tut un temps où nous avions encore des doutes et des 
goupilles, dînait le sémdeur linuuiioud. Mais nous n'avons plus tineun 
doute aujourd'hui... Notre roi i science est désormais trunquilk\ notre 
résolution est calme et ferme »>. Le fumeux Calloun ajoutait tpie « l'escla- 
vage i*sl la banc 1 la plus sûre et lu plu» stable des institutions libres dans 
le inonde ». Kl tous s'exclamaient à i'envi pur des affirmations du même 
genre jusqu'à ce (pu» la formule définitive eût été prononcée par un 
gouverneur d'Ktal, Mae Diiffle : « l/cselavuge est lu pierre annulai rc de 
noire éditlee républicain », 

\a\ cause des riches et des propriétaires d'hommes eut naturellement 
â son service l'Kglise en corps, non seulement dans les Kbits à eschnes, 
tuais aussi dmiK les Klals libres : la Bible, le \ouveau Testament non 
moitis que l'Ancien, ne touche à la propriété de l'homme par l'homme 
que pour la déclarer sucrée comme toutes les autres. Même les sectes qui 
avaient eu des tendances révolutionnaires à l'origine et qui avaient 
affirmé, avec Wcsley. (pie » l'esclavage est l'ensemble de tous les 
etimes », même ces groupes tic lidclcs eu étaient arrivés de concession 
eu concession à permettre à leurs évêques de se faire éleveurs d'esclaves. 
Les seuls qtittkcrs étaient restés intransigeants dans leur réprobation, et 
c'étaient précisément, les seuls de tous les protestants auxquels la grande 
aristocratie evnugéliquc refusât le titra de « frères ». 

L'Kglise, dans la très forte majorité de ses pasteurs, était très solide- 
meut eu régi inentée: il fallait également domestiquer la science : elle s'y 
pfétu fort bien dans la personne des savants. D'un coté, les prêtres élu 
biisstueut de leur mieux que Canaan, le Syrien, et sou prrcChamou Hain, 
l'ancêtre des Hatnilcs, avaient été maudits par Dieu, et que les nègres, 
quoique n'appartenant pas ù leur race, avaient été maudits du même 
coup: d'un autre coté, les autliropologistes américains, rangés en masse 
parmi les partisans de la multiplicité des origines humaine*, enseignaient 
la diversité foncière, absolue» spécifique <\n blanc et du noir et l'infério- 
rité indiscutable de celui ci. intermédiaire naturel entre l'homme et le 
singe. C'est à-dire qu'un point de vue de ta doctrine, prêtres et savants se 
trouvaient en opposition complète, mais la contradiction n'était qu'appa- 
rente, car la haine concilie tout, et l'on pouvait faire argument de l'une 



LA RELIGION ET LA SCIENCE JUSTIFIANT L'ESCLAVAGE 



191 



ou l'autre théorie. Que le* nègre» fussent des homme» maudit», écrasé» 
bous le poids d'un crime originel, irrémissible, ou bien qu'il» lussent une 
espèce inférieure à Vhomo supieits, peu importait, puisque de toutes 
manières on pouvait les déclarer destinés h une éternelle servitude. 

Appuyés sur des forces qui. partout ailleurs, sont ennemies, l'Eglise 
el la Science, les esclavagistes avaient aussi l'audace de faire accepter In 







Ct. P. Setlter. 



VENTE Xt'UNK SÉORESSE KT DE SKS KSFANTS 

(Estampe do 1811). 



condition nuturelle d'cselnvage par les nègres eux-mêmes. Certes il ne 
muiiquail pas de ces malheureu* ayant appris la ritournelle de l'abjura- 
tion et se vantant de leur propre bassesse ; dans tous les bazars de vente, 
on voyait des nègres riant bestialement à toutes les plaisanteries des 
tic licteurs blancs et se laissant palper sans en souffrir. Ils montaient 
sur l'estrade, faisaient des gambades, prenaient des attitudes, détaillaient 
même la qualité de leurs muscles, do leur force, de leur adresse, 
et surtout de leur docilité ; méprisés par tous, ils mettaient leur 
gloriole a entretenir le mépris. Ainsi l'éducation morale du noir accom- 
pagnait 1 éducation physique entreprise méthodiquement duns les Etats 
du centre, au contact de l'industrie du bétail. Lu valeur de l'cschue noir 
comme l«Me de labeur avait été plus seieiitillqucment comprise aux Ktals- 



IQ2 VUOMHE ET LA TERRE, — NÈGRES ET MOUJIKS 

Unis, paya d'Initiative commerciale el industrielle, que dans tout autre 
payg do inonde. Des éleveur» de la Virginie, du Keuluckv, du Missouri» 
imitant les zootechniciens occupés aux croisements des races animales» 
s'ingéniaient très fructueusement à reporter cette industrie sur l'homme 
noir» et les résultats obtenus étaient des plus remarquables. Au milieu du 
dix-neuvième siècle, ces Etuis de la zone médiane, où pénétrait déjà le 
régime industriel des blancs avec leur travail salarié, déplaçaient graduel- 
lement leurs intérêts agricoles et ne produisaient ni en ton, ni riz, ni sucre 
comme les Etats méridionaux du littoral. Ils n'occupaient surtout de la 
production et de l'exportation du bétail et des hommes. Us vendaient 
ainsi par an jusqu'à cent mille noirs, dits « Virgin ton s .-, sur les marchés 
du Char les ton, Savannah. Mobile, la Aouvelie-Orléans. Kl ces hommes, 
il faut le dire* étaient vraiment beaux, d'admirables échantillons de la 
science pratique des éleveurs. On pouvait les lu 1er aux cuisses, aux bras, 
aux reins; tous les muselés, bien saillants, se tendant à Taise, étaient 
propres à tous les travaux; les bras tombaient superbement des deux 
côté» de la poitrine bombée: les dents blanches, bien rangées, solides, 
brisaient d'un coup les deux noyaux do lu pacaiie. Les éleveurs étaient 
tiers de leur bétail humain et prétendaient en même temps avoir su 
donner à ces corps superbes le genre d'Ame qu'il leur fallait. « Puisque le 
bonheur est l'absence de peines et de soucis, disait l'un d'eux, je croiB 
que nos esclaves sont les quatre millions d'hommes les plus heureux 
qu'éclaire le soleil. Satan s'introduit dans leur Kden sous la forme d'un 
abolitioniste « -. 

On aurait pu croire que les « républicains <> de la Nouvelle Angleterre 
eussent de tout temps plaidé l'émancipation des serfs, mais le fait est 
qu'un demi siècle après ta fondation de la République, nul ne pensait a 
libérer les esclaves: on s'en tenait religieusement a la lettre et à l'esprit 
de la Constitution qui avait maintenu la servitude des Africains. Le 
premier blanc qui osa réclamer dans un journal la libération des 
esclaves, William Lloyd (iarrison, fut traîné, la corde au cou, dans les 
rues de Boston el jeté en prison (iStt5). Mais ce journaliste était un 
héros : bientôt il ne fut plus seul, il groupa des vaillanls autour de lui; 
chaque grande ville vit poindre une société d'abolttiomstca et le parti 
s'accrut rapidement en proportion même des transformations qui 
s'opéraient chez les esclavagistes el qui tendaient ô transformer une 
simple institution de fait en l'application d'une système absolu de poli- 



PREMIERS A&OLITIONISTKB ig3 

tique et de morale. Au nom du « principe a de l'esclavage» les gens du 
Sud se plaçaient au-dessus de la Constitution ; de même les gêna du Nord 
commençaient, avec Sumner. à invoquer » une loi plu» haute », et, 
avec Wendclt Phillips, à « maudire ta république infâme ». Tandis que» 
dans le Sud, on se mettait à pourchasser et à pendre les voyageurs 
soupçonnés de tendances abolitionistes, des révoltés, des contempteurs 
de lois se liguaient dans les Etats du Nord en conjurations et en sociétés 
secrètes pour secourir les esclaves fugitifs et les acheminer vers la terre 
libre du Canada par les « chemins de fer souterrains > , c'est à-dire par 
les routes sûres qui réunissaient les unes aux autres les rares maisons 
hospitalières enlr'ouvertes la nuit aux malheureux noirs. Mais, jusqu'à 
l'époque (i85i) où Mme Beecher Stowe publia le fameux roman Uncle 
Tom's Cabin qui remua le monde entier, môme en Afrique et au fond de 
la Chine, le parti des abolitionistes était franchement méprisé par tous 
ceux qui se piquaient de belles manières, de nobles pensées et de 
gracieux langage. Parier des noirs avec sympathie était tenu pour un 
indice de vulgarité; de même que cinquante an* plus tard Tépithèle 
d* « anarchiste », le mot « aholitioniste » indiquait non seulement un 
criminel, mais encore un malappris. Les savants étaient d'accord à cet 
égard avec les personnages officiels. Boston se disait ilw iiub of the Uni- 
verse, le « moyeu de la roue du monde , et pourtant, dans ce centre 
de l'univers, toute idée tendant a la libération des noirs était flétrie en 
termes hautains par ceux qui prétendaient à la domination morale de la 
société. L'université de Harvard tout entière, étudiants et professeurs, 
condamnait solennellement la mauvaise doctrinr de l'émancipation. 
Cependant la différence des conditions économiques entre le Nord et 
le Sud, et surtout l'esprit de dictature qui s'était emparé des politiciens 
esclavagistes, devaient rendre la guerre inévitable entre les deux moitiés 
de la république américaine : bien avant la lutte finale, de brusques 
conflits l'annoncèrent ça et là, car c'est un des traits essentiels de l'his- 
toire que des frissons avant-coureurs précèdent les grands boulever- 
sements. C'est ainsi qu'après un vote du Congrès, qui créait en i854 les 
deux Territoires nouveaux de Kansas et de Nebrasko, la guerre éclata 
spontanément dans la première de ces deux contrées entre esclavagistes 
et libres colons. Les propriétaires d'esclaves du Missouri, excités de 
loin par les politiciens du Congrès, voulaient quand môme, et par la 
violence, peupler le Kansas de nègres asservis. Aux jours de vote, les 



Uj\ L'HOMMK ET i.A TEIiRK. — NÈtiHfM KT MOUJIKS 

Missouiiens en vahUsaifint les «aHes d't'leeLt«*ii ( assoiiiinaUMit le» laboureur» 
venus dey paya libres» puis annonçaient triomphalement leur victoire. 
D'outre part, le flot des travailleurs continuait de se porter des Etats du 
Nord et du Nord -Est ver» le sol nouveau : on se battit sérieusement en 
mainte rencontre. Ce fut le prélude de la grande guerre qui allait éclater 
quelques années plus tard ; plusieurs des hommes qui prirent part à ces 
escarmouches y tirent leur apprentissage pour la terrible lutte. Le Kansus 
fut conquis par tes obolillonisles du Nord mais, en réalité, perdu pour lu 
cause, puisque le premier article de la constitution interdisait à tout 
nègre, esclave ou libre, de mettre jamais le pied sur le territoire ùV 
l'Etat : toujours le compromis entre le bien et le mal ! 

Les intérêts seuls étaient enjeu dans les guerres civiles du Kansas : 
il y manquait le dévouement révolutionnaire pour une cause désin- 
téressée. Les nègres esclaves* étaient trop étroitement tenus pour qu'il 
leur lui possible de susciter eux-mêmes une guerre servile ; les proprié 
laires disposaient d'une forée matérielle trop considérable et la police 
des plantations se faisait d'une manière trop rigoureuse pour que la 
moindre tentative ne fut aussitôt réprimée; c'est à quelques blancs, et 
notamment ti John lirown. que revint l'honneur de représenter la nation 
dans ci» quelle avait de plus noble et de plus généreux. Ce fermier virgi- 
nien, d'origine septentrionale, avait projeté de réunir autour de lui une 
armée de noirs fugitifs et de constituer avec eux une république guer- 
rière dans les monts Allegliany, transformés eu citadelle. « Dieu 
lui-même, disait il, avait créé ces montagnes pour en faire le lieu 
de défense des esclaves révoltés ». Puritain convaincu, mais homme 
d'action plus encore que de prière» il se croyait choisi pour tenir le glaive 
du Seigneur dans une guerre de libération des noirs. Celte guerre lut 
courte, purement locale et bien minime par le nombre des combattants, 
mais elle (ut héroïque de la part des agresseurs et bien autrement noble 
par le but qu'ils lui avaient donné que ne le l'ut plus tard la guerre dite 
de .• Sécession . Tandis que celle-ci, qui brassa de* millions d'hommes 
pendant quatre longues années, tentait, vainement il est vrai, de dérouler 
ses formidables conflits sans porter la moindre atteinte au texte littéral 
de la Constitution, l'incident de la révolte et de In mort de John Brown 
s'accomplit, sans aucune hypocrisie, en dehors des agissements officiels 
et convenus. Le héros fut l'inspirateur de tous ceux qui, dans le grand 
conflit, eurent devant les yeux un idéal vraiment humain. Ainsi que le 



TENTATIVE DE JOHN BltOWN 



'0 5 



répéta le refrain de l'hymne 'guerrier chanté plus tard par les nègres 
affranchi» ; u L'âme de John lïrown ma reliait devant eux ». 

Quant aux faits matériel» de la petite insurrection locale, la majes- 
tueuse histoire officielle cherche, sembte-t-H n tes oublier, et» dans ces 
Etats- 1 !nis, où l'on 
remémore si volon- 
tiers le souvenir des 
grandshommes.avcc 
le respect supersti- 
tieux de tout ce qui 
leur appartint, on 
ne trouve point de 
pierre ni d'inscrip- 
tion qui rappelle en 
termes élogleux, ou 
mémo décents, la 
mémoire de John 

Dm w n. C'est le i G oc- 
tobre iS5o qu'avec 
vingt deux amis et 
«es propres fils il 
s'empara d'un ma 
gasin d'armes situé 
dans lu ville de Har- 
per s Kcrry. Ce point 
stratégique, au eon- 
Huent du Potomucet 

do la Sheiiandoah. t , , 

était fort bien choisi J0HK BBOWK 

<-t. si les libres des * é e « mo > > oadu * 2 d « cmbro im 

environs s'étaient portés îison secours, si l'insurrection s'était propagée 
de campague en campagne, il eût pu résister longtemps, mais il m* 
se produisit point de soulèvement, cl de toutes parts les milices virgi- 
Miennes vinrent l'assiéger. La petite bande, plus que décimée, fut bien 
tôt capturée, et John Brown, couvert de blessures, fut pendu le 
•*. décembre dans une bourgade voisine de Harper's Ferry, Son dernier 
acte, avant de tendre son cou à la corde du gibet, fui de baiser 




L'HOMME ET LA TERRE. — NÈGRES ET MOUJIKS 

au front un négrillon qui se trouvait parmi les curieux : acte symbolique 
et promesse d'un avenir qui ne s'est pas encore réalisé entre les races 
de la République américaine. 

Si les historiens des Etats-Unis, plus fidèles à la lettre qu'à l'esprit, 
ne rendent pas toutù fait justice à l'insurrection de John Brown, peut- 
être ne tiennent-ils pas non plus suffisamment compte de l'énorme 
appoint que leur donna, dans la victoire définitive du Nord, le flot des 
immigrants européens venus en si grand nombre dans la force de l'âge, 
en pleine initiative de travail et d'aventure et, pour une forte part, plus 
amoureux de liberté que les Américains eux-mêmes. L'immigration 
d'Europe dans le Nouveau Monde est un phénomène économique et so- 
cial de grande importance qu'il est nécessaire d'étudier avec soin. 

Si ce n'est sur le* rivages orientaux do l'Amérique du Nord, l'émi- 
gration des Européen* dans les contrées du Nouveau Monde découvertes 
à la fin du quinzième *îècle et au seizième n'avaiteu qu'une faible valeur 
relativement a l'ensemble de lu population. Tout d'abord un certain 
nombre d'avenlurierh. fascinés par les récits des premier» conquérants, 
s'étaient précipités vers les terres nouvellement découvertes. Malgré les 
défenses formelle» d'é migrer sans ordres, autrement que pour le service 
du roi, des navire» de contrebande prenaient la mer montés par de 
hardis compagnons. Mais les mesures de précaution contre l'émi- 
gration interlope devinrent de plus on plus sévères, tandis que les occa- 
sions de s'enrichir rapidement se faisaient plus rares et que la curiosité 
des prodiges d'outre mer diminuait en force. Le mouvement de migra- 
tion de l'Espagne et du Portugal cessa tout à fait vers les contrées d'Amé- 
rique tombées en leur possession, et désormais la population d'origine 
européenne ne s'accrut que par la naissance de métis ou de rares descen- 
dants des autochtones de sang pur et par l'importation d'« enga- 
gés » venus sur cornu laiule et exploitant le sol au profit des maîtres. 
Cependant, l'émigration avait été, pour ainsi dire, amorcée par 
ces éléments de souche européenne pendant les trois cents premières 
années de l'occupation. 

Dès le milieu du dix-huitième siècle, l'importation des « engagés »» 
allemands en Pennsylvanie avait été assez active pour eflrayer Burke : 
il exprimait en 170Ï» la crainte que cette colonie devint complète- 
ment étrangère à la «irande Bretagne par le langage, les mœurs et les 



IMMIGRATION Al'X ETATS-UNIS 



»w 



tendances ; cependant l'émigration ne prît un caractère continu et régu- 
lier qu'après les guerre» de l'Empire» au commencement du dix-neuvième 

K« 456. Immigration aux Étttt-Unit de 1820 à 1906. 



tMMfeRMrra 


t 


1 1 


t .1 t À 1 


l_ i „i_ J l » | L | | 


1 i 1 i 


i 1 J ' < 1 1 1 1 1 


1 1 ]j. 1 1 


fÛOO 000 _ 






+> 


* . * 


♦ 


V * 


t- 


«00 000 J 

• 






t 


• f 


4> 


■#■ « 


*- 



600000» 



700000. 



•00 000. 



800 000- 



400000. 



300 000 ~ 



sooooo 



ni 

- 




S années 8 



Les chiffres les plus récemment publias et que o'a pas connus l'auteur dépassent 
tin million d'immigrant* » 1 027 000 du ("juillet 1904 au 30 juin 1905 et i O30OOQ pendant les 
doute mois suivants. 

siècle. A mesure que diminuait la traite de» esclaves et que le travail 
salarié tendait u remplacer l'achal direct des noirs» le uombre des émi- 



ig8 1/ HUM ME ET |.A TEHRR. — NÊUHKS ET MOUJIKS 

forants d'Europ? s'accroissait : de milliers, il s'élevait graduellement a 
des dizaine», puis à dus centaines de milliers par tin. Pondu ni les cent 
années qui se terminèrent uu 'Sa Juin 1900, la multitude îles homme» 
; qui ol>niii1oiinèi%iit volontairement l'Europe pour se» chercher une patrie 
nouvelle par delù l'Océan peut être évoluée à trente millions. 

Jamais durant le cours de l'histoire nu s'était accomplie pareille 
migration des peuples: les grands exode» purent avoir la môme impor- 
tunée relative que le peuplement de l'Amérique, mais ils no mirent cer- 
tainement pas en branle d'aussi puissantes multitudes d'indnidus. 
Malgré la recrudescence nouvelle que, depuis iSt)8, ou constate dans 
l'émigration européenne, grAee à l'exode des Italiens, des Vittrichiftis 
et des Husscs, on peut se demander si h» vingtième siècle ne restera pas 
in teneur au dix neuvième à cet égard, car si les moyens de communi- 
cation sont beaucoup plus nombreux <d plus efllcuces que naguère, ils 
servent beaucoup plus nu mouvement de va-el vient qu'au déplacement 
déllnilif sans volonté de retour : on voyage davantage, mais peut-être 
«'migrera t on moins, parce que l'équilibre de population et de ressources 
setablit de plus eu plus dans les diverses contrées. Cesl en l'année 
ISS-! que. pendant le dix-neuvième siècle, l'émigration atteignit !*■ 
sommet de sa courbe ; tes seuls tëlats-Unis reçurent 788 1)93 immigrants, 
pour la plupart dans la force de l'âge ; près d'un million d'hommes, 
isolés ou par petits groupes, avaient changé de monde. 

Une remarquable division des éléments nationaux s'était opérée dans 
cette œuvre immense d'expatriation. Sur les trente millions d'émigrunls, 
vingt avaient pris la roule des Klals l ni» et ces foules comprenaient 
presqu'exclusivemeul des Kuropéens du nord, Anglais, Keossais et 
Irlandais, Allemands et Scandinaves. Dans T Amérique du Sud. au 
contraire, l'élément prépondérant parmi les nouveau venus fut celui 
dus gens du itddi de l'Kurope : Italiens, Espagnols, Portugais, Quant 
aux Fronçais, peuple établi sur tes deux versants méditerranéen cl 
océanique, ils sont représentés dans les deux continents du Nouveau 
Monde eu proportions à peu près égales, assez faibles d'ailleurs. 

De part et d'autre le mélange d'éléments ethniques d'origines diverses 
ne cesse de fondre les populations du nord et du sud en une masse 
d'hommes essentiellement cosmopolite. Pas une famille qui n'ait parmi 
les siens des Slaves, des Allemands et des Latins, 

Si facile qu'elle soit devenue, l'émigration, c'est-à-dire l'arrachement 



EXODE D'EUROPE EN AMÉRIQUE igo 

de sa personne au milieu natal, demande toujours du courage, de l'ini- 
tiative et de la résolution. Jadis elle ne s'opérait guère qu'à main armée 

H* W. Pays d'origine des Immigrants aux États-Unis. 



IMMIGRANTS 

300 000 —r-J 1 1— i 1— I 1— I L~i-JL~I L— I t_ J . ~ .i— J... I l.,l_l I— L. .l - .l , J- -l .,4wJ — i — l 



ÎBO 000 _ 



900 000 - 



f«0 000 

ILES 
BRITANNIQUES.. 

100 000 

ALLEMANDS ■-■ 



SOOOO 



AUTRICHIENS 
SCANDINAVES-. 

RUSSES... 

ITALIENS- - 






•pr-i 1 t | ~t — f 1 "t [ 1 — r - T— t— | — n — 1 r-y- T -T r - i" | i n — 1 — t 1 i-* 1 



ANNÉES S 



S 



ta 

V) 

ea 



o 

en 



10 

01 



o 
o 

0» 



o 



pour la conquête, comme au temps des Marnerttns, ou bien par cara- 
vanes de marchands, sous la protection des coutumes et des traités. 



20t> L'HOMME ET LA TERRE, — NÈGRKB ET MOUJIKS 

Actuellement, ce sont des individus isolés, plu» encore que de» familles», 
des clans ou des sectes, qui tentent la redoutable aventure du déraci- 
nement, mais c'est avec prudence, môme parfois avec une certaine 
timidité, qu'ils procèdent, à la façon des animaux à tentacules, de 
manière a prévoir les dangers, à diminuer les risques ; ils cherchent tout 
d'abord à se créer une deuxième patrie, où ils trouveront la langue, 
les traditions maternelles, et, s'il est possible, des mœurs analogues à 
celles du « pays », les sympathies cordiulcs de parents et d'amis. Les 
provinciaux, les étrangers qui vont s'établir dans une grande ville ne 
s'y dispersent point au hasard ; ils se groupent en quartiers, n'efforçant 
de s'entr'aider contre l'indifférence ou l'hostilité des inconnus et les 
dangers du sort. Les diverses nationalités se massent en Ilots archéolo- 
giques dans toutes les cités capitales, Paris, Londres, New-York, San- 
Francisco, de même qu'autrefois dans les Universités, les étudiants se 
distribuaient eu «• hospitaux», en « collège» », en «■ nations ■■» Lorsque 
par l'heureuse chance de quelque circonstance imprévue, un é migrant 
a trouvé une résidence très hospitalière, des compatriotes viennent fré- 
quemment essaimer autour de lui comme des abeilles autour d'une 
«mère». Ainsi les « Barcclon nettes des Hautes Alpes qui sont devenus 
marchands d'étoffes a Mexico, ont été successivement appelés ou se sont 
invités auprès d'amis et de .parents qui avaient eu la chance de faire 
fortune dans cette industrie vers le milieu du dix-neuvième siècle. En 
cinquante années le nombre des capitalistes « bu rce Ion nettes », d'ailleurs 
gens sans grande initiative, mais favorisés pur un travail de routine qui 
demande seulement entr'aide, s'est élevé* à quatre cent cinquante 
« valant » certainement plus d'une centaine de millions \ 

Des exemples du même genre étaient jadis la règle, ils sont encore 
très fréquents, quoique l'homme soit arrivé à se sentir beaucoup plus 
homme dans la grande fraternité humaine. Celui qui a des sentiments 
nobles et qui se sait juste et bon trouvera partout, ou du moins méritera, 
des compagnons. Les vieux ordinaires de ceux qui se déplacent à la 
surface de la terre sont révélés surtout par les noms qu'ils donnent aux 
contrées nouvelles où ils vont s'établir, et oh, fréquemment, ils croient 
reconnaître des traits aimés du pays d'origine. La Nouvelle Angleterre, 
pour ne citer que celte colonie moderne, est, de toutes, celle où s'est 

1. 6m. Chabaud, Des Barcebnneties à Mexico; Edmond Dcmolins, les français 
«T aujourd'hui» types sociaux du Midi et du centre, pp. 29 et suiv. 



IMMIGRATION AUX $TATS-UWS 



SOI 



le mieux reproduite ta » Vieille contrée » par les noms» la disposition 
et l'aspect des ville» et des villages* Quelle cité anglaise n*a pas son 
homonyme dans la province américaine qui» précisément, fut la 
première 4 se détacher de ta mère-patrie ? 

Do nos jours, les hommes qui é migrent sur une autre terre, sous 
d'autres deux, par amour des aventures ou par curiosité de l'inconnu, 
sont une exception. Le pain et lu liberté sont les deux principaux 




CL R fellta 



IH1CIBAWT8 TBAVaaSAHT L'ATLAHTlQirS 

Estampe de 1855. 



objectifs des émigrants européens, et l'ont surtout été pendant la 
période de révolution qui marqua le milieu du dix-neuvième siècle. 
I/exode irlandais qui se produisit h cette époque et qui vida de ses 
habitants certains districts avait) eu la iaim pour cause unique, Une 
famine atroce, dont la cause occasionnelle était la maladie des pommes 
de terre, mais dont la véritable raison consistait clans l'appropriation du 
sol parle capitaliste étranger, cette effroyable mortalité avait enlevé plus 
du dixième de la population, et la plupart des malheureux qui restaient 
n'avaient d'autre passion que de s'enfuir, d'aller chercher le salut dans 
ces Etats-Unis d'Amérique où l'on savait que de» compagnons de misère 
avaient obtenu de l'ouvrage, de hauts salaires ou même la fortune. Tous 
V 11 



< 



WJ l/jlO.MMK KT I.A TK1UIK, NKi.llfcS KT Mot.JIKs 

«eus qui avaient quelque terre lu vendaient 11 n'importe quel prix pour 
payer leur traversée ; d'autres s'adressaient à t'upîninit publique de 
l'Angleterre, «lonloureusemcnt émue par les nouvelle* de ht famine, 
où de toutes parts ailtnnioitt les souscription»; enlin «le nombreux 
propriétaire*, sur lu» domaines desquels «les travailleurs avaient péri, 
conseillaient à jiujer le vo\age (l'une partielle leurs paysans, pcul-élre 
«lans l'espoir de se débarrasser en même temps «lu remords «le leur 
crime. Tous ces moyens réunis agirent ni bien «pie. «tans l'espace de 
six années, «le iK^ — lc btwk Jorty sevett~~ii iH,V*. la population irlaii- 
daise descend il «le H io«i ooo individus à <i million*. La <• Pauvre vieille 
femme » Slum Von Vocttt, ainsi «pie les Irlandais nomment mélancoli- 
piMiiciH leur mère pu trie t avait perdu pins do quart de «es entants. 
De iXidià loon, ta statislupie de l'immigration aux Klalsl nis enregistra 
l'entrée de tiojoou Irlandais el «te :t:i'|u uuu KcokkuU el Anglais pro 
premctU dits. 

I/émigratiou alleutautle - d'abord moins furie miuicriqiuniieiit, 
destinée à «lépasscr amplemenl l'émigration irlandaise el plu* (uni 
à être remplacée par mw puissante vague italienne el slave, eut 
certainement aussi la faim pour conseillère, surtout dans les districts 
liumunBct silésiens: toutefois, à eel élément des !iiiiit*th|iic*H bc joignit- un 
autre élément, de beaucoup plus haute valeur înhilleeluelle et morale, 
eelui des hommes qui avaient lutté «tans leurs pa>s pour lu cause 
populaire el qui avaient été vaincus. \.u désillusion leur rendait le 
sôjoiir trop amer dons la patrie.' marâtre, el ils s'eni'u> aient vers la répu- 
blique des Ktals-liniB qui, certes, était bien loin «le l'idéal rè\é, mais qui 
lu moins offrait le large espace uses immigrants, la pleine liberté d'à lier 
•I de venir, ainsi que le facile accès de* tribunes et des journaux. Il est 
«lirtieile d'apprét'iei à sa valeur dans l'histoire des Kluls-l nis le i oie «le 
'elle immigration républicaine, ou du moins radicule, ger ma nique en 
très grande majorité, qui vint influencer l'ensemble de l'éducation 
nationale américaine. Eu lotit eus, il «si certain que la guerre «le 
« Sécession » dut pour um? très Ibrle part ses consétpmnces anolilio- 
uistes à l'ardente pmpagande des républicains d'Kuropc qui s'étaient 
engagés en multitudes dans les rangs des Kédémux du nord «*l qui 
mnso tidèrent l'armée plus encore nu point «le vue moral qu'au point de 
vue matériel, puisqu'ils apportaient leurs convictions républicaines et la 
haine de l'esclavage. Les Allemands seuls fournirent à l'Union njoooo 



ÉMIGRATIONS IRLANDAISE ET ALLEMANDE 



%g'S 



milicien» : c'est à eux qu'on attribue surtout la conservation de l'Etat du 
Missouri dans ta ligue du Nord* 

C'est aussi parmi les révoltés qu'il faut classer les jeunes gens qui 
se dérobent à la conscription pur l'exil volontaire. C'est en Allemagne 
et en A ustro- Hongrie que se sont recrues pour lu plupart ccr émigrants 
qui préfèrent les dangers d'un pays inconnu aux casernes de la terre 




SM1QBANTS SB DIBIOBAKT VBRS LE PAR-WKST 

(Estampe de 1855). 

natale. Les lies Britanniques, où l'armée ne se recrute que par des mer- 
cenaires, n'ont pas eu à fournir aux colonies cette catégorie d'occupants 
et la Hnssie n'y u guère contribué que dans les dernières années par ses 
mcnnomleset autres gens do foi auxquels leurs principes religieux et 
humanitaire* interdisent de porter les armes. Mais, précédemment* les 
grandes insurrection» de la Pologne avaient eu pour résultat de diriger 
vern l'Europe oeccidentale et les Etats-Unis la plupart des patriotes 
polonais qui avaient pu échapper à l'emprisonnement, a la déportation 
ou a la mort. La France et l'Espagne ont pris également part ù ce mou- 
vement de migration pour cause de lois militaires, mois, en ces deux 
contrées, les foyers d'émigration furent pendant longtemps presque 
limités aux provinces Basques entre l'Adour et les Pyrénées cati labres. 
C'est que les Basques, très fiers de leur liberté, préfèrent l'expatriation 
V 11* 



'io4 L*HOMME ET LA TERRE. — NÈGRES ET MOUJIKS 

avec toute» ses chances de désastre et de mort au régime avilissant des 
garnisons et parient pour L'Amérique où on est étonné de rencontrer 
une si forte proportion des leurs. Les république* espagnoles du Nou 
veau Monde, du Mexique, du Chili montrent par tu multitude de leurs 
noms cuskariens quelle port énorme l'élément busqué a prise dans le 
peuplement do ces immenses contrées. De môme les Acoriens, pourtant 
amoureux de leurs tics natales, les fuient en grand nombre plutôt que 
de porter In informe. Quoi qu'on puisse en penser, ee ne sont point les 
tâches qui s en vont ainsi plutôt que de servir : ce sont les plus éner- 
giques, ceux qui ont le plus d'initiative personnelle, et ils enrichissent 
d'autant Ira pays nouveaux qu'ils vont habiter. 

Lorsque la tension des deux, forces opposées eut rendu la guerre iné- 
vitable, les gens du Sud s'imaginaient volontiers qu'ils remporteraient 
facilement sur leurs adversaires, (icntilshommcs se prétendant issus de 
l'aristocratie britannique, ils affectaient un grand mépris pour les bouti- 
quiers et travailleurs qu'ils auraient à combattre et dans lesquels ils 
voyaient les semblables tic leurs propres esclaves, chiourme bonne à 
réduire comme ce* esclaves révoltés que leurs anciens maîtres, au 
témoignage d'Hérodote, combattirent et dispersèrent non avec les armes» 
mais avec le fouet. D'ailleurs ils étaient les seuls a posséder les cadres 
d'une armée. La grande majorité des officiers de terre et de nier s'étaient 
naturellement rangés du calé des esclavagistes auxquels tes relations 
sociales et tes fêtes mondaines les avaient rattachés. Les Sudistes avaient 
eu quelque expérience militaire au Mexique et dans l'Amérique centrale, 
et l'habitude du commandement dans les campements de leurs nègres 
en avait fait autant d'officiers nés ; comparés à eux, les gens du Nord 
n'étaient au premier contact que des bandes indisciplinées. Toutefois, si 
confiant* qu'ils fussent, sinon dans la justice du moins dans la légalité, 
dans la tradition juridique de leur cause ainsi que dans leur excellence 
personnelle, les esclavagistes du Sud ne pouvaient douter de ce fait 
incontestable, la supériorité matérielle de leurs adversaires du Nord. 
C'est à ceux-ci 1res certainement qu'appartenait la force. Hs étaient de 
beaucoup les plus nombreux et à leurs rangs serrés ils pouvaient ajouter 
sans fin la foule des immigrants d'Europe qui se présentaient tout aussi 
dispos à prendre les armes de la guerreque les outils du travail ; en outre, 
ils avaient les ressources prodigieuses que leur donnait une industrie de 



ao5 



Gl'KHRE DE SÉCESSION 

beaucoup supérieure à celle des gens dw Sud t d'avance ils disposaient 

N* 4SI, Théâtre de la guerre de Sécession. 



NEW YOM 




i : I6000000 



260 



500 



1000 Kîf 



Los point» noirs indiquent le* lieux de bataille, — Getiy.-burg eal en Pennsylvanie, près 
a frontière du Marylandj Savawiah est la ville la (.lus méridionale de la Caroline du Sud 

des trésors que donnent lu science e| riullûitivc; enfin le n'seau de clic 
mi ns de fer. dont le» mailles s'en Ire -croisaient sur toul le territoire, leur 



ao6 l'homme kt la terre. — nègres et moi/jiks 

permettait de tuiro manœuvrer teg troupe» à Taise pour l'attaque et poin- 
ta défense. 

Evidemment le» politiciens qui lancèrent le» Ktut» confédéré» 
dam lu révoile et dan» lu guerre n'Ignoraient point ce» énorme» avan- 
tage» que possédaient tes Etat» unioniste», mais, dan» leur jaetanee. 
explicable par le» précédent», ils s'imaginaient que leurs adversaires 
ne sauraient pas utiliser ces forée» immenses : ils comptaient Mu- 
le maintien de l'ascendant (|ue l'orgueil, la violence, l'habitude de 
l'autorité leur avaient toujours assuré dans les ussemblées délibérantes : 
lu domination qu'ils avaient exercée dans le Sénat, qu'il» avaient 
souvent disputée avec succès dans la Chambre des représentants, ils 
comptaient l'acquérir uuhhî sur la foule sans nom qui s'agitait dans les 
villes industrielles du Nord. Le mépris de ses adversaires est une grande 
force, mais il ne faut pas en abuser. Les Sudistes n'avaient pas égalé 
leurs rivaux du Nord par le sérieux de l'étude, par l'intensité du travail 
matériel et moral, mais ils les avaient souvent vaincus par la véhé- 
mence du discours, par la faconde oratoire : habitué» îi commander les 
nègres, ils s'imaginaient aussi pouvoir commander aux btuncs : la gri 
série de leur» paroles les suivit jusque sur les champs de bataille. 
N'allaient-ils pas jusqu'à revendiquer lu supériorité intellectuelle. 
quoique leur littérature, comparée a celle du Nord, et notamment a celle 
de la Nouvelle Angleterre, fut sans valeur aucune. Ils donnaient a celte 
inégalité humiliante une raison des plu» bigarres, prétendant que les 
Méridionaux, conservateurs naturels de la tradition, ne voulaient à 
aucun prix se départir de la littérature? classique des Milton. des Drydeu, 
des Coldsmilh, des Pope; aussi découragea it-nt-lls tous les efforts qui 
auraient eu pour résultai la création d'une littérature nouvelle*. 

Les premiers événements de la guerre semblèrent justifier la cmi- 
ftance des esclavagistes. In bombardement leur livra (i(i avril 1861) le 
fort Suinter, principale forteresse de ta baie de Charleston, ville « sainte > 
des confédérés, et la rencontre de Bull Hun, dans les terres marécageuses 
qui bordent à l'ouest te bas Potomae, se termina par la fuite presque 
ridicule des Fédéraux, troupes sans cohésion qui voyaient le feu pour la 
première fois. Il fallut arrêter brusquement les opérations militaires 
dans lesquelles ou s'était imprudemment engagé et se borner à la défen- 

U Thomas Nelsou Pajçfi, Marva Chan, 



PPKMIÈKKS DÉFAITES DES F&OÊRAUX 



mo* 



sive en s Abritant derrière des fortMlcattoroi en terre où les recrues s'exer- 
çaient à l'apprentissage de leur métier. Mais (e simple campement sur 
un point de future attaque déterminait de plus en plus l'élut de guerre, et 
le* escarmouches prenaient graduellement le caractère de bataille. La 
position géographique den deux, capitules ennemies, Washington et 
Hic h moud, forçait les urmées ù graviter autour de ces places. Tandis que 
les v Confédérés » ou Sudistes, plus audacieux et plus libres de leurs 
mouvements, se hasardaient avec une singulière audace jusque dans le 
voisinage de Wa- 
shington, essuyaient 
ùo la surprendre 
môme à revers par 
nue campagne fuite 
dans le Maryland el 
diius la Pennsylva- 
nie, les < Fédéraux ■■ 
un gens du Nord 
poussaient lentement 
leurs travaux d'up- 
proche vers Rich 
moud, soit pur le 
nord, à travers les 
vallées parallèles des 
rivière» qui les sépa- 
raient de James-rivcr, 
suit pur l'est, dans la péninsule môme qui se relève ou plutôt s exoude 
par degrés dans la direction de la ville convoitée. Que de fois les 
armées, enfin exercées Tune et l'autre à la tuerie, se heurtèrent en batailles 
indécises, et (pie de fois elles avancèrent et reculèrent successivement 
après de terribles assauts qu'on se livrait de pari et d'autre ! Rare- 
ment guerre fut plus sanglante, rarement plus de vies humutnes furent 
sacrifiées sur les champs de bataille que pendant cette lutte de quatre 
années. 

D'abord vaincus sur terre, les Fédéraux avaient eu la victoire dans 
leur premier combat naval, et bientôt l'avantage capital que donnent 
l'industrie el le commerce avait permis aux, assaillants de pousser leur 
blocus le long des côtes du territoire esclavagiste et même de pénétrer 




Cl. du Caitury. 
SCÈSS DE OU£»RB 

(Croquis de Frank. H. Schell), 

Ix» Messe de gauche demande au dessinateur d'écarter le 
corps du soldat qui était venu mourir sur lui. Au centre, un 
jeune homme pan»e sa cheville, aux pied» d'un cadavre qu'il 
dit être «lut de son père. 



1I08 l/HOJWME ET I.A TERRE. — «EURE» ET MûrJlKS 

ça cl la cluriH les estuaires et les embouchures du littoral. Sans doute des 
corsaires du Sud et des marins étrangers réussissaient fréquemment a. 
forcer ce blocus pour introduire dans le domaine assiège' des ormes, des 
approvisionnements, des correspondu nées» mais ces apports se toisaient 
h très grands frais, en échange de colon dont la récolte diminuait chaque 
année. Le Jour vint où le cercle de fer rejoignit ses deux extrémités, 
lorsque les flottille» des fleuves de l'intérieur se réunirent, devant Yicks- 
burg, uux vaisseaux venus de la mer pur le bus Mississippi. Tnndisque le 
gros des années se pressai! sur le pourtour du noyau formé pur les deux 
capitales, l'énorme rJrenit qui se prolongeait au loin vers te sud ouest 
se trouvait étreint par les forces du nord : virtuellement le conflit devait 
se résoudre a l'avantage du boa qui déjà leniiit su victime en sa gueule 

distendue. 

Cependant l'hallucination produite pur le résultat des premiers con- 
flits et le désir secret qu'avaient les puissances européennes 'l'écarter la 
concurrence redoutable d'une rivule triomphante eu industrie eten com- 
merce produisirent dans l'esprit de la plupart des politiciens ridée que 
la résistance des Confédérés Unirait par lasser les fanatiques de l'I nioii 
et même par épuiser leurs ressources, lie plus fameux homme d'ISlul qui 
vécût à celle époque, l'illustre (iladslone, di'jù connu sous le nom de 
(ircal Otit Utitt, donna pourtant la preuve de srm manque de clairvoyance 
politique puisqu'il félicita publiquement les chefs de la Confédération 
d'avoir su w créer une nutioti ». Ce qui leur manquait pour cela, c'était 
d'avoir une idée rectrice capable de soulever la masse du peuple et de la 
passionner d'une manière durable par l'enthousiasme d'une noble cause. 
Mais si les propriétaires d'esclaves affectaient de croire que l'esclavage 
des noirs était vraiment un principe pour lequel il est juste de saeriiier 
sa vie, lu masse des « petits blancs ■■ sans propriété restaient parfaitement 
insoucieux de tout ce verbiage et si, d'une part, ils haïssaient les nègres 
à cause de la différence de lu peau et la concurrence du travuil, d'antre 
part, ils délestaient les <« grands blancs , les hautains patrons. Toutefois, 
si les politiciens des Ktals confédérés s'étaient appuyés sur le principe 
fondamental de toute libre association, s'ils avaient revendiqué le droit 
naturel de l'homme à l'autonomie personnelle et à la liberté du grou- 
pement suivant les sympathies, s'ils avaient dit simplement : « Votre 
compagnie nous déplaît, gens du Nord, et nous entendons désormais 
vivre comme il nous convient, en choisissant nos alliés selon notre 



FAIBLESSE R&ELLK DES CONFÉDÉRÉS 900 

goût! * II* se seraient trouvé* sur un terrain solide et auraient été inat- 
taquables au point de vue de la justice humaine. Certes, il est à croire 
qu'il» n 'eussent pas manqua de prendre cette franche attitude s'ils avaient 
été seuls, mais ils se présentaient dans la lutte a coté des petits bluncs 
méprisés» bien plus encore, accompagnés de leurs chiourmes d'es- 
c laves, et, dans cette situation complexe, Ils auraient eu ta plus mauvaise 
grâce u réclamer d'une même haleine le droit a leur liberté personnelle 
et celui d'asservir autrui. Ils étaient donc forcés de s'en tenir aux 
précédents historiques, aux textes des lois, à la discussion des grimoires 
de Constitution et de jurisprudence; comme ci-devant duos I enceinte 
du Douglas, ils discutaient dos points de droit dans le ehamp ouvert des 
batailles; la voix aigre et niaise de» avocats accompagnait le tonnerre 
du canon. 

De leur e<Mé, les Unionistes ne se déprenaient que très lentement de 
leur formalisme constitutionnel pour se rattacher franchement à un 
principe, celui du droit de l'homme a la liberté. Les proclamations 
officielles en référaient misérablement a lit lettre de tu loi : les abolilio- 
tristes seul», ceux (pie l'on appelait « sectaires » et « fanatiques . sau- 
taient- u pieds joints pardessus le compromis du Missouri •>, le « procès 
Dread Scott , les jugements de la Cour suprême » et autres précédent» 
parlementaires et légaux. Les émigrants qui se faisaient recevoir au 
nombre des citoyens et s'enrôlaient eu foule dans l'armée voyaient aussi 
les choses de plus haut et de plus loin que les natifs, accoutumés aux 
subtilités constitutionnelles : il l'ai lait une hérédité de quelques généra 
lions dans les traditions absurdes pour professer que les noirs étaient 
une u propriété j» de môme outre que le bétail. Les étrangers nouveau- 
venus auraient trouvé tout naturel d'enlever les esclaves des plantations 
et de les c u régi i mm ter contre leurs anciens maîtres, mais le scrupuleux 
président Lincoln et les savants légistes qui l'entouraient ne virent 
d'abord dans le negre que la pure marchandise déterminée par les anté- 
cédents légaux, et même, lorsque la logique des événements eut fait 
justice de toute celte logomachie, lorsqu'il fallut pourtant émanciper et 
armer les noirs, te respect de la formule obligea les délibérateurs à les 
désigner par une bizarre périphrase. On ne vît en eux que de lu << con- 
trebande de guerre », c'est à-dire do simples objets comme de la poudre 
et des balles, et longtemps les actes relu tifs a celle contrebande vivante 
furent rédiges en un jargon incompréhensible à tous autres que les 



î»|0 



l'homme et la tkhrb. 



NÈGRKS ET MOUJIKS 



juristes initiés. 0c même, lorsque le nouvel Ktat — la Virginie Occiden- 
tale — fui détaché de l'Elut à esclaves dit familièrement » Old Virginiu », 
ta volonté formelle des habitant» ne parut pas suffisante pour justifier eel 
acte administratif, qualifié d'attentat pur tes Sudistes, et Lincoln se crut 
obligé de l'envelopper do tout un su van l verbiage, sur lequel des milliers 
de easuistes ne mirent à ergoter, 

Quand môme, il fallut bien en venir à l'acte pur excellence, ù lu ddc-l- 




Cl. du Ctntury, 
BATAILLE D'ÀjNTIBTAM 

Le» Fédéraux emportant le pont de Burnaide (17 sept. 1863), 
d'après le croquis de Kdwln Forbea, fait durant le combat. 

aion ultime qui formait comme le noyau de tout cet amas de choses 
secondaires discutées entre les deux moitiés de la république nord amé- 
ricaine. Lu proclamation du i" r janvier i8(».'l annonça que « toutes les 
personnes tenues en eselavafrc dans chacun îles Etals insurgés contre 
l'Union seraient libres dorénavant et à toujours «. On peut dire que la 
révolution était faite désormais, puisque les unionistes étalent d'accord 
pour combattre au nom d'un priucipe et que leurs immense!» ressources 
ne s'appliquaient plus au busard, pour une cause dont on ignorait la jus- 
tice. Mais l'émancipation graduelle des 3 900000 esclaves qui vivaient 
dans tes plantations des Etats du Sud devait logiquement se compléter 



LIBÉRATION DES NJklHKS 



til 1 



par la mise on liberté des 800 ooo noir» asservis qui se trouvaient encore 
dtmtt les Ktats occupés par les Unionistes. Le scrupuleux président Un- 
coin Ilxaituu i«" janvier 1900 le délai d'émancipation du dernier travail- 
leur nègre des Etats-Unis, mais l'enchaînement des faits demandait une 
solution plus rapide, et bientôt, dans chaque KM, les esclaves furent 
définitivement racheté*. Mais habitués ft la discipline par la terrible école 
do l'esclavage, les nègres du Sud continuèrent «le l'observer pendant 



■-, ?~\ 









,.*£--■■ ■■* k>' % ■'■■ ■ ■►,-'. 



>" V"2 






■**.•■■**■ * - ^ * 

■ * >. 'ij- . 1* 






^j&Vyî&y, 



'U r ' .V' r -- 



% r -C§ï*^; 1 



■':->'.?.<■ X 






^V ■-■'iS^^it*' '' ■■':'-■■, 
■■•■' -. *T'.& s„ - 



^ .' t /..«■.:(] 



«të^^ 






Cl du Century. 
LIS P(»T DB BUHNSIDK EX 1886 

lu guerre, soit envers leurs anciens maîtres, soit envers leurs cmanci- 
palcurs. Tout au plus quelques milliers d'entre eux salaient ils enfuis 
{les plmi talions pour rejoindre les armée» fédérales où les officiers du 
Nord les accueillirent comme « contrebande de guerre », se permettant 
de les utiliser au proiit de l'union en les incorporant dans les régiments 
de marche. Lorsque les Fédéraux purent cnlin passer de ta défensive à la 
franche offensive et pénétrer au loin dans les plantations des Klats méri- 
dionaux, armés de la proclamation de ta liberté, les noirs valides purent 
accourir de toutes parts dans les rangs des envahisseurs, et jusqu'à 
!»nn ooo d'entre eux combattirent ainsi pour la cause de leur race, mats 



2JU I.'HOMMK ET I.A TERRE. — NÈGRES ET MOUJIKS 

sans qu'aucune atteinte ait été portée par eux à ta légalité apparente, sang 
que tour prise d'armes pût donner a leurs actes te moindre caractère 
d'insurrection , 

Les événements se presseront. Le point de virement définitif s'accom- 
plit dans les premiers jours de juillet iHQ3, immédiatement avant ta féïe 
nationale, C'est «lors que Yicksbti rg, le verrou qui fermait aux Fédéraux 
la route naturelle du Mississippi, tomba cuire leurs mnins et que In 
dernière tentative des (Confédérés, s'avançait! en masse avec le gros de 
leur armée, vint échouer contre le triangle puissamment fortifié des col- 
lines de Gettvsbarg, en Pennsylvanie. U force de la révolte étail délini- 
tivement brisée. Hommes, ressources matérielles, confiance commen- 
çaient à manquer, et tout ce qui restait disponible éloit dirigé vers les 
fortillcations multiples qui tonnaient un labyrinthe d'embûches au- 
devant de Kiclimond. L'immense territoire compris entre l'Atlantique» 
le golfe du Mexique et le Mississippi n'uvait plus d'élément* de résis- 
tance : on eiït pu le comparer à une coquille d'œuf presque vide. Aussi 
le* troupes fédérales faisaient elles effort pour traverser cette région dans 
son plus grand diamètre. Après des victoires décisives remportées dans 
la partie centrale du domaine de r insurrection, c'est-u dire devant la 
courbe supérieure du grand fleuve Tennessee — là oii se terminent les 
chaînes méridionales des Alléchantes et où commencent les vastes 
plaines en culture de la Géorgie — ♦ le général Sliermuii disposa ses 
troupes en colonnes parallMes, non pour écraser l'ennemi qui ne pou- 
vait opposer îles armées sérieuses de combat, mais pour ravager les 
campagnes, couper toutes les ligues de communication, roules, ponts et 
chemins de fer. brûler villes, villages et plantations, rendre absolu- 
ment impossible Unité, continuation de la guerre en faisant un vide 
absolu entre les Kluts mississippictis et tes Ktals ulhmliqucs. Jamais, 
peuUMre même du temps des Mongols, destruction plus méthodique 
n'avait été accomplie, L'incendie se propagea sur un espace de plus de 
100 kilomètres de lurgeur, de plus de 5ou kilomètres en longueur. 

Du moins celle effroyable marche atteignit son 1ml stratégique* 
Arrivé au bord de la Hier, près de Savannub, le général Sherman rejoint 
la (lotie de l'Atlantique, et le cercle se rétrécit autour des confédérés de 
manière a les étouffer. C'était nu commencement, de l'année iHG5. Main- 
tenant les Fédéraux avancent à la fois du nord, du sud, de l'est et de 
l'ouest sur les positions du général Lee, autour de Hichmoud et de l'eters- 



REI>OIT!ON DE l/AftMÈE CONFÉDéKÉK 



ai3 



burg, et, le 17 avril, \m derniers révoltés, entourés de (ouïes paris, n ont 
plus qu'à déposer le» armes. La snnglnnte guerre était «nie et l'équilibre 

H* 459. Les deux Capitales de la guerre de Séoetalon. 




*è* VV.de Gr. 



—~j 



1: 2 6O0 000 



tr 



50 



Hoaà 



100 



160 Kil. 



puli tique cl social de la république nouvelle, surgic de lu tourmente, se 
Irouvu complément ctiangt\ Désormais les gens » peau bhmrhe conli 



»t't L*HOMMK ET LA TERRE. — NÈGRES KT MOUJIKS 

nu&rcnt niaisement, pour la plupart, à mépriser, même à haïr tes gêna à 
peau notre ou bistrée, mai» du moins n'y eut-il plus de principe » 
d'esclavage, d' « institution divine », Comme pour donner un caractère 
épique ù la Un de la formidable lutte. Lincoln, le président qui avait été 
le porte parole de réinuncipution des imirs, fut assassiné en plein 
triomphe, 

La victoire des tëluls du Nord sur les Ktats du Sud eut les consé- 
quences ordinaires: elle fit accepter le succès comme légitime par la 
grande majorité de ceux qui l'eussent maudit d'uvanee et Ht naître aussi 
par milliers des prophètes du lendemain cjui croyaient avoir annoncé 
les événements bien avant qu'ils fussent accomplis. Les moines voix 
intéressées, qui avaient prévu le triomphe inévitable du Sud parce 
qu'elles le désiraient, reconnaissaient maintenant qu'il eut été vraiment 
insensé de ne pas croire à celle « destinée manifeste » qui enl rainait la 
république nord -américaine vers l'unité et l'accroissement do au puis- 
sance. Et bien certainement, malgré les haines et les rancœurs suscitées 
par la terrible extermination, les Ktats I nis sortirent de la guerre plus 
étroitement u*sociés qu'ils ne l'avaient été ù aucune période de leur his- 
toire. Bien plus, les Ktals du Nord à type de civilisation industrielle se 
trouvèrent réellement agrandis par une extension naturelle qui se pro- 
duisait du nord vers le centre et du centre vers le sud. L'é migration 
directe des colons de la Nouvelle Angleterre vers tes Ktals de l'ouest el 
du centre fut le véhicule de ce travail d'iutussusccption. On peut en 
juger surtout par ce fait que le cadre typique de l'autonomie locale dans 
le Massachusetts el les Klats voisins, le /of/wx/ii/>, s'est propagé dans 
l'ouest, contrairement à ta forme du « comté », moins populaire dans 
sou organisme'. Les habitants du Conuectieul surtout sont devenus 
fameux par leurs mœurs de migrateurs, de nomades politiques, allant 
porter aux autres Kluls duns leur mrpei bwj ou valise la charte d'admi- 
nistration nouvelle. 

Soutenues par ce mouvement continu d'immigration, toutes les 
conquêtes du travail libre furent autant de conquêtes du nord : il empiéta 
ainsi par delà les frontières du Missouri, du Kentucky, du Tennessee» 
même jusque dans l'Aluhamu, où l'exploitation des riches terrains 
houillersel ferrugineux lit naître soudain de grandes villes entourées 

1, Emile Boutmy» Elément» d'une Psychologie politique du Peuple américain, p. 42. 



CONSÉQUENCES DE LA GUERRE 



au 



d'usines et où le» uueurs des salariés blauca se répandirent parmi tes 
travailleur» nègres. Le littoral de lu Floride avec se» hôtels superbes, ou 
viennent par millier* les valétudinaires et les oisifs des cités atlantiques, 
cal devenu aussi comme un prolongement économique des càtesde la 
Nouvelle Angleterre, de New- York et de New- Jersey. 

fi" m, Les Indiens et les Nègres aux Etats-Unis. 




Indiens I 



»+r~E^BM. 



0>i t-T 7't7 t7-36 36-6Q eû-100% 



i: 40000000 



* 



600 



1000 



2000 Kit. 



Quant tm résultat majeur de in guerre, l'émancipation des noirs, il 
vu su us dire que, si «lie fui proclamée à une dutc précise, elle ne fut 
point réalisée aussitôt, La servitude ne disparut, ou plutôt tie se trans- 
forma que lentement en sa forme industrielle moderne, qui est le sala- 
riat ; encore de nos jours, près d'un demi-steele après réinunclpution 
officielle, se maintiennent dons les pratiques et les lois, surtout au fond 
des mues, bien des vestiges répugnants de l'ancien élut de choses. Même 
il est arrivé que des juristes ont essayé de rétablir indirectement l'cwla- 



ytlO L'HOMME ET J.A TERRE. — NÈGRES ET MOUJIKS 

vuge par toutes sortes d'artifices légaux, cl qu'ils ont trouvé des complice* 
dans tes tribunaux et parlements d'Etat. De pareilles iniquités sont iné- 
vitables, car les anciennes institutions ont ta vie dure; et, du il leurs* 
toutes les exploitations de l'homme par l'homme, esclavage, servage 
salariat, ne prennent elles pas des formes analogues, difficiles ù distin- 
guer duu* les divers milieux i 1 

La république nord américaine sortait si puissante de la guerre 
civile qu'elle avait même pu remporter une grande victoire morale 
contre une puissance étrangère sans avoir eu a se donner la peine d'en 
venir aux menaces, ou seulement aux sérieuses remontrances. Dfcs lu 
fin de l'année 1SG1» c'est ù-dire lorsque la Sécession étuit prononcée, et 
que lu guerre avait déjîi causé ses premiers désastres, Napoléon III, 
l'empereur de hasard, que tourmentait toujours une idée chimérique, 
intervenait diplomatiquement dans les affaires intérieures du Mexique 
pour y faire alliance avec le parti clérical, tout en servant les intérêts de 
quelques tripoleurs de Nuances. Voyant dans quelle aventure on les 
menuit. l'Angleterre et l'Espagne, qui s'étaient alliées à ta France pour 
formuler des revendications sur les questions d'emprunts et de douanes, 
s'empressèrent de se retirer, et l'empire napoléonien resta seul pour 
chercher noise u la république mexicaine. 

D'uprcs le témoignage des chroniqueurs de l'époque, il paraît établi 
qu'en envoyant ses troupes au Mexique pour y détruire le régime répu- 
blicain et le remplacer pur un empire, Napoléon lit, silencieux d'ordi- 
naire, aurait pourtant celle fois laissé échapper un secret : Ceci c'est la 
grande pensée du règne! » Se croyant arbitre suprême, placé au gou- 
vernail de l'Immunité, il ne visait ù rien moins qu'à souslruire le Nou- 
veau Monde ù riufluence pré pondéra ri le des A nglo Américains et à faire 
pour illispano Amérique ce qu'il croyait avoir fait pour lu France, lui 
tracer un lit permanent comme aux fleuves rectifiés, l'arracher défini- 
tivement au régime incertain et changeant des inslmcls et des caprices 
populaires, lui imposer une évolution venue d'en haut et réglée par la 
volonté d'un homme, d'un empereur, toujours présumée prudente et 
sage. Afin de donner ù son dessein une apparence absolument désinté- 
ressée, il se garda bien d'imiter son oncle qui n'avait eu de troncs que 
pour sa dynastie : celui dont il fît choix comme représentant de son 
idéal monarchique appartenait a l'antique maison d'Autriche, celle de 



EXPÉDITION DU MEXIQUK «17 

toute* les ramilles princiers d'Etiro|>c vers laquelle les fanatiques de la 
tradition de servitude lèvent te» >cux avec le plus tic vénération. Le 
moment semblait bien choisi pour introniser te dépendant des Habs- 
bourg en ce pays qui avait été conquis pur les lieutenant* de Charles- 
Qui ni. En effet, ta 
* doctrine de Mon roe » 
qui interdisait aux 
puissances d'Europe 
d'intervenir dans les 
alfa i rcs po l i tiq ues tics 
Etui h américains* se 
trouvait momentané- 
ment frappée de ca- 
ducité puisque lu ré- 
publique nord -amé- 
ricaine était alors dé. 
«unie: peut-être môme 
les politiciens qui 
cherchaient ù iniptV 
riu lifter te Mexique 
espéraienl-il» que lu 
force de l'exemple et 
lu communauté des 
intérêts décideraient 
les Biais confédérés, 
c'est-à-dire l'aristocru- 
lie esclavugisle des 
régions lloridicn ne» 
et mississippicuuc», h «allier intimement au nouvel empire mexicain. 
Mais toutes ces combinaisons manquaient de prescience et de 
sagacité: la plus grande pensée de Napoléon 111 fut en réalité la plus 
grande folie. D'abord les troupes françaises, qui avaient combattu avec 
succès les plus redoutables armées sur les champs rie» batuille de 
l'Europe, se heurtèrent n de vaillants ennemis qu'elles avaient eu le tort 
de mépriser d'avance. Môme lu première rencontre sérieuse fut pour 
elles un insuccès : le 5 mai i<S(h, un assaut de l'ucblu fut victorieusement 
repoussé, et plus d'une année s'écoula avant que i*arm«e française pAt 




(1. Ltplfanftt. 



BBNÏTO JUARKZ, 1806-1872. 

PnMdent de la république Mexicaine. 



3l8 J.' HOMME ET LA TERRE. — NÈGRES ET MOUJIKS 

se réorganiser et pénétrer enfin dans ta ville de Puebla pour s'ouvrir la 
route de Mexico, Les Français y entrèrent (in juin i8(W) et y prépa- 
rèrent t 'intronisation officielle de Maximilien qui vint prendre possession 
de son empire Tannée suivante, après s'être fait sacrer par le pape. Mais 
la guerre n'était point Unie. Quoique les régiments français, appuyant 
Tannée cléricale des généraux conservateurs, fussent presque toujours 
vainqueurs en rase campagne, et que le gouvernement républicain, 
présidé par l'Indien Benito Juarcz, dut fuir de ville en ville, il n'en 
organisait pas moins des guérillas qui harcelaient partout les vainqueurs, 
coupaient les routes, s'emparaient des approvisionnements. On pendait 
les patriotes par centaines, ils renaissaient par milliers, 

Lorsque ta ruine complète des esclavagistes eut amené lu grande 
évolution de l'histoire américaine, Napoléon comprit qu'il n'avait plus 
qu'a préparer sa retraite, a modifier prudemment sa politique en laissant 
Maximilien se tirer de la périlleuse affaire, s'il était encore possible. Le 
malheureux crut qu'il réussirait par la terreur et, par un décret d'octobre 
iM>5, prononça la peine de mort dans les vingt-quatre heures contre 
tout adversaire capturé. C'est le décret qui se retourna contre lui. et qui 
lui fut appliqué, Tannée suivante, dans les fossés de Qucrcturo. Il avait 
régné trois années, mais pas un jour de cet empire ne s'écoula sans que 
les historiens n'aient lu clairement son horoscope de victime expiatoire ; 
la grande pensée» lui avait été funeste. Il ne semble pas d'ailleurs que le 
crime politique dont la France, sacrifiée aux chimères de son maître, 
s'était rendue coupable sans y participer moralement, ail eu pour 
conséquence de susciter contre elle des sentiments de liai tic et «le 
vengeance dans Tftine des Mexicains. Un sûr instinct avait averti ceux ci 
que l'envahisseur, ennemi d'occasion et non pas de nature, ne leur en 
voulait nullement, et ils lui pardonnèrent, préférant se rappeler les 
enseignements de la Révolution française que les caprices incohérents 
de la contre- révolution impériale. Kn outre, ils comprenaient que, dans 
la bataille des intérêts, aussi Apre entre les nations qu'entre les individus, 
ils n'avaient rien à craindre mais beaucoup à espérer de la solidarité 
morale de leurs frères « latins », tandis qu'ils avaient, au contraire, tout 
à redouter de leurs amis d'un jour, voisins d'outre Uîo Grande. 

Quoi qu'il en suit, l'issue de la guerre du Mexique avait puissamment 
assis la « doctrine de Monroë *» comme une vérité politique désormais 
indiscutable : pendant le demi siècle qui venait de s'accomplir, les 



DOCTRINE DR MONROK 



«Ml 



ambitions étaient devenues une ferme réalité. Désormais l'esprit le plus 
chimérique ne pourrait imaginer qu'il serait possible à la France, à 
l'Angleterre ou a n'importe quelle puissance européenne de modifier ù 
son caprice réquilibre politique du Nouveuu Monde, soit dan» 
l'Amériquo du Nord, soit dan» l'Amérique du Sud. Le principe établi pur 
le président Monroë, lors de» révoltes de l'indépendance hispuuo 
américaine, ne pouvait dorénavant plu» trouver de contradicteurs. Par 
la force dos choses, uussi bien que par lu conscience ortfUuiileuHe de 




Cl. IrJpplttOOtt. 



J/a^L'KDLX A yUKiiKTABO 



leur rôle parmi les nations, les Klals-Unis en étaient arrivés à disposer 
dans lotit le monde occidental d'une ivello préséance. Ils constituaient 
une république, patronne d'autres républiques, formant, pour ainsi dire, 
le contraste, dans l'ordonnance générale du monde, avec l'empire russe, 
h* plus puissant de tous pur l'étendue territoriale, et celui qui représente 
par excellence les principes conservateurs du despotisme antique. 



IprcH le ^tuikI ébranlement de la guerre de Crimée, le gouvernement 
russe avait en h composer aver l'opinion publique eu émoi. Quoique lu 
nation n'eût pas uu seul organe représentatif direct par lequel su 
compréhension des choses put se manifester ofHcicllemcnt, elle ne s'en 



330 l'HOMMB BT hK TERRE. — NÈGRES ET MOtWKS 

agitait pas moins, el des révoltes locales, signes avant-coureurs 
d'une transformation générale* témoignaient de l'impatience gran- 
dissante des sujets. Le gouvernement central, si désireux qu'il fût de 
maintenir ta routine traditionnelle, ne pouvait ignorer cet état de 
choses et cherchait à donner une certaine satisfaction au* exigences 
populaires. Sans doute la nation russe, avec l'égoïsme collectif qui 
appartient ù cms amas d'homme» déterminas par la série séculaire des 
événements, permettait uses gouvernants do poursuivre contre l'étranger 
sa politique de conquête et d'oppression; même elle voyait avec une 
certaine satisfaction tes annexions loin (ai nés qui ajoutaient h l'Empire les 
immenses étendues asiatiques; elle approuvait les campagnes du Caucase 
qui ahouliSKaient en 1K09 fi la capture de Chumil, prophète et guerrier, 
el, en iHGfl. pacifiaient par le dépeuplement complet tout ce qui restait 
de territoire» insurgé» dans la Caucasie occidentale; même la masse du 
peuple russe se trouvait certainement d'accord avec son gouvernement 
pour approuver l'écrasement d'utic nouvelle insurrection polonaise 
en iKtt.'l. Comme huit d'antres populations, eetle de la « Sainte Htissie » 
ne demandait justice «pie pour elle môme et participait volontiers à 
l'Injustice contre les autres, 

Les améliorai ions matérielles sont celles «pie les gouvernements se 
laissent arracher le plu» volontiers, parer qu'ils sont les premiers à eu 
proliler. Le réseau des chemins de 1er commença de se rattachera la seule 
ligne de grande communication qui existât alors, celle qui reliait l'une a 
l'autre les deux rupitales Moscou el Pélershonrg. Quelques roules, devan- 
cées par tes voies de fer en maintes régions de l'empire, se tracèrent ea et 
là et des ponts furent jetés sur les fleuves. Kn môme temps, on ouvrit des 
écoles pour les enfants de la bourgeoisie naissante et publia des amnisties 
pour le passé; la liberté fut rendue aux quelques dékabristes exilés 
(pli vivaient encore et les membres de leurs familles furent réhabilités. 

Kn même temps*, en i^^;, on décida de porter la main sur l'arche 
sainte du servage qui. depuis l'attentat de lioris Ooduno\ contre la 
liberté russe, avait si profondément rongé le cœur de la nation, (domine 
toujours en pareille circonstance, celle dérision « libérale » du gouver 
ncment avait été dictée par la nécessité. L'empereur Alexandre en 
exposa la raison aux nobles réunis au Kreml* : « Donnons la liberté 
atin qu'elle ne soit prise de vive force ». Les soulèvements partiels 
el les révoltes individuelles des paysans étaient fréquentes et, d'autre 



( 



LIBÉRATION DES BBRFS i3i 

part, maint gelgneur était de camr avec les révolta. Deg gerfs désespérés 
fuyaient en multitudes vers le» steppes de Jn Russie méridionale et 
1rs coiittit» sanglants se produisaient dans les maisons de campagne 
des seigneurs. On é vu I mût on moyenne annuelle h sohanlc-dix le nombre 
des propriét aires que les paysans massacraient, parfais avec le raffine- 
ment de la torture et du bûcher V 

C'est te 17 mars i8Gj (le 5 en style russe) que fut inaugurée l'ère 
de l'affranchissement. On comprend quelle Ait l'immensité du chan- 
gement économique et social dans tout l'organisme de la nation, puis- 
que le nombre des paysans mâles a libérer dans la Russie d'Europe, en 
Sibérie, dans la Transcaucasic s'élevait a près de douze millions (dix 
millions et demi d'individus lors du recensement de 1857, le dernier 
qui les ait comptés), sur lesquels huit A neuf cent mille appartenaient 
aux domaines impériaux et aux diverses administrations. En ajoutant 
à ce* m Ames « d'hommes celles des femmes de tous âges, l'ensemble 
des serfs, peu éloigné de >/t millions, représentait, selon Semcvsky, 
un peu plus de la moitié (53 0/0) de toute la dusse des paysans de 
l'Kmpire et plus du tiers (3; */» 0/0) de la population delà Russie propre 
ment dite. 

Le travail purement administratif de l'émancipation, commencé 
par degrés et d'abord dans les gouvernements les plus rapprochés de 
l'Europe civilisée, se prolongea pendant une période de deux années, 
mais les paiements d'argent imposés aux paysans pour la terre qu'ils 
reçurent en propriété indivise de leurs communes continuèrent jusqu'à 
la fin du siècle. Eu euet, on s'était bien gardé de laisser aux serfs libérés 
le lot de terre qu'ils occupaient lorsqu'on les asservit à la glèbe : ou 
leur fit racheter le sol, dont, en justice, on ne pouvait leur dénier la pro- 
priété : le gouvernement lui-môme no permettait pas aux seigneurs de 
les en priver et, quant aux paysans, ils n'avaient cessé de le revendiquer 
dans leurs légendes, dans leurs chants et leurs récits autour du foyer. 

Non seulement on leur imposa le rachat à un taux représentant en 
maint district deux a trois fois la valeur commerciale de la terre, mais 
on ne leur permit même pas d'acquérir la superficie totale du terrain 
qu'ils cultivaient sous le servage, Le nadyel fut rogné surtout dans les 
provinces fertiles du midi» et n'aurait pu nourrir le travailleur et sa 

1. Alex. Tratchevski, Repue Internationale de Sodohgù, août 1895, p. \% 
V 12 



'VA'*. L'HOMME KT I.A TKRnE. — SKtiHKS HT MOUJIKft 

lainilto qu*uu moyeu tic procédés perfectionnés dont H n'était point 
question à cette époque en Hussic \u fond, sous le nom de rachat, les 
paysan* niaient ù indemniser li' si* teneur pour lotir tîliertt* personnelle 
cl pour l'affranchissement <i«*s Iihmm journées de corvée pur semaine que 
chaque serf, homme ou femme, lui devait \ 

( u (1rs plus brusques changements produits par I» libération des 
serfs lut la ruine d'une très grande partie «le la noblesse, A |»eine les 
nobles — surtout ceux qui ne xisiluicnl leurs terres (pu* pour) passer 
quelques mois à la belle saison — avaient ils reçu lesobligïdious représen- 
tant le prix du radial qu'ils les négociaient el eu dépensaient U» mou 
la 11 1 avec un luxe fastueux D'à ut l'es vendaient les (erre* qui constituaient 
leur fortune particulière : ou dit (pie près de .'lo millions d'hectares 
devinrent ainsi en peu de temps la proie des spéculateurs et des 
usuriers, tandis (pie l'Ktat. par tes facilités ollertes a l'hypothèque des 
(erres et aussi par des couHscalioiis, devenait propriétaire de fait de 
In majeure partie des domaines seigneuriaux. Knlin, heaticoup de 
propriétaire^ sans doute la majorité, plus attirés par la vie du fonc- 
tionnaire que pur celle du gentilhomme campagnard, préféraient louer 
leurs terres aux paysans que de les faire valoir eux mêmes et ne réussis- 
saient qu'à précipiter à la ruine leurs anciens serfs. 

An milieu de lu population agricole augmentant rapidement, dépour 
Mie de terres suffisantes et pour laquelle ta culture du sot est le seul tru 
vnil possible, les prix des baux s'élevèrent bientôt. Vussi, depuis quarante 
ans, la situation d'une quarantaine de millions de paysans n'ai elle cessé 
d'empirer dans la Itussie centrale : le rachat », les impôts croissants, 
les tiaux élevés, l'ignorance de lionnes méthodes ctilluralcs ont amené 
l'agriculteur russe au même niveau que celui de l'Irlande. Cerles, il y a 
des exceptions, l'initiative el l'entr'aute ont élé suffisantes va «I là — prin- 
cipalement dans le gouvernement de Moscou — pour luire remplacer le 
soc primitif par la charrue profonde et pour introduire avec le trèfle une 
méthode d'assolement quadriennale. Mais combien de paysans suc 
eiuubent à la misère et combien échangent un esclavage pour un 
autre, celui du tumiw pour celui de l'usurier, juif on orthodoxe, plus impla- 
cable encore! Que de commune*, «pie de districts se trouvent décimés 
par suite de mauvaises récoltes el de la famine toujours meuucunlc! 

1. Pierre Kropotkiiic. Notes matotatrites. 



SUSÈBK DL PAYSAN JUÏSSE au3 

In fait grave se produisit a ta iitème épuque, tu naissance d'un pro- 
létariat industriel : une nouvelle caste *e formait ainsi en môme temps 
que lu caste de lu bourgeoisie s'accroissuit en force par la fondation dos 
manufactures et l'asservissement du commerce, mai», quoi qu'on en 
puisse penser. los ouvriers d'usine renier»» en Kussie l'infime minorité. 
Si, dans le» provinces «en traies, les petites industries paysanne* et saison- 
nières occupent plus de sept millions de personnes, le service des manu- 
factures, malgré les primes et les faveurs gouvernementales, ne réclame 
gnM* que deux millions de travailleurs, r'est-a dire qu'il n'a emprunte 1 
au travail agricole quu moins d'un cinquantième de l'augmentation de 
population entre» i8(ii et ino5. Aujourd'hui encore, l'immense majorité 
de la population russe n'a d'autre ressource que l'agriculture. 

Toute grande révolution est génératrice de progrès et de regres, et 
suivant que l'histoire examine les uns ou les autres, elle est portée; soit à 
déplorer soit a célébrer les résultais de l'événement. Mais, quant aux 
conséquences de l'émancipation des serfs de la Hussic, il n'y a point de 
doute possible. Malgré toutes les réticences et les mauvaises volontés, 
malgré les maussades tentatives des réformateurs qui tachaient de 
reprendre d'une main ce qu'ils donnaient de l'autre, l'esclavage n'était 
pus moins aboli; le maître n'avait plus le droit de cravacher sou 
domestique ni la maîtresse celui de percer d'épingles la chair de sa 
rivale serve; le travailleur pourrait désormais travailler en chantant, 
puisque il avait racheté sa terre et la disait sienne, pouvait lu 
retourner, la féconder avec amour. L'admirable conséquence de l'éman- 
cipation, c'est que du coup commençait à se former une opinion 
publique duus cette niasse jadis inerte, et qu'il fallait déjà, en vertu de 
la logique des choses, donner une certaine satisfaction à celle opinion 
publique. C'est o* uni que l'institution du jury fut admise en Hussie.au 
grand scandale des vieux conservateurs : un des verdicts les plus reten 
tissants du nouveau tribunal fut d'acquitter une jeune lllle, Vcra 
Zassoulitcb, qui avait vengé la fustigation d'un prisonnier sur la 
personne du coupable en chef, le général de la police (1878), De môme, 
le gouvernement fut entraîné par l'esprit de l'émancipation jusqu'à laisser 
les paysans exposer leurs doléances et formuler leurs propositions dans 
les assemblées cantonales ou zemsfpu, La Hussic vit res choses étranges ; 
les juges de paix élus au second degré par tous les paysans à l'égal de 
leurs seigneurs, puis des parlements où les campagnards se permettaient 
V „• 



ȕl/l 



l/lIOMMK ET LA TBRHK. — NÈGRES ET MOI JIKS 



de discuter leurs intérêts avec bon Bens, môme avec esprit et dans un 
beau langage. Sans doute diverses mesures restrictive», surtout sous le 
règne d'Alexandre III. réussi ren t ù supprimer presque complètement ce 
premier essai d'une représentation directe des intérêts ; mais la chose 
certaine, inéluctable, que nul gouvernement ne pouvait rayer de l'his- 
toire, c'est que la nation russe se trouvait déjà placée par son mou- 
vement social cl politique dans un milieu analogue ù celui des autres 
nations policées de l'Europe et que, par conséquent, toutes tes révolu- 
lions de la pensée devaient > rencontrer une société préparée a les com- 
prendre. Le monde moderne s'était agrandi de toute l'immensité de la 
Itussie. 




INTERNATIONALES : NOTICE HISTORIQUE 



1866. — i4 juin, déclaration do guerre de la Prusse et de l'Italie à 

l'Autriche; s/i juin, Custom; 3 juil., Sadowa ou Kôniggratz ; 
!\ juil., remise de la Vénétic a la France; 17 Juii., les Prussiens 
arrivent devant Vienne ; »o juil., Lissa; 31 juil., armistice, 
— Congrès de ('Internationale ouvrière « Genève. -— k nov., 
Mentuna. 

1867. — 5 févr., les Français quittent Mexico ; 19 juin, exécution de 

Mnximilien. — La Russie vend l'Alaska aux Etats-Unis. — 
Insurrections en Crète et à Cuba. 
1868, — 17 sept.! insurrection à Cadiz; 3o sept, fuite d'Isabelle, — 
Prise d« Samarkand par les H us ses. — Coup d'Etat au Japon. 

1869. — 1 7 nov., ouverture du canal de Huez. 

1870. — 8 mai, plébiscite; 10, juil., déclaration de guerre à la Prusse; 

a août, premiers coups de feu; i$-i8 août, Borny, Uezon ville, 
(iravelotte, St-Privat ; 1-9 sept-, Sedan : 4 sept,, proclamation 
de ta république; 18 sept., investissement de Paris; 37 oct.» 
reddition de Metz; 9 nov., Coulmiers; 3 janv. 1871, Bapaume; 
tojanv., Yiilcrscxcl ; 18 janv., le roi de Prusse est proclamé 
empereur allemand à Versailles ; u8 janv,, reddition de Paris 
et armistice ; 1* févr., l'armée de l'Est se réfugie en Suisse. 

1870. — 20 sept., entrée des Italiens à Rome ; 16 nov., Amédée de 

Savoie, roi d'Espagne. 

1871. — 8 févr., élections en France ; i« r murs, paix; 18 man-98 mai* 

Commune de Paris. 

1872. — Début de la guerre carliste. 

1873. — u févr., Amédée quitte l'Espagne. — si4 mai, Mac-Mabon 

remplace Thiers. — Juil*, mouvements fédéralistes à Malaga, 
Cadix, Séville, Cartagena. — 16 sept., évacuation du territoire 
français par les armées allemandes; 20 nov., organisation du 
Septennat. — lies Eusses prennent Khiva. 

1874. — 3 janv., coup d'Etat du général Pavia; vi janv., reddition de 

Cartagena ; 39 déc. , la royauté est rétablie par Martinez Campos. 



îia6 L*HOMHE ET LA TKRRE. — INTERNATIONALES 

l 8-5.^-3o janv., la république française est volée par 353 contre 
35a voix. — Soulèvement en Herzégovine. 

1876, — a8 févr.. fin de la guerre carliste. — an mai, déposition de Abd- 

ui -Asta, assassiné le 11 juin; 3 1 août, Abd-ul ilamid remplace 
Mourad Y\ — Guerre serbo-turque. 

1877, — 16 mai, coup d'Etat de Mac-Mahon ; ocl., élection des 363. 

— ta juin, les Russes troversenl le Danube; juiL-déc, luttes 
autour de Plcvna ; 18 nov., prise de Kars. 

1878, — i/j févr., la flotte anglaise traverse les Dardanelles; 3 mars, 

traité de San-Stefano ; i3 juin-i3 juil., congres de Berlin. 
187*]. — 3o janv.» démission de Mac-Mahon. - - Guerre anglo-afghane. 

Guerre enta» le Chili et une alliance bolivio péruvienne. 
1881 . — Les (tusses entrent en Turkménte et les Français en Tunisie. — 

ha Thessalle est remise à la Grèce. 
iKKa. — 11 juil., bombardement d'Alexandrie; les Anglais occupent 

l'Egypte. — Prise de Hanoï. 
188X — La guerre éclate entre la Serbie et la Bulgarie. — Les Français 

s'emparent de l'A imam. 
i88i — Les Russes prennent Mer\. —Guerre franco-chinoise. 
j885, — Févr., la conférence tic Berlin organise l'occupation européenne 

de l'Afrique. — 18 sept., réunion de la lloumélic à la Bulgarie. 

— aG janv., prise de Khartuni parie Mahdh — u8 févr., défaite 
de Lang-Son ; 9 juin, paix franco-chinoise. L'Angleterre annexe 
la Harmonie. 

18SO, — l.n blocus européen empêche la Grèce de partir en guerre. 

i88i). — i5 nov., Proclamation de la république nu Brésil. 

i8i)'|.i8*)5. —Guerre sino japonaise. —Premiers travaux du Transsi- 
bérien. 

i8oli — i« f mars, défaite de» Italiens & Adoua. 

1897, — Révolte en Crète ; guerre gréco-tunpic. 

,« ( j«. — Affaire» Dreyfus. — Mai à août, guerre hispauo américaine. — 
Sept., bataille d'Omdurinun; Français cl Anglais à Kachoda. — 
Les Russoss'instaltenla Port-Arthur et les Anglaisa WcMiaï-wcï. 

,Hyy. — Junv., les Vllcmands ïi Khm-Tcheu. — liisitrrection aux 

Philippines. t 

lyuo. — Soulèvement des Boxeurs en Chine ; expédition européenne. 1 




Lu conciliation entre te Capital et te Travail est impossible, 
mais chaque nowreil* lutte (tonne lieu à des transactions 
qui se rapprochent de la justice. 



CHAPITRE XX 



INTERNATIONALE OUVRIÈRE. — CANAL OE SUEZ. » SAOOWA 
UNITÉ ITALIENNE. - GUERRE FRANCO- ALLEMANDE. — ESPAGNE 

LA COMMUNE DE PARIS ET LE PÉOÊRALISME ESPAGNOL 

PHYLLOXERA. — OUERRE RUSSO-TURQUE. — TRAITÉ OE BERLIN 

EXPANSION COLONIALE. — PARTAGE DE L'AFRIQUE. — L'EUROPE ET L'ASIE 

GUERRE AMÉRICANO-ESPAGNOLE. — SYNDICAT DES NATIONS 



Les diverses révolutions d'Europe, qui rejetèrent tous les malheu- 
reux exilé» on réfugié» en dehors île leur patrie, eurent du moins ee 
résultat très important dans riïistoire, qu'elles les aidèrent a constituer 
des groupements nouveaux en dehors de* sentiments exclusif», toujours 
mesquins, de l'origine nationale. Dans ees quartiers du centre de 
Londres où, par un phénomène d'agrégation dû & la nécessité de l'appui 
mutuel, se reneon traient tous les révolutionnaires étrangers, Italiens de 



Tl8 t.'llOMMK ET LA TERRE. — INTERNATIONALES 

Venise, do Gênes et de Home, tispaguols de Barcelone, de (Valence, Pari- 
siens et Badois, Polonais et Russes, l'alliance devait ne faire : la com- 
munauté du but, des intérêts, des moyens employés amenait une 
entente au moins partielle entre les proscrits, malgré l'obstacle qu'oppo- 
saient le» différences de miroir» et de langage ainsi qui; les rivalités 
des ambitions chez ceux qui eouvoî talent le pouvoir. Une sorte de gou- 
vernement occulte des Etats-l ; nJs d'Europe en formation se constitua 
ainsi, sans que t 'orgueilleuse Angleterre? daignât connaître les agisse- 
ments des hommes tombés qui lui avaient demandé tin asile et qui 
travaillaient a la reconstruction du monde. C'était incontestablement 
un fait politique de premier ordre que eut essai d'accord international 
en vue de l'établissement d'un nouvel équilibre? européen reposant sur 
la liberté civique et sur ta représentation équitable de tous les intérêts; 
ruais les engagements réciproques pris pur tes contractants manquaient 
de la sanction populaire qui, seule, pouvait leur donner lu réalisation 
future; et, d'ailtcur*, la plupart de ecs hommes politiques, ayant eux- 
mêmes été a l'œuvre duns le gouvernement de leur pays d'origine, 
n'apportaient point un désintéressement absolu à la poursuite de leur 
mission. 

Combien plus iuiportuiilc que celte entente provisoire entre person- 
nages de diverses nations fut l'autre internationale, celle qui naquit 
spontanément parmi des travailleurs et des faméliques appartenant à 
toutes les nations et se reconnaissant frères par la volonté commune. 
Les astronomes, les géographes, les voyageurs avaient découvert l'unité 
matérielle do la planète, et voici que d'humbles ouvriers, anglais, alle- 
mands, suisses, français, d'autant plus heureux de s'aimer qu'ils avaient 
été destinés à se haïr et qu'ils s'exprimaient difficilement dans une 
langue qui n'était pas la leur, s'étreignaient en un môme groupe et 
s'unissaicul pour ne former qu'une seule nation, au mépris de toutes 
les traditions cl dos lois de leurs gouvernements respectifs! Cette unité 
morale, cette humanité dont les philosophes s'étaient entretenus jadis 
et que la plupart considéraient comme un rôve impossible en arri- 
vait enfin à un commencement de réalisation dans les rues boueuses 
de Londres, sous le lourd brouillard jaunâtre et fuligineux ! 

Les commencements de l'œuvre furent peu de chose et Ton a peine à 
en distinguer les origines, qui sont nombreuses, et que Ion retrouve fort 
loin dans le passé, comme on poursuit dans les tissures du sol les 



INTERNATIONALE OUVRIÈRE a»tt 

racine* et les radicelles d'un grand arbre. C'est donc; à juste titre 
que l'on peut signaler tels et tel* groupes socialistes, mÔmc «vaut tu 
révolution de 18^8, comme uyant prépaie l'Internationale, et quelque» 
vanités de parti en oui profité pour s'atlribntT la gloire d'avoir donné 
l'impulsion décisive à ce mouvement. Le fait est qu'upres de multiples 
initiatives, la société uuiivelle apparut, «n 186$, dans les réunions po- 
pulaires de Londres, absolument el définitivement consciente de sou 
but, parlant un tangage dont tous tes termes avaient été scrupuleusement 
précisés, car les hommes qui tes prononçaient s'adressaient au monde 
entier et savaient que leurs paroles seraient entendues de siècle en siècle. 
Comprenant que « l'émancipation des travailleurs ne se ferait que par 
tes travailleurs eux-mêmes », russoeiatiou internationale faisait appel à 
toutes les énergies de ceux qui travaillent pour combattre tout mono 
jyole, tout privilège de classe, et les mettait eu garde contre toute parti- 
cipation aux pussions et aux intrigues de ta politique bourgeoise. Dans 
sa teneur générale, te muni les le des ouvriers internationaux retentissait 
bien comme un cri de guerre contre tous les gouvernements, mais, par 
delà ceux-ci, il s'adressait fraternellement ù tous tes hommes envers les- 
quels « la vérité, la justice, la morale devaient être la ligne de conduite, 
sans distinction de couleur, de foi ni de nationalités. Pus de devoirs sans 
droits, pas de droits sans devoirs 1 » Peut-être y avait-il un mot de trop 
dans cette proclamation des ouvriers associés, le mot de « foi », car 
l'homme qui croit h un pouvoir surnaturel el se conforme aveuglement 
aux ordres qu'il suppose lui être envoyés du ciel ue peut avoir aucune 
compréhension de la liberté et, par conséquent, n'appartiendra jamais à 
une association de camarades revendiquant leurs droits et les conqué- 
rant de haute lutte. t 

L'émotion fut grande dans le monde de lu classe possédante qui se 
distribue les places et qui fait travailler u son protlt les multitudes des 
paysans et des ouvriers. Entraînés par lu logique des choses, qui montre 
déjà dans le présent la réalisation de l'avenir, la bourgeoisie s'imagina 
que La foule des travailleurs faisait' partie de l'élite groupée eu Interna- 
tionale et f dans su terreur, elle crut voir soudain des milliers d'ouvriers 
hostiles se dresser devant elle. C'était une illusion dont elle se vengea 
plus tard par des emprisonnements, des bannissements et des fusillades, 
mais, si faible que fût au commencement le nombre des hommes con- 
scients de ta force de l'idée, comprenant l'antagonisme absolu du 



i 



'A'iu l/HOMMK KT LA TEftRK. — - INTERNATIONAUX 

travail libre et du monopole capitaliste, les jierséeution* ne devaient 
point en venir à bout. Cette fois la semence était bien Jette sur un sol 
favorable! 'fin France, notamment» on eut la naïveté de croire, après 
In Commune, que le» loi», les décrets, les menaces de procès avaient 

supprimé l'Interna- 
tionale, que la graine 
en était extirpée du 
sol; mais.quelcnom 
reste on disparaisse, 
que le» étiquettes 
changent ou se modi- 
fient, il n'importe au 
fait qui demeure «cr- 
iai u, inébranlable* 
comme un arrêt du 
destin. L'Inlcrnutio 
il a le est le produit 
même de la civilisa 
lion contemporaine! 
Les travailleurs ont 
échappé à l'igno- 
rance première: ils 
savent et sauront de 
plus eu plus que leurs 
intérêts sont les 
mêmes en deçà et au 
.delà des frontières, 
sur toute la surface du 
globe, que leur petite 
patrie se rapetissera 
sans cesse, comparée ù la grande patrie qui est l'Humanité. 

D'ailleurs, les gouvernants avaient beau combattre l'Internationale 
en l'un de se» éléments, l'Internationale ouvrière, ils n'en étaient 
pus moins entraînés par le courant de l'histoire vers des manifesta- 
lions qui devaient aboutir au même résultat : eux aussi travaillaient 
îi l'abaissement des bornes nationales sur le routineiil d'Kuropc : 
les réseaux de voies ferrées se soudaient les uns aux autres en mailles de 




Cl. dn hivrtt Ût ta Wtne. 
MICHEL HAKOUXIXX, 1814-1876 



tNTEH NATIONALE COMMERÇANTE *i3l 

plus en plus nombreuses ; on perçait un 8 ou terrain au-dessous des 
Alpes pour unir la France et l'Italie, tandis que, dam l'Amérique 
du Nord* on jetait hâtivement des rails par-dessus les plateaux et les 
déserts des Rocheuses pour mettre en communication, à travers tes 
continents, le» deux 
grands ports de l'At- 
lantique et du Paci- 
fique, New -York et 
Son Francisco. 

On travaillait 
même ù fatrequclquc 
chose de plus grand, 
à couper le pédon- 
cule qui rattachait 
l'Afrique au reste de 
l'Ancien Monde! C'é- 
tait en réalité la 
reprise d'une œuvre 
que la nature avait 
déjà faite, probable- 
ment pendant une 
courte période des 
Ages quaternaires, et 
que les hommes 
avaient aussi menée 
à bonne On pur une 
voie indirecte, il y a 
plus de deux mille 
ans. La légende et 
l'histoire parlent du 
creusement d'un canal, tracé de la branche orientale du Nil au golfe 
d'Arsinoë, à l'extrémité de la mer Hougc, et l'on sait que Darius, utilisant 
tes travaux du pharaon Xechao, leur donna une largeur suffisante pour y 
faire passer deux trirèmes de front. Fermé par les sables, le canal fut 
réparé sous les Ptolémées, puis restaure* au inoins pour la deuxième fois 
sous le règne de Trajan : c'était le « Pleure » par lequel on transportait 
sur les bords du \il les blocs de; porphyre extraits des montagnes rive- 




OL PJnknu ti CfoMer, 
KAEIi MARX, 1818.1883 

Dans l'Internationale, Kart Marx ropVèwntaU la tendance 
centraliste ot socialiste, Michel Bakountne la tendance fédéra- 
lUte ot anarchiste. 



2^2 L'HOMME ET LA TERRE. INTERNATIONALES 

raines de la mer Rouge. Amru rétablit encore cette voie navigable, 
mais, après lui, sables et boues tirent de nouveau leur œuvre, et, pen- 
dant onze siècles, l'Afrique se souda derechef au corps continental de 
l'Asie. Pourtant tous les grands esprits rêvaient la restauration du 
canal égyptien. Les vers que Marlowe met dans la bouche de Tamerlan 
prouvent combien cette préoccupation du percement de l'isthme han- 
tait les imaginations à l'époque de la Renaissance : 

« And hère, not far frorn Àlexandrio, 
Whereas the Tyrrhcne and the Red Sea meet, 
Beeing distant less than- full a hundred leagues, 
l mcaa to eut a chaonel to thetn both, 
That men might quickly sail to tadia » 1. 

Pendant la période de ferveur de la grande industrie moderne, alors 
même qu'on attendait du travail intensif des ouvriers une sorte de réno- 
vation mondiale, les disciples de Saint-Simon, devenus fanatiques du 
percement de l'isthme asiatique africain, en firent presque un dogme de 
leur religion, et ce sont les ingénieurs envoyés par eux sur les lieux qui 
firent les nivellements préliminaires et les projets de l'œuvre, repris plus 
tard au profit des spéculateurs et des financiers. On peut dire que, vir- 
tuellement, le canal était déjà percé lorsque Bourdaloue eut terminé son 
travail géodésique de mer à mer en 18/47. Mais plus de vingt années 
durent s'écouler avant que l'entreprise réussit à triompher définitivement 
des rivalités politiques, des jalousies commerciales, du mauvais vouloir 
de la Grande Bretagne et de la Porte; et ce triomphe n'aurait été certai- 
nement pas obtenu sans les prodigieuses libéralités du khédive d'Egypte, 
Ismaïl Pacha, sans les millions et les millions de francs payés en 
réclame et sans le travail gratuit des fellahin corvéables recueillant la 
terre du canal dans leurs couffins de fibres. Enfin, le 17 novembre 1869, 
une somptueuse escadre de bateaux décorés et fleuris remonta le canal 
interocéanique de Port-Saïd au lac Timsah. C'était là certainement un 
fait capital dans l'histoire du commerce, et même dans celle de la prise 
de possession du globe par l'humanité : mais l'appréciateur banal des 
événements y vit surtout un triomphe de la France, qui, par ses ingé- 
nieurs, avait* fait les études, qui avait fourni les capitaux, et dont la 
souveraine, encore belle, présidait magnifiquement au cortège. 

1. Tambarlaine the Great. — Et ici, non loin d'Alexandrie— où la Méditerranée 
et la mer Rouge se rapprochent - et sont séparées de moins dé cent lieues — je 
creuserai un canal - afin que l'homme abrège sa route vers les Indes. 



PERCEMENT DU CANAL DE SUEZ 



233 



Or, précisément ce triomphe devait être brusquement suivi d'un 
terrible écrasement, causé par la guerre franco-germanique, et par un 
singulier revirement de l'Angleterre : ce pays, qui n'avait cessé de 
s'opposer au percement du canal pendant toute la période des travaux, 



N° 461. Routes de Londres à Bombay. 







10° 



Capetown 



crdeGr*. 



10' 



La Route de terre actuelle passe par Moscou, Tachkent, Merv, en attendant ia voie ferrée 
Odessa, Tiflis, Téhéran, Kwettah. — La route de mer passe par le Cap ou par Gibraltar. 
Suez et Aden. — Les routes mixtes sont celles de Marseille et Suez ou de Constantinople. 
Adana et Koveït. 

L'arc de grand cercle joignant Londres à Bombay est, dans cette carte, une ligne droite; 
les distances — 1 centimètre par 10 degrés, sont correctes le long de îa base et dans la direc- 
tion normale. Le navire doublant le Cap de Bonne-Espérance se trouve plus loin de Bombay 
qu'au départ de Londres. 

changea soudain d'avis, des que l'œuvre fut achevée, el, par un achat 
d'actions, se trouva ie propriétaire principal de la voie, destinée à 
devenir le grand chemin des Indes. Aussi longtemps que l'Angleterre 
pouvait craindre qu'une autre puissance s'installât solidement en 
Egypte, le Lieu d'étape par excellence entre Londres et Bombay, elle 



»34 L'HOMME ET LA TKHHK, — I.NTKftNATiOtfAU;» 

devait mettre tout en œuvre pour que la route do circumnavigation par 
le cup de Bonne Espérance restât ta seule fréquentée par les navires, et 
dès qu'une deuxième voie, plus courte? et moins périlleuse, se trouvait 
ouverte désormais, it lui fallait a tout prix, sinon s'en emparer, du moins 
y occuper le promier rang, Mais au dessus de toutes les rivalités natio- 
nale* venait se placer l'intérêt majeur du genre humain qui rapprochait 
les peuples et les races, Juxtaposait, pour ainsi dire, les rives du Pacifique 
et celles de l'Atlantique, recréant ù nouveau la forme des continents. 

De pareils résultats l'emportent singulièrement dans l'histoire essen- 
tielle du monde sur les conséquences relativement passagères musées par 
les conflits de peuple à peuple, même pur des guerres d'invasion, si 
terribles qu'elles soient et si nombreux les désastres causés par ces ren- 
contres. A cette époque, l'initiative dans les affaires européennes n'appar- 
tenait plus a la France, qui n'avait plus de politique nationale; et que 
gouvernait un homme malade», usé, hésitant et réticent. Le jeu de la 
diplomatie était dirigé par la Prusse, qui se trouvait alors guidée et tenue 
par un homme d'intelligence claire, de volonté puissante et de parfaite 
supériorité à tout scrupule ou préjugé. Déjà le comte de Bismarck avait 
absolument déblayé le terrain politique dans l'assemblée du monde 
germain en établissant d'une manière indiscutable l'hégémonie de la 
Prusse dans les affaires de l'Allemagne. Tout d'abord (|K64) il tran- 
chait au protll de la Prusse la question des frontières du Danemark en 
sVtuparnut de toute la partie, incontestablement «germanique, de ce 
royaume située au sud deKlensburg, et même en reportant ta limite poli 
tique à près d'une centaine de kilomètres au nord, en plein territoire de 
l'Kmpire danois : pour se mettre eu règle avec; te principe des nationa- 
lités, on s'était contenté de dire que les Danois pourraient à l'occasion se 
rattacher de nouveau à la patrie Scandinave par un vole librement émis. 
mais ce vote ne fut jamais demandé. La Prusse devint ainsi maîtresse de 
l'annexe stratégique la plus importante de sou domaine : le Holsteiu n 

domine la bouche de l'Elbe et celle de la Truve et possède les cam- l( 

pagnes à. travers lesquelles passe le grand canal de navigation de Kiel à 
riilbe, déjà considéré lors de l'annexion comme un des travaux les plus 
urgents à entreprendre pour compléter l'outillage du futur empire'. 

i. Voir Carlo n" 2M.1, page 489, vol. III. 



U PRUSSE ET L'AUTRICHE »35 

Après co premier coup qui assurait ta punition de la Prusse du côté 
du nord et lui donnait une frontière stratégique parfaite, à la fois offen- 
sive et défensive, il «'agissait de faire un nouveau mouvement plus 
décisif encore, en expulsant l'Autriche de lu Confédération germanique. 
La combinaison semblait d'autunt plus difficile à réaliser que l'Autriche 
avait prêté son appui à la Prusse pour conquérir le Holstcin, et le premier 
acte de reconnaissance allait être de lui déclarer lu guerre. Ou n'hésita 
point» de savantes manœuvres diplomatiques réussirent à brouiller les 
deux grandes puissances allemandes. La guerre éclata (i8(i(i) cl In 
Prusse, mieux arméo, préparée depuis longtemps, tout à fait consciente 
de son but, et bien en règle avec l'Europe où cite s'était assuré l'alliance 
de l'Italie et la non-intervention dos Français et des Russes, marcha 
presque mathématiquement a la victoire. Deuv semaines après la 
déclaration de guerre, elle gagnait lu bataille décisive de Sadowa et pro 
filait très habilement de sou triomphe pour ne demander guère a 
l'Autriche que des satisfactions morales, d'autant plus efficaces en 
réalité qu'elles Imposaient au vaincu une sorte de gratitude. Le vieil 
empire de Habsburg se trouvait exclu de la Confédération germanique, 
tandis que les autres tëlats de l'Allemagne, royaume», électorals, prînci 
pautés et villes * libres » changeaient d'orientation et gravitaient do 
force dans le cercle de l'hégémonie prussienne. 

Ainsi la nation allemande, qui, en i848, avait tenté de se constituer 
spontanément tout entière ol pur la libre volonté de ses peuples, reparais 
sait vingt ans après, reformée par la volonté (l'un muttrc, mais, cette fois, 
incomplète, mutilée, puisque les Allemands autrichiens étaient rejetés 
eu dehors du nouveau groupement, et qu'on devait s'en remettre à des 
guerre» ou a des révolutions futures pour terminer l'œuvre commen- 
cée. Au fond, cette politique a de fer et de sang a, dans laquelle les 
historiens ndoroleurs du succès virent le témoignage du génie monar 
chique de la Prusse, avait consisté a empêcher, parla force 'et parla ruse, 
la formation libre et pleine de la nation allemande, pour la refaire plus 
tard sous l'aspect d'une armée, dont les cadres ne comprennent pas 
encore tous ses régiments. 

l/unilé pangermauique n'est donc pas encore faite; quant à l'unité 
italienne, on peut considérer celte étape de l'histoire comme définitive- 
ment parcourue. Pourtant l'Italie, dans sa campagne contre l'Autriche, 
travail pas été heureuse. Mlle avait perdu sur terre lu bataille de Cuslozza 



2«'H> L'HOMME ET LA TERRK, — INTEHNATIONUES 

et, sur mer, sa flotte, dont elle espérait beaucoup* fui ou partie détruite 
et dispersée dutin l'Adriatique, près de l'Ile de Mssa. C'est alors que 
l'Autriche, uyant complètement sauvé du côté de l'Italie son prestige 
milita ire, mais obligé* quand même de ramener ton armée au delà des 
Alpes pour couvrir su capitale contre lu Prusse, se tira d'embarras par 
un eoup de théâtre, en cédant la Vénélie h son allié Napoléon III qui, à 
son tour, la remit îi Victor-Kinmanuel. sons réserve d'une acceptation 
parle suffrage populaire*. Après diverses simagrées diplomatiques, des- 
tinées h Irunaférer à la Prusse le mérite île ta cession, l'ancien royaume 
de Piémont, arrivé uttx limites naturelles de tu Péninsule, put enfin 
arrondir son domaine jusqu'à l'hémicycle des Alpes : l'Italie élall 
achevée au point de vue géographique, bien que toujours incomplète si, 
en pareille matière, lu politique obéissait au vœu des populations, car il 
est certain que. duus le Tirol méridional et en latrie, les citadins de 
langue italienne seraient eu très grande majorité désireux d'entrer dans 
l'unité péninsulaire, 

Provisoirement, la garnison française continuait de protéger le pape 
contre l'entrée des troupes d'Italie dan» lu ville de Home, mais qui ne 
pressentait combien cet entêtement était contraire aux nécessités de 
l'histoire ? Dès que la guerre franco-allemande eut manifesté la supério- 
rité de la Prusse, le gouvernement italien s'empressa d'occuper tout le 
territoire de Home, province et ville, « alla d'assurer l'Indépendance 
spirituelle du pape ■• (ao septembre 1870). L'ironie était un peu forte; 
mais que restait-il à faire à Pic IX» sinon à se soumettre et a prononcer 
l'excommunication majeure contre l'envahisseur? Précisément un con- 
cile venait de se réunir au Vatican pour voter l'infaillibilité du Sou- 
verain Pontife. Il était dans la logique des choses qu'à la suppression 
effective et totale du pouvoir temporel correspondit l'exultation du pou- 
voir spirituel. Devenu le » prisonnier du Vatican », le pape s'élevait 
au rang des dieux. 

A la même époque l'Espagne se débattait dans une crise de naissance 
etd'adaption aux idées modernes. En i8l>8, un mouvement générai de 
dégoût, causé pur les intrigues et les mœurs de ta cour, avait abouti à 
l'expulsion de la reine Isabelle au moment même où elle s'alliait étroi- 
tement avec Napoléon et le pape pour assurer le maintien du pouvoir 
temporel de l'Eglise, 

Quoique la révolution eût porté a la dispute du pouvoir loulc une 



UNITÉ DE L'iTAUK 



a3; 



foule d'ambitieux, princes, géuéraux, diplomates, orateurs, la poussée 
libérale d'en bas donna tout d'abord à la situation un caractère pres- 
que républicain : on se* débarrassa des jésuites, on supprima tes biens 
do main morte, on proclama l'entière liberté de ia presse ut de l'en- 
seignement; môme l'octroi des villes, ce chancre de la vie nationale, 
fut aboli, et l'on reconnut a chaque citoyen de vingt-cinq ans le droit 






^■ fc '.,L*-.H,*a6-V£ 






"ÏVl^ 



(~ „~-'~'*^ ». 









-.3 \ ■ 



*■ VUE GKp&Àf," I)U '^TÎcTAfnr? 



ci. p. BeUler. 



VUK DU VATICAX Kt UK SES JAHWSS 



de suffrage, ha Képubliquc eut été certainement instituée eu Kspagnc 
si l'Etat n'avait en ses deux parasites, l'armer et la flotte, et s'il n'avait 
été lui même le parasite de ki»s colonies lointaines, les Philippine» et 
les Antilles. 

Cuba, « la perle antillienue .> par excellence, s'était révoltée en même 
temps que la métropole et, comme 1'Kspagne, revendiquait sou indépen- 
dance, tout en cherchant a se débarrasser de sa périlleuse institution, 
l'esclavage des noirs, gage certain de révolutions et de Literies futures, 
Mais il y avait trop d'arpent à gagner dans les riches plantations pour 
que les avides fonctionnaires et les aventuriers d'outre- mer ne missent 
tout en uîuvre pour réprimer l'insurrection cubaine et maintenir la 
servitude des Africains: d'éloquents discours sur l'honneur national 



!»38 L* HOMME ET LA TKRRE. — INTERNATIONALE» 

suffirent pour tromper lu foule naïve des citoyens, Encore encombrée de 
tout «on appareil monarchique, y comprit) le» colonies à esclaves, 
Plitapagnc ne pouvait donc que se reconstituer en monarchie et la régence 
de Serra no n'eut guère (l'autre mission que d'humiliantes démarches è 
la recherche d'un roi. On crut en avoir trouvé un dans la personne d'un 
prince de Hohcnzo lient, mais ce choix eût pu faire éclater In guerre entre 
la France et l'Allemagne avant que Bismarck fût complètement prêt à 
l'attaque, et tes courtisans en quête de souverain» se tournèrent vers un 
autre personnuge, le prince Amédéc de Savoie», qui consentit à goûter au 
fruit, parfois amer, de la royauté* (1870): il s'en fallut de peu que sa 
destinée ressemblât h celle d'un autre couronné, l'empereur Maximilien. 
Pendant plus de deux années, il eut a lutter contre ses ennemis, d'un 
côté les carlistes, d'un autre coté les républicains, et, plus encore, contre 
ses prétendus amis, les monarchistes constitutionnels et libéraux; il eut 
surtout à conformer sa volonté aux ordres de l'Kglise et ù ceux des 
grands propriétaires de Cuba. Enfin, il ne lui resta plus qu'a s'enfuir 
(1873), laissant le pouvoir au parti qui se montrerait le plus fort. 

C'est au milieu de l'année 1870 que la lutte diplomatique, depuis 
longtemps engagée entre la France et la Prusse, éclata en déclaralion de 
guerre. Bismarck avait eu le talent (ramener la rupture définitive, même 
par des mensonges télégraphiques, mais il s'était arrangé de manière à 
faire prononcer le mot falal par l'adversaire : devant l'opinion publique, 
si facile a tromper, les torts devaient peser sur lit France. C'était là déjà 
une première victoire. Mais, dès les premiers jours des hostilités, la 
Prusse remporta un deuxième succès nus yeux du monde, elle montra 
qu'elle éluil absolument prête pour le combat, tandis que la France, 
coniiée à de vieux militaires inintelligents el jaloux les uns des autres, 
n'avait su que se vanter sottement d'avoir prévu jusqu'au ■■< dernier bou- 
lon de guêtre .1, taudis qu'elle était en réalité prise à t'improvisle el ne 
possédait ni les plans, ni les \ ivres, ni l'artillerie nécessaires; elle allait 
se battre au hasard contre un ennemi qui visait nettement sou objectif. 

Quant aux chances générales, tirées de l'équilibre des nations, elles 
étaient également en faveur de l'Allemagne. Si l'empire français possé- 
dait un certain prestige, dû à «es guerres heureuses, il se trouvait pour- 
tant très diminué par sa dernière aventure mexicaine et par ses diverses 
déconvenues diplomatiques avec la Prusse, tandis «pie celle-ci avait 



FRAKCE KT M.I.EftfAONK a.'ig 

ho ii prestige Unit nouveau, étmcchmt, Pi obtenu cIiiiik lu guerre contre 
rViitrtehc «vw une sûreté de méthode que n'avaient pus eue les vain- 
queurs (le Magenta et de Solférirm, Il est vrai mu* le régime impérial ctc» 
la France, conscient tic «a faiblesse croissante, oviill essayé tic se conso- 
lider parmi plébiscite qui a\ ait répondu fi ses questions équivoques par 
uncupprobation banale; muis la Frussc ii'uvnil pus ru besoin de recourir 
a de semblubles subterfuges : ht guerre contre la France > était réelle 
inenl populaire. Si le» gouvernement français pouvait créer un enlboti 
siasme factice ru faisant crier par su potiee ; n \ lïf rlhi ! à Merlin! » les 
armées allemandes qui marchaient d'urgence vers la frontière française 
étaient bien résolues à combattre, a vaincre el a pousser, s'il le fallait. 
jusqu'à Paris et «u delà. Tandis qu'en France, la masse des Itabilauls 
n'avait aucune ammonite spéciale conlre l'Allemand (ai plutôt s'en tenait 
à la malveillance native éprouvée spontanément contre tout étranger, les 
jeunes gens de la Germanie, ayant tous passé par l'école, y avaient appris 
que le; Français est « l'ennemi héréditaire .1, tous avaient «Vite lu leçon 
qui leur enjoignait de venger lu meurtre de Conradiu, perpélré au 
Ircizieme siècle par te roi Cbarles d'Anjou, el la dévastation du Palalinal 
ordonnée par Louvois; tous partageaient l'enthousiasme patriotique 
des nationalistes pour la reconquête de T Alsace-Lorraine, et bon nombre 
allaient jusqu'à la lutine farouche du Français qui inspirait Uiiekert: 
« Sur le champ du voisin, laneeau moins 11110 pierre, pour qu'eu retom- 
bant elle* éerase une fleur 1 . » 

An point de vue tout à fait général de l'unité nationale, qui était, au 
fond, la raison d'être de l'expansion germanique el i\vv^ détail, seeou 
daire quoique terrible, qui est la bataille, le massacre, l'invasion, il est 
certain que la France était aussi en désavantage marqué. A l'époque on 
l'Allemagne était divisée eu de nombreux Ktatts, empires, royaumes, 
principautés, villes libres et médiatisées, et où l'Italie. » cette belle 
expression géographique », se trouvait elle-même décomposée eu frag 
immls politiques dont le plus précieux appartenait aune puissance élrau 
Hère, il était devenu proverbial de contraster ces enchevêtrements de 
frontières el d'enclaves avec ce que l'on appelait <■ la glorieuse unité 
n-ançaise ». On avait pris dans leur sens étroit les qualificatifs de » une 
et indivisible « donnés à la république comprise entre les Pyrénées et le 
Khin, et pourtant ces mots mêmes, poussés comme mi cri de guerre 
pendant les discussions civiles qui suivirent In chute de la ro\auté. 



»$0 l.'HOMME ET LA TERRE. — INTERNATIONALES 

prouvent que les tendances naturelles a la dissociation politique avalent 
été puissantes. Le fait est que la France, prise dans son ensemble, est 
beaucoup moins une que l'Allemagne, et même que ritalie. 

La ralsonf profonde de ce contraste, est essentiellement géographique. 
La France appartient a deux versants : par sa face méridionale, elle fait 
partie de l'aire méditerranéenne et, par la face opposée, twmprenant la 
plupart de ses bassins fluviaux, elle regarde vers l'Océan, tandis que 
l'Allemagne est tout entière sur la pente du nord et que, inversement, 
l'Italie est complètement méditerranéenne. 11 en est résulté que, malgré 
les mélanges, les croisements, les migrations et contre-migrations, la 
population du territoire à double inclinaison, qui est devenu la France, a 
gardé une très remarquable diversité, sinon dans les villes, du moins 
dans les districts reculés des campagnes. Il eBt certain qu'entre l'Euska- 
rien de la Nivc ou de la Bidassoa et l'Ardennais ou le Lorrain, il y a une 
différence de type beaucoup plus grande qu'entre le Tirolien et le Meek- 
lembourgeois ou même qu'entre le Lombard et le Sicilien, pourtant si 
distincts l'un de l'autre. Ce qui a pu causer l'illusion des étrangers et des 
Français eux -mômes qui vantent leur unito* nationale, c'est, d'une part, la 
confusion qui se fait très fréquemment entre le pays tout entier et la ville 
de Paris, considérée comme un résumé de la nation, quoiqu'elle s'en 
distingue pourtantpar de si frappants contrastes, et, d'autre part, l'étrange 
aberration de ceux qui voient dans l'uniformité administrative l'indice 
d'une ressemblance entre les populations que l'on soumet au même 
régime. La carte étant divisée de la même manière en départements, 
arrondissements et cantons, quelques-uns s'imaginent que l'évolution 
politique etjsociale s'est accomplie naturellement et spontanément sui- 
vant un même mode sur les bords de la Méditerranée et sur les plages de 

l'Océan, 

Encore à un autre point de vue l'Allemagne entrant en conflit avec 
la France lui était supérieure : elle ne possédait pas de colonies. L'empire 
français n'avait pu avoir de politique une et droite, bien lancée comme 
une flèche, parce qu'il lui avait fallu disperser sa pensée et ses actes. En 
conséquence, la nation tout entière s'était trouvée comme » décentrée » 
dans sa force de résistance : la conquête et l'occupation de l'Algérie, les 
affaire» du Mexique, de la Chine et de i'ïndo-Chine ainsi que toutes les 
annexions coloniales avaient réduit d'autant la part de la France dans 
la vie de l'Europe: c'est a ce déplacement d'énergie que doit être 



FRANCK ST AILBWAGNB 



iki 



attribuée pour une grande pari ta formation de l'Italie une et de la 
victorien ko Allemagne*. Lorsque la guerre éclata, le gouvernement fran- 
çais dut abandonner précipitamment tous ses projeta lointains; telle 
colonie, le Grand Bassam, par exemple, fut complètement évacuée et, 
dan» In principale de* possessions françaises, l'Algérie, mu in le popula- 
tion opprimée crut que te moment favorable était venu de reconquérir 




(Cabtaet d<* £atampet|* 



[BIW. Nationale). 



bA OOBOB JD8 OIUVBLOTTE 



l'indépendance. Des massacres de nouveau* occupants eurent lieu et la 
reconquête de la kabytie coûta de longs et pénibles efforts. 

Mutin, la France était, on 1870, beaucoup plus divisée politique- 
ment et socialement, par suite, beaucoup moins disciplinée que l'Alle- 
magne : précisément te progrès qu'elle avait accompli dans le sens de 
l'idée républicaine et socialiste tu partageait en deux camps ennemis, qui 
renduient impossible ton le cuivre commune. Lorsque la guerre lut décln 
rée, les ennemis de l'empire, qui représentaient l'élite intellectuelle de 
la France, protestèrent avec indignation, et la police dut procéder tout 



1. Friedrich Ratsel» Da* Me«r als Quelle der Vœlkergrmast, p* 75, 
V 



13 



u/fi l/lIOMHK ET LA TERfiE. — INTERNATIONALES 

d'abord à terroriser ta population de^aris; puis, quand ta roue de ta 
Fortune eut tourné et que l'empire fut tombé, aux aeolamatîons des répu- 
blicains, quand le monde contempla de loin avec un sorte de stupeur le 
spectacle de» cités françaises cl surtout de la eapitate;exuttant d'enthoti* 
Kiasnio à la nouvelle d'un désastre, tuais d'un désastre qui tes débarras- 
sait d'un tnaltro, tout l'organisme militaire changea aussitôt d'allure cl 
d'orientation. Tandis que tes gardes nationales el tes corps francs se 
constituuieiit rapidement pour prendre part à ta résistance» ceux qui 
appartenaient à la caste militaire se désintéressaient de ta lutte; des marc- 
chaux, comme liazainc» réservaient leur armée, dans l'espoir de rétablir 
l'empire ou d'aider a quelque réaction monarchique: d'autres grands 
personnages militaires ne se battirent que pour la forme, et plus d'un 
dans le désir d'être vaincus. Lue franche inimitié, encouragée par tes 
chefs, régna bientôt entre les soldats réguliers et les citoyens sans mandat 
qui avaient la prétention de se défendre sans avoir passé par la caserne 
et les salles de police : il ne fallait de victoire à aucun prix, puisqu'elle eût 
profité à la République avec lotîtes ses conséquences sociales. )m France 
étant désunie, sa défaite devenait inévitable, et loti peut s'étonner que la 
résistance ait duré si longtemps. Ceux qui n'avaieul pas voulu la guerre 
furent ceux qui prolongèrent la lutte et défendirent la cause de la France, 
devenue celle de la république, avec le plus d'acharnement. 

Les troupes impériales furent rapidement culbutées en Alsace et sur 
la frontière de Lorraine. Après d'effroyables tueries, l'armée de Basaine, 
forte de 1 70000 hommes, se laissa enfermer dans Met/., d'où elle n'essaya 
point de sortir, livrée d'avance par ses chefs, et le y septembre, une 
quarantaine de jours après la déclaration de guerre, une autre grande 
armée, reniée devant Sedan, essaya vainement de s'ouvrir un passage. 
L'empereur était prisonnier, l'empire était tombé: tout semblait déjà 
Uni, mais la République ne voulait pas s'avouer vuincue. De nouvelles 
armées surgirent du sol. Paris, que Thiers, treu te années auparavant, 
avait environnée de loris pour la bombarder en eas de révolte, voulut 
quand même les utiliser contre l'ennemi, malgré son gouvernement, 
qui se préparait a la fuite, elles Prussiens durent faire une longue et 
pénible eampagne d'hiver, poussée jusque dans le voisinage de Besançon, 
de Bourges, de Rennes, occuper environ la moitié de la France, avant 
que l'opinion publique permit au gouvernement du s'incliner devant le 
droit de la foire et de signer les préliminaires de la paix qui devait 



GLKRRK FRANCO- ALLEMANDE a$3 

coûter a In nation deux provinces populeuses et cinq milliard* de francs 
(1871), ta plus grosse contribution de guerre qui ait juniuis été payée : 
aussi les financiers parlent Us de ee mouvement de fonds avec une émo- 
tion respectueuse, 

L'abaissement de tu France, l'exaltation de lu Prusse, transformée 
désormais en empire d'Allemagne, produisirent un très grand ébranle- 
ment dans le monde. Tous ceux qui juraient pur des opinions tradition- 




01. G*l»r. 
PAYSAGE DE hk GRAND K KABYWB 



DmWre le village perché au sommet de la montagne, suivant le mode affectionné par 
les Kabyles, on aperçoit très Indbltnotement la crête des hauts sommets du Djurdjuta. 

nollc* cl suhissutcnl d'anciens prestiges virent avec stupeur qu'ilss'élaienl 
trompés jusqu'alors et qu'ils auraient a se tourner vers un nouveau soleil 
levant. Par un brusque changement, des banalités nouvelles succéderont 
aux redites anciennes; ou apprit à débiter les mêmes niaiseries eu dépla- 
çant les noms. Kn maints endroits, du fond de l'Amérique jusqu'aux 
archipels Océaniens, il fui convenu que lu France avait cessé d'exister et 
n'avait plus d'apparence de vie que grâce a la générosité du vainqueur. 
Du coup, Américains du Nord, Australiens, Russes, Japonais» frappés 
par un sens de l'histoire remis a neuf, comprirent que la littérature 
française avait été surfaite et que Ton consucrait dans les écoles un trop 

V 13* 



il'l'l l/HOMME ET LA TKBHE. — INTERNATIONALES 

grand nombre d'heures à renseignement d'une langue parlée par une 
nation de vaincus. Kl m£i»e, chez les petits peuples barbares ou l'ensoi- 
gnement publie n'existe pas encore, mais où l'on a du moin» un embryon 
d'armée, on ne manqua de remplacer le bicorne et le clmco pur le casque 
ù (milite : c'était encore une manière de rendre hommage à tu civilisation, 
c'esl-iVdire a lu force. De toutes part» surgirent le* prophètes annonçant 
tu dispurilion détlnitive de lu France» non pur l'effet de sou entrée pro- 
eliuine dans l'iniili* supérieure d'un monde plus civilise', tuais pur suite 
de lu conquête et de tu suppression violentes. On ultu même jusqu'à pré- 
senter lu chose eu formules scientifique*, et, d'après la « loi de Bri'h'k d, 
qui règle la destinée des hommes conformément au cycle du méridien 
magnétique, ht nation française serait complètement eflacée du grand 
livre d'Or depuis ia bataille de Sedan, Enfln, la manie se répandit, et 
peut-être plus encore en France qu'en Allemagne, de contraster ce que 
l'on appelle le « génie latin », qui serait celui de la centralisation, du 
catholicisme, du jacobinisme, avec ce que Ton dit être le « génie ger- 
manique », qui, uvec tu possession de toutes les vertus, comporterait 
avant tout l'élan personnel et la libre initiative. Kn vertu de ce contraste 
des deux génies, ce serait l'armée en rangs et en colonnes de l'empereur 
Guillaume qui représenteront l'esprit de liberté dnns l'histoire du 
monde contemporain. 

Mais, quoiqu'on pleine détresse, tu France vivait encore, et même, 
grâce au désarroi momentané du gouvernement central, ta vie de ta 
nation prenait un ruruelèrc plus spontané, plus sincère, plus saisissant 
j Kir ses contrastes et, en même temps, plus encourageant parues promesses 
pour l'avenir. Les deux France qui, pendant la gtiem*, s'étaient déjà 
dressées l'une eontre l'autre, rendant ainsi toute victoire commune 
absurde et impossible, se relrouvmont après lu paix, plus ennemies et 
plus acharnées à lu lutte qu'elles ne l'avaient jamais été. Tous les partis 
politiques et religieux qui voyaient duns les idées républicaines et socia- 
listes une menace pour leurs privilèges s'étaient réunis eu une masse 
conipucte et furieuse pour ramener le peuple dans le giron de FKglisc et 
de la monarchie, fallùl-il même pour cela s'appuyer sur lu complicité 
de l'étranger qui venait d'infliger à la France la plus cruelle des humi- j 

lirions, Mais il ne déplaisait pas au vainqueur de voir su victime se 
débattre dans ce qu'il x'hiuighiuil devoir être le désordre chaotique de la t 

hévolulion. Bismark ne tll donc rien pour aider les partis monarchiques l 



CONSÉQUENCES DR LA DÉFAITE FRANÇA1SK 



a45 



à reconstituer lu royauté qu'il leur fallait à tout prix, et, d autre port, 
l'Italie, quoique constituée en Etat monarchique, .devait être absolu mont 
hostile an retour d'une Fraïu-e de droit divin, alliée de lu papauté. Livrée 
à ses propret forces, ta réaction monarchique française avait du moins 

N° 432. La France envahie en 1971. 




* 



sua 



w 



Teo" 



jaaKB 3&c 



U territoire occupé par les Allomandt à la fin de ParmisUce — le 26 février 1871 — est 
recouvert de hachures d'après VldaMâblacliej Bitche, qui n'ouvrit eea portes aue le *^ maw » 
Langrws, Auxonne, Besançon étalent alors libres de troupes allemandes, — Boltort, assiégée a 
partir du « novembre 1870, ne capitula que sur Tordre veau de Paris et la garnison sortit la 
18 février avec Jps honneurs de la guerre. — Aux dates de batailles données page 226. et 
dont Goultnlers, Bapaume et VUIersexel sont considérées comme des vfrloires françaises, 
o joutons la défense de Châteaudun (18 oc M, la bataille indécise de Boaune*la*Kolande 
{{« nov.}, les défaites du Mans (10*12 janv.) et deSaint«Quentln(19 Janv.). 

pour elle fous ceux des Pruneais, et ils étaient fort nombreux, qui en vou- 
laient h Paris et aux républicains en général de leur longue résistance 
et ut* voyaient de salai que dans la paix, le silciiee et lu routine. Sous le 
nom de « ruraux », dont ils étaient llers, les représentants monarchiques 
tlo la France qui formaient la majorité de l'Assemblée auraient môme 



il4G L'HOMME ET l.K TJSfUU'. — INTEH.NATIONALKS 

voulu s'éloigner de Paris comme d'une cité pestiférée et siéger «hrtis 
quelque ville aux rues paisible», Bourges, pur exemple, qui fut déjî», 
au temps jadis, tu résidence des rois vaincus. Quant à Pari», la ville 
maudite, on décida de la mettre aux pied» d'Une idole catholique, en 
{Minilion île se» péchés, el, sur la bulle Montmartre, consolidée, élnytV ù 
grand frais, s'érigea lentement lu laide basilique du Sucre Ca»ur. 

Mais en face de telle assemblée rurale, dont le premier acte Tut un 
proslernemenl el (fui était absolument décidée i\ se placer sous* la domi- 
nation iVini roi, héritier des Louis XIV et de» Louis XVI, plusieurs ville», 
et Paris la première, se constituaient on communes ■». Qu'entendait In 
foute républicaine par ce mot aux multiples origines historiques prove- 
nant de France et d'Italie, du moyen Age, de la Henuissancc et do la 
Révolution? En premier lieu, elle y voyait utw organisation de lutte a 
outrance contre la monarchie que voulaient reconstituer les Huruux et 
contre le pouvoir temporel, exercé si volontiers parles prêtres el moines. 
Mais elle y voyait aussi, ce qu'elle avuil vu, près d'un siècle auparavant, 
dans la République elle mémo, l'aube d'une société nouvelle dans laquelle 
il y aurait plus de justice el plus de liberté, dans laquelle chacun serait 
assuré de manger son pain et dans laquelle l'homme, désormais débar- 
rassé du souci de la faim, pourrait s'occuper d'ambitions plus hautes, 
comprendre les joies de la vie intellectuelle et morale. 

Les circonstances qui déterminèrent le mouvement de la Commune 
étaient, après tout, un fait assez banal, la molle défense du gouvernement 
et l'abandon d'un pure d'artillerie dont les Prussiens, entrant dans Paris, 
eussent pu s'emparer; mais ce furent là de simples détails. La France 
était désunie; il fallait que les deux éléments opposés se groupassent 
franchement l'un contre l'autre dans toute la sincérité de leurs aspira- 
tions, dans toute ta droiture de leurs volontés. C'est là ce que firent les 
comrnunalîstes de Paris, plus connus, comme tous les vaincus, par un 
nom d'insulte, celui de « communards ». C'est que les conditions de 
péril suprême dans lesquelles se trouvait alors la ville de Paris étaient 
de nature à hausser les cœurs. Triplement entourée par tes troupes 
allemandes, qu'eût réjouies te pillage, par les troupes françaises, qui brû- 
laient de se venger des victoires germaniques sur leurs compatriotes, el 
par la musse de la nation française! qui se serait volontiers ruée sur Paris, 
foyer d'incessantes révolutions, la grande cité ne pouvait espérer de 
vaincre, malgré l'immensité de ses ressources. Pas un homme ayant 



LA COMMUNE DE l'ABIP 3^7 

quelque notion de V histoire n'eut le moindre doute sur l'issue finale 
du conflit. Tous ceux qui acclamaient la Commune, vieux routier» des 
révolutions antérieures ou jeune» enthousiaste* épris de liberté, savaient 
d'avance qu*Hs étaient voués tV ta mort. Victimes propitiatoires, ils 
devaient à lu noblesse de leur dévouement, a l'ampleur de leurs idées 
une gravité sereine, qui se» relit? lui! sur la physionomie générale de Paris 
et lui don nuit, en ces jours de résolution virile et de complet désinté- 
ressement, une physionomie de majestueuse grandeur qu'elle n'avait 
jamais eue. Les hommes marnes qui étaient portés au pouvoir obéissaient 
pour la plupart à des mobiles plus élevés que ceux qui dirigent d'or- 
dinaire les ambitieux de titres, d'honneurs ou de puissance. Eux aussi 
voyaient, après un laps de quelques semaines ou de quelques mois, 
l'inévilabte défaite se dresser devant eux. 

Condamnés d'avance a une impitoyable répression, les gens de la 
Commune auraient (16 profiter du court répit de l'existence pour laisser 
de grands, d'incomparables exemples, pour amorcer, par delà révo- 
lutions et contre-révolution», une société future débarrassée de la famine 
et du fléau de l'urgent. Mais, pour entamer une œuvre semblable, il eût 
été nécessaire de s'accorder en une volonté commune et de mettre en 
pratique un savoir éprouvé déjà. Or, les révoltés de Paris représentaient 
des groupe» fort disparates qui devaient forcément agir en sens inverse 
les uns des autres. Dam» le nombre* quelques-uns en étaient encore restés 
à des accès de romantisme jacobin, d'autres n'avuient que d'honnêtes 
instincts révolutionnaires; une minorité seulement comprenait qu'il 
eût été nécessaire de procéder avec méthode i\ la destruction de 
toutes les institutions d'Klal et h ta suppression de tous tes obstacles 
qui empêchent te groupement spontané des citoyens. Somme toute, 
ftetivrc du gouvernement!, de lu Commune fut minime, et H ne pou- 
vait eu être différemment, puisqu'il était en réalité entre les mains du 
peuple armé. Si les citoyens avaient «té poussé» par une volonté com- 
mune de rénovation sociale, ils l'eussent imposée à leurs délégués, 
mais ils n'avaient guère que la préoccupation de la défense : bien com- 
battre et bien mourir. 

Le tort principal du gouvernement de la Commune, tort inévitable, 
puisqu'il dérivait du principe même sur lequel s'était constitué le pou- 
voir, était précisément celui d'être un gouvernement et rie se substituer 
au peuple par la force des omises. Ijc fonctionnement naturel de la puis- 



3$8 l/HOMMK KT »i.A TERRfc. -~ INTKRHATiaNALKS 

sanee et te vertige dit commandement l'en train ère» t & se considérer uti 
peu «wiime te reprégenlnnt de toui l'tëtat franeak de toute la République 
et non pas seulement de In Commune do Paris faisant appel à une libre 
association avec d'mttrcs coinmitncs, villes o( campagne» Même tu conta- 
gion do la li die ipitiveriiciuciilule avait si hien attaqué le nouveau pouvoir 

quMI s'était cru obligé 
d'entrer en rotations 
oftlciclles avee les re- 
présentants dos KIiiIh 
tuonareltifpies euro- 
péens, oubliant ainsi 
son origine iiumtv 
diate, colle de la ré- 
volle: issu du peuple. 
il n'imaginait pour- 
laid appartenir déjà 
ît une autre classe, 
colle des maîtres. 
Mais le peuple par- 
lait aussi par sa bou- 
che quand parut le 
décret (pd abolis 
sait ta conscription, 
(piand In Commune 
rompit ses liens* avec 
le clergé, rendit leur» 
liantes au\ emprun- 
leurs du Mont de 
Piélé, leurs amendes 
et retenues de suhiircuuv ouvriers, la quittance de leur»» loyers aux loca- 
taires. Vêlait ce pas là comme une timorée de société communiste .*> 

l'ait qui se voyait pour la première fois dans l'histoire, les Parisiens 
neu voulaient aucunement à l'ennemi qui tes avait tenus assiégés pen- 
dant cinq mois cl dont les érnflures d'obus marquaient encore les monu- 
ments. Les Allemands campaient encore autour des forts extérieurs de 
l'est, de Saint-Denis à Vilteneuvo-Sninl-Georges, mais on ne haïssait 
point ces gens qui faisaient par ordre leur métier de soldats. Le monde 




VARLIN 

Ouvrier relieur, fusillé en mit! 1871. 



GOUVERNEMENT UK LA COMMUNE 



a't9 



qui regardait Paris put même constater alors avec clonucinent combien 
les idées de la fraternité des peuples, proclamées par l'Internationale, 
étaient devenues une réalité vivante. Ce que don littérateurs» de» artistes, 
Kiif^uc l'ettetau (dans fjt Pressf), Courbet avaient demandé souk 
rKmpirc, le renversement de ta colonne Vendôme, le peuple de 
Pari» le voulait effectuer en vue 



*3iT 







même de ceux dont le haut pilier 
rappelait les défaites. Chose inouïe 
jusqu'alors, Ion vu î neus renver 
surent avec enthousiasme le mo 
miment d'anciennes victoires, uou 
pour flatter bassement ceux qui 
venaient de vaincre a leur tour, 
muis pour lémotjriit*r h ta (tu de 
leurs sympathies fraternelles en- 
vers les frères qu'on avait menés 
contre eux et de leurs senti ineuls 
d'exécration contre tes maîtres et 
rois qui» de part et d'autre, con- 
duisaient leurs sujets à l'abattoir. 
La Commune n'aura H eu que ce 
fait à sou actif qu'il faudrait la 
placer très liant dans I Y votai bu 
{les rt^es contemporains. 

tivideiimu'itl, une société* nou- 
velle qui agissait en si complet 
désaccord avec les anciennes po- 
litique* ne pouvait susciter dans le 
monde banal des classes gouver- 
nementales qu'un sentiment universel d'horivur et de réprobation î 
J.es membres de la Commune ii'nvutaul-ils pas commencé par 
limiter leurs propres appointements au strict nécessaire et continué 
de prendre modestement leurs repas chez te « maslroquel dit coin ? 
Cou* d'entre eux qui avaient été pris dans les nuu/s des ouvriers 
iiYhiieiil-ils pas restés eumarades de leurs ci devant compagnons de 
travail, laissant leurs Tommes et leurs filles dans les ateliers de coulure ou 
les lavoirs (te blanchisserie? De pareilles dérogations auv traditions de 



Cnhltiet de» Kttampcs. 
CIJÀRLEl 0KUnci«VKft ^1809.18/1). 

Tué sur les barricade*, le 25 mut. 

Dans lo Con«eil de la Commune. Delescluie 
appartenait à la majorité et représentait l'élé- 
ment Jacobin ; Varlin, membre de l'Interna- 
tionale, fattait partie de ta minorité» de ten- 
dance plus soeiallslp. 



»5o L'iIOMMfc ET LA TERRE. ~ INTERNATIONALES 

tout gouvernement qui se respecte ne pouvaient être pardounées et, dès 
les premières rencontres autour de Paris, l'armée régulière ne manqua 
pas d'appliquer à se» prisonnier» te nouveau code de guerre qui permet 
à tout militaire de s'arroger droit de mort sur tout civil. A ces tueries, 
la Commune répondit par un <* dderet sur les otages », qu'elle exécuta 
tardivement et suns oser pu prendre la complète responsabilité, tandis 
que continuait gaiement le massacre des communards autour de Paris, 
pain, durant la <> semaiue sanglante », dans les rues cl dans les maisons, 
et, après les soixanle-dU jours de la Commune, dans les casernes et les 
prisons. Le contraste entre les deux morales ho montrait évident. Tandis 
que les socialistes de Paris, faits au respect de la vie humaine, ne s'étaient 
décidés qu'à errur défendant au* représailles contre des personnages de la 
caste ennemie, la mise à mort de tout citoyen de la cité rebelle était tenue 
comme méritoire parmi les prêtres, les jugt»s et les soldats. Kt l'on vit 
un cher de l'armée « de l'ordre », un des oflleiers supérieurs qui avaient 
teuu,souH l'Empire la %ic la plus basse, racontée plus tard par lui tVtme 
façon cynique, ou te vit faire un choix parmi les prisonniers, 
désignant pour la mort lotis ceux qui avaient une tête noble, intelligente 
et lière, surtout des vieux, parce que ceux-ei avaient obéi à des convic- 
tions, et de très jeunes, parce que ceux-là avaient eu pour mobile 
l'enthousiasme des grande* choses. 

Ou peut le dire : le but nettement poursuivi par les conservateurs, 
lors de la répression de la Commune, fut de procéder à une sélection à 
rebours, comme on l'avait fait du temps de l'Inquisition, en supprimant 
les hommes coupables d'une intelligence supérieure, trop hauts de 
pensée et de vouloir pour s'accommoder à la torpeur qui convient aux 
sujets obéissants. Cette sélection des victimes avait réussi aux prêtres 
de l'Espagne, qui empêchèrent en effet leurs concitoyens de penser et 
d'agir pendant trois cents années. Kn France, elle ne put être poursuivie 
avec assez de méthode pour arriver à des résultats aussi décisifs, mais 
elle eut aussi des conséquences très appréciables dans l'évolution histo- 
rique de ta génération suivante. Que de fois, dans les circonstances 
graves, eut-on à constater que les hommes manquaient î Kt, dans son 
ensemble, si le socialisme a cessé d'avoir son caractère généreux, 
dévoué, humanitaire, pour se transformer eu un parti politique prêt 
à s'assouplir dans toutes les intrigues des parlements, ne faut-il pas 
en chercher Tune dos causes dans ce fait qu'il avait été privé de ses 



ÉCRASEMENT DE LA COMMUNE 



»5 ï 



meilleurs hommes ? C'est à la tôlo qu'on l'avait frappé. Mais « rien 
ne se perd », nous dit-on. et, s'il est vrai que ta réaction put croire 
« l'hydre socialiste » enfin décapitée, d'autre part les événements 
de ta Commune, agrandis par l'écho, se propageront au loin dans tes 
masse* profondes des peuples comme une garantie do délivrance, Partout, 
jusqu'au fond de» prisons russes et dos mines de Sibérie, on se reprit à 




Blbt. Kfitfotiale. 



UK COLOHKB VfiHDÔME RENVERSAS 



espérer. L'histoire de Paris, proclamant la fraternité des hommes, prit 
des proportions épiques. 

Cette remarquable force morale que possède le seul nom de Paris 
dans l'ensemble de l'évolution humaine, et par suite dans le mouvement 
des révolutions, s'explique, comme sa force d'attirance matérielle, parles 
conditions géographiques de son milieu. De toutes parts, tes papillons 
viennent à ce foyer de lumière, au risque do s'y brûler. La convergence 
des rivières vers le centre naturel du bassin de la Seine est comme un 
symbole du mouvement qui en traîne les hommes d'intelligence et 
d'ambition vers ce foyer d'activité. Il ne s'agit pas seulement des immi- 
grants qui se dirigent vers Paris comme vers toute autre grande cité 



«5*1 l/HUMMK ET \.K TKRRK. — INTERNATIONALES 

pour y trouver des clients dutis leur commerce ou dans leur profession ; à 
cet égard, Paris est déposé par d'autre» agglomérations urbaines où 
se crée plus de richesse monétaire et en moins de temps; il s'agit surfont 
de ceux qui sont appelés pnr ta vie intellectuelle, morale, artiHtk|ttc de 
la cité, par le charme qu'elle exerce comme personne collective : un sa 
sent fascine" pnr elle. Paris est le pays tropieal, le printemps perpétuel 
de l'intelligence. Les chiffres traduisent cet élal tic chose» puisque. 
Iiiu les proportions gardées, Paris est la ville cupilale qui recoil de beau 
coup In plus forte part de* visiteurs, la vie s'y fait ainsi pins intense cl 
plus varice dans ses manifestations. 

Les éléments primordiaux de la population indigène présentent 
aussi, au point de vue de révolution, un caractère frappant de dualité 
ethnique, L'étude de la carte de» (imites nous montre les Belges, peuples 
qui étaient certainement germains ou fortement germanisés, se 
rencontrant, dans les basses vallées de la Manu? et de l'Orne, avee les 
(«elles proprement «lits : là, les deux nappes s'unissaient, apportant 
chacune sou caractère propre; l'hérédité, legs du milieu antérieur, 
produisait des contrastes forcés dans In mentalité et les éuergies des 
diverses populations qui, depuis des siècles et des siècles, travaillaient à 
se mélanger et à se fondit» eu des millions de familles. Celle Julie conti- 
nue qui s'opère dans les profondeurs sociales doit se manifester par une 
effervescence plus grande, par un travail extérieur dont la force va, 
dans les occasions extîeptionnelles, jusqu'aux explosions révolution- 
naires. Kilos peuvent se produire tantôt dans un sens, tantôt dans un 
autre, soit dans la direction du progrès, soit, au contraire, eu \ut mouve- 
ment de régression. Ainsi, pendant la période de la lïéfornie. le Paris 
des Ligueurs tpuvrail incontestablement au service de 1'Kglise cou Ire 
la pensée libre : ce fut une triste contre-révolution que le massacre tic la 
Saiut-fïurthélcmy! .Mais, en d'autres ci reon s la nées, Paris se trouva cor- ^ 

tainement en tète de la nation française, combattant et souffrant pour la 
cause commune de tous les peuples. La décade qui porte par excellence 
le nom de « dévolution » mérite réellement d'éîre distinguée entre» totdes 
par le flot de sentiments et do pensées dont Paris fut alors le porte-voix j 

pour le genre humain et par la signification des actes qui s'y produi- 
sirent. Puis, après cette grande époque, de laquelle date le monde 
moderne, que d'autres moments, dans le dix -neuvième siècle, furent v 

l 



FORCE ATTRACTIVE DE PARIS 



3Û3 



aussi des événements d'importance muwiiukt: la révolution de i848, qui 
so répercuta en crises secondaires dans I» inonde entier el inaugura 
rentrée pour ainsi dire officielle du socialisme dans les agitations poli 
tiques, et ta révolution de 187 1, la Commune de Paris, qui suscita huit 
d'espérances dans le» vsprtls de» peuples opprimas! 




Quelques jouis uvitnl la Commune, llismurck, regardant du haut 
d'une eoUine la ville de Paris, qui 
venait de ea pi lu 1er, lu m nul mit ù 
ses courtisans d'un geste de dé- 
dain : « ta Mte est morte ! »> 
disait-il, Kt peut-cire que jamais 
l'action de Paris révolution nuire 
n'avait été aussi puissante dans 
l'histoire de révolution générale. 
C'est a partir dn tnotneut où tut 
proclamée la Commune de Paris, 
et plan encore après won écrase- 
ment, que les opprimés de toute» 
le» nation», conscients de leur 
(solidarité, se sentirent vraiment 
uni* en un même idéal, désigné 
par un même ternie symbolique. 
Notamment PKspiiguc, qui se 
trouvait en état de révolution per- 
manente, depuis Vvk pulsion de 
la reine Isabelle, fut ébranlée profondément par IVveinple de Paris, 
el, lorsque la république espagnole eut été proclamée ( 187*1). 
te mouvement général qui se produisît dans lu plupart des pro- 
vinces et des municipalités prit unearaclere essentiellement com* 
mnnaliste. Le principe de la Fédération, qui semble écrit sur le sol 
môme de l'Kspuguc, où chaque division naturelle de lu contrée a 
gardé sa parfaite individualité géograpbique, parut être sur le point 
de triompher : il fut même accueilli pour un temps el porta au 
pouvoir un fervent disciple de Proudhou, l'intègre Pi y Margall, un 
des rares homme* que l'exercice de l'autorité m* réussit point à 
corrompre. Mais la centralisation militaire était devenue trop puissante 



JjSAN'BAPTIST* M IL LIÉ HE, 1817-18*1, 

Bien que n'ayant pua pris part a la Corn' 
nuitia, il fut fiisllllé le 21 mai, sur ta place du 
Panthéon. 



»5f| L*HOMMtî ET LA TERRE. — INTERNATIONALES 

pour qu'elle pût tâcher la nation qui était sa proie, et Ton suscita une 
nouvelle insurrection de carlistes qui rendit Tannée nécessaire. De 
prétendus républicains, des orateurs au verbe retentissant se prêtèrent à 
ce jeu pour ramener la domination du sabre» et le mutin du 3 jan- 
vier iKy'i, un général entrait avec tambours et fusils duns la salle de 
délibération des Cortès : ainsi s'installent les royautés. 

Cependant, une des communes fédérées qu'avait fait surgir la révo- 
lution, la ville de Cnrlugcua, se défendait encore vaillamment, grâce à la 
ceinture de forts qui t'entourait et aux navires de guerre dont elle s'était 
saisie. Hepréscnlée par des hommes plus conscients, plus logiques, plus 
résolus, plus tenaces que la plupart des révolutionnaires de l'époque, la 
commune de (lartugena se rapprocha beaucoup plus (pie ne l'avait fuit 
Paris de l'idéal d'égalité et de fraternité entre citoyens et s'attaqua bien 
plus franchement aux problèmes sociaux : pendant longtemps encore, 
les prolétaires Cnrlugénais se rappelèrent leurs heureux jours de travail 
et leur bien-être pendant le siège. Les défenseurs de la ville avaient pris 
leur rôle, très au sérieux : ils ne craignirent pas (m juillet 1873) de 
libérer les quinze cents prisonniers du bagne, et de leur confier l'équi- 
pement de la Hotte; avec eux ils entreprirent des croisières en pleine 
Méditerranée; avec eux ils livrèrent un combat naval aux bâtiments 
de « Tordre » et se présentèrent devant A hneriu cl A licante; puis f lors- 
que le dernier fort de Carlagena eut capitulé, ils percèrent la ligne de 
blocus sur le navire cuirassé La Xumunvia pour aller remettre aux auto- 
rités françaises d'Oran les personnages révolutionnaire» que la réaction 
triomphante n'eût pas manqué de fusiller (19 janvier 187/4). 

A la fin de l'année, rappelé par Martine» Campos, Alphonse XII, le 
jeune Ills de la reine Isabelle, dûment béni par le pape pour entre- 
prendre sou œuvre de réparation monarchique et religieuse, débarquait 
à Barcelone, et, plus carliste que don Carlos lui même, se mettait à 
l'œuvre, secondé par le ministre Canovas, pour elîacer les traces des 
réwilulitm» qui remuent d'ébranler l'Espagne. Tout d'abord, il abolit le 
jury, le mariage civil, la liberté de l'enseignement, rendit a l'Eglise et 
aux congrégations les biens ecclésiastiques non vendus, interdit aux 
non catholiques tout exercice public du culte : il se rapprocha le plus 
possible du régime des beaux temps de l'Inquisition, suas d'ailleurs 
arrivera satisfaire l'Eglise. Dans les colonies, il maintint a outrance les 
privilège» des planteurs, tout en faisant amende honorable à la république 



INSURRECTION DK CAftTHAGfcMS 



»55 



des Etats-Unis, dont on Avait captait un uu vire et mstilé tic» citoyens. 
De ce c6te\ la monarchie espagnole» n'avait d'autre espérance que 
cette de gagner du temps, car nul homme de bon sens ne pouvait 
douter do In « destinée manifeste » ù laquelle étaient vouée» les cotante» 
antil lien uns. Sans doute, la population de Cuba citait trop divisée 
quant a ses iutérols pour qu'il lui fut possible de s'émanciper de la 




ci. j, Ktihn, «lit. 



CABTHAOÈNB ET SA BAIB 



« mère-patrie » aussi longtemps cpie dos nègres esclaves y existaient 
encore. Le» « péninsulaires»-, c'est ù-dirc les KspajLmots natifs, marchands 
ou fonctionnaires, qui vouaient exploiter les habitants de l'île, y étaient 
fort nombreux cl s'y appuyaient insolemment sur la garnison. D'antre 
part, les Cubains de race blanche ou mêlée, qui se trouvaient engagés en 
des luttes directes d'intérêt avec les Espagnols privilégiés, n osaient point 
se révolter tutti qu'ils participaient au crime de l'asservissement des noirs 
cl qu'ils avaient ù craindre une insurrection servile; enlin, les noirs eux- 
mêmes, répartis sur un vaste territoire on toute concentration d'cflbrls 



SÛfi l.'HOHMK KT LA. TERRE. — INTERNATIONALES 

était difficile, eussent été bien einbarransés pour donner un caractère 
général à leurs soulèvement, presque toujours locaux, diriges contre un 
maître ou contre- mu il ru abhorré, et le nombre rapidement croissant 
des affranchis introduisait entre Africains et Africains une rivalité 
d'intérêts et de sympathies. Eu outre, In surveillance de l'Ile étuit facile : 
les navires pouvaient ha ri 8 peine blot|tier Ira principaux abords de lu cote, 
et ia forme très étroite de Cuba permettait î» une armée espagnole de 
balayer à Taise tout l'intérieur du pays. Tout cela, certainement, expliquait 
dans une certaine mesure Ja ténacité! du gouvernement rspugnol cou une 
dominateur de Cuba, miiis quel homme d'iâtal eût pu coinpler a lu fois 
sur l'extinction pacifique de l'esclavage et sur la constante longanimité* 
des Apres ci tout puissants voisins du nord, les marchands américains? 
La perle de Cuba, de Puerto IWeo, des Iles Vierges n'était pour l'Kspagne 
qu'une question de temps. 

Connue la péninsule Ibérique, après ses essais «le république fédéra 
Ihc, la France, après la Commune, était emportée \mv un mouvement de 
réaction oulraueièrc. Mais, de nulme qu'eu Kspugiic, il était impossible 
aux gouvernants français d'aller vers le passé missi loin qu'ils le vou- 
laient et que la logique leur commaudtiil de le faire. D'abord, ils 
n'osèrent pas rétablir la royauté, c<* qui, pourtant, était leur premier 
devoir de « ruraux » et de chrétiens. La terrible résistance de ce Paris 
qu'ils haïssaient, qu'ils avaient fui, et qui les fascinait jHiurtanl, les avait 
emplis de (erreur, obligés même a faire des promesses, a offrir des 
garanties qu'il eut été difficile île récuser aussitôt. Au moins les fils des 
communalistes massacres purent ils, voyant les choses de haut, attester 
la victoire de leurs pères, puisque dans le maintien t\i\ mol > République » 
il y avait quand même la recon uaissa née d'un principe nouveau, celui 
du droit de l'homme se substituant au droit divin. Les fanatiques de 
réaction le comprenaient bien ainsi, mais ils étaient liés, amarrés pur 
tout uii réseau fie circonstances qui les empêchaient de rétrograder par 
delà le siècle jusqu'aux années qui précédèrent In date fatale de 178^, 
Même le roi qu'ils avaient choisi, et auquel ils reconnaissaient le double 
privilège de réconcilier les deux branches de 1» monarchie, puisque 
l'héritier naturel du comte de Chambord était le petit fils de Louis- 
Philippe, même ce roi, vraiment providentiel, refusa au dernier 
moment de risquer l'aventure d'une restauration. La royauté dut abdiquer 
par impuissance sénile; mais, longtemps après décès, les morts gouvernent 



ÉTAT CHAOTIQUE DE LA FRANCE 



«57 



le» vivants: la Hénubliquo sans républicains », telle fut ta formule 
prcsqu'oiftciotip du régime instauré dans la France vaincue. Lo gpeetaete 



W» 463, Invasion du Phylloxéra 

(voif page 258). 




DiBtriots fortement phyUoxôrés en i&BO 
faiblement atteint* »... rt 
indemne* 

t: 7600 000 



m 



tt 



** ** " 1 i ""i ?J 



"woKit 



100 

de col état cJo chows illogique fut a la foi» lamentable et jisiMc: c'était 
nu métan^e de survivances disant Les. î.n situation politique d'au pays 



a58 i/hommr et la tehrb. — internationales 

dont le» citoyens partent de principe opposés* ne peut être provisoire- 
ment que te chaos. 

Une nuire calamité vint frapper lu France . Lu masse de la nation, fort 
économe, ayant eu à subir déjà la terrible destruction que cause la guerre, 
fut ravagée pur le phylloxéra, désastre comparable ait premier : on ne peut 
évaluera moins de dix nul lia ni s la porto réelle subie par une région de 
la France, celle qui précisément avait échappé à l'autre in vasion \ 
Kl celle perle en argent n'était que peu de chose en comparaison de Par 
rôt du travail qui, se produisant dans toute une industrie nationale, 
meuucail de changer les habitudes traditionnelles, et les modifiait 
puissamment en effet-, déplaçait les populations pour ainsi dire, et 
faisait une autre Ame à une partie notable de la nation. Maints dépar- 
tements où l'on ne connaissait point la tnincre, ou le bien-être général 
était la régie, tel» l'Hérault et la Gironde, furent gravement atteint» par le 
prolétariat agricole, et la mendicité y reparut. Les propriétés, fort dépré- 
ciées, eliungewut de mains, et, en beaucoup d'endroits, de grands 
domaines se constituèrent, embrassant des centaines de petits vignobles 
ruinés dont les anciens possesseurs avaient dû quitter te pays. Tandis 
que lu majorité de vvux qu'avait frappés le désastre se tournaient vers le 
gouvernement pour avoir, les uns de petits secours, les autres de» places, 
quelques hommes d'initiative s'ingéniaient à trouver de meilleurs 
procédés de cul turc et à créer do nouvelle» industries; d'autres allaient 
s'établir eu Algérie ou en des colonies lointaines, lt n'est pas douteux non 
plus que la propagation du phylloxéra ait contribué a augmenter chez le 
paysan français cette prudence qui le distingue dans l'accroissement de 
sa famille : tmiuqtiaul de confiance dans l'avenir, il limite volontiers le 
nombre de ses enfants, et la France, où la jeunesse se fuit rare, diminue- 
rait en population si les immigrants, Belges, Italiens, Suisses, Germains 
et Slaves, ne venaient combler les vides. 

A cet égard, 1rs u titre» nations policées dn monde, u l'exception de 
certaines contrées où domine l'élément bourgeois — telles que le pays 
« saxon » en Transylvanie, et de nombreux districts de la Nouvelle Angle- 
terre — no se laissent point dominer parle même esprit de prudence, et la 
population s'accroît très rapidement dans l'ensemble des Ktats dont les 

Gabriel Hanoleau, Xouttlle ftevue, 15 iiow 1902. 



OUBRRB RUSSO-TURQUE a5g 

statisticiens dressent régulièrement les tableaux ; main à tin autre point 
de vue, l'Europe et tes nations européanisées s'aventurent moins à in 
légère qu'auparavant ditns le» cniiHits diplomatiques et les violences « 
main armée. Le terrible eboe franco-allemand semble avoir assagi les 
«inducteurs dos peuples, Quoiqu'il aucune autre époque de lMiistoir-f» on 
n'ait fait dans te monde, mi proportion des ressources nationales, autant 
de dépenses de guerre, bien que les armées aient beaucoup dépassé en 
nombre et en organisation sa\anic toutes tes masses d'hommes dont les 
plus grands capitaines se soient fait suivre jusqu'à maintenant» et que 
les approvisionnements en forces destructives aient graduellement repré- 
sente* un ensemble budgétaire que Pou eût dit impossible, même sous un 
Napoléon, cependant les nations de l'Europe, militarisées n outrance, 
se bornent à s'observer méchamment, tout en parlant de paix, de res- 
pect des traités, de la sollicitude des gouvernements pour le bonheur des 
peuples. Chaque nation emploie des millions et même des milliards 
k blinder ses frontières et ses navires, à remplir ses arsenaux d'obus et 
ses casernes de chair a canon. La guerre a été proclamée sainte, évoen- 
Irice tle force et de vaillance; même le grand stratège des victoires 
allemandes, de YïoUke, a daigné rompre naguère son silence habituel 
pour déclarer que la paix universelle « n'est pas un beau rêve n. Ce- 
pendant, les peuples civilisés n'osent se risquer dans les belles 
réalités de nouvelles guerres et de nouveaux massacres. 

Depuis ta capitulation de Paris, l'Europe dite chrétienne est restée en 
paix armée et la guerre ne s'est produite que dans la péninsule des 
Balkans où les Uusses, ayant, pour prétexte des massacres et des horreurs 
île toute nature commis dans les pays slaves de ta Turquie, croyaient 
pouvoir remporter de faciles triomphes. L'homme malade, pensait-on, 
n'oserai l pas résister au » colosse du Nord .». Il résista cependant, et les 
péripéties de cette guerre russo-turque, 1877 et 1878, furent de nature à 
faire hésiter encore plus tons les fauteurs de luttes armées et à montrer 
-m nubien de pareilles aventures peuvent, en eus de résistance sérieuse, 
causer à l'assaillant de terribles déconvenues. Sans doute, la Russie était 
le beaucoup la plus forte en hommes et en matériel de guerre; de plus, 
méprisant son ennemi, elle comptait en toute confiance sur un rapide 
succès. Et les généraux courtisaus qui se pressaient autour du souve 
rain marchant au-devant de son triomphe eurent le dépit de le faire 
assister à maints désastres. S'élaut lancée trop précipitamment à travers 



< 



» 



a6o L*HOHME ET LA TERRE. — IlfTKftKATIONALES 

tes Balkans sur la roule de Constant! uop Le, l'armée russe fut attaquer 
en flanc et vivement ramenée sur la défensive, puis elle vint se heur- 
ter imprudemment contre tes mûrit de Plevna en laissant tes longues 
pentes d'accès couvertes de cadavres. On comprit alors combien les 
progrès de la balistique* avaient change le» conditions de la guerre, 
en augmentant les chances d'assiégés résolus attendant tranquillement 
f'eunenii. Pourtant, l'inégalité des forces et des ressources 'était trop 
grande entre les belligérants pour que victoire définitive ne restât pas 
aux Russes, aidés d'ailleurs pur les Roumains; mais, cette fois encore, 
ils n'atteignirent par leur but : Tsnrograd, u la cité des Tsars ». Peu 
rassurés sur l'attitude de la cité populeuse et sur celle de la flotte 
anglaise, ils s'arrêtèrent au faubourg de San-Htefano, où (1878 ils 
dictèrent une paix humiliante auv Turcs, teur laissant à peine un pied 
à terre en Kuropc, sous le haut contrôle du vainqueur. 

Toutefois, ce grand changement d'équilibre dans la force relative des 
grandes puissances européennes était trop considérable pour que celles-ci 
ne demandassent pas à reviser le contrat, tilles envoyèrent leurs ministres 
a Berlin, sous la présidence du comte de Bismark, considéré comme une 
sortiMle doyen dans les conseils de la force, et c'est là que se lit sans 
appel la répurtition nouvelle des territoires de la ttalkanic et de l'Asie 
Mineure entre les Ktats. U Serbie et te Monténégro, désormais attVanchis 
de la suzeraineté turque, reçurent un accroissement de territoire. La 
Bulgarie se constitua en principauté tributaire, tondis que la Roumélic 
au sud des Balkans, resta province turque : la nationalité bulgare se 
trouvait ainsi coupée en deux ; il fallait conserver des éléments d'in 
trigueset de guerres futures. Quant à la Roumanie, elle fut payée par la 
perte de la Bessarabie de l'aide efficace qu'elle avait donnée à la Russie 
en un moment périlleux, et on ne lut donna que les marécages de la 
Dobrudja, en échange de la province fertile et populeuse qu'elle était 
forcée d'abandonner. Les Busses se taillèrent naturellement une belle part 
dans le territoire de hi nation vaincue : à la Bessarabie d'Europe, ils 
joignirent nue bande de l'Asie Mineure dans laquelle se trouvent la place 
forte de Kars et le port, très heureusement situé, de Batum. Quant à l'Au- 
triche, qui avait sans doute rendu quelques services diplomatiques, elle 
reçut pour sa peine un petit havre sur l'Adriatique, et, cadeau bien plus 
important, la gérance indélinie des deux provinces slaves delà Bosnie et 
de l'Herzégovine, larges morceaux de la péninsule balkanique venant 



CONGRÈS DE BERLIN 



aôi 



W> 464. — Amoindrissement de I» Turquie durant te XIX» siècle. 



«nder 




10* £ . de Gr, 



Cette carte est a l'échelle de 4 à 10 000 000. 

La Russie occupa partie de ta Bessarabie en 1812. Vert la même époque, la Serbie obtenait 
une demi-indépendance. Eu 1820, la Russie avança Jusqu'au Danube et Ût reconnaître K la 
Valeehle et à la Moldavie (unies en 4961) un statut spécial La Grèce devint Etat indépendant 
en 1830. En 1856, la Bessarabie du sud fut donnée a ta Moldavie. 

En 1878, la Roumanie dut évacuer la rive gauohe du Prut, mats obtint la Dobrudja { la 
Serbie fut agrandie du district de Nlch et le Monténégro d'une bande de territoire comprenant 
Dulcigno t la Bulgarie fut détachée de la Turquie et la Roo méfie placée sou* un gouverneur 
chrétien t la Bosnie et l'Herzégovine fut remises à l'Autriche et le dtttriot deNovi*Pasar(N. FM 
occupé conjointement. 

En 188t, la Otece obtint le ThestaUe t an 1886, ta RouméUe se joignit à- la Bulgarie en 
1887. le Crète fat déclarée autonome sous un gouverneur hellène. 

V 14 



î*6a l'homme et la tbrhe. — internationales 

fort à propos arrondir l'Empire austro-hongrois en modifiant lu forme 
bizarre que lui donnait le long glaive du littoral de la Dalmatie* 11 
n'y eut pas jusqu'à la Perso à laquelle» on n'uecordât son lopin de terre. 
K n lin, la Grande Bretagne, qui avait été pour ainsi dire vaincue en 
même temps que la Turquie, qu'elle n'avait pu secourir efficacement 
qu'au dernier moment, dut au talent de son plénipotentiaire, lord 
Beaconsfleld, de se Taire céder l'île de Cypre, moyennant pension, ainsi 
qu'une sorte de protectorat sur l'Asie Mineure, Toutefois, cette dernière 
clause, qui eut exigé un grand déploiement de forces, ainsi que d'amples 
débours, est restée à peu près lettre morte, quoique la nation anglaise eût 
pu profiter do celte situation pour se faire la protectrice efiicacc des 
Arméniens et s'assurer ainsi une très puissante clientèle en ce (peuple 
intelligent. D'autres stipulations du traité de Herlin furent également de 
vains écrits, eulr'aulres celle par laquelle tu rorte s'engageait à départir 
également lu justice à tous ses sujets, su h s acception de rare ni île culte, 
et notamment a protéger les agriculteurs arméniens contre les pillards 
kurdes : jamais promesse ne fut plus atrocement violée. 

Quoique les délibérations solennelles du grand conseil de l'Europe ne 
pussent avoir de videur réelle que rai i Iléus par la volonté des peuples 
eux-mêmes, elles tiraient du moins une certaine importance de oe fait 
qu'elles étaient jissues d'une assemblée représentant l'Europe entière. 
Le monde ofliciel s'était donc singulièrement élargi depuis le traité de 
V\ cstphulie, même depuis le congrès de Vienne 1 En outre le langage des 
diplomates avait changé. Us ne parlaient plus seulement au nom de 
leurs souverains respectifs, ils s'exprimaient fort courtoisement à l'égard 
d'une autre puissance, l'ensemble des nations civilisées. Evidemment, 
on avait conscience d'un nouvel état de choses, d'une certaine unité 
morale provenunt de l'existence d'une opinion publique européenne. 
Non seulement les puissances avaient une frayeur mutuelle de s'attaquer, 
elles comprenaient aussi qu'une nouvelle grande guerre d'Europe eut 
déplu, même a ceux qui auraient eu la victoire en perspective* Mais 
d'autre part, elles savaient que des conquêtes faites en pays lointain sur 
des peuples réputés barbares ou sauvages leur seraient plus que par- 
données, attribuées même à mérite cl à gloire. C'est donc avec l'encoura- 
gement tacite de leurs peuples que les gouvernants d'Europe se mirent 
à dépecer Afrique, Asie, Océanie, pour s'en distribuer les morceaux et 
eu constituer leur empire colonial. ,, 



NOUVELLE POLITIQUE MONDIALE 



a(i3 



\n commencement du vingtième »>ecïe, les puissances ont presque 
terminé le partage de l'Afrique, souvent désignée sous le nom de « Con- 



II 4$5. L'Afrique découpée en possessions européennes, 



"^ Gibraltar 



W- 



4 



Capttown 




^ -aim 



ttô* 



0*do5r. 



ao» 



40» 



60* 



t : 7 6 000 000 



^•"f"" 1 



s 



iooo 



"Sooô" 



^ooo Kil. 



La Grande Bretagne occupe l'Egypte, 1« Soudan, «te., du Caire a Mombasu, l'Afrique 
méridionale de Blantyre a Capetow», puis commande à Bathurst» Freotown, Akka, Lagos, 
enfin à Walflshbay, Zanzibar et Barbara. -— Les possessions françaises aboutissent & la mer h 
Alger, Tunis, Sefnt>Louis, Konalcry, Blngerville. Porto-Nuovo et Libreville et de l'autre côté 
du continent comprennent Madagascar et le territoire d'Obock. — L'Allemagne ost installée 
à Daressalam, Windhuk, Buca et Lomé. — La Turquie conserve Tripoli. — Le rot des Belges 
sous le nom de souverain de l'Etat indépendant du Congo régne £ Borna. — L'Italie est à 
Massue et Magadoxo, l'Espagne à Rio de Oro et Bâta, et te Portugal à Bissao, Cablnda. Saint- 
Paul de Loanoa et Chlnde. 



tineni noir n, en partie parce qu'il cal habité pur des nègres cl quelque 

peu aussi parce qu'il n'est pas entièrement connu* De vastes territoires 

V i'** 



aU4 l'homhk kt la tkrre. — la commune 

ayant une superflu ru de plusieurs milliers de kilomètres carré» ont déjà 
leur maître officiel, d'après l'atmanacl» de Gotha, mois n'ont été encore 
parcourus pur aucun voyageur. An point de vue de lu conquête, il 
importa peu, wir il n'est pus douteux que lu forée d'attaque militaire que 
possèdent km Etals européens soit assez, grande pour triompher de peu 
pladcs sans discipline ni stratégie. Il suffit que tel ou le) pays soit attribué 
par coiiveiilkin diplomatique h la (iniiide Bretagne, a la France ou a 
l'Allemagne puur que cette puissance choisisse patiemment son heure 
d'occupation générale ou partielle et de mise eu exploitation commet' 
claie. Actuellement le continent africain j»eut être considéré comme 
n'étant plus qu'une simple dépendance économique de l'Europe. 11 est 
loisible d'uflirmer qu'avec leur force réelle, d'une si absfifâe supériorité, 
et leur prestige triomphant, les blancs n'eussent rencontré aucune résis- 
luricx! «i l'occupation des diverses contrée* n'avait donné lieu de leur 
pari » de» injustice» et a des atrocités de toute espèce; d'ailleurs, eu 
maintes oceasions, les guerres, les insurrections ont été voulues, parce 
qu'elles donnaient aux officiers l'occasion de les réprimer et d'acquérir 
ainsi gloire, honneurs, litres et avancement. 

L'argument par excellence des politiciens ardents h découper le 
monde eu territoires coloniaux consiste a plaider la nécessité de trouver 
des exuloires pour la population grandissante de l'Europe et pour la 
surabondance des produits manufacturés. A cet article fondamental 
on ajoute, sans en croire un mot, quelques redites sur l'influence mora- 
lisatrice de la civilisation chrétienne, et la conscience est satisfaite. 
Il est Mai que la plupart de ces territoires annexés sous des latitudes 
lointaines ne conviennent point a l'acclimatement des Européens, et ' 
que d'ailleurs ceux ci, même s'ils étaient favorisés d'un climat qui leur 
fût propice, n'y trouveraient pas d'occupations conformes a leur genre de 
vie. Ces vastes domaines ajoutés au territoire dit «colonial» ne doivent 
doue pas élre considérés comme de véritables colonies puisqu'ils ne sont 
point destinés à recevoir des colons; ils ne peuvent servir à loger les 
excédents de population émigrant d'Europe. Ce sont tout simplement 
des lieux de résidence pour quelques marchands qui cherchent à exploi- 
ter les richesses naturelles des lieux et à pourvoir aux besoins des tndi 
gènes. Mais lu plupart de ces naturels, habitués à uncexiBlence des plus 
simples, trouvent autour d'eux, dan» les produits du sol, tout ce qui leur 
est nécessaire; il finit donc que les efforts des colonisateurs prêtai- 



PARTAGE DE lA^flUQUE »65 

dut» se combinent pour faire naître de nouvelle» demande*, notamment 
celle de l'eau-dc-vic ou d'un poison quelconque baptisé de ce nom ; chez 
les nègres que Ton pousse à la folie, la monnaie, jadis inconnue, n'a pris 
iTutiHlé que pour rachat du genièvre ou du trois-six 1 » Voilù, dans les 
pays occupés du Continent noir, ce que l'on dit cire le commencement 
de la civilisation, retape qui succède t* celle de l'esclavage. Admettons 








Cl. 1. Calttnlet, 



OtTè A TÎUVBB8 LK NIGER, PB&S ÛK fcAFÊLÉ 



qu'il y a progrès, puisque l'acheteur nègre est maintenant étiquete* 
homme libre. 

Les origines des a uucxious coloniales modernes de l'Afrique remon- 
tent aux âges des explorations maritimes génoises et portugaises, lors- 
que les navigateurs du treizième et du quatorzième siècle découvrirent 
l'île de Lagname, appelée plus tard Madeira, et la terre de Laueelot, dite 
maintenant Lamerote. dans les Canaries. Des îles, les explorateurs pas 
seront bientôt au littoral; depuis cette époque, des représentants de 
l'Europe, commerçants et missionnaires, résident en Afrique et ïe 
mélange des sangs se fait aussi bien que celui des idées. C'est encore en 



1. A. d'Àlmada Nogreiros, Congrès Colonial international de Paris, 1900. 



360 l.'HOMME ET 1.A TKRRK. — INTERNATIONALES 

souvenir des Portugais que ie« nègres du Congo donnent aux Européens 
les noms de M'puui, « gens du Pouf on », du Portugal'. Les indigènes 
de la région eôtiere doivent aussi plus qu'uu nom mit missionnaire* qui 
leur vinrent do Lisbonne et d'Oporlo : ils leur doivent la croix dont il» 
ornent leurs maisons sans en connaître d'ailleurs l'origine, ils leur doi- 
vent la consécration officielle a un saint patron, (a zina dia mntu : ri&gres 
et négresses fétichistes sont, en vertu de l'aspersion, de vrais baptisés, 
Ce furent également dut; prêtres du (UirUi qui apporteront aux africains 
les statuettes de Jésus et de ta Vierge ol les images de saints qui se sont 
graduellement changées en fétiches M que Pon a longtemps crues de pro- 
venance autochtone i ces Uguriues grossières, hérissées de clous, repré 
sentaient le Oucillé, percé de coups de lances, et la Notre-Dame des 
Sopl-Douleurs. Dans l'intérieur du pays, cm ne voit point de ces fétiches, 
ils n'existent que dans les contrées occidentales visitées jadis par les con- 
vertisseurs. Des images grotesques, voilà tout ce qui reste des antiques 
conversions. Les formes religieuses enseignées jadis par les prêtres catho- 
liques se détériorent de la façon la plus bizarre par te fait du retour aux 
conceptions ancien tics, lorsque les missionnaires cessent de visiter la 
contrée. Ainsi cliejs les Bainba, riverains du bas Congo* le* jeunes 
hommes de lu tribu sonl jetés par les sorciers dans un étal de syncope 
semblable a la mort, et cet état se continue pendant trois jours, après 
lesquels vient la résurrection. Evidemment il s'agit d'imiter ici le « Sei- 
gneur Jésus i) datis le grand mystère de sa mort et de son retour triom- 
phant à la vie*. 

L'empire colonial portugais, (pii s'étendait vers tes contrées inconnues 
de l'intérieur, n'uvull point de limites précises. 11 était censé comprendre 
toutes les contrées du continent eu dehors de In Maurélunic cl du bassin 
nilotique ; mois les pays occupés n'avaient qu'une faible superficie rela- 
tive, le petit Portugal ne pouvant fournir qu'un faible nombre de plan- 
teurs cl d'aventuriers. Les Hollandais lui ravirent la partie méridionale de 
l'Afrique, c'est-à-dire le district du Cap de lionne- Kspénincc, qui passa 
plus tard en la possession des Anglais avec tout le territoire adjacent; 
puis le» nouveuu-venus» annexant terre après terre, en vinrent pendant 
le cours du siècle à s'emparer hardiment d'une large atone dans la 
région du Zamhczc, feignant d'ignorer absolument la prétention du 

1. Cb, Lttnaire, notes manuscrites. ~ 2. Keane, Man t Past and JVcmjiI. p. 109. 



UGNK DL' CAP AU CAIRE atig 

Portugal, reconnue dopuis trois siècles par le droit public euro|)écn, 
do posséder toute la largeur du continent africain, de lu côte a In 
contre-côte, de l'Angola au Mocambiquc, Bien plu», après «voir pri» 
le territoire qui leur convenait, les Anglais étendent mu- le reste des pos- 
sessions portugaises une sorte de protectorat et, dans l'opinion générale 
des prophètes politiciens, tout l'ancien domaine hautairicii passera toloii 
tard duns les tnuins de l'Angleterre, be Portugal, devenu fendu luire de 
la (irnude Bretagne, ne serait en réalité que l'usufruitier des richesses 
territoriales dont If maître éminenl s'emparera pur annexions succes- 
sives en proportion des intérêts du tnotnenl. Pendant sa guerre contre 
les Bocrs des républiques hollandaises, ne s'en! il pas servi du port de 
Lourcnco-Marqurx comme si cet admirable havre lui appartenait 
officiellement.-' 

A ces très importantes possessions de lu pointe méridionale d'Mïiquc, 
où se trouvait, avant l'ouverture du canal de Suc;;, le lieu d'étape tiéres- 
sain» pour les wivlgutciirs entre les terres meraincs de l' Atlantique cl 
celtes de la mer des ImJes, l'Angleterre u su joindre une bande de ter- 
rains ffiii s'étend au nord jusqu'au Tanganxika et qui reprend non 
loin de l'an Ire extrémité du lae pour se continuer par le bassin nUotiquc 
jusqu'à la Méditerranée. Malgré I» lacune séparant en deuv cette zone 
médiane de l'Afrique, les nalionalisles anglais comptent l'utiliser à leur 
profit par la construction d'une voie ferrée de sept à huit mille kilo 
mètres de longueur qui rejoindriuHe port du Gap a celui d'Alexandrie 
et que des embranchements rattacheraient de disUmee en distance aux 
marc liés du liltoral sur l'Océan Indien et la mer Bouge. On peut consi- 
dérer plus de la moitié de cette couvre comme achevée déjà, puise pie le 
chemin de fer du sud traverse te Zamhesse — lu ligne a été ouverte en 
septembre^ 1905 —, que celui du nord atteint Khartiim, et que, dans 
les espaces intermédiaires, les bateaux à vapeur vont et viennent sur le 
Nil et sur les grands lacs. Ïm Grande Bretagne est donc la souveraine 
prépondérante de toute lu moitié orientale de l'Afrique, où les autres 
puissances n'ont que des colonies d'importance secondaire. Cependant 
tout ne se présente pas encore au gré des ambitieux de territoire, car 
les monts de l'Ethiopie, où te Nil Bleu prend naissance, se dressent 
encore insoumis comme une haute ci ludetle. el. l*Kgyple anglaise reste 
incomplète aussi longtemps qu'elle ne possède pus les sources du 
fleuve et ne peut en régler le cours pour l'irrigation de ses plaines 



!»7° l.'llOMME ET LA TERRE. — INTERNATIONALES 

A rota?»! de l'Afrique, les marchands britanniques possèdent aussi 
de très riches doitmhies d'exploitation, parmi lesquels les terres popu- 
leuses que parcourt le Niger inférieur; muis de ce côté du continent, 
eVsl ù tu Fmnee qu'est échue ta plus vnste étendue du sol, Une 
grande partie de ce territoire se compose de solitudes désertes, car, ainsi 
que le disait un ministre initiais : - le coq gaulois aime ù gratter le 
saille ; mais les principales colonies françaises de l'Afrique comprennent 
plus de ta moitié des pays mauréluniens, c'est à dire la région qu'on 
peut appeler l'Europe africaine. C'est une contrée qui, par sa position 
sur le pourtour du bassin de la Méditerranée 1 , en face de l'Espagne, de la 
France, do l'Italie, lait géngraphiquement partie de ce « monde latin », 
auquel, bisloriquemeul. elle appartint aussi au temps de la grande 
Home, La Tunisie. l'Algérie, dont la population autochtone est celle des 
Berbères, très probablement apparentée aux autres aborigènes des bords 
de la Méditerranée occidentale, n'ont reçu que depuis une époque relati 
veinent récente l'élément ethnique étranger dus Vrahcs, mais, aotuellu 
ment, le (lux des immigrants, Italiens, Français, Espagnols, mêlés de 
quelques autres Européens, implante sur le sol une nouvelle race qui, 
par ses origines, parait bien prédisposée a s'enraciner fortement et qui, 
en efl'el, malgré les factieux pronostics du commencement, s'est parlai 
temeul acclimatée. L'Europe sVst réellement agrandie par l'annexion de 
l'Afrique mineure, connue elle s'est agrandie à l'autre extrémité du con- 
tinent unir par le peuplement du (îffp et des colonies voisines. 

L'Algérie, quoique s'élemlunt déjà fort loin dans ledéserl, grâce aux 
oasis qui le parst'meuf jusqu'au Tonal, se trouve pratiquement séparée des 
mitres possessions françaises situées sur les bords du Sénégal, sur le haut 
et sur le moyeu Niger, sur les rives du lue Tchad ou Tztulé, sur les 
rivages du golfe de (minée, et, à bien plus forte* raison, dan» les espaces 
torrides du Uuadaï : des expéditions militaires fort coûteuses et des explo- 
rations de luirdis voyageurs s aventurant dans l'inconnu n'ont pu encore 
rattacher les «leux extrémités de cet immense empire africain que par un 
résinai d'itinéraires aux mailles fort espacées. D'ailleurs, si l'Algérie et la 
Tunisie sont des colonies de peuplement ou les Européens cultivent le 
sol el fondent des familles, les uulres territoires annexés par la France 
au delà du désert ne sont point des colonies proprement dites, el même, 
au point de vue utilitaire, sont toujours une cause de dépense pour le 
budget national : elles ne peuvent rapporter de profil qu'à des négociants 



UQXZ DU CAl» \V CA1BK 



*7I 



et » des fournisseurs de l'armée. Néanmoins, ta Terre se rapetissant 
chaque jour, «race à ta vitesse, à l'ubiquité que les nouveaux moteurs 

ft° 466, L'Abyaiinie indépendante* 




1: 12 600000 



J9WlA»ni«tl«« r«aiidfia«« 



POMMQSgiOB* 1 






(îouiii'iil à l'homme, l'espace désert qui sépare le plateau mauritanien 
de la vallée nigérienne se rétrécit eu conséquence et l'ensemble de la 



i*" a L HOMME ET LÀ TEBRE. — INTERNATIONALES 

Krauee africaine jusqu'au Congo promet de présenter un jour une cor 
tuitie unité géographique. On peut «an» folie rêver la construction d'un 
chemin do fer qui réunira le golfe de Gabès au detta du Niger par le lue 
Tzudé al la création d'une voie f musa frirai ne comme tronçon d'une 
limite do transit rapide outre lu France et le Brésil. 

Quant à l'Allemagne, également riche en déserts, elle possède au sud- 
ouest de l'Afrique de grande» étendues rocheuses qu'un budget généreux 
essaie péniblement de fertiliser; mais c'est à Test du continent que se 
trouve son domaine le mieux pourvu en population, en ressources actuelles 
et en promesses : il borde d'une extrémité à l'autre la mer intérieure 
de l'Afrique, le Tnuganyika, et confine au \yanza, plus vaste encore. 
\ cette Afrique allemande correspond, de l'autre cAté du Taugauyiku, 
l'immense Etat du Congo, dit »• indépendant n parles traités parce qu'il 
n'appartient encore à aucune puissance européenne, tnr<i» dont un 
souverain d'Europe a fait sou domaine particulier et que subvcii lion neiil 
les uiiunecx volées pur sou Parlement. Ce royaume congolais, cent vingt 
fois grand cmrimr la Jiolgique, complète In liste des annexions euro 
péenues avec l'Erythrée et la Somalie italiennes t »t la petite part de l'Es 
pagne en îles 4»! en lisières. Il ne reste donc ù prendre que l'Ethiopie..', 
moins que eel empire s'européanise peu a peu, e*est-u-dire se livre ativ 
marchands, aux industriels et aux spéculateurs d'Europe. Au nord, la 
TripolUuiue a déjà son conquérant présomptif, reconnu par les puis- 
sances chrétiennes, i'ftalie; enliu, à l'extrémité nord occidentale, le 
Maroc donne lieu chaque année à lu réunion de plénipotentiaires euro 
péens et au mouvement des eseadres. Quel eu sera l'heureux possesseur 
ou quels eu seront les eopurlageanls avides et jaloux; 1 

Si le Maroc n jusqu'à présent échappé à la prise île possession par une 
puissance européenne, c'est précisément purée qu'il était convoité depuis 
des siècles et que les ambitions rivales se neutralisaient, Le Maroc tient 
presqu'a l'Espagne. Coula s'avance vers Gibraltar, Tanger vers Tarifa. 
Vussi, lorsque les sept cenlsanuées de guerre entre musulmans cl chrétiens 
pour la possession du sol ibérique se furent terminées au profit des der 
nient, ceux-ci prirent position pour uller poursuivre leurs ennemis jusque 
dans le continent voisin* et celte poussée eut pour résultat la prise de 
Ceuta et des autres presidlos, fortins du littoral mauritanien qui, au point 
tic vue de la conquête, n'ont pour ainsi dire qu'une valeur symbolique. 
Le véritable protecteur du Maroc contre une invasion espagnole fut en 



TEtUUTOinES CONTESTÉS DE 1,'aFHIQUK rfS 

réalité la Grande Bretagne, qui occupa Tu ttger de 1662 a it>8$et, quelques 
années plus tard s'emparent de Gibraltar, planta ainsi une épine dans In 
chair mémo de l'Espagne et surveilla te détroit. lïlefmée à vif, la nation 
humiliée ne" pou voit guère songer à pousser plus avant ses conquêtes sur 
le continent africain. Elle ressuya pourtant tt diverses reprises, mais des 
avertissements polis n'élevant en sourdine de di ventes parties de l'Europe 




U. Ouvvymr, 



mosquée a mm vas 



lut aiguillèrent qu'elle devait se contenter des positions acquises. l)e 
son côté, la France, regrettant les occasions perdues, veille à la fron- 
tière nigérienne* cherche tt infiltrer son protectorat par-dessus les 
limites de l'empire, tandis que l'Angleterre et l'Allemagne travaillent 
a implanter solidement leur commerce et leur influence dans les 
ports du littoral. 

Pour excuser d'avance, soit l'annexion (\u Maroc par Fini des Etats 
européens, soit le partage de la contrée* ou se plaît a comparer cet 
empire ii la Turquie en le qualifiant aussi d f « homme malade » ; mais 
celte plaisanterie n'est pas justifiée : aucune population opprimée n'y 
réclame l*i n tervention étrangère et, si l'on fait abstraction des commerçât! ts 



a;4 l'homme et la terre. — INTERNATIONALES 

juifs» U n'y a entre? les tribus ni antmositederace, ni haine de religion; 
lo Maroc n*a que faire» de tous ce» médecins qui l'entourent, lui offrant u 
I envi des remèdes et des préservatifs. Si tout d'un coup, le» « bachadour -, 
ministre ou <• ambassadeurs ■• étrangers qui résident h Tanger, venaient 
à disparaître, et si les populations marocaines n'avaient plus à se délier 
tic ces diplomates aux ambitions rivales, l'équilibre intérieur de la 
nation ne serait en rien changé : les deux cinquièmes du territoire qui 
porte sur les cartes le nom de « Maroe » continueraient de payer l'impôt 
et de constituer le pays soumis, se laissant administrer par les fonction- 
naires de l'empereur, tandis que les enclaves indépendantes dont tes 
habitants se refusent aux taxe* et qui représentent les trois cinquièmes 
du pays* formeraient autant de petites républiques très vivaecs se 
suffisant à ellcs-mcuics, grâce à leur petit commerce et à la liberté de 
l'émigration périodique. Ue Bled es Siba, le « J*u\s libre », ne demande 
rien à l'Kurope, si ce n'est qu'on ne touche pas à ses droits. Mais quelle 
est la grande puissance qui, succédant h l'empereur du Maroc aura le 
tact nécessaire pour ne pas froisser ces tribus autonomes? 

J>ans le continent d'Asie où se sont assis de puissants empires 
depuis des Ages immémoriaux, les nations d'Europe n'ont pu procéder 
au partage avec la même désinvolture que dans le continent noir. Mais 
chaque possession européenne est devenue un point d'appui pour des 
annexions nouvelles d étendue considérable. Ainsi la Hussic a profité de 
sa domination sur la Sibérie», qui représente déjà le tiers de la superficie 
asiatique, pour étendre son intluence politique et même administrative 
sur les territoires voisins, Mandchourie, Mongolie», Dsungarie, Kach- 
garie. et, de ce côté, la frontière est devenue flottante, en sorte qu'on se 
demande de combien de centaines de mille kilomètres carrés le terri 
toire russe s'est réellement agrandi. De leur coté, les Anglais, maîtres de 
rinde, se subordonnent de plus en plus tes principautés vassales, 
consolidant par de nouvelles annexions leurs « frontières .scienti- 
fiques .. de l'ouest sur les liantes terres des lîaloutehes et des Afghans; 
au centre, ils s'attaquent au Tibet par delà le formidable Himalaya, 
tandis qu a t'est, ils arrondissent leurs domaines il.» la Harmanicct s'em- 
parent des riches petits Klals de la péninsule malaise, tinflti. la France, 

t. II. de Segoiuac, Société ttt géogr. d'Alger et de l'Afrique du AW, 2' trim.1902. 
p. 18,?. 



LE MAROC ET LES PUISSANCES 



*i m t Ù 



ayant campé ses soldat» et factionnaires sur le littoral de la mer de 
Chine, étend ses possessions dans l'intérieur aux dépens du royaume de 
Siam maintenant réduit à peu de chose. 



N° 467. Le Maroc du Sultan et le Bled es Siba, 



9* 

-+■ 




■ ' ■ . — " i ■— - I. 'r .. -.,,.. I 



W.dtCm «* 



s* 



j 



i: 7 60OOO0 

-l ■ — 



100 



W 



600 Kil. 



lia RtedeaSibaost recouvert de hachures d'après ta carte de M. Camille Fidel {Bulletin de 
la Société à* Ghgnphie d'Oran, 1903). Le Bled et Maghsen comprenait alors le Maroc 
maritime, de Télouao a Uni, ainsi que Fes, Marrakech, le TaHlolt et divers districts. En 
1907, il se réduirait» d'après M. de Si-gonzac, au triangle Tanger. Fes, Rabat. 



A l'occident de l'Asie, l'Anatolie et la Perse présentent un spectacle 
analogue à celui du Maroc. Ces contrées doivent aussi à des ambitions 
rivales de rester sous le joug de leurs maîtres maJiomélans actuels. Le 



a;0 



L'HOMME ET LA TERRE. — INTERNATIONALES 



Russie, l'Angleterre, l'Allemagne convoitent l'Asie Mineure et laMésopo 
lamie : d'où conflits incessants et maintien de la domination turque. La 
Perse est comme un vaste échiquier dont les joueurs anglais et russes 



\ 



H* 468. l'aîghanlstan indépendant. 




t: 12600000 



400 



HwoKil. 



poussent savamment tes pièces tout en adressant de respectueux hom- 
mages uu chah des chahs eu son patins de Téhéran. 

La où le régime européen ne s'introduit pas directement, par voie 
de conquête, il se glisse indirectement, par voie d'initiation, et c'est 
ainsi que, transformant tout son organisme intérieur, le Japon est 
devenu pour ainsi dire un fragment de l'Europe, transporté en plein Océan 



/ 
/ 
/ 



fï 






PAYS A CONQUÉRIR «77 

Pacifique, par delà le continent d'Asie. C'est comme puissance euro- 
If» 469. Le Slam entre ta Barmanie et l'Annam 




1 : 12 600 000 



t 2oT 



400 



800 Kil. 



péenne» par des moyens empruntés à l'Europe et même avec une maîtrise 
«les plus savantes/que le Japon fut récemment le vainqueur rapide et 



'JtyS 1,'ilOMMK ET LA TEKKK. — INTER NATION A I.KS 

décisif de ta Chine. PaB une rencontre sur mer ou sur terre qui ne* tournât 
brillamment à son avantage, A l'embouchure du Yatou. la flotte 
chinoise fut exterminée ; à l'assaut de WeMiaï-weï, la garnison chinoise 
dut se rendre. Eu peu de semaines les forces japonaises avaient mis 
l'empire ù leur merci, et du coup, elles auraient profondément entamé 
le territoire continental, s * l es puissances européennes n'étaient inter- 
venues pour que l'équilibre de PKxtrôme Orient ne fut pas brusquement 
modifié en leur défaveur. 

L'inauguration du vingtième sie.olese lit dans la t ; leur du Milieu par 
une intervention de toutes les puissances « civilisées », y compris le 
Japon et les Etats-Unis d'Amérique, La véritable raison de celte invasion 
collective n'est pas de celles que Pon puisse avouer : les instruments 
diplomatiques ne constatent point avec une candeur naïve que des Etats 
peuvent avoir comme de simples particuliers l'amour du pillage pour 
mobile. Le Japon ayant annexé à son archipel national la grande île de 
Formose, ainsi que d'autres HoU, la Russie voulut aussi prendre un 
grand morceau de la Chine; la France, l'Allemagne, l'Angleterre tenaient 
également a s'emparer de quelque bon lambeau. 

Mais non seulement chaque grande puissance aspirait a saisir un 
gage matériel de conquête consistant en bonnes terres, en ports, en 
marchés de commerce, il lui fallait aussi des privilèges d'industrie cl de 
monopole en telle ou telle, province de l'intérieur; les négociants 
d'Europe et des Etals l nis jetaient leur dévolu sur les mines connues 
ou présumées, sur telle on telle série de stations pour des voies 
ferrées à construire. Et, plus avides que les diplomates, plus insa- 
tiables que les marchands eux-mêmes, les missionnaires protestants 
et catholiques réclamaient de toute part des paiements, des peu 
sinus, des excuses a\ec cadeaux expiatoires, et en outre des ven- 
geances pour des persécutions et des outrages, vrais ou prétendus tels. 
Le concert des réclamations fut entendu parles puissances d'Europe, 
mais toutes voulaient intervenir îi la fois, de peur que l'une cm 
l'autre d'entre elles ml trop avantagée lors de la distribution des 
prises. Ce que l'on appela la <> guerre » parut d'autant, plus horrible 
qu'il n'y eut point de résistance : ce ne fat que massacre et pillage; 
tous s'y complaisaient d'abord et se félicitaient mutuellement de leurs 
crimes, puis, lorsque l'Europe s'en étonna, meurtrier* cl pillards se 
lavèrent les mains, accusant leurs alliés : Français, Anglais, Russes, 



LES ARMÉES EUROPÉENNES EN GHIHE »79 

\H mands, Américains, Japonais, rejetèrent les uns sur le* autre» 

M* 470. La Ohtnt et tes Puissance*. 



101*30' 



111*30* 



121*30' 




V 



bngkong 




101*30' E. de Gr. 



IMW 



12I«S0* 



i: 20 000 000 

lT 200 """'Ijilï ' 



TîooKil. 



Depuis 1895, I*urt 'Arthur fut successivement occupé par le Japon, î par ;la Russie et a 
nouveau parle Japon. Forniûse «st restée aux mains des Japonais. La Clrando Uretagne est, 
depuis 1841, installée à Hong-Kong, <lout le domaine a été récemment «grandi i la Chine lui 
a aussi codé Weï-haMveï. Kiao-tclwu w\ une possession allemande et la baie de Kwung* 
Tclieu une possession française» A Chang-hai, toutes le* puissances ont des concessions 
territoriales. 

I,es„ pointa ronds indiquent les portes ouvertes au commerce étranger, 



l'oJTrovahlt' tuerie, tout en «Tlurunnl d'amples indemnités pour l'cutivit* 



a8o l'homme et la tkare. — internationales 

accomplie. En outre, ils demandèrent des châtiment» pour leurs ad ver- 
Bâfres. L'Egliso chrétienne en fit autant, comme pour témoigner avec 
éclat de la part qu'elle avait prise dans la guerre d'extermination et de 
butin : on vit dans les chapelle» des tètes de décapités exposées a ta 
gloire du Dieu vengeur et de bbb missionnaires fidèles V 

Quoique les puissances d'Europe unies au Japon s'occupent avec zèle 
de mordiller le pourtour de la Chine, l'empire est trop vaste t*l 
sa population, recensée en 1901 au chiffre de /i»5 militons d'individus, 
représente une part trop considérable de l'humanité policée pour que les 
ussaillants n'aient pas rcronnu l'impossibilité de partager immédiate- 
ment la Chine : on a renvoyé à plus tard cette œuvre formidable de dé 
pècement de l'empire chinois suivant un tracé largement compris dit 
« sphères d'influences », ou plutôt on s'en est remis îk tu bonne pmvi 
dence qui protège les habiles dans la répartition du butin, 

1^8 Etats Unis d'Amérique, rivuux de la Hussic duns la prétention 
d'être la première parmi les grandes puissances du monde moderne, ne 
prirent qu'une part secondaire dans les affaires de Chine: ils avaient 
ailleurs des intérêts plus puissants, bu « doctrine de Monroe" » , qu'ils 
opposaient Aprement aux gouvernements européens dans les questions 
politiques relatives au Nouveau Monde, aurait du logiquement leur inter 
dire toute immixtion dans les débuts se rapportant à des pays ou à des 
parages non américains. Mais il n'en fut pas ainsi : la conscience de sa 
force accroissait l'ambition de la république américai ne, et le» autres Etats 
la virent prendre part au partage des lies Océaniennes, Elle disputa l'or 
chipel de Samoa aux Allemands et aux Angluis, pour ganter finalement 
l'une dcB îles, et s'emparer de tout le groupe havaïien, plus rapproché de 
ses rivages. En réalité, cette dernière acquisition n'était, sous forme 
politique, qu'une affaire commerciale: des planteur* américains et du ces 
missionnaires religieux que l'on rencontre dans toutes les affaires de cap- 
lation avaient graduellement monopolisé et mis eu culture les bonnes 
terres de l'archipel pour la production de la canne à sucre. Des 
engagés, importés des Avoirs, des lies Océaniennes, de la Chine, du 
Japon, remplaçaient sur ces champs tes indigènes voués au dépérissement 
et à la mort, et ies récoltes, fort abondantes, purent bientôt, grâce à l'an- 
nexion, bénéficier de la libre importation dans les Etats- fuis. C'était. 

1, Nw-York Herald, 18 aopt. 1900. 



r.UKRMK Il (SPA NO- AMÉRICAINE uHl 

en infraction ù tii doctrine traditionnelle, lu couUmtulinn de I ntictaiiiic 
politique dus l'SfttivutfUtes. 

Puis éclata la guerre hispano •aiuuriuaiiu!, dans laquelle le #uuvoriic- 
iitetil espagunl s'était ttitsst** entraîner pur sou obstination folle ù conti- 
nuer l'oppression économique el politique du <!uba : un peu de sagesse, 
un semblant fie justice, quelques sentimenU d'équité cuisent luit des 
Cubains, à bon droit méfiants do leurs voisins, les \ankees, d'ardents 




ci. Kttira, Mit. 



ON COIN DU PORT DK UX ttAVAHB 



patriotes easlHIans. Mais il est rare qui; les maîtres saehettt «e modérer: 
ils vont jusqu'aux extrêmes limites de leur pouvoir el leutenl le destin ; 
letirenUMement, qu'ils appellent l'honneur, le veut ainsi. L'Kspagae mur- 
clia doue couseiemmeut au-devant de sa ruine, en laissant le beau rôle 
i\u\ politiciens des Klals-l nis, qui, naturellement, curent lu prétention 
d'intervenir au nom de la justieecl de l'humanité. Les ultimes agissements 
de la soldatesque espagnole dans la malheureuse Cuba, où, avec quel 
ques intermittences, la lutte durait depuis à peu près quuranic ans, 
furent véritablement horribles ; jamais les procédés de guerre n'avaient 



V 



15 



aSa L* HOMME KT I.A TKHRR. — INTKRN\tIONAL«« 

ruusé de plus grands désastres dans la colonie. Le recensement de 1887 
ayant indiqué une population insulaire de 1762000 individus, celui 
qui, plus de dix années après, suivit ia retraite des garnisons espagnole»* 
donna un total moindre de a6y 000 personnes. Les patriotes de l'Ile 
purent croire que ces pertes seraient lu rançon de leur liberté et que les 
Ktats-Uuis tiendraient leur promesse de respecter lu parfaite autono- 
mie des Cubains, libéré* par Les urines de la République américaine, 
grande et généreuse. tit eu effet, officiel Irmcnl. depuis igmi, Cuba u 
rang de puissance indépendante, possédant sun président de la Répu- 
blique, son vice-président et deux Chambres élues, mais ce sont là des 
(jetions qui ne trompent personne: h tous les points de vue, cl surtout 
économiquement, lu grande Ile fuit jMirlie du domaine de lu haute 
finance américaine. Main la guerre présentait d'autres enjeux, la riche 
AntiUe, Puerto Rico, et là bas, dans les mers de Chine, le vaste archipel 
des Philippines 1 

L'extrême disproportion des forées entre les vaisseaux ainérieatus et 
tus Hottes espagnoles, au matériel usé, à l'artillerie surannée, donna au\ 
péripéties do la guerre, aux Philippines et dans les eaux antiilieiines, un 
aspect thcAlral bien propre à frapper l'imagination des simples et ù sus 
citer l 'enthousiasme enfantin du peuple vainqueur. Le délilé circulaire 
des vaisseaux de l'amiral Dewey, passuul successivement devant la Hotte 
espagnole, dans la baie de Manilla, el, en moins d'une heure, la trans- 
formant en un immense brasier; les navires de l'amiral Ccnara s'éehap 
pant l'un après l'autre de l'étroit goulet de Santiago, et allant, sans 
combattre, s'échouer d'écueil en écueil tout te long de la côte, ce furent 
là des tableaux puissamment tragiques dont s'em punirent immédiatement 
les journalistes, les romunciers, les acteurs et les rime-un», exaltant jus- 
qu'au délire le patriotisme des politiciens d'Amérique, taiir langage 
avait subitement changé et, dans les assemblées, on cessa de célébrer 
l'émancipation des peuples sur le mode lyrique pour ne plus s'occuper 
que de conquête et de butin : comme les courtisans de Napoléon avant 
la campagne de Russie, ceux des u héros » américains ne parlaient plus 
quedes » plis frémissants du drapeau » et du « vol de l'aigle aux ailes 
déployées ■. Mais, chose plus grave, la République se laissa coin ploiement 
infecter par l'exemple de toutes les brutalités antiques, 

U est vrai que la conquête violente est inconciliable avec la Consti 
tution, mais, cette Constitution, que l'on affecte de continuer à vénérer 



OCCUPATION IJES PHtUPPINKS 



«83 



religieusement, manque de IVîtuKlU'iUS nécessaire pour qu'on puisse y con- 
former lu politique n incrimine, ff ni se développe et se modifie avec le 
temps, soi! eu bien soi) eu mal. suivant les impulsions du peuple lui- 
même. D'ailleurs, lu Cour suprême* qui o»\ le grand interprète de la Con- 
stitution, u décidé à plusieurs reprise* que lu volonté du Congres eut 
supérieure h cette Constitution. \u début tle ta guerre d'indépendance, 
le paiement des laves par les colonies non représentées au parlement 
de Westminster leur sembla IL l'injustice pur excellence, et, plus d'un 




Cf. I*. tailler, 
r.vK Hv.ksH u'ftvtcriox kh iklaniuï (Voir page 284), 

Sons la direction dfl la police, l«* fermier «*sl oxptilsé et la maison est rtmduo indubitable. 

siècle après, ces mêmes colonies devenues la Hcpublwjttc uord-ame- 
rieaiiic. trouvent parfaitement juste d'imposer des droits de diverses 
natures auv populations de Puerto -Hieo, sans qu'il soit nécessaire de 
les euiisiilter 1 . 

Kl malgré Constitution et doctrine \Ionroe\ l'Amérique de Washington 
-e croit l'ondée ji garder tes Philippines en possession collective et 
procède a roecupalion de ws îles pur des moyens empruntés aux prn- 



t. Darlas H. Pingrey, The forum* net. 1900. 
V 



15* 



«8$ J/IIUM.MK KT i..\ TKHKK. — 1NTKHN ATloNAl.KS 

tiques do rexlerminalcur hébreux Josiié et du lurlureur Torqueinada. 
Dans tes temps modernes, pourtant féconds eu horribles représailles. ; 

comme tous les Ages do l'humanité oscillant du bien tut mal, il est peu 
d'incidents aussi abominables que l'ordre militaire du généra! Smith, eon- 
diiuiitiiiil à mnrl tous les mules de l'Ile Snuiar. àp's do plus de tlk ans ! 

\insj. au commencement du xin^ticiue siècle, la i*é|»iiliii<|ti(* nord 
américaine s'est jointe aux autres grandes puissances dans !;i liiste soit s 

ilurilt' 1 de la politique ujfivssm 1 . créatrice do mésintelligences iuter * 

nationales, cl s'accoutume à l'idée do jifuerros nouvelles. Kl |hmii*IuiiL 
l'ensemble des peuples civilisés est actuellement réparti d'une manière ' 

assez él 11 >ile sur le «rlnhc rapetissé pour qu'il subisse les mêmes ébranle ' 

meiits, participe au\ mêmes mnuwmcuts d'opinion cl tende à s'udmi 
nistrer d'après des principes communs, Contrairement à cotte tendance, 
tuais s'y soumclluul on apparence 1 puisqu'on ne parle plus du « concert 
européen » mais du concert mondial, les divers grands Klals, ol)éis- 
sttnl à leurs traditious de rivalité cl de lutine, continuent leur au i 

cicuuc politique (te conquête et d*unnc\iou. de privilèges et de mo 
uopulcs, cherchent même à dresser des murailles de Chine le loujj do 
leurs l'roittières et n'abdiquent uullenieul le \ieuv droit d'opprcsMou cl i 

de massacre sur leurs sujets. On u vu lu Porte l'aire tuer méthodique i 

ment plus de .'iuii oou Vruiéuietis. dont elle redoutait l'intelligence < 

liùli\i' et l'esprit trop ulVrauchi: on a \n lu Hussie assister cnm- 
plnisaïunionl à ces horreurs, les faciliter menu*, peut être parce (pie ses ■ 

régiments n'auraient aucune peine ducs un avenir prochain à occuper 
une (erre sans habitants suspects d'esprit rcxntulinnmiirc; on voit etiliu 
chaque jj;ou\ornein"ul se réserver tic continuer chez. lui. selon les 
circonstances, des agissements de toute nature, si blâmés qu'il* soient 
par l'opinion du nrmdi' entier. Cependant, au dessus de ces nations et 
de ceux qui les régissent, apparaît déjà, cl de plus eu plus uelle. une iuia^e 
plus jurande, celle du j»cmv humain se coiislUtuiut eu organisme unitaire. 
N'est -n« pas di'jà un l'ail d'importance capitale dans l'histoire (pic 
preque lotdes les nations policées de la Terre se soienl associées en 
« Union postale l uherselle » pour le transport, à Irnxcrs les eonti » 

ncuts et les mers, des lettres et documents écrits, dos imprimés et 
papiers d'à IV; lires uussi hicu que des échantillons do commerce, colin 
pour le paiement de petites sommes d'argent, cl cela pour un prix 



t 



SYNDICAT »RH NATIONS 



Ï*X5 



inliiimo. tléterminé d'avance suivant un Inrir uniforme ? Depuis 
lumu'C 1W7Ô. li» service fonctionne d'une manière irréprochable saiis 
que les tlivers Htnt»* aient ù s'en occuper autrement que pour fournir 
ù l'entreprise uui\ersclle le» matériel nécessaire auv e\pédi lions et pour 
toucher I» part des recettes qui leur revient d'après les comptes géné- 
raux. Chaque année, quelque nouvelle facilité, quelque réduction tl 
taxe est <<ciiiscmiLm" aux intéressés, chaque année ITitio» postale em- 
brasse quelque nouveau pays clans sa ligue qui eoiupreiul déjà plus d'un 
milliard d'hommes, et le mouvement prodigieux de ses amures s'accroît 



e 



N° 471, Union postale universelle, 




ùmetxts ftomat&ftxtpftiyue 



1:325000000 



l. - .i. j ma= . ^ i . t .. 



W00 



I0OM 



isowhil, 



bu JW7. la Umw, l* AlyMinie, le Maroc* l'Afghanistan, lo Népal, le Bhulau et le MiMaiinL 
d Oman ne font pas encore oMdellement partie de l'union postale tinivanteJJe. En Chine, un 
service indépendant se rallat'he a l'union universelle et il n'en coûta que 25 centimes pour 
expédier une lettre de l'Burope en n'importe quelle grande ville chinoise. 

U «rise «erré recouvra lw différentes partie» de J'empire britannique entra Iwqucllvs le 
port de* lettres n'est que d« 10 centimes par 15 grammes. Les territoires latot's en Marie 
sont ceux ou, par suite du manque d'habitants, le service n'est pas orjïûnisi'-, 

dans des proportions imprévues. Pour eelte immense h nie d'araignée 
étendant ses (ils en réseau v sur toute la surface terraqnée, on a choisi 
comme centre ta ville de lierw, humble «capitale qui ne porte ombrage 
tu aux Londres, ni uti\ Paris, ni aux Chicago. 

Kt depuis lu réussite de celte belle ceuvre mondiale, beaucoup 
d'autres ont été lancées avec le même succès par I*îiii1i»(i\ c* des huit 



»8t) l'JIOMMK KT LA TKHRE. INTERNATIONALES 

vidu* et tics fzrotipesnuYqiirl» les gouvernements, contraints par la force 
«le l'opinion ]>ublic|itts ont du fournir des moyens d'exécution. C'est ainsi 
que tas marin* tic loules tas nations échangent les nouvelles pur clou 
signaux comprisse tous, C'est ainsi que les contagions, peste ou choléra, 
sonl arréléesau lioud uritfine. et que l'étui fin barotuctiWqanUétagraphié 
dohsenaloire «n observatoire, oit dresse. «'Inique jour depuis 18&I, 
la curie des prenions atmosphériques, base de toute prévision 
du temps. Kl ca tic «ont lu ipic d'insi^uiliauls résultats de l'entaille 
mondiale eu comparaison de ceux que (mit de philanthropes itltcmlent 
de l'a rhil rage! Il est vrai que. pour le moment, ils x*\ prcnnenl fort 
umL s'enlendant pour choisir comme arbitres les personnages dont 
l'objectif est directement oppose à celui des nations, les maîtres qui 
vivent en parasites de la moelle du peuple et dont l'intérêt immédiat 
est de le tenir en esclavage. Lorsque la conférence de La Haye se réunit 
en iSt|i|. 1rs inspirateurs de ce Congrès inlernulionul avaient cru 
témoigner d'une» habileté géniale en faisant lancer les invilnlions par 
le hnv, celui do Ions les humilies qui. par le litre et rîlliision des 
pamrcs d'esprit, se rapproche le plus de ta majesté divine. On 
s'iinayina béalcmenl (pie la paix uuiu'rvelle uviiil grande chance 
de se réaliser parmi les peuples puisque l'empereur de Imitas les 
Hu^ies se déchirait partisan de la eoneiliution universelle. Mais au 
mmneul mémo où le Isar convoquai! tas délégués des puissances a se 
réunir sons su grande ombre, il appelait sous les armes de nouvelle» 
force* militaires, décrétai! l'accroissement de sa flotte et le re« force- 
ment de sou artillerie. Kn même temps, comme pour rassurer les Kutls 
conquérants en appétit d'annexions, on se «farda bien d'appeler à la 
réunion les représentants des peuples menacés : les envoyés des 
république* sud africaines, auxquelles rVnglrlerre faisait abus une 
guerre indique, ne lurent point admis ; de plus, pnr « convenance 
internationale ■», te représentant de Dieu sur la terre, celui dont 
la mission est de prêcher la paix parmi les boni mes, fui oublié de la 
lista des invitations. La conférence de La Haye, eu dépit de sou illustre 
patronage, ne fut dune qu'une comédie politique, cl puurtnitL il ne 
faut pus moins la considérer comme un signe des temps, car, si 
l'opinion des liiumiu** qui pensent n'avait conclu à la nécessité de subs- 
tituer l'arbitrage à toutes tas violences de la pierre, on ne se serai! pas 
mis en peine pour fui donner le change. 



i:(»NKfcHKM:K l)K LA HAVK H^7 

(jnui qu'il uit suit. t a u|i|utriti«»ti de vt*Ht? nouvelle amphictYonic des 
peupîease i mu d Teste de plus en pins, malgré les intérêts prives, eYehisirs, 
des divers Etats qui voudraient maîulciur leur isolement julou\ cl qui, 
ou dépil tlVux inclues, soûl obligés de se eousltluer un nu syndical 
général, hc tln'ïVt i'f s'élargit, puisqu'il embrasse maintenant l'ensemble 
des (erres cl des mors, mais les forces qui (''latent en tulle (tans chaque 
Klul particulier sou! également celles (|ui se coinhullenl pur toute tu 
TtTtv. (vu chaque pa\s, le Capital cherche à maîtriser tes tni\iillUuirs 
de même sur te grand marché du monde, le Capital, accru démesurément, 
insoucieux de Imites les uiieiciiues frontières, leule de Taire teuvrer à 
sou pmlil lit masse des producteurs e( à s'assurer Ions tes eoiisom 
uni leurs du globe, sauvages et barbares aussi bien que civilisés. 
Déjà l'on a vu des ordres de bourse déterminer l'envoi d'une escadre, 
quand le ministère français lit occuper Mils tune pour récupérer une 
créance usuruire, el tel le guerre, celle de la Grèce contre la Turquie, en 
|H;)7, fat telletueul mélangée de spéeulaliotis sur les fonds olloiuaus 
que Ton put se demander jusqu'à quel point les husIHilés étaient 
sérieuses el servaient à cacher, sous la comédie des batailles et des 
canonnades, le jeu plus passionna ni de la hausse et de la baisse. t'Aident- 
ment, fout avait été machiné d'autnee: ou s'ui rangea pour donner ta 
victoire au\ gros bataillons de la Turquie et pour assurer à la petite 
(ireee la possession, du moins médiatisée, de l'île de Crète, qui clail 
l'enjeu de la guerre. 

Actuellement, la toute puissance du Capital el sou earaelêre inler 
national sunl des phénomènes si bien établis (pu 1 l'on parle (oui simple 
ment, comme d'un fail acquis, de ta substitution prochaine des banques 
uuk gouvernements pour l;i gérance île l'administration ainsi que des 
entreprises de la pni\ cl de la guerre. D'ailleurs, puisqu'elles gèrent 
déjà direelemenl — quoique sous nu nom supposé — les milliards 
du budget, m* gèrent elles pus aussi indircetemeni loulcs les affaires de 
l'Kliil ? Kl, par cela même, les diverses iudividuatilés politiques ne 
prennent elles pas un earaelêre de plus tut plus international sous la 
direction du syndicat, qui peut avoir intérêt hinliU à exalter, tantôt h 
humilier tel ou let pantin de la comédie politique cl qui voit dans les 
initions Hiitiuil de chiffres à inscrire, suivant les besoins du moment, à 
Icllc ou telle colonne du grand livre) 1 Kl pourtant, si effroyablement 
puissants que soient devenus ces groupes do commanditaires qui se dis 



■>NK 



I. HUMMK KT I.A TERRE. — INTKHXATtON AI.ES 



piitcnt les trésors du momie, ils ne sont pns encore Us nudlres; ehuquc 
jour voit ilefcs iotillits se produire entre eux cl les multitudes do travail - 
leurs qu'il* emploient. C'est que tu roiilruriirlum économique est absolut? 
entre le Capital et le Travail. Tattilis que le premier a pour lenduneo 
naturelle de réduire en eselu va jre tous renv qui peinent à sou service 
le second m» peut que pih'iclilcr. s'avilir, sombrer dans lu busse routine 
s'il n'est lilnv, s|Mmlaué. joncux, créaleur de forée personnelle et oViui- 
liulhc. l,u eoiieititttion de ces deux coulruires, quudrulurc du eorele que 
cherchent <le bonne* Ames, csl impossible, mais, n chaque nouvelle 
Itilte. le résultai donne lieu à des transactions temporaires qui, s'il v a 
progrès, se rapprochent yruduellemcnl de la justice, eomporlant la libre 
piirtieipaliou de tous les hommes au Irtmiil. a ses proituitsel mt v nier 
\ ci Iles ipi'il découvre. 

Tel esl l'idéal de la société. Ktudious Télal actuel des choses pour 
soir si. dans sa marche aujourd'hui si rapide. l'Iiumuiiilé se mcol dans 
la direction \oiiluc, 



.<*** 







LIVRE QUATRIÈME 



HISTOIRE CONTEMPORAINE 

I 

Peuplement de la Terre, — Les Villes et les Campagnes 

Latins et Germains. — Russes et Asiatiques 

L'Angleterre et son cortège 

Le Nouveau Monde et l'Océanle, — L'État moderne 

La Culture et la Propriété, — L'Industrie et le Commerce 

La Religion et la Science. — Éducation.— Progrés 



Uvra QMBtmiêrE 











JJNf&WONm 




U Ji n A à t e * racer "»* frontière politique sur te crête 
cls awu&anêe P ° Ur * xbm886r i"*%««ne»t 



CHAPITRE I 



CONNAISSANCE SCIENTIFIQUE DE U PLANÈTE. — BÊCHONS Pftl nimc 

PATR JpT , ? A J E ET A «AINES NATIONALES. — FRONTIÈRES ÛITFS NATl!l»:i i ce 
NATIONALITÉS. » GANGLIONS MONDIAUX 1 ~ RACES SWWwffi 

i)u moins* les progrès de l'Iiomme <l«ns la connaissance do su 
demain. sonl-il» ia«inloBtahlc«. Aux origines do l'histoire, l'horizon 
entourant dinquo peuplade lui paraissait la borne dn monde, de tous les 
•■AI* file était assise par l'inconnu. Uatntemmi la scient de l«m* pro- 
file à chacun. Il n'es! pas un homme d'instruction moyenucqui n'ait la 
sensation de vivre sur une boule terrestre dont il pourrait foire I«. tour 
sans avoir ù lutter contre des monstres et sans rencontrer de prouves. 

Dunmt le dix-neuvième siècle, les traits principaux de lu plamMc 
^»dre ira cercles polaires ont été thés «U'dhiilivement; les m videra se 



'M)\ l/llOMHB ET LA TERHE. — J*t:t'l'l,K.MK.NT )>K I.A TKHHK 

Boni pou à peu dissipés ' les voyugours africain* ont Uni par débrouiller 
techeveau des rivières uilotiques, mii^ohti^» et /umbéziques et ont 
décotiverl les exutoires rie» grands lacs vers les bassins fluviaux; le 
rattachement tin TsangJm a» Bndimaptilra « élé éeluirci à son tour, et 
nombre d'autres questions moins importantes «ont élucidées. Bref, îl 
est maintenant possible (te présenter tut tableau à peu près eohcrenl de 
lu terre limitée aux cinq continents, muis un est encore loin de posséder 
des curies à grande échelle de Ions les pu\s habités. L'Kurope. de la 
rihlamic au l'orttigal. de l'Hcosse à la Mer Noire, l'Afrique septentrio- 
nale. d'Oniri à la Mer Houge, l'Inde, lu plus grande partie des Klitls 
I ri i s ont leur dossier constitué par ries carte* lopographiques. cl i I es 
tl etat-niujor. où les détails complets du modelé cl des eaux. Us forets, 
les rul I lires el les habitations humaines ont été représentés: maisque de 
lacunes dans les earles d'autres pays! Les alla* eu eours de publication, 
tels ceux de Slieler et de Vivien de Salut Martin, ijui dessinent les pu) s 
autres que eeuv d'Kurope à des échelles variant du .*i au Soooooo* de 
lu grandeur véritable, nul souvent de la difficulté a remplir les 
mailles du réseau de triungulation: ù défaut de renseignements précis, 
le cartographe est forcé d'interpréter les documents qu'il possède. Le 
projet de Penek de dresser une tlgurution du monde à l'échelle uniforme 
du millionième ne pourrait être encore mis a exécution pour le Tibet, 
l'Amazonie, le Sahara el la l'npouasio sans de grondes taches blanches, 
mais celle eurte se fera, comme se feront aussi plus lard lis relevés 
précis constituant les cartes to|K>graphique.s, car il ne se passe pas de 
jours que cet inventaire des formes de la superlicie terrestre ne 
s'accroisse de noimtiix détails et ne se dessine mee plus de rigueur, 

Mais il reste à cou uni Ire les deux calottes polaires, défendues pur les 
banquises cl les mura de glaces. Dans la zone boréale, l'espace non 
parcouru n'était plus, cm iuo.'l, que de ISjjNoouo kilomMres carrés \ 
soit environ la lu* 1 ' partie de la superlicie terrestre, une Ibis et demie 
la surface de la Méditerranée, el les explorations polaires se succèdent 
si rapidement de nos jours qu'on peut s'attendre ebacpie année à une 
extension notable des itinéraires dans ta direction ilti pôle. 

Dans les parages de la zone polaire australe, c'est à-dire vers l'Antarc- 
tide, la surface du vide à conquérir par les explorateurs est beaucoup 

t. Olinlo .Nfarinelli, Hivista giogr, JtaL t april 1 903, p. 194. 



TKRRITOIRK» f»Kt« CONNUS 'A\fi 

plus \ttstt-. i?t moins nettement délimitée : on pou! l'évoluer nrhiplleinetil 
N* 472. Etude progressive du globe : Papouasie et Vallée du Danube. 






Htf 



**Èf , Ê6"L*JSud. 




w$* E.de Gr. 



!M«*0' 



i : 1000000 

— — irana-j-ri-fr- s 
10 26 



esoKil. 



I.e ri'lcvê de ces deux rhières de Nouvelle -OiuiU'e (ou l'upouasiej, aboutissant n la 
côte sud-occidentale, a été effectué en octobre 1906 pur J. II. Ilundiu* van Herwerdeii. 
Les lignes pointiltée& indiquent des directions de sommets lointain». Les rivières «ont nuvi* 
cables pour les bateaux calant trois mètres jusqu'aux traits transversaux. 

V. «, i Village abandonna; Vill : village occupé on 1906. 

à *to millions de kilomètres carrés, ce qui représente une surface équiva* 
huit auv deux Hors de celle de l'Afrique. 

Il y a la quelque chose d'humiliant pour le génie de l'homme, et la 



aijl» l/flOMMK KT LA TKItltK. PKI l'LKMKNT 1>K LA TKRBK 

compétition qui s'est produite entre savants, Neiges, Aurais, Français» 

■ 

ticotsai*. Allemands, Vorvâa/iens, en vue de forcer tes banquise* 

N 473. Région polaire arctique. 




1: 40 000 000 



r _.,_ r , ajr ...„ w 



" ,r iïooKil. 



AKirriUE : 

A. Cagui, 25 avril iwu, h;. 86*84'. 
C. Peaty, 21 avril t'JOS. lut. 84*17*. ' 
Antahcjtioeî 

A. SeatU 21 décembre ï'JOJ, kl. 82°17\ 
B'. #r««\ 13 mar-î l'Jfli, lat. JW, 
C\ f.W, jimvhtr 1774. lai. 7|»10\ 



B. A'anwji, 7 avril 18ï»5, Int. 8G«14\ 
D. 0* /-o/i/T,a4 juin 1H81, lat. 77"42\ 

B. We'delt, 20 février 1823, lat. 74»I5\ 

Ct />* GrHudu!, 23 mars 1898, lut. 7I«3G\ 

D. hclhn$tlwuwni t&v. 1820, lut. G9° unvirutu 



Us deux carks n" 473 et n» 474 sont dressées* la même felnllo. 

méridionales, prouve que rtiotntm* a ressenli eomme une lilessure 
d'amour propre a n'avoir, pour ainsi dire, qu'é#ru lijrné sur quelques 



t. Di'puls, K» 21 Avril 190«, il iwt jiArvmiu un plus prix du pôle, ii «;«iï\ 



KKUNJNB t'ULAIRKS 



-*[): 



points le pourtour du continent présuma. Il est vrai que Ion voyages de 
pénétration faits dans ce ruvuume des neigrc» et drs gliiras où nul nu 

N° 474. Région polaire «ntarotlque. 




W* 



ito»+ 



.+ 



, O 

\T.duftoi 

{Edouard 

Ôt 



, 0*< 



p.* 



6- 



0+ 



r +AH6Q0 



< Terre u 

VJteJfejiy *V 



\ 



'"©«I 



»' 



90* 

* 

A * 
76° 






M» 



> 



T,é'£fKferbyj 




rompu* trouver des frères en hunmnia'\ où l'on n'a encore rencontré 
jusque muintentuilni mammifère, ni reptile — seulemen Ides pingouins. 



ti( J 



s 



1,'llOM.MK KT I.A TKRRE. 



PKL'I'LKHKNT IlE LA TKHHK 



des poissons et un insecte —, il est vrai que ces voyages ne sont pua com- 
parable* en intérêt d'utilité immédiate u ceux qu'on entreprend en terres 
populeuse» et fertiles, mai» il suffit que ces terre» el ces eaux antarctiques 
soient inconnue», et qu'elle» soient des plus dangereuse» à tenter, comme 
si lu mort en défendait l'entrée, pour (pie l'homme veuille les parcourir, 
on connaître la forme, l'aspect el Imites les conditions physiques. 
L'homme veut explorer jusqu'à la dernière roche de son dormi i ne ter- 

raqué. Kl pourtant, 
l'illustre navigateur 
Cook, ayant, comme 
il arrive souvent aux 
grands hommes, vou- 
lu fixer des limites 
a lu postérité, pré- 
tendait que jamais 
aucun marin ne voya- 
gerait sous des lati- 
tudes plus rappro- 
chées du pôle cpi'il 
ne l'avait fit II lui- 
même (177^). Décou- 
ragés par cette prophétie, bien rares se firent les voyageurs osunl se 
hasarder au delà des premières citadelles flulluutcs détachées des gla- 
ciers du sud. Les explorations polaires antarctiques ne iccom menée rent 
que dans la troisième décade du dix neuvième siècle, en môme lernps 
cpie se produisait une nouvelle poussée vers le Nord; puis, après la 
découverte de la Terre de \icloria, de ses hauts volcans et de la grande 
falaise de giuce que l'on crut infranchissable, les tentatives cessèrent de 
nouveau. Muis la volonté humaine est incompressible. Les voyages 
polaires anlaretiques ont repris avec le vingtième siècle. Le premier 
hivernage dans les banquises australes se fit a\ec Adrien de (ierlaclie 
(été de iHpK), puis les marins de la Étiscuvery osèrent «ravir le volcan 
Terror et pousser au sud à travers les neiges sur les plateaux du conti- 
nent de glaee ( iuoy-ii)o.T|. 

Kl la curiosité des contours extérieurs n'est pas lu seule qui ultime 
(habitant de la Terre, il veut aussi pénétrer sous l'écorce, en savoir la 
composition, en étudier la vie. L'muvre de réaction qui a poussé 




cl. Huudiut van Hewwten. 
CXK FÎHOOCB Sl*B I.A NOOKD'KIVIKK, SOIÏVBM.R-CIIMKÉK 



RXPL0RATEUR8 \ l'OUVRAOE 



»99 



l'homme a triompher de l'espace auquel U était primitivement asservi et 
h se déplacer ù volonté vers n'importe quel point de ta planète l*a porté 
tacitement à maîtriser toutes les conditions du milieu, natif ou de mon 
choix, d'abord pour te» connaître, puis* pour le» modifier à «un |rré. 
Après avoir reconnu les Ibrmos et mesure les dimensions de sou habitai, 
il a fouille" le sol, soruté les assises, jiounuivi les veines de sable, d'argile 




Cl Âm d» ttartech* 
LA B8UOJ0A MUS* DAffS US ClbAOSS 08 L*ÀNTA&OTIQ178 
Photographie prisa au olutr de la luae. 

on de charbon, le» filets d'eau ou de métal» comparé le» lorrains entre 
eux, découvert leur âge et leur rapport do succession : il est devenu géo- 
logue, et ces mômes cartes qu'il a su faire pour indiquer les positions 
respectives de tous les traits de la surface terrestre, il les a reprises pour 
y indiquer ta superposition des strates ainsi que leur usage dans ses tra- 
vaux. Tandis que des travailleurs explorent ainsi la Terre, d'autres par- 
, courent les fleuves, les lacs cl les mers : ils en étudient la température, 
la salinité, les courants, la houle, tes abîmes, les tourbillons ; ils en si- 
gnalent les dangers, découvrent les moyens de les éviter. D'autres 



.'too l/HOMMK KT I.A TKHKK. — PKUPMtMfïNT t>K l.\ TKMHK 

cvplorcnt les gouffres de Ion, lu» laves t*t 'ti*s cratères, lundis que d'autres 
encore sondent l'espace aérien et en étudient les phénomènes jusque 
pur delà les confins de l'air respirante, à trots fois ta hauteur des plus 
hautes montagnes. Puis l'homme » voulu Hier la géologie à la géogra- 
phie par l'histoire, trouver te pourquoi el le comment de chaque trait du 
sol, reconstituer l'évolution graduelle de chaque modelé et, ainsi (pic 
rétudiuut passe de l'anutomie à la physiologie, il Tant désormais qui; le 
géographe considère le globe terrestre comme un être vivant dont les 
organe» se modifient incessamment. 

ICI que de recherches annexes, de sciences spéciales se rattachent ù 
ces ordres primaires d'études dans le grand dotnuiue du genre humain ! 
Ut n'est pas seulement par milliers, c'est par taillions, pour être juste 
envers tous les humbles, que l'on doit compter les collaborateurs de 
l'uiuvra immense : la connaissance el l'aménagement de ia planète. 

Relativement à la superficie de la terre habitable, le nombre «les 
homuicK est encore très minime, puisqu'il ne dépasse» guère un milliard 
el demi. On peut, suivant les métaphores des poêles, comparer les géné- 
rations humaines aux « sables des grèves » ou an\ << Ilots de' l'Océan d, 
mais ce sont là des exagérations singulières : en réalité, si tous les 
hommes se trouvaient distribués sar les continents à égale distance les 
uns des un 1res, chacun d'eux aurait pour domaine particulier l'espace fie 
neuf hectares, soit nuooo mètres carrés : à peine verrait il, à .'Ion mètres 
de lui dans toutes les directions, ses voisins les plus m p proches, Si, an 
contraire, on voulait réunir tous les hommes dans quelque grande plaine 
entourée d'au but amphithéâtre du montagnes, en donnant à chaque 
individu un m être carré d'espace, c'est-à-dire beaucoup plus que n'en 
ont les foules pressées dans les fêtes ou les réunions politiques, la super- 
ficie des terrains occupés par le gonre humain aurait une étendue de 
t Ooo kilomètres carrés, soit la 90 nuo* partie de la terre ferme. Ainsi 
Londres et su grande banlieue suffiraient pour donner place à tous les 
habitants actuels de la Terre ', 

Mais les hommes ne se concentrent pas tous en un point, ni ne s'es- 
pacent suivant les cases d'un échiquier couvrant la (erre, heur répar- 
tition est extrêmement irrégulière, obéissant à des lois aux multiples 

I, ttitltcUn d« la Saeivtt NeticHàteloiiù d$ gèographfo, tomu V, 1889-90, p. 122. 



RÉPARTITION DES HOMMES 



Soi 



facteur». Il semblerait que tu première condition eût èié de se procurer 
1» nourriture et quu, dans le cours des âge», le»» hommes dussent s'être 
tfni duel I ement rapprocha de ia zone tropicale, où, nous dit d« H nmboMt, 



N» 475. Londres et le genre humain. 




enoaks 

& — i_ 

IS' 



l-T-,- 



i; 500000 



10 



£0 



30 Kil. 



lœ liseré de hachure? limite London Police ÎHttrkU aussi appel* Grtater Londott, dont lu 
xujwrftciw est de 1787 kilomètres carrés ut qui renferme 7113561 habitante (1906). 

I.« wrole trac* uutmir dt« Ctturitig Cross nomme reiitw a 22800 mdtrw. du rayon H 
1 fftnmwOOO de nuMrts carré* du surface. 



quelques mètres carrés suffisent à nourrir l'habitant» puis finalement, se 
presser dans ces lerriloires d 'éternel printemps, où presqu'aucun tnivnil 
n'est nécessaire pour s'assurer l'existence. La vérité est Uiut autre : lais- 
sant de côté la question de savoir quelle fut l'origine de la mec humaine, 
ou des races humaines, il faut constater quïi aurune époque, les pays 
V 16 



3oa L'HOMME ET LA TERRE. — PEUPLKMENT DE LA TKRRK 

chaud» n'ont été habiles par une population plu» dense que 1rs autres 
contrées : actuellement lu fraction de l'hiimunitéqui vit dans ta ceinture 
cqtialorialc est bien inférieurtî ù ce que demandera il une répartition uni 
forme sur le globe. On peut même dire que» depuis deux mille année», 
it s'est opéré vers le Nord une sorte do mouvement de» groupements 
humains parvenu b ù former des nations policées. Si l'homme vit fie rien 
dans certaines parties de la zone tropicale, il n'y prospère pas, e! l'exis- 
tence purement vég (Hâtive ne le conduit pas h développer son intelli- 
gence cl h se rendre maître de la nature trop clémente qui l'environne. 
L'homme pullule, au contraire» dans les territoires réclamant de sa part 
un travail constant, d'où résulte une évolution graduelle de son Mm. 
Sauf quelques exceptions, ces « régions de l'effort » sont toutes situées 
dans la zone tempérée septentrionale. 

C'est ainsi que, besoin de travail ou mépris du climat, aucune contrée 
ne B'est trouvée trop froide pour l'existence de l'homme. Dans la zone 
où le sol est durci par de longs mois d'hiver, l'habitant primitif 
trouvait à vivre en «'adonnant ù la pêche ou à la chasse; maintenant, 
l'humanité a bu s'y procurer des provisions en abondance ; pur le 
vêtement, des demeures confortables et le combustible, ni le a créé 
un milieu nouveau, transportant en plein nord \v. climat du midi : 
n'ayant pas le soleil, elle en a du moins emmagasiné les forces et les 
utilise loin des contrées où elles agissent naturellement. On ne s'étonne 
plus de trouver de puissantes cités comme Pétcrsbourg a une si grande 
distance de l'équateur, sous le tio« degré de latitude, bien près de la ligne 
isothermique indiquant le point de glace pour la moyenne de la tempé- 
rature annuelle: plus d'un million de personnes se pressent dans cette 
ville de fondation a peine séculaire, construite en un sol alternativement 
boueux et gelé. Kn Sibérie, nombre de villes situées au nord du zéro 
isothermique se peuplent rapidement; des groupes d'habitations per- 
manentes se fondent chaque année dans la direction du pôle. Kn 1890, 
c'était vers le /jq* degré, sous lu même lutitude que la France, qu'on 
aurait trouvé, dans le Canada oriental, les dernières cultures et maisons 
dcsbluncs; mais là aussi, comme dans l'ancien monde, le peuplement 
se continue vers le cercle polaire. Bien n'empêche que la baie de lludson 
reçoive un collier de villes sur tout son pourtour et que des postes 
commerciaux, des sa na te» ires, des usines et des établissement» scienti- 
fiques se fondent dans l'archipel de l'Aret'idc. I,c* SpiUberga déjà ses 



ÉMltilUTlON HATiONNKLI,E M 

hôtels, ses uppontemcuU, ses commencements de roules; il aura peut- 
être un jour ses ttahylone et ses Alex a ml ne. 

La terre étant désormais ouverte à tous — du moins en principe, car 
l'homme m s'appartient pas encore —, il cal lolsibleà chuqueindividu, u 
unique groupe d'ami», de se laisser aller spontanément à la force d'appel 
que telle ou telle pnrlie de la lerre eveiee sur eux. Hien ne serait plus 
fucile, semblc-t-it, que de réaliser le vœu formule* par Hiehard Wagner 
d'organiser une < émigration rationnelle du genre humain vers les 
pays du Midi; mais 11 n'est pas dit que de la mobilité acquise mainte- 
nant par l'homme résulte le mouvement dont parle l'artiste. Les indi- 
vidus en bonne santé se font un idéal conforme au climat qui les a 
moulés; combien de fois a-l-on pu voir un Ecossais suffoquer de cua 
leur à coté d'un méridional à peine dégelé ! Tout ce qu'on peut prévoir, 
c'est qu'un avenir prochain saura utiliser les climats divers du globe 
pour parer aux défectuosités de l'organisme de chacun : l'enfant pourra 
être élevé à l'air vivifiant du Nord, le rhumatisant saura trouver un 
climat -sec, le nerveux aura toute facilité pour atteindre les altitudes 
élevées, le vieillard se réchauffera aux pays du soleil, 

Quoiqu'il en soit du désir de chaque homme isolé ou de tout grou- 
pement humain de changer d'habitat, le peuplement de la terre est re 
tenu dans son évolution par une série de phénomènes que la routine 
et la force d'antiques survivances influencent largement. La planète 
est découpée politiquement par un lacis de frontières qui divisent 
les diverses parties de la terre» déclarées propriété impériale» royale 
ou nationale. C'est toute une révolution de la pensée qu'il est néces- 
saire d'acromplir pour modifier a cet égard les conventions tradi- 
tionnelles. D'ailleurs il est d'autant plus facile de déraisonner, de se 
tromper et de tromper les autres en pareille matière que l'on imagine 
sous un inémi» mot des choses très différentes cl que, même, ou les 
emploie dans la conversation courante ou des sens très opposés, d'amour 
et de haine, de tendresse et de férocité. Tel est te mol de « patrie » qui 
signifie le lieu 011 l'on s'éveilla d'abord à la vie dans les liras de son père, 
et que Ion eom prend aussi comme le territoire fermé autour duquel il 
n'existe d'autres hommes que des ennemis. 

il est certain que, prise dans sa première acception, l'amour de la 
« patrie est légitime et normal. On aime naturellement le plus ce que 

V 16* 



I 



3o£ L*HOMME KT LA TERRE. — PEUPLEMENT DE LA TERRE 



fort connaît le mieux. Itien de plus conforme à révolution humaine. La ; 

communion d'amour créée par te travail fait chérir le sillon d'où l'on a j 

tiré sa nourriture, où Ton a peiné, où l'on a souffert, oft Ton a aussi 
trouvé, après les fatigues et les ennuis, la consolation et le repos. Cette 
terre, qui vous a donné naissance et vous a nourri, est également celle 
où se sont formées toutes los associations de la vie, où, après avoir sucé 
te lait do sa mère, on vil et on connut tous ses semblables, où Ton aima 
et où se fonda la famille, où, tous les instants, on savoura la caresse du 
langage que Ton comprend et du chant qui vous a fuit rire ou pleurer. (1 

Voilà de pures et nobles sources dérivant uniquement des conditions ; , 

normales de la vie. D'ailleurs on ne saurait s'étonner que choque groupe u 

humain, se croyant, sinon seul au monde du moins seul intéressant, M 

seul ù mériter le bonheur, donne une valeur exceptionnelle au coin de 
terre habité par lui, les autres régions lui semblant inférieures parce 
qu'elles ne lui appartiennent pas. En outre les contrées les plus popu- 
leuses, les « patries » les plus « illustres »se distinguant parmi toutes les 
autres par des avantages matériels évidents, leurs hubitunts sont natu- 
rellement portés à s'en faire un mérite collectif, comme si le sol du 
domaine national, plus noble que celui des autres pays, était une 
récompense spéciale due a ses résidants par le Destin. 

Cette illusion de propriétaire explique dans une certaine mesure 
ta prétention qu'a le pulriole d'aimer son pays d'un amour excessif, 
mais à cette cause il s'en joint aussi d'exécrables. Si l'on rencontre 
dans chaque nation des individu» qui travaillent a se débarrasser de tout 
préjugé, de toute impulsion irraisonnée, de toute idée purement tradi- 
tionnelle, la nation elle-même eu est encore dans son ensemble h la 
morale primitive de La force. Elle se piuU ù ravir, à tuer, a chanter 
victoire sur les cadavres étendus, tille se glorifie de tout le mal que ses 
ancêtres ont fuit à d'autres peuples; elle s'enthousiasme, s'affole à 
célébrer en vers, eu prose, en représentations triomphales toutes les 
abominations que les siens ont commises en pays étranger: elle invite 
même solennellement sou Dieu u prendre part à l'ivresse populaire. 
Elle ne se borne point à vanter les anciennes tueries, elle se plaît ù en 
préparer de nouvelles, non seulement contre les pays voisins mais, 
chose plus incompréhensible encore, contre des terres éloignées dont 
les habitants n'ont pas même entendu parler de leurs envahisseurs. 
A l'amour du sol et du parler natal que l'on vante toujours benot- 



PATRIOTISME LÉGITIME ET PATMOTISMK A.V10E 



3o5 



tentent comme la source du patriotisme, se mêlent donc l'avidité du 
pillage et ta haine de l'étranger pour faire éclore cette fleur hybride que 
l'on célèbre volontiers comme la plus belle 1 Pourtant les progrès moraux 
et intellectuels réalisés pendant le cours des générations ont dessillé 
bien des yeux ; plusieurs même commencent à comprendre combien 
cet égoïsme « ethnocentrique » est absurde chez les autres, mais ils ne 
veulent pas admettre qu'il soit aussi niais cbe?. eux-mêmes. Qui que nous 



fvi t.{i»-»*t 




17KB MAISON SUR hk 7B0NTIÀ&S A JtAl&UIH (SOBDJ 

D'après une photographie de M. UprSlre. 



soyons, nous vouions tous être le « peuple du Milieu », comme les 
Chinois. Si la « grande nation » française a répélé par les mille voix 
doses journuux qu'elle « marche h la têïe de la civilisation ■■, Hegel, que 
les Allemands ont bien voulu croire sur parole, afllrme que son peuple 
est ■< riucorporalion de l'esprit objectif «« ce qui se peut traduira par 
celte phrase plus simple, que» les Allemands sont les seul» a comprendre 
la vérité » \ 

N'csI-cc pas au même genre de manie qu'il faut attribuer l'insis- 
tance de mauvais goût avec laquelle les savants de divers pays af- 
fectent de parler de leurs Ira vaux comme appartenant ù la science 
« allemande », ù la science « française », sans comprendre que pareille 

i. Ludwig Oumplowicz, Sociale Sinne&iauschungcn, Noue Deutsche Rundschau, 
1896, 



3o6 l/lIOHMK ET LA TERJtE. — PEUPLEMENT DE LA TERHK 

Yanltô égale eu ridicule celle qu'on aurait a se targuer de la science 
» bourguignonne », « vaudoîsc » ou du Saliskummergut. 

Quel contraste avec le langage du nos ancêtres de 17&J! Keoutez 
Gondorcel parlant de l'établissement du système métrique: « L'Académie 
a cherché it exclure toute condition arbitraire, tout ce qui pouvait faire 
soupçonner l'influence d'un intérêt particulier h ta France ou d'une 
prétention nationale; elle a voulu en un mol que, si tes principes et les 
détail» de colle opération pouvaient passer seuls ù lu postérité, il fût 
impossible de deviner par quelle nation elle a été ordonnée et exécutée». 
Et le décret delà Constituante en 17*)'* reproduisait l'idée dans des termes 
semblables. A la même époque l'étendard du comte de Warwiok, pris 
pendant la guerre de Cent ans, en i.V-*7* fut brûlé pur la garde nationale 
de Montnrgis en respect de la fraternité des peuples. 

Le ïomï du débat sur l'idée de patrie et sur les problèmes politiques 
en général est de savoir s'il existe une morale collective différente de la 
morale individuelle; si la grossièreté refusée à l'homme isolé est bien- 
séante dans les groupes policés. La psychologie des foules est sans 
cloulo une science nouvelle, mais elle n'a jamais tenté de présenter 
comme louante ce que chaque jour on condamne dans l'individu, A 
défaut de quoi, rien qu'à vouloir se conformera la u morale chrétienne », 
on est bien forcé d'admettre la vérité de la remarque de Tolstoï :u S'il est 
honteux pour 1111 jeune homme de manifester grossièrement son 
égoïsme, soit eu ne laissant rien & manger aux autres, soit en bousculant 
les faibles qui lui barrent le chemin, soit en se servant de sa force 
pour les priver du nécessaire, il est tout aussi honteux de désirer ce 
qu'on appelle l'agrandissement île sa patrie, et, puisqu'on trouve sol 
et ridicule de faire son propre éloge, on devrait juger aussi solde faire 
l'éloge de son pays... » '. L'égoïame collectif est plus funeste encore c pie 
iY'tfuïsine individuel, parce qu'il se multiplie à l'infini ; si chaque 
personne humaine a droit a notre sympathie et à notre dévouement, 
à plus forte raison chaque groupe d'hommes, chaque peuplade, 
chaque nation. A s Vu tenir simplement à la morale telle qu'elle se pra 
tique uctuellemt'nt entre gens qui se respectent, les haines patriotiques 
n'ont pins aucun sens. 

Les patries, telles que chaque homme d'tëlat a pour « devoir n de les 

1. la lleiwe manche, i« mai 1896, traduction Alf. Athys. 



KH0ST1ÈRKB NATUHKU.E8 3o; 

exulter au-dessus des autres nations, ne donnent lieu qu'a des raison- 
No 476, Voies ferrées entre Calais et Milan. 
{Voir page 3iQ). 



"W 




2* E . de Gr. 



t: 5000000 



lîïïfc r-J -i li.ifcàt-r >, I 



IQO 



200 



300 Kil. 



Travaux en cours i Tunnel du LcUcnberg. do Spie* à Brigue. 

Travaux en projet, soulevant ton» «te forte» objection? : Joux 4 Vailorbes en amélioration 
do In ligne do Ponturlierj Uon». le- Sa u In 1er à Genève par Sa in t-Cta iule-, Saint- Amour a Belle, 
garde t Cliumaunix n Aosle, sous-frant-hksanl le mont Blanc; Albertville à Aoste par le petit 
Saini. Bernard ; Ken» a. 8a in t- Florentin j Uharre (D) à Are-Senans (A). 



ncmcnls faux et ù d*;» complications funestes. Kl tout d'abord, ce que les 



3o8 L'HOMME ET LA TEHRK, — PEUPLEMENT DE LA TERRE 

diplomates rabâchent à propos de « frontières naturelles », qui sépare- 
raient les Etats en vertu d'une sorte de prédestination géographique, est 
dépourvu de raison. 11 n'y a point de frontière» naturel les dans le sens 
que leur donnent les patriotes, Le cas des Iles, telle la Grande Bretagne, 
mis à part, toutes les bornes plantées entre Jes nations sont des œuvres 
de l'homme, et rien n'empêcherait qu'elles fussent déplacées ou sim- 
plement réduites en sable ou en mortier, Sans doute, il y a des de- 
grés dans l'absurde , et telle frontière, comme cette ligne brisée que 
des plénipotentiaires ont tracée, après discussions, protocoles et recti- 
fications, entre la France et la Belgique, sur une longueur de près de 
3oo kilomètres à vol d'oiseau, est une fantuisie risible pour le contre- 
bandier, quoique fort gênante pour le voyageur paisible; mais les lignes 
de partage politique menées sur les sommets alpins et sur les crêtes 
des Pyrénées ne sont pas moins arbitraires et ne respectent pas davan- 
tage tes affinités naturelles. Sans doute lu limite franco-belge sépare 
la Flundre de la Flandre, le Humant du Hainaut et TArdeune do l'Ar- 
detiue; mats la ligne de démarcation marquée de pierre en pierre 
sur les grandes Alpes ne coupe-t-cllc pas en deux des territoires dont 
les habitants parlent la même langue et pratiquent les mêmes mœurs, 
faisaient partie jadis de la même confédération? NVt-ellc pas violem- 
ment rejeté, d'un coté vers l'Italie, de l'autre vers la France, les 
« escnrts » du Hriuncomiais, unis autrefois en République? Kt, dans les 
Pyrénées, la frontière ne désunit-elle pas Masques et Basques, Aragonais 
et Aragonais, Catalans et Catalans? De part et d'autre, c'est bien malgré 
eux que bergers et bâcherons respectent cette ligne fictive qui leur 
vaut, de la pari des Etuts souverains, menaces, amendes et prison. 

Somme toute, le fleuve est encore la frontière la moins néfaste de 
toutes, parce qiw l'attraction exercée naturellement par les sots fertiles 
de la vallée et le commerce qui y circule combat lu tendance de la 
frontière à dépeupler ses abords, tandis que, dans la montagne, cette 
dernière action s 'ajoute h celle de lu haute altitude dont l'efiet normal 
est de raréfier la population. Aussi ne faut-il pas s'étonner que, sur les 
quelques dizaines de mille kilomètres que comportent les limites des 
Etats européens, le fil de l'eau n'entre que pour un millier de kilomètres 
tout au plus, dont le plus long morceau est. représenté par le courant 
Drina-Suve-Danube, de Bajina-Bachtû (Serbie) a Silislria (Dobrudja). 

Très logiques, diverses puissances qui s'étaient partagé le sol, dans 



MARCHES INTERDITES 

l'antiquité et au moyen âge, stipulaient que la frontière marquée par 
des murs» des palissades ou par un fossé de travail humain serait 
rendue à ta nature sauvage» interdite aux hommes. C'était, en effet, 
le moyen le plus sûr d'empêcher le malheureux dépossédé de revenir 
a la place du foyer dévasté et do recreuser le sillon dans le sens accou- 
tumé. C'est ainsi que procédèrent l'Empereur de Chine et celui de 
Corée entre leurs domaines, et c'est ainsi qu'en agissaient les barons 




Cl. S. Kubn, édlt. 



t'NK Vt*K DE BR1AKÇOX, CASBSSKS BT FORTIIPÏCATIOS8. 



féodaux pour l'établissement de leurs « marches *\ de partage. Mais les 
conventions s'oublient, In surveillance se relâche, tandis que l'amour 
de ia terre dure chez ie paysun, et, quand les années, les lustres, les 
siècles sont passés t ta marche interdite est habitée de nouveau. De nos 
jours, les Etat» en agissent autrement, et môme avec des résuilats plus 
funestes, car, des deux ctilés, la ligne de frontière exerce comme une 
sorte d'hypnotisme sur les soldats, les gendarmes, les douaniers 
chargés du soin d'en garder les bornes et les poteaux. Partout où l'on 
a toléré l'existence d'un sentier, permis la construction d'une route ou* 
cas plus important encore, d'un canal ou d'une voie ferrée, chaque 
passant est suivi d'un regard inquisiteur; s'il paraît suspect, on i'intor- 



3lO L'HOMME ET h\ TERRE. — PEUPLEMENT Ï>K LA TKRKE 

rage, on le fouille* ou l'emprisonne, il appartient comme une chose 
uu cordent i\v la patrouille. Des casernes s'élèvent de choque coté te 
long des route» quelque peu fréquentées, et des fortifications barrent 
tous le» passages considérés comme ayant mie valeur stratégique. 

Que l'on prenne pour exempte de séparation politique une frontière 
dite naturelle, comme celle «les Ylpes entre ta France et l'Italie, et 
l'on reconnaîtra que l'escarpement «les pentes, la hauteur du» cols, 
l'abondance des neiges, la fatigue des escalades huiiI peti de chose 
en fait de limites, en comparaison des cordons do di nia nés cl tic postes 
militaires, Autrefois le« montagnards eommuniquaienl librement de 
versant à versant pendant une grande moitié de l'année; n'ayant aucune 
raison de se haïr, ils s'en liquidaient de montagne ù montagne et, suivant 
les saisons, menaient leurs troupeaux sur les alpages tes plus favorisés. 
Telle commune, dont les frontières n'étaient point indiquées par des 
bornes, s'était établie sur le dos d'une crête afin d'avoir des champs 
sur une pente answi bien (pie des prairies et des bois sur la pente 
opposée; une république môme ne s'étendait elle pas des basses vallées 
françaises aux basses vallées italienne», et, parmi des roules, n'avait-elle 
pas un tunnel, la ■ Tra verset te »■ dn Viso, qui, des centaines 
d'années avant le siècle des ingénieurs, évitait déjà aux montagnards 
la trop pénible escalade de la crcle? Maintenant <« l'ordre règne » sur 
ees hauteurs et des autorités julouscs reillent à ce «pic les voisins ne 
*c visitent point mutuellement sans paperasses ou sans interrogatoires. 
On ne trace plus de sentier dans le» Alpes sans en référer à Itome et 
à Paris. Depuis quarante ans. il existe cinq routes carrossables par- 
dessus les cols tic lu frontière franco italienne, celles du Pelit-Saint- 
Bernnrd, du mont (louis, du moul (ienèvre, du col de Larche et du 
col de Tende, et, pendant cet Age de progrès ù outrance, on s'est bien 
gardé de tracer »n nouveau chemin. De même, on se contente de la 
voie ferrée qui passe sous les montagnes de lu Mauriennc, entre Mouimc 
et Uni don née lie. vide qui ne serait peut- cire pas encore construite 
si, à l'époque oîi elle fut cnlamée, les deux versants n'avaient appar- 
tenu au même souverain, à la fois maître du Piémont et de ta Savoie. 
Kl que de tracas cause, aux autorités françaises l'ouverture du tunnel 
du Simploii! Admettant même que les > questions patriotiques u en- 
trent pour rien dans le choix d'une nouvelle voie entre Paris cl Milan, 
entre l'Angleterre et l'Italie, pourrait-on eu dire autant de la ligne 



FUONTlfenE DKS ALPB8 



3u 



Mnrseille Mtlnn;' Il serait pouiUmt, semble-Ml. twlispeni*&bfc de réunir 
ce» doux grandes elles européenne* par le court embranchement — 



N« 477. Votes ferrées de Marseille à Milan. 




a» M' 



«•«o* E . dé~^r t 



vr 



i : 3000000 



* 



w 



W 



IfoKiL 



vingt kilomètres u vol d'oiseau entre Brîançon et Bnrdouttechc — qui 
passerait sous le col des Kchcllcs de Planpincl en un souterrain d'un 



3t3 L'HOMME ET Là TERBfi. — PEUPLEMENT DE LA TEHRE 

peu plus de 3 kilomètres. Aussi longtemps que cette ligne majeure de 
communication ne sera pas terminée, le commerce de Marseille sera 
grièvement lésé par le gouvernement même qui a charge de le pro- 
téger, mais te génie militaire n'admet pas qu'on vienne forer des tunnels 
dans sa frontière. Depuis un demi-siècle, on se dispute à propos d'une 
autre voie ferrée, considérée comme absolument urgente, celle qui join- 
drait Nice et Turin par le col de Tende, La construction en est décidée» 
votée, approuvée, mais il ne suffît pas d'établir le devis d'un chemin, 
d'en faire et d'en vérifier le tracé* il faut aussi construire des forts 
qui le bombarderont et loger les poudres qui te feront sauter. Finale- 
ment, les Italiens posent la voie, en contournant lu frontière français, 

Les fortifications» telle est en effet la grosse question relativement aux 
frontières. Qu'on en juge pur Briançon, l'ancien lieu de marché où se 
rendaient les pacifiques montagnards d'en deçà et d'au delà pour dis- 
cuter leurs affaires et renouer leur amitié. Maintenant, c'est un ensemble 
de remparts, de bastions, de casernes, de ponts fortifiés, de batteries 
percées dans le roc, cl chaque montagne environnante, escaladée par 
une succession de forts, porte à son sommet une autre citadelle* Les 
redoutes s'élèvent jusqu'au-dessus de la zone des avalanches, et les chas- 
seurs alpins qui tiennent garnison dans ces murs toujours exhaussés de 
neiges ne peuvent les aborder sans creuser des tranchées et des tun- 
nels. Le plus haut sommet de tout le massif, le Gliubcrlon, qui n'a pas 
moins de 3 i38 mètres, soit 1H00 mètres de plus que lîriançon, perdue 
comme au fond d'un gouffre, est aussi couronné pur un fort, ouvrage 
italien qui commande tous les travaux de défense des pitons français: 
tes deux nations se combattent à coups de millions, tout en échangeant 
des politesses diplomatiques. La route du mont Genèvre est coupée en 
plusieurs endroits et suspendue au-dessus de formidables précipices que 
franchissent des ponts levïs. Des dépenses fuites de part et d'autre en 
constructions, en manœuvres, en approvisionnements nécessitent un 
budget annuel qui, après un siècle, représenterait la rançon d'un 
royaume. Il est facile de comprendre pourquoi les nations limitrophes 
reculent devant la tâche de créer des communications nouvelles. Une 
roule est coûteuse sans doute, mais les forts qui la barrent le sont bien 
davantage encore! 

On comprend aussi pourquoi, sous un pareil régime, la zone des 
frontières se dépeuple. Déjà les habitants de ta haute montagne avaient 



FRONTIÈRE J)E8 PYRÉNÉES 



3l3 



tendance à émigrer en des contrées moins froides* plus riches en indus- 
tries et en ressources; mais ce mouvement spontané s'accélère par l'effet 
de lu domination militaire. Les grands chah, maîtres de leurs garnisons 
et n'ayant en face d*eux qu'une faible population civile, en tiennent 
d 'autant moins compte que les fonctionnaires de toute nature, plus nom- 

N 4 478. Votes ferrées de la Gironde à l'Ebre. 
(Voir page SU) 




Barcelone 



i: 5 000 000 



* 



W 



W 



"âoKil. 



Us voie» dont lot construction est, parait -il, décidée «ont celles d'Olornn à Jaca par le 
Sotnport* (altitude 1 632 maires) % do Rt-Oiroiia h Urida, passant on tunnel h 1 300 mdtros 
d'altitude nous le coi do Salau ; d* Ax & Puycerda par le col de Puymorens (1 931 mètres), et do 
Pttycorda a Ripoll par le col de Tosa (180O mètres). I<e Pourlalet est & quelques kilomètres à 
l'est du Somport. 

breux en proportion sur lu frontière que dans toute autre partie du 
territoire, sont absolument à leur dévotion. Sous prétexte de défense 
nationale et des intérêts majeurs de In pairie, toute volonté individuelle 
reste supprimée. N'ayant qu'à obéir, les citoyens préfèrent s'éloigner, ne 
laissant autour des casernes et des forts que les fournisseurs et parasites 
de ces sortes de lieux. lin réalité, on peut dire que lo fait de tracer une 



,'tl'l I.'HOUMK KT LA TKRHK. — PEUPLEMENT UK LA. TERRE 

frontière politique sur In crête de» Mpes a sufli pour exhausser pratique- 
ment ces montagnes et tes rendre inaccessibles à leurs ancien» hululants. 
Les Pyrénées nous montrent te môme phénomène économique, d'une 
manière plus saisissante encore. Il n'existe pas une seule grande route 
qui franchisse celte chaîne à plus (te jiooo mètres en hauteur: entre le 
col de Puymorens (iu.'îi mètre») n l'est, elle Pourtulct (l'tl")» l'ouest, 
sur un espace rectiligne de iuo kilomètres, il n'y .1 pas un seul chemin 
carrossable entre lu vallée de la (îuronuc et lu vallée de l'Hure. Aucun 
chemin de fer ne traverse les Pyrénées, car la ligne de Perpignan à 
Barcelone s'accroche aux promontoires extrêmes de lu chaîne uu dessus 
du littoral marin, tandis que la voie de Buvouitc ft Madrid contourne 
absolument les monts, du côté de Pouest, pour décrira une grande 
courbe à travers le pays Basque. Le réseau des chemins de fer présente 
donc une lacune de V*<> kilomètres entre deux de ses lignes parallèles, 
et pourtant, dans l'énorme espace intermédiaire, le tracé du chemin de 
fer qui réunirait les deux grandes villes cl centres tic commerce, Tou- 
louse cl Saragosse, se trouve tout indiqué. Des projets et devis ont été 
naturellement présentés par dizaines et discutes par toutes les assem 
blées délibérantes : les caries déjà dressées eu vue de celle ligne indis 
pensable rempliraient des bibliothèques, mais les frénésie» de la poli- 
tique électorale empêchent Toulousains et Aragonais de penser à leurs 
intérêts : il suffit aux candidats de planter des jalons de temps en temps 
et de faire promener des ingénieurs sur la ligne future pour que tout le 
monde suit satisfait. Puis, après boire, ou trouve te moyen de placer 
encore le vieux mot : Il n'y a plus de Pyrénées î » alors qu'elles se 
huiissent, pour ainsi dire, entre les haies de soldais, de gendarmes, de 
miqueh-ts et de carabiniers. De même que dans les Alpes, la populuiion 
diminue, plus que décimée par Pémigralion, malgré l'attraction qu'exer- 
cent en été le» villes deguenson cl de plaisir. La frontière ne représente 
auprès des gouvernements respeelifs que des raisons de méfiance, de 
surveillance, et les résidants sont considérés comme autant de gêneurs, 
troublant les opérations de douane et de stratégie. Ce que les habitants 
primitifs ont de mieux à faire est de s en aller, La borne de jalousie et 
d'inimitié, telle est la seule raison pour laquelle, pendant un demi-siècle* 
on n*a construit qu'une route de voilures et pas un chemin de fer à 
travers les Pyrénées. Douxe amorces ont été poussées dans les vallées, en 
attendant le jour oii (alliance plus intime des peuples permettra de 



ÏUCTKS Ji\\MITIÉ LOCAL" X 



■J v 



forer les montagnes sans garnir du fort Uku lions les approches «les 
soûler ruina. 

Kvidomment, les vrais intérêts locaux ne peuvent être compris par des 
administrations lointaines vivant encie grandes cités où rien ne rappelle 
les pAtuniges, les forets, les sites de la iiioiHu^ik*. \ulrcfuis, toutes les 




Cl. J. Kuhit, tfillt. 
LA FALAISE DB SHAKESPEARE, A DEUX KILOMÈTRES A t'OUKST DE DOUVRES 

communes des deux versants, le long des Pyrénées, de même que sur 
les plateaux de la péninsule espagnole, étaient liées par des/w/Vmv, mot 
ijue l'on écrivait aussi /*«jmVw, comme s'il élail dérivé de paix, cl ces 
contrais stipulaient, pour une période variable île dix, neuf, sept ou cinq 
ans, des pactes d'amilié, valables mémo en temps de pierre : « Les habi- 
tants des montagnes et vallées françaises et espagnols pourront com- 
mercer, communiquer avec leurs voisins et faire l'échange de leurs 
marchandises comme en temps de paix. Kt les bestiaux desdits pays 
pourront pâturer dans toutes les parties de ia montagne comme en 
temps de puix , Telles étaient les conventions expresses des faciercs, 
signées par les délégués des commune* au nom de leur » souveraineté 



3i0 l'homme et la terre. — PEUPLEMENT de la terre 

légitime » et toujours en plein air, «sous le ciel libre, à côté de ta borne 
frontière. Même dans les traités européens, même lors du traité d'Utrcchl 
en 1713, ces contrats étaient tenus comme valables: on continua d'en 
conclure d'analogue* jusqu'après la Révolution française; à la fin du dix- 
neuvième siècle (1887), on en célébrait encore près de Saint-Jesn-de-Luz, 
mais le bciis s'en était perdu, et les gendarmes, tes douaniers, les 
employés du gouvernement affectaient de les ignorer \ Àrdouin- 
Dumazet* cite des survirunces anulogues sous le nom de droit de 
« compaseuîté », c'est-à-dire de pAturage en commun ; les vingt et une 
communes du pays de Cize font paître leur bétail dans la vallée espa- 
gnole d'Aczcoa; de môme, te pays français de Jiarélous a droit de pâtu- 
rage sur la vallée de Koncal, moyennant un hommage annuel compor- 
tant la remise de trois génisses de deux ans, sans défunts. 

L'humeur ombrageuse que mettent h*s patriotes à surveiller leurs 
frontières déterre se porte mémo sur les frontières marines, au milieu 
des flots changeants. Ainsi le Pas de Calai» semble former une barrière 
suffisante pour qu'on n'ait pas à en garder les abords : c'est un fossé de 
citadelle suffisamment large aux yeux de la garnison de Douvres, 
bastion extrême de l'Angleterre, Lors du grand élan industriel qui, 
vers le milieu du \i\° siècle, porta les ingénieurs à l'entreprise tics voies 
majeures de communication, il semblait indispensable d'établir une 
voie continue entre les deux principales cités du monde, Londres et 
Paris. Le détroit n'a que 3i kilomètres de rive à rive, cl le creux le plus 
profond où viennent se rencontrer les grands courants de marée, qui 
se propagent a rencontre les uns des autres, de la mer du Nord et de 
la Manche, n'a que 54 mètres : le tout n'est qu'une simple éraflure 
d'abrasion superficielle. Aussi les faiseurs de projets — ponts, viaducs, 
conduits tabulaires, tunnels — se présenterai tt-ils en grand nombre; 
mais, aussi longtemps que l'entreprise parut chimérique, les gouver- 
nements respectifs s'y intéressèrent peu. Lorsqu'enfin, en 1868, un 
inventeur, Thomé de (.lamoud, força l'opinion publique, après trente 
années de sondage et de recherches, à comprendre le sérieux de ses 
plans, lorsque des travaux préliminaires sur les rôles de France et 
d'Angleterre eurent démontré que l'œuvre était parfaitement prati- 
cable, alors les autorités militaires britanniques, saisies d'une soudaine 

1. Wentworth Webstur. Société Ramona* 1892. — 2. Voyage en France, 41* série, 
pp. 88, 131, 157. 



PAS DE CALAIS Si? 

frayeur, interdiront absolument la continuation dit travail : la pensée 
que des régiments d'envahisseurs pourraient un jour émerger de par- 
dessous la mer leur apparut comme une effroyable vision. Sans doute, 
cette crainte est puéVite, mais elle est basée sur les avantagea incat» 

N*47& Voyageurs traversant la Manche et la frontière franco-belge. 



vovAoetrm 

1800000- 



1600 000*. 



1400000 

de Belgique 

vtf» la France. 

de Frêne» 

t 2OOOO0 

ver» 1* Belgique. 



1000000. 



eooooo_ 



600000- 



400000, 

de France 
vers l'Angleterre, 
total: 300000* 

td. par ta 

Comp'-» du Nord 






•?r 



En réalité, le contraste est moindre que celui qui ressort des chiffres ci.dessus, fournis 
par les compagnies de l'Ouest et «lu Nord. Par tes ports breton*, par Saint-Malo et GranvilJu, 
avec escale aux Iles Normande*, par Ounkerque vers les ports anglais et écossais de la mer 
du Nord* il se produit an certain mouvement qui viendrait s'ajouter à celui qu'indique 
le diagramme. 

D'autre part ta voie ferrée directe Parts.CoiogrteBerlin-Saint'Péterbourg traverse la 
Belgique et son trafic charge Indûment les courbe* supérieures 

II est remarquable que, année après année, le nombre d*« voyageur* entrant en i«rance 
par la frontière du nord suit plus élevé que celui de ceux qui en sortent. Pour te mouvement 
anglO'français, les renseignements fournis ne permettent pas do voir s'il en est de même. 

culablcs qu'a valus à la Grande Bretagne sa position purement insulaire. 
Pourtant il est certain que, grâce ù ce chemin nouveau reliant 
matériellement l'île anglaise ù son ancien continent» Londres aurait vu 
décupler annuellement ic nombre do ses visiteurs européens, et la 



.ilS I/1I0MMK ET LA TKRRK. PET PL KM F. M' HE U\ TKKHE 

Grande Bretagne, devenant la léle du pouf de Lonl l'Ancien Monde ver» 
l 'Amérique, serait pur cela môme l'entrepôt presque exclusif du com- 
merce continental, au détriment du Havre, de Dunkcrquc, d'An ver», 
do Kottcrdarn, de Brème, de Hambourg. On peut juger de In perte qu'a 
faite I 1 Angleterre à ce point de vue eu comparant le nombre de voya 
geurs qui traversent annuellement la frontière franco belge à ceux qui 
franchissent le détroit: il est cinq fois plus considérable pour le premier 
ensemble de voies et, cependant, le groupe Amsterdam Bruxelles est 
loin d'exercer^ une force d'attraction comparable a celle de Londres. 

Non content des obstacles (pie lu nature a mis ù l'entrée dans le 
Royaume l. ni, cet Ktat u pris récemment, à l'instar des Etats-Unis et 
bous la même inlluenee régressive qui détermina la guerre du Trunsvaal, 
une décision à la fois inutile et vexutoire : lu visite sanitaire des voya 
geurs de .'i c classe, qui, en outre, doivent juslilier de In possession de 
i»5 francs. En fait, on refuse l'admission à quelques douzaines de 
personnes par an, mais on eu trucusseel humilie des milliers. 

Pour juslilier l'existence des frontières, dont l'absurdité saute quand 
même aux yeux, on lire argument des nationalités, comme si les 
groupements politiques avaient tous une constitution normale et qu'il 
y eiH superposition réelle entre le territoire délimite et l'ensemble de 
la population consciente de sa vie collective. Sans doute, chaque indi- 
vidu a le droit de se grouper, de s'associer avec d'autres suivant ses 
affinités, parmi lesquelles la communauté de nucurs, de langage, d'his- 
toire est la première de toutes en importance, mais celte liberté môme 
du groupement individuel implique la mobilité de la frontière; combien 
peu en réalité le franc vouloir des habitants est il franchement d'accord 
avec les conventions officielles î 

Lu révolte de lu tîrccc, pendant la première moitié du dix-neuvièuu' 
siècle, fut l'événement <|ui donna le plus de corps à ce principe illusoire 
des nationalités, auquel ou a voulu donner une vertu spéciale, comme s'il 
y avait au droit d'insurrection d'autre origine essentielle que la volonté 
de l'individu s'tmissunl ù d'autres volontés. Les prodigieux événements 
que* se rappeluieut tes classiques et les romantiques de la bourgeoisie 
instruite, les noms d'Athènes, de Marathon, de Platées, de Salamine 
agissaient sur les esprits cuinme un exorcisme: tandis que les révoltée 
de la Mon'c et des îles s'insurgeaient simplement pour se débarrasser 



NATIONALITÉS GRECQUE KT ITALIENNE 



:iii> 



des exaelem'H osmunli. leurs amis de l'Europe occidentale, les « pliîihH 
Ifencs », croyaient alisier a une résurrection de» Mtltiadc et des IVrieU*s|; 
lu (irèoc untique surgissait de son tombeau avec les Botxaris et le» Capo 
ri 'I stria. L'opposition des races et des langues entre Grecs européens et 
Turcs de provenance asiatique, de rmVne que le contraste îles religions 

N« 480. Itolia Irredenta. 




i : 4000000 



60 



100 



«oo Kit. 



Les parties hachurées sont habitées par do» Italiens non rattachas a la mère.palrie, ou 
par des Ladins de langue rotnuuo (autour 6$ Clés, de Cav&kse et de Cortlna)* Il y a, près do 
Trente, un Ilot jfermanique ainsi que deux autres en Halle, h l'est du lac de Oardo. Les popti- 
tatlons slaves pénètrent le long de la vallée de la Save jusqu'aux environs d'Udine. 



entre chrétien* et musuimuns, entre la croix et le croissant, aidait 
encore à fortifier dans les esprits l'idée chimérique de l'existence de 
nationalités réelles constituant des êtres collectifs; la question de l'ori- 
gine vraie des Grecs modernes, Ghkjpelar ou Slaves, notait posée que 
pour un petit nombre d'érudits, 

Kprès l'expérience de la f»rî*ce oï In sol u lion boiteuse que lui don 
lièrent les grandes puissances européennes, vint In formai ion de l'ttii 



.">'40 LHOMME ET LA TERRE. — PEUPLEMENT DE LA TERRE 

lie, plus caractéristique au point de vue des {nationalités que ne t avait 
été ta tentative presqu'avortée de l'émancipation hellénique, eur, tondis 
que la nation grecque, dispersée sur tous les rivages de l'Orient. 
n'offre de frontière précise en aucune partie de son domaine* la popu- 
lation de langue ilatienne correspond d'une manière assez, exacte aux 
contours géographiques de lu Péninsule: h Alfti ehe ehigono t'Italia li 
mitent, sauf quelques enclaves, ta contrée date suouu il &i\ D'ailleurs 
cette unité italienne, qui semblait si bien indiquée pur l'enceinte en 
amphithéâtre des Alpes, avait été clamée d'uvanee pur de très nom 
tireuse écrivains : dès les Ages de 1» Dévolution française, elle était devenue 
la revendication par excellence de tous les patriotes de la Péninsule. Kl 
que de fois ceux-ci. passant du vouloir à l'action, tentèrent i*u>uvrc 
d'affranchissement cl d'unification de l'Italie î L'ensemhJc de ces IcnUi 
tives constitue l'une des épopées les plus remarquables que nous pré- 
sente l'histoire des peuples. L'Italie <- une ■ s'est [faite, toutefois il reste 
encore une Italie « non rédimée > , comprenant l'Istric, le Trcntin, Malte, 
tandis que. d'autre part, la nationalité « rédimée », devenue gronde 
puissance, s'est empressée d'imiter ses devancières, en attentant à 
d'autres nationalités dans le continent d'Afrique pour se donner un 
cortège de colonies. tëlle occupe l'Erythrée et la Somalie orientale, en 
attendant que la mort de t'i< homme malade [la fasse héritière de ta 
Tripoli ta j»e et lui permette de faire valoir ses « droits » a la possession 
de l'Albanie. 

La troisième grande expérience, celle de l'Allemagne, beaucoup plus 
compliquée, se poursuit depuis plusieurs générations : mais peut-on 
voir sérieusement dans cette évolution confuse un développement du 
principe des nationalités!' Lorsque lu nation allemande s'engagea dans 
ce mouvement d'unité, elle n'était point, comme l'Italie-, soutenue dans 
son œuvre par le symbole visible que donne un domaine géographique 
bien distinct, marqué par des limites pu'eim. L'Allemagne n'ti point 
de frontières naturelles : Gaules, Slavic, Scandinavie et Germanie se 
pénètrent mutuellement et par des emprises profondes. Pour que lu ' 

conscience commune de ITnité nationale pût naître, se développer, S 

atteindre sa maturité de réalisation, le lien de collision devait être non 
le territoire, mais la langue ou du moins la parenté des lungoges. En »v 

L Les Alpes qui ceignent l'Italie,., où résonne le si. A la j>ng<* :i22. nume idtk- : 
où résonne la langue allemande. 



WVtt ALLKMAWDR 3ïSl 

fondant par degré» en un même dialecte noble, serrant à L'oxpreurion 

N* 481. Aire du Pangermanisme. 



M*- 



Amatordai 



«o* 



«»*■ 




s» Ede Gr. 



1: 16000000 

o aoo " «oo ~ ' '"600 Kil. 

Hors de» frontières d'Aile magne, tes pays habités par dos populations do langue allemande 
«oui reconverti» d'un grisé serré, et ceux habité» par des population» do tangues germaniques 
[flamand- hollandais, danois. norvégien, suédois) d'un grisé lâche. 

Us allophyles de l'Empire, Urraina, Danois, Slaves divers, sont reprenantes par un 
pointillé. 

Certains pangerroanistes réclament pour l'Allemagne toute l'Kurope Centrale, d'Anvers à 
la Transylvanie et de Trieste & Dorpat. 

des hautes pensées, les idiomes populaires préparaient la patrie. L'Aile* 



323 l/HOMMB IT LA TEHRff. — FEUPLKHKNT DE UA TERRg 

mstgno se fit ainsi dans les esprits bien longtemps avant qu'on essayât de 
lui donner une existence pratique. Lorsque la nation germanique était 
encore découpée en un nombre mat défini de grands et de petits Etats 
et de provinces uyant chacun son idéal unitaire distinct, le sentiment 
national travaillait déjù ù lu roustitution unitaire de toute la partie 
de l'Europe centrale, tcw die tleutscfte Zumje ktingl. On peut dire que 
l'Allemagne est m'en plus la création de Leasing que celle de Bismarck, 
et combien la première partie de l'œuvre dépasse la seconde en logique 
ut en précision t Elle est complète, en un tenant, et ne se complique 
d'aucune atteinte porté» a des droits étrangers; elle ombrasse bien toute 
l'Allemagne et ne pense pas il s'agrandir aux dépens des voisins sous 
prétexte de politique, de stratégie et de précédents historiques. 

Mais, en comparaison de cette Allemagne des penseurs, bien diffé- 
rante en a été la réalisation I Combien de fois les auteurs du drame 
ont-ils voulu consolider le principe de ta nationalité par sa violation 
même, fortifier la patrie allemande en l'appuyant sur une zone exté- 
rieure de territoires qui ne lui appartiennent pas, et qui, en vertu de 
la langue, de l'origine, aussi bien que de la votonté précise des habi 
tants, sont une part vivante de la chair d'une autre nation I Malgré les 
commentaires, les restrictions, les gloses scientifiques, il ne saurait y 
avoir de doute sur le fait de l'attachement des Alsaciens de langue 
allemande aussi bien que des Lorrains de langue Française à l'ensemble 
politique dont Paris est le chef-lieu. Il n'est pas douteux non plus que 
les Danois vivant au nord de l'KIder jusqu'à la frontière actuelle du 
Jylland sont bien de vrais Danois, non moins par le cœur que par la 
langue et la tradition des aïeux. Enfin, près d un siècle et demi s'est 
écoulé dans les plaines orientales de la Germanie depuis que les Polo- 
nais de la Poznanie ont été violemment attribués à la Prusse et les des- 
cendants de ceux qui furent ainsi arrachés à tout leur passé sont restés 
Polonais quand même, protestant toujours au fond du cœur contre le 
tort inexpiable commis envers leur race. 

Ainsi l'Allemagne comme l'Italie et comme ta Grèce — car celle- 
ci, dans ses ambitions nationales, ne se gêne point pour revendiquer 
comme autant d'Hellènes bien des Roumains, des Albanais, des Slaves 
et tnome des Turcs de la Macédoine, de la Thrace et des îles — , toutes 
ces nations aux grands appétits n'ont plus le droit de reprocher aux 
autres, France, Grande Bretagne ou Russie, de ne pas avoir respecté, 



PATntOTIBMK EXPANSIONIKTE 3a3 

dans leurs annexions amiable* ou leurs conquête» brutales, le h prin- 
cipe » des nationalités. Le fait est que les uns et tes autres se sont éga- 
lement fuisse guider par un esprit collectif de spoliation et de pillage, 
et cet esprit se manifeste surtout quand H s'agit de terres lointaines que 
l'on qualifie hypocritement de» colonies », quoique, pour lu plupart, 
elles ne deviennent point des lieux de séjour pour les émigrés du pays 
conquérant et restent uniquement des contrées d' « exploitation « à 
outrance où des militaires vont se « dévouer pour lu gloire de la patrie », 
et où des spéculateurs essaient de s'enrichir par le travail gratuit d'es- 
claves, de i coolies ■, « boys » ou corvéables. Naturellement, on accom- 
pagne tous ces attentats du jargon voulu relatif à la « lutte pour 
l existence ; des noms de savants, des formules tronquées, des affirma- 
lions pédanteBq lies donnent un air philosophique aux antiques préjugés, 
aux vanités héréditaires, aux passions haineuse». Des mots grecs, des 
tournures allemandes justifient les massacres et les conquêtes aux yeux 
des coupables ; il leur suffit de se dire issus d'une race supérieure et d'en 
fournir comme preuve évidente la force, la brutalité même. « C'est ce 
que faisaient, sans avoir appris l'anthropologie les anciens Hébreux 
quand ils égorgeaient sans remords Philistins et Amalécites >i \ 

Mats le patriotisme agressif s'est fait savant pendant le cours t\u 
dix ucuviï'mc siècle, alln de donner plus de corps à celle illusion des 
nationalités. Autrefois les conquérants d'un pays ne s 'ingéniaient point 
u enseigner leur langue aux vaincus ; au contraire, il leur plaisait do 
voir en eux des êtres inférieurs, incapables de s'élever jusqu'à ia dignité 
de leurs maîtres par l'usage des mêmes expressions, des mêmes gestes, 
du même accent, du même son de voix ; le triomphateur aimait à se 
moquer de l'incompréhensible brcdouillemenl de son captif ; toutes 
les cruautés lui semblaient permises par cette différence de langage 
qui, d'après lui, constituait une preuve évidente d'inégalité, au détri 
ment de ceux qu'il pouvait insulter dans son bel idiome de victorieux. 
Que de fois, depuis les guerres de Gulaad et d'Ephraïm, racontées par le 
livre des Juges % que de fois s'est-on rué ou massacre des ennemis parce 
qu'ils n'avaient pas su prononcer le mot de Shibhafclh ou tel autre mot 
de passe avec le véritable accent du terroir ! Il est vrai qu'on n'avait pas 
encore découvert ce que Ton appelle le principe des nationalités. Depuis 

1. Paul Mantoux, Pages Libres, 22 mars 1902. — 2. Chapitre XU, versets 5. G. 
V J7# 



3»4 L'HOMME ET LA TERRE. — PEUPLEMENT t>E LA TERRE 

on se hâte de déguiser tes vaincus en compatriotes. On le» gave de leçons 
et d'exemples pour qu'Us apprennent tu langue du vainqueur et qu'on 
puisse, dès la deuxième génération, les considérer comme appartenant à 
la race. C'est ainsi que, par ordre, Icb enseigna des maisons et les in- 
scriptions des voitures, les annonces oillcietles sont écrites dans l'idiome 
des maîtres : le Slovaque, le Serbe, te Komnuîn doivent s'efforcer à 
parler magyar, le Polonais et le Danois s'exprimer en allemand, le 
Breton prier en français. 

Toutefois les haines nationales s'atténuent en dépit des efforts tentés 
par les nationalistes et tes gouvernements. Or te 8 on se liait de frontière 
à frontière, mais qu'est cette aversion en comparaison de celle qui se 
produisait autrefois d'une manière spontanée contre l'homme du dehors, 
uniquement parce qu'il était étranger? Tous ceux qui ont visité l'Angle- 
terre à deux ou plusieurs reprises, pe'ndunt une période de quelques 
décades, ne peuvent manquer d'avoir été frappés des progrès admirables 
accomplis en bienveillance mutuelle et en politesse cordiale depuis le 
milieu du siècle. Jadis l'étranger uvail a craindre la grossièreté, même 
la violence des natifs. Le continental, que sa ligure, son costume, sou 
langage ou son accent désignaient à la foute, était tourné en ridicule, 
insulté, Damned Frenc/tmau était une des expressions usuelles dont 
l'étranger, même n'appartenant point h la nation des « ennemis hérédi- 
taires », pouvait craindre d'être poursuivi dans ses promenades. L'Anglais 
inconnu, ù]plus forte raison le non* Anglais, arrivant dans un village 
pour la première fois, ne devait guère être rassuré relativement à l'attitude 
des gens de l'endroit, surtout des enfants. Dès qu'il était signalé, gare à 
lui, tout particulièrement s'il avait le malheur d'être affligé de quelque 
in lin ni lé physique, d'être trop richement ou trop pauvrement habillé: 
u MU, thereis « stranger* hmve ashne. al htm ! » tel était le cri par lequel 
on l'accueillait f . El souvent, on ne se bornait pas à la menace de lui 
lancer des pierres, on en jetait réellement, et il lui fallait chercher refuge 
dans une auberge où te poursuivaient encore les rires et les moqueries 
des rustres, puis les anciens prolongeaient sa torture en le soumettant 
comme un espion à un interrogatoire en règle. Parfois on lui coupait la 
retraite avant qu'il eût trouvé un asile, et les insulleurs l'entouraient en 
dansant autour de lui comme autant de sauvages autour d'une victime à 

1. Bill» voici un étranger, lance-lui une pierre. 




■§ 


?. 


g 


© 


1 


2 


i 




+m 




a 





OAHOUOHB HUMAIN» 3&7 

scalper. C'est là ce que l'on appelait « ta dattee the ftog» — nous dirions 
la danse du porc épie, On écrivain bien connu, Richard Heath, qui a 
profondément étudié la vie rurale en Angleterre, raconte com- 
ment sa mère, de naissance hollandaise, ne pouvait sortir de ches elle 
sans être ainsi forcée comme un gibier par des persécuteurs et sans voir 
la ronde féroce se dérouler autour d'elle. Quel changement cinquante 
ans après ! Sans doute, le " vieil homme » n'est pas encore complètement 
dépouillé et» ci et là, dans les campagnes reculées» l'étranger n'est 
pus à l'abri de toute injure, mois, d'ordinaire, la courtoisie, môme In 
bienveillance elle cordialité se manifestent sous toutes les formes. 

Ki» dépit de la revéche persistance que mettent les esprits retardataires 
u maintenir, même a baigner de sung les bornes de la frontière— bornes 
qui, d'ailleurs* n'ont pas le mérite de la durée, puisqu'elles changent si 
fréquemment — , les chaîne» qui rattachaient l'individu au sol natal sont 
devenues plus fragiles, pour ainsi dire, et les attractions spéciales de 
chaque contrée ont moins de force à exercer pour que les hommes se 
laissent entraîner par elles conformément a leurs affinités propres. La 
population tend de plus en plus à se répartir sur la planète suivant les 
avantages de toute nature que présentent les diverses contrées nu point 
de vue du climat, des ressources pour le travail, des facilités de la vie, 
même de la beauté des paysages. Grâce à cet accord de plus en plus facile 
entre l'homme et le globe, puisque chaque individu peut maintenant 
prévoir, hâter ou même vivre le jour où il s'établit sur un sol d'élection, 
sur une terre qu'il s'était « promise » h lui-même, une distribution nor 
maie des hommes se fait dans les diverses parties de la Terre en propoi 
tion de leurs éléments d'accommodation. L'exode de quelque vuujl 
millions d'Européens vers l'Amérique du Nord a élé le résultat le plus 
important de cette molilitc de l'homme, mais d'autres régions tempérées 
et même tropicales du Nouveau Monde se sont aussi peuplées et ne man- 
queront pas de se peupler davantage. Lue grande partie des étendues sibé 
tiennes et de la Chine extérieure, l'Australasie, nombre de contrées afri» 
raines reçoivent et recevront de la même manière des populations nou- 
velles : le genre humain, comme l'eau de la mer, cherche son niveau, et 
maintenant il peut le trouver sans peine, par la disparition, au moins 
partielle, des obstacles qui gênaient son mouvement. 

Ainsi qu'il convient a un organisme aussi vaste el aussi complexe 



3a8 



L'HOMME Et LA TE RM. — PEUPLEMENT DE LA TERRE 



que l'est celui du corps mondial, l'ensemble de l'humanité te choisit 
spontanément tel ou tel centre pour la gérance spéciale d'une, classe 
d'intérêts ou pour la discussion approfondie de certains problèmes : loin 
de reconnaître une capitale unique, elle désigne, en considération des 
avantages qui doivent en résulter, une ville du monde civilisé, en Europe 

ou dans le Nouveau Monde, comme lieu 
d'administration permanente ou de réunion 
temporaire. Dans certains cas, ce sont les gou- 
vernements, agissant comme individus, qui 
font choix de la ville rectrice, le plus souvent, 
l'initiative appartient aux sociétés scientifiques 
ou autres, dirigées dans l'option par l'impor- 
tance des travaux qui se sont faits dans tel 
ou tel endroit, quelquefois même par la beauté 
du lieu. C'est par dizaines que se sont ainsi 
constitués des 1 ) centrés naturels, acceptés par 
tous en parfaite unanimité. Ainsi Paris est la 
■' ville choisie par tous les Etats pour siège de la 
a Commission du mètre » ; Londres, ou plutôt 
son faubourg Greenwich, est traversé par le 
méridien international commun, et c'est là que se centralisent les infor- 
mations relatives aux longitudes terrestres ; « l'heure de Greenwich » 
règle les chronomètres clu monde entier, suivant un mode de fuseaux 
auquel la France a seule refusé jusqu'ici son approbation* Berne qui, 
pourtant, est une bien humble capitale, comparée aux grandes cités du 
monde, a été prise pour station centrale d'organisation par tes Postes et 
Télégraphes, ainsi que par l'organe international dcB Chemins de fer, le 
secrétaire des Sociétés de la Paix, le bureau de Propriété artistique et 
littéraire, etc., etc. Les sociétés savantes se groupent autour de Rome pour 
la statistique, et les géologues regardent vers Berlin pour la confection 
de leur carte commune, tandis que Bruxelles, déjà centre de }' " Institut 
Colonial International » et du •• Bureau géologique », s'occupe de dresser 
pour les bibliographes le bulletin de tous les livres, articles et documents 
divers ayant paru chaque année*. Genève est le siège de la « Convention m 
pour les soins à donner aux blessés sur les champs de bataille; Stras- 




UH «BQTJIMâU 



1. L'Office Bibiothèque de Bruxelles a adopté la classification décimale. (Principe 
Melvil Dewey.) 



PEUPLES SUPPRIMÉS 



3 29 



bourg centralise les renseignements relatifs h la séismologie; un palais 
doit s'élever à La Haye pour recevoir les ■■ délégués de la paix », etc. 

Outre les centres de travail qu'il importe de ne point déplacer aOn 
de maintenir la régularité de la besogne, des lieux de rendez-vous, 
changeant d'année en année, ou suivant des périodes différentes, attirent 
les Intéressés, savants, artistes, industriels ou 
autres, vers tas contrées qui, suivant les époques 
et pour l'œuvre spéciale dont il s'agit, paraissent 
avoir la plus grande force d'attraction. Ces lieux 
de réunion deviennent en réalité, pendant 
quelques jours, les centres naturels où spontané- 
ment se porte la vie de l'humanité. Los congres 
itinérants promènent librement sur la Terre leurs 
œuvres collectives. 

L'espace grandissant, la plus savante orga- 
nisation des ressources permettent à la population 
de s'accroître indéfiniment d'année en année, de 
décade en décade, et chaque nouvelle évaluation 
faite par les ethnographes depuis le commence 
ment du dix-neuvième siècle prouve qu'il y a 
augmentation notable. Et pourtant d'inutiles 
exterminations ont eu lieu, comme si la place 
manquait à l'homme! 11 est vrai que dans la 
série des tribus éliminées, on en compte plusieurs que l'on n'a point 
supprimées volontairement et qui sont mortes simplement par suite 
de leur impuissance à se faire ou milieu nouveau. Les Européens 
sont accompagnés partout d'un cortège de maladies, terribles gardes 
du corps dont ils se servent parfois inconsciemment pour faire la place 
nette devant eux. Ils méritent le nom que leur donnent les Tineh de 
l'Amérique boréale, Ewk DactlittU « ceux qui traînent la mort après 
eux »\ C'est ainsi que nombre d'insulaires océaniens ont disparu jus- 
qu'au dernier, non qu'on les ait exterminés de propos délibéré, mais 
indirectement, par le milieu nouveau créé autour d'eux. De même, 
dans les régions boréales, l'arrivée de l'homme blanc a fait dépé- 
rir les autochtones. C'est ainsi que les .Lapons russes de la péninsule 




VN BNTFÀNT ESQUIMAU 



t. PeU tôt; Elle Reclus, le Primitif d'Australie, pp, 37i et suiv. 



33o i/kokme et la tjrre. — pbuplbmknt dk la terre 

de Kola se trouvent évidemment en vole d'extinction : maladif» pour la 
plupart, rouvert» de plaies et d'ulcère»* sale» et nauséabonds, triâtes et se 
désintéressant d'eux-mêmes, ils diminuent graduellement on nombre, et 
no sont plus,au commencement du vingtième site le, que îôooo individus, 
réparti» en vingt-cinq villages, sur un espace d'environ 100000 kito- 
mètres carré»'. Les tiskimaux du Groenland polaire étaient encore 3oo 
en i8go; douze ans après ils avaient diminué d'un tiers (Peary). De l'autre 
coté de» terres boréale» de l'Amérique, de la pointe Barrow aux île» Aléou 
tiennes, il n'y a plus que 5oo indigènes, lu où il eu vivait cinq foi» plus 
au milieu du dix neuvième siècle. En appauvrissant le» mers boréales, 
les baleinier» ont supprimé le» ressources qui {Remettaient aux riverains 
de continuer le combat de lu vie. 

Le plus souvent la desiruetion des aborigènes a été voulue : le fusil, 
le poison, les contagions disséminées sciemment ont fait réouvre de 
mort. C'est ainsi que les colons de la Tasmanie ont tué tous les « noirs ■ 
de 171e ; on donnait mémo de» primes aux assassins pour buter la besogne 
et des eh tisseurs traquaient le gibier humain ; la dernière femme de Tas- 
manie, une vieille de soixante-quinze ans passés, dite plaisamment 
Lalla Hook, fut tuée, en iSyfi, comme une guenon, dans le branebage 
d'un arbre ou elle s'était réfugiée. D'autres tribus australiennes furent 
« nettoyées >» de la môme manière et, dans le Queensland, on cul l'ingé- 
nieuse idée de dresser une police « noire », eVsl-ù-dire indigène, à l'ex- 
termination des rôdeurs de leur propre race rencontrés dans le 
voisinage des campements. Les Guanches des Canaries avaient été déjà 
tués ou vendus pour la plupart en dehors de l'Archipel, dès le xvi* siècle, 
et le dernier insulaire de sang pur mourut en 18118. L'Amérique du 
Nord — surtout la Californie — fut un immense abattoir des abori 
gènes : des nations entières disparurent, il y a près d'un siècle, ù l'époque 
à laquelle fut écrit le livre de Cooper, Le dernier des Mohicans, vrai non 
seulement pour les Indiens de cette tribu mais encore pour tant d autres 
populations chasseresses du Nouveau Monde. Dans l'Amérique méri- 
dionale, les Espagnols, les Portugais accomplirent une œuvre de des 
truction analogue a celle des Anglo-Américains de l'Amérique du Nord, 
et, dans tes Antilles, il ne reste plus de descendants des million» de 
naturels qu'avaient trouvés les conquérants; à peine i«o Caraïbes de 

t. IL Gosbcl, Globus.n* 16, 28 octobre 1902. 



DISPARITIONS APPARENTES 33 1 

race pure dans les forêts de la Dominique, c'est Ift tout ce qui resle des 
anciennes tribus, avec quelques métis deSuiulN inrenl et ceux de» îles de 
la baie» sur la côte de Honduras. Dans la Terre de t'en, lu chasse & 
l'homme dure encore : une moitié des indigènes périt sous le» balles, 
tandis que l'autre moitié meurt de phtisie dans les missions. 

Des expulsions en masse, notamment celle dont les Russes prirent 
la responsabilité terrible* après l'occupation des hautes vallées cauca- 
siennes* Turent aussi des tueries partielles, car de pareils exodes ne peu- 
vent s'accomplir sans qu'il y ail un formidable déchet d'hommes, par 
l'eflel des maladies, des famines, de lu nostalgie, des conflits aveu les 
étrangers. Kn perdant leur patrie, leur nom» les malheureux perdent 
leur urne. Qui parlera désormais des Teherkesscs, des Alikltaxes, des 
Tchétchènes, des Lcsghiens? Ils se fondent au milieu des Turcs, des 
Grecs et autres, elieas Lesquels se trouvent les lambeaux fie terre qu'on 
leur u distribués. Cependant des représentants de la race continuent 
d'exister, et si l'on parle un jour de lu disparition totale de ces tribus 
on ne sera justifié qu'à demi, leur mort ne sera qu'apparente. Que de 
mitions sont ainsi considérées comme détruites, alors qu'elles se sont 
simplement assimilées aux populations environnantes. Du moins 
leur descendance s'est maintenue, comme celle des Sabins a persisté 
dans Home. De marne des libres, des Ugures vivent toujours dans les 
Gaules, et l'Angleterre u ses Bretons. Le sang des Algonquins et des 
Séminolcs se retrouve cites les Américains du Nord et celui des Araucatis 
chez les Hispano-Chiliens. 

Divers statisticiens ont hasardé l'évaluation du nombre des hommes 
que pourrait nourrir notre globe planétaire. Ce chitl're dépend en pre- 
mier lieu du genre de vie que Ton suppose à l'habitant moyen, car une 
population chasseresse de quelque 5oo millions pourrait être à l'étroit 
sur ce globe où 'vivent aujourd'hui trois fois plus d'hommes. D'autre 
part, si Ton cherche à se baser sur l'alimentation moyenne de l'Euro- 
péen* que de points sujets à controverse soulève une pareille étude î La 
productivité des différents sols dépend de facteurs encore si peu connus, 
la « ration nécessaire » varie encore tellement, suivant les auteurs 
spécialistes, qu'il ne faut point s'étonner de la divergence des résultats. 
Woyeikov a calculé 1 qu'une population de seize milliards d'hommes, 

i, Otiiseppe Hicchicri, Universifà popuiate, 1903, n° 24. 



53» l'homme kt la TERRE. — PEUPLBMBHT de la terre 

dans la seule bande équatoriale comprise entre le i5* degré nord et le 
i5* degré sud, n'aurait rien que de normal. Dans les régions tropicale* 
productives en bananes et autres plantes à rendement nourricier consi- 
dérable, une surface de i5 mètres carrés suffit, nous dit Hutnboldt, 
à produire régulièrement la nourriture d'un homme. C'est dire qu'en 
utilisant, dans les bassins de la Ganga et des autres fleuves de l'Inde, 
sur le versant oriental du plateau mexicain, dans les Yungas de la 
Bolivie et les vallées fluviales de la Colombie, du Brésil, sur les côtes 
de l'Amérique centrale, les terres à fécondité puissante, on trouverait 
sans peine des territoires dix et vingt fois plus grands que les aa 600 kilo- 
mètres carrés nécessaires pour assurer sa subsistance à l'humanité tout 
entière qui, proportionnellement» pourrait atteindre sans danger quinze, 
vingt, trente milliards d'individus. Que de districts purement agricoles 
existent déjà oh la population, vivant uniquement du produit de ses 
jardins, dépasse de beaucoup en densité kilométrique les industriels 
pressés autour de nos usines de l'Europe occidentale! On peut prendre 
comme exemple l'île de Tsung-Ming, où près de 1 300 000 habitants, 
au nombre de 1 '176 par kilomètre carré, tournent et retournent inces- 
samment le sol pour en tirer leur pain. 

Tout en constatant qu'aucune considération de quantité ne saurait 
prévaloir sur la qualité de l'humanité de domain, nous pouvons 
admettre avec un évaluateur circonspect, Ravenstein, que la capacité 
d'accommodation de notre Terre s'élèverait à six milliards d'êtres 
humains. Toutefois pareils calculs ne peuvent avoir de valeur sérieuse 
tant qu'ils partent de l'hypothèse première que les conditions actuelles 
du travail ne changeront point, et que la Terre se remplira peu à peu 
suivant le modèle présenté de nos jours par les diverses régions de 
l'Europe : il faut prendre en considération ce fait capital, que la culture 
n'a pas encore le caractère intensif dicté par la science et que l'accrois- 
sement des produits facilitera l'augmentation des hommes, suivant un 
taux complètement imprévu. En outre, il faut reconnaître que l'étendue 
des bonnes terres, actuellement très limitée, ne peut manquer de grandir 
en de fortes proportions, ici par l'irrigation du sol, ailleurs par le drai- 
nage ou par le mélange des terrains. En réalité, il n'existait point de 
u bonnes terres » jadis : toutes ont été créées par l'homme, dont la puis- 
sance créatrice, loin d'avoir diminué, s'est au contraire accrue en 
d'énormes proportions. Les régions devenues de nos jours les plus 



CAPACITÉ D'ACCOMMODATION DU GXOBS 



333 



fécondes étaient autrefois couvertes de forêts et de marécages; graduel- 
lement, de siècle en siècle, l'homme a conquis par la bâche ou la charme 
des étendues plus vaste», et le* mômes espaces qui ne pouvaient nourrir 



N» 482. Deux territoires de même population : Uruguay et Tsung-Mlng. 




' 160 



1: 7 800 000 

200~~ 



'SooKtl. 



La ftéoubliaue de l'Uruguay comptait 1 088 086 habitant* en décembre 1904; il faut 
ajouter à «5 ÏSoiS une portion di Tla province brfcilienae Rio Grande do Su! (H49070 
habitante en 1900) pour arriver aux 1 200 «00 insulaires do Tsung-Min* On constatera que 
les deux pays «ont situés à la même latitude, mais en des hémisphères différent», 

un seul individu par la chasse ou la poche, en alimentent aujourd'hui 
des centaines; môme les champs do cailloux, les carrières, les roches, 
comme celles de Malte, deviennent de fertiles jardins dans lesquels le 
travail enferme, sous forme déplantes,; une réserve de chaleur solaire 



334 



L*HOMME ET Là TERRE. — PEUPLEMENT DE LA TERRE 



de plus en plus considérable. Tout progrès de la science agricole appli- 
qué sur tes dix mille millions d'hectares que t'uumanité. possède en 
terres eu ÏU vantes représente un accroissement possible de nourriture et 
une augmentation correspondante de mangeurs. Précisément la partie 
du monde qui, dans son ensemble, est Le mieux adaptée à la production 
végétale et, par conséquent, h l'alimentation humaine, est à peine 
entamée par le travail dans l'immensité de son pourtour; et ce travail 
est employé pour une bonne part a la production ou h la cueillette 
de denrées industrielles d'utilité secondaire. Telle étendue forestière 
d'un millier de kilomètres carrés offre à peine quelques clairières où 
l'homme s'occupe de gratter le sol pour y jeter tic 1» semence qui se 
reproduira au centuple, si les herbes folles nr l'ont pus immédiate 
ment étouffée. En Colombie, telle agglomération de en lianes hubitée pur 
des pôcheurs n'a d'autres jardins que des panicrK de terre stiKpendus 
aux brnnehes de ^ntndg arbres. 





œSHOAAU 



La géographie n'est paa ùboet immuable, elle ae 
tait, se ratait tous iea jours: à chique instant 
elle se moditie par l'action de l'homme. 



CHAPITRE H 



HORREUR ET SPLENDEUR DES VILLES. - IMMIGRATION DES CAMPAONAR0S 

RÉPARTITION DES VILLES. - RÉSEAU D'ÉTAPES 

CROISSANCE NORMALE ET ANORMALE. — ORIGINALITÉ DES VILLES 

VILLES POLITIQUES, MILITAIRES, INDUSTRIELLES. - ORGANISATION URBAINE 

HVOIENE ET ART. — VILLES-JARDINS 



A la force d'à lira cti on nu tu relie du sol qui tond à répartir norma- 
lement les hommes* à les distribuer rythmiquement sur la terre entière, 
s'ajoute, dans le monde moderne, une force tout à fait opposée en appa- 
rence, celle qui groupe des centaines de milliers ou môme des millions 
d'hommes en certains points étroits autour d'un marché, d'un palais, 
d'un forum ou d'un parlement. Des villes» déjà considérables au com- 
mencement de l'ère des voies ferrées, deviennent des cités immenses, 
des amas de maisons alignées, que parcourt un réseau infini de rues et 



336 l'hommk bt la t*rrb. — RÉPARTITION DBS hommes 

de ruelles, de boulevards et devenues» au-dessus; desquels pèse, le jour» 
un dôme grisâtre de lumée, taudis que, la iiuit> une lueur s'en élève» Illu- 
minant le ciel. Les Babylone, les ISiuive antiques émerveillèrent les 
peuples, mais combien plus grandes, plus complexes, plus grouillantes 
de matière humaine et de machines prodigieuses sont les Babylones 
modernes, que les uns maudissent et que les autres célèbrent! Rousseau, 
déplorant l'avilissement de tant de campagnards qui vont se perdre dans 
les grandes villes, appelle celles-ci .. Gouffres de l'espèce humaine •-, 
tandis que Herder voit en elles les « Camps retranchés de la Civilisation ». 
Kl voici comment les juge ttuskin \ s'attaquant surtout à la ville qui, 
de nos jours, est la plus grande, non la plus hideuse de toutes, In capitale 
de l'immense empire britannique : «Faire de l'argent est le grand jeu 
des Anglais. Ainsi voyez celle énorme, cette sale ville de Londres, 
bru > a nie, grondante, fumante, puante, un amas hideux de briques 
surchauffées, rejetant le poison par chaque pore ! Vous imnginex-vous 
que ce soit une cité de travail ? Non, pas une de ses rues ! C'est une 
grande ville de jeu, d'un jeu très laid, d'un jeu très laborieux, mais qui 
néanmoins n'est qu'un jeu... C'est une immense table de billard sans 
lapis, et avec des poches aussi profondes que l'abîme insondable ; mais 
après tout, ce n'est qu'un billard ! » Il est vrai, toutes les vitupérations 
des muudisseurs sont jusliJiées, mais aussi toutes les exaltations des 
gloriflcatcurs. Que de forces vives se sont éteintes, faute d'emploi, ou bien 
entre-délruites par la haine, dans ces villes à l'air impur, aux contagions 
mortelles, aux luttes désordonnées ! Mais aussi n'est ce pas de ces réunions 
d'hommes qu'ont jailli les idées et que s'est lait l'enfantement des uni vies 
nouvelles, qu'ont éclaté les révolutions qui ont débarrassé l'humanité 
des gangrènes séniles ? « Il est, il est au monde une infernale cuve ». 
clame Barbier, et, de son c«Mé, Hugo magnifie ce méinc Paris en tics 
vers enthousiastes : < Paris est la cité mère... où pour se nourrir de 
l'idée viennent les générations ». 

l/oeuvre multiple des villes, pour le bien et pour le mal, se préilgtirc 
dans les passions et la volonté des gens fuyant la campagne ou les 
petites villes pour trouver une vie plus ample, parfois l'étiolcmenl et la 
mort, dans une grande cité. Mais sans nous occuper des hardis nova 
teurs qui se dirigent de leur plein gré vers telle ou telle Babylone 

1. Thé Crown of thé mld OUv*, pp. 81, 32. Edit de 1897. 



HORREUR ET 8PLÏNDKUR DE* VILLES 3$7 

moderne, il faut compter ceux — et ilt sont légion — qui sont amenés 
ver» les centres de population et déposé» comme des alluvtons qu'en- 
traîne le courant pour les abandonner sur ses plages : les paysans évincés 
de leur lopin de terre par les convenances de quelque grand acquéreur 
ou par un caprice du seigneur qui transforme ses champs en pâturages 
ou en terrains de chasse ; les domestiques de campagne que tes citadins 




ci. vr. Rwtft 

VX COIK DB MVBBPOOL 

Un cabinet d'aisance, un robinet d'eau, un bac il ordures pour une douzaine de maison»* 

appellent autour d'eux ; le» nourrices allaitant les enfants a la place des 
mères ; les ouvriers» soldats, employés et fonctionnaires auxquels un 
assigne une demeure dans la grand'ville et, d'une manière générale, tous 
ceux qui» obéissant a des maîtres ou bien au maître le plus impérieux, 
la nécessité économique, grossissent forcément la population urbaine. 
C'est un plaisant langage que celui des propriétaires moralistes qui 
conseillent aux campagnards de rester attachés a la terre, alors que, par 
leurs agissements, ils déracinent le paysan et lui créent des eonditions 
de vie Pobligcani à s'enfuir vers Ut cité. Qui supprima les communaux, 
qui réduisit, puis abolit complètement les droits d'usage, qui défricha les 
forêts et les landes, privant ainsi le paysan du combustible nécessaire ? 



;t:iS l/MUMMK KT LA TKItltK. — REPARTITION I»BS HuMMKR 

Qui muni la propriété |iour liien marquer h constitution il* mm 
aristocratie terrienne ? Huis, quand furent née* les grandes indus , 
tries, le propriétaire foncier ne eessa-t-il point de s'adresser au petit 
liuiteur *1« lu campagne, aux humbles fabricants de village? Et quand le 
paysan n'eut plu* de terres communales, quand les petite» industrie» 
vinreulù tut manquer, quand les ressources diminuèrent, eu intime temps 
que M'accroissaient les besoins et les occasions de dépense, est- il étonnant 
que la fuite vers ta cité soit devenue inévitable? Le seigneur n'utilisant plus 
dune manière permanente la main-d'œuvre agricole, celle-ci est forcée 
de s'exiler, condamnée par le chômage. Quand le propriétaire a besoin de 
beaucoup de bras pour lu moisson ou la vendange, il ne s'adresse plus 
aux anciens clients de sa terre mais aux gens de Y « armée roulante », 
aux Irlandais, aux Flamands, aux « Gavachcs >f h des travailleurs in cou 
nus qui viennent on ne sait d'où, dont on ne connaît ni le lieu natal, 
ni la langue, ni les rweurs, et qui disparaîtront sans laisser de traces. 
Ainsi le grand nombre des immigrants attirés vers le tourbillon des 
cités obéit a une loi plus puissante que sa volonté : son eu priée personnel 
n'a qu'une part très secondaire dans la force qui Ta sollicité. Quant a la 
proportion, relativement peu considérable, des fuyards de lu campagne 
qui se dirigent volontairement vers les cités, elle se décompose en 
éléments de valeur très inégale, car si chacun veut > chercher sa joie, 
son intérêt, une satisfaction plus intense de sa vie passionnelle, cet idéal 
varie absolument suivant les individus. Il en est beaucoup qui se laissent 
aller à une sorte de hantise inexplicable en apparence. On reste confondu 
d'étonnernent en voyant, dans les montagnes du Jura, dans les Pyrénées 
ou les Cévcuties, telle maisonnette admirablement située que son posses- 
seur légal laisse tomber en ruines. Elle semble pourtant avoir a son 
avantage tout ce qui peut la faire aimer, A côté de la demeure, ombra- 
geant le toit, s'élève l'arbre patrimonial ; une source d'eau pure jaillit 
auprès dans un pli de la prairie ; tout ce que l'on aperçoit du seuil, 
le jardin, les prés, le» champs, les bosquets appartenaient, et même appar- 
tiennent encore, à la famille : celle-ci ne comprend que deux vieillards 
cherchant h utiliser leur reste de force à la culture et au ménage: 
mais tout péril, le marais gagne sur le pré, la mauvaise herbe envahit 
les allées et les plates-bandes du jardin, les moissons s'amoindrissent 
d'année en année, et les toits s'effondrent sur les granges et les greniers. 
Quand les vieux n'y seront plus, la maison s'écroulera. Mais ii'onMls 



ÉMtORÀtlOH DIS CAMPAGNARDS 33$ 

donc point de famille, OU, pet i Mil», ou neveux, qui puissent continuer 
l'œuvre des, aïeux comme ceux-ci la continuèrent? Ile ont un fils, il 
est vrai, mats ce fils méprise La terre: il s'est Tait gendarme dans quelque 
ville lointaine, trouvant son plaisir a ramasser des ivrognes et à dreaser 
des « procès- verbaux ». Quand ses parents mourront, il ne saura que 
faire des champs patrimoniaux : ils retomberont en friche et quelque 
grand seigneur les achètera ou plutôt les recevra presque gratuitement 
pour arrondir son domaine de chasse. 

Si telles étaient les seules causes du prodigieux accroissement des 
citéa, elles deviendraient des chancres sociaux et Ton serait en droit 
de les maudire, comme le firent les prophètes d'iraêl pour la Bahylone 
antique. Ces villes que l'on voit grandir de jour en jour, presque d'heure 
en heure, projetant comme des pieuvres leurs longs tentacules dans les 
campagnes, seraient en eftet des monstres, des vampires gigantesques, 
suçant la vie des hommes. Mais tout phénomène est complexe. Si les 
pires, les dépravés et les décadents vont se hrû-ler ou pourrir plus vite 
dans un milieu furieux de plaisir ou déjà déliquescent, les meilleurs, 
ceux qui veulent apprendre et chercher des occasions de penser, de 
s'améliorer, de grandir en écrivains, en artistes, même en upôtres de 
quelque vérité, ceux qui se dirigent pieusement vers tes musées, les 
écoles, les bibliothèques, et ravivent leur idéal au contact d'autres 
hommes également épris de giundes choses, ceux-là ne sont-ils pas aussi 
les immigrants des cités et n'est-ce pus grâce à eux que le char de la civi- 
lisation humaine continue de rouler à travers les tiges P Quand les villes 
s'accroissent, l'humanité progresse, quand elles diminuent, le corps 
social menacé régresse vers la barbarie. 

Avant de s'être donné la peine de réfléchir, on peut s'imaginer 
volontiers que tes villes se soient distribuées au Itassrd, et, de fait, 
nombre de récits nous montrent des fondateurs de cités s'en remet- 
tant au destin pour le choix de l'emplacement où s'établiront les 
foyers domestiques, où se dresseront les murailles protectrices : c'est 
du vol des oiseaux, de l'arrêt d'un cerf force à la course, de 
l'échouement d'un navire que dépend la construction de la ville, ta 
capitale de l'Islande, Reykjavik, naquit ainsi de parla volonté des dieux ' 

1. Laborme, Annuaire du Club alpin t 1S86. 



3$0 i/HOMMK ET LA TERRS, — RÉPARTITION DES HOtfMSS 

En 87^, lorsque le fugitif Ingotfr, arrivant en vue de l'Islande, lança 
dans ta mer tes images de hois qui représentaient les idoles du foyer, il 

H* 483. Villages normalement espacée. 




Institut (kwjrxtftittçttt.JinixtJJes 



Jbte&m •Toussaint. 



1 






isKil 



essaya vainement de les suivre : elles lui faussèrent compagnie* et il dut 
fonder sur le rivage un campement temporaire, jusqu'à ce que, trois ans 
après, il retrouvât les bois sacrés près desquels il transféra sa ville, 



RÉPARTITION DES YIIXKB 



Hl 



d'ailleurs aussi avantageusement située qu'elle peut l'être en ce redou 
table ■* Pays des Glace» » . 

Si la Terre était complètement uniforme dons son relief, dans la 

N° 494. Villages anormalement espacés. 




ItutùiU Cë&nptefae t £mav/fat 



îr-.rQgrt- 



ioKiL 



I « 

qualité du sol et les conditions du climat, les villes occuperaient une 
position géométrique pour ainsi dire : l'attraction mutuelle, l'instinct 
de société, lu facilité des échanges les auraient fait naître à des distances 
égales les unes des autres. Etant donnée une région plane* sans obstacles 
V U 



34a l'homme st la tiiuri. — RÉPARTITION dks hommes 

naturels, sans fleuve, sans port, située d'une manière particulièrement 
favorable, et non divisée en Etats politiques distincts, la plus grande cité 
se fût élevée directement au centre du pays ; les vîHes secondaires se 
seraient réparties à des intervalles égaux sur le pourtour, espacées ryth- 
miquement, et chacune d'elles aurait eu son système planétaire de villes 
inférieures, ayant leur cortège de villages. La distance normale d'une 
journée de marche, tel devrait Aire sur une plaine uniforme l'intervalle 
entre les diverses agglomérations urbaines : le nombre de lieues parcou- 
rues par un marcheur ordinaire entre l'aube et ic crépuscule, soit douze 
ù quinze correspondant aux heures du jour, constitue l'étape régulière 
d'une ville à l'autre. La domestication des animaux, puis l'invention des 
roues, et, depuis, les maehines ont, graduellement ou brusquement, 
modifie les mesures primitives : le pas de la monture, puis le tour d'essieu 
déterminèrent recuit" normal entre les grandes réunions d'hommes. 
Quunl aux villages, leur distance moyenne a pour étalon le parcours 
«pie peut fournir l'agriculteur poussant sa brouette chargée de foi» ou 
d'épis. L'eau pour le bétail, le transport facile des fruits du sut, voilà ce 
qui règle remplacement de rétable, du grenier et de la chaumière. 

Kn nombre de contrées peuplées depuis longtemps et présentant 
encore dans la distribution urbaine de leurs habitants les distances pri- 
mitives, on retrouve, dans le désordre apparent des villes, un ordre de 
répartition qui fut évidemment réglé jadis par le pas des marcheurs. 
Dans la « Fleur du Milieu », en Itussie, où les voies ferrées sont de 
création relativement récente, en France même, on peut constater 
l'étonnant» régularité avec laquelle se distribuèrent les agglomérations 
urbaines avant que les exploitations minières et industrielles vinssent 
troubler l'équilibre uaturet des populations '. Ainsi, la ville capitale de la 
France, Paris, s'est entourée, vers les frontières ou les côtes du pays, de 
cités dont l'importance ne le cède qu'à la sienne : Bordeaux, Nantes, 
Houcn, Lille, Nancy, Lyon. L'antique ville, phénicienne puis grecque, de 
Marseille appartient par ses origines à une autre phase de l'histoire que 
les cités gauloises, puis françaises ; cependant sa position s'harmonise 
avec la leur, car elle se trouve îi l'extrémité méditerranéenne d'un rayon 
qui doublerait la distance normale de Paris aux grandes planètes 
urbaines de son orbite. Entre ta capitale et les chefs-lieux de deuxième 

1* Gofcert, U Gcrotype. 



RÉSEAU D'ETAPES 343 

ordre, se fondèrent, à des intervalles sensiblement éguux, des cités 
moindres, mui* encore considérables, séparées par une double étape, soit 

H* 485. Villes européennes d'au moins 100000 habitants. 




t: 32O0OQO0 



■tïot 



Tôoo" 



2000 Kit 



La surface des cercles est proportionnelle a, la population des villes qu'ils représentent a 
raison de 1S00OO habitants par millimètre carré environ. Us seules agglomérations de 
100000 habitants sont reportées ici, autant que possible avec leurs faubourgs. En outre, 
un certain nombre de villes ont dtt être fusionnées en un seul cercle. Voici les groupes i 
South Sbietds, Qateshead, Sunderl&nd et Neweastle. — Preston, BJackburn et Burnley. — 
Halifax, Bradford et Ueds. — Birkenhesd, Oldbam, Manchester et Liverpool. ~ Derby, 
Nottlngham et Sheflleld. — WoWerhampton. Salford et Birmingham. — Southamptott 
Brlghton et Portsmouth avec Londres. ~ La Haye et Rotterdam. — Gan<l, Anvers et 
Bruxelles. — Roubaix et Lille.» Altona et Hambourg. — Scbôneberg, Rixdorf, Charlotten* 
burs et Berlin. — Bochura, Qelsenktrchen, Barmen, Blberfeld, Dortmund, Duisburg, Essen 
et Dusseldorf. 

de vingt-cinu; à trente « lieues n : Orléans, Tours, Poitiers, Angoulôme. 
Enfin, h moitié chemin de chacun de ces centres de troisième ordre se 

V i8* 



3Vl L'HOMME ET LA TERRE. — ttÉPARTlîION DES HOMMES 

sont formées des ville» modestes, indiquant l'étape moyenne : Ktumpes, 
Ainboto, Ghfllollcraiitt. Ruffec, Ubourne. Ainsi le voyageur, traversant 
tu France, trouvait alternativement une ville de simp le détassement et 
une ville de complot réconfort : la première suffisait au piéton, la 
seconde convenait au cuvulier. Sur presque toute» les routes, le rythme 
«les cités se produit de la même manière, cadence naturelle réglée par la 
marche des hommes, «les chevaux et tles voitures. 

Les irrégularité 1 s du réseau des étapes s'expliquent Imites pur les 
traits du relief, le cours des fleuves, les mille contrastes de ta géogra- 
phie. La nature du sol, en premier lieu, détermine les hommes dans leur 
choix d'un emplacement pour les demeures. Le village ne peut naître 
(pie là où naît l'épi; il s'écarte de la lande ingrate» des amas de gra- 
viers, des argiles dures à défoncer, et surgit d'abord spontanément dans le 
voisinage des terres meubles, faciles à labourer, et non dans les régions 
basses et humides, d'une fécondité exeeplk miellé: l'histoire de l'agri- 
culture montre même que ces alluvions molles éloignent l'homme 
par leur insalubrité; elles ne furent u:u-* en culture que par des efforts 
collectifs, répondant a une période de l'Immunité déjà très avancée. 

Les terres trop inégales, de même (pie les sols trop uriiles, n'attirent 
pas non plus les populations, empêchent ou retardent la fondation des 
cilés. Les glaciers, les neiges, les vents froid s ex puisent, pour ainsi dire, 
les hommes des âpres vallées des montagnes: lu tendance naturelle des 
villes est de se fumier immédiatement en dehors de lu région difficile, 
au premier endroit favorable qui se présente à l'issue même des vallées. 
Chaque torrent u sa ville riveraine dans ta campagne basse, lu où son 
lit, soudainement élargi, se ramifie en une multitude de branches u tra- 
vers les graviers. Chaque double, triple ou quadruple confluent de vul- 
léesfail naître une annule agglomération, d'autant pius considérable, 
toutes choses égales d'ailleurs, que les lits convergents roulent une eau 
plus abondante. Kst-il position plus naturellement indiquée que celle de 
Zuragowi, sur le milieu du cours de l'Eure, au croisement de la double 
vallée où coulent le (iallayo et le Huervu? Kl lu cité de Toulouse, métro 
• pôle du midi de la France, noccupc-t-clle pas un lieu que le doigt d'un 
enfant aurait pu signaler d'avance comme un rendez vous de peuples, 
l'endroit où commence lu navigation fluviale, au dessous du confluent 
delà haute Garonne, de l'Ariegc et du lier»? Aux deux angles occiden 
taux de lu Suisse, Bûle et Genève se sont élevées au carrefour des grandes 



CONFLUENTS, COUDES, ESTCAtBÊS 'S& 

voles suivie» par les peuples migrateurs, et, sur le versant méridional 
des Alpes, toutes les vallées sans exception ont à teur porte de sortie une 
vitte gardienne ; de puissantes citée, Milan et tant d'autres, marquent les 
points de convergence, et la haute vaille du l'A, constituant les trois 
quarts d'un cercle immense, a pour centre naturel ta ville de Turin. 

Sur le cours intérieur du fleuve, la fondation déciles est déterminée 
par des conditions umilogues du milieu : au bec de deux courants ou sur 
un point de diminution des trois, qiuitre voies navigables ou des routes 
naturelles qui se présentent à. la fois, »u lieu des deux uniques de l'amont 
et de Pavai. Ailleurs d'autres groupes se fixent aux cscules d'arrêt néces- 
saires, rapides, cascades, délllés rocheux, où viennent mouiller les 
barques, où st.» transbordent les marchandises ; les étroits des fleuves, là 
où le passage» de rive a rive se fait avec facilité, sont aussi des endroits 
indiqués pour un emplacement de village ou mémo de ville, si d'autres 
avantages sujoutcut ù celui qu'ofl're le rétrécissement fluvial. Telle 
courbe bien inarquée d'un cours d'eau, rapprochant sa vallée iVim 
grand centre d'activité situé dans un autre buHriii, peut inviter aussi les 
hommes en grand nombre, C'est ainsi qu'Orléans a dû se butir sur la 
rive de la boire qui se développe le plus au nord dans la direction de 
Paris, et queTzarilsin se trouve h l'endroit où lu Volga se rapproche du 
Don. Enfin, sur chaque fleuve, le point vital par excellence est l'endroit, 
voisin de l'embouchure, où la marée montante vient arrêter et soutenir 
le courant supérieur et où les embarcations, amenées par le courant d'eau 
douce, rencontrent naturellement les navires de mer voguant avec le 
flux. Dans l'organisation hydrographique, ce lieu de rencontre peut être 
assimilé au collet de l'arbre, entre le système tic végétation aérienne et 
celui des racines profondes, c'est la forme normale du grand port euro- 
péen sur les mers à marée ; Hambourg ou Londres, Anvers ou Bordeaux. 
Les découpures du littoral influent aussi sur la répartition des villes. 
Certaines cales sablonneuses à peine infléchies, inabordables aux 
navires, si ce n'ost pendant les rares journées de calme plat, sont autant 
que possible évitées par l'homme de l'intérieur aussi bien que par le 
marin aventuré sur l'océan. Ainsi la ctMc, de irio kilomètres en longueur, 
qui se profile en droite lîjrne de l'estuaire de la Gironde à la bouche de 
IWdour, n'a d'autre ville que la petite Arcachon, simple lieu de bains et 
de villégiature, située en arrière de lu rive, en dedans clu rempart formé 
par les dunes du cap Ferret. De même les formidables cordons littoraux 



346 



L'HOMME ET LA TËBH£. — RÉPARTITION DE» HOMMES 



qui bordent tes Caroline», le long de l'Atlantique, ne donnent accès, 

entre Norfolk et YYîlminglon, qu'à de pauvre* bourgs entretenant à 

grand'poine un dangereux tralic. tin d'autres régions côtières, les îles et 

les Ilots, les rocher», les promontoires, les presqu'îles, multipliant les 

mille dérhiqueturcs et entailles dos escarpements, empêchent également 

la naissance des 
I». 486. Côte déwrte. vi|h>s mft , gré |eg 

avantages que pré- 
sentent les eaux 
profondes el bien 
abritées. La vio- 
lenee d'une nature 
trop ton ri non tée ne 
permet qu'à un pe- 
tit nombre d'hom- 
îiil's de s'y grouper 
ti t'uise. Les sites les 
plus favorables sont 
ceux où la côte, 
sous un climat tem- 
péré, est accessible 
à la fois du dehors 
et du dedans aux 
véhicules de toute 
sorte, navires et 
chariots. 

Par contraste 
avec la cote reetili- 
gue des Landes , 
presque dépourvue d<* villes et de villages, on peut citer le littoral de la 
Méditerranée languedocienne entre le delta du Rhône et la bouche de 
l'Aude. Dans cette région, les centres de population considérables se 
rapprochent davantage qu'ils ne le fout en moyenne dans le reste de la 
France, bien que la dtmsilé kilométrique des habitants ne dépasse point 
la normale de l'ensemble du territoire. La raison de ce collier de villes 
doit être cherchée dans la disposition géographique de la contrée. La 
route que suivaient les hommes d'Italie pour se rendre en Espagne ou en 




i: 6 000 000 



60 



100 



200 Kil. 



C&TB8 DÉSERTES ET CÛTE8 PKUPtÉES 



«7 



Aquitaine évitai! également tes montagne» abruptes de l'intérieur et 
tes marécages, les lacs satins, tes bouches fluviales de la côte. La partie 

«• 487. Cotes à ports nombreux. 




à- 



1: 5000000 
là'o itio 



300 Ktt. 



haute, abrupte, très faiblement peuplée, presqu* in hospitalière que 
limite au sud le mur des Cévcnnes commence dans le voisinage même 



348 l'homme kt la terre, — REPARTITION des hommeb 

(te la mer, et, par suite, le mouvement de l'histoire se trouva rejeté 
sut' la route du littoral méditerranéen. D'outre part, le commerce devait 
chercher des lieux d'accès, soit à l'embouchure des rivières, celle de 
l'Aude ou de l'Hérault* ou bien duns une anse protégée artificielle- 
ment pur des jetées. C'est pur l'effet de ces appels mie se sont fondées 
Narlioune, qui eut su période do puissance mondiale alors qu'elle était 
la plu» populeuse des Gaules ; IJéjûcrs, qui Tut prospère du temps des 
Phéniciens et qui est encore l'un des grands marchés agricoles de ta 
France: Agde, la ville grecque, à laquelle a succédé eu importance 
Celle, autre ville d'origine hellénique; Montpellier, la capitale intellec- 
tuelle du Midi, 011 les Sa n'usina et les Juifs furent les précurseurs de la 
Henutssauec, Au delà, les villes se pressent encore, et l'antique Nîmes, 
assise au bord de sa fontaine, se raccorde avec le cours du Hhoue par 
les trois cités d'Avignon. île lïeuucaire et d'Arles. 

Toutes les conditions de In nulore, agricoles, géographiques, clima- 
tiques, influent en bien ou en mal sur le développement des villes. 
Chaque avantage augmente leur force d'attraction, chaque désavantage 
les diminue. La grandeur des groupes urbains se mesure* exactement îi 
la somme des privilèges naturels, en admettant, bien entendu, (pie 
l'ambiance historique soit identiquement la même. |)ei« cités, Tune 
d'Afrique, l'autre d'Kurope, se trouvant en des conditions similaires, 
n'en seront pas moins très différentes, puisque l'évolution de l'histoire 
environnante diffère pour chacune d'elles : néanmoins il y aura paral- 
lélisme dans leurs destinées. Par un phénomène analogue a celui des 
perturbations astrales, deux centres urbains rapprochés s'influencent 
mutuellement, soit pour se développer de concert lorsque leurs avan- 
tages se complètent, telles Livcrpool, la commerçante, et Manchester, la 
manufacturière, soit pour se nuire lorsque les privilèges sont de môme 
ordre : c'est ainsi que, près de Bordeaux, sur le fleuve; Garonne, la ville 
de Libourne, située de l'autre coté de V « Knlre-deux-Mcrs », sur le fleuve 
Dordognc, aurait pu rendre au trafic des services presque identiques ; 
mais le voisinage de la première a fait tort à la seconde ; celle-ci, man- 
gée par sa rivale, et perdant, h peu de chose près, toute sa valeur mari- 
time, n'a plus d'importance que comme lieu d'étape continentale. 

Il faut constater aussi ce phénomène remarquable que la force géo- 
graphique peut, comme celte de la chaleur ou de l'électricité, se trans- 
porter u distance, agir au loin de son foyer et faire surgir par contre- 



cités en lutte et cités abkociâkh 



% 



coup une ville (tons un site que des raisons diverses rendent préférable 
au lieu d'origine. On peut cilcr en exemple trois des porte île ta Méditer- 
ranée où le» delta» fluviaux créent des conditions spéciale» pour le» 
ville» d'échange : Alexandrie, qui, malgré son éloignoment du courant 
mlotique, n'en est pas moins l'entrepôt cominorei.il de lout le bassin» 
Venise, le port de; la plaine padune, el Marseille, celui de In vallée du 



'i*f«fti ^if 



v*minf 



(I. J. Killm. Mit. 
HAlUmhLK JET LB PORT, VUS PE NOTSB-UAMfi UK !.A <i\RJ>K 



Hhône, Kloignée de vingt kilomètres de l'embouchure du Dniepr, 
Odessa en surveille le trafic. 

Après les avantages du climat cl du sol, ceux du sous-sol exercent 
parfois une influence décisive. Telle ville noît brusquement en un silo 
défavorable en apparence* grucc ù 1» richesse souterraine de la contrée 
en pierres a bâtir, en argiles ù façonner ou a sculpter, en substances chi- 
miques, en métaux de toute espèce, eu combustibles minéraux. Ainsi 
Potosi. Cerro de Pasco, VirgînhvCîty sont nées en des régions où 
jamais, sans lit présence des veines d'argent, ville n'aurait pu se fonder, 
MerlhyrTydiil, Le Creusot, Kssen, Liège, Scraiilon sont des créations 
de la bouille. Toutes les forces naturelles, naguère inutilisées, font naître 






L'HOMME ET LA TERRE. — RÉPARTITION DES H0MMK8 



des cités nouvelles précisément aux endroits que l'on évitait jadis, soit 
au pied des cataractes, comme Ottawa, soit dans tes montagnes, à portée 
des conduites qui distribuent l'électricité, coin mu dans tes vallées de la 

N° 488. Un port d'estuaire : Anvers et l'Escaut, 



:r;^:""^.y-^ 



|*40 




i: ioooooo 



o ' tb 



*ÎT 



La navigation est excessivement dl (licite dans l'Escaut* à cause des bancs de sable, des 
coudes brusque» du chenal, des courant» de marée et des brouillards fréquents. Malgré cela, 
le pori d'Anvers est extrêmement prospère. Le port de Zeebrugge, récemment ouvert au trafic 
ainsi que te canal maritime le reliant à Bruges, doit rendre des serviras au commerce belge 
sans nuire à Ostende, ni à Anvers. 



Suisse. (Iliaque acquisition tic l'homme crée des points vitaux en des 
lieux imprévus, de même que chaque nouvel organe se donne des 
centres nerveux correspondants. Quel changement rapide dans la ré- 
partition des villes, lorsque l'homme sera devenu maître de l'aviation 
et de l'aéronautique ! De môme qu'il recherche maintenant au bord de 
la mer des endroits favorables pour expédier et recevoir les navires, de 



SUUUISSKMENT DE NOUVELLES CITÉS 



35 1 



môme il so sentira naturellement porté comme l'aigle vers tes hautes 
cimes d'où son regard e info l'a sacra l'infini de l'espace . 

A mesure que s'agrandit le domaine de l'humanité consciente et que 
les attractions se font sentir sur un espace plus étendu, les villes appar- 



H* 489. Un port de haute mer ; San franolsco. 



iaw 




«H«W.d*Gr, 



ut*jr 



i»« 



WP 



i: toooooo 



■ 1- 



10 



25 



wn wt mnij 



seKil. 



tenant à un organisme plus vaste peuvent ajouter aux avantages spé- 
ciaux, cause de leur naissance, des privilèges d'une nature plus géné- 
rale qui leur assurent un rôle historique d'importance majeure. G'est 
ainsi que llotnc, Paris, Berlin ♦ nous l'avons vu, n'ont cessé d'acquérir, 
dans leur agrandissement tutoie, de nouvelles causes d'agrandissement'; 
et ne peut-on en dire autant de Londres, actuellement la plus grande 
cité du monde? La principale raison de sa prospérité, la situation du 



1. J. G. Kohi, Dû gevgraphischc Loge der llauptstâdte Europas, 



35a l'homme et la terre. — RÉPARTITION des hommes 

port» à la tôle de navigation maritime sur la Tamise, a mis la ville, 
devenue capitule du Royaume ('ni, à môme de profiter d'autres avan- 
tages qui. sans cela, seraient restes ctt puissance* mais sans se réa- 
liser jamais. Ainsi de progrès en progrès par rapporta l'ensemble du 
monde, Londrc* a Uni par devenir le point central que, de toutes les 
extrémités du globe, on peut en moyenne atteindre le plus facilemenl. 
Dans le développement des cité», il arrive très fréquemment tpie la 
croissance ou ht décroissance de ces grands organismes s'accomplit 
d*un mouvement très irrégulier, para coups que déterminent des évolu- 
tions rapides de l'histoire. Ainsi, pour prendre encore l'exemple de 
Londres, on voit qu'à l'origine, les avantages locaux de cette ville, tout 
en ayant une certaine importance, n'étaient point de nature à lui pro- 
curer le rang qu'elle a pris parmi les autres cités. Certes, sa position, 
dans une plaine bleu limitée au nord par des coteaux protecteurs, au 
bord d'un grand fleuve cl au confluent d'une petite rivière, à l'endroit 
même où le va ct-vicnt de la marée facilitait l'alternance de la naviga- 
tion, l'embarquement et le débarquement des marchandises, toutes ces 
conditions éluieni «les plus favorahles à Londres pour la faire prévaloir 
dans sa lutte d'existence avec les autres cités de l'Angleterre, mais 
ces privilèges locaux ne prirent leur véritable valeur que lorsque les 
Homaius curent choisi celle position pour en faire le centre de couver- 
gence des routes tracées en tous sens dans la moitié méridionale de la 
grande tic, La Borne britannique devait s'élever au lieu choisi comme 
centre du réseau. Mais lorsque les légions romaines durent abandonner 
Albion et (pie toutes les « roules hautes », hùjh ttltvrte* construites entre 
les postes militaires et le port de la contrée, eurent été délaissées, 
Londinium perdit par cela même toute son importance et ne fut plus 
qu'une simple ville de la Bretagne, réduite, comme tant d'autres, a ses 
avantages purement locaux, et, pendant deux cents années, clic resta 
complètement ignorée de l'histoire \ Il fallut que tes relations se réta- 
blissent avec le continent pour que la position do Londres reprit sa 
valeur. t 

Les faveurs administratives, l'appel des courtisans et courtisanes, des 
fonctionnaires, des policiers, des soldats et la foule intéressée qui se I 

presse autour des « dix mille d'eu haut « donnent aux capitales un rôle < 

t. Gomme, Village Communitics, pp. 48,51 ; Orecn, The Makinç of En gland, p. 118. 



AVATARS f)l: DÉYJEUlPPfiMKNT 



353 



trop distinct pour qu'il convienne de les C-tudicr comme des types de 
groupe urbain : leur développement «si fut- lice on très grande partie. On 
peut mieux raisonner sur la vie des cités qui doivent leur histoire presque 
uniquement au milieu géographique. Aucun travail n'est plus fructueux 
pour un homme studieux que la biographie d'une ville dont l'aspect, 
mieux encore que les annales, permet de constater sur pince les change- 




ci. Meliitolrtcr et pfc. 



I.B CRKUHOT V.T HE8 U8ISK8 



ments successifs se déroulant tic siècle en siècle, suivant un certain 
rythme. On voit reparaître par les yeux de l'esprit la cabane du pécheur 
et celle de son voisin le jardinier; deux ou trois fermes parsemaient alors 
la campagne, un moulin tournait sa roue sous le poids de l'eau plon- 
geante. Plus tard, une tour de guet s'éleva sur ta colline. De l'autre côté 
de la rivière, sur la plage que venait entamer la proue du bue, on cons 
truisil une nouvelle hutte; une auberge, une boutique appelèrent les 
passants et les voyageurs près de la maisonnette du batelier, puis un 
marché s'établit sur la terrasse nivelée du voisinage, ï.ne vtiie.de plus 
en plus largement frayée par les pas de l'homme et des animaux, des- 
cendit de la plaine à la rivière, taudis qu'un sentier serpentin échappa la 



354 l'homme et la terre. — RÉPARTITION des hommes 

colline; des roule» futures commencèrent à se montrer sur l'herbe foulée 
de» champs, et des maisons s'emparèrent des quatre angles du carrefour 
L'oratoire devint l'église» l'échu fa ud de guet se fit château fort, caserne 
ou palais; le village grandit en ville, puis ett cité. 

La vraie manière d'étudier une agglomération urbaine ayant vécu 
d'une longue existence historique est de la visiter en délait conformé- 
ment aux phénomènes dosa croissance. Il faut commencer par le lieu 
que sacra presque toujours la légende, où fut son berceau, et finir par 
ses usines et ses dépotoirs. 

Chaque ville a son individualité particulière, sa vie propre, sa physio- 
nomie, tragique ou dolente chez les unes, gaie, spirituelle chez les autres. 
Les générations qui s'y succédèrent lui ont laissé leur caractère dis- 
tinctif; elle constitue une personnalité collective dont l'impression sur 
l'être isolé est mauvaise ou bonne, hostile ou bienveillante. Mais la 
ville est aussi un personnage très complexe, et chacun de se» divers 
quartiers se distingue des autres par une nature particulière. L'étude 
logique des villes, à la fois dans leur développement historique et dans 
ta physionomie morale de leurs édifices publics el privés, permet de 
tes juger comme on jugerait des individus : on constate quelle est la 
dominante do leur caractère cl jusqu'à quel point, dans la complexité de 
leurs influences, elles ont été utiles ou funestes au progrès des populations 
qui se sont trouvées dans leur rayon d'activité, H est des villes que l'on 
voit tout d'abord consacrées au travail, mais qui peuvent singulièrement 
contraster entre cites, suivant le fonctionnement normal ou pathologique 
donné aux industries locales, qu'elles se développent en des conditions 
de paix, d'égalité relative et de tolérance mutuelle, ou bien qu'elles soient 
entraînées dans les remous d'une furieuse concurrence, d'une spéculation 
chaotique et d'une exploitation féroce de la classe des prolétaires. 
D'autres villes se montrent à première vue banales, bourgeoises, routi- 
nières, sans originalité, sans vie; d'autres ont été buttes pour la domina- 
nation, pour l'écrasement des pays environnants: ce sont des instru- 
ments de conquête et d'oppression ; a leur vue, on éprouve un sentiment 
de crainte ou d'horreur spontanée. D'autres encore, h l'aspect toujours 
vieux, même dans leurs parties modernes, sont des lieux d'ombre, de 
mystère ou de peur, où Ton se sent pénétré des sentiments d'un autre âge, 
tandis qu'il est des cités éternellement jeunes qui disposent à la joie, où 
la moindre charpente prend un profil original, où les maisons sont gaies, 



ORIGINALITÉ DES VILLES 



355 



comme le» habitant» d'allure poétique, ajoutant leur propre vie à colle 
tle l'homme. Enfin que de cités & faces multiples où chaque classe de la 
société trouve des quartiers qui lui ressemblent et dont les siècles ne 



N« 400, Villages agricoles et industriels. 




r. 200000 



o I 



itiai 



modifient que très lentement l'altitude et le langage! Combien de 
sites lamentables devant lesquels on voudrait pleurer! 

Les contrastes se montrent clairement dans le modo de croissance 
que présente chaque cité. Suivant l'importance de la direction de ses 
échanges par terre, celle ci projette ses faubourgs, comme des tentacules, 
le long des routes ; de môme, celle qui longe un fleuve se continue au loin 



35() l'hommb bt LA TEKRË. — répartition des iiommkb 

sur la berge, en face de» lieux d'ancrage et de débarquement. Ou est 
souvent frappé de l'inégalité bteurre que présentent deux quartier» rive- 
rains, paraissant aussi bien situés l'un que l'autre pour lu résidence de 
l'homme: la cause de cette différence s'explique par ta direction 
du mouvement fluvial. Ainsi lu pl.icede hordeaiix suggère aussitôt l'idée 
que le véritable centre du cercle habile devrait se trouver sur la rive 
droite du fleuve, à l'endroit où se sont élevées les maisons du petit fau- 
bourg de ta Bastide: muis la (juron nu, décrivant u no courbe puissante, 
longe de ses eaux vivantes les quais de la rive gauche : c'est donc du 
côté ou se jette le véritable fleuve que doit se porter aussi le courant 
commercial, l'activité politique. La population suit la marche des eaux et 
s'éloigne des bancs vaseux de lu rive droite. Le monopole a fuit le reste 
en s'emparent du faubourg pour l'enserrer tle rails et de barrièms en 
cercles entrecroisés et pour l'enlaidir de hangars et d'entrepôts. 

On a souvent prétendu que les villes ont une tendance à grandir in- 
cessamment dans le sens de l'Ouest. Ce fait que l'on consulte en nombre 
de cas se comprend très bien dans les contrées de t'Kuropc occidentale 
et dans celles qui ont un climat analogue, puisqu'on ces pays le côté 
de l'occident est celui d'où le vent souille avec le plus de fréquence. 
Les habitants qui s établissent dans les quartiers tournés vers l'air libre 
ont moins ù craindre les maladies que les gens demeurant à l'autre 
extrémité des villes, sous un vent qui s'est chargé d'impuretés 
en passanl au-dessus des cheminées, des bouches d'égout et des 
milliers ou millions de personnes humaines. Kn outre, il ne finit pas 
oublier que les riches, les oisifs, les artistes, qui peuvent jouir pleinement 
de la contemplation des deux, ont plus souvent l'occasion d'admirer les 
beautés du crépuscule que celles de l'aurore: ils suivent inconsciemment 
le mouvement du soleil dans sa direction de l'est a l'ouest, et, le soir, se 
plaisent a le voir descendre dans les nuées resplendissantes. Mais que 
d'exceptions dans cette croissance normale des villes suivant la marche 
du soleil! La forme et le relief du sol, l'attraction des beaux sites, la 
direction des eaux courantes, les quartiers parasitaires nés des nécessités 
de l'industrie el du commerce ont fréquemment pour effet de détourner 
les hommes de richesse et de loisir vers d'autres parties de la ville que 
celle de l'Occident. Bruxelles et Marseille sont deux exemptes de cette 
divergence du type normal. 

Par le fait de son développement môme, l'agglomération urbaine, 



QUARTIERS KST ET OUEST 



357 



comme tous lo» organismes, tend à mourir. Obéissant aux conditions 
du temps, elle se trouve déjà vieille quand surgissent d'autres cités im- 
patiente» de vivre à leur tour. Stms doute, elle garde quand même quel- 
ques conditions de durée, grâce* ô ta force d'inertie commune de 
ceux qui t'habitent, grâce a ta routine et à la puissance d'appel que tout 
centre exerce sur le cercle des alentours ; mais* sans compter les accidents 
mortels qui peuvent frapper les villes aussi bien que les hommes, chaque 




Cl. J. Kutm, Mit. 



t\S COIN* l>B LA HACTK VIM.R 1*« «'ÀRCASSOSTNK 



personne urbaine ne se rajeunit, ne se refait incessamment qu a la con- 
dition de dépenser une somme d'efforts de plus en plus considérable, et, 
souvent, elle recule devant celle nécessité constante. Lu cité doit élargir 
ses rues et ses places, rebâtir, déplacer ou raser ses murailles, remplacer 
de vieilles constructions, sans objet désormais, par des édifices répondant 
à ses tïesoin» nouveaux, 

Tandis qu'une ville d'Amérique naît tout accommodée à son milieu, 
Paris, vieilli, encombré, encrassé, doit se reconstituer tous les jours, 
et, dans la compétition des existences, ce labeur continu lui crée une 
très grande infériorité vik à vis des cités nouvelles comme New-York 



358 l'homme et la terre. — répartition ors hommes 

et Chicago. Telle» est la raison pour laquelle, dans les bassins de 
Hmi pli raie et du Nil, des ville» immenses comme îiab\lom\ Ninive, 
Le Caire ont successivement changé (te pince. Tout en gardant, 
du moins en partie, son importance historique, grâce aux avantages du 
lieu» chacune rie ces villes devait abandonner ses quartiers surannés et 
se reporter plus loin, pour éviter le» décombres et, souvent aussi, les 
pestilences, issues des amas d'immondices ; généralement le site délaissé 
des villes qui se dépluceut est occupé par des tombeaux. 

D'autres causes de mort, plus décisives parce qu'elles ont pour 
raison le développement même de l'histoire, ont frappé mainte cité 
jadis fameuse : des circonstances analogues & celles qui ta firent naître 
en ont rendu la destruction inévitable. Ainsi le remplacement d'une 
route ou d'un carrefour par d'autres voies plus favorables peut supprimer 
du coup la ville que les transports avaient créée. Alexandrie ruina Péluse, 
Cartagcna de-las Indias rendit Puerto- Bel le u la solitude des forets. 
L'appel du commerce et lu répression de la piraterie ont changé de place 
beaucoup de cités bâties sur le littoral rocheux de la Méditerranée. Jadis 
elles étaient perchées sur d'Apres collines et ceintes de murailles épaisses 
pour se défendre contre les seigneurs et les corsaires; maintenant, elles 
sont descendues de leurs rocs et s'étalent largement sur le bord de ta 
mer: partout le tnmjo est devenu marina; a l'Acropole succède le J'irée. 

Dans nus sociétés autoritaires où les institutions politiques ont sou- 
vent donné h la volonté d'un seul une influence prépondérante, il est 
arrivé que le caprice d'un souverain plaçât des villes en des endroits où 
elles ne seraient point nées spontanément. Ayant été fondées en des lieux 
contre nature, elles n'ont pu se développer qu'au prix d'une énorme 
déperdition de forces vives. Ainsi se bâtirent, à grands frais, Madrid, 
Pétersbourg, dont les casinos et les hameaux primitifs laissés ù eux- 
mêmes, sans Charles-Quint ni Pierre l or , ne seraient jamais devenus 
des cités populeuses comme elles le sont aujourd'hui. Néanmoins, quoi- 
que créées par le despotisme, elles doivent au travail associé des 
hommes de vivre comme si elles avaient une origine normale: non 
destinées par le relief naturel du sol à devenir des centres, elles le sont 
pourtant, grâce a la convergence des routes, des canaux, des voies 
ferrées, des correspondances, des échanges intellectuels. Car la 
géographie n'est pas chose immuable; elle se fait, se refait tous les 
jours: ii chaque instant, elle se modifie par l'action de l'homme. 



VILtBB POUTIQUKS ôbg 

Maintenant on ne cite plu» guère de Géiar bâtisseur de capitales» 
de grands capitalistes ou spéculateurs, présidents de syndicats financier, 




PARTS. L'ffBTTRB W REPAS, QtTÀRTtEB *DV TEMPLE 

'après le tableau de V. Gttbwt. 



CI. P. Sellier. 



leur'ont succède'' comme fondateurs de villes. On voit les constructions 
s'ériger en quelques mois sur' une étendue considérable avec un outillage 



36o i/homme et la terre, — répartition des hommes 

«plendide, un aménagement merveilleux ; même tes écoles, les biblio- 
thèques et les musées n'y manquent point* Si le choix des emplacements 
est favorable, les créations nouvelles sont entraînées dans le mouvement 
général de la vie, cl le Creusât, Crewe, Barrow-on-Fumess, Denver, la 
Plata prennent rang parmi les centre» de population ; mais le site a t-il 
été mal choisi, les villes meurent avee tes intérêts particuliers qui leur 
donnèrent naissance: Cheyenue-City, cessant d'être la gare terminale 
d'un chemin de fer, expédie ses maisonnettes plus avant' sur la ligne 
ferrée, et Canton -City disparaît quand s'épuisent les mines d'argent qui 
groupèrent les 'vdiitanls dans ce désert affreux. D'ailleurs, si le caprice 
du capital essaie parfois de fonder des villes que tes intérêts généraux de 
la société condamnent à périr, ii détruit aussi de nombreux groupes de 
populations qui ne demanderaient qu'à vivre. Ne voit-on pas, dans la 
grande banlieue de mainte importante cité de gros banquiers et proprié 
taires terriens augmentant chaque année leur domaine de centaines 
dlwctares, changeant méthodiquement les cultures eu plantations ou en 
pares à faisans ou à gros gibier, et rasant tous les hameaux et villages 
pour leur substituer de distance en distance quelques maisonnettes 
de gardiens? 

Parmi les villes qui sont à demi ou même complètement factices et 
qui ne répondent pas aux besoins réels des sociétés travailleuses laissées 
ù elles-mêmes, il faut citer aussi les places de guerre, du moins celles 
que font construire de nos jours les grands Ktals centralisés. Il n'en était 
pas ainsi lorsque la cité contenait toute la tribu on formait le noyau 
naturel de la nation : alors il lui fallait bien se proléger en élevant des 
remparts qui suivaient exactement le pourtour des quartiers et 
dressaient à leurs angles des tours de guet. A celte époque, la citadelle, où 
tous les citoyens se réfugiaient en cas de danger suprême, n'était autre 
jue le temple, bâti au haut de la colline gardienne, le monument devenu 
sacré par les statues des dieux. Les villes qui constituaient un organisme 
double comme Athènes, Mégarc, Corinthe devaient protéger môme la 
route intermédiaire par de longs murs parallèles. 

L'ensemble des fortifications, s'expiiquanl par la nature du sol, 
prenait dans le paysage un aspect harmonieux et pittoresque. Mais, 
en nos jours d'extrême division du travail, où la force militaire est 
devenue pratiquement indépendante de la naliou et où nul civil ne 
peut s'ingérer a donner son avis en matière stratégique, la plupart des 



REPARTITION ft-E U»Pt/LA J noN DU GLOBE 




plue de 200 



u>«o»Kil 



VIUE8 MILITAIRES 



36 1 



ville» fortes ont de» contours tout à fait disgracieux, sans aucune 
harmonie avee les ondulations du sol, coupant le pays suivant de» 
tracés offensants pour le regard. Du moins, les ingénieurs italien» 
de la Renaissance, puit) Vauban et ses émules s*essayaient-ils à des- 
siner lo profil de leurs places fortifiées suivant une symétrie parfaite : 
quelques-uns de ces ouvrages, ayant l'aspect de croix à étoiles avec 




LA VItMÎ d'AIBIS.SUB'LA-LYS 



Ci. ï». SttUlttf. 



Aire subit plusieurs «l*ges aux dix-soptiômô et riix*huiUdmo siècles ; ses forUftc&ttons ont 
p«rdu toute valeur dopuis longtemps. 



rayons et gemmes, contrastent régulièrement par les murs blancs de 
leurs bastions et redans avec la calme placidité des campagnes om- 
breuses. Mnis nos places modernes n'ont plus l'ambition de se faire 
belles ; celle préoccupation n'existe pas dans l'esprit des constructeurs. 
D'un regard jeté sur le plan des villes fortes, on voit, en effet, qu'elles 
sont laides, hideuses, en désaccord complet avec leur milieu. Loin 
d'épouser les contours du pays, de prolonger librement ses bras dans 
les campagnes, la pince de guerre est comme amputée de ses membres, 
V 19 



I 



363 L'HOMME fit U TERRE. — RÉPARTITION DES HOMMES 

atteinte dans ses organe» essentiels. Que l'on constate la triste forme 
extérieure prise par de* cités comme Strasbourg* Mels, Lille 1 Cette 
dernière ville s'est trouvée tellement à l'étroit dans ses remparts qu'elle 
a dû ( pour ainsi dire, résurgir eu dehors de lu zone des servitudes mili- 
taires, ftoubaix et Tourcoing doublent l'agglomération fortifiée et, 
aujourd'hui, on cherche à regrouper les trois éléments en un tout 
harmonieux, uu moyen de larges boulevards. 

Malgré la beauté de quelques édifices, ta grâce de ses promenades, 
t'allirunce fie su population, Paris est aussi une des villes qu'enlaidit 
la brutale enceinte. Dégagé do ce déplu i su nt ovale en lignes brisées, 
l'organisme se serait développé d'une façon esthétique et rationnelle, 
il aurait pris une figure élégunlc donnée par lu vie. 

Une autre cause de laideur dans nos villes modernes provient de 
l'invasion des grandes industries manufacturières. Presque chaque 
agglomération urbaine est assombrie par un ou plusieurs faubourgs, 
hérissés de cheminées puantes, traversés de rues noires : d'immenses 
constructions les bordent, aveugles ou percées d'innombrables fenêtres 
à l'écœurante symétrie, Le sol tremble sous l'effort des machines eu 
mouvement, sous le poids des camions et des trains de marchandises. 
Que de villes, surtout dans la jeune Amérique, où l'air est presque 
irrespirable, où tout ec que l'on aperçoit, te sol, les routes, les mu- 
railles, le ciel, suinte tu boue et le charbon! Peut-on se rappeler sans 
horreur et dégoût une agglomération minière comme celte intermi- 
nable et sinueuse Kcranluii, dont les soixante-dix mille habitants n'ont 
pas même un hectare de gazon souillé et de feuillages noircis pour 
consoler les yeux de tontes les h i (leurs de l'usine ! Kt l'énorme Pitts* 
burg, avec sa couronne semi-circulaire de hauts faubourgs qui 
flambent et qui fument, comment se l'imaginer sous une atmosphère 
plus salie, quoique, d'après les indigènes, elle ait gagné en propreté 
des rues et en clarlé des horizons depuis l'introduction du gaz nalurct 
dans les usines? D'autres villes, moins noires, sont u peine moins 
hideuses, de par le fait des compagnies de voies ferrées qui se sont 
emparées des rues, des places, des promenades et qui font renâcler cl 
siffler leurs locomotives en écrasant la foute sur leur parcours. Quel- 
ques-uns des plus beaux sites de la Terre ont été déshonorés : ainsi 
c'est en vain qu'a Bufl'alo le promeneur essaierait de suivre la rive 
de l'admirable fleuve Niagara, h travers fondrières, croisements de 



HYGIÈNE DK8 VILM& 



363 



lignes, canaux vaseux» amas de graviers et d'ordures et toutes les immon- 
dices de la cité. 

Une spéculation barbare enlaidit aussi les rues par ses lotissements 
de terrain, où les entrepreneurs élèvent de vastes quartiers, combinés 

N° 491. Lille, Roubalx, Tourcoing. 




1 : 250000 



fr— t 



t 



10 



iskil. 



Toutes les villes dont les noms sont Indiqués ont au moins 5 000 habitant*. Ut densité de 
population de ce territoire a cheval «urla frontière, est d environ 1 000 habitants par kilomètre 
carré. 

d'avance par des architectes qui n'ont pas môme visité les emplace- 
ments» et bien moins encore se sont donné la peine d'interroger les 
futurs habitants; ils dressent ici une église ogivale pour les épiscopaux, 
ailleurs, une bâtisse romane pour les presbytériens, plus loin* une 
sorte de panthéon pour les baptistes, tracent leurs rues en carrés et 
V J9* 



I 



304 L'HOMME KT I.ATEtlUK. — RÉPARTITION DES HOMMES 

en losanges, vurient bixurretnent le dessin géométrique des places et 
le style des maisons, tout en gardant religieusement tes coins les plus 
avantageux pour les débits de boissons funestes. Villes factices, con- 
struites sur un type banal et témoignant toujours par quelque enté 
de l'insolence fastueuse des constructeur»! 

Quoi qu'il en soit, toute ville nouvelle arrive aussitôt, par le fait 
même de la juxtaposition des demeures, h constituer un organisme 
collectif, dont chaque cellule individuelle cherche à se développer en 
santé parfaite, condition première 'de la santé de l'ensemble. I/hisfoirc 
est là pour enseigner que les maladifs des uns entraînent celles des 
atilres et qu'il est dangereux pour les palais de laisser la peste dévaster 
les taudis, Aucune municipalité n'ignore de quelle importance serait 
un assainissement complet de la ville par le nettoyage des rues, l'ou- 
verture de ]) laces gazomiées el fleuries, ombragées de grands arbres, 
la disparition rapide de toutes les immondices cl la diffusion de l'eau 
pure en abondance dans tous les quartiers et foules les maisons, A 
cet égard, les villes des pays les plus avancés sont en rivalité paci- 
fique pour mettre en pratique ou Ù l'essai des procédés particuliers 
de nettoyage et de confort. Il est vrai que les villes, comme les Ktats. 
ont des gouvernants incités par leur milieu même à s'occuper surtout 
de leurs intérêts privtV, mais c'est déjà beaucoup de savoir ce qu'il 
convient de Taire pour que les organismes urbains fonctionnent un 
jour mécaniquement, pour l'acquêt des provisions, la circululiou des 
eaux pures, cie la chaleur, de la lumière, des forces, de la pensée, la 
répartition constante de; l'outillage et l'expulsion îles matières devenues 
inutiles ou funestes. Cet idéal est encore fort loin d'être réalisé; du 
moins, nombre de villes sont-elles déjà devenues assez salubres pour 
que la vie moyenne y dépasse celle de mainte campagne, dont les 
lia bitunls aspirent continuellement l'odeur des pourritures et des fumiers 
et sont restés dans l'ignorance primitive de fonte hygiène. 

La conscience de la vie urbaine se manifeste aussi par les préoc 
cupalions d'art. Connue Athènes jadis, comme Florence, Niirnbcrg 
et les uutres cités libres du moyeu âge, chacune de nos villes modernes 
tient a se faire belle : il n'est pas jusqu'au plus humble village qui 
ne se donne un clocher, une colonne ou une fontaine sculptée. Art 
fort triste et fort maussade en général que cet art manipulé par des 
professeurs a diplômes, sous la surveillance d'une commission d'incom 



HVUlfcNK DES VILLES 365 

|H'ïents t d'tttitani phin prétentieuse qu^lW est plu» ignorante. L'art 



Cl. 11. Hotnw. 
QUELQUES VI8ILLBS MAISO.VS Ofi LA mOH-STRBBT K EDIMBOUBO 

réel est toujours spontané et ne n'uecommode point des alignements im- 
posés par la voirie. Les petits esprits, comme il en est tant dans les 



366 l'homme kt la tbrrk. — RÉPARTITION des 1IOMMK3 

conseils municipaux» procèdent souvent à la façon de ces BJummius 
qui commanderaient volontiers à leurs soldats de repeindre les tableaux 
détériorés ; ils s'imaginent que par la symétrie ils atteindront la beauté 
et que des reproductions identiques donneront à leurs cités des Par- 
thé non et des Saint-Marc. N'avons-nous pas en Europe une ville que 
ses bâtisses mêmes rendent banale par excellence, la vaste Munich, qui 
renferme tant et de si scrupuleuses imitations de monuments grecs 
et bysantins, chefs-d'œuvre auxquels manquent le milieu, l'air, le 
sol et les hommes? 

Les copistes réussiraient-ils a faire surgir des monuments en tout 
semblables à ceux qui leur ont servi de modèles» ils n'en auraient pas 
moins produit un travail contre nature, car un édifice ne se comprend 
pas sans les conditions d'espace et de temps qui l'ont fait naître. Chaque 
ville a sa vie propre, ses traits, sa physionomie particulière : avec quelle 
vénération les bâtisseurs doivent-ils s'en approcher! C'est un attentat 
contre la personnalité collective constituée parla cité que de lui enlever 
son originalité pour la hérisser de constructions banales ou de mono 
ments contradictoires a son rôle actuel ou a son passé! Le grand art est 
de transformer la cité nouvelle pour l'adapter nu\ nécessités du travail 
moderne, en conservant tout ce quelle eut de pittoresque, de cu- 
rieux ou de beau dans les siècles d'autrefois ; il faut savoir y maintenir 
la vie et lui rendre la salubrité et l'utilité parfaites, de môme que des 
mains pieuses rétablissent la santé d'un malade. C'est ainsi que, dans la 
ville d'Edimbourg, des hommes d'intelligence, à la fois artistes et savants, 
ont entrepris de restaurer l'admirable rue dite High-Strect, qui descend 
du château-fort au palais dllolyrood, unissant les deux cellules mai 
tresses de l'ancienne ville. Abandonnée tout à coup, lors du départ pour 
l'Angleterre du roi Jacques, parles parasites de la cour, chambellans, 
militaires, hommes de plaisir, fournisseurs et gens de loi, celle avenue 
de riches maisons avait changé d'habitants: les pauvres en avalent fait 
leur demeure, aménageant de leur mieux les vastes salles en les divisant 
par des cloisons grossières, Deux siècles après ht désertion de cette rue, 
elle était devenue un ensemble de masures aux cours nauséabondes, aux 
réduits envahis par tes fièvres : la population, vôtue de loques malsaines, 
toujours souillées de boue, se composait en grande partie d'infirmes, de 
scrofuleux et d'anémiés. Aux vices élégants de lu cour avaient succédé 
les vices dans toute leur hideur publique. C'est à ces affreuses son tin es 



BK8TAU RATION »ES VUMSS 367 

que se sont attaqués les restaurateur», transformant graduellement 
chaque maison, rétablissant tes escaliers aux larges rampes et les salles 
aux cheminées monumentales, Introduisant partout à grands flots l'air 
puret ta lumière, amenant Peau en abondance dans le moindre grenier, 
ajoutant des bas-reliefs et des ornements aux murailles nues de l'édifice. 
Le pittoresque des constructions est maintenu avec respect, même accru 
par des tour», des clochetons, des belvédères, mais sans l'horrible accom- 
pagnement des ordures et de la puanteur; la me jadis pavoisé© de loques 
a maintenant ses balcons décorés de fleur» et de feuillages. La cité repa- 
raît dans sa fraîcheur nouvelle, de même que, dans un jardin, la fleur 
rejaillit du pied sans qu'un renversement violent ait bouleversé le sot 
autour de la tige première. 

Mais, dans une société oîi les homme» ne sont pas assurés du pain, 
où les misérables et même les famélique» constituent encore une forte 
proportion des habitants de chaque grande cité, ce n'est qu'un demi- 
bien de transformer les quartiers insalubres, si les malheureux qui les 
habitaient naguère se trouvent expulsés de leurs anciens taudis pour aller 
en chercher d'autres dans la banlieue et porter plus ou moins loin leurs 
émanations empoisonnées. Les édiles d'une cité fussent-ils sans excep- 
tion des hommes d'un goût parfait, chaque restauration ou reconstruc- 
tion d'édifice se fit-elle d'une manière irréprochable, toutes nos villes n'en 
offriraient pas moins le pénible et fatal contraste du luxe et de la misère, 
conséquence nécessaire de l'inégalité, de l'hostilité qui coupent en deux 
le corps social. Les quartiers somptueux, insolents, ont pour contre-partie 
des maisons sordides, cachant derrière leurs murs extérieurs, bas et 
déjetés. des cours suintantes, des amas hideux de pierrailles, de misé- 
rables lattes. Môme dans les villes dont les administrateurs cherchent 
h voiler hypocritement toutes les horreurs en les masquant par des clô- 
tures décentes et blanchies, la misère n'en perce pas moins au travers : 
on sent que là derrière, la mort accomplit son œuvre plus cruellement 
qu'ailleurs. Quelle est, parmi nos cités modernes, celle qui n'a pas son 
Whlie-Chapel et son Mile Endroud? Si belle, si grandiose qu'une agglomé- 
ration urbaine puisse être dans son ensemble, elle a toujours ses vices 
apparents ou secrets, sa tare, sa maladie chronique, entraînant irré- 
vocablement la mort, si l'on ne réussit pas a rétablir la libre circulation 
d'un sang pur dans tout l'organisme. 

Que de cités sont encore éloignées de ce type de salubrité et 



! 



468 l'hosimb et la tkbre. — répartition des hommes 

d'esthétique futures ! Un diagramme, publié dans l'annuaire du Péters 
bourg pour Tannée iKp/i donne un saisissant exemple de la consomma- 
tion do vies humaines par celle capitale : partant de l'aimée 175/i, époque 
à laquelle la population de Pétersbourg était de 100000 individus, 
la courbe d'accroissement s'élève en i»6 années ù oâo 000 personnes, tan- 
dis que la courbe de population hypothétique, calculée d'après In mor- 
talité et sans tenir compte des immigrants, descendu noooo au-dessous 
de zéro. La natalité ne dépasse quelque peu la mortalité que depuis i8H5. 
année du grand nettoyage Kl dans le inonde, combien de villes, Buda- 
pest, Lima, llio de Janeiro, seraient encore eu voie de dépérissement 
rapide si les gens de la campagne ne venaient combler les vides laissés 
par les morts! Si les Parisiens s'éteignent après deux ou trois généra 
tUms, n'est-ce pas rôdeur pernicieuse de la ville qui en est cause ; si les 
Juifs polonais sont réformés comme conscrits eu plus grand nombre que 
les jeune» gens de» autres nationalités, la faute n'en est-elle pas encore 
aux villes où ils végétant pauvrement dans le yhctfa, 

Kt que d'agglomérations dont le ciel semble élit» tendu d'un voile 
funéraire! A pénétrer dans une cité fumeuse, telle que Manchester ou 
Seruing, Essen, LeCreusot ou Pittsburg, on jugera amplement si les 
œuvres des lilliputiens humai «s ne suffisent pus ù ternir la lumière, 
à profaner la beauté do la nature. Or, une très faible quantité de charbon 
échappé à lu combustion, tin voile continu d'une fine lion de millimètre 
d'épaisseur' suttlt, surtout si elle s'alita ù des broiil I lards, pour contre- 
balancer la lumière solaire. L'atmosphère opaque qui parfois pèse sur 
lu ville de Londres est célèbre a juste titre. 

D'ailleurs, l'assainissement des centres urbains soulève bien d'autres 
problèmes que celui de la fumée, en somme facile a résoudra. Le sys- 
tème d'évacuation des vidanges cl ordures ménagères, l'épuration «les 
eaux d'égout, soit par dos procédés chimiques, soil par leur emploi 
rationnel eu agriculture, sont loin d'avoir reçu des solutions heureuses 
ou acceptées, et môme Imp de municipalités semblent m; pas s'in- 
quiéter de ces questions. Le» choix d'un sol de roulement ne donnant ni 
poussière ni boue, l'organisation efficace des transports en commun ont 
aussi leur influence sur la santé générale. 

De nombreux indices montrent que le mouvement de flux qui 

1. Cb. Dulour, Bulletin de ta Soc. Vaudoise des Sciences NaUtrellts t juin-sept, t895, 
p. 145. 



Vll.LKS-ClMETlfeKE» M)\) 

porte vers tes villes lu population des campagne* peut s'arrêter 
et môme se transformer imi un mouvement de reflux. Tout d'abord . 
lu cherté de loyer» urbains cunduisit naturellement les travailleurs à se 
déplacer vers lu grande banlieue, et les chefs «l'iudiislrie no pouvaient 
que favoriser l'exode, puisqu'il devait amener une baisse dans le prix de 
lu main d'umvre. La bicyclette, les tramways à service matinal, les train» 
ouvriers ont |x*rml» à dos milliers d'ouvriers et de petils employés de 




?*#*. 



T ^. 



L*XK MAISO.V U£ H01'K.VKVJJ,LK 

Ville industrielle «les environs de Manche»ter. 



se loger avee quelque avantage pécuniaire dans un air moins chargé 
dacide carbonique. Ainsi en Belgique, les communes rurales d'un 
grand nombre de districts ont gardé leur population, grâce, a l'ev- 
tension des « coupons de semaine ». tën rguo. on ne comptai! 
pas moins de i5ooou ouvriers qui résidaient la nuit vi le dîmanebe 
en leur village, tout eu allant chaque jour de semaine travailler 
môme à 5o kilomètres de distante — aboiinemeiil hebdomadaire de 
2 fr. a5 — , dans une usine on mu nu facture de quelque ville éloignée. 
Mais la solution est biUarde, car te chef de famille s'épuise eu longs Ira- 



370 



LHOMME ET LA TERRE. — UÈPARTITION DES HOMMES 



jets, en mauvais repus, en repos nocturne» écourtés, el du reste L'assai- 
nissement (lt?a villages soulève les même» problèmes que celui des vit les ', 
Ce n'est pas tout : réleelrieité, que fournit l'eau courante, leud ù 
remplacer le charbon et à disperser les usines leloug des cours d'eau, 
C'est ainsi que l'on a vu la ville de Lyon, pourtant si ibrteparsa puis- 
sance d'attraction un point de rue du travail et des urts, diminuer de 
plusieurs iniltiei'K d'hululants pur année, non parée que su prospérité 

élu il entamée, mais 
un contraire parce 
que ses rirhes tis- 
seurs et autres in- 
dustriels avaient 
étendu leur domaine 
d'activité dans tous 
les départements voi- 
sins, jusque dans les 
Alpes, partout ou des 
cascades ou rapides 
leur fournissaient la 
force motrice néces- 
saire. 

A bien considérer 
les choses, Ion te ques- 
lion d edilité se confond avec la question sociale elle-même, Tous Jes 
homme» sans exception arriveront-ils à pouvoir respirer l'air en quan- 
tité suffisante, à jouir pleinement de la lumière du soleil, à savourer 
la beauté des embraies et le parfum des roses, à nourrir généreuse- 
tuent leur famille sans craindre que le pain vienne à manquer dans la 
huche? S'il en est ainsi, mais seulement alors, les villes pourront atteindre 
leur idéal et se transformer d'une manière exactement conforme 
aux besoins el aux plaisirs de tous, devenir des corps organiques par- 
faitement sains et beaux. 

C'est à ce programme que prétend répondre la ville jardin. Et de fait, 
des industriels intelligents, des architectes novateurs ont réussi a créer en 
Angleterre, où le tandis urbain était le plus hideux, un certain nombre 




VU QUARTIEK OUVRIER A MAN<HE8TKB 

Ty|H» des elum* anglais. 



t. tëmile VanUflrv«UUs //wwrfe rurat. 



VU.LK8-JARDINB 



3 7 . 



de centres en des condition» aussi parfaitement salues pour le pauvre que 
pour lu riche. Port-Suntîghl, Bourneville, Letehworth contrastent 
certes heureusement avec tes stums de Uvcrpoot, de Manchester et villes 
analogues, et 1rs tables de mortalité de ces localités rivalisent par 
leur faible taux, avec celles des quartiers les plus somptueux de nos capi- 
tales — 10 a u* décès annuels pour 1000 habitants — , mais ce sont tou 
jours des privilégiés qui habitent les villes-junlins et le bon vouloir des 
philanthropes n'est 
pas suffisant à conju- 
rer tes couséquettees 
de l'antagonisme 
(pti existe entre le 
Capital et le Travail, 
ïl n'est pas indis- 
pensable d'en venir à 
ces etval iousde noire 
époque pour trouver 
des preuves tou- 
chantes du désir de 
iH'autc qu'éprouvait 
maint village de nos 
uneetres et qui ne se 
trouve satisfait que 
par un ensemble harmonique. On peut citer notamment le» communes 
des Polabes, gens d'origine slave qui vivent dons le bassin de la Jeclze, 
affluent Imnovricu do l'Elbe, lit, toutes tes maison» sont disposées dédis 
tance en distance autour d'une grande place ovulaire, dans laquelle 
se trouvent un petit étang, un bois de chênes ou de tilleuls, quelques 
tables et des sièges en pierre; chaque de m eu ri', dominée par un haut 
pignon que supportent des charpentes en saillie, tourne sa façade vers 
ht place et présente, au-dessus de sa porte, une inscription biographique 
et morale, ha verdure des jardins extérieurs se développe en un beau 
cercle d'arbre», interrompu seulement par la roule qui rattache 
la place au grand chemin; c'est sur celte ligne de raccordement avec 
les autres villages qu'ont, été construites l'église, l'école et l'auberge 1 . 




twx maison ocrv&xânB a ustchwobmi. 
Nouvelle ville-Jardin k 50 kilomètres de Londres, 



1. D* Tetznor, (Uabm % 1 avril 1900. 



873 l/UOMME ET LA TKRRK. — RÉPARTITION DES HOMMES 

La population est tellement concentré*} en certaines grandes villes 
qu'elle dépasse mille habitants par hectare» notamment dans quelques 
quartiers de Paris; à Prague» tes foules se pressent bien plu» encore; 
à New-York» en i8a6, la pullulation des êtres humain» aurait 
atteint sa plus forte densité, 1 860 individus par hectare, sur une 
étendue de i3o hectares'. Autour des villes que le génie militaire n'a 
pas entourée* d'une marche interdite au peuplement, la campagneclle- 
méme se couvre de villas et de maisons. Attiré*» vers ce qui est leur 
centre naturel, les agriculteurs se rupprochent de plus en plus du massif 
continu de constructions et forment duns son pourtour un anneau de 
population dense ; forcés en conséquence du se contenter d'un moindre 
espace pour leur habitation et leurs cultures, ils se livrent à un travail 
plus intensif; de pâtres ils se font laboureurs, et de laboureurs jardiniers. 
Les cartes démographiques montrent bien ce phénomène de lu réparti- 
tion annulaire des campagnards se transformunteu horticulteurs, (l'est 
ainsi que la ville de Hayreutli est ceinte d'une zone on lu densité de lu 
population est de 109 habitants par kilomètre carré; autour de Bamberg, 
la densité kilométrique atteint le chiffre de 180 individus, et le terrain 
sur lequel cette foule s'est amassée était pourtant à l'origine de 1res 
faible valeur ; mélange de sable et de tourbe, il m» convenait autrefois 
qu'à la croissance des conifères : on en a fait un sol de jardin incompa- 
rable*. Dans la région méditerranéenne, il arrive que l'amour de In 
ville, au lieu de peupler la campagne de banlieue, ta dépeuple au con- 
traire. Le grand privilège de pouvoir discuter tes intérêts publics a, par 
tradition, changé tout le monde en citadins. L'appel de l'agora comme 
en Grèce, de la vie municipale comme en Italie, attire les habitants 
vers la place centrale où se déballent les affaires communes, plus encore 
sur les promenoirs publics qu'entre les murs sonores de la maison de 
ville. C'est ainsi qu'en Provence, le petit propriétaire, au lieu d'habiter 
ses champs, reste quand même un « urbain »> invétéré. Quoiqu'il pos- 
sède mas ou bastide, il ne s'installe point dans ce clos rural, mais il 
réside dans la ville d'où il peut aller, en se promenant, visiter ses arbres 
chemin, c'est là, sur celte ligne de raccordement fruitiers et en faire la 
cueillette. Les travaux de la campagne sont pour lui chose secondaire 1 . 

Par un mouvement de réaction bien naturel contre l'effrayante con- 

i. Lawrence Corlheïl, Revue scientifique, 27 Juin 1896, p. 815.— 2. Chr. Saadler, 
Vclks-Karttn, p. 1—3. Edmond DemoJins, les Français d'aujourd'hui, pp. 106, 107. 



3 7 a 



U VILLE ET LA BANLIEUE 

sommation d'hommet» l'avilissement de tant dé caractères, la corruption 

N* 492, Stums de Manchester et Salford, 




i#m 



i : eo ooo 



(Mlii'rM t ",'\\ 



,.a ■ t-- ».— 



r r~' — t Kii. 

D'après les travaux de T. R. Msrr, Hottsing conditions in Mawhetter and Salford* les 
blocs de maisons noirs ou recouverts dos grisés 1 ou 2 doivent disparaître & cause de leurs 
conditions hygiéniques déplorables. Us autres habitation» sont relativement saines. 

de tant d'Ames naïveg qui se brassent dans V « infernale cuve», des réfor- 
mateurs demandent la destruction des cités, le retour volontaire de toute 



374 l'homme et la terre. — répartition des hommes 

la population vers la campagne. San» doute, dan» une société consciente, 
voulant résolu mont la renaissance de l'humanité par ta vie des champs, 
cette révolution telle qu'il n'en fut jumuitt serait strictement possible, 
puisque, m évaluant à cent millions de kilomètres carrés seulement la 
superficie des terres de séjour agréable et salubre, deux maisons par 
kilomètre carré, contenant chacune sept h huit habitants, suffiraient à 
loger l'humanité; mais la nature humaine, dont ta loi première est la 
sociabilité, ne s'accommoderait point de cet éparpillement Certes il 
lui faut le bruissement des arbres et le gazouillis des ruisseaux, mais 
il lui faut aussi l'association avec quelques-uns et avec tous : le globe 
entier devient pour elle une énorme cité qui peut seule la satisfaire. 

\ctuellemeni, rien ne fait présumer que ces prodigieuses aggloméra- 
tions d'édifices aient atteint leur plus grande étendue imaginable : bien 
au contraire. Dan» les pays de colonisation nouvelle, où le groupement 
des hommes s'est fait spontanément, de manière à s'accorder avec les 
intérêts et les goûts modernes, les villes ont une population proportion- 
nelle beaucoup plus considérable que les agglomérations urbaines des 
contrées vieillies d'Europe, et quelques-uns des grands foyers d'appel ont 
plus du quart ou du tiers, parfois même de la moitié des habitants du 
pays. Comparée a l'ensemble de son cercle d'attraction, Melbourne est 
une plus grande cité que Londres, parce que la population environnante 
est plus mobile, et qu'il ne faut pas l'arracher, comme en Angleterre, 
des campagnes où elle s'était enracinée pendant des siècles. Cependant, 
ce phénomène exceptionnel de pléthore dans tes villes australiennes pro- 
vient en grande partie de la répartition du sol des campagnes en vastes 
domaines où les immigrants n'ont pas trouvé place; ils ont été chassés 
des UUiJamUu vers tes capitales *. Quoi qu'il en soit, le travail de trans- 
plantation devient de plus en plus facile et l'accroissement de Londres 
pourra se faire sans cesse avec une moindre dépense de forces. Au com- 
mencement du vingtième siècle, cette ville n'a guère qu'un septième de la 
population des îles Britanniques; il n'est aucunement impossible qu'elle 
acquière, elle aussi, le tiers ou le quart des habitants du pays, d'autant 
plus que Londres n'est pas seulement le centre attractif de la Grande 
Bretagne et de l'Irlande, mais qu'elle est aussi le principal marché de 
l'Europe et d'une grande partie du monde colonial. Une prochaine 

1. J« Denain-Darrays, Questions diplomatiques et coloniales, 1" févr. 1903* 



ACCROISSEMENT DBS OR\N|>ES CITÉS 3;5 

agglomération de dix, de vingt million* d'hommes, soit dans te bassin 

ft« 413. Quartiers de Itew-York. 

(Voir pas* 871) 




1: 100000 
h 



Ikîi. 



Dan» la cité de New. York, les grisés 1 à 9 Indiquent la densité de population par quartiers» 
1 correspond » 2S0-500 habitants par hectare et ainsi de suite par échelon do 260 j le chiffre 9 
correspond à 2250*2500 par hectare. 

inférieur de la Tamise, soit à la boudic du Hudson t ou dans tout autre 



376 L'HOMME ET LA TERRE. — nêPARTITION DES HOMMES 

lieu d'appel, n'aurait rien qui pût surprendre, et même ïi faut y 
préparer nos esprit* comme à un phénomène normal de la vie des 
sociétés. La croissance des grands foyers d'attraction ne pourra s'enrayer 
qu'à l'époque 011 l'équilibre se sera établi entre lu puissance attirante de 
chaque centre sur les habitants des espaces intermédiaires. Mais alors 
le mouvement ne s'arrtMcra point :it se transformera de plus en plus «11 
cet incessant échange dépopulation entre les cités que Ton observe déjà 
ctqui peut elre comparé au va-et-vient du sang dans le corps humain. 
Sans aucun doute, le nouveau fonctionnement donnera naissance ti do 
nouveaux organismes, et les villes, déjà tant de fois renouvelées, auront 
ù renaître encore sems de nouveaux aspects vn accord avec l'ensemble 
de l'évolution économique et sucialf. 





L'Histoire n'a pas désert è 
les rivages de la Méditerranée t 



CHAPITRE III 



VANITÉS NATIONALES. - LATINS. - ORIENT MÉDITERRANÉEN 

L'HOMME MALADE. — GRÈCE. — ITALIE. - PÉNINSULE IBERIQUE 

FRANCE : SES COLONIES, L'AFFAIRE DREYFUS, PARIS ET LA PROVINCE 

OllUANTHROPIE- — AFRIQUE MINEURE. - MAROC ET SAHARA 

ALLEMAONE : SES DÉFENSES MARITIMES, LA NAVIGATION INTÉRIEURE 

AUSTROHONORIE. - BEtOIQUE. » HOLLANDE. - SCANDINAVIE 



De même que l'individu, en m passion instinctive de durer quand 
mémo» repousse l'idée de la mort et suscite dans son imagination le 
rêve de l'immortalité personnelle, de même les nations ne veulent pas 
udmetlrc qu'elles puissent disparaître : les changements inévitables, 
révolutions et catastrophes, sont tenus, pour ainsi dire, de respecter leur 
existence. Non seulement elles voudraient continuer de vivre, il leur 
conviendrait aussi d'avoir la primauté, sinon en toute» choses du moins 
par quelque trait qui les classe au premier rang. On plaisante volon*. 



378 L'HOMME ET Uk TBBBE. — UïlNS ET GERMAINS 

tiers la France de ce qu'elle se dit ta « Grande Nation », mais quelle 
de ses voisines ou de ses rivâtes lointaines ne se considère pas aussi 
comme méritent ce titre? La Grande Bretagne n'est-elle pas lu 
dominatrice des mers» n'enguirtande-t-clle pas le monde d'un cercle de 
colonies dent l'une ou plusieurs sont toujours éclairées par le soleil à son 
zénith ? L* « Anglo-Saxonnie» transatlantique ne se vantc-t-elto pas d'être 
parmi les nations lu plus audacieuse et la plus ingénieuse» ta plus apte 
aux découverte» et au progrès? [Allemagne ne. bc dit-elle pas la pre- 
mière par la puissance de son géitie et l'ampleur de ses pensées ? La 
« Sainte Russie •> s'intitule la grande dévoratrice des royaumes cl des 
empires, l'héritier? universelle de tous les Etats de l'Ancien Monde. La 
Chine est la grande uïeule, la nation immortelle, et te Japon, l'empire 
du « Soleil Levant ». s'est donné pour carrière l'immensité des temps. II 
est ainsi des nations qui vantent surtout leur passé parce qu'elles doivent 
bien reconnaître qu'elles ne surit pus les premières dans le présent, La 
(irèce s'enorgueillit d'être le pays de Platon et d'Arislolo, d'Hérodote el 
de Thucydide, d'Kschyle et de Sophocle, d'A pelle el de Phidias, tandis 
que Home parle de son ancien empire sur le monde alors connu et 
gouverne encore en de nombreux pays pair m langue, son esprit, sa 
religion, sa morale et ses lois. Kiifln les plus petits Etats croient avoir 
au moins une supériorité* : c'esl en toute sincérité naïve que les Suisses, 
iors des fêtes nationales, se congratulent sur leurs vertus, et môme le 
peuple errant des Juif», emportant sa patrie h la semelle de ses souliers, 
se proclame 1* « Elu de Dieu ■ . 

Pour donner plus de corps à leurs revendications de supériorité, les 
putrioles de chaque nation aiment u s'appuyer sur une fraction de l'hu- 
manité plus vaste, tt laquelle on applique, certainement a tort, le nom 
de « race < -, d'une signification très élastique. J^es peuples méditerra- 
néens qui participèrent ù l'antique civilisation romaine sont dits 
« Latins », comme si les langues qu'ils parlent, italien, espagnol, por- 
tugais, français, roumain et romanche, leur constituaient une sorte de 
descendance morale à l'égard des anciens habitants du Latium ; môme 
on ajoute d'ordinaire les Hellènes de l'Europe, des lies et de l'\sic 
Mineure a cette prétendue race des Latins et on leur donne comme 
clientèle naturelle les terres de l'Afrique Mineure ou Mauritanie, dont 
les résidants berbères sont trop peu nombreux pour qu'on leur accorde 
le droit de former une race à part. 



VAN1T&8 NATIONALES 379 

Bien plus» tes Latins s'attribuent aussi la moitié du Nouveau Monde, 
c'est-à-dire toute» les populations d'origine très mélangée, blanche, 
rouge et noire, qui parlent te français, l'espagnol ou le portugais* dans 
les Antilles, le Mexique, l'Amérique Central» et tout lu eonlinent colom- 
bien au sud de Panama. 

En dehors du monde latin, ceux qui luttèrent le plu» énergiquement 
contre la puissance de Rome et qui finirent par la renverser, les 
Germain», occupant la plus grande partie de l'Europe centrale, se disent 
former une deuxième race, à laquelle se rattachent au Nord, comme 
sousruce, les Scandinaves du Danemark, de la Suède, de la Norvège et 
de l'Islande. Kn outre, le» Germains revendiquent comme appartenant 
à leur race tous ceux qui, dans le» îles Britanniques! aux Etats-Unis 
et dans la Puissance du Canada, ont pris le nom d' « Anglo-Saxons » 
et prétendent aussi constituer ù eux seuls la race dirigeante du monde. 

Les Slaves de l'tiurope orientale, débordant à l'ouest sur l'Allemagne, 
au sud-ouest sur l'Austro-Hongrie el la Hulkanie, au sud-est sur les ré- 
gions caucasiennes, ù Test sur les immenses territoires de l'Asie, em- 
brassent aussi sous le nom de race slave bien des peuples assujettis, 
Enfin, les nations dominatrices du monde à culture de type européen 
veulent bien consentir ù faire une place à coté d'elles, sous le nom de 
race < jaune > , aux cinq cent millions de Chinois, d'Indo-Chinois et de 
Mongols. 

Quant aux Japonais, les classificulcurs se trouvent embarrassés : 
faut-il les placer parmi les a jaune* », auxquels ils appartiennent par 
l'origine, la couleur, la langue, les traditions; ou bien doit-on les 
rattacher virtuellement aux Anglo-Saxons, avec lesquels ils se sont étroi- 
tement alliés au point de vue politique el dont ils cherchent h copier 
les imbum? De marne, sous quel vocable désigner les trois cent millions 
de péninsulaires hindous ou dravidiens? d'ordinaire, ou est disposé à 
ne voir en eux qu'une simple dépendance de la <■ race > uuglo*saxonne 
qui les gouverne. 

Depuis la dernière moitié du dix-neuvième siècle, un grand nombre 
de « Latins », considérés comme personnages représentatifs, se laissent 
aller à un certain découragement, et semblent admettre comme une 
sorte d'axiome, que - L'ûmc lutine est vidée », que le génie de la race est 
définitivement épuisé. De pareilles niaiseries ne peuvent s'expliquer 



38o 



l/ffOMMK ET LA TERRE. — LATINS ET GERMAINS 



autrement que par la vanité blessée. Lies triomphes rapide» et décisifs 
de l'armée allemande pendant la guerre de 1870, la supériorité incon- 
testable de tels ou tels Allemands. Anglais, Américains ou Russes 
en diverses branches de la science ou de l'art, la furie d'applications 
industrielles par lesquelles les Etats-Unis se sont placés au premier rang 
constituent tant de preuves éclatantes do l'extension des progrès 
matériels et intellectuels dans le monde* que les Latins ne peuvent évi- 
demment plus revendiquer l'hégémonie ; ils se sentent distancés» et de 




CI. J. Kuha, Mit. 



UA eiTADSLMS DU OAIRJS 



dépit se croient déjà morts. C'est chose risiblc que toutes ces litanies 
et oraisons funèbres prononcées sur leur défunte race par les Latins 
eux-mêmes et reprises en chœur par Anglo-Saxons et Germains. Heureu- 
sement que ce deuil se mène sur des peuples vivants et bien vivants : 
l'histoire n'a point déserté les rivages de In Méditerranée. 

A l'exception de deux points stratégiques, Gibraltar et Malte, la partie 
occidentale de celle mer intérieure est bien latine, mais les cAtes orien- 
tales en sont très disputées, et d'ailleurs, la majorité des populations 



M EDITH l\ i\ \ N É K URIKMTA I. K 



Ml 



qui, île ce calé, appartiennent ou vvrannl méditerranéen» est encore restée 
eu dehors du cercle des annexions européennes, sinon nu point de vue 
politique™ car T Egypte est devenue dépendance directe de In tirande 

Bretagne du moins quant aux rweurs, aux langues et à tu conscience 

ethnique, Ces tul mira foies contrées, qui furent le Ihértlre de nuire pre* 
mlcre civilisation historique, ont été tellement foulées, usées, rabotées 



-*%& 







Él'AVATJOH d'uS TEMPLE A ximm 



Cl. du UlobtU. 



pour ainsi dire, par les conquérants successifs, qu'elles ont peine à 
refleurir. Les restes des grandes nations qui s'y succédèrent, Arméniens 
cl Héléens, Klantiles et Chuldéena, descendants des peuples de l'Asie 
Mineure, Phrygiens, Lydiens et Lyciens, Phéniciens de la Syrie, 
Kgypltenft du Nil et gens de la Gyrénaïquc, ont du de génération en 
génération se prosterner devant tant de maîtres, qu'ils en ont perdu 
tout ressort : ils ne conçoivent même plus que, comme leurs ancêtres, 
il leur fui possible de vivre eu indépendance politique : cluuigrr de dntui* 
V -M 



38» L'HOMME ET LA TEHHE. — LATINS ET QEHHA1NS 

nateurs, acquérir quelques privilèges, obtenir la tolérance pour leurs 
cultes respectiM cela se borne leur ambition collective. Toute initiative 
a disparu ; ces indigènes n'ont plus que la souplesse, la plasticité, la ruse 
pour s'accommoder à leur condition de servitude, môme pour en tirer 
quelque inférât matériel. Depuis tes commencements de l'histoire dans 
ces pays méditerranéens de l'Orient, il y a, & certains égards, un grand 
recul ; la population u certainement diminué et la surface complètement 
déserte s'est accrue. Les sables vont en maints endroits jusqu'aux bords 
de l'tëu pli rate, et les Hédouin* nomades parcourent ce qui fut autrefois 
la campagne féconde des Chatdéens, 

Sur une grande partie du territoire de l'antique Syrie, la population 
s'est concentrée sur les deux versants de» monts du littoral, surtout vers 
les deux métropole» actuelles, d'un coté Itairout, de l'autre Damas, 
Quoique dépendants du Grand Seigneur, le» hah!înnts de lu contrée 
ont, pour une bonne part, conservé les pratiques religieuses des 
temps de la domination bysantine. Les cultes et les sectes avec leurs rites 
cl leurs traditions héréditaires sont les causes déterminantes de la division 
îles hommes en sociétés et en nations diverses, et cela non seulement 
parce que les religions orientent spécialement la vie, mais parce qu'elles 
correspondent à une instruction, h une éducation particulières : elles 
modifient la volonté, les mœurs, et jusqu'au type du visage et du corps. 

tëntre Musulmans, Melunti, Druscs, Maronites, (irees unis, (Jrecs 
orthodoxes, Syriaques et Arméniens, qui proviennent pour lu plupart 
du même fond ethnique et des mômes croisements de race, les différences 
se sont faites profondes et manifestes dans les gestes, les physionomies, 
les attitudes, dans tout le « rythme \isihlede ta vie », caries « grandes 
caractéristiques de l'individu proviennent des idées maîtresses » \ 
Les sociétés seuil des « organismes que des idées reclriees modiuent 
suivant un type particulier ». le faciès change en même temps que 
les idées; sur le fond niitionul se pose une nouvelle empreinte, celle du 
caractère* professionnel, auquel se surajoute le type moral, celui déridée, 

Parmi les divers Syriens, le chrétien n'a point la supériorité monde. 
Kcarlé des fondions nobles et respectées, méprisé, honni, tenu pour 
inférieur par sa naissance même, obligé de s'ingénier pour se défendre, 
de vivre d artifices cl de ruses, réduit aux résignalions patientes, aux 

1. Amlré Clievrillon, tin Syrie, Société normande do Géographie, janvier- février 
1898. p. 33. 



PEUPLES DE L'ORIEttT MÉDITERRANÉEN 



383 



longues sollicitations, le chrétien d'Orient est devenu à la foi» humble, 
obséquieux et intelligent, mai» d'une intelligence qui ne crée ni 
n'invente et à laquelle manquent les idées générales, 

La volonté, l'initiative, la pensée originale et personnelle lui font 
également défaut*, 

La petite Palestine, avec l'étroit bassin 
fermé du Jourdain, est aussi un champ 
de religions diverses, représentant autant 
de patries différentes. I*cs musulmans, 
ceux qui professent le cuite du sullan, 
sont le» plus nombreux, mais ils accueil- 
lent avec tolérance les chrétiens et les 
juifs. Les premiers forment autant d'ar- 
mées ennemies qu'ils comptent de rites 
distincts : catholiques romains» ortho- 
doxes grecs, protestants de dénomination» 
diverses ont églises, chapelles, couvents, 
hôpitaux» dont les intérêts distincts sont 
1res énergiquement défendus; des rixes 
ont souvent éclaté et des batailles sérieuses 
auraient eu lieu si les soldats musulmans 
n'étaient charitablement intervenus. Il sem- 
ble à chacun de ce» chrétiens qu'il a un 
droit spécial à posséder le lieu saint où 
se» propres péchés ont été expiés par itaNDUH* g jthy» a jknvajitmt 
In mort d'un Dieu, et il ressent comme 

un outrage que d'autres puissent émettre une prétention égale à la 
sienne. 

Qunntaux Juifs, ne sont-ils pas clic» eux, sur le sot que Jéhovah lui- 
même a donné à leurs ancêtres? Musulmans et chrétiens ne sont, à leurs 
yeux, que des intrus dans cette terre do promission; et cependant, bien 
que descendants des plus antiques immigrants, ne leur faut-il pas 
demander humblement un accès dans ce pays, accès qu'on ne leur 
accorde pas toujours? Les Juifs no sont actuellement qu'au nombre de 




CI. P. SoIUff. 



t. André Chevriïlon, ouvrage cité, p. 35. 
V 



20* 



384 l'homme et la terre. — latins et germains. 

soixante mille — soit environ un sur dix habitants — dans les limites 
de la Palestine» et sur ces soixante mille Individus, environ la moitié se 
compose de mendiants et de parasites entretenus par ta charité des riches 
banquiers de l'Occident. La gloire d'Israël ne resplendit point dans la 
Jérusalem actuelle, cependant le « peuple élu » compte bien rebâtir 
un jour son temple sur la montagne de Sion, Sur les dix millions de 
Juifs épars dans te monde, il en est environ deux cent mille, les 
u Sionistes », qui se sont ligués ett une société espérant contre toute 
espérance que la terre des aïeux leur sera rendue en dépit du sultan, 
des mahométans et des chrétiens, en dépit même de l'immense majo- 
rité de leurs coreligionnaires indifférents; mais comment la petite Pales- 
tine, dont le sol nourrit maigrement aujourd'hui 34oooo habitants, 
pourra-t-ellc recevoir la foule des Juifs revenus de la troisième et si 
longue captivité ? C'est ulors qu'interviendra te miracle pour faire affluer 
vers Jérusalem, la nouvelle Londres, toutes les richesses du monde 
entier 1 

Déjà le pays limitrophe de la Judée, l'Kgypte, n'appartient plus, à 
peine de nom, à un maître muNulman. On sait que dans le partage de 
l'Afrique — presqu 'entièrement achevé de nos jours, puisque l'A bys- 
sinieel le Maroc en sont les seuls morceaux non encore répartis — , la 
Grande Bretagne s'est fort dextremeut adjugé les terres du Nil, les plus 
désirables du monde à la fois par leur merveilleuse fertilité et par leur 
position au centre même du groupe des anciens continents, sur le pas- 
gage de l'Kurope aux Indes. 

On dit même que l'Angleterre considère comme sienne la haie de 
Bomba, directement au sud de la Crète, cl s'est ainsi assuré d'avance 
la possession de tout le littoral qui s'étend à 1000 kilomètres à 
l'ouest d'Alexandrie; do même que les anciens Ptolémées et autres 
dominateurs de l»'Kgryptc, elle se laisse facilement aller à considérer la 
G y ré i nuque comme une dépendance naturelle de lu terre du MI, et dût 
l'Italie, comme elle le désire, établir ses colonies dans le pays de Barka, 
l'Angleterre aura pris du moins son gage de contrôle cl de surveil- 
lance navale. L'intérêt de cet Ktat est évident ; l'établissement d'une 
voie ferrée entre un port de la Cyrénaïque cl Suez permettrait de 
réduire de vingt-quatre heures au moins le trajet de Londres à Bombay 
par Marseille, Alexandrie et Port-Saïd ; pour un paquebot rapide, la tra- 
versée de la Méditerranée, de Brindisi ù Bomba, ne prendrait qu'une 



EGYPTE £T CYRÉNAlQUE 385 

trentaine d'heures. La possession de Cypre, dans le golfe qui baigne 
à la fois les rives de lu Cilioie et celles de ta Syrie, en vue du Taurus 
el du Libau, contribue ausBi fortement a donner aux anglais une posi- 
tion prépondérante dans la Méditerranée orientale. 

Mais quoique Cypre et l'Egypte aient été arrachées à l'empire du 
Chef des Croyants, cet empire existe encore* et môme la rivalité des puis- 



N« 494. Méditerranée anglaise* 




t 



t: 40000000 



i&ooKil. 



La baio de Bomba est celle qui crause & t'est le pay» de Darka. 

sauces lui promet de long» jours. En réalité la Turquie, avec ses dépen- 
dances d'Europe, d'Asie et d'Afrique, ne s'appartient pas a elic-mômc ; 
elle est la chose de ce que l'on appelle le « concert européen », c'est-à-dire 
l'Angleterre eu son « gplctidide isolement a et les deux groupes d'tëlals, 
Tripiice et Duplicc. Si le sultan est le mettre redoutable, c'est parce 
qu'on veut bien Lui permettre de l'cHrc, et vraiment les gouvernements 
d'Europe sont fort larges dans leurs autorisations. Ils lui donnent 
pouvoir d'opprimer ses sujets de toute race, de toute langue, do toute 
religion; à sa guise il peut lever les impôts ot en garder le produit, il 



g86 l'homme et la terre. — LATINS et germains 

peut amplement même user du droit de vie et de mort qui appartient 
aux souverains absolus. 

Les massacres d'Arménie, trop savamment 'organisés [pour qu'on y 
vit le résultat de soulèvements populaires et de guerre entre races, 
furent, de toute» les abominations modernes, celles peut-être qui 
représentent le plus gros amas de crimes. A Constantinoplc même, ta 
tuerie — du »6 au 39 août 189G — se lit avec une méthode qui 
témoigne de ta volonté froide do l'ordonnateur des assassinats. La 
veille, on avait marqué a la craie les maisons des Arméniens destinés à lu 
mort, malheureux qui, surveillés de toutes parts, ne pouvaient songer à 
fuir cl n'avaient qu'à [se résigner patiemment à l'inévitable. Puis, à 
l'aurore, les bouchers et gens de métiers sanglants, experts au dépeçage 
des bêles, commençaient leur tournée* et procédaient rapidement, sans 
tumulte, sans cri, à l'abatagc de leurs victimes : presque partout l'opé- 
ration se faisait en plein jour, sur le seuil même de la maison qui devait 
rester tachée de sang, en signe du courroux impérial. Ainsi périrent des 
milliers d'hommes dans la force de l%e, Combien exactement? Les 
rapports officiels resteront sans doute inconnus longtemps ; les évalua- 
tions approximatives parlent de sept mille cadavres. Quant à ceux qui, 
de 1894 u 1896* et encore en 1900, périrent sous les coups des Kurdes 
dans les provinces de Van, Erzcrum, Mamurel-el-Azis» Iiillis, Sivos, Diar- 
hekir, Hatep, les chiffres d'appréciation varient de 3 à 5oo mille» et une 
émigration continue, surtout vers la Transcaucasie, a encore réduit, à 
quelques centaines de mille vraisemblablement, le nombre des Armé 
niens de ces provinces, qui, avant les massacres, atteignait un million 
suivant les uns et deux suivant les outres 1 ion s'accorde généralement 
pour admettre que les Arméniens ne constituaient la majorité que dans 
des districts limités, ainsi autour de Zcitun, Mueh, Van, etc. Du récit 
des borreurs de ce temps, il faut dégager la conduite des habitants 
de Zcitun, qui, voyant lu tournure des affaires, organisèrent la défense 
de leurs montagnes, firent la garnison prisonnière (a8 octobre 1895), 
et résistèrent à une armée turque jusqu'à ce que les consuls européens 
eussent négocié une reddition (3o janvier 189G), Cette issue « sauvait la 
face » du sultan et protégeait les Armén ions contre tonte grave moles- 
tation ultérieure. Les Xeitottnioles avaient conquis le droit à l'existence. 

1 Consulter Pierre Quittera, JPfvr CJrminie, Cahiers de Quinzaine, juin 1903. 



MASSACRES D'ARMÉNIE 



38 7 



Que de pareils agissements aient été toléré» par le» puissances euro- 
péennes, it Bomble d'abord impossible de se l'expliquer, car on exige du 
moins un certain décorum dans la conduite des maîtres ; mais il est de 
tradition, en pareille matière, que les souverains aient les mains libres, 
et d'ailleurs les gouvernements, qui tous ont conscience de quelque 
méfait analogue, se sentent plus ou moins solidaires, même dans le 
crime, et par esprit de corps cherchent à faire le silence, à masquer 




CL du Daily Graphie 



ZEITUN, DANS hB TA If BU» 



l'attentat qu'ils auraient dû prévenir, Peut-être même que, dans cette 
affaire des Arméniens, it y eut aussi une certaine complicité tacite. Sans 
purler de ces prétendus hommes d'Etats, de ces bas diplomates, qui 
mettaient leur honneur à recevoir décorations et titres de la main san- 
glante, la Russie n 'eut-elle lpa s quelque intérêt à voir débarrasser sa 
frontière transcaucasienne d'un peuple à tendances indépendantes, 
presque républicaines, associé par nombre de ses jeunes hommes aux 
groupes redoutables des étudiants russes? htk complicité de la politique 
moscovite est d'autant plus grave que jusqu'à 188a, sous le prétexte 
d'une communauté de religion, la pratique constante des tzars avait été 



388 l'homme et la terre. — LATINS et germains 

de s'appuyer sur les Arméniens pour se ménager des intelligences dons 
l'empire turc. Enfin Tun des souverains d'Europe, l'empereur Allemand, 
affecta quand même et toujours do se dire te « grand ami » du sut ton, 
dont il a fuit encadrer et manoeuvrer les armées par les officiers de ses 
propres troupes. Quelle que soit la raison de l'attitude protectrice de 
l'Allemagne & l'égard du gouvernement turc, il est certain que les 
béiiélicen matériels dus à cette bienveillante ont été considérables. La 
future voie ferrée du Bosphore au golfe Héroïque est concédée ù des 
Allemands, et ceux-ci comptent bien sur l'appui du sultan pour entrer 
rapidement en possession de l'outillage commercial de l'empire, en 
Europe et en Asie. 

Du reste, que ce soit par faveur ou par menace, la Turquie, considérée 
comme puissance européenne, se trouve enivrement ù In merci des 
capitalistes qui gèrent ses finances et disposent indirectement des armées 
et des flottes de l'Europe. Le < Sultan Houge » n'a qu'a s'incliner quand 
les ambassadeurs étrangers viennent apporter leurs ordres* L'Angleterre 
délimite à son gré l'a mère- pays d'Adcn sans que le gouvernement turc 
ait à y redire; la Uussie expédie librement par les Dardanelles ses vais- 
seaux de guerre, plus ou moins déguisés eu bulcaux de plaisance ; la 
France, soucieuse des intérêts de financiers véreux, prend tranquille- 
ment une lie eu gage sans qu'on fasse la moindre tentative pour la 
lui disputer. Enfin l'Autriche confisque a sou profit deux [provinces en 
partie mnhoiwUanes, tandis que d'autres provinces conquièrent leur 
indépendance. Pendant le dernier siècle, le territoire et In population de 
ta Turquie d'Europe se sont amoindris de près des trois quarts \ 

Ce. n'est pas à un <» homme malade », c'est à un invalide amputé de bras 
et de jambes que l'on devrait comparer ce qui reste de l'empire de 
Souleïman le Magnifique. Or, la Turquie se trouvant sous la dépendance 
de jour un jour plus étroite des financiers européens, il est à présumer 
que ceux -ci continueront de distribuer le pays à leurs protégés princiers 
comme ils l'ont déjà fuit pour la Houmanie, lu Serbie, la Bulgarie, 
la Bosnie-Her/égovine, l'Ile de Samos et la Crète. 

Pourtant les ressources de toute nature, eu hommes, en terres, en 
produits variés, que possède la Turquie, en Europe et dans l'Asie 
antérieure, dans les limites qu'on a bien voulu lui laisser pour un 

1. Voir la carte n° 464, pago 261. 



DÉMEMBRKWENT DE LA TURQUIE 

temps, sont encore d'une haute valeur. D'abord le peuple turc est, eit 
Europe, celui dont les individus sont les plu» forts et ies plus sains; 
s'il n'est pas te plus intelligent, s'il est même le moins souple 
à l'adaptation, c'est du moins le plus honnête et le plus sincère, de 
même que le plus sobre et celui qui use le moins de boissons excitantes. 
Certainement aussi les Albanais et tes Lozes, les Kurdes, les Arabes et 





HVfHMfîCÏK FOPtfLATIOH 

DIMINUTION DIS LA TURQUIE DE 1812 A 1905 

Diminution do la Turquie depuis 1812 : Bessarabie 44572 kilomètres carrés j 
Grèce 65036s Roumanie 131 020; Serbie 48 303; Monténégro 9438; Bulgarie-Roumé- 
lie 96660; Bosnie- Herzégovine M 018 ; Crète 8660; total 454 707 kilométras carrés; 
reliquat 169910 kilomètres carrés ; diminution proportionnelle 72,8 0/0, 

Les districts qui obéissaient au sultan en 1812 sont actuellement occupas par plus 
de 25 millions d habitants dont 6130200 seulement sont restés sous la dominai» 
de la Porte: diminution proportionnelle 75,8 0/0. 



Lion 



tant d'autre» populations enfermées dans les limites de ce qu'on appelle 
ta Turquie ont une grande vitalité nationale et constitueraient d'admi- 
rables éléments de progrès dans un pays libre; mais leurs forces sont 
employées au dam les uns des autres ; de même qu'en Asie les passions 
des Kurdes ont été soulevées contrôleurs voisins d'Arménie, de même 
en Kuropo, les Albanais, les Tchcrkesses expulsés des hautes vallées 
du Guucnse, les Grecs ont été lancés contre les Bulgares et les 
Serbes; l'équilibre politique se maintient par la haine réciproque 
des asservis. Non seulement on se hait de peuple ù peuple par suite 
des simples différences de race, de langue, de traditions, mais dans un 
même peuple on s'cnlrc-délcste de classe ù classe parce que le gou~ 



3oo l'homme kt la terre. — LATINS et germainb 

vernement turc a confié toute» le» basse» besogne» d'oppression et 
d'exaction à des sujets choisis parmi tes vaincus, C'est de leurs propres 
compatriotes ou coreligionnaires que les malheureux de chaque 
nationalité ou de chaque culte ont à se plaindre dans leurs infortunes. 
Il faut remarquer que dans l'Orient turc, l'administration B'oecupe 
fort peu des subdivisions territoriales ; les indigènes relèvent de telle 
ou telle autorité* non en vertu du lieu qu'ils habitent mais en vertu de la 
religion qu'ils professent; des habitants dont les maisons sont con- 
tigues se trouvent fournis à des impôts autres et régis par des lois dif- 
férentes parée que leur dieu — ou le cérémonial d'adoration du même 
dieu — n'est pas le môme. Cette conception de gouvernement» qui ferait 
honneur ù ta tolérance des Turcs, si elle n'Unit accompagnée d'autres 
pratiques moins louables, explique comment il n'y eut jamais, chez les 
hululants de l'Empire, de conscience commune; toujours ils se sentirent 
désunis, entraînas pardes intérêts hostiles, animes d'ambitions différentes. 
L'unité artiUciellcqui leur fut donnée pendant les périodes «"expansion 
et de conquête provint uniquement de la solidité des armées, 
c'est-à-dire du régime de la terreur. Mais dès que ce lien de la force 
vint à se rcMcher, même ù se détendre complètement, les peuples, 
ennemis surtout pur lu volonté gouvernementale, se retrouvèrent les 
uns ù côté des autres comme des bètes féroces enfermées en une cage 
commune. Peu ù peu, au soulèvement concerté contre les oppresseurs 
Osmanli s'est substituée une lutte qui épargne presque les Turcs et à 
laquelle le spectateur non initié ne peut rien 'comprendre : Grecs, Bul- 
gares, Koutzo-Valaques, Herbes, Monténégrins, môme des factions 
rivales d'une identique nationalité s'enlrc-massacrcnt sous l'œil placide 
du gouvernement de Stamboul et dos' cinq puissances. Actuellement, 
donc, les haines, les ambitions rivales, les survivances et superstitions 
monarchiques sont trop tenaces pour qu'il soit possible d'espérer en lu 
seule solution vraiment normale, qui serait lu libre fédération de toutes 
les populations de l'Europe sud-orientale en un ensemble de groupes 
égaux en droits, de communes autonomes, ne formant unité que pour les 
intérêts communs et la résistance n des agressions du dehors. Ce serait 
le seul moyen d'éviter le crime qui se prépare après tant d'autres, le 
bannissement de tous les Turcs hors de leurs anciennes conquêtes d'Eu- 
rope. Jusqu'à nos jours toute constitution d'un Etal chrétien dans la 
Balkanie eut pour conséquence pratique l'expulsion des mulsulmuns. 



EXTERMINATION OU FÊOÉBATION 



3gi 



Mats dans l'histoire de» nations, laquelle eut toujours assez le respect 
du sol et de la liberté d'autrui pour avoir maintenant le droit de jeter 
la pierre aux descendante de conquérants anciens? Le temps ne Serait-il 
pas venu de vivre en paix à côté les uns des autres sur cette bonne Terre, 
si ample qu'elle pourrait sans peine recevoir une population décuple et 
lui donner en abondance le pain et le bien-être ? Constatons du reste 
qu'il existe des éléments d'entente, recrutés surtout parmi les révolution- 




Cl.de la Vie ItltatTé*. 



MONABtèRE I>£ RILA JJK MACEDOINE 



na ires turcs, bulgares, macédoniens et arméniens qui se sont rencontrés 
à Genève, à Paris ou ailleurs. 

De tous les Orientaux, les Grecs sont, entre eux, les plus rapprochés 
de cet idéal de la fédération future, et cclu parce que leur exis- 
tence comme nation n'est pas rattachée matériellement à celle du 
petit royaume hellénique comprenant officiellement, d'après tes traités, 
une partie de la péninsule du Pindc, la Morée, les lies Ioniennes 
et les îles Egéennes de l'Hurope. La Grèce est bien plus que cela, car 
en dehors du royaume, il y a des régions grecques dont les habi- 
tants, pleins d'une ardent patriotisme de race et de langue, ne consen- 



{ 



11 



I 



•*{)» l/HOMMR ET LA TRRRB. — LATINS £T GERMAINS 

tiraient point à échanger leur sort contre celui des électeurs d'Mhène» 
ott de Patras : sans doute ils sont censés faire partie de l'assemblage des 
sujets du Grand Seigneur ; même Us ont parfois à subir des avanies de 
lu part de fonctionnaires hargneux ou de diplomates désobligeants, mais 
ces ennuis sont le prix (rachat dont ils paient leur autonomie réelle 
dans In libre administration de leurs écoles et outres établissements, 
ainsi que dans la gérance de leurs intérêts communs ; ensembles ils cons* 
ti tuent bien la cellule d'attente d'un corps politique et social beaucoup 
plus ample et de signification plus haute que le petit Ktat enfermé dans 
les frontières de t'Ëpiro et de la ThcssuHc. 

Peut-être même ont ils une conscience exagérée de leur force collée 
live, et, comme tous les patriotes, sont-ils ton lés de s'attribuer dans 
l'avenir une plus large part qu'il ne leur revient. Le fait est qu'ils ont 
été amèrement surpris lorsqu'ils se sont aperçus que, dans ie mou- 
veinent de désintégration subi par la Turquie contemporaine, des 
peuples tenus pur eux en médiocre estime et considérés comme des 
barbares sans droits se sont dressés en face d'eux, réclamant l'égalité 
dans le partage ou la fédération. Il leur faudra encore du temps pour î 

n'habituer ù l'Idée (pic Turcs et Bulgares ne se soumettront pas tt leur " 

hégémonie. li 

La période d'expansion semble finie pour le monde hellénique, A 

Actuellement, la grande tâche est un travail d'élaboration interne qui 
élève et renouvelle l'ensemble de la nation et lui permet, non certai* " 

nemenl d'égaler les aïeux — car la Grèce brillait alors en flamme isolée 
au milieu îles ténèbres—, mais de n'être inférieure à aucune des nations 
policées dans les diverses manifestations de la vie, non seulement le ; 

commerce et l'industrie, mais aussi les arts et la pensée ! Il est encore 
certaines parties de lu (irèce dont les populations ne semblent qu'à 
lemi dégagées de la barbarie superstitieuse du moyen âge turc nu 
vénitien. L'Apre Klolie, les monts sauvages du Tu ygèle «ont encore des 
contrées de misère et d'ignorance ; maintes tics, qui furent jadis culti- 
vées par des populations prospères, ne sont aujourd'hui que des rochers 
dont les hâves habitants émigrent vers des lieux plus heureux. Même 
après des siècles, le monopole tue : c'est ainsi que la plupart des insu- 
laires grecs de 1'Kgcc ne pratiquent ni la pêche, ni la navigation, malgré 
l'excellence de leurs rades cl de leurs petites criques abritées, malgré 
l'appel tics brises alternantes : le souvenir confus de la gloire passée ne 



fédération ms oregs 



3g3 



réveille point leur initiative. La came en est dit Philippson*, à 
Pancienne domination de Venise qui interdisait tout traita non régie 
mente par elle à son exclusif profit. 

De même que la Grèce, l'Italie est fort inhale par le développement 
do se» diverses parties. Le contraste est si grand entre la moitié septen- 
trionale de tu Péninsule et la moitié méridionale qu'il a pu êlrcconsi- 




Cl, J. Kuhïi.&M. 



Mï PORT I)K OKXKM 



déré par nombre d'Italiens comme l'opposition normale de deux nations, 
enfermées dans un même cadre géographique mais restant moralement 
étrangères l'une à l'autre.* Le fait est que la plupart des Napolitains et 
des Siciliens sont portés à se croire des peuples vaincus réunis par 
force aux « Wéraonlais » ou « Continentaux ». A tous les points de vue 
l'évolution diffère. Tandis que dans le nord* Milan, Turin, Gènes parti 
oipent au mouvement intense de la viV européenne et que Florence 
reprend la vie d'art et de beauté qu'elle eut à l'époque de la Uenaissnnce, 
Naples eat en voie de se laisser distancer et de perdre même la primauté 
purement matérielle que lui donnait le nombre des habitants ; quant au 



1. Petormann's Mittailungen, Ergiinzung&hcft. 



3q4 l/liOMMK ET LA TERRE. — LATINS ET GERMAINS 

territoire des provinces mon tueuses qui en dépendent, il ne suit l'Italie 
du nord que d'un pas boiteux. Le méridional reste inférieur à tous 
égards» si ce n'est par tes qualités natives de bonté» de droiture, de 
cordialité naïve. L'industrie s'introduit dans le pays sans qu'il t'ait 
appelée, et malgré lui ; les préposés que le gouvernement lui donne pour 
le diriger, l'assouplir, le morigéner sont des gens qui viennent du Nord; 
on considère volontiers ces fonctionnaires comme des intrus et des paru- 
sites. Même un (îarihaldi n'a point proféré tu parole décisive qui ait pu 
faire résurgir la Grande Grèce de son long sommeil ! 

Malgré les apports successifs de la a civilisation » Jes Siciliens sont à 
certains égards dans un état social très inférieur à leurs ancêtres les 
Sicules, ainsi que le montre Paspcel des campagnes. Actuellement les 
laboureurs et autres gens de la terre travaillant sur les grands iiefs des 
riches propriétaires toujours absents habitent les villes, même quund il» 
ont à faire chaque jour une ou deux lieues pour aller cultiver leur 
champ : il n'y a que de grandes agglomérations urbaines en Sicile parce 
que les campagnes sont désertes la nuit. Quelle est la cause de celle 
prodigieuse déperdition de forces sinon l'insécurité du pays, qui n'a cessé 
depuis la période des guerres carthaginoises : de tous temps, il eût été 
dangereux d'habiter tu campagne, sous les Romains, pendant les guerres 
servilcs, plus tard, lors des incursions des Sarrasins, et maintenant 
encore par suite du brigandage. Du temps des Sicules au contraire, les 
villages s'éparpillaient gaîment au milieu des cultures, et les habitants 
n'avaient cure de se construire des murailles de défense. Soixante-dix 
générations avant nous, la population sicilienne étuit plus normalement 
distribuée que de nos jours, parce qu'elle était plus heureuse* , 

L'aspect de la campagne n'a pris le caractère enjoué et varié des 
champs cultivés avec amour que sur les pentes orientales de l'Etna et 
dans certains districts du nord de l'île, où le sol est très morcelé, entre de 
petits exploitants qui sont propriétaires eux-mêmes et vivent sur leurs 
étroites parcelles*. 

Dans ta grande lie de Sardaigne, beaucoup moins peuplée que la 
Sicile, la situation est encore pire. Divisée jadis en vastes iiefs distribués 
aux nobles de l'Espagne, elle a hérité d'un régime terrien peut-être plus 
lamentable qu'autrefois, 'car si les dîmes ont disparu avec la féoda- 

t. Georges Perrot, lïev m de* Deux Mondes, 1« juin 1 897, p. 627. — 2. Paul Ghio, 
Notes sur V Italie contemporaine, p. 86. 



SICILE ET 8ARDAIGNE 3g5 

Utô, de trop lourds impôts les ont remplacées, et l'impuissance écono- 
mique des cultivateurs est telle qu'une très forte part des prolétaires 

H* 496. Communes de Sicile. 




14*48* £.da Gr 



1: 500000 



mm 
10 



20 



îoKil. 



Cette carte porte absolument toute» les agglomérations de maisons que Von peut relever 
sur la carte d'Elatmajor Halieane, dont l'échelle est de là 100 OQO. Et pourtant cette portion 
de la Sicile a une d ensilé kilométrique très élevée, environ 130, soit près de deux fois 
celle de la France* 



campagnards se trouve obligée d'abandonner (le sol a l'Etat ; le fisc 
devient le propriétaire d'un territoire de plus en plus étendu, dont 
il ne sait que faire et qui retombe en friche. En 1900, les percepteurs 
d'impôts procédèrent ainsi en Sardaigne à 3887 ventes judiciaires, 



.'tg6 L'HOMMK ET LA TERRE. — LATINS £T GERMAINS 

dont près du quart — 856 — pour des arriérés moindres do & francs 1 . 

Est-it étonnant que Je brigandage* c'est-à-dire la revendication de la 
terre par le paysan contre le feudataire et contre VElat, ait sévi pendant 
(tes siècles, avec la complicité tacite do toutes les populations de la cam- 
pagneMt n'y eut jamais de brigandage en Toscane parce que les cultiva- 
teurs mangeaient ie blé de leurs champs cl le fruit de leurs vergers; il 
n'y on eut pas non plus dans l'immense pluine lombardo vénitienne 
parce que la nature du pays, depuis longtemps traversé de routes dans 
tous le» sens, rendait la répression très fucile; mai» partout ailleurs, dans 
toute la partie méridionale de l'Italie et duns les deux grandes îles de 
Sicile et doSardaîgnc, où tes montagnes offraient naguère des retraites 
sûres aux persécutes, les brigands ont souvent constitue' de véritable» 
Etats aux frontières flottantes, Paul fihio nous parle d'un chef do bande 
i|ui tenait la montagne des Marches et se qualifiait de « très grand maître 
et très puissant prince » ; il buttait même monnaie à sa propre effigie, et 
s'il avait reçu l'investiture du pape, rien ne t'eût empêché (rentrer dans 
rassemblée des hauts personnages officiels. Un Pierre de Culubrc, hors 
la loi nu dernier siècle, s'était proclamé « empereur des monts, roi des 
forcis et médiateur des routes de .Naples à Florence ». 

Les conditions économiques étant fort différentes dans les deux 
moitiés de la péninsule, te mouvement d'émigration, qui a pris une 
importance capitale dans la vie de l'Italie, présente un contraste remar- 
quable suivant le lieu d'origine des émigrants. bes gens du Nord, ouvriers 
disposant non seulement de leurs bras mais d'une instruction relu 
tive, émigrent surtout temporairement: comme maçons, constructeurs 
de routes, mécaniciens, les < Piémontais » se savent toujours assurés de 
toucher un bon salaire ; ils s'exilent temporairement en vertu de la loi 
de « capillarité sociale .», se rendent en France, en Suisse, en Alle- 
magne, dans lus diverses parties de l'Europe, et même poussent jusque 
sur les chantiers de- V Asie, où ils ont perforé, notamment, pour le compte 
de la Russie, le tunnel du Grand Khingan sur le Transsibérien; grûcc a 
leur spécialité de travail, à leur adresse, leur activité, leur vie sobre, ils 
amassent un petit pécule, puis reviennent duns la patrie. Quant aux 
exjïatriés de l'aride Mguric, des Marches, des \briixzcs, tics Pouilïcs, des 
mon tueuses Calahrns. de la pauvre lksilieatc, de la Sicile affamée, ils 

1, Paul Ohîo, ouvrage cité, p, 95. 



LE BRIGANDAGE EN ITALIE 3q7 

émigrent d'une manière permanente sans espoir de retour. Ce sont eux 
qui fournissent te plut gros contingent eux aoo ooo Italien» qui, depuis 

*• 48». Italie, Malte, Tunl«. 



ARDA/0NE 




ISP 



ta* 



\ \ 



T YRRHÉNI 



\$ 



V 



**" /,. \ r\ ff'h' ( l%Sr% ...;>.# 



t <8* ,<&* « ; Y 

5 






*«?.. 




<Tra$àrfi; 
**•' "/ .' , ' \. 



# 



v 



,'■* 









■i- r ... •■. ■■..' 






v 






to* E, de Gr. 



12* 



"•■. *?*„.-. \\ ftaM Valette 



14» 



*" 



t : 6 000 000 



"^Kil. 



Maïle, pour le compte <te l'Angleterre, Bixerte, pour le comp'e de le France, surveillent 
l'isthme méditerranéen. L'Italie a une station de torpilleurs à Mct&ioe. 



iQo3 t traversent annuellement l'Atlantique Nord 1 , eux qui, par l'accrois 
sèment de sa population, ont fait de Marseille la deuxième ville de France, 
eux qui ont monopolisé lu navigation fluviale sur le fleuve Paranà 



1, Voir Diagrammes» n* 45G et 457, pages 197 ut 199. 



3o8 L*HOMMK 1T l.A TERRE. — IÀTÏN8 ET GERMAINS 

et l'estuaire IMatéen, eux aussi qui sont en vole d'italianiser la Tunisie, 
L'Italie, encore si pauvre ehes elle dans certaines de ses provinces, a 
eu beaucoup à 80 ufl ri r, comme ta France, de ses passions coloniales et du 
déplacement de forces qui en a été la conséquence, Cette ambition, qui 
eut pour résultat le désastre subi sur le plateau de l'Ethiopie en 1895, avait 
eu d'abord un autre objectif. f*a conquête de Tunis semblait très souhai- 
table aux politiciens de In Péninsule: la gloriole traditionnelle popu- 
laire crtt été satisfaite de continuer la politique de la grande Rome contre 
Cartilage, et l'entreprise ne présentait point de danger. Mai» les puissances 
d'Europe ne donnèrent point leur consentement, parait-il; la Grande 
Bretagne surtout* qui possède l'arsenal de Malte au centre de la Méditer- 
ranée, voyait de mauvais œil l'extension de l'Italie « une » sur les 
deux côtés de la mer Intérieure. Sous l'inspiration de Bismarck, qui 
brouillait ainsi la France et l'Italie pour de longues années, l'occasion fut 
saisie par un autre larron, et maintenant l'Italie fait presqu'ou vertement 
ses préparatifs pour l'annexion de la Tripolilaine et de la Cyrénaïquc, Ce 
n'est plus qu'une question d'opportunité, le syndicat européen des 
financiers et des rots ayant donne son approbation diplomatique. On 
parle aussi des projets qui, lors du démembrement de l'Empire turc, 
donneraient l'Albanie à la puissance qui lui fait face, de l'autre côté de 
l'Adriatique. 

Quoi qu'il en soit des annexions futures, l'Italie a toujours le plus 
grave des problèmes a résoudre dans ses propres limites. Elle obéit à 
deux maîtres et, par conséquent, se trouve divisée contre elle-même. Sa 
propre capitale abrite des souverains forcément ennemis puisqu'ils 
représentent deux principes opposés, l'un d'origine céleste, l'autre de 
délégation nationale. Le pape est sinon Dieu, du moins son vicaire, son 
ambassadeur direct, chargé de dicter au monde entier des fidèles et 'des 
infidèles les infaillibles volontés d'en haut. Néanmoins ce n'est qu'un 
humble petit prince, au domaine tellement circonscrit dans tous les 
sens qu'un boulet de canon passerait facilement par-dessus, tandis que 
le roi d'Italie, simplement homme et quelque peu maudit, est un fort 
grand personnage, a (e bon frère » des plus puissants empereurs. Corn- 

* 

ment concilier ces éléments inconciliables, sinon par de continuels 
échappatoires et subterfuges, par tout un échafaudage de mensonges 
qui d'ailleurs ne peuvent tromper psrsonne? Et les patriotes italiens, 
qui ont enfermé Le pape dans un étroit quartier de Home, n'en sont pas 



L'ITALIE ET SES DÉSIRS COLONIAUX 



% 



moin» emplis de fierté à la pensée que de toutes tes parties du monde 
catholique les vœux montent en un chœur immense vers le « Souverain 
Pontife »>t Lui Aussi est quand mâme un Italien, et ceux qui regrettent 

R* 497. Lisbonne et le Tage. 
(Voir page 400). 



m 




wW.de Gr. 



t: 1000000 



bUUUlUiaMl 



■ * -■— 



10 



th 



50 



les temps de l'antique domination romaine aiment à en voir comme un 
reflet dans le cercle immense de l'Eglise. Les conflits sont donc inévi- 
ta blés puisque la tension des esprits se produit en sens inverse, susci- 
tant les rancunes et les haines. Los luttes entre Guelfes et Gibelins «e 



fioo L'ilOMMg KT LA. TKRRE. — LA.TINS ET U&RUMKB 

continuent sous jdViutros for moi et, tant que tes nattons seront enter* 
liiéu* dans leurs frontières el dan* leur corselet du vieilles traditions 
politiques, te mémo balancement qu'aux époques du moyen âge et du 
la Renaissance entraînera l'Halle, tantôt vent m voisine du Non!, l'Alle- 
magne, tantôt vers quelque antre grand Klnl. 

Les deux royaumes qui se partagent inégalement la péninsule Ibé- 
rique, l'Espagne et te Portugal, au sont miliiteitus séparés et hostiles, 
s'enfermant chacun dans son patriotisme local et dans la routine d'ad - 
ministration. La conséquence naturelle a été de faire du Portugal une 
quantité presque négligeable, n'ayant plus guère qu'un semblant d'indé- 
pendance politique. Trop faible pour ne pas avoir besoin d'appuis étran- 
gers dans les questions d'ordre international» trop divisé, même au 
point de vue géographique, par le contraste que présentent les doux 
moitiés du pays séparées par l'estuaire du Tage, trop ignorant et 
dépourvu de valeur propre dans la masse de sa population, enfin trop 
privé de ses éléments [énergiques pur la constante émigration qui 
emporte ses meilleurs enfants vers les côtes brésiliennes, le Portugal n'a 
pas la force de réagir contre les intérêts de famille, de pouvoir et d'ar- 
gent qui entraînent ses maîtres dans l'orbite des [puissances étrangères, 
ou plutôt dans celle de la Grande Bretagne, reine des marrhés portugais 
par le symbole de sa monnaie, si bien dénommée le « souverain ». 
Malgré l'humiliation que les Anglais lui firent subir en i8$5, lorsque, 
passant de la vallée du Limpopo au* abords du lac Nyaasa, ils s'empa- 
rèrent du bassin moyen du Zumbèze, traditionnellement considéré 
jusqu'alors comme possession portugaise, l 'usiervUseimut réel du petit 
royaume à la politique anglaise est devenu si patent que môme les 
colonies africaine* de Luanda et du \f )jitnbiqu3, sans parler do Lou- 
renço-Mnrqucz, sont déjà subordonnées au t. exigences administratives et 
fiscales de l'Angleterre. 

Peut-être l'Espagne se trou ve-l-e lie en voie du subir une humiliation 
de même nature. Aussi bien rattachée aux ports britanniques par les 
chcmins'de l'Océan qu'elle Test à la France, et n'ayant avec celle-ci que 
deux voies ferrées d'union directe, la Péninsule est en grande partie la 
vassale de la finance anglaise, qui commandite chez, elle tant de mines* 
de chemins de fer, de manufactures et autres entreprises. Mémo l'ou- 
trage indélébile fait à l'Ëipagnc coin mu nation par l'occupation mili- 




21 



l/ ESPAGNE ET G1BJULTAK flo3 

taire de Gibraltar contribue, tuât tes hommes sont voulcs, à augmenter 
le prestige de l'Angleterre ; cet épieu enfoncé dans la chair vive rond 
tout le corps malade* Ce seul point a peine perceptible sur l'ensemble 
de la carte n'en est pas moins suffisant pour déterminer toute la poli- 
tique do l'Etal, L'tëspagno n*ose plus môme se défendre : la position 
d'Algésiras dominant celte de la citudello anglaise par-dessus le golfe, 
lu (Jrunde Bretagne a signifié aux Kspugnols qu'elle considérerait comme 
un ncle « pou amical » la construction de tout ouvrage militaire sur la 
pointe qui fait face à ses propres fortifications, et l'Espagne se trouve 
obligée d'interrompre ses travaux défensifs, tandis que le génie anglais 
accroît a loisir les moyens d'attaque. 

Les événements graves qui privèrent récemment l'Espagne de tout 
son empire colonial — à l'exception de quelques « presidios <• africains 
sans grande valeur, des Canaries, de Fernundo-Fo et d'Annobon — 
auraient dà faire comprendre aux dirigeants de la nation qu'il était indis- 
pensable de prendre des? voies nouvelles. Mais les gouvernements, enfer- 
rés dans leurs pratiques traditionnelles et dans l'état d'amc qui en est la 
conséquence, peuvent-ils se conformer à d'autres avertissements que 
ceux d'une brutale révolution? Non seulement ou s'est gardé de réformer 
un seul abus, mais on en a indmc augmenté le nombre, L'Kglisc a réclamé 
des privilèges et des garanties, l'urinée de nouveaux honneurs, la marine 
un accroissement «le budget. tën des circonstances si graves où les desti- 
nées de riCspugm; étaient enjeu, les hommes « d'Klat » no voyaient pour 
la plupart que leurs intérêts de classes, Tous ceux qui s'étaient ambitieu- 
sement déclarés capables de gérer les affaires du pays eussent du au 
moins faire preuve de volonté, de suite dans les idées, de force et de joie 
dans l'action. Or, à aucune époque de son existence, i'Kspagne officielle 
n'avait eu à un plus haut degré le culte de l'emphase oratoire. Les diri- 
geants étaient montés au pouvoir parce qu'ils savaient bien parler : c'est 
comme orateurs, amples et sonores dans leurs discours, habiles, souples 
et pressés dans leurs ripostes, qu'ils avaient été choisis. On ne leur 
demandait pas d'avoir raison, mais d'avoir le dernier mot dans les tour- 
nois parlementaires; quant aux actes politiques, au caractère et à la 
tenue de la conduite, c'étaient là des choses qui, échappant à l'admiration 
des badauds, étaient considérées par cela même comme secondaires. Le 
Congrès espagnol; celui de tous les Parlements d'Europe « élu « suivant 
les pratiques administratives les plus éhontées, était également celui où 

V 21* 



I 



\o% 1,'HOMMK KT I.A ÏKHRE. — UT1NS KT GERMAINS 



l'on entendait tes plus beaux discours. Les désastres se succédèrent 
coup sur coup, mais que de fortes paroles avaient été prononcées pour 
dramatiser ces malheurs ou pour les transformer en autant de 
triomphes t On pouvait en écrire toute une anthologie, comparable au* 
plus beaux modMes de l'antiquité classique. 

Si l'Kspuguc a payé ainsi les frais de su défaite par d'admirables 
prosnpopecs, elle n'en est pas moins obligée, comme les autres peuples, 
de s'accommoder a la vie contemporaine. A mesure que les questions 
nationale.* consent d'être exotiques, extérieure», pour toucher uux inté- 
rêt « ili province ou de clause, l'art de «lin! avec 'sonorité* diminue 
d'importance : ou est forcé désormais rie s'occuper de faits, de chiffres, 
d'éléments précis. Une évolution analogue à celle qui n'accomplit dans 
tous les autres pays se produit dans la Péninsule. Quoique le socia- 
lisme n'ait point encore aboli les voltiges de la phrase —loin de la -, 
cependant il u déjà quelque peu simplifié le langage de la tribune, et les 
artistes eu belles paroles sont obligés de met In 1 une sourdine a leur voi.v 
pour ne pas déplaire à leur public de travailleurs, ha \ic nationale 
devient plus sérieuse el le langage rinll se conformer par une sobriété ,< 

plus grande îi cette participation de plus eu plus intense à l'élude des it 

problèmes contemporains. Ainsi (pie te dit très justement un écrivain \ 

moderne : « C'est bien îi tort que Ton accuse le peuple espagnol d'être < 

un peuple dégénéré ; il n'est pas encore constitué, ou peut dire qu'il l 

n'existe pas »\ hn formation normale ni avait élé étouffée dans l'œuf i 

pur les Ferdinand d'Aragon, les (lluirles-Quint, les Philippe II... Muis 
l'Espagne, le Portugal naissent à lu vie : les malices sont tenus, bien 
malgré eux» de compter avec une opinion publique. 

La l'Yan ce , comme l'Kspagne, a élé très fortement atlciulc et diminuée 
politiquement : il lui est désormais interdit de réver, comme elle le lit 
plusieurs fois dans sou histoire, de garder ou de reprendre le premier rang 
parmi les nations. Il lui Faut se contenter de n'être qu'une unité dans le 
« concert •> des huit « grandes puissances », de ne pouvoir classer sou 
armée qu'au 3° rang el sa (lotte de guerre au il*' ou 'i", lundis que par 
sa population, sou commerce et son industrie, clic vient bien plus en 
arrière dans la liste de prééminence, Impuissante ù faire prévaloir sa 



1* R. Mella. Cris* d*unt nationalité, Humanité nouvelle, juillet 1900, p. 97. 



I. RSPALl.NK NOrVKI.LB 



$oa 



volonté dons les conseils de l'Europe, elle a chercha à se dédommager 
par des annexions de territoire»» an delà dos mers ; après la Grande 
Bretagne, elle est la nation militaire qui n te phi* subi celte maladie con- 
tagieuse à laquelle Novîcov u dorme le nom de « kilomètritc »\ L'étendue 
de? l'empire colonial qui, d'après les curies, est censé' appartenir à lu 
France dépasse de beaucoup en superficie l'espace que ta métropole 
occupe en Kuropt», \m conséquence inévitable de toutes pes annexions 




Cl. A nt. Thomas. 



VI* B «KNfcttAI.E DK It.tKC'KI.ON'K 



est d'affaiblir le pu>s, sinon colonisateur du moins conquérant : celle 
tcgétatjon touffue de rameaux ad ven lices doit épuiser in sève du tronc 
principal. Il su (Uni il que la puissance fût engagée on des entreprise* 
\itales d attaque ou de défense a vee le restn de PKurope pour qu'il lui 
devint impossible du s'occuper des contrées situées complètement en 
dehors de son orbite d'attraction. N'est ce pas là d'ailleurs ce qui 
arriva pendant les guerres de la Révolution ut de l'Empire ? La plupart 
des possessions françaises doutre-mer cessèrent de lui appartenir 
parce que nul intérêt ne portail les populations indigènes à se défendre 
contre la moindre attaque des vaisseaux anglais qui - commandaient aux 
flots ». Kl même pendant la guerre de 1870, des territoires désignés 



i. Cotma'ertce et colonie sociales, pp. ÎI77 etsUÎV, 



$0<i t'HOMMK ET LA TBHItE. — LATINS Et GERMAINS 

officiellement comme « colonie» françaises ■> furent complètement 
évacués sans môme qu'un ennemi se donnât 1» peine de ton attaquer. 
Kvidemment toi» ces pays éloigné» île la contrée d'où sont venus les 
envahisseurs restent de» acquisitions précaires puisque les conquérants 
n'y ont pns fuit souche et ne s'y trouvent qu'en exploiteur» haïs, 
eu visiteur* redoutés. U\ proportion des Français qui résident dans 
le» territoires, dits coloniaux situés m dehors de la Mauritanie et 
n'ayant pour habitants que (les indigènes avec ou sans droit de vote 
est infinitésimale, pour ainsi dire. Dans toutes le» colonies africaines» 
asiatiques et océaniques, la ltéunion et la Nouvelle-Culédonic exceptées, 
on ne compte guère (pie n;iooo européens mils, dont tout nu plus tmooo 
français, et Mooo hommes de troupe venant de la métropole. Les 
possessions de l'Indo-Cliiiie, qui ont rertainemeiil une très grande 
importance économique et qui ne peuvent manquer d'acquérir d'année 
en année une valeur constamment ■ accrue, dohenl leurs progrfo maté- 
riels beaucoup moins à leurs propriétaires et administrateurs français 
tpi 'aux marchands européens d'autre origine, aux immigrants chinois et 
surtout au v indigènes eux-mêmes, qui soit Ides gens de labour et d'intelli- 
gence. Quant au* Antilles françaises, lu Martinique et la (Guadeloupe, 
les (Ils des anciens esclaves, encore noirs ou foncés de couleur à cause 
de leur origine africaine* sont pourtant devenus Français parla langue, 
l'éducation, le suffrage et la conscience nationale; mais pour le com- 
merce, ils sont outrés déjù, en dépit des tarifs différentiels, dans le cercle 

d'attraction des Ktats-tJnis. 

Malgré le nombre et retendue de ses possessions coloniales, dans 
lesquelles les patriotes français feignent de trouver la force, et qui sont 
un réalité une cause de faiblesse, la France comprend l'insécurité dosa 
position a côté de deux Fiais beaucoup plus puissants qu'elle, l'un par 
son argent et sa Hotte, la Grande Bretagne, l'autre par sa population et 
son armée, l'empire germanique; aussi a-t-ellc dû chercher une alliance, 
au risque de faire bon marché de ce que l'on appelait jadis les prin 
eipes républicains, les diplomates se sont évertués à marier les sons de 
ta Marseillaise et de l'Hymne du Tsar. Le fier idéal qui inspirait les 
hommes de la Convention est bien oublié de leurs petits-neveux. Toute- 
fois, des .sentiments très multiples se sont mélangés aux «'jouissances 
officielles populaires occasionnées par celte alliance. A côté des flagor- 
neurs trop heureux de se reconnaître les \ aie ts d'un haut personnage, 



POLITIQUE DE Lk FRANCK fa>7 

il n'a pus manque de gens sincèrement joyeux "de manifester leur sym- 
palliic pour un peuple étranger; une petite union » Hé formée, qui, en 
dehors dut* siniagréeg officielles, constitue un élément de la fraternité 
future. \m défaite de la Hussie en Orient cl lu Révolution qui gronde de 
la mer Noiro h la Baltique n'a pu qu'aviver le dernier gentiment tandis 
que celui des gphères d'en haut éluit proportionnellement diminua. 
La politique « bassement bourgeoise » qui dirigeait les affaire» poli- 





«irPBBPIf'lK VOPVLATION 

LA WA.VCK KT I.RS fOLOSlKS 

1. Atgéria et Tunisie — 2. Soudan et Afrique occidentale, du Sénégal au Dahomey. — 
3. Hahara — 4. Congo. — 5. Madagascar. — 6. Cochinchine, Cambodge, Annam. — 7. TonJcia. 
— 8. Autres colonies en A«io, Afrtqua, Amérique et Oeéanl». 

liquesde ta France et de l'Europe pendant le centenaire de lu Itévolu 
lion est bien ca raclé ri »c5e par les menace» officieuses que te cabinet du 
Quai d'Orsay lit entendre, en 1808, h la Porte. C'était après les effroyable* 
massacre» de l'Arménie. Le sultan porte; par l'enivrement de sa toute 
puissance, avait osé contrarier quelques spéculation» malpropres de finan- 
ciers européens. « Prenez garde! lui cria-t-on aussitôt, il ne faudrait pas 
qu'il Constantiuople on se tfl d'illusions. La crainte morbide des respon 
Habilités, qui a paralysé l'action des puissances dans les affaires d'Ar 
ménic, ne garantit nullement à. ta Porte l'impunité à propris des indem- 
nités en question... Tant qu'il ne s'agissait que d'Immunité, de droit et 
de protection d'une clienfele en péril de mort, l'Europe pouvait bien 



faH L'ilOMMK KT LA TKttHK. — LATINS HT OEH MAINS 

reculer,,. Chaque puissance retrouve toute su lucidité et toute son 
énergie dès qu'il est question des intérêts matériels do ses ressorti s 
Hauts » '. Tu©» vos A rmdniens si le ctL'ur vous en dit» mais ne touchez pus 
à notre argent. 

Vraiment une pareille indifférence devant tes injustices les plus 
flagrantes, devant tes crimes collectifs tes plus uttreux pouvait a bon 
droit porter des esprits moroses à s'imaginer que c'en était bien fini, que 
lu sourii! de toutes les nobles passions était irrémédiablement tarie. Kt 
pourtant, a cette époque, se produisit un événement en sot fort banal, 
un déni de justice commis .sciemment envers un officier qui avait le tort 
de déplaire à ses camarades. De pareilles choses se présentent tous les 
jours, mais il faut une certaine combinaison de circonstances, puis le 
temps nécessaire pour que l'opinion se passionne, et enfin le talent, 
le vouloir conununieatlfs de quelques hommes vuillants pour déter- 
miner h* mouvement général. 

Tous ces éléments se rencontrèrent cluits t'afl'aire Dreyfus, « l'affaire » 
pur excellence qui fut le procès de l'armée, non seulement de l'armée 
française, mais de toutes les armées tic tous les temps et de tous les pays, 
parce qu'il établit les conséquences fatales de l'autorité indiscutée, la 
cruauté, la sottise, l'esprit systématique de caprice et de mensonge, et 
surfont la subordination de tout sentiment de justice et d'honneur à 
l'esprit de corps. Tant de vœux et de volontés, s'étanvautdc toutes les 
parties du monde, se sont unis dans celle affaire, représentative de mil- 
lions d'autres utt'aircs restées inconnues ou négligées, si ce n'est dans un 
cercle local, qu'on peut y voir un événement d'ordre universel et que ce 
procès a par cela même « contribué à la future unité de la race humaine ». 
tin outre, il dut une beauté tragique à su longue doive, à ses péripéties 
poignunlcs, à sou coup de théâtre. « Par les attaques féroces, puériles, 
sournoises des uns, elle eut l'intérêt compliqué de» drames barbares, 
et par la ferme défense des citoyens, elle acquit la simple beauté harmo- 
nieuse de la tragédie antique » ». 

Cette guerre forcenée des deux moitiés de la France* n propos d'un 
homme qui, pur sou génie, sou intelligence ou ses qualités morales ne 
s'élevait en rien au-dessus de lu banalité moyenne, est un des mille inci- 
dents de la lutte incessante qui sévit dans tous tes milieux, entre consenti 

t. Article du Tetu/w, ruproduit par le Merhveret, 1*' soûl 1898. — 2. Ch. Péguy» 
Hwue Blanche, 15, VIII, 1899, pp. 631, 6M2. 



(.'AFFAIRE DREYFUS 



leur» et novateurs, mais peut-être eu Fronce avec plus d'acharnement 
qu'ailleurs à cause de là puissance presque égale des éléments en oppo- 
sition, symbolisés par lo contraste géographique du massif central et des 
plaines, c'est-à-dire du lieu de raréfaction eldu foyer d'appel. Pourtant 
te contraste est double* eur si les région* montueuseH du centre consti- 
tuent un monde tout 
différent des husstn» 
de ta Seine, de la 
SaAne, de lu Garonne, 
il y a également une 
opposition nette entre 
le Nord et le Midi, 
mats les deux formes 
d'antagonisme se ma 
nifeslent diversement. 
I/iiidividualilé pro- 
\ inciale persiste loiig- 
temps chea les immi- 
grants de Paris, no 
(Animent chez 1* Auver- 
gnat, le Marchois, le 
Savoyard, qui conti- 
nuent de vivre ù part 
dans la foule, coucen* 
très dans lo pensée du 
gain, On peut dire 
d'une manière géné- 
rale que lo dépaysé de la province arrive avec un sentiment de respect 
presque religieux pour lu grand' vil le, qui représente à ses yeux, et à 
juste raison, 'un centre intellectuel très supérieur u son milieu pri- 
mitif, en même temps que la cité dans laquelle s'est déroutée ta grande 
histoire et où se roneeiitrcul d'immenses trésors apportés du inonde 
entier. Mais le « Méridional » proprement dit, le Toulousain, le 
Marseillais, le Gascon, a d'autres façons de voir : il ne se croit point 
inférieur au Parisien ; on dirait qu'il a gardé comme un reste de l'orgueil 
du Romain ou du citoyen tle la Pwvincia lorsque ceux-ci se hasardèrent 
dans les froides régions marécageuses ou forestières du Nord de la Gaule; 




ÉMILK KOLA < 1S40-1902) 



CI. 3. Ktthn. Mit. 



4 io 



L'HOMME ET LA TERRE. — LATINS ET GERMAINS 



peut-être se rappelle-l-il instinctivement les jours du moyen âge* 
avant l'atroce Simon de Montfart, quand les gens de la langue d'oc, 
Albigeois et autres, avaient amplement conscience de la supériorité de 
leur civilisation, comparée & celle des Barbares du Nord, Peut-être quel- 
que» Méridionaux arrivent-ils môme, sans trop s'en rendre compte, avec 




0. J. Ktthn, édit. 



I 



LA OROTTK DE LOt'RDKS 



un sentiment de vengeance. Les grands parleurs d'entr'eux viennent 
déployer leur (onuanle éloquence comme en pays conquis. 

Phénomène qui peut sembler bizarre, el qui cependant est une 
conséquence naturelle de l'oppression, en et là victorieuse, que les 
envahisseurs du Nord firent jadis subir aux population» méridionales, 
celles-ci réagissent maintenant contre les septentrionaux suivant un 
mode très complexe. Taudis qu'il y a six cents uns, elles représentaient 
sans contredit la partie la plus avancée de la nation, leur action se 
complique de nos jours d'éléments régressifs très puissants. A côté 
d'une majorité d'électeurs doul la couleur politique est dénommée 



C0NTRA8TK MM DEl'X FRANCK 



«H 



« radicale », voir© « radicale socialiste », dont les représentants s'em- 
ploient à ta séparation de l'Eglise el de rKlul, à côté de paysans qui 
entrent délibérément dans la vate coopérative, même communiste, se 
trouvent le» groupements les plus violemment superstitieux et réaction- 
naires. Si la langui» provençale essaie de renaître 11 lu vie, ce qui est 
mjii droit— elle justifie d'ailleurs son ambition légitime par des poèmes 




Cl. J. Rubn, «dit. 
LE PPV B» VBLAV 

A gauche SaJnt.MIchol d'Aiguilhe. au centre Nolre.Daroe.de.Hrance, k droite ta Cathédrale. 

d'un*! grande beauté littéraire — . | ( » sens général de ce mouvement se 
porte franchement vers la réaction catholique. Kl nVst.il pas honteux 
<pie la passion cruelle des courses de taureaux, avee mise à mort de 
l'animal et tout l'effroyable prélude de chevaux é\ en très et d'hommes en 
danger, se soit emparée de tant de villes du Midi, et qu'elles en aient senti 
leur vieil esprit municipal se réveiller contre le gouvernement central, 
coupable de vouloir appliquer les lois» pourtant bien peu draconiennes, 
édictées durant le siècle pour la protection des animaux? 



I 



\VA 1/ HOMME KT LA. TKRRK. — LATINS KT tiKRMAINS 

Dans ce conflit des deux France» il est naturel que tes éléments con- ' 
servatetm se soient allégés de tout ce qui pouvait alourdir le combat. La 
monarchie les gène, d'autant plus que, loin d'être un principe absolu, 
elle est subordonnée à l'existence d'une famille royale ou impériale, et 
que plusieurs d'entre elles se disputent le pouvoir. Le» tentatives de res- 
tauration aytifit échoué, précisément à cause de ces compétitions entre 
candidats à lu souveraineté, il n paru plus pratique de se « rallier îi la 
République » conformément it l'avis du pape, canin nom n'engage ù 
rien, et sous celui de « Chose commune » on peut embrasser les survi- 
vances du passé tes plus contradictoires aux idées nouvelles. Naturelle 
meut le centre de rut lie meut pour la droite et la gauche de la gronde 
armée conservatrice devait cire ta vieille Eglise catholique, assouplie 
1res adroitement a toutes les manoeuvres modernes, mais incapable de 
transiger sur les principes qui sont, comme ils le furent toujours, l'asser- 
vissement des esprits et des volontés à la tradition religieuse. Le respect 
des intérêts acquis est follement respecté en pareille matière que le per- 
sonnel de la réaction franc ni se semble avoir a peine changé pendant 
un siècle. C'est une des 1res intéressantes et très logiques conséquences 
de l'histoire, que, sous la Hépuhliquc officiel le, la plupart de ceux qui 
commandent l'armée française Boieul précisément les petits fils des 
émigrés royalistes qui envahirent la France à la solde de la coalition 
des rois. Les noms énumérés dans les annuaires coïncident d'une 
manière étonnante, à un siècle de dislance, ù ceux qui figuraient à 
Cohlentz et a Quihcron dan» la liste des mercenaires étrangers* . Par 
une évolution toute un lu relie et qu'il serait par conséquent injuste de 
reprochera qui que ce soit, les royalistes envahisseurs de la France se 
sont transformés en « patriotes intransigeants • . 

Sans être unique à cet égard parmi tes nations, la France est cejien- 
danl celle que Ton cite d'ordinaire comme le groupe ethnique le plus 
infertile en progéniture. Tandis que dans la plupart des contrées euro- 
péennes et des autres pays appartenant au même type de civilisation, la 
population, aidée par les admirables progrès de l'hygiène moderne et 
la décou verte incessante de nouvelles ressources, s'accroît suivant dos 
proportions qui n'avaient été jamais atteintes, la France n'augmente 
que très faiblement eu résidants, et même il est arrivé plusieurs fois 

t. l'rbain Gohfor, fArmfe de Cottttt, llevut Blanche* t* r juillet 1898. 



L 

ïl 
II 

% 

i 



t 



OUG&NTHROPiE 



4i3 



depuis quelques année» que le nombre des naissance» ait été inférieur 
à celui des décès el que seule l'immigration d'étrangers ait empêché un 
véritable recuide ta population française. A l'exception de ia Bretagne, 

H* #96. Aoorotttement de la Population française durant le XIX* sièole, 




w«- 



*v* 



i : 10000000 



D'après K 'ihrquan 



hmiinrit-TMi- ■ . «.* ■ 

o ioo m 



*.— -. 



"âoKil 



Us chiffres indiquent la population de 1900, pour 1000 habitants en tSUO: on voit que dans 
une qutnxaine de départements, il y a eu diminution effective. 

A 1000 habitante en 1800, correspondent environ* en 1900. France H50, Espagne 1800, 
Italie 3400, Suiase 2500, Allemagne, Belgique, Hollande 3000 (t) t Angleterre 3300 (T). 



c'est à-dire de la province française qui purtieipe le moins à la vie géné- 
rale de la nation, le pays lout entier, surtout pour la classe de ses 
terriens, professe le précepte de la « réserve morale » que recomman 
daient si chaleureusement Malthus cl Stuart Mill. Les conséquences en 



4 1 4 1/HOMME KT LA TERfiK. — LATINS ET GKRMAIN8' 

sont telles que le généralissime de» forces allemandes, voyant avant 
tout dans tes peuples des réserves d'hommes valides pour le combat et 
pour le massacre, célèbre la victoire que l'armée germanique remporte 
chaque année sur l'armée française: un écart annuel de cent mille 
naissances équivaut en effet, dans l'équilibre militaire, à une énorme 
tuerie sur un champ de bataille. 

Or ces causes profondes, intimes, du recul ou du progrès de la popu- 
lation font davantage, sinon pour la prospérité vraie du moins pour 
l'influence relative des nations, que les brusques événements politiques, 
les immigrations ou les exode». La population d'un simple canton d'une 
vingtaine de mille individus, dont pendant quatre siècles le taux des nais- 
sauces dépasserait celui des décès de deux pour cent — unirait par 
exemple ia 'natalité d'Aulrtclic-Hongrie, trcule-huit pour mille, u ht 
mortalité anglaise, dix-huit pour mille —, pourrait théoriquement 
atteindre cinquante millions d'hommes, assez pour couvrir ïe ter 
ritoire de l'Allemagne entière ; puis si par un brusque retour la propor- 
tion venait à changer du tout au tout, les cinquante millions se rédui 
raient de nouveau a quelques milliers d'individus au bout de ce môme laps 
de quatre cents années. C'est ainsi que l'on u vu la popululion franco 
canadienne grandir d'une façon merveilleuse, pousser ses (lots humains 
comme une marée, montrer vingt-cinq mille individus la où il ne s'en 
trouvait qu'un seul millier cent années auparavant; et, d'autre part, que 
fies nations, ayant perdu leur ressources eu terres, en eau» en relations 
de commerce, ont fini par disparaître, tels tes Hymiariles et les Babylo- 
niens, ne laissant plus qu'un nom et des vestiges là où ils avaient cultivé 
de vastes campagnes et dressé des cités populeuses. Mais ces révolutions, 
de si haute importance historique, frappent beaucoup moins les esprits 
que des faits brusques, d'intérêt tout a fait secondaire, « La dépopulation 
lue les nations sans faire souffrir aucun des individus dont elles se com- 
posent, et nulle douleur n'étant ressentie, nulle plainte no se fait 
entendre < \ Cette maladie sociale, ù laquelle Arisloteadonné lenomd'oli- 
gantliropic, menace-l-elle actuellement l'existence de la nation fran- 
çaise ? Le moment est-il venu pour elle de se préparer ù mourir ? 

Quelles sont les causes du ralentissement dans les progrès de la popu- 
lation kilométrique! 1 Evidemment elles sont multiples, mais il est très 

1. Arsène Dutnnnt, Revue Scientifique, 20 juillet 1895, p. 92. 



difficile de savoir dans quel ordre d'importance H faut te» ranger, et 
cet ordre d'ailleurs peut varier suivant tes divers?» provinces, ï^e fait 
caractéristique dans la diminution partielle de la population française 
est celui ci, que « la pauvreté entretient la vitalité de ta race, tandis que 
la richesse ou l'ai sa r» ce constitue un pacte avec la mort » ' , Les quutre 
groupes de départements qui se dépeuplent sont les très riches contrées 
de ta busse Normandie, la Gascogne orientale avec le Qnerey, une partie 
du Languedoc, la Provence et la région bourguignonne et champenoise- 









Mi 

1 ■DN' , T *:Svûi 


R 

^ 

i*!) 




■ ■ ■ "H,"* 

''-■■'M' 




* 1 




IfP 1 *™ 


^BP^^ ? 






i;;- .■ 


1 E ^ 

1 , : ■ 

e 

.-> " ■ - f 






■é. 

- - - *- - 


s" 


l • 


* 



Cl. Altartl. 
itns route MÉBiDiûNALB (Narbotmo, le 5 mai 1907.) 

Les deux départements où le mal est le plus invétéré, l'Hure et le Lot-et- 
Garonne, dont la liste annuelle des morts dépasse celle des naissances 
depuis deux tiers de siècle» sont parmi ceux dont les terrains ont la plus 
grande fécondité. Ce n'est point ici parce que le banquet de la vie n'est 
pas servi que les candidats au festin sont obligés de partir ou que même ils 
n'ont pas l'occasion de naître ; tes ressources sont abondantes, elles vont 
jusqu'à la surabondance; c'est par la conception spéciale de la vie qui est 
devenue l'idéal des propriétaires que s'explique la réserve des forces qui 
s'emploient ailleurs à l'accroissement de la natalité. Dans ces districts, 

1. Arsène Dumont, Revue mensuelle de PEeote <f Anthropologie de Paris, 
15 janvier 1897. 



il*» l/llOMMK KT U TKnRK. — LATINS It GEBMAIN8 

non seulement le nombre dos mariages officiels diminue régulière 
ment et relui dea célibataire* augmente, mais tes époux eux-mêmes se 
rapprochent de plus en plu» du célibat*. 

Quel c»t donc leur idéal? Celui de perpétuer tu richesse ou du moins 
le bien-être dans lu famille. \e pouvant la garder pour lui seul par delft 
le tombeau, l'égoïste possesseur veut du moins que le domaine ne soit 
pas morcelé et il préfère courir le risque d'avoir h le transmettre a un 
cousin plutôt que de le partager entre plusieurs entants. Chose bizarre 
et contre nature : la procréation des entants, c'est à -d ire révocation de 
lu génération qui vient et qui tic v ni il continuer pour le mieux l'œuvre 
de l'immunité, est laissée aux malheureux, a ceux qui n'ont uueun souci 
de l'avenir. Kt celle incurie des géniteurs vaut peut être encore mieux 
que le souci de eeux qui voient dans les (Minuits la simple continuité 
du nom. de l'héritage, de l'influence aristocratique ou bourgeoise. 

Si te propriétaire lient a l'éternelle durée de sa propriété, du inoin^ 
peut-il lu trunsmettre aux siens, tandis qu'une autre catégorie d'indi 
vtdus n'a pus même cel idéal. Le fonctionnaire, e'est-u dire l'homme 
préposé ù la surveillance de ses concitoyens, est facilement entraîné » 
n'avoir que «les ambitions personnelles. Les officiers, les employés de 
l'Etat, les salariés des compagnies ont une existence assurée, non uni- 
quement pur leur travail, comme il semblerait au premier abord, mais 
surtout par le bon vouloir de supérieurs qui peuvent les renvoyer, les 
ruiner, quand il leur conviendra. Bien plus, tous ces employés n'ont en 
perspective des appointements supérieurs, une amélioration de leur sort 
qu'a la condition de plaire aux chefs: l'avancement esta ce prix. L'intérêt 
leur impose doue des visites, des services, des complaisances, un certain 
décorum indispensable pour accroître leurs chances d'à va ncemenl : les 
dépenses sont presque toujours celles du rang auquel on aspire. Dans 
ces conditions une famille nombreuse est impossible; elle serait même 
un scandale aux yeux de ceux qui peuvent distribuer les bourses et les 
places aux enfants supplémentaires. Des raisons analogues entraînent 
aux mêmes pratiques eeux qui exercent des professions libérales, tels 
que les médecins et les avocats ; enfin les individus dont les fonctions 
impliquent une éducation Hâtivement supérieure et qui jouissent 
en même temps d'un revenu fixe, c'est à-dire les recteurs et professeurs 

t. Edmond Demolins, A quoi tient la supériorité des Angh*Sa*om, p. 130, 



PH0PR1ÉTAIRK8 KT FONCTIONNAIRES 



««7 



<ie faculté* et de lycées, «ont d'otrtimitre pauvres m enfants; par une 
charmante ironie des choses, ce sont les pontife» de la morale publique 
qui, après d'autres pontifes, tes prête» célibataires, s'adonnent le plus 
manifestement à l'abstention volontaire ». Outre Ira faits de limitation 
consciente des familles que Ton observe en si grand nombre dans les 
classes des propriétaires e| de» titrés, il faut mentionner aussi. 




Cl. Geber 



LU VlJttX TB.VÊS, .IXClKJf KIU DK IMB4TKH 



«t'apres la plupart des médecins, les faits de stérilité conjugale provenant, 
chez les familles aisées, de la suralimentation en substances azotes. (Jri 
s'imagine volontiers qu'on accroissant les doses de nourriture, en faisant 
travailler à outrance l'appareil digestif, on fiuifiieeu force et en santé. 
C'est le contraire», l/in fécondité est causée fréquemment dans les couples 
parcelle riebesse coiilinuelle d*aUmeuts toniques auxquels on ajoute le 
vin pur, le café fort et les liqueurs. CVsl ainsi que les plantes trop 
amplement nourries s'épuisent en feuilles et ne portent pas de fruits ". 

1. Aisèae Dumoat, Profession et Natalité, Séance de la Société d'Anthropologie 
de Paris» 4 février 1897. — 2. Maarel» Ot la dépopulation Ac la France, Moine Société, 
18 décembre 1896. 



ii8 l'jiommk kt m tkrbk. — LATINS kt germains 

Lu composition sociale «te nombre do < -mi Ires industriels qui guident 
officiellement une position très secondaire dans tes départements com- 
porte tin noyau puissant de familles très riches ayant l'orgueil de leur 
ù tua lion et tenant le monde des fonctionnaires eu assez médiocre estime. 
\ celte aristocratie industrielle répond un nombreux prolétariat* eon 
stiluunL lu ^ruude majorité de la population, cnllu une classe intermé- 
diaire de détaillants vivant de* la clientèle tles ouvriers et soumis parfois 
au pouvoir discrétionnaire des maîtres. Or ce* diverses classes ont une 
forte natalité, de beaucoup supérieure a celle des sociétés bourgeoises 
composées de rentiers et de fonctionnaires. L'existence est aléatoire aussi 
bien pour l'ouvrier que pour le patron ; l'un et l'autre courent après lu 
fortune et en acceptent les chances: risquant chaque jour des #ains et 
«les perles, ils ne craignent pas d'aventurer aussi des enfants dans la 
butaitle de la vie ; oa a même constaté que, par la contagion des idées cl 
respriurimitalion. la population agricole qui entoure les cent ros ouvriers 
se laisse col rainer à fonder des familles nombreuses. Du mont en a con- 
staté des exemples remarquables autour de Dtiukcrquc, de Lillebonne et 
aalres villes industrielles. 

Ainsi les conditions économique* et sociales réagissent diversement 
Hurlequilibrcdc la population, faisant varier sanscesse les oscillations de la 
vie et de la mort. Quoiqu'il eu soit de ces alternatives, le progrès n'est 
point un mouvement qui se mesure seulement parordre numérique, sui- 
vant la statistique précise des télés d'hommes, <|e femmes et d'enfants. Le 
nombre est, à n'en pas douter, un élément de civilisation, mais il uVnesl 
pas le principal et, menus dans certains cas, il peut être un obstacle au 
développement d'un vrai propres en bien être personnel et collectif, ainsi 
qa'en bonté mutuelle. 

D'autre part, l'immigration sur son territoire des populations a voi- 
sinant la France prend la place des enfunts qui n'y naissent point, et il 
est indiscutable (pie les 111s d'étrangers font de « bons Français • , 
d'aussi parfaits patriotes que furent d'enthousiastes Prussiens les 
Dubois Heymond, les Ycrdy du Vernois et autres descendants des Cal- 
vinistes. On a souvent remarqué que parmi les hommes ayant le plus 
véhémentement discouru sur la ■• gloire de la France », il s'en 
trouve un certain nombre dont un, deux ou plusieurs grands parents 
sont nés eu dehors des frontières de ce pa\s : le sol, le milieu, 
la longue façonnent l'individu qui prend rang dans la masse de la 



AFRIQUE MiNElBK /ji u 

nation. Tout bien considéré, il no semble ptts que la France, comparée 
h ses voisinas, leur cède en valeur dans sa pari tic In» ail utile. 

C'est aux nations haines, et surtout ù la France, qu'il faut ndtaeher 
l'Afrique mineure, c'esl-a-dire la partie itu continent africain que les 
étendues sableuses et pierreuses du Sahara, jadis tut moins partiellement 
occupée» par un bras de mer (De Lapparent), limitent sur tout le front 
méridional, du golfe de Cabès à l'Atlantique île» Canaries. Par la con- 
tinuité tien terres émerges, cette « moindre Afrique », lu Muurélanie, 
appartient bien au couttueut noir, mais pur son architecture géologique, 
par la direction, ta nature et les plissements de ses chaîna de montagnes 
(tëd. Sucss), par se» plantes et sa faune, aussi bien que par ses race* 
d'hommes nu toc h thon es, cette contrée est lieaticoup plus européenne 
qu'africaine : elle forme un tout avec le monde méditerranéen que con- 
stituent l'Italie el ses îles, la Provence, le Languedoc, les Haléares et la 
péninsule Ibérique. 

Cependant les événements politiques séparèrent fréquemment pendant 
le cours de l'histoire les deux versants do la mer intérieure : les dangers 
de la navigation étaient si grands avant l'époque moderne que les mou- 
vements de colonisation étaient presque toujours empêchés ou lon- 
guement retardés et que les expéditions militaires étaient souvent coin- 
promises : it fallait alors autant de jours pour aller d'une rive a l'autre 
qu'il faut d'heures pendant ce siècle aux navires ù marche rapide. Après 
l'effondrement de l'empire romain, la séparation complète s'était pro- 
duite entre les populations des deux rives, et môme la migration victo- 
rieuse des Arabes avait pu se faire le long de la côte septentrionale du 
continent sur l'énorme distance qui sépare la mer Houge de l'Atlantique, 
le Sinaï des Pyrénées. Le mouvement normal du Nord au Midi, entre les 
deux moitiés du monde méditerranéen, ayant été interrompu, une 
pression secondaire de t'est à l'ouest avait pu se manifester. 

Actuellement, la cohésion naturelle a pu se reconstituer, quoique 
d'une manière, brutale, par la conquête militaire. L'Algérie, la Tunisie 
sont bien des colonies françaises ou plutôt des colonies sud européennes, 
puisque les principaux immigrants sont des Français du Midi, des Fspn- 
gnols el des Maliounais.des Maltais et des Italiens : ceux-ci prédominent 
même très largement dans la Tunisie, lundis que les Espagnols 
remportent numériquement sur les Français dans l'Oranie. Toutefois, 






I 



ho L'HOMME KT LA TERRB. — LATINS ET OKUMÀIN8 

les terres maurétatùcmics ne sont que très particUcmcut.au point do vue 
ethnologique, des annexe* de l'Kuropc moderne; elle* sont avant tout 
un pays berbère, et encore, dans une certaine mesure, une région do 
conquête arabe : l'Asie s'y mélange doue avec l'Huropc et avec Tan- 
tique Occîtanic. Lorsque Napoléon lit, au grand scandale des cotons 
français, qualifia l'Algérie de « royaume arabe », il y avait dans son dire 
une grande part de vérité. Du reste, les militaires français qui avaient 
rattaché l'Algérie à l'Europe professèrent toujours la même opinion que 
l'empereur de leur choix, et celte opinion leur était imposée par l'esprit 
de corps : le désir de commander» si naturel à des soldats, leur faisait 
préférer des sujets arabes, dont ils étaient les maîtres absolus, a des con- '( 

citoyens français qu'ils pouvaient sansdouletrailer en pékins et mépriser» 
du moins en parole», mais qui restaient protégés par la loi commune. 

Puis vint Tète de la colonisation «Mctalle; on avait empêché les 
immigrants de s'établira leur gré sur des terres achetées aimablement 
aux Arabes; maintenant on allait déterminer d'avance le lieu où serait 
bali un village de tant de maisons avec des jardins de tant d'arcs et des 
champs de tant d'hectares, et on y expédierait un nombre de cultivateurs 
fixé dans les bureaux de Paris, avec un cahier de charges dûment signé 
et paraphé par toute la série des autorités militaires et civiles, Aïn-Pouka, 
le premier village fondé parle général Bugcaud, qui a reçu dans l'histoire 
la réputation d'un grand colonisateur, fut inauguré en marche militaire 
par une compagnie de 1 '17 colons ayant a sa télé oflieiers et soldais et 
préeédéc de tambours. Chaque concessionnaire recul, avec la demeure 
et le champ, un douaire de sept cents francs cl une femme mandée de 
Toulon par le général. Ou comprend ce que devint la population de ce 
village officiel, heureusement remplacée en peu de temps par des fa 
milles de cultivateurs sérieux. Fmikn est devenu le gracieux village côtici 
de Castiglione, aux habitations éparscs sur la plage et dans les vignobles. 

U comédie île la colonisation officielle se changea plus lard en tra- 
gédie, lorsque, en iK'18, l'Assemblée Nationale, voulant se débarrasser des 
révolutionnaires parisiens, s'occupa d'installer d'un coup quinze mille 
colons dans une quarantaine de villages fondés de tous les crtlés un peu 
au hasard. (îe fut un lamentable désarroi. La plupart des colons hupro 
visés périrent ou se dispersèrent : en Ici village il ne resta plus qu'ut» 
seul individu, nommé par dérision « le garde des ruines ». Une fois en- 
core, il fut prouvé que la colonisation ofiicielle est plus funeste qu'utile 



COLONISATION OFFICIELLE 



4a 1 



par les dépenses qu'elle entraîne, les mauvais éléments qu'elle apporte et 
le découragement qu'elle fait subir aux colons libres. 

Retardé par cette déplorable ingérence du gouvernement duns ta 
colonisation, le peuplement s'est pourtant effectué d*unc manière 
continue, par le fait des initiative» personnelle». Dès les premiers jours, 
un commencement de prise de possession oftective s'était produit en 
dehors des forteresses et des camps occupés par les soldat» et les parasites 




BÔKB, VU» PBISB DU SITE Il'HIPrOlïJÎ 



Ct. J. Kutrn, Mit. 



de l'armée. Malgré l'incertitude politique de l'avenir, quelques vaillants 
jardiniers et agriculteurs s'étaient hasardés dans les campagnes hors 
de la zone du canon ct commençaient par la pioche l'ère de l'annexion 
réelle. Décimés por les (lèvres et p^r les balles, les âpres laboureurs ne 
se découragent pas : aux premiers arrivunls en "succèdent d'autres plus 
nombreux. Les villages vidés parla mort se repeuplent de nouveau, puis 
une seconde et une troisième fois* Môme les villages officiels Unissent 
par prospérer lorsque les anciens concessionnaires ont disparu et que 
la colonisation libre s'y est installée. Les maisons blanches aux tuiles 
rouges s'élèvent sur les collines a côté des pins et des caroubiers, éclai- 
V 22 



4aa l'homme et lu. terre. — latins et uedmains 

rant do loin l'espace, tandis que tes tentes noires des Arabes, collées contre 
le sol, se perdent dan* tes* accidents dit terrain. Les habitations euro- 
péennes se groupent, s'alignent en rues* des villes naissent unies par 
des routes» puis par des voies ferrées: l'ensemble des points occupés se 
relie en un tout géographique par un réseau de voies de communication» 
et peu à peu la société civile européenne, colle du travail, de l'industrie, 
remplace, écarte, dans les casernes et les camps, tes troupes de toutes 
urnmet de tous uniformes qui, seules, dans les premières décades, avaient 
représenté aux veut des Arabes la « grande tente » de la France. Tout 
d'abord les musulmans d'Afrique s'étaient imaginé que la France était 
un pays divisé en quatre grandes tribus, les Zouaves, les Chasseurs 
d'Afrique, les Grandes Capotes et les a Joyeux. » du disciplinaires, ainsi 
nommés par antiphrase. Les Arabes no voyaient dans les civils qu'une 
caste inférieure comparable à celle de leurs propres bergers \ 

Certains prophètes, grands partisans de la force, avaient affirme déjà 
que, dans le conllil inévitable des races, les immigrants européens, gran- 
dissant incessamment en nombre, tin iraient par exterminer les popula 
lions d'autre origine, par se substituera elles, comme les \nglais se sont 
substitués aux Pcaux-Kouges et aux Tasmaniens. Une atroce famine 
qui Ut périr pont être un demi-million d'indigènes algériens, en 1857, 
parut d'abonl donner raison ù ces théoriciens de l'extermination, mais 
après ce grand désastre national, la reprise de la natalité arabe et kabyle 
a été fort considérable, les vides se sont comblés et la population s'est 
accrue de nouveau. Pendant les dernières décades, l'augmentation des 
éléments nationaux, que l'on peut qualifier « d'indigènes » en compa- 
raison des gens venus d'tëuropc s'est maintenue dans lu même propor- 
tion que celle des immigrants étrangers. Ceux-ci ne fortncnlqu'un sixième 
ou un septième du chiffre total des habitants : au point de vue numérique 
les éléments africains cl asiatiques possèdent donc une très grande supé- 
riorité, compensant en partie la prépondérance que donnent à l'élément 
français le prestige de la conquête, la possession des richesses militaires 
et la cohésion poliliqiuvadministralive, industrielle et commerciale. 

La plus grande faiblesse des indigènes, comparés aux Franco-Euro- 
péens, est leur manque d'unité. D'abord chaque ville rompt la cohésion 
du monde arabe; presque sans exception, lu population des groupes 

1. Emile Masquoray, Souvenirs et Visions d'Afrique* p. 36. 



INFÉRIORITÉ DBS INDIGÈNES fo$ 

urbains est européenne en grande majorité, et même on ceux où l'élément 
arabe est très considérable, ta direction se trouve si bien centralisée 
entre tes mains (les Fronçais par tes institutions politiques et les avan- 
tages de lu culture intellectuelle et de lu fortune que leur prépondérance 
est énorme : il n'y a pas de comparaison possible eutre les habitants 
d'origine européenne et les indigènes, Ce n'est pas tout» les villes sont 
attachées tes unes aux autres Binon par des chemins de fer du moins 
par des roules, oit la circulation consciente représentée par les messages, 
les lettres, les journaux, les envois de toute nature est française par 
essence : ce réseau, représentant le système nerveux entre tous les gan- 
glions des villes, assure la supériorité des immigrants au point de vue 
de la cohésion et de l'influence. 

Mais il y a plus encore, il existe certains districts de campagne où 
les Arabes sont en minorité et où leurs domaines ethniques se trouvent 
par conséquent séparés les uns des autres. Ainsi le Sahel d'Alger et la 
grande plaine delà Mitidja sont des terres essentiellement françaises on 
les Arabes ne sont plus guère que des hôtes tolérés et, pour la plupart, 
de simples mercenaires. En cette région, une lacune d'autant plus 
grande se produit dans le monde arabe que presqu* immédiatement a 
Test des campagnes occupées par les villages français de la Mitidja 
s'élève la haute citadelle du Djurdjura, habitée par près d'un million 
de Kabyles ayant parfaitement conscience de leur origine distincte 
comme nation. Vers «on milieu» la masse des Arabes de l'Algérie fran- 
çaise se trouve donc coupée en deu\ moitiés distinctes. Au sud d'Onu», 
le peuplement des campagnes par tes colons espagnols et français 
a produit un phénomène analogue : malgré la présence de Marocains 
au nombre de 7 000 (recensement de 1900), les musulmans sont en 
minorité effective dans l'arrondissement d'Oran, et les Arabes de 
l'ouest, limitrophes de ta frontière, sont coupés de toute commun) 
cation facile aveu les Arabes do Test, vivant sur les plateaux cl les hau- 
teurs qui dominent la vallée du Ghétiff. En réalité, on peut dire que la 
confidence collective de la nationalité arabe est due surtout a la 
présence des Français en Algérie, Avant le milieu du siècle, la diffé- 
rence essentielle, unique aux yeux des indigènes, était celle du culte : 
la dissemblance d 'origine est de mieux en mieux constatée et se substitue 
partiellement à celle de la foi, à mesure des progrès de l'irréligion et 
d'une supérieure compréhension des choses. 

V 22* 



4a'l 



l HOMME ET LA TERHK. 



LATINS KT GERMAINS 



Cependant, si le» contrastes historiques sont mieux compris, un 
rapprochement moral ne manqua pan de s'accomplir, malgré les indi- 
vidus eux-mêmes qui en sont l'objet, contrairement a leurs propres et 

H* 499. Répartition de fa population de l'Afrique du Nord 



fi 




A fi/ & 



EX 



F™t 



\£T 



UERBÈRE 






K 



s 






* 






-=—""* FRANÇAIS 




I 






a» 

z 



I 



«»* 



-8 



z 



I 

i 

! 

-s 

•8 



-■s 



-8 

ne 

•3 



i* i A Lo !. a î ro 5 dUs 2 n l 0, îf* d 'AMri« «ont placés, do gauche i droite, dans te môme ordre quo 
la longitude des chefe-lieux ndiaués sur la earto n° 499). La largeur des colonne» est propor- * 



.. -— 1»[*'- ,—,,...,.„ v „«.„ WW o oui •« wui« h- vvrp un largeur un» CQIOJII19S BSl JJ )DOT 

SïSî'SJ «i^EX]** 10 ! 1 . t( T e d î l'arrondiHsemenl représenté. Dans chaque colonne, 
lordro des nationalités est le même i de bas en haut. Français (en blanc), Israélites (en noir) 
Espagnols Italiens (deux grisés de sons différents), antres étrangers (en blanc», Arabes et 
.Berbères (Marocains inclus). 

constantes affirmations. Us se prétendent à jamais inconciliables, comme 
le feu et Teau; mais ce ne soi il lu que des paroles, des expressions pro- 
verbiales. Tout d'abord, les colons d'Europe, aventurés au loin au milieu 



ÉVOLUTION DKS POPULATIONS 



TàO 



de Kabyles et d'Arabes, doivent obéir a l'Instinct du conservation , et 
s'acclimater moralement, «'adapter au nouveau séjour : In langue, le 
mode do penser, le» masure se modifient quelquefois dune manière 
complète. Pour (es indigènes resté» dans le» ville», le phénomène est 

*• 600, Algérie, Tunisie, Sahara» 




seo 



0= 



i: 12 800 000 



500 



ïsoKil. 



analogue : la plupart d'entre eux deviennent des prolétaires de la môme 
fayon que les aulres maiioîuvres se réunissant dans Alger el dans 
les ports secondaires du littoral. Entre ces deux extrêmes, les approxi- 
mations se font diversement nn dépit des insultes eldes haines échangées» 
en dépit des injustices dont la race victorieuse est certainement coupable. 
Par le vêtement mérne, la ressemblance s'accroît. La plupart des 
colons d'Algérie ne sont point habillés comme des paysans français : ou 



fati L*HOMME ET I,A TEfiRB. — LATINS ET GKAMA1N8 

venait plutôt eu eux tics Espagnols, u la veste courte, la large cein- 
ture de laine, noire, rouge on violelle, aux espadrilles ou atparg&teg. Et 
quant aux Arabes el gens île toute ruée qui peuplent le» faubourgs el bus 
quartiers de» villes et qui se réclament plus ou moins vaguement du 
nom de « musulmans », combien en est-il qui portent une défroque san» 
nom, composée de vêlements malpropres, hélas! mais pittoresques, oîi 
la culotte, le turban, la chéchia rappellent l'ancien costume méditer- 
ranéen du sud, tandis que te reste ressemble u lu velure des Napolitains. 
Et le mélange des races, qui n'existerait pas d'après lastatîslique des ma- 
riages, ne se poursuit-il incessamment eu dehors des unions officielles î» 
Combien les traces du sang européen sont évidentes dans la plupart des 
villes et môme dans les campagnes ! Eu Un, au point de vue moral, il faut 
voir Arabe» et colons français sur les mômes lieux de marché, discutant 
leurs vente* et leurs achats 1 On reconnaît bien alors qu'ils constituent 
la même pâte humaine, avec les mêmes finesses, les mêmes ruses, et au 
fond lu même bonhomie. 

Le meilleur ciment d'union entre les deux éléments ethniques les 
plus divers, le Français du Nord et l'Arabe a demi nomade, est celui que 
fournissent les Européens méridioimui et principalement les Espagnols 
aux familles nombreuses. Ceux-ci ne sont-ils pus déjà des Maures par 
une moitié de leurs ancêtres, rendant maintenant aux Arabes ce 
qu'ils reçurent d'eux jadis? Quant uux colons français, ils sou (Iront de la 
maladie nationale pur excellence, c'est ù dire de la peur du mariage et 
des soucis paternels. Les jeunes filles des maisons bourgeoises trouvent 
difficilement ù se marier, et lus dots, les positions respectives de fortune 
se discutent de longues années à ravunce, Les plaies de la « paléopar- 
théuie » et de V « oliganlhropin >* existent aussi sur cette terre qu'il 
s'agirait avant tout de peupler. 

Quoi qu'il eu soit, ou n'a point a craindre actuellement que la sépa- 
ration se fasse de nouveau 'Mitre lu Maurétuujc et l'Europe* Les musul- 
mans de diverses races qui consti tuent le gros de la population sont trop 
séparés tes uns des autres pur tes villes, les territoires de colonisation 
européenne el les voies ferrées pour qu'un soulèvement national ou 
plutôt une série de soulèvements locaux puisse désormais rejeter dans la 
mer les envahisseurs français î Arabes el Kabyles pourraient tout au 
plus servir d'ulliés à tel parti en cas de dissensions civiles ou à tel 
envahisseur étranger en cas de grande guerre. Désormais le danger 



DANGERS DU PAN18LAMI8HE 



W7 



menaçant directement la dotntmUion français* 1 ne viendra certainement 
pas des musulmans d'Afrique, hic» que celte perspective hante te» 
esprits de certain a écrivains soupçonneux. \jr fttuati*mc de religion ou 
d'origine ethnique n'eal qu'à lu surface, on le sont bien : ce quo l'on 
prend pour tel n'est d'ordinaire quo l'amour-proprc tortillé par ta rou- 
tine antique, L'ère de la guerre suinte passe pour l'Arabe comme elle 
a passé pour le chrétien, et si jamais le panislamisme devait, de l'Indus à 
l'Adriatique et du Nil à l'Atlantique, se dresser devait! riCuropécn. cela 




ri. uciwr. 



SCÈNK UB MARCHÉ KK ALUBMS 



serai I un épisode de la guerre éternelle de l'evploité contre l'exploiteur, 
cl non de celle du mnhométan contre le round. 

.Non, les in fl lient" es de provenance européenne prévaudront de plus 
en plus ; mais n'est-ce pas une loi inéluctable que la colonie ail oigne un 
jour sa majorité politique t et si elle se trouve alors, comme il n'est 
pas douteux, en des conditions différentes de celles de la métropole par 
quelques éléments essentiels, ne rêve tuliquera I elle pas son autonomie? 
Alors les Algériens, issus de tant de races méditerranéennes, Ligures et 
Ibères par l'origine commune, se sentiront Algériens et non Fronçais, et 
auront inévitablement a l'égard de la et devant métropole un idéal 
d'émancipation ou de libre fédération politique; c'est avec ta plus 



4a8 l'homme et la terre, — latins kt germains 

extrême prudence,, avec un tact délicat et respectueux, qu'il faudra 
traiter alors* ces colons d'outre mer pour conserver leur allégeance et 
leur sympathie. Le danger de l'unité coloniale serait grand tri les 
Sottes françaises n'avaiont plu» leur complète liberté d'allures, si 
Marseille et Toulon se trouvaient coupées de leurs communications 
avec Alger et Bizertc. Spécialement la Tunisie, où, parmi les Européens, 
les colon» français sont en minorité, risquerait alors de tomber comme 
un fruit muraux, mains de lu nation d'Europe la plus rapprochée, celle 
que la géographie désigne comme l'héritière de la Home antique. 

Quoi qu'il en soit des perspectives politiques d'ordre secondaire, 
la Maurétauie est désormais une nouvelle province de la « plus grande 
Europe », même eu y comprenant le Maroc qui pourtant est censé jouir 
encore de son indépendance. Ce pays de l' « Occident », le Maghreb des 
Arabes, est circonvenu de tous les cotés pur les puissances européennes, 
dont les représentants, avec un trcs'nombreux cortège île résidants hiver- 
ncurs, se sont établis a 'Tanger pour eu faire une ville franchement 
européenne, indice de leur prise de possession future*. Travaillé à l'in- 
térieur pur des intrigues de lotile nature, le .gouvernement central ne 
peut agir sans avoir « demander les conseils et à recevoir les subsides 
des rivaux d'Europe qui se disputent son héritage, et quant aux tribus 
indépendantes, qui constituent le bled essiba, « pays de l'insoumission », 
elles dépendentégalement de l'ÏCuropc, du moins indirectement, puisque 
les objots de fabrication industrielle ont tous cette origine, et chaque 
année cette dépendunce commerciale s'accroît par la force des choses. 
Bien plus, des ouvriers marocains, par dizaines de milliers, ont pris 
l'habitude daller travailler comme bûcherons, cultivateurs, bouviers et 
manœuvres dans l'Algérie voisine et se rattachent ainsi économiquement 
à la civilisation européenne: il n'y aurait qu'à laisser agir suns aucune 
pression extérieure le» influences naturelles du simple eontact pour que 
chaque année le Maroc s'européanisât davantage ; toute guerre de con- 
quête ne pourrait que retarder le mouvement en ajoutant la haine, le 
désir de la vengeance aux sentiments déjà hostiles naissant de l'idée 
de supériorité religieuse, car le musulman adorateur du dieu unique 
méprise volontiers le « chien de roumi », celui qui n'a pas moins de trois 
dieux en un seul ainsi qu'une déesse mère, à moins, chose plus grave 
encore, qu'il reste indiffèrent a toute idée ou pratique religieuse. 
L'européanisa lion et plus spécialement la francisation automatiques 



EUHOPÉANI8ATI0N OU MAROC 



foQ 



du Maroc s'accompliront d'uulant plus vite qu'elles seront aidées par la 
construction des voies ferrées. \ cet égard, te chemin de fer qui se pour- 
suit jusque dans le désert, h Figuig et au delà, a déjà fait merveille. Les 
gens des oasis, que les brutalités militaires avaient d'abord initiés a la 
guerre, se laissent volontiers séduire par les appâts d'un trafic fructueux, 
et c'est maintenant à revers, par-dessus les cols du Grand Atlas, que se 
fuit l'investissement commercial dti Maroc. Mais la principale porte 




CJ.J.Ktihn t Wtt, 



UNE BUE DK tAQHOUAT 



d'accès qui donne entrée dans l'empire d'Occident est, du côté de la 
frontière algérienne, l'avenue large qui s'ouvre par Oudjda, dans la 
direction de Fez, cuire les monts du littoral de l'Atlas proprement dit. 
Le va-et-vient des migrations et du commerce s'est toujours fait parcelle 
vallée médiane, et c'est là que devra passer forcément la continuation 
du chemin de fer longitudinal de la Muurétanic, entre le golfe des Syrtcs 
et l'A thmtique : c'est doue par H ntérieur des terres, parallèlement à la côte, 
que se développe l'ave normal du mouvement humain, ta voie historique 
des Berbfcres et des Homains, des Vandales et des Bysanlins, des Arabes 
et des Français. De même qu'en Tunisie, la côte méditerranéenne est au 



4'ta l'homme et la terre. — la.tiKs kt germmns 

Maroc très peu accessible ; tes chaîne» du tUlorat forment autant de rem- 
parts successif* qui empêchent te trafic et qui môme, sur la plus grande 
partie de Télenduo côUcrc, ont in tordit toute visite d'étrangers. Los îlots 
et presqu'îles que possède l'Espagne entre MclîUu et Ceutû ne sont que 
des rochers stériles d'où nul sentier ne pénètre dans l'intérieur et où Ton 
dresse parfois nn pavillon de détresse pour demander quelques barils 
d'eau pure aux. embarcations qui pussent. 

Lu môme politique d'attente et do bon vouloir eût suffi pour rat- 
tacher graduellement a la France les diverses oasis qui parsèment te 
désert au sud de Tunis et d'Alger : l'intérêt économique seul relierait les 
colonies muurélaniciincs aux possessions françaises du Sénégal et du 
Niger, mais une pareille conduite exclurait l'accomplissement de 
hauts faits d'urinos et par suite l'avancement de brillants officiers. Ou a 
donc préféré de coûteuses expéditions militaires aboutissant a des 
exterminations partielles. Vvanl ces exploits on avait trouvé moyen de 
supprimer tout commerce de caravanes : le trafic, du Soudan, gêné pur 
les douanes et les exactions, s'était en entier détourné vers le Maroc et la 
lïipolilame, et les Touareg étaient devenus d'irréconciliables ennemis. 
C'est en 1897 seulement, après soixante sept unnées d'occupation algé- 
rienne, que les agents postaux d'Aïn-Sefra, dans l'extrême sud de 
l'Oranie, ont, pour la première fois, reçu un courrier de Tom bouclera» 
comprenant une quarantaine de lettre» : les indigènes qui accomplirent 
ce trajet avaient mis plus de trois mois à traverser le désert. Du côté des 
Français, il a fallu attendit* Tannée 1900 avant qu'une expédition, celle 
de Foureau, partie des ports extrêmes de l'Algérie, accomplît entièrement 
la traversée du désert, non sans grandes fatigues et sans péri! de désastre, Il 
est certain toutefois qu'en parfait mépris du gouvernement français, les 
marchands toualicl autres, et surtout des guerriers fouareg cheminaient 
librement des frontières de l'Algérie aux rives du Niger : toutes les nou- 
velles importantes de l'Europe, d'ailleurs plus ou moins modifiées sui- 
vant les passions et les espoirs des indigènes, se propageaient à travers 
les solitudes, le long des pistes des caravanes. Or, le jour viendra où, 
de par les indications de la géographie, les voies majeures de l'Europe 
vers l'Amérique du Sud passeront par le Sahara (runsmaurélariicn. 

Kn Euro j je, le rôle d'importance prépondérante au point de vue ma- 
tériel appartient incontestablement à la rivale héréditaire de la France, 



PROGRÈS DE l/ALLKMAONfc /|3l 

à la Germanie. Les progrès qu'elle a réalisés pondant le dernier tiers de 

* 

siècle tiennent du prodige et dépassent môme pour lu plupart, en indus 
trie et en commerce, l'accroissement étonnant qu'a pris ta population, 
s'éleva nt de quarante millions d'hommes jusqu'à soixante. Une série 
de visites, faites à quelques années d'intervalle dans ses capitales et ses 
contrées les plus laborieuses, Berlin, Hambourg, la Saxe, la Westphalic, 
les bords du Rhin, permet de constater combien les changements ont 
été considérables et combien la pauvreté relative de l'Allemagne parmi 
les nations d'iïuropé s'est transformée eu richesse. Les observations 
les plus instructives à cet égard sont celles que Ton peut faire dans les 
pays nouveaux, on telle industrie particulière a pris soudain naissance 
avec un parfait ensemble d'applications scientifiques dont les établisse- 
ments plus anciens n'ont pas pu profiter aussi complètement. De môme, 
telle lande Kablonneusc, où ça et tu se corrompaient des eaux noirâtres 
et où poussaient quelques touffes de bruyères, est devenue une cam- 
pagne somptueuse dont le sol, savamment composé, produit les plus 
belles récoltes, que de toutes parts viennent admirer les agronomes. 
Si les progrès matériels, variant d'ailleurs duns toutes les branches 
du travail humain, nous fournissaient un étalon précis, un " moire " 
pour les progrès intellectuels et moraux, on pourrait tenter de mesurer 
le pas accompli par la nation allemande daim sa marche vers un avenir 
d'égalité et de justice. Mais de pareilles appréciations ne peuvent élre 
faites : même y a-l-il peut être empêchement absolu a la marche paral- 
lèle des deux évolutions matérielle et intellectuelle, comme si l'énergie 
de la nation ne pouvait produire plus d'un résultat à la fois. Nous ne 
pouvons émettre que des jugements partiels, éléments du jugement défi- 
nitif que prononcera l'histoire. En se laissant guider par certains 
indices, dégagés de leur enchevêtrement immense avec les mille phé- 
nomènes de la réalité, d'orgueilleux patriotes peuvent aller facilement 
jusqu'à l'insanité. N'est-ce pas une idée folie qui induisait Hegel è 
voir dans la constitution de l'Etal prussien une sorte d'aboutissement 
de l'idéal des peuples en marche ? Du moins te philosophe admettait il 
les races non germaniques comme appartenant au genre humain, 
tandis que des élèves logiques vont jusqu'à faire des Allemands une 
humanité spéciale : ainsi le livre des frères Lindenschmtl' développe 

1. DU Râtset for Vûmelu oder sind die Deutschen. tingcwatiderl ? Mainz, 4846 



W* 



L'HOMME Et LA TERRE. 



LATINS ET GERMAINS 



nettement cette idée que le- Germain seul a droit au titre d'homme; 
ainBt le général de KreUchmann » parlant des Français, déclare.,, 
» Celle nation pourrie n'arrivera jamais ù s'élèvera la hauteur miellée- 
tuellc que nous font atteindre Dieu et nos prince» ». 

Quoi qu'il en soit* certaine» des qualités essentielles à celui qtti 
veut mériter le nom d'homme ne sont point encore l'attribut banal 

de la multitude des 
sujet* de l'empereur 
ger ma ni que. Parlent - 
ils elagisscnl -ils avec 
le courante qui con- 
vient à des hommes? 
Ht leur fierté de lan- 
gage et d'uttilude, 
s'est -elle accrue de- 
puis que les salaires 
ont augmenté et que 
le pain est devenu 
plus abondant i» 
I /opinion générale 
manifestée par la 
presse, le ton des dis- 
cours tenus dans les 
assemblées, la teneur 
des eon versai ions proférées dans les lieux publies ne permettent guère 
de soutenir que l'Allemand moyen, pris pour type de la nation, ait 
réellement progressé en videur personnelle depuis qu'il célèbre la 
victoire de Sedan, 

Sans doute, l'opinion publique, composée de millions d'intérêts 
privés, finit par triompher des volontés du maitre le plus bruyam- 
ment manifestées, sans doute, les éléments du renouveau ne manquent 
pas, mais leur action ne s exerce que dans certains domaines limités tels 
que Tari; en fait la lutte ne s'engage point sur les questions essen- 
tielles : le principe même de la souveraineté divine, impériale et royale 
n'est point mis en discussion et le peuple reste bien tout entier soumis 




Cl. J»I«w UfittectC*. 
HUHICIKNH AU l'A» DB PARADIS 



1 Métis de Guerre, édité par Uly Braun. 



OPINION PUBMQL'K EN ALI.KMAGNK 433 

* par la grâce de Dieu >. Nul « Quatre viii#Luetif » n'est passé parlé 
et les sujet» ne semblent nullement désirer que l'orage vienne nettoyer 
l'air impur. Le mot même de « Révolution » souvent employé en 
d'antiques phraséologie* semble n'uvoir plu* de sons. La discipline 
par laquelle passent tous leg enfants, le» élevés, les étudiant», les soldats, 
les employés, les fonctionnaires est devenue Pâme de ta nation, 
et eette ame « revê- 
tu un caractère mé- 
canique : elle opère 
au moyen de leviers 
que l'on meut de 
Potsdam ou de Ber- 
lin. Cotte même dis- 
cipline manœuvre 
également bien dans 
les rungs des socia- 
listes, c'est -à-dire des 
enrégimenté» d'une 
organisation future : 
le conflit en lit; les 
divers partis, qui 
semble formidable 
les jours d'éleeltom, 
n'est pas après tout 
aussi violent qu'il le 
parait et comporte 

des accommodements futurs. Quant à l'Allemand moyen, il aime h pren- 
dre les choses « a son sise », Arv/w/M, sans réfléchir & ce fait qu'en s'ac- 
commodant de son mieux ù Pïnjnslice, il facilite la besogne de ses 
maîtres et leur permet d'en agir à leur guise, d élargir le cercle de 
leur oppression méthodique. Il est certain que, cinquante ans après les 
révolutions de i8$8, le peuple germanique, très enrichi matériellement, 
très policé et amplement muni d'un bagage de connaissances détaillées» 
est néanmoins plus facile à tromper cl à réduire : il embolie mieux le 
pas. N'est-ce pas un des signes historiques les moins douteux que toute 
l'armée des étudiants allemands, forte de plus do trente mille hommes, 
ait si bien épousé ses intérêts de classe, aristocratique ou bourgeoise, 




Cl. Arvn». 

ÉTUDIANTS ALLEMANDS 

Après le duel, lu blessure est savamment arrangée 



434 !/l!OMMK ET I.A TERRE. — LATINS ET C.BRMAINS 

qu'elle répudie le socialisme en masse ? Kvidctnmeut, elle devrait 
représenter Pavant-garde de la pensée naUoiiatOi ne , fût-ce que par 
audace intellectuelle el par effervescence de jeunesse; tuais elle s'est 
assagie depuis les temps glorieux du Tugmdbuntl, el les défis héroïques 
n'ont trait qu'aux rangées de chope* et aux coups de rapière. 

A certains égard», le moyen Age dure encore en Allemagne, la Révo- 
lution de i8'|K, tw»» partielle et très combattue pur tous les éléments de 
réaction, n'ayunl pas eu le temps ni la volonté méthodique d'abolir tout 
ce qui reste du système féodal, C'est en 18^7 seulement que l'esclavage a 
été complètement aboli en Prusse .'jusqu'à cette date, l'Etat s'était donné 
pour devoir de protéger lu « propriété de l'Américain qui aurait eu la 
fantaisie d'amener avec lui des esclaves de ses plantations *. Ce respect 
de la propriété étrangère n'allait pas sans une observance rigoureuse des 
privilèges de la propriété seigneuriale en Allemagne» et ces privilèges, 
dont quelques uns ont été transférés directemeutù ta hiérarchie de l'Ëtat, 
comportent encore bien des inégalités sociales, malgré le suffrage uni 
versel, que le peuple a d'ailleurs reçu en cadeau elqu'il n'a point conquis 
de haute lutte. Us assemblées supérieures des divers Etats représentent 
presqu'u nique ment les antiques survivances féodales, et les cercles 
militaire* supérieurs sont» par le fait des coutumes de l'avancement, des 
assemblées strictement nobiliaires. Enfin la loi de lèse -majesté, la seule 
pour luquclle il n'y ait jamais de pardon, est appliquée en Allemagne 
avec une redoutable sévérité : ou n'admet pas qu'en cette grave matière 
il puisse y avoir doute dans l'esprit des sujets : une personnalité 
vivante, un être agissant, écrivant et partant est au centre de tout, dans le 
mécanisme de l'Etat, el n'entend pus qu'on méconnaisse ou qu'on 
défigure sou rôle. 

Quoi qu'on en dise cl quoi qu'on ait pris l'habitude de répéter, surtout 
en France, par réaction contre les illusions d'antan, il y a pourtant entre 
la république et la monarchie plus qu'une différence de mots, plus qu'un 
ettu truste de symliolos, En monarchie, la logique, aussi bien que la loi 
ramène tous les eitoyens*tt s'occuper de la personne officielle, qu'elle qu'en 
soit la valeur, taudis qu'en république on peut négliger cet individu, s'il 
est vraiment négligeable, malgré la routine et la centralisation des 
pouvoirs hiérarchisés. C'est déjù un très grand débarras que la dispa- 

1. Eduard Meyer, Die Sklavcrei in Atterthum, p. 12. 



L'ALLEMAGNE MONARCHIQUE 435 

riticm d'une abHtmliU? traditionnelle momifiée en uii homme qui se gère 




SCSNJS Dfi PFMTB VU.L* ALLBStAKDB 
Gravure Urée de fftrmann et Dorothée* 



en dieu el que la foule prend volontiers comme tel : délivré de ce kyste 
gênant, le corps social a plu» de chance de fonctionner en santé, et 



m 



L IHIMMK KT LA TKRHK. 



LATINS KT tiKRMAINS 



l'esprit, dégage* de ce caudtemar, \v\mv à lu solution d'autre* problèmes. 
Lorsqu'un souverain partage les pussions de son peuple, on le considère 

N w 501-502. Océan Atlantique nord, 




1 : 40 000 000 



0= 



500 



IÔ0Ô 



ï^ooKil. 



L'an* do grand cercle réunissant Hambourg et New. York est pris comme base recMUgne des deux 
moitiés de cotlo carte. L'ôtoilo au ttud du lac Michigaa indique la position, en 1905, du 
centre de gravité de la population des Etats-Unis. 

volontiers comme l'inspirateur, c'est a lui que l'on attribue les conquêtes. 
Disposant d'une puissance matérielle prodigieuse, il a la pudeur de. ne 



KKI.ATIO.NS EXTERIEURES 1>K L'àI.LRMMJNK ^7 

pas l'utiliser en guerre» euro|>éenttt* et, de ee côtiK attend tes coups du 
hasard, qui sg produisent toujours en faveur du plus fort; mais H se 

de New- York à Hambourg. 




Habitante [ 



3 



par Kil.car. moins de 10 



date à 



EB • 



100 



pïûsdbiôo 



Dans les limites de la carte, les lignes droites représentant les trajets les plus directs, on voit 
l'importance de l'isthme écossais et du détroit do Belle- Ile pour la traversée rapide de 
l'ÀUan tique en été. 

démène activement pour agrandir son do tuai ne extérieur et pour se faire 
redouter par les pelits Etats lointains. Afin de mener a bien cette poli» 



138 L'HOMME gT LA TKRRB. — LATINS ET CERJUINS 

tique menaçante, il a besoin d'une flotte militaire assez nombreuse qui lui 
permette de montrer soj» étendard impérial dans ton» les port» du 
monde et de garder en même temps dans le» mers voisines de son empire 
assez de vaisseaux pour répondre à l'importance relative de la flotte com- 
merciale et surtout pour imposer ie reHpeet. Tant de millions s'emploient 
chaque année à l'accroissement de ces forces navales offensives que, 
d'avance, le prestige de leur irrésistible puissance se fait sentir et que lu 
Grande Bretagne, déjà cuirassée du côté du sud contre les attaques pos- 
sible» de la France, a dû s'occuper de se dérendre aussi sur ses rivages 
orientaux, ou, suivant le langage militaire, de se créer une nouvelle 
« ligne de base », L'estuaire, où l'on voit déjà Tune de» œuvres humaines 
les plus étonnantes, le fameux pont de la Forth, va bientôt se hérisser de 
fortifications chargées de protéger éventuellement contre la flotte 
allemande les richesses d'Edimbourg et de Glasgow et cette admirable 
zone de labeur que constitue la basso Ecosse : une puissante barrière 
occupera rentrée de l'isthme où les intérêts du commerce général 
exigeraient le creusement d'un canal de grande navigation sur la 
ligne transatlantique directe de Hambourg à New-York, Si les îles 
Britanniques ne se complaisaient pus dans leur isolement, comme elles 
l'ont aussi montré dans leur refus de sous franchir le Pas de Calais, 
elles se fussent appliquées a l'œuvre relativement facile de la coupure écos 
saise, de môme qu'ailleurs s'est faite la coupure égyptienne, et qu'en 
Allemagne s'est ouverte la porte de Kicl entre les deux mers, seau 
dinave et germanique. 

Kn tous cas, il faut constater que s'il devait jamais se produire un 
conflit maritime entre les deux puissances, cello qui abandonna l'île 
Ilctgolaiid en échange de Zanzibar et celle qui en prit possession, l'Al- 
lemagne aurait certainement de très grands avantages géographiques, 
S'avançant très au loin dans les mur» boréales, l'île anglo-bretonne est 
attaquable sur nombre de points et serait obligée du disperser ses 
forces, même dans les eaux occidentales; l'Allemagne, au contraire, ne 
peut fitre abordée sur aucun point : sa culc basse de la mer du Nord 
esl partout défendue par des bancs de sable ou cuirassée de fortifica- 
tions, Grâce au » tirant d'eau « des navires de guerre de nos jours, les 
côtes allemandes de lu Baltique sont aussi peu accessibles aux (loties 
ennemies et sont encore protégées par leur éloigncmcnt des bases 
d'opération anglaise et française et par le passage forcé en vue de 



FORTE POSITION DE l 9 ALLEMAGNE 



43 9 



Copenhague. La force d'attaque, massée en avantde l'Elbe etde la Weser, 
c'est-à-dire là où viennent affluer toutes les ressources de FAUemagne, 
resterait donc tout entière pour se porter vers les parages désignés. Le port 
d'Emden, négligé depuis plusieurs siècles, recreuse ses chenaux et 

N* 603. Cote allemande de la Mer du Word. 




7* E.d«6r. 



1 ! 2 000 000 



ta^s 



25 



■A-j.-jt.-i 



50 



tooKil. 



reconstruit ses digues pour compléter ce front de défense qui s'étend de 
la frontière de la Hollande à celle du Danemark et que servent si admi- 
rablement les routes de l'intérieur descendant vers lu mer par la pente 
égale que forme dans tout son ensemble le territoire de l'Allemagne. Le 
système des canaux, non encore achevé, est merveilleusement préparé par 



44o L'HOMME ET LA TEftttK. — - LATINS ET OERMAÏNS 

la nature elle-même : les anciens cours des rivières indiquaient d'avance 
le tracé des routes liquides artificielles. Dès l'année 1669» la haute Oder 
*e continuait vers la basse Elbe par le canal de la Spree, simple restaura- 
tion d'un ci-devanOit, et les denrées expédiées de Breslau arrivaient en 
moins d'un mois devant les quais de Hambourg. Grâce à cette diago- 
nale de navigation, l'unité commerciale était faile bien longtemps avan 
qu*on pût songer a l'unité politique \ 

Solide et compacte comme elle Test, l'Allemagne doit être normale- 
ment, mémo sans l'aide des ambitions patriotiques, un centre des plus 
actifs. Il est des contrées qui, sans appartenir a l'empire germanique, 
n'en font pas moins partie intégrante de l'Allemagne littéraire, scienti- 
fique, philosophique et sociulc. Telles sont les provinces danubiennes 
de l'Autriche, la zone septentrionale de la Suisse, et même, dans une 
certaine mesure, le district des Carpatcs hongroises dite pays saxon », 
ainsi qu*en Courtaude, en Livonie en Ëhstonic certaines enclaves 
urbaines: Sehweinfurt, de Béer, J un ker, néB dans l'empire des Tzars, 
sont bien des Allemands ut non des Musses. La statistique annuelle des 
libraires de Leipzig publie les listes desouvrag-es allemands appartenante 
tout cet ensemble de 76 millions d'individus : c'est la port de la grande 
Allemagne dans le travail intellectuel du monde. Evidemment, ce sont 
là des éléments d'unité bien supérieurs à ceux que proclament les traités 
et que sauvegardent soldats et gendarmes; malgré les frontières, le vrai 
travail du camr et de la pensée se fuit en commun et le groupement 
naturel fonctionne librement dans l'organisme humain. 

Cette unité naturelle et libre ne su fli t pas ù des patriotes impatients» 
qui la voudraient artificielle et forcée. A ce désir d'agrandissement, sou- 
vent énoncé avec fracas, répond, de l'autre côté du lac de Constance, un 
sentiment évident de crainte : il faut constater que la Suisse est strate- 
giquement ouverte le long de la frontière du Rhin. En dépit du lien 
national très ardent qui anime d'autant plus les Suisses que leur patrie est 
plus petite, l'instinct les avertit que la défense stratégique, très possible 
en théorie, serait pourtant impossible, parce que la volonté résolue 
ne peut être la passion collective de toute une armée, et l'on sait 
d'avance que les paroles sonores prononcées dans les banquets patrio- 
tiques n'ont point valeur de prophétie. 

1. J. Partsch, loge und Bedeumg Bresiaus, p. 11. 



PLU» liUANDK ALLEMAGNE <\fi\ 

Du càtéde l'Autriche, tes sentiments sont loin d'être aussi unanime* : 
tVwt cAté, te bloc tchèque est un obstacle entre Berlin et Vienne, puis 
il existe certainement de nombreux patriotes autrichiens, mais, d'autre 
part, les Intérêt* immédiats de la conquête allemande sont 1res 
bien servis, jusqu'en des discours ofliciols ot en plein parlement de 

N* 503. Voies navigables d'Allemagne, 



M. du NORD 




t: 12 600000 



■fife 5 



* 



tooKil. 



ï*a construction d'an canal de l'Elbe à la Wosor et au Rhin fut repouwoeil y a quelques 
années par le Reiehsteg. 11 faudrait encore unir l*Blbe au Danube» puis l'Oder à la Viuule 
ot au Danube. $nûn améliorer ou doubler te canal qui relie le Rhin au Danube. 



l'Empire. Tous savent que lu fabrique de l'ancienne monarchie des 
Habsbourg ne répond plus aux nécessités modernes et n'est plus qu'une 
survivance incomprise de ceux, même qui sont chargés d'en pratiquer 
les couloirs mystérieux. Sans doute il ne manque pas par le monde 
d'autres monument» antiques, rendus vénérables par leur ancienneté 
même, qui ne suhsisu'nlqticgrAccù l'illusion créée par le respect ; mais, 
dès <pie l'on se met a désarticuler les vieux squelettes! dès que des corps 

V 23 



«a 



I. HOMME ET LA TERRE. 



LATINS ET GERMAINS 



jeunesse iormenleu place des las d'ossements congés* U ne reste pins 
qu'à déblayer le sot de tous ces débris du moyen Age. En Autriche, 
plu* que partout ailleurs, c*est le butai qui devrait être In grand instru 
ment de règne. 

Les nationalités s'éveillent de plus en plus, 8e prépaient à la lutte 
<>l n'admettent plus un milieu fonctionnant seulement en vue de dresser 
des corvéables et des soldais, lu nouvel équilibre se constitue et loua 
les intéressés qui entourent ce monde en voie de refonte suivent avec 




POBTION D*UV VTf.LAOB DBS POLABBS 



CL dtt Ôtfihiu. 



avidité tes péripéties dune genèse qu'il» espèrent modifier à leur 
avantage. Ainsi l'Allemagne ne se contente pas de veiller à sa part 
légitime d'accroissement, qui est la région occupée par la population 
de langue germanique : elle regarde par delà les Alpes, jusqu'aux bords 
de l'Adriatique» et réclame comme devant lui revenir cette môme ville 
de Triestc que l'Italie revendique également et que les Slaves de l'ÎBtrio 
disent aussi leur* appartenir de droit. 

Commeiil régler tous ces conflits, calmer toute» ces convoitises sans 
démuscler les chiens de ta guerre. La meute question de balance entre 
les groupes nationaux qui rend Ta venir de la Balkauie si incertain me- 
nace également l'A ustro Hongrie, et ne pourrait dire résolue que de la 
même manière, par la libre discussion entre gens de langues, de 
races, de meeurs, de coutumes différentes. L.a confédération de tous ces 
peuples divers, ennemis même, mais sollicités par des intérêts généraux 



CONFLIT» EN AUSTRO-HONGRIE 



443 



commune, devrait naître du chaos actuel et servir d'exemple aux grands 
i;talh centralisés du centre de l'Europe; mais les « pieux désir» •> n'ont 
pus <le sens en politique, il n'Importe que de constater le» mouvement 
et d'en déterminer lu résultante. Eh bien, il est certain que, dans l'état 
actuel de la civttitwtion qui ne respecte ni les droits de l'individu ni 
ceux îles minorités, le début oftleiel sera eiroonserit entre les grandes 
|>uiHsnnreH, empires de Russie et d'Allemagne, royaumes d'Italie elde 




Ct. du Qiobu*. 



MAISON AVX ENVIRONS DE HAMBOURG 



Hongrie : le droit d'intervention des petits* Serbes et Croates, Albanais 
ct Roumains, Slovènes ct Slovaques ne sera reconnu qu'en proportion 
de leur» révoltes. A eux d'exiger cl de prendre, on ne leur donnera que 
ce qu'ils auront conquis. 

Kl ils sont certainement en train de conquérir leur liberté. A cet 
égard, l'évolution est évidente depuis une vingtaine d'années. Malgré 
tes obstacles que les gouvernements opposent à toute instruction qui 
contient une trace de libre examen, à l'école qui ne pétrit pas le cerveau 
de l'enfant pour en faire exclusivement un loyal sujet, les nouvelles du 
monde entier circulent de plus en plus ct pénètrent dans les lointains 

V 23* 



M'ï t'ilOMME ET LA TERRE. — LATINS ET GERMAINS 

village*. Graduellement leg peuples opprimés se rendent compte qui» 
leur cas n'est point unique au inonde. Chaque jour raffermît chez 
eux la volonté de se défendre et de profiter des enseignements de leurs 
voisins. A vrai dire, le» question» se mêlent et, dans la lutte» on ne dis- 
tingue pas toujours nettement le seigneur, au profit duquel se fait 
le travail journal ior» de l'oppresseur qui restreint les libertés politiques 
et dont le siège se trouve* souvent uu loin, les biftirrcrics gouvernemen- 
tales rattachant Fiumc a ftudapest et Lernberg ù Vienne. Le» revendica - 
lions du Kulhèiie contre le Polonais autrichien, du Roumain et du 
Croate contre te Magyar, de l'Italien, du Slovène et du Tchèque contre 
l'Allemand se nourrissent de la résistance du Poznan ien contre les ordres 
de Berlin, de celle» des finlandais contre Saint-l'élersbourg, de celle de 
l'Arménien contre Stamboul. I/cxomple de 1'tëgyptien, de tindou se 
dressant eu face de l' Anglais, ceux du Malgache, du Congolais, 
do l' Atcliiuois même ne sont point perdus pour le Slave ni le Géorgien. 

Sur les autres frontières de l'Allemagne se présentent des phénomènes 
analogues montrant l'instabilité de l'équilibre politique actuel et l'inévi- 
table approche de grandes révolutions. Ainsi la Belgique» ci-devant le 
drittip ih lulaillc de l'Kurope occidentale, continue d'être tHsputée entre 
des forces contraires, représentées tnuiutctiaut par les dmis. éléments 
ethniques des Flamands et des Wallons, partiellement différents par l'ori 
gine et complètement distincts parte langage; les premiers oui un parler 
tudesque, dont les patois tendent de plus en plus, sous l'effort du patrio 
tisme local, n se/onfondre avec le hollandais; les seconds, au contrai re, 
parlent divers dialectes d'une langue rapprochée du français et gravitant 
vers lui par l'effet du commerce et de la littérature . Ce fuit, te contraste 
des idiomes, semble une raison suffisante à ceux qui voient seulement 
les choses de l'instant et de la surface pour affirmer la parenté française 
des Wallons, le cousinage allemand des habitants de la Flandre, dési 
gués jadis sous le nom do Thiois d'après leur langue ; d'ailleurs on peut 
dire eu toute justice que ces deux purent es ont tini par se réaliser h isto 
riqiiement dans une forte mesure, grâce a la communauté de sentiments 
et de pensées que donne u ne même nourriture intellectuelle: peu importe 
que, quant aux origines, la plus germaine des deux demi-nations de la 
Belgique soit probablement celle des Wallons, 

1/iiïie et l'autre eurent une grande histoire, surtout pendant la période 



FLAMANDS ET WALLON» 445 

des autonomies communales, moi* il suffit que le» deux élément* eth- 

M* 606. Bruxelles et ta limite des Umguet 




1 : 200000 



t 



%m. 



Les limites indiquées sont cell«» des communes de cette portion du Bratmnt. Le promier 
chiffre (inclina) indique la proportion des francophones parmi ceux qui ne parient qu'une langue ; 
lorsque ce chiffre dépasse 50, le territoire est grfee. Le second chiffre donne la proportion des 
personnes pouvant parier français parmi les habitant* de plus de trois ans. Ces deux chiffres 
coïncidant pour les communes wallonnes du bas de la carte, on a inscrit, en seconde ligne, 
la proportion d«*a personnes sachant le flamand. On remarque le passage brusque d'une langje 
« l'autre, ainsi Tourneppe (T.) et Draine l'Attend (B«). 

niques fussent en rivtililé pour que les souverains et les casles intéres- 
sés, exploitant leur désaccord, en profitassent pour les opprimer 



I 



W l'uommk et u, terris. — latins et gkrmwns 

ogaLcmcnt. Les persécutions dirigée* par tes Espagnols de Philippe IL 
puis l'oppression systématique établie pur les prêtres, les moine», les 
noble» propriétaire» avaient si bien réussi dans les province» belges, et 
surtout dans les Flandres, qu'on vit lu population s'insurger contre les 
réformes, se cabrer contre Vidée de liberté, se proslerner pour rester 
esclave. Les révolutions belges furent toutes contraires uu mouvement 
de progrès qui emportait le siècle : même «'elle de i83o mêla si bien les 
éléments de inaction et d'indépendance qu'on se demande s'il faut s'en 
féliciter ou s'en plaindre. Encore de nus jours ù Thielt, les habitants 
montrent avec orgueil un bus-relief qui représente leurs grands-pères se 
pressant autour d'un prêtre et brandissant leurs faux contre les « infâmes 
révolutionnaires ». 

D'une manière générale, on peu! dire que lu Wullonuic, plus éclairée, 
plus instruite, plus ouverte aux idées nouvelles, plus industrieuse, s'est 
prêtée moralement aux influences diuuomement d'émancipation, venu 
surtout de France, lundis (pie les provinces flamandes, restées fidèles ù 
l'esprit du catholicisme, ont beaucoup plus éuergiqueincut résisté à l'in- 
fluence française, du moins au point de vue politique, enr elles sont 
obligées par les conditions économiques d'apprendre d'une manière 
plus ou moins parfaite lu langue française, qui est celle de la vie plus 
active, et le quart des Flamands est compté parmi les « bilingues » de la 
Belgique; en outre, le marché du travail sollicite chaque année une cen- 
taine de mille Belges occidentaux de langue thîoise a passer des semaines 
ou des mois en France dans les eliumps ou sur les chantiers, sans compter 
tous ceux qui unit s'établir définitivement outre fron tière. Devenus 
maintenant, gmec ù une longue domination <lti régime clérical, ceux qui 
participent le plus amplement ù la possession du pouvoir, à la distribu 
tion des titres, des honneurs, des places et des sinécures, les Flamands 
se complaisent volontiers aux ambitions d'un patriotisme exclusivement 
belge, mais il ne manque pas de voix flamandes qui parlent eu faveur 
d'une alliance plus intime avec les Pays Bas. L'empire germanique menace 
ù Test et son objectif principal est la ville il' Anvers, qui. se 1 couvant sur lu 
roule directe de l'Allemagne vers lu Manche, subil t'asceudunt du pays 
dont le commerce lui profile; Anvers est un très grand port allemand 
d'expédition vers l'Angleterre et les pays Ira nsocéauiques. et les chemins 
de fer belges sont les agents naturels de riuttiicncc allemande. Lu Bel 
gique eat un morceau d'uiilaul plus dcsiruhlcaux yeux des unnexionistes 



FLAMANDS ET WALLONS 



4/17 



de l'Europe centrale qu'elle apporterai! probablement, avec sa population 
si dense et ses prodigieuses richesses industrielles» un gros lot colonial, 
cet énorme Etat du Congo, qui occupe te centre du continent d'Afrique. 
De tous les métal ts perpétrés en Afrique par les blancs, ceux qui depuis 
vingt ans ont été commis dan» l' « Etat indépendant du Congo » sont 
peut-être les plus horribles : ils sont les plus récents, les plus scientifi- 
quement organisés, ceux où te commerce et l'autorité se mêlent avec le 





/ ' \ 


y \ t 


1 x. 
< \ 
1 \ 

1 \ 
1 \ 


ÉTAT 


/ y &■' A . 

/ S*+ 4 \ 


/ ÉTAT \ 


1 " 

2 


INDÉPENDANT - 


/ +* \ 

f INSULINDE 
4 


( INDÉPENDANT 


INSULINDE 


DU CONGO 1 


-s s 7 

S, / 

e y 


\ OU CONGO / 




\Sfcl«*quJ 


Rolland» jf 


^sjsltiqu» 


Hollaro»^^ 



St'PKRMCIE FOPUJ.ATIÛW 

LA BKl,<UQVK, LB COïïOO, J,A HOLLANDE KT 3BS V0LOSIB& 

L Sumatra. — 2, Java ot Madoera. — s. Baîi et Lombok. — i. Bornéo (portion 
hollandaise). — S. Célébéa, — G. Autres Iles et portions d'Iles, notamment moitié occidentale 
de la Papouaaie. 

U densité kilométrique de la population de Java est d'environ â3Q, «oit trois (ois celle 
do la France» et près de 500 fois celle de la Papouasie ou Nouvelle Guinée. 



plus d'astuce. Mais quel est l' Anglais, l'Allemand, le Français dont la main 
est assez pure pour que sa protestation ne soit entuchén de partialité ? 

La Hollande, encore plus visée que la Belgique par les patriotes pan- 
germanistes, présente des avantage* analogues» et la, semble- t-il, le 
fruit se rapproche davantage de la maturité, La parenté des langues 
embrasse tous les habitants de la contrée et la géographie même Tait du 
delta rhénan une dépendance de la vallée du grand fleuve. Le commerce 
national, le plus considérable du monde en proportion du nombre des 
habitants, est pour une bonne part alimenté directement par les 
exportations allemandes. Hottcrdam et Amsterdam sont aussi, comme 
Anvers, tle grands ports germaniques. Le bruit public, souvent mieux 
averti que les plus Ans diplomates, a prétendu qu'à diverses reprises des 
menaces ont grondé du côté de Berlin et que le chef des gros bataillons 



M8 l/HOMME ET 1à TEftRE. — LATINS KT GERMAINS 

avait fait comprendre à la souveraine des Paya-Ban» devenue vassale par 
son mariage, qu'il était prêt a faire marcher ses troupe en cas de 
désordre ou de grèves prolongées. Est-il vrai que l'Empereur ait parlé 
en mattre ? Peu importe, puisque l'opinion suffit à créer la situation 
politique, La Hollande se sent en danger, et son cas est d'autant plus 
grave qu'elle est absolument incapable de se défendre ; comme un navire 
trop chargé de voilure, elle risque de chavirer par la seule action de la 
tempête. Mais le sort de la Hollande entraîne également celui de L'im- 
mense empire colonial qui occupe» l'angle du monde asiatique, entre 
l'Indo-Chinc et l'Australie. La perte ou simplement la diminution de 
l'autonomie politique des Pays-Bas déplacerait donc l'équilibre de lu 
puissance, non seulement en Europe mais bien plus encore dans ta 
région de ses antipodes. L'Insulinde est le joyau de la planète, et Ton se 
demande quel maître étranger va succéder aux Hollandais comme 
possesseur de ces merveilles, puisque malheureusement leB indigènes 
ne s'y gouvernent point eux-mêmes! Certainement la Grande Bretagne 
il l'intérêt te plus essentiel a ne pas laisser l'empire allemand compléter 
son littoral par l'annexion de la Hollande et i\ ne pas permettre qu'une 
nouvelle Inde se constitue un profit de «a rivale ; mais pour ap- 
j Hiver sa volonté, il faut qu'elle ait la force en main. 

Malgré 1 étendue considérable do leurs domaines réunis, les trois 
royaumes qui constituent la Scandinavie ne représentent dans le inonde 
européen qu'un ensemble politique de troisième grandeur. D'ailleurs, si 
les terres sont vastes, elles sont, en proportion de In surface, 1res faible- 
ment peuplées : une di?.aiucdc millions d'habitants ne sont que bien peu 
de chose dans le voisinage immédiat de la puissante Allemagne, de 
l'immense Russie el des îles Britanniques aux colonies innombrables. 

Deux faits récents dominent la politique des pays Scandinaves, enfin 
libérée de la crainte du « Colosse du Nord » : Ibumiliation de la Russie 
eu Extrême Orient et lu scission de lu Norvège d'avec lu Suéde. Il faut 
voir dans ce dernier acte, rendu possible par les défaites de Uao-Yang 
et de Moukden, une victoire du principe de nationalité* nationalité tin 
giusliquc» nationalité géographique, modelée pur le contraste de la mou 
tagncetde la plaine, de ta mer toujours ouverte a l'ouest et du bassin 
périodiquement couvert de glaces à l'est. La victoire fut pacifique, ce 
qui prouve l'assagissemen t graduel de riiumanitc, mais elle fut incom 



SCANDINAVIE ET RUSSIE 44g 

plèts» puisque le pays autonome cherche un roi ( ioo5) cl n'a pas osé aller 
jusqu'au bout de sa pensée : la Scandinavie, tranquillisée du côté de la 
Russie, est toujours dominée par la crainte de ses autres voisins. 

Pendant longtemps, le double royaume de Suède et Norvège — sous 
la présidence constitutionnelle du même roi — a pu craindre l'invasion 
de la Russie à l'ouest du territoire de laquelle il forme une puissante 
barrière. Que Ton s'imagine le littoral russe continuant à l'ouest» de la 
péninsule de Kola au cap Nord, puis au sud-ouest et au sud par toute la 
côte norvégienne de Qortla, et du coup, la Russie posséderait bien plus 
que « cette fenêtre ouverte sur l'Europe » que lui donne la fondation de 
Saint-Pétersbourg! Celte façade immense sur l'Atlantiquo boréal et la 
nier du Nord, disposant de ports admirables et d'une flotte servie par 
lotit un peuple de marins, exerçait sans doute une telle attraction sur le 
gouvernement de Saint Wlcrslxmrg que le peupto de la Péninsule devait 
chercher à s'appuyer sur l'Allemagne, L'acquisition de ce territoire 
Scandinave par l'empire russe — ou même d'un fragment, car le 
domaine moscovite s'approche le long de la Kungama a moins de 
3o kilomètres de la mer libre 1 — aurait forcément donné à la rivalité 
traditionnelle de la Grande Bretagne cl de ta Russie un caractère tra 
gique. La tentative de russification et de militarisation de la Finlande 
en 1899 peut être considérée comme un premier mouvement du grand 
Empire dans la direction de la Norvège septentrionale. La guerre russo- 
japonaise empêcha la continuation de celle politique, et peuMHre les 
Finlandais sont- ils maintenant assez forts pour que soient définitive 
ment frustrés les désirs du tzar blanc. 

Il était donc naturel que» dans l'ensemble, le groupe Scandinave gra- 
vitât dans l'orbite de l'Allemagne ou de l'Angleterre, elles événements qui 
pourraient le délier de ce groupement sont trop récents pour qu'un chan 
geutent de front ait été possible. Même le Danemark, que des alliances 
dynastiques devraient rapproe lier surtout de la Russie cl de l'Angleterre, 
se laisse entraîner relativement à l'empire germanique dans une sorte 
tic vasselagc et doit feindre d'oublier l'outrage national qu'il subit depuis 
que des ordres de Berlin empêchent les Danois annexés parla force de 
manifester librement leurs vieux, eouformémcul au traité de 186$. 

En entrant dans le monde de la civilisation moderne, les Scandi- 

1. Voit Carte n« 508, page 465. 



4ôô 



I. HOMME ET LA. TERRE. 



LATINS ET GERMAINS 



naves y ont apporté un caractère nettement déterminé par les condi 
lions toutes particulière* de leur milieu : ils ont des traits bienaeu\, 
dans lesquels on retrouve l'influence de cette nature du Nord, aux longs 
étés, aux interminables hivers, aux jours qui se confondent avec 1rs 
jour* sans autre intervalle qu'un mystérieux crépuscule, aux nuits qui 



■-.^J -H-ji, --,^ 




VStl VAM.ÉE OS XOBVSOS. 

«iceedenl aux nuits, séparées seulement par une fugitive aurore. Ka 
terre dans laquelle ils (tout nés les domine Imp puissamment par ses 
phénomènes pour qu'ils puissent s'y soustraire comme unie fait dims 
un milieu au\ oscillations plus égales; ils ne peuvent échappera l'im- 
pression des grandes étendues lacustres et des forêts sans lin, des neiges 
qui recouvrent le sol pendant plusieurs mois el des glaces qui durcissent 
l'eau des lacs, des estuaires et delà mvv elle-même V Les Scandinaves de 
l'Extrême Nord sont toujours hantés par le rêve des longues nuits, et 

1, Maurfcff Ciaadolphe, Société normande de Géographie, juillet-août 1898, 
p. 220. 



PAYS SCANDINAVES /|5l 

l'intimité de leur vie avec la nature les maintient dans un véritable culte 
pour te beauté des choses extérieures : à cet égard, ils sont restés' 
païens. 

Lu dispersion dos rares habitante sur de vastes espaces eut aussi 
des conséquences d 'importance majeure sur le caractère des Scandi- 
naves. ConHués dans les clairières cultivables de la grande forêt ou 
dans les étroites criques de leur» jjords sinueux, les divers groupes 




L'NK VALLÉE DE gU&I>K. 



devaient compter sur leur énergie pour conquérir lu nourriture, de 
chaque jour ; ils n'avaient que faire du patronage lointain d'un seigneur 
ou de lu protection de lois promulguées quelque part dans n ne haute 
assemblée ; il leur fallait délibérer en petits groupes, agir eu toute 
hardiesse et liberté personnelles, rester leurs propres, ma lires : de là ces 
tunes si fortement volontaires qui se sont révélées dans les grandes 
entreprises de pénétration polaire, a. la traversée du Groenland, a la 
conquête des glaces arctiques, de même qu a la recherche de l'idéal 
dans l'expression littéraire de leur pensée. 

Les langues que l'on parle dans les contrées Scandinaves se ratta- 
chent étroitement à l'allemand et leurs littératures ont été très fortement 
influencées par les penseurs de l'Europe centrale, quoiqu elles aient 
toujours gardé une singulière originalité. Ou a constaté en outre que, 



45? 



L'HOMME ET LA. TERRE. — LATINS ET GERMAINS 



durant leur belle poviudo litleraire, au dix-neuvième siècle, le Dane- 
mark el la Norvège ont été animés chacun d'une impulsion différente, 
i^s écrivain» danois furent pessimistes pour la plupart, tandis queues 
Norvégien» étaient optimiste», plein» d'entrain et d'enthousiasme juvé- 
niles. La cause de ce contraste frappant n 'est-elle pas dans la situation 

politique des deux 
pa\s, rnti qui se 
sent impuissant en 
face de l'Allemagne 
envahissante, l'aulne 
qui, placé à coté de la 
Suède, se trouve plus 
éloigné du danger 
immédiat et com- 
merce joyeusement 
avec le monde entier? 
Les conditions du 
milieu cosmique se 
reflètent dans la vie 
sociale des peuples 
et dans la pensée de 
leurs écrivains : c'est 
à elles que les Scan- 
dinaves doivent leur 
si puissante origina- 
lité, cl s'ils l'expriment d'une manière énergique, c'est grâce à leur 
liberté relative, plus grande, plus agissante que celle de la plupart des 
autres nattons. 

dette initiative, ils eu ont donné récemment une preuve nouvelle' en 
proposant lu fondation d'une ligue puugcrtuautquc embrassant non 
seulement les peuples européens de souci ic teutonne. Allemands, Scan 
dinaves, Hollandais, Flamands, Suisses du Nord, mais aussi les Anglais, 
« Bretons n germanisés, et les Canadiens et Américains de langue 
anglaise, quoiqu'il soit difllcilc de considérer ces derniers comme étant 
vraiment des Allemands de race dans la pensée de ses auteurs. Kvidem- 




ct J. Kuhn, MU. 
11KKRIK IBSEN, 1828-1906, 



1. Bjoonstjerne Hjoernson. lierlinrr Tagblatu avril 1903. 



FÉDÉRATION U£S PEl'PLKS GERMAINS 



453 



meut cette ligue devrait ôlre éminemment pacifique, mais n'est-ce pas 
ie comble do l'utopie de supposer que pareille alliance puisse êlre pure 
de toute idée rie domination, alors que les trois noyaux autour desquels 
viendrait se constituer l'immense organisme de plus d'un demi milliard 
d'homme» reposent essentiellement sur la hiérarchie militaire, t'tisser- 
vissement colonial et la haine des races de couleur différente! 1 Le grou- 
pement rêvé ne pourrait avoir lieu tant que les révolutions intérieures ue 
seront pas faites dans chacune des nations constituantes. L'union entre 
les hommes de nonne volonté, indépendamment de 1» race et de lu 
tangue, n 'est-elle pas un chemin plus court f»our iirriver au but, la 
fraternité humaine!' 





ha possession de Comtantinoph ne vaut pas 
celte des chemins aujourd'hui déserta qui 
se rencontrent efaus tes marais du Selstan. 



CHAPITRE IV 



PANSLAVISME, — TRAVAIL DE CONCENTRATION UNITAIRE. — KOLA 

ALLOPHYLES. — JUIFS. — POLONAIS 6T ALLEMANDS DBS PROVINCES BALTIQUES 

FINLANDAIS. — TCHERKBSSES, GÉORGIENS ET ARMÉNIENS. — DOUKHOBORTZI 

REFOULEMENT DES ASIATIQUES. » TRANSCASPIENNE, TURKESÏAN ET STEPPES 

IRAN ET IRANIENS. — PAMIR, TIBET» MONQOLIE, SIBÉRIE 

MANDCHOURIE. — CHINE ET CHINOIS. —JAPON ET JAPONAIS. — CORÉE 



Le pangermanisme, qui avait été précédé par le panhellénisme, 
devait donner naissance à d'autres tentatives de groupement par raees, 
vraies on prétendues telles : le panslavisme a trouvé également ses fana- 
tiques. Le philologue russe Grigorovilch ayanl fait un voyage dans les 
Balkans, vers i8a5» y découvrit, pour ainsi dire, la nationalité slave des 
Bulgares, qui avaient alors quelque peu l'illusion d'être des Oecs '. 



1. Novicov, Conscience et volonté sociales, p. 185 



i r )6 l/HOMME ET LA TERRK, — RI. 98 ES ET ASIATIQUES 

Ce fut l'origine de la nouvelle religion du patriotisme slave. ^Puis 
d'autres savant* découvrirent te» « frères » do PAustro-Hongrie, on 
étudia leur» mœurs, leurs coutumes, leurs légendes* et des sociétés se 
fondèrent en Russie pour aider ces compatriotes lointains e^leur donner 
conscience de la grande nationalité slavonne. On glorifia les Serties, on 

s'éprit tles Monténé- 
grins. Mais, par un 
phénomène de psy 
chnlogio facile h com 
prend rc, les Polonais « 
pourtant une nation 
slave K*il en fut, res- 
tèrent tacitement ex 
p lus de la grande con- 
fraternité : leur patrie 
Usine national, pour 
lequel ils avaient tu ni 
dr fois combattu, les 
rendait pou dignes 
d'entrer dans la fa 
mille; ou leur repro- 
chait aussi de ne pas 
professer la religion 
orthodoxe, ce qui du 
reste est aussi le cas 
ci. au tffoôw*. pour les Slaves plus 
éloignés de la Russie, 
les Croates et les Tchèques. Certes, les pansluvislcs russes auraient tout 
intérêt à rendre leurgrund empire sympathique aux Slaves occidentaux, 
» le faire aimer et invoquer comme protecteur éventuel en'eas d'oppres- 
sion de la part des Germains ou des Magyars. Mais l'empire russe n'est 
point aimable, el du côté de l'Occident surtout il se montre par sou 
caractère hostile cl menaçant. 

I, 'obstacle capital ù la propagation du panslavisme est le même qui se 
dresse eu travers de la marche du pangermanisme. et, en Russie, il est bien 
autrement difficile u écarter. Le caractère despotique do l'empire, îi tous 
les points de vue, traditionnel, militaire, administratif, religieux mAme. 




JEfKKS <i£X8 Bt/UJAHHS 



LA RUSSIE ET LES SLAVES ^7 

repousse tout mouvement spontané de gravitation : le monde relative- 

H° 606. Slave» extérieur». 




1: 12 500000 



100 



300 



600 Kil. 



U grise serti- recouvre les territoires de* Slaves non soumis au joug russe ; le grisé lâche, 

le domaine des Slaves de Russie. 

inent civilise de l'Occident ne peut se sentir attiré vers la monarchie 
autocratique de l'Europe orientale. Sans doute, les Tchèques et les 



158 l/liOMMK KT I.A TEHKE. — RUSSES ET ASIATIQUES 

Moravos éprouvent Mon une certaine fierté de race on pensant qu'ils sont 
étroitement apparentés aux Slaves de la grande Russie, mais ils savent 
aussi qu'ils sont très supérieurs à la nation russe par l'ensemble de leur 
civilisation et ne voudraient à aucuu prix échanger leur sort contre 
celui de leurs voisins polonais. De même Croates, Serbes, Slovènes, 
tout en se plaignant à bon droit do la domination de leurs maîtres 
politiques, Autrichiens et Hongrois, savent parfaitement qu'ils n'auraient 
rien a gagner si les Moscovites les rem plaçaient. 

La force active du panslavisme se trouve donc singulièrement 
limitée dans son champ d'action. Il lui restait surtout les populations 
rtithencs de la Galicie, que les agents russes excitaient contre les pro- 
priétaires polonais et qui d'ailleurs n'avaient point atteint un niveau 
de culture bien supérieur a celui des moujik de la Russie ; mais, quand 
même, le gouvernement russe a trouvé moyen de déplaire à ces 
Ruthènes étrangers et de leur faire préférer leurs propres domina- 
teurs autrichiens. Les Rutlicnes étaient pour la plupart des « Crées 
unis », c'est-a-dirc des orthodoxes de la môme religion que 
tes Russes, quoique rattachés ù la suprématie de Rome : le saint 
synode s'est rendu plus que suspect à ces voisins do la Calicieen per- 
sécutant rudement ses propres sujets a uniates » et en les forçant ù 
changer d'obédience. Lu sympathie des Rulhèncs se porle donc non vers 
les Russes proprement dits mais seulement vers les « Petits Russiens », 
dont ils sont les frères par la langue et les mœurs, et, dans toutes les 
circonstances où ces sympathies ont pris une forme active, elles ont été 
réprimées comme révolutionnaires : les simples manifestations de 
confraternité entre savants, archéologues ou grammairiens sont 
sévèrement interdites. C'est donc à juste titre que le panslavisme est 
mal vu par la majorité des Slaves occidentaux ; n'ayant guère pour 
amis, du côté de l'Europe, que les journalistes à gages, il ne peut agir 
que vers l'Orient et poursuivre la conquête des nations et tribus de 
rAsic. turques, mongoles et chinoises. Et là, en effet, n'n-l on pas vu 
l'empire russe s'agrandir jour par jour, pour ainsi dire? 

Tandis que l'autocratie moscovite eflruyuit à bon droit les Slaves 
de la Turquie et de l'Europe centrale, la République française la flattait et 
finissait par obtenir son alliance, dont elle paie d'ailleurs largement 
les frais par ses prêts financiers. Cette union « duplice » de la France et 
de la Russie, répondant a la « triplicc »> de l'Allemagne, de l'Autriche 



SYMPATHIES ET ANTIPATHIES SN EUROPE 



45g 



«t de l'Italie» doit en partie tton origine aux instincts réactionnaires de 
tout ce qui reste des anciens partis monarchiques* heureux d'avoir 



N« 007. Voies navigables et principales voies ferrées de Russie. 




««È.daGr. 



37« 



4tf» 



1 : 20O0O00O 

o' r " ,r '' T ttf 5*4 " 



ToWih 



oncore un empereur à courtiser, un protocole à observer bassement, 
des flatteries à échanger contre des titres et des croix. Mais il faut surtout 



t'HOMMK KT LA TKRRK. — RUSSES KT ASIATIQUES 

voir liant* cette alliance le contre-coup de la guerre franco-allemande : 
les rapprochements spontanés entre imitons se font ii^s souvent «uns 
l'influencé d'une haine ou d'une crainte commune. H est certain qu'en 
dehors de** confabutatiou* officiel k»ot des grimoires diplomatiques, une 
réelle sympathie su manifeste entre Français et tinsses, faite pour une 
grande part de I aversion dont les uns et les autres si» sonl en majorité 
laissé envahir à Têtard des Allemands, lto même, au moyeu Age, pen- 
dant le» longues dissension* de l'Angleterre et de lu France, celle-ci eut 
toujours riveosse pour alliée naturelle; malgré la différence compIMe 
des milieux et du genre de vie, l'amitié naissait de lu guerre contre 
l'ennemi commun, Dans une eertaine mesure un pourrait comparer 
l'ensemble des nations ii une batterie électrique où des métaux et des 
liquides différents, juxtaposés en ordre alternatif, développent un 
courant par leurs électricités contraires. Quoi qu'il en soit, l'alliance 
des tëtats situés au\ deux foyers de la grande ellipse d'Europe 
n'a pu «Hre conclue sans en traîner un double résultai, la russification 
morale de la France, admise parmi les puissances correcte», et la fran- 
cisation n ion» h* de la Kussic, placée dans une situation absolument 
contradictoire par Ma politique étrangère et par son autocratie tradi- 
tionnelle ît l'intérieur. La Dupli ce contribue bien malgré elle à ecchasué- 
croisé d'attractions qui désagrège peu à peu l'unité verbale de chaque 
pays et lui substitue, d'une part Ten tente naturelle, mais le plus souvent 
tacite, de tous les peuples, et de l'autre, l'intérêt commun de tous les 
gouvernements : certainement le résultat de l'intimité franco-russe 
sera de ha ter l'échéance de l'inévitable révolution dans le grand 
empire slave. L 'évolution extérieure aide a l'évolution intérieure. 

De môme que dans tous les autres Ktuls, il se fait en Russie un 
travail d'unification sous lu pression de deux forces bien différentes, 
l'une spontanée, provenant du fonctionnement naturel de la vie, l'autre 
brutale cl destructive, inspirée par la hiérarchie gouvernementale. Tout 
d'abord l'unité matérielle du pays, donnée pur le creusement des 
canaux, la navigation des rivière?» el la construction des chemins de 1er, 
est une nécessité première, à In fois roiiséqurnct» et cause du rapproche- 
ment des hommes el de lu solidarité économique des intérêts. A cet 
égard la Ituwrie doit forcément s'uiiilicr. régler sou mouvement inté- 
rieur, eu des foyers de vie de plus i*n plus actifs, v\ ramener ses 
frontières vers te centre, tout eu accroissant prodigieusement les 




V 



34 



TRAVAIL U'UNiriCATION DE LA RUSSIK 463 

ressources de l'ensemble. Kvidemmdnt le pouvoir n'a qu'à céder en 
Uohant de profiler nu mieux de tout ce travail de l'industrie moderne, 
qu'il retarde d'ailleurs par ses prélibanous, le placement de ses parasites 
el sa réglementation à outrance. Eu outre, il cherche à détourner le 
réseau des voies ferries et des routes de m destination naturelle, qui esl 
de faciliter les communications; des le début, il u choisi un écartement 
de rails plus grand que la voie normale, de manière que voyageurs ei 
marchandises sont obligés de subir un transbordement: il veut employer 
les chemins de fer surtout comme un immense appareil stratégique, un 
moyen de défense et d'attaque contre les voisins, rattachant forteresse h 
forteresse ; mais quoi qu'il fasse et quelques ennuis qu'il inflige au* 
voyageurs et aux expéditeur*, les chemins de fer fonctionnent néan- 
moins normalement en aidant a ta circulation des marchandises el des 
idées, et quand môme à la révolution. 

Le travail d'miilicatîon à l'intérieur se complète par un accroisse- 
ment de souplesse dans les rapports avec l'extérieur. On sait que, 
malgré l'immensité de son territoire, malgré la longueur actuellement 
incalculable de son littoral maritime, lu Kussie n'a, pour ainsi dire, 
pas d'issue complète vers la mer: le golfe de Finlande et la Baltique se 
trouvent simm fermés, du moins à demi clos à leur sortie par les Iles 
danoises; la mer Noire est commandée par les deux détroits ou fleuves 
clu Bosphore et de rilellcspont; la mer Blanche reste bloquée pen- 
dant six longs mois d'hiver; Mkolaïcv el Vladivostok, sur les côtes 
lointaines de la Mandchourie, ont aussi leur période annuelle de 
places et de brouillards. Kl cependant, on le sait, la Kussie novgu- 
rodienne avait déjà *a libre sortie par la côte mourmanc avant 
qu'Ivan le Terrible fit trembler ses courtisans de Moscou, avant que 
l»ierre le Grand ouvrît sur l'Kurope la fenêtre que lui donnait le port de 
la Neva, avant que Nicolas H Imposât son nom à la ville maîtresse de 
la boucle amourieime cl que des flottes déployassent le drapeau russe 
sur l'océan Pacifique. L oppression brutale des tsars avait fermé la porte 
de sortie sur l'Atlantique boréal, même lorsque la contrée retomba en 
leur pouvoir : Kola «luit devenu un lieu d'exil depuis le milieu du 
quinzième siècle; des monopoles de pèche avaient été constitués au profil 
des tsars et de leurs courtisans: les couvents de la mer Blanche, devenus 
possesseurs de domaines immenses, avaient arrêté lu développement de 
tonte industrie. C'est à ta fin du dix-huitième sieele seulement, sous 
v 

V 24* 



ft(»4 l/ HOMME ET i.\ TERRE, — RUSSES ET ASIATIQUE» 

l'impératrice Catherine, que l'on décida (l'établir un port dans le Qord 
de Kola, mais les ukases promulgué» restèrent lettre morte. Il faillit 
l'enseignement des navigateur» étrangers, surtout des Norvégiens, pour 
montrer quelle était l'importance nautique de ces ports de la cAte 
mourmane, qui restent complètement dégagés de glaces pendant toute 
l'année. Parmi tous ces havres, celui de Catherine, rebaptisé maintenant 
du nom d'Atcxnridrovsk, présente le plus d'avantages pour l'attcrrissc- 
ment des navires et la construction d'une cité, bien que l'endroit , 




C'AMPRMKXT DE LAPON» 



connue la station voisine. YanlO la norvégienne, se trouve à près de 
3oo kilomètres au nord du cercle polaire (Cm/ ist*) et reste par conséquent 
pendant près de deux mois — du <t\ novembre au 17 janvier — 
dans les ténèbres de lu grande nuit arctique. Le nouveau port 
l'emporterai! sur tous autres eotnme lieu d'approvisionnement mari 
lime pour Moscou. KHershourg et le reste de lu Kussic s'il était 
relié au réseau des chemins de fer par une voie de 1 ^5 kilomètres, 
tout indiquée d'avance par le .sillon ouvert à la racine de la péninsule 
mournuine, de la mer Blanche à Kola par lacs et rivières. Il ne tient 
qu'au commerce russe de trouver en cet endroit la porte librement 
ouverte sur lu mer, désirée depuis («ut de siècles ! 

Bien plus importante encore dans l'équilibre général du mondeétail 



RUSSIE ET SCANDINAVIE 



m 



la libre issue ouverte que la Russie avait cru go donner sur les euux 
du Pacifique japonais et chinois, La Russie, sinon cluse, du moins gênée 
dans la direction de l'Occident, s'ouvrait complètement à l'Orient : elle 

N° 508. Pédoncule Scandinave. 







«♦E.deGr. 



m 



Cette carte ast 4 l'échelle de 1 à 1000000, 

U territoire de Finlande s'avance en une étroite bande dans la direction de Tromsô an 
nord do la Kengama, jusqu'à une trentaine de kilomètres du fond des fjords. 



tournait sa principale façade vers l'A sic» où rien ne semblait l'arrêter. 
Mais elle voulut trop embrasser; non et m toute d'occuper les voies slra* 
lexiques de Mandchou rie et d'être installée à Port-Arthur, elle fit sentir 



'jGG l/lIOMMK KT I.A. TERRE, — RUSSES ET A8UT1QVE8 

son influence en Corée ;' elle pensa traiter les Japonais comme elle 
avait traité Lob Chinois... Le conflit survenant, ic Jaune a vaincu le 
Blanc, L'empire rime sort bafoue de l'aventure, ayant désormais perdu 
toute autorité en Occident comme en Orient. Et tout cela ne serait rien, 
si les défaites lointaines 11*111 aient pennin aux « humilias et offenses » de 
sun propre domaine de relever lu tête, et au* peuples opprimés de se 
reprendre a l'espoir. 

Que de contrastes ethniques existent encore dans l'immense territoire 
dévolu au tsar par lu « grâce de Dieu », c'est ù-dire par L'héritage cl lu con 
quôtel Les ikl million» d'hommes énumérés pur la statistique* sont encore 
loin de constituer une nation homogène etde se sentir unis par un palrio 
ttsme commun* La force venant à disparaître soudain, une très grande 
variété de nations se montrent aussitôt. Les seulcsqui ne peuvent songer 
à se séparer sont précisément celle» qui sont les plus distinctes de lu 
souche slave pur leur origine, les aborigènes épars que Ton désigne 
d'une manière générale sous le nom d'« allophytes » et auxquels une 
longue oppression, une conscience héréditaire d'infériorité politique 
ont fini par enlever tout génie propre, toute individualité. Nombre de 
ces groupes ethniques jadis indépendants oui tout perdu : ils s'unissent 
à la masse russe comme une simple mutierc humaine sans ajouter une 
nouvelle idée à l'indépendance collective. Tels les /ira nés de lu Rama et 
de la Dvina, qui n'ont point conservé leurs traditions et vit eut depuis 
longtemps en serfs humbles et rampants, sans aucune volonté d'existence 
politique autonome; ils méprisent même leur propre langue et n'ont 
d'autre ambition que d'être admis parmi les maîtres, fût-ce comme ser- 
viteurs *. Au fond, ils ne tliftcrculpas beaucoup des paysans russes» leur, 
mode de penser et leurs superstitions se ressemblent ; dès que la langue 
est devenue commune, Ta r tares et Kalmouk, Ostiak et Vogules, Tcherc 
misses et Mord vines se sont transformés en tinsses, mais ou a constaté 
que le type mongol se conserve beaucoup mieux chez les femmes que 
chez les hommes dans la Russie orientale. C'est d'ailleurs un fait constant 
que l'on remarque on Fin lande aussi bleu que chez, tes Allemands des 
Selle Comuni des Vlpes et dans l'île de (lapri : le type originaire se 
maintient surtout chez la femme, conserva triée de la race. 

1. Voir Diagrammes pafjus ■184 otttUi. — 2. Chakuv, IHvUion ethnographique de h 
liussie, Soc. de géographie do St-Pétersbourg, iï-îi'i octobre 1900. 



RUSSIFICATION DE* ALLOPHYI.ES $67 

ainsi le jeu naturel des institutions, le mouvement graduel do l'his- 
toire assurent la russification complète des éléments d'origine toura- 
i tienne, soit turque, soit mongole, Môme la religion ne constitue point 
un obstacle absolu a l'œuvre d'assimilation nationale* et, tout en restant 
de fidèles disciples du prophète, les Tartarcs de Kuzart, de la Grimée et 
du Caucase deviennent uussi des patriotes russes ou prennent part au* 
mouvements qui entraînent les autres éléments de la population. Los 
Juifs eux-mêmes, quoique franchement, atrocement persécutés, se rus- 
sifient pourtant. Exi- 
las ou réfugiés à 
l'étranger, Us un 
manquent pas de se 
réclamer du nom de 
Russes, e( ils le sont 
eu eflH presque tous 
parla langue, parles 
idées et les aspira- 
tions. Ils ont tint* ten- 
du née évidente a ren - 
Uvv dans la grand** 
masse de ta nation, 
à se dégager de la 
caste héréditaire que 

les nécessités tic l'existence leur avaient imposée, tnôintï à se faire ni 
Europe, par l'étude et le savoir, les représentants du génie russe. Le 
gouvernement, fidèle observateur des survivances du passé, entre- 
tient les anciennes haine» de religion, de profession et de prétendue 
race; il maintient, on peut le dire, les pratiques de l'internement ou 
domicile forcé, puisque le territoire assigné h la résidence des Juifs est 
strictement délimité ; en réalité, ils sont confinés dans un vaste ghetto : 
pour eux la frontière estdouhlc, et, s'il leur est nécessaire? do la franchir, 
les dépenses, les difficultés de toute nature s'accroissent à l'infini tën 
fermés, ou du moins gênés matériellement, les Juifs le sont encore 
beaucoup plus au point de vue de leur développement intellectuel, 
puisqu'on a pris les mesures les plus sévères pour restreindre chez cuv 
les progrès de renseignement* « Défense d'apprendre a, voilà la règle, 
«railleurs conforme au principe de toute autorité traditionnelle, et la 




k. *f*m 



ci. JnM. 



MAIKOK A KH'IlIKBVt APRfetf LK POOROWE 



'|08 



L'HOMMK KT LA TKBBK. — RUSSES ET ASIATIQUES 



soupape de sûreté qu'il u fallu ouvrir quand môme, sous forme d'autori- 
sation et de licences, est singulièrement étroite. Et pourtant, si forte est 
la poussée qui porto les Juifs à vivre de la vie du cerveau que les 
règlements prohibitifs de l'instruction sont viole'* partout et que, toute 

N° 509. Aire des Julfe de Russie, 




80* 



JOB# 



If 



i: te oooooo 



IffooKit. 



Avant le* Avènement» récents, on admettait quo tes Juifs formaient la majorité de la 
population à Berdilohev, Bielostok ol Kamenetï-PodoUk. 

C'est en 1905 qu'eurent lieu les pogrome» dan» la plupart des ville* et des villages 
Indiqués sur la carie n* 510 . 



proportion gardée, la part Israélite de la population russe n'est point 
inférieure en connaissances aux éléments slaves. Peut-être même leur 
serait-elle supérieure. Malgré toute l'oppression d'en haut, malgré les 
préjugés d'en bas, les Juifs russes participent donc à l'ensemble des 



ÉLÉMENTS HÉTÉHCKÏKNKS 



Ji«Hi 



mouvements de lu nation: ils sont entrés dans ta grande unité russe, 
stade préliminaire d'une évolution plus vaste. 

Mais, dans ie sel» même de l'empire, de franches hostilités nationales 
empêchent l'immense Russie de se présenter au monde comme un tout 



H* 51 0. Quelques lieux de pogromes récente. 




bas 



i : 16000000 



ëtr 



Aku, 



politique. Quoique l'annexion de la Pologne ait commencé depuis plus 
d'il n siècle, elle n'est encore qu'un fait brutal , rassimilation ne s'est point 
accomplie, ta langue rappelle constamment aux uns et aux autres la 
différence de nationalité, la religion marque périodiquement dans les 
rites et les prières une ligne de démarcation précise, et les traditions, 
les souvenirs parlent du sang versé; tes noms de» batailles résonnent 
encore avec un son lugubre. Or In Pologne n'est pas seulement une 



470 l'homme et ï.a terbk. — RUSSES et asiatiques 

partie très considérable de l'empire, contenant environ le douzième de 
tous les habitants de l'f mmeiiBe domaine, elle est aussi la contrée la plus 
avancée du côté de l'Ouest et fuit déborder circulairement en pleine 
Allemagne la ligne des frontière», c'est-à-dire qu'elle est le véritable 
Occident de l'Empire, autrement dit la part la plus civilisée et» malgré 
l'oppression politique, celle qui est encore le plus développée pur les 
forces in lellectuelles. Les Polonais ont parfaitement conscience d'avoir 
été les civilisateurs, les porteurs de torches pour l'Orient de l'Europe et 
en ont d'autant plus de rancune contre ces disciples rebelles, qui les ont 
si barbarement asservis. Ce n'est pas tout : la Pologne est par excel- 
lence la pluce d'armes pour l'attaque, la citadelle de défense contre 
l'Allemagne et, par conséquent, c'est elle qui, en cas de guerre, aurait le 
plus de risques à courir, le plus de maux ù subir pour rcuscmblo de rot 
empire dont elle est a la fois le souffre douleur et, par son industrie, le 
travailleur le plus actif. Ces conditions historiques et économiques 
donnent ù la Pologne une situation toute particulière dans l'ensemble 
de l'Europe, dont elle occupe exactement te contre géométrique. Elle 
est moralement en guerre d'indépendance contre la Hussie et non 
moins en lutte contre l'Allemagne, qui opprime, persécute, outrage de 
toutes les manières les Polonais que l'ancien partage lui avait attribués. 
H n'y a trêve que du coté du sud : l'Autriche, tiraillée dans tous les 
sens par les nationalités en conflit, a tout intérêt à ménager les Polo- 
nais, qui participent largement aux positions honorifiques; mais, là, 
ceux-ci ne peuvent point se considérer comme innocents envers les 
Kuthenes du crime d'oppression qu'ils reprochent aux Russes et aux 
Allemands, Los paysans ruthèucs labourant le sol dans les domaines do 
ta seigneurie ou sxlachlu polonaise ont souvent raconté leurs misères. 
Ainsi la violation du droit contre les peuples de la contrée a créé dans 
ces régions de l'Europe une situation qui reste sans issue sous le 
régime des politiques impériales de caprice et de boit plaisir. 

Sur les bords de lu Baltique, autre lutte des nationalités, mais plus 
compliquée et moins franche dans ses allures. Là ce sont les Allemands, 
au nombre d'environ cent vingt mille, dont les droits naturels sont 
violés, notamment par la russification de leur université de Dorpat — 
désormais connue sous le nom russe de Youryev —, où leurs jeunes 
gens étudiaient sous des professeurs de langue et d'éducation germa- 
niques. Mais ces colonies allemandes, dont le centre est la ville de 



POLONAIS, LITIIUANJKN8, FINLANDAIS \~ ( i 

Higa, comprennent en réalité deux classes aux intérêts contradictoires, 
la riche bourgeoisie dirigeante et le prolétariat des Kielmiautscheu, 
tenu en médiocre estime perses propres compatriotes. En outre, les 
Allemands» qui restèrent jusqu'en i8iy les maîtres absolus du sol, et, 
par le sol, des paysans eut- mêmes, Etistes, JJves et Leltons t sont 
encore très amplement privilégiés par la richesse, les places, les 
titres et leur part de domination politique. Toute proportion gardée, 
l'aristocratie allemande des Provinces bal tiques a beaucoup plus large- 




ci. «in rhatO'Ciiib. 

LK PORT d'aLKXASDHOVSK» DANS LA PÊSINBULK I>K KOJ.A 

ment participé que les Husscs eux-mêmes à la possession du pouvoir, cl 
nombre do ses représentants ont tranquillement coopéré à l'œuvre de 
russification. In changement dans l'équilibre de l'Europe mettrait peut- 
être leur conscience plus h Yimv eu les uutorisunt ù se « germaniser » cl 
a exercer envers les Lithuaniens des persécutions analogues u celles que 
subissent les Polmiuis d'Allemagne. 

tin Finlande, lu question se présente beaucoup plus nettement : là le 
crime est manifeste et tout un peuple eu souffre directement sans qu'il 
soit coupable lui-même du moindre tort envers uutrui. Etablis dans la 
contrée depuis un temps immémorial, les «Suomi ou Finlandais se sont 
développés en culture au moins aussi heureusement que leurs voisins 
slaves ou scandinuves, et maintenant sont entièrement leurs égaux, pro- 



'17*-* L'hoMMK KT !.A TERRE. — RUSSES KT ASIATIQUES 

hautement leurs supérieurs par leur» qualités morales* énergie, probité, 
droiture. D'ailleurs les traditions du peuple (in nui h furent toujours 
pacifiques. A ta lecture de la grande épopée nationale du Kulevafa 
recueillie par Elias Lômirol, on est frappé du caractère de majesté tran 
quille que présentent se» héros. A lors qu'Homère se plaît aux récits guer 
riet'H, que lu chanson de Roland est une longue description de Im tailles, 
le Kalcvala évite» avec soin tes sanglants tableaux : les héros finnois 
accomplirent plus souvent leurs exploits par la puinsuoce du chant et de 
lu parole que par l'épée; le vainqueur n'est pas celui dont le bras est le 
plus fort, mais celui dont l'esprit est le plus sage, qui détient les 
fMWofrit nriffhtellrft** Lorsque, en 1809, la conquête eut fait passer les 
Finlandais de lu domination du roi de Suède à celle du tsar, ils ne furent 
point mêlés ainsi que te commun des sujets aux multitudes asservies du 
reste de l'empire, mais l'empereur leur assura, u titre «le « grand-duc 
de Finlande », le maintien de leur constitution spéciale, cJe leur diète et 
de leur existence indépendante de « mil ion libre . Toutefois, en dépit 
des promesses du souverain, le peuple finlandais n'eut point à « bénir ses 
destinées a, et, successivement, ses libertés furent amoindries, ses charges 
accrues, In premier coup direct fut porté en i8on par l'annexion, 
plus ou moins déguisée, au reste de l'empire; nombre de Finlandais 
qui refusèrent de se courber devant le violateur de son sermeut 
s'éloignèrent de leur patrie: tuais la lutte est loin d'être terminée. 

Du moins, le gouvernement russe, forcé par une certaine altitude de 
bon ton envers l'Kurope qui le regarde, est obligé à beaucoup de ména- 
gements pour un peuple aussi remarquable par sa tenue, ses connais 
sunces. son amour du travail que l'est le peuple finlandais ; mais sur les 
autres confins de son empire, du coté de l'Asie, il ne se croit point forcé 
à de pareilles précautions et procède rapidement aux emprisonnements 
et aux massacres. On sait comment la guerre de ta conquête cuucasienne 
fut poursuivie pendant des générations comme une sorte d'école pra- 
tique pour « l'art de tuer les humains «, Il est certain que, môme sans 
combat, la Hussie eût pu conquérir le Caucase, puisque, dés lu fin du 
dix-huitième siècle, elle l'avait enfermé dans le cercle de ses possessions ; 
les plaines de la Cîscaucasie étaient parcourues dans tous les sens par des 
Cosaques, et, de l'aulre côté des monts, la fiéorgie s'était donnée à 

t. René Puaux, préfaça de « Pour ma Finlande », par lutta ni Aho. 



PEUPLES OU CAUCASK ^3 

l'empire ; les deux mers* à l'est ta Caspienne, a l'ouest ta mer Noire, 
appartenaient à ses vaisseaux : désormais, les tribus du Caucase, enfer- 
mées dans leurs haute* vallées, ne pouvaient avoir de communications 
avec le reste du monde que par le territoire russe, et devaient forcément 
s'entendre avec le peuple assiégeant pour l'entretien de leur petit trafic 
ainsi que pour le va-et-vient de leurs migrations temporaires. 

La domination russe devint bien plus inévitable encore lorsque la 
roule militaire de Yladikavkas h Tiflls eut été construite, dès le com- 
mencement du dlx-ueuviôme siècle, par le passage du Darial, le long du 
Terek et de l'Aragva, ut que la chaîne du Caucase fut ainsi coupée en 
deux. Une deuxième route, celle du Mamisson, joignit la vallée du 
Tcrek a celle du Mon, coupant encore la Caucasie occidentale en deux 
fragments, puis d'autres chemins, de-ci et delà, montèrent à l'escalade 
des monts à travers les bais et les forêts. Ainsi que le chanta Lermontov, 
le géant Kazhck se prit à trembler quand il vit les nains de la plaine 
s'avancer contre lui, armés de pelles et de pioches, armes bien au- 
trement redoutables que le canon. 

Mais cette domination qui s'accomplissait par la force même des 
choses, les Russes voulurent la hâter pur la destruction des vergers et 
des villages, par l'extermination des hommes. Chaque vallée fut succes- 
sivement conquise et nettoyée d'ennemis. Au milieu du dix-neuvième 
siècle, les Tcherkesscs du Caucase occidental, encore a peine entamés 
par la guerre, étaient au nombre d'un demi-million ; lorsqu'ils furent 
forcés dans leurs hautes vallées, on les évaluait à environ 3oouou : 
près de la moitié des montagnards avait péri. Mais la haine du vainqueur 
s acharnait contre eux. Une proclamation du prince gouverneur, le 
grand-duc Michel, ordonna que te vide se fit devant lui, dans l'espace 
d'un mois, sous peine de captivité. Le vide se Ht en effet et, dans les six 
premiers mois de l'année i8(ilj, près de atioooo fugitifs traversèrent la 
mer Noire; de i858à i8ti.4 on en compta officiellement près de quatre 
cent mille. La Porte leur offrait un asile eu diverses parties de la Tur- 
quie d'tëurope et de l'Analolie, mais ils étaient ensauvagés par la guerre, 
aigris par le sort; devenus méchants, ils ne voyaient que des enne- 
mis, et leurs nouveaux voisins les détestaient en effet, on s'assas- 
sinait de part cl d'autre, et les nouvelles colonies ne prenaient point 
racine dans le sol. Les cent cinquante mille Tcherkesscs que Ton avait 
domiciliés en Bulgarie, près de la frontière sorbe, ont presqu'entière ment 



$7$ l/HOMME ET t\ TERRE. — RUSSES KT ASIATIQUES 

disparu : ils sont tous morts ou disposés. I*u race a cessé d'exister '. 
Après cet horrible dépeuplement du Caucase occidental, nettoyé 
de ses Tcherkesses, Abkhazca el Adighé, il paraissait indispensable que 
la Russie lâchAt do foire disparaître aussitôt que possible les traces do 
son tiMivre mauvaise, en faisant rentrer lu vie dans les demeures aban- 
données, en remettant à d'autres moins de laboureurs le manche de lu 
charrue. Mais le gouvernement russe ne fit point appel aux habitants 



Umïknpk de la carte 511. 

Slaves : 1, Grands R tissions ; 2, Petits Russiens; 3, quelque Bul- 
gares disséminés, 

Caucasiens : 't, Géorgiens et Lazes; 5, Adiglié; 6, Kabardes; 
7, Abkhazes;9, Tchétchènes; 10, Avares; 11, aulres Léchions; 
12, Koubatohi. 

Trucs et Ta»tares : 43, Turtares; 14, Nogaï; 15, Kirghis : 
1<>, Koumik; 17, Turc» proprement dit». 

Aryens : 8, Osws; 18, Arméniens; 19, Talcs ctTaliches; 20, Kurdes; 
21, drues; 22, Allemands. 

MûNiiOLs : 23, Kttlmouk. 

En T. se trouve l'ancien centre des Tdicrkessos ; en D., nelui des 

Dukhnbortzi, avant leur émigration. 



des contrées voisines, Arméniens, Grousions ou Luxes, qui eussent pu 
vivre d'un genre de vie analogue ù relui de» Abkhazes; désireux de 
russifier complètement le pays, il offrit des terres a des colons de la 
Petite Russie, mais sans leur fournir des avantages qui pussent com- 
penser le, changement absolu de milieu : les fils de la steppe ne s'accou- 
tumèrent point aux roches abruptes, aux gorges profondes de la mon- 
tagne. D'ailleurs, pour les attirer t 1 ! les retenir, il eut fallu construire 
des routes, établir des entrepôts cl des marchés cl, pardessus tout, laisser 
aux colons leur libre choix des terres et des cultures ; en un mot, il 
eut fallu que l'administration fonctionnât eu sens inverse de sa nature. 
Toutefois, ou ne manqua point de projeter de trî-s grandes omvres en 
vue du peuplement de l'ancienne Abkhasie et du territoire des Adighc': 
mais les plans furent ouhliés.ou bien entamés d'une manière incohérente 



1. Eugène PittarJ, Dans ta Dobradja, p. 103. 



COLONISATION DKft VALLéKS CAUCASIENNES 



H-0 



et sans suite. \u commencement du vingtième siècle, on évaluait à 
i5 ooo individu» seulement le nombre des habitants du territoire, main- 
tenant vide, qui s'étend sur un espace d'environ 10000 kilomètres carrés. 

N* 511 . Peuples de la Caucasie. 




5» 



i : soooooo 

iiô 



W 



Too KIK 



lie ces résidants, les quatre cinquièmes sont des Abkluiy.es qui avaient 
accepté la grAce du vtduqiietir. on ne comptait que Goo Tclierkcsscs ot 
le reste se composait de colons doriffi ne diverse, pour ia plupart établi» 
dans l« voisinage du litlnrul : l'intérieur était presqu entièrement 



^6 l/llOMMK KT I,A TERRE. — RUSSES ET ASIATIQUES 

désert V Pour adirer l'immigration h flots pressés, il ru ni ta il certai- 
nement tic « laisse!' faire », après avoir construit et parfaitement amé- 
nage* dan» son ensemble la route du littoral qui réunit l'embouchure 
du Rton au détroit de Yôm-kateh. i/ancienne corniche établie par 
Mi lh rida te est depuis longtemps détruite par les érosions et tcséhoulis: 
mais il est étrange que le premier souei des H us s os n'ait pas été de 
construire tout d'abord celte roule stratégique et commercial. On s'est 
repris ù deux fois pour la faire : d'abord les Ingénieurs ordinaires du 
gouvernement se chargèrent do celte uuivre, la commençant sur 
une centaine de points et ne lu terminant nulle part; puis le général 
Annenkov, qui avait dirigé la construction du chemin de fer transeas- 
pîen eu ites conditions de célérité inusitée, transportant d'un coup vingt 
cinq mille terrassier» provenant des provinces de l'intérieur dévastées 
par la famine, se lit fort d'achever la route en deux années. Il ne tint 
pas complètement parole et les crédits ne lui furent pas continués plus 
longtemps : toutefois, la prise de possession définitive de la contrée par 
les colons, agriculteurs cl industriels, n'ont qu'une question de temps, 
car la pression de la population montante se produit également, à l'ouest 
et à Test, vers Novo-Hossiisk et vers Batonm ; la vie fera disparaître de 
nouveau la trace des anciens massacres. 

Au sud du Caucase, dans les vallées larges et bien ouvertes du Hton 
et de la Kura, la russification des indigènes se fait d'une manière auto- 
matique, par la force même des choses, puisque la colonisation modifie 
constamment l'équilibre au bénéfice de la Russie et qu'en même temps 
le pouvoir, la direction administrative, le commandement des troupes, 
toutes les initiatives d'autorité appartiennent au tsar et à ses repre* 
sentants; mais cela ne suffit point aux dominateurs de la contrée : au 
jeu naturel provenant de la situation économique et des conditions 
politiques du pays s'ajoutent les manœuvres brutales des centralisateurs, 
pour lesquels tonte diversité de langue, de religion, de nuours, relati 
veinent à la pratique des Russes, est un véritable délit, presqu'un 
crime. Ils ont oublié que les Ka rivet ou Géorgiens sont, par l'acte mémo 
du Iruilé primitif, de simples alliés et protégés de l'empire russe. Ils 
veulent ignorer qu'en «709. lorsque le roi Georges III, personnage triste, 
débauché, malingre, se laissa persuader par le ministre russe qu'il ferait 

1. Jean Carol, Les Deux Routes du Caucast, 



IVUSSIB ET tiÉURGIK 4— 

*i I 

bien de remettre son royaume entre les mains du tsar de toute» le» 
Kussics, celui-ci donna sa « parole impériale » qu'il respecterait à tout 
jamais les droits et privilèges de ses loyaux Géorgiens ; ils refusent de 
se rappeler que l'on garantit à la nation le maintien de sa langue, 
de ses coutumes, de «a religion, de sa milice» môme de sa monnaie. 
Kl pendant tout le dix-neuvième siècle, Tunique politique des tsars lut 
de combattre Tan- 
tique civilisation et 
de supprimer les re- 
lations déjà établies 
a\ee TOeeident qui 
avait introduit sa lit 
lératurc dans le pays. 
Kl. maintenant, les 
recrues géorgiennes 
sont déportées dans 
la Russie du nord, 
jusque dans la Sibé- 
rie, la langue kartvei 
esl prohibée devant 
les tribunaux, dans 
les écoles, dans les sé- 
minaires; en mainte 
église elle est égale- 
ment défendue. Pour 
rompre la nationalité 
géorgienne, le gou- 
vernement rachète ou exproprie des territoires considérables qu'il 
répartit entre des colonies de Cosaques ou de paysans russes. Pendant 
lu guerre de Crimée, les Géorgiens jouirent d'une sorte de neutralité 
tacite, mais, depuis cette époque, le régime d'oppression est devenu plus 
rude et ressemble môme à celui de la Pologne, avec cette aggravation 
que la présence de plusieurs races permet au pouvoir central de les 
evcller les unes contre les autres et t. d'assurer Vim\vc a à peu de frais \ 
Les poètes de la nation comparent tristement leur patrie à Tancétre 




CI. Bionilttïé. 
BOL18E BT CHATEAU PB C'HILOA-IHISBIU. 
VALLÈS Ofi L'ALAUN, OÉOROIE 



1. Warlam Tcherkesof, Notes manuscrites.. 



f ï}# l/HOMMK KT LA TERRE. — RUSSES ET ASIATIQUES 

Prométhée, cloué sur le Caucase ; mai», IU n'ont pat* comme lui l'invin 
cible confiance en l'avenir : ils savent que, si de grandi 1 * choses no 
n'accompliront avant une ou deux générations, tours fils ou leurs 
petits ~f)U seront des llusscs. 

Les Huïkanesou Arméniens n'eurent point à recevoir d'assurances 
directes de la "part détours dominateurs actuels, puisqu'ils avaient déjà 

perdu leur indépen- 
dance politique aux 
époques successives 
où ils passèrent sous 
le régime moscovite 
par l'annexion de la 
(îéorgie et les con- 
quêtes sur la Perse et 
sur la Turquie. Mais 
les promesses indi- 
rectes et les engage- 
ments diplomatiques 
ne m&nqueren l poi ti t . 
Maîtres de la métro- 
pole religieuse, Etch- 
miadzin, les Russes 
en ont fait surtout 
un centre adminis- 
tratif pour la répurtt 
lion des diocèses et 
des paroisses, pour 
ta nomination des prélats et de leurs subordonnés* Le but du pouvoir 
est d'utiliser tous les prêtres arméniens comme de simples valets 
d'église, chargés d'entraîner de force les Grégoriens dans le giron de 
l 'orthodoxie. L'usage de la langue des aïeux est désormais interdit dans 
les écoles ; il est défendu aux Ilaïkanes d'apprendre leur propre histoire 
et lu géographie de leur pays, de parier leur propre idiome en toute cir- 
constance officielle ou devant des fonctionnaires : les oppresseurs savent 
bien que la langue est le véhicule de la pensée, et qu'en changeant la 
parole on finit par changer l'aine elle-même. Néanmoins les Arméniens, 
désireux de s'instruire envers et contre tous, secondent de leur mieux les 




Cl Xfvltuoit. 
POTIERH DE (lOl'RIK, \V Kl' Il t>fi BATCM 



i 



l/AflH&NIB ET LES PUISSANCES 



*79 



efforts de» habitants de TiflU qui voudraient posséder une grande éeole 
universitaire dans leur ville, ni bien planée pour devenir un centre 
d'études ; mais te gouvernement russe» assuré que renseignement, 
même donne* par des professeurs slaves, ne se servant que d'un idiome 
slave, n'en profiterait pas moins tout d'abord aux Arméniens, a jusqu'à 
maintenant résisté aux demandes de Tiflis. et les jeunes gens sont tou- 
jours obligé» de se 
rendre dans lu Russie 
proprement dite ou 
a l'étranger pour y 
faire leurs éludes. En 
toute occasion, les 
Arméniens se heur 
Uînt contre le mau- 
vais vouloir raison né 
de leurs maîtres, et 
la moindre protesta- 
tion entraîne pour 
le mécontent l'exil 
en Sibérie, c'est à 
dire la mort rapide 
ou lente. U> sulut ne 
peut tMre que dans 
t'uiiumte eu Ire les dif- 
férents peuples sou 
mis au tsar. 

Ce qu'est au fond 
la politique russe à 
l'égard de ses fidèles sujets, les Arméniens, on eut l'occasion de le 
constater récemment par l'attitude du gouvernement turc, qui se trou- 
vait alors devant l'empire slave en état de demi-vassalité. Certes, la 
puissance de la Russie est telle que sou désir eût été loi et que, si 
elle ne les eut point désirées, les tueries d'Arméniens dans le Haïasdun 
turc n'auraient point eu lieu. Mais ces crimes furent voulus. Ainsi que 
l'a dit un « homme tf'Elal , « le gouvernement de Stamboul tenta de 
m supprimer la question arménienne en supprimant les Arméniens 
eux-mêmes»». Pendant longtemps, le peuple des Haïkanes s'était 




Tvpa oÉoaoïKH 



CI, RoI&MhviU, &;tifiu. 



48o L*ttO»MB ET LA TERRE. — RUSSES KT ASIATIQUES 

trouva dans les mémo» conditions que tous les autres peuples de 
lu Turquie» ce pays de caprice et d'oppression barbare, et, comme les 
Grecs et les Raya de toute origine, avaient été soumis aux <■ mangeries »■ ( ¥ 

e'est-à-dire aux exactions de toute espèce, aux impôts forcés, aux contri 
Imitons ordinaires et extraordinaires, aux corvées ot aux tailles. Mais 
réerascment *« se faisait pas d'une manière méthodique et pouvait 
varier suivant le caractère des administrateurs : en outre, les gens res- 
taient libres de gérer à leur façon leur» petites affaires communales, de 
se gouverner religieusement comme ils l'entendaient, de parier leur 
langue comme ii leur convenait, d'ouvrir des écoles quand il» avaient 
pu se procurer l'argent; d'ailleurs la majorité des fonctionnaires 
appartenant à leur nation, ceux-ci s'efforçaient quelquefois de détourner 
les pilleries de leurs compatriotes pour les faire tomber plutôt sur des 
gens d'autres races, Cirées, Kurdes ou même Turcs. Grûceà son instruc- 
tion supérieure et a sa souplesse naturelle, la classe cultivée des 
Arméniens en était arrivée a occuper dans l'empire, et surtout ù 
Constantinople, une situation presque privilégiée, et quelque avantage 
en revenait à la population malheureuse du HaYasdan, enfin, l'influence 
du gouvernement anglais, alors tout puissant auprès de la Porte et 
protecteur naturel des missions et des écoles protestantes, britanniques 
et américaines, nombreuses eu Arménie, s'exerçait directement en 
faveur du peuple que ses protégés cherchaient ù convertir, 

Mais îa nature de la bascule politique en tout gouvernement de 
eaprice est de s'incliner tantôt a droite, tantôt ïi gauche, et chacune 
de ces oscillations peut avoir pour conséquence l'écrasement d'un 
peuple. C'est là ce qui arriva pour les Arméniens. Une puissance redou- 
table, la Russie, remplaça la Grande Bretagne dans la faveur du 
sultan et dans la direction de sa politique. Ou lui dit que ces Armé- 
niens nourrissaient des velléités d'indépendance : on lui raconta, ce qui 
est vrai d'ailleurs, que ces Arméniens fondaient des imprimeries, 
qu'ils écrivaient des livres et des journaux, qu'ils enseignaient à leurs 
enfants l'histoire des temps anciens pendant lesquels la race haïkane 
était puissante et libre; on ajouta que. parmi ces jeunes Arméniens sortis 
des universités étrangères, Genève, Zurich, Paris, plusieurs étaient 
socialistes, anarchistes même, et publiaient des brochures de propagande 
où l'on s'attaquait directement ù son autorité. La Russie, qui se 
niellait déjà de l'intelligence arménienne, de l'esprit de liberté qui 



massachks îï'abmésikn» 



/i8j 



germe dans la raeu opprimée, n'eut pas de peine à trouver un com- 
plice en suspicion cl en persécution, vl, d^uiilcurs. le pouvoir absolu 

N 9 512. Lieux de massacres en Arménie. 




E.d» Gr. «« 
D'aprèaP. Quittant. 



jnrmM 



100 



t; 7 500 000 

2A ""■ 



nfcKiL 



Lus points noire Indiquent quelques-uns des lieux d'égurgement ou de lutte. 
Dates de* principaux massacres: J8*i4, août-septembre, Much, Sassoun; — 1895, 30 sep- 
tembre, Cotwtanttooptei 3 octobre, Ak-hisear. à 130 kilomètres do Constantin© pie t 8* Tré. 
bisondet 15, Hadjlnj 21, Ewindjan» 23, Manche i 25, Quniwbbane, BfUli ; 27, Blrediik, 
Orfa, Baïbourti 28, Kara-hissan 30, Brseroum j («■ novembre, Diabekir t i à 5, Arapjïhir i 
7, Mardi t»; 4 à S.Malatlaj 8, Knghlm 10 à H, Karpottth; 12, divas. Gurunt 15, Aialsb, 
Maisevan. Amaaia, Tokati 18, Moraehe, Venldjô» 2*». Vanj 28, Zilleh; 30, Kafoariehi 28 dé- 
cembre, Biredjlk; — 1896» 1« janvier, Orfas Juto, Van -, août, ConstanLinople j septembre, 
Egniiij 6 octobre, Eweroumi 5 novembre, Everek. 

De 1896 à 1904, les tueries n'ont point casse', mais elles ont été moins systématiques. 

de ta Turquie n'avait pas manqué de comprendre d'inatinel ce qu'il 
avait à craindre d'une nation qui prenait conscience de sa force et visait 
à son indépendance. Désormais nul Arménien ne trouva plus grâce 
devant le maître, et les courtisans surent qu'il justifierait tous les crimes 

V 2$ 



48a l'homme et la te ÏUÏE. — RUSSES et asiatiques 

d'extorsion, mémo los assassinats on masse ; tes massacres commence- 
ront, puis, l'habitude une fois prise» ta tuerie se fit avec méthode, 

Quoi est le nombre de ceux qu'on égorgea? nous sommes-nous 
déjà demandé. D'après les missionnaires» les consuls et les négociants 
européens, le chiffre des victimes est de trois cent initie au moins; on 
connaît tes communautés qui ont été méthodiquement visitées par les 
bourreaux, c'est u -dire pur les soldats du corps privilégié que l'on dé- 
signe du nom de hamidiê, d'après le sultan lui même, Abdul Harnid, 
et des rapports circonstanciés permettent d'évaluer une moyenne 
approximative par centre de massacre \ 

Mais cette tuerie est loin de représenter toutes les perles faites pur 
l'Asie Mineure orientale en population, en civilisation et en ressources 
de toute espèce. D'abord* tous les Arméniens qui ont pu s'enfuir, soit 
en bandes, soit isolément, les uns par la frontière persane, tes autres 
vers ta Hussic, d'autres encore dans la Bulgarie, l'Archipel, l'Ile de 
Cypre, dans les ambassades et les églises des missions, atteignent peut- 
être un nombre d'individus aussi considérable que celui des massacrés. 
Ces morts, cet exode ont pour conséquence fatale de laisser la bar- 
barie reprendre le dessus. En maints districts, celui de Van par exempte, 
les Arméniens seuls bAtissaienl les maisons, cultivaient les jardins, 
lissaient les étoffes et fabriquaient les meubles. Il est très vrai que, 
dans les villages du Sassoun, les massacreurs, sur la demande des mon- 
tagnards kurdes, épargneront un urtisan pour chaque corps de métier, 
jardinier, ma von, forgeron, charpentier; mais ces gens, n'ayant plus la 
joie du travail, laissèrent bientôt périr leur industrie. Et, si la civilisa- 
tion matérielle subit un terrible mouvement de recul, que dire du 
moral de peuples qui se sont habitués a la vue du sang humain, qui 
se sont plu au pillage et aux tueries, et parmi lesquels restent surtout les 
lâches qui se font petits, humbles pour acheter une vie trop chère a 
conserver au prix de tant d'humiliations! 

Le patriotisme russe, tel qu'il est compris par le gouvernement, 
l'oblige à sévir non seulement contre des allophylcs, tels que les Kartvel 
et les Haïkanes, mais aussi contre ceux des Russes d'origine pure dont 
les pratiques religieuses ne sont pas modelées sur le type orthodoxe. 
Déjà, dans la Russie proprement dite, nombre de sectes, les unes com- 

1. Victor Bérard, la Politique du Sultan ; — Lepsius, V Arménie et l'Europe, 



GOUVERNEMENTS ENNEMIS DE LEURS SUJETS ^83 

posée* do conservateur» roskotniki, les autre» de novateurs, tels Ira 
Stoundistes, sont franchement persécutées ; mais au delà du Caucase, 
en pleine Asie, les DukhaborUi ou « Lutteurs par l'Esprit » ont été 
pourchassés comme un gibier. Etablis depuis plus de cinquante ans dans 
les vallées méridionales de ta Transoaucasie, enta» Kars et Tiflis, ces 
homme» de foi cultivaient paisiblement ta terre, ne songeant qu'à 
leur salut et se refusant à tout service militaire, par respect pour la 



01. p)«bsdwL 
UH PAYSAGE »» I*A OTUÏTBCÀirCÀSIB HÊKIDXOHAIB 

parole divine : « Tu ne tueras point». Coups de fouet, emprisonnement, 
décimation même, rien n'y fit, clpeuUMre que la secte eût fini par 
disparaître complètement dans les cachots de la Sibérie si l'opinion 
publique du monde civilisé, en premier lieu celle des Quakers anglais, 
n'était intervenue. On leur laissa lu liberté de l'exil, et la plupart des 
Doukhobors vivent maintenant en communauté dans le froid pays 
d'Àlberta, que parcourt le Saskatchevan ; depuis, la soif du martyre, 
qu'explique leur vie antérieure, semble avoir parfois saisi certains 
« Lutteurs » et a troublé la paix de leur nouveau domaine. 

Les frontières de la Russie transcaucasienne du côté de la Turquie et 
de la Perse sont actuellement fixées par la diplomatie eruopéenne, 

V 25* 



A84 L*HOMME ET LA TEKRB. — RUSSES ET ASIATIQUES 

mais du côté de Test, dans le continent d'Asie, l'agrandissement du 
territoire s'est poursuivi d'une manière* presque continue : il semblait 
que rten ne dût arrêter ce mouvement, irrésistible comme celui de la 
marée qui fuit refluer l'Occident sur l'Orient, agissant en sens inverse du 
mouvement historique des peupios méditerranéens» que des théoriciens 
ont voulu ériger en loi ', 

Les immenses empiétements de la Russie, dans les territoires 

de l'Asie centrale, 
constituent un phé- 
nomène double, de 
grande importance 
pour l'équilibre mo- 
ral et politique du 
monde ; l'Asie s'eu- 
ropéanise, et l'Eu- 
rope, par rintermé- 
dîaire de la Russie, 
tend à régresser vers 
le type asiatique. 
Chaque document 
statistique, arrivé de 
ces pays lointains, 
bien enveloppés en 
nu hrouillurd épais* 
si par la politique, 
nous prouve que les 
deux évolutions se 
poursuivent sans ar- 
rêt. L'aire de la civi- 
lisation européenne 
s'agrandit en Caucasie, en Torkménie, en Dsungarie, en Mongolie, 
en Chine ; mais rien ne se donne gratuitement en ce monde, et l'asia- 
tisatton d'une partie de lu Terre correspond à l'curopéanisation de l'autre 
partie. 

Or, Ich enseignements do l'histoire nous disent les dangers de 




COMPOSITION ETHHOGKAPHIQtJS DE 
« TOUTES Ï.B8 KUSSm » 

Abvkn-8 i t, Russes: 2. Polonais; 3, Lithuanien»»; 4, Kou> 
mains et Latins; 5, Germains; 6, Arméniens* 7, autre» Aryens. 

Sémite» t 8. Juifs. 

CAUCABtfîKH t 9, Géorgiens: 10, autres Caucasiens. 

Oukalo-AltàïEnb t 1 1 , Finnois ; 12,TurcO'Taftar«Sï U.Mon- 
gols et Ouralo-Altaïens. 

Actbes j>bvi*lk» i 14, Chinois, Japonais, Coréens et 
Hyperboréen*. 



1 W. M. Ramsay, Geogrnphicul Journal, sept. 1902* p. 258. 



SERVITUDE ORIENTALE 485 

l'Orient : il conquit les Macédonien» et les Grecs d'Alexandre, puis le» 
Romains d'Elagabale et les chrétiens des Croisades. Un poison cent fois 
séculaire, celui d'une servitude traditionnelle, atavique, s'infiltre facile- 
ment dans les veines de l'Européen : la conception orientale relative à 
la nécessité d'un gouvernement fort s'en trouve consolidée d'autant, 
et Ton sait s'il manque en Occident d'âmes basses, heureuses de se renier 
et d'obéir. Sous l'influence du venin, la divinité du " tsar blanc " 





SÏTrERWCIE POPULATION 

DIVISION Dl ï/EMPIBB BP88B 

En dehors de la Russie d'Europe proprement dite, ta statistique distingue i 1, Pologne ; 
vixJr* . e; ~ 3 < Gauc ™°. y compris lu Ciscaucosie t -4, Sibériej _ BiTranscasplenne, 
Turkeslan el provinces des Steppe» (de la rivière Oural, a »'oue*t, au lac Balkach, a l'est, et a 
Omak, au nord), sans tes territoires de Bokliara et de Khiva. »«<»»» i •», « a 

paraît d'autant plus évidente aux yeux de ses sujets d'Europe et des flat- 
teurs qui prétendent vouloir aussi le servir. Les pillards turkmènes, dont 
Skobelev a fait par ses victoires des soldats de la Sainte Russie, 
apportent leur enthousiasme guerrier au service d'uu despotisme 
sans limites, et, par le fait de la solidarité qui lie maintenant tous 
les peuples, l'aggravation du pouvoir absolu, que la force des choses 
donne à l'homme qui est à la fois le successeur de Djenghte-khaii et celui 
d'Ivan le Terrible, s'appesantit sur l'état d'esprit de toute l'Europe 
occidentale. 11 ne s'agit que d'opposer Cosaques à Russes, Lithuaniens 
à Polonais, Tartan» à Arméniens, Kalmuk à Finlandais, Turkmènes 
à Juifs ou à Géorgiens. 

Le titre d'un métal pur décroît fatalement par suite de son 
alliage avec un autre métal ; par la môme raison la qualité de la 



486 l'komhf et la terre. — RUSSES et asiatiques 

civilisation européenne est diminuée par l'annexion de « toutes les 
Russie» », eonimeelle diminua jadis par la conquête du Nouveau Monde. 
De longues années devront s'écouler peut-être avant que, par une lente 
élaboration, nous ayons pu éliminer de notre organisme le poison 
laissé dans les âmes par tous le» anciens despotisme» d'Asie, 

La conquête russe trouva les Etats transcaspiens en situation lamen- 
table de guerre, d'asservissement, de pauvreté, et tout d'abord, par 
son intervention» accrut la misère, aida au dépeuplement, les eaux 
salines des marais, tes sables du désert avoient repris une grande partie 
des territoires jadis cultivés, la nature sauvage empiétait sur le» travaux 
de l'homme. Tant de canaux d'irrigation ruinés déversaient leurs 
eaux dans les marécages que les fièvres régnaient en permanence dans 
les contrées qui furent autrefois les plus populeuses. " SI tu veux mourir, 
pars pour le Kmiduz s, dit un proverbe. « On n'a pa& eu le temps do la 
regarder, et déjà l'eau du Marutchak a tué son homme », ajoute un 
autre- dicton, relatif au pays de Mcrv. La dessiccation du climat eut peut- 
être une pari dans l'amoindrissement des terres habitables, mais l'incurie 
de l'homme, suit*» des guerres et du cortège de maux qui les suit, fut 
probablement une cause plus grave encore de la détérioration du sol. 
Les deux villes de Samarkand et de Hokhara ne sont plus guère que 
deux oasis cernées par les dunes. Mai nie cité avait déjà disparu sous les 
subies mouvants elles ttnkhariotrs s'attendaient au même sort pour leur 
capitale assiégée» Dans cette partie du double bassin fluvial, les rivières 
afttucnles nesufUscnt plus à fertiliser les terres meubles et les argiles, 
les populations résiduntes devaient s'arrêter là où s'arrêtent les eaux, et 
tout le reste appartenait aux pillards nomades, d'un coté Jusqu'à la Cas- 
pk-arie, de l'autre jusqu'aux steppes herbeuses de la Sibérie, avec la 
seule interruption des deux cours fluviaux du laxarte et de l'Oxus. 
Toutes les régions jadis prospères de cet Iran extérieur présentaient 
l'aspect de la ruine, de la tristesse et de l'abandon, Les archéologues y 
recherchent les débris de cités antiques et parcourent péniblement de 
vaste» solitudes que Fou suit avoir été autrefois grouillantes d'hommes 
et de bœufs laboureurs. Les Mongols « ont passé là», c'est vrai, mais le 
pays eut pu refleurir comme ont prospéré de nouveau les régions de 
l'Europe du centre et de l'Occident, si les contrées du haut laxarte et 
du haut Oxus n'avaient pas été, ponr ainsi dire, « en l'air », menacées 
parles hordes de nomades ennemis, entre des montagnes, des plateaux 



RÉGRESSION DU TU RK EST AN 



48 7 



difficiles à franchir et de» solitudes désertes plus redoutables encore, 
puisqu'elles interrompaient toute communication avec d'autres pays 
civilisés. Quel architecte rebâtirait maintenant les superbes mosquées de 

N* 613. Transoasplenne et Turkestan russe. 




t: 20000000 



sa tssts 



260 



MO 



SooKil. 



Us émir* desdeux Etats de Khiva (55 000 kilomètres carrés. 800000 habitants) et doBokhara 
(20000 kilomètres carrés» 1 250 OO0 habitants) jouissent d'une autonomie comparable a celle 
du Bey de Tunis, 

la Transoxianc, entre les cabanes on torchis des indigènes el les affreuses 
casernes des (lusses ? 

La détérioration intellectuel le el morale a marché de pair avec l'ap- 
pauvrissement matériel. Sous le régime des Tamcrlan qui faisaient 
trembler le monde et devant lesquels le monde trcmhlc encore par ata- 



488 l'homme et la terre. — RUSSES kt asiatiques 

visme, Bokharu était devenue par excellence la cité de l'hypocrisie et du 
vice. Qu'on lise à ce sujet les effrayantes descriptions qu'en donnait 
Vambéry * au milieu du dix-neuvième siècle, époque à laquelle certaines 
parties de laTurkménie, notamment le fiofchara, étaient plus inaccessibles 
que la Chine* le Japon ou le Tibet, La caste fanatique des mollah 
exerçait alors son inquisition avec une terrible rigueur» et, sous leur 
domination i il y avait eu certainement une régression très grande dans 
toute la contrée par comparaison avec les temps helléniques et les 
premiers siècles de la propagande musulmane. Cette région du Tourun 
est l'un des pays qui portent le plu» visiblement le caractère de la 
déchéance, et, à cet égard, il convient de le citer en exemple comme la 
Babylouic, le royaume de Palmyre et les provinces de l'Asie Mineure. 

Maintenant un nouvel ordre de choses a commencé au point de vue 
politique pour les vallée» du Sir et de l'Ain u, grâce aux colons venus 
en grand nombre d'Kuropc, aux industries apportées dans la contrée, 
aux moyens de communication qui rattachent les villes entra elles et à 
la Russie, L'empire moscovite s'est annexé tout le Turkcslan, à l'excep- 
tion d'une partie de la Bactriutic, située au sud de l'Amu et laissée 
provisoirement au royaume* tara pou que l'émir de Kabul est chargé 
de maintenir intact entre les deux puissances qu'il pressent être fort 
suspectes l'une à l'autre. 

L'esclavage a été supprimé par l'effet des changements économiques 
a la suite d'un jgrsnd massues e de captifs, et les pirates ne visitent plus 
en bandes te plateau de l'Iran, jusqu'au delà de Meched, pour y capturer 
de paisibles laboureurs. La population s'accroît de nouveau dans ces 
contrées qu'une sorte de consentement général regarde, à tort ou à 
raison, comme le berceau du monde et que les dominateurs successifs 
avaient presque dépeuplées. La paix entre les tribus elles races permet 
de rétablir les canaux d'irrigation, de restaurer les cultures le long des 
fleuves et de reconstruire les aucîeunos capitales. Les grandes étendues 
désertes qui limitaient jadis le domaine de la culture eu dehors des 
vallées supérieures des fleuves et qui privaient ces contrées de tout apport 
commercial, de tout aliment intellectuel, ne sont plus des obstacles, 
puisque des routes, des lignes de fortins et d'auberges assurent en toute 
saison la continuité des rapports. Un chemin de fer, partant du port de 

1. Voyage d'un faux derviche, 



PÉNÉTRATION EUROPÉENNE 



Wft 



Krasnovodsk, qui fuit face à Baku, longe lu base septentrionale du Caucase 
Iranien et, choisissant comme station tés campement» des Turkmènes 
jadis les plus redoutés» passe à Mcrv pour lancer comme une antenne 
un embranchement vers lu brèche de Hérot, tandis qu'une autre ligne, 
traversant POxus sur un pont qui est une de» merveilles de l'industrie 
moderne, va rejoindre les cités, naguère mystérieuses, de Bokhara et de 
Samarkand. D'autres voici» ferrées se détachant du Transsibérien feront 




et. du Ohbut. 



U 10UKTS KiatïIIIZB «*r »KS habitant» 



de Tachkcnd et des villes du Kerghano des colonies complètement russes, 
et, sans doute, dans un avenir prochain, pénétreront au cœur de la Chine 
par la voie la plus droite, L'ancienne roule de la « soie », ouverte entre 
l'Ataï et le Trans-Alat 

D'ailleurs, il faut le dire, le régime de domination, si dur qu'il 
puisse être, est certainement moins mauvais que ne Pelait celui de la 
guerre incessante-, du pillage et des tortures. Les empalements, les écor- 
chemeuts, les broiements a petit feu se pratiquaient volontiers dans 
l'entourage de ces petits souverains. Certaines tribus turkmènes n'avaient 
absolument d'autre profession que la violence et le meurtre. Dès qu'il 
savait se tenir sur un cheval, l'enfant suivait son père en s'accrochanta 
la crinière de la monture et prenait part à l'expédition de guerre. On lui 
confiait les oreilles et les nez coupés et on lui enseignait à dépouiller les 



4ûO L'HOMME ET LA TERRE. — RUSSES ET ASIATIQUES 

cadavres de leura bijoux et de leurs amulette». Ce n'était point chose 
rare que de percer le mollet d'un esclave pour y passer une corde que le 
Turkmène attachait à l'arçon de sa selle. Le malheureux courait à côté 
.du coursier: s'il tombait, épuisé, malgré les coups de fouet qui lui 
rendaient la force du désespoir, le cavalier coupait ta corde, et l'esclave 
gisait râlent sur le sol. 

Naguère les conditions géographiques de la chaîne bordièreque 
forme le Caucase iranien rendaient les guerres entre voisins d'eu haut 
et d'en bas absolument inévitables et incessantes : l'eau estait néces- 
saire aux uns et aux uutres. fên effet, tes Iraniens tiennent u garder pos- 
session, dans toute la longueur du cours, des ruisseaux qui sourdentsur 
les hauteurs et, plutôt que de les laisser tarir dans le désert» ils cherchent 
à les capter en entier pour leurs cultures pur des eu n aux d'irrigation. 
De leur côté, les pillards de la pluine entendaient ne pas se laisser enle- 
ver les aiguades accoutumées; toute goutte d'eau qui leur était ravie 
devait ôtre rachetée par le sang. D'ailleurs, ces nomades étaient égale- 
ment agriculteurs et avaient besoin d'eau pour leurs champs qu'Us fai- 
saient cultiver pur des captifs recrutés ça, et là et travaillant sous les 
coups de lanières en cuir, Il ne Leur suffisait donc pas de posséder les 
mares du Daumn-i Koh ou « Picdmout », mais ils cherchaient aussi à 
reinou ter vers les sommets et tes vallées de l'intérieur pour s'emparer 
do la région des sources, La guerre était donc continuelle et sévissait sur 
tous les points ù la fois avant que les armées russes eussent immobilisé 
les populations dans le cercle prescrit. Les nomades touraniens mon- 
taient fi l'assaut du plateau d'Iran lentement, par empiétements succes- 
sifs, et nul n'avait plus l'audace de leur résister. Prés de chaque source 
des hautes vallées se montrent les tours de défense où se réfugiaient les 
indigènes quand un cri de détresse annonçait l'arrivée d'un alamun, 
ou horde de ravageurs turkmènes. La conquête russe ayant mis 
un à cette guerre incessante et au dépeuplement, les habitants du 
Khorassan et du Seïslan en éprouvent une telle reconnaissance pour 
les porteurs de la paix que nombre d'entre eux la témoignent par 
l'adoption des mœurs et des costumes de lu Russie .ils vont jusqu'à 
saluer en se découvrant la tête, ce qui auparavant eût été considéré 
comme le comble de l'inconvenance 1 . 

1. A. Vambéry, la Géographie* 15 mars 1901. 



DÉBUT D'UNE ÈRE NOUVELLE 4g| 

L'Iran cal la contrée de l'Asie dont les conditions géographiques ont 
été le plus profondément changées et comme renversées par L'extension 
du monde civilisé. Le plateau d'Elam, si heureusement situé jadis pour 
la constitution d'une individualité nationale bien caractérisée, en même 
temps que d'une invincible puissance militaire, cette forteresse naturelle 
qui s'avançait en promontoire au-dessus des terres fécondes de ta Méso- 
potamie et qui, d'un autre côté, se trouvait défendue perdes mers et des 
solitudes, cette contrée superbe, source do vie d'où la civilisation s'épan- 
chait a rOecidcat vers l'Europe, à l'Orient vers les Indes, se trouve main- 
tenant livrée d'avance aux entreprises des deux puissances rivâtes qui 
l'assirent, et précisément des deux côtes où elle était inattaquable autre- 
fois. Le golfe PerBique n'est actuellement qu'une immense rade pour les 
navires anglais qui débarquent leurs marins en conquérants, tantôt sur 
un point, tantôt sur un autre; sur le revers septentrional, la mer Cas- 
pienne est un lac entièrement russe, tandis que Cosaques et Turkmènes 
enrégimenté» n'attendent qu'un signal pour escalader les pentes exté- 
rieures du plateau et redescendre vers Téhéran : déjà leurs route» mon- 
tent à l'assaut de tous les points stratégiques. 

Après le passage dévastateur des Mongols sur le plateau d'Iran, la 
puissance militaire du royaume ne pouvait que décliner par suite de 
l'inégalité très grande que les différences do l'armement ont créée a 
l'avantage des nations occidentales, même des Turcs, dans leurs relations 
avec la Perse. Pourtant les Iraniens reprirent encore deux fois i'ofTcusive. 
Le chah Abbas, à la fin du seizième siècle, puis l'aventurier Nadir-chah, 
cent cinquante ans plus tard, liront grande figure dans le monde 
musulman, mais leur force ne m porta guère que du côté de l'Orient. 
Nadir, établissant sa capitale a Mechcd, vers l'est du Caucase iranien, 
refoula devant lui les guerriers afghans et descendit jusque dans 
l'Inde, où il détrôna le Grand Mongol ; au nord-ouest, il put rejeter les 
avant-postes des Russes jusqu'au pied du Caucase; mais ce fut le dernier 
effort extérieur de la Perse et, depuis celle époque, le royaume dut se 
borner strictement au souci de ses propres affaires intérieures. 

Ce renversement de l'histoire, conséquence du changement de valeur 
et d'importance qu'ont subi les conditions du milieu géographique pen- 
dant le cours des siècles, se présente pour la Perse d'une manière vrai- 
ment tragifpic. La solidité naturelle et lu continuité des remparts exté- 
rieurs de l'Ira nie, i'uuité intérieure de la contrée en avaient fait une terre 



4tp L'HOMME ET LA TEHHK. — RUSSES ET ASIATIQUES 

bénie par Qrmuzd. te dieu du Bien, et la voilà maintenant livrée au dieu 
du Mal. C'est que l'ambiance elle-même, comme tous les autres phém> 
mènes, a son évolution dans l'infini des choses. Sans doute lu "erse a 
gardé ses monts, ses déserts, son climat, mais ses peuples, quoique 
encore tes premiers par raffinement de l'intelligence, ont changé d'indus- 
trie, de langue, de religion, de mœurs; sa puissance est devenue faiblesse 
relativement à la force des contrées environnantes. Les centres de vie 
politique se sont déplaces a la Burface de la terre, et, fait de premier 
ordre dominant tous les autres, le monde solidaire de la civilisation 
commune s'est immensément agrandi autour du plateau de l'Iran. Aux 
siècles primitifs de l'histoire, c'est a la liahylouic, au pays d'Assur, à 
l'Arménie, à la Margianc, à la Buclriane que les habitants des hautes 
plaines de Perse avaient affaire; maintenant c'est à des puissances qui 
commandent aux extrémités de l'Ancien Monde et dont le» capitales se 
trouvent en des contrées complètement ignorées des Darius et des Chos- 
roès. La Ktisstc cl l'Angleterre sont à présent les deux suzeraines rivales 
durit le gouvernement de la Perse doit avoir le eonslaut souci d'étudier 
les* volontés et les caprices, de courtiser les faveurs, d'éviter les colères, 
de prévenir les vwux. Kiun ti*eût été plus facile pour elles que d'étendre 
la main sur le pays cl de s'en emparer sans coup férir, si cites avaient 
pu s'en tondre sur la ligue des frontières et si n'était soUK-entendue une 
certaine obligation de décence diplomatique & ne se point JiAler en 
matière d'annexion». Depuis ifi3o, on se montre dans le Scïslnn, entra 
Ghiriehk, sur niclmcnd, et Faruh, le lieu de la future bataille où doit se 
décider le sort de l'Asie'. Lorsque celte prophétie se répandit dans le 
monde iranien, ou ignorait quels peuples s'eutre-ehoqueraient dans le 
grand conflit; ou sait maintenant que ce sont les armées des Husses et 
des Anglais. 

C'est au milieu du dix-huitième siècle que la marine britannique 
fonda son premier établissement sur la terre de l'Iran, à Itoucnir, l'un 
des ports du golfe Pcrsique. Pour les Anglais, c'était uue conséquence 
nécessaire de la conquête des royaumes hindous qu'ils étaient alors en 
train d'accomplir. Il leur fallait absolument posséder, soit en maîtres, 
soit en concessionnaires usagers, des lieux de ravitaillement et d'étape 
sur le chemin militaire des Indes. Ils s'installèrent u Itouchir par la 

1. A. Vambéry, La Géographie, 15 mars 1901. 



fMPUISBANCE DK |.A PERSE 4«3 

même raison qui, plus tord. leur fit prendre Hic de Malle, put* Aden et 
Perim, leur fil acquérir les action» du canut de Suez, leur dicta ta bataille 
de Tell-el-Kebir, installa leurs régiments indiens au Caire, puis le long 
de la vallée du Nil» enfin û Bernera* sur ta côte des Somat, A leur établis- 
sement de Boucliir succédèrent plusieurs autres, et l'on peut dire que 
maintenant le golfe tonique est une rner complètement anglo-indienne : 
le gouvernement de Téhéran, tes petits sultans de la côte d'Arabie n'y 




Cl. <ïti Gfogr. .tournai 
DAUKT, StlK LA BOUTS DK BOPOHIB A OHIRAB 

d'après une photographie de P. Moïe*worth*Syke». 

commandent que de nom. Kn outre une compagnie britannique possède 
la ligne du télégraphe qui longe le littoral jusqu'aux possessions 
anglaises du Mekran et au port indien de Kuralchi. Par les marchés 
de Bassorah et de Mohammerah, de Kovcït, ainsi que par la navi- 
gation de la rivière Karun, enfin par les opérations banquières 
de ses protégés, les Parai, la Grande Bretagne dispose de tout le 
commerce méridional de l'Iran. Nulle atteinte ne lui serait plus sen- 
sible qu'une tentative de concurrence à sou monopole commercial aux 
bouches de rKuphrate, et c'est avec une véritable rage qu'elle accueillit 
les projets de l'Allemagne sur le chemin de fer du Bosphore a Bagdad et 
Bassorah. 

De leur coté, les Russes sont maîtres tiens l'autre partie de la contrée 
limitrophe de leur territoire Iranscnucasien et transeaspien. Il y a long- 



L HOMME ET LA TERRE. — RUSSES ET ASIATIQUES 

temps qu'ils ont vengé leur insuccès des premières années du dix- 
huitième siècle. Trente ans après l'établissement de la nouvelle dynastie 
turkmène qui réside à Téhéran t ils s'emparaient de toute l'Arménie per- 
sane qui touche à l'Ara rat et Axaient la frontière h leur guise; ils inter- 
disaient même à tout vaisseau de guerre persan la navigation de la 
Caspienne ; sans en avoir le droit par traité, ils installaient un arsenal 
dans l'îlot d'Achurada, langue de sable qui, située à l'angle sud-oriental 
de la mer, appartient incontestablement a la Perse; et depuis longtemps 
ils ne se donnent même plus la peine de répondre aux requêtes obsé- 
quieuses du cabinet de Téhéran ; il leur a convenu d'avoir un dépôt 
d'armes et de troupes dans ce port militaire, et c'est pure magnanimité 
de leur part de consentir a ne pas pénétrer plus avant. Au nord, ils 
occupent au point de vue commercial une situation analogue u celle des 
Anglais dans le sud, et par la roule d'Etweli el de Kechl, ft l'ouest, par 
celle de M oc lied, à Test* ils desservent tout le mouvement des marchan- 
dises, de môme qu'à l'occasion ils pourront diriger la marche des 
troupes et l'expédition des pièces d'artillerie. 

La Perse est donc, pour ainsi dire, dans la situation d'un corps que 
se disputent deux carnassiers : sa tôle est prise dans une gueule dévo- 
rante, ses pieds sont tenus pur d'autres mâchoires. De mémo que l'Afgha- 
nistan, la Turquie et le Maroc, ces « hommes malades *i, la Perse ne doit 
le semblant d'indépendance qui lui reste qu'à la jalousie des puissances, 
incapables de se mettre d'aenord sur la façon de la dépecer. Nul phé- 
nomène de l'histoire contemporaine ne montre plus éloquemment com- 
bien l'équilibre politique de noVe monde est instable et incertain. La 
Perse a virtuellement cessé d'exister comme pays autonome, et son 
gouvernement n'est plus qu'une machine à extraction d'impôts pour 
les dépenses royales, les pensions civiles et militaires, les fastueuses 
ambassades, tes fonctions inutiles. Môme pour la fixation des fron- 
tières, les employés persans ne sont guère que les porte-mire des offi- 
ciers russes et britanniques. Quant uu peuple, il n'a pas encore fait 
connaître sa volonté. 

Ce conflit des deux puissances européennes représentant au centre 
de l'Asie deux formes différentes de la civilisation est peut-être le fait le 
plus considérable de l'histoire au commencement du vingtième siècle, 
car la Perse est, avec la Mésopotamie limitrophe, le véritable centre 
monumental de l'Ancien Monde, comme l'isthme de Suez en est le centre 



IMPUISSANCE DE LA PERSE 4q5 

maritime. Là se trouvera dan» l'avenir l'étape majeure entre l'Europe et 
les Indes» ce qui d'ailleurs eut certainement lieu dans l'époque préhisto- 
rique, puisque la langue aryenne et la civilisation correspondante se 

*• 614. La Pars» divisée. 




E.d«Qr, 



w* 



■ ■ [,= . . * * -.■-■^-_J.. -J 



60* 



SI* 



1 : 20000000 
o tf» èoo 



TftoKH. 



Le» deux grisés indiquent les sphères d'innuence que la Grande Bretagne et la Russie se 
sont reconnues en 1907. »•»«•#•» 

U route de terra directe d'Europe aux Inde» passerait par Tiflis, Redit, Téhéran, suivrait 
valtéed n ; d * p00r 8 * glief ™ h ot Kandabap » P uls Kwettah et la 



répandirent ùTOrient vers l'indus et ii l'Occident vers la mer Kgtfc, en 
descendant du plateau de l'Iranic. Au point de vue de son rôle histo- 
rique, la Perse mérite donc d'être étudiée avec une attention toute spé- 



4o6 l/HOMttK ET I.A TERRE. — RUSSES KT AftUTIQUBS 

cialç comme point vital par excellence dans l'organisme terrestre. 

Le signe le plus éloquent de la décadence extérieure est l'état des édi- 
fices qui furent jadis élevés et décorés avec toute la magnificence de l'art 
pour servir d'universités et qui sont -maintenant utilisés comme écuries ou 
caravansérails, à moins qu'ils ne tombent en ruines. Et les hommes, som- 
bM-il, sont fout aussi déchus. Quel écart de dégénérescence, ilu moins 
apparent, entre ces fils purs » de l'Iran, « qui ne mentaient jamais » 
(Hérodote), et les Persans «répliques de nos jours, qui subissent basse- 
ment la plus vile des tyrannies et ne s'en excusent que par le mépris d'eux- 
mêmes et de tous ; la longue durée de l'asservissement en a fait les plus 
ingénieux des menteurs. Quand les formes de la politesse exigent que 
Ton se présente devant un supérieur en avançant le cou comme pour 
dire ; « Prends ton sabre, abats ma téle «, il est facile de comprendre que 
toute sincérité est bannie de la conversation. Il faut que chaque personne 
s'accommode à son interlocuteur pour parer a ses ruse», échapper à ses 
intrigues: « pigeon avec pigeon, faucon avec faucon », tel est le pro- 
verbe que l'on aime à répéter en se donnant une ligne de conduite pour 
les affaires ; mais l'Iranien de bonne compagnie voit aussitôt avec qui il 
se trouve, car il est profond observateur. II doit a la société policée dans 
laquelle il vit une parfaite courtoisie, il est tenu aussi de lui procurer les 
avantages d'une conversation nourrie d'allusions classiques, de beaux 
vers déclamés avec grâce et avec force, de nobles pensées bien dites et 
présentées au bon moment. D'ailleurs, ces devoirs de société n'empêchent 
pas qu'une certaine arrogance de bon ton, un certain mépris des hommes 
et des choses se mêlent chez tes amis et chez les hôtes au langage le 
plus raffiné 1 . 

La longue hérédité de culture se manifeste chez les Persans, peut être 
plus que chez les autres peuples ayant eu derrière eux un passé cent 
fois séculaire de civilisation. Telle est la cause pour laquelle la régres- 
sion qui s'est opérée dans la vie du peuple choque davantage que 
ne le ferait sa mort. Que Babel soit tombée, que Xinive ail été recou 
verle par tes sables, la fin naturelle de toutes choses veut qu'il en soit 
ainsi : ce qui a vécu retourne ù la poussière. Mais quand même, la Perse 
vil encore dans sa décadence profonde. H y avait là des millions 
d'hommes, ils y sont toujours, quoique diminués : des villes populeuses 

1. Hermann (Armioius) Varabéry, Siuenbîlder aus àem Morgenlande t p. 137 et 
suivantes. 



t 



GRANDEUR DE 1.A PERSE ^97 

s'élevaient au milieu de» jardins de roses, toutes ne sont pas démolies et 
tes rosiers fleurissent, La tangue, si riche et si belle, est restée l'une des 
plus appréciées et des plus influentes de l'Asie; elle se répand, modifie 
tes parlers voisins, agit sur ta littérature contemporaine; en chaque 
siècle» depuis Firdouai, dos poètoa ont fait revivre le passé dans la splen- 
deur de leurs vers et des hommes émlnents ont témoigné de la persis- 
tance du génie iranien; de nos jours môme» les BAIri, ces héros qui 




Cl. du Oeopr. Journal. 
COLOKHS DAK8 LB &ÊSK&T AU JSUP'RST PB KIRMAN 

D'après une photographie de P. Moles worth-Sykes. 
Ce piller, de 16 m. 4e haut, destiné à jalonner la route, date de l'époque Seldjoucide. 

voulaient ouvrir la « porte » d'un nouveau monde de justice et de bonté» 
nous ont montré une vertu de dévouement et une grandeur d'ûme qui 
n'ont jamais été dépassées. Ces hautes manifestations de la vie morale 
témoignent que le flux intérieur n'a point tari : il ressemble à ces kanal 
ou canaux d'irrigation dont on ne voit point briltcr les eaux et dont on 
n'entend point le murmure, mais qui n'en fertilisent pas moins le sol et 
font s'épanouir les (leurs. Tout nous clame que si la force de l'Iran est 
assoupie, elle n'est point détruite et qu'un flot pur continue de couler 
mystérieusement sous le rocher brûlé. 

Les Persans proprement dits ont le très grand mérite d'aimer 
ia paix, d'éviter avec soin toute occasion de dispute. Les armées du chah 
se composent presqu'uniquement de Turcs, hommes qui ajoutent aux 



L'HOMME ET LA TERRE. — RUSSES ET ASIATIQUES 

mœurs violentes de la soldatesque de redoutables caractères ataviques* 
car ils descendent de pillards mercenaires appelés dans lu contrée pour 
en contenir les habitants : ils sont conquérants par hérédité ; de tout 
temps, même lorsqu'ils n'étalent pas encadrés en régiments et en batail- 
lons et ne recevaient pas les ordres directs de leurs chefs, ils s'imagi- 
naient volontiers avoir le droit de verser le sang. A cet égard leur 
mentalité nous parait plus qu'étrange : ils se font fastueusement cadeau 
des meurtre» qu'ils ont commis, tant cet acte leur paraît noble et digne 
d'envie. « Je te donne ce cadavre comme si tu l'avais tué » ; et l'ami 
accepte orgueilleusement le don sinistre qui fait de lut le meurtrier. Ce 
sont mm tes Turcs qui, dans les derniers siècles, ont imposé des souve- 
rains a la Perse, La famille actuellement régnante appartient à la tribu 
des Khadjar, dont le domaine originaire se trouve à l'angle sud-oriental 
de la Caspienne, constituant le territoire stratégique d'Asterabad. Avant 
les Khadjar, une autre peuplade turkmène avait conquis la prééminence 
guerrière et dotnina tout le monde iranien dans la personne de Nadir- 
chah, le « Fils de l'Epée ». Cette tribu est celle des Afolmr, qui vil dans 
les hautes vallées de l'Atrek et du Gurgen, disputant à des Kurdes, trans- 
plantés loin des monts arméniens, la possession de ces parages. 

Eh bien I chez ces soudards même, la puissance d'attraction exercée 
par la civilisation iranienne est si forte que tous l'acceptent sans protes- 
tation et cherchent à s'en réclamer. Nombre de tribus qui sont très sûre- 
ment de provenance turkmène ou sémitique parient le persan aussi bien 
que les Farsi de Chiras. Dans les districts presque exclusivement turcs, 
comme certaines parties de l'Azerbeidjan, la population est en maints 
endroits devenue bilingue, la langue turque se dégradant peu à peu à 
l'état de patois, tandis que le persan prend le caractère de langage 
noble; la famille régnante, de môme que celles des principaux digni- 
taires, issus également des Khadjar et des Afchar, gens réputés impurs, 
cherchent à se prouver qu'ils sont bien de la grande race iranienne, et 
les vers qu'ils apprennent, ceux que l'on récite ou chante devant 
eux dans les banquets célèbrent les merveilleux combats de Hustem et 
de Feridun contre les impurs démons des nuits, c'est à-dire contre les 
ancêtres mêmes de ceux qui prétendent les célébrer. Pareil phénomène, 
on le sait, se produit dans toutes les contrée* où des conquérants 
barbares se trouvent en contact avec des vaincus de beaucoup leurs 
supérieurs en culture, Ainsi les Mandchoux s'efforcent de devenir Chl- 



ORGANISATION DBS TOL'IUNIKNS 



m 



nota et lo deviennent on effet: l'incontestable supériorité de ta civilisa- 
tion iranienne u pénétré profondément tous tes éléments du pluU»qii. 




POBTB DB MOSQUB8 BN TUBKBSTAN 

d'après le tableau de Veroschagin. 

Même dans l'Orient, elle s'impose à tous les voisins. Les Turcs 
d'Europe parlent à demi persan et ce qu'ils ont d'architecture est entiè- 
rement dérivé des monuments de la Perse. Du côté du nord, avant que la 



bQO L'HOMME KT M TEftRK. — HUflSES ET ASIATIQUES 

Russie fût intervenue, tous progrès, ca science et m industrie aussi 
bien qu'en art, avaient pour patrie originelle les plateaux limités au 
nord pur le Caucase transcaspien, et, (tu côte 1 de l'est, cette même civili- 
sation eut une telle influence que plus de deux cents millions d'individus 
parlent dans l'Inde des langues dérivées du persan pour une large part : 
les Anglais furent môme sur te point de faire (te rhhidoustuni le parler 
officiel de toule la péninsule. Que serait-ce donc si, au lieu d'apprécier 
seulement l'influence exercée par la nation persane depuis Mahomet, 
on embrassait, dans le cycle do l'œuvre iranienne, toutes les populations 
qui se glorifient d'avoir pour idiomes des langages provenant de celui 
des Aryens protohistoriques! Ce n'ont plus alors l'Orient, mais le monde 
entier qui aurait stiliî L'action prépondérante des peuples ayant vécu 
tu haut sur les terres iraniennes. Les Persans actuels, en y comptant les 
ullophyles de toute race, ne sont probablement qu'au nombre de sept 
millions, et tous les Européens, Américains, Australiens, Hindous qui 
se réclament directement, a tort on à raison, du sang aryen, tous ceux 
aussi qui, en justice parfaite, peuvent du moins affirmer qu'ils appar- 
tiennent à la mérne sphère de rayonnement intellectuel représentent 
une multitude cent fois supérieure a celle de liranie, au moins sept 
cents millions d'individus. On pourrait y ajouter les cinq cents millions 
d'habitants de l'Asie orientale, puisque ccu.v-là aussi, par ['intermédiaire 
des Hak ou « Cent familles ». ont reçu l'impulsion première des immi- 
grants d'Klain, c'est-à-dire des montagnards iraniens*. 

EnlliK en présageant le cours de l'histoire, tel qu'il s'anuouee dans 
un avenir prochain, connue si les événements étaient accomplis déjà, 
u 'est-il pas do foute évidence que tous les peuples de la terre se dirigent 
dans le sens j ndiqué par le mouvement des idées aryennes? La civilisation 
contemporaine dans son ensemble, avec son cortège de sciences et de 
philosophie», ne peut se concevoir autrement que rattachée par mille 
Liens au monde aryen, et, par conséquent, nous avons tous à considérer 
comme une patrie des âmes cette haute terre du continent asiatique, 
où se parle la langue originale de notre pensée commune. 

La situation humiliante que la Perse occupe parmi les Etats 
ne diminue aucunement l'importance virtuelle de la contrée dans 
l'ensemble géographique de l'Ancien Monde, et, quand les peuples ne 

1. Terrien de la Conperîe, passim. ~ Voir premier chapitre du loiae III. 




26 



FUTURE ROUTK DES INDES 6o3 

seront plus livrés Aux caprices des conquérant» et clos rois héréditaires, 
quand l'homme, suivant l'antique prophétie, aura procuré là victoire 
définitive au vieil Orinunl, le génie du Bien, par l'acuité de son intelli- 
gence et le forée de son bras, la Perse reprendra les avantages qu'elle 
eut autrefois dans l'économie générale du monde. Ce qui fit jadis son 
importance, c'est d'avoir été le lieu do passage obligé de tous les progrès 
entre les peuples de l'Orient et ceux de l'Occident : elle reprendra ce 
rôle d'intermédiaire naturel pour l'Inde et l'Europe, car la géographie le 
veut ainsi. De même que la route océanique si détournée qui doublait le 
continent africain par le cap de Bonne Espérance a été remplacée par la 
voie relativement courte qui passe par le canal de Suex, de môme cette 
ligne de navigation devra laisser un jour ses voyageurs nu chemin direct 
de 8 ooo kilomètres qui, par Vienne, Constantinople, Bagdad, Ispahan et 
Kandahar, ou par Perekop, Kcrlch, Tiïlis et Téhéran, transportera les 
Occidentaux en moins d'une semaine a Kuratchi, à Bombay, à Delhi, 
dans n'importe quelle cité de l'immense réseau de l'Inde. Ce pays de 
l'Iran, duquel les voyageurs s'écartent prudemment aujourd'hui, devien- 
dra un centre d'appel où convergeront les voies majeures de la civilisation. 
Les Occidentaux upprendront alors à connaître mieux leurs frères de 
langue, de mœurs et de génie, dont tant de siècles de culture différente 
les avaient éloignés, et renoueront avec eux les liens de la parenté antique. 
Ils comprendront aussi pourquoi la lutte d'influence entre l'Angleterre 
et la Russie a propos du territoire persan a duré pendant des générations 
et soulevé tantde haines. La possession de Constantinople pour laquelle 
on a versé tant de sang ne vaut pas celle des chemins, aujourd'hui presque 
déserts, qui se rencontrent dans les marais du Scïstan. 

A Test de la Perse et de l'Afghanistan, le front de bataille se continue 
pourles deux puissances en conflit; mais, dans cette région, les conquêtes 
de la Russie, bien différentes en cela des annexions de territoire faites par 
l'Angleterre» ont cet avantage capital de s'accomplir comme par un phé- 
nomène de croissance naturelle etsui vaut des loisd'afftnité géographique. 
Chaque pays limitrophe s'agrège facilement à la contrée voisine déjà con- 
quise. De même que l'Arménie du sud continue naturellement les vallées 
et les montagnes de l'Arménie du nord ; de môme que les rives méridio- 
nales de ta Caspienne complètent harmonieusement le cercle du littoral 
russe ; de môme le cours de l'Oxus se continue par de hautes vallées jusque 

Vl 26* 



5o/t 



LHOMMK ET LA ÎEftllE. 



RUSSES ET ABUTIQUES 

sur les terrasses neigeuses qui dominent l'Inde; le prolongement normal 
des plaines do la Sibérie du sud se fait vers la Mongolie, sur le revers de 
l'Altaï et du Sayan ; jusque dans l'Océan pacifique, l'Ile de Sakhalin se 
poursuit au sud par la terre de Yéso, dans laquelle les ethnologisles 
retrouveraient à souhait des Aïno barbus, frères des moujik de la 
Grande Russie. Tout rattachement d'un nouveau domaine & l'immense 
empire était ainsi, sinon justifié, du moins expliqué, excusé d'avance, 

sous prétexte de cohésion 
géographique. Munis de ces 
ruisons paraissant bonnes 
aux favorisés du sort, les en- 
vahisseurs russes pouvaient 
ainsi marcher de proche en 
proche jusqu'au fond de la 
Chine et, certes, ils n'y au- 
raient pas manqué, s'ils n'a- 
vaient rencontré sur leur 
chemin de redoutables adver- 
saires. 

D'ailleurs, ce n'est pas 
seulement la continuité géo- 
graphique des territoires qui 
facilite l'oeuvre de conquête, 
les conditions ethnologiques 
sont également favorables 
aux empiétements de la Rus- 
sie, Les adversaires qu'elle rencontre sont des frères de race pour un 
grand nombre des allophyles qui peuplent l'empire. Les Turcomans, qui 
se défendirent avec une si extraordinaire vaillance contre les Russes de 
Skobelcv, se sont réconciliés facilement quand ils ont vu dans les rangs 
de l'armée moscovite d'autres tribus turcomancs, ayant leurs mœurs, 
leur langue, leur mentalité. Les Kirglm de la Kachgarie reconnaîtront 
comme des compatriotes ceux qui leur viendront des steppes occiden- 
tales, et des Boudâtes aux autres Mongols, la transition sera presqu'în- 
scnsible.Par la force même des choses, les Russes ont suivi la méthod 
des chasseurs d'éléphants sauvages qui introduisent des animaux domes- 
tiques dans l'enclos où se démène le captif pour le calmer et l'accou 




TYPE XIBQBtZ 



LES RUSSES EN ASIE 



5o5 



tumer graduellement à la servitude. Tous tes types asiatiques sont repré- 
sentés dans la Russie d'Europe — même tes Katmuk, ~- et peuvent 
se montrer en Asie comme autant de Russes authentiques. Ils le sont 
d'ailleurs par le consentement universel, quelle que soit ta diversité des 
origines, Un admirable voyageur, Poianin, n'est-U pas à la fois Sa- 
moyède et Musse!* Nul ne s'occupe de rechercher quelle proportion de 
sang slave coule dons ses veines. Des écrivains polonais, ennemis 
Irréconciliables de In Ruesic, et 
en même temps fervents adeptes 
de lu théorie d'après laquelle lu 
suprématie intellectuelle et tno 
raie appartient à la prétendue 
« race » aryenne, se plaisaient à 
rejeter les « Moscovites » en 
dehors de ce monde privilégié, et 
h voir en eux de» métis de Mon- 
gols, des Asiates, et non des Eu- 
ropéens. Mais c'est précisément 
parce que cette thèse a une part 
de vérité que les Russes s'asso- 
cient facilement h leurs voi- 
sins tes Orientaux par le gé- 
nie naturel ci les entraînent en 
peu de temps dans leur orbite. 

Au nord-est de l'Afghanistan, la forme géométrique du sot adonné de 
grands avantages à la Russie, du moins par l'accroissement de son pres- 
tige militaire. En effet, des postes de soldats occupent des points domina- 
teurs sur les plateaux pa m irions et pourraient à l'occasion descendre 
sur le versant méridional de rHindu-kuch dans le Kachtniret le Katîris- 
tan, au cas 1res improbable où des expéditions stratégiques de quelque 
importance seraient possibles dans celte région des glaces et de la mort. Au 
point de vue politique» ces détachement» de troupes alpines n'ont d'im- 
portance que parce qu'ils attirent l'attention des peuples citron voisins et 
leur montrent, comme une sorle de symbole fatidique, des représentants 
armés de la nation militaire invoquée par les uus, redoutée pur les autres. 
Déjà, dans la grande plaine de la Kachgaric, qui s'étend u l'orient des 
Pamir, la puissance de la Russie, quoique figurée par un simple décor, 




Ct. Pftûl Sommier. 
TCukHkmmtt obs mosts ou bal 



5o6 ï/HOMMB KT LA TERRE. — RUS8KB ET ASIATIQUES 

est gouttant considérée comme un fuit matériel et indiscutable : on nous 
dît qu'en l'aimée 1897» le consul général de Russie établi h Kachgar 
disposait en réalité, grkcà h» pelitc troupe de 6$ Cosaque», du pouvoir 
effectif de ionien les contrées qu'arrose te Tarim\ l'autorité ehiuoise 
n'existant guère que pour la forme. A vrai dire, le fait a été contesté par 
d'autre» voyageur»; il est probable qu'il a été temporairement exact. 

Quant auTibet et a la Mongolie, il est difficile de savoir jusqu'à quoi 
point avait été poussé le travail d'annexion à la Hussie avant la guerre 
de 1904* puisque le mystère des couvents bouddhistes permet aux 
diplomates de cacher leurs agissements. On sait seulement que le palais 
du DataMama, si soigneusement interdit aux voyageurs ordinaires et 
même a des hommes de la valeur intellectuelle et de la notoriété d'un 
Sven Ifedin, s'ouvre, on du moins s'ouvrait facilement a tel moine 
obscur, fidèle sujet du tsar blanc, et on sait que des cadeaux s'échan- 
gaient entre les deux souverains, accompagnés de papiers importants ou 
se règle le destin des peuples d'Asie centrale, en dehors de leur volonté. 
En Mongolie, mômes allées et venues des pieux émissaires dans 
les grandes bonzeries qui gouvernent les tribus nomades, car les 
Mongols ne sont plus la terrible nation des gens de guerre, qui, saisis de 
la folie des aventures, descendaient en déluges irrésistibles sur la 
Chine ou sur l'Europe. De modernes évaluations, qu'il est impossible 
de ne pas croire exagérées, nous disent que la population mongole 
serait en majorité composée de lama : dans les régions orientales, les 
parents consacreraient deux enfants sur trois à la prêtrise \ Le gouver- 
nement chinois aurait grand intérêt ù voir décroître la natalité d'année 
en année chez ces Mongols redoutés qui mirent si souvent l'empire en 
danger. De leur côté les conquérants russes peuvent marcher de 
l'avant, sans avoir à s'inquiéter de celte tourbe d'assouvis, occupée seu- 
lement de son salut spirituel et des moyens de l'atteindre, prières, génu- 
flexions, balancements de la tôle et des membres. Ou le voit, les Occi- 
dentaux, représentés spécialement par le* Russes, n'ont plus h craindre 
maintenant, connue leurs ancêtres slaves ou snrmutes, une invasion des 
Huns : oc ne sont plus les Mongols qui débordent sur l'Europe. Bien au 
contraire, ce sont les Européens qui débordent surtout l'Extrême Orient, 
les uns Anglais, Allemands, Français, dans les ports du littoral, les 

i Hotderer, Bulletin dû h Société de Géographie, 2* trlmeatw 1899, p. 203. — 
2. Marcel Monnier, le tour (CAsie, C Empire du Milieu, p. 126. 



PÉNÉTRATION RUSSE DANS l/ EMPIRE CHINOIS 



J07 



autres, Russes, dans le» régions de l'intérieur. Dans ce mouvement 
général d'invasion, l'action des Slaves est de beaucoup la plus impor- 
tante* car les Européens qui s'établissent dans les réglons entières ne s'y 
fiient 'guère à résidence définitive : ils ne s'y trouvent pour la plu- 
part qu'en étrangers et sans famille, tandis que tes tinsses, venus par la;Si- 
béric, se fixent d'or- 
dinaire sur le sol t»t 
y font souche en se 
mélangeant aux po- 
pulations indigènes, 
qu'ils s'assimilent 
graduellement. Le 
territoire des Jaunes 
est ainsi définitive- 
ment en val 11 et de- 
vient part intégrante 
de Taire de civilisa- 
tion européenne. Or, 
si arriérés qiiCKoient, 
en majorité, les co- 
lons slaves de l'Asie, 
il n'en est pas moins 
vrai que, dans l'en- 
semble, ils portent 
avec eux la pensée 
européenne, c'est iV 
dire le progrès, te 
philonéisme.et l'em- 
portent en valeur 
virtuelle sur la cul- 
ture chinoise, misonéiste, tournée vers le pusse. Le changement d'équi- 
libre a été complet pendant ces deux mille années. 

Toute la partie septentrionale du continent, la Sibérie, esfdéjà une 
« Kussie d'Asie », malgré le gouvernement lui-même qui s'ingéniait 
depuis l'époque divan le Terrible à faire de ce territoire un simple 
domaine d'Etat sans libres relations avec les provinces européennes. Le 
commerce était strictement monopolisé, l'immigration n'était tolérée 




90CULI8TK8 KtJ89EB CONDAMNÉS A03C TRAVAUX FORCÉS 



5o3 L'HOMME ET LA TEIUtE. — RUSSES ET ASIATIQUES 

que suivant certaines règles et en des régions désignées, même elle m 
se produisit guère que grâce à des bandes de fugitifs échappés à la servi- 
tude. Les valide» de l'Altaï sans exception restaient interdites, même 
aux colons libres. La contrée était tout entière domaine impérial réservé 
aux serfs qu'on y envoyait pour l'exploitation directe des mines. Le reste 
du pays était surtout considéré comme une grande prison où, suivant la 
gravité des délits et des crimes, le pouvoir distribuait les punitions, 
condamnant les ( uns à une résidence fixe, les autres au séjour dans une 
forteresse, d'autres encore au dur travail des mines ou à la captivité du 
bague. C'est par dizaines de milliers que les malheureux criminels civils, 
vagabonds ou condamnés politiques, les meilleur» hommes, l'élite do la 
Russie, étaient menés d'étape en étape par-dessus In frontière de l'Oural 
et se répartissaient diversement dans l'immense étendue silurienne, 
jusque dans les tundra glacées du littoral polaire. Mnis en peuplant 
la Sibérie de ses adversaires politiques, le gouvernement russe s'expo- 
sait à développer les tendances séparatistes des Sibériens, el peut-être 
que ceux-ci eussent tenté de se rendre indépendants, si les populations 
indigènes, d'origine mongole, turque, mundchouc, n'avaient eu le temps 
de se mêler intimement à lu partie indifférente de lu population russe 
et de former avec elle une musse veule, assouplie a toutes les servitudes. 
D'ailleurs, la Sibérie tenait a la Russie d'Hampe par un véritable 
fil, lien matériel qu'il eût été difficile de rompre parce que tous avaient 
intérêt a le garder. Ce lieu qui maintient l'union politique des deux con- 
trées d'Europe et d'Asie, c'était la grande roulis le trukt* qui réunissait 
le seuil de l'OurnL entre l'erm et ^éku 1er in eu bourg, au lac Baïkal et uu 
fleuve A mur. Iles avenues ouvertes à la hache duns l'immense fai'ya ou 
forôl m noire »> , des jionts sur les ruisseaux, des bacs sur les grands fleuves 
rattachaient, en une ligne continue de plusieurs milliers de kilomètres, 
les diverses pistes frayées îi travers sables, boues ou rochers. Le convoi de 
charrettes, ou de traîneaux, suivant la saison, se mouvait lentement en 
longues iiles sur l'interminable route; cependant, après des semaines ou 
des mois, voyageurs cl marchandises finissaient pur arriver au lieu de 
destination. Des lieux d'étape, qui étaient eu même temps des marchés, 
des rendez-vous de population, se- succédaient de distance en distance et, 
dans les endroits les plus favorablement situés, des rangées déniaisons 
bordaient le trakt sur plusieurs lieues de longueur. C'est aussi le long du 
Irak! que naquirent toutes les villes de la Sibérie méridionale, là où des 



COLONISATION DK LA SIBÉRIE 



60Q 



groupes de peuplement ne l'avaient pas déjà précédé. H est curieux de 
voir par les cartes de densité kilométrique combien la population s'est 
pressée spontanément sur le parcours de la ligne de vie, qui est le véri- 

N» $15, Sibérie Centrale. 




1: 20000000 



* 



SÎT 



TjboKil. 



table prolongement de l'Kuropeù travers la masse continentale de l'Asie. 

Dans l'histoire de la civilisation générale» le trakt prit certainement 

une beaucoup plus grande importance que n'en possèdent les fleuve» 

eux* mômes, ces admirables voies de communication que fournissent 



5lO L'HOMME ET LA TERRE. — RUSSES ET ASIATIQUES 

l'Ob\le YeniseY, ta Lena avec leurs nombreux affluents. En effet le trakt 
se développe de l'ouest à l'est, il constitue tu moitié* de la voie qui 
réunit l'Atlantique au Pacifique, tandis que les fleuve» s'écoutent unifor- 
mément vers le nord, dans la direction de» tundra inhabitables. 
Cependant ces puissants cours d'eau sont devenus, eu* aussi, les véhi- 
cules d'une circulation vitule très active dans tout leur réseau méri- 
dional, grâce à la vapeur qui les utilise pendant la moitié de l'unnée 




POÎÎT W TBAX88IBÉRIEK SUR l/OB* 

où il» sont libre» des places. Même dans leurs estuaires du nord, l'Ob' 
et le Yeniseï s'ouvrent graduellement uu commerce de l'Europe. Ce 
« passage de l'est >» ou du « nord-est »> , que cherchèrent pendant longtemps 
les navigateurs anglais et hollandais, avait fini par tHre considéré 
comme impossible avant l'expédition qui rendit u jamais célèbre le 
nom de Xordenskjôld, mais il deviendra certainement facile à une 
époque rapprochée de nous et prendra une réelle importance écono- 
mique dans le commerce du monde, car les obstacles, jadis presque 
insurmontables, sont de ceux que Ton peut écarter. D'abord le régime 
des saisons, l'étal des glaces sera de mieux en mieux eiinnu et prévu, et 
la meilleure construction des navires, leur outillage plu» puissant et 



TRAKT ET FLEUVE» SIBÉRIENS 5n 

plus complet permettront aux marins do traverser te» banquises. Lors- 
que l'appel du commerce des fleuves sibériens aura rendu nécessaires les 
communications par ta voie maritime, des équipages se trouveront pour 
les frayer. 

Le trakt a perdu de bou importance relative depuis ta construc- 
tion du chemin de fer transcontinental que les voitures parcourent 
actuellement on moins d'heures que les chars des caravaniers ne met- 
talent de Jours autrefois, mais lu route nVn cal pas moins indispensable 




VILLAGE D'USOLA, SU» LB TRAKT, PRÈS D*IRKOUT8K 



Ct. &OQh&t«hevtftl. 



au trafic intermédiaire. Evidemment la vie se portera plus intense vers 
les villes qui jalonnent la voie nouvelle à une distance moyenne de 
rclai, et qui, par une révolution presque soudaine, se trouvent entraî- 
nées dnns Taire d'attraction des grandes cités européennes. Vn porterie 
la Sibérie, Vladivostok, la « Dominatrice de l'Orient,», sert officielle- 
ment de gare terminale sur le Pacifique au chemin de Torde i'Ëurasie, 
mais une voie d'embranchement, qui est déjà devenue la ligne maîtresse, 
se ramitie vers le sud pour aller rejoindre le golfc de Pc-lcliili et la mer 
de Corée, sous un climat plus bénin, où l'on n'a pas a redouter la 
fermeture des ports par les glaces de l'hiver. Mnly, lu « lointaine », 
appropriée par laHussic durant» courte période d'extension rnandehou- 
riemie complète, Port-Arthur, à l'extrémité de lu péninsule avancée 



5ï2 L'HOMME ET LA TERRE. — RUSSES ET ASIATIQUES 

de Liuo tung; les deux cités forment un ensemble maritime complet 
avec port de comment port de guerre, arsenaux et chantiers. Pour aller 
rejoindre ces villes neuves, construites en plein territoire, sinon chinois, 
du moins de civilisation conmeientte, il a fallu traverser montagnes, 
plaines et fleuves de la Mandchourie et y bâtir, de distance en distance, 
non seulement des stations, mais aussi des forteresses et des villes où la 
population s'est rapidement amassée. Gomment les diplomates de toute 
nation pouvaient-ils feindre de croire à la prochaine évacuation de la 
Mandchourie par les armées d'occupation russe, alors que celles-ci 
avaient a garder tout un réseau de voies ferrées et les villes d'étape? 
En effet, tes Russes s'étaient engagés à évacuer les campagnes mandchoues 
dépourvues de routes, niais n'est-ce pas alln de se concentrer le long 
des voies stratégiques? Autant dire que, dans une mine, ils garderaient 
seulement les veines de métal. 

La révolution que cette voie nouvelle introduit dans la circulation de 
la vie à la surface de la Terre fera sentir rapidement ses effets. Le chemin 
transcontinental ne fut guère utilisé tout d'abord que pour le transport 
des troupes: les intérêts stratégiques primaient toute considération d'uti- 
lité nationale ou internationale, cl, d'ailleurs, l'état rudimentaire de la 
voie, aux ponts branlants, à l'outillage iusuflisant, ne permettait pas 
l'organisation de trains pour le commerce et le transport régulier des 
hommes et des marchandises. Puis on s'est occupé de faciliter les voyages 
aux gens des classes fortunées et d'agencer des trains de luxe de Calais 
a Peking; le changement sera très considérable dans la direction et le 
mélange des éléments ethniques, puisque les raisons d'économie et de 
rapidité feront préférer la voie directe par terre au long détour maritime 
par la circumnavigation de l'Asie. Mais la force de» choses entraînera 
bientôt l'utilisation démocratique de la voie nouvelle, et le va-et-vient 
des émigrants travailleurs entre l'Europe et l'Asie s'accomplira sans 
peine, bien autrement important dans ses conséquences que ne le furent 
autrefois les débordements de Huns ou de Mongols. 

Et, cependant, ces premiers résultats d'une incalculable valeur histo- 
rique ne seront qu'un faible commencement, car le chemin de fer 
sibérien ne suit pas le tracé direct que l'attraction mutuelle des nations 
finira par imposer aux lignes de circulation majeure entre l'Europe et 
l'Asie. D'abord la Chine elle-même continue son réseau de voies ferrées, 
ce qui doublera, centuplera sa puissance d'appel sur l'Europe et modi 



VOIE TBANSSIBÉHItïNNE 5|,«J 

fiera en outre toute la vie sociale des Enfant» de Han, car, en ce vaste 
pays, les transporta utilisent surtout l'admirable système fluvial 

!»• SIC Province du Sz«tehuen. 




i: eoooooo 



100 



200 



Too Ml. 



et les voyageurs vont généralement à pied, les routes de voilure 
ayant ainsi beaucoup moins d'importance que les sentiers, souvent 
tracés économiquement sur la crête des digues fluviales et des levées 



5l4 L'HOMME Et LA TERRE. ~ RUSSES ET ASIATIQUES 

entre les champs; même en territoires do montagnâB on avait fréquem- 
ment remplacé des chemins par des escaliers attaquant de front les 
escarpements : de» centaines, des milliers de marches mènent de la 
plaine inférieure aux pâturages d'en haut, arrosés par les pluies ou 
strié» de neiges, Sur la route principale qui réunit ta vallée de Ouan, sur 
le Yang-tse, à Tcheng~tu, la capitale du Szetchueit, toutes les escalades 
de monta se font ainsi par clés marches de granit étagée* sur le flanc des 
rochers : le col de Chen-kia-tehao, haut de 835 métros, présente une 
superbe volée de cinq mille gradins * . 

La transformation de tout cet antique outillage, tran formation qui a 
durd des siècles en Europe et qui sera dans l'empire du Milieu l'œuvre 
de quelques décades, nécessite ru certainement dans un avenir très pro- 
chain le rattachement direct de l'Europe à l'Asie d'Orient par les voies 
qui passent au nord ut uu sud du Ttan-chan. Les antiques chemins des 
caravanes de la « Soie » et du « Jade » se rouvriront sou» une forme 
moderne, ayant toutes pour ohjcetif la Chine centrale, dont le point vital 
par excellence est le coude supérieur du Uoang-ho.au grand tournant 
de I,an4chéu. En dépit de sa politique d'isolement jaloux, et contraire 
meni à la volonté de ceux qui la gouvernent, la Russie deviendra forcé- 
ment le lieu de passage le plus actif entre les deux moitiés de l'Ancien 
Monde. Cette m£mc contrée, qui, jusqu'à une époque récente, était 
murée, pour ainsi dire, sans libres communications avec la mer, possé- 
dera désormais les principaux carrefours de la grande voie internationale 
entre l'Occident et l'Orient : d'avance on peut désigner ces points vitaux \ 

Mais au point de vue politique, ne voit-on pas aussitôt que celle 
attribution économique* a la Russie des voies de communications traits- 
asiatiques aura pour conséquence d'exposer aux entreprises de L'empire 
occidental toute lu partie de la Chine au nord du fleuve Jaune. En effet, 
la capitale uctuelle de la Fleur du Milieu est située a l'extrémité septen- 
trionale de la Chine proprement dilc, au point de croisement formé par 
deux grandes) voies, celle» qui descendent de lu Mongolie et de la Mand- 
chou rie vers les plaines du Pe-Mto et du Hoang-ho, tes nécessités de la 
défense le voulaient uinsi, mais les Chinois se trouvent aujourd'hui en 
face d'un ennemi qui peut les attaquer non seulement île front, par la 
Mandchourie et la Mongolie, muis aussi de flanc pur les chemins qui 

t. Isabelle Bishop, Journal of the ft. Géographie Society, July 1897, p. 21 — 
2. Voir Carte à la page 521 . 



5i5 



FUTURE VOJK tt'ORIEKT 

descendent du Tian-chan cl du Pamir, Ce «ont là dp» circonstances 
tout à fait imprévues qui changent absolument ta valeur de» anciens 
Imités géographique». Toutefois lu Chine n'est plus seule à défendre les 
points menacés de «ou territoire, Là encore la lùissie agressive retrouve 
les adversaires qu'elle a dan» l'Asie Mineure, en Perse, dut» l'Afghanis- 
tan, sur les frontières du Tibet : sur l'immense pourtour de l'empire, 




UNE DBS BUES PRINCIPALES DE MOITKDEN 



Cl. ï\ SelHw, 



partout 80 déroule le conflit en Ire l'Angleterre et la Hussic. En Chine» 
la lutte est en outre singulièrement compliquée par les agissements de 
toutes les puissances du monde, le Japon en léle, puis la France, l'Alle- 
magne et jusqu'à la petile Belgique, ayant toutes à s'assurer soit des 
territoires, soit des concessions ou des marchés. 

Môme si la Chine devait être conquise, militairement occupée par des 
soldats étrangers, régulièrement administrée par des fonctionnaires 
européens, elle n'en resterait pas moins lu Chine parles mœurs et le 
génie de ses habitants. De même que lTlalie, asservie aux rois d'Espagne, 
aux empereurs allemands ou autrichiens, aux armées républicaines et 



5i6 l'HOMWB RT 1.A TKRRE, ™ RUSSKS Et ASIATIQUES 

impériales de la France, n'avait aucunement censé pour cela d'être par 
«on territoire une « expression géographique » bien nettement délimitée, 
et par sa population une a personne ethnique » des mieux caractérisées» 

N» 617. Pékin et la Mer Jaune. 




E.titoGr. tw* 



us* 



*= 



tai° 



1: 6 000 000 

ioo 



d 



o m 200 300KII. 

ka baie au ba* de la carte est celle de Kiao-tchéou, concédée au gouvernement allemand. 



de mémo la Chine subit toutes les invasions, non certainement sans en 
être modifiée, du moins sans en être entamée dans sa personnalité natio- 
nale. Elle a la force invincible que donne la patience, et le temps finit 
toujours parlai donner raison. Même en dehors de la Chine là où des 



FORCE INVINCIBLE DE LA CHINE 



a 



«7 



colonies chinoises ont pris racine, elles se maintiennent grandissantes, 
fnassimi lubies, an milieu des populations hétérogènes, cherchant tou- 
jours a se gitiupcr, anit dan» un quartier distinct, soit même dons une 

N* 51 a Péninsule de Uto-tufig, 



ito« 




E.doGr. t«0« 



122* 



m* 



1: eoooooo 



100 



200 



300 KiL 



ville séparée. Ainsi, près de Saïgon, les Chinois ont construit les hulteset 
les baraquements de Cholon, une ville particulière, que découpe un 
réseau de coulées naturelles et de canaux fourmillant de jonques et de 
bachots. Ils sont bien là chez eux, et certes bien plus solidement assis 
que leurs voisins de Saïgon, les fonctionnaires et les soldats français. 
Du reste, la prodigieuse force de résistance que présentent les Chi- 



5i8 l'homme et la terre. — RL'&BE» et asiatique 

nois aux tentatives d'assimilation exercée» contre eux ù l'étranger est 
un fait si bien connu qui! faut y voir certainement une des causes de 
l'empêchement que l'on met à leur séjour aux Etats-Unis et en Australie : 
on craint que, dans la concurrence vitale entre nattons, la solidarité des 
instincts vl des intérêts leur donne une trop forte prépondérance. Ce 
qui fait ta force de ta Chine, c'est précisément son apparente faiblesse, 
tille n'a pas lu cohésion politique donnée par l'unité de pouvoir et par 
une rigoureuse centralisation, mais chacune des cellules qui composent 
le grand ensemble chinois ressemble uux autres par sa morale, ses ten- 
dances cl nu vie. Chaque groupe de familles pense de ta môme manière, 
se donne le même idéal, oppose à toul changement la même force de 
résistance, Qu'importe si le navire est percé a l'un ou l'autre point de 
sa carène, puisque Ioub les compartiments en sont élunches * ? 

Môme les Chinois de lu vieille souche ont encore conservé à l'égard 
du monde extérieur, \ compris l'Europe, leur force d'initiative morale. 
Aux yeux de ces philosophes conservateurs, les étrangers qui les 
entourent ne sont pas nécessairement des u barbares », comme relaient 
pour les Grecs ceux qui vivuient en dehors de leur microcosme hellé- 
nique : ils voient en eux des hommes qui n'ont pas encore compris les 
principes sur lesquels repose le « royaume du Milieu ». Le devoir des 
Chinois est doue de donner à leur voisins ta vraie compréhension des 
choses, ù la fois par la parole et par l'exemple. Il n'est pas étonnant que, 
guidés parcelle théorie unitaire, les Chinois ne connaissent pas comme 
les Européens l'idée de « patrie » et qu'Us n'aient pas même dans leur 
langue un mot pour l'exprimer *. La vraie patrie est pour eux l'ensemble 
du monde où l'on est arrivé a comprendre, comme ils le font eux- 
mêmes, la constitution normale de la' famille et de la société. 

Toutefois, la mobilité croissante de l'individu et l'ébranlement, la 
destruction même des familles qui en est la conséquence présagent 
aux populations de l'Extrême Orient une révolution sociale et politique 
beaucoup plus profonde que ne l'ont été les bouleversements modernes 
de l'Europe occidentale, amenés depuis de longs siècles pur des change- 
ments graduels. La civilisation de la Chine et des contrées qui se 
trouvent dans su dépendance morale, telles que le Toukin et laCoeUin- 
chine, repose absolument sur l'unité de la famille, objet d'un véritable 

1. Marcel Monnter, le tour d?A*i*, VEmpite du Milieu, — 1 Léon de Rosny, 
Publ de la Soe. «f Ethnographie. 



LA CHÏMB BT t'ïDÉK DE PATRIE 5 1& 

culte; la famille chinoise. Mie est la religion de» Chinois, L telle est aussi 




AOBBROB OHIKOrSlt. — LB BBPA3 DBS C00LÏ8 

d'après le dessin de M. Oervaïs Courteltemeot. 

la raison d'être de leur vie politique. La commune; est simplement une 
fédération de familles, de môme que l'Etat est une fédération de 



530 iZhOMMB KT LA TKRRE» — RUSSE» KT ASIATIQUES 

communes. De h\ cette prodigieuse force do résistance que la civilisation 
orientale dans son ensemble présente aux allmpies do» novateurs, à la 
poussée de» millionnaires, des marchands et de» conquérants venu» des 
contrées occidentales. Et cependant elle cédera, puisqu'elle n'est pas 
d'accord avec les conditions nouvelles qui lui sont faites par le milieu. 

Il est certain que lu civilisation chinoise s'est partiellement nu r vécue 
et que le peuple se trouve» par conséquent, en état de régression, étui 
constaté pur le prodigieux réseau de superstitions dont les n Knfants de 
liait » se sont laissé enserrer et qui i» » eessé de s'acerottre avec In 
succession des Ages. Le Chinois n'a pas la liberté d'esprit de l'homme qui 
est plein de confiance eu sol- même et qui éprouve la joie de l'action. 
Il s'est emprisonné dans ses pratiques « comme lu chrysalide dans le 
cocon ». Il n'ose plus agir : chacun de ses actes «lait éïre réglé par un 
jeteur de sorts ou un discorde bonne aventure; il se fait diriger par 
la géomancie, la nécromancie, les mille ligures fugitives de l'air et des 
eaux ; les esprits forts ne le sont qu'eu apparence, mais, tout en se 
donnant un air dégagé, ils se gardent bien de risquer une action en un 
lieu, un temps ou une compagnie détendus par les présages. Telle est 
la raison pour laquelle les Chinois manquent fréquemment à des rendez 
vou» donnés; ils en sont fort chagrins cl s'en accusent les premiers, 
mais la destinée même leur défendait de tenir leur parole : ils ne pou 
vaient courir au-devant d'un malheur qui pour eux était certain \ 

Les voyageurs qui ont étudié les mu-iirs ehiuoiscs parlent pour la 
plupart avec étnnuement de lu superstition des indigènes, comme si 
la grande moyenne des européens n'eu est pas avi même point, ou du 
moins n'est que très partiellement dégagée des mêmes hallucinations 
et des mômes pratiques. Lu principale différence dans les superstitions 
de l'Orient et de l'Occident c'est que les premières sont <» nues » peut-on 
dire. Les Chinois ne les entourent pas de tout un réseuu de cérémonies 
religieuses réglées par un clergé olïieiel; uuii», que l'on reçoive ses amu- 
lettes d'un prêtre établi ou de quelque nécromancien blotti dans une 
caverne, le résultat est bien le môme : de part et d'autre, c'est de lu pièce 
â étoffe ou do la médaille, du fragment de jade ou d'une coquille d'os 
que l'on attend le salut. L'estampille est distincte, mais l'Kuropéen 
comme le Chinois se laisse* aller volontiers à la peur, et, cessant alors de 

1» Marc Monnier, U Tmir d*Axit\ V Empire du Milieu, pp. 360, 301. 



BrPKRBTITlGN BN ClilNB Ht AII.MCUM OUI 

raisonner, it a recours à toutes sortes do fétiches pour w» faire protéger 
roi il iv It! mauvais sort, 

lue autre différence do détail entre les superstitions orientales et 
les superstitions occidentales est que cette» de* Chinois «ont plus mttu 
listes que celle don Européens. Les l'un tome», qui ont au si grand rôle 
dans lu mythologie chrétienne, soit «somme diable», soit comme rêve 
mmts, vampiresou loups garnie, sont moins redoutés en Chine, proba- 
blement purée que le eiiile des uueétres, entretenu uvee le plus grand 
soin, a paeiilé la contrée. Les aïeu* n'ont pas ù se plaindre de leurs bis. 
(pli IcuruHsurcnl des tombeaux bien entretenus et de riches offrandes: 
mais les forces de lu Terre, toujours mystérieuse» et redoutables, peuvent 
vUv souvent offensées sans que l'homme, si Iréie en fuee de ces puis 
saiiees, snebe quel a été son crime : de là «les cérémonies coûteuses. île 
fréquentes oraisons et des pratiques de toute espèce, pour lesquelles on 
n'a pus ù consulter de prêt res proprement dits, inaisdesgéouiauciens, des 
hydromaneiens, des astrologues, mille eliarlaluns plus ou moins 
sincères, qui eoiistiluent bien l'équivalent du clergé. Les grands 
fétiches qu'ils'agit de conjurera tout prix sont ceux du feittj rhoul.—vW\ 
a-dire« l'air et l'eau», — l'ensemblcde toutes les conditions du milieu el 
le grand dragon, autrement dit la terre v i vante avec tout ce qui se meut à 
sa surface et dans ses profondeurs 1 . Pour vivre en harmonie avec ces 
forées, pour rythmer ses manifestations propres, chacun des actes de 
sa vie avec les phénomènes de la nature, il faudrait avoir toutes les 
sciences, el le Chinois, pas plus que les autres hommes, ne les possède : 
il n'a (jue l'empirisme, plus ou moins fondé sur une certaine evpé 
rience des choses. 

Des écrivains ont émis l'opinion que Chinois et Occidentaux restent 
mutuellement t ni péué trahies dans leur mode de sentir el de penser : 
tout accord apparent, serai! forcément un malentendu, puisque 
les mots eu* niâmes sont intraduisibles de langue à langue. Cela est 
vrai partiellement, mais ne Test que pour un temps entre» tous le* 
peuples, entre toutes les communautés distinctes. Lu compréhension 
réciproque» d'abord impossible, puis difficile, ineumplcle et décevante, 
ilnil par devenir entière chez des individus, d'abord exceptionnels, puis 
de plus en plus nombreux, représentants avancés de leur lype tic race, 



t. M. J. Matignon, Superstition, Crime et Mus ère en Chine,'p. 6 etsuiv. 
V 



27 



jaa l'homme kt la tkrrk. — russes et asiatique 

de nation ou de profession spéciale. A mesure que le» points tic contact 
se multiplient, ta compréhension mutuelle s accroît: ou arrive a se 
pénétrer l'un l'autre, non seulement par tu pensée, mais encore par 
l'instinct. Mais il faut qu'il y «H sympathie, attraction naturelle : le 
marchand qui ne voit dans ses transactions avec l'indigène que tien taëls ' 
ù tfitfrucr, le mittsionnuire <(iii se borne ù baptiser les mourants pour les 
envoyer en paradis, le militaire qui gagne la croix en transperçant des 
ventres de poussuhs, ceux là certainement ne Feront rien d'utile pour la 
pénétration mutuelle des génies de l'Orient et de l'Occident et leur fusion 
en une compréhension supérieure vraiment humaine. L'industrie euro 
péeuue qui conquiert lu Chine fera tlt'jà beaucoup pour amener nue plus 
intime union, car c'est a dos ouvriers chinois que sont confiés fenlretien 
el lu conduite de tous ces engins révolutionnaires qu'un appelle bateaux 
à vapeur, locomotives, dynamos. Bien plus, lu science, la vraie, celle 
qui observe, expérimente et compare, pénètre dans les écoles chinoises. 
Les géographes tic la Fleur du Milieu se résignent a croire que la Chine 
ne constitue pus à elle seule presque Unit le monde habitable el que les 
«barbares» n'eu occupent pas seulement les « coins», 'fous ceux qui 
étudient changent l'orientation de leur pensée el l'ampleur de leur 
horizon : aux ouvrages de Coufucius cl d autres philosophes moraux, 
ils ajoutent t'élude dos économistes et des savants modernes de l'Ocei- 
dftitl ; ils vont jusqu'à réformer leur pratique médicale, quoique les 
médecins iPtëurope ne puissent pus encore leur apporter de métliodes 
assurées pour le Irailemcnt de ehueun des cas particuliers. Tout change 
et se transforme : lu musique de nos artistes européens, a Inquelle on 
croyait les Chinois absolument rebelles, a fini par triompher de leur 
atavisme, el Cunlou, Chungliuï, Im-tehéou uppréeienl déjà très 
judicieusement la « musique de l'A venir .1. 

Des puissances qui se disputent acluellemen Ides lambeaux du terri- 
toire chinois, il 11*01 est en rculitt'» que deux dont les annexions puissent 
cire considérées comme tle nature a repclrirla population locale au point 
de l'absorber dans une nationalité différente. Cesdcnx puissances sont la 
(hissie el lr Jupon dont les empires continent h celui du Milieu, el qui, 
par la pénétration constante des immigrants et des mœurs, par des mu 
ringes, arrivent à transformer les annexé» jusque dans leur conscience 
politique, Pareil résultat oc saurait être évidemment dans l'ambition de 
ta France, quelque étendue que puissent acquérir un jour ses emprises sur 



PÉNÉTRATION DE LA SCIENCE EN CHINE 5a3 

tes piminees méridionales : ae» gibets chinois noteront des Chinois. \m 

N» 619, Vote» ferrées de la Chine. 




IH°30' 



iai«jo' 



D'après Càùw et Beiyique, M' 

ŒOBMINrs DB JT1SR 
exploités; «***«*» en oonatruation; *— • «a projet; ..♦♦..«♦• ftiftui*. 



t """- 



t: 20 ooo ooo 



200 



600 



1200 Kit, 



u U x Y a»fE;^OBttfé»difDc»oment navigable entre Mchangct Tchung.Kingj ainsi s'explique 
la nécessité d'une rôle ferrée parallèle au courant du grand flouvc. 

(H'andc Bretagne, malgré toute son influence an point do vue de 

V 27* 



Ôilft L'HOMME ET LA TERRE, — RUSSES ET ASIATIQUES 

t 

L'équilibre commercial, ne songe nollementa angliciser le» Chinois, aux- 
quels d'ailleurs ta plupart de ses colonies ferment leurs portes, les Etats 
Unis, pour la môme raison» auraient mauvaise grâce n s'associer on 
Chine à ces mêmes hommes que leur politique offense si grave- 
ment dans le territoire de l'Union américaine. Butin l'Allemagne, si 
bien disciplinée que noient ses fonctionnaires et ses soldat», ne changent 
point les Chinois eu Germain» : elle ne som que puissance conquérante 
et dominatrice, représentée par un groupe de maîtres, que Ton tiendra 
toujours pour des étrangers et qui resteront détesté» si leur politique ne 
prend une autre direction. 

Pour la Russie, c'est uutre chose. Klle se présente le long des trou 
lières de la Chine pur les caractères mémos qui la fout ressembler à l'em- 
pire du Milieu. Elle arrive avec tous ses troupeaux de jHHiples asiatiques, 
Bouriales et Muudchoux, Kirghto et Mongols, tous descendants de hordes 
qui reconnurent autrefois la suzeraineté de l'empereur jaune et qui se 
prosternent aujourd'hui devant le tzar blanc. L'alliance matérielle, 
intime, populaire, se fait sans peine par tous ces éléments ethniques, 
tandis que l'influence russe proprement dite est duc à la colonisation 
agricole sur les bords.de l'Amiir et de l'Oussourl, uu tracé des routes 
«t des chemins de for, a lu construction des villes et à l'ouverture des 
écoles. 

Du côté où elle produisait son action le plus efficace, le caractère de 
celte pénétration graduelle a été certainement quelque peu modifié durant 
les deux dernières années (1905). l/t souvenir des quelques milliers de 
Chinois — cinq mille, dit -on — attaché» deux, par deux et noyés 
à Btagovctchcnsk eu ujo/j ne se perdra pas de si lot parmi les iils 
de liait. Mais sur toute lu périphérie mongole et lurkestunc — 3000 kilo 
mètres à vol d'oiseau entre les sources de l'A mur et celles de l'A mu 
daria —, la situation respective des éléments en présence ne doit guère 
avoir changé depuis les défaites des Russes dans la péninsule de Liao- 
tung et dans la vallée du Liao-ho. De part et d'autre de la limite ofli- 
cielle, des populations de même nature en Iront dans le cercle de lu 
civilisation russe. 

Le Japon possède, dans ses relations avec la Chine, des avau 
toges analogues. l'ormose, les îles Kiu Kiu, les Pcseudorcs, conquêtes 
récentes des Japonais, se relient à l'empire du Soleil Levant de la même 
manière que les grandes iles proprement dites japonaises se rattachent 



RELATIONS DBS RUSSES ET DBS CHINOIS 



5aB 



les une» aux autres, et les Japonais qui s'introduisent en nombre dans 
ces terres conquises ont, grâce a leur culture supérieure, un très 
grand ascendant d'assimilation sur les populations natives, Actuellement, 
le Japon travaille à obtenir le môme résultat en Chine» même en te 
faisant instructeur et incitateur, en se rendant indispensable comme 
interprète de la civilisation d'Europe, il cherche à s'accommoder si 
bien au nouvel ordre de choses qu'il puisse à l'occasion s'annexer faci» 




&COLK JAPONAISE 8098 L*ANCIBK RÉGIME, 



a ?* &eM«r. 



lement une bonne part de la Chine, ou s'unir avec elle en une confédé- 
ration deTOrioiil assez puissante pour contre-batancer les Etats de l'Occi- 
dent. Parmi les étrangers qui se précipitent maintenant vers la Chine, 
ce sont les Japonais qui sont en plus grand nombre, et c'est dans les 
écoles japonaises que se rendent surtout les élèves chinois pour étudier 
les sciences de l'Europe, Qui peut dire si, dans ces écoles, les jaunes de la 
Chine n'apprendront pas à devenir soldats comme le sont devenus les 
jaunes du Japon ? il est malheureusement facile, par une éducation à 
rebours, de ramener un citoyen pacifique vers la vie brutale de l'anima- 
lité primitive, dccliangerdcs laboureurs en militaires. Les « Fils du ciel » 
disent de leurs soldats que ce sont des « tigres en papier », mais, si peu 



5a6 l'hummk et la terrb. — hussks kt asiatiques 

qu'on les niilo, on peut certainement eu fa i rôties « tigres pour de buu »\ 
C'est là un danger imminent eu cas de nouveaux conflits. 

On répète généralement que les Japonais ont su merveilleusement 
imiter les Européen» duns les formes extérieures de leur civilisation, 
mais que le fond de lu nature japonaise au point de vue moral ne se 
trouve en rien modifié. Toutefois, ce sont lu des affirmations qui ne 
tiennent pus Uevimt l'examen des laits, car parmi les changements 
accomplis il en est beaucoup qui témoignent d'une conception très' 
différente des anciennes idées quant a t'ideal do lu société, Certaines 
révolutions analogues pur les effets impliquent des évolutions préalables 
ayant suivi de part et d'autre, en Europe et sous le « Soleil Levant », la 
même marche dans les esprits. Ainsi la destruction du régime féodal ne 
peut jpas être considérée comme une vaine imitation. I ine transformation 
politique et sociale d'une telle importutice, née pour une forte part chez 
ceux-là mômes qui devaient le plus en souffrir personnellement, n'aurait 
pu s'accomplir si elle n'avait correspondu h un mouvement intérieur de 
la nation. On doit en dire autan! de l'abolition du servage, révolution 
dont les effets directs furent ressentis directement pur deux millions 
d'hommes et qui changea profondément les conditions d'existence pour 
toute la masse pro loin ire. 

Un parallélisme historique des plus remarquables a fait de 
l'émancipation des serfs au Japon le pendant d'événements ana- 
logues accomplis en lUissie et dans les Klats-Unis d'Amérique, d'où 
était partie, en i853, l'expédition du corn inodore Perry. forçant au 
nom du commerce mondial l'ouverture des ports japonais. Le phéno- 
mène d'uni! contemponinéité presque rigoureuse dans ta même révolu- 
tion sociale, la libération des esclaves, en Kussie, aux Etats-Unis, au 
Japon, tous pays si éloignés le» uns des antres, si différents par leur 
passé et par le génie naturel des habitants, témoigne hien d'une impul- 
sion générale culminant le monde entier dans une tnôme direction. 
Toutefois il faut dire que, dans celte évolution sociale, les Japonais l'em- 
portèrent en esprit de justice, puisqu'ils complétèrent la mise en 
liberté des paysans par la distribution de terres cl par une organisation 
complète de L'instruction publique, devenue applicable u chaque village, 
à chaque groupe de muisous. 

1, Félix Régamey. Humanité Nouvelle sopt 1M0, p. 290, 



ÉMANCIPATION DES SEHPS AU JAPON 



5*7 



Certes, de pareils changements ne sont pas de ceux dont on puisse 
diminuer l'importance Jusqu'à les comparera l'adoption de costumes 
nouveaux, ou au remplacement du tatouage par des vêtements euro- 

»• 520. Yokohama et set environs. 




1: 2000000 



Jnb 



Tir 



^Kil. 



péens. Si l'évolution japonaise s'était bornée a ces formes extérieures, 
celles-ci, sans grande signification spéciale» auraient nu <Mre attribuées à 
un accès collectif de vanité, à une fièvre épidémique de la mode, mais 
aux modes nouvelles, qui du reste ne sont pas sans un travail corres- 
pondant de l'esprit, s'ajoutent bien des changements qui touchent à ce 
qu'il y a de plus intime dans la faconde sentir et de penser, de se pas- 



5a8 l'homme et la terre. — russes et asiatiques 

«tonner même. L'exemple le plug frappant de ce renouvellement du 
Japon est l'abandon de la coutume du harakiri ou suicide par point 
d'honneur dont les nobles japonais s'entretenaient avec un si farouche 
orgueil et que, d'ailleurs, ils ont eu le bon esprit de ne pas remplacer par 
le duel à la française. 

Néanmoins» des observateurs maussades, étonnés et comme froissés de 
cette fièvre d'imitation qui s'était emparée d'une partie du peuple 
japonais après l'ouverture des ports au commerce étranger, nous 
avaient prédit que ce beau «Me ne durerait point et qu'on verrait un 
beau jour tous ces gens de race aïno, malaise ou polynésienne rejeter 
avec horreur les importations d'autres races ; mais la prophétie n'avait 
aucune chance de réalisation, ce qui n'a pas empoché d'ailleurs ta réac- 
tion de se produire, en ce sens que les Japonais obtempèrent à l'an- 
cien exclusivisme national et tiennent à honneur d'éloigner de leur gou- 
vernement tous les anciens éducateurs : il leur convient de marcher seuls 
et de déchirer les lisières, N'est-ce pas la meilleure preuve qu'ils ont bien 
appris leur rôle et que les idées acquises ne sont point do simples bana- 
lités de surface ? lis savent, a n'en pas douter, que les observations de 
leurs savants, les découvertes de leurs naturalistes, ies constructions de 
leurs ingénieurs sont des (cuvres de bon aloi, dignes de figurer à côté 
de travaux analogues des émules occidentaux. Kn outre» ils ont cette 
faiblesse, dont aucune fraction de l'humanité n'est exempte» de reven- 
diquer leurs gloires « nationales *> comme ayant une vuleur exception- 
nelle ; ainsi que nous, ils ont leurs arrogants jin-go, grotesque tribu 
de vantards dont le nom a mérité de traverser l'Océan, puisque partout 
on retrouve cette insupportable engeance. 

Ce qui empoche de douter que les transformations politiques 
et sociales du Japon sont bien réellement des changements définitifs» ne 
permettant plus de retour en arrière, c'est qu'elles ont passé, pour 
ainsi dire, par l'épreuve du feu. Les éléments de renouveau se sont 
heurtés contre une réaction formidable et n'ont pu triompher que par 
des guerres intestines» des révolutions et des contre-révolutions. La 
résistance des daïmb on seigneurs féodaux et des nobles ou samouraï 
dura pendant une quinzaine d'années, se déroulant avec une ampleur 
superbe d'épopée et brisant absolument tes moules traditionnels de la 
société du moyen âge. Ce sont des faits sur lesquels il n'y a plus à 
revenir. On vit cette chose monstrueuse naguère : des mariages de classe 



SOLIDARITÉ DES PEUPLES 



;>39 



à classe, des écoles où, côte à côte, fils de nobles et Vite d'ouvriers s'étu- 
diaient à la solution des mêmes problèmes. Le sentiment de l'honneur, 
symbolisé par l'étiquette, par les pratiques réglementées, aurait été telle- 
ment blessé chez les Japonais de l'ancien régime qu'ils n'eussent pas 




UN NAVIRE J>K OU ERRE JAPONAIS 

hésilé à s'ouvrir le ventre pour ne pas justifier par leur présence ia pos- 
sibilité d'abominations semblables. 

N est un art d'origine européenne, l'art monstrueux de la guerre, 
dans lequel les Japonais se sont montrés de très brillants élèves. Ayant 
prestement appris à manier les fusils et les sabres, à charger et à tirer le 
canon, à manœuvrer sur le terrain, à équiper et à diriger les 
navires de guerre, ils étaient déjà passés moîtres dans la science des 
grandes exterminations -quand on les croyait encore dans la période» de 
l'apprentissage. Ce peuple, chez lequel survit encore en et là le vieil 
instinct des pirates malais, fait certainement grand honneur aux capi- 
taines prussiens et autres qui l'ont dressé militairement. Les Chinois 
pacifiques méprisent précisément les insulaires du Japon » cause de leur 



53o l/HOMME ET LA TERKK. — RUSSES KT ASIATIQUES 

esprit belliqueux el les appellent Ou fiaug nu » Brute* - -, les accusant de 
ne bien savoir que deux choses, donner un coup de sabre et « faire 
poum », oW-à-dire décharger des armes à feu \ Eu effet, pendant la 
guerre de 1895, ils ont dû expérimenter sur eux-mêmes qu'ils ne 
s'étaient pas trompés sur tes talents homicides de leurs rivaux. Et, jugés 
par les praticiens et les stratégislcs, les officiers japonais se sont montrés 
certainement, par la précision et ta solidarité de leurs mouvements* par 
les combinaisons savantes de leurs opérations, supérieurs de beau- 
coup à ceux auxquels avait été* conllé naguère le maniement des 
grandes armées dans les Balkans et en France. 

11 est à craindre, tant les hommes sont encore soumis il la folie des 
haines nationales, il est ù craindre que ces aligneurs de soldats et 
pointeurs de canons aient encore à faire preuve de leur science, mais 
pour longtemps, la susceptibilité* de la Russie sur sa frontière d'Extrême 
Orient est endormie par le renouvellement qui se produit en ses pro- 
vinces européennes. 

Japonais et Chinois restent seuls face à face en Mandcbourie; quant 
à la Corée, à peine peut on en compter les habitants: sans doute ils 
devraient s'appartenir et n'avoir a craindre ni maîtres du sud ni maîtres 
du nord ; mais, accoutumés ù une servile obéissance envers leurs propres 
fonctionnaires et employés impériaux, ils ne «mil point un peuple. 
Certes, la Corée est une individualité géographique bien délimitée 
[Mit* sa forme péninsulaire et pur les massifs montagneux qui la séparent 
de la Mandcbourie. Il eût donc été tout naturel qu'elle se constituât en 
Elut distinct ou du moins quVltc reprit son unité nationale après l'avoir 
perdue pruvi soi rement à In suite d'invasions armées, D'autre part, la 
Curée 1 présente des Imits parliculiers qui l'exposèrent de tout temps à de 
grauds dangers politiques et h la perte ou h l'amoindrissement de son 
indépendance. Comme l'Italie, à laquelle leCho-seu ou « Pays de la l*aix 
Matinale « ressemble par su forme, ses dimensions, sou climat, ses 
produits, ses bons ports, la presqu'île coréenne est très longue en pro- 
portion de sa largeur, et les saillies montagneuses de ses « Apennins «la 
divisent en btissins. séparés où se sont cantonnés souvent des princes en 
lutte; encore comme en Italie, les riches vallées de la Corée du centre 
et du midi ont attiré les envahisseurs du Nord, nomades mieux dres- 

I. Vil li» tard d« higuvrii*. La Corée, p. Ifi. 



NOUVKLLK CIVILISATION JAPONAISE 



53 1 



ses an métier de lu guerre que ie* pacifiques laboureurs coréen» ; enfin 
ta Chine, avec son domaine immense, sa population surabondante, son 
antique civilisation et in supériorité de sou industrie, devait exercer sur 
la Corée une très grande force d'attraction et même la réduire à la con- 
dition do vassale. Pendant lut périodes de l'histoire qui favorisèrent la 
puissance extérieure du Japon, la Corée se trouva sollicitée par deux 
forées agissant en sens contraire : les deux grand» empires, le con- 
tinental et rinsulaire, se disputaient la tutelle de l'élat interposé. Le râle 
de suzeraine appartint le plus fréquemment à la Chine. 

En fait, par l'i m migration continue des Japonais, aussi bien que pur 
le succès de se» armes, t'Kmpirc du Soleil Levant s'est maintenant 
assuré lu possession du la Corée, mais, dans les territoires limitrophes, 
lu question se complique de tons les éléments ethniques et sociuux 
agissant dans le reste du monde et qui peuvent favoriser l'un ou 
l'autre des rivaux, Les nations ont conscience de lu solidarité des intérêts 
de l'Europe et de l'Asie el le moindre événement fait vibrer ù la fols 
toute l'humanité. 




INDEX ALPHABÉTIQUE 



TABLE DES GRAVURES 



LISTE DES CARTES 



TABLE DES MATIÈRES 



INDEX ALPHABÉTIQUE 

s propres contenus dans le Tome V 

ftt en grane; t« noms d'auteurs, personnage» historiques, ett 
gnes, villes, etc., en romain. 
^ ipvrtent au texte, les chiffres inclinés indiquent quo le nom cor- 
localisé sli/ imo carte K ta nage Indiqua, 




Aar, riv., 5.5. 
Àarau, loc. 55. 
.iMos, c/m»/»., '«9t. 
Abd-d-Kader, 119, 
Ahd'ol'Att*, 226. 
.ibdulflamt'd, 226, 482. 
/1M, 184. 

Abknaass, 331, 474, m. 
Ahk nazie, ter., 474, 
Abo, lot*., </tf$, 
Abolitionistes, 194. 209. 
Abus, loc., 34 L 
Aboukir, loc.» 2, 03, 77. 
Abruz/.es, ter., /59, 396, 
Abyssinie, 1er.. ^$,285,384. 
Acheville, loc, »W5. 
Achourada, Dot. 494. 
Ackorniann, toc.» 153, 4H9, 
Aconcagua, mont, 93, 
Acores, îles, 280. 
Acropole d'Athènes, 70. 
Adana, loc, V33, 481. 
Addn, riv,, 55, M*. 
Adcn, loc, et golfe, £M, 

?7i, 388, 493. 
Adige,riv.. m, 319, 
Adlghé, 474. 475 
Adis Aboba, loc, 27 /. 
AtliMii't riv., JÎ7, 345. 
Adriatique, mer., 236, 260, 

MI, 319, 398, 427, 442. 
Ad lia, loc, 226, ?</. 
Aezcoa, vallée, 316. 
Afchar, 498. 
Afghanistan, ter., 154, 285, 

443,503,505,515. 

Afghans» 274. 
Africaine» 184, 192, 256, 
266. 



.Afrique, 52, 118, 141, 185, 
187, 188, 193, 226, 227, 

: 231, 232, 262, 2H3< 265, 
260, 269, 270, 272, 274, 
295, 320, 348, 334, 385, 
407, 447, 

Afrique méridionale, 51, 

Afrique occidentale, 407, 

Afrique orientale, $71, 378, 
419. 

Afrique septentrionale., mi- 
neure, 294, 377, 378, 419, 

Agadir, loc., 275, 

Agassiz (.M"*), 177. 

Agde,loc„348. 

Affront* Inc., 133, 457. 

Ako Juhani, 471. 

Aigu», Inc., 156. 

Ain, riv., 9, 

Aïmfotikn, voir CuHtiglioue, 

Aïno, 504, 527. 

Aïn-sefra, 4M, 430. 

Alntab, 4SI. 

Aire-sur.la-l.ys, 361. 

Aisne, riv., 39, 

Aix.e» -Provence, loc., 7. 

Akubah, loc. et golfe, 03. 

Akmolmsk, lnc, 509, 

Akra, loc, 'Jû3. 

Alabama, riv, et ter., 73, 
205, 214. 

Alftl, mont, 489. 
Alameda, loc, 331. 
Alaska, ter., 225, $w. 
Albanais, 104, 322, 388, 

389, 443. 
Albanie, ter., 101, 26 i, 320, 

398. 
Albenga, loc, 58. 
Albertn, ter., 483. 
Albertville, loc, 307, 31 L 
Albigeois, 410. 



Albion, iw> Oran<fe*Bretn< 

gîte. 
Aléoutes, Iles, 165, 320. 
Alessandra, loc, 15H, 3 11. 
Alexandre de Manédoine, 60; 

220, 485. 
Alexandre III, Russie, 224. 
Alexaudretto, golfe d\ 4SI, 
Alexandrie, loc, 6'*f, 226, 

232, 269, 303, 349, 358, 

384, 386, 

Alexandro vfik.deux locdilT., 
464. 4M; — 409, 

Alger, loc, 70, 79, 88, 116, 
117, 119. 120, 203, 385, 
423, 424, 425, 428, 430. 

Algérie, ter., 70, 118, 119, 
120, 240. 241, 258, 270, 
407, 419 à 430, 425. 

Algériens, 427. 

Algésiras, loc., H3, 86. 4o». 

Algonquins, 331. 

Alfcante, loc, 254. 

Allahabad, Inc., 496. 

Alleghanies, monts, 212. 

Allemagne, 38, 62, 53, 55, 
124, 128, 130, 131, 133, 
142, 160, 182, 202, 234, 
235, 238, 239, 240, 241, 

244, #M, 264, 272, 273, 
276, 278, 320. 321, 322, 
377 à 453 passim, 458, 
470, 471, 493, 515, 523. 

Allemands, 18, 20, 34, 
58, 128, 130, 131, Wl, 
144, 145, 146, 180, 182, 
198, 199, 202, 226, 239, 

245, 248, 279, 280, 296, 
305, 325, 380,388, 431, 
432, 433, 440, 444. 447, 
452. 460, 466, 470, 471, 
474, 475, 506. 



536 



L* HOMME gf l.\ IgfUtg 



Allemande oVAutriohe, 

235. 
Allier, riv., 307. 
AUophyle», 81» 406, 467, 

500. 
Aima, riv,, 133. 
Almoria, loc,, 254. 
Alpes» mont» 27, 39, 54, 56, 

58, 135, 331, 236, 293, 

308, 310, 314, 320, 345, 

370, 442, 446. 
Alphonse A7/,2&pagne, 254. 
Alsace, Alsace . Lorrain©, 

239, 242. 
Altaoiens, 322. 
Altaï, mont., 504. 808» 609, 
Altona, loc, 343, 499. 
Amagizan, mont, 527, 
Amaléoltet, 323. 
Amasia, loc., 4SI. 
Araawnes, riv., 210, 120, 
Amaxonie, ter., 294. 
Amboise, loc, 344. 
Amfdée de Savoie, 225, 238* 
Américains, 196, 243, 

279, 280, 331, 380, 434, 

452, 500. 
Amérique, 49, 88, 90 à 98, 

121, 140, 141, 163, 161, 

171, 183 à 219, passim, 

243, 280» 289, 318, 327, 

328, 330, 357, 362, 379. 

407, 486. 
Amérique boréale, 329, 330, 

339. 
Amérique centrale, 89, 93, 

204, 332, 379. 
Amérique espagnole, latine, 

méridionale, 64, 89, 90 à 

98, 137, 184, 186, 198, 

219. 330, 430. 
Amérique septentrionale, 

des Etats-Unis, 64, 184, 

187, 196, 219, 231, 282, 

283,319,327,330. 
Amérindiens, 184. 
Amiens, loc, 69. 
Amoï, loc, 168. 
Anvth 232. 
Amsterdam, loc., 51, 67, 58 

318, 321, 447. 
Amu daria, riv., 276, 486, 

487, m. 
Amundsm, 12t. 
Amur, riv., 166, 156, 508, 

524. 



Anadyr, riv. t 163. 

Anania, toc, 4û9. 

Anatnlie, voir Asie Mineure, 

Ancien Monde, 62, 163, 183, 
23t, 3)8, 378, 494, 500, 
514. 

Ancône, loc.. 59, 16R, 

Andermatt, loc, 5.5. 

Andes, monts, 70, 88, 94. 

AmlrinopJe, loc, 101, 261, 
398. 

Angara, riv,, 509. 

Ango, riv., 9. 

Angers, loc, 97. 

Anglais, 37, 51, 59, 61, 
67» 68, 73, 80, 93, 103, 
166, 167, 168, 177, 178, 
180, 182, 198, 202, 226, 
266,269, 274, 280, 294, 
324, 325, 339, 380, 385, 
400, 422, 444, 447, 452, 
492, 494, 500, 506. 

Anglesey, Ile, 113, 347, 

Angleterre, souvent syno- 
nyme de Grande Breta- 
gne, 5, 38, 50, 51 à 53, 59, 
60, 71. 103, 108, 112 a 
116, 1J3, 120. 124, 130, 
137, 153, 154, 177, 178, 
189, 202, 216, 219, 226, 
228, 233, 269, 273, 276, 
278, 286, 310, 316, 317, 
318, 324, 331, 352, 366, 
370, 374, 384, 388, 397, 
400, 403, 446, 448, 449, 
480, 492, 493, 503, 515, 
523. 

Anglo- Américains, 190, 

216. 330. 
Anglo.Sttxonnic, 378. 

Anglo-Saions, 330, 379, 
380. 

Angola, loc, 269. 
Angoulême, loc, 343. 
Annam, ter., 176, 226, 277, 

407. 
Annay, loc, 336. 
Annemasse, loc, 307, 
Annenkov [gèn,), 476, 
Annobon, lie, 403. 
Antarctide, ter., 294, 297, 

299. 
Antietam, loc, 210. 
Antilles, îles, 8, 64, 65, S9 t 

115, 185, 330, 379. 406. 
Antioch, loc, 35/. 



Anvers, loc*, 99, 318, 323, 
*43, 345, 339, 441, 446. 
Aoste, loc, 307, 31 L 
Apeltc, 378. 

Apennins, monts, 530. 
Apponiell, loc, 66. 
Apulie, 169, 
Aquitaine, ter., 347. 

Arabes, 270, 380, 422 à 429. 
Arabie, ter., 492, 496, 
Arubkir, loc, 4SI. 
Arnd, loc, 145, 146. 

Aragonai», 308,314, 
Aragva, riv., 472. 
Aral, mer d\ 437, 496. 
Arat-ut, mont, 49$. 
Araueans, 331. 
Araxe» riv., 49S. 
Arbèrouc, ter., 27, 
Arbusloc, 341. 
Arcachon, loc , 345. 
Archipel François-Joseph, 

polaire, sibérien, 296. 
Archipel japonais, 174 
Archipel océanien, 243. 
Archipel Parry, 121. 
Arcos, loc, 340. 
Arcole, loc, 79. 
Arc-Senans, loc, 307. 
Arctide, 294, 296, 302. 
Ar donnais, 240. 
Arrfcnnc, mont et ter., 27, 

308. 

Ardo\tin*Dumazet, 316. 
Ares»y, loc., 341. 
Argelos, foc, 341 
Argentine, ter., 70, 89, 94, 
95. 

Argentins, 93. 
Argon, riv., 155. 
Argos,loc, 102. 
Arkansas, riv. et ter., 189, 

m. 

Ariège, riv., 344. 
Aristote, 378, 414. 
Arles, toc, 348. 
Arleux'en-Gobelle, 363. 
Armatolee, 100. 
Arménie, 1er., 386, 387, 389, 

400, 407, 478 à 482, 487, 

492, 494, 503. 
Arméniens, 262, 284,381, 

382, 385, 386, 387, 388, 

408, 444, 474, 473, 478 à 

482, 484, 485. 



INPKX ALPHABETIQUE 



537 



Armentière», toc, 363, 
Arona» toc, 307. 
Arno, riv,, 168. 
Arnos, Ioc, Ml. 
Arras, ioc, tf& 
Araamas, Ioc, 4#9. 
Arsinoé; golfe d*, 23 1. 
Artiguelonne, riv., 341. 
Artix, Ioc, MA 
Arve, riv., 55. 

Aryens, 474,475, 484,500. 
Ascension, Ho, 94, 187. 
Allâtes, Asiatique!, 84, 

144, 289,455 &531 />o*«m. 
Asie. 52, 107, 150, 154, 168, 

174, 480, 183» 227, 232, 

262, 274 à 279, 378, 379, 

385, 388, 389, 396, 402. 

407, 420,453 à 531 passim. 
Asie centrale, 154, 388, 482, 

Son à 512. 
Asie mineuro, 104, 154, 200, 

262, 275, 276, 378, 381, 

482,488,515. 
Asie orientale, voir Extrême 

Orient. 
Aspern, voir Essling. 
Assab, Ioc., 271. 
Assetine {louis) t 145. 
Assiut, toc, $3. 
Aasur, ter., 491. 
Asproraonte, moût, i58, 

169, 182. 
Asterabad, Ioc, 487 % 496, 

498. 
Astis, Ioc, Ml. 
Astrakhan, Ioc, 4$9 t 476. 
Atacama, désert. 94. 
Atbara, riv., 271. 
Atchlnoi», 444. 
Athènes, Ioc, 70, loi, 261, 

318, 360, 364, 385, 386, 

392. 
Atliis, Ioc, Me 
AthyaKAljred), 306, 
Atlanta, Ioc, 205. 
Atlantique, 186, 201» 212, 

213, 231, 234, 269, 346, 

347, 397, 419, 427, 429» 

436, 437, U% 463, 510. 
Atrek, riv., 487, 495,/m. 
Aubertin, Ioc, 34t. 
Aubin, Ioc, 341. 
Auby, Ioc, 356. 
Auch, Ioc, 318. 
Aude, riv., 346, 348. 



Auerstadt, Ioc, 69. 
Augaelengue, Ioc, 341. 
Augusta, Ioc, 396, 
Augutti, 48. 
Aunay, Ioc, 340. 
Auribat, Ioc, 27. 
Ausse vieille, Ioc, 34 1. 
Austerlita, Ioc, 69, 77. 79. 
Auatralusie, 327. 
Australie, 448, 518. 

Australiens, 243, soo, 

Austro-Hongrie, voir Au. 
triche et Hongrie. 

Autriche, ter., 37, 50, 56, 
59, 60, 83, 108, 109, 120, 
130 à 134, 133, 136, 124 
4146,148,150,182,203, 
225, 235, 236, 239, 260, 
261, 321, 379, 388, 414, 
440 à 444, 45G, 458, 470. 

Autrlobiens,6,56,128,130 l 
146, 147, 198, 199, 458. 

Auvergnats, 409, 
Auxonne, Ioc, Uô. 
Avares, 474, 476, 
Avely, Ioc, 341. 
Avignon, Ioc, 311, 348. 
Avion, loc„ 366. 
A vola, olc, 396. 
AmHA.<r)>m. 
Ax, Ioc, 313. 
Ayacucho, Ioc, 96. 
Ayraara, 97. 
Ayr, Ioc, 2. 
Azara (FUix <f ), 88. 
Azerbeidjan, ter., 495, 498. 
Aztèques, 91, 97. 

B 

Babel, voir Babylone. 
Bab-el-Mandeh (détroit), 
271. 

Bftbl, 497. 

Babœuf (Fr, Em. Gracchus), 

2,45. 
Babylone, Ioc, 303, 336, 

339, 358, 496. 
Babylonie, ter., 486, 491. 
Babyloniens, 414. 
Baobklr, 82. 
Bacon [Roger), 123. 
Bactriane, ter,, 486, 491. 
Bade, ter., 53, 66, 128, 133, 

143. 



Badatt, 143, 228. 
Bafélô, Ioc, 465, 
Bafa, 131. 

Bagdad, Ioc, 492» 496 t 500. 
Bagnères, Ioc, 313. 
BagshotiW.), 112. 
Bahia, Ioc, 183, 127, 
Baïbourt, Ioc, 481. 
BaiedeBaflta, 14,390. 
Baie de San Pablo, 361. 
Baie diliidson, 121, 302. 

Bailleul-sir-Berthoult* Ioc, 
356, 

BaïkaJ, Ioc, 166, 505, 609. 
Bajino-Baehta, Ioc, 308. 
Bak, 500. 
Baftouninc {Michel), 14,106, 

143,230,231. 
Baku, Ioc, 476, 488, 495, 
Balaklava, Ioc, 153. 
Bâle, Ioc, 39, 54, 66, 307, 

344. 
Baléares, lies, 386, 419. 
Bali, tle, 447. 

Baikach, lac, 455, 487, 609. 
Balkans, Balkanie, monts 

et ter., 259, 260. 379, 390, 

442, 455, 530. 
Balleny (Ile), Î97. 
Baloutohes, 274. 
Balta, Ioc, 469. 
Baltimore, Ioc, 213. 
Baltique, mer, 156, 438, 

441, 459, 463, 470. 

Bamha, 266. 
Bamberg, Ioc, 272. 
Bamian, col, 270. 
Bangkok, Ioc, 272, 277. 
Bapaume, Ioc, 225, 246, 
Barbate* riv., 85. 
Barberousse, 138, 
Barbier (Aug.), 336. 
Barcelone, Ioc, 228, 313, 

314, 405. 
Barcelonnette, Ioc, 317. 
Bardonnèche, Ioc, 310, 311. 
Barétons, ter., 316. 
Barka, ter., 385. 
Barking, Ioc, 891, 
Barmanie, ter., 226, 277. 
Barmen, Ioc, 343. 
Barnet, Ioc, 301. 
Barnstaple, Ioc, 347. 
Barrow*in*Furness,Ioc, 360. 
Bartel (Anton.), 144. 
Barzan, Ioc, 340. 



538 



L'nuxnu; tir u tkhhk 



Basilîcatp, ter., 169, 39«. 
Bat quei» 203, 240, 308. 
Basse-Navarrc ter., 27. 
Rasaoralh toc 384» 492, 

m, 

Sassuto» 444. 

Bastille, a Paris, 1, ». tt, tO, 

12* 14» 17, 18, 19. 20, 

50, 63, 82. 
Bâta, loc, 203. 
Butbursl» cap» £tf3. 
Bntim, loc* 385, 424, «5. 
Hat uni, lue, 200, 3éf5, 474. 

476, 48 J. 

Bavarois, 130. 
Bavière, 1er, 133. 
Bayldi, lue, 69. 
Bay longue, riv., .14 i. 
Bayonne, U>c, 27, 69, KO. 

3U 314. 
Bayreuth, loc» 372. 
Bazaine (mar.), 242. 
Beaconsfwlâ {lord), 202. 
Bivtucaire, loc, 848. 
Heauiuonl, lue, .155. 
BenuttL>*la*Holaiide, £V5. 
Beaupreau, lue, 37. 
Beccaria, 56. 
Budford, loc.» IM 
Bédouins, 382 
Beecher-Stowe (M*), 193. 
Beschy Mand, 121. 122. 
#*er [de), 440. 
Beethoven (Ludw.), 2. 
Beïrut, loc, «3, 127, 382. 
Belfast, lue, 343, 
Bcltort, loc, 2*5, 307, 
Belges, 252, 263, 296, 325, 

446. 
Belgique*, ter.. 38, 50, 71, 

109, 124, 272, 308, 317. 

321 f 369. 377, 413, 444 

a 447» 515. 
Belgrade, loc.» 146, SGI, 321, 

4S7, 
Bettegardo, lue, rï07. 
Belle-ïsle, lie française», 37, 

347, 
Belle- Ish, détroit muéri* 

cain, 437. 
BelUnzoïia, toc.» 66. 
Bollone, loc, 355. 
Beluchistan, ter., 27ff. 
Z?ew (gé/i.), 146. 
Bender, lot'.., 2H1. 
Bcngkalis, Inc., /;<j. 



Benkia, loi\, 331, 

Birard (Victor), 87. 103» 104» 

161» 482. 
Berbera, In»-., 211, m, Î93. 

Berbères, 270, 424» 429. 

Berditchev, lot.» 4M. 

Beresina» riv.» 70. 

Bergen oj) Zoom, loc, 3Sfh 

Bering, détroit, 122. 

Berkeley, ta., M 1. 

Berlin, loc, 2, 57, 127, 13», 
m, 226, 227, 239, 2«0, 
262, 317, 3*7, 328, 343, 
351, 3.V5, 431, 433, 141, 
444, 448, 449, 4M, 

Bénit», loc. 55, 57, 133, 
24Q % 285, 307, 32/, 328, 
413. 

Bcriiouil. lue, 341 

Bertaux (J.), 29. 

Besançon, loc, in, 12, 3ft 
55, 242, 245, 307, 

Bo^ingrand, lue» 3-W. 

Bessarabie, ter-, 200, 260, 
20 J, 389. 

fiestrugef-Jioumùiy 107. 

Beuy-Mendorex» riv., toi. 

B^veiand» ter., 360. 

Beyric loc, 34 J. 

Bfctara, loc» 348. 

Bhamo, lue, 377. 

Bhulan, ter., 285. 

Biacho Suint-Vincent, loc, 
355. 

Biblis, loc. 386, 4X1 

Bidassoa, riv.» 27, 

Bielostok, loc, 4M. 

Bienne, riv., 9. 

Bienne, loc, 55. 

Bilbau» loc, 413. 

Billingshamen, 296. 
Biîly, deux loc diflr.,3J i» 366. 
Bingerville, Inc.» 2G3. 
Birodjik, ta.. 4SI. 
Birkenhoad, loc, 343, 
Birket-Keruu, loc, 63. 
Birmingham, loi;., 343, 
Biscaye, 1er., 86, 
Bishop (Isabelle), 514. 
Biskra, loc, 425. 
Bismarck, 234, 238. 244, 

253, 260, 322, 398. 
Bi&sao, loc» 263. 
Bitche, loc, 246. 
Bizanos, loc.» 341, 
Bisterto, loc, 397, 428. 



BjttrnMOR. (iijœmutf'erm), 

452. 
Black barn. loc. 343. 
Blagovotchiiiisk, loc. /4-î, 

524, 
Blam (fouis), 11, 26. 
Blancs, 466, 
Blancs-Russiem, 4&7. 
Blantyre, loc 203. 
BuHl.el-Mafglimi, ter,, 275. 
BUd-es-SibiUer.» 274» 275. 
Blida, loc, i/7. 
Bloch (Jean de), 82. 
Boawm. tac, 341. 
Boehntn. loc, 343. 
Boera, Boeren» 269. 
Bognpol, loc, 40», 
Bubônus ter., 133, 321 
Bohémiens, 132. 
lioilcau, 125. 
Bois- Bernard, loc, ;/5.î, 
Boisjolin (Jacques de), 22. 
BoisyA , olrc-Dame,loc,355. 
Bokliara, lue, 27 ff, 485, 486, 

«7,488, 4M, 

Boknaxiotes, 486. 
Bolivar, 70» 95, 96» 97, 98. 
Bolivie, 1er.» M, 332, 
Bologne, loc, 127, 319, 
Borna, loc, 2il3, 
Bomarsund, île, 155. 
Bomba, loc, 384, 3£5. 
Bombay, loc, 178 233, 38 i» 

500. 
Bonaparte (Joseph), 80. 
Bonaparte (A'ap,), 2, 57. 

58, 60, 61, 69» 71, 72, 

73, 74, 81, 82, 
Bûnc loc, 421, 424, 42fi. 
Bonn, ïoc, 2. 

Boane-tëspôranee, vttir Cap. 
Bonpland, 90. 

Bonvouloir (Achard de), 27. 
Boothia» presqu'île, 121. 
Boquelo do los Pat os, <ol, 

m. 

Bordeaux, loc, 267, 313, 

342, 345, 348, 356. 
Borkum, lie, 459. 
Bornéo» tic, 447. 
Borny, loc, 225. 
Borttdino, loc, 70, 81. 
Bosniaques, 146. 
Bosnie ter., 260, 2G1, 388, 

389. 



INPKX AI.PHABftTIQUK 



*39 



itosphoro, d(U., H U 388, 

163. 493. 
Ifcwton, toc, 192, 191). 
Boisant, 319. 

Hotichir, loc, 492, 493, 4W. 
Houfarlk» lue, i/. ¥ , 
! tottfjptrbw» toc, .t*i. 
Hougio, toc, 242, 42$. 
Houlllou. toc, 39. 
Htnilognu-sttr*.\ter, Un*., 69. 

127. 
ttOQtnnuH» loc, ML 
Bourbons* 82, 111, 
Bourdaîoue, 232. 
Bourges, loc, f 24, 246, Jlfl?. 

Bouriates, 504, 524. 
Bourla-Papey, 12. 



BrUirth Musutim,» Londres, (Calai», loc, Mï, , r #ta* 
62. * CaAw. 10. 



Brooktarm, loc., 140, 
Brooklyn, loc, .375, 
Hromley, lot., Util. 
Brown {John), 182, 183. 

194, 195. 196. 
Bruce {mil.), 296. 
Britek, 244. 
Urnge», loc, 3àV. 
Brtiifg» loc, £5. 
Urûn», loc, Mtf, 32/, «7« 
Bruxelles, loc, 39, 90, 2W, 

^for» 3i«, 328, w w, 

356, 41% 445, 
Bucii« lue, tftf& 
liucclmri, loc, Jff.î. 
Buekle, 123, 



iourneinouth, loc. 344. , u IHja|H , st , loc . m , w/ 

tountevil k loc, 369, 371. : n2 , ,., 7t lu% nfii i9 , 

IHiunKM, loc, m , 2t j, î( Wf , J(îgi WA /|U 

i litienoK-Airi'.s, loc et 1er., 
1 G2, 69, 89 t 93, 553. 
KufTiilo, loc, 362. 

ïititî, riv., ij.ï, m. 

' Bttgeaud (gén.), 420, 
I Bukarest, loc, 291, 321. 
! Bulgares, 389, 390, 392, 
j 45S, 451, 474. 

Hrcdcon. ter,, et Urwk- l*«l(fr«rii*. ter, 226, 2iM, ?';/. 
nock,loc, m. 388,389, 473. 

Ilrâmts loc, 318, «/, 439. . 1MI H»»>» l"* 1 -. 182, 20(ï, 

Hreiuertutfcn, loc, 439. i -**"*• 

llnmtKitrk». loc .«. Bulmvu.w, toc, 203. 

(tonner, col., m Buonamtti (Pïtil.), 45, 



Boutenac, lue, 440. 
/fo«tmy (Emik), 2U, 
Boxeurs, 226. 
Iteabant, 1er., 340, 4M. 
llradford, loc. 343. 
Hrahtiiainitia, riv., 294. 
ttraiiiu l'Alleud, loc 44.',, 
liraun (lily), 432. 



îiroscia, loc, 5$, 128, 3 lit, 
Itrfeil, 1er., 63, 70, 71, A», 

98.99, 184,180,226,272, 

332. 
llttttlail, toc, 331. 440, 4/A 
Brossuire, loc, 3?, 
Brest, loc, 37, 341 . 
Brest* Ltlov&k, loc, 7#& 
Bretagne, ter., 11. 21, 131, 

352, 374. 
Bretons, 324, 331, 452. 
Jlriaiiçoii, loc, 303, 309, 311, 

312. 
Btïa nommais, toi'., 308. 
Ilriaiiitk, loc, 4tiu, 
Briï-sur-Mer, loc, 349. 
Itrightou, loc, >U3. 
Brigue loc, 30Î. 
Hrindisi, loc. 384. 
Hrisiich, lm:., 39. 
tfrfelol, loc, 347. 



tfttrgewitie, 170. 
Burke, 196. 
Burnley, loc, 343. 
Bttrns (Bob.), 2. 
HiinisiuV, loc, 210, 21t. 
Burton (fiich.) t 186. 
Hiiscomi, loc, 395. 
Byron, 70, 102. 
ttysunco (Kjii{iir»j île), HI2. 
Byâantlns, 429. 



Calteu 141. 

Cal tint t», loc, 203, 

VMte. loc, 70, 8fi, 86, 88» 

92, 225, 273. 
Cadoudal {(Uor.) t 36, 69. 
Oii'ti» loc, 248. 
Cagni, 296. 
Calubre, 1er., 396, 397. 



Calcutta, loc. 60. 
Caldus, 88. 

CaUfomie, ter., 330. 3ât. 
Callao, |oc, 06. 
Caikun, 190. 
Cahnm (de), 1, 10, M. 
Citlott»s poliiires, 29't. 
Calvin (Jean), 10, 
Camhodgi?, tur., ^/i*. wi". 
(îainhr^sio, 1er., 28. 
(.'muliridico, loc, 2, 113. 
Campanks tor„ 139. 
Gumporormlo, loc, r>8, r>«.t, 
79. 

Canada, ter., 193, 302. 

Canadiens, 452. 

Canal do Uristol, 347. 

Canal Kaiser Wilhelui, nu. 

Canal maritinu» tlp Manches- 
ter, 373. 

Canal Saint-Oeorjfi'S, 34ï. 

Canaries, lie», 265.330, 4(13, 
419. 

Canicattini, loc, wr>. 

Canoiw, 254. 

Caulin, cap, 37 â. 

Canton, loc, 166, 167, I6«, 
Iti'J, 170, 182, 219, 522, 

m. 
Canuts, 127. 
Cap Blanc W> 
Cap Ruiu 39t. 
Cap CJiarles» 313, 
Cap de Boom'- espérance» 

51,60, 154, 233, 2U4, 266, 

2fi9,270,27l,50:t. 
Cap ItaltÏLMj, loc, cî, 72. 
Cap Henri, 21$. 
Caj> Nord, 449, ^6*5, 
Cap Vert, 137. 
Capet (touis), voir Luth 

XVL 
Capetown, loc, 243, 209. 
Capo œistria, 103, 319. 
Capri, lie» 466. 
Carahobo, loc, 96. 
Caracas, loc, 69, 7U, 39, 

92, 95, 96. 
GaraUbes, 330. 
Carcassoano, loi-., 313, :i57. 
CardilT, loc» 341. 
(Jardigan, loc, 113. 
Caria thie, ter., H9. 
Carlistes! 111. 



:>4o 



L'HOMME KT U tSRRK 



Carlsnihe toc, 127, /.ï.'i, 
Ctmnurthfn. loc. Wî. 
Curnavon, loi 1 ,, 113. 
Camû'h*. tcf.» 3/0. 
r\md (./aa«). V76. 
CawUues* ter. d*Aintolt|iits 

*<M, ît'ift. 
Carpates, monts, /«, 44». 
Ctttwitir.it y, 360. 
Cartagona, loc. irKKpajrue, 

225. 254» 255. 
Ciirtiigeita *li* bslrnlhislnc. 

.'158. 

Gartagenais, 254. 

CnrMiuffc Inc., 398. 
Canin </ J ««7), 184, 

Caspienne, mer, 154, 4A9* 
473, 486, IA#\ 491, 494, 

496, Jf>.«>, 500, 5<in. 

Citssavo, loc, •Utfi. 
Cassel, lut,, 124. 
CasleMe, lui 1 ., .ï//. 
CtwMthtattfo* hic. /5.S'. 
CnMJK:)ioiie,Aïn'Fmika,bic. 

Catalans. ;tt)8. 

Catanc, loc, .ÏWi*. 
Catherin* de Utmie, tt»6, 

m. 

Cuuhios, lue, 341. 
Caucase, monts 105, 22(1, 

389, 406, 472, 473. «4. 

'•TH, 491, M5. 
Caunise iranien, mont*;, 

4,\,\ 488. 490. 491, 48*. 

498. 
Caucasie, 1er.. 2211. 472. 

i;a. 4R4. 485. 
Caucasiens, 474, 4<'.î, 



484 . 



Cavalesxe. hic, .3/0. 

( >«*««/•> îsy. 

Cayenne, toe, -VA 
/■«*«, 325. 

Cfunite. tu». 447. v.c. 

Celtes, 252. 
Céphalouie, île. /f/A lu: 1 .. 
l'fflu <ii Pascn, lai.. .149. 
Cernera (amir.) % 282, 
G'«W (./«/**), 48, 359. 
Cescan, lue, -MI. 
Celle, lue. 348. 
Cetlinjejor., ML 73*. 
On la. lue.. ,V.î, 27*2, '2 M, 



Ovonnes, inuiiK im, 347. 
Chahaud (£'/«, |, 200. 

ChaVrt<m, muni, 312. 
Chacabuco, lœ, 70, 94. 
Chattov, 466, 

Ghaldéens, 381, 382. 

Clliilon-surSuoue loc, W7, 
Chah»*»*, lur., ?7. 

Ckambard {duc de), 256. 
CtomY, 220. 

Cli:mioumx» Inc., Jtf;, #//. 
Cluimjiagiuilfe, lue, 340, 
Charopery, hic, 370. 
Champotlion, 70. 
Clumiçliut, toc, 108, 182, 

M0. z?70. :i:)2, m .5;'/, 

523. 
Chu»-tuit)?. ter. *»t eap. 164, 

Clmu-hiiiit, h>c, 18». 

Chapelier* 43, 

Chnrtug Cross tï tanntre*. 

/**«w<w /«, ,t*g/.. an. 
r/aiWfK /i\ /?*/*., 69, 80, 

Charles yuint, 88, 217, 358, 

404, 

Cfar/fc* -V. /»>««(•«', 108, 109. 
Charles Albert* Sardaignv, 

135, 147. 
/:Aar/M d'Anjou, 289. 
ChaHesUin, h»v., 192, ;W. 

2»6. 
CliaHottcalmrg, I<m„ i'^.ï. 
f'frnwiA [VU. /,.), tfi. 
Chateaubriand, 2, 74. 
(lluHeumlun, Inr., ^.ï. 
UiAieUcraiill.hic, al). 
ChâUHon, toc, lit. 
Ctwkt (A/i«A.) f 48. 
c:ii<»lif t l'iv.. Ï2.1, 7^5, 
Uwmae, h>c, WK 
Clu'ii-kia-ldiao, «»l., 5I0. 
Chea-M, ti»r., Ifitf. 

ChifrimurK, l'w.t Î0«* -/'î. 
Clierinignac, |or„ .Ï4fl. 
(Uintsapeake. riv., i'J3. 
Oliesliire, 1er., ÎVi. 
riirahutit, hic, 30/. 
Chevrilfan Urf), :i82, :j8:t. 
Cïieyeime-Cily, MO. 
Cliiamuiunte, tue, .1f/.5. 
llhiavcnun, loc, 4& 
Chibii, hic, .$ï?. 
Chini^o, inr., 285, :;58. 
Ciiihlii-lnisseli, htc, 477. 



Chili, iet\, 70, 95, 204, 22fi 
Chilk», tiv.. /«$. 
Chimie, loc. ïfiX 
Chine, ter.. 94, 129, IM. 

160 à 171. 172, 174. 176. 

177, 182, 193. 240, lïti, 

*77, 278, r.9 t 280, 28^. 

285, 309, 327, 342, 378. 

482, 486, 488, 499, 500. 

503. 509 i\ 531. 
Ghlnoie, 163. 168. 170, 

305, 379. 484, 498, 500, 

513 n 524, 530. 
Cil tm, lie, 101 
Chiras. ha:., 493, m, 498. 

Ghkipetara. 319. 

Chotet, loc, 3ï. 
Chnlun, Joe, 517. 
t.Uto&Htès, 492. 
Chouans, 37, 72. 
ChrùtUn d« A'ai'nf-f/mo/c 

10. 
ClMMi-kili^, lue, an. 

CAwi4(fàt.),10:i. 
Clliiîie. ter., 385. 
Ciuco Villa», ter,, 'il. 
CinghalalB. 136. 
Ci 11 Ira, hie, 6y. ;W. 

Cipayes, 129, 177, 179, 

180, 
CtKcaut:usie, 1er., 472. 
Civïta-Vecchia. loc, 128, 

Un. 
Cm», 1er., i?r, 31 fi. 
Clêtnent XtW //«/j*** 56. 
ClestJoe., .Ïi9. 
CUffordiUugh), 177. 
Cti|»periou, Jh», au. 
Cubknz, loe, M, 67, 412. 
Cochinchïne, 1er., 178, -2?î, 

407, 518. 
Coehrane (amir.), 103. 
Cocos, lie, H9. 

Col île Larelie, voir Nirelie. 
CohiKiie, loc, 39> 317, ML 

41%* 44t. 
CMvné {ChrittL), 96. 
Colombie, ter., 89, 332. 
Colombiens, 96. 
Colon (Ihn Diego), 64. 
Cottim'ùa, riv„ 73. 
Connues, toc, Mi. 
Cutieameuu, ioc, 317. 
Con«l«'»sur PKscuiit, loc. 3», 
CoiMié-siirA'eKjtre. loc, 1 40. 
t'owforert, 2, 306. 



INDEX ALPBABfolQUX 



541 



Com (A.)* 65. 

Confédération germanique 
235. 

Confédération helvétique 
56. 

Confédéré», Sudistes, 
183. 199» 204 à 214, 

Confucim, 523. 

Congo, riv. et ter,, $43, 266, 
272, r 407, 447, 

Congolais» 444. 

Connecticut» Hv., 214. 

Cannvttn, 239, 



Cotes, toc, 340. 

Cracovie, loc, 12?» m, «a, 

W m. 

Craon, loc, 123. 
Cravans, loc. v 340. 
Crémone, loc, 3Ifl, 
Crôte, Ho, W/ t 225, Ml, 

287, 384* 5^, 388, U80. 
Creiisnt, voir Le Cmisot. 
Crewo, loc, 360. 
Crîinéo, ter., 153, 156, 219. 

466, 477. 
Crlstinos, 112 



Constance, loc, 807, 360, Croates, 18, lis. 131, /M. 
44V * ' 443, 444, 456, M7,,458. 



Constantin (grand-duc), 105. 
Constantine, loc, 119, 153, 

424, 4M. 
Honstantinople, loc, 99, 

100, loi, 132, 134, 151, 

233, 260, 201, 383, 386, 

407, 457, 503. 
Continentaux, 393. 
Conventionnels, 70. 
Conk (/.), 296, 298. 
Cooper, 330. 
Copenhague, loc., 57, on, 

78, »l t 439, «i. 
Coppet, loc., 9. 
Corbehero, loc, 855. 
Corée, ter, ot baie, 76, 166, 

m t 174, 175, 176, M% 

508, 617, 528. 
Coréens, 484, 530, 531. 
Cortou, Ile, 101. 
Corintho, loc, 102, 360. 
Cork, loc, 347. 
Corme-Ecluse, Joe, 340. 
CornwaU, ter., lis. 
Contantes, ter., 333, 
Corse, Me, 168, 383. 
CotthMt <£.), 372. 
Cortina. loc, 319, 
Cosaques, 81, 472, 477, 

485,491,806. 
Costa-Rica, 1er., 89, 93, 
Côte de l'Or, 1er. afrirnii», 

186. 
Coubertin (Pierre de), 104. 
Coulmiers, loc, 225, 246. 
Courbet (Guet.), 249. 
Courcelles, loc, 335. 
Courohelette, loc, 365. 
Courlande, ter., 321, 440, 

Courrières, loc, 366. 

Cotirtrai, loc, 350, 363. \ Danton,]®. 

V 



Croatie, ter., 133, 3* t. 
Croix, loc, 363. 
Cromwtl, 109. 
Crovdon, loc, 301. 
Csartoryshi, 110. 
Cuba, Ile, 72, 89, 98, 225, 

237, 238*255, 256, 281, 

282. 

Cubain», 255, 281, 282. 
Cuiney, loc, 35$. 
Cuisinier (Louis), 265. 
Cumbertand, ter., a. 113. 
Cumin*» col* 94, 96. 
Cuneo, loc, 31 U 
Cuqueron, loc, 34 L 
Cmtossftt loc, 128, 133, 147» 

/M, 238,235. 
Cuvier (Georges), 2. 
Cuxhaven, loc, 459. 
Cyclades, lies, loi, 102. 
Cypre, Ile, 262, 386, 482. 
CyrénoWrue, ter., 381, 384, 

398. 



Dahomey, ter. 407. 
&Aiguebtllt t VQ, 
Dalilci, loc, 493. 
Dalmatie, ter,, 262. 
Dalny, loc, 511, 516, 517. 
Daman* Koh, tor., 490. 
Damas, loc, 382. 
Damiette, loc, 63. 
Danemark, ter., 78. 12», 

128, 182, 234, 3U, 379, 

439, 449, 462. 
Danois, 128, 132, 284, 321 

4 325,349,449,452. 



Ban une, riv., 57, 143, I53 t 
226, SOI, SOS, 308, 385, 
441 t 459, 408. 

Danxig, loc, 57, 441. 

Dardanelles, détroil, toi, 
154, 226, 388. 

D&r*es-ftalain, loc, 203. 

Darial, col, 472. 

Darius, 231, 492. 

Darliflgtton, loc, 70. 

Dartford, loc, 891. 

Dartmouth» toc, 847. 

Daru, 59, 

Darwin (Charles), 120, 123, 
184. 

Dauphiné, 1er,, 14, 15. 

David, 19. 

Dax, loc, 97, 313. 

Debdti, loc, 275, 

Debidour (A,) t 8. 

Dékabristes, 70, 71, 105, 
107, 220. 

Delaunay, 18. 

Dolawnre, riv. et 1er., 2/3. 

Deleschize (Charles), 249. 

Delhi, toc, 178, 503. 

Deloche(A.),%, 68, 71,126, 
129, 181, 183, ï24, 227, 
288, 291, 298, 334, S35, 
376,377,453,455,531. 

Demotins (Edmond), 200,372, 
416, 

Denain-Dellays, 374. 

Denbigb, loc, 118. 

Dendre, riv., 860. 

Denguin, loc, 341, 

Denver, loc, 360. 

Derbent, loc, 476. 
Derby, loc, 113, 343. 
Deux-Sictles, ter., 111, 182. 
Devon, Devonshire, ter,, 2, 

112, m. 
Dewey (Mehil), 328. 
Dwey (amir.), 282, 322,328. 
DiaMo, mont, 361. 
Diarbekir. loc, 386, 48 t. 
Dickens (Charles), 139. 
Diderot, 106. 
Dijon, loc, 307. 
Dindings, loc, 175. 
Djabadari, 483, 
Djajiha. riv., 187. 
Djebel Marmouclm. U7. 
Djebfel Tididjel, 117. 
Djebel Zerousa, 117. 
Djthan, chah., 118. 

28 



542 



i/hommc st la TÏRRE 



Djenghii-fthàn, 683. 
1>jlboutK loc, tt*. 
Djohor. loc et ter.* 176. 
Djordjatti. 477. 
Djuba, riv., £77. 
Djtirdjura, monte, 243, 423. 
Dniepr, riv., 733, 349, 3M, 

Dniestr, riv., m, Wl, 469. 
Dobrudjn, ter.. 260, #0*. 
DÔle, loo. f 307, 
Dotorès, loc, 92. 
Dollart, baie, 459. 
Domène, loc, 73. 
Dominique, île, 33t. 
Domo d* Osaola, loc., 307. 
Don, riv., 345, 459, 408, 
Don Carlo», 111, 254. 
Don Miguel (Portug.), 112. 
Donausclwigen, loc. 128, 

733. 
Dorchester, loc, i/,3. 
Dordogne, riv., 348. 
Dorpat, loc.» 327, 408, i:n. 
Dorset, ter., 773. 
Dortmund, loc, $48, 
Douai, loc.» 356, 
Douarnenez, loc, 3^7. 
Doubs, riv., 39, 66, 30?. 

0oukhobor8,474. </ 75,4 83, 
Doumy, loc, 341. 
Dourges, loc, 365. 
Douvro, loc, 315, 316. 
Dra, riv., 276. 
Drac riv., 13. 
Drave, riv., 146, 201, 319. 
Dravidie, ter», 180. 
Drazon, loc., 341. 
Dresde, loc, 70, 735, 143, 

m. 

Dreyfus {Affaire Alfred), 

226, 408, 409. 
Drht, riv., 707. 
Drina, riv., 308. 
Drocourt, toc, 355. 
Dnuses, 382. 
Dryden, 206, 

Daungario, ter., 274, 484. 
Dublin, loc, 347. 
Duboù'Rtymond, 418» 
Dm d* Angouitme, 87. 
Due de Brunswick* 1, 87. 
Due tiEngldcn, 09. 
Ducosurjoli, 65. 
Dueos (Roger), 32, 72. 
Dufour [Chéries), 368. 



DiJixImrg, loc, 343. 
Xhûàgno, loc, 2 fil. 
Ournont (wlr^n*), 414, 415, 

416, 418» 
Diroa, riv,, rftft>» 463. 
Dunkerque. ïoc, 317, 318. 

418. 
Durante, riv., 377. 
7>tiret {Théophile), 40. 
Durhnni, loc. et ter., lit. 
DtiKHRldorf, loc, 3#3. 
Dvmymr, 273. 
Dvina, riv., 308, 459, 400, 
Dyle, riv., 330. 



East river, 37& 

Bbre, riv., 81, 37ï, 314, 

344, 
Kchallenx, loc, 65, 
échelles do Planphiot, rai, 

105, 377, 
EckmOh), loc, 69. 
Ecossais. 198, 202, 294, 

303. 
Ecosse, 1er., 294, 488, 4«lJ. 
Ecuador, t«r., 39. 
Ecuadoriens, 96. 
Edimbourg, loc, 2, 365, 

366, 438. 
Egée, mer, 707, 261, 392, 

495. 
Ëghinjoc, 431. 
Egypte 1er., 2, 60, 61, 69, 

71, 80, 102, 120, 154, 

22G, 232, 233, 263, 269, 

381, 364, 386. 

Egyptiens, 381, 444. 
Ehstes, 471. 
EhstoiuV, ter., 440. 
Eider, riv., 322, 469. 
Einsideln, loc, 55. 
Elagabole, 485. 
Elam, ter., 491, 498. 
Elamltes, 381. 
Elbe, riv., 143, 234, 371, 

439, 440, 441, 469. 
Slbe, lie, 82» 168. 
Eiberfeld, loc, 343. 
Eleu.dit«liauwctte,loc.,355. 
Elis Jsland, 376. 
Elisabelngrad, «w> Yelisa- 

bethgrad. 
Elgolea, loc.» 426, 
Eltnina, loc, 186, 187, 



Emden, toc, 439, 469, 

Empire allemand, 242. 

Empire austro * hongrois, 
262, 235. 

Empire bysastin, 99. 

Emnire chinois, 163. 

Empire français, 79, tltî, 
120, 129, 197, 216. 

Empire indien, 52. 

Empire japonais, du Soleil 
Levant, 378. 

Empire mexicain, 217. 

Empire russe, 220. 

Empire turc 39». 

Ems, toc, 469. 

Enfletd, loc, 307. 

Engelberg, loc, 66. 

Bntre-deux*Mers, ter., 348. 

Eutrerics, ter., 333. 

Enseli, loc, 494, 

Ephraïm, 323. 

Erebtis, volcan, 122, 297, 

Eritb, loc, SOL 

Erithree, ter., $71, 272. 
j 310, 320. 
| Erivan, toc, 476, 

Erquelines, loc, 366. 

Erzendja», loc, 4SI. 

Enerum, loc, 386, 47 r,, 
4SI 

Escaut, riv,, 39, 360. 

Eschyle, 378. 

Etkimau, 328, 329, 330. 

Espagne, ter., 50, 56, 59, 
64, 69, 71, 77, 80, 8t, 
84 a 90, 96, 98, 112, 113, 
136, 196, 203, 216, 225, 
227, 236, 237, 250, 253, 
254, 256, 261, 263, 270, 
272, 273, 281, 346. 394, 
400, 403, 404, 405, 413, 
419, 430, 436, 51$. 

Espagnols, 65, 67, 68, 86, 
88, 90, 92, 94, 96, 184, 
198, 228, 255, 270, 336, 
403, 419, 424, 426, 446. 

EspaÛola, lie, 64. 

Espicheï, cap, 399. 

Esquercnines, loc, 356, 

Essen, loc, 343, 349, 368. 

Essex, ter., 173. 

Essling, loc, 69, 79. 

Eslrées, loc, 355, 

Estuaire Platéen, 398. 

Etaing, loc, 366, 

Estampes, loc, 844. 



INDEX ALI>UA.BÉTIQUE 



543 



Etat imtépMidant du Congn, 
$na, 447. 

Fïtats Chatu £Î7, 294. 
Etat» <|p relises pontifl* 

eaux, 58, 1H.182. 
RtaM.l'nis. 54, 73, 90» 124, 

140» 160, m, 182 * 225 

ftamm, 255, 26 î, 262, 

278, 280. 281, 282, 31 8. 

379, 380, 406, ^.W. 518, 

52a, 521». 
Klebmindiriii, l»r., 477, W. 
Kthîopù*, ter., 269, 272, 

3 y 8. 
Ktttu. v»k'»n, 394, 397. 
ftt»li<*, tw\, :i**2. 
KiibéisJle, ////. 
Giipaluria, Juc, 753. 182. 
Kiiphmli*, riv., 154, 282, 

358, ,'182, 385, 493, -/iM, 
lCiiro«ic,fi11, 
Kun*. riv, ni 1er.. US. 
Europe île J A 531» ptissùn. 

Européens, 144, 172, 173, 
174. 177, 185, 196, 264, 
260, 270, U27, 329, 331, 
426, 428, 500, 505, 506. 
507,518,520, 521, 526. 

Euskariens, coir Basques, 

Kverek. Un,, 48 L 

Kviii, !«<•„ HU. 

Kxtr<*iiM' Orient, |36, 164, 
168, 17'». 176, 278, 448, 
511) A 531. 

Extrême Nord, 451). 

K.vlnit. ioc, 6 y. 



Fahrr it ligtantim, 48, 
Faclaxln, toc, 226. 
Falais* de Shakespeare, voir 

Sliakuspcar** Cliir. 
Falklaud, 1K M. 
Falmoutu, toc, «?. 

Klllll)H)l)X. loc, J&& 

Farah, Inc., 491, 495, 
Farbus. loc, 3.W. 
Farsi, 498. 
Fnrwest, ter., 203. 
Fiaicjlle, col, 9. 

Fédéraux, Nordistes, 1 s 2, 

193, 204 a 214. 
Ferdinand (T£spagne t 80, 

267, 404. 
Ftrditmnd VU, 91, 92, 96, 

V 



FergRana, ter., 487, 489. 

Fear. cap, #4f. 

Ferin, toc, 35* 

Ferla, lot*,, 395. 

Fernando. Po, île, 403. 

Ferney, loc, 9. 

Ferrari, 123, 

Ferrel, cap, 345. 

Fenehy, loi:,, 3.5 5. 

Fox, lia:., itf&429. 

*Y«W (Camille), 275, 

/Ve*?A(, 127. 

Figuiff, !oe., 2?.5, 42 % 429. 

Finlandais, 444, 440, 471, 

'«72, 485. 
Finlande, 155, 294, 4 4 9, 463, 

4M, 466, 470, 472. 

Finnois, 484. 

Firdouzi, 497. 

Kr'tevy, 120, 

Fi unie, loc, 3/0. 

Flamands, 338, 444, 44fi, 

452. 
Flandre, ter., 2<t, 131, 308, 

W 444, 446. 
Fl<»i.»burjr, lor., 234, 45», 
Fiers, loc. .m, 
Fleur du Milieu, emV Chine. 
Fleuras, Un-,, 39. 
FlinU 1er., /W. 
Florence, Ir.c, 128. f$A\ 

364, 393, 3%. 
Floride, 1er., <W, 105, 215. 
Floridln, loc, 3fl.î. 
Foix, Joe,, SIS. 
Fokien, ter., 166, 109. 
Fonscea, golfe, 93. 
Fontainebleau* Un;., 70. 
Fonletmy, Inc., 37. 
Forbaeh, lot,, 246. 
Forbes (Fdwin), 210. 
Forme**, île, /«s, 278, 379, 

523, 524. 
Forth, riv., 438. 
Foulhn, 19, 

Fouqutères - 1< z - l^ns, .5.35. 
Fourcou, 430. 
/Wf'er (Charles), 139, 140. 

Français, 6,18,23,38,43, 

54, 65, 69, 70, 72, 80, 86, 
«8, 94, Î2H, 158, 168, 
198, 218» 226, 235, 239, 
240, 2 '.5, 270, 278, 294, 
225, 406, 418, 419, 423, 
424, 426. 427, 429, 432, 
447, 460, 506. 



Franc*, 1 à 181 pasum, 
216,218,264, 272 6 274. 
278, 302, 306, 308, 310, 
316, 328, 342, 344, 346, 
348, 377 à 453 pannm, 
458, 515, 516, 523, 529, 
33, 39, 55, 317, 321,395, 
4ht 

Fronce africaine, tw Algé- 
rie, 

Franche. Comté, ter,. 317, 

321. 
Francia, Paraguay, 94. 

Franco-Européens, 422. 
Francofonte. toc, 395, 
Frankfurl, loc, 2, .5?, 127, 

128, 131, m, 148, .lia, 

321. 
Fraaklitt (John), 121, 122. 
Fratienfeld, toc, M. 
Frédéric //, Prusse, 22. 
Fnwlow'i), toc., m, ïfl$. 
Fmtiiax-les.Montauban,3. < î5. 
Fresnoy, I«l*m 3/i5. 
Frlbourg, loi*, de Suisw», U, 

134. 
Friodlund, toc, 69, 79. 
FHoul, ter,, <I19, 463. 

Frioalans, 144. 
Fttlcla, loc, 124. 
Fiuuin, loc, 173. 
Fusiyaina, voleau, 173, &>}. 
Fu-tcliéu, îtM.., 168, JH9, 
522. 



Oaliès, golfe de, 272, 419, 

425, 
Gachuplnea, 92. 
Oadtatcb, Joe, 40». 
Oaete, toc, 160, 182. 
Galaad, 323. 
Galapagos, lies, Sff, 
Galice, ter., 86. 
Galicte, ter., 127, 132, 458, 
Gallayo, riv., 344. 
Galway, loc, 347. 
Gams, loc, 55. 
Gand, toc, 30, 3^3, Un. 
Gandolphe (Maur,), 450. 
Gansa, riv., 178, 332. 
Caribatdi (dus.), 149, 150, 

158, 160, 182, 394. 
Garonne, riv., 314, 344. 348, 

356, 409. 

28* 



544 



l'homme et la terre 



Garrison (Ltoyd), 192. 
Gascogne, ter.» 415. 
Gascons, 409. 
Gateshead, loc, 343. 
Gauchos, 96. 
Gaules, ter., 252, 320. 331, 
348, 378, 409. 

Gaulois, 14», 

Ga vaches, 338. 

(lave d'Oloro», M. 

Gave de Pau, 34 L 

Geditf-tdiuï, riv., ioi. 

Oegenbach, loc, 4& 

G«iot (J ), 419, 427. 

Gel&mkircliei), lue.» 343. 

Gemozac, loc, 3*0. 

Gcnadios, 100. 

G$neR, loc, 57, 58. M $ 22**, 
311, 3.$$, 393. 

Genève, loc, 9, 5.5, 225, 245, 
307. JM, SI 2, 328, 344, 
391, 420, 480. 

Gcnèvre,mont.310,£//,312. 

Georges lit, Géorgie, 476. 

Georgetown» loc. du la Gu- 
yane, 89. 

Georgetown, loç. de Pinattg, 

Géorgie, 1er. d'Amérique, 

M, 205.212. 
Géorgie, ter. Cauraxien, 272 

à 276. 
Géorgiens, 444, 474, JfS, 

476, 477, 478, 479, 484, 

485. 
Gerlache {Adrien de). 296, 

298, 299. 
Germains, 130, 148, 258, 

377 à 431, 432, 456, 485, 

524. 
Germanie, voir Allemagne. 
Germanns, èvique, 102. 
Gereau, loc, M. 
GervatS'Courtelkment, 519. 
Gervinust 1211. 
Gettvsburg, loc, 182, SOS, 

212. 
Gcx, loc, 9. 
Ghadarnes, loc, *S& 
6M'o (Pau/), 394, 396. 
Ghiricht, loc, 491. 
Oiarrutuno, loc, 3P& 
Gibelins, 399. 
Gibraltar, loc, 79, «5, 86, 

154, 233, 203, 272, 273, 



Gibraltar, gai ta, ?*3, 380, 

384, «M, 403. 
<?<&«* (K,}, 359. 
Gironde, riv.» 258, 313, Jtf» 

345. 

Girondin», 2. 

Giseh, ïoe, ff& 

Oitomic loc, 4ns. 4H». 

Givroxac, loc, $40. 

Gladstone, 208. 

Glnniorgan, lo<\, 113, 

Glatis, loc, .5.5. 

Ohtftcow» loo„ 438, 

Oloslur. loi*., i/ï. 

Gobert, 342, 

UodtiUA. l«c, 128, 133. 

Godunov (Bons), 220, 

GWmit(H'<7M,2. 

Co-fe/, 330. 

Gôktept\ loc, 487* 

tioergei (gén.), 128» 1 40. 

Gcerz, loi*., 319. 

Gattlte (IVotfgang), 2. 

GoBiiIziu, loc, 365. 

Gohier (Urbain), 412. 

Goldsmilh (Oliver), 206. 

Golfe de CoroV, /?.ï. 

Golfe dcGabes, 419. 

Utilfe Persique, 388. 491, 
492. 499. 

Golta, lue., 4M. 

Gomme, 352. 

Concourt {Ed. et Jutes), 26. 

Gor, loc, 2? 3, 

Gordon (gén*)* 1*0. 

Gotlia, lue, 264. 

Uolthard.col, Mî\ m 

Gourmont (Itemy de), 125 

Gotiiy-jtouS'ItoiK, Joe., «3.55. 

Govwnoi* friand, 3?.ï. 

Cïoya y Lucimtes, 2, 111, 

Oozzo, île, £07, 

Grafenau, lue,, 295. 

Grampound, loc, 143. 

Grand Allas, rnonl, 429. 

Grand HaKsani, 1er., 241. 

Grand Khingam, mont, 396, 

Grande Bretagne, lie, 50, 
60, 77, 78, 79, 83, 90, 
108, 114, 116, 154, 167, 
170, 176, 196, 231, 2(Ï2, 
203, 264, 269, 273, 279, 
288, 308, 317, 318, 322, 
374, 378, 381, 384, 396, 
398, 400. 403, ï 405, 406. 
410, 413, 438," 448, 449, 



Grande Bretagne, suit*», 
480, 492, voir mm An- 
gloterre. 

Grande Grec», 1er., 394. 

Grand* Kabylte, ter,, 243. 

Grande Pyramide de Gt#eh, 
60. 

Grande Kussie, ter., 504. 

Grandes Landes, ter., 27. 

Grands - Bussions , 474, 

475. 

Gransoii, loc, âô. 

Grant (gmêr.), 182. 

Oran ville, loc. 37, 317. 

Grutz, loc. d'Autriche, 319. 

Gravellotta, loc, 307. 

Gravclotle, loc, 225, 241, 
X45. 

Grèce, ter., 70, 99, 104, 123. 
226, UU 287, 318, 319, 
322, 372, 377, 378, 389, 
391, 392, 393, 452, 

Grecs, 99, 100, lot, 102, 
103, 104, 105, 319, 331, 
382, 389. 390. 391, 393, 
455, 458, "474, 476, 480, 
484, 518. 

Greej (Guiti de), 56, 59. 

Green (Richard), 352. 

Ureemvicli, loc, 30i,m. 

Grégoriens, 478. 
Grenoble, loc., 11, 13, 14, 

311. 
Crusse, riv., 13. 
Grezae, If h;., 34lh 
Grigorovitck, 455. 
Grisons, t«r„ 54. 
Groenland, ter., 121, *»«, 

330, 451. 
Grouslens, 474. 
Guadalcje, riv., X$. 
Guadalquivir,riv., W. 
Guadeloupe, Ile, 72, 73, 

406. 
Uuadiaro, riv,, H5. 
Guanches, 330. 
Guarani, 91, 9'». 
Guatemala, ter., 89, 92. 
Guelfes, 399, 
Guelma, loc, 424, 425, 
Guemesey, lie, 57, 347. 
Guillaume <f Orange, 109. 
Guillaume /", AUem., 244. 
Guinée ter., 66, 187, 270. 
Guizot, 134. 
Gumphvits (ÎMdishis), 305. 



INDEX ALPHABÉTIQUE 



545 



Gumuch-liaae, l«c ( 487. 
GurgMt, riv,, 497. 
Curun» lue.» 4SI, 
Ouyane, ter.. 72, A», 



Habsbourg, 217» 441. 

llinljm, lot',, 4M. 

Hagueimu, loc, 30, 53. 

Haïnsdau, cote Arménie, 

Haï-fong, loc, 521. 

Haïkanes, w£r Arméniens. 

llaïnan, lie, Ifl0, $£3, 

Haïuaut, t?r„ 308, 

Haïti, lie, 69, 30, 90, 186. 

Haïtiens, 1*»6* 

Hakka, 168. 

Mal» loc, 4/<S. 

Haldons (ein, loc» 55, 

Hftluli, loc, 386, 43i. 

Halifax, loc, W3. 

Halluinjoc, 3W, 303. 

Hatnadou, loc, 4M.5. 

Haml>lain<U'7M'r&t, loc, 3M. 

Hambourg, loc, 127, /J3, 
318, Jî?A 343, 345, 431, 
436, 437, 438, 440, 44/. 

Hamel, loc, 355. 

Hamttee, 185, 190. 
Hammond, 190. 
Hampton, loc, 30 1. 
H an, riv., 169, 513. 
Hang, riv., 169. 
Hang-tcliéu, loc, 164, ifftf, 

33.3. 
Hau-kôu, llanktou, loc, 

165, 1 C.C, 169, 279, 553, 
Hanoï, loc, 109, 226, 423, 
ffanoteau (Gab,), 258. 
Hanovre, loc el 1er., 127, 

133, 143,324. 
Haii-tchuiig, loc, 513. 
Hauts, ter., 11$, 
Hanwell, loc, 301. 
Harmersbach, loc, 53. 
Harnes, loc» 355. 
Harpers-ferry, loc, 195, S 23. 
Harrow-oii.tfie-Hill, loc, 

301. 
Harward, loc, 193. 
Hatteras, Cap, 346. 
Haut Atlas, mont, 275. 
Haute Deûle, riv., 355. 
Havre» loc, 318. 



Haynau, 146. 

Hébreux, 323, 
Hegel, 2, 305, 431. 
Heidelherg, loc, 127. 
Uelgoland, lie, 43», 459. 
Itellade, ter., 101. 
Hellènes, 99, 102, 104, 

322, 378. 
Ili'lsingfors, loc, 405. 
Hellespont, détroit, 463. 
Helmend, riv., 270, 491, 

495. 

llendon, loc, 30t. 
Ilénjn LiéUrd, loc, 35$. 
lUnriot, 12. 
livrât, loc, 270, 4M, 48H, 

495. 
Herder, 336. 
Hereford, loc, 113. 
Hérault, riv., 258, 348. 
Herirud, riv., 276. 
Hérodote, 204, 378, 496. 
Herttord, loc, 113. 
Herzégovine, ter., 226, 260, 

m, 389. 
I Icsse- Darius tadt, ti»r., 127. 
Hétaïristee» 70, 102. 
Hétéens, 381. 
Hidalgo* curé, 92. 
Himalaya, monts, 274. 
Himty [A.), 52, 55. 
Hindous, 178. 179, 444, 

500. 
Himlu-kudi, monts, 370, 

487, 502. 
Hîndustari, ter., 178. 
Ilippone. loc, 421. 

Hispano»Àmérioaina,90. 

H ispano- Amérique, 90, 216. 

HUpano-Ghlliena, 331. 
Hoaï, riv., 169. 
Hoang-ho, riv., 155, 164, 

279, 514, 516 f 523. 
Hobokcn, loc, 375. 
HohenHnden, loc, 69. 
HohenzoUern, 238. 
Holderer, 506. 
HoUand, 170, 
Hollandais, 59» 177, 266, 

448, 452. 
Hollande, ter,, 50, 51, 59, 

377, 439, 447, 448, 459, 
Holstein, tor., 132, 182, 234, 

235. 



llolyheari, loc, 3*7, 

Holyrood, loc» 361 

Home (Bruce)* 365, 

Homel, loc, 468, 469. 

Homère, 472. 

Honan, ter., 169. 

Hondim van Herwerden, 
295, 298. 

Hondschootc, loc, 2. 

Honduras, ter., S9, 93, 331. 

Hongkong» loc., 279, 523. 

Hongrie, ter., 128, 132, 133, 
13'., 146, 147, 232,t'J*i, 
377, 379, 414, 443." 

Hongrois, 128, 144, 146, 

325 458. 
HoWde Ville» a Paris, 18, 

138. 
Houplines, loc, 303. 
Hsj-ngan, Sjngan, loc, 513, 

613. 
Hudson-Bn.Y, 302, 37.5. 
H n t\ loc, 277. 
Muesca, loc, 313. 
Huervu, riv., 344. 
Hugo { Victor), 336. 
Humàoidt (Alex, von)* 2» 

89, 120, 301, 332. 
Huilait, ter., 169. 
Hung, riv., 169. 
Huas, 506, 512. 
Ilunta» riv., 459. 
Huntmgdon, loc, 1/3, 
Hupé, iwr.» 169. 
Hu-tcheu, loc, 169. 
Hymiarites, 414. 



1 



lui», voir Yalu, 
lakutsk, loc, 155. 
laxartès, riv., voir Sïr. 
Ibères, 331, 427. 
lMrie, ter,, 99. 
Ibrahim pacha, 70, 103, 

119. 
Ibsen (Henrék), 452. 
Icare, 141, 
Icarie, ter., 141. 
lchim, riv., 487, 509. 
IdHa, loc, 319. 
Id»u, cap, 527. 
iéna, loc, 69, 77. 
lénidjé, Joe, 48L 
lénikalé, voir Yeni*Kateh. 
lénisséî, 155, 29$, 506, 509. 



546 



l/HOMME Bt LA TERRE 



lémsséiKk. !<»<.., 4W. 
Uni, toc, Ï7ô* 
Igharghar, riv., ^5, 

lie il« tu Gonave. 64. 
Ile de Pierre l« t ?P7. 
IloUttCupVerU/*?. 
Ile Mrivllk», m. 
Iles UritamtKiiKw, 136, /M, 
2u:i, :i?4, :i79, 448, 

Ittrt Billot. SÏ7. 

Iles K^cniins, 3*11. 

Iles Ioniennes, 59,391. 

Ht 1 » Normandes, 3tî, 

lit»* (kfomnes, 280. 

Iles Vierges, 256. 

Mord, Um\, W. 

Illinois, riv. el li«r., 205. 

Inde, Indes Anglaises, 60, 
11 G, 136, 154, 155. 160, 
166, 170 a 180, 232, 209, 
274, 270 t 294, 332, «74. 

m i*ii, vj2, 4%, sua. 

Imitait*, riv. i'i 1er.. 20$. 
Indiens, 92, 180, 218, 330. 

Indochine, 129, 160. 170, 
177, 240. 400, 418. 

IndoChtuois, :t"9. 

Indre, riv,, 5r. 

Indus, riv.» 178, *?«, «84. 

427, 4fi7, 495. 
/m«u//a 340. 
lugul, riv., i.îï. 
IngiilcU. riv., WJ, 
tnkermun, Inc., 143. 
Ittn, riv.. 55, :>«.$, .ï/f. 
Iimsbruck, loi:., 310. 
Inoboga, cap, 4 £7, 
la^ilaMoc, 426. 
Jtwulinde, 167, 170, ',47. 

448. 
lowa» riv. et toi*., $06. 
Iran, lt>r., 154, 486, 489, 

490, «tf. 
Iraniens, 490,491 , 492, 496. 
Iraiiady, riv., 277. 
Irk, riv.» 373 
Irkutsk, lue, 1&H, 4//d, 

511. 

Irlandais 130, 198, 338. 
Irlande, llf\ Il fi, 130, 222, 

203, 2K3, 374. 
lrtich, riv., ■/*?, 4W>. 
rwell, riv., 373. 



Isabelle d'Espagne, 225, 
236, 253. 

habey, 21. 

Isère, riv., jj. 3//. 

Islande, lie, 339. 1 40, 370. 

hmail-pacha, 232. 

Istimtf, toc, 4S& 

iKpalmii, lm\, 457» «4, 50». 

Israël, 384, 424. 

Issy l'EvOquo, lac.., 43. 

Issyk-kul, lac, W7. 

Islrie, ter., 50, 230, 3i'j. 
32«, 442. 

Italie, ter., 2, 3, 56, 57, 
58. 59.71. 110. 111, 127. 
120, 134, 135» 147, 148. 
140, 157 à 100, M, 
I6ÎK 181, 182, 225, 231, 
235 a 241, 240, itt.% 270, 
272, 308, 31 U. 310, 320. 
340. 303, 372. 377, 38'*, 
:i!#l à 400, 'il 3, 417, '«42, 
443, 450, M 5, 530. 

Italien». 34, 131, i:h, 144, 
158. 198, 199. 202» 225, 
226, 228, 258, 270, 31», 
325, 392, 307, 399, 419, 
424. 444. 

l-ti'hauK, ltw\, Vi3. 

Itugartiy, 92. 

M*« le Trrribie, Huante* 
463, 485, 507. 

Ivanovn Ynsnesiensk, WU. 

ly.i»M(*îi.L<»ns, loc, •?$£ 



Jara, Inc., -H.». 
Jackson, 182. 
Jacinel, loi:., fît, 

Jacobins» 33, 

Jacques I vt , Angleterre, 306. 
Jaruby, riv,, 333. 
Jade, riv., 469. 
JalTa, loc, 83. 
Jamaïque, lie, <W> 114, 115, 

186. 
Jamesrivcr, 207, 213, 
Jan Mayen, le, 29G. 
Japon, ter., 94, 129, 100, 

171. 172,173, 174. 176, 

226, 276 à 280, 21% 378, 

480, 515 à 531, 
Japonais, 172, 173, 174» 

243, 279, 379, 466, 484, 

524 à 531. 



Jansy, Joe, 2tit. 

Jaunes, 466» 507, 

Jaurh {Jean), 4. 
Java, Ile, 447. 
Juvéniles, loi\» $40, 
JeeUe, riv„ 371. 
Jeffenon, 189. 
Jemmaneti, Inc., 1, 39 t 
Jt«r«y., lo<\, 86, 
Jerieho, lo(!„ 19. 
Jersey, Ile, 9T* 347, 
Jersey «City, \w.. f 37o. 
Jorinalam. Sion, 1»h\. «•'/, 

383, 384. 
Jésuites, 50, 134, 135. 
Jêsw.VhrisU 47, 160, 200. 

.A»// (#«■'). 4d7. 
Joseph II, Autriche, «i. 

JoHtté, 284, 

Jourdain, riv., 383. 

Joux, loc, 3(17. 

Juan, g«>lfe, 70. 

Juan Fflruanrfttz, IU«, sa. 

./mirez (liemlo), 217, 218» 

Judw, ter., 38'i. 

Juifs, 109, 348, a 78, 38H, 

384, 407, 4(tX t 409, 484, 
485. 

Junker, 440. 
Juviis nifMits, 54, 338. 
JurAliçun, Inc., 341. 
Jyllmui, ter., 322. 



Kabardes, 474, 47 r>. 
Kahul, loc, 27ti. 486, 4<\? t 
Kabyles, 243, 423, 425, 426. 
KaJjylift,ter.,241. 
Kach^nr, Int., 487, 506, 
Kachfîarie, (or., 274. 504, 

505. 
Ktwhmir, 1er., 505. 
Kachovuhy, 107, 
KatiriHtan, ter., 505. 
Knï'fong, Ion., 60, 521, 
K a marie h, )m\, i/A7. 
Kalgan, loc, 55Î3, 
Kalisz. |ov,, 408. 
Kalmuk, 82, 466, 474, 47 â, 

485» 505. 
Kama, riv., 459. 
KîUiicnetz-Podolsk.loc.'iiiS, 

469. 
Kanipar, loc, /?5, 
Karutt'liatka, ter., ./£•?. 



Kan, riv.. m. 
Kandahar, |o«„ 49S, 5o:r. 
Kanguma, riv., 40$, 
Kansas, ter., 193» 1 94, 20$. 
Kapoln», loc, 128, J3& 
Karahîsaap, loc, 4*7. 
KaHuviCt loc., 134. 
Kats, loc., 226, 260» 41$, 

482. 
Kartvel, iw> Géorgiens. 
Karuu, riv., 492, 4M, 
KhmmIh, loc, 271. 
Kavatsu, baie, JSVr. 
Kazan, loc, 450, 46(j. 
Kaiclipk, mont, '«72. 
Keane, 266. 
Kenl, ter.. /M. 
Kpiiliwky, riv. cl ter., I ( J2, 

20$, 214. 
KoriiliMit riv., i$$. 
Kortcli, loc, 153, 5«:i. 
Klifiljarov.sk, loc. /.$•?. 
Khadjar, 498. 
Kh.ir|juul»loc, 4<V/. 
K h Art uni. loi.., 226, 269. 
KhiilatiKii, riv., /-î5. 
Kherson, lue, /M, ma. 
Khci')î(nii\Si',ca|», 7£.ï. 
Khiva, loc, 2?.î, J.vr. /w. 
KhnrasMiu, 1er., 429, 490, 

Kialiuir, riv., 169, $13. 
Kiaiijf.si et luanK-.su, Ut., 

Kiuii-lcliéu, loi-., 22fi. tfy», 

■5J7, 51*3. 
Kja-ting, loc, $13, 
Kichinev, loc, 467, 4n», 
KM, Ira?.. 234, 438, m 

Kiji*v, li>r„ 4$7, 439, JUS, 

4(i9. 
Kitito, loc, /? 3. 

Ktrghte, 474, m, 489, 504, 

524. 
Kirman, loc, 496, 497. 
Kitia. loc, tf«|. 
Kiu-ktuHg.riv., 166. /fi». 
Kiu-kiu, Iles, à. 
Khige il furt, loc, 31». 
h'kpka (gén.)t 146. 

Rlaindeutsohen, 471. 
Klepbtee, too. 
KliuUy, loc, 4M. 
Koei-tehou, 1er., M9, 
KofiK loc, $27. 



IN0EX ALPHABÉTIQUE 

/fo& (/, 6'.)» 351. 

Kokan, lue., 43t. 

Kola, île ol presqu'île, 330, 

449, 4G3, 4M* 
Kolpino» lac,, 468. 
Kolynio, riv., m, 
Knmorn, Cûinammjoc . 1 28, 

133, 146, 
Konakry, loc, 2H3, 
Konieli, loc, 127. 
Kanifflîraiï, lot;., 225. 
Hossuth, 146, 

Koubatohi, 474, 475. 
Koumanes, 145, 
Koumik, 474, 476. 
Kouriles, îles, m, 
Koutïo-Vataqueu, «90, 
Koveït, loc, 233, 492, 49$. 
Ko v no, loc, 4ti3, 
Krasnoïarsk, loc, 4H8, 49$, 
Ô09. 

KrasitovodskJnc, 4X7, 488, 
4M, 

Krenicntcliug, lue, 469. 
Kreml' à Moscou, 220. 
Kretsehmann iigin.), 432. 
Krist imita, loc, 3?/. 
Krolovilx, loc, 4H9. 
Krapoikin* {Pierre), 222. 
Kuaitf(*«i t ti*r.. WV. 
Kuang.tuug, ter., 166, 1G9, 
Kultn (7,), 267, 28t. 309, 

315, 349, 357, 380, 409, 

411,412,421,429. 
Knndnz. U*c, 4H4, ■/*?. 
Kupka(Fr.)< 3, 68, 71, 126, 

129, 181, 183, 224, 227. 

288, 291, 293, 334, 335, 

376,377, 453, 455,531. 
Ki ira, riv., 475, 49$. 
Kuratohj, loc, 493, Sun, 
Kurdes, 386, 388, 389, 474, 

476, 480, 482,498. 
Iviïssnadtt, Inc., S$. 
Kustendjc loc, 261, 
Ku taïVt, lac, 47$, 
KwatiK*lch(hi ( haie 279. 
Kweftoh, loc, 233, -Jî n, 

495. 



Lalmrre, loc, 307. 
La Bastide, deux loc, 34 U 
La Bastide de Hordeaux, 
356. 



547 

Labowie, 339. 

Uo de Garde, 319, 

Lac des Ours, 121. 

Lac de» Quatre- Cantons, 

135, 
Lac Isachsen, 121. 
LaCommaattc ïoe, 341. 
Lac Kudolphe, '471. 
LaCumbre, col, M. 
Xiadins, 319. 
Larto, loc.., 39$. 
Ladoga, lac, 465. 
lalayette(j>ên,\ t M t 108. 
Ume (/».) et 6Vis432. 
Laghotial, loc, 425, 429. 

Lapamc co(> Madère 
Lajjos, loc, 203. 

La Havane, loc., 281. 

La Haye, loc, 286, 287, 329, 

343. 
Laiiore.loc, 136, 270. 
Laibaoli, loc, 319, 44 î, 467. 
LaMehéu, )oc,.f/tf, S 17. 
La Jard, loc, 340. 
Lalla liook, 320. 
Laaiores t. loc, ; U$. 
Lampedusa, île, 397. 
Laniîashirc lor., 112. 113. 
\,;nuUi\i t \ov.,39,$3, 
Lande», ter., 346. 
Landes de llaspam.'ti, de 

Mixt>, 27. 
!.,aiijîres, lue, 24$. 
Lançon, loc, 226. 
Languedoc, 1»t., 415, 419. 
La Xmivello-Orléans, loc, 

73, 192, 20$. 
Landchéu, tu*:., 514, &<*&, 
Laiiîerote, île, 265. 
Laos, ter., 277. 
La Pax* loc, 89, 
La Plata, loc, csluair<> et 

ter.,93,.ï.^,360. 
Laponic 1er., 47. 

Lapons, 329. 
I«i Parle, voir Turquie. 
Ijtpparent (de), 419. 
Irradie, loc, 27$. 
LarbalffL loc, 27. 
La relu», col de, 311. 
Larinta, loc, 2HI. 
LaKochelle, loc, 245. 
Laroiis, loc, 341. 
Latapia,loc.,119. 
Latins, 198, 289,377 a 453, 
484. 



548 



l'hommk et la terhe 



Latfum, ter.» 378. 
Lausanne, toc. 30?. 
Lauwin» loc.* 355. 
Laval, toc, 37. 
La Vatotte, toc, 307. 
lamsier, 2, 47. 
tawfcld, lac, 30. 

Laces» 388, 474, /75. 
Lea, riv., 30 1 

le Brethon de Coli$ny> 170. 
Le Cnire, ïoe, 03, 203, 269, 

271, 358, 380, 493. 
Leclerc, (gén.), 44. 
Lécluse, loc, 35^. 
Le Creusot, !n(\, 3W, 355, 

360, ;t08. 
Lu(gin.) t m t l m. 
Leeds, I<h ., 3/3. 
Le Forest, loc, 355. 
Lpgnano. toc, J5*. 
Le Guen de Kerangal, 21. 
Le Havre toc, ?/5. 257, 318. 
U.|i«g.l«c.,«7,70,7P t 3J?7, 

440, //J, 
Leisk-r, Leice^ler, toc, 119. 
U'ith, toc, //5. 
Lenmire (Charles), 266. 
Le Mmi», lue.,, 37, 2/5, 
Lomberg, loc, //.î, 3tf/» 

444, 467. 
Lena,Hv..;5£,29e.olu. 
Len», toc, .ïJjî. 
Lentini, loc» 395. 
Lenzburg, loc., 55. 
Lepère, 62. 
Leprêtre, 305. 
tep8ius f 482. 

(40 Pu,v*en«V*la>\ loc, 411. 
Lerida, lue, 3/3. 
Lermontov, 473. 
Lers, riv., 344. 
LosAilbieniJoc^?. 
Lescacloc, 3^/. 
Lesghiens, 331, 474, 4îô. 
Les Gouda, toc, 3/fl. 
Leasing, 322. 
Letchwortln loc, 371. 
Lettons, 471. 
iiiao-ho, riv., 617. 
Liao-tecluin„ eaj>, 616. 
Liao-tung, ter. etgolfe,5/tf, 

517. 
Liao»yang, loc, 448, 5J7, 
Liban, mont, 386, 
Liberia,loc,188. 



Liberty Islund. 575. 

Libourne, loc, 344, 348. 

Libreville, loc, *03, 

Lichtûtiberg, loc, 53. 

Lichtenberger {André), 44. 

Licodïajoc, 305. 

Liéga, loc, 349, 

Ligures, 831, 427. 

Ligurio, ter., 396. 

Lille, toc, 30, 2/3,307,325, 

1*342,3/3,362, 363. 

Ullebonne, loc, 418. 

Umtt,loc.,62,W3fl8. 

Llinorich» loc, 3/7. 

Uinpopo,riv., 400. 

£inc0to (iJ*A). 182, 209, 
210,211,214. 

Lincoln, loc, 113. 

Undenschtnitt, 431. 

Undsay Brinc, 170. 

Llngga, île, ^75. 

Lipari, U<%/5ô. 397. 

Liri, riv., 759. 

Lisbonne, lue.» 69, 79. 99, 
200,3*5,399, 418. 

Lissa, île US, 225, 235. 

Uthuantetts,47i,384,485. 

Lfvadia, loc, 753. 

Livarpool, loi;,, 337, 343, 
3/7,348,371, 

Lives, 471. 

Li von te ter., 440. 

Livournc, loc, 59, 15S. 

Ljubljaan, voir Luibach, 

Llaneros, 96. 

Luanda, ter., 400. 

Locaruo, loc, 66. 

Lod?., loc, 408. 

I/ijfrono, loc, 3/3. 

Une riv., 37. 

Loire riv., 3? t 3.9, 307, 343. 

Lotsin, lue, 366. 

Loinbardie, ter., 66, 133, 
135, 136, 

lombards, 147, 2ï0. 

Lomfiok, lie* 447. 

Lomc, loc, 263. 

Loménie de Brienne, 1, 15. 

Loin me, toc, 303. 

Londres, loc, £7, 79, 140, 
200, 227* 228, 229, 233, 
US, 285, 300, 30 J t 316, 
317, 318, 328, 336, 341, 
3/3, 345, 351, 352, 368, 
371,374,384,335, 416. 

Jsmg {&), 296. 



Long- Nanti •City. 375, 
Loogwy, toc, U 39. 
Lânntôt (Elias), 472. 
Loim, loc, 341. 
Lon»-te-gauinier, ïoc, S07. 
Lookout, cap, Ht. 
Loos, loc, 366. 
LorieitMoc, W, 
Lorraine, ter., 242. 
Lorrains, 240,321, 322. 
Lôtchberg, col, 307. ■ 
Lot'eMIaronmstcr., 415. 
Lougot, toi, 311 
louis XIV, 39, 108, 240, 
louis XV, 39. 
Louis XVI, 2,5, 6. M), 39, 

34, 35, 246. 
Louis XVUI, 82, 85, 87. 
Louisiane ter., 73, 189, 206, 
fouis* Napoléon, voir Na* 

poiéon ///. 
Louis-Philippe, 108* 116, 

130, 256. 
Lottisville toc, £05. 
lourdes, loc. 410, 
I/mren zo -Marques, toc. 209, 

400. 
Louvoist 239. 
Luang-prabang, loc, 277, 
Lucerno, loc, 66, 733,1 84. 

Lacques lo<**» ***• 
Lugatio, toc, 66. 
Liiti*' ville, loc, 69. 
Luxembourg, loc, et 1er., $46 
Luy-oti-lMani. riv.,??. 
Lu v -en -France, riv., il. 
Luj!on, lie, 1€9, 
Lyclene, 381. 
Lydiens, 381. 
Lyon, loc, W, 267, 307, 

311, 342, 370. 
Lys, Hv.. 360. 

M 

Mac Duffie. 190. 
Macédoine, ter., 101, Ml, 

322, 39L 
Macédoniens, Wi. 
Machecoul, loc, 37. 
Mackonsie, riv,, 296, 
Mâcon. toc, 307. 
Mac-Mahon [mar,) t 225, 

226. 
Madagascar* lie, £63,40?. 
Madère, île, 265. 



INDEX ALPII&BftTIQVt 



549 



Madras, Iqc, 178. 
Madrid, toc, 67, 79, 83, 86, 

91,314, 3SS. 
Magadoxo, Mogadicho, loc, 

m, '411. 
Magdeburg, loc, 3*/. 
Magenta» loc, j$S, 239. 
Maghreb, ter., 428. 

Magyar», 12», «ai, 134, 

144, J«, 444, 456. 
MahHi (te), 226. 
Mtttiomet, 60, 500. 
Mabonnals» 419. 
Mahratti, 180. 
Maljto, riv., 70, 94, 
Muison- carrée, loc, 7/7. 
Malacca, loc. et presqu'île, 

J7$,176,177, 
Mataga, loc, 22.1, 276. 
MabkolT, mamelon à Se)»». 

tofio), JJ& 
Malais, 527. 
Malaimc, 1er., 1 77. 
Mnlatia, loc, 4SI. 

Malgaches, 444. 
Malinot, loc, uth 
Matlet (gén,), 7(1. 
Malpelo, tic 89, 
Maltais. 419. 

Malte, île, 60, 79, 15'*, 320, 
«83, 380, 3&Î, .307, 398, 
492. 

Matthus, 413. 

Mamisson, riv., 472. 

Mamouratal'Am, ter., 386, 
431. 

Manche, mer, 37, 174, 246, 

316, 317, «W, 446. 
Manchester, loc, 343, 348, 

368,369,370, 371, «Ï7& 
Mandalay, loc, 277. 
MandchourH ter., 166, 174, 

274, 463, 464. 512, 514, 

530. 

Mandchou*, i 63, 498,524. 
Mandrin, 12. 
Manilla, baie de, 282. 
Mamihoim. loc, 39, 127, 

441. 
Man loue, loc, ISS, 319. 
Mantouz (Paul), 323. 
Marach, loc,, 4SI. 
Marakech, loc, 275. 
Marathon, loc, 318. 
Marbach, loc, 2 
Marche, ter., 158, 396. 



Marohots, 409. 

Marcq*SR-BaroBUli loc, 363. 

Mardin, loc, 481. 

Maremne, ter., 27. 

Marengo, loc, $9, 79. 

Maronsin, ter., 27. 

Margiane, 1er., 491. 

Maria de Florin, Portugal, 
112. 

M ane- A Moi nette, 6, 7. 

Marienbourgr. loc, 39. 

Marie -Thérèse, 6. 

Marignnri, olc, 163. 

MnrimlU (O,), 294, 

Muriupol, loc., 489, 

Marloive, 232. 

Marne, riv., 39, 2:)2, 307, 

Maroc, ter., 175, 363, 272, 
273, 274, 275, 285, 377, 
384, 42» à 430, 49:*. 

Marocains, 423, 424. 
Maronites, 382, 
Marr (T. Il), 37.'1, 
Marsula. lue, H9. 
Marseillais. 409. 
Marseille, loc, 333, 26?, 311, 

312, 321, 328, 342, 349, 

356,384. «397, 428. 
Mars-la-Tour, loc, 24$. 
Martaban, jyolfe de, 176. 
Martinet Cumpos, 225, 254, 
Martinique, île, 406. 
Martius (et fyix), 120, 
Marx (Karl), 231. 
Maryland, tur., 159, 205, 

207, 213. 
Mascara, loc, 424, 426, 
Mason, 189. 

Masqueray (Emile), 422. 
Massachusetts, 1er., 188, 

214, 
MrtsHiial), loc, 2fi3, 27 1. 
Malium, cap, 117. 
Matignon, 522. 
Maurel, 417. 
Maures, 80. 
Mauritanie, ter., 266, 270, 

276, 378, 406, 419, 428, 

429. 
Maurienne, ter., 310, 
Mavrucordato (Alex.)* 102. 
Mmimilim, Mexique, 218, 

225, 238. 
Maya, 91. 

Mayence, loc, 30, 245, 30t. 
Mayenne, riv, et ter., 37. 



Maxagran, loc* $70, 
Mazur- i-cherif, loc, 276. 
Mazeres, loc.» 841. 
Maxerolles» deux toc, 340, 
341. 

Maz$ini (Gt«*.), 127, 148» 
149. 

Méandre, riv., iûl. 

Meched, loc, 276, 287, 486, 
490, 493, 496. 

Mecklembourgeois, 240. 

Médéa, loc, 424, 426. 

Méditerranée, 62, 99, 117, 
154, 232, 240, 254» 269, 
270, 294, 346. 349, 358, 
380, 381, 384, 335, 398. 

Medjerda» riv., 426. 

Medlock, riv,, 373. 

Mégart», loc, 360. 

Mehemet-AU, 120, 127. 

MeîUott, loc, 341. 

Meknes, loc, 273, 276. 

Mékong, riv,, 176, 277, 623. 

Mckrun, ter., 492. 493. 

Mêla, cap., 5Î7. 

Melbourne, lot., 374. 

Melilta, loc, 276, 430. 

Melilli, loc, 39$. 

Melilopol, toc, 135, 468. 

Mettu (H.), 404. 

Mellittgen, loc, 66 , 

Met ville, lie, 122. 

Meuatn, riv., 277. 

Ménard (Louis), 100. 

Meudo7.a,k>c,et riv., 96. 

Mondrisio, loc, 65. 

Mén il montant a Paris, 140, 

Menin, loc, 36$. 

Montana, loc, 163, 159, 225. 

Mer Adriatique, voir Adria* 
tUiuc. 

Mer arctique, iU. 

Mer Blanche, 469, 463, 464, 
466. 

Mer Atov, 153. 

Mer «le Barenh, 29$. 

Mer de Bering, 156. 

Mer de Chine, 177, 275,282. 

Mer de Crète, 101. 

Mer de Gascogne, 19. 

Mer de Poyang, wtVPoyang- 
hu. 

Mer des Antilles, 93, 96. 

Merdes Caraïbes, 65. 

Mer de Sicile, 397. 

Merd'Okhot9k,/5S. 



550 



l'homme bt la terre 



Mer du Japon» ISS. 

Mer du Nord, US, 31 ft, 317, 

MO, '«38, 449. 
Mer Ionienne» /30» SOI, 
Mer Jaune, /££, Slff,âî7, 
Mer Ligurlenno, 155, 
Mur Noire, M, m, 156, 

2ff/, 294, 4Ô9, 463, 472, 
. 47X 
MwHoubi*, 62, M. 231,232, 

2G9, £77, 294, 419. 
Mer Tyrrtrônienno, tt*. .W. 
Mura», loc, 3J& 
Mcrroiiario, mont* W. 
MérieouM, loc, 3Ô5. 

Méridionaux, 409, 4io, 
Meriunoth, ter.» i/3. 
Mmivim, Ion., /Si. 
Merlhyr Tydftl, loc, 34*. 
MiM'tttchak, riv., 484, 494. 
Mt'i-v, 220, m* 27fi, 4..4. 

J*?. 489, *35. 
Môsopidamits ter., :!7.> ( 494. 
Mcssi'iiif, ter., 102. 
Mvssim*. |fi*ï., M, H>1, 3*7. 
Metternich, 11(1. 130, 134. 
Metuali. 382. 
MHz, lue., 225, 242, ï«. 

3«2. 
.\k- Ut/il C 4Jf>. 

Mciims riv., .19, 57, *)/. M«. 

Mexicains. 218. 

Mexico. loc, t>2. s», »J2, 200, 

21 «. 225. 
M<"Omu»\ 1er. pI |ï»Ui\ lîtf, 

73, SU. t<»0, 183, 204, 21*2, 

216.217. 218, 1!40,37<I. 
Mvyer {iïduard), 481. 
Mivhé {grand-duc), 473. 
Michèle! {Jutes), (1, 7. 14, 

10, JH. 31, 123. 
MivlnKiUi, lue, *»$, «*;, 

.MiiidcliMiut'K. l«'. t Wi. 
Mitldliwoc, 1er., Ut ' 
Midoims riv.» 27. 
Milan, loc, .55, .5/. 58, «<l, 

;,«*, 127. 128, 129, iW. 

13*». 137, 117, Aï.V, JMtf, 

310. 3/ i, 345, 398. 
Mila/./.o, loc. /.îfl, 
MilifHml r»«d, à Londres, 

3fi7. 
Milfiiiil-uuVPii.liir., 44?. 
MiiiaiKi, toi;., 424. J25, 
MiMello, lue JMtf. 
,tfi« (.S'ruarf), 413. 



MOI*, Oaribaldtati, 158, 

182. 
tfttit'ére (/. S.), 253. 

Mitton, 206. 
Min, rtv„ 4/,ï, 
Minât, 186. 
Mindo, riv., 147, 1ft7. 
Minet), loc, 30-î. 
Minsk, toc, 400. 
Mirabeau, 17,' 33. 
Mirath, loc., 178. 
Miropol, lue.» *flfl. 
Mississippi, riv., 18»j, t&& % 

208, 212. 
MiKsulofiifhi» loc, 70, /#/* 

102. 
Missouri, riv. et ter., 189. 

192» 193, 203, 205, 209, 

2 Ki. 

Missouriens, 10 4. 
Mithridate, 476. 
Milidja, t<»r., i/7, 110. .23. 
Mixo. 1t*r., 27. 
Mobili\ lias, 192. 
Moçumlrif(iii*. ter., 2fi'J. 400. 
Modancloc, 310, 311. 
Modems loi-.. 127, 158, 31U. 
Modka, lot 1 ., .30.1. 
Mof£udorJo<s,2i •!, 
Mohammerah, loi-., VJ2, 

Mohioans, 330. 

MoHilcv, Mogilov. 40S, 4Wt. 

Moirans loc, & 

Mo'ixr, 74. 

Mokka, loi-., 2T/. 

Moldavie. 1er.. 100, iMI, 
J Motettttftrth-St/ke» (/*.), 495. 
: 497. 

i Malinuri <«. rfr), 46. 
j Mothe {de), 259. 
| Motnas, loc, .!f4/. 
j Alt un lias i. toc, i*iâ. 

Mong.tlii*, 1er., /.W, 274, 
484, 50 i.MMi, . r ) 14. 

Mongole, tr>3, 212, 'W, 

474, 4U» t 484, 48G, 4^1, 

504, 505, 50*>, 512, 524. 
Xhnwer {Mtireet), 50iî, 

518, 520. 
j/fww, 183, 217, 218, 

219,280,283. 
Monrovia, loc, /S'î", 26*.ï. 
Mons. ïor., .ÏV, 
Moutarci»m,lo(.'.,34i. 



Mont Blanc» ^7, 5//. 
Mont Omis, m* 310, ^il, 

31 fî. 
Mont -do- Marsan, loc M Sf, 
Montehello, loc, M5. 
Monte J un to»J(9& 
Monte Lauro, 395, 
Monténégrins, 390. 45G. 
Montenvgru, 1er., 2fi(), ïtf/, 

389. 
MonliMiotto, In,., 2. 
Montt» fiosa, 3 il, 
Monta^nns Rocheuses, voir 

KovheuHfMt. 
Monlar^w, loc.,306, 
Montanhan. ioc, ?£. 
Month^liatd. loc. f 2, >&, £<;. 
MonteiHissu, loc, ^.7. 
Montovtdi'o, loc, 89, 3*13. 
Montezuma, 92, 

MoiitGt»fièYrM10,3i/. 
.M on iKomory, loc. d« Cirun. 

ilo»ltn»la^ti(>, 7/3. 
Moittftonipry, \w. dt i s lilats 

l.'nÎR, 20.ï. 
MouUguy, !<»»., 3<5.{. 
Morit)iii;(«n,|oi M 3C7. 
Mont marins à Paris. 240. 
Mmitiiifrly, l<u-. t 24, 
Mofitttioutlijoc. tdli'r., US, 
MmtliH'Utcr, loc. d»* Sain- 

toiiK*, -140. 
Montpellier, Un. du I«mi* 

^tiodfM'. 348. 
MoJït Saiiit-Mirhcl. H«s 7. r i, 
Monts Alli*({liuuivs, voir AHw* 

tîhanii^s. 
Mont Taliiir, «2. «3. 
M»rat, i«c„ -5.5, 
Morava, riv., 144, 
Moravee, un, 458. 
Mo!'uvïisti'r.,«ï2/. 
Mordvln, 4nr>. 
MonV, ter., 70, /«/, ici2, 

120,318,391. 
Morlaixjoc.,347, 

Mort»Knt>, lue. «140. 
Morlura, l<"*., J4H. 
Morwmt {(iuylon dr), 47, 
MiNM-nti, lot'., 70, 81, 220, 

222, V-W. 4.VJ, 4H3, 4'*,4. 
Moscovites, 458, 505. 
Mosi'lhsriv.,30. 
Moskova, riv., 70. 
Mostagan(*tn,lov„ 424, 4'Jô. 
Mottaz (Ettg.), 13. 



INDEX AU'IUUÉTIQl'E 



551 



Mottclieux» loc, 36S. 
Moueh.V. loc, #«, 
Mouscrott, toc, 363. 
Moujik, <g2 à m. 
Mourut*, Turquie, 61, 226. 
Mouravief- Apostat, 1 06. 
M'putU, 2C6. 
Mueh.loc, 386,**/. 
Mukdei». loi-., /M. 448.515. 

.Mulhouse, loc. 30, .5.>. 
Mutuya. riv., 275. 
Afammius, 366. 
MtiiKlt'iK lue* 12'*, 
Munich, Mtim'heii, 57, 127, 

i;i3, 32;. 366, mi. 

.l/«/*t/ [Joseph^ 82. 

Minuit», lue, 86. 

MttrRliuh. riv., 27tf. JA7, 

Musulmans, 178, 180, 

•in.., tloii. 

Mitf/ari de Vougtarut, 7. 
Mutjden (lu van), 56. 
Mya. riv.. 42Ô. 
Mttyiëne, île, /«/, 105, 287. 



.Vin/a/ (/W), 501. 
Xmiïr+hatt* 491, 498. 
Natfasak». )<>r., 173. 
Nu#y-sarlo. lot '„ 7.R 
Xatii*diiih, loc 52.?, 
Nntnur. loi-., 39. 
Naucy. loc. i'^î, :'.57, 3tf<\ 

342. 
Xtitikuiff. loc. 165, 166, 168, 

i«». 182, J?.ï. 
Nan-nitiK, lu**., SH-'L 
tXanxt'n. 206. 
Nantes, I<«\, 37, ï«, «;, 

3i2, 
N'a pics, lnr„ 47. 58, ;fl, 82. 

m*. /«», loo.m :i%. 

Sapotttm /« (voir 7itoM< 

.V«Hfo«///,l51,2l6 ( 217, 
218, 236, 420. 

Napolitains, 1 27, :ti*:f, 426, 
Xarliomu*. loc., 313, 3i8, 

415. 
Narca*l'*l, loc, .'M t. 
Xurdos, loc, 3.5*5. 
Narvik, loc. W'î. 
Nassau, ter,. 127. 



Navailles, toc, 341. 
Xa varia, loc, 70, iô/, 12 t. 
Navarre, ter., 86. 112. 
Nebraska, ter., 193. 
Xechao, 231, 
Necker, 1, 10. 11, 15. 
Xvgreiroit (A. <PA.) t 265. 
Nègres, 64, 114, 182 u 

224, 266. 
Ne^ri Hembilan, ter., 17â, 

Xelim, 61, 77. 
Néo-Grenadins, 88. 
Nopal, 1er., W. 
Xortehinsk, loc., /£$. 
Net ht, riv., un, 
Neticliatel. loc„ 54, -î-î, WJ, 

134. 
Neuveville.loc, tô. 
Neuvreuil, loc, 355. 
Neva, riv., 469, '.63. 

XeVUW, lue, 307. 

A'n't'nsott, 478. 

Nrwcasllc, Ita:., 343. 

New- Jersey, 1er., 2M. 2/3, 

215,374. 
New I,aw.rk, loc, 1 4». 
Newporl, lo<\, 347. 
New- Y«rk, lue et 1er., 2W. 

MS, 215, 231, 357, 372, 
• V5, 43ti % 438. 
Nw.il). loc, 120, 127. 
N'uati-IUM'i, ter,, VMh 
Niiigara,ealar. ( ï*fi2, 
Nicaragua, ter., ti'J, 03. 
Nice toc, ^?. 3//, «12. 
Nirh.toc, «©/. 
Ni<ha|Mir. loc, 4UÛ. 
Xieola* /*', 105, 107, 145, 

H6, 156, 46Î*. 
Niémen, riv., 4ùih 
Niger, riv., 265, 270. 272, 

4M. 
Nijni-KolyniJik, loc., 1U. 
Nijn j - N»vK»nMl« loi 1 ., 4»i7. 
N'tkolaù'f, loc «i* Extrême 

Orient, 463. 
Nikolaicf, loc île Hussic, 

4M t 4m. 
Nil, Piv.. 6«, 2Î11, 26V, Ml, 

1158, 981, ÎI8Ï, 3HS t '»27, 

1112. 
\U lilou, riv., 260, 27/. 
\tmw. lu»:.. 20, 348. 358. 
NinfM»J. loc, itftf, i?3. 
Xininv lu*;., :iafi, 358, 106. 



Nippon, lie, ;â^,W.Ï. 
Nïppur.loc.,381. 
Niu-tcliwanfc, J/?, 5?.ï. 
Nlvc, riv., ^7. 
Nogaï. 474, 47 S, 
Noîrmou tiers, îlo, $7. 
Noirs, voir Nègres* 
Xomu, riv., 156, 
NoorU.rlvicr, MS, 208. 
Nord, ter. de Franco, 206, 

208. 21!. 203,1105. 
Northnskjôhl, 510, 
XoroVrney» ïl«t M9. 
Nordtstes,i'<>t> Fédéraux 
Norfolk, ter. anglais, 113 
Norfolk, lowuiiéricaiiuvW;. 
XnrntatKlk!, ter., 415, 
Normands, 28. 
Xorlhatnplun, ioo n Ut 
NortluuniaM'lauil, ter., 1 13. 
XorvèKe, ior., Ml t 379, 4 48 

a 'j53, 4U5 
Norvégiens, 294,325,452. 

464. 
NosovjU'lii, lor., 4Q9. 
Xoto, loc, SU. 
XottiiiKham, \w* rt ter., 

113, 343. 
Xouvcati Monde, »w> Am« ; * 

rûj ne. 
Nouvelle A«Kieterre, 114. 

102. 206, 2Î5, 25«J. 
Xouvellt'C;alédrmi.',tle,406, 
Xoiivelle Kspagne, ter., 02. 
Nouvelle l'ranw, 1er., 205, 
Nouvelle (Jreuade, (er., 05, 

07, 137, 
Nouvelle(>winée,l*apouasic, 

lie, L>05, 208.447. 
Nouvelle Hellade, Ut., U'». 
Xnvare, loc. 128, iU, 147, 

1ÔS. 
Xovaya Zctulya, îli», Jî/*l. 
Novgorod, loc.. 4«:t, 4M. 
Xovjïorod «Sevi»rsk, loc,, 4hU. 
Xwicrn\ 405, 455. 
Novîpiizfii*. loc, 'JfiL 
XuvotiiOÀkovKk, loc, 4M. 
NnvO'ltos«ïJisk t loc, 47i. 
Novo-Sylikov, loi;., 4ti9. 
Xiivotc-herkank, loc, 4(i'J. 
XoyeHt's-snus-Lenu, Xoyel* 

les-suus* Helloniî, Xoyelles* 

Oodatilt, lr*>w loc, 346. 
NOrnliem, loi-., î«4. 
Xyan?.a, lue, 272. 



ne 



L HOMME £T IK TÊRBE 



Nyassa, lac, 400, 
Atyt (Ernest)* 54, 56. 



Oakland, loc.» 35/. 
Ob, riv., 2Sff, 506, 4M. 
Obdorsk, toc, 609. 
Obeokutn, loc, 271. 
Obock, loc, £M, ??i. 
Obricourt, loc, MS. 

Occidentaux» 8i,S03,506. 

Occitnmo, (or., 420. 

Océan arctique» polaire», 122» 
Un, 296. 

Oitfan Atlantique vint At- 
lantique 

Ortfanii», 22, 262, 2«9, 407. 

Océan 1 ad loti, 93, 269, 

Océan Pacifique vm'r Paci- 
fique 

Ochim». Il»', âiî. 

Odaki, loc, S27. 

Oduvara, loc, SUT. 

Of|i'r»riv M i4S, 

Oilessu, loi-.. /M, r>.ï.ï, \\k% 
3Sfi, 4S7, 4S9, 4tW, 4H9, 

Odimmboowc riv., .'/.'M. 

(Haitlo, riv,. 150. 

OITfiiburir. loc, .S.Ï. 

tyé(J'f7i<YAf). 6? 

Otfliu, riv., 5.5. 

Oliio, riv. i*l |i«r„ j?f«. 

Ois>, riv., .ïft 252. 

oka, riv., 4.5P. 

Okhotsk, lui:., iss, 

( tbhutbui'f;. loc, 4SU A 

Oldhnnt, lin-., 343. 

Olumii, loi'., 27*313. 

Oman, loc t>\ ter., t'.V,î» 

Ombrie ter., 45*. 

Ofudtmnun, loc, 226. 

Omi, mont, S 13. 

Omsk, |oc, soft. 

thuya, lac: et riv., 4 $9, 4t!S, 

Onon, riv., /55, 

CifJtiftn, loc, 266. 

Opjiy, loc, &S& 

Oraiu bu;.. 254, 21» i, 42a, 

424, 42S. 
Oramo, tvr., '*!'.». 
Orbe riv,. », .î.î. 
Oreados du Sud. ib>s, 297, 
( )rrli», loc. 4H9. 
Oivl.loc, 4Hit. 
Orcnoquc riv., 94. 



Orfa, toc» 4êL 

Ortsataux, 391, 505. 

Orléans, loc., 343, 345. 

Orléan ville, lac, 424, 4M. 

Oriuur, détroit, 4U&. 

0«m»;i57,182, 

Owkjoc,,/*?. 

Ortliex, lor„ 313. 

Osaka, loc, /M 

Oimanli, 99, tOG, 105, 390. 

OiBes, 474, 4? S. 

Ostabiircl, U»r.. 27. 

Onto, riv., 449, 

Osto»di\ \ov„ym. 

OslKHcsIamMec, 4S9> 

Ofltiak, 466. 

Ostricmirt. loi., US. 

Ottawa, loc, :i5(i, 

Ouadut, ter., 270. 

OuauJocûlO, S VU 

Oudjda, lue. 27. ï, 429. 

OuxM-Ilunm, 117. 

Oiif.'d-MazjiKi'iia, vuir Ma- 
zagran. 

OuuKrinl, Ib-, -î/r. 

Omnan. loc, Mit. 

Oiui|.cr J(liia. riv., 27A, 

Oural, mont ft riv., 4AQ, 
4ST< .'t05, 51)8. 

OuratoAltaiens, 484. 
Oiksouiî, 210, /Jft\524. 
OusMuirUoc, 4 s;. 

Ovt(ljn|M||Joi'„ 140. 

(hwn {Richard), 141, 
Oxford, loc ot Iit., 113. 
Oxus.iW/- Ainu-daHa. 
Ovaniiax, loc, tf. 



l'avanie 7a, 15»1, 231,234, 
277, 35/, 463, 46'.. 50'*. 
M«, 51t. «7. 

Pudmte loc, 319. 

Pacz{&tn.) t 96. 

Pû*M7Vt. Aefcwi), 206, 

Pahnng. loc t»t riv., J7.5. 

Pnklmt, lue, 523. 

l'nlatiual, U<r., A3, 239. 

Palazzoln, |or., :wîi. 

Palwmcloc. /.5«, Hi«», .ÎV5, 

!'itk«tim» f t»T„ :i«:i à a«r», 

I'ab'Mm, lo*:„ Ï5S. 
Pal mas n»j», /NT. 



Palniyr#,lnt\ t 488. 

Pamir, monts, ??fl, 457,505, 

SIS. 
Pampelona, toc, 3i3, 
Panama, loc et isthme &9, 

97, 98, 379. 
Ptmdoura, 18. 
raiitollttritt, tic m. 
Pao*nhiK« loc, 5/1 
Papin {Denys), 124. 
L J apouasic voir Nouvelle 

Guinée 
PA<|U<*, tltHle, M, 95. 
Paraguay, riv. et ter., \t4. 



95. 



Paraguayens, 91. 

Paramaribo, lor., 89. 

Purana. riv., V7, 3M, 397. 

l'arbayso, loc, «ÏJ/. 

Paris, lue, 1 à 21 pnmm, 34, 
57, 70, ?», 82, «a, 127, 
l»4 f i:»7 à 140, 200, 22f». 
n% 2'i«, 242, 2'iri, 24c 
i'jr, 248 à 2fA 25ii, 2S7 t 
2.V», 28a» ^0?, alO, 5/i, 
Htfi, iil 7, 322. 322, 328, 
:i*J6, 342, aV», 351, 357, 
3.V.», 3«i2, 372, %U< 391, 
409, 4Î5, i20, ^,/A 480. 

Parisiens, 17, 228, 248, 
366,400. 

Panne, ta'., 57. iri8,,m 

Parry. 70, 122. 

Parai, 49a. 

Purtitch, 440. 

Pas do Calais, (tttroit, I3f>, 

317,438, 
Pasftievitottt 146. 
pHXKUKff du \ord-Kst, A 10. 
Passafçcdu Xortl-Oucsl, Il 1* 
Passa il. loi'., 20 J. 
Pata^xtic ti»r., X9. 
Pafesnon, % 13, etc, 527. 
Pat nu, loc, /«/, 392. 
Pau, loc, SU, 341. 
Pavia {gén. ) t 225. 
Pavic l«c, ISS, 
Pavon t 88. 
Pays-lias. 3, 51, &6, StJ t 

446, 447 à 448. 
Pays Basqui>, 27 1 121* 131, 

314. 
Pays d*Aïbrut, 27. 
Pays d'Axel, M0. 
Pays de Katxand, 350. 
Pays d(î Wumi, 3Ô0. 



INDEX ALPHABÉTIQUE 



553 



Pays Saxon, 258, 440. 
Peary, 296, 330. 
Peanx-Rougei, 184, 422. 
Pechaver.toc^ff. 
Pedro de Uragance, 98. 
Péguy (Ch.), 409. 
Pehang, riv, et ter., 177. 
Pei.)io,riv„1?U,514,J7& 
Pei.kiang, riv., 169. 
Péking, Joe.» M*. 163, 166, 

170, 171, 174, 182, ??», 

464, 512, 4M, JlM, 
Peltetan (Eugène), 249. 
Péluse, toc, 358. 
Pelves, toc., 355. 
Pelvoux, mont, -31/. 
Pembrokt'.tor,, //ï, 
/toidlr, 294. 

Pendjab, ter.,i:i6, 178, i**«. 
Péninsule de Kola. 330. 
Péninsule dns lîalkans, twr 

Kalkanji». 
Péninsule hiridoni*, e«> 

Inde. 
Péninsule ibérique,! tnliet » rie, 

voir Espagne et ttulk*. 
IViiiiisutcï MiituiMS 175, 176, 

178, 
P««rt (Willinm), 184. 
Pennsylvanie, t»r., 1%, 20.ï, 

207, 2» 2. 

Pitnzumas lut*., 347, 
Perak, loc. cl riv., //.5, 177. 
IVreJil. «<•, A'ï. «7, 
Pcreknp, Joe, /$& 5o:i. 

Péril», lit*. 492. 
Pcrtn, loc.. 440, 508. 
lYrnainbnco, lo«„ /*?. 
Pérou, tcr M 70, «0,51 1. 
Perpignan, loc., <t/3, 31 i. 
Pcnvt (G<ror.) f 394. 
Jtovy (Commodore), 171 , 172, 
526. 

Persans» 496 a 508. 
Perse, ter., Ift», 262» 275, 

i>76\ 478, S 83, '.91 a 503, 

4S& 
Pwrsique.tw golfe I Vrshpie. 

Péruviens, 96. 

Pescador'S, tlct», .124. 
Pesehtera, toc., I6H. 
Pest, vnir Budapest. 
/»«sfW, 106, 107. 
PelHnli, ter., roMh cl dé- 
troit, 16'i SU, .57î\ 



Pelchunt, rïv., 44C. 
Pélewboiirg, voir Saint. Pê- 

tersbourg 
Petit Be!t,dét„ 459. 
Petitot, 329. 
Petit •Saint * Déniant , col, 

307, 310, 311. 
Petites Russie*, 473. 
PetttsRusslens, 4M, 458, 

474, 475. 
Petrovaradîn, loe.» 1*28, 133 
PhaUhourg, loc., 245. 
Pbîtnar à Cotis wiUnople, 

100. 
Phanariotes, 106. 
Pharaons^ 62. 

Phéniciens, 348, 381. 
/WoViu, 378. 
Philadelphie lo«., :*««. 
Philippe il,W,m. 
Philippe ville, U»e. di* Hi*|. 

KÏi|ue,3fl, 
PltilipjM villa, lue, d'Altfé- 

rie. 424, 425. 
Philippines, îles, 22'i, 237, 

2«2. 28a. 

Phitippopoli, lue., ini. 
Philippin, U93. 
Philistins, 323. 
Philomus, 102. 
Phrygiens, 381. 
Piave, riv., M t 319. 
Ptonoii l, ter., lui, Ut, 236, 

310. 
PiémontaiM28, 158, 182, 

393, 396. 
PU VI, pape, 7. 
Pie IX, pape, 128, 135,148, 

150, 236. 
Pierre P*, Hume, 106, 358, 

463, 
Pierre de Calabre, 396. 
Pjfiaiig, île, 175, 
Pinile, inotit,:i ( Jl. 
Pingretf, (/>,}, 283. 
Pin'ïo, toc, 358. 
Pisany, Kk.., 340. 
Pittard, 474. 

PiUsbunï. toc, 362, 368. 
Pi? JlarjvJifFr.) ( 253. 
Planpînet, «Wr Kt'hcNfK, 
Platées, b.c., 318. 
Platon, 378. 
Plevnajoe., 22fi. 260. 
Plotivitin, loc„£4£ 
PiymoiithJia^'H;. 



Pnom-penh, loc» 577. 

PÔ. riv., 4â> 67, 59, /4«, 3#,\ 

3/4,3/3,345. 
Pointe Barrow, cap, 330 , 
Pointe tjeona, cap, tfa. 
Pointe Marroqui, cap, 85. 
Pointe Pescadiî, cap, //?. 
Point Ueyes, cap, 351, 
Poitiers, »or.,.ï?, 343. 
Pola,loc„.?/& 
Polabes, 371, 442. 
paie Nord, ?fiw. 
Pôle Sud, 297, 
Polynésiens, 527. 
Pologne, ter., 70, 71,81.84. 

107, 109, 111, 127, 132, 

182, 203, 321, 469. 470, 

477, 485. 
Polonais, 84, 110, 128, 

131, 132, 110, 228, 322, 

324, 371, 444, 456, 457, 

470, 471,484,485,505. 
Poiitarlier, io<\, 307. 
Pontificaux, 158. 
Pontviii.loc, 365. 
Pope (Alex.), 20G. 
Port-Arthur, lof.. U5 t 226, 

2,-9, 464, 50». 540. 517, 

523. 
Port •nu- Prince, ïoe, 'M 
Porte d'Or, UcL.JWI. 
Portenos, 93. 
Porforpu'MH*, loe., 355. 
Porto.Alh'gre, loc, 333. 
Porto-Cabello, lor. ,96. 
PurtO'Nuovo, loc, îîO'i. 
| J «rt.Saïd, toc, 232. 384, 

3S5. 
l'ortsmouth, lop, 343. 
Porl-SunlighlJoe.,371. 
Portugais, 98, 176, 177, 

198, 266, 330. 
Portugal, ter., 50, 7», l J8. 

99, 186, 19fi, ^^.^266, 

26V, 2y'i, 400, 404. 
Pnsen.loc, 457. 
Potanin, 505. 
Polomac, riv., 182.1206, 

'213. 
Potosi, loe., 349. 
Pcdsdam, loc, 433. 
Pouilk'M, ter., 396. 
Ponrtalel,coK3M, 314 
I^riyaii^liu, lac, 168, MU, 
PnuiHnie, ter,, 322, 



554 



L HÛJIMK KT LA TERRE 



Posnaolen, Polonais 

d'Allemagne, 322» 444. 
Prague, loc , 128, 132» m, 

rM t .nu 372.457. 

Preguillac lue. 340. 
Presbourfj, loi;., 69. 
1* les ton, |ut>., $43. 
VtvUtm, loc, *<W. 
l'rincipautéfi (laiiulrietmes, 

15:*. 
Prmmtktt\ 478. 
Pifjtttihon, 151, 25y. 
ProvtMicc ter.» 131, U72. 

415.419. 
Province* biiHqties 2<>3. 
J'riissr, tPr., «7, 56, 79. 83 

ion. 128, tau, i:n, m, 

/M. 134, 142. 143, 160, 
163. Kit. 182. 225, 234, 

artr>, 2:10, 238, 2:19, 322, 



434. 



Prussiens, 67, 143, 225, 

242.24fi f 418. 
l'rut, nv.. i'tf /. 
J'skov. loi:., -//M. 
/>/o/wf<Vs, 62,131,384. 
i'tttt tcrf/fonc), 472. 
Piiphla, Ion, 217, 218. • 
l'iJcrlfi-lU'lld, loc, 8.18. 
l'Ufl'lo-Uit'U, île -S», 98, 

250, 2H2, 28Î*. 
Poissa mv dtt Canada, i:V, 

Punti, 168. 

i'U,VPfl*dn. Jim-.. -Ï/-Î, 

Piiyiiw immis. ni!. J/A 314. 
Pyrètit'es, itiotits, (y. 27. 

2«3. 239, 308, m 31t. 

:il">. 338,419. 



(Juailrants d'Hiidcrliy, de 
Uns*. <U* Vwtoriît, tii» 
UVddidl, Mî. 

Quakers, 190, 48». 

Quarnwo, r;nl«\ 31U. 

Qiit't'itslait<t, ti*r..330. 

guiM'ijstuwn, Inc., 34 i. 

ym»ivY. 1er., il A. 

QivrHam, |ih\, a 18. 219. 

Qut'Muiy-Kurth'ftle loc, 3fi.j. 

QMilh't'tm,jir»'srnj , ili' 1 .ï;.'ii2. 

Ûuiohua. 91.94. 

f Juiôry •lt**Mn( le loc, ."Jtf.î. 

Quittant (ftVrif?), 88*». 4*1. 

Qail», |i»r., W, 92. 



Rabat, Inc., 27.5. 
Jfarfa*, 125. 

Jfobfriy (|é«.)» 12& 127. 

Ra<ypout«a> 180. 
Haduor, loti.. i/3. 
Kagasa, toc. dp Mlclto, .WA 
Maguu», loc, d'Illyrie, V, 
Haïetchiclu 134. 
Haimbftauraurt ,loc, 35.5. 
KambouilK loc. 108. 
Hamsay {W. M.) t 484. 
Jtaiigrjon,lcic, ??7. 
Hapualiatunk, riv.. 2J3. 
Happorswyl. loc, Aï. 
Raskolniki, 48.'). 
Kasfadt, lay„ 128, 133, 143. 
ffala*/ (*>.), 77, 241. 
Rnvenstein, 332. 
Raya, 4 ko. 
HiUltvW. 
Ht"ilit,loc,494, 4».S. 
/fecfar (AViV), 329. 

HtMOCio, lw„ M*, /4îl, .3»?. 
Unions j n»bires, 293 à 297. 
lU'ii'lLstiufTiMi, loc. i!45, 

Ht'ims, Inc., m, 2.î<\ 

ItYaaetUuc, 1 4. 37, 243, 2/5. 
Ki'l»nh(it]ut> niiifriptiliie, iWr 

Klals-I'nis. 
Hooubliqu»» lialavc 61, 51. 
Hé|iublio/K'visnlj>ims ligure 

|iartli^iiopiV(>uiii>. .5?, 58. 
Hvjjuhliiiiii» i-is|i«daats 57. 
HètMiblii|Ufdi«Crai'f)Vtt*.t:i2. 
!tf ; l»uldîi|tu>ijv Wuisc 59. 
l<i>pviî>ïiipif i>Kpaj^nnli', 20'». 
itt'ptibliqito triinçtiise. .11, 

«8. 111. 1.10,242. 
{{(•IHlliUqiu* lU'lvtHitpii*, vnir 

Suisse 
i{(' , nuh)j(|U(»itnli(.'iiin',.îr 1 149. 
ltt k {Mllrli(]iat iiu'Xiraïtif. 216, 

•M" 

\W\mU\u\\u> romaine -î/. 58, 

1 49. 
lU'taild. loc, Mtf. 

Ht'utuioti, th., 4o*i, 
tUveitton, 12. 
lîc villa <îif(i*dii. 11**. A». 
lU'ykïavik, loi*., :t:t9. 
Ht>vaivilti>.tiw., 225. 
Hhin.nv.,^, 52,55,57, SU, 
72.2»9,w;.4»l t 440.^/. 
KInuii'K, Ile, I0L 



Hhône, riv., 9, &?, /.îs, 30" 

3//. ;i4G, a 4 H. 349. 
Rinzan, lot 1 ., 400. 
Ricchteri (G.) f 334. 
Richelieu, 125. 

lifcitmofirit lot'. d'Am^- 
riqup. 182, «W. 2«7, 212, 

Riego* 70, 8G. 
Hif, tPi„ 275. 
H îifH. loc, J^ /,*//#, 470. 

/ftjgw (C*oa«faaiia), 102. 

Hila, monastèn», 3«1. 

Hio Hravadal Xorle, 91, 

Hlo d<* AnoucaBua, 95. 

Hio de Ghonpa, »5. 

Hio de .lauciiM, loc, AS. /V7, 
3G8. 

HiodiflttI'tntn.91 t '^.!f. 

Hio d'Oro, ter., 263, 

Hio Grande dol Nopl*», riv., 
218. 

lîio Oraiati* do Hul, 1er., 3M. 

Uîom, Imt., 51. 

Hjn Maï|io, riv., tf5. 

Hio Moitdox.'i, riv., M. 

Htun. riv,, 472» 474, 4? ï. 

HioHati Juan, riv., H. 

Hioux, ioc, 340. 

Hi|)oll, loi?., 3/ï. 

Hiuw. Ile /7.ï. 

Ht vivra da Tessia, l«r., .5.5, 

Hixitorf. loc,.i/.t 

HoaniM', loc, :joî. 

Robot pur rt\ 2, 32, 68, 

Ittic.a. va\\, :iUU, 

fiochitmbraiti 62. 

Hoclu'ux, nioats, 231. 

Hodiiicoiirt, loc,. 3.51 

Hocoart, 1«m:„ VJ. 

Itœuxjoi-.. 3.5.5. 

Roi de Rome, 69. 

Rouiac/n'iUt 479. 

Itokuii. riv., J75. 

Holîiittugava, riv.. .527. 

Mnrf, 472. 

Hoaiagius tov.s 158. 

Romains, 352. 394, 409, 
429, 485. 

Hnmam-hc riv.. M, 15. 

Hoiiu*. loc. 57, 69, ?&, 83, 
128, 129, 135, 148, 149, 
150, MX, 159, 160, 225, 
228, 236, 270, 310, H*U 
328, 331, 351, 352. 37*. 
376, 380, 385, 898, 428. 



INDEX ALPHABETIQUE 



r " " 



Komforri, |oc, 301, 
fomme{Vh t G.) t 48,107. 
Rottcal, vaille 31 H. 
Roiu:i|, lo«\, 363, 
Ronda, loc S<3. 
Rontignanjoc,&//. 
Hoos, lac. «Î5& 
Kosptte, loc, «2, tfï, 70. 

Hosolini, loc, Jft$, 
Hosx {James), 122. 
Hostov, U«: M ,f«K ( 400, 
Rotterdam, Ion,, M, 31 8, 

Mi t 343<44J t MÏ. 
Kutibaix, lot-.. 343, 362, 3H3. 
Kouen, loc, W :Mr,342. 
/fouûe, 118,120. 
Roumains, 1 28, 1 ï î , l 4 4 , 

N5, 260, 322. 324, 354, 

394, 443, 444,484. 

Roumanie, 1er., 102. 260, 
388, :m 

Houiitflie, 1er., 226, 26o, 
?fli. 361. 389, 

Rousseau (J. J.), 336, 

fïouvroy, Joe» 'ï'î-î. 

Roux {Jacques), 44. 

Kovigo, loc 1/7. 

Royaume ï : i)i, ter., 179, 
:il8, 352. 

/laffAerl, 238. 

Rudolf, lac, i7/. 

Ruu*eclnc,3U. 

Hnhr.riv., 130. 

/J««. 88. 

Rumine), ri v. t Jl'X 

Huuel. riv.. -33'/. 

tiuskiniJotm^m. 

Russes* 84, 106, 128, 154, 
156, 198, 199, 225, 226, 
228, 235, 24», 259, 278, 
289, 325, 331, 380, 440, 
455 à 531 pamm. 

Hiiwk 1er., 70. ?», 80 h 84, 
103 A 10". 120. 12". H 4, 
416, H3, 154, 155, 171, 
182, 183, 2»3, 221 a 225, 
259 à 261, 274 a 280, W 
286, 29H t 321, 322. 342, 
34», 861, 38 ;, 388, 3%, 
407, 4'i3, 448, 449, 455 
à 531 pntifim. 

Ruthènes, 131, un, 444, 
Wy, 458, 470. 

Rutland, 1er., 113, 

Ryleif, 107. 



Saane, riv., W. 

Saar- Union, loc, 39. 

Sabine, 122. 

Sablns, 331. 

âacrainetUo, p»v„ 331. 

Sndo, riv„ 399. 

Sadowa, loc, 225, 227. 235. 

Sali, loi!,, 27 S. 

Sagami. cap, 521. 

Sahara, 1er., i»;$, 294, 377, 

419, 424, «3, 430. 
Sa M, 1er.. 117. 119, 423. 
SaïKOii. loc, 176, *??, 517. 
Haillycn Ostrevcnt, SU, 
Saint- Arnaud, lot:., 307. 
Saint -A mire loc, Mfc 
Snint*Glauf|fs loc, 8. 0. 10. 

jro;. 

Saint-Dents.loe,248. 
Saint-Domirifruc fie M. 22, 

64, 67, 69, 72, 73, 114. 

186. 
Saint-Ktienne, lot., 257, 

307, 
Suinl.FausI.loc, 341. 
Saint- Florent, loe, 37. 
«Suint 'Florin lin, loi;., M7, 
SainMîall., loc, 54, SS, 
Saint 'Germain du Seudre, 

loc, 34». 
Saint .Girons, ioc, 313. 
«ainl.Oothartl.coi, m, 311. 
Saîiit«Ieaii*d'Acre, loc, 61, 

(13, 127, 
Saint -Jean*de>LiM,loc, 316. 
Saint * Laurent •Grand vaux, 

8, 9. 
Suint-Laurent, loc, 35>ï. 
Saiut-Leandrc, loc, 316, 
Snint.L(Hfer,loe, 34ti. 
Saint I jouis, 151. 
Sainl-Loiii.s.de-St 4 néfÇHl,loe, 

187, 2US, ïM. 
Saint-Alulo, loc, 2. 37, 317. 
.Sainl-Micliel-d'Aiguillic au 

Fuy, 411. 
Saint.Xuzaire. loe. 347. 
Saint-Xiï'olns, loc, 350. 
Saint. Palais, lue, 340. 
Saint-Paul-de.Loanda, 203. 
Saint-Pétorsbourçj, loc, 79, 

220, 317, 321, 358, 368, 

444,. 449, 4M, 464, 40S, 

40S. 



Sain UPriva», loc, 225. 21$, 
Bain t-Quan tin. lue, 340. 
Saint-Quentin, loc, 2. 24$. 
Saint.Homain, loc. 34». 
8anit-8ébnsti«i,loe,3t3. 
Baint-Seurm» loc, 34o. 
Suint -Simon de Pel Ion aille, 

loc, 340. 
Saint-Simon* 138, 232. 
Maint- Vinrent, île, 331. 
•Sainte-Oertrude, Inc., 34U. 
Sainte- Hélène, Ile, 8i, m. 
Sainte HitKsie.tur.. ^'20, :ï78. 
Saison, riv., 27. 
Sakhalin. ile, ISS, 5ff,, 
Sakara, loi:., 4??. 
Salanurte, loe.,318, 
Saiangor, ter.. 17 S. 
Salau. col, a la. 
Sala y Uoinez, île. *9. 
Salfortl, loc, 343,373. 
Sallaumines, loc, 355. 
Salm, loc et tpr., M. 
•Sulonique, loc, ^«/. -ï-s -î. 
Salta. loi-., 70. 
Saltien, i*iv„ 2??. 
Salvador, *w> San Salvador. 
HuIzicnnimerKiit, ter., :\w\. 
Sa manu, haie, 6$. 
Samar, île, 284. 
Sninara,h)c, 4S9. 
Samarkand, loc, 225, ïrc, 

485, 4S? t 488, 4Ur K 5<u. 
Samoa, ile,280. 
»amo».lie,lU5,388. 
Samoyèdee, 505. 
San Ainhrosio, loc, M*. 
Sandler {Ch.), 372. 
Sati Félix, lutî.» »». 
•San Francisco, loc. 171, 

200, 231, m 

Sanfî-yanif. loi-., $23. 
San Lucar, loc, M. 
$an*Afttrtin, 94. 
San Marino, loc cl lec .;;. 
San Pedro, loc, <J8. 
San Palilo, \m'u*,3Sl. 
San lïaphael, loc, 3-U. 
San Hoijaceajj, !xî. 
San Salvador, ter., H.% 93. 
San Slctono. loc, 226. 260. 
Sauta F* 4 de Bogota, loc, 

89. 
Sauta Maria, loc, 98. 
San tarent, loc, $99. 
Santhonar, 68. 



55U 



L'HOMME HT LA TKURE 



Santiago, loc de Saint-Do- 

mingtio, G& 
Santiago du Chili, lac,, M. 
Santiago dn Cuba, loc, 282. 
Santo Domingo, loc.. ff& 
Saôun, riv., a», 55, 30?, 311 

409. 
Saouru, rie, 2?5, 42$. 
JJamgossi», Zaragosa, loc, 

69, 79, 80, 81, .ïM 314, 

:J44. 

Saratov.loc, 4ti9. 
Sardalgm», Ile 135, l'if), 

5*5, 394 à 396, #'7. 
Sargans, loc», 55. 
Sarmatee, 506. 
Sarraaloa, 348, 394. 
ttarltio, riv., 37, 
Saseno, loc, 101. 
Maskatcuevuti, riv., 483. 
Saunage lut;.. 13. 
Snssun, loc, 4SI, 482. 
ftaumurjoc, 19, «ï*\ 
Sauvageon, Un*., 34J. 
Savannali.* loc, 1H2, 192, 

205 212. 
Save/ riv., W% Ml> 308, 

3/9. 
Savauay, lue, 37, 
Suvuie, ter., 55, 127, 310, 
Savone, loc, ffff, 3//. 
Savoyards, 409. 
Saxe.tor., MS,143 f 4ïil. 
Saxc\V?iinnr, ter., 27. 
Saxons* 82, 130. 
Sayau, monts, 504, 609. 
Scandinaves, m 199, 

379, 449 à 45». 
Scandinavie, 1er., , 320, 

377, 448 à 452. 
Scarju», riv., 355. 
SchaiïouKe, lot:., $5, 
Schithr, 2, 4. 
SchHriv., 449* 
Schltsvig, lue. et ter., 12H, 

132. LU 142, m 
Schlitttstudl Joe, J.Ï. 
SchlusBelJiurg, toc, 4tiH. 
Schneider et Cie, 253. 
Schondiurg, loc, /i/.ï. 
Schouwen, ïltt, U(K 
Schweinfttrtt 440. 
Scliwytx.loc. et ter., 34, 1 36. 
Seilla, détroit, 161. 
Scilly, Iles, 347, 
Scordia^oc, 395. 



Scoreeby, 122. 
Scott {J t )> 296, 
.Veo« (Walter), 2. 
Hcuturî, tue., /tf i. 
Sehastojtol, loc, /.$jf, 156, 

182. 
Seïm, riv., ?M 
StHlan. loc, 225, 242, 244, 

*«, 432. 
Sedrud, riv., *05. 
Segonzac f», 274, 278. 
Seine, riv,, 37, 30, ar»t, 30?, 

409* 441. 
Seïstan, 1er.. 49». 492, 495, 

rm. 

Seinugor, ier,. /M 

Stflttfoucidrs, 497. 

AW/w (/W), 283, 359, 361, 

515, 525. 
SeuwnovKka, loc, 4V9. 
Semersky* 221. 
Séminolfts, 331. 
Seminalutiusk, loc» 50». 
Sémites, 4 84. 
Scmpach, toc, 55. 
Hi'inuc riv., 9, 
Héritai, riwetter.,65, /*r, 

27(1, 4<t7, 430. 
Serine, riv,, 3W, 445. 
Suiis, loc, 30 7. 
Séoul, loc, /5<5. 
Scraing. toc, 368. 
Sarajevo, loc., ?'j J, 457. 
Serbes, 128, 134,1^,146, 

324, 389, 390, 443, 456, 

447. 458, 
Serine, 1er., 220, 260, 261, 

308, 388. 389. 
Serrano* 238. r ' * 

Serres, deux loc dilT., 34 i. 
Sestiu.riv., 55. ■ . , , 
iWtlf, loc, «4, 425. »** 

Sutli Gommu ui, ] groupe de 
i*,villages, 460. 
SetahaUoc, 320. 
Seudre, riv., 3 W, "^ £3 
Sevenoaks, lot., #07. 
Sèvre, riv., 37. 
Khukespeur's Cliïï, 315. 
Slieffield, loc, 343. 
Slieuandouh, riv., S 43. 
Sherman* 182, 212. 
Shetlands du Sud, Iles, 297. 
Shrcwsbury, loc, 113, 
Shropshire, ter., 113. 
Siam, tor.,'175, 176, 275. 



Siuiig.kiauff, riv., 189. 

.Wrie.t er., t«5» 22». 274, 
*06, 302, 476, 478, 483, 
486, 504,507 a 513. 

Sibériens, 508. 

SidMIe, 135, «& 160.994, 

395, 3y6, 397. 
Siciliens, 240, 393, 394. 
Slcttles, 394. 
Sidi-lH-l-Abbés, loc, 424, 

425. 
Stdi-I'Vrrucli, loc, 2/7, 
Sierra Leone, toc, 188. 
Siéyh, 4, 25, 72. 
SMta,riY.,16ft, 167. 
Si-kiang,l64, 168, lM t M3 
Sikh, 136. 
Silt^ie, ter., 133. 
SiliHlrlclm;., 308. 
Simle m)iol, loc, 133 1 4Q9, 
Simon de Mont fort, 410. 
Simplon, eol, 307, 310, 311. 
Sinaï, mon i,63 t 419. 
Hingapur, loc, 175, 1 76, 1 77, 
Sion.tW/'JeruKuIem, 
SiracuKa.loc,3^, 
Sirdaria, laxarti», riv., 

407, 486. 
Sir«ts,lec, 34 1. 
Sivailes, 180. 
Sivas,loc,386,^/, 
Skobekv, 485, 504. 
Slaves, 81, 82, 104, 144, 

198, 258, 319, 321, 322, 

37<J, 442, 444, 455 à &3i 

passim. 
Slaves occidentaux, 134, 

456 à 458. 
Hlavie, 1er., 132, 320. 

Slovaques, 131, 145. 324, 

443, 457. 
Slovènes, 131, 443, 444, 

457, 458. 
Smith (gin.), m. 
ttmyrne, loc, 10 l t H)ù, 261, 

385. 
Sachatduvski, 507, 504. 
&»na,loc,tffl /,447. 
Solarino,t(>e„3^. 
Solttrino, loc, 168, 239. 
Somal, 493. 

Somalie, lur., J?71, 272, 320. 
Somerset, ter., 112, 113* 
Sommier {Paul), 505. 
Soinport, col, 313. 
Sonderbund, 129. 



INDEX ALPHABÉTIQUE 



r>&7 



Soutfkfu,rlv.ȣ77. 
Sophocle, 378. 
Sorraïa,riv., 50& 
Sort in o, lut., 3ff.î. 
Soudan, ter., 255, 271, 430. 
ftoubestre, ter., £7. 
âoule.riv.. £7. 
Souteïman le Magnifique, 

388. 
Sotiraje, lue, 469, 
Southampton.loc, 7/5, 5./5, 
South Farallon, tic» 351. 
South Shit'Uls, toc, 5/5. 
Sparte!, cap. #5, 275, 
Sparlivcnto, cap, 397, 
Spicz, loc, 50?. 
Spiro,loc„ 55. 
Spitxtiiïiv. Ile, *£MT t :*02. 
Spix'iet MarUus) t m. 
Spree,riv.,440. 
Spomies, lies, 70/. 
StaiiuwJoc, JOJ. 
Staff ord, Inc., 113. 
Stamboul, voir Cous tan ti- 

nople. 
Stanovoï, monta, 755. 
Stavodo,loc, 409, 
Stavropol, loc, 475, 
Stein, loc,, «55. 
Stephenson, 70. 
•S'teefer, 294. 
Stockholm, hic., 52 7. 
Stocklon,loc, 70. 
Stor, riv., 459. 

Stounàlstes, 483. 
Htralsund, loc., 79. 
StraBbourtf, loc, 39, 55, 

127, 245, 307, 328, 329, 

362. 
Stuttgart, loc, 2, 127, 143, 

ai. 

Styrie,ter.,4,5/i>. 

Sudistes, voir Confé- 
dérés. 

Suédois, 325. 

Suède, ter., 321, 379, 448 ù 
453, 4M, 

Suess, 419. 

Suoz, loc. isthme 'et golfe, 
62.55,154,225, 227,255, 
269, 38), 555, 494* 503. 

SufTolk, ter., 113. 

Suisse, ter., 3, 34, 54, 55, 
56, 57, 134, 135, 225, 319, 
321, 344, 350, 396, 4U 
440. 



Suisses, 18, 20, 54, 258, 

378, 440, 452. 
Sui-ting» loc, 613, 
Suleirnandugh, monts, 27S, 
Siilitm, loc* $61, 
Sumatra, lie, 17 S, 447. 
Siunfdagava, riv., $27, 
Sam ter, fort. 206. 
Sunderlmul, loc, 343. 
Suugari, riv., 755. 
Suomi, i'oir Finlandais. 
Hurbiton, loc, 301. 
Kurroy, 1er., 7/5. 
Sursis loc, 55. 
Snruga,baie« 527. 
Sus, riv., 273. 
Susquchanna, riv., 213, 
•SuKsex, ter., 113. 
SiMtn Iledin, 506. 
Svir, riv., 450. 
SwHiisea, loc, 347. 
Swift (W.), 337. 
Su-tchéu, loc, 700. 
8ylt,îie,</50. 

Syriaques, Syriens, 190, 

382. 
Syrie 1er., 120, «Ht, 382, 

385. 
Syrfes, golfes, 429. 
Szegedjnjoc 145. 
Szelchnen, ter., m t 513, 

514. 



Tabrîs, loc., 495, 
Tachki'nt, toc, 233, 7*7, 

489. 
Tafllelt, ter„i75. 
Taganrog, loc, 459, 4M. 
Tnge,rîv.,JW, 400, 40t. 
Ta|?lianïPitto,riv„ 319, 
Tailiiadâ (/„.), 48. 
Taine, 12. 
Taïping, 129, 136, 165, 

168, 169, 170, 182. 
Tai*yneit,loe, $23. 
Takasuki, loc, 527. 
Taling<ho,riv.,5i7. 
Tamertan, 61, 232, 487. 
Tain km tin, loc, 425. 
Tamise, riv., 301, 352, 375. 
Tana,lac,27i. 
Tauganyika, tau, 269. 272. 
Tanger, loc, «5, 272, 273, 

274,275,355,428. 



Tan*ac,ioc.,5#0. 
Taaurirt, loc, 725. 
Tarasse», loc, 348. 
Tarbagatai, monts, 509. 
Tarhes, loc, 373, 
Tarifa, toc» 272. 
Tariro, riv., ôllf>. 
Turkhu», ctp, 153, 
Tarsacq, loc, 341. 

Tartares, 106, 466, 407, 

474, 475, 484, 485. 
Tarudant, U»c. f $ 75. 
Tas, riv., 509. 
Tasa, loc, 275. 
Tajunanv», toc, 380. 
Tasmaniens, 422. 
Taira, ter., 330. 
Tauride, 1er., 153. 
Taurus, mont, 385, 3«7. 
Taygète, mont, 392. 
Tchad, Tmdé, lac 270. 
Tchang<-mao, voir Taï- 

ping. 

Tchang-lctiéu, loc, 169. 
Tcliefu,luc,5/«,5/7. 
Tche-kiang, 1er., 169. 
Tchèques, 131, 444, 456, 

457, 
Tclumg-tin&Iou., 523. 
Tcheng-tu, loc, 279, 510, 

513,5*3. 

Tcneremisses, 466, 505. 
Tcherkesoj {Wartam), 477. 
Tcherkeesee, 331, 389, 

473, 474. 475. 
Tehernigov. loc, 409. 
Tchesme, loc, 101. 
Tchétchènes, 331. 
Tuhili, voir Petrhili. 
TchifiK-kiaiiff» loc, 523. 
Tchita, loc, 155. 
Tchitral, U<r., 27'i. 
Tclni, riv., 4H7, 
Tchung.king, loc, 513, 523. 
Tedchen, riv., 495, 
Togo, voir Tage. 
Téhéran, loc, 233, 276, 4S7 t 

491, 493, 494, 495, 503, 
Ten-cl.Kebir.loc.,49». 
Tende col, 311, 312. 
Ténôs,loc, 417. 
Tennessee riv., 205,2 1 2,21 4. 
Tensift, riv., £75. 
Terek,riv,,472. 
Termonde, loc, 359, 
Terneuztm.loc, 359. 



&5* 



l'hommk bt u tkbrk 



Terre de ttnfftn, de Banks, 
d'tëllesmere, du Ornnl, de 
Grinell, de Nortk-Devon, 
de N r orth*Ltftcoln, de 
Nurth-^omerstH. uu Prtn* 
m Albert* du Prince du 
Galles, du roi Guillaume, 
dp Wnlliwloii, /£/. 

Terre do Cnata, d'Endcrby, 
dt» Uralmm, de Guillaume 
II, de Knox, de Kemp, 
du roi Edouard, de Wil- 

Terre d« Victoria, j?*7. 298. 
Terre de Feu, 33 1, 
Terrien de ta Couperit, 500. 
Territoire di» Commande* 

ment* 424. 
Territoire d'olioi-k, a 71. 
Tes*ïn, riv,, M, J«7, 
Tesson, Inc..» .M«, 
Telunn,loc,tf75. 

7'ef3ii«-(*\) t :i7t. 
Texas, ter., s?«J. 

Thains.loc, m 

ThuitiftS,i'of>TaiMK(*. 

Tiiélus,Ioc,&»$. 

Tlienne, lot\, 31». 

Tht'udtiKip, lai;., 163, 409. 

Thessalie, ter., 101, 102. 

226, Ml, 392. 
Thozac loc, 4-/tf. 
ThielUoc, J*«. 
7'to'erry Mm*), m. 
77«>r«, 225, 242. 
Thioia, 444. 
Thf iloiu IIp, 340. 
Thomi dr Gtinvmd, 31 fi. 
Thouars, loc, ,ï7. 
Ttamret, 25. 
Thraeu, 1er., 322, 
Thucydide* 378. 
Thurgovie, 1er., .5.5. 
Tiatwhaii, monts, **7, .115. 
Tibet, 1er., 274, 294» 4HH, 

506, 515. 
Tibre, riv., /4.v,/j9. 
Tieii-tsin, loi:., 170, ,î;tf, 

Thlis, loc, *M, 476, 477, 

483, 49 J, 603. 
Tigre, riv., 4M. 
Tilloyjuc, &&&. 
Tilsilt, lw„ 60, 99. 
Timassauin, loc., 4J6. 
Timinioim Joe., 423, 



Timsah,lac v 2»2. 
Ttneh, »29. 
Tirwkntéf, 63. 
TiroUer.» 236, 3/ô. 
Tlroltent, 240. 
TiaKa, riv., /«, 146, j?ei. 
Tiai.ony.ou, !oc, 424, 425, 
Tk'ineiHi, toc, m, 424, 

425, 
Tobolsk, Joe, 609. 
TntftfenburK, loc, 66. 
Toknl, loc, #*/. 
Tokio, loc, *jî3, J73, S*?. 
Toledo, lt>e, 4oi. 
TateUA {léan), 306, 
Toniat, Joc„ 271, 
TornboïK-liHÉ, ln<\, «?ff;ï, 430. 
Toiicgavn,riv., .îi?7. 
Toiikin, 1er., m, 176, :'??, 

270.407,518. 
Twquemuda, 284. 
Tornea, riv., 40J. 
Torres Vedras, loc, 79. 

399. 
TortPi|«iM)»ts lue, 35.J. 
Torlutfa. île, 6.1. 
Tosa.c»), 813. 
Toscane, 1er., 56* 16X, 396. 

Toscans, 127. 
Touareg, 430. 
Ton» t. ter., 270. 
Toiiffiuirt, loc, 426. 
Toulon, loe., 311, 420, 428. 
Toulousains, 314, 400, 
Toulouse, Joe, ^?, .m, 

314, .'(44. 
Touran, 1er.» 488. 
Tourcoing. loc, 362, 3W, 
Tour*, loi«. ( 37, 245, 343. 
Trafalgar, c:a|i, 69, 77, M, 

03. 
7Vcr/aA, 231. 
Transcaucasie, 1er., 221, 

386, 483. 

Tr!UWilal t tnont. 4 «y. 
Transoder, ter,, 133. 
Transoxiane, ti-r., ,/#;. 
Trunsttjberien, voie ferrée, 
226, 3%. 

Trannvaal.tor., 318. 
Transylvanie, ter., 146, 258, 

321. 
Trapani, k«: M .ïfl?. 
7>tttclun'ski> 221. 
Trave, riv., 234. 
Traversette, col, 3KU/7. 



Trebixonde, loe., *;.î, /va 
Trenne, rm, 469. 
Trent t riv„ 112. 
Trente, toc, a m 
Treuil», ter., 320. 
Trêves, lac, 34, 
Trévise, loc, 319. 
Tripoli, loc, 983, 3U. 
TripoliUme, ter., 272, 320, 

398, 430. 
Tripulitza.lof.,70, 102. 
Trouadèro. loc, 70, S5 t 
Trois Pointes, cap. 1H t. 
Trotnso, toc, 4U. 
Troyes, loc., 40, .m. 
TxrtitKbo, riv.* 2*J4. 
Tsaritsin, loc, nlfl. 
TMiircifrrad! •'«*> Ointlnnli* 

nofite, 
TKi'iiau, loc., jî?3. 
Tsing-HiiK, monts, ûh'i. 
TKUtiK-MinK« He, 332, 333. 
Tsu-Hima, tlu, 473. 

Tugendbund, 84. 

Tunjî-ting, lue, /«&. 
Tanguska, riv.. MU. 
Tunis loc, Mb, W, 8S6 t 

397, MH, 413, 4H, 'i3(J. 
Tunisie, tnr.» 226, 270, 407, 

410,425. 428, 42», 
Tupufï Amant, 63, 61. 
Tupuiignto, mont, 96. 
Turoomaos, 504. 
Turcs» 70, oo, loo. joj, 

105, 120, 144, 154. 260, 
319, 331, 392, 't/i, 476, 
480,484,491, 107 à 400. 

Turgot, 10. 

Tarin, loc, 34, 65. f,7, 16H, 
307. 341, 312. 345, 3<J3, 
397, 413. 

Turkestun, Tnrkméaie, ter , 
226, 276, 482. 486. 4*7. 

Turkmènes.485, 686a 400, 
491. 

Tumer {John), 2. 

7 T «rottaA(K(d«r),4l3. 

Turquie, ter., 70, 79, 120, 
152, 154, 232, 250, 262, 
M3, 273, 284, 287, :i«5, 
388, «89, 302, 407. 458, 
473, 478, 470, 480, ',83. 
404. 

Tyriinpol, Joe, ^6*5. 
Tzade, voir Tchad. 



ttmix \u»hab*tiqub 






l)datpur»toc, 179. 
Udine, loc, 329. 
Uganda, ter., gri. 
Ulm,toc,69, 7*. 
Unkiar Bkalessi, toc, 127. 

Ualatas, Grecs unis, 382, 
456. 

Unioniste», voir Fédéraux. 
Unterwald, ter.» 66, 
Upsala, loc, 466. 
Urt, ter., 66, 

Uruguay, riv. et 1er., 333, 
Usola, loc., 511» 
IHrecht, loc, 316. 
UUoach, loc» 66. 
Uxbridge, loc, 391. 
Utein, loc., 341, 
tho»Uoc, 34J, 



Vac«,loc.,128, ïtt. 
Vftlachie, ter., 70, 100, 2tf/. 
Valais, ter., 54. 64 134. 

Valaques,429. 
Valêeimar.) t \i% 
Valence, lot. d'Espagne, 

228, 
Valence, loc. de France, 3 11. 
Valenciennes, loc., 39, 
Vatengin, ter., 54, 66, 
Valentia, loc, 347, 
Vallées des Pyrénées, 

A*pe, Baîgorry.Baretous, 

Baxtan. Val Carlos, Os- 

sau, Ossea, £7. 
Valle Hermosa, 94. 
Vallorbes, loc, 307. 
Val Maggia, Val Mouliera 

55. 
Valroy, loc, 1, 39, 
Valparaiso, loc, 89, 96, 
Valserlne, ter., 66, 
Vambêry (Arminiua), 488. 

490,493,496. 
Van, loc, 386, 481AS2. 
Vandemtde {Emile), 370. 
Vannes, loc, 37, 
Vardar,riv., 101,261, 
Vardo, loc*, 463, 46L 
Varemies, loc, 1, 34. 
Variât* 44. 
Varlin, 248. 
Vaway, toc, 340, 



Varsovie, loc» 47, 84, 109, 

135, 127, 321. 457, 469 t 

493, 
Vatican à Home, 236, 237. 
Paufon, 361. 
Vaude, ter., 12, 54, 66. 
Vaudoie, 18. 
Vaudoux» 180. 
Vaugondy {Rob. de), 25. 
Vendée, ter., .16, 127. 
Vendéens, 37. 
Vénétie, ter., 225. 
Venezuela, ter., 70, 95, 96, 

97, 
Venise, loc, 67, 59, 128, 

129, 147, 188, 228, 319, 

349, $86, 393. 
VercellUoc, 311, 
Vardunjoc, 1. 
Verdy du Vernois (gin,), 

418. 
Veretichaguine, 499. 
Verkolansk, loc, 166, 
Vérone, loc, 136, 168, 319, 
Verrière, loc, 246, 
Versailles, loc, 1, 16, 20, 

225. 
Vestfjord, 406, i 

Viborg, loc, 46$, 
Vickaburg» loc, 182, 206, 

208, 212. 
Victor Emmanuel, 148, 156. 
Victoria, Angleterre, 178. 
Victoria Faite, 267. 
Vidal du la Blaehe, 37, 245. 
Vieillenave, loc, 341 
Vienne, loc d'Autriche, 67, 

69, 79, 83, 101, 127, 132, 

133, 137, 146, 146, 225, 

262, 821, 362, 386, 441, 

444, 467, 503. 
Vienne, riv., 3?. 
Vif, loc, 13, 
Vilagos, loc.,128,146. 
Vilaine, riv., 37, 
Villafranca, loc, 16 8. 
Villars-en-Pons, loc, 340, 
Villasmundo, loc, 396, 
Villeneuve - Saint * Georges , 

toc, 248. 
Villersexel, loc, 225, 246. 
Villetard de Laguirie, 530. 
VUna, loc, 468, 
Vimy, loc, 366, 
Virginie, ter., 189, 192, 206, 

210, 213, 346. 



Virginia City, 349. 
vtrginien», 190, 192. 
ViroTl*t,loc,M0. 
Visages Piles, 184. 
Vteo, mont, 311. 
VistriUa, riv., 101. 
Vistule, riv., 142, 146, 44 L 

469, 468. 
Vitry en Artois, loc, 366. 
Vivien de Saint-Martin, 294. 
Vieille, loc, 13,15. 
Vizzini, loc, 396. 
Vladikavka*, loc, 476, 
Vladivostok, loc, 166, 156, 

463, 511. 
Vogules, 466. 
VojusUa, riv., loi. 
Volcan Tewor, 298. 
Volga, riv,, 345, 469, 488, 
Volney, 22, 23. 
Voltaire, 10. 
Volturne, riv., 158, 169, 

160. 
Voronege, loc, 469, 

W 

Walclwrun, tic 360. 
W r a#t*r(AtcM,148,a02 t 303. 
Wagram, loc, 69, 77, 79. 
Wallftshbay, ter., 268. 
Wallonnio, ter. ,110.446. 

Wallons, 109, 444, 445. 
Wanstead, loc, 301, 
Word, 170, 
Watertord, loc, 347. 
Watford, loc, 361. 
Warwick, loc, lis. 
Warwiok {comte de), 306. 
Washington, loc, 206, 207, 

213, 
Washington, 283. 
Wasselonne, loc, 53. 
Wattignies, loc, 2, 89, 
Wattrelos, loc, 363. 
WeddeU, 296. 
WeMiaï-weï, loc, 22fi, 278, 

279, 617. 
Wei-ho,riv.,5i3. 
Wellesley, ter., 176. 
Wellington, 80. 
WendeU PHUipp8 t in, 
Wmtmrlh Webster, 316. 
Werdenberg, loc, 66, 
Wervieq, loc, 863. 



660 



l'homme rr là terbk 



Wemt, riv,, 130, 43!>, 441 t 

45». 
Wealty, 190, 
Westham, toc. sot. 
Westminster, à Londre», 

283, 
Weetnrmrokwd, ter,» ïl'i, 
Westphajie, ter., 262, 4:tl. 
Weetpbalien*, 130. 
Wevelghom, loc, 363. 
Wexîord» loc, 347. 
WhiteCbapeî ( àLondres»367. 
Whydah, loc, 186, 187. 
Wight,tle,t08. 
Wilhernshaycn, loc, 459. 
WillervaUoc, 3U. 
Wilmmgton, loc» 346. 
YVUtonJoc» 118. 
Wtite,t«r.,HS,jrtt. 
Wmdbuik,ioc.,2fl$. 
Winditffwt* 146. 
Winterthitr, loc, u. 
Wisconsin, ter.» 20$, 
Wissembourg, Weissenburg, 

loc, 44. 
Wolverhampton» toc, 343. 
Woodford, loc, 391. 
Woolwieh, loc, 301. 
Worceatarjûc.» 113. 
Wmktvorthi 2, 
\V<yeikov t m, 



WraBgel,lle,m, 
Wurtemberg, ter.» 49, «4, 



YaUm,riv.» 278, 4 J7. 
Yanfceea, 281, 
Yangtse-kiaiig, riv,, lie, 

169, 2T9, m, SIS, 514, 

523. 
Yanina, loc, 261. 
Yaroslav, loc* 469. 
Yaïgat, loc, 4SI. 
Yedo, loc. et haie, 627. 
Yftgorovsk, loc, 469 
Yekaterinburg, loc, 505. 
YukntiTinostov, loc, 469. 
YfliBnbolhgrwJ, loc, 488, 
Yemen, U i i\, 271. 
Yeni*kaloh, loc, 1Ô3, 476. 
Yeao, Ile, 275,50*. 
Yon, lie, 37. ' 

Yokohama» loc, 27 3 t S27. 
Yokosuka, loc, $27. 
Yonne, riv., 49, £97, 
York» loc* et ter.» 113. 
Yorkriver, riv., VIS. 
Youriev, Dorput, loc, 470. 
Ypsitanti (Àkz\), 102. 
Yuen»ktang» riv., 169. 




Yu-kUog, riv.» tés. 
Yukon»wv„ 296. 
Ywtgsj de Bolivie, tar» 382. 
Yting*ngan, loc» 169, 
Yunuan, loc et ter,, 277, 

m. 



J5ngre! , voir Agram. 
Zambèase, riv., 260, 2(i7, 

260. 
Xanto, No, loi. 
Zanzibar, loc et flp, 26.1, 

438, 
Zarafchan, riv,, 27tf, 4x7. 
Zaragosa, m) 8aragOKso. 
Zassouliteh {Vem) % 223. 
Zeobraggo, toc, M&, 
Zeeland, tor., MO* 
Zeltott&iotes, 386. 

Zttitun» loc.» 386, 387, 4HL 
Xell, loc, 53. 
Zilleh» loc, 481, 
Zlranea, 466. 
Zlynka, loc, 469. 
Zoflngen, loc» m 

Zolotonoctia, loc, 460, 
ZugJocM, t:*4, 
Zurich, loc, 66, 397, mt. 



TABLE DES GRAVURES 

Au Tome V 




CHAPITRE XVI 

Page* 

La Révolution T 4 

Le Petit Trianon, oa Mario. Antoinette jouait à la fermière. , 7 

Grenoble à l'époque delà Bévolution,,,, il 

La Prise de la Bastille , .... n 

De Launay, Gouverneur de la Bastille, est conduit à l'Hôtel de Ville, où il n*ar* 

riva pas vivant ib 

Foullon, commissaire aux vivres jy 

Le Guen de Kérangal . 2t 

Volney, né àCraon en 1757, mort en 1820... 23 

Les Chevaliers de Saint Louis rapportant leurs insignes distinctes, ainsi que les 

porteurs d'eau ♦ , ■,..., 4 25 

Prise dos Tuileries, 10 août 1792 , 29 

Les Chevaliers du Poignard 33 

Club des Jacobins. , 34 

Louis XVÏ devant ta Convention 35 

lia véritable Guillotine ordinaire 41 

Assiette portant l'inscription : « Je veille pour la natiou 42 

Assignat de cinquante sols payable au porteur. 43 

Franeois.Emile Gracchus Babeuf, 1760*1797. 45 

Ch.-G. Romme, 1750*1795 51 

Hausse-col d'officier portant la déclaration des Droits de l'Homme 61 

Une sucrerie à Saint-Domingue f>7 

Cul «de-lampe,, 6» 



CHAPITRE XVlf 

Gontre*R6volution , 71 

Le Dix-Huit Brumaire 73 

Le Mont Saint-Michel 75 

Saragosse, ta Cathédrale au bord de TBbre 8i 

Congrès de Vienne, 1814-1815 83 

Le Hocher de Gibraltar . 86 

La Grotte de Calypso dans l'Ile de Péréjil 87 

V 29 



5Ç2 l'homme bt la terre 

Simon Bolivar, 19184880 •■ 97 

Rivage de Céphatonie • ■ i03 

Las Cinq Dékabrittas pendus..,, t07 

Charles X tirant au lapin t09 

L'enlèvement des morts 14 * 

Combat de la rue Saint-Antoine, 1830 * 15 

Constantine et le Ravin du R uni mol * i9 

Charles Darwin, 18094882 « 12s 

Cut-delampe «. — ■ 



126 



GHAPHRE XVIII 

Les Nationalités r f 

Fusil-Parapluie de Garde National l31 

Lac des Quatre-Cantons • •■•• «•• ■•• 13!i 

Saint-Simon 138 

Charles Fonder, 17724837 ■■ 18y 

Dresdeet PElbo ■•■•■ l ' |ÎJ 

Dôme de Milan 



GiuseppeMazzmi, 18054872... t48 

Giuseppe Oaribaldi, 180M882 «» 

Proudhon ♦....* ■ ■ * ll " 

Attontat d*Orsini, rue Lepeletiir, 14 jomitr 1858 157 

Scilla et ie Détroit, vue prise au nord de Messine ■ . l fi 1 

Travail do l'opium. Cuisson 1G4 

«Travail do l'opium. Mise en pots 165 

Pont de dix mille années ù Fou.Tchéou 166 

— traversant l'estuaire du Si-Ho • **' 

Mines d'ttain du district de Pôrak 1 ?? 

Udaïpur. Palais du Chah D Jehan. . • ny 

Cul-de.lampo • 



CHAPITRE XIX 

Nègres et Moujiks • m 

Une rue à Bah ia 185 

Vente d'une négresse et de ses enfants 19i 

John Brown, 18004859 i96 

Enrigranls traversant PAtlantiqua 20 * 

Emigrants se dirigeant vers le Far-West 203 

407 

Scène de Guerre...... 

Bataille d*Antietam ■• 21 ° 

Le Pont de Burnside en 1886 . « 211 



TA1IUS »ES GRAVUHKS 503 

Page», 

Benito Juarez, 1806.1872 ... %t 2Î7 

L'Aqueduc à Queretaro. , 2t9 

Cul-do-laape 224 



CHAPITHE XX 

Internationales 227 

Michel Bakounine, 1814*1876 230 

Karl Marx, 1818-1883. . , 231 

Vue du Vatican et de sos jardins , . . 237 

Oorge de Gravolotte, 16 août 1870 241 

Pavsago de la grande Kabylio 24» 

Varlin, ouvrier relieur fusillé en 1871 24b 

Charles Dolescliue, 1809*1871 249 

La Colonne Vendôme ronversée 251 

Jean-Baptisto MiMère, 1817-1871 253 

Carthagène et sa baie 255 

Gué a travers la Nigor, près de Baîélé 265 

Chute du Zambèze (Victoria Kalls) 267 

Mosquée à Meknès 273 

Un coin du port de La Havane 281 

Une scène d'éviction en Irlande 283 

Cul -de- lampe 288 



LIVRE QUATRIÈME. — Histoire Contemporaine, 

Histoire Contemporaine 291 

CHAPITRE PREMIER 

Peuplement de in terre , 293 

Une pirogue sur la Noord-Rivier, Nouvelle -Guinée 39s 

La Belgica prise dans les glaces do l'Antarctique 299 

Une maison sur la frontière à Halluin (Nord) 305 

Une vue do Briançon, casernes et fortifications 309 

La Falaise de Shakespeare 315 

Le congrès des Etudiants à Lille 325 

Un Esquimau 328 

Un enfant Esquimau 329 

Gul.de*lampe , 334 



564 



l/HOMMK BT I-A WKttS 



CHAPITRE 11 



Itépartition dti Hoxnmet 

Un coin de Uverpoot 

Marseille et le port, rue de * nire-Dame de la darde. 

Le Creuset et ses usines 

Ua coi» de la haute ville de Carcassonnc 

Paris. L'heure du repas, quartier du Temple 

La ville d*Aire«sur.la.Lys 

Quelques vieilles maisons de la High-Streetô Edimbourg 
Une maison de Boumeville. ... 

Un quartier ouvrier à Manchester 

Une maison ouvrière à Letchwortb 

(ni. do- lampe 



335 
337 
349 
35a 
357 
359 
361 
365 
36*J 
370 
371 
376 



CHAPITUE lïi 



Latins et Qormainr 

La Citadelle du Caiu' 

Excavation d'un temple à Nippm 

Mendiante juive à Jérusalem 

Monastère de BPa, en Macédoine 

Le Port de GÔnes» 

Tolède et le Tage 

Vue générale de Barcelone 

Emile Zola, 1840-1902 

La Grotte de Lourde 

Le Puy*en*Veloy 

Une foule méridional» 

Le vioux Ténès, ancien nid de piratt* 

Bône, vue prise du site d*Hippone. , 

Scène de marché en Algérie 

Une rue de Laghouot 

Musiciens au pas de parade 

Etudiants allemands 

Scène de petite ville allemande 

Portion d'un villago des Polabi* ■ 

Maison aux environs do Hambourg 

La Belgique» le Congo, la Hollande et ses colonies. 

Une vallée de Norvège 

Une vallée de Suède 

Henrik Ibsen, 1828*1 W> 

CuLde-lampp 



377 
33» 
381 
383 
391 
393 
401 
405 
409 
410 
411 
415 
417 
421 
427 
429 

433 
435 
442 
U3 
447 
450 
451 
452 
453 



TABLB DES GRAVLRSs 565 



CHAPITRE IV 

nuises «t Awlttiques. , 4*55 

Jeunes gens Bulgares / iS $ 

Campement de Lapons. , , ' f $4 

Maison à Kichinev» après le pogrome 407 

ta Port d'Atexandrovsk dans la péninsule de iCola 471 

Eglise et Château de Childa-Inisséli 477 

Potiers de Gourie au sud de Batum... 47$ 

Type géorgien 479 

Un paysage de la Transcaocasie méridionale '«83 

Composition ethnographique de « toutes les Russie» » 484 

Divisions de l'Empire russe, 485 

La Iourte kirghixe et ses habitants ',89 

Daliki, sur la route de Bouchir à Chiras 493 

Colonne dans le désert au sud-est de Kirman.. , ♦ 497 

Porte de mosquée en Turkestan 499 

Le Derviche conteur à Samarkand 501 

Type Kirghiz 50^ 

Tcheremisse des monts Oural 505 

îtocialistes russes condamnés aux travaux forcés 507 

Pont du transsibérien sur l'Ob' 510 

VUlago d'Usola, sur le trakt» près d'Irkutsk 511 

Une des rues principales de Mukden 515 

Auberge chinoise, le repas des coolis 519 

Une école japonaise sous l'ancien régime 525 

Un navire de guerre japonais., 529 

Cul-de-lampe y^Âîl^s- 5 3* 





DES CARTES 



N* - \ / Pau*» 

427 Salnt-Claude et \0jfj\\^r. , 9 

428 Grenoble et Vlrille. . ? , *3 

429 Pays et Gantons du pays Basque et du Béarn 27 

430 Théâtre de la guerre de Vendée 37 

431 Les guerre* de la Révolution 39 

432 Le t« T Floréal en Allemagne , , 49 

433 La Vallée du Rhin à la veille do In Révolution 53 

434 LaSuiss>en 1795 55 

435 Les Républiques soaura 57 

436 Egypte et Syrie de Bonaparte 63 

437 ïled*Hatti 65 

438 L'Empire de Napoléon en 1811 , 79 

439 Le Détroit de Gibraltar 85 

440 Empire Hispano-Américata 89 

441 Valparaiso et l'Aconcagua 95 

442 La Grande Grèce 101 

443 La Représentation anglaise en 1832 113 

444 Le Sahel d'Alger et la Mitidja 11? 

445 Archipel {polaire américain 121 



Confédération germanique 133 

447 Plaine de {Hongrie 145 

446 théâtre de la guerre d'Orient 153 

449 Russie du Pacifique 155 

450 Italie du Nord 158 

451 Italie du Sud 1 59 

452 Chine des Taï-ping 169 

453 Japon méridional 173 

454 Manche de Malacca 175 

455 Isthme entre l'Amérique et l'Afrique 1*7 

456 Immigration aux Etats-Unis de 1820 à 1905 197 

457 Pays d'origine des immigrants aux Etats-Unia 199 

458 Théâtre de la Guerre de Sécession 205 

459 Les deux Capitales de la Guerre de Sécession 213 

460 Les Indiens et les Nègres aux Etats-Unis 215 



508 i.'hommk rt u tkhhe 

N* Pages 

kW Boutes de Londres à Bombay 238 

462 La France envahie en 1871 .245 

463 Invasion du phylloxéra 257 

4 64 Amoindrissement de ta Turquie durant le xix» siècle 261 

465 L'Afrique découpée en possessions européennes 263 

466 L'Abyssinie indépendant© 271 

467 Le Maroc du Sultan et le Bled es Sibn 275 

i08 L'Afghanistan indépendant 270 

469 Le Siaw entre la Barmanie et TAnnaro. 277 

470 La Chine et les Puissances 279 

471 Union postale Universelle 285 

472 Ktudc progressive du globe j Papouasie et Vallée du Damil* 295 

47tt Région poloire arctique 29e 

474 Région polaire antarctique. . , 297 

47.1 Londres et le genre humain .301 

476 Voies ferrées entre Calai» et Milan 307 

477 Voies ferrées do Marseille [a Milan 311 

478 Voies ferrées de la Gironde à l'Ebre 3t3 

479 Voyageurs traversant la Manche et la fron Itéré fraw a o< belge :*1 7 

48» Italia irredenta 319 

481 Aire du Pangermanisme • 32i 

'«82 Deux territoires de même population: Uruguay et Tsung-Ming 333 

48.** Villages normalement espacés 3\o 

484 Villages anormalement espacés 341 

485 Villes européennes d'au moins 100000 habitants 348 

486 Côte déserte 346 

487 Côtes à ports nombreux 347 

488 Un port d'estuaire i Anvers et l'Escaut 350 

489 Un port de haute mer ; San Francisco 35i 

490 Villages agricoles et industriels 355 

491 Lille, Roubaix. Tourcoing 363 

492 Slums ,de Manchester et Salford 378 

493 Quartiers de New- York 375 

494 Méditerranée anglaise 385 

495 Communes de Sicile, 395 

496 Italie, Malte, Tunis. . 397 

497 Lisbonne ot le Tage . . . . 399 

498 Accroissement de la population Jranvaise durant lu xut* sietlf 413 

499 Répartition de la population de l'Afrique du Nord 424 

500 Algérie, Tunisie, Sahara , . 425 

501 Océan atlantique nord : 436 

502 — de New-York à Hambourg ,437 

503 Côte allemande de la mer du Nord 439 



LISTE DK8 « A.KT&S 569 

X** Pii^eti 

504 Voies navigables d'Allemagne . ... 'i'»l 

505 Bruxelles et la limite des Langues 4 45 

506 Slaves extérieurs . 457 

507 Voies navigables et principales voies ferrées de Russie,. , . 459 

508 Pédoncule Scandinave 465 

509 Aire des Juifs de Russie 4«iK 

5M Quelques lieux de pogromes récents - y # tîy 

5tl Peuples de la Caucasie '«75 

512 Lieux de massacres en Arménie '»H! 

513 Transcapienne et Turkestan russn. , . 487 

514 La Perse divisée W 

515 Sibérie centrale . 509 

516 Province du Szetchuen 51 h 

517 Pekingetla mer Jaune., 516 

518 Péninsule de Liao-tung 517 

519 Votes ferrées de Chine 52a 

52*i Yokohama et ses environs 527 



Cabtr k.v cot'f.Ki its m" ». Répartition d<» la population du globe :i«iO 



o vt 



<-5 MM S 



•'■V;.;;!^' 




CORRECTIONS ET ADDITIONS 



Pagf>« 

170, note* au lieu de Lindesay Brine. Un Lindsay Brine. 

264, ligne 12, au lieu âe absurde, tfr« absolu?. 

343, légende carte : Salford n'appartient pas au groupe de villes Wolvorhampton* 

Birmingham, mais à celui de Birkenhead*01dham*Manchcgter~LiYerpoo1. 
'«68, légende carte : D'après le recensement de 1897» Berditchcr est une ville presque 

entièrement juive j à Brest -Litovsk, Bietostok, Oroduo, Vitebsk, Minsk, les 

Juifs forment plus des 50 % de la population, et à Kamenote-Podolsk, 

Kovno. Mohilev, environ 45 %, 





DES MATIÈRES 

du Tome V 



LIVRE TROISIÈME (êttiu) : HUtoiro moderne. 

Chapitre XVI 
LA RÉVOLUTION' 

N'otiee historique 

Idéal do la Révolution. -La Heine etleltoy. —Armée, clergé» servage. — Émeutes 
et révoltes. Convocation des Etats Généraux. - Le jeu de Paume. — La 
Bastille.— Le 4 aoflt. — Les Droits de l'homme. — La France et l'Europe, - 
La Terreur.— Babœuf. — Renouveau de la science. — Calendrier. — Contra* 
coup de la Révolution. — Pays-Bas, Suisse, Italie. -Expédition d'Egypte, 



Saint- Dominguiv 



CllAriTRK XVII 

CONTRE-RJÈVOLUIION 

Notice historique r,9 

Dix- huit ftrumairc. - Empire français. — Guerres Européennes. — Kcstau- 
ration et réaction. — Intervention française en Espagne. — Guerre d'émanct- 
pation de* colonies espagnoles. — Brésil. — Indépendance hellénique. - 
Dékabristes. — Juillet it*«0. — Belgique. — Pologne, Italie, Espagne, Angle, 
terre. — Abolition de IVftf lavage. — Conquête d'Algérie. — Progrès matériels. 
— Romantisme et classicisme 71 

Chapiths XVI II 

LES NATIONALITÉS 

Notice historique 127 

Révolution de 18î8 en rranee «t en Europe. — - Sonderbund. — Socialisme et 
socialistes. — Journées de Juin. — Luttes en Allemagne. — Insurrection 
hongrois**. - Soulèvements a Milan, Venise et Rome. — Empire. — Question 
d'Orient. - Muerre d'Italie. — La Chine et les puissances, — Les Taïping. — 
Transforma lion du Japon. — J/Kurope en Indo-Chine, — Révolte des 
Cipayes tft» 



574 l/HOMMK KT LA TKRIIK 

Ckapitiiii XIX 

NÈGRES ET MOUJIKS 

Notice historique 182 

Peuplement de l'Amérique, — Traite des nègres. ~- Élève des esclaves. — 
Mouvement abolitioniste, — Tentative dû John Brown. — Émigration 
d'Europe en Amérique. — Guerre de Sécession. ■— Émancipation dos noirs. - - 
Guerre du Mexique. — Doctrine de Monrod. — Abolition du servage en Russie. 183 

INTERNATIONALE 

Notice historique 22$ 

Internationale ouvrière. — Canal de Suc». — Sadowa. — Unité Italienne* — 
Guerre franco-allemando, — Espagne. — La Commune de Paris et le Fédéra- 
lisme espagnol, — Phylloxéra. — Guerre russo-turque. — Traite de Berlin. 
— Expansion coloniale. - Partage de l'Afrique. — L'Europe et l'Asie. — 
Guerre nméricano*espagnole. — Syndicat des nations 227 

LIVRE QUATRIÈME : Htetolre contemporaine. 

Chapitre I 

PEUPLEMENT DE LA TERRE 

Connaissance scientifique de la planète, -- Régions polaires. Recensement 
des hommes. — Colonisation du Nord. — Patriotisme et lutines nationales. — 
Frontières dites naturelles. - - Nationalités. — Ganglions mondiaux* — Races 
supprimées ; 293 

RÉPARTITION DES HOMMES 

Horreur et splendeur des villes* — Immigration des campagnards. — Répartition 
des villes. — Réseau d'étapes* — - Croissante normale et anormale* — Origina- 
lité des villes* — Mlles politiques, militaires, industrielles* — Organisation 
urbaine, — Hygiène et art. — Vilïes*jardins :*35 

CHAl'ITHE III 

LATINS ET GERMAINS 

Vanités nationales. - Litins. — Orient méditerranéen. — L'homme malade. — 
Grèce. — Italie. — Péninsule Ibérique. *— France : ses colonies, l'affaire 
Dreyfus, Paris et la province. — Oliganthropie* - Afrique mineure. — Maroc 
et Sahara. — Allemagne : ses défenses maritimes, la navigation intérieure. 
— Austro- Hongrie. — Belgique. — Hollande. — .Scandinavie 377 



TABLE DKS MÀTIBHK* 575 

CttANTBS IV 

RUS8I&J ET ASIATIQUES 

Panslavisme. - Travail de concentration unitaire. — Kola. — Allophyles. 
Juifs, — Polonais et Allemands des provinces baltîques. — Finlandais. — 
Tcherkesses, Géorgiens et Arméniens. — Dotikhobors. — Refoulement des 
Asiatiques, — Transcaspienne, Turkestan et stoppes. - Iran et Iraniens. 
Pamir, Tibet, Mongolie, Sibérie. - Mandchouric —Chine et Chinois. — Japon 
et Japonais. - Corée r,^ 



IHDSX ALPHASÉTIQUB, 535 

TABLK DKB ORAVURE9 56( 

LI8TB DES OARTBS ggy 

CoRRBCTlOHfl *T ADDITIONS f >70 

Table dssmatiêees s?a 















p"' ?V * ;■ -'■-.'■.■ .■•^4*-^' '"■■..■•■'• 'K-'*;:,- '/^ * .^ ' jf «■• .'; : \ ^ •••*; ■. > >: *■> . - ■?■.. ■. W-' . - ' 



<,f •#' " 



'.s". 



- i .'"'Vf* L "f* 



?.„*'. *»*!,•. .. !■ , .. ■■■• - f -^ r - > ■". ': 
■^ ^ .. . « -:. i-; : . , . »v -., ■> ■ • *> ■• "J- 






*\ j ■ 







■:.■•* -■ ,- „ ;-. v.* .." *«> V- Ï/*- " «V»" 



■"■.'■o'.' i n.->^ " hiv. n ft Ta.» 

,., K ^ -.r.'br. *?,c ^a ■".*•# .^"- ■ 5- ' *'■ 



"Ppi 



" ■ <*<* •> '.. .«-,-. o*i' '■«• ->. ^VvA.T?.- 



;-,.-: --.■,«.., -.--V7- ■*.,:**■ .':•',.■•■■'.-'.-.,.;■. I»?:;.-- ..>\? - ' * 0^/^$' ^ ■ -^ : T ,'.,?''^ 

->• .■•;■;'■:■ .:.?.■■■-. ■■.-:>' ■-' ■,>.»'--\'-' ,; 5 •■■*■. ^':V *io ^°,^ ^ s>" ft -.." ^ -w ■■■■■^. °&"„ *■■■'*■ r ">7 
S ..>•. ^* «,;.-. .'=•"* va*.. *fl» . ■ .' .-■ . & "":, •■-. - „■■:■*"■: ... ■:...■■,.' . .:.: -a--. -o-'.i;*' - - ■,.* •;..'.*.'■■'■..' 

"n'j ?." " i.' • •: _.'-*•'.'< «.'■' «■ " , ' n p... "'."«...' -t.. ••».*- > . :• . " ..s; ,\ * W rt< ^ ?-,■« ' l'-*$ ; ■ : .' A 

-, A ~ - £" ,? - ' ° •- '.■-«':.' ■•.■- .V ■■ . , v * * .^Ht,". ••■■'■ ,',..■ .. ■■ ;*n . ., .. 7^ v- ."' -^^ "v ., .*,V. ■'", ,o 

f-,'.'. ■ 'V-K'V'* ***/?. "' ■."« ■■ '^ ■ ■'•'■• '■••"?'. ^ : ■■ '*"-'■ "■ ,S' "■ v • ■■''-'.-. ' . ' -'^ - * ■/. ■ ■ .; ( . - ■.-.." 

,%t; . •••■^/ 7 ■•■■'i ■ ..-^ '-,>.::«> .:-■. ... . ; ,. rt .> , ■ •■ ■•,?-. ■■*.-.*.„ . .• •.■ ■ • ■ " ■ ■: '^,i."',«!^».'v';:""vi 

;■.*»■;■• ^ ■■' -, ■:•'.*■■ ^"- .;••■ • -V» >"* 4 ; - -C".'-. ; ' P ,>■*■■ ^'^' ! v ' * '-'*■/■'» •■' ■ .V-'.-"^.- 1 ; - "•-: ■ . ■ 
■ •■' :. l ,. ■'•■'• -i.?: ..■"". v » ,•: .. .' ,- * " »!■: j. . " ..:*'» , .... • -;.••. "; ". /.-■ ■ ?:^./A ■• ■ r " • - ■« . "■ n- , .i' 

V-f -.i y- '■::>■ ■■>■■•;■-- •,- '. -■■^»/- •$ -r*-^ ■,--, ..v .. -■ ^ v. ■■::.>. -■.« r^^jr.^:... 4 «vv' ^ 
* '>^'.r-. " -^.v.-* m.: -i ; -*;-".^:. -•.-?•■ - «» ■-■ -^-^ '■' ■■■ •-. K; :■ : ^. . & . v- n *.* j :>" .-:|^ï^^^lf:. ■.;•.-: . ' -