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Full text of "Saint Paul Première épître aux Corinthiens"

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ÉTUDES BIBLIQUES 


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SAINT PAUL 


"PREMIÈRE 
ÉPITRE AUX CORINTHIENS- 


PAR 
LE P. E.-B. ALLO 


DES FRÈRES PRÉ CHEURS 


PROFESSEUR A L’UNIVERSITÉ DE FRIBOURG (SUISSE) 


DEUXIÈME ÉDITION 


PARIS 
LIBRAIRIE LECOFFRE 
J. GABALDA et Cie, ÉDITEURS 
RUE BONAPARTE, 90 


1934 


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INTRODUCTION 


CHAPITRE PREMIER 


VUE D'ENSEMBLE SUR LES ÉPÎTRES AUX CORINTHIENS. 


Pénétrer et commenter les deux épiîtres de saint Paul aux Corinthiens, c'est 
une entreprise qui offre autant d'attrait que de difficultés. Extrêmes sont 
l'intérêt, la variété et la complexité des sujets qui s'y succèdent. Et comme 
ce sont de vraies lettres, — non des épitres artificielles, — la connaissance y est 
présupposée d'une multitude de conjonctures que ne nous a pas expliquées 
leur auteur. 

La Première est d’une valeur unique comme document d'histoire. Elle seule, 
illustrant les données des Actes des Apôtres en leur seconde partie, nous repré- 
sente au vif, et sous tous les aspects, la pénétration de l' Évangile en ces grandes 
cités méditerranéennes qui furent le premier terrain de son expansion formi- 
dable à travers le monde antique. Il y trouvait les premières pierres d'attente 
pour l'édification d’une Église universelle conçue et née en Palestine, mais 
qui ne pouvait prendre sa forme définitive que chez les gentils. Cependant 
toute l'organisation — ou la désorganisation — des mœurs et des cultes gréco- 
romains devaient tendre à l'éfouffer dès ses premiers pas, ou à le noyer dans le 
« chaos ethnique » et son syncrétisme religieux, si l'Esprit de la Pentecôte 
n'avait mis là des yeux vigilants et des mains fermes. Or, la Première aux 
Corinthiens est le tableau, que rien ne saurait remplacer, de cette prise de 
contact, si accidentée, entre le christianisme en toute la force de son enthou- 
siasme juvénile, toute l'ivresse du souvenir récent de l'Homme-Dieu, et l'hellé- 
nisme mür, trop mûr, penché au bord de la décadence, mais imprégnant 
encore à fond toutes les pensées et tous les gestes des hommes. La mentalité 
religieuse héritée d'innombrables siècles païens, la tournure d'esprit générale, 
les. prétentions du rationalisme philosophique qui avait établi un #7odus vivendi 
avec toutes les superstitions, ct puis toutes les mœurs, tout l'état social, toutes 
les habitudes de famille et de société, constituaient un ensemble qui devait 
paraître impénétrable, établi à jamais, et qui se sentit soudain remué et 
disloqué par le ferment divin, la nouveauté absurde, téméraire, barbare de la 
Croix. Au milieu de quelles luttes intestines cctto translormation pouvait com- 
mencer, — en attondant la guorre sanglante, — cette Épitre nous en donne 
une première vue, plus ample et plus nuancéo que tous les autres documents 
du 1° siècle. Au contro do l'engagoment so dresse la figure de F'Apôtre Paul 
qui, sans le chercher, so peint lui-même comme une incarnation trpique de IR 
plülosophie et des ambitions do la Croix translormatrice, 


VI INTRODUCTION. 


La Deuxième Érirre Aux Corivruiexs, qui présuppose le milieu de la Pre- 
mière, resserre cependant le champ visuel aux limites d'une communauté chré- 
tienne déjà bien assise sur ses bases, — ou, plus précisément, aux relations 
de cette jeune Église avec celui qui l'a engendrée dans le Christ, le grand 
Apôtre qui en est le père et devrait en rester le modèle vivant. Le regard, 
moins étendu, est entraîné plus loin en profondeur. Après les premiers élans 
d'une ferveur parfois peu éclairée ou peu ordonnée, la communauté, sous 
l'influence de quelques meneurs qui veulent façonner à leur guise l'idéal 
nouveau, menace déjà de végéter ou de se corrompre; il faut que la vitalité 
débordante du « père » reflue abondamment sur ses nourrissons spirituels pour 
prévenir ou guérir leurs maladies d'enfance. Tâche incroyablement dure, car 
ils n'ont guère encore l'esprit de vraie liberté, d'union et de sacrifice! Pour 
maintenir l'attachement au Christ et à sa vraie doctrine, Paul est obligé, lui 
leur instructeur et leur modèle, de revendiquer ses droits à leur amour, à leur 
confiance, et à leur soumission. C’est pourquoi il se voit forcé aussi de leur 
bien montrer ce qu'il est, d'abord ce qu'il est pour eux, puis ce qu'il est en 
lui-même, par la grâce de Dieu. Effusions ardentes, que trouble souvent dans 
la forme la vivacité du sentiment, mélant l'éloquence la plus véhémente à 
d'infinies délicatesses de persuasion, et tout cela au milieu d’allusions à des 
“incidents graves pour l'esprit de la communauté et le cœur de l’Apôtre, mais 
matériellement trop menus pour s'être inscrits dans l’histoire générale, même 
dans les Actes. Aussi est-il très malaisé parfois d'en deviner la vraie portée et 

d'en refaire la trame. Cette obscurité, que les plus pénétrantes recherches 
sont encore loin d'avoir totalement dissipée, est le tourment de tous les com- 
mentateurs. Mais ils sont bien dédommagés par l'accès que leur ouvre cette 
missive enflammée dans les profondeurs de l'âme de Paul, transformée par une 
grâce si extraordinaire, et ils le sont aussi par les vues qui leur sont données 
sur l’ensemble de son apostolat. Comme le Christ vivait en lui, ses sentiments 
personnels ne peuvent s'exprimer sans éveiller les considérations les plus 
hautes et les plus profondes tant sur la vie mystique individuelle où tout 
croyant est appelé que sur les dogmes fondamentaux du salut qui nourrissent 
cette vie. C'est dire que l'étude de cette épître sans plan ni système est, en 
dépit de ses difficultés partielles, une des plus instructives pour la doctrine, et 
la plus attachante au point de vue psychologique et spirituel, — sans parler 
de la délectation de sa beauté littéraire, encore supérieure à celle de la Pre- 
mière Épitre. On ne pourrait y comparer à cet égard que l’Épitre aux Phi- 
lippiens ou le billet à Philémon. Mais celle-ci est beaucoup plus longue, plus 
passionnée, plus riche d’aspects. Elle éclaire toute la doctrine objective de la 
justification dans l'Épitre aux Romains, de l'union du Christ et de ses membres 
dans l'Épitre aux Éphésiens, en nous montrant ce qu’a opéré la Rédemption 
dans l’âme de celui qu'un auteur non catholique, Ad. Deissmann, à pu appeler, 
avec une certaine justesse, « le Premier après l'Unique ». 

À tous ces égards, on pourrait dire que ces deux lettres forment la partie 
du Nouveau Testament la plus instructive pour l’histoire et la vie chrétiennes, 
— sinon pour la doctrine formulée, — après les Évangiles et les Actes. L'une 
nous apprend comment la croix s'est implantée dans le monde antique, si 
étranger et si hostile; l'autre, quel homme de Dieu il a fallu pour l'implanter. 


CHAPITRE II 
CORINTHE ET SON ÉVANGÉLISATION. 


I L’apostolat de Paul jusqu’à son arrivée à Corinthe. 


Un jour quelconque de l'année 50 ou 51 — plus important pour l'histoire que 
beaucoup d’autres qui sont des « dates historiques » — s’introduisit dans 
Corinthe un voyageur très modeste et très isolé que personne peut-être, dans 
la grande ville agitée, ne remarqua. C'était le « Docteur des nations », venu 
d'Athènes soit par mer, soit à travers les passes incommodes de la route de 
Mégare et le terrain plat et dénudé de l'isthme. Tout le long de sa route il avait 
eu sous les yeux‘le beau spectacle du golfe, des montagnes, des îles; mais une 
vision divine intérieure devait le rendre peu attentif à la nature qui, champ de 
bataille des puissances invisibles, ne lui apparaissait qu'en travail gémissant 
vers la rénovation (Rom. vin, 22). Il se sentait lui-même alors, d’après ses 
aveux (I Cor. 1, 3), courbé sous le poids de sa propre faiblesse, et, quand il 
aperçut la majesté de l'Acrocorinthe, il dut penser, non sans frémir, que jamais 
encore il ne s'était attaqué à une si forte citadelle des « princes de ce monde ». 
Son succès à Athènes (Act. xvir, 16-34) n'avait que médiocrement répondu à ses 
espérances ; il se trouvait seul et comme abandonné, à peu près dénué de toute 
ressource, le cœur rempli d'inquiétudes pour ses disciples de Macédoine dont 
il n'avait pas de nouvelles, et le corps peut-être travaillé par un accès de sa 
: maladie chronique. Il entra pourtant avec courage dans les rues de Ia cité, se 
fiant dans la force du Christ qui vivait et agissait en lui, même et surtout quand 
il cachait sa présence. Ses triomphes apostoliques, il ne pouvait l'oublier, 
avaient été déjà nombreux et retentissants; à Corinthe même on avait pu en 
apprendre quelque chose (I T'hess. 1, 9-10) avant qu'il y arrivât. 

Dès le lendemain de sa conversion, Saul avait prêché à Damas (et peut-être 
en « Arabie ») avec assez d'éclat pour que les Juifs voulussent le faire assassiner 
administrativement (Act. 1x, 23-25; IT Cor. xt, 32 s.). Puis il avait vu Pierre et 
Jacques (Gal. 1, 18-19), notifié à Jérusalem qu'il était bien converti, et fait 
constater ce prodige aux croyants comme à ses anciens amis, leurs adversaires. 
Obligé de fuir encore (Act. 1x, 29, s.), il avait porté son activité dans son pays 
de Tarse et en Cilicic (#64. 30), sans qu'il nous vienno de Ià aucun rensoigno- 
ment précis sur son travail. Il avait dà pourtant porter dos fruits, puisque 
Barnabé était allé l'y chercher comme un des hommes les plus capables d'aider à la 
féconde évangélisation d'Antioche (4e£, x1, 25-8.). Dans la capitale de la Syrie, 
Saul se distingua tout de suite parmi los « prophètes et didascales », ot fut 
même chargé, avec Barnabé, d'une mission do socours pour Jérusalom | Aec, x, 
30), lorsque l'égliso-mère était éprouvéo à la fois par In famino et par los suites 
de la persécution d'Hérodo Agrippa LE. Au retour, la communauté d'Antiuche, 
sous l'inspiration divine, jugea qu'il était, avec Barnahé, la plus apte à semer 


VIIL INTRODUCTION. 


l'Évangile dans les terres vierges des païens. Tous deux s'engagèrent, avec 
Mare, dans ce premier grand voyage apostolique (Act. xurr-xiv), où ils fondèrent 
des chrétientés en Chypre, y convertissant même le proconsul romain; puis, 
quoique abandonnés par Marc, et jetés en toutes sortes d'aventures périlleuses, 
qui allèrent pour Paul, à Lystres, jusqu’à subir une lapidation suivant de près 
une tentative de le faire dieu {le dieu de l’éloquence, Hermès), ils établirent des 
églises dans les principaux centres de la Pisidie et de la Lycaonie. Leur rentrée 
triomphale à Antioche avait été vite suivie des réclamations de judéo-chrétiens 
puristes; on blämait leur libéralisme à l'égard des néophytes païens, auxquels 
ils n'avaient pas imposé les observances mosaïques avec le baptème. Ce fut 
l'occasion du « concile de Jérusalem » (Acer. xv), où les idées et la pratique de 
Paul eurent pleinement gain de cause devant les apôtres. Puis, avec Silas pour 
compagnon cette fois au lieu de Barnabé et de Marc, Paul était reparti en 
mission apostolique vers les régions anatoliennes évangélisées au premier 
voyage. Îl y trouva un nouveau coopérateur, Timothée, qui devint son plus cher 
disciple. Après une maladie (sans doute le premier accès de son affection 
chronique, qui consista probablement en fortes fièvres paludéennes, résultat de 
fatigues inouïes dans un pays malsain) (1), maladie qui arrêta Paul dans la 
Galatie du Nord et donna le temps à cet extraordinaire malade d'établir 
solidement l'Évangile parmi ses hôtes (2), les trois évangélistes furent menés 
par l’Esprit en Europe (Act. xv, 7-10). Ils y connurent de nouveaux succès 
doublés de peines innombrables, que les Actes ont décrits en partie, à Philippes, 
à Thessalonique, à Bérée (Act. xvr). Obligé enfn, lui seul des trois apôtres, de 
quitter la Macédoine, Paul était descendu jusqu'à Athènes, en attendant 
Silas et Timothée (3). Maïs Athènes n'avait pu le retenir, et maintenant, 
toujours solitaire, il abordaït la capitale de la province d’Achaïe, Corinthe la 
mal famée (Act. xvinr, 4). 

Partout la haine et les embûches des Juifs l'avaient pourchassé, ainsi que dans 
sa première mission. Îls avaient su exciter contre lui les riches prosélytes 
dévotes, par elles les magistrats, soudoyé même au besoin les émeutiers 
professionnels du port de Thessalonique pour lancer les foules païennes contre 
ce novateur gênant. À Philippes, auparavant, Paul avait failli être victime de 
la superstition mise au service de la cupidité, et accusé d'enfreindre les lois 
romaines, comme un peu plus tard à Thessalonique de semer des germes de 
rébellion en préchant un autre empereur que César (Act. xvir, 7). La mauvaise 


(1) ‘Cette question est à traiter à propos de II Cor. 1 et xI. | 

(2) Voir Gal. 1v, 13-s. Nous croyons, avec le P. Lagrange et la majorité, qu'il s'agit de la 
« Galatie » proprement dite, où s’étaient établis les envahisseurs celtes; mais nous n'avons 
pas à le démontrer ici. 

(3) Sur ce point, une difficulté résulte de la comparaison d’Acé. xvir, 14-15 avec I Thess. 
1, 1-2. Michaëlis (v. infra) en a conclu que ce dernier passage visait la fin du 3° voyage 
missionnaire (quoiqu'il ne soit pas question dans les Actes ni ailleurs d'un séjour de 
Paul et de Timothée réunis à Athènes en ces conjonctures), el, par voie de hardie conséquence, 
que les Épîtres aux Thessaloniciens avaient été écrites à cette époque tardive; cela lui sert 
à défendre la prétendue « captivité éphésienne ». Mais on peut fort bien comprendre les mots 
de Thess. : nüdoxñoauev auraeobñvar Ev *Abfvauc mévor au sens que Paul jugea bon de partir 
seul pour Athènes et d'y rester seul ayant, avant de partir, renvoyé pour un temps son 
disciple Timothée vers les Thessaloniciens ; et cela non pas d'Athènes, mais de Bérée même. 


CHAPITRE II. . IX 


foi et la mauvaise volonté de ses frères de race le portaient toujours davantage 
à moins compter sur eux que sur les prosélytes, et même les francs païens, pour 
la diffusion du Règne de Dieu. À Athènes, constatant que sa présence et ses 
dires faisaient sensation parmi les flâneurs intellectuels de l’Agora, il crut, 
dans son discours sur l'Aréopage (Act. xvn), pouvoir faire appel à la philo- 
sophie non systématique, mais droite et sérieuse, qu'il possédait, pour parler 
aux maîtres et étudiants imbus de stoïcisme un langage qui les disposerait en 
* faveur de l'Évangile. Mais à peine voulut-il traiter ensuite de résurrection et de 
jugement que ces Grecs cûltivés prirent peur ou se moquèrent de lui, le priant 
plus ou moins poliment de remettre ces questions-là à un temps plus propice. 
Ainsi l’Apôtre put constater qu’il y avait un abîme entre la « sagesse du monde » 
et celle de Dieu. Dans la capitale de l'esprit hellénique, c'est à peine s'il put 
jeter la semence d'une église dont le développement fut très tardif et très 
modeste. Après la haine fanatique et perfide d'Israël, qui le traitait en rénégat, 
il apprenait à connaître à ses dépens l’orgueil dédaigneux des penseurs et des 
dilettantes, qui le traitaient de rêveur et de bavard. Et toujours cette menace 
était suspendue sur sa tête qu'un calomniateur le dénonçât pour manque de 
loyalisme envers Rome et César. 

Un autre souci avait dû commencer déjà à lui envahir l'âme. Le concile de 
Jérusalem, malgré la netteté de sa décision essentielle, n'avait pas résolu tous 
les problèmes pratiques ni fait cesser toute opposition secrète à l'affranchisse- 
ment des Gentils. Les murmures, l'esprit d’intrigue qui cherche à rattraper en 
détail ce qu'il a dû concéder en bloc, n'étaient certes pas apaisés chez les 
anciens fauteurs du mosaïsme. À Antioche (Gal. 11, 11-ss.), Paul dut voir 
Pierre et Barnahé lui-même amenés pour un temps, par ces menées, à des’ 
concessions pratiques dont ils ne voyaient pas le danger, mais auxquelles 
il fallut toute sa hardiesse inspirée de Dieu, à lui, pour mettre un terme. 
Désormais, ainsi qu’il pouvait le prévoir et le vit bientôt de façon si douloureuse 
dans les églises qu'il avait fondées récemment chez les rustiques Galates, 
une contre-prédication allait suivre la sienne à la trace. Des adversaires aussi 
acharnés que sournois, qui étaient et se disaient pourtant ses frères dans 
le Christ, ne pouvaient lui pardonner le décret de liberté qu'il avait fait rendre 
aux Apôtres. N'osant directement s'insurger contre ce décret, ils allaient 
du moins se venger de son inspirateur, en essayant de miner son autorité, de 
déprécier sa personne, et par là, espéraient-ils, d'annihiler pratiquement. 
l'esprit de liberté évangélique dont Dieu avait fait de Paul le héraut principal. 
Si le danger n'avait pas déjà bien nettement pris corps, l'Apôtre devait 
cependant le pressentir. Et, au bout de peu de temps il le ressentit. Dans I Cor. 
ch. 1x, quand il parle de l' « apologie » qu'il doit entreprendre pour sa liberté, 
conire ceux qui font contre lui des enquêtes, c'est à de pareils adversaires qu'il 
fait allusion, avant même peut-être qu'il eût appris la crise de Galatie. 

Il est fort possible, en outre, que le mal qui, peu auparavant, avait dérangé 
ses plans d’apostolat en Asie Mineure, eût beaucoup diminué ses forces 
physiques de résistance, et le menaçât de crises nouvelles. On peutle conjecturer 
d'après I Cor. 1, 3-5. 

Voilà done en quelles circonstances Paul avait tourné vers Corinthe ses 
regards de conquérant. Peu encouragé par le demi-échec de sa prédication 


X INTRODUCTION. 


d'Athènes, il estima peut-être que, dans le monde beaucoup plus hétérogène du 
grand port d'Achaïe, il rencontrerait des milieux qui, moins rétrécis par les 
traditions et la vanité héréditaire de la culture hellénique, se montreraient plus 
perméables à l' Évangile. Là, ses premiers essais de propagande au milieu d’une 
: foule bigarrée échapperaient mieux à la railleuse surveillance qui l'avait entouré 
dans l’aristocratique Athènes. Ses compagnons laissés en Macédoine l'y rejoin- 
draient peut-être aussi plus facilement. 

Quoi qu'il en soit, il n'abordait la grande ville qu’« avec crainte et tremble- : 
ment » (I Cor. 11, 3). On se l'explique déjà bien par ses récentes expériences, 
mais encore mieux par le caractère à lui connu de l'étrange cité qu'il allait 
essayer de conquérir au Christ. 

Car il faut savoir re qu'était cette Corinthe du 1°" siècle de notre ère. 


Il. Corinthe au [ siècle après J.-C. 


Corinthe n’était plus l'antique cité dorienne des temps classiques, la ville 
fameuse par son industrie de vases peints et de bronzes d'art, l'entreprenante 
république maritime qui avait inventé les trières, ces vaisseaux de haut bord, 
et parsemé le long des mers lointaines des colonies telles que Corcyre, Potidée 
et Syracuse. Le consul Mummius, en bon Romain de la vieille école, s'était 
chargé, l'an 146 avant Jésus-Christ, de la mettre au ras du sol, pour supprimer 

.une rivale commerciale qui empêchait le port plus récent de Délos et ses 
- négociants italiens d'accaparer le trafic de l'Égée. Mais, un siècle plus tard, 
Jules César, après sa victoire sur Pompée, la reconstruisit et la repeupla; ce fut 
la colonie romaine « Laus Julia Corinthus ». Les premiers habitants furent des _ 
vétérans de l’armée vaincue à Pharsale, auxquels se joignit, comme d'habitude, 
un afflux de plèbe accourant des pays voisins. Cette population déjà mêlée 
vécut d'abord, en grande partie, de l'exploitation des ruines, d'où les destruc- 
teurs n'avaient pas enlevé tous les trésors. Maïs bientôt la nouvelle colonie 
prit une vie moins précaire, à cause de cette excellente position entre deux 
mers, que Mummius n'avait pu enlever avec les statues. Délos avait à son tour 
été ruinée pendant les guerres de Mithridate. La population grossit, les affaires 
se remirent en marche, Corinthe devint «le marché et la ville commune de la 
Grèce », comme dira plus tard Ælius Aristide; le mouvement fut très considé- 
rable en ses deux ports, Cenchrées à l'Est qui regardait l'Asie, et à l’ouest le 
Lechaion, ouvert sur le monde occidental. Le transit était si actif que, pour 
ne pas changer de bateaux leurs cargaisons, commerçants et voyageurs pou- 
vaient se servir d’un « chemin de bois », le Gtokxo où, à l'endroit le plus 
resserré de l'isthme, les navires étaient tirés d’un golfe à l’autre sur des rou- 
Icaux ou des glissières. Néron devait bientôt essayer de percer un canal à la 
place. Au milieu d'une Grèce dépeuplée et appauvrie, la ville cosmopolite 
se mit donc à grandir comme une cité américaine du xix° siècle, et la petite 
préfecture qui porte de nos jours son nom, étouffée par le voisinage de ports 
comme le Pirée et Patras, n’en donne plus la moindre idée. Au 1° siècle de 
notre ère, la population de Corinthe et de ses ports (d'après certaines évalua- 
tions sans doute exagérées), pouvait atteindre 600.000 âmes, dont les deux 
tiers dans la condition d'esclaves. Depuis que, l'an 27 av.J.-C., Auguste ct le 


CHAPITRE If. : XI 


Sénat s'étaient partagé les provinces, ce dernier avait eu dans son lot celle 
d’Achaïe; Corinthe, vu la déchéance politique et économique d'Athènes, fut 
choisie pour capitale, et résidence du proconsul. Les « Jeux isthmiques », 
qui n'avaient jamais cessé, même après la ruine de la cité ancienne, y reprirent 
un nouvel éclat. 

Aujourd'hui d’actives campagnes de fouilles menées par les Anglais et les 
‘Américains exhument l’ancienne vie du Péloponèse, et Corinthe y fournit 
naturellement son apport (1). L'épigraphie confirme ce que nous pouvions 
présumer déjà, c'est-à-dire que Corinthe était devenue un confluent de toutes 
les races orientales, s'agglomérant autour du noyau latin dont quelques noms 
cités dans les Actes et l'épitre de Paul nous montrent Îa persistance. Cette 
cohue s'était hellénisée, au moins superficiellement, l'hellénisme d'alors n'étant 
plus celui de Périclès. Ælius Aristide, au r1° siècle, dans sa rhétorique peut-être 
adulatoire, pouvait féliciter Corinthe du nombre de ses écoles, de ses gym- 
nases, des philosophes et des lettrés qu'on y trouvait à chaque coin de rue 
(Discours isthmique à Poseidon). Mais de l'ancienne Grèce, — à part la pros- 
périté économique, — Corinthe la neuve n'avait guère hérité que les défauts. 
En sa religion se coudoyaient tous les cultes grecs, romains, orientaux, Isis et 
Sérapis, Asklépios, Jupiter Capitolin, Artémis d'Éphèse, la Grande Mère. 
Certains « Mystères » devaient par conséquent y fleurir, au moins ceux d'Isis 
et probablement de Bacchus. Mais plus cher que tout autre à la population 
sédentaire ou floitante était le culte d'Aphrodite, dont le sanctuaire se dressait 
sur l’Acrocorinthe, à cinq cents mètres plus haut que le rivage. Cette Vénus 
était d'allure syrienne plutôt que grecque, et patronnaïit des rites honteux à 
peu près ignorés des anciens Hellènes, la prostitution sacrée qui occupait à 
l’époque ancienne plus de mille hiérodules, et dont la vogue n'avait pas dû 
baisser après la reconstructiou de la ville. Æl. Aristide, — en se gardant bien 
d'insister sur ce point, comme le note À. Boulanger (2) — dit que « nulle cité 
n'a pour attirer les hommes de toute race de prestiges plus puissants : c'est 
la ville d'Aphrodite. » 


EL 


(1) Des fouilles actives ont commencé en 1896 et se poursuivent toujours sous la direction 
de l’« American School of classical studies » d'Athènes. Le sommaire des résultats de 
cinq campagnes a été exposé par Theodore Leslie Shear, dans « The classical Weekly », 
1931, pp. 121-126 et 130-135. 

Sept volumes in-4°, sous le titre de Gorinth, ont déjà paru de 1929 à 1932 à Cambridge 
(Massachusselts) dans l’ordre suivant : vol. 1v, 1; V ; Lil, L5 IX3 Valt, 1 et vil, 2: X; L 
Is traitent de l’Acrocorinthe (111, 1, par Cart William Blegen et autres auteurs), des inscrip- 
tions grecques (vrr1, 1) par Benjamin Dean Meritt, et latines (vit, 2) par Allen Browr West; 
ainsi que de la sculpture, des terres cuites, d'une villa romaine, de l'Odéon; le vol. 1, paru 
en 1932, donne l'introduction, la topographie, l'architecture. 

Signalons de plus quelques études particulières intéressantes, comme celles de De Haele 
sur le sanctuaire d'Asklepios et d'Hygie (« The American Journal of archacology » 1933, 
pp. 417-451), de S. Æilrem sur un lieu d'oracles (« Philologische Wochensechriil » 1931, 
col. 765); de Campbell Bonner sur un miracle de Dionysos (« Amer, Journal of archacol, » 1929, 
pp. 368-375). 

En outre, dans le Journal américain d'archéologie, de 1929 à 1932, et le « Gnomon » 
1930-1931, des articles de Théodore Leslie Shear, de F. J. Waele ot autres, sur les fouilles 
en général, les tombes, le marché romain, etc. 

(2) A. BOULANGER, Ailius Aristide, p. 317. 


XII . INTRODUCTION. 


Ainsi, en aucun temps, Corinthe n'avait eu bonne réputation morale. Le mot 
xopivôtétecôaæ, « vivre à la corinthienne » {qui n'est pas un éloge) apparaît déjà 
dans un fragment d'Aristophane (fr. 133), et les poètes comiques Philétère (ives.) 
et Poliochos (date inconnue) (1) avaient fait des pièces intitulées Kopwôtacris 
« l'homme aux habitudes corinthiennes ». Pourtant on n'était pas alors puritain, 
à Athènes ni.ailleurs. Mais aux alentours de notre ère, cette fâcheuse renommée 
n'avait fait que s’aggraver. On comprend facilement que, dans cette grande ville 
de négoce international, avec tous les commerçants et les marins qui y faisaient 
escale au milieu des privations de leurs voyages, et y trouvaient les lieux de 
dévotion susdits, la débauche, soit coûteuse soit à la portée de toutes les bourses, 
fit vivre une partie des habitants de l'exploitation éhontée des vices. On 
trouverait des traces de cette situation dans les deux écrits de Paul. Car il est 
certain que beaucoup d'étrangers se rendaient là pour s’amuser sans retenue et 
y gaspiller leur fortune ou leurs économies. Où mavrès dvdpoç êc KoptvBov 808” 6 mhodc, 
disait le proverbe, « non cuivis homini contingit adire Corinthum » (Horace, 
Epist. 1, 17, 36). Le reste allait à l'avenant. La disproportion des conditions: 
sociales, dans cette ville de lucre, était scandaleuse. Plus tard, au rit siècle. 
l'épistolographe Alciphron (2) en parlera comme d’un lieu inhabitable à cause 
de l'infamie des riches et de la misère des pauvres gens. Athènes aussi, 
d’ailleurs, offrait bien des dangers pour la moralité et le porte-monnaie de ses. 
étudiants. Mais un trait assez significatif, qui montre bien comme cette Corinthe- 
représentait peu la Grèce pauvre et relativement honnête de Plutarque, c’est. 
que les Corinthiens, à peu près seuls de tous les Grecs, avaient adopté avec 
enthousiasme les jeux homicides de l’amphithéâtre romain. 

Ces souvenirs mettront en valeur, comme gloses sous-entendues, plus d'une- 
réprimande ou d'un précepte de nos épiîtres. Quand on sait ce qu'étaient. 
les mœurs à Alexandrie, Antioche ou Rome, on se demande ce que pouvait. 
faire Corinthe pour être ainsi montrée au doigt comme la capitale de la 
dépravation. Il est vrai que la mode pharisaïque a toujours existé de dénoncer 
quelque « moderne Babylone » comme le foyer des vices qui sont, plutôt, ceux. 
d'une société entière où ils trouvent des foyers partout; et les Romains, à leurs 
heures de vertu, devaient être heureux de charger cette pauvre ville grecque: 
cependant pareille réputation ne se soutient pas à travers les siècles si elle n'est. 
fondée sur quelque chose. 

Les Juifs abondaient cependant dans cette cité de Bélial qui était aussi celle 
de Mammon. L'intensité des affaires les y attirait autant et plus que dans les. 
autres ports méditerranéens. On a retrouvé (v. Deissmann Lo), le fragment. 
d'une inscription assez fruste qui surmontait la porte d'une de leurs synagogues ; 
ce ne devait pas être la seule ni la principale, et elle est d’une époque un peu 
plus tardive. Il devait sortir de leurs rangs quelques chrétiens, et parmi leurs. 
hommes les plus distingués. Cependant la masse, comme le montra l'événement, 
devait être, autant et plus qu'ailleurs, très mal disposée à accepter l'Évangile. 
Comme Paul a écrit de Corinthe son épitre aux Romains, on peut croire que la 
sombre description de l'hypocrisie juive qu’il donne au ch. 11 lui fut inspirée, 


(1) Meinecke, Fragm. com. gr., 1839-1857, fr. 1, 356°. 
(2) Epistolographi graeci, éd. Hercher, 1873. 


CHAPITRE II. XIII 


en partie du moins, par ce qu'il avait sous les yeux en ce moment; il semble 
que certains d’entre les fils d'Israël faisaient tous les métiers lucratifs, et 
n'hésitaient pas à vivre de la superstition païenne (feposuheïe, v. 22), comme les 
« fils du grand-prêtre Scéva », à Éphèse (Act. x1x), qui vivaient probablement 
d'occultisme et de thaumaturgie, ou le mage Élymas (Act. xui) à la cour du 
proconsul de Chypre. 

Paul, à Corinthe, entendit cependant le Seigneur lui dire, dans une vision : 
« Sois sans crainte, et parle; car j'ai un peuple nombreux dans cette ville » 
{Act. xvur, 9). 


IT. Comment saint Paul évangélisa Corinthe. 


Quand l'Apôtre arriva dans la capitale de l’Achaïe, seul, inquiet, souffrant 
peut- -être en son corps comme dans son âme, il devait tout d'abord penser 
à vivre. Les Actes (ch. xvur) nous apprennent qu'il trouva dans la communauté 
juive le couple généreux d’Aquilas et de Priscilla, que le récent édit de Claude 
avait obligé de quitter Rome avec beaucoup de leurs coreligionnaires. (C’étaient 
des artisans aisés et instruits, ou plutôt des fabricants de tissus qui faisaient 
travailler avec eux ou sous leurs ordres un certain nombre d'ouvriers; car 
l'élévation relative de leur condition sociale est assurée par le fait qu'ils eurent 
des « maisons » à Éphèse et à Rome, comme ils en avaient une à Corinthe, 
I Cor. xvi, 19). Qu'ils fussent déjà baptisés, ou ne soient devenus chrétiens (1) 
que grâce à Paul, ils fournirent à celui-ci du travail, et l'Apôtre, comme à 
Thessalonique, recommença à tisser des « tentes » ou de grosses couvertures 
de Cilicie; avec son salaire, il put suffire à ses besoins. Chaque jour de sabbat, 
il saisissait l’occasion de discuter à la synagogue, et de parler du Messie Jésus, 
répétant des instructions pareilles à celle d'Antioche de Pisidie, que nous a 
retracée le chap. xxx des Actes. Il persuada quelques Juifs et quelques Grecs 
« craignant Dieu », et c’est alors sans doute qu'il baptisa des notables comme 
Stéphanas et Caïus (T Cor. 1). Mais la rupture ordinaire et forcée avec les Juifs 
(en tant que communauté) se produisit au bout de peu de temps, probablement 
un petit nombre de semaines. Fort heureusement, Silas et Timothée étaient déjà 
arrivés de Macédoine, apportant à Paul, avec leur aide dans l’apostolat, quelques 
subsides pécuniaires dus à la générosité des fidèles macédoniens, des excellents 
Philippiens notamment (II Cor. x1, 9, et PAil. 1v, 15-16) ; cela permit à Paul de se 
relâcher un peu. de son labeur manuel — qu'il ne cessa pourtant point, voir 
I Cor. 1x -= et de se donner plus entièrement à la parole (Act. xvirr, 5, ouvelyero 
T& Adyw), laissant à ses collaborateurs la charge de baptiser, et d'administrer la 
communauté naissante. Quand il se fut installé tout près de la synagogue qu'il 
ne fréquentait plus, dans la maison d’un certain Titius Justus — prosélyte que 
son nom paraît désigner comme un descendant des colons latins — et qu'il 
eut converti, ce qui était certes un grand triomphe, le propre chef de la 
synagogue, Crispus, l'Évangile s'étendit avec rapidité à travers la ville 


(1) Il est probable qu'ils l'étaient déjà, puisque Paul ne dit pas (I Cor. 1) qu'il les ait 


baplisés, ct qu'il appelle Sléphanas et sa « maison » les « prémices de l’Âchaïe » 
(bid. xvr, 15). 


XIV. INTRODUCTION. 


d’Aphrodite. Les Actes sont malheureusement très brefs sur les diverses 
péripéties de cette conquête; ils se bornent à mentionner la vision divine qui . 
réconforta l'Apôtre, l'épisode très important de son accusation devant le pro- 

consul Gallion, qui tourna contre ses ennemis juifs, et qui permet de dater son 

séjour à Corinthe de 51-53 (ou 50-52), enfin le temps qu'il demeura dans cette 

ville. Il n'est cependant pas facile de décider si la donnée de « un an et six mois » 

(Act. xvur, 41) convient à la durée totale de l’évangélisation, ou seulement au 

temps qui s'était écoulé depuis l'arrivée de Paul jusqu’à celle du nouveau 

proconsul; en cette seconde hypothèse, qui nous paraît la plus probable, comme 
il est dit que Paul, après l'incident de Gallion, demeura encore « assez 

longtemps » (Ër... fuépas ixavés, bd. 18) dans la ville, nous pourrions fixer 

approximativement à deux ans son séjour à Corinthe. 

Mais les Épîtres elles-mêmes, surtout la Première, enrichissent considé- 
rablement notre connaissance de cet apostolat. 

Le sentiment de malaise et de dépression que Paul avait apporté à Corinthe 
dut se prolonger assez longtemps, même après l'encouragement des premiers 
succès (voir Î Cor. 11, 3), jusqu'à la révélation rassurante que rapportent les 
Actes, xvur, 9. Tandis que Paul disputait à la synagogue sur les Écritures 
familières à son auditoire, il devait, tout au long de cette première phase, 
se demander avec anxiété comment il aborderait directement la plèbe païenne. 
de cette ville dissolue. Ce fut la mauvaise foi et les injures de ses coreligion- 
naires qui l'y contraignirent. « Désormais je vais aux Gentils! > Grande réso- 
lution! l'Apôtre dut prendre beaucoup sur lui-même pour se décider à un 
changement si hasardeux. Mais ses auxiliaires éprouvés étaient là, et le Christ, 
en vision, lui prédit le succès. Il fut éclatant. Encore une fois Paul fit l’expé- 
rience de sa force dans la faiblesse, et se vérifia d’autre part, sur le terrain 
grec, cette parole de l'Évangile que les publicains et les femmes perdues en 
précèdent beaucoup d'autres dans le Royaume des cieux. Dans cette foule 
apparemment si mal préparée, Paul obtint vite de bien autres résultats que 
parmi les « sages » d'Athènes. La communauté fondée devint irès vaste, et 
déborda même sur les régions avoisinantes, puisque la Il° Épître parle des 
« églises d'Achaïe »; il y en avait une à Athènes, au moins en germe, il y en eut 
une à Cenchrées (Rom. xvi, 1), mais très probablement d'autres encore. 

L'apôtre avait recouru d'emblée aux grands moyens surnaturels. Délaissant 
les travaux d'approche qu'il avait employés très logiquement ailleurs (à 
Lystres, Act. xiv, 15-ss., à Athènes) en prêchant une théodicée purement 
rationnelle, il avait mis dès l’abord ces gens légers, superstitieux, dissolus, 
en face du fait prodigieux de la Rédemption par La Croix. Il estima que le 
« langage de la Croix » (I Cor. 1, 17) était seul capable de saisir et de fixer 
ces âmes mobiles, et que la hardiesse du « scandale » et de la « folie » divine 
couperait la voie à tous les faux-fuyants de la « sagesse » humaine, dont 
toutes les théories, fussent-elles ordonnées à préparer la Révélation, auraient 
pu ne fournir qu'une pâture à leur esprit de dispute. La conviction du pré- 
dicateur, son saint désintéressement et son inspiration visible, peut-être 
accompagnée de quelques miracles ([ Cor. 11, 4, cf. fom. xv, 18-19), étaient 
les signes de la puissance de cette Croix. Pour inculquer aux Corinthiens ce 
« scandale » et cette « folie » qui est le fait central du salut, et pour leur en 


CHAPITRE II. XV: 


faire comprendre la portée, il était du reste évidemment nécessaire d'exposer 
la vie du Christ, sa divinité, la révélation mosaïque et prophétique qui l'avait 
annoncé, la résurrection, le second Avènement, les fins dernières, la transfor- 
mation de la vie requise pour avoir part à la gloire, et les moyens de sanctifica- 
tion, baptème et sacrements. C'était le Credo ou le catéchisme réduit à l'exposé 
le plus concret de la doctrine, ce que saint Paul appelle le « laït » (1 Cor. r1r, 2), 
mais qui contenait virtuellement toute la nourriture que pouvaient désirer les 
« parfaits » qui grandiraient sous l’action de la grâce. 

Et ces Méditerranéens, si sensibles aux doctrines nouvelles et à l'action des 
personnalités puissantes, furent en effet séduits par la nouveauté radicale 
comme par l’immense portée de l'enseignement, ainsi que par la grandeur du 
maître; il leur apparut tout autre que ce Démétrius le Cynique ou les prédica- 
teurs errants qui avaient pu un moment flatter leur curiosité. Un soufle 
d'enthousiasme les souleva; car Corinthe était dépravée, maïs non irréligieuse. 
Les conversions furent nombreuses et sincères, et la foi des néophytes s'épa- 
nouit en multiples « dons de l'Esprit », comme en aspirations aux vertus les 
plus hautes, par juste réaction contre l’ancien laisser-aller des mœurs. Si 
l'Apôtre dut, plus tard, opérer un sévère triage parmi les manifestations des 
« charismes » (I Cor. ch. xvi), il est incontestable qu'il y reconnut, dans 
l'ensemble, l’action authentique de l'Esprit-Saint. . 

Le mouvement avait entraîné des hommes de toute sorte, jusqu'à des pécheurs 
très décriés naguère (1 Cor. vr, 11). Leur sincérité avait paru telle que les 
collaborateurs de Paul n'avaient pas dû leur imposer un long temps d'épreuve 
avant le baptême. Aussi, quand baissa l'enthousiasme, y eut-il de périlleux 
retours du « vieil homme » chez plus d’un converti encore insuffisamment 
exercé aux vertus chrétiennes. La communauté était très mêlée, non seulement 
au point de vue de la valeur morale de ses membres dans le passé, mais pour 
la race (Juifs, Grecs, Romains, Orientaux et Occidentaux venus de partout), 
pour les origines, la culture, l'état social; au milieu de beaucoup d'esclaves 
et de plébéiens des plus modestes se rencontrèrent, sans parler d'autres 
notables, un ancien chef de synagogue comme Crispus, et le « trésorier de la 
ville », Eraste (Rom. xvr, 23; Acé. x1x, 22), personnage que, dans une pareille 
cité d’affaires, sa fonction semble désigner comme étant fort riche lui-même. 
Les femmes, attirées par leur religiosité naturelle et leur aptitude au sacrifice 
généreux, prirent un rôle qui demanda plus tard à être réglé (I Cor. xr). 

L'âge d'or de l'église corinthienne, où tout paraissait foi confiante, géné- 
rosité, et transformations merveilleuses, doit avoir duré aussi longtemps que 
Paul y demeura. Les obstacles extérieurs, dans la ville d'Aphrodite, demeu- 
raient grands sans doute. Mais les païens, habitués à voir parmi eux tant de 
sectes paradoxales, montraient aux fidèles peu d’hostilité. On dirait même que 
certaines réunions chrétiennes étaient ouvertes à tous ceux qui voulaient y 
entrer, comme nos églises en temps pacifiques ([ Cor. xiv, 23-25). La plus 
forte opposition venait des Juifs, qui couvaient leur rage depuis que, ayant 
chassé Paul, ils l'avaient vu s'établir chez Titius Justus, à leur porte, et leur 
enlever même de leurs chefs. Quand L. Junius Gallio vint remplir à Corinthe 
son office annuel, ces Juifs tentèrent d'exploiter l'ignorance où le proconsul 
nouveau venu devait être des aflaires locales, et ils traînèrent Paul à son tri- 


XVI INTRODUCTION. 


bunal. Ils comptaient tourner le magistrat novice contre la secte nouvelle, en la 
présentant comme une religion qui, séparée volontairement du judaïsme, ne 
méritait pas la protection due à une religio licita, et tombait sous les lois de 
l'Empire; peut-être seraient-ils allés jusqu'à l'accusation de lèse-majesté, 
comme l'avaient fait ceux de Thessalonique. Les Actes, qui narrent longuement 
cet incident redoutable {Acë. xvirr, 12-17), nous disent aussi comme il tourna 
à la confusion des accusateurs. La tolérance sceptique du proconsul stoïcien 
dut avoir l’air, en ces temps, d'une faveur singulière, et ne put que favoriser 
chez les hésitants le mouvement des conversions. 

Au milieu de cette communauté intéressante et active, quoique déjà tumul- 
tueuse peut-être et piétinant quelque peu, Paul se sentait tout à fait comme un 
père parmi des enfants qu’il chérit, et dont la générosité le rassure contre tout 
ce qui leur manque encore en éducation. Il avait des soucis bien graves con- 
cernant ses fidèles Macédoniens, surtout ceux de Thessalonique, auxquels il 
écrivit alors des épîtres ; et peut-être aussi du côté de la Galatie, où les Judaï- 
sants s’agitaient. Mais l’éclosion brillante de la vie chrétienne dans une cité 
telle que cette Corinthe mal famée était de nature à le réconforter; de grands 
fruits de grâce s'y révélaient sous ses yeux, au moins dans une élite; et 
les autres n'étaient pas encore refroidis. Chaque jour amenaït de nouvelles 
conquêtes. . 

Tout allait donc pour le mieux. L’apôtre des Gentils avait fondé la commu- 
nauté la plus vaste, la plus florissante peut-être en apparence, qu'il y ait eu 
jusqu'alors; et cela au centre même des communications de l'Empire romain. 
Au bout de quelque deux années, le « père » jugea que la situation était assez 
consolidée dans cette prometteuse Corinthe, et qu'il pouvait aller se chercher 
ailleurs d’autres enfants. 

Mais les choses commencèrent à s’altérer presque aussitôt après son départ. 

Lorsque Paul faisait son troisième voyage missionnaire d'abord à travers 
l'Asie, un nouveau chrétien venu d'Alexandrie d'Égypte, Apollos, continua 
son œuvre à Corinthe avec beaucoup de fruit. Mais il s'était introduit d'autres 
instructeurs, moins autorisés, et déjà l'atmosphère de la ville païenne amenait 
un fâcheux fléchissement chez certains néophytes. Paul, l'ayant appris, envoya 
d'Asie à Corinthe une lettre aujourd’hui perdue, qui mettait l'Église en garde 
contre l'influence des païens. 

Ses ordres parurent inexécutables pour leur sévérité à beaucoup qui les enten- 
daient mal. En même temps les désordres augmentaient, et îl se faisait des 
divisions dans l'Église, Quand les Corinthiens surent que Paul s'était établi à 
Éphèse, ils lui envoyèrent des délégués et une lettre pour exposer leur situation. 

Paul leur répondit par notre Première Epître aux Corinthiens. 

Elle ne suffit pas pour tout remettre en bon ordre. L’Apôtre, ainsi que nous 
le prouverons plus tard, dut faire lui-même à Corinthe un court voyage qui 
ne lui laissa pas de bons souvenirs. Rentré à Éphèse, il écrivit wne lettre 
sévère et attristée que certains auteurs veulent retrouver en partie dans Îles 
derniers chapitres de IT Cor., mais qui est bien plus probablement perdue tout 
entière. En même temps il envoyait son disciple Tite agir en son nom dans 
l'Église de Corinthe. 


Sur ces entrefaites, Paul dut quitter Éphèse, après trois ans d'apostolat, à la 


CHAPITRE If. XVII 


suite de l’'émeute excitée par Démétrius (Act. x1x, 23-40), Il passa par la 
Macédoine, où Tite le rejoignit porteur d’heureuses nouvelles. 

Alors, d’une ville macédonienne, il envoya sa Deuxième Épitre aux 
Corinthiens, qui est en réalité la quatrième. Il y annonçait son arrivée 
prochaine. 

En effet, à la fin de ce long « troisième voyage missionnaire », Paul revint 
faire un séjour à Corinthe (cfr. Act. xx, 2-3), d'où il partit, à travers l'Asie, vers 
Jérusalem, où les Juifs le firent prisonnier; ils durent le laisser aux mains des 
Romains, qui l'envoyèrent dans Ia capitale de l'Empire, parce qu'il en avait 
appelé à César. Après sa libération de la captivité romaine, il lui restait 
plusieurs années à vivre. Mais nous ne savons pas si, avant son martyre, il 
retrouva le temps de visiter cette église de Corinthe dont la fondation était une 
de ses plus grandes œuvres et qui avait causé tant de soucis à son âme d'apôtre 
et de père. | 

Corinthe continua d'être un centre florissant de christianisme, mais dont le 
caractère n’avait pas changé tout à fait puisque, à la fin du siècle, une lettre lui 
fut envoyée par saint Clément au nom de l'Église de Rome pour apaiser encore 
sa turbulence. Au n° siècle elle compta parmises évêques un homme bien 
connu dans l'histoire ecclésiatique, s. Denys de Corinthe. Ses destinées, en 


ces temps antiques, étaient plus étroitement liées à celles de l'Église de Rome 
et de l'Occident. 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS. 


CHAPITRE IIT 


CIRCONSTANCES QUI DÉTERMINÈRENT S. PAUL À ÉCRIRE 
LA & PREMIÈRE AUX CORINTHIENS », 


Paul laissant, à ce qu'il semble, la communauté corinthienne en très bon 
état, avait regagné son centre d’Antioche. Sur la route il avait fait un court 
arrêt à Éphèse, où les compagnons du début de son voyage, Aquilas et Priscilla, 
demeurèrent et s'établirent. Puis l’infatigable apôtre reprit ses courses; retra- 
versant des pays évangélisés déjà, comme la Galatie du Nord — où il organisa 
une collecte pour Jérusalem — il descendit par la Phrygie jusqu'à la capitale 
asiatique, Éphèse, qui était devenue le but de ses aspirations. 

Son succès, décrit dans les Actes, ch. x1x, y fut prodigieux, mais après qu'il 
eut passé par une période de luttes très. dures, qu’il comparera à un « combat 
contre les bêtes » (I Cor. xv, 32). Saint Luc insiste surtout sur le triomphe, et 
note quelques traits significatifs : les prédications dans l'école de Tyrannos, la 
grande variété des auditoires, les guérisons miraculeuses, la propagation de 
l'Évangile à à travers l’ « Asie » (dans la vallée du Lycus, comme on l’apprend par 
les Épîtres de la captivité, notamment à Laodicée, Hiérapolis et Colosses, et cela 
par le fait de disciples de Paul), la mésaventure des sept exorcistes fils de 
Scéva, et l’autodafé de livres d’occultisme, pour 50.000 drachmes, qui suivit. 
Un Juif, un simple ouvrier tisserand s'était fait la situation la plus populaire 
et la plus illustre dans une ville plus grecque que la Corinthe d'alors, une ville 
aussi entichée de ses traditions et de sa culture que l'était cette Éphèse:; il Y 
avait gagné jusqu'à l'amitié des « Asiarques » (Act. xix, 31), ces présidents du 
Kotwév d'Asie, qui étaient, d'aucuns le croient, prêtres de Rome et d'Auguste. 
Il pouvait dire aux Corinthiens que, malgré le nombre de ses adversaires, il lui 
était ouvert à Éphèse une porte très large {I Cor. xvi, 9). Mais ces victoires lui 
coûtaient cher, car une telle vie ne pouvait se répandre chez les païens sans 
que la mort opérât dans leur Apôtre (cfr. IT Cor. rv, 12); et dans le merveilleux 
discours d’Acé. xx, Paul nous dit lui-même quelle existence il menait dans ce 
temps-là. Il dut prolonger son séjour si fécond pour l'Évangile beaucoup plus 
longtemps qu'il ne l'avait prévu d'abord, jusqu’à deux ou trois années (Ac. x1x, 
J (1). Mais son succès et sa popularité furent justement ce qui l'obligea enfin 

à quitter Éphèse, à la suite de cette émeute des orfèvres fabricants d'ex-voto. 
pour Artémis, dont sa prédication avait fait baisser les profits; saint Luc, 
Act. x1x, 21-40, nous a laissé le tableau le plus vivant de cet incident grave. 
C'est longtemps auparavant que Paul avait envoyé à Corinthe sa première épiître . 
canonique. 


(1) Sur la prétendue « captivité éphésienne », voir infra, comment. de I Gor, xv, 32. Nous. 
aurons du reste peu de chose à dire sur cette théorie artificielle. 


CHAPITRE III. XIX 


Car le souci des églises dont il s’était éloigné ne le quittait jamais au milieu 
de ses nouvelles conquêtes. Les Corinthiens, apprenant que leur apôtre venait 
de s'installer à Éphèse, à quelques jours d'une navigation facile jusqu'à 
Cenchrées, s'étaient mis probablement de leur côté à attendre sa visite. Puis le 
retour à Éphèse d'Apollos avait dû stimuler encore la sollicitude paternelle de 
Paul. | 

Apollos — nom diminutif d'Apollonios probablement, ou peut-être d’Apollo- 
dore — était un Israélite pieux et disert venu du premier centre de la culture 


‘hellénistique, Alexandrie d'Égypte, dont la colonie juive puissante et cultivée 


avait donné à la philosophie le célèbre Philon, mort depuis quelque vingt ans, 
Cet Apollos, versé dans les Écritures (Act. xvir, 24), pouvait être lui-même un 
conférencier passant d’une ville à l’autre, peut-être un rhéteur de profession ; 
en tout cas c'était un homme bien armé pour la propagande, et qui n'ignorait 
pas le succès. Or, arrivant à Éphèse après que Paul y eut laissé, lors de son 
premier passage, Aquilas et Priscilla, il s'était mis à enseigner dans la 
synagogue « ce qui concernait Jésus » probablement sa mission divine, ses 
miracles, sa mort et sa résurrection; cependant, en fait de baptême, il ne 
connaissait encofe que celui de Jean. Cette brève donnée des Actes (xvuir, 25) 
nous fait regretter l'absence de plus amples explications au sujet de ces J'uils et 
de ces païens, nombreux peut-être, qui sympathisaient avec l'Église sans y être 
encore entrés et sans en connaître toute la doctrine (1). [1 n’y avait pas encore à 
Éphèse, semble-t-il, de groupe de chrétiens constitué, mais possiblement 
quelques passants amenés là par leurs affaires, venus d'Antioche, de Corinthe 
ou d’ailleurs; à Alexandrie il devait en être de même. Quoi qu'il en soit, le 
couple des pieux amis de Paul, déjà devenus ses collaborateurs occasionnels, 
vit quelle recrue ce serait pour la chrétienté juive et grecque qu'un homme 
tel qu'Apollos. Ils se mettent en relations avec lui, complètent son instruction, 
— et, très certainement, lui font recevoir le baptême (quoi qu’en pense 
Reïtzenstein; car il va de soi qu'il n'aurait pu devenir d'emblée comme le second 


(1) Le cas d’Apollos est à rapprocher de ces « disciples » dont parlent les Actes au 
chapitre suivant (xrx, 1-7), ceux que Paul rencontra à Éphèse au commencement de son séjour, 
et qui ne connaissaient encore ni le Saint-Esprit, ni un autre baptême que celui de Jean. 
Puisque Luc les appelle des « disciples », c'est à coup sûr, malgré Reitzenstein ({ran. Erlüs., 
p.126-s.) qu'ils faisaient déjà une profession quelconque de christianisme. Mais ils n’avaient 
dû être en rapport ni avec Aquilas et Priscilla, ni avec Apollos complètement converti. 
On peut même douter qu'ils fussent Juifs de race, car autrement le terme de « Saint- 
Esprit » ne leur aurait pas été si inconnu. Cet épisode des Actes soulève un problème 
historique encore obscur, mais fort intéressant. On ne peut voir en ces gens, malgré 
quelques modernes, de ces « Mandéens », dont l'existence indépendante ne s’affirme que beau- 
coup plus tard, et qui d'ailleurs n'ont jamais voulu, une fois constitués en secte, croire à Jésus. 
Ce qui semble le plus vraisemblable, c'est que, après la mort du Précurseur, beaucoup de 
ses disciples qui n'avaient pas fait acte d'adhésion formelle à celui qu'il annonçait (cfr. 
Jean, 111, 25-26) s'étaient dispersés à travers la Diaspora, Alexandrie, Éphèse, etc., et \ 
avaient fait de la propagande parmi les Gentils ou les sectes judéo-baptistes, leur parlant 
de leur Maître et de Jésus, mais sans être informés que de loin et en gros sur ce qui s'était 
passé en Palestine après le martyre de Jean. Le précurseur lui-même avait fait des adeptes 
parmi les « soldats » (Luc 111, 44) qui n'étaient peut-être que des douaniers au service des 
bublicains (v. Lagrange « Év. selon s. Luc », ad loc.) mais n'étaient pas nécessairement 
des Juifs, ni même des Palestiniens, et dont certains avaient pu rentrer dans leurs pays, y 
portant la doctrine de Jean, 


‘XX INTRODUCTION. 


apôtre de Corinthe s’il n'avait été baptisé). Comme l’ardent néophyte voulait se . 
rendre dans la capitale de l'Achaïe, les « frères » (Act. x1x, 27), c'est-à-dire 
Aquilas et Priscilla avec les quelques coreligionnaires qui avaient pu se réunir 
autour d'eux, écrivirent à l'Église de Corinthe de lui faire bon accueil. (1) Et 
c'était une recommandation justifiée; car, à peine débarqué, Apollos, plein de la 
grâce de Dieu, se mit à persuader et à prêcher; il eut surtout contre la 
résistance des Juifs des démonstrations scripturaires convaincantes, mais rendit 
les plus appréciables services d'enseignement à tous les croyants (Ac£. xix, 
27-28), « arrosant » ainsi, dira Paul, ce que l’Apôtre avait planté {I Cor. xx, 6). 

Paul, qui s'était pendant ce temps-là fixé à Éphèse, ne put que se réjouir de 
voir son œuvre étendue encore par un évangéliste si compétent. Apollos, dont la 
prédication éloquente devait avoir une certaine tournure philosophique, peut-être 
plus ou moins analogue à l'exégèse de son compatriote Philon (2), atteignait 

_des groupes que n'avait pas conquis entièrement la manière de Paul. L’Apôtre 
n’en était pas jaloux. Apollos étant revenu à Éphèse, Paul le reçut comme un 
collaborateur envoyé par la Providence. 

Apollos lui fit sans aucun doute un rapport détaillé sur l’état où il avait trouvé 
et laissé Corinthe. Que lui dit-il? A côté des progrès de l'Église en extension, il 
lui signala probablement certaines ombres qui commençaient à se dessiner. 
L'absence du « père » avait déjà laissé se desserrer quelque peu les liens qui 
unissaient les frères, et les tentations de l'ambiance païenne commençaient à se 
faire sentir davantage. 

Est-ce pour cela, sur les informations d’Apollos et d'autres peut-être, que 
Paul se décida à écrire aux Corinthiens une première lettre qui est perdue, mais 
dont il y a mention expresse Ï Cor. v, 9 (3)? Probablement, à ce qu'il nous 
semble. En tout cas, Paul y mettait ses fidèles en garde contre la fréquentation 
des « fornicateurs », c’est-à-dire, comme il l'explique dans I Cor., contre des 
baptisés qui retombaient aux mœurs païennes. 

Un petit problème d'histoire se pose ici. Est-ce que Paul, avant d'écrire sa 
lettre, ne serait pas allé lui-même à Corinthe, constater de ses yeux ce qu'il en 
était? Les communications entre-les deux villes étaient aisées, fréquentés et 
relativement rapides. Un voyage de deux à trois semaines aurait pu édifier 
FApôtre. Et il se trouve justement, en divers passages de la Deuxième Épitre, 
que Paul parle d'un double séjour qu'il a fait à Corinthe (voir surtout IL Cor. 
xt, À : Écce tertio hoc venio ad vos). De plus, dans I Cor. (xvr, 7), il écrira 
qu'il ne veut pas « cette fois» ou « maintenant » (&px) ne visiter l'église qu'en 
passant. Plusieurs auteurs en ont conclu qu'il faisait allusion à un court voyage 
accompli avant la composition de I Cor., et le plus vraisemblablement avant 
l'envoi même de la lettre perdue. Ces opinions seront à discuter systématique- 
ment dans le commentaire de II Cor., où elles prennent de l'importance pour 


(1) L'interpolation du cod. Bezæ et de syr". à Act. xviir, 27, dit que ce furent des Gorin- 
thiens en voyage à Ephèse qui le déterminèrent à passer dans leur ville, 

(2) On sait que l'Épitre aux Hébreux, avec son exégèse allégorique si élevée, et bien 
supérieure à celle de Philon, est, à tort ou à raison, altribuée à Apollos, — comme 
traducteur, du reste, des idées de Paul — par un grand nombre des critiques modernes. 

(3) Nous pensons par contre que IT Cor. vi, 14-vir1, 1 ne saurait être un fragment de cetle 
première lettre perdue; ce qui sera à démonter en temps et lieu. 


CHAPITRE III. XXI 


l'exégèse. Nous y établirons que ce « voyage intermédiaire » {certain à nos yeux 
d'après IL Cor. xur, 1 et d'autres passages) n’a eu lieu que beaucoup plus tard, 
dans l'intervalle entre Ï Cor. et II Cor. Quant à l’adverbe dom de I Cor. xvi, 7, 
il n’a pas nécessairement le sens qu'on lui donne (voir Commentaire, ad loc.). 
Car, en plus du silence des Actes et de toute la Première Épître (sauf en ce 
verset obscur xvi, 7), en plus aussi de la difficulté que Paul aurait trouvée à s'é- 
loigner d’Éphèse dans les conjonctures notées Act. xix, 8-9 (le temps du « combat 
contre les bêtes »), il faut bien constater, que dans notre « Première Épître » 
canonique, l'auteur, pour tous ses reproches ou ses recommandations, ne se 
réfère nulle part à ce qu'il aurait pu, mais à ce qu'il a appris par les rapports 
d’autres personnes, ou le bruit public, ou une lettre envoyée par l'église. De 
plus, le ton général indique bien que les Corinthiens n'ont pas revu leur apôtre 
depuis les années de l’évangélisation. 

Paul songeait en même temps, dès que les affaires d'Éphèse lui laisseraient 
quelque liberté, à retourner voir ses églises de Macédoine et d’Achaïe; c'est 
le projet qu’il annoncera I Cor. xvi, 2-8 (v. ad loc., comment.), lequel dut être 
remis et modifié, parce que le soin de la chrétienté a Éphèse le retint bien plus 
longtemps qu'il n'avait prévu. Cependant il avait fait partir devant lui ses deux 
disciples Timothée et Eraste (Act. xix, 22) qui, après avoir visité les églises 
de Macédoine, devaient aboutir à Corinthe;. Timothée était même muni d'ins- 
tructions éventuelles pour cette ville, au cas où il y parviendrait avant son 
Maître (I Cor. 1v, 17, cfr. xvr, 10-11). 

Mais des mesures plus immédiates devinrent opportunes. À Corinthe, la 
lettre de Paul avait produit grand effet. On s'y demandait avec trouble quelle 
était l'exacte portée de ses prescriptions; sans doute on aurait voulu hâter 
son retour, et en même temps celui d'Apollos, le nouveau favori. L'église 
rédigea donc une missive en ce sens, et elle la fit porter (au moins cela est le 
plus vraisemblable) par une délégation de trois de ses membres — ou de ses 
Chefs — particulièrement estimés du Fondateur, Stephanas, Fortunatus et 
Achaïcus (TI Cor. xvi, 15 ss.). 11 y était demandé des éclaircissements au sujet 
. du premier message de Paul; en outre, bien des cas de conscience nouvelle- 
ment surgis, ou devenus plus pressants qu'autrefois, y étaient soumis à son 
autorité. Ils concernaient spécialement l'usage de la « liberté » chrétienne, les 
discussions soulevées sur le mariage et l'idéal nouveau de la virginité, l'état 
des esclaves, la mesure dans laquelle on pouvait, civilement et même en matière 
religieuse, communiquer avec les Gentils, la dignité respective enfin des 
« dons de l'esprit » qui éclataient en une extraordinaire floraison, ce dont les 
Corinthiens croyaient pouvoir se montrer très fiers. Ils se vantaient du reste 
de rester très fidèles aux « traditions » communiquées par l'Apôtre, — malgré 
l'idée, présumable dans l'esprit de quelques-uns, que tant de faveurs immé- 
diates et palpables du Ciel faisaient d'eux des chrétiens parfaitement « adultes », 
qui pouvaient désormais se dispenser d'obéir à aucune tutelle. 

Paul fut, n’en doutons pas, touché de cette déférence et de cette confiance 
de ses néophytes, mais il sentit que, chez une partie au moins d'entre eux, 
elle était trop devenue « officielle », et il s'étonna des naïves prétentions qui 
perçaient dans la lettre elle-même. Sa vue surnaturelle lui fit découvrir qu'il se 
passait à Corinthe ce qui arrive toujours après de grands et éclatants succès 


XXII INTRODUCTION. 


qui ont été, pour ainsi dire, trop prompts : le mauvais esprit chassé des âmes 
était allé en chercher sept autres pour revenir à l'assaut de sa forteresse perdue. 

C'est que les bruits publics qui s’échangeaient facilement entre les deux 
grandes places maritimes commençaient à lui présenter la situation comme 
bien pire que la lettre ne l'aurait fait supposer. Des libertins, abusant de la 
« liberté » chrétienne dont ils déformaient la notion, tâchaient d'introduire 
hypocritement un certain indifférentisme moral, — et même religieux, puis- 
qu'ils se croyaient autorisés, sous le prétexte que la « science » de l'Évangile 

leur a appris que les fausses divinités sont des chimères, à profiter pour se 

réjouir des fêtes païennes et immorales; vu qu'ils ne croyaient pas aux dieux, 

cela ne pouvait faire aucun tort à leur foi. Un incestueux notoire était publi- 

quement toléré, sinon honoré. Des procès entre fidèles déchiraient l'église. 

En face de ceux-là d'ailleurs, provoqué sans doute par leurs excès, se dressait 

un parti d'ascètes imprudents et intempérants. Ces dissentiments retentissaient 

jusque dans les assemblées du culte, dans la Cène eucharistique où divers 

groupes faisaient bande à part, en sorte que les réunions dégénéraient jusqu'à 

rappeler les banquets païens. L'avis des meilleurs n'arrivait pas à prévaloir, 

on se moquait sans doute de leurs craintes et de leurs scrupules. Tout était 

légitimé, tout paraissait béni de Dieu par cette surabondance d'inspirations, de 

« pneumatisme », qui transportait prophètes, extatiques, « glossolales », sans 

qu'on voulût constater que beaucoup d'éléments de mauvais aloi se mêlaient 

à cette exaltation spirituelle. Les femmes se distinguaient d'ailleurs dans ces 

exercices, et profitaient du culte même pour étaler leur coquetterie et leur 

vanité d'émancipées, couvrant aussi leurs nouvelles manières provocantes du 

prétexte de la liberté et de l'égalité introduites par l’ Évangile. 

Pour ce qui regarde spécialement les coteries, des précisions avaient été 
fournies à Paul par ceux qu'il appelle « les gens de Chloé », voyageurs anonymes 
qui pouvaient être la « maison », les esclaves, affranchis ou employés d'une dame 
ainsi nommée, dont on ne sait d’ailleurs si elle était Éphésienne ou Corin- 
thienne, ni chrétienne, païenne ou juive. Il sut que les coteries corinthiennes, 
pour se couvrir de prétextes et de noms respectables, prétendaient, selon leurs 
tendances, se ranger celle-ci autour de la bannière de Paul, celle-ci sous le 
drapeau d'Apollos, supposant de la sorte, pour justifier leurs disputes, des 
oppositions qui n’existaient pas entre ces prédicateurs de l’unique doctrine du 
Christ. Une autre faction se réclamait de Pierre; elle était peut-être groupée 
autour de Juifs ou d'Orientaux nouveau-venus, qui avaient embrassé la foi sous 
l'influence directe ou indirecte du prince des apôtres. Peut-être le souvenir du 
« conflit d'Antioche » (Gal. x1, 41-suivants) était-il exploité contre Paul par 
ceux-là, car, à la même époque, il fournissait une arme à ceux qui le com- 
battaient en Galatie. Enfin d'autres, plus difficiles à identifier, sans doute des 
indépendants et des indisciplinés pires que tous prétendaient juger tout le 
monde, y compris les apôtres, en ne recourant qu'à l'autorité immédiate du 
Christ (v. infra, comm. de 1, 17-suivants, et Exc. 1v). Ce n'étaient pas des 
hérésies à proprement parler, ce n'étaient même pas encore des schismes 
proprement dits, puisque les réunions cultuelles restaient communes en droit, 
mais cela pouvait y acheminer assez vite. D'un côté, le sens de la fraternité 
chrétienne, dans l'union au Christ indivisible, en sortait fort affaibli; puis 


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CHAPITRE III, XXII 


chacun de ces groupes plus ou moins tranchés, qui faisaient de la propagande, 
jetant le trouble dans les assemblées eucharistiques, et appuyant sans doute 
leurs préférences et leurs préventions de prophéties ou de révélations à eux 
{voir comm. du ch. xiv), entendait donner à ta doctrine et à la vie chrétiennes 
quelque forme particulière qu'il eût été le seul à bien saisir; chacun se réser- 
vait le monopole de la « gnose», de la « sagesse », de la perfection. Paul, 
de son regard profond et inspiré, vit et le danger qu'ils faisaient courir à 
l'Évangile, et la qualité de &esprit qui les inspirait : besoin grec de faire des 
sectes, vanité d'être les seuls « sages » et d'avoir une doctrine originale, ou 
de se faire estimer par ce monde païen (qui était si dédaigneux des nouveaux 
croyants en général), comme une école philosophique ou mystique supérieure 
au commun des chrétiens. C'était la « sagesse du monde » ou des « princes 
de ce monde » qui leur dictait leurs ambitions, une sagesse qui est incompa- 
tible avec celle de Dieu, ou, devant celle-là, réduite à rien, car la chose essen- 
tielle à connaître, le Mystère du salut par la Croïx, échappera toujours à ses 
vues. En certains cercles les tendances subreptices de l'humanisme païen 
s'étaient déjà réintroduites si avant qu'on y prenait des airs sceptiques à l'égard 
de la vérité essentielle qui est le terme de l’espérance chrétienne, la résurrection 
générale (v. comm. du ch. xv). 

Paul vit que, sans attendre d'aller lui-même à Corinthe — ce qu'il ne 
pouvait faire, d'après ses prévisions, avant quelques mois, — il était grand 
temps d'intervenir par une lettre nouvelle qui préparerait ses réformes, et 
à laquelle les fidèles soumis pourraïent toujours se reporter. Scripta manent. 
L'occasion s'offrait d'elle-même, puisqu'il fallait répondre aux Corinthiens, 
qui avaient posé dans leur écrit des questions pressantes. Et leurs délégués 
étaient là pour emporter la réponse. Il en profita, non seulement pour satisfaire 
à leurs demandes, mais pour exprimer son jugement au sujet de tout ce 
qu'il avait appris avec une suffisante certitude par les rapports des « gens de 
Chloé » et de tous ceux qui lui avaient apporté des nouvelles sûres. 


CHAPITRE IV 


ANALYSE DE LA PREMIÈRE ÉPÎTRE AUX CORINTHIENS. 
SA RICHESSE DE DOCTRINE. SES RAPPORTS AVEG LES AUTRES ÉPÎTRES. 


La Première Épttre aux Corinthiens se présente à première vue comme une 
série d'instructions concrètes qui n'ont pas entre elles de liaison bien étroite. 
Mais il apparaît aussi tout d’abord qu’elles sont ordonnées systématiquement. 
Paul débute par les observations que lui inspirent les rapports oraux qu'il a 
entendus sur l'état de division de l’église de Corinthe (chapitres 1-1v) ; — puis il 
réprime des abus moraux qu'il a appris par la voix publique (ch. v-vi) — ensuite, 
du ch. vir au chapitre x1v, 27 répond point par point à des questions que les 
Corinthiens lui avaient posées par écrit, sur le mariage et la virginité, sur les 
idolothytes, et sur les charismes, en y mêlant très naturellement des instructions 
sur la tenue des assemblées chrétiennes, d’après les informations qu'il a reçues 
soit par la lettre de l'é église, soit d'une autre manière; sur tous ces points, il 
rappelle ses néophytes à l'observation exacte des « êr aditions » qu'il leur a 
communiquées en les évangélisant; — enfin, pour couronner le tout, il appelle 
leur attention sur une « tradition » capitale qui paraît n'être plus assez univer- 
sellement comprise et estimée parmi eux, quoiqu’elle soit le fondement même de 
l'espérance évangélique, la promesse de lu résurrection des fidèles contenue 
dans le fait assuré de la résurrection de Jésus {ch. xv). — Il termine par des 
questions pratiques et personnelles (chap. xvr). . 

Non seulement il règne dans toute cette épître un ordre très clair, qui peut 
faire dire qu'elle est vraiment bien construite, et qui en garantit l’unité contre 
certaines critiques récentes (v. énfra, Inr., ch. vi); mais, si on la médite tant 
soit peu, on y découvrira une idée directrice qui est absolument une, et à laquelle 
se ramèneront, toujours et sans exception, les développements les plus divers. 
L'intention formelle est disciplinaire, et non proprement dogmatique comme 
dans Rom. ou Eph. Cependant toutes les ordonnances les plus pratiques, 
s'agit-il simplement du voile des femmes, découlent d’un principe suprême qui 
est le résumé de tout le dogme chrétien et de toute la morale et de toute la 
mystique en une seule proposition : les croyants sont appelés à une commu- 
nauté éternelle de vie avec le Christ- Dieu, donc avec Dieu. C’est la vocation à la 
« Sainteté », la vocation chrétienne. Tout est vu dans cette lumière : il ne doit pas 
y avoir de division entre les fidèles du Christ, parce que le Christ est un; pas de 
fornication, car le croyant est un membre du Christ ; pas de rivalité entre ceux qui 
sont doués de charismes, parce que tous n’ont à accomplir que des fonctions coor- 


données pour le service du « corps du Christ » qui est l’ Église. Et ainsi toujours. 


La connaissance de cette incorporation au Christ, opérée par la Croëx, est la 
« Sagesse de Dieu », qui remplace toute sagesse purement humaine; le seul 
devoir, la seule voie qui mène au but, c'est la « charité », qui est cette 
incorporation elle-même; union qui met dans l'état de « Ziberté » à l'égard de 


RÉ D EL RS 


CHAPITRE IV. XXV 


tout ce qui n’est pas Dieu, mais aussi qui soumet le moindre des gestes humains 
au service de Dieu, et des autres hommes parce que, en Dieu, on ne fait 
plus qu'un avec le prochain. Cette lettre est donc par excellence Zépitre de 
l'union ei de l'universalité; elle est, malgré toute la variété, décousue en 


-apparence, des sujets qu’elle traite, d'une parfaite unité spirituelle d'inspiration. 


Sa cohérence ne provient pas seulement, comme il semblerait d'abord, de l'unité 
de ses destinataires, mais de l'unification des pensées et des sentiments de 
son auteur, qui ne voit plus rien que dans l’'Unique. 

Voici l’ordre, très nettement tracé, des matières qui y sont traitées. L'épitre 
se divise en quatre parties, avec une Introduction et un Epilogue. 


ADRESSE, SALUTATION, ENTRÉE EN MATIÈRE I, 1-9. 


* 
* * 


PREMIÈRE PARTIE DE L'ÉPITRE 


Contre les factions. . . . . . I, 40-IV, 20. 


À. PAUL DÉCRIT ET RÉPROUVE LES FACTIONS DE CORINTHE. ... . 1, 10-17. 
B. LA SAGESSE DU MONDE ET LA SAGESSE DE DIEU . . . « . . . . 1, 18-111, 4. 
I. Opposition de la Sagesse de Dieu et de celle du : 
siècle. . . . . . . .. . . . . , . .. serre I, 18-25. 
IT. Preuve « ad hominem De so ee + . I, 26-31. 
IT. Paul explique son attitude à l'égard de la 
Sagesse lors de l'évangélisation de Corinthe. II, 4-5. 


IV. Il ne méprise cependant pas toute Sagesse, 
car il travaille à en répandre une, mais c’est 


la Sagesse de Dieu ........... ...... IT, 6-16. 

V. Cette Sagesse des « parfaits », Paul en a 
jugé les Corinthiens incapables jusqu'alors. . III, 4-4. 

C. PAUL APPREND AUX CORINTHIENS, QUI SE DIVISENT AU SUJET 
DE LEURS APÔTRES, CE QU'EST LE MINISTÈRE APOSTOLIQUE . , It, 5-IV, 16. 

I. Ge que furent à Gorinthe les rôles respectifs 
de Paul et d'Apollos seu . III, 5-10. 

If. Avertissement à ceux qui veulent perfec- 
tionner l’œuvre de l'Apôtre dors ee III, 44-20. 


IT. Paul définit Le devoir des Apôtres et réserve 
à Dieu le droit de les classer selon leurs 
mérites. . ...............,.. . IV, 4-5. 
IV. Réprimande aux Corinthiens qui ne se divi- 
sent, au fond, que par vaine gloire, et qui com- 
prennent si peu les exemples de leurs : apôtres. 
Exhortation paternelle prises IV, 6-46. 
D. ANNONCE DE LA VENUE DE TIMOTHÉE ET DE CELLE DE PAUL EN ° 
PERSONNE, , . . . , , . ee + «+ one ee ue iv, 17-21. 


XXVI INTRODUCTION. 


DEUXIÈME PARTIE DE L'ÉPITRE 


Répression des vices de Corinthe 


À. LE CAS DE L'INCESTUEUX. EXCOMMUNICATION, se 
B. COMMENT TRAITER LES PÉCHEURS PUBLICS DE LA COMMUNAUTÉ. 
EXPLICATION D'UNE LETTRE ANTÉRIEURE. DERNIER MOT SUR 
L'INCESTUEUX, , . , de ee ne ee es 
C. CONTRE LES LITIGES INTÉRIEURS ET L'INJUSTICE EN GÉNÉRAL. 
D. LES FAUTES CONTRE LE SIXIÈME COMMANDEMENT 


l'ROISIÈME PARTIE DE L'ÉPITRE 


Réponses de Paul aux demandes formulées 
dans une lettre des Corinthiens. . . 


À. QUESTIONS CONCERNANT LA FAMILLE, PRINCIPALEMENT LE 
MARIAGE ET LE GÉLIBAT. . . . 
I. Le Mariage chrétien, s sa légitimité, ses droits. 
IL. Indissolubilité du mariage et « privilège pau- 
linien ». 
IIT. Il est bon de rester dans la situation tempo- 
relle où la conversion vous a pris. 
IV. Le célibat et le mariage. - .. 
V. Le cas des veuves. sers 
B. QUESTIONS CONCERNANT LES VIANDES D'ANIMAUX IMMOLÉS EN 
SACRIFICE AUX DIEUX. , , « « + + + + + + + 
I. La « gnose » et la charité. .. ; 

a) ce que la science des chrétiens leur apprend 3 sur * le 
néant des idoles. . , . 

" b) il faut pourtant éviter de donner du scandale à ceux 
dont la science est imparfaite . 

IT. Contre l’abus de la liberté 
a) Malgré sa propre liberté, Paul renonce à bien des 
avantages de la vie apostolique. . 

b) ces avantages dont il se prive auraient pourtant été 
légitimes à tout point de vue; mais c’est pour lui une 
question d'honneur. . . . 

c) Paul aussi met ces restrictions à sa liberté pour le prof 
de son œuvre apostolique. . . . . 

d) un contrôle sévère sur soi-même est du reste com- 
mandé par la prudence chrétienne, même à lui, . , 


V-VI. 
v, 1-8. 
, 9-13. 


vi, 1-11, 
vi, 42-20. 


VII-XIV. 
VII. 

VII, 4-75 
Vil, 8-46. 
VII, 47-24. 
VII, 25-38. 
VII, 39-40. 


VIII-XI, 4. 


VIII. 
vu, 1-6. 


vit, 7-43. 


. IX, 1-X, 48. 


IX, 4-6. 


IX, 7-18, 
x, 19-23, 


rx, 23-27. 


CHAPITRE IV. 


e) avertissements tirés de l'histoire d'Israël. 
| IT. Paul résout pratiquement la question des 
viandes immolées. . 
a) interdiction absolue des banquets païens, incom- 
patibles avec la communion eucharistique. 
b) manière large et nuancée de se comporter dans les 
repas privés. Conclusion. ..... 
C. QUESTIONS RELATIVES AUX ASSEMBLÉES DE CULTE. 
I. La tenue des femmes dans les assemblées 

liturgiques. . . . . . 

IT. La célébration de la Gène ‘eucharistique. 
IT. Les « Charismes » et leurs manifestations. 
a) les charismes sont distribués par l'Esprit pour le bien 
général de l'Église. . . 
1° le principe . . . se. 
?° comparaison du corps de l'Église, « Christ » 
mystique, avec l'organisme humain. 
3 application : la spécialisation nécessaire | des 
fonctions extérieures dans l'E Eglise. 

à) la charité, nécessaire à tous, est supérieure à tous les 
autres « charismes »; elle est perpéinelle et mène à la 
vision de Dieu. . . . . .. . 

c) Paul compare deux charismes, la « prophétie » ‘et la 
« glossolalie », et régremente l'usage pabite de l’une et 
de l’autre. . . . . 

1° comparaison de la glossolalie » » et de a « pr O= 
phétie». . .. s….. 

2° l’ordre à observer dor énavant dans les assemblées 
de parole... .... ....... .. ,,.. 


QUATRIÈME PARTIE DE L'ÉPITRE 


La résurrection du Christ et des fidèles. 


A. LE FAIT DE LA RÉSURRECTION DU CHRIST ET SES PREUVES . , 

| B. LES FIDÈLES DU CHRIST RESSUSCITERONT SÜREMENT AUSSI 
[. Rapport nécessaire de la résurrection du Christ 

et de la résurrection générale. Le. 
IL. Certitude de la résurrection des fidèles dans 
le triomphe final du nouvel Adam. . ...... 
IT. Apostrophes relevant l’inconséquence qu'il y 
aurait à ne pas admettre la résurrection des 

fidèles. . ................. .... 


Y # 
€, COMMENT POURRA SE FAIRE LA RÉSURRECTION. . 


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XXVIL 


x, 1-13. 


. X, 44-XI, 1. 


x, 14-22. 


x, 23-x1I, 1. 
XI, 2-XIV. 


XI, 2-46. 
XI, 47-84. 
XII-XIV. 


XII. 


XII, 1-11. 
XII, 12-96. 


XII, 27-310. 


XIT, 34/-xu7. 


XIV, 
XIV, 1-25. 


XIV, 26-40. 


XV. 


XV, 1-11, 
xv, 12-34. 


XV, 12-49. 
XV, 20-28. 


XV, 29-34. 
XV, 35-58. 


XXVIII INTRODUCTION. 


“L Dieu peut créer un « corps spirituel » comme 
il a créé tant d’autres espèces de corps. . . . . . XV, 35-44. 
IL. L'« Homme céleste » sera le modèle des 
ressuscités. . . . . . . . . XV, 45-49. 
III. La « Transformation » universelle et la victoire | 


sur la Mort. . . . . .. .. . XV, 50-54. 
IV. Actions de grâces rendues à Dieu et encoura- 
gement aux fidèles, ................ XV, 55-58. 
x 
&, 
ÉPILOGUE 
Questions personnelles. . ... XVI. 
À. AFFAIRE DE LA COLLECTE POUR JÉRUSALEM. . . , XVI, 1-4, 
B. PROJET DE SÉJOUR A CORINTHE. LES AFFAIRES D'ÉPHÈSE, . , XVI, 5-9. 
C. INFORMATIONS SUR TIMOTHÉE ET APOLLOS. . . . . . XVI, 10-12. 
D. EXHORTATION. RECOMMANDATION DE QUELQUES PERSONNALITÉS 
CORINTHIENNES. , . . . . . . , 4 . . . + . .  . + . XVI, 13-18. 
E. SsALUTATIONS ET CONCLUSION. . . . . . . . , . . . . . . XVI, 19-24. 
x 
x x 


Les Docrrines. — Cette lettre n'est pas « doctrinale » à la façon des Epîtres 
aux Romains ou aux Ephésiens. Toute la matière, ou peu s'en faut, s'y classe 
sous des chefs de la vie pratique. On dirait qu'elle n’est faite que pour calmer 
des agitations locales ou résoudre. des problèmes locaux. Cependant elle a une 
immense valeur pour l'essence même de la vie chrétienne et ses plus hauts 
développements, pour le dogme, la morale, la mystique et la philosophie 
religieuse, aussi bien que l'histoire du christianisme, de sa première discipline 
et de ses premières luttes. C'est qu'elle a été écrite par un saint Paul; pour lui 
il n'était pas de problème, si concret et si terrestre fût-il, qui ne devint une 
fenêtre ouverte sur l'universalité, un point d'ascension directe et rapide vers 
J'Absolu. Cela ne l'empêche pas de tout régler avec Le bon sens le plus rassis, 
mais ce bon sens, au lieu de rester terre à terre, n'apparaît que comme l'écou- 
lement d'une vision ardente et parfaitement unifiée, où toutes choses sont 
contemplées dans leur source éternelle, cette Sagesse et cet amour de Dieu 
révélés dans le Christ qui veut associer les hommes à sa propre vie. Le « dis- 
cours de gnose. ». s'y élève immanquablement au « discours de sagesse », pour 
employer les propres termes de l'Apôtre. 

L'inventaire d'une aussi grande richesse ne peut être que fort incomplet dans 
une Introduction. Essayons toutefois d'énumérer d'abord les doctrines qui sont 
présupposées connues des Corinthiens, et dont Paul ne leur parle qu'au hasard 
de la plume, en allusions d'ailleurs très sighificatives et. très précieuses pour 
nous; — puis celles sur lesquelles il insiste, car ils avaient un besoin plus 


CHAPITRE IV. XXIX 


spécial d'en être instruits; — ensuite nous noterons le mode, fort instructif 
encore, sous lequel il juge à propos de les leur présenter. 

À. DOCTRINES RAPPELÉES PAR ALLUSIONS OU MENTIONS BRÈvEs. — Ce sont tous 
les dogmes primordiaux, dont la foi chrétienne a vécu dès sa naissance et vivra : 
toujours. 

On a eu raison de dire que tout l'enseignement paulinien est — au sens le 
plus large du mot « mystique » — une « mystique du Christ » (à condition, 
bien entendu, de ne pas opposer, comme Schweitzer et d'autres libéraux, 
« mystique du Christ » à « mystique de Dieu »). De fait, toute cette épître est 
« christocentrique », comme le montrent à elles seules les expressions tant de 
fois répétées : être ou agir « dans le Christ », être « du Christ ». Saint Paul 
dit expressément ({1r, 2), qu'il n'a voulu savoir pour ses convertis que « Jésus 
Christ, et encore crucifié ». Il appelle cet enseignement « du lait pour les 
tout petits » (rx, 1-2), parce qu'il est nécessaire dès le commencement, mais 
il le reste tout autant au milieu et à la fin; car il embrasse tout, et les plus 
parfaits eux-mêmes ne peuvent que chercher à en comprendre, à en assimiler 
de plus en plus les inépuisables trésors (cfr. Col. 1, 19, 27; 11, 3). C'est là 
ce qui fait l'unité de cette épître. 

Quelle est cependant la forme rudimentaire de cet enseignement unique, celle 
sous laquelle il peut être comparé au « lait »? Pour comprendre, si peu que 
ce soit, le « Christ crucifié », il faut savoir qui est ce Christ, pourquoi il a été 
crucifié, et ce qui est résulté ‘de son crucifiement. Paul préchait donc l'origine 
de Jésus et son histoire, les événements qui le conduisirent au Calvaire, sa 
résurrection glorieuse et l'association qu'il nous a offerte à sa gloire. 

On ne peut douter qu'il ait peint le supplice du Christ, à Corinthe, avec 
d'aussi vives et touchantes couleurs qu'il l'avait fait devant les Galates (Gal. 
tr, 1). Mais la Croix ne prenait sa signification pour le salut des hommes que 
parce qu'elle avait été subie volontairement par un homme d’une dignité unique, 
qui s'appelle le Seigneur. Ce titre de xüpuc, qui apparaît soixante-douze fois 
en notre épiître, Jésus y avait droit, — comme il apparaît xr, 23 (v. comm., 
ad loc.) et ailleurs, — dès le temps de sa vie mortelle; il insinue à lui seul, — 
s'il n’y a plus encore — une égalité avec Yahweh, qui était appelé xépros dans 
la Bible grecque, en connotant, par le fait du caractère royal de ce titre, 
appliqué dans l’Asie Antérieure et le monde grec, non seulement à quelques 
dieux comme Sarapis, Apollon, etc., mais aux monarques de Syrie (« mar », 
« mara ») et déjà, dans ces pays, à l'empereur romain (voir vu, 5, xbptot mohhot), 
que Jésus est Ie roi du nouveau peuple élu aussi bien que Yahweh était celui 
de l'Israël théocratique. C'est qu'il est « fils de Dieu » (1, 9; xv, 28), l’homme 
céleste {èroupdvioc, xv, 48-49, terme qui désignait les dieux à Tarse, d'après 
Bühlig,), descendu du ciel {xv, 47) pour prendre la nature d'Adam, et possédant, 
lui, non pas seulement une âme vivante, mais l'esprit qui vivifie (xv, 45). Dans 
sa nature céleste, il existait déjà au temps des Pères, et, dans le désert, 
accompagnait les Hébreux de l'Exode (x, 4, v. comm. ad loc.). C'est qu'il 
préexiste à l'univers entier des créatures, lequel a été fait par lui {vurr, 6 : Gt où 
Ta mévra, xal fete À aüroÿ). Tous ces textes, surtout les derniers, rapprochés de 
‘Ceux qu'on lira dans les épîtres aux Romains, aux Colossiens, aux Éphésiens, 
contiennent déjà en substance la théologie johannique, et montrent que cette 


XXX ° INTRODUCTION. 


« seigneurie », cette préexistence, ce rôle créateur et vivificateur, doivent 
s'entendre au sens de pleine divinité (cfr. Col. 11, 9, Rom. 1x, 5, Tit. 11, 18, al.). 
D'ailleurs, dès les premières lignes (1, 3), le Seigneur Jésus-Christ est mis sur 
le même rang que le Dieu Père comme source indivise de la grâce et de la 
paix, et il est attesté qu’on « invoque son nom » (émixakouuévots vd dvouæ vo xuplou- 
#uüv TI. X.), c'est-à-dire qu'on l'adore, malgré l'indiscutable monothéisme de 
Paul et de ses lecteurs, comme on adore Dieu. C'est donc bien à tort que 
J. Weiss et d’autres libéraux voudront que le titre de xépto (parce qu'il était 
appliqué parfois à des dieux secondaires) indique une dignité inférieure à celui 
de %edç; le premier contient tout ce qui est dans le second, en y ajoutant, comme 
nous l'avons dit, cette connotation de puissance royale exercée par le Dieu- 
Homme sur le monde nouveau. 

Mais si la divinité de Jésus est ainsi affirmée, son humanité réelle ne l'est pas 
moins. [l est « le dernier Adam » (xv, 45), les « prémices » de l'humanité 
mortelle qui ressuscitera (xv, 20-23). Son existence terrestre, avec tous ses 
événements et ses modalités, ne pouvait donc être indifférente à l’Apôtre qui 
prêchait la Croix et la résurrection. Ce n’est pas seulement la Dernière Cène 
ou les apparitions du Ressuscité, objets de deux récits détaillés (ch. xr et xv) 
avec la Passion, naturellement, que Paul avait fait connaître à ses néophytes. 
Le verset 16 de IT Cor. v, qu’on interprète trop souvent, dans les écoles radicales, 
comme entraînant dans la prédication et les soucis de l’Apôtre une cer- 
taine ignorance ou négligence des détails de la vie du Sauveur, n'a pas du tout 
ce sens-là, comme il sera prouvé au moment voulu. Feine (1) observe avec 
justesse que Saul, parmi les pharisiens de Jérusalem en lutte avec l'Église 
naissante, avait dû être bien informé des causes de dissentiment qui leur avaient 
fait pousser Jésus au supplice, c’est-à-dire en somme de presque tout son 
ministère; et plus tard, l'enseignement que le converti reçut à Damas et près 
des premiers disciples l'instruisit certainement à fond de cette vie du Christ. 
qui formait la substance de la catéchèse. Qu'il y ait attaché beaucoup d’'impor- 
tance, il le fallait bien pour expliquer la mort du Sauveur. De plus — des 
auteurs très divers comme oil, J. Weiss, le P. de Grandmaison, et les com- 
mentateurs orthodoxes l'ont bien mis en lumière (2), — Paul entendait enseigner 
à ses auditeurs une vie nouvelle, qui consistait justement à reformer toutes 
leurs manières de penser, de sentir et d'agir, sur celles du Christ; il leur impo- 
sait une loi, qui était celle du Christ (évvouos Xprorod, 1x, 24), il leur demandait 
d'être ses imitateurs, comme lui-même s'efforçait d'imiter le Christ (rv, 16, xt, 1); 
plus d’un exégète a remarqué que les manifestations de la « charité », au beau 
ch. xur1, paraissent calquées, l’une ou l’autre, non pas sur une éthique quel- 
conque, juive ou stoïcienne, mais sur les exemples donnés par Jésus. Nous 
devons « porter sa ressemblance » dès la présente vie (xv, 49, avec la leçon 
gopécuuev, v. comm.). Comment alors, dans son enseignement oral, l’Apôtre 


(1) Paul FEINE, Der Apostel Paulus, 1927, 2t* Teil, 2t* Kapitel (avec cette réserve que 
Paul, selon nous, n’est pas venu comme enfant à Jérusalem, et n'y a jamais vu le Sauveur), 

(2) Karl Hozz, Urchristentum und'Religionsgeschichle, 1925, pp. 40 s., al. — R. P. Léonce 
de GRANDMAISON, Jésus-Christ, 1998, 1, pp. 4, 27-84; 11, 373-881; al. — Joh. Wuiss, Der 
erste Korintherbrief, passim (voir notre commentaire). El bien d’autres encore. 


CHAPITRE IV. XXXI 


n’aurait-il pas insisté sur les événements évangéliques, dans lesquels Jésus 
s'était manifesté comme modèle aux apôtres et à tous les croyants? 

Si notre Épitre aux Corinthiens ne contient pas de développement christo- 
logique spécial, elle présuppose cependant une doctrine ferme, et connue de 
tous les baptisés, sur la personne du Christ et sur toute son œuvre; et cela 
de la première ligne à la dernière. Bien plus, nous sommes autorisés à en 
conclure qu'aucune des factions de Corinthe, si répréhensibles à d'autres 
égards, ne mettait en discussion cet enseignement central. Ce n’est que plus 
tard, au temps des épîtres de la captivité, lorsque le proto-gnosticisme menaçait 
d’altérer la doctrine évangélique, que Paul jugea nécessaire de résumer par 
écrit la christologie qu'il avait enseignée à tous dès le commencement. Et encore, 
dans l'Épitre aux Philippiens par exemple, ne le ferat-il que comme par 
hasard, pour appuyer son enseignement moral sur une croyance dogmatique 
indiscutée. 

La doctrine sur le Saint Esprit n'est pas non plus l'objet d'un exposé systé- 
matique, mais elle remplit tout. La personnalité et la divinité de cet Esprit, 
qui transparaissent déjà dans les premiers chapitres, se trouvent clairement 
affirmées surtout par les attributions qui lui sont faites au ch. x1r, comme le 
montrera le commentaire (voir aussi, infra, l'Exc. V). Partout, à travers cette 
lettre, le Saint-Esprit apparaît comme le moteur divin de la vie chrétienne, 
et les Corinthiens aspirent ä ses dons, d'une manière qui n’est pas toujours 
assez éclairée (voir comm. du ch. xiv). Il habite l'Église, il habite les âmes, 
les mettant, comme nous dirions aujourd hui, « en état de grâce ». 

Le dogme même de la Trinité, qui sera formulé si clairement IT Cor. xux, 13, 
est déjà très visible dans notre Épitre (xr1, 4-6, v. comm. ad loc.) où les dons 
de grâce sont rapportés, sous trois angles spéciaux, aux trois personnes 
divines. On peut dire, avec le libéral J. Weiss, que de tels passages révèlent 
l'antiquité du dogme trinitaire. [l tient, comme l’a montré récemment l’exégète 
catholique À. Blüml (1), une place beaucoup plus grande qu'on ne l’expose 
généralement dans la sotériologie de saint Paul. 

Il est évident aussi que la doctrine de la grâce prise dans son ensemble, 
de la prédestination divine, de la justification et de la loi, que l'Apôtre allait 
bientôt exposer par écrit aux Galates et aux Romains, avait déjà été commu- 
niquée aux fidèles de Corinthe (voir comm. de x, 13, xv, 56). 

Enfin la notion de l'Église catholique, comme organisme spirituel où tous 
les croyants sont unis par leur incorporation au même Christ, quoiqu'elle soit 
ici l'objet de développements spéciaux (v. infra), n'est pas présentée comme 
nouvelle, puisque saint Paul, sans explications, appelle la communauté du 
nom de « Christ » (xrr, 12), le Christ mystique. De même est présupposée la 
connaissance doctrinale du baptéme (xu, 13, cfr. x, 1-2 et 1, 13-suiv.), de 
l'Eucharistie (x, 14-suiv., cfr. x, 4), de leur sens et de l'institution sacramen- 
telle du Christ (xr, 23, 8 xal rapédwxa). 

Et c'étaient les rudiments, — les principaux, car l'ensemble de ces mentions 
n'est pas exhaustif, — c'était le « lait » que chaque membre de la communauté 


(1) R. BLzümcs, Puulus und der dreieinige Golt, 1929. — Voir surtout Vistoire du Dogme 
de la lrinité des origines au concile de Nicée, t. I, du P. LEBRETON, S. J, 6° édit, 1927 


XXXII INTRODUCTION. 


corinthienne devait avoir bu; en réalité, un catéchisme complet, dont les divers 
articles étaient groupés autour de la Croix. 

B. Les POINTS PLUS SPÉCIALEMENT TRAITÉS A L'USAGE DES CORINTHIENS. — Tous 
les Corinthiens baptisés étaient donc tenns de posséder la Zettre de cette doc- 
trine, et ils auraient dû en avoir l'esprit; mais c'est ce qui faisait défaut à 
beaucoup d’entre eux, et précisément à ceux-là qui cherchaient le plus à se 
mettre en évidence, et à passer pour des chrétiens supérieurs. Quelques-uns 
s’égaraient en spéculations qui les rendaient à leurs propres yeux « adultes » 
ou « parfaits » dans la foi, mais ne contribuaient guère à sanctifier leur con- 
duite, et leur auraient fait plutôt oublier l’essentiel. 

C'est pour eux que saint Paul se sent obligé de revenir sur deux points capi- 
taux de sa catéchèse : l'institution de l’Eucharistie (xx) et la résurrection du 
Christ (xv). Ils connaissaient très bien, Paul Le leur ayant appris dès le début, 
les circonstances matérielles de ces événements, et, d’une manière abstraite, 
leur signification dogmatique; mais ils ne savaient pas, ou ne savaient plus, 
ces Grecs frivoles, en tirer les conclusions qu'ils aurait fallu pour conformer 
leur vie à leur croyance. Aussi l'Apôtre en réitère-t-il le récit avec une grande 
solennité, pour que chacun des détails, auxquels ils ne faisaient plus assez 
d'attention, soit un rappel et un reproche pour leur foi affaiblie {xr, 23-suivants, 
et xv, 1-11); il faut qu'ils replacent ces dogmes, si pleins d'ardente lumière, 
à la base de toute leur vie spirituelle. Grâce à ces croyants médiocres et super- 
ficiels, l'Église possédera désormais deux textes historiques d'une valeur 
inestimable pour l'apologétique et le dogme! 

Le récit de la Cène (rapproché de x, 14-21, qui n’est aussi qu'un rappel de la 
croyance reçue par tous originellement) montre comment tous les croyants ne 
doivent plus faire qu’un dans la charité du Christ, qui renouvelle périodique- 
ment sa présence corporelle au milieu d'eux, et les absorbe pour ainsi dire 
dans sa personne, en se donnant à eux par mode de nourriture et de breuvage ; 
il confond ainsi leur vie avec la sienne. Le récit de la Résurrection est pris 
comme base et comme preuve de l'espérance assurée qu'ont les croyants d'être 
associés éternellement à la gloire de leur Chef, avec un corps transfiguré 
comme le sien. L'union s'épanouira alors en assimilation complète; mais elle est 
commencée ici-bas par le baptême, et entretenue, entre le Christ et tous les 
fidèles, par l'unité du Pain eucharistique (x, 17). 

Telle est l'idée qui est à la base de développements étendus sur l'Éclise en 
ses états successifs, et sur-la pie individuelle des hommes rachetés, envisagée 
aussi dans ses divers états de croissance et ses manifestations terrestres, 
qu’elles soient spirituelles, morales ou sociales, enfin à son terme céleste. 

L'Église. — Le chapitre x11 est une esquisse, complète pour les traits essen- 
tiels, de l’ecclésiologie qui fera plus tard le sujet de l'Épitre aux Éphésiens. 
Comme l'humanité naturelle est une, parce qu'elle a sa source en Adam, dont 
tous ses descendants portent la ressemblance, et qui, avec la vie psychique, 
leur a transmis la mortalité {xv, 21-22; 45-49), ainsi, par le fait du « dernier 
Adam », qui, ayant passé par la mort comme les autres, a été pour tous la 
source de la vie de l'esprit, se forme une humanité régénérée et refondue sur 
un type nouveau, une humanité céleste (ibidem). On entrevoit à l'arrière- -plan 
toute la thèse future de l’Épitre aux Romains, ch. v. Plus étroite encore est 


CHAPITRE IV. XXXIII 


l'unité des hommes avec le « dernier Adam » qu'avec le « premier ». Car 
l'Adam « de poussière » n’était que le premier anneau d'une chaine, à l'imita- 
tion duquel tous les autres furent façonnés, mais sa vie personnelle n'était pas 
leur vie, lui aussi n'étant qu'un individu; tandis que le nouvel Adam, « l'Homme 
du Ciel », saisit dans sa vie personnelle l'existence de tous les croyants. 
L'« Église de Dieu » (expression de x, 32, xr, 22, xv, 9) qui comprend toutes 
« les églises des saints » (x1v, 33) — appelées aussi « églises de Dieu » (xr, 22) 
en raison des différents lieux où l'Eglise s’est établie, — n'est pas seulement 
une collectivité qui professe partout la même foi et le même culte du Christ; 
elle fait tellement un seul être avec le Christ qu'elle est appelée « le corps 
du Christ » (xn, 27), ou même simplement « le Christ » (x1r, 12); car c'est le 
Christ qui lui infuse continuellement l’existence par la communication de son 
propre esprit divin {cfr. Col. r, 18, 24; xr, 19; x, 23; 1v, 12; al.). 

Puisqu’elle est le « corps du Christ », comme un corps nouveau que le Christ 
s'est approprié, que Dieu lui a donné pour qu'il en soit la tête, ainsi que le 
diront en propres termes les épîtres de la captivité (Æpk. 1, 22; al. ; Col. 1, 18), : 
c'est le Christ et l'Esprit du Christ qui la dirigent, et, tant qu'elle est sur 
cette terre, l’histoire du Christ doit se reproduire dans la sienne. Toute son 
existence sera militante, comme l’a été celle de son Chef. Lui qui règne. en elle 
et par elle sur la société humaine (xv, 24-25, v. comm. ad loc.) ne cesse de 
livrer des combats pour vaincre tout ce qui lui résiste dans le monde visible 
et invisible (zbid.) jusqu'à ce qu'il ait vaincu le dernier ennemi, la Mort, qui 
s'attaquait aux membres de son corps mystique (ibid., 26). Alors, comme Il est 
lui-même ressuscité, tout ce corps mystique ressuscitera ou sera transformé 
glorieusement « en un clin d'œil » {xv, 51-52); parvenu au terme de son œuvre 
conquérante, Îl remettra son royaume pacifié à son Père, et ce Chef {qui 
régnera toujours avec le Père) associera tous les membres du corps à sa gloire 
"et à sa joie divines, car « Dieu sera tout en tous » {xv, 28) et l'« esprit » gou- 
vernera éternellement, sans résistance, tous les actes des âmes et des corps 
élus. Tels sont, enseigne l’Apôtre aux Corinthiens et à nous, l'histoire terrestre 
et l'avenir céleste de l'Église. Pour aboutir à cette conclusion sublime, il lui a 
fallu disserter amplement, dans tout le chapitre xv, sur la nécessité, ainsi que 
la nature, de la résurrection, dont la notion s'était obscurcie chez quelques-uns 
de ses fidèles. ; | 

C'est la synthèse la plus grandiose et la plus unifiée qu'il ait écrite sur 
leschatologie; elle complète et contient virtuellement, pour ce qui concerne 
l'ensemble de l'humanité rachetée, tous les tableaux particuliers tracés en 
d'autres épîtres, [I Thess., Il Thess., Rom. xr, 25-36. Elle comprend toute la 
prédiction des « derniers temps » (au sens de « temps messianique ») et de la 
consommation. Îl est vrai, sous un aspect, de dire que tout l'enseignement 
de Paul est eschatologique; mais non pas comme l'entend A/bert Schweitzer (4). 
D'abord il n’est jamais question, dans cette épîlre ni dans aucune autre, d'une 
« double résurrection corporelle », ni de millénarisme intermédiaire (2) (voir 


(1) Dans Die Mystik des Apostels Paulus, 1930. 


(2) Idée qu'avait déjà Loisy et un petit nombre d'autres, et dont un écrivain sérieux comme 
Schweitzer a voulu démontrer la vérité: 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, 


6e 


XXXIV INTRODUCTION. 


infra; Exc. xvu). Et la mystique de Paul n’est nullement ce que veut cet 
auteur, une « mystique du Christ » qui n'unirait à Jésus qu'en vue de jouir par 
lui des biens d'un « Règne intermédiaire » qui suivrait le temps des luttes 
terrestres, pour s’évanouir à la Résurrection générale, lorsque Dieu sera 
devenu « tout en tous » et que le Christ s'effacerait lui-même. Si cette théorie 
avait besoin d'être réfutée, l’exégèse montrera qu’il n'y a aucune place pour 
elle chez saint Paul. L'Apôtre a fixé et concentré toute l’espérance humaine sur 
Jésus-Christ, le Dieu-Homme, et pour cette vie présente, et pour la vie éter- 
nelle. Sa « mystique du Christ » est une « mystique de Dieu » sous la seule 
forme qu'autorise la révélation. 

Cette première épître aux Corinthiens est donc aussi « eschatologique » 
que toute autre. Paul regarde la vie de l'Eglise et du monde dans la radieuse 
lumière du Jour définitif, celui où la mort sera vaincue. Mais, malgré ses aspi- 
rations ardentes au triomphe du Christ, à la consommation bienheureuse (ôrev 
Gè #A0n vo réheuov! xur, 10), aucune parole n’y décèle l'illusion que ce Jour soit 
prochain ; car ce n’est pas avec cette précision trop matérielle que nous aurons 
à interpréter vu, 29-34 (v. comm. ad loc.). L'Apôtre savait bien que Jésus- 
Christ, le roi conquérant, était encore bien loin d'avoir accompli toute l’œuvre 
qui devait être exécutée avant son retour en gloire (1). Seulement il a envisagé 
le « corps du Christ » sub specie aeternitatis, — comme du reste toutes choses 
en cette épître. À Corinthe, d’ailleurs, on n'était pas hanté comme à Thessa- 
lonique par l'idée de la Parousie; bien des passages, surtout au chap. xv, 
indiquent même qu’on n'y pensait pas assez. 

Les membres du « corps du Christ ». — Puisque l'Église est conçue comme 
un corps unique, chacune des personnes humaines qui la composent y remplit 
le rôle d'un organe ou d'un membre, vivant de la vie de l'ensemble et exerçant 
sa fonction spéciale en vue du bien de tous les autres. Cette analogie avec l’or- 
ganisme humain est longuement exposée au ch. x. L'esprit qui anime le tout 
est aussi celui qui donne aux membres leurs activités ; toutes sont diverses, mais 
toutes sont nécessaires ou utiles, en sorte qu'un membre n'a pas le droit de croire 
qu'il puisse se passer de l'autre, et qu'il n'ait à travailler que pour lui-même. 
L'Apôtre insiste fortement, à propos des « dons spirituels » (ch. xn-xrv), sur 
cette coadaptation et cette grande loi de solidarité. C’est pourquoi il n’estime 
et ne classe pas les « dons spirituels » (c'est-à-dire ces manifestations exté- 
rieures qu’on attribue à l’activité de l'Esprit présent), d’après l’étonnement 
plus ou moins grand qu'ils causent, et se montre si défiant et si sévère pour 
les extases des « glossolales » {c. x1v). Ce qui est sensationnel ne l’impressionne 
point, mais ce qui « sert ». Aussi met-il au-dessus de tout les dons qui per- 
mettent d'enseigner d'une manière ordonnée les choses du salut, et place-t-il 
ce que nous appellerions de simples « grâces d'état », soit les aptitudes surna- 
turelles au gouvernement ou au soulagement des maux communs, au-dessus de 
ce qu'on nomme aujourd'hui les « phénomènes mystiques » (xrr, 8-10; 28-30, 


(1) Nous avons cherché à démontrer ce point dans notre commentære de l’Apocalypse 
(Apoc. 3 édition, p. axxvi-suiv., et surtout GXXXI-CXXXV). — Cfr. l'opinion, que nous ne 
trouvons pas assez tranchée, de F. GUuNTERMANN, Die Eschatologie des heiligen Paulus, 
Münster, 1932; nous ne croyons pas que Paul ait entretenu l'espérance, au sens vrai de ce 
mot, d'une fin prochaine de ce monde, 


LR LEE 


PARLER A AE A ER 


CHAPITRE IV. XXXV 


y. comm. ad loc.. Dominant tout le reste est le don essentiel, indispensable 
à tous, la charité, chantée magnifiquement au ch. xni, et présentée R, avant 
tout, quoiqu’elle soit d'abord l'amour de Dieu, dans sa fonction dérivée qui est 
de mettre de l'harmonie, de la douceur et du charme dans tous les rapports 
humains (xt, 4-7). : 

Mais les hommes régénérés ne peuvent être considérés uniquement comm 
les organes spécialisés d'un vaste corps. Ils ont tous leur vie surnaturelle 
propre et intime, leur avenir personnel à assurer. Même en tant qu'individus, 
ils sont d'une dignité si grande, que chacun pris à part est ou doit être la 
demeure et le temple de Dieu et du Saint-Esprit (111, 26-17; vr, 19, al.); chacun 
doit se dire qu'il a été acheté très cher par le Christ (vr, 20), qui est mort pour 
lui (voi, 41), et celui qui le blesse blesse le Christ (id. 12). Car il est un 
membre du Christ (vi, 15) même par son corps, destiné à être ressuscité et 
glorifié comme celui du Christ (2bëd. 14, cfr. xv); en attendant, durant sa vie 
mortelle, il doit s'unir à Dieu d'une union qui le spiritualise, union bien plus 
pénétrante que celles des corps faites par l'amour charnel (ibid. 17). Telle est 
leur vocation, vocation individuelle et commune à tous (les termes xAïñou, xanvéc, 
x1kei, ne sont nulle part si fréquents que dans cette épître et l’'épitre aux 
Romains); cette vocation est un appel à la sainteté (qui veut dire consécration 
à Dieu, et conformité avec Dieu), par la communauté de vie avec le Christ {r, 9, 
passim.). Nous sommes donc ramenés toujours à la même idée, inépuisable 
en sa fécondité d'applications : l'union au Christ, faite par la rédemption du 
Christ, qui communique aux hommes l'Esprit comme principe d'une vie nou- 
velle, si élevée au-dessus de leur nature. C’est une union d'amour, donc 
toujours c’est la charité (cfr. vs, 3), supérieure à toute science [5bd. 1); 
mais, pour opérer pareille fusion de la vie humaine avec la vie divine, l'Esprit 
envoyé de Dieu donne d'abord cette science qui est la foi (nr, 10, cfr. 12, 
v. comm. ad loc.), et qui, ne s’agit-il que de confesser avec conviction que 
« Jésus est Seigneur » {xrr, 3), est une œuvre insigne de la toute-puissance 
de Dieu (rr, 5). ; 

Cette vie nouvelle se poursuit au milieu d'un monde hostile, à travers heur 
et malheur. Puisque Paul, apôtre du Christ, a été choisi (et cela gratuitement 
cfr. xv, 8-10) comme intermédiaire et instrument pour la communiquer aux 
néophytes de Corinthe, puisqu'il est leur premier instructeur et leur père dans 
l'Evangile (1v, 45;, il peut avoir la noble assurance de se présenter comme leur 
modèle chrétien (1v, 16; x1, 1), lui qui s'efforce, dans sa primauté de vocation 
et de science, d’imiter Jésus (xr, 1) au milieu de son existence de souffrances 
apostoliques {1v, 9-13), de renoncement et de mortification prudente, de liberté 
et d'accommodement à tous (1x), toutes choses qui se résolvent d'ailleurs, 
dirat-il à ses lecteurs en une seconde épiître (IT Cor. vi, 9-10), en joie intime, 
en puissänce et en succès. 

Cette transformation de la vie est un idéal qui n'est certes pas atteint du 
premier coup. Quelques Corinthiens peuvent se faire illusion là-dessus, et, 
qu'ils possèdent ou non des dons « pneumatiques », se croire de but eh blanc 
parvenus au terme, à la façon des initiés païens. Il n'en va pas ainsi, car, si 
le régénéré a reçu l'Esprit dès le baptème, et se trouve déjà en communication 
avec la sphère divine, l'hôte intérieur ne le dégage de ses attaches avec la 


XXXVI INTRODUCTION. 


chair qu’au prix d'efforts continus qu’il lui inspire et où il le soutient. La vie 
chrétienne est essentiellement une marche progressive. En règle normale, 
elle procède par phases, et commence par une enfance spirituelle, avant 
d'atteindre l'âge adulte, la « perfection »; mais la masse des Corinthiens 
semble n'avoir pas l'impulsion du progrès, et vouloir s’attarder obstinément 
dans l'état d'enfance, où l’on ne supporte comme aliment que du lait {rnr, 1-2 et 
suiv.). Se croiraient-ils « parfaits » parce qu'ils possèdent des « dons spiri- 
tuels », vrais ou supposés? Mais l'intelligence du monde divin qui peut leur y 
être communiquée, ce ne sont là encore que des échappées fugitives et par- 
tielles de la Lumière dont ils seront appelés à jouir; elles sont proportionnées 
à un état de connaissance qui n'est encore que celui d'enfants, de commençanis 
(xunr, 9 s.), de voyageurs qui peinent sur le chemin, et à qui leur fo? elle-même, 
cette illumination constante si supérieure à ces éclairs passagers, ne fait 
entrevoir le but que dans un reflet, comme dans une énigme (ibid. 12-13). 
Cependant, dès lors qu'ils ont reçu l'Esprit, et qu'ils sont unis au Christ, 
rien ne doit plus les arrêter sur la route. Car ils possèdent la Ziberté, ils par- 
ticipent à cette liberté souveraine du Christ dont ils sont devenus les 
‘membres. Saint Paul usera beaucoup de ce principe, dans les épîtres aux 
Galates et aux Romains, pour montrer que le chrétien est affranchi de la 
tyrannie de la Loi purement extérieure, et de celle de la chair. On voit qu'il 
ne l'avait pas moins répété à Corinthe : mévre por Ééeorw, omnia mihi licent. 
Il y revient dans notre épître à plusieurs reprises (vi, 12, bis; x, 23, bis), 
parce que beaucoup tendaient à en altérer le vrai sens (v. énfra). Il a voulu dire 
que l'homme est délivré des contraintes par lesquelles ses instincts inférieurs, 
son égoïisme, les intérêts temporels, les entraînements d'une société extérieure 
qui ignore Dieu, et la pression de conditions sociales très imparfaites, cher- 
cheraient à l'empêcher de vivre conformément à sa dignité de membre du Christ. 
En d'autres termes, le chrétien est libre parce qu'il est uni au Christ, et il ne 
l'est que par la charité; en conséquence, l'usage de cette liberté ne peut jamais 
aller contre la loi du Christ (cfr. 1x, 21), contre l'amour et les services d'amour 
qu’il doit à son Chef et à ses frères, les autres membres du corps, ainsi qu’à 
tous les hommes quels qu'ils soient, dont il doit vouloir le salut (cfr. x, 32-33); 
autrement elle se détruirait elle-même, on retomberait dans l'esclavage du 
péché. Cette liberté sert donc à garantir l'exercice de la charité. Et de ce 
double aspect de l'union au Christ — l'amour que donne l'Esprit, et qui fait 
libre (« où est l'esprit du Seigneur, là est la liberté » IL Cor. xx, 17), — dé- 
coulent toutes les obligations comme toutes les franchises de la vie régénérée, et, 
pourrait-on dire d’un mot, toute {4 morale chrétienne (1). C'est parce que les 
baptisés sont incorporés au Christ qu’ils ne doivent pas'se diviser en factions 
sous le nom de divers maîtres (r, 9 s.; 1v, 21s.); c’est pour ne pas asservir et 
déshonorer des membres du Christ qu'ils doivent fuir la fornication (vr, 12 sui- 
vants); pour ne pas ruiner leur solidarité fraternelle qu'ils doivent éviter de se 
faire des procès (vi, { suivants) ; cette liberté intérieure, qui est la réalité vraie 
pour eux, les met au-dessus des circonstances extérieures, et peut leur faire 


(1) Voir G. SrarreLnacH, Die Vercinigung mit Christus als Prinzsip der Moral bei Paulus, 
Fribourg-en-Brisgau, Herder, 1932. 


.N 


CHAPITRE IV. XXXVIF 


supporter généreusement jusqu'à la condition d’esclave, qui n'est qu'extérieure 
(vu, 21); c'est comme moyen de s’adonner plus librement au service de Dieu 
que la virginité est louée (vir, 32-suivants), et, d’une} façon générale, la pré- 
occupation de l'union finale à Dieu doit faire considérer tous les biens, les 
maux et les événements du monde comme des choses dont on est indépendant, 
qu’on subit ou qu'on utilise sans permettre que l’âme en tombe captive (vrr, 28-31). 
C'est encore en vertu de cette parfaite maîtrise de soi, acquise par la libre 
donation qu'on a faite à Dieu de toute activité, qu'il faut savoir renoncer à 
des avantages légitimes, en vue de l'utilité d'autrui (1x) ; — fuir tout compromis 
avec l'idolâtrie, du moment qu’on s'unit au Seigneur, à sa table (x, 14-sui« 
vants);, — se priver dans un repas d'aliments inoffensifs quand on scanda- 
liserait quelqu'un en y touchant (ibid. 28-suiv.); — enfin préférer les « dons 
spirituels » qui présentent une utilité directe et évidente pour la communauté 
(uv; surtout v. 32) et se soumettre à une stricte discipline dans toutes les 
assemblées de culte (xr; xiv). Ce que prêche Paul, ce n’est donc pas une liberté 
pour libertins. Elle n'est que la manifestation, opposée au despotisme du 
monde ou de ce qu'on a d’inférieur en soi-même, de la souveraineté du Christ 
à laquelle on participe par l'union à Lui, c’est-à-dire par la charité. Rien 
n'échappe à cette règle suprême et à l'ordre qu'elle prescrit, pas même la 
question de savoir si.les femmes doivent se voiler ou non dans les assemblées 
(xr, 2-16). 

Le chrétien qui conduit sa vie d’après ces principes voit l'Esprit s'emparer 
de plus en plus de son âme; d’« enfant » qu'il était d'abord, il devient « adulte », 
TÉMELG, OU « parfait »; au lieu de lait, il commence à se nourrir d'aliments 
solides, d’une sagesse qui lui fait pénétrer toujours davantage la valeur des 
dons de Dieu, et il peut devenir même capable d'y initier les autres par le 
« discours de sagesse » (1x, 6-13); ce n'est là toujours qu'une intelligence plus 
profonde du langage de la Croix. Et ce progrès est toujours proportionnel 
à celui de /a charité (et non pas d'autre chose), qui lui donne le « sens (voi) 
du Christ » (cfr. 11, 16, x, 3-4, comm. ad Loc.). Enfin cette charité, qui a grandi 
jusque-là appuyée sur la foi et l'espérance, se dégagera, dans le passage à 
l'autre vie, de ce qui restait d'imparfait dans les deux vertus-sœurs; plus 
d’énigme, donc plus de foi; plus d'attente d'un futur, done plus d'espérance; 
mais, au bienhcureux jour de la perlection définitive (rés), l'élu connaîtra 
Dieu comme il en est connu, grâce à la charité qui durera éternellement (xur, 
10; 12-138). - 

Quand tous les membres fidèles du « corps du Christ », de l'Église, en seront 
arrivés là, à l'heure où sera anéantie la Mort, alors le « Corps du Christ » 
aura atteint son développement complet, dans la vision de « Dieu {devenu} 
tout en tous », qu'il partagera avec son Chef (1) (xv, 28). 

Organisation de l'église. — On ne saurait donc concevoir doctrine plus 
admirablement cohérente que celle de Paul dans la Première aux Corinthiens, 

(1) Rien ne fait supposer du reste que l'union des âmes justes avec le Christ, quand 
elles ont quillé cette vie, (laquelle est affirmée IL Cor. v, 8 et Phil. À, 21-23), n'ait répondu 


LA 4 . . , 
qu'à un développement uliéricur de la croyance de Paul, ct qu'il n’en ait pas encore eu 


la même conccplion (ni par conséquent celle d'un jugement parliculier), quand il écrivait 


‘notre épiître. Cr. GUNTERMANN, op. laud. ct voir infra, l'EXGURSUS ur, 


XXXVIII INTRODUCTION. 


déduite comme elle est d'un principe unique. Ce principe est tel qu'il ne peut 
absolument pas être restreint aux membres d'une église particulière, mais 
s’applique aux croyants du monde entier, qui, par l'identité de leur union au 
Christ, sont tous membres d’un même corps. L'idée de catholicité se dégage 
donc de toutes ces pages; en plusieurs passages, l'Apôtre rappelle les Corin- 
thiens à l’ordre au nom de la pratique des autres églises, fondées ou non par 
lui; et la prescription d’une collecte pour Jérusalem (xvr, 1-suiv.), déjà orga- 
nisée ailleurs, en Galatie, met dans un jour lumineux l’universalité de la fra- 
ternité chrétienne. C'est donc bien arbitrairement que /. Weiss parlera à ce 
propos (v. comm. de r, 2, al.) de gloses ou d'interpolations « catholicisantes ». 
En écrivant notre épitre, Paul avait de l'unité de l'Église une conscience pleine, 
aussi manifeste qu'on la trouve dans l’Épitre aux Ephésiens (qui est bien de 
lui, tout aussi authentiquement). 

L'église de Corinthe, puisqu'elle est comparée au ch. xir à un organisme 
humain (ce qui vaut également des autres églises, et de l'Église universelle), 
doit posséder une organisation stable. Elle n'est certainement pas livrée aux 
hasards des inspirations « pneumatiques », les chapitres xn-xtv le montrent 
sans conteste. Elle possède à coup sûr un gouvernement; l'ordre à maintenir 
dans les assemblées, la consécration de l'Eucharistie, les nouveaux membres 
à admettre, les fonctions judiciaires à exercer (voir ch. v), tout cela exige 
qu'elle ait des dirigeants locaux, des présidents, comme il y en avait certai- 
nement déjà dans les autres églises de Paul (cfr. les poïorépevo de [ Thess. v, 12, 
et déjà Act. xiv, 23, les pec6drepor établis dès le premier voyage apostolique) ; 
de fait, le ch. x11 nous fera connaître, au milieu des « charismes », des fonctions 
officielles qui, de leur nature, devaient au moins en partie être permanentes. 
Il est vrai que Paul ne les définit point, et qu'il n’use peut-être point là des 
termes officiels (si tant est qu'il y en eût déjà de fixés). Mais comme, peu d'années 
plus tard, il supposera dans l’église de Philippes (PAi. x, 1), fondée avant celle de 
Corinthe, l'existence reconnue d’« épiscopes » et de « diacres », il est à présumer 
que les fonctions de ces dignitaires étaient déjà également distinguées, sous 
ces noms ou sous d’autres, à Corinthe. Ce point sera examiné au commentaire 
du chap. x11 et à l'Exc. x. Notre épître, à elle seule, donnerait peu de lumière 
sur cette organisation primitive, qui était encore en train de se former; mais, 
puisqu'elle suppose enfin nécessairement une organisation, un contrôle qui 
s'exerce même sur les « spirituels » (v. ch. X1V), et, bien entendu, des fonctions 
sacerdotales qui n’appartiennent pas au premier fidèle venu, déjà elle prélude 
aux « Épîtres pastorales », I-II Tim. et Tit. 

On voit comme l’enseignement, pour n'être que par exception systématique, 
n’en est pas moins complet. [1 nous instruit, directement ou indirectement, sur 
tous les dogmes primordiaux de la foi catholique : Trinité, christologie, pneu- 
matologie; — rédemption, grâce, sacrements principaux (baptème et eucha- 
ristie, culte public); — vertus théologales, devoirs privés et sociaux du chrétien, 
vie spirituelle et mystique; — ecclésiologie, puissance impérative et coercitive 
de l'Église, unité de traditions, de loi, de discipline; — et, couronnant tout, 
les fins dernières, Îes destinées de l'Eglise et de ses membres pour l'éternité. 

GC. ComMEN'T L'ENSEIGNEMENT EsT PRÉSENTÉ. — Ce qui fait pourtant l'origina- 
lité supérieure de cette épître, ce n’est pas tant l'étendue de l’enseignement, 


CHAPITRE IV. | XXXIX 


ni même sa merveilleuse réduction à un principe, le plus haut, — car, sur le 
second point, les épîtres aux Colossiens et aux Éphésiens, entre autres, lui 
sont au moins égales, — que la façon dramatique, génialement et divinement 
dramatique, dont l'Apôtre présente aux Corinthiens l’ensemble de sa doctrine. 
Nous pourrions la caractériser en l'appelant — dans un sens infiniment plus 
haut et plus vrai que lorsqu'il s’agit des paradoxes de Nietzsche — une « trans- 
valuation de toutes les valeurs ». Paul se montre en cela le plus grand disciple 
de Celui qui a proclamé les Béatitudes, et choisi le fol argument de la Croix 
pour les démontrer véridiques. 

L'Apôtre, avant de passer à aucun éclaircissement doctrinal et moral tiré 
de la Révélation, fixe à jamais le caractère de cette Révélation. C'est une 
« Sagesse » divine, n’appartenant qu'à Dieu, cachée en lui depuis l'insondable 
éternité, et que les hommes, avec tous les efforts de leur intelligence, étaient 
absolument incapables d'atteindre ou même d'entrevoir, si Dieu, dans sa 
miséricorde gratuite, n’avait daigné la leur révéler en leur infusant des lumières 
de son propre esprit pour qu'ils puissent l’admettre et la comprendre. Car, 
une fois qu'ils l'ont reçue, elle agit comme un principe qui transforme toutes 
leurs manières de voir, toutes leurs ambitions, et organise leur vie sur un plan 
nouveau. | | 

Beaucoup de Corinthiens, les plus instruits sans doute ou ceux qui se 
croyaient tels, n'avaient pas saisi ce caractère d’absolue nouveauté. Ils avaient 
reçu l'Évangile avec enthousiasme, mais sans y voir plus qu'une doctrine très 
élevée et très vraie qui leur était transmise comme tout autre système religieux 
ou philosophique proposé par des maîtres humains, soit Paul, soit Apollos, et 
qu’il leur était loisible de traiter comme tout autre enseignement adopté dans 
une école, en l'adaptant, le remaniant, le perfectionnant, chacun selon ses 
goûts et ses habitudes d'esprit. Après tout, c'était devenu leur bien à eux, et 
ces disputeurs vaniteux et subtils se piquaient d'émulation pour lui donner la 
forme qui le ferait le mieux valoir, et les ferait le plus valoir eux-mêmes. De là 
cette recherche d'illuminations supplémentaires qu'ils trouveraient dans les 
« charismes ». De là les conclusions flatteuses pour leurs instincts qu'ils 
tiraient de l’enseignement commun. Ainsi Paul avait promulgué bien haut le 
principe de « liberté » chrétienne, contre la tyrannie des légalismes extérieurs, 
juifs ou païens; il avait proclamé le néant des faux dieux et de leur culte. Tel 
ou tel d’en déduire bientôt que, si les dieux ne sont rien, c’est chose indifférente 
que de prendre part à leur culte, si on ne le fait pas dans un esprit faussé de 
religion, mais pour l'utilité ou pour la réjouissance; on prétendait montrer ainsi 
la supériorité d’un esprit qui se moque des superstitions, et sait bien qu'il n'ya 
rien à craindre de ces divinités-là (voir aux ch. vin, x). Si la vie du corps est 
si insignifiante auprès de celle de l'esprit, et puisque « tout m'est permis », 
pourquoi ne pas calmer les instincts charnels en les satisfaisant, comme on fait 
taire un estomac qui a faim, pour qu'il ne distraie plus l'esprit par ses récla- 
mations (v. au ch. vi)? Ainsi se faisaient, en bien des domaines, des raisonne- 
ments de la sorte depuis que le maître n'était plus là pour les prévenir ou les 
réfuter. Les femmes, se sachant les égales des hommes pour les biens de l'âme, 
voulaient se comporter .en tout avec la liberté des hommes (voir au ch. x1); 
d'anciennes attitudes de païens se réintroduisaient dans les cérémonies du culte 


XL INTRODUCTION. 


chrétien (voir aux chap. xt, xnt, 3, xiv). La mystique et la philosophie hellénis- 
tiques avec leur mépris théorique de la matière et leur « spiritualisme » excessif 
empêchaient même certains raisonneurs de comprendre quelle était la portée 
de la résurrection de Jésus, et les faisaient douter de la résurrection corporelle 
générale, comme d’une chose impossible, ou inutile et indésirable (ch. xv). 

Ainsi les mœurs chrétiennes, et même la foi théorique, commençaient à 
être menacées, et ces abus se couvraient de. telle ou telle maxime de Paul, 
d'Apollos, d'un autre prédicateur, sottement détournées de leur vrai sens, ou bien 
s’appuyaient sur telle inspiration prétendue; ce qui causait, évidemment, des 
réactions extrêmes dans l’autre sens, par exemple de l’« encratisme » (voir au 
ch. vit; rappelons toutefois qu’une attente prochaine de la Parousie, comme à 
Thessalonique, ne semble y être entrée pour rien). Et tous ces écarts des 
meneurs se targuaient du nom de « sagesse ». : 

Saint Paul leur déclare {voir ch. 1 et 11), que c’est là une « sagesse du 
monde », qui ne sert plus à rien, parce qu’elle n’a rien à faire avec celle de 
Dieu. — Encore ne serait-ce qu'en prenant les choses au mieux, car, au ch. 1, 
26-29, il les rabroue impitoyablement pour la vanité qu'ont leurs prétentions 
même dans l'ordre humain et mondain. Enfin, quoi qu'il en soit, toute cette sa- 
gesse-là n'est aux yeux de Dieu que sottise. Dieu en a révélé une autre, la vraie, 
et c'est elle seule qui peut faire la dignité des croyants, qui ne sont rien et 
resteront toujours un rien aux yeux des mondains. Pour écarter leurs con- 
fusions entre les vérités de la révélation et le fruit des spéculations humaines, 
l'Apôtre ne craint pas de présenter la « parole de la Croix », — qui résume 
toute la doctrine chrétienne, — comme un paradoxe insoutenable pour la 
« sagesse » naturelle; celle-ci ne peut la tenir que pour folie, « niaiserie », ou 
scandale. Dieu a justement montré la transcendance de sa sagesse et de son 
pouvoir en choisissant, pour mener à terme ses plans éternels de salut, les 
moyens qui semblaient à la courte raison humaine en rendre l'accomplissement: 
impossible. Jamais l’homme n'y comprendra rien qui n’a pas l'Esprit et ne se 

sert que de sa raison. 

. C'est une des pages les plus belles de Paul, elle découvre le.fond de la phi- 
losophie religieuse surnaturelle. Mais il ne faudrait pas croire que l’Apôtre 
condamne ou méprise l'exercice de l'intelligence. Elle peut mener, si l’on en 
use bien, à une connaissance naturelle de Dieu et de sa loi, Paul le déclarera 
au ch. 1 de l'Épître aux Romains; il le suppose ici déjà (1, 21, v. comm. ad 
loc.), et il invoque au besoin des arguments tirés de l’ordre de la nature, comme 
un stoïcien l'aurait pu faire (x1, 13-15). Nous n’avons d'ailleurs qu'à nous 
rappeler ses discours à Lystres et à Athènes (Act. ch. xrv et xvir). La « théo- 
logie dialectique » d'aujourd'hui n’a donc aucun droit de s'appuyer sur saint 
Paul, qui n'ignorait et ne méprisait pas comme elle l’« analogia entis ». Mais 
c'est un fait patent, aux yeux de l’Apôtre, que les hommes, sages compris, 
malgré leur intelligence donnée par Dieu pour trouver Dieu, n'ont pas su s'en 
servir, et se sont, par leur faute, de plus en plus éloignés de la vérité divine. 
D'ailleurs elle ne les aurait jamais menés jusqu'aux « profondeurs de Dieu « (1, 
10), et ne pouvait leur révéler leur propre dignité aux yeux de ce Dieu, et leur 
avenir dans ses desseins, « ce qui n’est pas monté au cœur de l'homme » (ur, 
9). Il fallait pour les instruire la scandaleuse folie du Calvaire. 


CHAPITRE IV. XLI 


Voilà sous quel aspect de subversion de toutes les idées humaines Paul 
entend présenter sa grande idée de l'union au Christ crucifié, et toutes les 
conséquences qui en découlent pour toute l'existence humaine. 

Un mode d’exposition si incisif et si personnel pourrait faire supposer que 
Paul donne sa doctrine, à luë, qu'il entend faire triompher sur celle d’Apollos, 
.de Céphas, ou d'autres ; une doctrine de « pneumatique » ou d’inspiré, qu'il aurait 
immédiatement reçue de Jésus par l'Esprit, et qui n'admettrait aucun contrôle. 
De fait, certaines assertions de l'Apôtre (Gal. 1, 1, al.) ont été tirées à ce sens 
par l'« école d'histoire des religions » qui veut le ranger, de gré ou de force, 
dans la catégorie des mystiques de l'hellénisme ou de la gnose; Reïtzenstein 
notamment (H M3, Beigabe xvri, Paulus als Pneumatiker, pp. 333-393); et 
quelques exégètes très orthodoxes font, sans le vouloir, le jeu de ces théoriciens, 
en soutenant, par exemple, que Paul doit sa connaissance des détails de la 
Dernière Cène, ou même des apparitions du Ressuscité (voir comm. de xr et 
de xv), à des révélations immédiates du Ciel. Mais l’épître aux Corinthiens, 
elle-même, nous montrera comme ces vues sont fausses; et ce n'est pas l'un 
de ses moindres enseignements. | 

En effet, l'on y découvre, si l’on veut regarder de près, la mention répétée 
d'un critère sur lequel doit se régler toute croyance et toute discipline; en 
d’autres termes, une rèole suprême de la foi et des mœurs, qui s'impose éga- 
lement et à Paul, et à tous les apôtres, et à tous leurs disciples. C’est la tradi- 
tion (ou, au pluriel, les traditions, rapaddoac) remontant au Christ en personne. 
Les apôtres et les prédicateurs autorisés ne peuvent y ajouter, ni y retrancher, 
ni la déformer; tous sont d'accord pour la transmettre telle qu'elle est (cfr. xv, 11, 
comm. &d loc.); car ils n'ont pas à inventer ni à créer, fût-ce sous l'inspiration 
de l'Esprit, n'étant que les administrateurs, les « économes » (1v, 1-2), d’un 
bien commun. et inaltérable, les « mystères de Dieu » révélés par Jésus. Les 
« traditions » qui l’explicitent {voir x1, 2, supprimer mov après apaddoei, et 
remarquer le verbe napañSôva x1, 2, 23, xv, 3; cfr. II Thess. 11, 45. m1, 6) sont 
celles de £outes les églises (cfr. iv, 17, vis, 17, x1v, 83, surtout xr, 16 et x1v, 36, 
v. comm. ad loc). Les « charismes » les plus élevés, même celui d'apostolat, 
ne donnent pas le droit d'en inventer de nouvelles, mais seulement d'illustrer, 
d'expliquer, d'appliquer cette doctrine commune, qui embrasse, nous le verrons, 
les vérités à croire aussi bien que les actions à accomplir. Ceux que le Christ 
a délégués à leur enseignement ont reçu divinement « de sonintelligence » (voëv 
Xpicro, 11, 16) pour ce travail de communication et d'interprétation; c’est là un 
don permanent (que tout croyant possède à un certain degré par la foi), et qui 
s'exerce selon un mode rationnel; toutes les communications « pneumatiques » 
ne sont recevables qu'autant qu’elles se conforment aux données de ce vois, 
qui exerce un sévère contrôle sur le « pneuma », pour reconnaître s’il est ou 
non sous l'influence de l'Esprit-Saint (v. comm. de x1v). Nous pouvons dire, 
en un mot, que l'Epître aux Corinthiens contient déjà l'idée fort nette du 
€ dépôt » (rapxdixn) de la foi, dont son auteur parlera I Tim. vr, 20, et que « Paul 
le pneumatique », qui n'aurait obéi qu'aux impulsions variées de l'Esprit qu'il 
croyait avoir, n'est qu'un personnage mythique forgé par les modernes. 


XLII INTRODUCTION. 


APPLICATION DE LA DOCTRINE AUX CIRCONSTANCES CONCRÈTES. — Paul avait donc 
implanté la Croix, et l'Evangile de la Croix, au milieu de la ville d’Aphrodite 
et de toutes les prostitutions sophistiques ou rhétoriques de la pensée. La réac- 
tion des « princes de ce monde », avec leur « sagesse », ne pouvait manquer 
de se produire, vive ou insidieuse. Comme pour y répondre l'apôtre ne fait pas 
un traité doctrinal ni un catéchisme, mais oppose à chaque falsification ou à 
chaque groupe d’abus les vérités spécifiques qui chasseront l'erreur, éclair- 
ciront les doutes, ou rectifieront les conduites, son épître prend, comme nous 
l'avons dit, en plus de sa portée doctrinale, une valeur historique incomparable 
concernant les rapports de l'Évangile avec les habitudes, les croyances et les 
préjugés de ce monde hellénique, qui, dans Corinthe (et dans la cité voisine 
d'Athènes, à laquelle l’auteur sacré pense quelquefois) se trouvait concentré 
comme dans un panorama en miniature. 

Ainsi les trois ou les quatre premiers chapitres montrent la différence essen- 
tielle qui distingue l'esprit de la Révélation de celui de la philosophie grecque, 
et de tous les « humanismes » qui y ressembleront à n'importe quelle époque, 
et de toutes les chicanes intellectuelles qui en découlaient; le rôle des apôtres 
y est nettement dégagé de toute confusion avec celui des chefs d'école, ce qui 
nous a menés à reconnaître l'affirmation d'une règle de foi qui s'impose à tous 
(v. supra). 

Les tendances au syncrétisme sont réprimées par l'interdiction de prendre 
aucune part aux repas de sacrifices (ch. x); de même tout ce qui rappellerait 
la mentalité des initiés païens est exclu par la réglementation de la cérémonie 
eucharistique (ch. x1), et des prophéties et glossolalies (ch. xiv). Le « spiritua- 
lisme » hellénistique, le dualisme qui condamne irrémissiblement la matière 
— tout en faisant leur part à ses exigences les plus basses, comme à une chose 
aussi indifférente qu’elle est méprisable — se heurte aux enseignements sur 
la résurrection, et sur la chasteté, des chapitres xv et vir. Enfin les scrupules 
concernant les « idolothytes » sont calmés, sans détriment de la charité, et sous 
la réserve de ne pas scandaliser les « faibles » qui accordent encore aux 
« dieux » une certaine réalité maudite, aux chapitres var et xr. — Les restes 
de laxisme et d'immoralité païenne sont réprimés aux chapitres v-vir, particu- 
lièrement à propos de l’incestueux. 

Voilà, en gros, ce qui concerne la croyance et la vie privée. Mais la vie de 
famille, la vie des métiers ou de relations, faisaient naître chaque jour des 
problèmes embarrassants dans cette minorité chrétienne perdue dans le vaste 
milieu de Corinthe, ville si païenne et si corrompue. Paul apporte, avec beau- 
coup de süreté et de fermeté, mais, peut-on dire aussi, de prudence et de 
mansuétude, toutes les solutions désirables aux difficultés qu'on lui propose. 
Ses principes, son principe plutôt, n'est pas autre que celui qui a éclairé toutes 
celles de la vie privée. Le chrétien, considéré comme être familial ou social, 
doit régler ses pensées, ses sentiments, ses gestes, sur la loi de l'amour ct 
de la liberté qu'il porte en lui-même de par son union au Christ; il aura la 
conscience toujours présente d'une solidarité divine qui le lie non seulement 


CHAPITRE IV. XLIIT 


à ses frères dans la foi, mais à tous les hommes; et par là seront éclairés tous 
les devoirs qui s'imposent à lui du fait qu’en étant chrétien, il n'a pas cessé 
d'être homme et membre d'une société terrestre. 

Ainsi d’abord, pour les relations les plus intimes, celles du #2ariage (ch. vu), 
Paul évite le rigorisme que la réaction contre la dissolution corinthienne 
poussait certains chrétiens à prôner. Sans doute, il présente la continence 
parfaite et la virginité comme un bien supérieur réservé à des privilégiés, du 
nombre desquels il était lui-même; car elles garantissent mieux la Zberté de se 
donner totalement au service de Dieu. Mais pour la masse des fidèles, il s’en 
rapporte simplement à l'ordre de la création établi dans la Genèse (cîr. vr, 16, 
la citation, ad loc.), mais ramené par la loi nouvelle du Christ à son originelle 
pureté; et il faut remarquer qu'il n’insiste pas moins sur les droits de la 
femme, si négligés des Juifs et des Gentils, que sur ceux de l'époux. En un 
autre passage, s’il est obligé de combattre certains excès « féministes » (xr, 1-16), 


‘il le fait encore en invoquant l'ordre de la nature, et l’ordre surnaturel du rap- 


port des croyants au Christ et à Dieu (1). Sur ce point, le christianisme a fait 
une heureuse révolution. 

Et il a fait de même sur un autre point capital, d'ailleurs plus généralement 
remarqué, celui de la subordination de l'homme à l’homme. La société antique 
vivait dans et'par le régime de l'esclavage, et Corinthe comptait peut-être jusqu'à 
des centaines de milliers d'esclaves; leur proportion devait être assez forte 
parmi les convertis. Or l'Évangile, et Paul son plus grand interprète, proclament 
bien haut la dignité de toutes les créatures humaines, leur égalité devant Dieu, 
quelle que soit leur race et leur condition sociale. L'Apôtre va-t-il dire aux 


esclaves baptisés de prendre tous les moyens licites de s'émanciper ? Il fait bien 


mieux; avec une audace qui ressemble à celle des stoïciens, mais qui est bien 
plus fondée et bien plus sublime, il leur rappelle qu'aucun membre du Christ, 
acheté si cher, ne peut être en réalité esclave des hommes, et que la conscience 
de leur liberté intérieure peut leur faire supporter, et mettre même à profit 
pour leur perfection la condition basse et opprimée où ce n'est que sous un 


rapport tout extérieur et transitoire qu'ils sont placés (vi, 20-24). Tous les 


saints sont libres en Dieu, les esclaves et les maîtres, et c'est là ce qui importe; 
comme tous, maîtres ou esclaves, sont écalement les serviteurs du Christ. Ceci 
prépare les belles instructions plus détaillées des épitres de la Captivité. L'abo- 
lition de l'esclavage devait sortir de là, quand le levain évangélique aurait 
assez transformé la société humaine. 

Mais, comme son action commence à peine, il y a intérêt, pour la pénétra- 
tion de l'Évangile lui-même, à ce qu'il dérange le moins possible les usages 
ambiants, en ce qu'ils ont de bon, ou au moins d'acceptable. Ainsi la nouvelle 
doctrine deviendra plus sympathique à ceux du dehors, plus largement acceptée, 
et clle pourra opérer graduellement, sans violentes secousses qui la compro- 
mettraient elle-même, les transformations que Dieu lui réserve d'accomplir, Que 
les fidèles se fassent tout à tous, ainsi que leur Apôtre leur en donne l'exemple, 


(1) Chez Paul aucune « misogynie », soil dil contre un préjugé assez courant; voir la 
bonne étude du P, RoizLzianb, O. P., Le symbolisme du mariage selon saint Paul, RSP T, 
mai 1932, 


XLIV INTRODUCTION. 


(ch. 1x) pour en gagner le plus grand nombre. Paul ne leur prêche aucunement 
la rupture de leurs relations anciennes, pourvu qu'ils aient rompu avec lerreur 
religieuse et les mauvaises mœurs; il ne prétend en faire, bien au contraire, 
ni des reclus sans influence au dehors, ni des bonzes, ni des « émigrés à 
l'intérieur ». Non seulement certaines de leurs réunions religieuses peuvent être 
ouvertes aux non-croyants, en vue de la propagande {voir à x1v, 23-25), mais dans 
la vie profane, les « saints » ne sont pas condamnés, comme les pharisiens, à se 
défendre par un perpétuel « noli me tangere ». Il ne faut pas qu'ils se rendent 
à eux-mêmes l'existence matérielle impossible; qu'ils achètent donc comme 
les autres les viandes à la boucherie sans s'inquiéter de savoir si ce sont ou non 
des « idolothytes » (x, 25-26). Qu'ils ne s’étonnent pas si les païens ne vivent 
pas selon l'idéal chrétien, et qu'ils ne s’écartent pas d'eux pour cela — sauf, 
bien entendu, le danger de corruption — d'une manière farouche et provocante ; : 
ce n’est qu’au sein de l’ Église qu'ils ont le droit et le devoir de réprimer, dans 
«l'intérêt général, les écarts trop graves de leurs frères ; s'ils agissaient de même 
envers « ceux du dehors », ils seraient incompris, et deviendraient vite odieux; 
donc, sans pactiser en rien avec les vices des païens, qu'ils en laissent, en 
règle commune, le jugement à Dieu, qui connaît les consciences (vi, 10; 12-13, 
v. comm. ad loc.). Qu'ils s'efforcent seulement d'édifier tout le monde, « de 
n'être un scandale ni aux Juifs, ni aux Grecs, ni à l’église de Dieu », et, comme 
Paul, « de complaire à tous », « afin qu'ils soient sauvés », en s'ouvrant peu à 
peu à l’aimable influence des chrétiens, et en les prenant pour modèles. Les 
« saints » doivent être sociables, et il leur est parfaitement permis d'accepter 
des invitations à la table de leurs amis encore païens, si cela est utile à eux et 
aux autres, pourvu qu'ils ne se laissent aller à aucun compromis, même appa- 
rent, contraire à leur foi (x, 27-suiv.). Les mariages « mixtes » eux-mêmes, 
(c'est-à-dire ceux qui ont été contractés avant la conversion de l'un des con- 
joints) sont déclarés en principe indissolubles (vir, 42-s.). 

Sans doute pareil programme était en bien des cas difficile à remplir, dans 
cette ville où tout, repas professionnels, fêtes de famille, était si profondément 
pénétré de paganisme; dans certaines circonstances, les chrétiens devaient 
prononcer un « non » catégorique que leurs amis du dehors ne comprenaient 
pas. Mais on ne peut nier du moins que Paul a prêché une vie divine qui restât 
toujours humaine et aimable. À ses yeux, elle résultera aisément de la charité 
qui doit régler toutes les relations, et de la « liberté » qui la suit à l'égard de 
tous les préjugés humains et de toutes les contingences indifférentes. Il dépasse 
les stoïciens en fermeté, mais en y joignant ce qu’ils ne connaissaient guère, 
la largeur d'esprit et la douceur d'un imitateur de Jésus. Si sa lettre éclaire les 
plus hauts sommets de la théologie et de la mystique, elle est aussi un traité 
inspiré de morale chrétienne commune, s'adaptant aux conditions les plus 
ingrates, comme étaient celles de Corinthe. C’est un chef d'œuvre de « libéra- 
lisme » — au sens louable de ce mot, — dégagé de toute faiblesse et pratiqué 
« pour la gloire de Dieu » (x, 31). Elle nous donne l'idée la plus nette du véri- 
table esprit de l'Évangile dans les rapports avec la société qui n'y croit pas 
encore, mais qui doit être amenée à y croire. Le déchaînement des persécutions 
vint ensuite le voiler, en ce sens qu'il obligea l'Église à agir comme une société 
plus secrète et fermée, une société de catacombes, puisqu'il y allait de son 


‘CHAPITRE IV. XLV 


existence même; mais la Première Épiître aux Corinthiens nous montre ce 
qu'elle aurait voulu être dans ses rapports avec la société païenne à convertir, 
si celle-ci l'avait laissée agir normalement et librement. De ce chef encore, 
c'est un document unique, auquel il faut toujours se reporter. 


* 
x x 


LES INFLUENCES PRÉSUMÉES QUI SE SERAIENT EXERCÉES SUR LA DOCTRINE DE 
Pau. — C'est chose purement admirable à voir, que la façon aisée, sûre ct 
large dont Paul, qui a commencé par mettre en contraste si saisissant la 
« sagesse de Dieu » et la « sagesse du monde », sait pourtant assimiler ct 
diviniser tout ce qu'il reste de vrai et de bon dans cette « sagesse du monde » 
pour faire accepter la « folie de la Croix » par la société grecque. Est-ce que, 
malgré l'antithèse dramatique du début, l'accommodation se serait étendue 
jusqu'au fond même des idées, et la Première aux Corinthiens nous présen- 
_terait-elle un produit mixte de l'Evangile et de l'hellénisme ? 

On n'a pas manqué de le prétendre, avec l'appui d'innombrables arguments, 
depuis les anciennes écoles « libérales » jusqu'à celle qui domine — ou dominait 
récemment — la critique, l’école de « l’histoire des religions ». Nous ne pouvons 
nous dispenser de porter dès l’'Introduction un jugement sommaire sur ces 
théories. Le commentaire fera voir s’il est fondé. 

Le premier rapprochement, et le mieux indiqué de beaucoup, devait se faire 
entre Paul et les stoïciens. I] n’y a pas à mettre en doute la fréquence de leurs 
points de contact. De part et d'autre nous trouvons une morale basée sur le 
principe de la solidarité, ou de l'unité, et l'affirmation répétée de la liberté du 
sage ou du croyant. Seulement, — et Joh. Weiss entre autres l’a fort bien 
montré dans son commentaire, — si Paul avait emprunté au Portique, il aurait 
du moins fait subir à ses emprunts une transposition complète, dans un autre 
ôrdre de faits et de pensées. Les stoïciens ne parlent que de l'unité de la 
nature; et, chez l’Apôtre, l'unité résulte de l'incorporation de tous les croyants 
au Christ mort en croix et glorifié, c'est-à-dire d'une personne et d'un événe- 
ment qui sont historiques, contingents, et surnaturels; leur liberté ne vient 
pas de ce qu’ils sont souverains de naissance, mais de ce qu’ils ont été associés 
à la souveraineté de leur Chef. Ce qui est dans le Stoa plutôt froid et théorique 
devient dans la doctrine de l'Apôtre un principe de vie qui commande toutes 
les manifestations de la vie, quelque chose de concret, d'humain, de chaud, d'actif, 
excluant toute suffisance et tout égoïsme retranchés dans une tour d'ivoire. 
Du reste, il n’est point du tout certain que Paul ait opéré cette merveilleuse 
transposition d'une manière consciente et volontaire; les idées, et parfois les 
termes, qu'il a de communs ou d'analogues avec le Portique, il étaient déjà 
dans l'air, ainsi que les procédés de la « diatribe » cynico-stoïcienne (voir 
Ch. suivant), et l'Apôtre a pu se les approprier par instinct, sans réfléchir à leur 
provenance, en leur donnant d'ailleurs une richesse de sens divin, une force 
de pénétration qui n'est due qu'à son génie divinisé par la foi et l'amour du 
Christ rédempteur. 

: Les rapports qu'on a relevés chez Paul non plus avec les philosophes mora- 
listes, mais avec le monde religieux des Gentils, sont certainement moins 


XLVI INTRODUCTION. 


étroits. Il y a bien quelques termes et quelques analogies, ce qui était inévi- 
table, puisque l'Apôtre était un helléniste, et un écrivain religieux. Car il est 
des aspirations et des concepts génériques qui existent dans toutes les religions, 
et qui, à une même époque et dans une même langue, doivent s'exprimer par 
des mots semblables ou à peu près, là où il ne s’agit que de leur acception la 
plus vague, comprise de tous les esprits et de tous les cœurs humains. Mais 
on est allé plus loin, et on a voulu — il y a quinze ou vingt ans plus qu’aujour- 
d’hui — expliquer le système de Paul par des emprunts, conscients ou non, 
faits aux « Mystères » païens. Il n'y a pas à nous attarder là-dessus. Outre 
que les Mystères n'avaient pas encore la grande vogue dont ils jouirent cent ans 
plus tard, et qui se développa en partie pour faire pièce au christianisme 
envahissant, les savants qui ne s'arrêtent pas à de vagues analogies de mots 
ou de situations concèdent sans peine aujourd'hui que rien, dans le culte païen 
des « dieux souffrants », pour les initiations de Déméter, des Cabires, d'Isis 
ou de Bacchus, — ce sont à peu près les seules assez bien connues dont on 
puisse certifier l'existence en ce temps-là, — ne ressemble à l’adoration d’un 
homme historique, ayant vécu à une époque toute récente, et mort dans le 
supplice déshonorant de la Croix (voir énfra l'Exc. n1); rien là non plus qui soit. 
une résurrection corporelle proprement dite ni pour le dieu, ni-pour ses fidèles, 
ni une transformation morale effective des initiés, par leur incorporation à un 
dieu mort pour les sauver et les régénérer. Saint Paul, en raison de son édu- 
cation à Tarse, et de sa familiarité avec les grands centres urbains gréco- 
orientaux, connaissait, à n'en pas douter, l'existence de quelques ésotérismes. 
païens, et possédait quelque notion, au moins approximative, de leurs aspira- 
tions et de leurs rites; mais jamais il n’en a fait état pour préparer sa prédi- 
cation ou la confirmer par quelque analogie. Au contraire, s'il y fait allusion, 
— comme, à notre avis, au ch. xx, 3, et à certains passages du ch. xiv, 
v. comm. ad loc., — c'est avec répulsion et mépris, pour faire honte à certains 
convertis d'avoir encore des manières qui les rappellent. Quant à sa termi- 
nologie religieuse, il est impossible d'établir qu'elle aït fait aucun emprunt à 
cette source impure ; le mot réhsuws, par exemple, ou « parfait », qu’on aurait cru 
le plus apte à justifier des rapprochements, et qui était assez usuel dans le 
langage des moralistes et des philosophes, n’avait pas, que l'on sache, le sens 
technique religieux d’« initié » à une « she » (1). La doctrine de l'Évangile 
paulinien n’a d'ailleurs rien d'un ésotérisme quelconque (v. infra, exc. v), au 
sens de doctrine secrète réservée à certains privilégiés. Par l'esprit comme 
par le contenu, elle s'oppose à tous les mystères rituels du paganisme, malgré 
tout le « réalisme » sacramentel qu’on ne lui conteste plus guère dans la cri- 
tique contemporaine. 

Le « preumatisme », où doctrine de l'Esprit et de ses opérations, ne la fait 
pas rentrer davantage dans le grand courant de la mystique hellénistique qui 


1) On ne l’a trouvé rapproché d’une mention de « mystères » (ceux de Samothrace), 
que dans un texte des Philosophoumena, c'est-à-dire du 1n1° siècle, dans une phrase attri- 
buée à des gnostiques qui se vantent d'être des « parfaits » possédant seuls la science à 
laquelle aspirent les mystes de Samothrace, et non point par l'effet d'une initiation rituelle, 
8 pôvors… vois tehelors …uiv. Sur celle question voir l’excellente note du regretté P. pe GRAND- 
MAISON, Jésus-Christ, Il, note Ro « Parfaits et iniliés », pp. 626-630. 


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CHAPITRE IV. XLVII 


entraînait alors, aussi bien en dehors des cercles d’« initiés », une grande 
partie des penseurs païens religieux et cultivés, pour qui le nveëuax, conçu 
d'une façon moitié matérielle et moitié panthéiste, établissait, en pénétrant 
les âmes et les corps, une sorte d'identité d'essence entre eux et la Divinité. 
L'« Esprit » ou l’« Esprit saint » qui, selon Paul, donne aux régénérés le bien- 
fait de l'union au Christ, ne répond nullement à cette conception assez grossière 
(voir Exc. v), quoi qu'en ait dit Leisegang (1), avec d’autres. Nous avons dit 
ci-dessus ce qu'il fallait penser du « pneumatisme » de l’Apôtre; pour lui, 
aucune manifestation de l'Esprit ne peut être tenue pour valable et authentique 
que si elle est autorisée par la doctrine commune, la règle de foi, et contrôlée 
suivant les procédés rationnels du Noïc. Cela met encore un fossé infranchissable 
entre Paul et toutes les sectes comme celles de la gnose, païenne ou « chré- 
tienne », et de l'hermétisme — qui du reste est postérieur. 

C'est par le Médiateur et Sauveur Jésus-Christ que s'établit la communica- 
tion entre les hommes et Dieu. Il s’incorpore toute l’humanité rachetée ; mais 


il ne constitue pas avec son corps et ses membres une seule personne physique, 


ainsi que le déclare, ou l’insinue au moins, Reïtzenstein, dans « Le mystère 
iranien de rédemption », où il parle de « sotériologie cosmique » (v. infra); au 
moyen de son Esprit, habitant de l'âme (mais non substitué à l'essence de 
l'âme, de la Quyñ), il les transforme graduellement dans leur âme d’abord, 
puis dans leur corps même à la Résurrection, à sa parfaite ressemblance, qui 
comporte cependant des degrés correspondant à celui de leur charité; ils ne 
seront que son « image » (eixwv, xv, 49, cfr. IT Cor. 111, 18), comme ils n'ont été 
que l’« image » de leur premier père Adam, sans constituer une seule personne 
avec lui (zbid.). Le Christ lui-même, considéré dans sa nature humaine, n’a été 
que « l'image » du Dieu invisible (Col. x, 15, cfr. IT Cor. 11, 18), et, grâce à 
l'assimilation qui se fait à Lui, le fidèle devient, sur un plan plus élevé et d'une 
manière plus intime que ne le fut Adam d’après la Genèse lors de la créa- 
tion naturelle, un homme nouveau, formé « à l’image de Celui qui l'a créé » 
(Col. xx, 10). Mais l'Église, dans la grâce et la gloire, mystérieux enrichisse- 
ments qui nous font « participants de la nature de Dieu » (cfr. II Pet. 1, 4), 
n’a jamais vu que des entités créées, et il est absolument illégitime de vouloir 
introduire une autre conception chez Paul. Le Christ, transformateur de 
l'humanité comme il en est les « prémices » dans l’ordre surnaturel (xv, 20, 23), 
a donc un rôle comparable et supérieur à celui, d'Adam (xv, 22, 45, cfr. 
Rom. v, 12-suiv.), sans qu'il y ait ici, à l’encontre de Leisegang (« Der Apostel 
Paulus als Denker »}, aucune nécessité de logique ou de métaphysique plus 
ou moins héraclitéenne, attendu que toute cette rénovation procède d'une 
décision libre de Dieu, réalisée en des faits contingents que ne nécessitait ni 
la nature de Dieu ni celle de l'homme (voir comm. de xv, 21-22). En tout ce 
Système rien ne ressemble, même de loin, à du panthéisme hellénistique. 

Toute la vocation de l’homme racheté consiste donc à s'unir et à se conformer 
au Christ, et, par [à même, à Dieu, puisque le Christ est Dieu. Cette double 
conformation n'en fait en réalité qu'une; ici il faut délibérément rejeter la thèse 
d'Albert Schweitzer, exégète que nous trouvons parfois à nos côtés dans la 


(1) LEISEGANG, Pneuma Hagion, 


XL VII INTRODUCTION. 


controverse contre les auteurs « religionsgeschichilich », mais qui, hanté par 
sa théorie « eschatologique » de l'Evangile, et voulant à toute force, par souci 
de la logique, y ramener l'enseignement de l'Apôtre (« Die Mystik des Apostels 
Paulus », p. 41, passim), a posé cette thèse singulière : l'union des croyants 
au Christ ne serait qu'un but intérimaire de la vie chrétienne, atteint pleine- 
ment dans le temps qui s’écoulera entre la Parousie et la résurrection générale, 
pour faire place. ensuite au bonheur définitif, la vie éternelle dans la pure 
union à Dieu. Nous verrons au commentaire du ch, xv, et dans l'Excursus qui 
le suivra, que la « double résurrection corporelle » et le chiliasme que S. 
suppose ne sont que des mythes de critique. C'est exclusivement en tant que, 
et parce que, l’on est uni au Christ que l'on est uni à Dieu; et l’union des 
bienheureux à Dieu vu face à face sera éternelle parce que leur incorporation 
au Christ, commencée par la grâce dans leur existence terrestre, durera éter- 
nellement. Paul est aussi dégagé du messianisme magériel des Juifs que des 
influences de la mystique grecque. à 

Bousset, Reitzenstein, et l'école qui les a triomphalement suivis depuis 
trente ans, avaient cru découvrir dans le « Fils de l'Homme » ou « l'Homme », 
employé comme nom du Christ (— « l'Homme du ciel », « le dernier Adam » 
dans notre épître) la figure qui ‘leur permettait de rattacher le paulinisme 
sûrement à la mystique hellénistique, comme les gnostiques et les manichéens 
postérieurs. Reïtzenstein s’est distingué par la multiplicité et la variété des 
arguments qu'il a apportés pour prouver cette thèse; mais la méthode scien- 
tifique de ce philologue opérant dans le domaine de l'histoire n'a pas été à la 
hauteur de sa très remarquable érudition. Il faut lire la critique qu’en fait 
Schweitzer (ibid. pp. 28-30); elle se condense en cette phrase piquante : « Tout 
son effort est orienté, d'une façon unilatérale, à l'expliquer [Paul], au moyen 
de vues hellénistiques qui, d’une facon quelconque («irgendwie », nous avons 
souligné) rendent le même son {« gleichlautenden »). Avant que le pauvre 
Apôtre ait seulement pris la parole {« nur zu Worte kommt »), il l'a déjà 
lapidé avec des parallèles tirés de la littérature hellénistique ». Le fait est 
que le lien intrinsèque des idées de Paul, ses grandes idées directrices, est 
toujours chez R. ce qui est considéré en dernier lieu, et dans une perspective 
restreinte et faussée d'avance. Pour être bref, disons seulement que le système 
iranien auquel Reitzenstein veut rattacher Paul par l'intermédiaire de l'hellé- 
nisme ne connaît pas ce « Premier Homme » qui aurait eu un rôle cosmo- 
logique et sotériologique à la fois, dont les âmes humaines seraient émanées 
et qui les rappellerait à lui; au moins les iranistes qui restent sur leur domaine 
ne le trouvent ni dans les documents avestiques, ni même dans les livres 
pehlvis (tous postérieurs à Paul), où le « premier homme » Gayomard a bien 
un rôle cosmique d’une certaine façon, mais non pas sauveur. Reitzenstein a dû 
aller chercher cette figure dans le mandaïsme, le manichéisme surtout [qui 
date du mi° siècle de notre ère), sans parler de l’hermétisme (du n° ap. J.-C.), 
et décréter, en multipliant les hypothèses, que c'était une tradition de l’[ran 
ancien, passée aux Grecs et presque au monde entier. En réalité, c'était un vieux 
mythe revêtant d'abord des formes assez barbares, diverses chez des peuples 
divers, et symbolisant peut-être les correspondances du « macrocosme » cet 
du « microcosme », mais qui était très effacé dans les siècles qui ont précédé 


CHAPITRE IV. XLIX 


saint Paul, et qui n’a repris de consistance qu'après lui, en des sectes de 


l'antiquité finissante et du moyen âge (voir notre comm. sur l’Apocalÿpse, 


3e édition, Exec. 11, pp. 16-25, Le « Fils de l'Homme » et l'iranisme dans l’Apo- 
calypse). L'étude de la terminologie de Paul est loin d'y révéler les notions 
« iraniennes » que Reitzenstein cherche à mettre en valeur. Même le mat ëc£2, 
« gloire » (12 fois I Cor., 18 fois IT Cor.) n’a que l’analogie la plus vaguë avec 
le « Aparen6 » perse, lumière invisible qui pénètre chez les souverains et chez 
les héros; l'étude récente de J. Schneider (4), suivant celles de Gerhard Xittel, 
a établi que toutes les richesses de signification données à ce nom par Paul 
(et éloignées du grec littéraire où il signifie « pensée » ou « opinion »}), se 
rattachent au grec populaire hellénistique qui nommait ainsi un éclat lumineux, 
et à la Bible des Septante qui y ajoute parfois l’idée de puissance royale. Il n’y 
a pas à chercher l’origine de ce mot, appliqué tout naturellement aux réalités 
relgieuses, dans les profondeurs de l'Asie, ni dans une mystique perse de la 
« Lumière ». 

_ ‘C'est là un exemple entre beaucoup. On peut négliger des théories comme 
celle de À. Stahl sur l'influence des Mandéens, chez qui personne de sensé 
n'ira plus chercher les ancêtres du christianisme. En somme, l’école d'histoire 
des religions, qui a fait croire longtemps, éclipsant toutes les autres ou les 
entraînant dans son sillage, qu’elle allait tout expliquer, commence à pencher 
vers son déclin, même en sa forme dernière, l'iranisante. La doctrine de Paul, 
dont la Première aux Corinthiens présente à peu près tous les aspects, parait 
de plus en plus originale, et faite tout autrement qu'avec des emprunts. Cette 
originalité sort du cœur même des faits qui avaient saisi l'âme et le génie du 
converti de Damas; c'étaient ceux de l'Évangile entés sur la tradition israélite, 
ce n’était rien de plus exotique. Mais un Paul savait leur donner l'accent divin, 
et de profonde et universelle humanité, qui pénétrait le cœur des Juifs, des Grecs 
et des Barbares, et qui reste aussi actuel, aussi approprié pour nous modernes 
que pour les anciens. 


x 
*X * 


Le row pe L'Érîrne, sA PLAGE pan: LES épiraes pe sarxr Pauz. — Les pauvres 
Corinthiens n'étaient certes pas tous encore capables de comprendre et de 
mettre en pratique un enseignement si parfait. Mais Paul les traite avec indul- 
gence et confiance, parce qu'il ne doute pas de leur bonne volonté: au fond, 
ce sont à ses yeux de grands enfants (vému), auxquels il faut donner le senti- 
ment que leur devoir est de grandir. Il raisonne avec eux comme un père très 
dévoué ct très patient dans son travail d'éducateur, Il a bien fallu tout d'abord 
rabattre leurs prétentions, pour les remettre en face d'eux-mêmes, de leur 
passé, et de leur vocation véritable; alors Paul s'est animé quelquefois, et il à 
pu passer de l'ironie bienvcillante qui se sent un peu partout en cette épitre 
à un ton sarcastique ct presque indigné, comine au chap. iv, S8-suivants, où il 
compare ce qu'eux prétendent être à ee que sont leurs modèles, les apotres, 


b L des + A] Ê Ü a , 1 ] N | V 
(1) Joh, SGniNEibin (prolostunt) Adëx, Eine bedeutangsgeschiehtliehe Studie, Gütersloh, 1972, 
Racine dok où dek, qui a donné à ln lois « decus » ol « docere nv, 
ÉPITRE AUX COLINTIIIENS. d 


L INTRODUCTION. 


véritablement associés à la vie militante du Christ. Mais cela ne dure qu'un 
instant, et tourne en déclaration’ de tendresse paternelle. 11 faut, par ci par là, 
de graves avertissements à ceux qui « se gonflent » ({rv, 18-suiv.), qui pac- 
tisent avec les scandales ou les tolèrent, qui n'ont point le sens de la fraternité 
chrétienne (v-vi}, qui profanent les réunions eucharistiques (x, x1), ou qui se 
mêleraient présomptueusement d'enseigner sans avoir compris que l'unique 
fondement est le Christ (111, 10-seq.). Jamaïs cependant, même quand il doit 
proférer des menaces, Paul n’abandonne tout à fait le ton d'exposition et de 
persuasion. Il ne veut pas confondre et atterrer ses lecteurs, mais les porter 
à réfléchir, comme des gens sur la volonté et la raison de qui on peut compter, 
et qui, s'ils réfléchissent, se corrigeront spontanément : « Je vous parle 
comme à des gens raisonnables; jugez vous-mêmes » (x, 15). Les relations 
entre l'Apôtre et son église sont donc loin d’être aussi tendues que certains 
critiques littéraires ont cru Île voir, pour bâtir leur théories {voir infra, ch. vi 
d’'Inr.). Cette épître n’est pas dictée dans un état d'émotion violente où Paul 
aurait été mis par une méconnaissance insultante de ses sentiments et de ses 
droits de père, ou par quelque danger de rupture, quelque menace pressante 
de corruption de la foi {comme ïl s’en produisit plus tard). Nous jugerons 
plutôt qu'elle a été écrite de grand sang-froid, à tête reposée, et que, fût-ce 
aux passages les plus cinglants, l'Apôtre, loin de se laisser aller à l'emporte- 
ment et aux plaintes, surveillait toutes ses expressions pour leur faire produire 
juste l'effet escompté. Là même où il s'élève au plus haut lyrisme, comme 
dans le ch. x sur la charité, nous ne voyons pas un homme transporté hors 
de lui-même, car il y calcule exactement ses termes pour l'instruction morale 
des Corinthiens. 

Dans la seconde Épiître, où le ton général est d’ailleurs bien plus passionné, 
il sera question d’une lettre écrite dans l'angoisse et les larmes (IL Cor. 11, 4), 
et qui a vivement afiligé ses destinataires (vu, 8). Nous pouvons déjà affirmer 
sûrement que ce n'est point de la Première Épître aux Corinthiens qu'il peut. 
s'agir là. Celle-ci ne paraît nullement avoir été composée dans ces craintes et 
ces tristesses, et les Corinthiens n'avaient point lieu d'en être ni blessés, ni 
affectés si douloureusement, tant l’Apôtre avait pris soin de ne rien exagérer: 
de leurs défauts, de mêler la louange et l’encouragement aux avertissements, 
et, somme toute, de manifester avant tout de la confiance. Cela est important. 
à noter pour suivre l'histoire de ses relations avec la communauté corinthienne, 
comme il faudra le faire à propos de la Deuxième Épitre. 

Il nous paraît dès lors relativement aisé de déterminer la phase historique de 
l’apostolat paulinien auquel appartient l’épitre que nous étudions, et ses rapports 
avec les autres épîtres. Quant à la date précise, nous la fixerons s’il est possible: 
quand toutes les difficultés auront été élucidées. 

Des nuages ont monté à l’horizon de Corinthe depuis le départ de l’Apôtre, 
mais il ne semble pas encore qu'il doive en sortir de gros orages. Il suffira, espère 
Paul, de rappeler tout le monde au véritable esprit de la vocation chrétienne ; il 
faut refouler les restes de tendances païennes, de nature philosophique ou pseudo- 
mystique, qui causent çà et là quelque léger obscurcissement de la foi, ou quelque 
relâchement dans les mœurs, surtout un affaiblissement du sens de la fraternité. 
Le vieux procès avec les Juifs incrédules paraît oublié; depuis leur insuccès. 


CHAPITRE IV. LI 


devant Gallion, ils ne sont plus dangereux à Corinthe commeils furent à Thes- 
salonique; quant à la masse païenne, elle semble demeurer en face de l'église 
dans une attitude simplement curieuse ou indifférente. On était si habitué dans 
cette ville à tous les mouvements d'idées et de sectes! | 

Le danger est à l'intérieur. Paul n’a plus à s'inquiéter de calmer une agitation 
« adventiste » comme celle qui lui avait fourni l’un de ses motifs d'écrire de 
Corinthe deux lettres aux Thessaloniciens (certainements antérieures) (1). A-t-il 
à lutter contre les théoriciens « judaïsants »? Rien ne l'indique, pas même du 
côté des « hommes de Céphas », dont il ne paraît faire qu'un cas secondaire. 
Mais cette « apologie » à laquelle il est fait allusion au chap. 1x (et qui n’est pas 
faite directement à l'usage des Corinthiens, v. comm. ad loc.) a été presque 
sûrement nécessitée par le besoin de se défendre contre ce genre d’adversaires, 
qui n'avaient pas désarmé depuis le concile de Jérusalem ni depuis la solu- 
tion du conflit d'Antioche, et qui devaient s’agiter assez fortement en Syrie ou 
en Anatolie; on prévoit déjà que l’Apôtre devra exposer contre eux très systé- 
matiquement la vraie doctrine de la justification, ce qui sera le sujet des épîtres 
aux Galates et aux Romaïns. L'appel fréquent à l’idée de « liberté » évangé- 
lique (comme Gal. et Rom.) se rapporte en partie peut-être à cette situation. 
Même à Corinthe ces intrus vont bientôt pénétrer, nous ne l’apprendrons que 
trop bien par la Deuxième aux Corinthiens ; mais, pour le moment, ils n’y sont 
pas encore, de sorte que Paul n’a pas besoin de traiter dans sa première lettre 
ce point litigieux. Enfin les erreurs du protognosticisme concernant la per 
sonne et l'œuvre du Christ, qui, dans peu d'années, séviront gravement en Asie 
Mineure, ne semblent pas s'être déclarées, du moins sous une forme bien saisis- 
sable. C’est pour cela que, dans une lettre toute pleine du Christ, Paul n'éprouve 
le besoin de faire aucun exposé de doctrine proprement « christologique », 
comme il le fera dans les Épitres aux Colossiens et aux Ephésiens, pendant sa 
captivité romaine. Quant à la doctrine de l'Église, elle est déjà formée, et ne 
recevra plus que des précisions soit pour sa théologie dans les épîtres que je viens 
de nommer, soit pour sa législation dans les Épitres pastorales, aux dernières 
années de la vie de l'Apôtre. 

« Située » ainsi dans l’œuvre épistolaire de Paul, notre épitre, avec sa richesse 
de contenu, jette une vive lumière sur l'ensemble et les « phases » de sa doctrine. 
Car elle tient à toutes les autres lettres, antérieures et ultérieures, et nous montre 
que les chefs d'enseignement plus spécialement développés dans l'une ou dans 
l'autre ne se sont point dessinés dans la pensée de l'Apôtre par le fait d’une 
évolution plus ou moins homogène, mais que, avant d'être mis en écrit, ils se 
trouvaient tous réunis dans une synthèse dont la formation doit remonter à la 
première phase de l’apostolat; ce ne sont que des difficultés surgissant de l'exté- 
rieur qui ont obligé Paul à les développer à part, et successivement. Ainsi toute 
la sotériologie était connue des Corinthiens du jour où Paul leur avait parlé du 
Christ crucifié ; l'ensemble de l'Epitre, et des passages comme xv, 56 (v. comm. 
ad loc.) et d'autres, qui présupposent établie la doctrine de Gal. et de BRom., le 


(1) Les raisons que croit avoir Michaëlis (op. cit.) pour les dater du troisième voyage 
missionnaire, à Cause d’une combinaison lrop ingénieuse des voyages de Timothée, ne sont 
pas, à nolre avis, admissibles. 


Si. INTRODUCTION. 


prouŸent surabondamment; l’eschatotologie qui a occupé surtout 1-11 Thess. 
reçoit bien quelques compléments de grande valeur, mais toujours situés dans 
la même ligne, dans la synthèse admirable du ch. xv; il n’y aura plus désormais 
que quelques points, sur le sort des races d'hommes respectives, Juifs ou gen- 
tils, et sur celui des âmes justes avant la Parousie, qui seront plus nettement 
exposés II Cor., Rom. et Phil. Quant à la christologie et à la doctrine de l'Esprit 
Saint, qui servent de base à la sotériologie et à l’enseignement des fins dernières, 
elles sont toujours, ici et ailleurs, présupposées comme faisant partie de la caté- 
chèse la plus antique et la plus universelle; dans aucune épître elles ne sont 
“introduites comme quelque chose de nouveau, mais seulement défendues contre 
des altérations survenues à une époque récente ou dans un pays particulier. De 
même en est-il pour la doctrine de la grâce, dela prédestination, des sacrements 
de baptême et d'Eucharistie. Enfin l'histoire évangélique, bien.qu'aucun évangile 
canonique ne fût rédigé encore, est à la base de tout l’enseignement dogma- 
tique ou moral. | | 

Ainsi la Première épitre aux Corinthiens ne contient guère d'enseignement 
nouveau ou isolé — sauf l'antithèse des deux « sagesses » — mais elle illustre 
d’une façon merveilleuse l'enseignement de toutes les autres, et fait voir la cohé- 
rence parfaite du « paulinisme », si l'on peut encore se servir de ce mot pour 
désigner l'Évangile unique en tant seulement qu'il est exposé « selon Paul ». 


CHAPITRE V 
LA LANGUE ET LE STYLE DE LA 1l'® ÉPITRE AUX CORINTHIENS. 


Les deux épîtres aux Corinthiens, d'après Nägeli (v. infra), nous fournissent 
peut-être la représentation la plus significative de la manière dont Paul écrivait 
et parlait. Ce jugement nous paraît fondé, surtout pour la Première. La grande 
variété des sujets qu’elle traite, leur caractère en général pratique, et les détails 
précis qu’en exige le traitement, nous font connaître ce qu'était l'Apôtre, non 
aux heures de transport religieux ou de polémique passionnée, mais quand il 
devait, après mûre réflexion et à tête reposée, apporter à des problèmes com- 
plexés ses solutions inspirées à la fois de l'Esprit et de sa raison ferme et 
claire, — ce qui ne pouvait l'empêcher, étant ce qu'il était, de s'élever par 
instants à de très hauts mouvements d'éloquence qui haussaient aussi le langage. 

Nous allons nous en rendre compte par son vocabulaire, sa grammaire et son 
style. 


[. Vocabulaire. 


L'Épitre emploie à peu près un millier de vocables différents, y compris les 
noms propres et ceux qui n'apparaissent que dans les citations. Ce qui est tout 
d'abord à remarquer, c'est que, en très grande proportion, plus grande qu'en 
toute autre épître, il est de ces mots qui n'apparaissent qu'une seule fois, deux 
au plus; signe incontestable de la maîtrise qu'exerçait l'écrivain sur le voca- 
bulaire grec. 

Dans l’ensemble, cette riche collection de mots concorde avec la langue de 
conversation hellénistique, connue depuis quelques dizaines d'années, telle qu'elle 
était en usage parmi les gens instruits. Ce n'est pas cette épître qui fournira des 
arguments valables à ceux qui voudraient encore défendre le « sémitisme » du 
langage paulinien. Les termes de la vie courante y abondent, ce en quoi la lettre 
présenterait quelque analogie avec I Thess. surtout, mais ce caractère y est plus 
marqué encore; il l’est surtout beaucoup plus que dans Rom., car l'écrivain ne 
fait pas ici un traité systématique et touche à une multitude de sujets de l'exis- 
tence privée ou sociale. La dignité du ton ne l'empêche pas d'user d'expressions 
familières, vives et réalistes, selon son habitude; mais beaucoup d'autres sont 
d'une diction choisie, surtout quand le domaine éthique est abordé. 

Les commentateurs anglais Robertson-Plummer ont établi la liste des très 
nombreux vocables qui sont particuliers à cette épître dans le Nouveau Testa- 
ment; il s'en trouve environ une centaine, et ils en ont d'autre part compté cent 
quinze qui n'apparaissent pas dans les autres épîtres de Paul; sur le nombre, il 
y en a irente-trois {sans compter les noms propres) qui sont étrangers à la Bible 
grecque des LXX. Les « Aapax léromènes » qu'on peut regarder jusqu'à présent 


LIV INTRODUCTION. 


comme « absolus » sont l'adjectif æ(ehôdc (1, 4), le substantif ou{v\énrnrgs (1) (1, 20; 

subnrée et outirnots sont bien connus), Snépaxuos (vrr, 36) adjectif, le verbe ypnoteue- 
ca (xur, 4). Parmi les « relatifs », sont la particule classique vi (xv, 31), les mots 
choisis dxuv (1x, 17, également LXX), sücnuos (xrv, 9), puis bomepei(xv, 8, classique), 
Souhaywyé (1x, 27; papyrus; Æpictète aussi au sens moral; xotvi littéraire), uñruye 
(vi, 3, class.), doppaors (x1r, 26, class., manque LXX), ärouos (xv, 52; classique; 
sens d’« instant » chez Aristote), fix (#bid'; poétique) dodaluo; émidavérros (rv, 9) 
est hellénistique; mepixdôapua et mepibnua (1v, 13), mots dont le sens est discuté, 
de même; uäxekhov (x, 25, hellénistique) est du latin transcrit, mais peut-être 
sémitique d'origine (Moulton-Milligan). 

Il ne se rencontre qu'une seule expression sémitique, papäv dô% {ou papäva 0, 
XVI, 22). 

I1 manque des mots très usuels dans le grec ancien, mais absents aussi en 
général de la langue non littéraire (Nägeli), comme ëros (1 fois Heb.), ed (seule- 
ment 1 fois, EpA., chez Paul), ë6oç (assez fréquent Luc et Aci.), xpû (seulement 
4 fois Jac. 11, 40), et d’autres ; #0oç n'apparaît que dans la citation du poète 
Ménandre {xv, 33). Il est assez singulier que l’adjéctif éyeôos, si fréquent-dans 
l'Épitre aux Romains, manque absolument, toujours remplacé qu’il est par ok. 

Comme forme aberrante, nous ne trouvons à mentionner que épauv&, 11, 10, 
pour épeuv#; elle est alexandrine, et se retrouve Jean et Apoc., ainsi que dans 
les papyrus à partir du r°' siècle ap. J. C. 

Plusieurs vocables courants ont pris chez Paul, comme dans le reste de la 
prose hellénistique, des significations qu'ils n'avaient pas originairement : ainsi 
Yhdoow (x11-x1v) au sens de « termes rares » ou curieux, Gode (vi, 20; xnr, 26), au 
sens de « glorifier », dévaurç (x1r, 10 ; al), en celui de « prodige», etc. Ilen est un 
dont l’acception est très difficile à déterminer, c’est éfoucta à x1, 10. L’adverbe 
äet, plus fréquent que vèv, a subi aussi une évolution hellénistique, et le sens 
qu'il faut lui donner xvr, 7, prête à une discussion importante pour l’histoire de 
Paul. De même le verbe yaui£euv à vir, 38. 

Parmi les particules de liaison, êdv, extrêmement fréquent, paraît conserver 
toujours, ou presque, sa nuance d'éventualité plus marquée que dans si. Nous 
croyons qu'il en est de même pour ôvav; car, bien qu'il soit ici beaucoup plus usité 
que êre (12 fois contre 3) la même proportion ne se retrouve pas dans les autres 
épîtres de Paul, où êtes domine. Quant à la forme de négation oùyt (15 fois, et où[x] 
135 fois), qui se trouve presque toujours en des interrogations (ailleurs 4 fois 
Rom. 2 fois 11 Cor. et une fois 1 T'hess.) elle a une force particulière intention- 
nelle qu'il faut faire sentir dans la traduction. — oùv n'apparaît que vingt fois, 
c'est-à-dire deux fois et demi moins que dans l' Épitre aux Romains, qui est plus 
argumentative. 

Voici d’ailleurs les mots les plus usités — en omettant de compter des termes 
quasi nécessaires comme élve, épyecôm, éyew, mc, etc., ou des prépositions comme 
el, éni, xard, etc. (et sauf erreurs de compte, en tout cas légères) : Osdç apparaît 
103 fois, Xpisrôç 69 ou 70 fois, ’Inooùc 28 lois (presque toujours joint à Xe. post- 
posé et formant ainsi un nom propre), xüpus 72 fois (le plus chez Paul), nveüue en 
divers sens 41 fois (moins proportionnellement que Gal., et Eph., mais plus encore 


‘ (1) Le mot se retrouve bien Zgnace, « Eph, » 18, mais pris à Paul. 


1 


CHAPITRE V. LV 


que lom.), coua 47 fois (plus qu'ailleurs), évip 33 fois (vrr et x), dvigurxos 29 fois, 
ddekads 39 fois, éxxknote 22 fois (9 fois Eph.), xéuos 21 fois (le plus après Jean), 
dmuovoc 11 fois, dnéorolos 10 fois, dchevis (avec äcdeveix et doteveiv) 15 fois, hücoa 
214 fois (xu-xiv), yvüotç 10 fois, yuvi 41 fois (surtout vis et x1), Gééx 12 fois (moins 
que om. et II Cor.), vaux 15 fois (cfr. Aom., Il Cor., Eph.}, éfsugiu 10 fois 
{avec éouoritew 3 fois), xepaké 10 fois, Adyoc 17 fois, médos 15 fois (dont 14 au ch. 
xu}, vexpdç 44 fois (xv), mopvela (avec wopvn, wopvos, moovedetv) 14 fois, rosgnreix (avec 
moopérne, mpopnrebev) 21 fois, coplx 17 fois (et cop6s 11 fois) bien plus qu'ailleurs, 
même chez Paul, 4dpis 10 fois (moins que Rom., IL Cor. et Eph.), dshupotx & fois 
{rien que chez Paul par ailleurs, 4 fois}, facrhsta |roù Geo] 5 lois (ailleurs chez 
Paul 8 fois), sbayyéhuwv 8 fois (et exyyeiteadar 6 fois), keüdepos 6 fois (keubesta 1 fois, 
cfr. Gal), éoyov 8 fois (moins que Rom.), Bivaros 8 fois, pupix (et puwcov) 9 fois, 
puorépuv 6 fois, voïc 7 fois (6 fois Rom.), vouo; 8 ou 9 fois seulement, cixoëoun © fois 
{et oixoSoueiv 6 fois), raplévos 6 fois (vi), miou 7 fois (et morebeuw 9 fois, pour ces 
deux mots moins que Rom}, rveuuarixds 14 fois (9 fois ailleurs chez Paul), rorñptov 
8 fois {x-xr), cdpt 9 fois (moins que Rom., IL Cor., Gal., Eph., et même nombre 
Col.), cuvelôneu 8 fois (12 fois ailleurs chez Paul, 5 fois Heb, 6 fois reste du N.T.) 
séptoux 7 fois (6 fois Rom, 3 fois ailleurs Paul, 1 fois [ Pet.), tôtoç 15 fois (cfr. Jok, 
et Act}, xaiynue 3 fois (xabynot 1 fois; et xauyäotot 5 fois, contre 19 fois I! Cor., et 
5 fois Rom.) — Pour les verbes, nous relevons, en plus des trois ou quatre déjà 
signalés : dvaxopivew 10 fois, piwsxeuw 15 fois (le plus chez Paul), ypageuw 16 fois (le 
plus après Rom.), éyelpeiv 18 fois à xv et 1 fois vr, 14, oida 27 fois, échisw 16 fois, 
ü£ew 47 fois (le plus chez Paul}, xahsiv 12 fois (avec xA%ous 2 fois et xAnrs 3 fois; 
Rom. xah. 8 fois), xotvev 17 fois, Axheiv 34 fois (plus de la moitié ch. XIV), rive 
A4 ou 15 fois, odyew 11 fois, éroûvéoxew 7 fois (Rom. 22 fois), äroXküvar G fois, 
voue 8 fois (ch. vir)}, émouxomeiv 4 fois, eèpapioreiv G fois {moins que ARo.), 
xavasyuvetv 5 fois, xarapyeiv 9 fois (cfr. Rom., IL Cor., Gal.), peréyew 5 fois, rapaxe- 
Aeïv 6 lois, cobeuw 9 fois, broriooew 8 fois {xiv-xvr), qusuoüv 6 fois. — Pour les autres 
parties du discours, 6 aèros 18 fois (efr. Rom., II Cor), et 31 fois, Éxacros 23 fois, 
risinterrogatif 32 fois (cependant moins que /om.); den 7 fois (cfr. Jean, Mat.), 
vüv 4 fois, vvi 5 fois, oëi 15 fois, eïre 16 fois, &rav 12 fois, oùv 20 fois, Gore 14 fois. 

Des mots au contraire dont on peut signaler la rareté, ce ne sont pas seule- 
ment des particules comme — xp (3 fois; en dehors de quelques atxcp, bonep et 
d’un seul xa0érep x11, 12, lorsqu'il y en a 2 Rom, ct 4 respectivement II Cor. ct 
1 Thess.) ou re (3 fois, 16 fois Rom., 8 fois Luce, et innombrable Ace.), car leur 
usage avait fort diminué dans la Koinè; mais ce sont des verbes par ailleurs 
familiers à Paul. comme reprrareiv (2 fois seulement, 1 fois Galates, 30 fois ailleurs) 
ou mepiocebetv (3 fois, comme /Ro/., 10 fois II Cor:., 13 lois ailleurs); de mème que 
reptocotépus, fréquent Il Cor., est absent, quoiqu'on trouve 4 fois le comparatif 
adjectif TEPLHTOTÉPAV OU — pov. 

Tout considéré, ce vocabulaire, si l’on fait abstraction des mots dont Les sujets 
particuliers traitésici exigeaient la fréquence (oovix, àvip, yuv4, vexpge, éyeipev, ete), 
se rapproche le plus de celui des épitres écrites dans la même période, I Cer., 
Gal.et Rom., Ce qui l'en distingue c’est le très grand nombre de mots particu- 
liers à cette épitre, et, plus encore, certains termes qu'elle contient peu ou point 
(v. infra). On voit que Paul savait varier beaucoup le choix de ses expressions ; el, 
comme disent Bobertson-Plummer, e'estune bonne raison de se tenir en arde 


LVI INTRODUCTION. 


en face des arguments tirés du vocabulaire contre l'authenticité de Col., d'Eph., 
ou des Pastorales. Un fait remarquable signalé par les mêmes auteurs; est le 
nombre relativement grand de termes qui sont communs à Î Cor. et à l’une ou 
l’autre des. Pastorales, et se rencontrent bien dans le reste du N.T., mais pas 
ailleurs chez Paul. Il en est même plusieurs qu'on ne trouve que dans notre 
épitre et dans les Pastorales : &lavaoio ms 53, 54 et I Tim. vr, 16), &hoëv (1x, 9, 
10, citation, et | Tim. v, 18); éxxaalpeiv (v, 7 et Il Tim. x, 24), cuuBaauebery (1v, 8 
et [I Tém. 11, 12), Énepoyà (1x, L et L T'ém. 11, 2). 


La qualité de ce vocabulaire est instructive. 

Nägeli, dans son étude toujours précieuse sur le trésor verbal de Paul {1}, en 
a fixé l’origine et le degré de grécité. Il est vrai que, dans sa revue alphabétique 
des mots pauliniens, il s'est arrêté sur la cinquième lettre, e, et il y aurait certes 
grand intérêt à poursuivre ce travail jusqu'au bout; mais, tel qu'il est, il nous 
fournit une idée générale suffisamment nette, et nous n'avons guère qu’à en 
résumer les conclusions principales. 

La langue de 1 Cor. est naturellement la xowä, et plutôt dans ses formes hautes 
et littéraires. Elle ne contient pas de sémitismes (ou à peine), si ce n’est, xvr, 2, 
pla oaBBdruv on la tournure élvat &x, vrr, 7; le seul emprunt au latin est méxeXdov. 
Enfin les termes franchement oulgaires y sont très rares : ypryopeiv xvr, 13, 
4 fois Col., 2 fois I Thess; 19 fois dans le reste du N. T.; orékew xvr, 13, (4 fois 
Rom., Gal., T'et IT Thess., 1 fois Marc) et neiv, 1x, 4; Sépeu « frapper », non 
« écorcher » 1x, 26, (1 fois IL Cor., 13 fois reste du N. T.). Notons que le 
premier se trouve cependant chez Aristote, et le dernier chez Ménandre. Peu 
de provincialismes (ëvoyoc avec le génitif, x1, 27-28?) 

Par contre, nous ne trouvons guère de cas indiscutables d’ « atticisme ». 
L'adjectif dvouos (1x, 21 quater, 1 fois [I Thess., I Tim. ., eti fois Mare, Luc, 
Act., Il Pet.) que N. donne comme usité seulement dans la littérature classique, 
se rencontre non seulement dans les LXX, le N. T., mais encore dans les 
papyrus (v. Moullon-Milligan, ad verb.) | 

Paul a pris aüx Septante quelques expressions toutes faites : èrl xapdlav dvôpw= 
rou oùx &vé@n (11, 9, intercalé dans une citation), évaraderv ro nvedus (xvi, 18), dvdoi- 
Ceoûe xparaoüode (xvi, 13). Il est naturel que la Bible grecque, dont il était lecteur 
assidu, ait influé sur son langage. Toutefois cette influence est moins marquée 
qu'on ne pourrait croire. Elle est surtout sensible en des mots de frappe religieuse 
et nationale, ou dans le sens particulier donné à des termes d'origine profane : 
ainsi éyuiçew et éyraoué, (cfr. le grec ancien &yieiv et dyioucc), dxpoluotiæ, Giéfiohoc, 
d6%a eb Sobaterv (v. pourtantsupra), ävéeux, etôwhov, éôvn au sens de « gentils », etc. 
Il faut y joindre quelques mots du domaine éthique, mais beaucoup d'autres de 
la même catégorie sont absents des LXX, d'aprés l'observation de Nägeli. 
D'autres, quisont communs, n'ont plus le même sens que dans les LXX. Quelques- 
uns ne sc retrouvent que dans les apocryphes grecs, ainsi etôwAdOu6ov pour ispd0utov 
(IV Macc.) — ou dans les livres les plus récents de l'Ancien Testament, tels 


(1) Theodor NäGeLi, Der Wortschals des Aposlels Paulus, 1905. 


ALLER 


CHAPITRE V. LVII 


dreptomdorus (Eccli., Sap. Sal.), änédate (Macc.), äbuyos (Sap. Sal.), ëxBaoic 
(poétique, Sap. Sal.); mais très rares sont ceux qui ne se retrouvent pas dans le 
grec commun, au moins dans la haute conversation hellénistique. 

Bien entendu, il y a des termes techniques chrétiens, Pérrioux, etäwhokérons ou 
— rpslu, y\üsou Axheïiv, éxxAncia au sens d’ « église », etc. Nous aurons à discuter : 
spécialement sur dyarn. — Ÿ en a-t-il aussi d’empruntés à la langue religieuse 
païenne ? Le commentaire traitera à plusieurs reprises de cette importante ques- 
tion. Disons déjà, contre l'école Reitzenstein, que cela n’est point très visible; 
en tout cas, un mot comme séheroc, « parfait », n'y appartient pas techniquement. 

Ce dernier terme a plus d’affinité avec le langage des écrits philosophiques, 
et il nous faut noter, dans I Cor. comme partout dans les épîtres, un certain 
nombre de concordances avec le stoïcisme non seulement pour les procédés de. 
style (v. infra), mais pour le choix et le sens des mots éthiques. Il y a eu assu- 
rément un certain fonds de terminologie commun à Paul et à Epictète et ses 
rivaux, et en partie il remonte à l’époque classique. Citons, presque au hasard, 
&xpacia (VIr, 5), dxdGaproc (vir, 14), Gouhobv (vrr, 15), éAebdepoc 6 fois et éeudepix une 
fois, ouveldnou, mhoureiv, Baorsüetv, etc. Mais Paul élevait ou transformait l'usage 
de toutes ces expressions, et il n'y a pas lieu de croire d’ailleurs qu’il se soit 
plié sciemment à l'usage des moralistes ; ainsi un terme caractéristique comme 
mpocxew au moral lui manque aussi bien qu'aux autres écrivains du Nouveau 
Testament, quoiqu'on le trouve dans les Macchabées ; et il est à remarquer que 
oüsie (7 fois Rom., 2 fois Gal., 1 fois Eph.) n'apparaît que xx, 14. 

Des mots juridiques, qu'on trouve aussi dans les inscriptions et les papyrus, 
sont employés volontiers, cependant moins fréquemment que dans l'Épitre aux 
Romains. Les uns sont classiques, comme ävaxpivetv (10 fois), BeBaroüv (1, 6, 8); 
ätxalwux (5 fois Rom.) fait défaut ici, ainsi que les post-classiques éxdtxoc, — xeiv, 
— xnotç, assez fréquents à travers d'autres épitres. 

Il faut remarquer aussi des expressions tirées de la technique des sports et des 
jeux publics, comme Bpapeïov (1x, 24; efr. Phil. x, 14; poétique, voir Vägeli 
p.37, n. 3), ruxteveiv (1x, 26), Émoniätew (1x, 27, terme de boxe), élus [rpégetv] 


(1x, 26), peut-être déxruos au même passage (6 fois ailleurs chez Paul). Sur tous 


ces mots, voir le commentaire, infra. 

Les mots de formation poétique ne manquent pas ; ainsi époevonotens (vi, 9: cfr. 
Ï Tim. 1, 10), qui est un terme des poètes impériaux. Joignons-y vixos (3 fois) 
cfr. Mat, xu, 20, citation des LXX (Jean a vixn, 1 fois). MNägeli (p. 23) cite quel- 
ques mois venus de la poésie ionienne, qui s'étaient d'ailleurs acclimatés dans 
la xovf, quelques-uns depuis Xénophon. Tels sont éyapos (4 fois ch. VIt), dûdravos 
(1x, 18, hap. leg. dans le N. T.), voyyétetv (x, 10 bis; fréquent dans la xow}, et six 
fois ailleurs N. T., dans les Évangiles), dvconueiv (1v, 13, hap. leg. N.T.), al,, 
— Auépruvoc, ÉxBaouç, al., dans la « Nouvelle Comédie » avec le même sens. 

À tout prendre, toujours d'après les observations de Vägeli, nous pouvons 
considérer la langue de notre épitre comme représentant celle des Grecs cultivés 
de l'époque, causant ou écrivant de sujets élevés, sans affectation ou souci de lit- 
iérature; ct elle n'a pas de marque juive ni locale bien accusée. Parmi son 
millier de vocables, beaucoup sont choisis et appartiennent plus ou moins à la 
langue littéraire, surtout quand ils expriment des concepts moraux ; ceux de la 
vic courante trahissent l' « helléniste », non l'étranger. On en trouve qui ont été 


LVIIT . INTRODUCTION. 


recommandés par les grammairiens, aux dépens de formes voisines ou de syno- 
nymes. Îl en est de classiques (ävouos, al.), et de post-classiques (äueruxivnros, 
durehuv fréquent Synopt., &vx pécov commun chez les écrivains non atticistes, 
&mohUTpwO(G, Ev drouu, dtahoyiomos, diucrohn, douhuyoyetv, eluxplvetx, Éxvigev, ÉxTpupLe, 
éxrôc ei ph, etc.) mais en usage dans la haute conversation. Le plus grand nombre 
se rencontre avant Paul, et d’autres n'apparaissent, fréquemment du moins, 
qu'après lui, mais on peut les supposer avoir été de longue date dans l'usage 
courant; dv pour dv (vi, 18; xvr, 3,.6) se multiplie surtout dans les papyrus de 
la même époque (v. Deissmann, « Neue Bibelst. » pp. 30-suiv.) 

Du point de vue de la grécité, Paul se tient donc dans la moyenne des gens 
instruits du 1° siècle. 


Un autre genre de considérations a sa valeur pour l’histoire de l'Apôtre 
et de son évangélisation. La Première aux Corinthiens a été écrite dans les 
années mêmes où Paul dut fortement lutter contre les judaïsants (Ga£., Rom., 
même IT Cor.), et nous avons vu, au précédent chapitre, que les préoccupations 
de cette controverse devenaient déjà chez lui assez vives. Cependant, en se repor- 
tant à la liste de ses mots les plus usités que nous avons donnée ci-dessus, on 
est surpris de la rareté ou de l’absence des expressions en rapport avec ce sujet; 
ainsi Î Cor. est en contraste avec Rom. et Gal. Le mot ‘’loudxios apparaît seule- 
ment 6 fois, ’lopæf en un passage unique, reprréuveiv et mepivouñ respectivement 
2.et 1 fois, éxpoBuotix 2 fois (vir, 18, 19), Gtxatoouvn seulement une fois {r, 30) et Gixar- 
oùv deux (rv, 4, vr, 11), vooc 8 ou 9 fois. D'autre part certains passages montrent 
indubitablement que la doctrine de la justification, des rapports de la loi et de 
la foi, était déjà bien connue à Corinthe (x, 18, rôv ’IopañA xarè opxa, cfr. Gal. vi, 
46; xv, 56, v. comm. ad loc.). Le vocabulaire de I Cor. confirme donc d'abord 
la situation historique que nous avons indiquée, c'est-à-dire que la polémique 
judaïsante n'avait pas encore éclaté dans la capitale de l’Achaïe. Mais il y a plus 
important à constater. C'est que, dans une épître où Paul met tout son cœur et 
tout son génie à ramener ses néophytes au fondement spécifique de la croyance 
et de la vie chrétiennes, la doctrine de la « justification par la foi » est effacée, 
elle ne se montre pour ainsi dire qu'en marge. Ce n'est donc pas elle du tout — 
comme À. Schweitzer et d'autres protestants modernes le reconnaissent bien, 
— qui faisait le centre de l'« évangile » paulinien. Élle n'en était qu'un article, 
découlant du dogme fondamental et universellement compréhensif, union au 
Christ, qui anime, nous l'avons vu, toute cette épître en ses idées (avant d'être 
développé plus systématiquement Col. et Éph., sans parler de Rom.) et qui 
influe aussi sur le vocabulaire ; ainsi l'appellation d'äôeApoi, « frères », frères dans 
le Christ, n'y revient pas moins de 39 fois (19 fois I T'hess., courte épître qui a 
plus d'un contact avec I Cor., mais 20 fois seulement Rom.). Et il est d'autres 
mots dont la fréquence fortifie cette impression, à aûvéc, ExxAnoiu, xepaññ, xptos, 
mvedux, al. (v. supra). Par contre, nous ne lisons mioreiaw que 9 fois et ion 7 fois, 
parce que le but n'était pas celui de Rom. ou de Gal., d'établir la foï en face de 
la loi. — Une autre observation est aussi d'une grave portée, et nous l'avons 
indiquée déjà : cette épître tout imprégnée du nom de Jésus-Christ présuppose 
une christologie bien établie, aussi ferme que dans les « épîtres de la Captivité ». 
Or, nous constatons que la doctrine de l'Incarnation, partout sous-jacente, n'y 


LH 
Fi 


1 


| 


CHAPITRE V. LIX 


est exposée nulle part; le mot vide ne se lit même que deux fois, 1, 9 et XV, 28; 
que l’on compare Rom. Gal. et Héb., et les écrits johanniques! C’est évidem- 
ment que, dans la communauté de Corinthe, ce dogme ne faisait de doute pour 
personne, malgré la témérité des meneurs; ici l’ « argumentum ex silentio » se 
trouve, par exception, être d'un grand poids. — Encore bien moins y découvri- 
rait-on une « mystique de la Lumière et des Ténèbres » qui donnerait prétexte, 
comme on l'a essayé pour Jean, à rapprocher Paul des manichéens ou de l’« ira- 
nisme »; bien quel’exaltation de la « Sagesse » eût facilement prêté à ces images, 
le mot oëx (13 fois ailleurs chez Paul) estici totalement absent, et nous ne lisons 
qu'une lois oxôvos (1v, 5 au sens de « choses cachées ») etune fois guritew, au 
même passage, dans le sens correspondant. Zu ne se lit que deux fois (Cwomotiv 
3 fois); comparer l'Épitre aux Romains! 

On voit comme le vocabulaire de I Cor. est significatif pour l'exégèse et 
l'histoire. ° . 


Il. Grammaire. 


Nous aurons assez peu de chose à dire. Cette grammaire est, à tout prendre, 
très correcte, et il suffira de quelques notations. Pas plus que le style, elle n’est 
aussi « unhellenisch » que l'a prétendu, par exemple, Norden, à cause de la 
parcimonie des particules surtout; c'est la langue de conversation ou de 
« diatribe » qui le voulait ainsi (v. énfra). 

Article. — Avec l’aisance la plus grecque, l’article est préposé à des adjec- 
tifs et participes, des infinitifs, des adverbes, etc., ou gouverne des génitifs, 
des expressions prépositionnelles, etc., cela dans toutes les épîtres de Paul. 
La 1" aux Corinthiens ne se distingue pas en cela des autres; citons seule- 
ment, à titre d'exemples, vo nveüuæ vo ëx voù 0605 11, 12, ou bien 1v, 6, l’article 
préposé à toute une sentence, vù « ph ümèp & yéypantar » (v. comm. ad loc.). 

Cas de la déclinaison. — Un nominatif, äppwv (sans l’article) est employé 
xv, 36, pour le vocatif &ppov; — à moins qu'il ne faille traduire : « L’insensé!'» 

Les formes contractées de la 3° déclinaison étaient dévenues plus rares dans 
la xav4. Aussi xv, 6, lisons-nous mAsloves, et non rhelous; jamais de formes ana- 
logues à cette dernière n'apparaissent chez Paul (Il s'en trouve Jean et Act.). 

Adiectifs et participes. — Notons le comparatif ueituv, xur, 13, où l'on aurait 
attendu le superlatif meyiorr (cfr. xv, 19, al. chez Paul et N. T.). Tendance plus 
marquée qu’autrefois dans la langue hellénistique. 

_Le plus important à noter ici, c'est l'usage fréquent de l'adjectif ou du parti- 
cipe neutre, singulier ou pluriel, pour remplacer un substantif abstrait ou même 
concret : (ro puwpbv voù 0eoù, 1, 25, etc., th éEoubevnuéva, 1, 28). On le trouve déjà 
chez les classiques (P/aton : rd ürep6d\dov rie Aémne, al.), mais pas aussi répandu. 

La forme oëüé, archaïque et distinguée, apparaît au lieu du commun oùd4v, 
dans un passage de style très relevé, xx, 2. | 

Le Cardinal pix remplace rowrn au ch. xvi, 2, xarè iv caéBdruv; hébraïsme 
qui s'était répandu dans la langue chrétienne, cfr. Mat. xxvuir, 1, Marc xvr, 2, 
Luc xx1v, 1, Jean xx, 19, Act. xx, 7. 


Signalons le participe accusatif absolu ruyov, xvr, 2, à valeur d’adverbe, qui 
n'apparait pas ailleurs dans le N. T. 


LX INTRODUCTION. 


Formes verbales. — L'hellénistique de forme moyenne #unv (pour àv première 
personne) apparaît xur, 1; cfr. Gal. 1, 40, 22; il ne se rencontre que ces trois 
fois chez Paul, mais est fréquent (ainsi que “fueda) dans les Évangiles et les 
Actes. — L'optatif, à peu près disparu, ne se rencontre que dans les expres- 
sions stéréotypées un yévouro (vi, 15) et ei rüyor (xiv, 10; xv, 37). — Paul préfère 
la forme de l'aoriste évevñônv, hellénistique surtout, au classique éyevdunv (1, 29, al.). 
Mentionnons encore le futur second passif, épique et hellénistique, XATAXEÂTETAL 
{ur, 45; cfr. Apoc. vi, 7, éxénv). — Nous avons signalé ci-dessus la forme 
épauv&, 11, 10 et les vulgaires ornxere, et meiv. — Le participe futur, devenu si rare, 
se trouve xv, 37, yevnoduevov, encore däns un passage de grand style. 

Quelques verbes, nous l’avons dit, ont pris les sens nouveaux de la xowvé; 
ainsi abEdvew (111, 6) signifie « accroître », et non « croître » comme en attique 
(Abel, p. 243). 

Particules. — L'usage des particules pourrait demander un long traitement, 
mais nous n’allons pas l'entreprendre ici, car la 1'° Épître aux Corinthiens n'a 
rien qui lui soit bien spécial de ce chef. Elles sont certainement moins nom- 
breuses et variées que dans une œuvre littéraire classique. ‘Apa, par exemple, 
n'apparaît que 5 fois, et dpa oùv (fréquent Rom.) jamais. Mais les yép, les 5 
(dans toutes les acceptions possibles, parlois délicates à fixer dans une tra- 
duction) surabondent; c'est l’épître qui contient le plus de uév (22; Rom. 21, 
Il Cor. 9); le vi classique (hap. leg. N. T.) apparaît une fois, xv, 31. Où, 
nous l’avons dit, est assez rare. 

Sur éxtoc ei f, V. supra. — L'expression élu ñ — « Je préfère », sans 
adverbe de comparaison (xiv, 19), est rare sans doute, m mais se rencontre dans 
le classique et les papyrus (v. comm. ad loc.). 

YŸ at-il des êv instrumentaux, à l’hébraïque? Peut-être un (vi, 21, &v d6ôw), 
mais pareille expression n'était pas réprouvée; quant au ëv ôutiv de vr, 2, il faut 
y voir une expression « forensique », c'est-à-dire du langage des tribunaux 
(v. comm. ad loc.). 

La solennelle négation où u#, si fréquente dans le N. T., se lit une fois, 
vi, 13, suivie régulièrement de l’aoriste subjonctif. 

Le futur indicatif après îva se lit deux fois, 1x, 18 îva...Oiow et x, 3, va 
xaubfooumt. Cette irrégularité n’est pas très rare dans le N. T. et se retrouve 
en des papyrus (Hoult.-MiT. citent P. Oxyr. vil, 10685, n° s., elva ot mhoïov 
Gtanéuberu); mais Paul ne se la permet qu'aux deux passages susdits, contre 
45 autres où l'usage est régulier. Seulement, 1v, 6, nous lisons, ce qui est bien 
pire, un présent indicatif (va un œuoudote), cfr. Gal. 1v, 17, va Emhoüre. Rader- 
macher (« Neut. Grammatik », pp. 37 et 67) y verrait un résultat de la con- 
fusion de son entre ov-0-w, qui s'affirme vers le int s. de notre ère. Alors 
serait-ce une erreur de scribe généralisée ? 

Une singularité, non fautive d’ailleurs, et qui n’est pas propre à cette épître, 
mais s'y rencontre plus que dans les autres (au moins six ou sept lois), c'est 
l'emploi de la particule #, sans disjonction apparente d'avec la phrase précé- 
dente, en tête de propositions interrogatives. C'est du style de conversation 
animée, et on peut l'expliquer par un nérepov sous-entendu : « [Est-ce que 
vous êtes de mon avis], ou bien est-ce que...? » On trouve du reste la même 
chose dans omère, Platon, al. 


CHAPITRE V. LXI 


… Sémitismes. — En plus de x. uiuv 6466., certains emplois de ei ont été notés 
comme des sémitismes (b). Cela ne fait point de doute quand on a affaire avec 
une citation des LXX, comme uh ...rüca, à 1, 29, ou xv, 45, éyévero 6 ...vôpomos 
… etc duyhv Cüouv, où vi, 16, of So els cäpxx piav. Mais on retrouve directement 
une fois cette tournure sous la plume de Paul, 1v, 3 êuot eic SAgyiotov éorw, où 
les classiques n'auraient pas écrit ei (cfr. Rom. 11, 26, 1x, 8, avec hoytf:oôs1); 
mais « la délimitation est parfois malaisée à faire entre la tournure hébraïque’ 
et ei final » grec (Abel, p. 166). Aussi n'aflirmerions-nous pas que ce soit 
un sémitisme. — Au ch. 1v, 1, &vôpwros pour signifier « on », « chacun », pourrait 
répondre à l’hébreu un (cfr. vir, 26, x1, 28; Gal. vr, 7; mais non, contre 
Preuschen-Bauer, les passages de Mat. xvr, 26, Rom. 111, 28 ou Jac. 11, 24, 
où l’idée se porte sur l'humanité). 

Tout compte fait, la grammaire de I Cor. ne donne pas une autre impression, 
au point de vue de la grécité, que le vocabulaire. * 


III. Style. 


Malgré la variété des matières qu'elle traite, l'Épître I aux Corinthiens est 
la mieux composée parmi les lettres de Paul — ce qui n'est pas un mince 
argument en faveur de son unité (voir ch. suivant). Le principe de la division 
des sujets est matériel sans doute; mais nous avons vu, d'autre part, comme 
toutes les idées particulières se ramènent à une seule idée suprême, la com- 
munauté de vie avec le Christ, dont l'épanouissement éternel est célébré au 
ch. xv, le dernier avant l'Epilogue. Aïnsi le développement se déroule d'une 
manière très logique et pleine d'’ampleur : « Sagesse » de la Croix, qui doit 
diriger la vie du croyant; — lumière qu'elle projette sur toutes les obligations 
de la vie, privée ou publique; — terme où elle nous conduira quard toutes les 
luttes seront achevées. Saint Thomas d’Aquin, dans son commentaire, a même 
noté le groupement — effectif, mais douteusement intentionnel — d'une triple 
série des développements autour du baptême (chapitres sur la Sagesse), du 
mariage (de v à vu), et de l'Æucharistie (idolothytes, charismes), pour aboutir 
à la Résurrection. 

Dans ces cadres, les instructions se classent d’une manière ordonnée et 
tranquille; cela n'exclut pas la vivacité dans le passag'e de l'une à l’autre; voir, 
par exemple, entre les chapitres rv et v (comm. ad loc.) comment les menaces 
qui terminent le premier préparent aux graves remontrances du suivant, Mais 
à l'intérieur de chacun des morceaux, qui sont finis en eux-mêmes et bien 
nettement séparés, Paul, sans souci d'ordre didactique, se laisse aller aux élans 
tendres ou impétueux de son cœur, à La spontanéité d'une verve parfois indignée 
ou ironique, — toujours surveillée cependant, dans une maitrise de sa parole 
qui lui permet de changer de ton sitôt qu'il le veut. Rien n'est moins monotone 
que cette lecture, ct tous les critiques littéraires dignes de ce nom admireront 
surtout l’art, étranger à toute recette artilicielle de rhétorique, avec lequel 
l'Apôtre, s'élevant d’un coup d’aile subit au-dessus du terrain des discussions 
pratiques, plonge dans le ciel de la plus sereine contemplation. Le chap. xur 
et cerlaines partics de xv sont très remarquables à cet égard. 


LXII INTRODUCTION. 


11 le fait toutefois sans jamais perdre de vue l'objet précis qu'il doit traiter. 
Ses « digressions » les plus inattendues, ainsi sa revendication de « liberté » et. 
son recours aux exemples de l'Ancien Testament, qui interrompent une discus- 
sion sur les idolothytes aux chapitres rx et x, ou bien son « hymne à la charité » 
du ch. xux au milieu de l'instruction sur les charismes, — restent unies à tout 
ce qui les entoure par le lien le plus étroit de logique interne; mais ce lien 
n'apparaît qu’à la fin, quand on voit l’auteur, qui avait presque eu l'air de 
s'égarer, redescendre de la façon la plus aisée, la moins abrupte, au sujet local 
et précis qu'il avait paru oublier, et qui va se retrouver désormais, par cette 
digression même, éclairé dans toutes ses complications et ses profondeurs. Ce 
sont procédés de grand maître. une logique où rien ne rappelle les lisières des 
écoles, mais qui est transcendante et libre comme l'Esprit; celui-ci souffle où 
il veut, mais, avec ses détours apparents, entraîne toujours droit au but. 

Les transitions entre morceaux ou fragments de morceaux sont toujours 
d'ailleurs assez sensibles (dès lors qu'on entre dans le mouvement de l'âme de 
Paul), pour écarter tout soupçon de désordre dans la pensée, — ainsi que 
toutes ces théories de déplacements ou de mélange de lettres diverses que 
-certains critiques ont crues éclairantes (v. chap. suivant). Le passage entre 
la question des idolothytes (ch. x) et celles des réunions de culte (xr-ss.) se fait 
très naturellement par une louange un peu ironique sur la fidélité que mettent 
les Corinthiens à suivre les traditions enseignées par leur Apôtre, qui doit leur 
apprendre à imiter le Christ. L'hymne à la charité (ch. xiu), est introduit 
comme sous couleur de révéler aux amateurs de charismes un don spirituel 
bien meilleur que tous les autres, et auquel ils ne pensent pas. Et de pareils 
exemples de finesse spontanée abondent, où un esprit trop géométrique ou 
scolastique ne verrait d'abord que sautes d'idées. 

Insistons sur ce point; car des analyses sommaires et superficielles ont, à 
quelques critiques en vue, donné lieu d'opérer en notre épître des dépècements 
dont nous aurons à juger bientôt. Il est surtout un procédé de Paul — instinctif 
ou calculé — qu'ils n’ont pas su saisir. On prétendra ainsi que dans certaines 
questions, comme celle des idolothytes, l'Apôtre se place successivement à des 
points de vue si différents, ou même opposés, que les divers morceaux 
ne pourraient faire partie d’une même lettre, écrite en un temps unique et dans 
le même ensemble de circonstances. Il n’en est rien. 

Le fait est plutôt que Paul, dans ses discussions et ses exposés, lorsqu'il doit 
opérer un grand redressement, avec une réserve qui n'effraie pas le contradic- 
teur, commence par quelque vérité ou quelque règle très générale qu’on ne peut 
se dispenser d'admettre; au besoin le redresseur habile abondera dans le sens 
de l’autre {« tout m'est permis »), ou paraîtra tolérer ses usages. Ainsi il investit 
la position à emporter, entraîne sans le brusquer l’autre à sa suite, puis, quand 
cette espèce de jeu a dû produire son effet, Paul démasque tout à coup ses 
batteries, et frappe les coups décisifs. En isolant une phrase ici, une autre là, 
on aurait cru pouvoir mettre l’auteur en contradiction avec lui-même. Mais ce 
n'était qu'une marche dialectique raffinée, le progrès sûr et subtil d'une pensée 
qui ne devait éclater qu’à la fia dans toute sa force. C'est ainsi qu'il faut 
comprendre notamment la tolérance que Paul semble d'abord avoir pour 
l'exercice public de la prophétie par les femmes, à qui, au ch. x1, il ne reproche 


En 


D “he CE 


va 


p] 


1 


CHAPIRE V. LXIIX 


rien que de s’y livrer en attitude trop mondaine, pour en venir, au ch. xrv, à la 
leur interdire absolument; ou, plus frappant encore, l'interdiction des repas 
dans les temples, dont le chap. vnr ne signale que l'inconvénient qu'ils ont pour 
la conscience d'autrui, pour des frères mal éclairés, mais qui seront dénoncés 
au ch. x comme une apostasie, une participation à la table des démons qui rend 
impossible de s'approcher de la table du Seigneur! Ce ne sont pas des points 
de vue opposés, mais un ordre de considérations qui montent äu relatif à 
l'absolu. — Aüïlleurs c’est une marche inverse que nous pourrons constater : 
d'abord un violent coup de vent qui disperse les nuages, puis le soleil qui monte 
dans une atmosphère épurée; c'est l’écrasement impitoyable de la « sagesse du 
monde » (r, 18-11, 5), pour que les regards confondus des imparfaits, humiliés 
de la sorte, se lèvent ensuite vers la promesse bien plus brillante de la « sagesse 
de Dieu ». ‘ 

Nous voyons comme ces procédés sont habiles et saisissants. Les plus notables 
sont le renforcement progressif et le contraste. 

De bonnes études ont été faites sur l’art de Paul écrivain, et la ['° aux Corin- 
thiens, avec sa variété de sujets et de ton, offre peut-être à ce genre de recher- 
ches une matière plus ample que toutes les autres. Il faut admettre que Paul était 
très conscient de ses moyens, même de ses moyens d'artiste de la parole. Non 
pas qu’il ait jamais cherché à imiter les rhéteurs d'Asie, alors en vogue, ainsi que 
Blass en avait émis le paradoxe. Mais nous concéderons, en prenant les termes du 
P. Lagrange, « qu'il a cherché parfois. à s'exprimer d'une manière ingénieuse 
pour frapper plus vivement les esprits » (« Ep. aux Romains », Inr. ch. v, 2]. 
On peut bien croire, avec Joh. Weiss (« Urchristentum », 1917, p. 303, al.) que 
tout n'était pas chez lui improvisé dans le feu de l’éloquence. Certains morceaux, 
tels qu’on en trouve dans l’exaltation de la « folie de la Croix » et de la Sagesse 
de Dieu aux premiers chapitres, ou dans la contemplation des fins dernières au 
ch. xv, avaient dû être longuement müris au milieu des méditations et des 
travaux de l’'Apôtre; peut-être, dans ses discours, les avait-il déjà produits à 
l'état d'ébauches qui s'étaient graduellement perfectionnées, avant d'acquérir 
cette concentration, cette plénitude, cette vigueur sentencieuse que l'on admire 
dans sa lettre. L'habitude du « style oral » acquise dans les écoles de rabbins, 
avait pu aider à ce travail, et le faire aboutir à ces formes arrêtées, souvent 
rythmiques, qui permettent d'organiser ces morceaux en espèces de strophes. 
Ajoutons cependant que l'enthousiasme, comme il arrive chez des natures 
ardentes et portées au lyrisme, parmi les Sémites surtout, a pu quelquefois 
suppléer aussi au manque d'élaboration antérieure; nous sommes portés à le 
croire pour ce qui concerne le ch. xxx (v. comm. ad Loc.). 

Pour serrer les choses de plus près, on peut recourir aux études auxquelles je 
faisais allusion. Nommons celles du P. Lagrange, dans son Introduction à l'Épitre 
aux Romains, ch. v, $$ 4 et 2; les conclusions en sont, sur beaucoup de points, 
applicables à notre épître. Jo. Weiss, dans son commentaire, ses « Deiträge zur 
paulinischen Rhetorik » (1), et dans l'ouvrage posthume « Das Urchristentum », 
Lux, ch, xut, a beaucoup de pénétrantes observations mêlées à des vues moins 


(1) Joh. WEIss, Deilr. sur paulinischen Rhetorik, T'estschrift für Bernhard VWoiss, 
Güllingen 1897). 


LXIV | INTRODUCTION. 


exactes de « Literarkritiker ». Une étude fort utile par sa précision, — certaine- 
ment l'écrit le plus solide de celui qui devait être un leader de l’école de la « Form- 
geschichte » — est due à À. Bultmann, « Der Stil der paulinischen Predigt 
und die kynisch-stoische Diatribe », 1910. Wendland, Deissmann, Norden, 
ont aussi contribué à éclaircir cette matière. Nous nous inspirerons selon l’oc- 
currence des uns et des autres en notre essai d'analyse, 


Ce style ressemble tout spécialement à celui des autres « Grandes Épitres », 
Il Cor., Gal. et Rom. Deux caractères cependant l'en distinguent. Il n'est pas 
continuellement ému et passionné comme presque toutes les pages de IL Cor. et 
de Gal.; les passages véhéments, ironiques ou lyriques, qui n’y manquent point 
“paraissent plus prévus et plus calculés que dans ces Epîtres, et surtout ils y 
tiennent moins de place. D'autre part, notre lettre n'étant pas didactique à la 
façon de Rom. ilnes "y rencontre pas de ces exposés trop chargés, où tous les 
mots, dont chacun condense une thèse, se pressent et s’étouffent pour ainsi dire, 
où chaque idée, exprimée trop brièvement, exige une réflexion aiguisée pour 
qu'on en voie la portée et le lien qui l'unit aux autres, en sorte que le lecteur 
moderne s'arrête devant les obscurités multipliées; c'est un aspect partiel du 
style paulinien dont il y a des spécimens par exemple Rom. ur, 21 suivants, et 
qui dominera dans l'Épitre aux Ephésiens. Notre épître, en somme, est très 
claire, la plus claire de toutes les lettres de Paul, celle qu'il s’est donné sans 
doute le plus de loisir pour dicter et qui renferme le moins d'irrégularités de 
tout genre. Elle court avec la même aisance, seulement moins d'abandon intime, 
que l Épitre aux Philippiens. Les difficultés n’y résultent guère que de certaines 
allusions à des contingences ignorées de nous, et qu'il nous faut découvrir par 
induction. 

C'est une conversation continue, dont le ton ne cesse d'être vif et alerte; les 
passages de gravité solennelle, comme le paradoxe de la Croix, la condamnation 
de l'incestueux, la menace du feu au ch. r1r, l'évocation de la vacuité des choses 
temporelles au ch. vrr, 29-31, l'hymne à la charité, le récit de la Cène, les 
prédictions eschatologiques, sont tous si bien enchâssés dans la trame qu'ils ne 
rompent pas l'allure générale. 

Ainsi que pour les épitres de la même période, deux influences sont percep- 
tibles dans ce style : celle des antécédents judaïques du disciple des rabbins, et 
celle de la « diatribè » cynico-stoïcienne. La seconde est bien plus marquée que 
l'autre, comme Bultmann l'a démontré. Saint Paul, qui ne pouvait manquer 
de connaître la diatribe, en a suivi les procédés, au moins instinctivement, 
dans ses exposés en général. Ce n'est pas en disciple qu'il l'a fait, mais en 
maître du genre. 

Ne cessant d’interpeller directement, comme il convient dans une vraie lettre, 
des lecteurs qu'il connaît bien, Paul « réalise » tellement la situation qu'il presse 
de questions à maintes reprises des interlocuteurs qu il campe devant Jui comme 
en chair et en os. De là cette bonne douzaine de oùx oïôare deu... ré otôas et de 
ré, ml qhp, té ên, ti oëv, Giù ri (plus nombreux cependant encore Rom.}, qui.donnent 
tant de mouvement à ses exposés d'instruction, mais dont il s'abstient dans les 


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CHAPITRE V. LXV 


notices personnelles, comme celles du chap. xvi. De là encore l'absence de 
périodes, comme en toute conversation animée (ce qui n'est pas un signe de 
« sémitisme »), remplacées cependant moins qu'ailleurs par cette complication 
de pronoms relatifs qui se multiplient parfois chez Paul, au détriment de 
l'élégance et de la clarté, quand ses idées se pressent et qu'il ne veut laisser 
aucune nuance inexprimée. Au reste, l'abondance de l'expression ‘est remar- 
quable : listes de substantifs désignant des personnes (rr1, 22), des vices 
(v, 16; vr, 3 ss.), etc. L'écrivain recherche souvent l’assonance, et jusqu’à de 
vraies rimes, dans ces énumérations, quitte à choisir pour cela quelque mot 
rare ou moins correct (ainsi xv, 39, wrnvôv pour répondre à xrnvüv). C’est encore 
une multiplication de petites questions brèves, compactes, toutes pareilles, un 
vrai tir de batterie contre une muraille (vr, 2-4; 1x, 4, al.). Souvent des phrases 
parallèles commencent par le même mot (ce qu'on appelle « anaphore », x-r1r, 9), 
ou se terminent de même façon {« épiphore », vir, 42-13, al.). Paul était 
certainement rompu à tous ces procédés, qui sont parmi les plus efficaces dont 
usait la diatribe pour soutenir l'attention, et ils devaient être aussi fréquents 
dans ses discours que dans ses dictées aux secrétaires. Une fois que les résis- 
tances réelles ou présumées lui semblent devoir être tout à fait ébranlées ou 
réduites, une sentence bien frappée clôt la discussion (rv, 20, par exemple), 
et les conclusions revêtent d’ordinaire un ton d'ardeur entraînante, (ainsi, 21-23), 
ou se changent en questions triomphales (xv, 55). 

Ce sont là des procédés de diatribe, mais portés à leur perfection par un 
écrivain — nous dirions mieux « un orateur » — très original. Beaucoup 
d'expressions de Paul sont celles qui étaient consacrées dans ce genre de 
discours, ainsi les tournures de transition, comme sl oùv, vi @p, Giù vobro, Aoutév, 
0e, les oûdév éoruv (vir, 19), les uh yévouro (vr, 15; Rom. 9 fois, Gal. 2 fois), 
ré Opelos, dpehov, H6ekov, etc. Voir encore l’usage des impératifs (x, 6), parfois 
ironiques (xaôl£ere, vi, 4), après une supposition, ou une question. L'ambiance 
grecque a donc fortemeet agi sur le style de Paul. On le sent encore aux con- 
ventions épistolaires qui s'imposent à lui (Jok. Weiss), par exemple dès les 
premières lignes à la « captatio benevolentiae » par où il doit ouvrir une lettre 
qui ne sera rien moins qu'une épître de louanges. 

Tous ces procédés sont vivifiés et garantis de « schématisme » par la finesse 
et le génie. Paul met sur tous sa marque individuelle; rien de moins banal, 
par exemple, que la manière déjà pleine d’avertissements dont il « capte la 
bienveillance » au début (v. comment., à 1, 1. m). | 

Son goût du parallélisme, dû en partie à son éducation juive, se fait partout 
sentir. Au fond, toute cette pensée fougueuse est très ordonnée, nous l'avons 
dit, et ramenée à une souveraine unité par en haut; dès qu'il descend aux 
applications, — et cela est très vivant et très dramatique en même temps que 
très simple, mais d'une simplicité qu'il n'est pas donné à tous d'atteindre, — 
elle s'ordonne par paires de concepts : liberté et servitude, vie et mort, chair et 
esprit, sagesse de l'homme et sagesse de Dieu. Ses « paradoxes », son « ren- 
versement des valeurs », sont bien plus radicaux et saisissants que ceux des 
stoïciens, qui restaient dans l’ordre cosmique et humain, tandis que Paul plonge 


dans l'Absolu, en Dieu. De là vient que son parallélisme est en général 
antithetique. 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS. 


LXVI INTRODUCTION. 


Les auteurs et orateurs grecs avaient, au moins depuis Héraclite {Worden), 
pris le goût de l'antithèse, ce en quoi rivalisait avec eux le Judaïsme postérieur, 
avec sa hantise apocalyptique des « Deux siècles », des deux « Eons ». Paul y 
était donc naturellement porté aussi par son milieu; mais, ce qui a donné plus 
que tout cette tournure à son esprit, c'est l'expérience de Damas, le retourne- 
ment de toutes ses convictions changées d’un coup en leur contraire (v. infra, 
Exc. 11. Nous ne devons donc point tant parler ici de procédé littéraire que 
d'un instinct essentiel de son âme. 

Chez lui, du reste, une harmonie supérieure, celle du plan de Dieu, concilie 
tous les contrastes. Tout le mal. que l'homme et le diable ont pu faire trouve, 
du côté de Dieu, le remède correspondant. D'où le parallélisme antithétique 
entre le « premier homme » et « l'homme céleste », l'œuvre d'Adam et l'œuvre 
du Christ (ch. xv: cfr. Rom. v). Il ÿ a là une philosophie divine de l’histoire 
passée, présente et future. Car saint Paul est véritablement un philosophe, par 
le secret qu'il possède de ramener toutes ses idées à l'unité, et l'on comprend 
l'exclamation enthousiaste et juste de saint Augustin {(« Contra Academicos » 
n, 2,5): « Tanta se mihi philosophiae facies aperuit! » Maïs cette philosophie 
n'est pas celle du £v => räv, plus ou moins inspirée d'Héraclite ou de l'Orphisme, 
qu'a voulu y voir Leisegang (1). La « structure spirituelle » de Paul, sa « forme 
intérieure » n'est pas due à des habitudes intellectuelles prises chez les Grecs, 
mais à l'histoire de sa conversion. Sa logique, si elle n’est certes pas celle d'une 
nécessité héraclitéenne a priori, qui ferait que chaque chose ou chaque événement 
entraine la production de son contraire, n’est point davantage celle d’une 
« substitution » du divin à l'humain, de l'éternel au devenir, du nvedua à la 
dy, etc. I] ne raisonne pas sur une nécessité cosmique, et sa logique est 
parfaitement conciliable avec l'ordinaire, celle d’Aristote; il pose deux com- 
mencements qui sont d'ordres divers, et dont le premier n'entraînait pas le 
second; le processus surnaturel réparateur n’est l'effet que d'un vouloir absolu- 
ment libre de la miséricorde divine, qui en a adapté les phases à la guérison 

progressive de la nature blessée; mais rien n'obligeait Dieu à faire que « lafin 
répondit au commencement ». Dans cette antithèse et cette synthèse, rien 
ne provient de la pensée païenne, qu'elle soit « iranienne » selon Reitzenstein, 
ou qu'elle soit helléno-gnostique. Le meilleur qu'ait dit là-dessus Leisegang, 
(sans voir cependant la juste portée de sa propre assertion), est cette phrase : 
« On ne comprend pas Paul par des parallèles, parce qu'il est sans parallèles » 
(« P. als Denker », p. 25;, — entendons : en dehors de la Révélation biblique 
et évangélique. Nous verrons {exc. V) que la terminologie elle-même, les mots 
de « pneuma », « pneumatique », « psychique », etc., ne décèlent aucune affinité 
avec la mystique du paganisme. Ses anthithèses sont donc bien à lui, ou plutôt 
elles sont celles sur lesquelles l'Eglise a vécu dés le commencement; muis nul 
n'a tant aimé à les exprimer, et ne l'a fait avec une force comparable. Le style 
de Ï Cor. en est la preuve. 

Ce parallélisme continu n'est d'ailleurs pas toujours antithétique riroureuse- 
ment: on rencontrerait des cas où il est «synthétique », en des suites assez 
longu. de propositions, comme par exemple 1x, 19-22, Ce qui répugne au 


4, Gr: .'rostel Pautu: als Denker. 


CIADITRE V. LXVRI 


style rapide de Paul, comme au génie grec, c'est (excepté peu de passages où il 
est très expressif, comme Xv, 50) le parallélisme « synonymique », ces redites 
de la même pensée sous plusieurs formes, où se complaisait le « style oral » des 
Sémites. Mème en son parallélisme, Paul montre donc plus d’affinité avec les 
Grecs; il se distingue bien des auteurs helléniques par une certaine « raideur 
dans la répétition » des mêmes mots (Lagrange, « Romains », Ixr. ch. v, 2), ainsi 
1, 27-58. où en trois phrases est répété trois fois à la même place 25:1#%ur0 6 6e5ç; 
mais nous nous demandons si cela est bien attribuable à une « complète insou- 
ciance de la correction du style », comme aurait dit Renan, ou plutôt au sentiment 
très psychologique qu'on enfonce mieux une idée dans les esprits en frappant les 
oreilles des mêmes syllabes. Peu importait certainement à Paul que ce procédé 
fût contraire au goût des écoles. Son « goût », à lui, était à n'en pas douter de 
marquer le rythme fortement aussi bien dans l'agencement de développements 
d'une certaine étendue que dans la succession d'idées et de phrases particulières. 
Le commentaire nous pérmettra de relever une singulière identité de structure 
entre plusieurs sections de notre épiître. De là vient la facilité — un peu trop 
grande — avec laquelle des traducteurs cherchent à mettre les épitres en 
strophes, avec « responsio », « inclusio ». Cette régularité, étendue à des 
exposés ou discussions très amples, comme aux idées de détail, répondait à la 
netteté des conceptions de l'Apôtre. J. Weiss a pu relever beaucoup d'exemples 
de schémas de développement en: a b c— c b a. Un exemple très caractéris- 
tique, où la structure est, « presque raffinée », se trouve ch. 1x, 19-22 {o 
Urchrist, p. 310); non seulement le schéma est strictement suivi, et l'idée géné- 
rale « du début reprise à la fin, encadrant les applications particulières, mais 
deux parenthèses, qui font antithèse entre elles, sont intercalées à des places 
absolument symétriques, dans les versets 20 et 21. On ne peut nier devant de 
pareils faits l'intention constructive, nous pourrions dire : artistique. — Cepen- 
dant Paul reste si loin de se faire captif de ses procédés, qu'il rompt ces contex- 
tures en y intercalant toutes les remarques et explications utiles que la 
réflexion ou l'inspiration lui suggèrent pendant qu'il dicte: voir par exemple 
x, 6-10, xur, 4-6, xv 56, al. (Bultmann). 

Les critiques, et Bulémann en particulier, notent encore plus d'un « moyen 
rhétorique » — si l'on pouvait parler de « rhétorique » quand il s'agit de Paul! — 
qui est employé dans cette lettre : une espèce d’ « 2nelusio » (ou suurhoxi), pour 
l'idée sinon exactement pour le mot, ainsi vu, 20-24, 1x, 19-22: la répétition 
de mots à grand effet, comme copla, nvebux, dydrn, ouvelônon, al. : après quelques 
phrases générales, les digressions personnelles et les éloquentes apostrophe 
l'ironie, parlois si pénétrante, comme au ch. 1v, S-suivants: los antlogses, 
1X, 7, XIV, 7-88, xv, 36-s, cte., l'appel aux constatations d'expérience, ou 
au bon sens des lecteurs, x1, LA4-s. x, 15; la réduetion à l'absurde, à, 4. 1h, Vi, 4 
(v. comm, ad loc); l'appol aux autorités bibliques ou dvangéliques, los citations, 
sacrées où même profanes, commo xv, 33. 


+ 
St 


n L se DIT L I Ê Cv" ] l l 
En tous ces procédés, il y a de Part, du grand art parfois, mais si spontané 
el Si nalurol qu'on a peine, dans la plupart des vas, à lo croire prémédité 
1 . n . . . | ° 
Gelte allure si souple, si vivante, at Jamais monolons comme lo dovonaiont 
facilement chez 168 Sémites lours borcouses de « style oral », montre quo Paul 
. , . . + . ù Li 
indépendamment do os dons do nature ot spiration, & plus appris, comme 


EXVIII INTRODUCTION. 


dit Bultmann, des Grecs que des Juifs. Nous croyons que la part du secrétaire, 
quel qu'il fût, n'y est pas sensible; car tout ce mouvement est trop personnel. 
L'influence précise de l'éducation Judaïque qu'avait reçue Saul l'adolescent 
ne se révèle guère dans la forme, elle a pu seulement fortifier son goût de 
l’antithèse et des parallèles; elle a pu aussi lui enlever les scrupules pour 
certaines répétitions littérales (v. supra) qui sont d'ailleurs de mots et non 
d'idées purement équivalentes; et c’est à elle certainement qu'il faut attribuer 
l'habitude paulinienne, marquée dans [ Cor. comme ailleurs, d'amener des 
citations comme preuves. Mais nous traiterons à part ce dernier point. De plus, 
les argumentations a majori ad minus (en voir des types surtout 1x, 8-12) ont 
une couleur assez franchement rabbinique. 


‘Tout ce qui vient d’être dit concerne la forme et l'allure du style, ainsi que 
la manière d'argumenter. Si nous passons à ce qu'on pourrait appeler le 
« matériel » ou les « matériaux » de ce style, c'est-à-dire notamment au choix 
des images, il faut reconnaître que l'originalité de l’Apôtre ne s'y révèle qu'à 
un moindre degré. Paul ne semble pas s'être soucié de développer ses dons, 
s’il en avait, d'invention imaginative. [1 appartient à un type combiné d'intel- 
lectuel et d'homme d'action, que les émotions de la nature et du monde matériel 
des sons et des couleurs, l'esthétique proprement dite, touchent peu. Il a 
‘certainement du goût et de l'oreille, de la promptitude et de la justesse de vue, 
surtout pour les spectacles de mouvement, mais ce n’est pas à proprement 
parler un poète. Nulle part on ne trouve chez lui ces notes fraîches, ces 
impressions de nature si profondes et savoureuses dans leurs indications dis- 
crètes, qui font dans l'Évangile l’un des charmes de la prédication du Maître, 
l'Homme parfait. Paul peut s'élever, et cette Épître le prouve bien, à la hau- 
teur d'un sublime lyrisme (voir ch. 1-rr, ch. xnx, ch. xv), mais ce n’est que par 
l'idée et le sentiment humains; les images, quoique souvent très fortes et très 
éxpressives, ne sont là que pour leur servir de véhicule. Ainsi il est frapvant, 
èt Bultmann en fait la remarque, qu'un homme qui avait tant voyagé sur mer 
n'ait pour ainsi dire pas, dans toute sa correspondance, une seule figure 
empruntée aux majestueux spectacles de l'Océan, comme il l’est encore, dans un 
ordre moins relevé, que ce valétudinaire, si attaché à Luc son médecin (Col. 
iv, 44), ne parle jamais d’art médical. 

Paul se contentait en effet du bien commun et impersonnel d'images simnles 
que lui fournissait la Bible, ou qui étaient le plus couramment exploitées dans 
la « diatribe ». Ses élans mystiques eux-mêmes ne le portent pas à chercher 
quelque chose de plus haut et de plus varié; car c'est avant tout un orateur 
d'action, d’« affaires » pourrait-on dire, et, comme il est toujours « direct », 
il s’en tient à ce qui peut illustrer le plus directement une pensée pour des 
auditeurs et des lecteurs « moyens »; il est vrai qu’on pourrait apprécier de la 
même façon un Démosthène, à qui, sous certains aspects d'humanité extérieure, 
Paul ressemble! 

Le domaine où il puise reste donc toujours celui de l'existence quotidienne. 
Ce seront les âges de la vie, les relations de famille, la nourriture : père et 
enfant, poupon (virus), et homme adulte (rékewc), lait ct alimentation solide, 
esclave et maître, économe, maison, etc. [1 a une prédilection marquée pour 


CHAPITRE V. LXIX 


les spectacles de la rue ou des lieux de réunion des grandes cités; les concours, 
les athlètes, les pugilistes, la proclamation des hérauts, ailleurs les armes et 
les défilés militaires, les concerts de musique, les métiers et surtout celui du 
bâtiment, temple, bâtisse, fondements, architecte, etc. On pourrait croire 
qu'il a voulu se mettre, avec grande condescendance, à la portée du « badaud » 
grec. Et jamais aucune somptuosité de description, pas d'amplification pitto- 
resque ou dramatique; sa puissance de personnification dramatique, qui était 
merveilleuse, il la réserve aux grandes puissances de l’ordre invisible et moral, 
le Péché, la Mort, la Sagesse, la Charité. Il aime aussi employer des termes 
de droit et d’alfaires, salaire, prix des marchandises, sceau; et ainsi de suite. 
Parfois il cherchera ses métaphores dans la vie des champs, ysopytov, dumelw, 
planter, arroser, grain qui germe. Mais ce ne sont là que des lieux communs 
ne dénotant aucune observation ni impression personnelle {4}. C'est par une 
rencontre tout à fait exceptionnelle que Paul, au ch. xv, en vient à parler de la 
beauté des astres; encore le fait-il d’une façon très schématique, en vue d'une 
démonstration presque professorale. Et c'est lui cependant qui, dans l'Épitre 
aux Romains (vx, 19-22), personnifiant l’ensemble du Cosmos dans ses 
rapports avec l'humanité, a su prêter un accent si pathétique à ses millions de 
voix confuses. : 
En somme, Paul ne s'est servi que d'un répertoire traditionnel d'images, — 
dont il a su d’ailleurs tirer un très beau parti. C'était, pour la grande part, 
celui de la « Diatribe », qu'il n'a pas cherché à renouveler. Encore n’y a-t-il 
puisé que très modérément. Ainsi la diatribe affectionnait les « exemples » 
développés en récits. Paul n'en use pas, et ne fait point de descriptions psy= 
chologiques ou autres; il est trop pressé par sa pensée impétueuse pour vouloir 
amuser ses lecteurs par de l'humour. Ce qu'on trouvera chez lui de plus 
rapproché dans cette ligne, ce seront de simples « illustrations » des préceptes 
ou des défenses qu'il émet, par le rappel très bref, en forme de citations, 
d'événements de l'Ancien Testament dont l'issue évoque ce qui pourrait arriver 
aux Corinthiens relâchés ou vicieux (x, 1-11). Et il n'utilise ces souvenirs con- 
crets qu'en exégète théologique, qui veut uniquement en faire ressortir la 
valeur de « types »; c'est toujours le dialecticien qui parle. Nous n'irons pas 
toutelois conclure de là, avec Bulimann, que sa prédication orale devait être 
toute pareille, sous ce rapport, à une épître consacrée aux discussions et aux 
‘ordonnances pratiques, dans laquelle il ne pouvait guère se laisser aller au 
loisir des peintures; ni surtout qu'il n'y faisait point de récits étendus de la 
vie du Christ. 11 devait en faire, au contraire, qui étaient précis, détaillés, 
chaleureux, comme le fait croire une phrase fameuse de l'Épitre aux Galates 
(Gal. nr, 4), d'après laquelle « Jésus-Christ en croix a été dépeint », dressé, 
EXPOSÉ (rpocypépn) « sous leurs yeux », et comme l'insinue, pour Corinthe mème, 
plus d’un trait que nous relèverons dans le commentaire. Mais l'allure de sa 
lettre ne se prétait pas à cela et Paul ne l'estimait pas nécessaire, car ses 


(1) IL est faux cependant de croire qu'il se soit jamais montré ignorant ou maladroit dans 
ses comparaisons rustiques. On le lui à reproché à propos de l'image de la grefe 
(Rom. x1, 17-ss.). Mais le Prof. S. Linde d'Upsal a décrit la mélhodo, usitéo en Palestine 
et en Grèce, de rajeunir les vicux olivicrs par l'insertion do branches d'olivier sauvage 
(Palästina Jahrbuch xxvr, pp. 40-suiv.; voir Staflelbach, « Die Vereinigung », p. 109). 


BXX INTRODUCTION. 


néophytes ne pouvaient l'avoir oublié; c'est seulement pour le récit de la 
Cène, si impressionnant dans sa concision (ch. xr), et celui des apparitions du 
Ressuscité (ch. xv), qu'il a dû leur remettre des faits précis en mémoire. 

L'Apôtre s'éloigne donc sur ce point-là des procédés d'Épictète ou autres 
instructeurs grecs familiers de son époque; mais il s'écarte encore plus de 
l'habitude des rabbins, et de toutes les amplifications de la « haggada ». Rien 
ehez lui ne rappelle les « paraboles », soit juives, soit même évangéliques. 
Car on ne saurait décorer de ce nom la comparaison, seulement indiquée, du 
grain qui pourrit en terre avant de revivre en épi (ch. xv), ou celle du coureur 
et du boxeur (ch. 1x), ni celle du corps du Christ, l'Église, avec le corps humain 
muni de tous ses membres, solidaires entre eux (ch. x). Ce n’est encore là 
qu'un lieu commun, qui courait le monde déjà sans doute avant l’apologue de 
Ménénius Agrippa, et qui sert à exposer ou à démontrer, pas le moins du 
monde à captiver l'attention des lecteurs par son charme ingénieux (v. comm. 
ad loc.). Il n'y a là que des types, non des individus, non de la vie en relief et 
en couleur. 

Et cependant comme cet intellectuel, ce théologien, ce perpétuel raisonneur 
est loin d'être sec! Quel souffle de vie divine, de conviction généreuse, de 
sensibilité tour à tour impétueuse, ironique, attendrie, entraîne dans un mou- 
vement d'émotion personnelle, profonde, communicative, tous les raisonne- 
ments et tous les lieux communs! Et quel pathétique ou quelle sublimité de 
lyrisme quand l'Apôtre parle de la Croix, de la primauté de l'amour, de la 
victoire sur la mort! « Le cœur de Paul, c'est le cœur du Christ », disait 
saint Chrysostome. D'ailleurs ce n’est pas quelque écrivain religieux, c'est un 
philologue, et uün philologue sévère à l'excès pour la « grécité » de Paul, 
Eduard Norden, qui a écrit (à propos de T Cor. xnr comme de Rom. vir, 31- 
suiv.) : « Ces deux hymnes ont rendu à la langue grecque ce qu'elle avait 
perdu depuis des siècles, la profondeur et l'enthousiasme de l'épopte... Comme 
ce langage du cœur doit avoir pénétré dans les âmes d'hommes qui étaient 
habitués à tendre l'oreille à la niaise faconde des sophistes! {« Die griechische 
Kunstprosa », p. 509); et Norden, dans son admiration d'humaniste, va jusqu’à 
faire des rapprochements, bien inadéquats, avec Platon et Cléanthe. C’est 
Wilamowitz qui dit à peu près la même chose de celui qu ‘il nomme « un 
elassique de l'hellénisme » : « Enfin, enfin voici quelqu'un qui de nouveau parle 
grec du fond d’une expérience vitale, fraiche et intime, qui est sa foi! » 
{« Kultur der Gegenwart», 1, 8, p. 159). Joh. Weiss, théologien libéral, approuve 
ces dires ainsi que devrait le faire tout homme qui sait lire Paul, même sans 
saisir tout ce qu’il a reçu de divin, et qui n’est pas dénué de sentiment profond; 
comme l'est tel fantaisiste littéraire ou tel plat grugeur de textes que ces 
dernières années ont produits. 


Autorités et citations dans la Première aux Corinthiens. 


Saint Paul doit à sa formation partiellement juive, comme à sa qualité 
d’« économe » des mystères de Dieu (1v, 4) contenus dans une tradition immuable, 
l'habitude de recourir fréquemment à l'autorité. Il y a celle de Dieu dans les 
Écritures, et l'enseignement du Seigneur. 


CHAPITRE V. LXXI 


Tradition évangélique. — Aucun des évangiles canoniques, — pas même celui 
de saint Matthieu, au moins dans sa forme grecque, — n'était encore rédigé; 
il pouvait cependant circuler par écrit bien des récits partiels de la vie du 
Seigneur (cfr. Luc, 1, 1-s.), et l’enseignement oral s'attachait partout à la faire 
connaître dans son intégrité. Il n'y a nulle raison de croire, nous l'avons dit 
contre les libéraux et les syncrétistes, que celui de Paul aït fait exception, et 
qu'il se soit borné à un acte du Christ, fût-il le principal, sa mort volontaire et 
rédemptrice, suivie de sa résurrection; car la Passion et Pâques ne prenaient 
leur sens que pour qui connaissait Celui qui avait subi la mort pour en être 
vainqueur. À la doctrine nouvelle aucun autre fondement ne pouvait être posé 
que le Christ (ur, 11); et c'était un Christ qu'il fallait £riter (xx, 1 cfr., 1v, 16), 
à l'exemple de son Apôtre, par conséquent connaître dans les manières d'agir 
de sa vie divine et humaine (cfr. Æom., xv, 3), 

On a remarqué que les instructions morales les plus ardentes, comme 
l'« hymne à la charité » du chapitre x, aux versets 4-7, paraissent ne faire 
autre chose que proposer en exemple les attitudes du Sauveur; en réalité, toute 
l'épître n'est qu'une invitation à les prendre pour idéal. Ce fait compense la 
rareté des appels explicites aux prescriptions de Jésus. Il en est trois cependant, 
qui sont tous d’une importance significative; le premier concerne l’indissolubilité 
du mariage (var, 10, cfr. Mat., v, 32, et parall.), le deuxième le droit de l’évan- 
géliste à vivre de la prédication (rx, 14, cfr. Mat., x, 10 et Luc, x, 7), et le 
troisième, le plus grave, c'est le récit de la Cène eucharistique au ch. xr (cfr. 
S'ynoptt.) avec l'ordre de la renouveler {1x, 24 et 25, cfr. Luc, xxxr, 19), 

Le récit des apparitions du Ressuscité au ch. xv, donné comme traditionnel 
(v. comm. ad loc.), concorde en partie avec la tradition des Évangiles et la 
complète. 

Mais il y a plus. L'application du Psaume arx (ex), 1, au Roi-Messie qu'est 
Jésus (xv, 25), c'est Jésus qui se l'était faite à lui-même, en face des pharisiens, 
durant la grande semaine (Mat., xxrr, 44, et parall.); la « foi qui transporte les 
montagnes » {xir1, 2) rappelle à la lettre Mat., xr, 21 et parall. ; la « trompette » 
du jugement {xv, 52 cfr. [| Thess., 1v, 16) est mentionnée dans l'« Apocalypse 
synoptique », Mat., xxiv, 31. Selon toute probabilité, ce sont là des réminis- 
cences de la catéchèse évangélique. | 

Nous ne croirons même pas être trop hardi dans nos suppositions, en voyant 
des échos directs de l'enseignement traditionnel en plusieurs autres passages 
dont la lettre est de Paul, mais qui se retrouvent identiquement, pour le sens, 
dans l'Évangile. Le jugement que les « saints » exerceront sur le monde (vi, 2-8 
ne rappelle-t-il pas Aat., xrx, 28, tout aussi bien que Daniel, vnr, 22? Le conseil 
de souffrir l'injustice (vr, 7) ne s’inspire-t-il point du Sermon sur la Montagne, 
Mat. v, 38 ss.? Si Paul appelle avec tant d'audace les corps des fidèles des 
« membres du Christ » (vr, 45, avant l'exposé du chap. xx), n'a-t-il point dans 
la mémoire des paroles du Maître comme celles qu'a conservées saint Jean, sur 
« la vigne et les sarments » (Jean, xv, 1ss., 5 ss.) ou bien d'autres de même 
portée? quand il les appelle « temples » de l'Esprit (ou de Dieu) qui habite en 
eux (rx, 46-17, vr, 19), qui ne penserait encore au IV° Évangile (xiv, 23) : « Nous 
viendrons à lui et nous résiderons en lui »? L'éloge de la continence parfaite. 
(vu, 1) est à tout le moins du même esprit que Mat. xx, 12. La liberté que 


LXXII INTRODUCTION. 


même les esclaves acquièrent dans le Christ {vir, 22), remet en mémoire la 
sentence conservée par Jean : « La vérité vous délivrera » (Jean. viur, 32) ou « Si 
donc le Fils vous délivre, vous serez libres en pleine réalité » (26., virr, 36). Enfin, 
au ch, vu, 12, « en péchant ainsi contre vos frères, … c’est contre le Christ que 
vous péchez », n'est-ce pas identique ou corrélatif au logion de Jésus, Mat., 
xxv, 40 : « Pour autant que vous l'avez fait à l'un de mes frères les plus petits que 
voici, c'est à Moi que vous l'avez fait »? Citations implicites, réminiscences 
inconscientes ou nouvelles expressions spontanées sorties de l’enseignement 
évangélique qui avait rempli entièrement l'âme de saint Paul, nous sommes loin 
d’avoir épuisé ici tous les rapprochements topiques que l’on peut faire ; l'Apôtre, 
quand il parlait ou écrivait, avait continuellement présente à la conscience toute 
la doctrine que les Évangiles nous font connaître à sa source. 

Citations et réminiscences de l'Ancien Testament. — Pour affirmer, même 
a priori, que Paul avait prêché la vie terrestre de Jésus, qu'il y pensait toujours 
en écrivant, et que ses allusions étaient tellement claires aux yeux de ses fidèles 
qu'il n'avait aucun besoin de les souligner, il suffit de constater l'emploi abon- 
dant qu'il fait de l'Ancien Testament, autorité qui cependant, comparée à 
l'Évan gile, n'était que préparatoire. Les Corinthiens, qui étaient des gentils pour 
le plus grand nombre, avaient donc certainement été initiés à la connaissance 
des Écritures et des récits bibliques, et ceux-là aussi bien qui n'avaient pas 
fréquenté la synagogue comme prosélytes. 

. On ne trouve pas moins de vingt-cinq à trente de ces citations, ce qui est le 
chiffre le plus fort après ceux des Épîtres aux Romains et aux Hébreux; il en 
est compté jusqu'à une trentaine par Robertson-Plummer, mais l’une ou l'autre 
nous paraît douteuse. Dix ou onze livres divers de la Bible sont cités, qui sont, 
dans l’ordre de fréquence, le Pentateuque (Genèse, Deutér., Ex., Num., peut- 
être Lév.), Isate, les Psaurnes, puis Jérémie, Osée, Zacharie, Job, peut-être 
Malachie (x, 21 rpxmeta voù xuplou). 

Dix fois la citation est donnée expressément comme telle, et sert à prouver 
une assertion de Paul; alors elle est introduite par les mots xaûs yéypanra 
(1, 49, 31; 1, 9; x, 19, 20; 1x, 9; x, 73 xiv, 21; xv, 45) ou par onc« une fois. 
(vi, 16). Mais, dans la majorité des cas, elle arrive dans la dictée de Paul sans 
avertissement, comme si elle était l'expression de sa pensée personnelle; c'est 
qu'il était habitué, par sa familiarité avec les textes sacrés, à penser dans leurs 
propres termes. Là il se rencontre des mots ou des tournures qui ne sont pas 
de son vocabulaire courant {v. supra, 1). 

Les citations de la première catégorie sont apportées comme illustrations ou 
comme preuves. C’est ici qu'on peut parler avec quelque droit d'habitude rabbi- 
nique. Cependant il ne faudrait pas trop appuyer sur celte note. La Première 
aux Corinthiens ne présente point, par exemple, à la façon de Rom. 111, 10-18, 
une seule de ces agglutinations de textes empruntés aux livres les plus divers, 
comme les rabbins avaient coutume d’en faire. On n'y trouve pas non plus de 
spéculations basées sur un seul mot, comme dans l'Épitre aux Hébreux, ou sur 
le rapprochement purement matériel de deux mots. Une seule fois apparaît une 
combinaison de deux ou de trois textes d'origine diverse, cités ad sensum, et 
accommodés à l'argumentation de Paul; c’est au ch. 11, v. 9 {v. comm. ad loc.). 
L'usage que l’auteur fait de l'Ancien Testament a été étudié par bien des cri- 


EC in EE ÉTÉ R É SS S 


CHAPITRE V. LXXITI 


tiques, et nous signalerons particulièrement l'excellente petite dissertation de 
Sanday et Headlam dans leur commentaire de l'Épître aux Romains, (3° édition, 
pp. 302-307). Les applications que l'Apôtre fait des textes sont liltérales. À part 
le sens spirituel qu'il donne {x, 1-5) à la nuée, à la mer, à la manne et à l’eau 
du rocher comme « types » des sacrements futurs, puis de l'identification du 
« rocher » au Christ (x, 4), où peut-être il faut surtout voir une métaphore 
inspirée (v. comm. «&d loc.), il n'y a point d'exégèse proprement allégorique 
comme en présente Gal., 1v, 21-31 sur les deux épouses et les deux fils d'Abra- 
ham. Le sens typique, dont l'Église enseigne la légitimité et a toujours fait si 
grand usage, n’apparaît dans notre épître que sous sa forme le plus simple et 
la plus facile à saisir. Nous ne savons même s’il est bien juste de voir un sens 
spirituel « tropologique » en ce qui.est dit du « bœuf qui foule le grain », 
1x, 9-10, car ce peut n'être qu'une argumentation & fortiori (v. comm. ad loc.). 
Jamais il n’y a de détournement de sens comme les rabbins s'en permettaient ; 
l'accommodation, quand elle se rencontre, est très discrète, et basée sur la 
nature même des choses, donc toujours correcte. On ne saurait, à notre avis, 
relever un texte — pas même x, 4 — dont l'emploi ne soit justifié par des raisons 
plus intrinsèques qu'une exégèse lointaine ou détournée dont on serait convenu 
alors parmi les rabbins ou dans l'Eglise primitive. Si l’on a voulu voir à xv, 45, 
une « citation » de Gen. si « complétée » qu'elle en deviendrait tout à fait apo- 
cryphe, nous établirons dans notre commentaire qu'il faut y distinguer deux 
parties, d'abord une citation, qui est très correcte, puis une assertion de Paul 
lui-même, qui n’est pas donnée comme un emprunt à l'Écriture. Saint Paul ne 
cite pas sans doute à la manière scientifique que l'on exige aujourd’hui, parce 
qu'il prend les mots sans s'occuper de leur contexte, et en ce sens lui et les 
autres écrivains du N. T. « appartiennent, comme logiciens, au premier siècle », 
ainsi que dit Toy (« Quotations in the New Testament », New-York, 1884, cité 
par Sanday-Headlam); mais il ne leur donne pas de sens incompatible avec leur 
vrai contexte, et nous espérons le démontrer même là où il s'agira de ses appli- 
cations les plus hardies, comme xiv, 21-22, à propos d'une citation d’Tsaïe sur 
« les langues qui sont un signe pour les infidèles » {v. ad loc.). C’est que, pour 
citer encore le même auteur américain, lui et les autres, « comme instructeurs 
religieux, appartiennent au monde entier et à tous les temps » (cité Sanday- 
Headlam, p. 304), et ne sauraient donc apporter de preuves scripturaires qui 
paraîtraient caduques en dehors d'une époque et d’un milieu particuliers. 

Malgré cette rectitude essentielle, Paul ne cite pas toujours à la lettre; et cela 
non seulement dans les textes de la deuxième catégorie, ceux qui ne sont pas 
donnés expressément comme étant de l'Écriture, mais aussi dans ceux de la 
première, où ils sont précédés des mots « comme il estécrit ». Aussi ne peut-on 
les identifier toujours avec une parfaite certitude, et un passage comme 11, 9, 
donne lieu à d’interminables discussions (v. comm. ad loc.). C'est qu'il paraît 
citer toujours de mémoire (à la différence d'Heb.) et se contente à l'occasion de 
rendre le sens. 

Cependant on voit qu'il s'appuie presque toujours sur la tradnction des 
Septante. Sept de ses citations s'accordent pleinement avec cette version grecque 
(vi, 6; 1x, 9; x, 7, 20, 26; xv, 32, 45); Robertson-Plummer en comptent huit, 
mais nous exclurions X;, 21 où l'emprunt présumé à Malachie, 1, 7, 12, se borne 


LXXIV INTRODUCTION. 


à l'expression « table du Seigneur ». Ailleurs, le texte des LXX n'est que modi- 
fié, parfois légèrement, et on voit bien encore qu'il est à la base: ainsi 11, 16, v, 
13, x, 22, xv, 25, 27, 55, al. Quelques citations ne sont qu'approximatives (x, 5, 
6, cfr. Num. xix, 16 et xr, 34, 4: x1, 7, cfr. Gen. v, 1; xim, 5, cfr. Zach. van, 
17). Lorsque dans une citation par ailleurs libre, Paul conserve üun mot des LXX 
qu'il aurait pu être porté à changer d'après son contexte (comme voüv d’Isaïe, à 
ur, 46), il a dû le faire pour une intention spéciale (v. comm. ad loc). 

Certains textes (voir à n, 9, xiv, 21) diffèrent à la fois de l’hébreu et des LXX ; 
en d’autres, tels que r, 20, xiv, 25, xv, 54, Paul paraît se rapprocher davantage 
de l'original hébraïque, que sans doute il avait souvent dans la mémoire ; mais 
ce n'est que 111, 19 (— Job, v, 13, cfr. Rom. x1, 35 — Job, xur, 3) qu'il dépend 
exclusivement de l’hébreu — à moins encore que ce ne soit d'une version qui 
nous est inconnue. 

Un emploi si prépondérant des LXX est sans doute naturel, puisque la lettre 
était adressée à des Grecs; cependant il répond bien à l'impression que, chez 
Paul, l’« helléniste » avait presque fait oublier le « rabbin ». 


Ces aperçus montrent la haute valeur littéraire de la Première Épître aux 
Corinthiens. Nulle autre des lettres de Paul n'offre des sujets si variés, et ne 
permet d'étudier sous des aspects si multiples le génie de leur auteur. Telle 
autre la dépassera dans telle ligne particulière ; ainsi l'Épiître aux Romains pour 
la vigueur et la continuité de l'argumentation doctrinale finissant en cantiques 
enthousiastes, la Deuxième Épître aux Corinthiens et l'Épitre aux Galates pour 
l'éloquence polémique, la Deuxième aux Corinthiens encore, la 1" aux Thessa- 
loniciens, l'Épitre aux Philippiens, la Ie à Timothée pour les effusions du cœur, 
l'Épître aux Éphésiens pour la plénitude et la réduction à l'unité de toute la 
doctrine. Mais en tous ces écrits, l'esprit et les sentiments de Paul restaient con- 
centrés sur une thèse spéciale, orientés vers une tâche déterminée et urgente, 
parfois gênés dans leur essor par les circonstances très difficiles, ou par la pré- 
occupation didactique de dire une immensité de choses en peu de mots. Ici il 
est au contraire manifeste que l'Apôtre a pu dicter à l'aise, choisir ses expres- 
sions, calculer leur effet. Les destinataires lui étant familiers, et aucun besoin 
trop urgent de défense ou de répression (sauf pour le cas de l’incestueux) ne 
l'obligeant à précipiter ses exhortations ou ses coups, il a pu leur envoyer une 
lettre très éloquente et très spontanée sans doute, mais où tout est nuancé, où 
l’auteur révèle une telle maîtrise de ses moyens, qu'on ne peut douter qu'elle ait 
été écrite, dans l'ensemble, avec beaucoup de réflexion et de sang-froid; elle n’a 
certainement rien de commun pour le ton avec cette lettre écrite dans l'angoisse 
et les larmes dont il sera question dans la II° aux Corinthiens, — malgré ce que 
soutiennent quelques exégètes en dépit de toute analyse psychologique sans 
prévention. Aussi est-elle très instructive en ce qui concerne, pourrions-nous 
dire, le «ton moyen » de l’apostolat du Docteur des Gentils. Elle est aussi la 
mieux composée, la plus facile à lire si elle n'est pas la plus émouvante, 
et aussi l’une des plus claires, presque aussi claire malgré sa complexité que 
I Thess., Phil. ou I Tim. Toute difficulté d'interprétation n’en est pas absente, 


CHAPITRE V. LXXV 


mais c'est à cause de certaincs circonstances concrètes dont la connaissance nous 
manque, et non à cause de l’entassement et du raccourci des idées, ou d’ellipses 
trop fortes dans l'expression, comme dans les « comprimés » d'Eph. ou certaines 
parties de Rom. 

Elle est la mieux construite de toutes; les matières y sont ordonnées avec 
beaucoup d'ordre, et toutes s’enchaînent suffisamment bien, par des transitions 
qui, pour être parfois imprévues dans la vivacité de leur éloquence, n’en demeu- 
rent pas moins très reconnaissables. On n’y voit pas de juxtaposition de matières 
hétérogènes, de dualité comme dans l'Épitre aux Romains (à partir du chap.xui) 
et dans plusieurs autres, ou de changements subits de points de vue et de préoc- 
cupations, comme dans la Il° aux Corinthiens. Aussi est-il très facile d'en 
démontrer l’unité et l'intégrité, comme nous allons faire au chapitre suivant. 

Cette facilité et cette variété combinées, lui assignent un rang unique parmi 
les Épîtres pauliniennes; iln’en est pas une qui l’égale comme document 
d'histoire des idées chrétiennes, et d'histoire de la culture en général, bien que. 
certaines nous fassent pénétrer plus avant dans la théologie et dans l’âme sanc- 
tifiée de l’Apôtre des nations. 


« 


CHAPITRE VI 


AUTHENTICITÉ ET UNITÉ DE LA PREMIÈRE ÉPÎTRE AUX CORINTHIENS. 


L'authenticité de [ Cor. ne soulève pas de vrai problème, et il n’y a besoin 
de la défendre que contre des fantaisies tout à fait aberrantes, d’ailleurs mortes. 
déjà pour la plupart. Aussi nous serons bref en cette partie. Mais aujourd’hui, 
malgré tout ce que nous avons vu, son intégrité — ou, plus exactement, son 
unité — est niée ou mise en doute par des savants respectables; c'est là qu’il 
faudra nous arrêter un peu. 


I. Authenticité. 


La Première Épitre aux Corinthiens porte en elle-même, reconnaissait. 
F. Chr. Baur, le sceau et la preuve de son authenticité. C’est, comme le dit. 
très justement Goguel (« Intr. », t. IV 2, p. 142) pour elle et pour la Deuxièine 
à la fois, « leur caractère très nettement épistolaire, car on ne comprendrait 
pas comment un faussaire pourrait avoir imaginé la situation infiniment com- 
plexe à laquelle elles répondent ». Ajoutons-y cette concordance de données. 
historiques avec les Actes des Apôtres qu'a relevées Jacquier (H. L. N.T.,t. I, 
4° éd. p. 163 ss.) : Apollos, Crispus, le travail manuel de l'Apôtre, son plan de 
voyage, eic. 

En outre, malgré son caractère très spécial, cette lettre offre tant de res- 
semblances de langue, de style, de doctrine et d'esprit avec ceux des écrits. 
de Paul qui sont moralement indiscutés, particulièrement avec les trois autres 
« grandes Épiîtres », que sa condition aux yeux des critiques, est absolument 
la même. Elle serait, dans un sens, encore plus favorable, car aucune lettre de 
Paul ne peut fournir de témoignages anciens si imposants en poids et en 
nombre. 

Le plus ancien et le plus fameux date des dernières années du 1° siècle. 
C’est le reproche adressé à la même église de Corinthe dans l'Épitre de Clé- 
ment de Rome, ch. xzvir, 1-3 : ’Avahdéete rhv émioroknv vob pmaxapiou Ilaükou voÿ 
#moovohou. TE mpürov bpiv év dpyAn voù ebayyehlou Éypadev; En’ dAndelas Tveuparixüs 
Eméoveuhev Ouiv mepl Éaurod ve xat Knpa te «ui ‘Arokw, Guù vo xal vôre mposxloets ua 
remoiñobo : « Reprenez l'épitre du bienheureux Paul apôtre. Que vous a-t-il 
écrit tout d'abord dans les commencements de l'Évangile? En vérité, c’est 
sous l'inspiration de l'Esprit qu'il vous a écrit une lettre touchant Céphas, 
Apollos et lui-même, parce que dès lors vous formiez des cabales» (tr. 
Hemmer). Ce texte vénérable, qui fait allusion à I Cor. 1, 17-suiv., a cette 
double valeur d'affirmer, avec l'authenticité de l'Épitre, le caractère inspiré 
qu'on lui reconnaissait dès le 1°" siècle dans l'église de Rome, — et, sans aucun 
doute, dans les autres chrétientés qui la connaissaient. 


| 
| 
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CHAPITRE VI. LXXVII 


Or, elle était bien connue, dès la première moitié du n° siècle, non pas à 
Rome seulement, mais en Asie et en Macédoine; car s. Polycarpe, dans sa 
« Lettre aux Philippiens » (x1, 2, partie latine), leur cite, comme étant de Paul, 


le v. 2 du ch. var : « Aut nescimus quia sancti mundum judicabunt, sicut 


Paulus docet? » Outre ces mentions expresses, fort considérables, citons 
encore la « Lettre à Diognète », au cas où elle serait à peu près de cette 
époque; cet écrit cite au ch. x, 5 (1), comme étant de « l'Apôtre », le mot 
de I Cor. vus, 1 : « La gnose bouffit, mais la charité édifie ». Du reste, il semble 
se rencontrer beaucoup de réminiscences de notre Épître chez les Pères apos- 
toliques, et l’on cite comme tels des passages de Barnabé 1v, 11, Didachè 1, 5, 
au, 3, 1v, 3, x, 6 et autres (voir Meyer-Heinrici); c'est surtout s. lonace 
d’Antioche, dont on a pu dire qu'il devait connaître cette épître presque par 
cœur, car il y a été relevé une quarantaine de rapprochements. Hermas 
{« Mand. » 1v, 4) a été aussi, à tort ou à raison, rapproché de I Cor. vu, 38-40. 
Si tous ces rapprochements n’entraînent pas la conviction, leur ensemble 
pourtant laisse l'impression nette que notre Épitre a été beaucoup utilisée par 
les premiers écrivains chrétiens. 

Saint justin martyr (Dial. xxxv, 3), cite comme une parole inspirée, mêlée 
à des log'ia du Christ : « Écovrat oyiouura xat aîpéoe », ce qui rappelle Cor. xr, 18- 


45, mais serait, d’après Resch, un « agraphon ». Plus solide est le témoignage 


d'Athénagore (« De resurr. » 18, vers l'an 177), qui cite comme étant xarù rèv 
&xôovokov, « selon l'Apôtre », [ Cor. xv, 54. Tatien (d’après s. /Zrénée, « Adv. 
Haer. » r1r, 28, 8), a voulu démontrer par Ï Cor. xv, 22, qu'Adam n'était pas 
sauvé, et.(d'après Clém. Alex. Strom. nx, 12, 81) il s’est encore référé, dans un 
ouvrage perdu, à vu, 5. 

Comme d'autre part, cette épître est au Canon de Muratori, que Marcion l'a 
insérée dans son « Apostolicon », que les écoles hérétiques contemporaines, 
celles de Basilide, de Valentin, les Ophites, les Pérates, Héracléon, Piolèmée, 
l'ont, d'après les témoignages d'Irénée, d'Hippolyte et autres hérésiologues, 
utilisée à leurs fins, et que les Actes apocryphes de Paul, de Philippe, de 
Thomas, s'y réfèrent parfois ou en montrent des réminiscences, il faut conclure 
qu'au 1° siècle la Première aux Corinthiens était universellement connue, et 
universellement attribuée à Paul. Inutile donc d'insister sur le nombre formi- 
dable des citations, souvent nominatives, trouvées chez les Pères qui ont 
suivi : plus de soixante dans /rénée, à peu près cent cinquante dans les ouvrages 
de Clément d'Alexandrie, quatre à cinq cents chez Tertullien. I n'est pas 
d'écrit du Nouveau Testament dont l'authenticité soit mieux attestée, par la 
critique interne et externe. Sa popularité, ainsi que celle de II Cor., était si 
grande, qu'elle a donné occasion aux apocryphes de forger, pour en illustrer 
certaines données, ces fausses lettres de Paul à Corinthe, ou de Corinthe à Paul, 
dont nous n'avons pas encore à nous occuper ici. 


(1) Mais ce chapitre en particulier est d'une date douteuse. 


LXXVIIT INTRODUCTION, 


Aussi l'authenticité n'a-t-elle guère été niée par les modernes. Le chef de 
l'école de Tubingue disait d'elle, comme des trois autres « grandes Épiîtres », 
que « elles portent si incontestablement le caractère de l'originalité pauli- 
nienne, qu'il n'y a aucune base concevable pour afficher des doutes critiques 
à leur sujet » (F. C. Baur, « Paulus », Einl., 1845). Cet exploit était réservé 
à l'hypercritique extravagante de Bruno Bauer (« Kritik der paulinischen 
Briefe », 1852), de quelques exégèêtes hollandais comme ZLoman, qui niait 
l'existence réelle du Christ tout en admettant celle de Paul (« Quaestiones 
paulinae », Theologisch Tijdschrift, 1882-1886), Pierson et Naber [« Veri- 
similia, laceram conditionem Novi Testamenti exhibentia », 1886) qui ont 
inventé un « Paulus episcopus » utilisant au n° siècle de hautes spéculations 
juives, Meyboom, van Manen (« Paulus », 1, « De brieven aan de Korin- 
thiërs », 1896, et « Handl. voor de oudchristl. Letterkunde », 1900), van den 
Bergh van Eysinga |« Die holländische Radikalkritik des N. T. », 1912) qui 
fait de I et II Cor. des écrits d’origine gnostique du n° s., retouchés dans un 
sens catholique-romain; à ces auteurs il faut joindre le Suisse Rudolf Steck 
(« Der Galaterbrief nebst kritischen Bemerkungen zu den paulinischen Haupt- 
briefen », 1888). 

Mais quelques autres, un peu plus modérés, se contentent de croire les 
deux lettres fortement interpolées et remaniées. Ainsi Vôlter (« Paulus und 
seine Briefen », 1905) croira non-paulinien, entre autres passages, le ch. x, 14-22, 
qui lui paraît en contradiction avec 1-13 [v. comm. ad loc.), et croit pour 
l'ensemble à deux remaniements théologiques, l'un très anti-juif et l'autre plus 
conciliant. Le commentaire dira notre avis sur les critiques superficielles dé 
ce genre. J, Weiss lui-même, dans son commentaire d'ailleurs très remar- 
quable, découvre des « interpolations catholicisantes », dues à une seule main, 
aux passages 1, 2b: 1v, 179; vi, 17; xx, 16; x1v, 34. Hartke (« Die Sammlung 
und die ältesten Ausgaben der Paulusbriefe » 1917) a encore exagéré cette 
opinion. Nous avons dit ce qu’il faut en penser au chap. 1v, supra. 

Enfin on a vu récemment en France l'équipe de travailleurs « rationalistes » 
rangés sous la conduite de Couchoud ressusciter hardiment les trouvailles de la 
critique hollandaise. Van Manen, en 1887 (Theol. Tijdschrift, « Marcion’s Brief 
van Paulus aan de Galatiërs »), et dans des écrits postérieurs, avait découvert 
que le texte original des épîtres de Paul était celui de l'Apostolicon de Marcion. 
Le chef de l’ « école » française s’est emparé de cette idée; parmi ses collabora- 
teurs, le prêtre qui a été identifié depuis, et qui signaït cette fois Jenri Delafosse, 
a publié dans les cahiers « Christianisme » deux petits commentaires sur [et II 
Cor. Dans le premier (1926), il établit avec beaucoup d'assurance que notre 
Première Épître est un conglomérat formé d'une ancienne lettre de Paul, assez 
peu significative, adressée à une petite communauté de quelques familles corin- 
thiennes, laquelle lettre aurait été transformée au n° siècle par un rédacteur 
marcionite (à qui il attribue presque tout le plus beau, le plus « paulinien ») en 
une encyclique adressée aux chrétiens de tout pays, ct enfin le tout aurait été 
vaille que vaille ramené à l'orthodoxie par un éditeur catholique, qui avait 


CHAPITRE VI. "  LXXIX 


d'ailleurs eu des devanciers — sans parler de quelques touches montanistes. Ainsi 
quatre couches au moins, et quatre esprits différents, même inconciliables. 
Cet historien semble croire que tout cela a dû se faire très naturellement, sans 
que les églises et la masse des fidèles s’en aperçoivent. Dans un travail scienti- 
fique, nous n’aurons pas à nous laisser longtemps retarder par des élucubrations 
de cette force (1). 

Mais il est des exégètes plus sérieux dont il faudra bien discuter les idées; ce 
sont plusieurs protestants qui reconnaissent l'Épître comme authentique, mais 
s’attaquent à son unité, ou veulent prouver que beaucoup de morceaux en ont 
été intervertis. / 


II. Intégrité et unité. 


* 


Nous abordons ici une question qui paraît aujourd’hui fort embrouillée, mais, 
à ce que nous croyons, du seul fait des critiques eux-mêmes : la Première aux 


(1) Nous pourrions même nous dispenser, sans remords, d'en parler aucunement. Cependant, 
comme cette « école » cherche à faire du tapage, et semble compter très ferme sur linno- 
cence de nos « libres-penseurs » en matière critique, il ne sera pas inutile d'en dire un mot 
en passant. D'abord c’est chose assez piquante d’avoir vu la fantaisie voyageuse de M. le 
D'P.-L. Couchoud associer à son entreprise l’aridité livresque d'un « Delafosse ». Leur senti- 
ment commun à l'égard de la foi chrétienne et leur égale incapacité à juger de la psychologie 
religieuse l'expliqueront. L'exégète — très érudit, reconnaissons ses mérites, — qui s'est 
fait recruter pour les Cahiers « Christianisme », fait encore plus de psychologie que d'histoire; 
dans son travail historique de démolition, il se borne à user de Marcion, (remis en honneur 
par les travaux de Harnack), comme d’une clé bonne à tout ouvrir; avec autant de décision 
que de simplicité, il l'introduit dans toute phrase à laquelle on pourrait donner, en forçant 
beaucoup, queique relent de dualisme marcionite, ce qui lui vaut de ne plus rien comprendre 
au développement naturel des pensées de l'Épiître. Mais son fort, ce sont les arguments de 
« bon sens » par où il croit dévoiler, en plus d’une quantité de contradictions, l'impossibilité 
de concevoir au temps de Paul l'existence à Corinthe d’une vaste communauté; l'Apôtra 
n'avait pu y convertir qu'un groupe de familles, mettons, pour être larges, cent à deux cents 
personnes; toutes devaient ressembler à des enfants du catéchisme, qui savent bien toute 
leur doctrine par cœur. Dans ce cas on comprendrait, en effet, que la répartition des nom- 
breux charismes du ch. x11, par exemple, et certains rappels aux principes élémentaires de 
la foi aient l'air de quelque chose de fictif, ou répondant à des circonstances bien plus 
tardives. Seulement, on croira avec moins de difficulté encore que, dans l'atmosphère très 
dualiste, mais sans doute assez peu aérée, de sacristie et de bibliothèque où se conservait 
« Delafosse », cet érudit avait perdu la notion de ce qui se passe sous Le grand ciel. Ainsi les 
mouvements spontanés de masses ne lui paraissaient plus possibles. La « multitudo ingens » 
des chrétiens massacrés à Rome, en 64%, au dire de Tacite, ne lui fait rien. À ce compte, il 
aurait fallu aussi rayer de l'histoire le Bouddha et Mahomet, sans parler des « Duce » et 
« Führer » qui opèrent sous nos yeux; car cela ne devrait pas rentrer dans sa conceplion de 
la vicet de l’histoire. Quant à son ingéniosité à découvrir des contradictions, elle n’est rien 
qu'une impuissance à saisir les situations humaines un peu complexes. Et c'est avec cet 
esprit él'iqué qu'il a mesuré les origines du christianisme, qu'il a mesuré Paul! Sur un 
ton guillcrel, il parle des « coq-à-l'âne » de notre Épitre; et son exégèse à lui, dans cette 
ignorance du monde divin et humain qu'elle révèlo sur un ton infaillible, nous fait penser 
Pret — pardon! lecteur, — à un chantre à sabots qui voudrait faire le coq. Notons 

DSL plus instrui -ôlre de tbras- snurs \P ADNIER D A 
arlo Das s pins nsril peut être des « libres- penseurs » de l'entreprise Gouchoud ; (je ne 
savant séricux ct impartial dont le nom s’y cest égaré). — Mais voilà 
assez parlé d’un si Lriste cas de rélrécissement intellectuel, qui Louche presque à la téra- 
tologic, chez un historien des idées ct des mouvements religieux | 


LXXX ‘ INTRODUCTION. 


Corinthiens ne fait-elle qu'une seule lettre, ou plusieurs? Ce problème ne touche 
pas à la doctrine ; quand même l'écrit serait composite, quand même des parties 
en seraient disposées dans un ordre qui ne fût pas le primitif, cela n'empêcheraïit 
pas, aux yeux des tenants de ces hypothèses (au moins de ceux-là avec qui nous 
allons discuter) leur authenticité paulinienne, ni, aux yeux des croyants, leur 
inspiration. Aussi j'espère bien que personne ne viendra nous reprocher de baser 
notre opinion sur des « préjugés dogmatiques », qui n'auraient rien à faire ici. 

L' « intégrité » au sens strict, c’est-à-dire, pour chaque morceau pris en 
particulier, l'absence d'interpolations, de suppressions ou de retouches notables, 
a été respectée en général par les critiques de marque qui admettent l'authenti- 
cité paulinienne. Seul Vôülter (supra) a bâti une théorie d'interpolations et de 
remaniements doctrinaux, ne reconnaissant comme authentiques que 

1, dut, 53 — 111, 1-9; 46-28; — 1v, 1-16; 18-21; — v, 1-2; G-13; — vrr, 1-6; 
8-2h 53 — vrrr, 1-5a; Ga; 7-18; — 1x, 1-12; 14-31 ; — x1v, 2-38a ; 37-40 ; — xv, 1-6; 
8-22; 29-31; 32b-44; 46-50; 53-55 ; 57-58; — xvr. 

Nous ne nous occuperons guère de réfuter cette exégèse mutilante, basée sur 
des préventions historiques et doctrinales dont la plupart n'ont plus cours. 
Holsten, plus modéré, a cru découvrir des interpolations nombreuses, mais bien 
moins considérables ; le commentaire indiquera sur ce point ce qui est nécessaire. 
Enfin il y a les « interpolations catholicisantes » de J. Weiss, consistant en 
quelques bouts de phrase ou quelques mots, et qui d’ailleurs en général sont 
plutôt objet de soupçon que d'assertion ferme (v. supra); nous y reviendrons 
quand il faudra, et de même sur les « formules de transition » qu'un « rédac- 
teur » aurait quelquelois créées pour‘ rabouter convenablement des morceaux 
hétérogènes qu’il aurait combinés à sa manière. 

C’est en effet l’ordre actuel de notre Épiître qui a subi des critiques incisives 
de la part de J. Weiss et de plusieurs autres, et en même temps son unité; elle 
serait composée en fait de plusieurs lettres ou fragments de lettres, dont un 
rédacteur expert aurait su faire un tout assez suivi et présentable, sans avoir pu 
cependant égaliser toutes les rugosités, tous les heurts de mots ou de pensée 
qui décèleraient une diversité de provenance. 

La raison de ces opinions est à chercher dans l'obscurité compliquée qui 
s'étend sur les rapports historiques de Paul avec l’église de Corinthe. Nous 
n’arrivons pas à savoir au juste, sans une enquête ardue, combien de voyages il 
a faits dans cette ville. Deux lettres canoniques aux Corinthiens nous ont été 
transmises; mais leur texte contient des allusions à d'autres, au moins à deux 
autres (voir I Cor., v, 9. suiv.; II Cor., n1, 4; vir, 8-suiv.). On peut donc bien 
se demander si ces dernières ne subsisteraient pas, en tout ou en partie, incor- 
porées ou juxtaposées aux autres lettres où nous en trouvons la mention. Ainsi 
l'opinion d'un nombre imposant de critiques est que le morceau IT Cor. vi, 14- 
vu, 1, à tout le moins, doit être détaché de son contexte actuel, et attribué à 
une première lettre écrite avant I Cor. 

Plusieurs se sont évertués à faire cadrer ce qui nous reste des dictées de Paul 
avec toutes les circonstances changeantes de cette histoire mouvementée, dont 
chacun rétablit la marche à sa façon. Les deux êpiîtres canoniques ont été dissé- 
quées pour fournir des pièces correspondant exactement à chaque phase connue 
ou présumée des rapports de Paul avec Corinthe, Et ce travail à mené les auteurs 


RE T 


CHAPITRE VI. LXXXI 


à des recombinaisons aussi diverses qu'ingénieuses. Il faut connaître au moins 
les principales. 

Nous laisserons ici de côté, naturellement, les essais qui n'intéressent que la 
Deuxième aux Corinthiens, et nous ne parlerons que pour mémoire des théories 
les plus anciennes qui rejetaient au creuset les deux épîtres concassées pour 
en sortir trois, quatre, cinq lettres où les matériaux étaient rapprochés et classés 
dans l'ordre le plus imprévu. Telle était la théorie de Æagge (« Die beiden 
überlieferten Sendschreïben des Apostels Paulus an die Gemeinde zu Korinth », 
Jahrbuch für protest. Theol. 1876), ou la première de Carl Clemen (« Die 
Einheitlichkeit der paulinischen Briefe », 1894). Celui-ci était d'ailleurs revenu 
en dix ans de ces excès de virtuosité, et, en 1904, dans le premier volume de 
son ouvrage « Paulus », il remettait intégralement I Cor. dans sa forme tradi- 
tionnelle. 

Nous insisterons seulement sur les répartitions proposées par J. Weiss (comm. 
et « Urchristentum »}, et par Goguel( « Intr. au N. T.»,t. IV, 2). 

Johannes Weiss a fait trois lettres avec notre Première. D'abord il reconstitue 
de la sorte l’ordre des événements qui l'ont précédée, ou en ont occasionné 
l'envoi en plusieurs fois : 

Paul, à la fin du deuxième voyage missionnaire, s'en est allé en Syrie par 
Éphèse (Act. XVII, 1: — sur ces entrefaites, Apollos est arrivé à Éphèse, 
puis à Corinthe (nr, 6; Act xvin, 27-s; xix, 1); — Paul ensuite est revenu à 
Éphèse (Act. x1x, 1=suivants) : de là (sans voyage préalable à Corinthe, nous y 
reviendrons à propos de 11 Cor.) il a envoyé aux Corinthiens une première lettre 
A, mentionnée dans I Cor. 1, v, 9-suiv.; — ensuite il reçoit une lettre de cette 
communauté, apportée peut-être par Stéphanas et ses compagnons, et qui lui 
parvient soit à Ephèse, soit, après son départ de cette ville, quelque part dans 
la province d'Asie; il y répond par une deuxième lettre B', qu'il fait porter 
probablement par Éraste, envoyé par lui avec Timothée en | Macédoine et vers 
Corinthe (Act. xrx, 22; I Cor. iv, 17; xv, 10-suiv.); cette lettre exposait les 
« voies » que Timothée devait rappeler de vive voix aux Corinthiens (I Cor. 
iv, 17); Paul ÿ annonçait lui-même son arrivée (xvr, 1-suiv.); — pendant que 
l'Apôtre s'occupait de la « collecte » pour Jérusalem, et envoyait à cet effet Titus 
et les « deux frères » à Corinthe par la Macédoine (Il Cor. vin, question qui 
devra être examinée ailleurs), les « gens de Chloé » {I Cor. 1, 11) lui apportent 
des nouvelles inquiétantes sur les factions qui déchirent maintenant la com- 
munauté corinthienne; Paul lui envoie alors une troisième lettre B ? , d'un ton 
bien plus vif que les précédentes, où il fait proprement son apologie. 

Voici le contenu de ces trois lettres (1): 

À. (lettre d'Ephèse) : 11 Cor. vi, 14-vir, 13 [ Cor. x, 1-23; vi, 42-20; xx, 
2-34; xvr, 7?; 8-5; 20-5? (L'Apôtre y donne des instructions rigoristes touchant 
les rapports avec les païens et l'usage des idolothytes ; par ailleurs les dissensions 
paraissent n'être qu'à leurs débute, et encore à peu près inoffensives. Paul 
compte rester à Éphèse jusqu'à la Pentecôte). 

B*. (lettre écrite après le départ d'Éphèse, ct confiée à Éraste) : I Cor. vu; 
VEUX X, 2h — x, À 5 XU; XU1; XV; XV; XVI, 4-6; 7?; 15-19? (les instructions 


(1) D'après « Urchrislentum », p. 271, où la forme de la théorie est définitivement arrêtée. 
ÉPITRE AUX CORINTHIENS, l 


LXXXII INTRODUCTION. 


y sont plus modérées que dans A, et certaines d’entre elles forment la contre- 
partie des précédentes. Paul y annonce de nouveau sa venue. L'ordre pouvait 
être différent sur plusieurs points de celui de l'édition canonique). 

B°? (vers la même époque que B!, mais après celle-ci) : I Cor. 1, 1-9; 10 — 
vi, 11; xvi, 10-14? 22-24. (Ton fort animé, causé par les mauvaises nouvelles 
récemment reçues; l'Apôtre annonce cette fois sa venue comme très prochaine 
fiv, 19, ce qui est un des traits distinguant cette lettre des deux précédentes] et 
pouvant précéder celle de Timothée). 

Outre les réflexions générales que nous aurons à faire bientôt, il faut re- 
marquer, comme le commentaire le montrera, que les oppositions de situation 
ou de dispositions psychologiques relevées par J. Weiss pour justifier cette 
division ne sont pas si nettes qu'il le prétend, et n'apparaissent qu'à une consi- 
dération assez superficielle. La liaison des idées est tout aussi satisfaisante, et 
à la fois plus nuancéeet plus frappante, dans l’unité de l'édition canonique. C'est 
à Éphèse, plutôt qu'ailleurs, que Paul se sera rencontré avec les « gens de 
Chloé » ; il est arbitraire de lui faire quitter déjà cette ville, et rv, 19 ne s'oppose 
pas à xvi, 8. Quant aux diverses mentions du voyage de Timothée, elles ne sont 
pas difficiles à concilier (1). 

Plus récemment (1926), le Prof. Maurice Goguel a fait un autre classement, 
qui se rapproche en grande partie de celui de J. Weiss, et qui se justifie aussi 
par de prétendues oppositions d'attitude psychologique de Paul à l'égard des 
Corinthiens, et par des différences irréductibles dans l'annonce de ses projets 
de visite; au ch. xr, 34, l'Apôtre projetterait une visite très pacifique, en parfaite 
harmonie avec la communauté; à xvi, 1-11, il ne penserait qu'à un voyage plus 
éloigné, et à 1v, 47-21, la visite est prochaine et s'annonce comme pleine de 
menaces contre des adversaires qui se seraient démasqués à propos de l’ajourne- 
ment du premier projet. lei encore, il n’y a, selon nous, que des apparences d’op- 
position, et nous pensons le démontrer suffisamment dans notre commentaire, 
tout en nous remettant, pour l’élucidation de certaines difficultés secondaires à 
propos de ces projets de voyage, au commentaire de [I Cor. Comme Weiss, 
Goguel oppose, d'une lettre à l’autre, un point de vue rigoriste et un point de vue 
conciliant; et il note plus d'une fois des ruptures de développement organique 
là où nous croyons simplement que le vrai lien des idées et le développement 
des sentiments de Paul lui ont échappé. Voici sa répartition (p. 86) : 

A :IT Cor. vi, 14-vir, 13 I Cor. vr, 12-20; x, 1-22 (prescriptions sévères) ; 

B : I Cor. v,1-vi, 11; vu, Avi, 18; x, 23-x1v, 40; xv, 1-58 (?); xvr, 1-9; 12 
(réponses à la lettre de Corinthe); 

C:1 Cor. 1, 10-1v, 21; 1x, 1-27 ; xvr, 10- 11 (vise une situation aggravée). 

(I Cor. xvi, 15-18 appartiendrait À à B ou à G; et on ne pourrait déterminer la 
place exacte de I Cor. 1, 1-9; xvr, 13-14; 19- 24). 


(1) Les allées et venues de Timothée pendant les voyages apostoliques de Paul ne sont pas 
toujours délerminées d'une manière très précise ni dans les Æpitres ni dans les Actes, de 
sorte qu’elles laissent un champ assez large aux hypothèses reconstiructives des critiques; 


W. Michaëlis s'en est même servi avec quelque apparence de rigueur (« Die Gefangenschaft. 


des Paulus in Ephesus und das Itinerar des T'imotheus », 1925) pour démontrer la thèse 
insoutenable d'une longue captivité de Paul à Ephèse, durant laquelle il eût écrit Phil, et 
les autres lettres de même époque. 


CHAPITRE VI. | LXXXIT 


+ 
# * 


Voilà longtemps que Jülicher, dans son « Introduction », déclarait « aventu- 
reux, abenteuerlich, ces essais de dissection et de regroupement de nos épîtres 
aux Corinthiens; son jugement est particulièrement exact en ce qui concerne la 
Première. J. Weiss (Komm., p. xuin) et Goguel (pp. 77-suiv.) reconnaissent aussi 
bien l’un que l’autre que le « rédacteur » qui lui aurait donné l'unité et la forme 
actuelles agissait avec une certaine logique, et même avec habileté. De fait, si 
l’on scrute assez à fond pour bien « réaliser » les rapports réciproques de Paul et 
de sa communauté, le déroulement de la pensée apostolique dans notre lettre 
prise telle qu’elle est a l'air au moins aussi satisfaisant que dans les trois lettres 
respectives de ces auteurs ; nous essaierons de le montrer, et aussi qu’il est bien 
plus saisissant et plus génial. Quel avantage offrent leurs reconstructions cri- 
tiques ? Je n'en verrais qu'un, en fin de compte : l'œuvre de Paul s'écarterait 
moins alors de la sage platitude logique d’une thèse de candidat aux examens. 
Mais nous y perdrions quelques-uns des traits les plus originaux de sa prodi- 
gieuse personnalité, de la passion ardente dont il sait si bien ménager les 
manifestations, en cette souplesse raffinée de dialectique. 

On se demande d'ailleurs comment cette fusion de trois lettres aurait pu se 
produire, soit d’une manière systématique, soit d'une manière inaperçue. Le 
« corpus paulinum » est fixe, — sauf pour la place variable de quelques lettres, 
— et il est très vraisemblable que la collection était faite déjà aux dernières 
années du 1°’ siècle (voir Zahn, « Gesch. des neut. Kanons », 1 et 1, à divers 
endroits; Goguel, « Intr. »., 1v 1, pp. 45-suivantes); il est à peu près certain 
qu'ignace et Polycarpe la possédaient tout entière. Lorsqu'une église, Rome, 
Corinthe, Thessalonique, recevait une épître de l’Apôtre, lecture en était faite 
dans les réunions publiques. Le rouleau de papyrus qui la contenait était, cela va 
sans dire, soigneusement conservé ; mais on doit encore supposer que des copies 
en étaient prises. Ainsi, pour nous borner à deux cas typiques, la Deuxième 
aux Corinthiens étant adressée, non à Corinthe seulement, mais « à tous les 
saints qui sont dans l’Achaïe entière » (IL Cor. 1x, 1), ce n'est sans doute pas 
le même rouleau qui circulait dans les églises voisines de Corinthe, ou du moins 
celles-ci devaient en garder pour elles un exemplaire. Et l'Épitre que nous appét 
lons « aux Éphésiens » était destinée, sur l’ordre même de l’auteur, à passer de 
Laodicée à Colosses, de même que les Colossiens devaient communiquer à 
Laodicée l'épître à eux adressée (Col. 1v, 16) ; nous supposerons bien que les 
Laodicéens en avaient voulu conserver soit l'original, soit un double, et les 
Colossiens semblablement pour la leur; de plus, si cette épître a été intitulée 
«aux Ephésiens », c'est sans doute parce que, au moment de la collection, ce fut 
Ephèse (port où avait dû débarquer le messager de Paul}, qui fournit les 
exemplaires utilisés; la communauté de cette ville avait pu s'en procurer un 
dès le débarquement de Tychique. Et des chefs d'Église, des particuliers ne 
faisaient-ils pas copier pour leur propre usage tout où partie de ces lettres? 
Nous ne croyons donc pas comme J. Weiss qu'il se litaisément des confusions 
entre les rouleaux de diverses lettres jetées pèle-mêle aux archives de la com- 
munauté, et encore moins entre les diverses parties d'un même rouleau (7. P'eiss, 
Komm., pp.xz-xu), et qu'il füt besoin de tout un travail de reconstitution quand 


LXXXIV INTRODUCTION. 


on s’est occupé de répandre les Épttres ; ni, avec Goguel (op. cit., p. 58-suiv.), 
que « les conditions dans lesquelles vivaient les églises de l’âge apostolique 
fussent peu favorables à la conservation des longs et fragiles rouleaux de papyrus 
que constituaient, sous leur forme originale, les lettres de l'Apôtre » (1). Celui de 
l'épitre aux Romains aurait eu peut-être une longueur de 3",50, environ, ce qui 
n'est pas si extraordinaire. Pourquoi celui-là, ou ceux de Corinthe, auraient-ils 
été gâtés et mutilés « principalement au début et à la fin », ou déchirés en mor- 
ceaux par suite de l'usure? D'ailleurs, si l'original se gâtait, il ne devait pas 
être difficile, avons-nous dit, de recourir à des copies authentiques quand on 
aurait voulu faire un travail de restauration. Et puis, ira-t-on se figurer que les 
chrétiens de Corinthe ou d’ailleurs jetaient avec incurie ces précieuses lettres 
dans quelque grenier ou quelque cave où elles auraient été exposées à l'humidité, 
à la moisissure, à la dent des rats? Des choses pareilles arrivent peut-être en 
temps de grands troubles, de dispersion, de persécution; mais nous n’avons 
aucune connaissance certaine d'événements de ce genre survenus à Corinthe 
entre le temps de la fondation de l'église et celui de la lettre de Clément, où déjà 


le texte de I Cor’. avait passé à Rome, et où le « corpus » existait peut-être déjà, 


Goguel (p. 59) semble d'ailleurs appuyer principalement son hypothèse de 
restaurations et de rédactions sur l’histoire des épîtres aux Corinthiens, telle 
qu'il l’a refaite, mais telle aussi que nous ne saurions l’admettre (v. supra). 

Il faut donc croire que, s’il y avait eu refonte et redistribution des instructions 
originales de l'Apôtre, ce n’est point le hasard, ou quelque accident arrivé 
aux manuscrits, qui l'aurait imposée; le « rédacteur » qu'on présume aurait 
fait ses manipulations sans nécessité, et pour une fin systématique. Car, même 
éñ connaissant l'ordre primitif, il ne se serait pas abstenu de transpositions inten- 
tionnelles, puisque, dans la théorie de Goguel (iv, 2, pp 77-suiv.) il aurait, par 
exemple, détaché sciemment Î Cor. x, 1-22 de vi, 13-20 (pour donner à ce 
dernier morceau le caractère d’une introduction au ch. vn sur le mariage) et 
fait d'autres combinaisons du même genre. Son but aurait été de faire des lettres 
diverses de Paul un tout logique, comme une somme des enseignements de Paul 
à Corinthe. Outre que cela ne nous paraît pas bien conciliable avec l'existence, 
pour nous moralement certaine, d'autres manuscrits remontant aux premières 
années, et dont la comparaison aurait pu faire naître des discussions, et puis du 
respect qu'on avait certainement dans les églises pour la forme même des écrits 
apostoliques (rveuuarixbs, Clem.), nous nous demandons pourquoi la fusion n'au- 
rait pas alors été plus complète, et pour quelle raison, par exemple, il n’ÿ aurait 
pas eu de mixture plus forte des éléments de If Cor. avec ceux de I Cor. 
comme s'y sont essayés Hagge et Clemen dans sa première manière (v. supra) ; 
plusieurs d'entre eux, en effet, s’y seraient prêtés tout aussi bien. Aurait-on fait 


(1) La confusion et le mélange auraient été plus faciles sans doute si la lettre avait été 
écrite sur des tablettes ou sur un cahier de feuilles de papyrus. Mais de tableltes il n'est pas 
question. Quant aux « cahiers », la découverte des papyrus Chester Beatty nous a bien 
appris que l'usage on remontait chez les chrétiens déja au 11° siècle de notre ère. Mais, 
d'abord, c'est du 1° siècle qu'il s'agit ici, et puis, ces cahiers étaient préparés en vue d'être 
réunis en un codex volurnineux. Lorsque Paul envoyait son épitre, il ne songeail pas, je 
peuse, à lui donner une forme qui rendit plus aisé de la relier sans retard avec ses autres 
lettres, — écrites pour Thessalonique, ou pas écrites encore, — afin de faire un « corpus 
paulinien » à garder dans les archives de Gorinthe! 


; 
K 


CHAPITRE VI. . LXXXV 


deux lettres seulement pour ne pas avoir de rouleaux trop longs? En tout cas, 
ce ne serait pas alors une logique a priori fort exigeante qui aurait présidé à 
la distinction des deux. 

Par-dessus tout, nous maintenons que l'ordre des matériaux, tel qu'il nous est 
offert dans l'édition canonique, est bien préférable, parce qu'il est plus vivant 
et moins scolaire, à celui que les critiques ont prétendu rétablir. Ils n’ont pas 
vu, malgré leur pénétration des détails, les lois — instinctives ou raisonnées, 
peu importe — de la profonde stratégie de sentiments qui impose à la dia- 
lectique et aux exhortations de Paul certains rythmes très larges, très majes- 
tueux, s'étendant à toute une série de chapitres, et qu'ils brisent, eux, avec 
leurs divisions en plusieurs lettres (supra, ch. v, «le style »; et Commentaire 
passim). 

* 


k x * 
i 


L’impression qui nous demeure est que ces critiques distingués ont trop subi 
encore l'influence des habitudes de dépècement qu'on acquérait autrelois, au 
temps du règne des « Literarkritiker », dans les séminaires des Facultés de 
théologie protestante; il fallait à cette époque découvrir toujours plusieurs 
écrits en un, sous peine de n'avoir pas l'esprit scientifique. Ces dogmes 
d'école, grâce à Dieu, vont disparaissant, ou bien se réfugiant chez des 
« Delafosse » et autres historiens de même qualité, chez qui l'absence 
criante de méthode objective réfute par l'absurde les pratiques en question, 

La Première Épître aux Corinthiens est un écrit assez solide pour se défendre 
de ces attaques, et nous n'hésitons pas à souscrire au jugement de Godet (dans 
son comm., p. 27-s.), qui, avec bien d’autres, y voit un édifice intellectuel 
admirablement conçu et exécuté, malgré toute la diversité de ses matériaux. 


CHAPITRE VII 


LIEU ET DATE, 


On ne croirait pas qu'il pût y avoir de difficultés au sujet du lieu d'où notre 
épître a été envoyée. L'auteur lui-même le désigne, ch. xvi, 8 , et c'est 
Éphèse. Il n'en a été soulevé que par les critiques qui divisent la Première 
aux Corinthiens en plusieurs missives; mais nous venons de voir que la base 
de leurs théories n'est pas solide. Aucun indice matériel ou subtil n'invite à 
penser qu’une partie quelconque de l'épître ait été écrite après que Paul eut 
quitté Éphèse, et quand il se trouvait soit encore en Asie, soit déjà en Macé- 
doine. Car de juger avec J. Weiss que Paul n'aurait pas écrit {xv, 32) : « Si 
c'est xark dvBpwmov que j'ai combattu les bêtes à Éphèse » au cas où il se serait 
encore trouvé à ce moment dans cette cité, c'est là une observation qui manque 
vraiment de réalisme (v. comm. ad loc.). 

x 
* x 

Puisque la Première aux Corinthiens fut composée à Éphèse, il faut en placer 
fa date entre le commencement de 54 et la fin de l'automne 56 (Bachmann). 

Paul en effet a dù quitter Corinthe, pour commencer presque aussitôt son 
« troisième voyage missionnaire », aux premiers mois de l’année 53, ou au 
plus tôt dans les derniers de 52 {cfr. Jacquier « Les Actes des. Apôtres », 
pp. cecxxxvui-s.). C’est par la pierre mutilée de Delphes, contenant les restes 
d’une inscription qui reproduit une lettre de l'empereur Claude au proconsul 
d'Achaïe Lucius Junius Gallion, que l’on a pu fixer l'année de ce proconsulat 
soit en 51-52 {opinion commune), soit en 52-53 (Deissmann, Liet:zmann). Nous 
serions plus porté — pour des raisons qu'il serait trop long de discuter ici 
— à admettre la seconde date. Mais il nous semble d'après le récit des Actes 
que Paul avait déjà passé dix-huit mois à Corinthe lorsque le nouveau pro- 
consul arriva dans cette ville, à la fin du printemps (voir Act. xvur, 11-12) (1), 
et comme il y passe encore après cela « des jours nombreux » (ibid., 18), 
l'ensemble de son séjour aura duré à peu près deux ans. Puisque, avant 
d'aborder Corinthe, ses expéditions si mouvementées à travers l’Anatolie et la 
Macédoine, puis Bérée et Athènes, qui n'ont commencé qu'après le Concile de 
Jérusalem (49), lui prirent certainement un laps de temps assez considérable, 
nous ne pouvons nous tromper de beaucoup en mettant le début de son séjour 


(1) Nous ne l’avançons qu'avec réserve, car il se peut que l'incident Gallion se soit passé 
au cours de ces dix-huit mois, comme le croient beaucoup d’exégètes, et le style narratif 
de Luc ne s’y oppose pas; en ce cas, le v. 11 scrait un résumé anticipaltif. 

Aquilas et Priscille, chassés de Rome, devaient être établis déjà depuis un certain 
temps à Corinthe, puisqu'ils y avaient monté une fabrique déjà connue, — à moins que ce ne 
fût une succursale de leur atelier de Rome. 


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CHAPITRE VII. LXXXVII 


à Corinthe, au plus iôt à la fin de l'an 50 (date de l'expulsion des Juifs de Rome, 
cfr. Act. xvin, 2 sur Aquilas et Priscilla), et plus vraisemblablement dans le 
courant de 51. Ce qui nous mène, comme nous le disions, à la fin de 52, ou 
mieux à 53, pour son départ de Corinthe (v. supra, ch. 111, p. xix-s.);, le 
« troisième voyage missionnaire », en effet, n'a pas dû être entrepris en plein 
hiver, quand il devait conduire l'Apôtre à iravers des montagnes et le rude 
plateau anatolien (1). À 

Paul s'était donc installé à Ephèse vers la fin de 53 ou mieux, pensons-nous, 
la première moitié de 54. Il y demeura trois ans, ou en tout cas plus de deux ans 
(Act. xx, 31, cfr. xrx, 10). Cette mission fut d'abord, on le sait, extrêmement 
agitée, pendant le temps où, après les trois mois de prédication à la syna- 
gogue, les aboyeurs juifs attaquèrent l'Apôtre, diffamant lui et sa doctrine 
devant la multitude païenne (Acé. x1x, 9, xaxohoyoüvrec tv 660v évomiov 705 mkdbouc), 
et tâchant de lâcher contre lui des émeutes. Ce fut-le temps de la « lutte 
contre les bêtes » (I Cor. xv, 32), qui comprit peut-être une brève incarcéra- 
tion de Paul, mais certainement pas cette captivité légale et prolongée que 
croient avoir découvert des auteurs modernes. Quoi qu'il en soit, lorsque Paul 
écrivit sa première épître canonique à Corinthe, ces jours très sombres étaient 
passés ; il restait dans l'air bien des grondements d'orage, mais l'Apôtre était 
tout à l'espoir; il voyait une « large porte » ouverte à son activité {I Cor. xvr, 9), 
et de fait les Actes nous apprennent {xix, 10-20) que, jusqu'à l'émeute des 
orfèvres, Paul trouva à Éphèse des succès incomparables, encore plus marqués 
qu’à Corinthe. | 

Ces faits sont assez clairs pour nous permettre de dater notre Épitre. 

Il est d’abord très vraisemblable, — et la plupart le reconnaissent — qu'elle 
fut envoyée aux environs de la Pâque juive, c'est-à-dire entre l'hiver et le 
printemps ([ Cor. v, 7-s., v. comm. ad loc.). Mais en quelle année? 

La majorité des critiques estime que ce fut dans la dernière année du séjour 
d’Ephèse; car ils croient que Paul accomplit effectivement le dessein annoncé 
par lui (I Cor. xvr, 8) de quitter Éphèse à la Pentecôte, et que l'émeute de 
Démétrius l'obligea même peut-être à le faire plus tôt. Ainsi notre lettre 
daterait de 56, quelques-uns disent même de 57. 

Nous verrons plus tard qu’il n'y aurait alors qu'un trop bref intervalle entre 
la composition de I Cor. et celle de II Cor. Mais, sans recourir encore à cet 
argument, que nous ne saurions développer suffisamment ici, nous croyons 
que le seul rapprochement de I Cor. avec les Actes impose la nécessité de 
reculer cette date. Contre la dernière année d'Éphèse militent en effet bien 
des considérations qui ont été excellemment exposées par le commentateur 
Bachmann, en dernicr lieu; et nous croyons ne pouvoir mieux faire que de 
nous ranger à son opinion. 

La Première Épiître aux Corinthiens a dû ètre écrite, selon B. (après Jülicher, 
Krenkel, Schaefer, Kennedy, A. Barth, et peut-être AHo/ffatt), non pas à la fin 
du séjour éphésien. mais quelques mois après l'arrivée de saint Paul dans la 
capitale de l'Asie. Il existe pour le croire beaucoup de raisons, dont voici 
l'aperçu, tel que nous le concevons en nous aidant de Bachmann. 


0 Nous tenons en elfet pour la thèse de la Galatio du Nord; or Paul, d'après I Cor. xvi, 1 
(efr. Ac. xIx, 1) venait de passor par la « Galatie » il n'y avait pas très longtemps. 


LXXXVIII INTRODUCTION. 


Lorsque l'Apôtre envoya I Cor., « la porte large » venait de s'ouvrir, et il en 
fait part avec joie à ses lecteurs ; mais il restait « beaucoup d’adversaires ». De 
pareilles données ne sauraient convenir à rien de mieux qu'à l'époque où la 
« thériomachie », c'est-à-dire les luttes incessantes livrées trois mois ct plus 
contre les intrigues juives, venait de prendre une issue favorable; car le souvenir 
des « bêtes » est tout proche, et il émeut encore l'âme de Paul, qui les entend 
toujours menacer dans leur retraite. Nous sommes par là reportés tout naturelle- 
ment au début de ces grands succès d’apostolat que décrivent les Actes des 
Apôtres, et il va s'engager hardiment par la porte ouverte. Ce changement de 
situation se produisit quelques mois, mettons cinq ou six, après le début de la 
prédication d'Ephèse. S'il est arrivé là vers la fin de l’an 53 ou plutôt au cours 
de 54, nous nous trouverions justement, lorsque Paul composait sa lettre — 


travail qui a bien dû l'occuper quelques semaines, étant donné sa multitude 


d’autres soucis — atteindre l'hiver 54-55, et il comptait, quand il dictait le 
chapitre v, qu'elle serait à Corinthe au temps de la Pâque, ou peu après. D'autres 
observations qu'a réunies Bachmann confirment bien cette date. 

Ainsi, remarque-t-il, la mention de la collecte organisée en Galatie {xvr, 1} 
paraît évoquer un souvenir assez récent; il n'y avait pas très longtemps que 
Paul avait visité ce pays (le second passage impliqué Gal., 1, 9, mpoeofxauev, et 
opposé à vo mpdrepov de 1v, 13; car Paul n'a point parlé de collecte dans son 
Épitre aux Galates écrite plus tard). C’est au début de son séjour dans la capitale 
asiatique qu'Apollos a dû l'y rejoindre, et contribuer à lui faire connaître les 
nouvelles qui motivèrent l'envoi de la lettre précanonique; il était encore auprès 
de l'Apôtre {xvr, 12, v. comm. ad loc.) et nous ne jugeons point probable, 
puisque les Actes n'y font plus allusion, qu’il soit demeuré tous les trois ans. 
en sa compagnie. D'autre part, c'est lorsque Paul avait réussi à dominer les. 


premières difficultés d'Ephèse que les Corinthiens pouvaient s'attendre à une 


prochainé visite de leur « père », la solliciter dans la lettre qu’ils lui envoyèrent, 
et quelques-uns d'entre eux, peut-être (voir 1v, 18), la redouter et éprouver 
du soulagement à voir qu'elle était différée au delà de leur prévision. Enfin, 
nous trouvons encore chez Bachmann un dernier indice qui a bien un peu de 
valeur : ce sont les changements de résidence d'Aquilas et de Priscilla (cfr. 
I Cor., xvi, 19 et Rom., xvi, 4). Comme ils sont toujours installés dans leur 
maison d'Ephèse, et qu'on les trouve pourtant rétablis dans leur ancien domicile 
de Rome quand Paul, de Corinthe, écrit à cette ville {en 58 pour la plupart, 
Lagrange 51), on croira aisément que le mari et la femme, si grands voyageurs 
qu'ils fussent, ont mis plus que quelques mois à transporter leurs affaires 
d'Orient en Occident, et que, par conséquent, il s’est écoulé un assez long laps 
de temps entre I Cor. et Rom. Paul écrit aux Romains que ces amis excellents 
ont « exposé pour lui leur tête » ; nous ne pouvons déterminer les circonstances 
où ils lui ont donné cette marque de dévouement; si ce ne fut pas à l’occasion 
de l'émeute des orfèvres, on pourrait penser à la crise de la « lutte contre les 
bêtes »; plutôt à celle-ci, car, d’après ce que nous venons de dire, les deux 
époux n'ont pas dû demeurer à Ephèse durant tout le séjour de Paul (v. encore 
infra). 

De cet ensemble d'arguments il nous paraît, à nous aussi, résulter que la 
Première épiître aux Corinthiens était écrite au printemps de l’année 55. 


Pa het PRE ER re TR 


CHAPITRE VII. LXXXIX 


Unc seule considération pourrait empêcher d'admettre cette date antérieure 
à celle qui plaît communément. C’est que Paul aurait dû, d'après ses propres 
dires, quitter Ephèse à la Pentecôte de la même année où il écrivit 1 Cor. Mais 
nous croyons qu'effectivement il n’en fut pas ainsi. Paul, ayant passé la « porte », 
vit tant de travail à exécuter dans cette ville qu'il y prolongea son séjour 
beaucoup plus qu'il ne l’envisageait quand il écrivait notre épitre; seule l’é- 
meute rapportée par Luc (Act. xix, 23-40) l'obligea à la quitter plus tôt encore 


_ qu'il ne l'aurait voulu (ibid. xx, 1). C'aurait été, comme Bachmann le note 


encore avec justesse, un temps bien court que les trois mois au plus qui séparent 
la réception de la lettre et la Pentecôte, pour profiter de cette « ouverture de la 
porte large » aussi magnifiquement que Paul sut le faire, d’après les Actes des 
Apôtres. 

Enfin, si nous remontons notre Épître au printemps de 55, l'intelligence nous 
est grandement facilitée des événements multiples qui ‘intervinrent entre la 
composition des. deux lettres canoniques. Mais c'est une argumentation que nous 
devons remettre à un autre commentaire. Celle qui précède peut bien, à notre 
avis du moins, suffire. 

Deux années environ s'étant écoulées depuis que Paul avait quitté Corinthe, 
c'était certainement assez, dans une ville aussi remuante, pour que s'y fût 
produit tout ce dont s’occupe la Première aux Corinthiens. 


CHAPITRE VII 
LE TEXTE DE LA I'® ÉPITRE AUX CORINTHIENS. 


Nous n'avons rien d'original à dire sur le texte de cette épître, si ce n'est 
qu'il parait nous avoir été excellemment conservé, et qu'on y soupçonne à peine 
une corruption antérieure à l'âge des manuscrits. Parmi ceux-ci, les leçons dites 
« occidentales » et les « alexandrines » sont relativement assez rares, ainsi que 
les corrections antiochiennes qui sont faciles à expliquer. En somme, il est très 
peu de variantes qui puissent modifier le sens et exigent une discussion; nous 
les énumérerons à la fin de ce chapitre. 

Parmi les commentateurs, ce sont les Anglais Robertson et Plummer (1911;, 
2° édit. 1914) qui ont consacré au texte la plus soigneuse étude d'ensemble, 
et nous y renverrons souvent. Qu'il nous suflise de donner ici un aperçu rapide 
des témoins du texte grec, des versions, et des principales variantes qui peuvent 
influer sur l’exégèse. 


I. Témoins grecs. 


Nous possédons un petit nombre de papyrus, beaucoup de citations, et environ 
500 manuscrits, dont vingt onciaux (1). 

Papynus. — Nous énumérerons ceux que l’on a découverts jusqu'ici, quoiqu’ils 
soient peu nombreux et de peu d'utilité (2). C'est Q Paul — 4 4020 — 31, (& dans 
Rob-P1.) du v° siècle, à Pétrograd, qui contient 1 Cor. 1, 17-20; vi 13, 15, 16-18; 
vi, 3-14; et d'autres fragments; peu lisible) — Ensuite 7t#r4! — 4 1036 — pi, 
également du v°s., au Sinaï (contient [ Cor. 1, 25-27; x, G-8; rx, 8-10 ; 20). — 
Hunt a publié, en 1910, dans le vol. vix des « Oxyrinchus papyri » (n° 1007 à 
1072), un fragment de I Cor. vir, 18-vurr, 4, de la seconde moitié du rv° siècle. 
— Ces fragments concordent en gros avec le texte des grands manuscrits B K A. 

Citations. — Nous signalerons, quand il y aura lieu, les variantes d'/rénée, 
Clément, Origène, Chrysostome, Euthalius, etc. 

Marcion. Ce qui importe le plus pour l'exégèse est d'apprécier la valeur des 
leçons divergentes de Marcion en son « Apostolicon », tel qu'il a été rétabli au 
moyen des citations de’ Tertullien, d'Epiphane, et de ses autres réfutateurs. 
(Voir Æarnack, « Marcion », pp. 44, 77*-94*), Voici les principales, dont le 
caractère de correction tendancieuse saute aux yeux : : 

ut, 17 : M. a substitué le passif é6xphoerar à wdepet voïrov & Gede, — parce 
que le Dieu bon ne doit rien détruire. 


(1) Nous employons dans ce chapitre, comme dans notre comm. de l'Apocalypse, la triple 
nomenclature de Wettstein, von Soden et Gregory; mais, dans le commentaire, nous nous 
contenterons de celle qui est usuelle. 

(2) Le codex fragmentaire de Paul, parmi les fameux papyrus Chester Bcatiy, ne contient 
malheureusement pas les Épiîtres aux Corinthiens,. 


CHAPITRE VIII. XCI 


x, 41. [] a écrit (vraisemblement) raÿc’ drünuc ouvéfawver, au lieu de 
radra révra rûmot cuvéfuivey — parce que l'A. T. ne pouvait selon lui être type du 
Nouveau. 

x, 19 iepolurôv rl Eortv À eldwhoGurév ti éoriv, pour sidwAdv ri Éotuv, etc. — parce 
que selon lui les dieux païens devaient exister, comme démons de la nature. 

xv, 3-8. M. a effacé 6 xat rap£ha6ov et xara rùs ypégas, — parce que Paul 
avait reçu directement sa révélation, et ne pouvait s'appuyer sur l'A. T. 

XV, 20. xnpÜocetat dvactévar au lieu de éyñyeprar, — pour qu'on ne crût pas 

que c'était le Dieu créateur qui avait ressuscité Jésus. 

xv 38. Des Marcionites postérieurs ont changé cüux en mveux, dans 
la phrase 6 Gt Oeùs adré dôwot coux xalç A0sAncev, — parce que le vrai Dieu ne 
crée rien de corporel. : 

xV, 45. M. écrit : 6 Écyatos, xügtoc, -eic nveüuæ Cwomotobv, au lieu de & ëcyxroc 
?Aôäu, etc. — vu qu'il rejette tout rapprochement du Christ avec Adam. 

À [ Cor. vi, 13, l'addition marcionite 66 6 vadç tv Oeûi xai 6 Oedc rü va, 
semble par contre n'être qu'une glose explicative de rù à ox... r& xuplw xxl 6 
A0ptOÇ TO cupurt, 

Tout cela n'a pas empêché van Manen, puis l’école Couchoud, de 
prendre l’Apostolicon pour la meilleure édition, sinon la première, des épitres 
de Paul. 

Maxuscnirs. Î Onciaux. — Ïl en existe une vingtaine, dont cinq seule- 
ment (NK À B L W) contiennent l'épître en entier. Les voici par ordre de date. 

Le Vaticanus B (5! — 03); 

Le Sinaiticus R (5? — O4); 

L'AZexandrinus À (4 — 02); 5° siècle. 

Le Codex Ephraemi rescriptus, C (à — O4). I y manque vir, 18-1x, 6 
et xrn, 8-xv, 40; v° siècle; et de cesiècle encore : le Codex Muralti vi, I? (088) 
à Pétrograd, qui ne contient que xv, 53-xvr, 9; le cod. 2 — x! —— 048, 
palimpseste du Vatican, contenant 1v, 4-vr, 16, x, 23-x1v, 21, xv, 3-xvr, 1. 

Puis viennent, du vi° au 1x° siècle : 

Le codex bilingue Claromontanus D? {41026 __ 06) du vi s. à Paris, type du 
texte « occidental ». Corrigé par plusieurs mains, dont l’une a écrit xiv, 13 
did 6 AadGv., — 22 onuetov Éctiv, qui manquait. 

. Le cod. Coislin H, à Paris, vi°s., la partic contenant x, 19-32, xr, 6-20. 

Le codex acquis en Egypte par M. Frecr de Détroit, en même temps que le 
fameux W des Évangiles, avec lequel il était joint à l'origine, et édité par 
Sanders («The Washington Manuscript of the Epistles of Paul», New-York 
1918). Îl est du vi‘ siécle, égyptien. Sanders l'a nomenclaturé sous la lettre L. Il 
commence à ! Cor. x, 29, ct contient des morceaux des autres épitres. Texte 
apparenté à Bet N. 

Ensuite KF, à Paris, contenant L Cor. vu, 39 et x1, 29, en gloses marginales 
sur un oncial de l'A. T.; vus; — W'(à6 — 044). de l'Athos, ct S (049), con- 
tenant 1 Cor. 1-v, 8, xuur, 8-xv1, 24, tous deux du vin ou ix° s.;: — K (Aro. 1 — 
048), à Moscou, manque 1, 1-vr, 13 et vin, 7-11; E (« 1027) Pétrograd, copie 
de D; le codex Augiensis F (x 1029 — 040), Cambridge, probablement copie du 
suivant G (x 1028 — 042) ou codex Bôrnerianus de Dresde, bilingue, manque 
en tous deux Î Cor. 11, 8-16 et vi, 7-14; L («5 — 020) cod. Angelicus, Rome; 


XCII INTRODUCTION. 


M (0424), à Londres, contenant xv, 52-xvr; P («8 — 025), palimpseste Porjt-- 
rianus Chiovensis, à Pétrograd, où il y a des lacunes : vit, 45-17, xt, 23-x111, 
5, xiv, 23-39; tous ceux-là sont du rx° siècle. 

: Il Minuscules. — Il existe environ 480 cursifs, d'une époque postérieure à 
celle des onciaux, et reproduisant le plus souvent la revision antiochienne. 

Parmi eux, il n'y en aurait guère à signaler que trois ou quatre : 

17 (à 48-33) à Paris, qui est du rx° siècle; 

47 (Ox 103 — 1908) à Oxford, du xi° siècle; 

67 (0*° — 424), à Vienne, xr° siècle avec corrections marginales 
intéressantes (67**); affinités avec M. 

37 (5 505-69), Leicester, du xv° siècle. 

IT Lectionnaires. — Sur les cent-soixante environ qui contiennent l’Evan- 
géliaire et l'Apôtre, la 1"° aux Corinthiens apparaît naturellement souvent et on 
pourrait y trouver des leçons anciennes. Mais ces textes n'ont pas été jusqu'ici 
très étudiés. 

xx 


En gros, et sans vouloir entrer dans les discussions des critiques, tous ces 
documents se classent en plusieurs familles : 

: BX À C représentent la tradition que Westcott-Hort disaient « neutre », et 
qu'on appelle plus souvent aujourd’hui « égyptienne » ou « alexandrine » ; il est 
à noter que les min. 17 et67** s'accordent quelquefois avec B contre tous les 
autres témoins, et que B se rapproche quelquefois de G. 

Le Clarom. D, avec E F G, contiennent des leçons « occidentales », 
qui se rapprochent de celles des Pères latins; 
H se rattacherait à la recension dite « d'Euthalius » ; 
Enfin K L et P représentent la recension antiochienne; c’est 
| aussi le cas des minuscules, à moins qu'ils ne présentent 
des types mélangés. Le ms. 17 est considéré eomme le meil- 
leur; 37 aussi est bon. 

La tradition textuelle grecque de I Cor. est d'ailleurs relativement pure 
d'altérations du genre « occidental » ou du genre « alexandrin ». Robertson- 
Plummer l'ont discutée longuement, pp. lix-lxvi. Nous signalons plus bas les 
variantes principales. 


Il. Témoins non-grecs. 


Larins. 1. Citations de couleur « occidentale » chez Tertullien, Cyprien, 
Ambroise, Pélage, al. — Celle du commentateur qu'on appelle « l'Ambrosiaster » 
sont dignes surtout d'être remarquées ; le texte en est fort ancien, autant et plus 
que ceux des manuscrits grecs, et, d'après Souter, « il équivaut à un codex 
latin complet de ces épitres [de Paul], du rv° siècle et antérieur à la Vulgate ». 

IT. Versions. Nous possédons quelques manuscrits « pieux latins ». Ce sont 
d'abord les textes en latin des onciaux bilingues D E F G, nomenclaturés : 

d : indépendant en général de D (Cod. claromontanus); 
e : plus proche de la Vulgate (Sangermanensis); 


CHAPITRE VII. XCIIT 


f : texte de Vulgate mêlé de « vieux-latin » (Codex augiensis) ; 
g : vieux-latin dans I Cor. et Rom., ailleurs Vulgate (Cod. boerne- 
rianus). Par ailleurs, nous avons : 
r : « (codex frisingensis »), à Munich, vr° siècle, fragmentaire ; 
m : dans « Speculum Pseudo-Augustinianum », Rome, 1x° siècle 
fragments (cod. sessorianus);. 
x: du rx° siècle, à Oxford, bibl. bodl., affinité avec d, mais plu- 
sieurs fois corrigé; il rie serait pas vieux-latin, d'après Dom de Bruyne 
(cod. bodleianus). h 

Tous ont naturellement des leçons « occidentales ». 

Parmi les très nombreux manuscrits anciens de la Vulgate, signalons l'amia- 
tinus À, le meilleur, le cavensis C, le dublinensis D (affinité avec À, mais 
traces de vieux-latin), le vénérable fuldensis KW, le sangermanensis G, le 
hubertianus H, le theodulfianus ©, la Bible de Rosas R, l'ulmensis U?, le regi- 
nensis R?, etc. Quelques-uns de ces textes, comme D, le lemovicensis L®, le 
Anonacensis M?, l'oxontensis O, U?, al. sont mêlés. — Les mss. des Epîtres 
pauliniennes dans la Vulgate présentent, on le sait, de très nombreuses 
inexactitudes; nous n'aurions aucune répugnance à croire comme tant d'autres, 
depuis les études de Dom de Bruyne, que si saint Jérôme y a eu une part, elle 
n'aura été que de surface. 

Syriaques. — De la Peschitto (pe ou peé), qu’on attribue assez généralement 
désormais à Rabboula et au v° siècle {les citations antérieures de Paul par S. 
Ephrem ne peuvent pas servir, v. infra), 16 manuscrits catalogués par Gregory 
{« Textkritik des N. T.») contiennent les épîtres de Paul, et il en existe une 
cinquantaine d’autres au moins. Gwilliam (« The materials for the criticism 
of the Peshitto N. T. », 1891), indiquait comme les meilleurs de ces manus- 
crits le cod Add. 14479 du British Museum, du vi° siècle; 14448, de la fin 
du vn° siècle, et 14470, peut-être du v° siècle, ainsi que 14476 et 14480. (Voir 
Jacquier, « Le N. T. dans l’église chrétienne », Il, pp. 225. suiv). On sait que 
cette Vulgate syrienne se rapproche surtout du texte antiochien, mais parfois 
aussi des autres. 

Parmi les manuscrits de la version « harkléenne » catalogués par Gregory, 
<inq contiennent les épîtres de Paul ; le meilleur, d'après Kenyon, est 1° de Cam- 
bridge (Univ. Add. 1700), qui les renferme toutes sauf Philémon et Hébreux. 

Versions ÉGYPTIENNES (copé.) — On n’a que des fragments sahidiques (sah) de 
notre 1° aux Corinthiens, dans la centaine de mss. que Gregory a catalogués. 
La version sahidique se rapproche dans l'ensemble de la recension alexandrine 
(Horner). (Voir H. Tnompson, The Coptic version of the Acts of the Apostles 
and the Pauline epistles in the Sahidic dialect, 1932). Tout le N. T. existe 
dans la version bohairique [boh. ou bo. ou copt.) et trente manuscrits environ 
des épîtres de Paul sont connus (v. Zorner, « The coptic version of the N. T. in 
the northern dialect », III, « The Epistles of saint Paul »). Cette version a beau- 
coup d’aflinité avec le Vat. B. 

AuTREs versions. — La version arménienne (arm.] des épîtres (de Messob, 
vi®s., ou plus ancienne) est faite sur le syriaque et à base de type antiochien. 
C'est dans une traduction en cette langue que nous avons le commentaire de S. 
Éphrem sur les épitres de Paul: mais le texte sacré paraît y avoir été souvent 


XCIV INTRODUCTION. 


conformé à la bible arménienne, comme il l'a été à la Vulgate latine dans la 
traduction latine des Mékhitaristes, de sorte que les leçons n'en sont guère 
utilisables). 

La version éthiopienne, (œth.) faite sur le grec, présente des concordances 
remarquables avec B; les épîtres de saint Paul sont en codex séparés, ordinaire- 
ment incomplets. — La version arabe, peu utile, a des épîtres de saint Paul 
traduites du grec (type antiochien prédominant) dans Arabus 13 du Vatican, et 
le ms. du 1x° siècle publié par Mrs. Gibson en 1894, ou du syriaque (cod. 134, à 
Pétrograd, 1x° siècle). — Enfin la 1'° aux Corinthiens est représentée par quelques 
fragments dans la version gothique d'Ulfilas (gor.). 


IT. Quelques lecons discutées. 


On ne soupçonne guère parmi les plus récents critiques (excepté J. Weiss par 
ci par là) qu'il se trouve dans I Cor. de passages altérés avant la composition 
de nos manuscrits, et qui ne puissent se rétablir avec leur aide. Robertson-Plum- 
mer admettraient tout au plus comme « primitive corruption » le êre être de xx, 2, 
auquel ils substitueraient volontiers &1t dre, proposé par Westcott-Hort. Pour 
nous, à cause de l'autorité prépondérante des manuscrits, nous n'avons pas osé y 
toucher, quoique Souter (The Expositor, n° 59), reproche à Von Soden de n'avoir 
pas biffé &r dans son édition. 

Un fort beau texte où l’anacoluthe révèle l'émotion de l'âme de Paul, c’est 
1x, 15: « [vaudrait mieux pour moi mourir que de... Ce sujet de gloire que 
j'ai, personne ne l'anéantira änobaveiv 4... vo xabynu& pou xvÀ.); nous verrons 
dans le commentaire comment des secribes mal inspirés ont cherché à en faire 
une phrase correcte. ; 

Mais nous voulons nous attacher seulement aux quelques variantes qui pour- 
raient influer sur l’exégèse. De ce nombre sont: 

IT, 4. puoréprov au lieu de aæprüpuov; le deuxième s'accorde d'une manière plus 
expressive avec le contexte. 

Ii, 1-8. Les témoins qui lisent deux fois oxpxixot et deux fois oéoxvor ont 
procédé par assimilation, et négligé une nuance très fine de la pensée. 

VII, 34. Nous lisons : xx peuépiotar. ‘A yuvh dyauos xal À mapüévos… Ici il y a grand 
désordre dans les témoins, et grande divergence entre les critiques. Ce sont des 
considérations de jugement qui doivent l'emporter. 

VIII, 7. cuvnteia est préférable certainement à cuvadisa, pour la psychologie ; 
le second substantif paraît être une assimilation. 

VIII, 8. Divergence de sens, intéressant l'histoire des idées, suivant que l'or 
place en premier lieu reptocebouev ou üorepoiueôe, et la présence ou l'absence de ui, 

XI, 2. Si l’on lisait mou après mapaôdoets, le sens certain de « traditions » géné- 
rales, et doctrinales comme disciplinaires, deviendrait moins clair. 

XI, 24. Les participes xhGytevoy ou autres ajoutés à vo brèp üpüwv dans les paroles 
de la consécration du pain sont des gloses justes, mais non nécessaires pour la 
clarté. 

XIV, 38. Suivant qu'on lit éyvosiro ou éyvosirar (celui-ci préférable), on n'a que 
l'expression d'une sorte d'impatience, ou au contraire un avertissement grave et 
doctrinal. 


Le per Er mes un 


| 


«.GHAPITRE VIII. XCV 


xv, 14. éuüv, après mien, est bien plus énergiquement oratoire, et mieux en 


situation que fuév. 
xv, 49. gopécwuev où popécoev ? La doctrine de la conformation au Christ dès 


cette vie y est intéressée. 

De nombreuses autres variantes seront à discuter dans le commentaire; mais 
elles n’intéressent que le style et la langue, ou des nuances assez indifférentes 
du sens. Ainsi reu#ôot, ou metÜot à 11, 4, xnptboeic OU quuwoets à 1x, 9, etc. 

Il faut noter que les variantes fausses ou suspectes ne sont pas toujours res- 
treintes aux textes « occidentaux » et aux textes « antiochiens », mais qu'on 
en rencontre jusque dans B et N. A tout prendre elles sont assez rares, et 


presque toujours sans grande importance. 


Dans notre texte grec et notre version, nous n’exclurons «a priori ni les 
« leçons occidentales » ni les autres; ce sera chaque fois un cas d'espèce à 
résoudre par le jeu combiné, et quelquefois délicat, de la critique textuelle et 
de la critique interne. Maïs pour base, nous n'avions pas besoin de chercher 
autre chose que le texte commode et communément accepté, basé sur N B À, 
dont on use depuis Westcott-Hort, et qui sert aussi aux éditions manuelles de 
Nestle et de Vogels; cela, bien entendu, sans en être esclave, mais en ne nous 
en écartant que pour des raisons que nous chercherons chaque fois à justifier. 

Comme dans notre traduction de l'Apocalypse, nous avons visé, non à l’élé- 
gance littéraire, mais à une transposition aussi exacte que possible dans notre 
langue de toutes les nuances de la pensée de Paul, et de tous ses mouvements. 
Il n’est pas toujours facile de rendre un style si vivant et si personnel, où, 
suivant sa place dans la phrase et le rapport au contexte, un seul et même 
mot grec peut prendre maintes significations. Aussi n'avons-nous pas visé 
non plus à un littéralisme absolu, qui souvent n'aurait fait que trahir l'énergie 
ou la finesse des termes de l'Apôtre. D'ailleurs, nous le reconnaissons en toute 
humilité, il est impossible de rendre en français les qualités du grec de Paul, 
car le son des mots et les proportions de longueur entre les membres de 
phrase y ont une part considérable. Or, pour serrer de près ses pensées et leur 
ordre, il faut parfois recourir à des tournures françaises qui ont beaucoup 
moins de brièveté que celles de l'original auxquelles elles cherchent à corres- 
pondre, et peuvent paraitre lourdes on rocailleuses. Ainsi, entre plusieurs 
remords, nous ne nous consolons guère de n'avoir su rendre la force de oùyt 
que par « n'est-il pas vrai que », pour le distinguer du simple o?. Il fallait bien 
pourtant choisir entre l'exactitude de fond et une correction limpide, mais trai- 
tresse à l’occasion, de la forme. 

Nous n'avons pas cherché, sauf en de rares passages, à disposer le texte en 
lignes. On pourrait le faire, sans doute, avec quelque droit, beaucoup plus 
souvent que nous ne l'avons fait. Mais il est trop facile d’abuser de ce procédé 
pour se donner à bon marché une apparence de nouveauté littéraire et scien- 
tifique; et une version prétendue rythmique comme celle de Loisy, qui ne 
représente que de très loin le style de Paul dans sa vive couleur, et n'est en 


XCVI INTRODUCTION; 


somme ni du grec ni du français, nous a tout à fait détourné de suivre ces 
exemples. 

Que les lecteurs nous soient indulgents! Toute traduction de Paul ne peut être 
qu'un « essai », réussi plus ou moins, mais jamais autant qu'on aurait voulu. 
Nous désirons seulement qu’on puisse bien suivre sa pensée et sentir au moins 
quelque chose de sa ferveur et de sa noble passion. 


(Nora. — Nous suivrons dans notre Commentairé une dispostion à peu près semblable à 
celle de notre Commentaire de l’Apocalypse : une introduction avant chaque section et 
chaque péricope; puis, au commentaire des versets, une première partie (A) pour la critique 
textuelle, les observations grammaticales, les parallèles, etc.; et un second alinéa (B) pour 
l'exégèse proprement dite). 


CHAPITRE IX 


LES COMMENTAIRES DE LA I'° ÉPÎTRE AUX CORINTHIENS. 


La richesse et la beauté de la [°° aux Corinthiens ont fait surgir les com- 
mentateurs en grand nombre. Il serait malaisé d'en produire une liste sans 
lacune; mais nous tâcherons de donner au moins l'essentiel. Il faudrait ajouter 
l'immense littérature qui traite de la vie de saint Paul et spécialement de ses 
rapports avec Corinthe, en des ouvrages spéciaux ou dans les « Introductions », 
sans parler des Encyclopédies et des articles de revues. Nous citerons ce qui 
en est le plus important pour notre étude dans la Bibliographie [infra) et, 
quand il y a lieu à discussion, dans notre commentaire et nos excursus. — La 
Première Épitre aux Corinthiens paraît d’ailleurs avoir moins attiré l'attention 
en ces années récentes que les Épiîtres aux Romains ou aux Galates. 


I. Anciens Grecs et Orientaux. 


Nous avons dit quelle fut la popularité de l'Épitre au 1° siècle. Dans le siècle 

suivant, elle fut expliquée, en partie au moins, par 

OrIGÈNE, fragments conservés dans la Catena de Cramer, la Phïlocalia éditée 
par Armitage Robinson, et quelques autres publiés depuis. 

SainT Epurem (+ 373) a commenté les épiîtres pauliniennes, mais son texte 
syriaque est perdu; il n'existe plus qu’une version arménienne tra- 
duite elle-même en latin par les Mékhitaristes de Venise : « $. Eph- 
raim Syrus. Commentarii in Epist. D. Pauli, in latinum sermonem 
a patribus Mekhitaristis translati, Venise, 1893. 

La valeur en est modique au point de vue de l'exégèse. Tout au 
contraire 

SainT Jean CunnysostTomE, Homiliae XLIV in epistolam primam ad Corin- 
thios (Migne PG, t. 61), homélies auxquelles on peut joindre le livre 
De Virginitate (PG, t. 48), nous a donné ce que l'antiquité a de 
plus précieux pour l'exégèse de saint Paul. C’est un repos spirituel 
de les lire en sortant des besognes techniques. Pour la pénétration 
des idées de Paul, la ferveur, la finesse des applications, ces 
homélies sont aux yeux de beaucoup le chef-d'œuvre du grand doc- 
teur d’Antioche. Leur sujet les à garantis de quelques faiblesses 
doctrinales qui ne sont pas absentes des homélies sur l'Épitre aux 
Romains. Toutefois il va sans dire qu'elles ne forment pas la der- 
nière instance pour la solution des questions historiques, car le 
siècle de Chrysostome était déjà bien différent de l’âge de saint Paul, 
et l'auteur lui-même ne peut toujours appuyer ses opinions sur une 
tradition solide; mais ce point a moins d'importance ici que lorsqu'il 
s'agira de la Deuxième Épttre. 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS. £ 


XGVIII INTRODUCTION. 


SAINT CyYRILLE D'ALEXANDRIE, fragments exégétiques dans Migne PG, t. 74. 

Tuéopore ne Morsuesre (PG, 66), fragments. | 

Tuéoporer de Cyr (PG, 82). Son commentaire, qui concorde avec celui de 
Chrysostome dans les,grandes lignes, sans en avoir l'ampleur, est 
recommandable en bien des passages pour la clarté et la sûreté du 
jugement. 

S. Jean Damascène (PG, 95), seulement quélques excerpta de Chrysostome. 

Œcumenius (PG, 118, 119). Voir sur cet auteur notre comm. de l'Apocalypse, 
8° édit, p. ecxzv. Beaucoup de-points de contact avec.le-suivanit. 

TuéopayLacre (+ après 1118) suit les Pères grecs et surtout Ghrysostome 
-dans sôn'commentaire solide et.précisi(PG, 124). 

Eutaymius ZicaBenus, moine du -xni° sièéle, s'inspire d'une ‘façon heureuse 
de :Chrysostonie et des -anciens dans :sûn :« Commentaire sur les 
Quatorze Épitres -de l'Apôtre -Paul et «les ‘Sept ‘catholiques "», édité 
en deux volufnes à Athènes, 1887. 

De nombreux fragments 'd'interprétations :greeques sont réunis dans :le 
volume V'de-la Caiena de Cramer. Voir Devreesse, DB. supplément 1:(1926), 
col. 1209 suiv., Chuîines exégétiques grecques, XII, Les Chaïnes sur:s. Paul; 
et K. Sraas, Pauluskommentare aus der griechischen Kirche aus Katenen- 
handscriften gesammelt und herausgegeben (N. T. Abhandlungen Münster, 


XV, 1933). 
il... Anerens Latines. 


Aucun des grands docteurs latins de l’époque romaine ne nous :a laissé de 
commentaire de.cette épître.L’exégèse latinerest cependant représentée par des 
écriis'importants ; tout d’abord'celui de 

L'Ausrosrastre. Cét anonyme toujours ‘assez énigmatique Au rv°'siècle, dont 
l'œuvrea été conservée parmi'celles ‘de saint Ambroise (Migne PZ, 
47) a écrit un commentairequi'marque'à ‘bien des égards, tant pour 
notre épître que: pour les autres, 'par'sa personnalité ; Je texte même 
dont il use tranche sur les autres (v. supra). 

* Récagr ou « ‘Pseudo-Jérôme » ( PZ, 30). Ce commentaire, retouché était 
autrefois attribué à saint Jérôme. À. Souter l'attribue bien à Pélage 
en-personne, et il‘ena rétabli le texte primitif, « Pelagius’s Exposi- 
tions of'thirteen epistles of:saint Paul »,: Cambridge 1922-1926. Ce 
‘sont des. loses ‘souvent très :pénétrantes, maïs: où la tendance héré- 
tique n'est pas absente, ainsi sur xv, 22. {On sait que Dom de Bruyne 
a cru découvrir dans Pélage l’auteur ‘de ‘la recension'de la vieille- 
latine des épitres ipauliniennes qui, après plusieurs élaborations, 
aurait fini par pénétrer dans la Vulgate hiéronymienne ; opinion qui 
ne {s’est pas imposée et que Souter rejette). 

Priuasius ( PL, 68), Commentaria in epistolas sancti Pauli, n’est pas vérita- 
‘blement l’évêque d’'Adrumète; ce « 'Pseudo-Primasius », est sans 
doute un disciple (ou plusieurs) de Cassiodore, et ce commentaire est 
une revision de Pélage. — Il faut encore signaler 

Sepuzius Scorus, Collectanea (PE, 103). 


4 
| 
! 
À 
î 
4 


CHAPITIRE X. . XCIX 


Saint Bène we Vénérague (+735), qui fait à proprement parler ‘une Catena de 
passages de saint Augustin. 


TT. Moyen Age, jusqu'à la Réforme. 


Dans l’église latine, du rx° au xvr° siècle, outre les « gloses », de 

WALAFRID STRABON, ANSELME DE LAON, les commentateurs, encore utiles à 
lire aujourd'hui, n'ont pas manqué. 

Havuon in Huzsersranr, Expositio (PL, 117). 

Arro VerceLcensis, évêque de Verceil au x° siècle (PL, 13%). 

Hueuss nes. Vicror, Quaestiones et decisiones (PL, 475). 

Hervarus BuremoLensis (+ 1449), cité-autrefois sous le nom.de saint Anselme, 
était un bénédictin de Bourg-Déols .en France. Commentaire très 
estimé (PL, 181). 

Pignre Lomsanv, Collectanea PL, 192). 

Hucuss ne Saint-Cuer O. P., cardinal, Postilla.  , 

Saixr THowas D'AqQuiN, commentaire le :meiïlleur :qui existe pour scruter la 
pensée théologique :de saint Paul, et saisir taus iles liens possibles 
de:ses idées, ainsi que leur.rapport.avec l'ensemble de la révélation. 

Nicoras 08 Livre, Postilla. 

Denvsire Chartreux. Commentaire. 

Casæran :O.,P., cardinal, :Expositionilittérale. On connaît :sa pénétration cri 
tique:et :son:caractère très personnel (Rome, 1529). 


IV. De ‘la Réforme au XIX® siècle (1). 


:CarHoziQuEs. — Outre.des érudits.comme:Lerëèvne v'Erasses (Faber Stapu- 
lensis):antérieur à:la Réforme (1512) et le fameux:Erasue (Paraphrases in N. T. 
11, 4522), qu'il faut:encore-ranger parmi:les catholiques, les noms de commenta- 
teurs ecclésiastiques commencent à se multiplier. 

Mentionnons:les suivants : 

Toannes Gacnazus (Jean Gagnée, ou Gagni, ‘éditeur de « Primasius »), Scholies, 
4543; À. SazmeroN S. J.vol. 14 de.ses commentaires, ‘1598-1602 ; 
les notes: d'Emmanuél Sa (Manoel de :SaaS. J., 1598); Ben. Grus- 
“TENIANI, S.1J., 4612; et avant tous les autres 

Guillaume van Esr (Estius), Douai, 1614,.commentaire justement renommé 
-du-« Doctor fandatissimus »..comme l’appelait Benoît'XIV. Au cours 
des xvuret xvis* siècles, nous rencontrons encore Plusieurs noms 
souvent cités. Ainsi 

Cornezius A Larine (Cornelis van den Steen S. J.) comm. 1614; les scholies 

de Manrrana S. J. (1624), Ménocnius $. J. (1630), Tac. Gonpox S. J. 
(1632), Tinixus (Jacques Tirin:S. J.) (1632). 

Bennanpinus a Prconio (Bern..de Picquigny O. Min. Cap.) triple exposition 

1703; Dom Aug. Gazuer (1707), comm.; Noëz ALExANDRE O. P. 
-« Comm..sur les Evang..et les Épitres de s. Paul » 1703-1710. 


(1) Les noms des hélérodoxes sont précédés d’un astérisque. 


C INTRODUCTION. 


ProresranTs. — Parmi les hétérodoxes, il convient de mentionner en premier 
lieu : 

* Jean Cazvin, « Johannis Calvini in omnes Pauli Apostoli Epistolas com- 
mentarü, d'abord à Strasbourg en 1539. Savant, mais rempli de ses 
polémiques contre le catholicisme. Ensuite 

* Théodore pe BÈze (1594); même note; 

* Hugo Grorrus, Annot. in nov. Test. (1641 ; 1737 : * H. Hammoxn, « le père 
de l'exégèse anglaise » (1653); * Abr. Cazovius (1676); * John Licur- 
root, « Horae hebraicae et talmudicæ in Epist. primam s. Pauli 
ad Corinthios » (Rotterdam 1686); 

* John Locxe (1705-1707); * A. Bencez, « Gnomon N. T. », (4742); * 1. Chr. 
Wozr (1741); *J, J. Werrsreix (avec son édition critique du textus 
receptus, 1751-1752); * Mosugmm (1762). 


V. Du XIX® siècle à nos jours. 


CaroziquEes. — Dans la deuxième moitié du xrx° siècle, les commentaires 

sur notre épître ont abondé et nous signalerons : 

J. Mac Eviczy, dans « Ân exposition of the Epistles of saint Paul ». Dublin, 
1856, 1875; Ad. Maïer, Komm. über den ersten Brief Pauli an die 
Korinther, Fribourg en Brisgau, 1857; À. Messuer, E'rklärung des 
ersten Korintherbriefes, Innsbruck, 1862; A. F. Maunoury, Comm. 
sur les deux épîtres de S. Paul aux Corinthiens, Paris, 1879; 
P. Dracu, Epôres de s. Paul, Paris 1871; A. Bispinc, Erkl. des 
ersten Korintherbriefes, éd. 2 Münster 1863, éd. 3 1883; I. Niezurscx, 
Brevis comment. in S. Pauli epistolas ad Corinthios et ad Galatas, 
Paris 1892, 1907; V.Locu et W. Reiscu, dans « Die heiligen Schrif- 

, ten des N. T. » éd. 3 Regensburg 1885; P. Ramsau», dans les Ep. de 
s. Paul analysées, Paris, 1888 et surtout le commentaire fondamen- 
tal de 

Rud. Cornezx S. J., Commentarius in S. Pauli apostol epistolas, Il, Prior 
Epistola ad Corinthios, Paris, 1890, 1909. Très approfondi et très sûr, 
mettant au point beaucoup d'opinions anciennes. Certaines nuances 
de la pensée de Paul peuvent cependant lui échapper, et il y a lieu 
naturellement d'y ajouter depuis le développement récent des études 
historiques et hellénistiques. 

Le siècle présent a déjà fort allongé cette liste, et nous devons nommer: 

A. Sonazrer, Ærkl. der beiden Briefe an die Korinther, Münster 1903, 
CI Fivrion, dans « La Sainte Bible commentée », Paris 1904; 
H. L. Gounce, St Paul, First epistle to the Corinthians, Londres, 
1913; Marc M. Saces O. P., dans « La Sacra Bibbia commentata », 
ÎT nuovo Testamento, vol. If, Turin, 1944; 

F.S. Gursaun, Die zwei Briefe an die Korinther, (Grazu. VWicr,1{3C. 168 
commentaire excellent par sa précision et sa pénétration, qui vise 
surtout à exposer la pensée de s. Paul en elle-même, sans entrer 
dans les problèmes d'histoire religieuse récemment soulevés ; 

I SickenserGEr, Die beiden Briefe des heiligen Paulus an die Korinther 


CHAPITRE IX. CI 


und sein Brief an die Rômer (Bonn, 1919, 4e éd. 1932), suite de notes 
très compactes et très précises. 

Ch. J. Carcan O. P. The Epistles of saint Paul I, Romans, First and 
Second Corinthians, Galatians (New-York, 1922), exposé exégétique 
clair et très commode pour l’enseignement. 

Trois écrits français méritent une mention spéciale, pour la facilité de leur 

utilisation dans les cercles de gens cultivés qui veulent s'initier à saint Paul : 

A. Lemonnyer O. P., dans “Épitres de saint Paul, Première partie (Paris, 
1905). Bref, mais historique et doctrinal à la fois; 

C, Toussainr, Épitres de saint Paul, Lecons d'emégèse [, (Paris, 1910). 

| L'auteur, qui était alors professeur catholique de séminaire, a présenté 
les Épîtres aux Corinthiens sous le jour historique plutôt que doc- 
trinal, mais d'une façon vivante, agréable et exacte généralement. 

(Dom. P. DrLATTE O.S. B.) a publié sans signer de son nom Les Épitres de 
-saint Paul replacées dans le milieu historique des Actes des À pôtres 
etcommentées par un moine bénédictin de la congrégation de France, 
tome l, Actes, Thessaloniciens, [°° aux Corinthiens (Esschen, 1924, 
1929). Le contenu répond parfaitement au titre, et donne aux gens 


du monde une notion claire de l'activité et de l’enseignement de: 


l'Apôtre sans les perdre dans les problèmes trop spéciaux. 

PROTESTANTS ET INDÉPENDANTS. — En dehors de l'Eglise, l'activité exégétique 
n'a pas été moindre, et si elle n’a pas mieux éclairé pour nous le fond doctrinal 
de l’enseignement de l'Apôtre, elle a au moins contribué à nous faire enrichir 
beaucoup nos connaissances du milieu matériel et spirituel où saint Paul 
exerçait son apostolat. Le problème de ses rapports avec le monde religieux 
hellénistique a été retourné sous toutes ses faces, et, en fin de compte, grâce aux 
exégètes ou malgré eux, il en a jailli de la lumière. | 

Pour la commodité, nous diviserons les écrits suivant les langues, allemand, 

anglais et français. L'évolution, qui part de l'Allemagne, est d’ailleurs sensible- 
ment le même en tous pays. 

Langue allemande. — Du siècle dernier, nous nommerons 

* Bcrora (1833); * Rückerr (1836): * OLsnausen (1836, 1840); * De WeTTe 
(1840); * Osranper (1847); * H. Ewazn (1857); * Neanner (édité par 
Beyschlag, 1859); * Kuiwc (1861) ; 

* Hormann, Die heil. Schr. N. T. susammenhängend untersucht, 11, 2, Der 
erste Brief an die Kor. (1874). — Conservateur à idées originales: 
* Hozsren, Das Év. des Paulus 1 (1880); « Literartritiker »; 

* Georg Heinrici. Das erste Sendschreiben des Apostels Paulus an die 
Korinthier (1880). Critique assez modéré. Mais l’œuvre importante 
de G. Heinrici ne s'est pas bornée à cela. Voir ci-dessous, à 
Meyer. 

“Meyer, Kritisch-exegetischer Kommentar über das Neue Testament, V u. VI. 
1" édition 1839-1840. À partir de la 6° édition (1881), l'ouvrage a été 
retravaillé par Heinrici, et il est cité comme * Meyen-Hginarcr; 8° éd. 
en 1896. — Heïnrici a eu le mérite de chercher à interpréter Paul 
en replaçant les lettres dans le milieu historique de l'hellénisme, 
méthode qui s’est imposée depuis à presque tous les critiques. — 


À 


CII INTRODUCTION. 


À partir de la 9° édition (1910) c’est J. Weiss qui a continué (v. infra); 

* GogseL (1887); * SCHNÉDERMANN (1887, 1894) 

 * ScuMIEnEL, /and-Kommentar zum N. T. IL, 1: Die Briefe an die Thessa- 
lonicher und an die Kor. (1891, 1893). — Critique libéral avancé; 
recommandable pour la philologie. 

* Bernhard Wruiss, Diepaulinischen Briefe im berichtigten Texte (1896, 2° éd. 
1902). — Bref commentaire conservateur, 

Beëucoup de commentaires, dont quelques-uns sont très importants, ont vu 

le jour depuis 1900 : 

* Künz (1905); * Bousser. Le célèbre critique, un des fottdateurs de la « Reli- 
gionsgeschichtliche Schule », a commenté brièvement les Épîtres aux 
Corinthiens dans « Die Schr iften des N. T. neu übersetzt und für 
die Gegenwart erklärt », éd. par J. Weiss, vol. IF (1907, 1908, 1916); 
* Scnusrer (1907); * À. Scuzarrer, Dée Korintherbriefe ausgelegt 
für Bibelleser (1908); * Sroscu, Die beiden Briefe an die Korinther 
(1940). — Ces derniers sont « conservateurs ». 

* Lasrzmann, Handbuch sum N. T., An die Koriniher I-I (1907, 2° éd. 1923) 
L. est, comme on le sait, libéral et antidogmatique, mais, dans ces 
limites, plein de bon sens; les remaniements arbitraires des textes 
lui répugnent. Son bref commentaire est précieux pour les rap- 
prochements avec la littérature extra-biblique et extra-chrétienne, 
quoiqu'il se soit un peu. trop  Haissé influcncer dans sa dernière édition 
par les idées de: Reïtzenstein, qu'il sait cependant critiquer. Appen- 
dices intéressants dans l’éd. 1923. 

* Johannes Wniss, Der erste Korintherbrief (1910), 9° édition du comm. de 
Meyer (v. supra). Par l'étendue de son: érudition, son indépendauce 
relative de la théologie protestante (sur la justification, etc.), sa 
pénétration souvent très fine, et sa sympathie admirative pour le 
grand Apôtre, ee commentaire serait l’œuvre maîtresse de la critique 
protestante, si toutes ces qualités n'étaient point partiellement 
altérées par leschatologisme de l'auteur, par les habitudes de 
dépècements et de transpositions subtilement arbitraires des « Lite- 
rarkritiker », et aussi par l’antidogmatisme et des coquetteries avec 
l’école Reïtzenstein, qui était. à cette époque dans la fleur de sa 
nouveauté. Au reste, il y a beaucoup à en tirer, spécialement pour la 
comparaison de Paul. avec les stoïciens, où W. sait montrer éloque- 
ment la grande supériorité de l'Apôtre du Christ, et le lien étroit 
de. Paul avec Jésus. 

* * Philipp Bacumanx, Der erste Brief des Paulus an die Korinther (1905), 
1910, 1921), est au.contraire un savant très conservateur de l’école 
de Zahn, dans le « Komm. zum N. T. » duquel son ouvrage forme 

-le vol. VII. Commentaire très consciencieux, analyse très déliée 
des idées de Paul, et. beaucoup de science pour ce qui est surtout 
de l'érudition classique et chrétienne. Souvent il discute contre Weiss ; 
quant aux théories « religionsgeschichtlich », il ne les touche qu'en 
passant pour des réfutations sommaires. Le sens historique, et même 

dactrinal, est fort juste, excepté dans les passages où l’auteur se 


TER AN mb A BE 2 A 


En T nt éme! mr LE ne pe DR CCR me 


CHAPITRE: IX. C1II 


croit obligé de sauver: la théologie luthérienne. À. tout prendre, 
ouvrage très utile. 

* Karl. Barru a interprété dans: Fesprit de sa. « théologie dialectique. », mais 

avec des observations qui sont parfois: géniales; le chap. xv sur 
la Résurrection, avec un: commentaire: rapide du reste. de l'Épitre : 
Die Auferstehung der Toten (1924, 1926). 

N’oublionsipss, en dehors:des commentaires.proprement dits, les pages 320- 
494 de. * Srracx et: * Bizzersecx: dans leur Kañmentar zum. Neuen Testament 
aus: Talmud,und;Midrasch, 3 volume, 4926: Le progrès: fait depuis les « Horae 
hebraicag:» du vieux John: Lightfoot (v: supra) est considérable, et l'impression 
finale de cette étude est celle d'une incommensurahilité:de Paul avec-les rabbins. 

Langue anglaise. —Pour cettelittératureégalementtrèsahondante, nous nous 
néférons principalement à Robertson-Nlummer., ps. uxvux de leur.commentaire. 

* Burton (1831; ; * Perue (1853) ; * Hope, calviniste aménicain (1857) ; * Wonps- 
want, (4° éd. 4866); *F. W.. Roserrson (55. éd, 1867); *ArrorD 
(6° éd, 1871); | 

* A, P.. Srannev. (6 éd. 4876). Pieux et. chaleureux. « but not so strong in 
schalarship ». 

* GLo46. (1874); * Suore (dans:«. Ellicotiis commentary;»); * Lias (dans Cam- 
bridge. Greek Testament, 1879); * Evans:(« Sneaker's. commentary » 
1881) ;.* Brown (1882); * Farran (« Pulpit aommentary » 1883); le 

-wesleyen * Beer (2° éd. 1884); * Enwaros. (1885); 

* Euuicorr (1887). — Remarquahle.an, point. de.vue. philologique ; 

* Kay 1887; * Dons (« Æxpositor’s, Bible. »); * Massre (« Century Bible »); 
* Finpzax (« Expositor’s Greek. Testament », 1900) : 

*J. B: Licurroor (1895). — Œuvre posthume du grand. exégète, qui ne 
comprend que des, notes sur les chapitres 1-var.. 

* W. M. Ramsax. — Commentaire. historique; dans l'Expositor, ser. VI, d’un 
des. plus grands, spécialistes de l'hellénisme ef grands admirateurs 
de Paul, 

* Archibald Roserrson, bishop.ofExeter, and, * Alfred Prummer, À critical and 
exegetical commentary on the First Epistle of St. Paul tothe Corin- 
thians, (« The Intern. crit. commentary », 1911, 1914). — Un des 
meilleurs commentaires qui existent, pour l'ampleur, la sympathie 
intelligente et pieuse, la critique pondérée, et la juste méfiance des 
théories syncrétistes; il ne faiblit que là où les auteurs veulent 
s'éclairer à la vague théologie anglicane; 

* Pruuprer. S. Paul's. Epistles to the Corinthians (4903); * Macuanen, égale- 
ment sur les deux Épitres (1909); *Renmazr, id. (4909); * Mac 
FaDyEn, id. (1911); *Micureu, À férst century letter, being an 
exposition of Paul's first Epistle to the Corinthians (1921). 

Langue française. — Nous connaissens ces quelques commentaires d'exégètes 

qui n'appartiennent pas à l'église catholique : 

* Edouard Reuss (1874-1880). L'un des pères de la critique libérale en 
France ; 

*F. Goper, Commentaire sur la première Épitre aux Corinthiens, 2 vol. 
(1886, 1887). — Le professeur neuchâtelois, protestant traditionnel et 


CIV . INTRODUCTION. 


pieux, a commenté saint Paul avec beaucoup de vie, de respect et 
parfois de pénétration spirituelle. 

* Ch. Brusrow, Les trois épitres de l’apôtre Paul aux Corinthiens conservées 
par l'Église (1917) ; 

* A. Lorsy, dans « Les livres du Nouveau Testament traduits du grec en 
français », (1922), pp. 39-74, a voulu donner une traduction scienti- 
fique de notre épître; il l’a fait avec une servilité (phrases comme 
celle-ci : « C’est à paix que vous a appelés Dieu »; — omission de 
mots importants [et importuns] comme dpt de xvr, 7, escamoté en 
« seulement », etc.) qui n'est pas ce qu'on peut trouver de plus 
scientifique. L’exégèse se borne à une notice, ou introduction, de 
huit pages, d'ailleurs longues et compactes, où L. montre une con- 
naissance de la critique littéraire de J. Weiss, introduit la « double 
résurrection corporelle » au ch. xv, et interprète plus d’un dire de 
Paul d’après la psychologie qu'il a trouvé bon de lui infliger. 

* Maurice Gocugz. — Quoique le professeur parisien n'ait pas proprement 
écrit de commentaire, il est bon de signaler ici la discussion appro- 
fondie qu'il fait de « la crise corinthienne et les épîtres aux Corin- 
thiens » dans son « /ntroduction au Nouveau Testament », tome IV, 
Deuxième Partie, 1926, pp. 5-146. Nous avons fait ci-dessus, ch. vi, 
la critique de son opinion, voisine de celle de J. Weiss, sur la com- 
position de notre épiître. 

Nora. — Après cette énumération, encore incomplète, de travaux « scienti- 

tiques » (au vrai sens, quoique souvent discutables dans leurs méthodes et leurs 

conclusions), nous pouvons encore — par un souci, peut-être excessif, d'actualité 

— signaler le fait que les fantômes de l’ancienne « école hollandaise » ont 

cherché à se réincarner en France en des attrape-nigauds comme le livre de 

* H. Derarosse, « {a première épitre aux Corinthiens, traduction nouvelle avec 

introduction et notes », 4926, dans « Christianisme, cahiers publiés sous la 

direction de P. L. Couchoud ». Nous avons dit (ch. vi) ce que les lecteurs 
intelligents de toute croyance ou opinion religieuse — sinon « irréligieuse » — 
ne manquent pas d'en penser. 


* 
x *% 


‘En dehors des commentaires, nous indiquons dans la BiszrocraPxie qui va 
suivre un certain nombre d'études sur saint Paul qui n'avaient point leur place 
dans ces listes, mais dont la connaissance est nécessaire ou utile pour discuter 
les problèmes récents soulevés autour de la Première aux Corinthiens. 


BIBLIOGRAPHIE 


TEXTE 


Oricrnaux et Versions. — Voir chap. vux de l'Introduction. 

Éditions critiques : Tiscnenporr, Wesrcorr-Horr (W-H), Hermann von Son, 
Bernaarp Wuiss, Sourer, Nesrze, Vocezs, Worpsworx-WuiTe. 

Ad. von Harnack, Marcion, Leipzig, 1921, (pp. 32-68, 39*-156*). 

P. L. Coucnoun, Premiers écrits du christianisme : La première édition de 
Saint Paul, Paris, 1930. 

M. J. LAGRANGE, O. P., Saint Paul ou Marcion ? Revue Biblique, janvier 1932. 


PHILOLOGIE ET ÉTUDES LITTÉRAIRES 


Grammaires de Künner-BLass-GerTx, Winer-Scamienpez, Rapermacnen, 
Moucronw, RoserTson, ÂBer. . ° 

Dictionnaires de Preuscnen-Bauer, Zorezz; Vocabulary, de Mourron-Miz- 
LIGAN. 

Tu. NÂceur, Der Wortschatz des Apostels Paulus, Gôttingen, 1905. 

Ru», Buzrmann, Der Stil der Paulinischen Predigt und die Kynisch-stoische 
Diatribe, Gôttingen, 1910. 

Ed. Norpen, Die griechische Kunstprosa, Leipzig, 1909. 

Pauz WENDLAND, Die urchristlichen Literaturformen, Tübingen, 2°-3° éd. 

1912. 

U. von Wiramowirz-MaæzLLenporr, Kultur der Gegenwart, 1 8°. 

Jon. Waiss, Das Urchristentum, Gôttingen, 1917 (pp. 303-320). 

G. Banoy, Les prières du Nouveau Testament, Revue Apologétique, 1° juil- 
let 1925. 

W. Sanpay and C. Hrapram, The Epistle to the Romans, Edinburgh, 5° éd. 
1908, (Introd). 

M. J. Lacnance, Épitre aux Romains, Paris, 1916 (Introduction). 

M. Jousse, S. J. Le style oral technique et mnémotechnique chez les verbo- 
moteurs, Archives de Philosophie IT, 1v, Paris, 1925. 


(1) En face de l'immense littérature relative à saint Paul, cette bibliographie ne vise 
naturellement pas à être complète; il faut y ajouter nombre d'écrivains signalés notamment 
aux chap. VI, VIII et IX de l'Introduction, et beaucoup d’autres épars à travers Intro- 
duction et Commentaire (Je les ai cités à l'Index). Je n'ai guère signalé ici d'ouvrage 
antérieur à ces quinze ou vingt dernières années, en admettant quelques simples articles 
quand ils me paraissaient significatifs. 


CVI ‘ BIBLIOGRAPHIE. 


HISTOIRE 
DE PAUL ET DE SON APOSTOLAT; — DE CORINTHE. 


Outre les travaux généraux; sur: l'époque. du Nouveau Testament et sa 
théologie, de Prceinerer, Weizsicxer (protestants), de Mer Le Camus, FELTEN 
(catholiques), nombreuses biographies de saint Paul, écrites pour des publics 
plus ou moins étendus. 

En français, à côté du Saint Paul de Renan, les ouvrages des catholiques : 
À. Trocxon, L'Apôtre saint Paul, Paris, 1869. 

C. Fouarv, Saint Paul, ses dernières années, Paris, 4897, dernière édition 
1925. 

Emile Baumanw, Saint Paul, Paris, 1995. 

F. Prar, S. J., Saint Paul, Paris, 4° éd. 1922. 

A. Tricor, Saint Paul, apôtre des Gentils, Paris, 1998. 

Mer Sacor du. Vauroux, Saint Paul, Paris, 1933. 
et du protestant E. de Fave, Saint Paul, Problèmes de la vie 
chrétienne, Paris, 3° éd. 1929. 

En allemand, après F. C. Baur (prot.), Paulus 1866-1867, F. X. Pôrzz 

(catholique) Der Weltapostel Paulus, Regensburg, 1905, 

C. Ceux (prott), Paulus, sein Leben und Wirken, Giessen, 1907. 

W. Wrene (prot.), Paulus (Religionsgeschichtliche Volksbücher) 2° éd. 1907. 

H Weimez (prot.), Paulus, der Mensch und'sein Werk, 2° éd. 1915. 

À. Deissuann (pr.) Paulus, Tübingen, 2° éd, 1995. 

E. von: Dosscenürz (pr:), Der ÂApostel Paulus;, seine Weltgeschichtliche Bedeu- 
tung, 1926. 

P. Faxe (pr), Der Apostel® Paulus, das Ringen um das geschiclitliche 
Verständnis des Paulus, Gütersloh, +927. 

K, Pigper (cathol.), Paulus, seine missionarische Persônlichhkeit und Wirk- 
samkeit, Münster, 25 éd: 1929: 

En anglais, 

W. M. Ramsay, (prot.), Saint Paulthe Traveller and the Roman Citizen, 
London, 14° édit. 1920; -— Du même : The Cities of Saint Paul; — 
Pauline and' othier Studies in the History of Religion. 

EH. L. LR. CH. Mac Nerre, Saint Paul, his Life, Letters and: Christian Doctri ine, 
1920. 

TR: Groveu, (prot.), Pnul' of Tarsus; London, 1925. 

C. Larrey, S. J., Paul and his teaching, London, 1930. 


«x 
— Quelques ouvrages récents concernant les origines, la formation, 
et la: conversion de Saint: Paul : 
W. M. Ramsay, The Teaching of Paul in terms of the present day, Part I, 
London. 2e éd. 1914. 
Hans Bônuc, Die Geisteskultur von Tarsos im augusteischen Zeitalter, Gôt- 
tingen, 1918. 


BIBLIOGRAPHIE. CVIT 


J. V. Cerrr (cath.), Comment saint Paulest dér ectement l'Apôtre de Jésus-, 
Christ, Fribourg, 1925. 

Alph. Soeinmann (cath.), Zum Werdegane des Paulus, die Jugendseit in 
Tarsus, Fribourg-en-Brisgau, 1928. 

Puuxxo: (prot.), Paulus, Herkunft, Heimat, Erziehung, Helsingfors, 1928. 

J. M. Vosté o. pP., Studia Paulina,. (2. Num Paulus. viderit Tesum ?) Rome, 
1928. 

E. Barwixor, (prot.), die vorchrisiliche und früh-christliche Zeit des Paulus, 
Gôttingen,, 1929. 

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M. Gocuez. (pr.) Remarques. sur un aspect de la conversion de. Paul, Journal 
of Biblical Litterature, Vol. FAIT, Part. EF, 1934. 


x 
# # 


— sur la crise corinthienne : 
Commentaires, et Introductions en général; , 
I. Rour (cath.), Paulus und die Gemeinde von Korinth, Freiburg in Br., 1899. 
W. Lircerr (prot.), Freiheïtsprediet und Schwarmgeister in Korinth, Güters- 
loh, 1908. 
J. Weiss (prot.), Urchristentum (ch. 12 et 26). 
E. Jacquier (cath.), Histoire des Livres du Nouveau Testament, I, ch. II, 
Paris, 1904. 
Maurice Goeuez, /ntroduction. au Nouveau Testament, Tome IV, 2* Partie, 
ch. x, Paris, 4926. 


+ 
x * 


— {pour les découvertes à Corinthe) : 
Corinth, volumes en publication depuis 1929, à Cambridge (Mas- 
sachussetts). 


THÉOLOGIE DE PAUL, MORALE, MYSTIQUE 


(Sur sa doctrine, en général) : 


Anciens ouvrages protestants de Baur, de H. J. Hozrzmanx (Neut. Theol.), 
d'A. Sasarier (L'Apôtre Paul, esquisse d'une histoire de sa pensée, Paris, 
2e éd. 1896); 
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12° éd. 1925. 
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Louis Dazzière (prot.), L'anti- Judaïsme dans la pensée paulinienne, Revue de 
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C. Toussaint (« indépendant »). L’Hellénisme et l'Apôtre Paul, Paris, 192. 
K. L. Sem, (prot.), Paulus und die antike Welt, Bibliothek Warburg, 
Vorträge 1924-1925, pp. 38-64, Leipzig, 1927. 


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— Du même, Die Briefe an die Philipper, an die Kolosser und an 
Philemon (Meyer-Kommentar), Gôttingen, 1930. 

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1924. 

Gerhard Krrrec (prot.), Die Religionsgeschichte und das Urchristentum, 
Gütersloh, 1932. | 

R. Reirzensrens (prot.), Das iranische Erlôsungsmysterium, Bonn, 1921. 
| — Du même, Die hellenistischen Mysterienr eligionen, (H M$), Leip- 
zig, 3° éd. 1927. 


* 
+ * 


— (Paul connaissait-il et préchait-il l'histoire humaine de Jésus?) : 

L. de Granpmaisow, S. J., Jésus-Christ, (passim, et surtout II, pp. 373-381), 
Paris, 5° édit. 1928. 

J. Wiss, commentaire et Urchristentum (v. supra). 

J. M. Vosré, Studia Paulina (v. supra). ; 

P. Fes, Jesus Christus und Paulus, Leipzig, 1902. — Du même : Der Apos- 
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Ernst Fucus (prot.), Christus und der Geist bei Paulus, Leipzig, 1932. 

Ch. À. À. Scorr, Living issues in the New Testament, Cambridge, 1933. 


* 
* # 


— (sur la Trinité) : 


J. Lesreron, S. J., Les origines du dogme de la Trinité, Paris, 6° édit. 1927. 


Comment. de J. Warss et autres. 
Rud. Bzünc (cath.), Paulus und der dreieinige Gott, Wien, 1929. 
(Voir Christologie, Saint-Esprit, infra). 


*k 
* * 


— (Christologie. Mystique du Christ. Christ et Adam. 
Sainteté. Morale de l'union ou de la charité) : 

Ad. Drissmann (prot.}, Die neutestameniliche Formel « in Christo Jesu », 
Marburg, 1892. 


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Strasbourg et Paris, 1923. 

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Christus-A dam. De paulino hoc conceptu, etc. Roma, 1926 (Biblica, 7). 
J. Dicerssercer (cath.), Das Heilige im Neuen Test, Kufstein, 1926. 
JB. Frey, Livres apocryphes sous le nom d'Adam (Supplément du « Dic- 
tionnaire Biblique », fasc. I-II, col. 401-134). 
E, Wissmanx (prot.), Das Verhältnis von Pistis und Christusfr ommigheit bei 


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M. Drseuius (prot.), Chrisiologie. 1: Christol. des Urchristentums, Tübingen, 
1927. 


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Georges Srarrezsacx (cath.), Die Vereinigung mit Christus als Prinzip der 
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* 
* * 


— (Saint-Esprit. Pneuma. Pneumatisme!\ : 
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H. B. Swere (prot.), The Holy Spirit in the New Testament, London, 1909. 
M. Diseuus (prot.), Die Geisterwelt im Glauben des Paulus, Gôttingen, 1909. 
E. Fucus, Chr. u. der Geist (supra). 
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1921. 


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K. und H. Barrx (prot.), Zur Lehre vom Heiligen iGeist, München, 1930. 

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Gütersloh, 1938. 

Commentaires de Heinrioï, Gurranr, al. 


* 
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du même : Taufe und Abendmahl im ‘Urchristentum, Tübingen, 
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nach Christus, Giessen, 1902. 

P. Ephrem Bauucarrxer, O. M. Cap., Eucharistie und Agape im ‘Urchris- 
tentum, Solothurn, 1909. 

Mer Barirroz, L'Eucharistie, Paris, 1913. 

Me Rucu, Zucharistie d’après la Sainte Écriture, Dictionnaire.de Théologie 
‘catholique, V,, ‘col. 989-1121, Paris, 1913 — Du même : TL'Eucharistie 
et les Mystères païens, Semaine internationale d'ethnôlogie religieuse 
de Milan 1925, 4926. 

Gillis Persson ‘Werter (prot.), Alichristliche Liturgien, 1 Das -christliche 
Mysterium, Studie zur 'Geschichte ‘des Abendmakles, 'Gôttingen, 
4924; — IT ‘Das christliche Opfer, ‘neue Studie zur ‘Gesch. -des 
Abendm. ,‘Gôttingen, 1922. 

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Münster.in W., 1924. 

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.der Liturgie, Bonn, 1926. 

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London and New-York, 1928. — Du même : The catholic idea of the 
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1930, Londres. 

Werner Goossexs (cath.), Les origines de l'Eucharistie, sacrement et sacrifice, 
Gembloux et Paris, 1931. 


* 
À * 


— (Eschatologie, Résurrection du: Christ, Résurrection générale) : 
F.'Ticcuanx {cath.), Die Wiederkunft Christi nach den paulinischen.Briefen, 
Freiburg im Breisgau, 1909. 
Kurt Drissxer (prot.). Auÿerstehung und Pneumagedanke bei Paulus, Leip- 
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Religion in Geschichte und Gegenwart, 7, col. 629 ss. 


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* 
RC % 


GÉNÉRALITÉS. QUESTIONS DIVERSES 


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Kmsopp Lake (prot.), The Earlier Epistles of Saint Paul, 1911. 

Barirroz, L’Eolise naissante et le catholicisme, Paris, 1909. 

Harwack, Die Mission und Ausbreitung des Christentums, Leipzig,'4° éd. 1924. 

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LAGRANGE, Le Judaïsme avant Jésus-Christ, Paris, 1931. 

Gerhard Kirrer, Die Probleme des ‘palüstinischen Spätjudentums und das 
Urchristentum, Stuttgart, 1926. — Du même : Rabbinica, Leipzig, 1920. 

À. Lorsy, Les Mystères païens et le Mystère chrétien, Paris 1919. 

E. Jacqurer, Les Mystères païens et saint Paul, Dict. apologétique de la foi 
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Buzrmann, article sur ywooxw dans «Theol. Wôrt. » de Kittel, pp, 688-719. 
Oxpxe, art, sur yuy#, ibidem. 


COMMENTATEURS 


Voir le chapitre 1x , de l'Introduction. Nous avons principalement cité les 
suivants : 


AMBROSIASTER (Ambr°) Pierre LomsarD 

* Bacnmanx (Bachm.) . Maxer 

* Karl Barru ORIGÈNE 

BrsPine * Pérace (Pel.) 

Caseran (Caj.) * Rosertson-Piuumer(Roë.-Pl.) 
St CuarysosTome (Chrys.) SALES 

Cornezius À LapiDe (Lap.)  * SCHMIEDEL 

Esrivs SICKENBERGER (Sitkenb.) 
CornEeLY * STrack-BizLerBeck (Sér.-Bill.) 
* Goper Tuéoporer | Theodt.) 

GuTIABR THÉOPHYLACTE 

* Heinrici ST Tuomas D'Aquin (Thom.) 
LEemonNyYEr ToussainT 

LIETZMANN * Johannes Waiss (Comm.: — Urchr.) 
* Lorsy 


P G — Migne, Patrologie grecque. 
PL — Migne, Patrologie latine. 
CIA — Corpus Inscriptionum atticarum. 
Pap. — divers recueils de papyrus (Oxyrinchus, etc). 
B G U — Berliner griechische Urkunden. 
M-M (ou Moult.-Mill.) — « Vocabulary » de Moulton- Milligan. 
LO — Deissmann, Licht vom Osten. 
HM — Reïtzenstein, Die hellenistischen Mysterienreligionen. 
D À — Dict. apologétique. 
DB = Dictionnaire biblique. 
DT C= Dict. de théologie catholique. 
R B = Revue biblique. 
RS PT. — Revue des sciences philosophiques et théologiques. 
JB L = The Journal of Biblical Literature. 
JTS— The Journal of Theological Studies. 
AR W = Archiv für Religionswissenschait. 
R HR — Revue de l'histoire des religions. 
ZNT W — Zeitschrift für die neutestamentliche Wissenschaft. 


0e ne 


RS É 


PREMIÈRE ÉPITRE AUX CORINTHIENS 
TEXTE, TRADUCTION ET COMMENTAIRE 


ADRESSE, SALUTATION ET ENTRÉE EN MATIÈRE 
(ch. 1, 1-9). 


Intropucriox. — Le début de cette épitre n'est pas facile à traduire. Car, sous la 
forme d'une simple adresse accompagnée des souhaïts etigés par la politesse épisto- 
laire dans l'antiquité, l'Apôtre — comme il le fera ailleurs, notamment dans l'Épitre 
aux Romains — introduit déjà la doctrine essentielle qui mettra de l'unité dans cette 
lettre si variée : ici l'union des fidèles au Ghrist, source de leur vie (1-3). Puis, dans 
l'action de grâces qui suit selon l'usage, il mêle déjà à l'expression de sa bienveil- 
lance et de ses espoirs les réserves un peu ironiques que les instructions nécessitées 
par l'état de l'église corinthienne ne vont que trop justifier (4-9). Cet exorde est com- 
biné avec beaucoup d'art, et bien propre à mettre en éveil des lecteurs qui n'auraient 
pas lé trop infatués d'eux-mémes. Mais sa richesse même, sa densité, ses sous-en- 
tendus, ont pu donner à Paul quelque mal à le rédiger; et cela expliquerait l'obscu- 
rité de certaines tournures. Elle résulte de la situation même, et il n'y a pas lieu, 
malgré Joh. Weiss, d'y voir ni corruption ni interpolation. Pour bien rendre le vrai 
sens de ces phrases compactes, nous serons obligé d'ajouter quelques mots entre 
crochets. 


CH. 1% 4. Iladhoc “nAnrès axbsrohoc XotoroD ‘Inooë dix Gehguaros Os vol 


Zuwofévns 8 ddshvôc, 2. 59 Erxinoia 500 Osoù 19 obon àv Kooivbuw, fyiaouévors y 


Cu. 1. 1. Paul, appelé [à la mission d’} Apôtre du Christ Jésus par 
un vouloir de Dieu, et Sosthène le frère, 2. à l'église de Dieu qui est dans 


À. 1. xAnvis a été omis a tort dans À, D, E, al.; il faut le conserver, comme 
Rom. 1, 4, avec Lict:mann, Robertson-Plummer, Gutjahr, al. 

B. 1, Ces mots #Anrès àrxéstolos ne veulent pas seulement dire que Paul « porte le 
nom d’Apôtre », mais en un sens plus plein, comme Rom., qu'il est apôtre « en 
vertu d'un appel » authentique, comme les Douze. Ainsi que dans sa lettre à Rome, 
où, n'ayant pas encore paru, Paul devait affirmer d'abord son autorité, il fait de 
même à Corinthe, à cause des factions (infra) qui tendaient à émanciper certains 
groupes de la tutelle du fondateur de leur église (cfr. le début de Galates), — Qui est 
ce Sosthène? Paul ne lui donne que le titre d'adekgés, qui convient à tous les chrétiens. 
Ce nom propre ne se retrouve qu'Aet. xvir, où il est celui du chef de la synagogue 
qui avait accusé Paul devant Gallion et fut chargé de coups par la foule païenne. 
S'était-il converti après cette expérience, aurait-il suivi Paul à Ephèse, el est-il 

ÉPIPRE AUX GORINTIIIENS. 1 


2 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, 1, 1-9. 

. —s NS *x pu un L" eo 
Xpror ‘Insod, xAmroïc dylous, “odv mäotv trois Émixahoupévors To Évoux rod xupteu 
ms Ê ss 9 \ A 9 * \ " AY” e \ 9 + 
AuGv Enooë Xprorod ëv movti 1070, abrüv “ua uv. 3. "Apte buiv nat.elpvn 
D NS nd ? nm eu 
&md Oeoë rarpds uv at xupiou Tncoë Xproroë. 


nommé ici parce qu'il avait une autorité spéciale aux yeux des Juifs passés à la foi 
nouvelle? C'est une hypothèse absolument indémontrable. Ne pourrait-on penser 
tout simplement au secrétaire de la lettre, comme était le Tertius qui envoie ses 
salutations à l'église de Rome (Rom. xvi, 22)? Voilà un de ces petits problèmes qui 
ne seront sans doute jamais résolus. 

À. 2. hyrasuévots ëv X. I. manque 119* et Origène, in Joh., vi, 302, et est placé 
avant tf oëon ëv K. dans B, D, G; mais il faut lui garder sa place après Koplyw, avec 
N, À, L, P, vulg. (Ziet:zmann, Gutjalr, etc.). Schmiedel voudrait en faire une glose 
marginale, et Joh. Weiss se croit autorisé par le flottement de ces mots à les mettre 
parmi ses « interpolations catholicisantes ». La particule + est intercalée entre adr&v 
et xat nu&v par N°, De, E, L, P, philox., arm., éth., Chrys., Théodoret, Cyrille; Joh. 
Weiss et d’autres l’admettent; mais nous la laissons de côté avec B, N°, D, G, 17. 

B. 2. L'« église » est le groupement des fidèles qui se trouve à Corinthe, comme 
d'autres groupements sont constitués de la même manière en d'autres villes. Tous 
‘ont de commun qu'ils sont « sanctifiés » — c'est-à-dire consacrés (v. infra sur &yus, 
ch. vu, v. 44) — « dans le Christ Jésus », et par là, non seulement « dénommés 
saints » — ce qui était déjà un nom des fidèles — mais « appelés à la profession de 
la sainteté » morale; xAnrés à ici le même sens qu’au verset précédent. On comprend 
que, dans une phrase si surchargée, des scribes aient oublié ces mots ny. «. X. L, ou 
se soient figuré améliorer le style en les transposant. En tout cas, contre Jo. Weiss, il 
faut conserver soigneusement cette expression, car elle est à ce début tout à fait à sa 
place, et met en vedette l’idée maîtresse d'où toute l'Epitre, enseignements ét pré- 
ceptes, découlera : les chrétiens sont consacrés, sanctifiés par l'union avec Lui, aussi 
doivent-ils garder l'union entre eux, se conserver purs. 

Les mots suivants, by räouw xtÀ. font-ils partie de l'adresse? Beaucoup de commen- 
tateurs le croient, mais ils ont peine à les interpréter, et en donnent des explications 
fort divergentes. Cornely y voit les autres églises d'Achaïe (cfr. II Cor. 1x, 2), 
Holsten des émissaires de Jérusalem alors de passage à Corinthe, Mosheim et Ewald 
les diverses factions (infra) entre lesquelles l’église du lieu se partageait, Chrys., 
Theod., Calvin, Meyer, Lietsm., J. Weiss, al., s'en tiennent à des explications de ce 
genre. Mais toute restriction, toute détermination locale des chrétiens visés ici nous 
paraît incompatible avec l’universalité des mots qui suivront : ëv ravrt térw, « en 
quelque lieu que ce soit ». Paul pense bien, quoi qu’en dise J. Weiss, à l’universalité 
de l'Église, dont il avait déjà certainement la notion, comme le prouverait à lui seul 
le chapitre xt (v. infra). Déjà il tient pour une vérité établie, dont les Corinthiens 
devraient mieux tirer les conséquences, et qu'il est donc bon de leur rappeler dès les 
premiers mots de sa lettre, que tous ceux qui « invoquent le nom de Jésus-Christ », 
non seulement dans la même cité, mais par toute La terre (èv xavr\ téxw), forment une 
unité, et pensant déjà aux tendances particularistes des Corinthiens qu'il va tout 
d'abord refréner, il leur signifie, à l'encontre de leurs prétentions théoriques ou pra- 
tiques à une foi et à une sainteté privilégiées, que, s’ils sont « sanctifiés », ou « appe- 
lés à la sainteté », c'est uniquement de la même manière (obv näsw équivalant ici à 
2a0ds névres — « comme tous » les autres) ou mieux « en société avec tous » les 
autres, (v. Kühkner-Gerth, u, $ 431, sur le sens de cv, qui signifie tout rapport possible 
de société, d'accompagnement, de communauté), avec tous les hommes qui sont 
comme eux adorateurs du Christ.” 

Pour l’histoire du dogme chrétien, il est très important de noter ici cette « invoca- 


ER Rene ee 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, I, 3. 3 


Corinthe, à [vous] sanctifiés dans le Christ Jésus, appelés [à l’état de] 
saints avec tous ceux qui invoquent le nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ 
en n'importe quel lieu, [leur Seigneur] à eux et à nous, 8. à vous grâce 
et paix de par Dieu notre Père et le Seigneur Jésus-Christ. 


cation du nom de Jésus-Christ » qui fait l'unité des chrétiens, comme celle du nom 
de Yahweh faisait l'unité des Juifs. Ils adoraient donc Jésus comme Dieu. On ne 
comprendrait guère d'ailleurs qu'un trait si universel se rapportât à la seule Achaïe. 
Une autre difficulté résulte des derniers mots aôrüv [re] «at uv. Si te était primitif, 
il serait plus facile de les rattacher à ceux qui précèdent immédiatement, v ravti tire. 
C'est ce qu'ont fait les critiques les plus nombreux, depuis Cyrille, Ambrosiaster, 
Pélage, S. Thomas, Estius, Osiander, jusqu'à Cornely, de Weite, Rückert, Reuss, 
B: Weiss, Heinrici, Lemonnyer, Gutjahr, Sales, J. Weiss, Sickenberger. Ils entendent 
alors fu&v soit de Paul et de Sosthène considérés à part ou avec les Corinthiens, 
soit des chrétiens juifs, soit de tous les fidèles autres que ceux à qui la lettre est 
adressée ; et airäv deséglises d'Achaïe dont Corinthe est la métropole (cfr. II Cor. vui- 
ix, ad loc.), ou des chrétiens de la gentilité à qui s'oppose le juif Paul, etc. Nous 
trouvons que, dans tous ces cas, l'addition de ces trois mots à ravri rérw serait bien 
oiseuse. Aussi nous rangeons-nous à l'opinion de ceux qui y voient une « épanor- 
those », et rattachent «. x. 4. à « notre Seigneur »; ainsi Chrysostome, Théodoret, 
Théophylacte (1), Cornelius a Lapide, Giustiniani, Holsten, Schm iedel, Godet, Robert- 
son-Plummer, Toussaint, Loisy. Cela fait sans doute une construction dure, mais 
cette reprise de Paul est pleine de sens, et s’accorde si bien avec l'esprit qui dicte 
ces premiers versets! Paul proclame qu’il n’enteud pas, lui, — à la différence de 
certains, — s'approprier le Christ; s’il y avait à Corinthe un « parti du Christ » (ce 
que nous tâcherons d’élucider plus loin), on comprendra encore mieux l'intention ou 
le sous-entendu de l’Apôtre : le Christ, qu'invoquent toutes les églises des « saints » 
dans le monde entier (supra), n'appartient pas plus exclusivement à lui qu'aux autres 
fidèles ; il se nomme même au second rang (abtüv xai u&v), Avis discret aux préten- 
dus « parfaits » (v. infra) qui se croient des droits particuliers sur le « Seigneur » de 
tous. C'est encore un rappel à l'unité. 
B. 3. Verset qui complète cette idée. « Grâce » et « paix » sont les deux biens 
essentiels souhaités par Paul à tous ses lecteurs (Id. Rom., IT Cor., Gal., Eph., Phil. 
Col., I-IT Thess.; les Pastorales intercalent « Ëcos », « miséricorde »). Xéot est la 
faveur objective de Dieu, d'où découlent tous les biens intérieurs, dont le principal 
est « la paix », paix intime et paix au dehors, qui elle-même, étant le fruit de la 
charité et de l'unité, ne régnait guère à Corinthe. Cette grâce et cette paix provien- 
nent de Dieu et du Christ, comme d’une source indivise; la grâce est donnée dans le 
Christ (infra, v. 4}. Il est vrai qu'on pourrait grammaticalemeut traduire aussi bien, 
comme quelques-uns l'ont fait: « de par Dieu, notre Père et [celui] du Seigneur 
Jésus-Christ », formule qui n'est pas étrangère au Nouveau Testament, et qui don- 
nerait un sens encore très adapté : les Corinthiens peuvent jouir de la grâce et de la 
paix parce qu'ils sont frères’ de N.-S. Jésus-Christ, fils du même Père, de Dieu. 
Mais, d’après l'analogie d’autres salutations pauliniennes, I-IT Thess., I-II Tim., 


(1) Harnack (« Die Briefsammlung des Apostels Paulus und die anderen vorkonstantini- 
schen christlichen Briefsammlungen » 1925), propose de voir en ce verset une addition faite à 
l'adresse par les collecteurs des épîtres de Paul, qui avaient mis I Cor. en tête de leur 
recueil destiné à toute l'Église : * éuxX. ëv Kop.…. obv méotv. — Conjecture assez séduisante, 
mais à laquelle nous ne voudrions recourir que s'il n'y avait aucun moyen plausible d’expli- 
quer la présence de ces mots dans l'avriypapov de Paul lui-même, 


ES 


& ÉPIIRS AUX CORINTHIENS, I, 1-9. 


L ., nu ss * Ü e = 4 — … 
4. Ebyaprord ro Ge “you mévrore mept duüv Ext 19 yours ToÙ Oeoù 17 dobeion 
duiv év Xptord ‘Tnooë, 5. Bri àv mavrt ÉmAoutionre v œdré, y mavrt “AdyO nat 
û NS , m * _ CNE 
mdon “yrooe, 6. xabuç Tù paprtüpior 105 “Xpuoroë ÉeéawOn Ev buiv, 7. “bots 
üuas ph dotepeiolar ëv pmdevt yapiomarr, “dmendeyopévous tv émoxkAudiv ToB xvpiou 
e 3 ? *) 2 
Apüv ’Incoù Xotoroù 8. 06 rat Bebaiwoe bus Ews téhous aveyxhrous “Ev rù 
? , 
huépa roë xuplou uw ‘Inooë Xpiotoë. 9. Tliordc $ Oebs, à 0Ù Ex AO NTE ets rowvwviav 
où vioù abroù ‘Incoë Xpioroë voë xupiou Amov. 7 


Tüe, où « père » et « Seigneur » ou Ghrist sont séparés par xai, il est tout indiqué 
également ici de mettre ces mots en coordination plutôt qu'en dépendance : Dieu le 
Père et Jésus sont done placés sur le même rang comme donateurs de la grâce. On 
voit l'importance de cette formule pour la christologie. Dèsles premières rignes, notre 
épître proclame de deux manières la divinité du Ghrist. 

A. 4, por manque après 0:6 N°, B, Westcoit-Hort, Nestle; maïs Weymouik, 
Tischendorf et Vogels l'admettent; cette forme plus personnelle et plus intime est bien 
dans l’usage de Paul (cfr. Rom., Phil., Philem.) ; — Ent tÿ x. : on trouve incidemment 
chez les classiques .ërt avec les verbes de sentiment, et dans les papyrus ou des 
inscriptions avec ceux de remerciement {4bel, p. 237). 

B. 4. Paul a l'habitude de commencer ses lettres par des actions de grâces, quoi 
qu'il puisse dire ensuite à ses correspondants; c'était l'usage de l’époque (Gal. seul 
fait une exception significative). Gette grâce est « donnée », c’est un don gratuit, ce 
dont les Corinthiens devront se souvenir; le Christ en est la source (v. 8), et ils l'ont 
reçue lorsqu'ils ont été constitués « dans Le Christ », par l'intermédiaire de Paul. 
Nous verrons la portée de ces expressions. 

B. 5. Lietzmann et beaucoup d'autres remarquent avec justesse que Paul ne 
parle ici que de dons intellectuels ou « oratoires », ce qui n’est pas sans quelque 

ironie voilée. — Ici yvüow apparaît pour la première fois dans le N. T. Ce mot ne 

représente certainement pas la plus haute forme de connaïssance, ce qui serait con- 

tredire les chapitres suivants; nous aurons à discutèr plus tard avec Reitzenstein au 

sujet du « gnosticisme » paulinien (Exc. V). 

À. 6. Dcoë, à tort, pour Xeior05 B°, F, G, arm. — Kalus objectif, avec sens 

causal (Gutjahr, al., après Cornely, B, Weiss, Bisping, Lemonnyer, Sales, al.). 

B. 6. Ils sont si richement doués, en raison de la fermeté avec laquelle Paul et ses 

compagnons ont établi parmi eux le témoignage du Christ; ce n’est pas à cause de 
leurs spéculatiens postérieures. L'Apôtre ne pense pas spécialement au « don des 
langues » en ce début, car sa prédication leur a procuré des choses plus précieuses 
(fr. s, Thomas). Les dens de langage et de science des Apôtres se sont communiqués 
en partie à leurs auditeurs (Estius, Godet, al.); mais Rob.-PlI, distinguent ici déjà avec 
pénétration entre la aopta Adyou, (habileté en paroles) qu'ils possèdent quoique l'Apôtre 
ne leur en ait pas donné l'exemple (v. 1, 17), eb le Ayos copixc, qu'il leur souhaite 
{v. infra); saint Thomas note que Paul prépare déjà sa correction imminente. 
A. ‘7. À cause du contexte, nous prenons dote non pas Comme signifiant 
une conséquence déjà assurée, mais dans un sens d'éventualité ou de finalité ; l'in- 
{initif présent suivant cette particule peut remplacer un subjonctif présent et se 
référer. au futur; cfr., par exemple, Mat. x, 1. S'il s'agissait d'un résultat acquis, 
Paul aurait plutôt employé l'aoriste (voir Vüeau, Abel) — ärsxdiyopévous : ce participe 
peut signifier : « pendant que vous attendez », ou « vu que vous attendez »; notre 
traduction laisse les deux sens possibles. 

B. 7. Le verset contient donc un souhait plutôt qu'une constatation. Ici yépioue n'a 
d’ailleurs pas le sens restreint de grâce « gratis data », qu'il prendra aux ch. xn1, s8., 


HE a oies mans ete cena eme CL 


RG 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, 1, 4=-% . 5 


k. Je rends grâces à mon Dieu sans cesse à votre sujet, pour la grâce 
de Dieu à vous donnée dans le Christ Jésus, 5. parce que, en tout, vous 
avez été faits riches en lui, en tout [don de] parole et toute connaïssance, 
6. à la mesure dont le témoignage du Christ a été affermi parmi 
vous, 7. en sorte que vous [arriviez] à ne plus [rien] avoir à désirer en 
aucun don de grâce, vous qui attendez la révélation de Notre-Seigneur 
Jésus-Christ; 8. qui, [lui] aussi, vous affermira jusqu'au terme, [pour vous 
rendre] irréprochables au jour de Notre-Seigneur Jésus-Christ. 9. Fidèle 
[est] Dieu, par qui vous fütes appelés à la communion avec son fils 
Jésus-Christ Notre-Seigneur. 


mais signifie tous les dons qui procèdent de la faveur de Dieu. Les Corinthiens 
doivent ambitionner cette plénitude, puisqu'ils attendent le jour où il faudra rendre 
compte du talent reçu; mais rien n'indique qu'ils envisagent la Parousie comme 
prochaine, L’éroxéluhis sera la grande manifestation finale de Jésus, mais il peut y 
avoir des manifestations échelonnées d'ici là. Ces questions seront traitées à fond à 
propos du chapitre xv (v. ad loc.) 

À. 8. 0ç zai... « [le Christ] qui, lui aussi, lui de son côté, vous affermira »; 
il n'y a pas de raison suffisante, contre Cornely, Bachmann, de rapporter &ç à +& 0e, 
« Dieu », du v. 7, qui est trop éloigné. — E£ws téhous peut aussi bien signifier, d'après 
l’idée générale de ces versets, « jusqu’au bout », c'est-à-dire « jusqu'à la perfectian », 
que « jusqu’à la fin » du monde présent. — ëv +ÿ u., et non eis tàv fuépav; Bachmann 
a raison d’insister là-dessus, comme nous allons l'expliquer. — [apouoiz pour fuéoæ 
D, G, E, F, 4mbrr., Cassiodore. 

B. 8. Le Seigneur Jésus-Christ, pour répondre à l'attente des siens, les affermira 
par son action secrète et personnelle, non de telle façon qu'il les rende « irrépro- 
chables » d'un coup (ils en sont encore loin !), mais de sorte qu'ils puissent être enfin 
trouvés irréprochables quand viendra le jour du règlement des comptes; cet état est 
futur, et c'est seulement au jour de la Parousie que Paul ose souhaiter qu'il appa- 
raisse acquis. Aussi n’a-t-il pas dit : « irréprochables jusqu'au jour » (comme si ce 
jour devait les trouver dans l'exercice des vertus), mais il souhaite que, par leur 
progrès, ils soient trouvés irréprochables au jugement qui accompagnera la Parousie 
(aveyrX. ëv rü fu). Le Christ ne les maintiendra pas irréprochables jusque-là (puisqu'ils 
ne le sont certes pas encore), mais il peut les rendre tels, les amener, durant leur vie 
terrestre, à ce tékos, ce terme, qui sera la vie chrétienne pure et sans reproches. Télos 
(contre Bachm.) n'est donc pas nécessairement à prendre au sens de Parousie. Au 
reste, il n'y a pas d’ironie en ce passage; la grande grâce de Dieu donnée dans le 
passé est un gage du don complet; voir au v. suivant. 

—.. B. 9. Car « Dieu est fidèle ». Il s'agissait donc bien aux vv. 7-8 d’un 
souhait pour l'avenir; l'espérance de Paul repose sur la fidélité de Dieu, et non sur 
l'excellence actuelle des Corinthiens. C’est la communauté de vio avec le Christ 
(xotwvta, idée maîtresse de toute l'Épitre) qui produira cet affermissement (Beéauisa, 
V. 8). — à oô se rapportant ici à Dieu, cause première, il n’est donc pas nécessaire, 
comme l'ont bien relevé les Pères dans leurs controverses contre les ariens, d'y voir 
une simple cause instrumentale forsque l’antécédent est le Christ. 

Rob.-PI, notent que dix fois le nom du Ghrist apparaît dans ces dix prenïiers 
versets. Gette introduction, pleine à la fois de doctrine et de réticences, cst remarqua: 
blement appropriée au corps de l'Épître; Chrysostome, Thoin., et la généralité des 
modernes l'ont remarqué. 


I. PREMIÈRE PARTIE DE L'ÉPITRE 


(1, 10-1v, 20. Contre les factions) 


Inrropucrion. — Nous avons ou dans l'Introduction générale que la Première aux 
Corinthiens peut se diviser en quatre parties nettement tranchées (mis à part la 
salutation et le dernier chapiüre) : I. le rappel à l'unité, contre les factions; — II. la 
répression des vices; — III. la réponse de Paul à une lettre de l'Église; — IV. l'en- 
seignement capital de la Résurrection et de l'eschatologie, — et comment ces parties 
se relient l'une à l'autre. Nous abordons la première, qui, à propos de ce qui pourrait 
n'apparaître que simples questions de personnes, divisant ces néo-convertis superfi- 
ciels, présente, du point de pue historique, l'essence d'un débat qui est de tous les 
temps, entre l'esprit de l'Évangile et celui de l’« hellénisme »; et, par là même, tout 
un traité de philosophie religieuse et d ‘apologétique valable perpétuellement, en son 
admirable profondeur. Les renseignements qui donnèrent lieu à Paul d'écrire ces 
chapitres, lui avaient été fournis par les « gens de Chloé » (v. 11). Était-ce avant ou 
après lu réception de la lettre de Corinthe? Il serait difficile de le dire pour le 
moment. En tout cas, le ton de l'Apôtre n'est pas tel qu'il nous oblige à considérer 
cette section, avec Joh. Weiss et Goguel, comme appartenant à une lettre qui n'au- 
rat été écrite qu ‘en face d'une situation aggravée, après les renseignements moraux 
et disciplinaires contenus en d'autres sections (Voir INTRODUCTION, ©. vi). Le lien 
avec les neuf premiers. versets, qui finissent par l'ardent souhait de la soiwuvla, est 
parfaitement naturel (cfr. Goguel}, et la péricope d'introduction préparait au mieux 
tout le développement qui va suivre. 

Nous pouvons le subdiviser ainsi logiquement : 

I, 10-17 : Paul décrit et réprouve les factions; — I, 18-IT (IIL, 4) : si c’est une 
fausse conception de la « Sagesse » qui les divise, l'Apôtre veut leur bien apprendre 
ce qu'est la vraie « Sagesse » de l'Évangile; — IIL, 5-1V, 15 et puisqu'ils entendent se 
choisir des maîtres de sagesse divers, il leur dit ce qu'est le ministère apostolique, la 
vraie fonction de leurs maîtres ; — enfin IV, 16- 21, une annonce et des menaces. 


À. cn. 1, 40-17. PAUL DÉCRIT ET RÉPROUVE LES FACTIONS DE CORINTHE. 


Intropucrion. — Ayant une ample provision de réprimiandes pour ses Corinthiens, 
Paul s'en prend d'abord à leur défaut le plus visible et le plus général : ces divisions 
qui frappaient les yeux de quiconque avait séjourné dans leur église, Il y fait voir 
une méconnaissance pratique du fondement et de l'objet de leur foi. 

Si ces versets sont rythmés, ce n'est pas d'une autre manière que peut l'être toute 
prose parlée un peu vive, et que l'était notamment la « diatribe ». Paul les a certai- 
nement dictés d'une façon toute spontanée, sans aucune élaboration littéraire. 


À, 10. Tapaxxksty est un terme affectionné de Paul dans I-II Cor., ct ne peut tou- 
jours se traduire de la même manière; car il prend tous les sens qui vont depuis 
« exhorter » ou « consoler » jusqu'à une signification très voisine de « intimer un 
ordre-». — natnpriouévot (oulg. : « perfecti ») : le verbe peut signifier ici « appa- 
reiller », sens le plus commun, ou bien (Æérodote, Polybe, al.) « remettre en ordre, 
en état »; l'emploi du parfait indique plutôt le premier sens; il s'agit pour eux de 
conserver un état acquis dès la fondation de leur église, et qu'ils conservaient encore 


2 CE TO EE ECS ag rt a en nd EL nn ent 2e SE 87 AR 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, 1, ‘10. 7 
*Ilparxand Dè buäc, 4dsApo!, dia To bvomaros voù xplou Auov ‘Tnooùd 


€ LU 


Xptotod, va Tù abro darts mévres, wat ph 9 Ev dir cylopara, fre DÈ xaTnpriopévor 


10. Mais je vous mande, frères, par le nom de Notre-Seigneur Jésus- 
Christ, de tenir le même langage tous, et de n'avoir pas entre vous de 


— au moins en droit. — vot : le mot voës, dans la zou, avait passé à la 8° déclinaison; 
vois est distinct de rveüue, comme nous le verrons plus loin, et désigne les facultés 
rationnelles; yvéun (euls., al. « sententia »; fuld., am., Ambrr., Pél., al. : « scientia ») 
qui ailleurs chez Paul signifie « avis » (vi, 25, 40; II Cor. vin, 10; Philm. 14), veut 
plutôt dire ici « dispositions de l’âme », comme souvent chez les classiques, et ne fait 
donc pas double emploi avec voës. — va à fte xat. : la conjonction ‘va, après les verbes 
de désir ou de commandement (au lieu de 6x, Ex, ou de l'infinitif) est une tournure 
de la zoivn. 

B. 10. Paul entre tout naturellement dans son sujet : puisque les Corinthiens pos- 
sèdent le don da la parole (v. 5), qu'ils ne l’'emploieant pas à troubler leur unité dans 
le Christ. Jusqu'où chez eux était allé le désordre? Il ne semble pas, contre J. Weiss 
et Goguel, que l'Apôtre fasse ici allusion à une situation plus grave que dans les 
chapitres où il leur donnera des directions disciplinaires, ni que par conséquent cette 
exhortation appartienne à une lettre postérieure; le parfait (xatn:t.) montrerait plutôt 
qu’ils n’ont pas perdu l'unité d'autrefois, qu’elle est seulement menacée, s'ils n’y pren- 
nent garde; et Les syisuata ne sont pas des schismes religieux, pas même des aipéoes 
(ou choix tenace d'opinions particulières, contre Vitringa, Ewald, al.); mais déjà, à 
propos de questions de personnes, ils forment des « cliques », comme dit J. Weiss, 
et cela, nous le verrons, en engage quelques-uns dans une direction où non 
seulement la charité fraternelle est blessée, mais où la foi et la moralité pourraient 
être finalement compromises. On peut croire que certains groupes formaient déjà des 
bandes à part dns les réunions cultuelles (v. ch. x1; 7’éodoret, Gutjahr, al.) 

—— À. 11. Oi avec le génitif est classique (oi toë Zwxpérous) et le mot sous-entendu 
désigne généralement une relation de famille, de domesticité, d'école, etc. Cfr. Rom. 
XvI, 10. 

B. 11. Celte Chloé, et ses gens qui ont renseigné Paul sur ces dissensions, sont 
parfaitement ignorés par ailleurs (1). L'Ambrosiastre proposait déjà des identifications 
diverses. En tout cas, cette femme était connue des Corinthiens, qu'elle résidât à 
Corinthe ou à Ephèse, qu'elle fût chrétienne ou non, et elle avait une « familia » qui 
devait être assez nombreuse pour que Paul emploie ce collectif. Etait-ce sa parenté, 
ses esclaves ? Il fallait que quelques-uns au moins d’entre eux fussent chrétiens, pour 
s'intéresser aux affaires de l'Église et en parler à Paul. Ramsay suppose avec vrai- 
semblance que c’étaient les agents de quelque maison d’affaires qui circulaient fré. 
quemment entre Ephèse et Corinthe. Rien n'indique qu'ils aient eu une situation en 
vue dans l'église de l’une ou de l’autre ville; ces voyageurs rapportaient simplement 
à Paul ce qui n’était que trop visible. 

Ge petit problème {comme celui de « Sosthène », supra) n'aurait que peu d'impor- 


(1) Le nom (la « verdoyante ») est une épithète de Déméter, et pouvait être donné comme 
nom propre surtout à des affranchies; c'était dans cette classe surlout qu'on trouvait des 
femmes qui s’enrichissaient par le commerce. Cfr. Horace, Ode 111, 9, 9,et la Pastorale de 
Longus. La forme voisine Xàoin se rencontre dans une inscription attique de la fin du rv°s. 
av. J.-C. (CIA., 2, 722, 6, 18). Mais il serait difficile d'admettre avec Hilchcock (JTS., 1924, 
pp. 163-167), que les « gens de Chloé », avec qui Paul est en rapport, ct qui connaissent si 
bien les chrétiens, fussent une confrérie de la déesse. 


LA 


& ÉPITRE AUX EORINTHIENS, I, 40-17. 


y to abr® voi nai éy 79 br yvoun. 11. "Edntün yép nor mepl buy, ads pot 
pou, dro Tüv” Xônc, Ou Épièes Ev div elov. | 

12. Aéyw SE robro, Ort EÉxaotos budy héyer” ’Eyw pév eiur Ilaÿhou, yo Dè 
’Arolo, éyo 0 Kngt, éyw dè Xotoroü. 

‘43. Meuéotorar à Xpuoroc; un Iladhos écraupetn b rèp ip, % els To Cvouæ 
Iaÿkou é6ar rrinre; 4h. Ebyapiord *r® 620 dre obdéva dudv é8drroc et un Kploxov 


tance s’il ne jelait déjà quelque jour sur plusieurs questions qui en ont davantage. 
D'abord, Paul parle de ces dissensions comme d’un fait qu’il vient d'apprendre 
récemment; ce n’est pas en faveur de la « situation aggravée », et de la division de 
notre épître que proposent 7. Weiss et d'autres. Ensuite, il n’a été informé que comme 
accidentellement, par des anonymes, — ou du mains il présente les choses ainsi. Ces 
divisions n'étaient donc pas encore officiellement constatées, ni l'objet d’une consulta- 
tion dans la lettre envoyée par l’ Église ; autre signe que la fâcheuse situation n'était 
que commençante. Si la chose avait déjà paru très grave aux Corinthiens eux-mêmes, 
et qu'elle eût été amenée par des discussions pénibles entre Paul et ses fidèles, 
- (comme dans la théorie ci-dessus), l'Apôtre, pour en traiter, ne se serait pas appuyé 
sur des dires d'anonymes. 

D'après Zahn, Clemen, Bachmann, ce rapport des « gens de Chloé » serait par- 
venu après la lettre de Corinthe, et aurait déterminé Paul à écrire son épitre, quoi- 
qu'il eût déjà envoyé Timothée (ch. 1v) pour régler les questions soulevées par Ia 
missive corinthienne, On peut tout aussi bien croire que ces rapports des « gens de 
Chloé » étaient antérieurs, qu'ils s'étaient même peut-être multipliés, et que Paul 
n'aftendait pour admonester les Corinthïens à ce propos que l’occasion qui lui fut 
offerte par la nécessité de répondre à leur lettre, qui traitait cependant d'autres 
choses. 

Nous pouvons apprécier dans ces conjonctures l’habile et charitable diplomatie de 
l’Apôtre. IF est fort probable que les envoyés de Corinthe, qui se Mouvaient alors 
près de lui à Ephèse, n'étaient pas restés muets sur ces difficultés ; mais Paul, en s’en 
rapportant aux « gens de Chloé » qui lui en avaient parlé les premiers, met hors de 
cause et les auteurs de la lettre, et Stéphanas avec ses compagnons (v. ch. xvt) ; ainsi 
leurs compatriotes ne pourront s’en prendre à eux, et les « gens de Chloé », ses 
employés, étaient sans doute trop nombreux, et trop minces personnages, trop peu 
dans les secrets, pour qu’on cherchât parmi eux quelqu'un à qui tenir rigueur, s'ils 
avaient seulement parlé de ce qui était à Corinthe du domaine public, 

A, 42. ’Eyd uév tue Ilabkou, éyb 88 ’AroMw, etc. Paul nous représente peut- 
être, rhétoriquement, une dispute entre Gorinthiens (dans les réunions de culte?}, 
l’un déclarant : « Pour moi, je suis à Paul; — mais moi, à Apollos », etc. ; pév serait 
ators distinctif, et 3 adversatif; les génitifs marquent la relation d'appartenance 
(cfr. tüv XAdne, supra). Ou bien le uév et le êé, sans qu'il y aït besoin de dramatiser 
ainsi la discussion, répondent à la pensée de Paul, qui par une sorte d’imprégation, 
les transporte dans ses citations des paroles d'autrui, comme s’il y avait : ‘O uèv Aéyer 
’Eyu alu Iobhou — 6 dè Aëyer EE. «, A. etc. : « L’un dit : « Je suis à Paul », tandis que 
l'autre dit : « Je suis à Apollos », etc. » Peu importe d’ailleurs pour la portée de ce 
passage. — Cfr. Clément 1, xLvr, 1-4 

B. 12. Paul précise tout de suite ce qui lui a été rapporté par les gens de Chloé, 
et l'on voit qu'il s'agit avant tout de questions de personnes, d’une espèce de partis 
d'école, exclusifs et chicaneurs, qui cherchaient à se former, bien à la grecque, 
autour du nom des évangélistes. 11 faut admirer encore l’habileté diplomatique ‘de 
Paul qui réprouve avant tous les autres ceux-là qui seraient ses propres partisans, 


ÉPITRE AUX CORINTHEENS, 1», 41-14. 9 


scissions, mais de rester bien en harmonie dans la même intelligence et 
dans la même façon de sentir. 11. Car il m'a été notifié à votre sujet, 
mes frères, par ceux de Chloé, qu'il y a des discordes parmi vous. 

12. Je veux dire ceci, que chacun de vous dit : « Pour moi, je suis 
[l’homme] de Paul. — Et moi, d’Apollos! — Et moi, de Céphas ! — Et moi, 
de Christ! » 

13. Le Christ a-t-il été mis en portions? Est-ce que c'est Paul qui a été 
crucifié pour vous, ou est-ce pour le nom de Paul que vous fütes baptisés? 
1%. Je rends grâces à Dieu de ce qu'aucun de vous je ne l’ai baptisé, si 


indiscrets dans leur zèle. Peut-être, en signalant ces « pauliniens », force-t-il un peu la. 
note; mais il croit, ou feint au moins de croire, qu’il peut avoir des partisans qui 
vont trop loin; ainsi passera plus facilement ce qu'il a à dire aux autres (cfr. 13b-15). 

Certains commentateurs grecs et latins, invoquant 1v, 6 (vid. ad loc.) ont avancé 
l'opinion qu'ici Paul, pour ménager les individus, aurait désigné les factions sous 
des noms supposés, ceux des grands prédicateurs au sujet desquels il n’y avait pas 
en réalité de divergences d'opinion; il aurait voulu rester ici dans le vague : « Sup- 
posé que vous déclariez, par exemple, être l’homme de Paul, ou celui d’Apollos, etc. », 
évitant ainsi de désigner les vrais responsables {(Chrys., Theodt, Damascène, Prim., 
Œcumenius, Théophylacte, Ambr', Pélage, Cardinal Hugues, Cajelan, etc., 
cfr. Delafosse). Ce serait un procédé bien détourné, quoique non impossible en soi; 
mais ce n'est point facilement conciliable avee le grand contexte, et, si c'était une 
fiction rhétorique, Paul ne l'aurait sans doute pas soutenue si longtemps (jusqu'à la 
fin du ch. 1v), Clément Romain, en se référant à ce passage, dans une lettre adressée 
à ces mêmes Corinthiens (7 Clém. xzvn), le prend tout à fait à la lettre, et leur 
dit (xavu, 4) : « Une cabale était alors une moindre faute, car vous vous rangiez 
au parti d’apôtres autorisés (Paul, Céphas), et d'un homme approuvé par eux 
(4pollos) »; ce qui suffit bien à détruire une hypothèse aussi subtile. 

Dans un excursus nous chercherons à déterminer ce que pouvaient être ces partis. 
Que Paul et Apollos, qui avaient évangélisé Corinthe l'un après l’autre, y eussent. 
trouvé chacun des partisans trop exclusifs, rien de plus naturel; les partisans de 
Géphas, — bien que celui-ci n’eût jamais prêché à Corinthe, — pouvaient être des 
fidèles venus en cette grande ville de quelque autre région, où ils avaient été conver- 
tis, immédiatement ou indirectement, par la prédication de Pierre. IL ne s'élève de 
difficulté réelle qu'à propos de ceux qui déclaraient : « Moi, je suis du Christ ». 

Cet « yo à Xatotoë » a bien embarrassé les commentateurs de tous les temps. Pou- 
vait-il y avoir un « parti du Christ », comme il y en avait un d’Apollos? Est-ce que 
tous les baptisés n'étaient pas et ne se croyaient pas également chrétiens? La ques- 
tion est si obscure et si importante que nous en remettons la discussion à l'Excursus iv. 

Disons seulement tout de suite que nous tenons ces mols pour authentiques 
(contre Pierce, Bruins, J. Weiss, et les hésitations de Bousset), car ils ne manquent 
en aucun témoin. Nous ne croyons pas que ce soit la propre déclaration de Paul oppo- 
sée à l’ensemble de celles qui précèdent (contre beaucoup de Grecs, Calvin, Eichhorn, 
Bleek, Meyer, Cornely, Le Camus, ekc.), car elle ne se distinguerait pas assez des 
précédentes, avec lesquelles elle fait série, étant de forme absolument homogène; si 
Clément n'a pas fait allusion à ces mots, c'est que les divisions corinthiennes, à l'époque 
où il écrivait, ne se rapportaient qu'à des maîtres humains et à des fauteuré de trou- 
bles d'un ordre bien inférieur à Paul, Aypollos et Céphas. On à pu dire aussi que 
c'était là une déclaration des « bons Corinthiens », choqués de voir les autres se divi- 


10 | ÉPITRE AUX CORINTHIENS, 1, 10-47. 


no Datov 15. Pva pré vis etmn Ov etc To Eubdv Evoux “ébanticbnre. 16. ’Eéérrioz 
Dè mat Toy Drepava ofxoy' hoëmdy où ofda el viva ŒARov Ébémtioa. 

17. Où yap dméorauhév pe Xo1orèc Partilerv GANG ebayyehilechar, oùx èv cogig 
Royou, iva ph xevwÔ0T à oTaupés Toù Xproroë. 


ser à propos de prédicateurs du même Christ. Mais Paul (v. 48) paraît bien blâmer 
tout le monde. Nous croyons donc qu'il y avait des chrétiens à Corinthe qui voulaient 
se distinguer de leurs frères -en déclarant : « Nous sommes, nous, les hommes du 
Christ, et de personne autre »; et il n'est pas nécessaire de croire que Paul invente 
ce parti (contre Reitzenstein, cfr. Chrys.), pour flétrir leurs divisions en les poussant 
ad absurdum, en insinuant que certains auraient été capables de mettre Le Christ sur 
le même rang que de simples prédicateurs humaïns. Peut-être Paul ne blâme-t-il pas 
ceux qui parlaïent ainsi, maïs regrette-t-il seulement que certains soient obligés de 
faire une telle déclaration — qui devrait être celle de tous — pour se distinguer d'au- 
tres fractions de la communauté (Chrys., al, Bachmann, Gutjahr, al); peut-être, 
aussi bien, y avait-il des baptisés qui faisaient profession de dédaigner tous les inter- 
médiaires humains, fût-ce Paul en personne, et de ne se soumettre qu’au Christ, 
directement. Nous inclinons d'ores et déjà vers cette seconde solution. Mais alors 
quel pourrait être ce parti du Christ? Parmi ceux qui admettent son existence, les 
uns veulent y voir des judaïsants extrêmes, d’autres d'anciens convertis qui avaient 
vu le Seigneur, d’autres des mystiques gnosticisants. Il vaut mieux remettre toutes 
ces questions concernant l'existence et la nature d’un « parti du Christ » à une disser- 
tation spéciale; car il n’est pas nécessaire de les avoir déjà résolues pour suivre l'ar- 
gumentation de Paul en ces chapitres, 

À. 13. Ce verset est-il séparé du précédent là où il faut? Ceux qui estiment 
que ëy® Ôè Xpioroù est la réplique de Paul pourraïent mettre ensemble la fin de 12 et 
43 a, ainsi: « Moi, Paul, je suis au Christ uniquement, comme vous devriez l'étre; 
car pensez-vous que le Christ est divisé? » Mais nous avons réfuté cette hypothèse. 
— Li devant peuépisra en des minuscules 40, ‘39, al., Opt., pes., arm.; l'interrogation 
serait moins abrupte, mais aussi moins vive. — peuéo. est certainement interrogatif, 
d'après le contexte, contre Prim. et quelques autres. usptfw signifie « couper en mor- 
ceaux », « débiter en portions », ou « séparer une partie du tout »; le premier sens, 
comme dit Bachmann, est seul ici en situation; cfr. Marc, nr, 26; Mat., xu, 26. (Luc, 
parall. : Gteuep.). 

B. 13. Paul, comme dans la diatribe, remet en place les hommes de parti 
par une question qui est plus qu'ironique, mais indignée, presque brutale. On dirait 
qu'ils se partagent le Christ en morceaux! La réprimande ne s'adresse pas (contre 
Schmiedel, B. Weiss, Schäfer) au seul « parti du Christ », qui serait blâmé de « s’adju- 
ger » le Christ en l'enlevant au reste de la communauté. Le Christ n’est pas non plus 
à prendre ici au sens mystique (l’Église), contre Chrys., Dam., Œc.!., Theoph., Pél., 
Prim., Cajetan, Estius, Olshausen, al., ce qui serait affaiblir la rude apostrophe, Âvec 
Theodt, Ambrr, et presque tous les modernes, il faut entendre que les Corinthiens se 
{ont des Christs divers, qui changeraïent avec ceux qui prêchent Jésus comme un 
personnage de traditions mythiques ou un idéal d'école; ainsi ils ne posséderaient 
que des « morceaux du Christ », ou bien (Cornely) le Christ serait « divisé contre 
lui-même ». 

Ils doivent cependant faire un dans l'Unique qui a été crucifié pour se les unir tous 
et au nom de qui ils ont été baptisés. La conduite de ceux qui sembleraient en pra- 
tique prendre Paul pour leur maître suprême, dont ils voudraient porter le nom {il 
charge toujours, peut-être avec un peu d'artifice, ses admirateurs indiscrets l) est aussi 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, 1, 15-17. L 11 


ce n’est Crispus et Caïus, 15. pour que personne ne dise que c’est pour 
mon nom que vous fûtes baptisés. 16. J'ai bien baptisé encore la maison 
de Stéphanas; pour le reste, je ne sais pas si j'ai baptisé quelqu'un 
d'autre. | 

17. Christ, en effet, ne m'a pas envoyé baptiser, mais évangéliser; [et] 
pas dans une sagesse à discours, pour que ne fût pas évincée la croix 
du Christ. 


absurde que si c'était Paul qui les avait rachetés et incorporés à lui. Ets rù ëvouæ 
(= « pour le nom » ou « pour prendre le nom » de quelqu'un) est une expression 
assez fréquente dans le langage d’affaires des papyrus et des inscriptions; eis to voué 
vos signifie : « au compte de quelqu'un »; ici donc elle veut dire que le baptême a 
fait d'eux la propriété exclusive du Christ. Sur l’origine, voir Bôlhmer, Deissmann, 
Heimüller « Im Namen Jesu ». Mais l'usage courant suffit à expliquer ce eis ro bvoua, 
et il n’y a pas lieu de trop presser, avec J. Weiss ou Lietzmann, les parallèles d’his- 
toire des religions, les ratéoss de la « Mithrasliturgie », les formules des Hypsistariens 
de Crimée (qui ne contiennent pas ets rù ôv.) ete., ni croire que les Corinthiens se 
figuraient un lien mystique, conçu magiquement à la païenne, entre le baptisé et le 
baptiseur; on peut lire sur ce point les bonnes réflexions de Bachmann. Ek implique 
l'appartenance au Christ d’une façon plus forte et plus directe que ënt r& ov. ou èv r& 
àv., rien de plus; il ne faut pas en conclure que la formule « Je te baptise au nom du 
Christ » ait jamais existé. 

—— À. 14.716 Où omis après eyap. N°, B, 67. L'usage de Paul en ce genre de 
formules demande plutôt qu'on le conserve avec Puls. ., comme l'a fait Vogels (contre 
W.-H., Wesile, al.). 

—— B. 14. Ce verset et le suivant n'exigent aucun commentaire pour l'idée; 
l'ironie de Paul continue, très appuyée; c'est presque de la mauvaise humeur, et il leur 
montre à quelle absurdité religieuse l'attitude des hommes de parti donnerait à un 
railleur le droit de les acculer. — Quel était ce Crispus? Ce doit être, d'après Act, 
xvit, 8, ce chef de la synagogue dont la conversion avait été un grand triomphe pour 
les évangélistes; aussi Paul se serait-il réservé de le baptiser de ses propres mains. 
Caïus devait être aussi quelque personnage important, probablemeut le même que 
Rom. xvi, 23, chez qui Paul logeait à Corinthe, et dans la maison duquel se tenaient 
peut-être des réunions liturgiques. La 3° de Jean est adressée à un autre Caïus, 
asiatique. Ce nom devait être si commun à Corinthe, ancienne colonie (comme il 
l'était partout dans le monde romain), qu'on ne peut trancher la question avec certi- 
tude. 

———— À, 15. éfarsioünre, plutôt que la leçon « occidentale » tféntisa de D, E, F, G, 
L, P, pes., al., qui peut être uné erreur due au premier mot du v. 16. 

A. 16. houxdv ou tb houxév, familier à Paul, Æpictète, papyrus, fréquent à 
l'époque comme terme de conversation. — &Alov omis F, G. 

B. 16. Nous retrouverons Stéphanas, « prémices de l'Achaïe », au ch. xvi, 15-18. 
Il paraît d'abord assez singulier que Paul ne se souvienne ainsi de ce chrétien no- 
table qu'après coup; c'est peut-être parce qu'il était alors trop près de l'écrivain, à 
Ephèse (avec Fortunatus et Achaïcus), et que Paul ne pensait d’abord qu’à ceux qui 
étaient à Corinthe. En tout cas il est arbitraire de voir ici avec Æolsten une interpola- 
tion, ou de supposer avec Schmiedel que Stéphanas avait été baptisé à Athènes {ce qui 
n'irait pas à l'argument), ou bien, comme Bachmann, que Paul ne pensait en ce 
moment qu'à son « parti », et que Stéphanas n’en était point. Remarquons plutôt que 
Paul répond à la question de savoir s'il a baptisé quelqu'un) avec une négligence 


42 ‘ ÉPITRE AUX CORINTIHIENS, 1, 10-17, 


presque affectée (J. Weiss), et que cet oubli momentané montre que Paul dictait du 
premier coup son texte définitif, sans brouillon (Ziet:mann) qu’il eût fait ensuite com- 
pléter ou mettre au net; constatation qui n’est pas du tout conciliable avec la récente 
théorie que Paul ne dictait qu’en soignant les balancements du « style oral », ou pour 
une « récitation cultuelle » {Voir Ixrron., ch. v.). 

B. 17. Ce verset sert de transition au sublime développement qui va suivre. 
Paul veut attirer toute l'attention des lecteurs sur la doctrine — pour expliquer sa 
propre conduite contre les détracteurs, et stigmatiser les dissensions de Corinthe. 
Baptiser, tout le monde peut le faire, et ce n’est point cela qui doit distinguer [es pré- 
dicateurs; mais tout le monde ne peut « évangéliser » comme Paul, qui a reçu du 
Christ une mission si spéciale d'apôtre. 

Aucune différence essentielle de mission n’est d’ailleurs impliquée ici entre Paul et 
les autres apôtres. Selon Bousset, la santé de Paul, ou son surmenage (ce qui est plus 
probable) l’auraient empêché de se donner lui-même au ministère fatigant des bap- 
têmes. Il ne s'ensuit point, naturellement, qu'il ait dédaigné ce sacrement de l'incor- 
poration au Christ, qu’il exalte tant ailleurs, et auquel le v. 13 montre qu'il reconnais- 
sait une si haute eflicacité. Il a bien fallu au moins qu'il baptise les premiers conver- 
tis, — en dehors des notables Crispus et Caïus, — maïs Les disciples revenus de Macé- 
doine (Ace. xviu, 5) ont dû faire ensuite presque tout; le grand mouvement des con- 
versions n’a d’ailleurs sans doute commencé qu'après cette arrivée de Timothée et de 
Silas. En les attendant, comme Paul se faisait aider par des « préposés » dès qu'il le 
pouvait (Act, Thess.), « Stéphanas et sa maison », les « prémices de l’Achaïe », baptisés 
par Paul, pouvaient baptiser les autres, lui permettant de se réserver dès le début 
pour l'évangélisation. 

Il n’évangélisait pas ëv coslx Xdyou, « avec sagesse éloquente » {(Loisy), ou, encore 
mieux, avec les artifices du métier des rhéteurs. L'expression parait ironique, et Rob.-. 
Plum. notent fort bien que cette « sagesse de langage », trop appréciée des 
Corinthiens, est l'inverse du « langage de sagesse », le charisme dont Paul traitera 
plus loin, — et qu'il possédait, lui, éminemment, Il peut y avoir une allusion dédai- 
gneuse, non pas à Apollos lui-même, mais aux exigences du parti d’Apollos 
{voir Exc. 1v) ou du « parti du Christ ». 

Comment agir autrement eût « vidé » la Croix du Christ, c’est ce que va montrer la 
section qui suit, une des plus belles du Nouveau Testament. 


B, cu, 1, 18-11 (11, &). — LA SAGESSE DU MONDE ET LA SAGESSE DE DJEU. 


Inrropucrion. — Les dissensions des Corinthiens sont causées par un zèle mal éclairé 
pour la « Sagesse »; du moins c'est là ce qui leur sert de prétexte pour cabaler autour 
«es noms de leurs instructeurs dans la foi, pendant qu'ils cherchent ainsi à se faire 
valoir eux-mêmes, et donnent d'autre part satisfaction à leur goût inné pour la 
dispuie. Paul, pour mettre ordre à ‘cette situation, l’envisage du sommet de la vraie 
sagesse qu'ils ignorent. Tout d'abord il leur moatre (1, 18-25) comme la Sagesse de 
Dieu est différente de celle du siècle; — puis, se retournant vers la communauté de 
Corinthe, il lui rappelle sans ménagements (26-31) qu'elle ne peut prétendre étre 
rien que par l'opération gratuite de cette sagesse divine. — Ensuite (II, 1-5), Paul se 
reportant à la première évangélisation «de leur välle, déclare que c'est très délibéré- 
ment qu'il a évité alors de leur présenter une autre sagesse que celle de la Croix. Ce 
n'est point qu'il n'y ait certaine hauteur de sagesse chrétienne réservée aux « par- 
faits »; mais il ne jugeait pas qu'ils fussent déjà capables de la concevoir, et c'était 
drop juste, car ils ne le sont même pas encore (IT, 6-fin). L'Apôtre reviendra alors à 
deurs divisions, leur en fera toucher les véritables causes, et l'inanité. 

Tout ce développement, jusqu'à IT, 5 {et plus loin, jusqu'a la fin du ch. LIT) est 
fait selon un certain parallélisme, caractéristique de la manière littéraire de Paul, 
et où Joh. Weiss reconnait son schéma a-$-a : jusqu'à T, 25, saint Paul énonce une 
thèse, et il montrera (IT, 1-5) comment son évangélisation s’en est inspirée (a-a); la 
partie intermédiaire (1, 26-31) se détache comme une apostrophe très concrète qui tire 
brusquement les prétentions corinthiennes sous la pleine lumière de la thèse (8). Le 
méme procédé continuera aux ch. IT et IT, plus ou moins accusé. 

Il y aurait peut-être lieu d'examiner à ce propos si ce genre d'éloquence relève 
uniquement du mécanisme « oral », dans la simplicité où l'a présenté Jousse. — Un 
point plus important concerne la doctrine; en craltant la Sagesse divine inconnue au 
monde, est-ce que notre épiire, comme l'a révé Delafosse, re/oindrait le système de 
Marcion sur le « Dieu étranger » ? Nous verrons qu'il n'en est rien. Mais on peut dire 
avec Godet, que ces magnifiques chapitres sont toute une « philosophie de l'histoire » : 
la phase de la révélation de Dieu « en sagesse » (du point de vuc de l'hellénisme), et 
celle de la révélation « en folie ». C'est méme loule une philosophie religieuse, qui 
règle le perpétuel débat entre l'humanisme, le naturalisme (qui n'est pas seulement 
celui des Hellènes), et la connaissance surnaturelle, avec son efficacité d'action. Tout 
cela à propos des chicanes de quelques « gracculi »1 Il était impossible à un saint 
Paul de voir moins haut et moins large. 


I. — Opposition de la Sagesse de Dieu et de celle du siècle 
: (eu. 1, 18-25). 

Ivrropucriox. — L'Apôtre vient de dire (1, 17), qu'il ne voulait pas évincer la Croix 
du Christ. Cette Croix à un langage, qui ne peut que choquer celui de la sagesse 
humaine, auquel les Corinthiens sont assez mal inspirés pour chercher à le ramener; 
mais il est lui-même celui d'une Sagesse supérieure, parec qu'elle est celle de Dieu; 
— de Dieu qui se sert, ajin de mieux montrer sa loule puissance, de moyens jugés 
impuissants par les lommes. 


14 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, 1, 18-25. 


1, 18. ‘O Xôyos Yap à To oraupoÿ vroïs mèv éroAAumévors pupla Éotiv, vois 
dÈ ouwbouévors Apiv Oüvas Oeod Ecru. 

19. l'éyparrar yép' « ’AmoXG rh copla Tv copy, ua Ty oûveotv Tv ouverüy 
&Berow ». 20. [To copôc ; moû Voauparelc ; où “ouvEnrnrhs To aiüvos Tobtou ; obyi 
*o f e O s A / # ! . 21 ’E à Ù 2 …s { + (a) _ , 

Epopavey à Dedc rhy coplav Toù xôomou; 21. "Exeadh yap èv Th oopla où Peoë oùx 
Eyvw 6 zoo Dia Tic ooplas rèv Deiv, ebdbenoev 8 Dedc Bux Tic mwplac To xNnpUy- 


A. 18. qpiv manque Marcion, Irénée, « Adv. Haer. » 1, 3,5, F, G, Tertullien, quelques 
latins, got. J. Weiss ne l'admet pas; mais c'est ce que W.-H. appelaient une 

vieille omission occidentale ». — Les participes ont une valeur caractérisée de « pré- 
sent en marche ».— Cfr. ZI Cor. u, 45-16 : ...Xototoë ebwdla... ols uèv ëx Oavérou es Dévarov. 

B. 18. Les Corinthiens, eux, paraissent avoir oublié que la Croix par elle-même a 
un langage, et tout un discours qu'il n’est pas permis d'étouffer. Quel est ce discours ? 
une « ineptie » (plus fort que « folie ») pour ceux qui marchent à leur perte; qu'ils 
prennent garde de se ranger petit à petit parmi ceux-là! Mais non! ils tiendront à 
demeurer dans la voie du salut, et reconnaïtront mieux qu'ils ne l'ont fait que la 
toute puissance de Dieu opère par ce langage. 

Saint Paul distingue ainsi deux catégories d'hommes, qui diffèrent justement par 
leur attitude à l'égard de la Croix, — phrase saisissante et qui a fait plus d'une 
conversion! Peut-être n'oserions-nous pas dire, avec Rob.-Pl., que la force des par- 
ticipes présents est « axiomatique », entraînant d'ores et déjà la certitude de l'avenir 
éternel des uns et des autres. Et nous n'admettons pas non plus, comme J. Weiss, 
(qui rejette uv) que les deux catégories soient « intemporelles », et ne doivent 
être distinguées qu’au dernier jugement, comme si Paul faisait ici de la dogmatique 
eschatologique, et que la swrnple ne dût avoir lieu qu'à la Parousie, contre Ep. u, 
5-8, et contre Tü., 11, 5 (que J. W. supprime à cause de cela même, quand ce 
passage exprime au contraire une des idées les plus essentielles de la théologie de 
Paul). Chrys., d'autre part, ne dit peut-être pas assez, quand il entend que la parole 
de la Croix est folie « dans l'opinion » de ceux qui se perdent, En réalité, il s’agit 
bien de deux catégories actuelles, tranchées déjà, et dont le sort futur est infaillible- 
ment décidé; mais, au cours de la vie actuelle, on peut passer d’une catégorie dans 
l'autre, et le « jugement » actuel (cfr. Jean) est encore réformable; on ignore quelle 
est la prédestination. Quand Bengel (cité par Toussaint), écrit : « Qui evangelium 
audire coepit, nec ut perditus, nec ut salvus habetur; sed est quasi in bivio, et nunc 
aut perit aut salvatur », il faut adoucir un peu en ce sens que, même après l’audition 
de l'Évangile, le choix peut ne se décider qu’à la longue. Disons donc, avec Gutjahr 
et beaucoup d’autres, que les äroXkiyevor et Les awtuevor sont ceux-là qui sont « sur les 
chemins », qui agissent actuellement d'une manière, qui de soi, tend à leur salut ou 
tend à leur perte. Tel quel, l'avertissement est grave! 

Qu'est-ce que la uwota? Pis qu'une « folie », qui pourrait apparaître comme une 
exaltation grandiose en son désordre; pwpds veut d'abord dire « émoussé » ou 
« fade », et le substantif qui y correspond signifie quelque chose de pauvre, de 
mesquin, produit par une imagination faible, bref sottise, naïveté sotte, ineptie 
(cfr. plus bas äolevés). Les pwpot sont des gens qu'on méprise, dont on ne s'occupe 
pas, plutôt que des fous dangereux qu'il faudrait combattre. L'Apôtre, vraiment, ne 
ménage pas ses termes! (cfr. les adjectifs voisins äppuv, rapéopev, qui expriment 
d'autres nuances et sont moins blessants). Aussi n’avons-nous pas traduit par la 
belle formule consacrée « folie de la Groix », car elle n'exprime pas assez ce qu'il y a 
de « niais » dans la popla. L'Évangile du Grucifié était une sottise inconsistante pour 
ceux qui pensaient qu'un nouveau message religieux doit se présenter nécessaire- 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, 1, 18-21. 45 


1, 18. Car le langage [qui est] celui de la croix, pour ceux qui vont 
‘à la perdition, est ineptie; mais pour ceux qui vont au salut, pour nous, 
il est puissance de Dieu. 

19. Car il est écrit : « Je perdrai la sagesse des sages, et l'intelligence 
des intelligents, je [la] mettrai au rebut ». 20 Où [est-il], le sage, où le 
lettré? où le scrutateur de ce siècle? n'est-il pas vrai que Dieu a marqué 
d’ineptie la sagesse du monde? 21. Car attendu que, dans la sagesse de 
Dieu, le monde n’a pas reconnu Dieu au moyen de la sagesse, Dieu s’est 


ment comme une nouvelle philosophie (J. Weiss). Qu'il produisit une telle impression 
sur nombre de païens cultivés, c'est ce qui ressort assez de tous les textes cités ici 
par Lietszmann, de $. Justin (Apol. I et Dial.), Celse, Lucien (Mort de Peregrinus), etc. 
Ils tenaient — ce qui se fait toujours — pour inepte ce qui les dépassait : « homines 
enim quidam consueverunt stultum reputare quod eorum sensum excedit » (s. Thomas). 
Ainsi Chrys., Théodoret, Dam., Œcumenius, Théophylacte, Ambr, Pélage, Cyrille, 
Thomas, Dion., Cajetan, Estius, Corn. a Lapide, Bisping, etc. et les modernes 
à peu près tous. 

Cette péricope n'a aucune saveur marcionite, contre Délafosse, et ne contredit pas 
Rom. 1, 19-21, en introduisant l'idée du « Dieu étranger » et condamnant la création 
comme œuvre d’un Dieu inférieur, ainsi que serait censé le faire Jean 1, 48; vit, 28; 
vul, 23, 40, 44. S'il était besoin de réfuter ces fantaisies, l'explication des prochains 
versets 21-22 y suffirait. 

——— À, 19. ‘AroÂG, pour axokécu, est un futur attique qu’on trouve d'ailleurs déjà 
chez Homère et Hérodote; le reste de la Bible use de ärokésw (Abel, 66). — La cita- 
tion est d'Zsaïe xxix, 14, cfr. Abdias 1, 8 (Lxx). 

B. 19. Ce mépris des moyens de la sagesse humaine n'est pas nouveau dans la 
conduite de Dieu; déjà, par le prophète, Yahweh annonçait qu'il sauverait par lui- 
même Jérusalem des Assyriens, en dehors de tous les calculs politiques et des 
alliances. Paul applique ce verset aux sages juifs comme aux autres (Cornely, al.) 

—— À. 20. Toirou ajouté à x6ouou dans le Text. rec., après quelques codex, 
E, F, G, L, quelques lait. et syr. — Eutoavev a un sens déclaratif (/. Weiss). — oÿyi aun 
sens plus fort que ox : « N'est-il pas vrai que...? » — Le mot ouvntnrds est un 
‘hap. leg., qui se retrouve chez Ignace Æph. 18. — Les interrogations — 05... roë, 
sont du style de la diatribe ; /. Weiss rappelle Epictète ur, 10, 16. 

B. 20. Où trouver des « sages », au sens humain, dans l'Église ? Dieu a bien 
montré, en ne leur accordant pas, à eux, la grâce de la conversion, ce qu'ils valent 
avec leur sagesse mondaine, dont leur aveuglement spirituel révèle l'inutilité et 
l’« ineptie ». (IL faut tenir compte, ici, évidemment, des simplifications oratoires ; 
Apollos était un oopés; Paul aussi, même un « scribe »; et d'autres encore.) Y a-t-il 
une distinction de sens entre les trois termes? Peut-être le oopis est-il gentil, le 
yeaupareis juif et le ouvénrnric désignerait tous les scrutateurs et disputeurs en général 
(ainsi Rob.-Pl., après Clem. Alex., Théodoret); cela d'ailleurs importe peu. Il nous 
sembleräit que le ouv£ntnris est plutôt celui dont tout le travail d'intelligence est 
absorbé dans la préoccupation, scientifique, ou pratique, de ce bas monde (uiävos, 
objet) sans regard sur le surnaturel. 

A. 21. Cette phrase concentrée est assez difficile à bien saisir du premier 
coup. Mais notons déjà comme certain qu'il faut lire ëv tÿ sopix toÿ feoù, et non, avec 
Calvin, comme s'il y avait v +ÿ copia abtoë (i. e. xéouov); ensuite, que dans les mots 
dx ris aoplas, La « sagesse » est au contraire une qualité du monde, ’Eÿvw veut dire 


16 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, 1, 18-25. 


paros oüoa toc miorebovras. 99. ’Ereh nai ’Toudaior omueïta airodoi, “ral 
EXAmvES copiav Enroëouwv, 28. “hueïc D xnpÜcoomer Xourèv Écravpuyévoy, ’Toudatous 
uèv oxdvOxhov, Éûveotv DE puplav, 2h. œbroïc D roïs nAntoïc, Toudaions ve noi 
Pr Xprordv Oeoë ivaprv rat Oroë ooptav. 

2! 


x 2 S CT 
. "On sd püpoy Toù Oeoù copurepor rùv avôpé muy Éotiv, nai To aobevÈès ToÙ 
Das % sxvpoTepoy Tüv G0puTwv. 


ici « reconnaître », « distinguer », et J. Weiss rapproche avec justesse cette proposi- 
tion de Rom. 1, 21 : yvôvres tôv Oebv oùy ds Uebv é06Eaoav. Enfin la préposition èv, dans 
ëy rÿ ocopla, marquerait difficilement ici la cause efficiente (Bachmann, après 
Hofmann). 

B. 21. Dieu a choïsi un moyen fou, inepte, la proclamation (zxfpuyua) ou prédica- 
tion d’une ignominie el d'une impuissance (voir verset suivant), parce que tout ce 
qu’'approuvait la Sagesse du monde était incapable d'amener la réalisation de son 
dessein. Cette proclamation sauve les hommes, mais à la condition qu'ils aient le 
courage de la croire. 

L'idée de Paul a été diversement comprise. Rückert, Alford, Lightfoot, et d’autres 
auteurs, anglais surtout; jusqu'à Rob.-Pl., entendent les mots mis en tête de la 
phrase, èv r% cogix toù 0coë, d’une disposition établie par la Sagesse de Dieu, en vertu 
de laquelle le monde ne pouvait pas Le reconnaître avant la folie de la Croix. 
Lietzmann (cfr. Calvin, supra A) comprend « dans la Sagesse de Dieu » — « dans la 
Sagesse que Dieu lui avait donnée {au monde) »; Lemonnyer : « sous le régime 
de. ». L’Apôtre distinguerait deux époques : celle où le monde était régi et éclairé 
par la Sagesse de Dieu, et celle où il doit être sauvé par La « folie » de Dieu; cette 
dernière idée a sa justesse, mais ne paraît pas explicite dans l'intention de Paul; 
d’ailleurs il est bien plus naturel d'entendre 0eoë au sens subjectif, « la Sagesse qui 
est en Dieu », avant de se mauifester. Quant à l'opinion de Rob.-Pl., qui a sa part de 
vérité, elle s'accorde moins adéquatement au contexte général (insuffisance intrin- 
sèque de la sagesse humaine), et aussi à la grammaire, que celle-ci, qui nous paraît 
la vraie, et qui est celle de Tertullien, s. Thomas, Cornely, Bachmann, J. Weiss, 
Toussaint, Sickenberger, Gutjahr, etc. La voici : | 

La « Sagesse de Dieu » est la sagesse immanente que Dieu révélait (contre 
Lietsmann) par la beauté et l’ordre de la création; elle aurait dû, manifestée avec cet . 
éclat, suffire aux hommes pour leur faire trouver leur Créateur; cfr. Rom. 1, 19-20 : 
à eds yap adtots Épavépwoev: tà àdpara abtoë 4rÀ. Ils n'avaient qu'à se servir pour cela de 
la sagesse que Dieu leur avait communiquée, car chaque créature, dit excellemment 
s. Thomas, « est comme une parole du Maître qui est Dieu »; mais leur sagesse, étant 
devenue « naturelle et charnelle » (Cornely}, a fait faillite, et n’a su trouver Dieu. 
A cette révélation par les œuvres de Dieu, on peut joindre aussi, avec plusieurs des 
exégètes ci-dessus nommés, la sagesse divine manifestée par l'Ancien Testament, 
que les Juifs charnels ne comprenaïient point. Gutjahr embrasse tout (sauf la Croix) 

sous cette désignation : Sagesse objective de Dieu dans l'harmonie de la création, 
l’histoire générale, la conscience, les Écritures et l’histoire d'Israël. Dieu avait donné 
aux hommes ces moyens normaux, naturels et surnaturels, de s'éclairer sur leur 
salut; puisqu'ils n'ont pas suffi de fait, il en prend un qui est anormal, paradoxal, et 
comme répugnant à la Sagesse. 

Cette instruction de tournure si hardie paraît viser surtout le « parti d'Apollos » 
trop attaché à la « Sagesse ». J. Weiss, qui le note avec raison, et se rallie à l’inter- 
prétation précédente, a pourtant le tort de prétendre qu'il y a ici compétition et 
désaccord, dans l'esprit de Paul, entre deux systèmes qu'il n’a su concilier : l'idée 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, 1, 18-25, 17 


plu, par l’ineptie de la prédication, à sauver ceux qui croient. 22. Attendu 
que {il y a] et les Juifs [qui] demandent des miracles, et les Grecs fqui] 
cherchent de la sagesse, 23, mais que nous, nous prêchons un Christ 
crucifié, scandale pour les Juifs, pour les gentils ineptie, 24. mais pour 
ceux-là qui sont appels, tant Juifs que Grecs, un Christ puissance de Dieu 
et sagesse de Dieu. 25. C'est que l’inepte de Dieu est plus sage que les 
hommes, et le faible de Dieu plus fort que les hommes. 


hellénistique, de la Sagesse de Salomon, reprise dans l'Épitre aux Romains, du salut 
rendu possible par la révélation de Dieu dans ses œuvres, — et l'idée judéo-chré- 
tienne que tout salut est impossible en dehors du Christ (Ac. 1v, 12). La vérité est que 
le sacrifice du Christ, même quand il était encore futur, a toujours été cause méri- 
toire du salut des hommes, quels qu'ils soient, maïs que, avant lui et pour tous, le 
spectacle de la Création, — et pour les Juifs, en plus, les Écritures — était le moyen 
universel de connaissance ordonnée au salut; la « Sagesse de Dieu » manifestée était 
l'objet de la « sagesse » des hommes, le livre où elle devait lire, si elle n'était pas 
devenue sottise par leur faute {cfr. Rom. 1). 

Paraphrasons le tout : 

« Puisque la contemplation des œuvres de Dieu, agissant selon sa sagesse, n'a pas 
suffi au monde à lui faire connaüre Dieu, malgré la sagesse qu'il tenait de Dieu, 
(mais qu'il avait laissée s'émousser), Dieu s'est résolu à prendre un moyen contraire 
à l’ordre normal et anciennement manifesté de sa sagesse, un moyen « insensé », et à 
le faire proclamer bien haut (par les Apôtres) pour sauver ceux qui voudraient y croire ». 

Anthropomorphismo oratoire, si l’on veut; mais d'une éloquence qui n'avait jamais 
encore été atteinte. 

Notons encore, en passant, que cette attribution à Dieu d’un « plan de sagesse », 

(plutôt complété que renversé par la Croix) ruine absolument les divagations de 
Marcion sur le Créateur et le « Dieu étranger »; Delafosse s’est lourdement trompé, 
à son ordinaire, en déclarant cette péricope marcionite et opposée à Rom. 1. 
A. 22. Le za... zai rend ce verset difficile à traduire sans ajouter quelques 
mots; sur tous les sens de cette expression, voir Abel, pp. 341, suiv. Il faut décider 
encore (ce qui n'est pas facile), si ëxe.04 commande toute la phrase, jusqu’à la fin 
de 23, ou si, à ce verset 23, le Gé de fpeis è «no. peut être purement pléonastique 
(voir Æühner-Gerth, Radermacher), et ainsi ne pas empêcher de prendre qu. znp. pour 
une proposition principale. Pour Bachmann, il n'y a que le v. 22 qui dépende de 
ëxad, et on pourrait traduire ainsi : « Car, d'un côté les Juifs, — ils demandent des 
miracles; d'autre part les gentils, — ïls cherchent la sagesse; — nous cepen- 
dant... etc. » mais, comme à ZLietzmann, et à Rob.-Pl., il nous semble préférable (à 
cause de 5€) de faire des deux versets une seule phrase dépendant de éxedt, et 
expliquant le pwpla vob np. du v. précédent, 

B. 22. Les Juifs demandent des « signes », des miracles; c'était comme au temps 
du Christ (Mat. xn, 38-ss.); leur religion tout extérieure réclame, pour qu'ils soient 
touchés, la secousse de sensations violentes, et c'est devant la Puissance à grand 
spectacle qu'ils sont prêts à s'incliner. Paul semble oublier ici qu'il faisait lui-même 
des miracles, et jusqu'à Gorinthe (IT Cor. xir, 12), tant ces manifestations exception- 
nelles lui semblent chose secondaire dans sa fonction d’apôtre. Les Grecs, eux, 
veulent être conquis par de beaux raisonnements, qui flattent leur intelligence jugée 
capable de se les assimiler. Tout autre, prise d'ensemble, avait été la prédication de 
Paul dans cette ville. 

A. 28. Lie mot oxévakoy n'a été jusqu'ici rencontré que dans les LXX,leN.T., 
ÉPITRE AUX CORINTHIENS. 2 


A 


18 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, 1, 18-25. 


et Sap. Sal. xiv, nu, plus deux papyrus du vif s. au British Museum; mais oxavdéAn0oov 
au sens de « piège » dans les Acharniens d’Aristophane, 687 (voir Gustav SrÂHLiN, 
Skandalon, 1930, pp. 201-210). — Nous croyons ce verset, à cause de üé, coordonné 
grammaticalement au précédent (v. supra). 

B. 28. « Un Christ crucifié », l'alliance de ces deux mots paraît en tous temps et 
tous pays un contresens et une absurdité intolérable, soit aux « Juifs » grossiers qui 
y voient la condamnation de leurs espoirs charnels de bien-être et de domination 
réalisés sous leur Messie, soit aux raisonnables « Hellènes », qui se disent que se 
faire prendre et exécuter comme un vulgaire brigand n’est vraiment pas le moyen de 
fonder une philosophie ou un système religieux à l'usage des gens sensés et comme 
il faut. 


A. 24. Le terme de « Sagesse », associé, à un autre (5dvauv), ne paraît pas 
ici avoir un sens technique qui prélude à celui de Adyos. — Cfr. Job x11, 18 : rap” adrod. 
copla #at düvauus. Il faut l'entendre ici comme Col. n1, 8 : ëv & eiouv révres où Onoavpol tâs 
soplas zaÙ YVWoEwS aréxpuyor. | 

B. 24. C'est pourtant par le crucifiement du Messie que Dieu a révélé sa « puis- 

sance », contre tous les préjugés des Juifs, et sa « sagesse », contre tous ceux des 
gentils. Ceux qui sont « appelés » à la vie, qu'ils sortent d’un milieu juif ou d’un 
milieu grec, le comprennent. D'une façon saisissante, l’Apôtre proclame que dans 
l'apparition et le sort du Christ, Dieu a manifesté sa Sagesse plus que dans la créa- 
tion et la providence ordinaire, qui n'étaient pas arrivées à instruire assez les 
hommes (voir v. 21); la « puissance » a éclaté surtout dans la résurrection du Christ, 
après l'abandon apparent de Dieu et la mort ignominieuse {efr. IT Cor. xt, 4); celte 
idée est très fréquente chez Paul. 
A. 25. ét a ici un sens affaibli, — « car » (Abel, p. 853). — Les adjeclifs 
neutres prenant une valeur substantive et suivis de génitifs apparaissent déjà chez 
les classiques, Platon, Thucydide, etc., et deviennent plus fréquents dans la prose 
hellénistique (Winer, p. 221; Abel, p. 449). Paul les emploie volontiers : Rom. un, 4; 
Phil. nr, 8; 1v, 5. Le style y gagne en vivacité. La répétition de r&v à&v0oruwv forme 
une « antistrophe ». 

Quant au parallélisme de 22-28 et de 24-25, c'est un procédé très naturel même 
dans un discours littéraire, et surtout dans la diatribè aux formules pressantes. 
Il n’y a aucune raison de l’attribuer an « style oral » de Jousse, à moins que « style 
oral » ne veuille dire simplement « style oratoire ». 

B. 25. Cette hardiesse du langage apostolique est admirable, et n'a pas besoin de 
commentaire. Tout le monde comprend, par les versets qui précèdent, ce que signifie 
« faiblesse de Dieu » ou « sottise de Dieu ». Le Tout-Puissant infiniment sage s’est 
complu à convaincre et sauver les hommes par des moyens qu'ils n'auraient jamais 
conçus, et qui étaient comme l'ironie la plus dédaigneuse contre leur prétention de 
ne rien estimer que dans les lignes de leur puissance et de leur sagesse. 


IT. La preuve « ad hominem » (1, 26-31). 


, 


InT.— Pour appuyer son paradoxe, Paul recourt spontanément à un argument ad homi- 
nem ; il est très simple, irréfutable, mais si incisif, si peu flatleur pour ces pauvres 
Corinthiens, qu'on y sent bien à quel point Paul était préoccupé et peiné de 
leurs divisions, et sentait la nécessité urgente de rabattre leurs vanités. Une preuve 
du manque de « sagesse » chez Dieu dans le choix de ses moyens pour sauver le 
monde, c'est qu'Il les a choisis enire tant d'autres, eux Justement : « Mes déclarations 
vous étonnent? Mais vous n'avez qu'à regarder ce que vous étiez quand vous avez reçu 
l'appel. Quel néant était le vôtre, aux yeur de cette sagesse mondaine dont vous 
êtes férus! N'allez donc point juger d'après ces dictées du monde. Vous n'aviez et 
n'avez encore rien à faire avec sa sagesse. Toute celle que vous possédez, — et vous 
en avez une, la vraie, si vous savez seulement la reconnaitre et l'employer! — elle 
pous est venue par un don purement gratuit, vous n'y étes pour rien; elle est celle de 
votre Rédempteur, le Christ crucifié; c'est la Sagesse de la Croix, qui devrait être 
une folie aux yeux de gens qui se comportent comme vous ». Le sarcasme est d'une 
éloquence cuisante, et anéantit leurs prétentions à occuper un rang aristocratique, 
par leur « sagesse », dans les cadres de l'humanité profane, — et dans le christia- 
nisme aussi, d'ailleurs. Maïs la fin de l'apostrophe corrige cette dureté, et doit les 
relever superbement dans leur propre estime, pourvu qu'ils ne voient en eux-mémes 
que ce que Dieu y a mis. L'Apôtre ainsi les ramène à une juste appréciation du plan 
divin « insensé » et sublime, et excite chez cux une vive confusion d'où doit sortir la 
plus humble reconnaissance. 

Sur la composition de la communauté ainsi fustigée et remontée d'un même coup, 
voir plus bas, ch. IV. vo. 9-11, et Inrron., ch. u. 

Dans cette péricope non plus, il ne faut pas chercher à ramener la simplicité vigou- 
reuse de Paul aux procédés rudimentaires d'un « style oral » populaire et sémitique; 
il est simple à la façon du génie, et tout l'art des écoles ne lui eût pas fait atteindre 
plus savamment et plus sûrement son but. Blass a raison d'avancer que n'importe 


quel orateur grec aurait admiré cette période (voir au p. 27), du moins au temps de la 
diatribè. 


? ae ke = > € 
1, 26. Bërere yap rav xAñouw “bpüv, adegol, bte où moXhoi copol xata adpua, 
ES …s 2 Y … x ? 
où moAhot Buvarot, ob moAhot ebyevets' 27, GXAG Ta pupa Toù xoomou ÉÉERÉETE 


I, 26. Regardez en effet [votre] appel à vous, frères : pas beaucoup de 
sages selon la chair, pas beaucoup de puissants, pas beaucoup d'hommes 
bien-nés. 27. Mais ce qu'il y a d’inepte dans le monde, Dieu se l’est choisi 


A. 26. oùv pour y£ dans D, E, a; cela irait tout aussi bien au début de celte rude 
apostrophe; mais l'attestation est insuffisante. — Le mot xAñouw a été entendu au sens 
de xAnvot, collectivité des appelés, par T'héophylacte, Estius, Calmet; il est plus 
littéral et plus naturel de comprendre le fait même de la vocalion, entouré de ses 
circonstances, des conditions où il s’est produit, c'est-à-dire de la situation si peu 
brillante, au point de vue humain (et moral, cfr. vi, 9-11), de ceux qui ont été 
appelés. Paul, en dictant, aura appuyé très fortement sur bu&v. D'où notre traduction. 


20 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, 1, 26-31. 

ô Pedc iv rararoybvn Tods copoûs, où Ta Gofevn toù xPomou Ébehééaro à Oeds va 
ratoroyovn Tù loyupd, 28. rai Ta ayevn ToÙ xoopou Lai Ta ÉEoubevnuéva *ÉbehéEaro 
6 Dedc, “[uai] va un ôvra va Ta bvra “rarapygon, 29. Érus ph xavyhonra Taca 
oùpË Évorioy toù eo. 30. IE abroë de dueïc “êorë ëv Xotor® ‘TInooë, ç “Eyeviôn 
copia uiv dnd 6soD, Gixatcoüvn “te nat œyuaouds rai axoNTpwots, 31. (va xabwc 
yéyoarta ‘O xavywmevos ëv xvplo xavyacôw. | 


Tel est aussi l'avis de CArys., Théodoret, Prim., Cornely, Toussaint, J. Weiss (« wié 
es bei eurer Berufung zugegangen ist »), et de la plupart. 

B. 26. On dirait que Paul voit l'auditoire qui, à la lecture de sa lettre, accueïllera_ 
les étonnantes déclarations qui précèdent par des signes de froideur, de stupeur ou 
d’inintelligence. Il fixe sur eux brusquement son regard acéré : « Ah! cela vous 
surprend! Mais, à frères, regardez-vous donc vous-mêmes! Dites-moi où la vocation 
chrétienne a été vous chercher! Parmi les sages ?, etc. » — Il y avait bien parmi les 
convertis de Corinthe quelques personnages, comme Eraste, Crispus (J. Weiss, 
Rob.-Pl., al.), et probablement un petit nombre de riches, à en juger par IT Cor. vut 
et ix; mais cette espèce d'élite profane disparaissait dans la masse (v. INR. c. 11). 

À. 27-28. Pour les adjectifs neutres, ici au pluriel, dont il n’est pas facile 
de bien rendre la force, voir supra, au v. 25. — Au v. 28, Le troisième ëkekéatro 0 eds 
est omis- Marcion, Chrys., Theod. de Mopsueste, et le xal devant +à un ôvre 
N', À, C*, D*, F, G, 17, quoiqu'il soit bien dans le style de Paul. 

Blass compare à ce passage I Cor. xv, 42-suiv., 48-suiv., Rom. vu, 33-suiv., 1, 21 suiv. 
Tout cela, trouvons-nous, serait du « style oral » bien affiné, comme seul pourrait le 
manier un écrivain de race, et d'une « écriture » aussi bien moderne qu'antique. Le 
même Blass a des doutes sur la 3° ligne à 28 (za và àœyevñ...… èfeléEaro...) à cause des 
variantes (supra); mais J. Weiss observe pertinemment que cette ligne, avec sa Lon- 
gueur et sa plénitude, répond à une règle de rhétorique ainsi formulée par Démétrius, 
neot éounvelac, 18 : « "Ev vais ouvdérors mepiodas Tù Teheutatov xGAov paxpgôtepoy où Eva, zal 
Darep neptéxoy al repuerAnpds Täkka ». Nous ne sommes point sûr pour cela que. Paul ait 
connu ces règles; mais son goût et son instinct oratoire suffisaient à le diriger. 

Tèà pù ôvr«, qui est un terme philosophique (Philon, papyrus), résume le tout. — 
zarapyéw est un mot affectionné de Paul en ces épitres; on ne peut le rendre toujours 
de la même manière; mais ici il conserve certainement son sens originel qui est 
« laisser dans l'inaction », c’est-à-dire ne pas appeler au travail de l'Évangile, à 
l'œuvre du Règne de Dieu. | 

B. 27. On peut trouver dure l'épithète de pwpé; les autres ne le sont pas moins. 
Paul énonce sans doute une vérité générale, mais qui atteint d'abord les Corinthiens. 
Du reste, qu'on se rappelle le dédain affiché à l'égard de la plèbe par les Grecs et 
les Romains cultivés, au point de vue desquels Paul se place pour un moment. 
La fin de l'apostrophe réparera ces rudesses, en montrant à ceux que le monde mépri- 
sait — et qui l'avaient trop oublié, comme si la vocation de chrétiens les avait élevés 
au rang de sages et de philosophes — comment ils sont devenus (sans s'en rendre 
compte) bien plus vraiment sages que leurs contemporains. D'un autre côté, 
l'épithète pwods, appliquée en bloc à une communauté qui ne s'était certainement pas 
recrutée parmi les aliénés, ne peut donc signifier que naïf, nigaud, un homme dont 
l'opinion ne compte pas pour les gens sérieux; cela confirme bien ce que j'ai dit au 
v. 23. 

B. 28. Une des raisons pour lesquelles Dieu a choisi comme siens d'aussi humbles 
personnages, pareils à ceux dont on dit encore aujourd'hui : « Ça n'existe pas », 
c'est — les Corinthiens doivent se le dire — pour démontrer l'inutilité, à l'égard du 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, 1, 28-31. 21 


pour faire honte aux sages, et ce qu'il y a de faible dans le monde Dieu se 
l’est choisi pour faire honte à ce qu’il y à de fort, 28. et ce qui dans 
le monde n’a pas de naissance et ce qui est compté pour rien, Dieu se 
l’est choisi, [et] ce qui n'existe pas, pour laisser sans emploi ce qui existe, 
29. en sorte que nulle chair n'aille se glorifier à la face de Dieu. 
80. C’est par lui que vous existez, vous, dans le Christ Jésus, qui est 
devenu sagesse pour vous de par Dieu, tant justice que sanctification et 
rédemption, 31. Afin, comme il est écrit, que « celui qui se glorifie, se 
glorifie dans le Seigneur ». | 


salut, de toutes ces supériorités purement humaines auquelles ils sembleraient croire 
que la nouvelle doctrine les a fait accéder. | 

A-B. 29. Verset d'allure très biblique, inspiré sans doute de beaucoup de 
réminiscences. — ph... räca est un hébraïsme; oûpë, dans l'A. T,, signifie habituelle- 
ment l'homme, bien ou mal doué, considéré dans son infirmité naturelle, que puis- 
sance, naissance, intclligence, richesse ne guériront pas; évuintov, assez rare chez 
Paul (sauf I 7im.), garde toujours en son langage toute se force étymologique : « en 
face », « à la face de ». Qu'est-ce qu'une créature, avec tous ses dons naturels, peut 
faire devant le Créateur, pour qu'il ait besoin d'elle, qu’elle prétende l'aider, ou se 
juge désignée spécialement pour ses faveurs? 

A. 30. Faut-il laisser èore inaccentué, comme simple copule, ou écrire éoté 
— « vous êtes » au sens de « vous existez » ? À cause de la formule habituelle « être 
dans Le Christ Jésus », Cornely, Bachmann, Toussaint, Gutjahr, Lietzmann, J. Weiss 
(qui trouve que ëécté serait trop « johannique »), se prononcent pour ëote copulatif; 
mais, après les Pères grecs, ÆEstius, Bisping, Hofmann, Sickenberger, Lighi{oot, 
Rob.-Pl. et-beaucoup d’autres interprètes anglais, nous croyons préférable de lui 
donner toute sa force significative, d’ « exister », ce qui fait un beau contraste avec 
le ph &vra du v. 28. — éyevf0n est plus hellénistique que éyévero. — xaÙ Gtxatooévn, au lieu 
de due, ve, F, G; le re commun rend le sens plus lié et plus plein {énfra). Paul emploie 
volontiers re... xai à cette époque (3 fois dans ce chapitre de I Cor. et 9 fois Rom.). 

B. 30. Par le fait de Dieu seul (#& abroù) et de ses choix incompréhensibles, — et 
non pas même par celui de leurs maîtres dans la foi, qui sont aussi des un ôvre 
(s. Thomas) — les Corinthiens sont devenus quelque chose (ôueïs éstè) de rien qu'ils 
étaient: cela, non dans le monde, maïs dans le Christ auquel ils sont maïntenant 
unis. En Lui seul, que les sages du monde ont repoussé, ils ont acquis une 
sagesse, la vraie, résultant de sa possession. Cette sagesse surnaturelle, qui pour eux 
remplace l’autre dont ils semblent avoir l'ambition vaine, elle n’est pas purement 
spéculative; car les mots suivants « justice aussi bien que 'sanctification, et rédemp- 
tion », sont en apposition à oogls (Rob.-Pl.) et en expriment en quelque façon le con- 
tenu. La ôtwatooëw est la justice communiquée et inhérente dont Paul traite en ses 
épîtres à peu près contemporaines aux Galates et aux Romains ; signe que son ensei- 
gnement sur ce point était connu à Corinthe, donc développé oralement avant d’avoir 
été écrit. ‘Aytaouds, « sanctification » par les œuvres que la justice infuse met à même 
de produire, est l'objet de discussions protestantes chez Schmiedel, etc, et J. Weiss, 
qui reconnaît pourtant {contre Ritschl) que, par le don de l'Esprit, le chrétien, selon 
Paul, est « consacré », changé dans son être (cfr. II Thess. 11, 18; I Pet. 1, 2; al.). 
"Axotpwois, « rédemption » {cfr. Rom. ut, 24), n’a pas ici, même pour J. Weiss, un. 
sens purement eschatologique; les fidèles l'ont déjà expérimentée (voir en effet 
ci-dessus le passé ëyevfôn); si ce mot arrive le dernier de tous, c'est probablement 


22 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, 1, 26-31, 


que ce concept embrasse les précédents, et que la rédemption met les rachetés dans 
an état qui doit se prolonger aux siècles des siècles. 

Voilà ce qu'a produit cette pwotx divine scandaleuse, qui choque et renverse toute 
sagesse et toute dignité terrestres, maïs n'est que la manifestation de la partie la 
plus cachée de la sagesse et de la toute-puissance de Dieu. 

—— À. 31. Ge verset est une adaptation de Jérémie 1x, 22-23; le terme ëv xvptw 
rappelle le & abroë précédent. 

B..31. Cette sentence qui clôt la première partie des développements de Paul au 
sujet des factieux indique la conception qui dominera toute l’Épître (cfr. déjà 1, 9, 18, 
24}; tant pour les enseignements de doctrine que pour ceux de morale, ainsi que: 
nous le verrons. Képtos désigne habituellement le Christ; si, grammaticalement et logi- 
quement, il se rapporte plutôt à Dieu (cfr. J. Weiss), c’est que, Le Christ étant Dieu, les 
deux ne font qu'un comme cause du salut et de la glorification que les rachetés ont 
le droit de goûter déjà dans la ferme attente du salut. Mais toute autre glorification, 
inspirée de motifs humains, leur est interdite — aux Corinthiens surtout! Toujours ce 
mélange de rigueur méritée et d'encouragement enthousiaste, 


IT. Paul explique son attitude à l'égard de la « sagesse » lors 
de l'évangélisation de Corinthe {1r, 1 5). 


IxT. — Le mot de « rédemption », àrokitowste, remettait les esprits face à la Croix. Paul, 
en ces cinq versets, répond à ceux qui le sous-estimaient pour n'avoir pas préché 
« en sagesse »; il avance qu'il a fait bien mieux, et cela dans l'intention délibé- 
rée de donner une base divine, et non humaine et précaire — comme l'eût été cette 
« sagesse » qu'il a dédaignée, — à la foi de ses auditeurs. C'est une amorce d'apo- 
logue qui semble dirigée non contre Apollos, mais contre les fauteurs exclusifs et 
superficiels de ce dernier. 


A 


\ À \ e _ Y e . G 
C. 11, 1. Kayw EABwy mpdc buac, aDshoot, HABov où xa0’ bmepoyhv Abou À colac 
LatapyÉRhwoy duty +à paprhpiov To 0eoë. 2. OÙ yo Expuvd vi eldévar Ev DdUIiv, et 


C. 11, 1. Et moi, quand je suis venu ‘chez vous, frères, je suis venu, 
sans maîtrise de langage ou de sagesse, vous annoncer le témoignage 
de Dieu. 2. Car je n'ai pas jugé bon de rien savoir parmi vous, sinon 


À. II, 1. On lit uustptoy pour uaotéptov N, À, GC, Ambrr, syr., copt.; la vuls, seule 
porte « testimonium Christi », pour Dei, — Ürspoyf — « eminentia » (Chrys.), cfr. 
I Tim. n, 2; II Macc. in, 41 ; vi, 28: 2007 bnep. [EAeïv], cfr. I Cor. 1v, 21, êv Éd6dw 8)0. 
Dans Æpictète, 1, 24, 85 : oùte 2arà thy voÿ ous Orepoyñv, dit d'un chef militaire. 

B. II, 1. Paul se reporte au temps de l’'évangélisation de Corinthe, — qui a été si 
fructueuse malgré tout. Il n’a pas ébloui ceux qui l'écoutaient par des prouesses de 
rhéteur ou de philosophe, mais est venu ‘tout simplement leur porter un « témoi- 
gnage », ce qui était la position essentielle des Apôtres, (Act. 1}. Ge « témoignage » 
(il ne faut pas lire pvuotiouwv, malgré les hésitations de J. Weiss) est celui que Dieu 
même a rendu (@eoù génitif de sujet), dans le Christ qui est l'objet de ce témoignage. 
C'est bien, comme disent Guijahr, Rob.-Pl. et d’autres, le « témoignage de l'amour 
de Dieu pour eux »; révélation qui se passait d’enjolivements. — Schae/fer insiste 
sur duiv, à bon droit. 

——— À, 2. Origène lit oôty Expiva eldévar. — zat rodroy détache l'attribut, pour le 
faire ressortir. — èy buiv cost restrictif (J, Weiss, Cornely, Schacfer). Faut-il joindre 
où à Expwa où à mn eièévat? Peut-être ox Expiva suivrait-il l’analogie de où oui == 
« je nie » ? ? Le sens, en tout cas, n'est pas douteux. 

B. 2. En arrivant, Paul à examiné le terrain; il a jugé les Corinthiens, et pris la 
résolution ferme (Ëxpiva) de ne leur présenter que le fait lout nu, qui est d’ailleurs « tout 
l'Évangile en son essence », Le sacrifice du Christ. Il va sans dire qu’il fallait leur 
expliquer qui était le Christ, la dignité de sa personne, par conséquent parler de son 
caractère de Messie, des prophéties qui l'annonçaient, de sa divinité, de sa puissance 
et de ses vertus, bref faire tout un exposé catéchélique; autrement il n'aurait pas 
montré ni communiqué la « connaissance du Ghrist ». Mais le centre auquel tout 
cet enseignement fut ramené, c'était la rédemption par la Croix. Paul insista sans 
doute moins qu'à Thessalonique sur le caractère de Roi messianique puissant 
(V. comment. du ch. xv) qui devait s’assujettir le monde et mettre fin au siècle 
présent; bien moins encore chercha-t-il à présenter le Christ comme un idéal de 


24 | ÉPITRE AUX CORINTHIENS, 11, 1-5, 


4 = NI Y £ + 
Wh ‘Lnooûv Xptotbv, al roërov Ecraupupévor. 3. Kayw y Gobevsia ot Ev p66w not 
y tpôuw moAND éyevouny mpès duac. k. Kai & AËYyos pou nai vd xhpuyma mou obx 
Ey *merdoïs ooplas Aovois, AA’ Ev émodetber nveduaros vai duvdpews, D. Îva  méotis 


ms A) 


dpov ph À év copia avbowrzuwv, AN èv duvéper Cod. 


« sagesse » À la manière grecque. Qu'il eût pu faire autrement, les termes l’insinuent 
assez; mais à des gens vains et superficiels comme les Corinthiens, il fallait d'abord 
inculquer l'idée de l'humilité tragique où le Fils de Dieu était descendu pour eux et : 
de l'excès de miséricorde qu'il lui avait fallu pour les sauver. 

C'était dont le récit de la Passion qui donnait sa couleur spéciale à la prédication 
de Paul; il y arrivait directement, presque ex abrupto, sans s'y acheminer par ces 
considérations de philosophie ou de théologie naturelle qu'il avait voulu employer à 
Athènes (Act. xvu), et qui n'avaient pas eu le résultat qu'ils espérait. Ainsi d’ailleurs le 
converti de Damas obéissait à la tendance personnelle de sa foi (v. infra, l'excursus n). 
Il jugeait cette méthode bien plus efficace pour amener au sérieux des gens lérers; 
on a justement relevé la portée de ces deux mots : « parmi vous » {Origène, Cornely, 
Schaefer, J. Weiss, Toussaint, Sickenberger, al.; Gutjahr et Bachmann ont le tort 
de ne pas le faire). Mais, naturellement, le récit de la Passion entraînait celui de la 
résurrection et tout le reste (Gutjahr, Bachmann, J. Weiss, Rob.-Pl.), et une des- 
cription de toute la vie du Christ; nous reviendrons sur ce point important quand il 
faudra commenter II Cor. v, 16 : « Si nous avons connu le Christ selon la chair », 
verset de sens si controversé. | | 
A. 3. p66. xai pou. est une tournure paulinienne, cfr. II Cor. vu, 15; 
Phil. u, 12; Eph. vi, 5. 

B. 8. Avec une sorte de volupté d'humiliation, Paul se remémore les conditions si 
défavorables pour entamer une propagande, où il se trouvait en arrivant à Corinthe. 
C’est le même esprit que II Cor. 1v, 7 : « ut sublimitas sit virtutis Dei, et non ex nobis » 
Cette « crainte » et ce « tremblement » résultaient sans doute de ses violentes 
émotions en Macédoine, récentes encore {voir Act. xvi-xvir et I Thess.), de la décep- 
tion que lui avait apportée son insuccès relatif à Athènes, ce début peu encourageant 
d’une prédication en Hellade, et surtout, je crois, de ce qu’il savait par la renommée, 
et constatait dès sa première expérience, du caractère des Corinthiens {v. Ixrron. 
ch. im). Quel cas ces gens légers, railleurs, infatuës et surtout corrompus en 
masse, (rpbs à pu à s, Cornely, al.) allaïient-ils faire d'un Juif si pauvre et si humble 
d'apparence, simple salarié du fabricant Aquilas? (Acc. xviu, 2-8). Car, dès le début, 
il ne pensait pas seulement à prêcher dans les synagogues, et, là même, il sentait 
qu'il serait aussi mal accueilli qu'il l'avait presque toujours été. En outre, il était 
déprimé par son &o0eveia, où il faut voir un affaiblissement physique; à tout le moins 
« une pénible nervosité », comme disent Rob.-Pl. Son mal chronique avait dû empirer 
à la suite de tant d’agitations. Les anciens, il est vrai, ont pensé aux persécutions 
uniquement; si Rückert a traduit äofevla par « maladie » (cfr. Rob.-Pl.), Cornely, 
puis Toussaint, et Lieizmann avec moins d'assurance, combattent cette exégèse. Mais 
Paul n'avait guère alors à souffrir de persécution actuelle, et, du reste, l'autorité des 
anciens ne vaut guère ici; car ils ont à peu près négligé cet aspect continu de 
l'histoire de Paul. Nous reviendrons là-dessus ex professo quand il faudra commen- 
ter II Cor. x1. Disons seulement déjà que Paul fait ici allusion, selon nous, à un 
état maladif qui rendait plus pénibles ses déceptions et ses incertitudes; il eut 
besoin d’une vision du Seigneur pour le réconforter (Act. xvin, 9-10). 

A. 4. oùx év reoïs coplas Adyou, leçon que nous adoptons avec la majorité 
des critiques, n'est pas la seule. On lit encore : 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, I, 3-5. 25 


Jésus-Christ, et celui-ci crucifié. 3. Et moi, c'est dans la faiblesse, dans 
la crainte, en tremblant beaucoup, que je me suis présenté à vous. 4. Et 
mon langage et ma prédication n’ [ont] pas [consisté] en persuasifs discours 
de sagesse, mais en démonstration d'esprit et de puissance, 5. afin que 
votre foi ne [soit] pas [fondée] sur une sagesse d'hommes, maïs sur la 
puissance de Dieu. 


ëy redots drOgwmi' me aoplas Adyors..…. À, C, Li, min. pl., vulg. 
clem., boh., syr. 
et 
à eboi [avOpwrivns] copias [Adywv] — « dans ‘la persuasion 
[des discours| de la sagesse [humaine] »,.. quelques 
anciens, sah., arm., Ambrosiaster : « in persuasionem 
humanae sapientiae ». 

Nous gardons la leçon raoï, sans av0pwzivns, avec B, N, D, E, F, G, quelques minus- 
cules, les mss. fuld. et tol. de la Vulgate, l'éhiopien. L'adjectif &v0pwrivns, « Lumanae », 
a tout l'air en effet d'une addition explicative, et reudloi est trop faiblement attesté. 
Remarquons toutefois que si l’on admettait cè redoï, comme le fait Reitzenstein, on 
aurait un beau parallélisme très régulier, ainsi que l'indique J. Weiss, avec l’expres- 
sion suivante : ëv &rodeifet {« démonstration » opposée à « persuasion ») mvebpatos 
(« par l'Esprit », opposé à « sagesse [humaine] »). Aussi nous reste-t-il quelque 
incertitude. Cependant le parallélisme antithétique restera en tous les cas dans l'idée, 
et nous préférons, avec Bachmann, la lecture commune xeot, parce que l'hap. lego- 
mène #e06s ou ru06s (équivalent à rÜavis, Moulton-Milligan) a toute chance, en raison 
même de sa rareté, d'être primitif; il devait d'ailleurs être devenu courant à une époque 
postérieure puisque ni Chrys. ni Theodt. ne l’expliquent (Lietzmann). 

’ArdeËrs est un terme de logique, de droit, que suit un génitif d'objet; rveüuatos 
xai Guvduews doit être un hendiadys — « vertu de l'Esprit » (Gutjahr, al., contre 
Origène, infra). 

B. 4. En dépit de son état de faiblesse, Paul a dédaigné tous les calculs de poli- 
tique humaine, et, fort de l'Esprit qui le portait, il a entrepris, non de persuader à la 
manière des orateurs profanes, mais de démontrer victorieusement (4rédak au sens 
le plus fort, Rob. PI.) la vérité de sa prédication audacieuse. Comment a-t-il voulu s'y 
prendre ? Il a manifesté « la puissance de l'Esprit » par l'assurance de ses affirma- 
tions, sans doute par la méthode de la « diatribè » simple et directe, non avec les 
discours d’apparat (yévos ëmôextxdv) des rhéteurs (J. Weiss). Origène, au lieu 
d'admettre l’hendiadys, a vu dans nv. ‘xai duv. deux moyens de démonstration : les 
témoignages de l'Ancien Testament et les miracles du Nouveau. Y a-til joint des 
miracles opérés par lui-même ? La chose paraît bien possible, d'après II Cor. xir, 12, 
mais nous croyons plutôt, avec J. Weiss, que düveus, ici, ne signifie pas « miracle ». 
Le grand prodige, c'était l'inspiration manifeste de l'Apôtre, et les manifestations de 
l'Esprit qui se déclaraient chez ceux qui croyaient à sa parole (s. Thomas), tant dans 
leur changement de vie que dans les charismes dont ils se trouvaient doués (voir 
ch. xu, suiv.). Rien n'était plus démonstratif que de savoir faire des conversions, et 
nombreuses, dans un pareil milieu. Si Paul a fait alors des miracles extérieurs et 
proprement dits à Corinthe, les Actes, qui décrivent avec tant de soin ceux de 
Chypre, de Lystres, de Philippes, n'en ont point parlé ; il faut donc croire au 
moins qu'ils ne furent ni fréquents ni très éclatants; autrement, du reste, Paul 
n'aurait pu opposer si catégoriquement, quelques lignes plus haut, l'ensemble de sa 
prédication aux exigences des Juifs « qui demandent des miracles » (1, 22). 


26 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, I, 1-5. 


À. 5. év duvduer Üeoë : cfr., pour ce verset et le précédent, Æph. 1, 17, 19, et 
I Thess. 1, 5, ëv Guvduer rai ëv nvebparttr &ylw xat rAnpopopla mo, 

B. 5, Il agissait donc ainsi en vertu d’une résolution très arrêtée; il voulait que 
la foi des convertis s'appuyât, d'une manière évidente, sur des motifs surnaturels, et 
non sur d'autres, tels qu’auraient été les dons humains, oratoires ou pédagogiques, 
de l'instructeur. Rien ne devait remplacer, ni voiler, l’action de la Croix toute nue, 
où la puissance de Dieu se révèle. Nous sommes implicitement ramenés à 1, 17 : 
«non in sapientia verbi, ut non evacuetur Crux Christi ». 


EXC. I. — LE DÉFAUT D’«.ÉLOQUENCE » CHEZ PAUL ET SON &« STYLE ONAL ». 


En lisant les pages qui ouvrent notre épître, chacun se demande avec stupeur : 
quels étaient ces gens au jugement de qui Paul manquait d’« éloquence ». 

C'est que les acceptions de ce mot sont variées et relatives La mode, Îles 
préjugés, les déformations du goût en certaines écoles, peuvent en faire dominer 
de très fausses et artificielles. Or, à cette époque où des cercles grecs qui se 
croyaient les plus cultivés réservaient encore leur admiration aux rythmes savants 
et creux des rhéteurs asiatiques, et ne voulaient pas soupçonner le pouvoir 
de « l’éloquence qui se moque de l'éloquence », l'Apôtre, qui n'avait certes 
rien de commun {quoi qu’en ait pensé Blass) avec ces rhéteurs (Deissmann, 
Paulus, p. 56; ÆK. L. Schmidt, Bibl. Warburg, Vorträge 1924-25, p. 46), 
devait passer à leurs yeux pour un parleur assez fruste, à peu près semblable à 
ces harangueurs de carrefour qui agitaient le peuple avec leurs « diatribes », 
genre de parole puissant, maïs qui n'avait pas encore acquis droit de cité dans 
la société cultivée, avant d’y être mis en honneur par Arrien ou Dion de Pruse. 

Paul le savait bien, et ne s’en faisait pas souci. Il dédaignait la oogix Adyou et 
connaissait assez la puissance que Dieu donnait à sa parole spontanée. Depuis que 
les simples habitants de Lystres l'avaient pris pour Hermès le grand interprète 
divin (Act. xiv, 12), les succès oratoires l'avaient accompagné tout le long de 
ses courses. [l avait, suivant les milieux et les circonstances, usé de tous les 
genres, depuis le discours composé d'Athènes (Acë. xvn), jusqu'aux instructions 
et remontrances les plus familières et les plus décousues, et constaté que si des 
gens difficiles feignaient de le dédaigner comme un onepudhoyos (Act. xvnr, 18), 
nul au fond ne demeurait indifférent à ce qu'il pouvait dire; tous, après l'avoir 
écouté, tendaient à devenir ses amis ou ses ennemis; comme il le dira dans la 
Deuxième Épiître, il les forçait à respirer, tous, « le parfum du Christ », pour les 
uns odeur de mort, pour les autres odeur de vie (IT Cor. x, 16). Même les fortes 
inégalités que son état maladif introduisait parfois sans doute dans son élocution 
n’empêchaient pas l'Esprit de parler toujours par sa bouche : « Cum infirmor, 
tunc potens sum » (IL Cor. xr, 10). 

Aussi faut-il regarder comme une ironie — ironie de lion — les passages où 
il paraît se déprécier lui-même comme orateur. S'il est iôwrne, « non inilié » 
aux recettes d'éloquence où excellent ses brillants contradicteurs (II Cor. xx, 6) 
— dont il fait d'ailleurs le cas qu’on sait — il veut être tel, et y sent une supériorité. 
Saint Jérôme n'a pas compris cette ironie calculée et mordante {v. infra), qui 
est si bien dans le ton de la polémique paulinienne. Ailleurs l’Apôtre rapportera 
comment les mêmes adversaires disent que ses lettres sont fortes, à vrai dire, 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, 11, 1-5. 27 


mais que sa présenee corporelle est celle d'un homme sans énergie, et que sa 

parole est nulle, sans effet (é£oudevnuévos), ou mieux (à cause du temps grec), qu’on 
a pu lui enlever tout effet. C'est bien étrange pour nous (IL Cor. x, 10). Il s’agit 
là sûrement d'un incident particulier, survenu au milieu des troubles qui devaient 
agiter plus tard l'église de Corinthe, et que nous étudierons ailleurs. Paul 

souffrait peut-être alors de cet abattement que lui causait de temps en temps 

son état corporel; ou plutôt, la douceur, l'humilité, la réserve qu'il avait 

montrée d'abord avant d’être tout à fait au clair sur la situation, en face de gens 

arrogants, coutumiers des paroles et des actes de violence (cf. xr, 20 s.), l'avaient 

fait passer, devant ces intrus qui ne le connaissaient pas encore, pour un homme 

qui ne sait ni répondre ni réagir. Le moment veau, il saura bien les détromper; 

ils peuvent s'attendre à ce qu'il se montre tel en face, et dans l’action, qu'il est 

dans ses lettres [II Cor. x, 11), et à le voir abattre d’un revers de main toutes 
leurs orgueilleuses forteresses dregsées contre la science de Dieu {cfr. bid., 4). 

Nous pouvons l'en croire sur parole. 

L'éloquence agissante de Paul, en dépit de ses réserves el de ses ironies, ne 
peut donc être mise en question. Lui-même en avait conscience — sans s'en 
attribuer le mérite — et la caractérisait d'un mot, quand il écrit, par exemple, 
aux Galates (Gal. ur, 4) qu'il a dressé devant leurs yeux (xur’ éplaluoës) Jésus 
cloué à sa croix. Dans notre épître même (I Cor. xr, 4), il se rappelle comme 
ses discours, si peu didactiques ou rhétoriques qu’ils fussent, constituaient 
«une démonstration d'Esprit et de puissance ». 

Pour nous en faire une idée, nous n'avons qu’à lire ses lettres, en les replaçant 
bien dans leur ambiance historique; car chez lui, le style écrit (sauf, évidemment, 
par la moindre abondance des arguments et des exhortations) devait différer à 
peine du langage parlé. Nous savons qu'il dictait toutes ses lettres à un secré- 
taire, au milieu de dérangements, de soucis de toute sorte, parfois sans doute 
en plein travail manuel. “Elles ne sont donc pas de la littérature, et rarement 
même des compositions à tête reposée. Leur caractère le plus marquant est La 
spontanéité. À peine Paul a-t-il commencé sa dictée qu'il se figure ses corres- 
pondants présents à ses yeux, il suit les divers mouvements qui les agitent, 
il les prévient ou les apaise, il les provoque au besoin, comme dans une 
discussion passionnée. Parfois au contraire il fait des exposés doctrinaux et 
synthétiques, résume tout un enseignement, dont ils connaissent déjà les 
éléments, en quelques mots concis dont chacun doit leur rappeler tout un 
développement entendu autrelois; et, par des rapprochements inattendus, 
indiqués à peine, il élève à une sublime unité des vérités qu'il ne leur avait 
encore données qu'à l'état de dispersion. Il arrive que le lyrisme constant de 
sa vie intérieure l'entraîne alors, ainsi quand il parte de la sécurité dans l'amour 
du Christ (/2om. vi), de la transcendance de la charité (ici, xux), ou de la folie 
de la Croix (supra). Ou bien il s'indigne contre l’incompréhension de ses enfants 
(Gal., I Cor.) pour s ‘épancher aussitôt après en des confidences tendres et mâles. 
Rien n’est moins monotone que ce style, et ne porte davantage, habituellement, 
le caractère sensible de l'improvisation. 

Telle est certainement la note qui domine; ce n'est pas un « auteur » ni 
un « orateur », c'est un « homme », tel qu'il n'est guère donné d'en trouver 
d'aussi « homme ». Une âme pleine d’une vie surabondante, dont elle laisse 


28 . ÉPITRE AUX CORINTHIENS, I, 1-5. 


échapper ce qui convient, dans la circonstance, à ceux qui écoutent ou lisent. 

Mais l'improvisation la plus spontanée n'empêche pas l'Apôtre d’être toujours 
maître de lui, et très conscient de ses moyens. On peut donc se demander si 
cette inspiration jaillissante laissait quelque place au « procédé », et laquelle. 
En mettant de côté, si c'était possible, ce que le style de Paul a d’absolument 
personnel et inimitable, retrouverons-nous en lui certains genres d'élocution 
connus par ailleurs, et dont il aurait plus ou moins consciemment et volon- 
tairement subi l'influence ? 

Le contraire serait étonnant. L'Apôtre devait certainement quelque chose, 
d'une part à son éducation rabbinique si poussée dans sa jeunesse, . d'autre 
part à l'ambiance de la prédication populaire florissante dès lors, à la « diatribè >» 
cyaico-stoïcienne qu'il pouvait avoir connue déjà à Tarse. Nous avons montré 
dans l'Ixrrop. (ch. v) ce qui le rattache dans la forme à chacun de ces deux 
courants d'esprit et d'enseignement. Les exégètes diffèrent seulement d'avis sur 
celui qui a dominé, et Paul est essentiellement, aux yeux des uns (bien plus rares 
aujourd'hui), un raboïin, aux yeux des autres, un causeur hellénique de génie. 

Comme l'essence de la diatribe consistait à ramener autant que possible la 
parole publique au ton de la conversation, nous pourrions presque dire que 
Paul l'aurait inventée s’il n’en avait déjà trouvé des modèles. Cependant, pour 
le choix de certaines images, certains tours d’argumentation, il est possible et 
naturel qu'il ait suivi instinctivement des habitudes de parole popaiaire q qui 
répondaient à ses goûts {v. nrnon ch. v). 

La part du sémitisme est plus malaisée à établir. Nous ne saurions y ramener 
purement et simplement le goût de l'Apôtre pour les antithèses, qui forment. 
une si grande partie de ses développements paralléliques. Il faut, ainsi que le 
note J. Weiss (Urchr. p. 312 s.), après Norden (Die griech. Kunstprosa, 
p. 507 s.), se rappeler que, depuis Héraclite, cette figure était fort goûtée dans 
l'hellénisme, et penser aussi (J. Weiss) à la forme de l'expérience religieuse 
de Paul {v. Exc. Il, infra). Le même auteur accorde toutefois que l’apoca- 
lyptique du judaïsme tardif avait fort contribué à en généraliser la tendance chez 
les Israélites; mais on cn trouvera chez les Grecs de la même époque des 
spécimens tout aussi marqués, et qui même, comme dans les xepéhaux de Stobée 
qu'il cite (Corp. Hermet., Stobée, 1, 41, 1), sur l'opposition des choses célestes 
et terrestres, sont plus proches du style de Paul que n'est celui de ses pré- 
décesseurs juifs. Quant au fréquent développement de sa pensée par coordi- 
nation (parataxe) plutôt que par subordination régulière d'idées, et surtout. 
que par périodes, il appartient au langage parlé de tous les peuples, et ne fournit 
donc pas une marque d’origine ethnique; seulement il convenait encore mieux 
aux parleurs de langues sémitiques, qui n’en connaissaient guère d'autre. 
D'ailleurs, Paul enchevêtre ses phrases plus qu'aucun Sémite. 

L'hébreu et l’araméen n'ont pas laissé, nous le savons, beaucoup de traces. 
certaines ni dans le vocabulaire ni dans la grammaire de l'Apôtre, et le peu 
qu'on en découvre est dû à l'influence de la Bible grecque dont sa mémoire était 
pleine. Où sa formation sémitique se ferait spécifiquement sentir, ce serait, 
à notre avis, d’abord en quelques passages dialectiques, en quelques façons 
d'utiliser l'Ecriture où réapparaît le disciple de Gamaliel, et puis dans la ten- 
dance qu'a saint Paul, aux moments où il est le plus ému, où sa pensée et son 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, I, 1-5. 29 


cœur sont soulevés par l'enthousiasme, et le plus libres des soucis de raisonne- 
ment et de controverse, à revêtir ses épanchements d’une forme lyrique que 
gouverne le parallélisme cher à sa race; nous en trouverons des exemples aux 
chapitres xr1r, xv, et ailleurs. Il chante alors des espèces de cantiques, et l’on 
parle couramment de son « hymne à la charité » (ch. xux). Il se pourrait quel- 
quefois que ces morceaux, dont la forme est admirable, aient été longuement 
médités, et composés à l'avance en des heures recueillies. Toutefois nous ne 
croyons pas qu'il faille le ‘poser en règle; car « l'hymne à la charité », entre 
autres, est si adapté dans le détail aux préceptes et aux reproches spéciaux 
convenant à la situation de Corinthe, que, malgré son universalité, il n'a 
nullement l'air d'un morceau passe-partout, mais paraît encore bien dicté par 
les circonstances (v. ad loc.). Ce n’est point d’ailleurs chez les seuls Sémites 
que l'improvisation lyrique jaillit spontanément des grandes émotions; mais 
c'est parmi eux, et les peuples de « style oral », qu’elle revêt d'elle-même les 
formes du parallélisme. Et par là Paul se rattache aux grands écrivains de sa race. 

Mais il reste Paul, le Tarsiote cultivé, qui pense certainement en grec au 
moins aussi souvent qu'en araméen, surtout quand il doit parler à des Grecs, 
mais également, croyons-nous, dans ses méditations intimes. Nous ‘venons 
d'écrire cette expression de « style oral », mise à la mode par le P. Jousse, 
et nous ne nions pas que Paul, comme les autres lettrés juifs, s'y fût assoupli 
dans les études scripturaires et rabbiniques de son adolescence. Mais le rabbi- 
nisme n'avait été qu’une partie de sa formation, et non point celle qui se montre 
le plus souvent dans ses lettres, — ni qui, sans doute, se montrait le plus en 
ses discours. Le style oratoire de Paul ne ressemble pas le moins du monde, 
dans son ensemble et son allure ordinaire, à une succession de récitatifs, 
pas plus qu’à des « traductions-décalques ». Nous trouvons — comment dire? 
— énorme l'opinion de quelques auteurs récents qui cherchent à découper ‘en 
« récitations cultuelles {1} », avec leur régularité qui les rend faciles à retenir, 
les exposés si chargés et si concis de sa doctrine, ses discussions où les pensées 
se pressent et, pour ainsi dire, se bousculent, où les éclaircissements, les paren- 
thèses, les anacoluthes, les allusions obscures pour nous, les sous-entendus, 
les sautes de pensée, l'afflux de réalités concrètes, complexes, nuancées, 
ressemblent si peu à la limpidité du « style oral » comme on l'entend au sens 
technique, avec ces balancements d'images qui ne servent généralement qu’à faire 
valoir sous des mots variés, aussi longtemps que se maintient le souffle du 
« récitateur », une pensée qui aurait pu s'exprimer en deux lignes. Nous ne 
voulons certes point déprécier le « style oral », et le déclarer indigne de Paul, 
puisque le Christ l'a trouvé digne de lui, et, en des-développements tels que 
ceux du « Sermon sur la Montagne » en saint Matthieu, l’a porté au plus haut 
point de simplicité, d'une sobriété significative qui ne lui était pas ordinaire, de 
perfection, d'effet pénétrant. Mais, dans les villes hellénistiques évangélisées par 
saint Paul, les auditoires n'étaient pas les mêmes qu'en Galilée. Ils étaient 
habitués aux rhéteurs, à la diatribe, à la lecture privée et au « style écrit ». Le 
« style oral » de Jousse fleurit dans les sociétés qui lisent peu ou point, restées 


(1) Rien d'étonnant si Couchoud, guidé par la sûrelé de son instinct, a donné dans cette 
théorie. : 


30 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, I, 1-5. 


« primitives » par la nature de leurs occupations, et où des intervalles de longs 
loisirs permettent de remuer dans les palabres non des idées analytiques ou 
abstraites, mais une foule de mots ingénieux cherchés pour eux-mêmes, pour 
la variété et l'imprévu de leur applicalion, et qu’on puisse au besoin reprendre 
en chœur. Ce sera l'évêque de Qouss, que Mahomet admirait tant, déclamant. 
du haut de sa chamelle, au milieu des marchés arabes, ses lieux communs 
sonores sur l'instabilité des choses terrestres; ce sera Mahomet lui-même, qui 
ne savait peut-être pas lire, ressassant sans prouver, sans discuter, en état de 
transe parfois, ses versets de menace aux incroyants, ou ses exhortations à la 
confiance dans le Clément et le Miséricordieux; souvent l'abondance de l'ex- 
pression n'a alors d'égale que la pauvreté, ou du moins l'extrême simplicité, 
de l'idée. Il y a bien encore les écoles de rabbins, qui, par tradition, appliquèrent 
cette méthode primitive à à leur casuistique; mais ce ne sont qu'énumérations 
d’ opinions, redites, jeux et associations de mots, le raisonnement proprement 
dit n’y abonde pas. Qu'est-ce que ces procédés-là ont de commun avec la 
profondeur subtile des argumentations de Paul, et ses méthodes qui ne devien- 
nent parfois obscures et chaotiques que par excès de pensée et enthousiasme 
concentré non pour les mots, mais pour les choses ? Chercher en lui un 
« simple », un « primitif », une sorte de Bédouin ou de rabbin exalté par le 
génie ct la foi, c'est ne pas comprendre le premier mot à cette personnalité si 
cultivée, — capable de séduire les professeurs d'Athènes et le roi Agrippa. 

À tout prendre, Paul n’est que Paul; son style et son éloquence ne peuvent 
se ramener, même de loin, ni aux procédés des rhéteurs classiques, ni à ceux 
des « verbo-moteurs ». Ils restent, malgré des défauts tenant à la négligence de 
la forme et à la précipitation occasionnelle de la dictée, aussi actuels dans leur 
ordre pour des Occidentaux modernes que pour des Orientaux d'il y a deux mille 
‘ans. Paul n’a pas vieilli, et il n'est pas « exotique ». Ce privilège est dti sans 
aucun doute au Saint-Esprit, et puis à l’universalité du génie de l'Apôtre, mais 
aussi à son style direct, dégagé plus qu'aucun autre de toutes les passagères 
conventions littéraires ou rhétoriques. Il est, humainement parlant, de la race 
des indépendants comme Épictète. On ne peut à vrai dire le classer; mais, s'il 
fallait à tout prix le rapprocher d'une classe d'écrivains, c’est entre lui et les 
instructeurs populaires grecs de cette époque que nous trouverions encore le 
moins de dissemblance de formes; les passages « rabbiniques » tranchent sur 
l’ensemble de son œuvre. 

Îl nous paraît donc hors de propos de parler avec Jousse de « traductions- 
décalques » faites par quelque « metourdjeman », Tite ou un autre, et « parfois 
peut-être aussi; Paul lui-même », d'un original de phrases araméennes que 
Paul aurait dans la pensée. Rienn ‘indique qu'il ait pensé autrement qu’en grec 
quand il parlait grec. Tout ce qu'on lit encore chez certains critiques du « tour 
hébraïque » de la pensée paulinienne date d'une époque où le grec n'était 
encore connu que par ses classiques, ou la littérature d'apparat. Paul parlait 
grec — génie à part — comme tout le monde autour de lui, et depuis le temps 
de son enfance en Cilicie. On a pu s’y méprendre dès l'antiquité. Au rv° siècle, 
où, sous l'influence de l'éducation rhétorique latine, on ne comprenait plus 
qu'un grand écrivain püt s'exprimer autrement que selon un art conventionnel 
et scolaire, des auteurs aussi grands que saint Jérôme (souvent bien rhéteur 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, LU, 1-5. 31 


lui-même) ont pu donner dans cette erreur. Jousse ne manque pas de citer 
l'illustre exégète avec complaisance; mais c'est un appui fragile dans le cas 
présent. Jérôme, en effet (Ep. oxx ad Hedibiam, PL 22, col. 1001-1002) com- 
mente ainsi f Cor. u, 18 et vi, 6, le passage où Paul dit que, parvenu en 
Troade, il n'eut pas de repos à cause de l'absence de Tite : « Quae autem fuit 
tanta consolatio et quae requies spiritui in praesentia Titi, quem quia non 
invenit, valefaciens eis, profectus est in Macedoniam? Aliquoties dirimus 
Apostolum Paulum pirum fuisse doctissimum, et eruditum ad pedes Gama- 
lielis.… Cumque haberet scientiam sanctarum Scripturarum, et sermonis 
diversarumque linguarum gratiam possideret, divinorum sensuum majes- 
tatem digno non poterat graeci eloquii explicare sermone. ZJabebat ergo Titum 
interpretem, sicut et beatus Petrus Marcum, cujus Évangelium, Petro nar- 
rante, et tllo scribente, compositum est. Ergo et Paulus Àpostolus contristatur 
quia pracdicationis suae in praesentiurum fistulam, organumque per quod 
Christo caneret, non invenerat ». C’est là une interprétation subjective et erronée, 
provenant de ce que Jérôme n’a pas scruté les rapports de l’Apôtre avec 
l'Eglise de Corinthe, et le rôle tout à fait spécial et temporaire que Tite avait eu 
à jouer, — comme nous le verrons en son lieu — pour raccommoder Paul et 
ses fidèles. [1 tardait à revenir de sa mis&ion, et c’est là ce qui remplissait 
d'inquiétude l'Apôtre et l’empêcha, dans sa hâte de retrouver son messager 
et d'avoir des nouvelles, de demeurer à prêcher en Troade; ce n’est nullement 
qu'il eût besoin de cet « interprète » pour bien expliquer à des Grecs la parole 
de Dieu; il ne l'avait pas davantage auprès de lui, un peu plus tard, dans les 
premiers temps de son séjour en Macédoine, et pourtant c’est à cette date qu'il 
faut rapporter les succès de prédication dont le souvenir dicte les accents 
triomphaux que nous avons entendus (II Cor. xx, 14. 16) sur « la bonne odeur 
du Christ » qu'il a le secret de répandre. D'ailleurs Jérôme n’a pu vouloir 
comparer que très approximativement les rapports respectifs de Pierre et de 
Marc, d'une part, de Paul et de Tite de l’autre. Personne n’a jamais pensé que 
Pierre connût le grec aussi bien que Paul. Nous pouvons concéder que Tite 
a été plus d'une fois, notamment à Corinthe, l'interprète de Paul, mais un 
interprète de ses intentions, comme messager « diplomatique », et non comme 
« traducteur » de son langage araméen en grec; on ne voit pas d’ailleurs que 
Tite ait jamais servi de secrétaire à Paul dictant ses épîtres, et il est bien 
certain que plusieurs de leurs plus belles pages, par exemple IL Cor. x-xur, 
ont été dictées quand il n'était pas là. 

Ce mythe mort-né de « traductions-décalques », faisant passer le prétendu 
araméen de Paul dans le grec de Tite ou de n'importe qui, est inconciliable 
avec tout ce que nous savons des allures de Paul, par l’histoire ou la philo- 
logie. J. Weiss, un des critiques qui ont parlé du style de Paul avec le plus 
de sens et de goût, accorde même trop, à notre avis, quand il admettrait que 
des secrétaires comme Timothée ou Sylvain ont pu avoir une part {très secon- 
daire) à la variété d'élocution des lettres de l'Apôtre; celui-ci attachait trop de 
valeur à la propriété de chacun de ses termes pour les laisser inventer ou 
retoucher par un secrétaire. Saint Jérôme, du reste, — malgré sa comparaison 
sans bonheur avec Pierre et Marc, — n'avance nulle part que Paul ait confié 


« 


la rédaction de tout ou partie de ses lettres à un secrétaire quelconque, comme 


32 _ ÉPITRE AUX CORINTHIENS, II, 1-5. 


Pierre, croit-il, celle de ses écrits à Marc ou à un certain Glaucias. Dans une 
autre épître (ad AZgasiam, cxxt, PL 22, col. 1029 s.), il dit bien, à propos des 
difficultés d'élocution de Col. 1 18-19, que Paul se trouvait parfois embarrassé 
pour donner une expression à ses pensées profondes, et qu'il était sincère dans 
sa modestie en se déclarant « émperitus sermone » (II Cor. xr, 6), puis, que 
cet embarras devait se présenter moins dans sa propre langue ancestrale 
(sermone. quem cum in .vernacula lingua haberet disertissimum, quippe 
Hebraeus ex Hebraeis, et eruditus ad pedes Gamalielis..) qu'en langue grecque, 
quoiqu'il y fût aussi très expert (SZ autem in graeca lingua hoc ei accidit, quan 
nutritus in Tarso Ciliciae a parva aetate imbiberat, quid de Latinis dicendum 
est, etc.)\; mais il ne dit nullement qu'il ait pensé à faire alors appel au secours 
d'un traducteur. La vraie raison du fait qu'il signale n’est pas un moins parfait 
usage du langage hellénique, mais celle qu'il paraît lui-même exprimer plus 
haut : Profundos enim et reconditos sensus (de l'Esprit) Zngua (la langue 
humaine en général) non explicat. 

C'est donc bien Paul en personne, Paul seul et directement, qui se révèle 
à nous dans le grec de ses lettres. Il a été grand orateur et grand écrivain en 
grec, — plus qu'il ne leût été, peut-être, en araméen. Il excite à ce titre exté- 
rieur l'admiration des meilleurs connaisseurs en hellénisme. Norden (Die gr. 
Kunstpr., p. 509, cité aussi par J. Weiss), l’égale à Platon dans le Phèdre 
(terme de comparaison bien éloigné mais qui forme pour lui le sommet) pour 
la hauteur de la diction en des passages comme Rom. vu et I Cor. xmi. 
On ne saurait surtout trop citer, contre les opinions attardées qui habillent 
Paul en rabbin se sentant demi-étranger en face des Hellènes, l'appréciation 
du grand philologue classique que fut Wälamowitz (1) : « Certainement l’hellé- 
nisme est une condition prérequise pour lui (pour l'activité littéraire de Paul); 
il lit seulement la Bible grecque (2 ) ainsi Ÿ pense également en grec. Cer- 
tainement il exécute sans le savoir le testament d'Alexandre, en portant 
l'Évangile aux Hellènes, pourtant il est taillé dans un tout autre bois, il est 
juif, comme Jésus est un Juif. Mais que ce Juif, ce chrétien, pense et écrive en 
grec, pour tout le monde et en premier lieu pour les frères qu'il interpelle, 
que ce grec n'ait rien à faire avec aucune école, aucun modèle, mais. jaillisse 
directement du cœur, et cependant soit du vrai grec (pas de l'araméen traduit 
comme les sentences de Jésus), cela fait de lui un classique de l’hellénisme. 
Enfin, enfin voici revenir quelqu'un qui discourt en grec du fond d'une expé- 
rience vivante, fraîche, intime, qui est sa foi... C'est en remplacement de son 
action personnelle qu’il écrit ses lettres; ce style épistolaire, c'est Paul, per- 
sonne autre que Paul; ce n'est point une correspondance privée, ce n'est point 
de la littérature, c'est une chose intermédiaire inimitable... » 

Tenons-nous en à ce jugement si qualifié, et croyons bien que Paul était très 
éloquent, sans aucun besoin de truchement, pour tous les Grecs chez qui les 
préventions ou la rhétorique pédante n’avaient pas faussé jugement et goût. 
C'est d'ailleurs peine perdue que de vouloir ramener cette éloquence à un genre 
qui s'enseigne, malgré quelques rapports indéniables avec les prophètes ou les 


(1) C’est nous qui soulignons. 
(2) Fort douteux; il lisait aussi l'original. 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, Il, 1-5. 33 


casuistes juifs, et surtout avec la diatribè grecque. Quant aux procédés £ech- 
niques du style oral des Sémites, ou à la « récitation cultuelle », il n'y faut 
certainement pas songer. Je ne connaîtrais pas de divagation scolaire, de 
lubie de professeur, aussi artificielles que la prétention de forcer en cadres 
symétriques une pensée comme celle de Paul, si dédaigneuse de la copix X6you, 
si individuelle, si passionnée, emportée par un souffle si véhément du génie 
et de l'Esprit. 

(Voir particulièrement J. Wxiss, commentaire, et l'ouvrage posthume Das 
Urchristentum, 1917, pp. 302-ss., 312-318 — Ed. Nonrpen, Die griechische 
Kunstprosa, loc. cit. — M. Jousse, Le style oral rythmique et mnémotechnique 
chez les verbomoteurs, Arch. de Philosophie, vol. Il, cahier IV, 1925, pp. 71, 
87, al. — K. L. Scumir, Der Apostel Paulus und die antike Welt, Bibl. 
Warburg, Vorträge 1924-1925, pp. 46, 56, al. — Ü. von Wiramowirz-MæœLLen- 
porr, dans Kultur der Gegenwart, 1, 8?, p. 159). 


EXCURSUS II. —— « UT NON EVACUETUR CRUX CHRISTI ». 
LA MORT DU CHRIST ET LA MORT DES DIEUX. 


2 

Paul expose sa doctrine de la Croix avec une hardiesse provocante. Il sait 
qu'elle choque à la fois les Juifs et les Gentils; mais, loin d’en être intimidé, 
il tient à mettre dans une lumière crue ce qui est le grand paradoxe et de son 
apostolat, et de tout le christianisme. Ün lutteur comme lui ne recule point. 
Pourtant ce n'est pas à l'instinct combatif de l'ancien pharisien qu'il faut 
attribuer cette atlitude, mais à la conviction que rien n'est aussi puissant que 
ce paradoxe pour éclairer et convertir Juifs et Hellènes. 

C’est son expérience à lui d'abord qui l'avait renseigné. 

Quand on l’appelait Saul, c'était un jeune Israélite fervent et fort instruit, 
merveilleusement doué pour la science et pour l’action de propagande, et qui 
s'était justifié par des réflexions rationnelles toutes les préventions de sa race 
(Gal. 1, 14). Si son éducation grecque de Tarse l'empéchait de professer à 
l'égard des Gentils l'aversion irraisonnée et brutale d’autres rabbins, s’il voulait 
peut-être déjà travailler au salut des Hellènes, il croyait fermement, comme 
tant d’autres intellectuels de la Diaspora, que cette guérison du monde dépendait 
de la domination parfaite d'Israël sur le terrain de la politique et des idées tout 
ensemble, prédominance que les Prophètes avaient promise à son peuple. Le 
« Règne de Dieu » ne pouvait s'établir que par le « Règne des Juifs ». À cette 
époque, tous les malheurs de la nation n'avaient fait que surexciter l'espoir 
messianique, temporel et spirituel à la fois. Que le Messie dût être le grand roi 
pacificateur des Psaumes de Salomon, ou l'être céleste d'Hénoch, cet « Elu » 
ou ce « Fils de l'Homme » qui allait venir mettre fin au monde présent, son rôle 
n'était jamais conçu que comme un pur triomphe. On insistait beaucoup sur 
les souffrances des justes, on les peignait avec des couleurs parfois presque 
désespérées, mais la gloire du Messie devait leur servir de compensation et les 
transformer en bonheur. Jamais un théologien ou un visionnaire de cette 
époque n'aurait admis que ce Messie devait lui-même expier d'abord les fautes 
du monde, ni même celle du peuple israélite (voir Lagrange « Le Judaïsme 
avant Jésus-Christ », pp. 384 suiv.). La prophétie si claire et impressionnante 

ÉPIYRE AUX CORINTHIENS. 8 | 


34 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, II, 1-5. 


d'Isaïe sur le « serviteur de Yahweh » (/s. cr), et les quelques autres qui s'en 
rapprochent, étaient soit appliquées aux épreuves historiques du peuple ou de 
ses grands personnages, soit complètement détournées de leur sens. Rien 
de plus significatif, par exemple, que le Targum du Pseudo-Jonathan (+. 
Lagrange, loc. laud.) sur les chapitres du « Serviteur » : bien loin d'être un 
agneau qu'on immole, c’est lui qui mènera à la boucherie les nations! Au 
Messie ne pouvaient appartenir que des manifestations de puissance, des onuei . 
(Mat. xu, 38; xvr, 1) ou des victoires. Quand ces ambitions trop terrestres se 
furent modérées plus tard, Tryphon dira encore, au nom de tous ses coreligion- 
naires (Justin, « Dialogue », Lxxxix, 1, 2) : « Sache bien que notre race entière 
attend le Christ, et que, toutes les écritures que tu as citées, nous reconnaissons 
qu'elles ont été dites à son sujet. De plus le nom de Jésus, qui fut donné en 
surnom au fils de Navé, me touche... Mais, sur la question de savoir si le Christ 
doit être déshonoré jusqu'au crucifiement, nous doutons; car dans la Loi il est dit 
du crucifié qu'il est maudit (cfr. Deut. xxr, 23, et Gal. x. 18), et, pour l'instant, 
je ne croirais pas facilement la chose. C'est un Christ souffrant que les Écritures 
annoncent, évidemment; mais, que ce soit d'une souffrance maudite dans la 
Loi, nous voudrions savoir si tu peux nous le démontrer ainsi » {traduction 
Archambault). 

Il n'est pas impossible que l' intelligent j jeune rabbin de Tarse ait toujours été 
un « modéré » à la manière de Tryphon (nous ne l’affirmerions pas, toutefois). 
Mais il y'avait l'échec du Messie des chrétiens, son échec et son déshonneur du 
calvaire! Qu’'importait ensuite que tels de ses disciples, fanatiques hallucinés 
si on ne pouvait les croire imposteurs, aient prétendu l'avoir vu ressuscité? 
Cette résurrection aurait dû être plus certaine et plus éclatante si elle devait 
servir au « Règne de Dieu » par Israël. Saul, s’il n'avait pas vu Jésus, connaissait 
les chrétiens, Etienne entre autres, par les discussions des synagogues hellénis- 
tiques. C’étaient peut-être à ses yeux d'honnèêtes gens, mais d'autant plus 
dangereux alors, avec leur « Messie crucifié », qui n'avait pu être, lui, qu'un 
doux illuminé malfaisant. Quand on voit de nos jours des savants israélites 
aussi modérés et consciencieux que le D' Klausner (1) chercher à établir qu’il 
était logique et inévitable pour les chefs du Judaïsme orthodoxe de se débar- 
rasser d'un prophète comme Jésus, qui faisait sans doute honneur à leur race et 
ne voulait pas détruire leur religion, mais énervait ce qui avait toujours fait la 
force de résistance de la nation en la détournant, par son idéal purement éthique, 
de l'attachement à ses cadres religieux, au matériel de sa Loi et, par là, de ses 
espérances de durée et de domination, on comprend alors les raisonnements et 
les dispositions du jeune Saul, — à qui d'ailleurs la proximité des faits fournissait 
sur la nouveauté de l’enseignement de Jésus et son opposition aux aspirations 
nationalistes une appréciation plus exacte que celle de Klausner. Supposé, se 
disait-il, que le peuple se mette à suivre ces rêveurs, c’est la fin de notre vocation 
de Juifs, et par conséquent de l'espoir du monde. Dieu ne pouvait permettre 
pareille banqueroute; mais il fallait avoir des hommes, de vrais fidèles, qui 
coopèrent avec la Providence. « Salus populi suprema lex », se disait ce rabbin 
et ce citoyen romain avec plus de bonne foi que Caïphe. Donc Jésus avait été 


(1) Joseph KLAUSNER, Jésus de Nasareth, traduit de l’hébreu en français, 1933. 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, I, 1-5. 35 


justement crucifié, Étienne justement lapidé; il y allait de l'avenir de la religion, 
et de la conversion promise des Gentils au Dieu d'Israël. Avec toute la décision, 
la violence aussi et l’orgueil de son fort tempérament, puis toute sa convic- 
tion religieuse, sa science de rabbin initié aussi à l'hellénisme, sa logique et sa 
générosité même mal employée, Saul devint — croyant bien faire, voir I Tim. 
1, 13, — le persécuteur que l’on sait, Ce fut par épouvante et horreur de la Croix; 
résultant non pas certes, d'une faiblesse de timide ou de sensuel, mais d’un zèle 
aveuglé pour les intérêts de Dieu, d'Israël et de l'humanité entière. 

L'événement du chemin de Damas bouleversa d'un seul coup tout ce système 
de pensée et de conduite. Saul vit que le Messie des chrétiens était vraiment 
ressuscité, donc que Dieu avait approuvé son œuvre, et que tout ce qu'il avait 
dit et promis était juste, le véritable accomplissement des prophéties, tandis 
que les autorités de son peuple s'égaraient dans leur interprétation. Bien plus, 
Jésus était le Fils de Dieu, lui-même le Tout-Puissant égal à son Père. Comme 
homme, il était devenu le chef du monde, dans le présent et dans tout l’avenir. 
Et cette exaltation de son humanité, il l’avait gagnée, comme Saul, devenu 
l'Apôtre Paul, l'écrira un jour aux Philippiens (PAël. 11, 9-11), par son échec 
apparent, par l'infamant supplice qui paraissait le condamner, lui et ses préten- 
tions et son œuvre, à un opprobre et à un oubli éternels. En disant : « Saul, 
pourquoi »e persécutes-tu? », [l avait déclaré qu’il vivait dans ceux qui 
croyaient à Lui, et que, malgré leur humiliation, malgré les persécutions qu'ils 
subissaient, et, bien plus, par leur moyen même, Il les associait à sa grandeur 
et à sa puissance. Rien ne pouvait être plus fou; maïs cette folie était vraie, 
elle était « la Vérité », puisque c'était une folie dont Dieu lui-même était atteint, 
et qui était le dernier mot de sa révélation aux hommes. Alors, au pharisien 
complètement « converti », c'est-à-dire « retourné » d'un seul coup dans le fond 
de ses pensées et de ses sentiments et de sa volonté, Dieu, capable d'atteindre 
ses buts par de tels moyens, apparut encore beaucoup plus miséricordieux, plus 
grand et plus sage qu'il ne se l'était représenté jusqu'alors. Toute sagesse et 
toute puissance humaine s'évanouissaient devant celle-là, capables de réaliser 
la gloire et le bonheur jusque par les moyens qui, de leur nature, ne sont bons 
qu'à les détruire. Saul se mit à vénérer et aimer la Croix autant et plus qu'il 
l'avait méprisée et haïe. Et désormais, ce fut toujours sous cet aspect, le rem- 
plissant toujours d’une confusion, d’une admiration et d'une reconnaissance 
nouvelles, que lui apparut le Dieu Sauveur : Celui qui règne, Celui qui sauve 
et qui glorifie PAR LA CRoIx. 

Il se dit assurément que l'argument divin qui avait pu, en un éclair, trans- 
former un homme tel qu'il se souvenait toujours d'avoir été, serait le plus 
puissant de tous pour convertir Juifs et païens. Et il se décida à prêcher partout 
Je « scandale » et l’ « ineptie ». La « sagesse » normale, proportionnée à l'esprit 
naturel, dont Israël avait reçu le dépôt et les Gentils quelques lueurs, n'était 
pas entièrement détruite, mais complètement insuffisante à saisir le plan de 
Dieu; elle conservait bien une valeur de préparation, maïs son plus haut effort 
portait les esprits sincères au bord d'un mystère, d'un abîme, où ils devaient, 
pour être vraiment sages, se précipiter en devenant « fous » avec la Sagesse 
incréée. Paul a prêché à Lystres, à Athènes, les arguments de la théodicée natu- 
relle, en attendant mieux; partout il dut reconnaître qu'il fallait faire autre chose 


36 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, I, 1-5. 


pour saisir à fond les âmes, et proclamer carrément la « folie de la Croix », pour 
détruire la fausse suffisance des arguments humains. C’est ce qui avait déterminé 
sa conversion qui devait déterminer celle des autres. Si, aux débuts de sa 
garrière d’apôtre, et jusqu'à Thessalonique, il semble avoir insisté de préférence 
sur le retour futur du Christ comme roi glorieux, il vit que, plus les auditoires 
étaient matériels ou plus ils se targuaient de sagesse, plus alors il fallait insister 
avant tout sur ce que Dieu avait établi comme la préparation nécessaire de 
eette gloire, la Passion. Devant les yeux des Galates, il dresse, dans les plus 
vives couleurs, le Christ en croix (Gal. ur, 1). Et, dans la ville perverse et 
prétentieuse de Corinthe, il comprit du premier coup qu'il n'y avait que ce 
moyen-là d'arracher les âmes à leur sensualité, à leur vanité intellectuelle, à 
eur bassesse; il ne voulut, dit-il, connaître parmi ces gens, païens grossiers 
et subtils tout ensemble, que « Jésus-Christ, et encore crucifié » (1x, 2). En les 
plaçant, brutalement pour ainsi dire, en face du paradoxe qui devait leur paraître 
te plus insensé, il réussit aussitôt beaucoup mieux qu'avec ses acheminements 
prudents à l'Aréopage d'Athènes. Evitant tout ce qui aurait pu paraître, à des 
regards superficiels, « évincer la croix du Christ » (x, 17), en la voilant plus ou 
moins sous des moyens humains de conviction, il la présente toute nue, dans 
toute sa puissance de séduction divine. Tout ce qui aurait pu faire illusion aux 
dépens de son efficacité unique était ainsi écarté. 

Et c'est la base essentielle de toute apologétique « convertissante », celle que 
les plus profonds défenseurs de la vérité chrétienne, comme Pascal, n’ont pu 
que s'approprier dans leur mesure. On ne touche le fond de la théodicée que 
quand on en est arrivé là. Autrement, le « problème du mal » reste toujours un 
problème plus ou moins oppressant, et les chrétiens pieux, ou même penseurs, 
mais dont la pensée pieuse répugne au tragique, et qui ne sont pas assez 
sensibles à cette démonstration suprême de la nécessaire « voie de la Croix », 
subiront toujours, par moments, la tentation de se demander si Dieu n'a pas 
manqué son œuvre. 

L'expérience de Paul explique seule, de façon nécessaire et suffisante, com- 
ment cet ancien pharisien a pu devenir « l'Apôtre de la Croix » par excellence, 
et l'incomparable « Docteur des Gentils ». 

Oui, mais à en croire des écoles modernes, Paul ne faisait qu'aller ainsi au- 
devant des aspirations religieuses que ces Gentils, — à la différence des Juifs — 
professaient de longue date, du fait de leur mysticité spéciale. Eux aussi, dans 
les Mystères qui étaient la quintessence de leurs religions, ils avaient l'habitude 
de placer leur confiance en des dieux morts et ressuscités. Paul n’a eu qu'à 
concrétiser ces rêves dans la personne historique de Jésus pour obtenir audience 
de toutes les âmes helléniques sincèrement religieuses. Leur psychologie 
explique tout sans miracle. 

Contre ces théories, il faut affirmer avec assurance que l’Apôtre de la Croix 
n’a rien emprunté aux païens. Le jeune Tarsiote, fils de pharisiens, avait trop 
appris dès son enfance à mépriser les erreurs des Gentils, et ce n’est pas le culte 
de sa ville natale, le bûcher de Sandan, ou la tauroctonie de Mithra, qui aurait 
pu adoucir cette répulsion. S'il fait quelquefois allusion aux Mystères, comme 
on peut le croire en analysant les chapitres x1r et xrv de notre épître (v. ad loc.), 
c'est pour les déprécier et faire honte à ses fidèles d’avoir conservé quelques 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, I, 4-5. 37 


manières qui rappellent celles des mystes. Dans l'Épitre aux Éphésiens 
(v, 11-42), les Mystères ou les cérémonies gnostiques qui s’en rapprochent sont 
qualifiés d’ « œuvres infructueuses des ténèbres ». 

L'idée d'une mort divine subie volontairement pour le salut des hommes n'a 
d’ailleurs jamais existé en aucun culte antique. Si l'on ne veut parler que de 
mythes concernant des souffrances, une mort et une glorification subséquente 
de divinités ou de héros, qui pouvaient servir aux hommes, non pas de rédemp- 
tion, mais de modèle et d'encouragement à supporter leurs peines et le trépas, 
il faudrait prouver, — et on ne le peut — que ces mythes tenaient une place 
importante, avant le n° ou le mi° siècles, dans la religion des païens. Le 
résurrection de la chair surtout était une idée fort impopulaire. Aucun des 
« dieux morts », ni Attis, ni Adonis, pas même Osiris, n'avait, à proprement 
parler, retrouvé vivant son corps après qu’il avait été mis au tombeau; seule 
leur essence immortelle avait été glorifiée, on s'était munie d'un corps céleste et 
nouveau. L'idée d’une résurrection corporelle faisait rire sans politesse les 
intellectuels d'Athènes (Act. xvu); si elle avait été si répandue, Paul n'aurait 
pas eu ces difficultés que nous révèle le chapitre xv de notre épître à la faire 
entrer dans la conviction de tous les baptisés. 

Mais la mort qui avait dû précéder la glorification, et surtout ce genre de 
mort, voilà qui devait être pour tous les païens objet de scandale ou de dérision. 
« Dans aucun mystère hellénistique », dit K. L. Schmidt (1), « il ne se rencontre 
d’analogie avec la Croix ». Le nom seul faisait horreur; dans son plaidoyer 
« pour Rabirius », 5, Cicéron (cité par Meyer-Heïnrici), s'écrie : « Nomen ipsum 
crucis absit non modo a corpore civium romanorum, sed etiam a cogitatione, 
oculis, auribus! » En Grèce, des païens vraiment pieux et de sens rassis, comme 
Plutarque, trouvaient déjà inconvenant d'attribuer aux dieux des mésaventures 
tragiques; mais qu'auraient-ils pensé d’un supplice déshonorant comme le 
crucifiement réservé a ux esclaves, aux rebelles, aux bandits de grand chemin? 
Saint Justin (« Apol. » r, 53, 2), demande : « Par quel raisonnement nous 
ferait-on croire à un homme crucifié,…. si nous n'avions trouvé. des 
témoignages? », et ailleurs il constate (22, 3), que les païens accusent les 
chrétiens de folie (paviav fp&v xuvapaivovra:) pour ranger après Dieu un homme 
crucifié. Ce sera encore le sarcasme de Lucien dans son « De morte Peregrini » 
contre ces gens qui « adorent leur sophiste empalé »; et bien d’autres textes, 
chez Celse ou ailleurs, montrent assez ce que pensait du Dieu des chrétiens, 
à cause de sa mort en croix, l'opinion publique des païens comme leur opinion 
cultivée. C'est qu’il ne s'agissait plus dans leur cas du malheur privé d’un être 
mythique, d'une aventure tragique arrivée entre dieux et héros, laquelle n'avait 
rien de déshonorant et que l'apothéose avait tout de suite réparée; le supplice 
du Golgotha signifiait l'échec et l'infamie d'un personnage public, qu'on avait 
pu voir il y avait moins de trente ans, qui avait été mêlé aux hommes, et dont 
toutes les espérances, toutes les promesses, pouvait-on croire, avaient été 
démenties, abimées dans un effondrement ridiculement lamentable. 

Voilà ce que l'opinion païenne ni juive ne pouvait tolérer, et à quoi on 


(1) Voir K. L. Scnmipr, Der Apostel Paulus und die anltike Tell, p. 56-s. (Bib. 
Warburg, Vortr. 1924-25). 


38 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, Il, 1-5. 


n'aurait certainement trouvé rien de pareil en aucune mystique contemporaine 
de renoncement. Voilà ce que Paul se mit à précher — comme les autres, 
mais en insistant plus qu'eux tous sur cette croix odicuse; parce qu'il y 
montrait la preuve de ce fait stupéfiant que Dieu, pour nous sauver, était 
descendu en personne au plus profond abîme de nos misères, « ut impleret 
omnia » (Eph. 1v, 10), de sorte que nul n'était si bas qu il ne Le trouvât à sa 
hauteur, et ne fût invité à monter jusqu'à Lui. 

C'était la révélation d’une Sagesse et d’une Puissance dont n'auraient pu 
rêver les hommes les plus sages, puisqu'elles avaient su utiliser, pour mener les 
créatures au bonheur et à la gloire, ce qui devait, de sa nature, avec le péché, 
les faire choir le plus loin de la gloire et du bonheur. 

Paul avait eu de cette vérité inouïe l'expérience plus directe que personne, lui 
qui paraissait en être moins capable que personne; il s'en souvint toujours en 
frissonnant et exultant, et c'est pourquoi il fut si pressé de communiquer aux 
autres, avec une telle chaleur de conviction et d’éloquence, la science de la 
Croix, Sagesse de Dieu et Puissance de Dieu. 


IV. Paul ne méprise pourtant pas toute sagesse, car il travaille à en 
répandre une, la « Sagesse de Dieu » (11, 6-16 [irr, 2]). 


Inrropucrion. — L'Apôtre aurait cependant bien pu (et même voulu) leur précher 
une « sagesse », mais celle-là que donne l'Esprit-Saint, et qui n'est accessible qu'aux 
« parfaits ». Toute cette page contient la plus haute philosophie religieuse, et déborde 
de conséquences pour la justification de la mystique et de la théologie, science de 
Dieu communiquée à qui en. est rendu capable, mais incommensurable aux spécula- 
tions de l'hellénisme, comme à la pénétration naturelle des gens les plus pratiques et 
les mieux informés du monde profane. On voit assez l'importance et la permanente 
actualité de set enseignement; mais ce n'est pas sans peine qu'on arrive à bien définir 
la portée de chaque terme, et il faut en outre détruire toute confusion possible entre 
celte « sagesse » préconisée par saint Paul et tous les « ésotérismes » ou gnos- 
ticismes qui étaient en vogue dans le monde grec, et le sont redevenus souvent 
depuis. La suite montrera sans aucune ambiguité que la &« sagesse » dont il est 
question ici est tout autre chose qu'une dottrine ésotérique différente pour le 
contenu de la foi commune des chrétiens ordinaires. 


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CH. II, 6. Zoptay DÈ AxAobpey ëy voïc “rehelouc, coplay DÈ où toù “aidvos robtou, 

NS = — _ _ * S « 
OÙDÈ Tüv Gpyovrwy Toù œiüvos Toirou Tüv “xarapyoupévwy. 7. ‘ANG Azhoëbev 


Cu. 11, 6. De sagesse, nous [en] parlons bien entre Les parfaits, mais 
d’une sagesse [qui n’est| pas de ce siècle, ni des chefs de ce siècle, qui sont 
réduits au silence. 7. Toutefois nous parlons d’une sagesse de Dieu, 


A. II, 6. La principale difficulté est de bien rendre téheor, fort diversement inter- 


prété; le sens générique du mot est « achevé », « accompli », mais cela peut 
s'entendre en‘ bien des sens. Heureusement tout le pissage indique assez que téketos, 
ici, équivaut à nveupatiés, et nous avons plus bas le v. nt, 1, où « pneumatique » 


s'oppose à viros, « enfant en bas âge » (cir. xIV, 20); il faut donc rendre téAetos, par 
« adulte », « parfait » quant à l'âge — ici dans le sens métaphorique (v. Excursus v) 
— pour conserver au mieux l'harmonie des figures. 

Aakéw, « parler », « causer », « converser », pourrait être ici en opposition inten- 
tionnelle avec xnp6sow, la proclamation solennelle de l'Évangile (Guijahr). 

Karagyéw, « réduire à l’inaction », doit ici s'entendre de la récusation des diri- 
geants, des instructeurs reconnus du monde (&pyovres); silence est imposé à leur 
« sagesse », vu qu'elle a été, par la Groix, démontrée impuissante à trouver les voies 
du salut; le « destruuntur » de la Vulgate, qui paraît signifier la ruine générale de 
leur puissance, est trop étendu et moins « ad rem » dans le contexte. 

B. 6. L'Apôtre méprise-t-il donc les droits de l'intelligence, et tout le devoir des 
convertis se bornerait-il nécessairement à enregistrer les faits évangéliques qui leur 
ont été transmis, avec le minimum d'explications qu'il faut pour en saisir la portée 
essentielle, bref à apprendre une sorte de catéchisme, transmis d'autorité? Non, 
l'enseignement chrétien laisse place pour une sagesse, faite de réflexions plus per- 
sonnelles et plus profondes sur l'objet de la foi. C'est un champ ouvert à l'ambition 
légitime des Corinthiens, puisqu'ils veulent être des sages. Maïs saint Paul leur dit 


40 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, ul, 6-16. 
Oeoû coplay Ev pusraplo Thv àroxexpupmévny, y mpowproev 6 dedc mpd Tov aiovwv 


els Débay nuoy, 8. hv obdels Tv &pyovrwv Toù alüvos Toûrou Éyvwnev. Et yàp 
2 N , œ , 2 : \ , A 
Éyvooav, oùx &v rdv xproy Th DoËnc Écraipuoav, — 9. SAXG xabwç Yéyparror” « à 


qu'elle n’est pas faite pour tout le monde; elle est réservée à ceux qui sont devenus 
« parfaits ». C’est en des cercles restreints, entre pairs, qu'il convient de s’en 
entretenir. 

Ce que sont ces « parfaits », ces « adultes », les premiers versets du chapitre qui 
suit vont l'indiquer suffisamment. Le terme peut être emprunté aux écoles philoso- 
phiques, il se rencontre chez Philon, chez les pythagoriciens, pour désigner les 
« avancés », les disciples à l'esprit müri, capables de s’assimiler tout l’enseignement, 
en regard des commençants. Mais nous verrons (Exc. v) qu'il ne s'agit pas 
d'une caste, d'une classe d'initiés comme dans les Mystères ou dans la gnose. 
D'autre part, les anciens Grecs, Chrys., Theodt., Dam., Œc., Théophylacte, se sont 
certainement trompés en croyant que Paul comprenait sous ce nom de « parfaits » 
tous les fidèles, tous les initiés du christianisme ; cette exégèse est en contradiction 
” avec int, 1-8. (v. infra), où il est clairement dit que les baptisés de Corinthe sont bien 
loin d'être tous des réa; et autrement, la marche de l’idée de Paul deviendrait 
tout à fait confuse et presque incohérente. Nous devons donc, avec tous les modernes 
du reste, suivre les Latins, Prim., Pélage, s. Thomas, etc., qui voient dans les 
« parfaits » des chrétiens élevés à un degré supérieur de science religieuse. 
(Cfr. x1v, 20, infra). 

Paul, en apportant cette restriction, se défend peut-être indirectement contre les 
critiques du parti d'Apollos ou des autres, qui l’auraient accusé de ne pas répandre 
assez la « sagesse »; mais quand il dit fueis Aalouev, ce pronom « nous » s'applique 
aux autres prédicateurs, y compris Apollos, aussi bien qu'à lui-même (J. Weiss); 
tous réservent la « sagesse » — si les Corinthiens comprenaient ce que cela veut 
dire — pour des entretiens particuliers avec ceux qui y sont préparés. On voit donc 
bien, d'ores et déjà, que cette « Sagesse » ne peut s'identifier adéquatement avec les 
énonciations des' glossolales, des prophètes, etc., dont il sera question aux cha- 
pitres x1r et xiv, et que tous les baptisés pouvaient entendre, puisqu'elles se produi- 
saient en des assemblées publiques, où des païens même étaient admis à l’occasion 
(v. xIV, 23-s.). 

Qu'est-ce donc que cette « sagesse » réservée ? Ce ne peut être une doctrine ayant 
un objet plus haut que le mystère du Christ, pareille prétention serait inconcevable 
chez Paul; ce n'est pas — du moins pas essentiellement ni uniquemeñt — une révé- 
lation charismatique; ce n’est pas un ésotérisme quelconque, car le Christ et sa 
doctrine, saint Paul le répétera assez, sont les mêmes pour tous. Il reste donc que 
c'est une intelligence plus profonde des mémes vérités, sous une lumière spéciale de 
Dieu, qui n’est accordée, parmi les chrétiens, qu'à ceux qui sont des « hommes 
faits », non des commençants. La suite éclaircira ce que cela signifie; mais ces 
adultes, disons-le déjà, ont l'avantage de voir s'opérer dans cette lumière une syn- 
thèse de leurs croyances, qu'on pourrait appeler déjà une « théologie » (Sales, 
Callan, al.), une théologie inspirée. Saint Paul, dans ces chapitres magnifiques, 
commence déjà à nous en montrer un haut spécimen, concernant les rapports de la 
raison et de la foi. Nous en trouverons bientôt de plus sublimes encore, et l'on verra 
que ce n'est pas du tout un ésotérisme de théosophie ou de Mystères. 

Mais cette sagesse est étrangère à « ce siècle » et « aux chefs de ce siècle », qui, 
en pareille matière, n'ont plus rien à dire (tv zatapyouyévuv), Le mot aïby n'a pas 
encore ce sens personnel et « gnostique » qui transparaît (peut-être) Ep. n, 2 d'un 
esprit exerçant sa domination sur une période de l’histoire (le « Prince de ce monde ») 


+ 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, II, 8-9. 4 | 


s 


mystérieuse, de celle qui est cachée, que Dieu a prédéterminée, avant les 
siècles, pour notre gloire, 8. de celle que nul des chefs de ce siècle 
n’a reconnue — car, s'ils l'avaient reconnue, ils n'auraient pas crucifié Le 
Seigneur de La gloire, — 9. mais (comme il est écrit), « de ces choses qu'œil 


Ici aiiv signifie à la fois le temps, la durée présente (757 noir des Juifs), et l'univers 
dans son cours visible. Jusqu'où faut-il étendre la notion de « chefs de ce siècle »? 
Les avis sont fort partagés, et nous devrons en disserter plus longuement au verset 8. 
Ici, en tout cas, Paul pense aux marchands humains de « sagesse », qui dirigeaient 
intellectuellement l'humanité non soumise à l'Évangile, philosophes, etc., (opinion de 
Chrys. et de son école) — en y joignant d’ailleurs les gouvernants politiques et tout ce 
qu'il y avait d'influent chez les Juifs infidèles et les païens /7héodoret, Rob.-Pl., 
Sickenberger, Gutjahr, Bachmann, Toussaint, etc.) — plutôt qu'à des « puissances 
angéliques », comme veulent Marcion, Origène, beaucoup de Pères, Estius, Schmie- 
del, Lietzmann, J. Weiss, et d’autres modernes; Paul cependant, indirectement, pou- 
vait regarder aussi du côté des démons, en tant que les guides de l'humanité, avec 
les iniquités de leur gouvernement, et le faux mysticisme, la morale altérée, la 
superstition de tant d'intellectuels (cfr. Rom, 1, 22, 32), pouvaient étre dits les vas- 
saux du « Prince de ce monde » (ainsi Ambrr, Thomas, Calmet, Cornely, Gut- 
Jjahr, al.). Ne peuvent estimer, ni même comprendre intellectuellement, la « sagesse » 
de l'Évangile, tous ces « hommes psychiques » (v. 14), pour qui la Croix ne sera 
jamais que folie et scandale. 

A. ‘7. Il faut joindre &v puotnplw à copiav (Cornely, Rob.-Pl.; Bachmann le 
préfère aussi}, et non à Axhoëuer (J. Weiss; Gutjahr; Lietzm. hésite); cependant 
Théodoret relie ëv pust. au participe dxozexpuuuévnv, ce qui n’est pas non plus impos- 
sible. Pour copiav Ev puot., Cfr. Bwpeë Ev yépere, Rom. v, 15 (probablement), et, plus loin- 
tain, Col. 11, 44 : Xeipéypagov rois Déypaotv, 

B. 7. Les « parfaits » ne s’entretiennent pas de cette sagesse en mystère, en 
secret, c'est-à-dire dans des réunions cachées. Que Paul ait pensé ici aux mystères 
païens, cela n’a point de probabilité; d'autant plus, comme dit Bachmann, que le mot 
pusthotov, « secret », pouvait provenir rien que de la Bible, des Apocryphes et de 
l'Évangile; il signifie une connaissance qui est la propriété de Dieu, non point l'apa- 
nage d'une catégorie d'initiés. C’est ici, comme la suite le montre, l'économie du 
salut; de sa nature, elle est toujours quelque chose de « caché » (àäroxerp.) et le 
demeure, sauf pour ceux-là à qui Dieu la révèle. Dieu a fixé ce plan de toute éternité 
« pour notre gloire », c'est-à-dire pour la gloire de tous les fidèles /Cornely); 
(roowotosv, c'est-à-dire 11 en a éternellement déterminé l’objet, et décrété la communi- 
cation à qui Il voudra). C’est la vie éternelle, qui commence par la connaissance de la 
révélation. Cette vie consistera à devenir conformes au Christ, même dans notre corps 
(Phil, 11, 21), mais elle n'est cependant pas purement eschatologique, car on la pos- 
sède ici-bas initialement, dès qu'on commence à être régi par la grâce (cfr. Lietsmann), 
— Il ne s'agit donc point de l'ostension de quelque spectacle sacré, un ôpuuevor, 
comme dans les Mystères, et Lietzmann le concède; mais ce n'est pas non plus, quoi 
qu’il en pense, une tradition communiquée aux parfaits seuls de vérités ou de 
dogmes que l'on dissimulerait aux débutants, un ésotérisme; ce ne sont que des vues 
plus liées et plus profondes sur Jésus-Christ et son œuvre, « mystère » déjà révélé en 
substance à tous ceux qui viennent au baptême : ro ustiprov 10 àroxexpuusévoy and tüv 
aitivwvy xat nb Tv yevetv — vüv 0 épavepÜn toi &yiots adrod, ofs DéAnoev 6 Deds yroplou 
ti rù mhodtos ths DéEns Toû puornpiou tobtou êv vos Éveov, Üs Eatuv Xptatds y div, 4 EAr\e vas 
dns (Col, 1, 26-27). Celle union au Christ, cette présence du Christ dans les rachetés, 


42 " ÉPITRE AUX CORINTHIENS, 11, 6-16. 

bphañpds obx eidev, wat obs oÙx fuougey », xat Ent xapdlav avhpwrou oùx àvé6n, 

« à hrolmasev à Geds roc œyardoty abrbv ». 10. ‘Huty yap émexdhudey à Jeds dix 
ed a Tè ; = À x > k \ 4 ! _ = 1{ T{ \ 

TOÙ mvebparocs. Lo yap mvebpa mavra épauva, xt 10 Pan voù Oeoû. 11. Lis Yap 


forme l'idée centrale de toute l'Épître: on peut donc être certain que l'étude plus 
approfondie de sa nature et de ses conséquences était l’objet de la « sagesse » des 
tékerot, D'autant plus que le Christ est celui « en qui sont cachés (èxdxpuoor) tous les 
trésors de la sagesse (révres où Onoxuoot ts oovlas, Col. 11, 8). Aux parfaits comme 
aux imparfaits les Apôtres n'avaient à prêcher que « le Christ, et encore crucifié! » 

(supra, 11, 2). 

—— À. 8. Ce verset peut être considéré, à partir de ei yép, comme une parenthèse; 
ñv (comme ci-dessus devant rpowetcev) se rapporte à coplav, et non à Ôd£av, contre 
Tertullien, « Adv. Marc. » v, 6, et quelques autres. 

B. 8. Les « chefs du siècle » ignorent tellement cette Sagesse, qu’ils ont cru se 
débarrasser du Christ en le crucifiant; si grand et si gênant qu'il leur part, ils ne 
savaient point qu'il était « le Seigneur de la gloire », qui la possède tout entière et 
de toute éternité en droit, l’a acquise pleinement pour son humanité après son sup- 
plice, en dispose pour la communiquer à qui il veut, et avait justement choisi la 
Croix comme instrument du rachat et de la glorification des hommes. J. Weiss note 
à bon droit toute la lumière que ce passage (joint à tant d’autres) projette sur la 
christologie paulinienne : « Seigneur de la gloire »! mais c’est un prédicat tout à fait 
propre à Dieu; l’auteur protestant parle ici même contre la « kénose », car il faut 
entendre, naturellement, que le Christ était « Seigneur de la gloire » dès avant la 
Crucifixion. En effet, son humilité n’empêchait pas qu'il fût toujours « in forma Dei » 
(Phil. n, 6.). 

Ces chefs, ces « archontes » ne soupçonnaient donc pas quel parti Dieu allait tirer 
de cette Croix dressée par eux-mêmes. Nous pouvons maintenant préciser tout à fait 
quels étaient ces « archontes ». A côté des téketxu du monde, guides politiques et 
religieux comme les princes des Juifs et Pilate, directement responsables du supplice 
de Jésus, et ensuite des guides intellectuels, pharisiens, docteurs de la loi, philo- 
sophes, etc., qui furent leurs complices ou les approuvent encore, Paul a dù penser 
aussi au « Prince du monde » et à ses anges, qui leur ont inspiré cette méconnais- 
sance et ce crime. Ainsi s. Thomas et tous les autres nommés au v. 6. Les démons, à 
un point de vue, étaient les vrais gouverneurs du monde humain, qu'ils tenaient captif 
par sa faute (cfr. les orosie de Col.). Mais comment ont-ils pu ignorer à quoi ils s’ex- 
posaient par leur attentat? Certainement il ne suffit pas ici d'évoquer le thème folklo- 
rique du « diable attrapé », ni de recourir au mythe de f'Ascension d'Isaïe et de 
beaucoup de gnostiques {v. Dibelius, « Geïisterwelt ») dans lequel le Christ, en des- 
cendant du ciel sur la terre, cache sa dignité divine aux Puissances angéliques gar- 
diennes des sphères; l’Apôtre (contre Zietzmann) ne s'est pas servi de ce conte, même 
dans un but pédagogique. Il faut comprendre son idée comme saint Thomas : les 
démons (ainsi que beaucoup de leurs suppôts humains, dans leur mauvaise foi) 
voyaient bien que Jésus était un être extraordinaire, celui qui réalisait les prophéties 
messianiques en sa personne, mais ils ignoraïient le mystère de l'Incarnation, et ne 
comprenaient pas, avant l'événement qui les a surpris, et a déjoué tous leurs calculs, 
dans quelle plénitude de sens il se disait « Fils de Dieu ». Ils croyaient bien attenter 
à un prophète, au plus grand des prophètes et des hommes, mais sans savoir encore 
qu'ils s’attaquaient à l'Invincible en personne, qui fait tourner tout ce qui arrive, même 
les triomphes les plus insolents du mal, à la réalisation de ses plans de miséricorde 
et de justice. — Voilà comme il faut répondre à Bachmann, à Rob.-PI., et à tous 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, 11, 10-14. 43 


n'a vues, et qu'oreille n’a entendues », et qui n’ont pas monté au cœur 
de l’homme, « que Dieu a préparées à ceux qui l’aiment ». 10. À nous 
en effet Dieu [l’] a révélée par l'Esprit. Car l'Esprit scrute toutes choses, 
même les profondeurs de Dieu. 11. Qui, en effet, des hommes, sait Les 


ceux qui objectent que les Anges mauvais connaissaient Ja dignité de Jésus; Dieu ne 
leur avait pas livré ses plans. 

C'est naturellement ici que Delafosse peut triompher avec son interprétation mar- 
cionite ; mais les « Archontes » ne sont pas le Dieu créateur et ses Anges, ce ne sont 
que les esprits damnés et les hommes qui leur obéissent (1). LL 

—— A, 9. Au lieu de 6ox (A, B, I Clem. 34,) on trouve aussi la leçon &, que 
choisissent Tischendor/f, Soden, J. Weiss, maïs qui peut être une simple assimilation 
au membre précédent; 604, contre J. Weiss, ne fait aucune difficulté de grammaire 
ni de construction. | 

Tout ce verset peut et doit être considéré comme une apposition au v. 7, soit à 
coiav, dont il donne l'objet, le contenu, soit à ddEav qu&v, qu'il explique. ’AM4 pour- 
rait être une répétition oratoire du premier mot du v. 7, ou continuer odûets.….. £yvwuev, 
marquant la transcendance du contenu de la « Sagesse » chrétienne par rapport à la 
science des « archontes » et à toute science naturelle. Ka0àx yéypartar est une paren- 
thèse. | 

“A ôplaluds TA, jusqu'à #xoucev, est donc à notre avis — malgré la dureté de la 
construction troublée par la parenthèse — régime de Axhoûuev et apposition à #v, à 
coplav Üeoë, comme objet et contenu de cette sagesse. Nous n'y voyons pas, avec 
Bachmann (qui est obligé de préférer d à yèp au v. 10, v. infra), le premier membre 
d'une phrase dont le second serait futv yap [dè] ämexthubev. — L'Apôtre a certainement 
voulu faire une citation canonique, et xaûs yéyoantat ne peut être pris dans un autre 
sens; mais elle est difficile à retrouver exactement. Il y a intercalé, comme glose 
personnelle, pour l'ampleur oratoire, les mots xai Ent zapâlar &vp. oùx dvé6n. Quant 
aux deux autres membres, ce doit être une citation libre et résumée d’Zsaïe Lxiv, 4 
dans les LXX (héb. 8) : &xô voë aiéivos odx roboauey oddè oi dplakuot quëiv etdov Debv rAñv 
ooù xat Tà Épya cou à nowoeus vots bropévouotv ÉÂcov. Cet emprunt approximatif à Isaïe 
serait quelque peu confirmé si les mots ënt tv #. av. o. «v. étaient eux aussi une 
réminiscence littéraire du même prophète, zxv, 47 : Éotat yèp 6 oûpavôs zatvôs xai à Y 
tou, za 08 ph uvnolüoiv T@v mpotépuv, oùd’ où uÀ ëx7l0e aûrdy ënt Ty xaodtar (Rob.-PI., 
Bachmann). 1 faut sans doute reconnaître que la teneur littérale est bien éloignée, 
pourtant c'est l'opinion qui nous satisfait le mieux. Elle est celle de s. /érôme 
(v. infra) « ad Pammachium », ep. 57, 9, qu'ont suivi Osiander, Neander, Godet, 
Hofmann, Cornely, Rob.-Pl., Bachmann, Sales, Lemonnyer [deux textes d'Isaie), 
Strack-Billerbeck, Loisy même, qui renvoie simplement à Js. Lxiv, 3 [4]. D’autres 
opinions anciennes catholiques, toujours dans la même ligne scripturaire, peuvent 
être mentionnées; ainsi s. Ephrem a pensé à Mat. xm, 17 : « Beaucoup de pro- 
phètes ont désiré voir ce que vous voyez, etc. », rapport certainement bien plus loin- 
tain; Chrys. proposait comme source soit quelque livre prophétique détruit lors de la 
ruine de Jérusalem par les Chaldéens (en se référant à IL ChAron. xxxvi, 18-s.), soit 
Is. Lu, 15 : of oùx àvnyyéAn mot aûroë ddovrar, aa o! obx &xnxbact auvfoouar. On a pensé 
aussi à Æccli 1, 9 : éyopfynoev adrv (thv ooplav) vois ayarüoiv atév, combiné avec plu- 
sieurs passages d'isaïie dans une anthologie scripturaire (Vollmer, « Die alttes- 
tamentlichen Citate bei Paulus » : d'après Bachmann). À partir de Clem. Rom. 


(1) Les curieux connaissent la fantaisie de Gouchoud sur ce passage : les Archontes 
célestes crucifiant (au ciel) le Christ (céleste), avant la création. 


4 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, 11, 6-16. 


s) 3 ’ \ 2 ’ 9 Ê NS ee ? ‘Fr \ 3 3 1e 
oidey avOpuTruwy Ta TOU a0owrov, Et bn To NWYEU VU. zoÙ ayDpwTou TO EYV QAUTU) ns 
A] 


oÙtug nai Ta Toù Üeoÿ obdelc ÉVyunev, et ph To mvedma voù Oeob. 


(I Clem. xxxiv, 8 : seulement Üox froiuacev toïs bropévouotv adtév, au lieu üox ht. 6 Oeds 
toïs dyax. aûtov), beaucoup d’anciens auteurs ecclésiastiques, et d’apocryphes, de 
gnostiques jusqu'à la Pistis Sophia et aux « Liturgies mandéennes », ont donné le 
même texte, ou des textes proches, généralement comme de l'Écriture; il n’est pas 
toujours établi qu’ils l’aient emprunté à Paul, ce qui pourrait donner quelque proba- 
bilité à l'opinion de Vollmer (v. Bachmann, p. 126, n. 3). 

D'autre part, Resch a pensé à un « agraphon »; Grotius évoquait rabbins et vieilles 
traditions. Mais l'opinion qui a eu le plus de retentissement dans la critique est celle 
d'Origène (comm. à Mat. xxvni, 9). Le docteur alexandrin, après avoir hésité (Catena) 
entre Is. Lu, 15, et quelque écriture perdue, se prononce enfin ainsi : « Zn nullo enim 
regulari libro hoc positum invenitur, nisi in Secretis Eliae prophetae ». S. Jérôme 
{in Zs. Lx1v, 4 cfr. ep. 57), note que le texte de Paul se lit encore dans l'Apocalypse 
d'Élie et l'Ascension d'Isaïe, (4sc. Is. xt, 34, partie chrétienne, texte latin, éd. 
Dillmann); mais il se prononce pour Zs. zxrv, 4. L'opinion d’Origène, — dont nous ne 
pouvons plus vérifier la cause, — a été suivie par Æuthalius, l'Ambrosiaster, et beau- 
coup de modernes, Bleek, Meyer, Heinrici, Schmiedel, al.; J. Weiss n'aurait rien à 
objecter contre un apocryphe. 

La question n’est pas très claire. Il semble pourtant indiscutable que Paul a voulu 
citer les Écritures (240; yéypantæ); si l'on dit qu'il pouvait prendre comme inspiré 
un apocryphe, pareille opinion, outre sa difficulté doctrinale, ne peut s'appuyer sur 
aucun autre exemple; car le texte d'Eph. v, 14 : Éyeupe 6 2a0ebdmv, «té (avec dio Aéyer} 
semble plutôt un fragment d'hymne chrétienne primitive, répandue dans les églises 
d'Asie, après avoir été produite sans doute par l'inspiration charismatique d’un 
« prophète », et d'après les Écritures. Encore moins invoquera-t-on l'exemple de 
« Jannès et Jambrès » de II Tim. 11, 8, personnages d’une légende populaire et d'un 
livre apocryphe sur Ærode vn, 11, 22, qui ne sont pas dits empruntés à l'Ecriture. 
Nous croyons donc plus scientifique de nous en tenir à l'opinion de saint Jérôme; 
Paul a pu donner le sens de diverses prophéties, exprimées dans Isaïe spécialement; 
de la même manière, par exemple, que $. Mathieu (Mat. 1, 23) attribue aux « Pro- 
phètes », (avec une approximation moins stricte encore, qui est plutôt une interpré- 
tation, une application quoad sensum) la prédiction que Jésus serait traité de 
« Nazaréen ». 

B. 9. Les « parfaits » s'entreliennent donc entre eux-de choses qui sont invisibles, 
ivaudibles, incogitables même pour toutes les facultés nalurelles non élargies par la 
grâce, mais que Dieu a préparées comme récompense de l'amour qu'on a pour Lui. 
Le texte d’Isaïe qui est la source {au moins probable) de ces belles expressions 
pouvait être interprété déjà couramment, au temps de Paul, des joies promises dans 
le « moude futur » (qui suivra les « jours du Messie » ; voir Sérack-Billerbeck, pp. 328- 
829, les opinions des rabbins, depuis R. Khiya ben Abba, rapportant un dire de 
R. Jokhanan, mort en 279, &r. Sanh. 99, lequel devait reproduire une opinion bien 
plus ancienne). Il s’agit donc du bonheur céleste, de la rédemption parfaitement con- 
sommée; mais aussi des moyens mystérieux de miséricorde, inaccessibles en soi aux 
spéculations des hommes ou des esprits, par lesquels Dieu y conduit les fidèles, 
l'Incarnation, la Croix. C'est donc à la fois la grâce et la gloire (Cornely Tous- 
saint, al..). Théophylacte dit fort justement : « Qu'a préparé Dieu à ceux qui l’aiment? 
La connaissance du Christ, et le salut par l’Incarnation ». C’est bien là tout saint 
Paul. Les « parfaits » savourent déjà plus que les autres, dans leur « sagesse » 
et dans la mesure où ils aiment, ce plan admirable, et la gloire commencée, et la 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, II, 11. 45 


choses de l’homme, si ce n'est l'esprit de l’homme qui est en lui? de 
même aussi les choses de Dieu nul ne les reconnait, si ce n’est l’esprit 
de Dieu. 


« 


béatitude finale dont ils ont déjà un avant-goût, — puisque dès à présent ces 
choses sont dévoilées (v. suivant), assez pour que Les « parfaits » sachent en converser. 
À. 10. Ce verset commence une phrase et un développement nouveaux, car 
il faut plutôt lire yép après fui, avec B, 87, al., sak., boh., toute la tradition alexan- 
drine, et non pas dé, quoique Weymouth, Tischendorf, Vogels, Bachmann, etc., pré- 
fèrent cette dernière particule; il est vrai qu'ils ont pour eux N, À, C, D, E,F, al, 


vulg., syr., arm., eth. Aussi ne sommes-nous pas trop assuré. — airoë ajouté après 
mvebuatos D, E, al. — éoauv&v, pour éseuvév, forme alexandrine attestée dans les papy- 


rus, se retrouve Apoc. nu, 23; et (peut-être) Jok. v, 39 et vu, 52, d'après K et B. 

B. 10. Après avoir parlé de la « Sagesse » en elle-même, Paul passe à la commu- 
nication de cette sagesse faite aux hommes par l'Esprit de Dieu. La pensée, après 
une digression très naturelle, rejoint donc le v. 6 « oopilav BE Axlobpev êv rots teAelots » 
Ils ont pouvoir d'en parler, car elle leur a été révélée surnaturellement. 

L'interprétation des vv. 10-18 présente cependant quelque difficulté, parce qu'il 
n'apparaît point, par les termes eux-mêmes, de quelle « sagesse » ou de quel degré 
de sagesse il s’agit ici précisément. Serait-ce uniquement celle qui fait le sujet des 
entretiens réservés aux tékao:? ou bien tout l’ensemble de la révélation commune? 
Nous croyons qu'il faut y voir tout l’enseignement du christianisme, c.a.d. les mystères 
de la grâce et de la gloire dont il était question au verset immédiatement précédent. 
Ainsi le uiv du v. 10, le ue et le fuiv du v. 12 représentent tous les fidèles; ce 
n'est qu'au v. 13, avec Aalobuev, que Paul reviendra à la catégorie spéciale des « par- 
faits », ceux qui savent « parler » de ces biens spirituels. C’est parce que cette 
distinction n’est pas mise en relief d’une façon tranchée, que Chrysostome et d'autres 
Grecs ont pu commettre l'erreur d'identifier les véketor à la masse des croyants 
(v. supra, au v. 6). 

La révélation des secrets du salut a bien été donnée, en effet, à tous les croyants, 
« par l'Esprit »; c’est-à-dire que l’Esprit-Saint — sans l'opération duquel nul ne 
peut dire avec foi : « Jésus est Seigneur », voir infra, xu, 8 — leur a fait compren- 
dre la vérité et la portée des récits évangéliques sur « Jésus-Chrit, et celui-ci 
crucifié » (v. 2). Ainsi le Christ disait aux disciples, dans l'Évangile de saint Jean : 
« L'Esprit-Saint.… vous enseignera toutes choses, et vous remettra en mémoire tout 
ce que moi je vous ai dit » (Joan. xiv, 26, cfr. xv, 26 et xv1, 13); Paul, ayant reçu cet 
Esprit, avait préché à tous les Corinthiens « dans la puissance de l'Esprit » (supra, 
v. 4), Il ne s'agit donc pas ici proprement ni premièrement des révélations charisma- 
tiques dont traitent les chap. x11 et suivants. 

Que cet « esprit » soit le Saint-Esprit personnel, il n’y a pas à en douter, d'après 
la théologie générale de l’Apôtre (voir spécialement le comm. de x11, 4-14, infra, et 
Exec, v). Mais on ne pourrait encore l’établir par le seul verset présent, où 
l'Esprit n'est présenté, d'abord que comme l'intermédiaire par lequel se fait la com- 
munication de la Sagesse, et ensuite si l'on rapproche 10bc de 41, comme un principe 
intérieur de connaissance en Dieu lui-même. (D'où l'addition de adroÿ à rwebuaros en 
certains témoins, supra). Voir le commentaire du verset suivant. 

Cet esprit « scrute toutes choses jusqu'aux profondeurs de Dieu », c'est-à- 
dire que ce principe de connaissance est adéquat à toute l'essence divine, par consé- 
quent il est Dieu. Il s’agit bien de l'opération propre de cet esprit, comme le prouve 
le v. 41, et non pas seulement de la communication qui en est faite aux hommes, 
Comme s'il y avait « serutatur » pour « scrutari facit » {de même que « gemit », 


46 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, 1, 6-16. 
19. ‘Husic dE où xd mvedma Toù xôouou ÉAdbomev, QAAX Td nvEbpa Td EX Toù Oeob, 
G = e " - £ - a = " 
iva elduev Ta dro voù Oeoù yaprobévræ uiv. 13. À za Aakodmev, oùx év idaxtots 
! * > * " 
avBpurivns coplas Adyots, XX’ Ev “Adaxtois TVEULATOS, “RYEUMATILOÏS TVEUHLATIAG 


« postulat » de Rom. vin), ainsi que le voudrait Cornely, avec la Glose ordinaire, 
Estius, De Wette, al. 

L'Excursus montrera que cette communication de l'Esprit aux fidèles ne ressortit 
d'aucune théorie des intermédiaires, à la Philon, ni d'aucun panthéisme émanatiste. 

—— A, 11. oidev au lieu de éyvwuev, dans L, par conformation au premier membre, 
oîda signifie, comme nous l'avons dif, « connaître jusqu’à pénétrer », et yryvésxw 
« connaître » au sens de « reconnaître », « discerner ». Il y a là une fine nuance; 
l'homme peut « pénétrer » ce qui est en lui, mais nul, hormis l'intelligence divine, 
n'est capable même simplement de « discerner » ce qui est en Dieu. 

B. 11. Paul explique par une comparaison comment l'« Esprit » seul peut con- 
naître les profondeurs des desseins de Dieu, et par conséquent les révéler aux 
croyants, Les secrets cachés dans le cœur d’un homme, d'un simple homme, ne sont 
accessibles qu'à sa propre intelligence, et pas à celle des autres hommes; de même, 
les choses intimes de Dieu — comme son plan éternel de salut — sont, en soi, 
inconnues à quelque être que ce soit, si ce n’est à l'intelligence divine. C'est un 
argument a fortiori. 

Ce verset a été donné comme un passage classique pour prouver la divinité du 
Saint-Esprit /Rob.-Pl, ali); et cela très justement. (V. supra, à 10). Mais il n’en 
établit pas encore la personnalité distincte; car ici nveüu« peut vouloir dire simple- 
ment la conscience divine. 

C'est d’ailleurs ce qu'il faut remarquer avec soin pour des discussions ultérieures 
(v. Exc. v et chapp. xu-xiv). Ici, tant chez l'homme que chez Dieu, le mot nveëua 
est équivalent à voÿs, « intellect », et, pourrait-on dire, /chez l'homme), à guy#. Car, 
dans |a comparaison, cet « esprit » de l’homme qui connaît les secrets de l’homme 
n'est que son âme naturellement intelligente, et le mot xveëue n’a donc encore, en.ce 
premier membre de la phrase, aucun sens mystique ou religieux. Id. Lietsmann. 

À. 12. cidGuev, subjonctif de otÿa, à prendre ici dans toute sa force de signi- 
fication {v. supra) — Ô£ marque la reprise de l’idée — «or ». 

B. 12. L’Apôtre, après sa digression sur la puissance de l'Esprit, revient à l’idée 
exprimée au v. 10 :'« Dieu nous l’a révélé par l'Esprit ». Nous, c'est-à-dire tous les 
croyants, tous les baptisés, nous avons reçu — ajouté à notre intellect 
naturel, (non « substitué », contre Reitzenstein, v. Exc. v) — un « esprit » qui n'est 
pas de l’ordre des choses naturelles, qui n'est pas « l'esprit du monde », cet esprit 
encore si actif, malheureusement, chez les Corinthiens, maïs +d rveüua vo x voë 0eoë, 
« l'esprit qui est de Dieu », « qui vient de Dieu ». La particule &: marquant une 
dérivation, il nous paraît difficile d'entendre ces mots, in recto, du Saint-Esprit per- 
sonnel, comme pour Cornely, Gutjahr; c'est plutôt le don divin, la grâce qui trans- 
. forme l'âme et illumine l'intelligence. Il est vrai, Paul l'enseigne ailleurs, que le Saint- 
Esprit réside dans les âmes justifiées, et que « la Personne est dans le don » (Rob.-P1.); 
mais si l'on voulait trop presser ici cette idée de l'habitation en nous d’un étre 
personnel, on serait tenté, à cause du parallélisme, d'entendre « l'esprit du monde » 
au sens de « Diable » comme y incline J. Weïss, et n'a pas hésité à le faire 
Cornely ; mais pareille interprétation paraît fort exagérée, Gutjahr n’a pas tort d'y 
objecter que ce n’est point le démon qui est la source de la sagesse naturelle; 
quoiqu'il ait bien réussi à l'égarer et à l'obnubiler dans la nature déchue; Paul 
admettait une vraie sagesse naturelle {v. 1, 21 et Rom. 1, 20-s.), tout en proclamant, 
dans ces chapitres notamment, à quel triste point elle est insuffisante. 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, II, 12-13. 47 


12. Pour nous, ce n’est pas l'esprit du monde que nous avons reçu, 
mais l’esprit qui est de Dieu, afin que connaissions bien ce dont Dieu 
nous à gratifiés. 13. Choses dont aussi nous parlons, non en [paroles] apprises 
d'humaine sagesse, mais en [paroles] apprises de l’Esprit, montrant l’accord 


+ 


L'effusion de cet esprit qui de Dieu passe en l’homme doit mettre tous les croyants 

en état de bien connaître et apprécier (stdüuev) la valeur de tout ce que Dieu leur a 
accordé pour leur salut (rù yapiolévra fuiv). Il ne s’agit pas de l'octroi des grâces 
essentielles, extérieures ou intérieures (celles-ci venant pourtant du Saint-Esprit), . 
mais de la conscience, de la connaissance que cet esprit doit nous en faire prendre. 
Les Corinthiens, puisqu'ils sont rachetés et possèdent La grâce divine, ont bien 
sans doute un rudiment de cette connaissance; mais leur conduite montre, hélas! 
qu'ils ne l'ont pas poussée très Loin. L'Apôtre pense, en leur écrivant ces lignes : 
« Ah! s'ils connaissaient mieux le don de Dieu! », sa nature et ses exigences! Mais 
une juste appréciation spirituelle n'appartient qu'aux « parfaits »; et on va bientôt 
leur dire qu'ils ne le sont guère. 
A 18. rveuparuüx se rencontre B, 17, au lieu de xveunaritoïs ; l'adjectif est 
certainement la bonne lecture; mais la grosse question surgit de savoir si c’est un 
neutre ou un masculin. Pour le masculin, { « les hommes spirituels ») se prononcent 
les anciens Latins, Ambr', Pélage, et à leur suite s. Thomas, Lyr., Estius, Gübel, 
Heinrici,Godet, J. Weiss, Gutjahr, Loisy; Sickenberger le préfère également; mais 
le neutre (doctrines ou formules « spirituelles ») a pour lui l'autorité des Grecs, et la 
plupart des. modernes, Cornely, Lightfoot, B. Weiss, Bachmann, Reitsenstein (« Helle- 
nist. Mysterienrel. »), Sales, Lemonnyer, Callan, qui tous le jugent ou certain ou 
plus probable. Le solution dépend en partie du sens qu'il faut donner à ovyzpivetv. 
Ce verbe signifie d'abord « comparer », « égaler », chez Aristote, Polybe, Diodore de 
Sicile, Denys d'Halicarnasse, Epictète, Ptutarque, Philon, Josèphe, etc.; mais il veut 
dire aussi « composer », « réunir », « combiner », depuis Æpicharme, et chez Platon, 
Aristote, ou « interpréter » (interp. les songes, Gen. x1, 8, 6, 22, al; sens que Théo- 
dore de Mopsueste rejelte expressément pour notre passage, Sévérien Cat. 46, 10 suiv., 
v. Lietzmann). Gutjahr propose « relier » (verbinden). 

L'embarras de choisir est assez grand; Rob.-Pl, et d’autres ne se prononcent pas. 
Paul, en effet, aurait pu vouloir dire : « Nous comparons données spirituelles à 
données spirituelles » (ainsi à peu près Reïtsenstein, Bachmann, Liet:mann) ou « nous 
expliquons, interprétons, le spirituel par Le spirituel », aussi bien que : « pour les 
hommes spirituels nous interprétons les choses spirituelles », ou « nous faisons voir 
aux hommes spirituels le bien, l'harmonie, des choses spirituelles ». Mais la portée 
générale de toute cette péricope, qui tend à distinguer suivant leurs dispositions plus 
ou moins « spirituelles » deux catégories de chrétiens (non quant à la croyance objec- 
tive, mais quant à la perfection subjective de cette croyance), et l'identité qui en 
ressort entre les nvevuatuoi et les tékeo aux privilèges desquels tout le morceau est 
consacré, nous font incliner à la deuxième interprétation, qui, ainsi que le note 
Sickenberger, va mieux au contexte général; elle met plus d'unité dans la pensée. 
Nous croirions donc (comme Gutjahr) que Paul veut parler d’une synthèse appro- 
fondie (ouyapivev : verbinden) de tout l'enseignement chrétien, opérée à la lumière de 
l'Esprit, mais accessible aux seuls parfaits, ou « pneumatiques ». 

Si l'on tient à faire nveunatuaots neutre, alors il n’y aurait là qu'une justification ou 
une explication des mots précédents : èv Gidantois nvebuatos, et la distinction des 
croyants (que Paul a pourtant bien l'intention de mettre en plein jour) ne serait pas 
encore impliquée dans ce verset: l’'Apôtre appuierait seulement sur cette idée (con- 


48 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, I, 6-16. 


“ouyuptvovres. 14. Tuyxds dE dvOpwros où déyerar Ta To mvelmatos +00 0eod. 
Mupia yap abro éotiv, at où düvarar Yvüvar, Ott mveuparumüs avaxpiverar. 15. ‘O 


Ps 


tenue déjà dans ëv daxvoïs rvebuaros), que l'enseignement spirituel exige un langage 

spécial, des formules spirituelles aussi, qui y soient adéquates et que l'Esprit suggère ; 

ce n’est que plus bas, au ch. m, 4, après avoir parlé des « psychiques », que Paul 

envisagerait l’impuissance actuelle des « Corinthiens moyens » à saisir ce langage. 

C’est fort possible, évidemment; mais le verset aurait l'air plus abstrait, et son adap- 

tation au but concret de cette apologie, ou controverse, ou réprimande en serait quelque : 
. peu affaiblie. 

B. 18. Non seulement l'Esprit de Dieu doit procurer une juste appréciation intel- 
lectuelle des dons reçus (lva eidäuev 1à yaprolévra), mais il enseigne un langage 
capable d’en exprimer la valeur. C’est un degré encore plus élevé de son action; 
(ô #at Aukodyev : « nous allons jusqu’à savoir en converser »). Paul ne pense évidem- 
ment ici qu'à un privilège des tél, les seuls à même de se livrer à de pareils 
entretiens (v. 6); mais comme il écrit Aaloëwev simplement (sans ajouter encore 
aucune expression qui restreindrait le sujet, comme par exemple ueîe où véhetor), il 
présente peut-être ici cette faculté d’élocution spirituelle comme un don fait à la 
communauté des fidèles, en général, sans préciser encore qui sont ceux qui peuvent 
l'exercer, — l'exercer, en fin de compte, pour le profit de tous. C'est comme si ce don 
de savoir exprimer les plus profonds secrets révélés par Dieu était le point d'aboutis- 
sement normal en soi des enseignements donnés par l'Esprit à nos esprits; ce qui 
montre bien qu'il ne s’agit pas principalement de charismes extraordinaires, prophé- 
ties, glossolalies, etc. Le sens est : « IL nous est même donné de savoir en parler; 
mais ce n’est pas dans les termes. de cette sagesse profane que vous ambitionnez, 
c'est avec une terminologie qui s'apprend, sans doute, mais non près des philosophes 
et des rhéteurs; le « Maître » qui l'enseigne aux « spirituels », c'est l'Esprit ». 
Il s’agit d’une « théologie », si l'on veut, mais d'une théologie inspirée jusque dans 
la forme, comme Paul nous en a fourni lui-même, en cette lettre et ailleurs, plus 
d'un frappant spécimen (v. Exc. v). Le charisme de Adyos covlas (v. infra) peut 
répondre à La forme la plus haute de cet enseignement qui est systématique et trans- 
missible, quoique purement surnaturel dans sa source. 

———— À, 14. où Üeoù manque 2, 61, pes. — ävaxpivw, « questionner » (au sens 
courant et au sens juridique), prend, ici et au verset suivant, le sens également usuel 
de « examiner », « apprécier avec compétence. » 

B. 14. Aïnsi il y a une sagesse qui saisit le sens profond des dons de Dieu, une 
sagesse qui s’est même, sous l'influence de l'Esprit, créé son langage à elle, langage 
dont Paul, les Apôtres et quelques autres au moins, savent se servir. Mais il est une 
trop nombreuse catégorie d'hommes qui ne peut rien y comprendre : «les psychi- 
ques », l’« animalis homo » de la Vulgate. Cela ne leur paraîtra jamais que 
« folie » (cfr. 1, 18, 23), parce qu'ils manquent de la faculté spirit uelle qu’il faut avoir 
pour juger des choses de l'Esprit. 

Qui sont ces « psychiques »? Le mot à lui seul les désigne comme des individus 
caractérisés par l'opération de leur guy, et par rien d'autre. C'est-à-dire qu'ils ne 
concçoivent et ne recherchent d’autres connaissances que celles qui sont accessibles à 
leur raison naturelle; ils ignorent ou dédaignent celles que fournit l'Esprit de Dieu, 
Ils s'opposent aux « pneumatiques » que cet Esprit éclaire. Pour eux la Croix, et 
tout l’enseignement qui en sort, n’est que « sottise ». Les « hommes animaux » ne 
sont donc pas les croyants, même imparfaits, car ceux-ci sont tous « spirituels » à 
des degrés variables; ce sont tous les incrédules, y compris les « sages de ce 
monde ». 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, I, 14-15. 49 


des choses spirituelles pour des spirituels. 14. Quant à l'homme psy- 
chique, il ne reçoit pas les choses de l'esprit de Dieu; pour lui c'est ineptie, 
et il ne peut s’y connaitre, parce que c’est spirituellement qu'on en juge. 
15. Mais le spirituel juge de toutes choses, et lui-même n'est jugé par 


Dans l'Excursus, nous approfondirons ces notions davantage. Qu'il nous suffise 

d'indiquer déjà, contre les théories récentes de Reitzsenstein et d'autres, que la duy# 
et le rveüua ne sont nullement deux principes dont l’un exclurait l’autre, comme si, à 
l'arrivée du zrvedua, la dux4 était chassée pour lui faire place. Saint Paul est très 
éloigné de cette conception qui fut peut-être en vogue dans certaine gnose païenne. 
Pour lui, la duyx et le rveëue coexistent toujours chez les régénérés; le second est 
venu seulement informer et surnaturaliser la première, non la remplacer ; et ceux qui 
l'ont reçu sont dénommés « spirituels » non parce qu'ils n'auraient plus l’âme qui les 
animait quand ils étaient « psychiques » seulement, mais en raison du principe . 
supérieur qui désormais gouverne cette âme. Il y a là deux mystiques absolument 
différentes : l’une dérivée du panthéisme, l’autre du monothéisme d'Israël, perfectionné 
par l'Évangile. . 
À mesure qu'on avance dans la lecture de ce$ pages croît l'admiration pour la 
hardiesse de Paul, qui maintenant, à ces gens épris de supériorité intellectuelle, 
présente tous les arguments qu'on peut opposer à la foi apostolique comme le 
résultat de la misère humaine, d’une indigence mentale, d’un arrêt dans la marche 
à la connaissance. 

—— B. 15. Le « pneumatique » peut juger de toutes choses, car il n’est nulle- 
ment privé des lumières naturelles de la buy, et, considérant choses et événements de 
plus haut, à la clarté de l'Esprit, il en perçoit mieux les proportions et les rapports, 
— au moins quand il s’agit des choses de la religion et de La conscience. Lui, par 
contre, « n'est jugé par personne », c’est-à-dire par aucun des « psychiques » 
(Bachmann, al.), pour tout ce qui est de son domaine propre, où les psychiques sont 
totalement incompétents, jusqu'à n'en pas même reconnaître l'existence, Les com- 
mentateurs aiment à citer à ce propos l’excellente comparaison de s. Chrysostome : 
« Celui qui voit, peut voir tout, même ce qui se rapporte à l'aveugle ; mais ce qui se 
rapporte au voyant, cela aucun aveugle ne Le voit. » 

Il serait tout à fait abusif de conclure que, selon Paul, tout « homme spirituel » 
est au-dessus de toute critique. Outre qu'il n'est ici question que des connaïssances 
religieuses et morales, le spirituel, même en cet ordre-là, est toujours soumis au 
jugement de ses pairs et tout d'abord à la règle de la foi commune; nous verrons, 
au chapitre des charismes, comment l'Apôtre entend que l’on traite les « inspirés »; 
cet homme d'ordre et d'autorité n’est pas l'initiateur de la « conception prophétique » 
de l'Eglise, chère aujourd’hui à bien des protestants. Nous le démontrerons en son lieu. 
S. Paul, si inspiré qu'il fût lui-même, se croyait tenu par la’ tradition » qui était 
celle de tout le groupe des apôtres, et remontait au seul maître indépendant, au 
Christ. Il ne faut pas exagérer l'« individualisme » du converti de Damas, ni arguer 
de ce passage contre l'autorité ecclésiastique. 

—— À. 16. Au lieu de Xototoë, on lit xvptou B, D*, F, G, a, Aug., Ambr'; mais ce 
doit être une assimilation à la citation qui précède, et qui est d'Zsaie, x1, littéralement 
d'après les LXX; par exception voëv y traduit n11, Le mot ouu6tdtw, « rapprocher », 
«ajuster », (de éd « faire aller » et oév) Hérodote, Thucydide, Platon, cfr. Eph., 
iv, 46 et Col. u, 2, 19, signifie au figuré « réconcilier » ou « amener à un arrange- 
ment »; il s'emploie au sens diplomatique ou dialectique, et se lit fréquemment dans 

ÉPITRE AUX CORINTHIENS. Le 


50 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, I, 6-16. 


Sè mveupariadc Gvaxolver dèv mévra, œbrèc D Dm obdevoc avaxoiverar, 16. « Tic 
6 
yap Éyvw “voÿv xuplou, dc aumbtbdoe abrov; » mueis DÈ voëv Xpuoroë Éyomev, 


la Rhétorique ou les Topiques d'Aristote. — Loisy traduit assez bien par « en 
remontrer ». 

B. 16. Personne ne peut en remontrer à l'intelligence de Dieu, comme le déclare 
Isaïe, ni discuter avec lui pour l’amener à composition, ni lui imposer des compro- 
mis; or les Apôtres, et les « spirituels » en général, possèdent, communiqué par 
l'Esprit de Dieu, le sens (vulg. : sensum), le « jugement » du Christ lui-même. 
Qu'est-ce que les autres, les « psychiques », pourraient dresser en face qui compte 
tant soit peu? 

Très important nous paraît ce verset pour bien comprendre la doctrine générale de 

Paul sur la connaissance surnaturelle et l'expression que les hommes peuvent lui 
donner. Il faut bien remarquer qu'il emploie ici le mot voës et non rveïue — quand 
nvedua, dit J. Weiss, eût pourtant été plus commode. Oui, si Paul n'avait pas voulu 
exprimer quelque chose de nouveau, que les versets précédents n'avaient pas encore 
dit, ou du moins pas encore mis en relief. Nous verrons ailleurs (Exc. v et ch. xiv) 
quelle est la distinction, chez Paul, du voës et du nvsëua humains. Anticipant nos 
conclusions, nous jugeons que, dans le présent passage, l’auteur montre l’origine 
de ces « termes didactiques » (supra, v. 13) enseignés par l'Esprit, dont se 
servent les pneumatiques, ou les parfaits, pour « converser » (Askoüuev) entre eux 
de sagesse, et que l’« homme animal » n’a aucune compétence pour critiquer. Le 
« système » — car on peut l'appeler ainsi — de la sagesse nouvelle s'inspire du « sens 
du Christ », des jugements qui existaient dans les facultés rationnelles de l’homme 
Jésus, et pouvaient se rendre en langage humain pour expliquer les plus hautes 
expériences données par l'Esprit. Car le: Christ vit en eux, et leur communique sa 
science, dans le mode humain. Ce n’est pas une science de philosophes et de rhé- 
teurs, comme celle qui peut sortir du vois des « psychiques », mais elle est expri- 
mable quand même — à la différence de certaines intuitions mystiques, cfr p. ex. 
IT Cor. xu, 4 — en termes du langage humain; donc elle peut se communiquer par 
enseignement. La possède et peut en parler à autrui celui qui a « le don de sagesse » 
.(v. S, Thomas), et surtout ces charismes qui sont le Adyos oopius, « le langage de 
sagesse », et « le langage de science » yvüoews (v. infra, xut, 8). 
. Nous devons nous rappeler, en effet, le but de l’auteur en tout ce passage : il veut, 
pour faire honte aux Corinthiens de leur médiocre ambition de « sagesse » encore à 
moité profane, leur montrer qu'il est une plus haute sagesse qu'on leur enseignerait 
. S'ils en étaient dignes. C’est donc un enseignement lié, fruit du voës, qui interprète 
rationnellement révélations et intuitions; un enseignement qui se trouvait à l'état 
parfait dans la raison discursive du Christ et dont les croyants, de par leur union à 
Lui, participent; c'est un système de pensées qui sont disiinctes, au moins quant au 
mode intellectuel, des illuminations intermittentes, et souvent indicibles, du Pneuma ; 
car le Noùs discerne, classe, ordonne, et cela il peut le faire sûrement et divinement. 
quand il est conforme au Noûs du Christ. 

Si l'on objecte que le mot voëv était déjà dans les LXX et quo Paul n'a fait que 
copier ceux-ci sans réflexion spéciale, nous pouvons répondre que l'emploi de vois 
pour n1 était dans cette version grecque une anomalie; et que si Paul, qui prend 


facilement ses libertés avec Le texte des LXX, l'a transcrit ici à la lettre, quoique cela 
introduisit un terme nouveau dans son développement (et un terme qu'il oppose 
ailleurs à rveüpa, voir x1v, 44, 15, 19), il devait avoir un bon motif pour cela; chez lui, 
le choix des termes était toujours très conscient, il ne craint pas de les répéter 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, I, 16. 51 


personne. 16. « Qui en effet connaît l'entendement du Seigneur, pour lui 
faire La lecon »? Mais nous avons, nous, l’entendement du Christ. 


autant que lui semble l’exiger la clarté de sa pensée, et il ne juxtapose pas volon- 
tiers de simples synonymes, comme un rhéteur riche en mots et pauvre en idées. 

En fin de compte : certains Corinthiens font reproche à Paul de ne pas les avoir 
instruits d'une manière assez savante; illeur répond qu'il aurait pu le faire, qu’il l'aurait 
fait très volontiers même, laisse-t-il entendre, puisqu'ils ont reçu l'Esprit, et que la 
qualité de « spirituels » donne droït à recevoir pareil enseignement. Si seulement. 
car il y a un « si »! Et Paul, après cet exposé élevé et objectif, revient à la répri- 
mande. 


V. Cette « sagesse » des parfaits, Paul en a jugé les Corinthiens 
incapables (11, 1-4), 


Inrropucrion. Après ces beaux aperçus sur les profondeurs de l'enseignement chré- 
tien, qui ont dû exciter l'envie des lecteurs, Paul en revient au reproche que d'au- 
cuns faisaient à sa prédication commune, d'avoir été trop simple pour des auditeurs 
si épris de sagesse. Il ajoute une raison ad hominem — dure à entendre pour ces 
prétentieux — à la grande raison de principe du ». IT, & : si son enseignement est 
resté si humble, c'est que, en réalité, tous ces « sages » étaient incapables de s'en 
assimiler un autre, plus relevé. Ils montraient trop peu d'aptitude à devenir du pre- 
mier coup des « parfaits »; la triste preuve, c'est que, après plusieurs années de pro- 
fession chrétienne, ils font voir qu'ils ne le sont pas encore (dans la majorité), à 
beaucoup près. Ces versets montrent avec une parfaite netteté ce qu’il faut entendre 
par « parfait » dans le christianisme, et permettent donc d'interpréter sûrement la 
péricope précédente. 


Cu. 111, 1. Kéyw, &dehqoi, obx mouviônr haÂfoar duiv ds Tveupamuoïs, AN’ 
be “oaprivos, ds “vamlois Ev Xproro. 2. T'édo buac Emôriou, “où Bpüpa cbrw 
yap Édbvade. AXN ObdE Ere vüv Düvace. 3. "Ex yap “ouprinoi ëore. “Orou ya 


A. 4. oapxivors se lit B, N, À, C, D, etc., donc en des familles différentes; ailleurs 
il y a oapxuxoï, E, F, G, L, P, al, en général dans les textes récents; les Pères grecs 
sont partagés. Nous préférons l'adjectif cépxivos, non seulement parce qu'il se trouve à 
la fois dans B et D, mais à cause de son originalité et parce qu'il s'accorde très bien 
avec Le various qui suit immédiatement; capot lui aura été substitué comme plus 
commun. Zdpzivos, en effet, formé avec le suffixe -1vos des adjectifs désignant la matière 
dont une chose est faite (Abel, p. 114), signifie « fait de chair », « tout en chair », 
comme des poupons (= virios, « enfant en bas âge », mot dont nous avons forcé la 
traduction en « nourrisson », comme s'il y avait tpdouos, afin de faire mieux ressortir 
l'image). Zapxxds, par contre, est éthique et dynamique, il importe un blâme, et doit 
se rendre par « charnel », « soumis à la chair » quand on ne devrait pas l'être. Or, 
ce n'est point parce qu'un être a des instincts charnels qu'on le nourrira de lait. 
Bachmann explique très bien ce verset pittoresque. 

B. 1. Paul revient tout à coup, avec sa souplesse de grand orateur mouvementé, 
au sujet des versets 2-5, où il était question des conditions de sa parole, quand il 
commença d'évangéliser Corinthe; sorte d'apologie dans la forme, sérieuse répri- 
mande au fond. Le début de la phrase est encore le même : Käyé, « et moi ». « Et 
moi, je n'ai pas pu vous parler comme à des spirituels ». « Je n'ai pas pu! » on dirait 
une déception, ou des ménagements imposés contre son intention première ou ses 
désirs. C’est comme si sa pratique, de faire une simple catéchèse sur la Rédemp- 
tion, avait été moins moins volontaire chez lui que voulue par la Providence afin 
que la vertu de la Croix toute nue ressortit davantage {cfr. v. 5). En effet, nous 
savons bien que Paul n'était pas un homme à systèmes ; s’il avait trouvé des audi- 
teurs mieux disposés à comprendre, il n'aurait pas donné à tous indistinctement 
une instruction purement rudimentaire. La grâce de la régénération a sans doute 
fait de tous les baptisés des « pneumatiques », spirituels, à qui il eût fait volontiers 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, It, 1-3. 53 


comprendre toute la valeur du don accordé par Dieu (voir n. 12), car cela est le but 
normal de l’enseignement chrétien. Mais, comme « spirituels » ils avaient encore tant 
de chemin à faire, pour devenir des « spirituels » parfaits, rés! Au lieu de cela, 
la masse de ses convertis lui a paru formée de vrais bébés, au point de vue du 
développement moral (et aussi intellectuel), et qui devaient être traités en bébés 
encore à celui de la vie nouvelle intérieure. On voit ici très clairement que la 
qualité de nveuuaruxds (commune à tous ceux qui vivent, ne fût-ce qu'initialement, 
de l'Esprit), et celle de téketws, qui semblent s'équivaloir d'après l'opposition de ce 
verset (où rveuparirots est contraire à capzivous, vnxlots, dont l'opposé naturel est téketos, 
« adulté »), et dont l’équivalence est impliquée dans toute la péricope 1, 6-16, ne 
s'équivalent en réalité que en droit, en expectative. Parmi les régénérés, il y en à qui 
sont spirituellement des enfants, d'autres de grandes personnes. (Voir Exc. v). Nous 
trouverons du reste plus loin rvevparwés employé en un sens plus restreint et plus 
technique, celui de fidèles qui possèdent les charismes (ch. xn et suivants). 

Aux yeux de l'Apôtre, ses nouveaux auditeurs de Corinthe pouvaient faire contraste 
avec d'autres Hellènes qu'il avait connus, et près desquels il n'avait du reste 
trouvé qu’un succès modique. Aussi, comme on le voit aux versets 11, 4-4, il prit très. 
volontiers son parti de ne leur parler que d’une manière aussi simple : la puissance 
de la Croix, présentée comme un simple fait, sans aucune spéculation qui y préparät 
ou en adoucit l’austérité, le scandale, la folie, éclatait ainsi davantage. Et rien ne 


Cu. mr, 1. Et moi, frères, je n’ai pu vous parler comme à des spirituels, 
mais comme à des êtres encore tout en chair, comme à des nourrissons 
dans le Christ. 2. C'est de lait que je vous ai abreuvés, [ce n’était] pas les 
morceaux solides: car vous n’étiez pas encore capables. Mais à présent 
même vous n'êtes pas encore capables. 8. Encore, en effet, vous êtes 
charnels. Car, du moment qu'il y a en vous jalousie et discorde, n’est- 


convenait mieux à l'instinct profond du converti de Damas (voir Exc. II). Cependant 
l'incapacité relative des Corinthiens avait été une cause déterminante de cette simpli- 
fication de sa parole; et comme ils s’enorgueillissaient, et trouvaient là, quelques-uns, 
un grief contre Paul, qui ne les aurait pas traités selon le mérite de leur intelligence, 
il était juste de les amener à une modestie dont l'absence était la cause de leurs chi- 
canes peu charitables, " 

A. 2. Avant où fous, si ces mots ne constituent pas à eux seuls une courte 
phrase elliptique, il faudrait sous-entendre quelque verbe comme idomoa; ce serait 
la figure de langage appelée zeugma (Abel, p. 364 s.).— Pour l'image du « lait », cfr. 
Aeb. v, 12-138 et I Per. n, 2, 

B. 2. Ce fut donc une nécessité pour l'apôtre de leur donner l'Evangile sous la 
forme qui nécessitait pour être comprise le moins de culture intellectuelle et mys- 
tique : du « lait », le lait qui « fait grandir pour le salut », une fois que l'on a « goûté 
que le Seigneur est doux » (1 Per. 11, 2). Il ne faut d’ailleurs pas se tromper à cette. 
image, qui, d'après Heb. et Is Pet, devait être courante dans le langage paternel’ 
des apôtres. C'était déjà, sous la forme la plus facile à comprendre et à retenir, 
toute la substance de l'Évangile, les vérités surnaturelles les plus nobles et les plus 
difficiles à croire pour la courte raison humaine. L’Æpitre aux Hébreux, qu'on doit 
tenir pour paulinienne au moins d'inspiration, nous énumère les principaux chefs : 
« la pénitence des œuvres mortes (conversion morale), la foi en Dieu {et au message 
du Dieu-Homme), la doctrine des baptêmes (celui de Jésus et sa supériorité sur le 
baptême de Jean et, a fortiori, toutes les pratiques de l'Ancien Testament), l’imposi- 


- 64 | ÉPITRE AUX CORINTHIENS, LI, 1-4. 


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Ey duty CHAos nat Epic, odyt caprinof être, al “xarà dvBpwmov reprareire ; #. "Orav 
va Réyn mic’ Eyo pév eux Tlabhou, Etepos dé ’Eyn ’Axokw, oùx &vBpwmof 
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tion des mains (le don du Saint-Esprit, la hiérarchie, tous les moyens de sanctifica- 
tion postérieurs au baptême), La résurrection des morts (causée par la Passion et la 
résurrection du Christ, plus la rémission des péchés aux morts spirituels), et Le juge- 
ment éternel (toute l'eschatologie »). (Æeb. vi, 1-2, cfr. v, 12). En un mot, le caté- 
ehisme primitif dans son intégrité, Paul, une page plus haut, a condensé le tout dans 
sa formule saisissante : « rien que le Christ, et le Christ crucifié » (supra, 11, 2); mais 
tout cela enveloppé dans la douce assurance de la paternité de Dieu et de l’amour du 
Ghrist, prouvé par son sacrifice (I Pet, n1, 2). C'était beaucoup, pourrait-on dire, 
c'était bien assez, et il fallait que la grâce de Dieu opérât puissam ment, pour en con- 
vaincre des païens, ou même des Juifs. On ne pouvait imposer plus, pour leur entrée 
dans la vie nouvelle, à ceux qui n'étaient encore que « des petits enfants dans le 
Christ »; car « ils n'étaient pas capables encore », surtout ceux qui n'étaient pas 
d'une élite morale et intellectuelle. Mais il aurait fallu que cette initiation, une vraie 
« renaissance », rendit leur âme transformée capable de progrès indéfinis. 

———— A. S. On lit encore cépxvo deux fois, dans D‘, F, G; c'est une erreur par 
assimilation au verset précédent, mais cette erreur même montre que oapxivous, au v. 2, 
était bien la vraie leçon. — xatà &y0pwrov et repinareïy sont des expressions favorites 
de Paul; le second signifie l’ensemble des allures morales, et x. &v0o. (cfr. xv, 32; Rom. 
- 3H, 5; Gal, 1, 11; nt, 45), opposé à zac 0e6v (Rom. vir, 27 ; II Cor. vu, 9-11), caracté- 
rise le mode des connaissances, des jugements, des sentiments, des actes, qui 
demeurent au niveau purement humain; cette expression apparaît chez Platon, Dio- 
dore, Athénée, Plutarque; cfr. äv0pwrot ëote du v. suivant. 

B. 8. Paul ne pouvait leur en vouloir de l'incapacité relative qu’il a trouvée chez 
eux au début de sa prédication; mais, après le long séjour des apôtres et tout le soin 
qu'ils ont pris d'eux, ils ne devraient plus être, en matière de science et de vie chré- 
tienne, des « enfants en bas âge ». (L'Epttre aux Hébreux adresse un reproche sem- 
blable à ses lecteurs, Heb. v, 11-13). Cependant il est trop clair, en dépit de leurs 
prétentions, qu'ils le sont encore, qu'ils n’ont même pas bien digéré leur « lait ». 
Aussi l'Apôlre ne les appelle-t-il plus, avec une certaine tendresse rétrospective 
mêlée à l'ironie, comme au v. 1, des « tout petits » ou des adoutvor, mais des capxrxof, 
des « charnels ». C’est en effet parce qu'ils ont gardé beaucoup des défauts et des igno- 
rances de leur ancien état de « psychiques », détruit cependant virtuellement par le 
baptême, qu'ils ne grandissent pas, qu'ils « ne sont pas encore capables » d’assimiler 
la nourrituré de « sagesse » ; et la preuve trop manifeste de cette stagnation, ce sont 
leurs discordes mêmes, nourries, comme Paul l'avance déjà, par des jalousies (t#Aos) 
d'hommes vulgaires. Théoriquement, avec les préceptes de leur foi, ne sont-ils pas 
obligés de reconnaître que Paul voit et frappe juste, et que, à bien des points de vue, 
ils en sont encore au niveau « charnel », c’est-à-dire bas et vil, des « psychiques » 
aon convertis ? 

Ce verset jette une vive lumière sur toute la page qui précède. Nous comprenons 
maintenant que, pour n'être plus un « petit enfant », un vénios, un odpwvos, ce qui est 
requis, c’est de n'être plus un « charnel », capaxds, livré aux impulsions de la nature 
corrompue ou vulgaire. Les téksor, ou « parfaits », ou « adultes », les « pneuma- 
tiques » au sens plein de ce mot (car les deux termes s'équivalent dans le sens 
exposé ci-dessus), sont donc ceux-là que le Saint-Esprit fait monter toujours vers le 
sommet de la vertu chrétienne, accroissant ainsi de jour en jour leur connaissance 
expérimentale de Dieu, et leur capacité d'approfondir la doctrine; ce n'est pas une 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, III, 4%. 55 


il pas vrai que vous êtes charnels, et que vous marchez selon l’homme? 
4. Car, lorsque quelqu'un vient dire : « Je suis, pour moi, [l’homme] de 
Paul », et un autre : « Moi, d’Apollos! », n’êtes-vous pas [rien que] des 
hommes? ; 


catégorie d'initiés qui auraient reçu quelque enseignement de « mystère » refusé aux 
autres (v. Exc. v). 

B. 4. capauxoi, à tort pour &vowra, dans su, L, P et les versions syriaques. — 
Dans l'interrogation, simplement oûx au lieu de l’emphatique oôyl, si commun dans 
cette épitre. — Pour Le uév et le à, voir le commentaire philologique de 1, 12. — Etepos 
est pris ici dans son sens propre, puisque Paul se borne à deux exemples. 

B. 4. Nous voici ramenés en plein dans l'actualité concrète. Leurs dissensions à 
base de jalousie « charnelle » se manifestent dans ces préférences passionnées pour 
Paul lui-même ou pour Apollos. Cela montre bien qu'ils sont des hommes, c'est-à-dire 
«rien que des hommes » agissant encore d'une façon purement naturelle, comme si 
l'Esprit n'était pas venu en eux pour les élever au-dessus de la condition purement 
humaine. Il ne faut pas prendre cela trop rigoureusement, et en tirer des conclusions 
gnostiques, comme Reitzenstein et Lietzmann (v. Exc. v); le contexte total des idées 
de Paul les réfutera. 

Ainsi Paul, avec une brusquerie qui est une habileté oratoire, est revenu à son 
point de départ, les contestations à propos des prédicateurs. Il va en prendre occa- 
sion pour expliquer ce qu'est le ministère apostolique, afin que nul ne s’y méprenne 
plus, et ne s'éloigne ainsi de l’esprit des apôtres eux-mêmes, et de l'Esprit de Dieu. : 
Mais pourquoi n'a-t-il nommé que lui et Apollos? Que sont devenus « ceux de 
Céphas » et « ceux du Christ »? IL faut croire, ou que les tenants respectifs de 
l’'Apôtre et de son ami alexandrin étaient les plus disputeurs, ou mieux encore, 
que c’étaient les moins dangereux, et qu'il craignait moins d'avoir à les blesser 
que d’autres — par exemple ceux du Christ? — à qui ilse serait vu obligé, peut-être, 
de dire des choses trop dures (voir Exc. rv). 


G. Ch. III, 5-IV, 16. Paul apprend aux Corinthiens ce qu'est 
le ministère apostolique. 


Inrrooucrion. Les Corinthiens doivent être édifiés désormais sur leurs prétentions à 
la « sagesse ». Restait le point fort délicat de ramener à la règle de la sagesse 
chrétienne leurs jugements concernant les divers apôtres, puisque c’est à leur occa- 
sion — pur prétexte d’ailleurs, on le leur dira — qu'ils compromettaient la charité 
par leurs divisions. Au lieu d'entrer en des questions de personnalités, toujours 
irritantes, Paul, à son habitude, monte d'un coup d'aile aux plus hauts principes; et 
sans comparer sa manière à celle d'Apollos ou d'un autre, il fait sentir à ses lecteurs 
qu'ils n’ont pas le droit de juger; il réclame pour lui-méme cela seulement que 
personne ne peut lui refuser, d'avoir été l'initiaiteur et le « père ». 

Il procède d'abord selon le rythme a-f-ax que nous avons déjà trouvé : I. Lui ‘et 
Apollos n'ont été que des ouvriers de Dieu, auxquels onne peut attribuer l'œuvre prin- 
cipale (5-10); — IT. Graves responsabilités qu'on affronte quand on veut ainsi 
coopérer avec Dieu; c'est un avertissement aux prédicateurs sans mandat, comme il 
semble qu'il y en ait eu beaucoup dans cette église (11-20); puis un splendide verset 
sur l’ordination de tout et de tous, y compris les apôtres, aux fidèles (ce n’est pas 
l'inverse), et de ceux-ci au seul Christ et à Dieu (21-23); — TIT. revenant à l'idée des 
vo. 5-10, Paul détermine en quoi seulement peut consister le mérite respectif des 
évangélistes, que Dieu seul connaît et fera connaître, en un jour qui n'est pas encore 
venu (iv, 1-5). . 

(Toute cette partie, très éloquente et fort bien équilibrée, est d'une haute portée 
doctrinale; elle offre d'une section à l'autre de frappants parallèles dans l'idée, mais 
avec des mots si différents que rien n'y ressemble aux répétitions du « style oral »). 

Enfin, IV, Paul arrache le voile qui couvrait d'une apparente émulation pour la 
sagesse ou leurs maitres de sagesse l'orgueil et l'esprit de chicane des disputeurs de 
Corinthe; dans une fougueuse apostrophe, il leur fait honte de comprendre si mal 
le véritable esprit et la mission des apôtres et le peu qu'ils gagnent dans le monde 
terrestre, tandis que, comme disciples, ils devraient désirer de les imiter, surtout 
celui qui est leur père, afin de conformer aïnst leur vie à celle du Christ (6-16). 

Pour en finir avec cette affaire des dissentiments dans l'église, il ne restera plus 
que certains avertissements pratiques à leur donner. 


I. Ce que furent à Corinthe les rôles respectifs de Paul et d’'Apollos 
(1, 5-40) 


INTRODUCTION. — Voir ci-dessus pour quelles raisons possibles Paul ne parle que de 
lui-même et d'Apollos; on peut y ajouter que le parti d'Apollos était sans doute le 
plus en vue, ou qu'Apollos seul (Céphas n'ayant pas préché à Corinthe) était désigné 
pour étre mis en parallèle avec l'Apôtre. 


A. 5. Le {de N, À, B, boh., sah., vulg., lait.) à été changé sans doute pour. 
l'élégance (Lietzmann) en rl par CG, Der, Eer, Fer, L, P, pe, Chrys. — La vulgate a 
modifié un peu le sens en écrivant : « ministri ejus cui credidistis ». — +i oùv éotw 
est socratique (Rob.-PI.). 

B. 5. Ce nouveau développement sort droit du précédent {v. 4). {1 faut bien qu'ils 
soient des hommes « allzu menschlich », des hommes très bornés, pour se querel- 
ler comme ils le font à propos de Paul ou d’Apollos. Que sont-ils, ceux-ci? Pas des 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, Il, 5-10. 57 


Cu. ut, 5. Tloëv Eottv AmoMwes té dé omiv Iladhoc ; idxovor D” ov Érioreboure, 
ra Exdoru ws à xüptos Edwxev. 6. ’Eyu égüreuca, ’AmoAbe Eméricey, GAA& 6 
Peds fubavey* TT. oÙre à ourebwv Éotiv 11 otre 6 motiéwv, A4 à abEavwv 
eos. 8. ‘O ouredwy Où a 6 motltwv “Ev elouv, Énaoros DE Tov Ldtov puobdy Afpberat 
aura to Uroy xômov. 9. Peoë yép Éomesv oœuvepyol® Osoù yebpyuov, eoë “oixoÏour 
Èote. 


10. Kara rv yapu Ton 0205 Tir Scsiséy or Ds o29bs Goyiréuruwy Oeéhuov 
ZOnna, AO 


S 


Où émouxodouet. ‘Euxaoros dE Pheméru Tûs émorrodomet. 


CH. 11, 5. Qu'est-ce donc qu’Apollos? et qu'est-ce que Paul? des servi- 
teurs, par [l'entremise de] qui vous avez cru, et à La facon dont le Seigneur . 
le leur a donné à chacun. 6. Moi j'ai planté, Apollos a arrosé, mais Dieu 
a donné la croissance. 7. En sorte que ni celui qui plante n’est quelque 
chose ni celui qui arrose, mais celui qui donne la croissance, Dieu. 
8. Celui qui plante et celui qui arrose, c’est tout un, mais chacun recevra 
son propre salaire suivant sa propre peine. 9. Car nous sommes les coopéra- 
teurs de Dieu; vous êtes la culture de Diew, la bâtisse de Dieu. 

10. Suivant la grâce de Dieu qui m'a été donnée, comme un architecte 
expert j'ai posé un fondement, et un autre bâtit a dessus. Que chacun 
regarde bien pourtant à la facon dont il bâtit dessus! 


maîtres dont on ait à se faire les féaux, mais les serviteurs (Giéxovor, non Boÿhot) qui 
travaillent à la tâche assignée à chacun par un Seigneur, un plus grand qu'eux 
(Képtos, ici, n’est certainement pas à rapporter à Dieu, mais au Christ). 

À. 6. a«ikävw était surtout intransitif, depuis Aristote; mais la langue 
ancienne l'employ ait souvent au passif, Hérodote, etc., et il apparaît encore transit 
comme ici, à la forme active, Hermas, inscriptions, papyrus. 

B. 6. Les Actes, ch. xvin, décrivent cette activité d'Apollos, sur le terrain ense- 
mencé par Paul et ses premiers collaborateurs — qui avaient fait mieux d'ailleurs 
qu'ensemencer, car Paul, à son premier départ de Corinthe, y avait laissé une com- 
munaulé très nombreuse. Mais, modestement, il ne se donne ici que le rôle d'initia- 
teur, et l’on a plaisir à voir qu'il reconnaît pleinement la légitimité et le succès de 
l'activité d'Apollos. Qu'importe au reste? Ni l’un ni l'autre n'ont pu rien faire que 
parce que Dieu, le seul qui donne la vie, faisait pousser le plant. 

A. ‘7. Ocds est une apposition; le sens est : « Celui qui est quelque chose, 
c’est celui qui donne la croissance, c'est-à-dire Dieu ». 

B. ‘7. L'action humaine la plus féconde n’est rien, en effet, si on la compare à celle 

de la Cause première, qui donne tout être et tout mouvement. Et cela apparaît 
surtout dans le domaine surnaturel, où aucun homme ne pourrait prétendre être 
proprement l'auteur des résultats de son travail. 
B. 8. Planteur et arroseur « ne font qu'un», c’est-à-dire que leurs actions sont 
coordonnées (« ratione ministerii », Cornely), ou inséparables (Lietsm.). Ils sont 
donc de même condition, — comme si Paul ne prétendait à aucune préférence. Il 
n'est donc pas raisonnable de les mettre en opposition, comme deux compétiteurs, 
ou deux chefs d'entreprise (ce que font pourtant les Corinthiens). 

L'un et l'autre peuvent avoir, bien entendu, leurs mérites, mais c'est à Dieu de les 
mesurer et de leur donner le salaire qui leur convient. Les catholiques (Cornely, etc.) 
invoquent avec justesse ce passage en preuve de la réalité du mérite de l'homme 


58 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, tr, 5-10. 


devant Dieu; par contre, beaucoup d'exégètes protestants, de Bengel à Heïnrici ou 
Bachmann, jugent indispensable pour leur théologie de tourner plus ou moïns le 
sens de uuoûds, où de ouvepyoi du verset suivant (v. ad loc.). Pour Bachmann notam- 
ment, cette « récompense » (ou ce « salaire ») ne pourrait être la béatitude éternelle, 
et il cherche à réfuter son coreligionnaire libéral J. Weiss, lequel a bien vu que tout 
autre sens n'était pas à sa place ici; seulement, de son côté, Weiss croit voir un 
dualisme dans l'esprit de Paul, qui malgré sa doctrine de la grâce, n'aurait pas su 
renoncer franchement à la théorie juive des mérites. Maïs Paul ne se contredit pas, 
et il était bien conscient de l'unité de sa riche et cohérente doctrine, que ces exé- 
gètes, par la faute de leur théologie, ne peuvent saisir. La grâce n'exclut pas Îles 
mérites, mais elle donne seule le pouvoir d'en gagner, comme tout étudiant catho- 
lique le sait. 

A. 9. oixodour est hellénistique ; ce mot autrefois dialectal a passé dans la 
langue commune depuis Aristote; cfr. IT Cor. v, 1. Loisy le rend bien par « 6dtisse ». 
_— Oeoë ouvepyol ne peut signifier que « coopérateurs de Dieu » (Bachmann, p. 157, 
. n. 4), car le ou marque toujours un rapport avec le génitif suivant. Il n’y a donc 

‘aucun compte à tenir des scrupules protestants d'Evans, Heinrici, et quelques autres, 
qui voudraient comprendre : « [entre eux] au service de Dieu ». 7. Weiss, Roëb.-Pl., 
et la plupart ont d’ailleurs compris cette expression au sens naturel, qui s'impose. 
L’Ambrn, lisait ouvepyov voë Geoù au lieu de Gtéxovov vo Geoù I Thess. ur, 2, avec 
D*,B, F, G. On peut comparer (avec Gurjahr) Marc xvi, 20, Rom. xvi, 3, 9, 21, Phil. 
1, 25. Rob.-Pl, notent que cette expression remarquable n'apparaît qu'ici. 

B. 9. La coopération de Dieu et de l'homme est une doctrine que saint Paul 
exprime un peu partout en d’autres termes, et qui ne nuit aucunement à celle de la 
grâce. 

Tandis que Paul, Apollos (et les autres apôtres) ne sont que des ouvriers au 
service de Dieu, les fidèles, l’église de Corinthe, sont le champ même ou l'édifice 
auquel Dieu et eux travaillent ensemble. Or, dans l'ordre de la finalité, l’œuvre est 
quelque chose de supérieur à l’ouvrier (humain) en tant que tel. Ceci prépare les 
beaux versets 111, 21-23. 

Paul, citadin, passe instinctivement, ici comme ailleurs, de la métaphore agricole 
à celle du bâtiment, qui lui fut toujours plus familière. 

ms À, 10, Lie parfait tébeuxa (-nxa) pour Édnxa, dans Clem. N°, C3, D, (L, P), al. 
— Le « fondement », image fréquente chez Philon et dans la diatribe. 

B. 10. Paul est bien obligé, malgré tout, de mettre à part son ouvrage à lui. C'est 
lui qui a fait le plan de tout l'édifice spirituel de Corinthe, comme un « archi- 
tecte » habitué par une vocation divine très authentique et très spéciale à construire 
des églises; ici copéçs (peritus) pourrait bien se rendre par « professionnel », et certes 
l’Apôtre ne se décerne pas une louange excessive. D'ailleurs, comme chaque fois 
qu'il doit parler de lui-même, il attribue tout à la grâce de Dieu. Il a donc posé un 
« fondement » auquel devra s'adapter toute structure postérieure. C'est réserve et 
humilité de sa part de ne pas prétendre avoir fait plus. Mais au moins il a fait cela, 
et d'une manière garantie par Dieu (voir 11, 4-5), Il admet qu'on puisse perfec- 
tionner son ouvrage; n'a-t-il point parlé lui-même des entretiens entre « parfaits », 
destinés à approfondir la doctrine plus qu'il ne l’a fait de prime abord à Corinthe ? 
certainement il admettait (contre Molsten) qu'Apollos au moins s'en était bien 
acquitté. Mais il y en a eu d’autres que l’évangéliste alexandrin; Paul n'est peut-être 
pas encore parfaitement renseigné sur le caractère de leur enseignement, mais le 
résultat qu'il connaît, ces chicanes entre Corinthiens, peut déjà le lui rendre au 
moins suspect, 

De là vient le grave avertissement à la fin du paragraphe : « Qu'on prenne bien 
garde à la façon dont on continue l'édifice ». IL va s'expliquer. 


IT. Avertissements à ceux qui veulent perfectionner l’œuvre 
de l'Apôtre (11, (10) 11-23). 


IvTropucrion. — À Corinthe, dans le moment, beaucoup se mélent d'enseigner; il est 
possible que certains le fassent correctement, mais d'autres peuvent se livrer à un 
sport doctrinal qui n'ajoute que d'inutiles futilités à ce que les fidèles possèdent déjà; 
certains même, dans leur désir de faire du nouveau et de passer pour des architectes 
indépendants, ébranlent peut-être le fondement. À tous Paul rappelle le grand jour 
des comptes, où l'on verra ce qu'a valu le travail de chacun, et où les sanctions seront 
réparties. 

Puis (18 suivants), par un mode de développement très ample et synthétique qui 
est bien dans sa manière, il conclut dans un seul élan, s'adressant aux instructeurs et 
à tous les autres, ce qu’il a dit soit à propos de « sagesse et folie », soit contre les divisions 
qui se font à propos des instructeurs. Les derniers versels reprochent éloquemment aux 
factieux (qui croient se grandir ainsi les uns aux dèpens des autres) de méconnaître 
en fait leur vraie dignité. 

Au point de vue doctrinal, il faut particulièrement noter le ». 11 (sur le Christ fon- 
dement nécessaire de tout enseignement chrétien), les vv. 14-15, à propos de peines 
temporelles, et les vo. 20-21 sur la hiérarchie de la « nouvelle création ». 


Cu. tt, 11. Oeuéhioy yap GARov obdelc Dévarar eivar, map Toy “xelpevoy, dc 
Eotiv ‘Inooës Xouoréc. 12. Et 36 ris Emouxodouet mi tdv Bepélioy [roërov] ypuotov, 
# 4 / , f 1, (a £ 3 L nn ns 
doyéprov, Aifous tunlouc, EUX, "yéprov, naAduny, 13. Exdorou Td Épyoy pavspdv 
yevhoetar, à Vap hmépa nor, Ori Ev mupt Amoua)ÜTTETOL, nat Exdorou td Épyov, 


Cu. 11. 11. De fondement, en effet, nul ne peut en poser d’autre que 
celui qui est là, qui est Jésus-Christ. 12. Et si quelqu'un, en bâtissant, 
superpose au (ou à ce) fondement de l'or, de l'argent, des pierres de prix, 
des pièces de bois, de l'herbe, de La paille, 18. l'ouvrage de chacun 
sera mis en évidence, car le « Jour » [le] montrera, parce que c'est au 
feu que se fait cette révélation; et l'ouvrage de chacun, ce qu'en est la 


A. 11. Tov aelpevoy, celui qui se trouve là, qui a été posé, établi, une fois pour 
toutes. 

B. 11. Ce verset montre bien que Paul n'admettait pas qu’on allât chercher de 
révélations en dehors des faits évangéliques, par exemple dans des philosophies, des 
religions, des ésotérismes païens ou étrangers au Christ; ce n’est point de cela qu'il 
nourrissait les « parfaits » (v. supra). 

À. 12. Toÿrov est ajouté à Oeuélov seulement D, &, L, P, oulg. syr., al., — 
L'asyndèse dans l'énumération des matériaux donne au style, surtout dans l'original 
grec, une grande vivacité. 

12. B. Un fondement est là pour qu’on y construise un édifice. Que peut être un 
édifice bâti sans le Christ ? Si on entendait le mot « Christ » seulement de la croyance 


au Christ, ce seraient des doctrines, des rites, des œuvres; ainsi le préjugé de Luther 


le fait amener ici ses « œuvres mortes », Erasme parle de « froides cérémonies », etc. 
Mais, avec son réalisme mystique, Paul entendait encore autre chose : la personne 


60 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, 111, 11-23. 


motor éoruv, 70 rüp “adrd “douméoer. 14. IT mivoc rù Épyoy mevet, à Erorxodépmoe, 
*probèv Ajubera 15. ET mivos rd Épyov “xataxañoerar, “Enutwôhoetar, .abros DE 
ouÔoetar, otus dÈ üs d1ù mupbc. | ù 

16. Oôx oïdare, ot vads Oeod Écte aai vo mvedpa vob Oeoù ëv div oinet; 17. Hi 
mig Toy vadv toù Oeoùd pheiper, phepet roërov 6 Bs0c. ‘O Yap vads 0eoë dyids Ecru, 
oirivés Êote Ümetc. 


même du Christ, qu’il a comparé ailleurs à la pierre angulaire, à la tête du corps. La 
superstructure signifie donc tous les résultats du travail des instructeurs qui préten- 
dent faire l’œuvre du Christ, l'accession des nouvelles recrues, les doctrines qu'elles 
reçoivent, les œuvres qu'on leur fait produire, etc. Voir Bachmann et Gutjahr. Car 
cet édifice, c'est l'Église, avec ses membres, et la foi et la charité qui les unissent 
(voir ch. xn). Il doit être homogène et harmonieux, parfaitement adapté au fondement. 

Or, ces matériaux énumérés sont de qualité bien diverse. Guyjahr dit justement 
qu'ils mêlent ceux des palais et ceux des huttes misérables (Srr.-Bill. p. 334). Paul 
envisage qu'il peut y avoir de vrais continuateurs de son œuvre qui n’y ajoutent que 
de l'or, de l'argent, des pierres précieuses ou excellentes (Apollos ?); puis d’autres qui 
n’y ajoutent que des matériaux légers ou vils; quelques-uns enfin, peut-être, qui 
mêlent le précieux et l'inutile, l'or et la paille. C'est, pensons-nous, trop de précision, 
que de vouloir fixer avec Cornel, y trois catégories d'œuvres, et de regarder, par 
exemple, le bois, la paille, comme l'apport déterminé du « parti de Céphas » qui eût 
voulu maintenir d'inutiles prérogatives israélites. Dans l'ordre moral et intellectuel, 
s. Thomas compare les matériaux inférieurs aux doctrines curieuses ou mal établies, 
aux péchés véniels, aux soucis temporels trop exclusifs, mêlés à la vraie foi et à la 
vie régénérée. oo. 

=——— À. 13. airô devant Doxuéeur est dur; mais, pour cette raison même, des 
scribes ne l'auraient pas ajouté (7, Weiss); il manque K, D, E, L, oulg., syrh, sah., arm., 
éth. — donuétw (cfr. encore chez Paul déxpos, doxux) signifie « éprouver », « contrôler », 
et se dit de la vérification des monnaies, de l'épreuve éliminatoire dans les jeux et les 
concours, etc.; Paul aime ce verbe technique, qui revient chez lui dix-sept fois, et six 
fois seulement dans le reste du N. T. (dos 6 fois Paul, 1 fois Jacques; doxu, 7 fois, 
rien que chez Paul; Goxipuov, absent chez Paul, 1 fois Jac. et 4 fois I Pet.). — Au lieu 
de Éxéatou yevfserau, on à 6 noufous tobro 10 Épyov oavepôs yevA[oe]tar, D“, e, Ambr, 

B. 18. Après l'intervention de tant d'ouvriers qui ont suivi Paul, la cité de Dieu à 
Corinthe peut donc présenter un aspect assez composite. Maïs un jour, « le Jour », 
viendra où l'on pourra voir, dans ce mélange de bien et de mal, quelle est la part de 
responsabilité de chaque maçon, et la consistance de son travail. 

Le ton de l'avertissement est grave, et même tragique. Le contrôle se fera par le 
feu, qui éclaire tout, mais en détruisant tout ce qui n’est pas incombustible, c'est-à- 
dire n'ayant pas la solidité et la noblesse du fondement, le Christ. Paul emprunte 
cette image à la tradition apocalyptique (qui se rencontraïit ici avec le zoroastrime, et 
l'éxrépwars des stoïciens); le feu de la conflagration dernière était une conception 
courante dans le monde païen, juif et chrétien ; cfr. IT Pet. 1, 7 et, chez Paul lui-même, 
II Thess, 1, 8 : Ev ti axoxaAGber voù xvplou ’Incoë.…. èv rupt oloyds. L'Apôtre s’en est servi 
au moins comme d’un symbole. Mais que veut-il dire exactement par le « Jour »? 
. Gette expression solennelle et mystérieuse était consacrée dans l'Ancien Testament, 
les Apocryphes, les rabbins, pour la grande manifestation de Yahweh, qui viendrait 
récompenserses fidèles et punir ses ennemis, etelle avait passé de Yahweh au Christ- 
Juge. Le verbe äroxakirtw est régulièrement eschatologique (ici on ne voit pas claire- 
ment si c'est le « Jour » de justice ou la qualité respective du travail des évangélistes 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, 111, 14-17. 61 


qualité, le feu l’éprouvera. 14. Si l'ouvrage de quelqu'un, qu il a superposé 
en bâtissant, subsiste, il recevra une récompense; 15. si l'ouvrage de 
quelqu’ un est consumé, il subira un dommage : lui, il sera bien Sauvé, 
mais ainsi qu'à travers le feu. 

16. Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu, et que l'Esprit de 
Dieu habite en vous? 17. Si quelqu'un ruine le temple de Dieu, Dieu rui- 
nera celui-là! Car le temple de Dieu est saint, [ce temple] que vous êtes 
tous. 


qui sera « révélé » ; mais les deux vont ensemble). Le « feu » était l'accompagnement 
presque obligé des théophanies. | 

Le « Jour » est-il donc celui de la Parousie (cfr. Rom. xt, 12; I Thess. v, 14; Heb. 
x, 25, v. infra), et cela exclusivement, Paul ayant admis encore à cette époque la proxi- 
mité possible du retour de Jésus? Telle est l'opinion de la majorité des exégètes, 
J. Weiss, Rob.-Pl., Cornely, Toussaint, Gutjahr, etc. Les Grecs et les Latins les plus 
anciens (Ambr', al.), sans parler de cette proximité (que Paul, selon nous, n’admettait 
pas, voir surtout au ch. xv, in/ra) n’ont pensé qu'au Second Avènement. Cependant 
quelques autres comprennent le « jour » en un sens plus large, ou même tout différent. 
Pour Lightfoot, c'est la ruine de Jérusalem {qui n'est guère à sa place ici); pour 
Augustin, les jours de tribulation, pour Cajetan celui de La mort; pour Grotius, un 
jour indéterminé; pour Erasme, Bèze, celui de la claire lumière de l'Évangile. 

Ce peut être, en réalité, presque tout cela à la fois. On voit au chapitre suivant 
(1v, 8, v. ad. loc), que Paul pouvait donner à fuépx le sens très général de jugement 
ou de séance judiciaire. Or le Christ exerce ses jugements, et peut avoir son « jour », 
de bien des manières. La principale, la décisive, est évidemment celle de la Parousie ; 
mais Jésus (Luc, xvir, 22) a parlé d' « un des jours du Fils de l'Homme », comme s'il 
pouvait y avoir plusieurs de ces « jours », où il manifeste sa puissance suivant tel ou 
tel mode, dans tel ou tel événement. Quant aux textes de Rom. et de I Thess. indiqués 


ci-dessus, ils paraissent entendre le « jour » de cette parfaite illumination spirituelle 
dont un commencement est apporté déjà aux fidèles par la présence mystique du Christ, 
mais qui n’a pas alors tout son éclat, qui n’est encore qu'une aurore, Au cours de cet 
« Âge messianique », comme on pourrait l'appeler (v. au ch. xv), le Christ-Roï exerce 
déjà ses sanctions, avant le règlement de comptes universel. 

Aussi pouvons-nous croire, avec s. Thomas, que, dans ce verset, il s’agit du triple juge- 
ment de Dieu, le jugement général, le jugement particulier à la mort de chacun, et les 
jugements durant cette vie mortelle. IL faut toutefois bien remarquer (avec Lemonnyer, 
al.), que ce verset 13 ne vise (expressément) que le jugement qui sera porté sur l'œuvre 
extérieure de ministère. Le « feu », ce sont toutes les activités destructrices dont 
l'édifice spirituel de Corinthe (et l'Église en général) subiront l'assaut, Dieu l'ayant 
ainsi ordonné pour en faire l'épreuve (doxuése) et la purification. Si cette épreuve est 

_différée jusqu'aux derniers jours pour certaines « superstructures », la Parousie au 
moins, épreuve suprême, montrera ce qui valait quelque chose ou ce qui ne valait rien 
pour l'établissement du « Règne de Dieu » éternel. Il ne faut donc point penser ici 
déjà au « feu de l'enfer » (contre Chrysostome, al.) puisqu'il ne s'agit pas encore expres- 
sément du sort des individus. Pour le purgatoire, v. infra. 

A. 14. puodov Afubetu, voir au v. 8. 

B. 14. Ce qui subsistera du travail spirituel à travers les épreuves de tout genre, 
c'est cela qui est approuvé de Dieu. Paul fait donc appel au jugement de la 

Providence. En quoi consistera la « récompense » ou le « salaire » de celui qui l'a 


62 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, 111, 11-23. 


18. Mmnôeis Eauroy Ééarardru. It ris ouest copèc eîvar iv buiv Ev Tù ave 
, S A c e € ne 
roûtw, mupds yavéclw, iva vévatar o0p5c. 19. TE Jüp copix où niopou Toûrou 
_ a J . x A = 
opla rapa tû Bec éoniv. l'éyparrar yäp* 6 "Spassémevos Tobs sopodc Ev Th Tavoupyia 
abrwv, 20. ai manu Kôpioc yivwoner Tobs Ouahoyispods Tv coobv, Ott eiotv 


LATœLOL. 


accompli? À voir subsister son œuvre? II semble bien que le mot signifie quelque 
chose de plus, étant donné surtout qu'il n'est pas dit que l'ouvrier vive jusqu’au jour 
du jugement de son œuvre. La récompense signifie quelque chose de relatif à son sort 
personnel, comme au v. 8, et ceci est très important pour l'intelligence du verset qui 
va suivre. 
À. 15. Korazañoetu, forme hellénistique (et épique, Abel, p. 70) pour xata- . 
xavÜñosrar,. — Dé, au sens spatial et classique de « à travers », « par le milieu de », 
v. infra. | 

B. 15. Ce verset, par son premier membre, est exactement parallèle au précédent. Si 
la récompense, uto@és, de 14, était accordée à la personne du bon travailleur, il doit 
donc en être ainsi du dommage que subira (Cnutwô#foetu) celui qui n'a fait que des 
choses inutiles en matière d'apostolat, et destinées à brûler. 

L'image est celle d’un incendie (voir v. 43); il éclate tout d'un coup, quand arrive 
le « jour », et l'ouvrier médiocre, qui s'était confortablement installé dans sa cons- 
truction, doit fuir en toute hâte à travers la flamme, et quand, une foïs sauf, il se 
retourne, il a le chagrin de voir son œuvre s’y abîmer (Rob.-Pl,, Toussaint, Sicken- 
berger, Gutjahr, al.; Lietszm. compare Amos 1v, 11; Zach. 1x1, 2). Mais n’a-t-il à 
souffrir que cela? J. Weiss veut entendre « comme à travers le feu » au sens que son 
salut « ne tiendra qu'à un cheveu ». C’est vrai, maïs ce n’est pas tout; dans sa course 
éperdue, il a été atteint lui-même par la flamme. Autrement dit, à l’anéantissement 
de son œuvre s’ajoutera un châtiment personnel, opposé à la « récompense » du bon 
travailleur (v. 44); Lietzmann : il sera sauvé après quelque punition, cfr, v, 3; x1, 32; 
Loisy de même, avec sa traduction — bien plate — : « à l'amende il sera ». 

On voit bien que, dans aucun cas, ce « feu » d'incendie ne saurait être celui de l'enfer, 
puisqu'on peut se sauver en le traversant, et que du reste il attaque aussi l'œuvre 
des bons ouvriers, pour l’éprouver (v. 13) ; il ressemblerait plutôt au « fleuve de feu » 
eschatologique des Parsis, qui tourmente les méchants, et ne fait aucun mal aux bons 
qui le traversent. Mais Paul n'a pas emprunté à l'Iran l’idée de cette sorte d’ « épreuve 
judiciaire », il lui suffisait de se rappeler le « feu » des théophanies bibliques, ou 
peut-être la « conflagation » stoïcienne, transformée par sa puissante imagination en 
un incendie moral. Il faut donc absolument rejeter l'opinion si forcée de Chrys., qui 
entend : « il sera sauvé, mais comme à travers le feu » de la conservation du corps des 
damnés au milieu des flammes de l'enfer. La menace de l'enfer n'apparaîtra qu'au 
v. 16, contre une catégorie dont Paul n’a pas parlé encore; et d'ailleurs, comme 
Sickenberger le dit fort bien, Paul ne sort pas (à la différence de certains prédicateurs) 
« la menace de l'enfer là où elle ne correspondrait pas à la vérité », 

Mais, comme il s'agit certainement d'une punition personnelle, ne pourrait-on 
penser au purgatoire ? Ce texte est souvent employé pour justifier la doctrine catho- 
lique d’un lieu ou d’un état d'expiation après la mort, pour les fautes légères. 

Nous verrons plus au long, dans un petit Excursus, si cet enseignement dogma- 
tique peut s'appuyer sur Paul. L’Apôtre, à coup sûr, n’en parle pas ici directement, 
attendu que ce feu, dont souffre le fugitif, s'attaque sur la terre, à des œuvres terres- 
tres, et que, si l'on voulait y voir exclusivement ou premièrement la conflagration 
jointe à la Parousie, cette Parousie ne doit faire qu'un avec le jugement général, 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, 111, 48-20. 63 


18. Que nul ne s’]y] trompe! Si quelqu'un estime être sage parmi vous, 
dans ce siècle, qu'il devienne inepte pour devenir sage! 19. Car la sagesse 
de ce monde-ci est ineptie près de Dieu. Il est écrit en effet : « Lui qui 
met La main sur les sages dans leur astuce ». 20. Et encore : « Le Seigneur 
connaît les calculs des sages, qu'ils sont vains ». 


après lequel il n’y aura plus de place pour un état de transition comme le Purgatoire. 
Mais, ainsi que Cornely, entre autres, (cfr. Ambr, Messmer, beaucoup de catholiques 
modernes, Prat, al.) l'expose en un raisonnement fort juste — la doctrine du purga- 
toire est contenue d’une certaine manière implicite en ce verset, elle y trouve au moins 
un appui très sûr; Paul, en effet, y assigne des peines temporelles ({nutw0.) aux fautes 
légères, qui ne méritent pas la damnation ; il les compare à l'atteinte du feu. Or, pour- 
quoi la faute des docteurs négligents ou futiles serait-elle seule punie de la sorte 
avant la consommation de leur salut? Les autres, les simples fidèles, qui, par leurs 
péchés véniels, ont mêlé aussi de la paille et du foin à la construction de ce « temple 
de Dieu » qu'est leur âme régénérée (voir Les vv. 16 et 17), ne devront-ils pas aussi 
l'expier temporellement? Si ce n’est pas dans la vie présente, ce sera dans l’autre. 
On peut donc tirer de ce verset de Paul un argument légitime pour la doctrine du 
Purgatoire, — qui en est une spécification, une conclusion assez prochaine. $. Thomas 
dit que le feu du jugement est celui « du jugement général, du purgatoire, de la tri- 
bulation ». 

À. 46. Otôare, pour l’attique et classique lote, d’après la flexion ionienne et 
hellénistique de otôe. — vads 0. cfr. vi, 49. — Aucune raison, malgré J, Weiss, de voir 
une glose dans ce verset. 

B. 16.11 y a beaucoup à observer ici. D'abord, que chaque croyant est un « temple 
de Dieu », ce qui sera encore plus précisé au ch. vi (v. ad loc.). Puis, que « l'Esprit 
de Dieu » apparaît ici clairement, beaucoup plus clairement qu’au ch. , comme le 
Saint-Esprit personnel (v. Exec. v); en effet, il fait l’acte d'Aabiter ,ce qui appartient à 
une personne, et c’est parce qu'il habite les âmes que celles-ci sont un « temple de 
Dieu »; Vahweh (au moins représenté par sa Slekinal, conception qui n’a point passé 
chez les chrétiens) habitait le temple de Jérusalem; ainsi l'Esprit qui est dans le 
régénéré est identifié, non pas à un' effluve, à une äxéppoux de la Divinité, mais à la 
Divinité elle-même. 

Des stoïciens, comme Sénèque, faisaient aussi habiter un dieu dans l'âme des « boni 
viri » (Lietzm.); mais dans leur système panthéiste, ce dieu, l’« orthos Logos », était 
simplement leur conscience. 

Le « temple » peut bien être d’abord la communauté prise dans son ensemble, et 
cela cadre avec les versets précédents et le suivant; mais Le sens plus personnel n'en 
est pas exclu pour autant; c'est parce que l'âme qui vit en charité possède le Saint- 
Esprit que la communauté entière est un temple de Dieu, comme ensemble des 
« membres du Christ » (voir ch. vi et chap, xn). 

———— À, 17, Vulg. : « Templum enim Dei sanctum est, quod est vos ». Les Latins 
traduisent comme s'il y avait &n au lieu de ofmves; mais ce dernier pronom se rapporte 
à la fois à chacun et à la catégorie toute entière; il faut donc traduire : « (ce temple 
de Dieu) que vous êtes tous ». 

B. 17. Le ton change, et devient bien plus menaçant. Il ne s’agit plus de peines 
temporelles précédant le salut, mais de « destruction », o0eçei, où l'on ne peut voir que 
le sort des damnés, dans toute la terminologie de Paul. 

Prat explique fort bien cette gradation : l'Apôtre a parlé des bons ouvriers qui 
seront récompensés, puis des ouvriers médiocres qui seront pardonnés et sauvés, 


64 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, III, 11-23 


21. *"Qote pndetc xavydodu ëv av0pwmots. ITévra yap duüiv Ecru, 22. etre ITadhoc 
% , \ w ” — % ! [2 4 12 u Y , = w 
etre ‘Amos etre Kmoës, elre —xhoœuoc elre Cu etre Pévaros, elre veorüta etre 
DéNhovta, mévra bpüv, 23. bpets D Xptoroë, Xprordc DE Beod. 


mais après une peine; maintenant il menace ceux qui n'ont fait, par leur faute, que 
du travail coupable, au détriment de l'Église. Ainsi trois catégories : les récompen- 
sés, les damnés, et, entre eux, les élus qui auront à expier (l'homogénéité qui doit être 
celle de l'énumération confirme l'application légitime du v. 15 au purgatoire, 
v. supra). | 

Justement et éternellement punis seront ceux qui ont violé le caractère sacré (&ytos) 

du temple de Dieu, qui est la communauté animée par la vraie doctrine. Quels sont 
ces « destructeurs »? Non pas les travailleurs bien intentionnés mais imparfaits, qui 
ont fait des « superstructures » trop légères; mais ceux-là qui auront « ruiné », ou 
voulu ruiner, le temple, en ébranlant, disloquant le fondement qui‘est la croyance 
« au Christ, et encore crucifié », ou en prétendant construire sur un fondement qui ne 
serait pas celui-là. Paul soupçonnait donc qu'il pouvait y en avoir de tels à Corinthe, 
ou qu'il en viendrait; (cela n'est peut-être pas inutile pour fixer ce qu'était le « parti 
_du Christ », sur lequel l'Apôtre s’est tu en toute cette section). — D'ailleurs, il savait 
qu'il y avait des corrupteurs moraux (v. chap. 1v et suivants), qui violaient en eux- 
mêmes ce « temple de Dieu » que le baptême les avait appelés à être. Par ce gronde- 
ment: précurseur d’un orage, il prépare les reproches très graves qui rempliront la 
seconde partie de l'Épître, pour des fautes que les dissentiments des Corinthiens, si 
contraires à la charité chrétienne, ne pouvaient que favoriser, en affaiblissant l'union 
au Christ, cause de l'unité et de la sanctification. 
B. 18. Jusqu'ici, Paul a retenu l'explosion d’une colère, qui s’accumulait en 
lui à mesure que, dictant, il se représentait plus au vif la légèreté de ses Corinthiens, 
et les dangers auxquels elle pourrait un jour exposer leur foi et leur salut. S'en aper- 
cevant peut-être, il remonte alors brusquement aux principes généraux et énonce, du 
v. 18 au v. 28, des prescriptions qui pourraient servir à clore toute cette longue dis- 
cussion; il le fait avec une vigueur qui montre bien comme il a déjà commencé à 
s'émouvoir. 

La première, dans ce verset et les deux suivants, est relative à cette « sagesse » 

dont le zèle mal entendu les divise (ch. 1-1). Que tous les instructeurs, les chefs de 
groupe dont il vient de faire la classification l’entendent bien une fois pour toutes, et 
« que nul ne s'y trompe! » (formule de diatribé). S'ils se réputent ou si on les répute 
sages suivant la mesure humaine, cela ne sert à rien tout seul et peut même entrete- 
nir en eux des préjugés contraires à l'Évangile; pour étre des vrais sages devant 
Dieu, il faut qu'ils embrassent cette « sottise de la Croix » dont il leur a parlé d’une 
manière si ardente, et par conséquent qu'ils renoncent à passer pour « sages » aux 
yeux du monde. J. Weiss voudrait joindre ëv r& ai@v tour& à pwpés qui suit, et traduire : 
« Gelui-ci doit devenir un fou au jugement de ce monde ». Ce n’est pas la construc- 
tion la plus naturelle, mais le sens reste exact. 
A. 19. La citation est de Job, v, 12-18. Elle est indépendante des LXX, qui 
ont xatalaufBévwv au lieu de Gpacoéuevos, hap. leg. dans le Nouveau Testament. et très 
rare dans l'Ancien (cfr. Eccli., xxvi, 7; xxx1v (xxx1), 2, et Ps, 11, 12); il signifie saisir 
vivement avec la main, « attraper ». 

À. 20. &0pwruwv (d'après LXX) pour copüv, dans Marcion, 3, 17, al. — Kal xduw peut 
être un hébraïsme, 21 (J. Weiss). Celte fois la citation est de Ps. xcrv (xau), 41. 

B. 19-20. Ces deux versets rappellent seulement que, en jugeant de si haut la 


sagesse humaine, Paul n'invente pas une théorie paradoxale, mais qu'il a l’Écriture 
pour lui. | 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, III, 21-23. 65 


24. Ainsi, que nul ne se glorifie dans les hommes. Car toutes choses sont 
à vous, 22. soit Paul, soit Apollos, soit Céphas, soit le monde, soit la vie 
soit La mort, soit le présent, soit le futur, toutes choses sont à vous. 
23. Mais vous au Christ, et le Christ à Dieu. 


= À, 21. "Qore ainsi employé, conséquence logique présentée sous la forme 
d’un ordre, serait, d'après Viteau, une construction presque exclusivement pauli- 
nienne. — Le double zivre buüv, en ce verset et à la fin du suivant, encadre une belle 
construction rythmique toute spontanée, comme il peut en apparaître dans tous les 
temps et les pays où il y a de vrais orateurs, et où il n’y a donc pas à reconnaître un 
« genre particulier ». 

A. 22. Des énumérations semblables étaient cependant surtout fréquentes dans la 
diatribé. Ici, on pourrait comparer le passage célèbre de Rom. vin, 37-39, sur l'impuis- 
sance de toute créature à soustraire les fidèles à l'amour du Christ; mêmes mots en 
partie, Oévaros, Guy, éveatüire, péAovra ; mais ici toutes ces choses sont présentées sous 
un autre aspect, positif, non comme des obstacles surmontés, mais comme des moyens 
d'acquérir la gloire; cfr. Rom. vit, 28 : toïç &yandorv tov Üeov méyra ouvepyet els dyaldv. 

B. 21, 22, 23. Dans la pensée de l’auteur, cette tirade, ainsi que le marque &ore, 
sort directement de l’idée précédente. C'est leur fausse appréciation, leur mesure trop 
humaine de la « sagesse », qui pousse les Corinthiens à s’enorgueillir d’être les dis- 
ciples de tel ou tel maître. Mais tout ce qu’ils montrent par là, c’est qu’ils ne compren- 
nent pas leur vraie dignité. Les maîtres, que Dieu leur a envoyés, doivent travailler 
pour eux, et sont donc plutôt leurs serviteurs. $. Tomas interprète : « Ne plorientur 
de rebus quae sunt sibi subjectae (done, sous ce rapport, inférieures à eux en quelque 
sorte), de hoc quod ordinantur ad eos, quin talibus subjiciantur ; non ordinantur ad 
Paulum, etc., sed Paulus, etc., ad ipsos ». Id. Estius, al, Se griser d’appartenir à un 
maître humain, ce serait un abaissement servile pour eux qui ne doivent avoir qu’un 
Maître, lequel est divin. 

Dans un magnifique élan comparable à celui de Rom. vi (supra), saint Paul associe 
aux instructeurs humains tout ce qu'il y a dans le temps et dans la création : le 
monde, qui leur parle de son Créateur; la vie, qu’ils peuvent consacrer tout entière à 
se rapprocher de Dieu; la mort, qui les unira définitivement à Lui; le présent, qui 
leur fournit tant d'occasions de mériter et de progresser; l'avenir, qui assurera l'œuvre 
du présent et consommera la gloire des élus de Dieu. Tout cela, hommes, choses, 
événements, est mis par Dieu à leur service. Et, au lieu de s'en apercevoir, ils iraient 
mettre toute leur gloire à être un peu plus lié avec tel ou tel prédicateur! 

En exaltant cette grandeur de la vocation chrétienne, Paul semble oublier tout à 
fait ses propres mérites et les égards spéciaux auxquels il a droit comme fondateur de 
l'Église: il s'en souviendra cependant bientôt, par devoir. Pour l'instant, il n’ envisage 
que sa qualité d’ouvriér au service des fidèles, comme l’est Apollos, comme l'est Céphas. 
La mention de ce dernier nous semble indiquer qu'il n'avait pas plus d'hostilité contre 
le « parti de Géphas », elfacé dans les pages précédentes, que contre celui d'Apollos. 
Il n'est pas étonnant qu'il ne fasse point ici d’allusion au « parti du Christ », et on ne 
peut rien en conclure contre l'existence d'un tel parti; le nom du Christ ne pouvant 
être mis sur la même ligne que celui des apôtres (v. Exc. 1v). 

Cette domination des « sages » ou des « saints » sur le monde entier est une idée 
qui se rapproche non seulement du rêve stoïcien, mais qui trouve aussi quelques cor- 
respondances dans la tradition juive; ainsi Pirke Aboth, 6, 1, Rabbi Meïr assigne à 
celui qui s'occupe de la Thora pour l'amour d'elle-même le gain d’un droit sur le 
monde entier. (7. Weiss, p. 90, n.). Mais Paul s'élève bien au-dessus des rabbins, et 
se distingue aussi tout à fait des stoïciens, quand même une de leurs sentences 

ÉPITRE AUX CORINTHIENS. 5 


66 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, 111, 11-23. 


(rävra buüv) aurait contribué à lui suggérer La présente affirmation; il l'a transformée 
(J. Weiss), parce que cette domination, pour l'Apôtre, n'est pas ce règne illusoire que 
le sage du Portique pensait acquérir par ses propres forces, mais un don du Dieu 
tout puissant. . 

Car, si tout est à eux, eux « ils sont au Christ », et c'est ce qui fait leur noblesse, 
leur force, leur sécurité. Et « le Christ est à Dieu »; donc, en obéissant au Christ, ils 
entrent pleinement en participation du pouvoir de Dieu. Leur « liberté dans le Christ » 
ne peut être qu'une soumission parfaite à la loi de Dieu, comme on le verra aux 
chap. vi et suivants. Quelques auteurs ont cru que Paul voulait ainsi réprimer certaines 
licences du « parti du Christ » (v. Exc. 1v); rien ne l'indique dans un passage qui est 
d’une hauteur si sereine, d’une portée si universelle, bien au-dessus de toute polémique 
spéciale; (mais il est aussi très gratuit de croire, comme J. Weiss, que ce due Xpto- 
roù aurait été l'occasion, pour un copiste ou un lecteur, d'introduire les mots iyà àë 
Xptoroë comme glose à 1, 12). 

Tout est aux Corinthiens, parce qu'eux-mêmes sont à Dieu, dans le Christ. En face 
de cette grandeur, commune à tous les fidèles, et qui devrait les dispenser d'en cher- 
cher d’autres, comme leurs rivalités d'enfants jaloux paraissent mesquines et risibles ! 


EXCURSUS III. — LA DOCTRINE DU PURGATOIRE TROUVE-T-ELLE UN APPUI 
\ CHEZ SAINT PAUL ? 


À ce que nous avons dit au commentaire de 111, 12-15, quelques considérations 
sont bonnes à ajouter. 

Nous avons interprété le « feu: » au sens le plus étendu, comme l’ensemble 
des épreuves et des jugements auxquels le Christ, Juge invisible d'abord, puis 
visible au jour du grand Avènement, soumettra l'ouvrage de ceux qui ont voulu 
— ou prétendu — travailler pour Lui. Mais le v. 15, disions-nous, montre que 
ce n’est pas l'ouvrage tout seul, c'est aussi l’ouvrier qui pourra être atteint par 
la flamme, bien qu'il soit destiné au salut. 

Comme rien n'indique que ces épreuves du travail de chacun doivent toutes 
avoir lieu durant la vie présente, il faut reconnaître que Paul envisage, pour les 
âmes élues qui auront quitté ce monde, la possibilité d'une dette à acquitter 

‘encore envers Dieu. Où et quand cette dette leur sera-t-elle réclamée? On ne 
voit que le moment où elles comparaîtront devant le tribunal du Christ 
(II Cor. v, 10 et Rom. x1v, 10). 

Ce jugement du Christ ne peut être les assises générales de la Parousie. Car, 
d'après le même chapitre de Il Cor., le sort de quelques-unes au moins sera 
déjà actuellement fixé avant cette consommation; là, et encore dans l’Epître aux 

Philippiens, l’Apôtre exprime l'espoir de jouir déjà, avant la résurrection, de la 
compagnie du Christ. 

Est-ce que cette détermination sera exceptionnelle? Et la masse des élus, 
jusqu’au jour de la consommation, restera-t-elle en suspens, dans une espèce 
d'incertitude sur le sort final qui l'attend, ou condamnée à une sorte de sommeil ? 
Puisque certaines âmes au moins y échapperaient, c'est donc que cette attente 
équivaudrait à une punition, pour les déficiences de leur travail à élever le 
« temple de Dieu » autour d'elles et en elles. 

De toutes façons, nous serions ramenés à l'idée d’un temps ou d’un état 
d'expiation après la mort corporelle, à un « purgatoire ». 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, II, 21-23 67 


Toutes les religions un peu élevées ont eu cette conception, rejetée si mal à 
propos par le protestantisme. C'est le bain de métal fondu du zoroastrisme, qui 
brülera aux derniers jours les souillures des âmes imparfaites; c'est la transmi- 
gration expiatoire des Orphiques, des Indiens. Cette conception, pour 
quiconque admet les sanctions d’une autre vie et l'exactitude de la justice 
divine, ne saurait être regardée comme sans fondement. Le ZZÆ livre des 
Macchabées nous apprend que le Judaïsme tardif offrait des sacrifices pour les 
morts; et l'archéologié des catacombes montre que les chrétiens des premiers 
siècles priaient pour leurs défunts. 

Comme il n’y a aucune raison de penser que Paul admettait l hypothèse d'un 

« état intermédiaire » conçu à la manière que nous exposions tout à l'heure, 
mais qu'au contraire, dans les seuls passages où il parle de l'état des âmes 
« séparées », il se les représente en état de conscience et de jouissance, on est 
tout naturellement porté à croire, par analogie, que, s'il en est qui ont encore 
à subir une peine avant de jouir de la vue du Christ et de Dieu, elle La subissent 
-en état de pleine connaissance, et ainsi « passent par le feu », pour courir au 
travers des flammes vers le salut qui les attend. 
Ÿ On serait heureux de trouver d’autres indices, chez Paul ou dans le Nouveau 
Testament, de ce dogme, si naturel et si: consolant; du Purgatoire, que l'Église 
n'a délini que tardivement, mais que sa liturgie présupposait dès les siècles. 
antiques. On en trouverait encore des traces dans le passage allégorique de Luc 
x11, 48 : [6 Goblos]... ph yrobc [ro OéAaua voù xuploul, moous GE détu mAnydv, dapioecar 
GMyas, « [le serviteur] » qui n’a pas connu [la volonté de son maitre] (comme 
l'autre qui l’a violée en pleine connaissance), mais a fait des choses dignes de 
châtiments, recevra peu de coups ». Il s'agit là du jugement de Dieu et du 
Christ. — Ces textes, si rares, si généraux et peu explicites qu'ils soient, 
contiennent bien une doctrine d’expiation proportionnée à toutes les fautes, 
qui n’est pas restreinte au milieu de la vie présente, et par conséquent, comme 
application individuelle et principale, entraîne l'existence de cè que nous 
appelons un « purgatoire ». 

Nous verrons d'ailleurs dans la même épître, au chap. xv, 29, que le fameux 
« baptême pour les morts » sujet de tant de controverses, signifie très vraisem- 
blablement quelque prière, rite, ou intention jointe à la cérémonie du baptême 
en vue de profiter à l'âme des morts, — morts qui ne peuvent évidemment être 
ni des bienheureux ni des damnés. 

Nous n'avons chez Paul que des indications implicites; mais il faut les ajouter 
au tableau de son eschatologie. 


IIT. Paul définit le devoir des apôtres, et réserve à Dieu le droit 
de les classer selon leurs mérites (iv, 1-5). 


Ixr. Revenant aux idées de IIT, 1-5, (schéma ofa) Paul les résume et les géné- 
ralise, pour clore toutes ces discussions entre partis. Tout vrai mérite des instructeurs 
évangéliques consiste à être vraiment fidèles dans la transmission des .« mystères de 
Dieu » révélés par le Christ. C’est Dieu seul qui est capable de juger en connaissance 
de cause, soit de la pureté de leurs intentions, soit aes résuliats respectifs de leur 
travail. Les Corinthiens se pressent trop de décider, ou qu'ils ne connaissent pas 
encore le jugement de Dicu. 

Il cest évident que Paul ne parle que des « apôtres », qui méritent ce nom, qui, 
dans la substance de leur œuvre, sont vraiment des « économes fidèles ». 


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A. 4. Aoylfesla, « compter », « mettre en ligne de compte », apparaît ici au 
sens propre, et reviendra huit fois dans 17 Cor., dont six aux fameux chapitres x- 
x. — dv0pwros est peut-être un hébraïsme, l'hébreu WIN — ‘Yrnpéins désignait les 
rameurs sur les bateaux; par extension, tous les hommes de peine; rang inférieur 
à Oiérovos, employé ci-dessus, nt, 5; la Vulg. (ministros) n'a pas rendu cette nuance, 
Oëxovéuos, « intendant » — éxirporos, l'esclave qui distribuait le travail ou La paye à 
ses compagnons; au sens le plus relevé, l'administrateur du bien d’un proprié- 
taire. — Mucrt. 0eoë, cfr. supra, n, 7-10. 

B. 1. Puisque Paul vient de se nommer lui-même, en compagnie de Céphas et 
d'Apollos, il dit aux Corinthiens, en mots bien frappés qu'ils devront retenir, sous 
quel rapport il faut faire entrer leur activité et leur personne en ligne de compte. Ses 
termes sont d'une humilité rare (il est sûr d’ailleurs que les deux autres pensent 
comme lui}. Ils ne sont que des « manœuvres » de l'Évangile, le grand ouvrier 
étant le Christ lui-même; tout au plus des « intendants » (v. supra), ou des adminis- 
trateurs, mais en tout cas des subordonnés, comparables à des esclaves supérieurs 
dans la « maison » antique. Les partisans de Corinthe devraient avoir honte de 
cabaler à propos de gens qui ne sont que leurs compagnons de service. Paul se met 
sur le même rang que les autres, sans relever ni la supériorité de Céphas, ni La 
sienne propre, dont il sera cependant bien obligé de parler plus bas, au v. 15. 
Quand il dit qyäs, « nous », il entend énoncer un principe tout à fait général, 
valable pour tous les ouvriers évangéliques. Les « mystères de Dieu » qu'ils ont 
à distribuer, ce n’est pas seulement la prédication de la doctrine {Cornely), mais, 
en outre de cette part de la sagesse « cachée » que Dieu a voulu révéler aux 


9 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, IV, 1-0. 69 


hommes pour leur salut (nr, 6. ss), ce sont les sacrements etc., enfin tous les moyens 
de grâce institués dans l'Église pour la vie chrétienne (Gutjahr). 

—— A. 2. 65 pour Gùe E, L, al. — zi Cnseïre pour Cnreïrr, dans N*, qui fait 
de la phrase une interrogation; le changement de la désinence verbale est dû à la 
prononciation de l'époque. — ès — « en ce cas », cfr. Apoc., aux chap. xIII, XIV, 
xvu, et Epiciète (J. Weiss); chez ce dernier, rappelle Zietzmann, &ôs Aorrdv apparaît 
aussi comme formule de transition (Æpict. 11, 42, 24); houxév peut signifier ici « en 
somme », ou « par là même »; il a ce dernier sens en plusieurs passages d’Epictète. 

B. 2. Grande est l'importance de ce verset, pour juger de ce qu'on appelle « l’in- 
dividualisme de Paul ». L’Apôtre ne pouvait nous dire plus clairement que, à ses 
yeux, il n'était, lui comme tous les évanglistes, que le dépositaire d'une doctrine 
qu'il n'avait aucun droit de modifier, un « économe » qui doit rendre compte rigoureu- 
sement à son maître — pas à d'autres; toutefois voir versets suivants — de la manière 
dont il la communique. 

—— À, 3. cis EAdytotéy Ecrtv est-il un hébraïsme? Voir Deissmann, L O, On trouve 
au moins en attique eis &kdy. yiveta (voir W. Schmid, « Attizismus », nombreux 


Ca. 1v, 1. Aïnsi, que l’on nous tienne pour manœuvres du Christ, et 
intendants des mystères de Dieu. 2. Dans ce cas, ce qui en fin de compte 
est requis chez les intendants, c’est que l’on soit trouvé fidèle. 3. Quant à 
moi, il ne m'importe pas le moins du monde que ma cause soit instruite 
par vous, ou par quelque « Jour » humain; mais je ne l’instruis seulement 
pas moi-même! 4. Car je n'ai conscience de rien contre moi-même, mais 
ce n'est point pour cela que me voilà déclaré irréprochable. Celui qui 
instruit ma cause, c'est le Seigneur. 5. Ainsi, ne jugez de rien avant le 
moment [voulu], jusqu’à ce que vienne le Seigneur, qui [saura] et éclairer 
les cachettes des ténèbres, et rendre manifestes Les desseins des cœurs; et 
alors l'éloge [dû] à chacun [lui] viendra de Dieu.  * 


exemples). — {vx introduisant une phrase-sujet, cfr. Joh. iv, 34; I Jok. v, 35 Luc 1, 
43; et, dans cette épître plus bas, 1x, 18, v. ad loc. — àvaxoivw a le sens de « enquè- 
ter », v. supra, 11, 14-15. — fjuéox ne se trouve nulle part ailleurs avec le sens de « juge- 
ment » ou de « tribunal »; à la rigueur on pourrait rapprocher l'inscription du 
Temple de Didyme où le jour de la visite de l'empereur Hadrien est désigné comme 
iepa uéox (v. Moulion.-Mill, ad verb.); mais le plus probable est que Paul ne s’est 
inspiré ici d'aucune manière de parler courante, et qu'il a simplement, par ironie, 
faisant allusion au « Jour » du Seigneur (ur, 13) dans tous les sens que nous avons 
indiqués, voulu dire qu'il ne se souciait que de ce jugement-là, et non des enquêtes 
d'aucun homme qui prétendrait tenir par lui-même des assises réservées au Seigneur; 
voir le v. 5, infra. 

B. 38. Avec une fierté un peu rude, mais que justifiaient bien les circonstances, 
Paul leur déclare qu'il n’a aucun souci des critiques ou des louanges qu'ils pou- 
vaient lui adresser — au titre d’apôtre, sans aucun doute. Il ne travaille pas pour 
capter des éloges, et le plus grand personnage vint-il tenir son « Jour » à 
Corinthe, il ne s'en soucierait pas davantage, puisque ce ne serait toujours qu'un 
homme. Inutile de se demander avec J. Weiss si l'on avait insinué de « juger » 
Paul au sujet de la doctrine ou de l'administration; certainement les choses n’en 
étaient pas encore à ce point de tension; mais peut-être déjà quelques-uns (du parti 
de Céphas??) murmuraient-ils que les anciens apôtres ne l’auraient pas approuvé en 


70 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, IV, 1-5. 


tout. Certains passages de ZI Cor., que nous étudierons à leur heure, pourraient le 
faire supposer. ' 

Il ne veut même pas « débaitre sa cause lui-même, en lui-même »; c’est-à-dire 
chercher à apprécier exactement le mérite ou les insuffisances de ses intentions et 
de ses actions; cependant, il pourrait le faire mieux que les Corinthiens, puisqu'il a 
les lumières d'un Apôtre choisi par le Christ, et que, s'il s’agit des motifs et des 
intentions, « lequel des hommes sait ce qui est dans l’homme, si ce n'est l'esprit 
de l’homme qui est en lui » (11, 11)? 

Tout le contexte montre qu'il ne parle que de son ministère extérieur d’apôtre, 
sur lequel portaient les critiques; ce n’est pas qu'il ne fît son examen de conscience 
(cfr. x1, 31); mais, comme interprète s. Thomas, « possunt aliqua peccata in me 
latere, quae ignoro », à condition qu'on ne l'entende que de légers manquements 
dans ses devoirs d’apôtre, résultant d'imperfections intérieures qui lui échappent 
encore. 

A. 4, tpavr oûvoba, cfr. Job xxvit, 6; expression retrouvée chez Platon, 
Polybe, et ailleurs. — dtxudo a ici le sens forensique, « déclarer juste ». 

B. 4. Paul affirme bien la droiture et la paix de sa conscience, pour tout ce qui 
concerne l’accomplissement de ses devoirs apostoliques. Il ne s’agit que de ces 
devoirs-là, puisque tout le'contexte ne traite que du mérite ou du démérite des 
apôtres en tant qu'apôtres. Ce verset ne parle donc pas, directement au moins, de 
la « justification » du pécheur par la grâce (quoique les théologiens, par extension, 
puissent l'appliquer quand ils traitent de la « conscience » de l'état de grâce). Paul 
veut dire simplement qu'il ne croit pas son ministère exempt de tout blâme 
(Gralwors —= « acquitter », mot qui fait allusion à l’ävézxpiou, à l’« enquête » dont il 
vient d’être parlé) du seul fait qu’il n'aperçoit pas en quoi il mériterait blâme. Les 
saints, pas plus que les autres, ne peuvent oublier que personne n'est juge parfait 
en sa propre cause; ils remettent l'appréciation infaillible à Dieu. — Au reste, il n'y 
a pas lieu d'insister, avec J. Weiss, sur le sens eschatologique de cette dtratwats; 
dès le jour présent, son ministère est irréprochable aux yeux de Dieu, ou bien il ne 
l’est pas; quant à lui, il l’ignore; maïs le parfait dedtalouat indique bien (toujours 
contre J, Weiss) que “Paul pense à une situation présente, acquise, et non purement 
future. 


A. 5. Rien ne suggère en ce verset une citation d'apocryphe (cfr. 
J. Weiss). — 6 manque D*, E, F, G, Augustin. — Pour la construction avec Gore, 
voir au ch. 111, 21 supra. 

B. 5. Si Paul lui-même se croit tenu à une telle réserve, malgré la paix de sa 
conscience, ses lumières d'apôtre, les communications du ciel, combien plus les _ 
Corinthiens — tels que nous avons déjà appris à les connaître — doivent-ils 
s'abstenir des jugements précipités et imprudents en une matière qui dépasse certai- 
nement leurs esprits superficiels de « petits enfants dans le Christ »? (v. nr, 4. suiv). 
Qu'ils sachent attendre « la venue du Christ » (dans tous les sens où nous avons 
expliqué le fuépa de int, 8,18). Alors ils verront si Paul ou leurs autres instructeurs ont 
tout fait pour le mieux, s'ils avaient ou non des intentions secrètes repréhenñsibles, et 
ce sera en pleine lumière au jour de la Parousie. Alors les éloges seront distribués 
comme il convient par le juste et infaillible juge qu'est Dieu. Et Paul insinue que 
tous ceux pour lesquels ils s'exaltent ne seront pas également bien partagés à cet 
égard. — (Si Paul n'a pas senti « l'opposition » qu’il y aurait, selon J. Weiss, entre 
l'attente d'un « éloge » divin et la gratuité du salut, c'est simplement que Paul n'était 
pas protestant). 


IV. Réprimande aux Corinthiens qui ne se divisent, 
au fond, que par vaine gloire, et qui comprennent si peu 
les exemples de leurs apôtres. Exhortation paternelle (1v, 6-16). 


Inrropucrion. — L'Apôtre n'a ainsi parlé de lui-même et d'Apollos que pour faire 
la leçon à ses convertis. L'attachement à leurs maîtres n'est qu'un prétexte; ils ne 
cherchent, en réalité, qu'à se faire estimer les uns plus que les autres. Contraste sar- 
castiquement dépeint entre leurs prétentions à être quelque chose en ce monde, et la 
situation de leurs avôtres, qui devraient être leurs modèles, à eux qui se font tant de 
gloire d'étre leurs disciples. — Dans les derniers versets Paul s'excuse de sa viva- 
cité; c'est son sèle de père très aimant qui l'a fait parler ainsi; car il est leur père 
dans la foi, honneur que nul autre ne peut s'adjuger, et c'est lui qui leur a appris 
comment on peut authentiquement imiter le Christ. 

, Le ». 6 a servi de grand argument à Delafosse pour assigner une origine marcionite 
ou montaniste à une grande partie de cette épitre; cette fantaisie demandera quel- 
ques lignes de discussion. 


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_ Cu. 1v, 6. Toëra 6, &dehqof, “metecynudrion els Emœurèv xat AroAdowv Du duc, 
el 3 ns , x = 4 x a . 4 ri es ms PA *: _ 
iva v uiv pare “rù « Mh ümèp à Véypamrtaun, ph elc bnèp ToÙ ÉvdS “ouctodobs 
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tata Toù étépou. 7. Tis Vép os iaxpivers ti DE Éyerg Ô oùx Éhubes; et DE xat Ehabes, 


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Tl xavyaco &e un AxËGY; 


Cu. 1v, 6. Ces choses-là, frères, j'en ai pris un spécimen en [ce qui con-: 
terne} moi-même et Apollos, à cause de vous, pour vous faire apprendre 
par notre cas, le « Pas au-delà de ce qui a été mis par écrit», pour que 
vous n’alliez pas, à propos de l’un vous bouffir l’un contre l’autre. 7. Qui 
est-ce en effet qui [te] distingue, toi? et qu’as-tu que tu n’aies reçu? mais 
si tu as bel et bien reçu, pourquoi te glorifies-tu comme si tu n'avais pas 
reçu ? 


À. 6. Meracynuatitw est un des mots embarrassants du vocabulaire paulinien, Litté- 
ralement il signifie « transformer », « changer la figure » de quelque chose, cf. 
Cor. x1, 13, 14, 45, Phil. im, 21; c’est pourquoi Chrys. et d'autres, Grecs et Latins, 
puis Erasme, Bèze, Corn. a Lap., ont émis l'idée que, si Paul, au ch. 1, 12 et plus 
bas, avait parlé de divisions faites à propos de lui, d'Apollos, et de Céphas, ce n'était 
pas en réalité sur les noms de ces personnages que les Corinthiens cabalaient; 
l'Apôtre, par charité, réserve et prudence, n'aurait parlé que d'une manière fictive ou 
éventuelle, substituant son nom et celui des autres, afin de ne pas nommer les vrais 
chefs des factions; mais, ainsi que Cornely l'observe justement, le radta par où 
débute ce verset se rapporte à ce qui précède immédiatement, où Paul parle bien de 
lui-même et d'Apollos en personne; et d’ailleurs l'aveu de ce « métaschématisme » se 
trouverait beaucoup trop éloigné du ch. 1, v.12, qui est l'affirmation d'un fait très 
catégorique où aucun lecteur innocent n'aurait l'idée de voir une fiction diplomatique. 
Cependant Delafosse a trouvé habile de reprendre cette exégèse vieillie, afin 
de pouvoir comprendre les pages précédentes comme un recul artificiel dans le 


72 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, 1V, 6-16. 
LA 2 = , 

8. ‘Hôn xerxopeouévor êoté, #ôn émhoutioure, ywpis hudv Ébachedoate... Koï 
Cpehsv je Ébaotheboate, va at ueïs dv cupéaothetowmey. 9. Aou Yyäp, à Bed 
À D Led Nes 2m +5) 2 nm , rm à Ë x ëxt0 { d= Gé End È +0: 
ac Tods Gmootéhous Écydrous amédaéer dç éxuwavartious, Or Béarpov éyevi0nuev 
ns ; € … e = + 
7 zéopw, %al Gyyéhois ka avôporors. 10. ‘Huesïc pwoot Gix Xprorov, dues dÈ 
ppovumor év Xpiord, fus Gobeveis, dLets DÈ loyupot, bueis ÉvOoËCL, muets DÈ duo. 
41 *A . » ns \ tie n EUR « VK,, ND ’ \ \ ) Lu 

. Aypr Ts dort bouc kal reuwvduey Lai dibümev, rat “yupvnretomer, rat xohaoutG 


passé des dissentiments entre marcionites, défenseurs de la « sagesse » purement 
divine, et catholiques de la grande église. Il faudrait avoir du temps à perdre pour 
réfuter de telles théories, si dépourvues de sens psychologique et historique. IL faut 
donc prendre ici petasynuatitw en l’un de ses sens secondaires, comme « faire allu- 
sion », usité en rhétorique (Rob.-Pl.), ou « poser en exemple » (Lietzm.), « appliquer » 
(Toussaint, Sickenberger, Lemonnyer), etc.; disons avec Calovius (cité par Tous- 
saint) : « Non est per fictionis, sed per applicationis modum »; on ne trouverait plus 
aujourd’hui que des exégètes à la Delafosse pour y contredire. 

Remarquons encore : bnèo 6 au lieu de ôr. &, D, E, F, G, L, pes, al; — opoveiv ajouté 
après yéypantar, pour faciliter le sens, L, P, syr., al; — ux supprimé après fve?, ou les. 
deux mots va ur, D, E, vulg. On voit que ce verset obscur a bien embarrassé les 
scribes. . 

La forme œvotoëoûe est un subjonctif hellénistique de vuotéw, pour œuaüole; cfr. 
Enhoëte dé Gal. 1v, 17. Ces formes subjonctives altérées, résultant d’une confusion de 
prononciation entre w et ov, sont fréquentes à partir du nr siècle de notre ère seulement; 
aussi peut-être, en ce verset celle-ci est-elle due aux scribes {(v. INTropucrTion ch. v; 
Radermaclher, pp. 87 et 67), — bxép, dès les temps classiques, était souvent employé pour 
rep, qu'il avait supplanté dans les inscriptions attiques depuis 200 av. J.-C. (Abel, 
p. 224). — Lis Ürèo roû évbs ouorobsle xarà vou Étépou; cfr. eîe tov Evé de I T'hess. v, 11; 
si ei redoublé marquait la réciprocité au lieu de &A\flwy, ce pourrait être un calque 
de l'araméen, mais on en trouverait des exemples en littérature grecque (d'après 
Abel, p. 147); cela signifierait alors : « ne vous enflez pas les uns à propos des 
autres »; mais, comme eîs a son corrélatif naturel toë étépou à la fin du verset, il vaut 
mieux le faire s'y rapporter; cependant on peut douter encore s'il vaut mieux tra- 

. duire : « ne vous enflez pas, à propos de l’un (Paul ou Ap.), l'un contre l’autre » (Id. 
Loisy), en rapportant toÿ étéouu à et, ou bien : « Ne vous enflez pas, quelqu'un d'entre 
pous (efs — tu; ou « qui que ce soit d'entre vous ») en faveur de l’un au détriment de 
l'autre » {toë étépou rapporté à voë Evés). Nous préférons la première phrase, moins 
raboteuse et moins irrégulière pour le sens de ei. 

Le plus difficile à comprendre, c'était l'expression +ù 4 brie à Yéÿeantu; c’est pour 
cela qu’on a ajouté opovetv, ou, avec la Vulgate, modifié toute la phrase en ne tenant 
aucun compte du +6 embarrassant et supprimant té {ve ui (« ut in nobis discalis, ne 
supra quam scriptum est, unus adversus alterum infletur pro alio », où l'on ne voit 
pas encore bien ce que peut signifier « supra quam scriptum est »). Maïs té nous 
paraît certainement authentique, opoveiv n'étant qu'une glose explicative (Bachmann), 
et l'on n’est pas obligé de croire, avec Æolsien ou Joh. Weiss, que la phrase a été 
corrompue. Il suffit de considérer pà dx. & yéy. comme une expression consacrée, trai- 
tée comme un substantif, régime de pé0nze (ainsi la plupart). 

B. 6. Saint Paul est sur le point de passer à une vive réprimande. En transition, 
il dit à ses lecteurs que ce n’est pas pour faire son apologie, à lui ou à Apollos, qu'il 
s’est étendu sur leur cas, mais pour le bien de l’église de Corinthe. S'il n’a parlé que 
de lui et de son collaborateur alexandrin, mentionnant à peine Céphas une fois en 
passant, c’est, croyons-nous, qu'il suffisait d'en prendre deux, et que lui et Apollos 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, IV, 8-11. 73 


8. Déjà vous voilà assouvis, déjà vous faites fortune, en dehors de nous 
vous êtes devenus rois... Hé oui il serait bien avantageux que vous soyez 
devenus rois, pour que nous aussi nous sovons rois avec vous! 9. Car, à 
ce que je crois, Dieu nous a exhibés, nous les apôtres, fcomme]les derniers, 
comme des condamnés à mort; parce que nous sommes devenus un 
[spectacle] de théâtre pour le monde, anges et hommes. 10. Nous 
somrnes, nous, ineptes à cause du Christ, mais vous [des gens] sensés dans 
le Christ; nous impuissants, mais vous forts; vous renommés, mais nous sans 
considéralion. 11. Jusqu’à l'heure présente, nous souffrons et la faim et 
la soif et La nudité, et nous recevons des coups, et nous sommes vagabonds, 


avaient travaillé à Corinthe, ce que Pierre n'avait point fait (v. Irron. ch. n), et non:- 
pas (contre Lietzmann) pour cette considération qu’il s’entendait avec Apollos beau- 
coup mieux qu'avec Céphas; passe encore s’il s'agissait du « parti de Céphas ». 
Quant au « Christ » (r, 12), il ne pouvait évidemment le nommer ici, et il a d’ailleurs. 
partout laissé dans l’ombre:cet éventuel « parti du Christ ». 

Il rappelle Iles lecteurs à l’ordre au moyen d’une formule dont le sens reste très. 
douteux : « Pas au delà de ce qui est écrit. » Pour Guactjahr, « ce qui est écrit », ce 
seraient les citations de l'Ecriture faites 1, 49,31, m1, 149; pour Schmiedel, 1, 81; 
Luther et Bachmann le rapportent à tous les conseils précédents; Clemen y voit. 
des mots d'un apocryphe, tandis que Chrysostome pensait à une parole du Christ; 
pour Bengel, Holsien, Lütgert, Toussaint, ce serait tout l'Ancien Testament; 
Hofmann, une pointe; Heinrici, un statut de la communauté, d’après les usages 
grecs; Meyer-Heinrici, une phrase à effet des meneurs, lancée contre l’enseignement 
de Paul, et qu'il leur rétorque; J. Weiss fait diverses suppositions. Ce qui nous 
semble le plus vraisemblable, c’est que la phrase était une espèce de proverbe ou 
dicton qui circulait à Corinthe, par exemple contre les chicaneurs qui ne cessent de 
gloser sur la lettre claire d’un contrat; Paul l'entend en ce sens qu’il ne faut pas 
tourner et compliquer par de vaines disputes les choses et les enseignements bien 
établis, ni faire des suppositions téméraires sur les intentions ou le sens des prédica- 
teurs qui ont promulgué l'Evangile, afin de pouvoir préférer l’un ou l’autre. En un 
mot, il repousse une dernière fois les gloses des « Sages » ou des malveillants. 

Mais ce n'est pas le point le plus important. Paul prononce enfin à leur face le 
mot qu'il retenait depuis longtemps, et qui explique ce qu'il y a au fond de toutes 
leurs coteries ; ils sont enflés de leur propre importance (gvotoüole, « comme des gre- 
nouilles », dit J. Weiss) et n’exaltent, envers et contre tous, leurs maîtres favoris, 
que pour se faire valoir eux-mêmes, aux yeux des autres chrétiens, censés par eux 
moins bien initiés, et aussi aux yeux des profanes. 

À. 7. zavyäoa, hellénistique pour xwvy& classique. — Le za de ei DE za aies 
marque, comme souvent chez Epictète, l'insistance sur l’idée du verbe (Zietsm.); il 
peut se rendre familièrement par « bel et bien ». 

B. ‘7. Enfin l'indignation de Paul contre toutes ces puériles intrigues éclate en 
brusques apostrophes, qui passent de 8 à 13 à l'ironie sarcastique. Ce passage peut 
être rapproché de plusieurs autres de même portée dans la 11° Epiître aux Corin- 
thiens (notamment II Cor. 1v, 8-12 et vi, 3-10, — dont l'inspiration est pourtant moins 
polémique et plus sereine, — et de II Cor. x-xir, encore plus vigoureux). Il les égale 
pour la beauté; on y voit comme l’Apôtre, dont certains Grecs faussement cultivés 
dépréciaient l'éloquence trop spontanée, avait en mains de terribles forces polémi- 
ques, quand il devait « abattre toute fortification dressée contre la science de Dieu » 
(IT Cor, x, 4-5), 


74 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, IV, 6-16. 
* ? = - ne n ) * 
uela Kat “aoraroïmev, 12. xat xomüpev épyatômevor tais idlaus yepoiv. * Aoudopob- 
= ? * - 
pevor sbhoyobpev, diuxomevor “aveyopebx, 13. Buopnuoipever “raparxakoëmer. “Qc 
* - ! ‘ G 2 ‘ 
mepurabiomara Toù xôopou Éyevémuev, révruv “repidua Éws pr... 


Il débute par une question mortifiante, en vrai style de diatribe : « Qu'est-ce qui 
te distingue, toi? » (Il faut insister sur le pronom 6e). Cela veut dire. : « Si tu te 
distingues par quelque avantage spirituel, de qui le tiens-tu? » ou mieux encore : 
« Qui donc fait attention à toi » et à ta personnalité souvent insignifiante ? — Si tu as 
vraiment quelque chose, « que possèdes-tu que tu n'’aies reçu d'autrui? » Tu te cou- 
vres, pour attirer sur toi quelque considération, des mérites d’un instructeur, et tu te 
les attribues, comme s'ils n'étaient pas à lui, mais les tiens; tu te poses, avec tes 
attitudes, en homme qui s'est fait soi-même; ce que tu cherches; c'est la gloriole et 
la réclame personnelle. Ces Corinthiens-là, en effet, paraissent avoir eu la mentalité 
des disciples du platonisme ou du stoïcisme qui prétendaient être montés par leurs 
propres efforts à la dignité de contemplateur ou de « sage »; ils semblaient oublier 
dans la pratique que l'on doit tout, en matière de perfection chrétienne, à l'initiative 
absolument gratuite de la grâce de Dieu. Estius et d'autres ont interprété ce verset 
contre les molinistes; il a en effet son importance dans les controverses sur la 
grâce. 

Rob.-Pl, observent joliment que Paul retourne contre eux leur procédé à l'égard des 

apôtres, qu'ils étaient portés à traiter un peu comme des rhéteurs qui auraient passé 
un examen ou un concours devant Corinthe. 
A. 8. Les aoristes érlourisare, éBactksdoure (après le parfait *ex0p.) sont 
« ingressifs » et signifient : « Vous vous êtes mis à être riches, à être rois »; le 
deuxième éfactk., avec dpelov, est un « irréel » qui se passe de &v, comme le classique 
ele ou elle doshov; cfr. II Cor. x1, 4, (où il y a un imparfait, non un aoriste, pour un 
souhait moins irréalisable). Voir Blass- -Deb. $ 359. 

B. 8. Ce verset, dit Rob.-Pl,, n'est pas à prendre comme une autre question 
{contre W.-H.), car il est destiné à poser un fait qui contraste avec les versets 
suivants, lesquels sont affirmatifs. 

Déjà, n! Il en est à Corinthe qui se figurent jouir déjà de tous les biens du 
Royaume, — à l’exemple peut-être de certains mystes païens; on peut comparer la 
suffisance de quelques-uns de leurs « pneumatiques » {ch. xiv). L'Évangile les a mis, 
à leur jugement dans une condition morale etspirituelle bien confortable, où, sans effort 
de progrès, sans tension douloureuse d'espérance, ils pensent attirer sur eux, 
comme « parfaits » et « sages », les regards admiratifs de leurs coreligionnaires et 
peut-être des autres. Ne serait-ce pas les mêmes qui n'avaient pas besoin de la 
résurrection? (v. ch. xv). En tout cas, il semble s'être fait chez une partie des nou- 
veaux convertis une adaptation de l'attente évangélique à l'idéal mystique ou stoïque 
des païens qui croyaient déjà, dans toute la mesure désirable, « participer à la domi- 
nation de Zeus »; et J. Weiss, qui donne cette interprétation, a raison de noter 
encore que les verbes « être riche » et « régner » appartiennent par excellence au 
vocabulaire de la Stoa. Les chrétiens, eux, s'ils sont des « rois » (4poc., al., cfr. infra, 
au v. 20), ont encore à conquérir leur royaume. 

Ces gens satisfaits d'eux-mêmes, « assouvis » (xexopsouévot), ne pouvaient, s'ils 
regardaient tant soit peu, estimer que les apôtres, leurs maîtres et leurs modèles, 
eussent reçu du ciel des privilèges pareils aux leurs. Aussi Paul leur dit : « Vous 
régnez, — en dehors de nous », qui ne « règnons » guère {au sens où ceux-là l'en- 
tendent). Et il ajoute, comme un regret ironique : Si c'était au moins vrai! peut-être 
nous aménageriez-vous quelque trône à côté des vôtres; mais, jusqu'ici, ce n'est 
point ce que l’on constate. 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, IV, 12-13. 75 


12. et nous nous fatiguons à travailler de nos propres mains. C’est injuriés 
que nous bénissons, persécutés que nous tolérons, 13. diffamés que nous 
invitons. Nous sommes devenus comme les rincures du monde, les râclures 
de tous, jusqu'à présent. 


Ê 


A. 9. Le verbe äroûetævuu, dans l'usage commun des papyrus (Moult.-Mill.), 
signifiait « proclamer » plutôt que « démontrer »; mais ici, à cause du contexte, 
il faut lui conserver toute la force de son sens originel de « montrer », « exhiber »; 
— 5 — « en qualité de »; — érulavatious : ce mot, qui signifie « condamné à mort », 
ne se retrouve dans la Bible que Dan. « Bel et le Dragon », 32. — 0éarpov peut 
signifier tout lieu où on donne un spectacle ; régulièrement c’est le théâtre propre- 
ment dit, pour tragédies, comédies, mimes; mais Dion Cassius l'emploie aussi 
comme synonyme d'« amphithéâtre » pour combats sanglants. — Les anges et les 
hommes constituent le xdouos, deux espèces de spectateurs. 

B. 9. Voici en effet quel sort « royal » Dieu semble réserver à ses apôtres : celui 
de derniers entre les hommes (aux yeux du monde, non des Corinthiens, cfr. s. 7'*om.), 
de condamnés à mort obligés de lutter dans l'arène — comme on pouvait en voir 
tant sous le régime romain. Cette épitre aime à prendre ses images dans Île 
monde familier aux Corinthiens, toute la vie publique païenne. Les stoïciens exal- 
taient souvent les combats du sage contre l'adversité; Sénèque, entre autres (« De 
Providentia », n1, 9) dit comme la constance de Caton dans la ruine de son parti 
devait être un, spectacle agréable à Jupiter. Mais, observe fort bien J. Weiss, 
tout autre est l'esprit de saint Paul : loin de se vanter de ses prouesses de lutteur, il 
veut surtout mettre en relief la misère de son sort, pour des yeux humains, en con- 
traste avec le contentement des Corinthiens; même dans sa superbe apologie de 
II Cor. x1, 23-33, ses souffrances héroïques seront encore présentées, sous un aspect 
du moins, comme.des « infirmités ». 

À. 10, 11, 12 a. Le v. 12 (infra) est mal. coupé, et ne devrait commencer 
qu'à Aotdopobevor. — pwoof, cfr. ch. 1, 24, 25, 27. — äoraréw (v. 11) de « &otatos » « ins- 
table », signifie « être agité, errant, vagabond ». 

B. 10-12 a. À ces versets on peut comparer l'énumération des souffrances de 
Paul, II Cor. x1. Ici l'énumération ‘est plus brève, mais il s’y ajoute un contraste, où 
l'ironie est poussée très loin, avec la situation que les Corinthiens se figurent avoir 
acquise par leur profession chrétienne, ou qu'ils ont l'air au moins d'ambitionner : 
sensés, puissants, objets d'admiration. On comprend assez, par ce qui précède et 
toute l'histoire de l'apostolat de Paul jusqu'à Ephèse, ce que c'est qu'être regardé 
comme insensé à cause du Christ, faible, méprisé. Privations et persécutions abon- 
daient ; les prédicateurs, sauf exception (comme à Corinthe et Ephèse) étaient 
continuellement obligés de fuir d’un lieu à un autre, de Philippes à Thessalonique, 
de Thessalonique à Bérée, etc. Enfin, ce qui n’était certes pas une cause d'estime aux 
yeux du monde antique, ils devaient gagner leur vie du travail de leurs mains. — En 
tout cela, Paul décrit sûrement d'abord son propre état; mais l'emploi du pluriel, et 
l'ampleur de la leçon qu'il veut donner, font croire que la situation des autres qui 
avaient prêché à Corinthe, Timothée, Silas, Apollos lui-même, ne devait guère être 
plus sortable. 

— A. 12-18. Pour la raison que nous allons indiquer à B, nous croyons que, 
dans ces couples formés d’un participe et d'un verbe fini, il faut faire porter l'accent 
sur le participe, comme s’il y avait plus clairement « quand nous bénissons — ou si 
nous bénissons, — on nous injurie » etc. — Ensuite, comme au premier membre les 
sens du participe katôoe. et de l'indicatif evkoy. sont évidemment choisis dans le même 
ordre d'idées, en contraste direct, nous pensons qu'il faut interpréter de même les 


+ 


76 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, IV, 6-16. 


1h. Ox *Evrpéruv bus yodpu Taëra, GAN 6s Téava pou Gyarnta vouberüv. 
15. Eov yap puptous *radeyuyode Eynre En Xotord, &AN où roModc rarépac” 
Ev yao Xpior® ‘Tncoë Gi soù ebayyellou Eyo byas Eyévvnoa. 16. Ilapaxand oùy 
dpac, pumnrai pou yiveole. 


mots en soi un peu vagues dveyduela et rapazxahoëuev. Parmi les nombreux sens de 
ce dernier verbe, nous avons choisi celui d'« inviter » parce qu’il s'oppose le plus 
fortement à « diffamer », vu qu'on n'accepte pas d'invitation, en général, des gens 
qu'on méprise, tandis qu’il caractérise bien, d'autre part, l’activité des apôtres appe- 
lant les païens au festin de l'Évangile (Lietzmann, Bachmann : parler avec bienveil- 
lance, avec amitié). Pour dvéyeodær, « montrer de la tolérance » à l'égard de tous est 
justement le contraire de « persécuter ». — BAxopnuobuevor pour dvso. B, D, G, oulg., 
L, Chrys. — cfr. IL Cor. vi, 3, 10. | 

Teptréfapua et repibnua, hap. leg. dans le N. T., sont deux mots de sens voisin, et 
très vulgaires; le premier se dit du rinçage, l’autre du râclage de la vaisselle sale 
(Moulr.-Mill.); par extension, ils peuvent s'appliquer à toute espèce d'ordures. Mais 
il est un autre sens, dérivé de celui-là : la victime des sacrifices d’expiation, le « bouc 
émissaire », le papuaxéc, c'est-à-dire le pauvre diable qu'on décidait, en échange d'une 
année de ripailles, à se laisser charger de toutes les souillures d’une cité, et que, à 
Athènes autrefois, et en diverses cités ioniennes, le 6 du mois de Thargelion, on. 
tuait pour débarrasser la ville de toutes les ivfections et miasmes dont il était devenu: 
le condensateur magique; au préalable on le couvrait copieusement d'outrages, parmi 
lesquels revenaient les mots reptrélapua, et (d'après Photius, Lexikon) seplbnux, mot que 
la Vulgate n'a pas traduit, et qui devait être par conséquent suffisamment clair même: 
pour les Latins. (voir Usener, Kleine Schriften 1v, 257; Rohde, Psyche?, pp. 78 s.. 
Lietzmann, pp. 21, al.). Aussi l'A. T. connaît-il ces mots au sens moral : repré. — 
« rançon » ?, Proe. xxt1, 18, cfr. Epiciète, 11, 22, 78, et repit, — « rebut ou rançon »? 
Tob. v, 19. II faudra choisir entre la simple acception injurieuse (Gutjahr, Rob.-Pl.. 
al.) et celle de « victime expiatoire » piaculum (Cornely, Sickenberger, Bachmann, 
Lietsmann, la plupart). 

B. 12218. La plupart des commentateurs et des traducteurs semblent croire que 
Paul veut relever ici les vertus des apôtres, au milieu de toutes les épreuves qui auraient. 
pu les altérer. Pareille leçon n'aurait certes pas été inutile pour les néophytes; mais. 
la phrase qui termine tout ce véhément exposé, et qui en résume le sens, montre assez 
que Paul n’a pas tant cela en vue que le désir d’insister avec une humilité impi- 
toyable sur la bassesse où ils démeurent aux yeux du monde et les mépris de toute 
sorte auxquels l'Évangile les expose, malgré tout ce qu'ils font selon la « sagesse du 
Christ ». C’est pour confondre l'orgueil de ses lecteurs; leurs maîtres ne « crânent » 
point comme eux, mais sentent au contraire toutes les âpretés de la Croix; leur 
humilité, leur défaut de riposte sont tout le contraire de ce que ces vaniteux pour- 
raient tenir pour une attitude fière et héroïque (v. J. Weiss). À moins que zepxdf. et 
repit. ne veuillent dire qu'ils acceptaient, à l'exemple du Christ, d'être victimes pour 
les péchés du monde; maïs il ne semble pas que Paul ait voulu mettre cette idée en 
vedette; car ces deux mots, avec leur basse origine, et leur application même aux 
misérables vapuaxot, n'évoquent guère que l'idée de mépris et de déroût. Il est pos- 
sible que Paul se fût entendu lancer de telles épithètes dans les émeutes; leur sens 
cultuel n'était plus senli, et elles étaient devenues de simples outrages (7. Weiss). 
Voir Findlay, « The Expositors Greek Testament », sur ce passage (cité par 
Moulton-Mill, au mot reotxé0apua). 

C'est ce qui justifie notre traduction, voir supra, A. 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, 1V, 14-16. 77 


44. Ce n’est pas pour vous faire honte que j'écris ces choses, mais, comme 
à mes enfants très aimés, pour réveiller votre mémoire. 15. Quand vous 
auriez, en effet, dix mille pédagogues dans Le Christ, du moins pas plu- 
sieurs pères... car dans le Christ Jésus, par l'évangile, c'est moi qui 
vous ai engendrés. 16, Je vous y exhorte donc, devenez mes imitateurs. 


A. 14. voler pour le participe, dans B, D, E, F, G, L, al. vulg. — èvrpéru 
au sens de « faire honte » est usuel dans le N. T., évangiles, épitres de Paul, Heb. 
et connu aussi d'Æpictète, de Plutarque, voir Moult.-Mill. à ce mot. 

B. 14. Paul, avec cette sortie vigoureuse, a presque peur d’être allé trop loin; 
comme les auditeurs, en effet, ont dù baisser la tête en entendant lire ces phrases 
pour la première fois dans leurs réunions! Il se ravise donc tout d’un coup et parle 
de la manière la plus tendre, comme un père qui console ses « enfants chéris » après 
les avoir grondés un peu fort. Il n'a voulu que les empêcher d'oublier ce qu'il est 
pour eux {voir v. suivant). Car, si au v.1v, 3, il s’est mis fièrement au-dessus de 
leurs jugements, il n’en était pas moins fort affligé, pour ses fils eux-mêmes, de voir 
la légèreté et la vanité qui causaient leur ingratitude. 

B. 15. Cri du cœur très émouvant. Cet amour paternel qui le tient aux 
entrailles, Paul, nous le verrons à la seconde lépître, le sentira d'autant plus fort que 
ses enfants se montreront plus ingrats. Dix mille « pédagogues » ! Il ne cache plus 
son dédain pour ces brouillons et ces gâcheurs de l’œuvre évangélique qu'il a aver- 
tis aux versets 10-17. Le pédagogue n'était même pas un maître d'école (cf. Gal. mr, 
2%), c'était l'esclave chargé tout simplement de mener en classe les enfants de bonne 
famille. Et ces subalternes qui, dans le cas présent, n’ont reçu cette mission que 
d'eux-mêmes, voudraient que leur autorité fasse oublier celle du père! 

À. 16. Ilaparal&, ici inviter ou exhorter; 220$ 2%yw Xptoroë, ajouté à la fin du 
verset par 10, 31, al., vulg. (d’après x, 1) n'est qu'une glose, mais bien conforme au 
sens. — Cfr. x1, 1; Gal. 1v, 12; II Thess, nr, 7-9; Phil, xx, 17, 

B. 16. S'ils sont ses fils — ils l'oublient pratiquement, maïs ne voudraient 
cependant pas le nier, maintenant surtout que le père a réveillé leur mémoire, vouber&v, 
V. 44, — alors qu'ils imitent celui qui les a engendrés, et de qui ils ont reçu leur 
première initiation au Christ. Qu'ils limitent tout d’abord, en regardant sa vie sacri- 
fiée (vv. 9-13), par le renoncement à toutes leurs petites et mondaines prétentions qui 
affligent ce père. 

Ce verset, et d’autres pareils, circulant en dehors de leur contexte, ont parfois fait 
accuser Paul d’orgueil. Tout instructeur est pourtant bien obligé de dire à ses élèves 
ou à ses recrues : « Regardez-moi et faites comme moi »; sa fonction l'exige. 


D. Annonce de la venue de Timothée et de celle de Paul en personne 
(ch. 1v, 17-21). 


Ixrnopucriox. — Nous arrivons à la sanct'on pratique. Paul se dispose à venir à 
Corinihe, pour y rétablir l'ordre, en réformant ces abus — et d'autres plus graves 
encore, dont il parlera ch. V et suivants. Il a envoyé Timothée devant lui, afin d'ame- 
ner, s'il est possible, ceux des Corinthiens qui crrent dans. leur conduite à reprendre 
le droit chemin avant sa propre venue. 

Cetie mission de Timothée soulève des problèmes qu'il faudra traiter à propos du 
chapitre XVI, et dans l'Introduction à IT Corinthiens. 


Cu. 1V, 17. Auà voüro abro “éreuba bpiv Timbeov, Ge EorÉy pou Téxvoy ayarnroy 
nai morov v xuplo, Ôç bus avauvéoer Täç édoûs pou tac Ev XotoTû ['Incod], 
rafws ravrayou ëv mon ExxAnoix diddonw. 18. ‘Qc ph Epyomévou Dé pou Tpds 
dpäc touous0nodv nues. 19. "EXsiaopa D3 rayéws mods dbpas, éav à xbpios Dshñon, 
Aa prooopar où Toy ASYOY Tv mepusiwpévev, AA tv Düvapuv. 20. OÙ yao ëv AS Yw 
h Basheix vo 0eoë, GAN Ev Ouvduer. 21. Ti Bhere; “év b4630 A0 rod das, 
4 à ayarn mvebmati Te pattes ; 


À. 17. aèré manque N°, B, C, D, E, F,°G, L, al., oulg., pes. — #reudo est un vrai 
passé (7. Weiss), et non un aoriste épistolaire. — 6 duäs avauv. tàs 6006, double accu- 
satif classique. — voi pour Xpior® D*, F, G; et ’[ncoë.après Xp., N, C, 5, 6, al. syrh. 
— raitxy0ù ne Se trouve pas ailleurs chez Paul; prétexte pour J. Weiss à mettre en 
doute le membre de phrase. 

B. 17. Une mission de Timothée doit les aider à rentrer dans les vraies voies du 
Seigneur, en revenant à l'enseignement et à la pratique que Paul leur a appris par 
ses paroles et par ses actes. Que signifient au juste ces « voies »? Il faut les prendre 
au sens le plus général, d’après tout ce qui précède : les fondements vrais du chris- 
tianisme (Bousset), spécialement la doctrine invariable sur le Christ (Sickenberger) et 
aussi la conduite morale qui en découle, qui leur a été tracée autrefois par les: 
directions et l'exemple de Paul, dont ils doivent rester « imitateurs » (Bachmann, 
Gutjahr). Pour autant qu'il s’agit d'enseignement proprement dit, distribué le même 
identiquement à toutes les églises fondées par l'Apôtre, ce passage est précieux en 
nous montrant une « règle de foi » commune {cfr. ënfra x1, 2,16; xtv, 86; al). Cela n’est 
pas compatible avec un ésotérisme doctrinal pour les « parfaits », distinct d'un 
« exotérisme » à l'usage de l’église de Corinthe (v. supra, au ch. 11). — Et, d'autre 
part, il faut être bien prévenu pour voir ici, comme JZ. Weiss, une « glose catholi- 
cisante » (v. INTroD. ch. 1v). 

Timothée apparait. Nous savons, par les Actes, qu'il avait aidé Paul aux débuts de 
l'évangélisation de Corinthe. Paul, au ch. 1°", n'avait pourtant pas salué les fidèles en 
son nom, et ici il en parle comme s’il avait besoin d’être recommandé ou « introduit ». 
Cela surprend un peu; muis il ne faut pas oublier que, chaque fois que Paul parle de 
son cher disciple, il éprouve le besoïn d’en faire l'éloge; quant à l'absence de son 
nom dans la salutation, elle est toute naturelle si Timothée, comme il semble, avait 
déjà quitté Éphèse, sans savoir même que Paul allait écrire cette lettre, quand 
l'Apôtre s'est décidé à la dicter; d'après Act, xx, 22, Timothée, déjà en route 


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ÉPITRE AUX CORINTHIENS, 1V, 17-21. 79 


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(Lietz., Bachm.), devait alors travailler en Macédoine, avec Eraste «ile trésorier », 
Rom. xvi, 23 (Rob.-Pl.); les Corinthiens, d’après la façon de parler de fe verset, 
savaient déjà d'une manière ou de l'autre qu’ils devaient pousser jusqu’à leur ville, 
et s’interroseaient sans doute sur l'objet de cette mission; mais (Sickenb.) Timothée 
pouvait faire sur le chemin des détours et de longs arrêts. Paul prévit donc que sa 
lettre pourrait arriver avant son messager (v. ch. xvi). 

Les allées et venues de Timothée, nous le verrons au ch. xvi, sont d'ailleurs bien 
difficiles à déterminer, et on ne sait pas s’il a jamais rempli cette mission à Corinthe. 
Paul lui-même n'était peut-être pas encore décidé d'une façon bien ferme à le faire 
aller jusque-là, au cas où lui-même aurait pu arriver dans cette église le premier; 
on le croirait à la manière un peu dubitative dont il parle xvr, 10 (v. ad loc.). 

A. 18. 6 avec génitif absolu, cfr. Act, XXVII, 830; II Cor. v, 20, I Pet. 1v, 12; 
Apoc. 1, 15 — et des papyrus. 


Cu. 1v, 17. C'est pour cela justement que je vous ai envoyé Timothée, qui 
est mon enfant irès aimé et fidèle dans le Seigneur, qui vous remettra 
mes voies en mémoire, elles qui sont dans le Christ [Jésus], comment 
partout, en toute église, j'enseigne. 18. Mais, comme si je n'’allais pas 
venir chez vous, quelques-uns se sont bouffis. 19. Je viendrai pourtant : 
chez vous bientôt, à condition que le Seigneur le veuille, et je prendrai 
connaissance, non pas des discours des [gens] bouffis, mais de [leur} 
puissance. 20. Car ce n’est pas en discours que [consiste] le Règne de 
Dieu, mais en puissance. 21. Que voulez-vous? viendrai-je À vous avec 
la verge, ou en charité et en esprit de douceur? 


B. 18. Avec Roberison-Plummer, on peut supposer que certaines têtes fortes de 

Corinthe, ayant appris cet envoi de Timothée, qui n'avait peut-être pas à leurs yeux 
une bien grande autorité (voir à xvr, 11), s'étaient figuré que sa venue remplacerait 
celle de Paul et qu'ils pourraient donc continuer à en prendre à leur aise. Paul va: 
avertir sérieusement ces « bouffis » (cfr. v. 6) qu'ils auront un jour ou l'autre affaire 
à lui-même. Le ton redevient sévère; ces gens, dit J. Weiss, peuvent être de 
la même catégorie que ceux qui seront pris si vertement à partie IT Cor. x-xm. 
B. 19. Cette visite de Paul ne tardera pas; « si Dieu le veut » toutefois, 
(cfr. xvi, 3-9) car il semble garder quelques doutes sur La possibilité d'une prompte 
exécution de son dessein. Son plan — annoncé non pas ici, mais xvi, 8 — était de 
rester à Éphèse jusqu'à à la Pentecôte, plus très éloignée. La seconde épître aux 
Corinthiens nous montrera comment ce plan, et d'autres à la suite, durent être 
changés. 

Paul verra alors ce qu'ont produit d’effectif, pour le progrès de la foi et de la vie 

chrétienne, tous ces gens qui parlent tant. Leurs discours — qu'il a l'air de ne con- 
naître encore qu'approximativement — lui importent peu; c’est à l'œuvre réalisée 
qu'il les jugera. Et ce sera déjà pour eux comme un avant goût du « Jour » dont il a 
été parlé 11, 11-47. 
B. 20. Dans cette église, bien des instructeurs nouveaux, éloquents ou. 
bavards, croient faire avancer le « Règne de Dieu ». Mais cet avancement ne se 
mesure pas aux exercices de rhétorique qu’on fait à son propos. Il consiste en 
réalisations de la « puissance » divine (cfr. supra, 1, 5, ct aussi Marc 1x, 2, tv 
Baorkelay to8 0e0d EAnluduiay ëv duvéust, où il s'agit de la “nsnifestation éclatante de ce 
Règne, sur terre, au temps même des Apôtres). 


80 ‘  ÉPITRE AUX CORINTHIENS, IV, 17-21. 


Ordinairement, Paul prend « Règne de Dieu » au sens eschatologique; (I Cor. vi, 
9, 40; xv, 24; Gal. v, 21; I Thess. n, 12, sous un aspect; II Thess. 1, 5, de même). 
Ici encore, on pourrait à la rigueur comprendre : « le Règne de Dieu (futur) s'établir, 
se prépare, non par des discours, mais par des œuvres de puissance ». Cependant 
l'absence de verbe dans la phrase invite plutôt à suppléer, comme d'ordinaire un éott 
sous-entendu : « le Règne de Dieu consiste... » Il s'agit donc du présent, car le 
Règne de Dieu existe et se révèle déjà, voir Rom. xiv, 17, Col. 1, 18; 1v, 11. Il est le 
même que celui du Christ, qui dure et s'étend à travers Les luttes messianiques (voir 
comm. du ch. xv, infra). C'est la même riche notion analogique que dans les 
Évangiles (1). 

Ce « Règne de Dieu » se manifeste à la fois aussi bien dans l’ordre et le progrès 

de la communauté, que dans la grâce et la vérité qui transforment les existences 
individuelles. J. Weiss a été encore une fois trompé par son eschatologisme, quand 
il lit ici l’« idée piétiste » que la venue du règne de Dieu ne saurait être favorisée 
par des efforts humains; Les discours, s'ils sont bons, peuvent y servir, maïs les 
œuvres apostoliques (ëv Buvéua) encore plus, parce que ce Règne de Dieu existe 
d'abord sur terre, dans l'Église. 
A. 21. év fd&ôw EMw : ce n'est pas un hébraïsme, quoique l'influence des 
LXX ait pu beaucoup contribuer à répandre les locutions de ce genre dans la xotvf 
du N. T. (voir Moulton-Mill., Lietzmann, J. Weiss, Rob.-Pl. Kühring, etc., et 
Ivrror., ch. v). Rob.-PI. croient que cet ëv instrumental est amené peut-être pour 
une raison de symétrie avec ëv &y., et comparent I Sam. xvn, 48 et II Sam. vu, 14. 
— ve, seul ici, sans xai, construction surtout poétique, cfr. Act. 11, 38, 37; Rom, u, 19: 
Eph. 1, 19; par ailleurs, chez Paul, re, à défaut de ai, s'adjoint à yép, oùv; la parti- 
cule re est affectionnée surtout de Luc dans les Actes, et assez fréquente Zeb. 91 fois, 
Rom. 14 fois (v. Intr. ch. v}. — Les mss. donnent les deux formes Fpañrnsos et 
rpadrntos; la première est moins classique. 

B. 21. Quelle sera l'attitude du père dans sa visite? Aux enfants eux-mêmes il 
appartient d'en décider. Il ne demande qu'à leur manifester un amour plein de 
douceur; mais ils pourraient l’obliger à se servir de la verge. 

Cette menace n’est pas tant justifiée par les divisions qui ônt été blâmées en ces 
chapitres, que par les reproches beaucoup plus graves encore que Paul se prépare à 
leur faire. 

I! semble qu’elle vise toute la communauté, qui s'est laissé influencer par certains 
meneurs, que nous allons apprendre à connaître encore mieux. — Ces derniers 
versets rappellent le ch. xn1 qui clôt le II® aux Corinthiens. | 

Ici se termine la première section de la lettre, celle où Paul a dû s'occuper de 
calmer les dissentiments révélés à lui par les « gens de Chloé ». La nôte finale montre 
assez que Paul n’en a pas fini avec les réprimandes. Et c'est une transition toute 
naturelle aux chapitres v-vi, qui flagelleront Les vices de mauvais chrétiens rapportés 
à Paul par la voix publique. De là vient l'ironie qui perçait quand il a parlé des 
œuvres, ou de la « puissance » en œuvres, des discoureurs. 


Ex. IV. LES PARTIS A CORINTHE, SPÉCIALEMENT LE € PARTI DU CHRIST ». 


Nous avons établi, au commentaire de 1, 12, que Paul, en s'attaquant aux 
factions de Corinthe, les désigne sans voile, et ne les classe pas sous des 
noms fictifs. Est-il possible, par l'Epitre elle-même, de déterminer historique 


(1) Cfr. L. Cerraux, « L'Église et le Règne de Dieu d'après saint Paul », Ephemerides 
theologicae lovanienses, avril 1925. 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, I-IV, 81 


ment ce qu'était chacun de ces partis, et quel rôle il a joué dans les rapports 
de l'Apôtre avec cette communauté agitée? 

Pour ce qui est des partis de Paul, d'Apollos et de Céphas, la difficulté ne 

paraît pas grande, et là tout le monde à peu près est d'accord. 
© Il n'est pas étonnant, en premier lieu, qu’un bon nombre des convertis 
de Paul, en voyant déprécier sournoisement l'autorité de leur père, du père 
de toute la communauté, se soient serrés comme des gardes du corps autour de 
son nom. L'Apôtre ne pouvait leur en vouloir; mais peut-être fallait-1l tempérer 
un peu de zèle de quelques-uns. A aucun prix il ne fallait sembler faire 
de Paul, conscient de n'être, comme les autres apôtres, qu'un « économe 
. des mystères de Dieu », Le chef d’une école plus ou moins opposée à l'enseigne- 
ment commun des Douze, le promulgateur d'un Christ et d’un christianisme 
particuliers. Les Grecs les mieux intentionnés n'étaient, avec leur goût de la 
polémique, que trop enelins à verser en de pareilles exagérations. Il pouvait 
même surgir certains périls doctrinaux ou moraux du fait de gens qui com- 
prenaient mal soit l'ascétisme de Paul, soit son principe de liberté et 
d’ abrogation de la loi. On a bien vu naître au second siècle un « supra-pauli- 
nisme », celui de Marcion, qui détruisait l'Évangile avec la Loi. 

Les partisans d'Apollos sont de même faciles, à identifier. Il n'est pas 
probable qu'aucune divergence doctrinale les ait séparés des disciples fidèles 
ce Paul. Ce qui les caractérisait, c'était plutôt une question de méthode dans 

l'exposé de la foi, et des préférences personnelles. Le caractère génial, mais 
paradoxal et abrupt des prédications de l'Apôtre devait moins leur plaire 
que la manière de l'évangéliste alexandrin. Ce dialecticien éloquent que 
nous présentent les Actes (xvrn, 24-25) soignait davantage la forme de ses 
discours (peut-être était-il rhéteur de profession}, et cherchait probablement à 
montrer l'accord de l'Évangile avec la meilleure « sagesse » des philosophes. 
Paul, nous l'avons vu, avait renoncé, expérience faite, à user de cette tactique 
qui, vu les temps et les lieux, ne lui avait point paru la plus efficace. Elle 
aurait pu, pour des esprits sans profondeur, voiler le caractère transcendant 
et unique de la « sagesse de la croix », qui est, hurmaincment parlant, 
une « folie ». C'est donc sans doute à l'intention de néophytes superficiels, 
engoués exclusivement de cette manière d’Apollos, que Paul fait ressortir si 
vivement ce contraste entre la sagesse de Dieu et la sagesse du monde. Et 
voilà aussi pourquoi, dans ces premiers chapitres, il semble oublier qu'il y 
avait d'autres « partis » que le « sien » et celui d’Apollos. Le v. 42 du 
chapitre xvi montrera clairement qu'Apollos était lui-même fort surpris et 
contrarié qu'on fit des cabales autour de son nom. 

Quant aux « partisans de Céphas », à part la mention de r, 12 (et arr, 22), 
ils sont fort négligés dans toute cette discussion, comme si c'eussent été des 
gens peu nombreux ou sans importance. Qui étaient-ils? Nous l'avons dit : 
probablement des immigrants ou des passants qui, ayant été convertis ailleurs 
dans le champ d’apostolat du chef des Douze (4. Gutjahr), s'étonnaient en 
arrivant à Corinthe que ce Paul, qui n'était pas le disciple direct du Christ, 
jouît là d'unc telle considération, capable, pensaient-ils, de porter atteinte à 
celle de leur maître. Nous pouvons supposer qu'ils étaient Juifs d'origine, ct 
que leur influence s'exerçait particulièrement sur les néophytes corinthiens 


ÉPITRE AUX CORINTIIENS. 6 


82 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, I-IV. 


venus de la synagogue. Ÿ en avait-il qui, dans ce milieu de disputes, exaltaient 
l'avantage d’appartenir à la race d'Abraham juqu'à conseiller aux convertis de 
la gentilité de se faire circoncire, peut-être par protestation contre d'autres 
extrémistes, Juils ceux-là, qui voulaient effacer toute trace coporelle de leur 
origine? Le v. 18 du ch. vux (v. ad loc.) pourrait suggérer cette hypothèse; mais 
peut-être Paul ne fait-il là que poser oratoirement des cas théoriques et 
typiques. Quoi qu'il en soit, ces partisans de Céphas ne devaient pas être bien 
turbulents ni bien dangereux, et rien n'indique qu'il ait existé dès lors à 
Corinthe un péril judaïsant, comme Paul apprit sur ces entrefaites qu’il y en 
avait un en Galatie. Seulement ces « hommes de Céphas » pouvaient garder en 
face de la Loi mosaïque une attitude moins nette que les convertis pauliniens, 
et, quand ils entendaient louer Paul, se mettre aussitôt jalousement à exalter 
Pierre; certaines questions à propos de mariage et d'idolothytes pouvaient 
aussi les préoccuper d'une manière toute spéciale (v. infra). Mais la situation 
n’était certainement pas encore devenue, de leur fait, ce que nous la verrons 
être dans la seconde Epître aux Corinthiens. 

Reste le « parti du Christ », qui prête à tant de discussions historiques. 
Ici en effet l'obscurité est telle que l’on n’'espérera guère arriver à une solution 
jugée par tous satisfaisante. Il faut bien cependant donner la nôtre. 

Nous avons dit dans le commentaire pour quelles raisons les mots « ëy® ôt 
Xptoroù » nous paraissent être certainement authentiques, (1) et former avec les 
expressions analogues qui précèdent une série homogène, au lieu d’être une 
opposition ou une réplique. Nous concluions qu'il a dû exister un « parti du 
Christ », comme d’Apollos, comme de Céphas, plutôt que de voir là une profes- 
sion de foi des « bons Corinthiens » à qui répugnaient toutes les coteries. 

L’objection qu'on tire contre l'existence d’une telle faction du texte de 
Clément Romain (xivu, 1-4), ne vaut guère, pour la raison que nous avons 
déjà indiquée. On pourrait conclure tout aussi bien, et avec plus de raison, à 
la non-existence d'un parti de Céphas, du fait que Paul, après l'avoir men- 
tionné, n'y revient pas dans la discussion; et ce serait certainement faux. Mais 
on insiste sur ce que, dans le reste de l'Epître, rien ne se trouve écrit qu'on 
puisse donner avec vraisemblance comme allusion à ce parti problématique. 

La chose est-elle bien sûre ? 

Généralement, ceux qui soutiennent la même opinion que nous se réfèrent à 
II Cor. x, 7 : « Si quelqu'un se persuade qu'il est au Christ », il pourrait au 
moins faire cette réflexion que nous le sommes aussi bien que lui. Des contra- 
dicteurs, qui n'ont pas tous le sens de l'ironie, et ne saisissent pas le procédé, 
assez habituel chez Paul, d'encercler ses adversaires avec des ménagements. 
apparents avant de fondre sur eux, croient que l'Apôtre se met pour l'instant, 
avec sérieux, dans la même catégorie que ce « quelqu'un » là, lequel en 
conséquence ne saurait être le représentant d'une faction déjà dénoncée et 
réprouvée. C’est là une intelligence bien matérielle. Mais il vaut mieux laisser 
actuellement la question ouverte, et chercher d'abord dans la Première aux 


(1) R. Penoezwitz, Die sogenarnte Ghrislusparlei in Korinth (1911), a voulu substituer 
Kptomov a Xuotod : il y aurait eu « un parti de Crispus » (le chef converli de la syna- 
gogue). Solution fantaisiste et désespérée. 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, I=-IV. 83 


Corinthiens elle-même s'il n'y a point quelques passages aptes à étoffer 
notre opinion. 

Or, nous remarquons ceci d’abord, que Paul, qui a donné leur compte à 
« ceux d'Apollos » {au moins à ceux-là) dans les chapitres sur la « sagesse », 
et qui semble oublier à peu près « ceux de Céphas », s'attaque continuelle- 
ment au cours de la lettre à certains chrétiens suspects qui paraissent bien 
former une catégorie déterminée, tranchant sur l'ensemble de la communauté. 
Serait-ce une aile gauche des « gens de Paul « ou des « gens d'Apollos », — 
les « gens de Céphas », plus légalistes apparemment, ne pouvant être ici en 
cause ? Il ne semble guère qu'ils soient des hommes de Paul, car, dans l’un 
de ces passages (vis, 40, v. ad loc.), l'Apôtre revendique contre eux, avec 
son ironique modestie, l'autorité qu'il possède, lui aussi, comme « spirituel »; 
c’est donc qu'elle n’était pas pour eux la dernière instance. Si ce ne sont pas 
des « gens de Paul », serait-ce des « gens d'Apollos » ? Mais la prédication 
d'Apollos, ce Juif disert, toute basée sur l'interprétation de l'Écriture, ne 
devait guère porter ses fauteurs au laxisme paganisant qui semble la caracté- 
ristique de ceux dont nous parlons ici {Îd. Toussaint). 

Au fait donc, qui étaient ces gens-là? Il sera question de personnages qui 
sont forts en « discours » (comme pouvaient l'être ‘aussi ceux d'Apollos\, et en 
prennent occasion de se « bouffir », tandis qu'ils n’ont aucune « puissance » 
pour l'établissement du Règne de Dieu; et ils s’attirent ainsi la menace de la 
« verge » (iv, 18-21). La véhémence de l'apostrophe aux « rassasiés », qui se 

regardent comme des rois et font comme s'ils n'avaient pas reçu d’ autrui tout 
ce qu'ils possèdent de sagesse (rv, 7-8), peut viser (non pas exclusivement, 
mais au moins en premier lieu) des néophytes orgueilleux qui se targuent 
d'indépendance. On trouve encore des allusions claires à souhait à des laxistes 
qui répètent sans cesse : « Tout m'est permis » (vr, 12; x, 23), et qui se forgent 
de singuliers sophismes touchant l'indifférence des rapports sexuels ou la parti- 
cipation à l'idolâtrie; ce doivent être les mêmes qui ont l'air prêts à se faire des 
illusions sur la nocivité des vices les plus graves (vr, 9-11 : l’« incestueux » 
pouvait être l’un des leurs); eux encore qui font les avertis à propos d’idolo- 
thytes (vrr, 1-6); qui vont peut-être jusqu’à se figurer que la profession de foichré- 
tienne et les sacrements dispensent, où à peu près, de la morale (voir x, 1-12), 
probablement aussi qui, ne tenant pas compte de l'enseignement de Paul et des 
Douze, parlaient contre la résurrection corporelle générale {et sans doute par 
le fait, contre le jugement), pour ne garder qu'une vague immortalité spiri- 
tuelle (voir ch. xv; cfr. IT Tüm. 11, 18, ces hérétiques d’ Éphèse qui prétendaient 
que la « résarrection » avait déjà eu lieu). 

Tous ces traits vont parfaitement ensemble, et devaient se trouver réunis 
dans les mêmes individus. On ne peut les appeler que « paganisants » ou « phi- 
losophisants », éblouis par une « Sagesse de ce monde » qui est folie devant 
Dieu (nr, 49). Et ceux qui transforment la Cène eucharistique en banquet 
presque profane (ch. xt)? Et ces femmes émancipées qui vont faire admirer leur 
belle chevelure aux lieux de prière (‘bid., supra)? Et ces « inspirés » qui font 
parade de dons spirituels, prophétie ou glossolalie {voir ch. x1v), en imitant les 
errements des Mystères païens qu'ils avaient connus jadis, ou les contorsions 
des pythonisses se défendant contre le dieu envahisseur, jusqu'à crier 


* 84 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, I-IV. 


« Anathème à Jésus » {xir, 2, 3, v. ad loc.) et jusqu'à faire ressembler les 
assemblées de « pneumatiques » à des réunions de fous (xrv, 23; 33; passim) ? 

Ainsi il y avait à Corinthe, depuis que Paul avait quitté cette église, toute 
une bande de laxistes, d'antinomistes, de rationalistes, de faux mystiques, trou- 
blant plus que toutes les autres factions prises ensemble la communauté, et 
s'exposant aux coups les plus sévères de la « verge » apostolique. À chacune de 
ses instructions, Paul les trouve en face de lui. Ce devaient être surtout des 
‘païens mal convertis, qui ne voyaient dans l'Évangile, selon le goût de chacun, 
qu'une philosophie ou une mystique du même genre que celles de l’hellénisme, 
auxquels ils n'avaient pas renoncé à fond. L'inspiration individuelle, l'indépen- 
dance, le « tout 77° est permis », était leur mot d'ordre. Et ils avaient pu y 
entraîner des Juifs de naïssance — ceux-là qui, peut-être, ayant honte d'avoir 
été dans les fers d’une religion légaliste, cherchaient à effacer les traces de leur 
circoncision {vr, 18); dans le judaïsme d'alors n’y avait-il pas déjà des 
« rminim », des hétérodoxes, des laxistes, et même des syncrétistes en Phrygie 
qui assimilaient Yahweh et Sabazios ? 

Or, il est au moins probable que les fauteurs de toutes ces tendances anar- 
chiques sympathisaient et s'entendaient entre eux. Ils dogmatisaient à leur 
façon, et prétendaient aider à construire l'édifice chrétien — sur une base qui 
n'était plus du toutle Christ véritable (v. 1x1, 11). Si ce sont des fauteurs 
d’Apollos ou de Céphas qui, comme le pense Cornely (supra), bâtissent avec du 
bois ou de la paille, mais toujours sur le vrai fondement, ce sont les pagani- 
sants, eux, qui détruisent le temple de Dieu tout entier, et qui risquent d'être 
détruits eux-mêmes par «le feu » qui consumera leur ouvrage (ur, 12-13; 
46-17). Il était permis de les prendre, tous en bloc, comme une faction, un 
parti, — et, de tous, le plus coupable et le plus dangereux. 

Comment Paul aurait-il pu omettre de faire d'eux mention expresse quand il 
réprouve les factions en général, au ch. r, v. 12? Ces laxistes et ces indépendants 
ne pouvaient être ni les « hommes de Céphas », ni ceux d'Apollos même ou de 
Paul. Alors, sur quelle autorité s'appuyaient-ils? Puisqu’ils prétendaient être 
des chrétiens, et des chrétiens plus instruits et plus « spirituels » que les autres, 
que ceux qui se contentaient de l’enseignement des Évangélistes, c'est alors que 
leurs opinions et leurs usages particuliers leur étaient inspirés, censément, 
par le Christ, par l'Esprit du Christ, l'intelligence approfondie du Christ, 
au-dessus de tout enseignement humain d'apôtre, à la suite de leurs réflexions 
ou de leurs extases, au mépris de toute « tradition » vulgaire. Ils le disaient ; 
c'étaient eux « le parti du Christ ». 

La plus forte objection qu'on puisse opposer à cette thèse, la voici : en 
admettant que des théories si dissolvantes eussent pris corps dans une faction à 
Corinthe, Paul aurait dû l'écraser du premier coup, avec la même vigueur qu'il 
déploya contre les judaïsants de Galatie. Nous répondrons que la situation n’était 
pas la même de part et d'autre. Chez les Galates il y avait, selon toute vrai- 
semblance, prédication ouverte, doctrine arrêtée; à Corinthe, c'était plutôt des 
tendances, des tentations, des chuchotements dans de petits cercles, une atti- 
tude morale de quelques-uns qui pouvait faire soupçonner cette dissolution de 
la doctrine chrétienne, mais ne s'était pas encore solidifiée en erreurs catégo- 
riques, ni en révolte. Cette espèce de syncrélisme christiano- -païen n ’était qu’ en 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, I-IV. 85 


germe, et n'avait sans doute pas été l'objet, dans son unité jusque-là peu saisis- 
sable, d'un rapport spécial des gens de Chloé ou de l'Église. Paul aurait 
seulement entendu parler de tels ou tels abus particuliers se manifestant en tel 
ou tel domaine, et souvent couverts, par ceux qui les commettaient, de la pré- 
tention de mieux comprendre l'Évangile du Christ, sans aucun appel, au moins 
sincère, à l'autorité des apôtres. Aussi, après la mention générale de 1, 12, 

n'a-t-il procédé que par espèces. Il attendait le jour où il viendrait à Corinthe, 
pour se renseigner personnellement sur le fond de ces tendances dangereuses, 
et punir les responsables sans risquer d'égarer ses coups; jusque-là, il lui 
paraissait plus prudent d'agir en rappelant tout le monde au véritable esprit 
chrétien, par des expôsés remplis d'autorité persuasive, et mèlés au besoin de 
sarcasmés. Peut-être valait-il mieux, à son jugement, n'avoir pas l'air de 
trop redouter une faction qui n'avait pas encore pris bien conscience d’elle-: 
même, par crainte de la pousser à se donner plus de consistance en provoquant 
une résistance affichée. 

Le voyage qu ‘il fit plus tard à Corinthe, et les incidents pénibles qui le mar- 
quèrent, ainsi que le rapport de Titus (toutes choses qui seront à étudier dans 
la Seconde Épitre), lui montrèrent que cette faction, démasquée d'abord par 
lui avec une certaine mansuétude, n'avait pas été réduite comme le furent, selon 
toute apparence, celles de Céphas et d’Apollos. Au contraire, les paganisants. 
s'étaient raidis dans une attitude de révolte. Dressés contre l’autorité de Paul, 
ils avaient trouvé des alliés chez des réfractaires d'une tout autre origine, ces 
apôtres nouveaux à tendances judaïsantes arrivés à Corinthe je ne sais d’où avec 
des lettres de recommandation. Aux époques de crise, on voit souvent des 
collusions de ce genre. Ces deux bandes s'étaient rapprochées par leur aversion 
commune à l'égard de Paul, et leur goût commun de spéculations et de rhéto- 
rique. Îls prêchaient tous, chacun à à sa manière, « un autre Christ », et proba-" 
blement se disaient tous « du parti du Christ ». Et tout se résolvait — que les 
judaïsants l'eussent ou non voulu — dans une recrudescence des mœurs 
païennes, fruits de l'opposition à l'Apôtre qui avait voulu rétablir la discipline. 
C'est de cette paganisation que Paul se plaindra amèrement dans la Seconde 
Épiître (IL Cor. vi, 14 et suivants, que nous ne croyons pas devoir transporter 
hors du contexte); c'est cette coalition d’indép2ndants, d’agitateurs ambitieux, 
de laxistes paganisants et d'« Hébreux » plus ou moins gnostiques — bien dif- 
férents, par conséquent, des ‘simples judaïsants légalistes, — que Paul devra 
écraser dans les foudroyants chapitres IT Cor. x-xtrr. — Tout cela devra être 
prouvé en son lieu; mais, si on admet cette vue déjà sous bénéfice d'inventaire, 
elle renforce singulièrement l'opinion que nous avons énoncée sur la formation 
d'un « parti du Christ » qui s’ébauchait quand fut écrite la Première aux 
Corinthiens. 

Beaucoup d'exégètes inclinent vers des solutions à peu près pareilles, tandis 
que beaucoup d’autres les combattent. J. Weiss a tranché net en rejetant 
l'authenticité des mots êyù 5 Xo:0v05, pour des raisons de logique trop stricte 
(il croit que peuépessa de 1, 13, ne pourrait s'appliquer à un « parti du Christ »): 
Räbiger, ayant mal compris ce ueucop., prétendait, tout à fait à contre-sens, que 
« Et moi, du Christ! » était le cri commun des trois factions précédemment 
nommées. Nous avons vu l'opinion de Chrysostome, adoptée par Jo. Damasc., 


86 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, I-IV. 


Theophylacte, Menochius, Estius, Bern. a Piconio, et enfin Bachmann, et 
préférée par Gutjahr; de Reitzenstein, qui, en suivant une autre suggestion de 
Chrysostome, pense à un effet oratoire de « réduction à l'absurde » pour expli- 
quer ces mots. Tous sont donc contre l'existence d’un « parti du Christ » (et de 
même Callan, Sales), au moins contre un parti qui eût été une faction répréhen- 
sible. Pour Sickenberger, « ceux du Christ » ne sont pas attaqués par Paul; 
ce sont les croyants qui, dégoûtés par les divisions des autres, et assiégés par 
eux, en sont réduits à se resserrer dans un groupe distinct, et ainsi à prendre . 
l'apparence d'un parti. Renan et d'autres y ont vu tout simplement « les 
neutres ». | 

Parmi ceux qui reconnaissent l'existence d'un « parti du Christ » bien tranché, 
les uns l'ont cherché parmi les judaïsants. Ainsi Baur les mettait avec les gens 
de Céphas, les pétro-christins opposés aux paulino-apolloniens. Pour Holsten, 
Schmiedel, Heïnrici (celui-ci à condition qu'il ne vaille pas mieux supprimer 
yo d Xp.), ce sont des judéo-chrétiens extrémistes, « ceux de Céphas » étant 
plus modérés; pour Weëizsäcker et d'autres, des émissaires de Jacques. Des 
théories d'école ont influé sur toutes ces vues. Rob.-PI., y voient des judaïsants 
qui se vantaient d’avoir « connu le Christ dans la chair » (cfr. II Cor. v, 16); 
Hilgenfeld et Holsten, à peu près de même; Osiander, Reuss, Klüpper, 
B. W. Bacon (Expositor 1914) des docteurs judaïsants soumis à la Loi « comme 
le Christ »; Beyschlag et Godet, une faction soumise à d'anciens prêtres ou 
pharisiens méfiants à la fois des Douze et de Paul (Godet admettrait aussi 
des gnostiques ou théosophes); Lemonnyer, des judaïsants extrêmes, origi- 
naires de Palestine, qui avaient pu voir le Christ et prétendaient détenir 
sa vraie pensée, et qu'on retrouvera Î] Corinthiens. — D'autre part, tous 
ces « indépendants », qui se mettent au-dessus de Céphas lui-même et de 
toute autorité apostolique (Giustiniani, Messmer, Schäfer, Zahn, Jülicher, 
Lietzmann, al.) seraient des « pneumatiques » anarchistes (Schenkel, De 
Weite, Grimme) ou des rationalistes (WNeander) ; Lütgert les tient aussi pour 
des « spirituels » antinomistes, libertins et gnostiques, venus du paganisme, 
tandis que Schlatter les croirait sortis d'entre les Juifs. Toussaint y voit le 
germe du parti rebelle de IT Cor., celui-ci s'étant formé plus tard par leur 
alliance avec des intrus d’origine judéo-chrétienne pour combattre Paul. C’est 
bien dans ce dernier sens que le problème nous paraît pouvoir être tranché. 

En résumé : ° 

‘Il y avait à Corinthe toute une classe de gens, qui se montraient plus ou moins 
sournoisement réfractaires à l'autorité de Paul et des autres apôtres, et préten- 
daient couvrir du nom du Christ lui-même leur laxisme moral, leur rationalisme 
ou leur mystique entachée de paganisme. L'Apôtre ale droit de les traiter comme 
une faction, à l'égal des coteries formées autour de son propre nom, de ceux 
d'Apollos et de Céphas. Nous jugeons invraisemblable {avec Gutjahr), que ce 
fussent des croyants juifs ayant connu le Christet venus du dehors; cette faction 
aux tendances si suspectes avait dû plutôt se former à Corinthe, parmi d'anciens 
païens mal détachés de leurs habitudes anciennes, et peut-être à la limite des 
partis de Paul et d'Apollos, en abusant des idées de « liberté » chrétienne 
prêchées par l’un, et des spéculations de « sagesse » dont l'autre avait donné 
l'exemple. Se voyant reconnus, démasqués et surveillés par l’Apôtre, ils en 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, I-IV. 87 


arrivèrent à former, avec des intrus d’origine judéo-chrétienne (sans doute plus 
ou moins gnosticisants) venus d’autres églises, ce parti d'opposition déclarée 
que Paul eut à réprimer, dans la Deuxième Epître, avec tant de vigueur et de 
chagrin, les accusant de se dire les hommes du Christ (II Cor. x, 7, xi, 13), pour 
précher « un autre Christ» (xr, 4). 

(Voir, en plus des commentateurs ci-dessus nommés : Baur, Paulus der 
Apostel Jesu Christi; — RexaN, L'Apôtre Paul; —Rävicer, Kritische Untersu- 
chungen über I und Il Kor., 1847, 4886; — Wrizsicxer, Geschichte des apos- 
tolischen Zeitalters: — Liürcerr, Frerheit-predigt und Schwarmgeïister in 
Korinth 1908; — Prceinerer, Paulinismus?, p. 316; — Reirzensrein, Die hel- 
Zenistischen Mysterienreligionen®, pp. 334-s. Etc.) 


EXCURSUS V. — EXISTE-T-IL UNE « SAGESSE » ÉSOTÉRIQUE POUR LES 
& PARFAITS »? — LE « PNEUMA » ET L'HELLÉNISME MYSTIQUE. 


Toute l'argumentation des ch. 11, 6-16, 1x1, 1-4, montre que Paul n'a pas voulu 
interdire à ses convertis toute curiosité doctrinale; il proclame qu'il en est une 
légitime. Ce que nous voudrions savoir est ce qu'il entend par cette « sagesse », 
apanage des « parfaits », dont il parle au commun des néophytes comme d’un 
idéal qu’ils ignorent ou négligent. Est-ce une possession plus approfondie et 


|. plus « vécue » des vérités du salut fixées pour tous et une fois pour toutes? ou la 


possession de vérités nouvelles, d'un enseignement « ésotérique », comme la 
Gnose et, éventuellement, les Mystères hellénistiques en offrirent à leurs 
initiés? Question de principe, fort débattue de nos jours, et dont la gravité 
n'échappera à personne. 

Pour y répondre, résumons d'abord l'enseignement de Paul en ce chapitre x, 
tel qu’il ressort de notre commentaire. 

Que les Corinthiens, agités par leurs vaines aspirations à une sagesse humaïne 
qui n’est pas faite pour eux, et qui est d'ailleurs au-dessous d'eux, sachent bien 
qu’il y a des « parfaits » capables de tenir des entretiens sur l' « autre » sagesse, 
celle de Dieu, définie par ce qu’elle a produit, suivant le dessein mystérieux et 
éternel que ce Dieu a arrêté pour la glorification des croyants; c'est le plan du 
salut par la mort du Christ, cette folie ou ce scandale aux yeux des hommes. 
Tous ceux qui ont foi dans la Rédemption ont eu communication de cette sagesse, 
car Dieu, par son Esprit, qui seul connaît ses desseins cachés, l’a révélée à nous 
tous (âuiv, v. 10, parlaits ou imparfaits); nous avons tous, en effet, reçu « l'esprit 
qui est de Dieu ». Dieu, en nous le donnant, nous a conféré non seulement les 
dons (yaptotévre, extérieurs et intérieurs) qui nous font capables de salut, mais la 
faculté de les connaître, de les apprécier à leur juste valeur (autant qu’il est 
possible ici-bas), et d’en savourer la jouissance. Si nous réussissons à en prendre 
conscience ainsi, nous arriverons même à savoir ex parler (v. 18), non pas en un 
langage technique de sagesse profane, qui n’y serait pas approprié, mais en 
termes enseignés par l'Esprit lui-même; ainsi, chez les chrétiens devenus vrai- 
ment « spirituels », éclairés et stimulés par l'Esprit, des entretiens portant sur 
l’ensemble des vérités du salut, coordonnées dans un tout admirable, contri- 


+ 


bueront à développer la vie spirituelle, à resserrer l'union à Dieu. En de tels 


88 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, I-IV. 


entretiens, les hommes du dehors, les « psychiques », qui n'ont pour juger que 
les facultés naturelles de leur âme (luy#}), ne verront d'ailleurs jamais que des 
discours insensés (v. 1, 18-25; 11, 8); mais ceux-là sont tout à fait dénués de 
compétence pour juger de nos affaires (yvéivai, dvexpiveuv), tandis que nous, si nous 
sommes « spirituels », nous pouvons juger et des nôtres et des leurs, parce que 
nous jugeons avec l'intellect {vods) du Christ, auquel le nôtre s'est conformé, en 
adhérant par la foi à ses enseignements; ainsi à la lumière participée de l’enten- 
dement de Jésus, nous sommes capables et d'apprécier les choses humaines 
comme Il les appréciait lui-même, et de comprendre, d'interpréter, de traduire 
en langage humain les intuitions que nous donne l'Esprit sur la « sagesse 
mystérieuse » de Dicu. - 

Trois degrés semblent donc distingués (tous les trois étrangers et inconnais- 
sables aux « psychiques ») dans la vie régénérée : 1° posséder les dons surna- 
turels, grâce et foi, fruits de la Rédemption; 2° en prendre une conscience nette, 
et ne plus les confondre avec ce que connaît et apprécie la sagesse inférieure du 
siècle; 3° recevoir la faculté d'en parler en langage humain, intelligible à qui 
est suffisamment disposé, pour notre avancement et celui des autres « spirituels » 
qui nous écoutent. Les deux derniers dons sont, dans l'intention de Dieu, con- 
férés dans le premier, initialement au moins, virtuellement, car déjà, avec le 
premier, nous possédons « l'Esprit »; mais leur manifestation, leur développe-- 
ment, dépendra de notre croissance, de la maturité spirituelle à laquelle nous 
parviendrons. 

Or, Paul voudrait naturellement conduire tous ses convertis aussi près que 
possible de cet idéal du chrétien parfait, téketos, du vrai « spirituel », rveumarixde, 
au plein sens du mot. Mais, après que la masse de ses Corinthiens a reçu l'Esprit 
en adhérant par la foi et le baptême aux vérités de la « sagesse en mystère » 
dans le Christ crucifié, il a constaté qu’ils ne développaient pas vite les dons 
reçus, qu'ils étaient, au point de vue de la vie dans le Christ, des « petits 
enfants », vémot, oépxivor, incapables de connaissances et d’actes pleins, vraiment 
virils. À quoi bon alors leur en parler déjà, si pareil enseignement devait passer 
au-dessus de leur tête? Il a donc dù continuer pendant longtemps à les « allaiter » 
seulement, c'est-à-dire à leur inculquer toujours les vérités du salut dans leur 
première forme d'expression, celle que pouvaient saisir des esprits spirituelle- 
ment enfantins. 

Le pire, maintenant, c'est qu'ils ne paraissent pas, après plusieurs années, 
malgré ses efforts et ceux de collaborateurs tels qu'Apollos, avoir grandi encore! 
Tout « pneumatiques » qu'ils sont devenus, ils n'ont pas su élever ou réprimer 
leurs vues et leurs aspirations trop humaines, qui sont en contradiction avec la 
nouvelle « sagesse » dont ils ont reçu les germes, et à laquelle ils croient; ils 
vivent dans cette inconséquence, sans s'en douter, et méritent toujours d'être 
appelés « charnels », cxpxxoi, parce qu'ils ne laissent pas l'Esprit intérieur les 
dominer, organiser leurs sentiments et leur conduite encore trop liés par la 
« chair », c’est-à-dire l’infirmité humaine, comme s'ils n'étaient que des hommes 
vulgaires (40pwroi êore), et non des hommes élevés au-dessus de leur faible nature 
par l'Esprit. Ce ne sont plus des « psychiques » qui ignorent et méprisent le 
Christ crucifié, mais, avec leurs vanités et leurs disputes, ils demeurent juste à 
a frontière qui les sépare des « psychiques ». Pourront-ils jamais comprendre le 


ÉPITRE AUX CORIXTHIENS, I-IV. 89 


langage « spirituel » dont se nourrit la foi des « hommes mûrs », des « parfaits », 
la pleine expression de la « sagesse de Dieu »? 

saint Paul veut évidemment, par cette réprimande sévère et paternelle, les 
amener à désirer tous grandir, pour sentir et parler comme des « hommes 
faits », leur imprimer un élan qui les arrache à cette puérilité spirituelle. Et 
c'est en même temps par là, prenant les choses de très haut, à son ordinaire, 
qu’il compte faire cesser toutes leurs divisions nuisibles à la charité. Un progrès 
spirituel opéré sur toute la ligne résoudra seul les difficultés particulières qui, 
sans cela, renaîtront toujours. 

L'idée générale est donc claire: mais, dans le détail, il y a énormément de 
points à élucider, et d'interprétations fausses à détruire qui compromettent 
l'essence même de la vérité évangélique et apostolique. 

Ils’agit donc de bien déterminer ces points : 

1° qui sont ceux que Paul nomme parfaits, tékerot ; 

* s’ils sont « parfaits » dans la mesure où ils possèdent le rveüux, nous devons 
établir quelles acceptions ce mot reçoit chez Paul; et comme il est commun à 
l'Apôtre et à la langue de son entourage, tant judaïque qu'hellénistique, il faut 
savoir s'il en a emprunté les acceptions, spécialement religieuses, à l’une ou à 
l'autre; et pour cela : 

a) rappeler le sens de nveüuo rt dans l'Ancien Testament et le judaïsme; 

b) chez les Gentils contemporains; 

c) dans le reste du Nouveau Testament. 

3° Nous déterminerons alors ce que les acceptions de rveua relevées chez 
Paul peuvent avoir de spécial; ce qu’il entend par « esprit » et ce qu'il entend 
par « spirituel »; 

4° alors nous pourrons comprendre ce que sont au juste ces entretiens 
« spirituels » ou « de sagesse » réservés aux « parfaits » pneumatiques. 


4° Le sens de « parfait », téleoc. 


Le rapprochement des versets 11, 6 et nr, 1 nous indique une équivalence 
‘entre zékeoç « parfait » et zrevuarixoc, « spirituel », « qui vit de l'esprit ». On 
ne peut croire toutefois que, seuls, les privilégiés admis aux « entretiens de 
sagesse » aient reçu l'esprit; car tous les baptisés, — à moins de l'avoir perdu 
en retournant à leur ancienne vie, — le possèdent. Il faut donc que Paul n'ait 
énvisagé ici qu'une différence de degré ou de perfection dans la vie spirituelle; 
car il dit ailleurs des chrétiens indistinctement qu'ils ont l'« esprit », ou, sous 
des formules qui vont nous éclairer, « les prémices de l'Esprit » (om. vin, 23, 
Thv émapyhv Toÿ rvebuxros Éyovrec) où « les arrhes de l'Esprit » (IT Cor. r, 22; v, 5, 
rov Gppabtiva voi nveduaro:). L'esprit reçu au baptème est un don qui peut être 
accrû et s'enrichir, puisqu'il n'existe d'abord qu'à l’état de « prémices ». 

Ainsi il est pour les régénérés une vic spirituelle qui peut aller en se dévelop- 
pant, à l'image de la vie naturelle. Comme l'enfant possède la nature humaine, 
mais ne devient un homme bien réalisé, en acte, que lorsqu'il passe à l’âge 
adulte, ainsi en est-il des régénérés qui ont tous le nveëua, mais ne le possèdent 
pleinement, ne peuvent être dits des « pneumatiques, spirituels » réalisés, 
qu'une fois devenus « complets » dans cet ordre, résto. 


90 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, I-IV, 


réhetoc, en effet, se dit de ce qui est arrivé à son terme, tékoc, de tout ce qui est 
formé, réalisant son type. Ce sens est tout à fait courant, et, quand il s'agit 
d'âge, réheuws veut dire « adulte », « homme fait ». On peut croire que Paul avait 
déjà ce sens d’« adulte » dans la pensée quand il a dicté Le v. 6, puisque plus 
bas, pour caractériser la différence entre ceux dont il parle (et qu'il appelle 
alors « pneumatiques »}), et le commun des fidèles de Corinthe, il traite ceux-ci 
de « petits enfants », véto. Et même, s’il n'avait en tête, au v. 6, que le sens 
générique de « complet », « parfait », il a tout de suite été amené à le préciser 
dans sa pensée en « adulte » {au sens métaphorique moral), comme le montrent 
les noms des deux classes opposées de croyants, xx, 1 s. 

J. Weiss (p. 74) donne des parallèles d'Æpictète, d'où il ressort que, dans le 
stoïcisme, le tékeoç était l'homme qui, s’adonnant à la philosophie, y faisait des 
progrès continus, et s’opposait ainsi à l'homme ordinaire, täéens (cfr. [ Cor. xiv, 
26). — Bien plus anciennement, Pythagore aurait usé des termes réletoç et vimuoc 
{ainsi de la métaphore de l’âge) pour distingucr dans son école Les novices et les 
disciples formés. 

Est-ce que cette terminologie était empruntée aux Mystères et au gnosticisme, 
où elle aurait servi pour désigner les initiés suivant les catégories de plus en 
plus hautes des secrets qui leur étaient confiés? Nous avons parlé en gros de 
ces rapports de Paul avec les Mystères. Toujours est-il qu'il n'en saurait être 
question ici. Car ce n'est pas à la mystique païenne directement, ce peut bien 
n'être qu'au langage des écoles (inspiré ou non de cette mystique) que Paul 

aurait emprunté sa terminologie, et cela ne décèlerait en lui aucune accoin- 
tance particulière avec les officines ocultes. Mais il est de plus permis de douter 
que (sans parler de vâmo, inusité dans leur langage tel qu'il nous est connu) 
rékeuç même fût un terme technique dans ce monde-là. On ne peut conclure 
qu’il le fût ni des expressions réheto uuorfotx de Platon (pour l'époptie, Banquet, 
210, al.) ou veste veher4 dans l’Elenchos d'Æippolyte, *£keos yiverar de Platon, 
Phèdre 249, Adyos r£keuos du Corpus Hermeticum, ete. (v. J. Weiss, loc. cit. et 
Reïtsenstein, « Die hellenistischen Mysterienreligionen »*, pp. 339, al.) ni 
d'autres expressions semblables, qui signifient tout simplement « complet », 
« parfait ». Ni même du passage du traité hermétique Kpavho à Movés, [(« Corp. 
Herm. » lib. 1v, 4), où il est dit de ceux qui sont baptisés dans le Noûs : réa 
éyvovro dvbpwmor rov vobv deéouevor, et que W. Scott traduit « They received mind, 
and so became complete men », ce qui peut se rattacher encore au sens ordi- 
naire. Par ailleurs, l’initié est qualifié au moyen des participes de rskéw (rerskeo- 
pévos, teheodeic, vihoûwevos), mais non par l'adjectif rékewxc. (J. Weiss, loc. cit; 
Jacquier, Dict. Apolog. )}. La métaphore du « lait » pour les petits (rx, 2; cfr. 
1 Pet. 11, 2; Heb. v, 12, 13), qui paraît avoir été ésalement usitée dans le lan- 
gage chrétien et le stoïque (Epictète, 11, 16, 39, al. v. J. Weiss, p. 72; cfr. Philon, 
textes chez Lietz:mann, ad loc.) ne nous mène pas davantage dans le monde des 
initiations, car le « lait » des Mystères de Cybèle et d'Attis, auquel recourt Reit- 
zenstein (op cit. p. 83;°329 s.), s'il est interprété par un théosophe aussi tardif 
que Salluste (not Oeüv, 4) comme une nourriture convenant à ceux qui viennent 
de naître de nouveau, pouvait avoir d'abord une portée moins symbolique et 
plus magique, comme opposé à la nourriture grossière fuzapk roos4, c’est-à-dire 
impure, souillée et « contraire à l'âme »; l'interprétation du philosophe Salluste, 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, I-IV. 91 


qui pouvait être alors, à la rigueur, celle des mystes eux-mêmes, paraît secon- 
daire, et tirée après coup d'un sens métaphorique tout simple, le même que 
celui qui apparaît dans le N.T. 

Ainsi aucune raison n'existe de découvrir ici un contact entre Paul et les 
Mystères. Il parlait comme Pythagore et comme, de son temps, bien d’autres. 
Le sens d’« adulte » (applicable métaphoriquement en divers ordres de gran- 
deurs) lui était si familier pour ce mot, qu'il y revient, ou du moins l’implique, 
en plusieurs passages analogues, où il s’agit de maturité spirituelle. Aïnsi 
ÆŒph. 1v, 13 s. (ävôpa réetov et vémi flottant à tout vent de doctrine); dans notre 
épître elle-même, xiv, 20 (vamidbere .... téaeu), ou, ch. xx, 40-11 (érav dE An vo, 
réheuv...… Ûre uv vantoc……. re yéyova Gvip, kuripynxa <ù vod vaio. V. infra et 
ad loc.) 

Une autre raison pour écarter le rapprochement avec les Mystères et la 
Gnose, c'est qu’il apparaît, d'après tout le contexte, que les « parfaits » dont il 
s'agit ne sont pas devenus tels par suite d'une vision ou révélation de sagesse 
particulière (comme il serait advenu pour des mystes), mais au contraire qu'ils 
sont capables d'entendre et de comprendre ces entretiens plus élevés parce que 
ils sont déjà des réhstor; les « psychiques » pourraient entendre les mêmes vérités, 
et n’y voir pourtant que des non-sens et de la folie. 

Ainsi les « parfaits » sont les hommes mûrs dans la vie chrétienne ; à eux 
convient éminemment le qualificatif de « pneumatiques », comme à des pneuma- 
tiques achevés, tandis que les autres ne sont que des « pneumatiques » débu- 
tants, en droit et en puissance, qui ne sont encore « spirituels » qu’à la manière 
dont un enfant est un homme. (Nous verrons plus loin d’autres sens plus spé- 
ciaux de « pneumatique », aux chap. xr-s. ceux qui ont l'usage des « cha- 
rismes » ; quant au « corps pneumatique» , que Reïtzenstein voudrait confondre 
avec la grâce et une création éthérée et progressive du Pneuma, fluide divin, 
résidant dans l’homme régénéré, voir le comm. du chap. xv). 

De toute cette discussion il doit ressortir que les « parfaits » sont ceux qui, 
parmi les hommes qui possèdent « l’esprit|», le possèdent à un degré supé- 
rieur. 

Mais quel est, chez Paul, le sens, ou quels sont les sens d'« esprit » nveduo, 
et celui qui convient en ce passage ? 


2° Les sens divers de nvevua. 


Le mot yeux apparaît 146 fois (Jacquier) dans les écrits de Paul. La 
méthode scientifique exige que, avant d'aller fourrager {comme par exemple 
Reïtsenstein) dans le champ confus de l’hellénisme (qui n'est peut-être pas la 
seule source du langage paulinien), pour déterminer les divers sens que 
l'Apôtre a pu et dû donner à ce mot, nous examinions les épîtres en elles- 
mêmes, pour répartir en catégories les .acceptions de rveèux qui se diversific- 
raient manifestement. Ensuite seulement on cherchera, s’il y a lieu, à préciser 
l'une ou l’autre de ces acceptions, et à voir si elle provient de l’hellénisme ou 
d'ailleurs. 

Tout d'abord, il y a des sens de nvsôua qui ne sont représentés chez Paul 
que très exceptionnellement. Ainsi celui de « souffle » matériel (= xvox, cfr. 


92 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, I-IV. 


Heb. 1, 7; Apoc. x1, 11; xux, 15; Joan. ur, 8) n'apparaît que Il Thess. n, 18; — 
un autre assez usité, désignant des êtres spirituels indépendants, autres que 
Dieu (fréquemment dans les Synoptiques, les Actes, parfois aussi Apoc., et 
Heb. 1, 14, x11, 9, peut-être Î Pef. mx, [9) pourrait se rencontrer [ Tim. 
1V, 1 (— Onrpôvia?) 

Ces passages mis de côté, on trouve rveèu+, un nombre de fois incalculable, 
employé tantôt par rapport à l’homme, tantôt par rapport à Dieu. Nous 
essayons une classification, quoique, dans tel ou tel passage, l’assignation du 
mot à telle ou telle des catégories que nous indiquerons reste douteuse, ou. 
qu'il puisse rentrer dans plusieurs à la fois. 

A. par rapport à l'homme. Ilvebux revêt des sens qui peuvent être tantôt 
naturels ou surnaturels, tantôt surnaturels seulement. Et, pour la première 
classe, il désigne : tantôt toute la partie spirituelle du composé humain: 
tantôt une faculté de l'âme prise en totalité ou sous un aspect; tantôt un 
ensemble de dispositions ou de tendances. 

4. L'âme humaine, ou sa faculté intellectuelle en général : [ Cor. 1, 11 
(= intelligence, ou conscience psychologique); v, 3-4 (opposé a cüua); (?) v, 5 
(opposé à odpt); vis, 84 (à cüua); xvi, 18 (seul). Par ailleurs, chez Paul, on 
peut comparer (?) Rom. 1, 93; var, 40 (opposé à oüua); Il Cor. 11, 13 (seul); 
vis, 4 (coordonné à odpë); vir, 18 (seul); Gal. vi, 18 (seul); Phil. 1v, 238 (seul); 
Col. x, 5 (opp. à oip); LI Thess. x, 13 (?), &v éyraou nvebuxros; IT Téme. 1v, 22, 
(seul). Dans Heb. 1x, 23, il signifie « âme » séparée. Encore Jac. 11, 26 (opp. à 
côuo); Mat. xxvu, 50 (« l'âme » du Christ) et Joan. x1x, 30 (id.); Marc, 11, 8 
(= intelligence) ; (?) var, 12; xiv, 38 et parall. (« l'esprit est prompt, et la chair 
(opt) est faible »); Luc 1, 47 (parallèle et identique à 4uy4, dans le « Magni- 
ficat »); 1, 80 (seul); (?)11, 40 (seul) ; vin, 55 (seul); (?) x, 21; Joan. x1, 33 et 
xx, 24 (seul); xix, 30 (supra); Act. vir, 59 (« l'âme » d’Etienne); xvir, 16 
(seul); x1x, 21. 

2. Hveduo en un sens naturel plus spécial, où il s'oppose à quelque partie, 
spirituelle aussi, de l'être humain : I Cor. xv, 45 (huyh box, …mveüua Cwomouobr ; 
sens très spécial, v. ad loc.); 1 Thess. v, 23 (opposé à Yuy4 et à oüiua, tricho- 
tomie, v. infra); al. — Cfr. Heb. iv, 12 (opp. à fui). — IL s'oppose à vods, 
Ï Cor. xrv, 2, 14, 45 (bis), 16; dans l'ép. ad Eph. 1v, 238, à. nvebuart vo5 vods uv, 
il semble rentrer dans le vü:, ou intellect, comme une partie, à moins qu'ilne 
faille le prendre au sens qui va suivre. 

8. [lveïux au sens psychologique d'un ensemble de facultés, de dispositions, 
de tendances bonnes ou mauvaises, où bien de principe subjectif de ces 
attributs : [ Cor. 11, 42 (x5 nv. vod xôsuou, et peut-être ro wv. vo ëx voù Oeob}; 1v, 
21 {rv. noxdratos); clr. om var, 15 (mr. Gnvkeius, uéoBzstmc) ; IL Cor. 1v, 13 
(ro. mioreux); (?) XI, 4 (nv. Éreoov); x11, 18 (tr adr® meurt meorarsice); en ce sens 
il se trouve parois parallèle ou équivalent à buy, Phil. 1, 27, êv év nveüuart et 
ui dun, clr. x Woyñs Eph. vi, 5et Col. xt, 28); Gal, vi, 1 (nv. moudrnvos) : Epk. 
1, 17 (nv. coius ant roxaAdbsws); 1V, 3; (?) 23 (v. supra). Etc. cfr. Luc 1x, 55. — 
En plusieurs de ces passages, il est douteux s'il s’agit du caractère de 
l'homme, ou de son esprit sanctilié, ou du Saint-Esprit; 

k, veux au sens strictement z20ral d'« esprit » opposé à o&sË, « la chair », 
qui signifie la faiblesse et les vices humains. (Ce sens peut-être pris pour 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, I-IV. 93 


une subdivision du précédent). Ainsi (?) I Cor. v, 5; vr, 17 {sens très spécial, 
v. ad loc.); efr. Rom. vint, 2 (analogue), 4, 5, 6, 9, 13; Gal. ri, 3; (?) 1v, 29; 
v, 16, 17 (bis), 18, 22, 25 (bis); vi, 8. 

Par extension métaphorique des sens qui précédent, le mot vue peut-être 

pris pour signifier : 
: 5. «l'esprit », le sens intime, l'âme, d'une proposition (parole, loi, document), 
en opposition à ypduua, « la lettre », qui en est comme la c495 ou le céux. On ne 
rencontre pas cette acception dans 1 Cor., mais Æom. 11, 29; var, 6; IT Cor. 
ut, 6 (bis), et probablement m1, 17 (le Christ, c'est-à-dire la connaissance du 
Christ, est l'esprit de la Loi). Cfr. le sens de l'adverbe nveuuarixüs, parfois. Ce 
peut être encore, au moins sous un aspect, le sens de Gal. 111, 3 (odpë — 
yoéuua?). À notre avis, ce sens n’est pas propre au seul Paul, et il se retrouve 
{au moins un sens très voisin) Joan. 1v, 23, 24 (èv nveüwart xat &hnleta) et proba- 
blement vr, 63 (bis) : « mes paroles sont esprit et vie; la chaër (odpt) ne sert à 
rien » (cependant un autre sens s'y mêle chez Jean, celui de principe surnaturel, 
de vie, et d'esprit vivifiant du Christ, car Jean glisse facilement d'an aspect à 
l'autre de ses vastes concepts analogiques, et en englobe parfois plusieurs 
dans une seule expression d’un seul passage, v. notre comm. de l'Apoca- 
lypse); il peut du reste en être ainsi chez Paul, au fameux passage IT Cor. ur, . 
17). (1). | 

En plus de tous ces passages, il en est d’autres où nveüux revêt un sens 
exclusivement surnaturel, — et auxquels on peut rattacher du reste ceux que 
j'ai énumérés au n° 4 { #v. et c%p5) et plusieurs exemples du n° 8 : 

6. lvèua signifiant l'esprit de l'homme en tant que sanctifié, uni à Dieu, 
divinisé. Ainsi [ Cor. vr, 17 (v. ad loc.); xv, 45 (celui du Christ; v. ad loc. ; id. 
Rom. 1, k; en dehors de l'âme sainte et sanctifiante du Christ, l’idée de sa 
divinité y est encore incluse). Puis Rom. var, 16 (« L'Esprit rend témoignage à 
notre esprit »; peut aussi se classer sous le n° 1); (?) xrr, 11; Æph. 11, 22 (?); 1v, 
k; vi, 17; vi, 18; Col, 1, 8 (?); Il Thess. m1, 18, etc. (On peut souvent douter 
s’il est question seulement de l'esprit sanctifié, ou de l'Esprit divin sanctificateur, 
ou des deux ensemble, l'« Esprit » agissant dans « notre esprit »). 

7. Enfin, rvüux s'emploie encore pour désigner des dons et des manifesta- 
tions « charismatiques » : Î Cor. xx, 10; x1v, 12, 32 (pour ces passages, v. ad 
loc.); I Thess. v, 19 (peut aussi s'appliquer au Saint-Esprit); de même 
IT Thess. n, 2; 1 Joan. 1v, 1 (bis); Apoc. 1, 10; 1v, 2; xvir, 8; xix, 410; 
XXII, 6. 

B. Par rapport à Dieu, Paul n’emploie guère xrvedua pour qualifier la 
personnalité de Dieu (au sens de Joan. iv, 24, nvsux 6 6:06, cfr. 1 Joan.) ou 
au sens de force divine en général — à moins que ce ne soit I Cor. x, 4 
(év dmodelfer nveduaros xx} duvawews, v. ad loc.) ou IT Cor. ur, 18 (xuplou rvebmatos 
— le Seigneur (le Christ) (qui est) esprit (en tant que Dieu). 

Mais : 

1. Hvsiux désigne l'intelligence attribut de Dieu, ou la conscience divine, par 


(1) Je me demande même si l'on ne pourrait amener en comparaison le rrwyoi r@ mveiuart 
de Mat. v, 3, si r& nveuar: pouvait être considéré comme une explication ajoutée au texte 
primitif de la béatitude des pauvres, telle qu’elle est donnée par Luc; les « pauvres en 
esprit », c'est-à-dire « en vérité », dans l'intlime de leur âme. 


94 ÉPITRE AUX CORBINTHIENS, I-IV. 


analogie avec l’« esprit » ou intelligence de l'homme (A 1) : I Cor. n, 11, 
et peut-être 40 (v. ad loc.). 

2. Très souvent, chez Paul et ailleurs, rvue signifie l'esprit de Dieu commu- 
niqué aux hommes, par une action transitive, pour les rendre capables d'actions 
divines. Ici on pourrait ramener beaucoup des passages précédents, notés sous 
À 3,4 et 6. Ii s'agit alors habituellement de la grâce sanctifiante ou des cha- 
rismes; mais comme souvent ces passages sont en rapport étroit avec d’autres 
où est nommé le Saint-Esprit (n° 3, ci-dessous), on ne voit pas bien toujours si 
l'Apôtre parle du don ou de la Personne; se rappeler alors (comme disent Rob.- 
P1.), que la Personne est contenue dans le don, et que Paul a toujours dans 
l'esprit la communauté de vie que la grâce établit entre Dieu et l'homme. Ainsi 
I Cor. 11, 12, 13; va, 17 (v. ad loc.); Rom. vus, 15, 23; II Cor. 1. 22; Gal. 
It, 2, etc. 

8. Enfin, dans un certain nombre de passages, il est certain que Paul parle 
du Saint-Esprit, troisième personne de la Trinité. Ce sont tous ceux où le 
nvedux (de Dieu) est sujet de verbes personnels, comme, dans notre Epître, oîxsi, 
« il habite », Gtupet, « il distingue », Boikeru, « il veut », etc. Ainsi ax, 16; vr, 41 
(probablement) ; vi, 40; x1r, 8 (bis), 4, 7, 8 (bis), 9 (bis), 41,43; cfr. Rom. vin, 
16; 26-27, etc. Qu'il y ait là autre chose qu’une simple personnification de 
l'esprit participé, cela ressort des formules trinitaires où l'Esprit est mis exac- 
tement sur la même ligne que le Père et le Fils ([[ Cor. x, 13, explicite; et 
beaucoup d’autres passages, notamment 1 Cor. x, 4-6, Æph. 1, 8-14, où 
diverses actions de Dieu sont réparties entre les trois personnes; le P. Prat, 
« Théologie de saint Paul », t. IT, note S, croit pouvoir en compter jusqu'à 
vingt-six); la doctrine de Paul s'accorde ainsi avec le dernier verset de s. Mat- 
thieu. Et la personnalité du Saint-Esprit apparaît comme en de nombreux 
passages des Synoptiques, des Actes surtout, distincte non seulement de celle 
du Père, mais de celle du Fils, comme Jean l'exprime xrv, 46-17 : &Xov rapd- 
xAnrov — vd nvsdux vhs dAndelas. [l se peut du reste que rwüux, dans la langue de 
l'époque, ayant, comme l'observe Leisegang (« Pneuma Hagion », p. 16, n.), très 
souvent le sens d'un être autonome spirituel (1), ait habituellement chez Paul 
cette signification là où il s'agit de l'esprit divin (v. énfra); et s'il est parfois 
pris dans une même perspective avec l'esprit participé, c'est que la personnalité 
de l'Esprit a été révélée aux hommes principalement par ses dons. 

Pour savoir maïntenant d’où Paul tient ces diverses acceptions de nveôua, il 
faut rappeler le sens de ce mot dans l'A. T. et le judaïsme, chez les Gentils, et 
dans le reste du Nouveau Testament. 

a. Le rvèux dans l'Ancien Testament, les apocryphes et la théologie juive. 
— Avant tout rappelons-nous les passages bibliques où la n11 de Dieu (LXX : 


rvedua) apparaît comme un agent personnel ou personnifié pour l’œuvre de la 
création, Gen. 1, 1, et ailleurs comme Ps. eur(arv), 30, ÉÆaunooveheic 10 mwebud oov 
xat xrio0moovrers Judith xv1, 17; al, 

Ailleurs, Dieu devient présent dans l'âme par son « esprit » ou son « esprit 
de sainteté ». Ainsi Ps. Li (« Miserere ») 12-14; Æzech. xxxvr, 26. s. (pour la 
communauté future), cfr. xx, 19 et Jér. xxxr, 33. Ce n'est qu'une participation à 

(1) D'après W. Toszrri, Der heilige Geist als güllliche Person in den Evangelien, Düssel- 
dorf, 1918, pp. 385-suiv. 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, I-IV, | 95 


la sainteté de Dieu. En général d’ailleurs, l « esprit de Dieu » est sur un 
homme, ou le saisit, ou le pénètre, seulement pour une illumination ou une 
impulsion transitoire ; c'est ainsi qu'il saisit les prophètes, tandis qu'il reposera 
sur le Messie d'une façon permanente (/saie, x1, 2, 3). Voir aussi la prophétie 
messianique de Joël, ur, 4-2, que saint Pierre cita à la Pentecôte. — L'Esprit 
habite, personnifié, dans la communauté israélite ou le Temple, puisqu'israël, 
par la vue de ses péchés, peut le troubler, le contrister (/saïe, xL, XLvInr, Lx; 
voir plus bas à Chekinakh). 

Ces divers sens ont passé dans les Apocryphes et le rabbinisme. Ainsi Jubrilés 
1, 24, 23-s : « créer un esprit saint »; Ps. Salomon, xvix, 42, c'est une puissance 
donnée au Messie. L'esprit de vérité, dans les Testaments (passim) et ailleurs, 
se répandra, après le Messie, sur les hommes, cfr. Joël, D'une façon générale, 
chez les rabbins, ce sera un don intellectuel ou un pouvoir miraculeux. Strack 
et Billerbeck notent (IT, pp. 128. s.) que, si dans l'A. T. l'Esprit saint n’est que 
rarement l'esprit qui sanctifie l'homme, chez les rabbins c’est presque toujours 
l'esprit de prophétie, ou celui qui inspire les auteurs des livres saints. Il est 
donné en récompense, et non comme principe, des vertus {au sens de « grâce », 
il n'apparaît que chez des écrivains tardifs, du x° ou du xrur° siècle}, et il habite 
d'ailleurs sur les justes, comme un protecteur, et non pas en eux (v. LAGRANGE, 
Judaïsme, pp. 443 sq). — De la notion de l'Esprit habitant au milieu de la 
nation {et qui, pour la plupart des docteurs, avait disparu après la ruine du 
premier Temple et les derniers prophètes, voir Aarmorstein, ARW, 1930, H. 
3-4) on est assez naturellement porté à rapprocher celle de Chekinäkh, ou « habi- 
tation » de Dieu, qui est très souvent personnifiée, mais où le P. Lagrange (ibid. 
p. 454), plutôt que Dieu, ou une hypostase, ou un intermédiaire, voit surtout 
« une expression traditionnelle pour désigner une présence divine favorable, 
tendant à la personnification äfin de ne pas nommer Dieu ». Cette Chekinah 
peut devenir un vrai intermédiaire (Afaïmonide) ou simplement une sorte 
d'Ange, voir Targum sur Fxrode xxxur, 14. s., — comme l'Esprit lui-même 
dans les parties juives d’Asc. Jsaïe 1v, 21, 1x, 39, 40, x, 4, xr, 4 (voir Bousset). 
C'est comme une lumière, assimilée à la « gloire » (/egarah, Gdt:), qui peut 
accompagner les groupes des fidèles, et que le péché éloigne. Dans les apo- 
cryphes à partir du n° siècle av. J. C., comme Âénoch, qui tendent à relâcher 
le contact entre le monde et un Dieu localisé au ciel, elle est graduellement 
reléguée dans le monde céleste, en synonyme de « Trône de gloire » (Lagrange). 

L’ « esprit de Dieu » est la plus marquée de toutes les personnifications de 
l'opération divine. Dans les derniers siècles précédant notre ère, il tend à 
s'identifier avec la Sagesse {qui habite en Israël, Ecclésiastique, xxiv, 10. s.) et 
il paraît être devenu comme elle une hypostase, avec existence séparée, dans la 
Sagesse de Salomon. Dans ce dernier livre, l'Esprit paraît bien ne faire qu’un 
avec la Sagesse 1, 7; x, 4; cfr. 1, 4, 1x, 17. Comme elle il remplit l'univers et 
tous les êtres (ce qui le rapproche du rvsüux stoïcien, v. infra), et surtout il 
opère dans l’âme des justes. 

Ge qu'il faut le mieux retenir pour notre enquête, c'est que l'Esprit se tient 
tout entier du côté de Dieu, et reste toujours extérieur aux hommes; même 
lorsqu'il les saisit’et les meut, il ne forme pas une partie de leur substance 
Spiritucile. Rarement son action peut être identifiée à la: grâce sanctifiante; 


96 -ÉPITRE AUX CORINTHIENS, I-IV. 


encore moins y a-t-il une communauté de nature entre lui et l'âme humaine, 
comme dans le stoïcisme ou la mystique grecque. Une acception rare et secon- 
daire, tant dans l'Ancien Testament que dans le judaïsme, est celle qui identifie 
le principe intellectuel de l'homme (ordinairement nechamdäh), insufflé par 
Dieu (Gen. x, 7), avec un « flambeau de Yahwé » (Prop. xx, 27), « le souffle de 
Chaddaï » (Job, xxxur, 8), et même le souffle vital avec « l'Esprit d'Eloah » 
(Job, xxvur, 3); le Test. de Nephthali hébreu x, 9, va jusqu'à nommer « esprit 
de Dieu, saint » l'âme donnée par Dieu, qui peut. être souillée, et qu'il faut 
rendre pure au Créateur (v. Lagrange, pp. 445, 440); mais c’est un sens excep- 
tionnel, qui concerne l’origine de l'âme plus que sa nature, bien qu'il dénote 
une certaine affinité entre celle-ci et la nature divine (cfr. Phëlon, plus bas); le 
contexte montre partout qu'il ne s'agit pas de l’ « Esprit de Dieu » au sens 
ordinaire, lequel reste toujours distinct de toute partie permanente de l’homme, 
et extérieur à l'âme. sur laquelle il plane, ou qu'il ne pénètre que pour certaines 
actions déterminées (sauf dans les rares passages des Psaumes et des Prophètes 
où il prend un sens qui prélude à celui de « grâce »), bref qu'il n’y a pas confu- 
-sion panthéiste de nature, à la stoïcienne, entre le rveèux de Dieu ou Dieu lui- 
même, et la vie qu'il a insufflée à sa créature (1). 

Tous ces sens, nous le verrons, ont été développés dans saint Paul, et de 
manière à éviter encore mieux les confusions panthéistes. 

(Voir Lacraxces, le Judaïsme avant Jésus-Christ, TI partie, ch. xvr; — 
-Bousser, Die Religion des Judentums*, pp. 349 ss, 395 ss. — Moone, 


(1) Je transcris d'nne lettre autorisée ces données sur la conception très concrète et peu 
analysée encore, mais fort éloignée du panthéisme, que se faisaient les Hébreux de la 
nature de Dieu, comparée à celle de tous les êtres : 

« Jamais les Juifs ne se sont posé la question de la matière, étendue, divisible, etc. Pour 
la Bible il n’y a pas opposition entre « l'Esprit et la malière » comme pour Platon, 
mais entre l'« Esprit et la chair ». Il ÿ a un être solide, vivant, qui tient bon, qui est 
tout-puissant, qui a toujours été et sera toujours, et toujours le même, immuable par con- 
séquent, actif, — et il y a des êtres qui naissent, se flétrissent, meurent. L'image du pre- 
mier est le roc, pour sa stabilité, l'image des autres est l'herbe. Entre eux rien de 
commun. Qu'il y ait dans l'esprit quelque chose de la chair, je crois qu'ils l’auraient nié 
sans hésiter avec énergie. Quant au monde matériel non vivant, on n’en parle pas à ce 
propos : il n'entre pas en ligne de compte. 

Dans l’homme c’est beaucoup plus obscur. L’« esprit » vient de Dieu; entre le corps et 
lui il y a la nefech; quand le corps retourne en poussière, il reste quelque chose qui est 
comme le même individu plus subtil, mais cela n'empêche pas l'esprit comme tel, et surtout 
en Dieu, d'être d'un autre ordre que tout ce qui est ou a élé chair; les Pères imaginaient 
aux Anges des corps subtils, ça, c’est du raisonnement, de la philosophie. 

On ne pouvait jeter un pont sur l’abîme qui sépare judaïsme et sloicisme. Dieu a fait le 
monde, comment serait-il l'âme du monde? Créer ex nihilo est une expression qui ne vaut 
pas mieux que l'idée, qu'avaient certainement les Hébreux, que tout dans le monde, et le 
monde, n'était que l'amoncellement d'un tas de choses, était fabriqué par Dieu. L'idée de 
faire sortir le monde de Dieu par évolution les aurait abasourdis. Le soleil, la lune étaient 
des dieux pour d'autres (les Sémites païens, Babyloniens,.elc., ou les Égyptiens): mais les 
autres n’en faisaient pas des éléments d’un grand tout. ce sont les Grecs qui ont fait de la 
philosophie, et peut-être les Hindous et les Persans… 

Les tendances à certain panthéisme émanaliste qu il y aurait eu plus tard dans la 
Cabbale juive ne viennent pas en elfet des anciens Ilébreux, mais de l'influence des gnos- 
+ ques et des néo-plaloniciens. 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, I-IV. 97 


Judaïsm, 1, p. 237. — À. Maruwonsræin, Der heilige Geist in der rabbinischen 
Legende, AR W, xxvin B, Heft 3-4. Al). 

b. Le nvsèua dans la philosophie, la religion grecque et hellénistique et la 
magie. Le mot nveëux était fort usité chez les Grecs, aussi bien dans le langage 
populaire et scientifique (médical) que dans le langage religieux, mystique, 
magique. 

C'est de l’acception populaire que dépend le sens de nveüux chez les méde- 
cins et même les philosophes, comme l'a montré Rüscwe, Blut, Leben und 
Seele, 1930. La notion première est celle du principe vital des animaux. Le 
pneuma (souffle, air) est dans le sang lui-même (qui était considéré ancien- 
nement comme étant la vie) comme sa chaleur et sa vapeur, ou bien il est 
véhiculé par le sang, auquel il vient du dehors par la respiration. L'air pour 
Anaximène et Diogène d'Apollonie, le feu et la chaleur pour Héraclite, étant 
la matière foncière de l'univers et des êtres animés, les savants influencés par 
ces deux premiers philosophes firent venir du dehors le pneuma, et les auires 
de la chaleur du sang, concentrée surtout dans le cœur. Empédocle et l’école 
médicale de Sicile après lui, combinèrent en quelque manière ces deux vues : 
la vie et la pensée résultent de la chaleur du sang (qui est l'âme et formé des 
quatre éléments), rafraîchie par l'air respiré. .Les spiritualistes Platon et 
Aristote conservent toujours cette conception matérielle du pneuma; chez 
Platon, le pneuma inférieur reste dans le cercle de l’âme matérielle et mor- 
telle, tout en pouvant servir à l'âme supérieure; chez Aristote, qui se relie à 
Empédocle, le rvedua oüuurov, avec le Geoudv du cœur, tiennent encore au sang, 
s à l'air ou à l'éther, comme instruments de l'âme, pour conserver et mouvoir 

l'organisme. 

En toutes ces premières acceptions du nvedua grec, on voit donc qu il n’est 
rien d'immatériel, de transcendant ni de spécifiquement divin. 

D'un autre côté, dans le langage populaire (peu ou point teinté de philoso- 
phie), le rapport du pneuma animal avec le souffle, le vent, l'air fit qu'on donna 
le nom de nveiuara aux démons ayant des corps subtils, aériformes ; et que ce 
nom passa anciennement aussi à l'âme, Quy4, sdwlov, qui survit au corps, et 
qui, d’après la vieille croyance, est elle aussi &eposuôic. Plutarque (Consolatio 
ad Apoll., 15) cite ces mots du vieux poète sicilien Epicharme : 

cuvexplôn xt Grexpiôn xäm\0ev Gev PAGE ré htv, 
ya mév els Yav, nvedua d’ Ave. 

Comme en Attique, CI A 442 : Aïdio uév Quyts bredéuro, ouate 0 ybv | rüvde. 
Ou Eüripide (fragm. 961) : nvedu’ dpeis à aibéox, etc. Et nvedux fut dit aussi de la 
divinité. Mais ce dernier emploi est dû principalement aux stoïciens, venus 
plus tard. 

Chez les stoïciens, héritiers d'Héraclite et en partie d'Aristote, le rveiux est 
le souffle igné, universel, qui est à la fois matière et cause animatrice de tout 
ce qui est; par cette force fondamentale tout est soutenu et gouverné {1). Le 
nvedue universel est Dieu, et réside à l’état de pureté, comme principe direc- 
teur (fyeuovxov), dans le ciel ou le soleil, d’où il meut tous les êtres reliés par la 
« sympathie ». Cette âme du monde, un air enflammé, répandue d'une façon 


(1) Pour l'école d'Epicure aussi, le rvsüuz est moteur de toutes choses 
ÉPITRE AUX CORINTHIENS. 


98 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, I-IV. 


plus ou moins diluée dans tout l'univers, est, (en même temps que « Ayo » 
lorsqu'on la considère du côté de son intellectualité), le Pneuma cosmique, 
dont les diverses activités sont personnifiées dans les dieux du panthéon; aux 
êtres qu'on n'appelle pas des dieux, à l’homme, ce microcosme, il donne toutes 
les propriétés, depuis la simple forme, Ëfi, jusqu'à la raison, Ayo, à la vertu, 
pérn. Le nveèux humain, c’est-à-dire la partie du [veux appropriée à l'homme, 
est, physiologiquement considéré, le rveüuo du sang, et, philosophiquement, 
comme jouant le rôle de fyemovxdv, il est une extension, une émission du 
Pneuma-Dieu. C'est ainsi que Sénèque peut parler de l'âme humaine comme 
d'un « esprit saint », divin de sa nature. Mais cela n'empêche pas que le 
nvedua, fondamentalement, soit la matière, l'étoffe de tout notre être, et que la 
Stoa puisse parler du « changement de l'esprit en âme », pera6oAh roù mvebuuros 
ei duytv (v. Reïtzenstein, HM3, p. 312); lorsqu'il s’agit de ce qu’il y a de plus 
haut et de plus divin dans l'âme, de la raison, c’est le terme )éyos qui est 
employé; l'ordre ascendant serait donc : rvbua-cüua-buy# (contrairement à celui 
de Paul, [ Thess. v, 23, v. supra et infra). — À la même époque, le médecin 
alexandrin Erasistrate (rri° av. J.-C.) puis l'école de médecine « pneumatique », 
jusqu'à Galien, par une synthèse de toutes les idées antérieures, distinguaient le. 
nveôuu (qui pour eux était l'âme), d'après ses fonctions, mvedua Cwrixév pour la 
vie purement animale, et rveüue-duyixév pour la vie psychique (v. Rüsche). 

Nous en arrivons au Juif grécisé Philon d'Alexandrie. Pour lui la duyé du 
sang, inférieure, irrationnelle (ne/ech de la Bible) est toujours un nveüux formé, 
comme pour les médecins pneumatiques, de la vapeur du sang et de l'air 
respiré. Mais il est dans l'homme un autre nveüua, supérieur, immortel 
(nv. Oeïov, œidéprov mv., fyemovixôv, vols, buy vospd, loyioudc, Gtdvoux), que Dieu à 
insufflé dans l'homme après qu'il eut créé son corps avec sa « nefech » (d’après 
Gen. u, 7. Si Philon, qui a tant subi l'influence du stoïcisme, donne ce nom de 
nveüua à notre partie immortelle, c’est pourtant assurément à cause de la nvo 
8c05 (ni) du récit biblique; ce n’est plus pour lui, comme pour les philosophes 
ou les médecins monistes, de l'air agité, mais une empreinte et une reproduc- 
tion, üne image (:xov) de la puissance du Créateur. Son dualisme a de l’affinité 
avec celui de Platon; et il pouvait, sans surprendre le lecteur de son époque, 
nommer rvweüua l'âme qui survit au corps (Epicharme, etc., supra), ce qui res- 
semble en nous à la divinité (stoïciens, supra). Cependant, le choix de ce mot 
provient évidemment chez Philon de l'évérveusev biblique, ce qui, peut-on dire, 
lui donne une acception nouvelle. Ce xveüux n’est pas une émission de l'Ame 
du monde, ni une partie de Dieu, mais rien qu'un effet et une image. Pourtant, 
dès lors qu'on le possède par le fait qu’on est constitué homme, il n'a point le 
sens surnaturel de « grâce » ou d'esprit sanctifié. 

Après le sens vulgaire, et le sens scientifique ou philosophique, il 
reste à voir celui, ou ceux, que prenait rvedux dans le langage de Ia 72 ystique 
païenne et de la magie. 

Ici se retrouvent toutes les significations que nous avons relevées ailleurs 
chez les Gentils. La Pneuma est Dieu, un dieu panthéiste, ou ce qu'il y a de 
plus intime en Dieu, ou un fluide divin, ou bien la partie la plus haute de 
l'âme, ou la 4wy tout entière, ou bien l'âme, l'esprit de toutes les choses, — 
ou synonyme d'esprit incorporel, de « démon » ou de « dieu » — ou tout 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, I-IV. 99 


simplement une des parties constitutives du corps humain (orhéyyve, 615006, 
Arap, mvedpuo, 6ot&, uuehois, dans une formule de malédiction, Wessely, Denksch. 
der K. K. Akademie 1888, p. 83) (1). Ce qui est commun dans presque toutes 
ces mentions de nveèu, c'est, à ce qu'il semble, l'idée d’un fluide qui compose 
la substance de Dieu, des dieux et des esprits; on saisit immédiatement 
l'influence stoïcienne qui avait imprégné la terminologie de ces documents 
tardifs; mais elle n’est pas seule, ni peut-être la première. Tandis que Leise- 
gang (Pneuma Hagion) cherchait à peu près exclusivement dans la tradition 
philosophique l’origine du Pneuma fluidique, d’autres, comme Preisigke, ont 
montré à bon droit qu'il faut y faire une part aux vieilles superstitions ani 
mistes ou à la conception de la « Puissance », mana (2), et qu'on remonte ainsi 
principalement à la religion de l’ancienne Égypte (Plutarque, Isis et Osiris, 
36 : Alu pèv ytp Aîyômrioi to mveüux xahoüow. Îci Zeus est Amon) (3). La fonction 
permanente de ce fluide est d'être le soutien universel des existences, comme 
dans le stoïcisme; l'astrologue Vettius Valens (4) l'identifie à l'air incorrup- 
tible que nous respirons, Cwrixbv rveëe, Gedmveucrov Snutoboynux, qui nous donne 
pour quelque temps part à la nature des dieux immortels. Les hermétistes 
(v. infra) s'en tiennent pour le nveèua {qui n’est nullement le voèc) à une concep- 
tion toute matérielle de cosmologie et physiologie stoïciennes : rd Gt rveüe, 
dnrov Giù phebbv al dprnplwv xx aiuaros, xivei ro Cov (Corp. herm. x, 13). Mais, 
comme le Pneuma matériel est aussi la divinité, il arrive, dans cette lit- 
térature sacrée ou magique, et parfois dans la littérature profane qu'a touchée 
cette conception (ainsi ZLucain, Pharsale v, 167-ss., sur la Pythie : Spiritus 
ingessit pati, etc.) qu'il entre en coup de vent dans l'âme des mystes et des 
devins pour les plonger dans le délire ou l’extase. Cela offre bien une certaine 
analogie avec l’action de l’« Esprit de Dieu » qui fond sui les prophètes 
bibliques; mais il ne faut pas oublier la différence radicale des théologies qui 
sont à la base : d'un côté c'est un transport de l'intelligence, de l'autre une 
ivresse pathologique. 

Dans la secte païenne qui paraît bien être (après les néopythagoriciens) la plus 
« théiste » des premiers siècles, c’est-à-dire l'hermétisme, les fonctions spi- 
rituelles ne sont pas attribuées an rvéus, mais au Noïc. Ainsi Corp. herm. 
X, 13 : 6 vobe év r& Adyw, à Adyos év +9 buy7, À Wuyy êv TO nveduure, vo D nvedua 
Sixov, etc., v. supra. — Plus tard, chez l’alchimiste Zosime (postérieur à 
Porphyre, pleine époque chrétienne), Reitzenstein pourra exploiter des textes 
où le théurge, rejetant l'épaisseur du corps, devient Pneuma, « s'achève en 
Pneuma », nveüua <ehoüux (HM3, p. 313); ou l'instruction d'une certaine reine 
Cléopâtre aux philosophes (alchimistes), dans un document égypto-grec traduit 
de l’araméen (Berthelot, Les alchimistes grecs, pp. 293, 298; HM®, p. 313-315), 


(1) Reilsenslein, T{M3, pp. 308 et suivants, donne un grand choix de lextes relatifs à 
l'emploi de nveüua dans les papyrus magiques. Nous ne pouvons les reproduire ici. On y 
trouve très souvent l'expression &iprov nveüua, celle de fspov mv. où &ycov nvedua quand il 
s'agit de la divinité, etc. 

(2) Pretsieke, Vom güttlichen Fluidum nach ägyptischer Anschauung, 1920. — Le même 
auteur essaie d'y ramener les conceptions du chrislianisme primitif, Die Gotteskraft der 
frühchrisllichen Zeit, 1922. 

(3) Sur les prétendues origines iraniennes prônées par Reilzenslein, v. infra. 

(4) Cité Fesrucière, L'idéal religieux des Grecs, pp. 124-s. 


100 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, IV, 17-21. 


où se trouve la division du composé humain en corps, âme et pneuma 
(comme chez Paul); mais c'est dans un mystère de renaissance, magico-chi- 
‘ mique, où le pneuma, le troisième élément, vient du «feu » pour unir et glorifier 
l’âme et le corps, ét ne paraît donc pas faire partie de la constitution primitive 
de l’homme. (Voir sbidem, pp. 309, al., d’autres textes où l'on fait appel au 
nvedue pour revivifier des morts). 

En somme, rien n'apparaît dans cette littérature religieuse ou pseudo 
religieuse qui, en fait de sens donnés au mot rveüue, ne s'explique par la théorie 
stoïcienne, par la physiologie des anciens Grecs, ou par les vieilles superstitions 
panthéistes. Qu'il s'agisse d’âmes, d’esprits ou de dieux, de force magique, 
de résurrection des morts, comme d'essence des corps chimiques, etc., on ne 
sort pas de la conception de fluide aérien ou igné; pour les textes qui paraïi- 
traient les plus spiritualistes, ils sont d’une telle époque qu'on ne peut en 
écarter a priori l'influence chrétienne, celle de saint Paul lui-même. 

. ©. Mveïux dans le Nouveau Testament. — Si, en dehors de Paul, nous par- 
courons le Nouveau Testament, le mot nveèux, quand il n’a pas rapport à Dieu, 
y apparaît avec le sens d’« esprit » (démon), de fantôme, d'âme, d'intelligence, 
ou de sens intime d’une parole (v. supra, 2 À, 1, 3, 5, 7), Rapporté à Dieu, il 
prend des sens variables, tantôt clairs, tantôt indécis. Il ne désigne la nature 
divine que Jean 1v, 24. Une signification courante, qui se rattache à l'Ancien 
Testament, est celle de « puissance de Dieu », ou d'inspiration divine, et l'on 
peut comprendre ainsi Mat. 1, 18, 20; nr, 11 et parallèles; xt, 28 et parall., 
etc; Luc, 1, 15, 35, 41, 67; 11, 25 (?), 27 ; 1v, 18 et parall. ; xr, 13 (?}; Act. 11, 17- 
18; 1v, 8, et passim. Etc. En beaucoup de ces passages, du reste, il pourrait 
s'agir du Saint-Esprit personnel. Celui-ci est nettement désigné partout où le 
Pneuma divin est le sujet d’actes volontaires : Mat. x, 20 et parall. Xxkoëv; 
Marc 1, 12 éxBélle; xurr, 11; Luc, passim; Act., plus fréquemment encore, 
un, 45 v, 3, 9 (bedouour, maipooat so [v.); virr, 29 (eixe, al. passim), 39 (fous), xv, 
28 (Ed0Ëe yap T® éyiy Tv. xl âpiv); XVI, 6, 7 (oëx elacev); xx, 23 (Giuuapréperai), 28 
(£0evo); xxvInr, 25 (kéhnce). Etc. On a pu dire que le Saint-Esprit est le 
principal personnage des Actes. Ce caractère de personnalité apparaît encore 
très visible quand l'Ésprit-Saint se manifeste sensiblement, comme distinct du 
Père et du Fils (baptême de Jésus, Mat. nr, 16 et parall., Jean 1, 32-33) et 
dans la célèbre formule trinitaire de Mat. xxvirr, 19. Chez Jean, l'Esprit divin 
paraît presque toujours personnel; et son texte x1v, 16-17 (&Aov mapäxhntov), 
avec la formule baptismale de Matthieu, où il est égalé aux personnes divines 
du Père et du Fils, montrent qu’il faut interpréter tous ceux que nous avons 
énumérés en dernier lieu comme signifiant plus qu'une personnification de la 
puissance de Dieu. Ce sens était d’ailleurs déjà préparé par l'Ancien Testa- 
ment (v. supra, ® a) et a été pleinement révélé par Jésus-Christ. 

Ces acceptions du veux divin sont en étroit rapport avec celles que nous 
avons relevées chez Paul, et révèlent bien une doctrine homogène. Il était 
inutile de passer en revue les livres qui restent du N. T., car partout elle 
est le même; la nai de l'A. T. s’est toujours précisée de la même façon. Et 


l'on voit que, lorsque l'« Esprit de Dieu » est « sur » les hommes (Luc 11, 25), 
ou qu’il pénètre en eux, ou qu'il les meut du dehors ou du dedans, il est 
toujours, soit un agent, soit une force qui restent distincts de l’âme ou des 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, I-IV. 101 


forces naturelles de l'âme. Peut-on croire alors qu'il ait rien de matériel (flui- 
dique), comme dans la mystique grecque tardive, ou soit de la même nature 
que l'âme créée? 

Nous ne répondrons pleinement à cette question qu'après avoir déterminé la 
nature du Pneuma divin chez Paul; car, de part et d'autre, il est de même con- 
dition. Ici, voyons seulement les passages évangéliques où il paraît assimilé à 
un « feu » (Mat, nr, 11; Luc. x, 16, le baptême ëv [veépart &yio xat mupi; cfr. 
Act. u1, 3, YAGooa doel nupdc). Faut-il y retrouver la conception stoïque ou héra- 
clitéenne? On ne s'arrêtera pas à cette hypothèse si l'on se rappelle que le 
"« feu » était dans l'Ancien Testament l'accompagnement presque obligé des 
théophanies; dans les passages mentionnés, il s'interprétera donc, sans diffi- 
culté aucune, comme le signe sensible de la descente de l'Esprit, ou comme une 
métaphore, la flamme spirituelle dont l'Esprit embrase l'âme régénérée ; — 
jamais, bien entendu, comme feu de l'enfer. On peut aussi comparer, à un 
point de vue, au feu des théophanies, celui des descentes du Christ comme juge 
du travail apostolique, I Cor. 1, 13-15, v. ad, loc. (Cfr. Leisegang, Pneuma 
- Hagion, p. 73, 142). 


3° La nature du Ilvsvua de Dieu, ou du nyetua participé de Dieu, 
dans la doctrine de Paul. 


Paul était juif, mais un Juif helléniste ; à ce second titre, on ne peut s'étonner 
qu'il se soit servi du langage hellénistique de son temps, même en matière reli- 
gieuse, quand il se prêtait à ses croyances ; et à plus forte raison en matière 
neutre de psychologie, d'éthique naturelle, etc. Il faudrait seulement décider si, 
comme le prétend Reïtzenstein, toutes les acceptions qu'il donne aux mots 
qui nous occupent ici se laissent expliquer par le simple usage hellénistique — 
en sorte que l'Apôtre ferait figure d'emprunteur ou tout au plus de réajusteur. 

Au moins ne faudrait-il pas oublier qu'il s'était aussi imprégné la mémoire de 


traditions bibliques et rabbiniques qui tranchaient sur l'hellénisme, — et puis, 
qu'il prêchait une religion toute nouvelle pour les Grecs. 
Du reste cette prétendue identité de terminologie — dont on veut faire une 


identité de conceptions foncières — entre les doctrines de Paul et l’hellénisme, 
comment a-t-on pu l'établir? Par le recours à des pièces d'assez mauvais aloi, 
et qui se révèlent très postérieures à Paul quand on peut les dater : ainsi les 
papÿrus magiques, produits d'un syncrétisme confus où il était entré de tout, 
même du juif et du chrétien. Eux et les autres documents mystiques sont en 
général de date incertaine, et de provenance égyptienne pour la plupart, ce qui 
ouvre le champ à la possibilité de multiples influences juives. La grande res- 
source de Reitzenstein et de son école a été d'en faire sortir toute la terminolo- 
gie essentielle de documents « iraniens », qu'il postule, et qui remonteraient à 
une époque notablement plus ancienne que le christianisme. Mais c'est juste- 
ment sur ce point qu’il n’a guère réussi à imposer ses idées au monde savant, 
Car cet « iranisme », il a voulu le découvrir en des documents mandéens ou 
manichéens dont il avait trop de peine à démontrer que les idées et les termes 
fussent « iraniens » et antérieurs à Paul. Pour ne pas entrer ici dans cette 
discussion compliquée, qu'il nous suffise de rappeler avec Æoll (Urchristentum 


102 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, I-LV. 


und Religionsgeschichte, 1925, pp. 11 et suivantes) que Mani (les textes man- 
déens lui sont postérieurs, et, à notre avis, influencés par le manichéïsme), Mani 
qui connaissait Marcion et Bardesane, connaissait Paul également, si bien qu'il 
imitait les formules de l'Apôtre dans son style (1); et que d’autres expressions 
manichéennes dont on a fait grand état, par exemple « le vieil homme » et 
« l’homme nouveau » d'un document chinois de Tourfan (du haut Moyen Age), 

portent, pour tout chronologiste ou historien non prévenu, une évidente frappe 
chrétienne (malgré le changement du sens). — De ces théories « iraniennes », 

le jour nous semble proche où l’on pourra dire « Requiescant in pace ». — Enfin, 
pour ce qui est de l'influence des Mystères en général sur Paul, il ne faut pas 
oublier ce qu'ont établi des connaisseurs comme Ed. Meyer, Wilamowitz et bien 
d’autres, que des traces certaines d'une pareille influence généralisée n'existent 
pas dans l’histoire avant le deuxième siècle de notre ère. 

On peut donc bien admettre à l'avance que Paul connaissait la langue reli- 
gieuse hellénistique de son temps, et qu'il en a usé, pour se laire comprendre 
de ses auditeurs grecs, quand elle se prêtait sans équivoque à l'expression de 
ses propres doctrines; mais il ne faut pas y mêler une terminologie païenne 
spéciale qui n'existait peut-être pas encore; et, même pour les expressions que 
Paul aurait empruntées à l'hellénisme ambiant (il en a certainement emprunté, 
par exemple au Portique), ne pas poser en règle qu'il n’en a jamais modifié le 
sens pour leur donner une signification nouvelle dans sa nouvelle doctrine. Le 
changement des concepts s'opérant sous les termes, apant celui des termes, c’est 
là une loi de l'histoire des idées. Pourquoi la langue de Paul y aurait-elle 
échappé? 


Revenons d'abord aux acceptions qu'il a données à zystua (supra, 2° À et B). 
Nous pouvons nous débarrasser d'un certain nombre d’entre elles, comme reli- 
gieusement neutres, et faisant partie du langage courant de l'époque. Tels sont 
les sens naturels d'âme, d’intellect, de caractère ou tendances morales, de sens 
intime. (Il en serait de même de celui de « démon », mais Paul a employé l'ad- 
jectif neutre, et non le substantif : rù mveuuartix rc movnpixc, Eph. vi, 12). Voir 
cependant [ Tim. iv, 1. Ce n'est pas à ce sujet qu'il se pose de problème. Les 
discussions peuvent seulement se produire à propos de nveux au sens A, 2, 
opposé à Yuy4 ou à voëc; — puis de nveèue aux sens B 2 et 3, c'est-à-dire d'esprit 
divin participé par les hommes surnaturellement; et d'Esprit divin personnel. 
Plusieurs autres questions sont connexes à celles-là, celle des rapports de 
copiu et yrooic, celle du nveëuo en Dieu, et finalement celle des « pneumatiques » 
et des « parfaits », pour laquelle nous avons entrepris tout ce travail. 


A. [lysdua, Puy, Nov. — En bien des passages, nvwebue et guy” s'équivalent, 
— soit pour désigner l'âme, soit les dispositions de l’âme (v. 2° À, 1 et 3), 
comme aussi dans l’hellénisme courant. Mais il y a la fameuse « trichotomie » 
de Z Thess. v, 23 : .. Kai 6Adxknpov Guëv T0 revu xui À Wuyn rai To cou péu- 


(t) Au commencement de toutes ses lelires, d’après s. Augustin (contra Faustum, xIn1, 2), 
il débute ainsi : « Manichée, apôtre de Jésus-Christ. » Les découvertes de Tourfan ont 
confirmé cela, et les papyrus récemment trouvés au Fayoum l'ont prouvé par la production 
même des lettres de Mani. 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, I-IV. 103 


ru év vf mapoucla voù xuplou fuüv ’nooû Xpiorod rnpnûein, où nvebux s'oppose à Ja 
fois à l'âme (buy) et au corps. 

4. nvedu et wuyy. Notons d'abord que cette division tripartite devait être 
connue des Thessaloniciens, puisque Paul l’emploie d'une façon toute sponta- 
née en leur écrivant. Est-ce le signe qu’il l'aurait empruntée à l'anthropologie 
grecque ou hellénistique, et que rveüux aurait ici un sens à chercher en quel- 
qu'une des formes de Ja mystique païenne ? 
© Ou n’a pas de peine à trouver d'autres « trichotomies » qu'on serait tenté de 
rapprocher de celle-ci. Nous avons même vu qu'on retrouvait à la lettre celle de 
I Thess. dans un document d'alchimie tardif (2°, b, vers la fin). Mais on ne 
pourrait s’en servir pour fixer les idées hellénistiques du temps de saint Paul (à 
. qui elle peut être empruntée quant à la forme), et là le nveüux, né de la matrice 
du feu, n'appartient, semble-t-il, qu'à l'être réssuscité, tandis que les fidèles de 
Thessalonique le possèdent de leur vivant, et d'une manière permanente. — 
Quant aux autres, il y a celle de Platon, en voüs, Guude, émuluuntixov; mais elle ne 
convient qu'à l’âme seule, non au composé humain; chez Aristote, c’est le corps, 
l'âme forme du corps vivant, et le vüc; chez Plutarque, il sera question du 
corps, du vois, et de l'âme intermédiaire entre les deux; mais, en ces deux tri- 
chotomies, assez semblables d'apparence à celle de Paul, apparaît le voïç et non 
le nveüus (les deux, comme nous le verrons, ne se confondent pas chez l'Apôtre), 
et, de plus, le voi permanent d’Aristote n'est pas lié indissolublement à l'âme 
comme doit l'être le rveèux paulinien, destiné à lui rester uni {v. énfra). La 
philosophie stoïcienne distingue le pneuma, le corps et l'âme, mais, nous 
l'avons vu (supra, 2°, b), le pneuma est au bas de l'échelle, comme fondement, 
non au sommet (voir Festugière, l'Idéal religieux, pp. 20 0 et suivantes, 211), 
c’est un ordre opposé à celui de Paul. La distinction que les gnostiques du 
n° siècle ont faite entre les catégories d'hommes : Ayliques — psychiques — 
pneumatiques, n’éclaire pas davantage les origines de la division paulinienne, 
pour cela déjà qu'elle n'apparaît que trop tard, et peut dépendre du Nouveau 
Testament (1). Enfin, l'on ne peut {comme le note Jacquier DA col. 930) invo- 
quer ici la division de Ï Cor. ur, 4, 3, en cœpximot, buyixoi, nveuwarixot, ni inter- 
préter celle-ci d’après une classification de Mystères en éncroyanis, prosélytes 
(religiosi) et initiés, parce que ce sont les « psychiques » (buy) de Paul qui sont 
les incroyants, et non ses capxixot, cette dernière épithète étant appliquée, non 
aux seuls hommes qui ne s'occuperaient que de leur cûüux, mais aussi à des 
pneumatiques imparfaits (v. supra, comm. de ur, 3), qui n'ont pas su encore 
bien soumettre leurs instincts d'infirmité humaine (o&p£) à l'esprit, mais sont 
pourtant des croyants transportés dans un ordre supérieur à celui des « psy- 
chiques ». 

Le seul rapprochement éclairant reste donc celui qu'on peut faire avec 
Philon, qui fait aussi dans l'être humain une trichotomie du corps matériel — 
de l’âme qui le fait vivant — et de l'intelligence qui lui a été donnée par le 
souffle de Dieu (Gen. 11, 7, événveucev), et qu'il nomme aussi nveduu, mvedua Oetov 
(v. supra, 2, b). Comme il n'y a aucune raison de croire que Paul ait copié Phi- 


(1) A moins, suivant une suggestion du P. Lebreton, qu'elle ne soit sortie de l’hellénisme 
ambiant, se rattachant au platonisme mystique, avec son idée d’une ouyyévaux entre l'âme 
humaine et Dieu. Mais ce n'est qu'une hypothèse. Voir l'estugière, op. laud. p. 220, n. 1. 


104 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, I-IV.. 


lon, et que ses disciples de Thessalonique aient pu être familiarisés avec la 
doctrine de l'Alexandrin, nous croyons (avec le P. Festugière) que les deux 
avaient une source commune, et que le. mveua de la trichotomie de Paul, 
comme celui du philosophe son aîné, est « un concept juif », ou élaboré d'après. 
des conceptions juives fondées sur le texte de la Genèse. 

” Nous ne voulons d’ailleurs pas presser le rapprochement, ni dire que la dua- 
lité de l'« âme » et de l’« esprit » ait été aussi tranchée chez Paul que chez 
Philon, puisque très souvent le premier dit indifféremment nveüuo ou duy1 pour 
la partie de l'être humain opposée au corps (v. supra, 2° À, 1 et 3, et l'emploi 
de Quyñ Rom. 1x, 9, xus, 4, xvi, 45 IT Cor. 1, 23, xxx, 15, [ Thess. 1, 8, etc., 
comme dans tout le reste du N. T.). Nous devons croire qu'il n'existe pour 
l'Apôtre, en ce passage, qu’une différence modale entre guy, désignant l'âme 
dans l’ensemble de ses fonctions, surtout vitales et sensibles, et mue, dési- 
gnant la même âme dans ses hautes fonctions intellectuelles, sans être le terme 
de deux actes créateurs de Dieu (Ainsi Prat, Festugière, etc.; cfr. ve. Dobschütz, 
Thessalon.-Briefe, p. 230 s. Zur Trichotomie, qui, avec Chrysostome, Théo- 
. doret, l'Ambrosiaster et quelques autres, voit à tort dans nveüue l'élément divin 
surajouté par la régénération). Cette unité résulte de ce que le rveue en ques- 
tion doit être conservé, non moins que la buy, en état d’intégrité et de santé 
(éAdxAnoov); il apparaît comme un élément aussi stable dans la nature humaine 
que la dy et le oüux, et qui pourrait comme eux être corrompu sans cesser 
d'exister. 

Il s'ensuit donc que ce mvedux n'est pas une parcelle de Dieu ou d’un fluide 
divin, qui serait inaltérable de sa nature, et qui ne pourrait, de toute façon, être 
conservé que éuéprruws; la recommandation de Paul ne s'expliquerait pas. 

Ce n’est donc point cette « trichotomie » qui peut établir chez Paul un 
emprunt à la psychologie hellénique païenne (où nvus, en ce sens supé- 
rieur, n'est pas usité), ni surtout à une psychologie panthéiste où les âmes 
seraient de même substance que Dieu. Chez Philon, avec qui le rapport est le 
plus proche, le voùs ou le nv. Geïov n’est qu'une « empreinte » de Dieu, qui par 
elle fait de l'homme son image. 

2. Hvedpa et voÿs, Mais nous ne sommes pas encore au bout de notre compte 
une fois que nous avons fixé pour rveèua le sens d'« intelligence », ou d’« âme 
en tant que remplissant ses fonctions intellectuelles ». Car il est d’autres pas- 
sages où Paul, au lieu de rveüux, emploie voës (entendement, intellect), et certains 
où il oppose expressément le nveuo eb le voès (v. supra, 2° À, 2). | 

De prime abord, on serait porté à croire (comme la plupart des exégètes), 
que l’Apôtre fait varier le sens de vois, et que, s’il en distingue les fonctions de 

celles du pneuma à propos du charisme des langues (ch. xrv), il identifie par 
contre les deux au ch. 11, quand il parle des « parfaits » et de la sagesse 
réservée (supra, I, vv. 10-13, 16). 

Le point sensible se trouve au v. 16 : « Qui a connu le Noûs du Seigneur? 
Or nous avons, nous, le Noûs du Christ. » Cela est dit (au moins par excel- 
lence) des « parfaits », identifiés aux « pneumatiques », AReïtzenstein (HM, 
338 ss, al.) y voit la preuve que Paul, malgré l'exception du ch. xrv, faisait de 
vos et de nveux des synonymes, et il en conclut à la communauté d'inspiration 
de la mystique paulinienne et de l'hellénistique. Sans doute, dans le grec 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, I-IV,. 405 


commun, voÿ, « intellect », ne signifierait pas la nature divine (fluidique) qui 
descend dans l’homme et le fait « pneumatique », en expulsant graduellement 
son âme (duy*) pour y subsituer un « corps pneumatique » (v. ch. xv), « l'homme 
intérieur », 6 #cw &vôpwnos, une partie de celui du Christ glorifié, l'Anthropos, 
de l'Esprit (nveüuo) qui est la forme sous laquelle le Ressuscité vit parmi les 
siens (c'est ainsi qu'il interprète Xotoroç &v émiv et fueic êv Xorû, faisant 
de la Rédemption un salut « cosmologique », à l’« iranienne »). Mais il est au 
moins une secte, l’hermétisme, qui vénère un dieu No, lequel octroie à ses 
élus le vos comme un don divin, grâce auquel ils acquièrent la connaissance 
absolue du Tout, et l'immortalité (v. surtout Poëmandres, et Koërip à movas). Le 
Noùç équivaut donc pour les hermétistes à ce qu'est le Tvedua pour les autres 
mystiques contemporains. Et Paul, en identifiant les deux, révélait en cela 
ses accointances de fond avec l’hermétisme, et toute la mystique des Gentils de 
son époque. On arrive presque ainsi à faire de l'Apôtre un panthéiste. Les her- 
métistes (et d’autres) promettaient à leurs adeptes la « Gnose », yvüow, qui leur 
donnera la vision béatifiante ; voës et yvüsu sont en étroit contact. Or, Paul parle 
aussi de yvüox, en rapport avec le voie, et il faudrait l'entendre de la même 
façon, yvôotç étant la copix supérieure. 

Cela mérite une discussion. Nous devons examiner d'abord les passages des 
Épîtres où voë et yvüoi, ainsi que le verbe de même racine ;yvéoxe, appa- 
raissent. 

Noÿs, chez Paul, est beaucoup plus rare que nveüua (21 fois contre 146); mais, 
dans le N. T., on ne le trouve par ailleurs que 1 fois Luc et 2 fois Apocalypse. 
Si, dans nos épiîtres, nous mettons de côté le passage à discuter (I Cor. 11, 16) 
et ceux de Î Cor. xiv où voës est expressément opposé à rvebue, il nous en reste 
quinze à passer en revue. Nous allons voir que, dans pas un d’entre eux, 
le mot ne paraît prendre un sens qui ne soit pas de l’usage grec commun. 

Rom. 1, 28. Les Gentils sont livrés eis &ôxwov voùr, « à une intelligence de 
mauvais aloi », faussée, parce qu'ils n'ont pas jugé bon {oùx édoxiuacav) de prendre 
une connaissance distincte de Dieu (rov Oebv éjewv év émyvooa), dont pourtant les 
attributs principaux, d'après le v. 20, leur pouvaient être vooÿusva, c.-à-d. 
étaient accessibles à leur raison. — Il s’agit donc des facultés ordinaires de 
jugement et de raisonnement, qu'ils ont laissé pervertir. 

Rom. vir, 23 : +5 voue voù vo6ç uov, la « loi du Noûs » opposée à la loi des 
membres, c'est-à dire de « la chair »; c’est la raison s’exerçant normalement, 
contre les passions ; 

Rom. vi, 25, comme le précédent : la raison opposée à la « chair », au sens 
péjoratif; 

Rom. x1, 84; c'est la même citation d'/saïe, x, 13, que I Cor. n, 16, avec le 
mot voi des LXX conservé. V. infra, à yv&äo:s. Nous verrons que c'est la faculté 
de raisonnement attribuée {« par analogie », dirions-nous aujourd'hui) à Dieu. 

Rom. xu, 2 : perapoppobode TA dryuxmmdoel TOÙ voog, El To Ooumateu Üuac vi 
To 0éAmua vo 0eoù, xd dyadbv xoi eüdpestov xat réketov. Cela est dit à tous, c'est la 
faculté d'appréciation morale, qui doit être ramenée à sa pureté chez tout 
chrétien. , 

Rom. x1v, 5 : Exaoros êv 78 to vof; il s’agit d'opinions sur ce qu'il est licite 
de manger. 


406 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, I-IV, 


I Cor. 1, 10 : èv rù auto yot, coordonné à your; il est question encore d'opi- 
nions et de convictions. 

Eph. 1v, 17 : ëv uarmornr vod »o0ç, la raison des Gentils devenue frivole, 
cfr. Rom. 1. 

Eph. 1v, 23 : àvaveoüoor êv rip nvebware roù vooc Suuiv. Le vois est la raison naturelle, 
qui doit être renouvelée (par la grâce) dans sa fonction supérieure ou son 
orientation générale, le rveüux (employé ici au sens de 2° À 2 ou A 3). 

Phil. 1v, 7 : brepéyouox muvra voûr : la paix de Dieu dépasse tout calcul ou 
supputation de l'intelligence. 

Col. 11, 18 : gusuobmevos Ünd Toù vo0c T7c Gapx0c xdroù : raison, raisonnements 
gâtés par la corruption de la « chair ». 

II Thess. 1, 2 : cu>xeubfvar do où vod : agitation qui fait perdre le bon sens. 

Dans les Pastorales, [ Tém. vi, 5, il s'agit d'hommes dont le voïc est cor- 
rompu {cfr. Rom. 1, Eph..1v, 17, Col. x, 18). 

IL Tim: ni, 8. Idem. 

Tite, 1, 15 : aürév xat 6 vous xui 7 ourelOmoic; le voës est coordonné à la « cons- 
cience » naturelle; tous deux souillés chez les infidèles. 

Dans cette énumération, nous n'avons donc jamais trouvé voÿç qu’au sens de 
raison discursive, entendement, bon sens, intelligence naturelle qui peut être 
corrompue par la chair ou renouvelée par la grâce qui en élève le nvsüux. Chez 
Dieu, voÿs et rveèux (comme attributs) ne peuvent être objets que d’une distinction 
de raison; mais chez l'homme, il y a au moins entre eux une distinction d’as- 
pects ou de fonctions, que Paul présentera en relief I Cor. xiv (v. ad loc.). En 
tout cas, quand voùc est employé seul, jamais il n'apparaît avec un sens 
mystique ou surnaturel qui permettrait de l’assimiler au Dieu Noùc des hermé- 
tistes, ou au Ilveèue divin des autres théosophes, mystes et mages. D'autre part, 
il s’ opposera nettement à neue dans le ch. xiv (sinon Æph. 1v, 23). Qu'est-ce 
donc qui nous autoriserait à l'identifier au Pneuma dans le seal passage 
I Cor. x, 16? — Dans Luc xxiv, 45 et l'Apoc. xx, 18; xvir, 9, vois est tou- 
jours l'intelligence ou la perspicacité naturelle. 

L'observation est d'importance. Elle est confirmée si l’on examine l'usage 
que fait Paul du mot yvüow (et yryvwwoxw) mis parfois en rapport caractéristique 
avec voÿs, et qui n’a rien non plus d’« hermétique ». 

Tvdars. — Ce terme se rencontre 22 fois, et jamais au sens d'acte suprême de 
l'intelligence divinisée, comme dans la mystique païenne. | 

Rom. 1, 20 : il s'agit de science de la Loi, que le Juif croit posséder et 
pouvoir enseigner aux autres; 

Rom. xr, 33 : °Q Béfos mhoûrou xat coplaç xai yruoewç O0 (exclamation que suit 
le v. 34, avec le voëv xuplov de la citation d'Isaïe), Il s'agit du plan du salut. 
Si la copix et la yvéisx de Dieu y sont distinguées, c'est que yvüoxs doit se 
rapporter plus spécialement à l'agencement des moyens de salut, décrits pré- 
cédemment, et qui se révèlent au cours de l’histoire; ce sont les détails de la 
stratégie de Dieu, d'où le rapprochement de mots qui signifient délibération, 
décision, chemin progressif, xpluurx, 600i, céuñoulos, idées transportées analo- 
giquement dans l'ordre divin; ils se rapportent à la yvüai, pour l'exécution du 
plan qui est conçu dans la cogix (cfr. Ï Cor. 11, 7-9, supra). 

Rom. xv, 14. La yvüou est coordonnée à dy«luwcüvn, et expliquée par Suvépevor 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, I-IV. 107 


xat &Akfhous voulereiv: donc c'est une faculté pratique, qui sert à l'instruction et 
à l’exhortation. 

1 Cor. 1, 5: la yvüow se révèle dans les discours des Corinthiens, — à qui 
pourtant Paul va refüser la « sagesse » {v. ad loc.). 

1 Cor. vin, 4 (bis), 7, 10, 11. Il s'agit de discernement à propos des idolo- 
thytes; et la yvüax « qui gonfle » ne peut être l'expérience de Dieu. 

1 Cor. x11, 8 : &Mw À Adyos yrooenc. Ce « langage de gnose » est nommé 
après le « langage de sagesse », et avant la mio (ici confiance d'agir basée 
sur la foi-croyance); c'est bien un charisme surnaturel, mais qui donne seule- 
ment de raisonner, avec une correction divine, sur les choses ordinaires de la 
foi; il paraît inférieur au Ados copixs mystique (V. ad loc.). 

I Cor. xx, 2, näour yroouv : ici nommée après « prophétie » et « connais- 
sance des choses cachées (uvoripua) », et encore avant la rioru pratique; donc 
un don intellectuel, mais sans la chaleur et les prédictions de la « prophétie » 
(V. ad loc.). 

I Cor. xur, 8, exe yrooiç, xaraoyn0noeru. Nommée après la « prophétie » et le 
langage extatique (y\üoca). Quoiqu’elle puisse être un charisme, elle disparaîtra 
au jour de la « perfection » (ôrav rà réhetov 07), parce que c’est un ensemble de 
connaissances humaines liées, exposées dans le mode humain et inférieures à 
celles qui sont surhumaines non seulement dans leur cause, mais dans leur 
mode d'expression, parce qu'elle est, plus encore que les précédentes, 
« partielle » (Ëx mépous) et faite pour un état d'enfance (vémios opposé à àvip). 
Rien de plus fort contre toute interprétation hermétisante. 

I Cor. xiv, 6 : dv ph bpiv AxAñow À Ev énoxadübet 7 à yrucet, À à Tpopntelz À 
&ôxyñ. Ce n'est donc ni une révélation de choses secrètes (äroxa.), ni une 
« prophétie » de ton inspiré. Est-ce la même chose que la diôxy4 (enseignement 
commun), « prophétie » équivalant ici à « apocalypse »? — ou bien un enseigne- 
ment enchainé plus intellectuel, plus « théologique » que la simple Giôay4 ? Voir 
infra, à ce passage. 

IL Cor. ni, 4 : vhv dophv ris yvoceex aûroù (Xpiorot). Il s’agit de l'enseignement 
ordinaire et public sur Le Christ, « et encore crucifé ». 

IT Cor. 1v, 6 : poriouodr ryc yrucewg rñs ddEnç ro 0eo0 êv mpocwrw Xptoroë. Même 
chose; cette illamination est celle de la foi commune, tout entière contenue 
dans le Christ crucifié et glorifié. 

II Cor. vi, 6 : y yraost, êv paxrgobvui® xté. Nommée entre la chasteté et la 
patience, parmi les qualités requises des apôtres: sans doute « discernement ». 

Il Cor. var, 7 : miovet ui Adyw xal yruoe xai ion omouôÿ. Parmi les qualités 
reconnues aux Corinthiens, cfr. I Cor. r 

IT Cor. x, 5 : xurù Tç yrwoews toù 8soù. Il s'agit de la connaissance commune 
de foi, non d'une sagesse réservée. 

IT Cor. xt, 6 : iduorns rû Aôye, SAN où Ty yrwoe. Si Paul n'est pas un « orateur » 
comme l'exigeraient ses adversaires, et comme certains d'entre eux se vantent 
de l'être, il a du moins la « science » des choses de Dieu; encore très général. 

_Eph. 1, 19. L'« homme intérieur » est rendu capable de yr@ve ve *hv 
rep hovour Tyç yrüceus éyérnv voù Npioroë, « connaître la charité du Christ 
qui dépasse la science ». Cette expression superbe marque peut-être le dédain 
pour la prétendue « gnose » de prêcheurs hétérodoxes, mais, en soi il s'agit 


108 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, I-IV. 


de « savoir » en général, de « reconnaître » ce qui, étant surnaturel, échappe: 
à la science humaine. 
Phil, x, 8 : xd drspéyor t9c yrucewç Xproroù. Encore la connaissance de la foi, 


4 


supérieure à celle de la Loi, et à tous les avantages que Paul croyait y 
trouver avant sa conversion. 

Col. 11, 3 : tüe copiug xai rnc prouve. Ce yroceus est ajouté à une citation de 
Prov. 11, 8, 4, qui contient oopix. Il s'agit de « tous les trésors » de sagesse 
et de « gnose » qui sont concentrés dans le Christ, et que découvre la connais-- 
sance soit mystique, soit rationnelle, découlant de la foi reçue par témoignage. 

L Tim. vr, 20 : r%: wevdwrduou yvaceuc : contre les prétendus « gnostiques », 
qui ne possèdent même pas la « gnose » ou science ordinaire des vrais. 
chrétiens. 

Ainsi nulle part la yvüot n'apparaît chez Paul comme le degré suprême de la. 
connaissance mystique, pas plus que le voë n’en est le principe le plus élevé. 
Il serait intéressant de compléter cette enquête par une recherche du même 
genre au sujet du verbe apparenté : 

Teyvootw, La conclusion serait la même. À part les passages où ce verbe: 
prend un des sens de l’hébreu y pour signifier, de la part de Dieu, la prédes- 


tination, et, de la part de l’homme, la foi se terminant en charité, ainsi. 
Gal. 1v, 9 (voir notre étude de RSPT 1913 p. 263-273), partout où yyvooxo a 
pour objet Dieu ou l'ordre divin, il veut dire « reconnaître », « discerner », « dis 
tinguer » selon le mode propre de la raison humaine, et non par intuition mys- 
tique. Qu'il nous suffise de donner quelques spécimens, pris à travers l’épître 
aux Romains : | 

Rom. 1, 21 : Giov yvôvres Tov Oeûy oùx 6 Oebv é6diacav : les Gentils n'ont pas 
rendu gloire à Dieu, bien qu’ils pussent connaître son existence et sa transcen- 
dance par leur raison réfléchissant sur ses œuvres (r, 19 s.). 

Rom. 11, 18 : xai yvwoxeig T0 Oékmue : le Juif connaît par l'audition de la Loi 
quelle est la volonté du Créateur; 

Rom. 11, 17 : xat 600v eiogvns oûx Eyvawouy : les hommes n'ont point discerné, 
par leur faute, parce qu’ils ont mal usé de leur raison, le chemin de la paix ; 

Rom. xx, 84, que nous avons déjà souvent cité : is yap éyvw vody xugiou ; — Ici 
remarquer le rapprochement .de vüv, de cépBoulx, et, au verset précédent, de 
yrücewc. La question équivaut à celle-ci : « Qui a pénétré les intentions du 
Seigneur (pour le salut), de façon à pouvoir prendre part à son conseil pour 
fixer leur mode de réalisation (le rejet temporaire d'Israël, occasion de l’appel 
des Gentils, dont la vocation stimulera les Juifs à leur tour) »? Etc. 

La conclusion est donc assez nette : 

Quand Paul a distingué le rveüux de l’homme de sa dy, ce n'est pas dans. 
la philosophie grecque, et encore moins dans la mystique païenne, qu'il a 
été chercher cette notion particulière de veux, mais il ne faut voir là qu'un 
souvenir du récit biblique de la création de l'homme. On ne peut ramener 
la terminologie de l’Apôtre à des modèles païens par le détour d'une identifica- 
tion de son nvsdue au Noïs divin, et de la « sagesse » à la « yvüoiç » des théo- 
sophes; car rien n'autorise, chez lui, à faire le mot yvôsx synonyme du mot 
cnpia, nile mot vi du mot rv:üua. Et là où 1e rveüux est pris pour une partie cons- 
titutive essentielle de l'homme, ce n'est certainement pas une parcelle de Dieu. 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, I-IV. 109 


B. Nveôpa et nvevmariuds. Reste à voir cependant si, dans les nombreux 
“passages où il s'agit de cette participation de l'Esprit divin qui fait les 
« pneumatiques », Paul aurait adopté des idées de l’hellénisme religieux, 
<t enseigné par exemple une fusion de nature entre Dieu-Esprit et quelques 
hommes privilégiés. 

La chose serait déjà peu probable du fait des rapports qui relient Paul à 
l'Ancien Testament, et, moins étroitement, à la théologie judaïque. Mais nous 
retrouvons encore les théories de Reïltzenstein. Pour ce savant si érudit et 
ingénieux, le mot même de nveuuarwxos (ct corrélativernent buywxds) pourrait être 
un emprunt à une terminologie étrangère, rendant vraisemblable un emprunt 
d'idée. Il jugera donc que, « pneumatique » étant la désignation de ce qui 
a l'esprit ou de ce qui est esprit, « psychique » se dit de ce qui a une âme ou de 
ce qui est me ; et, dans la mesure où l'on a une « âme », on n'a pas l' « esprit », 
car les deux s’excluent; l’« esprit » cliasse l’âme, d’un coup ou graduellement, 
partout où il pénètre, car il est la substance (fluidique) de Dieu {et celle du 
Christ glorifié, pour les chrétiens), qui se substitue au principe d'animation 
inférieur, devenu inutile. Pour autant qu'on a une âme (et donc qu'on est 
« psychique »), on reste émégetos ([ Cor. xv, 40; IT Cor. v, 1), autrement dit 
« fait de substance terrestre », et par conséquent incapable de posséder La yvüors 
transformatrice. Quand celle-ci vient avec l'Esprit, on devient émoüpavtoc, fait de 
substance céleste, divine, et nveuuatixé. Cette exclusion de l'âme chez le 
«spirituel » s'appuie sur la prétendue « Liturgie de Mithra » de Dieterich, et un 
ou deux textes classiques (Lucain sur la Pythie, al.). Ainsi se constitue dans 
l'homme un être d'essence divine qui absorbera l’enveloppe terrestre, et qui est 
le « corps pneumatique » ([ Cor, xv, cfr. pour le sens IT Cor. v, 1); celui-ci 
est la même chose que 6 cw &vpwmoc, « l'homme intérieur » (Rom. vir, 22; 
IT Cor. 1v, 16; ÆEph. 11, 16), lequel est le produit de la transformation de 
l’homme terrestre en une émanation de Dieu-Esprit (pour les chrétiens, de 
l'Anthropos (1) divin, le Christ-Esprit) ; il existe en g'erme {ce que nous appelons 
la grâce) dans la vie présente, et, après la mort, il existera seul, et pleinement 
developpé, comme corps glorieux. {Tout cela serait naturellement de l'« ira- 
nisme », — une théorie sur laquelle nous n’avons plus rien à dire). 

Nous ne reviendrons pas sur ce que nous avons dit à propos de la yvüou au 
sens de Paul. Quant au terme d’ « homme intérieur », qui n'est certainement 
suggéré par aucun dualisme du genre iranien ou manichéen {S. Augustin, Con- 
tra Faustum, xxiv, 2), il signifie toute la personnalité humaine en tant qu’elle 
use de ses plus nobles facultés (2), par où elle se soumet à l’action du Christ 
(Eph. nr, 16), qui la renouvelle et la rajeunit de jour en jour (II Cor. rv, 16), 
mais il ne signifie pas « le Christ qui habite en nous », ni la présence intérieure 
du Christ elle-même, puisque (d'après Rom: vi, 22) cet « homme intérieur », qui 


(1) Sur ce Dieu-Anthropos, voir notre Gomm. de l'Apoc., 3 &dit., excursus « Le Fils de 
l'Homme » el l’ « iranisme » dans l'Apoc. », pp. 16-25. 

(2) Conception qui se rapproche de celle de Plalon, Rep. IX, 588 s., 6 évrès dvÜpwnos, mais 
qui n’est pas tout à fait la même. Chez le philosophe il ne s’agit que d’une partie de l'âme, 
Tè hoytotixév, celle qui est proprement « humaine » en comparaison des éxidumior et du Ouuée, 
comparés à des animaux. — Paul ne semble pas avoir Liré Son expression de celte méta- 
phore, ni de la philosophie grecque en général (v. Bachmann, Der 2 Brief des P. an die 
Kor1, p. 208 ss.). Le 6 efcw Gvlpwnos de Plotin se rattache à Pla‘on. Pour Zosime, v. infra. 


110 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, I-IV. 


approuve la loi de Dieu, existe et agit déjà avant la régénération, lorsqu'on est 
encore captif de la « loi du péché », Ce n'est donc pas un « homme céleste » fait 
de rvüux (comme serait censé l'être le Christ glorieux), qui se développerait 
graduellement en nous, en s'opposant à l'ériyeus; l'homme éniyeus ou « terres- 
tre » est simplement « l'homme qui habite sur la terre » {voir Phil. nr, 10, et le 
sens universel du mot ëxiyews, chez Platon, Aristote, dans l'Anthologie, etc.), 
et nous le sommes tous, comme le Christ lui-même l'a été dans sa vie mortelle; 
ce n’est pas un homme « de substance terrestre », opposé -à je ne sais quel 
autre qui serait de « substance céleste » (cfr. Reitz., HMS, pp. 71 ss., v. comm. 
du chap. xv, infra). 

Pour l'épithète même de nveunarxds, nous avons vu que Paul l'applique à 
diverses catégories de fidèles; aux chapitres xn-xiv, ce seront ceux qui ont des 
charismes, et, dans la section que nous étudions, ce sont ceux qui ont l'Esprit 
xar” éfoynv, qui vivent véritablement de l'Esprit, les « parfaits ». On voit 
d’ailleurs par une autre épître (Gal. vr, 1) que cette qualité ne leur est pas 
strictement réservée; car Paul appelle l'ensemble de ses frères de Galatie — 
qu'il a cependant plus malmenés encore que les Corinthiens — des « pneumati- 
ques »; ce sont donc, au sens le plus large, tous ceux qui ont reçu l'Esprit au 
baptême, et ne l'ont point perdu par la gravité de leurs fautes. Il s'agit, en 
cette acception, d'un état permanent, non de transes extatiques comme pou- 
vaient en avoir la Pythie ou certains initiés des Mystères, sous l'irruption tran- 
sitoire d'un « esprit » ou d’un dieu; et même, dans les chapitres des charismes, 
les facultés surnaturelles comme celles des prophètes ou des glossolales parais- 
sent permanentes. Ést-ce que Paul a pris cette conception et ce mot de « pneu 
matique » dans la mystique des Gentils ? 

Ce qui invite d’abord à en douter, c'est qu’on ne trouve l'adjectif (et son 
opposé Vuyuxis) qu'une fois dans un papyrus { Wessely, Denkschr. 1888, p. 89; 
voir Reîtzenstein, HM3, p. 311), et encore ne s’applique-t-il pas à un homme, 
mais à la manière de sentir (rdons nveuuatixc aisôioeux), et il signifie « suprasen- 
sible ». On peut y joindre une ligne d'un document très tardif, Zosime ou Bitys 
(Reitzenstein, Poimandres, p. 104), 6 ÔË Ecw adroë dvlowmos 6 mveumartxos, Où il 
s’agit du principe intérieur du Premier Homme, Thot ou Adam, par opposition 
à son corps formé des quatre éléments, ou ovuyeïte. C'est vraiment trop peu 
pour en conclure à une terminologie gnostique antérieure à l'époque de Paul. 
Tveuparwmse, dans la langue quotidienne, ne voulait dire autre chose que « relatif 
à l'air » ou « au vent », avec quelques autres sens aussi vulgaires; quelquefois, 
chez Plutarque ou ailleurs, il signifiait, par métaphore, « incorporel » (à cause 
de l'air). Les mystiques, et surtout ceux qui parlaient de sveüux, l'auront natu- 
rellement, à l'occasion, employé dans ce sens; mais nous ignorons s'ils en ont 
jamais fait un terme technique. 

Paul a bien pu le premier donner un sens technique religieux à nveuuartxôs, à 
cause du rôle primordial qui appartenait au [vue divin dans sa doctrine. Il 
appelle ainsi ce qui vient de l'Esprit, possède l'Esprit, ou ce qui est soumis totale- 
ment à l'Esprit divin et à l'esprit humain sanctifié (le « corps pneumatique »). 
En dehors de lui, il n’y a que [ Pet. x, 5, qui emploie ce terme dans le Nou- 
veau Testament. — Les gnostiques auront ensuite adopté le mot, tout en 
altérant le sens que Paul lui avait donné. 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, I-IV. 111 


Ainsi tout l'échafaudage de rapprochements et de raisonnements que Reïtzen- 
stein a élevé sur le mot « pneumatique » (et « psychique »), n'a même pas l'appui 
d’une identité probable de terminologie entre Paul et l’hellénisme mystique. Ce 
n'est donc pas au moyen de ces termes qu'on pourra confirmer la thèse d’une 
identité ou d'une similitude des conceptions. 


Pas. plus, nous l'avons vu, qu'avec les mots nveïux, vod; et you. Voici les 
conclusions qui ressortent, selon nous, de cette fastidieuse enquête : 

Paul a pris à la langue hellénistique plusieurs acceptions, religieusement 
neutres, de rvepa ; 

il n’a pas donné à ce terme de sens philosophique (panthéiste et matérialiste) 
emprunté à la langue des stoïcicns, ni de sens religieux emprunté à la mystique 
païenne. Les significations qu'il donne à vois (censé équivalent pour Reïtz.) et à 
yvücs sont même contraires manifestement à celles de l'hermétisme, cette 
doctrine avec laquelle on serait le plus enclin à faire des rapprochements. Quant 
à la littérature astrologique, magique, alchimique, qui a pris sa notion de 
rvedux au stoïcisme et à l'Egypte, outre que son inspiration n'a rien de commun 
avec celle de Paul, elle est de date beaucoup trop incertaine ou tardive pour 
qu'on puisse bâtir sur sa terminologie aucune hypothèse consistante; 

rien n'autorise à regarder les termes religieux de « pneumatique » et de 
« psychique » comme empruntés à l'hellénisme ; 

enfin, l'antique origine « iranienne » de tout cela est l'invention d'une 
école. | 

Par contre : 

Paul, quand il a employé rveüux au sens religieux, soit à propos de Dieu, soit 
à propos de l'homme, a suivi (comme les autres écrivains du Nouveau Testa- 
ment) l'usage biblique et juif; 

le pneuma, quand il est une partie constitutive de l'homme {avec le cu et la 
vx), et représente l'intelligence dans ses plus hautes fonctions (supérieures à 
celles qui lui sont attribuées comme vs), est si peu une portion de l'essence 
divine, qu'il doit être préservé d'altération et de souillure, aussi bien que le 
coua et la duyr; 

le pneuma qui fait les « pneumatiques » ou spirituels, est le renouvellement, 
l'élévation surnaturelle qui résulte pour l’âme humaine de l'action ou de la 
présence en elle de l'Esprit divin, mais nullement la substance même de ce 
Pneuma de Dieu, ou du Christ glorifié ; 

le Pneuma de Dieu, ainsi présent, est le Saint-Esprit, dont l'enseignement 
évangélique, éclaircissant les données obscures de l'Ancien Testament, a 
révélé la personnalité, à côté de celle du Père et de celle du Fils; 

entre « l'esprit de Dieu » et l’homme, il n'y avait aucune confusion de nature 
dans l'Ancien Testament. L'Esprit passait ou se reposait sur l'homme, il n'en- 
trait en lui que comme un hôte, ordinairement passager; ou bien il siégeait 
dans la communauté, le Temple. Saint Paul, avec l'Évangile, le présente comme 
un hôte permanent de l'âme régénérée et de l'Église, mais comme un Aôte, 
toujours 

donc aucune confusion, à l'hellénistique, des natures divine et humaine, — 
quel que soit le mystère de la grâce qui rend l'âme, sans la faire cesser d'être 


142 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, I-IV. 


une créature, vivante de la même vie que le Christ et le Saint-Esprit, et, comme 
dit la If° Epitre de Pierre, « participante de la nature divine ». Cette partici- 
cipation n’a certainement chez Paul rien d’une confusion d'essence, ni d'une 
émanation substantielle. 

Ainsi la mystique hellénistique et celle de Paul sont irréductibles l’une à 
l’autre. Le critique protestant G. Krtel (Die Probleme des palästinischen 
Spätjudentums und das Urchristentum, pp. 86. seq.) dit fort justement qu'on a 
trop hellénisé (Leïsegang et autres) la pneumatologie du christianisme primitif, 
car elle repose essentiellement sur ce que l'Ancien Testament disait de la 1 
de Dieu; — c'est-à-dire, préciserons-nous, qu'elle n'est suspecte d'aucune 
inspiration panthéiste dérivée de la philosophie et de la mystique des Grecs. 

(Voir Fr. Rüscne, Blut, Leben und Seele, 1930. — KR. Rerrzensrein, Die 
hellenistischen Mysterienreligionen, 3 Aufl. 1927. — Id. Das iranische Erlü- 
sungsmysterium, 1921. — Karl Horr, Urchristentum und Religionsgeschichie, 
4925. — Friedrich Prersrexe, Vom güttlichen Fluidum nach ägyptischer 
Anschauung, 1920. — Id. Die Gotteskraft der frühchristlichen Zeit, 1922. — 
E. Jacqurer, Les mystères païens et saint Paul, Dictionnaire apologétique, 
col. 964-1013. — F. Prar, La Théologie de saint Paul, 7e éd., vol. Il, 1. IE, 3. 
— À. J. Fesrucrère, L’Idéal religieux des Grecs et l Évangile, 1932, excursus 
B, al. — J. Lerrerow, Les origines du dogme de la Trinité, passim. — 
Ouvrages cités de LrisecanG, G. Kitrer, von Dosscnürz. Al.). 


Lo La « Sagesse » des « pneumatiques » n’est pas une doctrine ésotérique. 


En arrivant au bout de ce long excursus synthétique, — qui, heureusement, 
mous dispensera d'en écrire plusieurs autres, — nous pouvons enfin déterminer 
scientifiquement ce qu'est cette « sagesse » des « parfaits », des « pneumati- 
ques » qualifiés. 

Grecs et Hébreux parlaient également de sagesse. Mais, pour les premiers, le 
cola s'acquérait par les propres réflexions de l'esprit humain; pour les autres, 
elle était venue de l'extérieur : la ñ2n de Dieu se communiquait aux hommes 


dans la révélation de la Loi; l'intellect devait accueillir ce témoignage suprême 
avec obéissance, et savait ainsi que Dieu est le Créateur, tout-puissant, infini, 
éternel, transcendant à tout le créé, qui a choisi Israël, et qui dans sa justice et 
sa bonté, le dirige par ses ordres et sa providence vers un état de justice d'où 
résulte un bonheur qui pourra s'étendre aux nations, et qui, de plus en plus 
clairement, était conçu comme devant se prolong'er au delà du tombeau. 

Paul, en principe, n’a pas nié ni méprisé la copix telle que la comprenaient les 
Gentils, à qui le Créateur a donné la raison naturelle et la conscience; mais il 
constate qu’elle s’est pervertie par leur faute, au point de n'être plus qu'une 
folie aux yeux de Dieu. La « Sagesse » chrétienne, plus efficace, qu'il lui 
substitue, doit donc être d’un autre ordre. Elle continue la Sagesse hébraïque, 
mais en l’élevant au degré de la plénitude. Reçue aussi par un témoignage 
(celui du Christ) auquel l'intelligence adhère par l'obéissance de la foi, elle 
apprend aux hommes l’immensité des biens que Dieu leur a réservés éternelle- 
ment dans ses desseins secrets, tout « ce que l'œil n’a point vu, etc », et le 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, I-IV. 113 


grand moyen, insoupçonnable à la sagesse humaine, par lequel Il les en met en 
possession, la Croix du Christ. 

L'objet de cette sagesse est tout le plan de Dieu concernant l'humanité, toute 
la révélation chrétienne; subjectivement, elle est la même chose que la vertu 
de foi, qui éclaire l'intelligence sur les mystères divins. 

C'est l'Esprit même de Dieu qui est venu verser ses secrets dans l'intel- 
ligence de ceux que le baptême associait à la mort et à la vie du Christ. Il est 
descendu habiter dans leurs âmes; et, par son contact (sans détruire leur subs- 
tance ni y substituer la sienne), ce Principe transcendant a opéré en eux une 
transformation {nous dirions aujourd’hui que c'est par la grâce sanctifiante); il a 
« renouvelé » leur nveüuo, la « fine pointe » par où l'intelligence est capable d'in- 
tuitions supérieures, et il y a mis l'intuition de foi, sagesse subjective essen- 
tielle, adhésion à la sagesse transcendante; il a renouvelé aussi leur vo, c'est- 
à-dire tout l'organisme intellectuel par lequel l'âme extrait des données sen- 
sibles ses concepts et ses jugements (1), et qui se trouve désormais adapté à 
l'intuition qui le domine du sommet de l'intelligence. Ainsi le vo5c du régénéré, 
dont la vie se trouve assimilée à celle du Christ, peut raisonner de la même 
manière que l’eût fait le Christ sur les choses divines et humaines qui inté- 
ressent le salut : fueis dë voùv Xpioroù Eyouev. 

C'est là le bien commun de tous les fidèles. Le plan de leur vie est désormais 
de se laisser pénétrer, éclairer et diriger de plus en plus complètement par 
l'Esprit qui déjà virtuellement possède toute leur âme, et dont ils ont les 
« arrhes » ou les « prémices ». Quand cette prise de possession sera assez 
avancée, ils seront justement appelés « les hommes de l'Esprit », les rveupuruuoi. 
Et ce travail ne doit pas s'arrêter avant que toute la substance et les forces de 
leur partie matérielle, à la résurrection glorieuse, soient elles-mêmes parfaite- 
ment adaptées aux opérations de l'Esprit dont la présence active a transformé 
leur âme de haut en bas (de leur nveüux à leur voi), donc parfaitement obéis- 
santes à toutes les motions de l'Esprit, en sorte que leur corps, toujours maté- 
riel, mais glorifié, devenu aussi parfait qu'il lui est possible de l'être, s'appelle 
un « corps pneumatique » (v. ch. xv). | 

Ce travail de spiritualisation, de déification, n'est pas mené à terme en un 
jour. 11 progresse plus ou moins rapidement suivant que l'âme est plus ou moins 
réceptive par rapport à l’action de l'Esprit qui agit en elle. D'un état spirituel 
de commencement, comparable à celui de l enfance (virtoc), elle monte vers une 
maturité qu'on peut comparer à l’âge adulte (réhews). Le tort des Corinthiens 

_réprimandés est de s'attarder, par leur faute, dans l’état d'enfance. 

C’est que la réceptivité spirituelle de l’intelligence se proportionne au degré 
de sa ressemblance avec le Christ; ressemblance qui progresse dans la mesure 
où l'âme se dégage des sentiments « charnels » inspirés de vues purement 
humaines (oaprixoi; — rh dvfpwnot are), pour « sentir comme le Christ » (PAhïl. 11, 
5), sans égoïsme, sans cupidité, sans recherche de vaine gloire. 


(1) Il est évident que Paul, qui n'était pas un philosophe professionnel, n'a pas eu l'inspi- 
ration d'exposer un système psychologique sur le rapport exact des idées avec les données 
des sens, et qu'on ne peut dire qu’il soit platonicien, ou philonien, ou aristolélicien, etc. ; 
Mais il possédait, sans les soumettre à l'analyse, les conceptions universelles de la « philo- 
Sophia perennis », théiste et spiritualiste. | 

ÉPITRE AUX CORINTHIENS. 8 


114 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, I-IV. 


À Corinthe, les fidèles du commun n'en sont point là. Ils n’ont pas encore 
assez le goût des choses de l'Esprit pour être capables de s'intéresser à la 
« Sagesse » des « parfaits », des adultes qu'ils ne sont point, ni pour com- 
prendre les discours où ceux-ci voudraient leur expliquer toute la valeur des 
dons qu'ils ont reçus en embrassant la foi (fvu eidüev r&.. apio0évra fuiv). [ls en 
‘ ont bien l’idée essentielle, mais elle reste vague, relativement peu agissante. Il 
faut donc, pédagogiquement, continuer à ne leur en parler que sous une forme 
élémentaire (le « lait »), qui tranche le moins possible avec leurs manières 
ordinaires et « puériles » de penser et de s'exprimer. 

S'ils devenaient « adultes » — en perfection morale, — alors tout autre serait, 
chez leurs apôtres, la manière de traiter avec eux. Ils leur présenteraient bien 
toujours les mêmes vérités de « Sagesse », les trésors du Christ crucifié qui 
leur ont été révélés à la conversion, mais d’une façon qui leur en découvrirait 
mieux le lien, l'harmonie, toutes les conséquences pour la vie de l’humanité 
entière et leur vie personnelle; ils mettraient l'accent sur ce qui doit le plus 
toucher et ravir des âmes déjà purifiées, ambitieuses de se conformer pleinement 
au Christ, et de contribuer à son œuvre de rédemption, pour la gloire du Père 
et le bonheur de tous leurs frères humains. Et tels seraient leurs « entretiens 
de sagesse », incommensurables à tout ce que peuvent proférer les sages de 
ce monde, avec qui les imparfaits veulent sottement rivaliser. Ce serait la 
«nourriture solide »; non point un nouvel ordre de vérités, mais les vérités de 
l’enseignement obligatoire plus unifiées, plus approfondies, plus « motrices ». 
Leur charité s'y échaufferait, leur perfection irait croissante, leur intérêt accru 
les ferait scruter toujours davantage les mystères du Christ, et par conséquent 
resserrer leur union d'esprit et de cœur avec le Christ, de façon qu'ils devien- 
_draient de plus en plus des téheuw et des « hommes de l'Esprit ». Dans leurs 
croyances, ils découvriraient sans cesse des aspects nouveaux, et « reflétant à 
visage découvert la gloire du Seigneur » ils seraient « métamorphosés à la même 
ressemblance [divine], de gloire en gloire » {IT Cor. nr, 18). 

Cet avancement de clarté en clarté se ferait au sommet de leur âme, dans 
leur mvedpa, par des intuitions de plus en plus révélatrices — celles que saint 
Thomas et les théologiens attribuent au « don de sagesse », qui fait juger de 
toutes choses comme Dieu, par la conformité de goût avec Dieu; — mais elles 
n'y resteraient pas (sauf des cas particuliers de révélation miraculeuse ou de 
charismes) intraduisibles en concepts humains. Car la même lumière descen- 
drait dans leur vos, dans leur entendement de plus en plus soumis à l'Esprit et 
réglé sur Le vos humain du. Christ. Leurs jugements théoriques et pratiques, 
pénétrés de lumière divine, sauraient leur expliquer en pensées de mode humain 
l’action de la Divinité; c'est-à-dire que la +vüow viendrait compléter, traduire en 
concepts de l’intellect (voëc) les révélations supérieures du don de sagesse, et 
leur en montrer d'une façon logique les conséquences. 

Enfin, l'achèvement sur terre de ce processus divin consisterait à leur fournir 
des mots et des phrases pour se communiquer entre eux, et communiquer aux 
autres, ces découvertes et ces expériences. Les systèmes humains, appris par 
l'étude humaine, n’y suffiraient pas; mais l'Esprit-Saint leur suggérerait, après 
qu'ils ont pensé, la manière de dêre (év Gtdaxrots [Adyois] nvetpatoc). Ce serait alors 
les « entretiens de sagesse », ce privilège des « parfaits », des « pneumatiques » 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, I-IV. 115 


par excellence, dont l'Esprit pourrait même leur donner la faculté stable — s'ils 
ont mission d'enseigner leurs frères, — par l'octroi des charismes nommés plus 
loin Xéyos copias, « langage de sagesse », et Adyos yes, « langage de science » 
(ch. x), celui-ci préparant le « langage de sagesse », ou bien venant le complé- 
ter en vue d'un enseignement plus accessible et plus systématique. 

Saint Paul souhaite bien que tous ses convertis, ramenés à une plus juste 
appréciation de la « Sagesse » divine, aspirent à ce plein développement de 
leur foi, pour passer de l'état de vérin, « pneumatiques » débutants, à celui de 
réa, « pneumatiques » achevés. | 

En même temps, comme des exégètes catholiques l'ont remarqué, il prononce 
la justification, et jette les fondements, de la théologie rationnelle et de la fhéo- 
logie mystique, sciences dont les « psychiques », en connussent-ils les formules 
et les raisonnements, ne saisiront jamais la vérité, et que les « imparfaits » ne 
pourront jamais s'approprier d'une façon bien vitale et bien personnelle, si 
naturellement intelligents qu'ils puissent être, et malgré le maestria qu'ils éta- 
leraient au jeu logique des systèmes. 

Mais les « parfaits » vivent sur les mêmes vérités que le commun des 
croyants; de la doctrine évangélique tout « ésotérisme » est absent, et n'aurait 
pu jamais constituer aux yeux des apôtres qu'une « gnose qui bouffit » (I Cor. 
VII, À). 


Immense est la portée de ces pages de l'Apôtre. Ce qui y est résolu, c’est 
tout le problème des rapports de la culture profane et de la connaissance des 
réalités suprêmes, de l'intelligence et de la grâce, des rôles respectifs de la 
raison et de la foi dans la science de Dieu, — de l’humanisme à la grecque et 
du supranaturalisme chrétien. On bénirait presque les viru chicaneurs de 
Corinthe pour nous avoir valu cette sublime discussion. 

Nous pouvons estimer que la discussion elle-même, conduite sous le charisme 
de l'inspiration scripturaire, appartient à ce ÀAdyos coplaç dont parle saint 
Paul, et qu'il voulait faire envier à ses lecteurs. Rien de plus élevé et de plus 
opérant, même chez le grand Apôtre, que le contraste de la sagesse du monde 
et de la « sottise » de la Croix. D’autres spécimens de cette « sagesse pour les 
parfaits » {qu'ils soient de oopix ou de yvüow) seraient « l'hymne à la charité » 
du ch. xur, la doctrine de la Résurrection au chap. xv, les chap. var-vuir, rx-x1 
de l'Epître aux Romains, la christologie et l'ecclésiologie des épîtres aux 
Colossiens et aux Ephésiens, — et plus d’une autre page merveilleuse à travers 
l'œuvre de Paul. C'est la première expression théologique de toute vraie mys- 
tique chrétienne, 


Il. DEUXIÈME PARTIE DE L'ÉPITRE 


(v-vI. Répression des vices). 


Intropucrion. — D'une façon qui paraïtrait fort abrupte, si le grave avertissement 
de 1v, 21 ne nous y avait préparés, Paul saisit la « verge » (tv ba6d&) de la correction. 
I fallait d'abord réprimer l'orgueil des Corinthiens, et les ramener au vrai sentiment 
de leur vocation chrétienne, puis à la Juste appréciation de son autorité, à lui Apôtre, 
fondateur et Père; c’est fait. Maintenant, il va leur montrer combien leurs prétentions 
sont mal placées à se juger la fine fleur des chrétiens, les « pneumatiques » par excel- 
lence; ils « se gonflent » de leur sagesse et de leur vertu sans remarquer qu ‘ils tolèrent 
au milieu d'eux, s'ils ne les pratiquent, des vices de païens (v, 6 : où xaAdv td xabynua 
DuGv). 

Le lien avec les chapitres qui précèdent n'est pas indiqué; et cependant il est mani- 
feste; 3. Weïss, malgré sa dissection de la lettre, l'a bien reconnu en faisant un con- 
sinu de 1-v1, 11; mais il n'aurait pas dû assigner à une autre lettre vi, 12-20, qui est 
très naturellement appelé par le chap. V. Goguel place v, 1-vr, 11 (après quelque 
hésitation) dans sa lettre B (réponse aux Corinthiens) et vi, 12-20 dans sa première 
lettre À, qui aurait recommandé seulement la sévérité des mœurs; il se trompe encore 
plus que J. Weiss, puisqu'il ne voit pas comment V-VI se relient à 1, 10-1v, et mar- 
quent méme un crescendo dans le bläme (contre sa théorie que la « lettre C », com- 
prenant 1, 10-1v, 21, se rapporteraït à des circonstances ultérieures et aggravées. Voir 
Ivrroo., ch. VI). Delafosse, en distinguant des parties « marcioniles » et "d'autres, est 
aussi fantaisiste ici qu'ailleurs. 

Les deux chapitres forment en réalité un morceau d'une seule venue, très mouve- 
menté, mais non disparate, mené qu'il est-par la logique de la situation et des senti- 
ments de l'Apôtre. Voici la division qu'on en peut donner : | 

À. le cas de l’incestueux, et sa punition (ch. v, 1-8) : 

B. la manière dont il faut traiter les chrétiens pécheurs (avec allusion à la lettre 
perdue) (v, 9-13). 

(Paul ayant parlé d'impureté, etc., et de jugement répressif, tient deux idées mises 
en relation par la circonstance : celle de procès devant quelque tribunal, et celle des 
péchés de la chair. Il revient à l'une et à l'autre, sous l'aspect le plus général et le 
plus élevé) : 

GC. contre les poursuites juridiques que certains chrétiens exercent les uns contre les- 
autres, et généralement contre les litiges et l'injustice (vi, 1-8). Ce qui le mène à faire 
une énumération de péchés mortels, et à rappeler l'ancien état moral de la communauté 
(vi, 9-11) ; 

D. il revient finalement à ce qui avait occasionné en tout premier lieu la vive répri- 
mande de ces deux chapitres, et traite des principes chrétiens qui concernent la 
matière du Sixième commandement (vi, 12-20). 

Cette section de haute morale apparait donc comme une sorte de complément des 
premiers chapitres, qui sert à abattre tout à fait les prétentions de cette église vani- 
teuse et turburlente, avant de répondre aux questions que les Corinthiens avaient 
posées dans leur lettre (ch. VII-XIV). Des renseignements de la plus haute valeur y 
abondent, tant pour l'histoire morale du milieu chrétien hellénique et son organisation 
que pour les rapports de Paul avec sa communauté {spécialement le problème de la 
composition de IL Cor., à traiter en son lieu). 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, V, 1-8 417 


‘Ici Paul ne s'en rapporte plus aux « gens de Chloé », ni à aucun informateur 
nommément désigné, mais à la voix publique, qui ne parlait que trop haut. 


A. CH. v, 1-8. LE CAS DE L’INCESTUEUX. 


Inrropucrion. — Paul commence par réprimer, en usant de toute son autorité 
d'apôtre, un scandale dont la communauté paraît ne s'être pas inquiétée jusque-là. 
C'est le premier exemple régulier, officiel, de l'exercice d'un droit pénal dans l'Eglise; 
de là résulte la grande importance de ce passage. La détermination de la faute n'est 
d'ailleurs pas très facile, non plus que celle de la peine infligée. — De plus, ces ver- 
sets ont donné lieu à des rapprochements avec la Deuxième Epitre aux. Corinthiens, 
pour déterminer la date et les circonstances d'envoi de celle-ci; nous les croyons 
fallacieux. | 


À. 1. ôvouétetar ajouté après Eveow, par L, P, al., syr., quelques Grecs. 

On discute beaucoup sur le sens de &kws (cfr. vi, 7; xv, 29, ad loc.). Le sens pre- 
mier est « entièrement », « tout à fait ». Beaucoup traduisent « en général », « en 
somme », « äberhaupt », ce qu'on peut entendre encore avec des nuances diverses, 
suivant qu'on le rapporte à l'extension du bruit qui court (s. Thom. : omnino, i. e. 
secundum publicam famam »; Rob.-Pl, : « it is matter of common talk » ; J. Weiss : 
« partout »; Loisy : « couramment »; Sickenb. : « man hôrt überhaupt ») ou bien à 
la généralité des dérèglements dont on parle, et dont celui dont il s'agit n’est que le 
cas le plus scandaleux (Toussaint : « on entend dire que, en général, la fornication 
sévit parmi vous »; id. Gutjahr, Bachmann). Ces deux sens sont évidemment con- 
ciliables, et nous avons pris une traduction qui voudrait laisser le choix libre. Ils 
nous semblent préférables à celui de Lietzmann : « D'une façon générale, [j'ai encore 
bien d'autres choses à vous dire »}, ou de Æeinrici : « En particulier ». En tous cas, 
il faut joindre ëv buïv à nopvelx (sous-entendu oëca) non au verbe äxsberu : on entend 
parler (non pas exclusivement chez eux, maïs partout) de leur fornication; et donner 
à ropveia un sens étendu, nullement restreint à cet inceste spécialement dénoncé. 

Topvela, chez Paul, à moins que le contexte n'indique la fornication au sens propre, 
signifie toute espèce de dérèglement charnel. 

B. 1. L'apostrophe est brusque; et décèle l'indignation. Des mœurs corrompues 
« parmi des croyants »! (Chrys.). Ce n'est point de « parler de fornication » qu'on 
leur reproche; au contraire, dans le cas présent, les Corinthiens en parlaient trop 
peu (Bachmann). C'est d'être si larges, en cette matière, qu'un certain fait toléré chez 
eux pourrait scandaliser jusqu'à des païens, et qu'ils « se gonflent » encore après 
cela! 

Quel est donc ce cas si scandaleux? Il y a quelqu'un, un baptisé, qui s'est marié 
ou vit maritalement (éyev, au sens premier et le plus fort, « posséder » d'une manière 
Stable) avec « la femme de son père ». Paul ne désigne pas autrement ce « quel- 
qu'un », et c'est une supposition de penser, avec Chrys,, Théodoret, al., qu'il était un 
des meneurs des factions; Bisping et d'autres y verraient un judéo-chrétien, ce qui 
est possible (v. infra); c'était peut-être simplement un de ces libertaires dont il sera 
question plus loin, qui proclamaient sans cesse : « Omnia mihi licent » (v. ch. vi, 
12). | 
Il avait contracté union, non pas certes avec sa propre mère — ce qui eût été une 
abomination aux yeux de tous, et aurait inspiré à Paul des paroles encore plus fou- 
droyantes — mais avec une femme que son père avait épousée après le mariage dont 
il était sorti : sa « belle-mère » (noverca, Stiefmutter, step-mother). On ne peut savoir 
si le père vivait toujours, ce qui eût rendu la faute encore plus choquante (v. infra). 


118 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, V, 1-8. 
Cm. v, 1. *"OAuc droberar Ev duty “mopyela, nai rouabrn mopvela, ris obdÈ Ev 
3 _ : s x 2 . e = *x 
“mois Ébveowv, Gore yuvaiud viva ToÙ marpds “Eye. 2. Kat byeic ‘“repuowmpévor 


€ 


êoté, nai obyl pähhoy émeyboate, Üva Gp0n x méoou bduüv à Tù Épyov Tobro 


Quant à la femme, puisque Paul ne s'occupe pas d'elle, 'c'est qu'elle n’était point 
chrétienne; il ne suffit pas, pour expliquer ce silence, de dire avec J. Weiss (qui 
suppose un concubinage du vivant du père) que, d'après les idées orientales, la res- 
ponsabilité de l’adultère pesait spécialement sur l'homme, assertion d’ailleurs des 
plus contestables. | 

Cette union était-elle un simple concubinat — ce qui supposerait que l'opinion 
publique, dans l’église de Corinthe, était vraiment bien déchue du christianisme — 
ou un mariage contracté avec quelque titre légal apparent? Origène est pour le 
mariage; s. Thomas aussi (pour un mariage contracté après le baptême, parmi 
d'autres explications moins satisfaisantes); Cornely également (à cause de l'usage 
biblique de #yeuv, et des aoristes noinous [rpdEucl, xavepyasduevos, qui signifient un acte 
transitoire, les noces); Toussaint, Gutjahr, inclinent vers la même solution. Sicken- 
berger, Bachmann, Rob.-Pl., ne se prononcent pas; et, de fait, Eye ne tranche pas la : 
question, ni les aoristes non plus, car ils peuvent aussi bien signifier le début de la 
cohabitation, l'entrée en faux ménage. Aussi Liet:mann, J. Weiss tiennent-ils pour 
l'hypothèse du concubinat. 

Le problème n'est pas facile à résoudre. Si le pére vivait encore, on penserait natu- 
rellement plutôt à une liaison qu'à un mariage, à cause de la loi civile; cependant on 
pourrait supposer que la femme était divorcée. Mais le texte ne nous dit pas si le 
père était vivant ou mort; Cornely croît qu'il était en vie, &insi que Lietzmann, 
Sickenberger, Gutjahr, Lemonnyer, Sales, Callan (celui- ci comme plus probable), 
J, Weiss. Cependant Bachmann objecte, et peut-être à bon droit, que Paul aurait 
alors parlé aussi d’ « adultère ». D'ailleurs, c’est pour de mauvaises raisons qu'un 
certain nombre voudraient garder cet homme en vie sur la terre : ils y voient l’ « of- 
fensé » de IT Cor. vu, 12; or nous entendons démontrer en son lieu que le délit dont 
parlera l'Apôtre en cette lettre postérieure n’a rien à voir avec le cas d’inceste dont il 
s’agit présentement, et qui ne prêtait plus à aucune discussion quand Paul écrivit sa 
seconde épître. Laissons donc le père de côté; et, s’il s’agit d'un mariage, supposons 
ou bien qu'il avait divorcé, ou bien qu'il était mort; Paul ne s'occupe pas du tout de 
Jui ; il réprimande le fils pour sa ropvela, non pour un outrage ou une injustice commise à 
l'égard de ce père; si c'était un païen divorcé, et qui laissait faire, ou un païen mari 
complaisant, l’apôtre n'avait pas à s’apitoyer sur lui; et s'il était mort, païen ou chré- 
tien, son sort et ses sentiments n’entraient plus en ligne de compte. : 

Comment donc préciser la faute davantage? Nous ne trouvons plus pour nous 
éclairer que cette parole sévère : « telle qu'on n’en trouverait même point chez les 
Gentils ». 

S'il s'agissait, pensons-nous, d’une liaison irrégulière de tout point, — outre qu'il 
y aurait une forte répugnance à admettre qu'elle n'eût pas soulevé de protestations 
dans l'Église de Corinthe, où tout le monde n’était cependant pas lâche ni libertin, — 
Paul ne pourrait guère dire, à cette époque-là et à des citoyens d’une ville aussi 
corrompue, qu'on n’en trouverait pas d'exemple chez les païens. La civilisation gréco- 
romaine connaissait plus de Phèdres que d'Hippolytes. Il fallait, à cette époque où la 
moralité familiale était tellement en baisse, que la situation revêtit un caractère 
d'illégalité, d'insolence et de cynisme tel qu’elle dût choquer non seulement ceux qui 
tenaient encore un peu à la morale, mais les simples « gens comme il faut » de la 
société grecque. On peut penser, nous le voulons bien, à un concubinat affiché, de noto- 
riété publique; mais encore mieux à un mariage qui aurait été un défi outrageux à la 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, V, 1-2. 119 


Cu. v, 1. De toute manière on entend parler de déshonnèteté chez vous, 
et d’une telle déshonnêteté qu’'[on] ne la [trouverait] pas même chez les 
gentils, au point que quelqu'un possède la femme de son père. 2. Et 
vous, vous demeurez dans votre enflure, et vous n'êtes pas bien plutôt 
entrés en deuil, pour exclure du milieu de vous celui qui a fait cet 


tradition et à la loi, — et qu'on n'aurait pas osé attaquer cependant, malgré le scan- 
dale effectif, parce qu'il aurait eu pour lui quelque apparence de licéité. 

Pareille situation était-elle possible, alors et dans ce lieu? Les exégètes à peu près 
tous rappellent que le mariage d’un gendre avec sa belle-mère était opposé dans la 
Grèce ancienne au droit et aux mœurs, et que le droit romain y assimilait celui du 
fils d’un premier lit avec la seconde femme de son père, devenue veuve. On cite le 
texte de l’ancien orateur attique Andocide (400 av. J. GC.) dans son discours sur les 
Mystères, à propos du cas de Callias : « Considérons si jamais parmi les Hellènes 
est arrivée pareille chose, qu'un individu prenant femme épouse la mère après la 
fille », ou l'exclamation de Cicéron dans le Pro Cluentio, v, 6 : « Nubit genero socrus. 
O mulieris scelus incredibile, et praeter hanc unam in omni vita inaudiütum! » Il est 
vrai, et quoi qu'on puisse penser de la sincérité de cette indignation d'avocat, que 
ces cas ne sont point pareils à celui que nous examinons; maïs Gaïus (Znstit. 1, 63), 
met sur le même pied les mariages avec les deux espèces de belles-mères : « [uxorem] 
ducere non licet eam quae rihi quondam socrus aut nurus aut privigna aut noverca 
fuit ». Toussaint observe que, d'après Le plaidoyer même de Cicéron, la loi civile 
n'était pas toujours respectée sur ce point; et Bachmann (p.108 ss., d'après Ramsay), 
que le droit romain ne valait pas pour Corinthe, et que les idées des Grecs pouvaient 
être beaucoup moins rigides en cette matière; il ajoute cependant, (en rappelant 
Andocide), que, même chez eux, l'opinion publique jugeait de telles unions contraires 
à la bienséance. 

Si le nouveau « marié » était judéo-chrétien ou avait été prosélyte juif avant de 
recevoir le baptême, peut-être s'était-il formé ou déformé la conscience d’après la 
pratique de tolérance de certains docteurs d'Israël. Le ZLévitique, xvin, 7, 8, xx, 11, 
ainsi que la Mischna (Sanhédrin vu, 4) prohibaient sévèrement pareilles unions à 
ceux qui étaient nés Israélites; mais Strack-Billerbeck (p. 358), de l'étude de nom- 
breux textes rabbiniques, concluent ceci : « l’on peut admettre comme certain que, au 
temps du Nouveau Testament, la majorité des savants juifs n’a rien eu à objecter au 
mariage d'un païen ou d'un prosélyte avec la veuve de son père » (parce que tous les 
anciens liens de famille étaient censés abolis pour le gentil qui entrait dans la com- 
munauté d'Israël). Cette position de la synagogue, ajoute-t-il, pouvait n'être pas igno- 
rée à Corinthe, et elle aurait fourni un prétexte aussi bien à l’incestueux pour légi- 
timer son forfait qu'à la communauté chrétienne pour le tolérer. 

Cette solution nous plairait. Elle nous päraît préférable à celle d'une liaison cou- 
pable, et de plus incestueuse, qu'aucun chrétien digne de ce nom n'aurait pu tolérer 
d'aucune manière, La faute du « marié » était sans aucun doute encore plus grave en 
soi, et aurait dû causer un scandale encore plus intolérable, puisqu'elle y ajoutait 
une profanation incestueuse du mariage chrétien; mais le coupable savait sans doute 
se défendre par quelque subtil sophisme emprunté au judaïsme d'alors — surtout s’il 
était judéo-chrétien; puis c'était peut-être un personnage; alors le chrétienté corin- 
thienne, divisée, peu gouvernée, hésitante sur des points importants (comme on le 
verra aux chap. vu et suivants), n'aurait pas, malgré le déplaisir que cetle conduite 
devait i inspirer à beaucoup de ses membres, su réagir. 

Une difficulté subsiste : si le délinquant avait cru faire un acte légal ou tolérabie 


120 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, V, 1-8. 


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est-ce que Paul n'aurait pas dû d’abord l'instruire, et procéder avec plus de ménage- 
ment? Mais l'Apôtre ne croyait certainement pas qu'un chrétien, ayant reçu la doc- 
trine de l'Evangile, pût agir ainsi de bonne foi, et il s’indignait qu'une communauté 
de baptisés pût avoir le sens moral si obtus. La moindre indulgence dans la forme 
aurait paru une espèce de concession à l’immoralité. — Remarquons enfin à ce pro- 
pos, avec Str.-Bill., le mépris de l'ancien rabbin qu'était Paul’ pour les décisions de 
la Halakha dans les questions de mœurs. | 

Nous ignorons comment l'Apôtre avait été informé de ce scandale. Sa manière de 
s'exprimer indique qu'il avait entendu depuis quelque temps des bruits fâcheux,; s’il 
n'est pas intervenu pour la répression avant d'écrire sa lettre générale à la commu- 
nauté, c'est sans doute qu'il attendait des envoyés de Corinthe la confirmation du 
forfait, 

: (Les idées des Grecs et des Romains en cette matière ont été exposées, avec nom- 

bre de textes, par von Dosscnÿrz, Urchristliche Gemeinden, pp. 269-suivants; — et 
celles des Juifs par STRACK- BriLEngeck, Kommentar T1], pp. 343-358). 
A. 2. Exclamation ou interrogation indignée. — Le parfait reguo. èoté signi- 
fie un état acquis et durable : ils restent (malgré cette expérience) dans leur enflure. 
— iva avec un sens presque consécutif, pour &ote. — mpdfas de N, À, C, 17 et autres 
minuscules, expressif et rare chez Paul, nous semble pour cette raison préférable à 
rouioas de B, D, E, F, G, L, P.; les éditeurs sont divisés. 

B 2. Ils voient ce scandale au milieu d'eux, et continuent à se targuer de leur 

perfection ! Pareil spectacle, plus qu'aucune mort corporelle, aurait dû provoquer un 
deuil général. Il fallait exclure aussitôt le membre indigne, dont la présence est 
infectieuse pour l'ensemble (l'excommunier, voir v. 5, et plus bas, 13). Paul va s’en. 
Charger lui-même. 
A. 8. Le uév n'est pas suivi d’un dé qui lui corresponde. Le sens cest 
« quant à moi »; pareils exemples se rencontrent. — rvebuatt opposé à owpan (v. 
Exc. V) signifie « en esprit », une présence par la pensée et l'intention, rien de plus. 
— xérpua &ç rapov : le parfait indique que c'est une chose faite (voir à B), « j'ai 
décidé sur ce cas comme si j'étais déjà présent ». — &x devant érwv, dans DS, E, F, 
G, L, est une erreur évidente. 

À. 4-5. Il y a des manières très diverses de ponctuer ce verset et d'y comprendre 
le lien des idées. Au reste, les mots et leur ordre restent les mêmes dans tous les. 
témoins, à cela près que fuüv! (après ôv. ro 4vp.), qui ne se trouve que dans B, D, 
C, L, P, oule. peë., Marcion, Basile, Chrys., Theodt, peut être mis, comme l'a fait 

- Vogels, entre parenthèses, ou omis avec Nestle, et que fu&v?, après Guv. vod xup, est 
omis dans P et quelques autres; Xotoroë, après Inoout ou Insou?, est ajouté par les 
uns, omis par les autres, et on peut l'omettre avec les critiques. Ce n'est certes pas 
assez pour avancer avec J. Weiss que le texte est « dans un état désespéré », car 
ces variantes sont assez peu significatives. 

D'abord y a-t-il un lien grammatical entre les deux versets? Loisy, al., font de tout 
le verset 4 une parenthèse avec sens complet, en sorte qu'il faudrait comprendre, 
en reliant 5 à 3 : « 3... J'ai déjà prononcé... que celui qui s'est ainsi comporté, (4..), 
5, que cet individu soit livré à Satan... » Mais néxpa avait déjà un régime direct, 
dv oôtws toëro «ar., et devrait prendre ainsi deux sens : « juger [un hommel'» et 
« décider que .….». Ce n'est pas impossible dans le style de Paul; mais il y a peut- 
être mieux. 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, V, 3-4 12t 


ouvrage-là! 3. Car quant à moi, absent de corps, mais présent d'esprit, 
j'ai déjà porté la sentence, comme {si j'étais] présent, contre celui qui 
.a perpétré pareille chose : 4. Au nom de [notre] Seigneur Jésus-Christ, 
vous et mon esprit étant assemblés avec la puissance de Notre-Seigneur 


.Gutjahr est à 


peu près le seul à mettre ëv r& ôvéu. dans le verset précédent : 


« J'ai déjà jugé... au nom de N.-$. Jésus ». 
En général, on joint donc en entier les versets 4 et 5; mais on peut les comprendre 


ainsi : 


3... « J'ai déjà jugé 
celui qui s’est com- 
porté ainsi. 


» 


a. Joindre ovvayô. avec ëv tü ôvdu., et obv + Buy. avec 
rapadoüvar : « vous et mon esprit étant rassemblés au nom du 
Seigneur Jésus, livrer cet homme à Satan avec la puissance 
de Jésus » (sv signifiant « au moyen de », sens à peu près 
inusité chez Paul). Ainsi CArys. al. Hisifoot, Lietzmann, 
Sales, al. | 

b. Joindre les deux compléments ëv 15 ôvépart et obv tÿ uv. 
avec guvay0. : « Vous et mon esprit nous étant réunis au non 
du Seigneur Jésus, et avec la puissance du Seigneur Jésus, 
livrer, etc. ». Ainsi Théodoret, al., Sickenberger, al. — L'expres- 
sion paraît bien un peu redondante, 

ce. Joindre les deux compléments au seul mot rapaBoëvat : 
« Vous et mon esprit nous étant réunis, livrer cet homme à Satan 
au nom de N.-S.JT.-C., et pär la puissance de N.-S. J.-C.» Ainsi 
lP'Ambrosiaster, al.; même observation que ci-dessus. 

d. Rapporter le ëv t& ovô. initial à xapadoüvæ, et joindre le 
participe ouvay®. à ëv tf duvduet : « Vous et mon esprit s'étant 
assemblés avec la puissance du Seigneur Jésus, livrer au 
nom du Seigneur Jésus cet homme à Satan. » — Cette inter- 
prétation nous semble meilleure que les précédentes; elle est 
celle d’Estius, de Cornely, de Hetïtmüller (« Im Namen Jesu », 
p. 74), et J. Weiss, et de Roëb.-Pl. Les mots « Au nom du 
Soigneur Jésus », mis en tête, sont bien éloignés de leur verbe ; 
mais, comme dit Bengel (cité Rob.-P1.) : « Graviter suspensa 
manet et vibrat oratio. » Cette vue a quelque chose de très 
juste; mais on peut la perfectionner, et l'harmoniser avec les 
précédentes. Toutes n'ont que le tort de n'être pas assez 
compréhensives. Nous préférons donc : 

e., avec Bachmann et Lemonnyer, admettre que « Au nom 
du Seigneur Jésus » étend sa portée à la fois à ouvay0évrew. 
et à mapadoïvar : « Au nom du Seigneur Jésus, vous et mon 
esprit nous nous rassemblerons avec ‘la puissance du Seigneur 
Jésus, et livrerons, etc. ». Formule solennelle qui est l’ex- 
plication (non le régime) du zéxpwa de 3, et qui, dans la 
traduction française, en sera convenablement séparée par le 
signe deux-points. V. infra, à B. 


Pour le v, 5, rapadoüvat tr Xaravë, on peut comparer I Tim. 1, 20, l'excommunica- 
tion d'Hyménée et d'Alexandre. — nvedua — « àme », v. Exc. V, comme opposé à 
SE — « corps », vie corporelle. 

B. 3, 4, 5. Paul a prononcé son jugement; il n'y a plus qu’à le promulguer et 


122 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, V, 4-8. 


ruplou Audv ‘noob, 5. mapadonvar Toy roobroy Tù Earav els GAsbpor The caproc, 
ia Tù RVEdLa cwÔÿ Év Th 'Auéog Toù xuplou. 
6. Où Lady To Aa YU bUEY. Oùx clore Ont puxpa Éüun OAOY Tù oÜpax | touor: 


à l'exécuter. Il veut, en raison de la gravité et de la diffusion du scandale, que la 
sentence soit portée de façon très solennelle. Voilà pourquoi il commande une 
assemblée de la communauté, non pour mettre en débat sa sentence, qui est irrévo- 
cable (zx#xcrxa), maïs pour lui donner plus de retentissement et en expliquer à tous 
les raisons. Cela doit se faire dès que la lettre de Paul sera reçue, et non pas être 
différé au temps de sa visite, puisqu'il ne doit être présent à cette assemblée qu’en 
esprit. Et rien n'empêche de croire que cela fut fait. Cornely et Bernhard Weiss 
se figurent à tort que xéxptua, si catégorique, ne signifierait qu'une résolution privée, 
Paul se réservant d'en faire un jugement officiel plus tard; pourquoi alors cette 
décision dans les termes, et cette solennité catégorique dans la désignation de la 
peine à infliger? De même, Gutjahr et les autres, qui pensent que l’Apôtre voulait 
laisser le temps de la résipiscence au coupable et à la communauté, et que le 
jugement n'a pas été promulgué de fait, ont l'air de. prendre Paul pour un 
homme qui menace un peu à la légère. Leur théorie est inspirée par l'identification 
fausse qu'ils veulent faire entre l’incestueux et le mystérieux délinquant de la Ile aux 
Corinthiens, dont le cas causa tant de tiraillements, tant de difficultés à l’apôtre 
(elle est, nous le verrons, forcée et artificielle, et provient uniquement de ce qu'on 
veut nier ou révoquer en doute le « voyage intermédiaire » de Paul à Gorinthe, 
entre notre présente épitre et la suivante). 

De qui devait se composer cette réunion où la sentence de P'Apôtre serait rendue 
publique? Était-ce de tous les croyants, comme une éx#Ansi, ou assemblée générale, 
des citoyens dans les cités grecques? Comme les chrétiens étaient nombreux, il y a 
peine à imaginer qu'ils pussent se réunir en un même lieu; évidemment ces assises 
n'étaient pas tenues sur‘la place publique, et le scandale ne pouvait être affiché 
devant tous les païens qui passaient. Nous croirions donc plutôt que tout s’accomplit 
seulement devant les chefs, les rpoïorémevor qui, comme Stéphanas, accomplissaient 
le ministère parmi les saints (voir ch. xvi, 15), entourés d'un certain nombre de 
délégués de l'Église. Nous aimerions à en savoir davantage sur cette sorte de 
tribunal de l'église primitive dont il est parlé ici pour la première fois. Ils étaient 
réunis « au nom de Jésus », et « avec la puissance de Jésus », qui a promis 
{Mat. xvi, 20) d'être présent là où plusieurs seraient assemblés en son nom; c'est 
également « au nom de Jésus » qu'ils devaient publier la sentence : oplans ueotov… 
Strastiprov, dit Théodoret, « un tribunal à faire frissonner! » à cause de la présence 
du Seigneur invisible. En tout cas, les « Juges » n'avaient pas à délibérer, mais 
simplement à exposer le cas, en dévoiler la malice, promulguer le jugement à eux 
connu de l'Apôtre qui Les présidait en esprit, comme chargé de pouvoir du Seigneur, 
enfin en commander l'exécution. Cornely a raison d'observer, sur ce passage, que 
l'église n'était donc pas organisée en démocratie. 

Il faut ensuite déterminer ce qu'était au juste la peine à infliger. « Livrer à 
Satan » est une formule impressionnante, mais peu claire. Ce que l’on voit de plus 
certain d'abord, c’est que la punition est médicinale, et non purement afflictive, 
puisque Le but en est de sauver l'âme (rveüus) du coupable, dans l'espoir que, converti, 
il pourra figurer parmi les élus au jour de la Parousie, Le livrer à Satan ne sera 
point le précipiter dans l'enfer; et rien n'est moins satisfaisant que la vieille inter- 
prétation de T'ertullien (De pud. 13), d'Ambrosiaster et de la Glose ordinaire 
(Thom.3), qui entendait nveèux de l'esprit de l'Église, sauvé par lamputation de ce 
membre corrompu. 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, V, 5-6. 123 


Jésus, 5. livrer cet individu à Satan pour la perte de la chair, afin que 
l'esprit soit sauvé au jour du Seigneur. | 
6. Vous n'avez pas beau sujet de vous vanter. Ne savez-vous pas qu’un 


Cet abandon à Satan aura des effets afflictifs immédiats, qui devront porter l’inces- 
tueux à rentrer en lui-même pour faire pénitence. Puisqu'il en est certainement ainsi, 
il faut écarter comme une fantaisie l'exégèse d'auteurs protestants qui, depuis Bengel 
jusqu'à Godet, Schmidt, (Renan id.), von Dobschütz, Lietzmann, Everling, J. Weiss, 
tiennent que ets 8Ae0pov ths oæpaés, « la perte de la chair », équivaut à une sentence de 
mort, comme le En, l' « anathème » juif, et même de mort subite, comme dans le cas 


d'Ananie et de Saphire (Act. v, 4-10) et divers récits d'Actes apocryphes; on invoque 
encore les « Defixionum tabellae » et les papyrus magiques de malédiction (d'après 
Deissmann, LO p. 257, Ramsay, Dobschüts), qui sont ici d'autant moins de mise que 
Paul entend bien porter une sentence immédiatement efficace, et non pas formuler 
simplement un souhait, ou une sorte de prière, infaillible ou non, aux esprits malfai- 
sants. Nous ne voyons guère comment un-trépas foudroyant pourrait contribuer au 
salut de l’âme du pécheur, (pourtant le texte dit formellement : eic 8e@pov… tva ow0ñ.), 
et n'avons aucun cas à faire des hypothèses embarrassées de Lietzmann, qui suppose 
que « l'esprit », on ne sait comment, se convertira une fois séparé du corps, ou de 
J. Weiss, d'après qui le zveëue, du fait qu'il est consacré par le baptême, devrait 
échapper à toute attaque de Satan et à la perte éternelle. — D'autre part, la « perte 
de la chair » serait difficile à comprendre en un sens purement moral, comme s'il ne 
s'agissait que d’une destruction des mauvais instincts de la chair (opdvmua ts capads, 
Origène), ou d'un tel abandon du coupable, privé par l’excommunication de secours 
spirituels, au ravage de ses passions (Meyer-Heinrici; s. Thomas parmi d'autres 
explications) qu'il se vît forcé de crier vers le Dieu qui l'a délaissé. Voir aussi Aug.; 
Grotius; Bossuet. 

Tout le monde doit être d'accord au moïns sur ce point-ci : qu'il s'agit d'une 
excommunication, d'une expulsion de l'incestueux hors de l'église ; Paul s'en expli- 
quera clairement au v. 13 b, emprunté au Deutéronome : « Chassez le pervers d’au 
milieu de vous ». Ensuite il n'est pas moins certain que Satan ne reçoit pouvoir que 
sur la « chair », la vie corporelle ou sensible, du coupable, pour lui infliger des 
épreuves dont Paul espère ou prédit, finalement, un bon résultat pour le salut de 
l'âme. Il ne pense pas seulement au bien de la communauté, mais à celui de ce pau- 
vre incestueux, égaré par sa passion et ses sophismes; à propos d'Hymenaios et 
d'Alexandre (I Tëm. 1, 20), il dira de même qu'il « les a livrés à Satan pour qu'ils 
apprennent à ne plus blasphémer ». C'est un esprit tout à fait opposé à celui du 
baram juif ou des jeteurs de sort des papyrus, Mais il reste à savoir si Paul s’est con- 
tenté d'une simple sentence d’excommunication; et, s’il en est ainsi, quelles étaient 
les conséquences immédiates que cette excommunication devait ou pouvait entraîner. 

C'est une excommunication pure et simple, privant le coupable des sacrements et 
de l'appui de l'Eglise contre Satan, dans l’une des opinions de s. Thomas, et pour 
Estius, Calvin, Bèze, Semler, Scholz, Schaeder, Meier, Reuss, Heinrici, etc., Dibe- 
lius (« Geisterwelt », p. 38-s.), qui voit exprimée au v. 13 (infra) la nature propre de 
la peine; et ainsi la plupart des anciens et des modernes. C'est tout ce que Paul et 
l'église peuvent faire, et le reste {sis GAeÜpov, … va owûÿ) ne marque que le désir, l’in- 
tention, qu'ils ont en infligeant cette peine (Dibelius), mais dont l'accomplissement 
dépendra d’autres agents. En face, d’autres opinions veulent que Paul, en plus de 
l'excommunication qui dépend de lui et de la communauté (v. 13), use encore d’un 
pouvoir spécial qu'il possède comme apôtre — ainsi que Pierre, Act. v, ou quand lui- 
même, Act. xui, frappait Elymas de cécité, — pour y ajouter surnaturellement un 


124 : ÉPITRE AUX CORINTHIENS, V, 1-8. 


7. *'Exxxbdoxre vhv makaukv Copy, Îvx fre véov pÜpaux, abs dors &buuor. Kai 
Yap To mésya uüv Er0ôn, Xpioroc. 8. “Qore Éopréluues ph èv Cüun Taha pndè 
Ev Cüun “xaxias nat movnpiac, &AN Ev aküpouc ethurpivixs Lai ahnbelas. 


châtiment corporel, extraordinaire, dont Satan sera l'instrument; ainsi Cornely, qui 
rappelle à ce propos la maladie préternaturelle de Job, et Gutjahr, qui attribue 
l'excommunication à la communauté comme agent, la peine diabolique à l'Apôtre. — 
Sans distinguer toujours aussi nettement l' « excommunication majeure » et la peine 
extraordinaire surajoutée, un grand nombre d'auteurs, Chrys., Théodoret, Théophy- : 
lacte, s. Thomas!, Erasme, Estius, Meyer, Sales, Sickenberg ver, Toussaint, Gutjahr, 
font des vexations corporelles et morales infligées par Satan (par exemple de quelque 
maladie lente d'origine diabolique, qui laisse du temps au repentir), une partie inté- 
grante de la peine infligée directement par l'Apôtre; tel ou tel croira que l’excommu- 
nication, dans l'Eglise primitive, comportait par définition quelque tourment de ce 
genre; d'autres, que c'était un supplément de peine voulu par l'Apôtre (cfr. Cornely). 
‘Quoi qu'il en soit, Gutjahr donne certainement une raison peu valable quand il 
avance qu'il n'était pas besoin de mettre en jeu la « puissance du Seigneur » (év ôüv. 
voë æugiou) pour porter une excommunication, — laquelle a cependant des effets spiri- 
tuels invisibles! 

La solution la plus vraisemblable de ce problème est donnée par Bisping, Schaefer, 
Bachmann, Dibelius, Robertson-Plummer, et d’autres, qui peuvent d’ailleurs s’accor- 
der pour le fond avec ÆEstius et d'autres ci-dessus nommés : 

Saint Paul a bien l'intention positive de livrer le coupable {pour le salut de son 
âme soumise à cette rude épreuve) aux attaques de Satan, qui fut « homicide dès le 
commencement », et premier auteur des calamités physiques et morales qui affligent 
l'humanité; on ne peut négliger l'effet psychologique de la condamnation, dont parle 
Origène, mais l’Apôtre envisage aussi des peines corporelles et sensibles où le démon 
aura sa part; il n’en fixe ét n’en prévoit peut-être pas le mode, mais il consent qu’elles 
aillent jusqu’à la maladie et à la mort. On ne peut l’accuser d'inhumanité, vu le grand 
bien qui est en jeu, le salut de l'âme; il agit, dit Godet, comme une mère qui prierait 
Dieu de frapper son fils pour l’amener au repentir. Seulement cela n’est pas une peine 

surajoutée à celle de l’excommunication; chassé de l'Eglise, cessant d’être protégé 
par elle, l’incestueux se trouve banni dans la région dont Satan est le maître, il sera 
exposé sans défense spirituelle à ce pouvoir hostile qui intervient quand il peut, 
l'Evangile le montre assez, dans les circonstances extérieures de la vie des hommes. 

Il en souffrira donc; et cela du fait de la sentence portée, qui lâche indirectement 
contre lui l'adversaire mystérieux et cruel. Mais Paul espère que cette souffrance le 
détachera des faux biens du péché, l'éclairera sur sa misère; tout en le chassant sans 
rémission, afin de sauvegarder le bien de l'Eglise qu'il a compromis, il prie Dieu 
pour celui qu’il chasse. Car l'excommunication est une peine médicinale. Et, si le 
coupable revient à résipiscence à la suite de ce châtiment, nous devons croire — bien 
que la chose ne soit pas dite — que l'église lui ouvrira les bras de nouveau. 

A. 6. Quelques latins omettent où, ce qui rend la phrase plus sarcastique. — 
ôohot pour tuuoï (afin d'éviter la répétition et l'homophonie), dans D*, pulg., Bas., 
Irénée, Orig. lat., Lucifer, Aug., Ambr*. — Kôun, cfr. Gal. v. 9. 

B. 6. Paul revient à l'ensemble de la communauté, — qui s’estime encore tellement 
(v. ch. 1-1), après un tel scandale! Le reproche est amer et a dû profondément 
pénétrer. « Un peu de ferment », ils doivent le savoir, transforme toute la masse; 
Paul ne pense plus seulement au cas de l'incestucux, mais à tous les restes de 
mœurs païennes qui pourraient reprendre vigueur, et infecter la communauté; cette 
tolérance pour l'incestueux ne le ferait déjà que trop craindre. Et il y a autre chose, 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, V, 7-8. 425: 


léger ferment fait fermenter la pâte entière? 7. Mettez-vous donc à vous 
purger du vieux ferment, pour être une pâte nouvelle, à la manière dont 
vous êtes des azymes. Ft en effet votre Pâque a été immolée, le Christ. 
8. Ainsi célébrons la fête non avec un vieux ferment, ni avec un ferment 
de vice et de perversité, mais avec des azymes de pureté et de vérité. 


on va le voir! — Cette figure de « ferment », qui devait être proverbiale, (cf. Gal, 
v, 9) entraîne Paul à penser aux rites de la Pâque juive, (à moins que ce ne soit l’in- 
verse, voir infra, B. 7-8) et lui dictera une sorte d'allégorie, vv. 7 et 8. Comme dit 
J. Weiss, le christianisme primitif est venu changer ‘en éthique ce qui était rituel, et 
en appeler à propos de tout à la conscience de la responsabilité morale. 

A. ‘7-8. Delafosse, attribue 72 seulement, jusqu’à x«0wç, à Paul lui-même, et 
le reste, 7-13, serait marcionite. Pourquoi? — éxxx04pate, aoriste ingressif, — Au v. 8, 
le mot xaxla, « vice » peut s'opposer à efkpuvla « pureté », et rovnpia à &Andela, si, 
comme le veut Théophylacte, rownpia ajoute à l'idée de vice celle d’hypocrisie. — 
ropvelas pour rovnpias, dans F. — £oprétousv indicatif, faute certaine dans À, D, E, P. 

B. ‘7-8. Appelés à une nouvelle vie, les fidèles doivent songer sérieusement à se 
purifier une fois pour toutes de tous les restes infectieux de leur ancienne existence 
païenne (et non seulement du membre incestueux, croyons-nous avec Roëb.-Pl., 
Heinrici, Lietzm., J. Weiss, etc.). Paul, ayant écrit ci-dessus, comme par hasard, le 
mot de « ferment », compare ces restes au « vieux ferment » que les Israélites 
devaient jeter et détruire quand ils célébraient la Pâque, commémoraison de leur 
délivrance d'Égypte, qui était la figure de la rédemption chrétienne. Ne sont-ils pas, 
en droit, pareils aux < azymes » de la fête, pure farine où rien d’ancien, hérité du 
paganisme, ni d'indigne de leur vocation nouvelle, ne doit plus fermenter? Ces 
versets soulèvent une question historique intéressante. 

Malgré La &éun du v. 6, cette allégorisation des rites Juifs, — dans une église qui 
était d'origine païenne en masse, — était cependant assez inattendue. Elle nous 
instruit beaucoup. Tout d'abord on y voit que la représentation du Christ comme 
Agneau pascal était chose connue et courante parmi les Corinthiens (J. Weiss, 
Rob.-Pl., al.), et c'est Là une confirmation indirecte de la date johannique du 14 nisan, 
.jour de l’immolation de l'agneau, pour la passion de Jésus. Peut-on y trouver de 
plus une indication touchant l’époque à laquelle Paul adressa cette lettre à 
Corinthe? 

Sur ce point les auteurs sont partagés. La. plupart reconnaïssent à cette compa- 
raison une portée tout à fait générale concernant le caractère de la vie chrétienne, 
et rien de plus. Comme la première Pâque israélite et la manducation de l'agneau 
furent le signal de l'Exode des Hébreux vers la Terre promise, ainsi la Passion du 
Christ-Agneau est venue arracher les hommes à la tyrannie du péché, et désormais 
les rachetés peuvent et doivent célébrer une fête perpétuelle, non pour une semaine, 
mais pour toute la durée de leur existence, où le « vieux levain » ne doit plus repa- 
raître. (Chrys., al., Godet, Lietzmann, Toussaint, Sickenberger, Sales, etc.). Nous 
pourrions même dire que l’immolation du Christ (ëtünh) dure toujours d’une certaine 
manière, et trouver peut-être ici quelque argument théologique pour l'identité du 
sacrifice eucharistique avec celui du Golgotha (cfr. £p. ad Heb., notamment xm, 10, 
Exouev Ouracriprov &E ob payeiv oùx Exouotv éfouolav ot Ti oxnvi Aatpesovtes, après l'af- 
firmation si répétée de l’unicité du sacrilice de la Loi nouvelle; en plus, le ch. x de 
notre épître sur le sacrifice eucharistique, V. ad loc.). Ce sens est certainement 
très beau, très admissible, et suffirait à l'interprétation doctrinale. 

Mais d'autres (sans nier ordinairement cette signification générale), croient saisir 


126 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, V, 1-8. 


ici une donnée historique. Paul très probablement aurait écrit la présente lettre vers 
l'époque de la Pâque. I1 dirait, allécorisant cette circonstance de temps, aux 
Corinthiens : « Il est grand temps pour vous de vous débarrasser du vieux levain; 
car l’'Agneau est déjà immolé, et votre maison n'est pas encore pleinement purifiée; 
vous êtes en retard » (Rob.-PL.). Ainsi Cornely, Gutjahr, Lemonnyer, Bachmann, et. 
J. Weiss avec plus d'hésitation. On objecte bien (Lietzm.) que le verbe ét66n, « a été 
immolé », ne convient qu’à la mort du Calvaire, qui ouvre tout l'âge nouveau sans 
allusion à une époque particulière; mais c’est là un raisonnement superficiel, au 
moins pour nous catholiques qui croyons que cette immolation est sans cesse renou- 
velée, et rappelée d'une façon plus solennelle à chaque anniversaire de la Passion. 
Aussi, malgré Chrys. et quelques autres qui veulent s'en tenir au grand sens 
doctrinal, nous croyons bon d'insister sur cette remarque pertinente de Bachmann : 
ces versets représentent le seu! endroit où Paul, dans toute sa correspondance, parle- 
de la Pâque à propos de la mort du Christ; il devait avoir une raison pour cela 
(et plus forte sans doute qu'une pure association d'idées avec le « levain » mentionné 
au v. 6, où c'est peut-être justement l'idée de Pâque qui avait amené cette mention, 
plutôt que l'inverse). Cette raison est à chercher dans le fait qu’on était aux environs 
de la Pâque juive, dont le retour rappelait plus vivement la Passion et la transfor- 
mation de notre vie qui en est résultée. 

Le chap. xvr, comme l'ont noté Cornely et plusieurs autres, favorise bien cette 
opinion. Paul y annonce son intention de quitter Ephèse à la Pentecôte pour se 
diriger vers Corinthe par la Macédoine (xvi, 5, 8); il fait beaucoup de recomman- 
dations pratiques pour le momeny de sa venue, comme s'il estimait qu'il n'y aura 
plus le temps d'échanger des lettres après la présente; et d'ailleurs, il a dit, rv, 49 : 
« J'arriverai chez vous bientôt (tayéws), si le Seigneur le permet ». C’est donc qu'il 
escomptait l’arrivée de sa lettre pour une date assez rapprochée du temps qu'il s'était 
fixé alors pour quitter Ephèse (d'après une résolution qu'il n’a d’ailleurs pu tenir, 
comme on le verra dans IT Cor.). Toutes ces considérations nous invitent bien à 
admettre que sa première lettre aux Corinthiens — en tenant compte du temps 
qu'il fallait pour l’achevér, de celui qui s'écoulerait avant le départ du messager qui 
la porterait, et de celui de la traversée d'Ephèse à Corinthe — était en train d’être 
composée un petit nombre de mois avant la Pentecôte. 

Par conséquent nous admettons aussi, — au moins comme très vraisemblable, — 
qu’elle sera parvenue à destination vers l'époque de la Pâque. 

Un nouveau problème se greffe sur celui-là. L'Apôtre suppose les Corinthiens, — 
la plupart Gentils d'origine — familiers avec les usages de la Pâque juive. Est-ce 
donc que les chrétiens célébraient encore le rite des azymes? Cornely et d’autres le 
croient, tandis que Bachmann dit que la connaissance de la proximité de la Pâque 
chez les Juifs suffirait bien à expliquer ces allusions à une fête qui pouvait cependant 
leur être étrangère. C'est vrai sans doute; pourtant, s'ils la célébraient eux-mêmes, 
le xafuiç éaze &Guuot du v. 7 prendrait plus de force et d'actualité : la communauté, 
par sa tolérance scandaleuse à l'égard de l’incestueux, se met en contradiction 
avec la pureté et le renouvellement qu’elle prétend exprimer par la manducation des - 
pains sans levain. Nous n'insisterons pas sur cette hypothèse, que les églises 
chrétiennes auraient adopté la Pâque juive et ses rites, tout en y joignant, bien 
entendu, la mémoire de la Dernière Gène du Seigneur, de sa passion et de sa résur- 
rection; car la mention des « azymes » peut n'être qu'allégorique. Mais il ne fait 
aucun doute pour nous qu'elles attachaient déjà de l'importance à l'anniversaire 
annuel de leur Rédemption, — qu'on l'ait fêté où non avec les rites judaïques. 
Cette certitude nous semble ressortir de la querelle des quartodécimans, au n° siècle, 
où les controversistes parlent tous de Ia célébration de la Pàque chrétienne comme 
d’une chose qui n’est pas récente, et qu'ils font tous remonter, malgré la divergence 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, V, 1-8. 127 


des dates et de l'esprit de cette commémoraison, à linstitution des apôtres eux- 
mêmes, Pierre et Paul d'un côté, Jean de l’autre. J. Weiss prétend que l'existence 
d’une fête chrétienne de Pâques serait très invraisemblable dans les églises de ce 
Paul qui reprochaïit aux Galates (Gal. iv, 10) d'« observer les jours, les mois, les 
temps et les années ». Maïs le cas était tout différent chez ces Galates, qui 
revenaient à des rites judaïques n'ayant aucun rapport avec les souvenirs chrétiens, 
en y mettant de plus (comme le suggère, à notre avis, le mot technique païen 
avoueia, « esprits du temps ou des éléments ») je ne sais quelle superstition astro- 
logique accordant une distinction religieuse aux jours pour eux-mêmes, par exemple 
quand ils avaient adopté sans doute les « néoménies » juives. Bien autre chose était 
de célébrer par un renouvellement de ferveur, avec des cérémonies spéciales 
probablement, les souvenirs de l'histoire du salut. D'ailleurs on ne peut nier que le 
dimanche, d'après les Actes, l’'Apocalypse et Paul lui-même, fût déjà considéré comme 
un jour à part, supplantant le sabbat juif, à cause de la Résurrection; dès la fin du 
1 siècle, suivant les historiens de la liturgie, le mercredi et le vendredi, (en souvenir 
de la trahison de Judas et de la mort du Christ) étaient des jours de « Station » 
(garde militaire) avec jeûne et réunion eucharistique. Si l’on faisait ainsi chaque 
semaine mémoire de la Passion, comment aurait-on négligé de le faire plus solen- 
nellement encore à l'anniversaire annuel exact? | 

Ainsi — la conclusion est d'importance — il est très vraisemblable, pour ne pas 
dire plus, que la féte chrétienne de Päques se célébrait dès l'âge apostolique, et 
que la première mention en apparaït dans ce chapitre V de la 1*° Ep. aux 
Corinthiens, — laquelle est un véritable trésor de renseignements historiques que 
rien ne saurait suppléer, 


B. Cu. v, 9-13. COMMENT TRAÎTER LES PÉCHEURS DANS LA COMMUNAUTÉ. 
ExPLICATION D'UNE LETTRE ANTÉRIEURE. DERNIER MOT SUR L'INCESTUEUX.: 


Inrropucrion. — À l'occasion du scandale de l'incestueux (auquel il revient à la fin 
de cette péricope), Paul établit un précepte de droit contre tous les baptisés devenus 
pécheurs publics, et il fixe ainsi des instructions anciennes qui n'avaient pas été bien 
comprises. La communauté devra les juger — ce qui va donner occasion à l'Apôtre 
de parler aux Corinthiens, dans la péricope suivante, de la façon peu chrétienne 
dont ils comprennent entre eux leurs rapports juridiques (VIT, 1-8). Le dernier mot 
est pour réitérer l'ordre précis d'excommunier le coupable dont il a été question 


d'abord. 


Cu. v, 9. *’Eypaba duty ëv 19 ÉmiotoAÿ h ouvavauiyvuolar mépvois, 10. “où 
révruç Toig mopvors ToÙ xôsmou Tobrou, À Tois mhcovéetas Lai Gprabi À EldwAo- 
Adtpas, “éme wpelhere dpa Ex Toù xoopou ÉÉenbetv. 11. "Nüy DE Eypaba duiv ph 
cuvavautyvuofar ëdy ris &deApèc “ovomabémevos À mopvos à TAcovéxTns À EldwhoA ATEN 


A. 9. Éypaba, ici et au verset suivant, doit-il s'entendre comme un aoriste épisto- 
laire, c'est-à-dire : « Je vous écris, ici, présentement »? Cela semble impossible 
logiquement, surtout à cause de ëv tñ ëmovoÿ qui suit (Bachmann); il n’est pas naturel 
de dire, à moins d'une raison toute spéciale, qui n'apparaît pas en ce verset : « Je 
vous écris dans ma lettre que voici »; Paul, en disant « dans la lettre », fait évidem- 
ment allusion à une autre missive, Il est étonnant que Chrys. et d’autres Grecs, 
puis Pélage, Corn. a Lap., Calmet, et d'autres, ne l'aient point vu; mais plusieurs 
dès le temps d'Origène, et plus tard Ambrr, Hervé, Thomas, Cajetan, Estius, et tous 
les modernes à peu près ont compris qu'il s'agissait d'une lettre perdue. — Tépvo 
signifie les impudiques en général. 

B. 9. Dans une lettre précédente adressée aux mêmes Corinthiens (voir Inrron., 
ch. v), Paul leur avait prescrit de rompre leurs rapports avec les impudiques, et 
sans doute avec d’autres catégories de pécheurs. Il semble qu'ils l'avaient compris 
au sens le plus rigoureux, et objecté (sans doute dans leur lettre à laquelle il sera 
répondu aux chap. vi suiv.) que la chose était difficilement exécutable; dans une 
ville comme était Corinthe, pensez-y ! L'Apôtre va s'expliquer, et résoudre une ques- 
tion de principe très importante pour la discipline générale de l'église. 

On sait que beaucoup d’exégètes ont cru retrouver un fragment de cette épiître 
perdue aux chap. vi, 44-vir, 4 de IT Cor. « Nolite jugum ducere cum infidelibus, etc. » 
Nous verrons en temps voulu que cette attribution n'est pas probable, car le passage 
en question ne prêtait pas à l'équivoque que Paul détruit ici. 

À. 10. où révrws — « non d'une manière absolue », bien différent de révruws 
où — « absolument pas ». — Holsten, à tort, veut voir dans # rkcov., etc., une glose. 
et J. Weiss une addition de Paul lui-même, qui étend son sujet au delà du texte 
ancien; ceci est possible. — Zoisy traduit xkcov. (fréquent chez Paul) par « escrocs »; 
le sens est plus large, il s'agit de tous ceux que leur cupidité porte à faire tort au 


prochain. — Si rit — « autrement », « sonst », cfr. Rom. ut, 6, xt, 6, 22; I Cor. xiv, 
46, xv, 29; mais le sens resta le même si ërel — « puisque », comme d'habitude, 
surtout avec &ox signifiant « alors », « en conséquence », et L’ « irrealis » dpethere. 


B. 10. Paul rectifie l'interprétation excessive donnée à ses paroles, Pour éviter 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, V, 9w11. 129 


tout rapport avec des pécheurs, même scandaleux, il faudrait sortir non seulement de 
Corinthe; mais de ce triste monde. Lui n'a jamais voulu faire de ses néophytes une 
communauté de reclus. J. Weiss note avec raison que cette phrase de modération et 
de bon sens est très importante pour l’histoire religieuse et culturelle ; mais d’ajouter 
que Paul n'avait peut-être pas pensé d'abord à cette restriction nécessaire, c'est une 
idée en contradiction avec Eypabs du verset suivant, et qui provient de la fausse 
théorie de W. sur les diverses couches de I Cor., où Paul, de l’une à l’autre, aurait 
varié dans sa rigueur. Nous pouvons concéder seulement que, dans sa lettre perdue, 
il avait parlé d'une manière très forte et très générale, s’en remettant au bon sens de 
ses lecteurs pour les distinctions nécessaires. 

———— À. 11. Pour € Érpava, v. supra, à 9. — Niv, ici, au sens logique, non temporel, 
— dy ris adehpôs évouat. 7 ñ mdpvos ATÀ : Sickenberger pense qu’on pourrait traduire : « Si 
quelque frère est nommé (reconnu) comme débauché, etc. », mais que l’interprétas 


CH. v, 9. Je vous ai écrit dans la lettre de ne pas vous mêler aux débau- 
chés; 10. non pas absolument aux débauchés de ce monde, ou aux cupides, 
ou aux voleurs ou aux idolâtres, puisque vous devriez alors vous en aller 
de ce monde. 11. Mais en fait je vous ai écrit de ne pas vous mêler, au cas 
où tel qui se nomme frère serait débauché, ou cupide, ou idolâtre, ou 


tion commune est meilleure, « si quelqu'un qui porte le nom de frère, ou « si 
quelque prétendu frère » (qui ne l’est que de nom). | 

B. 11. Ce que Paul voulait dire dans sa première lettre, il l'explique maintenant, 
puisqu'il a vu qu'il Le faut. 11 ne s’agit point pour les fidèles de rompre toute relation 
avec leurs compatriotes païens à morale relâchée, mais d'empêcher leurs vices de 
pénétrer dans la communauté en prenant de sévères sanctions contre les baptisés qui, 
vivant comme des païens, se montreraient indignes du nom de frères, qu'ils portent 
comme membres de la famille du Christ. Il suppose nécessairement que leurs vices 
soient connus et affichés; par conséquent il parle de « pécheurs publics », comme 
l'était l'incestueux. S'ils s'obstinent dans leur inconduite, il faut leur faire subir 
(pour les amener à changer de mœurs) une sorte de quarantaine, leur interdire les 
repas communs de la communauté (Ziet:m., qui rappelle Gal, 11, 42) où se célébrait 
l'Eucharistie (v. ch. xr), et même s'abstenir à leur égard de faire ou d'accepter des 
invitations privées. Il n'est pas question pour cela de les « livrer à Satan », comme 
ci-dessus, et ces mesures doivent être temporaires. Cependant leur exclusion devait 
être signiliée par les chefs, et on pourrait parler d'une sorte d'« excommunication 
mineure ». C'est ainsi que les Juifs évitaient les païens (cfr. Mar. xvur, 47). 

Au temps de Ghrysostome, quelques braves gens trouvaient Paul bien sévère pour 
les « insulteurs » et les « ivrognes »; nous ferons mieux d'admirer quel haut niveau 
de moralité moyenne paraissait, aux yeux d'un apôtre, exiger la profession de chris- 
tianisme, On pourrait être surpris que des « frères » pussent être accusés d’ « idolà- 
trie »; mais le ch. x nous parlera de ceux qui se croyaient permis de prendre part 
aux repas sacrés des temples, et il y en avait sans doute bien d’autres qui ne savaient 
pas renoncer absolument à toutes les pra atiques superstitieuses du paganisme, Dans 
une ville comme Gorinthe, le « vol », même accompagné de violence, ne devait 
pas étre un accident imprévisible parmi des chrétiens oublieux de l'Évangile, 
D'une façon générale, ce sont les vices de la chair (mopveia) et la cupidité (xAcovetia), 
Cause de rapines, de fraudes, de procès (v. versets 44 et suiv.), qui devaient amener 
le plus facilement des scandales dans ces primitives communautés grecques; ropvela 
et rhcowetia forment parfois couple dans les épitres de Paul (Æph. v. 8; [ Thess.1v, 

ÉPITRE AUX CORINTHIENS. 9 


130 . ÉPITRE AUX CORINTHIENS, V, 9-13. 


ñ Aoiopos À uédugos À h domaë, Tü voroûte mdè ouveclieuv. 19. TC 14e. Uot ToÙc 
LEw xpiveuv; odyt robs Ecw duets xpivere, 13. Tobs D Eu 6 eds xouvet. Bképare 1e) 
movnpèy ÉE buy ar. 


* 


gières contre le vie et le vn® commandement, qui égarent le plus grand nombre 
d'homme , cf. vi, 9-14. 

ms À. 12. La sak., ayant lu xt robs low oùyf, après robs ÉEw xopfveuw, change le 

sens complètement; Paul n’a jamais prétendu juger « ceux du dehors ». — ot Ëtu,. 
efr. Mare 1v, 11 et Col. 1v, 5; I Thess, 1v, 12; I. Tim. int, 7, expression juive 
(Str.-Bill., p. 362). 
A. 18. On ne sait s’il faut lire xpiver ou xpiveï, l'indicatif présent ou le futur ; 
les deux sont bien en situation. 12 b et 13 a pourraient se prendre comme une interro- 
gation à deux membres, dépendant tous deux de oùyt : « N'est-il pas vrai que vous, 
vous jugez ceux du dedans, tandis que Dieu jugera ceux du dehors? » (Zachmann et 
Bachmann); mais il vaut mieux mettre le point d'interrogation au milieu, après 
*pivete; ainsi la phrase est plus significative. 

A 132, il faut lire rov xovnpgév — et non +0 xov., comme l'ont fait Théodoret, al., 23, 48; 
il s'agit toujours de l’incestueux du commencement, (J. Weiss, Gutjahr, etc.) et non 
« des méchants » en général. — ëfdpate xrA. est une citation du Deutér. xim, 6; 
xvu, 7; xx, 24, formule d'exclusion du peuple saint (à cela près que Deut. à tou- 
jours étapete). 

B 12-13. L’Apôtre explique pourquoi il n’entendait parler que des pécheurs 
publics qui sont de la communauté. Quelles que soient les fautes extérieures des 
païens, il faut bien se résigner à vivre avec eux, et Paul ne se charge pas d’ailleurs 
de scruter leur conscience; c'est un soin qu'il laisse à Dieu, qui les juge déjà (xpivet) 
ou les jugera au dernier jour (xpwet) (1). Id. Toussaint, al. On n'a pas le droit de 
croire avec des anciens que xpivo équivaut ici à xaraxp{vw, et que Paul n’envisage que 
leur condamnation (« judicio condemnationis, non examinationis » s. Thom.); au 
ch. suivant, v. 2, le verbe zxolveuw n’a pas ce sens exclusivement défavorable, et 
nous connaissons, par l'Épître aux Romains et ailleurs, la réserve avec laquelle Paul 
appréciait l'état de conscience des Gentils ignorants (Rom. 1, 15, leur conscience au 
Grand Jour, pourra les charger ou les excuser; nr, 25-8. négecir t@v xpoyeyovétuv âpap- 
raudtov éy ti dérogÿ voë 0coû; autres passages de même ton, qui montrent la largeur de 
cœur et d'esprit de l'Apôtre). 

Mais il n'en va pas de même dans le cas de ceux qui connaissent la loi du Christ et 
ont reçu la grâce de la régénération. « Je fais moi-même, dit Paul, comme vous faites 
vous aussi: nous n'empiétons pas sur la juridiction de Dieu, trouvant assez de juger 
ceux qui sont des nôtres, qui sont sous notre juridiction, que nous connaissons 
assez, et dont la conduite nous touche spécialement, puisque nous sommes tous 
solidaires ». Ceux-là, il faut bien veiller à ce qu’ils ne nous corrompent point par de 
mauvais exemples; quant aux païens, nous devons savoir de reste qu'ils ne sont pas 
à imiter. 

Le dernier mot, détaché de ce qui précède avec brusquerie et solennité à la fois, 
résume tout ce qui a été dit sur l’incestueux, qui était principalement en cause. La 
formule si grave empruntée au Deutéronome montre bien qu'il ne s'agit pas seule- 
ment de lui infliger la correction d'une quarantaine, de l’exclure pour un temps de 


8-ss., comme Test. Juda 18, J. Weiss); ce sont toujours ces deux passions gros- 


CS 


(1) Pour maintenir ici le « marcionisme » du passage, Delafosse comprend « Dieu les 
jugera en les abandonnant au Dieu créateur ». Grosse malice, dont il donne d'autres 


spécimens. 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, V, 12-13, 131 


insulteur, ou ivrogne ou voleur, de ne pas même manger avec cet individu. 

12. Car qu'ai-je affaire de juger ceux du dehors? ne sont-ce pas ceux du 

dedans que, vous, vous jugez? 13. Pour ceux du dehors, Dieu les jugera. 
Faites disparaître le pervers de votre propre milieu. 


l'Eucharistie et des autres repas, comme le commun des pécheurs publics. Il est 
« livré à Satan », et Dieu seul sait ce qui pourra en résulter — bien que l'intention de 
Paul, en le punissant si sévèrement, soit de Le forcer à la conversion, pour ainsi dire. 
Son cas est tranché; désormais il ne sera plus question de lui, ni dans la Première 
Epitre, ni dans la Seconde, comme nous comptons le démontrer. On peut espérer 
que, dans l'intervalle des deux lettres, la peine l'aura amené au repentir, et peut-être 


à la réintégration dans la communauté; mais tout renseignement là-dessus nous fait 
défaut. 


C. cu. vi, 1-11. CONTRE LES LITIGES INTÉRIEURS ET L'INJUSTICE EN GÉNÉRAL. 


Int. La mention de « jugement » amène Paul à réprimer les nombreux abus qui 
s'étaient introduits parmi les chrétiens de Corinthe dans leurs mutuelles relations de 
droit ou d'affaires; la rieovsëla plus haut signalée sévissait dans leur communauté, 
qui, au lieu de pratiquer la fraternité évangélique, occupait les tribunaux païens de 
ses dissentiments; méme les injustices flagrantes, punissables par la loi civile, 
n'étaient pas inconnues entre ces « frères ». Paul leur rappelle le jugement de Dieu 
qui menace les injustes, ainsi que toutes les catégories de pécheurs en matière grave, 
qui retourneraient au triste état moral dont leur baptéme aurait dû les faire sortir 
à jamais. 

Cette péricope est fort instructive, d'abord au point de vue de l'organisation 
intérieure que l'Apôtre voulait imposer à la société des convertis (vv. 1-7), puis de 
la moralité chrétienne en contraste avec leurs anciennes mœurs (vv. 8-11), ce qui 
Jette un jour curieux sur le recrutement des néophytes. Delafosse cherche encore ici 
un mélange de marcionisme et d'interprétations catholiques anciennes. Mais des 
critiques plus sérieux, comme J. Weiss, savent au contraire relever la belle unité 
de structure de toutes ces pages des chap. V et VI. C'est encore un rythme a ba 
(cfr. II, 6-16; IX-XIIT,' al.) : mœurs dissolues, roovelx (PV), — disputes et injustices, 
ricovebia (VI, 1-11); — encore nopvela, d'une façon générale (vi, 12-20). — Le tout 
en un style de « diatribe » remarquable. 


Cu. VI, 4. Top mis buüv mpaypa Éyuv mods roy Étepov xplvecfar Emi Tüv adixwv, 
rot oùyt Ent rov dylov; 2. "FT ox ofdate, dre où dytor Tèv xôcuov npiyobouv; xak ei 
fév dpiv zofvetar 8 xbopoc, GvaËroi èore npurmpluy Elayiorwr; 3. OÙx oidare dr 

| | G] ‘ 

A. 1. [oëyua Éxerw mods ta, « être en discussion d'affaire avec quelqu'un », 
expression usuelle dans les papyrus; xp&yua — « affaire » dès Xénophon, et surtout 
« affaire désagréable ». — xpivesdat, moyen : décider de sa contestation, de sa 
querelle — +üv éyiwv : au sens de fidèles, de chrétiens, comme ch. 1, 2. 

B. 1. Ce début est encore abrupt; mais Roë.-Pl., Sickenb., etc., ont bien vu que 
la transition entre le précédent passage et celui-ci se faisait par la mention de 
rhoveëla, et celle de aplvev, 

Ainsi il y avait. des litiges juridiques entre chrétiens d’une seulg et même commu- 
nauté; restreindre ces affaires à un seul cas (ris... tbv Etepov) est impossible à 
cause de la généralité des termes aux vv. 7-8 (v. infra). Ils pouvaient être de 
plusieurs sortes, car on sait que Corinthe était une cité chicanière. Paul déplorera 
plus bas l'existence de telles dissensions; mais ce qu'il reproche d’abord, c'est de 
porter la cause devant les juges officiels, c'est-à-dire des païens. Il en paraît 
indigné : « Quelqu'un ose-t-il? » C'est à ses yeux, dit Bengel « laesa majestas 
christianorum ». 

En effet, surtout si de pareils cas étaient fréquents, il ne pouvait en résulter 
parmi les gentils aucune bonne impression sur cette communauté nouvelle censée 
. formée de « frères ». Si c'étaient des injustices caractérisées que l'on portait à 
leur tribunal, l'effet était encore pire. S. Thomas note aussi une raison de prudence : 
il ne fallait pas donner prétexte à des vexations de la part d'incroyants mal disposés. 
Enfin, Paul dit ironiquement qu'au lieu d'aller demander justice aux « saints », 
aux baptisés (qui doivent être justes de profession), on la cherche auprès des 
* « injusles ». 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, VI, 1-3. L 133 


Appréciation sévère, assurément, sur les juges de Corinthe. Il est permis dé 
croire que les tribunaux n’échappaient pas à la corruption générale de cette ville si 
mal famée; Chrys. note qu'il n'ya pas « infidèles », mais &dxo. Nous croirions 
cependant (avec Gutjahr, Bachmann, al.) que Paul, qui semble bien poser ici un 
principe très général, valable pour tous les chrétiens de toutes les églises d'alors, 
entend par oi &ätxor, « les injustes », le monde païen en général, qui ne connaît 
pas la justice parfaite de l'Évangile, et, même en affaires temporelles, ne peut 
juger complètement selon le sens chrétien. En certaines matières délicates, 
testaments, mariages, puissance paternelle, rapports de maître à esclave, comment - 
des juges païens auraient-ils compris quels étaient les rapports des chrétiens entre 
eux, et l'esprit nouveau d'équité, de mansuétude, par lequel l'Évangile venait corriger 
le droit antique ? IL faut penser encore aux peines si dures parfois qu'infligeaient les 
tribunaux d'alors, et auxquelles un frère, obligé d’être charitable, ne devait pas 
exposer son frère. | | 

Un chrétien, pour se défendre contre le tort que voudrait lui faire un infidèle, 
peut certainement recourir au droit grec ou romain, et Paul a été le premier à 
en donner l'exemple. Mais, si deux « saints » ont le malheur de n'être pas 
d'accord en affaires, l'Apôtre estime que leur cas ne peut être tranché avec toutes 
les garanties d’une vraie justice que par d'autres & saints », qui connaissent les 
droits et les devoirs réciproques de leurs « frères ». Les parties doivent recourir 
à leur arbitrage vraiment autorisé, ou la partie lésée au pouvoir qu'a l'Église de 
réprimer les fautes de ses membres. Des disciples du Christ ne peuvent faire moins 
bien que les Juifs, qui cherchaient toujours un arbitrage dans leur propre commu- 


Ca. vi, 4. Ose-t-on bien chez vous, quan d [l'un] a une affaire avec l'autre, 
se faire juger devant les injustes, et non devant les saints? 2. Ou ne savez- 
vous pas que les saints jugeront le monde? Et si c’est par vous que le monde 
est jugé, êtes-vous indignes [de siéger en] des tribunaux infimes? 3. Ne sa- 


nauté, et possédaient même des tribunaux à eux, qu’ils avaient fait reconnaître par 
l'autorité civile (voir Exc. vi). Même des gentils pouvaient donner l'exemple; il y 
avait en Attique et ailleurs, comme le rappelle Bachmann, des associations qui 
renonçaient à faire trancher par la justice officielle les litiges civils naissant entre 
leurs membres. 

Paul n'envisage pas le cas des crimes de droit commun perpétrés par un 
chrétien aux dépens d'un coreligionnaire, et où l'autorité publique, même alors, 
serait presque nécessairement intervenue; sans doute il juge de pareils cas impos- 
sibles. Cependant, fût-ce pour des délits tels que les vols (entre chrétiens), il 
semble vouloir que la répression soit exercée par la communauté elle-même (v. 
infra). 


À. 2. Ici xpivw ne peut signifier « condamner »; voir à B et supra, ch. v, 
VV. 12-43. — xoctéptov signifie littéralement « ce qui sert à juger »; en dehors de la 
langue philosophique, le mot avait pris le sens de « lieu où l'on juge », « tribunal », 
lequel apparaît très fréquemment dans les papyrus (v. Moulton-Milligan; cfr. LXX 
passim, Jac. 11, 6). — ëv Gui n'est pas un hébraïsme, mais une expression « foren- 
Sique » (cfr. xiv, 11); ZLietzm. renvoie pour cette acception à des passages d’Aelius 
Aristide et de Polybe. 

B. 2. Le Christ avait annoncé à ses apôtres qu'ils jugeraicnt les Douze tribus 
d'Iraël; ici la promesse s'étend à tous les fidèles, à l’égard du monde entier, c'est-à- 
dire de toutes les créatures intelligentes, Anges et hommes (v. infra B. 8). Ello cest 


134 ÉPITRE, AUX CORINTHIENS, VI, 4-11. 


dyyéhovs xpuwodpevs *prituye Burn, ke. Biurixx pèv oùv xpiréprua uv ÉynTe, Tobs 
“&Eoubevauévous ëv 79 éxxhnola, moûrouc “xabilere. 

5. Iloès évrporhy bptv Aéyw. Obrws obx Eve v buiv oùdele “oopéc, Ês duvisetar 
*Sianpivar *&va péoov roù &dehpoÿ aëroë; 6. *AXAX ddehodc per AdEApOÏ xoÛvETOL, 


3 


al vobro mt émioruv; 7. "Hô pèv oÙv Gluc Arrqua buiv dom, Ott xpipata ÉYETE 


essentiellement eschatologique, et cette mention, jetée comme en passant, révèle déjà 
la place que tenait l'eschatologie, même à Corinthe, dans l'enseignement de Paul : 
{voir au ch. xv). L'Église, Christ mystique (v. ch. xn, v. 12), corps mystique du 
Christ, participera au pouvoir royal et judiciaire de son chef; on peut même ajouter, 
avec Bachmann, que les saints, d'une certaine façon, sont les agents du gouverne- 
ment de ce monde; c'est l'idée du Millenium d'Apoc. xx (voir notre Commentaire). 
Mais il ne faut pas voir ici, avec Hofmann, la promesse d'un millénarisme maté- 
riel (qui se trouve exclu au ch. xv, infra), ni rabaisser la promesse, comme Bengel, 
au développement historique de l'Église qui un jour comprendrait des états et des 
juges chrétiens. 

—— À. 8. puftys, classique, ne se rencontre qu'ici dans le N. T; littér. cette locu- 
tion elliptique signifie à peu près : « sans parler de... », — fiwruwd, les affaires de La 
vie quotidienne, — Jugement des Anges (cfr. Zsaïe, xxiv, 21 s), Hen. Efh. xct, 15, al; 
Jude 6; u, Pet. xt, &. 

B. 8. Ce jugement, étendu au monde entier, s'exerce aussi sur les Anges. Les 
Grecs, avec beaucoup de Latins et de modernes (J. Weiss, etc.) l'entendent seulement 
de la condamnation définitive des Anges mauvais (Jude, IL Pet.); maïs l'Ambr, 
s. Thomas, Lyr., Corn. a Lap., Cornely, Lietzmann, Toussaint, Sickenberger, Bach- 
mann, etc., y voient les anges en général, et cela va mieux au contexte. Tout i juge- 
ment a été remis au Fils (Jean, v, 22, 27); par lui l’action bienfaisante des anges 
fidèles sera révélée à l'univers entier, et les élus la loueront avec le Juge, tandis qu'ils 
approuveront la sentence de perte éternelle portée contre les anges déchus, dont 
sera alors montrée en plein jour toute la malice impuissante, 

Des hommes appelés à cette haute perspective d’avoir part au jugement éternel du 
monde devraient se faire un peu plus confiance les uns aux autres pour trancher des 
difficultés relativement insignifiantes, en des choses d'argent, etc. 

À. 4. xpiripuu au même sens que ci-dessus ; — robs é£oufevnpévous y ti ÉxxAnote : 
« ceux qui, étant dans l’église (membres de l'église), y sont comptés pour rien ». Le 
verbe Efoud(0}své(o)w — éfoudevitw plus classique, se rencontre plusieurs fois dans les 
LXX, Luc xvur, 9; xx, 44, et aussi chez Josèphe, — xabitere a été pris pour un indi- 
catif par ceux qui (de Luther à Schmiedel, Lietzmann, Sickenberger, J. Weiss, qui 
trouvent l'ironie difficile à reconnaître, et même les Anglais Rob.-Pl.) n'ont pas saisi 
l'ironie de Paul, et croient qu'il s’agit toujours du reproche d'établir des païens 
comme juges des affaires; d'autres, Bousset, Loisy, Nestle, font de cette phrase une 
interrogation : « Allez-vous choisir comme juges ceux qui sont méprisés ? » ou ceux 
qui ne comptent pas dans la communauté?; Paul sous-entendrait que des gentils sont 
trop méprisables pour juger, et que, si l'on évite naturellement de choisir pour tran- 
cher les affaires les membres les moins considérés de l'église, il faut écarter encore 
plus les païens. Cette dernière interprétation supposerait qu'il y a des tribunaux 
constitués dans l'église, et qu'on appelle les plus dignes, comme il convient, à y siéger; 
or, tout le contexte, et spécialement le verset suivant, montre que de pareils tribu- 
naux n'existaient pas. 11 faut donc certainement comprendre xabltere non comme un 
indicatif, avec ou sans interrogation, mais comme un impératif, une boutade ironique 
de Paul qui, plus que certains interprètes anciens et modernes, possédait « a sense of 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, VI, 4-1. 135 


vez-vous pas que nous jugerons les Anges? À plus forte raison Les choses de 
cette vie. 4. Au cas donc où vous constitueriez des tribunaux pour les choses 
de cette vie, ceux qui comptent pour rien dans l’église, assoyez-y ceux-là. 

5. Je [le] dis pour vous faire honte. Aïnsi parmi vous ne se trouve pas 
un expert, qui pourra décider entre ses frères? 6. Mais on se fait des 
procès de frère à frère, et cela devant des incroyants? 7. C'est déjà bien, 
absolumént, vous amoindrir que d’avoir des procès les uns contre Îles 


humour ». Ainsi la plupart, Chrys., Theodt., Augustin, Vulg., Bèze, Calvin, Estius, 
Bengel, Wettstein, Cornely, Lightfoot, Alford, Lemonnyer, Sales, Callan, Bachmann, 
Gutjahr, Toussaint, etc. 

B. 4. L'idée de Paul nous semble aussi claire que possible : « S'il vous faut avoir 
des tribunaux pour les choses temporelles — (il vaudrait certes mieux que vous n'en 
eussiez pas besoin, vous meltant tous spontanément d'accord), — alors choisissez pour 
y siéger ceux qui ont le moins de considération dans l’église »; car ces choses-là, 
pour vous qui aurez à juger le monde, doivent apparaître comme bien insignifiantes; 
« les derniers d'entre vous devraient être assez bons pour cet office « (Gutjahr). 
Mais on vous voit au contraire y attacher une telle importance, que vous ne jugez 
personne d'entre vous assez qualifié pour en décider, puisque vous allez les porter 
devant « ceux du dehors » (voir v. 5). — L'ironie est forte, mais pas trop forte pour 
un Paul. Il n'y a même pas lieu de l'adoucir en prenant, avec Bachmann, les ëkoubev. 
pour les bons et simples chrétiens, sages dans le Christ, qui sont « méprisés » par 
« ceux qui s’enflent ». L’intention certaine de Paul est de présenter ces affaires-là, 
au sujet desquelles on se passionne et on se divise à Corinthe, comme des intérêts de 
rien qu'on pourrait laisser régler par des gens de rien. 

——— À. 5. Ce verset montre assez, par sa teneur, que le précédent ne pouvait 
être interrogatif, — roùs évrpozdv, cfr. xv, 34, et supra, 1V, 44 oùx évroéruv. — Eu (D, al : 
ës1) signifie le verbe (Hérodien), comme tnt et séoa (barytons) pour Ereuor et népsuut; il 
se trouve dans des inscriptions attiques dès le ive siécle avant notre ère (Abel, p. 82). 
Paul l’emploie encore Gal. ur, 28 (ter) et Col. arr, 11; cr. J'ac. 1, 17. — oùdeis, omis D*, 
est douteux pour J. Weiss. — oow6ç, ici « expert », versé dans le droit, et surtout 
doué de sagesse pratique et d'équité. — Gtaxpiva : ce verbe signifie d'abord « séparer », 
mais, par extension, « décider », et enfin « rendre un arrêt », Platon, Leg. 767 c: 
cfr. 1v, 7 supra, puis x1, 29, 314, xiv, 29, où il ale sens de « distinguer » ou « appré- 
cier, juger »; Rom. 1v, 20 (« hésiter », « tergiverser »), xrv, 28, (« douter »); en 
dehors de ces exemples de Paul, il se rencontre encore 12 fois à la voix active ou 
moyenne, dans le N. T., avec tous les sens qu'il peut recevoir. — ävà udoov toù àBehpod 
«iroÿ est une locution bizarre à première vue; on peut comparer Æcclésiastique, xxv, 
17 : dvè pécov toù nAñorov adroë, où le sens de rAñotov est évidemment collectif (mais non 
Apoc. vu, 17, Tov và pécov voù Opévou, sens local, « au milieu »). Si ä5elvoÿ est un sin- 
gulier à sens collectif, on pourrait en rapprocher, en classique, le même emploi pour 
des mots tels que Béxpuov, « les larmes », à {nros, « la cavalerie », etc., mais avec ädsAvoë, 
ce serait encore plus hardi (Abel, p. 163; voir Kühner-Gerth. 1, pp. 18-suiv.). Peut-on 
Supposer avec Schmiedel qu'il y ait une erreur d'écriture, le texte ayant d’abord porté 
Tév adekpüv? ce qui aurait pu être changé par mégarde on rèv &brAgé (à cause de la 
confusion de w et de o dans la prononciation de l'époque), enfin corrigé (mal) en voù 
&deApoë {v et u cursifs étant faciles à confondre)? C'est compliqué. Ce peut étre simple- 
ment une négligence (7. Weiss), à moins que ce ne soit une brachylogie ou un sens 
collectif; lequel évoquerait la tournure d'Æceli. ci-dessus, comme Le note Bachmann. 

B.6. « Je ne dis point cela pour qu'on le fasse, mais pour vous faire rougir » {ainsi 


136 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, VI, 1-11. 


pe’ éautv. Aux té obyt pahkov adireïode; Dia Tl oùyi ado émoorepetole; 
8. AXAX bpeis ddtueite not dmoovepeire, mal toÿro adehgobc. 

9. YH ox oldare, oru ddxor Geoù PaorAciay où xAnpovouocuorv; Mi thaväcôe" 
obre opvol oùte elduhokdrpar obre poryot obte ahaxot oÙre apoevouoïto, 40. oÙre 
xhémror obte mAcovéxrar, “ob pébuoou, où Aofdoper, oùy dpmayess Paorhetav Beoë 
XANPOVOLÉOUGLY. 

11. Koï vadra mves fre 4h) ëmehobcacde, GANX yrdoômre, ARX Edixarwmre 
ëy to dvéparr voù xupiou ‘Inooë Xpuoroë nai Ev ro mvedparc toù Beoë Auüv. 


s. Thomas, Estius, al,). Il est bien clair en effet que les Corinthiens ne prenaient pas 
les « gens de rien » de l'Église pour juger de leurs débats, et que Paul n'aurait pas 
approuvé cette pratique; c'est pourtant bien d'eux qu'il parlait (non des autorités 
officielles qu’il n’enseignait pas à « mépriser » comme telles, d'après Rom. xur, 1-ss., 
Gutjahr) ; il sent le premier que son ironie a été vive, et l'explique nettement par son 
désir de les humilier. On dirait en effet, à les voir recourir ainsi aux tribunaux 
officiels, que pas un d’entre eux n'est estimé assez expert, impartial, prudent et 
‘ charitable, pour trancher au meilleur avantage de ses frères des questions de peu 
d'importance, dont le sentiment de fraternité devrait rendre la solution si facile! 


.__—— À. 6. Remarquer la force de #aï roüro, cfr. v. 8. — Bonne observation de 
J. Weiss : les versets 5b-6 et 7-8 forment un parallélisme symétrique à trois 
membres : 1. une question. — 2. dd... — 3. xat roüro.., ce dernier membre notant 


le « comble » (comme on dirait en langage familier) du tort signalé par le deuxième. 

.. B. 6. « Frère contre frère »; on sent déjà toute la tristesse de Paul. Mais que des 
«infidèles » (il ne dit plus « injustes »), que le spectacle de la charité chrétienne 
devrait porter à s'ouvrir à la foi, soient pris comme témoins et juges de ce défaut 
d'amour fraternel, cela dépasse tout. 

mm À, ‘7. Élu omis À, pes., eth. — frrnpa cfr. Rom. x1, 12 (opposé à rAñpoua), 
Isaïe, xxxt, 8 (M.-M., le sens est « défaite »); ici il signifie soit « dommage » 
{Bachmann), soit « amoïindrissement », « recul » ou défaite au sens moral. Ce terme, 
comme le verbe fträcôa, était fréquent dans cette acception chez les stoïciens; et 
Hôn, comme le note aussi J. Weiss, fait égalément partie du style de diatribè d'Epic- 
tête. Le verbe ädéw peut être transitif même dans la langue classique; ici le passif 
adixeïoûe prend le sens causatif (Abel, p. 348) do « se laisser faire tort ». 

B. ‘7. Ces versets ont une certaine couleur stoïcienne, tant pour la langue que 
pour l’idée; mais l'inspiration est différente, et beaucoup plus haute, étant celle du 
Sermon sur la montagne (Mat. v, 39-42); car Paul ne préchait pas seulement la mort 
du Christ, mais il avait grand soin, quoi que certains aient prétendu, de prendre les 
exemples, les préceptes et. les conseils évangéliques (c’est ici un « conseil ») comme 
matière fondamentale de sa prédication, Il n’en incorpore pas moins à sa morale 
cette noble vue stoïcienne que la faute ou l'imperfection sont des abaissements de la 
personnalité (J. Weiss; cfr. vi, 42, à propos de chasteté) : « Déjà c'est bien vous 
amoindrir (comme chrétiens) que d’avoir des procès entre vous ». — Naturellement 
il faut ajouter avec Cornely que Paul ne condamnait point pour cela en principe tout 
recours aux autorités judiciaires, qui peut devenir en certains cas une nécessilé ou. 
un devoir, — contre le tolstoïsme et les doctrines similaires qui abusent du Sermon 
sur la Montagne par défaut de distinction entre préceptes et conseils, Tout le chapitre: 
précédent le montre d'ailleurs assez ainsi que les versets 1 el 5. 

B. 8, Eux qui devraient comprendre et pratiquer le conseil évangélique, 
ils ne se contentent pas de défendre àprement leurs droits réels ou prétendus, mais 
ils commettent eux-mêmes des injustices et des spoliations, — « et cela contre des 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, VI, 8-11. 137 


autres. Pourquoi, bien plutôt, ne supportez-vous pas l'injustice? Pourquoi 
ne vous laissez-vous pas bien plutôt frustrer? 8. Mais c'est vous qui faites 
l'injustice et qui frustrez; et cela à des frères! 

9. Ou bien ne savez-vous pas que les injustes n’hériteront point du 
royaume de Dieu? Ne vous abusez point! ni débauchés, ni idolâtres, ni 
adultères, ni efféminés, ni amants de garçons, 10. ni voleurs, ni gens 
cupides, pas d'ivrognes, pas d’insulteurs, pas de larrons à hériter le 
royaume de Dieu. | 

11. Et cela vous l'étiez, quelques-uns... Mais vous vous êtes lavés, mais 
vous avez été sanctifiés, mais vous avez été justifiés dans le nom du 
Seigneur Jésus-Christ et dans l'Esprit de notre Dieu. 


frères! » L'amertume de ces paroles, et la généralité de l'expression, fait supposer 
que de pareilles fautes n'étaient pas exceptionnelles dans l’église de Corinthe. 

—— À, 9-10. ph rhaväsde (passif). Epictète: ph rhaväole &vôpes. C'est le style de 
diatribe qui continue. — L’énumération des vices a ceci de particulier dans la 
forme que les sept premiers membres sont précédés de oÿre, et Les trois derniers du 
simple où (D* met partout oùdé; maïs c’est une correction évidente; B et quelques 
autres est oûte péluso:); on ne voit aucune raison de sens ou de rhétorique pour ce 
changement; /. Weiss se demande si les trois membres précédés de où auraient été 
ajoutés après coup, ou s'ils formaient un trio conventionnel. Inutile de se creuser la 
têle; Paul, dans son ardeur oratoire, abandonne plus d'une fois une construction 
commencée, et nous y voyons tout simplement le signe qu'il improvise, sans 
chercher le moins du monde à s’astreindre à une loi constante de style, « oral » ou 
autre. — Cfr. Gal. v, 19-21. — äpoevoxoirns est un mot rare en dehors des auteurs 
chrétiens, cependant on le trouve encore Oracles sibyllins 1, 78, et Anthologie 1x, 686; 
il est de formation poétique. . 

B. 9-10. La discorde et l'injustice n'étaient pas les seuls défauts dont la mani- 
festation fût à craindre en cette église troublée. Aussi Paul étend-il encore — tout 
d'un coup, à sa manière — le sujet de ses reproches, auxquels, pour ménager un 
peu ses lecteurs, il donne la forme d'un avertissement, très menaçant du reste. 
Catégoriquement il donne une liste de péchés qui excluent du Royaume de Dieu, et 
que l’on peut par conséquent appeler « mortels » de leur nature, puisqu'ils mènent 
à la mort éternelle. La vigueur et l’insistance marquées par l'apostrophe « Ne vous 
abusez. point », ou « ne vous laissez pas abuser », font croire que, dans cette 
Corinthe, à côté de la pratique trop large, il y avait aussi des enseignements 
« laxistes »; la fin du même chapitre, sur la luxure, et la discussion des idolothytes 
(ch. vur, ss.) l'établiront d'ailleurs sans conteste. On trouvait des théoriciens pour 
dire « tout m'est permis », abusant du principe de la liberté chrétienne, si chère 
à Paul, ou de leur « gnose ». Qui étaient-ils? Probablement le parti des antino- 
miens ou des libertins (celui du Christ? V. Exc. 1v). Ainsi pensent s, Thomas, 
Cornely, Sickenberger, Gutjahr, etc, Déjà Chrysostome et les autres Grecs, l'avaient 
vu, après Origène qui s'exprime ainsi : « Ne vous laissez pas égarer par de 
persuasifs discours qui vous disent que Dieu est miséricordieux, bienveillant, 
aimant, prompt à pardonner les péchés ». Rob.-Pl., qui le citent, ajoutent que des 
Judaïsants (cfr. Rom. III) avaient pu introduire dans cette église l'idée que la foi 
seule suflit; la chose n'est pas impossible, car la Ile Épitre aux Corinthiens nous 
montrera quelque collusion entre deux genres d'extrémistes adversaires de l'Apôtre, 
les paganisants et los judaïsants, qui se seraient fait pour Le combattre des conces - 


4138 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, VI, 4-41. 


sions mutuelles; on voit souvent pareille chose dans l’histoire. $. Thomas voit ici en 
général ceux qui prétendaient que Dieu ne s'occupe que de loin des choses 
humaines, ou que la foi sans les œuvres, ainsi que les sacrements, les œuvres de 
miséricorde, suffisent, tandis que tout cela est inutile sans la charité (v. ch. x). 

Quoi qu'il en soit, ce passage est important contre toute théorie de « justice 
imputée ». Les croyants « héritiers » du Royaume peuvent, par leur faute, en être 
déshérités (Rob.-PI.) — J. Weiss appelle ces versets un « morceau de catéchisme de Ia 
chrétienté primitive ». Paul s'élève contre tous les « injustes » (&buot du v. 9, ici 
distributif}, qui sont les pécheurs charnels, les « idolâtres » (v. ch. x}, les 
voleurs, etc.; on retrouve les mêmes vices qu’au chapitre précédent, et en plus les 
adultères, les péchés contre nature, les larcins. L'Apôtre a sûrement choisi ses 
termes d'après les genres de corruption qui dominaient dans cette remuante ville 
d’affaires, consacrée au culte d'Aphrodite; Cornely et Sickenberger relèvent l'asso- 
ciation des fautes contre le sixième et le septième commandement, auxquelles 
pouvaient se mêler des restes d'idolâtrie luxurieuse. Sombre et répugnante est 
l'énumération; mais elle n'étonnera point quiconque connaît l'immoralité antique, et 
les dangers de perversion auxquels les chrétiens eux-mêmes restaient plus ou 
moins exposés dans une telle ville. - 

A. 11. Ce rives non construit, et ainsi mis en vedette, est plein d'effet 
(Liets:mann). Est-ce une menace contre « certains » que Paul connaît personnelle- 
ment, et qui no seraient pas encore très bien convertis? Plutôt nous y verrions une 
restriction indulgente, — Le triple &kA&, « mais », est très oratoire. 

B. 11. « Vous étiez cela pourtant, — quelques-uns » Parmi les. païens adultes 
convertis, on en aurait trouvé certainement « beaucoup » qui s'étaient livrés 
autrefois à tous ces vices, et qui risquaient d'y retomber, si leur vigilance continuait 
à sc ralentir; mais Paul, par ménagement, veut avoir l'air de croire que c'était là 
seulement le fait de « quelques-uns », qui doivent tout particulièrement veiller à 
conserver pure leur existence nouvelle. 

Mais — ils se sont « lavés » de toutes ces abominables souillures; ce mot est 
certainement une allusion au baptême, dont les effets sont la sanctification et la 
justification. Ainsi les anciens, s. Thomas et les médiévaux, à peu près tous les 
modernes. Théodoret voyait même dans les derniers mots la formule trinitaire 
(approximative) du sacrement, et Godet l'a suivi. Les trois personnes divines sont 
nommées; Car ru a certainement ici le sens de « Saint-Esprit ». Les trois 
verbes, tous également à l'aoriste, montrent la coïncidence, ou même l'identité, des 
événements qu'ils expriment : être lavés, sanctifiés, justifiés (Roë.-P1., al.) — Meyer- 
Heinrici cherche à défendre ici la conception luthérienne de la justification, et 
Bachmann encore veut interpréter édirat0nte à la protestante; J. Weiss voit la 
difficulté de pareils essais, et s'en tirerait pour sa part en voyant ici une 
contradiction (qui n'existe pas) avec l'Épitre aux Romains. Cornely, Gutjahr, 
d’autres catholiques, notent plus justement que c’est un passage classique contre la 
« justice imputative ». L'effet du baptême, qui nous incorpore au Christ, est de créer 
un état initial de justice et de sainteté intérieures et surnaturelles. 

Paul souhaite que tous les baptisés de Corinthe se le rappellent. Courte et 
chaleureuse exhortation qui rappelle celle du ch. 1, 30-81 (v. supra), 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, VI, 1-11. 139 


Exc. vi. — LE POUVOIR JUDICIAIRE ET COERCITIF DANS L'ÉGLISE 
DE CORINTHE. 


_ En plus de la valeur intrinsèque de leur doctrine expresse, ces pages de notre 
épître, de v, 1 à vi, 11, nous apportent un témoignage plus ou moins direct, 
mais fort précieux, sur le pouvoir disciplinaire, judiciaire et pénal exercé par Paul 
et les communautés organisées par lui à l’égard des croyants individuels. Il est 
assez probable que Paul, comme sur bien des autres points, ne faisait en cela 
que s’accommoder à l'usage général des apôtres fondateurs d'églises. | 

Voici tout d'abord ce que le commentaire nous a appris touchant l'exercice du 
droit pénal dans une communauté chrétienne. Ainsi que nous l’avons expliqué, 
il s’agit d'un pouvoir ordinaire, et non de punition miraculeuse comme la parole 
de l'Apôtre Pierre en fit tomber sur Ananie et Saphira. Paul excommunie l’in- 
cestueux; il pouvait le faire tout seul (de fait, il a arrêté la sentence avant de 
consulter l'église), mais il juge que l’église doit confirmer, promulguer et exécu- 
ter son arrêt. Celui-ci sera rendu au nom de l'Apôtre et de l'église à la fois, ou 
bien au nom de l'église réunie sous la présidence morale de l'Apôtre, et armée 
des. pouvoirs du Christ pour lier et pour délier. 

Ce premier « tribunal ecclésiastique » que nous connaissions dans la chré- 
tienté n'était donc point indépendant de saint Paul, qui pouvait se passer de lui 
.pour prendre les plus graves décisions disciplinaires; la constitution de la com- 
munauté corinthienne n'était donc pas démocratique. Pourtant ce tribunal a 
existé, Paul n’a pas voulu que sa sentence devint exécutoire sans passer par lui, 
et il s’est réuni (était-ce la première fois ?) sur l’ordre de l'Apôtre. Sur la manière 
dont il pouvait être composé, voir le comm., ci-dessus (1). 

Ainsi le chap. v de notre épître nous renseigne sur les origines apostoliques 
de la juridiction pénale ordinaire exercée par l'église sur ses membres. Elle 
peut, au nom du Cbrist, infliger les peines spirituelles les plus graves, chasser 
un indigne du corps mystique, le « livrer à Satan » (par le fait même, comme 
nous l’avons expliqué). 

La suite du chapitre, avec cette sorte d'assimilation que fait l'Apôtre entre 
diverses classes de pécheurs publics et l'incestueux dont il a d'abord parlé, et 
auquel il revient à la fin, laisse croire qu'une mesure aussi grave que leur mise 
en quarantaine ne pouvait non plus être prise sans un jugement de l'autorité; 
car elle entraînait l'exclusion des repas communs, et par conséquent de 
l'Eucharistie, Ces excommunications moins graves et moins solennelles devaient 
être portées par l'église elle-même, sans intervention de l’Apôtre, qui avait 
seulement donné un précepte général, laissant aux chefs religieux de Corinthe 
le soin de l'appliquer dans les cas voulus. 

Plus tard, dans la Ile Epitre aux Corinthiens, Paul annonce qu'il procédera 
dans les formes. avec enquête et comparution de témoins, contre les délin- 
quants qu'il devra réprimer (II Cor. x, 4-2). Il ne dit pas s’il agira seul 
Comme juge, ou s'il s'associera encore la communauté en certains cas. De 
même, nous ne savons s’il avait procédé seul ou non quand il excommunia 


(1) Id., Belser, dans son comm. sur IL Cor.’(où il a eu Lort cependant de réintroduire celte 
affaire de l'inceslueux). 


4140 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, Vi, 1-11. 


Hyménée et Alexandre à Ephèse. — Mais ces quelques données, si obscures et 
éparses qu'elles demeurent, nous révèlent l'organisation apostolique d'un pou- 
voir coactif et pénal dans l’église, conformément à la parole du Christ :'« Dic 
ecclesiae » (Voir Mat. xvrr, 15-20). 

Là ne se borne point ce que l'Epître nous apprend d’une organisation judi- 
ciaire parmi ces premiers chrétiens, puisque, au ch. vi, l’Apôtre leur reproche 
de recourir dans leurs dissentiments au jugement officiel des païens et non à 
celui de leurs frères dans la foi. Qu'il ne s'agît pas toujours, pour les cas envi- 
sagés, de simple arbitrage privé, mais parfois de la répression de véritables : 
délits, c'est ce qui ressort, croyons-nous, de la fâcheuse énumération qui vient à 
ce propos, et où, parmi les « injustes », nous trouvons des adultères, des sodo- 
mites, des voleurs, etc. — crimes qui n'étaient pas tous du passé, avant la con- 
version des néophytes, comme Paul le laisse assez entendre dans cette épître, 
et le dira expressément dans la seconde {II Cor. xur, 21). Ils devaient nécessai- 
rement être punis une fois dénoncés, même s'ils ne tombaient pas sous le coup 
des lois grecques et romaines. Et Paul veut encore, autant qu'il est possible, et 
lorsque des chrétiens seuls sont en cause, réserver ces jugements à la commu- 
nauté. Sa manière de parler laisse entendre qu'il n'existait pas encore de « tri- 
bunaux » réguliers pour cet office, ou que, s'ils existaient, on ne s’en servait 
guère; mais il commande ou bien d'en établir, ou de s’en servir. Les peines 
qu'ils avaient à porter, outre la réparation des dommages causés et peut-être des 
amendes, devaient être ces deux sortes d'excommunication dont il a été ques- 
tion au ch. v. 

Pour cette réglementation, Paul a pu s'inspirer, peut-être des statuts de cer- 
taines confréries grecques, mais plus sûrement du droit juif alors en vigueur, et 
qu'on connaît par les anciens écrits rabbiniques, et des historiens comme 
Schürer, Juster, Strack et Billerbeck, etc. Nous savons que, en matière de juri- 
diction, non seulement gracieuse, mais contentieuse et pénale, les Juifs, avant 
l'an 70, avaient leurs tribunaux à eux, qu'ils avaient fait reconnaître par l’auto- 
rité romaine, et que, au moins en certains lieux comme Alexandrie, ils pou- 
vaient en exécuter eux-mêmes les décisions, Même après la ruine de Jérusalem, 
ce droit subsista en grande partie dans la Diaspora. Paul veut que, parmi les 
chrétiens, se fonde quelque institution du même genre. Naturellement il n’est 
pas question, comme pour les Juifs, de faire reconnaître force de loi aux sen- 
tences chrétiennes par l’autorité profane; mais au moins, quand les matières le 
comportent, on évitera ainsi le scandale des païens, leurs regards malveillants 
dans l’intérieur de la communauté, les décisions incompétentes de leur indiffé- 
rence à la loi du Christ, de leur dureté ou de leur injustice; et surtout le senti- 
ment de la fraternité chrétienne sera sauvegardé, même dans le redressement le 
plus sévère des torts. 

(Voir pour les ch. v et vr, 1-11, et cet excursus, les commentateurs nommés; 
— plus : Herruürcer, /m Namen Jesu; Diseurus, Geisterwelt; Déissuanx, Licht 
vom Osten; v. Dosscaürz, Urchristliche Gemeinden; Evenune, Paulinische 
Angelologie und Düämonologie; Scnüner, Gesch. des jüdischen Volkes, 11°, 
pp. 56-suiv,, Jusren, Les Juifs dans l'Empire romain, ch. x, SIN, t. IF, pp. 110- 
415; Srrack-Bircenvecx, Komm. sum N. T. aus Talmud und Midrasch, MI, 
pp. 343-358, 364. s., etc.). 


D. cn. vi, 12-20. LES FAUTES CONTRE LE SIXIÈME COMMANDEMENT. 


INT. — Paul revient au premier reproche par où avait débuté cette section, celui de 
ropvela, dont le cas le plus scandaleux avait été une union publique incestueuse. Main- 
tenant, il généralise, et donne les principes suprêmes qui commandent toute celte 
matière du sixième commandement. : . 

Sa morale est remarquable de hauteur, d'ampleur et de pénétration. Il à trouvé 
le secret de déduire du principe mème de la liberté chrétienne la condamnation des 
vices charnels, puis, montant plus haut, il la déduit de l'union au Christ, — 
qui est, comme on sait, l'idée centrale de toute cette épitre. 


A. 12. Nous avons mis les premiers mots entre guillemets (voir à B) et traduit 
#eott par «est en mon pouvoir »; de fait Eeort signifie « est permis », et il serait plus clair 
de le traduire de la sorte; mais il fallait aussi conserver l'espèce de jeu de 
mots entre Efeorr et éfoustaclhoouat. Chrys. avait le premier noté cette paronomase 
(oüola vient du participe féminin de eu), et tous, depuis, la reconnaissent; Cajetan 
avait même cherché à la rendre par le jeu de mots forcé : « Omnia mihi licent, sed 
non ego ab ullo fiam licentiosus ». — rivos peut être pris également bien pour 
masculin ou pour neutre; aussi les uns traduisent « par personne » et les autres 
« par rien ». — Quant aux premiers mots « omnia mihi licent », on peut les prendre, 
avec la majorité, pour une affirmation : « Tout m'est permis » (ce que Paul aurait 
dit souvent lui-même), ou, avec Théodoret et quelques autres, Bisping, Schaefer, 
pour une question : « Tout m'est permis, (dites-vous)? — oui, mais. » 

B. 12. Encore un nouveau début, une nouvelle volte-face par où l'Apôtre (comme 

, et vi, 1) se retourne vivement vers ces Corinthiens à mœurs larges dont la 
mauvaise réputation, comme il l'a dit au début du chapitre précédent, s'étendait au 
loin. Ils voudraient justifier leur licence par des sophismes, et paraissent ignorer 
la vérité qui est l'essence de leur foi théorique. Paul va la leur rappeler, en montant, 
d'un de ses coups d’aile familiers, au plus haut sommet de la morale et de la 
mystique. 

L'absence de toute particule reliant ce développement au précédent n'autorise pas Le 
moins du monde l'opération de J, Weiss etde Goguel qui voudraient assigner ce passage 
à une lettre antérieure. J. Weiss (qui a pourtant très bien vu le rythme a b a, v. supra, 
Int. à vi, 1-11), croit relever dans ce morceau les traces au moins probables d'un 
stade plus primitif de la communauté, où les tentations d'impureté auraient été 
plus pressantes, faute d'un enseignement précis de l'Apôtre sur ce sujet (comme sur 
les « idolothyles », v. ch. vin); aussi Paul a-t-il senti le besoin de leur exposer 
les principes même de la matière, et cela sur un ton calme, comme il convenait à 
une première instruction. Impossible! beaucoup d'expressions montreront que 
l'Apôtre était entré déjà très profondément dans ses instructions sur la dignité 
du chrétien avant d'écrire les présentes lignes; et d'ailleurs, comment supposer que, 
durant les dix-huit mois et plus qu’il avait instruit de vive voix les citoyens de 
cette ville dissolue, il ne leur aurait donné que des directions insuffisantes dans une 
pareille matière, si capitale pour les mœurs chrétiennes? C'est le grand faible 
du riche commentaire de Weiss, que d’être si souvent déparé par des transpositions 
arbitraires ne s appuyant que sur des particularités insignifiantes du texte ou une 
psychologie peu creusée, 

. La vraie situation est celle-ci : 
Paul, prêchant à Corinthe la délivrance du péché et des observances anciennes, 


142 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, Vi, 12-20. 


, ky 
Cu. vi, 12. Ilavro pot con, GAN où mévra oupoéper. [lévra por “Ééeorv, 
&AN oùx Eye “éEovoiacdfoomar br Tivos. 
43. To Bouuara 77 noukix, nat À noula vois Bowuaoi. ‘O DE Bebc nat Taütny za 
(d , 19 $ À 
radta “xarapyhce. To dE oùua où T7 mopyeix, GG 1ù xvplu, Kat à KÜptos Tà. 
l a: 1? i po; i 


avait dû souvent répéter des sentences comme : « Tout m'est permis » — par com- 
paraison, il va sans dire, avec les servitudes d'autrefois. Des libertins ou antino- 
miens s'étaient emparés ‘de ce propos pour lui donner une extension absolue et 
illégitime (Ainsi Cornely, Rob.-Pl., Gutjahr, Bachmann, Lemonnyer, Sales, etc, 
avec plus ou moins de décision). J. Weiss y voit, plutôt qu'un aphorisme de Paul 
lui-même, un mot usuel de certains « pneumatiques » prétendus de Corinthe, qui, 
imbus de gnosticisme grec, se figuraient que le « spirituel » est au-dessus des. 
règles de la morale; cela est possible encore, mais n'exclut pas que Paul ait. 
prononcé lui-même de telles paroles, que ces libertins s'empressaient de tourner dans 
leur sens. Peut-être ce mot avait-il été rapporté dans la lettre des Corinthiens à 
l'Apôtre. 

Celui-ci le répète, soit sous forme de question, plus ou moins ironique (T'héodoret, 
al.}, soit sous forme d'’assertion positive, mais qui demande à être bien comprise 
(Bachmann, Gutjahr). Il y apporte tout de suite cette restriction que les 
choses utiles ou bonnes (ce qui ouuvépe) sont seules permises, car on n’a pas le 
droit de nuire ni à soi-même ni aux autres (Bachmann). Et ce seraïît évidemment se 
nuire d’une manière absurde que de se mettre, sous prétexte qu'on est libre, dans 
l'esclavage d'une personne ou d’une chose quelconque (6x vrtvos). Paul exprime 
cela d'une manière antithétique saisissante (Lietzmann pense qu'il a forgé pour cela 
à éfouotérw un passif, forme qui en effet n'apparaît pas ailleurs). 

Il abondaïit ainsi dans le sens de la meilleure sagesse grecque, et proposait, 
avec d'autres termes, l'idéal cynico-stoïcien : « Mihi res, non me rebus, submittere 
conor ». (Lietzmann, Rob.-Pl., Toussaint, Sickenberger, etc.). Heinrici, J. Weiss, 
al., notent avec justesse l'habileté de l'Apôtre, qui va combattre avec leurs propres 
armes ceux qu'il doit réfuter, par un dicton de philosophie stoïco-populaire qu'ils 
employaient également, eux et lui. 

Ce qui va être tout nouveau, c'est l'application : le oûx éfouotasldoouar, « je ne 
me laisserai pas asservir » (du fait même que je suis libre), lui servira de mot d'ordre 
contre la licence charnelle. Rien n’est plus certain que cette intention de Paul, 
d'après les vv. 15-18 — quoique anciens et médiévaux n'aient pas bien saisi le lien 
de ce v. 12 avec ce qui va suivre. Les prôneurs de la liberté ne s’atteudaient pes à 
cette argumentation lumineuse. 

C’est un des aspects les plus nobles de la morale paulinienne que cet appel à la 
dignité humaine et à la délivrance de tout ce qui est inférieur, comme à la 
conséquence non d'une indépendance orgueilleuse qui laisse l’homme esclave de 
lui-même, mais de la liberté parfaite acquise dans le Christ, par l'union et la 
charité. On peut dire que toute sa morale est là, comme nous le verrons encore 
mieux plus loin. Déjà, à propos des discordes, il faisait appel à la dignité du 
chrétien (supra, v. 7, l'frrnua). Ces deux idées fondues l’une dans l'autre, d’ap- 
partenance au Christ et de haute indépendance qui en résulte à l'égard de tout le 
reste, vont lui dicter ce qui a jamais été dit de plus profond touchant la morale du 
Sextum Mandatum. 

À. 13. Karopyhoe : ce verbe xatapyeiv, comme nous l'avons vu 1, 28 et 11, 6, 
ne signifie pas toujours nécessairement « détruire » (Vulg : destruet), mais le sens 
premier, qui convient ici, est « laisser inactif », « réduire à l'inaction ». 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, VI, 12-13. 143 


Cu. vi, 12. « Tout est en mon pouvoir » — mais tout n’est pas profitable. 
Tout est en mon pouvoir. — mais je ne me livrerai, moi, au pouvoir de 
quoi que ce soit. 
= 13. Les aliments [sont] pour le ventre et le ventre pour les aliments. 
Mais Dieu fera cesser l'usage et de ceux-ci et de celui-là. Quant au corps, 
il [n’est] point pour la luxure, mais pour le Seigneur, et le Seigneur pour 


- B. 18. Paul répète d’abord un sophisme que les laxistes, à l'exemple d'ailleurs des 
cyniques (v. Diog. Laert., vi, 9, sur Diogène) et de plus d’un stoïcien, prétendaient 
appuyer sur la constitution même de la nature, pour rejeter la chasteté, vu que 
« Naturalia non sunt turpia », et qu'Aphrodite ne commande pas moins à la 
nature que Déméter. Souvent l'on entend raisonner ainsi. 

Ainsi quand l’Apôtre parle de « ventre », il ne songe pas à combattre la gourman- 
dise, ni à recommander l'usage modéré des aliments (cfr. Chrys. al); c’est un autre- 
vice qu'il a en vue. User des aliments, c’est une chose bonne ou indifférente en soi, 
pourvu qu'on ne dépasse pas la mesure (peut-être Paul, en prenant cet exemple, 
pensait-il aussi à lancer une pointe aux distinctions alimentaires des Juifs, Rob.-P1.); 
c'est pour cela qu'a été faite La xx, l'estomac et les intestins. Maïs il n’est point 
permis d’assimiler la fonction génératrice à la nutritive (Sickenberger,. et presque 
tous les modernes) et de prétendre qu'il est indifférent de forniquer comme de 
manger, qu'il n'y a là aussi qu'à garder la modération. — Si Paul n'avait pas 
supposé qu'un tel sophisme avait cours à Corinthe (cfr. Gutjahr), alors sa compa- 
raison serait un hors-d'œuvre assez inutile, pour ne pas dire un peu trop brutal. 

« Le corps », lui, « n'est pas pour la fornication », comme l'estomac est fait pour 
digérer. Ge n'est point par pudeur que le mot de oäua, « corps », est ici choisi, 
mais parce que c’est bien tout le corps humain, en effet, cette partie de nous- 
même appelée à de si hautes destinées, qui est affecté par l'acte sexuel directement. 

« Le corps est pour le Seigneur ». Il y a double antithèse entre estomac- aliments 
d’une part, corps humain et Seigneur de l'autre. Nous allons l'expliquer au com- 
mentaire du verset suivant. 
À. 14. Au lieu du futur EÆeyspei, on lit le présent éfeyefpe À, D“, Q, (de : 
suscitat) et éffyzosv dans B (am. : suscitavit). La leçon commune est préférable, les 
deux autres ne donnent qu’un sens spirituel ou potentiel, qui affaïblit l'idée, 

B. 14. Pour comprendre l’inanité du sophisme, il faut penser à la différence du 
sort réservé dans l'avenir, par l’ordination de Dieu, à ce viscère qu'est l'estomac, et à 
la totalité du corps humain. Ascension subite aux fins dernières, qui montre quelle 
place tenait toujours l’eschatologie dans l’enseignement apostolique. 

Donc il y a cette antithèse : 
le ventre et les aliments perdront leurs fonctions (parce qu'elles sont transitoires) ; 
le corps entier sera ressuscité, comme celui du Christ, pour rester uni perpétuelle- 
ment au Seigneur, dans une activité surélevée. 

Lorsqu'il est dit au v. 18 6 0 Qebs rabtny nat tabta xatapyioe, Paul ne veut pas dire 
que Dieu détruira l'organe estomac dans le corps glorilié, mais que la fonction 
utilitaire de cet organe, pour l'entretien de la vie mortelle, n'aura plus lieu de 
s'exercer. Cette idée d'un corps spiritualisé, soustraït entièrement aux besoins 
animaux, était étrangère aux Juifs et aux apocryphes (Bachmann), mais Le Christ 
avait dit, d’une manière analogue (Mat. xxut, 80) : « In resurrectione... neque nubent 
neque nubentur, sed erunt sicut angeli Dei in coelo » (V. comm. du ch. xv, infra). 

Ce corps n'est pas fait principalement pour les actes transitoires, qui sont néces- 
saires encore, de la reproduction pour la durée de l'espèce (surtout si on les fait 


144, ÉPITRE AUX CORINTHIENS, VI, 12-20. 


cupart. 14. ‘O SE Gebc nat Toy abptov yerpev, ai QuXc Ébeyepei dx The duvduewc 
aoroÿ. 

15. Obx olBare On Tù owpara duo p£An Xouoroù éoruv; “pus oùv ta pékin Ted 
Xptotoÿ rouhou méprns Mn; “ph yévouro. 46. "H ox oldure, bre à xoAAGUEVOS 17 


sans règle et pour eux-mêmes, ropveia); c'est-à-dire qu'il ne remplit pas seulement 
un rôle utilitaire, comme était celui de l'estomac pour la conservation de l'individu. 
Sa destinée est plus glorieuse : « Il est pour le Seigneur, et le Seigneur est pour lui», 
Nous abordons ici une des idées les plus merveilleuses de la théologie paulinienne, 
qui se développe aux versets 44-16 et 18-20. Dès la vie mortelle, il est « pour le 
Seigneur », parce qu'il sert d’instrument à l'âme, à la personne, pour l'opération 
d'œuvres qui conforment graduellement la vie de l’homme racheté à celle du 
Seigneur; et « le Seigneur est pour lui » parce qu'’Il est le modèle, le principe 
de vie surnaturelle qui peu à peu le change en sa parfaite image ; il est même son 
aliment, vivifiant et transformateur et s. Cyrille voit dans cette phrase une allusion 
à l'Eucharistie, Aussi, au lieu de voir abolies ses fonctions, le corps les verra 
agrandies et restaurées après la mort, pour jouir, même dans sa vie sensible, de la 
société éternelle du Seigneur. Le corps de l'homme n'est donc pas un de ces biens 
indifférents dont on puisse user à la guise de chacun en vue d’utilités ou de 
plaisirs qui n'ont de place que dans la période initiale et inférieure de notre 
existence, celle où il n'est qu'un « corps psychique » soumis à des besoins et à 
des instincts animaux, celle de la corruption, de la bassesse, de la faiblesse, « de 
- Ja chair et du sang » (V. ch. xv, 43-44, 50). 

Car « Dieu nous ressuscitera », c’est-à-dire nous rendra ce corps transformé, im- 
ortel, glorifié, en possession de toute La dignité qui est compatible avec la matière, 
et plus actif par conséquent qu'il ne le fut jamais dans l'existence terrestre. 
L'Apôtre parlera directement de ce brillant avenir au chap. xv, le chapitre de la 
Résurrection, Dieu nous ressuscitera tout comme il a ressuscité le Seigneur 
Jésus, et dans la même condition que notre Seigneur. 

C'est donc bien méconnaître la valeur de notre corps que de le croire fait pour 
des plaisirs qui nous sont communs avec des animaux qui passent et ne revivront 
pas. | 

Le corps dont il s'agit est bien le corps actuel, matériel, visible, qui, d'une 
façon mystérieuse, conserve son identité dans la vie ressuscitée; le chap. xv l'établira; 
il est bien la matière qui recevra la forme de « corps spirituel ». De là vient sa 
dignité. Donc il est oiseux et décevant d'entrer en des distinctions subtiles comme 
celles de J. Weiss ou de Toussaint, et d'attribuer à l'Apôtre la conception d'un 
corps immatériel, d'un oäua forme invisible de la « chair » visible (oéet), lequel 
devrait seul subsister après la mort, — ou de je ne sais quelle partie occulte du 
corps humain, qui, opposée à la partie sensible, serait un « substratum » servant de 
lien entre le corps actuel et le corps futur. Si c'était seulement cette entité mysté- 
rieuse qui était pour le Seigneur, on ne voit pas quelle conclusion Paul pourrait 
tirer de sa destination spirituelle contre les plaisirs de la « chair », odpf, qui 
ne se.confondrait pas, même dans la vie présente, avec cette entité (1). Et l'on 
tomberait facilement dans les confusions de Reützenstein sur le rvdua et le « corps 
pneumatique » se formant sous le « corps psychique » (voir l'Exc. V sur nveüua). 
D'ailleurs, - si l’on peut trouver quelque fondement à cette conception là dans 


(1) J. Weiss insiste sur ce ‘que Paul écrit äp&s (et non to cûua uv) éfsyeper, comme 
‘si ce ne pouvait pas êlre proprement « notre corps » qui ressuscitera; mais alors toute 
d'argumentation de Paul s'évanouirait. 


ÉPITRE AUX CORINTHLENS, Vi, 14-16, 145 


le corps. 14. Or Dieu, ainsi qu’il a ressuscité Le Seigneur, nous ressuscitera 
aussi par sa puissance. 

15. Ne savez-vous pas que vos corps sont des membres du Christ? jrai-je 
donc enlever les membres du Christ pour les faire membres d'une pros- 
tituée? Cela, jamais! 16. Ou ne savez-vous pas que s'attacher à la pros- 


certaines gnoses, rien ne permet de l'atiribuer ni aux Grecs anciens, ni aux Juifs, 
dans le milieu de l'Apôtre. 

Un autre point fort important à relever dans ce verset, pour l'étude de l’escha- 
tologie paulinienne, c'est que l’Apôtre se compte lui-même, et compte ses lecteurs 
au nombre de ceux qui seront ressuscités (quäs t£eyepet) (1); il n’a pas donc l'air de 
croire toute proche la Parousie, où les saints vivants seront seulement « trans- 
formés » sans passer par la mort; il sera bon de s'en souvenir au commentaire 
du chapitre xv (51-53), dont la profonde doctrine est déjà si fortement amorcée 
dans le passage que nous étudions. 

Il faut enfin remarquer que saint Paul, suivant la tradition juive, et contre le 
« spiritualisme » grec à la Platon, fait du « corps », du vrai corps, une partie inté- 
grante de notre personnalité indestructible, puisqu'il écrit — quoi qu'en pense 
J. Weiss — que Dieu nous ressuscitera, pour dire qu'il ressuscitera ce corps. Ce 
qui est aussi tout à fait antignostique, et inconciliable avec les théories de 
l'école Reïtzenstein. 

: A. 15. oùz oldaxe : cf. le début de 16 et de 19; l'interrogation accompagnée 
de où exige toujours, on le sait, une réponse affirmative. — uéln Xototoë, cfr. xu, 29, 
infra. — üpxs; le verbe aïoew est plus fort que Azuédvev; il entraîne une certaine 
idée de violence, ce qu'ont relevé Chrys,, Théophylacte, Toussaint, Gutjahr et 
plusieurs autres. — ph Tévorto, forme de négation que l'usage avait rendue très 
énergique, est une expression fréquente dans la diatribe; nous ne la trouvons 
qu'ici dans notre épître, mais 10 fois Rom., 2 fois Gal. Dans les LXX, elle est 
rare et jamais isolée; mais il n’en est pas ainsi dans les Entretiens d'Épictète. 

B. 15. « Nos corps sont les membres du Christ », puisque « le corps est pour 
le Seigneur, et le Seigneur pour le corps », supra. C’ est en tant qu'ils constituent 
des parties du « Christ mystique », de l'Église, comme on le verra spécialement aux 
chap. x, 47 et xn. Paul l'affirme îci de chaque individu régénéré; aussi n’avions- 
nous pas tort, au chap. nr, 16 (v. ad loc.) de comprendre l'habitation du Saint-Esprit 
comme une présence intime dans les âmes, ce qui sera encore confirmé plus bas 
v. 19. 

« Vous ne le saviez pas? » dit Paul, comme étonné d'une pareille ignorance 
Cette manière de débuter révèle combien la doctrine de l'union au Christ était 
essentielle à son « évangile ». {1 l'avait certainement exposée dans sa prédication 
orale à Corinthe, où cependant il estimait n’avoir donné à ces vdria que du lait et 
des rudiments. 

La phrase qui suit sent l’indignation contenue. « J'irais dérober, enlever, arracher 
les membres du Christ pour en faire les membres d’une prostituée? » Supposition 
horrible, dit CArysostome. 

Nous comprenons dès lors pourquoi l'Apôtre a commencé par dire, au v. 12 « Je 
ne me livrerai à la puissance de personne ». Sous prétexte de liberté, et en mécon- 
naissant leur dignité de membres du Christ, les libertins se font les membres, donc 


(1) Tillmann se trompe en supposant, pour les besoins de sa thèse sur l'eschatologie de 
Paul, que éyelpeuv puisse jamais signifier « transformer » aussi bien que « ressusciler ». 
ÉPITRE AUX CORINTHIENS. 10 


146 , ÉPITRE AUX CORINTHIENS, Vi, 12-20. 


rhpvn Év cpé on; Évovrar yap, *gnotv, « où do els odpua piay ». 17. ‘O BE 
xohhwpevos Tù xvplu Ev mvedpa Éctiv. 

48. Debyere rnv mopvelav. [Tav Gpéprmua, à “Eav moon &vBpwmos, Exrdç voù 
coparos éortv, 6 DE mopyebwv ec Tù Toy ou dpapréve. 


la propriété, la chose, d'une autre personne, et d'une personne de si vile catégorie (1)! 

Les deux idées qui commandent tout ce développement, celle d'indépendance, 
non moins chère à Paul qu'aux stoïciens, et celle d'union mystique au Christ, sont 
combinées dans ce verset concentré et saisissant. 

Aux deux suivants, Paul va s'expliquer. 

A. 16-117. oùx oldate, comme ci-dessus. — Kokïoôe se trouve dans les LXX 
au double sens d'union sexuelle et d'union religieuse. — Écovra urÀ, citation de 
Gen. 11, 24, où eîvar eîs == yivecda, — onoiv est impersonnel — « il est dit », ou bien 
il a pour sujet 0eés, yp«yf sous-entendus; expressions identiques ou analogues 
(Ïxn, Xéyer) I Cor. xv, 27; II Cor. vi, 2; Gal. mr, 16; Eph. 1v, 8; gnoiv est employé de 
même manière chez Philon, Epictète. — oépra synonyme ici de cäpa. 

B. 16-17. Ces versets disent comment le fornicateur devient « membre » de la 
prostituée, et blesse ainsi sa dignité d'être autonome et de membre du Christ. 
Paul le prouve par l'intention de Dieu en créant la femme, d’après la Genèse. Il y 
a une antithèse d’une grande profondeur : 

a) union charnelle coupable : elle abaisse les personnalités à quelque chose de 
matériel et d’inférieur, les changeant en un seul « corps »; 

b) union au Seigneur : elle élève la personnalité de l’homme à un état supérieur et 
spirituel, puisqu'elle ne fait plus alors qu'un, d’une certaine manière, avec « l’es- 
prit » du Seigneur. 

Dans la première, en effet, l'homme se soumet, corps et âme, — comime si l'âme 
n'était qu'une annexe du corps, ordonnée aux plaisirs de celui-ci, — à la jouissance 
qu'il trouve à ne plus faire qu’un corps avec un autre corps vil et souillé; c'est 
comme si l’âme, l'esprit, ne comptaient plus. Dans la seconde, au contraire, qui se 
fait par l'âme, le corps lui-même, oublié et soumis, se trouve spiritualisé, préparé à 
la gloire de « corps spirituel » qu'il acquerra un jour (ch. xv) par son adaptation 
parfaite à l'esprit sanctifié et à la jouissance de Dieu. 

Paul; qui ne craint pas la précision, justifie la première phrase par sa citation 
biblique. On pourrait contester la similitude: car, dans la Genèse, « former une seule 
chair » n’a aucun sens défavorable, c'est l’ordination même de Dieu, établie avant la 
chute de nos premiers parents. Mais Paul ne veut relever ici que le caractère physi- 
que commun à toute union sexuelle; légitime ou non, elle entraîné toujours la fusion 
de deux êtres humains « en une seule chair »; et si la chair avec laquelle on ne forme 
plus qu’une chair est indigne, on devient indigne soi-même, on tire l’âme en bas, 
dans le domaine de la matière à laquelle elle devrait commander, et non obéir. 

Les libertins de Gorinthe, comme beaucoup de « gnostiques », auraient pu répon- 
dre qu’en donnant à la chair ce qui revient à la chair — comme à l'estomac les ali- 
ments, v. 13, — ils n'entendaient nullement engager leur âme ou leur esprit, qui 
reste au-dessus de ces choses comme au-dessus de la satisfaction d'un repas. Mais 
Paul (qui, malgré toute la concision de ses dires, nécessaire en cette matière sca- 
breuse, n'a pas été sans prévoir celte défaite) aurait assurément riposté que, si l'on 
agit encore en homme et non en brute, l'âme, les sentiments, les pensées, l'amour 


(1) Tout péché de fornication ne se produit pas nécessairement avec une « prostituée ». 
Mais Paul prend le cas le plus typique, si commun dans la ville où régnait Aphrodite 
parmi ses hiérodules, 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, VI, 17-18. …. 147 


tituée, c'est n'être [plus] qu’un seul corps? Car « ils seront », est-il dit, 
« deux à [former] une seule chair ». 17. Mais qui s'attache au Seigneur, 
[fait avec lui] un seul esprit. 


18. Fuyez la luxure. Tout péché qu'il arrive de faire à un être humain 


est hors du corps, mais celui qui fornique, c’est contre son propre corps 
qu'il pèche. 


qui doit être réservé à des objets dignes, sont engagés normalement dans une union 
si intime, où les deux parties se livrent si totalement l'une à l’autre; et, s'il n’en va 
pas ainsi, le cas est encore pire, car on méprise totalement l'ordination de Dieu 
quand il a créé l’homme et la femme, qui, doués de raison et de cœur, doivent 
s'unir par l’amour, c'est-à-dire d'âme comme de corps, pour le soutien mutuel et la 
procréation d'êtres pareils à eux; alors, l’union ne serait que pur égoïsme et bes- 
tialité. De toute manière, bestiale ou « trop humaine », la partie spirituelle est 
lésée dans ses droits, dévoyée ou noyée dans la matière, elle devient chaïr ou ser- 
vante de la chair. 

Quelques bons auteurs, comme Bachmann ou Gutjahr, montrent qu'ils n’ont pas . 
assez pénétré le texte, quand ils veulent écarter du raisonnement de Paul cette 
idée de la profanation d’une union morale, — ou qui doit être morale de par l’ordina- 
tion du Créateur; ils ne voient pas qu'il s'agissait justement de réfuter des gens qui 
assimilaient la fornication à des choses qui n'ont pas, de soi, contact avec l’ordre 
moral, comme les satisfactions digestives (v. supra, à 13); Bachmann (peut-être à 
cause de ses préjugés protestants dans la question de l'union conjugale, censée 
meilleure que la chasteté) ne veut même pas saisir la force de l’antithèse « une seule 
chair — un seul esprit », comme si tout le mal venait de ce que l'union se fait avec 
la chair vile d'une prostituée; mais Paul entend bien parler contre toute fornication 
en général, péché qui peut bien s’accomplir avec une personne qui ne serait 
pas déshonorée par ailleurs; c’est l'acte lui-même, lorsqu'il n'est pas légitimé par le 
mariage, qui matérialise et déshonore, parce qu’il met l'esprit à la remorque de la 
chair; pris en lui-même comme fin, avec amour ou sans amour, il trouve sa consom- 
mation dans la formation d’une unité qui n'est que celle des corps, et néglige ou 
dévoie l'âmé, ce qui est contraire à l'institution du Créateur. — Beaucoup d'autres, 
Cornely, etc, ont vu avec beaucoup plus de perspicacité que la question d'union de 
l'ordre moral, faussée ou bestialement exclue, ne peut être mise de côté quand on 
jauge la malice de la fornication; et J. Weiss, après une discussion un peu embarras- 
sée et fausse en partie (où il ne rend pas justice pleinement à l'exactitude habile des 
expressions de Paul}, termine cependant fort bien, en reconnaissant que l'essence de 
l'argumentation consiste en ceci : le fornicateur constitue avec la prostituée un oôua 
unique dans sa personnalité (physique et morale) et l’impureté est l'abandon de sa 
personnalité à une autre personnalité, et qui dans le cas est de qualité inférieure, 
impure, — lorsque notre personnalité est faite pour demeurer elle-même, et se donner 
_ tout entière à Dieu, qui la spiritualise. 

Ainsi toute l'argumentation de Paul, si abrégée qu'elle soit dans la forme, est aussi 
. rigoureuse qu'elle est profonde. Une seule difficulté y demeure : c'est que des rigo- 
ristes (T'ertullien l'a fait) pouvaient tirer du caractère général des termes une conclu- 
sion défavorable à la dignité de l’union conjugale, qui se fait toujours au moyen du 
corps et ne diffère pas physiquement de l'acte condamné. Maïs heureusement l’Apôtre 
montre ailleurs qu'il ne la considère pas comme avilissant la personnalité, car elle est 
justifiée par l'institution divine, qu'il a rappelée ici-même par sa citation de la Genèse. 
Au ch. vu, v. 7, il appellera le mariage un don de Dieu, ou « charisme »; et l'on sait 


148 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, VI, 12-20. 
19. "H oùx olBare Ou T0 oùua budy vabc Toÿ év duiv &ylou mvebprTôs Éottv, 
x. 3 « + \ 
où éyere amd O:0Ù, noi oùx éorè éaurov, 20. Hyopdolnte yap “ru. 
AoËdoute Dh vov Gedy Ev To cwpatt bu. : 


_ quelle noble image il en trace dans l’Epitre aux ÆEphésiens, v, 25-33, sans parler 
d’autres passages. La malice et la honte de la fornication consistent justement en ce 
qu'elle est une contrefaçon de l'union conjugale, dont elle n'a plus le but élevé et 
spirituel, et par conséquent une espèce de renversement de l'ordre établi par Dieu, 
une raillerie des intentions du Créateur. 

Des moralistes pourraient observer encore que saint Paul ne touche pas ici lé motif 
le plus immédiat et le plus formel qui fait la gravité de la fornication, ou « concubi- 
tus vagus »; parce que, comme le dits. Thomas (Sum. theol. Ila-II2, q. curv, art. 2, 0), 
« importat inordinationem, quae vergit in nocumentum vitae ejus, qui ex tali con- 
cubitu est nasciturus, etc. » Cependant on peut répondre à cela que, en citant le texte 
de la Genèse (avec son contexte sous-entendu}, l'Apôtre a suffisamment indiqué qu'il 
pensait au but normal de l'union des sexes, la progéniture et la famille, dont les for- 
nicateurs ne tiennent pas compte. Mais il s'est placé ici encore, et d'une façon admi- 
rable, au point de vue qui domine toute son épître, celui de l'union mystique, avec le 
Christ, des âmes individuelles libérées de tout ce qui est servitude et bassèsse. Que 
cette union, qui doit éternellement durer, se fasse ici-bas dans et par l'Eglise, cons- 
tituée dans sa masse par des familles chrétiennes, où les buts saints du mariage sont 
sauvegardés, c'est ce qu'enseignera le chapitre vir, vu à la lumière des chap. xn et 
suivants. 

—— À 48. ebyere, cfr. x, 14; ce verbe, dans le N. T., est tantôt transitif, tantôt 
intransitif avec &xd, par extension du sens local. . 

B 18. Grande est la difficulté de ce verset. Œcumenius en énumérait déjà dix-sept 
interprétations, dit Cornely, et aujourd’hui on pourrait en donner de vingt à trente. 
Heureusement elles peuvent se ramener à quelques chefs. 

D'abord saint Paul commande de « fuir » la fornication, c’est-à-dire de s'écarter 
avec horreur de tout ce qui pourrait y inciter; il ne donnera de précepte pareil qu'à 
propos de l'idolâtrie, x, 14. $. Thomas l'interprète de très plausible manière : 
« Vitium fornicationis non vincitur resistendo.. sed vincitur fugiendo », à cause de 
l'emprise si forte des tentations sur la chair. 

Mais comment l'Apôtre peut-il dire que l'impureté seule est nn péché « contre le 
corps », et que tous les autres sont « hors du corps »? Et la gourmandise ou l'ivro- 
gnerie, par exemple? Et le suicide ? Et tant d'autres... 

La réponse la plus simple, évidemment, serait de dire que xäv épéprux, « tout 
péché », n’est dit qu'en un sens relatif ou approximatif; en dictant cette ligne, l'Apôtre 
n'aurait pas pensé sur le moment à d'autres péchés qu'il était moins urgent de com- 
battre à Corinthe, ou qui n'étaient pas défendus par les mêmes sophismes (ainsi il ne 
parle jamais du suicide, n'ayant pas eu d'exemple de pareille tentation chez ses con- 
vertis). Beaucoup d'exégètes, Lietzmann, elc., se contenteront de cette réponse facile; 
mais ne l’est-elle pas trop? 

Tous les sens détournés ou secondaires, qui font appel à l'hygiène, à la fréquence 
et à la proximité des occasions, etc., ne sont pas suffisants non plus. Et l'interpréta- 
‘tion de Baur, que le fornicateur pèche contre l'autre corps, celui qui est son complice, 
est directement contraire au texte. 

Il faut donc comprendre au moins ceci, que Paul dénonce l'impureté comme plus 
contraire au bien du corps, à prendre les choses en gros, que tout autre péché 
accompli par le moyen du corps; car elle le déshonore davantage. Ainsi Sales, al; 
mais Bachmann, après avoir mal compris tout ce qui précède, passe encore à côté de la 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, VI, 19-20. 449 


19. Ou ne savez-vous pas que votre corps est le temple du Saint-Esprit, 
que vous avez [reçu] de Dieu, et que vous n'êtes pas à vous-mème? 20. Car 
vous fûtes achetés, — et à un prix! 

Glorifiez Dieu, par conséquent, dans votre corps. 


question, en expliquant ce surcroit de dommage par le contact avec une fille de joie 
professionnelle, instrument attitré des puissances du péché. Guijahr, qui suit Chry- 
sostome, insiste sur ce que le corps tout entier est affecté et souillé par la luxure; 
mais l'état d'ébriété, par exemple, n'at-il pas un effet bien sensible aussi sur tout 
l'organisme? 

Une des raisons données par s. Thomas, à côté d'autres moins bonnes, est 
que le corps n'est pas seulement ici instrument du péché (s. Paul ne dit pas 
« corpore suo »}, mais objet et terme du péché (« contra corpus suum »), 
Cornely fait la même distinction. Cela n’est cependant pas absolument propre à 
l'impureté. 

Alford et d'autres (Cornely également) donnent une explication qui pénètre 
plus avant dans le sens de Paul : en d’autres péchés corporels, tels que la glou- 
tonnerie ou l’ivrognerie, l'instrument du péché, ou sa matière, doit être cherché en 
dehors (boisson, etc.), “tandis que le corps tout seul sert d'instrument et de matière 
à la luxure, soustrait qu'il est au Seigneur pour être donné à la prostituée; c'est 
donc une contradiction directe à la destination du corps comme tel. (Cornely : 
« illud ad finem adhibet, quem Deus corpori non praefixerat »). Gutjahr veut sans 
doute signifier la même chose quand il dit que par l'impureté, plus que les autres 
vices, on nuit au corps « dans son essence ». 

Dans toutes ces opinions il y a quelque vérité; mais, en restant d’ailleurs dans la 
ligne des derniers auteurs cités, nous croyons aussi que, pour bien saisir l'idée de 
Paul, il faut recourir à sa conception mystique des v.v. 13, 15, que « le corps est 
pour le Seigneur », et « membre du Christ », destiné à être spiritualisé et glorifié. 
La luxure en fausse la destination, puisqu'elle en fait un tyran de l'âme, qu’il rend 
‘charnelle en se la soumettant (cfr. s. Augustin). ÆRob.-Pl, cherchent aussi la 
solution dans l’axiome du v. 13, et Godet dit que le luxurieux pèche contre « son 
corps d’éternité ». Sans parler, comme Toussaint, de la « partie mystérieuse » du 
corps (v. supra) que le désordre de 1x fornication atteindrait, on peut se rappeler, 
avec J. Weiss, que déjà les meilleurs stoïciens (malgré l'indulgence générale de 
l'école pour les fautes de la chair) considéraient la recherche du plaisir pour lui- 
même dans la fornication comme un avilissement de la personnalité (corps et âme) 
s'abaissant au rang des animaux (Gsm ai Ües disait Musonius Rufus, p. 65, édit. 
Hense; v. dans J. Weiss tout le texte, p. 165, n.). Paul, qui a déjà surnaturalisé 
la morale stoïcienne au v. 12, proclame maintenant que rien n'est aussi directement 
blessant pour la dignité personnelle, l'honneur, la noblesse de notre corps appelé 
à une gloire éternelle comme membre du Christ, que d’être ainsi asservi, fait 
« membre d'une prostituée », ou réduit tout entier à l'état d'instrument d'un plaisir 
fugitif et grossier. 

Ainsi (à moins qu'on ne se contente de dire que Paul a parlé d'une façon relative 
et approximative, par simple comparaison de degré’ avec les autres péchés corporels), 
on peut comprendre que le luxurieux est le seul à pécher (directement) contre son 
corps, parce que : il abuse directement, non pas d'un organe à fonctions transitoires 
seulement, mais de toute une partie de lui-même destinée à une noblesse divine et 
à une activité éternelle; et, secondairement, parce que le danger de ce genre d'abus 
corporels est le plus présent, le plus continu, n'exigeant aucun instrument qui 


450 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, Vi, 12-20, 


soit éxtéç toù owpatos, « hors du corps », ou des deux corps complices, etc. Mais 
la raison qui domine les autres, ce doit être le détournement de la fonction du 
corps, qui est de servir le Seigneur, — comme les stoïciens auraient dit qu’elle 
était de servir l'âme. 

Nous ne nous flattons d'ailleurs point d'avoir tout éclairci par cette discussion. 
À ceux qu'elle ne satisferait point, nous accorderons qu'elle n'était peut-être 
point absolument nécessaire, vu que l'inspiration scripturaire peut s’accorder, non. 
pas avec l'erreur, mais avec certains « à peu près » dans l'expression humaine, fût-elle 
de Paul. Toutefois nous ne voyons guère pour notre part comment l'Apôtre pour- 
rait, sans recourir à sa conception mystique du corps voué au Seigneur pour 
Féternité, mettre une distinction si tranchée entre la fornication et les autres 
péchés corporels. 

Les versets suivants nous confirment bien dans cette impression. 

A. 19-20. % oùx oldare, cfr. v. 16 (et 45); comme cette formule intro- 
duisait au v. 16 une explication du v. 45 (xépvns uéhr), il est bien possible qu’elle 
- introduise ici encore une explication du v. 18 précédent; — où #yete; attraction; — 
tu, absolu, sans indication du prix, comme parfois dans les papyrus (Tebtunis Pap. 
5, 185, 194, J. Weiss); mais il doit sans doute être pris ici dans un sens emphatique : 
« et à quel prix! » (Gutjahr); — f, très classique, assez fréquent LXX, ne se 
trouve que rarement dans le N. T., une fois respectivement Mat., Luc, Joh., Act., 
Heb., et cette fois seulement chez Paul (pas IT Cor. xn, 4, qui porte Bei); ici il sert 
à presser l'action, comme Luc 11, 45 (Abel p. 352); au lieu de d%, on lit &pa« ys chez 
Marcion et Methodius; c'est peut-être cette expression, lue par erreur äpate, qui a 
fait introduire l'impératif « et portate » après « glorificate » dans la Vulgate, f, g, 
Tert., Cyp., Lucifer, Ambr* (supposition de Lightfoot). Glose rai Ev t@ nvebpare duüv 
&rivé éotiv vod Üecd, dans C5, D24, K, L, P, syrr. 

B 19-20. Ignorent-ils donc que leurs corps sont le temple du Saint-Esprit (cfr. 
mi, 16-17, v. supra ad loc.)? Cette apostrophe nous semble jeter de la lumière sur 
la discussion précédente : la fornication blesse spécialement le corps, plus que tous 
les autres péchés où le corps a sa part, parce qu'elle lui fait perdre la consécration 
qui en fait un objet si digne. Les pécheurs de ce genre en disposent à leur gré, 
comme d'une chose de vil prix, qu'ils osent donner, pour un plaisir bas, à une 
autre personne humaine. Les autres genres de péchés énumérés vi, 3-10, chassent 
bien aussi le Maître de ce temple qui est l'âme et le corps, et mènent le corps 
comme l'âme à la perte éternelle; mais la fornication a de particulier qu’elle substitue 
un autre propriétaire au premier, ce qui est de quelque façon aggraver l'outrage, et 
« désécrer » encore plus la partie corporelle. 

Or, ils n'ont pas le droit de se donner en propriété à n'importe qui; ils « ont été 
achetés », — et le prix a été payé très cher. Ce prix est évidemment l'offrande du 
Christ sur la croix; le Fils de Dieu a fait d'eux ainsi ses « membres » consacrés à 
son service, et, par le fait même, des temples de l'Esprit Saint. Deissmann (L O), et 
d’autres après lui, se rappellent à ce sujet les affranchissements d'esclaves qui se 
faisaient dans les temples des dieux, et à la suite desquels ils étaient censés devenus 
serviteurs d'Apollon, par exemple, emploi qui les soustrayait à toute servitude 
humaine. Paul n'y a peut-être pas pensé; mais pareil souvenir pouvait illustrer son 
enseignement aux yeux des Gentils convertis de Corinthe. 

Puisqu'il en est ainsi (4), qu'ils se mettent donc une fois (aor. GoËdout:) à glorifier 
Dieu dans leur corps, par la chasteté, par les bonnes œuvres, puisqu'ils savent 
que ce corps est un temple, réservé à des usages sacrés. 

L'Esprit qui a un temple ne peut être que personnel et Dieu (cfr. 11, 17, vas 
voÿ Üeoë); c'est, plus nettement déterminé que nulle part ailleurs, le Saint-Esprit de 

a Trinité chrétienne (v. Exc. V). Il est Dieu, mais en même temps le don de Dieu, 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, VI, 12-20. 151 


Dieu communiqué (05 Ëy. äxb 0.), l’« esprit de Dieu qui habite en vous », comme 
disait l'Apôtre au ch. m1, 16. 

Ainsi finit, sur les hauteurs mystiques dont la lumière pénètre toutes les instruc- 
tions morales ou pratiques de cette lettre, la double partie qui était consacrée à 
la répression des factions et des vices dénoncés à Paul par « les gens de Chloé » 
ou par la voix publique. L'Apôtre est prêt maintenant à répondre aux questions 
qui lui ont été posées dans le message de Corinthe. 


III. TROISIÈME PARTIE DE L'EPITRE 


(vu-xiv. Réponses de Paul aux demandes des Corinthiens). 


Inrron. — Les rayons et les grands coups de vent des précédents chapitres ont dû 
dissiper ces nuées, ces restants de mentalité juive ou païenne, qui brouillaient la vue 
des néo-convertis et les empéchaient de distinguer nettement ce qui est obligation ou 
perfection chrétienne. Paul peut maintenant répondre de façon précise et détaillée à 
la demande d'explications que sollicitait la lettre de Corinthe au sujet de divers 
problèmes de conduite. 

Dans cetie église composée d'éléments si divers, et encore peu unifiés, des tendances 
et des courants 4 ‘idées fort opposés paraissent avoir été en lutte; et, comme c'étaient 
des gens bien doués pour la parole, et remplis du sentiment de leur « science » (I, 5), 
ils devaient soutenir avec faconde chacun leur point de pue. Il y avait des laxistes 
(nous avons fait leur connaissance), des ascètes trop rigoureux, des visionnaires, des 
rationalistes, des indépendants, etc., et surtout un grand nombre de particularistes 
et de vaniteux; mais, sous cette agitation de surface restait heureusement la masse. 
des fidèles simples et fervents, qui attendaient avec leur bonne volonté docile que les 
directions nettes de l'Apôtre leur père vinssent mettre une fin à tous ces tiraillements 
que les « sages » disputeurs infligeaient à leur conscience. 

Paul prend leurs demandes une à une. Le passage d'un point à l’autre est marqué 
nettement d'ordinaire par la locution toujours la même : nepi dé... (VII, 1, 25, VIIT, 1, 
4, XIL, 1), qui reparaitra encore, pour certaines dispositions pratiques, à la fin de la 
lettre (xv1, 1, 12). 

Voici la distribution de cette partie : 

A. Questions concernant le mariage, la virginité, l'état social (VIT, 1-40). 

B. concernant les viandes immolées aux idoles (VIII-XT, 1). 

C. concernant les assemblées du culte (tenue des hommes et des femmes, célébration 
de l'Eucharistie, réunions de « spirituels ») (AT, 2-XIV). 

En un mot, c'est tout ce qui concerne la vie familiale, les relations de société avec 
les paiens, et l'ordre d'une vie religieuse qui, sortant d'une doctrine si nouvelle, devait 
entretenir et régler sa propre ferveur enthousiaste, en expulsant le « vieux levain » 
qui aurait pu lui rester du paganisme; c'est tout le problème des rapports du christia- 
nisme avec l'hellénisme, non plus au point de vue intellectuel de la « sagesse », comme 
aux chapitres I-IV, mais aux points de vue moral, social, cultuel, affectif et méme 
mondain. Il était formidable, et Paul l'a résolu tout entier en principe, avec fermeté et 
modération, avec un sens incomparable des réalités divines et humaines. 


À. CH. vi. QUESTIONS CONCERNANT LA FAMILLE, PRINCIPALEMENT LE MARIAGE ET LE CÉLIBAT. 


Inr, — On devine quelles difficultés et quels doutes devaient préoccuper le petit trou- 
peau des chrétiens perdu dans cette immense ville païenne et corrompue, où pourtant 
il leur fallait continuer à vivre sans devoir ni pouvoir rompre avec leurs familles et 
leurs amis, ni, dans l'intérêt même de l'Épangile, se Jaire passer pour des perturba- 
teurs de l'ordre social. D'abord ils devaient sauvegarder la sainteté de leur vocation, 
jusque dans ses manifestations les plus hautes, puis conserver et développer autant 
que possible, en méme temps que l'indépendance nécessaire à la pratique de leurs 
devoirs, l'estime et la confiance de leurs concitoyens non encore appelés. C'est en pre- 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, VII, 4-7. 153 


muer lieu la réglementation de la vie familiale qui importait : relations des époux 
dont l'un pouvait étre encore incroyant, idéal supérieur et si neuf de la chasteté chré- 
tienne, rapports des esclaves et des maitres, etc. Paul examine successivemeut ces 
points délicats. 

1° VII, 1-7. Le mariage des chrétiens; sa légitimité et ses droits. 

2° VIE, 8-16. L'indissolubilité du mariage. 

3° VII, 17-24. Extension des principes posés, à toutes les conditions de la vie sociale. 
VIT, 25-38. Comparaison du mariage et du célibat. 
5° VIT, 39-40. Le veuvage chrétien. 


I. Le mariage chrétien, sa légitimité, ses draits (vit, 1-7). 


Inr. — Si l'Apôtre commence par traiter du mariage, c'est que les relations de 
famille, étant les plus intimes et les plus continuelles de toutes, sont les plus aptes à 
faire naître des questions quotidiennes. Puis il est vraisemblable que le nouvel idéal 
de pureté chrétienne produisait, chez quelques fervents, des anxiétés morales en cette 
matière ; un fidèle pouvait et devait-il se marier, et, s'il l'avail fait déjà, fallait-il 
continuer les rapports conjugaux? Enfin, il était tout naturel que l'épître abordät ce 
sujet immédiatement après avoir traité des rapports charnels (VI, 12 sqq.) — pour dire 
ceux qui sont licites, et dans quelles conditions. 

Le lien des idées avec celles du chapitre VI est donc assuré; ainsi, dans eelte. épitre, 
la plus régulièrement construite de toutes celles de Paul, toutes les parties sont liées par 
un ordre logique intime très facile à découvrir. J. Weiss attribue ce bel ordre, qu'il 
reconnait en gros, à un rédacteur plutôt qu'à Paul; et il prétend que la péricope pré- 
sente appartient à une lettre plus tardive que celle qui contenait le morceau VI, 12-20, 
où certains lecteurs auraient vu une interdiction de tout rapport de sexe, — conséquence 
extrême que Paul se vait obligé de rectifier ici, dans une autre missive, comme il s'était 
expliqué V, 9-ss., sur les rapports avec les pécheurs. Pourquoi? Tout interprète qui 
ne recourt aux dissections qu'en cas de nécessité reconnaitra que pareille hypothèse 
n'était nullement nécessaire, et qu'elle est méme contraire à la mention de l'institution 
divine du mariage dans la Genèse, que Paul avait faite VI, 17, et qui devait bien suffire 
aux lecteurs intelligents pour montrer que Paul ne condamnait pas, en soi, l'union de 
l'homme et de la femme. Si l'on veut expliquer que des Corinthiens croyaient que les 
fidèles ne doivent plus se marier à cause de la proximilé prétendue de la Parousie, 
ceci est une autre question, qui sera traitée plus loin. 


A 1. nepi dè ov Eyp. À€ marque ici le passage à un nouveau sujet. Ces premiers 
mots sont comme une espèce de titre pour la partie qui commence, et se rapportent, non 
seulement à ce qui suit immédiatement, mais à toute la suite vrr-xiv; Ypdoeiv zepl est fré- 
quent dans les papyrus; mais on peut aussi bien (à cause de vu, 25, vu, 4, 4, xt, 1, 
Xv1, 1, 12) voir ici une attraction : nept Gè rourwr & éypébate. — x2Xdv au sens de l'éthique 
grecque, beauté morale, xahdv x&yaldv; le sens de « bon », d’ « avantageux », ou même 
de « bon moralement » n'en rendrait pas tout à fait la portée; même chose pour xaAük, 
que nous trouvons à la fin du chapitre; — ävlpure (non à&vôpt), l'homme, l'être humain 
en général, bien qu'ici il ne puisse s'agir, en rigueur de logique, que du sexe mascu- 
lin; mais la généralité du premier substantif montre que la sentence convient à tous, 
femmes comme hommes. — äxteodar peut signifier « toucher », « s'attacher », « entrer 
en contact », « avoir des rapports intimes »; ici il s’agit de tout rapport que ne per- 
met pas une continence totale. 

B, 1. On avait, paraît-il, interrogé Paul sur la licëité ou l'opportunité du mariage 
pour les chrétiens. À côté des laxistes, il se sera trouvé dans cette église, qui 


154 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, VII, 1-7. 


CH. vu, 1. Ilept dè Gv éypépare. 

*Kobv àvôporw yuvarxds h ärteodar. 2. Aux DÈ vaç mopvelac, Exxotos Tv 
Éauroÿ yuvaira Eyétu, nai Exdotn roy duo dydpa Éyétu. 
8. Ty yuvoxt 8 avhp Thv “bpsrAhv érodidbtu, époius DE aa À yuvh To avèpl. 
4. ‘H yuvh voë iblou owparos oùx “ééououäter, aAN 6 àvhp® émolws dÈ —ai à avñp 


‘ s'abandonnaïit au sens individuel, des groupes d'ascètes poussant les choses à l'ex- 
trême, qui auraient voulu obliger les fidèles à mener une vie angélique, et leur con- 
testaient soit le droit de se marier, soit celui d'user du mariage contracté avant leur 
conversion (s. Thomas, Dion., Cajetan, Rob.-Pl., Bisping, Sickenberger, J. Weiss, 
Toussaint, Gutjahr, etce.). L'Apôtre répond qu'il est beau sans doute pour un être 
humain de garder la continence absolue; c'est là une assertion tout à fait générale, . 
qui prépare ce qu'il dira plus loin du célibat (vi, 25-88); il ne faut pas du tout la 
restreindre ou la détourner à la signification qu'il est louable pour un homme marié 
de ne plus avoir de rapports conjugaux avec sa femme; &vôpwxos n'est pas synonyme 
d'ävne au sens de mari, et yuvxïxx, que rien ne détermine ici, pas même un article, 
veut dire tout être humain du sexe féminin. Aussi faut-il rejeter l'opinion des anciens 
Grecs, Origène, Chrys., Théodoret, puis s. Jérôme (ce. Jovin. I), Lombard, Estius, 
Lap., Hervé, etc., qu'ont suivis de Weite, Cornely, Rückert, Schmicdel, al., d'après 
lesquels les Corinthiens auraient simplement consulté Paul sur la licéité de la conti- 
nuation des rapports conjugaux après le baptême. Les premiers auteurs cités ont vu, 
. plus justement, que la question se rapportait, et aux mariages à contracter (Bach- 
mann, al. veulent même la restreindre à cela), et à l'usage des mariages contractés 
déjà. 

Saint Paul répond donc d'abord, en principe, qu'il est sans doute honorable, 
excellent en soi de garder la chasteté parfaite; l'épithète xahév, pour tous depuis les 
anciens et les médiévaux jusqu'à Heinrici et 3. Weiss, signifie l'excellence morale, et 
non pas seulement un avantage utilitaire (cfr. vir, 28, ad loc.), comme le voudraient 
peu d’exégètes, par exemple Bachmann, qu'inspire leur mentalité luthérienne. Seule- 
ment, comme le note Gugjahr, il faut éviter l'exagération en sens contraire de Ter- 
tullien et de s. Jérôme, d'après qui, s’il est bon en soi de ne pas toucher à la femme, il 
est mauvais en soi d'y toucher; Lietzmann serait tout près d'attribuer à l'apôtre cet 
encratisme théôrique qui est incompatible avec les versets suivants. 

Paul concède donc avant tout, comme il le devait d'après l'Evangile, que l'entière 
continence est un bel idéal; mais il va montrer aussitôt qu'il ne la juge pas à la por- 
tée de tous les croyants. Le Christ lui-même l'avait réservée : « Qui potest capere 
capiat » (Mat. xix, 11-12). 

—— À. 2. Tv ropvelav au lieu de tès rogv. dans F, G, vulg., syr. — nai Endotn.… 
tyéto omis F, G, al. 

B. 2. « Cependant, continue Paul, vu cette masse de dérèglements (rùs ropvelas) dont 
vous ne pouvez fuir tout à fait le spectacle, et qui vous tenteront vous-mêmes quel- 
quefois, chacun fera bien d’avoir sa femme à lui, etc..» Ce milieu citadin est si forte- 
ment infecté de luxure qu'une vertu ordinaire risquerait bien d'y sombrer, chez ceux- 
là qui ne sont pas prémunis contre la tentation par la satisfaction honnête qu'ils 
trouvent dans l'union légitime avec une seule femme ou un seul mari. Paul leur 

‘rappelle que l'union monogame (Sickenberger), qui a été instituée et bénie par 
Dieu, est la meilleure garantie ordinaire contre la dissolution des amours vaga- 
bondes. 

Qu'il y ait ici une autorisation et un conseil, pour le commun des fidèles, de 
contracter mariage, — et non pas seulement {contre Chrys. et les autres ci-dessus 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, VII, 1-4. 155 


Ca. vi, 1. Pour ce qui est maintenant des choses que vous {m'avez 
écrites : | 

il est beau pour un homme de ne pas toucher à la femme. 2. Mais, à 
cause des dérèglements, que chacun possède sa femme à lui, et chacune 
son propre mari. 


3. À Ja femme que le mari rende ce qui est dû, et aussi pareïllement la 
femme au mari. #. La femme n'a pas le pouvoir sur son propre corps, 
mais le mari; pareillement le mari non plus-n’a pas le pouvoir sur son 


nommés), de continuer l'usage du mariage contracté déjà, — cela nous parait 
manifeste, à nous et à presque tous, pour plusieurs raisons : c'est d’abord l'expres- 
sion : « Que chacun ait (ou possède) sa femme à lui, et chacune son propre mari », 
car, évidemment, il n'y aurait pas eu à insister sur ces mots signifiant la monogamie 
si déjà tous ceux pour qui l’Apôtre parle étaient mariés; ceux-là n'ont pas tant à 
chercher des préventifs contre la fornication, puisqu'ils ont tout ce qu'il faut pour 
satisfaire honnêtement leur instinct; et il était bien inutile, en droit, sinon en fait; de 
rappeler à des chrétiens leur devoir de fidélité à leur unique conjoint (rh éautoë ÿ., tv 
TSwov &.) (1); enfin le. verbe ëyétw lui-même s'entendra au moins aussi naturellement 
de l'entrée en possession durable d'un bien que de la continuation à jouir d'une chose 
qu'on possède; (il est vrai.que, au présent, il signifie aussi « conserver » « retenir »; 
aussi Paul at-il peut-être employé ce temps pour embrasser les deux sens de « gar- 
der » et de « prendre », suivant qu'il s'agira de gens mariés ou à marier; d'autant 
plus que l'impér. aoriste oyés est inusité dans le N. T.). 

Cornely et Gutjahr se trompent donc en croyant à la suite des Grecs que ce verset 
ne concerne que les gens mariés déjà; le premier parce que, dit-il, on s'explique 
mieux, si le problème ne portait que sur le simple usage, pourquoi Paul ne parle pas 
ici de la fin première et supérieure du mariage; le second, parce qu'il prétend que 
Paul commence à parler des non-mariës seulement au v. 8 (v. énfra), tandis que, en 
ce verset 2 comme au v. 5 (v. infra), il ne pense qu'au danger de la continence témé- 
raire dans le mariage, sans traiter du but du mariage en soi. Maïs nous observerons 
d'abord, contre l'argument de Gutjahr, que Paul se répète souvent, et que, avant de 
parler en particulier des non-mariés, il commence par donner un précepte qui con- 
cerne tout le monde en général, les non-mariés pour qu'ils prennent femme, les 
mariés pour qu'ils continuent à user de leurs droits conjugaux. — Plus spécieuse est 
l’'objection tirée du silence de l'Apôtre sur les biens supérieurs du mariage (proles, 
fides, sacramentum, comme disent les théologiens); à cause de cela, Lietzmann va 
jusqu'à prétendre que le mariage, pour des gens censés attendre la fin du monde 
prochaine, et peu soucieux par le fait même de propager l'espèce, n'est plus qu’un 
mal nécessaire pour en éviter un pire; ou mieux un ädiépopov (chose indifférente) qui 
peut devenir dangereux dans la pratique (voir vv. 27, 83-suiv.) ; il oppose à cette con- 
ception peu relevée de Paul les beaux textes de stoïcien Musonius (édit. Hense, pp. 
67 et suiv.), sur la noblesse d'une union faite pour engendrer de nouveaux êtres 
humains (peydAn yao yéveous avdpwrov, fv érotehet Toëro vo Ceüyos, Lietzm. p. 92), et sur la 
parfaite communauté de biens, de vie, de joies et de peines qu'elle impose, en plus 
de cette propriété réciproque des corps dont Paul parlera au v. 8 (les mariés doivent 


(1ÿ Ceux qui voudraient maintenir l'ancienne exégèse grecque peuvent cependant l'enten- 
dre ainsi : « Que les époux ne se séparent point; car le mari qui (sous prétexte de perfection) 
quitte sa propre femme risque bien de courir forniquer avec d’autres, etc. » Il y aurait donc 
de l'ironie dans les mots éautoÿ, Ov, comme si l'on avait déjà pu voir de ces cas tristes et 
comiques. Cette interprétation est certainement moins vraisemblable que l’exégèse commune. 


156 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, VII, 1-7. 
roù lou owparos oùx éÉoucudter, GXAN à yuyh. 5. Mn “émoovepeite &AAGhouG, el 
pin &v x cuugbvou, *rpès xapbv, ivà oyohdonte Th Tpooevyÿ, voi éd “Et 


, + 


rd adrd re, ia ph metpdln dUAG à ouravas Dix Tv axpaaiav dbpüv. 


zouvà hyetolar névra xal pndév Tdtov, wnè’ ar tb c@pa, Lietzm. p. 29). À cela on peut heu- 
reusement répondre, comme saint T'homas l'avait déjà fait, que, si Paul omet de par- 
ler ici, en dehors de la garantie contre la concupiscence, des autres biens du mariage 
tels que la procréation, c'est qu'il s'occupe spécialement ici du bien des individus (la 
défense contre la concupiscence est un des principaux) et non proprement des biens. 
qui sont. d'abord ceux de l'espèce (restant ainsi dans l’ordre d'idées de vi, 12-fin). 
Puis, avec Rob.-Pl., que Paul n'écrit pas ici un traité sur le mariage; s’il l'avait fait, 
il aurait écrit bien d’autres choses: mais il envisage seulement en ces versets les 
aspects de la question qui soulevaient le plus de doutes ou de difficultés dans Corinthe. 
Joh. Weiss, de même, dit que l'Apôtre ne fait que répondre aux questions précises 
posées dans la missive corinthienne, avec une casuistique qui se rapproche à la fois. 
de la diatribè et de la halakha; il ne traite point des principes concernant l'institu- 
tion du mariage, parce que cela n'était pas en cause {mais seulement l'opportunité, 
pour le grand nombre, d'user ou de ne pas user de cette institution divine); c'est 
pourquoi il n’a pas eu à invoquer de belles considérations comme celles de Muso- 
nius. | 

La brièveté, la sécheresse de notre texte, sur un sujet aussi grand que le mariage chré- 
tien, pourrait laisser cependant un certain malaise dans l'âme du lecteur, déjà habitué 
à admirer chez Paul de si hautes envolées à l'occasion de sujets moins nobles. Cette 
impression sera corrigée en partie par ce chapitre même {voir aux vv. 5, 7, 14, al.); 
la « fides », la pureté du mariage monogame, comme Sickenberger et d'autres l'ont 
justement noté, avec exclusion de tout concubinage dissimulé juxtaposé à lunion 
légale, est suffisamment signifiée par.les mots Eauroë +., lüiuv &ydpa, comme par ce qui 
sera dit au v. 4 du don mutuel des corps, qui, (d’après les principes de vi, 15-17 
supra) doit constituer le don mutuel des personnes. La procréation des enfants 
sera ailleurs présentée comme un moyen de salut, et l'état des mères de famille 
recommandé (aux ch. n, 15 et v, 14, ailleurs encore, de I Tim., épître qui est bien 
authentique). Enfin il y a dans l'Epître aux Æphésiens, authentique aussi, la sublime 
glorification du mariage chrétien, et de l’amour conjugal jusqu’à la mort comparé 
à l'amour du Christ et de l'Eglise. Si l'on prend l'ensemble de la littérature pauli- 
nienne, il ne manque donc rien à la théologie du septième sacrement; aucun écri- 
vain, inspiré ou non, n’en a même parlé de façon plus haute. 

Cependant, Paul ne l’a pas encore fait dans la Première aux Corinthiens. Nous en 
avons dit les raisons; on peut en ajouter encore une — qui n’est pas celle de Ziets- 
mann, . Weiss ou Rob.-Pl., lesquels prétendent qu'il n'y avait pas lieu de parler de 
la prolongation des familles à la veille de la Parousie (voir comm. du ch. xv), — mais 
qui est celle-ci : les Corinthiens convertis étaient encore tellement assiégés par tous 
les dangers de la chair, dans cette capitale d'Aphrodite, que Paul jngera bon (w. 25- 
sqq) de glorifier la virginité dans tout son éclat, plutôt que d'insister sur la sanctifi- 
cation possible de l'amour terrestre, ce qui aurait pu les porter à négliger un idéal 
plus‘haut, 11 va au plus pressé : aux grands maux les remèdes radicaux. Ce qui ne 
l'empêchera pas du reste, dans la Deuxième Epître, de comparer l’union avec le Christ 
aux noces d’un homme avec une chaste épousée (« virginem castam exhibere Christo », 
IT Cor. x1, 2), montrant par là le cas qu'il fait de celles-ci. 

Pour finir, relevons avec J. Weiss la largeur, le sens du réel montrés par l'ascète 
Paul dans le gouvernement de sa communauté. Ce verset n'est pas un ordre donné à 
tous de contracter mariage (cfr. le v. 6); mais c’est plus qu'une permission, c'est une 


ÉPITRE AUX CORINTHIEXS, VII, D. ° 457 


propre corps, mais la femme. 5. Ne vous privez pas l’un l’autre, si ce 
n'est peut-être d’un commun accord, au temps qu’il faut, afin de vaquer à 
la prière et d'être de nouveau ensemble, afin que Satan ne vous tente pas 
du fait de votre peine à garder la continence. 


exhortation adressée au commun des fidèles, pour le bien de leurs âmes et la dignité 
de l'Église. | 

——— À, 3. tv dpetfy : ce substantif apparaît Mat. xvur, 82, Rom. xim1, 7 et dans 
les papyrus au sens de « dette », « chose due » (Moult.-Mill.); l'expression des 
théologiens; « debitum tori » provient de ce mot paulinien (Toussaint). Il à été glosé 

en thv dperlouévny eëvoray (« {la due bienveillance ») dans K, L, al., syr., et thv éperho- 
uévnv sufv (« l'honneur dû ») par Chrys, al., euphémismes introduits sans doute à 
cause de la lecture publique, mais qui n'excluent pas le sens de « debitum ». 

A. 4. ttouoidter, le même verbe que vi, 12, ce qui aide à détérminer la portée de cet 
autre passage, v. ad loc. — 1f vnotela xai... (« au jeûne ét... »), addition ascétisante 
dans K, L, syr., got., Théodoret, faite peut-être par suite dé la simple habitude de 
rapprocher « jeûne et prière ». 

A. 5. ouvépynole pour te, K, L, P, al. f, g, oulo., syr., Chirys, —- Ent sd adr6, cfr, 
Act. u, 1, idée de convergence, déjà chez les classiques, Thucydide, etc., comme 
els vd aûté; euphémisme d'après quelques-uns. — te dépend grammaticalement, comme 
cyohdonte, de va, mais, en logique rigoureuse, il est évident que ce n’est pas le but en 
vue duquel se fait la séparation temporaire (äxoovepsïre) ; on pourrait donc le séparer 
de cè qui précède, comme le font beaucoup de traducteurs, et écrire : « .… pour 
vaquer à la prière; et puis remettez-vous ensemble, de peur que Satan, etc. ». 
Bachmann, d'après Gal 1, 40, voudrait que {va signifñàt « à la condition que... »; 
cela n’est pas nécessaire, et il trahit encore ainsi sa préoccupation de ne pas trop 
exalter la chasteté. — si pr &v — « nisi forte », insiste sur la rareté de cette con- 
joncture. — Ïlobs xapév peut signifier : « pour un temps (limité) », ou « selon qu'il 
convient à la circonstance. ». 

B 3-5. Saint Paul conseille donc le mariage, et l'usage fait sans scrupule des 
droits légitimes qu’il comporte. L'acte conjugal est une dette que chacun des époux 
peut réclamer à l'autre; sur ce point il n'y a aucun privilège pour l'homme ni pour la 
femme, mais égalité parfaite (6uolws, répété), La femme a autant de droit à cet égard 
sur l'homme que l’homme sur la femme. Cette assertion, dans la morale chrétienne, 
est devenue toute naturelle; mais c'était alors une grande innovation {1) à l'avantage 
de la partie la plus faible, de l'épouse; car là même où la loi n'admettait que la mono- 
gamie, la femme était de fait sacrifiée; au temps de la pire dissolution gréco- romaine, 
la loi et l'opinion publique lui imposaient encore une certaine fidélité, mais combien 
de païens auraient reproché à un mari de satisfaire où bon lui semblait ses caprices 
amoureux? L'Évangile a changé cela, pour toujours, en droit, malgré le retour des 
mœurs païennes dans les sociétés décadentes. Il n'y a même que l'Évangile qui ait 
osé pareille réforme des mœurs; dans les plus grandes sociétés non chrétiennes, le 
Concubinage, par exemple avec des servantes ou des esclaves, est publiquement 
accepté, dans l'Islam, en Chine, et cela même par les épouses légales. 

Ayant ainsi bien replacé les choses dans l'ordre surnaturel et divin contre les 
rigoristes et Les libertins à la fois, l’'Apôtre n'entend cependant pas empêcher les 
Chrétiens de se mortilier dans l'usage de ces biens et de ces plaisirs, pas plus que 
dans tous les autres que Dieu à permis. Mais ici, puisqu'il y a dette (égaux), et une 


(1) Les rabbins enseignaient bien la même chose (S4r.-Bill. ad loc); mais ils admettaient 
toujours La polygamie, 


158 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, VIt, 4-7. 


6. Toëro D éyw xatà GUY VE ENV) où narT’ émurayhv. 7. “Ou “DE révrac 
&vôporous slvat @s nat Epautov" GAN Éxaoros Troy Eye “ydpioua x Oeoë, 6 paèv 
oÙtws, à DÈ oÙtuc. 


certaine aliénation de son propre corps, la justice empêche une partie isolée de faire 
ce qui lui convient à elle seule, fût-ce pour son progrès spirituel; on est toujours 
deux à décider. Si l’homme et la femme tombent d'accord, il est louable de s'abstenir. 
de rapports conjugaux, afin d'apporter plus de préparation au recueillement de la 
prière (cfr. vi, 34); déjà les prescriptions des Juifs (par exemple au Jour de l'Expia- 
tion, Str.-Bill., p. 372, et certains rabbins avaient étendu la défense) comme aussi 
celles des païens, avant l’accomplissement de diverses fonctions religieuses, impo- 
saient un temps d'abstinence sexuelle. Mais l’Apôtre, avec son bon sens, sa modéra- 
tion et la rectitude de sa psychologie, craint ici que le zèle intempestif d'un des 
conjoints ne lui fasse exercer sur l’autre, moins austère ou moins persévérant, une 
pression morale qu'il ne pourrait supporter et qui l'exposerait à des tentations 
d’infidélité ou à d’autres. Que l'épreuve ne lui soit donc pas trop longue. Sa manière 
.de parler est elle-même très délicate et humaine. Lorsqu'il dit : « ne vous privez pas 
l'un l'autre », ou « l’un de l’autre », il montre, note finement J, Weiss, qu'il sait se 
mettre à la place de ceux qui trouvent dans leur union une joie ininterrompue. Ce 
grand saint austère n'était nullement l'ennemi en principe, pour les autres, des 
plaisirs que Dieu a permis. 

Ainsi, en ces versets 3 à 5, qui pourraient se détacher comme une sorte de paren- 

thèse, il a expliqué son « impératif » du verset 2, et éclairé la conscience de ses 
fidèles tant sur la légitimité du mariage que sur son utilité spéciale dans le milieu 
corinthien, sur le don qu'il'entraine d'un seul homme à une seule femme et récipro- 
quement, sur l'équité qui doit en régler les rapports, et sur ce qui, sans nuire à leur 
essence, peut y mettre plus de souplesse et les sanctifier davantage. 
A. 6-7. On discute beaucoup pour savoir à quoi se rapporte voÿro; voir 
infra, à B. — ouyyvéunv, hap. leg. dans le N. T. — 0£0 yép au lieu de 0élw ôé, dans 
B, K, L, P, al., syr., vuls.; la vulgate porte : « Volo enim omnes vos » au lieu de 
0. OÈ raévras &vownous. Le verbe ne signifie pas toujours proprement « vouloir », 
ni même « souhaiter »; le sens premier est plutôt « vouloir bien », « consentir », et 
c'est celui qui convient ici : « Je veux bien », ou « Je voudrais bien », peut-être avec 
une pointe d'indulgente ironie, cfr. vu, 82, et surtout x1v, 5 (v. ad loc. — &s ai Euav- 
dv, cfr. Act. xxvi, 29, où Paul dit : éxoïos na ëyu eu). — Xdpioua : cfr., à côté du 
ch. xu, le ch. xt où La charité, qui doit être commune à tous, est présentée comme 
le charisme suprême (d'après xur, 31), et divers passages de Rom., où « charisme » 
désigne la vocation, et tous les dons surnaturels de Dieu; ce n’est donc pas néces- 
sairement une grâce exceptionnelle et de nature extraordinaire, comme les « gratiae 
gratis datae »; voir comm. du ch. x. — éivar s, comme yivesbat Ge, etc., locutions 
qui se rencontrent chez Paul, Mathieu, Luc, sont étrangères au classique et sentent 
le sémitisme : Écecûe ds Oeol Gen. in, 5 (Abel, p. 349). — 6 uèv obtuc, à à o. n’est pas . 
classique. 

B 6-7. Entre tout ce qui précède, qu'est-ce que Paul a énoncé « comme une 
concession », un avis, un Conseil, et non « comme un ordre » ? À quoi se réfère Le 


pronom « ceci », tobro? 


Il y a trois genres d'opinions. 
a) Origène, Tertullien, Jérôme, Théodoret, Ambrr, Hervé, Lap., Calmet, Cornely, 


Sales, Callan, Loisy (semble-t-il), J. Weiss, estiment qu'il ne s'agit que de 5» (la 
reprise des rapports après une abstinence temporaire); car, dit J. Weiss, ce qui a 
été dit auparavant consiste en ordres, non en conseils : ot, ajoute-t-il comme 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, VII, 6-7. 159 


6. Cela, je le dis cependant par mode de concession, non de commande- 
ment. 7. Je veux bien que tous les hommes soient comme [je suis] moi- 
même; mais chacun tient de Dieu son propre don de grâce, l’un ainsi, 
l’autre ainsi. 


Cornely, une abstinence continuée serait plus parfaite aux yeux de l’Apôtre, si l'on 
avait le don de la continence. | . 

b) D'autres pensent que « ceci » se rapporte au v. 2 seulement, où Paul exhortait 
à contracter mariage. Il y exhorte, maïs il n'y oblige pas, puisque la continence, en 
soi, serait préférable. Ainsi Bèze, Baur, Bisping, Godet, Fillion, Bachmann, al. 

c) D'autres étendent le sens du mot « ceci » : soit à 2 et à 5, c'est-à-dire à la 
permission ou au conseil de se marier, maïs avec la faculté de garder une conti- 
nence temporaire au cours de la vie conjugale; ainsi P. Lombard, s. Thomas, 
Estius, Lietzmann, al. (Gutjahr et Sickenberger précisent encore : au v. 2 et à 5h, 
c'est-à-dine à la reprise des rapports conjugaux); — soit au tout, depuis le com- 
mencement; ainsi Cajetan, Bengel, Rückert, Heinrici, Rob.-Pl., Toussaint, Lemon- 
ryer, al. 

Nous nous rallierons à cette dernière opinion, et nous jugeons (avec Rob.-Pl.), 
que la moins probable de toutes les autres hypothèses est la première mentionnée, 
celle qui retient la pensée de Paul à un détail secondaire comme est la reprise des 
relations après un temps d’abstinence. Il faut comprendre le style de Paul, qui mêle 
souvent à ses exposés des digressions ou des explications qu'il faut en détacher pour 
suivre le fil de l’idée essentielle. Ce qui est capital dans le morceau présent, comme 
réponse à la demande des Gorinthiens, c’est le v. 2, le conseil donné aux Corin- 
thiens de se marier quoique la continence parfaite demeure, en soi, un état supé- 
rieur, que Paul ne veut certainement pas interdire à ceux qui en sont capables. 
Voilà pourquoi Paul y revient au v. 6, et explique que malgré la force impérative de 
sa parole (ëçétw), il ne donnait pas un ordre absolu, maïs une permission d'ensemble 
qui est même plus que cela, qui est pour le grand nombre une exhortation dictée 
par la prudence. Les versets 8-5 n'étaient qu'une explication apportée au v. 2 (et au 
v. 1), afin de préciser (non comme un conseil, mais comme la définition même du 
mariage) les droits et les devoirs réciproques (6ye#) que l'union monogame impose 
aux gens mariés, sous la réserve qu'ils peuvent de temps en temps, pour un motif 
religieux et d’un commun accord, en suspendre l'exercice. On pourrait donc mettre 
en parenthèse ces versets explicatifs (où Paul répond peut-être à certains points 
secondaires de la question posée dans la lettre de Corinthe). — Enfin, au v. 6, Paul 
conclut : « Cet état — dont je viens de règler les conditions — je vous permets et. 
vous conseille bien en général d'y entrer, quoique je n'y oblige personne ». L'accent 
est sur le mot ouyywinv; les plus rigoristes de Corinthe doivent savoir désormais 
que Paul approuve le mariage des chrétiens, sans vouloir l'imposer. 

Cependant lui-même n’est pas marié, il nous l’apprend ici avec certitude (6 at 
évautév, voir au v. 8), et il est naturel que son exemple donne de l'émulation à ses 
néophytes. Mais, parmi ceux qui se croient capables de suivre un si haut exemple, il 
en est qui ne le sont pas. L’Apôtre leur dit, en des termes qui s'accordent bien avec 
le principe du v. 4 (sur la beauté de la continence), mais qui renferment peut-être ici 
un peu d'ironie à l'égard des ascètes présomptueux (1) : « Je veux bien, ox je vou- 


(1) Cornely (qui lit 0w yéo comme Vulg.) ne voudrait pas admettre que ce souhait soit 
purement platonique (et ironique encore moins). Mais si l'on traduit 0ékw par « je souhaite », 
ce mot n’a pas plus de portée que « je voudrais bien », à ne regarder que l'avantage théo- 
rique et tout personnel de l'être humain, — point de vue auquel Paul ne se restreint 
jamais dans un cas concret, | 


160 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, VII, 1-7. 


drais bien, cependant (6£kw dé), — malgré l'indulgente autorisation que je donne, — 
voir tous les hommes en état de supporter le célibat comme je le fais »; — ou « Car 
je veux bien ou je voudrais bien (0élw yép), — et c’est la raison pour laquelle je ne 
fais pas du mariage un précepte (où xav émcayiv) — voir tous les hommes, etc. ». Mais 
tous les hommes ne peuvent ainsi garder la continence. Car il leur faudrait un don 
spécial de Dieu, qui n’est pas accordé à tous (cfr. Mat, x1x, 11). Ceux qui ne le pos- 
sèdent point ne doivent pas s’en désoler : car ils peuvent en avoir un autre à la place. 

Nous touchons ici encore à un point de doctrine très important, et très discuté. 
Est-ce que saint Paul considère le mariage — le mariage chrétien, bien entendu — 
non comme une chose indifférente en soi pour le bien de l'individu, une solution d’uti- 
lité et de prudence pour écarter des tentations, mais comme une « grâce » de Dieu, 
un yéetcua qui peut justifier l’éfouoia qu'on accorde sur soi-même à une autre personne 
(voir vi, 12-17), et dont la possession compense dans une mesure l'absence du don plus 
relevé de la chasteté embrassée pour le service de Dieu (v. 25-suiv.)? Beaucoup d'in- 
terprètes acatholiques, à cause des préjugés eschatologiques et encratites qu'ils prêtent 
à Paul, ne l'accordent pas. Zietzmann veut entendre à peu près ceci : « Chacun n’a 
que le don que Dieu lui assigne; aux uns il accorde le don de la continence, et aux 
autres pas » (un des deux oftws serait donc purement négatif, signifiant l'absence du 
don). Bachmann juge que zéptoux ne se rapporte pas au mariage, mais à d’autres dons 
quelconques, que Paul ne détaille pas, et que peuvent avoir des chrétiens qui ne 
peuvent cependant rester continents; 7. Weiss, à peu près de même, que Paul fait 
entrevoir, par urbanité, à la place de la continence, [a possibilité de posséder quel- 
qu'un des charismes dont il sera question au chap. xn. Des protestants modérés, 
comme Godet, restreignent la signification de « charisme » aux dons qu’on reçoit pour 
des vocations extraordinaires, et, par exemple, la continence même ne serait recom- 
mandée qu'aux privilégiés qui n'auraient plus aucun combat à soutenir dans la chair. 
Pour eux tous, le mariage, vocation commune, ne saurait donc être un « charisme ». 

L'ensemble des catholiques en juge tout autrement. Pour eux, ce mot de « cha- 
risme » vient relever:ce que Paul avait dit jusqu'ici du mariage en s'en tenant au simple 
point de vue de la prudence. Eci il présente le mariage sous un aspect bien plus élevé, 
comme un « don de Dieuw (s. Thomas). Théodoret l’a expliqué en très beaux termes : 
« Ceux qui sont liés par le mariage, [Paul] les a consolés [de ne pas posséder le don 
supérieur de continence parfaite], en appelant le mariage un don de Dieu; car.avec 
l’aide de ce don, on peut garder la tempérance qu’il faut observer dans l'état matri- 
monial ». De même anciennement Origène, puis Théophylacte, Lombard, s. Thomas, 
Lap., Estius, Cornely, Toussaint, Gutjahr, Sickenberger, etc. Nous verrons, au com- 
mentaire du ch. x17 et suivants, que le sens propre du mot « charisme », qui désigne 
parfois des grâces de Dieu n'ayant rien d'extraordinaire dans la forme, et qui d'ailleurs 
est plus étendu que celui de « gratia igratis data », ne s'oppose pas à cette interpré- 
tation, laquelle est de beaucoup la plus simple, la plus logique et la plus profonde. 
Les catholiques, dans l'ensemble, ont beaucoup mieux saisi que les protestants l'es- 
prit qui dictait à Paul ses enseignements sur le mariage chrétien. 

Nous pouvons aïnsi rendre ‘son idée, moitié en résumé, moitié en paraphrase : 

« Vous avez raison de m'écrire que la continence parfaite est une belle chose. Mais 
vous, ‘Corinthiens, mariez-vous plutôt, voilà mon conseil. (Et comprenez tout ce à 
quoi vousengage cet état : fidélité, égalité de droits conjugaux; ne cherchez pas trop 
facilement, car ce serait imprudence de votre part, à changer le mariage en une 
sorte de célibat précaire). Gependant je ne dis pas à tous qu'il soit nécessaire de se 
marier. Le célibat est une vocation aussi; la preuve c'est qu'il est la mienne, et je la 
‘trouve très haute, Si vous étiez tous capables de garder le célibat, je ne pourrais que 
m'en réjouir et vous en féliciter; mais vous savez bien qu'il faut pour cette parfaite 
continence une grâce spéciale de Dieu, qui n'est pas accordée à tous; ceux quime 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, VII, 1-7. 161 


l'ont pas reçue ne doivent point se désoler pour cela, car il y a d’autres dons, et le 
mariage sanctifié par La foi en est un ». 

Si les « charismes », d’après le ch. xn, sont répartis pour le bien général de l'Église, 
chacun comprendra que le mariage qui multiplie le nombre des fidèles puisse porter 
ce nom, aussi bien, par exemple, que des œuvres d'assistance ou d'administration 
{xu, 28). Paul ne l'explique pas ici, non qu'il ait cru à l'inutilité de propager l'espèce 
humaine en face d'une Parousie imminente, mais parce qu'il prenait les choses, 
comme l'avait fait la lettre de Corinthe, au point de vue de l’avantage individuel. — 
D'autre part, si « charisme » est pris au sens de « grâcé » en général, le mariage en 
est un, après la continence, du seul fait déjà qu'il prémunit contre les tentations de 
péchés charnels. 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS. 11 


‘ IL. Indissolubilité du mariage et « privilège paulinien » (vu, 8-16) 


Inr. — Les premiers versets de ce morceau le relient parfaitement à ce qui précède; 
après un mot sur la supériorité de la continence, Paul proclame l'indissolubilité 
absolue du mariage chrétien (10-11). Moins tranché est le cas de deux époux qui 
auraient contracté mariage étant encore incroyanis, et dont un seul aurait embrassé 
la foi; alors il peut y avoir lieu à l'application de ce qu'on a appelé plus tard «le 
privilège paulinien ». | | 

L'interprétation de ces versets présente un assez grand nombre de difficultés dans 
le détail; mais ce qui en ressort en ioute clarté, c'est que le lien contracté par le 
sacrement de mariage ne peut étre rompu, et la distance que maintient Paul entre 
l'autorité de la tradition venue du Seigneur, qui est absolue, et les prescriptions que 
les apôtres peuvent y ajouter; celles-ci ne doivent étre que des applications ou des 
explications entièrement subordonnées aux précepies reçus du Christ; considération 
qui a beaucoup d'importance pour trancher ce qu'on a appelé le problème de « l’in- 
dividualisme de Paul ». 


s =, * - S = 
Cu. vu, 8. Aëyuw Ôè voïs “aœyépors xat “vais yheas, xaNdY abroïs Eay pelvwotv 
Xe rèyo 9. Ei dè-obx EVupareborrat, yapnodruoav" xpelrror yép Ecru “Yapetv 


SN 


À “Tupoïohar. 


A. 8-9. voïs œyduor : ce mot, comme le verbe ÿaueiv dont il provient, se dit au sens. 
large pour les deux sexes {cfr. v. 10, voïs yeyaunxésiv, quoique le terme propre pour la 
femme soit yaueioba) ; ainsi Cornely, Lietzm., Bachm., al. Dans les &yapot peuvent être 
compris les veufs, xäpot (Lietzmann), et il n'y a aucune raison de vouloir changer vais: 
xhpous en vois xhpois, comme le fait Schmiedel, ou de supprimer raïs xfpais avec Holsten 
et J. Weiss, comme si Paul ici n’avait pensé spécialement qu'aux hommes. — Kal ras. 
xdpais ; le xxl détache spécialement un membre de l'ensemble (comme Marc, xvi, 7) 
pour le mettre en évidence : « et en particulier aux veuves » (Bachm., Sickenb.), cfr. 
infra le v. 40. — xaXév, cfr. supra le v. 1. — peivwow ds xäyw, voir au v. 7, supra. — où 
avec st (au lieu de 4), fréquent dans le N. T., n’est pas inconnu chez les classiques, 
soit qu’on prenne la négation comme faisant corps pour ainsi dire avec le verbe (ce 
qui peut être le cas ici), soit pour insister sur la négation (ei u signifie plutôt : « à 
moins que »). — zupoÿola signifie ici, par le contexte, se consumer dans la peine et la 
lutte non victorieuse contre des passions mal refoulées, comme un feu qui couve sous 
la cendre; tout différent est le sens qu’il prend Z7 Cor. x1, 29; Æph. vi, 16 et Apoc. 1, 15, 
ui, 48. — tyrpatebeodat ne se retrouve que plus bas, 1x, 25, dans tout le N. T. — Cfr. le 
v. 3 au v. 1, et le verset 9 au v. 2. 

B. 8-9. Ce verset nous semble un correctif (dé) apporté à la recommandation pré- 
cédente du mariage; bien que l'Apôtre soit allé jusqu’à l'appeler un « don de Dieu », 
il ne veut pas laisser croire qu'il le mette au-dessus, ni au niveau, de la parfaite con- 
tinence. Celle-ci, comme il l’a déjà dit au v. 1, est par excellence la chose « belle » 
{xaXé), c’est-à-dire honorable, excellente et avantageuse, un bien qu'il a toujours 
voulu conserver lui-même (cfr. v. 7) (1). Il l’affirme à ceux qui.ne sont pas liés déjà, 


(1) Ces vv. 7 et 8 (cfr. plus bas 1x, 5) prouvent que Paul n’élait pas marié quand il a écrit 
cette lettre; c'est une supposition en l'air de se figurer qu'il fût veuf (d'autant plus qu'il ne 
parle ici que de « veuves »), ou qu'il ait jamais pris femme depuis, ce qui eût été tout à fait 
contraire à sa doctrine — malgré la fantaisie de Clem. Alex., sur yvñore aûtuye (Phil. 1v, 8), 
dans Sérom. 111, 6, 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, VII, 7-9. 163 


hommes ou femmes, et à ceux qui ne le sont plus — spécialement aux veuves, parce 
que la conduite à tenir par celles-ci était sans doute plus discutée, à Corinthe comme 
ailleurs (cfr. infra, 39-40, et Z Tim.,.passim). Ainsi il prépare ses instructions sur la 
virginité chrétienne (25 ss), et sur le veuvage chrétien (39-40). On peut noter qu'il y 
arrive en trois temps (v. 1; — v.9; — vv.25 sss. et 39 s.), procédé plus instinctif que 
calculé sans doute, mais qui est assez caractéristique de sa manière (1). 

Cependant, comme il l'a dit au v. 2 (àcx tas nopvelus) et au v. 7, ilest, en pratique, 
conseillable au plus grand nombre de se marier; car, en visant à un état de perfec- 
tion trop élevé au-dessus des forces communes, ils pourraient se condamner à 
une vie malheureuse, et peut-être même vicieuse, n'ayant pas su éteindre les 
passions qui les consumaient. Et si elles subsistent toujours avec cette viru- 
lence, surtout si elles les entraînent au péché suivi de remords, c’est le signe que 
Dieu voulait qu'ils fussent mariés. Toutefois il ne faudrait pas, avec des hétéro- 
doxes, conclure de ce passage que Paul recommande le célibat à ceux-là seulement 
qui n'auraient plus aucune lutte charnelle à subir. 

A. 10-11. yeyaunxésw : pour le sens général de yausiv, v. supra. Le parfait 
marque un état acquis, stable : « à ceux qui sont une fois mariés », « une fois qu'ils se 
sont mariés », c'est-à-dire les mêmes dont il était question au verset précédent; — 


Cu. vu, 8. Je [le] dis cependant aux non-mariés et aux veuves, c'est 
chose excellente pour eux s'ils demeurent comme [je suis] moi-même; 
9. Mais s'ils ne peuvent être continents, qu'ils se marient; car mieux 
vaut se marier que d’être sur le feu. 


rapayyéw, ce n’est plus un conseil, mais un ordre; — « non pas moi (cfr, énfra 12, 
25, 40), maïs le Seigneur », voir Mat. v, 32; xx, 2-9; Marc, x, 2, 9, xr, 12; Luc, 
XVI, 18. — yuwpiteolar est le terme propre pour « divorcer », non moins que dptévau, 
dans le droit grec et romain (Deissmann N B S); l'aoriste ywpto0fvar marque l'acte 
même qui met dans l'état de séparation (avec ou sans formalités légales); plus bas, 
on ne peut guère décider si les mots &àv Gè xai ywopts0ÿ se rapportent au passé,. au 
futur, ou envisagent la séparation en général, sans rapport à un temps déterminé; 
tév est bien la particule d'éventualité la plus générale, maïs le xaxt. (— « même ») 
pourrait marquer un fait déjà posé, connu; aussi notre traduction reste imprécise 
à dessein. — Les deux versets 10 et 11 ne font qu'une phrase, coupée par la 
parenthèse éày .. xatallayftw; procédé qui n’a rien de surprenant dans le style 
de Paul, tout en ne ressemblant guère à ceux d'un « style oral » mnémotechnique; 
aussi J, Weiss a-t-il certainement tort de soupçonner dans la parenthèse l'addition 
d'un interpolateur qui aurait voulu traiter complètement la question du divorce, 
tandis que Paul se serait contenté de répéter équivalemment l'ordre du Seigneur. 

B. 10-11. Paul parle toujours encore pour ceux qui sé marieraient après seule- 
ment qu'ils ont fait, l'homme et la femme, profession de christianisme — c’est-à- 
dire pour les mêmes qu'aux vv. 8-9, — et, par la même occasion, pour les conjoints 
qui se seraient fait baptiser l’un et l'autre, sans s'être séparés, depuis leur union. 
Qu'il s'occupe d'abord exclusivement de ceux-là, des « époux chrétiens » en 
général, c'est ce qui est manifeste grâce au v. 12 (infra), où il leur oppose « les 
autres » (rois Auroïs) qui sont les chrétiens unis {avant leur conversion, v. infra) 
avec un conjoint infidèle. 


Donc il y à des chrétiens, célibataires ou veufs, qui font bien de contracter 


(1) Nous avons montré, daus notre commentaire de l’Apocalypse, qu'il est devenu tout à 
Systémaiique chez Jean. 


164 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, Vlt, 4-16. 


U \ / \ CRE NS 

10. Toïs DÈ Yeyapmrôow mapayyéAkw, obx yo GAA 6 xbptaç, yuvatrà àmd 

ADET Û _ + 11 1 S: \ *, …s 5 N 0 JT NN 

avOpès Mn Yuwpio0var . —— eav ÔÈ xxt Ywptolÿ pevétu dyagos à Tù avôpt 
Xatakhayhte, — xat Spa Yuvaira h aouévar. 

12. Toiç dÈ “houmoïs. héyw yo, oby à xéproc” el vis ddehobs yuvaira Éyer 

dmiotov, nai aÜtn ouveudonei olueiv mer” aToD, ph Gqrérw abdrhv. 13. Ka! yuvh 


mariage, soit pour se garantit des atteintes de la concupiscence, soit naturellement 
aussi pour des raisons plus hautes que Paul est certes bien loin d’exclure; mais 
qu'ils sachent bien que, une fois mariés, il ne leur sera point permis de rompre le 
lien conjugal, ni seulement de vivre séparés; le mariage et la ‘cohabitation ne 
peuvent être, par exemple, un expédient temporaire pour le temps où ils ne se 
sentent pas capables de continence (cfr. v. 5), ni auquel ils auraient ew recours pour 
tout autre motif. (Remarquons que déjà Paul insinue ainsi que le remède à la 
concupiscence n'est pas le seul but du mariage). Ge n'est pas là le simple com- 
mandement d’un homme comme Paul, si haute que soit son autorité d’apôtre, c’est 
l’ordre du Seigneur lui-même (que la communauté connaissait déjà par la tradition 
orale que lui avait transmise la première prédication, et par les recueils de Logia 
qui déjà existaient). Nous voyons que Paul ne se contentait donc pas de prêcher 
la mort et la résurrection du Christ, mais avait souci de transmettre inaltérés, 
comme un bon économe (v. 1v, 1-2), les enseignements moraux et sociaux du Maître. 

Le contraire est même si inconcevable qüe nous pourrions nous demander 

comment il pouvait demeurer à Corinthe la moïhdre obscurité sur ce point-là, pour 
que Paul se vit obligé de rappeler le principe évangélique. Cela est pourtant facile 
à comprendre, si nous nous représentons, avec Bæechmann, al., les éléments dont 
s'était formée la communauté : des Juifs, .qui avaient eu autrefois la faculté légale 
de renvoyer leurs femmes; des païens, chez qui chacun des époux pouvait naguère 
prendre l'initiative du divorce; des esclaves, dont l'union n'était pas garantie par 
la loi; des couples où l'une des parties était. de condition servile, et entre qui le 
lien n’était pas légalement bien solide. Bien des néo-convertis, avec les habitudes 
qui leur ont été reprochées de subtilité et de chicane, pouvaient éprouver quelque 
répugnance à reconnaitre une valeur abolue, pour cette variété de situations, au 
précepte du Christ. | 

L'innovation réformatrice de l'Evangile était grande, sans contredit, mais Paul la 
maintient en toute sa rigueur, Et, ici encore, ce-prétendu antiféministe met l’homme 
et la femme sur le pied d'égalité : si la femme ne peut quitter son mari (ce 
qu'autorisait le droit païen), le mari ne peut davantage renvoyer sa femme (contre 
le droit israélite). Peut-être est-il question du départ de la femme en premier lieu, 
parce que la partie féminine de la communauté était plus sujette encore que l'autre 
aux agitations téméraires, comme on le croirait d’après les chap. x1 et x1v, V. ad 
loc. (Bachmann, Gutjahr). 

De fait, malgré cela, on peut se trouver en face de cas de séparation. Il a pu 
s'en produire dans le passé, pour toutes les raisons indiquées, avant que l'église 
reçoive la lettre de Paul; alors les mots êùv 6 4al ywpto0ÿ voudraient dire : « même 
au cas où la femme se serait déjà séparée »; il peut même y en avoir dans l’avenir, 
(contre Bachmann) non seulement par suite d'abus et de rébellion aux ordres aposto- 
liques, mais parfois pour de justes motifs, que Paul ne précise pas, mais qu’il présup- 
pose {s. Thomas : « si discesserit, propler casum flornicationis », v. Mat.; Cornely, al.) 
Toujours est-il que le lien conjugal ne sera pas rompu pour cela; la femme séparée ou 
renvoyée ne pourra pas se remarier (Il est sous-entendu, en vertu de tout le contexte 
qui met les deux sexes sur le pied d'égalité en ces matières, que l'homme ne le pourra 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, VII, 10-13 | 165 


10. Mais, une fois qu'ils se sont mariés, je leur prescris, (non pas moi, 
mais le Seigneur), à la femme de ne pas se séparer du mari, 11. — au cas 
même d’une séparation, qu’elle reste sans homme, ou se réconcilie avec 
le mari, — et au mari de ne pas renvoyer la femme. | 

12. Quant aux autres, je [leur] dis (moi, non le Seigneur) : Si quelque 
frère a une femme incroyante, et qu’elle consente à cohabiter ayec lui, qu'il 
ne la renvoie pas; 13. et toute femme qui a un mari incroyant (et celui-ci 


davantage) (1). Il faut que les époux, quand même leur séparation aurait eu des raisons 
légitimes, cherchent à se réconcilier, et, si la chose est impossible, au moins qu'ils 
s'abstiennent d’autres noces; car ils sont toujours unis devant Dieu (ce passage peut 
servir à l'interprétation des difficiles versets de Mar. v, 32 : « Omnis qui dimiserit uxo- 
rem suam, excepta fornicationis causa, facit eam mæchari; et qui dimissam duxerit 
adulterat », cfr. x1x, 9; Paul est aussi catégorique que les textes de Marc et de Luc, 
loc. cit.). | 

Teile est, d'après l’Apôtre, et telle restera toujours, en vertu de l'ordonnance 
expresse du Christ, la loi du mariage d'un chrétien avec une chrétienne. 

— À. 12-13. Le sens de zofs Aorxoi est clairement déterminé par la suite du 
verset; — y, oùy 6 xôpos, cfr. 25, 40, et pour l'idée inverse, supra, 10; — 
Eye, cfr. éyére du v. 2; — el ms au lieu de fxs dans N, D*, F, G, P, al, pulg.; 
c’est une assimilation au précédent, favorisée par la confusion des sons de net de 
e; mais il faut garder fx et l'anacoluthe, comme 7%, 1, 2-8, al. 

B. 12-13. Paul s'adresse maintenant « aux autres », c’est-à-dire à ceux qui n'ont 
embrassé la foi qu'après s'être mariés, l’autre partie demeurant infidèle. Tout le 
monde l'interprète ainsi. Il ne s’agit pas de « mariages mixtes » qui seraient 
contractés dans l'avenir, car Paul, semble-t-il, ne les autorisait pas (v. au v. 39, 
infra), et d’ailleurs, s’il y en avait eu de tels, il aurait été décidé du premier coup 
s'ils étaient, oui ou non, valides et indissolubles; ce n’est donc point le cas des 
mariages actuels contractés avec dispense de l’empêchement de « disparitas 
cultus ». Pélage a observé fort justement : « Non... dicit : si quis duxerit, sed : 
habeat infidelem » (cité par Toussaint). 

Pour de tels cas, Paul avoue qu'il n’a pas d'ordre précis du Seigneur à trans- 
mettre; on voit toute la différence qu'il met entre la tradition venue du Christ et 
ce qui lui dicte sa propre prudence, même éclairée comme elle l’est par l'Esprit de 
Dieu. . 

Il recommande donc, d’après son propre jugement d'apôtre, au conjoint converti 
de ne pas renvoyer l'autre (&otévu, « renvoyer », semble plus fort que yupiteofor, « se 
séparer », et signifier ici la rupture du lien conjugal). Maïs c’est à la condition 
expresse que la partie incroyante « consente » (auveudoxet) à continuer la cohabitation, 
en se pliant elle aussi, bien entendu, à la loi de l'Evangile pour tout ce qui a trait aux 
rapports conjugaux; s. Thomas dit : « si quis frater, i. e. conversus in conjugio, con- 
sentit, i. e. sine contumelia Creatoris »; autrement, saint Paul n’admet pas qu’on la 


(1) Parce que Paul ne l’a pas dit expressément pour le mari, l'Ambrosiaster (dans un 
texte qui a été d'ailleurs contesté) avait avancé cette fausse opinion que l’homme qui a 
renvoyé légitimement une épouse coupable peut prendre une autre femme (opinion encore 
actuelle d’églises orientales et protestantes), « Quia non ta lege constringitur vir, sicut 
Mmulier; caput enim mulieris vir est», (I Gor. xt, 3). Voir Cornely, ad loc. Cajetan, qu 
tendait à l’admetire, souhaitait que l'Église émit sur ce point un jugement définitif; elle 
l'a fait au Concile de Trente. 


. 166 *ÉPITRE AUX CORINTHIENS, VII, 8-16. 


ke # 2 2 \ KA > , « ? 1, 2? 
Anis Éyer AvDoa muorov, — wa! oÙros ouvaudouet ofneîv per’ adtÿs, — L'h apéro 
s > t » + 
rov dvdpa. 14. * Hylaorar yap à avhp à dmioroc Ev TH Yuvauxié, Hai fylaotat À YuvA 
# ee _ » , e eu * *k = St 4 : 
h émioros èv rd ddehpd" “tel dpa va réxva dudv dxA0apré “Eoriv, “vDv DÈ Gyué Éomiv. 


retienne par une contrainte morale ou légale (voir au v. 15) qui détruirait toute paix 
dans le ménage. 

Ainsi s'éclaire le problème agité entre commentateurs, qui se demandent si Paul 
énonce ici un précepte ou un conseil. Chrys. et Theophylacte n'en disent rien; Theodt., 
Œcum., Tertullien (« Ad ux. » 11, 2), s. Jérôme, Cajetan, Calmet, et la plupart des 
‘ modernes, y voient un précepte; tandis que s. Cyr. Alex., s. Aug., l'Ambrr, Pélage, la 
Glose ordinaire, Lomb., Hervé, s. Thomas, Lyr., etc., opinent pour le « conseil ». 
Bachmann : saint Paul décide contre l'opinion qu'on doit rompre de tels mariages, 
non contre celle qu’on peut les rompre. 

Dans la suite, il semble n'y avoir d'autre cause de rupture envisagée par l'Apôtre 
que le refus du conjoint incroyant de continuer l'union aux conditions voulues (v. 15). 
Ce serait donc un ordre, mais un ordre conditionnel, et à prendre en un sens large. 
À. 14. Holsien a eu le tort de voir en ce verset une interpolation, pour la 
fausse raison qu'il ne s'accorderait pas avec le doute exprimé au v. 16, infra. — 
Remarquer le parfait fyiaotu. — àvèot pour àdekoë K, L, syr., ou 1ü nor ajouté à 
adekoë, Ambr', pulu., syr. — Ener äpx à v. 0. dxaû. éarly — « puisque, alors (ou en 
conséquence, ou autrement) vos enfants seraient impurs », cfr. v, 10 (v. ad loc.), 
Rom. im, 6 (sans äpa); ce sens de éxei se trouve bien chez les classiques, mais d’ordi- 
naire la particule & y est ajoutée, et l'indicatif présent est rarement employé comme 
« irrealis »; cependant on peut, avec J. Weiss, comparer la leçon de Joan. xix, 11 : 
aùx Eyets (au lieu dé etes) tfovolav... et uh %v dedouévoy ao ävwley, dans N, À, al. — vüv 
au sens logique : « il est de fait », « le fait présent est que... » 

B. 14. Ce qui justifie la prolongation d'un tel mariage mixte, c'est que la partie 
infidèle « se trouve sanctifiée » dans la partie fidèle, c’est-à-dire dans la personne du 
croyant, avec laquelle elle ne fait plus qu'un, et qui lui communique sa « sainteté ». 
Le temps parfait montre que c'est un état déjà acquis, présent et permanent. IL faut 
donc rejeter l'interprétation ancienne (la première de s. Thomas, Sales, Fillion, Le 
Camus, al.) qui l'entend d'une sorte de sanctification potentielle, en ce sens qu'il y a 
espoir que le conjoint croyant convertisse l'autre; fyiaotæ exprime plus que cette 
possibilité. 

Par ailleurs, cette « sanctification » est assez difficile à comprendre. Il ne s’agit 
point, cela va sans dire, d'un état de sainteté vrai, intérieur, pour le conjoint infidèle 
tant qu'il reste infidèle. On ne peut l’interpréter non plus, comme le fait Williger 
(« Hagios », p. 88) en un sens « magique », d'après lequel « la sainteté, c’est-à-dire 
la pureté, possède ici une force magique, communicable par contact, comme dans la 
religion juive et la religion grecque commune »; pareilles idées sont totalement étran- 
gères au Nouveau Testament. Reste donc qu'il s'agisse d’une « sainteté » externe, 
c’est-à-dire d'un état de non-impureté tel que, pour la partie fidèle, l’union à l’ infidèle 
ne puisse être regardée comme une souillure, une profanation du mariage, et que le 
mariage soit tenu pour légal, honnête, par la communauté. Le point de vue immédiat 
n’est donc ni éthique, ni mystique, il ne passe pas celui de la légalité, la distinction 
juive du « pur » et de L’ « impur »; à la fin du verset (v. in/ra), l'opposition de &xd- 
Gapgra, « impurs » à äyia, « saints », montre assez que « saint » — « pur », zalapés. 
Aussi peut-on bien croire, avec Lemon, yer, Sickenberger, et d'autres, que cette expli 
cation aurait été écrite spécialement pour des judéo-chrétiens, qui auraient répandu 
leurs idées et leur terminologie dans {a communauté. 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, VII, 14. 167 


consent à cohabiter avec elle), qu’elle ne renvoie pas son mari. 14. Car 
le mari incroyant se trouve sanctifié dans la femme, et la femme incroyante 
se trouve sanctifiée dans le frère; puisque [autrement] il faudrait con- 
clure que vos enfants sont impurs; or il est de fait qu’ils sont saints. 


Ainsi en jugent la plupart, avec quelque diversité de nuances. C'est la seconde 
opinion de s. Thomas, inspirée des anciens Pères. Elle apparaît chez Chrysostome : 
la pureté du croyant surmonte (wxë) l’impureté de l'incroyant; s. Jérôme (« ad Pau- 
lin. » ép. 85, 5), qui note que les Ecritures, en parlant, par exemple, des catéchu- 
mènes, qui n’ont reçu que le « sacramentum salis », ou d’autres purifications prépa- 
ratoires, nomment parfois « saints » ceux qui ne sont que « purifiés »; s, Augustin, 
dans « De peccatorum meritis et remissione », 11, 6; id. les Latins, Cornely, Rob.-Pl., 
Gutjahr, Bachmann, Toussaint, etc. Pour eux tous, ce passage signifie que le con- 
jojnt fidèle ne perd pas sa « sainteté » par l'union avec l'infidèle, et que la commu- 
nauté doit donc tenir celle-ci pour légale. 

Si l'on ‘en cherche la raison profonde, il faut peut-être se reporter à vi, 15-17 
(Lietzmann), le conjoint « membre du Christ » ayant englobé, d'une certaine façon, 
dans sa personnalité, celui qui ne l’est pas, et qui reçoit de la sorte une espèce de 
consécration extérieure (« saint » signifie « consacré »);.cela ne veut pas dire qu'il ait 
acquis par là aucune sainteté intérieure ; mais puisque, dans l'hypothèse, il a accepté 
librement (ouvevdoxet) de continuer à vivre en communauté avec la partie fidèle en se 
soumettant, pour ce qui concerne leurs rapports, à la loi évangélique, il ne peut plus 
la souiller ni la soumettre aux démons impurs avec lesquels lui n'a pas rompu par 
ailleurs; à cet égard il est donc devenu « pur » (— &y0s), c'est-à-dire « non-impur », 
et même « consacré » par participation, en certains actes extérieurs de sa vie, ceux 
qui lui sont communs avec la partie fidèle. Cette « consécration » pourrait avoir un 
certain caractère positif, en tant que le non-chrétien est devenu l’objet de l'amour, de 
l'espérance, de la prière du conjoint fidèle qui le garde associé à sa vie /Bachmann). 
Le catholique Düllersberger (« Das Heilige im Neuen Testament », pp. 75. s., 121), 
fait observer justement qu'il a fait ainsi un pas vers la conversion et l’état de sainteté 
intérieure; il se trouve entraîné d’une certaine façon dans le cercle d'action de la 
communauté des saints. Il est dans une mesure, dit Toussaint, « affilié à l’Israël de 
Dieu » (comme « les enfants », v. infra). Nous croyons comme ces auteurs, que, pour 
comprendre l’idée de Paul dans toute sa richesse, il faut donc introduire, à côté de 
la notion de « pureté légale » (qui était significative surtout pour les judéo-chrétiens), 
l'élément psychologique et mystique, — ce qui est faire droit suffisamment à la pre- 
mière opinion énoncée, en ce qu'elle avait de juste. 

Et ce verset montre comme Paul était éloigné de déprécier le mariage, puisqu'il lui 
assigne une action sanctifiante, — au moins celle d’une purification extérieure, qui 
peut préparer l'intérieure. 

Il éclaire enfin son assertion par un argument d'analogie qui devait être moins 
obscur pour les Corinthiens que pour les futurs interprètes : « Autrement, vos enfants 
seraient impurs; or il est de fait qu'ils sont saints ». 

Qu'est-ce à dire? de quels enfants est-il question? et en quoi leur condition peut- 
elle éclairer le cas précédent des époux? 

Il y a des solutions vieillies et abandonnées, qui violent le contexte en sautant par- 
dessus la première partie du verset, pour rapporter l'argumentation tirée de l’état des 
«enfants » au v. 13, à l'ordre ou au conseil de ne pas rompre l'union mixte: ainsi 
ces deux qu'on trouve dans s. Thomas, d'après lesquels il s'agirait soit des enfants à 
naitre d'un autre mariage qui suivrait la rupture, et qui pourraient être alors, dans 
l'opinion publique, regardés comme « impurs », adultérins (Id. Ambrr, les gloses, 


168 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, VII, 8-16. 


15. Et 0 & dmioros yupiteru, yupitéohw où Gedobhurar à àBehgde À à GdEho. 
y tofs roroûrotc Ev dè elphvn xéxAmuev “dpac 6 0e0c. 16. TE Yxo ofdac, yÜvau, “ei 
rdv dvdpa owoec; À tl oldac, dvep, el Tv Yuvaira we; 


al.); soit des enfants nés avant la rupture, qui resteraient légalement avec la partie 
païenne et seraient ainsi abandonnés à l'impureté du paganisme, au lieu de devenir 
« saints », chrétiens. Ces interprétations ne tiennent pas compte du fais certain que 
le cas des enfants n’est pas mentionné pour lui-même, pour l'avantage des susdits 
enfants, mais pour montrer par analogie comment un conjoint non converti peut être 
« sanctifié » par l’autre. 

Il faut donc, avec la masse des interprètes modernes, comprendre aïnsi cette 
phrase : Vos enfants (tous vos enfants, nés de mariages entre chrétiens ou de mariages 
mixtes) (1) ne sont pas considérés comme impurs (bien qu’ils n'aient pas encore reçu 
la sanctification du baptême, car on ne le donnait pas encore, sauf en des cas excep- 
tionnels, aux enfants en has âge); au contraire, ils sont « saints » (= non impurs), 
reçus déjà d’une certaine manière dans votre communauté de « saints », du seul fait 
qu'ils sont vos enfants, à vous chrétiens. De même, le conjoint non chrétien d'une 
personne chrétienne, se trouvant uni également à la partie fidèle par un lien très 
intime, ne peut être regardé comme impur, ni chassé pour cela. — L’argument est 
« ad hominem »; c'était un fait que l’église de Corinthe (comme les autres) regardait 
les enfants des croyants, bien qu'ils ne lui fussent pas encore incorporés par la grâce, 
comme faisant déjà, au point de vue légal, et au point de vue des sentiments, partie 
d'elle-même; elle ne devait pas davantage, dit Paul, regarder comme d'impurs étran- 
gers les païens que le mariage unissait à l’un de ses membres, et qui avaient, de ce 
chef, tant de chances de se convertir. Ainsi Cornely — qui observe à bon droit que ce 
passage ne favorise en rien La théorie pélagienne et calviniste de la « justitia tradux », 
— Lietsmann, Toussaint, Bachmann, Gutjahr, Sickenberger, J. Weiss, Lemonnyer, 
Callan, etc. | | 
A. 15. où dedoÿlwra, parfait : « n'a pas été asservi », c'est-à-dire « conserve 
sa liberté »; — voroûrots neutre; — Faut-il garder bu&, comme la plupart des témoins 
et des critiques, ou lire iv avec B, D, E, F, G, L, al. oulg., syr., Weymouth et, 
B. Weiss? Les deux leçons conviennent également. — xezh. êv elodvn (— eù etpévnv, 
« pour rester en paix »), construction prégnante fréquente dans le N. T., et connue 
aussi dans le grec antique, surtout les inscriptions. 

B. 15. Paul a donné une règle pleine d'équité et de charité; mais elle s'applique 
seulement à condition que la partie infidèle le veuille bien; si elle n'accepte pas de 
continuer la cohabitation aux conditions posées, le conjoint croyant n’est pas tenu 
de chercher à empêcher le divorce. S'il s’y opposait efficacement par des moyens 
légaux ou par une pression morale (chose qui pourrait se présenter facilement sur- 
tout chez un mari chrétien qui tiendrait à garder sa femme infidèle), la cohabitation 
imposée à l’autre deviendrait une source de troubles quotidiens et même périlleux 
pour l'âme; toute la communauté même pourrait en pâtir. 

Puisque le croyant « conserve sa liberté », peut-il contracter un autre mariage? 
L'Église l'a interprété ainsi, et c’est ce que les canonistes appellent le « privilège 
paulinien ». Dès le temps des Pères, Chrys., Ambr', on avait tiré cette conclusion du 
« où Bedoblwtar », expression qui fournit en effet une base suffisante à cette interprétation 


(1) Cette largeur n'était pas d'inspiration juive (cfr. Lie{smann). Slrack-Billerbeck, p. 874, 
établissent que Les enfants des prosélytes n'étaient regardés par la synagogue comme conçus 
dans la « sainteté » que si leur père et leur mère étaient passés auparavant l'un et l'autre 
au judaïsme, 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, VII, 15-16. 169 


145. Mais si l’incroyant veut se séparer, qu'il se sépare; le frère et La sœur 
ne sont pas asservis en de pareilles [conditions]; mais c’est dans la paix 
que Dieu vous a appelés. 16. En effet, que sais-tu, femme, si tu sauveras 
ton mari? ou que sais-tu, mari, si tu sauveras ta femme? 


dans le sens de la liberté complète; car comme le note Gutjahr (contre Schaefer),le 

lien sacramentel n'était pas établi du seul fait que le conjoint converti donnait son 
consentement à la continuation des rapports, tant que celui de l’autre demeurait en 
suspens. — Les anglicans Rob.-Pl. sont à peu près les seuls à mettre en doute la 
légimité de cette conclusion. 

A. 16. Le }ép montre que ce verset donne la cause de quelque assertion 
qui précède; il est certainement tout naturel de le rapporter à la phrase la plus 
proche, au v. 15 où est autorisée la séparation. Cependant les Pères l'ont rattaché 
plutôt au lointain v. 13, qui recommande de demeurer avec le conjoint infidèle; 
s. Thomas : « Unde scis », ti, e. hoc potest contingere; (que tu sauveras ta femme ou 
ton mari). Chrys. et quelques autres, qui étaient déjà de cet avis, lisaient à ui (non 
ei Là) au verset suivant (v. infra), et faisaient entrer ces deux monosyllabes dans le 
v. 16 : « Qui sait si tu le convertiras où non? ». Les témoins sont contre cette 
lecture; mais d’autres, ainsi ZLight{oot et Findlay, maintiennent la vieille opinion en 
faisant observèr que ei, dans les interrogations, équivaut quelquefois à et uñ; l'Apôtre. 
aurait dit : « Qui sait si tu ne convertiras pas ton mari, etc, (en demeurant avec 
lui)? » On ne trouve pas ei employé en ce sens dans le N. T., mais plus d’une fois. 
chez des auteurs profanes, et dans les LXX, ainsi Joël, 11, 14; Josué, mr, 9 ; Esther, 
IV, 14; IT Sam. xn, 22, où ei interrogatif marque un espoir plutôt qu’un doute. La 
question doit donc être tranchée par la logique plutôt que par la grammaire, v. infra. 

B. 16. Presque tous les commentateurs des derniers siècles, depuis Nicolas de: 
Lyre, estiment à bon droit que cette phrase est l'explication de la précédente. La 
raison (ou l’une des principales raisons) pour laquelle Paul disait au croyant de ne 
pas rompre, c'était l'espérance qu’il pouvait nourrir d'amener son conjoint à la foi; 
or, dans une union troublée, qui ne subsisterait que contre le gré de celui-ci, 
il ny aurait que des chances trop incertaines de le convertir. La partie fidèle, en de 
telles conditions, ne doit pas se faire scrupule de reprendre sa liberté, et de recouvrer 
a paix où l’appelait la vocation chrétienne. Voir d’ailleurs plus loïn, au v. 17. 

Nous voyons donc que cette « sanctification » dont a parlé le v. 14 n'était pas 
exclusivement extérieure et légale, mais connotait un espoir de sanctification inté- 
rieure pour la partie infidèle. — Nous voyons encore que, dans ce ças épineux, Paul 
ne fait aucune différence entre les droits de l'époux et ceux de la femme. (Pour l'en- 
seignement de s. Paul sur la famille, voir Ramsay, « The teaching of Paul in terms of 
the present day », pp. 268 suivantes). 


III, Conserver l’état extérieur où la conversion vous a trouvé 
(vu, 17-24). 


Inrropucrion. — Subitement le champ des considérations s'élargit. Paul a approuvé 
un changement d'état, dans le cas des unions à disparité de culte ; c'était, dit-il, une 
exception à sa règle générale. Ce qu'il conseille pour l'ordinaire, c'est de demeurer 
après la conversion dans la situation extérieure où l'on était avant de passer au 
christianisme; car toutes ces contingences deviennent chose secondaire quand on est 
transporté dans la vie nouvelle, et il y a moyen de s'accommoder de toutes. Digres- 
sion ou parenthèse dont on ne saurait surfaire l'importance; ce sont de telles direc- 
tions qui ont permis à la foi nouvelle de transformer le monde antique sans secousses 
révolutionnaires où elle eût risqué de disparaître elle-même. | 

Ce morceau se relie bien au précédent (par ei uy de 17), et il n’est pas besoin de l@ 
transporter (pour la symétrie du chapitre) après le v. 40, comme le proposait Bèze. 
Encore moins de l'attribuer, avec Clemen, à une autre épitre de Paul, ou de 
regarder, avec Baljon, 17-22 comme une interpolation. (Pour Delafosse, tout est ici 
« catholique ancien. ») | 

J. Weiss juge que nous avons ici l'un des passages les plus instructifs de la litté- 
rature paulinienne ; la doctrine, comme le proeédé de diatribè (Heïnrici, cfr. Epictète), 
se rapproche du stoïcisme, mais avec une inspiration différente et plus haute. La 
forme aussi, note ce critique, est remarquable; tout le développement après 17, peut 
se répartir en deux strophes, avec refrains semblables : 

w, 18-20 (se rapporte à l'origine religieuse des convertis) ; 
w, 21-24 (à leur origine sociale). 

Nous noterons les rapprochements avec l'enseignement de Paul soit dans les autres 

grandes Épîtres, soit en celles de la Captivité. 


Cu. vu, 17. *Ei ph Exdoru Ôç “épépioev & xÜproc, Énxorov à xéxAmuev à Beëc, 
oÙtws meprratelru. Kat oûrwc Ev taic ÉnxAnoias maoaic Giardoocopar. 
) , 
18. Ilepirerumuévos vis Exkôn, mh “émiomdolw. — ‘y Gxpobvoria LéxAntal 
Tis5 ph Tepirepvéodu. | 


——— À, 17. Plusieurs variantes. à un au lieu de et ph, Chrys. dans cat., 18, 22, 
al, syrh. en note marginale; — ueuéowsv pour tuéotoev N, B, Nestle, pourrait être 
une assimilation à xéxAnrev, — Kôpros et 0e6s intervertis K, L, al. syrh. — Gtüdszw pour 
dtaréos, D‘, E, F, G, latt. — La traduction de ei ux, et son rôle dans la suite des 
idées, sont difficiles à fixer. Nous avons vu (supra, à 16), ce qu'en faisait Chrysos- 
tome; les anciens et d’autres après eux, sans changer ei en 7, croyaient que cette 
proposition continuait le v. 16; Théodoret, Ambrr., Lombard, s.! Thomas, trouvaient 
des sens comme ceux-ci: «[Saïs-tu si tu sauveras ta femme] à moins que [tu n'agisses 
à son égard] comme Dieu l'a assigné à chacun? » ou « à moins que [tu n'attendes 
patiemment l'avenir] qui ne sera pour chacun que ce Dieu lui a assigné? »; ou 
encore (Æstius) : « à moins que Dieu ne t'en lasse la grâce »? Etc. Sens qui sont 
tous bien raisonnables, mais dont l'expression serait à tout le moins trop elliptique. 
Une autre série d’interprétations consiste à sous-entendre Yuwpiteru de 15 ou cos de 
16 : « Si [la partie infidèle ne se sépare] point ». ou « si [tu ne la sauves] pas, — 
[alors il en sera] comme Dieu l’a assigné à chacun »; puis une phrase nouvelle 
commencerait avec Éxasrov, Cornely observe qu'il aurait alors plutôt fallu ei dë un, — 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, VII, 17-18. 171 


Il faut maintenir que les deux membres commençant par Exdotw (ov) &s sont paral- 
lèles et répondent tous deux à oûtus neptmat.; donc et u4 doit être détaché par une 
virgule; aussi les plus récents (sauf Bachmann, qui sous-entendrait l'idée du v. 16) 
entendent-ils ei uf comme s’opposant d'une manière large à où dedoblwrat de 15, et 
traduisent (efr. Gal. 1,.7; Marc 1v, 5) comme s’il ÿ avait xAtv, &\Ad, ou quelque autre 
mot semblable (v. Blass-Deb. $$ 376, 448) : « cependant », « en dehors de ce 
cas », « autrement », « par ailleurs », etc. (Lap., Cornely, Maier, Bisping, Meyer- 
Heinrici, Godet, Rob.-Pl.-Toussaint, Gutjahr, etc.); c'est le vrai sens. 

B. 17. Saint Paul vient d'autoriser à rompre en certains cas l'union conjugale; 
il tient à significr maintenant que telle ne sera pas sa règle ordinaire pour les 
situations léguées par le passé. Que chacun reste plutôt dans l’état où l'avait placé 
la Providence avant son baptême, Le christianisme doit déranger le moins possible 
l'équilibre ancien; tous les états peuvent étre sanctifiés, — excepté, bien entendu, 
les situations ou les métiers immoraux, ce qu'il n’était pas besoin d'affirmer. Il 
faut prendre du reste ces versets en partie comme des conseils plutôt que des pré- 
ceptes formels. 

L'équivalence de xéptos et de 0e6s dans les deux membres parallèles est un 
nouveau témoignage de la divinité du Christ. 

B. 18-19. En ce qui concerne d’abord la diversité des origines religieuses 
et ethniques, Paul blâme le Juif qui, devenu chrétien, aurait honte d'avoir été Juif, 
et qui (l’Apôtre suppose un cas extrême) voudrait rompre avec ses anciens core- 
ligionnaires au point de chercher à dissimuler les traces de sa circoncision (1) (ce 
qui, étant donné les usages plus libres des anciens, aurait eu sa raison d'être 
aux bains publics, par exemple); de même (autre cas extrême), il blâme le Gentil 


» 


Cu. vi, 17. Par ailleurs, suivant qu'à chacun le Seigneur l’a départi, . 
chacun dans l’état où lui est venu l'appel de Dieu, qu’il continue à marcher 
ainsi. Et c’est ainsi que dans toutes les églises je l'ordonne. 

18. Était-on circoncis quand on a été appelé? Qu'on ne se fasse point 
l’épispasme. Est-ce dans l'incirconcision qu'on a été appelé? Qu'on ne se 
circoncise pas. | 


(1) Mà émioniolw. Curieux mot, et curieux usage, que certains Juifs ont pourtant pratiqué 
en des lieux ou à des époques où leur race n'était pas en faveur. Voir I Macc. 1, 15; 
IT Macc. 1v, 9-s; IV Macc. v, 2; Josèphe, « Ant. Jud. » x11, 5, 1; Ass. Mos. vit, 3.; on trouve 
les textes dans Schürer 14, pp. 194, 26, Il semble d'après Pirke Aboth, ur, 15, que cette dissi- 
mulation n'aurait pas été si rare. L'opération est décrite par Celse (« De Medic. ». vir, 15) 
et s. Epiphane dans le texte que voici (Mept pérpwv rai oralpüv, 16, PG, 43) : 


… To OE ni voutuwv yadenwrepov (i. e. plus 
pénible encore qu'une seconde circoncision, 
quand les Juifs passaient aux Samaritains, 
ou vice versa), ôte xai &no neptrouñs &xpébuatot 
Yivovra, téyvn tivi latpixÿ Gix Toù xaroumévou 
onafiorhpos Tv Tov meAGv Urobeppat{ôx Üroonra- 
Grobévrec, fapévres Te xai xoAAnTIxOÏ; mepioëeu- 
Dévrec, dxpoBuariav ads aÜthv émorehoüatv. 


Imo vero, quod molestius est, post circum- 
cisionem rursus ad praeputium redeunt. 
Etenim, medica quadam arte, eoque quem 
spathistherem vocant, glandis cuticulam at- 
trahentes consuunt, ac glutino cireumastrin- 
gunt, atque ita praeputium recuperant. 


On ajoute que cela aurait été inventé par Esaü frère de Jacob, pour mieux renier le vrai 


Dieu en abolissant la marque des ancêtres. 


* Nous avons transcrit du grec le mot « épispasme », parce que le vocabulaire médical 
moderne ne fournit pas de terme technique pour cette opération oubliée. 


472 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, VII, 17-24, 


H repiropn obdév Ecru, xat ÿ anpobuorta obdév any, &AAX réprois évroAdv 


20. “Exaoros Ev “19 xAoer “5 Ex f0n, Ev Tadrrn uevéro. 

21. Aoùhos ExA0nc; ph oo pehéru” GX ei rat DÜvacar éheblepos yevécBa,. 
* AP | 

29, “O yap ëv xvpiw xAnes Soühos à amsheüBepoc nuplou Ectiv” émofws à Ekeb0epos- 


ue or 


qui se ferait circoncire pour faire croire qu’il appartient, ou appartenait, au peuple- 
d'Israël. 

Y avait-il vraiment dans cette église des chrétiens qui allaient jusqu'à ces. 
excès? Peut-être Paul ne parle-t-il qu'en théorie, et force-t-il un peu la note; pour- 
tant nous présumons déjà, et nous verrons encore mieux plus loin, qu'il ne 
manquait pas d’extravagants dans le milieu corinthien. Les paroles de l’Apôtre- 
jettent un nouveau jour bien instructif sur ce milieu; il s'y montrait chez les uns. 
une révérence excessive du Judaïsme et de ses rites, de l’autre côté — et même 
parmi des Judéo-Chrétiens peu héroïques, ou trop fiers d'avoir échappé à la loi 
de servitude, — une horreur extrême pour ce qui était juif, comme un prélude au 
marcionisme. Le verset 18 a donc son importance, pour nous aider à déterminer 
la nature de ces partis ou factions, qui sont réprimés aux premiers chapitres. 

Aux exagérations des uns et des autres Paul oppose le grand principe chrétien, 
qu’il défendra avec tant de vigueur dans les Épîtres aux Galates et aux Romains 
(Gal. v, 6, vi, 15; Rom. 1, 25) : toutes ces différences extérieures et ces rites. 
trop matériels n’ont plus de sens dans la « nouvelle création » du Christ. Ce qui 
compte, c'est « l'observation des commandements de Dieu », c’est-à-dire l'obéis- 
sance au Décalogue et aux préceptes de l'Évangile, ou, comme il sera dit aux 
Galates, « la foi qui opère par la charité ». (Inutile de vouloir, avec des protes- 
tants comme Bachmann, affaiblir en ce passage le mot ëvrohai, « commandements », 
comme si la foi pouvait produire le salut sans les œuvres qui sortent d'elle). 

Cette doctrine profonde, indiquée ici comme en passant, n’était certainement pas- 
nouvelle pour les Corinthiens; elle avait fait partie de l’enseignement apostolique 
oral. Mais on peut s'étonner que l'ardent polémiste de l'Épître aux Galates n'y 
touche ici qu'ayec ce calme et cette brièveté; c'est, disent justement Cornely, 
Gutjahr, Bachmann, al., que la circoncision ne soulevait pas jusque-là à Corinthe, 
comme elle devait ailleurs le faire, de problèmes doctrinaux à proprement parler; 
ceux qui l’honoraient trop ne la regardaient cependant point comme nécessaire: 
soit au salut, soit à la pleine profession du christianisme ; il n’y avait que des 
questions de tendances, de préférences, d'opportunité ou de dévotion. Autrement, 
l’Apôtre qui a écrit aux Galates et aux Romaïns s’en serait occupé plus au long 
dans cette lettre, Nous pouvons présumer qu'elle fut écrite avant que n’eût éclaté 
le conflit de Galatie. 

A. 20. Ko, mot paulinien, cfr. 1, 26, signifie l'acte d'appel, ou les. 
circonstances dans lesquelles l'appel se fait; — 7 modal = ëv j; 

B. 20. Juifs et Gentils sont aussi bien appelés au salut les uns que les autres. 
Donc qu'ils ne renient pas leur passé, dont les supériorités ou les infériorités. 
relatives ne comptent guère en face du merveilleux présent. C'est une question de 
franchise et de dignité. — Après ce premier verset-refrain, l'Apôtre, passant aux 
différences sociales, va atteindre et dépasser la plus haute noblesse du stoïcisme. 
Il va poser des principes qui ont été, dit fort bien Godet, « pour le développement. 
de l'Église, d'une portée incalculable ». Grâce à eux, le christianisme, « sans 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, VII, 18-22. 173 


19. La circoncision n’est rien, et l’inciveoncision n’est rien, mais [il s'agit 
d’] observer les commandements de Dieu. 

20. Chacun dans la vocation où il a été appelé, qu’il reste en celle-là. 

21. Tu étais esclave quand tu fus appelé? Ne t'en mets pas en peine; 
‘mais quand même tu pourrais devenir libre, profites-en plutôt. 

22. Car celui qui a été appelé dans le Seigneur étant esclave est l’affran- 
chi du Seigneur; pareiïllement, celui qui a été appelé étant libre est 


révolution a opéré les plus grandes révolutions, acceptant tout » — {sauf le péché et 
l'erreur) — « pour tout transformer ». 
.—_—— A. 21. Eixai signifie « quoique », « quand même », « même si » et ne 


peut être l'équivalent de xai ei, « et si »; la phrase dA' ei xai... ypioat se joint intime- 
ment à pi oo uehérw, comme explication ou renforcement, et ne saurait être détachée 
_de l'idée du contexte, comme une sorte de parenthèse, — ypñou est aoriste, d'où 
naît une apparence (seulement) de difficulté, v. à B. 

B. 21. Paul revient aux questions familiales. La famille antique, à côté des 
personnes libres, contenait des esclaves. Eux aussi doivent-ils s'appliquer le principe 
précédent, et ne pas chercher à changer de condition? Sont ils, dans leur état de 
servitude qui souvent, sous des maîtres païens, pouvait opprimer leur conscience 
‘régénérée, aussi bien placés que les autres pour faire leur salut ? 

Nous ne mentionnerons que pour mémoire le très singulière opinion d'Origène 
et de s. Jérôme («x c. Jovin. » 1, 41 et « ad Pammachium », epist. 48, 6), qui ont 
cru que ce verset et les deux suivants emploient les mots d'« esclave » et « libre » 
comme métaphores pour marié et célibataire. Voir Cornely. 

Saint Paul parle donc ici aux vrais esclaves, et pas à d’autres; et il leur déclare 
hardiment que leur sort ne doit pas être pour eux une cause de tristesse et de 
dépression, étant compatible autant qu’un autre avec la vocation chrétienne. Les 
esclaves devaient être très nombreux dans la communauté de Corinthe, nous savons 
qu'ils formaient la grande majorité dans la population de la ville (v. Zntrod. ch. n). 

Les stoïciens étaient montés déjà à cette noble conception que les différences des 
états sociaux, füt-ce entre les plus hauts et les plus infimes, sont chose qui 
compte peu à l'égard des vraies réalités; on peut voir chez J. Weiss, p. 189, un 
beau choix de textes de « diatribe » qui reviennent tous à cela. Les deux Plus 
grands hommes peut-être de l’école, Epictète et Marc-Aurèle, étaient, l’un esclave, 
T'autre empereur. Mais l'Apôtre, aux versets 22-23, assignera une cause plus reli- 
gieuse, et bien plus haute, à cette liberté intérieure dont jouissent tous les adeptes 
de la foi nouvelle. 

La difficulté du présent passage consiste à fixer la droite interprétation de 21° : 
&AN et ral Oüvaoar EAsblepos yevéolar, uahdov {pfou. Quelques-uns, dès le temps de 
Chrysostome, et plus tard Luther, Erasme, Calvin, Bèze, Lightfoot, Godet, Hofmann, 
Rob.-Pl., Steinmann (voir Sickenberper), d'autres encore, en ont fait une sorte de 
‘parenthèse, qui apporterait une restriction au principe posé de ne pas changer 
d'état : « Cependant, si tu peux aussi bien t'affranchir, profite plutôt (de cette faculté, et 
deviens libre, ce qui sera plus avantageux) ». Mais l'interprétation opposée : « [n'en 
aie pas souci], mais quand même tu pourrais t'affranchir, mets plutôt à profit 
[l'état de servitude où tu resteras] », est celle de tous les Pères grecs, d'Ambrr, 
Pélage, Primasius, etc, s. Thomas, Bengel, de Wette, Renan, Edwards, Schmicdel 
(qui s'étonne pourtant de l'aoriste yoñox), Cornely, Lictzmann, Toussaint, Gutjakhr, 
Sickenberger, Heinrici, B. Weiss, Schnedermann, Bachmann, Delafosse, J. Weiss, 


474 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, Vit, 17-24. 


xAnels do8n6ç Éoriv Xouroë. 23. “Tiuñc myopdolnre’ un yivecde Couhor av0pu- 
TOY. 


2 4 


24. “Exaoroc ëv 6 EXO N» adegpol, ÉV TOUTW JLEVÉTUW rapè Os. 


Lemonnyer, Loisy, Sales, Callan, etc., enfin de presque tous. On a pu dire juste- 
ment que l’autre interprétation est « vieillie ». 

Elle est, en effet, peu conciliable avec le contexte des idées, qu’elle romprait et 
contredirait d'une manière inattendue, ce qui aurait au moins exigé, de la part de 
l'Apôtre, quelques mots d'explication. J. Weiss la trouve même « impossible », de par 
le contexte général, et à cause du sens de ei za (— « même si »}, et de l'adverbe 
u&\ov qu'elle éxplique beaucoup moins bien que l'autre. 

Rob.- PI. défendent le sens d’un « conseil d'affranchissement » à cause du temps de 
l'impératif 4pñoa, qui connote un commencement, la position d’un acte nouveau, donc 
la reprise de la liberté, et non, comme pourrait le faire le présent yp5, la prolongation 
d'un état antérieur. Cette raison est superficielle, car l'aoriste peut signifier aussi 
bien : [Maintenant que tu es chrêtien], mets-toi à profiter d'un état [dont tu ne profi- 
tais pas auparavant] ». | 

Le sens est donc clair, et parfaitement homogène à l’ensemble. Chrysostome dit que 
Paul veut consoler les esclaves, leur montrer qu'ils ne perdent rien, du point de vue 
surnaturel, à ne pas être libres aux yeux des hommes (Lietzm.). Bachmann, p. 278-5, 
décrit les avantages que le désintéressement conseillé par l’Apôtre pouvait avoir à 
Corinthe en particulier, La considération essentielle est celle que donne s. Thomas : 
l'état de servitude peut développer la vertu d’humilité, : 

IL ne s'agit du reste, tout le monde l'accorde, que d'un conseil. Certainement le 
même saint Paul, qui engageait à rompre les mariages « mixtes » quand ils étaient 
contraires à La paix et à la vertu chrétienne, n'aurait pas conseillé de négliger Les faci- 
lités d'affranchissement à ceux des esclaves que leur condition servile aurait mis en 
plus grand danger de perdre leur âme. Sa lettre à Philémon, où il recommande dis- 
crètement d'affranchir Onésime, le converti qui avait été un esclave voleur et fugitif, 
révèle assez le sentiment qu’il avait de l'anomalie d’un pareil état social. 

À. 22-24. Xptoroû pour xvpiou, 17, — tuñs myoo. cfr. vi, 20. — J. Weiss soup- 
çonne (à tort) rapè 0e d'être interpolé, peut- -être parce qu'il’ diminue la symétrie du 
v. 24 avec l'autre « refrain » de 20. 

B. 22-24. Le v. 22 est explicatif (y&p) : le chrétien peut rester extérieurement 
esclave, puisqu'il possède la vraie liberté, comme affranchi du Christ; et si l'on se 
place à ce point de vue suprême, l’homme libre n’est pas maître absolu de lui-même, 
puisqu'il doit être tout entier engagé, depuis son appel, au service du Maître univer- 
sel, le Christ. 

Double antithèse splendide, dont la première partie peut rappeler encore les affran- 
chissements d'esclaves faits dans les temples (Deissmann, LO', pp. 274, suiv.), et 
Rom. vi, 18 et 22. Les stoïciens avaient pu dire quelque chose de semblable : ainsi, 
Epictète 1, 19, 9, quand le philosophe répond au tyran menaçant : ‘Ent 8 Zeïs EXeblepov 
dpñxev. Paul les dépasse de toute la hauteur de l'Évangile; le chrétien est affranchi 
non pour lui-même, mais pour devenir un membre du Christ, par lequel le Sauveur 
opère au profit de toute l'humanité. 

Tous, esclaves ou libres, étaient soumis à la servitude du péché; le Christ les a 
également achetés, au prix inappréciable de son sang répandu. Ils jouissent par là 
également d'une liberté qui n'est plus humaine, mais divine. Et ceux que la dureté 
sociale maintient dans la servitude extérieure doivent avoir le noble sentiment qu'aucun 
homme n'est le maître de leur âme et de leur conscience, car ils n’obéissent plus qu'à 
Dieu et aux dispositions de sa Providence, dans un service qu'ils acceptent et qu'ils 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, VII, 23-24. …. 475 


l’esclave du Christ. 23. Vous avez été achetés, — à un prix! ne devenez pas 
esclaves des hommes. 

24. Chacun dans [l’état] où il fut appelé, frères, qu’il reste en celui-là 
devant Dieu. 


aiment, par amour du seul Maître. C’est dans les épîtres de la captivité, Eph. vi, 5-9, 
et Col. im, 22, 1v, 4, qu'on trouve l'explication de cette noble pensée, — qui devait 
amener, finalement, l'abolition de l'esclavage dans les sociétés chrétiennes. Lietzmann 
et Joh. Weiss n'en ont pas une intelligence assez profonde, quand ils interprètent cette 
parole simplement au sens que les esclaves chrétiens, ou les fauteurs et détracteurs 
des rites juifs, ne doivent pas s'asservir aux préjugés humains concernant les difré- 
rences d'origine ethnique ou de condition sociale. Il y a cela, mais bien plus encore. 
Il est merveilleux d'entendre Paul proposer un idéal de perfection si haut, si mys- 
tique, si paradoxal aux yeux des hommes, à l'ensemble de cette église de Corinthe qui 
s'était incorporé des éléments dont quelques-uns étaient si douteux et vulgaires autre- 
fois! Mais c'est aux mêmes, après qu'ils lui avaient donné encore bien plus de sujets 
de plainte, qu'il dira dans sa Deuxième Épitre : « Je suis jaloux pour vous d'une 
jalousie divine; je vous ai fiancés à un seul homme, pour vous présenter au Christ 
comme une vierge pure » (II Cor. xt, 2). En dépit de toute mauvaise expérience et, 
oserait-on dire, de toute psychologie, l'ambition des apôtres dépassait toutes les limites 
humaines. Ils savaient que l'Évangile devait changer la face de la terre (1). 


(1) Le sens profond, universel, « intemporel » de ces paroles apostoliques, empêchera. de 
croire, avec J. Weiss, que l'attente prétendue de la Parousie prochaine dictait ces conseils. 
de ne pas changer d'état. 


IV. Le célibat et le mariage (vir, 25-38). 


Int. — Si Paul a recommandé le mariage et l'usage du mariage comme la vocation 
commune, il a cependant, à deux reprises (vo. 1 et 8), indiqué qu'une vie de célibat 
pouvait être un état supérieur (25-28). Il n'y a pas là de contradiction avec ce qui 
précède, car Paul se place maintenant au point de vue absolu de la perfection indivi- 
duelle, et y viser « n'est pas donné à tous », comme l'a déclaré l'Évangile. Dans les 
. conditions précaires de la vie de ce monde (29-324), heureux qui peut se dégager de 
tous les soucis et plaisirs temporels, fussent-ils légitimes, pour ne s'occuper que de 
plaire à Dieu! (32-35). 

Après ces considérations fort élevées, qui sont comme la charte de la virginité chré- 
tienne, — et qui se ramènent encore, notons-le, au grand principe de liberté dans le 
Christ (comme, sous un aspect, la condamnation des péchés de la chair au ch. VI, et 
la recommandation précédente de ne pas changer d'état}, — Paul passe à la question 
pratique : le devoir (ordinaire) d'un père chrétien est-il, oui ou non, de marier sa 
fille? (36-38). 

Ensuite, pour clore la matière, il passera aux « veuves », — pelile section que nous 
traiterons à part. 

De graves discussions ont été soulevées à propos de ce morceau : dans quelle mesure 
la doctrine de Paul est-elle inspirée ici de l'attente eschatologique ? — les « vierges » 
dont il parle, notamment aux vv. 36-38, sont-elles les jeunes filles non mariées en 
général, ou celles qui auraient fait déjà une certaine profession de virginité? — Nous 
démontrerons que tout doit être pris au sens le plus vaste et dégagé des idées ou des 
pratiques d'un temps particulier. Ce n'est qu'une explication du conseil de chasteté 
donné par le Christ lui-même aux hommes comme aux femmes, et que l'Église catho- 
lique, grâce à saint Paul surtout, a compris pour toujours. 


Cu. vit, 25. Ilepi dè rüv “rapdévov, émirayhv xvptou oùx Eyw, yrounr GÈ 
Sdwp, ds qhenmévos brd xupiou mord eivar. 26. Nouftw oby roro xaAdY brdpyetv 
a Tv “Éveordouv àvéyunv, Or xahdy àvôpüzew Tù oûrus eîva. 27. AéBeoot 

? 4 
, 4 . $ . = > x 
quarts ph grec Abou RéÂuoar Gmd yovarxoc; ui Chrer yuvaixa. 28. Eüv dE nat 
Le , # Y 21 N. x: £ ; (2 ee * PATES Le Ù 
vamhons, oÙùy apres, rai Eav yéun h Taphévos, oÙy apte “OAlGuy DE 17 oapui 
a _ \ + Un sa 
ÉÉovotv “of toodtor, éyéo dE buiv “oeidomar. 


À. 25. nhenpévos, Cr. IT Cor. 1v, 1; 1 Tèm. 1, 18, 16. — riotds elver est attribut de %ken. 
— mord ne signifie pas ici « croyant » ou « chrétien » (comme, p. ex. II Cor. vi, 15, et 
spécialement dans les inscriptions) contre Chrys. « De virgin. » 42, £ietzmann et 
Loisy, mais « digne de foi, de confiance », ce qui se dit soit de Dieu (1, 9, x, 13), soit 
des hommes; Théodoret : àtidypews ei: obufoukos. Ainsi Cornely, Rob.-P1, Gutjahr, 
Bachmann, Sickenberger, etc.; l'idée de « fidèle dans le ministère à lui confié » 
(s. Thom.) est connexe, maïs non directement exprimée. Cfr. v. 40. 

B. 25. L'Apôtre avait conseillé ci-dessus de ne pas changer d'état ; fallait-il étendre 
cette recommandation aux « vierges »? La formule zept G£ (cfr. vis, 4, etc.) fait suppo- 
ser que les Corinthiens avaient posé des questions spéciales à ce sujet. 

Qui sont ces « vierges » ? Il faut absoluement rejeter la théorie de ZLietzmann et de 
Joh. Weiss (que nous examinerons plus loin, aux w. 36 ss., et dans un excursus) 
d’après laquelle il s'agirait de « subintroductae », ou bien de femmes faisant une profes- 
sion spéciale de virginité, sous quelque forme que ce soit. Tout le contexte prouve avec 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, VII, 25-27. 177 


surabondance que le sens est plus large, puisque Paul va même parler en première 
ligne des célibataires masculins. Sans doute les Gorinthiens l'avaient-ils expressément 
consulté au sujet des seules filles non mariées; mais, par sa manière de leur répon- 
dre, Paul envisage du même regard le cas des jeunes hommes. Le mot rapüévos, en 
effet, se dit pour les deux sexes Apoc. xiv, &, et chez les auteurs ecclésiastiques; c'est 
une extension du sens qui ne pouvait guère se produire dans la civilisation païenne, 
mais qui était déjà préparée chez les classiques par l'emploi métaphorique de ræpÜévos 
pour les choses qui n'avaient pas encore servi. Ainsi Theod. de Mopsueste, Cornely, 
Gutjahr, al. | 

Le Christ avait déjà recommandé la chasteté parfaite (Mat. xix, 12). Cette parole 
divine ne pouvait être ignorée de saint Paul; mais comme le Seigneur n'avait rien 
déterminé concernant l'observation de ce conseil, son Apôtre déclare qu'il n'a pas de 
« précepte » du Seigneur à transmettre là- dessus ; il appartenait à l'Église de déter- 
miner les circonstances où il était applicable. Aussi Paul parle-t-il en son propre 
nom, il donne son avis (y"wwunv), en cette manière délicate, avec une litote modeste (et 
non pas une « ironie », contre Bachmann); il sait que l'expérience chrétienne qu'il 
doit, lui ancien persécuteur, à la miséricorde de Jésus, lui donne le droit de parler 
avec autorité dans la matière; car il a l'esprit du Christ (voir v. 40, et supra, v. 12). 
Sa réserve est instructive; car c'étaient donc, observe J. Weiss avec beaucoup de 
raison, les seules paroles incontestables du Seigneur qui faisaient loi absolue pour la 
communauté; il y avait une tradition fixe et les prédicateurs s’attachaient à trans- 
mettre l’enseignement historique du Christ (voir au ch. 1v, 1-2, supra), et ne se sen- 
taient nullement autorisés à l'étendre ou à le restreindre selon le besoïn ou la fantaisie 
(ce qui vaut contre bien des théories modernes, notamment contre celle de la « Form- 
; geschichte »). En cette matière le Christ n’avait donné qu’un conseil fort général (oùx 
ëxurayfv), à la dilférence de la question de l’indissolubilité du mariage (voir au v. 10); 
Paul va en préciser l'application, montrant ainsi, contre certaines théories d'acatho- 
liques, que l'Esprit du Christ prononce des « conseils » à côté des commandements. 


Ca. vi, 25. Pour ce qui est maintenant des vierges, je n’ai pas de pré- 
cepte du Seigneur, mais je donne un avis, en homme qui, par une misé- 
ricorde [reçue] du Seigneur, est digne de foi. 26. J'estime donc que c’est 
chose excellente, à cause de la nécessité présente, [oui], que c'est chose 
excellente pour un être humain d’être ainsi. 27. Te trouves-tu lié à une 
femme? ne cherche pas à te délier; es-tu sans lien avec la femme? ne 
cherche pas de femme. Mais à supposer que tu prennes femme, tu n'as pas 
fait de faute et à supposer que la vierge se marie, elle n’a pas fait de faute. 
Mais du tourment dans la chair, ils [en] auront ceux qui sont en cet état, 
et moi je voudrais vous [l’\épargner. 


—————… À. 26. 2xAdv, voir aux vv. 1, 8. — troûro et oütus se réfèrent-ils à l'état de 
« vierge », ou aux distinctions qui vont suivre au v. 27? Nous croyons plus vraisem- 
blable, à cause des vv. 1, 8, et, plus bas, 32 et 33, qu'il faut les rapporter seulement 
à l’étatede célibat; le développement y gagne en homogénéité; d’ailleurs cette indé- 
cision ne fait rien à la doctrine. — ëw est épexégétique (Cornely}, et ce membre fait 
une sorte de pléonasme avec le roro précédent, ou d'explication. J. Weiss le prend à 
tort pour une glose, expédient dont il use trop souvent quand il trouve de la difficulté 
à traduire. 

Le plus important est de bien traduire rav éveotéioav ävéyanv. Ce mot d'évéy:n, dans 

ÉPITRE AUX CORINTHIENS. 12 


178 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, VII, 25-38. 

29. Toro dé omue, ddengol' à “xopds cuveorahpévos éotlv “rù Aourdy va na of 
Éyovtes ‘yuvairas &s mh Éxovtes Gouv, 30. za oi whalovtes &s ph xhalovtec, 
Kat où yaipovres de ih aipovtes, at oi dyopalovres us mAh ROTÉYOVTE, 314. xat o! 
ewpevor “rdv nouov de ph “xataypwpevor” mapdyer Yap Tù oyÂua TOÙ xécpou 
robrou. 32. “Ou dE dus aueptuvous etvaz. ‘O damos mepruva Ta Toù xupéou, rûc 


les Apocryphes et le N. T., peut se trouver rapporté à à la crise des ,'erniers temps, 
ou aux prodromes de la Parousie (Ps. Sal. v, 8, Test. Joseph, 1, 4; Luc. xx1, 23), 
mais ne paraît pas avoir pris de sens plus technique que dans II Cor. VI, &; XII, 10; 
I T'hess. nr, 7. Quant au participe éveoruxs, il signifie « ce qui est là, présent », plutôt 
que « ce qui est imminent », ne prenant ce deuxième sens que par extension {Light- 
foot sur Gal. 1, 4; cfr. encore m, 22 où éveotüte s'oppose à uéAkovra; Rom. vin, 38, id. ; 
Heb. 1x, 9; ce n’est que II Thess. 11, 2, que évéornzev — « est près d'arriver »). J. Weiss 
reconnaît que le sens « ordinaire » est opposé à péAlév, « futur ». Plus bas, v. 28, 
voir au mot OX. 

B. 26. Il est, dit Paul, avantageux et louable pour un être humain (&v6pwnos ne dis- 
tingue pas les sexes) de rester ‘« ainsi », c'est-à dire comme les « vierges » mention- 
nées au verset précédent. Et il en donne immédia iement la raison : c’est « la nécessité 
présente ». Les sens du mot é&véyxn, et du participe éveotüox n'ont rien en eux-mêmes 
qui nous porte à croire qu'il ait voulu parler ici de la Parousie dont l'imminence ren- 
drait vain tout espoir humain fondé sur un changement d'état. Pourtant presque tous les 
auteurs modernes, surtout acatholiques, veulent que ce passage fasse allusion à la 
fin du monde; ainsi Maier, Lietzmann, Bisping, Tillmann, J. Weiss, Toussaint, Loisy, 
Sickenberger, qui renvoie à Tillmann et compare Mat. xxiv, 6-s., 9, 21, (rapport qui 
n'est pas du tout prouvé), estimant que Paul pense au moins à la proximité possible 
de la consommation finale. Jamais les anciens n’y ont vu ce sens, et beaucoup de 
modernes, Æolsten, Cornely, Niglutsch, Gutjahr, Lemonnyer, Sales, Callan, etc., 
estiment comme eux qu'il s agit des difficultés présentes de la situation des fidèles, 
quelques-uns y ajoutant — ce qui est beaucoup plus douteux — une intuition des 
persécutions qui devaient survenir au cours du premier siècle, Ils ont raison, 
comme nous le verrons en commentant les versets 28 et 29-suivants. et dans l'Exc. 
au ch. xv. . 

A. 27. En ce verset, L’ « anastrophe » (Aotv-Auo ), le parallélisme et 
l « asyndèse » (manque de particule de liaison) donne nt « beaucoup de vie à 
l'expression » (Abel, p. 369). Le procédé n’est pas du tout spécifiquement hébraïque, 
ni de « style oral », mais sent encore la diatribè. — yuvh au sens générique (Back-. 
mann). 

B. 27. Voici que Paul s'adresse aux Aommes; c'est donc la preuve qu'il pensait à 
eux aussi bien qu'aux femmes dans les versets précédents. S'ils sont mariés (ou 
fiancés, Bachmann), ils n'ont pas à chercher la rupture; et s’ils ne le sont point, qu'ils 
ne s'engagent pas dans ces liens (conseil qu'il faut comprendre cum grano salis, en 
se reportant aux vv. 1-2). 

.——— À. 28. éûv Gt xai — « mais même si », c'est-à-dire si tu n'as pas suivi le der- 
nier conseil précédent; — yaudons est hellénistique, et yiun attique; certains témoins 
ont yluns où Adfins yuvaixa, corrections classiques; sur le sens de yapeiv, voir aux 
VV. 8-10 ; — fuuotes, -tev, aoristes « gnomiques », qui équivalent au présent; (Lieizm., 
Gutjahr) — rouwëro n’a pas ici de sens dépréciatif; — OAhiv ti oapxf, cfr. oxdkob rÿ api 
de IT Cor. xu, 7; odtt désigne ici la nature humaine dans sa sensibitité ou sa passibilité; 
— gaièope présent « de conatu », comme plusieurs le sont dans ces pages — « je vou- 
drais vous épargner [ces peines] », plutôt que « je [tais], pour vous ménager [le détail 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, VII, 28-29. | 179 


29. Mais je déclare ceci, frères : la [mesure du] temps s’est resserrée : 
désormais [il faut] que ceux qui ont des femmes soient comme n’en ayant 
pas, 30. et ceux qui pleurent comme ne pleurant pas, et ceux qui se 
réjouissent comme ne se réjouissant pas, et ceux qui achètent comme 
n'étant pas en possession, 31. et ceux qui usent du monde comme n'en 
usant pas à leur gré; car elle passe, la forme de ce monde. 32. Or je vou- 
drais bien que vous fussiez sans inquiétudes. L'homme non marié s'inquiète 


de ces peines] »; car alors l'apôtre n'eût pas écrit ce pronom ëyw, qui est là évidem- 
ment pour appuyer sur sa principale intention personnelle (cfr. s. Aug. « De sancta 
virginitate », 16). 

B. 28. Ce verset montre que toute l'instruction sur le célibat vaut pour tous les 
fidèles, sans distinction de sexe. Liel:zmann (malgré sa théorie, v. infra) est obligé 
d'accorder que, ici au moins, le mot « vierge » désigne n'importe quelle jeune fille 
chrétienne. Si l'on isolaït ce passage, on pourrait croire que Paul « tolère » simple- 
ment le mariage, au lieu de le recommander comme au début du chapitre. Mais il faut 
se souvenir que son point de vue a changé; ici il ne s'occupe que de la perfection et 
du bonheur considérés en soi, en principe, des individus. 

La tribulation (0Aëhts) que Paul voudrait épargner à ses fidèles en leur recomman- 
dant le célibat, ne peut pas être l'ensemble des troubles derniers qui précédent la fin 
.du monde; car nul n’y échappera, et Paul ne pouvait les épargner à personne, céliba- 
taire ou marié, Ce « tourment dans la chair » se confond avec la « nécessité présente » 
du v. 26, et n'est pas davantage eschatologique ; ceux qui « sont divisés », moins atta- 
chés à Dieu et plus attachés aux choses temporelles (voir w. 32 et suiv.), doivent 
souffrir davantage du train ordinaire de ce triste monde, et de toutes les calamités 
diverses qui l’assaillent. | 

—— À. 29. onu solennel — « je déclare »; cfr. X, 15, 19; xv, 30; cette première 
personne n'apparaît pas ailleurs LXX ou N. T. — Katpos (non synonyme de xpévos — 
« temps » en général) signifie une mesure déterminée de temps, « le temps accordé », 
« propice », « opportun », « l'occasion »; s. Paul l’emploie parfois, mais pas toujours, 
en un sens eschatologique (d'après Daniel, ix, 27, selon Hort); — suveotæhpévos, de 
ouatélw, est métaphorique; image du nautonnier qui cargue ses voiles; — rb Aouréy 
{va précédé de iort dans B, N, À, pour faire une construction régulière avec {va : «il 
reste que ceux qui ont des femmes, etc »; Les Grecs Chrys., T'héodt, puis Maier, 
Heinrici, Godet ont rattaché ces mots à ce qui précède : « le temps s’est resserré pour 
ce qui en reste », construction inusitée et qui manquerait d'élégance; il faut done les 
laisser au commencement de la phrase nouvelle, et les entendre au sens de « désor- 
mais », « pour ce qui reste à faire » (Toussaint, Gutjahr, al.), en sous-entendant 
devant {va un verbe comme « il faut », « il convient »; à moins que l'on aime mieux 
invoquer ici l'usage qu'a Paul de placer devant va, par emphase, des mots qui 
devraient régulièrement le suivre, cfr. Il'Cor. 11, 4; Gal. n1, 40; Rom. vu, 18; Col. 1v, 
16 (Rob.-Pl.), et ainsi l’on traduirait : « [Le temps s’est resserré], de sorte que désor- 
mais, ceux qui ont des femmes » (Roë.-Pl.), ou « de sorte que, pour le temps qui 
reste, Ceux @ic. » 

À. 81. rapaypwevot pour xataxp. dans L (xapayxe. signifie « abuser », ce ‘qui n’est pas 
le sens ici); xataypäola signifie plus que ypäcûar « user »; il veut dire « user à fond », 
jusqu'à épuisement (cfr. le latin « abuti »). Ce verbe régit souvent l'accusatif, mais, 
après 4päola il faudrait régulièrement le datif, r@ xdouw; Liet:m. pense qu'il y a eu 
assimilation du premier régime au second. — oyäua peut-être métaphorique, june 


‘180 . ÉPITRE AUX CORINTHIENS, VII, 25-38. 

3 , =, | 7 e où ? > À ., f nd 3 : 

apéon Tù Zupiw' 33. à DÈ apioac MLeEpUva Ta ToÙ néouoU, mÜG Qpéon Th YUvarl, 

La A] k : _…s … 
84. nat uepéororar. Kai “à uv à dyayoc nai à raplévos pepuava Ta To xvplou 
va 9 dyla nai To owpart nai T0 “nvedpart  DÈ yaphouca pepuuva Ta Toù 
! nu 2 s 3 7 35 T = SY NS de 9 
xoouov, müç Gpéon To avopt. 32. Loëro GÈ mpds To duüy abtüy cüppopoy ÀAÉYU, 


image tirée du théâtre : « décor » (Toussaint), ou plutôt « rôle » : « Le rôle de ce 
monde est joué » (J. Weiss); cfr. Rom. xu, 2 le verbe ovsynuartitev. 

B. 29-31. Ici il importe de bien préciser et comprendre l'idée de l'Apôtre. 

Quoiqu'il vienne de reconnaître la légitimité du mariage (w. 27-28), cependant (5) 
il a une déclaration solennelle à faire à ce sujet; tout étant passager dans ce monde, 
il faut que le cœur ne s'y absorbe point, non plus qu’en aucune situation d'ici-bas, 
comme si c'étaient des états durables. 

La raison bien claire c'est que ce temps — le temps qui est laissé à chaque 
homme et à l'humanité entière pour collaborer à l'établissement du Règne du Dieu 
et faire son salut, — ce temps est court, il s’est contracté; on ne peut plus, comme 
sous l’Ancienne Loi, laisser flotter son regard sur une perspective indéfinie de 
bienfaits temporels, mélés d'épreuves, qui seraient attendus de la Providence, sans 
envisager pour ainsi dire rien au delà; le délai qui nous est accordé pour assurer 
notre bonheur est comme une voile qui se replie (une des rares métaphores nauti- 
ques trouvées chez Paul); la figure, la disposition extérieure de ce monde, tissu de 
situations temporelles, est en train de s’effacer (31 b). Les modernes eschatologistes 
veulent entendre cela de l'histoire humaine qui serait effectivement au bout de son 
-rouleau, puisque la Parousie est toute proche; des traditionnels ou des catholi- 
ques (comme Bachmann, Lemonnyer) accordent que l'attente de la Parousie est au 
moins pour quelque chose dans ce développement. Nous ne le croyons pas néces- 
saire; car les peines et soucis dont parle Paul en ce contexte ne sont pas de ceux qui 
caractérisent la consommation universelle. Aussi les Grecs, Chrys. (« De virgin. » 73), 
Théodoret, Œc., etc, l'Ambr', beaucoup de catholiques modernes, pensent ici à tout le 
cours normal, toujours agité et pénible, de l'histoire humaine (v. comm. de xv), et les 
Latins en général, s. Jérôme (c. Jovin. 1, 18), Pélage, Prim., puis Hervé, $. Thomas, 
Cajetan, Estius, Lap., Calmet, etc., au cours individuel de chaque existence se pré- 
cipitant vers la mort; ce sens, préféré par Cornely, adopté par Gutjahr, peut n'être 
pas le seul, mais il est indubitablement compris dans la pensée de l’Apôtre, et peut- 
être le principal. | 

S'il avait envisagé directement ou exclusivement la fin effective du cosmos présent, 
comme très rapprochée, ne l’aurait-il point marqué davantage, en cherchant à y 
ramener toutes les préoccupations de ses fidèles? Or, il s'adresse à des gens qui 
vivent effectivement dans le mariage, qui pleurént ou se réjouissent réellement d'évé- 
nements contingents, qui acquièrent des biens, dans l'espoir évidemment d'avoir le 
temps d'en profiter, et qui, de toute façon légitime, « se servent du monde », con- 
forment leur manière de vivre aux conditions d’un monde qui continue normalement 
son cours: il ne les en blâme pas, mais paraît trouver tout naturel qu'ils agissent 
ainsi, qu'ils pleurent, qu'ils se réjouissent avec sincérité; ce n’est donc pas non plus 
“lataraxie stoïcienne. Ce qu'il leur recommande, c’est de ne pas oublier que toute 
cette « figure du monde » n’est pas définitive, que toutes ces déterminations contin- 
gentes passeront, qu'elles se modifient d'heure en heure sous nos yeux, et qu’il ne 
faut point en conséquence s’y attacher comme aux vrais biens durables. J. Weiss exa- 
gère beäucoup en disant qu'il détourne de toute initiative mondaine; s’il ne conseille 
pas de changer l'ensemble des états où l'on est, — tout en permettant de les appré- 
cier, de les entretenir, de les améliorer comme il convient à des habitants de la terre, 
_…— il dit seulement aux chrétiens de changer leur attitude vis-à-vis de toutes fes 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, VII, 33-35. 181 


des choses du Seigneur, des moyens de plaire au Seigneur; 33. mais celui 
qui s’est marié s'inquiète des choses du monde, des moyens de plaire à 
sa femme, 34. et le voilà divisé...-Et la femme sans mari, aussi la vierge, 
s'inquiète des choses du Seigneur, pour être sainte et de corps et d'esprit; 
mais celle qui s’est mariée s'inquiète des choses du monde, des moyens de 
plaire à son mari. 35. Cela, je le dis dans votre propre intérêt, non 


choses terrestres (Rob.-Pl.), de ne pas s'y attacher comme à l’objet principal de leur 
souci. Sa brève exhortation est d’une admirable éloquence ; mais un homme de Dieu 
peut parler ainsi à tous ceux qui ont la foi et « réalisent » la brièveté de leur exis- 
tence terrestre; pour le comprendre il n’est nullement nécessaire d'attendre le juge- 
ment général pour demain ou après-demain. (Voir l'eschatologie de Paul, au ch. xv.)- 
A. 32-33, Glow : « je voudrais », « j'aimerais bien que... », cfr. supra, v. 1. 
— Dans la grande variété de lecture du v. 34 (v. ad loc), un certain nombre d’au- 
teurs y ont fait entrer les mots xat meuépiotu, dont la division officielle en versets a 
fait le v. 342, mais qui.en réalité, comme nous le verrons, forment la fin de la phrase 
du v. 33 : « 33. Le marié s'occupe... des moyens de plaire à sa femme, 34, et il 
est divisé ». Sur la présence ou l'absence de xai devant ueusp., voir au v. suivant, — 
Tà toù x0ouou après uepuv& manque dans B. | 

A. 84, La coupure, à notre avis, est mauvaise, et ce verset devrait commencer à 
xaÙ À yuvi..…. | 

Voyons d’abord l'état des textes. Ils se différencient par la présence ou l'absence 
de xat devant peuépiotar, et par la place donnée à l’épithète ÿ &yapos (voir principale- 
meut les analyses textuelles de Roë.-PI. et Bachmann). 

4. Kai est omis devant weuéo. dans De, E, F, G, K, L, d, g., Teri, Cyp., Chrys., 
Theodt., Ambr., Ambr', maïs il se lit dans N, À, B, D*, P, 17, vulge., syrr., arm., éth, 
Eus., Aug., Meth., Bas., al. — Si on supprime cette particule, alors peuéptorat doit 
avoir pour sujet à yuvi 4tÀ. de 34, et le sens serait : [33... moyens de plaire à sa 
femme]. 34. Divisée est [aussi] la femme, etc. » Cette dernière lecture a des difficul- 
tés : d’abord l’asyndeton; puis elle ne se rencontre que dans la tradition vieille 
occidentale et syriaque; son avantage consisterait en ce que le v. 38, si l’on en 
détache xai peucp., serait exactement parallèle à 32b (6 &yapos... nûs &p. t@ aup. — 
6 yapÂoas... nc ap. Th yuv.) 

2. äyauos occupe ces diverses places : 

a) après yvvi seulement B, P, vulg. 

_b) après raplévos seulement, D, E, F, G, K, L, syrr., arm. 

c) après yuvd et après maplévos N, À, Fe, 17, &h., Orig., Aug., al. (f omet com- 
plètement éyauos). 

La particule xt devant à yuvh n’est pas non plus constante. 

ÆEn face d'une telle complication, les critiques et les commentateurs ne se sont 
pas mis d'accord. Voici leurs principales manières de lire : 

1. Lachmann, Tregelles, W, H., Lietimann, Gutjahr, Bachmann, Loisy, J. Weiss, 
Lemonnyer, Nesile, Vogels, al., lisent avec B, P, min., oulg. (« et divisus est »), 
copt. : .… Ko peuéptarar. Kal ÿ yuvn à &yauocs ral ñ naplévos peptuv® té Toÿ ruplou : «,.. et 
il (l'homme marié) est divisé. Et la femme non mariée, et la vierge, se préoccupe des 
choses du Seigneur ». 

2. Tischendorf, Lightfoot, Alford, al., Rob.-Pl, (ceux-ci avec hésitation), lisent : 
C.. Th quuatxé, Kai pepépiorar xal à yuvn 40 à raplévos. ‘A dyauos pepuvé tà toë xvptou : 
€. [comment il (l’homme marié) plaira] à sa femme. Et il y a différence (de 
conduite, d'intérêt) entre la femme et la vierge; celle qui n'est pas mariée se préoc- 


182 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, VII, 25-38. 


* 


et 


€! e , RS ù k 4 ss 
oùy va “Bobyoy bpiy Embdlu, GAAX mpèç 7ù ‘eloynpov xai “edmapedpor Ti 


xvplw * Grepuordotug. 
36. Et dE ve | asxnuovet ëtt Th mapÜévey adToÙ vopites, ëav à *ürépaxpos Par Al 
À 
oûrug bpsther yiveobar, 8 Oéker mouiru oùy Gpapréve, “yapelruoav. 87. "Oc dE 


eupe des choses du Seigneur, etc, », d’après les leçons occidentales et syriaques. 
{Mentionnons encore la proposition de Heinrici, qui écrirait deux foïs le parfait : 
« tÿ yuvaral nat peuépiarar. Mepdprorar ai à yuv. ‘EH dyauos xai h maplévos peptuva #TX, : 
«… plaire à sa femme, et il est divisé. Sa femme est aussi divisée. Celle qui n’est 
pas mariée, la vierge, se préoccupe, etc. ». Tous ont ceci de commun qu’ils main- 
tiennent za et rejettent la répétition de à &yauos; mais ils ne donnent pas tous la 
même place à ce dernier mot. 

Contre la lecture 1, on peut objecter qu'elle ne maintient pas un parallélisme 
aussi strict entre 32 et 33, et que le verbe uepuv. devrait être plutôt au pluriel;. 
mais Paul, par additions ou transpositions, donne volontiers des accrocs au paral- 
lélisme, et uepuv& au singulier n’a rien d'étonnant. Contre la lecture 2, il y a ceci 
au moins que le verbe pplfeola devrait recevoir un sens inusité (« être opposé 
d'intérêts »), ce qui d’ailleurs demanderait plutôt le nombre pluriel. 

Tout compte fait, il nous semble que la lecture 4 est préférable. Nous conservons 
donc xai devant uepépiorat et à &yauos après à yuvf (non après xaplévas), parce que ce 
sont les leçons de beaucoup les mieux attestées, Le sens est donc (comme dans la 
pulgate, etc.) : 

33. U ‘homme marié... cherche les moyens de plaire à à sa femmel 34 et il est 
divisé. Et la femme non mariée, ainsi que la vierge, se préoccupe ‘des choses du Sei- 
gneur, etc. (Kat ñ nuofévos peut être considéré comme une sorte d'addition ou de 
parenthèse, « ainsi que la vierge », « comme la vierge », « la vierge aussi », 
par là se justifient les singuliers peptuv&, tva n...) Nous verrons à B que yuvà à drçauos 
est une expression très admissible. 

Remarquons que rvsüua, opposé adéquatement à cu, est ici l'équivalent d’« âme » 
duy4 (voir Exc. v). . Ï 

B. 32-34. En bon père, Paul aimerait à éloigner de ses fidèles les soucis qui 
peuvent nuire à leur paix intérieure, malgré tous les bouleversements que subit et 
subira « la figure de ce monde ». C’est pourquoi, aux vv. 29-81, il leur a recom- 
mandé le détachement des contingences, et spécialement (supra) le célibat et la 
virginité. Maintenant, il dit avec un peu plus de clarté quels sont ces « soucis », 
cette « nécessité du temps présent » (26), ce « tourment de Ja chair », qu’il « voudrait 
leur épargner » (28); on va voir qu'il les résume tous dans la « préoccupation des 
choses de ce monde », pénibles, absorbantes, propres à distraire, dans leur cours 
instable et décevant, de la seule chose durable et parfaitement bonne, sans décep- 
tions, l'union à Dieu. Cela convient, par sa généralité, à tous les temps de l’histoire 
humaine, et pas uniquement à ceux qui précéderaient immédiatement la fin du monde. 
Ainsi est confirmée notre interprétation non-eschatologique de tout le passage. 

Il est bien impossible, à qui vit sur cette terre, de fuir toutes les peines qui 
agitent l'âme, et Paul n'entre pas, répétons-le, dans l'utopie égoïste de l'ataraxie 
stoïcienne. Maïs, parmi ces soucis, ces pépuva, il en est qui sont essentiellement 
féconds pour la perfection et le bonheur, ceux qui concernent le service de Dieu; 
les autres peuvent aboutir au bien ou au mal, et ce ne sera qu'au mal s'ils ne sont 
pas ordonnés à l'unique nécessaire, à la fin dernière. 

Geux de l'état de mariage sont du nombre. Qu'il s'agisse de l'homme ou de la 
femme, la condition est la même (6 &yauos de 32 confirme la justesse de l'extension 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, VIt, 36-37. 183 


pour vous jeter un lacet, mais en vue de ce qui peut vous donner bonne . 
figure et vous fixer fermement près du Seigneur, sans tiraillements. 

86. Si pourtant quelqu'un estime qu'il n’agirait pas convenablement 
envers sa vierge, au cas où elle passerait la fleur de l’âge, et que son 
devoir exige qu’il en soit ainsi, qu'il fasse ce qu’il veut; il [ow elle] ne 
fait pas de faute; qu’on se marie. 37. Maïs celui qui se tient assuré dans 


que nous avons donnée au sens de maplévos au v. 25-s.). Les deux mariés, l’un 
comme l'autre, s'ils ne sont que d'une vertu moyenne, risquent, dans la préoc- 
cupation terrestre de se complaire l'un à l’autre d’une façon trop naturelle, et 
d’accaparer toute l'affection de leur conjoint, ainsi que dans les tracas matériels 
de la vie de famille, d'oublier un peu en pratique que l'on doit donner à Dieu 
un cœur non partagé, et que tout amour, toute activité en faveur des créatures doit 
être pénétrée, « informée » par cet Amour essentiel. Quoique cet état soit la vocation 
commune, que la majorité des chrétiens doït embrasser en conscience (vv. 1-7), 
cependant Paul déclare plus favorable, en soi, à la vie spirituelle, l'état de ceux qui 
éloignent d'eux ce risque en renonçant à la vie de famille pour se consacrer, direc- 
tement et exclusivement, au service du Seigneur. Il y a, au-dessus de la vocation 
commune des chrétiens, un « état de perfection », comme ont dit plus tard les 
théologiens, qui contient la profession de chasteté; le Christ ne l’avait-il pas déclaré 
déjà? J. Weiss reconnaît que Paul a ainsi préparé Fesprit monastique. 

Ses hautes recommandations s'adressent aux hommes (6 &yapos), aux vierges. 
{ñ Tap0évos) qui n’ont jamaïs connu d'homme, aux veuves et même aux femmes qui, 
sans avoir été mariées, ne sont plus vierges, comme il pouvait s'en étre trouvé 
quelques-unes parmi les païennes converties de Corinthe (ñ yuvi à &yauos). À tous et 
à toutes Paul montre que c’est un grand privilège si Dieu les appelle à cet état 
idéal où l’on n’a plus à s'occuper que de Le servir. : 

Ainsi l'Apôtre a posé — après le Seigneur — le grand principe qui donne le vrai 
sens du conseil de célibat ow de virginité. C’est l'amour de Dieu, le service de 
Dieu, la sanctification plus facile’ du corps et de l'esprit. Il ne parle aucunement 
d'une supériorité naturelle du célibat sur le mariage; il ne recommande pas un 
célibat embrassé en vue d’une vie plus tranquille, repliée égoïstement sur elle. 
même, et fuyant lächement le service de la famille ou die la société. La grandeur de 
la virginité et du célibat est toute surnaturelle, et. n'existe réellement que là où cet 
état est embrassé par surabondance de l'amour de Dieu, entraînant celui du pro- 
chain, amour et service auxquels l’appelé craint de ne plus laisser un champ assez 
libre et assez vaste s’il restreint sa liberté, même par les liens les plus légitimes et 
les plus nécessaires pour l'ensemble des hommes. Nulle autre intention ne pour- 
rait justifier le rejet des obligations ordinaires. C'est toujours le grand principe de 
la « liberté » des « membres du Christ », qui n’est que le moyen de viser plus sûre- 
ment au but, « la charité ». Tel était l'esprit de Paul, et tel a été l'esprit authen- 
tique de l'Église qui s’est obscurci chez les dissidents, toujours très embarrassés 
par ce passage de notre tre Épiître aux Corinthiens. 

Nous voyons toujours l’analogie avec l'esprit stoïcien, et l'immense supériorité de 
l'esprit chrétien, où toute « indépendance » est inspirée par l'amour et le don de 
soi-même à Dieu et au prochain. | 

——— À, 85, oûuoopov, dans tout le N. T., ne se retrouve que I Cor. x, 33, — 
Bpéxos, « corde à nœud coulant », « lacet », « filet », « lazzo »; métaphore de chasse 
(Théodoret, et presque tous); J. Weiss y voit une métaphore de guerre, « embus- 
cade »; cela revient au même. — +0 edoymuov xaÙ ebrép., usage des adjectifs neutres 


184 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, VII, 25-38. 


Écrnxev ëv T7 Xapdla abroë "Edpaios, un Éxwy Gvdyxnv, Ébouolay Dè Éyer mept vod 
ldiou DeAuatos, nai toëro xérpiney ëv 17 (da xapdla, rnpeïv Thv Éxuroù taphévov, 
xahDS momo. 38. "Qore rat d ’yapibuv Thv Éavrod rapévoy XANGG Tori, nat 
() pi vapituv HpEÏTOOV moLhoeL. 


absolus chez Paul, cfr. supra, à 1. 25; eloymuov signifie « celui o4 ce qui a bonn 

tenue », « qui est honorable », cfr. xn, 24, Marc xv, 43; Act. xur, 50, xv, 42; 
contraste : äoynuovetr du v. 36. — Ebrépedpov hap. leg. peut être un néologisme de 
Paul (Lietzmann); cfr. [oi té Ovotaornpiui] napedpeboyres de 1x, 13 et [rhv t&v oûv Opévwv] 
rap£èpov [oopiav] de Sap. Sal. 1x, 4 (Rob.-Pl.); dans Hésychius — xahüs mapauévev, 
Ces rapprochements suggèrent le sens d'une présence assidue auprès de quelque 
objet vénérable ou sacré. — L'adverbe éxeptondotus, hap. leg. (— épepiuvews, Hés.); 

cfr, anspioraoros classique = « non distrait », « ininterrompu ») Sap. Sal, xvi, 11, et 
Epictète, x, 22 (le philosophe üxepioxacros au service de Dieu); plusieurs exégètes 
rappellent ici Luc x, 38-42, le contraste entre Marie qui était assise (rapaxaeobeïoa, 
Cfr. ebnépedpoy) aux pieds du Seigneur, tandis que Marthe s’agitait alentour (repteoräro); 
ainsi Rob.-Pl., J. Weiss, Toussaint, al. ; il est possible que Paul ait eu quelque 
réminiscence plus ou moins consciente de cette scène, qui nous a été transmise: 
dans l'Évangile de son compagnon de voyage; sa mémoire était remplie, quoi 
qu'on en dise, des événements du ministère de Jésus. 

B. 35. Cette phrase délimite bien l'intention que Paul se fixait dans sa recomman- 
dation du célibat; il n’entendait pas y pousser les chrétiens indistinctement, ni faire, 
pour ainsi dire, la chasse aux vocations extraordinaires; il n'a pas oublié qu'il leur 
montrait peu auparavant l'état sanctifié du mariage comme le don ordinaire de Dieu. 
Mais il a fait ressortir le caractère hautement louable et spirituellement avantageux 
du célibat mystique pour ceux qui peuvent le pratiquer; quant aux autres, il ne veut 
nullement capturer leur vouloir, ni trop présumer de leur force (Rob.-PI., J. Weiss, 
Toussaint, Sickenb., al.); Schmiedel pense qu'il aurait vu dans une exhortation indis- 
crète à cet état un piège qui aurait pu les induire en tentation de forniquer (cfr. v. 
2); mais il y a plus, l’Apôtre respecte pour elles-mêmes et la liberté de tous, et la 
lignité de la vocation commune. Héureux seulement ceux qui, dégagés autant que 
possible des soucis matériels du mariage, peuvent vouer exclusivement leur vie au 
culte du Seigneur, comme Marie assise à ses pieds! 

——— À. 36. Ce verset et les suivants présentent un nombre extraordinaire de dif- 
ficultés d'ordre lexicographique, grammatical et exégétique. Ils sont parmi les plus 
ardus de cette épître et des autres, et ont donné lieu à des interprétations assez 
fantaisistes. 

asynpovetv (cfr, xur, 5 et eÜoynuov, supra) signifie « se comporter mal », « vilainement », 
« manquer aux bienséances » ; ëxt ruwa, « envers quelqu'un » (Denys d'Halicarnasse, 1, 
26; Pap.); il peut signifier aussi « ne pas être en situation honorable, indépendante », 
(voir Moulion-Mill., ad v., P. Pap. 63 1x. 38-s.) — Ürépaxuoc, (06, ov) peut être masculin 
ou féminin, et susceptible donc, théoriquement, de se rapporter à ts ou à mapBévov; 
c'est un hap. leg. sur le sens duquel on discute beaucoup; nous lui donnons le sens 
de « nubile » et le rapportons à raplévoy (voir la discussion infra. Exc. vit). — pelle à 
toujours le sens de devoir, d'obligation morale, de dette, et n’équivaut jamais simple- 
ment à dei, verbe de la simple nécessité; ici il est impersonnel. — Gfe, rouire, éuap- 
réve, ont-ils tous les trois le même sujet? — le pluriel Yapeitwoav surprend; le sujet 
doit être double; il y a la rapdévos; mais qui est l'autre ? (Aussi il y a des substitutions : 
yausitu, D', F, G, pes, arm., Aug.; « si nubat » d, e, f, vulg., Ambr*). Cela paraît un 
passage brusque à un autre sujet, un « hypallage ». 

A. 87. £5païoc, propre à Paul dans le N. T., cfr. xv, 58; Col., 1, 28. 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, VII, 38. 485 


son cœur, et n’a rien qui le force, mais toute faculté de faire son propre 
vouloir, et qui a décidé cela dans son propre cœur, de garder la vierge 
qu’il a, il agira excellemment. 38. Aïnsi, et celui qui marie la vierge 
qu'il a agit excellemment, et celui qui ne [la] marie pas agit mieux. 


. À. 88. Le verbe yauiw se rattache par sa forme en -X{w aux versets causatifs, et 
doit donc signifier « donner en mariage »; c'est ce qu'affirme Apollonius Dyscole 
(« De syntaxi » nt, 31); mais l'actif Yauiÿew ne se présante qu'ici, peut-être Mat. xxiv, 
38 (yauilovres, var. ExyauiCovtes) et chez les Pères grecs qui se réfèrent à ce passage 
(comme Methodius, « Gonv. » 11, 14, 86); on a la forme moyenne ou passive yaui- 
Geafar (var. éxyapiteoûou, vautoueobat), dit toujours de la femme, (comme yaueïoüai) au 
sens de « être épousée », « se faire épouser », « être donnée en mariage », Math. 

xx11, 380, Marc xu, 25, Luc xvu, 27, xx, 25; on ne possède pas un seul exemple où 
yauitw ou éxyaulQw signifie « épouser », mais c'est toujours « marier » (voir la contro- 
verse infra, à l'Exc. vu), On lit Exyautuv bis, K, al. — rhv éauroë xap0. est omis K, L, 

al, Aug. — ras — « honorablement », « louablement ». 

B. 86. 38. Au v. 34, Paul avait parlé pour les. vierges, et, en général, pour les- 
femmes sans époux, y compris les veuves, leur montrant l'avantage de rester comme 
elles sont. Selon une excellente idée que je trouve dans Bachmann et Gutjahr, il envi- 
sage maintenant à part chacune des deux catégories : de 36 à 38 les vierges, puis, 39 
et 40, les veuves. 

Ce passage est certainement à prendre à la lettre, et il n’y a aucun cas à faire de 
la singulière interprétation allégorique avancée par Methodius, s. Jérôme (« e. Jovin. » 
._ 1,48), s. Epiphane, Pélage, Primasius, et combattue par s. Augustin; d'après laquelle 
raplévos pourrait signifier raplevio et opf, la question étant de savoir si l'homme doit 
garder vierge sa propre chair (voir Cornely et Gutjahr). 

Il s'agit du cas. de conscience familial d'un chrétien (ris) qui a une fille vierge et. 
qui se demande s’il agira bien ou mal en la mariant. Malgré la dignité supérieure de 
la virginité, il peut se dire, en raison des idées du pays et de l'époque (tant parmi les 
Juifs que parmi les Grecs), que ce serait se déconsidérer lui-même (äcynuoveiv, au sens. 
des Grecs, Estius, Lap., Cornely, al.) « au ‘sujet de » ou « aux dépens de » sa fille. 
(ëxt rhv zap0. à.), s'il ne lui cherchait pas un mari; il pourrait même craindre de pous- 
ser ainsi la jeune fille à des écarts de conduite dont il se trouverait déshonoré (Œc., 
Théophylacte, Ambrr, Pél., Prim., al., Maier, Bisping, Meyer, Godet, Sickenberger) ; 
c'est une idée bien exagérée de Zietzmann et de Joh. Weiss, que de prétendre qu’un 
pareil point de vue devait être absolument étranger à des chrétiens pauliniens. Sans 
tant préciser, on peut comprendre aussi (autre sens de àsynuovetv) que le père estime- 
rait porter préjudice à sa fille, l'exposer à la honte (d'après. l'opinion du monde 
d'alors sur le célibat des femmes) s’il ne la mariaït pas (s. Thomas, Rob.-Pl., Lemon- 
nyer, Sales, Toussaint, Bachmann, Gutjahr, al.) — lorsqu'il voit qu’elle a atteint l’âge 
nubile (brépaxos féminin, voir à l'Exc, vu). Le brave homme se dit alors que c’est une 
dette, un devoir pour lui (6geiku) de « faire ainsi » (1), c'est-à-dire de lui chercher un 
époux, quand bien même, personnellement, ses idées de perfection chrétienne lui 
auraient fait préférer pour elle, en soi, le célibat. En ce cas, il est bien libre de faire 
ce qui lui semble hic et nunc préférable, puisqu'il est certain (v. 28) que sa fille ne 
pèche pas en se mariant (ox âuapräver, dont le sujet n’est pas indiqué, pourrait, à la 
rigueur, signifier : « elle ne pèche pas »; pulg. : « si nubat »), et que lui, par consé- 
quent, ne péchera pas non plus en la donnant en mariage (oùx duapr. [aüros]). Donc, 


, + a . e\ 
(1) Ou bien (Bachmann), « et que, ainsi [pour ces raisons] il est de son devoir que (cela) 
se fasse », en rapportant oütws à ôpethes, et suppléant un sujet à yevéoüou. 


486 - ÉPITRE AUX CORINTHIENS, VII, 25-388. 


« qu'on se marie », ou « qu'ils se marient » (elle et, sous-entendu, l’homme agréé 
pour elle); le pluriel yaueiruoav, elliptique, n'est pas plus étrange que celui de I Tim. 
11, 15, èv pelvuoiv èv rloter «rh, (Rob.-Pl.) où le sujet, yuvi, est singulier (mais où le mari 
et les enfants sont peut-être connotés). 

Nous autres, modernes, nous pouvons être surpris que tout le rôle actif, dans une 
pareille question, paraisse assigné au père de la jeune fille, et qu'il n'y ait pas un 
mot de la volonté de celle-ci; mais il faut nous souvenir du droit antique; légale- 
ment, officiellement, c'est le père de famille qui consentait à laisser passer son enfant 
dans une autre maison. Mais nous ne croirons pas pour autant que Paul, après s'être 
appliqué à relever, sur des points capitaux, la parité de droits des deux époux dans 
l'exercice de la vie conjugale, ait admis qu'un père pouvait, sans consulter la volonté 
de sa fille, la jeter dans les bras d'un homme, ou lui interdire au contraire d’être 
épouse et mère. Avant de rien décider en cette matière, l'équité et la justice, garan- 
ties par la loi chrétienne, obligeaient le: chef de famille à s'assurer du consentement 
de la personne intéressée. Primasius, s. Thomas et d'autres, ont donc raison de com- 
prendre les mots xai oütus 6peilet yiveoar de l'obligation qui résulte pour le père de res-. 
pecter la volonté de la jeune fille, — qu'il y ait ou non d'autres nécessités se joignant 
à celle-là. La suite va le confirmer. 

Le chrétien peut prendre aussi le parti contraire, c’est-à-dire celui de garder sa 
fille dans l’état de virginité. Décision grave et qui ne peut être qu'exceptionnelle; 
aussi l'Apôtre insiste-t-il beaucoup sur Les conditions qui sont requises pour qu'il 
ait la liberté de faire un pareil choix (PBachmann). Il faut qu'aucune nécessité 
(avéyxnv) ne s'impose à lui — de par la volonté de sa fille ou pour tout autre 
motif — de faire autrement; il faut qu'il lui soit loisible de trancher lui-même, 
tout seul, la question (éfouolav DÈ Éyer nepi voù édiou Gekduaros), du fait que cette. 
« vierge dont il a la charge » (rhv éautod næplévov) désire elle-même ne pas se marier 
ou consent à faire ce que son père voudra (Ainsi Pél., Œcum,, Ambr', s. Thomas, 
Hervé, Cornely, Rob.-Pl., etc.); autrement il n'aurait plus « le plein pouvoir 
d'accomplir sa propre volonté », la justice, la bienveillance, Faffection paternelle. 
le liant à la volonté opposée d'une autre. Gela supposé, s’il est bien sûr de lui-même 
(Edpaios), c'est-à-dire de sa pleine liberté, il arrétera dans son cœur de garder 
à la maison sa fille vierge, — et il fera bien, ce sera une action louable, tout-à-fait 
conforme à l'idéal évangélique. 

Le difficile v. 37 s'explique parfaitement. de la sorte; il faut que Ziet:mann ne 
Fait analysé que d’une manière très superficielle, pour déclarer que, s’il s'agissait 
d'un père ayant une fille à marier, les expressions comme « n'ayant pas de néces- 
sité », et « ayant pouvoir sur sa propre volonté. », seraient grotesques; il n'a pas 
réfléchi que des nécessités de convenance, de réputation, de justice, à Corinthe 
et de ce temps-là comme toujours et partout ailleurs, pouvaient empêcher un père 
de famille de faire ce qu'il aurait désiré’ lui-même au cas où il n'aurait pas subi cetta 
pression des circonstances ou de la volonté d'autrui. Saint Paul parlait évidemment. 
pour les pères corinthiens qui appréciaient comme lui l'idéal chrétien; il leur 
rappelle ce à quoi est subordonnée la satisfaction du désir de perfection qu’ils ont 
pour leurs filles. 

La conclusion est donc (v. 38) qu'il est louable, selon les circonstances, soit de. 
marier sa fille, soit de ne pas la marier; mais que le second parti, quand les 
circonstances permettent de le prendre, répond à un idéal supérieur, — celui qui 
a été fixé aux vv. 1, 7, 8, 20, 24, 25-27, 84,85, La doctrine est parfaitement cohé- 
- rente. 

Nous devons toutefois reconnaître que ces derniers versets, avec leurs hypallages, 
leurs sous- -entendus, les explications qu'ils exigent, ne sont point d'une limpidité 
parfaite. Pour les Corinthiens, qui connaissaient la situation et savaient quelles 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, VII, 25-38. 187 


questions ils avaient posées dans leur missive, il n'y avait sans doute aucune 
équivoque dans cette réponse. Mais les exégètes de l'avenir devaient être moins 
favorisés. On dirait que l'apôtre, pressé d'en finir avec ce sujet, a quelque peu 
négligé son style. C’est ce qui a donné occasion d'établir contre l'exégèse que nous 
venons de donner, — et qui est l'interprétation commune et La vraie, — une théorie 
bien différente, et très restrictive de l’universalité de la doctrine apostolique sur le 
célibat chrétien. C'est celle des « virgines subintroductae », inventée par Achelis, et 


suivie par un certain nombre d’exégètes contemporains, surtout des acatholiques. 
Nous en discuterons dans l'Exc. VII. 


V. Le cas des veuves (ch. VII, 39-40). 


Int. Après avoir parlé si longuement des vierges, et du célibat, l'Apôtre n'avait 
plus qu'un mot à dire au sujet des veuves, en expliquant ce qu'il avait 
déja déclaré, pour elles aussi, aux vo. 84 (ÿ yuvÿ ÿ &yauos) et 85. Ses instructions, bien 
entendu, valent aussi pour les veu/s, bien qu'il ne soit pas fait mention d'eux (parce 
que sans doute la lettre de Corinthe ne demandait expressément de direction qu'à | 
propos des femmes). Ce sont toujours les mêmes principes que précédemment qui 
sont appliqués : légitimité du mariage ou du remariage, mais avantage de l'état de 
chasteté pour la liberté spirituelle et le bonheur. 


Cu. vi, 39. l'uvn Séderar ëp” Ooov ypévor En 8 àvhp abris" av dE rounb à 
? ct , , t] # 
_Qvhp, Eheubépa Éotiv w& O£ker yaun0var, movoy Ev xupiw. 
Si \ x 
&O. Moxaprutépa dé Eoruy Exv obtuwc peivn, xaTa Tv Env yrounv doxd DÈ xa Yo 
mvedpa Oeoë Éyerv. | 


A. 39. Remarquer l'asyndeton (comme v, 1; vi, 4, 12). dédetau, état continué, 
cfr. v, 27; les codd. E, F, G, L, P al., ont écrit Sera vépw, par une assimilation 
très inutile à Rom. vu, 2, qui exprime la même idée. — Kotuäsl, « s'endormir », 
expression chrétienne pour signifier la mort, sous un aspect calme et consolant; d'où 
xotuntiprov, « cimetière »; Cfr. Mar. xxvni, 52, Joh. x1, 11; Act, vu, 60, xin1, 86; 
s. Paul n'emploie jamais ce verbe dans un autre sens, six fois dans notr& épiître et 
trois fois L Thess. (1v, 13, 14, 15); cfr. Il Pers. nr, 4; c'est le terme biblique 
« s'endormir avec ses pères ». — yaun0fvar : la forme déponente passive ëyau#ünv 
(pour éynudunv) est hellénistique. 

B, 39. L'Apôtre, rappelant d'abord l'indissolubilité du mariage chrétien (cfr. vv. 
10-11), précise bien pourtant (comme Rom. vu, 2) que l'union des sexes, n'étant 
établie par Dieu que pour les besoins de {a vie terrestre, ne crée pas de lien qui 
survive à la mort d’un des conjoints; ainsi la veuve (comme le veuf aussi) est libre 
de contracter un nouveau mariage (cfr. I Tim, v, 14, où Paul le persuadera aux 
jeunes veuves pour des raisons morales). Sans doute, comme plusieurs le croient, y 
avait-il à Corinthe un parti ascétique qui, dissuadant même de l'usage du mariage 
contracté (voir vv. 3-5), proscrivait, a fortiori, les secondes noces. 

Les mots « seulement, dans le Seigneur », semblent signifier que l’Apôtre, au 
moins en règle générale, ne permet le remariage d'une veuve chrétienne qu'avec un 
homme qui vit « dans le Seigneur » comme elle, avec un frère dans la foi. 


——— À. 40. yép, pour dé, après dox®, dans B, 4, al., Ambrr., syrh, — nveüua 
Oeoù — l'inspiration divine, donnée par l'Esprit-Saint qui habite les âmes rachetées, 
voirExc. V. 


B. 40. Il revient à sa recommandation de la chasteté, qui était le but principal de 
tout ce chapitre. La veuve sera, de l'avis de Paul, « plus heureuse » si elle ne 
se remarie pas. Il ne faut pas l'entendre, bien entendu, d'un bonheur égoïste et terre 
à terre résultant de la fuite des charges de famille, maïs de la liberté plus pleine 
et plus joyeuse qu'elle aura de se consacrer au service de Dieu, cfr. vv. 34-35; elle 
échappera mieux ainsi à l'éveoräca avéy»n, aux nécessités du temps présent. 

« Je pense » (Gox&) ne signifie pas un doute, c'est une litote; il se peut que, con- 
trairement au parti des ascètes (supra), certains prétendus « pneumatiques » de 
Corinthe aient donné là-dessus un avis contraire à celui qu'énonce d’Apôtre (Lietz- 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, VII, 39-40. 189 


mann, Rob.-Pl,, al.) Il s'y entend pourtant mieux que ceux-là dans le domaine de 
la spiritualité. 


Ainsi finit ce difficile et important chapitre; il contient les plus hautes doctrines, 
mais il faut se souvenir que ce n’est point là tout l'enseignement apostolique sur le 
mariage (non plus que sur la servitude, et la famille en général). Paul n'y a parlé, 
pour l'ordinaire, qu'en fonction de la situation des Corinthiens, et des interrogations 
particulières qu'ils avaient posées dans leur lettre. Cependant une question grave, 
celle de la virginité chrétienne, y est traitée, elle, du point de vue le plus élevé et 
le plus définitif. | 


CH. vir, 39. La femme reste liée pour tout le temps que vit son mari; 
mais au cas où son mari entrerait dans le repos, elle est libre de se 
marier à qui-elle veut; — seulement, dans le Seigneur. 

L0. Elle est pourtant plus heureuse dans le cas où elle demeure ainsi, 
d’après mon avis à moi; or Je pense avoir, moi aussi, l'esprit du Seigneur. 


Excursus vi. SAINT PAUL S'EST-IL OCGUPÉ DE « VIRGINES SUBINTRODUCTAE » ? 


Nous avons avons trouvé dans ce ch. vi une doctrine générale, appli- 
cable à tous les milieux et à tous les temps, sur le célibat gardé pour motif 
religieux, et elle fait admirablement pendant à l'instruction du chapitre vi sur 
les péchés de la chair. L'enseignement et la pratique catholiques s'en sont 
toujours inspirés depuis. Mais voilà une trentaine d'années qu'a surgi une inter- 
prétation censée plus conforme au texte et plus historique, et qui restreint 
considérablement la portée des instructions de l'Apôtre. C'est la fameuse 
théorie, due à Gnare et à Acueuis, des « pirgines subintroduclae », qu'on veut 
substituer aux « vierges » au sens ordinaire et universel, dont jusqu'ici on 
avait cru que parlait l'Apôtre. 

Cette thèse a certainement quelque chose de spécieux, car, pour une 
première vue, elle paraît éclaircir au mieux les elliptiques et raboteux versets 
36-38, et en ramener le sens à une situation historique que nous connais- 
sons, sinon au temps de saint Paul, du moins dès le n° siècle. Malheureuse- 
ment ce n’est qu'une fausse clarté, et il faut multiplier les subtilités et les 
postulats pour l'accorder avec l’ensemble du contexte. 

Voici ce que c'est. 

Dès longtemps l'interprétation commune se sentait un peu gênée du fait 
que Paul n'écrit nulle part en ce passage les mots de « père » et de « fille », 
qu'il paraît multiplier les sous-entendus, au point de laisser douteux le sujet 
de plusieurs verbes, que des mots comme doymuovetv et ürépaxuos suscitent des 
difficultés lexicographiques, et que xapdévos n’a pas régulièrement le sens de 
« fille », enfin que les expressions du v. 37 n'ont: pas l’air, à première vue, de 
convenir à un père antique, si sûr de son autorité sur les siens. Aussi a-t-on 
. commencé, dès 1874, avec Van Manen, à voir dans le ri du v. 36, non plus 
le père, mais le « fiancé », qui se trouverait hésitant à contracter et consommer 
le mariage promis (Van Manen, Theolog. Tijdschrift, 1874, pp. 604. suiv.), et 
on se mit à ramener tous les termes obscurs à cette nouvelle hypothèse. Cela 
n'allait point tout seul, jusqu'au jour où, à la suite de Weëssäcker (« Gesch. 


190 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, V=-VII. 


.des apostol. Zeïtalters », 1892, pp. 651, 666), Grarz a découvert qu'il s'agis- 
sait de « fiançailles spirituelles », par lesquelles des jeunes filles, voulant se 
vouer à l'ascèse, mettaient leur virginité sous la protection d'un homme de 
confiance avec qui elles vivaient d’ailleurs en une telle intimité qu'il pouvait 
en résulter des tentations charnelles (« Geistliche Verlübnisse bei Paulus », 
1899). Trois ans plus tard, Acnezis donnait beaucoup plus de consistance 
à la théorie en ramenant l'instruction de Paul à ces « mariages spirituels » 
qui nous sont connus, aux premiers siècles, par les témoignages (défavorables) 
de plusieurs écrivains et conciles, et qui auraient déjà existé dans l’église 
de Corinthe {« Vérgines subintroductae, ein Beitrag zum 7 Kapitel des 
Korinther-Briefs », 1902). 

En effet, dès le 11° siècle, s. /rénée dénonçait certains docteurs valentiniens 
qui s’entouraient de femmes dévotes en prétendant hypocritement vivre avec 
elles comme des frères avec des sœurs (« Adv. haer ». 1, 6, 3). Cet abus ne 

se limita -point aux gnostiques, car Tertullien (« De jejunio », 17; « De virgin. 

‘velandis », 14), s. Cyprien, puis les conciles d'Elvire, d'Ancyre, de Nicée, 
de Carthage I, et des autorités ecclésiastiques postérieures ont relevé et blâmé 
de pareilles situations dangereuses parmi les catholiques. Achelis a étudié 
à fond toutes ces données, et démontré, semble-t-il (après Aefele), qu'Hermas, 
dans la Similitude IX, 11 (1), (où il se représente passant la nuit au pied 
de la tour « comme un frère, non comme un mari » avec les vierges allégoriques 
qui sont les. vertus du Christ, et qui lui donnent sans scrupule les marques 

les plus ardentes d'amour fraternel), voulait faire l'apologie d’une institution 
que l'opinion publique de son église trouvait suspecte. Elle consistait en 
ceci : des vierges ou des veuves qui voulaient garder la chasteté contractaient 
un « mariage spirituel » avec un chrétien non marié; elles vivaient chez lui, 
dans une familiarité très grande, comme de. vraies épouses, sauf les rapports 
conjugaux essentiels. Si pareil usage s'était glissé à Rome au n° siècle, on 

le constate encore beaucoup mieux un peu plus tard en Syrie (voir Burkrrr 

Early Eastern Christianity); et par la lettre des évêques contre l'hérétique 
Paul de Samosate, qui pratiquait en grand ces unions mystiques, avec plusieurs 
dévotes, ainsi que tout son entourage de prêtres et de diacres, nous apprenons 
que le peuple d'Antioche avait donné à ces fausses épouses le nom ironique 
de « sous-introduites », cuveloaxtor. 

Achelis ayant interprété d'après cette périlleuse mystique (qui voulait exalter 
l'amour fraternel aux dépens de l'amour conjugal) le passage de I Cor. dont 
nous nous occupons, beaucoup d'auteurs l'ont suivi, soit des protestants 
comme Jülicher, Clemen, Bousset, Lietzmann et J. Weiss (ce dernier com- 
prend même tout le chapitre comme se référant non aux vierges en général, 
. mais aux « subintroductae »), soit quelques catholiques, ainsi Rohr, Schaefer, 
Fahnenbruch (Bibl. Zeitschrift, 1914,-pp. 391-401). Loisy, Delafosse, traduisent 
6 yapiçuv Thv Éxuroÿ mapdévor : « celui qui épouse sa vierge ». Voici comment 
Lietzmann, après une discussion étendue, rend tout ce passage : 

36. Mais si quelqu'un [le protecteur d’une « subintroducta (2) »] croit ne 


(1) Cfr. Simi. x, 8; la Vision 1, 1, par contre, ne signifie rien pour le sujet qui nous 
occupe. 
(2) Les explications entre crochets sont de nous. 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, V-VIIL. 191 


pas se conduire [ne pouvoir se conduire] honorablement envers sa vierge, | 
[Delalosse : « si quelqu'un à des pensées lubriques au sujet de sa vierge »] 
s'il en est ardemment épris [brünstig; Loisy : « s’il est trop ardent »; Del. : 
« s’il est très ardent »|, et que cela doive être ainsi, il peut faire ce qu'il 
veut, il ne pèche pas; ils doivent se marier. 37. Mais celui qui est ferme en 
son cœur et n’a aucune nécessité, mais a puissance sur sa volonté, et qui 
a résolu en son cœur de conserver sa vierge (comme telle), celui-là agit 
bien. 30. De sorte que celui qui épouse sa vierge agit bien, et celui qu ne 
(/’)épouse pas, agit mieux ». 

C'est en effet une solution très claire, par où l'on se flatte de pouvoir 
échapper, grâce à Achelis, à toutes les difficultés du texte, en lisant tout 
simplement chez Paul ce scabreux thème de roman. Pour y arriver, il a fallu 
comprendre l'épithète Gmépuxuos comme masculine, et signifiant l’ardeur 
sensuelle, et yaultauw dans le même sens que youeiy — épouser. 

Cette théorie a été réfutée par des catholiques, notamment Sickenberger, 
Gutjahr, ou les protestants Rob.-Pl. et Bachmann, de manière à en mettre 
en évidence tous les postulats, le manque de solidité, et l’invraisemblance. Nous 
suivons ces exégètes,. en ajoutant quelques raisons de philologie ou d'histoire 
aux Îcurs. 

Tout d'abord, la thèse radicale de J. Weiss est certainement à rejeter, 
Nous avons vu au commentaire des premiers versets du chapitre que Paul 
parle universellement pour les gens à marier, femmes ou hommes, et non 
pour une catégorie aussi particulière; il faudrait donc restreindre la théorie 
tout au plus aux vv. 36-38, où Paul aborderait un sujet très spécial sans donner 
aucun signe d'avertissement. Mais, même avec cette restriction, est-il vraisem- 
blable que rien d'analogue aux fiançailles ou mariages des « sous-introduites » 
ait existé à Corinthe dès ces premières annnées du christianisme? On ne 
trouve aucune mention expresse de cette singulière coutume avant le r1° siècle, 
afant Tertullien; Irénée ne parle que de gnostiques, et si l’on admet l’inter- 
prétation ci-dessus exposée d'Hermas, cette vie d'intimité fraternelle d'un 
homme avec des « vierges » apparaît plutôt comme une chose toute nouvelle an 
temps du Pasteur, et qui avait grand besoin d’être défendue par une prétendue 
révélation. Or, Hermas écrivait à peu près cent ans après Paul. Les Pères et 
les documents ecclésiastiques qui critiquent les ouveicaxto: n’ont jamais examiné 
ce passage de Paul comme ayant rapport à la question (1). Il faut donc que 
ceux qui défendent la théorie prouvent que leur interprétation est plus 
naturelle, et que nos versets 36-38 sont élucidés par cette clé dans tous leurs 
termes, et ne peuvent se comprendre autrement. 

Deux mots particulièrement sont à examiner, 1° émépaxuos; 2° yauttuov. 

1° émépaxuos. — Cet hap. leg. est composé de ôrép et d'éxux. Moult.-Mill. 


e 


(1) S. Ephrem a seul, dans son Comm. des Épîtres de saint Paul traduit en arménien 
(d'après un texte biblique syriaque peut-être altéré) entendu ce passage non du père et de 
la fille, mais (probablement) d'un mariage spirituel que l'homme pourrait rompre, malgré le 
temps écoulé, quand il ne se sent pas capable de conserver son « vœu » (voir Herklotz, 
Biblische Zeitschrift 1917, p. 344-345), — Sous l'influence de l’encratisme et de Tatien, de 
pareilles unions existaient dans la vieille église syriaque, et Aphraale (dans son tr. sur les 
« Benai Kejama », 6) les désapprouve dans son église d’ascèles. 


192 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, V-VIi, 


{Voc.) voient comme unique sens « past the bloom of youth », « of full age », 
et comparent l'usage de bneperñs (dmep-Ëvoc), mot de la langue des papyrus, 
qui signifie l'âge avancé (P. Ryl. n, 10511, de l'an 136 ap. J.-C. : Tapuoüdtos 
Omsoerée, pour un certain Tarmouthis qui avait passé soixante ans; P. Oxyr. 
vi, 40308, de l'an 212 : ‘lorépnros éneperhs drey[voc] : « Historetus, qui était 
avancé en âge, et n'avait pas de métier »; al.). Ils ne font même pas allusion 
à la théorie que nous examinons. ‘Ynéozxuos doit signifier « nubile », large- 
ment nubile {« weil sie eben wohl mannbar ist », traduit Luther; plutôt que 
« superadulta » de vulg., croyons-nous avec Roëb.-Pl., car le père ne doit 
pourtant pas attendre, avant de se poser la question, que sa fille soit une 
« vieille fille », sens qui serait un peu comique). ’Axuñ, en effet, veut dire 
la pointe, le sommet, ou le moment où une chose est à point; Platon (comme le 
rappellent Rob.-Pl.) dit dans Rép. 460 E, en employant &xy#, que l'âge nubile 
moyen et convenable (uérotos ypôvos &xuñc) est 20 ans pour une jeune fille et 
80 pour un jeune homme. Le verbe dérivé äxuatw (et le composé rapaxuotu, 
Eccli. xzu, 9, où il s’agit justement du père et de la fille) répond absolument 
à la même idée; le grammairien Moeris {r° s. ap. J.-C.) dit qu'il répond en 
hellénistique à 48äv attique; c'est donc « étre dans sa fleur, dans sa force », 
ou « en âge de puberté », « dans la fleur de la jeunesse »; Néron, dans le 
fameux discours de Corinthe où il proclamait la liberté des Grecs, disait 
regretter de n'avoir pu faire cette œuvre généreuse dxuatobons tñc ‘EXdôoc, 
« quand l’Hellade était dans la fleur de la jeunesse » (Voir Moult.-Mill., Vocab.). 
Rien n'a été trouvé qui montre qu'äxu ou ses dérivés signifient le bouiilonne- 
ment des instincts (chez l'homme il se produit bien avant trente ans, cfr. Platon, 
supra). Paul veut donc dire : « si elle est bien nubile », « si le moment 
opportun pour la marier est visiblement venu » ; un autre sens pour ürépaxuos, 
qui permette de le faire masculin, n’a donc été cherché et trouvé que pour 
les besoins de la cause. Comment d'ailleurs va-t-on se figurer que Paul aurait 
approuvé, ou toléré, hors du mariage, des unions « spirituelles » qui pouvaieñt 
tourner ainsi, lui qui prenait tant de soins pour prémunir ses néophytes contre 
les tentations de la concupiscence, et qui allait même, pour cela, jusqu'à dissuader 
les gens mariés de « se priver l’un de l’autre » dans une continence trop 
prolongée? La thèse d'Achelis paraît déjà inconciliable avec l'esprit des vv. 2 
et 5. 

2° yauitw. Nous avons vu que tout le sens, connu par ailleurs, de ce verbe, 
et conforme à sa formation « causative », est « marier » et non « épouser ». 
Liet:ëmann veut éluder cette difficulté en prétendant qu'on a pu passer d'un 
sens à l’autre (Comm. p. 37}; Loisy ou autres paraissent l'en avoir docile- 
ment cru. Ce ne serait pas impossible « priori; en Belgique, en Suisse romande, 
au Canada, on dit bien : «M. Un Tel a rnarié sa fiancée, M1 Une Telle »; mais 
il faudrait prouver que les Grecs ont commis la même confusion. Lietzmann 
dit bien ‘que la règle des verbes en -Kw (appliquée à yauite, contre yauée, 
par Apollonius) n'était qu'une règle d'école qui pouvait souffrir des exceptions; 
que beaucoup de ces verbes en -{w (£xitw, ete.) ont un sens irtransitif, et non 
causatif; c'est vrai, mais alors il n’y en a point de la même racine en -ew. 
Ou encore que écrépéw et borepllw ont le même sens, que l'ancien oué 
a cédé la place à xuitu, que yvmpitew, « faire connaître », signifie parfois (ainsi 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, V-VIl: 193 


Phil. 1, 22) « reconnaître ». Passe pour yvoptéew (1), qui serait un cas 
exceptionnel; mais dans les autres cas, on a deux-verbes pour une même 
notion, ce qui n’est pas du tout la même chose que d'avoir deux notions, aussi 
différentes que « épouser » et « marier », pour un seul et même vérbe. Quand 
Lietzm. ajoute, d’après une suggestion de Wendland, que l'itacisme, faisant 
confondre les aoristes éyéunox et éyéuox, aurait pu faire attribuer un même 
sens à leurs présents respectifs, ou bien, d'après Debrunner, que yauitw aurait 
pu prendre le sens de « célébrer des noces » ou « ses noces », à l'instar 
de mawuyitw, « célébrer une fête de nuit », et d'autres verbes similaires, ce 
ne sont là que suppositions invérifiables. Nous n'avons donc de solide que 
l'assertion d'Apollonius et l'analogie commune des verbes en-{w, par con- 
séquent aucun droit de tenir pour probable que yuuitw ne soit pas causatif et 
signifie autre chose que « donner en mariage ». Cela est si vrai qu'Achelis 
lui-même n'a pas soupçonné d'autre sens; il comprend alors que l'époux 
spirituel de la vierge doit la « donner en mariage » à un autre. Voit-on cela ? 
Un homme aurait été choisi par une vierge comme protecteur de sa virginité; 
et puis, parce qu'il se sent pour elle un penchant trop humain auquel il ne 
veut pas céder, non seulement il l'éloignerait après s'être lié à elle (ce qui était 
opposé à ce qui est prescrit v. 27), mais, pour sé tirer d'affaire, il la pro- 
voquerait à perdre, elle, sa virginité, en l’unissant à un autre homme? Singu- 
lier gardien! il est bien permis d'écrire ici, comme Rob.-Pl., le gros mot 
d'absurdite. 

Ainsi les mots caractéristiques, brépaxuos et yauituv, ne peuvent sans violence 
se plier à la nouvelle théorie, et s'expliquent très bien au contraire, nous 
l'avons vu, dans l'interprétation ordinaire. Joignons à cela (comme le note 
Bachmann dans son excellente discussion) qu'un homme dont le sort de la 
« vierge » dépend ainsi ne peut être simplement un « fiancé » ou un 
« époux spirituel »; il faut qu’il possède sur elle une autorité naturelle, 
qu'il soit son père (2). 

Dans notre interprétation, il reste bien une difficulté concernant le substantif 
mapôévos qui, en soi, ne signifie pas la fille de quelqu'un, Tochter, daughter, 
@uyérnp, filia. Mais Sickenberger note que raplévos peut prendre ce sens par 
le contexte, comme en allemand Mädchen (en français, « sa jeune fille », 
ou, comme disent les gens du peuple, « sa demoiselle »). Et Bachmann 
relève un texte latin, chez Cornelius Nepos (Vie d'Epaminondas, 3, 51), où la fille 


(1) Lvwottw signifie « faire connaître » ou « faire connaissance » avec quelqu'un (c'est-à-dire 
se faire connaître à ce quelqu'un), et aussi « acquérir une connaissance », « découvrir » 
(comme dans le texte cité de Phil.), c'est-à-dire « se faire connaître à soi-même », « faire 
connaître à sa conscience »; on voit comme le passage est facile d'un sens à l’autre. Il y a 
beaucoup plus de distance entre les deux sens qu'on voudrait donner à yauitu. 

(2) Ou au moins son tuteur, ou un patron (quelque autorité de l’église, quelque homme 
âgé et notable auquel la vierge aurait confié la direction de sa vie); nous reconnaissons, 
avec Gutjahr, la possibilité de cet élargissement du sens; et c'est peut-être la raison pour 
laquelle Paul n'a écrit ni « père » ni « fille », mais, plus indéterminément, « ré » et 
€ maplévos ». Pierre Lombard et saint Thomas ne parlent ici que de « custodes VU SINUM » 
et Eslius de père ou de « custos ». D'ailleurs, pour zapévoc, voir le gros texte, infra. 

ÉPITRE AUX CORINTHIENS. 13 


194 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, V-VII. 


d'un ami, à laquelle l'illustre Thébain contribuait à procurer une dot, est 
appelée « virgo amici nubilis » (1). 

Insistons enfin, avec Sickenberger, sur l’invraisemblance qu ‘il y aurait à 
faire remonter une coutume comme celle des ouveloaxro à une église aussi 
jeune que l'était Corinthe; ce sont là des raffinements de mystique suspecte 
auxquels seul l’encratisme postérieur (par exemple au temps d'Hermas, supra) 
a pu donner naissance. 

Aussi sommes-nous d'avis que l'interprétation commune (père ou tuteur) 
s'impose; il faut exclure les « sous-introduites » des préoccupations de Paul, 
et les renvoyer à leurs familles et à leur époque. 

(Voir Grare, Geistliche Verlübnisse bei Paulus, Theol. Arbeiten aus dem 
Rheïinischen wissenschaftlichen Prediger-Verein, N. F., 3 H. 1899, pp. 53-69. 
— Âceus, Virgines subintroductae, Leipzig, 1902 et, du même, l’art. Subin- 
troductae dans le « Realencyclopädie » de Hauck. — Le Pasteur d'Hermas, 
édit. Lecone, pp. 250-suivantes dans les « Textes et Documents » d'Hemmer et 
Lejay. — Mourron-Mizcican, Vocabulary, aux mots Erépaxuos et éxuate, — 
Articles de Van Mawew, Theol. Tijdsch. 1874, pp. 604-suiv.; de SIGKENBERGER, 
Syneisaktentum im ersten Korintherbriefe? Biblische Zeitschrift 1905, pp. 44- 
69 et de H. Kocn, ibid. et dans le même sens, pp. 401-407; de Fagneneruca, 
Zu T Kor. 7, 36-38 Bibl. Zeitschrift 1914 pp. 391-401; al.; — Berser, Æinlei- 
tung?, pp. k64-suiv; — Burkitr Early Eastern Christianity, 1904; HerkLorz, 
Bibl. Zeitsch. 1917, p. 344-845; — Jürroner, Die geistlichen Ehen in der alten 
Kirche ARW, 1904, p. 382 et Protestantische Monaishefte 1918, pp. 97-suiv.; — 
CLemen, Relipionsgesch. Erklärung des Neuen Testaments?, II, pp. 322-s; 
— Roun, Paulus und die Gemeïnde von Korinth, 1899, p. 67; — Grurrz, 
Griechische Mythologie und Religionsgeschichte, p.1623, n. 2, 1906; — commen- 
taires de Scuagrer, Bousser. J. Wéiss, LieTzmANN, RosErTson-PLUMMER, 
Bacamann, Gursann, SICKENBERGER, etc.). | 


(1) Il y aurait autant de difficulté à comprendre pourquoi, s’il s'agissait d'un fiancé, 
Paul dirait « Sa vierge » au lieu de « sa fiancée » (üppn). Lietzmann le reconnait. 


* 


B. CH. viti-Xi, 1, QUESTIONS CONCERNANT LES VIANDES D'ANIMAUX 
IMMOLÉS EN SACRIFICE. 


Inrropucriox. — Les Corinthiens, dans leur missive, avaient interrogé l'Apôtre sur 
ce qu'il convenait de servir à leurs repas. Etait-il permis ou prohibé d'y manger les 
viandes qui provenaient des temples, c'est-à-dire des animaux offerts sur l'autel des 
dieux païens ? Le lecteur moderne pourrait étre tenté de juger bien secondaire cette 
question de cuisine. Mais elle ne l'était pas dans la cité païenne de Corinthe. Car une 
grande part des viandes de boucherie, surtout celles que pouvaient acheter les pauvres, 
n'était que le déchet des victimes, ce que ne s'étaient pas réservé les dieux, les prêtres 
et les offrants. En outre, la plupart des convertis devaient appartenir à des métiers 
célébrant régulièrement leurs festins de corporation après des sacrifices à leur patron 
divin ou héroïque. Et toutes ces circonstances faisaient naître des cas de conscience 
multiples, probablement des disputes entre laxistes et timorés : n'était-ce point en effet 
participer au culie des faux dieux que de se nourrir des victimes qui leur avaient été 
consacrées par l'immolation ? 

Il s’agit donc, on le voit, d'un problème d'économie domestique, grave pour bien des 
familles, et d'un autre, non moins grave, concernant les relations professionnelles et 
sociales des chrétiens, dans cette ville où, comme ailleurs dans le monde antique, tout 
était pénétré d'influences païennes avec lesquelles ‘un disciple du Christ ne pouvait 
pactiser. L'Evangile, de ce chef encore, n'allait-il pas bouleverser toute l'existence des 
gens courageux qui l'adoptaient, ou au contraire, par trop d'accommodation et d'in- 
dulgence humaine, se fondre en une sorte de syncrétisme pratique auquel beaucoup 
de convertis du paganisme n'étaient, comme nous savons, que trop portés ? 

Ce problème, important et troublant en soi, Paul l'envisage à sa manière, c'est-à- 
dire dans toute la portée qu'il peut avoir. Non seulement il va régler, avec une fermeté 
et une modération aussi frappantes l'une que l'autre, toutes les difficultés pratiques; 
mais il en prend occasion pour remonter, comme d'habitude, aux plus hauts principes. 
Les deux chefs de sa morale, la liberté du chrétien et la charité qui doit lui faire 
rapporter librement toutes ses démarches au bien de ses frères et de tous les hommes, 
l'une et l'autre procédant de son incorporation au Christ, commanderont ses réponses, 
— {out comme dans la section précédente. Décidément, l'Apôtre n'a qu'un principe, 
qu'une idée, si haute et si riche qu ‘elle suffit à tout éclairer. Et, à propos d’une ques- 
tion qui paraissait très contingente, nous allons recevoir les plus hauts enseignements 
sur le rôle de la science théorique dans la vie chrétienne, la prédominance de la cha- 
rité dans la vie régénérée, le devoir de la prudence et la puissance du désintéresse- 
ment, tout cela du côté de la morale; puis des vues profondes sur le caractère figuratif 
de l'Ancien Testament et ses rapports avec le Nouveau, sur les Sacrements et princi- 
palement l'Eucharistie,, comme sacrifice et sacrement créateur d'unité, enfin une 
appréciation nette sur les fausses religions auxquelles la prédicatfon apostolique avait 
arraché les néophytes de Corinthe. 

La section se partage ainsi : 

I. Ce n'est pas seulement la science théorique (yrows), mais la charité pratique 
avant tout (dyéxy), qui doit trancher la question posée (VIIT : a) 1-6 : ce que dit la 
science; — b) 7-13, ce que ‘dit la charité). 

IT. La propre conduite de Paul, en bien des domaines, doit montrer qu'il n'est pas 
toujours bon d'user pleinement de sa liberté théorique (IX-X, 13 : a) il renonce à bien 
des avantages accordés aux prédicateurs, et cela d'abord au profit de l'Evangile, IX, 


196 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, VIII, 4-6. 


1-22; — b) c'est d'ailleurs là de la prudence pour assurer son propre salut, IX, 93. 
27; en effet, les exemples typiques de l'Ancien Testament prouvent qu'il ne suffit pas 
de professer la vraie foi et de participer aux sacrements pour étre sauvé (X, 1-18.). 

III. Ces principes posés, Paul résout le problème des idolothytes avec des distinc 
tions (X, 14-XI, 1 : a) Interdiction absolue aux chrétiens, qui participent à la table 
du Seigneur, de prendre part aux banquets religieux qui suivaient les sacrifices 
païens, X, 14 22; — b) permission de manger des idolothytes dans les repas privés à 
moins que la crainte du scandale ne porte à s'en abstenir, X, 23-XT, 1). 

Le commentaire montrera qu'un lien psychologique qui n'a rien d'artificiel réunit 
toutes ces parties. Tous les commentateurs n'ont pas su le saisir. Sans nous arrêter à 
la fantaisie de Delafosse, qui voit partout un texte « catholique ancien » ou plus 
récent, il faudra discuter surtout l'opinion que suit Joh. Weiss, et d'après laquelle 
X, 1-22 appartiendrait à la « lettre précanonique », où Paul formulait des prohibi- 
tions sans nuances, tandis que VIIT et IX, 19-23, puis X, 93-XT, 1 seraient de la lettre 
canonique, où Paul eût reläché de sa rigueur, même en ce qui concerne les repas pris 
dans les temples; quant au morceau IX, 1-18, il ne cadrerait pas avec le contexte et 
aurait été intercalé à cette place par un « rédacteur ». Cet auteur, qui comprend sou- 
vent fort bien dans le détail les procédés du style paulinien, a laissé échapper cette 
considération, pourtant capitale, que Paul, quand il s'engage dans une discussion 
complexe et délicate, prend le sujet successivement sous des aspects particuliers, et 
avance graduellement, par approches, avant de produire l'argument décisif qui doit tout 
emporter. Nous en avons trouvé, et nous en trouverons encore, de frappants exemples, 
qui renversent toute la théorie de Weiss sur les « changements d'opinion » de Paul. 

Cette discussion ne renferme aucune allusion au « décret apostolique » d'Act. XV 
ééñcernant les viandes immolées aux idoles. À supposer que ce décret eût la portée 

u’on lui donne communément (ce que nous ne croyons pas, car nous admettons, comme 
Harnack, le « texte occidental » de Act. XV, 29), on pourrait toujours répondre à 
l'avance, avec Gornely, que ce décret ne visait qu'Antioche, la Syrie et la Cüilicie; 
mais en Grèce, à Corinthe, il n'y avait pas autant de raisons de craindre et de pré- 
venir le scandale des Juifs, qui étaient là plus rares et moins puissants; on pouvait 
donc y autoriser l'usage des idolothytes, sous les réserves nécessaires. 


I. La « Gnose » et la charité (ch. VIII). 
a) Ce que la science des chrétiens leur apprend touchant les idoles (1-6). 


Inrropucron. — La formule initiale neo dé... (la même qu'à VII, 1), montre que 
c'est encore une réponse à une question posée dans la lettre des Corinthiens. Ainsi 
jugent quelques anciens, et Estius, Lap., la généralité des modernes et tous les con- 
temporains. 

Tous les chrétiens savaient que les divinités païennes ne sont pas des dieux, et les 
esprits forts, les « libéraux » de Corinthe, ceux qui disaient zu Omnia mihi licent » 
(peut-étre spécialement le « parti du Christ »), se targuaient de cette science, de cette 
« gnose », pour considérer tout ce qui touchait à l'ancien culte comme chose n'ayant 
aucune importance. Paul les met d'abord en g'rde contre cette surestime de la « nrä- 
is », qui ne doit pas dicter toute seule la conduite, car c'est la « charité » qui doit 


0 ! . , L L 
régler pratiquement celle-ci. Il est évident que celte « gnose » n'est pas une connaïs- 
sance mystique de « pneumaliques », mais la connaissance rationnelle du néant des 
idoles (Voir Exc. V). L'Apôtre, d'ailleurs, commence par proclamer, ainsi qu'eux, le 
néant métaphysique du paganisme, ct à cette occasion, il touche aux plus hautes 


vérités de la révélation chrétienne, sur la Création et la Rédemption. 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, VIII, 1-2. 497 


CH. vint, 1. Ilspù Où rüv “eidwho0btwy oldamer “or mévrec Vyrüouv Éyouev" à 
oo … € 5 ? - mn * 3 
yrüoç “quoot, h DE &yarn “oixomodet. 2. EÙ riç douet “Eyvuxévar tt, “obrw Éyvw 


\ 


*yalws Det yrüvar 8. Et dé ris dyarx Tèv 0ebv, oûtos Éyvwora dt abroÿ. 


CH. vin, {. Pour ce qui est maintenant des idololothytes, nous savons 
bien que tous nous avons la science; la science bouffit, mais la charité édi- 
fie. 2. Si quelqu'un pense posséder la science de quelque chose, il n'a pas 
encore connu à La facon dont il faut connaitre ; 8. mais si quelqu'un aime 
Dieu, celui-là a été connu de lui. 


A. 1. Mept 6... cfr. vir, 4, x11, 1. — eidmAodtev, cfr. Act. xv, 29; ce mot, de frappe 

juive (à la place de iepéluta, x, 28), apparaît pour la première fois dans l’Apocryphe 
. IV Macc. v, 32, et il a pu être formé durant la persécution d'Antiochus (Bachm.). — 

6tr est-il causal ou énonciatif? La Vulgate (« quia »), s. Thomas, Bengel, Olshausen, 
Edwards, Cornely, Heinrici, Toussaint le tiennent pour causal, et il y aurait sans 
doute alors anacoluthe, l’idée n'étant complétée qu'au v. 4 qui reprend olèquev; une 
parenthèse commencerait à 8x, et comprendrait 1e, 2, 3; mais il est beaucoup plus 
naturel de le prendre, avec la majorité des traducteurs, pour énonciatif., — œuatoï, 
cfr, 1, 6, 1v, 18, et la situation décrite aux premiers chapitres. — Sur le sens et l’ori- 
gine d’éyérn, voir le petit excursus suivant. — oiodouzt, mot cher à saint Paul et déjà 
usuel dans la langue religieuse. 

B. 1. « Pour ce qui touche aux victimes des idoles, nous savons bien (oldauev, 
pleine conviction) que nous avons tous la science ». Paul reproduit sans doute des 
termes de la lettre de Corinthe (Gutjahr, Bachmann, Rob.-Pl., al.), non sans une 
pointe d'emphase ironique qu'a bien vue déjà Théodoret, maïs qui échappe à Cor- 
nely, comme d'autres finesses de ce style. La majorité, qui devait être « libérale », 
(Gutjahr) avait sans cesse à la bouche ce mot de science, de « gnose »; pour beau- 
coup, comme les premiers chapitres l'ont fait voir, la religion était en premier lieu 
affaire de connaissance rationnelle ou révélée (J. Weiss) plus que de vie, une philoso- 
phie pour ainsi dire; on voit bien ici, de par l'objet de cette « gnose », que le mot ne 
signifie pas une connaissance mystique, dépassant les connaissances naturelles de 
l'esprit humain; bien des gentils savaient déjà que les dieux du panthéon païen 
n'existaient pas, au moins comme personnalités distinctes les unes des autres. (Voir 
à l’Exc. v l'emploi de yüot chez saint Paul; il est tout autre que dans l’hermétisme.) 

Mais cette connaissance de mode humain, philosophique, à laquelle ils étaient 
portés à ramener la Révélation, ne les met pas en possession, comme ils se le figu- 
raient, de toute la vraie science de Dieu, et ne saurait, par elle-même, diviniser leur 
vie. Paul le rappelle, encore une fois, à ceux qui se « bouffissent » de leur propre 
Sagesse, Pareille science, s'ils s’en tiennent à cela, ne sert qu’à les enfler, à les dila- 
ter en les remplissant de vide, ainsi que l’a assez montré l'orgueil de leurs coteries; 
la charité, l'amour chrétien (&yérn), basée sur des connaissances surnaturelles dont 
îls ne peuvent s’attribuer le mérite de les avoir découvertes ou comprises ‘par les 
propres forces de leur esprit, la charité seule élève une construction solide, C'est par 
ce principe de charité que leur conduite doit être réglée dans le cas dont il s'agit. 
L’Apôtre s'expliquera aux versets 7-18. Ici il prélude au magnifique éloge de la cha- 
rité que nous méditerons au chap. xl. 

= A, 2, Remarquer éyvaxéve, parfait; on lit sévar K, L et en des textes 
récents; — oùdérw oùèév, pour oërw, Chrys., E, K, L, syr., al. — der pour Bet, 17. — 
xa0bs deï yväva : on pourrait l'entendre comme la Vulgate : « il ne sait pas encore, il 


198 ‘ ÉPITIE AUX CORINTHIENS, VIll, 1-6. 


&. Ie sc Bpuceuc oùv Tüv iBwkodiru, oideey Or “oudèv etdwAov Ev xbopy, 
ral ot obdels eds et ph eîc. 5. Kat Yap etmep eloiv Aeyomever Bect ele ëv obpavÿ 


n’a pas encore appris comment il faut connaître, quemadmodum oporteat eum scire »; 
mais xäfus introduirait difficilement une interrogation indirecte; le mieux est donc de 
traduire : « il ne connaît pas à la façon dont il faut connaître ». 

A. 8. dyoxé, voir l'excursus — Éyvuotat, au sens religieux de y hébreu infra. 


B. 2-8. Paul marque d'abord la limitation et l'insuffisance religieuse, en général, - 
de cette gnose dont ils se targuent. Celui qui se croit en possession pleine, sur quel- 
que sujet, et surtout dans les choses de la religion, de toute la connaissance qu'il 
peut avoir (rrwxévat parfait, état acquis) et à laquelle il doit aspirer (c'était l'illusion 

- de ces semi-rationalistes et des gnosticisants), celui-là se trompe. « Nous ne connais- 
sons le tout de rien », dira Pascal; aphorisme qui se vérifie surtout dans le domaine 
surnaturel, où nous n'avons en cette vie qu’une science initiale, des notions d'enfant 
(v. ch. xm); toute science de Dieu qui ne fait pas comprendre le devoir des ménage- 
ments charitables à l'égard de frères moins instruits (v. infra, v. 7, 9-s., 41), n’est 
pas celle qu’il faudrait avoir, même en cette vie. « Quicumque habet scientiam, non 
modum utendi ea, habet scientiam insufficienter », dit saint Thomas, qui donne à ce 
propos une belle citation de saint Bernard. 

La vraie science de Dieu et des choses de Dieu présuppose l'amour du prochain ; 
(cfr. supra la doctrine de m1, 8, à propos des « spirituels »). Et la possession de la 
charité résulte de ce que Dieu a connu, c'est-à-dire distingué d’une manière favorable, 
l’homme à qui il a voulu faire ce don. "Eyvworat ne peut-être compris que dans ce sens, 
le sens religieux et actif que prend en bien des contextes le 1 biblique (Exode, xxxmn, 


42, 47,, al. Amos, ur, 2; Jér.1, 5, etc.; voir note de RSPT., 1913, pp. 263-273). Pour 
la nuance exacte, il ne faut pas suivre quelques modernes qui, après Augustin, 
voudraient que yweéoxeoar eût directement le sens de « être enseigné », car le hoph'al 
hébreu par où on prétend justifier ce sens, ne l’a pas lui-même (d'après Cornely); ni 
‘avec Olshausen et Bisping, lui donner le sens biblique de « connaître » avec la signi- 
fication de rapports conjugaux ([métaphoriques), par lesquels Dieu engendrerait fa 
science dans l'âme; ce serait philonien, mais sans aucun exemple chez Paul. Estius 
et quelques autres vont un peu trop loin en comprenant « être connu » comme « être 
prédestiné »; car la « connaissance » dont il s'agit précède (logiquement) la prédes- 
tination, IL faut tout simplement dire qu'éyywore signifie la « science d'approbation » 
(s. Thomas, qui cite II Tim, n, 9, Cornely, beaucoup d’autres, catholiques et protes- 
tants); connaissance intime qui est celle de l'union d'amitié (Bachmann), et qui 
.mène l'homme ainsi connu de Dieu à la vraie science (Gutjahr); car un jour cette 
-connaissance, qui n’est ici-bas qu'ébauchée du côté de l'homme, doit devenir aussi 
parfaitement réciproque qu’elle peut l'être : « Alors je connaîtrai comme j'ai été 
connu » (infra, xt, 12); seulement alors l'homme aura justement conscience de con- 
naître « comme il faut connaître » (supra). Cette réciprocité est certainement dans 
l'idée de Paul au présent verset; il l'a exprimée Gal., 1v, 9 : vôv dÈ yvdvres Oedv, 
päXhov 0 yvwolévres brd 060. La charité « édifie » en faisant donner des exemples de 
conduite conformes à cette connaissance qu’elle seule peut procurer. 

Il est superflu de chercher, comme Reützenstein, Lietzmann, et J. Weiss, à élu- 
cider ce passage au moyen de la mystique hellénistique; l'Ancien Testament suifit 
largement à expliquer la manière de parler de l’Apôtre, et tous ces auteurs ont le 
tort de ne lui accorder qu'une attention secondaire, et de ne l’invoquer que subsi- 
diairement; c'est là pourtant, et dans l'E Évangile, qu'est la vraie source avec laquelle 
Paul reste en continuité, tandis que le paganisme ne peut fournir au plus que des 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, VIN, 4-5, 199 


L. Pour ce qui est donc de manger les idolothytes, nous savons bien 
qu'une idole ne [répond à] rien dans le monde, et que nul n’est Dieu, 
si ce n’est un seul. 5. Et en effet, s’il y a bien des prétendus dieux soit 
au ciel soit sur terre, — comme il y a, vraiment, des dieux en nombre, et 


idées « analogues », arrachées d'un tout autre ensemble organique, et dont le degré 

de ressemblance avec celles du christianisme ne dépasse pas celui de l'aile d’un 
poisson volant avec l'aile d'un cygne. 

À. 4. Érepos ajouté à 6edç K, L, al., syrr. — La difficulté consiste ici pour le 
traducteur à savoir si oùdév est un simple adjectif rapporté à edwkov, ou un pronom 
(« nihil » de Vulg., «'rien »), lequel serait à déterminer soit comme prédicat, soit 
comme sujet; la place d'une copule ësr: pourrait fixer le sens ; maïs la proposition est 
elliptique, sans copule. Aussi a-t-on pu traduire : « Aucune idole n'existe en réalité 
dans le monde » (ainsi, ou en termes équivalents, J. Weiss, qui se réfère au Schema‘ 
juif, Bachmann, Loisy, Lemonnyer, al.); dans ce cas, il faut prendre le mot « idole » 
pour une métonymie, et lui faire signifier non le simulacre proprement, mais l'être 
qu’il est censé représenter, dieu ou seigneur, et qui était appelé avec mépris 
« idole » par les Juifs et les chrétiens (J. Weiss). Ou bien, avec oùdé, pronom, on 
traduira de l’une de ces deux façons : 1° « une idole n’est rien dans le monde », 
c'est-à-dire ne répond à rien de réel (Chrys., s. Thomas, Cajetan, Estius, Giust., 

Gutjahr, Sales, al.); 2° Rob.-Pl., pour maintenir le parallélisme rigoureux de oùôév 
avec ovèeis qui est plutôt sujet : « Rien n'est idole dans le monde », c'est-à-dire rien 
n’est la vraie représentation d'un dieu, puisque les dieux païens n'existent pas. Ce 
dernier sens nous paraît assez détourné ; quant à la métonymie, elle est admissible à 
la rigueur, mais ne s'impose pas. Nous préférons donc le sens de Chrysostome; 
il n’est pas nécessaire que odév et oùdeis soient des mots grammaticalement homogènes. 

B. 4. Paul exprime à présent d'un mot, faisant retour au v. 4, ce qu'enseigne la 
« gnose » commune sur la vanité du paganisme : « Nous savons qu'une idole n’est 
rien (ou « ne répond à rien ») dans le monde ». Elle a bien une existence matérielle, 
mais elle n'est rien « parce qu'elle n'a aucune puissance » (Chrys.), ou parce que 
« le simulacre..… n'est rien, parce qu'il n'est l'image de personne (de réel), il n'est 
rien en tant qu'image » (Cajetan); s. Thomas donne les deux explications; la 
seconde équivaut, pour le sens, à celle de Roë.-Pl. 

En face, la gnose chrétienne pose l’unité absolue de Dieu. 

Le vulgaire païen était idolätre, autrement dit la foule grecque se figurait habi- 
tuellement à cette époque que l'idole était animée par quelque esprit, quelque 
émanation du dieu représenté, Des chrétiens (v. infra) pouvaient croire, comme ce fut 
plus tard une doctrine courante, s'appuyant sur des expressions bibliques, que 
l'idole contenait un « démon ». Maïs, à ne considérer au moins que le passage pré- 
sent, nous devons conclure que Paul, et les chrétiens instruits auxquels il s'associe, 
jugeaient d'une façon rationaliste pour ainsi dire, qu'il n’y a absolument rien de 
mystérieux derrière ou dans l'idole, et que les faux dieux sont des personnalités 
purement imaginatives. Nous devons revenir sur cette question, à propos de Ja 
« table des démons », au ch. x, et déjà du v. suivant. 

—— A. 5. «xp indique une concession : « en accordant que » (Rob. PL), cfr. 
Rom. im, 30, var, 9, 17, ou bien il fortifie l'affirmation (J. Weiss) : « si, comme il est 
certain ». — oi devant Aeyépevor, dans F, G, K; — eiclv signifie l'existence, nous allons 
voir comment. 

B. 5. I1y a bien de « prétendus dieux », on dit au moins qu'il y en a, et on en 
trouve tant qu'on voudra, indique Paul avec ironie, au ciel et sur la terre ; mais ils 


200 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, Vilt, 1-6. 


Fe ? LU « 
ebte Ent Yhs, Darep eloiv Geo moAdo! xa xÜpror moXhoi, 6. *SAX huiv etc Pedc 
€ £ % A Y = £ (à ss 

à marhp, 6 où <a mévra nai muets elç adrov, nat ets xbptos ’Imoods Xotoros, à 
où Ta mévra nai fueïs D adroë. 


ne sont pas dieux. Est-ce que l'Apôtre croyait, contrairement à la signification 
obvie du précédent verset, que les païens adoraient des esprits inférieurs à Dieu, 
mais doués pourtant d’une existence réelle? Chrysostome, qui suit les idées cou- 
rantes chez les chrétiens de son époque, l’admet et s'exprime ainsi : « Ils existent 
bien, mais ils n’ont aucune puissance; et ce ne‘sont pas des dieux, mais des pierres 
et des démons ». Comme il est dit dans l'A. T. que les dieux des nations sont des 
démons, la plupart des exégètes modernes prêtent à Paul cette conception (Zietz- 
mann, Bachmann, Toussaint, comme probabilité, Heinrici, Godet, J. Weiss qui fait 
le contre-sens de mettre l'accent principal sur eisiv et non sur rod et aussi beau- 
coup de catholiques); mais Cornely et d’autres combattent cette opinion, et croyons- 
nous, avec justesse. Dans le fameux passage de Rom. 1, 21-23 sur le polythéisme, 
l’'Apôtre parle de la déification d'hommes mortels, d'oiseaux, de quadrupèdes et de 
serpents, mais sur les démons il n'a pas un mot. Il est vrai que, dans notre épître, 
nous trouverons bientôt au chap. x, 18-21 l’assertion que, par les sacrifices païens, 
on entre en rapport avec les démons. Mais Bachmann reconnaît que ce passage-là 
n'explique pas notre présent, verset, et Rob.-PI. disent, d’une façon qui pourrait tout 
concilier, que, dans le paganisme, les démons sont présentés comme étant, éthique- 
ment, des objets d’adoration; c’est vrai puisqu'on y sacrifie aux fantômes, aux 
erreurs et aux vices qu'ont suscités les esprits du mal; Paul voyait dans l'idolä- 
trie l'œuvre du diable (Toussaint) ; il ne. s'ensuit cependant pas qu'il ait cru à une 
existence quelconque des faux dieux comine esprits recevant directement et personnel- 
ment les adorations des païens; au moiïns rien ne l'indique en ses textes, pas même 
au ch. x, 19-sq. comme nous le verrons. Les « prétendus dieux », qui sont au ciel, ce 
sont les êtres fictifs de l’Olympe, ce sont les corps sidéraux, souvent adorés à cette 
époque, et qui ne sont pas des esprits conscients, mais de la matière brute; quant 
aux Archontes ou aux Xrorysta qui étaient censés gouverner le monde astral, Paul ne 
paraît pas y avoir pensé dans les lettres de cette période (excepté peut-être Galates, 
iv, 8-9) et il n’en parlera que. dans les lettres de la captivité, à propos des supersti- 
tions gnostiques de Phrygie, Les dieux qui sont « sur la terre », c’est toute la 
phalange des hommes divinisés (cfr. Rom. loc. cit.), et nous verrions volontiers ici 
une allusion au culte des souverains, qui, depuis Alexandre, avait subi une revivis- 
cence considérable en Asie, et s'y épanouissait alors dans le culte des empereurs 
romains. Le nom de xbpros (« dominus »} leur convenait particulièrement, après s'être 
appliqué à des divinités sémitiques, comme l’a montré Cerfaux (le titre de « maran »), 
et égyptiennes; la dénomination de xbpros Déparis était alors courante. En tout cela 
nous ne rencontrons aucune entité réelle mystérieuse, au moins si nous admettons 
que Paul, quand il a écrit aux Corinthiens et aux Romains, ne portait pas sa pensée 
sur les otoryeia, -— à l'existence réelle desquels l’Epître aux Colossiens elle-même ne 
prouve pas qu'il ait cru, comme il serait facile de le démontrer (1). 

Heinrici, croyant que Paul, à x, 20 (infra), admet que l'idole abrite quelque démon, 
et reconnaissant une conception nettement. différente dans les présents versets, vou- 
drait que le commencement du v. 8 et les v. &b-6 fussent une citation de la lettre de 


(1) En effet, Paul s’y place dans l'hypothèse des gnostiques et parle ad hominem : s'ils 
existent, ce sont les mauvais anges tyrans de l'humanité. Rien de plus. D'ailleurs les faux 
docteurs asiatiques ne les considéraient pas proprement comme « dieux » ou « seigneurs » 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, VIII, 6. 201 


des seigneurs en nombre, — 6. cependant pour nous [il n’est qu’} un Dieu, 
le Père, de qui sont toutes choses, et nous pour Lui, et [qu’un Seigneur, 
Jésus-Christ, par qui sont toutes choses, et nous par Lui. 


Corinthe. La péricope qui suit, au v. 7, achèvera d'établir que cette opinion n'est 
pas fondée. 

A. 6. ‘AMG (dont l'interposition donne au passage de 5 à 6 un certain air 
d'anacoluthe) est omis dans B. — Quelques textes (55, 72, al., Greg. Nys.) aj outent 
au verset : zal Ëv nveüpa dycov y G tà névra na quels Év adt, addition théologique. 

B. 6. À l'affirmation de l'unité de Dieu, Paul ajoute celles que Dieu, le Père, est 
l'unique premier principe et l'unique fin dernière, et que Jésus-Christ, l'unique 
Seigneur, a été médiateur dans la création du monde comme il l’est pour le salut des 
hommes. Tous les ‘exégètes doivent le reconnaître. C'est la première fois dans le 
Nouveau Testament qu'une part est assignée au Christ dans l’œuvre de la création; 
Schmiedel (qui n'’admet pas l'authenticité de Col.) en est surpris, mais le fait est 
indéniable. J. Weiss fait même la juste observation que cette doctrine qui assigne 
au Christ une personnalité éternelle devait être connue universellement à Corinthe, 
pour que Paul la mentionne ainsi en passant et de si brève manière; peu importe la 
façon dont cet auteur cherche ensuite à expliquer le fait par une combinaison du 
messianisme juif du « Fils de l'Homme » avec les « intermédiaires » de la phi- 
losophie. 11 n’en reste pas moins que la christologie de Paul, sa croyance à la divi- 
nité et à l'éternité de la personne du Seigneur, qui sera plus expliquée Phil. 11 et 
Col. 1, 16-18, al., apparaît très nettement dans notre Epitre déjà, et pas du tout 
comme un enseignement nouveau. C'est un signe que, dès le début, Paul était en 
possession d'une christologie qui était déjà la même en substance que celle du 
IVe Évangile. — Au reste, la formule trinitaire n'est pas complète, le troisième 
membre manquant dans le texte originel. — Cfr. infra, x, &. 


b) Z! faut pourtant éviter de donner du scandale à ceux dont la science 
est impar/aite (7-13). 


Inr. — Le néant de l'idole est donc chose assurée pour la science théorique ; mais, à 
s'inspirer uniquement de celle-ci dans la question des idolothytes, on risque de scanda- 
liser des « faibles » qui ont encore des préjugés et que l'on pousserait, en traitant la 
chose comme complètement indifférente, à agir contre leur conscience ; leur faire ce 
mal spirituel, c'est pécher contre le Christ, avec qui eux aussi ils sont unis. Toujours le 
même principe invariable, comme à propos des factions, de l'impureté, des change- 
menis d'état, etc.; il fait, nous ne pouvons cesser de le répéter, l'unité doctrinale 
de cette épitre, | 

Ce passage jette une lumière curieuse sur l'état d'esprit de certains chrétiens; les 
uns ne pouvaient secouer les craintes superstitieuses nées de leur éducation païenne 
(le ». 7 prouve, contre Gornely, qu'il ne s'agit pas ici de judéo-chrétiens) ; — Paul, bon 
psychologue, reconnaît qu'ils ne peuvent être guéris en un jour, et il recommande, au 
nom de la « charité qui édifie » (voir v. 1) de ménager ces « faibles » et leur cons- 
cience erronée. — Au contraire, d'autres, les « libertins », ceux qui disent sans cesse, 
sans discernement : « tout m'est permis » , négligent complètement le côté moral du 
_ problème, et s’autorisent de leur supériorité d'esprit jusqu'à continuer à participer 
aux banquets sacrés des temples, sous prétexte que, les dieux n'existant pas, cela ne 
peut faire aucun mal (Est-ce le « parti du Christ »? V. Exc. 1v); ce sont vraiment des 
« gnostiques » au mauvais sens du terme, qui croient pratiquement que toute la reli- 
gion consiste dans la connaissance. Paul les ramène à la vérité. | 

Mais il le fait doucement encore, en leur parlant seulement du principe le plus 
général, la charité, l'amour de leurs frères. Il pouvait invoquer — et il le fera au 
chap. À — un argument encore plus péremptoire : en s'associant au culte païen, ils 
reniaient de fait leur profession de la foi chrétienne, qui n'admet pas de syncrétisme. 
Beaucoup d'auteurs protestants ont été frappés de cetie omission du principal (Pier- 
son, Naber, J. Weiss v. supra, Clemen), et ils en concluent que le ch. X, qui parle 
si nettement contre la « communicatio in sacris » appartient à une autre lettre, la pré- 
canonique (voir V, 9-suiv.) où Paul avait parlé avec une rigueur qu'il fut obligé d'a- 
doucir plus tard, même en ce qui concernait les repas sacrés. C'est méconnaître com- 
plètement l'esprit de toute cette épître, et aussi les procédés d'argumentation de Paul 
Souvent l'Apôtre ne donne pas son plus fort argument le premier; il y prépare ses 
lecteurs, en ne mettant d'abord en avant que les raisons communes qu’ils admettront 
le plus facilement, pour arriver par un « crescendo » au coup de foudre qui brisera 
les dernières résistances. Ce n'est pas le seul exemple que nous en trouverons ; on peut 
dire que c'est un procédé de dialectique assez habituel chez Paul. — Du reste, il avait 
une raison particulière de procéder ainsi dans le cas présent : quoiqu'il parle, comme 
du fait le plus accusé, de la participation aux banquets des temples, la raison de 
charité qu'il invoque vaudra aussi en d’autres circonstances {voir infra X, 27-suiv.); il 
commence par donner celle qui vaut toujours, avant de considérer les cas spéciaux, où 
d'autres raisons, peut-être plus graves encore, pourront intervenir, C'est de la logique 
bien ordonnée. 

Autre observation importante : cette idée que l'idolothyte ne serait pas comme une 
viande quelconque, et aurait pris une qualité spéciale de par sa consécration aux 
faux dieux, Paul la traite comme un résultat de la faiblesse d'esprit ou d'instruction. 
Ce dédain qui reste joint aur ménagements de la miséricorde montre bien qu'il ne 
croyait à aucune action physique des faux dieux, ce qui confirme notre assertion qu'il 


. ÉPITRE AUX CORINTHIENS, VIN, 7-10. 203 


ne leur reconnaissait aucune existence réelle comme dieux, comme esprits (malgré 
Heinrici, supra, et les autres), et il ne faudra pas l'oublier en commentant X, 20-21 
(v. infra). I y a une analogie étroite avec Rom., xiv, où Paul recommande aussi aux 
« forts » de ménager les faibles qui croiraient devoir s'absienir d'alimentation carnée. 
Même principe : l'usage de la liberté doit étre réglé par la charité. 

Conclusion implicite : il est des cas, où, ne füt-ce que pour ne pas scandaliser les 
faibles, et indépendamment de toute autre raison, il est opportun, nécessaire même, de 
s'interdire l'usage des viandes immolées ; les spécifications seront faites, avec toutes les 
nuances requises, au chap. X, 14-92 et 93-32, 


Cu. vin, 7. "AA oùx êy mov À roots” muvès D Th “ouvnbela Ewc dort vod 
elduokcu 6 efwnéburov EcBlovoiv, aa h ouveldnois abrüv &obevhc oûca oRGvETaL. 
8. Bpüpa D npac où “rapacrhoert® 0e’ otre Eav “uÿ pérapey borepous0x, 
oûte av qdyumev meptosetouev. 9. BÂAégrete d A Tu h Éfouoix buüv abtn 
rpocropua yévnrar voïc Gofevéoiv. 10. "Eüv yép miç lon où Toy Éyovra yrüou ëv 


Cu. vin, 7. Seulement, ce n’est pas chez tous qu'[existe] la science; quel- 
‘ques-uns, par suite des habitudes prises, jusqu'à présent, à l'égard de l’idole, 
mangent comme {si c'était vraiment] sacrifié à une idole, et leur conscience, 
faible comme elle est, [en] est souillée. 

8. Un aliment n’est pourtant pas ce qui nous posera près de Dieu : nià ne 
pas en manger nous ne perdons rien, ni à en manger nous n’y gagnons. 
9. Mais prenez garde que cette puissance que vous [prenez] n’aille devenir 
pierre d'achoppement pour Les faibles. 10. Car, à supposer que quelqu'un 
te voie, toi qui as la science, allongé dans un temple d’idoles, n’arrivera- 


À. 7. Nous lisons ouvnleia avec N*, A, B, P, 17, eth., et non ouveddoer avec N5, D, E, 
F, G, L, syr. arm., vulg. (conscientia) et Cornely, Gutjahr, Callan; ouved. +où etè. est 
difficile à interpréter, et il y a toute apparence que ovveBfser est une erreur de scribe, 
‘par assimilation à ouveldneu qui suit. Ainsi Liet:smann, Bachmann, Sickenberger, al. 
— Ews äpri — [qui se prolonge] jusqu'à présent. 

B. "7. Cette « science » qui n’est pas le lot de tous, c’est la conviction que « l'idole 
n'est rien dans le monde »; il faut donc rattacher ce v. 7 à 41, les versets 4b-6 étant 
intercalés comme une sorte de parenthèse explicative. Car tous les chrétiens avaient 
la science de l'unité de Dieu, de la création et de la rédemption, mais tous n'arrivaient 
pas à se convaincre que l'idole n'est que pure vanité, ainsi que les faux dieux. Paul 
et ceux à qui il s’adressé directement le savent bien; pour .eux l'idolothyte, n'ayänt 
contracté par le sacrifice aucun rapport avec rien de réel, n'y a pris aucune qualité 
préternaturelle ou magique qui puisse nuire à ceux qui en useraient; l'Apôtre dédaigne 
comme une faiblesse d'esprit les craintes de ceux qui redoutent de pareilles influences. 
Pourtant ils sont encore nombreux à Corinthe; leurs pères, leurs grands-pères, comme 
dit Chrys., ont cru qu'il y avait un dieu ou un démon dans ou derrière l'idole; ils ont 
été élevés dans cette idée, comment arriveraient-ils à se défaire pratiquement, quand 
même ils verraient bien en théorie que c'est une superstition (Bachm.), de l’appré- 
_hension des forces occultes dont leur imagination a été remplie dès l'enfance? Les 
missionnaires d'aujourd'hui observent encore souvent cette psychologie chez leurs 
convertis (Rob.-Pl). Ceux qui veulent lire owsèsæ, comme Gutjahr, comprennent 
que leur conscience a été jusque-là réglée par la croyance à la réalité des idoles; 


204 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, VIII, 7-13. 


“eidwhiw nataneipevoy, obypt h ouveldnois abroù Gobevods Gvros olxoGopmnôoetat ets: 
rù eldwAoGuta écfleuv; 11. ’ArôXkUTar yap à Gobevdv Ev +9 of yrocer, à adehpè- 
d év *Xprords Grébavey. 12. Ofrus dE äpapräavorres els vTods àdeApods nai. 
tÜmrovres abroüv Thv ouvelônouw Goleveüoav els “Xpuordv duaprévere. 13. Aloxep. 
et Bpôua cuavdahiter rdv &dehpov pou, où ph péyw xpéa els Tov.aiwva, lva ph Tov- 
Gdehoëv uou cxavôahic. 


s. Thomas : « Minores hac scientia carent; putant idolum aliquid divinum (au sens. 
païen) esse »; ou, — comme il vaut mieux l'entendre, avec ouwnôeta, — leur accoutu- 
mance, encore insurmontable, leur fait redouter, s'ils mangent des idolothytes, d’en-. 
trer en contact avec des puissances mauvaises. Aussi leur conscience, erronée et. 
« faible », leur commande de s'en abstenir; s'ils lui désobéissent, ils se croient. 
souillés, et ils le sont en effet, puisqu'ils ont commis volontairement ce qu'ils consi- 
dèrent comme une imprudence ou un compromis avec les démons. — Saint Paul veut. 
qu’on les ménage en attendant qu'ils deviennent plus raisonnables, et qu’on ne les 
expose pas de gaîté de cœur à ces troubles et à cette faute. Versets instructifs pou. 
la théologie morale, sur le « scandale des faibles ». 

—— À, 8. raplornot (au lieu de rapaotioet) dans N5, D, E, L, P, al., lait. — A a. 
interverti l’ordre de Gorepobue0a et odywuev, et laissé u1 dans le premier membre : oùte 
dv ph péyumev reptooedouev, oÙte Eèv péyuuev borepobuela, ce qui change l’interprétation du 
verset, v. infra; la même inversion, mais en laissant u à sa place, se trouve Clem.. 
Al « (Pédag.) », Chrys., Tert., L, P, pes, et chez Tischendorf. 

B. 8. Comment entendre ce verset? Est-ce, ainsi que l’a voulu Schmiedel, une pro- 
testation des « forts » contre la réserve que Paul va leur imposer? Ils disaient : « Que: 
nous importent les prèjugés de ces ignorants? Les aliments sont chose indifférente; 
ce n'est pas d’en user qui nous fera tort, et nous entraînera devant le tribunal du juge » 
(sens de raptorévar d'après B. G. UÜ, 1, 463, 3, al.), mais alors, comme l'observe ZLietz- 
mann, il faudrait plutôt admettre la leçon de À, qui n’est pas solidement appuyée. — 
Voyons donc en ce verset, avec l'ensemble des exégètes, les propres paroles de 
l’Apôtre. Paul combat ici cette prétention des « libéraux » de Corinthe, qui, en usant. 
n'importe où et n'importe quand des idolothytes, en les mangeant avec bravade, 
croient y gagner un mérite et donner ainsi de leur « liberté chrétienne » une preuve: 
qui plaît à Dieu (Aïnsi Zietzmann, J. Weiss, Bachmann, Guijahr). Le sens est : 
« Nous ne perdons rien devant Dieu à nous interdire cette liberté, et nous ne gagnons 
rien à nous la permettre ». fr. (avec une nuance plus générale) Rom. xiv, 47 : « Non: 
est enim regnum Dei esca et potus ». 

—— À. 9. tfouoio, qui est difficile à traduire partout d'une manière uniforme: 
(Inrror. ch. v), évoque ici l’idée de l'expression verbale correspondante ravra wot Éfeotiv. 
D'ailleurs, contre Reitz., cette expression aurait ici une couleur plus rationaliste et 
stoïcienne que gnostique. 

B. 9. Ces forts ou ces libéraux allaient partout répétant, à ce sujet comme aux 
autres : « Tout m'est permis » (Gutjahr v. vu, 4), affichant orgueilleusement leur 
éovata, leur domination sur les choses. Réfléchissez! leur déclare Paul, et n'allez 
pas, pour prouver que vous êtes des êtres supérieurs, jeter les « faibles » dans le 
péché. La tournure : « Gette « éfousia » à vous » dénote une certaine impatience. 

—— À, 10. 0 omis B, F, G; vulg. : « eum ». — eïdéhov n'est pas classique; 
on le trouve dans les Septante, I Macc. 1, 47, x, 83; al.; ce doit être un terme 
générique et méprisant formé par les Juifs à l'instar des noms de temples, Yapareïor, 
Iocedwvstov, etc. (Toussaint), fréquents dans les papyrus. 

B. 10. L'Apôtre signale le cas extrême de cette prétention; par esprit de bravade, 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, Vitt, 11-13. 205 


t-il pas que sa conscience, à lui qui est faible, en sera édifiée pour manger 
les idolothytes? 11. Oui, il se perd, le faible, du fait de ta science, le 
frère pour qui le Christ est mort! 12. Mais en péchant ainsi contre vos 
frères, et en frappant leur conscience dans sa faiblesse, c’est contre Le Christ 
‘que vous péchez. 13. C'est pourquoi, si un aliment scandalise mon frère, 
jamais je ne mangerai de viande de l'éternité, pour ne pas scandaliser mon 
frère! 


pour montrer leur jugement éclairé, il en est qui vont jusqu’à prendre part, comme 
autrefois, aux repas sacrés des temples, et qu'on voit ostensiblement sur le lit des 
banquets païens; au ch. vi, 9, Paul a bien été obligé d'interdire aux chrétiens « le 
service des idoles ». Il réservera au ch. x ses justes sévérités contre cette perfor- 
mance; ici il se contente d'attirer l'attention de ces libres esprits sur le scandale 
qu'ils donnent ainsi à ceux qui ne comprennent pas leurs intentions (sur cette 
manière d'argumenter progressivement, v. supra). En effet, comme le dit Primasius, 
reproduit par Rob.-Pl, : « Non omnes sciunt quod propter contemptum hoc facitis, 
sed Putant vos propter venerationem hoc facere ». Puisque les savants se compor- 
tent ainsi, les ignorants, mus par le respect humain, le désir de se montrer eux- 
mêmes intelligents et libres, ou par un reste de goûts païens, seront portés à faire 
comme eux, avec la conscience mal étouffée d’honorer ainsi des démons, ou de 
commettre au moins une grave et coupable imprudence; « ils seront édifiés » est 
un mordant sarcasme (Cornely}. J. Weiss (Urchr. p. 248,) dit lui-même que cette pra- 
tique pouvait avoir été présentée comme légitime ou tolérable, — à cause de l’inten- 
tion d’« édifier », — dans la lettre des Corinthiens ; ce qui n’est pas impossible, et 
justifierait encore ce que nous avons dit de la dialectique de Paul; il se place d’abord 
sur le propre terrain de ceux qu'il veut réfuter, pour leur montrer que, même d'après 
leurs propres principes, ils ont déjà tort. 

A. 11. anokcirat pour äréAlura G, L, Jrén., vulg. 

A. 12. « in Christo peccatis » ce qui change le sens et l'affaiblit dans Ambrr, 
Pel., Prim., Lombard, Hervé, Thomas. 

B. 11-12. Versets admirables; ils rappellent l'Evangile, Mat. xxv, 40 : « Ce que 
vous ferez au plus petit de mes frères, c'est à Moi que vous l'aurez fait »; de même 
c'est pécher directément contre le Christ que de blesser et fausser la conscience de 
ceux « pour qui le Christ est mort », et qui sont vos frères, ne faisant qu'un avec 
vous dans le Christ qui vous a tous rachetés et unis à sa Personne. Tout est donc 
tiré, ici encore, de la relation au Christ (Rob.-Pl., al.) et du devoir de charité qui 
en résulte. 

Paul, observe J. Weiss, devait répéter souvent ce principe que les chrétiens sont 
responsables Les uns des autres; car c'est presque dans les mêmes termes qu'il dira 
aux Romains : « Si enim propter cibum frater tuus contristatur, jam non secundum 
charitaten ambulas. Noli cibo tuo illum perdere, pro quo Christus mortuus est » 
(Rom. x1v, 15). Il est intéressant de relever dans cette épître aux Romaims l'identité 
d'argumentation pour un cas analogue, un débat entre « les forts » qui savaient 
qu'on peut manger de tous les aliments, et les « faibles » qui se croyaient tenus de 
se contenter de légumes : xiv, 1 : « Zn/firmum autem in fide assumite, non in 
disceptationibus cogitationum. 2. Alius enim credit se manducare omnia; qui autem 
infirmus est, olus manducat (plus exactement, « manducat » és)... 44. Scio et con- 
fido in Domino Jesu quia nihil commune (— souillé) per ipsum, nisi ei qui existi- 
Mat quid commune esse, illi commune est. 15. Si enim propter cibum frater contris- 
latur, jam non secundum charitaiem ambulas. Noli cibo tuo, etc., e. supra... 17. Non 


206 . “ÉPITRE AUX CORINTHIENS, VIII-XI. 


est enim regnum Dei esca et potus... 19. quae aedificationis sunt in invicem custo- 
diamus. 20 Noli propter escam destruere opus Dei. Omnia quidem sunt munda ; sed 
malum est homini, qui per offendiculum manducat.… 23. Qui autem discernit, si 
manducaverit, damnatus est : quia non ex fide. Omne autem, quod non est ex fide, 
peccatum est. XV, 1. Debemus autem nos firmiores imbecillitates infirmorum susti- 
nere, et non nobis placere ». 

Seulement, dans l'Epître aux Corinthiens, il s'agissait, comme on le verra au 
ch. x, de choses d’une portée beaucoup plus grave, car la profession chrétienne elle- 
même y était pratiquement engagée. | 
B. 18. Son horreur pour cette cruelle indifférence aux intérêts spirituels 
du prochain, Paul la manifeste par cette vive et célèbre hyperbole. Il ne s'agissait 
pas ici de manger ou de ne pas manger de chair; car pour tous, les viandes non 
consacrées aux idoles étaient permises. Mais l’Apôtre, — qui pense peut-être à des 
cas pareïls à celui de l'Epître aux Romains, pour en avoir déjà rencontré, — 
affirme qu'il s’abstiendrait pour toujours, s’il le fallait afin de ne pas scandaliser 
un de ses frères, même d'aliments « quasi nécessaires à la vie » (s. Thomas): à 
fortiori des idolothytes, qui ne sont pas nécessaires du tout. 


Exc. vit. — ORIGINE ET SENS DU MOT &yÿérn, & CHARITÉ ». 


La notion et le mot d'éyérn (charitas, charité) jouent le rôle le plus éminent 
dans la doctrine et la langue de saint Paul, comme dans le reste du Nouveau 
Testament (Rom., 9 fois ; 14 fois I Cor. ; 9 fois IL Cor. ; 3 fois Gal. ; 10 fois EpA. ; 
k fois Phil. : 5 fois Col.; 5fois Thess.; .: 8 fois IT Thess. ; ; 5 fois f Tim.; 4 fois 
IT Tém.; 1 fois Tit.; 3 fois Philm; — 7 fois Jean; 1 fois respectivement Wat. 
et Luc; 88 fois dans le reste du N. T., dont 18 fois I Jean). Si l’idée de l'amour 
réciproque de Dieu et de ses fidèles remonte à l'Ancien Testament, le nom est 
de formation récente, et le sens éthique et religieux qui s'y est exclusivement 
attaché est plus récent encore. 

Ayérn, en effet, n’est pas un substantif primitif d'où serait dérivé le verbe 
assez commun éyardw, comme muäw est venu de ru. C'est l'inverse qui s'est 
produit; dyérn s’est formé, en remplacement de l'ancien vocable &yérnow, dans 
une aire dialectale sans doute assez limitée (Moulton-Milligan). Les rares 
exemples (trois en tout) qu'on avait cru en découvrir dans le grec profane ne se 
sont pas confirmés. Dans le Papyrus de Paris 493 (2°-1er siècles av. J.-C.\,il a 
été prouvé, et Deissmann a dû l'admettre, qu'il faut lire tapxynv et non ayæmrv, 
et dans une inscription de Tefeny en Pisidie (Match, J B L, xxvn, 2, p.134 5.) 
il semble que la lecture et a[yx]rnv doive être rectifiée en ex ayabov. Reste le pa- 
pyrus d'Herculanum de Philodème l'épicurien, 1° siècle av. J.-C. où les mots 
à afylerns efvaplyou ne semblent pas assurés à Crônert. (Voir Moult.- Mill. 
Vocab., ad verbum). 

En dehors de la Bible grecque, il se trouve bien au sens religieux chez Philon 
« quod Deus immutabilis »,$ 14, et Deissmann, contre Ramsay, maintient que 
le philosophe alexandrin ne l'aurait pas emprunté aux LXX, mais il ne peut 
nier que la Sagesse de Salomon 11, 9 (amour vers Dieu) et vi, 18 (dit de la 
Zoyta) aient pu lui servir de modèles. 

Un sens religieux de ce mot chez les païens est donc jusqu'ici indémontré, et 
reste plus que douteux. 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, VIII-XI. 207 


Les Septante ont employé &yärn quatorze fois, pour parler de l'amour des 
sexes, et deux fois en opposition à picoç, « haine ». Il se trouve onze fois dans le 
texte grecdu Cantique des Cantiques, que pouvaient connaître les chrétiens 
du Nouveau Testament; et l'interprétation allégorique de cet écrit pouvait por- 
ter à lui donner le sens spécial religieux. Celui-ci, en plus des deux textes de 
Sap. Sal. indiqués ci-dessus, apparaît encore une fois dans le grec de l'Eccle- 
siastique, xuvi, 11. Il est encore employé en son sens le plus élevé dans la 
Lettre d'Aristée, $ 229. Voilà pour les siècles qui ont précédé le Christ. Les 
Juifs alexandrins, disent M.-"M., ont dû ouvrir les voies à cette transformation 
qui a fait d'éyérn tout autre chose qu'un mot successeur d'épus; sa rareté a dû 
rendre plus facile de lui assigner un sens spécial. Quant au verbe éyardw, il a 
subi la même appropriation. 

Les versions d'Aguila, de Symmaque et de Théodotion montrent que l'usage 
du mot se répandait, toujours dans l'acception du Cantique. Les papyrus chré- 
tiens ne l’emploient jamais qu'au sens de « charité ». 

Les épîtres de la même période, aux Galates, aux Romains, font voir en 
. divers passages l'importance capitale, dans l'enseignement de Paul, de l'äyérn 
— charité. Les écrits johanniques l’exalteront jusqu'à en faire un nom substan- 
tiel de Dieu (I Jon. 1v, 8). Mais saint Paul avait dit l'essentiel, et il n’est nulle part 
plus visiblement inspiré que lorsqu'il parle de l'amour du Christ ou quand il 
_ dicte son « hymne à la charité » de 1 Cor. xx. Nous exposerons cette doctrine 
à mesure que les éléments s’en présenteront. Disons cependant déjà que, dans 
notre chap. vur, Paul fixe les deux opérations de cette vertu : tout le contexte 
montre que c’est l'amour du prochain, mais le v. 3 exprime nettement que c’est 
d'abord l'amour de Dieu {eï ru dyan& vov dedv), d’où découle le véritable amour 
fraternel, à cause de la fraternité de tous dans le Christ, principal objet de la 
« charité ». Et les mots Éyvworar 6x’ aüvoÿ, interprétés comme ils doivent l'être, 
signifient que, si l’homme aime Dieu, c'est que Dieu l’a aimé le premier. 

Le lien de charité équivaut done à l’union au Christ, à Dieu dans et par le 
Christ, et à celle de tous les hommes dans le Christ et en Dieu. On peut donc 
dire que l’idée de charité est au céntre de cette épitre, que toutes les solutions 
des problèmes et tous les préceptes apostoliques en découlent. 


II. Contre l'abus de la « liberté » (1x, 1-x, 13). 


INTRODUCTION. — On pourrait croire à première pue que tout ce morceau est une 
pièce rapportée. À quel propos, en effet, Paul, perdant de vue la question spéciale 
des idolothytes, qui touchait si peu à ses affaires personnelles, se mettrait-il à faire 
son apologie devant les Corinihiens? Schmiedel trouve donc que IX, 1-18 n'est pas 
conforme au contexte, et fait plutôt partie d'une défense de Paul contre ses adver- 
saires (comme IT Cor. X-XI1I1); Clemen jugeait que tout, de IX, 1 à X, 22 moins IX, 
17, appartenait à la lettre précanonique; auparavant, Hagge, sautant IX, 1-15, 
rattachait directement IX, 19-XT, 1, à VIII, 13, toujours comme partie de la première 
lettre. Enfin J. Weïss, pour la raison que IX, 1-18 ne cadrerait pas mieux avec le 
contexte que (prétend-il) VI, 1-11 et XIII entre XIT et XIV (v. ad loc.}, croit le 
morceau inséré à cette place par un « rédacteur », qui aurait interpolé IX, 1 comme rac- 
cord; en effet, dit-il, il faut attendre les versets IX, 19-93 pour retrouver un rapport 
de sens après le ch. VIII, et primitivement ces derniers versets pouvaient étre 
placés après X, 33 ou X1, 1, dans la lettre canonique. — Nous verrons pourtant que 
IX, 19 se raccorde très bien à IX, 18, et IX, 94 à IX, 23. Tous ces professeurs exi- 
gent d'un écrivain comme Paul une logique pareille à celle d'un candidat aux 
examens. Au contraire, Paul ne cesse d’obéir à la logique interne et réelle de son 
sujet; mais il le fait avec des mouvements inattendus d'éloquence abrupte qu'il serait 
bien fächeux de devoir supprimer de ceite épître. Sans doute il dépasse de beau- 
coup la question des idolothytes, pour n’y revenir proprement, d'une facon très pive 
et très saisissante, qu'à X, +, mais nous connaissons de reste sa grandiose habitude 


de montrer toujsurs la solution des problème. les plus particuliers dans la lumière 
des plus hauts principes. 


Voici la marche de son allocution : 

a) Contre ces gens qui n'ont en bouche que leurs réclamations de liberté, Paul en 
appelle à son propre exemple : lui, l'Apôtre, il est loin d'user des mêmes latitudes 
que les autres prédicateurs de l'Evangile (IX, 1-6). 

b) Quoiqu'il ait bien le droit pourtant d'en user, de par la loi naturelle et divine 
(7-14), il juge cependant à propos d'y renoncer, pour sa propre gloire (15-18), et 
pour le profit de l'Évangile (19-22) (x, 7-22), 

c) Il sait d'ailleurs lui-même qu'il est imprudent, déjà au point de vue du salut 
personnel, de ne pas exercer un sévère contrôle sur soi-méme {ix, 23-27). 

* d) Et de graves événements typiques de l'Ancien Testament montrent assez qu'il ne 
suffit pas d’être entré une fois dans la société chrétienne pour atteindre le bonheur 
des fins dernières (x, 1-13). 

{Après ce grave avertissement, il reviendra brusquement à son sujet : « Fuyez donc 
l'idolätrie », X, 14; « car je dois vous dire enfin ce que j'avais retenu jusqu'à pré- 
sent : Avec votre « liberté » mal comprise vous risques d'y retomber, et vous y retom- 


bez de fait »}. 


n 


a) Malgré sa liberté, Paul renonce à bien des avantages de la vie apostolique 
{ix, 1-6). 


Intnonucrion. Ceci n'est pas, comme nous allons le voir, une apologie que Paul 
aurait eu besoin d'entreprendre contre les lecteurs de sa lettre, mais le début d'une 
exhortation à pratiquer certains renoncements, comme le moyen le plus victorieux 
d’exalter l'Évangile, et d'assurer son propre salut. 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, IX, 1-6, | _ 209 


A. 1. ékelepos et &xdsrodos sont intervertis D, E, F, G, K, L, fuld., got., Chrys., 
Euthalius cod., Ambr'; J. Weiss prend prétexte de cette variante occidentale 
pour regarder ce verset comme une glose marginale, par où un rédacteur aurait 
rattaché au contexte ce morceau détaché d'ailleurs: c'est tout à fait arbitraire, 
v. infra. 

B. 1. Paul s rest ému (vi, 18) devant l'indifférence des « forts » pour l’âme de 
leurs frères. Le même mouvement véhément continue à l'entraîner, et lui dicte ces 
phrases hachées et sans lien, ces interrogations négatives, qui sont bien d'ailleurs 
dans le ton de la diatribe — et se rencontrent fréquemment dans cette épître argu- 
mentative et dans les autres du même groupe (Roë.-Pl.\, L'authenticité paulinienne 
du verset n'est pas douteuse, et Liet:zmann a réfuté J. Weiss à ce sujet. Nous voyons 
très bien comment les idées se relient aux précédentes : Paul vient de proclamer les 
privations qu'il s'imposerait au besoin pour éviter le scandale de ses frères. N'est- 
il pas cependant aussi « libre » dans le Christ que n'importe qui, lui qui est apôtre? 
J. Weiss se demande bien singulièrement de quelle liberté il peut s'agir ici; comme 
s'il s'agissait d'autre chose, en toutes ces pages, que de discussion sur la liberté, 
l'äfoucia (vi, 9) de ceux qui ont la « gnose »! n’a-t-il pas vu le Seigneur {dans la 
vision de Damas), comme les Onze, le Seigneur qui lui a donné alors sa mission 
d’apôtre (Cajetan, Cornely, J. Weiss)? Et l'évangélisation de Corinthe ne prouve- 
t-elle pas comme cette mission a été réelle et fructueuse ? 

Nul, assurément, ne serait plus fondé à user pleinement de la liberté dont il est 
lui-même le promulgateur au nom du Christ. - 
A. 2. ’AMé ye, dans le N. T., n'apparaît qu'ici et Zuc xxiv, 21. — rc Euñe 
pour pou rs, D, E, F, G, K, L, al. — ëv xupéw manque, à tort, en certains témoins; 
ces mots signifient pour les uns, ici comme au verset précédent : « en tant que 
vous êtes dans le Seigneur, que vous êtes chrétiens » (Estius, Lap., Cornely, al.), 
ou « grâce à la coopération du Seigneur » (Gutjahr), ou mieux : « [vous êtes mon 
” ouvrage, le sceau de mon apostolat] à l'intérieur du domaine du Christ » (Lietzmann). 

— ëv xvplw omis D, Chrys., peë, got.; pour le sens, voir au v. 8. 

B. 2. Cette qualité d'apôtre, Paul sait bien que certaines gens la lui contestent; 
mais ce n'est pas à Corinthe, devant le succès de son œuvre, qu’on peut susciter 
de ces chicanes, cfr. 1v, 45. Le verset forme une sorte de parenthèse, 

Il nous apprend que, malgré tous les reproches qui remplissent cette lettre, 
l'Apôtre sentait qu'il pouvait se glorifier de son succès dans cette ville plus que de 
tous ceux qu'il avait obtenus ailleurs; l’église de la capitale achéenne est vraiment 
le « sceau » divin qui authentique éminemment sa mission d'apôtre, aussi apôtre que 
les Douze qui avaient vécu avec le Christ. Le même sentiment subsistera dans la 
Deuxième aux Corinthiens, dans une situation encore bien plus tendue. En somme, 
la majorité de l'église restait toujours fidèle à ses enseignements. 

Il n'est donc pas vraisemblable que déjà, à Corinthe, personne eût contesté, for- 
mellement et publiquement, les droits de l’Apôtre Paul (J. Weiss); — ni les « gens 
de Céphas » (contre Räbiger), ni même « ceux du Christ » (contre Holsten, Schenkel). 
Cette considération est importante pour l'intelligence du verset suivant, de toute 
l'argumentation qui suivra. | 

Notons encorè, à propos de cette « vision du Seigneur » (v. 4) qui a fondé l'apos- 
tolat de Paul, que le Jésus ressuscité vu sur le chemin de Damas ne lui est pas 
apparu comme un être transcendant dégagé de tout rapport avec les conditions de 
Son ancienne existence mortelle; en effet, Rom., 1v, 24, la formule vov éÿeioavta ‘Incoëv 
Tov #bproy uv x vezpüv montre que Jésus était déjà « Seigneur » (xprov) avant sa 
résurrection, avant d'être « livré » pour nos péchés » (ibid. 25); l'enseignement de 
Paul ne pouvait donc faire abstraction du Jésus historique, ni des particularités 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, 14 


210 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, IX, 1-6. 
Cu. 1X, 1. Où eipè Eheblepoc; obx elul &méorohoc; obyi ‘Inoodv Tèv .xbpto 
= cet . ; SN  # e +. 0. *: ou +: 9, Ft YA) , ,” 
AUOY Édpaxa; où To Épyov pou bmeis ëcte “Ev xvpiw; D ŒAhots oùx Elu 
@mbotohos, GA je duiv ei À LA sgpayis pou The AR OGTONNS - bpetg ote ëv 
xuplo. 3. ‘TH êun dmoloyix rois UE “avaxptvouoiv ot abTn. 


de sa vie mortelle; c'est ce dont il faudra bien se souvenir au commentaire de divers 
passages, notamment de IT Cor. v, 16. 

A. 3. ’Arokoyia, ävaxplyouaiv, termes forensiques. — Grosse question que de: 
savoir si ce verset se rapporte aux deux qui précèdent (Theodoret, Prim., la major 
des anciens, Thomas, Cornely, Rob.-Pl., Gutjahr, al.) ou à ce qui suit (Ambrosiaster, 
Lietzm., J. Weiss, Bachm., Sickenberger, etc.). Chrys. le lie à ce qui précède et à ce: 
qui suit à la fois. Il faut, selon nous, 16 relier à ce qui suit; quand même la raison de- 
langue alléguée par J. Weiss ne serait pas démonstrative (l'accent mis sur arr, 
comme sur toûto 1, 12, vu, 29, xv, 50), la logique du contexte nous semble imposer 
cette solution. Bachmann, p. 309, signale beaucoup d’analogies. 

B. 8. Il y a donc des gens qui scrutent, comme des juges {(avazp.), la conduite de 
Paul, pour le trouver en défaut, et peut-être nier son apostolat. D’après le v. 2, ce 
ne doivent pas être des Corinthiens (contre J. Weiss dont l'opinion est d’ailleurs. 
mitigée, v. supra, Rob.-Pl., Lemonnyer et d'autres). Paul n'avait pas besoin de faire 
son apologie contre eux, et il à d’ailleurs dit (1v, 3) qu'il n'avait aucun souci de: 
l'entreprendre. Ce ne serait pas en situation ici, n'ayant aucun rapport avec l’'en- 
semble de la question traitée. Robertson-Plummer (et en partie J. Weiss), en 
croyant que Paul avait besoin de défendre son désintéressement contre des fac- 
tieux de Corinthe qui l'auraient qualifié d'orgueil, ou d'un aveu d'infériorité, ou de 
quoi que ce soit du même genre, transposent ici indûment une situation qui ne se 
dessinera que dans la Deuxième aux Corinthiens, et qui n'avait rien à voir avec le: 
sujet du débat. J. Wéiss aurait alors bien raison de juger cette digression éton- 
nante et déplacée. En réalité, l'argumentation: de Paul vise toujours les « forts » 
qui méprisaient sans charité les préjugés des « faibles », et elle est simple, parfai- 
tement « ad rem ». La voici en deux mots : 

Vous autres, vous vous faites une gloire d'user impitoyablement des droits de votre: 
liberté (ou de ce que vous vous figurez être vos droits), sans considération du prochain ; 
moi, je fais tout le contraire. Il y a maintenant (ailleurs) des gens qui attaquent 
mon apostolat. Pour me défendre d'eux, quand j'y suis obligé, est-ce que j'invoque 
la liberté éminente que je dois au Seigneur qui m'a choisi comme apôtre quand je 
l'ai vu, ou bien le succès de ma prédication, notamment dans votre ville? Non, je 
préfère me glorifier des renoncements que je m'impose, des restrictions que j'apporte 
à ma liberté et à mes droits d’apôtre; par là je montre que je travaille vraiment et 
exclusivement pour le Christ, pour le bien du seul évangile (voir plus bas, vv. 19- 
23 a); ne pas trop urger sur mes droits m'a paru Je moyen le plus glorieux pour 
moi, et le plus efficace, de faire taire les calomnies de mes adversaires, et de 
fermer la bouche aux malveillants. — Goncluez, pour ce qui vous concerne, et sachez 
renoncer quand il le faut à ce que vous tenez pour votre droit strict; car, répétera- 
t-il x, 23-24, « Tout m'est permis, mais tout n’est pas expédient; tout m'est permis, 
mais tout n'édifie pas ». 

Ainsi Paul reste toujours sur le terrain des « libéraux » armés de leur « gnose » 
égoïste et méprisante. L’« apologie » en question n'est pas destinée à le défendre 
contre eux (dans le contexte, il n’est nullement insinué qu'ils l' attaquent), mais doit 
leur montrer seulement un modèle de conduite évangélique, à suivre dans la ques- 
tion des idolothytes comme dans toutes les autres. 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, IX, 4-3. 214 


. Cx. 1x. 1. Ne suis-je pas libre? ne suis-je pas apôtre? n'est-il pas vrai que 
Jésus Notre-Seigneur je l'ai vu? n'êtes-vous pas, vous, mon ouvrage dans 
le Seigneur? 2. Si pour d’autres je ne suis pas apôtre, du moins certes 
pour vous je le suis; car la sceau de mon apostolat c’est vous qui l’êtes 
dans le Seigneur. 83. Mon apologie, devant ceux qui veulent me juger, 
la voici : . 


Ainsi s’effacent toutes les difficultés où s’embarrassent des exégètes comme. 
J. Weiss. Celui-ci est d'ailleurs bien étonnant, quand pour défendre les, transposi- 
tions de sa théorie et le caractère composite de l'épître, il croit sentir dans. ces. 
lignes tumultueuses une « tranquillité de ton ». qui semblerait indiquer un stade du 
conflit antérieur au chapitre 1v, 6-18. 

À quoi Paul fait-il allusion quand il parle de cette apologie qui lui est imposée. 
(ailleurs)? Probablement aux difficultés dont les suites traînaient, depuis. le Concile 
de Jérusalem et le conflit d'Antioche, en Palestine, en Syrie, et qui devaient, vers 
la même époque, se révéler si âäprement chez les Galates, et dans: quelque: temps, 
on le verra dans la Deuxième. Épitre, se propager jusqu'à Corinthe. Cependant, 
pour que l’Apôtre ait développé si longuement cet argument, dans une lettre où it 
n'avait guère besoin de faire son « apologie », il fallait qu'il fût très préoccupé 
déjà de ces difficultés dans ses rapports avec d'autres églises. À noter pour ses 
historiens. 

——…—— À. 4. rev, vulgaire pour mteiv. — foule, ce mot aux sens nuancés, signifie, 
ici « autorisation », « licence » (Ëkeotr, « licet »). 

B. 4. Voici donc ‘comment il croit devoir S Y prendre, quand il a des détracteurs à 
réfuter : « Est-ce que nous (c'est-à-dire lui-même et ses collaborateurs présents ou 
anciens, tels que Barnabé, v. 6), nous ne sommes pas autorisés à manger et à boire» 
omme les autres prédicateurs, c'est-à-dire aux frais des communautés que nous. 
dirigeons ? (Chrys. x, 1815, Cat. 168, 11, Théodore, in, 219, Cat. 166, 25). 

A. 5. Grandes divergences dans la manière d'entendre àdekpñvy yuvaixg: plu- 
riel &dekçgès yuvaîxas (ou l'inverse) F, G, Aier., al., Hil., Tert. 

B. 5. La conduite de Paul se distingue encore de celles des autres sur un point 
qui a son importance : il ne mène pas avec lui de & femme sœur », comme le faïsaient 
pourtant les autres apôtres, ce qui leur garantissait quelque aide ou quelques. aises 
dans leurs travaux, et imposait du reste aux communautés un surcroît de charges 
pour l'entretien de cette femme. : 

Avant d'aborder la discussion touchant le caractère de cette « femme sœur », il 
convient de noter le renseignement historique que fournit ce verset sur le collège des 
apôtres. IL n'est pas sûr que le mot « apôtre » soit pris au strict sens évangélique, et 
ne désigne que les Douze; Lietzmann et d'autres l’entendent au sens large. Toutefois 
le contraire n’est pas davantage assuré, et l'analogie de xv, 1-14 (v. ad loc.) où cer- 
tainement les Apôtres ne sont que les Douze (qui par conséquent vivaient et préchaient 
encore, au moins pour la plupart, à la seule exception certaine de Jacques de Zébé- 
dée, décapité sous Hérode Agrippa Ier), porterait plutôt à donner à ce mot d’ « apô- 
tre » la même acception ici. Mais, s’il en est ainsi, Ce qui nous paraît décidément le 
plus probable, alors il faut croire que les « frères du Seigneur » non seulement étaient 
« des prédicateurs itinérants », comme dit J. Weiss (assertion qui aurait déjà une 
réelle portée historique, v. infra), mais qu'ils appartenaient, plusieurs d'entre eux, 
au collège apostolique; leur mention est encadrée, en effet, entre celle des apôtres 
en général, et celle de Céphas, qui était certainement l’un des apôtres, le chef de 


212 © ÉPITRE AUX CORINTHIENS, IX, 1-6. 


k. Mr ox Eyouev EEouciav payeiv nai “meiv; 5. ph oùx Éyouev ÉÉouolav “adshpñv 
"yuvaire TEPUYEU, bç xat of houret érborohor xat ot aÏehpot Toÿ xupiou wa Kngës ; 
6. “ÿ pévos Eye nat Bapväbas oùx Éyouev FSouclan. un éprétesten; 


tous; dans l'expression oi Aotzoi dmdotolot #at oi àegol toù xuplou soi Kap&s, le premier 
xai ne saurait avoir ên sens disjonctif, le sens d'une addition, puisque le second ne 
l'a point, On pourrait donc traduire : « les autres apôtres, aussi bien les frères du 
Seigneur que Céphas », en donnant à xai un sens explicatif; ou encore : « les autres 
apôtres, méme les frères du Seigneur, méme Céphas ». Or, nous connaissons le nom 
de quatre des frères, ou cousins, du Seigneur : Jacques, Simon, Jude, Joses, et trois 
de ces ñoms se retrouvent dans les énumérations des Douze : Jacques le Mineur 
ou fils d'Alphée, Simon, Jude ou Thaddée. Il est donc au moins possible que trois 
des « frères du Seigneur » fussent apôtres, et Cornely, Gutjahr, ainsi que d'autres 
catholiques, n'hésitent pas à les reconnaître dans notre verset; au moins la compa- 
raison avec Gal. 1, 49 : Éregov dè tüv &rootÜAwv 'oûx eldov, ei un IénoBoy Tov ddekphv toÿ 
xvplov fait encore mieux ressortir la faiblesse de toutes les arguties dont on use aux 
dépens de ce texte pour exclure Jacques de Jérusalem du nombre des apôtres, en 
traduisant : « Je ne vis aucun autre des Apôtres (que Céphas), mais je vis encore 
Jacques le frère du Seigneur », traduction qui était déjà très forcée et invraisemblable 
en elle-même. — Ainsi Jacques (de Jérusalem), et d'autres frères du Seigneur, sem- 
ble-t-il, appartenaient au collège des Douze. Parmi eux, il y en avait au moins deux 
{à cause du pluriel àÿekyol) qui parcouraient le monde pour prêcher. Or, ce n’était 
pôint vraisermblablement Jacques de Jérusalem, que toute la tradition nous présente 
comme demeurant sédentaire dans la ville sainte; peut-être, cependant, bien qu'on 
n’en sache rien, avait-il fait quelques courses apostoliques en Palestine, Phénicie et 
Syrie. Maïs, à cause du pluriel, il faut bien admettre qu’il y en avait au moins un 
autre. Tout nous invite à y voir Jude-Thaddée, et l'on pressent quelle lumière sor- 
tirait de ce fait, touchant l'origine de l'épitre canonique qui porte son nom, et qui 
nous paraît bien avoir été adressée à des communautés judéo-chrétiennes de Syrie et 
de Phénicie. Ce n'est pas ici le lieu d'en disserter. 

Un autre point à noter, c'est'que ces « frères du Seigneur » ne pouvaient être des 
inconnus pour les Corinthiens; c'est qu'il y avait une grande solidarité entre tous 
les prédicateurs authentiques de l'Évangile et toutes les églises qu'ils fondaient dans 
FOrient méditerranéen. Quant à Céphas (Pierre), nous savons assez qu'il était bien 
connu à Cœinthe, où tout un groupe de chrétiens se recommandait de lui (1,12 ; mi, 22), 
ce qui n'est pourtant pas une raison pour croire, d'après Denys de Corinthe (Eus. 
H E. u, 25, 8), qu'il éût lui-même passé, du moins passé en prédicateur, dans leur ville. 

. Arrivons à une question d'un autre genre, celle de la « femme sœur ». Paul n’en 
menait pas avec lui, tandis que les autres apôtres en menaient une. Qu'est-ce que 
Päul entend sous ce curieux terme composite ? : 

‘Il est certain que, dans notré épître, yuw signifie généralement « épouse » (voir 
pourtant vi, 84) et que ddekpn a le sens général de « sœur dans la foi », chrétienne 
{vir, 15). Si l' on traduit un terme d’après cet « usus loquendi », il serait arbitraire de 
traduire l'autre d’après un critère différent, et nous devons exclure par conséquent, 
a priori, une des interprétations qui ont été proposées : « une épouse [que nous trai- 
terions non en épouse, mais en] sœur », nous interdisant d'user avec elle des droits 
charnels du mariage. L'usus loquendi ne permettrait qu'une traduction : « une épouse, 
chrétienne [comme nous] »-ou bien : « une sœur [chrétienne] comme épouse ». C'est 
à l'un de ces sens que se range la généralité des protestants, et Zoisy, et plus d'un 
catholique, comme Lemonnyer. Toussaint et Sickenberger hésitent. 


: ÉPITRE AUX CORINTHIENS, IX, 4-6. 213: 


&. Est-ce que nous n'avons pas autorisation de manger et de boire? 
5. Est-ce que nous n'avons pas autorisation d'emmener dans nos tournées 
une femme sœur, comme [le font] bien le reste des Apôtres, et les frères 


du Seigneur, et Céphas? 6. Ou bien moi seul et Barnabé n’avons-nous pas 
autorisation de ne pas travailler? 


Mais la question est de savoir si l'usus loquendi est général et si l’on doit néces-' 


sairement transporter ici le sens d'autres passages; yuvf (sauf aux ch. vu et x1) et 


&eled sont deux termes peu communs en cette épitre, le second surtout ; peut-on fixer 


une loi pour leur emploi ? 

Toujours est-il que la masse des catholiques n’y a point songé. S. Chrysostome n'a 
point traité de ce passage dans ses homélies. Mais on a l'opinion d'autres anciens, 
Tertullien (« de Monogamia », 8), Clément d'Alexandrie (« Strom. », VI, 3). Ambr. 
(glose, citée par s. Thomas), Jérôme (çin Mat. », xxvur, 55; « c. Jovin », 1, 26), dugus- 
tin (« de opere monachorum », 1v, 5), et les commentaires de Pélage, l'Ambrosiastre, 
Primasius, Théodoret, etc. Tous rappellent à cette occasion les femmes qui, d'après 
s. Luc (vi, 2-s.) suivaient Jésus-Christ pour le servir; de même, de pieuses Chré- 
tiennes se seraient consacrées au service matériel des apôtres itinérants. Plus d'un 
a voulu démontrer que, si l'Apôtre à écrit yuvaïex àd:Açdv, et non purement yuvaïxa, 
c'était afin d’exclure l'idée d'épouse ou de jeune fille. L'opinion de Clément (qui com- 
prend : « une femme chrétienne, comme sœur ») mérite spécialement d'être signa- 
lée, car le docteur alexandrin croyait par ailleurs — à tort du reste — que Paul était 
marié et avait laissé sa femme à la maison (v. supra, vu, 7-8, cfr. le texte interpolé de 
s. Ignace aux Philadelphiens, 4, qui prétend que Pierre, Paul [ce nom manque en 
quelques textes latins] et les autres apôtres étaient mariés). Certainement cette 
opinion serait juste si l'on pouvait lire Je pluriel adelpas yuvaîuas; mais il est trop mal 
attesté. 

Les catholiques modernes ont pour la plupart suivi les anciens. Ainsi Maiér, 
Gutjahr, Sales, etc.; Gutjahr, suivant Clem. Alex., opine qu'il s’agit d’une veuve ou 
d'une femme d'âge avancé; qui, pouvant pénétrer ‘dans les gynécées, aidait l'apôtre 
pour l'évangélisation des femmes. D'habitude, on pense aux services matériels en 
général, cuisine, vêtement, etc. 

Mais bien des auteurs, Meyer, Heinrici,-Godet, Rob.-Pl., Sickenberger, al., obser- 
vent que, pour une aide de ce genre, les apôtres qui étaient mariés auraient certai- 


nement emmené leurs propres femmes plutôt que d'autres personnes dévotes. Et 


cela ne manque pas de sens. En effet, à moins, à la rigueur, que l'étrangère ne fût 
d'un âge très canonique, comme veut le supposer Gutjahr, il aurait pu naître quelque 
surprise et scandale à voir que les prédicateurs laissaient leurs épouses pour voya- 
ger avec d'autres femmes. C'est une pareille familiarité (Rob.-PL.) qui a mené plus 
tard à l'abus des « subintroductae » ou agapètes, condamné au III° Concile de 
Nicée, — et que Paul n'a ni approuvé, ni, pensons-nous, même connu, voir comm 
du ch. vnret Exc. vir. . | 

Nous hésitons encore un peu à choisir une opinion. La dernière réflexion nous fait 
juger que les Apôtres qui étaient-mariés emmenaient certainement leurs femmes de 


préférence à d'autres, à condition bien entendu qu'elles le voulussent et fussent capa- 


bles de bien les aider (l'objection de Cornely sur « Ecce reliquimus omnia ».…. « qui 
dereliquit.. uxorem » ne vaut pas pour les circonstances de l’époque apostolique, où 
chaque apôtre devait organiser de la meilleure manière ses propres pérégrinations). 
Mais il ne s'ensuit pas que yuvaixz signifie exclusivement « épouse », bien que natu- 
réellement l'épouse de tel ou tel apôtre pût être cetle « femme sœur »;s, Paul, en 


214 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, 1X, 1-6. 


éffet, se fait un mérite de ne pas emmener de « femme sœur » avec lui; c’est donc qu'il 
aurait pu le faire, qu'il l'aurait fait normalement s’il n'avait eu des vues particu- 
ières pour s’en abstenir. Or il n'était pas marié, et les Corinthiens le savaient bien. 
Supposera-t-on qu’il leur demande de la gratitude pour n’avoir pas pris une épouse 
dont l'entretien eût grevé le budget de leur église? Est-ce à cette fin qu’il était 
demeuré célibataire? La question fait sourire. La femme chrétienne comme celle que 
Paul aurait pu emmener dans ses courses et qu’il n'emmène pas, pouvait donc être 
autre chose que l'épouse même du prédicateur. 

Aussi nous paraît-il bien préférable de laisser à yuvaixe une certaine largeur de 
sens: une femme ou une veuve (pas une jeune fille, afin d'éviter tout soupçon des 
malveillants), une femme chrétienne, qui pût aider l’apôtre matériellement en tenant 
son ménage, comme on dit, ou même spirituellement (Clem. Alex.; ainsi firent 
plus tard, et déjà peut-être alors, les « diaconesses »); ce pouvait être l'épouse 
même du missionnaire, quand il était marié (et il est assez probable alors, à cause 
du conseil évangélique, qu'il vivait avec elle « comme avec une sœur », bien qu'il 
ne faille pas donner formellement ce sens à &dgf dans notre verset); mais ce 
pouvait être aussi, vu le célibat du prédicateur ou quelque autre circonstance, une 
autre femme, quelque digne matrone, ou même plusieurs femmes à l'occasion. On 
comprend, què. leur entretien, en ceriains cas, püt constituer une charge sentie par 
les communautés, qui & avaient à entretenir cette famille ou cette caravane. 

Or Paul, malgré l'exemple des autres, renonce à ce qui aurait été pour lui 
commodité, pour ses fidèles _peut- -être un léger fardeau. Nous restons dans la ligne 
de pensée du verset précédent (« N'avons-nous pas autorisation de manger et de 
boire [à vos frais]? »), qui se continue au suivant. Tout cela est homogène — 
sans exclure chez Paul une considération de prudence et d’édification, qui le fait 
se priver d’une aide utile pour éviter de plus, lui l'Apôtre de la chasteté, toute ap- 


parence de familiarités féminines, qui auraient pu exciter les soupçons des malveil- 
lanis. 


À. 6. « Hoc operandi, » dans la Vulgate; ce « hoc » interpolé change le sens; 
le traducteur latin paraît supposer qu'il s'agit encore de l'assistance d'une femme; 
mais le #4 qui ouvre la phrase est disjonctif, on passe à une nouvelle idée, à une 
privation d'un autre genre que Paul s’inflige; ici commence une série de # en tête 
d'interrogations, qui répondent aux ui interrogatifs des vv. 4-5; Paul, observe 
Lietzmann, fait souvent ainsi suivre une proposition en pi par une autre en f; 
mais la particule #, jouant le même rôle ici qu'aux versets suivants, ne sépare 
pas, —. quoiqu'en pense Cornely, — le v. 6 du seul verset 5 en particulier, comme si 
c'était la seconde partie d'une alternative : « emmener une femme qui travaille pour 
nous — ou travailler nous-mêmes »; le travail d'ouvrier de Paul et de Barnabé 
n'est pas en effet le même que celui qui aurait été demandé à la « femme sœur ». 

B. 6. Dans la seconde Épitre aux Corinthiens (x1, 7-12), Paul justifiera d'une 
façon magnifique cette habitude qu'il avait prise, au moins dès le temps où il 
évangélisait Thessalonique (1 Thess. 1, 7-9), de se procurer tout son entretien par 
le travail de ses mains. C’est d'ailleurs comme ouvrier d'Aquilas qu'il avait débuté 
à Corinthe (Act. xvir, 3). Exemple beau et rare, surtout à cette époque où le 
travail manuel était fort méprisé chez les Gentils. 

La mention de Barnabé laisse supposer que cette pratique d’abnégation 
remonte déjà au premier voyage missionnaire, en Ghypre et en Anatolie, lorsque les 
deux Apôtres travaillaient ensemble. On voit que les Corinthiens avaient: entendu 
parler de Barnabé, comme de Céphas, comme des « frères du Seigneur ». Et l’on 
est vraiment heureux de constater que, malgré les dissentiments et la séparation 
(Act. xv, 36-39), Paul ne parle de Barnabé aux Corinthiens que pour en faire 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, IX, 1-6. 215 


l'éloge, sur le point même où lui, Paul, donnait un exemple si remarquable; il ne 
se réserve donc pas le monopole du renoncement héroïque. De plus, comme il 
parle de Barnabé au présent, on peut en induire que Barnabé continuait active- 
ment $on apostolat séparé (commencé en Chypre aveé Marc, Act., xv, 89, et pour- 
suivi sans doute en Égypte?) et que Paul restait en contact avec lui, se tenant au 
courant des travaux de son ancien collaborateur. — Ce début de chapitre est 
vraiment plein de renseignements historiques, d'autant plus précieux et sûrs 
qu'ils sont jetés comme en marge et au hasard. 


b) Ces avantages dont se prive Paul auraient été pourtant, en soi, légitimes 
à tout point de vue. Mais il y renonce pour sa gloire (LX, 7-18 


InT. Toutes ces latitudes auxquelles Paul renonce, cè n'est pas qu'il blâme autrui 
de se les concéder; au contraire, elles sont tout à fait justifiables en elles-mêmes 
(v. 7), autorisées en termes exprès ou indirects par la loi mosaïque (v. 8. suivants), 
et l'Évangile ordonne les choses de manière analogue (vv. 13-14). 

Si Paul n'en use point, c'est qu'il se rappelle sans cesse la gratuité de sa voca- 
.tion à l’apostolat, et veut y répondre, autant qu'il est en lui, par la gratuité de son 
service (15-18). Ces derniers versets sont difficiles, mais très justement célèbres, car 
ils font ressortir en tout son éclat le magnanimité du Docteur des Nations. 


Cu. 1x, 7. Tiç orpateberar tôles “obuvisrs morés vis qurebst dureküva aa Tov 
KAPTOY aÜTOÏ oÙk évier; À tés moumxiver molpuvnv rai x To “Yéhantos Tic ToLVnc 
oùx école; 

8. Mh “xara dvbowroy radra AaA&, À Lai ô vouos TaÜtx 0 Néyes ; 9. ’Ev yap 
rù Muicéus vôuw yéyparta” où “xnmooers Boëv &hodvra. Mi rüv Boüv péker 
ro 0e$; 10. H à quas révrws Aéyer; à Quac yro Eyphon, “otr dpelher èr” AT 
 Gporpiüv aporpuav, nai 6 dAoûvy èm” Aid voù metéyeuv. 1. [Et pets buiv ra 


A. ‘. Ces interrogations accumulées sont un procédé populaire de « diatribè » 
(J. Weiss). — äpvix. terme technique militaire qui signifie « solde »; les soldats 
romains, tout comme les nôtres, n'avaient pas à s’approvisionner eux-mêmes sur 


leur solde. — yélaxros avec « éaûle » est général, et signifie fromage, crème, 
beurre, etc., aussi bien que le lait liquide. 
A. 8. Kortà ävôpwrov — « d'un point de vue humain » se retrouve, avec les 


nuances de sens appropriées, encore m1, 8 et xv, 32, et trois autres fois dans le même 
groupe d'épîtres, Rom, ini, 5; Gal. 1, 11; 11, 15. — Ici # est disjonctif, à la différence 
de ceux de 6 et de 7, qui marquent la continuation d'une série interrogative (à 
l’hébraïque, cf. Ps. 77 [76] par exemple). 

B ‘7-8. Jusqu'au verset 15b, saint Paul répète aux Corinthiens (pour le motif que 
nous avons indiqué) ce qu'il dit aux autres quand on l'oblige à défendre sa conduite. 
Il commence par invoquer, en des exemples courants, les raisons d'équité naturelle 
qui veulent que chaque travailleur ait droit à tirer un profit personnel de son travail, 
— comme le font les autres prédicateurs. Raïsonner ainsi d'après la condition natu- 
relle des choses est, observe J. Weiss, plus grec et stoïcien que rabbinique. 

Mais il ne s'en tient pas là. Ce n’est pas seulement le bon sens et la justice vulgaire 
qui établissent ce genre de droits, c'est la Révélation. D'abord la Loi mosaïque 
(w 9-10), et plus loin l’ordination du Christ (v. 44). 

A. 9. péke t5v Poüv, v. Abel, p. 280. — xmuuoer, qui n'est pas de la langue 


littéraire, a été remplacé B, D, G, par guuwsets, — Le texte cité est de Deus. xxv, # 
et sera répété I Tim. v, 18 (pruwoets). | 

A. 10. xévtus peut signifier « de toute manière », « en tout cas », et « assurément » 
(Pulg. : « utique », Cornely, Bachmann, Gutjahr, etc.) mais aussi « überhaupt » 
(J. Weiss}, ou « en somme », « à tout prendre », « au sens total ». Cfr. Luc. 1v, 23; 


Act. XVI, 21; xxX1, 22; XXVIN, 4. 
B. 9-10. Paul veut donc prouver par la Loi la légitimité des concessions faites 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, IX, 7-11. 217 


aux prédicateurs. Mais, au lieu de chercher un texte établissant directement sa 
thèse, il cite celui du Deutéronome recommendant de laisser le bœuf, qui, instrument 
du cultivateur primitif, foulait de ses sabots les épis pour en séparer le grain, ou les 
couches de grains pour les décortiquer, passer de temps à autre sa langue d'utile 
serviteur sur ces bonnes choses qu'il prépare à son maître. Tout de suite, il explique 
qu'il s'agit là de choses plus sérieuses que de l'appétit des bœufs. 

Ainsi, il comprend cette défense dans un sens symbolique. J. Weiss et d'autres y 
voient encore un genre d'interprétation emprunté aux stoïciens, comme chez Philon. 
Mais cette origine possible n'est pas au moins la seule. Strack et Billerbeck (pp. 386- 
388) montrent que ces expositions symboliques ou allégoriques de la Loi, si elles 
avaient pénétré fort tôt dans le judaïsme hellénistique, et sont fréquentes déjà dans 


Cu. 1x, 7. Qui jamais, servant à l’armée, [s'entretient] avec sa propre 
solde? qui plante une vigne et n’en mange pas le fruit? ou qui fait paitre 
un troupeau et ne mange pas des laitages du troupeau? 

8. Est-ce d’après le pur usage humain que je parle de ces choses, ou 
la Loi même ne les dit-elle pas? 9. Car, dans la loi de Moïse, il est écrit : 
« Tu ne muselleras pas le bœuf qui foule le grain ». Est-ce des bœufs 
que Dieu se met en peine? 10. ou, en somme, est-ce à cause de nous qu'il 
le dit? Car c'ést à cause de nous que [cela] fut écrit, c’est-à-dire que celui 
qui laboure doit labourer dans l'espérance, et celui qui foule le grain 
dans l'espérance d'en] prendre sa part. 11. Si nous, nous avons pour 


a Lettre d'Aristée, l'avaient fait aussi-en Palestine. Là on s’en servait au besoin pour 
discuter les fondements d'une loi, mais avec quelque défiance, car .on les trouvait 
dangereuses; c'est dans les homélies haggadiques qu'elles étaient surtout à leur 
place, et largement tolérées; mais toujours à la différence des Alexandrins, le sens 
obvie et littéral était laissé intact, bien loin d'être considéré comme une ombre et un 
vêtement; et même le sens substitué était tenu aussi pour littéral. Paul, ancien rab- 
bin palestinien, n'a pas dû exclure le sens premier. 

Il ne veut pas nier que Dieu s'occupe des bœufs, au rang qui convient à des ani- 
maux. Philon lui-même qui prend ce verset du Deut. au sens allégorique (« De sacrif. », 
$ 260), y trouve cependant aussi (« De Humanitate ») une marque de la bienveillance 
universelle de la Loi; mais l'Apôtre veut dire que cette défense est principalement 
portée en vue d'une application plus haute (Rob.-PI., Gutjahr, etc.), comme on va le 
comprendre par le verset suivant. $. Thomas s'exprime fort clairement : « … qualiter 
dicta auctoritas intelligenda sit : et primo quod intelligenda sit litteraliter de bobus ; 
secundo quod non tantum litteraliter de bobus, sed spiritualiter de praedicatoribus »; 
si la Sap. Sal. vi, 8 dit : « cura est illi de omnibus », c'est que ce livre inspiré parle 
« de cura generali, scilicet providentiae », et Paul « de speciali, scilicet disciplinae »; 
la bonté à l'égard des bœufs est recommandée pour l'instruction des hommes, qui 
était le but principal de Dieu. 

S'il faut traiter avec bienveillance les animaux qui vous sont utiles, et reconnaître 
leur espèce de mérite, a fortiori convient-il de reconnaître les droits des hommes qui 
nous servent. C'est là l'enseignement complet (xävrws) de ce commandement. Il a été 
porté « pour nous », — non seulement en faveur des ouvriers évangéliques, comme 
l'entendent Chrys., Estius, Lap., Meyer-Heïnrici, etc. mais pour tous les hommes 
(Cornely, Lietzm., Bachm.); il s'agissait, disent Rob.-Pl., d'apprendre aux Juifs, et 


218 | ÉPITRE AUX CORINTHIENS, IX, 7-18. 


mveupatixù écrelpauev, “péya et pets du Tù “oupuixx Pepioomev; 12° et Ado 
ris dpüv “EÉouclas peréyououv, où pähdov fueïs; AN obx éypnoduela tÿ ÉEoucix 
rabrn, &AÂAX révra “otéyouey Îva ph tive yromnv düuev T® ebayyeklo Toù Xptoro. 
18. Oùx.oïdare bre of ra epà Epyalopevor ta Ex vo lepoÿ écblouoiv, of T@ Oucrac- 
rapiu “rapedpebovres 1 Ououaornplo “ouvuepilovra; 14. oûrws nat à xüpros 
duéraËey rois vd ebayy£hioy naTayyÉAhovory Ex Toù ebayyehiou Cv. 


par eux à nous, par cette douceur à l'égard des animaux, à être toujours humains, et 
justes dans leurs rapports avec les hommes. S. Chrysostome dit là-dessus admirable- 
ment : « Dieu, je vous le demande, ne prendrait donc pas soin des bœufs? Certai- 
nementsi, Il en prend. soin, mais non au point de porter une loi en cette matière; Il 
veut, par le moyen des brutes, exercer les Juifs à la bienveillance ». 

à quès yap éypépn — Qu'est-ce qui a été écrit pour nous ? Est-ce la Loi du Deutéro- 
nome, ou bien la phrase susdite, sur l'espoir du laboureur ou du fouleur? Lietzmann 
‘et'd'autres pensent à une citation d'apocryphe, Resch de l' « Urevangelium »; maïs 
ce sont des suppositions sans fondement. Il ne faut donc pas prendre ë&t comme 
« récitatif », comme les précédents et J.: Weiss; d'ailleurs Lietzmann reconnaît lui- 
même qu'on n’est pas « obligé » de considérer ce 6x comme introduisant une cita- 
tion. Il est soït « causal » (Heinrici : « cela a été écrit par nous ; parce que le labou- 
reur, etc. »), ou mieux encore, comme le croit Bachmann, « explicatif ». Le sens est: 
« Cela a été écrit pour nous, et veut dire que le laboureur doit labourer dans l'espé- 
rance, et celui qui foule le grain dans l'espérance d’en prendre sa part ». Sans 
exclure, nous l'avons dit, le premier sens concernant les humbles auxiliaires animaux; 
Paul, qui n’ignorait certes pas le dire de l'Evangile sur les oiseaux, n'aurait pas cru, 
‘comme Philon, que Dieu se désintéresse des petits détails de la création. 

——— À. 11. oxprind, Cfr. it, 3, mais ici le sens est plus large, et non péjoratif. 
— péya sl. tournure vive et elliptique : « [est-ce une si] grande [chose] si...? » 

B. 11. Paul applique le verset précédent, et en revient à la légitimité de la con- 

duite générale des apôtres (vv. 5-6), d'où résultaient certainement quelques charges 
pour leurs disciples. D'ailleurs Gepioouev ne doit pas être pris dans un sens trop 
étendu, comme si cette « moisson » des prédicateurs avait été une râfle des biens 
des néophytes; on verra II Cor. x1, 20, quels amers sarcasmes dicte à Paul une 
rapacité de ce genre. Peut-être cependant use-t-il d'une hyperbole, comme II Cor. 
x1, 8 (GAAGS xxAnoias ÉabAnoa), ou bien veut-il dire, en posant un cas chimérique, que 
ce ne serait pas trop, à prendre les choses du côté des fidèles, de payer de toutes 
leurs richesses l'immense avantage de recevoir l'Évangile. 
À. 12. Que signifie ici ce mot flottant d'éfousla? Pour lui conserver le même 
sens dans les deux membres, nous le iraduisons « droit », droit des propriétaires 
sur les biens, auquel les instructeurs spirituels sont associés dans une mesure; 
Lietzmann comprend autrement à tpé&v éfouole, « le droit sur vous »; Loisy : « Si 
d’autres sont admis à disposer de vous »; il nous semble que c'est trop dire; — 
créyouev, le même mot que x, 7, parmi les attributs de la charité. 

B. 12. Paul parle ici au nom de tous les instructeurs religieux, lui compris, 
mais non lui spécialement. Il nous semble donc que ces « autres » qui participent 
au bien des néophytes ne sont pas, comme tout le monde à peu près le comprend, 
tels ou tels prédicateurs que Paul opposerait à lui-même, ainsi qu'il le fera dans la 
Deuxième Epître (pour Chrys Théodoret, Ambr', les Grecs et les Latins en général, 
Thomas, Estius, Bisping, etc., les « faux apôtres », dont il s'agira II Cor.; pour 
Cornely, Sickenberger, Apollos et d'autres ; pour Rob.-P1., des instructeurs judaïques ; 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, IX, 12-14, 219 


vous semé les biens spirituels, est-ce une grosse. affaire si nous moisson- 
nons vos biens charnels? 12. Si d’autres ont part à votre droit [sur ces 
biens], cela ne [revient-il] pas [encore] davantage à nous ? Mais nous n'avons 
pas usé de ce droit; mais nous endurons tout pour n'apporter aucun obs- 
tacle à l'évangile du Christ. 

13. Ne savez-vous pas bien que ceux qui travaillent aux [fonctions] 
sacrées mangent ce qui provient du lieu sacré, que ceux qui servent d’assis- 
tants à l'autel ont leur part du [revenu de] l’autel? 14. Ainsi le Seigneur 

a disposé, pour ceux qui annoncent l'Évangile, de vivre de l'Évangile. 


pour Gutjahr, des prédicateurs nouveaux venus; pour Bachmann, la communauté 
de Jérusalem en faveur de qui se faisaient des collectes, voir au ch. xvi). C'est trop 
préciser le sens, et croire que cette « apologie » a -été faite pour Corinthe, ce qui 
n'est pas. Les « autres » sont donc tous ceux qui reçoivent une rétribution des 
chrétiens comme de n'importe qui, pour n'importe quel genre. de services, religieux 
ou profanes. LL 

Ce droit, que Paul possède incontestablement, il ne veut pas en user; le pluriel 
indique peut-être que ses collaborateurs immédiats (et Barnabé) faisaient de 
même. Au contraire, ils restent sans ressources assurées, .et le chapitre 1v, 41-13, a 
pu donner une idéé de ce qu’ils ont à endurer. — Et il donne la raison (une des 
raisons) de cette abnégation : c’est pour supprimer des empêchements à la diffusion 
de l'Evangile. Cela se comprend de reste. Ainsi sont préparés les vv. 19-22. 

À. 13. rpocedoedovres p.rapedo. K, L, Chrys. napedpebetv est un terme cultuel 
technique, retrouvé dans une inscription de Magnésie (Lietzmann); cfr. l'expression 
erdoedpos de vu, 35, v. ad loc. — Le verbe ovuuepifeclar ne. se trouve qu'ici dans 
le N. T. ‘ 

À. 14. otws xat à zbpuos, etc., cfr. Luc x, 7; Gal. vi, 6; Il T'hess. in, 9; I Tim. v, 
18; c'est un logion traditionnel, qu'il n'y a pas lieu de croire incorporé dès ce 
temps-là dans une rédaction canonique; il est à remarquer que l’évangéliste qui le 
rapporte est Luc, le compagnon de Paul, | | 

B. 18-14. Paul invoque, après tous les autres, l'usage religieux de rétribuer les 
prêtres et tous les ministres du culte (chez les païens et chez les Juifs); il rappelle 
que Jésus aussi (za, comme la Loi, comme Yahweh) a établi que les porteurs de 
l'Évangile (dont la fonction est ainsi assimilée, en quelque sorte, à une liturgie), 
pourraient vivre de l'Évangile {« dignus est enim operarius mercede sua »). 

Il semble que ce dernier argument, le plus direct de tous, Paul ne l'ait ajouté 
qu'après coup, quand il avait déjà exposé toute la substance de l'« apologie » dont il 
se Sert au besoin pour faire taire ses détracteurs. Car il avait déjà conclu, à la fin 
du v. 12 : « si nous nous imposons des privations que ne connaissent pas les autres, 
C'est pour frayer un chemin plus libre à l'Évangile »; cette restriction de sa 
« liberté » était à ses yeux ce qu'il y avait pour lui de plus honorable; avis aux man- 
$eurs d’idolothytes par principe de liberté, par gloriole de gens affranchis! 

——— À. 15. Ici une fameuse question de lecture. La phrase de 15°, telle que la 
Porte l’ensemble des textes, est certainement très irrégulière ; aussi plusieurs ont-ils 
Voulu la corriger. L'# embarrassant (« que » après un comparatif) a été supprimé 
dans l'Ambr'; Lachmann voudrait le changer en vi, particule de forte affirmation 
Ouvrant la proposition dernière ; beaucoup de témoins ont reclifié ainsi : [u&Alov axoba- 
ver] À TÔ xabymué pou Îva vie (au lieu de ovèels) xevoe[on] = « [plutôt mourir] que de 
[laisser] quelqu'un me priver de mon titre de gloire », (N°, C, K, L, P, Doc, f, Chrys., 


220 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, IX, 7-18. 


15. "Eyw dE où xéypnua obBevt roiruv. | 
OÙx Eypata Sè raëra va oùrus yévarar ëv Euol xahdv Yyép por paAdov Gmoba- 
vety “9... > “uxynué pou oùBsts nevwos. 16. Ehv yzo ebxyysAopx, oùx 
ÉoTty por xaÜyauX" AvVayan yép Mot Étérerrar obal Yo poi éotuv éav ph ebayye- 
Mowpor. 17. Hi yap “Exwy roùro rodoow, puofèy “Eyw el Dè “dxwv, oixovop{av 
reréoreugar. 8. Tic oùv pos éorty 6 puodés; va ebayyehbopevos “adéravoy 


béow Tù ebayyÉAov, ec Tù Li “uarayphoucda Th Éfouoia mou èv 7 ebayyehlo. 


Hier., vulgate), ou simplement en changeant oùdsts en rs, ce qui revient au même 
(F, G, 26, Cornely}. Bachmann ne change aucun mot; mais il met un point après 
arobaveiv, et prend le-# qui suit au sens confirmatif; de même Gutjahr, al. 

Il n’y a pas besoin de se donner tant de mal pour éviter des anacoluthes ou des 
« aposiopèses » à Paul, qui était coutumier des plus rocailleuses. Avec la grande 
majorité des modernes (Liets:mann, J. Weiss, Sickenberger, Loisy, elc.) nous laissons 
donc simplement, après #, la phrase interrompue, — Pour yévnta ëv Euol des paral- 
lèles sont relevés par Lietimann dans la Gen., les Synopt., Jean, Epictète. 

B. 15. Paul, sans penser à mal, a répété pour l'instruction des libéraux de Corinthe 
ce qu'il dit à d’autres quand il a besoin de se défendre dans leur estime. Et voici 
que tout d'un coup un scrupule le prend : si ses lecteurs allaient s'imaginer qu'il 
écrit ces choses pour leur insinuer que, à l'avenir, ils feraient bien de lui payer ses 
services! Troublé, indigné par cette idée qui lui répugne, on dirait qu'ik ne sait plus 
comment dicter sa phrase au secrétaire. Ces « aposiopèses » et les anacoluthes 
arrivent fréquemment quand il est ému, parce qu'il dicte (Lietim.). — (On voit, en 
parenthèse, ‘comme ce fait s’accorde bien avec la théorie d'un « style oral » 
savamment balancé, ou d'une « récitation cultuelle »!) 

Ainsi, il n’a pas voulu recevoir de subsides, ni prendre de femme comme auxiliaire; 
il a tenu à travailler de ses mains pour assurer par lui-même son entretien; — tout 
cela, en sacrifiant de ses droits pour l'Évangile. Est-ce qu'il le regrette, et est-il 
disposé à changer de manière, comme il craint de le faire supposer à certains audi- 
teurs de sa lettre qu'il voit déjà sourire ironiquement? Non! il aimerait mieux 
mourir que de renoncer à ce qui fait sa gloire, sa seule gloire à son avis, comme il 
va l'expliquer. 

À. 16. zépu (« titre à la gratitude », ou à la rétribution, c'est- à-dire mérite), 
à la place de aÿynua, dans N°, D, E, F, G, Ambrr, quelques v. lat. 

À. 17-18. Ces phrases ne sont nullement timpides. Il faut d'abord établir, autant 
que possible, le sens des mots; puis voir quelle est la construction et le rapport des 
idées entre elles. 

éxôv…. &xwv : le premier, Exuv, peut signifier soit « acceptant volontairement », (ou 
« avec bonne volonté », « avec ardeur »,J. Weiss, al.) soit « avec spontanéité », « de 
mon propre choix » — et, inversement &xwv (hap. leg. dans la Bible), soit « agissant 
involontairement » {ou « par force », « timore servili » Thom2., « invitus », Estius, 
après Aug. « ©. Parmen. donatistam », 51, 11), soit « non spontanément », « non de son 
gré » ; le sens « spontané » et « non spontané », est celui des Grecs, de Thomi., Cajetan, 
Lap., Maier, Cornely, Rob.-Pl., Bachmann, Gutjahr, al.), et il est certainement 
celui qui convient le mieux à la situation et au contexte, — muoûév : le mot uoÜds 
signifie « récompense », « gages », « salaire », « rémunération », mais nulle part, 
à notre connaissance, il ne prend Île sens de « titre à une rémunération » (la traduc- 
tion de Loisy : « quel est donc mon [titre à] récompense? », et, d'autres qui lui 
ressemblent, ne sont donc pas bien exactes); Cornely, Gutjahr ne peuvent tirer le 
mot à ce sens qu’en recourant à une métonymie : « action qui mérite récompense »; 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, IX, 15-18. 221 


45. Moi, pourtant, je n’ai fait usage de rien de tout cela. 

Je ne vous écris pas d’ailleurs ces choses pour qu'on agisse de même 
sorte à mon endroit! Car pour moi mieux vaudrait mourir que... Mon 
titre de gloire, personne ne l’annulera! 16. Car, si j'évangélise, ce ne 
m'est pas un titre de gloire; car c'est une nécessité qui m'incombe; car 
malheur à moi si j'allais ne pas évangéliser! 17. Si en effet je l'opère 
parce que je l’ai voulu, je touché un salaire, mais si c’est sans l'avoir 
voulu, ce [n’] est [qu’}une intendance qui m'est confiée. 18. Quel est donc 
pour moi le salaire? Qu'en évangélisant, je propose l’évangile gratuite- 
ment, pour ne pas faire valoir tout le droit que j'ai dans l’évangile. 


et l’on invoque à cet effet des analogies telles que Luc vi, 32 et 33, y signifiant 
« titre à la gratitude » (ce qui n’est pas sûr du tout, non plus que I Pet. 51, 19, où 
xées signifie plutôt simplement : « grâce », « faveur » de Dieu). — tva ebayyelttôuevos 
atX. : ici [wo8bs] va... ne peut signifier, par une extension qui, d'ailleurs, se ren- 
contre, du sens de Îva, que : « [ma récompense consiste] en ce que. n. addravoy, 
hap. leg. dans la Bible. 

On a compris de manières diverses la construction et le lien de ces : phrases. 

J. Weiss, qui tient äxwv pour un.« irrealis » (parce que Paul ne prêche certaine- 
ment pas contre son gré), veut, ainsi que Clemen, considérer le v. 17 comme une 
remarque intermédiaire (ou même une glose), qui ne se rapporterait pas au v. 16, 
mais à la question de 182 : « Quelleest donc ma récompense? » et il traduit ainsi : 
«17. Car, c'est seulement si je fais cela volontairement (ce qui est pour lui le cas réel), 
que j'ai une récompense (soit celle qui est réservée au ciel, Mat. v, 12, 46, soit, 
d'après le v. 18, déjà maintenant d’une façon immédiate, dans ma conscience) — 
tandis que si je le fais contre mon gré, forcé, je ne peux prétendre d'aucune manière 
à une récompense ou à un remerciement; mais je suis et j'agis seulement comme 
quelqu'un qui a reçu charge d'administrer urie maison. — 18. Quelle est donc ma 
récompense? etc. » Ge pourrait même, croit-il, être une glose, pour la raison que 
l'idée de mérite (et de récompense plutôt eschatologique) contenue dans le v. 17 
serait plus ou moins étrangère aux deux versets qui l'encadrent. Cette dernière 
remarque, disons-le déjà, n’a aucun poids, et vient de préjugés théologiques. 

Bachmann, puis Gutjahr, après Hofmann, ônt une solution particulière qui ne 
manque pas d'élégance. Ils suppriment tout signe de ponctuation après &xwv et ne 
mettent qu'une virgule entre 17 et 18, ainsi : 


47. et yap Exwv roëro rpdoow, piafov Ex 

lei DE &xwv oixovoulav renioteuua, 18, tis obv pLoû Eariv 6 pros ; 
ce qui donne un sens excellent : « 4$i je fais cela (évangéliser) de mon plein gré, 
J'ai une récompense; mais Si, Sans l'avoir voulu, j'ai été chargé simplement d'une 
intendance, alors quelle est ma récompense? », ëxv étant l'irréel et &xwv le cas réel. 
Cette construction est grammaticalement très possible, car oëv, en langue classique. 
peut n'avoir qu'une valeur confirmative (français : « donc » = « alors »), et par con- 
séquent ne pas marquer un changement de phrase (Voir Aühner-Gerth. n, p. 162 s.), 
Une seule considération nous empêche de nous ranger à cette opinion, c'est l’auto- 
rité de tous les autres exégètes qui font commencer une phrase nouvelle après 
rerioteuua, selon la division des versets. 

En effet, en conservant la division accoutumée qui s'accorde mieux avec l'usage 
Courant de oëv, le sens reste le même. ‘Exwv signilie « spontané », et est « irréel », car 


222 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, IX, 7-18. 


l'indicatif (xpdsow) après et peut s'employer pour l’« irrealis »,. comme: xv, 43... 
(Lietzm.); &xwv signifie « non spontané », et est « réel », car il correspond très cer- 
tainement à dvéyan, qui est l'affirmation d'un fait; de même puoûés répond à xabynue. 
Dans le v.17, Paul énonce une vérité générale : le bien qu’on entreprend spontanément 
de faire mérite une récompense; mais une charge qu'on ést obligé de remplir sans 
l'avoir demandée (comme les intendances confiées à des esclaves qui ne recevaient. 
pas de salaire pour leur peine) n'exige pas (dans le droit de l'époque) de rémunéra- 
tion, tandis qu'on s'expose seulement à des pénalités graves (obat xtà.) si l'on s'y 
soustrait. 

B. 16-18. Ce passage est un des plus émouvants de l'Épitre, et de toute l'œuvre de 
Paul; on trouverait difficilement même chez les saints un tel cri d’humilité. Chacun 
comprend le v. 16 de la même manière; l’ancien rabbin -persécuteur, en se rappelant 
la force de la grâce opérante qui l'a terrassé pour faire de lui un apôtre sur le chemin 
de Damas, oublie avec quelle générosité il a répondu à l'appel, et les merveilleux 
triomphes apostoliques de sa carrière, gagnés à force d'héroïsme et de sacrifices. Il 
ne voit que l'œuvre de Dieu, et assure, avec une hyperbole d'humilité très éloquente, 
‘que ce n’est pas la sienne, qu'il a été forcé d’obéir, comme l’esclave à qui on impose 
une charge, même une charge élevée comme l'administration d'un domaine, sans être 
obligé de le payer pour la remplir (pour oëxovoutav, cfr. oixovdmous, -uot, de 1v, 4-2, et 
tous ces versets); de pareils intendants sont contraints, par leur propre intérêt, d'être 

fidèles; s’il n'évangélisait pas après cela, ou le faisait d’une manière négligente, il 
encourraît la réprobation du Maître. Ainsi, déclare-t-il avec le même excès d'humilité, 
il ne peut tirer gloire de faire, par force, ce que les autres apôtres, amis du Christ dès 
le commencement, ont désiré et accepté très spontanément de faire; il ne se rappelle 
pas ici qu’il a travaillé aussi bien et mieux qu'eux tous, par la grâce de Dieu, voir 
xv, 10. Il n’en tire ni aucune gloire (xabymqua), ni le sentiment d'avoir droit comme eux 
à une récompense spéciale, ce qui revient au même (u:oûds correspond certainement, 
et équivaut, à »xa6ÿ@pa), Comment donc compensera-t-il cette infériorité, et ce qu’il ya 
de « servile », pour ainsi dire, à ses yeux, dans sa mission? En faisant plus de sacri- 
fices encore qu'il ne lui était demandé, en renonçant à tout avantage personnel dans 
l’accomplissement de son travail, afin de prouver ainsi qu'il s'y donne de tout cœur. 
S'il a quelque sujet de gloire, quelque raison de compter sur l'estime des hommes et 
la bienveillance de Dieu, c’est celle-là, et rien que celle-là. Pour étendre le progrès 
‘de l’évangélisation, il refuse tout dédommagement de ses peines, et renonce aux 
« libertés » les plus légitimes (voir vv. 19-22). Que les « libéraux » entendent et com- 
prennent! 

La gloire ou la récompense dont il parle est donc avant tout le témoignage de sa 
conscience. Il ne faut pas exclure cependant l’idée d'une récompense qu'il méritera 
ainsi de Dieu. $. Thomas parle de « gloire de surérogation »; c'est évidemment au 
ciel, en fin de compte, qu'elle sera confirmée par un supplément de béatitude. Mais il 
ne faut pas dissimuler ou affaiblir pour autant la correspondance essentielle, dans 
ces versets, entre « sujet de gloire » et récompense; certains exégètes catholiques ont 
peut-être eu une tendance à le faire, pour répondre mieux à des protestants (tels que 
Bachmann, al.) qui parlent ici bien mal à propos contre la doctrine du mérite ou des 
œuvres de surérogation; la « récompense » n'est pas non plus directement, comme 
prétend Godet, le progrès plus grand de l'Évangile. Disons simplement et droite- 
ment avec Sickenberger, que, en plus de l'attente d'une récompense au ciel (dont 
l'Apôtre ne parle pas ici directement), Paul estime que « la récompense réside dans 
l’œuvre elle-même », dans la qualité spéciale qu'il a conscience de donner à son 
œuvre; exemple de noblesse et de désintéressement héroïque! 

On peut comparer tout le passage xv, 8-10 (in/ra, v. ad loc.). 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, IX, 7-18. 223 


L'humilité la plus profonde se fond ici harmonieusement, comme Godet entre autres 
le relève en excellents termes, avec la plus parfaite dignité, la plus noble fierté du 
caractère chrétien :'« Servir le Christ ne peut le réjouir qu'autant qu'il a conscience 
de le faire dans une condition de liberté. » 

Ainsi en va-t-il avec Paul; c’est toujours quand il commence à « se vanter » ou à 
faire « son apologie », que son humilité éclate de la façon la plus paradoxalement 
sincère. Nous le verrons encore mieux dans la Deuxième Épître, aux chap. x-xu1 sur- 
tout. Il est le type même de ce que les anciens appelaient le « magnanime », tout 
l'opposé a la fois d'un caractère orgueilleux et d’un caractère servile. Pour trouver 
trop modernes ces sentiments et leur expression, — comme si la morale désintéressée 
remontait à Emmanuel Kant, qui n’a fait qu'en fausser la notion! — il faudrait oublier 
qu'il y avait déjà de ce temps-là des stoïciens, et que Paul était Paul, bien plus grand 
et plus désintéressé qu'eux, lui en qui « vivait le Christ ». 


c) Ces restrictions, Paul les met à sa liberté aussi pour le profit 
de son œuvre apostolique (1x, 19-23). 


‘INT. — Ce n'est pourtant pas seulement pour la satisfaction de sa propre conscience, 
ni pour acquérir quelque mérite personnel, que Paul renonce à tant d'avantages; il 
savait, d'avance, et il l'a vérifié de toutes manières, que si, au lieu d'afficher sa 
liberté, il se faisait le serviteur de tous, Juifs, paiens, le prog grès de l'Évangile en était 
d'autant plus assuré. ‘ . | 

J. Weiss juge (v. supra) que ces versets, pour la matière, s'accordent mieux avec le 

ch. VIII, et que leur place primitive pouvait être après X, 33 ou XI, 1; mais, de fait, 

ils sont très bien amenés par la fin du v. 18, et font instance sur ce qui précède : 
après le motif personnel de « gloire » et de mérite, le motif du meilleur succès dans 
l'apostolat. 

Le méme auteur est mieux inspiré quand ily voit un « document de premier ordre » 
concernant la personnalité, et surtout la personnalité religieuse, de saint Paul; — 
notons de plus qu'ils sont tout à fait en faveur de la véracité des Actes. Paul est libre 
comme un stoïicien, et encore plus, mais il écrase l'orgueil de liberté des « forts ». La 
liberté chrétienne, tout autre que celle du stoïcisme, est donnée pour « servir » (voir 
Luc, XXII, 25-suiv. ; Marc, X, 43-suio.). | 

Il relève encore avec à-propos la forme régulière et harmonieuse de cette péricope : 
deux fois trois phrases qui se correspondent avec un sentiment marqué du rythme, de 
la mesure et du son. — Ce n'est donc pas sans doute une improvisation que ce pas- 
sage; Paul a pu le réciter plus d'une fois, et voilà pour les tenants du « style oral »; 
mais de tels cas sont assez exceptionnels. 


, , oi ss , M et \ 
CH. 1X, 19. "EXedepos Yao Gv Ex mévrwy maotv Emautèv E3o/Awoæ, Üvæ vod 


mhelovas xepdAcw. 

20. Kai éyevomnv vois ‘Toudaious &3. "Toudaïos, vx ‘Ioudaious x:pS50 

Tois *bTd voor &s de vôUov, HN ov adTs dd vouov, Îva Tods bTd vôpov 
LAC OR 

21. Toïs avômors &s &vouos, ph &v ävouos Beoë GRAN “Evvopos Xptotoë, va 
xepddvw Tods avéuouc. 

22. "Eyevoumy vois Gofevéoi “asbevis, va Toùc dGofevets xepdiou. 

Toïs tüow yéyova mévra, Îva “révrus Tivac owow. 

(23. Ilévra Où mouù dix To ehayy£Auov, va ouYrouwwvos abroë yévumar.] 


A. 19. xepèdsw, d'un verbe xepüdw pour xepôdvw, forme d’abord ionienne. 

A. 20. ré avec l'accusatif, — « sous la domination de... » — pà dv «. v. v. omis D°, K, 
copt., éth., par homoioteleuton. 

A. 21. ävouos 0eoë, v. Abel, p. 189. 

A. 22. Pour révrus tivds, on a rävras dans D, E, F, G, latt., ou tobs névtas, 17 et Clem. 
Alex. — réviws — « de quelque façon que ce soit », voir à 1x, 10. — &; manque devant 
à&o0evis dans N°, À, B, D, d, e, vulg., al., mais setrouve C, bok., sah., D, G,K, L, P, pes: 
got, Chrys.; il a été ajouté pour conformer tout à fait ce verset aux précédents, el 
peut-être pour adoucir ce paradoxe de Paul se déclarant « faible ». 

B. 19-23. Le premier des six membres de cette péricope (19), et le dernier 22? (car 
28 fait en réalité transition à la suivante) expriment à peu, près la même idée géné- 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, IX, 19-23. 225 


rale : au lieu de revendiquer sa liberté, l’Apôtre s'est fait le serviteur de tous ceux 
qu'il évangélisait, par toutes les concessions possibles et permises à leurs habitudes 
et même à leurs préjugés; il prend à tour de rôle toutes les attitudes pratiques afin 
de ne choquer personne, non dans l'espoir de sauver, c'est-à-dire d'amener au chris- 
tianisme, tous ses auditeurs et les témoïns de sa vie, mais d'en sauver le plus grand 
nombre qu'il se pourra (robs xAslovas, 19), au moins «x quelques-uns » (rivas, 22). Et, 
-entre ces deux phrases, il énumère les concessions auxquelles il se résout. 

Avec les Juifs d'abord, il se comporte comme un Juif. Geci a de l'importance; contre 
les imaginations de ceux qui voudraient faire de lui une sorte d'antinomiste fanatique, 
précurseur de Marcion. Non qu'il ait usé de duplicité; il a toujours fermement main- 
tenu que le salut était fondé sur la foi au Christ, non sur la justice de la Loi; sans 
cesse et partout il le répète, et, vers Le même temps, il doit le proclamer de la manière 
la plus énergique pour les églises de Galatie. Mais lui-même respectait les usages 
juifs quand on ne les estimait qu'à leur juste valeur, comme pratiques de dévotion 
vénérables ; il en faisait usage lui-même; les Actes (xvi, 8) nous apprennent qu'il fit 
circoncire Timothée (non pas Tite le gentil, Gal. n, 3) pour des raisons d'opportunité, 
et que lui-même faisait des vœux à la juive (Aci. xwin, 18; xx1, 26). C'est quand on 
voulait imposer ces pratiques aux gentils comme nécessaires pour le salut, ou du 
moins pour acquérir le caractère de chrétien complet, qu'il réagissait avec intransi- 
geance, comme à Antioche ou chez les Galates, contre la circoncision, les interdic- 
tions alimentaires, ou l'observance superstitieuse des « jours » (Gal. 1v, 10). La figure 
de Paul qui transparaît dans ces versets confirme absolument l’historicité des Actes, 
‘touchant ses attitudes diverses. 

Lorsqu'il parle de ses condescendances pour « ceux qui sont sous la loi », ou « sous 


Cu. 1x, 49. Car, libre comme je suis à l'égard de tous, je me suis moi- 
même asservi à tous, afin de gagner le plus grand nombre. 

20. Et je suis devenu comme Juif pour les Juifs, afin de gagner les Juifs; 
pour ceux qui sont sous la loi comme sous la loi, quand moi-même 
Je ne suis pas sous la loi, afin de gagner ceux qui sont sous la loi; 

_21. Pour ceux qui n’ont pas de loi comme n'ayant pas de loi, moi qui ne 
suis pas sans une loi de Dieu, mais sous la loi du Christ, afin de gagner 
ceux qui n’ont pas de loi; 

22, Je suis devenu faible pour les faibles, afin de gagner les faibles. 

Me voilà devenu toutes choses pour ‘tous, afin, de toutes manières, d’en 
‘Sauver quelques-uns. 

[23. Et toutes choses, je [Les] fais à cause de l'Évangile, afin d’avoir aussi 
part à ses biens|. 


une loi » (véuov manquant d'article), plusieurs exégètes ont pensé qu'il n'y avait pas 
là simple variante de la phrase précédente, mais que Paul tolérait les pratiques de 
n'importe quelle loi, même religieuse (par exemple celle des Samaritains, pense Ori- 
gène) lorsque leur observance ne s’opposait pas au christianisme et à l’exclusivisme 
de sa croyance. Cela nous semble assez douteux, car vduos même sans article désigne 
Souvent la Loï par excellence, la Loi mosaïque. En tout cas nous voyons, reconnaît 
-Joh. Weiss contre l'école de Tubingue, que Paul semble s'attribucr des missions 
parmi les Juifs (à Damas, en Palestine, en Syric etc), avant le commencement de ses 
Srands voyages missionnaires, et pout-être dans leur inotervalle, lorsqu'il «montait à 
ÉPITRE AUX CORINTHIENS. 15 


226 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, IX, 19-23, 


Jérusalem », v. Act. xxvi, 20, passim, et Gal. 1, 21. suiv.; l'arrangement fait avec les 

Apôtres (Gal. 5, 9) n'était pas si absolu que l'Apôtre des Gentils ne pût aussi pré- 
cher à l'occasion aux Juifs qu’il abordait le premier; d’ailleurs il commençait toujours, 
s’il lui était possible, son évangélisation par les synagogues. 

En face de « ceux qui sont sans loi », c'est-à dire les païens, Paul ne manquait pas 
d'approprier ses discours, comme à Lystres, à Athènes, sans brusquer leur igno- 
rance; devant eux, naturellement, il s'abstenait de toutes les observances juives qui 
auraient pu trop les surprendre, et le faire passer pour un homme d’une autre espèce; 
enfin il a pu se taire au premier abord sur beaucoup de leurs abus comme le faisait, 
avec les publicains, Jésus lui-même (J. Weiss). Le plus important à noter, pour la 
doctrine, au v. 21, c'est que Paul présente l'Evangile comme une loi (Ëvvouos Xpiotoÿ), 
loi des croyances et loi des œuvres, et que cette « loi du Christ » est aussi « loi 
de Dieu » (oûx ävouos 8eoë). IL avait donc d’autres règles de conduite que les inspira- 
tions variables des « pneumatiques », et ne se comportait ni comme un gnostique ni 
comme un initié; il se soumettait à « la loi nouvelle », qui est la « loi de liberté », 
cfr. Jac., 1, 25; 11, 42 (Lietzmann). À bien retenir quand on veut traiter de questions 
comme : « Paul et la loi extérieure »; « le Pneumatisme de Paul », et autres de ce 
genre, faussées en des écoles modernes. 

Enfin comment Pau se résignait-il parfois à paraître un « faible », qui n'ose 
bousculer les préjugés, malgré la vigueur de sa nature et de sa conviction? On n'a 
qu'à voir comment il recommande de ménager les végétariens timorés et presque 
superstitieux de Rom. xiv, en se rappelant son cri de vin, 48 : « Si un aliment scan- 
dalise mon frère, je ne mangerai de viande de l'éternité! » | 

Cette souplesse d’attitude et cette bonté contribuaient beaucoup, Paul le consta- 
tait chaque jour, au succès de son évangélisation. Aussi était-ce là sa façon habituelle 
d'agir, tant qu’un intérêt supérieur n’en exigeait pas une autre plus intransigeante. 
Ce modèle des Apôtres n'a jamais rien eu d’un sectaire, 


d) Un contrôle sévère sur soi-même est du reste commandé par la prudence 
chrétienne, même à Paul (1x, 23-27). 


INTRODUCTION. — L'argumentation de Paul contre l'abus de la liberté suit son cours 
et voici que, aux deux raisons précédentes qui valaient pour lui personnellement, la 
pleine satisfaction de sa conscience d'Apôtre et le‘ succès plus grand de son ministère, 
il en ajoute une troisième, — qui vaut pour lui, mais pour ses lecteurs encore plus, — 
le besoin que chacun doit ressentir d'assurer son propre salut. Ceci prépare les graves 
avertissements du chapitre À. 

Quoique. cet argument soit assez inattendu, son apparition brusque est bien dans la 
logique du sujet, et des sentiments de l'Apôtre, dont l'éloquence aime à surprendre ses 
lecteurs, pour les frapper davantage. J. Weiss a donc certainement tort d'attribuer 
93b ya ovyxour, xrl. à un collationneur ou à un rédacteur, qui aurait voulu faire une 
transition entre deux morceaux disparates. | 


LL 


CH. 1x, [23. Tlévra O mou dix rd ebayyéhMov], (va ouyrowuwvès adroë Vévuuas. 
24. Oùx oldare Ov of àv oTadlw Tpéyovres mévres pèv tpéyouow, eîc DÈ Aaubdver 
10 “Bpabetov; oÙtws rpéyere va atakdénre. 

25. [Tac È 6 ayorhomevos révra ÉVapareseton, Eneïvor Lèv ov vx o0xotév oTéox- 


Cu. 1x, 23. Et toutes ces choses, je les fais pour l'Évangile, afin d’avoir 
aussi part à ses biens. 24. Ne savez-vous que ceux qui courent dans le 
stade, courent bien tous, mais qu’un seul reçoit le prix? Courez de facon à 
vous en emparer. 


25. Mais quiconque veut se livrer à la lutte s'impose toute espèce 
d’abstinences, ceux-là pour recevoir une couronne corruptible, mais nous 


B. 28. Ainsi Paul fait tout cela, il s'inflige même encore d'autres épreuves qu'il va 
nous laisser soupçonner, non seulement pour faire profiter les autres de l'Evangile, 
mais pour être sûr d'en profiter lui-même, lui l'Apôtre. Chrys. et d'autres ont montré 
éloquemment comme son humilité est admirable. Et c'est encore très habilement qu'il 
se met ainsi en avant; si lui-même a besoin de tant de prudence, que sera-ce des 
autres ? 

——— À. 24. fox6eïov, dérivation ignorée, comme celle de foaéeës, le juge du com- 
bat, qui décernait ce prix. — tpéyere : cette image de la course est caniitre à Paul 
Pour peindre la marche au salut, Gal. u, 2; Phil. 11, 46; IT Thess. 11, 1, al. 

B. 24, Il se tourne vers eux, et les interpelle. IL leur rappelle ce qui se passe dans 
les jeux publics, ici les courses du stade, plus bas le pugilat. Ces figures sportives 
étaient, paraît-il, familières aux Juifs de l'époque (Delitzsch, Bachmann, cfr. Strack- 
Billerbeck) ; mais elle le furent surtout, de tout temps, aux Grecs, et la « diatribè » 
En est remplie. Beaucoup d'interprètes montrent comme ces images étaient particu- 
lièrement appropriées à Corinthe, cité des Jeux Isthmiques, qui se célébraient en 
Son voisinage tous les deux ans et que Pausanias alleste encore pour le ne siècle de 
notre ère (J. Weiss, Rob.-Pl., Gutjahr, Toussaint, etc.). Guljahr croit même probable 
que Paul y aura assisté; c'est au moins possible, car il rencontrait là une grande 


228 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, IX, 23-27. 


voy Adéwouw, ueis dE &ofaprov. 26. ’Eyw rotor obtus Tpéyw &s oùx *aSfhuc, 

oÙtus Tuutelw &e oùx &épa dépuwy' 27. &AAX “brwridbw pou Tù cümx Lai * dou a- 
= F2 * , A # 

YUYO, mA To dhhois “xvpléac adtdc “adonmos YÉVuMaL. 


foule venue de partout, et où il pouvait semer le grain de l’enseignement, pour le 
disperser dans toute la Grèce. Toussaint admire cette perspicacité, d'avoir transposé 
dans la conscience chrétienne les mobiles d'émulation qui, durant tant de siècles, : 
avaient tenu en suspens l’âme hellénique. 

À. 25. otépavos, la couronne donnée au vainqueur à la fin des jeux! image 
qui se retrouve I Tim. 1v, 18; J'ac. 1, 12; I Pet. v, 4; Apoc. n, 10. 

B. 25. La logique de Paul, comme l'observe Lietzmann avec d’autres, n’est pas ici 
très serrée; et c'est peut-être une trace de son éducation sémitique, qui se retrouve 
ailleurs; souvent les comparaisons bibliques et rabbiniques ne s'appliquent ainsi 
que sur un point. Tous les coureurs du stade font ce qu'ils peuvent, mais, comme 
c'est un concours, un seul atteint le but visé, la victoire; tandis que tous les bons 
coureurs spirituels ariveront à la béatitude, chacun en leur rang. Aïnsi la compa- 
raison ne porte que sur ceci : il faut bien courir, et dans la bonne direction, comme 
le fait le vainqueur dans le stade. 

Or, si les athlètes, dans leur entraînement, s’infligent tant de privations d'aliments, 
de plaisirs sexuels, etc., afin de recevoir leur misérable couronne, à combien plus 
forte raison doit-on savoir se priver pour recevoir la couronne de gloire éternelle! 
À. 26. ädfus tpéyev est sans doute un terme technique de sport (J. Weiss); 
l'adverbe signifie « sans but déterminé »; Lietzm. cite Æpictète 11, 15, 20 : àobevñs 


Quyh Brou ubv #Aive &ônhov Eye. — nuxtebw, « faire de la boxe », où il ne s'agit 
pas de perdre ses coups dans le vide; « battre l'air » est une métaphore littéraire 
fréquente. 


A. 27. Il ne faut pas lire brorié£w (-u), qui signifierait « soumettre », comme l'ont : 
fait F, G, K, L, quelques minusc., (versions, vulgate : « castigo »; Cornely : « plagis 
contundo »; Bachmann : « ich quäle »), mais éruwrtétw, terme technique de boxe qui 
signifie < atteindre sous l'œil » (v. Lietzmann). — Govlaywy&, hap. leg. dans la Bible, 
continue-t-il l'image du combat? Lietzm. croit qu'ici Paul l’abandonne, Cornely pense 
que le triomphateur menait son adversaire vaincu tout autour de l’amphitéâtre; en 
somme, sens douteux. — Les termes suivants, 2npifas et &ddauos, ne nous transpor- 
tent pas (contre Gutjahr, par exemple) hors de l'allégorie des jeux; Paul a été le 
héraut, le xñpuE (Bachmann), qui en proclame l'ouverture, ici le début de la course 
vers le ciel: dôéxmos (cfr. Heb. vi, 8; IT Cor. xmi, 5-7; Rom. 1, 28; II Tim. 1, 8; Tüt. 
1, 16) apparaît en des passages qui ne sont pas tous figurés; mais le contexte rend 
bien plus vraisemblable que, ici, il faut le prendre dans une acception appartenant 
encore à la langue des jeux publics; il s'applique à celui qui, lors de l'épreuve 
préalable, oxyasia, n'a pas été jugé apte à concourir; Paul étend seulement un peu 
le sens, de l'admission aux jeux au résultat des jeux; le mot opposé, démos, est 
éminemment paulinien. 

B. 26-27. À l'image de la course, Paul joint celle du pugilat, plus apte à signifier 
le traitement que la prudence lui fait infliger à son corps, considéré, à cause de ses 
instincts charnels et égoïstes, comme l'adversaire qu'il faut dompter et réduire au 
rôle d'instrument docile. Il ne perd pas ses coups, mais Le frappe au bon endroit, eb 
le fait marcher ensuite comme son esclave. Comment? il ne le dit pas ici, mais dans 
IL Cor. il parlera de ses juûnes, de ses veilles. Est-ce en vue de son sort personnel, 
au jour du jugement? Sans doute, comme le croient [a plupart; mais il faut peul- 
être donner à l'adjectif éüéuos un sens plus large (comme II Cor. x, 5 ss.); il ne 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, IX, 26-27. 229 


une incorruptible. 26. Moi, en conséquence, je cours d’une manière qui 
n’est pas comme sans savoir où, je lance le poing d'une manière qui n’est 
pas comme pour meurtrir l'air; 27. mais je frappe mon corps en pleine 
face, et je le traîne en esclave, pour ne pas risquer, après avoir fait pour 
les autres le héraut, d’être moi-même éliminé à l'épreuve. 


convient pas que l'évangéliste, le héraut qui a proclamé l'ouverture de la marche 
à La perfection, jusqu’au ciel, excitant ses convertis à l'émulation, se trouve disqua- 
lifié un jour comme apôtre ou comme chrétien, et cesse d'être regardé comme le: 
bon lutteur, l'instrument du Christ, pour avoir négligé l'entrainement en cédant 
aux attraits ou aux peines des sens, et risquant d’ ‘être jugé de même au Grand Jour, 
par le Souverain Juge. 

Si Paul a l'air de craindre pour sa persévérance et son propre sort, quel avertisse- 
ment aux « libéraux » et libertins de Corinthe! 


e) Les avertissements tirés de l'histoire des Israélites (x, 1-13). 


INrropucrion. — Paul voit pourtant dans son église plus d'un baptisé qui semble 
. croire son salut assuré pour cela seul qu’il a fait profession de foi chrétienne et par- 
ticipe aux sacrements. Il les met en garde contre cette illusion par les exemples du 
peuple hébreu, type de la régénération et de la vie chrétienne; malgré les promesses 
et les faveurs reçues, la masse des Israélites sortis d'Égypte a péri dans le désert et 
n'a pu arriver à la Terre Promise. C'est un avertissement à ceux de « la fin des temps ». 
La péricope finit cependant sur une note d'encouragement, — comme il arrive toujours 
après les réprimandes de Paul. 

Elle est très importante pour la théologie et la christologie de l'Apôtre, et aussi: pour 
son interprétation de l'Ancien Testament. 

Quoi qu'en pense J. Weiss, ce n’est pas un fragment de la lettre précanonique, où 
Paul se montrerait animé de principes plus rigoristes qu'aux ch. VII! et X, 23-sui- 
vanis; en réalité, c'est un autre aspect de la même discussion, il faut comprendre la 
souplesse d'esprit de l’auteur, et la mobilité de son style (v. supra). 


Cu. x, 1. OÙ Gékw yap buas &yvoetv, &Bengof, brt oÙ mavépes ApOY mévres bTd 
rhv vepéhny oav nat mévres dix ris Bakdoons GHA0ov, 2. ua mävres “es rèv 
Muëüoñy ébanriouvro Ev rÿ vegéln nai Ev 1 Oahdoon, 3. noi mévres 7 ubro 
“veuparturdy Podpa Épayoy, h. nai mévres Tù aùrd RVEUHOTIKÈY ÉTLoY Tôpa 


A. 1. Où 6Ekw bhüs ayvosts, cfr. x11, 4. — « Nuée » et « mer », cfr. Ex, xir, 21 et xiv, 
22. 

B. 1. Si Paul lui-même est anxieux d'assurer sa persévérance et son salut, il y a 
bien là de quoi faire trembler les autres. Les chrétiens sont bien le peuple élu, que 
Paul (Gal. vi, 16) appellera « l’Israël de Dieu »; mais alors, qu'ils se souviennent du 
sort qu'eurent les Hébreux de race, leurs devanciers ou leurs « pères » (ruxépes) dans 
le culte du vrai Dieu. Ce sujet de réflexion est si indispensable que Paul, grave et 
baïissant la voix, le rappelle par une de ses plus solennelles formules. Tous furent 
guidés hors de la terre d'Egypte, image de la tyrannie corruptrice de ce monde, par 
la nuée lumineuse; tous passèrent à pied sec la Mer Rouge, pour être mis sur le 


chemin, désormais libre, de la Terre Promise; c'était l'image du baptême. Et cepen- 
dant. 


A. 2. Pour eëç M. ifaxtis., cfr. ce que nous avons dit, à 1, 15, de flamr. el vo 
ôvoua. L'expression paraît calquée sur Bart. eis Xptorév. Rom. vi, 3; Gal, 11, 27; pour 
le sens, voir Strack-Billerbeck 1, sur Mat. xxvin, 19-21, p. 1054-s. 

B. 2. S. Thomas explique que la « nuée » était le symbole de l'Esprit; et la 
« Mer », de l'eau baptismale. Les Hébreux, sauvés au passage de la Mer Rouge, 
furent alors, dit le texte « baptisés en Moïse ». Moïse était le médiateur, figure du 
Christ. C'est en se mettant sous sa conduite, en s'incorporant, en quelque sorte, à 
lui, le représentant et l'ami de Dieu, qu'ils purent fuir la terre de servitude, et devenir 
le « peuple de l'alliance » comme les chrétiens en s’incorporant à Jésus le Fils de 
Dieu (Cornely, Lietzmann, J. Weiss, Rob.-Pl., Bachmann, Toussaint, Sickenberger, 
Gutjahr, Lemonnyer, Sales, etc.; «.par Moïse », Théodoret, n'est pas assez dire). 

_——— À. 3-4. 10 aûté! omis N°, À, 46. — nvevparuxôv est généralement compris au 
sens de « merveilleux », « surnaturel » (Lietzm., Gutjahr, Sickenberger, al.); mais on 


ÉPITRE AUX CORINTHIEKS, X, 1-4. 231 


peut admettre concurremment le sens de « ayant une signification spirituelle » 
(comme signe du corps et du sang du Christ}, ainsi que l'ont vu s. Thomas, Rob. 
PI., et c'est ce second sens qui nous paraît ici le plus formel. — à révpx Bè 7 6 Xp. : 
remarquer le temps passé fv, et non ëorwv, v. infra. 

B. 3-4. Après leur évasion d'Égypte, image du baptême, les Hébreux se nourri- 
rent d'un aliment et d’un breuvage merveilleux, la manne et l'eau du rocher, qui sont, 
tous à peu près le reconnaissent aujourd'hui, la figure de l’Eucharistie sous les deux 
espèces. C'est ici, note J. Weiss, le premier passage du Nouveau Testament où le 
baptême et l'Eucharistie se trouvent associés. Cette allusion à l’Eucharistie est spé- 
cialement motivée, comme l'ont vu Rob.-Pl., par le contraste avec les banquets sacrés 
païens dont Paul va traiter bientôt (v. 14-suivants). 

Le présent verset prend une haute valeur doctrinale par le rapprochement qu’il 
établit entre le rocher miraculeux et le Christ, c'est-à-dire, à n’en pas douter, la per- 
sonne de Jésus-Christ. Il enseigne très certainement sa préexistence d'abord (Cor- 
nely, J. Weiss, Rob.-Pl., al.). Cornely, Rob.-Pl. et d'autres observent justement qu'il 
. n’est pas dit : «le rocher est le Christ », ce qui pourrait s'entendre aussi : « À pré- 
sent, nous Chrétiens, nous reconnaissons dans le rocher un signe prophétique du 
Christ’ qui nous abreuve spirituellement », mais : « le rocher était le Christ », il 


CH. x, 1. Car je ne veux pas que vous ignoriez, frères, que nos pères, 

tous, furent sous la nuée, et passèrent, tous, à travers la mer, 2. et furent 

baptisés, tous, en Moïse, dans la nuée et dans la mer, 3. et mangèrent, 

tous, le même aliment spirituel, k. et burent, tous, le même breuvage 

spirituel ; ils buvaient, en effet, d'un rocher spirituel qui les accompagnait; 
à 


l'était déjà, avant toute interprétation mystique; par conséquent le Christ était pré- 
sent parmi les Israélites. S. Justin (« Dial. » 114) avait ce passage biblique dans 
l'esprit (Roë.-PL.). Partout, rappelle J. Weiss, où Dieu intervenait par des anges ou 
des intermédiaires, Sophia, Logos, les auteurs chrétiens primitifs ont vu le Christ 
préexistant; Bachmann appuie ce fait de plusieurs citations, qu’il est superflu de 
reproduire ici. — De plus, comme l'ont noté Sales et d'autres, saint Paul applique 
encore ici au Christ une figure, celle du rocher, qui représentait d'abord Yahweh, 
comme nous allons le voir; ce qui est affirmer une fois de plus implicitement la divi- 
nité de Notre-Seigneur. | 
Une grande difficulté critique est de découvrir l’origine de cette application inat- 
tendue. Sur quel fait ou quelle interprétation de l'Ancien Testament repose cette 
figure, déconcertante d'abord, du « rocher qui accompagne » les Hébreux? On peut 
voir dans Sérack-Bill., ad loc., pp. 406-408, les légendes rabbiniques qui servent à la 
plupart pour l'expliquer : la source de Miriam, la source qui suit la marche des Israé- 
lites, le Targum de Ps.-Jonathan à Num. xx, 19. Paul utilise t-il (en l'adaptant) cette 
légende ? On ne saurait rejeter cette perspective a priori, puisqu'il a bien utilisé {II 
Tim, 1, 8) l'histoire fabuleuse de Jannès et Mambrès, comme d'autres écrivains du 
N. T. se sont servis d'Hénoch ou de l'Assomption de Moïse. Quantité d'exégètes se 
Contentent de cette solution, et parlent d'un rocher déambulant (Rückert, Baur, De 
Wette, al.), ou d'un filet d'eau qui aurait toujours suivi le peuple à partir du rocher 
Miraculeux (Ærasme, Estius, Grotius, al.), ou, d'une façon plus « rationaliste », et d’ail- 
leurs assez plate, avec Calmet, d'une provision d'eau qu'ils auraient emportée avec 
sux de la source du rocher; J. Weiss admet que Paul a suivi la tradition du Targum, 
Mais il ajoute, assez gratuitement, qu'il n'est pas impossible d'attribuer à Paul une 


232 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, X, 1-13. 


Emvoy yap Ex mveuparxis axohoubobons métpac, # dE méroæ Av 6 Xpioréc. 5. "AXX? 
oùx év Trois mhslootv abrüv ebdoxnoer à Geôc” rateoTpwbmoav Yap Ev Th épauo. 

6. Tara d rôror Auoy éyevrlmouv, els Td ph ever AuGc EmubupaTac naxGv, 
xa0de xausiver érebümnaav. 7. Mnèt eidwkokdrpor yivecle, xafwç Tives abtüv, 
donep yéypartor « ÉxGOtoEv S hadc payer xat mai rat œvÉaraav mallerv ». 
8. Mnôè ropveluper, xabwc tive abrüv Étopveusav rat Éneoav ëv plc hmépa etuo- 
ourpets yuuiddes 9. Mudè Exxerpélupen rdv xipuov, uafwç Tives abrüv érelpacar 


identification entre le « rocher spirituel » et la colonne de nuages et de feu, entité 
céleste qui accompagnait Israël dans sa marche. 

Cette hypothèse pourrait cependant nous mettre sur la voie d’une solution juste. 
Paul a pu se servir, sans y croire à Ta lettre, et en luï donnant un sens spirituel, de. 
la légende rabbinique (Rob.-Pl., Lemonnyer, al.). Schæœættgen et Bertholdt se sont 
trompés, sans doute, en avançant que le Fargum d'Isaïe, xxx, 1, apphiquait l'image du 
« rocher x au Messie. Mais dans Mekhilta et Targum J'erus. F sur Exode xvu, 6, ïl se 
dessine déjà une identification entre le rocher et Dieu {v. Sw-.-Büll.). Nombreux d'ail- 
leurs sont les passages du Deutéronome, des Psaumes, où Dieu est appelé « Rocher », 
le « Rocher d'Israël »; et le passage de l’Exode prêtait facilement à ce rapproche- 
ment; Dieu y parle ainsi : « Voici que je me tiendraï devant toi (Moïse) sur le rocher 
(NT by, êni ris nétpac] », ce que la Vulgate a rendu par « fn petra » ; cela veut dire que 
le rocher donnait de l’eau à cause de la présence de Yahweh qui était comme la vraïe 
source. Philon, (« De legum alleg:. » rr, 86 voir Lietzm., J, Weiss, Str.-Bill.), a inter- 
prété la « pierre » de Deut. vru, #5 comme la « sagesse de Dieu » dont El abreuve les 
âmes qui l'aiment : à Yap axpétopos rétpa à copla toù deoû Édriv, y axpav nai mpwriotnv Étauev 
ard tov éavroù Duvauéuwv, à 6 moribe tùs puhobéous duyds. (cfr. « Quod Deter. » $ 115-118 et 
« Vita Mos. », $ 166; cfr. peut-être Jean vi, 38, voir le comm. de Zagrange) ; de même 
qu'il a fait de la manne le Logos de Dieu. Peut-être n’a-t-il fait que consigner une tra- 
dition alexandrine antérieure à Paul. 

On voit donc comme ce trait de l'Exode se prétait à um sens spirituel, qui faisait 
représenter au Rocher Dieu ou sa sagesse. Aussi plusieurs auteurs en ont conclu que 
Paul n'avait fait aucune allusion à la légende du Targum, vu qu’il ne serait pas besoin 
d'y recourir pour comprendre son texte. Sickenberger : le rocher qui répandit l'eau 
était comme une apparition visible du Christ qui accompagnait les Hébreux à travers 
le désert par ses miracles (celui-là et les autres). Gutjahr : ils buvaïent le breuvage-: 
procuré par un rocher spiritwel, qui caché et invisible les aecompagnait, et accomplit 
le miracle du désert. 

Nous admettons aussi que c'est bien l'idée de Paul; mais ce trait que le rocher 
marchait avec eux, äxokouboëions, nous semble rendre difficile d'éearter toute allusion 
à la légende, et de s’en tenir au texte pur et simple de l'Exode. Nous pensons donc 
finalement, avec Bachmann (cfr. Rob.-PI., Lemonnyer) que Paul a utilisé la légende 
consignée dans le Targum, maïs en la symbolisant, en lui donnant le sens purement 
spirituel du Christ qui accompagnaït le peuple d'Israël pour le soutenir par ses 
miracles. Cfr. 1 Clem. xxn; Bar. v, 6; Ignace « aux Magnésiens », 8. Ce symbolisme 
ne devait présenter rien d'inouï, quand on se rappelle le nom de Rocher donné fré- 
quemment à Dieu, et les textes de Philon, du livre Mekhilta, etc. Autrement dit : le 
vrai « Rocher » qui accompagnaïit Israël n'était pas une pierre matérielle, comme 
prétend la légende que vous avez peut-être entendu raconter, maïs e'était le Christ 
lui-même. | 

—— A-B. 5. Cfr. Num. xiv, 16, 23, 30. — Ainsi le Christ était déjà avec les anciens 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, X, D-9. 233 


et le rocher était le Christ. 5. Mais ce n'est pas dans le grand nombre. 
d’entre eux que Dieu mit sa complaisance; car ils furent dispersés gisants 
dans le désert. 

6. Or, ces choses sont devenues des types [qui se rapportent à nous, 
pour que nous n’ayons pas de convoitise des choses mauvaises, à la façon 
dont ceux-là convoitèrent. 7. Ni ne devenez idolètres, à la façon de certains 
d'entre eux, comme justement il est écrit : « Le peuple s'assit pour manger 
et boire, et ils se levèrent pour se divertir ». 8. Ne forniquons pas uon 
plus, à la façon dont certains d’entre eux forniquèrent, et il en tomba 
en un seul jour vingt-trois milliers. 9. Ne tentons pas non plus le Seigneur, 


Hébreux, il leur donnait la manne et l'eau du rocher, images de l'Eucharistie, tous 
participaient à ces dons merveilleux, et par là, comme l'Église future, se montraient 
une seule société spirituelle; c’est pour cela que Paul a insisté sur la communauté 
de nourriture et de breuvage (x airé, deux fois, aux versets 8 et 4), comme il le fera 
plus bas pour l'Eucharistie (els äpvos, au v. 17). Cependant Dieu ne put se complaire en 
la plupart d’entre eux, il dut les punir, et, au lieu de les mener à la Terre Promise, 
joncher le désert de leurs corps, pour toutes les fautes que détaïlleront les versets 6-10. 

L'application était facile au sort qui menaçaït beaucoup de chrétiens de Corinthe, 
s'ils imitaient les Israélites infidèles dans leur relâchement et leur désobéissance. 
Que leur servira, à eux de même, la grâce du baptême et de l'Eucharistie s'ils s'en 
rendent indignes et s’éloignent du Christ comme les. Hébreux de Moïse? Lietzmann 
observe très justement que Paul détruit ici les restes d'une illusion païenne qui 
pouvait être un héritage des Mystères et qui passa aux gnostiques, celle que des 
cérémonies suffisent à donner l'assurance complète d'un salut inamissible. 

se A-B. 6, Sur ces « convoitises mauvaises », voir Mum. x1, 4, 34. 

Les événements mentionnés 1-5 sont devenus des types de ce qui peut arriver aux 
chrétiens. Paul ne met pas en doute pour cela leur réalité historique, v. infra, au 
v. 41. La fin malheureuse de la génération sortie d'Égypte avertit les nouveaux 
croyants de fuir les convoitises perverses qui ont empêché leurs « pères » d'atteindre 
le but de l'Exode. La seconde partie du verset est comme un sommaire des fautes” 
qui vont être détaillées, 7-10. | 

—…——— A-B. 7, Voir Exode, xxxu1, 6. La chute la plus grave, évidemment, serait de 
retomber dans l'idolâtrie, comme le firent les Hébreux autour du veau d'or. Ce ver- 
set, rapproché de vi, 9, et de x, 44-sqq. (cfr. vrr, 7), montre que certains Corinthiens 
laxistes, de ceux à qui « tout était permis », s'y laissaient aller en pratique, sans voir 
la gravité de leur faute. Ils n° « adoraient » pas à proprement parler les faux dieux, 
dans leur for intérieur, mais s'associaient à leur culte en fréquentant les banquets 
des temples. C'est pourquoi Paul, citant l'Exode, parle, dans une intention précise, 
de « manger et boire », et de « se divertir » (raiçeuv), — au spectacle des danses 
sacrées, expliquent Calvin, Rob.-Pl, 

——— A-B. 8. 11 faut même reconnaître que certains laxistes allaient jusqu'à 
« forniquer » au milieu de ces réjouissances. Cir, vi, 42-suivants, et en plus le cas de 
l'incestueux. Qu'ils se rappellent le sort des fornicateurs hèbreux massacrés, d'après 
Num. xxv, 1,9. 

Le chiffre donné par les Nombres est vingt-quatre mille, et Paul dit « pingt-trois 
mille x. Philon, Jesèphe, les rabbins donnent toujours le premier chiffre, Cornely 
veut expliquer cette divergence par la faute d'un scribe, qui aurait pris, dans le texte 
Paulinien, l'abréviation vos (— teooapes) pour rosïs. Mais le fait est que nous n'en savons 


234 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, X, 1-13, 


Al e «+ + LL » LA | (2 \ L ms nl ? 
ral bnd roy Épeuwv amwhovto. 10. Mydè Voyyülere xadènep TivÈès adTüv ÉVéYYyuoav, 
xai gmwhoyto brd Toù bhobpeuroë. 11. Tadra DE révra ruriuds ouvébouver Exelvetc, 
by , Së mn * 0 £ + , “ h * ) 5 7,4 x, , Le 

pdpn DE mpos “voubeolav hudv, els oÙs TX “TÉAN TOY AOVOV | AATHYTÉLEV. 

Ca € nd e 4 
12. “Qore à dondv Ecravar Phetéto uh Téon. 
13. Ilstpaoudc buac obx elAnpey Et un à&vpumuvos” miorèç DÈ à ec, Ôc ox 


4 _ e St e » ? ant Part 

Édoet Duüs metpaobñjvar Dbmèp Ô CÜvaole, GAAG morhoer oùv TO metpacp xai Thv 
*k: * … e = 
éxbaoiv to düvaolar bmeveyueiy. 


rien. Les divers exégètes supposent une faute de mémoire, ou une variante de tradi- 
tion dans les écoles, un lapsus du secrétaire, etc. Si l'on y attache de limportance, 
on peut choisir entre toutes ces hypothèses. $. Thomas dit simplement : défaut de 
précision, ou faute de scribe. 

À. 9. Voir Aum, xx1, 5, 6. — Au lieu de xiptov, on lit Osôv pes., phil, copt., 
Irénée, Orig., Ambr, et Xototév Marcion, D, G, K, L, v. lat., vulg. 

B. 9. Cette « tentation du Seigneur » est la recherche des miracles, pour Chrys. ct 
Théodoret; d'autres y voient la recherche désordonnée de charismes comme la glosso- 
lalie,— ce. qui est plausible d'après le ch. xiv, v. ad loc. 

Dans le Pentateuque, c’est une tentation de Yahweh qui est punie par le fféau des 
serpents, et Paul dit « tenter le Seigneur (— le Christ) ». Encore une fois le Christ est 
donc mis à la place de Dieu (cf. supra, le v. 4), ce qu'il faut noter pour la christologie. 
Cette interprétation de xptoç par Christ était si certaine pour les premiers chrétiens 
que, d’après Epiphane, ce serait pour éviter l'identification de Jésus avec le Dieu, le 
xüptos (Yahweh) de l'Ancien Testament, que Marcion aurait changé le mot en Xptotév 
(leçon préférée d’ailleurs par quelques-uns, Bachmann, Gutjahr). 

A-B. 10. Cfr. Num. xiv, 2, 21-23, 29, 36; Heb. im, 41, 17. — Paul entend déjà 
les murmures que suscitera sa lettre parmi les laxistes; ou bien il pense d'une façon 
générale aux intrigues et aux disputes des factions (v. premiers chapitres). 

—— À... 11. révra ajouté après raëra dé, C, K, pulg., al. — réAn tév aiivewv, cfr. vit, 
26-29, 31; surtout Z Pet. 1v, 7; — il faut lire xardvrnxev, parfait, et non zarfvrnoev, aor., 
de À, C, Di, K, L. 

B. 11. Ce verset résume les leçons de ceux qui précèdent, et se trouvent ainsi 
encadrés entre un sommaire général (6) et une conclusion générale. 

Paul croit que ces faits sont arrivés (ouvééaivev, « ils arrivaient », un temps histo- 
rique; J. Weiss, Gutjahr, al.); maïs ils avaient tous un sens typique, concernant 
l'avenir ou tous les temps. Nous avons vu, à propos de 1x, 9-16, dans quelle mesure 
les rabbins palestiniens, et Paul après eux, admettaient les sens spirituels, sans y 
sacrifier, conime les Alexandrins, le sens littéral. Comme le dit pertinemment 
Toussaint, l'histoire. du monde, à partir du Christ, est l’inauguration d'une période 
nouvelle qui répète avec un certain parallélisme celle de l'Ancien Testament. 

Mais c'est sur un autre plan, celui des réalisations après les figures. Les téAn rüv 
aiwvwy sont arrivés (xardvrnxev, parfait, c'est chose faite). Faut-il voir en ces mots l’an- 
nonce de la fin du monde prochaine? Qu'on se reporte à l'exégèse de vir, 26-suiv. De 
fait, il ne s’agit que de l'ère messianique, que les Prophètes ont toujours placée à la 
« fin des temps »; c’est le « Nouvel Eon » dit J. Weiss, qui entendrait (d'une façon 
peut-être un peu subtile) le mot « fins des éons », au sens de point de jonction des 
deux extrémités par lesquelles les âges se touchent. En tout cas, Cornely a raison de 
rapprocher de cette expression d'autres comme ouvréeta tüv aibvwv, Héb. 1x, 26, 
rAfçpwua toë zapoë, Gal. IV, Eph. 1, 10. Le temps des présages fait place à celui des 
acccomplissements, où le monde reçoit, comme disent Rob.-Pl., la somme de l’ensei- 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, X, 10-13. 235 


à la fiçon dont certains d'entre eux [le] tentèrent, et ils périrent par les 
serpents. 10. Ne murmurons pas non plus, à la façon dont certains d’entre 
eux murmurèrent, et ils périrent par l'Exterminateur.. 11. Or, toutes ces 
choses arrivaient à ceux-là en événements typiques, mais ont été écrites 
pour éveiller notre attention, nous sur qui les accomplissements des âges 
sont arrivés. ° 


[] 


12. Ainsi, celui qui croit tenir debout, qu’il prenne garde de tomber! 

13. De tentation, il ne vous en à pas surpris qui n'ait été à la mesure 
humaïne; mais fidèle est Dieu, qui ne vous laissera pas tenter au-dessus 
de vos forces, mais, avec la tentation, produira aussi cette issue que vous 
puissiez la supporter. 


gnement de tous les siècles passés, les bénéfices de toutes leurs expériences. Ce sens, 
qui convient admirablement au contexte de l'argumentation, n'entraîne donc pas la 
proximité de la Parousie. C’est le dernier âge, l'âge définitif du monde passager; mais 
il peut durer très longtemps. 

À. 12-18. £oréva, se tenir ferme dans la foi et-la vie chrétienne, cfr. II Cor. 
1, 28, — xatakd6n au lieu de e'Angev, un souhait au lieu d'une constatation F, G, e, latins, 
Vulgate.— risros Où 6 06, cr. 1, 9. — bpäs ajouté à Sévasda, cfr. O, K, al. ; — Éx6aois peut 
signifier « chemin de sortie » ou < résultat »; pour les uns, toù dévaslar est épexégé- 
tique, et ne fait qu’expliquer ce qu'est léx6aois (J. Weiss, Bachmann, al.), pour les 
autres c'est un génitif marquant le but (Gutahr, Sickenberger, Loisy, al.), ce qui est 
une tournure fréquente chez Luc, mais non chez Paul. Nous nous rangeons à la pre- 
mière opinion, car Éx6aats marque plutôt le résultat, et non un moyen. Cfr. Eph. n, 10. 

B. 12-18. Toutes ces menaçantes considérations préliminaires sè terminent par un 
grave avertissement destiné surtout à ces « forts » (Bachmann), qui croient demeurer 
de si fermes chrétiens au milieu de leurs compromis et de leur imprudence. S'ils ont 
surmonté quelques tentations malgré tout, ce dont ils se vantent probablement à 
l'excès, elles n'étaient qu’ « humaines », c'est-à-dire assez modérées (Chrys., Théodo- 
ret, Cajetan, Estius). Ou bien, la tentation de se mêler au culte païen n’est pourtant 
pas si difficile à surmonter. Mais, s'il en survenait de vraiment graves... Paul a-t-il 
entrevu les futures persécutions ? 

Cette perspective sombre amène aussitôt par réaction, comme toujours chez Paul, 
une parole encourageante. Dieu a appelé les chrétiens pour les sauver; fidèle et con- 
séquent avec lui-même, il ne permettra pas que la tentation dépasse jamais leur 
force. L'Apôtre ramène ces présomptueux (comme aux premières phrases de son 
épître) de l'estime d'eux-mêmes à la confiance en Dieu comme étant le seul appui 
solide. S'il permet la tentation pour les éprouver, il fera en même temps qu'ils aient 
la force de la surmonter. Ce passage se rapproche pour la doctrine d'Eph. n, 10: 
.…*tt00évres Ev Xptoté ’Inaoë ri Épyous &yalois, ofs rponroluacev 6 Geds Tvx Ev adtoïis reptath- 
Supev... « les bonnes œuvres que Dieu a préparées à l'avance pour que nous y 
marchions », 


III. Paul résout pratiquement la question des idolothytes (x, 14-xt, 1), 


INT, — Enfin Paul en arrive à tracer pour ses Corinthiens une ligne de conduite: 

précise concernant l'usage des viandes consacrées. C'est un complet changement d'esprit 
et d'habitudes qu’il va exiger d'une partie d'entre eux, — ou d'un parti. Mais on peut, 
comme Toussaint, admirer la stratégie habile et pleine de charité par laquelle il les 
a préparés à entendre ses décisions. 
* La question était complexe. En certains cas, la manducation des idolothytes cons- 
tituait une compromission évidente avec l'idolätrie; en d'autres, bien plus quotidiens, 
élle ne pouvait nuire qu'à des âmes faibles — qui demandent pourtant des ménage- 
ments de la part des « forts ». Par conséquent, Paul va rendre un double arrêt : 

a) Il est toujours sévèrement interdit de prendre part à un banquet de sacrifice: 
(x, 14-22). 

b) par ailleurs, dans les repas privés, on peut manger des idolothytes comme de 
toute autre viande, à condition qu’il n'y ait pas de scandale (x, 23-x1, 1). 


a) Interdiction absolue des banquets païens; leur incompatibilité 
avec la communion eucharistique (x, 14-22). 

INT. — Précédemment, Paul avait déjà touché à la question des repas de sacrifice, 
auxquels certains Corinthiens participaient sans scrupule (VIIT, 10) — soit que ce 
fussent de nouveaux convertis recrutés depuis son départ, et restés à moitié païens, soit 
que d'anciens convertis fussent tombés dans ce relâchement par bravade, au milieu 
des disputes des factions dénoncées par les gens de Chloë. Déjà l'Apôtre les a blämés, 
au point de vue de la charité qu'ils doivent avoir pour les faibles que scandalise cet 
étalage de liberté mal entendue ; maintenant il leur montre qu'ils compromettent ainsi 
directement leur salut (en imitant les débordements des Israëélites châtiés), car ils 
s'unissent au culte des démons, et deviennent par là infidèles au Christ. 

Paul remonte ainsi, comme il l'a fait pour calmer les factions, pour réprouver les 
injustices et les péchés charnels, etc., au principe supréme qui domine toute cetie 
épütre, et lui donne, au fond, un caractère d'unité remarquable. La forme la plus visible 
et la plus saisissante de l'union à Jésus, c'est la participation à l'Eucharistie. Paul 
pa nous en parler dans ce passage d'un prix doctrinal inestimable, qui enseigne le 
caractère sacrificiel de l'Eucharistie, et, indirectement au moins, la Présence réelle 
du Christ sous les saintes espèces (qui apparaitra plus nettement encore au ch. XT). 

Il n'est pas plus rigorisie qu'au chapitre VIII, et n'a pas d'autre opinion sur les 
idoles et le culte païen; seulement la force de ses arguments va crescendo, à mesure 
qu'il a préparé les esprits à pénétrer au fond des choses. J. Weiss (supra), n'a pas 
compris cette stratégie, dont ce n'est pourtant pas ici l'unique exemple. 


A. 14. geyete axé : plus fort que geiyawv avec le simple accusatif. Bachmann : 
« Fliehet vor dem Gôützendienst »; cfr. vi, 18. — Gioxep, cfr. vin, 13, 

B. 14. Le « c'est pourquoi » qui ouvre ce nouveau développement montre que cette 
phrase est la conclusion de tout le passage précédent relatif aux infidélités des 
Hébreux. On remarquera qu'il y a parallélisme avec la conclusion du ch. vu; là il 
s'agissait, à propos des idolothytes, de rappeler les « forts » à la charité, qui proscrit 
le « scandale des faibles »; ici il s’agit du second aspect de la question, plus grave 
encore que le premier, c’est-à-dire des conditions essentielles pour rester uni au 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, X, 14-15. 237 


CH. X, 1h. Aumep, aœyarnroi mou, oetyere “amd ts eldwAohatpelac. 15. ‘Qc 


æpovipois héyu' xpivare bpeîs 0 ont. 


Cu. x, {4. C'est pourquoi, mes très aimés, fuyez devant d’idolâtrie. 
15. Je [le] dis comme à des gens sensés : jugez vous-même ce que j'affirme. 


Christ (comme les Hébreux auraïent dû rester unis à Moïse) et par conséquent assu- 
rer son salut personnel. Cette correspondance est encore un indice de l’unité et de la 
régularité de composition de tout le morceau, contre la théorie de J. Weiss. 

Paul avait parlé de fuir l'impureté; ici, de fuir l'idolâtrie. Ce sont les deux genres 
d’excès contre lesquels il met toujours le plus instamment en garde, — et toujours au 
nom de l'union au Christ. Il va montrer que certaine façon d’user des idolothytes 
équivaut à renoncer au Christ pour le culte des idoles. 

Paul est très pénétré de ce qu’il va dire; de là vient son ton persuasif, et la pres- 
sante tendresse qui se révèle en ce terme d’äyarntot mou, « mes bien aimés », rare en 
ces épîtres. Il y avait beaucoup à faire pour convaincre certains Corinthiens, car 
c'était les obliger à renoncer à des habitudes chères, justifiées à leurs yeux par une 
juste « gnose », et par la commodité de leurs rapports de famille, de société, ou de 
profession, qui les entraînaient dans des réunions païennes. 

—— A-B. 15. Paul s'adresse à leur bon sens; il ne leur dit plus qu'ils sont des 
enfants, comme in, 4. Il accepte de les faire juges; car, une fois qu’ils auront entendu 
ses raisons, ils ne pourront les trouver mauvaises. Il n’y a point ici de sarcasme 
comme 11 Cor. xt, 19. 

= À. 16. roy deroy Üv 2küuev, odyl... ëotiv, « attraction inverse »; to rotdptov qui 
précède doit donc être aussi un accusatif. 

A. 17. Quelques mss. à la base de la Vulgate sirtine portent « unus panis eé unum 
corpus »; cette addition de la copule « et » change le sens; vide infra. — za toë £vbs 
rotnpiou est ajouté après dptov par D, E, F, G, v. lat., Ambr*, Pel, etc., qqs mss. vue, 
got. 

B. 16-17. [18-22]. Ces versets sont de la plus haute valeur doctrinale. Le raisonne- 
ment de Paul, sans être mis en forme, est cependant très clair : les fidèles qui parti- 
cipent à l’Eucharistie communient au corps et au sang du Christ; ceux qui mangent 
des idolothytes dans les repas sacrificiels entrent en communion avec les démons. 
L'un exclut l’autre. Qui veut être uni au Christ doit donc s'abstenir absolument des 
repas sacrificiels. — Ce parallélisme prouve que Paul considérait la manducation de 
l'Eucharistie comme un repas de sacrifice (voir l'Exe. xn). 

Le calice eucharistique est la communion au sang, et le pain la communion au 
Corps du Christ; « il est », cela signifie, notent Cornely et d'autres, beaucoup plus 
que : « il représente ». Il y a une figure de grammaire : [boire] le calice, [manger] le 
pain, c’est la communion au corps et au sang du Christ, qui sont présents avec ou 
sous ces éléments. 11 s'agit certainement d'autre chose que d'un rapport spirituel au 
Ghrist tel qu'il est maintenant, en son état de gloire; les mentions expresses et 
séparées du « sang » et du « corps » font penser nécessairement à la mort du 
Christ, à son sacrifice. 

Pourquoi le calice est-il nommé avant le pain ? Est-ce parce que les sacrifices païens, 
Comme dit Cornely, commençaient par la libation? Paul n'a guère dû penser à cela 
dans le présent passage. La bonne raison doit être celle de Pélage, que suit Bach- 
Mann; Paul ne parle du pain qu’en dernier licu, parce qu'il veut s'étendre davantage 
Sur le pain. Toutelois, on peut remarquer que dans Did. 1x, l'action de grâces sur le 
calice vient aussi la première. 


238 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, X, 14-22. 


16. To rorpproy rs ebhoyias à ebloyoümey, ouyt “rouvuviéa Éotiy T0 aflaroc 

où Xproroë; Tov dprov dv xhdmev, oùyt xotvwvia Toù cuparos Toù Xpuoroÿ Eotiv: 

Or “ef pros, Év odyuaæ oi mokhol Écuev® of yap TAvrES Ex voù Evès dptou 
ETÉYOUEV. 


Jusque-là les choses sont assez claires. Maïs le détail donne lieu à beaucoup de 
discussions, et il faut donc tout expliquer, mot par mot. 

« Le calice de bénédiction, que nous bénissons... ». On peut voir une expression 
juive dans « calice de bénédiction » 1212 nÿ D\> en hébreu rabbinique, NT212T ND 


en araméen; ainsi s'appelait la coupe sur laquelle on prononçait les grâces après la 
fin d'un repas, et, dans le repas pascal, c'était sans doute la « troisième » coupe 
(Str.-Bill., p. 419). Ainsi l'entendent beaucoup d'exégètes catholiques et protestants, 
Mais quelle est la signification proprement chrétienne que Paul donne aux mots rs 
edhoylas, ebkoyoëuev? Ici tout le monde n'est pas d'accord. Pour Chrysostome, la « béné- 
diction », ebloyla, signifie tous les trésors de la bienfaisance divine que cette coupe 
contient, et qu’elle communique à ceux qui la boivent; ce doit être le sens principal. 
Mais il y a peut-être connotation soit des paroles de la consécration sacramentelle, 
soit des prières de bénédiction et d'action de grâces qui accompagnaient la commu- 
nion, et dont la Didachè, 1x et x, donne des spécimens (en les appelant, non edloyet, 
mais ebgaptotetv). Le choix dépendra en partie du sens qu’on donne aux mots suivants 
à eühoyoëuev, « que nous bénissons ». Ils peuvent être purement pléonastiques, ce qui 
n'aurait rien d'insolite dans le style de Paul, et expliquer t%ç ebhoylus, la coupe deve- 
nant une « coupe de bénédiction » en vertu des paroles prononcées sur elle; alors 5 ebloy. 
pourrait désigner la formule de consécration, et telle est l'interprétation d’'Œcume- 
nius, de beaucoup de Latins et de modernes, de Cornely; on trouve ce même mot 
d'eûhoyeiv I Sam. 1x, 18, au sens de « consacrer des victimes », ebloyet tv Gustav: le plu- 
riel « nous bénissons » se justifierait, soit du fait que Paul parle au nom de tous les 
prêtres consécrateurs, soit parce que. tous les fidèles offrent le sacrifice en même 
temps que le prêtre; au temps de Justin, (« Apol. » 1, 65), c'était le xooeots en union 
avec toute l'assemblée. Mais d'autres entendent par cette « bénédiction », faite en 
‘commun, les prières liturgiques en dehors de la consécration qui entouraient l'acte 
sacramentel, comme on le voit dans la Didachè; Estius, Lap., pensent à celles qui 
précédaient la consécration, Gutjahr plutôt à celles qui suivaient, et il l'entend ainsi : 
« le calice de bénédiction » (c'est-à-dire le calice consacré qui contient la bénédiction), 
« dont nous buvons pendant que nous bénissons Dieu à son sujet ». $. Thomas pro- 
pose les deux sens : « cui benedicimus, id est, quod nos fideles exaltamus credendo et 
gratias agendo; vel quem nos sacerdotes consecramus ». Il nous paraît, à nous, difli- 
cile de décider d’une manière trop catégorique; en tout cas, la coupe n’est une coupe 
de bénédiction, et on ne l'entoure de formules de bénédiction que parce qu'elle con- 
tient la grande bénédiction du sang du Christ; par allusion au moins, la consécration 
est indiquée. 

Kotvwvla vo atuatos,.. toÿ ouiuaros. Il faut traduire très exactement le mot zoivwvia. 
Beaucoup le rendent par « participation » (Cornely, Sickenberger, al.), et cela s'ac- 
corde bien avec le dernier mot du v. 17, ueréyouey, « nous participons ». Mais tout le 
sens n’est pas rendu ainsi; Rob.-Pl, observent que xowwvia, signifie plutôt « fellow- 
ship », ([entrée] en société), ets. Chrysostome dit : où yès t@ petéyeiv pdvov.…. &AAà t@ Evoëchar 
rotväuev, Paul n'ayant pas dit peroyx (simple « participation »}), mais aoivovia, c'est-à- 
dire « communion » ou « union ». Aussi des mots comme « Gemeinschaft » (Liets- 
mann, J. Weiss, Gutjahr), ou « communion » (Rob.-Pl,, Toussaint, al.) valent-ils 
mieux que « participation » où « Anteilnahme »; au moins faudrait-il dire, avec 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, X, 16-47. 239 


16. Le calice de bénédiction que nous bénissons, n'est-il pas vrai que 
c’est la communion au sang du Christ? Le pain que nous rompons, n'est-il 
pas vrai que c’est la communion au corps du Christ? 17. Parce que le 
pain est un, nous sommes un seul corps dans notre multitude ; car nous 
participons, tous, au Pain unique. 


Lemonnyer : « une commune participation ». C’est peut-être J. Weiss qui s'explique 
le mieux sur la portée de ce terme : zotvuvix suivi de alparos, sbuatos, prend, vu 
l'élasticité du génitif grec, un sens double et même triple : il signifie « Gemein- 
schaîft », communauté, mais pas seulement une mise en rapport spirituel ou mystique 
avec une réalité au-dessus des sens; c’est une entrée en communauté avec le Christ 
(Gemeinschaft mit Jemand, cfr. 1, 9) par son corps et son sang, et aussi une entrée 
en communauté de jouissance du corps et du sang (Gemeinschaft an etwas, cfr, 
Phil, 11, 4. xotvovia toë rreéuatos, Philm. 6, rowuvia +ñs nistews, génitif après les verbes 
signifiant « acquérir » et « jouir »}; et nous devons ajouter — avec moins d’hésita- 
tion que lui, — que c'est une « communauté » constituée de même ainsi entre nous, à 
cause du v. 17, où il est dit que, par la participation au pain, nous arrivons à ne for- 
mer qu’ « un corps » (v. infra, Holsten en a tiré des conclusions exagérées). Le 
mot de « communion », passé dans l'usage chrétien, est celui qui rend le mieux toutes 
ces nuances : entrée en communauté avec le Christ, et entre nous, par la participa- 
tion commune au corps et au sang du Christ. 

[K.] roë aluatos,.…. toë suuros. Quelle est la nature de cette communion au corps et 
au sang? La distinction des deux actes entraîne bien plus que l’idée d’un simple lien 
moral avec le Christ immolé, ou surtout, comme le voudrait la théorie de G. P. Werrer, 
d'une théophanie du Christ glorieux dont les fidèles croiraïent jouir au cours d'un 
repas calqué sur ceux des Mystères. Le rapport précis et actuel au sacrifice de la 
Passion est évident, ce qui montre directement le caractère sacrificiel de la Cène 
eucharistique, et, indirectement au moins, la Présence Réelle de la victime immolée 
(Voir Exc. x1). Le sacrifice précédent est nécessairement présupposé, et toute la 
démonstration de Paul, qui va faire une comparaison avec les sacrifices païens, 
dépend de cela (voir le Concile de Trente, sess. XXII, ch. 1}. Rob.-PI, disent : « Le 
point principal est celui-ci : se partager cérémoniellement la chose sacrifiée, c'est 
participer à l'acte sacrificiel, et à tout cé qu'il implique ». Et la Présence Réelle, qui 
apparaîtra plus nettement xr, 27-30, est déjà insinuée. Voir l'oussaint, Gutjahr, Rob.- 
PI,, Lietzmann, J. Weiss, etc. Lietzmann déclare tout à fait certain et hors de doute 
(unzweifelhafte Ansicht), avec le rapprochement de I Cor. x1, 27-30 et Joan. vi, 53-56, 
que, dans cette zotvuvia, les anciens croyaient consommer dans le pain le corps du 
Christ, et dans le vin son sang. Ce n'est donc pas seulement une union morale au 
Christ glorieux, ou l'union à son corps mystique, l'Église. 

Après le calice, Paul parle du pain « que nous rompons ». Les Actes appellent 
l'Eucharistie #Adoiç äprou, et le Didachè nomme le pain consacré xAdoua. On désignait 
donc par cet acte toute la cérémonie, mais il ne faudrait pas en conclure, comme 
J. Weiss y serait porté, qu'elle ne consistait primitivement qu'en cette « fraction », 
accompagnée des paroles « Ceci est mon corps », et suivie de la manducation, sans 
rappel de La Croix. — S'il n’est point parlé de « bénédiction » du pain, c’est peut-être 
ue la chose allait de soi (Rob.-PL.), si c'est la consécration; ou bien (voir Bachmann), 
que les prières liturgiques de bénédiction avaient, surtout ou d'abord, rapport au 

calice (efr. Did. 1x). 

Le rapport du v. 17 au v. 16 est conçu de diverses manières, ct l'intelligence en 
dépend de la construction grammaticale qu'on préférera, 


240 — ÉPITRE AUX CORINTHIENS, X, 44-22, 


18. BAérere rdv “’Iopañà xatà odpua' obyl éoblovres tas Ouoias zotvwvot roÿ 
Guouaornpiou eloiy, 19. TE ob om; Ont Eldw AG BuToy ti Éomiv; À Or eldw nov Tl Ecru: 
20. “AN Ott à Ober [rx Ebvn], Daumovéors nat “ob De OSer où Oékw D bus 
xotvovods Tüv datpoviwv yiveclar. 


J. Weiss trouve que ce verset est « doublement inorganique », parce qu'il se rat- 
tache difficilement au reste et que, à côté de la mention du pain, manque celle du 
calice; alors il se tire d'affaire par un procédé qui lui est trop habituel, en proposant 
de supprimer eîç äpros, et de traduire : « parce que nous ne sommes qu'un seul corps; 
car tous nous participons à l'unique pain ». Et ce serait pour ainsi dire une paren- 
thèse. L'idée essentielle est bien ainsi sauvegardée, quoique affaiblie (v. infra); mais 
il est manifeste que la suppression est arbitraire. 

Deux traductions de 172 sont à confronter et à discuter : 

1° Beaucoup est fait de eîs &pros, Ëv c&ua, un prédicat à deux membres de oi xokol 
&ouev : « Parce que, dans notre multitude, nous sommes un seul pain, un seul corps, 
car, etc ». Cette traduction s'imposerait si l’on admettait la leçon latine, qui a dû 
être courante au Moyen Age « unus panis et unum corpus »; elle est beaucoup moïns 
indiquée avec l'asyndeton ef &otos, v oüua, et d'ailleurs assez difficile à compren- 
dre. C’est surtout l'interprétation des anciens, Chrysostome et les Grecs, l’Ambrosias- 
ter et les Latins, s. Augustin, s. Thomas, jusqu'à Cornely, Schaefer, Lietzmann 
(« denn eïn Brot, [also auch] ein Leiïb [und zwar Christi] sind wir viele »}, Loisy, Cal- 
lan, Sales, al, Saint Thomas (qui ajoute aussi « et de uno calice »), l'explique en par- 
lant d'unité double : « un seul pain », par l'union de foi, d'espérance et de charité, 
l’incorporation au Christ, pain vivant, en qui nous sommes transformés, et « un seul 
corps » par l'unité de vie et de sentiments qui découle du Christ, notre tête. Cor-- 
nely et Schaefer considèrent même (ce que les anciens ne paraissent pas avoir fait en 
général) le verset 17 comme le fondement du précédent; ce serait une démonstration 
allant de l'effet (17) à la cause (16), l'union des fidèles entre eux (17) se trouvant réa- 
lisée parce qu'ils ont communié à un seul pain qui est, d'après 16, le corps du Christ 
{Cornely}). Raisonnement que nous trouvons assez subtil et embarrassé. 

20 D'autres prennent Ov eîç pros comme une proposition elliptique : « parce qu'[il 
n'y a qu’Jun seul pain, nous sommes, quoique nombreux, un seul corps; car tous 
nous participons au Pain unique ». La proposition ôt e. «. est donc causale. Ainsi 
l'entendent Noel Alexandre, Bengel, de Wette, Maier, Godet, Meyer-Heinrici, Lemon- 
nyer, Toussaint, Bachmann, Gutjahr, Sickenberger, etc., la plupart des modernes 
(Robertson-Plummer ne décident pas). Aïnsi le v. 17 pourrait être mis, sans doute, en 
parenthèse ou entre tirets; mais il n’est pas « inorganique » pour autant; il explique 
ce qu'est cette « communion » du v. 16, l'union des fidèles entre eux opérée par 
l'union au principe unificateur, le corps du Christ; s'il n'est question que du pain, et 
non du calice, c’est que l'espèce du pain, l'aliment solide, représente mieux la force 
de concentration pour unir les fidèles en un corps compact. 

Il faut préférer cette seconde traduction à l’autre, nous n’en doutons d'aucune 
manière. On a beau objecter (Cornely) que Paul aurait dû alors écrire : &tt ets &pros 
ëoré, où même ôvt d äptos els, nous répondrons (avec Bachmann) que l'absence de la 
copule ëort ne signifie rien, pas plus que I Cor. xv, 39. s., Heb. 1x, 16 (double omis- 
sion dans la même phrase), etc.; en outre, ets äpros de 172 désignerait difficilement un 
autre objet que roÿ évos äprov de 17b (Gutjahr), qui est justement le pain eucharis- 
tique; rien que la présence de l'article (roÿ &, &.) induit à croire à cette identité par- 
faite, puisqu'il caractérise ce pain cucharistique comme un pain déterminé, dont ila 
été parlé déjà, c’est-à-dire le eËs &ptos de 172, qualifié de la même façon par ets, une 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, X, 18-20. 241 


18. Regardez l'Israël selon la chair; n'est-il pas vrai que ceux qui 
mangent les victimes sont en communion avec l'autel? 19. Qu'est-ce donc 
que j'affirme? que l'idolothyte est quelque chose? ou que l’idole est quelque 
chose? 20. [Non], mais, ce que sacrifient les gentils, que c'est à des démons 


et à ce qui n'est pas dieu qu'ils [le] sacrifient; je ne veux pas que vous 
entriez dans la communion des démons! 


ligne seulement plus haut, — D'ailleurs, dans l'autre traduction, l'absence d’une 
copule #ai entre efs &. et Evo. serait assez insolite (c'est pourquoi des Latins ont ajouté 
«et »), et, quelle que soit la beauté des interprétations de s. Augustin et de s. Thomas, 
on ne comprend guère par quelle subtilité les fidèles peuvent “devenir «un pain ». 

Ainsi l'unité du pain de l'Eucharistie est cause de l’unité des fidèles, qui y partici- 

pent. Ailleurs, cette union sera représentée comme l'effet du baptême ; mais il faut 
dire au moins que l’Eucharistie la maintient et la resserre, comme sacrement de la 
charité unitive. On peut même scruter plus profondément le texte, et dire que le prin- 
cipe, l'agent d'unification dont il s’agit ici, est identiquement le même que celui qui 
agit dans le baptême par où les croyants s'incorporent à Lui pour la première fois : 
c'est toujours le Christ. 

Qu'est-ce en effet que Le « pain unique » dont nous parle saint Paul? Nous ne pou- 
vons nous contenter des explications matérielles que donnent certains auteurs. Ainsi 
Lietzmann veut conclure, de ce verset et de Did. 1x, 4, qu'il n’y avait qu’un pain 
employé pour la cérémonie; J. Weiss croit qu’il en était ainsi, pour le symbolisme. 
La chose n’est pas impossible, nous le voulons bien, mais il n'y a là qu'une hypo- 
thèse (que n'appuient pas toutes les peintures anciennes); si l'assemblée était nom- 
breuse, comme cela arrivait certainement à Corinthe, d'après le ch. x1 (v. infra), il 
aurait fallu une miche de pain un peu gigantesque! Le commentaire de Rob.-PlI. 
s'exprime ainsi : « parce que les nombreux fragments du pain rompu sont tous un 
pain, nous, la nombreuse assemblée, sommes tous un corps », paraissant ne consi- 
dérer ainsi que l'unité de |’ « espèce sacramentelle » pain; ces auteurs préfèrent cela 
à l’idée de Did. 1x et d'Augustin (fort juste et bélle, mais qui n’est qu’une interpréta- 
tion liturgique dont rien n'indique la présence dens le texte des. Paul), qu'il s'agirait 
del’ analogie du pain composé de beaucoup de grains (l'Apôtre ne parle pas de grains) 
et qui est un quand même, avec l'Église composée de beaucoup d'individus. Mais 
cette explication est cortainement insuffisante et détournée, et « Ceci est mon corps » 
ne signifie point, comme ils le disent, à la fois « the body of Christ » et « the body of 
His church », l'unité de l'Eglise n'étant pas directement exprimée en ces paroles 
mais seulement un effet de l'unité de celui-là. Il faut donc admettre, — comme 
Cornely le définit fort bien, — que le « Pain unique » dont il s’agit 17 n'est pas 
l'élément matériel du pain à consacrer; le morceau de pain qu'on partageait n'était 
pas le même numériquement à Ephèse, à Corinthe, etc. (et il ne pouvait guère être 
._ Unique même dans une seule église, pour une communion nombreuse); cependant 
« ubique et semper numerice (nous soulignons) unus est »; cela ne se vérifie que du 
pain spirituel, le corps du Christ, le « pain du ciel » caché sous l'espèce pain; Rob.-PI, 
Corrigent eux-mêmes quelque peu (p. 214) leur opinion susmentionnée, en disant : 
(AIT have communion with the Body, but the Body (nous soulignons) is non divi- 
ded », (ce qu'ils trouvent exprimé dans le ëx avec ueréyouev, cfr, x1, 28 : ëx toù äprou 
écdtéru). 

ns cette phrase de Paul est tout à fait en faveur de la Présence réelle, déjà avant 

» 27-29, Le « pain qui est unique » et causc cfficiente de l'unité de l'église, ne peut 
tre que ce qui est sous l'apparence du pain matériel, c'est-à-dire le Pain céleste, 
ÉPITRE: AUX CORINTHIENS. 16 


242 ÉPITRE AUX CORINHIENS, X, 14-22. 


21. OÙ Süvaode morptov xuplou mivetv «xt morhpioy Darpoviwv® où dévaode *rpa- 
Tébns xuptou peréyerv at tparélns Darnoviwv. 22. "FH raparnacdper Tv xbptov; 
Wh loygupotepor abroÿ ÉcUEY); 


le corps du Christ, un numériquement, et qui agit tout entiee en chaque commu- 
niant. L | 
A. 18. rov ’Ispañh xarà odpra, cfr. Gal. vi, 16 rov ’lopañA roù Deoë, 

A. 19. Cfr. var, &. — oùy Bu au lieu de à &t D, G, m, Aug., Ambrr; à üte xt), omis 
N, À, C, Epiphane. 

A. 20. rà Eüvn, où « gentes » ajouté après Obovaiv plusieurs mss, et oulg. clem. — où 
dé peut se traduire « non à Dieu » ou « à un non-dieu »; manque Tert., Ambrr. 

A. 21. toéneka vod xuplou, cfr, Mal., 1, 7 (Lxx), Targum, Test. Jud., Pirke Aboth, etc., 
dans Str.-Bill, = « autel », 

À. 22. Il n’y a aucune raison, à notre avis, de faire, comme plusieurs le veulent, de 
rapatnkoëuev un subjonctif à forme indicative, comme Gal. 1v, 17, [tva] Enhkodte (pour -re), 
Radermacher, 67. — Cfr, Deutér., xxxut, 21. 

B. 18-22. Sans indiquer grammaticalement, par des particules, le rapport d'une 
phrase à l'autre, Paul, qui a montré dans l’union au Christ l'effet de l'Eucharistie, 
passe aux actions cultuelles des Juifs et des païens qu'il y compare et oppose. Or, ce 
sont les repas sacrés qui suivaient régulièrement les sacrifices. Voilà bien la preuve 
que l'Eucharistie aussi est présentée comme en étant un. On ne peut combiner la 
fréquentation des banquets religieux païens avec la réception du corps et du sang du 
Christ, car ce serait associer les démons au Dieu jaloux. 

Telle est la première réponse pratique concernant l’usage des idolothytes : on ne 
peut jamais aller en consommer dans un banquet sacrificiel (malgré la pratique 
abusive de quelques laxistes, à laquelle vin, 10 faisait allusion). La mention de la 
« coupe des démons » et de la « table des démons » au v. 21 montre en effet qu'il 
s'agit de tout un repas, infacté de paganisme dans tous ses détails ; l'usage acciden- 
tiel d’idolothytes en d'autres repas, au milieu d’autres aliments, n’est pas encore 
discuté, et ne le sera que dans la péricope 23-suivants. 

La transition se fait par le rappel des cérémonies israélites (18), — de l' « Israël 
selon la chair », dit Paul, montrant par là que ses lecteurs connaissent un autre 
Israël, l’ « Israël de Dieu », le peuple racheté dont il parlera Gal. vi, 16; il dira Rom. 
iX, 6 : « Tous ceux qui descendent d'Israël ne sont pas Israël. » Il faut remarquer ces 
correspondances de doctrine et de terminologie entre les épîtres composées dans la 
même période. Donc, l'exemple d'Israël, des idées reçues en Israël — et qui étaient 
les mêmes, en cette matière, chez les Gentils, — enseigne que manger des victimes 
sacrifiées sur l'autel, c'est « communier à l'autel ». De même en est-il chez les chré- 
tiens, qui communient au Christ sacrifié (sur leur autel, car ils en ont un aussi, voir 
au v. 21); et de même, enseigneront les versets suivants, en est-il chez les païens, 
qui par leurs sacrifices, entrent en communauté avec des êtres d'une tout autre 
nature. 

On peut s'étonner de l'expression xowwvot 105 Guataotnpiou, « de l'autel », car il n'a 
pas été expressément question d’ « autel » jusqu'ici, et le parallélisme d'idées avec le 
v. 20 (zoivewvobs tv atuoviwv, « des démons ») entraînerait plutôt une expression telle 
que « communient à Dieu, à Yahweh ». Chrysostome croit que Paul l’a choisie avec 
intention, parce que les Juifs, depuis le changement intervenu dans l’économie divine, 
ne communiaient pas vraiment à Diou par leurs sacrifices, mais à un autel qui avait 
perdu son rapport avec Dieu; ils ne sont plus que les « témoins » d'un droit ancien et 
périmé, de ce qui avait été une réalité autrefois. Ainsi Gutjakr, Il n'est pas impos- 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, X, 21-22. 243 


21. Vous ne pouvez boire le calice du Seigneur et le calice des démons: 
vous ne pouvez participer à la table du Seigneur et à la table des démons. 
22. Ou bien voulons-nous provoquer la jalousie du Seigneur? est-ce que 
nous sommes plus forts que Lui? 


sible que Paul aït eu cette restriction dans l'esprit, car déjà il pensait aux idoles dont 
il va parler, et, pour sa comparaison avec les chrétiens, il englobe dans la même 
considération Juifs. et idolâtres; mais on peut admettre, avec Lietzmann et d’autres, 
que la formule « communier à l'autel », pour dire au Dieu à qui était consacré l'autel, 
était déjà usuelle dans le judaïsme hellénistique; Philon, « De special. legibus », 

1, 221, dit que Dieu déclare les convives des repas sacrificiels « participants de l'au- 
{el » : H0tVEVÈ anépnve toù Bwuoÿ xat Oorpérelov (voir v. 21) Td cuprécuov Tv thy Ouolay Exrre- 
hobvtwy, 

Au verset suivant, 19, Paul pose brusquement des questions concernant l’idolâtrie. 
Il n'a pas senti le hesoin de montrer l’analogie des pratiques. païennes avec les pra- 
tiques juives; c’est que la chose allait de soi pour ses lecteurs, et qu'il pensait déjà 
aux sacrifices païens quand il parlait des sacrifices juifs. Mais cette vivacité, ces 
ellipses dans l'argumentation, ces sautes apparentes de pensée, s’accorderajent bien 
mal avec les balancements et les redondances du « style oral » sémitique que d’au- 
euns veulent lui prêter. — Il semble donc craindre un malentendu chez ses lecteurs : 
crojraient- -ils qu'il accorde une réalité aux idoles auxquelles les païens sacrifient 
coïnme à Yahweh sacrifient les Juifs? Non certes, l’ idolothyte n'est rien — c’est-à-dire 
rien de plus que toute autre viande, rien de plus sacré ou de plus pollué — parce 
que l'idole elle-même n'est rien. Il affirme encore très fortement ce qu'il a déclaré 
(au ch. vi, v. 4, cfr. v. 7, v. ad loc.) sur l’inanité des faux dieux; il n’y a donc aucun 
changement d'opinion là-dessus en toute cette section, ni aucune contradiction 
comme nous allons le voir, dans les préceptes et les conseils de l'Apôtre; et Joh. Weiss 
est mal venu à assigner ce passage- -ci à une lettre plus ancienne que le chapitre vin. 

Les idolothytes ne sont rien, ces viandes n'ont pris aucun caractère intrinsèque 
mystérieux et dangereux du fait de leur offrande aux dieux; autrement l’Apôtre 
ne pourrait jamais en autoriser l'usage, comme il va le faire pourtant plus bas, aux 
versets 25-27 (ou bien il faudrait croire, avec Weiss, que ce passage appartenait à 
une autre lettre, thèse insoutenable). Comment donc se fait-il que, aux versets 20-21, 
Paul interdise sévèrement d'en user? C'est que, dans certaines circonstances don- 
nées, quand leur manducation fait partie d'une cérémonie idolätrique, elles mettent 
en rapport ceux qui les mangent avec les démons, non du fait d'aucun changement 
qu'elles auraïent subi en elles-mêmes, maïs à cause du sens que les Gentils donnent 
alors à l'acte d'en manger. 

C'est ainsi qu'il faut comprendre qu'elles sont sacrifiées aux démons, et mettent en 
rapport avec eux, — ce qui est évidemment incompatible avec l'union au Christ. Le 
parallélisme antithétique avec l’Eucharistie n'est pas complet; car, si les espèces 
pain et vin de la Cène recouvrent bien le corps et le sang du Christ, on n’a pas le 
droit d'affirmer que Paul considère les idolothytes comme incorporant quelque chose 
de substance démoniaque; autrement, je le répète, il ne permettrait jamais de 
manger pareille infection. Mais le repas où on les mange fait partie de la liturgie du 
Sacrifice, et le sacrifice païen a détourné un honneur dû à Dieu seul vers quelqu'un 
ou quelque chose qui n'est pas Dieu (où 0e peut se traduire : « non à Dieu », ou « non 
à un dieu », ou, d'après Deut. xxxu, 21 : aÿtol rapelfhwody pe nm" où Ge, « à ce qui n’est 
pas Dieu. »). 


L'Apôtre a dit : « ils sacrifient aux démons », avant de dire « à un non-dicu », 


244 ÉPITRE AUX GORINTHIENS, x, 14-22. 


Croit-il donc à présent que les dieux païens sont des êtres réels, inférieurs à Dieu 
et mauvais? Cette opinion, si difficile à concilier avec l'ensemble du contexte, lui 
est prêtée par bien des auteurs, Estius, Rob.-Pl., J. Weiss, Lietzmann, etc., et il est 
de fait qu’elle s’accorderait avec Ps. xev (xevi), 5 (« Omnes dii gentium daemonia »), 
et qu’elle est exprimée maintes fois chez Les Israélites et les chrétiens, Deut.; Ps. 
Hénoch, Jubilés, Mischna Aboda Sara, etc., les Pères (on peut voir une foule de 
textes chez Lietzmann, par exemple). Ce fut aussi une théorie des platoniciens d’après 
le Christ, des hermétistes, et surtout de l'école néoplatonicienne, que les démons 
s’appropriaient les sacrifices sanglants; on cite fréquemment les textes de Porphyre 
disant qu’ils les ont eux-mêmes institués en se faisant passer pour dieux (« De Abs- 
tinentia », nu, 40, 42) ou qu'ils s’insinuent avec la chair des victimes dans notre corps 
parce qu ls jouissent du sang et des impuretés (cité par Eusèbe, « Praepar. evang », 
1v, 23); quelques-uns même ont voulu éclairer par cette idée superstitieuse (qui n’est 
pas du tout celle d'un changement de la victime en la substance des démons), ou par 
la problématique « omophagie » des Orphiques ou des thiases de Bacchus (où il 
serait malaisé de démontrer que les initiés, à cette époque, croyaient s’incorporer la 
substance même du dieu) l’origine de la foi dans la Présence réelle eucharistique. Si 
l'analogie était véritable, il en résulterait au moins (J. Weiss) que le Christ était cru 
présent dans les aliments de la Cène comme les démons auraient été censés loger dans 
les idolothytes. Maïs, encore une fois, Paul n'a pu croire à cette « démonification » 
des viandes, puisqu'il les permet en certaines circonstances, et déclare si nettement 
qu'elles n’ont rien de spécial. % 

Que veut-il dire, en fin de compte? Si l'on pèse bien et si l'on rapproche toutes:ses 

assertions, on ne peut donner que l'interprétation que voici, et qui est celle de Cor- 
nely, Sickenberger, Gutjahr et des catholiques en général : 
Les démons ne sont pas identiques aux faux dieux — qui ne sont rien, v. 20, cfr. 
vin, & — ni les idoles ne sont de mauvais esprits; maïs une réalité funeste se tient 
moralement derrière les idoles, ce:sont les démons, ennemis de Dieu, les puissances 
du mal qui ont fait tomber les hommes dans les cultes idolâtriques, adressés à des 
êtres fictifs, à des astres, des hommes, des animaux, etc., à tout ce qui n’est pas Dieu, 
avec l'accompagnement de toutes les hontes et cruautés du paganisme. Ainsi, en 
sacrifiant aux idoles, on sacrifie indirectement aux inspirateurs de la fausse religion, 
on entre moralement en rapport, en communion avec eux. 

Cette explication suffit à justifier l'expression : « communier aux démons » et 
« table des démons ». Cette dernière est d'autant mieux intelligible que les païens, 
par exemple dans le culte de Sarapis, si répandu alors, parlaient couramment du 
« banquet du dieu 5» (Pap. d'Oxyr. 1, 110; ar, 528; xiv, 4755, etc. du n° et ire s. 
ap. J.-C.) où le dieu était censé présider et prendre place parmi les convives (xpototé- 
gevor dartupdva aûrov ai écriatopa, Æl. Aristide, Or. 8 Dind. p. 93-s.); qu'on pense aussi 
aux « epulae Jovis » du Capitole, et à bien d’autres cérémonies du même genre. 

Les Corinthiens à qui écrivait Paul comprenaïent donc sans peine ce que voulait 
dire cette « entrée en communauté » avec les démons. Boire à la coupe dont on a fait 
les libations, manger des victimes qu'on vient d'immoler et dont une partie a été 
brûlée sur l'autel pour le dieu, (le rapprochement de ror#piov das, et tpénete, montre 
qu'il s'agit bien du repas dans le temple, ou d’un repas à caractère religieux), c’est 
devenir commensal du dieu, faire le geste de l'honorer comme un protecteur et un 
ami, et par conséquent entrer en communauté spirituelle avec les anges réprouvés 
qui ‘détournent l'humanité de Dieu, et l'ont remplacé par des créatures, ou leurs 
monstres et leurs chimères. 

L'expression tpéreta, dans l'A. T., équivaut plusieurs fois à « autel », Ovoracripuov, 
parce que c'est de l'autel que les viandes étaient apportées aux convives; et, chez 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, X, 44-22 245 


les païens, la part du dieu, le principal convive, lui était offerte sur l'autel. Dans 
une inscription de Cos, relative à un rituel d'Héraklès, il est parlé en propres termes 
de la « table du dieu », tedxeta voë 0eoù (Dittenberger, Syll. m1, 734; Lietzm. p. 50 s.); 
cfr. éuotpéxetov de Philon, supra. L'usage profane, biblique, patristique, associe donc, 
identifie parfois, la « table » à l'autel. 

Le Concile de Trente (sess. 22, De sacrif. missae) déclare que Paul, par « table du 
Seigneur » et « table des démons », entend les autels respectifs. Cajetan utilisait à 
bon droit ce passage contre les protestants qui niaient que le sacrement du corps et 
du sang soit un sacrifice. Toute Jargumentation de Paul réfute cette hérésie 
(v. Exc. xtt). 

L'’Apôtre conclut donc, en se servant de termes du Deutéronome, que de prendre 
part aux repas des sacrifices païens, c'est commettre un acte d'idolätrie, toujours 
défendu, et braver insolemment le Dieu jaloux et tout-puissant, quin ‘admet point de 
partage avec des démons, des créatures ou des fantômes de l'imagination. 


9 _ . 
b) Manière de se comporter dans les repas ordinaires. Conclusion (x, 23-x1, 1). 


Inrropucrion. — Cette sévérité ne s'étend point aux repas privés; là les chrétiens, 
soit à leur propre table, soit à celle de païens qui les inviteraient, peuvent user d'ido- 
lothythes, à moins qu'ils ne scandalisent quelqu'un et ne fassent mal juger de la 
liberté chrétienne. Car en tous leurs actes ils doivent honorer Dieu et tenir compte du 
bien spirituel des autres. Cette péricope est bien à sa place, malgré J. Weïss; elle” 
fait la contre-partie de la précédente, et n'est nullement inspirée d'un autre esprit, 
car le cas envisagé est tout différent, et n'entraine plus, de soi, aucun danger de 
« communicatio in sacrts » avec les infidèles. Mais l'interprétation de certains versets 
est difficile. 


LA 


Cu. x, 23. [lévra ÉÉeorv, SNA où mévra cuppéper” mévra ÉÉeoriv, SAN où révra 
cixodouet. 2h. Mudsis vd Eauroë Cnreirw, GAA& To vob érépou. 

25. Ilüv rd ëv “paxéA AO rwkobpevoy Écôtete pndÈv évaxplvoytes dix Thv ouve now. 
26. To xupiou Vap h YA at Td TApuua adths. 


À. 28-24. névra Ët. nr. cf. vi, 12. — Mudetc xtà, cfr. infra, v. 33, et, pour le sens, 
Rom. xv, 2, Phil, 15,4, al. 

B. 28- 24. Ces considérations nouvelles se rejoignent bien à la pensée précédente. 
Ceux qui sont exposés à se moquer de Dieu, à croire qu'ils ont tout pouvoir (ëfovoia) 
sur leurs propres actes, sont ces laxistes qui, déjà à propos de la vie sexuelle, 
allaient répétant « tout m'est permis ». Comme au chapitre vi, Paul remet Les choses 
au point en deux propositions; « tout est permis », passe... en un sens; mais « tout 
n'est pas avantageux »; « tout est permis », mais tout n'édifie pas le prochain. C'est 
cette seconde restriction qui va fournir matière aux prescriptions suivantes. La 
liberté chrétienne est posée en principe, et l’Apôtre va en montrer l'application aux 
versets 25 et 27; mais l'usage de cette liberté est toujours conditionné par la 
charité, qui, nous unissant au Christ, nous impose la sollicitude du bien des autres 
(vv. 28, 292, 32 s.), et cela importe à la gloire de Dieu (v. 31), qu’il faut chercher en 
tout et avant tout, à l'exemple du Christ, rendu sensible par celui du grand instruc- 
teur qu'est son apôtre (x1, 4). Du reste, cette réserve et cette charité ne sont pas 
sans intéresser le bien personnel et la réputation, comme le devoir fraternel, de 
chacun de ceux qui ont à résoudre le présent cas de conscience (v. 29 b c). 

A. 25. péxekkov, hap. leg., n'est que la transcription hellénistique du latin 
macellum (ou macellus) qui signifiait d'abord « marché à la viande », puis « marché » 
en général, sens qu'on trouve aussi chez Dion Cassius, entre autres, et dans les 

papyrus. Le mot serait sémitique d'origine (792 « enclos », en hébreu) et apparaît 


en ionien et en laconien (Moult.-Mill.); mais c'est par l'intermédiaire du latin qu'il 
s’est le plus répandu. 

À. 26. Citation du Ps. xxir (xxiv), 1 

B. 26-26. Voici d'abord pour la liberté. Aucune question de conscience à propos 
de ce qui se vend au marché. Souvent pourtant les viandes de boucherie provenaient 
des sacrifices. Un « macellum » pouvait même parfois être établi iau voisinage des 
temples, comme celui de Pompéi (dont Liet:zmann donne ici le plan) près d'une 
chapelle du culte impérial où les offrandes abondaïent. La chose ne signifie rien 


aux yeux de Paul; elle ne peut causer aucune perplexité (G1à rnv ouvetd, doit se 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, X, 28-26. 247 


joindre à pndèv avæxp.), parce que, une fois sorties du temple et de l'usage sacré, des : 
chairs immolées n'ont rien qui les distingue des autres. Elles sbnt l’œuvre de Dieu, 

qui n’a rien créé de mauvais en soi (cfr. Rom. x1v, 14, 20), et on peut les consommer 

comme le reste en prononçant pieusement les paroles du Psaume, qui, dit Ziets- 

mann, servait aux Juifs de « benedicité » (Talm. bab. Schabbath f. 119 c, Bera- 

khoth, Î. 85c), et peut-être était d'usage aussi à Corinthe (voir v. 30). 

Cette largeur de l’Apôtre, très différente des prescriptions juives (Str.-Büll., 
p. 420 s.), confirme bien ce que nous avons dit : la communication établie par le 
sacrifice avec les démons était d'ordre purement éthique, sans quoi Paul aurait pu 
ou dû considérer les idolothytes comme gardant quelque souillure, quelque infection 
préternaturelle. — Mais comment concilier la présente autorisation avec le décret 
du concile de Jérusalem? Ou bien il ne concernait pas sur ce point les églises 


Ch. x, 23. Tout est permis, mais tout n’est pas profitable; tout est permis, 
mais tout n'est pas édifiant. 24. Que nul ne cherche son propre avantage, 
mais celui d'autrui. 

25. Tout ce qui se vend au marché mangez-[en] sans vous poser aucune 
question pour la conscience. 26. Car : « Au Seigneur est la terre et tout 
ce qui l’emplit. » 


fondées loin de la Palestine et de la Syrie, comme Corinthe, ou bien il était tombé 
en désuétude, ou bien on lui fait dire plus qu’il ne disait en réalité en fait d'interdic- 
tions alimentaires — ce que nous croyons pour notre part. 

——— À, 27. pnûèv avaxp. à rt. o., comme 25; Paul aime ces répétitions et ces 
refrains, pour inculquer sa pensée; procédé qui n'a rien de caractéristique du 
« style oral » spécifique, ni d'un genre littéraire déterminé, 

À. 28. On lit iepé@urov ici au lieu de eiôwA60urov, qui n'a été conservé (à tort, et pour 
l’homogénéité de la langue) que C,D,E,F,G,K,L,P, al. min, pl, syr. copt., 
vule., et Cornely à peu près seul des critiques. — A la fin, K, L, et le Text. rec. 
ajoutent le même verset du psaume que 26. 

B. 27-28. L'Apôtre passe à un cas particulier, celui où le chrétien mangerait non 
plus à la maison, ou chez des frères dans la foi, mais chez un païen qui l'aurait 
invité. Il lui était donc permis d'accepter de pareilles invitations, et les païens 
n'étaient pas traités si rigoureusement que les chrétiens pécheurs publics (Cor- 
nely, voir v, 11); c'était à Dieu de les juger (ibid. 12-13), et Paul voulait éviter, 
autant que possible, de troubler les relations de société et d'amitié de ses néophytes, 
qui pouvaient d’ailleurs servir à la diffusion de l'Évangile. C'était là, dit J, Weiss, 
un libéralisme extraordinaire pour un Israëlite et un ancien. Le « omnia mihi licent » 
n'était pas un vain mot, pourvu qu'on le comprit en honnête homme. 

Les papyrus nous offrent cependant des exemples d’invitations privées telles qu'un 
chrétien aurait dû certainement les décliner, d'après les principes qui précèdent; 
c'est lorsque le repas était expressément offert dans quelque annexe d'un temple, ou 
en l'honneur d'un dieu (ainsi Sarapis, Pap. Oxyr. 1, 110, al.). Le cas n’est pas envi- 
sagé dans l'épitre, où Paul ne parle que de repas ordinaires, à une table amie. Là, 
en règle, il n’y a pas à s'inquiéter, plus qu'au marché, de la provenance des viandes, 
idolothytes ou non; et il ne faut pas s'y comporter en invité gênant, qui ferait 
murmurer contre l' étroitesse puritaine de sa religion. 

Mais, d'autre part, l'invité chrétien ne doit pas avoir de ces condescendances qui 
Pourraient tromper les autres sur ses vrais sentiments religicux. Si done son atten- 


248 ÉPITRÉ AUX -CORINTHIENS, X, 23-XI, À. 


27. EX mic rahet buas Tüv Gmiorwv nat 0EAete mopebechor, rav Td maparubépevor 
duty Écbiere undèv &vaxpivovres Ga Tv ouveldnorv. 28. ’Eav Dé mic buiv etmr' Toûre 
* “ \ . ‘ 

tepoBurôv éotiv, uh écblere du Eneïvoy Tov pnvÜoavra nat Tv ouvelônoiv" 29. Juve. 
OS 3 A Al e . LE 4 Ü = 1 2 LA VA 4 3 , 
Onorv DE Adyw oÙyt Tv Éautoÿ GA Thv Toù érépou. “‘Îva té Vap À ÉAeudepia ou 
rplverau drd &Ans cuvadfoewc; 30. Et ëjo “your peréyu, vi Bhacpapoëpmar 
e CA 6 
ÜTÈp où ÉyU edyaptotd ; 


tion est plus ou moins publiquement attirée sur le caractère « sacré » de tel ou tel 
aliment — soit pour le lui recommander, soït pour le détourner d’en prendre, — il 
fera bien, il sera même obligé suivant les circonstances, de s’en abstenir, par 
crainte de causer du scandale. 

Qui est-ce qui est supposé donner l'avertissement (rdv unvéaavre)? De qui la cons- 
cience pourrait-elle être choquée? Et pour quelle lraison? Tous n'ont pas répondu à 
ces questions de la même manière. 

Nous pouvons au moins affirmer en toute certitude (d’après le v. 29, v. infra), que 
la conscience en cause, puisqu'elle n’est pas celle de l'invité chrétien, est celle de 
l’avertisseur lui-même; car il n'est question que du chrétien et de lui (ro étépou, 
v. 29). Mais qui est ce donneur d'indications sur l’origine des plats? Dans les paroles 
qui lui sont mises en bouche, le changement de l'expression méprisante « idolo- 
thyte » en « hiérothyte », terme plutôt révérencieux, a fait supposer à quelques-uns 
(Bachmann, Gutjahr) que c'est un adorateur dés idoles, sans doute le maître de 
‘maison en personne; il avertirait courtoisement son hôte chrétien, qu'il connaît bien 
comme tel, de la provenance de ce plat particulier, parce qu'il croit qu'un tel 
aliment lui est interdit par sa religion; ou bien, pourrions-nous ajouter, pour le 
taquiner et le mettre malicieusement à l'épreuve. L'idée est ingénieuse; maïs elle ne 
s'impose pas, car la politesse seule pouvait faire choisir à n'importe qui ce mot 
tepéGurov plutôt que « idolothyte », de son assez blessant à cette table païenne. . 

Ce ne pouvait d'autre part être un Juif, qui n’eût pas accepté l'invitation (ZLemon- 
nyer) à moins d'être très émancipé, et qui eût peut-être voulu alors se moquer du 
chrétien. Aussi la plupart disent que c’est un « chrétien faible », scrupuleux à 
l'excès et probablement d'origine païenne (voir vin, 7). Ainsi, avec plus ou moins de 
décision, opinent Rob.-Pl., J. Weiss, Toussaint, Lemonnyer, Sales, Callan, Sicker- 
berger, al. C'est encore assez plausible, Mais peut-être vaudrait-il mieux laisser la 
question dans le vague, comme s. Thomas, Cornely et d’autres. L'avertisseur peut 
être n'importe qui, et avertir pour n'importe quelle raison. Admettons que ce soit 
«un chrétien faible », pour nous conformer à la majorité des suffrages, et parce que 
le scandale sera le plus facile à expliquer chez un tel homme. 

Enfin, quel qu'il soit, il faut bien prendre garde à respecter sa conscience. Abs- 
tenez-vous, dit Paul, à cause de lui (qui pourrait croire que vous mangez l'idolo- 
thyte « comme idolothyte », voir var, 7, et commettez ainsi un acte de paganisme, 
ou d’indifférentisme ou du moins une grave imprudence). Le chrétien, objectera-t-on, 
pouvait toujours bien expliquer ses principes de « liberté », d'après sa « gnose ». 
Paul n'y pense pas, car, pratiquement, dans les cas les plus fréquents au moins, il 
n'eût pas été compris, et aurait pu s'embarrasser dans des discussions scabreuses 
et inopportunes, auxquelles les convives ni lui n'étaient préparés; et des païens 
même auraient pu croire qu'il faisait comme eux par respect humain, ou parce qu'il 
ne voyait pas grand mal dans le culte des idoles ; leur « conscience » n'aurait point 
éprouvé de trouble pour si peu, mais elle n'eût pas été édifiée sur les chrétiens et le 
christianisme. 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, X, 27-30. ‘249 


27. Si quelqu'un vous invite des incroyants, et que vous vouliez [y] 
aller, tout ce qu’on vous sert mangez-[le], sans vous poser aucune question 
pour la conscience. 28. Mais, à supposer qu'on vous dise : « Ceci est une 
victime sacrée », ne mangez pas, à cause de celui-là qui vous l’a indiqué, et 
de la conscience, 29. La conscience, dis-je, non certes la vôtre propre, 
mais celle de l’autre. À quoi bon, en effet, faire juger ma liberté par 
une autre conscience? 30. Si moi je prends part [à la nourriture] avec des 
grâces [rendues à Dieu], pourquoi provoqué-je de mauvais propos au a sujet 
d'une chose dont moi je rends grâce? 


—— À 29. seavtoë pour éautoë, D*, latt. — tva vi, elliptique pour {va ti [yévnra] 
cfr. Mat. 1x, 4, Luc xnr, 7, Act, 1v, 25, etc., marquant une interrogation sur le but. 

A. 30. yépire peréyw; quelques exégètes et traducteurs comprennent « je participe 
à la grâce » (de la liberté chrétienne, Chrys. et d'autres Grecs, Calvin, etc.) mais la 
plupart, et à bon droit selon nous, s'expliquent yéprr par le mot proche ebyaptorév; 
alors yépere est un « datif de manière » (Abel, p. 200), et peréyw signifie « je prends 
part » (au repas), quoique la locution soit ainsi un peu écourtée (Cornely, 
J. Weiss, etc.; oulg, : « cum gratia participo »). Le tout signifie : « Si je mange en 
rendant grâces à Dieu » (peut-être avec la formule biblique du v. 26, prononcée au 
moins in petto). — fPhaspnuoëpa est passif, et non moyen à sens réfléchi (contre 
Cornely, infra). — ebyaptoreiv, qui signifiait primitivement « rendre service à qqn », 
avait pris depuis Polybe, et fréquemment dans les papyrus, le sens de « rendre 
grâces », spécialement aux dieux, au lieu de yxdpiv eidéver « savoir gré », que 
Phrynichos dit être de meilleure langue (Abel, p. 194). Cfr. Luc xvn, 16, Rom. xiv, 
6, etc. Ici, bien entendu, il n'y a aucune allusion au sacrement, que ce mot en est 
venu à désigner assez tôt, dès le temps de la Didachè, à cause de l’action de grâces 
qui accompagnait la communion (Did. 1x, 5 : unôeis Oè payére pndè nuéro ar Ts Edyapta- 
Tlas buéiy, &AX où Bantialévres). 

B 29-80. Paul explique bien, 292, qu'il n’enlève rien au principe de Hberté énoncé 
dabord, parce qu'il s’agit non directement de la conscience du chrétien, mais de 
celle de « l'autre », de l’avertisseur, et, si l’on veut avec Cornely, du reste des 
convives, qui verraient d’une façon ou de l'autre, dans sa condescendance, un com- 
promis avec l'idolâtrie. Cela est bien clair; maïs, ce qui l’est moins, c'est le sens et 
la portée des deux phrases interrogatives qui suivent, {va +l yép th, et ei Eyes xx. 
Il y a quelque peine et à en bien fixer le sens, et à les faire rentrer dans le contexte. 

Gependant il n’est pas permis de les regarder, avec Hüzsig, comme une glose 
marginale. Nulle part elles ne manquent, et J. Weiss, que sa tendance porterait à se 
contenter de cette solution trop simple, reconnait qu'on ne saurait trouver de 
raisons linguistiques à l'appui, 

Qui.est-ce d'abord qui parle? Est-ce Paul en son propre nom, ou bien un person- 
nage qu'il introduit, suivant l'habitude de la « diatribè » qui aime les dialogues 
fictifs ? 

L'opinion de Lietzmann est, à première vue, très séduisante. Ces questions seraient 
une protestation du « fort», dont Paul a voulu restreindre la liberté en faveur du 
Scrupuleux ou de l'ignorant : « Quoi? » dirait-il, « Alors ma liberté sera soumise au 
jugement d'une autre conscience ? Si je mange en rendant grâces à Dieu, faut-il qu'on 
me fasse des reproches pour ce dont je remercie Dieu », et dont je jouis, par consé- 
Quent, dans un esprit parfaitement ehrétien ? Mais Paul lui répondrait simplement : 
“Qu'importe ? faites tout pour la gloire de Dieu, et ne scandalisez personne » (y. 31- 


250 ' ÉPITRE AUX CORINTHIENS, X, 23-XI, 1. 


31. Eire oûv éoûlere etre mlvere etre ve moucire, mévra elc GbEay Oeoû moueïre. 

Û * ‘ a ee 
32. ’Ampécromot nat ‘Loudaiors “yiveobe ai "HXAAnouw nai tn ExxAnola Toù Oeoù, 
« A 3 Al f LI L A y ” NN , a 4 k \ « 
33. Koalwç xayo mévra maüaotv Gpéorw, pi Entov Tù Ébauroÿ oûppopoy GXÂX Td 
roy roAAGV, tva cwbüov. Ca. xt, L. Mipmrai pou yiveode, ras rèya Xotoroÿ. 


32). La réponse toutefois, convenons-en, ne serait pas directe, ni même très appro- 
priée. C'est ce que Jean Weiss oppose justement à Lietzmann; et il faut bien 
observer que le « donc » du v. 31, qui serait censé la riposte de Paul, convient à une 
conclusion plutôt qu'à une réfutation. /. Weiss donne une autre raison : dans la 
question dü « fort », il faudrait un dé (fve tt dé...) plutôt qu'un yép, « mais pourquoi. » 
plutôt que « pourquoi en effet... ». Cela peut être mis aussi en ligne de compte, 
mais n’est pas si démonstratif; car on connaît l’idiotisme grec de la particule yép en 
tête d’une interrogation, où elle peut souvent se rapporter à une phrase qui est dans 
l'esprit de l’interrogateur, mais sans être exprimée; l'objectant dirait : « [ Je pro- 
teste]; car pourquoi ma liberté, etc? » Maïs il reste toujours que le v. 30 doit être 
mis dans la même bouche que 292 (pou ëyé..….) et que par conséquent la réponse de 
Paul ne commencerait qu'au v. 31; or, la forme conclusive de ce verset (où) s'op- 
pose à ce qu'on le considère comme une contradiction dans un dialogue. 

Aussi nous tenons pour certain, avec presque tous, qu’il n’y a pas dialogue, que 
c'est Paul qui parle tout du long en son propre nom, en disant « moi » au lieu de 
« toi », comme il le fait souvent dans son style si vivant, lorsqu'il énonce des pro- 
positions qui peuvent convenir à tout le monde. 

Mais alors que veut-il dire? Deux séries d'opinions. 

Les uns rattachent la double question, non pas à un ësûlete, l'ordre de ne pas 
manger, mais à l'affirmation qu'il s’agit non de la conscience du chrétien auquel il 
s'adresse, mais de celle de l’autre, de l’avertisseur (Cornely, Bachmann, Gutjabr, al.) 
Paul défendrait en principe la liberté de conscience et d'action du chrétien éclairé : 
« Note bien que si je parle ainsi, ce n’est pas que je t'impute directement un péché 
si tu manges, mais tu pourrais induire l’autre en péché », en péché de jugement 
téméraire, précise Gutjahr; « aussi abstiens-toi, à cause de lui ». Cornely voudrait 
même entendre fhaspnuoÿuat au sens réfléchi : « me vitupero,», perspective qui serait 
écartée, comme s'il était dit : « Je ne peux me blâmer de manger de tout, puisque je 
le fais en rendant grâces au Seigneur. » 

C'est assez subtil, maïs insuffisant; car il faut bien reconnaître que, s'il y à 
danger de scandale, la conscience de celui qui y expose les autres y est bien aussi 
un peä intéressée. Aussi croyons-nous devoir préférer l'opinion plus commune, qui 
regarde les deux questions comme donnant la raison, non point des mots « Je ne 
parle pas de ta propre conscience » mais de l'interdiction de 28 : ph éoûiere. Ainsi 
Chrys., Thom., Ambr', Estius, Lap., Bengel, Rückert, Maier, Bisping, Schaefer, 
Rob.-Pl., Sickenberger, etc. La difficuté nous paraît tranchée par la comparaison 
avec Rom. xiv, où il s’agit d’un cas de conscience assez analogue, le différend entre 
« forts » et « faibles » sur la question de savoir si l'on peut ou non manger de la 
viande (passage dont nous avons déjà montré la marche parallèle avec d’autres 
arguments de Paul dans cette affaire des idolothytes). Là, le v. xi1v, 16 surtout est 
éclairant, parce que le même verbe fBlasgqueiolar y apparaît, et dans un sens évi- 
demment passif (contre Cornely) : ph Phacpnueiolu Guüv rd àyadv, « que votre bien 
(c'est-à-dire la liberté chrétienne que vous avez notamment en matière d'alimenta- 
tion) ne devienne pas un sujet de blâäme; 17, car le règne de Dieu ne consiste pas 
en questions de nourriture et de breuvage, muis en justice, en paix et en joie dans 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, X, 31-33, xr, 1, 251 


31. Soit donc que vous mangiez, soit que vous buviez, soit que vous 
fassiez n'importe quoi, faites tout à la gloire de Dieu. 32. Devenez ceux 
qui ne causent de scandale ni aux Juifs ni aux Hellènes ni à l’Église de Dieu, 
33. à la manière dont moi-même je vise en toutes choses à complaire à 
tous, ne recherchant pas mon profit à moi, mais celui du grand nombre, 
afin qu ils soient sauvés. Cx. x1, 1. Devenez mes imitateurs, à la façon 
dont je le suis moi-même du Christ. 


l'Esprit saint »; aussi ne méprisez pas les faibles, les scrupuleux, faites-leur même 
au besoïn quelques concessions. 

Il en va certainement de même ici. Il ne faut laisser croire à personne qu'on 
mange de l'idolothyte par dévotion à l'idole (Bhaspnuoduæ, Ambrr'); ou, comme dit 
Estius : « Committere non debeo ut alius mihi maledicat aut male de me loquatur prop- 
ter id pro quo Deo gratias ago ». Robertson-Plummer : « À quoi bon, en usant de ma 
liberté, me mettre dans une fausse position, et me faire juger par la conscience 
d'autrui », jugenrent qui serait une condamnation pour un acte bon en soi? Schaefer : 
le fort se mettrait en contradiction avec lui-même, il ferait ce qui est permis et péche- 
rait, voudrait honorer Dieu et provoquerait une offense à Dieu; Sickenberger : il ne 
doit pas compromettre sa réputation, et faire mal juger de la liberté chrétienne. 
Tout cela est très juste; cet étalage de liberté à contre-temps ne tournerait pas à la 
gloire de Dieu; le « fort » n'aurait fait rien d’utile pour lui-même (où ouupépe v. 23), 
et il aurait encore moins édifié les autres, païens ou chrétiens faibles (o6x ofxodouet, 
äibid.). Aussi il doit regarder comme un devoir de conscience de s'abstenir en pareil 
Cas, quoique sa conscience à lui, en d'autres circonstances, lui eût permis de 
manger n'importe quoi. Saint Thomas résume très bien le tout : il ne doit pas 
manger alors l'idolothyte : 4° à cause de la conscience d'autrui; 2° parceque sa 
conscience serait alors jugée, c’est-à-dire deviendrait coupable, à cause de la cons- 
cience étrangère, en raison du scandale possible; 3° à cause du mal que les gens 
peu éclairés diraient de lui, croyant peut-être qu'il a de la dévotion pour les faux 
dieux. 

Ainsi la double question n’est pour ainsi dire qu’une parenthèse explicative, pour 
justifier l'interdiction du v. 28. 

——— À. 31, Cîr. Col. in, 17, tout faire au nom du Seigneur Jésus. 

B. 31. Paul donne ici sa règle d'or, le résumé de toute sa morale pratique; les 
actions les plus insignifiantes doivent toutes être ordonnées à la gloire divine, et dan 
les repas, et partout. Cette gloire de Dieu entraîne l'union de charité entre les 
hommes. 

—— A. 32-33. Cîr. Rom. xIv, 13; supra, 1x, 20-22; Phil. 11, 4. 

B. 82-38. Non seulement pour la réputation et la bonne entente des croyants, 
mais pour le progrès de l'Évangile, les chrétiens doivent se sentir solidaires de tous 
les hommes et s'efforcer, autant qu'il est possible, de ne pas même choquer les 
incroyants, Juifs et Grecs (ce qui ferait supposer qu'il s'agissait de la conscience 
des païens également, au v. 28), ni, par-dessus tout, l'« église de Dieu », l'assemblée 
de leurs frères. Qu'ils suivent l'exemple de Paul, qui oublie tant d’aises et d’avan- 
tages pour faciliter à tous le salut. | 

——— B. XI, 1. Ce verset termine très bien toute l'instruction, et ne demande 
Pas une suite (comme serait 1x, 19-23, dans la théorie de J. Weiss). Paul imite le 
Christ, d'abord pour la satisfaction de sa conscience et de son amour, mais aussi 
pour apprendre aux autres comment on imite Ie grand modèle. Il n'y a naturellement 


252 + ÉPITRE AUX CORINTHIENS, X, 23-XI, À. 


aucun orgueil ni aucune suffisance dans ‘une assertion qui vient si bien à sa place, 
après toute l'argumentation commencée au chapitre vrir. 

Rob.-Pl, et J. Weiss font sur ce verset (comme sur d’autres) la remarque précieuse 
que Paul, puisqu'il tenait à imiter Jésus dans le détail de sa vie, et à offrir cet 
exemple à ses néophytes, en connaissait beaucoup plus sur l'existence humaine du 
Sauveur qu'il n’a eu l'occasion d’en.rapporter dans ses lettres. S'il l’appellé Xototds, 
dit W., et non Jésus, cela ne montre pas qu'il ne pense qu’au Christ glorifié (ce qui 
serait peu en situation ici); mais « Christ » est déjà pour lui un nom propre, qui 
désigne Jésus même dans le stade de sa vie mortelle. 

Ainsi finit cette merveilleuse instruction sur les « idolothytes », où tant de ques- 
tions de principe et de haute doctrine ont été soulevées à propos de cas de conscience 
qui paraissaient si menus, si terre à terre. Tel est Paul. 


C. CH. x1, 2-XIV. QUESTIONS CONCERNANT LES ASSEMBLÉES DU CULTE. 


INTRODUCTION. — Îci commence la troisième section de la troisième partie. Paul, 
répondant à la lettre des Corinthiens, a éclairé ses lecteurs sur la vie domestique et 
la vie sociale interne (ch. VIT), puis sur l'attitude qu’ils doivent garder dans leurs 
relations de société avec le monde extérieur païen (ch. VITI-X); il passe maintenant à 
la règlementation de leur vie religieuse publique (ch. XT, 2-XIV). Ainsi ou à peu 
près, Cornely, Robertson-Plummer, al. 

Ce qui est particulier à ces chapitres, et en accentue l'unité, c'est que l'Apôtre veut 
y ramener les Corinthiens à l'observation de « traditions » reçues et obëies dans 
toutes les autres églises (XI, 2, 16; — 23; XIV, 37, pv. ad loc.). {Le grand chapitre XV 
reposera encore sur une « tradition », mais d'une portée doctrinale si haute et si 
universelle qu'il doit être mis dans une section à part, comme le couronnement detoute 
l Épitre). 

Est-ce encore ici une réponse à la lettre apportée de Corinthe? Oui, semble-t-il, au 
moins en partie, pour les chapitres consacrés aux charismes (ch. XII-XIV, v. au 
c. XIT, 1). Par ailleurs, Paul a pu se servir à la fois et des données de cette lettre, et 
des renseignements qu'il tenait d'ailleurs, de la voix publique, des gens de Chloé, etc., 
comme aux premiers chapitres. 

Trois parties sont à distinguer : 

I. La tenue des femmes dans les assemblées de culte (x1, 2-16). 

II. La célébration de l'Eucharistie (xx, 17-34); 

III. Les manifestations publiques de l'Esprit (xu-xiv). 

Ces chapitres sont d'une incroyable richesse doctrinale et historique. Les rapports de 
la nouvelle foi avec l'hellénisme y apparaissent dans une clarté nouvelle qui en fait 
la suite et le complément des chapitres sur la « Sagesse » et la Croix (1-IV). La 
question du « féminisme », le dogme eucharistique, la nature de l'Église, les vertus 
théologales et le rôle essentiel de la charité, le caractère pur et raisonnable de la 
mystique chrétienne, et même, à l'arrière-plan, la croyance à la Trinité, tout cela 
forme un trésor que rien ne pourrait remplacer, s'il manquait, pour la théologie 
biblique, l'histoire des dogmes, la théologie mystique, et l'histoire ecclésiastique du 
1er siècle. 


I. La tenue des femmes dans les assemblées liturgiques (x1, 2-16). 


Inrropucrion. — Ce passage intéresse, non sans leur causer quelque embarras, tous 
les théologiens qui traitent de « féminisme ». De fait, Paul y énonce des principes pri- 
mordiaux sur les rapports des deux sexes; mais il le fait à propos d'une petite ques- 
tion tellement particulière, il les enveloppe de considérations qui paraissent si contin- 
Sentes et si locales, qu'on se demande parfois ce qu'il peut en rester d'immuable à 
travers les époques et les civilisations. Nous verrons qu'il en reste l'essentiel. 

D'ailleurs, cette petite discussion ouvre un aperçu intéressant sur les tendances 
Philosophiques et esthétiques de l'Apôtre, Et — ce qui est bien plus important, — elle 
nous le montre encore tranchant une question bien minutieuse aux yeux de la plupart 
Par le principe supréme du christianisme : l'union de l'humanité au Christ comme à 
sa tête. En outre, elle est instructive pour l'histoire des. mœurs dn christianisme 
primitif chez les Grecs. 

La note « antiféministe » est d'ailleurs loin d'être aussi marquée que le disent par- 


254 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI, 2-10. 


fois les « profanes ». En somme, Paul y affirme deux choses avec une égale décision : 
d'abord que dans le culte, qui est une fonction sociale et extérieure, doit « se refléter 
la subordination naturelle et sociale d'un sexe à l’autre; 

secondement, la solidarité indéfectible des deux sexes « dans le Seigneur », c'est-à- 
dire devant Dieu et dans la vie religieuse; — comme ailleurs, rappelons- le, il préche 
leur égalité religieuse devant Dieu, dans l'ordre essentiel et invisible, comme celle 
des diverses races de l'humanité, Juifs, Grecs et Barbares. 

Et les deur'choses sont appuyées sur la Révélation; on ne peut donc dire que saint 
Paul sacrifie les femmes. Sa rigueur apparente est justifiée par certains abus qu'avait 
provoqués accidentellement à Corinthe, en cet ordre comme dans tous les aulres, le 
principe nouveau de « liberté ». 

Avant de passer au commentaire, il est bon de savoir si cette page de notre épitre 
serait encore teintée, malgré tout, de préjugés sémitiques contre la femme. Nous ne le 
croyons pas. Saint Paul n'a nullement cherché à imposer aux Grecs, en cette matière, 
des idées et des usages juifs. Il s’est plutôt conformé, comme il était de mise avec des 
Corinthiens, aux convenances établies chez les Grecs {non chez les Romains). C'est un 
de ces cas multiples d'« adaptation » qu'exigeaient le bon renom et le progrès réel de: 
l'Évangile ; on n'a qu'à les transposer selon les conventions d'autres époques et Pays, 
pour y reconnaître la règle universelle de décence dans les manifestations religieuses, 
qui varie sans doute en ses applications locales ou successives, mais qu'il n'est jamais 
permis d'enfreindre. C'est le même esprit qui animera les instructions sur l'Eucha- 
ristie et les charismes. 

Que les prescriptions données ne soient pas spécialement juives, cela ressort bien 
de la dissertation de Strack-Billerbeck, pp. 473-suivantes. À cette époque-là, les usages 
Juifs en cette matière étaient variables, et justifiés de diverses facons, même dans le 
service religieux. Aujourd'hui, l'homme se couvre la tête pour prier à la synagogue 
(le port du « talith »}, et cette habitude paraît s'être généralisée dès le commencement 
du IVe siècle ap. J. C. Quant à la femme juive, elle devait, d'après la Halakha, ne 
paraître hors de la maison que la tête couverte, et cet ordie a pu porter graduelle- 
ment les familles formalistes à un tel excès qu'il arrivait parfois que les proches parents 
du marine connaissaient pas les traits de son épouse. Mais rien n'indique que les 
choses en fussent là au temps de Paul, ni que la couverture de la tête féminine dissi- 
mulät le visage. Ce n'était pas, disent Str.-Bill., le voile des Orientales modernes 
(lequel, en effet, n'a été introduit que par les casuistes musulmans); on peut croire 
qu'on se contentait alors en pratique de l'arrangement ordinaire et décent des 
cheveux, avec tresses, bandeaux, frisures, résilles, etc., en évitant de laisser étaler en 
public une chevelure libre et dénouée; n'allons pas penser à la triste perruque en 
satin des Juives de Hongrie ou de Pologne. 

Paul, ni pour l'homme, ni pour la femme, ne paraît donc s'inspirer d'usages juifs (ni 
romains). Il a plutôt des idées grecques; les femmes grecques ne paraissaient en 
public que voilées, plus ou moins strictement selon la mode des cités; d'après Bôhlig, 
cette mode était particulièrement de rigueur dans la patrie de Paul, à Tarse. La 
fermeté de l'Apôtre s'accorderait donc avec les souvenirs de son éducation, et quelque 
influence stoïcienne s'y révélerait aussi (aux pv. 13-15), 

Mais ce qui importe, ce n'est pas l'archéologie, c'est le sens religieux profond 
valable pour tout pays et toute époque, et auquel Paul lui-méme aitache beaucoup plus 
de poids qu'à certains de ses arguments contingents, comme on le sentira bien au 
?. 16. 

Bachmann émet sur cette péricope une opinion très contestable : il ne s'agirait pas 
des assemblées de culte proprement dites, mais'de petites réunions de maison ou de 
famille (contre Lyder Brun, « Um der Engel willen » ZNTW 1913, pp. 298-308). Sa 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI, 2-4. 255 


raison très insuffisante, est que Paul ne commencerait à parler proprement de culte : 
public qu'au verset 18 (rewroy uër yée.., pv. ad loc.). Le mot neopyrevovon du v. 5 
(». ad loc.) suffit à le réfuter. 

Pour Delafosse, qu'il n'y a guère d'utilité à réfuter, le seul v, 2 serait de Paul 
lui-méme, et 3-16 « catholique ancien ». 


Cu. XI, 2. "Era dè duac Ov mévra mou péuvnohe, x xoûbs rapéduxx dpi 
*raç TapadooELs HATÉYETE. 
8. O£Aw Où duas eidévar O1 mavrdç avdpds à "nepaAn 6 Xpisrôs Éoriv, xsox NN DÈ 


yovaxdc à àvp, vepañh 0 voë Xpuoroë 6 Geéc. 
- s * ms LA 
k. [las àvhp moosevyomevos À Toopnrebuy xara enaÂÏS ÉpUY raTaoyÜVEL Thv 


Cu. xt, 2. Je vous loue, d’ailleurs, de ce qu’en toutes choses vous gardez 
mon souvenir et tenez aux traditions à la facon dont je vous l’ai transmis. 

8. Je veux pourtant que vous sachiez bien que de tout homme le chef 
est le Christ, et le chef de la femme, c’est l'homme, et le chef du Christ, 
c'est Dieu. 

Lk. Tout homme qui prie ou prophétise ayant [quelque chose à lui pendre] 


A. 2. C'est à tort que D‘, F, G, vulg., Ambr', ajoutent pou à rapaddaes; cela change 
le sens, ou du moins en diminue l'ampleur. 

B. 2. Le lien de ce verset avec celui qui précède est visible; c'est pourquoi sans 
doute la division des chapitres a été faite un verset plus haut. Paul vient de leur 
dire : « Soyez mes imitateurs, comme je le suis du Christ ». Ils le sont, du moins en 
gros; aussi les félicite-t-il pour la fidélité de leur mémoire et leur ténacité à mainte- 
nir « les traditions », telles qu'il les leur a livrées. Cet éloge montre qu'il avait dû les 
quitter depuis assez longtemps déjà (Rob.-Pl.); de fait, il devait y avoir à peu près 
deux ans (Inr.) Je ne sais si ce témoignage de satisfaction, qui tout de suite va subir 
des restrictions, contient déjà, comme plusieurs l'ont cru, de Théodoret et de l'Am- 
brosiaster aux modernes, un grain d’ironie; ni si Paul feint de prendre à la lettre 
quelque protestation de leur missive (Rob-Pl., Sickenberger ; contra, Cornely). 

Ce qui importe davantage, c'est le sens à donner au mot rapabôcets, « traditions ». 
L'interprétation de ce terme, ou du verbe correspondant, rapxb{dwu, s'imposera 
encore à propos de l’Eucharistie, et, équivalemment, des charismes et de la Résur- 
rection. Or, les plus nombreux témoins, et les meilleurs, ne portent pas le pronom 
pou. Rien n'indique dans le texte que ce soient des « traditions » créées par l'Apôtre 
lui-même, ni ici, ni plus bas xr, 23 et xv, 4, ni dans les autres épîtres, Rom. vi, 17, 
Gal, 1, 14, Col. u, 8, Il Thess. 11, 15, et int, 6; parfois c’est Paul qui les a transmises 
Sans doute, mais ailleurs il s'agit de traditions étrangères ou même réprouvées ; 
elles se rapportent soit à des enseignements religieux, soit à des règles de vie 
pratique, cfr. Epictète n, 23, 40 (Voir Rob.-P1. et J. Weiss). Paul « transmettait », 
comme il avait appris à le faire chez les rabbins, maïs une matière qui lui venait de 
la communauté primitive (J. Weiss), ou du Seigneur même et des premiers apôtres 
(Gutjahr). Lui qui se considérait, non moins que ses collègues et auxiliaires, comme 
un « économe », (supra, 1v, 1-2; cfr. Tir. 1, 7 et I Pet. 1v, 40), était le témoin d’une 
grande « tradition », concernant même la discipline, et qui valait pour toutes les 
églises, les siennes et les autres, comme on le verra au commentaire du v. 46 de la 
péricope suivante, et de xv, 1 suivants. 


256. ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI, 2-16. 


xepaNv adroë. 5. [ca D yuvh meosevyonévn À roopnrelouca aratarahÜTTO +% 
AEQONTR AaTaoyÜvEL Thv REpahiv bris Ev yép Éctuw na vd abrd T7 ébvpnuévn. 
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xepañhy, etxoy nat *D0Ex Oeod brépywv ÿ yuvh dè “D6Ëa avôpéc éoruw. 8. Où Yép 


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— À, 3. Ceci n’est pas une glose de 5-s., comme le voudrait J. Weiss, qui, 
pour éclaircir cette péricope difficile, supprime sans s'en apercevoir la base même 
de l'argumentation. — Nous traduisons xepahkf par « chef », afin de conserver par- 
tout le même nom, qui peut prendre le sens physique et le sens métaphorique ou 
moral. 

B. 8. Le mot Ôf (délw dé, « je veux pourtant ») indique une restriction immédiate 
apportée à la louange précédente. Elle portera sur un point de discipline, la tenue 
des femmes dans les assemblées. IL s'agissait de quelque chose d’assez insignifiant 
en soi : pouvaient-elles, dans les lieux de culte public, étaler la beauté de leur 
chevelure, ou fallait-il qu'elles la couvrent d'un voile? (Voir la palla des femmes 
ramenée sur le front, dans les peintures des catacombes). IL n’était pas dans les 
coutumes anciennes de laisser les femmes parler et agir dans les réunions publiques, 
et. surtout dans une tenue qu'aurait trop fait valoir leur possible coquetterie. 
Puisqu'il ne s'agit partout que de « cheveux », il ne faut pas penser ici au voile 
oriental qui masque la figure, quoique le voile grec pût aussi remplir cet office. 
Or, depuis que Paul avait proclamé dans ce monde grec la « liberté », et dit peut- 
être à Corinthe, comme ailleurs : « Il n’y a plus d'homme ni de femme » (Gal. 11, 28), 
bien des Corinthiennes devaient abuser de ce principe pour s'émanciper un peu 
trop, et ambitionnaient sans doute de s’égaler en tout lieu et en toutes circonstances 
à leurs frères, pères, maris et fils, en se produisant très librement comme eux, tête 
nue et l'air dégagé, pour discourir, prophétiser, etc. (voir versets suivants et ch. x1v). 
Ainsi Cornely, Toussaint, etc., Bachmann. Celui-ci a pourtant le tort de croire cette 
liberté restreinte au cercle de la famille, pour lequel Paul ne se serait certes pas 
montré si sévére; là les matrones avaient la tête couverte, comme nous le dirons au 
v. 10, mais les jeunes filles restaient tête nue; or l'Apôtre parle pour toutes les 
femmes, mariées ou non. 

D'une manière qui paraïîtrait bien inattendue chez un autre que lui, Paul 
aborde cette question pratique en la ramenant à un haut principe mystique et 
religieux : « La tête (ou « le chef ») de l’homme, c’est le Christ; celle de la 
femme est l'homme; celle du Christ est Dieu ». La doctrine est fixée dans ce 
verset 3, puis à 7 et à 11 (Gutjahr). 

Le premier membre fait déjà pressentir l’ecclésiologie du chapitre xr1 (v. infra); 
la nuance particulière, c'est que l'homme n'a au-dessus de lui que le Christ qui lui 
a donné la liberté (Sickenb.); mais il a cependant une tête, ou Seigneur, ce qui 
ménage l'amour-propre des femmes; elles ne sont pas les seules qui aient un 
chef (cfr. vir, 22, sur l'homme libre esclave du Christ, Bachmann). C'est ici comme 
tôte de l'Église (s. Thomas, Cornely) que le Christ est considéré, voir le chap. xn. 

Deuxième membre : « le chef de la femme, c’est l’homme »; il s’agit non seule- 
ment de la femme mariée, maïs de la femme en soi, (contre Rob.-Pl.), dont la 
fin naturelle est d'être compagne et auxiliaire et mère de l'homme. Bien que 
l'homme et la femme soient égaux dans la communion surnaturelle au Christ 
(Gal.), c est par l'homme que le Christ conduit et régit la femme (Gutakr), l'ordre 
de l'Église se conformant à celui de la nature, 

Troisième membre : «. le chef du Christ, c’est Dieu ». On doit l'entendre selon 


. ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI, D-8. 257 


du chef, fait outrâge à son chef. 5. Mais toute femme qui prie ou prophétise 
le chéf découvert fait outrage à son chef; car c'est une seule et même chose 
que si elle était rasée. 6. Si une femme en effet ne se couvre pas, qu’elle 
se tonde aùssi bien! mais s'il est outrageux pour une femme d'être rasée 
ou tondue, qu’elle se couvre! 7. Un homme, lui, en effet, n’a pas Le devoir 
de se couvrir le chef, vu qu'il est l’image et la gloire de Dieu; mais la 
femme est la gloire de l’homme. 8. Car ce n’est pas l'homme [qui a été 


la nature humaine (Cornely) d’abord, mais cela convient aussi à la Deuxième Per- 
sonne de la Trinité, en tant qu'elle tient tout de son Père (Jean; voir s. Thomas, 
al.). 

Chacun a done sa « tête », même le Christ; c’est La loi de la société chrétienne, 
qui s'applique à tous sans exception; cet ordre, comme celui de l'humanité natu- 
relle, remonte à Dieu. Les femmes doivent donc être disposées à bien prendre ce 
qui va leur être dit spécialement (voir Chrys, Bachmann, Gutjahr, etc.). Mais, 
ajoute Cornely, si tel est l'ordre hiérarcliique de l'Église, la même subordiuation 
des sexés ne s'impose pas dans la vie de la grâce. 

——— À, 4. Dévant rarè xcpaXñs, il faut suppléer quelque chose comme xékuuua; 
style rapide et familier. 

B. 4. Cé verset démontre bien d'abord, contre Bachmann, par les mots « priant 
ou prophétisant », qu il s'agit des réunions de culte dont il sera question plus laïn. 
Et cela vaut du verset suivant, qui concerne la femme. On ne se figure pas dans 
la famille des séances de « prophétie » pour lesquelles il eût fallu changer quelque 
chose à ga toilette. 

L'homme, en ses exercices religieux, ne doit done pas se couvrir la tête: il est 
au moins douteux que l'usage du « talith » fût répandu chez les Juifs à cette époque 
(v. supra): Mais que signifie cette assertion que l’homme ferait autrement « outrage 
à son chef »? Chrys. l'a entendu de la tête au sens propre, « comme un prince 
n'oserait comparaître devant l’empereur sans baudrier et chlaena », c’est-à-dire 
sans les signes de sa dignité. Ainsi l'ont compris Thcophylactet, Thom., Dion., 
Estius, Lap., Grotius, Bengel, Meyer, ainsi que Cornely comme plus probable. Ziezz- 
mann objecte pourtant que, dans le monde romain, la têle nue n'était pas pour 
l'homme signe de liberté, puisqu'on gratifiait l'affranchi d'un bonnet. D'ailleurs, 
beaucoup d'autres appliquent le mot au Christ-tête; ainsi T'héophylacte?, Œcumenius, 
Cajetan, Calvin, Giust., Maier, Bisping, Godet, Bachmann, Gutjahr, Sickenberger. 
Bachmann a peut-être raison quand il dit que, si « tête » était à prendre au sens 
propre seulement, le rapport au Christ indiqué ci-dessus ne servirait à rien dans 
l'argumentation. 

Nous pensons qu'on comprendrait mieux l'assertion par un rapprochement avec 
ÎT Cor. ini, 18 : « Nous tous, le visage découvert (opposition au voile de Moïse), nous 
reflétons la gloire du Seigneur », et, de gloire en gloire, nous sommes changés en 
son image. Si l’homme qui prie ne se couvre pas Le front, c’est là un symbole, 
d'après Paul, de l'immédiation de son rapport avec le Christ, en face de qui il se 
place, et dont toute sa figure peut alors refléter la splendeur. Plus bas il sera 
parlé de 66£a, gloire et reflet. Se couvrir le front et les yeux dans la prière 
(comme les Juifs actuels et les anciens Romains), serait se priver soi-même de 
cette gloire, et, en quelque sorte, priver le Ghrist d'un miroir où il se complait. Tout 
cela, bien entendu, symboliquement. — Donc l'homme ferait outrage et à sa propre 
tête, qui devrait se dresser dans la prière comme un miroir symbolique, et, par 
contrecoup, au Christ dont il semblerait ne pas apprécier comme il faut la proxi- 

ÉPITRE AUX CORINTHIENS. 17 


258 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI, 2-16. 


Éottv Gvhp “Ex yuvatxoc, GAXG yuvh ÉË &vôpéc" 9. nat yap obx Euriobn àvip dx 
Tv Vuvaiux, ŒARAG yuvn dix Tov dvdpa. 10. Auà vobro dpelher à yuvn “ébouociav 
éyeuy nt rc xepakñs dia Tods aœyyéhouc. 

11. [Av obre yuvÿ pwpis avdpds obre avhp guple yuvarnds ëv xupiw" 12. Gorep 


‘mité amie, avec cette méfiance ou cette fausse honte. — Si quelqu'un donne une 
meilleure interprétation, je m'y rangerai. 

A. 5-6. äratux. Tÿ xepañT, « dativus modi ». — tb aüré avec « datif d'ac- 
-compagnement ». 

B. 5-6. Par contre, la femme (mariée ou non-mariée, räca yuvi), qui ne se 
couvre pas la tête pour .prier ou prophétiser (dans le culte public, naturellement, 
voir au v. 4), « fait outrage à sa tête », c'est-à-dire en même temps (comme ci- 
-dessus) à sa propre tête, et à l’homme qui est sa « tête » au sens moral. 

On comprend qu'elle se donne aïnsi l’air de vouloir ignorer la prééminence de 
l’homme, si le voile est un signe de sa sujétion qui a été proclamée au v. 3 et qui 
doit être rappelée dans les cérémonies publiques. Les femmes grecques qui portaient 
le voile dans la rue, et souvent même à la maison quand elles étaient mariées (ce 
que Paul interprète symboliquement), l’ôtaient dans les réunions de culte. Les 
Corinthiennes avaient introduit cet usage dans les assemblées chrétiennes, contre la 
pratique d'autres lieux (voir v. 16). Paul n'y aurait peut-être pas tant trouvé à redire 
s’il n'y avait vu le symptôme d’une tendance dangereuse à l'émancipation totale, 
poursuivie sans doute sous prétexte de « liberté évangélique ». Puis des raisons de 
bonne tenue devaient s’y joindre; car la coquetterie féminine, et tout ce qui s'ensuit, 
y trouvait son compte, et les tentations de vanité et de sensualité devenaient ainsi 
plus à craindre à l’église que dans la rue. 

Mais comment déshonore-t-elle « sa propre tête »? Peut-être en excitant par elle 
les regards de convoitise. Mais, plus encore, parce que le voile, comme il ressortira 
des versets suivants, était un signe de la dignité féminine. Chry sostome dit à ce 
propos : « La femme ne gagne pas (ainsi) la dignité de l’homme [comme elle se le 
figure], mais elle perd du coup la dignité de la femme ». Paroles bonnes à méditer 
contre certains excès de féminisme. 

Paul, comme blessé dans ses goûts d'ordre et de réserve, se laisse aller à l'ironie 
et à un sarcasme qui rappelle — en moins fort cependant — celui de Gal. v, 12 : Si 
elles ont une telle horreur du voile, qu'elles ne restent pas à mi-chemin, qu'elles 
rejettent, après le voile artificiel, ce voile naturel que sont les cheveux (voir v. 45)! 
qu'elles se tondent ou qu'elles se rasent, — ce qui sera certainement bien laid, au 
goût de Paul, et honteux. 

Pourquoi honteux? Plusieurs, jusqu'à Sickenb., ont pensé que c'était une mode soit 
des prostituées grecques, soit des esclaves. Mais les courtisanes grecques, au con- 
traire, soignaient beaucoup leur chevelure, et rien n'indique que les femmes esclaves 
aient porté les cheveux courts comme nos contemporaines. Paul argumente non 
d'après des usages sociaux, mais d'après les convenances de la nature qu'a détermi- 
nées la création (Bachmann). Peut-être, cependant, veut-il faire encore plus honte à 
ces émancipées en insinuant qu'elles res$embleraient mieux à certaines femmes 
perverties qui, en ces temps de corruption, prétendaient, pour ainsi dire, changer 
leur sexe (voir au v. 14). 

Il ne suit pas nécessairement du mot rpopnredouoæ employé dans ce verset que 
Paul ait permis aux Corinthiennes de prophétiser en public. Il le leur interdira au 
chap. xiv. Mais comme c'est un fait qu'elles le faisaient juque-là, il remet à plus tard 
la correction de cet abus, et se contente pour le moment de réprouver la façon, 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI, 9-12. 259 


tiré] de la femme, mais la femme de l’homme. 9. Et en effet l'homme 
n'a pas été créé à cause de la femme, mais la femme à cause de l’homme. 
10. À cause de cela, la femme a le devoir d’avoir sur le chef [une mar- 
que de] puissance, à cause des Anges. | 

11. Au surplus, ni la femme n’est à part de l’homme, ni l'homme à part 
de la femme dans le Seigneur. 12. Car de même que la femme [est tirée] 


jugée par lui indécente, dont elles le font. Il a coutume de sérier ainsi ses reproches, 
et de réserver les affirmations les plus graves et les plus essentielles pour la fin, 
comme on l’a vu déjà à propos de l'interdiction des repas sacrés, ynr, 10 et x, 20-s. 

A. ‘7. d6&a est l'hébreu Ti23; une irradiation ou un reflet de Dieu, dont 


s'homme est l'image d'après Gen. 1, 27; v, 1. Le Midrasch sur Num., cité ici par 
Strack-Bill., dit : « L'honneur (7122) de Dieu monte des hommes » (Num. rabba, 3, 
140 d). — On pourra pensera ussi au Avarené iranien, cette gloire signe d'autorité, 
quoi qu'il n'y ait qu'une lointaine analogie. 

B. ‘7. L'homme, qui a été fait directement à l'image de Dieu d’après le récit de la 
Genèse, doit tenir à honneur de ne pas cacher un visage qui reflète d'une certaine 
façon l'autorité royale de son Créateur (cfr. IL Cor. mr, 18). La femme, elle, repré- 
sente Dieu moins immédiaement, car son corps a été fait (Gen. n1, 18, 23) sur le 
modèle de celui de l’homme. Ainsi, au moins sous le rapport de la puissance et de 
l'autorité, ne reflète-t-elle Dieu que par l'intermédiaire de l'homme; de ce chef, elle ne 
ressemble pas de si près à son créateur, quoique leurs âmes soïent égales. Paul 
conclura que cet ordre hiérarchique dans le monde corporel doit être exprimé par 
leur tenue respective (v. 40). 

Mais il affirme bien que la femme est la « gloire » de l'homme, comme l'hommé 
est celle de Dieu. « Gloire » dit plus que simple « reflet »; si elle n’est qu'un 
« reflet » de l'homme, c’est un reflet qui glorifie l'homme. J. Weiss a de la peine à le 
comprendre, à cause des idées trop sémitiques qu'il prête à Paul; mais il en est 
certainement ainsi, et l'on ne peut donc pas dire que Paul méprise la femme. 

Cornely observe qu'il s’agit bien ici de toutes les femmes, reproduction d've, et non 
seulement des femmes mariées, contre Theoph., Aug. « de genesi ad litteram » 1x, 5, 
Reischl, Godet, etc., — et Bachmann. 

À. 8-9. Gen. un, 18, 22, 23, cfr. I Têm, 1, 43, 

B. 8-9. Paul explique ce rapport de La femme à l'homme par les conditions de 
leur création respective; Éve a été tirée d'Adam, et créée « pour qu'il eût une aide 
semblable à lui-même ». 

———— À. 10. On lit xévuua (« velamen», voile) au lieu du difficile éfousiav, dans 
lrénée, Jérôme, Augustin, le cod. harl. de vulg; Origène int. : « velamen et potesta- 
tem ».— L'embarras de traduire #fovotav a porté plusieurs auteurs à changer ce mot; 
ainsi l'on a curieusement proposé de lire #ou6lav (« exupiae ») ou xavoix, mot qui 
désignait une sorte de bonnet macédonien (voir Weber, dans « Zeitschrift für wissen 
Schaftliche Theologie », 1903, voir J. Weiss et Bachmann); Hitzig (Th. J. 1854, 
PP. 429-s.) voulait y voir un mot particulier formé de #f icoë, — Già tobs ayyéhous est 
également embarrassant; mais ces mots, qui se trouvaient déjà dans le texte de 
Marcion, ne sont pas une glose, (contre Heinrici, Comment. et « Paulinische Pro: 
bleme » 1914, p. 92, et Sievers qui les trouve en désaccord avec le « contexte des tim- 
bres »); de même il est arbitraire, avec Perdelwitz, (« Die #ovsia auf dem Haupt der 


Pau », Theolog, Studien und Kritiken 1918, pp. 611-613) de les changer en dx ro ebay- 
YéAtov, 


260 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI, 2-16. 
ho h yuvi Ex Tvoù avôpéc, obtus nat à dvip Bd vhs vyuvauxbe" tà D mévra Ex 
roû 0e6ù. | 

13. "Év buiv ubrots npivare” “mpérov Éctiy yuvaïu dxaréhumtoy 5 Bed pocei- 
4es0o; 1h. OÙSÈ à qÜois abrh Ouddoner pès Or “avhp mèv Édv ou, étiuia abt® 


B. 10. (Ce verset offre de grandes difficultés; nous tâcherons de les résoudre 
dans l’Exc. 1x, et ne donnons ici que les résultats auxquels nous avons cru devoir 
nous arrêter). 

Au voëro, « à cause de cela », nous reportée au v. 7, dont 8 et 9 n'étaient que la 
justification. Puisque la féñme (dans le monde visible) né reflète pas directement la 
gloire de Dieu, maïs celle dé l'homme, — et qu'elle est cependant bien réellement la 
gloire de l’homme — elle doit porter sur la tête quelque chose (ce ne peut être que 
Je voile) que le texte appelle éovoia, « puissance » (toutes les corrections sont des 
æxpédients arbitraires) ét cela « à cause des Anges ». 

Cette « puissance » a été comprise de bien des manières, Il ne manque pas de 
modernes, synerétisants, qui attribuent ici à Paul une conception de magie apo- 
tropéique qu’il n’à sûrement jamais eue, et qui détonerait d'ailleurs tout à fait dans 
le contexte : le voile serait donné à la femme comme une défense magique contre 
les attaques et les convoitises sensuelles des Anges, supposés libidineux comme 
ceux d'Hénoch; aïnsi, avec plus ouboins d'assurance, Æverling, Dibelius, Lietëmann, 
Schmiedel, Reïtsenstein, J. Weiss. 

C'est là une fantaisie récente qui ne peut même s'appuyer sur une donnée ferme 
d'histoire des religions, et à laquellé aucun des anciens, excepté Tertullien, n'a 
jamais pensé. Aussi la plüpart la rejettent-ils à bon droit, 

. Gerhard Kittel veut résoudre la difficulté en établissant que Paul aurait donné au 
mot éfousta le sëns diréct de « voile », par uñe association due au double sens d'une 
racirie sémitique ; nous discuterons cétie théorie, qui serait bien commode mais que 
nous ne pouvons adimettre. 

Les anciens, et le grand nombre des modernes, comprennent éfouoiav comme un 
trope, unë métonymie, Cela signifierait « une marque de la puissance », de la puis- 
sance de l'homme à laquelle la femme est assujettie : tù voë Æfouréfeobar abu6olov, dit 

Théodoret. Certainement la métonymié serait assez dure, mais on en trouve dans la 
Bible quelques-unes d’analogues. Ainsi Chys., Théodoret, etce.; Cornéely,-Rob.-Pl., 
Lemonnyer, Bachmann, Str.-Bill,, Loisy, Gutjahr, Sickenberger, etc. 

Gependant il a été observé avèc justesse (J. Weiss, Ramsay), que tous les 
emplois connus du mot éfovola sont actifs, et se réfèrent à une puissance exercée, 
et non à une puissance subie par quelqu'un. Les syncrétistes abüusent de cette 
constatation; mais on peut en tenir compte en admettant que la « puissance », 
dont le voile est une marque, n'est pas seulement subie, mais de quelque façon 
partagée par la femme. | 

Tout bien pesé, nous nous rallions à cette interprétation nuancée, et nous 
traduirons : « une [marque de] puissance », sans plus de précision, pour ne pas 
diminuer le sens. Rappelons-nous que le voile était le signe de la dignité de 
l'épouse, plus grande (au point de vue social) que celle de la femme non mariée. 
Paul vient de déclarer que la femme « est la gloire de l'homme », et, aux versets 
suivants, il va relever le rôle de la femme. Or le voile montre que, tout en dépen- 
dant de l'homme, la femme participe à sa puissance, qui représente celle de 
Dieu; car il signifie que l'épouse est soustraite aux désirs et à toute dépendance 
des autres hommes, pour rester toute à son maïi. De même que celui-ci est l'image, 
sv, qui reflète directement Dieu, ainsi la femme, révélant par ce signe son rap- 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI, 13-14. 261 


de l’homme, ainsi l’homme lui-même [existe] par la femme; et le tout 
[provient] de Dieu. 

13. Jugez-[en] par vous-mêmes : est-il convenable qu’une femme prie 
Dieu découverte? 14. Et la natures elle-même ne vous enseigne-t-elle pas 
que l’homme, s'il porte longue chevelure, c’est pour lui une ignominie? 


port nécessaire et intime avec cette image de Dieu, ne sauvegarde pas seulement 
l'ordre de la hiérarchie naturelle; mais son apparition avec un voile dit tout de 
suite quel bien précieux elle est pour l'homme, — un trésor réservé dont il est 
jaloux, et un être qui sait se défendre des convoïtises banales. Le voile, signe de 
la puissance d'autrui, est donc en même temps une puissance pour elle, — Ki 
cela est étendu à la vierge; elle aussi, en tant que femme, est de par la nature 
une « gloire de l’honime », et, si elle ne se marie pas, le christianisme fait d'elle le 
trésor réservé de Dieu (voir ch. vit). 

Maintenant, que peut signifier : « à cause de3 Anges »? Il ne s'agit pas des 
mauvais anges auxquels on aurait prêt. des intincts libidineux (voir l'Exc.), mais 
des bons Anges qui sont les gardiens de l’ordre naturel et de ses convenances, 
qui veillent en même temps au culte et assistent, invisibles, à ses cérémonies 
(Cyr. Alex., Chrys., Aug. « De Trinitate » xu, 7, Lomibard, Thom., Cornely, Rob.- 
Pl, Bachmann, Lemonnyer, Toussaint, Sales, Callan, Gutjahr, Sickenb., etc). 
Kittel (infra) y voit les anges qui accompagnent la femme comme gardiens de sa 
chasteté; ZLyder Brun (infra), non pas précisément les gardiens de l'ordre 
naturel, mais les esprits qui ont participé au conseil divin pour la création de 
l'homme et de la femme, et puis en ont été les témoins (ce qui est peut-être un 
peu détourné, pensons-nous avec Bachmann). 

Il s'agit donc, en tout cas, de l’ordre imposé par Dieu dans la création, auquel 
s'adapte celui de l'Église, Dieu y veille par lui-même et par ses envoyés angéliques. 
L’allure de la femme trop émancipée peut être admise des Corinthiens, elle ne l'est 
pas de ces gardiens de l'ordre essentiel. « Si tm fais peu de cas des hommes, lui 
dit saint Chrysostome, respecte au moins les Anges ». 

—— À, 11-12. My, adverbe, indiquant une correction à ce qui précède, très 
iréquent dans le N. T, — ëv xvofw, certainement authentique, contre J. Weiss; — 
Gé instrumental, avec génitif. 

B, 11-12. Paul, comme s’il craignait d'avoir trop rabaissé la femme, énonce une 
nouvelle vérité, qui rectifie en quelque mesure, — ou qui du moius complète, — ce 
qu'il a dit de sa subordination aux versets précédents. Cette subordination, étant 
de l’ordre naturel et visible, doit s'exprimer aussi dans le culte, qui est lui-même, 
matériellement, de cet ordre. Mais, « dans le Seigneur », c'est-à-dire dans l’ordre invi- 
Sible et surnaturel où l'humanité participe à la vie du Christ, l'homme et la femme 
Sont inséparablement solidaires, nécessaires l’un à l'autre dans la société chrétienne, 
comme dans la nature; car l'un et l'autre participent à la vie du Christ, et Paul, 
dans l'épitre aux Galates, proclamera leur égalité spirituelle (Bachm., Gutjatr, 
Sickenb., al.). On n'a qu'à songer au rôle important que jouaient les femmes dans 
les activités de l’Église dès cette époque; Priscilla grande amie de Paul, Phébé, 
les pieuses femmes de. Philippes, en sont des exemples. 
| J. Weiss se trompe donc lourdement, après Baljon, en prétendant que les mots 
$v zvptw sont superllus et d'une authenticité insoutenable, sous le prétexte qu'il ne 
s'agirait ici quo de l'ordre de la nature, et que la mention des Anges ou Archontes, 
qui n'ont que la direction cosmique, restreindrait à cela l'idée. Déjà CArysostome et 
les Grecs n'ont pas vu assez justo, en rapportant ce versel à la seule origine 


LC 


262 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI, 2-16. 


donv; 15. yuvn DE ëav nou&, DOËx abri éoTuv; Or À Kopn avti mepuéohaiou Dédoro 
adTÿ. 

16. Et dé vus Oonet quAdverxoc elvor, ‘huets TorabTrny ouvhberay oùx Éyomev, oùde 
ai ExxAnoiar Toù beoë. 


naturelle de l’homme et de la femme; « dans le Seigneur » ne serait pas expliqué 
par là. Seulement, au v. 12, l'Apôtre montre que cette solidarité spirituelle est 
signifiée par l'acte même de la création et de la génération : Si la première femme 
a été tirée de l’homme, Dieu ne donne ensuite l'existence aux hommes que par les : 
femmes qui sont leurs mères. Ainsi est glorifiée implicitement la maternité comme 
1 Tim. 11, 15. Et Dieu, dit-il en terminant, est la cause première, et de l'existence 
des humains, et de l’ordre qu'il a imposé à la production de cette existence. | 

Ces deux versets ne contredisent nullement, en dépit de J. Weiss, ce qui a 
été dit aux versets 7-s, maïs le complètent. 

B. 18. Paul fait appel, pour en finir, au bon sens de ses lecteurs (comme 
x, 15), et au sentiment des convenances qu'il suppose exister chez eux, Rappelons- 
nous que les femmes grecques devaient être voilées habituellement en public, et 
qu'il devait paraître tout naturel à la modestie chrétienne d'étendre cet usage aux 
‘lieux de culte, pour que des admirations ou des convoitises profanes ne s’y intro- 
duisent pas. . 

A. 14-15, Remarquer les « nominatifs pendants », avhp.. at, YUVT.…. 

adtñ, — Le second arÿ de 15 est omis D, F, G, al. — Des deux £ ôt, le premier est 
déclaratif, et le second est causal. 

B. 44-15. Cet appel à « l’enseignement de la nature » est certainement d’un 
seprit bien plus stoïcien que rabbinique, — comme d'ailleurs bien d’autres passages 
de cette épître et des autres. On dirait même qu'il y a ici, à demi exprimée, une 
considération esthétique qu'il est intéressant de rencontrer sous la plume de 
l’Apôtre. 

Paul, contre le marcionisme futur, ne considérant pas l'ordre de la nature 
comme procédant d’un autre auteur que celui de la grâce (Toussaint, al.), l'un peut 
servir de type à l'autre. Comme la nature fait bien ce qu'elle fait, et qu’elle à donné 
à la femme le voile naturel de-ses cheveux longs, qui sont une beauté pour elle, 
c'est donc qu'il est honorable pour la femme de porter un voile (cfr. w. 5 et 40), 
tandis qu'il ne le serait pas pour un homme, dont les cheveux poussent naturel- 
lement moins longs. 

L’Apôtre condamne par un terme vif (àrimia) les modes opposées à cette indica- 

tion de la nature, Il pense sans doute aux efféminés, alors si honteusement 
nombreux, et (cfr. le v. 6), aux femmes perveïses qui voulaient faire l'homme et 
dont parlera Lucien dans les « Dialogues des courtisanes », v, 18 (xaddrep ai opoèpa 
Tév &0AnT&v avdoudets ànorexapuévn, cité par J. Weiss). Le passage de Rom. 1, 26 montre 
quelle était alors l'actualité de ces allusions audacieuses. Le moraliste qu'est Paul 
prend tous les moyens de faire honte aux émancipées de Corinthe. 
B. 18. Paul veut fermer la bouche aux disputeurs par un dernier mot. 
Suivant une observation juste et fine de Lemonnyer, il se rend compte que, parmi 
ses raisons, il y en a quelques-unes qui restent assez contingentes ou détournées; 
aussi invoque-t-il la coutume contre les lecteurs qui n'en auraient pas été con- 
vaincus (Sales). 

Bachmann, avec quelques autres, comprend certainement mal, quand il croit 
‘que « l'habitude » dont parle l’Apôtre est celle de disputer, trop chère aux Corin- 
hiens. Il s'agit de la coutume universelle de prescrire le voile aux femmes chré- 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI, 15-16. 263 


15. mais que la femme, si elle porte longue chevelure, c'est pour elle 
une gloire? parce que la chevelure lui a été donnée en guise de voile. 

16. Si pourtant quelqu'un trouve à propos de faire l’amateur de dis- 
putes, nous, nous n’avons pas une telle habitude, non plus que les églises 
de Dieu. 


liennes, ce dont les Corinthiennes voulaient s'exempter (Cornely, J. Weiss, Lemon- 
nyer, Loisy, Sales, etc.). : 

« Nous », ce doivent être les chrétiens de l'entourage de Paul, et les églises 
fondées par lui; non pas les Juifs, comme ont cru des interprètes anciens. « Les 
églises de Dieu » (où J. Weiss, entraîné en plein arbitraire par la force de son 
préjugé, voit « une interpolation catholicisante ») ce sont, non pas les Gentils, mais 
les communautés fondées par les apôtres. 

Ainsi Paul termine cette discussion épineuse par une sorte de boutade qui 
n'étonne pas dans sa dictée, et qui a l'avantage d'être très significative; car elle nous 
apprend qu'il y avait une « paradosis » reçue universellement, sauf à Corinthe, 
même en cette matière de grave discipline. Cette unité de discipline sera confirmée 
à propos des « charismes », à la fin du chap. xiv. 


EXC. IX, — LA ( PUISSANCE » SUR LA TÊTE (x1, 10). 


Cette page de notre épître présente de telles difficultés dans le détail que 
Lieizmann ne craint pas de la déclarer incompréhensible pour nous. Deux 
points cependant sont bien clairs : d'abord l'existence d'une tradition disci- 
plinaire générale, à laquelle Corinthe devait se plier; et puis l'harmonie que 
proclame l’Apôtre entre les lois établies par la nature et celles qui doivent 
gouverner les manifestations de l’église. C'est une vérité très haute et très 
profonde que celle-ci : l’homme baptisé, quel qu'il soit, le plus élevé en 
puissance, le plus indépendant, le plus saint, est avec le Christ dans un rapport 
qui montre à la fois sa subordination et sa grandeur, un rapport qui est 
analogue à celui de la femme avec l'homme, dont elle est à la fois l'auxiliaire 
et la « gloire ». Le Christ est sa tête, dit s. Thomas, car.de Lui découle en 
l'homme toute perfection, sublimité, influence vitale, conformation aux autres 
membres de l'Église. 

Pour comprendre les détails, la masse des exégètes, ne se laissant pas aller 
à l'impression de découragement de quelques-uns, a scruté les documents qui 
nous informent sur les usages juifs et païens de l'époque. Pour les Juifs, nous 
avons reproduit les conclusions de Strack et Billerbeck (comment., supra). Chez 
les Grecs, nous savons comment se passaient les choses par un certain nombre 
de témoignages, entre lesquels il est courant de citer, pour ce temps-là, 
Plutarque, « Questions romaines », 14 : « Il est plus conforme aux usages 
(suvndéoepov), pour les femmes de se produire en public voilées, pour les 
hommes tête découverte »; ou Macrobe, « Saturn. »,1,. 8, 2; ur, 6, 17 pour un 
iemps postérieur. Les monuments confirment les textes. Von Dobschütz 
(« Urchristl. Gem. », p. 33 s.) observe d'ailleurs, après Rohde, que les usages 
Pouvaient varier d'une ville à l’autre, et que dans une cité comme Corinthe les 


264 : ÉPITRE AUX CORINTHIENS, xI, 40. 


convenances pouvaient être moins rigidement observées que dans la vieille 
Athènes. Les grandes dames hellénistiques et les femmes des classes inférieures 
s'en souciaient peu déjà; — et il est possible que Paul ait vu dans l'absence de 
voile en public un excès de mondanité; la matrone et la vierge chrétiennes ne 
pouvaient prendre l'air émancipé d'une mondaine ou d'une courtisane. 

Il leur prescrit donc à toutes le port du voile dans les réunions de prière, pour 
des raisons qu'il ramène au fond même de la religion. Mais pourquoi appelle-t-il 
ce voile une « éfouota »? 

Gerhard Kirrez (« Rabbinica, Paulus im Talmud », 1, 3, pp. 17-30) a fourni 
une explication qu'on voudrait pouvoir admettre, car elle supprimerait toute 
difficulté. Efousix aurait iei le sens direct de couverture, d'enveloppe ou de 
voile, Et voici comment il veut le démontrer : 

- Le Talmud de Jérusalem, Schabbath VI (8 b), à propos d'/saïe ni, 18-5s., 
où est décrite la toilette des dames de Jérusalem, qui comprend des objets 
nommés Dotaw, explique ainsi ce mot : 


n220 dv pau JON nN7 m0 nmiabu oorauin, « Sebisim [veut dire] les su/= 
ténayia, comme si tu disais : le Sabis du filet de tête ». (n2210 = tête). 


Saltonayia, mot araméen qui semblerait tout d'abord signifier « puissance », 
« seigneurie », d'après une racine sémitique comme ww, mais qui veut dire un 
article de toilette, serait un équivalent araméen de l’éÆovsio de Paul; le Talmud 
_ le donne comme un mot explicatif, donc d'usage courant; il ne faudrait pas 
chercher davantage de sens symbolique pour l'éfoucéx de Paul. Il est vrai 
qu'Aguila a rendu le même mot d'Isaïe par tehauüves (« liens », « rubans »), 
d'où Krauss à supposé que l'original était, non « Saltonayia », mais nyhn0u; 
seulement le Talmud, qui connaît bien Aquila, ne s' y réfère pas pout nôtre mot. 
Un autre mot de même racine, miubwÿ de Jér. Lr, 14, et Æzéch. xxvm, 114, est 
ordinairement rendu par « boucliers »; mais cette traduction est erronée, car, 
H Chron., xxnir, 9, les boucliers sont nommés & côté de l’objet désigné par ce 
mot. Puis il existe plusieurs vocables araméens, arabes, de même racine, qui 
autorisent à supposer que la racine $/{ avait un autre sens encore que « puis- 
sance », un sens qui devait convenir également à des objets comme le « sac », 
le « carquois »; ce ne pouvait être que « envelopper », « enfermer » ou quelque 
chose d'approchant. Il y avait donc des confusions possibles entre les divers 
sens de cette racine $7£, et passage de l'un à l’autre. Chez Paul, et les judéo- 
chrétiens de Corinthe, qui le comprenaient, éfouste pouvait done être la traduc- 
tion littérale de « Saltonayia »; le mot grec correspondant à l‘un des sens du 
sémitique aurait servi également pour rendre l’autre sens (cfr. une théorie 
antérieure à peu près semblable chez Æerklotz, Bibl. Leïtschrifi, 1912, p. 154 
« Zu I Kor. x1, 10 »). 

C'est assez séduisant, bien que compliqué; mais comme disent Str.-Bill., des 
lecteurs grecs auraient-ils pu comprendre un sémitisme pareil? Aussi ces 
sémitisants qualifiés se rallient-ils à l'opinion commune de la « métonymie » 
{v. infra). Admettrons-nous que la métonymie, — qui devait être toutefois intelli- 
gible pour des Grecs, — ait été facilitée dans l'esprit de Paul par le souvenir de 
ce mot Saltonayiu? Paul pensait-il tellement en araméen que de pareilles 
associations fussent chez lui instinctives? Nous en doutons beaucoup. 

En fin de compte, il ne nous semble pas qu’on puisse faire grand fond sur la 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI, 10. 265 


thèse de Kittel ou de Herklotz, et nous sommes ramenés aux interprétations 
plus anciennes. Il en est de deux sortes : | 

a) éfoucio signifierait « puissance », instrument de puissance défensive contre 
des attaques invisibles ; | 

b) ce serait un simple trope, une métonymie, pour signifier « le signe de la 
puissance » exercée su' la femme — ou par la femme. 

a) La première exégèse se trouve un ancêtre en Tertullien (« De virginibus 
velandis », 7) : « propter angelos », scilicet quos legimus a Deo et cœlo exci- 
disse ob concupiscentiam feminarum, Cfr. « Contre Marcionem », v, 8. Tous 
les syncrétistes modernes, qui découvrent dans le voile un instrument de magie 
apotropéique, une « puissance » (ëouole) défensive, font dépendre aussi leur 
interprétation de cette « concupiscence dès Anges » contre laquelle la femme se 
défendrait en se couvrant la tête. Et il nous faut considérer leurs raisons. 

D'abord, ces « Anges » sont bien des esprits angéliques, et non les fidèles, 
comme a eru Clément d'Alexandrie, ou les ministres du culte, qu'y voyait 

 Arnbrosiaster, Maïs faut-il conclure du fait que éfousix, actif, signifierait un 
« pouvoir » appartenant à la femme elle-même, que ce pouvoir est contre les 
Anges, parce que ceux-ci seraient hostiles à la femme ou susceptibles d'être 
tentés et égarés par ses charmes? Everling le premier, puis Schmiedel, Dibelius, 
Lietzmann, J. Weiss, al., accommodant l'opinion de Tertullien, se sont expliqué 
que le voile était une défense de la femme contre la concupiscence des Anges, 
la sensualité des esprits en général, les attaques du monde invisible. Reitzens- 
tein (« Poimandres », p. 230, n. 1) dit que ce passage sernble indiquer (car il a 
des doutes) que Paul juge la femme particulièrement exposée dans l'extase à 
l'attaque des rveuaru. Dans le même ouvrage et ses « Hell, Mysterienrel. », 
il s'efforce de montrer qu'éfoucia avait chez les hermétistes et gnostiques le sens. 
essentiellement magique de « pouvoir fondé sur une gnose », et qu'il aurait 
passé à Paul. Ces auteurs jugent trouver de nombreux appuis dans la littérature. 
On rappelle le fait qu'Henoch et d'autres apocryphes, comme Test. Ruben, 5, 
puis J'osèphe et quelques rabbins, ont pris les « fils de Dieu » de Gen. vi, 2-5. 
comme des Anges qui, avec les femmes, ont engendré les géants; ou encore la 
jalousie des mauvais esprits, comme l’Asmodée de Tobie (To, nr, 8), à l'égard 
des jeunes mariés, et de nombreuses autres données sur les relations du diable 
avec Eve, d'Asmodée avec les femmes de Salomon, ainsi que des dires de Ras- 
chi, un passage de Berakhoth 54», d'après lequel un malade, une accouchée, un 
fiancé et une fiancée ont besoin d’une protection spéciale contre les démons {ce 
qui est du folk-lore assez général); et d’autres textes encore. Voir Ser.-Rill. 
P. 437, et 439, 3, un texte du vieil auteur Wagenseël (1681) résumé ainsi par 
Wettstein (Sota p. 43) : « Malus est angelus, qui vocatur Usies, si videat mulie- 
rem nudato capite. R. Simeon filius Jochaï : Si mulieris capillus nudus est, 
venient mali spiritus, eique insident, et omnia, quae in domo sunt, perdunt ». 
On sait que l'histoire des anges d'Hénoch a été admise par beaucoup d’an- 
ciens écrivains ecclésiastiques ; Justin (« Apol. I », 5 et 21), invoqué par Sckmie- 
del, attribue les histoires galantes des dieux du paganisme à de mauvais esprits, 
alpovec gadhot, qui, dans les anciens âges, auraient commis l'adultère avec les 
épouses des hommes. Et l’on pourrait en citer bien d’autres. 
Cependant des exégètes qui ont moins d'esprit syncrétique — Sérack et Biller- 


266 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI, 10. 


beck sont du nombre — font d’abord l’objection préalable que Paul, à en juger 
par toute sa terminologie, ne parle ici que des bons Anges; il serait étrange, 
il est même impossible, qu'il se figure leur nature comme accessible à de telles 
tentations (voir Bachmann, Sickenberger, Kittel, etc.). Ce dernier observe juste- 
ment que cette interprétation de Gtù vobç &yy. introduirait une idée tout à fait 
hétérogène dans l'argumentation de Paul, car le v. 10 n'est que la conclusion 
de 7-ss.; Rob.-PI., sévères, mais justes, vont jusqu'à déclarer « enfantine », chil- 
dish, la référence à Gen. vi et aux anges d'Hénoch pour notre passage. Mais 
entre ces objections de principe et de critique littéraire, il en est d’autres qui 
seraient décisives à elles seules : 

C'est d’abord que, en aucun des textes juifs ou chrétiens utilisés, la sensualité 
n'est attribuée aux bons Anges (dont parle certainement Paul), mais seulement 
aux esprits déchus. Voir dans Szr.- Bill. les passages de Pesiqta rabba 43 (179), 
Chagiga 16° ou Gen. rabba 8 qu'il étudie; les bons esprits, dans le rabbinisme, 
jouent au contraire toujours le rôle bienfaisant d'anges gardiens; leur mission 
peut d’ailleurs devenir redoutable aux hommes, car, comme dit par exemple le 
Talm. babylonien, Taanit 11° (cité par Kittel, p. 27), « les deux anges du ser- 
vice » qui accompagnent tout homme, rendent témoignage, comme il est écrit 

au Ps. xcr, 11, de ses actions bonnes ou mauvaises. Mais les textes relatifs à la 
chevelure des femmes, qui les exposerait à l'attaque des mauvais anges, comme 
celui de‘Wagenseil (supra), cité littéralement par Kiftel, p. 29 s., et Str.-Bül., 
p. 439-s., n’appartiennent nullement au temps du Talmud ou à une époque 
antérieure, mais sont attribués expressément aux ñ02pn “227, aux « sages de la 
Kabbale », c'est-à-dire qu’ils ne sont que des spéculations du judaïsme médiéval; 
et il serait fort téméraire, de l'avis de ces sémitisants, de les faire remonter à 
l’âge de Paul; secondement, si le Talmud se refuse à fournir aucun appui à 
l'opinion précitée, on cherchera vainement aussi, dans l'histoire des supersti- 
tions païennes des premiers siècles, cette propriété pour le voile d’être une 
défense magique contre les mauvais esprits. Lietzmann reconnaît qu'elle n'est 
attestée nulle part en dehors de Paul. Aussi n'est-il pas très sûr de son inter- 
prétation, pas plus que ces autres syncrétistes intelligents que sont Reitzenstein 
et J. Weiss. Ce dernier dit (p. 275) : « Ainsi essayons-nous d'éclaircir ce passage 
difficile — dans l'espoir d’une lumière ultérieure ». Elle n’est pas venue. 

Et elle ne viendra pas, car, pour toutes les raisons ci-dessus exposées, leur 
opinion est insoutenable. 

b) Il faut donc s’en tenir à expliquer éfoucia comme une figure, une métonymie : 
« [quelque chose qui a rapport à la] puissance », Qu'un vocable aussi abstrait 
en vienne à désigner une pièce accessoire du vêtement, c’est là une transposition 
assez dure, et dont on n’a pas d'exemple ailleurs pour le même mot; car en ceux 
qui sont donnés par Bachmann, Luc 1v, 6 (&. pour « domaine ») ou Rom. xnr, 1 
.(&. pour « puissance constituée »), il n'y a que des spécifications du sens littéral; 
‘de même su de [ Cor. x, 23, (qu'il compare à tort, car là ce mot signifie 
‘proprement « considération » pour les membres du corps humain, bien que 
cette considération ait pour effet qu'on les couvre d’un pétement). Mais d’autres 
mots abstraits subissent, dans la langue biblique ou profane, des transpositions 
encore plus dures,.et qui ne sont pas douteuses, quoique assez pauvrement 
attestées. Ainsi Diodore de Sicile (I, xzvu, 5, cité par Toussaint) écrit qu'une 


* 
ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI, 10. 267 


statue ‘de vieille reine égyptienne porte « trois royautés sur la tête », vec | 
BuorAelus ént rs xepaXñc, c'est-à-dire trois diadèmes, signes d'une triple royauté. 
Kittel rappelle le verset 7 de Num. vi, dans les Lxx, où il est dit, à propos de 
la chevelure du naziréen, qu'il ne doit pas raser pour les deuils ordinaires, 
êre eûx A Oeoû aôroÿ êr” aûréi ét xepaX%c «ürob, « parce que la prière — ou la consé- 
cration (héb, 153) — de son Dieu est sur lui, sur sa tête ». Bon gré mal gré il 
nous faut admettre quelque semblable métonymie pour notre éfouctx sur la tête 
de la femme; c’est le voile, [signe de] puissance. | 

Quelle puissance, cependant? Le plus simple, évidemment, serait de penser 
uniquement, avec la grande majorité des exégètes, à la puissance de l’homme 
auquel elle est assujettie, et de traduire « signe de sa sujétion ». Chrys. et 
Théodoret, qui connaissaient leur grec, l'ont entendu ainsi. 11 se peut toutelois 
que la rareté de l'expression les ait réduits aux suppositions, et qu'ils n'aient . 
pas vu tout le sens. De fait, on a relevé avec justesse qu'éfouste n'apparaît nulle 
part ailleurs au sens passif. D'un autre côté, souvenons-nous que, dans toute 
cette page, Paul s'occupe non seulement de proclamer la subordination de la 
femme, mais de relever bien haut son honneur. Aussi vaut-il mieux se ranger, 
croyons-nous, au sens fixé avec beaucoup de décision par Ramsay dans « The 
Cities of saint Paul », p. 202 suivantes, (que citent avec approbation ARob.-PI. 
p. 232); car : « Dans les pays orientaux le voile est le pouvoir et l'honneur et la 
dignité de la femme. Avec le voile sur sa tête, elle peut aller partout en sécurité, 
entourée d’un profond respect... Mais sans le voile la femme est une chose de 
rien, que n'importe qui peut insulter ». 

Ce sont là, il est vrai, des mœurs modernes ; mais le principe en est ancien (1). 
C'est en signe de leur dignité, de leur appartenance à un seul homme et de leur 
indépendance à l'égard de tous les autres, que les matrones grecques étaient 
voilées. Dans le judaïsme, la Halakha dit que la tête découverte de la fiancée au 
jour de ses noces est le signe de sa virginité, c'est-à-dire d'un état inférieur, 
dans les idées des rabbins, à la dignité de la femme mariée. 

Ainsi la femme. d'après Paul, doit porter un voile en public, non seulement 
en signe de sujétion, mais pour exprimer qu'elle participe à la puissance de 
l'homme, dont elle est la gloire comme il est celle de Dieu. S'en passer pourrait 
ne pas choquer les Corinthiens, mais choquerait les gardiens de l’ordre de la 
nature, de la dignité humaine et de la sainteté du lieu de culte, les Anges qui 
sont là et l’accuseraient de ce désordre auprès de Dieu. Autres temps, autres 
mœurs; mais les principes supérieurs, dont Paul fait ici une application 
valable pour Corinthe, valent pour tous les pays et pour tous les temps. 

(Voir les commentaires indiqués. Plus spécialement, Srrack-Birrensecx, 
Kommentar zum Neuen Testament aus Talmud und Midrask II, pp. 435-440 ; 
Gerhard Kirrez, Rabbinica, 1920, Die « Macht » auf dem Haupt (I Cor. xt, 10), 
PP. 17-31; Sir William Ramsay, The cities of saint Paul, 1907, pp. 202 
suivantes; R. Rerrzensrein, Poimandrés,. pp. 48, 230, 331, et Die hellenis- 
üschen Mysterienreligionen, 3 Aufl. 1927, pp. 302, 363, 416; Fennce, Kultische 
Keuschheit, pp. 39, 70 et passim; von Dosscuürz, Die urchristlichen Gemein- 
den, pp. 33 suiv.: Everuiné, Die paulinische Angelologie und Dämonologie, 


(1) Les lois assyriennes imposaient déjà le voile aux femmes mariées. 


268 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI, 10. 


pp. 37 suiv.; Diseuus, Die Geisterwelt in Glauben des Paulus, pp. 18 suiv.: 
À. Jenemias, Babylonisches im Neuen Testament, p. 114. — Articles mention- 
nés de Herxcorz, de Lyper Brun, etc.; de Lasrioure, « Mulieres taceant in 
ecclesia », « Bull. d'ancienne littér. et d'archéologie chrétiennes », 1911. — Les 
articles des Encyclopédies sur le « voile » antique. — Etc.) 


II. La célébration de la Cène eucharistique (x1, 17-34). 


InT. Paul, après avoir blämé ses Corinthiens de ce que, dans la prière publique, 
deurs femmes ne se conforment pas à la tradition des autres églises, les réprimande 
maintenant pour un manquement beaucoup plus grave à la « paradosis » commune; 
car ici il s'agit de l'acte le plus grand, avec le baptéme, de la vie chrétienne, c'est-à- 
dire l'Eucharistie. On voit à cette page que les mœurs des Gentils s'étaient introduites 
même dans la liturgie la plus solennelle ; la licence des repas païens tendait à pénétrer 
dans la Cène du Seigneur, sacrement d'unité et de charité. Certains Corinthiens 
paraissaient en avoir oublié le sens; c'est pourquoi l'Apôtre leur rappelle en quelles 
circonstances et dans quel but Jésus l'a institué, et dans quel esprit ils doivent 
donc renouveler la Cène. 

Cette péricope si précieuse entraîne beaucoup de développements historiques et 
doctrinaux, au milieu de controverses qui n'en finissent pas. Avec le récit de l'insti- 
tution dans les Synoptiques et le chapitre VI de saint Jean, c'est la source du 
dogme et de la théologie orthodoxe du Saint-Sacrement. Combinée avec le chap, X 
14- “99, elle fournit la synthèse de la doctrine eucharistique de saint Paul. Nous 
l'exposerons dans un excursus. 

Nous devons surtout bien expliquer l'intention de Paul en ce chapitre; et prouver 
qu'il n'est pas l'auteur de la tradition qu'il rapporte. 

Tout le morceau est d'une grande unité, malgré les fantaisies de Delalosse, qui 
attribue les préceptes de fraternité dans le repas commun à Paul, l'institution eu- 
charistique au marcionite ancien, les paroles de l'institution et l'idée de la Présence 
Réelle au catholique ancien. — Notér que presque tous les auteurs contemporains 
y voient la Présence Réelle affirmée. 


“nr 


À. 17. Hapayy. oùz èx. : La leçon que nous avons suivie est celle de s, E, Fer, G, H, 
K, L, P, al., minusc. pl., boh, pes, Chrys., et elle est généralement admise des 
critiques; cependant À, C*, Ambrr., op. lat., syr., vulg., arm., sah. lisent rapayyéAAw oûx 
tauväv, et sont suivis par Schmiedel, Lemonnyer (« Je vous déclare, et ce n’est pas 
Pour vous ‘en louer. que... »), Vogels. I] faut rejeter évidemment rep... kw oux ex... & 
et kap,.. wv oux er... &iv de D et de B. (Blass admettait dans sa grammaire la leçon 
de D, mais én rattachant les premiers mots, jusqu'à rap... w, au v. précédent, 
Blass.-Deb, $ 430, 3). Nous avons choisi la première leçon, celle de Chrysostome, 
avec Aug. (« De op. monach. » 34), la Glose ordinaire, s. Thomas, Lap., B. Weiss, 
Lietëèmann, Rob.-Pl., Toussaint, Bachmann, Cornely, Gutjahr, Sickenberger, Nestle, 
Loisy, etc, pärce que, comme l'observe Lietsmann, les versets qui suivent im- 
médiatement sont moins un ordre (qu'annoncerait l'indicatif rapayyéAlw), qu'une 
réprimande; si toùro rapæyyéAlw se rapportait à un ordre concernant l'Eucharistie 
(il n'en apparaît de positif qu'aux vv. 28 et 33-34), alors il faudrait faire de oùx 
éraväv et de tout ce qui suit une sorte de parenthèse, ce qui serait moins 
coulant et moins naturel. Lemonnyer, al., entendent il est vrai xapayy. au sens de 
{ proclamer »; mais partout ailleurs chez Paul (1 Cor. vu, 40; I Thess, 1v, 11; IT 
Thess, nm, &, 6, 10, 42; I Tim. 1, 3; v; 7; vi, 18, 17), excepté peut-être I Tim. 1v, 11, 
rapayyËAkew signifie « prescrire » plutôt que « proclamer ». 

Le mot roëro, à notre avis, ne se rapporterait pas uniquement à ce qui précède, 
c'est-à-dire à la tenue des fommes (Aug. loc. cit., Glos.ord., T'homas, Lap., Cornely, 
B. Weiss, Rob.-Pl, Bachmann, Toussaint), mi à ce qui va suivre concernant 


270 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI, 17-34. 


Cu. xx, 17. Toro dè “rapayy£Ahwy oùx Émavd, Or ox els To noeïcoov GÂÂK 
u P i 
, s + * II — x À 2 te + % k 2. , 
elg 7 focov “ouvépyeche. 18. pére MÈY YAP GUVEPYOMÉVUY buév y “éxxAnoia 
_éxcüw vxicuara Ev bpiv drdpyetv, xat “pépos ti muorebw. 19, Aeï Yap ra aipéces 
Ey duty efvau, va [xat] of Déxmor pavepol yévuvrar Ev div. 


l'Eucharistie (Chrys., Théodoret, Giust., Estius, Schaefer, Heinrici, Sickenberger, 

al.), mais plutôt à tout l’ensemble de la matière que l’Apôtre est en train de régler, 

c'est-à-dire à tout ce qui doit être réglé par les « traditions » (xr, 2, cîr. 16),. 
dans les assemblées de culte, soit à propos de la tenue des femmes (supra), soit à 

propos de la Cène eucharistique {infra, 18-34), et ensuite d'autre chose (comme 

l'insinue la xpûtov pév du v. 18, v. ad loc.), qui doit être les « charismes » traités 

à partir de ch. xn. Lietzmann et Loisy l'ont bien vu, en traduisant rapæyyéklwv par 

les mots : « Bei meinen Anordnungen, », et « faisant mes recommandations ». 

C'est comme si l’Apôtre disait : « Puisque me voici en train de régler cette matière, 

il faut bien vous dire que je n'ai pas à vous louer de... etc ». 

J. Weiss, qui voudrait voir une interversion entre x1, 18-34 et x1, 1-16 (apparte- 
nant également à la « première lettre »), avance que le v. 17 (sur la bonne lecture 
duquel il ne.se prononce pas) pourrait être une glose pour faire la transition entre 
x1, 1-10 et xr, 48-84; c’est arbitraire comme de coutume; maïs il a au moins l'impres- 
sion juste que (pour le rédacteur) la remarque est générale, et s'applique à la fois 
aux chapitres xt et xu-xiv; il réfute Schmiedel (qui lit xapayyél\w) d'après lequel Paul, 
en disant « Je vous commande », passerait à une prescription personnelle, tandis 
qu'au v. 16 il n'invoquait que la tradition commune; cet exégète se trompe en 
effet, parce que les prescriptions concernant l'Eucharistie rappellent bien aussi les 
Corinthiens au souvenir de la tradition commune, comme nous allons le voir, 

B. 17. Si les Corinthiens, comme il semble, s'étaient prévalus dans leur lettre de 
leur attachement aux « traditions », ce qui leur avait attiré une louange — peut- 
être un peu dubitative — de l’Apôtre (xt, 2), celui-ci y avait tout de suite apporté 
une restriction à propos du voile des femmes (xt, 3-ss, 0ékw 06..), et aïnsi il était 
entré dans la série des observations relatives à la célébration du culte public. Mais, 
sur ce terrain, il avait à signifier des blâmes plus catégoriques et plus graves! Le 5 
qui suit oùx Exav& (et la signification serait la même en lisant ërauv&v) montre que ce 
qui va suivre s'oppose à la louange générale du v. 2. Leurs réunions de culte 
(ouvépysote), auxquelles la tenue des femmes risquait déjà de donner un caractère 
mondain, tournent, non pas à leur progrès spirituel, mais à leur détriment. On 
va nous dire pourquoi. Il peut y avoir là, bien entendu, quelque hyperbole; mais 
qui dénote comme les abus visés étaient dangereux pour la vie chrétienne. — Le 
blâme général ici formulé s'étend probablement plus loin que le chap. x1, jusqu'aux 
autres abus signalés aux chap. x1r à x1v (v. infra, à 18). 

À. 18. Mo&rov pév exige évidemment qu'il y ait quelque part plus loin un 
Bebrepov ou quelque chose d'équivalent. — Tép rattache tout naturellement la phrase, 


comme explication, à ele vb focov auvépyeade, — ëv éxxAncix — « en assemblée » solen- 
nelle; il s'agit de la réunion elle-même, non de « l'église » comme lieu de réunion, 
ni de l’Église universelle. — pépos vi est soit une réserve sincère, soit une litote; 


pareille expression, ou xaté tt pépos, apparaît chez Thucydide, Platon, Xénophon, etc. 

B. 18. Le premier reproche (xpürov péy) concerne des divisions, contraires à la 
charité, qui se faisaient dans leurs assemblées, et dont Paul a eu vent (même si 
rien ne lui a été écrit à ce sujet). On pense naturellement d'abord à un effet de ces 
disputes dont il a été parlé au premier chapitre, lequel aurait pu être dénoncé 
aussi par les gens de Chloé; l’effet de ces divisions serait apparu jusque dans 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI, 17-19. 271 


Gu. xt, 17. Maïs en vous donnant cette prescription, je ne vous loue pas 
de ce que ce n’est point pour [votre] profit, mais pour [votre] dommage 
que vous faites vos réunions. 18. Premièrement, en effet, quand vous vous 
réunissez en assemblée, j'entends dire que des scissions se font parmi vous, 
et j'en crois bien quelque chose. 19. Car il faut même qu’il y ait parmi 
vous des secles, afin que ceux qui soutiennent l'épreuve soient manifeste- 
ment reconnus parmi vous. 


le banquet eucharistique (20-22), et, à plus forte raison, dans les rivalités entre 
‘« inspirés » (voir ch. xiv). Paul dit, avec quelque ironie peut-être, que « üil le 
croit pour une part »; s’il le croit, c'est qu'il connaît l'état d’agitation des esprits, 
qu'il a décrit dès le commencement de son épître. La suite fait voir qu'il y avait 
encore d’autres motifs à ces oylouata, des « acceptions de personne », comme le 
disent Rob.-Pl., analogues à celles de Jac. 1, 4, des distinctions en faveur des 
riches, des groupements qui reproduisaient des coteries mondaines, et ainsi de 
suite, 

À quoi ces adverbes ro@rov pév, « d’abord, d'une part » opposent-ils ce premier 
blâme? Jean Réville (« Les origines de l'épiscopat », p. 117, 1894, cité par 
Toussaint), estime qu'ils indiqueraient une première réunion, géné rale, celle des 
délibérations et des instructions, précédant celle du repas commun (v. 20), plus 
intime. Maïs nous ne le croyons pas — bien qu'il ait pu y avoir une réunion 
spéciale pour les « paroles » (xn-xiv), et une autre pour l'Eucharistie (xr, 20-ss; 
cfr. J. Weiss, p. 279, n. 2, sur la Lettre de Pline) ou du moins deux parties 
tranchées dans la même réunion, — parce que les versets suivants montrent que 
ces divisions s'affichaientmême au cours de la Cène, et que le oëv du v. 20 (v. ad 
loc.), étant une particule de conclusion, ne peut séparer les abus de la Cène de 
ceux qui ont été précédemment signalés, mais, au contraire, les spécifie ou les 
englobe (J. Weiss, contre Lietzmann). Le corrélatif de roütov pév serait donc à 
chercher soit, avec Sickenberger et d'autres, au v. 34 (rà lomd, « le reste », c'est- 
à-dire les abus autres que les divisions dans le repas), soit plutôt aux chapitres 
XU-x1v, où il est traité des abus qui se glissaient dans les réunions charismatiques 
(Cornely, Bachmann, bien d'autres). Nous préférons beaucoup cette seconde 
Opinion, car au bref v. 34, rien ne montre qu'il s'agisse encore d'abus de ce genre 
à réprimer (v. ad loc.). 

mm À. 19. ëv buiv manque D‘, F,E, e, Cypr., Vulg. — cîr. Mat. xvix, 7, sur 
là nécessité qu'il arrive des scandales. Resch, à cause de Gest, croit que Paul 
Yéproduit ici un « agraphon ». 

B. 19. Paul n'a donc pas de peine à croire que de telles divisions puissent 
exister dans une communauté pareille. Et, bien qu'il en souffre, il s'explique 
Comment la Providence les permet : il faut que la vertu des vrais chrétiens, des 
“parfaits », se manifeste avec plus d'éclat en préservant l'union de la charité au 
Milieu des tendances à la désunion qui entraînent les autres; on verra ainsi 
lesquels sont vraiment une élite, les « éprouvés ». Les « schismata » peuvent 
n'être encore que le résultat peu délibéré d'une vanité et d'un égoïsme inconscient 
des « parvuli in Christo »; mais si les choses allaient plus loin, jusqu'à l'hostilité 
Systématique de sectes (afpéoes) opposées, le chrétien ferme et éclairé ne se buterait 
Pas encore à un scandale qui l'ébranle; Dieu peut permettre méme cela (be. 
2%), pour séparer le bon grain de l'ivraie. IL y a une grave menace dans ces 
Paroles; elles font voir aux Corinthiens sur quelle voie ils s'engagent; et J. Weiss 


272 ÉPITRE AÜX CORINTHIENS, XI, 17-34. 


20. Suveoyouépuy *obv duüv “ét +b abtb, “obx Éonv Huptaxkby Detvo paye 
21. Éxooroc yap vo “Bio detrvor “tpohapbdver Ev 15 payeiv, rat dc MËV mœeuwd, 
bc dE meer. 22. Mh yap vinius obx Éyete els To Écblery rat mivewv, À T76 EtxAnolas 
où Oecd xavagpoveite, na tarooyüvere rodbé ph Éyovrass ti exo duty; Zrawécu 
buac; Ey tobtu oÙùx Erarvi. 


est d'une psychologie bien superficielle lorsqu'il prétend que le bon effet escompté 
ici de ces « aipéoets » dénoterait une situation bien moins inquiétante que celle qui 
est indiquée aux premiers chapitres, et que par conséquent cette péricope appar- 
tiendrait à une lettre antérieure; étonnant chez un homme qui a si bien compris 
ailleurs le style et la manière de l'Apôtre. Il est difficile du reste de bien fixer ce 
que Paul entend ici par ces aipéoe. Ce sont des divisions pires que les « schis- 
mata » actuéls (Cornely, Bachmann, al.), maïs auxquelles ceux-ci pourraient 
acheminer. L'apôtre prévoit-il les « hérésies » proprement dites de l'avenir, qui 
détruiront l'unité de la foi (Ambr' : « quod scivit futurum, dixit, oportere »)? ainsi 
l'entendent T'ertullien (« De praescr. », 5), Pél., Ambrr, Hervé, Thomas, Estius, 
Bisping, Godet, etc. Ou bien seulement des ruptures affichées de la communauté, 
ce -qüe nous appelons des « schismes », aboutissement naturel des factions qui 
sont déjà à l’œuvre, comme le comprennent Messmer, Schäfer, Bachmann, 
Gutÿjahr? Pour l'intelligence du présent chapitre, il ne paraît pas nécessaire de 
bien préciser. Le genre des reproches faits çà et là aux esprits forts de Corinthe 
(surtout au chap. xv, v. infra) montre assez que les prétentions de leur « sagesse » 
pouvaient facilement les mener à de graves erreurs doctrinales. 

A. 20. oùv est explicatif et montre que l'auteur revient à son idée aprés 
une digression, loin d'en introduire une nouvelle; voir comm. de 18. — ërt rù 
adré — « dans le même lieu », cfr. Acë. 1, 45, 11, 1, 44, Î Cor. xiv, 23, al., et encore 
1 Clem. xxxiv, Barnabé IV, des classiques comme Platon, « Rép. » 329 À; 
Xénophon, « Rép. Atlién. » m, 2, etc. — oùx Écriv xup. 5. p., mots sur le sens 
desquels on discute beaucoup, nous semblent bien rendus par la Vulgate, qui a 
ajouté « Jam » pour la clarté : « Jam non est dominicam cœnam manducare ». 


A. 81. mpochapféve: pour npolaufdve dans quelques cursifs; -— +b 1tov Oeïxvov 
s'oppose évidemment à Geirvov xuplaxdv : « son propre repas » au lieu du « repas 


du Seigneur ». 

B. 20-21. La réflexion du v. 19 avait été comme une parenthèse de résignation 
à la sagesse providentielle; maintenant Paul revient au reproche énoncé plus haut, 
et il le précise. Les réunions dont il s'agissait se font — au moins celles dont il 
.va être question en ce chapitre — pour célébrer un repas commun, qui doit être le 
‘signe de la fraternité de tous les fidèles, et qui s'appelle le « repas (ou le 
« souper », beirvov, repas du soir) du Seigneur »; il devrait être véritablement 
commun pour répondre à son but et à sa signification; maïs, avec leur malheureux 
esprit de coterie, et de froideur les uns pour les autres, les Corinthiens ont beau 
manger dans le même lieu (ërt rè air), ce n'est plus un banquet fraternel, c’est une 
multiplicité de repas juxtaposés (on pourrait penser à nos tables de restaurant), 
dans lesquels chacun de ces consommateurs, (qu'on ne peut plus appeler des 
« convives »), ou chaque groupe restreint qui s'est formé par suite d'affinilés 
quelconques — rapprochements de famille, de métier, de caste, de. parti, — 
commence à mañger dès qu'il est prêt, et sans 8e soucier le moins ‘au monde des 
autres ou des autres groupes (Bachmann comprend même npohauféver au sens qu il 
dépêche, qu'il expédie son repas, en « l’enlevant d'avance » aux autres, avg 
. qui il aurait dû partager les victuailles qu'il apportait). L'Apôtre dit même sans 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, X1, 20-22. 273 


20. Donc, quand vous vous réunissez au. mème lieu, ce n’est pas [là] 
manger le repas du Seigneur. 21. En effet, chacun dépêche en mangeantson 
repas à Lui, et tel a faim, tel autre est ivre. 22. N'avez-vous donc point 
de maisons por manger et boire? ou bien dédaignez-vous l’église de 
Dieu, et voulez-vous faire honte à ceux qui ne possèdent pas? Que 
pourrais-je vous dire? vous louer? sur ce point, je ne loue pas. 


ambages — malgré les commentateurs qui ont voulu adoucir l'expression, — que 
quelques-uns vont jusqu’à se mettre en état d'ébriété,; certainement, pour des gens 
qui se comportaient à peu près comme dans une fête païenne, pareilles « inadver- 
tances » n'ont rien d'incroyable; circonstance aggravante, ils faisaient cela à la vue 
d'autres qui n'avaient presque pu se procurer à manger et à boire. 

Ce sont là des repas privés (xd toy Geïnvov) fort déplacés dans ce lieu et dans 
cette circonstance; mais qu'on n'’aille pas appeler cela « repas du Seigneur », 
quand on s’y éloigne tellement du modèle qu’on prétend imiter (v. infra). 

Que signifie donc « repas du Seigneur »? Sur l'adjectif zuptaxds, on peut voir 
Deissmann, (L O et « Neue Biblische Studien »}; dès la fin du règne de Néron, il 
désignait chez les païens d'Orient ce qui se rapportait à l'empereur, xbotos, et prenait 
de fait une sorte de caractère sacré; les chrétiens de la gentilité l'appliquèrent aux 
choses du vrai Küptoc, Jésus-Christ, et, dès la fin du 4er siècle (Apoc. 1, 10, cfr. Dida- 
chè, xiv, 1, Ignace, « Magnésiens » 9, Ev. Pet. 9, Barnabé xv, 9, Méliton Hepi rvotaxñs 
dans ÆEusèbe H E 1v, 26) appelèrent xuptaxn fuépa, « jour du Seigneur », le premier 
jour de la semaine, qui, comme étant celui de la Résurrection, fut spécialement con- 
sacré au culte (voir Act. xx, 7, I Cor. xvi, 2, Justin « Apol. I », 67). Mais on ne trouve 
pas, dans les premiers documents, xuaaxov deirvov. Tout le monde l'interprète d’un 
repas qui avait bien lieu principalement le dimanche, mais que Paul nommaiït de la 
sorte parce qu'on y célébraîit l'Eucharistie, (qui en était au moins la partie essen- 
tielle), en commémoration et renouvellement du grand « Souper du Seigneur », la 
Cène pascale qu'il avait célébrée avec ses disciples le soir du Jeudi Saint. Il n’y a 
que l'opinion isolée ou peu suivie du P. Baumgartner qui veuille y voir simplement 
le « repas du [jour du] Seigneur », de la #vptaxi ou dimanche, tout à fait distinct et 
séparé de la cérémonie eucharistique qui aurait eu lieu le matin, bien des heures plus 
tôt. Nous ne pouvons admettre cette opinion, sur laquelle nous reviendrons Exc. x. 

oÛx Boruy xvpraxdv Detnvov puyetv. On ne peut l'entendre au sens qu'il serait impossible 
matériellement, dans leurs réunions, de « manger le repas du Seigneur », puisque 
ce serait en contradiction avec tout le contexte, notamment avec les versets 21 et 
33, infra. Mais d'anciens Latins, comprenant oùx Eomv au sens de oûx Éfeotiv, « non 
licet », « il n'est pas licite » (ce qui est possible grammaticalement), croient que 
l'Apôtre veut dire : « Il n’est pas permis, il est indécent et coupable, de manger le 
repas du Seigneur (c'est-à-dire l'Eucharistie), au milieu de telles divisions, ou bien 
d'une réjouissance si profane »; ainsi Aug. (« ad Jan. » epist. 54, 5), l'Ambrr, Pél. 
puis P. Lombard, $. Thomas, Lyr., Bengel, Meyer, B. Weiss, Batiffol, al. Cela 
suppose que Paul veut interdire dorénavant l'association d’autres mets au pain et au 
vin consacrés, ce qui est inexact, comme nous le verrons bientôt surtout au v. 88. 
Il faut donc, ainsi que l'ont entendu Chrys. et Théodoret (v. infra, Exc. x), Hervé, 
Cajetan, Estius, Lap., Grotius, Maier, Bisping, Godet, Rob.-Pl., Lietsm., J. Weiss, 
Bachmann, Gutjahr, enfin la presque unanimité des modernes, comprendre ces 
mots comme l'avait déjà fait la Vulgate : « Ce n’est plus là [ce qui peut s'appeler] 
Manger un repas du Soigneur »; car leur tas de repas privés (iStov Geïrvov) ne 
'épondent pas du tout à l'esprit de l'institution du Seigneur (cfr. vv. 28 suiv..). 

ÉPITRE AUX CORINTIIENS. 18 


274 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI, 17-34. 


23. Eyo yap “mapéhabor “amd voù xupiou, 8 vai mapédwra div, Gt à xbptos 
Taooës Ev 1% vuurt 9 “rapeddero Ehabey dorev, 2h. val ebyapiorious ÉxAacey 
Hal eîrev’ Toëro mob éotiy Td oùpa “To Ümèp uv’ roïro mouïte els Ty Euhv 
avapvnorv. 25. ‘Qoaitwc xai <d rorhproy era TD deunvour, AÉYwV' Toro Td moThproy 


Estius : « Quod agitis, non est edere dominicam cœnam, sed longe aliud ». L'accent, 
comme dit J. Weiss, doit se mettre sur zvpraxév; leurs repas liturgiques, considérés 
avec tous les abus qu'ils y introduisent, ne sont pas, quoiqu'ils contiennent l'Eu- 
charistie, la reproduction de la Dernière Cène telle qu’elle devrait être, c’est-à-dire 
dans son esprit de gravité et de charité. 

A. 22. érxauvécw, plutôt hellénistique; le grec classique préférait äratvécoper. 

B. 22. Paul leur déclare, avec une brusquerie ironique, que, si c’est de la sorte 
qu'ils prétendent. célébrer le « repas du Seigneur », ils feraient mieux de s'en 
abstenir et de rester chez eux. Là au moins ils pourraient faire leurs ripailles 
profanes sans profaner une cérémonie sacrée; et de plus, ils n'humilieraient et 
n'attristeraient pas, en consommant leurs victuailles tout seuls, sous les yeux des 
indigents de la communauté auxquels ils n’y donnent aucune part, ceux « qui ne 
possèdent point » les moyens d'apporter avec eux pareil festin. Ils n’ont point le 
sens de la communauté chréticnne, et sont par conséquent peu dignes de participer 
à l'Eucharistie, dont ils ne comprennent pas, pratiquement, le sens moral. 

C’est un de ces sarcasmes assez familiers à Paul; et il ne faut pas, bien entendu, 
en conclure que tous les chrétiens n'étaient point tenus de participer à l'assemblée 
dominicale; maïs l’Apôtre a l'air de leur dire qu'ils commettraient une moindre faute 
en y manquant qu'en y assistant de cette manière. 

La formule modérée de bläme (« Que vous dire ? Vous louerai-je ? Sur ce point je 
ne vous louerai pas » cfr. v. 17) ne peut confirmer l'opinion qu'il ne s'agirait pas ici 
de graves manquements, tels que ceux qui s’attaqueraient à la dignité du Sacre- 
ment, et que, en conséquence, ce « repas du Seigneur » ne pouvait contenir 
l'Eucharistie (cfr. Baumgartner). Ce n'est qu'une litote, et Paul en est coutumier. 
Son ton, qui est à la fois attristé et un peu narquois, s'explique du fait qu'il a 
plus de pitié que d’indignation en face de l'inconscience de ces pauvres néophytes 
qui sans doute dans leur lettre (voir au v. 2) avaient sollicité ses éloges pour leur 
fidélité à suivre les « traditions ». Il peut le reconnaître et les en louer sur d’autres 
points, mais non pour leur façon de célébrer les mystères; car ils y manquent 
inconsciemment, par égoïsme et légéreté, à la « tradition » qui est la plus grave de 
toutes, et qui va leur être rappelée aux versets 23-suivants. 

On voit une fois de plus comme les mœurs païennes s'étaient infiltrées dans cette 
église depuis le départ de l’Apôtre, puisqu'elles en étaient venues à se manifester 
jusque dans l'acte le plus solennel du culte. Bien entendu, les meilleurs devaient 
en gémir, mais ils montraient trop d'indulgence pour le laisser-aller des autres, et 
n'osaient blâmer leurs coreligionnaires riches et considérables. 

Ces acceptions de personnes (cfr. Jac.), cette indifférence et ce dédain des riches 
pour les pauvres, en des assemblées destinées pourtant à rappeler le plus immédia- 
tement leur fraternité dans la Rédemption du Christ, sont le désordre dont la 
répression nécessaire 2. inspiré à Paul toute cette péricope. Chrysostome (« In I ad 
Cor. » Hom. xxvu-xxvint), Théodoret dans son Commentaire (PG, Lxxxn, col. 316) 
et les autres anciens ont fortement insisté sur ce point. Théoriquement ces chré- 
tiens croyaient à l'Eucharistie, sacrement d'unité; mais ils n'en tiraient pas les 
conséquences pratiques, et montraient leur inconséquence d’une façon affligeante en 
sa célébration même. 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI, 23-25. 275 


23. C'est que moi j'ai reçu, [venant] du Seigneur, ce que j'ai transmis 
aussi à vous, que le Seigneur Jésus, dans la nuit où il était livré, prit du 
pain, 24. et ayant rendu grâces, [le] rompit et dit : « Geci est mon corps, 
qui [est] pour vous; faites ceci en rappel de moi ». 25. Pareillement aussi 


mm À. 23-25. ax6, sens différent de rapé, v. infra. — rapedidero, hellénistique, 
formé sur rapabèw, a été remplacé par repedèoro, plus classique, B?, L, P. — Après 
éinev, addition de Aëfete odyete (Mat. xxvi, 26) dans K, L, P, al., Chrys., got., pes., vulg. 
— 10 6rèp buüiv, sans aucun participe qui suive, est la leçon de K', À, B, C*, 17, al.; 
on lit to 0. 6. xkwuevov G, d, K, L, P, Chrys., pes,, got.; vb 6. 6. Gpurtéuevov dans D; 
dtdopevov (Luc, xx11, 19) copt., « quod pro vobis tradetur » Vulg.; tous ces participes 
ont été ajoutés pour compléter une locution qui paraissait trop elliptique. Cîr, 
Mat. xxvi, 26-28; Marc xiv, 22-24; Luc xxrr, 19-20. — Oôcéxs dv, cfr. v. 26 et 
Apoc. x1, 6. 

B. 23-25. Paul leur rappelle à quelle « tradition » formidable ils manquent en la 
circonstance, sans avoir l'air de s’en douter. C’est à l'ordre traditionnel, émané du 
Seigneur lui-même, de célébrer les mystères comme mémorial de la Mort Rédemp- 
trice, par conséquent dans le même esprit de recueillement sublime, d'immolation 
parfaite et de charité universelle, infinie, dans lequel le Christ Les a institués, lui 
que ces Mystères rendent présent parmi eux, pour proclamer sa Mort, la rendre 
encore visible, jusqu'à l'heure de son Retour glorieux dont ils sont un gage. Leurs 
divisions et leur attitude profane voilent ces vérités si terriblement impressionnantes, : 
comme si, en pratique, ils ne les comprenaient pas. 

Qu'il soit encore question de « träditions » cultuelles, comme à travers tous les 
chapitres x1-x1v, C'est ce que prouve suffisamment le début de cette péricope, ayec 
les mots zapéhafor et rapéüwzz. En quoi la « tradition » consiste-t-elle de la manière la 
plus précise ? Sans doute en toute la signification du repas eucharistique, rappelée 
par le récit de la Dernière Cène, comme objet de foi chrétienne, mais surtout — 
“puisqu'il s’agit en toute cette section non pas tant de vérités à croire que d'actes à 

accomplir, d'attitudes traditionnelles à observer, — c'est en ce précepte de Jésus- 
Christ, dans lequel le récit culmine, de reproduire authentiquement son acte : 
« Faites ceci (de la même manière que je l'ai fait) en mémorial de moi, (de mon 
amour pour vous tous et de ma mort rédemptrice) ».:C'est pourquoi Paul répète deux 
fois l'ordre que Zuc seul donne parmi les évangélistes, et une seule fois. Cette 
insistance doit fixer l'attention des lecteurs. 

Il ne s'agissait donc de proposer aucun nouvel objet à la foi des Corinthiens, mais 
de les ramener à agir d'une manière digne de leur foi, en les empêchant de manquer 
à Ia charité et à l'égalité fraternelle (en même temps qu'à la décence) dans la célé- 
bration même d’une commémoraison de la charité de leur Sauveur. Tous les anciens 
exégètes ont ainsi compris l'intention de l'Apôtre, ct Chrysostome a insisté particu- 
lièrement sur ce point. Il est de toute évidence que Paul ne faisait pas pour la pre- 
mière fois ce récit (Cornely, Maier, Clemen, cte.). Dès qu'unc église était fondée, on y 
Célébrait l'Eucharistie; la xkdois &prou avait été l'acte essentiel du culte chrétien dès 
les premiers temps à Jérusalem (Act. 11, 42, 46); Paul du reste dit ici même qu'il leur 
a déjà transmis le récit de cette institution du Christ (6 ai buiv rapédwxa), et naturel- 
lement ils y avaient adapté leur culte; théoriquement ils possédaient lous très bien 
la doctrine de l’Eucharistie, puisque l'Apôtre s'est Lout à l'heure servi de cette con- 
naissance qu’il présuppose en eux, pour les délourner de toute concession apparente 
à Pidolâtrie (ch. x, 15 : ds ppoviuots Aéyw rptvare buets 6 onu; 16: 47; v. supra, au com- 
mentaire de ces passages). 


276. ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI, 17-34. 


à xawn dal Ectiv év To UD aimatt® Toro moueîte, Ooduis av mivnte,. els Thv 
ÉuNY avauvnotv. 
€ 4 : , « 2 … \ D 

26. Ones yap Eav Écfnte Toy dprov Tobtov ad Td rorhpuoy mivyte, Tov Bévarov 


roù xupiou “xarayyéhAere, -dypis 05 Enbn. 


Il est donc absolument certain qu'il ne leur communique pas ici une. révélation 
récemment reçue, fondant un nouveau dogme, ni une nouvelle manière dogmatique 
de comprendre une cérémonie qu'ils auraient célébrée jusque-là en y attachant un 
autre sens. | 

Et il est très facile de comprendre pourquoi Paul redit à ses fidèles, avec cette 
solennité, ce qu'ils savaient bien déjà, mais dont ils avaient l'air de ne plus savoir 
tirer les conséquences : le corps et le sang donnés à tous les disciples indistincte- 
ment, sans acception de personne (même à Judas, disent plusieurs Péres); le 
souvenir terrible du crime des hommes, particulièrement d'un des disciples; le 
sacrifice rédempteur, qui dure virtuellement toujours, et est proclamé de nouveau à 
chaque célébration des mystères; tout cela exige des dispositions de deuil, ou du 
moins de repentir et d'humilité profonde, une largeur de cœur qui ait pour modèle 
celle de la grande Victime, et en même temps des sentiments d’allégresse et de 
sécurité à la pensée de l'immense charité du Christ, de la rédemption, de la résur- 
rection du Sauveur et de la Parousie dont ces mystères, où Il est présent, immolé et 
glorieux à la fois, nous sont le gage, au lieu d'une joie matérielle et égoïste qui. 
obscurcit dans les cœurs l’attente de ces biens communs et spirituels. 

Il y a donc un lien très étroit entre le récit de la Cène et la leçon de charité et de. 
décence que Paul veut donner à ses fidèles. Aussi ne faut-il pas comprendre ces 
versets, à la façon de Baumgartner, comme une « digression » justifiée seulement 
par le fait que le repas corinthien de fraternité avait lieu le dimanche, le jour du 
Seigneur (xupraxov deinvov), c’est-à-dire le soir du jour même où, dans la matinée, les 
convives avaient communié, ce qui leur avait rappelé l'amour universel du Christ, 
et aurait dû les empêcher d'oublier dès Le soir la grande leçon de fraternité, d’abné- 
gation et de sacrifice donnée à la Dernière Cène. Nous réfuterons cette opinion dans 
l'Exc. x. Disons seulement déjà que cette interprétation par simple analogie, ou par 
le fait d'une conséquence seulement générique et éloignée, ne trouve pas chez les 
Pères grecs l'appui que l'on croit. L'institution de l'Eucharistie n'est pas rappelée 
seulement « à titre d'exemple » suprême, mais parce qu'il y a un lien direct et 
essentiel (nous verrons si c'est une identité) entre la célébration du mystère eucha- 
ristique et le « repas du Seigneur », à Corinthe et partout à cette époque. Qu'il 
s'agisse en notre passage d’une seule et même cérémonie, d’une seule et même 
assemblée (peut-être en plusieurs stades), c'est ce qui nous paraît établi par la 
correspondance des termes au début, au milieu et à la fin de la péricope (ouvépyeale, 
cuvepyouévov budiv ëv ExxAnola, auvepyouévev oùy buüv ëni T0 adté, cuvepyépevor ei TO payeir, 
un ei xolua ouvépynoe, aux vv. 17, 18, 20, 33, 34); et ce qui est surtout à noter, le 
rapport du v. 29, où il s'agit certainement de la réception de l'Eucharistie : xpiua 
Éaur& écôle, « il mange le jugement contre lui-même » (et qui serait de la « digression ») 
avec le v. 34 : pù els 2piua ouvéoynae, « ne laites pas vos assemblées pour [tomber 
sous] le Jugement », où le « jugement », qui s'encourt dans « l'assemblée » (le Gstrvov 
xvptæxév) est assurément le même que celui du v. 29, qui s'encourait dans l'acte 
d'une communion indigne. (Voir au commentaire de tous ces versets). D'ailleurs, il 
serait étrange que tant de place fût tenue par une digression, en une péricope où 
toutes les phrases sont grammaticalement et logiquement liées (ce qui n’est pas le 
cas pour d’autres « digressions » manilestes de Paul), et où pas un mot n'indique 


. ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI, 26. 277 


le calice, après le repas, en disant : « Ce calice est le nouveau testament 

en mon sang; faites ceci, chaque fois que vous boirez, en rappel de moi ». 
96. Chaque fois, en effet, que vous mangez ce pain et que vous buvez le 

calice vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu'il vienne. 


è 
à. 


le changement, le passage d’un sujet à un autre, du « repas du Séigneur » à l'Eu- 
charistie ou inversement, de « l'exemple » à l'instruction directe. 

Une autre question fort débattue entre commentateurs, — et qui ne devrait pas 
l'être autant à notre avis — concerne la portée exacte des mots tyù yàp mapéha6ov &xû 
<o8 zvpiou, « car moi, j'ai reçu du Seigneur... ». Paul attribue-t-il à une révélation 
directe reçue de Jésus-Christ la connaissance qu'il possède de l'institution de l'Eu- 
charistie à la Dernière Cène, et des paroles que le Christ prononça sur le pain et le 
vin avec l’ordre qu'il donna aux Apôtres de limiter? Malgré tout ce qu'il y a de 
surprenant dans l'hypothèse que Paul, admis dès sa conversion dans la communauté 
chrétienne (qui, dès les premiers jours, avait obéi à l’ordre du Seigneur), aurait eu 
besoin d'une révélation spéciale pour connaître l’origine et le sens du rite eucharis- 
tique, l’assertion : « Moi, j'ai reçu du Seigneur... » a paru si nette à beaucoup, si 
dénuée de toute ambiguité, qu'ils n'ont pas hésité à mettre pareille révélation à la 
source de la croyance et de l’enseignement de Paul concernant les saints mystères. 
Naturellement certains protestants et rationalistes y trouvaient leur compte, car 
ainsi il leur était loisible de faire de Paul l'introducteur du dogme eucharistique 
dans l'Église; les Synoptiques auraient simplement copié Paul. Mais beaucoup de 
catholiques d'autrefois et d'aujourd'hui se sont rangés également à cette hypothèse 
de la « révélation immédiate », malgré l’importun problème qui naîtrait du fait que 
le converti de Damas en auraït eu besoin. Suivant Cornely, qui est du nombre, ce 
seraient tous les plus anciens, s. Thomas, Nicolas de Lyre, Cajetan, Estius, etc., et 
de nos jours c'est Le Camus, Toussaint, Lemonnyer, Sales, Gutjahr, Sickenber- 
ger, ete. — sans parler de Loisy (1). Un croyant orthodoxe devrait alors au moins 
présupposer que le converti a bénéficié de cette révélation avant de connaître ni les 
Apôtres ni la tradition de l'Église, c'est-à-dire pendant les trois jours qu'il resta 
aveugle à Damas, avant qu'Ananias vint le guérir, l'instruire et le baptiser; car 
donner le choix entre ce moment et le séjour en Arabie (comme le fait Cornely), 
c'est admettre, avec un peu d'inadvertance, que Saint Paul aurait pu être baptisé et 
passer plusieurs jours parmi les chrétiens de Damas, préchant même sa foi nouvelle 
dans les synagogues, sans que ses nouveaux frères lui eussent appris la « fräc- 
tion du pain ». 

Aussi le très grand nombre des commentateurs modernes, mus par ces raisons et 
par d’autres, et, chez plusieurs d'entre eux, sans aucun intérêt apologétique, 
rejettent l'hypothèse de la « révélation immédiate », Ainsi le catholique Maier, 
avec d’autres, puis toute la ligne des protestants, Zahn, Schmiedel, Liet:mann 
Robertson-Plummer, J. Weiss, Bachmann, Clemen, d'autres. Et il faut bien leur 
donner raison cette fois. Plusieurs insistent à très juste titre sur ce que àxd où xvpou 
n'impose pas du tout une communication directe faite par le Seigneur; pour cela il 
faudrait une autre préposition, xa«pé, que Paul a justement omis, contre son habi- 
tude, d'employer ici après le verbe xxpahapéavew, Nous exposerons et compléterons 
Ce point de vue dans l'Exc. x, 


(1) Loisy, maintenant impressionné sans doute par la hantise « liturgique » de la « Form- 
seschichte », parle d'interpolation pour ce récit; Gouchoud et Al/aric en font une création de 
l’auteur. Goguel les a réfutés « Revue d’hist. et de philos. religieuses », 1930, pp. 61-89. 


278 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI, 17-34. 


e \ 3 ’ « , = * 2 \ 

27. "Qore êc y Ecbin Tv dptov À Tivn Td motpiov Toù zxupiou avaËiwe, “Évoyoé 
Éorar Toù cwyartos rat ToÙ almaros toù xupiou. 28. Acupatétw DE &vOpwros Éautév, 
x : = % , sn) da nm nmin PT = é . 929 ‘O 4 , LH Ü 
obtuc Ëx vob dprou Ecfuétu ai x To mornpiou rivétu® 29. vap échiwy aa! 

e n * 7 k ou A … 3 CES 

rivuv xpiua Éaut® Écfler rat miver “un Slaxpivuy “rd cùpa. 80. Ari Toùro Ev duiv 


On ne peut d’ailleurs dire qu'il soit nouveau. Les anciens, avant le Moyen Age, 
n’ont guère paru se préoccuper du problème, et saint Chysostome, par exemple, dit 
tout simplement (hom. xxvir, 4) : xal yäp nat ofuepov aûtds dotiv à révra Epyaléuevos za 
ragadidous, Goxep nat réte « Car aujourd'hui c'est lui-même [le Christ] qui opère 
et transmet tout, comme aussi de ce temps-là »; ce qui paraît bien insinuer que 
Paul, ainsi que les chrétiens futurs, pouvait attribuer au Christ, comme premier ins- 
tructeur qui opère toujoùrs dans l'intelligence des fidèles, tout le contenu de sa foi, 
sans qu'il fût besoin pour tel ou tel point d’une révélation faite à lui en particulier; 
en effet, comme dit Lietzmann, « il est redevable en dernier lieu (souligné par nous) 
‘à une révélation du Seigneur de tout son Évangile.. Dans sa conscience, tout ce 
qu'il a entendu concernant Jésus, avant et après sa conversion, découle de la révé- 
lation de Damas, comme d’une source unique », puisque c'est là qu'il a été con- 
vaincu une fois pour toutes, et par le Christ en personne, de la vérité des enseigne- 
ments de l’Église sur son Fondateur. Cela ne contredit pas le moins du monde 
Gal, 1, 11-12, où l’Apôtre affirme qu'il n’a pas reçu son Évangile des hommes, mais 
‘d’une révélation de Jésus-Christ, car là il veut parler de ce qu'il y avait de fonda- 
mental dans son Évangile, la dignité divine de Jésus (Id. J. Weiss) et l'union à Lui 
par la foi, ou de la justification, sans penser au détail des pratiques, des dogmes et 
des événements de la vie du Christ, qu'il lui était si facile d'apprendre des Apôtres 
‘et des croyants ses aînés; ce n'est pas pour rien,’ par exemple, qu'il est resté 
‘quinze jours près de Céphas, afin de le questionner et de le consulter, iotopñoar 
“Knpäv (Gal. 1, 18), et cela trois ans après sa conversion. — D'ailleurs, lorsqu'on 
invoque, par exemple, l'autorité de saint Thomas pour la thèse de l'immédiation 
(comme Cornely entre autres), on force les paroles du saint docteur; celui-ci s'ex- 
‘prime ainsi : « Accepi a Domino, scilicet Christo, qui est auctor hujus doctrinae. non 
ab oliquo puro homine », et il se réfère même, après Gal. 1, 1, au passage de 
Heb. n, 8: « Quae cum initium accepisset enarrari per Dominum, ab eïs qui audie- 
runt in nos confirmata est ». C'est assez clair; saint Thomas ne dit pas que saint 
Paul ait invoqué l'autorité du Seigneur à un autre titre que celui d'auteur de la 
« doctrine » eucharistique, qui a bien pu la lui transmettre par des intermédiaires, 
« ceux qui avaient entendu » son enseignement et son précepte. Cornely aura beau 
faire des distinctions subtiles, et dire qu'il s’agit ici non d'une doctrine, mais de la 
‘transmission d’un fait; d'abord c’est bien d'une doctrine qu'il est question 
-(v. s: Thomas}, celle de la présence eucharistique, puis du pouvoir et du devoir 
qu'a l'Église de renouveler le mystère; ensuite, Paul n'avait point, en tout cas, été 
témoin du fait de la Dernière Cène, qui pouvait donc bien être pour lui objet du 
témoignage d'autrui, d'une « tradition » remontant au Christ comme à sa source et 


à sa cause, par les Apôtres qui avaient été témoins de l'acte du Christ, et auditeurs 
‘de son commandement. 


Voici donc comment il faut entendre ces versets 28-25 : 

"Eyd yèp rapéhaGov &xû où xvpiou... « Car j'ai reçu, moi, du Seigneur [c'est-à-dire j'ai 
appris par une tradition qui remonte au Christ lui-même] ». Paul, en mettant en 
vedette ce pronom ëyw, « moi », n'entend pas dire que le fait qui va être raconté est 
parvenu à sa connaissance par une voie d'une autre nature que celle par où les 
autres l'ont appris; il ne se met pas dans une situation exclusivement personnelle 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI, 27-30. 279 


. 27. En sorte que quiconque mange le pain et boït le calice du Seigneur 
indignement, rendra raison du corps et du sang du Seigneur. 28. Mais 
que l’homme se mette lui-même à l'épreuve. et, [ayant fait] ainsi, qu'il 
mange du pain et qu'il boive au calice; 29. car celui qui mange et qui 
boit mange et boit un jugement contre lui-même, s’il ne discerne pas le 
Corps. 30. C'est pour cela que, parmi vous, beaucoup [sont] malades et 


quant à son mode de connaissance; Cornely, Le Camus, Toussaint, s’y sont trom- 
pés, en prétendant, par exemple, que s’il s'agissait d’un recours à la tradition aposto- 
lique commune, Paul aurait dû dire « Vous avons appris », et non « moi, J'ai 
appris du Seigneur ». L'Apôtre s'oppose bien aux Corinthiens, maïs voici en quel. 
sens : « [Vous estimez mériter des éloges pour votre fidélité aux traditions; mais 
moi, je ne puis vous louer du moins au sujet de vos assemblées]; car, moi, j'ai reçu 
une « tradition », une connaissance et un commandement qui partent du Seigneur, 

et dont je ne peux, moi, oublier la provenance et le sens... » 

0 za rapéèuxa butv, « et que je vous ai transmis à pous aussi »; VOUS avez reçu 
après moi et par moi cette « tradition » (rxpédwxa, c'est une rapdèoois) et vous savez 
donc bien ce qu'elle vous enseigne et ce qu'elle vous impose, en sorte que vous 
devriez rester fidèles à l'esprit du commandement. 

Or, quel est cet esprit? La conduite du Christ nous l’apprend. Paul va leur réciter 
la « paradosis » (J. Weiss). Lui, « le Seigneur Jésus » (Rob.-Pl. observent à ce sujet 
que Paul considérait donc Jésus comme étant « Seigneur » déjà durant sa vie mor- 
telle, avant sa glorification), le Seigneur Jésus, donc, « dans la nuit où il était 
livré... » — quel souvenir tragique qui devrait vous porter à la gravité attristée, et 
quelle reconnaissance envers Jésus, qui concentra alors toute la tendresse et l’ar- 
deur de son cœur généreux sur les frères qu'il allait quitter! S. Chrysostome com- 
mente ici magnifiquement. 

€... prit du pain, et, ayant rendu grâces, le rompit et dit : Ceci est mon corps 
qui est pour vous ». Il y a ici, comme on sait, une assez grande variété de leçons 
(voir supra, A). Nous gardons la plus simple, qui est aussi la plus autorisée; les 
additions « prenez, mangez » et « rompu », « brisé », «donné », «livré » sont explica- 

‘tives ou tirées des Synoptiques Mathieu et Luc. Elles n'étaient pas nécessaires ; pou 
To oüua to Ürép bu&v, et le verbe ÉxAacev indiquent suffisamment le caractère de mort 
et de sacrifice offert au profit des hommes. Et les paroles du Christ expriment bien 
le changement de pain en son corps réel et personnel, comme nous l’expliquerons à 
l'Exc. x1. 

« l'aites ceci en commémoration (ou en rappel) de moi, sis tv éuv ävéuvnaw ». Le 
mot ävéuvnauw signifie, non pas le souvenir habituel qui reste dans l’âme (uviun, 
gvela), mais « rappel », « mémorial », l'acte par lequel on se remet quelque chose en 
mémoire; ainsi la cérémonie de la Pâque israélite devait faire revivre sous les yeux 
des Juifs l'action de Yahweh les délivrant de la servitude égyptienne (ha, 


Ex. xu, et xur, 9). Jésus s'est substitué à l'agneau pascal, maïs ici la figure, l'ins- 
trument du rappel est identiquement le même être que celui qui est rappelé. — 
Ainsi les Apôtres ont reçu le pouvoir et le précepte de renouveler l'acte du Christ à 
la Cène. Ces paroles roëro mueïte, omises par Mathieu ct Marc, sont données par 
Luc aussi, mais une seule fois, après la consécration du pain; Paul les répétera 

après celle du calice, car il veut insister sur ce caractère de la Cène eucharistique, 

qui est d'être une commémoration du sacrifice de Jésus, un renouvellement saisis- 
Sant de la mort qu'il a subie par amour de ses frères, vérité que les Corinthiens ne 


280 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI, 17-34. 


RoNNO! Gabevetis xai dppwotor at rommüvrar iuavot. 31. Hi Sè Eaurods Gienpivouey, 

LA F4 3 # 4 e à … r N_? LU Al \ el 
oùx dv énpuwômeba. 32. Kotvômevor SE brd voùû xupiou radebouela, iva ph oùv To 
AOC  LATARPLPDUEY 


se « réalisent » pas comme il faudrait. C’est là, répétons-le, l'objet propre de cette 
instruction, la « tradition » qu'ils ont reçue et théoriquement comprise, mais à 
laquelle ils ne conforment pas assez leur attitude et leur conduite. 

« De la même manière, [il prit] aussi le calice (haxôtews at ro rothotov, phrase ellip- 
tique, sous-entendu Ekafev), après avoir soupé, disant : Ce calice est le nouveau tes- 
tament en mon sang », Cfr. Ex. xxiv, 8 : Moïse, à la conclusion de l'alliance du 
Sinaï, aspergeant le peuple du sang de la victime, et disant : « C’est le sang de 
l'alliance (m2, LXX dtaffxn) que Yabweh a conclue avec vous ». Comme Gtaÿfrn 


avait le sens prévalent de « testament », Paul insiste sur le caractère infrangible 
que prend un testament par la mort de celui qui l’a fait (Gal. nr, 15-s., cfr. Heb. 1x, 
16), et c’est la pensée contenue dans les paroles du Christ qui va eonclure Ia nou- 
velle alliance par l’effusion prochaïtie de son sang. La formule de Paul coïneide à 
peu près avéc celle de Zue, qui ajoute cependant rà dxip buév éxyuvvduevor, « qui est 
répandu pour vous », mots marquant encore davantage l’anticipation du prochain 
sacrifice de la Croix; mais cette idée est déjà incluse nettement dans les mots 
d'« alliance dans mon sang ». De cette variété des formules nous traiterons à 
l’Exc. x1. Celle de Paul et de Luc se ramène nécessairement au même sens que celles 
de Mathieu et de Marc, en prenant « continens pro contento », et « causatum pro 
causa » (Gutjahr). Granmimaticalement, les termes êv r& iu& œluau ne sont pas à 
joindre à rordptov (« Ce calice en mon sang — ou qui contient mon sang — est la 
nouvelle alliance »), maïs à 2. Stabfan iotiv, qu’ils expliquent: car c'est : « ëv t& aluaærr » 
qui détermine le sens de toute la phrase : « Ce calice est la nouvelle alliance, parce 
qu'il contient mon sang » (J. Weiss), Et Backmann aussi explique : « Grâce au sang 
du Christ, c’est-à-dire parce que le prédicat sang du Christ est à appliquer au con- 
tenu du calice aussi bien qu'au pain le prédicat mon corps, ce calice est la nouvelle 
alliance ». Toutes les formules s’équivalent done pour signifier le changement du 
vin au sang du Christ. 

J. Weiss lui-même (Comment. ét « Jesus von Nazareth Mythus oder Geschichte? ») 
a réfuté Straatmann, Bruins, Drews, qui voudraient effacer les versets 23-25. 
Delafosse, aussi intelligemment, fait des paroles consécratoires une interpolation 
catholique dans le texte marcionitc. 

Pour roëco motte 4th, voir ci-dessus. æ— és, lhv rivnte, « chaque fois que vous 

boirez », ne vise pas tous les repas futurs des disciples mais la répétition liturgique 
que le Christ prescrit. 
A. 26. yée est parallèle à celui du v. 28. Devant rù rotApiov, le démons- 
tratif voëro est sous-entendu, — KarayyéAets est le présent indicatif, et non un 
impératif (J. Weiss, et Bachmann, contre Holsten); il ne faut pas non plus le rendre 
par le futur, comme vubg. (annunciabitis, de même manducabitis, bibetis) car ce n’est 
plus le Christ qui parle, mais l'Apôtre, et c’est d’un fait actuel, qui se répète à 
Corinthe et dans toute la vie de l'Église; aussi les aoristes subjonctifs ëcdinte et 
nivnte, exigés par ôcéxt êàv (cfr. v. 25), doivent être traduits de même par des 
présents, 

B. 26. L'auteur tire la conclusion du fait qu'il a rapporté aux versets 28-25, De 
par l'institution du Ghrist, chaque fois qu'on célèbre la Cène eucharistique à 
Corinthe, on « proclame » ou « annonce » la mort du Seigneur, comme si elle se 
produisait à ce moment; nous voyons la portée de ce verset pour démontrer le 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI, 31-32. 281 


débiles, et qu’il s’en est endormi en assez grand nombre. 31. Si nous nous 
discernions nous-mêmes, nous ne serions pas jugés. 32. Mais quand nous 
sommes jugés par le Seigneur, nous sommes corrigés, pour n'être pas 
condamnés avec le monde. 


caractère sacrificiel de l'Eucharistie. Et cette mort sera, pour ainsi dire, renouvelée 
de la sorte jusqu'à Ia Parousie glorieuse; les fidèles l'auront toujours, redevenue 
actuelle, devant les yeux. 

Quelle sérieuse componction, quel repentir, quelle crainte, quelle joie, quelle 
ferveur de charité pareïlle commémoration ne devrait-elle pas produire! Mais il 
n’en est pas ainsi. Paul revient donc à son argumentation contre les abus, qu'il a 
commencée au v. 28 : « [Je ne vous loue point], 23 car j'ai appris du Seigneur... 26- 
car, chaque fois ..., c’est sa mort et l'attente de sa Parousie que vous proclamez », 
et on dirait que vous n’en avez pas conscience! Bachmann a très bien vu ce paral- 
lélisme. 

Le même auteur montre qu’il ne peut s'agir ici des repas journaliers des chré- 
tiens, dont chacun aurait dû reproduire la Cène, puisque Paul, au v. 22 (cfr. 33) a 
fait allusion aux repas pris dans les maisons sans aucun caractère sacré. 

Cette commémoraison mortuaire et mystique avait bien quelque analogie avec le 
« drame », les üpoueva des Mystères et d'autres cérémonies païennes. Mais elle n’en 
était pas inspirée, et, dans l'Exc. x1, nous allons critiquer la théorie que G. P. 
Weiter a construite là-dessus. 

=——— A, 27. roërov ajouté après &otov K, L, P, al., vule.; il est en réalité sous- 
entendu, et il ne faut pas rattacher toë xupilou à &prov comme à xotptov, car ce serait. 
une expression trop inusitée. — Évoyos… 105 aug. x. t. aluatos 105 xup. Le verbe èvéyecûou, 
signifie, au propre et au figuré, « être retenu dans des liens, des entraves »; 
l'adjectif #vozos prend divers sens : soit « justiciable » d’une autorité, « responsable » 
devant quelqu'un, soit « assujetti, asservi à », et, (comme toujours le verbe), il 
gouverne alors le datif. Ici nous avons le génitif; le même cas se retrouve Mat. 
XXVI, 66, Évoyos Oavärou, Heb. 11, 15 Évoyor Goukelus, Jac. 11, 10 révrwy Évayos; le génitif se 
trouve même en grec classique (à côté du datif plus fréquent), quand évoyos veut 
dire « exposé à une accusation » (ainsi Vettius Valens, 11710 Évoyor poryelas, « accusés » 
ou « sujets à être accusés d'adultère », cité M.-M. ; ou déjà Platon, « Lois » 914 e : Év 
t&v Bralwy : « de violences ») ou bien quand il signifie « passible » d'une peine (ëv. 
bavérou, comme Matthieu, chez Diodore de Sicile, Exc. 571, 14), ou « exposé à » quel- 
que chose de fâcheux, comme dans l'Épitre aux Hébreux, supra. Deissmann (L O) 
relève en Asie Mineure des cas où, dans des inscriptions antérieures à notre ère, un 
mot de sens assez voisin, épaptwads, « pécheur », est suivi du génitif de la personne 
offensée, ainsi à Myre en Lycie : éuapgtukds Éotw Geüv mévtuwv, « qu'il soit tenu pour 
coupable envers tous les dieux »; le synonyme évoxos aurait pu être employé par le 
Cilicien Paul avec le mème provincialisme, au sens de « coupable envers le corps 
et le sang du Christ ». (Et c'est ainsi, notons-le, qu'on pourrait comprendre Jacques 
H, 40 : « coupable envers toute la loi »). C'est d’ailleurs le sens qu'admettent la plu- 
part des exégètes. Cependant, comme l'idée d'accusation criminelle (comme celle 
de pénalité encourue) est attestée, elle, directement, avec le propre mot Évoyos suivi 
d'un génitif, il vaudrait peut- être mieux comprendre « sera accusé pour le corps et 
le sang du Christ (eucharistique) [violés par lui] » ; }ce qui peut être aussi le sens de 
Jac. « (accusé pour [violation] du tout »} ou même, en prenant « corps et sang du 
Ghrist » comme équivalant à « mort du Christ » (la mort qui a séparé le corps et le 
Sang), donc contenant l'idée de meurtre, « accusé pour la mort du Christ [en croix] », 


282 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI, 17-34. 


33. “Qote, adeAgoi mou, SUVEpHÈpLEVEE elg Tù payeiv, &Anfhous Exdéyeode. 3%. 
TLG HELVQ, ÉV OÙxw écOtéTw, lva ph Ets xpiux suvéprqobe. Ta DE Roux ds àv EX 
| Gtatdéomat. 


comme complice de Judas et des bourreaux; mais ce serait peut-être un peu 
détourné. Notre traduction cherche à laisser du champ libre aux précisions, tout en 
soulignant l’idée essentielle et certaine de responsabilité devant un juge. En tous cas, 
quand Delafosse traduit simplement #voyos par « coupable » sans complément, et 
attribue les mots au génitif qui suivent à un interpolateur catholique qui n'aurait 
pas connu la syntaxe, c'est lui qui montre qu'il ne sait pas assez le grec. 

B. 27. Pour ce fait que la mort du Seigneur est rappelée et actualisée dans la 
liturgie (otre marque le lien de conséquence avec le verset précédent), celui qui 
communie d'une manière indigne est coupable et exposé à un jugement (le xptua du 
v. 29, infra) à propos du corps et du sang du Christ, présents et traités par lui 
avec irrévérence. Ce n’est certes pas une réflexion faite par mode de parenthèse, 
comme si Paul pensait d'une manière vague à une forme d'indignité quelconque, 
mais il veut faire réfléchir et frémir ceux qui se montraient indignes par leur 
égoïsme et leur légèreté, au cours même du « repas du Seigneur »; il y avait 
d’ailleurs bien d’autres péchés qui auraient dû éloigoer certains Corinthiens de la 
table saïnte, mais l'Apôtre pense à ceux-là d’abord qui n'étaient d'ailleurs qu'un 
des aspects de leur retour à la mentalité païenne. Car il ne s’écarte pas un moment 
de l’objet principal d’une réprimande qui lui tient à cœur, il ne fait pas de « digres- 
Sion ». # 

Les catholiques, et beaucoup d’autres, comme J. Weiss, Bachmann, observent 

que ce verset montre déjà comme Paul prenait au sens réel — et réalisateur — les 
paroles du Christ répétées sur le pain et le vin, Le verset suivant affirmera 
encore plus nettement la Présence Réelle. 
A. 28. doup., fréquent chez Paul, trois fois respectivement dans I Cor. 
II Cor, et I Thess., et quatre fois à travers les autres épîtres; cfr. surtout II Cor., 
x, 5, le conseil aux Corinthiens d'examiner leur conscience et leur pouvoir 
avant la visite de l'Apôtre. Certains auteurs rappellent ici Mar. xxvr, 12, les inter- 
rogations des disciples à la Cène, quand chacun demandait s’il était le traître. — 
Ttobroy sous-entendu, comme 27. 

B. 28. Que les fidèles se disent donc bien qu'on ne peut participer à l'Eucha- 


ristie qu'en état de bonne conscience, et après s'être assuré qu'on y est (rai 


oëtws); autrement ils encourraient une faute et une punition très graves. 

A. 29. vais a été ajouté pour la clarté après zivuv D, E, F, G, K, L, P, 
al., lat., pulg., syr., got; il manque B, «“, À, C, et n'est pas nécessaire, car 
l'expression ph Granoivwv, qui a ici force restrictive ou causative, implique cette 
« indignité ». — roÿ xuplou après oùua dans D, E, etc., mêmes codex que ci-dessus, 
et syr., vulg., et reçus par Toussaint, Gutjahr, etc, mais non par la généralité des 
critiques, ni Westle, Vogels. Que ces mots, omis par N°, C‘, À, B, al., um., fuld., 
soient authentiques ou non, on peut s'en passer avec ces bons manuscrits, car il 
n'y a aucune équivoque sur « le Corps » dont il s’agit, — xpfua (non zxpiou) est la 
sentence reçue, cfr. v. 34. — £aur&, « dativus incommodi ». 

B. 29. L'indigne, en mangeant et buvant les éléments consacrés, « mange et 
boit sa propre sentence » de condamnation, dit l'Apôtre avec un réalisme terrible. 
Le « jugement » qu'il a négligé de porter sur lui-même quand il le fallait, il sera 
porté alors ! La cause de ce jugement, c'est qu'il n'a pas « discerné le Corps », ne 
l’a pas jugé, apprécié à sa valeur, non qu'il l'ait purement et simplement confondu 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI, 33-34. 283 


33. Ainsi, mes frères, quand vous vous réunissez pour manger, attendez- 
vous les uns les autres. 34. Si l'on a faim, qu'on mange chez soi, afin 
que vos réunions ne [tournent] pas en jugement. Pour le reste, quand 
je serai arrivé, j [y] mettrai ordre. 


avec tous les autres aliments de son repas, sans reconnaître son caractère sacré 
(« non discernens e profano cibo » s. Thom., Pél., Prim., Hervé, Lombard, Estius, 
Lap., Maier, Bisping, Godet, Heinrici), car tous les chrétiens étaient instruits sur 
l'Eucharistie; mais parce qu'il n’a pas su apprécier ce.que c’est que de recevoir le 


Corps du Seigneur. Chrys : un” ëvvoGv, &s yo, to uéyelos +tüv rpoxemévov, — ui 
Aoyitépevos zdv dyaov 1% dwpeäs; ainsi Chrys., Dam., Ambrr, Théophylacte, Cajetan, 
Meyer, R.-PI, (pu dierpivey = « if he fails to recognize the sanctity of the Body »), 


et la plupart des modernes. 


Rien de plus fort pour la doctrine de la « Présence Réelle », surtout par le rap- 


prochement avec le v. 27 et ch. x, vv. 16-17 (v. ad loc.). Comprendre « le Corps » 
au sens du corps des fidèles, dont le mauvais communiant ne saurait pas recon- 
naître les droits et la dignité dans le pain qui les représente, c'est une exégèse 
aussi plate que tirée par les cheveux (Voir Exc. xn). 

A. 30-32. Komäoæ, litt. « dormir », pris au sens de « mourir », chez 
Pal, ici, au ch. xv, I Thess. iv, et ailleurs dans le N. T., parce que, aux yeux des 
chrétiens, la mort est un sommeil qui cessera à la résurrection; d'où le mot 
xotunthptov, « cimetière ». — ratdeuduela (oulg. : « corripimur », mais non, comme 
l’observe Chrys., rohaKôu:0a ou ttuwpobuela), corrections infligées à l'enfance pour son 
éducation; cfr. Heb. xu, 5-6; 1 Pet. 1v, 7. 

B..30-32. À cause de cela (àtà roùto), des communions indignes, il y a parmi les 
chrétiens de Corinthe beaucoup de malades et de languissants, il en est même mort 
un assez grand nombre depuis le départ de Paul (qui doit donc avoir quitté Corinthe 
depuis un temps notable, voir Inr. ch. vir); ainsi la communion au corps du Christ 
vivant, qui devrait entretenir la vie avec sa joie et son ardeur, aurait eu l'effet 
contraire ? C'est la faute des chrétiens égoïstes et négligents, qui ont attiré sur eux 
le « jugement » xpua, dont il était parlé au v. 29. Si Paul ne parle ici que de puni- 
tions temporelles, ce n’est point (contre Cornely) qu'il n'y ait eu que des irrévé 
rences qui n’allaient pas jusqu'au sacrilège; mais l'Apôtre, bien qu'il pose en prin- 
cipe, à maintes reprises, qu'un baptisé peut encore se perdre par sa faute (voir, 
par ex. vi, 9-10, supra) n'envisage pas volontiers, dans un cas concret, la damnation 
d'un chrétien; même pour l'incestueux excommunié (supra, v, 5), il n'a parlé que de 
peines temporelles destinées à le remettre dans la voie du salut. Pour lui donc, les 
châtiments de Dieu doivent être regardés, autant qu'il est possible, comme médici- 
naux, comme éducatifs (ratôeuduela), pour faire échapper même les impurs, même les 


sacrilèges, à la condamnation définitive qui fondra sur le « monde » des ennemis : 


déclarés de Dieu. La phrase suppose, évidemment, que ceux qui sont morts pour ne 
s'être pas examinés, ont eu le temps, avant le moment suprême, de s'examiner et de 
se repentir, — et non, comme J. Weiss 1e propose encore (ainsi que dans le cas de 
l'incestueux, ch. v), qu'ils peuvent se convertir, pour le salut, dans l’autre vie. 

On ne sait à quoi Paul fait allusion en parlant de ces maladies et de ces morts qui 
frappaient la communauté, Mais il faut rejeter cette opinion bizarre que, dans 
l'attente de Paul et des chrétiens, aucun régéneré n'aurait dû mourir avant la 
Parousie. Ce que l'Apôtre relève pour émouvoir ses lecteurs, ce n’est pas que tel 
Ou tel baptisé soit mort, c'est qu'il est mort dernièrement des chrétiens en quantité 
assez forte (ixavol), probablement anormale; il leur y fait toucher au doigt le châti- 


284 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI, 17-34: 


ment — miséricordieusement paternel, du reste — de leurs profanations et de leur- 

manque de ferveur. S'ils avaient eu la conscience plus pure, le Christ les aurait. 

mieux défendus des accidents d'ici-bas. 

À. 33. txdéyeofe : ce verbe peut signifier « accueillir » (s. Thom., al.), mais. 
aussi « attendre », et c’est ce deuxième sens qui domine dans le N. T. — ovvepy. sis 
ro payeiv, fr. 18, 20 et 21. 

‘B. 33. Après cette longue admonestation qui a commencé au v. 22, Paul reporte. 
directement son regard sur les abus qu’il a dénoncés aux vv. 20-22, et prescrit le 
remède le plus immédiat : c'est que les fidèles s’attendent les uns les autres pour 
commencer le « repas du Seigneur », et mangent ainsi véritablement tous ensemble, 
fassent un vrai banquet de fraternité, — où l’on doit supposer, en se reportant aux 
vv. 21-22, qu'ils auront tous part aux mêmes mets. L'ordre de « s’attendre les uns 
les autres » répond au reproche du v. 21, de « commencer trop tôt » (xpohau6äve). 

Comme le premier mot du verset (Gore, particule de « conséquence ») l’unit étroi-- 
tement à ceux qui précédent, et où il n'était question que de l'Eucharistie et des 
effets de l'irrévérence envers ce sacrement, il faut bien conclure que la consécration 
et la communion se faisaient au cours d’un banquet (où naturellement d’autres mets. 
et d'autres boissons que le pain etle vin sacramentels étaient servis), ou du moïns en 
liaison étroite avec pareil banquet, et que l’Apôtre ne s’y oppose pas; car on n'ira pas. 
supposer que chaque groupe faisait à sa table séparée la cérémonie liturgique, sans 
attendre les autres ou se soucier de savoir s'ils la faisaient à côté; ni, en suppagant. 
à tort que éxdéyecae signifie ici « accueillir », que les pauvres et ceux qui n’arri- 
vaient pas les premiers étaient exclus de la communion. Le verset suivant oblige à. 
conclure encore plus fortement dans le même sens. 

B. 34. L’Apôtre ajoute, avec une bonhomie ironique (qui se changera im- 
médiatement en grave menace) : « Si quelqu'un a trop faim pour attendre ses 
frères, il peut bien manger chez lui. » Cela rappelle le v. 22. Il ne veut pas dire 
(cfr. s. Thomas et les Latins médiévaux) que les convives doivent se contenter, dans. 
le « repas du Seigneur », des éléments consacrés, et que ceux qui y joignaient des 
mets profanes doivent à l'avenir les réserver pour leur souper à la maison, et ne 
pas se présenter à l’Eucharistie. Simplement Paul commande aux estomacs trop: 
exigeants de ne pas choisir le lieu de culte, et une assemblée si sacrée, pour satis- 
faire leur gros appétit, en conviant leurs amis à faire bombance avec eux; ce qui 
n'exclut pas un repas modique et bien ordonné joint au sacrement. 

C'est ce banquet fraternel joint à l'Eucharistie qui fut plus tard appelé « agape »; 
il se donnait, non seulement pour rappeler la Dernière Gène dans tout son exté- 
rieur, mais aussi pour procurer spécialement aux pauvres de la communauté une 
joie sanctifiée, matérielle et spirituelle à la fois; d’où le nom d'éyéxn, « charité », la 
charité du Christ se communiquant à tous les cœurs fraternels de l’église, par la. 
communauté de table, l'aumône des uns et la reconnaissance des autres. Mais les 
inconvénients, que la réprimande de Paul n'avait pas réussi à supprimer partout, 
firent séparer assez tôt de la liturgie du sacrement ce repas qui était destiné d’abord 
à en symboliser et à en favoriser l'effet spirituel d'union des âmes (Voir Exc. x). 

MA sis xplua ovvépynoe, peut se rendre : « pour ne pas faire vos assemblées à la 
seule fin (ou avec le seul résultat) de tomber sous le jugement ». L’'« assemblée » 
(ouveey.) est évidemment la même que celle dont le texte s'occupe depuis le v. 20, 
« le repas du Seigneur ». Et c’est à cause des mauvaises conditions de cette assem- 
blée que le « jugement » (xptua) pouvait être encouru; or, nous savons par le v. 29 
quel est ce xpiua, se manifestant par les peines temporelles, les maladies, les morts 
(30, 31; 32 : zgwdumevor); c'était la sentence portée par le Christ contre ceux qui 
reçoivent indignement Son Corps ct Son Sang, et au moment même où ils les 


ÉPITREAUX CORINTHILNS, XI. 285 


reçoivent. Donc, l'assemblée à une table de banquet (suvépynofe) où l’on reçoit cette 
sentence pénale était la même que celle où l'on recevait l’Eucharistie (ce qui suffi- 
rait à réfuter la thèse de Baumgartner, voir Exc. x). Pour échapper à cette conclu- 
sion, il faudrait faire la supposition peu naturelle que le « jugement » encouru 
virtuellement dans l'assemblée même, ne l’est actuellement que huit jours plus tard, 
quand on ira communier le dimanche suivant, au matin, avec les mauvaises dispo- 
sitions qui se seront manifestées dans le désordre du banquet tenu la semaine pré- 
cédente. Pour un lecteur non prévenu, et dont l'attention est éveillée, il est clair que 
le texte de Paul entraîne la simultanéité entre repas, communion et « jugement », le 
+plua étant rapporté, une fois au moment de la communion, puis une autre fois au 
moment du repas; l'un comprenait donc l’autre. oo 

Reste la phrase : tà ôè Aoëmà zrA. Ces autres choses dont le règlement est remis au 
temps où Paul atteindra Corinthe, ce peuvent être d’autres détails de la cérémonie 
eucharistique (Lietzmann), ou bien des mesures à prendre contre les dissensions en 
général (voir v. 18) qui se manifestaient si tristement dans les assemblées de culte, 
mais encore ailleurs (Bachmann). Paul ne nous a pas dit ce qu'il avait en vue au 
juste; il répondait peut-être par ce bout de phrase à quelque demande des Corin- 
thiens dans leur lettre. Maïs, en tout cas, nous ne croyons point comme Sickenberger 
que ce « reste », tà Ad, soit le corrélatif du roërov pév de 18, et se rapporte d’une 
façon indistincte à tous les abus des réunions autres qué ceux qui ont été signalés. 
Ce « premièrement » de 18 exige, pour la clarté et l'équilibre du développement, un 
« secondement » ou un « ensuite » beaucoup plus long et plus précis. Ce seront les 
chapitres xn-x1v, sur les « charismes ». . . 


Exc. x. — LE CADRE EXTÉRIEUR ET L'ORDRE DU « REPAS DU SEIGNEUR » 
A CORINTHE: 


Nous pensons avoir suffisamment établi dans le commentaire la nature du 
« repas du Seigneur » à Corinthe. L'assemblée vespérale, l’ëxxAnoix des fidèles, 
s'appelait ainsi, parce qu'ils célébraient l'Eucharistie dans un banquet qui 
devait rappeler la Cène du Jeudi-Saint, mais dont ils paraissaient, par des 
abus de toute sorte contre la charité, l'égalité et la bonne tenue, oublier qu'il 
signifiait et devait resserrer l'union de tous au Christ et entre eux, dans 
l'attente du Seigneur. Tout l’enchainement des idées le prouve, et ce qui est 
pour nous décisif, c'est l'identité évidente du xptuæ, ou « sentence » portée contre 
les communiants indignes, aux deux endroits où il est présenté, au v. 29 comme 
encouru lors de la communion, et au v. 33 au moment du banquet. Donc il y 
avait coïncidence de l’un et de l’autre. 

Tout le monde ne résout pas ainsi la question; elle a donné lieu à beaucoup 
de divergences et de controverses, tant entre exégètes qu'entre historiens de 
l'église primitive. 

Cette liturgie remontait aux débuts mêmes de la chrétienté. Les Actes des 
Apôtres parlent de la xAdriç dprou que faisaient les fidèles à Jérusalem, et de 
repas qu'ils prenaient joyeusement dans leurs maisons au retour du Temple 
(Act. 1, 46); mais le rapport de ces deux choses n'est pas fixé, et il n'y a pas 
licu surtout de croire que le service des tables communes en faveur des@auvres 
(Acé. vi, 1-2) comprit les saints mystères; on ne peut affirmer non plus que les 
« agapes » dont parle Jude (v. 12), fussent accompagnées de l'Eucharistie. IL 
est loisible le supposer qu'il y avait, en ces premiers temps, une certaine 


286 _ ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI. 


variété dans le pratique des Églises pour le mode de célébration du sacrement, 
l'essentiel restant sauf. | 

Sur ce qui se passait à Corinthe, nous exposons rapidement les diverses 
opinions, car ce n’est pas le lieu ici de les discuter toutes. Tout le monde admet 
(excepté Baumgartner, infra) que le « repas du Seigneur » était, ou bien 
la célébration même de l'Eucharistie, ou du moins lié à l'Eucharistie dans 
l'ordre du temps et de l’intention. Quelques auteurs protestants récents (Spitta, 
Andersen, Pfleiderer, al.) prétendent qu'il n'avait pas encore — ni aux yeux 
des Corinthiens, ni à ceux de Paul — de sens sacramentel, la « communion 
au corps du Christ » n'étant que la manifestation de l'union des membres de 
l'Église (le corps mystique du Christ), dans un banquet fraternel analogue à 
ceux que faisaient des confréries païennes. Nous retrouverons ces auteurs dans 
un autre excursus, ainsi que ». Dobschütz et d'autres, d'après qui Paul aurait 
le premier introduit dans ce banquet l'idée d'un rapport à la mort du Christ, 
d'où sortit celle d'un effet sacramentel attribué à la réception du pain et du 
vin; l'Apôtre avait déjà enseigné aux Corinthiens cette relation (d'après une 
révélation personnelle, voir Exc. xr1), mais jusque-là ils n’en avaient pas tenu 
compte, ou à peine. Id. ZLoësy. Revenant (à sa manière) à une opinion du 
moyen âge (v. infra), Jülicher croit qu'il n'y avait point dans ce souper, 
institué à limitation du dernier repas de Jésus, de moment ni de rite spécial, 
accompli une fois pour toutes, pour le mystère eucharistique; mais que, chaque 
fois qu'on y distribuait du pain ou qu'on y faisait passer la coupe du vin (au 
milieu d’autres aliments), c'était comme « corps et sang du Seigneur », 
avec des paroles qui rappelaient sa mort; en sorte que l’abus aurait consisté 
essentiellement à faire du corps et du sang du Christ l'instrument d'une 

jouissance sensuelle. 

Les anciens ont bien tous distingué le pain et le vin consacrés de ce qui 
pouvait être mangé et bu par ailleurs. Seulement Chrysostome et les Grecs 
en général ont cru que le repas commun, aux mets variés, suivait la réception 
de l'Eucharistie; s. £phrem, au contraire, qui ne pense ici qu'à une cérémonie 
célébrée une seule fois par an, le Jeudi-Saint, en mémoire de la Dernière Cène, 
suppose que le repas précédait la réception des saintes espèces, suivant 
l'exemple du Cénacle. Parmi les Latins (1), l'Ambrosiaster a parlé d'une 
manière assez obscure d’un repas fait avec les oblations avant la communion; 
s. Augustin, dans sa lettre à Januarius, écrite pour décider s’il était permis 
ou non de manger avant la communion du Jeudi-Saint, dit avec netteté que 
l'Apôtre réprimande les Corinthiens parce qu'ils mélaient d'autres aliments 
au corps et au sang du Christ (« mensis suis ista miscere »). Dans le com- 
mentaire attribué à Pélage, il est dit que l'on mangeait à Corinthe, après la 
communion, « ce qui restait des sacrifices », expression peu claire en soi, 
inais qui l'est assez pour l’objet dont nous traitons. S. Eucher de Lyon (vers 
le milieu du v° siècle), dit que chez les Corinthiens, à l’imitation des Gentils, 
s'était introduite la mauvaise coutume de déshonorer les églises par des 
festins & ante dominicam oblationem », et que les riches s'approchaient du 
sacrement en état d'ivresse. 


(1) L’exégèse des Latins sur cette question est bien ‘étudiée par Ron&y, Rech. de théof. 
ancienne et médiévale, juillet 1927, pp. 421-484. 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI. 287 


Entre ces opinions se sont partagés les écrivains postérieurs. Haymon de 
Halberstadt parle d'une imitation annuelle de la Sainte Cène où les Corinthiens 
avaient le tort, ou bien de célébrer et consommer chacun à part l’Eucharistie 
avec le pain et le vin qu'il avait apportés, ou bien, ceux qui étaient riches, 
de faire bombance entre eux tout l'après-midi dans l’église en attendant la 
communion; et, dans les deux cas, cela pouvait être nommé « coena Domini ». 
La Glose interlinéaire, ainsi qu'Hervé et Lomb., prennent simplement le 
tout dont parle Paul pour une imitation de la Cène répétée à chaque assemblée 
périodique. Hugues de S. Cher croit qu'il n'y avait d'autres aliments que le 
pain et le vin consacrés, dont les riches se gavaient et s’enivraient (cfr. 
Jülicher, supra); s. Thomas cite cette opinion, mais elle lui répugne, et il 
se prononce, comme les anciens Latins, pour un repas, souvent trop plan- 
tureux, précédant l'Eucharistie, ce qui aurait été un abus introduit par les 
Corinthiens, et que saint Paul aurait interdit pour l'avenir. Ainsi, dans la 
suite, Vicolas de Lyre et la généralité. Calmet cependant croit avec les Grecs 
que le repas commun, ou « l’agape », n'avait lieu qu'après les saints 
mystères. | 

De nos jours une assez longue controverse s’est élevée sur cette relation de 
l'Eucharistie et de l'agape. Batiffol, depuis 1899, a soutenu que l'agape, repas 
offert aux pauvres par l'Église ou les chrétiens riches, n'avait rien eu à voir 
jamais avec le sacrement, et que, si les Corinthiens faisaient précéder le 
mystère d'un banquet, c'était là une innovation que Paul interdit dès qu'il la 
connut (1). Zadeuze a défendu la même opinion. Par contre, Keating voit dans 
l'assemblée de Corinthe un repas de fraternité « qui normalement culminait 
dans l’Eucharistie », mais qui entraînait certains inconvénients que Paul 
réprime, ce qui amena la séparation du sacrement et de l'agape. C'était là 
l'opinion devenue commune, celle de Cornely, de Rohr, de Belser, et elle a 
spécialement été défendue par Funk contre Batiffol. Leclercg, qui la partage, 
ajoute que le Christ lui-même avait institué l'Eucharistie comme un banquet 
funéraire en sa mémoire, — sans écarter l'idée de la Pâque, — suivant « le 
mode employé très généralement de son temps... pour grouper ceux qui sont 
demeurés fidèles à Celui qui n'est plus parmi eux » (Dict. arch. chrét. col. 
786). 

Tous ces auteurs sont au moins d'accord sur le point principal de notre 
enquête : à Corinthe l'Eucharistie se trouvait, à tort où à raison, mise en 
union étroite avec un banquet où l'on servait aussi des mets ordinaires. Le 
P. Baumgartner s'éleva en 1909 contre cette vue commune et traditionnelle. 
Dans sa thèse « Eucharistie und Agape im Urchristentum », il cherche à 
prouver, avec beaucoup d’érudition et de raisonnements, que le « repas du 
Seigneur », ou « repas du {jour du] Seigneur » était séparé à Corinthe de 
l'Eucharistie, qui avait été célébrée le matin du même jour; et que partout 
ailleurs il en était ainsi, à Troas en Asie-Mineure, etc. Si Paul parle à cette 
occasion de l'institution de l'Eucharistie, ce n'est que par mode d'exemple de 
la charité suprême, qui doit étre imitée dans tous les rapports des chrétiens 


(1) Le premier qui ait soutenu cette thèse est l'érudit AUBESPINE, au début du xvrr° siècle, 
Lib. I Observ. 18. Il fut combaltu par BiNGHA, 


Ê 


‘288 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI. 


entre eux. Ce banquet corinthien du dimanche soir {qui était déjà « l'agape » 
sans en porter le nom dans notre épitre), n'avait qu’une analogie lointaine, 
seulement en tant qu'il devait manifester la charité mutuelle de tous les 
membres de l’église, avec la Cène eucharistique, ce n'était que « une faible, 
faible copie de ce grand repas d'amour que le Christ lui-même, à l'aurore du 
dimanche, avait donné à la communauté entière, en laissant tout le monde, 
sans distinction de riche et de pauvre, venir à sa table et en les nourrissant 
de sa chair et du sang » (p. 335); les Corinthiens n'auraient pas dû oublier 
dès le soir du même jour qu'ils avaient tous été frères dans la communion du | 
matin. Et voilà tout ce qu'aurait dit Paul, en insérant toutefois, puisqu'il voulait 
leur rappeler l'Eucharistie, une de ces « digressions » qui lui sont ordinaires, 
sur l'institution du sacrement — « par mode d'exemple » de charité, — et sur le 
danger de le recevoir indignement. Vôlker a soutenu récemment {1927) une 
opinion semblable, que jamais l'Eucharistie n'avait été placée dans un vrai 
repas. 

Notre commentaire a, je pense, fait voir l'artificialité de cette ingénieuse 
thèse. Mais, comme Baumgartner entendait s'appuyer sur l'autorité des Pères 
-grecs, et sur la pratique d’autres églises dont parle le Nouveau Testament, 
nous devons élucider encore ces deux points, — en commençant par le second. 

D'abord, pour le r°" siècle, le Nouveau Testament lui-même fait mention 
assez souvent de réunions liturgiques de chrétiens, où il y avait des instruc- 
tions, des manifestations de charismes, de l'édification et de Ja joie, et qui semblent 
avoir, au moins çà et là, comporté des banquets fraternels (Act., Jude, Eph., 
Il Pet.). Le sacrifice eucharistique y était-il célébré en même temps? C'est ce 
qu'on ne saurait ni affirmer ni nier, et il est possible que la pratique, sur ce 
point-là, ait varié d’une église à l’autre. Il est un cas, cependant, où les choses 
sont plus claires : c'est l'assemblée célébrée à Troas en Asie-Mineure (Act. xx, 
7-20), le « premier jour de la semaine », au soir, pour « rompre le pain » avant 
que Paul prit la mer le lendemain de grand matin. Baumgartner (pp. 186 sui- 
vantes) reconnaît qu'il s'agit bien d'une réunion eucharistique (v. 11 : [6 Haÿkos] 
xAdouç vov dprov xai yeucéuevos); mais il s'efforce d'établir non seulement qu'elle 
avait commencé le samedi soir (d'après la manière qu'avaient les Juifs et Luc 
de compter les jours), mais que c'était une espèce de vigile préparant au sacri- 
fice qui ne devait avoir lieu que le matin (c'est-à-dire au vrai dimanche), après 
minuit (v. 7), et qu'il n'y peut être question de banquet, puisque la salle était 
tellement encombrée qu'on n'aurait pu s'y asseoir et y passer les plats, — à 
: preuve l'aventure du petit Eutychos, qui n'avait pu trouver de place que sur le 
rebord d’une fenêtre (1), tomba vaincu par le sommeil du troisième étage, et fut 
ressuscité par Paul. Nous observerons tout simplement — sans discuter sur le 
mot yeuoduevos du v. 11, — que, si l'Apôtre ne célébra l'Eucharistie qu'après 
minuit, c'est, semble-t-il, parce qu'il avait prolongé ses discours jusqu'à cette 
heure, bien plus longuement que de coutume à cause des effusions occasionnées 
par la séparation prochaine, ce qui avait endormi l'enfant ; et puis que l'accident 


(1) C’est oublier que les enfants ont toujours eu coutume de se percher où il ne faudrai' 
pas, et supposer que la police devait être faite ausssi bien dans ces premières assemblées 
chrétiennes que dans une de nos cathédrales quand un cardinal officie. 


e ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI, 289 


survenu à celui-ci, suivi de l'émerveillement du miracle, avait bien pu contribuer 
à retarder la marche normale des choses. Rien n'indique avec certitude qu'il y 
ait eu ou qu'il n’y ait pas eu de repas au cours de cette cérémonie, et beaucoup 
entendent même le mot yevcduevos du v. 11 comme signifiant la participation de 
Paul à un repas accompagné de nouveaux entretiens, après « la fraction du 
pain », ou peut-être en même temps qu'elle. — Quant à la Didachè, qui est 
aussi du 1‘ siècle, Baumgartner (pp. 271-suivantes) défend longuement et savam- 
ment l'opinion assez répandue qui ne veut voir dans les « prières eucharistiques » 
des chapp. 1x-x qu'une refonte des prières de bénédiction et d'actions de 
grâces (ebyæpiotix) prononcées dans les repas juifs sur le pain et sur la coupe, 
donc sans qu'il y soit question de sacrement uni au repas: nous nous range- 
rions plutôt à l'opinion contraire et plus commune, pour la raison que ces 
chapitres sont parallèles aux chapitres vri-vrir, immédiatement précédents, où 
il est traité du sacrement de baptême; rien de plus naturel que cette associa- 
tion si connue : baptême — eucharistie (vir, 1 mept 8 voù Bamriomaroc, obtwe 
Banrioare.…. — 1x, 1 : mept ÔE rüc ebgapioriac, obtue ebpapioréoare.… (1). — Nous 
n'avons pas à faire entrer en ligne de compte ce qui se passait à Smyrne, en 
Bithynie ou ailleurs à l’âge sub-apostolique, car la pratique avait pu alors se 
transformer {v. énfra). 

Pour ce qui est du témoignage des Pères grecs, de Chrysostome à Théophy- 
lacte, il est bien unanime à affirmer que lEucharistie était célébrée avant le 
repas ordinaire. Mais nul d’entre eux, d’abord, ne nie ce repas distinct du 
sacrement proprement dit {cfr. Hugues de S, Cher), et aucun non plus n'avance 
qu'il était consommé dans un autre lieu, ni séparé du sacrifice par un long 
intervalle, comme aurait été celui de la matinée à la soirée. Chysostome dit au 
contraire expressément en un de ses sermons (PG, zt, col. 258) que, après la 
communion, les fidèles ne regagnaient pas aussitôt leurs demeures, mais que 
les riches, faisant apporter de la nourriture, invitaient les pauvres à un repas 
commun, dans l'église même : usvk vhy vüv pustnpluv xouvoviav, Tac cuvéEeu Aubelonc, 
oûx dvegwpouv ebBéus olxxôe, SAN of mhouorot xal eimopwrepor wécovres olxadev roopkc xai 
déouara, vobs mévnrus éxähouv, xal kotvès Émorobvro tpamétas, xoivkç ÉTridastc, xoivà œuu- 
roue év abtÿ Tù éxxhnoix (ou du moins les choses auraient dû en droit se passer 
ainsi, en une véritable communauté). Ainsi la cérémonie de Corinthe compre- 
nait deux parties, dont la seconde suivait immédiatement la première : d'abord 
la célébration des mystères, puis un banquet qui, en principe, était commun 
aussi aux riches et aux pauvres. On ne peut dire que ces deux actes n'avaient 
entre eux aucun rapport, ou rien qu'un rapport accidentel : la table où tous 
devaient se réjouir en commun, c'était un signe symbolique efficace de l'union 
étroite contractée, pour toute la vie, entre tous ceux qui avaient participé au 
« Pain unique » (x, 17), et, pourrait-on dire, comme le prolongement de la 
communion, la manifestation de son effet de grâces. Si donc le saint Docteur 
parle en ses homélies xxvir et xxvirr sur notre épiître de l'Eucharistie rappelée 


(1) Les paroles propres de la consécration ne sont pas reproduites, mais supposées (le 
V. 8, mot où xdouwaros semble indiquer que Ja « fraction du pain »; le sacrement pro- 
prement dit, a déjà été célébré). Ces chapitres ne conliendraient que des prières « d'action 
de grâces ». 

ÉPITRE AUX CGORINTHIENS. 19 


290 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI. e 


par l'Apôtre, et de tout ce qui en résulte, comme d'un simple « souvenir » évoqué 
et d'un « autre objet » (à propos du v. 28) que celui qui était visé directement 
par Paul en ce chapitre (et qui était de rappeler les Corinthiens à l’observa- 
tion de l'égalité fraternelle dans leur banquet), c'était cependant bien à cause 
du modèle que Jésus avait donné à la dernière Cène en ne faisant aucune dis- 
tinction entre ses apôtres quant il leur distribua son corps et son sang; et le 
rappel de ce grand j jour était « nécessaire » dans cette instruction pour émou- 
voir les consciences des Corinthiens, « comme s'ils étaient présents à cette 
Cène, et à la même table [que les Apôtres], et recevaient la nourriture du sacri- 
fice de la main du Christ lui-même ». Il est donc clair que, pour Chrysostome, 
c'était l’idée de la communion eucharistique qui devait remplir toutes les 
mémoires, et dicter toutes les attitudes et tous les actes des convives dans le 
festin subséquent; c'était eomme la suite de la communion envisagée dans la 
même perspective que les mystères qui avaient immédiatement précédé. — 
Lorsqu'un autre grand exégète, Théodoret (PG, rxxxtr, 316), dira que saint 
Paul, à partir du v. 23, veut remettre « encore plus clairement » (oxpéorepov… 
&vauuuvioxe) les Saints Mystères dans la mémoire de ses fidèles, c’est donc que, 
dans les versets précédents (quand il a nommé leur assemblée xuproxdv Setrov, 

V. 20, xupruxbv deimvov xwhsi vo Ascwotixov muotäptov), il dirigeait leur pensée sur la 
dernière Cène ; et quand il ajoute que celle-ci est rappelée àvri mapadsiyuaroc (au 
v. 26), et à ce titre spécial (aux vv. 31-32), nous devons comprendre mapdüeryueæ 
non pas comme Baumgartner, au simple sens d’un exemple tiré d’un ordre de 
choses différent, mais en sa signification première, au sens de #10odèle, de plan, 
donnant l'idée essentielle de l'acte que les chrétiens avaient à reproduire; si 
c'était « seulement pour cela » (tr. de Baumzg.) qu'il leur en parlait, cela veut 
dire pour leur rappeler l'esprit du modèle à imiter {et non pour leur apprendre 
la signification dogmatique de l'Eucharistie, qu'ils connaissaient bien déjà); le 
sacrement, qui était la partie essentiellle de la cérémonie, devait remplir de sa 
signification de charité tout le reste, et il fallait célébrer le repas commun qui 
le suivait « en gardant les yeux fixés sur cette table sacrée » (de la Dernière 
Cène), ic Exetvnv &popüvrac vhv tepav rpéebav. Il n'y a donc rien, chez saint Chry- 
sostome ni Théodoret — ni leurs successeurs grecs — qui sépare, comme le 
voudrait notre auteur, l’idée de l'Éucharistie et celle du banquet qui, d’après 
Chrys., le suivait sans autre intervalle que celui qui était nécessaire pour le 
service des mets. 

Tous les auteurs qui défendent l'unité de la cérémonie ont compris ainsi les 
Pères grecs : il y avait selon eux deux actes, l'un proprement sacré, l’autre 
pareil extérieurement à un acte profane, mais religieux encore par l'esprit que 
lui communiquait le premier, dont il était comme le complément. Nous 
verrons plus bas si cet ordre est bien celui qu'indique le texte de Paul; en 
tout cas, pour la substance, l'exégèse des Grecs ne contredit aucunement. 
celle que nous défendons, mais bien celle de Baumgartner. 

Voici donc comment nous pouvons comprendre la nature et la marche du 
« repas du Seigneur » à Corinthe, ainsi que les prescriptions portées par 
l’Apôtre contre les abus qui s’y étaient introduits : 

Un soir, qui était sans doute celui du dimanche (mais peut-être pas exclu- 


3 


sivement), les fidèles se réunissaient en solennelle assemblée (èv éxxanoiæ): 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI. 291 


dans le lieu (ou les lieux) de culte, pour commémorer et imiter la Dernière 
Cène de Jésus avec ses apôtres. Les riches faisaient apporter de leurs maisons 
des aliments et de la boisson, dont eux et tous les autres — en théorie du 
moins — devaient prendre leur part. Sur une partie du pain et du vin étaient 
prononcées les paroles consécratoires — une seule fois seulement, bien entendu, 
et par celui qui présidait à la cérémonie: Rob-Pl., qui le comprennent ainsi, 
ont le tort de croire que cette fonction n'était pas alors réservée à un consé- 
crateur attitré; il y avait pourtant dès lors à Corinthe des hommes voués 
au ministère liturgique (comme nous le verrons au ch. xr1), et ce sont eux 
naturellement qui présidaient et devaient accomplir les actes particulièrement 
solennels. Bien entendu, les fidèles présents recevaient les saintes espèces, 
sans distinction entre riches et pauvres, enire ceux qui avaient fourni le 
pain et le vin, et ceux qui n’avaient rien fourni du tout. 

Mais alors une question se pose. Puisque les convives, comme il leur 
est reproché, ne se mettaient pas tous à table à la même heure, à quel 
moment communiaient-ils? Était-ce avant, pendant, ou après le repas de 
service ordinaire? Chrysosiome et les Grecs tiennent que c'était avant; 
Ephrem, et la plupart des Latins et des modernes, après. Baumgartner estime 
que des souvenirs historiques plus exacts avaient pu parvenir à Chrysostome, 
tandis que le docteur syrien interprétait le texte de Paul (qu'il restreignait à la 
cérémonie annuelle du Jeudi-Saint) d'après des usages de son temps, confirmés 
par Socrate et Sozomène. C'est une vue qui ne s'impose guère. Chrysostome, 
en effet, avoue (en commentant les chapitres suivants, à propos des 
charismes), qu'on ne sait plus guère à son époque comment les choses se 
passaient dans les assemblées du temps apostolique. En admettant qu'il eût 
quand même certaines facultés d'information au sujet de l'Eucharistie du 
1 siècle, ses contemporains Ephrem ou l’Ambrosiaster en avaient-ils néces- 
sairement moins que lui? Avec Funk et ceux qui soutiennent sa thèse, nous 
penserions donc plutôt que les Pères grecs, à cause de la coutume du jeûne 
eucharistique qu'ils voyaient partout établie en leurs milieux, et qu’ils croyaient 
être d'institution apostolique, l'ont transportée au temps de saint Paul. Leur 
opinion ne va pas sans difficulté, si l'on se reporte au v. 34, cf. 22 (à moins 
que ce verset ne soit purement ironique}. Mais une autre considération 
établit presque avec certitude, selon nous, que le repas avait lieu avant la 
communion (tout en se prolongeant peut-être encore après) : c’est que les 
convives ne s’attendaient pas les uns les autres. Alors ceux qui arrivaient un 
peu en retard n'auraient pu communier, ou bien chaque groupe aurait célébré 
l'Eucharistie à part des autres? L'une et l'autre hypothèse répugnent. Nulle 
part le texte n'insinue que les retardataires, ou les pauvres exclus de la 
table des riches et de leur bombance, ne pouvaient pas communier. Il fallait 
donc que la communion (et de même la consécration) n’eût lieu que lorsque 
tout le monde était là, le souper déjà avancé, et probablement fini. 

Paul ne parle pas d’autres détails. Mais on peut supposer à priori, et d'après 
l'analogie de la Didachè, que le moment du sacrifice et du sacrement était 
entouré de prières « eucharistiques », d'instructions, d’hymnes, d'actions de 
grâces, peut-être de manifestations charismatiques comme celles dont l'Apôtre 
va traiter aux chapitres suivants. Restera à savoir si « l'assemblée de 


292 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI. 


paroles » de xr1-xiv coïncidait avec le « repas du Seigneur » ou en était 
totalement séparée; nous examinerons ce point dans la suite du commentaire, 
Baumgartner fait coïncider les productions des « pneumatiques » avec le 
« repas du Seigneur »; mais nous avons vu qu'il s’est trompé sur la nature 
de celui-ci. Nous essaierons d'élucider cette question en temps ét lieu. 

Voici un dernier problème. Est-ce que cette association de l'Eucharistie et 
d'un festin était un abus local que Paul aürait interdit dans la présente 
instruction? Ainsi a-t-on pensé chez les Latins du Moyen Age, et parfois 
depuis, jusqu'a Mf' Batiffol qui a repris cette opinion. Il ne semble guère; 
car l’Apôtre ne blâme expressément que des désordres opposés à la charité et 
à la sobriété, et la seule réglementation qu'il impose pour les prévenir est que 
les fidèles « s’attendent les uns les autres » avant de commencer. Le v. 34 
(s’il n'est pas ironique purement et simplement) permettrait même, à ceux qui 
craignent un trop long retard, de manger quelque chose chez eux au préalable. 
Rien ne fait penser encore au jeûne eucharistique. Saint Augustin (« ad Jan. ») 
pense que c’est Paul lui-même qui l’a établi, non par son épître, mais parmi 
les dispositions qu'il prit lors de la visite qu'il annonçait quand il dit (v. 34, 
fin) : «Je mettrai le reste en ordre quand je serai là ». L'Apôtre n'aurait 
donc au moins procédé que par étapes, pour ne supprimer radicalement que 
plus tard le danger d’irrévérence résultant de ce qu'on s'approchait du corps 
du Seigneur sans être à jeün. 

Au temps de l'envoi de cette épître, un repas commun célébré avant la 
participation aux mystères ne passait point pour abusif et irrévérencieux, 
puisque le but de cette coutume était de rappeler au mieux l'ordre et le détail 
de la Dernière Cène. Nous ne savons point si Paul, non content de le régle- 
menter, finit par le supprimer lui-même. Mais les inconvénients dénoncés à 
Corinthe étant toujours à craindre, là et. ailleurs, l’« agape » finit par être 
séparée du sacrifice eucharistique, et celui-ci célébré le matin. C'est la situation 
que signalera, selon nous, la lettre de Pline à Trajan, pour la Bithynie, aux 
premières années déjà du n° siècle : les chrétiens persécutés étaient « soliti 
stato die (le dimanche) wnte lucem convenire, carmenque Christo quasi deo 
dicere secum invicem (et de célébrer les saints mystères, dont ils ne révélèrent 
pas la nature au proconsul).… quibus peractis morem sibi discedendi fuisse, 
rursus coeundi (le soir du même jour) ad capiendum cibum, promiscuum tamen 
et innoxium » (l'agape, contre Batiffol). La séparation en deux cérémonies, 
l'une toute sacrée, l'autre extérieurement analogue à un banquet ordinaire, 
s'établit partout.. Mais rien ne prouve qu'elle doive remonter au temps de 
Paul, ni surtout que l’Apôtre Pait prescrite dans sa Première Épitre aux 
Corinthiens. Les abus criants qu'il a dû réprimer étaient d'autre nature que le 
manquement à un jeûne eucharistique dont on n'avait pas encore l'idée à 
Corinthe, ni probablement ailleurs. C'étaient, ou à peu près, les désordres 
que décrit Haymon de Halberstadt en style vigoureux et pittoresque : 

« Soliti quoque erant convenire eodem die ad ecclesiam omnes divites, 
potentes et nobiles, et praeparare sibi in ecclesia et in foribus ecclesiis atque 
atriis illius epulas et convivia et crapulari et inebriari usque ad vesperam man- 
ducantes et bibentes in conspectu pauperum et egenorum, qui non habebant 
unde sibi praepaparent similia, nihil accipiebant ab illis divitibus et potentibus, 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI. 293 


sed praestolabantur jejuni {empus cum verecundia, quo placeret illis divitibus 
et potentibus benedici corpus Christi a sacerdotibus unde communicarent. 
Impleti autem illi divites omnibus cibis et potibus usque ad vomitum, accipie- 
bant ad ultimum sacramenta corporis et sanguinis Christi, dicentes : « Sic 
tradidit Christus discipulis suis nostris doctoribus et magistris corpus et san- 
guinem suum post aliorum ciborum perceptionem, et sic nos volumus ïllud 
sumere ». Quod audiens Apostolus, scripsit els, etc. » 

Ce doit être assez bien vu. Dans cette église en train de retourner, dans la 
personne de ses membres les plus considérés dans le siècle, aux anciens usages 
païens, on en voyait, nous le savons déjà, bien d'autres... Rien d'étonnant si 
des chrétiens lévers et superficiels changeaient, malgré leur foi théorique, le 
Mystère le plus redoutable en une sorte de banquet de thiase païen. 

(Voir Carysosrome, /n I ad Cor. Hom. xxvir et xxvirr, PG, Lxr; et hom. sur 
« Oportet et haereses esse in vobis », PG, cr, col. 252 ss; Téonorer PG, Lxxur, 
col. 316; — Erxrem, Comm. in epist. D. Pauli ex armenio in latinum, éd. des 
Mékhitaristes, Venise, 1893; — Amprostasrer, dans PL, xur, col. 242; Aucusrix 
P£, xxxui, Ep. 29, col. 16 ss. et 54, col. 199; Pérage (Ps. Hier.) PL, xxx 
et(Ps. Prim.). PZ, Lxvirr; éd. Souter, Londres, 1907; Eucuxer, Znstructiones TI ad 
Cor. PL, L, col. 805; Havmon de Hacrsersranr, PZ, cxvir, col. 569; Gzossa 
INTERLINEARIS d'Anselme de Laon, Bibl. sacra cum gl. ordin. vi, p. 289, Anvers, 
1617; Hervé de Bourg-Déols (Ps.-Anselme) PL, ccxxxr, col. 931; P. Lomsan» 
PL, cxcr, col. 1638; Hueues pe S. Cuer, Opera omnia, t. VII, p. 103, Lyon 
1644; comm. de S. Tomas n'Aquix; Nicocas DE Lyre, Post., dans Bib. sac. 
Anvers 1617; vi, p. 290; Dom. Cazuer Comm. itteralis, t. IIT, p. 658, 
Wäürzburg 1788 (Mansi). — Commentaires de Connezy, Bacamann, J. Weiss, 
Gursaur, etc. — Jücicner, Zur Geschichte der Abendmaklsfeier in der alien 
Kirche, Fribourg en Brisgau, 1892. — Przernerer, Die Entstehung des Christen- 
tums, Munich, 1905. — J. Rour, Paulus und die Gemeinde von Korinth, 1898. 
— JF. Karine. The Agape and the Eucharist in the Early Church, Londres, 
1901. — Barirror, L’Agape (dans « Études d'histoire cet de théologie positive », 
Paris, 1902; L’Eucharistie, Paris, 1913; plus articles dans la « Revue du 
clergé français », 1899; dans DTC, « Agape »; dans le « Bulletin de Littér. 
ecclésiastique », la « Revue Biblique », etc. de 1903 à 1906; — Laneuze, 
Pas d'agape dans la première épitre aux Corinthiens, « Rev. Biblique » janvier 
1904; — Fu, L’Agape, « Rev. d'hist. ecclés. » 1903; Die Agape, Kirchen- 
geschichtliche Abhandlungen und Untersuchungen, IIT B., Paderborn 1907; 
et articles « Rov. d'hist. ecclés. » 1904 et 1906; — BesEer, Apostelveschichte, 
1905; — D. Leccero, art. Agape, du « Dictionnaire d'archéologie chrétienne »; 
— P. Ephrem Bauucarrwer O. M. Cap. Eucharistie und Agape, im Urchris- 
tentum, Soleure, 1909. — K. Vôcxer, Mysterium und Agape Gotha, 1927; — 
H. Roxy, Pas d'agape dans l’exévèse latine de 1 Cor. X1, 20-34, dans « Re- 
cherches de théologie ancienne et médiévale », juillet 1929. — La littérature, 
Surtout sur la question de l’agape, comprend encore bien d’autres travaux). 


294% ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI. 


Exc. xI. LA SIGNIFICATION DU « REPAS DU SEIGNEUR » A CORINTRE. 


Paul écrit aux Corinthiens (v. 26) : « Chaque fois que vous participez au 
repas du Seigneur, vous « annoncez », « proclamez », la mort du Christ en 
attendant son relour, et vous ne devriez pas avoir l'air d'oublier que le sens 
essentiel de votre cérémonie est là », Cette admonition, et l'ordre du Seigneur 
qu’il leur rappelle deux fois : « Faites ceci... »(vv. 24 et 25), sans leur repro- 
cher d'y manquer matériellement, rendent assez certain qu’on répétait à Corinthe, 
dans le « repas du Seigneur », les paroles prononcées par le Christ sur le 
pain et le vin, afin de représenter la mort du Christ {contre J. Weiss). La 
réprimande de l'Apôtre n'est destinée à leur imposer aucune innovation sur ce 
point-là, mais simplement à mieux leur en faire saisir la portée. 

Il est donc clair que la Cène n'était pas célébrée à Corinthe à la manière 
dont Spitta et d'autres, jusqu'à Schweitzer, se sont figuré la « fraction du 
pain » primitive chez les chrétiens, c’est- à-dire comme un repas religieux sans 
relation spéciale à la Pâque et à la mort de Jésus, avec une liturgie dont la 
Did. 1x-x nous aurait conservé un spécimen intégral. Ce n'était pas non plus la 
« fraction du pain » comme l'a conçue Æeitmüller pour la communauté de Jéru- 
salem, qui n'aurait été, à l’imitation de la Dernière Cène elle-même, qu'une 
manifestation d'espérance, une anticipation du festin messianique (Luc, xxur, 
16 s.) (1) et où il n'aurait pas encore été question de coupe, avant que Paul y eût 
introduit le sens d’un mémorial de la mort de Jésus. IL est tout à fait certain 
que partout, et dès le commencement, la signification était celle d'une commu- 
nion au corps et au sang du Christ, selon les paroles mêmes du Fondateur. 

Ces paroles, rapportées par Paul et les trois Synopiiques (2), ensuite par 
S. Justin (Apol. r, 66, 3), présentent quelques variantes de détail. La forme 
la plus simple se trouve chez l'apologiste du n° siècle : voërô êoruw rd ou mou, 
— robrd éoriv ro alu pou, — avec l’ordre placé là en tête : robro mouetre elc vhv dvd- 
pvaoiv mou; il condense ainsi le rapport des « Apomnémoneumata des Apôtres » 
c'est-à-dire des Évangiles. L'ordre de renouveler l'action se trouve chez Luc, 
Paul et Justin, mais deux fois chez Paul et une seule chez les deux autres. Les 
paroles prononcées sur le pain ne sont aussi chez Mat. et Marc que vodré ë. +. 
5. pu mais Luc y ajoute ro brio Guüv Gduevo, et Paul les mêmes mots moins 
Gdopevov. J. Weiss croit qu'ils ne seraient pas de Jésus mais une « addition 
baggadique », (comme Aifere péyuere de Mat.) par où les deux auteurs auraient 
expliqué l'intention du Maître; ce ne serait pas impossible en soi, vu que 
l’action de rompre le pain et toutes les circonstances rendaient assez claire 
cette intention (Wat., Marc et Justin l'ont bien vu), mais ce n'est pourtant pas 
nécessaire. — Les paroles prononcées sur le calice offrent au contraire des 
différences notables : 


(1) Pour Loïsy (1928), Congr. d'hist. du Chistianisme, (Jubilé d'A. Loisy), « Origine de la 
Cène eucharistique », c'est l'évocation de la Cène dans le Royaume prochain. 

(2) Pour les variantes du texte de Luc, et spécialement le texte D, voir le commentaire du 
P. Lagrange. D et la Vet. lat. ont supprimé la seconde coupe, parce qu'ils croyaient qu’elle 
faisait double emploi avec la première, qui aurait déjà été celle du « sang » du Seigneur. — 
Aussi ne doit-on pas, comme plusieurs des auteurs que nous allons mentionner, prendre 

eette leçon écourtée pour le texte primitif du Troisième Évangile. 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI. 295 


Led J 


LA COS 
5 abroÙ mévrec)* voüro ydn Éoti vd 


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Marc — id. — id, id. 
Luc — ToÜTO TO HOTEL —  — 
Paul — comme Luc —  — 
Mat. ati paou rc duudhxnc to  mept mo) Àüv 
Mc. id. id. _id. — 
Luce À aauvn aben èv ré aiuaré mou Td brio bu 
Paul ñ x. 0. éotiv êv tü ÉLO atuar, — 

Mat. ÉxXUYVOUEVOY ei  dpeotv GA OTUNV 
Marc id. — Étép roXGV 
Luc id. — — 

Paul — — — 

Mat. — — — 
Marc — , — — 

Luc - — — — 


Paul rodro mouïre, 6sdxte éav mivnre, ele rhv Euhv éviuvnoiv, 


Cette diversité montre bien que les paroles n'étaient point parvenues par la 
même voie à la connaissance des quatre auteurs, ce qui est en faveur de leur 
antiquité, de leur transmission indépendante à diverses églises, et de leur 
authenticité par conséquent. Nous avons vu que, pour le sens, le texte de Luc 
et de Paul ne diffère pas de celui des autres; peut-être reproduit-il mieux la 
teneur littérale des paroles du Christ, car il est grammaticalement le plus 
correct. Luc, dont on connaît les relations intimes avec Paul, le tiendrait de la 
même source que l'Apôtre (l’église d'Antioche?). Matthieu et Marc expriment 
plüs clairement et plus directement la présence du sang, mais les mots de 
rüs dx0. xrk. se joignent assez péniblement à afux; leur texte a donc peut-être 
subi une modification dans le sens de la clarté, pour l'attribution du prédicat 
« sang », mais au détriment de l'ordre général des mots. 

« Faites ceci, etc. » ne serait encore aux yeux de J. Weiss qu'une interpré- 
tation, d'ailleurs légitime, de l'intention de Jésus; Loisy, un signe que tout ce 
récit est de provenance liturgique. Il est cependant difficile pour nous, de 
croire que les Apôtres se seraient crus capables et obligés de reproduire la 
Cène {avec le sens que nous lui reconnaissons), s'ils n’en avaient reçu le pou- 
voir et la prescription par un ordre formel du Seigneur. Ce n'est donc point 
Paul, ni Luc, ni leur source particulière probable, qui a créé ces mots. Luc 
ne les écrit qu'une fois, au sujet du pain, ce qui suffisait à donner le sens de 
toute la scène; et Paul les répète encore au sujet du calice, soit à cause de la 
solennité de sa récitation, et pour frapper davantage ses lecteurs, soit parce 
qu'il savait que Jésus avait véritablement fait ainsi. Îl a omis l'éxyuw. des trois 
autres; mais l'idée de l'effusion du sang qui consacre la nouvelle alliance est 
assez claire. 

La tradition concernant et les paroles du Christ et le devoir de les répéter 
dans la liturgie chrétienne, apparaît donc d'une grande solidité; Paul rappe- 

o 


296 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI. 


lait à ses fidèles une « paradosis » cultuelle que ni eux ni leurs frères des 
autres églises n'auraient songé à contester. Nous nous demandons pourquoi 
J. Weiss, qui reconnaît bien, comme général et traditionnel, le sens attaché 
par eux à leur acte liturgique (sauf en ce qui concerne la « Présence réelle », 
v. infra), doute que ces paroles eussent été récitées par eux sur le pain et 
le vin. 

Il est entièrement inadmissible de juger comme autrefois Stanley, puis An- 
dersen, et d'autres qui reviennent à une théorie de Zwingli, que les paroles 
prononcées sur les éléments eucharistiques ne signifiaient, pour Paul et les 
Corinthiens, que le « corps mystique » du Christ, l'Église, l’union des croyants 
constituée par sa mort, et dont le pain eût été un symbole. Tout le récit et le 
uh Ouxpivwv ro cûua du v. 29, et surtout le v. 26 (« vous annoncez la mort du 
Seigneur ») prouvent clair comme le jour qu'on croyait à Corinthe entrer 
dans une relation directe, — quelle qu'elle fût, — avec le corps et le sang 
personnels du Sauveur, séparés au Calvaire. La voie moyenne qu'ouvre 
Dobschütz n'est pas heureuse; d'après lui, cûüux et aux seraient le signe, le 
symbole de la communauté, parce que « les participants de la Cène chré- 
tienne [formaient] une Association du Corps et du Sang du Christ comme le 
catholicisme moderne parle de Confréries du Rosaire, du Cœur de Jésus », 
laquelle confrérie voyait d'ailleurs « dans le vin-sang la mort du Christ symbo- 
liquement indiquée, et dans le pain-corps la représentation symbolique de la 
communauté de ses membres ». Clemen a beau jeu à lui répondre que ce n'est 
pas le sens de xowwvia (x, 16) et que, en tout cas, l’on ne pourrait pas dire du 
calice et du pain qu'ils sont cette confrérie. 

Il faut donc retenir que tout le rite signifie une mise en relation des commu- 
niants non pas seulement avec le corps mystique, ni avec le Christ ressuscité, 
mais avec le Christ en tant qu'il est mort en croix. Wetter, dont nous allons 
discuter la théorie plus bas, établit au moins avec exactitude que les mots 
« corps du Christ » (lorsque le contexte toutefois, ne les détermine pas à signi- 
fier l'Église) et « sang du Christ » impliquent toujours la mort du Seigneur 
(sans eu être pourtant tout à fait « synonymes », comme il le prétend); voir 
Rom. in, 25; v, 9; vu, 4; Col. x, 14, 20-22. L'idée de la Passion remplissait donc 
toute la cérémonie eucharistique de Corinthe. Il est regrettable qu'un penseur 
ferme comme Albert Schweitzer, entraîné par les exigences de sa théorie escha- 
tologique, juge ce caractère commémoratif secondaire, et ajouté par Paul à un 
repas ordinaire qui n'eût été sacramentel que parce que les convives y auraient 
fêté d'avance le repas messianique qui se célébrerait un jour en compagnie du 
‘Christ absent maintenant, mais qui devait revenir. 

C'était en réalité un « acte » qui rappelait la mort du Christ, et non simple- 
ment l'union des fidèles dans l'esprit et le culte de Jésus ressuscité. Là-dessus, 
pas l'ombre d’un doute qui tienne. C'est pourquoi des auteurs modernes aiment 
à le rapprocher du ôpéuevov, ou représentation dramatique, des mystères païens 
(J. Weiss, Loisy, Wetter, etc.). J. Weiss dit que cela semble être la plus 
ancienne tradition, et se rattacher à l'intention même de Jésus, qui avait été de 
faire de la Cène un repas d’adieu; mais il doute que les chrétiens y aient répété 
les paroles mêmes Ce Jésus sur le pain rompu et le calice distribué; Paul aurait 
fait simplement un recit de forme liturgique {avec double refrain, rodro moueire.…), 

#4 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI. 297 


qui avait sa place propre dans les circonstances où l'on enseignait les traits his-. 
toriques de la vie du maître. G. P. Werrer a construit dans le même sens une 
théorie très élaborée, où il admet bien la répétition liturgique des paroles de la 
Dernière Cène, mais sans leur attribuer une valeur consécratoire. La présence 
de Jésus aurait été causée, dans la conviction des fidèles, par tout le déroulement 
de l’action liturgique, analogue au « drame » des Mystères. Les fidèles imitent 
. le Christ, reproduisent ce qu’il a fait, dans une cérémonie secrète; leurs gestes 
et « anaphores » opèrent efficacement, pour déterminer une « époptie », une 
« épiphanie » du Christ qui devient alors présent parmi eux, entouré de ses 
anges, vainqueur du diable par sa descente dans l'Hadès dont il est glorieuse- 
ment revenu. Les hommes provoquent et célèbrent sa présence en prenant part 
au chant des êtres célestes. Ses paroles n'ont été redites que pour préparer cette 
« anamnèse ». Devenu présent, le Christ offre à ses mystes un banquet auquel 
il les invite; de lui émanent une S6Ëa, une Güvaux qui pénètrent les aliments, de 
sorte que ceux qui les consomment revêtent sa nature, et sont déifiés, change- 
ment qui se manifeste à l’extérieur par l'explosion des « charismes » (ch. xxr, ss.). 
(Il n'est pas dit que les fidèles voient tout cela en une hallucination, mais, dans 
leur enthousiasme, ils éprouvent les effets de cette présence comme s'ils la 
voyaient). Il n’y a pas dans cette époptie, pareille en substance à celle de quel- 
ques initiations païcnnes, l'idée d’un sacrifice ; la messe ne consistait d’abord 
que dans les dons d'aliments offerts par la communauté {1}. 

Malgré toutes les critiques que cette thèse appelle, et que nous indiquerons 
bientôt, elle remet au moins, et cela est juste, l’idée de la Passion au centre de 
la cérémonie eucharistique. Cette vue s'impose d'ailleurs aujourd'hui très géné- 
ralement. Mais pour les rationalistes et les libéraux, depuis WeZ/hausen, le 
« sacramentalisme » qu'on est forcé de reconnaître dans le texte de Paul ne 
remonterait pas aux premières origines. Il est impossible que Jésus, avec la con- 
ception qu'on se fait en ces écoles de sa personne et de son œuvre, ait établi 
lui-même des institutions sacramentelles. Le rapport du pain et du vin au corps 
et au sang réels du Christ, qui fait qu'on s’unit à Lui par la communion, ce serait 
une innovation qu'on ne trouve pas avant Paul. Si des historiens comme Ed. 
Meyer lui font suivre en cela une tradition commune inventée par la plus 
ancienne communauté, d’autres, comme W/einel, mettent sa tradition « sacra- 
mentaliste » en opposition avec celle de Marc, et, pour beaucoup, c'est à l'Apôtre 


(1) L'archevèque Sôderblom donnait une opinion proche sur ce point de celle de son col- 
lègue d'Upsal, et sur d’autres de celle de Spitta, etc.; dans son « Manuel d'histoire des reli- 
gions », il écrit, (P. 531 de la trad. française de Corswant) : « Les croyants se réunissaient 
autour du Christ pour prier, pour participer aux agapes el pour célébrer la Sainte Cène. La 
Prière s’adressait à Dieu qu'on remerciait pour le don qu'il avait fait de Jésus, son serviteur, 
et pour le breuvage et la nourriture spirituels que constitue la personne du Christ (la Doc- 
trine des 12 Apôtres), mais elle s'adressait à ce dernier aussi (Pline le Jeune). A mesure que 
la présence de Jésus dans les éléments de la Cène fut conçue d’une manière de plus en plus 
matérielle et substantielle, ceux-ci. devinrent, pour le peuple d'abord, pour les théologiens 
ensuite, les objets du culte consacré au Christ ». Et, plus loin, p. 536 : « Les dons remis 
Pour les agapes et pour la Sainte Cène... [étaieñt} envisagés comme des sacrifices. Mais il 
était aisé d'en venir à une conception païenne ou lévitique du sacrifice, dès le moment où 
l'on appliquait le Lerme de sacrifice aux espèces de la Sainte Cène en leur qualité de corps 
et de sang du Christ ». 


298 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI. 


lui-même que remonterait la transformation de la Cène en. sacrement. Telle est 
la position commune, à des nuances près, de H. J. Holtzmann, Harnack, Bous- 
set, Lietzmann, J. Weiss, Toussaint (depuis son abandon du catholicisme), 
Goguel, Gressmann, etc. C'est le mysticisme hellénistique qui aurait agi, direc- 
tement ou indirectement, sur l'esprit du citoyen de Tarse converti à Damas. 
Les anciens tenants d'une explication syncrétiste de la foi chrétienne parlaient 
tout simplement d'emprunt à quelque mystère païen, et les plus aventureux 
n’hésitaient guère à donner aux paroles sacramentelles, chez Paul, une vertu 
« magique », comme ils disent, produisant dans les aliments la présence réelle : 
d'un dieu dont les fidèles ont à se nourrir matériellement. On rappelait à propos 
de cette « théophagie » l'omophagie de Dionysos-Zagreus incarné dans le tau- 
reau, ou d’autres rites similaires, et Saf. Âeinach amenait'‘ici les sacrifices du 
totem-dieu que l'on mange, sans parler d'autres rites barbares d’anthropopha- 
gie rituelle, etc. Ces fantaisies ont eu un terme, quoique Loësy ait encore pour 
elles quelque complaisance {quand il croit à des influences indirectes des rites 
de Dionysos, ou de la Cène de Mithra, dans laquelle, d'après lui, les mystes 
auraient communié à la substance spirituelle du dieu identitié, croit-il, au tau- 
reau primordial qu'il égorgea, et qui serait censé contenu dans les aliments 
sacrés), ou que Aeitzenstein amène dans la discussion la mention de papyrus 
magiques où une coupe de vin est changée au sang d'Osiris, ou à la tête 
d'Athéna, ou aux entrailles d'Osiris, de Jao, etc., pour servir de philtre amou- 
reux; mais ce dernier auteur reconnaît lui-même que ce bas folklore n'est pas 
très démonstratif pour expliquer des rites d’une religion élevée; ce n’est, avoue- 
t-il, qu’ « un jeu de possibilités », et la Cène chrétienne ne se laisse pas com- 
parer, jusqu'à nouvelles découvertes, avec des cérémonies correspondantes non 
chrétiennes : « Chez Paul même, ce n’est pas dans les sacrements en soi, mais 
seulement dans la langue figurative et dans quelques mots particuliers isolés, 
que nous pouvons chercher le rapport aux religions de mystères ». Percy 
Gardner (en 1893) avait avancé l'hypothèse que Paul, ayant entendu parler à 
Corinthe des mystères d'Eleusis et de leurs repas sacrés, eut une vision (cfr. 
l'Exc. suivant) qui lui persuada que le Christ avait prescrit de bénir le pain et 
le vin en mémoire de sa mort, et que Paul transforma pour cette raison la Cène 
de la communauté primitive, qui n'avait point d'abord de relation avec le dernier 
repas du Christ; (il est vrai que cet auteur a rétracté, six ans après, son hypo- 
thèse que Rob.-PI., qualifient de « crude suggestion »}. Depuis, on a cherché 
ailleurs qu'à Elcusis, mais sans rien trouver de vraiment parallèle à l'Eucharis- 
tie, et qui ait pu en inspirer l'idée. Aujourd’hui, il est assez nettement prouvé 
que nulle part, à notre connaissance, au temps de Paul (quoi qu’il ait pu en être 
aux temps préhistoriques pour l'omophagie et des rites semblables), un myste 
ne croyait manger la chair de son dieu, fût-ce dans les bacchanales, 
= De nos jours “done, le « sacramentalisme » réaliste de Paul est reconnu de la 
masse des théologiens critiques, comme le confesse Clemen. Lui-même vou: 
drait bien y échapper, en interprétant la communion chrétienne, par analogie 
avec l'union aux démons dont il est question au ch. x, comme une simple rela- 
tion morale, le pain et le vin figurant simplement la mort de Jésus; mais il 
réfute Aeitmüller (supra) et montre fort bien qu'il n'y a jamais eu de commur- 
nion primitive sous la seule espèce du pain. J. JVeiss observe que le Christ 


+ 
3 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI. 299 


à la façon dont Paul entend certainement ses paroles, n’a pas dit: « Ceci (ce pain). 
représente notre corps commun (notre union intime) », mais « Ceci est mon 
corps » et que par conséquent, pour l'Apôtre, le pain eucharistique n'est plus 
du pain ordinaire; si Paul n'a pas encore cru, comme le quatrième Evangile 
l’'enseignera plus tard (Jean, vi), que l'on mangeait et buvait littéralement le 
corps et le sang du Seigneur, mais seulement qu'on était mis par l'accomplisse- 
ment du mystère en présence immédiate du Christ, (« peut-être pourrait-on 
dire : Le Christ lui-même était présent à table », 293) — idée qui se rapproche 
de celles de Wetter ou de Clemen, supra, — du moins peut-on croire que déjà 
une partie de la communauté prenait les paroles dans un sens réaliste popülaire. 
Pour tous ces auteurs, la mystique hellénistique, qui avait agi sur Paul dans ses 
jeunes années de T'arse, et sur les convertis du paganisme en général, est cause 
de ce réalisme, spirituel chez les uns, matériel chez les autres moins cultivés; 
mais c'est une cause indirecte seulement, elle n’a agi que par l'effet de l’am- 
biance générale: personne, pas même Loisy, ne parle plus d'un « emprunt » à 
tel ou tel Mystère païen en particulier; l'Eucharistie-sacrement est un « mystère 
chrétien », créé dans et par le christianisme, quoique sous l'influence incons- 
ciente de l'hellénisme. 

Récemment, Schweitzer a nié — et cette fois avec raison — toute action des 
idées grecques sur la doctrine sacramentelle de l'Apôtre. La dernière forme don- 
née par Wetter aux théories syncrétistes n’est pas plus admissible que les autres 
(voir surtout l'excellente, quoique sommaire, réfutation donnée par #8 Ruckh 
à la semaine d'Ethnologie de Milan, 1926). Toutes les données que nous pos- 
sédons sur l'Eucharistie primitive empêchent d'y voir cette réunion d'exaltés 
qui forceraient les êtres célestes à descendre sensiblement dans leur local, où 
ils s’abreuveraient tous, avec leurs aliments sacrés, d'extase et de prophétie; les 
assemblées de Corinthe, pour un grand nombre des participants que blâme 
Paul, risquaient plutôt de tourner au profane. L' « anaphore » {dont on a un 
spécimen dans la Didachè) s'adressait plutôt à Dieu le Père comme créateur des 
aliments, et, s'il y en avait une à Corinthe (comme nous le croyons bien), on n’a 
pas de raison d'affirmer qu'elle chantait l'expédition victorieuse du Christ aux 
enfers. Le Christ était bien là, réellement présent, mais non par l'effet de tout 
un ensemble de chants et de gestes qui auraient eu la vertu magique de le faire 
réapparaître. Pour jouir de sa présence morale, point n'était besoin aux chré- 
tiens d'un drame et d'une mimique compliquée pareille à celle des Mystères 
païens, puisque lui-même avait promis qu'Il serait toujours là quand deux ou 
trois se rassembleraient en son nom. S'il ne s'agissait point de cette présence 
morale, habituelle pour les âmes ferventes, c'est qu'il y en avait une autre, 
corporelle mais voilée, sous les espèces du pain et du vin'après la répétition des 
paroles de la Cène. Les aliments eucharistiques n'étaient pas chargés d’une 
Süvaute séparée du corps de Jésus, et qui eût opéré magiquement une transfor- 
mation du communiant en Dieu; mais leur réception mettait en contact avec la 
personne réelle de Jésus, qui, par sa grâce, rapprochaïit de lui les âmes de ceux 
qui s'étaient dignement préparés à ce contact intime, pour conformer leurs 
pensées à ses pensées, leurs sentiments, leurs actes, à ses sentiments et à ses 
actes d'Homme-Dieu. En tous ces traits, ce n'est pas la tumultueuse ct supers- 
titieuse mystique païenne qui nous est rappelée; il suflit de se reporter aux 


3 


300 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI. 


précédents israélites du repas pascal, qui commémorait et remettait sous les 
yeux du peuple choisi sa délivrance de l'Égypte (Exode, xn, 14, 16, 17; xrr, 
8-10), ainsi qu'à la conclusion de l'Alliance sur le Sinaï (Ex. xxiv, 8), à la pro- 
messe faite par Jérémie d’une alliance nouvelle, que le Christ, à son dernier 
repas, déclara réalisée, enfin aux bénédictions des coupes dans le repas pascal 
et ceux du sabbat. On en revient de plus en plus à chercher les analogies de ce 
côté-là plutôt que dans les Mystères. L'originalité suprême de la commémora-: 
tion chrétienne, c'est que le Sauveur commémoré redevenait là présent en per- 
sonne, quoique d'une manière insensible, et que les effets de sa mort rédemp- . 
trice, figurée par la séparation du pain et du calice, y prenaient une inten- 
sité nouvelle. 

Toute l'efficacité de l'Eucharistie, telle qu’elle nous apparaît dans cette 
fameuse réprimande de Paul, tient à cette présence réelle du Seigneur, due à la 
répétition de ses paroles sur le pain et sur le vin de la coupe. Les commenta- 
teurs catholiques n’ont cessé de le prouver. Qu'on voie, par exemple, Cornely, 
ou le commentaire de saënt Thomas, sur l'attribution au sens propre du prédicat 

« mon corps » au pronom « hoc » sujet de La phrase, et la comparaison de cette 
proposition, non pas avec des attributions métaphoriques, mais avec un passage 
comme celui de I Cor. 1x, 4 (« petra autem erat Christus », passage qui a été 
beaucoup utilisé dans les controverses sacramentaires depuis la Réforme), où la 
« pierre » n'est pas un rocher matériel figurant le Christ, mais le Verbe lui- 
même, accompagnant invisiblement Israël (voir notre comment., ad loc.). Des 
protestants orthodoxes, comme Bachmann, Rob. PI., al., sont d'accord avec les 
catholiques, (quelle que soït leur manière à eux d’en comprendre le mode) sur 
la Présence réelle; — à cela près que ces deux derniers, en anglicans hostiles 
aux précisions dogmatiques, disent qu’on ne peut savoir au juste à quel moment, 
par l'effet de quelles paroles précises, et sous quelle forme {« consubstantiation » 
ou autre) le mystère de cette présence réelle se produit, ce qui n’est d’ailleurs 
pas, disent-ils, nécessaire pour en goûter le fruit. En tout cas, les interprètes 
les plus fidèles au texte ne peuvent se contenter de la « relation morale » de 
Clemen et des autres, ni d'une assistance du Christ au banquet de ses fidèles, 
ni de l'imprégnation du pain et du vin par une force divine impersonnelle, 
comme le veut Wetter, ni d’une pénétration de l'Esprit dans les éléments 
eucharistiques, qui en deviendraient les véhicules à la suite d'une prière solen- 
nelle, comme Lietzmann le dit aujourd’hui, dans son récent ouvrage sur « la 
Messe et le Repas du Seigneur ». La doctrine catholique est au-dessus de toutes 
ces demi-solutions. Et elle était déjà celle de Paul, et celle qu'on doit présup- 
poser chez les néophytes qu'il avait instruits. 

Il restera à établir définitivement qu'il n’en fut ni le créateur ni le transforma- 
teur. Ce sera pour l'£xcursus suivant. Résumons d’abord les conclusions aux- 
quelles nous a amenés celui-ci : ; 

1. Paul ne prétendait donner aucune signification nouvelle au « repas du 
Seigneur ». 

2. Partout et toujours, ce repas avait été autre chose qu'une anticipation du 
« festin messianique » sans rapport spécial à la Passion. 

8. C'était un repas où l’on participait au corps et au sang du Christ, suivant 
les paroles de l'institution qui, sous toutes les variantes, [ont le même sens. 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI. 801 


4. Ces paroles signifiaient certainement autre chose qu'une manilestation 
de l'unité du corps mystique, de l'Église dont le pain eût été le symbole; : 
d'autant plus qu'il n'y a jamais eu d'Eucharistie avec le pain seul, sans le 
calice. 

5. Il y avait communion avec le corps et le sang personnels du Sauveur; 

6. donc avec le Christ en tant qu'immolé sur la Croix. 

7. C'était un « acte » efficace, réalisant ce qu’il représentait. 

8. Ce qu'il représentait et réalisait n'était d’ailleurs pas une « épiphanie » 
du Christ glorieux, ni une « époptie » comparable à l'apparition prétendue 
d'une divinité dans les Mystères païens. 

9. Il y avait bien, selon Paul, une présence du Christ, dont les fidèles 
jouissaient par la communion; car Paul était « sacramentaliste ». 

10. Mais cela n'était emprunté à aucun mystère païen connu jusqu'ici, 
d'autant moins qu'en aucun « Mystère », depuis des siècles, il n'était question 
de « théophagie ». 

11. Il n'y à même pas lieu d'y voir aucune influence dissimulée de la 
mystique hellénistique. 

12. L'Eucharistie, actes et paroles, a plutôt été préfigurée par des antécé- 
dents israélites et juifs. 

13. Cette présence du Christ dans l'Eucharistie n'était point une simple 
présence morale. ; | 

14. Toute l'efficacité du rite résultait de la présence réelle et corporelle, 
quoique secrète et mystérieuse, du Christ sous les espèces sacramentelles que 
les fidèles consommaient; et cette présence était causée par la répétition des: 
paroles du Christ à la Cène prononcées sur le pain et le vin. Ce n'était pas 
seulement une puissance, une émanation du Christ ou de l'Esprit pénétrant 
dans les aliments pour en faire les véhicules d'une vertu spirituelle. 

Le dogme de la Transsubstantiation, tel que l’a défini l'église catholique, 
est, pouvons-nous conclure {sans le démontrer systématiquement ici), la seule 
explication qui fasse droit à toutes les exigences du texte de Paul. 

[Dans la littérature surabondante consacrée à ce sujet, il suffira de 
mentionner, en outre des écrits modernes de la précédente bibliographie et 
des commentaires cités habituellement (s. THomas, Cornecy, J. Wrss, 
Roserrson-PLummer, Bacumanx, etc.) : 

STANLEY, Christian fnstitutions; — VNELLHAUSEN, en divers écrits; — 
SrirrA, Zur Geschichte und Litteratur des Urchristentums À, p. 205, 1893; — 
Percy Garpner, The origin of the Lord’s supper, Londres 1893; ctr. Id.: 
Exploratio evangelica, pp. 454-s, 1899; — Zaun, Brot und Wein in der 
alten Kirche, 1892, et Einleitung in das Neue Testament, 1893, Leipzig ; — 
Herrwüccer, Taufe und Abendmahl bei Paulus, 1903; Taufe und Abendmahl 
im, Urchristentum 1911, Tübingen; — E. von Dosscnürz, Die urchristlichen 
Gemeinden, Leipzig, 1902, p. 23; Sakrament und Symbol im Urchristentum. 
Theolog. Studien und Kritiken, Gotha 1905; — Axel Annersen, Das Abend- 
makhl in den zweï ersten Jahrhunderien nach Christus, Giessen 1904, 2° éd. 
1906; — J. Révicze, Les Origines de l'Eucharistie, RHR LVI, 1907; — Sal. 
RINACR, Cultes, mythes et religions, 1, 6, 1905, et ailleurs; Cr pheus, Paris 
— Alb. ScrwerTzEn, Geschichte der paulinischen Forschung, 1911, et Die 


302 | ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI. 


Mystik des Apostels Paulus, (ch. x sur Mystique et sacrements), Tübingen 
1930; — J. Werss, Das Urchristentum, 1917; — Loxsy, Les Mystères païens- 
et le Mystère chrétien, Paris, 1919; Evangile selon Luc, Paris, 1924; — 
Toussaint, L'Hellénisme et l’apôtre Paul, Paris, 1921; — Weivez, Biblische 
Theologie des Neuen Testaments, Die Religion Jesu und das Urchristentum, 
Tübingen 4° éd. 1928; — Ed. Meyer, Ursprung und Anfänge des Christen- 
tums, I, pp. 174-s8., 1921; — C. Creumen, Relioionsgeschichtliche Erklärung 
des Neuen Testaments, 2. Aufñl:, pp. 174-191, Giessen, 1924; — Gillis 
Persson Werrer, A/tchristliche Liturgien, I. Das christliche Mysterium, 
Studie zur Geschichte des Abendmahls, 1921; Il Das christliche Ofer, neue 
Stud. zur Gesch. des Abendmahls, 1922, Güttingen; — Süpensrom, Manuel 
d'histoire des religions, éd. française par W. Corswant, Paris 1995; — 
GREssMANN, H KOINGNIA TON AAIMONION, ZNW, 1921, pp. 230 ss.; — 
Me Room, L’Eucharistie d’après la sainte Écriture, DTC v, 1913, ct L’Eu- 
charistie et les Mystères païens, « Semaine internationale d’ethnologie 
religieuse de Milan 1925 », pp. 319-334, Paris 4996; — Ligrzmanx, Messe und 
lerrenmahl, eine Studie zur Geschichte der Liturgie, Bonn 1926; — Reir- 
ZENSTEIN, Die hellenistichen Mysterienreligionen, 3 Aufl. 1927, pp. 79 ss., 
Leipzig; — M. Gocuer, L'Eucharistie, pp. 188 ss; et « Revue d'hist. et de 
philosophie religieuse » 1930, pp. 61-89. Etc. On consultera aussi avec profit 
les études des archéologues sur les peintures eucharistiques des catacombes, 
et des ouvrages comme ceux de Dôzcer, ’ly@vs et autres]. 


Exc. x11. SYNTHÈSE ET ORIGINE DE LA DOCTRINE EUCHARISTIQUE 
DE SAINT PAUL. 


C'est autour du texte de saint Paul que se cristallise, pourrait-on dire, 
toute la doctrine de l'Eucharistie éparse dans le Nouveau Testament. On en 
trouve chez lui la synthèse très claire, si l’on veut bien la chercher. Mais il 
faut savoir définitivement si c'est l'Apôtre qui est l’auteur de cette doctrine, 
s’il la tient du Christ par révélation immédiate, suivant une opinion assez 
commune (v. au comment.), où si c’est par le canal des Apôtres et des premiers. 
chrétiens. Cet Excursus comprendra donc deux parties connexes : 

4° nous établirons la synthèse de Paul; 

2° nous en discuterons la provenance, plus systématiquement que dans le 
commentaire. 

Avec les chapitres x, 14-22 et x1, 17-34 de la 4° Épître aux Corinthiens 
(rapprochés des relations synoptiques, de quelques mentions des Actes, du 
chapitre vi de saint Jean, puis de passages fameux de la Didachè, de la Lettre 
de Pline, de saint Justin, pour ne parler que de ceux-là), on établit ax moins 
ceci d’abord, avec une évidence directe : c'est que les premières communautés 
chrétiennes, et dès l’âge apostolique, avaient comme atte principal de leurs 
réunions liturgiques un repas commun, fixé dès une haute époque au premier 
jour de la Semaine, qui fut celui de la Résurrection, la xupaxh fuépa; le pain 
et le vin, qu'on consommait avec certains rites et prières, en étaieut l'élément 
essentiel. 

Les fidèles y commémoraient la Passion du Sauveur; mais ce n’était pas 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI. 303 


un simple repas funéraire, c'était aussi une fête d'espérance et de victoire. 
Ils s'y encouragaient à attendre la consommation triomphale du Règne de : 
Dieu (Didachè, cf. Luc, xxu, 18, 30); enfin la matière même des éléments 
sacrés (grains dont le pain a été fait, vin qui a jailli de milliers de raisins 
foulés, Did.) symbolisait la fraternité présente et la parfaite unité future des 
communiants. Le repas eucharistique avait donc une signification complexe; 
tous ces traits que.nous avons recueillis de divers écrits et témoignages 
formaient, à n'en pas douter, un ensemble dès l'origine. 

Mais l'essentiel, le trait central, qu'il nous faut maintenant établir, c’est 
que l'Eucharistie était un repas de sacrifice, où l'on consommait une victime 
réelle, le corps réel et le sang réel de Jésus-Christ. Nous allons le voir par 
nos deux textes de Saint Paul, qui font partie tous deux de cette épître, 
et contiennent expressément toute la doctrine qui est restée la doctrine 
catholique. 

Du premier texte, ch. x, 14-22, il ressort que ce qui est mangé et bu 
par les fidèles dans l'Eucharistie est comparable aux viandes qui étaient 
mangées dans les repas qui suivaient les sacrifices juifs et païens. Or, ce 
que l’on mangeait dans ces repas sacrificiels, c'était précisément le ispeïov, la 
fvota, les chairs de la victime offerte sur l'autel. Pour que la comparaison 
porte juste, il faut donc que le pain et le vin soient devenus une ôvoix, ou 
quelque chose qu'on puisse assimiler à une Gvoix. 

Mais qui dit victime dit sacrifice; et un sacrifice suppose un autel, qui 
est comme l'intermédiaire entre l'être à qui le sacrifice est offert, et celui 
qui le lui offre. En mangeant La fuois juive, on entre en communion, d’après notre 
texte, avec le Gvotuoréptov; non point, évidemment, pour s'arrêter à lui 
(comme qui dirait à un autel-fétiche, idée qu'auraient bien pu avoir les Sémites 
préhistoriques, mais certainement pas les Juifs), mais pour remonter à 
Yahweh. En mangeant la voix païenne, l’homme entre en communication 
spirituelle avec les démons — dans lesquels déjà bien des philosophes, avant 
Porphyre, voyaient les dieux des sacrifices sanglants. Ici il n’est pas 
question de Gvotæoripuov quoiqu'il y en ait pourtant nécessairement un; mais 
saint Paul va droit au terme invisible. S'il s’est exprimé autrement en parlant 
des sacrifices de Jérusalem, c'est que l'autel du Temple était particulièrement 
saint (Mat. xxux, 48, 20), et qu'on n'osait guère, chez les Juifs d'alors, 
parler sous son nom propre du grand Être avec lequel il servait de moyen de 
communication. Mais, dans les deux cas, la communication de l’homme avec 
l'invisible s'opère par une victime offerte sur un autel, et mangée ensuite dans 
le repas rituel qui suit : cela fait comme une partie intégrante du sacrifice, 
celle qui y met le sceau et finit d'en assurer le bénéfice à l'offrant. 

Dans le cas de l’Eucharistie, le terme auquel le chrétien s'unit (comme le 
Juif à Yahweh par l’autel, et comme le päïen aux démons), c'est « le corps » : 
et « le sang » du Christ (v. 16), qui sont non pas ceux d'un mort, mais ceux 
d'un vivant glorieux; par conséquent, en s’unissant à eux, on s'unit à la 
personne vivante du Christ. Mais qu'est-ce que l’on consomme pour produire 
cette union? Le pain et le vin devenus une Guoix. Comment seraient-ils une 
duoia s'ils n'avaient pas été préalablement offerts en sacrifice, et ainsi trans- 
Îormés, au moins mystiquement, sur un Ovoraoréotov, nommé ainsi au sens 


304 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI. 


propre ou par extension? Il faut pourtant que ces aliments soient devenus 
une fvota pour que l’analogie avec les victimes des temples vaille quelque chose. 
Et, de fait, dans le texte, il y a bien une allusion à l'autel chrétien, sur lequel 
le pain et le calice prennent ce caractère, quand saint Paul parle de la rparelx 
Toù xuplou (v. 21); car la « table du Seigneur » est un mot de l'Ancien 
Testament qui signifie l'autel (Zsech. xuiv, 16; Malachie, 1, 7, 12). En quoi 
apparaît dès lors en eux le caractère de victime? En ce que le « corps » et 
le « sang », en rapport l’un avec le « pain rompu », l’autre avec le « morñprov », 
sont présentés comme des termes distincts de communion, donc comme séparés, 
au moins d'une manière figurée, et par là même en état d’immolation. Le 
pain et le vin ne peuvent donc être une Gualx que pour avoir acquis une 
relation (que nous ne fixons pas encore), avec le vrai corps et le vrai sang de 
la Victime de la croix; il faut qu'ils soient devenus, en quelque manière, la 
même chose que le corps et le sang. Les mots xoivuvia où coaros et x. voÿ afuuroc 
(v. 16) peuvent s'entendre, doivent s'entendre d'une consommation, en quelque 
sens que ce soit, du corps et du sang mêmes du Christ, qui sont à la fois 
le moyen et le terme de la communion à la personne du Christ. 

Ainsi l’Eucharistie est vraiment un repas sacrificiel, comme l'attestent 
encore expressément saint Justin et la Didachè. Mais quel est le sacrifice 
auquel elle est jointe et d'où lui vient ce caractère? D'abord, cela va sans 
dire, celui de la Croix, où le Sauveur s'est immolé une fois pour toutes. 
L'Apôtre dira, au chapitre xr, 26 : « Chaque fois que, etc... vous annoncez 
la mort du Seigneur, jusqu'à ce qu’il vienne »: « Vous annoncez », c'est-à. 
dire vous proclamez la mort du Seigneur, votre foi en elle et en ses effets 
salutaires; et vous le faites parce que le Christ lui-même l’a commandé (I Cor. 
x1, 24 et 25; cf. Luc, xxir, 19). C’est donc d’abord un repas funéraire, chose 
bien connue des Juifs et des païens; puis une imitation de la dernière Cène, où 
la grande Victime {avait donné aux disciples les mêmes aliments sacrés, 
annoncé par le rite même son sacrifice prochain, et poussé jusqu’à l'extrême 
(ets vélos, Jean, xnr, 1) la manifestation de son amour; ensuite, l'Eucharistie 
est en relation avec le repas pascal de l'Ancienne Loi, vu l’époque de la 
Dernière Cène; par la victime qui y est offerte, nous sommes délivrés des 
servitudes de ce monde et de la mort, comme les Hébreux le furent de l'Égypte; 
enfin, comme la victime est ressuscitée et vivante, la communion avec elle 
nous est un gage de notre résurrection bienheureuse : Æ# futurae gloriae 
nobis pignus datur, comme dit l'office du Saint-Sacrement. 

Mais l'Eucharistie ne serait-elle un repas sacrificiel qu'au sens large, unique- 
ment par son rapport avec le sacrifice passé de la croix, rapport seulement 
intentionnel et de l’ordre idéal? Alors il serait difficile de dire que les aliments 
eucharistiques sont une fuoio au sens propre, ce qui est pourtant bien présup- 
posé par le caractère strict de la comparaison avec les chairs des victimes d'autres 
religions. Pour que la communion rejoigne réellement le sacrifice de la croix, 
pour qu'on y mange une Üusia non pas purement symbolique, mais véritable, 
il faut que le sacrifice de la croix soit redevenu, de quelque manière, présent 
et actuel, qu'il soit renouvelé. Or, l'acte qui rend présente la Victime immolée 
autrefois, historiquement, au Calvaire, et maintenant glorieuse au ciel, ce 
ne peut être que celui qui a atteint le pain et le calice, en d’autres termes leur 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI. 305 


consécration, par la répétition des paroles du Christ (V. Synopt. et I Cor, 
xr, 24-25). La vai vraie, prise au sens propre, que les chrétiens consomment, 
doit en effet être devenue présente au cours de la cérémonie totale, et cela 
« sub specie immolationis », par les paroles qui ont comme mis à part le 
corps et le sang; c’est pour cela que saint Paul distingue avec tant d’insistance, 
et partout, le « sang » du « corps ». Au chapitre xr, v. 24, les mots vù ümip buüv 
([mon corps] qui est pour vous, que voici là pour vous), ne peuvent signifier 
seulement, non plus que chez Luc (xxir, 19 : vd émèp Üuüiv Gidduevov), « qui est là 
pour que vous le mangiez, pour vous servir d’aliment », mais, à cause du 
participe éxyuwôpevov, « qui est répandu », dans l'offrande parallèle du calice 
(Math. xxvr, 28; Luc, xxrr, 20; Marc, xiv, 24), ils veulent dire « qui est 
donné, immolé pour vous » en sacrifice à Dieu. 

Puisqu'il y a done une hostie, est-ce une hostie réelle, ou seulement figu- 
rative? Le chapitre x implique déjà qu'elle est réelle. Sans doute, les 
expressions xowuvia toÿ cuuaros, 700 aluuros, en soi, ên abstracto, n’indiqueraient 
pas nécessairement une présence réelle, physique, de la victime. Toutefois, 
si cette présence n'était que morale, l’analogie dont saint Paul tire un tel 
parti perdrait de sa force. En outre, le même chapitre donne une indication 
précieuse, dont nous avons vu la concordance parfaite avec la doctrine du 


chapitre x. C'est la phrase : êne ele dpvos, Év oûpux of moddoi écuev. of ykp mévrec éx où 


évès Gptou meréyomev (x, 17). Cela ne signifie pas : « nous avons tous part à 
un seul pain », traduction qui néglige l’article où, mais : « nous avons tous 
part à l'unique pain », en insistant sur Évés : « tous part à ce Pain qui est 
unique ». Or, le seul « pain » qui soit « unique » partout et nécessairement, 
c'est le corps du Christ indivisible et partout le même, dans tous les lieux 
et les temps où il est offert; ce ne sont point les espèces matérielles du sacre- 
ment, lesquelles peuvent être multiples, mais la Réalité qui est dessous, le 
« Pain vivant descendu du ciel » de Jean, vi, 33, 35, 48, 51. C'est donc le 
corps du Christ que l'on mange. Et, en donnant cette interprétation, nous 
avons ici la rare fortune de nous trouver d'accord avec M. Loisy (Les Mystères 
païens et le Mystère chrétien, p. 291-s.). Le chapitre xr le dit d'ailleurs 
en termes exprès." 

Ainsi, la communion eucharistique est proprement, véritablement, un repas 
sacrificiel, parce qu'une victime véritable, au cours de la cérémonie, a été 
préalablement constituée présente, comme elle était au Calvaire, et représentée 
comme immolée par la séparation de l'aliment solide et de l'aliment liquide, 
pour qu'elle soit mangée et bue par les fidèles. La cérémonie eucharistique, 
renouvelée dans toutes les églises pour aussi longtemps que l'Église durera, 
jusqu'à la Parousie, a donc, dans l'esprit et la lettre de saint Paul, tout ce qu'il 
faut pour réaliser pleinement la notion de sacrifice, — commémoration sans 
doute de celui de la Croix, et rappel de la Dernière Cène, mais réel, absolument 
réel, parce que le sacrifice du Calvaire s'y trouve mystérieusement renouvelé, 


par la présence réelle de la même Victime, figurée dans le même état d'immo- 


lation, et offerte sur cet’autel qui s'appelle la spénetx voû xuplou. Ce qui fait 


remonter à saint Paul le dogme catholique du sacrifice de la messe, contre 


les diverses théories protestantes. 


EPITRE AUX CORINTHIENS,. 20 


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306 *“ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI. 


Mais, pour établir tout à fait solidement la réalité de cette présence, il faut 
recourir au deuxième texte, celui du chapitre xr, où saint Paul rapporte tout 
au long l'institution de l'Eucharistie par le Christ. Ce n'est pas le signe qu'il 
n'en eùt pas encore parlé aux Corinthiens d’une manière aussi précise. Le cas 
n'est pas différent de celui du chapitre xv, où il énumère aux mêmes lecteurs 
un grand nombre d’apparitions du Christ ressuscité, des faits que lui et les 
autres apôtres avaient l'habitude de narrer souvent à leurs néophytes. Il s’agis- 
sait uniquement de réveiller dans la mémoire et le cœur des Corinthiens l’im- 
pression vive d’une doctrine qu'ils connaissaient fort bien, mais dont certains 
-abus pratiques tendaient à leur faire oublier l'immense portée pour leur vie 
morale et religieuse. Certains d’entre eux semblent regarder l'Eucharistie 
comme une formalité religieuse après un bon diner, comme s'il ne s'agissait 
que de réciter distraitement des grâces, lorsqu'échauffés par le vin et la bonne 
chère, les conversations et les disputes, les convives pensent à toute autre 
chose qu'à ce qu'ils font, ou aux formules qu’ils entendent et récitent! N'ayant 
pas « distingué, discerné » le corps adorable, ces médiocres ou mauvais chré- 
tiens l'ont traité, en pratique, comme un léger supplément rituel à leur joyeux 
repas ; ils se sont ainsi rendus coupables envers le corps et le sang. Si leurs 
dispositions n'atteignaient pas au moins ce minimum de charité et de pureté 
chrétienne requis pour que l’on soit un membre vivant du Christ (et il y 
avait tant d'injustes, de fornicateurs dans cette Église de Corinthe!), ils ont 
commis un sacrilège, ils ont menti en s ‘arrogeant le sacrement d’un amour 
-et d’une union qui ne peut exister entre le Christ et des pécheurs, ils ont fait à 
la divine Victime une violence qui a son type dans le crime de ceux qui la 
trahirent, l’outragèrent, la clouèrent à la Croix. | 

Car, pour l'Apôtre, elle est présente dans l'Eucharistie aussi réellement 
qu'elle l'était sur la Croix. 

L'idée de saint Paul est absolument nette : par la communion eucharistique, 
le fidèle s'unit au vrai corps et au vrai sang du Christ, présents physiquement 
et mystérieusement là où est ce qui semble être du pain et du vin, mais qu'il 
faut savoir « discerner », « distinguer », apprécier à sa juste valeur, sous 
peine de faute grave entraînant de graves châtiments. Et c'est un repas de 
sacrifice : les aliments sacrés ont été apportés d’une voureba voù xuplou, qui est un 
autel (cf. Æp. ad Heb. xurr, 10). Ce sacrifice n'est pas purement le lointain 
sacrifice historique de la croix, quoiqu'il en tire toute sa valeur, et qu'il ait la 
même victime; il en a été comme une reproduction. Et c'est le Christ lui-même 
qui a institué cette merveille, et donné à ses disciples le pouvoir et le comman- 
dement de la renouveler périodiquement en sa mémoire. — Parmi les auteurs 
les plus récents, ce ne sont pas seulement des catholiques comme Goossens (1), 
mais des protestants comme Gavin (2), qui reconnaissent à l'Eucharistie des 


(1) W. Goossens, Les origines de l'Eucharistie, sacrement et sacrifice, 1931. 

(2) F. Gavin, The catholic idea of the Eucharist in the First four centuries, 1930. — Cet 
auteur cherche des antécédents dans la tradition rabbinique, et retrouve la tradilion sacrif- 
cielle dans la Didachè, Ignace et Justin, — tout en admettant une autre idée, de l'Eucharis- 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI. 307 


premiers siècles ce caractère netlement sacrificiel, aussi bien dans la tradition. 
synoptique que dans celle de Paul; cela nous met loin de la simple « offrande 
de pain et de vin » de Wetter et de Süderblom, ainsi que du pain-communauté 
d'Andersen. 

Le « réalisme », le « sacramentalisme », en un mot le catholicisme de Paul 
ne sauraient plus guère faire de doute pour aucun esprit libéré des confessions 
de foi dissidentes. Pour ce qui faisait, à côté de la transsubstantiation, l'antique 
sujet de controverse entre catholiques et protestants, la question de l’Eucha- 
ristie-sacrifice, il semble que nous soyons sur la voie d’un accord avec les 
critiques affranchis des Églises. Voyez, par exemple, ce qu'imprime Loisy 
à propos de l'Ep. aux Hébreux, où il reconnaît un enseignement qui, sur 
ce point, ne s'oppose pas du tout à celui de saint Paul (1). L’évidence histo- 
rique les incline de plus en plus à reconnaître que saint Paul a présenté toutes 
les grandes lignes essentielles du dogme de l’Eucharistie, — comme aussi 
des autres. 

Ainsi l’on nous restitue plus ou moins ouvertement saint Paul, et ce n'est pas 
là peu de chose. Mais nous y gagnons bien moins, à leur estime, que nous pour- 
rions nous le figurer... Car on prétend élargir d'autant l'abime qui séparerait 
l'Apôtre helléniste à la fois de Jésus et des premières communautés palesti- 
niennes, des disciples authentiques du prophète de Galilée. Grâce au converti 
semi-paganisant de Tarse et de Damas, la religion du Christ, du Règne de 
Dieu, se serait ouverte toute large au grand courant de mystique gréco-orien- 
tale, qui, en se fondant dans l'élan moral donné par Jésus, aurait revêtu d'une 
dogmatique les aspirations juives, et y aurait pris en retour la vitalité qui lui a 
assuré jusqu'à nos jours force et durée. Ainsi se serait formé le « mystère 
chrétien », analogue aux Mystères païens qu'il a sublimés, et condensés autour 
de la personnalité de Jésus. Telle est la thèse de Loisy, après plusieurs autres 
qui l’avaient présentée avec moins de raffinement et d'air de vraisemblance. Le 
responsable de cette métamorphose, c'est Paul; non pas lui tout seul ni le pre 
mier, mais lui surtout. 

Ainsi pour ce qui est du dogme eucharistique notamment, et sous ses diverses 
faces, Paul, croient ces critiques, a cru de bonne foi le tenir de Jésus; mais en 
réalité c'est lui, Paul, qui en a été le créateur, ou du moins le grand propagateur, 
si cette croyance était déjà ébauchée avant lui dans les églises des gentils. — 
Car Paul était un illuminé, très habile sans doute à faire valoir ses rèves, mais 
pas très conscient de ce qui se passait au fond de sa propre pensée. Un tel 
homme a été capable d'introduire dans le christianisme l’idée, empruntée incons- 
ciemment à l'hellénisme, d'un dieu mort et ressuscité qui se donne en nourri- 
ture d'immortalité à ceux qui croient en lui (3). 

Du reste, il l'avoue (sans s’en douter), quand il dit tenir du Seigneur lui- 


lie-agape, chez Luc et Jean, se rattachant à la multiplication des pains et à l'attente du 
banquet messianique; les deux seraient combinés dans la Didachè. Pour nous, tout cela ne 
fait qu'un; voir les Excursus précédents. 

(1) Lorsv, Les Mystères... p. 351-352, note. L'auteur n'y arrive pas sans peine à n’entendro 
IC Ouotaoriprov de x111, 10 que de l'autel du ciel. 

(2) Jean RéviLee, Les Origines de l'Eucharistie, 1908. 

(3) A. Loisy, Les Mystères païens et le Mystère chrétien, 1919, chap. vi, IX, x. 


308 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI. 


même (rapéha6ov &xù voù xupiou, I Cor. xr, 23) la connaissance de la Dernière 
Cène avec les modalités et le sens de mystère que lui-même, Paul, avait intro- 
duits dans la liturgie de Corinthe et d'ailleurs. 

Rien de plus aisé que de trouver dans les mythes et rites païens l'origine des 
enseignements apostoliques, quand on les y a adroitement déposés, avant de se 
mettre à en chercher la provenance. 

. Ces critiques ont peu de compréhension du caractère de Paul, dont ils 
veulent adapter la psychologie à celle qu'il est en leur pouvoir de mesurer. 


Nous ne nous attardons pas, d'autre part, à souligner l’invraisemblance . 


d'une théorie qui supposerait que les autres Apôtres, sans discussion ni protes- 
tation, ont laissé faire à Paul tout ce qu'il voulait, sur les points les plus essen- 
tiels, et créer librement des innovations éclatantes, qui ne pouvaient cependant 
rester inconnues en dehors de ses propres églises — où il était d’ailleurs espionné 
gomme on sait par tant d'adversaires! Car il paraît que les Apôtres, pourvu 
qu'on mît d’une façon quelconque son espoir dans le Christ ressuscité, ne se 
souciaient aucunement des systèmes de doctrine où pourrait s'incorporer diver- 
sement cette espérance. Ils donnaient carte blanche à Paul, en voyant que 
celui-ci réussissait auprès des Gentils, füt-ce au prix de l'adoption d'idées 
païennes. Invoquer là-contre des raisons de convenance historique leur parai- 
trait du subjectivisme, fruit d’une mentalité catholique que ne pouvaient avoir 
les Apôtres, dont le dogme juif du Règne de Dieu était, sinon imprécis, du moins 
fort indigent en fait d'intellectualité. Ils pouvaient se dire après tout que Paul, 
dans le domaine du raisonnement, était plus grand maître qu'eux; libre à chaque 
prédicateur de marque de faire des essais doctrinaux, de bâtir des systèmes, 
chacun le sien, pour donner un corps à l'espoir messianique basé sur la Résur- 
section ; ainsi l'on eut encore, en dehors de Paul, les idées d’Apollos, le dogme 
de l'Épttre aux Hébreux, et, plus tard, la théologie johannique (1). Pareille 
conception ne cadre guère avec les données des Évangiles et.des Actes; mais 
Actes et Évangiles auraient été tendancieux et inspirés eux-mêmes de Paul, 
voilà beau temps qu'on le proclame. 

Mais, au moins, sans entrer en lutte sur les principes, on peut exiger de tout 
eritique, que dans un seul et même document, comme l'est, par exemple, la 
4" épître aux Corinthiens, il sache tenir compte de toutes les affirmations. Or, 
dans le cas présent, aux premiers chapitres, Paul a défini ce qu'il conçoitcomme 
le devoir d'un apôtre; c’est la fidélité à transmettre ce qu'il a reçu, il n'est que 
Poixovôuac des vérités divines (rv, 1-2); iln”y a qu'un fondement qu'on puisse poser, 
Jésus-Christ, sans aucun doute Jésus-Christ tel qu'il est connu de tous (nr, 11). 
L'Apôtre sait faire la distinction entre ce qu'il tient du Seigneur et ce que sa 
réflexion conclut des instructions du Seigneur, à propos de cas particuliers non 
expressément prévus (vir, 10, 12). Paul n'aurait donc pas innové volontaire- 
ment en matière grave sans se mettre en contradiction avec lui-même ; ou bien 
il n'était pas tout à fait sincère, ou n'avait pas assez réfléchi, quand il a déüin 
sa mission | 

Mais, dira-t-on, il n'a innové que sans le savoir, croyant tenir du Seigneur ce 


| {11 C'est à peu près ce que dit M. Loisy dans les dernières pages de ses Mystères, pp. 337 
et suivanles, et « Conclusion». Il appelle cela « fécondité de la foi » au premier âge. 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI. 308 


qu’il avait inventé lui-même. Car c'était — et Reitzenstein s'est donné assez de 
peine pour le démontrer — un « pneumatique », un de ceux qui sont censés 
recevoir directement leurs connaissances de l'Esprit de Dieu. Le pneumatique, 
qui défend aux autres de le juger, ne sait pas toujours bien non plus se juger 
lui-même, et montre une crédulité parfaite à l'égard de tout ce qui surgit dans sa 
pensée comme une parole de Dieu ou du Christ. Saint Paul a donc cru, sur une 
révélation personnelle, que le Christ avait prononcé à la dernière Cène des 
paroles qui étaient restées ignorées de ceux-là mêmes qui y avaient assisté. 
Il était facile de contrôler cela; — mais les pneumatiques ne sont-ils pas incontrô- 
lables ? Vous direz: Paul ne connaissait-il pas Pierre ? N’avait-il pas été instruit 
de la tradition des rites chrétiens par Ananias, à l'heure de son baptême? Peu 
importe; cet Ananias, s'il a existé, pouvait être lui-même un helléniste, qui 
croyait, d'une façon seulement moins précise que Paul, au « Mystère chrétien ». 
À Pierre, le converti de Damas n'avait probablement posé aucune question sur 
ce point, tant il était sûr de pouvoir tout connaître par lui-même ; et Pierre lui 
eût fait un récit tout autre, qu'il aurait plutôt accusé l'intelligence ou la mémoire 
de Pierre que de douter de ce que lui disait l'Esprit du Seigneur; ces pneuma- 
tiques ont un caractère si particulier ! | 

Soit. Admettons ces choses; « avalons-les », dirait un trivial controversiste. 
Mais les théoriciens du pneumatisme ne doivent cependant pas inventer une 
philologie spéciale pour leur cause. Où prend-on que mapéhx6ov dnè voÿ xupiou 
doive nécessairement signifier : « J’ai directement reçu du Seigneur »? 


* 
k * 


Sans faire intervenir aucun raisonnement psychologique ni historique ni 
doctrinal, nous avons été en droit d'affirmer que mapéh. nd voù xvo. n’a pas néces- 
gairement ce sens d’une communication directe faite par le Seigneur. C'est une 
de ces humbles questions de mots, que les grands critiques montrent parfois 
quelque tendance à dédaigner. Mais il faut bien un peu faire valoir ces minuties 
objectives, — surtout quand on a par ailleurs mille bonnes raisons, d'ordre psy- 
chologique et historique aussi, pour se méfier de la construction en cause. 

La controverse est ancienne. Remettons-en les principaux chefs sous les yeux 
du lecteur, qui pourra ensuite se former un jugement. Le point le plus sail- 
lant, c’est le sens de éré, qui avait reçu une grande extension à l’époque hellé- 
nistique. Un point subsidiaire, mais qui a aussi son importance, c'est le carac- 
tère général des chapitres xr et suivants de I Cor., que nous avons établi au 
début du chapitre xr. 

Ce chapitre ouvre une série spéciale de recommandations, qui n'ont plus 
l'air de répondre à des questions précises posées par les délégués et la lettre 
officielle de Corinthe (comme vu-x}. Saint Paul entend y rétablir dans leur 
pureté des traditions, mapaddaex. Le récit de l'institution de l'Eucharistie arrive 
très naturellement là s’il s'agit de montrer la source d’une tradition liturgique, et, 
en ramenant l'attention du lecteur sur cette source, de réveiller en lui l'esprit 
de cette cérémonie, 

Dans le bloc xr-xtv, où il s'agit de culte, Paul veut rétablir la pureté de règles 
qui sont communes à toutes les églises, et dont par conséquent lui n’est pas 


310 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI. 


l'inventeur. Et l’on veut que, sur le point le plus important de tous, l'esprit 
avec lequel il faut célébrer le repas du Seigneur, sans avertissement, sans un 
mot qui fasse soupçonner une différence, il se mette à parler d'une tradition par- 
ticulière dont il serait la source ? 

On répond que la preuve en est faite par le wapéAu6ov &mo voù kuplou de xr, 23. 
Là, mupéhaéov, à cause des mots qui suivent, signilerait, non plus une tradition 
réçue par Paul des premiers disciples, et transmise par lui à ses néophytes, 
mais une-réception directe de cette connaissance de la bouche du Seigneur. 

I] faudrait fixer le sens de mapahau#avew, d'après l'usus loquendi de Paul, et, 
si l’on peut, celui de àxo, d'après tous les documents accessibles. 

* Le verbe en question se trouve Î Cor, ici et xv, 2 et 8. Il est assez répandu 
dans le reste du Nouveau Testament. Chez Matthieu, il à le sens ordinaire 
‘de « recevoir », « accueillir », « prendre avec soi » une personne ou un 
objet; de même Luc, Act., Jean, Héb. (xi1, 28, avec Baorheiuv pour objet). 
Chez Marc, même chose aussi partout, excepté une seule fois, vir, 4 (à rapéla6ov 
xpureiv), où il s'agit de traditions judaïques, d'observances. 

C'est en ce dernier sens, de réception des traditions religieuses, qu'il est 
employé toujours chez Paul, en dehors de notre passage, excepté dans un 
verset de Col. Voici les textes : 

-L'Conr. x1, 23 : êyo ap mapéAu6ov énd vod rpfos, Ô nat mapéôwxe bpiv, Ott 6 xüptos 
’Enoodc.,. ÉAuGev äprov xrÀ. 

I Cor. xv, 1 : l'vwpituw 5 buiv, dôsAgot, vè edayyéhuov ë cbnyyeModuny À buiv, à ol ape 
Adbere, év © ua Éorprure.…….. 3. mapéôwxe yap buiv év mpwrotc,  xai ma péhu6ov, êrt 
Xotoroç &méBavev rép TOY dpapriüiv fav... xt ëre Étagn XTÀ. 

Gaz 1, D: et bp edapyehGerar map” Ô 6 napshdésre. .. 

Gaz. 1, 12 : oùdE yap Éyh mapè évôpomou mapékæËov adro (T0 edayyéuov rd ebay yeMobÈv 
ür’ épob) oùrs E854y0nv, &AAG à éroxaküeus ’Eiooù Xptoroë. - : 

Pure, rv, 9 : à xal époere xal mœpeñd fete xal fuoUcare xut eldere èv moi, vadra 
mpdcaete. . 

Coz. nu, 6 : ‘Qc oùv mapehdere rdv Xpiorov ’[nooùv (la connaissance du Christ) 
tôv XÜPLOV, êv adra TrEpirareire, 

Cou. 1v, 17 : Kat eimute ’Apyinmuw Bhére thv Braxoviav Av Tupéhn6ec èv xupio, Îvx 
œüthv mhnpots (ici, il s’agit d'une fonction). 

I Tugss. 11, 13 :... te mapahu6dvrec Àdyov dxoïc map? fnôiv roù OesoÙ ÉdéEuole où 
Aôyov dvôpurev, GAMX ras &hnôs Éoriv Adyov Oeod. 

I Tuuss. 1v, 1 : ... xaûc mapehdGere map’ fuüiv vo noi dei us MEUTUTEEV, Th. 

IT Tuess. 11, 6 : ..…. dôelpod dréerec mepimarobvros xul ph xarû var mæpdôcoiv 
(remarquer ce mot) fv œapekdéete map” fuüiv. 

Nous concluons de cette revue : 

4° L'objet de rapxà. est partout, chez Paul, une connaissance, sauf Col. 1v, 
47, où c'est une ôtaxoviæ. 

2° Dans tous les cas, le sujet de mupuh. a reçu ce qu'il possède d'un autre 
homme, et n'en est pas le premier dépositaire humain, le tenant directement 
du ciel. La Gaxovia d'Archippos lui a également été confiée par Paul, ou par 
un disciple de Paul, ou par l'église de Colosses, rien n'indique qu'il lait 
reçue directement du Christ, par révélation ou autrement. 

3° La mode de réception de cette connaissance est distinct de ceux qui 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI.' 811 


seraient exprimés par d’autres verbes, comme uavôdvew, Giôdoxecôm; elle n'est 
pas acquise par une étude personnelle ou non (mavôdvetv) ; ni du fait d’un enseigne- 
ment provoquant et aidant la réflexion (Gôdoxecô). Aussi Heënriei (1) disait 
assez justement que rapxlaubavew signifie non pas l'acte d'apprendre par des 
réflexions, mais de recevoir la connaissance d'expériences ou de faits religieux, 
que la tradition a conservés. Cf. la langue postérieure des Mystères, chez 
Porphyre et ailleurs : mapah. rù Mubptuxd, vù tept, etc. Quand il s'agit d'évangé- 
lisation, ce serait donc la narration entendue de faits évangéliques. | 

4° Enfin, trait digne de remarque, partout ci-dessus masahauG6iveiw est joint 
par la préposition xæpé au nom de la personne d'où émane la connaissance, 
qui la donne ou la transmet directement. Hors de saint Paul, dans le N. T., 
nous n'avons pas relevé de régime; chez saint Paul, partout, hormis XI, 23, 
la préposition est magd (4 fois). 

Pouvait-on écrire indifféremment zupt et dn6? C'est la question qui va 
nous occuper; toujours est-il que &xd n'apparaît que dans le seul texte x1, 23. Et 
il ne faut pas décréter a priori, avant d’avoir étudié l’usage de cette préposition 
éré, que le sens doit être absolument le même qu'avec wapé, puisque cet &md 
arrive devant un nom régime qui n'est pas de la même catégorie que les 
autres; C'est le xüp:c, non plus un simple homme intermédiaire; et là 
seulement, nous constatons l'abandon de la préposition ordinaire (2). 

Un autre mot n’est pas dépourvu d'intérêt : c'est nupañôdve, corrélatif de 
mapalaubivew. Son sens ordinaire, fréquent dans le N. T., est « livrer », et, 
quand il s'agit, comme en nos textes, de connaissance, « communiquer ». 
Le sujet du verbe rapañôova livre une tradition, mapdôoci. Mais en soi le mot ne dit 
pas s'il est le point de départ, la source de cette tradition, ou s’il la transmet 
après l'avoir reçue lui-même. Ainsi chez saint Justin (Tryphon, cxvus, 1), 
rapédwxev est dit du Christ, première source. 

Un mot plus instructif, peut-être, c'est La particule xai de xr, 2 : mapéha6ov à 
xal mapéôwxa. [l pourrait en dire plus qu'il n'est gros. « J'ai reçu du Seigneur ce 
que je vous ai aussi communiqué ». Cet « aussi » indiquerait-il une stricte 
similitude de situation, pour Paul et pour les Corinthiens, à l'égard de la 
vérité émanée du Seigneur? S'il en était ainsi, puisque les lecteurs de 
l'épître l'ont reçue par l'intermédiaire humain de l'Apôtre, celui-ci l'aurait 
également reçue par quelque intermédiaire innomé. Mais il est difficile de 
se prononcer sur la portée de ce xaf, lequel n'est pourtant certes pas placé 
là sans raison, car Paul était un écrivain conscient, et très concentré, sans goût 
pour les mots inutiles. 

On peut le faire se rapporter soit à l'éyé inclus dans mapédwxe, soit à épiv. Il 
signifierait, ou bien : « ce que je vous ai communiqué, moi aussi », comme 


(1) GeorG Heinricr, Das erste Sendschreiben des Apostel Paulus an die Korinthier, 1880, 
?. 331, n. 2. 

(2) Däns Henmas, Vis. v, 7, dnd voÿ xupiou et napà voù xuplou s'équivalent; mais c’est 
après le verbe änolapéäveobur; il ne s'agit plus de tradition, de connaissance, mais de 
récompense ou de châtiment, qui viennent également tout droit du Seigneur ; l’analogie 
avec notre passage n'est donc pas étroite, et on comprend que l’éxé qui entre dans la 
Composition d'&xolau6. ait entraîné, dans un cas, la préposition semblable pour le régime, 
au lieu du zrapé classique. 


312 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI. 


celui qui l'avait communiqué à moi; — ou bien « ce que je vous ai communiqué 
à vous aussi », qui l’avez reçu, qui en possédez la connaissance comme je l'ai 
reçue, comme je la possède moi-même, ou bien « ce quej’ai transmis à vous aussi 
[comme aux autres églises] » (1). Peu importe. Voici la question : Paul a-t-il 
fait passer la possession de cette connaissance aux Corinthiens, simplement, 
comme il en avait reçu lui-même communication d’une manière quelconque, 
le rapprochement noté par xal ne portant que sur la possession qui est main- 
tenant commune à Paul et à ses fidèles, sans connoter en rien le mode de 
cette communication? Alors on pourrait ainsi paraphraser : *Eyd mapéÀ. dnd voÿ 
xvp. Oxal Ouiv(— Gore xat Guüc Tadrd maperAnpévar 8 mupéAabov) napédwxa. — Ou 
bien a-t-il fait passer cette connaissance aux Corinthiens, non seulement 
identique par son contenu, mais avec le méme mode sous lequel lui-même l'avait 
reçue? Alors la paraphrase serait : mapéh. nd voù xup. 8 xai (— &ç êuol maps- 
000n) rapédwxe buiv. Ce petit xaf, j'en ai peur, prend l'air d’un cheveu que nous 
couperions en quatre; pourtant la nuance, à notre avis, n’est pas sans portée. 
Car, dans le second cas, Paul indiqueraït par ce rapprochement qu'il a reçu 
cette donnée, lui aussi, par tradition (rapdôos, mot qui répond exactement à 
mapéôwxa), et non directement du Christ. Or, il nous semble bien que, dans 
l’autre hypothèse; il n’y avait pas tant lieu d'insister sur cette communauté de 
possession, car le & suffisait bien à exprimer l'identité du contenu, et le xat 
faisait une sorte de tautologie. Nous jugeons donc déjà probable {2) que 
Paul, par cette addition de xai, a voulu ajouter une modalité à l'idée de 
l'identité du contenu, celle de l'identité du mode de communication. Mais cet 
argument-là paraîtra à d'aucuns trop subtil. | 

Nous en avons heureusement un autre, qui dira sans doute davantage. 
C'est le frappant parallélisme de mots et de tournure qui existe entre xr1, 23 
et xv, 1, 3 : 

XI, 23 : mapéAaGov md vod xuplou, 6 xai mr ap éduwxa pv, «rh. 

XV, 1, 3 : (Tv. Où ôu. 10 eûay. à xat (3) mupeladGere)... napédwxa ykp Opiv êv 
rpwtoic ê xat mapéAabov, c'est-à-dire la mort, l’ensevelissement, les apparitions 
du Christ (4). 

Au chapitre xv, 8 xat mupélabov signifie : « ce que j'ai reçu aussi », c'est-à- 
dire comme vous, de la même manière que vous l’avez plus tard reçu de moi. 
Or, il s'agit ici des récits de la Passion et la Résurrection, que Paul ne prétend 
pas tenir directement du Christ, car il les tenait certainement, dans leur 
détail, des disciples et des autres chrétiens. L'apparition du chemin de Damas, 
dont il sera parlé au v. 8, lui avait bien appris la réalité du fait de la 
Résurrection glorieuse, mais non le détail des apparitions dont avaient été 


(1) Des interprétations telles que : « ce que je vous ai précisément transmis », ou « ce 
que je ne me suis pas contenté de recevoir, mais que je vous ai encore transmis », nous 
paraissent banales et insuffisantes. 

(2) Nous disons seulement « probable », car il reste possible que xai n'ait qu'un sens 
atténué explétif. | 

(8) Ici le xai n'a pas la même portée, à cause de la suite : ëv & xoù éornrare, ta. 

(4) Les variantes du texte sont insignifiantes. On trouve x1, 23, deux fois zapd au lieu 
du éxé (D, E), sûrement par assimilation aux autres textes et à l'usage commun; — et xv, 
8, xai avant mapéhaësv manquait chez Marcion, «70-505, chez Irénée, chez l'Ambrosiastre et 
quelques autres Latins; il était facile à omettre. 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI. 313 


avant lui favorisés les disciples. Ainsi le xai de xv, 3 sert à noter l'identité de 
position des Corinthiens et de Paul par rapport à cette dernière connaissance. 
Lui et les autres l’ont reçue, non pas du Christ directement, mais par le 
témoignage de ceux qui avaient vu le Sauveur ressuscité, témoignage transmis 
d'abord à Paul, et par lui aux fidèles de Corinthe. Mais la phrase du chapitre 
x1 étant construite avec les mêmes mots et de la même manière (à cela près 
que le xat y est joint à mopédwxx et non à mapéAx6ov) demande selon toute 
probabilité la même interprétation. L'enseignement de Paul est un anneau 
dans la chaîne de la tradition concernant l’'Eucharistie, comme il en est un 
certainement dans la chaîne de la tradition relative aux apparitions du 

Ressuscité. | 
= Nous avons dit « selon toute probabilité », et pas davantage. Si maintenant 
de tout autres considérations grammaticales, portant sur un autre point, 
viennent ajouter leur poids à la même probabilité, nos arguments auront une 
force cumulative qui leur donnera — et rien que d’après la grammaire — une 
quasi-certitude. 

Il nous faut revenir à la signification de rapaleu6dvew, dans les textes où il 
il s’agit de connaissance donnée et reçue. Cette signification est nettement 
déterminée dans tous ceux que nous avons étudiés, abstraction faite pour le 
moment de xr, 23 : celui qui communique la connaissance ne fait que la 
transmettre, il n’en est pas la source première; et le rapport de celui qui 
reçoit avec celui qui donne, qui est l'agent immédiat de la transmission, est 
exprimé par l'invariable particule rap (1). 

Dans xr, 23, le rapport est indiqué avec la source même, le Seigneur, Or, 
ici, et ici seulement, la préposition change, et devient érd. Ce changement 
vaut d'être noté {2), car il éveille a priori un soupçon que le rapport ne 
doit pas être tout à fait le même que précédemment. Il peut être le même, 
mais il peut aussi être différent. En étudiant le sens de àxo, et l'extension 
qu'il avait reçue à l’époque hellénistique, peut-être arriverons-nous à en avoir 
le cœur net. 

Il semble d'abord que le rapport pourrait être le même, et que ce serait 
pur hasard si Paul a changé ici la particule de relation. 

’Axé avait bien, à l'origine, un sens assez nettement fixé. Contrairement 
à &x, il ne signifiait pas le lieu duquel, mais le lieu des environs duquel quelque 
chose sort ou provient. Seulement, à l'époque hellénistique, il empiétait sur èx, 
qu’il a fini par supplanter dans le grec moderne; on voit ce mouvement 


(1) OCLEMEN, Der Einfluss der Mystlerienreligionen auf das älteste Christentum, 1993, 
p. 18. 

(2) Cf. Loisy, Mystères, p. 282, n. 2 : « Paul aurait dit &xé pour signifier qu'il ne tenait 
pas immédiatement du Christ ce qu'il va raconter (CLEMEN, 17, après beaucoup d’autres). 
On peut croire que l'Apôtre n'y a pas mis tant de subtilité. » Manière de résoudre les 
questions, rapide et élégante, mais où le professeur du Collège de France n'a pas mis 
non plus de subtilité exagérée. Dans le reste de la note, il montre, à cause de iyw, que 
Paul voulait ici parler en « spirituel ». Cet éy& n’oppose pas l'autorité « pneumatique » 
de Paul à celle des premiers disciples, qui auraient compris la Gène moins profondément, 
mais aux Corinthiens, qui semblaient, en pratique, en avoir pordu le signification. D'ail- 


leurs, c’est à Reilzenstein qu'il faut s'en prendre ici, non à M. Loisy, qui a seulement 
adopté son opinion. 


314 | ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI. 


commencé dès le Nouveau Testament, On le.voit aussi marquer l'origine, 
l'éloignement, la cause, etc.; il se rencontre employé au lieu de ëro pour 
relier à un verbe passif le nom d'agent. Enfin, dans un certain nombre 
de .cas, il remplace aussi le rapi classique (ex. gr. Hermas, Vis. v, ci-dessus), 
indiquant exactement la même relation immédiate. Aussi Paul aurait pu 
vouloir dire qu’il a appris immédiatement du Seigneur les détails de la 
Cène, comme les Thessaloniciens ou les Galates ont appris immédiatement 
de l’Apôtre la doctrine et la morale du christianisme. 

Seulement, et même à s’en tenir aux pures considérations grammaticales, 
sans parler encore. de vraisemblance ou d'invraisemblance historique, ce n’est 
qu'une pure possibilité, et pas davantage. En effet, à cette époque, ärd était 
beaucoup plus vague et plus large de sens que rap. 11 n'avait nullement perdu 
son ancien sens, qu'il conserve au milieu de beaucoup d'autres dans le 
Nouveau Testament. Dans le Tamieion de Bruder, &rô a tant d'usages 
qu’il tient plus de douze colonnes, tandis que mapé avec le génitif n'en occupe 
qu'une et demie. Que Paul l’ait employé après mapahau6dve en un seul endroit, 
contre l'usage classique et contre quatre fois rapé, cela peut faire réfléchir, 
et ne prouve pas qu'il n'avait point d'autre sens à lui donner que celui de rupd. 
Car Paul, en dépit de toutes les négligences de son style familier, était, 
répétons-le et personne ne le niera, un écrivain « conscient », qui savait manier 
le grec, et varier ses formules pour leur faire rendre les plus fines nuances 
de sa pensée. 

Les grammairiens ont noté ces multiples extensions du sens de ëxd, et les 
confusions de prépositions voisines, dans la xawñ. On a prétendu établir 
qu'alors, dans le langage de tous les jours, &rd, mapt, no et x s'employaient 
indistinctement l'un pour l’autre. Après s'être identifié avec &x, puis avec üxd, le 
mot är6 se substituait à napt après dxoüaw devant le régime de personne, 
ou après certains verbes comme pmavôdvew (Col. 1, 7), ou après des verbes. 
de mouvement devant le nom de l'individu d'auprès duquel on vient 
(Gal. 11, 12) (1). Radermacher a pu dire qu'il entrait en concurrence 
avec rapé dans toutes ses acceptions (2). Mais il n’en demeure pas moins 
que, à l'époque hellénistique, le mot était très fréquent pour exprimer la 
notion générale. de « source », et les catégories de cause, d'auteur premier, 
de réception en général, de ‘transmission héréditaire (3), En tout cela, la 
livraison immédiate n’est pas toujours requise, elle est parlois exclue. Aussi, 
d'après Heinrici, se référant à Winer (4), Paul a voulu seulement, dans 
notre verset, indiquer l'origine de la tradition, ct c'est pour cela qu'il a 
évité mwapa, qui semblait naturellement appelé. Comparez Mat. xvur, 25 où 
ëné après hauôavew n'indique certes pas une réception immédiate, puisqu'il 
s'agit de l'argent que les contribuables versent aux rois; il cn est autre- 
ment Col. 1x, 24, mais là (änd vo xuplou énoluheobe rhv dvramddoouw rs xAnpovouias), 
l'idée d’immédiation s'y trouve unie à celle d'origine première, encore. 


(L) Buass-DEBRUNNER, Grammaitik des neut. Griech., 1913, 22 173, 209, 210. 

(2) RADERMACHER, Veut. gramim., 1911, p. 116. 
* (8) MouLToN-MiLLIGAN, Vocabulary, à ce mot, 1915. KünxRING, De praepositionum grae- 
carum in charlis aegypliis usu, 1906, p. 35-suivantes, 

(4) HEINRICI, op. taud., p. 331. 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI. 315 


Preuschen-Bauer (1) donne de nombreux exemples d'éxd introduisant la 
cause éloignée, ou l'auteur premier, et il y range notre verset, d'après 
lequel on ne peut juger, selon lui, s’il y a eu des intermédiaires entre 
le Christ et Paul. Dans le même sens s'expriment Clemen, Joh. Weiss, et 
le plus grand nombre des hommes du métier (2). 

Nous sommes autorisés à tirer cette conclusion : , 

Quelle que soit l'opinion personnelle des divers grammairiens et lexico- 
graphes, les exemples qu'ils arrivent à citer ne démontrent nulle ‘part que &ro 
soit employé en vue de signifier une communication immédiate. Un fait 
seulement est patent : c'est que, si &rd apparaît là où l’on pouvait attendre 
plutôt mwapx, il exprime toujours la source d’où part l’action ou la connais 
sance : ainsi après dxobeuv, dnohaubaveofar, mavôdveiv, dans Act, Mat., Col., I Joh., 
Hermas, ct partout. C’est cela qui fait le caractère essentiel, la propriété de 
äxo dans tous ces cas. Par conséquent, on ne saurait prouver apodictiquement, 
par le seul usage de éxd, que la tradition ou la livraison n'est pas immédiate; 
car parfois elle l'est (Col., Hermas), parfois elle ne l’est pas (Mat., al.); mais 
il serait aussi absolument téméraire d'affirmer qu'éxs doive contenir l’idée 
d'immédiation impliquée dans xp chez saint Paul, ou qu'il la contienne dans 
notre passage — si du moins l'on s’en tient aux considérations grammaticales. 
Disons plutôt — ce qui est l’idée de Preuschen, de Heinrici, de Rob.-Plummer et 
d'autres — que &r, employé pour désigner la source, le point de départ d'un 
mouvement, fait abstraction des intermédiaires possibles entre le point de 
départ et le point d'arrivée. Qu'il y ait des intermédiaires ou non, cela est à 
juger par le contexte, ou par des considérations d'un autre ordre. Ici, le con- 
texte ne dit certainement point qu'il n'y en ait pas; et les considérations 
historiques, pour qui fait de l'histoire autrement que: Reitzenstein ou Loisy, 
nécessitent qu'il y en ait eu entre le Seigneur et saint Paul, — quand bien 
même le Seigneur aurait voulu, comme le croient quelques-uns, confirmer 
leur récit en vision (3). | 

Je le répète, les considérations grammaticales toutes seules n'ont pas de 
valeur apodictique, car il est en soi possible qu’on découvre d'autres docu- 
ments qui établiraient dans certains cas la parfaite équivalence de éno et de 
napé après mapahau6ävew. Mais je ne sache pas que, jusqu'ici, les papyrus 
ou la litlérature nous en aient révélé aucun. Dans l’état actuel de nos connais- 
sances hellénistiques, l’affirmation que nous combaitons est donc purement et 
simplement arbitraire. 

Et l'histoire, enfin, en montre bien l'impossibilité. En effet, Paul, avant et 
après son baptême, avait certainement été instruit sur l'Eucharistie par Ana- 
nias, qui avait dû lui enseigner les oroysia (Heb. v. 12), le rèv rüc dpyñc voù 
Xptoxoÿ Adyov, où rentrait certainement la signification du banquet des chrétiens, 


(1) Griech.-deutsch Handwürlerbuch zu den Schr. des N. T., à ce mot, IV, 4. 

(2) CLEMEN, op. laud., p. 17. — Jon. Weiss, Comm. 

(3) Nous ne nions pas, en effet, que Paul, qui avait des exlases, ait pu se sentir trans- 
Porté une fois en esprit à la Dernière Cène dun Jeudi Saint. Mais pareille vision, si elle 
& eu lieu, n'aurait fait que confirmer une convicliun déjà acquise; ce n'est pas alors, malgré 
Heilmüller («T. und Ab. im Urchrist. », p. 43), qu'il eûl découvert une significalion nouvelle 
aux acles et aux paroles de Jésus à lui déjà connues par ailleurs, 


316 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI. 


. et de leur autel {Heb. xun, 10). Quand il dit qu'il tient son récit du Seigneur 
(mapéha6ov &rd ro5 xuplou), il insiste principalement, avons-nous dit dans le Com- 
ment., sur l'ordre donné par le Christ de renouveler l'Eucharistie, et de le faire 
dans le même esprit que révèlent les circonstances de son institution, redites 
avec tant de solennité par l'Apôtre pour faire impression sur des chrétiens 
pratiquement oublieux. 

Nous pouvons donc ainsi paraphraser I Cor. xr, 23 : 

« Car j'ai recu [par une tradition qui vient] du Seigneur, ce que je vous 
ai transmis aussi [c.-à-d. comme on me l'avait transmis à moi-même], à 
savoir que le Seigneur, dans la nuit où il fut livré, prit du pain, etc. » 


x 
x + 


Et le rapprochement avec le chapitre x nous montre que cet enseignement 
traditionnel transmis par saint Paul était, au moins dans toutes les lignes 
essentielles, la synthèse totale du dogme eucharistique actuel : sacrifice et 
sacrement, présence réelle (entraînant, comme l'Église le fixera, la « con- 
version », la transsubstantiation), en un mot ce que le catholicisme enseigne 
de nos jours, et ce qu'il a toujours enseigné. 

Plus d'un lecteur aura peut-être l'impression que nous nous sommes 
donné beaucoup de mal pour enfoncer une porte ouverte; mais il faut bien 
enfoncer plusieurs fois les portes que des critiques ingénieux mettent tant 
de persévérance à refermer. 

[Voir d'une part les commentaires de Cornezy, Toussainr, etc., et de 
l'autre ceux de Henric, LIETZMANN, Roszrrson-PLumuEn, J. Waiss, Bacu- 
MANN, etc. — ME Lx Camus, L’Œuvre des Apôtres, 1II*, p. 134. — CLemen, 
Der Eïinfluss der Mysterienreligionen auf das älteste Christentum; — Loïsy, 
Les Mystères païens et le Mystère chrétien; — Herrmürrer, Taufe und 
Abendmahl im Urchristentum : — KR. Rerrzensren, Die hellenistischen 
Mysterienreligionen, 3 Aufl. 1927, pp. 333-393, « Paulus als Pneumatiker »; — 
F. Gavin, The catholic idea of the Eucharist in the first four centuries, 
dans la revue « Theology » de Londres, oct. et nov. 1930; — W. Goossens, 
Les origines de l’'Eucharistie sacrement et sacrifice, Gembloux et Paris, 
1931. — En plus, beaucoup des ouvrages nommés à la suite de l’Exc. xr]. 


IT, Les « charismes » et leurs manifestations (x11-x1v). 


Inr. — Les Corinthiens ne s'assemblaient pas seulement pour le « repas du Sei- 
gneur »; en des réunions d'édification qui ne devaient pas coïncider avec la liturgie 
eucharistique (d'après XIV, 23, v. ad loc.), ils se livraient aux manifestations de 
« l'Esprit ». À cette occasion aussi avaient surgi des difficultés et des problèmes sur 
lesquels l'Église avait consulté l'Apôtre. Il répond en ces trois chapitres, qui débutent 
par la même tournure, rep Gé..., que les autres instructions motivées par les questions 
de la lettre corinthienne, sur le mariage, les vierges, les idolothytes, etc., (VIT, 1, 25; 
VIIT, 1; XVI, 1, 12); et ici encore, il les ramène à l'observation des traditions com- 
munes (XIV, 33, 36). 

En cette section d'un immense intérét, notre épître touche véritablement le « point 
névralgique » de ces nouveaux corps religieux nés de la prédication de l ‘Évangile 
parmi les Gentils : le rapport de la nouvelle piélé chrétienne avec l'ancienne piété ou 
mystique gréco-orientale. C'est comme une suite aux premiers chapitres qui avaient 
opposé la Sagesse de Dieu à la sagesse évanescente du monde juif et hellénique. Dès 
les premières lignes (XIT, 2-3), nous sommes avertis du genre de l'entreprise que Paul 
embrasse, et de. son dessein très conscient : dégager ses néophytes des restes de maté- 
rialisme païen et de l'exaltation suspecte qui se mélaient à leur recherche affective ou 
mystique de la Divinité. En cet ordre encore, ils sont des « enfants » (voir comm. de 
ATIT, 11), qui ne pensent qu'à leur jouissance ou à leur gloriole personnelles, et ne 
savent pas ce que veut l'Esprit, le Pneuma dont ils se croient les instruments parfaits. 

Cette critique des « pneumatiques » — reportons-nous aux chap. II-IIT — est d’une 
importance qu'on ne saurait exagérer. Elle montre ce que Paul était lui-méme comme 
« pneumatique » (avec d'autres passages de ses lettres, notamment II Cor. xn), et ce 
n'est pas tout à fait l'image que s'en fait Reïtzenstein et son école. Aussi, croyons-nous 
utile, avant dé passer au commentaire détaillé, de fixer sa position. 

À l'aurore du christianisme, depuis le jour de la Pentecôte, l'expérience de l'Esprit 
qu'envoya Jésus monté à la droite de son Père, avec toutes ses opérations merveilleuses, 
était un miracle permanent, un des plus grands motifs de crédibilité pour conquérir 
Juifs et paiens. Dans l'Évangile de Marc, xvi, 17 s., le Christ annonce les « signes » 
(oyeta) qui accompagneront la foi; cette période des « charismes » dura plus ou moins 
Jusqu'au TIR siècle, et s. [rénée (Adv. Iaer. IE, xxtv, 4; V, vi, 11) er fut un des der- 
niers témoins. Cette conduite de la Providence répondait aux besoins du monde 
d'alors, dont l'élite religieuse n'était plus rationaliste (même plus guère les stoïciens) 
mais cherchait Dieu avec une passion mal éclairée. Seulement il fallait que les signes 
du véritable Esprit de Dieu ne se confondissent point avec les rèvertes et les contor- 
sions des visionnaires païens, 

Dans le monde religieux grec, comme on le soit déjà chez Platon, dans le Phèdre et 
le Timée, le plus haut degré de la conscience religieuse, — sauf pour quelques con- 
templateurs rationnels, — se confondait avec l'inconscience de l'extase, l'arbitraire, 
la pavle, La quasi-démence. Et ce prétendu don divin n'avait d'utilité escomptée que 
Pour l'individu qui en était bénéficiaire; des « prophètes » d'Apollon travaillant & 
l'amélioration des autres, et par des moyens rationnels, comme Socrate. furent une 
très rare exception. La mantique des oracles n'avait pas plus de portée universelle, et 
se complaisait dans l'obscurité et l'extrasagance, Mais toute cette & mystique »-là 
Saisissait l'homme violemment, par les sens. Beaucoup des convertis de Corinthe 
Püaraissent l'avoir connue, comme anciens initiés de Mystères: et la masse avait gardé 
pour elle quelque goût, quelque estime inconsetente, Le mysticisme de mauvais 


318 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XII-XIV. 


aloi s'était fort aggravé aux époques alexandrine et impériale, comme chacun sait, 

Paul voyait avec inquiétude cet état d'esprit sé manifester dans les réunions chré- 
tiennes. Lui-même connaissait par expérience, et au plus haut degré, les dons extra- 
ordinaires de l'inspiration, « phénomènes mystiques », comme on dit aujourd’hui, 

extases, etc., et les « gratiae gratis datae », telles que le pouvoir des miracles. Mais là 
n était point pour lui l'essentiel du christianisme, ni de la perfection chrétienne, qui ne 
consiste que dans l'union à Dieu par la charité; toute son épitre s'inspirait de cette 
unique idée maitresse. L'ordre, la sobriété, la maïtrise de sot, lui paraissaient les 
meilleures garanties de la présence active du Christ-parmi les siens; nous avons cons- 
taté plus d'une fois les affinités naturelles de son caractère, non pas avec l'exaltation 
des néo-pythagoriciens ou autres théurges, mais avec l'esprit du stoicisme, qu'il savait 
purifier de sa suffisance orgueilleuse et surnaturaliser en le pliant à l'obéissance de 
l'Évangile, 

Pour sauver de l'illusion ses enfants de Corinthe, il va leur exposer dans une vive 
lumière plusieurs vérités, qui sont en même temps des règles de conduite : 

Tout d'abord, les plus grands, les plus essentiels, les plus nécessaires bienfaits de 
Dieu (yogicuara, fruits de sa faveur gratuile, xœus), ce ne sont pas ces pouvoirs ou ces: 
actes extraordinaires (ce que nous appelons aujourd'hui « gratiae gratis datae », don. 
des miracles, prophétie, etc.) que les légers Corinthiens mettaient pratiquement au 
dessus de tout, c’est la foi toute simple (XIE, 3), c'est-surtout la charité, seul don perpé- 
tuel (XIIT), et c'est ici-bas, pour étre complet, « la foi, l'espérance, la charité » (XTIT, 
13); ces dons-là, d'une part sont nécessaires à tous, et de l'autre constituent seuls, la: 
charité surtout, l'état d'adulte, de parfait, rélewos, dans le Christ; 

cependant d’autres « charismes », qui ne sont pas donnés à tous, donc pas néces- 
saires, ni de premier ordre, doivent étre regardés comme des bienfaits de Dieu. Mais, 
si l'Esprit les distribue comme il l'entend, c'est essentiellement pour le bien de la 
communauté, plutôt que pour le bien personnel de celui qui les possède. Celui-là com- 
met donc une singulière méprise qui veut lés utiliser pour lui d'abord, et spécialement 
pour se donner l'air d'un « pneumatique », d'un parfait à ses propres yeux et à ceux 
des autres, Il s'expose à d'étranges illusions; car ses prouesses ne portent pas la 
signature de l'Esprit; 

cet Esprit, ou le Seigneur, qui dicte à Paul sa doctrine (XIV, 37), veut d'ailleurs que 
ces manifestations ne soient pas désordonnées et irrationnelles; autrement elles ne 
seraient pas authentiques. Sans doute elles sont au-dessus de la partie normale des 
activités rationnelles; mais elles ne peuvent être contraires à la raison, pas plus qu'à 
la foi commune; l'intellect (voùs) doit pouvoir autoriser ces manifestations du mrveüue, 
pour peu qu'elles soient authentiques, et, si elles sont publiques, les comprendre et les 
interpréter (XP, lh-ss.). Ainsi tout se passera dans l'ordre, et pourra étre regardé 
comme utile à l'Église et provenant vraiment de Dieu, qui n'est pas, comme les déités 
païennes, un dieu de vaine agilation (XIV, 33). 

On voit l'importance cxtrême de ces pages inspirées, pour la théologie dogmatique, 
morale et mystique; on y admire aussi le bon sens, parfois malicieux, du grand 
Apôtre. Mais ce n'est pas tout; le traitement de ce thème spécial des « charismes » et 
des « spirituels » fr surgir sur son chemin d' autres exposés doctrinaux , peut-être plus 
importants encore : au chap. XIT, une théologie de l'Église, corps du Christ {cfr. les 
ckapp. À et ÀT sur ce principe unificateur du Christ et de ses fidèles qu'est l'Eucha- 
ristie), et c'est déjà l'esquisse de l'ecclésiologie des épitres de la captivité, spéciale- 
ment de l'Épitre aux Éphésiens ; — dans le même chapitre, le caractère personnel de 
l'Esprit-Saint et l'enseignement clair, quoique non systématique, de la Trinité; — au 


cha chap. XIII, la doctrine de la charité, des vertus théologales, de la vraïe perfection, 
a vision béatifique. 
“Ces chapitres, qui contiennent le sublime « hymne à la charité », sont vraiment le 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XII-XIV. 319 


cœur de la Première Épitre aux Corinthiens. De plus, leur portée historique est telle 
que rien, Didachè, Ignace, et le reste, ne pourrait les suppléer s'ils manquaient. Ils - 
sont presque la seule source qui nous renseigne sur le régime des « charismes », ce 
« cadeau de noces » du Christ à son Église, comme 5 ‘exprime Gutjahr. Nous ne devons 
donc point étre surpris si l'interprétation en est cà et là difficile; car elle ne peut 
s'appuyer sur une tradition historique continue; déjà au temps de Chrysostome, c'était 
devenu de la préhistoire qui paraissait très obscure au grand docteur d'Antioche. 
Mais combien sont-ils précieux, même si on ne les comprend pas dans leurs dernières 
nuances ! & 

Division. — Paul traite son sujet suivant cet ordre : 

a) Il pose les principes qui dominent toute la question des charismes : leur subordi- 
nation au bien commun de l'Église, et leur infériorité à l'égard de quelque chose de 
meilleur (ch. x11); 

b) Ce meilleur — et la seule chose nécessaire, qui ne finira jamais, — c'est la 
charité (ch. xit); | 

c) 1l donne une instruction très longue sur les deux charismes particuliers que les 
Corinthiens goûtaient le plus, la prophétie et la glossolalie. Puis il réglemente l'usage 
des charismes en général, 

STRUCTURE LITTÉRAIRE., — Les idées se suivent dans un ordre analogue à celui que 
Paul a suivi dans la section des idolothytes, VITI-X. Mémes apparentes « digressions » 
au. milieu; là c'était sur la « liberté », ici sur la « charité »: et l’on sait que charité 
et liberté, la seconde ordonnée à la première, sont les deux idées qui commandent 
toute la morale paulinienne. De part et d'autre l'auteur commence par poser les prin- 
cipes (ch. VIIT; — ch. XIT); ensuite vient la « digression » (ch. IX-X, 13; — ch. XIII); 
enfin les conclusions pratiques (ch. X, 14-XT, 1; — ch, XIV). En face de cette 
ordonnance voulue, qui va se répétant (on pourrait méme en établir une semblable, ci. 
dessus, pour la section de l'Eucharistie ; XI, 20-22 ; — 23-95 ; — 26-34), que penser des 
réarrangements de J. Weiss et d'autres, qui détruisent cette belle symétrie sans la 
remplacer par une autre qui la vaille? Ou surtout des prétendues « interpolations » de 
Delafosse, qui veut voir, par exemple, en XII, 5 et 6, les additions du « caholique 
ancien », destinées à atténuer le « montanisme » du reste? 


a) Les charismes sont distribués par l'Esprit pour le bien général 
: de l'Église (ch. XII). 

INT. — Dans les premiers versets (1-11), Paul, après avoir mis en vive opposition la 
mn ystique païenne et la spiritualtté chrétienne, montre que ious les charismes pro- 
viennent également du méme Esprit, et sont tous destinés au bien commun de l'Église. 
De 12 à 2, il prendra en exemple la solidarité des membres du corps humain ; et pour 
{inir (27-31), il én fera l'application aux membres de l'Église, corps du Christ. 


4° Le principe (xu, 1-11). 


INrronucrion. Tout ce qui ressemble encore à de la mystique païenne est étranger 
‘à l'Esprit, mais tout ce qui est de la foi chrétienne, si peu extraordinaire qu'il soit, 
brovient de lui. Quant aux « charismes » spéciaux, l'Esprit personnel les distribue 
Selon leur utilité, avec une sorte d'appropriation aux Trois Personnes de la Trinité. 

Nous avons ici une énumération complète des « charismes » (au sens de « gratiac 
gratis datac »), dans un ordre calculé, qui est lui-même très instructif. 


320 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XII, 4-11. 


Cu. xux, 1. ITsoù dE rôv “nveuparindv, dBehçqot, où 0EAw bus “ayvosiv..2. Ole 
or “ôte EOvn re mods Ta eldwha Tù dguva “os &v fyeods axayémevor. 8. A 
yrupiéuw buiv Or obdels Ev mvedmarr 0eoù AaAdv éye” ’Avälepx ‘Tnoodc” ai obdeic 


Dévarar eimeiv” Küpros ‘Tnooës, et un Ev [lveñparr &yiw. 


A. 1. sept dé, cfr. vir, 1 etc. — On ne peut guère décider si rveuuére@v est neutre 
(Chrys., Ambrr, Gutjahr, Toussaint, Rob.-Pl, al.) ou masculin (Zahn, J. Weiss, 
Lemonnyer, Bachmann, al.); J. Weiss préférerait le masculin; Zietzm. ne se prononce 
pas. — àyvoei, présent, cfr. x, 1, et aussi plus bas, x1v, 838, — « continuer à être 
ignorants », interprétation que justifie Le yvwpi£w de 3 (v. ad loc.). 

B. 1. Ce chapitre débute sous la même forme que les autres instructions envoyées 
par Paul en réponse aux demandes de Corinthe (xept 5è), maïs les premiers mots 
marquent aussi un nouveau sujet concernant Îles assemblées; (ils s'opposent à 
rpütov uèv de x1, 18, Bachmann, al.). Les Corinthiens avaient en effet grand besoin 
d'être instruits touchant les hommes ou les phénomènes « spirituels ». La phrase 
commande tout le sujet, et vise par conséquent d’autres manifestations que celles 
des glossolales du chapitre xrv (contre Zahn, al., peut-être J. Weiss). 

Il va s'agir de concilier les « charismes » avec l'ordre maintenu par la hiérarchie, 
Question brûlante alors, et qui a repris quelque actualité. 

A. 2. Gt üte surprend, c’est pourtant la lecture de N, À, B, C, D, E, L, P, 
vulg., arm. Beaucoup de scribes et d'exégètes ont voulu le simplifier et le rendre 
_intelligible, en n’écrivant que l'une ou l’autre de ces conjonctions : 8x seul Fer, 
Ger, d,e, pes., copt., Ambrr; 61e seul K, 4, 23, al., Aug., Euthal., Dam.; W.-H. conjec- : 
turent la leçon ôtt(r)oté; mais son étrangeté même invite à conserver la leçon la plus 
commune. — De même on ne s'entend pas sur &s &v fyeoûe; Bengel, Bachmann, écri- 
raient boév (abréviation de boavei?) — « pour ainsi dire »; mais cette forme n'est guère 
connue, bien qu'on la trouve Act., Jok. et Jean Lydus, et qu'elle ait donné cév du 
grec moderne. ‘@s &v est employé comme particule temporelle (ce qui n’est pas 
classique) chez Paul (I Cor. x1, 34; Rom. xv, 24), dans les LXX (Gen. xxvir, 80), et en 
des papyrus (voir Abel, p.297). J. Weiss croit &ov possible, mais préférerait lire &s 
&vdyeste. Si on ne suit pas cette suggestion, alors il faut donner à &v le sens itératif, 
devenu alors très rare. — La phrase peut se comprendre de deux manières : ou bien 
elle est suspendue : « Vous savez que, quand vous étiez. gentils, vers les idoles 
muettes… que (Liets. : 6s équivalent à reprise de 61) ou comme vous étiez poussés 
et entraînés »; ou bien, en sous-entendant ÿte devant &xayduevor : « Vous savez 
que, quand vous étiez gentils, vers les idoles muettes, comme on vous poussait, 
[vous étiez] traînés », en faisant de dx & #y. une incise. Nous avons adopté cette 
deuxième manière, et préféré l'ellipse à l’anacoluthe; mais c'est sans beaucoup de 
décision. 

B. 2. Paul, fâché de leur ignorance, leur rappelle toujours le temps où ils étaient 
païens; ce souvenir doit leur déplaire, mais l’Apôtre veut insinuer qu'ils sont bien 
païens encore en certaines de leurs manières (cfr. I Cor. vi, 14 ss.). Que leur arrivait-il 
donc à cette époque d'ignorance? Ils se laissaient, dans les cultes idolâtriques, tirer de 
ci de là, ballotter par des impulsions obscures ct impérieuses qui leur faisaient com- 
mettre des extravagances sous prétexte de religion. Nous connaissons assez cet 
ordre de phénomènes. Dans la cosmopolite Corinthe devaient, dès le 1 siècle, 
fleurir quelques mystères gréco-orientaux, et une bonne part des convertis, qui 
venaient surtout, il va sans dire, des cercles les plus préoccupés de religion, se 
composait d'anciens initiés. Beaucoup de leurs désordres s'expliquent par ces anté- 
cédents. Ghrysostome, Grec d'Antioche, mettait déjà l'exégèse sur la bonne voic 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XH, #3 324. 


Cu. xu, 4. Pour ce qui est maintenant des faits spirituels, frères, je ne 
veux pas que vous restiez dans l'ignoranee. 2, Vous savez bien que, quand 
vous étiez des gentils, vers Les idoles muettes, selon Fimpulsion [qui] 
vous [prenait|, [vous étiez| entraînés. 3. C'est pourquoi je vous fais savoir 
qué personne, parlant dans l'esprit de Dieu, ne dit : « Jésus [est] ana- 
thème »; et personne ne peut dire : « Jésus [est] Seigneur », si ce n’est 
dans l'Esprit Saint. 


quand if voyait ici une allusion aux orgies de Dionysos. Nous Pentendons dans un 
sens plus généralisé; mais potr nous aussi, comme pour beatweoup de médernes, 
il s’agit d'autre chose que de l'action morale de Satan ou du milieu humaïn entra. 
nant aveuglémient à l’itolätrie. Bachmann, avec k4 méfiance entrétenue dans l’écéle 
de Zahn contre les nouveautés en générat, et spécialenrenit Fhistoire des religions 
dont les syncrétistes abusent en effet), objeete bien d'abord que äpwvx ne convien- 
drait pas à des dieux qui étaient eénsés se révéler vivants dans les Mystères, ou: 
rendaïent des oraclés, et que ànéyeodar sé dit bien de Læ victime traînée à l'autel, 
mais non. d’un ravissement psychique; mais le verbe peut s'appliquer à des initiés par 
figure de style, et ee sont des « idoles muettes » en réalité (äpuva m'est pas une pure 
« épithète d'ornement » empruntée à la eontrovérse juive) que ees simulacres inertes 
au sujet desquels kes hiérophantes dupent les adoramts, —- Nous eroyons donc, en 
suivant la ligne de Chrysostome, que FApôtre rappelle à ses lecteurs, pour leur 
honte, les phénomènes pathologiques ou sataniques que plusieurs d'entre eux ont 
pu éprouver jadis dans Les eùltes séerets et mystiques; il Feur dit (Sickenberger) : 
« Vous supportiez cela quand vous étiez paiens; maintenant il faut savoir exercer 
quelque critique », et ne pas gâter vos réunions par Fimitation des folies d'autrefois. 

Le verset suivant prouve ka justesse de cette vue. . 
A. 8. èv nv. 0, c'est-à-dire « sous Faction de Fesprit de Dieu », sorte d’ëv 
instrumental, voir Abel, p. 212; ou bien peut-être, si kakGv est omis (comme dans 
D, E, Fer, G, Vict., Hit, Chrys.), « dans l'esprit » comitie dans une atmosphère qui 
entoure et pénètre, cfr. ëv xupiar, ëv Xoiotur, — D, E, G; K, L, P, ak. ont des aäccusatifs, 
’Inooëv, Hp1ov ‘Incoëv, — dvéleua (-titeuwv), mot biblique retrouvé dans un « tabula defixio- 
nis » de Mégare, d'avarit J.-C. (M.-M. qui renvoient à Hatzidakis). 

B. 3. Le « c'est pourquoi »;, à:d, qui commence la phrase; la rattaehe étroitement, 
comme une conséquence, au verset précédent, et nous fait comprendre cette singu- 
lière mention d'un prétendiu inspiré chrétien qui s'éerierait : « Jésus est [ou soit] 
anathèmel » C'est qu'il reviendrait à certaines formes de son aneienne exaltation 
païenne. Il ne s’agit done pas d’incrôyants, Juifs ow autres, introduits subreptice- 
ment dans lassemblée (idée d'ÆEsties, de Schéäfer, al.j dont eertains Gorinthiens 
ignorants auraient pu prendre les paroles pour inspirées; ni guèré mieux, comme le 
croient ingénieusement Rob. PE. des gens du « parti du Christ », professant déjà la 
doctrine docète, qui auraient repoussé l'homme Jésus, et fait profession de « ne plus 
connaître le Christ en chair », comme le firent plus tarct les Ophites d’après Origène. 
IL est clair que Paul n'avait pas besoin de mettre en garde les Corinthiens contre 
des païens ou des Juifs connus comme tels, et que, s'il avait ici affaire à des héré- 
tiques déclarés, ik aurait été encore plus vigoureux. El ne faut pas non plus affaiblir 
les termes, comme si cet « anathème » ne signiliail qu'un rejet direct ou indirect 
(Sickenberger) de la personne de Jésus. Non; il faut admettre qu'il s'était rencontré 
véritablement, à la connaissance de Paul, des « pneumatiques » à pousser de pareils 
cris, en se débattant sans doute contre l'esprit de Jésus dont ils croyaient se sentir 
cnvahis, à la manière de la Sibylle éeumante et repoussant l'inspiration qui l’op- 

ÉPITRE AUX CORINTHIENS. 1 


322 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XII, 1-11. 


k. Arapéserc D “yaproudruv elotv, ro DE adrd [lveüua” 5. wat Giarpéoers Siaxovdy 
etotv, kat 6 œbros Küpioc® 6. Kai Giupéoers Évepynuätuwv eloiv, à DÈ abrèc Oecs 


€ 


Ô Évepyüy Tù TavrTa ËV Tao. 
7. ‘Exdoru dè didorar ÿ pavéowors Toù Ilvebparos rpds To supigépoy: 8. *Q pèv 
yap dia rod [IIvebparos Gidorau AdYos copiac, ÉXhw D AOYoS yrwuvewc Rata To aÙre 


presse, ou de la Cassandre qui maudit Apollon dans « l’Agamemnon » d'Eschyle. 
C'étaient sûrement des manières tout à fait païennes et intolérables, mais non 
inouïies chez les mystes les plus dévots. (Voir Rapenwacuer, Schelten und Fluchen, 
ARW décembre 1907, et notre livre « L'Évangile en face du syncrétisme païen, 
4944, pp. 89-s.). 

Il peut donc se trouver des « pneumatiques » dont l'inspiration est très suspecte, et 
pourrait bien être restée la même que celle qui les agitait autrefois dans les arrière- 
temples — c'est-à-dire due au diable ou à des nerfs détraqués. D'autre part, le 
chrétien sincère qui dit tout simplement : « Jésus est le Seigneur », (confession 
résumée de tout le christianisme), celui-là est déjà sous l'influence du véritable: 
Esprit de Dieu, et ne pourrait prononcer ces paroles « animo, verbo, facto, corde, 
ore, opere » (S. Aug. « in do. tr. 74,1, » cité par Gutjahr) si l'Esprit n'était pas là. 
L'acte de foi, que tout le monde doit faire, procède déjà d'une inspiration de 
l'Esprit; « in spiritu sancto movente sed non habito », si la charité ne s'y joint pas, 
« in spiritu sancto movente et habito » dans le cas contraire (s. Thomas, ad loc.). 

Les « pneumatiques » attitrés voient déjà, par cette phrase jetée dès le début de 

‘la discussion, leurs prétentions fortement réduites; elles le seront bien davantage 
au chapitre x, quand l'Apôtre parlera de la charité, nécessaire à tous, et pourtant 
incommensurablement supérieure à tous leurs « dons ». Voir ce que nous avons 
dit du caractère des « vrais pneumatiques » au commentaire du chapitre 11. 
A. 4. Pour les Btapéons, cfr. 28-30, infra, Rom. xu, 6-8 et Eph. 1v, 11. — Le 
mot xépoua n’est pas classique; l’hellénisme (B G U) s'en est servi au simple sens 
de « cadeau »; dans le N. T., il apparaît 1 fois 1 Per. 1v, 10, et 45 fois chez Paul 
(I Cor., 1, 7; vu, 7; cinq fois dans notre chapitre; 6 fois Rom.; une fois respective- 
ment II Cor., 1 Tim. et II Tim.); au premier abord, les acceptions de Paul n'ont de 
commun que cette notion générale : « résultat d’une faveur de Dieu »; aussi, pour 
ménager cette latitude de sens, qui n'est pas indifférente à l’exégèse des présents 
chapitres, ne transcrivons-nous pas purement « charisme » (au sens technique 
qu’il a pris, — gratia gratis data, à cause précisément de ce passage), mais « don 
de grâce ». — Quant à ôtupéoers, le participe Gtarvoëv du v. 16 (v. ad loc.) montre que: 
la signification n’en est pas précisément « divisions », « Unterscheide » (oule., 
Bousset, Cornely), mais : « distributions », « répartitions », « Verteilung », comme 
l'ont bien vu Rob.-Pl,, J. Weiss et d’autres. 

B. 4. Quoique l'Esprit inspire tous les vrais croyants, il y a cependant (ôé) une 
spécialisation de certains de ses dons, ou yaplouara. Le mot « charisme », par son 
étymologie même, indique l'effet de la faveur (4dptç) d'une puissance supérieure, il 
n'a donc rien à voir avec les propriétés magiques qu'on posséderait de naissance 
ou par étude. En soi, chez Paul, il peut désigner toutes les faveurs de Dieu;' dans 
l'Ep. aux Romains, v, vi, la rédemption, la grâce, la béatitude; dans notre épître 
même, vi, 7 (v. ad loc.) la vocation à la virginité ou au mariage, et, au cours du 
présent ch. x, il semble, au v. 31,5 appliquer à la charité; dans les Pastorales, c’est 
le caractère de ministre de l'Évangile, et, à a fin de notre chapitre, nous verrons 
mêlées aux « charismes » extraordinaires des fonctions qui, dans leur mode, n'ont 
rien d’extraordinaire et de surhumain. Nous en conclurons déjà que saint Paul 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XII, 4-8. 323 


Lk. 11 y a bien des répartitions des dons de grâce, mais [c’est] le même. 
Esprit; 5. et il y a des répartitions des services, et [e” est] le mème Seigneur; - 
6. et il y a des répartitions des opérations, mais [c’est] le même Dieu, 
lui qui opère toutes choses en tous. 


7. À chacun pourtant est donnée la manifestation de l'Esprit, en vue de 
l'utilité. 8. Car à l’un par l'Esprit est donné le discours de sagesse, à un 


ne fait point, pour les « charismes » surnaturels dont il va parler, une catégorie 
d'une dignité spéciale. C’est chez lui intentionnel, | 

« C’est le même Esprit » qui est leur auteur à tous; il n’y à pas multiplicité de 
causes comme dans le polythéisme (Sickenberger). Cfr. Eph. 1v, 4. Pour établir le 
sens re d'« esprit », rvedue, il faut avoir expliqué les versets suivants, 

A. [5]-6. xat 6 airos (comme 5) au lieu de ô dE avrès, B, CG, qqs mins., Orig. 
— râotv masculin (J. Weiss). 

B. 5-6. Après les « charismes », Paul nomme des « diaconies », ou ministères, 
ou services, qu'il rapporte au « Seigneur »; et des « opérations » extérieures qu'il 
rapporte à « Dieu ». Quels sont les rapports de ces trois sortes d'effets, et des trois 
causes assignées ? 

Certainement il faut voir ici (contre Lietzmann) plus qu’une distinction rhéto- 
rique. Plusieurs exégètes, avec Æstius, croient que les « charismes » sont le genre, 
les deux autres termes en désignant les espèces. Mais Chrys. et les Grecs ont 
identifié les trois ; et il nous paraît meilleur aussi d'admettre qu'il s’agit des mêmes 
phénomènes, maïs considérés sous trois aspects, et appropriés ainsi aux trois 
personnes de la Trinité (infra). Bousset dit : « Les dons de l'Esprit sont, du point 
de vue de leur but, des prestations de services à la communauté, et des œuvres de 
force, du point de vue de leur forme. » Tel est, où à peu près, l'avis de la plupart, 
J. Weiss, Bachmann, Toussaint, Prat, al. Il se peut d’ailleurs que tel de ces aspects : 
prédomine en tel de ces dons, et que l’un puisse s'appeler plus spécialement 
« charisme », l’autre « office », l’autre « miracle », comme on le verra aux versets 
8-10 et 28-30 (cfr. Gutahr); maïs tous sont des « charismes », au sens large que nous 
avons indiqué. 

Les noms « Esprit », « Seigneur » et « Dieu » ne seraient qu'une triple désigna- 
tion de l’Esprit- Saint, pour Bisping, Godet, Cornely, al. Mais il convient, avec 
Gutjahr, Rob.-Pl., J. Weiss, Lietzmann, Bachmann, Sickenberger, et d'autres, de 
les distinguer, et de reconnaître ici une formule trinitaire, comme IL Cor. x, 18, 
Eph. 1v, 4-6, et encore ailleurs : « Dieu » est le Père, le « Seigneur» est le Fils, le 
« Pneuma » est le Saint-Esprit, et désigne donc ici une Personne divine comme les 
deux autres, ce qui apparaîtra très clairement au v. 41. « La division des phrases 
en trois », dit J Weiss, « n'est.pas cause, mais conséquence, de la formule trinitaire 
(Trias-Formel) familière à Paul et courante, laquelle est donc très antique ». 
Rob.-PI, observent que cela confirme l'authenticité de Mac. xxvur, 19. Nous pensons 
comme eux, et attachons une grande importance doctrinale à ces versets. 

Par appropriation, les « dons », considérés comme faveurs gratuites, sont tous 
rapportés à l'Esprit-Saint, qui est Dieu se communiquant, le grand « Don » de Dieu; 
comme « ministères » ou « services », ils sont tous appropriés au Christ, le Roi, le 
Chef qui gouverne l'Eglise; comme « actes de puissance » ou d'énergie {non pas 
exclusivement « miracles »}, ils se ramènent tous au Père, source de tout être et de. 
toute activité, qui (par le Verbe et l'Esprit) « opère toutes choses en tous ». 

J. Weiss insiste très justement sur le point de vue éthique ct téléologique que 


324 : ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XH, 1-11. 


[lvedua, 9. Etépo mionus Ev 7 abr& Ilvebuarr, ŒXhko OÈ yapionara laut Ev 
TO Evt [lvebparn, 10. SAXO 0 Evepyhpara “Suvépewv EX Tpopnrele, AD DE 
duaxplosts mrevudruv, Étépw Yévn yAuwoodv, ŒAAw DÈ Eounvsia Yhwooüv. 41. 
Iévra dÈ rabra Évepyei To Ev nat + adro [lveüpa, diarpoëv die Endotw xaûus 
BouÂetar. | 


Paul, s'inspirant de la discipline religieuse d'Israël (et de l'Évangile) substitue à 
l'ivresse païenne et au danger d’orgiasme. 
B. ‘7. Ce verset peut être aussi bien une conclusion de 4-6 (Bachm. ) qu’une 
introduction àla série détaillée de 8-10 (J. Feiss). Par tous ces dons, quelle qu’ensait la 
note dominante, c’est toujours l'Esprit de Dieu qui se manifeste (pavépuats ; ; le génitif 
To rv. est subjectif, J. Weiss), tout est donc ramené à l'Esprit, ce qui montre bien (supra) 
que « ministères » et « energèmata » ne.sont pas deux espèces différentes d’une 
pfemière espèce, les « charismes » qui appartiendraient spécialement à l'Esprit. Il 
se « manifeste », par conséquent Paul va parler maintenant de « charismes » au 
sens restreint, celui de grâces extérieures et visibles, et non de grâces secrètes et 
intimes, comme la « justice » et les vertus. L'Esprit ne se manifeste pas de la 
même manière chez chacun; il répartit ses manifestations mobs td ouupépov, « suivant 
l'utilité », bien entendu l'utilité commune, comme il sera dit expressément plus 
loin. Bien ambitieux serait donc le « pneumatique » qui voudrait recevoir tous les 
dons à la fois, comme si l'Esprit n’intervenait que pour'enrichir son individualité. 
À. 8-10. Remarquer à 8 duè voù nv. et xarà ro xv., les deux prépositions sem- 
blant signifier deux. rapports distincts (infra B). Remarquer aussi l'adjectif Étéow se 
glissant dans une série de &Alw au début de 9 et dans le v. 140, à l'avant- dernier 
membre; l'absence de dé, après les deux Etépw (doit-on l'omettre aussi à 10, entre 
#Xw et rpopnreta? il manque B, D, E, F, G:; les critiques sont divisés, quelques- -uns 
l'omettent ou le placent entre crochets : Soden, Vogels l'admettent; la Pulg. sup- 
prime tout « autem » à partir de « fides »; ‘affaire de style, sans doute). Ces très 
légers changements ont leur signification ; car Paul ne les aura pas apportés seule- 
ment pour varier son style; il aura plutôt voulu répartir les dons en groupes 
homogènes, distincts l’un de l’autre, commençant respectivement par 


& pv. Étépo… . Etépw (J. Weiss). 
& pèv..., Etépw.. &Xkw (sans dé, au v. 10, Gutjahkr) 


ce qui fait 2 +5 + 2, ou 2 + 8 + & Nous ne doutons point, pour notre part, 
qu’il y ait là un ordre systématique. Les vv. 9-10 sont mal coupés ; éves. +. ûvv. devrait. 
appartenir à 9. Cfr. des énumérations similaires plus bas, xu, 28-30, et Rom. xu, 
6-8, Eph. 1, 11. 

B. 8-10. Paul répète trois fois que c'est « le même » Esprit qui est en cause; 
il. veut ineulquer qu'il ne saurait y avoir contradiction et rivalité entre Les « dons », 
ni-par conséquent entre les vrais « pneumatiques »; il n'y à pas, comme le croyaient 
les païens, des dieux divers, bienfaiteurs spécialisés (Toussaint), cfr. Æpl. 1v, &, Eu 
cèpa zoÙ Ev nveëua xrA, S'il ne mentionne. plus le rwëux au v. 10, c'est qu'il va de soi 
que les derniers dons proviennent de l'Esprit comme les autres, et pour ne pas 
charger son style. 

L'énumération commence par « discours de sagesse » (Adyos copias) et. « discours 
de science », ou « de gnose » (Adyos yvüszeuws), c'est-à-dire par les dons relatifs aux 
degrés les plus hauts de l'enseignement. Ils diffèrent sûrement l'un de l'autre, 
malgré Lietzmann; d’autres autcurs, que trompe aussi le préjugé synerétiste, 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XII, 9-11. 325 


autre le discours de gnose selon le même Esprit; 9 à l’autre la foi dans 
le même Esprit, à un autre les dons de guérisons, dans l'Esprit unique, 
10. à un autre des opérations d'œuvres de puissance; à un autre a pro- 
phétie, à un autre des discernements d'esprit, à l’autre des genres de 
langues, à un autre l'interprétation des langues. 11. Maïs toutes ces choses, 
c’est l'Esprit unique et le même qui [les] opère, [les] répartissant en propre 
à chacun comme il [le] veut. 


veulent mettre la « gnose » au-dessus de la « sagesse », comme dans la terminologie 
mystique de l’hellénisme (Reïtzenstein, J. Weiss), coplx ne désignant pour eux que 
‘la connaissance pratique (les exemples apportés par Weiss, xv, 22-28, 50-ss, ne 
sont pas de la « gnosis », et le mot ne se trouve pas dans ces passages). Bachmann 
lui-même {sur xin, 2, v. ad loc.) a tort de croire que « gnose » et « prophétie » 
atteignent les mêmes secrets divins. En réalité, il faut prendre l'opinion inverse, 
d'autant plus que, dans toute cette énumération, la gradation est descendante; nous 
trouvons ici confirmation de ce que nous avons dit à l'Exc. v sur l’infériorité, dans 
le langage de Paul, de la « gnose 5 par rapport à la « sagesse », à la différence de 
l’hermétisme, auquel il n’a pas emprunté. Xsgix peut signifier parfois, suivant une 
acception courante « habileté technique » (oopla Aôyou, rhétorique et dialectique, 
voir à 1, 47), mais ce n'est point ici le cas; c’est la « sagesse » des desseins intimes 
de Dieu (voir à n1, 7-ss.), tandis que la « gnose » que possèdent les Corinthiens 
Gi, 5, quoique Paul ne leur attribue pas la « sagesse », ni le « discours de 
sagesse »), a plutôt pour objet la proposition et l'agencement des vérités partielles 
adaptées à l'entendement. Voir Zemonnyer, Sickenberger, Rob-Pl., Gutjahr qui 
reconnait, sans doute à bon droit, dans la « gnose » le charisina des « didas- 
cales » (infra Xu, 28-29; Æph. 1v, nm; Act. xui, 1, npoghtar x av StDéowæhot), I faut de 
plus remarquer, avec Rob.-Pl., que Gt +oÿë xv. et xatà vo xv, ne sont pas des expres- 
sions synonymes ; la première signifie l’action directe et exclusive de l’Esprit-Saint, 
qui forme lui-même les pensées dans l'intelligence de l’homme spirituel qui pro- 
nonce les « discours de sagesse » ; tandis que la préposition x«té indique la confor- 
mation aux inspirations divines de pensées produites par l'intellect humain comme 
cause propre; c'est toujours l'Esprit qui l'opère, mais son rôle ici n'est que 


directeur. La « gnose » est donc moins une intuition surnaturelle qu'un discours 


de l'intellect surnaturellement dirigé. — Saint Thomas précise théologiquement que 
le « discours de sagesse » et le « discours de science » ne sont pas les dons du 
Saint Esprit qui portent les noms de « sagesse » et de « science » (ceux-ci n'étant 
pas des charismes, maïs des dons sanctifiants, donnés au profit du sujet lui-même); 
c'est la faculté d'extérioriser, au profit des autres, les connaissances acquises par 
les dons du Saint-Esprit, respectivement sur les choses divines et sur les choses 
créées. Paul a parlé de ce « discours de sagesse » au ch. n1, 18 (v. ad doc.); il 
s'oppose à cette « sagesse de discours » (1, 17), dont les Corinthiens étaient si férus 
(Rob.-P1.). 

Une deuxième série (marquée par le changement matériel de &kAw en Etépw, qu 
ne peut avoir d'autre but, car les deux adjectifs s'étaient assimilés pour le sens 
dans la langue hellénistique) consiste en trois dons qui ne se rapportent plus à 
l'enseignement, mais à l'action : la foi, les guérisons, et les « évepyfuara ». Cette 
« foi » n’est pas la vertu théologale, mais la confiance surnaturelle dans le secours 
de Dieu pour entreprendre des choses difficiles, pour « transporter des montagnes » 
(efr, xu1, 2), nioruw où tv rüv Boypdtov, AA vhv Tüv onueluwv, dit Chrys, Ainsi les ancions, 


‘826 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XII, 4-11. 


et Cajetan, Estius, Bisping, Godet, Cornely, Rob.-Pl., Bachmann, Gutjahr, etc. Il 
est possible que les « guérisons » surnaturelles et « les énergies » (c'est-à-dire 
tous Îles autres genres de prodiges) soient données comme les effets spéciaux de 
cette « foi »; cependant celle-ci paraît plutôt être une première espèce distinguée 

“des deux autres: ce serait donc plutôt le don de grandes initiatives qui ne sont pas 
-spécifiquement surnaturelles. 

Il est très important pour l'histoire, dit J. Weiss, de voir avec quelle assurance 
l'Apôtre admet les guérisons miraculeuses et autres prodiges. C'est vrai; et nous 
en concluons que, puisque Paul les admettait, ils étaient réels. Il n'est pourtant pas 
dit qu'ils fussent fréquents à Corinthe (voir au verset 11). 

La série terminale (commençant par &\\w sans dé, d'après les meilleurs textes) 
comprend les dons dont il sera longuement question au chap. xiv, et qui paraissent 
avoir été les plus connus dans cette église. C'est d'abordla « prophétie ». Nous pour- 
rions nous étonner de la trouver après les dons d'action, et si loin du « discours de 
sagesse »; c'est que sans doute elle ne comportait dans sa notion essentielle ni 
prédiction de l'avenir, ni traitement de hauts sujets, mais pouvait se borner à 
l'exhortation chaleureuse, efficace grâce à l'Esprit qui l’animait (v. infra, à xiv, 3, 
24 s.), Le « discernement ‘des esprits » voisine avec la prophétie, parce qu'il pouvait 
en être. une des formes ou des attributs (Bachmann), ou bien, croirions-nous plutôt, 
parce que ceux qui.en étaient doués avaient à juger de la bonne qualité de l'en- 
seignement des autres, y compris les prophètes (Did. xexrr; cfr. infra, x1v, 29), et 
ce devait être-le don le plus précieux pour les didascales et les pasteurs. Quant 
aux « genres de langues », c'est évidemment la « Glossolalie » dont nous cher- 
cherons à établir la nature au commentaire du chap. xiv. Disons seulement, avec 
Sickenberger et d'autres, qu il ne faut pas confondre ce don avec le miracle des 

: langues à la Pentecôte, maïs qu'il peut s'identifier avec le charisme dont jouirent 

. Cornelius et les disciples d'Ephèse (Ace. x, 44-47; xix, 6). Ce n’est pas sans inten- 
tion que Paul place à la queue ce don que les Cor inthiens paraissaient estimer par- 

dessus tout (Bachmann, al.; voir comm. de xiv). En dernier lieu, il devait cepen- 

dant encore nommer l'« interprétation » de ces « langues »; puisque c'est aussi 

‘un « charisme », nous devons bien y voir autre chose que la faculté de traduire des 

langues étrangères; c'est donc que la « glossolalie » était autre chose. 

B. 11. Cette phrase résume tout le développement qui précède, sur l'unité 
d'origine des charismes, qui est « l'Esprit un et le même ». Elle se rapporte au 
V. &, ou aux versets 4-6, et le cycle de la péricope est clos. En même temps est 
préparé le développement qui va suivre, vv. 12-26 et 27-31, sur l'unité du Corps. 

.: L'auteur parle comme si l'Esprit était. une personne, dit J.. Weiss. Il y a plus; 

Paul affirme sûrement cette personnalité, au sens le plus plein. Les mots Gtarpoüv, 

.« distribuant », et surtout xx Bobketar, « de la manière qu'il veut », exigent que le 

. Sujet du verbe soit personnel. Il en est de même pour évpyet aussi, d'après l'usage 

- de Paul (cfr. v, 6, supra; Gal, n, 8, in, 5; Eph. 1, 11, 20, u, 2; Phil. n, 43), tandis 
qu un sujet impersonnel n'est jamais joint ‘chez lui qu'à la forme moyenne évepyeïoüar 

_ainsi Rom. vu, 5; Il Cor.1, 6, 1v, 12; Gal. v, 6; Eph. ni, 20; Col. 1, 29; I Thess. 

, 43; IT Thess. H, 7, (Rob- PL, et J. À. Robinson, auquel ils renvoient). Le rap- 

prochement de l'Esprit avec le Seigneur et Dieu (supra, vv. 4-6) supposait du reste à 
lui seul cette personnalité du Saint-Esprit, qu'insinuaient déjà plusieurs passages 

des premiers chapitres (voir supra, à 1I-III, passim, et l'Exc. v). 

Gutjahr note judicieusement qu'il n’est pas probable que ces dons multiples se 
soient rencontrés simultanément à Corinthe. Lorsque Paul fera l'application 
concrète à cette église, il ne s'agira que des dons de parole; et, au ch. 1v, v. 19 
(v. ad loc.), il a paru mettre les Corinthiens au défi de lui montrer beaucoup de 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XII, 1-11. 327 


dons d'action. Nous ne dirons pas cependant avec Bachmann qu'ils n’en possédaient 
que deux, là « prophétie » et la « glossolalie ». Mais il est possible que l’Apôtre, par 
cette riche énumération de tous les charismes que l'Esprit peut distribuer, ait déjà 
voulu leur inspirer quelque réflexion de modestie, à la pensée de tous ceux qu'ils 
ne possédaient que peu ou point. 

. Nous devrons, dans un excursus, corfiparer cette énumération à celle qui clôt le 
chapitre, et à celles de Rom. et d'Epa. 


\ 


2) Comparaison du corps de l'Eglise, Christ mystique, avec l'organisme humain 
(xn, 42-26). 
% 

Inrropucrion. Il est bien rare de rencontrer chez Paul des images maintenues lon- 
guement, et des comparaisons développées à l'aise; son génie était plus dialectique 
que didactique, moins descriptif que lyrique et oratoire. La péricope présente est 
donc, au point de vue de la critique littéraire, très intéressante à titre d'exception. 
Il est vrai que Paul n'a pas inventé la comparaison qu'il exploite ici. Prendre le 
corps humain et ses membres comme type de la solidarité, c'était un lieu commun 
classique (apologue de Menenius Agrippa chez Tite-Live, 11, 32, et autres exemples 
chez Xénophon, Cicéron, Quintilien, Marc-Aurèle). À l'époque hellénistique, il appa- 
rait dans la diatribe, chez Épictète et autres stoïciens (Voir Heïnrici, J. Weiss). 
Lietzmann énumère une grande quantité de parallèles, dont le plus ancien est une 
fable égyptienne du XII siècle, 20° dynastie, trouvée par von Bissing. Paul a utilisé 
un exemple d’école, ce qui montre une fois de plus les rapports de son style avec la 
« diatribe ». Les analogies rabbiniques de Strack-Bill. sont bien plus lointaines. Le 
« style oral », ici encore, malgré son parallélisme soutenu, est celui des prédicateurs 
populaires grecs. 

Mais la haute valeur de ce passage consiste en ce que l'Apôtre nous présente pour 
‘la première fois une doctrine de l'Église, préludant à celle de l'Épitre aux Éphésiens, 
Le Christ personnel n'est plus seulement le moteur, la tête de ses fidèles, comme 
XI, 3; en faisant vivre de sa propre vie tous ceux qui lui sont unis par la foi et la 
charité, il se les incor pore, il en fait ses membres (cfr. VI, 15) et L'Église devient 
le « Christ » mystique, qui est comme l'épanouissement du Christ personnel, la plé- 
nitude de l'incarnation (cfr. doctrine de Col. et Eph.). Ce « Christ collectif » n'a rien 
de la saveur quasi-panthéiste qu'y trouvait Reïtzenstein ou J. Weïss; ce n'est pas 
une espèce de corps fluidique, de nvedue matériel qui émane du Christ ressuscité et 
lui unit les croyants, c'est l'opération du Christ qui les conforme à lui comme au 
supréme modèle. Remarquable est l'unité d'enseignement de cette épître, nous ne 
cesserons de le répéter : morale privée, morale familiale, morale ecclésiastique, tout 
y provient de l'union à la Personne du Christ. Et l'universalisme si catégorique du 
v. 13 suffit à condamner le parti-pris de J, Weiss, qui cherche à écarter de cette 
Épitre la notion déjà formée dans l'esprit de Paul d'une Église une et catholique 
embrassant toutes les églises particulières; au contraire, tout la présuppose, car elle 
était formée chez l'Apôtre dès le jour de sa conversion. —J. Weiss est mieux inspiré 
quand il montre comme Paul a changé le point de vue de l'universalisme stoïcien 
(auquel, du reste, il ne pensait peut-être pas) : ce n'est plus la nature, c'est la grâce 
qui fait la vraie communauté des hommes. 


À. 12-13. 6 Xpiotôs : cfr. ce v. 12 au v. 27, infra. Ce sens mystique et collectif 
du nom de Xprords employé seul, d’une manière absolue, ne se retrouve pas ailleurs, 
à la lettre du moins; mais l’idée est partout; Gal, 1v, 19, le Christ « se forme », 
popowbñ, dans les croyants, qui sont ainsi assimilés à Lui, Æph. 1v, 12-13, parle de 
la construction du corps du Christ, de la plénitude du Christ et il s'agit de l’en- 
semble, de l'Église. Souvent la locution si usuelle &v Xpisr& peut avoir ce sens. — 
On lit épuriolnuev pour érot'olnuev en L et quelques mans.; la confusion était très. 
possible à l'oreille et ne change rien à l’idée essentielle. 

B, 12-18. Parce que le Saint-Esprit distribue ses dons extérieurs à chacun 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI1, 12-17, 329 

CH. x, 12, Kabdrep ap Tù oibpa Év Écruv mat péhn moÂÂa Eye, mévra DÈ 
za péhn vod puparos moAAX Évra Év Éoniv oùpa, oûtuç nat & Xotoroc' 13. xai Vap 
y évl mvebuau ueïc mévrec els Êv ou é6amtlobmuer, eïre ’Ioudaior etre EXhmves, 
elre dobhor etre EheUlepor, a mévrecs Év mysdua “érotiobquey. 14. Kat yap vd 
cœpa obx Eoruw Ëv méhos AR mod. 15. "Hay elnn à mobs” Bee oùx siut yele, 
oùx etui Èx ToÙ owmaroc, où “mapa robro oùx Ecru Ex vob supatos. 16. Kat 
av eimn To oc brt obx elui 6o0ahmôs, obu el èx woD owpartos, où mapä Toùto 
où Éoriy ëx 700 owparos. 17, Et £Aov 7ù oiua dpfaauos, moù À duof; el Dhov 


Ca. x, 12. Car, de la même manière que le corps est un et possède 
plusieurs membres, mais que les membres du corps, tout en étant plusieurs, 
sont un seul corps, de même aussi le Christ; 13. car c'est aussi en un 
seul Esprit que nous tous, pour [former] un seul corps, nous avons été 
baptisés, soit Juifs soit Hellènes, soit esclaves soit hommes libres, et tous 
nous avons été abreuvés d’un seul Esprit. 14. Et en effet le corps n'est 
pas [constitué d’] un seul membre, maïs [de] plusieurs. 15. Supposé que 
le pied dise : « Parce que je ne suis pas main, je ne suis pas du eorps », 
ce n’est point pour cela qu'il n’est pas du corps. 16. Et supposé que 
l'oreille dise : « Parce que je ne suis pas œil, je ne suis pas du corps », 
ce n’est point pour cela qu'elle n’est pas du corps. 17. Si le corps en 
entier [était] œil, où [serait] l’ouie? s’{il était] en entier ouïe, où [serait] 


« comme il le veut », maïs toujours en vue de l'utilité commune (v. 7), Paul prend, 
pour illustrer cette « division du travail » spirituel, l'exemple du corps humain, 
qui est le type de l'unité dans la variété, Car l'Église est « le corps du Christ », 
(v. 27, intra), et ici même il la nomme hardiment « le Ghrisi », le Christ mystique, 
Ainsi les Corinthiens ne doivent-ils pas avoir l'ambition de posséder tous les cha- 
rismes à la fois et ne pas faire de cette distribution inégale une occasion d'orgueil 
pour les uns, de dépit ou de découragement pour ceux qui paraissent moins favo- 
risés. Leurs charismes ne sont pas pour eux d'abord, et ce ne sont pas leurs mérites 
-qui les règlent. 

Juifs, Grecs, esclaves, libres, sont tous, dans le Christ mystique, de même condi- 
tion devant l'Esprit. On peut comparer à cette belle expression d’universalisme pau- 
linien celle de Gal. ri, 28, qui y joint « homme et femme » (voir x1, 1-16), et celle de 
Col. in, 11, qui parle de « barbares » et de « Seythes ». Rien de plus cher à l'Apôtre 
des gentils que cette idée, et rien de plus fort contre les prétentions particularistes 
deg Corinthiens. Tous les croyants, en effet, ont été unis en un seul corps 
par le même baptême, et ont été abreuvés du même Esprit. Cette dernière expres- 
sion signifie sans doute encore l'effet du bapiôme (efr. la leçon ipurisünuey, « nous 
avons été illuminés », devenu terme technique plus tard pour le baptême, puTIsU GS), 
Cependant le terme a été rapporté aussi à l'Eucharistie, mais à moins juste titre 
(Aug., Luther, Calvin, Lietzmann avec doute). Il faut rapprocher Ep. iv, 8-7. 

La boisson est chose distincte. du corps qu'elle abreuve. Apportée de l'extérieur, 
elle peut rafratchir et revigorer les organes, mais ne devient pas un organe elle- 
même. Aussi, malgré les constructions de Rettzenstein, « l'Esprit » de Paul, dont 
nous avons vu la personnalité si indubitablement supposée, et encore moins le 


{ 
‘330 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, Xt1, 12-26. 


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mepurideuev, rat Ta Goyhuovx udy eboymuoobvnr meprosotépay Eye, Dh. rà à 
edoyhnova nuüv où ypelay Eyes. “ANA 6 Beds “ouvenépacey Td cûya, TÔ borepou- 
méve mepiocorépay Doc vuhy, 25.fva ph À oxioua Ev Tù owparr, GAAG T7 abrd 
brèp &AkhwY pespuuvooy Ta MAN. 26. Kai etre mésyet v LéÂOG, GUUTATYEL RovTe 
Ta MéA etre Oobdterar péhoc, ouvyaiper mavra Ta MAN. 


Christ glorieux, ne sauraient être je ne sais quel fluide divin, quelle substance uni- 
verselle dont seraient formés les « corps spirituels » des régénérés, d'où il suivrait 
que leur ensemble, l'Église, possède une sorte d'unité physique. Voir notre Exc. v 
sur Hveüpo. 

mm À, 14-20. Les versets 14 et 20 se répondent; c'est une sorte d’« inclusio ». 
— Ilupk roro de 15 et 16 signifie-t-il « malgré cela » — contrairement à ce que disent 
ces membres, [ils sont du corps], ou plutôt « à cause de cela » — [if n'est pas vrai 
que] à cause de ce qu'ils disent, [ils ne sont pas du corps]? Peu importe au sens; 
mais la seconde traduction paraît plus naturelle (voir Blass-Deb., $ 236, 5; Abel, 
p. 229). — « Pied » et « main », cfr. Æpictète (TJ, Weiss), — Goponous de 17, hap. leg. 
dans la Bible. — viv 5€ de 18 (cfr. 20), au sens logique — « dans le cas posé »; à 
xt, 43, le sens est autre (v. ad loc.). 

 B. 44-20. Paul commence à montrer la solidarité de toutes Les parties du corps 
humain dont il veut faire l'image de l'Église. Cette partie peut nous sembler un peu 
longue et verbeuse, et plus loin bien réaliste pour notre goût. Mais l'Apôtre insiste 
-sur la figure, pour bien faire entrer la vérité dans l'esprit de ses lecteurs. Toutes 
‘ces questions sont bien un procédé de « diatribè ». 
En premier lieu, dans ces versets, il montre que tous les membres ont un droit 
"égal à se dire du corps, -et que. sans leur multiciplicité, le corps n’existerait pas. 
Dieu l’a ordonné aïnsi dans sa sagesse d'habile constructeur, les disposant « selon 
qu’il l’a voulu ». Cette attribution du détail de l'organisme à la cause première n'é- 
 quivaut nullement à nier qu'il soit le résultat d'une loi naturelle fixe; il faudra s’en 
‘souvenir quand on retrouvera la même expression à xv, 38 (v. infra, ad loc.). 

Au reste, ces versets n'ont pas besoin d'explication ni de paraphrase, Il ne faut 

pas chercher de signification allégorique pour chaque membre particulier. L'Apôtre 
veut simplement insinuer que la diversité des fonctions, — ce que les Corinthiens, 
avec leurs jalousies, ne comprenaient peut-être pas bien, — n'empêche pas les chrétiens 
d’être tous, également, de l'Église, comme les rnembres divers d'un même corps, 
À. 21-26. riprtiOnut (23) signifie spécialement .« vêtir »;.— tiyñs ajouté D, G, 
au début de 24, devant tà Gè edoy; — ouvexépacer, stoïcien (J. Weiss) — au lieu de 
cxloua, le pl. oxisuara à 25, dans N, D*, F, G, L, al. — ôxép après peptuv,; à vu, 
32-ss, nous avons trouvé le simple accusatif, plus classique; — ei «1 pour eïre (26) 
dans B, F, G,e, pulg., syrh, ne change pas le sens, 

B. 21-26. Nous passons à une seconde idée : non seulement les membres sont 
tous du corps, mais ils ont tous besoin les uns des autres. Ici encore il ne faut pas 

chercher d'allégorie déterminée sous chaque terme. L’Apôtre veut simplement dire 


EPITRE AUX CORINTHIENS, XII, 18-26. 331 


l’odorat? 18. Mais, dans le cas présent, Dieu a placé les membres, chacun 
d'eux, dans le corps, de la façon qu'il à voulu. 19. Et si le tout ne jfai- 
‘sait qu’] un membre, où [serait] le corps? 20. Mais, dans le cas présent, 
[fil y a] bien plusieurs membres, mais un seul corps. 21. Or l'œil ne peut 
dire à la maïn : « je n'ai pas besoin de toi », ni encore la tête aux pieds : 
« je n'ai pas besoin de vous ». 22. Bien plutôt, au contraire, les membres 
-du corps qui semblent être les plus faibles sont nécessaires, 23.-et ceux 
que nous pensons être les moins honorables du corps, nous entourons 
ceux-là de plus grands égards, et ce que nous avons de moins décent 
prend l'extérieur le plus décent, 24. mais ce que nous avons de décent 
n’en a pas besoin. Eh bien, Dieu a combiné le corps en donnant plus 
d’égard à ce qui en manquerait, 25. afin qu’il n’y ait point dissentiment 
dans le corps, mais que les membres s'inquiètent de la même chose les 
uns pour les autres. 26. Et au cas qu'un seul membre souffre, tous les 
“membres souffrent avec lui; au cas qu’un membre soit à l'honneur, tous 
les membres jouissent avec lui. 


.que ceux qui ont des fonctions de direction (œil, tête) ne peuvent se passer des 
_agents d'exécution (mains, pieds). Les organes « plus faibles » sont ceux de la vie 
végétative, qui n'ont aucune défense par eux-mêmes, comme en ont les mains et 
les pieds (Gutjahr). Les « moins honorables », ättuôrepa, et les « moïns décents », 
&sxhuova, sont-ils les mêmes? Avec Gutjahr et Bachmann, nous pourrions croire 
que les étiudrecs, c'est tout le corps sans la tête, et donc que les àsyfuova en font . 
partie. Ceux-ci sont les parties que l’on appelle « honteuses » (Chrys., Thomas, etc.; 
Aug, « contra Julianum » 1v, 4: « Quod dehonestavit concupiscentia, contegit 
-verecundia »); les membres décents, edsytuova, c'est la face, les mains. Les mots 
tu et eücynuooôvn se rapportent au vêtement (Lietzmann). On n'a pas besoin de 
vêtir les mains et la figure, mais le tronc est vêtu et orné; et ce qui n’est pas décent 
est toujours soigneusement recouvert; c’est-à-dire que ce qui est moins noble, et 
-encore plus ce qui est répugnant, est « objet de plus d'attention » (Toussaint). Ainsi 
Je veut l'ordre de Dieu qui a bâti le corps, en mêlant, combinant ses éléments, 
comme Paul le dit dans le langage du Portique. 

L'Apôtre voudrait-il dire à demi-mot, avec un de ces sarcasmes qu il ne retenait 
pas toujours, que les dons et les « pneumatiques » qui jouissent du plus d'orne- 
ments, c'est-à-dire de manifestations sensationnelles, sont d'un genre relativement 
inférieur ? Peut-être. 

En tout cas, les membres du corps ne se disputent pas comme dans la fable, mais 
Îls se servent tous, et ceux qui en sont capables protègent les autres, car Dieu a 
‘mis dans le corps un instinct correspondant à la solidarité de toutes ses parties, 

Il ne devrait pas y avoir plus de rivalité dans le « corps du Christ » qui est 

l'Église, comme va le dire la dernière péricope, 27-81. 


A] 


3° Application : la nécessaire spécialisation des fonctions extérieures dans l'Église 
(XII, 27-31). 


INT. Quelques-uns des termes qui précèdent, par exemple Gokdterar « est glorifié, est 
à l'honneur » sont bien quelque peu forcés s’il n'était question que de viscères et de 
muscles; c'est que la comparaison avec les organes physiques a fini par tourner 
vaguement à l'allégorie. Maintenant Paul laisse les figures, et se met à énumérer les 
u membres du Christ », qu'il comprend ici non pas au sens de membres qui reçoivent 
communication de la vie intime du Christ, comme VI, 15, 17, mais de membres 
qui servent au Christ à agir extérieurément sur et par son église. Il s'agit très 
certainement de l'Église universelle, et non de l'église particulière de Corinthe, où 
probablement ious les « dons » n'étaient pas représentés à la fois. Toute l'épitre a 
été catholique {malgré 3. Weiss), mais elle montre surtout ici ce caractère; c’est 
la première fois dans les lettres de Paul, que ce grand sujet est traité. — Rapproché 
de Rom., d'Eph., de la Didachè et des Pastorales, ce passage nous aide à former 
un tableau de l'organisation de l'Église primitive aux temps apostoliques ; elle était 
moins nettement fixée encore, semble-til, que sept ou dix ans plus tard, quand 
l’'Apôtre écrivit à Timothée et à Titus. 

Ce qui est très important à un autre point de vue, c'est que l Apôtre, dans une 
instruction qui vise les « spirituels » et leurs « charismes », tient à ne pas men- 
tionner seulement les dons extraordinaires, mais y méle jusqu'a des fonctions admi- 
nistratives, des emplois réguliers transmis par les hommes, mais exigeant tous un : 
« don de grâce », au moins de grâce sanctifiante, pour être bien remplis. Ainsi Paul 
veut faire sentir aux « pneumatiques » attitrés qu'ils ne forment pas dans l Église 
une espèce à part et supérieure ; il relève la dignité de tout ce qui est fonction dans 
le corps de l'Église, et la solidarité des dons ordinaires et extraordinaires. L'ordre 
descendant de l'énumération, plus marqué que 8-10, est par lui-même très instructif, 
Pour finir, l'auteur sacré fait entrevoir que tous les « charismes » extérieurs s’effacent 
devant un don beaucoup plus haut, — qu'il va nommer au ch. XIII, la charité. 


Cu. xut, 27. ‘Yueic dé otre oôpa Xpuoroë, nat pin x “pépous. 28. Kat oùc 
pèv Ébero à Oeds Ev T9 éxxAnolx mpüToy amootékouc, Gebrepov mpophtas, Tplrov 
ddaondhouc" terra duvues, Émeuta yaploara lapärwv, avruAñYers, uÉepvhoerc, 
YÉVA Yhuwooüv. | 


A. 27-28. Un scribe, ayant l'oreille distraite, a entendu x p£hovs au lieu de ëx 
épous. Cela n'avait aucun sens; mais cette vieille erreur « occidentale » est la leçon 
de D, et elle a passé dans les versions, vulg : « membra de membro », d, e, f, phil, 
Ambrr, al.; les Latins, s. Thomas, Estius, etc., se sont ingéniés à trouver pour 
« membra de membro » un sens acceptable; on peut voir leurs commentaires. *Ex 


uépous (axb mépous, Thucydide, rpds uépos, Démosthène) signifie : « selon la part pro- 
portionnelle ». — Exera? est omis D, E, F, G, Hil., Ambrt, — xvfepmioeux, hap. leg. 
dans le N.T. 


B. 27-28. Nous revenons à l'instruction directe et sans voile commencée aux 
versets 12-43. Chacun a son rôle à jouer dans l'Église, comme « membre du 
Christ »; mais il ne doit pas le confondre avec celui des autres. Dieu ménage à 
chacun les grâces requises par sa vocation, non par celle du voisin. 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XII, 27-28. 333 


- Or, Il a étabfi dans son Église (l’Église universelle) un ordre strict de fonctions 
et de dignité. Les 'adverbes « premièrement », « deuxièmement », « troisièmement » 
sont à comprendre avec toute la valeur qu'ils peuvent avoir : celui qui est le 
«premier » es au-dessus du deuxième, et celui-ci du troisième. Ces trois dignités les 
plus hautes sont celles d'apôtre,, — de prophète, — de « didascale » ou instructeur, 
c'est-à-dire celles des fondateurs d’églises et des maîtres qui enseignent la science 
de l'Évangile, leur travail étant la chose essentielle, dont chacun a besoin d’abord. 

Par « apôtres », de l'avis commun, il faut entendre non seulement les Douze et 
Paul, mais les missionnaires qui les aidaient à fonder ou développer les commu- 
nautés chrétiennes, comme Barnabé, Silas et Timothée, Apollos. — les « pro- 
phètes » sont probablement les grands prédicateurs qui ne sont pas missionnaires 
ni fondateurs (J. Weiss), mais poursuivent d'une manière inspirée l'œuvre de ceux 
ci. Les « didascales » sont les chrétiens instruits chargés dans chaque église de 
l'enseignement régulier et ordinaire; il y avait donc dès lors des instructeurs 
attitrés dans les églises, restant sur place (Roë.-PT.). Comparer Didachè XI-XII 
pour ces trois fonctions, et voir l’Exc. xt. | 

« Ensuite », ce sont les fidèles doués du pouvoir de faire des prodiges, des 
miracles, et plusieurs autres catégories d'hommes d'action. Il faut bién remarquer 
cet « ensuite », Ëxeta, par où Paul entend bien marquer que leur dignité ne vient 
qu'après celle des premiers. Certains « pneumatiques » de Corinthe purent en être 
surpris ; le guérisseur ou le glossolale après le catéchiste! Les Guvduets, ce sont les 
prodiges et les miracles; nous ne savons pas s’il s'en produisait à Corinthe en 
grande quantité, la teneur générale de IÉ’pître ne le ferait pas croire; exceptons 
cependant les « dons de. guérison », que l'Apôtre ne présente pas comme des 
« œuvres de puissance », ou qui ne viennent du moins qu'en seconde ligne, après 
les « Guvauers » plus rares et plus visiblement prodigieuses; car toute la littérature 
chrétienne montre que, à cette époque bénie ct pleine d'enthousiasme, Dieu multi- 
pliait partout pour les siens ce genre de grâces, qu'il s'agit des guérisons propre- 
ment dites de maladies, ou bien d’exorcismes. 


Cn. x, 97. Or vous êtes, vous, le corps du Christ, et ses membres. 
pour votre part. 28. Et Dieu à placé les uns dans l’Église : premièrement 
comme apôtres, deuxièmement comme prophètes, trorsièmement comme 
instructeurs; ensuite [viennent] les œuvres de puissance, ensuite les 
charismes de guérisons, les formes d’assistance, de gouvernement, les 
genres de langues. 


Les œuvres d'assistance (avrifbe) et de gouvernement (zvfepvdoeu) revenaient 
sans doute respectivement aux dignitaires qui furent nommés plus tard « diacres » 
et « prêtres », ou Gtéxovor eb ériororot (Lietsmann, Gutjahr, al). Les « zuBeovioets » 
sont les soins d'administration et de commandement des communautés locales, 
confiés sans doute à des « épiscopes » et « presbytres » (Rob.-PL.); il fallait bien 
aussi, comme nous l'avons vu, (malgré Rob.-P1.) qu'il y et des « officiants » attitrés 
pour l'Eucharistie, sans parler de l'administration d'autres sacrements. 

Paul place la mention de ces directeurs locaux après les didascales et ceux qui 
ont le don des miracles; mais il est évident que cc sont les fonctions seules qui 
sont classées, ct que rien n'empêche que les dernicrs nommés (surtout s'il y avait 
déjà des ériozonot) aient pu, par exemple, être « instructeurs », où même « pro- 
phètes » en même temps qu'administrateurs ou officiants dans la liturgie; quant aux 


334 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XII, 27-31. 


29. Mn mévres dmoorohot; ph mévres rpopÿrar; mn mavres Gdouahot; rh Tévrec 
Suvéueus ; 30. uh RATES xaplopara Éyouov lapétuy; ph mévrés Y\dosais Aa \oBoL ; 
MN TAvrec depameboud ;. 

31a. *Znhoïre dÈ Ta yapiouara Ta meltova.… 


« apôtres. », ils avaient évidemment tous les pouvoirs, et plus de « dons » que les 
autres. 

À la fin, tout à la fin, vient la « glossolalie », avec le don subsidiaire d'interpré- 
tation de la glossolalie. Il semble que ces deux charismes auraïent pu se rattacher 
aux fonctions de l'enseignement, c'est-à-dire aux toutes premières (voir comm. de 
xiv). Mais saint Paul savait ce qu'il faisait en les réléguant tout au bout, même 
après les œuvres d'administration. | 
A. 29-31a. xpelosova pour peftova D, E, F, G, K, L, al., pule., arm. Chrysostome 
le préfère. — Cnloïre pourrait être un indicatif ou un impératif; le commentaire 
décidera. 

B. 29-81 a. Ce chapelet de questions revient à déclarer aux Corinthiens que tout 
le monde, dans l’œuvre de l'Évangile, n’a pas les grâces requises pour tout faire, 
ni pour faire des guérisons, ni même pour « parler en langues » ou interpréter la 
glossolalie. Il faut noter qu'il n’est question cette fois ni de l'assistance, ni de 
l'administration; ces fonctions, qui entraînaient le don de soi-même au bien 
commun, étaient sans doute moins ambitionnées. Puis, elles avaient moins de 
. prestige surnaturel. | 

La dernière phrase, qui fait la première moitié du v. 31, est d'une interprétation 
moins aisée. Si l’on prend £nkoëte pour un indicatif, elle pourrait déjà avoir plusieurs 
sens, Ou bien ce ne serait qu'un dernier trait complétant la leçon latente sous les 
questions qui précèdent : « [N'importe qui ne peut posséder n'importe quel don]; 
cependant vous cherchez tous, dans votre vanité, à posséder les dons les plus 
hauts, les plus reluisants ». Mieux encore, cette phrase ne serait pas à séparer de la 
seconde du même verset, et nous l’entendrions ainsi : « Vous enviez les dons les plus 
élevés; [eh bien, je vais vous montrer une voie qui est encore au-dessus de tous les 
charismes] ». Maïs il est plus probable, — ce qui est aussi plus frappant, — que 
Enhodte, « aemulamini » est un impératif (Æstius, Bisping, Bachmann, Gutjahr, al., la 
plupart). Alors en voici la signification : « [ Vous avez tous envie de posséder des 
charismes; j'entre dans vos désirs; mais, je vous le conseille], efforcez-vous du 
moins (5é) de posséder les meilleurs ». Et, en ce cas, ces charismes les plus grands, 
ce pourrait être la « prophétie » par rapport à la glossolalie (d'après x1v, 1, infra). 
mais yéptoue peut signifier en général tous les dons de la grâce; ce ne serait donc plutôt 
aucune « gratia gratis data », ni mission spéciale dans l'Église, mais tout simple- 
ment, en mettant en relation 31b avec 314, « la voie qui dépasse toutes les autres », 
la charité qui va être chantée au chapitre suivant, ce don de grâce absolument indis- 
pensable à tous, cet « unique nécessaire » que tous ces rivaux en spiritualité 
semblent négliger dans leurs disputes. Il y aurait une ironie mordante, mais qui 
serait bien dans le ton du verset x11, 3 (supra), où Paul a parlé de la simple confes- 
sion de foi, cet acte initial et rudimentaire de la vie chrétienne, comme d’une mani- 
festation de l'Esprit qui est sûrement authentique, lorsque tant d’autres ne le sont 
pas. 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XII, 29-31, 335 


29. Est-ce que tous sont apôtres? est-ce que tous sont prophètes? est-ce 
que tous sont instructeurs ? est-ce que tous [font] des œuvres de puissance? 
80. Est-ce que tous possèdent des charismes de guérisons? est-ce que 
tous sont glossolales? est-ce que tous interprètent? 

31a. Ambitionnez du moins les dons de grâce les plus grands. 


EXC. XIII. — CHARISMES ET FONCTIONS PUBLIQUES DANS L'ÉGLISE PRIMITIVE. 


Nous trouvons dans les Épîtres de saint Paul quatre listes qui se ressemblent 
de grâces ou de fonctions rapportées à la vie publique de l'Église. Ce sont 
d’abord les deux que nous venons d'étudier, puis deux passages postérieurs, 
Rom. xu, 6-8 et Eph. 1v, 11. 

Dans l'Épitre aux Romains, après avoir rappelé (v. 4) la figure du corps et 
des membres, l’Apôtre énumère sept fonctions diverses auxquelles il donne le 
nom de « charismes », et qui sont différenciées d'après la « grâce » accordée à 
chacun : éyovres ôè Lolouare xara Thv yépiv Thv Gobeiouv fiv dépopa (6 a). Ces 
charismes sont : 1. la prophétie; 2. la diaconie, ou ministère ; 3. le don d’enset- 
gner (6 Giüaoxwv, GiBacxaltæ, cfr. Ldoxxhos de [ Cor. x1r, 28); 4. celui d'exhorter 
(6 -xapaxahüv, mapdxAnoic) ; 5. celui de donner ou de distribuer des parts (6: peraôt- 
doûe); 6. celui de présider (6 rpoïoréuevos) ; 7. d'exercer la miséricorde (8 ëksüv). 
Il est recommandé aux dépositaires de ces dons ou de ces fonctions de rester 
chacun dans son office {le « ministre » dans le « ministère », l'instructeur dans- 
la « didascalie », « celui qui exhorte dans l’exhortation »), ou de le remplir de la 
façon qui convient (le « prophète » en se conlormant à la foi commune, xavk vhv 
ävaloyiav rc misteux, le « distributeur » en « simplicité » ou désintéressement, etc.). 
(Voir le comm. du P. Lagrange, ad loc.). 

La liste de l'Épitre aux Éphésiens est plus courte, et paraît cependant plus 
compréhensive. Après le beau passage sur l'unité de corps, d'espérance, de foi, 
de baptême, de filiation, rapportée aux trois Personnes divines (1v, 3-6), saint 
Paul parle encore de la distinction des grdces (ici à xépte, et non {apiouora) qui 
se fait proportionnellement à la donation du Christ (v-7). En effet, par son 
incarnation et son entrée dans la gloire, le Christ a rempli la terre comme les 
cieux de sa présence et de son action (8-9). « Et lui-même a donné [à l'Église] 
ceux-ci comme apôtres, ceux-là comme prophètes, ceux-là comme évangélistes, 
ceux-là comme pasteurs et didascales (robs dË momévas xal Sidæsxähouc), pour la 
coadaptation des saints à l'œuvre du ministère, pour l'édification du corps du 
Christ, etc. » (11-12). 

Il semble donc bien que ces quatre listes, toujours a amenées dans le texte avec 
la même intention immédiate (décrire l’organisation du « corps du Christ »), 
ne soient que des variantes plus ou moins complètes, plus ou moins partielles, 
d'une même donnée. Remarquons que tout ce qui est appelé « charismes » 
expressément dans Rom., et (au moins implicitement) dans I Cor., est nommé 
Xäpts, « grâce » dans Eph.; ; etencore ceci, que, dans toutes les listes (sauf peut- 
être le première, [ Cor. xu, 8-10), l'Apôtre juxtapose à des dons extraordinaires 
et transitoires (« gratiae gratis dalae ») d'autres qui paraissent ne se rapporter 
qu'à des vocations surnaturelles sans doute, mais ordinaires et permanentes, 


336 . ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XIT. 


ce que nous appelons des « grâces d'état » (instruction, assistance, prési- 
dence, etc., peut-être « hterprétation des larigues »). 

Ce n’est pas chose très aisée que de bien identifiér tous ces « dons de grâce », 
ni de les distinguer les uns des autres. Plusieurs paraissent se confondre, ou 
n'être que des subdivisions d'un autre nommé ailleurs, ou du moins devoir se 
réunir dans le même sujet. On peut voir particulièrement Prat « Théol. de 
s. Paul », r, note x. 

Mettons d’abord à part les Apôtres, nommés deux fois {E Cor. xir, 28 et Ep.) ; 
nous avons expliqué ce qu'ils sont; eux, ils devaient posséder en grande 
abondance les charismes, surtout ceux d'enseignement et de prodiges, qui se 
retrouvaient. à l'état épars chez d’autres; le: « discours de sagesse », et, quand il 
le fallait, « de seience », la « prophétie », les « miracles », les fonctions de 
présider et de gouverner, leur revenaient d’une façon éminente. Après eux 
viennent les prophètes, nommés partout, maïs à un rang variable; la Didachè 
(xx) paraît les identifier aux « apôtres » itinérants, nrais l'assimilation n’est 
peut-être pas complète, car en cet ouvrage, être « prophète » semble désigner 
un don d'inspiration qui pouvait se trouver en plusieurs catégories detravaïlleurs 
évangéliques, sans: être. joint à une fonction déterminée. Il semble en être 
autrement chez Paul, qui nomme les prophètes chrétiens à côté des apôtres, 
FE Cor. xu, 28, ainsi que Æph. 1, 5, et (peut-être) 11, 20, et une fois (E Cor. xxx, 
10) la « prophétie » à un rang secondaire. (Les Actes les mentionnent tantôt 
seuls, xr, 27, xv, 32, xxr, 10, et une fois associés aux « didascales », ximx, 1; 
l’Apocalypse, ch. x et suivants, est remplie de leur mention). La notion 
générique paraît n'être pas autre que celle de « prédicateurs inspirés » (Praë, 
al; cfr. énfra, ch. xiv, et xur, 2); mais nous croïrions qu'il y avait divers degrés 
dans le don de « prophétie »; ceux qui n'en possédaient que le minimam 
pouvaient être comptés parmi les moins doués des « pneurhatiques » (1 Cor. 
x, 10}, et c'est d'eux spécialement que Paul s’occupera au ch. x1v, à côté des 
« glossolales », tandis que certains grands « prophètes », possédant le « discours 
de sagesse », capables à la fois de scruter « tous les mystères » et d’éclaircir 
«toute La gnose » (T Cor. xurr, 2, v. infra) méritaient d'être placés immédiate- 
ment au-dessous des « apôtres », dont ils étaient les plus puissants collabora- 
teurs locaux (E Cor. xrr, 28; Rom.; Eph.). — ‘Frois fois sont nommés les 
« didascales », ow instructeurs, où docteurs (E Cor. xn, 28, Rom., Eph.). lei 
nulle difficulté : : ce: sont des chrétiens. d'instruction supérieure que l'Église 
chargeait de préparer les catéchumènes au baptême puis de les entretenir 
dans la connaissance de la doctrine; on pourraït les appeler des « catéchistes ». 
Le « discours de science » devait être pour eux le don le plus enviable, et qui 
vivifiait le plus teur fonction, à laquelle il était du reste proportionné. 

Cette triade : Apôtres — Prophètes — Didascales, devait constituer comme 
l'armature de l'« Église enseignante ». Surles rapports — qui ne sont que possé= 
bles,. à notre avis, — des trois noms avec des institutions du Judaïsme contem- 
porain, on peut lire Harnack, « Miss. w. Ausbr. », pp. 340-346. IL est clair qu'on 
ne pouvait s'improviser « apôtre », ou « prophète » au sens le plus élevé, sans 
quelque désignation spéciale du Saint-Esprit, sans la possession reconnue d'un 
« charisme » au sens strict, lequel ne pouvait guère être accordé qu'à ceux-là 
qui avaient atteint une certaine hauteur de sainteté personnelle; voir Act. x, 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XII. 337 


2-3, le choix inspiré de Saul et de Barnabé comme missionnaires chez les Gentils 
parmi les « prophètes et didascales » de l'église d'Antioche. Quant à la fonction 
de « didascale », elle pouvait être postulée par ceux-là qui se croyaient capables 
de la remplir, à en juger par le conseil de Jac. rx, 4 : pen moïhot Gidoxxlor yiveoûs ; 
leur choix se faisait donc suivant un mode humain. [l pouvait leur suffire, en 
soi, d’un « charisme » au sens large, les « grâces d'état ». . 

Restent, dans la même catégorie, les « évangélistes », nommés une fois 

seulement (£ph.). Ailleurs, le même mot ne se retrouve que Act, xxi, 8 et 
Il Tim 1v, 5, à propos du diacre Philippe et de Timothée, respectivement. 
Or, ces deux personnages méritaient certainement le glorieux qualificatif 
d’ « apôtres », au sens indiqué ci-dessus; s’ils sont appelés là « évangélistes », 
c'est qu'ils sont désignés par une de leurs fonctions, la principale, celle de 
prédicateurs de l'Évangile. Là où (comme Æph.) les « évangélistes » sont 
distingués des « apôtres », et même placés au-dessous des « prophètes », 
ce doivent être des missionnaires auxiliaires, qui ne posséderaient pas les 
charismes de la parole d’une manière aussi éclatante que les « apôtres » ou les 
grands « prophètes .». La chose reste obscure. 
. La catégorie qui vient en second lieu dans l'ordre de dignité surnaturelle. 
est celle des dons d'action extérieure, mais d'action extraordinaire, tels que le 
pouvoir d'opérer des miracles ou des prodiges (duvémeis, deux fois, seulement 
T1 Cor.), de faire des guérisons (deux fois, #bid.), sans doute par la prière ou 
l'imposition des mains, y compris les exorcismes; puis celui qui les domine et 
les inspire, l'intensité de confiance en Dieu que l'Esprit donne momentanément 
(rioui) pour tenter une œuvre très difficile, jusqu'à la guérison surnaturelle ou 
le miracle (une fois, [ Cor. xx, 9}. La possession de pareils charismes ne 
constituait sans doute pas une classe déterminée dans les communautés. 
Les grands « pneumatiques » comme les « apôtres » les avaient sûrement à un 
degré éminent, et d'autres, des didascales, même de simples chrétiens, servaient 
sans doute à l’occasion d'instruments divins en ce genre d'œuvres surnaturelles. 
Il est possible que quelques-uns n'aient été connus comme « pneumatiques » 
qu'à ce titre-là ; saint Paul les place au-dessous de ceux qui enseignent. 

Une troisième classe comprend les membres du « corps du Christ » qui 
n'auraient pas eu besoin de « charisme » extraordinaire poûr remplir des fonctions 
qui pouvaient être les plus indispensables dans les églises une fois constituées, 
mais qui s’exerçaient d'après une vocation régulière, un choix ou une 
consécration officielle, ou par l'usage surnaturalisé de qualités naturelles. On 
pourrait déjà y ranger les « didascales » (supra); mais saint Paul a voulu 
mettre ceux-ci à l'honneur, au voisinage des apôtres et des prophètes, en deux 
passages (I Cor. x, 28 et Rom.). Dans Eph., il est vrai, il ne les nomme que 
les derniers, après. les pasteurs (rouévec). Qui sont ces « pasteurs »? Nommés 
une seule fois, ils paraissent confondre leurs fonctions avec celles des didascales 
(robe SE noruévas xx GiBaoxdouc). Ne faut-il pas y voir tout simplement les rudiments 
d'un « clergé » local, chargé tantôt et en partie d'une mission d'enseignement 
catéchétique (à côté d’autres « instructeurs » qui pouvaient ne pas faire partie 
de ce « clergé »), tantôt des œuvres d'assistance (Btaxovia de Rom., ainsi que 
distribution des aumônes, uerañdoûs, exercice de la miséricorde en général, 
ékeév), fonctions qu'ils pouvaient d’ailleurs partager avec d'autres fidèles? 

ÉPITRE AUX CORINTHIENS. 22 


338 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI!. 


Ce sont eux qui devaient être plus tard appelés (s'ils ne l’étaient déjà) « épiscopes 
et diacres » (Phil. x, 4), et de plus « presbytres » (Acé. xiv, 23. I Tim. et Tit.) et 
qui furent, avant la fin du 1° siècle, partiellement peut-être dès l'âge 
apostolique, rangés sous l’épiscopat monarchique. Ils formaient au moins deux 
classes, dès le temps de Phil., les « épiscopes (presbytres) » et les « diacres », 
les premiers plutôt occupés au culte, les seconds aux œuvres d'administration 
et de charité. Les pouvoirs leur étaient conférés par l'imposition des mains 
des apôtres ou du « presbyterium » (Act. viur, 44, Î Tém. 1v, 14; IL T'm. x, 6, 
peut-être Acé. xux, 3, cfr. Heb. vi, 2, émiôeor rüv yeroûiv) ; parfois il y avait un vote 
à mains levées (Act. x1v, 23, yetporovñonvrec.… mp:66urépous). Leur emploi devait en 
faire les sujets prédestinés de certains charismes, tels que le « discernement 
des esprits » Guapéoets Tôiv nveupéruv (L Cor. xi1, 10); car c'étaient eux certaine- 
ment qui, à défaut de personnages plus notables, et possédant éminemment les 
mêmes pouvoirs, comme les Apôtres surtout, présidaient (mpoïstauevos, une fois, 
Rom. cfr. I Thess. v, 12) les assemblées, où il fallait juger l'inspiration des « pro- 
phètes », des « glossolales » {voir ch. xrv; cfr. I Thess. v, 19-21). Un autre cha- 
risme qui, sans leur être propre devait leur être particulièrement utile, était celui 
de savoir exhorter, consoler (rapéxinow, une fois Rom. cfr. I Thess. v, 14), Enfin, 
les dons d'assistance (dvrekbsu, T Cor. x1r, 28) et de gouvernement (xu6eoviouic, 
ibid.) étaient tout spécialement appropriés à l'office des diacres et des « surveil- 
lants », ou épiscopes (— presbytres). Il y a toute raison de voir dans ces « prési- 
dents » (rpoïsrauevor) des assemblées les mêmes que les « presbytres dirigeants » 
..… mposorüres mpecürepat) de [ Tim. v, 17, et (avec aussi les diacres) les fyoügavor 
(guides, directeurs) de l'Ép. aux Hébreux, xur, 7, 17, 24, peut-être Act. xv, 22. 
Aussi verrions-nous dans ce don de « présidence » {cfr. Lagrange, Comm. de 
V'Ép. aux Romains, sur xn1, 8), qui doit être accompagné de zèle et d'empresse- 
ment (Ëv oxoudÿ), celui des préposés qui non seulement administrent des aumônes, 
mais aussi qui président aux assemblées de paroles {ch. xiv) et aux assemblées 
du culte, au « banquet du Seigneur », et par conséquent consacrent et distri- 
buent le pain et le vin (voir ch. xr, supra). Et qui, sinon ces préposés, aurait pu 
trancher avec une autorité suffisante les litiges entre chrétiens (v, 13; vr), ou 
présider l'assemblée qui devait promulguer la condamnation de l'incestueux 
(v, 2-5)? 

En tout dernier lieu viennent les glossolales (deux fois, [ Cor. xx) et ceux qui 
interprètent leurs paroles (une fois, cbid., v. 10). Pourquoi Paul leur a réservé 
cette place — quand il aurait pu, par exemple, les metire près des « instruc- 
teurs », ou des « prophètes », — nous le comprendrons en commentant le 
chap. xiv. Si les « interprètes » ne se contentaient pas d'expliquer l'intention 
des glossolales, mais qu’ils savaient aussi les critiquer par « discernement des 
esprits », ils auraient pu être placés plus haut. Quant aux « prophètes », si, dans 
la première liste, ils n'occupent que le sixième rang, après les charismes 
d'action, c'est probablement parce que Paul ne pense alors qu'aux « prophètes » 
de Corinthe, qui semblent, quand on voit la règlementation que l’'Apôtre dut 
leur imposer, n'avoir possédé le charisme de « prophétie » qu'au sens le 
plus réduit (v. ënfra, xiv, 29 ss., 37). 

Ce chapitre et ses parallèles nous présentent donc, sous le nom commun de 
« charismes »-ou de « grâces », une double série d'actes surnaturels : les uns 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XII. 339 


extraordinaires, transitoires, et les autres présupposant des fonctions perma- 
nentes, qui ne nécessitent pas de manifestation extraordinaire de l'Esprit, mais 
des grâces d'état. lis ont de commun dans les deux séries d'être tous ordonnés, 
non directement au bien spirituel de leur sujet, mais à celui de la communauté, 
de l'Église. D'un côté, autrement dit, au-dessous des apôtres nous avons les 
« spirituels » et de l’autre la hiérarchie. Sans doute beaucoup de membres de la 
hiérarchie étaient-ils susceptibles de posséder les charismes extraordinaires, à. 
cette époque-là surtout, et ce devait être de préférence parmi les « pneuma- 
tiques » que les Apôtres et l’église choisissaient les dirigeants. Pourtant les 
deux catégories étaient distinctes de droit, et l'on sait que cette distinction n'a 
pas été sans soulever plus tard quelques problèmes; déjà la Didachè nous 
montre que la hiérarchie avait à surveiller les « apôtres » et les « prophètes », 
ou des prédicateurs soi-disant tels (Did. x1); elle montre d’autre part que les 
« prophètes » pouvaient prolonger autant qu'ils le voulaient l'action de grâce 
eucharistique (x, 7), c'est donc probablement qu'ils pouvaient aussi, à l'occasion, 
présider la cérémonie, et être évêques, également diacres, puisque ces 
dignitaires « remplissent aussi le ministère Àcevoupyobor... Aseroupytav) des pro- 
phètes et des didascales » (Did. xv, 1). Il pouvait en être ainsi, au temps de 
saint Paul, — au moins certainement pour l'office de « didascales » — pour les 
dirigeants élus par l’église ou nommés par l'Apôtre. Stéphanas, Fortunatus et 
Achaïcus étaient certainement chargés de ministères réguliers ([ Cor. xvi, 
15-18), et, comme c'étaient des parfaits, très estimés de Paul, nous avons bien 
lieu de croire qu'ils étaient distingués aussi parmi les possesseurs de 
« Charismes » Mais cela ne change pas le caractère des énumérations de ce 
chapitre : Paul mêle à dessein les fonctions spirituelles qui n’exigcaient pas de 
charisme extraordinaire avec les « charismes » les plus impressionnants par 
leur caractère surnaturel, — en plaçant en dernier lieu ceux qui, d'après le 
ch. xrv, étaient les plus estimés à Corinthe, — pour bien montrer à ses lecteurs 
que les « pneumatiques » à manifestations extérieures ne sont pas d'une espèce 
supérieure au commun des bons chrétiens, qui servent l'église d’une façon 
ordinaire, selon un mode humain. 

Notre chapitre x, par le fait, prélude, non seulement à à l'ecclésiologie 
théologique des épîtres de la captivité, mais à l’ecclésiologie morale et pratique 
des Pastorales. 

Dans nos conclusions il reste certes une part de conjecture; ce sont elles 
cependant qui tiennent, croyons-nous, le plus de compte des exigences et des 
suggestions du texte sacré. 

[Voir comment. de Connezy, RoserTson-PLummer, Gursaur, al — 
M. J. Lacnance, Saint Paul, Épitre aux Romains, 1916; — F. Pnar, La Théo- 
logie de saint Paul, Première Partie, note H; — À. Launenr, Les Pères aposto- 
liques, I, Doctrine des Apôtres, Épitre de Barnabé, 1907; — A. von Hanvack, 
Die Mission und Ausbreitung des Christentums, k Auf. 1924, pp. 340-377; — 
P. Barrrroz, L’ Église naissante el la catholicisme, ch. [, ux, ch. Il, 11. — Ete.]. 


B. La charité, nécessaire à toute vie chrétienne, est au-dessus de tous les dons 
extérieurs, et la première des vertus {xir, 31b-xm1). 


Ixrropucriox. L'exposé de « gnose », qui se poursuivait sur un ton rassis et parfois 
ironique, s'interrompt tout à coup; Paul se trouve saisi lui-même par l'Esprit dont il 
parle, et son âme s'épanche en une sorte de poème, d'hymne, de psaume, qui est le 
meilleur exemple qu'il nous ait donné pour comprendre la nature du 1dyos oopiæs, 
le « discours de sagesse ». C'est la plus belle page de l'œuvre apostolique, avec 
Rom, vit, 31- suivants. ; 

L'objet qu'il chante est la charité, éyénn. Nous voici au point culminant de l'Épitre 

où toute question, nous l'avons déjà assez dit, est ramenée à celle de l'union à Dieu 
et au Christ, c'est-à-dire à l'amour mutuel qui, descendant de la Divinité, la relie à 
ses créatures rachetées. Bien qu'il soit surtout question en ce passage de l'attitude à 
l'égard du prochain, il n'est pas douteux que la « charité » dont il s'agit soit l'amour 
de Dieu d'où l'amour du prochain découle, et dont il est le signe, comme dira saint 
Jean. Tous les commentateurs orthodoxes tiennent cela pour évident, et Bachmann 
{comm. p. 410, note) s'élève à bon droit contre le moralisme plat et incolore et la pure 
philanthropie que certains « activistes », à côté desquels l'on regrette de compter 
Harnack, voudraient voir enseignés dans ce chapitre comme l'essence de la religion. 
Paul, qui a écrit le mot àyénry soixante-quinze fois, dont neuf en cette Lettre, sans 
parler du verbe dyandw, très fréquent aussi dans son œuvre, le précise formellement 
neuf fois (Rom., II Cor., Eph., II Thess.)\ comme « l'amour de Dieu » ou « du Christ », 
et, si ces génitifs sont ordinairement subjectifs, c’est-à-dire expriment l'amour 
qui est en Dieu ou dans le Christ, ils ont une valeur objective correspondante, car 
« l'amour de Dieu a été répandu en nos cœurs par le Saint-Esprit qui nous a été 
donné » (Rom. v, 5). En cette même épitre, VIII, 3, (v. ad loc.), à propos des idolo- 
thytes, et avant d'en appeler de la « liberté » à l'amiour du prochain, saint Paul a 
commencé par écrire : « Si quelqu'un aime Dieu, et Ô€ ris &yan& roy 0edv », pour bien 
faire voir quel principe commande toute la question; d'ailleurs, la raison de l'amour 
commandé aux hommes les uns pour les autres, c'est toujours que le Fils de Dieu 
les a aimés Jusqu'à mourir pour eux tous, et qu'ils doivent aimer leurs frères s'ils 
aiment ce Dieu qui les a tous aimés d'une ielle manière. Comprendre autre chose, 
c'est ignorer Paul radicalement. D'ailleurs, dans le présent chapitre, la charité est 
associée à la foi et à l'espérance, vertus qui ont bien Dieu pour objet, (Voir notre 
Exec. vit sur dyanr.) 

L'importance dogmatique de ce chapitre XIII est immense, car il ne traite pas seu- 
tement de la charité, essence de la vie chrétienne, mais des autres vertus théologales 
et de la vision béatifique. L'importance historique et apologétique n'en est pas 
moindre, puisque nous y voyons la position de principe prise par l'Apôtre en face de 
la contemplation hellénistique ou gnostique. 11 fire « ex professo », après les 
chapitres initiaux sur la vraie « Sagesse » — qui y était déjà donnée implicitement 
comme fruit de l'unique charité (voir à III, 1-3) — la caractéristique des « parfaits », 
des adultes dans le Christ, des vrais « pneumatiques », comparés aux vyriot aux 
adexvo qui se passionnent puérilement pour des dons extérieurs, secondaires et tran- 
sitoires, relatifs à une connaissance essentiellement parfaite de Dieu et des 


choses divines. 
La valeur littéraire de cette page a ravi tous les exégètes qui Gnt le s sens du beau. 


Un commentateur anglais du XIX° siècle, Stanley, (cité par R.-Ph,), s'exprime ainsi : 
« Comme le secrétaire de l’Apôtre a dû alors s'arrêter pour lever les yeux sur la face 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI, 31P-x111. 341 


* de son maître, au soudain changement de style dans la dictée, et la voir devenue 
comme la face d’un ange, à cette vision de perfection divine qui passait devant Lui!» 
On a dit que c'était « le Cantique des Cantiques » de l'amour chrétien; un magnifique 
exemplaire de « discours de sagesse », ou de « prophétie », bien plus en tout cas 
qu'une « glossolalie interprétée », car tout y est bien de Paul en personne, de son roÿs 
comme de son nveüue. L'énergie et l'enthousiasme y sont imbus de sérénité, et le ton, 
dans son ardeur, demeure parfaitement rationnel. 

L'idée essentielle est que sans la charité, qui seule mène à la perfection et puisse 
subsister toujours, tout le reste est inutile, et que, par conséquent, elle est nécessaire à 
tous, à la différence des « charismes » convoités qui sont pour eux, en somme, carac- 
téristiques de l'état d'enfance et de transition. Ils ne font pas voir Dieu, la charité 
ést seule capable de nous élever jusque-là. Et voici la division, reconnue de tout 
le monde. 

Trois « strophes », si l’on veut parler ainsi : 

1-3. Comparaison de la charité avec les charismes et les actes de vertu extérieurs; 
sa transcendance, son absolue nécessité ; 

4-7. ses glorieuses caractéristiques, qui se révèlent surtout dans les rapports avec le 
prochain; 

8-13, sa valeur absolue de perfection, et son éternelle durée. 

Le ion lyrique est soutenu, mais ce ne sont que des « siôphes » très approximatives, 
car la longueur en est très diverse, ainsi que celle des « lis gnes » selon lesquelles bien 
des commentateurs divisent le morceau. La symétrie des idées et des mots est indiscu- 
table, mais ne paraît pas régie par des procédés techniques, ni de prosodie ni de 
« style oral ». Il n'y en a pas besoin pour expliquer ce style; des prosateurs, a-t-on 
remarqué, comme Rousseau, Chateaubriand, s'élèvent subitement et spontanément aux 
formes les plus rythmiques quand ils sont le plus fortement émus; il en est ainsi dans 
tous les temps et toutes les langues, et il faut se souvenir que Paul appartenait à une 
race orientale bien douée pour “les improvisations de ce genre et habituée au parallé- 
lisme des. psaumes. Il a pu n'être pas très conscient lui-même de Son changement de 
style, ou du moins ne pas le calculer. car nous ne croirons pas avec J. Weiss qu'il aë 
composé cet « hymne » avant l'Épitre, attendant une occasion de le placer; les allu- 
sions au sujet fondamental de XII-XIV, et à la situation morale très précise de 
Corinthe, nous paraissent s'opposer à cette opinion. 

C'est que J, Weiss y voit une « digression », et prétend trouver des traces de 

suture artificielle avec le reste du morceau; nous verrons qu'il n'en est rien. Une 
digression? Oui, dans la forme littéraire, mais qui fait le cœur même du sujet traité 
avant et après, comme la « digression » sur la liberté au ch. IX, ou sur la Dernière 
Cène au milieu du ch. XI. Elle n'est due qu'au coup d'aile de l'inspiration. Ce dis- 
tingué exégète n'u pas bien compris les procédés instinctifs, et la psychologie de 
l'Apôtre, 
_ D'autres erreurs n'ont point pour elle cette circonstance atténuante d'être encore 
intelligentes : ainsi celle de Loisy, qui doutcrait que le ch. XIIT soit de Paul et le 
croirait introduit pour corriger l'importance donnée aux « charismes »; et encore 
moins celle de Delafosse, quand il découvre que ce beau morceau si spontané est 
inspiré de Clément et fabriqué par un catholique qui croyait à « l'Esprit » comme les 
montanistes, mais conserpait des tendances raisonnables. Ces auteurs feraient mieux 
de ne pas se méler de la psychologie de saint Paul. 

On peut d’ailleurs comparer, avec Gutjahr, mais sans prétendre plus que lui 
l'égaler, le ch. XLIX de Clem. Rom., qui est d'ailleurs visiblement inspiré de notre 
passage; et le très beau ch. 5 du Livre LIT de l'Imitation de Jésus-Christ. 


342 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XII, 31P-x111, 1-13. 


[Cm. x17, 31a. Zmhoëre DE à yapiouara rù pellova] 31 D. voi “Er “rap 
Bnepbonhv éDov butv Séfxvuue. | 
_ Gn. x, 1. "Eüv raïs YAüooaçs rüv àvbpurwv had at Tüv &YYÉAUV, dyér nv 
dÈ ph Éyw, yéyova yahrds YySY à xÔUÉEROY GAahator. 2. Kaï éav Éyw mecparelz 


û 
4 


# a _ k- = A ; _ 
ai eldo Ta puorhpux ravira nai rücav Thv “yvüoiv, Kat ÉGv Éyuw macay Thv Tor 


À. XII 31 b. Ka manque dans plusieurs témoins, et D‘ a écrit st s pour Et; 
Klostermann l'interprète ainsi : « Et si [vous ambitionnez, {nloïte de 31 a] quelque 
chose d’incomparable, je vous [en] montre le chemin » (voir Bachmann, J. Weiss); 


cette variante est trop peu attestée, et l’ellipse est trop forte. — Kaë” ôxepfokwy : 
Chrys : vrouréorty bnepéyouaav, « c'est-à-dire qui est plus élevée ». — üetxvuw, présent à 


sens de futur tmmédiat, ou bien présent « de conatu ». 

B. 31 b. Il ne faut pas chercher, comme J. Weiss, à couper le lien de cette 
phrase avec ce qui précède. Paul a dit : « Si vous êtes férus de charismes, vous 
devez du moins rivaliser pour la possession des meilleurs; — eh bien, je veux vous 
y aider en vous montrant une voie (vers la perfection, le pneumatisme) qui est au- 
dessus de toute autre ». Il va leur parler de la charité, qui peut bien dans un sens 
s'appeler un « charisme », puisqu'elle est aussi un don de grâce; mais elle est 
intérieure, et ne se prête pas comme les dons dont il a été parlé à l'ambition et à 
l'ostentation. Pourtant elle dépasse tout le reste, elle est seule la reudrns (Liets- 
mann), « le lien de la perfection », sévdeouos rüc TAhe6TNTOS, Col. ur, 14, l'achèvement 
de ces té que les Corinthiens voudraient être, mais qu'ils ne sont pas, malgré 
tous leurs charismes, car ils négligent la charité (voir les premiers chapitres). 
L'Apôtre use d'une bonne et saine ironie, en feignant d’exciter leur curiosité et leur 
ambition « pneumatique », pour ne leur dire que ce qu'ils devraient tous savoir, et 
ne leur offrir que ce qu'ils devraient tous posséder, même les plus humbles, et dont 
ils ne comprennent pas le prix. — Est-ce que ce lien si évident avec le sujet 
général paraît trop subtil à J. Weiss, pour qu'il veuille joindre XIII à VIII (parce 
qu'il est question de charité dans les deux; maïs il en est question, en réalité, 
partout!), comme des parties de la « Deuxième Lettre » à laquelle il doute 
qu'appartiennent XII et XIV? ou que peut-être un rédacteur aurait inséré ici un 
morceau composé par Paul indépendamment de la lettre? ou autres hypothèses 
toutes moins naturelles que cet ordre de tous les manuscrits ? 

A. XIII, À dlakéGew, mot classique depuis Pindare pour les cris de guerre 
et les bruits d'instruments, se trouve aussi LXX; et Marc v, 38, pour lamentations 
funéraires, 

B. XII, 1. Ici commence la première « strophe » (1- 3). Au lieu de donner une 
explication didactique, de « gnose » ou science, Paul entonne une sorte d'hymne, 
qui devra beaucoup surprendre et frapper les Corinthiens. D'abord il exalte la 
transcendance de cette « voie qui les dépasse toutes » en face des charismes qu'il 
nomme en ordre ascendant : glossolalie— prophétie — prodiges — œuvres de dévouc- 
ment extérieur; et il en proclame la nécessité, en dictant le grand nom : « Charité », 
Tous les dons de Dieu ne garantissent rien, si elle n'est pas. L'esprit est le même 
que celui de x, 1-13, où l’Apôtre a montré l’inutilité qu'avaient eue pour les Hébreux, 
par leur faute, les plus hautes faveurs que Dieu leur conféra à la sortie d'Égypte. 

Il commence par « les langues des hommes et des anges », c’est-à-dire la « glos- 
solalie » (v. ch. xiv), parce que c'était le don le plus convoité à Corinthe, et, en 
somme, le moindre de tous. « Langues des Anges », ce doit être une expression 
rhétorique, pour dire le langage le plus sublime dont on puisse rêver 
(s. Thomas, ctc.; Gutjahr, etc). 11 est très invraisemblable que Paul fui ait donné 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, x, 31?-x1rr, 1-2. | 343 


[Cx. x, 31a Ambitionnez du moins les dons de grâce les plus grands;] 
31b. Et je veux encore vous montrer une voie qui les dépasse toutes. 

Cu. xur, 4. Supposé que je parle Les langues des hommes, et [celles] 
des anges, maïs que je ne possède pas la charité, je suis passé à l’état 
d’airain sonnant ou de cymbale retentissante, 2. Et supposé que je pos- 
sède la prophétie, et que je connaisse les mystères, tous, et toute la 
gnose, et supposé que je possède toute La foi, de manière à transporter 
des montagnes, mais que je ne possède pas la charité, je ne suis rien. 


un sens plus précis, et se soit préoccupé des spéculations rabbiniques ou païennes 
sur cette matière (4); il veut seulement englober dans le même jugement toutes les 
glossolalies, même en leurs formes les plus spirituelles (Bachmann). 

Si céleste que soit votre langue, dès lors que vous n'avez pas la charité, vous 
n'êtes plus, selon l’Apôtre, qu'une chose qui fait du bruit. Transcrivons ces mots 
dans nos caractères, avec la prononciation probable d'alors : ghegona khalkos 
ékhôn kè kymbalonn alaladzonn; ne croirait-on pas entendre les gongs et les 
cymbales évoqués? Ces instruments font du tapage, mais ne donnent pas de 
mélodie; Paul semble viser l'inintelligibilité des « glosses » (voir infra, xiv, 8, 
&dnhkov uv); de plus, il raille les virtuoses dénués du véritable amour de Dieu, 
comme s'ils rivalisaient avec le tapage païen des cymbales de Dionysos, de Cybèle, 
des Corybantes, du tympanon d'Attis, etc., car il avait dû entendre parler de tout 
cela; Gwdwvatoviyæastiov, à ce que rappellent Rob.-Pl,, désignait proverbialement un 
discoureur vide. Plût à Dieu qu'il n'y eùt pas trop de rhéteurs religieux à mériter 
un compliment de ce genre! (Voir comm. de Godet, Rob.-Pl,, J. Weiss, Bachmann, 
Gutjahr, al.), Bachmann explique très bien la leçon de l'Apôtre : d'abord extase et 
glossolalie, en soi, si elles ne sont pas jointes à la charité, n'ont pas une origine 
divine discernable; puis, même si c’est l'Esprit qui les cause chez un homme qui 
n'a pas l'Esprit dans son cœur, elles ne servent qu'à attirer l'attention des autres, 
sans lui profiter à lui-même, qui n’est que comme un instrument inanimé. 

A 2. Cfr. Mat, vu, 22; — xvu, 20, xx1, 21. 

B 2. Nous passons à deux genres plus élevés de charismes : ceux qui étaient 
destinés à l'instruction la plus haute et la plus intelligible, et ceux qui donnaient 
les plus hauts pouvoirs d'action. Eux aussi, sans la charité, seraient inutiles au bien 
propre de ceux qui les possèdent, 

On discute sur le nombre et la distinction des dons ici nommés. S'agit-il de 
quatre charismes : prophétie — science des mystères — gnose — foi? (s. Tomas, 
Estius, Bisping, Cornely, Rob.-Pl., Bachmann, Gutjahr). Bachmann, qui suppose le 
verbe ëyw « je possède », répété tacitement devant « toute la gnose », croit toujours, 
à tort,que « gnose » dit autant que « prophétie » (v. Exc. v et comm. de xu, 8, 
supra), Rob.-Pl, voient en «tous les mystères » la « sagesse » des Apôtres, en « toute 
la gnose » la science des didascales, et en « prophétie » le don des « prophètes » du 
chap, xu. Ce que nous croirions plutôt (après Chrys., Théodoret, Bousset), c'est qu'il 


(1) Ceux qui sont curieux de connaitre ces imaginations, peuvent, outre les commentaires 
de Lietzmann, Bousset, Weiss, lire H. Günrerr, Von der Sprache der Gütter und Geister, 
1921; STRAGK-BILLERBECK ad loc., particulièrement sur les « langues des Anges » d'après 
Jokhanan ben Zakkaï; les Anges en général ne parlent que l'hébreu, excepté Gabriel., etc. 
L'Ascension d'Isaie comme le Poimandres attribuent des langages différents aux anges ou 
aux esprits suivant les sphères. Sur le « Testament de Job », voir Exc. xv. Le pire 
Charabia des Papyrus magiques était censé emprunté à la langue des dieux. Etc. 


344 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XII, 31P-x111, 1-13. 

dore ëpn peblordvar, érrérnv D ph Éyu, oùbéy eue. 3. Kot Eav ”pupésu réÿra 
rà Üdnépyovré pou, nai uv mapad 1ù cumé Ho va “xavdhoopar, &ydmny dE oùx 
Éyuw, obDèy Woshodpou. 


k. ‘Ho yérn paxpobvpet, xPnorederar h dydrn, où Emhoï, [ñ ré] où Repne- 
peberar, cd “puotoëtor, 5. obx Goympovet, où Enret tx Exutis, où mapoËbvetou, où 


n'y a que deux charismes, les plus représentatifs, envisagés ici:la« prophétie » (au 
sens le plus intégral), ou grand charisme de connaissance; et la « foi », xéoruç, ou 
grand charisme d'action. En effet, la structure naturelle de la phrase, et la forme 
identique des mentions respectives des « mystères » et de la « gnose » (1à uvor. 
révra xat räcav Tv yv.), invitent à y voir deux compléments coordonnés du verbe 
eldw, « je connaisse », immédiatement précédent, {plutôt que de rapporter, comme 
Bachmann, l'un à Eyw et l'autre à edw trop éloigné, et qu'il faudrait de nouveau 
sous-entendre. C'est un développement de la « prophétie » à son degré le plus 
élevé, comme pouvaient le posséder les apôtres et leurs principaux collaborateurs; 
elle s'appliquait et à la connaissance des mystères (communicable par le « discours 
de sagesse »), et aux exposés logiques de la ‘foi et de la morale, lumineux et 
profonds, par le « discours de gnose ». 

La « foi », xiotw, est d’un autre ordre. C'est la foi pratique (voir à xu, 9) qui 
pousse à entreprendre ce qui est grand. « Transporter les montagnes » était un 
proverbe, pour signifier « faire l'impossible » (voir Strack-Bill.). Maïs, comme cette 
promesse est attribuée ici à la « foi, » c'est indubitablement un rappel de la parole 
évangélique, Mat. xviur, 20 et xx1, 24. C’est un signe encore que Paul avait rendu 
familier aux convertis de Corinthe l’enseignement moral que Jésus donna dans sa 
vie mortelle, et ne leur avait point prêché seulement sa mort et sa résurrection. 
 —- À. 8. Cfr. Mat. vi, 2. — Sur l'emploi de l'indicatif futur (xav0fooua) après 
tva, cfr. 1x, 15, 18, Gal. u, &, Phil. u, 11; cette irrégularité est fréquente surtout 
dans l’Apocalypse; voir notre comm. sur ce livre. et Blass-Deb, $ 369. — Plusieurs 
‘témoins ont lu xavynco(w)ua, « afin que je me glorifie » : N, 17, À, B, Orig., copt., 
got.; c'est une correction de scribes, qui ne s’expliquaient pas pourquoi Paul 
venait à parler de mort par le feu; à leur texte banal, il faut préférer la leçon xav. 
qu'ont admise presque toutes les versions et la masse des Pères, et tous les 
critiques modernes. 

B. 8. Saint Paul passe aux c dons, et aux actes de vertus connexes, qui ont, par 
leur nature, le lien le plus étroit avec la charité, et paraissent procurer le plus de 
mérite devant Dieu, comme de popularité près des hommes : ceux d'assistance, de 
bienfaisance, qu'il a nommés ävrebsrs (xu, 28) et qui ont d’autres noms dans l'Épître 
aux Romains (Toussaint, Rob.-Pl,, Bachm., etc). Ce-sont des dons actifs, comme 
ceux de la rat, qui ont une apparence très évangélique — et qui, malgré cela, 
peuvent ne servir à rien, si leurs opérations ne procèdent pas de l'amour de Dieu, 
mais ne sont dues chez le pneumatique qu'à l'impulsion de la nature ou à la 
contrainte de l'Esprit, et ne répondent de sa part qu’à un intérêt humain, le désir de 
se rendre connu ou populaire (cfr. Mat. vi, 2), de satisfaire sa sensibililé naturelle, 
‘ou s’il est tout simplement passif dans la circonstance, sans avoir par ailleurs une 
vie conforme à la charité. Ayant parlé du dévouement extérieur qui consiste à se 
priver de ses biens pour les autres, Paul envisage même le cas le plus saisissant 
d'abnégation qui consisterait à donner, non plus ses biens seulement, mais sa vie, 
soit pour l'avantage de la communauté, soit pour se camper dans l'attitude d'un 
héros; il a pris pour type la mort la plus cruelle, le supplice du feu. 11 faut 
certainement comprendre quelque chose de plus grave que ce qu'y a vu Preuschen. 


 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XIII, 3-5. 345 


3. Et supposé que je donne par morceaux toute ma propriété, et supposé 
que je livre mon corps pour être brûlé, mais que je n'’aie pas la charité, 
je n’[en] ai aucun profil. 

__ k. La charité prend patience, la charité est prévenante, elle n’a pas 
de jalousie, la charité ne manque point de tact, elle ne s’enfle pas, 
5. elle n’a pas de mauvais procédés, elle ne cherche pas ce qui lui revient, 


le sacrifice de sa liberté, avec la marque au fer rouge des esclaves. Quoique le 
supplice du feu ne fût pas très usité à cette époque, Paul a pu penser aux Trois 
Enfants dans Ia fournaise (Dan. II, cfr. 1 Macc, n, 59) ou aux martyrs juifs de la 
persécution d'Antiochus fWacc. VIT). Il se peut aussi qu'il ait pensé à ces bravades 
de détachement et d'héroïsme, très admirées des stoïciens comme exemples de 
force d'âme, qu'on prétait à des gymnosophistes indiens, comme à ce Calanos qui, 
d'après Cicéron (« Tuse. 2, 2) et Strabon (xv), se brûla devant Alexandre, et à tel 
autre qui, d'après le même Strabon, et Nicolas de Damas, l'aurait imité en pleine 
Athènes sous le règne d'Auguste (voir J, Weiss), comme devait le faire le « Proteus 
Peregrinus » de Lucien. - 

Si des sacrifices, même héroïques, faits à l'occasion pour la communauté, peuvent 
n'être pas reçus de Dieu, malgré le profit qu'en tirent les hommes, c'est donc que 
la « charité » n'a pas seulement pour objet les hommes (v. Inr.), mais d'abord 
Dieu, et qu’elle dépasse les plus hauts actes de bienfaisance. 

Remarquons encore que Paul parle i ici de ses « propriétés », lui qui n'avait rien! 

Cela nous apprend que le « moi », ëyw, dont il use si souvent dans ses argumenta- 
tions, peut représenter non sa propre personnalité, maïs un homme quelconque, un 
homme-type, au nom duquel il parle, suivant un procédé cher à la diatribe. Il 
faut s’en souvenir, par exemple, dans l'exégèse de Rom. VII. 
À 4. à &yérn® est omis B, 17, al., f, vulg.; mais ces mots sont probablement 
authentiques, et les éditeurs en général les rattachent au verbe qui suit, où rex, et 
non à où EnAoï, auquel la Vulg. a rattaché le deuxième « charitas ». — ypnorebeteu, 
hap. leg. dans la Bible, où souvent pourtant on rencontre xpnotds (« serviable », ou 
« bénin », « accueillant » quelquefois chez Platon « naïf »; ailleurs, « noble », 
« utile ») et aussi ypnotétns. — nepnepebestor, ici seulement dans le N.T., se retrouvera 
chez Marc-Aurèle 5, 5; plus fréquent est le composé Euxepreo. Epictète, 2, 1, 34, 
Cicéron « ad Attic. » 4 (Pr.-Bauer). lequel vient de xéprepos, plus connu, qui signifie 
surtout « vantard »; d'après Hésychius, idée d'ostentation; d'après le Lexique de 
Zonaras le verbe signifierait entre autres choses « manquer de tact »; c'est peut-être 
le sens qui convient le mieux ici: l'autre est d’ailleurs très admissible, et les deux 
sont voisins. — puotoÿolar est un mot que Paul n’emploie que dans cette épître (cinq 
fois, l’une ici et quatre aux chap.iv-v, au ch. van, 4, l'actif quotot) et une fois Col. 1, 
18; le reste du N. T. l'ignore; insistance révélatrice sur le caractère des Corin- 
thiens, et nouvel indice que ce chapitre ne peut être détaché du reste. 

B 4. Paul ne décrit pas théoriquement ce qu'est l'äyérn (Bachm.), parce que 
c'était une notion très courante chez tous les chrétiens (v. Exc. xiv). Mais il la 
décrit par ses caractères et l'attitude qu'elle impose dans les relations, jusqu’à la 
fin du v. 7. Il la personnifie pour ainsi dire, comme mère et reine des vertus 
(Gutjahr), de même qu'il personnifiait la Loi, le Péché, la Mort (Rob.-Pl.). Il semble 
qu'il ait pensé aux vertus du Christ (Rob. PI, ), et aux défauts opposés qu'il consta- 
tait chez ses néophytes de Corinthe. Dans notre traduction, il a bien fallu para- 
phraser un peu pour exprimer les nuances, J. Weiss compare Phil, 1v, 8; mais ici 


346 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XI, 310-xurr, 1-18. 


N = ? \ ce 2 . 
*hoyiberar To raxdv, 6. où yaloer ëmt 19 adinla, ouyyafper DE 19 aAn0eix" T. mévra 
otéyer, mévra. moteber, mévra EAmiler, mévra broméver. 
8. ‘H &ydrn obdémore “éumimrer elve DÈ mpopnreior, xatapyn0oovrar elre 
12 


_ = ko { 
hdoom, rabsovra ete yrüois, xarapynôñoera. 9. [x MÉpous YÜD YWWTLOpLEV 
tal x pépouc mpopnredomev" 10. brav DE EAOn Tù “réherov, vd Èx Dé Épous nataoyn0- 


les vertus négatives (où) sont idéalisées, par contraste avec leurs défauts positifs, 
La charité souffre les injures sans les rendre, elle est bienveillante, accueïllante et 
serviable, elle n'a point de jalousie, elle ne blesse point par fanfaronnade ou indis- 
crétion, elle ne se « gonfle » pas en laissant tomber les bienfaits du haut de sa 
grandeur. Ce n’est pas encore tout. 

À. 5. äoymuovei, cfr. vi, 86, et Rom. 1, 27, doynuocévn : violer les bien- 
séances, ou user de mauvais procédés; « ambition » de Vulg. n'est pas le vrai 
sens, — où Enret Tù Éautis, et non pas tè ph £., comme on lit dans B et Clem. Alex, 
« Paedag. » nt 3, 2 (mais « Quis dives salvatur », 88, 1 cet écrivain supprime le 
un). — où koyiGerar td xaxdv : nous l'entendons, à cause du v. 6 (infra), au sens de : 
« elle ne fait point entrer le mal dans ses calculs ou ses projets »; la Vulg. ne le 
rend que ‘très approximativement, avec « non cogitat malum ». 

À. 6. Gdria et &Anfela formant une antithèse, je ne crois pas devoir entendre 
&An0ela de la vérité générale de l'Évangile, comme l'ont fait Cornely, Bisping, Heinrici, 
Bachmann, car c'est banal à force d'évidence; ce mot, ici, a plutôt le sens moral de 
« justice », parce que La vérité divine est la source de la justice humaine, et que 
ceux qui aiment l'injustice se détournent de cette vérité (ainsi ÆEstius, Lap., 
Messmer, al.; cfr. Rom. 1, 18; 1, 8; II Thess. 11, 10, 12; voir Rob.-Pl.). 

B. 5-6. La charité ne se contente pas de respecter Les droits du prochain (ce que 
ne faisait pas tout le monde dans cette église, voir vi, 8, Lietzmann); elle évite 
encore de mêler à sa justice aucun procédé désagréable ou blessant. Non seulement 
elle ne convoite pas ce qui n’est pas à elle (leçon de B), mais elle est désintéressée, 
et ne défend pas avec acharnement son bien propre; elle n'a pas de rancune ni 
d’aigreur contre les ennemis ou ceux qui ont violé ses lois. Enfin, ce n'est pas assez 
de dire qu'elle n’'enregistre pas (Aoylçeræ) le mal qui lui est fait (Roë.-Pl., Gutjahr, 
Sickenberger), mais « elle ne tient compte du mal » (Loisy) ou « elle ne compte 
pas sur le mal », comme ces vertueux pessimistes qui n'attendent rien de bon de 
leur prochain, ou les gens bien pensants qui escomptent et bénissent le mal fait 
par leurs adversaires, comme adjuvant du succès de leur bonne cause, Cette inter- 
prétation coïncide bien avec Le « elle croit tout » du v. 7. Il est dit immédiatement 
après : « Elle ne se réjouit pas de l'injustice » commise contre ses adversaires 
ou par eux, comme pour prendre sa revanche, par rancune, ou par la satisfaction 
du mépris et l’orgueil d'une comparaison à son avantage, maïs elle sympathise 
avec la « vérité », où que ce soit qu'elle la rencontre. Saint Paul lui-même en 
donna l'exemple d'une façon illustre, en face des adversaires chrétiens qu'il devait 
trouver à Rome (Phil, 1, 15-19). 

B. ‘7. Paul termine sa description, négative jusqu'ici, par quatre verbes 
affirmatifs ; ils doivent exprimer le contraire des défauts qui ont été niés ci-dessus. 
Aussi, pour que la description soit cohérente, vaut-il mieux ne pas les rapporter 
directement à l'amour de Dieu, à la suite des Latins médiévaux, Zombard, etc, La 
charité excuse tout (« couvre, dissimule » otéyet) se tait sur le mal : elle « croit » 
tout, faisant crédit même avant d'être sûre que les autres le méritent; elle « espère » 
tout, même des hommes, tant qu'il n'y a pas lieu de désespérer, et elle « supporte », 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XIII, 6-10. 347 


elle n’a pas d’aigreur, elle ne fait pas fond sur le mal, 6. elle ne se réjouit 
pas de l'injustice, mais se réjouit avec la vérité; 7. elle excuse tout, 
elle croit tout, elle espère tout, elle supporte tout. 

8. La charité jamais ne tombe [de son rang]; qu'il s'agisse de prophé- 
ties, elles deviendront inutiles; qu'il s'agisse de langues, elles cesseront; 
qu’il s'agisse de gnose, elle deviendra inutile. 9. Car c’est partiellement 
que nous connaissons, et nos prophéties ne sont que partielles; 10. 
mais quand sera venu l'achèvement, ce qui est partiel deviendra inutile. 


en attendant, les froideurs, les avanies qui ne peuvent manquer à qui la pratique, et 
les démentis infligés à sa « foi ». et à « son espérance ». 

Avons-nous amenuisé les défauts que Paul combat? Mais il faut se souvenir qu'il 
s'adressait à une communauté composée, somme toute, dans l'ensemble, de gens de 
bonne volonté, qui n'avaient pas besoin qu'on leur apprit l'essentiel des vertus 
chrétiennes. La lexicographie est en faveur de toutes nos interprétations. 

Encore une remarque. L’Apôtre, qui n'avait l'intention d'enseigner qu'une 
conduite surnaturelle, en est venu à tracer le plus beau portrait de « l’honnête 
homme », de « l’homme du monde » au meilleur sens, du « gentleman », comme on 
dirait aujourd’hui, .ou, comme disaient les Grecs, du « Kalos kagathos »; — ce qu'il 
était lui-même, pouvons-nous croire, déjà par son naturel et son éducation, malgré 
le zèle emporté des temps de sa jeunesse aveuglée. La grâce perfectionne toutes les 
qualités naturelles, dans leur propre ligne. 

Le mieux qu'on trouverait à comparer chez les Juifs, ce sont quelques conseils 
du livre inspiré de l'Ecclésiastique, ici affinés par l'esprit du « Sermon sur la Mon- 
tagne ». 

Maintenant, à la « troisième strophe », la délicatesse et la chaleur du moraliste 
surnaturel vont le céder au plus sublime élan lyrique du mystique et du théologien. 

—— A. 8. On lit rirte N, À, B, C, Clem. Al. (« Paed. »), et éxnintet D, G, K, L, 
P, Clem. Al, (« Quis dives »), Chrys., Tert.. latt., vule. (excidit); nous préférons, 
avec Bachmann, Vogels, cette seconde lecture, qui n'est pas seulement « occiden- 
tale ». — Il faut mettre des virgules après rpopntetu, yAGosu, yvüsts; le style de 
Paul est ici rapide, elliptique, et très vif. — xatapy., mot fréquent dans cette épiître, 
aux chap. 1, 11, vi, Xv, et partout chez Paul. 

B 8. Voici le sommet de cet hymne enthousiaste. La charité, qui est maintenant 
si haut (440 uxepfBokñv 606% x11, 31), jamais ne déchoira (ex-mmtet). Elle possède une 
éternelle valeur, tandis qu'un jour il n'y aura plus lieu d’user de prophéties, de 
langues, ni de gnose (ici Paul ne suit pas l'ordre de dignité) pour communiquer 
avec Dieu ni servir les hommes. 

—— B. 9. La raison en est que ce sont des choses d'ici-bas, quoiqu'elles 
fassent un lien avec le ciel. La connaissance que donne notre science ou notre 
« gnose » (yivcisroper rappelle yvüow) n'est que partielle, fragmentaire, non totale et 
intuitive; de même la prophétie, même sous sa forme la plus haute, ne peut faire 
connaître qu'une toute petite part des secrets divins. 

J. Weiss prétend que, si notre chapitre était en connexion naturelle avec xit et 
XIV, Paul aurait dû parler encore en ce verset de la « glossolalie ». L'argument 
est très faible; si l'Apôtre néglige ici de faire mention des langues, c'est qu'elles 
étaient peu de chose à ses yeux à côté de la prophétie et de la science (Bachmann), 
et cette prétermission, qui est peut-être voulue, a beaucoup de signification. 

— B, 10. Quelle solennité, quelle ferveur profonde et concentrée de désir il 


348 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XII, 31?-xux, 1-13. 


oerar. 11. Ore “Aumv vérios, EAGhoUY De vérios, Epphvouv be vémios, EkoyuÉéuny 
de vmos" Dre Véyova àvhp, xarhpynra Ta voù vamiou. 12. Bhérouey vap äpre 
> \ L . » A 
“O0 éobmtpou Ev aivéypatt, Tôte DÈ mpéowmoy mpès mpécuwrov" dptt Yivwoxw Ex. 
LA 


S , * s * 
mépous, vote 0 Emryywoomat af at Emeyrwobnv. 13. “Nuvi dE “péver téotis, 
Ehris, dyérn, Ta Tola Taïta’ pelluv DE roiruv à &yarn. 


y a dans ces simples mots : « Mais, quand sera venue la perfection, to téhetov.., »! 
Le tékewv, le « complet », l’ « achevé », le « final », c'est la totalité de ce qui est 
parfait, soit en morale (Rom. xu, 2), soit, comme ici, en n'importe quel genre de 
connaissance et d’être. Il faut l'entendre de la perfection dans l’autre monde, de 
la vue dé Dieu (v. 12 infra) et de la béatitude qui en découle. Cela s'oppose aux 
fragments de science divine et de bonheur spirituel dont on peut jouir ici-bas, 
comme la fleur épanouie ou le fruit au germe. Alors tout ce qui, dans sa définition, 
n'est que partiel (ëx uépous), n'aura plus de rôle à jouer, et disparaitra, comme 
l'aurore se perd dans le plein jour. 

Aux premiers chapitres, (1, 6, cfr. nt, 1-3, v, ad loc.), l'auteur avait employé ce 
terme téletoe, appliqué aux hommes, dans le sens d’« adulte » (spirituel) en opposi- 
.tion à « enfant », véxtos, céprivos. Cette antithèse est toujours dans sa pensée, comme 
on va le voir au v. 11. Seulement, ce ne sont plus ici les ambitieux de « sagesse », 

ce sont les « pneumatiques » eux-mêmes, y compris les meilleurs, doués d’une 
vraie charité, qui sont encore à l'état d'enfants, vimi, en comparaison de l’état 
auquel ils doivent aspirer de tous leurs vœux. 

A. 11. fun’, imparfait non-classique, formé dans la xow4 (mais employé 
parfois même chez les atticistes, Abel, p. 82), sur le modèle du moyen athématique. 
_B. 11. En disant « lorsque j'étais enfant », Paul sous-entend : « comme vous 
. l'êtes dans l'ordre spirituel (cfr. 1, 1-3), avec votre convoitise de dons tout 
extérieurs par lesquels vous pensez être constitués adultes parfaits ». Il s'exprime 
avec une grande élévation, qui empêche tout soupçon d'ironie méchante, mais il 
leur donne cependant, comme aux premiers chapitres, une leçon très grave. 

Les qualités spécifiques de l'enfant, fussent-elles les plus aimables et les plus 
précieuses pour l'état où il est, ne conviennent cependant plus à l’homme fait. 
Ainsi en est-il de la possession des charismes, qui n'auront plus de place à l’âge 
parfait des élus. On voit comme la mystique de Paul est différente, quoi qu'en ait 
pensé Rettzenstein et son école, de celle des hermétistes et autres’ païens qui 
croyaient, grâce à leurs « révélations », atteindre l'état définitif dès ici-bas. Cfr. 
Phil, 11, 48, où Paul déclare si expressément que toute sa vie se passe à tendre 
vers quelque chose de meilleur, vu qu'il a trop conscience de n'être pas un 
« comprehensor », de n'avoir pas tout saisi. 

Dans une des publications de la « Bibliothèque Warburg : », le protestant K. L. 
SCHMIDT (1) à montré excellemment (si l’on fait abstraction du faux point de vue 
de la « théologie dialectique » de Barth), que l'helléniste Paul de Tarse a sauvé le 
christianisme de la fusion et de la perte dans l’hellénisme, en ramenant à l'éthique 
. et à la poursuite d'un Absolu encore distant toute tendance mystique vers la 
perfection. Ce qui ne l'a point empêché d'utiliser les procédés ct le langage des 
moralistes hellénistiques; J. Weiss rappelle la fréquence de l’antithèse « enfant- 
homme » chez Épictète, dans toute la « diatribe », chez Philon aussi. 

A. 12. Kai ajouté après écéntpou, L, P, al. — à? ëcérrpov signifie : « au moyen 


(1) Karl Ludwig ScamioT, Der Apostel Paulus und die antike Welt, Bibliothek Warburg, 
Vorträge 1924-1925, pp. 38-64. 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XIII, 41-13. 349 


11. Lorsque j'étais petit enfant, je parlais en petit enfant, je pensais en 
petit enfant, je calculais en petit enfant; lorsque je suis devenu homme, 
j'ai rejeté comme inutile ce qui était du petit enfant. 19. Pour le moment, 
en effet, nous regardons dans un miroir, en énigme, mais alors [ce sera] 
face à face; pour le moment je connais partiellement, mais alors je recon- 
paitrai de la même manière que j'ai été reconnu. 13. Au temps présent, 
subsistent bien la foi, l'espérance, [a charité, ces trois choses; mais la 
plus grande d’entre elles est la charité. 


‘un miroir », et non « à travers un Écortpov » (Rob.-Pl.); car ce mot (cfr. Jac. 1, 23, 
il n'est pas ailleurs dans le N. T.) signifie « miroir », et non une fenêtre semi- 
transparente, « specular » comme l’expliquait Tertullien; le mot requis en ce cas 
serait, non eloorthov, mais Glontpov (voir surtout Bachmann), — rodowzov xpds npdo., cfr. 
Num. xu, 8, otôpa pds atdua, et la paraphrase du Targum d'Onkelos (Str.-Bill.); surtout 
cfr. I Jean ut, 2, 6bépela adrov naduis cru, « videbimus Eum sicuti est »; êv aiviyuart : ce 
n'est certainement pas une glose, contre Preuschen, ou J. Weiss; le Targum dit que 
Moïse ne vit pas Dieu « en énigmes », {112 

B. 12. Voici un verset de la plus haute importance doctrinale, qui contient, aussi 
expressément que Ï Jean nr, 2, la sublime promesse de la vision de Dieu face à 
face. ; 

-Ici-bas, quel que soit notre développement spirituel, nous ne connaissons Dieu 
qu'indirectement, comme par le reflet d'un miroir. La figure n'est pas si difficile à 
comprendre, Il n'y a certainement aucune allusion aux visions dans les miroirs 
magiques (contre Achelis, « Katoptromancie bei Paulus », 1918). Dans un miroir, 
si parfaitement poli qu’on le suppose, on ne voit pas l'objet lui-même, mais son 
image, son apparence; et Bousset ne dépasse peut-être pas les limites de l’ingénio- 
sité permise, en ajoutant que celui qui regarde une glace, s'il est tourné vers sa 
propre image, tourne le dos aux autres personnes ou objets qu'il y perçoit, il ne 
les regarde pas « face à face ». Ainsi, dans la vie présente, nous ne pouvons 
regarder Dieu que dans son reflet, plus ou moins trouble, et le champ du miroir 
est trop restreint pour que l'immensité divine s’y reverbère. Nous ne le voyons que 
dans ses œuvres (Rom. 1, 20), ou tout au plus en ses opérations dans notre âme, ct 
c'est par une réflexion, si facile et spontanée qu'elle puisse être, que nous en 
coneluons les perfections invisibles de leur cause. On peut done bien dire que nous 
ne le voyons que dans une « énigme » qu'il faut deviner; la théologie thomiste 
dirait que nous connaissons Dieu seulement par « analogie ». Philon donnait à peu 
près la même comparaison : 6 yap did narémtpou pavtastobtat 6 voÿs Dedy Bodivra za 
2oauomotoëvra at täv GAwv érerponeboyra (« De Decalogo », 105; voir d'autres passages 
du même chez J. Weiss). 

« Mais, alors », continue l’auteur inspiré en donnant une grande expression à ce 
simple mot, « alors que sera venu l'achèvement (v. 10), nous verrons face à face, 
(et bien mieux que Moïse, car cette vue durera toujours); au lieu de ne connaître 
que par des reflets ou réflexions, en énigmes multiples et fragmentaires, je con- 
naîtrai en toute exactitude (Erryaouat), selon que (xaûois) j'ai été connu de même »; 
cela implique une réciprocité de connaissance qui évidemment, du côté de l'homme, 
ne peut être égale à celle de Dieu, mais qui sera proportionnée à la connaissance 
d'amour (voir à vin, 3, Éyvoota) que Dieu a prise de lui. — Ge sera l'effet de la 
charité, destinée à « ne déchoir jamais », et qui sera devenue, alors! une amitié 
éternelle. 


350 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XIII. 


———… À, 13. On a discuté beaucoup sur le sens de wvi dé; nous croyons nécessaire 
de lui donner une signification, non logique, mais temporelle; voir infra, B. 
teitwv pour le superlatif peyisrn, car uéyioros était tombé en désuétude à l'époque 
hellénistique. 

B. 13. La charité, qui mène à la vision | éternelle. est supérieure même à la foi et 
à l'espérance, à ces ‘grandes vertus qui ont aussi Dieu pour objet, et que l’Apôtre, 
ailleurs, a tant exaltées. 

Ce verset si court, et qui termine si bien l'éloge de la charité, a été tiré dans 
tous les sens par les exégètes modernes. Presque tous les protestants, et même 
des cathollques (au moins le commentaire de Toussaint sur I Cor., d'autres 
esquivent la difficulté) ont cru que le mot « demeure », péver, oppose la triade de 
ces vertus à l’ensemble des « charismes », comme jouissant d'une durée stable 
tandis que les charismes sont passagers; et, comme les charismes caractérisent la 
vie présente, il s'agirait, pour la foi, l'espérance et la charité, d'une permanence 
éternelle. Ainsi comprennent Lietzmann, Rob.-Pl., Bachmann, Toussaint, al. Mais ils 
sont très embarrassés alors pour expliquer cette assertion de l'Apôtre; même après 
avoir réduit vwvt & à une simple signification de particule conclusive, comment 
admettre que Paul fasse durer éternellement la foi et l'espérance, lorsqu'il a dit 
si clairement ailleurs qu'elles passeront avec cette vie (Rom. vi, 24; IT Cor. v,7; 
cfr. Aeb. x1, 1), et que le verset précédent exclut pour l'autre vie l'obscurité 
inhérente à la foi? Il ne suffit certes pas de s'en tirer, comme Bachmann, en parlant. 
de la persistance de leurs effets, et d’une « foi » qui ne serait plus « la 
certitude d’un invisible » ou, comme T'oussaint, de laisser la question à trancher 
aux théologiens, ou de recourir, avec Rob.-Pl., à la possibilité d’un progrès dans la 
connaissance céleste. 

De fait, le problème nous paraît artificiel. 

Nuvi ici est un adverbe de temps, et s'oppose à véte de 12; il n'y a là contre 
aucune raison a priori tirée de la grammaire grecque, ou de l'usige paulinien. Les 
mots wv(:) dé servent bien à introduire une conclusion logique Rom. vu, 17; 1 Cor. v, 
11; x, 48; xv, 20 (xiv, 6 est douteux, et vüv pourrait indiquer ici l'avenir prochain. 
quand Paul fera la visite annoncée, v. ad loc); mais, bien plus souvent, ils ont leur 
sens temporel ordinaire, Rom. vi, 22; vu, 6; xv, 23, 25; II Cor. vin, 114, 22; Ep. 1, 
13; Col. 1, 21, 26; it, 8; Philénon, 9,41. 

Quant à pévety, il signifie « subsister », mais personne n'ira dire que ce soit néces- 
sairement une subsistance sans fin, malgé Reitzenstein, qui déclare (HM3, p. 384) : 
« Pour une. interprétation non prévenue, cela ne pouvait vouloir dire qu'une chose : 
[ces vertus] demeurent dans l’Au-Delà », 

L'équilibre du développement, pourra-t- on dire, empêche de penser à un ww 
temporel opposé à rôre; car ce vôtre avait déjà son corrélatif, le &prt du v. 12. 
C'est ne pas voir que ce vw£ peut (et doit) se confondre exactement pour le sens 
avec cet &ptt précédent : au v. 12 il était question de la vision « en énigme »; or, cette 
vision n'est autre que celle de la foi. La foi, l'espérance qui l'accompagne, et 
les charismes qui mettent en exercice la foi et l'espérance, tout cela caractérise 
le temps présent (ä&prtt, vwl) où l’on ne voit pas encore Dieu; tout cela sera aboli 
ensemble, parce que les charismes sont essentiellement joints au régime actuel 
de la foi et de l'espérance (1). IL ne faut pas opposer la condition de la foi et de 


(1) Ne mentionnons que. pour mémoire l'opinion d’ Osiander, qui entendait vuvi du cours 
actuel de l'histoire, puis des « Mille Ans », pendant lesquels, les charismes cessant, la foi et 
l'espérance subsisteraient, pour ne disparaitre qu'à la Résurrection générale. L'idée d'un 
pareil Règne intermédiaire avant la consommalion est entièrement étrangère à Paul (Voir 
au ch. XV, EXC. xviIl). 


. ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XIII. 351 


l'espérance, qui « resteraient », à celle des charismes qui ne « resteraient pas ». 
Nulle part le texte ne dit que les charismes doivent cesser au cours de l'histoire 
terrestre (contre Æolsten, Heinrici, Meyer, al.) ; pévet ne marque pas une opposition 
avec les charismes. (Id. J. Weiss). | 

Alors, que peut-il signifier? Paul a dit ci-dessus (v. 8) que la charité, au contraire 
des dons, ne passera pas. Maïs, si la charité, telle que nous la connaissons ici-bas, 
est déjà indépendante des charismes, elle ne l’est point des deux autres vertus, la 
foi et l'espérance. C'est toujours ensemble que les trois subsistent (uévwe); cette 
triade paraît indissoluble ; péver.… pla rare signifie : « ces trois-là restent liées », 
et la charité paraît subir quelque imperfection de ce contact. Oui, mais ce n'est 
que pour le temps présent (wvi); quand il sera écoulé, la triade ne subsistera plus, 
où pevet, voilà l'opposition qui est dans la pensée de Paul; mais la charité, elle, 
durera toujours, dans un splendide isolement, dégagée des compagnes et soutiens 
actuels, parce qu'elle est la plus grande des trois (ueitwv GE toitwv). : 

Paul a donc parlé, à la fin de son hymne, des deux autres vertus théologales, non 
pour en opposer la durée à celle des charismes, maïs parce que le nom de 
« charité » évoquait aussitôt, par une association d'idées déjà vieille, ceux de « foi » 
et d’« espérance ». Le v. 12 avait déjà appelé sa pensée sur la foi (et l'espérance), 
autant et plus que sur les charismes, dont le sort futur était déjà réglé au v. 8. Il a voulu 
dire — suprême gloire de la charité — qn'elle subsistera même alors que ses deux 
sœurs, qui appartiennent ‘encore à l’état d’« enfant », auront fini leur rôle: celà est 
dit implicitement dans la dernière proposition enthousiaste : « Elle est la plus 
grande », répondant seule au téketov, à la perfection d’« alors »! 

Ainsi, vw au sens temporel, pour désigner la vie terrestre, est parfaitement en 
situation. Il faut le traduire par « maintenant », ou un terme similaire, comme l'ont 
compris s. Chrysostome et les anciens et les médiévaux, puis Cornely, Sales, 
Guijahr, Callan (« now, in the present day »), presque tous les catholiques, et 
même Harnack (1), — et non par « donc », « il reste donc » (Toussaint), « or donc 
demeurent... » (Loisy), « donc elles sont stables », (Lemonnyer, en 1905 mais non 
en 1922), Lietzmann, etc. 

En toute assurance, nous paraphraserons ainsi ce v. 13 : 

« Il est vrai que pour le temps présent — à [a différence d’« alors », — subsistent 
ensemble trois vertus qui paraissent inséparables : Ia Foi, l'Espéranee, la Charité; 
et cette triade implique en soi de l'imperfection ; aussi la foi « en énigme », et l'espé- 
rance qui ne tient pas ce qu'elle désire (Rom. vin, 24), celles-là tomberont; mais l’une 
des trois subsistera seule « alors », parce qu'elle est la plus grande, nullement liée 
à l'état d’« enfance », d'obscurité, d'attente, et de perfection « partielle » seulement, 
parce qu'elle est au contraire la vertu définitive et parfaite, rendant capable de voir 


Dieu : c'est la Charité ».. 
Le « Cantique de la Charité » ne pouvait finir sur une note plus vibrante, 


Ÿ 


EXC. XIV. — D'OÙ VIENT LA TRIADE &« FOI — ESPÉRANCE — CHARITÉ » ? 
| \ 
Une autre question, importante pour l'histoire de la doctrine paulinienne, 
est aujoud’hui fort débattue à propos de ce verset 13. Paul unit les trois noms, 
& {oi — espérance — charité », comme si c'était une formule reçue depuis 


(1) A. von HannaoK, Sitsungsberichte der Berliner Akademie der Wissenschaften, 1911, 
Pp. 132-163. Mais il s'embarrasse à vouloir établir une distinction entre la Gurée des dons el 
celle de La foi et de la charité, toujours à cause da péva qu'il croit opposé à xarapynôñoov- 
Tai xTh, du v. 8. 


352 | ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XIII. 


longtemps de ses lecteurs : pla rabraæ, « ces trois choses [que vous connaissez 
bien] ». D'où vient la triade, et est-ce Paul lui-même qui l’a formée? 

Il ne l'aurait point formée, en tout cas, à cette occasion-là et à l'usage des 
Corinthiens les premiers. D'abord sa façon de l'introduire exclut cette hypothèse. 
Puis elle paraît ailleurs dans les épitres, et, notons-le, dans la Première aux 
Thessaloniciens déjà, qui est antérieure à notre lettre : 

I Thess. 1, 3 : pvnpovevovtes Gpbv ToÙ Épyou T6 TIOTEUWG xat voë xémou TAG dydrns 
Xu\ TAG sv TAG EkmÔog où xbp. fu. ’I. X. 

Ibid. v, 8 : évôvoduevor dwpaxa micrews rai dydnnç nat nepixepahaiav Ar cwrnplac. 

‘ Dans la seconde citation surtout, les mots sont si serrés qu'ils constituent 
presque une formule comparable à celle de Cor.; si l'espérance est nommée 
non la seconde, mais la troisième, c'est à cause des versets suivants, qui traitent 
du salut; r, 3 l’idée est orientée vers l'attente du Christ, quoiqu'il n’en soit 
question expressément qu’au v. 10. Reitzenstein n'est donc pas fondé à objecter 
(HMS, p. 390) que Paul n'avait pas l'intention de frapper là une formule; nous 
voulons bien, mais il a tout l'air au moins de se servir d'une formule qui était 
frappée déjà. 

Viennent ensuite Gal. v, 5-s.; Rom. xu, 6, 9, 12; Ep. 1, 15-18; 1v, 2-5; 
Col. 1, k-suiv.; cfr. encore Æeb. vr, 10-12; x, 22-24; 1 Pet. 1, 7-8; 21-ss. Ces 
textes peuvent être moins serrés que les deux premiers; mais aux Galates, 
comme aux Romains, aux Colossiens et autres fidèles d'Asie-Mineure, Paul 
rappelle les trois vertus associées, comme un groupe qui leur est familier, à eux 
qui n'avaient sans doute pas lu les lettres destinées à Thessalonique et à 
Corinthe. Et que dire de l'Epître aux Hébreux et de celle de Pierre? Il apparaît 
clairement que la formule n’a pas été « frappée » pour les Corinthiens, puisque 

“tous leurs frères dans la foi paraissent avoir été habitués à l'entendre. L'associa- 
tion paraît d'autant plus consacrée par le temps et l'usage, qu'un nom appelle 
l'autre sans que l'auteur, semble-t-il, l'ait calculé. 

Or, d'où pouvait provenir ce groupement constant des trois vertus? 

Ce n'était point des Juifs ni du rabbinisme ; là, les plus grandes vertus sont la 
« piété » et l« humilité ». On le trouvera établi dans Strack-Billerbeck, ad loc. 

Était-ce de l'hellénisme? Reïtzenstein a voulu le démontrer (1). D'après le 
brillant érudit, Paul aurait trouvé à Corinthe, courante parmi ses fidèles et 
choyée peut-être surtout par ceux qu'il combattait, une formule à quatre 
membres contenant la « gnose »; il aurait simplement supprimé la « gnose », 
non qu'il cessât de la considérer (avec les hermétistes, v. Exc. v) comme une 
« vision », mais, affaiblissant dans la: circonstance le sens qu'il donnait à ce 
mot d'habitude, en faisant de cette « gnose » une vision encore trop partielle. 
Il leur enseigne. à mettre bien au-dessus la « charité », qui mène seule à la 
vision complète (et qui est nécessairement accompagnée de foi et d'espérance). 
Cela n’était pas hellénistique, mais authentiquement chrétien, authentiquement 
paulinien, dit notre auteur à la fin : « Nulle part l'Apôtre n'est si proche de 
nous que dans ce combat contre l'hellénisme » (p. 391). 


(1) R. ReIZENSTEIN, Die hellenistischen IMysterienreligionen (3 Auft., 1927, pp. 383-393). 
11 y condense des idées exposées dans plusieurs de ses travaux antérieurs. Lietzmann 1es 
adopte dans la 2° édition de son commentaire, 1923. 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XIII. 353 


Ce dernier mot est juste et louable, il nous rappelle l'appréciation de Schmidt 
(supra). Mais toute la construction n’en est pas moins caduque. R. explique la 
prétendue formule à à quatre membres des Corinthiens par un recours à Por- 
phyre, qui parle de #ioriç, &An0ela, Ep, EAmte (« Ad Marcellam », 24). Le philo- 
sophe païen n'aurait pas inventé lui-même sa formule, car avant lui, chez 
Clément d'Alexandrie (« Strom. » vir, 57, 4), nous trouvons coordonnées la foi, 
monte, la « gnose » (— ädhnfela) et l'amour, äyéry (— pu). Clément n’a pas dû 
emprunter cela à Paul, ni — malgré Corssen, — Y'inventer; R. oublie que, sous 
des influences hellénistiques, le docteur alexandrin pouvait fort bien mêler de sa 
propre initiative la « gnose » à des données chrétiennes de la tradition. Puis, 
par Philon, Mani, il établit toute une filiation, où malheureusement il se laisse 
guider surtout par son flair trop connu, pour supposer finalement une source 
iranienne très antique (naturellement! mais il ne s'appuie guère que sur les 
documents d'âge très tardif découverts dans l'Asie Centrale), une énumération 
de cing éléments, qui, en se modifiant ou se simplifiant de manières diverses, : 
aurait passé aux Corinthiens, à Clément, à Porphyre, — et, par Corinthe, à 
Paul, qui aurait, appuyé sur son expérience, et méfiant de la « gnose » de ses 
néophytes, précisé qu’il fallait donner la préséance sur tous les dons, à « ces 
trois », à ces trois seulement, la foi, l'espérance et la charité. 

11 suffit, pour rejeter cette théorie, de rappeler les textes de la lettre à 
Thessalonique, sans parler de ceux des autres épitrés. 

En fin de compte, la familiarité que saint Paul ét ses fidèles paraissent avoir 
eue avec la triade de nos « vertus théologales » ré peut s'expliquer qu'en 
remontant à une formule des tout premiers temps de l'Église (Sickenber ger, 
Bachmann, Harnack, « Ueber den Ursprung der Formel Glaube, Liebe, 
Hoffnung », Preuss. Jahrbücher, 1916, J. Weiss, p. 320, al.). C'est peut-être le 
Seigneur lui-même qui l'avait « frappée »; Resch avait même supposé un 
«agraphon » (mais sans raison démonstrative). En tout cas, le groupement par 
trois ne suffit pas à faire supposer, avec Vorden (« Agnostos Theos », p. 352-s5., 
1913) une influence des religions à mystères sur sa forme. L'analyse la moins 
compliquée de la vie et de l'expérience chrétiennes, c'était bien assez pour mettre 
tout à fait à part ces trois vertus solidaires, d’où dépendait tout le salut, alors 
comme aujourd’hui. 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, 53 


” C. Paul compare deux charismes : « la prophétie » et la « glossolalie », 
et réglemente l'usage de l’un et de l'autre dans les assemblées (ch. x1v). 


Ixr. De ces hauteurs, l'Apôtre redescend aux considérations les plus pratiques, 
estimant que les Corinthiens doivent désormais le comprendre. Admirons encore une 
fois sa souplesse, qui se mélera ici d'un humour calme, mais très pénétrant et très 
propre à ramener les exaltés au bon sens, lequel ne perd jamais ses droits chez les 
vrais mystiques. 

Deux dons étaient particulièrement convoités : la « prophétie » et la « glossolalie » 
(comme on dit de nos jours), celle-ci surtout. Paul prouve d’abord que la première 
devrait être plus estimée que la seconde, parce qu'elle est plus directement et süre- 
ment utile à la communauté; c’est le principe des ch. XIT et XIIT concrétisé dans les 
faits. Mais l'agitation de certains « pneumatiques », chez qui l’humain, sinon le 
païen, se mêle encore trop au divin, — et dont quelques-uns même peuvent étre des 
simulateurs ou des exaltés très profanes, — exige une réglementation de leurs 
attitudes dans le culte public. Paul les rappelle, comme à propos de la tenue des 
femmes et de la célébration de l'Eucharistie, à la discipline commune, aux « tradi- 
tions » des églises, 

Nous apprenons ainsi (et d’autres épitres le confirment) qu'il y avait à Corinthe, 
ailleurs aussi, des réunions consacrées aux manifestations charismatiques. Quel en 
était le rapport avec le « repas du Seigneur »? C'est là une question historique 
intéressante, malheureusement assez obscure. En tout cas, ce chapitre forme le plus 
précieux document, que rien ne remplacerait, pour l'histoire de l'Église primitive. 

Nous savons déjà à peu près ce qu'était la « prophétie »; cette instruction le 
précise. Quant à la « glossolalie », elle est bien plus mystérieuse, et il n'y a 
aucune vraie « tradition » ecclésiastique qui en explique la nature; il faut donc 
tâcher de la définir par une analyse minutieuse du texte. Nous verrons ce qu’elle 
pouvait avoir de commun avec le grand miracle.des langues, à la Pentecôte, etce 
qui l'en différenciait. Il faudra pour cela un Excursus. 

Ce qui est très clair dès la première lecture, c'est que Paul se fait encore ici le 
défenseur du bon sens, de l'ordre, et de la charité qui rend tous les croyants solidaires. 
Il pourchasse impitoyablement les derniers vestiges d'égoïsme, de vanité et déséqui- 
libre païens. Nulle part mieux qu'icine se révèle son esprit profondément pratique 
de psychologue et d'organisateur, indulgent mais ferme, et toujours baigné dans la 
lumière des vérités suprêmes. La « folie religieuse » n'a jamais trouvé, même chez 
les théologiens les plus rassis et les mystiques les plus classiques, d'adversaire plus 
décidé. 

Son instruction peut se diviser en deux parties : 

19 Paul compare les deux charismes de prophétie er de glossolalie [du v. 1 au v. 25): 

1-5. i/ montre que, des deux, le don de prophétie est le plus désirable, parce qu'il 
est plus utile; 

6-12. que la ‘glossolalie ne sert à rien pour le bien général de l'Éclise tant qu'elle: 
demeure inintelligible ; 

8-19. le « pneuma » des glossolales exige donc un commentaire du vos, ou enten- 
dement; 

20-25. la glossolalie, toute seule et se refusant à l'explication en langage intelli- 
gible, serait un « signe » menaçant, et plutôt nuisible; — la vraie prophétie, au 
contraire, est toujours utile. 

20 Ensuite il règlemente l'usage de ces deux charismes (26 à 40) : 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XIV. 355 


26-33. Il fire l'ordre à observer dans leurs manifestations ; 

34-35. il interdit aux femmes d'y prendre part; 

36-38. il réprimande les Corinthiens au sujet du particularisme qu'ils étalent encore 
en ce domaine; 


39-40. il conclut qu'il ne faut pas prohiber la glossolalie, mais veiller avec soin au 
bon ordre des assemblées de paroles. 


Et aïnsi se terminent les chapitres, si instructifs et profonds, sur les « dons de 
grâce ». 


A. 1. — Auinete, EndAote, étant des présents, signifient la continuation d'actes 
commencés déjà; — rù nveuu. coordonné à va, « oratio variata ». 

B. 1. Le principal devoir de tout chrétien est donc de « poursuivre » la charité, 

comme une proie qu'il est indispensable de saisir; à côté de cette obligation, Paul 
concède qu'on peut rechercher les « dons pneumatiques », en demander la possesæ 
sion à Dieu, pour mieux servir l'Église. 11 en est un surtout qui serait l’objet d'une 
ambition très légitime, celui de « prophétie » (au sens que nous verrons au v. 3); 
car il est éminemment utile, beaucoup plus que le « parler en langues » dont il va 
être question. On ne peut s'empêcher de sentir déjà une certaine malice dans ce 
conseil : la prophétie (sous n'importe quelle forme) était beaucoup moins aisée à 
simuler que la « glossolalie » (v. infra). 
A. 2.D,E, F, G, al., portent AïAüy yAoozt, au lieu du singulier Xak. yAtdoon. 
Le même singulier réapparaît vv. #4, 13, 19, 26, 27 (9 a un sens différent), tandis que le 
pluriel a toujours été employé aux chapp. xt et xrnr, et Le sera x1v, 5, 6, 18, 22, 23, 39; il 
ne peut y avoir là aucune différence de sens (v. Exc. xv). Pour mieux marquer le 
caractère spécifique de ce don mystérieux, les modernes ont fabriqué sur l'expres- 
sion yAëgon kakeïv le substantif « glossolalie », qui est assez passé dans l'usage pour 
que nous l'employions, le cas échéant, dans notre traduction et notre commentaire; 
mais nous traduirons aussi à la lettre « parler-en-langues », en mettant des guil- 
lemets. - &xobe au sens de « comprendre », comme Act. xx, 9 (Ace. 1x, 7, le verbe 
ne signifie que « entendre »). — nveuatt Ôè xrÀ. appartient encore à ce verset, contre 
Vulgate. 

B. 2. Paul commence ici à marquer les caractères du « glossolale », pour montrer 
que son action ne vaut pas celle du « prophète » : il ne converse qu'avec Dieu, reste 
incompris des hommes, et « parle mystères », c'est-à-dire de choses secrètes, et 
cela « par l'esprit ». Ici le rveüua (cfr. 14) n'est pas le Saint-Esprit ni le principe de 
la vie spirituelle (voir Gutjahr, contre Schaefer), car ce don n'exigeait pas la 
sainteté et n'était pas sanctifiant de soi; mais c'est la partie la plus haute de 
l'intelligence, opérant, à l'exclusion des opérations discursives, sous l'influence 
transitoire de l'Esprit divin (v. Exc. v). 

Paul parle donc ici de Ja « glossolalie » spirituellement authentique, et non de ses 
possibles contrefaçons; même à la prendre ainsi,.il lui assignera un rang inférieur. 
Sickenberger note avec raison, pour tout le morceau, que le « discernement des 
esprits » était bien nécessaire en face d’un phénomène sous lequel pouvaient facile- 
ment se trouver des agents occultes — ou d'ordre naturel — bien différents de 
l'Esprit divin. 

Qu'était-ce done que cette glossolalie ? Il faudra unc dissertation spéciale pour 
le tirer au clair (Exc. xv); ici nous ne dirons que ce qui est essentiel à l'intelligence 
du texte, Une longue tradition d'exégèse (non pas doctrinale, ni « historique ») l'a 
assimilée au miracle des langues à la Pentecôte; le glossolale aurait joui par 
moments de la faculté surnaturelle de s'exprimer en langues étrangères qu'il n'avait 
jmais apprises. Mais cette interprétation cost de plus en plus abandonnée, 


356 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XIV, 4-25. 
1° Comparaison de la « glossolalie » et de la prophétie (xiv, 1-25). 


* 3 … x , > y € 
CH. XIV, 1. “Auwbusre vhv Gyarnv, Énhodte DE TX nyeuparitxé, UAAAOY DE (va 
€ . x eu , . = eo 
mpopnrelnre. 2. ‘O ÿap “AaAdy YAwoon oùx &vhpuütors Rakeï, GAAX Bed oùdelc 
Lo “éxouer, 3. mveuare dè Aaket pucrhois à De mooonteluv avfobrote hakeï 
yap “axober, 3. mvelparr dÈ Aheï muorhpia" à DÈ mpopnrebwy àvôpwrots œheï 
ctxodohy La Tapaxhnotv rat mapamubiar. k. ‘O Axkdy YAwoon Eaurdy oixodomei, 
x , M * s S ce > » \ 
ô DÈ moopnrebwv éxxAnolay olnodopet. 5. "O£Aw DÈ tévras buas Aakeïy VAwooaus, 


, 


quoiqu’elle trouve encore des défenseurs. Ce qui empêche d'abord, « priori, 
d'admettre pareille assimilation, c'est que le miracle des Apôtres avait pour résul- 
tat de les faire mieux comprendre de tous, tandis que, pour ce qui est du glosso- 
dale, « personne ne le comprend ». Parmi les catholiques récents, Gutjahr a bien 
discuté le problème, et nous nous rangeons à ses conclusions, sauf quelques 
nuances à fixer plus tard : le glossolale parlait, du moins en gros, sa langue 
maternelle, mais, sous l'influence d'une extase ou d'une excitation violente qui ne 
laissait pas de place au raisonnement et à la construction de phrases cohérentes, il 
s’exprimait d'une façon inintelligible pour ses auditeurs, qui demeuraient seule- 
ment étonnés et édifiés au spectacle de son transport. Pourquoi cela s’appelaït-il 
« parler en langues »? Nous ne croyons pas, pour notre part, que ce fût seulement 
en raison de quelque analogie avec le « miracle des langues » du jour de la Pen- 
tecôte, mais aussi — et peut-être surtout — à cause du sens technique qu'avait pris 
le mot « ÿk@osæ », même avant d’être adopté par les églises chrétiennes; il voulait 
dire « expression exotique, ou difficile à comprendre »; ce qui se disait, en rhé- 
terique, de mots isolés, est appliqué ici à tout un discours. (Voir l’Exc. xv). 

‘Les glossolalies ne devaient d’ailleurs pas être uniformes; de là sans doute 
l'expression que: nous avons trouvée au Chap. xn, yévn yAüoowv, ou « les divers 
genrés de glossolalie ». Nous n’excluons pas, bien entendu, (non plus que Guijakr) 
que l'emploi miraculeux de langues étrangères ait pu s'y mêler parfois, quand cela 
était utile à la propagation de l'Évangile (cfr. Marc, xvr, 17-fin); mais ce n'était point 
im phénomène si exceptionnel qui caractérisait la glossolalie dont saint Paul parle 
en ce chapitre. C'était un langage extatique, sans suite, plus ou moins inarticulé 
évoir vv. 7-9), quoiqu'on püt y reconnaître vaguement l'intention de faire une prière, 
d'improviser un psaume où une action. de grâces (voir aux vv. 14-47). Pour qu'il 
profitât aux auditeurs, autrement que par un vague effet d'émotion au sentiment 
que l'Esprit était là, il fallait donc qu'on leur interprétât en langage ordinaire, de 
prophétie, de gnose ou de didascalie, les intuitions qui transportaient l'inspiré. Si 
Paul les qualifie de « mystères », c’est plutôt à cause de la forme inaccessible du 
langage que pour le contenu des exclamations (Bachmann), 

——— A. 3. Aakei ofxodougv 2tA. (supra, Axket puothoa), cfr. d’autres ellipses ou 
métonymies expressives, comme xplua éclieiw de x1, 29 (Rob.-PL.). 

B. 3. Le « prophète », tout au contraire, sait parler un langage que tous peuvent 
saisir; il s'adresse, lui, aux hommes, et non à Dieu. Et c'est justement par sa force 
surnaturelle de persuasion, pour « édifier, exhorter, consoler », qu'il se distingue 
essentiellement d'un prédicateur ou d'un didascale ordinaire. En ce verset, Paul ne 
définit la prophétie que par un minimum, qui suffisait cependant pour mériter et 
recevoir le nom de « prophète »; sans doute les Corinthiens ne dépassaient guère 
ce degré. Pourtant certains prophètes — ceux que Paul a en vue ailleurs quand 
il les place à un rang d'honneur, et même tout près des apôtres (Rom., Æph., 
I Cor. xu, 28, mais non x, 10) — pouvaient recevoir et communiquer des « révé- 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XIV, 1-5. 357 


‘Ca. x1v, 1. Soyez toujours à la poursuite de la charité, ambitionnez 
pourtant: les [dons] spirituels, mais surtout de prophétiser. 2. Car celui 
qui « parle en langue » ne parle pas aux hommes, seulement à Dieu; 
personne, en effet, ne [l’Jentend, 3. mais en esprit il parle mystères; 
le prophète, lui, parle aux hommes édification, exhortation et encoura- 
gement. 4. Celui qui « parle en langue » s'édifie lui-même, mais celui 
qui prophétise édifie l'assemblée. 5. Je veux bien vous [voir] tous parler 


Jations » (voir v. 26), par exemple dévoiler des choses futures ou cachées, pénétrer 
le secret des cœurs (voir vv. 24-25). 

4. À 6 Aakdv yhwsoas, dans D, E, etc., comme au v. 2. — Qsoù ajouté après 
ExxAnota, Fer, G, oulg. Rob.-Pl. préfèrent, dans le même sens, traduire ici êxxX, 
par « église » que par « assemblée »; il importe assez peu. 

B 4. Le glossolale s'édifiait lui-même, son charisme pouvait donc contribuer à 

son propre avancement spirituel; mais il n’atteignait pas directement l’âme des 
autres, tandis que le prophète était reconnaissable à cela précisément qu il con- 
vainquait les esprits et touchait les cœurs. 

À 5. 0élw au sens concessif, et un peu ironique, comme vit, 7 (v. ad loc.); 
c'est encore plus évident ici, car Paul ne désire certainement pas avec sincérité 
que tous ses fidèles glossolalisent (voir vv. 22, 23). — Su. Auketv.. va, encore 
«oratio variata »; — ici yhécoæus, et non plus yAwoon, donc les deux s’équivalent. — 
éxtoç ef ui, cfr. xv, 2 : c’est une locution formée par la combinaison de éxtôs et et 
de et u4; elle était assez usitée, d'après les exemples donnés ‘par Wettstein (voir 
Lietzm.), et Deissmann, « Bibl. St. ». — Après peluv, il aurait été plus logique 
d'écrire yép que Ôé; mais ce doit être une sorte de répétition oratoire : « Mais je 
préfère que vous prophétisiez; mais le prophète est plus grand, etc. », toujours 
en vue de restreindre la concession Oélw dé. | 

B 5. Nous comprenons maintenant que l’Apôtre affirme la suprématie du 
prophète, Il n'aurait certainement pu le faire, après en avoir donné la modeste 
définition du v. 3, si la glossolalie avait été un prodige éclatant, du genre du 
miracle de la Pentecôte. 

Il fallait cependant ajouter une réserve à cet ordre de préséance : si le glossolale 
est capable, quand il est revenu à un état psychologique plus normal, de « s’inter- 
préter », de communiquer aux autres la connaissance des pensées et des sentiments 
qu'il avait dans l’extase, alors il peut être au-dessus du prophète ordinaire, ou pas 
au-dessous (Chrys., Thom., Gutjahr, Sickenb., al.); car alors il n’est pas seulement 
glossolale, on peut dire qu'il est, de plus, docteur ou prophète lui-même. C'était le 
cas d'hommes tels que Paul (voir v. 18). 

Recommander la prophétie, c'était d’ailleurs porter une sorte de défi aux simu- 
lateurs possibles et aux ambitieux de réclame. 

—— À 6. Le sens de vÿv äé, ici, pourrait être soit logique (Hofmann, J. Weiss, 
Bachmann), soit temporel (Rob.-Pl., Sickenberger, Gutjakr); alors Paul parlerait de 
sa visite prochaine, ce qui était, dit Gujahr, d'autant mieux en situation que l'on 
attendait beaucoup, à Corinthe, de la venue de l’Apôtre. — Avec Estius, Messmer, 
Bisping, Godet, Bernhard Weiss, Kühl, Gutjahr, etc., nous tenons les deux derniers 
membres de l'énonciation äronaAdber ÿuwos rpopnrelz Giday7 comme répondant respec- 
tivement aux deux premiers. 

B 6. Voici un exemple concret qui devait convaincre les premiers lecteurs 
Paul va venir à Corinthe, il le leur a dit, etils sentent qu'ils ont grand besoin de 
Sa visite. Et bien! s’il venait tout simplement leur montrer des extases et des 


358 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XIV, 1-25. 


manAov DE Îva mpopnrelnte" meltuv D 8 mpopnrebwy À 6 AaAdv Vhwooats, *Enrdc 
et ph diueppnveln, va h Exxhmoia oixodophv Adén. 
6. “Nüv Dé, ddehoo!, av Eh0w mods buas YAvdooaus AadV, Tl buac wpehécu, 
Ehv ph dptv hakfow À ëv émonaAüde À ëv yrooe À ëv Tpognrela À ddayh; 
. “Opws ra dbuyx puvhv Budôvræ, elre abAds etre mÔdpa, Eav “Giagrohhv rois 
pBbyyots LA dS, mc YYwo/hoeTar To abAobmevoy À Tù baprtômevov; 8. Kat Vap aav 


glossolalies, quelle déception ils éprouveraient! Ce qu'ils attendent de lui, ce sont 
peut-être des « révélations », éxoxakbbes, dans ses exhortations de « prophète », vu 
le don de sagesse (s. Thom.) et le « discours de sagesse » dont ils le savent si 
éminemment doué; en tout cas, il les corrigera et les confortera mieux que tous 
leurs « prophètes » locaux, et saura leur expliquer la doctrine et la morale (Giôay) 
au moyen de la « gnose », grâce au don de science (s. Thom.), sur ious les points 
où ils demandent à être éclairés. 

On voit donc que ni la gnose et la didascalie (ce qui va de soi), ni la « révéla- 
tion » ne faisaient partie des attributions du « glossolale »; il ne jouissait même 
pas de « révélations » claires à son propre avantage, s'il ne s’entendait pas lui- 
même par son voës (voir v 14), | 
À. 7. éuus est difficile à comprendre. Blass voudrait lui conserver le sens 
ancien de ôu&c chez les poètes, « pareillement » — ôjnolws (Blass-Deb, K 450, 2), mais 
c'est fort douteux, malgré ses raisonnements. “Ouus signifie « cependant ». Paul 
l'emploie une autre fois, Gal. ni, 15, et là le sens n’est pas ambigu : uws ävôpérou 
xexvpwpévnv dialpnv oùdels &fetet « un testament une fois ratifié, [qui n'est] cependant 
{que celui] d'un homme, personne ne le tient pour nul ». Ainsi, dañs notre passage, 
on pourrait voir un « hyperbaton » et rapporter &tux soit à idévra : « les choses 
inanimées qui ont pourtant une voix » (Bachm), soit à dhuya : « les choses qui, 
bien qu'inanimées, ont une voix « (J. Weiss). Ou bien — et c'est ce que nous 
faisons — on peut l'entendre ainsi : « Cependant », (c'est-à-dire malgré votre goût 
pour les mots inintelligibles, reproche insinué dès le vv. 1-2), « vous pouvez voir 
que les instruments de musique, ces objets inanimés, ne servent à rien si l’on s’en 
sert sans suivre quelque mélodie ». — Gtaotok“ signifie en général « distinction » de 
tons, de rythme; le mot propre pour « intervalle » est didormux; ldyyos signifie 
« ton », « note ». — abloëuevo et l'autre participe présent sont « conatifs » — 
« l'air qu'on voudrait jouer ». 

B. "7. Paul ouvre ici une série de comparaisons (trois, qui se ramènent en fait à 
deux) pour montrer l'inutilité de la glossolalie non interprétée :,1° des instruments 
‘de musique dont on se servirait sans savoir la musique (7-8); ainsi (obtws, v. 9) est . 
celui qui n'arrive pas à exprimer quelque chose de clair avec l'instrument qu'est 
sa langue; 2° une langue étrangère qu’on parlerait avec quelqu'un qui ne la sait pas 
(10-11); ainsi de vous (ot bueïs, v. 12), si vous glossolalisez sans vous soucier 
d'être interprétés (12-13). Les deux comparaisons sont parallèles, et leur corres- 
pondance est bien indiquée par le double oûtus, 

La comparaison avec la flûte et la cithare donne l'impression que la glossolalie 
n'exprimait guère de propositions intellectuelles (même en langues étrangères), 
mais restait plutôt de l'ordre du sentiment. C'était comme une vague musique; 
encore fallait-il savoir quel air était essayé. 

A. 8. &ünkov, cfr. 1x, 26, désigne ici clairement une succession de notes qui 
ne font pas un air, comme äôfluws de l’autre passage un sport qui s'exécute en 
dehors des règles nécessaires pour qu'il réussisse. 

B. 8. Ce verset reprend l'idée du précédent sous une autre forme, avec une de ces 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XIV, 6-Ss 359 


en langues, mais plus [encore] que vous prophétisiez; car plus grand 
est celui qui prophétise que celui qui parle en langues, hors le cas où 
il interpréterait, afin que l'assemblée [en] tire édification. 

6. Maintenant, frères, supposé que je vienne chez vous pour parler en 
langues, de quelle utilité vous serai-je? — supposé que je ne vous parle 
point ou en révélation, ou en gnose, ou en prophétie ou instruction? 
7. Et pourtant! les choses sans âme qui émettent une voix, soit flûte 
soit cithare, au cas où elles ne mettraient pas de distinction en leurs notes, 
comment saura-t-on ce qu'on veut jouer sur la flûte ou la cithare? 8. Et 


métaphores militaires qui plaisaient à Paul. Dans l'Église, toute manifestation 

publique devrait être un clair signal pour la Jutte de l'Évangile, sous la conduite du 

Christ (voir à xv, 24-27), 

A. 9. tù TÂs YAwoons ne signifie pas ici, malgré l'identité du substantif, 
« au moyen du [parler-en-] langue », quoique la répétition du même mot y\Gssa l'ait 
faitentendre ainsi à Chrys., Thomas, Bern. a Pic., Cornely, Schaefer, Schmiedel, etc. ; 
car la glossolalie, par définition, n'était jamais quelque chose d'eoquov, c'est-à-dire 
de clair et d'ordonné (eüonuos est hap. leg. dans le N. T., mais classique); Paul ne 
pourrait done reprocher à un glossolale d’être obscur en tant que glossolale, vu qu’il 
l'était nécessairement. Il faut par conséquent que la « langue » désigne ici tout sim- 
plement l'instrument de chair que les hommes ont dans la bouche pour articuler 
des paroles, et qui est comparé aux instruments sonores inanimés, flûte, cithare, 
trompette. Ainsi tout est cohérent. Notre opinion est celle de Heinrici, Bernhard 
Weiss, Kühl, Bachmann, Gutjahr, etc. — eis äépa Aak., « parlant en l'air », au 

hasard, pour faire du bruit, sans s'adresser. à aucune oreille; cfr. encore 1x, 26, 
ä&épa dépuv, dit du boxeur qui perd ses coups de poing dans l'air. Eis «. À. était une 
expression classique aussi bien qu'araméenne, voir KXühner-Gerth, 1, $ 353, 4, À. 3, 

B. 9. Ce verset est très clair par lui-même : si vous voulez que votre « parler-en- 
langues » ne soit pas un bruit en l'air, un vain remuement de langue, « flatus vocis » 
et que les autres profitent du « mystère » qui vous l'inspire, il faut qu'il ne reste 
pas tout seul, sans interprétation. Telle est l'idée, qui ne sera pourtant développée 
jusqu'au bout que plus bas, vv. 12-18, cfr. 27. 

A. 10. yévn guvüv : beaucoup d'auteurs veulent prendre ici gwvi dans un 

nouveau sens, celui de « langage » (grec, hébreu, autres), qu'il peut en effet avoir 

quelquefois chez des classiques (Hérodote, Platon), et ägwvoy comme signifiant, d’une 
façon correspondante, « sans langage articulé ». Ainsi des médiévaux, et Lietzmann, 

J, Weiss, Rob.-Pl., Toussaint, Gutjahr, Loisy, etc., en un mot la généralité. De 
même, on voudrait que obèéy voulût dire : « Aucun [langage] (n’est sans intelligibi- 

lité, ou vocabulaire distinct, ou articulations, etc.) ». Nous croyons que c'est aller 
chercher trop loin, et que guvi signifie tout simplement « voix », comme ci-dessus, 

et &pwvoy « aphone », « sans voix »; (sans que rien nous oblige à imaginer une 
extension de sens dont il n'y a pas d'exemple) et enfin que oÿdév, comme l'a compris 
la Vulgate, n'est que le pronom « nihil ». — Et tôyor, locution rare et qui devait être 
consacrée puisqu'elle a gardé le mode, déjà assez désuet, de l’optatif; elle reparaîtra 

Xv, 37 (v. ad loc.) et on la trouve chez Cléanihe, Sextus Empiricus, Denys d'Halic., 

Philon (v. Preuschen-Bauer, à tuyxdvw, 2, b). Le sens doit équivaloir approxima- 

tivement à celui des expressions plus courantes et classiques mws Étuys, dus Eruye, etc. 

L'idée est celle d’indifférence, de rencontre faite par hasard et n'importe où. Nous 
ne traduisons pas : « par exemple » ou « en tous cas », ete, avec J. Weiss, Gutjahr 


360 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XIV, 1-25. 


nkoy odhr1LYE povhy 0D, Tic mapacrevdoerar els mohepov; 9. “Ourus na dpeïc 
dx ts “Vhwüoons -Eav ph ebonuoy Aôyoy dore, müc yvwaboerar td hahoÛpevoy ; 
3 4 * 9 y + M *x # ? .s , , ? 
Écecde ao “etc &épa hahobvrec. 10. Tocaëra “ei rÜyor Vévn puvüv elotv ëv roue, 
nat ob0Ey dowvoy” 14. &av oùv ph eld& Tv düvauuy Th vuvÿc, Écopar To Aahobvre 
BéoBapos, nat 6 Randy “èv Euot Bépéapos. 12. “Ourws rai bueïs, xet Cnhwtal 8ote 
mvevpérov, mods Thv oixodouhy ts ÉxxAnolus Enretre lvx meptooebnre. 


et autres, mais « tant qu'on voudra »; cfr. Weizsäcker : « es gibt wer weiss wie 
vielerlei Sprachen » (Pr.-Bauer). 

B. 10. Ici Paul introduit la seconde comparaison : celle du glossolale privé d'in- 
terprète, avec un homme qui parlerait une langue étrangère que ceux à qui il s'adresse 
ne comprenent pas. | 

Il commence par remarquer, d'une façon tout à fait générale, que les « genres de 

voix » sont innombrables; pas d'objet animé ou inanimé qui ne puisse faire, à 
l'occasion, un bruit quelconque et qui n'ait, pour ainsi dire, « sa voix ». Si vous 
ne cherchez, sous-entend-il, qu’à faire du bruit plus ou moins étrange, vous n'avez 
pas à vous en glorifier comme d'un don si rare. On sent qu'il devient peu à peu 
sarcastique. C’est que l’abus devait être grave. 
À. 11. sv Oôvapuy ts quvis : Düvaus pouvait avoir le sens de « force expres 
sive », « valeur de signification », ainsi chez Platon, souvent, ou encore Polybe, xx, 
9-ss. (J. Weiss). — A la place de t® Axkoëvr:, la Vulgate écrit « cui loquor », chan- 
gement du sens en son contraire, que le latin s’est peut-être permis à cause de la réci- 
procité qu’il y a dans un entretien. — à Axk. ëv éuot, voir ci-dessous, à B. 

B. 11. La voix des hommes, à la différence de tant d'autres « voix » ou bruits, 
a la propriété de signifier des pensées, Mais à quoi cela me sertl, si j'en fais un 
simple bruit, sans valeur d'expression pour ceux qui l'entendent? Il$ pourront 
comprendre que je veux dire quelque chose; maïs quoi? Cela leur échappera. Mes 
interlocuteurs — ou ceux qui voudraient l'être, mais ne trouvent pas de moyen de 
communication, — me prendront pour un barbare qui ne sait point parler leur 
langue, et eux-mêmes seront, réciproquement, pour moi, qui vois bien qu'ils ne me 
comprennent pas, des barbares. Ainsi en est-il du glossolale en exercice et de ceux 
qui l’écoutent. C’est un spectacle comique que celui de deux hommes dont chacun 
parle sa langue particulière, ignorée de l'autre, et qui cherchent malgré cela à tenir 
une conversation; on le voit parfois quand deux bandes de touristes se rencontrent. 
Nous ne devons pas oublier non plus comme l'épithète de « barbare » était bles- 
sante pour l'amour-propre des Grecs. 

Les mots 6 AaAüv èv not B&pôapos sont difficiles pour l'analyse grammaticale. Les 
exégètes rattachent ëv imoi non pas à AakGv, mais à fBép6apos. Bachmann comprend 
ëv dans un sens « forensique » — « devant moi » « à mon jugement »; J. Weiss 
comprend ëv ëpol — « à mes yeux ». Je me suis demandé si on ne pourrait pas sim- 
plement traduire « Celui qui parle en moi », au sens plein, eomme chez les pro- 
phètes, Zacharie, etc. Or « Celui qui parle » dans le glossolale, ou qui le fait parler, 
c'est, dans l'hypothèse, l'Esprit-Saint. On exposerait donc ainsi l'Esprit à jouer le 
rôle d'un « barbare ». Il exciterait les visées. Cette interprétation ne paraît pas 
impossible, si l'on se reporte au v. 23 (v. infra); mais nous n’osons la soutenir car 
nous ne l'avons trouvée nulle part. 

Du moins n'y a-t-il rien qui oblige à voir en ce verset une description du mode de 
la glossolalie, Ce n’est qu'une comparaison, comme celle des versets 7-8, mais encore 
plus frappante. Gutjahr, Sickenberger, al., jugent que Paul caractérise les glosso- 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XIV, 9-12. 861 


en effet, supposé que la trompette émette une voix indistincte, qui se 
préparera au combat? 9. Et vous de même avec la langue, supposé que 
vous ne profériez pas un discours doué de signification, comment saura- 
t-on de quoi vous parlez? car vous serez [des gens] qui [perdent] leurs 
paroles en l'air. — 10. IL existe, tant de genres de voix, autant qu'on 
voudra, dans l’univers, et [il y a] rien d’aphone. 11. Supposé donc que 
je ne connaisse pas la force [expressive] de la voix, je serai pour celui qui 
parle un barbare, et celui qui parle [sera] à mes yeux un barbare. 19. Et 
vous de mème, puisque vous êtes grands amateurs d’esprits, que ce soit 
pour l'édification de l’église que vous cherchez à vous [y] surpasser. 


lales, « comme s'ils » s’exprimaient en langues étrangères, rien de plus. Le verset 
suivant confirme cette manière de voir. 

À. 12. Le verset débute par obtus nat buste, exactement comme le v. 9; ce 
qui semble impliquer un parallélisme dans les idées. — rveiuata, ici, équivaut à 
rvevuatiad, Cfr, v. 4 (Voir Exc. v). 

B. 12. Cet oùtus xaÙ burie, « et ainsi de vous », montre avec netteté que Paul passe 
au second terme d'une comparaison. Il y a application d'un exemple. Le premier 
terme, c'était le « barbare » qui parle une langue étrangère; donc le « glossolale » 
n'était pas précisément ce barbare puisqu'on n'est comparé qu'à quelque chose de 
différent de soi. Il ne parlait pas plus une langue étrangère (au sens propre) qu'il 
n'était au sens propre une flûte, une cithare ou une trompette (vv. 7-8, en face du 
v. 9). 

Les Corinthiens sont traités d'« amateurs d’esprits », ou de « jaloux des esprits »; 
l'expression comporte un certain dédain de leurs goûts spirituels. Faut-il croire avec 
J, Weiss, que l'Apôtre fait ironiquement une concession de langage, et s’accommode 
à l'usage qui attribuait à des esprits, chez les païens, ces manifestations extraordi- 
naires? Ce serait alors pour leur insinuer qu'ils n'ont pas assez changé depuis le 
temps de leur erreur païenne, et qu'ils se comportent eomme s'ils avaient affaire 
toujours à des dieux de Mystères. Maïs, au v. 32, Paul parlera encore de rvebparta, 
« esprits » au pluriel, certainement cette fois sans insinuation ironique. 

Quoi qu’il en soit, voici la leçon qu'il donne : « Ainsi vous, puisque vous ne voulez 
pas ressembler à des barbares, et que vous êtes si jaloux de beaux phénomènes 
pneumatiques, tâchez d’y exceller de façon à édifier l'Église, ce que vous ne faites 
pas assez jusqu’à présent, avec vos pratiques glossolaliques ». Le moyen, au cas ou 
ils seraient véritablement inspirés, c'est de demander à Dieu de compléter ses 
grâces, en donnant, avec le charisme du langage extatique, la faculté de l'expliquer 
aux autres. C'est ce que vont exposer les versets qui suivent. 

——— À, 13. A6 (mot qui se trouve dans tous les groupes d'épîtres, sauf les 
Pastorales, Rob.-PI.) montre que Paul va passer aux conclusions. 

B. 13. D'ici jusqu'au v. 19, Paul va signifier qu'il est nécessaire de soumettre la 
glossolalie au contrôle de la raison rassise, C'est sur ces versets (et non sur le 
v. 11), qu'il faut principalement se baser si l’on essaie une description de ce phéno- 
mène; il est caractérisé comme extase ou transport, puisque les glossolales, tant 
qu'ils sont en exercice, laissent lenr entendement dans l'inaction (v. infra). L'Apôtre 
leur dit que s'ils veulent véritablement exceller, et rendre de vrais services à l'église 
(v. 42), il faut qu'ils demandent à Dieu de compléter leur don par la faculté de 
traduire leurs intuitions en langage accessible (dpunveën, cfr. 5). Naturellement ils ne 
pourront le faire qu'après être sortis de cet état exceptionnel, quand ils auront 


362 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XIV, 1-25. 


\ . € ? , 
13. AD 8 Adhdv yhwson roooeuyéohw va Gispunvesin. 14. Eäv yxo mposstyomar 
LA s n s N » , 
YAGION, To mvEÏmé pou moocebyetar, à D vois ou duapmoc Éorwv. 15. TE oùv 
Éotiv; mposebEonar To myebparr, mpocebkouat DÈ nai T® vol’ Wah Tù nvebpant, 
f 


Yang dE nat To voi. 16. ’Emet av ebhoyñs mvsbuart, 6 avamAnpüv Toy Tômov Toi 
* = + © 3 - Le è , \ 

iurou müs épet vd apny Ent Th où ebyapuoria; meudh té Aéyeis oùx oidev. 17. DS 
uèv yap nakdc ebyaporeïs, GA à Erspoc oùx olnoouetrn. 18. Edyapurà rù 


ù 4 


retrouvé l'usage de la raison discursive; mais ils doivent prier avant, et toujours, 
pour obtenir ce supplément de grâce. 

B. 14-15. Ces versets sont fort instructifs. D'abord ils illustrent d'une 
manière éclatante la nature du « pneumatisme » de Paul, de celui qu’il regarde 
comme authentique, et ils fixent le sens, tout à fait étranger à la mystique païenne, dans 
lequel il prend rveëue et voës. C’est l'intelligence humaine envisagée dans une double 
fonction (voir Exc. v). Et l'on ne peut croire avec J. Weiss ou d'autres syncrétistes 
que l'Apôtre réforme ici la mystique des chrétiens primitifs, pour lesquels l'Esprit, 
le rveüue, aurait toujours été une force divine étrangère envahissant l’inspiré du 
dehors, et chassant de lui l'esprit humain. Où a-t-on pu prendre cela, puisque Paul 
est le premier, et justement dans notre épiître, qui commence à fixer pour nous la 
notion de pneumatisme? Ce qu'on suppose avoir été avant lui n’est que pure hypo- 
thèse, une assimilation forcée à l'hellénisme. Pourtant si les Corinthiens méritent 
d’ être repris et corrigés, c'est qu'ils sortaient, en cette matière encore, des « tradi- 
tions » (voir aux vv. 36 ss. infra). 

Ensuite on voit très bien ici que la glossolalie ne pouvait consister en un discours 
suivi fait dans une « langue étrangère » intelligible en soi. Car alors, ou bien 
l'inspiré lui-même au moins l'aurait compris, et son intellect n'aurait pas été « sans 
fruit », &xapros; ou bien, si lui-même ne l'avait pas compris plus que les autres, et 
qu'il ne se fût pas trouvé dans l'assemblée de polyglotte ou de fidèle doué du don. 
« d'interprétation », cette manifestation aurait été complètement inulile. Or, les 
prodiges qui ont Dieu pour auteur sont bien au-dessus des forces humaines, mais 
ils ne doivent pas être irrationnels ni oïiseux. C'est bien alors que l'inspiré n'aurait 
été qu’un gong ou une cymbale (voir x, 4), qui n'aurait fait tout au plus qu'étonner; 
la scène aurait eu je ne sais quoi de charlatanesque qui répugne à la véritable 
inspiration. 

En troisième lieu, il faut noter soigneusement ce souci apostolique de ne rien 
permettre dans le culte que la raison, éclairée par la foi et la doctrine, n'approuve, 
à quoi elle ne donne un laisser-passer. Si elle ne peut se le traduire dans son propre 
langage, et en vérifier par conséquent l'origine, cela n'oflre pas un caractère assez 
sûr pour être admis dans les assemblées publiques. Sickenberger note comme l'inter- 
vention de l'esprit critique, le voës, était particulièrement opportune ici, pour faire 
distinguer l'inspiration du glossolale d'une possession diabolique, par exemple, qui 
aurait pu produire les mêmes eflets extérieurs. Qu'on se reporte à xn, 8, La pro- 
phétie, au contraire, intelligible et directement opérante comme elle l'était, portait 
en elle-même ses titres d'authenticité; et, s’il y avait des contrefaçons de prophétie, 
les didascales devaient être à même de les dénoncer tout de suite (voir Didachè, xi). 

Ainsi, dans ces versets, Paul réclame le droit de l’entendement à ne pas rester 
sans fruit, même dans la glossolalie. Il faut qu'il puisse, au moins quand le transport 
est fini, comprendre ce qui s'est passé au-dessus de lui, dans le « rveüua », assez du 
moins pour prendre sa part de la prière, du cantique, de l’action de grâces, qui so 
sont exprimés d’abord en termes supérieurs à son discours, 

————…— À, 16. tv ajouté devant nvebpatt, B, D, E, P, al, — 6 dvaxAnpüv tov Térov vod 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XIV, 13-18. | 363 


13. C'est pourquoi celui qui « parle en langue » doit prier pour [savoir] 
interpréter. 14. Car au cas où je prie en langue, c’est mon esprit qui 
prie, mais mon entendement est sans fruit. 15. Qu'est-ce donc [à dire]? 
Je prierai par l'esprit, mais je prierai aussi par l’entendement; je psalmo- 
dierai par l'esprit, mais je psalmodierai aussi par l'entendement. 16. Puisque, 
supposé que tu bénisses par l'esprit, celui qui est en posture de non- 
initié, comment prononcera-t-il l’Amen sur ton action de grâce? du 
moment qu'il ne sait pas ce que tu dis... 17. Toi sans doute tu fais une 
belle action de grâce, mais l’autre n’est pas édifié. 18. J'en rends grâce 


Buerou. Que signifie dwrns, qu'on retrouvera au v. 23? Dans la langue classique, c'est 
le « simple particulier » opposé au magistrat et à l’homme d'état, et, par extension, 
un plébéien, un ignorant; ou encore celui qui ignore un art ou un métier, par oppo- 
sition à celui qui le sait. Gelte seconde acception explique que le terme fût très 
employé dans les écoles philosophiques pour désigner ceux qui n'y appartenaient 
pas, les « profanes ». De même, tout naturellement, dans la langue religieuse des 
Mystères; et cette acception se répandit tellement que les Juifs l'empruntèrent; les 
rabbins appelèrent nf le « laïque », spécialement l’ignorant, par rapport au con- 


naisseur de la Loi (v. Strack-Bill., ad loc.). C'est sûrement en ce sens religieux que 
Paul l’a pris (sans avoir besoin de l’emprunter directement aux philosophes ni aux 
mystes) et Théodoret le rend très justement par äuôntos — « non-initié ». Aïnsi 
Lietzmann, Rob.-Pl., Lemonnyer, Toussaint, Sickenberger, Bachmann, Gutjakr, etc. 
Il n'est pas question de « néophytes » (Prim.), ni de « laïques » en opposition aux 
clercs (Chrys., Cyr. Alex., al.), ni de prosélytes qui auraient occupé dans le local une 
place réservée (rdv téxov t. 15. avaxAneüv, J. Weiss), ni encore moins, comme pensait 
Estius, d’un clerc instruit qui répondait pour le peuple (rov térov &v. r. &ô.). Ici il s'agit 
de quelqu'un qui appartient à la communauté, laïque ou clerc, catéchumène ou 
baptisé, peu importe, mais « qué est dans la situation (xéxov) de non-initié », parce 
qu’il n’est lui-même ni glossolale, ni capable d'interpréter les dires du glossolale, — 
Au v. 23, le même mot aura peut-être un sens plus large. 

B. 16-17. L'opération du glossolale (qui, d'après ce verset, devait marquer 
surtout une intention de bénir ou de faire une action de grâces) pouvait être excel- 
lente en soi, si elle était vraiment inspirée par l'Esprit; cependant, même alors, elle 
était insuffisante pour un acte de communauté, puisque l'assistance ne la comprenait 
point, ou la comprenait trop vaguement. Il fallait donc qu’elle fût expliquée pour 
avoir l'efficacité que certainement voulait l'Esprit. Autrement, l'auditeur ordinaire, 
le simple fidèle, n'aurait pu s'y associer en connaissance de cause, en disant : 
« Amen », — ce que Paul juge nécessaire. (Sur l'Amen, Ton, dans le culte juif, voir 


Sirack-Bill. ad loc.; Paul a donné une telle valeur au sentiment d'adhésion pleine, 
d'achèvement qu'exprimait ce mot, qu'il en a fait presque le synonyme d'union de 

volonté avec Dieu, par le Christ, II Cor.1, 20; et l'Apoc. in, 44, en fait un nom du 
Christ glorifié). Puisque le « non-initié » devait pouvoir dire amen avec une pleine 
conscience, c'est donc qu'il appartenait, d'une façon ou d’une autre, à la cominu- 
nauté — au moins en ce passage. 

Ainsi l'Apôtre estime la glossolalie en soi, comme un don divin; mais il veut, si 
elle devient publique, qu'elle ait une valeur religieuse sociale, ce qu'elle n’a point 
par elle-même, si le voÿs ne parvient pas à en saisir la portée. Donc elle exige, là au 
moins, une interprétation, Paul a bien l'air d’insinuer que le glossolale qui n'aurait 
pas le vif désir, s'exprimant en prière convaincue, de voir scs intuitions communi- 


364 | ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XIV, 1-25. 

0:d, “révrwv dpüv pAAkov yAdoonç AaAd 19. &ARAG Ev ExxAnoix Béhw mévre 

Aôyous To vol mou AxAoar, (va at EARoUS rar yhow, “À muplous Adyous Ey FAIM. 
20. "Aderoof, ph maux yiveole taïc ppeoiv, GXAG Tÿ raxla varudbete, vais dÈ 

ppeoty téheror yiveode. 24. iv <ù vouw Yéypanra onu « ëv “érepoyAwooots nat èv 

ÆEtheoty étépuy Aalico Tù Aa Toitw, rat 055 ofrws elonxoboovra » pou, Aëyer 

xbproc. 22. "Qore ai Vhdsoa elg oquetov elouv où rots muorebouoiv GA AX rois dtlotous, 


quées aux autres, n’est qu'un illusionné ou un simulateur, bref un homme suspect, 
comme ceux à qui il à fait allusion xnr, 8. 

——— À. 18. yAwoon au lieu de ykéoous, dans N, À, D, E, F, G, al., oulg. — La 
faute de Vulg., qui a omis p&Alov et traduit : « quod omnium vestrum lingua loquor », 
est un des faits qui expliquent (avec l'assimilation trop complète au miracle des 
Douze) pourquoi les Latins ont cru qu'il s'agissait de langues « étrangères », de 
toutes celles qui pouvaient être parlées, naturellement ou surnaturellement, à 
Corinthe. 

B. 18. Ainsi Paul lui-même « parlait-en-langues », beaucoup plus et beaucoup 

mieux que ne pouvaient faire les « glossolales » à qui il s'adresse. Il l’affirme, et il 
en est heureux, puisqu'il en rend grâces à Dieu. C’est qu'il connaissait lui-même, et 
à un haut degré, les transports de l’extase. Mais ce n’est pas de quoi il se glorifiait 
le plus (voir II Cor. xu, 1-10). Il plaçaït bien au-dessus la charité, l'union aux souf- 
frances du Christ, et Le zèle prudent et infatigable du pasteur. 
A. 19. Ou... #, sans adverbe comparatif, est classique, au moins en 
poésie, car on le trouve dans Homère; il apparaît aussi dans les papyrus. — révre, 
pour dire un petit nombre, voir Sér.-Bill., ad loc. et Gerhard Kïttel, « Rabbinica », 
4920, pp. 39-47, qui le signale chez tous les peuples. — Singulière leçon de Marcion : 
&1ù Tov vépov au lieu de r& vot pou; Ambrt l’a suivie : « per legem »; sans doute elle 
doit son origine à la variante Gtà roë vods pou, qu'on trouve K, L, Chrys. 

B. 19. Cette phrase énergique montre l'horreur de l'Apôtre pour tout ce qui était 
inutile, ostentatoire ou encore un peu païen dans les manifestations religieuses de 
cette église. Le ton recommence à être vif, même un peu âpre. Ces glossolales devaient 
vraiment bien abuser, et beaucoup n'être que des « spirituels » peu authentiques! 
À de longues glossolalies sans effet d'instruction, Paul préfère une courte « caté- 
chèse », l'office le plus humble des « instructeurs ». Ce n’est pas lui qui cherchera à 
éblouir ses fidèles. Les paroles dictées par le simple « voÿs » pouvaient d’ailleurs 
comporter les charismes de prophétie ou de didascalie inspirée, le « discours de 
gnose » et d'autres plus hauts encore. « Cinq paroles » de Paul devaient facilement 
devenir un « discours de sagesse », même dans une catéchèse. 

—— À. 20. pà radla yivesle, cfr. Eph. 1v, 14, et I Cor. ut, 1-8. xt, 41. — tais 
gpesiv; hap. leg. dans le N. T., maïs ppéves en ce sens LXX, Proverbes Sal, — xaxia, 
autrefois surtout « lâcheté » ou « infamie », plus tard « malice » ou « vice », toujours 
le contraire d'épérn. — vnridtere, hap. leg. dans la Bible. — téleto, cfr. 11, 6, xut, 12 
(&vés), Eph. 1v, 48, Phil. im, 45, Col. 1, 28, 1v, 12: aussi Heb, v, 44. 

B. 20. Le ton est très sérieux. Paul fait appel à leur cœur et à leur confiance en 
les appelant « frères », maïs on le sent irrité de tant d’enfantillages qu'il voit chez 
eux prendre la place de la vraie spiritualité. Eux qui croient être des « adultes » 
dans le Christ, des parfaits, ils se comportent en vimo, on le leur a déjà assez dit. 
Cette surestime des manifestations extraordinaires, ct prêtant le plus à la vanité, en 
est encore une preuve. Ils devraient être des enfants, oui, mais comme l'enseigne le 
Christ, par l'innocence recouvrée et la: simplicité du cœur (Mat. xvin, 3), non par la 
futilité de leur jugement, Leur devoir est d'acquérir une intelligence clairvoyante et 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XIV, 19-22. 365 


à Dieu, je « parle en langues » plus que vous tous; 19. mais, dans une. 
assemblée, j'aime [mieux] prononcer cinq paroles avec mon entendement, 
pour instruire les autres aussi, que dix mille paroles « en langue ». 
20. Frères, ne devenez pas des enfants en fait de jugement; mais soyez 
petits enfants pour ce qui est du vice, et en fait de jugement, devenez 
adultes. 21. Dans la loi il se trouve écrit : « Par des hommes de langue 
étrangère et par des lèvres d'étrangers je parlerai à ce peuple, et même 
ainsi ils ne » m’ « écouteront pas », dit le Seigneur. 22. En sorte que les 
lang gues doivent servir de signe non aux croyants mais aux infidèles; 


virile, et de la montrer tout d'abord dans leurs pratiques de religion. La simplicité 
chrétienne n'est pas la niaiserie; il était bon que le Saint-Esprit lui-même le 
déclarât par la bouche de son grand Apôtre. 

S'ils étaient moins enfants, ïls comprendraient que l'envahissement de leurs 
assemblées par tant de glossolales n'est pas un signe de haute perfection ni d'une 
complaisance spéciale de Dieu. Les versets qui suivent vont l'expliquer, 

A. 21-22. Vient une citation très libre, ou plutôt une paraphrase 
d'Isaie, xxviir, 41-12. Le texte hébreu s'exprime ainsi : « Car par des gens qui balbu- 
‘tient et dans une langue étrangère il (le Seigneur) parlera à ce peuple à qui il avait 
dit, etc... et ils n'ont pas voulu écouter ». C'est une menace adressée aux railleurs 
qui, pour contrefaire le prophète de Dieu, feignent de radoter en bégayant: ils subi- 
ront l'invasion des Assyriens, gens dont ils ne comprendront plus du tout la langue. 
Les LXX portent très inexactement : à oxulouoy yethéwv, dk yhdsons Étépas, Bt Aal- 
“coust té Audi Toûrw, Aéyovtes abroïs 2TA... 4al oùx %6£Anoav äxobev. Paul a donné le sens 
essentiel de l'original, en pensant peut-être aussi à Deutér. xxvinr, 49 : Ené£er ét où #bptos... 
Eôvoc Ô ob4 axoûon The puvis adroë. Origène (« Philocalia » 1x, 2, cité Rob.:PI.) dit avoir 
trouvé les termes de Paul chez Aquila et les autres traducteurs, sauf les LXX. — 
EteodyAwoaos (-tros), hap. les. dans Le N.T.,se rencontre chez Polybe, Strabon, al. ; il 
s'applique aux hommes qui parlent des langues étrangères; la Vulg. qui traduit 
par « aliis linguis » a sans doute lu EtepoyAtiosæts, — els onuetoy.. vos àxlotois;s ici 
gnuetov est simplement un signe de l'activité divine, prodigieux ou non, donné en 
faveur ou en défaveur de quelqu'un, avec datif « commodi » ou « incommodi » (Gutjahr), 

B. 21-22. Paul applique à la glossolalie ce qu'Isaïe a dit des langues étrangèrés ; 
il faut bien voir quels sont les termes et Ia portée de cette comparaison. 

Dieu, irrité de ce que son peuple n'écoutait pas les prophètes, et qu'il manquait de 
foi, menace les habitants de Jérusalem de leur parler bientôt par des ennemis et des 
oppresseurs qui leur feront entendre une langue étrangère et incompréhensible, au 
lieu des clairs avertissements de ses envoyés qu'ils ont tournés en dérision, Ce sera 
l'invasion de Sennachérib et de ses Assyriens. Ce sera donc une punition, un 
dernier effort pour les ramener à leur Dieu par le châtiment; et Paul, interprétant 
le texte, dit que cela encore demeurera inutile, — comme il arriva en effet, puisque 
Dieu dut finalement livrer son peuple à Nabuchodonosor, 

Ainsi, un langage inaccoutamé, incompréhensible, a été un signe menaçant donné 
aux hommes de Juda, parce qu’ils étaient infidèles; autrement Dieu aurait continué 
à se faire entendre dans leur langage usuel, par la bouche de ses prophètes, 

Faisons l'application à Corinthe. D'abord (cfr. vv. 7-8 et 11), il ne s’agit toujours 
que d'une comparaison entre la langue étrangère et la glossolalie; elle porte sur 
l'inintelligibilité de l’une et de l'autre, qui exigent parcillement des truchements. 
Dieu, dans Isaïe, parle ainsi à des infidèles, et non à des fidèles, Car les « infidèles » 


366 . ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XIV, 1-25. 


rh dÈ roopnteis oh vois Grisrous &ANX vois miorebovouv. 23. "Eav oùv ouvéAbn à 
ExxAnola On “mi ro adro mal mévres AaAdotv hocouc, elcéAlwotv D “Üiüro 
À émuovor, odx Épobouy On malveodes; De. ’Eav DE mévres moopnreiuow, elcéAUn dë 
ris Emtoros # “Burns, Éhéyyetar dTd révrwy, àvaxplverar bnd räévrwv, 25. xà xpurTa 
hs xapôlas abroÿ pavepa yiveran, nat oÙtus meowv ti rpowmoy Tposruvhoer Tù 
Bed, énayyéAkwv bte Gvrus à eds Ev duiv Éoriv. 


à qui cela servira de signe sont évidemment les Judéens, et non les Assyriens; 
ceux-ci correspondent aux glossolales, et le peuple de Jérusalem aux Corinthiens 
leurs auditeurs. 

Cet exemple que Paul évoque doit faire terriblement réfléchir l'église. Ge « parler- 

‘en-langue » si fréquent, où ils avaient vu jusque-là la preuve qu'ils étaient particu- 
lièrement favorisés du ciel, ne serait-ce donc qu'un avertissement donné par Dieu 
parce qu'ils n'ont pas assez de foi, parce qu'il ne les juge pas dignes de dons plus 
spirituels? Ne voudrait-Il que les « étonner », parce qu’ils n'ont pas le vrai désir 
d'être « éclairés », et leur faire sentir d'une façon vague seulement une Présence 
mystérieuse qui peut se tourner contre eux? Ou bien, oserons-nous commenter, 
est-ce le signe qu’il abandonne la communauté et la laisse retourner au paganisme, 
à l'état d'ämovos, qui se trahirait par l’extravagance de faux dons spirituels, produits 
d'une exaltation toute humaine et démoniaque (cfr. xn1, 3)? Tandis que la « pro- 
phétie », signe beaucoup plus sûr, domine chez ceux qui croient, qui sont vraiment 
Chrétiens comme ils le doivent, et sont tout disposés à l’accueillir et à en tirer 
profit. 
. Cela ne vent pas dire, certes, que les Corinthiens en fussent là déjà; mais Paul 
leur fait pressentir où ils pourraient en arriver s'ils ne se réforment pas ; l'exubé- 
rance des « langues » au détriment de la prophétie n'est pas un bon signe, mais 
plutôt un avertissement qui doit porter à la réflexion et à la crainte. « Faut-il tant se 
glorifier d’un privilège promis à l'infidélité? » (Prat). Ainsi le comprennent, très jus- 
tement, Toussaint et Sickenberger. La plupart des autres pénètrent moins bien ce 
sens, parce qu'ils ne pressent pas assez la comparaison tirée d'Isaïe, et cherchent à 
tort à ramener le sens du v. 22 à celui du v. 28, à cause de la présence du même 
mot &rtoro dans l’un et l'autre. C'est une erreur, comme nous allons le voir. 

————— À. 238. Cfr. Act. 11, 13 : musto pleni sunt isti. — Ici ärtotor, et probable- 
“ment re, ont un autre sens qu'aux versets 22 et 16. 

B. 28. Les Corinthiens attribuaient certainement une grande valeur apologétique à 
leur glossolalie ; elle devait prouver à tous que « Dieu était parmi eux ». Or, Paul, 
qui a déjà insinué que les « avertissements » ne servaient pas toujours — exemple 
Jérusalem, — leur déclare maintenant qu'une glossolalie trop fréquente n'est pas 
faite pour inspirer beaucoup d'estime de l'Église aux « infidèles » (ici ce sont les 
païens et les Juifs), ni à édifier les « iüiüta », c'est-à-dire les non-initiés ou les non- 
informés, qui ne sont pas au courant des habitudes prises dans l’église de Corinthe. 
(Il est.hors de doute qu'äriotot ici, signifie simplement « non-croyants », sans con- 
tenir l'idée particulière de blâme attachée à l’« infidélité » des Israélites au v. 22: il 
ne faut donc pas interpréter un verset par l’autre, et dire que le précédent signifiait, 
par exemple, l'intention divine d'endurcir dans leur incroyance les païens, par le 
mépris que leur auraient inspiré les excès de la glossolalie; — quant aux trou, ils 
ne peuvent être les mêmes que ceux du v. 16, qui étaient habitués aux us de 
Corinthe, faisant partie de la communauté, puisqu'ils devaient prononcer l'Amen ; 
ce ne sont ici que des étrangers quelconques, même chrétiens, qui ne savaient pas 
encore comment les choses se passaient à Corinthe). 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XIV, 23-95. 367 


mais la prophétie n'est] pas [destinée] aux infidèles, seulement aux 
croyants. 23. Supposé donc que l’église entière se réunisse au même lieu, 
et que tous « parlent-en-langues », et qu'il entre des gens non initiés ou 
des incroyants, ne diront-ils pas que vous êtes fous? 24. Supposé au 
contraire que tous prophétisent, et qu’il entre quelqu'un d'incroyant ou 
de non initié, il est convaincu par tous, il est provoqué à l'examen 
par tous, 25. les [replis] cachés de son cœur [lui] deviennent manifestes, 
et ainsi tombant sur la face, il adorera Dieu, publiant que réellement 
Dieu est en vous. 


Donc, en supposant un cas extrême, figurons-nous une assemblée chrétienne 
dont tous les membres se livreraient à la fois au parler-en-langues, et l'entrée de 
nouveaux-venus, qui seraient soit des païens (des païens de sens rassis, non 
des-mystes forcenés), ou des Juifs, soit même des chrétiens d’une autre église 
où les mœurs sont plus calmes. Seront-ils édifiés? Non; ils diront : « Quelle 
bande de fous! ». Et les infidèles n'y prendraient certes pas envie de se faire 
baptiser. 

La haute réprimande de l'Apôtre de Jésus-Christ, dispensateur des vrais dons qui 
édifient, est devenue tout à fait mordante. 

Mais ce n'est pas tout ce qu’il faut remarquer. En parlant de l'entrée d’« infi- 
dèles », païens ou Juifs, dans une réunion chrétienne où se manifestaient les cha- 
rismes, Paul, malgré la couleur hypothétique de ëdv (particule qu’il emploie d'ail- 
leurs souvent pour des cas réels), n’a nullement l'air d'envisager une conjoncture 
purement théorique. Ce verset est très précieux historiquement; car il montre que 
certaines assemblées de chrétiens, au contraire des Mystères du paganisme, étaient 
‘ouvertes, sans doute pour des raisons de propagande, à des gens qui n'apparte- 
naient encore nullement à l'Église (Gutjahr), et ne pensaient  eut-être même pas 
encore à y entrer. Sans doute n'admettait-on pas tout le monde, et fallait-il aux 
païens admis la recommandation de quelque chrétien. Mais nous voyons au moins 
que le christianisme du rt" siècle était une religion de plein jour, ce qu'on ne saurait 
dire des conciliabules hellénistiques, thiases ou Mystères, auxquels on veut si 
souvent le comparer. 

Les païens, au spectacle de ce désordre, seront détournés de la foi et enfoncés 
dans leur incrédulité (Gutjahr), et cela est dit fort à propos, contre la surestime de 
la glossolalie. Mais ce n’est pas un signe contre eux, comme pensaient Bachmann et 
d'autres à propos du verset précédent; c'est un « signe », si l'on veut, contre les 
chrétiens « amateurs d'esprits » qui manqueraient de discrétion; ils nuisent à l'Evan- 
gile au licu de le servir. 

mm B. 24-25, Tout le contraire arriverait si le don de prophétie était universel. 
(Le tableau est moins fantastique que le précédent, car tout pourrait s'y passer en 
ordre). Les nouveaux-venus, les mêmes que ceux dont il a été question, seraient. 
saisis alors d’une profonde émotion religieuse. La force pénétrante, la vérité psy- 
chologique et morale de ce qu'ils entendraient réveillerait des résonances obscures 
de ce qu'ils ont peut-être déjà entendu dans le fond de leur propre cœur, Ils ne 
seraient certainement pas les victimes d’une inquisition indiscrète (cfr. Sickenberger) 
ou d’une « lecture de pensées » (contre Weinel), — quel profane aurait alors voulu 
Se risquer en de telles réunions ? — mais tel mot, tel rogard d'un « prophète » ferait. 
tressaillir l’auditeur étranger qui se dirait : « Comme ceci est fait pour moi! » C'est 
le secret de la prédication inspirée, celle qui convertit. Ce profane découvrirait 


368 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XIV, 1-25. 


lui-même le secret de son propre cœur (Gutjahr), qu'il s'était peut-être jusqu'alors 
soigneusement dissimulé. La « prophétie » dévoilerait « occulta cordis,.… non prophe- 
tis.… sed illis in quibus sunt et latent ipsis » (Estius). Et il sentirait que Dieu le 
regarde et le juge; il se prosternerait (rpocuvetv fréquent dans les Évangiles et 
l’'Apocalypse, mais ici seulement chez Paul), confessant que la Divinité habite 
vraiment parmi ces chrétiens, et en eux, 


20 L'ordre à observer dorénavant dans les assemblées de paroles (XIV, 26-40). 


Inr. Ce n'était pàs assez d'une critique; il fallàit des règlements pratiques et 
autoritaires pour supprimer. tous ces abus. Paul se charge de les édicter. La glosso- 
lalie surtout est soumise à de telles conditions qu'il devient bien impossible qu'elle se 
produise si ce n'est pas très authentiquement l'Esprit qui l'inspire, et qui, pour ainsi 
dire, force l'église à l'entendre. - 

Cette réglementation est encore donnée (implicitement au moins) comme reposant 
sur la tradition des églises (vv. 33b-86). Depuis le ch. XI l'unité du principe est donc 

très sensible. 

Le texte ne soulève pas de vrai problème. Il n’est guère que le passage relatif aux 
femmes, vers la fin, qui ait donné lieu à des discussions. Heïnrici y verrait une note 
marginale de la main même de Paul; Weiïnel, Hilgenfeld, Holsten, Schmiedel, 
Bousset et d'autres rejettent, ou du moins soupconnent 34-35, et Loïsy 33b-35, comme 
interpolation; J. Weiss lui-même inclinerait à juger 33b-36 inauthentiques. Ces opi- 


nions ne sont pas justifiées, malgré les interversions qu'on trouve en quelques 
manuscrits. 


CH. x1V, 26. TE oûv Éotv, adeAvol; Orav ouvipynole, Éxaotos Vaud Eye, 
ddoynv Éyer, amondAuuy Éyer, VAdooav Éyer, épunvelav Éyer mévra mpdc otxodou y 
vécu. | 

27. “Eire VAwoon is haheï, uata Dud À To mheiotov Tpeïc, nat “ava mépos, ka 


Cu. xiv, 26. Qu'est-ce donc à dire, frères? Lorsque vous venez à vous 
réunir, chacun a un psaume, a une instruction, a une révélation, a une 
« langue », a une interprétation; que tout se fasse de manière à édifier. 

27. Soit que l’on « parle-en-langue », que ce soit chaque fois deux, 


A. 26. Cfr. xt, 48-20; xu, 8-10; — et Eph. 1v, 12. 

B. 26. Il y avait donc toujours en ces assemblées grande variété de manifesta- 
tions, il y en avait trop aux yeux de Paul (Roë.-Pl.); cela cessait d'être édifiant, si 
l'on n'y mettait ordre. L'Apôtre va le faire avec grande fermeté, et il ne régente 
point pour cela l'Esprit, car ce n'est pas l'Esprit qui pouvait causer cette confusion 
(voir v. 33). Il n'est pas nécessaire du reste de considérer tout psaume, toute instruc- 
tion, toute interprétation comme manifestation proprement pneumatique; l'initiative 
de l'esprit humain pouvait souvent y suffire; mais il n’en va point de même pour 
« révélation » et « langue », — les deux points auxquels Paul va s'attacher, On a 
remarqué comme ce verset est précieux, pour la connaissance du culte antique, 

———— À. 27-28. ere appellerait un autre eïte, et pourtant, au v. 29, nous ne trou- 
verons qu'un simple dé de consécution; encore une anacoluthe. — ävà uépos se trouve 
chez Aristote et Polybe; — ici ets équivaut très probablement à un simple te, ct n'est 
pas le sujet du ayérw qui suivra; « qu'il se taise », au singulier, se rapporte au 
« glossolale » en général, collectif. 

B. 27-28. Ainsi, le nombre des glossolales devra désormais être fort réduit, et il 
ne sera plus licite à personne d'exercer ce don s'il ne se trouve dans l'assemblée 

ÉPITRE AUX CORINTHIENS, 24 


370 | ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XIV, 26-40. 


un À Bteppveurés, “ouyéru Ev Exxknole, Eaurÿ BE 


Lo 2 


ets Gepunveuérw" 28. av d 
haïeitw vai T@ 0e. 

29. [Toowÿrar dÈ dud à tpsis Awheitwoav, xal oi HAAOL Gianptvétuoav" 30. Eav GE 
&kko dronakuo0n xalnpéve, à mpdrocs cuydrw. 81. Abvaohe Yap na’ Eva mévrec 
moopnreberv, Îva mévres pavOdvwouv ua mévrecs “mapaxaküvrar 82. xa “nvebpare 
moopntüy mpophrais Ümordoseru. 33. Où Ydp Écruy dxaraoraolac à Bebc, aXA& 
cipAvas: 

‘Qc Ev récats vais ÉuxAnotars Tüv dylwv, 34. ai vuvatxes Ev vaïc Éxxnoiatc 


quelqu'un, un assistant au moins (ef), qui puisse interpréter. Voilà üne consigne 
qui paraît d'abord audacieuse; car des gens qui sont saisis par l’extase ne sont plus 
libres de ce qu’ils font et disent, et ne peuvent pas régler à l'avance leurs manifesta- 
tions avec un interprète, ou bien avec le président ou les commissaires de l’assem- 
blée; après tout ce qui précède, nous ne saurions croire avec Gutjahr que. les glos- 
solales pouvaient exercer leur don à volonté; d’ailleurs, ce semble être par contraste. 
avec eux que Paul parlera au v. 32 du pouvoir qu'ont les « prophètes » sur leurs 
« esprits ». Il faut donc reconnaître que Paul impose à la glossolalie publique des 
conditions prohibitives, — à moins qu’elle ne résulte d’une vraie extase, causée par- 
le vrai Saint-Esprit; car Paul, pourrait-on dire, compte sur la complicité du ciel 
pour l'exclusion de tout désordre (voir v. 83), il sait que l'Esprit ne donnera son 
inspiration que si elle doit être utile à tous, par conséquent s’il y a un interprète 
dans la salle. Mais tout illuminé ou simulateur sera à peu près forcément réduit au 
silence, expulsé au besoin. 

Veut-il donc prohiber tout langage émotif et extatique qui ne serait pas immédia- 
tement traduisible en termes rationnels? Non certes; il.ne le pourrait pas d’ailleurs. 
Mais cela doit rester entre Dieu et le mystique, et ne pas être donné en spectacle, 
Autrement, dans la conviction de Paul, la signature divine manquerait, — On voit 
bien encore ici qu'il n’est pas question de discours suivi en « langue étrangère »; le 
bel avantage qu'il y aurait à se tenir, et à tenir à Dieu, dans la solitude, un discours. 
bâti comme un autre, mais en syllabes dont le sens échapperait au parleur lui-même. 
(d'après le v. 14)! Cela s’appellerait bien « parler en l'air », ou faire du bruit comme. 
les cymbales. 

A. 29. ot omis devant &ko, D, G, L. 

B. 29. Nous passons à la « prophétie », charisme le plus estimé après celui des. 
« langues », et qui aurait dû l'être bien davantage. Là encore il y avait quelque 
chose à régler. [1 faut croire que les « prophètes » de Corinthe, tenus pour tels par 
eux-mêmes ou par leurs frères, ne parlaient pas toujours, dans leurs exercices, sous 
une motion actuelle de l'Esprit, une aptitude naturelle, et bien agréable, à « édifier, 
exhorter, encourager », pouvait les entraîner toute seule, et leur faire croire parfois 
qu'ils recevaient des « révélations ». Ainsi Paul commence par limiter ces exercices, 
tout comme ceux des glossolales. Puis il exige que les autres, — c'est-à-dire l’assis- 
tance, par la bouche de membres autorisés, par exemple des didascales, — jugent. 
et contrôlent ce qui à été dit. Cela n'est pas contraire à l'interdiction portée 
Didachè, x1, 7, de juger les prophètes; car, dans cet écrit-là, il s'agit de prophètes. 
déjà reconnus, et un contrôle assez sévère est prescrit xr, 1-6, 8-12, et xur. Il n'y à pas 
lieu non plus de croire avec J. Weiss que « les autres » soient seulement les autres 
prophètes; c'étaient tous ceux qui avaient le « discernement des esprits », principa- 
lement les chefs de l'assemblée, Cfr. I Thess. v, 20-21. 

J. Weiss fait d’ailleurs sur ces versets une observation excellente : c'est que la 


.-ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XIV, 28-34. 371 


au plus trois, et à leur tour, et que quelqu'un interprète; 28. mais 
au cas où il n’y aurait pas d'interprète, qu'il se taise dans l'assemblée, 
et qu’il se parle à lui-même et à Dieu... 

29. Pour les prophètes, qu'ils soient deux ou trois à parler, et que les 
autres [en] jugent; 30. mais, supposé qu'à un autre vienne une révéla- 
tion quand il est assis, que le premier se taise. 31. Car vous pouvez 
prophétiser tous un par un, afin que tous soient instruits et que tous 
soient exhortés; 32. des esprits de prophètes, c'est soumis aux prophètes. 
83. Car Dieu n'est pas [un dieu] d’agitation, mais de paix. 

Comme en toutes les églises des saints, 34. que les femmes se taisent 


personnalité éthique de Paul, son esprit de raison et d'ordre, apparaît ici en pleine 
lumière, dans sa conception du « pneumatisme »; « au lieu de la représentation 
animiste de l'habitation d'un esprit étranger dans une maison étrangère, émerge 
cette conception que l'Esprit de Dieu et la volonté de l'homme peuvent se joindre 
en une force combinée ». À condition, devons-nous ajouter, de maintenir la trans- 
cendance de l'Esprit, et de ne pas croire, comme fait cet auteur, que Paul ait eu 
besoin d'inventer cela, ct que la « communauté primitive » en était restée, avant lui, 
aux idées les plus païennes et grossières sur l'inspiration. 

À. 30-382. «0° Ëva, distributif hellénistique (ailleurs xa0’ is, Rom. xt, 5). — 
raparahGvre, non moyen, mais passif. — rvebuata (D, G, Lait. rveüua) — les « sout- 
Îles », les inspirations, cfr. xrv, 12. 

B. 30-32. On voit que les prophètes chrétiens étaient libres d'user ou de ne pas 
user de leur don qui consistait essentiellement à consoler, etc., avec puissance 
mais selon un mode humain, intelligible, réfléchi. S'il s'y joignait parfois de véri- 
tables « révélations », cas que Paul envisage ici, c'était accidentel, et naturellement 
imprévu; et le prophète restait libre de les communiquer ou de les garder pour lui; 
car ses « esprits », ses inspirations, lui étaient soumis, non dans leur source, mais 
au point de vue de l'usage qu'il en faisait. C’est encore un point qui distinguait ces 
« prophètes » des glossolales (voir 27-28 B); eux ils n'agissaient pas, au moins 
pour l'ordinaire, sous des impulsions irrésistibles, n'étaient pas &rayépevot (x1t, 2) 
comme des mystiques païens. Et c’est là un point sur lequel saint Paul s'éloigne 
non seulement de la gnose et des Mystères, mais de la mystique alexandrine de 
Philon, pour qui, chez le prophète et tout autre inspiré, une « folie divine » supprime 
l'usage de l’humaïne raison, incompatible avec elle (voir « Quis rerum divinarum 
haeres », $ 52-53). 

C'est pour cela que l’Apôtre leur impose tout naturellement un règlement; il leur 
était beaucoup plus facile de s'y plier que s'ils avaient « parlé-en-langues ». Ainsi 
aucune contestation ne pourra naître ou durer entre eux. Mais, remarquons-le, il 
fallait bien un arbitre, par exemple le « pasteur » ou l’« épiscope » qui présidait 
l'assemblée, pour donner ou retirer la parole; autrement il est à présumer que tous 
les prophètes, dont quelques-uns devaient aimer à discourir et y mettaient encore un 
peu d'amour-propre humain, ne se seraient pas, à moins d’une inspiration et d'une 
motion spéciale de l'Esprit, laissé imposer silence dès qu'un de leurs frères préten- 
dait discourir à leur place. 

—— A. 33. Ce verset devrait finir au mot elofvns, « paix ». — Sur les leçons de 
Marcion et d'Ambr', voici infra, 84, 

B. 33. Voici le grand principe qui a inspiré Paul, à côté de celui de la solidarité 
des « membres du Ghrist », dans le traitement de tous ces phénomènes mystiques, 


372 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XIV, 26-40. 


ouyéruoav où ap “émirpérerar adtais Axheïv, GAAX “bmoraccéobwouv, xaÎWS Hat 
à vouos héyer. 35. Ii DE ve mabety Béhououv, v ox rod flou dvèpac èrepuTaTwoav" 
ai ypèv väp Éotty yuvauxi AœAeïv Ev ExxAnoia. 

36. "H 4?” buy 6 Adyos To 0eoù ETAGE, À eïs dbuas évoug xavhvinoev; 37. Et 
mg Donet mpophrns elvar À mveupatixôs, Émiyivwoxérw à ypéqu div OTrt xupiou 
3 + ] le 3 D - x 
sriy Évrokn 38. el dE Tis ayvoet, ayvoeïtar. 

39. “Qote, adeAgoi pou, Gnhoëre To mpopnredetv, wat To Aaheïiy ph xwAVETE 
Thdooos” mévra DÈ eboynmovus nat xaTa TéEuv yuwvécôw. 


Le Dieu des chrétiens, qui est un « Dieu de paix » (cfr. Rom. xv, 33, xvi, 20), ne peut 
vouloir et inspirer de désordre, comme les dieux païens, créés par l'imagination 
humaine ou les suggestions du diable. Se reporter encore à xu, 8. Il fallait un maître 
comme Paul pour empêcher ces convertis imaginatifs et excitables de verser le vin 
nouveau dans leurs vieilles outres, et de retomber pratiquement dans le mysticisme 
superstitieux d'antan; c'est lui qui a, chez eux du moins, sauvé la nouvelle doctrine 
d’une chute dans la Gnose gréco-orientale, comme, grâce à ses instructions du début 
de la lettre, dans une sorte de philosophie rationaliste. 

A. 34. Nous rattachons à ce verset, comme il se doit, les derniers mots du 
précédent : d ëv x. t. ëxxh. t@v éyluv. Tout le monde est maintenant d'accord sur ce 
point. Cet appel à l'uniformité de l’enseignement et de la discipline dans les églises, 
nous l'avons déjà trouvé 1v, 17, vi, 17, plusieurs fois depuis lé ch. x1, et il se 
retrouve aussi en d'autres ‘épitres: c'est bien déjà du « catholicisme » (malgré 
J. Weiss). Mais le membre de phrase offre de notables variantes dans les plus vieux 
témoins. G, Chrys. et Vulg. ont ajouté à la fin Gtôéoxw ou « doceo », ce qui peut être 
une assimilation à 1v, 17. Marcion avait une leçon plus curieuse au verset précédent; 
il supprime 6 0eds (sans doute par horreur du Dieu de l'A. T.) et lit « [Les esprits 
des prophètes seront soumis aux prophètes]; car ce sont des esprits non pas de 
bouleversement [« aversionis », d'après Tertullien « Adv. Marc. » vi, 4, qui peut- 
être le cite et le traduit littéralement], mais de paix » (Harnack, « Maxcion », 
p. 88*, 1921); l'Ambrr a dù être influencé par la leçon marcionite, quand il écrit : 
« Pneuma non est dissensionis auctor, sed pacis, sicut in omnibus ecclesiis sanctorum 
doceo » (le mot « auctor » ferait supposer qu’il a lu «frtos au lieu de 6 0edç, Lietzm.), 
— buüv ajouté après yuvaixes D, E, F, G, K, L, al., Ambrr; — Grotéoceobou, pour — 
sôwoav, dans les mêmes codd. et latt., syrh,; À ajoute rois dvüpéotv. 

Les versets 34 et 35 ont été mis après Le v. 40, à la fin du chapitre, par D, E, F 
G, 93, Ambr, Toutes ces variantes et déplacements ont fourni à quelques-uns une 
paison de nier leur authenticité (voir l'Inr. à cette péricope). Mais c'est peut-être le 
trouble apporté par le texte marcionite de 33, et les rectifications qu’il nécessita 
ensuite, qui en sont cause. Quant à Marcion, on sait qu'il arrangeait les textes à sa 
guise. — Holsien et Schmiedel ont supprimé à la fois ce passage et xr, 4-5, (égale- 
ment sur les femmes), parce qu'ils leur paraissent en contradiction. 

B. 34-85. Guljahr et d'autres, après s. Thomas, ont bien noté que les femmes 
sont exclues de l'exercice public de la prophétie, seulement; car nous savons 
qu'il y avait des prophétesses chrétiennes reconnues. D'après ce passage, elles ne 
pouvaient montrer leur don qu'en dehors du service divin. Quant à la glossolalie, on 
comprend que saint Paul ait redouté l'impressionnabilité des femmes encore plus 
que celle des hommes. Il ne voulait pas de pythonisses dans ses églises, 

Au chapitre xr, v. 5, l'Apôtre paraissait cependant supposer que des femmes pro- 
phétisaient en public; ‘et il ne le leur interdit pas, il dit seulement qu'il est inconve- 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XIV, 35-40. 373 


dans les assemblées; car il ne leur est pas donné mission de parler; 
mais qu'elles soient soumises, ainsi que dit la Loi elle-même. 35. Et si 
elles veulent s’instruire sur quelque point, qu’elles interrogent à la maison 
leurs propres maris; car il est malséant à une femme de parler dans 
une assemblée. 

36. Ou bien est-ce de chez vous que la parole de Dieu est sortie, ou 


4 


est-ce à vous seuls qu'elle est parvenue? 37. Si quelqu'un estime être 
prophète ou pneumatique, il doit reconnaitre ce que je vous écris, que 
c’est un commandement du Seigneur; 38. et s’il le méconnaît, [c’est qu’lil 
n'est pas [lui-même] reconnu. 

39. De la sorte, mes frères, ambitionnez de prophétiser, et n’empêchez pas 
de parler en langues; mais que tout se fasse décemment, et en bon ordre. 


nant qu'elles le fassent sans être voilées, Ce n'est pas une contradiction comme 
Sickenberger le montre bien, maïs un exemple de la tactique suivie par l'Apôtre en 
ses controverses. En face d'un abus complexe qu'il veut détruire, il commence par 
ne l’examiner que sous un aspect, qui peut être secondaire, avant de s'attaquer au 
principal, à ce qui en fait la substance. Nous l'avons vu encore aux chapp. vu et 
x, à propos des repas dans les temples païens; il ne les a blâmés d'abord que pour 
une raison générale de charité, et puis c'est pour la raison propre qu'ils font une 
« communicatio in sacris ». De même ici. Ou bien, comme pense Labriolle (x Mon- 
tanisme », p. 176), Paul envisageait au ch. xt des cas exceptionnels; car toute loi a 
ses exceptions. 

Cette prohibition n’est pas dérivée, par interpolation, de I Tim. un, 11-sqq, qui 
la répète. La pratique de Paul sur ce point a dû être invariable, car elle lui était 
dictée par l'expérience, et par les exigences des mœurs grecques (qui faisaient 
juger inconvenant, aisypév, pour une femme de discourir en public), beaucoup 
plus que par ce prétendu reste d'anti-féminisme sémitique (Bousset, al.)., qu'on 
lui reproche souvent. On a beaucoup écrit sur le féminismè ou l'anti-féminisme 
de Paul. Le dernier ouvrage à nous connu sur cette matière, G. DELuNG, 
Paulus Stellung zu Frau und ÆEhe (Stuttgart. 1931), suppose encore chez 
l'Apôtre trop de préjugé juif, quand il lui impute l'idée que la femme est un être 
humain de seconde classe; au moins, x1, 7, 11, (v. ad loc.) et les célèbres passages 
d'Eph., font voir la haute idée que se faisait Paul du rôle de la femme dans la 
famille et dans la société chrétienne. 

Mais il ne lui concède pas pour cela de manquer, sous prétexte de religion et 
d'émancipation évangélique, à ce qui était tenu pour une convenance rigoureuse 
dans la bonne société grecque. Cette raison de dignité, et les abus qu'il avait 
constatés, lui ont fait trouver très opportun de rappeler aux Corinthiennes brillantes, 
disputeuses et trop enthousiastes, que leurs instructeurs naturels, c'étaient leurs 
maris, et le lieu de leurs initiatives, le foyer. 

On peut rapprocher x1, 2-8; Eph. v, 22, [ Tim. un, 11 ss, et lire l'étude de P. DE 
Lagnioze « Mulieres taceant in ecclesià » dans le « Bulletin d'ancienne littérature 
et d'archéologie chrétiennes », I, 41, sur le voile des femmes. 

B. 86. Ce verset et les deux qui suivent sentent encore presque l'irritation. Paul 
‘semble prévoir encore, comme x, 16, des résistances qui se déclareront surtout à 
propos de ce qu'il vient de dire pour les femmes. Est-ce donc Gorinthe qui doit 
imposer une règle aux autres églises, ou se dresser contre toutes, comme si elle 
était le foyer de l'Évangile, ou seule à le posséder dans sa quintessence ? 


374 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XIV, 20-40. 


= B, 837, Des « pneumatiques » prétendront-ils le contredire au nom de 
l'Esprit, soit sur l’usage des charismes, soit sur toute la discipline qu il a donnée — 
ou plutôt rappelée — dans cette section ? Mais, dit l’Apôtre avec ironie, si l’on se fait 
de soi-même l'opinion (ÿoxsï) qu'on est « prophète » ou « spirituel », on devrait être 
capable de reconnaître qu'il a parlé au nom du Seigneur, avec l'autorité de l'Esprit. 
A. 38. äyvocitu B, E, K, L al., syr; mais œyvositot N°, À, D, Origène, copt. 
Ambrr. oulg.; l'indicatif, attesté dans les textes égyptiens comme « occidentaux »» 
paraît préférable. 

B. 38. Si on lit l'impératif : « [S'il le méconnaïît], qu'il le méconnaisse », il 
faudrait entendre que Paul, presque agacé, laisse les disputeurs à leurs chicanes, 
comme s'il déclarait : « Tant pis! il peut le méconnaître, mais ce ‘sera à ses 
dépens »; « c’est son affaire » (Lemonnyer, 1922). Il romprait court à toute discussion, 
comme xi1, 16 (v. ad loc.). Chrys., Calvin, Bèze, Rob.-Pl., Lemonnyer, ont admis cette 
leçon. Mais si on lit l'indicatif (ce qui vaut mieux), avec Lietsm., J. Weiss, Bachmann, 
Sickenb., Gutjahr, Loisy, al., cette parole de Paul est plus grave et plus impres- 
sionnante : ce prétendu prophète ou « spirituel » prouve qu’il n’a aucun droit au 
titre qu'il se donne. Lietzmann va jusqu'à expliquer : « Dieu l’ignore et c’est un 
mauvais esprit qui l'anime », un démon; c’est peut-être aller un peu loin. Pourtant 
s. Jean dira plus tard (I Joan. 1v, 6) : « Celui qui connaît Dieu vous écoute, celui 
qui ne connaît pas Dieu ne vous écoute pas; c'est à cela que nous distinguons 
l'esprit de vérité et l'esprit d'erreur ». 
= B. 39-40. Vient enfin la conclusion, sur un ton calme et pratique. Paul 
recommande la prophétie (quoique fnhodte soit peut-être un peu ironique encore); 
quant à la glossolalie, il dit seulement de « ne pas l'empêcher »; il la tolère, parce 
qu'elle peut venir de l'Esprit, mais on a vu comme il se méfie de la manière dont elle 
s’exerçait à Corinthe; il semble n'avoir pas cru que l'Esprit-Saint voulût donner 
souvent ce charisme, si malaisé à authentiquer et à rendre utile pour l'édification 
de l'Église corinthienne. 


Ici se termine la partie de l'Épître consacrée aux charismes et au culte en 
général, en même temps que toute la section où il était répondu aux questions 
posées dans la lettre de l’église. Maïs ce dernier chapitre réclame encore quelques 
éclaircissements, qui feront l’objet de deux excursus. 


Exc. xv. LA « GLOSSOLALIE » ET LE MIRACLE DES LANGUES 
A LA PENTECÔTE. 


Cette « glossolalie » de Corinthe, que l'Apôtre de Jésus-Christ, grand exta- 
tique lui-même, traite pour ainsi dire en suspecte, qu'il met du moins au dernier 
rang des « charismes », fait naître un problème qui paraît d'abord assez troublant, 
à cause du retentissement qu’il peut avoir sur la question de l’historicité des 
Actes des Apôtres, et par conséquent sur celle des origines miraculeuses de 
l'Église. On s'explique l'embarras qui a longtemps régné, qui règne encore, 
dans l’exégèse orthodoxe pour l'interprétation du xrv° chapitre de la Première 
Epiître aux Corinthiens. 

Voici les données. | 

Dans l'Épangile selon saint Marc, xvi, 17, le Seigneur ressuscité promet à 
ses apôtres, entre autres signes qui accréditeront leur mission, qu'ils « parleront 
des langues nouvelles », YAGocats Axhoouatv xavri, 

Au jour de la Pentecôte (Actes des Apôtres, Il), le Saint-Esprit descend sur 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XIV, 26-40. 375 


les disciples sous forme de langues de feu, Y\üoou del mupde (v. 3); « et ils 
commencèrent à parler en autres langues (que leur langue maternelle, étéparc 
yhoosoums), selon que l'Esprit leur donnait de s'exprimer » (v. 4). La foule réunie 
du monde entier pour la fête s’assemble autour d'eux, et c'est « dans son propre 
dialecte (17 t3ix Gtxhéxren) que chacun les entend parler » (v. 6). Parthes, Mèdes, 
Elamites, etc., s'en émerveillent. Ces Galiléens, disent-ils, parlent dans nos 
langues maternelles (raïç fuerépais YAwoows) des grandeurs de Dieu (v. 11). Pour- 
tant d’autres raillent, et disent : « Ils sont pleins de vin doux » (v. 13). Suit le 
discours de Pierre, — en une seule langue, assurément — qui en convertit 
trois mille. Aucun doute dans l’interprétation de ce récit : les Apôtres, saisis 
par l'Esprit manifesté sous forme de « langues » de feu, font retentir des 
accents de joie et de louanges en idiomes étrangers, etles pèlerins cosmopolites 
s'en aperçoivent. De quelque pays qu'ils viennent, ces accents vont remuer dans 
leur cœur les vieux souvenirs de famille et d'enfance, et la jubilation religieuse 
des apôtres y éveille les échos Les plus personnels, les plus intimes. Vrai sym- 
bole et prédiction de la catholicité de l'Église. C'est pour cela que le miracle 
avait été fait (qu'il soit de locution ou d'audition, ou des deux ensemble, peu 
importe), et non pour que tous comprissent matériellement, car ces pèlerins, 
qu'ils vinssent d'Orient, d'Égypte ou de Rome, avaient tous l'usage d’une au 
moins de ces deux langues, l'araméen ou le grec. Mais il en demeure quel- 
ques-uns qui ne sont sensibles qu’à l'état d’excitation extraordinaire où ils voient 
les Apôtres, et déclarent : « Ce ne sont que des gens qui ont trop bu. » 

Au cours des années suivantes, se produisent çà et là des conversions collec= 
tives, qui sont accompagnées aussitôt de manifestations sensibles de l'Esprit. 
C'est à Samarie (Act. vin, 17), c'est à Césarée le centurion Cornelius et sa 
maison (Act. x), ce sont plus tard les « disciples » rencontrés par saint Paul à 
Éphèse, Act. xix, 1-7. Quand l'Esprit s'empare d'eux, Cornelius et les siens 
« parlent en langues » (Axhoëvrwv hoooousc, x, 46), et, comme les Apôtres à la 
Pentecôte, « magnifient » Dieu (meyæhuvvrov vôv Asôv, ibid). Pierre alors les baptise, 
puisque « ils ont », dit-il, « reçu l'Esprit saint tout comme nous », ro nvebux To 
dyrov ÉAxGov dc xat fueis (v. 47), ce qui est une allusion évidente à la Pentecôte; il 
le répète, pour défendre son initiative, aux frères de Jérusalem (Act. x1, 15 : 
Emémecev td nveduo vo &yrov mn” arobs éomeo xal ép” fuGc v &oyÿ, ce qui est plus clair 
encore : « L'Esprit Saint est tombé sur eux comme sur nous-mémes au com- 
mencement »). Les « disciples » d'Éphèse, ayant reçu de Paul le baptême et 
l'imposition des mains, « parlaient en langues et prophétisaient », éadhouv ve 
phüooux xat rpopñceuor (Act. x1x, G), c'est-à-dire qu'ils manifestaient exactement 
les deux grands charismes qui étaient en honneur à Corinthe. 

De la comparaison de ces récits, il ressort : 

Que les phénomènes mystiques produits à Césarée et à Éphèse devaient être 
les mêmes, et les uns et Les autres pareils à ceux de Corinthe (4). 

Que ceux de Césarée avaient rappelé à Pierre lui-même le miracle de la 
Pentecôte. 


(1) Avec cetle différence, qu'il ne faut pas perdre de vue, qu'à Césarée et à Éphèse l'ins- 
piralion était tout à fait imprévue, et lemporaire sans doute, tandis qu'à Corinthe « la 
glossolalie » élait presque passée à l'état d'institution. 


376 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XIV, 26-40. 


Puisque deux quantités égales respectivement à une troisième sont égales 
entre elles, ne faudrait-il pas conclure que les phénomènes de « glossolalie » à 
Corinthe étaient identiques de nature au « miracle des langues » opéré au profit 
des Douze? et par conséquent que la « glossolalie », Aukeïiv Yhbaomç (Act. x, x1x; 
1 Cor..), que ce fût à Césarée, à Ephèse, ou à Corinthe même, était un parler 
miraculeux en langues étrangères non apprises, hokeiv étéparc yhwooats (Act. 11)? 

Or, à n'étudier que le texte de Paul dans I Cor. xrv, il paraît évident, nous 
l'avons établi, que la « glossolalie » corinthienne était un phénomène mystique 
d'autre nature, et d’un ordre bien inférieur au miracle de la Pentecôte. 

D'où problème. 


* 
# x 

Cette considération n'a pas arrêté la grande majorité des exégètes, soit 
catholiques, soit protestants et rationalistes; ils soutiennent l'identification. 
Mais ils en tirent, naturellement, des conclusions bien différentes pour l'histoire. 

La tradition exégétique, à travers l'antiquité chrétienne, le moyen âge et les 
temps modernes, paraît avoir été d'une teneur. Les Pères, saint Thomas (voir 
pourtant ci-dessous), Estius, etc., Ad. Maïer, Messmer, Seisenberger, Knaben- 
bauer (sur les Actes), Cornely, Bartmann, Fonck, Prat, Simar, Pôlzl, Lemon- 
nyer, Toussaint, Sales, Callan, ete., ainsi que les anciens orthodoxes protestants, 
ont tous parlé d’une élocution surnaturelle en langues étrangères. Cornely, Bart- 
mann et Fonck (Lex. bibl. de Hagen, dans le « Cursus » des PP. Jésuites) se 
sont efforcés, par des raisons de convenance, d’exclure la théorie d'un langage 
extatique et incompréhensible (à cause, dit Fonck, de la nécessité du « rationa- 
bile obsequium »), et de démontrer la rationalité, ainsi que l'avantage pour 
l'instruction de l'assistance, d’un discours en idiomes étrangers. Bisping et 
Beiser (« Apostelgesch. ») ont pensé à une langue nouvelle ou universelle, 
peut-être (Bisping) celle d'avant la confusion de Babel; Bachmann, à une 
langue incompréhensible pour l'homme en tant qu'homme. Ce n’est qu'à une 
époque récente que des catholiques comme Rohr, Feliten, Gutjahr, et quelques 
autres, ont donné des interprétations qui tiennent mieux compte du texte. 

Du côté libéral et rationaliste, la même assimilation aux faits de la Pentecôte 
a été maintenue. Mais ce n’est pas dans le même esprit, car on a conclu là que 
le récit d'Act. Il n'est pas historique, et que le « miracle des langues » n'est 
qu'une projection embellie, faite sur les débuts de l'Église à Jérusalem, du 
simple « parler-en-langues » que l'enthousiasme religieux déchaïnait en beau- 
coup de communautés primitives. Or, qu'était-ce que cette « glossolalie »? 
L'histoire des religions, comme les « revivals » des méthodistes, et les obser- 
vations cliniques d'aujourd'hui, nous renseigneraient assez sur ce point. Eich- 
horn, Holsten, al. n’y voyaient qu'un phénomène pathologique : un état d'aliéna- 
tion et d’inconscience, où la langue (y\üoox) remue toute seule pour émettre des 
sons incohérents: J. Weiss leur objecte que Aux. Y\woon n'est pas une expression 
qui entraîne l'idée d’inconscience, et que le pluriel üoo« ne s’expliquerait pas 
s’il s'agissait simplement de la langue qu'on a dans la bouche. D'autres, Renan, 
Bleek, Heinrici, Schürer, y voient un langage extatique où pouvaient se mêler 
quelques mots étrangers, hébreux ou araméens, comme maran atha (v. [ Cor. 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XIV, 26-40. _ 377 


xvi, 23) et d’autres (Renan). IL y a du vrai, mais ce n'est pas suffisant. Enfin les 
syncrétistes amènent tout l’attirail bizarre des mots forgés avec des consonances 
sémitiques, égyptiennes, etc., qu'on trouve en si grande abondance dans les 
papyrus magiques de l’époque. Les mystiques païens donnaient ces abracadabras 
comme des noms secrets de Dieu ou des dieux. Reitzenstein (« Poimandres », 
pp. 55 ss.) rappelle que les dieux inférieurs louaient ainsi les supérieurs, dans la 
vieille Egypte, en une langue à eux, et qu’au temps du syncrétisme on attache 
beaucoup d'importance à invoquer la divinité méon puvn xat méon dtaléxtw (Déete- 
rich, « Abraxas », p. 4}; on se servait de préférence de vocables appartenant 
aux langues censées les plus anciennes, comme le phrygien; un mage pouvait 
dire à son dieu, pour être plus sûr de le toucher : ofdé sou xat vù BapBaptxù évouata, 
« Je sais jusqu'à tes noms barbares ». Des chrétiens exaltés auraient transporté 
dans leur religion ces pratiques contre lesquelles Paul dut protester, et ils 
croyaient parler ainsi « la langue des Anges » (I Cor. xux, 1; Weinel, al.). On 
sait par le Testament de Job, écrit qui se tient entre le judaïsme et Le chris- 
tianisme (v. Reëtz., ibid. p. 57) que, sur les trois filles de Job, avant la mort de 
leur père, l’une se mit « à chanter à Dieu selon l'hymnologie des Anges », 
l'autre « dans le dialecte des Archontes », la troisième « dans le dialecte des : 
Chérubins », enfin « chacune dans le dialecte qu’elle choisissait » en son transport. 
Delafosse pense naturellement aux inspirés #0ntanistes, pour les glossolales de 
Corinthe, dont les prouesses auraient été plus ou moins réglées par un catho- 
lique ancien et un catholique récent, tandis que l'hymne à la charité du ch. xxx 
aurait été introduit comme correctif. Etc. — Quant aux psychiâtres, ils évoquent 
la glossolalie des aliénés, et les phénomènes parfois morbides que l'épidémie 
d’ enthousiasme religieux produit encore sous nos yeux dans les « revivals » (1). 

On voit que la question est de celles qui méritent d'être pleinement élucidées, 
— en admettant que la chose soit possible. 


* 
x * 


D'abord, existe-t-il une tradition historique qui puisse fixer nos idées, en 
dehors du texte lui-même ? 

Il faut répondre négativement. Déjà au temps de CArysostome, il semble que 
le souvenir des faits s'était perdu. L’illustre docteur d'Antioche ne fait pas 
difficulté d'avouer, à propos des charismes en général (kom. 29, xn, 1), et cela 
vaut spécialement pour le don des langues : « Le passage tout entier est très 
obscur. Cette obscurité provient de notre ignorance de ce qui se passait alors, 
mais n'arrive plus de nos jours ». (Cela peut valoir aussi pour les conditions 
du « repas du Seigneur », v. Exc. x). Pourrions-nous au moins, à travers l'his- 
toire primitive, suivre une série de témoignages ou de similitudes qui illus- 
treraient un peu la nature de la « glossolalie » du r°" siècle? On invoque un 
passage de s. /rénée (« Ado. Haer. » v, 6, 1) : moAÂGv duobouev déshpüv év ri éxxAnotx 


(1) De l’abondante littérature consacrée à ce sujet, on peut signaler particulièrement 
Hermann GünrerT, Von der Sprache der Gôtter und Geister, 1921, 2 et 3, pp. 23-54 (théorie 
de la « langue des Anges ») et plusieurs auteurs qui l'ont précédé, EVERLING, Paulinische 
Angelologie, Eddison MosiMan, Das Zungenreden, 1911, comm. de Liets:mann, Bousset, 
J. Weiss. Notes à la fin de cet excursus. 


378 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XIV, 26-40. 


TROPNTILÈ YApiouxTe épovtov, «at mavrodamaic Axhoëvrwv Où Toù rvebmaros TAHOE, 
« nous entendons dans l’église beaucoup de frères qui possèdent des charismes 
prophétiques, et qui parlent, par l'Esprit, en (?) glosses de toute sorte ». 
Gutjahr a raison de dire que cela n'éclaircit pas du tout le sens de Aüoom, et on 
peut certainement douter qu'il s'agisse là de « langues étrangères ». En cette 
fin du n° siècle, les illuminés montanistes s'excitaient sans doute à la glossolalie 
comme à un exercice favori; Hilgenfeld particulièrement a prétendu trouver 
chez eux l'explication du « parler-en-langues » de Corinthe; or on ne voit pas 
du tout qu'ils se soient servis d’idiomes exotiques; l'oracle de Prisca la prophé- 
tesse « Carnes sunt et carnem oderunt » (Tertullien, « de Res. carnis », xt), 
donné par ce savant comme exemple typique de « glossolalie », est une phrase 
latine qui n’a rien de particulièrement mystérieux. On pourrait aussi penser à 
ces « prophètes » dont parle Ceise (Origène, « cont. Celsum » vir, 9), qui gesti- 
culent et vaticinent dans les sanctuaires, les villes et les camps, en Phénicie et 
en Palestine, déclarant « Je suis Dieu, ou le Fils de Dieu, ou l'Esprit divin. Le. 
monde va bientôt périr, etc... », et faisant suivre leur prédication de paroles 
inconnues, furieuses, absolument obscures (éyvmsra, moüpororpa, müvrn dnha), 
« dont nul homme de bon sens ne pourrait trouver la signification, etc. ». Si le 
polémiste païen n'a pas cherché purement à ridiculiser la propagande chrétienne. 
et ses évocations d'eschatologie, en prêtant aux fidèles des manières observées 
chez des inspirés d’autres religions (comme l'en soupçonne Lombard, « De la 
Gloss., » p. 99), ou encore s’il n’a pas voulu assimiler simplement les prophètes 
bibliques à des païens excentriques de-son époque (Farnack, « Mission » r, 2, 
p. 297, et Reitzenstein, « Poimandres » p. 222 et H M5, p. 316), on pourrait 
penser à des montanistes, comme la prophétesse Maximilla qui disait en esprit : 
« Je suis parole, esprit et puissance » (Æus. IH. E. v, 16); Ritschl l'a cru, mais 
Reitsenstein (loc. cit.) et Labriolle (p. 99 s.) rejettent cette identification. Il 
pourrait s'agir de gnostiques semi-païens imitant le langage secret de la magie; 
ce ne sont pas de vrais chrétiens, puisqu'on peut les rencontrer déraisonnant 
dans les temples, êv fepois, comme ëtw tepëiv; et rien n'éveille dans cette description 
caricaturale l'idée d’une liturgie comme celle de Corinthe. Par ailleurs, on ne 
trouve aucun indice — sauf peut-être parmi des gnostiques paganisants — que 
les fidèles du Christ aient jamais loué Dieu, en l'appelant ao, Elohai, Marma- 
rachada, Menephô, Marmai, léor, etc., ou d’autres termes mystiques comme 
dans le Papyrus de Londres 1 (cfr. Lietzmann, p. 71). 

Bref, on ne peut constater qu’il y ait eu, entre l'âge apostolique et le rv° siècle, 
où commence une « tradition » exégétique sur notre passage, continuité de 
phénomènes pareils à ceux dont traite notre épiître, et dont la vue, ou le souvenir 
rapproché, eût instruit les exégètes sur ce qui avait pu se passer au temps de 
saint Paul. Rien notamment ne permet de croire que les chrétiens orthodoxes, 
au moins depuis [rénée (dont le témoignage ne tranche rien, v. supra), ni même 
les montanistes, aient pensé à se servir dans le culte ou les manifestations 
prophétiques de « langues étrangères », où d’un galimatias magico-gnostique 
qu'on aurait pu comparer à des idiomes barbares. 

Ce fait négatif joint à l'aveu de Chrysostome (supra) démontre qu'il n'y avait 
pas de tradition historique concernant ces « langues » de l'Épître aux Corin- 
thiens. Ce n'est que l’instinet ou la réflexion un peu précipitée des exégètes qui 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XIV, 26-40. 379 


es ont identifiées — solution trop facile — aux « langues étrangères » des 
Apôtres. 

Au moins, cette longue « tradition exégétique » est-elle absolument ferme et 
continue? On invoque en sa faveur la haute autorité de saint Thomas, par 
exemple. Or voyons de près le texte du Docteur Angélique. Il apparaîtra dès le 
premier regard, que, s’il parle comme les autres de « langues étrangères », c'est 
surtout qu'il est tenu par la fausse leçon de la Vulgate (« omnium vestrum 
lingua loquor », v. 18; un don perpétuel que tous les Apôtres auraient reçu à la 
Pentecôte, et Paul comme eux à son tour), mais qu'il ne s'en tient pas à cette 
solution comme à la seule possible, sans doute parce qu’elle le gêne quelque 
peu (1). On voit, à beaucoup de passages, que saint Thomas a toujours hésité 
entre les sens de « langue étrangère » et de « langage obscur », pour le cas 
des Corinthiens; on dirait bien qu’il préfère, dans son for intérieur, la seconde 
acception, et ne maintient l'autre qu’à cause du v. 18; en tout cas, il ouvre une 
perspective différente de l'opinion alors commune, et c'est justement celle que 
nous avons défendue. 

Une tradition purement exégétique ne s'impose pas, surtout lorsqu’ elle n'est 
pas absolument unanime et décidée. 


* 
* # 


Parmi les catholiques récents, il en est, comme Rohr et Gutjahr, qui ont 
donné une explication très plausible de ce qui se passait à Corinthe. Le premier 
(« Paulus und die Gemeinde von Korinth », p. 49) note que la glossolalie critiquée 
par Paul offrait une analogie atténuée avec les « saintes fureurs » des cultes 
antiques et qu'elle avait les prédilections d’une communauté qui, sur bien des 
points, s'attachait aux manifestations sensibles, la majeure partie en étant formée 
par des Grecs du commun. Gutjahr analyse très bien, d'après le texte, le 
phénomène : ce « don » consistait en un état d’extase où étaient prononcées des 
paroles incompréhensibles aux auditeurs, dites à voix haute, en partie articulées 
et en partie inarticulées, dont l'intention était vaguement reconnaissable (prière, 
action de grâces, etc.), mais qui pouvaient se comparer à des notes émises sans 
liaison par des instruments de musique, ou à quelque langue exotique; si ce 


(1) Voici ses manières de parler : à propos du v. 2 (éd. Vivès, p. 13’) « Quod ergo dicitur 
hic loqui lingua, vult Apostolus intelligi lingua ignota, et non explanata; sicut si in lingua 
theutonica loquatur quis alicui gallico, et non exponat, hic loquitur lingua. Vel etiam si 
loquatur visiones tantum el non exponat, loquitur lingua »; — à propos de 5: « Et hujus 
ratio est quia aliquando aliqui moventur a Spiritu sancto loqui aliquid mysticum, quod ipsi 
non intelligunt; unde isti habent donum linguarum »; — à propos de 10 (où il voit aussi 
un exemple, et non une définition, v. ad loe) : « Tertio, per exemplum sumplum ab hominibus 
diverse loquentibus »; — à propos de 6 : « si venero ad vos linguis loquens; hoc dupliciter 
potest intelligi, scilicet vel linguis ignotis, vel ad lilleram quibuscumque signis non intel- 
lectis »; — sur le v. 13: « ….prophetiae, quae est excellentior illo qui loquitur lingua ignola, 
vel extranea, vel aliqua myusteria occulla »; — sur 23 : « et omnes, qui jam convenerunt, 
loquantur linguis ad litteram extraneis, vel‘loquantur ignota et obscura; et dum sic confuse 
loquuntur, intret aliquis idiota, ete, »; « Quod si intelligilur lingua, nihilominus quae 
loquuntur sunt occulla »; — enfin à propos du v. 40, « loqui linguis nolile prohibere », le 
commentateur explique : « ne fiat dissensio », comme si le parler-en-langues public n'avait 
pas eu pour se justifier des raisons plus hautes! 


380 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XIV, 26-40. 


n'eût été qu'un discours en idiome étranger, les glossolales n'auraient pu avoir 
l'air de « fous ». 

Sur un point cependant nous ne pouvons partager son avis. Il estime que le 
pluriel de Aaheiv ÿAwoous, « parler-en-langues » s'expliquerait par un rapproche- 
ment avec le miracle de la Pentecôte, et les « Zangues de feu» qui descendirent 
sur les disciples. 

Or l’expression, croyons-nous, s'explique d’abord, — non pas exclusivement, 
mais d'une façon plus directe — par le sens technique que le mot ÿ\üoca avait 
pris depuis longtemps dans le monde grec, et qui pouvait être familier à Paul, 
à l’auteur des Actes, et aux lecteurs corinthiens. C'était celui de terme sortant 
de l'usage ordinaire, et à cause de cela difficile à comprendre, — quel que fût 
d’ailleurs ce terme, étranger, archaïque ou rare. J. Weiss a le tort, comme 
toute l'école syncrétiste, de chercher des spécimens de la glossolalie corin- 
thienne, comme ayant prétendu être un « langage des Anges », dans les excen- 
tricités des papyrus; mais il a raison d'expliquer yévn ÿAwooëv, « les genres de 
glosses » (x, 40) comme une expression courante dans la communauté, le mot 
Yhüooe, qui ne désignait d'abord que des mots isolés, ayant été appliqué à des 
phrases entières formées de « glosses » en partie, lesquelles pouvaient être 
de toute espèce, étrangères, nouvelles, etc.; d’où une certaine variété, qui per- 
mettait de parler de « genres » divers. 

C'est à Heinrici, après Bleek comme précurseur, que revient le mérite d’avoir 
attiré l'attention sur ce sens technique de y\üose. Puis bien d’autres ont 
développé ses indications. 

Les Athéniens appelaient yAürrar les mots étrangers à Ia langue courante, 
qu'Aristote définit clairement, en opposant la « glosse » au « mot xbptov », c'est-à- 
dire au terme propre et usuel. IL dit (« Poétique » 1457 b 3) : « J'appelle xépuv 
(« dominant », « principal ») [le terme] dont se sert tout le monde, et yAücræ 
(« glosse », expression exotique ou dialectale) celui dont se servent des étrangers ; 
ainsi il est clair que le même mot est yAürra et xüprov, mais non pour les mêmes 
gens; Car ctyuvov (— Ôdps en attique) est xüpuv pour les Cypriotes, et pour nous 
c'est une glosse » ; — « tout nom est soit xépuv, soit glosse, soit métaphore, soit 
xouos (épithète d'ornement), etc. ». Il recommande d’user parfois de « glosses » 
(« Rhétorique » 1404b 26) : « En certaines circonstances, rares toutefois, il faut 
se servir de glosses, de noms doubles et fabriqués; mais le xépuv et l'usuel, 
ainsi que la métaphore, sont seuls de mise pour les conversations roulant sur 
des choses simples » (les GimA& évouura xal mexomuéve paraissent rentrer dans la 
catégorie des glosses). Il est bon cependant de se servir de glosses pour relever 
le langage dans la poésie : « car on admire ce qui est éloigné, et admirer est 
agréable » (Rhét. 1404 b 8). Les glosses sont utiles surtout dans l'épopée, car 
elles ont un air de solennité et de fierté, et la métaphore dans les ïfambes (Rhét. 
1406 b 2); mais il ne faut abuser ni des unes ni de l’autre, car trop de métaphores 
changent l'énonciation en énigme, et trop de glosses en barbarisme; « ce qui est 
étranger à l'usage vulgaire (td ph iôwrixiv) empêche la banalité.…, mais le xüprov 
fait la clarté ». — Après Aristote, il y a surabondance d'explications identiques 
ou à peu près sur le mot « glosse » en grammaire et en rhétorique, depuis des 
contemporains de saint Paul jusqu'au Byzantin Eustathe {(v. J. Weiss, pp. 336 s.). 
Les Latins mêmes admettent le terme ou celui de « glossème », tout voisin. 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XIV, 26-40. 381 


Quintilien dit (« Inst. » 1, 8) que les « glossemata » sont « poces minus usitatae », 
appartenant (1, 17) à la « lingua secretior, quam Graeci ÿ\üooaç vocant ». Plu- 
tarque, en parlant de la Pythie (« De Pythiae oraculis » 24) explique que le 
dieu, se pliant à la marche du monde qui va de la poésie à la prose, a fait cesser 
sa prophétesse d'appeler les Delphiens mupixéous, les Spartiates ôpro6dsouç, les 
fleuves épeurorac, etc. et a supprimé de ses oracles vers, glosses, périphrases et 
obscurité. On peut trouver chez J. Weiss et d'autres encore un certain nombre 
de références au même Plutarque, à Sextus Empiricus, Galien, Marc-Aurèle, 
Denys d'Halicarnasse (évéuura ÿhwrimmerxé), ete. Cela revient toujours au même. 

‘Nous voyons donc bien ce qu'étaient des ÿ\üoox pour les contemporains de 
saint Paul. Non pas précisément des termes tout à fait étrangers, ou absurdes 
comme ceux des papyrus, que personne n'aurait compris, mais des noms emprun- 
tés à une langue étrangère et encore peu courants, des expressions dialectales, 
rares, archaïques, des néologismes et des composés imprévus, même des circon- 
locutions trop emphatiques (comme xwémns &véocwv, « régnant sur la rame », 
qu'Aristote reproche à Eschyle et à Euripide, comme glosse homérique bien 
inutile pour dire « ramant », Meïllet). 

Est-ce que l'enthousiasme des chrétiens de Corinthe, surtout de ceux qui 
étaient lettrés, les portait à faire tant de lyrisme dans leurs assemblées? Ou 
plutôt les interjections, les paroles décousues des extatiques, n'étaient-elles 
pas appelées « glosses » par extension, parce qu'elles étaient difficiles à com- 
prendre du commun des assistants, des tüiru, comme de vraies « glosses »? Il 
pouvait y avoir de l’un et de l’autre; — et quelque chose encore en plus. 


Nous pouvons maintenant comprendre comment « parler-en-langues » (en 
glosses) ne veut pas nécessairement dire tenir des discours en langue étrangère. 
Mais tout cela n’explique pas encore qu il se soit fait une espèce d'identification 
entre un miracle de premier ordre comme celui de la Pentecôte, et un charisme 
fréquent, dont le caractère surnaturel pouvait quelquefois rester douteux. Que 
des écrivains postérieurs aient pris le « parler-en-langues », dont la nature était 
oubliée, pour l'usage miraculeux de langues étrangères qui était, lui, décrit sans 
ambiguïté dans les Actes, et aient identifié ÿAuooatç à Étépais ÿAwooatc, puis que 
la lignée des commentateurs, où les saint Thomas sont des exceptions, les ait 
suivis sans voir de problème, on le comprend encore. Mais la difficulté est plus 
grave : c'est que les mêmes termes, AxAëtv yhwooutc, désignent le charisme corin- 
thien et la manifestation de l'Esprit chez les « disciples » d'Éphèse et dans la 
maison de Cornelius, et que saint Pierre déclare, à propos du dernier fait : « Ils 
ont reçu le Saint-Esprit comme nous au commencement », c'est-à-dire comme 
les Douze à la Pentecôte. 

Faut-il en conclure qu'il y eut un miracle de langues étrangères à Césarée et 
à Éphèse? On ne voit vraiment pas dans quel but Dieu aurait fait parler Corne- 
lius de cette manière extraordinaire à Pierre et à ses compagnons de Joppé, ou 
les Éphésiens à Paul, Ils ont dû simplement s'épancher en langage extatique, 
comme les Corinthiens; il n’est pas question pour eux, dans le texte, de ÿAüocou 
étépau, 


382 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XIV, 26-40. 


Mais alors, Pierre n’enseignerait-il pas, ruinant par avance le récit que devait 
écrire l’auteur d’Actes x, et pour le grand bénéfice des exégètes rationalistes, 
que lui et les apôtres ses compagnons, au jour où le Saint-Esprit est descendu 
sur eux, n'avaient pas fait autre chose que « glossolaliser » ? 

Répondons qu'il y eut certainement, éntre les phénomènes spirituels de 
Corinthe, d'Éphèse et de Césarée d'une part, et le grand événement de Jérusa- 
lem de l’autre, une analogie assez frappante, mais une différence plus frappante 
encore. 

L'analogie consiste en ceci que l'Esprit mit les Apôtres hors d'eux-mêmes, 
comme les convertis de Césarée et d'Éphèse, et les glossolales — les vrais — 
de Corinthe. Les uns et les autres, en extase, chantaient les louanges de Dieu. 
Le transport des Douze était tel que certains témoins les prirent pour des gens 
ivres. 

La différence est que, à la Pentecôte, l'Esprit, pour attirer d'un coup des 
milliers de Juifs dans l'Église naissante, joignit à cette extase collective, saisis. 
sante déjà, le grand miracle des langues étrangères entendues par la foule des 
pèlerins, — tandis que dans les autres cas, le texte ne parle de rien qui y 
ressemble, et qu'un pareil prodige aurait d'ailleurs été inutile. 

L’analogie — cette descente de l'Esprit mettant en extase les croyants, — 
était assez grande pour que les phénomènes spirituels de Césarée, d'Éphèse, et 
même de Corinthe, fussent considérés comme une sorte de continuation, ou de 
répétition, de la Pentecôte. Puisque yAüoout (— langues) signifiait toute espèce 
de parler extraordinaire; il est compréhensible que les premiers chrétiens aient 
mis dans un même genre les « glosses » inspirées dont ils étaient bénéficiaires, 
et les « autres langues », ÿAüooxt étépar, bien plus extraordinaires encore, que les 
Apôtres avaient parlées. Sans doute il y avait une forte nuance qui distinguait 
le parler clair et miraculeux de la Pentecôte, et les expressions obscures des 
glossolales. Mais ils avaient de commun ceci, de n'être pas la manière de parler 
habituelle et d'être un effet de la présence de l’ Esprit. 

Quand on ne sut plus très clairement ce qui s'était passé au 1°" siècle, la. 
nuance fut oubliée, et tout fut ramené à la manifestation la plus éclatante, le 
chant des louanges de Dieu en idiomes humains et intelligibles en eux-mêmes, 
mais non appris de ceux qui les parlaient. 

Il est d’ailleurs fort possible, — ni nous, ni Gutjahr, ni les autres catholiques 
nous ne le nions — que, suivant la promesse du Christ (Marc, xvi, 17), le 
miracle des langues se soit quelquefois reproduit au profit des prédicateurs de 
l'Évangile; on rapporte des faits semblables dans la vie de quelques saints. Il a 
pu coïncider aussi avec des transports extatiques, et des « glossolalies » propre- 
ment dites. Nous ne le savons pas; mais la chose est possible, et elle aurait 
contribué à faire confondre dans le bloc d'une seule perspective toutes les façons 
surprenantes de s'exprimer qu'on notait chez les « spirituels ». 


Nous pouvons sans doute nous représenter de la sorte ce qui arrivait dans les 
assemblées corinthiennes. 
Des membres de l'Église, saisis par l'enthousiasme religieux, commençaient 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XIV, 26-40. 383 


à louer Dieu à haute voix, en grec, dans une improvisation ardente, et ils 
perdaient bientôt, à force d'émotion, le fil de leur discours. Plus ils s’animaient, 
plus leur langage devenait entrecoupé, leurs exclamations mystérieuses; les 
auditeurs finissaient par ne plus y saisir aucun sens. Des paroles liturgiques en 
langue araméenne, comme « Abba, Pater », « Ephpheta », « Maran atha » 
pouvaient s'échapper de leurs lèvres. D'ailleurs, comme la communauté chré- 
tienne de cette ville cosmopolite venait en partie de tous les coins du monde 
méditerranéen, des extatiques qui n'étaient pas nés Grecs pouvaient retourner 
instinctivement à leur langue maternelle, se mettre à ne plus prononcer que des 
mots latins, égyptiens, puniques, étépar YAüosw, mais toujours en une telle confu- 
sion que ceux-là mêmes qui savaient ces langues ne pouvaient les comprendre. 
L'assistance était surprise et édifiée du spectacle; mais elle ne pouvait s'associer 
consciemment aux pensées et aux sentiments précis des « glossolales » que si 
un « interprète » lui en communiquait ensuite la substance. Autrement, la 
chose était plus théâtrale qu'utile, et réveillait trop certains instincts du vieux 
paganisme; il était par conséquent douteux que ce fût l'œuvre d'un Esprit 
d'ordre et de paix. Paul le leur dit, et agit en conséquence. 

Nous semblons beaucoup affaiblir le caractère surnaturel de ces manifesta- 
tions. Mais, de fait, il n'était pas toujours facile à reconnaître, car les contre- 
façons de « pneumatisme » pouvaient aisément se faire jour, et des illuminés, des 
hystériques encore demi-païens, hommes et femmes surtout, peut-être même des 
gens ayant fait trop bonne chère (voir xr, 21), des simulateurs qui voulaient 
se faire valoir, ou parler prétendument sous l'influence de l'Esprit contre Paul, 
contre les chefs de la communauté ou les factions rivales (voir xrv, 37; xr1, 3; 
x1, 48), et surtout « ceux du Christ » si nous les avons bien identifiés (Exc. rv), 
se manquaient pas d'attribuer à l'Esprit une inspiration exaltée ou contrefaite 
qui leur venait de toute autre source. Si jamais pareils abus ne s'étaient pro- 
duits, l’Apôtre n'aurait point institué une réglementation si sévère. La supposi- 
tion ne paraît pas très digne d’une assemblée des premiers chrétiens, où la piété 
populaire s’est habituée à ne voir que des saints; mais nous savons assez que 
tout le monde n’était pas saint dans l'église de Corinthe. Notre chapitre xrv, 
loin d’être attristant, est tout à la gloire, en somme, du sage, de l'admirable 
homme de Dieu, du modèle des vrais mystiques inspirés, de l’authentique 
Apôtre de Jésus-Christ qu'était Paul; Schweïtser dit justement (« Mystik » 
p. 470) : « À peine trouverait-on quelque passage où Paul apparaisse autant 
dans la grandeur de celui qui est de son temps, et cependant au-dessus de 
lui, que dans ce chapitre x1v de la Première Lettre aux Corinthiens. » Depuis 
le ch. var plutôt, il nous apparaît comme méritant à un titre nouveau, qui n'était 
pas assez aperçu autrefois, la vénération reconnaissante de l’ Église : : celui de 
sauveur de la vraie tradition et de l'esprit authentique du christianisme, celui 
d’instrument que Dieu s'est choisi pour empêcher la nouvelle doctrine de som- 
brer, dans les églises les plus importantes, mères des autres, au milieu de je ne 
sais quelle gnose et syncrétisme fameux de Grèce et d'Orient. 

[On peut voir les commentaires de saint Tuomas d'Aquin; — de Conneuy, 
Gursaur, SickENDERGER; — de Hpeinnicr, Lierzmann, Bousser, J. Wriss, — 
Srisensercer, Kirchenlexikon 11%, p. 87; Prar, La Théologie de s. Paul, 1; 
Fonex, dans Lexikon biblicum; Banrmans, Kathol. Seclsorger, 1897, pp. 401 


384 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XIV, 26-40. 


ss. — Ï, Rour, Paulus und die Gemeinde von Korinth, 1899. — Pierre de 
LasrioLce, « Mulieres taceant in ecclesia », un aspect de la lutte antimonta- 
niste, dans Bull. d'anc. littér. et archéol. chrét. 4911; Id. La crise monta- 
niste, 1913. — J. M. Vosré O. P., Theses in Actus Apostotolum, I De Pente- 
coste Christiana et glossolalia, 1931; — Commentaires sur les Actes des 
Apôtres » de BELSER, FELTEN, TAcQUIER. — Testament de Job dans « Texts 
and studies » de Robinson, v, 1, par James; dans le « Jewish Quarterly Review » 
4901, par Conyseare. — E. Renan. Les Apôtres et Saint Paul. — Hircenren, 
Die Glossolalie in der alten Kirche, 1850.—Everune, Paulinische Angelologie. 
— Rrrscur, Die Entstehung der altkatholischen Kirche, 1857. — Wrinez, Die 
Wirkungen des Geistes und der Geister im nachapostolischen Zetlalter bis 
auf Irenäus, 1899. — E. Lomsar», De la glossolalie, chez les premiers chré- 
tiens et des phénomènes similaires, 1910, Lausanne. — Eddison Mosiman, Das : 
Zungenreden, geschichtlich und psychologisch untersucht, Leipzig 1911. — 
Hermann Günrerr, Von der Sprache der Gôtter und Geister 1921. — Rerr- 
ZENSTEIN, Poimandres; Id. Die hellenistischen Mysterienreligionen * 1927. — 
A. Merccer, Apercu d’une histoire de la langue grecque, pp. 136-140. — etc.] 


Exc. xvi. — L'« ASSEMBLÉE DE PAROLES » ET LE « REPAS DU SEIGNEUR ». 


Les chapitres xr et xrv nous donnent l'image assez complète, semble-t-il, de 
la liturgie qui se célébrait à Corinthe. Deux éléments la constituaient essentielle- 
ment : un repas commun, à la fin duquel (ou bien au cours duquel) se célébrait 
le sacrifice eucharistique (voir Exc. x) et un ensemble de prières, de louanges, 
d'actions de grâces, au milieu duquel les pneumatiques manifestaient leurs charis- 
mes. Nous avons étudié ces deux actes sans chercher encore à fixer les rap- 
ports de l’un avec l'autre. > 

Maintenant la question se pose : l’ensemble de ces rites occupait-il deux 
réunions bien distinctes, parce qu'elles auraient été séparées par un long 
intervalle, et tenues soit une le matin et l'autre Le soir, soit même à des jours 
différents de la semaine? 

Il serait difficile, avec le seul texte de I Cor., de répondre par un oui ou un 
non catégorique. Nous n'irons pas non plus recourir à la pratique du rr° siècle, 
au temps de Pline et de Justin; on sait que le banquet fraternel fut séparé de 
l'Eucharistie, et celle-ci transportée aux premières heures du matin (Pline à 
Trajan, ep. 97). Pour la Corinthe du temps de Paul, nous croyons avoir bien 
. établi que- repas et sacrifice coïncidaient et avaient lieu le soir (à moins que 
l'Apôtre n'en ait disposé autrement après l'envoi de sa lettre, ce que nous 
ignorons). - 

Etait-ce dans cette réunion du soir qu'opéraient les charismes? Nous ne les 
transporterions point, en tout cas, à un jour séparé, car « l'assemblée de paroles », 
solennelle et longue comme elle était, prenait une partie notable des vingt-quatre 
heures, et il est peu vraisemblable que les esclaves, ouvriers, petits com- 
merçants qui formaient la masse de la communauté, pussent abandonner ainsi 
leur travail et leurs affaires plus d'une fois dans la semaine, — Ou bien on 
pourrait supposer encore que « l'assemblée de paroles » n'avait pas lieu aussi 
souvent que le « repas du Seigneur », mais je crois que personne n’y a pensé. 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, X1V-26-40, 385 


— Tout fait donc croire que l’ensemble trouvait place le même jour, le « jour du 
Seigneur ». Or, il est peu vraisemblable que la réunion des pneumatiques eût 
lieu dès le matin; autrement toute la journée aurait été prise; et les esclaves au 
moins ne pouvaient sûrement compter sur un « repos hebdomadaire » garanti. 
Ce n'est pas impossible cependant, quand on pense aux loisirs du sabbat juif et 
aux multiples féries des corporations païennes. 

Mais Paul ne parle nulle part de deux réunions: il ne dit pas non plus, 
expressément, qu'il n'y en ait qu’une seule; seulement il emploie toujours le 
terme général : « Quand vous vous réunissez », &rav cuvépynshs, auvepyouévev Époiv, 
sans indiquer de distinction, aux chap. xret xrv. Schweitzer (« Mystik », p. 247) 
fait avec d’autres remarquer pertinemment qu'il doit toujours être question de 
la même assemblée; à notre avis, c'est au moins le plus probable de beaucoup. 
Rokr (op. laud. pp. 29 ss., 35 ss.) discute la question et se prononce aussi pour 
l'unité. Baurmgartner (v. Exc.-x) met bien l'Eucharistie à part, le matin, mais 
laisse ensemble Le repas commun, ou agape, et les manifestations charismatiques. 

Il nous semble que la question pourra être directement tranchée, avec une 
certitude approximative, par d'autres témoignages du Nouveau Testament, en 
dehors de notre Epître. Nous ne revenons pas sur la cérémonie de Troas (Act. 
xx, 7-20), dont on ne peut cependant prouver que l'ordre fût différent de celui 
des assemblées de Corinthe (v. Exc. x). Nous n'insisterons pas non plus sur les 
cérémonies d’autres régions, quoique Jude 12-14, et la ZI de Pierre, 11, 12-14 
semblent désigner de joyeux repas fraternels comme l’occasion que saisissaient 
les libertins pour étaler leur licence coupable et répandre en même temps leurs 
erreurs (II Peë. x, 13 porte émérais comme la leçon la mieux attestée, mais Jude, 
dans le développement correspondant — et Jude, selon nous, est antérieur, — a 
sûrement le mot éyémau, « agapes »; Keating, op. cit., y voit l'agape et l'eucha- 
ristie réunies). Adressons-nous à Paul lui-même. Dans l'Æpitre aux Ephésiers, 
v, 18-20, l’Apôtre a bien l'air de faire allusion à un repas coïncidant avec des 
manifestations analogues à celles de Corinthe, lorsqu'il dit aux fidèles d'Asie- 
Mineure : « Ve vous entvrez pas de vin, mais remplissez-vous de l'Esprit, 
vous parlant les uns aux autres en psaumes, en hymnes, en cantiques spiri- 
tuels,.… rendant grâces (ebupioroüvrs<) toujours pour toutes choses, au nom de 
Notre-Seigneur Jésus-Christ, à [celui qui est] Dieu et Père ». Cette mention du 
vin, assez inattendue, doit être justifiée par une raison particulière; le rap- 
prochement de la boisson et des manifestations spirituelles s'explique au mieux 
si les psaumes, les cantiques, les actions de grâces trouvaient place dans un 
repas, dont il ne fallait pas oublier le sens spirituel symbolique. | 

L'analogie avec la situation de Corinthe paraît alors frappante, d'une part 
avec instruction du ch. xr, et de l'autre avec celle de xiv. Si repas et cha- 
rismes étaient unis en Asie-Mineure, ils pouvaient bien l'être à Corinthe aussi. 
Et nous comprenons mieux comment des abus pouvaient s’introduire, dans l’u- 
sage de la glossolalie notamment, si quelques-uns se mettaient à « parler-en- 
langues » au cours d’un souper où Paul nous révèle qu'on s'enivrait. 

Mais c'était durant ce repas, nous l'avons vu, que l’Eucharistie se célébrait 
dans l'église de Corinthe, — et probablement ailleurs aussi. Nous ne suppose 
rons pas qu'il y avait en un seul jour deux banquets. 

D'autre part, les saints mystères devaient être entourés de prières et d'ins- 

ÉPITRE AUX CORINTITENS. 25 


386 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XIV, 26-40. 


tructions. La Didachè, 1x-x, nous en fournit des exemples. C'était là une occa- 
sion, la meilleure, pour les pneumatiques de manifester leurs dons. L'auteur de 
la Didachè nous éclaire encore sur ce point, quand il dit (x, 7): « Permettez 
aux prophètes de rendre grâces (eçuptoreiv) » non seulement dans les formules 
qu'il vient d'écrire, mais « autant — ou aussi longtemps — qu'ils voudront; 

8cx 6éhouoiv. » À Corinthe, il fallait bien sans doute, avant la réforme de saint Paul, 

concéder le même privilège aux glossolales. 


Ainsi nous croyons qu'une séance continue, commencée l'après-midi du: 


dimanche, et prolongée jusque dans la nuit, dans le lieu réservé au culte, 
embrassait à la fois les prières et instructions (simples didascalies et paroles 
inspirées), le repas fraternel et les saints mystères, Malgré tout le désordre qui 
put s'y introduire, nous n'irons cependant pas nous reconstituer cette assemblée 
sur le type d'une sorte de dîner de noces campagnard agrémenté de chansons, 
disputes et toasts innombrables et bientôt avinés. 

Certainement il y avait un temps de silence relatif et de recueillement — 
autant qu'on pouvait l'obtenir — quand on arrivait à l'action sacrée et que les 
paroles du Seigneur étaient prononcées sur le pain et le vin, puis la communion 
distribuée. Nous pouvons éroire que des prières et des hymnes, d'une forme 
assez arrêtée déjà, entouraient cet acte. On attendait pour l’accomplir que les 
retardataires fussent arrivés et toute la communauté réunie. Jusque-là, il y avait 
eu des prières et insjructions pour débuter, et sans doute déjà des manifesta- 
tions charismatiques s’ y étaient mêlées; puis les riches blâmés par s. Paul et 
tous les gens trop pressés avaient commencé le banquet, qui cessait ainsi d’être 
fraternel, puisqu'on n’attendait pas les autres et qu'on ne se souciait pas de 
partager avec eux. Ensuite venait, à la clôture du repas, la liturgie proprement 
dite, avec la consécration et la communion. Il est possible que, après la com- 
munion, le repas se prolongeât toujours du moins pour beaucoup de convives, 
en une sorte de « symposion » spirituel, où, naturellement, toutes sortes 
de charismes et de glossolalies éclosaient encore. 

Nous avons placé l'eucharistie après le repas proprement dit (voir comment. 
et Exc. x). Une des raisons qui nous y déterminent, c’est la présence possible 
d'incroyants, ämovor {xiv, 23), à des moments où la glossolalie battait son 
plein. À coup sûr, ces infidèles n'étaient pas admis à l'acte solennel du « repas 
du Seigneur » ; il faut donc que, dès la fin de la première partie, ceux qui n'étaient. 
pas membres de l'église ou chrétiens venus d'une autre église (et peut-être ira 
à Corinthe) aient été congédiés, puis les portes fermées. Nous pourrions, à la 
rigueur, supposer aussi qu'ils n'étaient admis qu'après la communion, au 
moment du symposion présumé, quand on aurait rouvert les portes: mais la 
chose est bien moins probable, car ces étrangers, avec le peu d'ordre maintenu 


f 


dans la cérémonie, ne pouvaient guère savoir l'heure où il leur serait loisible . 


d'entrer; eton ne se figure pas des groupes de païens ou de Juifs attendant indé- 
finiment en plein air qu'un chrétien vienne les chercher dehors. 

Quoi. qu'il en soit, l'Apôtre fondateur de l'église trouvait certainement 
beaucoup de choses à y remettre en ordre, dans la liturgie et la mystique comme 


dans tout le reste. 
[On peut voir les mêmes ouvrages que pour les Exc. x, x1 et l'Exc. xv]. 


QUATRIÈME PARTIE DE L'ÉPITRE 


(Ch. XV. La résurrection du Christ et des fidèles). - 


Int. Ce chapitre XV est le digne couronnement de la leitre apostolique; on 
peut dire que le reste y acheminait. Auparavant tous les problèmes ont été résolus 
par le principe suprême de « charité », qui doit régler l'usage de la « liberté ». Mais 
la perfection relative que procure sur terre l'union à Dieu dans le Christ n'est que le 
premier stade de cette union, qui ne sera complète qu'à la résurrection bienheureuse. 
Alors tout l'être humain, âme et corps, sera parfaitement « réless » et « spirituel », 
Et si la vision béatifique a êté déjà entrevue pour les individus (ch. XIII, 12), alors 
c'est toute l'humanité rachetée, le « Corps » entier, qui sera transportée en Dieu. Tout 
se fera dans le Christ, le premier Ressuscité qui a ouvert la voie aux autres. Saint 
Paul, disent Rob.-Pl,, s'élève du Christ crucifié au Christ ressuscité. Il le fait avec 
une vigueur et une richesse de pensée où lui-méme se surpasse; par endroits il 
atteint à un lyrisme comparable à celui du chapitre XIII; c'est un véritable « discours 
de sagesse ». 

Il semble qu'il avait déjà répondu à toutes les questions posées dans la missive 
de l'église corinthienne. Mais on ne sait au juste comment ni par qui, l'Apôtre a eu 
connaissance d'un danger intérieur qui, s'il prenait corps, serait encore plus grave 
que tous ceux auxquels il a paré jusqu'ici. Il est des « sages » ou des libertins qui, 
tout en admettant la résurrection du Christ, montrent un certain scepticisme à l'égard 
de ce qui fait le grand objet positif de l'espérance chrétienne, la résurrection générale 
de la chair. Sans doute y sont-ils amenés, avec beaucoup d'inconséquence, par les 
préjugés de la sagesse hellénique contre la matière, et un « pneumatisme », un excès 
de spiritualisme mal compris. L'immortalité de l'âme leur suffit. Ces « spiritualistes » 
ne voient pas, ou ne veulent pas voir, qu'ils devraient nier aussi par le fait même la : 
résurrection de Jésus; mais alors la garantie des promesses, la preuve que Jésus est : 
le maitre de la vie et de la mort et qu'Il nous a rachetés, enfin toute la foi chrétienne : 
perdrait ses fondements, et ne serait plus qu'une illusion, comme les autres éthiques’ 
et mystiques qui se disputaient les âmes de l'époque; ce serait même la plus déce- 
vante. | 

Paul le leur dit, et les ramène à la juste appréciation des bases de la foi, et de 
la grandeur de l'espérance nouvelle. La manière calme et modérée dont il s'y prend, 
son souci d'argumenter et de convaincre, malgré l'ardeur intérieure qui le brûle, nous 
montre assez que cette erreur « spiritualiste », qui devait s'afficher plus tard en 
Asie-Mineure (11 Tim. n, 17-18) et chez les Gnostiques et Manichéens, n'avait pas 
pris encore à Corinthe la consistance d'une doctrine assurée ; Paul aurait parlé avee 
plus de véhémence dans ce cas. Elle ne devait encore s'exprimer qu'en discussions, 
chuchotements, hypothèses, tendances à couleur d'intellectualité ou de mystique 
supérieure, sans doute en ces factions qui professaient avec intempérance le 
«liberté ». L'Apôtre veut les remettre dans le droit chemin par une controverse pleine 
de fermeté et de persuasion, mais qui aboutit enfin à une sorte d'apocalypse et aux 
accents des pv. 5h-suiv., si beaux dans leur sérénité triomphante, qui célèbrent la 
victoire sur la Mort. 

Saint Paul ne parle que des élus; son but était de sauver et de consolider l'espé- 
rance (comme la charité dans la partie pratique, et la foi surnaturelle dans Les 
premières pages). Il fallait montrer le chemin entre deux embüches : ou bien de se 


388 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XV, 4-14. 


figurer une résurrection qui eût prolongé les mesquines conditions corporelles de la 
vie présente, — ou bien d'attendre un corps qui n'aurait plus été le nôtre, répondant 
à notre personnalité. Voici comment l’Apôtre s'y prend : 

À. xv, 1-11. Il renouvelle, pour ranimer la foi des lecteurs, les attestations détail- 
lées du fait qui est à là base de notre espérance, la Résurrection de Jésus. 

B. xv, 12-34. Ce fait montre la possibilité de résurrection d'un corps humain; si 
on nie celle-ci, il faudrait nier la Résurrection du Christ, et’la foi s'écroulerait. — 
(Entre 20 et 28 s'ouvre un tableau grandiose d'eschatologie qui sera complété à la 
section suivante). — Arguments divers et « ad hominem ». 

C. xv, 35-58. Le mode de la Résurrection. Fin du tableau eschatologique : le 
triomphe du Christ sur la mort universelle. Exhortation à l'activité chrétienne et à 
l'espérance. 


À. Cu. xv, 1-11, LE FAIT DE LA RÉSURRECTION DU CHRIST ET SES PREUVES. 


nr. Tout le mal provenait de ce que certains chrétiens n'avaient pas une foi assez 
ferme, ou du moins assez conséquente, dans la Résurrection du Christ. Ils n'y pen- 
saient pas suffisamment, et ne voyaient pas dans leur ampleur les résultats qu'elle 
a pour nous. Aussi Paul remet sous leurs yeux les preuves éclatantes de ce miracle, 
capital pour la fois 

Il est clair qu’il tient ces preuves avant iout de la tradition. D'ailleurs son argu- 
ment, c'est l'unanimité de l'enseignement des Apôtres. Ainsi cette péricope se rattache 
par l'inspiration aux chapitres précédents, où sans cesse la tradition commune était 
invoquée. 

Cette instruction avec ce qui la suit a été gardée pour la fin, à cause de son im- 
portance. Si on n'y croyait pas, tout ce qui a êté dit précédemment des mystères de 
la foi, de la morale privée et publique, du culte et de l'Église, deviendrait vide de 
sens. 

Comme il n'y a qu'un lien psychologique, doctrinal et mystique avec ce qui précède, 
nous n'avons pas lieu de supposer que la lettre de Corinthe ait soulevé cette question ; 
l'absence de l'introduction habituelle aux réponses sollicitées, le reot dé, suggère déjà 
cette discontinuité matérielle. Mais l'unité logique est très facile à voir, comme nous 
l'avons indiqué. Paul a pu avoir son attention attirée sur ce point par des tendances 
du même genre qu'il aurait constatées à Ephèse (voir 1 Tim, ci-dessus), ou par des 
conversations d'Apollos, des « gens de Chloé », peut-être de la délégation corinthienne. 

Selon Delafosse, tout ce chapitre n'aurait vu le jour qu'aux environs de l'an 140, 
puis de l'an 165, un marcionite et des catholiques, l'un spiritualiste, les autres croyant 
à la résurrection de la chair, se réclamant de l'autorité de Paul, ou essayant catho- 
liquement de le ramener à l'enseignement des Douse. On laisse à notre imagination 
le soin de découvrir dans quelle cuisine tout cela a pu s'opérer; la marche grandiose 
du développement n'est pas le moins du monde aperçue. 


À. 1-2. l'vwpltw Gé : le dé marque le passage à un autre sujet; nous croyons qu'on 
peut quand même le traduire ici par « cependant » (v. infra, B); Yvupitw signifie 
proprement « faire connaitre », et il y aurait ici une certaine exagération ironique, 
si Paul voulait insinuer que ses lecteurs ne connaissent pas encore bién comme. 
il faut. son évangile; mais il est peut-être plus équitable de l'entendre au simple 
sens de « rappeler », comme l'ont fait Théodorer, Œcuménius, Théophylacte, 

Thomas, etc., Rob.-Pl., Gutjahr, Karl Barth, al.; Bachmann : « Je veux vous 
rendre attentifs », — napeldfiere, voir au v. 3, infra. — Ectérate, outecle, affirmations 
« de droit »; à eux d'y conformer le fait. — Tin Adyw ednyy. buiv ei utéyere est une 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XV, 1-2. 389 


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LE * = 9 , 
el natéyere, “Éntos et MY “elxf émioreboure. 


CH. xv, 1. Je vous rappelle cependant, frères, à la connaissance de 
l'évangile que je vous ai évangélisé, que vous avez et [d'abord] reçu 
et dans lequel vous restez fermes, 2. par lequel aussi vous Vous Sauvez, 


si vous retenez bien en quel sens je vous ai évangélisés, hors le cas où 
vous auriez Cru pour rien. 


leçon assez difficile; pour l’éclaircir, plusieurs témoins ont écrit ôpeflete xatéyeiv au 
Jieu de et saréy. (D, F&, e, got. Ambrr : « qua ratione evangelizavi vobis debetis 
sustinere »). Blass (Blass-Deb. $ 478) voudrait effacer ei pour faire de xatéyere un 
impératif; mais c’est arbitraire. En gardant le texte tel qu'il est, il y a plusieurs 
manières possibles de lier les mots et les idées : 

19 Lietzmann\ propose de mettre un point après cwfeoûe, et de faire des mots qui 
suivent une question : : « Je vous rappélle l'Évangile. De quelle manière vous ai-je 
évangélisés? — si vous le retenez ».… Ce qui ne nous paraît pas impossible, car 
Paul, dans l'émotion que certainement il éprouvait, pouvait prendre un style un 
peu heurté. 

2° Beaucoup font dépendre tin Adyw de yvwpltw, comme un complément coordonné 
(par « oratio varia ») à tb ebayy : « Je vous rappelle l'Évangile, [et] en quels termes 
Je vous évangélisai, — si vous le retenez » (Estius?2, Lap., Heinrici, Lietzmann?; 
Gutjahr comme plus probable); Bachmann fait de rd edayy. un accusatif absolu : 
« Je vous rends attentifs, touchant l’ Évang pile... à ceci, en quels discours je vous 
l'apportai, eic. » — Cette seconde interprétation est certainement très admissible. 

3° Beaucoup d’autres rattachent tive Adyw non pas à yvwpifw, mais à xatéyete qui 
suit : « ...si vous le retenez dans les termes où je vous l'ai préché » ; ou mieux, afin de 
conserver à tive son sens d'interrogation indirecte : « ...si vous retenez en quels 
termes je vous l'ai préché. » Ainsi s. Thomas, Hervé, Estius, Maier, Holsten, Schae- 
fer, Cornely, Schmiedel, Rob.-Pl., Bousset, J. Weiss, Lemonnyer, Toussaint, Sicken- 
berger, Loisy, K. Barth, etc. La difficulté principale est que xatéyere est ici rejeté 
d’une façon un peu dure après son régime; Rob.-Pl. l'expliquent en disant que c'est 
pour donner plus d'emphase à tiv Xéyw. 

Nous pourrions hésiter; mais, pour faire acte de soumission à la majorité, nous 
suivrons dans notre traduction l'opinion 8, 

Adyw : non pas tant la formule, mais le contenu (Bachmann); « sur quel fonde- 
ment » (Lietzm.). — ëxvds el uf, voir x1v, 5, supra. — ex, (cfr. Gal. ni, 4) signifie 
« vainement »; mais faut-il le prendre au sens de « sans fondement », ou de « sans 
profit »? Les auteurs se partagent; nous traduisons avec Loisy : « à moins que vous 
n'ayez cru pour rien », ce qui ménage les deux sens possibles, et dont l’un, d’ailleurs, 
entraîne l’autre. — imoteboute, aoriste ingressif. 

B. 1-2. Malgré tous les dons spirituels qui remplissent l’église de Corinthe (chapp. 
précédents et 1, 4-6), Paul doit cependant (Gt) les ramener à une plus juste apprécia- 
tion de quelque chose de capital dans son évangile. Car s'ils ne comprenaient pas 
bien la portée de ce point-là, tel que Paul le leur a prêché, et s'ils ne s’y attachaient 
pas d’une croyance très ferme, alors leur foi reposerait sur le néant, et ne leur ser- 
virait à rien. 

Ce point, ce Adyos exact sur quoi tout repose, nous allons voir ce que c’est. Les 


390 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XV, 4-11. 


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3. Tlapédoua Yyap div “Ev rpwrotc à rai mapéhaéoy, oT1 Xpuordc amébavey ‘brèp 
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è mévrwy bomepel 7® “éxrpopart o0n xapoi. 9. "Eyw yap elpu à Ehdyioros Tüv 


Corinthiens ne l'ont pas seulement entendu prêcher, ils ont reçu et accepté (rapeki- 
Ber:; remarquer l'insistance des deux xai); cette acceptation, comme dit Barth, 
entraîne un engagement éternel. | 
À. 8. rapéüwna et mapéhafov (tradition reçue et transmise) ont ici un sens si 
évidemment dégagé de toute espèce d’ambiguité,. que cela nous a aidé à fixer celui 
de x1, 23 (v. ad loc. et Exc. x11) — èv roro est masculin et temporel (« à vous les 
premiers ») pour Chrys., Theoph., Cornely; cela ne nous paraît point probable, car 
Paul avait évangélisé un certain nombre d’autres pays avant Corinthe; il faut donc 
comprendre « en tout premier lieu »; comme premier enseignement; cfr. les discours 
‘de Pierre dans les Actes, celui de Paul à Athènes, ete. — Marcion a omis 0 xat 
:xapélafov, d'une manière évidemment tendancieuse (Lietsm.), parce qu'il ne voulait 
pas que Paul eût rien reçu des Douze en fait de doctrine; maïs cette amputation 
montre que ce vieux Grec n'envisageait pas pour le mot rapéhafov d'autre sens pos- 
sible que celui que nous avons fixé, et ne croyait point pouvoir lui faire signifier 
“« révélation reçue du Seigneur ». — brèp rüv &u. : ailleurs Rom. 1v, 25, Paul use 
d'une autre tournure, dà Tà rapartéuata; le sens « à cause de » donné à bxép (pas 
seulement « au sujet de » — xepi) est classique (Bappaïv drép vivos, « être sans inquié- 
ude pour quelqu'un », fréquent), et se retrouve Jean, vi, 51, Act. v, 41; IT Cor. xu, 
10, Phil. un, 43, II Thess. 1, 5 (Abel, p. 224) — rat rùs ypayde ne veut pas dire que 
Paul a lu dans des « Ecritures » le récit historique de la mort de Jésus, mais que 
.@ette. mort était annoncée dans l'Ancien Testament comme devant avoir leu « pour 
nos péchés »; on peut se référer surtout à Zsaïe, Lt, 4-9, 

B. 3. Avant tout, et comme base de tout enseignement chrétien, Paul a enseigné à 
ses auditeurs, et avec des preuves (Xéyw du v. précédent), la Résurrection du Christ, 
-C'était la « tradition » essentielle et universelle qu'il tenait, comme les autres, des 
apôtres qui en furent témoins (J. Weiss, Bachmann, Gutjahr, Toussaint : « appris par 
tradition » pour ragékafov; etc.). Les auteurs qui, après Cyr. Alex.; Lomb., Estius, 
parlent encore ici, comme au chap. xt, d'une révélation directe du Seigneur, (en 
pensant seulement ou Surtout au miracle du chemin de Damas) n'ont pas apprécié le 
sens précis du terme; ils n'avaient pas d'autre raison de l'entendre comme ils ont 
fait, que le besoin. de rester conséquents avec leur fausse interprétation de xr, 28. 
€e qu'on pourrait leur concéder (mais que Paul ne dit pas expressément dans le mot 
mapéhafov), est que le converti de Damas a été instruit surnaturellement de la vérité 
de la tradition, de sa portée, et de sa conformité aux prédictions des Ecritures 
{Lemonnyer, Guijahr), v. Exc. n. Une lumière d’en haut l'a convaincu que la mort de 
Jésus avait expié les péchés des hommes, et que telle était l'attente des prophètes. 

Que cette tradition fût hellénistique et non hiérosolymitaine, comme prétend Heit- 
-müller, ou qu'elle ait été complétée par haggada, comme le suggère J. Weiss, ce ne 
sont là que des hypothèses du rationalisme. 

. La « paradosis » portait probablement aussi sur l'application du texte d'Isaïe (cr. 
Act. vi, 82 suivants). VNorden (« Agnostos Theos » pp. 267 ss.) voit dans les deux 
mots rapéAaGov ct raptèwzra une terminologie solennelle pareille à celle des Mystères: 
Lietzmann voit là aussi une allusion à une primitive « tradition du symbole », ainsi 


. ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XV, 3-9. 391 


8. Je vous ai en effet transmis en premier lieu ce que j'ai reçu moi-même, 
que le Christ est mort pour nos péchés, conformément aux Écritures, 
4. et qu'il a été enseveli, et qu'il est ressuscité le troisième jour, conformé- 
ment aux Écritures;.5. et qu'il a été vu de Céphas, puis des Douze; 
6. ensuite il a été vu de plus de cinq cents frères en une seule fois, 
desquels le plus grand nombre demeure jusqu’à maintenant, si quelques- 
uns se sont endormis. 7. Ensuite il a été vu de Jacques, puis de tous les 
apôtres, 8.-et en tout dernier lieu, comme à l'avorton, il a été vu mème 
de moi. 9. Car moi je suis le plus petit des apôtres, moi à qui il ne con- 


que Lemonnyer, qui regarde comme possible que le tiv: Adyw du verset précédent 
désigne des formules officielles. 

B. 4. La tradition disait ensuite que le Christ avait été enseveli, et qu’il 
était ressuscité le troisième jour; elle montrait encore dans ces faits un accomplisse- 
ment des Écritures. On peut se reporter, pour la sépulture, à /saie Lu, 9; pour la 
résurrection, au même /saïe, à Osée vi, 8, ou Ps. xvi (vulg. xv), 10 (cité par S. Pierre, 
Act. 11, 27), à Jonas 11, 1-2 (d’après Mat. xx, 40), et pour le troisième jour au même 
Jonas et à Osée, loc, cit. Il ne serait pas d'ailleurs impossible que « le troisième 
jour » fût une précision historique (Bachmann) de la tradition et de Paul, à mettre 
entre tirets, sans dépendance des mots « selon les Écritures » ; seulement fl ne faut 
-pas, comme J. Weiss, mêler à cela quelque idée populaire a priori, venue du par- 
sisme, que la corruption du corps survenait au bout de trois jours, et qu'il fallait 
donc que la résurrection l'eût prévenue avant leur écoulement. Le « troisième jour » 
était donné par la tradition historique, tout comme la mort, la sépulture et la résur- 
rection. 

Le plus important à noter, c'est que l'ensevelissement est donné comme un fait 

indiscutable (J. Weiss), qu'il exprime la certitude de la mort de Jésus (Bachm.), et 
peut-être (id.) une similitude avec les fidèles « qui se sont endormis », et dont Paul 
va parler en ce chapitre ; la résurrection leur est promise aussi à eux. Ce fait de 
l'ensevelissement est d'un grand poids aux yeux de Paul, sûrement parce que le tom- 
beau, où l'on avait bien constaté la déposition du corps, fut trouvé vide (Æob.-Pl.); 
c'est pour cela que s. Paul parle du tombeau, ct il n’avait pas besoin de parler plus 
clairement; Jésus est ressuscité le sroisième jour, donc, ce jour-là, on ne l’a plus 
trouvé dans le tombeau. . 
A. 5. Évero pour duiôeza, D', F, G, 122, lac, oulo., syr.; v. infra, B. — eïxa, et 
érerta, ici, puis w. 6 et 7, n'ont pas nécessairement un sens de succession chronologique, 
comme il appert du ch. xn1, 28, d'Æeb. vu, 2, de J'ac. 11, 17, de papyrus cités par 
Preuschen-Bauer (ex. gr. Pap. Oxyr. 1217, 5, roûtoy uéy doralomévn oë, Éneuta eÜyouévn 
47À.) ou Moult.-Mill, (Pap. Giss. 1, 28, exeuta de {ape tu Oewr xt.) ; c'est une simple par- 
ticule d'énumération. Voir Kühner-Gerth, 11, p. 281. 

B. 5. La tradition sc poursuit par une énumération d'apparitions de Jésus ressus- 
cité. Il faudrait certes une grande bonne volonté pour croire que Paul a appris les 
apparitions accordées à Céphas, à Jacques, et aux autres, par une révélation du 
Seigneur. Pourtant tous ces faits sont encore objet du rapékaBoy du v. 3. 

Saint Paul ne va pas s’astreindre à un ordre toujours chronologique, quoique les 
deux apparitions indiquées en ce verset soient bien les premières, et faciles à iden- 
tifier d'après Luc xxiv, 84 et Marc xvi, 14. Il ne cherchera pas non plus à être com- 
plet, quoi qu’en pensent Zietzmann ct d'autres, qui relèvent alors, naturellement, des 
contradictions avec les Évangiles. Il fait un choix de témoins (Sickenb.), prenant 


392 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XV, 1-11. 
amootoAwv, ds oùx el ixavbs xœheïodar Gmoovohoc, dire ÉdwËx Tv EnxAnolav 
_ se (À + _ L et L L # L _s , 9 « 9 U L # 
ToÙ Beod" 10. yaoutr dE Osod Elu © Elu, wat À yapis abtoù À els ÉMÈ où nevh Éyevéôn, 
GRRAG meptoodtepoy adtüv Tévrwy Éxomlasx, oùx Eyu DE GARG à yapis Toù Peoë à 
ody époli. 
11. Eire oûv Vo ere Eneivor, oÙtug wnpÜooomey ai oÙtwc Érioreloate. 


ceux qui étaient les plus importants pour les Corinthiens ou pour des adversaires 
juifs; c'est une liste de témoignages officiels, comme disent Rob.-Pl.; s’il n'a point 
parlé de l'apparition dont jouirent les femmes près du tombeau, c'est qu'elle n'était 
que préparatoire, ou qu’elle ne lui paraissait pas (J. Weiss) une preuve suffisante ; 
s. Thomus s'exprime ainsi : « Apostolus noluit ponere teslimonia nisi authentica 
(= officiels) et ideo tacuit apparitiones mulieribus factas », Il suit le programme tracé 
par Pierre pour l’apostolat (Act. 1, 21-22), Saint Jean non plus, observent Rob.-Pl,, 
quand il écrit (xxr, 13) : « Ce fut là une troisième fois que Jésus apparut à ses disci- 
ples », ne compte pas toutes les apparitions qu'il a rapportées lui-même (il néglige 
en effet celle que vit Marie-Madeleine), Paul a certainement pu connaître (et connu 
de fait) d’autres apparitions encore (Bachmann). 

Quant à celles qu'il relate, il les avait certainement déjà racontées aux Corinthiens 
(d'après les w. 1, et 11, infra, id. Gutjahr), et si Cornely croit qu'il leur apprend alors 
du nouveau, c'est pour la très mauvaise raison que Zuc, disciple de Paul, ne rap- 
porte pas le tout; il y a là une erreur sur le mode de composition des Évangiles, et 
le cas est le même qu’au ch. x1, à propos des paroles de l'institution de l’Eucharistie. 

L'indépendance à l'égard des Évangiles est une garantie d'authenticité de ce 
passage, déclare J. Weiss. 11 a raison en cela, mais tort de croire que le mot &voin 
signifie une vision du ciel, et que Paul n’a pas dû croire aux « quarante jours » des 
Actes; l'intimité de Paul et de Luc, à elle seule, porte bien plutôt à affirmer le 
contraire. | 

Il est parlé d'apparition aux « Douze », qui de fait n'étaient alors que onze; c'est 
que ce terme « Les Douze » était devenu un nom collégial (Sickenberger); plus bas, 
v. 7, nous lirons « tous les Apôtres », ce qui semble indiquer que, pour cette appa- 
rition aux « Douze », les apôtres n'étaient pas tous là (Thomas au moins manquait). 
Ge chiffre consacré, et employé pour désigner toute assemblée, complète ou non, 
des Apôtres, ne soulève donc aucune objection contre la trahison et la mort de Judas 
l'Iscariote ; et, au v. 7, nous pourrons encore prendre « apôtres » au sens strict, 

A, 6. rAstoves. Saint Paul n'admet pas les formes cantractées comme xäctous, 
devenues rares dans Ja langue hellénistique. 

B. 6. Le mot Exerte n’aurait-il pas ici la valeur de « et, bien plus »? De toutes les 
hypothèses faites sur ce verset, la meilleure me semble celle qui identifie l'apparition 
aux 500 avec celle qui clôt, en Galilée, l'évangile de $. Mathieu. Voir Exc. xvur. 

Puisque la plupart des témoins survivent, ceux qui doutcraient peuvent les 
interroger. 

= B. ‘7. « Et de plus (érara) il a été vu de Jacques, ensuite de tous les 
Apôtres ». L'apparition à Jacques est un souvenir de la tradition, conservé et embelli 
dans l'Évangile selon les Hébreux. Jacques (de Jérusalem) est le seul nommé indivi- 
duellement, avec Géphas; c’étaient deux témoins hors ligne aux yeux des chrétien- 
tés primitives, L'un et l’autre sont nommés en des posilions symétriques avant 
« les Douze » et « tous les Apôtres »; ce parallélisme pourrait servir de légère con- 
firmation à l'opinion que nous tenons fermement pour d’autres motifs, que ce Jacques 
était l'un des Douze (v. supra, à 1x, 5), D'après la tradition (cfr. Er. Heb.), l'appari- 
tion qui lui fut accordée eut liou une des premières; et il n’y à pas de motif pour 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, xV, 10-11, 393 


viendrait pas de m'appeler apôtre, vu que j'ai persécuté l'Église de Dieu. 
10. Maïs par une grâce de Dieu je suis ce que je suis, et sa grâce qui 
est [venue] en moi n'est pas devenue inutile; maïs plus abondamment 
qu'eux tous je me suis donné du mal, non pas moi mais la grâce de 
Dieu qui est avec moi. 

11. Donc, que ce soit moi, que ce soit ceux-là, voilà ce que nous procla- 
mons, et voilà ce que vous crûtes. 


supposer que Jacques ne fût point parmi « les Douze » du v. 5. Nouvel indice que 
la succession des noms n’est pas sûrement chronologique. Car il s’agit ici de l’appa- 
rition qui apprit à Jacques la résurrection du Seigneur, donc elle a dû avoir lieu 
avant la constatation collective du v. 5; autrement il n’y avait pas lieu de nommer 
Jacques à part. 

Le Seigneur apparut encore « à tous les apôtres »; ce fut sans doute quand Tho- 
mas était présent, et le nombre des Douze (des Onze).complet. (V. Exc. xvn). 

—— B. 8. Cfr. 1x, 1: « Nonne Dominum vidi? » — L'értpwua est le fruit de 
couches prématurées. Ordinairement, — mais pas toujours, — il se dit d’un fétus mort, 
« qui n’est pas inscrit au catalogue des hommes » (Théodoret, id. Bachmann : Paul 
était mort avec son peuple infidèle). Je ne pense pas qu'il faille insister ainsi sur 
l'idée de mort, mais plutôt sur celle de naissance anormale (Zietzmann, Toussaint), 
inattendue et violente {Rob.-Pl. : ëxvurpwozw; Prim. : « mortuâ matre (synagoga) vivus 
educitur »), ou tout simplement de naissance en surplus (7héodoret encore), de 
vocation forcée (Hervé, Thomas), de condition méprisable {Corn. a Lap.). Strack- 
Bill. disent que l’épithète avait été appliquée à quelques disciples des rabbins, ce qui 
montre que la métaphore convenait parfois à des adultes. Il n'y a pas lieu de suppo- 
ser avec Roë.-Pl, que ce fût une injure lancée à Paul par ses adversaires ou par les 
Juifs. C'est Paul qui se l'inflige à lui-même par humilité, et toutes les idées énumé- 
rées, les diverses nuances de soudaineté, de violence, de non-préparation, de mépris, 
même d'arrachement à un sein mort, peuvent s'y concentrer. Du reste, la brusque 
expression est un peu mitigée par Goxepef (hap. leg. dans le N. T., mais trouvé 
Num., Job), — Pour la portée du mot Écyarov, voir l'Exc. xvit. 

= B. 9. Paul converti n'a jamais pu oublier, en effet, qu'il avait persécuté 
l'Église, et il se jugeait plus indigne que tout autre de la haute vocation reçue. Cfr. 
Gal, 1,12-15; Eph. in, 8, L Tim. 1, 15. 

« L'église de Dieu » est prise ici certainement en un sens universel, et catholique, 
qui devait donc être familier déjà aux Corinthiens. 

A. 10. à obv tuot se lit À, E, K, L, P pes, copt., Chrys., mais seulement où 
éuai N°, B, D*, F, QG, las., got. — nrwyñ oùx pour où xevf, D, G, latt., got. 

B. 10. Le témoignage du chemin de Damas, venu le dernier, est pourtant mis pour 
la valeur officielle sur le même rang que les autres. Ce qui donne ce droit à l'Apôtre, 
malgré son humilité profonde et la confusion qu'il éprouve, peut-on dire, à être des 
témoins du Christ, c'est l'œuvre que Dieu à accomplie par lui. I] ne l’attribue en rien 
à ses propres forces (cfr. II Cor. 1v, 7), mais à la grâce qui est descendue en lui ct 
qui accompagne tous ses travaux, rendant capable l’ « avorton » qu'il se sent de 
prendre plus de mal pour la cause du Christ que tous les autres apôtres. On peut 
lire la grande et splendide apologie, inspirée du même esprit, qu'il fut obligé de 
prononcer plus tard, II Cor. x1, 5, 23-suivants, xt, 9-10. Quel retour sur lui-même, 
mais quel enthousiasme on même temps, suscitait en son âme le souvenir de Damas! 

—— BB. 11. Ce verset n'offre aucune difficulté d'interprétation, Mais comme sa 
teneur catégorique est précieuse! Tous les faits merveilleux qu'il vient de rapporter, 


394 | ‘ ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XV, 1-11. 


ce n’est pas lui seulement qui les prêche, mais tous les Apôtres. C’est à tout cela 
qu'on a dû croire nécessairement pour devenir chrétien. L'entente est parfaite entre 
tous Iles prédicateurs, et il y a une « tradition » commune qui s'impose à tous les 
disciples du Christ: 


Exc, xviI. — LA VALEUR DU TÉMOIGNAGE DE PAUL POUR L’HISTORICITÉ 
DE LA RÉSURRECTION. 


Il ne s’agit pas en cette péricope d’une révélation de « pneumatique » qui 
viendrait éclaircir ou appliquer quelque vérité de la foi, mais bien du point de 
départ de la prédication, de ce qui était proclamé uaiversellement, connu 
de tous, admis de tous, enfin d'un bloc de faits assez solides et assez incontes- 
tables pour supporter l'édifice paradoxal d'une connaissance et d'une vie qui 
bravaient toute la sagesse du monde. De là viennent la solennité, l'assurance 
du langage de Paul; il sait qu'aucun de ses frères en apostolat ne peut 
présenter les choses autrement, que c’est la « tradition » consacrée, et arrêtée 
sans doute jusque dans sa forme, de façon à surmonter toutes les négations et 
tous les scepticismes, dans un monde à qui répugnait l’idée d’une résurrection 
de la chair. 

Les faits devaient donc être soigneusement triés, et bornés à l'essentiel. 
Ainsi les apparitions aux femmes, le matin de Pâques, n'entraient pas dans ce 
faisceau, parce que leur réalité n'était pas d’une évidence aussi immédiate, 
et que l'expérience multipliée des Apôtres avait seule bien démontré que ces 
premières n'étaient pas du « délire » d'âmes émotives. 1] fallait le témoignage 
d'hommes responsables, qui se fussent défendus contre les entraînements, et. 
n’eussent cédé qu'à la clarté des faits. Or Pierre et Jacques — deux des disci- 
ples de la première heure, ceux qui jouissaient de la plus haute autorité dans 
la société nouvelle — affirmaient l’un et l’autre que le Christ vivant leur était 
apparu à chacun. IL était pourtant bien sûr qu'on l'avait placé mort dans un 
tombeau; mais il n'y était plus le troisième jour, il s'était levé (éyñyeprui) de sa 
couche funèbre. Malgré cette disparition du corps etl'attestation de ces hommes 
qualifiés, un individu, deux individus peuvent avoir des illusions. Il fallait 
que tous vissent ce que ceux-là avaient vu : c'est ce qui arriva, et par deux fois, 
d'abord devant le plus grand nombre, puis devant la totalité des « Douze » ou 
des Apôtres. S'il y eut d’autres apparitions devant des personnes isolées ou des 
groupes restreints, la « tradition » officielle ne s’attachait pas à celles-là, parce 
que ce n'étaient pas elles, du moins principalement, qui avaient entraîné l’adhé- 
sion du groupe. Un seul fait restait à mentionner, parce qu'il mettait pour ainsi 
dire le sceau à la preuve : l'« Église enseignée », en son premier noyau, avait 
pu vérifier la réalité de ce qu'assurait le premier Collège de « l'Église ensei- 
gnante » : cinq cents frères réunis avaient pu constater de leurs yeux, tous à 
a fois, qne le Christ était vivant, et que les Apôtres ne les trompaient pas. 

Telle était l’armature, très logiquement agencée, comme on le voit, de la 
démonstration. Bien entendu, les prédicateurs développaient, complétaient, 
expliquaient, groupaient d'autres témoignages secondaires autour de ces 
témoignages capitaux. Les auteurs des lvangiles canoniques. ne s’en sont 
pas tenus à ce plan; au milieu de la catéchèse unanimement reçue, et qu'ilé 


-ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XV, 4-11. 395 
n'avaient pas besoin de répéter par écrit, ils ont choisi les faits qui illustraient 
le mieux l'enseignement spécial de leurs relations respectives, et chacun l'a fait 
sous sa propre inspiration, sans lien avec les autres qui écrivirent dans un 
autre temps, un autre pays et avec un autre but. Saint Paul, autant qu'on peut 
le croire, est celui qui nous a conservé le mieux, dans son résumé si concis, la 
forme universelle, « ecclésiastique », des souvenirs apostoliques groupés avant 
lui déjà de manière à faire une preuve, puis reçus par lui, avec révérence et 
pleine adhésion, et transmis inaltérés par lui. Qui fut son instructeur à lui- 
même? Peut-être Ananias (Act. 1x), quand fut baptisé à Damas le persécuteur, 
convaincu par l'apparition miraculeuse du Christ de la vérité substantielle de 
la Résurrection; il n'avait plus à en apprendre que les détails concrets, et 
il vit plus tard, dans ses rencontres avec Céphas, avec Jacques, et d'autres, que 
tous les confirmaient et prêchaient de la même manière le fait capital. 

À leur autorité il pouvait joindre la sienne propre, surtout depuis que Dieu 
avait accrédité son ministère par de tels succès. L'apparition du chemin de 
Damas était à ses yeux d’une nature tout aussi objective que celles dont Pierre 
et les Douze avaient été favorisés. Il l’invoque donc hardiment, quoique cette 
‘attitude par où il s'égale aux grands témoins primitifs effraie son humilité, à lui 
« l'avorton », « le moindre des apôtres ». On dirait qu’il n’est pas encore revenu 
de la stupeur que lui cause cette vue du Christ. « Même à moi »! II a fallu que 
je Le voie aussi, « en dernier lieu ». Ce fut bien la dernière apparition, dans 
l'ordre chronologique, mais le mot ésyarov ne signifie pas seulement cela; il 
indique aussi que l’« avorton » réclame pour lui le dernier rang. Et l’on ne peut 
en conséquence conclure de cet adverbe que la série précédente devait être 
ordonnée suivant la succession temporelle. 

En y regardant de près, nous pensons voir dans quel ordre-elle a été établie. 
Paul a d’abord donné les trois grands faits spécifiques qui, en se succédant 
avec une ampleur progressive dans le nombre des témoins, établissaient la 
preuve en substance, et qui auraient déjà bien suffi : l'expérience de Pierre ; — 
celle des Douze ; — celle des cing cents. Il la fait suivre d'une série secondaire, 
‘qui n’a plus la même nécessité pour l'argumentation, mais qui confirme la 
‘première triade essentielle des témoignages : l'apparition à Jacques, la nouvelle 
apparition aux Apôtres tous réunis cette fois, enfin l'apparition qu'il vit Zui- 
même près de Damas. La combinaison est dialectique, et l'ordre de chrono- 
logie, s'il est réalisé de fait d ns chacune des séries respectives, n’est pas 
indiqué pour la synthèse des deux, parce qu il n'était pas nécessaire à la 
démonstration. 

Si nous cherchons à identifier chacun de ces faits « officiels », tout n’est pas 
également clair. |: ; 

Aucune difficulté au verset 5 : ce sont les deux apparitions à des Apôtres, 
l'individuelle et la collective, qui eurent lieu le jour même de Pâques. 
d'après Luc pour les deux, puis la finale de Mare, et Jean xx, 49-23, pour celle 
qui fut générale. 

L'apparition aux cinq cents frères, du v. 6, est moins facilement recon- 
naissable. Inutile de nous engager ici dans la défense de son authenticité, contre 
les rationalistes qui, comme Schmiedel ou Renan (« Les Apôtres »), cherchent, 
tout en l’admettant, à l'expliquer par des illusions collectives du genre de 


396 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XV, 1-11. 


celles des Camisards ou autres illuminés. Mais cherchons seulement si l'on 
en trouve quelque mention ailleurs; car le contraire serait étonnant, 

Nous n'irons pas croire avec von Dobschütz (14) ou Jülicher qu'il faille 
identifier le fait avec l'enthousiasme de la Pentecôte, où il'ne s’agit que de 
cent-vingt frères (si l’on s’en rapporte à Act. 1, 15, qui donne le chiffre complet 
des croyants des premiers jours; car les Apôtres, toujours occupés à prier 
ensemble, 'après r, 14, n'avaient guère encore pu faire de nouveaux prosélytes); 
il n'est pas dit que ces frères, ni aucun groupe de la foule avec eux, aient. 
eu alors une vision du Christ. Les interprètes catholiques sont divisés. Il en 
est un grand nombre qui veulent placer cette apparition saisissante à 
Jérusalem, dans l’octave de la Pâque, au profit sans doute des nombreux 
pèlerins venus de Galilée. Nommons s. Jérôme (« Ep. ad Hedibiam » 7), 
s. Thomas, Bisping, Schaefer, Gutjahr, al. Maïs comment alors le fait aurait- 
il été négligé de tous les Évangiles, et où ces cinq cents se seraient-ils réunis? 
Si c'était dans le Temple, la chose eût fait quelque bruit et n’aurait pas laissé 
les échos muets. Cornely et Sales donnent le choix entre cette hypothèse, 
et celle d’une apparition en Galilée. La seconde nous paraît avoir un fondement 
bien plus solide. C'est l'opinion de Chrys., d'Estius, de Corn. a Lap. et d’autres 
encore, de la grande majorité au temps d’Estius; Jok. Weiss — qui ne peut se 
convaincre, dit-il, de la légende scientifique qui fait les Apôtres regagner la 
Galilée d'une fuite éperdue — place les 500 en Galilée, maïs sans les Douze. 
Mais il n’en est pas question ailleurs. Alors elle est à identifier (Æstuus, al.}.avec 
celle qui eut lieu sur la montagne, d’après Mat. xxviur; Rob.-PI. le tiennent 
pour probable. En effet, le rendez-vous donné par l’Ange apparu au sépulcre ne 
concernait pas seulement les apôtres et les saintes femmes, mais « les onze et 
tous les autres » (Luc, xxiv, 9). « Là vous le verrez », avait-il été promis à 
l’ensemble des premiers fidèles, apôtres, femmes, pèlerins croyants de Galilée, 
auxquels avaient pu se joindre très naturellement, quand tous se furent rendus 
en Galilée, d’autres fidèles que Jésus avait dans son pays. Nous croyons sans 
doute {avec le P. Lagrange contre Levesque) que dans of à &loracav du v. 17, 
il peut ne s'agir que des apôtres, le verbe équivalant à un plus-que-parfait. 
Mais il n’est. pas dit que les Apôtres fussent seuls sur cette montagne gali- 
léenne, où Jésus leur donna la grande mission. Cette clôture du ministère 
terrestre de Jésus dans le Premier Évangile répond au « Sermon sur la 
Montagne » qui, dans la prespective du même Évangile, l'avait i inauguré; or, 
en cette première circonstance, les disciples qui, d'après Luc, vi, 20, entendirent 
comme à eux proposé spécialement le programme des Béatitudes, n'étaient 
cependant pas les seuls à voir Jésus; une foule nombreuse se tenait aux 
environs. De plus il est difficile de croire qu'une apparition aussi éclatante 
que celle dont parle Paul ici, et si importante pour la prédication, si univer- 
sellement répétée dans la catéchèse, n'ait été rapportée que par lui parmi les 
auteurs sacrés; saint Matthieu, l'évangéliste « ecclésiastique », est celui qu'on 
peut le mieux supposer ne pas l'avoir omise. Nous identifions donc, avec une 
certitude morale, Î[ Cor. xv, 6 avec Mat. xxvirr, 16-20. 

Sur l’apparition à Jacques, nous ne pouvons rien préciser; elle était, 


(1) Dans « Ostern und Pfingslen ». 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XV, 1-11. 397 


même dans la catéchèse ici reproduite, d'importance moindre que les trois 
premières, et il n’en est resté de témoignage écrit par ailleurs que dans le 
récit, tourné à la légende, de l'Évangile selon les Hébreux. On peut toutefois 
supposer qu'elle eut lieu, comme celle dont jouit Pierre le jour même de 
Pâques (v. supra), avant l'apparition du soir aux Apôtres assemblés. 

L'apparition « à tous les apôtres » du v. 7 a donné lieu aussi à des 
opinions diverses. Certains pensent qu'il ne faut prendre « apôtres » qu’au 
sens large (y compris, par exemple, peut-être les soixante-douze disciples), 
afin de distinguer cette apparition de la deuxième du v. 5. Ainsi, avec quelques 
variantes d'opinion, en ont jugé Théodoret, Estius, Bisping, Messmer, 
Bachmann et bien d'autres. Par contre, Harnack y voit encore les Douze: 
Lietzmann (à la suite de Holl) également, en y joignant des « frères du 
Seigneur » qu'il ne croit pas apôtres. Et leur raison foncière est juste : c'est 
que räow fait penser à un groupe clos, bien déterminé, et que d'ailleurs il n'y 
avait pas, en ce temps-là, de « missionnaires » de profession portant le nom 
d’« apôtres ». Gutjahr, et d'autres qui admettent un ordre chronologique 
strict dans l'énumération, voient ici l'apparition aux « Douze » qui précéda 
immédiatement l'Ascension du Seigneur (Marc, Luc, Act.). Mais, comme nous 
ne croyons pas à cette rigueur chronologique, il nous paraît bien plus 
naturel, après Cornely, Schaefer et Sickenberger entre autres, d'identifier le 
fait en cause avec l'apparition narrée par s. Jean, xx, 26-29, à laquelle 
assistèrent cette fois tous les apôtres, y compris Thomas; les mots müotv voi 
äx. ont été écrits pour en fixer la note spéciale, qui la distingue de la précé- 
dente accordée « aux Douze », pris en un sens « collégial » qui comportait des 
absences. 

Ainsi compris, le récit de Paul présente comme le cadre de catéchèse où 
s'insèrent facilement toutes les narrations des Évangiles canoniques (1). Il y 
manque sans doute les événements du matin de Pâques. Nous avons cru 
comprendre pourquoi. D'ailleurs, en donnant comme un fait essentiel à 
connaître et à retenir la mise au tombeau, Paul enseignait implicitement que 
Jésus en était sorti (J. Weiss), et cela « le troisième jour », puisque c'est 
alors (Évangiles) qu'il avait commencé à apparaître en personne véritable 
et vivante. Peutêtre, comme le suppose J. Weiss, voulait-il combattre 
l'idée d'adversaires (de « spiritualistes » à tendances docètes, comme il pouvait 
s'en trouver déjà à Corinthe) portés à confondre la libération de l’âme du 
Christ par la mort avec résurrection, ascension et glorification au ciel (2). 

Karl Barth, — à la profondeur duquel nous aimons du reste, en bien des occa- 
sions, à rendre justice, — use à propos de cette péricope d'un argument bien 
arbitraire, et aussi inadmissible que dangereux. Les mots xura vas ypapds 
indiqueraient, d'après lui, que Paul ne s’appuyait, pour prêcher la résurrection 
du Christ, que sur les Écritures et sur l'expérience des Apôtres, qui n'auraient 
prétendu ni à des visions réelles, ni à une « expérience », etc., mais affirmaient 


(1) Nous avons cherché à en fixer l'ordre et les modalités dans notre livre de vulga- 
risation « Le Scandale de Jésus », 1927, pp. 185-192. 

(2) On a cru à tort (Bertram, ctr. Harnack) trouver trace de celle conception rationaliste 
dans « l'Évangile de Pierre ». Voir l'ouvrage de. VAGANAY, l'Évangile de Pierre, 1930, et 
notre recension RB 1931, pp. 440-suiv. 


398 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XV, 1-11. 


seulement que le Christ s'était démontré, à eux, comme vivant. (Comment ??). 
Tout se borneraïit, dans le champ de « l’histoire », au fait que le Christ « a été 
enseveli », etle « le tombeau vide », sion pouvait le prouver, ne signifierait rien; 
l'histoire est du reste inutile à la foi, et Paul, qui le savait bien, voudrait prouver 
la résurrection du Christ non comme une « vérité historique », mais en vertu 
du principe général, invérifiable historiquement, que les morts doivent ressus- 
citer, en lui et par lui, qui est donc ressuscité avant eux. C'est renverser com- 
plètement toute l'argumentation de notre chapitre. Les Apôtres, gens humai- 
nement simples qui ne connaissaient pas la « théologie dialectique », croyaient 
certainement (Loisy même le concède) avoir eu une expérience extérieure et 
très objective en royant le Christ ressuscité, avec leurs yeux de chair. Et Paul 
partage entièrement la conviction des Douze. C'est là, avec l'événement de 
Damas, ce qui était pour lui, comme pour l'Église, la preuve inébranlable. 


B. Cu. xv, 12-34. LES FIDÈLES DU CHRIST RESSUSCITERONT AUSSI: 


Int. Du fait bien établi de la résurrection du Christ, Paul conclut à l'erreur de 
ceux qui n'ont pas foi à la résurrection générale. Grâce au nouvel Adam, les fidèles 
jouiront d'une vie glorieuse et indéfectible. St d'ailleurs ils n ‘avaient pas cet espoir, 
l'existence chrétienne perdrait toute espèce de sens. 

Quels étaient les sceptiques auxquels il s'en prend? Ils ne formaient certainement 
qu'un petit cercle (J. Weiïss, Bachmann, Gutjahr, etc.). Quoique Rob.-PL. ne pensent 
pas qu'il faille les identifier à aucune des factions combattues aux premiers chapitres, 
nous serions pourtant tentés de les chercher parmi ces libertins qui ont été rencontrés - 
si fréquemment déjà en cette lettre, et qui s’intitulaient probablement « parti du 
Christ » (v. Exc. 1v), peut-être les mêmes qui disaient : « Les aliments sont pour 
l'estomac », etc., (J. Weiss; voir à VI, 13). Leur erreur, encore peu affichée, devait 
ressembler à celle d'Hyménée et de Philétos à Éphèse (II Tim. ZI, 17; cfr. I Tim. 
L 20), lesquels disaient que la résurrection avait déjà eu lieu, c'est-à-dire n'atiendaient 
qu'une résurrection spirituelle. Cérinthe (Bus. vi, 23) nia aussi plus tard la résurrection 
des corps, et s. Justin (Dial. LXXX, &) parle de « gens appelés chrétiens... qui pré- 
tendent qu’il n'y a pas de résurrection des morts, mais qu'au moment même de la 
mort leurs âmes sont enlevées au ciel ». (Voir Heïnrici, J. Weiss, Gutjahr, al.). Aënsi 
ces Corinthiens. devaient croire simplement à l'immortalité de l'âme, et sans nier 
la résurrection du Christ, la considérer comme un fait exceptionnel, dont ils ne 
voyaient pas très bien la portée. Ces opinions ou ces tendances devaient résulter des 
préjugés philosophiques grecs contre la matière : le corps n'était qu'un tombeau, 
cdua coque. On sait que Paul (Act. xvu) eut à Athènes la parole coupée dès qu'il 
voulut parler de résurrection de la chair; les apologistes Athénagore, Quadratus, 
Aristide, eurent à réfuter des idées semblables. Peut-être même quelques-uns s'en 
tenaient-ils aux anciennes conceptions grecques sur la survivance dans un Hadès ou 
une sorte de Shéol, ou même doutaient-ils de toute sorte de survie, influencés par 
l'épicuréisme (voir aux pv. 117-s., 32), Cependant ce dernier point nous paraît bien 
moins probable (Gfr. Rob.-Pl., J. Weiss, Toussaint, Sales, Sickenberger, al.). Nous 
n'admettrions pas cette suggestion de Lietzmann, qu'ils réserpaient tout leur espoir 
d'immortalité aux survivants de la Parousie; car la situation n'était pas la même à 
Corinthe qu'à Thessalonique (v. Exc. xvur). Disons tout simplement, avec Bachmann, 
que, s'ils ne doutaient pas de la résurrection du Christ, ils se montraient scep- 
tiques à l'égard de celle des autres (sans doute, à notre avis, par « spiritualisme » 
exagéré), et ne réfléchissaient pas aux conséquences de la foi de Päques, grâce à la 
superficialité de leur esprit et à une certainc absence de pensée. Quelques-uns aussi 
pouvaient s'en tenir aux vieilles idées grossières, populaires encore en certains 
milieux, dont parle Toussaint. 

Paul va leur montrer que même cette eschatologie « spiritualisie » qu'ils pouvaient 
avoir (ce qui s'accorde au mieux avec II Tim. et Justin) manquerait de toute base si 

‘ l'on n’admettait pas la résurrection corporelle du Christ, cause et gage de la nôtre; et 
Pourtant, s'ils sont conséquents, ils devront la nier aussi. De leur foi il ne restera 
Plus rien. 

Barth énonce ici d'excellentes réflexions : ce chapitre est le couronnement très 
positif de toute la lettre (qui n'était pas, d'ailleurs, « négative » comme il l'avance). 
D'honnétes chrétiens, qui n'étaient pas disciples d'Epicure, et qui croyaient à la 
rémission du péché et au salut, ne se rendaient pas compie que la négation d'un 


400 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XV, 12-19. 


dogme qu'ils jugeaient isolé, où ils ne voyaient pas le centre (ou mieux l'aboutissement) 
de toute la doctrine, entraînait celle-ci dans une ruine totale. Paul et eux com- 
prenaient la résurrection au plein sens corporel, et eux la rejetaient en ce sens; mais 
l'Évangile se dresse contre cette religiosité rationaliste: et si l’on abandonne Paul 
sur ce point, il faut l'abandonner sur toute la ligne. — Avis à bien des exégètes 
protestants! 

Voici la division de la péricope : , 

1° Si la résurrection des morts ne peut se faire, le Christ non plus n’est pas ressus- 
cité, et alors toute l'espérance chrétienne s'écroule (12- 49): 

2° Mais heureusement le Christ est bien ressuscité, et nous serons tous vivifiés 
par Lui (20-28); 

3° Autrement, tout ne serait qu'inconséquence, chez les chrétiens et Paul lui-même; 
plusieurs arguments « ad hominem ». Conclusion sévère (29-84). 

(J. Weiss dit que le chapitre pourrait appartenir à la « première lettre » précano- 
nique, si le vo. 32 (sur Ephèse) ne faisait pas une difficulté de chronologie. Remar- 
quons, sur cet aveu-là, que puisque ce chapitre, qui n'offrirait pas moins de raisons 
internes que.d’autres en faveur de la théorie Weiss, se révèle, par le fait d'un seul 
trait accidentel qui aurait pu manquer facilement, incapable de s'y plier, toute la 
théorie en devient, déjà de ce seul chef, suspecte pour les autres passages qu'il 
voudrait faire « vorkanonisch »). 


{ 


40 xv, 12-19. Rapport nécessaire de la résurrection de Jésus 
et de la résurrection générale. 


Inr, — Nier ôu révoquer en doute la possibilité de la résurrection des hommes, c’est 
nier célle du Christ, qui a eu tant et de tels témoins! Mais alors le Christ ne nous 
aurait pas justifiés ni sauvés ; toute la foi serait vaine ! Conséquence impitoyable, que 
Paul tire avec horreur. 


CH. xv, 12. Ei DE Xpiorèc “xnpÜooerat Ont Ex venpüy EVhyeptar, müs Aéyououw ëv 
Duiy rives Oti avéotaots vexpov oùx Éctiy; 

13. E GE avdotaois vexpüv obx Éotiv, obDE Koiotès ë éyhyepre 1h. et dE Xprordc 

oùr Éyhyeptar, xEVOY dou nai To “xhpuyux AUOY, 2EVN 44 


\ 


à mio duüv. 15. Eôpro- 


À. 12. Xo. 2nplooetar tte. v. ey., prolepse comme on peut en trouver en grec clas- 
sique; cfr, II Cor., nt, 8; xngéaoiv a ici toute la force de « proclamer » solennelle- 
ment par la voix des hérauts; plus bas, au v. 14, nous rendrons xfpuyua par « prédi- 
cation », car là il s’agit non plus d’un fait proclamé, mais de tout l’ensemble de la 
doctrine. — oùx Éottv, « n'existe pas », au sens de « n'est pas possible ». 

B. 12. Il en est cependant qui ne tiennent pas compte d'un fait si patent, proclamé 
si haut, ou qui au moins ne comprennent pas ce qu'il signifie. Paul a bien lieu de 
s'en montrer surpris. Mais ces « quelques-uns », vwes, qui sont-ils? L'expression 
vague qui les désigne est la même que II Cor., x, 2, et ce pourrait bien être le même 
groupe (le « parti du Christ »?) Ils étaient peu nombreux, en tout cas, et l'on a 
remarqué (Rob.-Pl.) que Paul ne les excommunie pas, qu'il est même moins sévère 
ici qu'ailleurs. Je me l'explique parce qu'il les considérait seulement comme des 
gens sans réflexion, et peut-être ne les connaissait-il que par un ouï-dire encore peu 
consistant, n'avait-il appris qu'une tendance diffuse chez « quelques-uns », Il 
fallait pourtant tout de suite, et vigoureusement, y couper court. 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XV, 12-15, 40 


—— À, 13. 05 après et (au lieu de u#), construction fréquente surtout à l’époque 
hellénistique et dans le N. T., voir pour la nuance Abel, p. 332. | 

B. 13. Si une résurrection d'hommes morts est déclarée impossible, il faudrait 
que le Christ, en dépit des témoignages irréfutables, ne fût pas ressuscité, puisque 
le Christ est un homme, Paul, d'ici au v. 17, ne se lassera pas de répéter les mêmes 
mots, dans une argumentation pressante. 

Le lien logique est des plus simples, et c'est un syllogisme élémentaire; Paul 
argumente du fait que le Christ et les hommes ont une commune nature (Gutjahr). 
On veut cependant que le lien ne soit pas puremont logique, mais causal : si notre 
résurrection, qui est un effet de celle du Christ, ne doit pas avoir lieu, alors c’est 
que la cause — contre toute évidence — n'a pas été posée (Rob.-Pl., al.). La plupart 
des catholiques l'entendent ainsi, et croient que l'argument s'appuie sur la notion du 
« corps mystique »; si le corps ne ressuscite pas, pourquoi la tête serait-elle ressus- 
citée? (Chrys., Thomas, Estius, Cornely, Schaefer, etc.). Cette idée est belle et très 
juste en soi, Paul l'avait probablement déjà présente à la conscience, et il La pré- 
supposera et l’esquissera plus bas. Mais ici il ne la formule pas expressément, et 
l’idée de la communauté de nature lui suffit au début de son argumentation. 

A. 14. xevé — « vide », sans objet. — Ici xfpuyuax — l’ensemble de la pré- 
dication apostolique. 

B. 14. « Votre foi est vide ». Quelle apostrophe foudroyante! « Vide », parce 
qu'elle n’est pas seulement sans appui (rien n'en garantissant plus la vérité), mais 
sans objet (Lemonnyer). Les chrétiens auraient mis leur espérance dans un mort 
(Lietzm.), dans un homme que la mort a engiouti! 

A. 15. éircp Gpa; dans la langue classique, ei &pa peut signifier « si, vérita- 
blement »; c'est le sens ici. —elnep pa vex. ox éyeip. est omis par D, E, 43, Ambrr., pes., 
qui l’auront trouvé inutile. — xarà voë 00; il y a des cas où xarè peut signifier « au 
sujet de », et ainsi l'ont entendu en ce passage Ærasme, Bèze; Rob.-Pl,, ne le rejet 


CH. xv, 12. Mais, s’il est proclamé que Christ est ressuscité des morts, 
comment certains parmi vous disent-ils qu’il n'est pas de résurrection 
de morts? 


13. Pourtant, si une résurrection de morts n'est pas, Christ non plus 
n'est pas ressuscité; 14. mais si Christ n'est pas ressuscité, vide par. 
conséquent est notre prédication, vide aussi votre foi. 15. Il se trouve 


teraient pas. Mais la plupart conservent justement à xaté le sens de « contre » 
(Lietzm., J. Weiss, Gutjahr, Loisy, etc.). 

B. 15. Les apôtres, tous les apôtres, eux dont le rôle entier consiste à être 
« témoins » (Act. 1, 22; v, 32; 1 Cor. 1, 5), « se trouveraient » être de « faux témoins ». 
Quelle chute et quelle déception! Ce serait, comme le disait Job, offenser Dieu 
« qui n’a pas besoin de mensonges », que de chercher à le glorifier par des prodiges 
qu'il n'a pas faits, et de tromper ainsi ceux qui mettent en Lui leur confiance, — 
Pas un instant Paul n’a envisagé l'hypothèse rationaliste moderne, que les Apôtres, 
et lui à leur suite, auraient pu être hallucinés de bonne foi. C'est que rien, dans leur 
façon d'affirmer les faits, ne prêtait à pareille supposition. Il ne faut pourtant pas 
dire que la mentalité de ce temps-là n'aurait pu la concevoir; eux-mêmes (Luc, xxiv, 
11) l'avaient bien faite à propos des dires des femmes. Non : ou bien ils ont vu 
réellement ce qu'ils ont dit, ou bien ils ont été des imposteurs. 

mm B, 16-17. Paul se répète avec émotion, et il insiste sur la conclusion déso- 

ÉPITRE AUX CORINTHIENS. 26 


402 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, Xv, 12-19. 


rôUEBS DE not peudonaptupec Tvoë Bou, Gtr Épaprupoauer “xara voÿ beoŸ dec Fyerpey 
rov Xpuorbv, 8v oùx Hyeupev etre dd veupot oùx éyelpovron. 16. EX yap vexpoi 
oùx éyelpovren, oùdE Kotorès éyhyspran 17. Hi 5 Kpuorèc oùx Eyhyeptar, parala 
h more duov, Er bot &v raig dpaprlars buv. 

18. "Apa xat où “rouumnôévres ëv Xotord dwkcvt, 

49. EX &y +9 Con radin Ev Xprioré “hAmmtes Éouèv “uvov, Ékcewvèregor mévruv 
avÜpOrET Espéy. 


länte qui s’imposerait. IE compte, dit J. Wéiss, qué la communauté va protester 
et dire : u Not, avéc de pareilles expériencés, impossible que nous nous soyons 
trotirpés | » | 

Il lé faudrait pourtant, si les sceptiques avaient raison. La foi de l'Évangile serait 
vidé, fflusoite (x4v4, fr. 14), et elle ne pourrait produire aucun résultat pour le salut 
(patate). « Î1s seratéht entoré dâns léurs péchés 5, ces péchés sf impitoyablement 
décrits aux pretilérs chapitres (voir supra, vi, 91) et dont ils se figuraient être déli- 
viés, C'est qwil ÿ à solidarité entré la résurrection et la rédemption; seul le Christ 
glorifié donne l'Esprit qui efface les souillures (Lietzm.). Un Christ vaineu par la 
mort ne peut avoir détruit le péthé, dont la pénalité est la mort; si la môrt a été 
plus forte que Lui, c'est que le péché conservé sa domination; donc les éroyants 
n'ott pas reçu le pardoi (Büchmunn, Rob.-Pl.). S'il n'est pas ressuscité, l'Écriture 
ne s’est pas accomplie en lui; il n'est donc point lé Messie, ni l'Agneau qui enlève 
la fatité du motide (Guahr). 

ÏT faut toujours présupposer dans cétte argumentation la thése paulinienne qu'il 
y à üni en d'effet à causé entre la mort et le péché. Par conséquent, ainsi que le 
montre Bathmanr, 11 serait tout À fait inutile de se réfugier dans l'hypothèse d'une 
immortalité glorieuse purement spirituelle, pour des âmes qui devraient rester per- 
pétuellement séparées de leurs corps; si, en effet, elles ne retrouvent jamais leurs 
enveloppes corporelles, c'est qu'élles demeurent sous la pénalité principale du péché, 
et donc que les péchés ne leur ont pas été vernis, par conséquent qué leur immoïta- 
lité ne saurait être glorieuse. 

Aussi Paul ne se placera:t-il jamais, au cours de cette discussion, dans l'hypothèse 
d'une simple « immortalité » conçue à la grecque. Voir infra, w. 19, 30-34. 

À. 18. xoiäoÿart — IT araméen (Strack-Büll.); le mot implique « repos », 


mais non inconscience (Rob.-PL.). 

B. 18. On ne pourrait échapper à l'affreuse conclusion finale; ceux qui se sont 
« endormis » dans la paix du Ghrist, mettant tout leur espoir en Lui, n’ont pas eu 
un meilleur sort que n'importe qui; ils sont tombés dans la mort définitive, sans 
salut, L'apôtre ne pense même pas, comme à chose qui puisse compter, à la pâle 
existence qui serait possible dans un Hadès sans gloire ni bonheur. 

été À, 49, Paul emploie la conjugaison paraphrastique, fArtxétéé Eouév (au 
lieu de fAnixaue simplement), parce qu'il veut attirer l'attention sur l’étar de gens 
qui ont été dans l'espérance; et tué, comme nous l'entendons, équivant presque à 
éoépela, comme si c'était un futur antérieur : « si nous sommes = ow si nous devons 
être — ceux qui auront été en état d'espérance ». 

Le sens de ce verset, très discuté, dépeñd entièrement du mot auquel on fera se 
rapporter pévov, « seulemént », 

Est-ce exclusivement à év 1% Guÿ raben, « én cette vle », avec Lietzmann, Loisy, 
Barth, al.? Alors il faudrait comprendre : « Si nous avons mis notre espoir dans le 
Christ, pour cette vie seulement, » Il nous semble que cette traduction néglige la 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XV, 16-19. 403 


même que nous sommes faux témoins de Dieu, parce que nous avons 
témoigné en dépit de Dieu qu'il a ressuscité le Christ, — qu'il n'a pas 
ressuscité si de fait des morts ne ressuscitent pas. 16. Car si des morts 
ne ressuscitent pas, Christ non plus n’est pas ressuscité. 17. Mais si Christ 
n'est pas ressuscité, vaine est votre foi, vous tes encore dans vos péchés! 


18. Par conséquent aussi, ceux qui se sont endormis en Christ sont 
perdus. 


19. Si nous [ne] sommes [que des gens] qui auront « espéré » dans cette 


vie-ci en Christ, — [et cela] seulement, — nous sommes à plaindre plus 
que tous les hommes! 


nuance du participe parfait, « nous sommes ayant espéré », un état qui aura duré 
dans le passé, mais qui aura passé. D'ailleurs, comme dit J, Weiss, cela n’a pas 
grand sens de supposer qu'on ne puisse attendre du Christ que des avantages ter- 
restres., Lesquels, avec la façon dont Paul présente la vie des apôtres et des fidèles ? 

On peut, ce qui est beaucoup mieux, rattacher pdvoy à fAmexéres; en faisant 
d’isuév une copule, non un auxiliaire (Rob.-Pl., J. Weiss) : « Si nous sommes en 
cette vie, des gens qui ont seulement espéré ». Les auteurs anglais l'ont rendu par 
une jolie tournure intraduisible en français : « If in this life we are only hopers in 
Christ, and have nothing beyond ». En effet, faudrait-il se féliciter d’avoir espéré 
une chimère, et de n'avoir pas eu d'autre bien? 

Mais on peut aussi — et c'est ce qui fait droit au texte de la meilleure manière, — 
faire porter pdvov sur la proposition entière : ei ëcuèy pévoy (4Antxôtes èv 1 Ç. t. ëv Xo.) 
« rien qu’une espérance », et « rien que dans cette vie ». Ainsi Bachmann, Gutjahr. 

Nous prenons donc ësuév comme copule, nous faisons de fAmaûrtes l'équivalent d'un 
substantif (« kopers ») et d'un futur antérieur; c'est pourquoi nous mettons des 
guillemets à « espérer », et nous détachons bien udvov, pour qu’on en voie toute la 
valeur. Ce n’est pas une périphrase, c'est la traduction exacte du texte avec sa 
vraie nuance. 

B. 19. L’Apôtre serait atterré par la perspective qu’il vient de faire entrevoir. Le 
réaliste Paul ne se contenterait pas, avec des humanistes comme Bousset, qui se 
choque de cette déclaration abrupte, de penser : « Il y aurait toujours la vie ver- 
tueuse, la paix de la conscience », etc. Comme tout cela serait insuffisant si c'était 
basé sur une erreur et ne menant qu'à une déception! Paul tenait à être dans le 
vrai; et il n’était ni stoïcien ni protestant moraliste. 

Un rapport avec le Christ pour acquérir des biens dans la vie présente seule- 
ment n'enrichirait pas beaucoup l'âme, et un Ghrist qui ne serait que l’objet d’une 
espérance sans résultat ne servirait de rien aux hommes (Bachmann). Qu'on ne 
nous parle pas « d'erreur bienfaisante », ce n'est pas du style de Paul. Si le Christ, 
dit Gutjahr, n'est pas ressuscité, et que nous n’ayons eu qu'un espoir qui n’aboutit 
à rien, ni dans la vie présente — puisque, en l'absence d'une victoire du Christ sur 
la mort, sur le péché, nous ne sommes pas purifiés, — ni a fortiori pour la vice 
future, où nous arriverions avec nos péchés et où un tel Christ .ne pourrait nous 
garantir le bonheur, alors nous sommes de malheureuses dupes! Les considérations 
d'un pragmatisme utilitaire et insoucieux de la vérité objective des croyances n'ont 
rien à faire dans le cas. Nous sentons ici-bas le poids de la vie, et notre misère 
suite du péché; si, faute de cette preuve qu'est la Résurrection, nous ne sommes pas 
sûrs d'être rachetés, nous sentirons-nous jamais allégés de la faute et en mesure 
d'espérer le salut? Au moins les autres hommes, qui n'ont pas cette inquiétude, 


404 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XV, 12-19, 


peuvent jouir vaille que vaille de la vie présente, sans arrière-pensée. Barth, ici, a 
encore des pensées profondes, quoique trop empreintes de pessimisme protestant. 

Chrysostome examine ici l'objection de l'attente d’une vie future et heureuse qui 
serait pour l'âme seule, et il répond que l'âme, même immortelle, n'aurait pas, dans 
la perte du corps, sa récompense. De fait, avec s. Thomas, Estius, etc., il ne faut pas 
perdre de vue que l’Apôtre raisonne toujours « ex hÿpothesi divinae ordinationis de 
Christo et nostra salute »; et non d’après des possibilités abstraites d’un salut qui 
pourrait se faire en dehors du Christ; car tous les Corinthiens, même les sceptiques 
qu'il combat, lui accordaient bien en principe qu’« il n’est pas d'autre Nom donné 
aux hommes dans lequel ils puissent être sauvés » (Act, 1v, 12), 


2 xv, 20-28. Assurance de la résurrection des fidèles dans le triomphe final 
du nouvel Adam. 


INT. — Cette péricope s'oppose à la précédente, comme le positif au négatif, ce 
qui est une manière d'argumenter fréquente chez Paul. Il a dit ce que serait le sort 
des fidèles si la Résurrection du Christ pouvait être mise en doute; mais elle ne peut 
l'êtrel et voici ce qu’il adviendra à cause de cela du monde et de l'humanité. Le 
yurt dé qui introduit ce brusque changement de perspective est très pathétique. 

Il importe d'éviter une erreur qui engagerait l’exégèse sur une fausse voie : ce 
serait-de considérer les vv, 21 et suivants comme une preuve du v. 20, lorsqu'ils n'en 
sont en réalité que le développement, expliquant non pourquoi le Christ est ressuscité, 
mais comment ë est les « prémices » (dxag4f) de ceux qui dorment (conire Barth et 
d'autres). 


Le passage 23-28 est grandiose, et très important pour l’eschatologie paulinienne, 


Cu. xv, 20. Nuvi SE Xpuords Eyhyeptar Ex vexpüv, Gtapyh TOY xexounpÉvwuV* 
21. “ëreudn yap Où &vôpwmou évaroc, nai à Gvpuürou àvdoruots vexoüv. 


Cu. xv, 20. Maintenant, Christ est pourtant ressuscité d’entre les morts, 
prémices de ceux qui dorment! 21. Car après que par un homme fest 
venue] la mort, par un homme aussi [viendra] la résurrection des morts.’ 


A-B 20. Nuvi Gé; c'est une exclamation de soulagement! Le Christ est bien ressus- 
cité, d’entre les morts, Ex vexp&v (cette particule ëx prouve bien qu'il s'agit pour le 
Christ — et par conséquent pour tous — d'une résurrection d'entre ceux qui étaient 
morts corporellement, car certes le Christ n'était point du nombre des « morts 
spirituels », Rob.-PI.). Paul affirme, avec une vigueur joyeuse. La preuve n'est pas 
à chercher en des spéculations, mais dans les faits énumérés 1-11; l’Apôtre n'y 
reviendra pas. Jésus est ressuscité comme « prémices » &napy#, de ceux qui 
« dorment » et qui doivent être réveillés par Dieu (cfr. Act. xxvi, 28; Col. 1, 18; 
Apoc. 1, 5). Le choix de ce mot implique un lien nécessaire avec la « masse » des 
autres morts, dont Jésus est sorti le premier, pour que les autres suivent (Gutjahr). 

Il ouvre une nouvelle idée, qui va être développée aux versets suivants. C'est 

des fidèles qu'il s'agit; la résurrection des méchants n’est d’ailleurs pas exclue, 
mais Paul ne s'en occupe pas ici. 
A. 21.1 Y * a » eIRpse des deux copules, un présent et un futur. — yép expli- 
catif, — Enedn yap... xal.…., : le nai n’est pas copulatif, mais comme une apodose; éxe:d# 
peut se traduire « puisque » (ce qui est préféré de beaucoup de traducteurs) ou 
« après que »; cela fait une assez forte distinction de sens (v. infra, à B). — 
Cfr. Rom, v, 12, 18, 

B. 21. Nous trouvons ici le parallélisme entre l'œuvre d'Adam et celle du Christ, 
qui est la grande doctrine de l'Épitre aux Romains, ch. v. Le v. 56 (infra) fera de 
même une allusion à la doctrine de la justification telle qu'elle est développée dans 
les épîtres aux Galates et aux Romains, qui sont de la même période que I Cor. 
C'est que le parallèle avec Adam était « une proposition bien connue de la théolo- 
gie de Paul » (Lietzm.) et que, même avec les Corinthiens, il n'était pas besoin de 
s'expliquer davantage; l'Apôtre l'avait fait assez en les évangélisant., On voit comme 


406 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XV, 20-28. 


« 

22. “Qorep yap Ev r@ ’Adap mévres amobvisaouauv, obtuc xat ëv r Xpiorÿ 
mävres Cuworombpoovra. 28. “Exaoroc dè ëv rù idlo *céypart éraoyh Xpioréc, 
Emeuræ où To Xptorod ëv tr mapouaix abroë, 2h. elre “rd réhoc, ôrav ”rapaddot 
Ty Bacthelay ro 0eû rot matpt, Orav “xarapyhon Täcav &pyhy nai mücav éEouciay 
#at OÜvapuv. 25. Aeï yap abroy “Basthetew « yo où 0H mévrag Tods Éyhpods Ürd 


toutes ces épîtres se tiennent, et reposent sur un enseignement oral proposé à 
toutes les églises. C'est la preuve de la netteté et de l’homogénéité de la doctrine 
paulinienne, arrêtée bien avant qu'un document écrit, parvenu jusqu'à nous, nous la 
révèle; il faut donc se. défier des théories basées sur une « évolution » de la pensée 
paulinienne. 

Si nous avons rendu — non sans hésitation — ëxad4 par « après que », plutôt que 
-par'« puisque », c’est afin de ne pas avoir l'air d'entrer en des théories comme celle 
de Leisegang (« Der Apostel Paulus als Denker », 1923), et d'autres critiques, 
d’après qui l'Apôtre, par une sorte de métaphysique héraclitéenne, aurait vu dans 
l’œuvre du Christ une conséquence en soi nécessaire, comme contre-partie, de 
“elle d'Adam. Il y a sans doute entre les deux un lien essentiel, maïs il est 
contingent, et n'a été établi que par la libre volonté du Dieu de miséricorde. 

La mort ayant été causée par ur homme (Adam), Dieu a voulu que la résurrec- 
tion aussi fût amenée par ur homme, un autre homme, descendant du premier, le 
Christ; ce à quoi la pensée religieuse peut découvrir des raisons de haute 
convenance, mais aucune nécessite naturelle. Inutile d'entrer ici en discussion avec 
les fantaisies de Reitzenstein (HM®, p. 342-s.) qui voudrait ne voir dans l’un et 

l'autre qu'an méme être, l’« Anthropos », le prétendu « Urmensch »; il n’y a qu'à 
se reporter aux vv. 45-49, infra, et à Rom. v, 42 (de Évos avüpwnou) et 18 (dr évès... dr 
Evbs). 

Notre verset, ainsi que le suivant, a pour unique fin d'expliquer les derniers 
mots de 20, àrapyà Tüv zexom., © 'est-à-dire comment le Christ est « prémices de ceux 
qui dorment », assertion si pleine de promesses en sa concision. 

B. 22. Ce verset ne fait aussi qu'expliquer le v. 21, ou plutôt le répéter 
sous une autre forme, C’est toujours l'assertion d'un fait voulu par Dieu, non 
une preuve de la nécessité d'une résurrection générale. 

« Tous seront vivifiés » dans le Christ. Comme tout le contexte montre bien 
qu'il ne s'agit que de la vie glorifiée, on ne peut entendre le pronom « tous » que de 
tous ceux qui auront été en union avec le Christ, de la totalité des élus (Cyr. Alex. 
Aug. « ad Hieron. » Ep. 166, Pél., Estius, Corn. a Lap., Bisping, Cornely, Heinrici, 
Schaefer, B. Weiss, Bachmann, Sickenherger, eic.). Il serait bien difficile. avec le 
contexte, de l'entendre d’un retour « ad vitam naturae » pour tous les hommes 
{s. Thomas, ad loc., cfr. « Cont. Gentes » 1v, 84), comme l'admettent cependant 
encore Rob.-Pl,, et Guijahr qui se demande si révtes Cworomôfoovrat ne se rapporte 
pas à la volonté divine « antécédente » et à la « grâce suffisante », en remarquant 
subtilement que ëv de 22 n'est pas Bié de 24. 

Rien n'indique que ces distinctions aient leur place ici. Paul croyait bien à la 
résurrection corporelle des infidèles et des réprouvés, voir vi, 2; x1, 82; Rom. n, 5e 
suiv., tout comme s. Jean qui a parlé (Jean, v, 29) de la « résurrection pour le 
jugement », els dvdotaotv xpiews; mais, dans tout ce chapitre, où il voulait unique- 
ment réconforter les croyants, il ne l'a pas envisagée. 

sm À, 28, La phrase finit bien avec le verset, après ëv +ÿ xapouola airoë (F, 
QG, Hil., Ambrr, Vulg, ont ajouté EArivavres ou « qui... crediderunt »), et il ne faut pas 
y joindre sîta ro t£los de 24, qui en commence une autre (infra, Exc. xvni). — ëv'rù 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XV, 22-25. A07 


22. Ainsi, en effet, qu'en Adam tous meurent, de même aussi £’est dans 
le Christ que {ous seront vivifiés. 23. Mais chacun au rang qui est le 
sien : le Christ, prémices, ensuite ceux [qui sont] au Christ, à sa Parousie 
24. Ef puis, la fin! une fois qu'il livre la royauté au Dieu ef Père, 
une fois qu'il aura réduit à rien toute principauté et foute domination 
et puissance. 25. Car il faut qu'il règne « jusqu'à ce qu’il ait mis tous 


10, réyuarn : Je mot téyua, qui signifiait originairement « détachement militaire », a 
pris par da suite bien d'autres sens; ici il faut comprendre : « à son propre rang », 
v. Exe. xvui, — oi 505 Xp1ovob, comme Le classique oi 105 Æimxpdrous, Deissmann L. ©. 
« ceux de Gésar »; — 2 temporel, fréquent dans les Évangiles, « in diebus idis ». 

B. 28. Ici commence, pour s'étendre jusqu'à 28, un passage très fameux pour 
l'eschatologie, qui sera complété par 51-54, Chaque terme veut être étudié avec le 
plus grand soin, car les divergences d'interprétation sont fortes, et de grande portée. 
Nous ne donnons ici que notre propre exégèse, et renvoyons toutes Les discussions 
à un excursus spécial, Exc. xvar. 

Tous reviendront à la vie, mais non tous ensemble: chacun aura son rang, Le 
Christ a pris les devants, comme « prémices ». Barth, avec une belle citation de 
Luther, note Ja force de ce terme d'érapyd, emprunté aux offrandes et aux sacrifices : 
x Dieu exige pour lui cette parf de la moisson, et donne à entendre par là que la 
partie qui reste, le tout, Ini appartient ». Aïnsi en sera-t-il de tous « ceux qui 
dorment » dans le Christ. Les croyants, les justes, les élus ressusciteront quand le 

Christ, leurs « prémices », reviendra dans sa gloire. Paul pe parle pas directement 
de ceux qui ne sont pas « au Christ »; il suppose toujours, comme le cas normal, 
qu'un chrétien sera sauvé; et, pour les non-chrétiens, c'est l'affaire de Dieu de s'y 
reconnaître (voir au chap. v, 13, supra). 

—— À, 24. L'adverbe eîra est peu employé de Paul (encore 5, 7, xu, 28 et 
TI Tim. n, 48, 1, 19), Ensrva l'est un peu plus (9 fois); les deux ont une certaine 
largeur de sens, et ne désignent pas toujours une suceession temporelle; voir comm. 
à xur, 28, xv, 5 À, 7 B, et Exc. xvur. — 14h06 est aussi susceptible de plusieurs sens; 
l’acception première qu'il faut maintenir ici, est celle de « fin » (Heïnrici, Toussaint, 
Schmiedel, Bousset, Sales, Lemonnyer, Gutjatr, Sickenberger, Deissner [« Auferste- 
bung und Pneumagedanke »], Barth, etc, et presque tous les anciens); cependant il 
signifie aussi quelquefois « le reste », sens adopté par Œruménius, Théophylacte, 
Cajetan, Lap., beaucoup de protestants (il répondrait à G&mapyf), ainsi que les 
exégètes se rattachant à l'école « eschatologiste », J. Weiss, Lietsmann avant lui, 
Loisy, al.; Reitsenstein (HM3, p. 343), Schweitzer (« Mystik », p. 69), lui donnent les 
deux sens de « fin » et de « reste » à la fois, et Bachmann juge que le second s'y 
trouve à l'état implicite. Voir encore l'Exe. xvui. — Tasaüdoi (0& pour W-H. 
Vogels et Soden), présent, est la vraie leçon, et non rapaôt supposé par Pulse. et 
reçu d'Æstienne. — Brav xarapydon, subjonctif aoriste équivalent à futur antérieur, et 
subordonné au premier ütav; ici zarapyéw, qui prend diverses nuances chez Paul, 
signifie « abolir », comme au v. 26, on, mieux encore, en un sens plus large, 
« destituer », 

B. 24. « Alors », «et puis [alors] », ce sera la fin, quand le Christ remettra 
le pouvoir royal à son Père, ce pouvoir qu'il exerçait au titre particulier de Messie, 
médiateur, chef de l’Église militante; c'est qu'il aura mené à bout sa lutte 
conquérante, il n'aura plus qu'à régner avec son Père, dans la paix éternelle sur le 
même trône (4poc. vu, 17; xxit, 4, 8; voir aux vv. 27-28, infra, et Exc, xvin)s 
J, Weiss croit à tort que celte association sera limitée, 


408 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XV, 20-28. 


rod médaç abroë. » 26. "Ecyaroc Eydpôs xatapyeïrar à Odvaros. 27. « TIévre 
yap Ümérabev drd vodbs médag abroë. » 
4 \ X » € e € \ = + "+ 
Orav D “eimn OT mévra Ümorérante, DAov OTt Exrds To Ürordbavros abri 
ù 4 L'4 e , 3 4 , ! 4 , € € ke / 
ra mävra. 28. “Orayr dE brordyn at Ta Tévra, vôtre nat abrds à vide “brorayhsetar 
Tù Ünordbavre abt® Ta mévra, Îva 6 Bed mévræ Ev “roi. 


C'est en cela que consistera la « fin », Il ne faut pas y voir un « troisième » 
groupe, 1&yuz, de ressuscités, que ce soient les damnés (Theoph., Caj., al., J, Weiss) 
ou des justes non chrétiens (suggestion de Lietzm., Bachmann). Jamais Paul n’a 
pensé à deux résurrections corporelles, séparées par quelque « règne intermé- 
diaire » que ce soit. Nous le démontrerons, contre Schweitzer et d'autres, dans 
l'Excursus. 

Les puissances que le Christ aura détruites ou annulées au préalable, ce sont 
pour les uns (s. Aug., s. Thom.) tous les pouvoirs, mauvais ou bons, autres que le 
sien; et pour d'autres — ce qui est plus conforme au verset suivant — les puis- 
sances démoniaques (Chrys., Ambrr, al.) ou les hostilités humaines, auxquelles 
Gutjahr ajoute à bon droit le Péché et la Mort personnifiés (v. 26, infra), en un 
mot tout ce qui s'opposait au Règne de Dieu. 

——— À. 25. Act, nécessité imposée par le plan de Dieu. — fasthebaw, présent, 
non aoriste, et marquant la durée de l'acte. — Citation adaptée du Ps. ox (vulg. 
ax), 1; cfr. Mat. xx, 44 et parall.; les Juifs interprétaient déjà ce psaume mes- 
sianiquement (voir Strack-Billerbeck, Excurs « Der 110 Psalm in der altjüdischen 
Literatur »); &xpt n'apparaît que dans ce groupe des .grandes Épîtres et Phil. 1, 5, 
6; il est d’ailleurs plus fréquent chez Paul et dans le N. T. que pêxpr (Rob.-P1.); le 
sujet de 0%, dans l'adaptation du Psaume, est Le Christ lui-même, et non Dieu 
comme dans l'original (J. Weiss, Bachmann); car Paul identifie, ici encore, leur 
action, même quand il la distingue, comme ici, sous le rapport du mode. 

B. 25. Le Christ anéantira toute puissance hostile, car, de par la volonté inéluc- 

table de Dieu, son règne, déjà commencé, doit durer et s'étendre jusqu'à ce qu'il 
ait réduit toute résistance. Saint Paul prophétise donc le triomphe du Christ-Roi, 
et d'une manière bien différente de celle des « eschatologistes » qui ne font com- 
mencer sa domination qu'à la Parousie (voir l'Exc. xvint). 
A. 26. Cfr. xv, 54-55 et Apoc, xx, 14; xx1, 4, J. Weiss serait porté, bien 
arbitrairement, à considérer ce verset, si remarquable, comme glose marginale; il 
tâche, au cas où on le conserverait, de l'accommoder à sa théorie de la « double 
résurrection »; Bachmann de même. Voir l’Excursus. 

B. 26. Dans sa brièveté, cette phrase est saisissante. La mort, cette victoire du 
Diable et du Péché, sera abolie à la défaite des puissances qui l'ont introduite dans 
l'humanité, Paul la personnifie dramatiquement, comme la Loi, le Péché, sans la 
prendre, comme se le figure Schweitzer (« Mystik », p. 68) comme un Ange malfaisant 
(pas plus qu'elle n’est vraiment une personne Apoc., vi, 8, autrement le Hadès et 
les autres cavaliers allégoriques le seraient aussi, voir notre commentaire de ce 
livre), La victoire sur la mort est évidemment la même chose que la Résurrection 
générale, malgré Lietzmann, qui n’y voit qu'une dernière préparation pour rendre 
possible le retour des morts à la vie. Tout cela c’est inventer bien oiseusement une 
sorte de « Mythologie paulinienne ». « Destructio mortis ressuscitatio mortuorum », 
comme dit l'Ambrosiastre. 

À. 27. Citation, adaptée encore, du Ps. vin, 7; comme, dans l'original, le 
sujet est Dieu, il faut probablement suppléer ici encore 6 0s6s comme sujet de 
bnérakev. Cfr, Heb, u, 5. Si ce Psaume, qui, au premier sens, parle de l’homme en 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XV, 26-28. 409 


les ennemis sous ses pieds ». 26. Et le dernier ennemi [qui] est réduit 
à rien, c’est la Mort. 27. Car [Dieu] « a mis tout sous ses pieds ». 

Mais quand on dit que tout a été soumis, il est évident que c'est à 
l'exception de celui qui lui a soumis le tout. 28. Et une fois que lui aura 
été soumis le tout, alors le Fils lui-même sera aussi soumis à celui qui 
lui a soumis le tout, afin que Dieu soit tout en toutes choses. 


tant qu'homme, a été rapporté par le Talmud à Moïse ou Abraham (Lietzm.), il 
y a là le vestige d'une tradition sur les amis de Dieu qui s'est précisée éminem- 
ment dans le Christ. Le verset 5 hébreu parle du « fils de l'homme »; Schmiedel, et 
après lui J. Weiss, observent justement à ce propos que cette désignation pour le 
Messie Jésus devait être connue de Paul (comme des autres Apôtres); s’il l'a évitée, 
c'est peut-être à cause des Gentils qui l’auraient mal comprise, mais nous ne 
croyons pas que ce soit à cause de l’« Anthropos » païen, qui n'était pas encore si 
célèbre dix-neuf siècles avant Reîtzenstein (voir aux vv. 45-49, infra). — Quel est 
le sujet sous-entendu de tixn? Si cet aoriste équivaut à un futur antérieur (ce qui 
n'est pas sûr ici, car parfois chez Paul 6tav équivaut à &xe), ce ne serait pas, comme 
par exemple ons, une simple manière d'introduire ou de rappeler une citation de 
l'Écriture (cfr. J. Weiss, qui comprend ces mots comme 8rav My2); il faudrait sup- 
poser comme sujet « Dieu » ou «le Christ » (Rob.-Pl., Gutjahr). Une très belle 
idée se trouve chez Bachmann et chez Barth : celui qui parle serait Dieu ou le 
Christ, l’un et l'autre comme triomphateur futur; cfr. le « consummatum est » 
tetéhsotar de Jean, xix, 30. 

À. 28. Bachmann suppose que ürotayiserai pourrait être à la voix moyenne; mais 
ce n'est pas nécessaire, v. infra, à B. — Tläsw peut être masculin ou neutre, mais 
le sens revient au même, voir à B. 

B. 27-28. Pour bien comprendre ces versets, il faut se rappeler que le Règne 
propre du Christ -- qui coïncide du reste avec le « Règne de Dieu », voir Rom. 
V, 17, cfr. xiv, 17; Ep4. v, 5; II Tim. un, 12 — est celui du chef d'une Église 
militante, et que, considéré sous cet aspect, il cessera quand la grande guerre sera 
finie par son avènement glorieux; d’ailleurs Eph. 1, 8-11 implique (ainsi que les 
passages d’Apoc. mentionnés à 24) que le Christ ne cessera pas de régner avec son 
Père (Lemonnyer, al.). 

Lietzmann dit fort intelligemment : « Dans le Règne intermédiaire » (nous 
entendons, nous, par là tous les temps messianiques), le Messie agissait avec Dieu, 
et ainsi le repoussait à l'arrière-plan (ihn verdrängte) ou plutôt, devons-nous dire, 
le voilait d'une certaine façon pour l'observateur ; il n’en sera plus ainsi après le 
triomphe, quand le Fils « fera hommage » (Toussaint) à son Père de tout ce qu'il 
aura conquis, lui aura tout « remis comme trophée » (Gutjahr), et qu'ils no 
feront plus pour ainsi dire, deux Rois, mais un seul (Sickenberger), Cette « sou 
mission » du Fils à Dieu — laquelle, observe Bachmann, ne fera rien perdre 
au Fils, puisqu'il est Dieu, — a été entendue par los Pères, Hilaire (« De Trinitate », 
2), dug. (« De Trin. », 1, 18), Jér., puis par Pél., la plupart des médiévaux, Estius, 
Lap., Giust., Cornely, etc. de la nature du Christ, considéré dans sa fonction de 
Rédempteur, de Ghef et de Juge, bref de Médiatour (Rob.-PL,, qui invoquent Origène, 
Grégoire de Nysse, Primasius, puis Calvin, Mélanchton, etc). S. Grézoire de Na- 
zianze (Or. 30, 3), Théodoret, Hervé, al., l'entendent de la remise à Dieu de 
l'Église, son corps, le Christ mystique. Tout cela revient sensiblement au même, 
puisque le Dieu-Homme se soumettra en tant que tête de l'liglise ct ne faisant 
qu'un avec le corps (Gutjahr). Le règne de la gloire succédera à celui de la 


? 


410 | ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XV, 20-28. 


grâce, qui était proprement celui du Rédempteur, lequel aura maintenant « amené 
tous ses élus à la contemplation de Dieu et du Père « (Aug, « De Trin. », 3, 8}, Voir 
PExc. xvri. 

“La théologie catholique rend claire cette vue d'apparence compliquée; J. Weiss, 
qui veut l’ignorer, épilogue en dehors du texte, quand il y voit deux conceptions 
en lutte, celle de Jésus Iui-même, qui se bornaïit au « Règne de Dieu » et celle d'un 
Règne intermédiaire du Messie, provenant du Judaïsme, Des textes. comme 
IV Esdras, vu, 29, mort du Fils de l’homme, avec tous les hommes, après 400 ans 
de « Règne intermédiaire » ou Pirke R. Eliezer 11 (d'après lequel le neuvième roi 
est le Messie, et le dixième, qui est le dernier comme il a été le premier, Dieu, 
v. Strack-Bill. p. 472) ne valent pas pour éclairer notre document chrétien; Jésus 
lui-même avait uni les deux points de vue en présentant le « Règne de Dieu » en 
diverses phases, l'une terrestre, l'autre céleste, ce que les « eschatologistes » ne 
saisissent pas bien. 

Alors, après cet hommage du Roïi-Médiateur, « Dieu sera tout en tous ». Peu 
importe que &v xäaiv soit masculin ou neutre; il désigne soit tous les élus, soit tous 
les êtres, hommes compris. Le sens est que Dieu deviendra objet de contemplation 
directe (s. Aug., supra) dans toutes les créatures et tous les événements, en même 
temps que les créatures rachetées le verront en leur être comme toute leur lumière 
et toute Ieur vie. 


39 xv, 29-34, Apostroplhes relevant l'inconséquence qu'il y aurait à ne pas 
admettre la Résurrection. 


Int. Avec le brusque changement de ton qui se marque ici, la solennité qui dis- 
parait, les apostrophes qui se pressent heurtées, où est le critique à l'âme scolaire 
qui ne se sentirait, plus que nulle part ailleurs, autorisé à flairer un autre docu- 
ment, mal cousu à ce qui précède? Personne n'osera guère le faire, cependant 
(méme pas Delafosse), et cela n'aurait en effet aucun sens pour peu qu'on connaisse 
l'esprit et le style de Paul. Alors pourquoi se montrer ailleurs moins souple et pers- 
picace en critique interne, quand i faut saisir l'unité et la suite des idées? 

Ii semble que l'Apôtre assimile bien ici le scepticisme qu'il combat à un certain 
épicuréisme gros de conséquences immorales. Pas une allusion à la belle et pure 
doctrine platonicienne de l'immortalité heureuse des &mes qui ont marché dans la 
vertu. Cela complique un peu le problème. Puis des questions historiques nouvelles 
surgissent : Qu'est-ce que le « baptéme pour les morts » du v. 29-57 Que veut-dire 
Paul en rappelant au v. 32 qu'il a livré un combat de bêtes à Ephèse? Quelle est la 
portée de sa citation de Ménandre au e. 33? 

Nous essaierons de résoudre ces difficultés — sans critiquer cependant de façon 
détaillée la théorie à la mode d'une « captivité éphésienne », dont da discussion 
est mieux à sa place dans un commentaire des « Épitres de la captivité » et des 
« Pastorales », 


x / € ke u … ke 
Cu. xv, 29. “’Enei ti moufoovoty of Panrilomevor “bmp Tüv vexpüv; et “Ohwc 
vexpo! oùx éyeipovrar, vê nat Baxtilouror “brèp abtüy; 


Cu. xv, 29. Autrement, que produiront ceux qui se font baptiser pour 
les morts? Si, en somme, les morts ne ressuscitent pas, pourquoi se font-ils 
baptiser pour eux? 


mm À, 29. ’Exei, litt. « puisque » avec le sens adversatif qu'il prend souvent en 
tête d'une proposition interrogative,; cfr. ère &pa de vi, 14, sens voisin. — zouwjoovow 
futur, difficile à expliquer; nous comprenons : « À quoi aboutiront-ils? »; cfr. 
Bachmann, B. Cependant le futur peut remplacer le présent, voir vit, 38, v. Küliner- 
Gerth, 1, 1, p. 371. — Sur bxëp Tov vexp@v et brio adr&v, grosse discussion; voir à B. — 
6kwç peut signifier « entièrement » (Mat. v, 24), mais aussi « en général » (I Cor. 
V, 4), ou « à tout prendre », « en un mot », « en somme » (I Cor. vi, 7 ad loc., ct 
chez Platon, al.). 

B. 29. Ici commence une série d’apostrophes qui montrent bien que Paul, sous 
son majestueux exposé, cachait une vive émotion. Nous revenons à l'idée des 
vv. 17-48. Mais Paul n’a certainement pas ici calculé ses effets de style, et si J. Weiss 
retrouve un schéma a d a, c'est que Paul s'exprimait instinctivement de la sorte. 

Des Corinthiens se faisaient « baptiser pour les morts », et cela n'aurait pas de 
sens s'il n’y avait pas de résurrection. Que peut bien être ce « baptême pour les 
morts » ? 

Nous observerons d'abord que ce ne pouvait guère tre une pratique super- 
stiticuse empruntée au paganisme, puisque l'Apôtre n'a pas un mot de blâme pour 
cet usage. Il n'en parle pas non plus comme d'une chose rare à Corinthe, confinée 


412 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XV, 29-34. 


30. Ti rat ueïs wvduvebopev Tücav Gpav; 31. «20° uéoav arobvhoRE, vh Tv 


dans une secte ou tenue pour extravagante ; car autrement son argumentation ne 
porterait pas. D'ailleurs on ne saurait prouver que rien de tel ait existé dans les 
Mystères païens, malgré la supposition de Reitzenstein (HM®, p. 233; id. Leipoldr, 
al.). Ce n’est certainement pas le taurobole, auquel pensait Feinrici. Même un passage 
qu’on invoque, relatif aux Orphiques (O. Kern, « Orphicorum Fragmenta » 232, p. 245, 
d’après Olympiodore) n'a pas cette portée, et ne parle aucunement de cérémonies 
faites pour sauver des ancêtres coupables, mais au contraire pour se délivrer du mal 
de leur hérédité (1). Le baptême du mort, dans l'Égypte antique, ou l'ablution des 
mourants par les Marcosiens (/Zrénéelatin, « Adv. Haer », I, 21,5 et d’autres), ou par 
les Mandéens (Reitz., « Das mandäische Buch des Herrn der Grôsse und die Evan- 
gelienüberlieferung », p. 87-s.) ne jettent aucune lumière sur notre passage; ce 
ne sont point là des baptêmes « pour les morts » (voir aussi Schweitzer, « Mystik », 
pp. 276-278, cfr. « Geschichte der paulinischen Forschung », p. 165). — On a bien 
connaissance, en dehors de la grande Église, de rites hérétiques avec lesquels on a 
cru pouvoir s'expliquer l'usage de Corinthe. S. Épiphane (« Adv. Haer. » 1, 28) 
dit, d'après une tradition exégétique, que des hérétiques se faisaient baptiser sous 
le nom de morts d'entre les leurs qui n'avaient pas encore reçu le sacrement; 
s. Jean Chrysostome (hom. XL) signale, à propos de notre passage, un usage pareil 
des Marcionites, et la Troisième Concile de Carthage, c. 6 (en 397), interdit « ne 
mortuos etiam baptizari posse fratrum infirmitas credat », ainsi que de donner 
l'eucharistie aux corps des défunts; cfr. s. Philastre, « Haer. » 49. Mais l’attribution 
faite aux Cérinthiens par Epiphane est fort obscure et ne peut guère être utilisée, 
et l'on n'a aucune attestation certaine d’un baptême pour les morts avant le temps 
de Chrysostome (Bachmann) (2); car Tertullien, en parlant de notre verset 
(ee. Marc. » v, 40, et « De res. carnis » 48) ne cite pas d'exemple contemporain 
qu’il connaisse. Puis, dans tous les cas, il s'agirait de cérinthiens, de marcionites, 
de montanistes, de marcosiens etc, non d'orthodoxes, et les Pères comme le Concile 
réprouvent tous l'usage en question. Aussi le v. 29 ne reçoit pas grande lumière 
de l’histoire des religions ni de l'histoire ecclésiastique. Celle du Judaïsme ne peut 
servir non plus, malgré une vieille assertion erronée de Lightfoot (Str.-Bull., p. 473). 
Nous en sommes réduits à interpréter Paul par lui-même. 

Plusieurs explications proposées autrefois n’ont aucune chance d'être vraies : ainsi 
celle d'Estius, de Noël Alexandre, par le baptême des mourants; celle de Luther, 
par le baptême administré sur les tombes: celle de Calvin et de Bengel, à savoir 
que ceux-là se faisaient aussi baptiser qui n'avaient plus longtemps à vivre, mais 
déjà la mort devant les yeux (voir Barth}. Parmi les exégèses qui tiennent compte 
véritablement du sens de üxép (— « au prolit de », parfois « en l'honneur de »), il en 
est de trois genres : 

40 Les Grecs en général pensent à des gens qui se font baptiser mûs par quelque 
intérêt porté aux morts, c’est-à-dire à la résurrection des morts, La tournure serait 
elliptique : baptiser « pour [ressusciter] des morts » (Chrys.), pour s'assurer, par 
l'incorporation au Christ mort et ressuscité, le retour à la vie corporelle bien- 
heureuse après le trépas. En effet, Paul aurait eu beau jeu à les taxer d'illogisme, et 
de contradiction; mais justement ceux qu'il veut réfuter ne devaient pas avoir, par 
hypothèse, une telle espérance. Et puis, l’ellipse serait trop forte, — On peut rap- 


(1) Voir LAGRANGE, À B 1920, pp, 432-435, sur les « Mystères païens » de Loisy. 
(2) Delazer (v. infra) croit qu'on pourrait le faire remonter à Marcion en personne, par 
le témoignage d'Eznik, l'auteur arménien du v* siècle; cela reste au moins douteux. 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XV, 30-31. 413 


80. Pourquoi aussi nous exposons-nous au danger, nous, à toute heure? 
81. Chaque jour je meurs, oui, par la gloire, frères, que j'ai à votre 


procher de cette interprétation l'opinion inverse de Bachmann et de Gutjahr, qui 
admettent une ellipse tout aussi grave, mais croient la question ironique, comme si 
elle signifiait : « À quoi bon vous faire baptiser, pour mourir et rester parmi les 
morts, n'être plus jamais que des morts? » Ils ne pourraient plus alors comprendre 
eux-mêmes à quoi leur sert le baptême. Bachmann joint 5, r. vez. à moufoousiv : « Que 
feront-ils pour [eux-mêmes, une fois qu'ils seront] morts? », en insistant sur le temps 
futur du verbe; et il faudrait comprendre de la même façon la fin du verset, ti xat 
Bart, Ünèp aër&v : « Pourquoi se font-ils baptiser pour eux (c'est-à-dire pour ces 
morts sans résurrection qu'ils seront) »? 

Récemment, le P. J. Delazer O F M, dans un article intitulé « De baptismo pro 

mortuis » (Antonianum, avril 1931) a voulu tout éclaircir par l’idée du baptême 
ordinaire reçu en l'honneur (ôxte) du Christ mort, sacrement qui n'aurait pas de sens 
si le Christ n’était qu'un mort. Nous trouverions cette interprétation très juste s’il 
y avait 6xèe vexpoÿ, par exemple; mais convient-elle au pluriel brèo r&v vexpüv, et bnp 
adtüv ? 

Enfin, tout cela nous paraît quelque peu subtil et détourné; et surtout l'abräv 
final désignerait difficilement les mêmes que le sujet du verbe Bantifovrm, contre 
Bachm. 

2° Beaucoup d'anciens, et la plupart des modernes, entendent ce baptème d'une 
cérémonie distincte du baptème normal. Ce serait un « baptême vicaire » reçu par 
des chrétiens dûment baptisés déjà, en faveur de catéchumènes défunts. Ainsi 
l'Ambrx, la Glosse ord., Hervé, Thomas, Erasme, al., Cornely, Schaefer, Pôlzl, 
Corluy, Schmiedel, B. Weiss,, Lietzmann, Bisping, Maier, v. Steenkiste, Fillion, 
Prat, Callan (baptême symbolique, voir l'art du Dict, de Théologie « baptême des 
morts »). Cette pratique, disent Toussaint, Lietsmann, Lemonnyer, al., n'aurait 
subsisté que chez les hérétiques marcionites et autres. Nous avons vu ce qu'il faut 
penser de ces rapprochements, et de ceux qu'on a tentés avec les Mystères païens. 
Mais des protestants orthodoxes, comme Bachmann (ou même Barth) après Luther, 
Calvin, etc., s'inspirent peut-être trop de leur dogmatique quand ils repoussent 
toute idée d’un « baptême vicaire » qui n'eût pas été réprouvé par saint Paul, On 
pourrait, avec Sickenberger et plusieurs des auteurs nommés, penser à un simple 
symbole ou sacramental, en dehors de prières toujours légitimes pour tous les 
morts, à nos yeux de catholiques qui croient au purgatoire. 

8° Ceci nous amène à la troisième catégorie d'opinions. Il ne s'agirait que du 
baptême ordinaire, mais reçu par des catéchumènes avec une intention subsidiaire 
rapportée aux morts. Deux manières de l'entendre. Ou bien (Rob.-PI, Dict. de 
Hastings, opinion possible aux yeux de Gutjahr) il s'agirait d'infidèles qui se 
décident à recevoir le baptême par affection pour des chrétiens morts qu'ils 
voudraient être sûrs do retrouver dans l'autre vice. En soi, rien ne répugne dans 
cette hypothèse, mais elle ne s'appliquerait qu'à des cas isolés de sentiment 
personnel, et Paul parle comme d'une sorte d'institution répandue et bien connue. — 
Ou bien il s’agirait de catéchumènes qui, en recevant le baptème, pensent à faire 
participer à sa grâce des morts de leur famille ou de leurs amis qui n'ont pas eu le 
même bonheur qu'eux-mêmos, et qu'ils ne supposent cependant pas damnés; ce qui 
entraîne; notons-le, quelque croyance à un état de suspension dans l'autre vie, à 
une sorte de purgatoire où se trouveraient des Ames qui auraient eu au moins un 
baptème implicite de désir, sans avoir fait, ou sans avoir pu faire, profossion 


n 


A4 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XV, 29-34. 


“ometépuv xadyqouw, &jehgol, v Eyo àv Xauotd ’Incoï 15 xupio uv. 42. Et 
“zona dvbpwnoy “Ébnpomäynox Ev ’Egéow, ri pou Tù Gpehoc; Ii vexpoi oùx Eyei= 
pOYTA, © péyopey ot Tiwpev, abproy yap aroûviaromeEr ». 


explieite de christianisme, Pareil cas pouvait être fréquent; peut-être leur intention 
de soulager ces âmes, en priant pour elles à l'heure du baptême, était-elle exprimée 
en quelque rite, quelque « sacramental », comme dit Sickenberger, après la récep- 
tion du sacrement, 

Gette dernière explication est parfaitement compatible avec le catholicisma, et on 
comprendrait alors que Paul eût invoqué cet usage sans un mot de blâme. Nous 
nous y rallierions done volontiers, comme à une solution plausible, au lieu de 
renoncer, avec Barth, à toute espèce d'explication, Mais la concision obscure du 
texte de Paul, et l'absence d’analogies certaines dans la tradition historique, nous 
obligent à confesser que ce n'est toujours qu'une conjecture. 

= À, 30-31. Iläcav wpav : l'accusatif à la question « quando » se trouve 
parfois même chez les classiques, avec Gouv v. Abel, p. 174, — vf, formule de 
serment, hap. leg. dans le N. T.-— fuetépav au lieu de bper., À, al.; xæbynate, — nua, — 
&oûa, mots fréquents chez Paul. Ici bustépxv, qui est la bonne leçon, vaut un génitif 
d'objet : « la gloire que j'ai de vous ». — àüelpot est omis D, E, F, G, L, al. 

B. 30-31. Grande mobilité de l'esprit de Paul, qui passe ici à sa propre 
expérience. On peut se rappeler le beau passage 1v, 9-s, et d’autres pareils qu'on 
trouve épars dans le ZE Épitre aux Corinthiens. 

Ges périls auxquels l'Apôtre s'expose à toute heure sont ceux qu’il rencontra dans 
l’évangélisation d'Ephèse la première année (voir l'Introd., chap. 1). « Je meurs 
chaque jour » est une expression très forte, et rendue plus impressionnante encore 
par la sorte de serment qui l'accompagne. Faut-il l'expliquer par la continuité des 
soucis quotidiens qui seront dépeints IL Cor. x1, 27-29, ou par une épreuve an- 
goissante d'un genre particulier qui aurait poursuivi l'Apôtre à Ephèse? Nous ne 
savons. Mais ce verset, avec le suivant, est utile pour dater cette Première Épitre 
(v. infra et Inrron. ch. vu). 

Pour montrer comme il dit vrai, Paul atteste la gloire qu'il tire des Corinthiens. 

Souvent perce dans ses épîtres le sentiment qu’il a de bien faire, de travailler avec 
honneur, par la grâce de Dieu à laquelle il attribue tout le succès (supra, v. 40}. 
Ce travail que le ciel soutient est le fondement de sa joie et de son espérance , il 
accepte d'un cœur vaillant toutes les souffrances qu'il entraîne, et, comme le 
remarque Chrys., s'il parle de ses périls, il veut éviter toute apparence de s’en 
plaindre ou de les redouter. Maïs ce qu'il faut noter encore, et qui surprend d’abord 
un peu, c'est que, malgré tous les justes reproches contenus dans cette lettre, et 
ceux qui seront encore plus graves dans la II° aux Corinthiens, l'Apôtre, aussi bien 
là qu'ici, se glorifiera de Corinthe, et gardera le sentiment consolant qu'il a bien 
travaillé, avec un succès glorieux, dans cette cité si peu préparée à l'Évangile. 
A. 32. Il faut couper ce verset non pas comme la Vulgate et les Latins 
l'ont fait, c'est-à-dire après oùx éyefpovrat « non resurgunt » (Ambr', Vulg,, Pél,, Estius, 
al.), mais plus haut, après ëpshos, avec toutes les éditions critiques; ainsi il y a plus 
d'harmonie dans le développement. 

Kara ävüpwrov (sans élision chez Paul, cfr. ir, 3;1x, 8; Rom. ti, 5; Gal, 1, 44, ti 15, 
toujours donc dans le même groupe d'épîtres) a été compris diversement; Estius en 
fait comme une parenthèse, et traduit « ut hominum more loquar », ce qui est le sens 
Gal. wi, 15, mais pas ailleurs; J. Weiss comprend : « suivant la volonté des 
hommes », c'est-à-dire des autres hommes, d'après une théorie sur la « thérioma- 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XV, 32. | 415 


sujet dans le Christ Jésus Notre-Seigneur ! 32. Si c'est pour des vues humaines 

que j'ai combattu les bêtes à Éphèse, quel [sera] pour moi l'avantage? 
Si les morts ne ressuscitent pas, « mangeons et buvons, car nous mourons 
demain ». 


chie » que nous allons critiquer à B ; il faut l'entendre ici, comme in, 8, etc : « avec 
des vues purement humaines », sans motif surnaturel; ainsi la plupart, 

éOnpoudynsa : « j'ai combattu contre les bêtes », terme d’'amphithéâtre. Paul 
parle d’un cas réel, et l'aoriste n’est pas un « irreale », comme le voudrait J. Weiss : 
« Si j'avais combattu, {comme le voulaient les hommes) », ce qui serait bien diffi- 
cile à justifier grammaticalement. Mais on peut l'entendre au sens propre {Ambrr, 
Théodoret, Cajetan, Corn. a Lap., Toussaint, Belser, J, Weiss, Feine, puis tous les 
partisans de la « captivité éphésienne ») ou métaphorique, comme la masse des 
exégètes (Tertullien, « de res. carnis » 48, Pél., Primasius, Théoph., Thomas, Estius, 
Lietzm., Bachm., Gutjahr, Sales, Barth, etc.). Gros problème, affirme-t-on, que nous 
toucherons infra, à B. 

péyopev, xtÀ. est une citation d'Zsate, xxn, 48. 

B. 83. Paul donne un exemple tout récent, un souvenir tout brûlant, des luttes 
qu'il doit affronter pour l'Évangile, et déclare : « Si je n'avais que des vues 
humaines, si je ne cherchais que des avantages terrestres en m'y livrant, — sous- 
entendu si je ne pensais pas à l'autre vie et à la résurrection — quel profit en tire- 
rai-je? » Des inquiétudes, des peines, dés coups, ce n’est pas un idéal xata &v0pwxov. 
Avec des vues bornées à l'existence terrestre, on serait bien plus porté à jouir du 
moment : « mangeons et buvons », « carpe diem », en attendant la mort inévitable, 

Cette « thériomachie » d'Ephèse est à l'ordre du jour, car c’est sur ce mot principa- 
lement qu’on a construit une théorie qui modifie considérablement l’histoire tradi- 
tionnelle de saint Paul. Quelques anciens auteurs, par un respect exagéré de la 
lettre, avaient bien cru qu'il s'agissait d'un combat réel dans l’arène, bien que la 
tradition fût muette sur ce point; et pour l'expliquer naquit la légende tardive qu'on 
lit chez Nicéphore Calliste (xive siècle), « Hist. ecclés. » IE, 25, dérivée d'un fragment 
récemment découvert des Actes de Paul apocryphes. De nos jours plusieurs exégètes 
sont revenus à ce littéralisme, Ainsi Belser (« Apostelgeschichte ») croit que dans 
une émeute de la populace d'Ephèse (autre que celle de Démétrius et des orfèvres), 
Paul aurait été, malgré son titre de citoyen romain, traîné à l'amphithéâtre et 
c'est en cette circonstance qu'Aquilas et Priscilla lui auraient sauvé la vie, « en 
exposant eux-mêmes leurs têtes » Rom. xvi, 4. J. Weiss croit sans doute que 
l'Apôtre étant citoyen romain et vivant en bons termes avec les Asiarques (Act, 
xix, 934), ne pouvait être condamné à être exposé aux bôtes, mais peut-être 
aurait-il couru une fois, accusé d’être fauteur d'émeute, le danger de pareille exécu 
tion sommaire (il fait de ë0npou. un « tempus irreale »), pour échapper d'ailleurs 
aux embüches des hommes (xarè ävüpwxov) (1). Enfin toute une thèse historique a été 
montée en ces dernières années, pour démontrer que l’Apôtre avait subi à Ephèse 
une longue prison, terminée par une condamnation aux bêtes (à laquelle il eût 
d’ailleurs échappé), et que c’est alors qu'il aurait écrit les « Epîtres de Ia captivité ». 
Voir Femme « Die Abfassung des Philipperbriefs in Ephesus », 1916, et beaucoup 
d'autres après lui, 


(1) J. Weiss, rapportant la chose à l'affaire de Démétrius, après laquelle Paul doit quitter 
Ephèse (Ac£. xix), en conclurait que le chap. xv n’a pas été écrit à Ephèse et devrait par 
conséquent appartenir à une autre lettre que xvr, 8. Voir l'INrron, ch, vi, et ad loc. 


416 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XV, 29-34. 


33. Mh mhaväoe’ « obelpouotv #0n “ypnorx épular anal. » 3%. *’Exvédare 
duxaiws nat mh “émaptévere Gyvwolav yap Peoë mves “Eyouauw. Ilpdc évrporhv 
buiv Aéyw. 


Contre cette théorie, qui « se heurte à des difficultés insurmontables » (Bachmann), 
on fait justement valoir le titre de citoyen que portait Paul, le silence de Luc dans 
les Actes, de Paul lui-même dans l'énumération postérieure de ses épreuves 
(II Cor. x), celui de la tradition, et enfin la faiblesse des arguments invoqués pour 
placer, par exemple, la composition de l'Épitre aux Philippiens en dehors de Rome. 
Ceci soit dit sans vouloir nier la possibilité d'une courte prison subie par Paul à 
Ephèse, parmi les incarcérations dont il parle en général IT Cor. x1, 28, et qui ne 
sont rapportées ni dans ses Epîtres, ni dans les Actes. Mais elle n'aurait pas été 
assez prolongée, à coup sûr, pour couvrir la longue période qu'il a fallu à la com- 
position des Lettres de la captivité; et d'une condamnation aux bêtes qui l'aurait 
terminée, on ne peut relever aucune trace consistante, — en dehors de notre verset, 
lequel s'explique bien mieux autrement (1). 

En effet, rien n'est plus naturel que d'interpréter figurativement ce « combat de 
bêtes »; Paul emploie ailleurs des métaphores semblables {Tüe, 1, 12, dans la citation 
d'Épiménide sur les Crétois, xœxè 6fpte; II Tim. 1v, 7, la « gueule du lion » à laquelle 
il a échappé par la fin de sa première captivité romaine). $, Zonace d'Antioche 
(« Aux Romains » v, 1) emploie le même mot que Paul pour parler des mauvais trai 
tements que lui font subir les soldats qui le gardent : ’Axo Xuplas péxpe ‘Pauns Omg:0o- 
nayà,.… Bedepévos déua Aeomdodous 8 EdTiv otpariwrixdv téyua. Saint Paul fait-il allusion 
à quelque épreuve particulière plus grave que les autres? Aquilas et Priscilla 
seraient-ils intervenus alors pour l'en sauver, comme suppose Belser? C'est pos- 
sible, mais on ne peut rien dire de plus. En tout cas, ce « combat contre les bêtes » 
n'est point, ainsi que beaucoup l'ont cru autrefois, l’'émeute des orfèvres (cfr. 
J. Weiss), qui détermina Paul à quitter Ephèse plus tôt qu'il n'aurait voulu; car 
il est encore en cette ville, et compte y rester jusqu'à la Pentecôte (infra, xvi, 8) 
parce qu’ « une large porte » (ib. 9) s’y est ouverte à l'Évangile. De fait cette porte | 
s'était si bien ouverte qu'il demeura là bien plus longtemps. Quand il écrit aux 
Corinthiens, il respire à peine au sortir des combats qui avaient marqué les débuts 
de son évangélisation à Ephèse et dont les Actes (xix, 9; xx, 19) ne nous ont livré 
qu'un reflet très atténué; c'étaient surtout les Juifs qui les suscitaient. Dans son 
style vigoureux, il compare ces adversaires acharnés à des bêtes féroces; cela 
pouvait être une réminiscence biblique. Primasius rappelle ici le Psaume « Ne 
tradas bestiis animas confitentes tibi » (dans son texte : « animam confitentem tibi »). 
C'est bien assez pour éclairer le passage qui nous occupe, sans recourir à des hypo- 


(1) Nous n'entrerons pas dans la discussion de cette théorie, car ce serait beaucoup trop 
long, et l’exégèse I Cor. ne l'exige pas. Disons d’un mot qu’elle nous semble entièrement 
artificielle. Ceux qui la soutiennent avec le plus de zèle et d'assurance sont principalement 
des auteurs protestants qui ne veulent pas reconnaître l'authenticité des Pastorales 
(exceptons toutefois l'un ou l'autre, comme Wichaëlis). Ils trouvent un moyen commode 
de s'en débarrasser en plaçant hors de Rome le lieu d'envoi de l'Epitre aux Pkhilippiens ; 
car cette épître porte à croire que Paul, qui s'attendait à un acquittement, fut en effet 
libéré de la captivité romaine dont parlent les Actes, au lieu de périr à son terme, comme 
le veulent ces auteurs, et qu'il put jouir ainsi d'une nouvelle période d’apostolat, 
pendant laquelle il écrivit I-IT Tim. et Tile. Si Phil. avait été écrite beaucoup plus tôt et 
à Ephèse, alors l'histoire de Paul ne laisserait plus si bien entrevoir le cadre local ou 
chronologique se prêtant à la composition des Pastorales; et c'est ce qu’il leur fallait 
démontrer de cette façon indirecte. 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XV, 33-34. 417 


33. Ne vous y trompes pas! « Les compagnies mauvaises corrompent 
les mœurs honnêtes ». 3%. Revenez à un juste état de sobriété, et ne péchez 


plus; car quelques-uns retiennent [leur] ignorance de Dieu; je vous le dis 
pour vous faire honte! 


thèses tendancieuses de longue captivité, de jugement, -etc., qui sont insoutenables, Et 
c'est un nouvel indice qui nous sert à dater la Première Épître aux Gorinthiens : 
elle devait être écrite au temps de la Pâque (v. sapra, v, 7-8) quelques mois au plus 
après l'arrivée de Paul à Æphèse, quand il venait à peine de surmonter des premières 
et très graves difficultés, mais, — l'aoriste éônp. marquant le passé — quand elles 
étaient surmontées pourtant dans l'ensemble. et que 1e grand succès décrit 
Act. xix commençait à se dessiner {v. Inrr. ch. 111 et vai). 

La seconde partie du verset soulève aussi son problème, maïs il estide tout autre 
nature. Comment l'Apôtre peut-il dire : « Si les morts ne ressuscitent pas, mangeons 
et buvons, nous mourrons demain »? Pourquoi tirer cette conclusion épicurisnne, 
comme si tout devait alors finir à la mort, et que l'âme, indépendamment du côrps, 
ne fût pas immortelle? La philosophie du christianisme naissant était-elle donc si 
inférieure à celle de Platon et de tant d'autres penseurs grecs, de la majorité même 
des païens gréco-romains à cette époque ? ou :bien les âmes, si elles ne retrouvaient 
pas leurs corps, resteraient-elles engourdies dans un sommeil de Shéol? Il est d’an- 
tant moins permis de le croire, — malgré Zietzmann, — que Paul parlera lui-même 
sans aucune ambiguïté (II Cor. v, 6-8, et Phil. 1, 23) du bonheur que les âmes 
« séparées » pourront goûter dans la compagnie du Christ. On peut dire avec 
s,. Thomas qu'il est contre la nature de l'âme d'être « séparée », et que d'ailleurs, si 
l'on ne compte pas sur une résurrection, il est plus diMicile d'être fermement con- 
vaincu de son immortalité, Mais surtout il faut tenir compte de la tournure ‘qu'a prise 
l'argumentation de Paul en tout ce chapitre : si la résurrection ne peut pas avoir dieu, 
c'est donc que le Christ lui-même n'est pas ressuscite, et qu'il n’y a pas de rédemp- 
tion; par conséquent les âmes des défunts sont perdues {voir au v. 18, supra). Ainsi 
Bachmann, Gutjahr, etc. L'existence quelconque qui leur serait réservée :ne serait 
pas, dit Bachmann qui donne ici une belle citation de Hofmann, cette « vivification », 
worolqots, au sens si réel et si compréhensif, qui leur est promise dans la société du 
Christ éternellement vivant; leur pâle immortalité, quelle qu'en soit la théorie, serait 
toujours hors de proportion avec l'idéal chrétien du salut; Paul ne quitte pas le 
terrain de l'ordre contingent et réel établi par Dieu, et dédaigne les compromis 
qu'on pourrait faire pour les « belles âmes », — pour les « natures d'une haute 
moralité » (Hofmann) — qui s'imagineraient pouvoir être heureuses indépendamment 
de leur Sauveur. Roëb.-PL., estiment que Paul répond du même coup, en forçant un 
peu son argument, à deux classes de douteurs, des purs « spiritualistes » et ‘ceux qui 
auraient nié toute survivance (s’il en était); sans Le corps nécessaire à l'intégrité de 
la personne, il y aurait tout au plus une survie précaire dans le Hadès, ou une 
absorption de l'esprit dans l’Infini, ou une existence séparée insipide sans la vue de 
Dicu. Et pareille attente serait bien ineflicace à empêcher l'épieurisme et la démora- 
lisation pratique, — qu'on ne pouvait que trop bien constater dans les masses 
païennes. 


À. 83. Citation d’un vers de La « Thaïs » du comique Mérandre. Burkie et 
ñ0n sont des hap. leg. dans tout le Nouveau Testament, ce qui prouve bien qu'il n'y 
a pas là simple rencontre de hasard. Il devrait y avoir l’élision zpno0° water, el non 
xpnsrà ou, pour les besoins de la prosodic; mais seul le T'extus receptus l'a conser- 
vée correctement; voir à B. 

ÉPITRE AUX CORINTHIENS. 


418 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XV, 29-34. 


B. 33. « Ne vous y trompez pas! » Toutes ces atténuations de l'espérance chré- 
tienne, dues aux rapports de société et d'idées (éwAlu) avec les païens, ne peuvent 
que corrompre les mœurs des fidèles. Saint Paul connaissait bien ses Grecs! Il ne leur 
“parle pas, dit Barth, comme à des laxistes qui iraient en réalité répétant déjà : 
« Mangeons et buvons », mais comme à des hommes respectables qui n'auraient 
qu'une .sagesse hellénique, stoïcienne (voir les premiers chapitres), et chez qui, tôt 
ou tard, l'00s risquera bien de céder au fios, aux entraînements de la vie ambiante, 
— à Corinthe surtout; nous avons vu qu’il n'y avait déjà que trop d'indices, en cer- 
tains cercles, de cette déchéance. 

Le vers cité était-il devenu un dicton courant et populaire, comme veulent le croire 
tous ceux qui craignent de faire le rabbin Paul trop helléniste? La question a sa 
relative importance, pour qui veut juger de la culture littéraire de l'Apôtre, 
Ménandre, Feine l’a établi, était alors lu comme auteur classique dans les écoles. Or, 
le jeune Saul, né citoyen romain, avait dû recevoir, dans sa ville natale de Tarse, 
l'éducation donnée à tous les enfants, Grecs ou Juifs de la Diaspora, appartenant à 
des familles notables. IL pouvait citer Ménandre, et sans le nommer, aussi bien qu'il 
a cité, plus expressément, Aratus ou Cléanthe (Act. xvn) et Epiménide (7üt.), Il est 
vrai que la mesure du vers n'est pas sauvegardée dans les vieux témoins, ce qui 
fait avancer à Rob.-Pl., que la leçon ypncf n'a aucune valeur. Mais comment savoir 
si Paul avait dit 4pn00” éprlar ou xpnott éutkiar dans sa dictée, et si les premières 
copies portaient l’un plutôt que l’autre? La leçon ypnof” était fort exposée à être 
« corrigée » par des scribes moins lettrés, qui ne reconnaissaient pas la citation, ou ne 
s'inquiétaient pas d'acribie en fait de vers. On doït se souvenir que nos textes 
viennent en général de prototypes fixés au cours des n° et in siècles, par des chré- 
tiens qui, à cette époque là, n'étaient plus très familiers avec les études classiques. 
A. 84. Cfr., pour l'idée, Rom. xui, 1, et Eph. v, 14. — ’Exvdÿarte Gixalos, faus- 
sement traduit : « Evigilate justi » par la Vulgate. Le verbe éxvipew veut dire littérale- 
ment « se dégriser » ou, par extension, « revenir à résipiscence »; Loisy a traduit : 
« Dégrisez-vous comme il faut », ce qui n'est pas mal, et rend bien le pittoresque de 
l'original; « vous qui êtes réputés justes », des. Thomas, est une interprétation de 


la vulgate. — ’Exvih.. xai un éuapravere; remarquer le passage de l'aoriste (ingressif) 
au négatif du présent — « cessez de pécher ». — Nous prenons Éyouaw dans son sens 
le plus fort : « tenir », « garder ». — ä&yvwoiav 0eod, cfr Act. xxvi, 8 : « Est-il impos- 


sible que Dieu ressuscite des morts? » et la réponse du Seigneur aux Sadducéens, à 
propos de résurrection, Mat. xxn, 29 : « Vous errez, ignorant la vertu de Dieu ». — 
rpbs évrporv, cfr. vi, 5 et aussi 1v, 14, oùx évtpéruv. 

B. 34. L'Apôtre parle maintenant comme à des gens ivres (Chrys.), qui ne savent 
pas se réveiller pour de bon. Sans doute il veut dire aux sceptiques qu'ils ne sont 
pas tout à fait remis de leur intoxication païenne. Les douteurs prétendaient être des 
penseurs cultivés et « sobres », à la grecque (Rob.-Pl,, Bachmann), et en effet il n'y 
avait pas beaucoup d'ivresse ni d'enthousiasme dans leur erreur rationaliste; Paul 
— à qui peut-être ils reprochaient en secret d'être un mystique exalté — leur fait 
sentir un peu rudement que ce sont eux qui ont encore la tête obscurcie par la 
fumée des vins du paganisme; ils ne sont pas entièrement guéris, remarque l'Apôtre 
avec tristesse, de leur ancienne ignorance de la bonté et de la puissance de Diou. Et 
la preuve, c'est qu'ils continuent à pécher; nous pouvons penser à des laxistes 
(peut-être les mêmes « rives », le « parti du Ghrist »?) comme ceux des chapitres v, 
vi, VHt, X, xt, Paul vou lit leur faire honte, comme aux chicaneurs de vi, et il a dû 


réussir. 


C. CHap, XV, 35-58. COMMENT POURRA SE FAIRE LA RÉSURRECTION. 


INT. — Cette troisième section du chapitre est spécialement merveilleuse de doctrine, 
et, par endroits, de lyrisme. C'est un véritable « discours de sagesse entre parfaits » 
que l'Apôtre donne à lire à ses pauvres Corinthiens. Et le rythme est si marqué, si 
intentionnel en certains passages, que nous n'hésiterons pas ici, par exception, à les 
disposer en « lignes » prosodiques; car, tant pour l'esprit que pour l'oreille, les lignes 
se détachent beaucoup plus nettement qu'au chapitre XIII, par exemple, ou dans les 
autres péricopes qui font penser au « style oral ». Saul, quand il était l'ardent dis- 
ciple de Gamaliel, avait dû s'exercer dans ces improvisations chères à sa race, en 
araméen ou en hébreu, et il lui était aussi facile d'en faire en grec. Le sujet est ici 
d'une portée si élevée et si universelle, si dégagé d'applications contingentes ou de 
réprimandes (à la différence du sublime chap. XIII), qu'il a pu étre exposé dans les 
mémes termes à bien d'autres auditoires qu'à celui de Corinthe. Saint Paul, après 
avoir composé celte page en une heure d'enthousiasme, l'a peut-être écrite et gardée 
à part lui, peut-être utilisée quelquefois dans sa prédication orale, sans cesser d’en 
clarifier et d'en concentrer l'expression. 

Il y répond à une double question que lui poseraient ceux qu'il veut convaincre 
(J, Weiss, al.) : | 

1° Comment une résurrection de la mort serait-elle possible? 

20 Si elle est possible, de quelle espèce sera donc le corps dans lequel on ressusci- 
tera ? 

Pour le premier point, il recourt à la toute-puissance du Créateur. Pour le second, 
deux extrêmes étaient à éviter : soit de se figurer la résurrection comme un simple 
recommencement, à n'en plus finir, d'une existence matérielle et bornée comme celle 
d'ici-bas (c'était le faible des conceptions rabbiniques en général, et ce qui devait 
particulièrement soulever les objections des Grecs); soit de tellement transformer et 
volatiliser l'idée de corps, que le corps ressuscité dût paraître comme n'étant plus 
« notre » corps, celui qui a travaillé et souffert avec l'âme dans la vie terrestre, de 
façon que ce ne serait plus proprement notre personnalité qui serait reconstituée. 

Voici comment Paul procède pour écarter toutes ces difficultés bien naturelles : 

Certains Corinthiens s'étonnent qu'un corps mort et tombé en pourriture puisse ressus- 
citer, et ne voient pas ce que pourra bien étre ce corps nouveau, ni d'où il sera tiré. 
Muis, déclare Paul, la Nature elle-mëéme doit les aider à le comprendre par les 
analogies qu'elle met chaque jour sous leurs yeux. Ne leur montre-t-elle pas que, 
dans le monde végétal, la mort du grain est une condition de sa multiplication, de 
son passage à une vie plus ample? Oui, loin d'être un obstacle, c'est une condition. 
Première idée. 

Deuxième idée : c'est bien là une opération qui leur révèle déjà la puissance de 
Dieu : d'un grain qui pourrit en terre, il fait sortir un épi, qui est beaucoup plus 
qu'un grain, quoique la nature de l'épi reste conditionnée par celle du grain, auquel 
il demeure donc, d'une certaine façon, identique, Dieu l'ayant ainsi établi, Car 
il peut créer tous les corps qu'il veut. Paul, laissant là le monde végétal, et la com- 
paraison sous-entendue du grain avec le corps. humain, et la condition du plein 
épanouissement, qui est la mort (idées qu'il n'a fait qu'indiquer ou insinuer, pour y 
revenir plus loin), énumère maintenant les corps animaux, avec l'admirable variété 
par où Dieu les distingue. Mais ce n'est pas tout: qu'ils regardent une autre espèce 
de corps, bien plus beaux, les corps célestes (que les anciens croyaient incorruptibles), 


420 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XV, 35-44. 


le soleil, la lune, les étoiles. Quelle variété il y a entre ex, et même d'une étoile à 
l'autre! 

Or, troisième idée : pourquoi croirait-on, après que Dieu nous a donné de telles 
preuves dela ‘variété ‘de sa puissance créatrice idæns l'univers visible, que cette puis- 
sance soit bornée à créer les corps que l'on voit à présent? Tous ceux dont il a été 
parlé :sont matériels; il peut en exister aussi de spirituels, si Dieu veut les créer. 

Quatrième idée : ils pourront apparattre après les corps « psychiques » (comme 
l'épi, pense sans doute Paul, n'apparaît qu'après le grain) et il revient à la compa- 
raison insinuée d'abord, ou .plutôt il intervertit oratoirement l'ordre logique : « Vous 
-demandez comment se fera la résurrection? d'une facon analogue -à la levée du 
grain-qui suit les semailles; -ce qui est semé dans la corruption ressuscitera dans 
l'incorruptibilité, etc. car, s'il y a un corps psychique, ily a aussi un corps pneuma- 
tique »; sa production ne dépasse point la Puissance de Dieu. 

Cinquième idée : nous pouvons d'autant mieux le croire, que nous savons qu'il en 
æxiste déjun:c’estlecorps-du Christ, telqu'ilestaujourd'hui, formé après celui d'Adam. 
La différence des deux corps comnegpond à la différence du Christ et d'Adam; l'un, 
d'après la Genèse, a: été constitué « en âme vinanée » (désignation a potiori parte), lui 
qui n'était d'abord.que poussière, et il s'est trouvé ainsi capable de transmettre la vie 
psychique naturelle; l'autre a-été constitué « en esprit vivifiant », — avec un rôle par 
conséquent bien plus élevé et plus actif — parce qu'il était « céleste », Eroupévios, et que 
ce qui préexistait de lui n'était pas seulement -de la poussière, mais cette partie 
céleste de son être (qui sera désignée Rom., 1, 4, comme myeüpa &yiwaÿvns, c'est- 
à-dire la nature divine, asec les dons surnaturels qui en découlent dans l'humanité de 
Jésus par l'union en une personne), partie céleste qui est un principe de vivification 
totale, pour son humanité et pour celle des autres, et qui le fait capable de trans- 
mettre non pas une simple vie naturelle, comme Adam, avec « la chuir et le sang » 
quil'alourdissent, mais une vie iglorifiée, « preumatique », comme celle que son corps 
a reçue à La résurrection. 

_Ainsi.nous tous (et le Christ lui-même, après Adam, dont il.est le descendant) nous 
asons .eu des corps faits à la ressemblance d'Adam notre ancêtre, formé de la terre ; 
puis, comme le Christ à eu ensuite son corps glorifié — le même, mais transformé — 
par d'action de son nveüp.a vivifiant, ainsi, par l'action de ce rveüua du deuxième 
Adam, nous pourrons avoir des corps transformés, parfaitement adaptés à l'esprit, 
conformes au conps « pneumatique » de Jésus ressuscité. 

Une dernière difficulié .se posait : l'Apôtre a paru faire de la mort une condition 
requise pour da résurrection glorieuse. Qu'adviendra-t-il donc de ceux que .la 
Parousie trouvera vinants? Garderont-ils dans la vie future toutes leurs infirmités 
d'ici-bas? Saint Paul répond par le tableau apocalyptique de la grande « Transfor- 
mation » universelle. qui ne laissera plus chez aucun élu rien subsister les faiblesses 
«de la chair et du sang ».,.et il exalte en -aacents triomphaux la victoire sur la Mort. 

Voici le partage que. nous pouvons faire pour l'exposition : 

19.35-4k. Dieu, ‘dont la puissance créatrice est infiniment variée, peut nous faire 
uR -CO"PS A spirituel». 

90 45-49, Ce corps «pneumatique » sera fait sur le modèle de celui du Christ 


-glorifié. 
30 50-54. Tous, morts ou vivants, obtiendnont ce corps spirituel à la Parousie du 


Christ. 
1°.55-58. Gräces rendues à Dieu pour celie victoire sur la Mort, et paroles d'encou- 


ragement aux fidèles. 
C'est une belle unité que ne voudraient pas rompre les critiques; à peine si 


Delafosse lui-méme.ose distinguer une rédaction catholique ancienne jusqu'à 44 ct un 
texte marcionite pour le reste (excepté 52). 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, àV, 90r37. . 424 


17 xv, 364%, Dieu peut: créer un: corps- « spiräuel » comme il'æ créé tant. 
de corps matériels. 


Int. Image du: grain semé, qui meur4 pour danner un épi plein de grains dont 
l'espèce est déterminée par. celle de la semence « selon que Dieu l'a voulu ». Les 
versets 40-suiv. décrivent la Belle variété de cette création matérielle, due au vouloir 
de Dieu. Qui posera des Bornes, est-il sous: entendu; & cette puissance de création et 
de régénération? Dieu peut donc faire des corps spirituels, supérieurs à: tous: lès: eorps 
matériels que l'on voit. 


Cn. xv, 38. "ANA dper mic Flüs Éveipourer où veupol; — [Toi GÈ aupor 
Épyovtau | 

36. “’Agouv, aù à amsfpets, où Cuaractrer “éèv ph Gmobdva ST. La à omelpere, 
où 7 “odpa To “yevmobmevor omelpeus, GARE “yuyvèv xéxnov “el vuyou oftou À 


r 


Cu. xv, 35. Cependant l’on dira : « Comment les morts font-ils à ressus- 
citer? — mais avec quelle sorte de corps reviennent-ils {donc|? » 

36. L'insensé! Toi, ce que tu sèmes, cela ne prend pas. vie s'il n’est 
venu à mourir; 37. et ce que tu sèmes, ce n'est pas le corps qui se fera 
que tu sèmes, mais un grain nu, de froment si l’on veut, ou de quelqu’une 


A. 35. ‘AXE dost tv, transition fréquente en « Diatribe »., — Tiés — « comment 
(est-il possible): »; &yetpovra présent = l'effort poux se lever, s'éveiller, ressuseiter, 
— noi — «. de. quelle: qualité: », « de quelle espèce ». 

B.. 35. Paul arrive au cœur du problème. Après avoir monté: que: nier La résur- 

rection serait un désastre, ik va dire: à: ses. interrogateurs ébrankés comment, elle est 
possible, at que ka triste expérienee de la ruine du corps dans le sépulcre ne prouve 
rien contre ekle. 
A. 36. ägpuv est un nominatif, une exclamation. — Remarquer comme le 
style est heurté à ce début. C'est sur le ton de la « diatribe » La plus pressante que 
Paul entame cet, enseignement. qui, par degrés rapides, va monter au lyrisme ke 
plus serein. —' Dans la traduction, nous avons voulu conserver la nuance d'éven- 
tualité contenue dans édv. 

B. 38. Le verset insinue, par la comparaison du grain semé, que. la mort est la 
candütion. d'une vie plus ample ot plus parfaite. Ce n'est, pas une allégorie, — car 
Pauk ne. parle encore que du grain, au sens propre, — mais une comparaison 
(Bachmann), qui porte essentiellement sur la corruption que. doit subir le grain pour 
se. multiplier. On se rappelle: tout de. suite: là parole du Seigneur « Nisi granum 
frumenti.… » (Jean, xu, 24). Pour l'origine de l’image, on a pensé à l’épi montré 
solennellement. aux époptes d'Eleusis, — si: toutefois c'était un symbole de leur 
bonheur futur. Avec plus d’à-propos peut-être, on aurait pu recourir aux rites 
osiriens, où la germination des plantes servait de symbole populaire pour figurer la 
renaissance du dieu et de ses fidèles (Plutarque, « Isis et Osiris », 65; — allégiories 
du. « Gonte des. Deux frères. », du Tombeau de Rekhmara, otc., voir Virey, « La 
Religion de l’ancienne Egypte », al.). Mais ü n’est nullement assuré que Paul connût 
ces rites ou ces traditions. L'image, si naturelle en soi, pouvait naître spontanément 
dans son propre esprit, ou lui être inspiréo par le souvenir du logion de Jésus, 

conservépar La tradition avant d'être consigné dans le Quatrième Évangile, 


422 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XV, 35-44. 


rtvos Tüv homdv 38. 0 DÈ Oedc Gdootv abr® côua refus YREAnSEV, nai Exdoto 
16 oxepuétuvy ldtov cûua. 

39. OÙ raca oùpE à « dr odpE, SAAX AN LÈv &vOpwrwv, AXN DE oùpË arnvOY, 
GANN Où cape “mrnvüv, GAAN OÈ IyOdwv. 40. Kai oüpara éroupévie, nai cupara 
Émiyeua" GAAù “écépa pèv ñ Tüv émoupaviwy *D6Ëa, Etépa DÈ à Tv énryelwv’ HA. 
ŒAAM DE hhiou, nai dAAN dE cehfvns, ai dAAn B6Ea Gorépuv &oThp Yap 
dorépos duugéper Ev BEN. - 


A. 87. yevnodpevov, participe futur si rare dans la langue ordinairement 
familière de Paul (cfr. Luc, xxvn1, 49, ëcôuevos), montre que l’Apôtre élève intention- 
nellement son style, — et tôyor, voir à x1v, 40, — yuuvôv xdxxov n’est pas à comparer 
pour le sens à II Cor. v, 3 où il s'agira de l'âme « nue », dépouillée du corps; iln’y a 
pas encore ici d'intention allégorique expresse, et « nu » signifie seulement isolé, 
sans les enveloppes qui protégeaient le grain sur l'épi; de même Gévôpoy yugvév était 
un arbre sans feuilles. Des rabbins ont appliqué, eux, cette image au corps mis en 
terre, mais pour en inférer qu'il en sortirait avec des vêtements (Pirke R. Elieser, 
al., v. Str.- Bill., p. 475); Paul dira bien davantage. 

A 88. xa0wç ABAnoev.… ltov cûpa, cfr. x11, 18 et Gen. 1, 11. 

B. 37-88. Le texte exprime deux idées : d'abord la transformation merveilleuse 
du simple grain qui devient un épi, ensuite la correspondance exacte de la nature 
de cet épi à celle du grain. Ce n’est pas une preuve que les corps doivent ressusci- 
ter, comme si leur reviviscence rentrait dans le processus naturel de la germination, 
et il ne faut pas chercher ici de finesses biologiques (Barth); ce n’est qu'un 
exemple : dans le cas du corps comme dans celui du grain, le sujet persistera mais les 
attributs changeront. C’est par la volonté de Dieu que la plante sort de la graine; 

: Paul ramène tout à la Cause première, persistance de la vie, et appropriation de la 
plante nouvelle à la nature du germe, — ce qui maintient une certaine identité entre 
les deux. Seulement il ne dit pas que c’est un miracle, et que Dieu donne un corps 
qui n'était aucunement contenu dans le grain; il sait bien qu'il y était en puissance, 
et que c’est une loi de la nature qui s'applique (comme à xu, 18, pour la composition 
des membres du corps humain); il attribue simplement l'effet de la loi au Créateur 
qui est l’auteur de cette loi. J. Weiss fait donc bien vainement ici des difficultés 
botaniques, comme si Paul considérait la plante comme tout à fait étrangère à la 
graine semée, et n’en dépendant en rien; c'est afin de pouvoir considérer le « corps 
pneumatique » dont il s'agira bientôt comme un « vêtement », tout entier venu du 
dehors, et sans aucune identité de nature avec le corps qu'il doit couvrir, afin de 
ramener ainsi Paul à la mystique hellénistique, conformément aux théories de 
Reitzenstein. Idem Lietzmann. V. infra, aux vv. 44 et 45, 

A. 39. Remarquer la paronomase zxrnv@v… nravé&v, qui montre une fois de. 

plus la familiarité de Paul avec la langue grecque; car renv&v, forme poétique, ne 
se trouve qu'ici, et a été « corrigé » par D", F, G en xetetüv, plus ordinaire; nous 

avons cherché à conserver la rime autant que possible : « bestiaux... oiseaux ». 

A. 40-41. d6£x : il n'est pas nécessaire, avec Reitsenstein, de ramener ce mot à 
l'iranisme. Puisque ôdéa avait souvent le sens de « renommée », « gloire », on peut, 
par extension, le dire de l'éclat, de la splendeur, d'un objet matériel. — owpata ërov- 
pévia : Le mot cäue dans l'usage classique, signifie souvent « substance matérielle » 
(Plaion, al., exemples chez Bachm.) et non « corps organique »; il n’y a donc aucun 
lieu de croire que Paul regardait les astres comme des corps d'êtres angéliques. 

B. 39-41. Tous ces exemples ne sont pas une allégorie couvrant l’idée des corps 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XV, 38-41. 423 


des autres [espèces]; 38. maïs Dieu lui donne un corps conforme à ce 
qu’il a voulu, et à chacune des grainès un corps qui lui est propre. 
39. Toute chair n’est pas le même chair, mais autre [est] celle des 
hommes, autre la chair des bestiaux, autre la chair des oiseaux, autre 
[celle] des poissons. 40. Et [il y a] des corps célestes, [il y a] des corps 
terrestres; mais d'une nature est l'éclat des célestes, d'autre nature celui 
des terrestres; 41. autre [est] l'éclat du soleil, autre l’éclat de la lune, 
autre l'éclat des étoiles ; car une étoile diffère d’une étoile en éclat. 


ressuscités; il faut les prendre au sens directement exprimé, qui suffit à l'argumen- 
tation. Paul veut uniquement, développant l'indication Tdtov cüua du v. 38, montrer 
la variété de la création. Même la différence des corps célestes et terrestres ne se 
rapporte pas, comme l'ont cru des Pères, à celle des saints et des pécheurs, et encore 
moins l'éclat divers des corps célestes aux divers degrés de gloire des corps ressus- 
cités, comme l'ont cru Chrys., Aug., Ambrr., Théodoret, Lombard, Estius, Lap., 
Corluy, Cornely, etc.; Paul n'a même pas cherché à enseigner ici directement, par 
analogie avec la multplicité des corps célestes, les degrés variables de la gloire des 
ressuscités (cfr. Thomas, Bisping, Schaefer, beaucoup d’autres). On peut sans doute 
en faire une application aux bienheureux, peut-être y avait-il dans l’esprit de l’Apôtre 
une allusion inexprimée (Rob.-Pl,, Sales, al.), mais ce n'est qu'un sens accommoda- 
tice; de fait, en parlant de la résurrection, l'Apôtre ne reviendra pas à cette idée 
d’une distinction des degrés de gloire et ne parlera que de la gloire commune à tous. 

Ce qu'il veut ici, c’est montrer l’admirable variété que le Créateur a donnée au 
monde visible, sur la terre et dans le firmament, pour insinuer par tous ces exemples 
qu'une Puissance si illimitée peut encore produire beaucoup de beautés que nous ne 
connaissons point ici-bas (Lietszmann, Gutjahr, Sickenb., al.). 

= À, 42-43. Rythme très marqué ; quatre antithèses parallèles, avec ana- 
phores rimantes; on ne peut. douter ici que ce soit intentionnel (v. Ir. de c). Mais 
le sujet de onefpetar et d'éyelperar n'est pas exprimé. Â-til été omis par une négligence 


d'expression, plus difficile à admettre ici qu'ailleurs, et faut-il le suppléer dans la. 


traduction, en ajoutant en tête : « le corps »? (Gutjahr, Loisy, al.). Ou bien, dans ce 
passage poétique, et de langue recherchée, Paul userait-il de passifs imperson- 
nels? Nous nous rangeons à cette dernière hypothèse, pour laisser au texte son 
indécision peut-être voulue : « Les semailles se font, etc.. » — àtix (43), dit des 
choses, signifie « saleté », « sordidité ». — On peut comparer Phil. nt, 21, « (Jésus- 
Christ), qui transformera (uetasynuatiae) notre corps de bassesse (pour le rendre) 
conforme au corps de sa gloire ». 

B. 42-48. « Ainsi sera la résurrection des morts ». Sur quoi porte la comparaison 
marquée par obtws, « ainsi »? Expressément, ce n'est que sur la transformation du 
« grain nu » en une réalité plus parfaite, l'épi de blé. Rien ne répond à l'énumération 
des divers corps et des diverses chairs faite 39-41, et n'exprime par conséquent 
divers degrés de mérite et de gloire proportionnée. Quoique Paul ne revienne pas 
expressément à l'idée d'identité ({ôtov) du v. 38, elle est cependant sous-entendue, car 
les versets suivants assigneront toujours aux bienheureux des « corps », cüpata, et 
ils seront toujours des « hommes », ävOpwror. 

Reitzenstein (HMS, p. 344-suiv.) toujours par « iranisme », se trompe en n’enten- 
dant par le terrain des « semailles » que la matière’et les conditions de la vie ter- 
restre; car, aux versets 36-37, l'accent principal était mis sur le passage par la mort, 
et il faut que la comparaison soit équilibrée, au moins en son trait principal. De 


… 


424 ÉPETRE. AUX CORINTHIENS, XV, 35-448. 


h2. Obrug at avdaracis TN verxgüv. 
VV # 2 + 3 # à LA  p e. 
Srelpetor ëv pÜopa, Éveioetau èv apÜanata: 
. 3 x ? , ; 
HS. omelcerar. év “anmyla, éyesiperon èv den. 
? / ) , 
omeloetet ëv Goûeucia, éyelperou x dovauer 
We. orefperar souia d'u, éyeloston. adiix TVEDUzTILAN. 
LE Éortv oùpa duyrnsv, GTA AE TYEUUATLL. 


fait, il s’agit d'abord de la mort et de la sépulture, comme pour le grain, et non 
uniquement de la vie présente (cfr. Bernard, Charles, Findlay, Milligan, dans Rob.- 
PL.) Rob.-Pl. rappellent fei avec raison l'insistance qu'avaït mise l’Apôtre, aw v. &, à 
noter que le Christ, « nos prémices » avait été enseveli; mais ces « semaïlles » ne 
sont. pas rien: que l'enterrement (cfr. J. Weiss). La corruption, le sordidité, Pimpuis- 
sance: représentent aussi le cours médioere de toute vie terrestre, dont la mise au 
tombeau n’est que l'acte dernier et le plus caractéristique (Rob.-Pl., Bachmann, Gut- 
Jahr, Sickenberger, al). Cfr.… infra le v. 58 : « IL faut que ce « mortel », Üvntév, revêle 
l’immortalté ». | 

Pour le reste, il n’y a qu'à lire et admirer, sans explications importunes. 

À. 44. Ici duyrxôv et. nveupatxdv ont.ur sens « physique », puisqu'il est ques- 
tion. du « corps » et non: plus le. sens morak de 15, 44, eë de rr, 15- ou de x1r, 1, xiv, 
37, ete., ni celui de x, 3-4; mais:F «. esprit », nueëua, qui fait le corps « pneumatique », 
n'est: pas cette matière subtile que Gunkel («e Wirkungen des Geïstes », pp. 47-suiv., 
107-auiv.) a découverte et léguée aux synerétistes récents. Voir à l'Exc. v sur rveüpe. 

B. 44. Ce verset comprend deux parties, qu'il faut examiner à part. 

La: première serait mieux: rattachée à 43, car elle n’est: que le: dernier trait, exultant 
et magnifique, des. antithèses. précédentes : « Ce: qui est semé psychique se lèverx 
spirituel ». 

&äb dit que: s'il y & un corps. « psychique », il y en à aussi un « spirituel ». Est-ce 
une. simple affirmation, où une conclusion logique? C’est ure simple affirmation, 
triomphale; ear malaré: la prétendue loi métaphysique d’antithèse de Leisesang (op. 
cit.), et d'autres, on n’a pas le droit de: conclure, du fait que Die erée: des corps 
sans: « esprit », qu'il doit aussi. créer des corps munis de « Fesprit ». El n'y à pas fc 
de preuve,. mais l'énonciation d'un fait. La preuve est. ailleurs, dans Fes oracles du 
Seigneur qu'ont. conservés les. Synoptiques. (« ils seront comme les Anges de Dieu »), 
et dans l'exemple, déjà actualisé, du Christ glorieux (v. infra, vv. 45-suiv.). Aïnst 
Barth; eontre Gutjalr. 

Que: signifient maintenant « corps psychique ». et. « corps pneumatique »? D'abord 
ces termes expriment que la corporéité ne disparaîtra pas à: la résurrection: (Sickenb.}, 
Le même sujet restera, mais sera transformé (onsiperar.. éyelperar, puis les vv. 49, 53- 
54, v. ad loe.), Le corps « psychique » était constitué pour être mü simplement par 
une âme, duy#, le corps « pneumatique » sera perfectionné: de façon à être un organe 
parfait de l'esprit, ruedue, qui le pénétrera et le glorificra; il aura changé de qualité, 
(Gutjahr},.ne sera plus alourdi par « la chair et le sang » (voir énfra, v. 50). Maïs il 
aura toujours l'âme, la duy4, qui en fait un corps vivant; ear le. rveÿuz transformateur 
ne l'aura pas expulsée (pas plus qu'il ne chassait le voës, xrv, 14), malgré ce que dit 
Reitzenstein (loc. cit.), en invoquant la Pythie de Lucaën (« Pharsale », v, vers 464-s). 
la « Liturgie de. Mithra » et le reste, paree qu’il conçoit le xveüua, peut-être ä la stoi- 
cienne, comme une foree ow une substanec. éthérée qui compose Dieu et les esprits, 
et constituerait aux régénérés un corps nouveau qui germe au baptême, et rempli- 
cerait l'autre à la résurrection. Comme un corps « psychique » n’est pas un corps 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XV, 42-45. 425 


Lk2. Ainsi [de] la résurrection des morts : 

Les semailles se font dans la corruption, la levée dans l’incorruptibilité ; 

k3. les semaïlles [se font] dans Ia honte sordide, Ia levée dans la gloire; 

les semailles [se font] dans l'impuissance, la levée dans la puissance; 

kk. les semailles [sont d’] un corps psychique, la levée d’un corps 
spirituel. | 

S'il existe un corps psychique, il en. existe aussi. un. spirituel. 


«. fait d'àme: », mais animé: et. mw par une: âme, ainsi. un corps « pneumatique » n’est 
pas un corps « fait d'esprit », mais pénétré: et. mu par E « esprit » (Rah.-Pl,, Back 
mann,.al.)et cet « esprit » n'est. que la partie la plus haute de l'âme. buy 1;. transformée 
dans ses qualités et ses opérations par la présence de: l'Esprit-Saint (Voir Exe. v} 
J. Weiss s'embarrasse: fort, pour plier le texte aux « découvertes » de Reïtzepstein ; 
mais ik faut. dire avec Sickenberger que tout ce passage de Paul na pas d'origines: 
autres que: chrétiennes, malgré quelques possibles rapports de terminologie avee des 
mystères spiritualisants. | 

Ainsi l'Apôtre à répondu: à. la première question : Comment des. corps marts 
fexont-ils pour redevenir vivants? Il a. seulement fait appel à la puissance de Dieu, 
qui nous met. sous les. yeux, comme symbole, le renouveau de lx végétation. ka ger- 
mination des plantes, et.a rempli. la. nature de corps.si variés et. si beaux. S’ik æ fait 
le corps: psychique, que nous connaissons, le: Créateur ne peut-il lui danner des 
formes nouvelles, que nous ne connaissons pas? Oui, affirme l’auteur inspiré; & 
existe un Corps spirituel, parce que le Tout-Puissant l'a voulu. 


. 


20 xv, 45-49, L’ « Homme céleste » sera le modèle des ressuscités, 
: 


Int. — Voici la réponse formelle à la question : « Avec quelle espèce de corps les 
morts peuvent-ils revivre? » eo 

Rappelons-nous qu'il ne s'agit toujours directement que des élus. Comme ils tenaient ‘ 
d'Adam leur corps avec ses propriétés naturelles, ils tiendront du « Deuxième Adam », 
le Christ, la spiritualisation de ce corps, qui sera l'« image » du corps glorieux de 
Jésus-Christ ressuscité. Leur corps passera aussi de l'état terrestre à un état céleste. 

Le ». 50 sera un verset de liaison, qu'on peut faire servir de conclusion à la présente 
péricope, comme d'ouverture à la suivante. 

L'exposé très concis de l'Apôtre, et qui donne lieu à de multiples discussions, se 
réfère évidemment à des instructions dont il avait déjà donné la substance à ses 
‘Corinthiens. On y trouve un parallèle très caractéristique, Phil. 20-21, dont la doc- 
trine, quoique donnée dans une lettre postérieure (de peu), ne s'était certainement pas 
formée dans l'intervalle des deux écrits, car Paul n'en parle aux Philippiens que 
comme d'idées à eux bien connues. h 

La correspondance de ces deux textes qui s'appuient l'un l'autre est portée très loin : 

Phil. 11, 20-21 (trad. Lemonnyer) : « Notre cité à nous est dans les cieux d’où nous 
attendons que vienne comme Sauveur le Seigneur Jésus-Christ, qui transformera notre 
corps misérable (cfr. encore v. 51) pour le rendre semblable à son corps glorieux, 
en exerçant le pouvoir qu'il possède de s'assujettir toutes choses (cfr. supra, 25-28) ». 


€ 


Cu. xv, 45. Ofrus ‘rat yéyparrar” « ’Eiyévero à toüros &vôpumoc, ’Ajdu, 
“ets buyny Cooav, » à Écyaros "Ada “els mvebpa Cwomotoïv. #6. ’AXN où rpürov 
Td mVEUpaTxOV, GAÂAG Td uyinov. 

‘O rpüros àvOpwumos èx Yhs, yoïuôs, 6 deûtepos dvOpumos Ë obpavoë. 


A. 45. L'Ambr' omet obtws xal yéypanrar — Citation de Gen. n, 7 : éyéveto sie duyñv 
Géoav, d'après les LXX; nn vip39 DIN, WIN dans l’hébreu original: de pareilles 


tournures sont fréquentes dans le N. T. surtout aux citations, et peuvent d’ailleurs 
se rattacher à la xouwx (Abel, p. 166). Le sens est qu'Adam, par le souffle de Dieu, 
devint un être animé, en désignant le tout par la partie principale. La question est 
de savoir si la phrase parallèle qui suit est donnée aussi comme une citation de 
l'Écriture. Lietzmann croit que c’est une paraphrase du premier membre; J. Weiss, 
que Paul dépend d'une tradition exégétique ou spéculative sur deux créations de 
l'homme dans la Genèse (1, 27 et 11, 6-7), et que le verbe unique ëyévero montre que le 
second sujet, 6 #oyutos "Ad, appartient à à la même citation (approximative) que le 
premier; c’est, à notre avis, tenir peu ‘de compte du style de Paul. Sickenberger, 
Bachmann, Gultjahr, Roberison-Plummer croïent aussi, à cause de cette unité syn- 
tactique, que la citation comprend 45b, et l'expliquent, avec plus ou moins d'assu- 
rance, comme un résumé des prédications messianiques de l'A. T., ou du fait que le 
second membre est joint au premier parce que celui-ci parle du premier homme 
comme du « type » du second Adam, ou bien que 45b est le commentaire paulinien 
de 45 a. Nous admettrions à la rigueur que 45* est écrit pour servir de « type » et 
préparer la proposition suivante (Gutjahr), et qu'ainsi il n'y a pas simple juxtaposi- 
tion ou opposition, Cependant, avec Heinrici, Sales, al., nous croyons plutôt que la 
citation s'arrête à {&oav; Sickenberger admet que, à 45°, c’est peut-être Paul lui-même 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XV, 45-49, 427 


qui parle. S'il y a un lien entre les deux propositions, le premier Adam étant pré- 
senté comme type, ébauche, préparation de l’autre, c’est surtout la différence, l’an- 
tithèse que l'Apôtre a voulu faire ressortir : « me qui a la vie; — esprit qui donne 
la vie ». Ce qui prépare évidemment le v. 49 (et 50). 

Reitsenstein (« Das iranische Erlôsungsmysterium », p. 107 ss., cfr. HMS, pp. 346- 
850) aurait voulu changer 45, par la suppression de els, en à Éay. *Adèpu nvedua Cwo- 
notoëv [éoru]; modification qui, pour J. Weiss lui-même, manque de raison suflisante; 
et il n’en est pas d'autre, en effet, que les nécessités d’une théorie qui veut faire du 
Christ l « Urmensch », | « Anthropos » préexistant à Adam, et « fait d'esprit », 
(v. infra). | 

B. 45-46. L’Apôtre, pour expliquer la possibilité du « corps psychique », revient 
à l’antithèse annoncée aux versets 21-22 (v. ad loc.) entre l’œuvre d'Adam et l’œuvre 
du Christ, Comment le « dernier Adam » fut-il fait « en esprit vivificateur »? Le 
verset 47 répondra. La plupart l'expliquent de la Résurrection, quand le Christ, 
ayant racheté l’humanité par sa Passion, put lui communiquer sa vie glorieuse, après 
avoir reçu lui-même comme une nouvelle naissance (cfr. Act. xur, 33, « Ego hodie 
genui te », dans le discours de Paul à Antioche de Pisidie); ainsi Ambr', Hervé, 
P, Lombard, Estius, Läp., Cornely, Rob.-Pl., Bachmann, Gutjahr, al. Nous croyons 
cette interprétation trop étroite; il faudrait au moins dire, avec Sales et d'autres, que 
le Christ devint alors vivificateur « ên actu », mais qu'il l'était déjà virtuellement dès 
le premier moment de son existence. En effet, la comparaison entre le premier et 
le dernier Adam porte sur le moment où l'un et l’autre furent formés. Or, l’Homme- 
Christ, dès qu'il a commencé d'être, a possédé par l’Incarnation, dans l'union de la 


Cu. xv, #5. Et il est écrit ainsi « Le premier homme (Adam), fut fait 
en âme vivante »; le dernier Adam [le fut] en esprit vivifiant. 46. Mais 
[ce n'est] pas en premier lieu le spirituel, mais le psychique. 

K7. Le premier homme [fut] de la terre, fait de poussière; 

Le deuxième homme [est] du ciel. 


nature humaine à l'Étre. divin, l'esprit qui donne la vie, le veux &yimoivns de Rom. 
1, 4, parce que son origine et sa personnalité étaient du ciel (v. 48). 

Comme s'il avait voulu rendre impossible de se méprendre sur le sens qu'il donne 
à « dernier Adam », constitué en « esprit vivifiant », et réfuter prophétiquement les 
interprètes qui confondraient ce « dernier Adam » avec un « Anthropos », ou Homme 
céleste ou « pneumatique » créé avant l'homme « psychique », Paul a pris soin 
d'affirmer que le « pneumatique », dans l'ordre du temps, n'a paru qu'après le 
« psychique ». Peut-être connaïssait-il (par Apollos?) la théorie de Philon sur la 
double création de l'homme (« Legum allegoriae », 1, 34 : Gicrà av0puémuv yévn° 6 uèv yép 
Eotiy odpévios &v0pwnos, 6 DE yhtvos xtA. ; al.), qu'on voudrait faire coïncider avec certaines 
spéculations fabuleuses des Midraschim et du Talmud sur Adam. Mais, pour le 
Judaïsme, Strack-Billerbeck affirment (p. 477 s.) que jamais on n’a opposé au pre- 
mier homme tiré de la poussière un « deuxième » ou « dernier » Adam, et qu'il n'y 
a dans l'ancienne littérature rabbinique rien d'analogue aux spéculations de la Cab- 
bale médiévale sur un « premier » et un « dernier » homme, un homme « d'en haut » 
et un homme « d’en bas ». Quant à Philon, on admet généralement qu'il platonise, 
et que son « Premier Homme » créé (d'après Gen. 1, 27) avant Adam, est le Logos 
ou l'Idée d'homme, l'Homme idéal; il ne l'a jamais identifié au Messie, et ne lui a 
jamais donné de rôle sotériologique, en dépit de tous les efforts que fait Reitzenstein 
pour le ramener à une prétendue tradition gréco-orientale sur un « Urmensch » 


428. ÉPIFRE AUX CORINTHEENS, XV, 45-49. 


k8. Otes & wpoinoc. rorodtar. ab. dE yoixot, 

Kai. oios 8 Eroupaviec, vowobror nat oÙ Émougavrer. 
49. Kai vas Epopécamey iv “elxbva To yoïxoë, 
*gopéawpes Kai Thy elxévæ Toÿ Émoupayiou. 


sauveur. Bousset et J. Weiss cherchent dans la même direction; tous voudraient 
trouver un « Premier Homme » qui serait pour Paul l'être préexistant du. Christ, 
afin de ne pas reconnaître chez l’Apôtre la doctrine catholique de l'Incarnation de 
Dieu. J. Weiss, très embarrassé. par cette phrase. de Paul sur la postériorité du: 
« spirituel » ou du « dernier Adam », voudrait pouvoir intervertir les versets, les 
ranger dans l'ordre 46-45-47, ou. même supprimer 46; il ne l’ose cependant, et se 
contente de dire que le « pneumatique », bien qu'antérieur, n’est « entré en action » 
dans l'histoire qu'après le « psychique. » ; solution désespérée. 

Nous ne savons si Paul a. voulu réfuter la théorie des Deux Hommes de Philon 
(Lietzmann,. Bachmann, Barth, al.) ou certaïne manière de la comprendre; mais, ce 
qui est sûr, c’est que pour lui le « dernier Adam », le Christ, n'existait pas comme: 
tel, avant le premier, et n’a par conséquent. rien à faïre avec cet « Anthropos », cet 
« Homme Primordial » découvert par les syncrétistes chez les gnastiques, les Eer- 
métistes et les Manichéens, et reculé par eux à l’époque iranienne afin de pouvoir 
expliquer par l'histoire des religions la croyance chrétienne à Ia préexistence du 
« Fils de l'Homme » (Voir notre com. sur l'Apocalypse, % édition, Exc. n). Comme 
« homme », le Christ est, selon l’Apôtre, un fils d'Adam. 

Le v. 46 signifie sans doute que, comme l'humanité a longtemps attendu Île 
Deuxième Adam et son « esprit vivifiant », en gémissant sous l’hérédité du Pre- 
mier Adam, aussi il faut passer par les dures. conditions de vie qu’on subit dans le 
« corps psychique » avant de connaître la gloire du « eorps pneumatique ». 

A. 47. Ici commence une autre série d’antithèses rythmiques, comparable 
à celle de 42-44, et dont la solennité hiératique nous fait voir encore à quel haut dia- 
pason était monté l'esprit de l'Apôtre. Le v. 49 montre pourquoi ik fäut attendre, 
dans les efforts et les douleurs de l'existence psychique, l'assimilation à l’homme 
« pneumatique » ou céleste, et par conséquent. {cfr. J. Weiss}, la série. se rattache 
aussi bien — quoique d'une façon qui paraît plus subtile — ax verset 45 qu'au ver- 
set 46. 

Au lieu de 6 Geëregos &vfpwras. à obcavoë,. Mareion a li : 6 Gebrepoc, nügroc, E oùcavad, 
« le deuxième, le Seigneur, est du ciel » ; il est. vraisemblable que: c'était. à une modi-: 
fication tendancieuse; l’hérésiarque, en changeant « homme » cm « Seigneur », vou- 
lait supprimer le lien entre Adam et son Christ à lui, qui n'était pas sorti du tronc 
d'Adam. Une autre lecture : 6 Beur.. &vlo., 6 xotos, € 030. (A, K, Li, P, Chrys., pes., got.) 
est une combinaison probable: de l'original avec Marcion (Lietzm.); une autre, qui 
ajoute 6 abpdmas après obpavoë (F, G, Vulg., Latt., Grecs, Amd) est influencée par 48b 
(Id.) — yoirés. vient de yoû, qui est au sens littéral de la terre émiettée. — Voir Gen. 
ll, 7. . 

B. 47. Si l'on sait par Ice récit de la Genèse comment le premier homme, notre 
ancêtre selon: la: nature, vient da: la terre, comment le « deuxième homme » est-il du. 
ciel, ou vient-il du ciel? On ne peut l'entendre comme Bachmann du jour de l’avène- 
ment glorieux, car ce n’est pas à la Parousie seulement qu'il sera fait « esprit vivi- 
fiant » (v. supra), et le parallétisme avec Le « premier homme » serait rompu; car il 
s'agit de l'origine de celui-ci, il doit donc s'agir aussi de l'origine du second. Aussi 
J, Weiss trouve-til, avec raison cette fois, pareille interprétation contraire au con- 
texte. Nous ne croyons pas non plus avec Guljahr qu'il s'agisse de la Résurroction,. 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XY, 48-49. #29 


48. Tel celui qui [fut] de poussière, tels aussi ceux [qui sont] de pous- 
sière; 

Et tel celui [qui est] céleste, els ‘aussi ceux [qui sont] célestes. 
” 49. Æt de même que nous avons porté la ressemblance de celui [qui 
fui] de poussière, 

Portons aussi la ressemblance de celui qui est céleste. 


qui a fait glorieux le corps du Christ; il est vrai que cet exégète catholique ajoute 
que cette glorification fut due à l'union hypostatique, que Le « deuxième Homme » 
possédait dès le premier instant. Mais pour nous, c'est exclusivement, ou du moins 
essentiellement, de l'origine divine du Christ qu'il s'agit, car le texte compare les 
deux Adam au point de vue des attributs différents qu’ils doivent à leur origine 
respective. 

Nous en restons donc à ce que Gutjahr appelle « l'opinion commune »; Il « est du 
ciel » à cause de sa personnalité divine éternelle, (bien différente, contre les Tubin- 
giens et les découvreurs de |’ « Anthropos », d'une préexistence corporelle et 
humaine), « quia divinitas », dit saint Thomas, « quae humanae naturae unita est, 
de coelo venit, quia fuit prius quam corpus Christi ». Le Christ était, comme l'enseigne 
Phil. nu, 6, « en forme de:Dieu » avant d'exister comme homme (Sickenberger). Cette 
interprétation est parfaitement adéquate et rend compte très suffisamment de tout le 
contexte. Cfr. PAïl, loc, cit., Rom. 1, 8-4, 1x, 5, al. 

A-B. 48. Adam avait engendré Seth xarà tv idiay aûrob zai 2atà Tv etxdva 
abroë (Gen. v, 3, Lxx; dans l'héb. 9x2 inn2); etxbv signifie « image », « portrait », 


mais aussi « ressemblance » due à une communauté de nature. Ainsi il est des 
hommes qui ressemblent à Adam, et d'autres qui ressemblent à l'Homme céleste. 
Ce ne sont pas deux catégories naturelles et tranchées, comme les « pneumatiques » 
et les « hyliques » de la Gnose; car tous descendent d'Adam ct portent d'abord sa 
ressemblance (voir verset suivant); ce sont deux états, l'un universel, l'autre qu'on 
devra gagner. Ici encore, c'est une affirmation de Paul; le second membre n'est pas 
une conclusion logique du premier (voir supra, au v. 44b Bj; il en sera ainsi pour 
les élus parce que Dieu l'a voulu (xa06s n0éAnoev, v, 38), Cfr. le petasymuation, « trans- 
formera » de Phil,  (Lietzmann), un texte qui établit bien l'identité permanente du 
corps des élus en cette vie et après La résurrection. 

A. 49. Les uns lisent Le futur gopéoouev (B, 17, 46, T'héodoret, arm., eth.), mais 
les plus nombreux (N, À, C, D, E, F, G, K, L, P, pulg., latt., copt.) popécwuav, aoriste 
subjonctif, équivalent à un impératif, -es- pour -ns- au verbe oopéw est une formation- 
de la xorvi. 

B. 49. Comme o ct w se confondaient déjà souvent, dès le 1 siècle, dans Ia pro- 
nonciation, il est difficile de choisir entre les deux lectures de popeoo{ow)uey, Si l’on 
prend le futur (avec Bachmann, Gutjahr, Loisy, Barth, et J. Weiss avec hésitation), 
Paul prophétise simplement aux croyants leur sort glorieux à la résurrection; Théo- 
‘doret est très décidé pour cette leçon : +b yèp popésouer mpogintiadis, où mapauverixdis elpnxev. 
Cependant T'ertullien, Chrys., Ambrr, 5. Thomas, cte., Callan, Sales, et les critiques 
en général, T'ischendorf, W.-H, Soden, Nestle, Vogels opinont pour l’aoriste : toër’ 
Éotiv, porta mpdéwuev (Chrys.). Cette deuxième lecture paraît préférable, et le sens en 
est plus plein. Saint Paul ne prédit pas seulement la gloire, il dit qu'il faut la gagner, 

_en s'assimilant progressivement à l’image du Ghrist, jusqu'à l'heureux jour où notre 
corps lui-même devicndra conforme au « corps pneumatique » de notre Sauveur, 
qui a été glorifié le premier dans son corps, comme « prémices » de l'humanité, Et 


430 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XV, 45-49. 


QI 


cette exhortation à imiter le Christ montre encore une fois que les Apôtres, Paul 
compris, prêchaient aux églises les exemples de la vie terrestre du Sauveur, et pas 
seulement sa mort et sa résurrection. 

Ainsi Paul a répondu à la deuxième et la principale question : « Mais avec quelle 
sorte de corps les morts peuvent-ils donc revenir? » Ce sera avec un corps « spiri- 
tuel », c’est-à-dire parfaitement adapté à la gloire de l'esprit, comme est, depuis sa 
résurrection, celui du Christ, qui assimile graduellement ses fidèles, ses « membres » 
à leur Chef. | 

La péricope qui suit répondra aux difficultés qui pouvaient subsister, et éclairera 
un peu la nature du « corps spirituel ». ; 


80, xv, 50-54, La « Transformation » universelle et ia victoire sur la mort. 


Int. — Nous faisons commencer cette nouvelle péricope au ». 50 (qui pourrait aussi 
bien se rattacher à 45-49), à cause du très solennel roÿro dé gnu, ddeAgof, qui montre 
que Paul aborde une nouvelle idée, ou une nouvelle explication très importante à ses 

yeux. Le « voici un mystère » annonce cette révélation essentielle que le nouvel état 
des élus ne comportera plus aucune des faiblesses d'ici-bas, et que les vivants du der- 
nier Jour devront étre eux-mêmes profondément « transformés » dans leur vie corpo- 
relle pour arriver à cette perfection. Ce sera la victoire absolue sur la « mort » et tout 
son cortège de misères. 

Ainsi sont rejetées les idées trop matérielles sur la résurrection qui auraient donné 
à des Hellènes l'occasion d'en douter. C'est le dernier mot de l'eschatologie pauli- 
nienne. Nous verrons d’ailleurs que, s’il dit à ses lecteurs « Nous serons transformés » 
au lieu de « nous serons ressuscités », Paul n'enseigne nullement par là la proximité 
du grand jour. 


Cu. XV, 50. Toëro SE ou, &dehgot, Ort “oùxpË Kat aiua Brorheixy 0eoÿ xAnpovo- 
pour où düvarar, oùdE à pÜopa Tv apbapalav xAnpovomet. 


CH. xv, 50. Mais j'affirme ceci, frères : la chair et le sang ne peuvent 
hériter le Royaume de Dieu, et la corruption n’hérite pas l’incorrupti- 
bilité. 


A. 50. toùro dé em fr. vit, 29; dé ne nous semble pas ici être une simple particule 
de consécution, mais marquer une contradiction à quelque réserve que Paul devine, 
voir à B. — ùeE xat cuæ, formule juive connue (OT 2), ne signifie pas, comme 


souvent sipë quand il est seul, le mal ou la propension au mal, maïs c’est comme la 
personnification de la faiblesse de notre présente nature, cfr. Mat. xvi, 17, Gal. 1, 
16, Eph. vi, 12, Heb. u 

B. 50. Pour compléter son instruction et sa démonstration, Paul fait une déclara- 
tion solennelle, — comme il en a fait à vi, 29 sur l’inanité des choses qui passent 
avec le temps. La « chair et le sang » qui ne peuvent entrer dans le Royaume de 
Dieu consommé, c'est, dit Gutjahr, notre Corps psychique avant qu'il ait acquis les 
qualités futures, — ou, mieux encore, les déficiences et les tares qui font que notre 
corps, notre unique corps, n’est pas encore « pneumatique »; car ce sera toujours le 
même, il ne sera que « transformé » (Sickenb. voir infra, v. 51). Paul répond à ceux 
qui auraient encore fait des objections à la résurrection, parce qu'ils l’auraient com- 
prise, à la juive, comme la reprise d'une vie limitée, trop semblable à celle d'à 
présent. 

« Chair et sang » et « corruption » s s'équivalent ici, parce que « corruption » est 
une désignation méprisante pour « ce qui se corrompt ». Rob.-Pl. se trompent avec 
subtilité, en faisant se rapporter oèpË xat aîua à ceux que la Parousie trouvera vivants, 
et p0opé à ceux qui seront déjà morts. 

——…—— À, 54. rävies où : le mot ravres est placé le premier, contre l’usage, parce 
que tout l'accent porte sur lui (Lietzm.). — Grande variété dans la transmission du 
texte : 


432 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XV, 00-54. 


54. ’Idod puoréproy buiv Aéyu' mévres “ob xoumünoomela, mävres DÈ aXXaYyT- 
oiueba, 52. ëv àrouw, Ev pur dphañuod, Ev Tÿ Éoyarn odAmtYY, “ouhmios Yép, 
“rat ct venpol dyepÜhoovrar Xop0aprou, nat huets Alaynoomela. 53. Aet yap rd 
pBxproy roùro évèdoacdar &obapolav, nat Tù Ovyrèv vobro Evèboachar dÜavaclav. 


4, Notre lecture, qui est celle de B, K, L, P, sah., got., etc., de ‘tous les critiques, 

2, nüvtes uèr xouuy0noo ebx, où rrévres de dleynod ue0a. N, C, F, G, 17. 

8. oi névres uèv où xœummodu:ôu, où mävres © Glayyoo ue0e. À. 

L, Rävres draornodueba, où révres dù dAlaynoo sde... D, 6, f, oulo., lait. 

Le vrai texte est 1, celui de B; le texte 2, qui change où de place pour le transporter 
devant &\«y., est dû à un scrupule doctrinal, parce qu'on s'est dit que ce change- 
merit {en gloire) ne convenait pas à tous, vu qu'il y aurait des damnés; ce qui est 
certainement étranger à l'idée de Paul dans le contexte. Le texte 3 a combiné en 
répétant deux fois où : il y en a qui ne mourront pas, maïs tous ne seront pas chan- 
gés en gloire; c'est le plus visiblement artificiel. Le texte 4, « occidental », a changé 
l'original radicalement, toujours par scrupule de doctrine, pour sauvegarder æt la 
résurrection générale, et le fait que tous ne seront pas « changés » en mieux, puis- 
qu'il y aura des réprouvés. Il ne va pas du tout au contexte, où il n’a été et ne sera 
question que des élus (Zemonnyer, Sales, Callan, Sickenb., etc.). Saint Jérôme (malgré 
la leçon de la vulgate, qui a peu de chance d’être de lui pour cette épître, et les 
épîtres en général) préférait déjà Ia leçon de B, celle qui l'a emporté, à la leçon 
occidentale (Æp. 119). 

T1 faudrait — comme le font les éditions critiques, — continuer la phrase jusqu'à 
èv +9 écydtn cénuyye, mots ui se rattachent à &Akeynoôpela comme complément circons- 
tanciel (v. infra, à 52 A), malgré la division actuelle des versets. — &ropos et br 
60., sont des hap. leg. ; le premier mot, au sens d’instant indivisible, se trouve dans 
la Physique d’Aristote. 

B. 51. Le « mystère », le sccret si solennellement annoncé, ce n’est pas (cfr. 
Sickenb.) que quelques-uns seront exemptés de la mort; c'est que tous les élus de 
Dieu, même ‘ceux qui ne mourront pas, devront être soudainement transformés, en 
un instant, en un clin d'œil (les Grecs, Messmer, $imar, Cornely, Schaefer, Godet, 
Lietzmann, Rob.-Pl., Gutjahr, etc.). Ainsi ceux qui vivront encore à la Parousie ne 
seront pas exclus du Royaume, ou retardés à sa porte, pour n'avoir pas passé par la 
condition dela mort(Bachmann). Athénagore (cité par Bachm.), « De resurrectione 33 », 
l'a très bien vu et exprimé : eos yéo tt erafokts xat révrwv Üoratoy ñ dvdotaotç, Ÿ TE TEV 
rat’ Éxelvov TOv LpÜvov repiôvtTuov Étt xpôs TÔ xpeïtTtoy metaBokf : la dernière sorte de change- 
ment sera la résurrection, et le changement en quelque chose de meilleur encore des 
vivants de ce temps-là. L'objet du « mystère », c'est «e grand acte décisif de Dieu 
par lequel il élèvera ses élus, d'un seul coup et en une fois, à l'état « d'hommes 
célestes », quel que soït l'état de mort ou de vie corruptible où il les trouvera, — Paul, 
dans sa deuxième épiître ÎT Cor. v, montrera comment le fidèle peut se consoler de 
ce que cette transformation ne soit pas toute proche. 

En disant « tous nous ne dormirons {mourrons) pas », l'Apôtre veut-il affirmer 
qu'il y aura, de fait, de ses contemporains de Corinthe à ne pas passer par la mort, 
parce que la Parousie serait prochaïnce? (cfr. T Thess. 1v, 15, muets oi Cüvres oi mepraer- 
répevor lg tmv mœpouoiuv roû xuplou). Nous avons traité cette question dans notre com- 
mentaire de l'Apocalypse (Apoc. 3, pp. cxxiv-suiv.). It Paul se place-il, avec assu- 
rance, comme Rob.-Pl. et bien d'autres le disent, dans la classe de ces survivants ? 
Mais ce serait contraire à vi, 14, à IT ‘Cor, v, 8, à Phil. ui, 11, pour ne parler ici que 
de ces passages, Non, en réalité, Paul dit « nous » au nom de tous les fidèles (Sicken- 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XV, 51-53. | 433 


51. Voici un mystère [que] je vous dis : Tous nous ne nous endormirons 
pas, mais tous nous serons changés, 52. en un instant, en un clin d'œil, 
à la dernière trompette; — car la trompette sonnera, — et les morts 
ressusciteront incorruptibles, et nous serons changés, nous! 53. IL faut 
en effet que cet [être] corruptible revête l’incorruptibilité, et que cet 
[être] mortel revète l’immortalité. 


berger, cte.); le mot révree, « tous », les deux fois où il est écrit, désigne également 
tout le corps des élus, formé de morts et de vivants (Lietszmann, Gutjahr, etc.}), et 
considéré en bloc; c’est trop restreindre le sens du second rävtes, si évidemment mis 
en parallèle coextensif avec le premier, que de l'entendre seulement, comme J. Weiss 
et d'autres, de « ceux qui resteront »; et « nous serons transformés » comprend la 
« résurrection » comme un de ses modes, pour ceux qui seront morts ; si &laaynsôuela 
ne s’appliquait qu'aux lecteurs contemporains de l'Épître, alors Paul aurait l'air de 
croire que plus un fidèle de Corinthe ne mourra après sa lettre, ce qui est manifes- 
tement absurde, quoique J. Weiss propose cette interprétation comme une de celles 
qui lui paraissent possibles. 

Les Latins qui ont suivi la Vulgate ont cru que, d'après l'Apôtre, tous les hommes 
mourraient (ce qui est contraire à 1 Thess.), mais que tous ne seraient pas sauvés. 
Saint Thomas (après l'Ambrosiaster), dit que l’exemption de la mort pour quelques- 
uns n'est pas contre la foi, maïs que les vivants d'alors mourront dans leur ravisse- 
ment au ciel (I Thess. 1v, 17); Æstius et d’autres disent que ce sera dans l'incendie 
final de l'univers. Ce ne sont là que des idées introduites dans le texte, où il n'y en 
a pas trace, à la suite d’une correction de scribe mal inspiré. 

Il reste que tous les fidèles, de Corinthe et d'ailleurs, morts et vivants, seront 
« transformés » et échapperont à « la chair et au sang » de la vie terrestre. Tout cela 
est dit contre la matérialisation et la spiritualisation excessives de l'espérance chré- 
tienne (Sickenberger). 

——— À. 52. Sur la mauvaise division des versets, les mots ëv &rduw, fn dp0añuoÿ, 
voir à 51 A. — Pour oxkxice qui n'a pas de sujet, il faut sous-entendre 6 cakriyxtis; 
on trouve pareille ellipse dans Xénophon avec le même mot (Abel, p. 155); oxXzfosr 
pour carie est une forme de la xouwvx, 

B. 52. Paul adopte la même mise en scène apocalyptique que dans I Thess. 1v, 
16, et que Mai. xx1v, 31. Puisque c’est la « dernière » Trompette, c'est qu'il n'y aura 
plus rien après (Voir Exc. xvin). Agiba comptait sept trompettes pour la résurrec- 
tion (Str.-Bill., ad loc.). Sur le sens des « Trompettes », voir notre commentaire de 
l'Apocalypse, spécialement l'Exe. xxur. 

Ainsi la « résurrection » et [a « transformation » auront lieu en même temps, dès 
que la trompette sonnera. Faut-il voir deux catégories tranchées dans « les morts » 
et « nous », avec Rob.-Pl,, ct comme Gutjahr le croit aussi, puisqu'il veut donner 
ici un sens moins étendu aux termes « nous serons transformés » qu'au verset précé- 
dent? Nous ne l'admettons pas, car eo serait compliquer l'idée et attribuer à 
saint Paul la responsabilité d'une faute de stylo et d’une équivoque dans un passage 
par ailleurs très soigné; — bien qu'on pt admettre sans rien changer à la doctrine 
qu'il y a deux formes de « transformation » iei distinguées, l’une par mode de résure 
rection, l'autre dans un mode qui n'est pas décrit, et qui est un des élémonts du 
« mystère »; seulement, ce serait moins naturel, et inutile, Car si Paul écrit mets, 
« nous », c'es, je crois, moins pour l’opposer à of vexpot, que pour l'expression con- 
centrée cl savouréc de son attente joyeuse : « Nous sorons transformés, nous! » 

ÉPLTRE AUX CORINTILLENS. 18 


434 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XV, 50-54. 


54. “Oxrav dÈ ro ofaprèv roëro évdonTar apapolav, aa To Ovnprèy Toëro ÉvdGonTe 
&favasiav, rove yevésetar à Aëyos à ysypaupévos" & Karexoün à Odvaros els vixos. 


s 


[55. IToÿ oov, Odvate, rd viros; moû ou, Odvate, Td xévrpor; »]. 


nous, nous-mêmes, morts ou vivants, nous tous qui aurons cru au Christ mais 
aurons gémi dans ce corps corruptible, + #0aptôv toÿto, voir v. 58. 

A. 53. On sent en effet dans ce verset et ceux qui suivent la ferveur d’un 
enthousiasme contenu, mais qui éclatera au v. 55. Paul s’est plu à redire les mêmes 
mots pour lui si pleins de sens. J. Weiss, qui a bien perçu cette beauté, parlait encore 
ici de strophes; on pourrait en effet établir encore une division en lignes, mais ce 
serait moins frappant qu'aux deux passages rythmiques qui ont précédé. 

B. 53. 11 faut (äeï) de par la volonté de Dieu, et pour qu'on puisse participer 
pleinement aux joies de son Royaume, que la corruptibilité, la mortalité, tout ce qui 
est dénommé « chair et sang » disparaisse, et que le corps, en revenant à la vie, soit 
investi de qualités nouvelles, incorruptibilité, immortalité, que la nature ne lui avait 
pas données. Mais il n'en sera pas moins toujours ce corps-ci que nous avons à pré- 
sent (tb pfaprèv roëro), l'identité persistante est clairement affirmée. Le yép rattache 
cette phrase à toute la précédente, et non pas à y. key. seulement (qui a d’ailleurs 
un sens très général, v. supra); c’est donc de toute façon une erreur que de faire 
signifier aux expressions « ce corruptible- ci», «ce mortel-ci » les seuls corps de 
celui qui écrivait et de ceux qui devaient lire Ja lettre; il s’agit de tous les élus de 
n'importe quelle église et de n ‘importe quel temps, d'autant plus que les expressions 
susdites ont certainement la même extension qu’au verset $4 qui va suivre (v. infra). 
Ces deux versets 53 et 54, arrivant à [a fin de cette longue instruction, se rapportent 
certainement à tout le sujet traité, pris dans toute son ampleur, donc à tous les 
hommes, ou plutôt à tous les élus. 

L'adjectif démonstratif voÿro est répété quatre fois, pour inculquer fortement 
l'identité du corps ressuscité avec celui qui est maintenant, ou qui a été, corruptible 
et mortel; ainsi l'image initiale du grain (voir vv. 35-38) est toujours applicable pour 
l'essentiel. Mais il ne faut pas poser, comme J. Weiss, la question bizarre de 
se demander si le changement se fera graduellement dans le tombeau, comme 
le grain se change peu à peu en épi dans la terre. C'est se figurer cette fois 
(cfr. supra, Reütsenstein) que le corps pneumatique existerait déjà matériellement, 
dans son germe, et se développerait suivant un processus pareil à celui de la 
germination d’une plante. Si les résultats sont comparables, — et encore de très 
loin, — les modes sont absolument différents; pour le grain Dieu agit par une loi 
de la nature, pour le corps — dont tous les éléments se sont dispersés dans la 
corruption, ce qui n’est pas le cas du grain — il faut une intervention immédiate de 
la Toute-Puissance divine, Le « comment » échappera toujours à notre science 
en cette vie; c’est du surnaturel, c'est le « mystère ». Pour affirmer que la 
résurrection est possible, l’'Apôtre n’a recouru (supra, vv. 38-44) à d'autre argu- 
ment qu’à la puissance illimitée du Créateur. 

———— hi, 54. Fa ds..., jusqu'à dfavasiav, omis F, G; 70 60, toüro évôva. aç0. at, omis 
Marcion, N°, C',1, M,al., vulg., par dos scribes qui n'ont pas senti la beauté de 
ces répétitions. — vixos, forme tardive pour vin, se trouve Bible, papyrus, al. 
Quelle est la citation qui suit yeyexuuévos? Est-ce même proprement une citation ? 
Feine croit que 54-55 offrent une combinaison de textes bibliques (Zsaïe et Oséec) 
d'après la méthode rabbinique; mais if nous semble que la dissertation finit avec 
le v. 54, tandis qu'au v. 55 commence une autre péricope, où c'est Paul qui parle lui- 
même, en s'appropriant des paroles d'Osée (v, infra). Pour le Xdÿos cité dans notre 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XV, 54. 435 


54. Mais une fois que cet [être] corruptible aura revêtu l’incorruptibilité, 
et que cet [être] mortel aura revêtu l'immortalité, alors deviendra [vraie] 
la parole qui a été écrite : « La mort a été engloutie dans la victoire. 

[55. Où [est], Ô mort, ta victoire? ton dard, 6 mort, où [est-il]? » 


verset, on renvoie à Zsaïe, xxv, 8, qui est en hébreu ny39 nM27 ya; le mot nY5, 
nu, signifie « toujours », « à jamais », et le sens de « ce qui dure toujours » se 
joint pour ñx3 à celui de « briller »; Plan du titre des Psaumes désigne un 
instrument; ‘il est rendu ets vo tékos par les LXX, +® vwoxoiw par Aquila, els vd 
vixos par Théodotion, « victoire » par s. Jérôme. Ainsi Paul aurait lu dans Isaïe Île 
sens de « victoire ». Quant au texte des L:XX pour ce passage, xatériev 6 Odyatos 
ioxüsas, il va très mal au contexte, et est presque inintelligible; Théodotion a 
ravéruev, le même mot que Paul, et Aquila à peu près ke même, zaraxmovrios, (Rob. 
P1.). Peu importe; on voit assez le sens de Paul —. Cfr. le v. 26. 
B. 54, Voici le dernier mot du « mystère », c'est-à-dire du secret de la 
sagesse de Dieu (voir à 11, 7 s./ pour le salut de ses créatures. « Alors », quand cette 
transformation merveilleuse aura lieu, à la Parousie du Christ, la mort sera à 
jaunaiïs abolie, avec ses prodromes et ses suites; ce « dernier ennemi » (v. 26) 
sera « englouti dans la victoire » ({cfr. II Cor. v, &, « pour que le mortel soit 
englouti (même mot x2t5ax00%) dans la vie »). Il n’y aura plus de vie incomplète, 
précaire, toujours tendue vers un autre sort, comme celle que nous vivons sur cette 
terre. En d’autres termes, Paul écarte, pour en finir, et toutes les imaginations 
matérielles des rabbins sur la vie future, et tout ce qui ressemblerait au Règne 
préparatoire d’un Messie juif, toute espèce de chiliasme (voir l’Exc. xviu). 

L'accent est devenu triomphal, comparable, dit Barth, à l'enthousiasme de Rom. 
vit, 31-38 ou x1, 32-36, — ct à la fin du chapitre xur sur la charité qui se termine 
par la vision de Dieu. 


4° xv, 55-58. Actions de grâces rendues à Dieu et encouragement aux fidèles. 


Int. Paul se sent exultant pour s'étre tiré d'un si grave enseignement. Il a rendu le 
plus magnifique hommage à la Royauté du Christ vainqueur, après avoir préché 
dans toute sa lettre l'union à Lui comme le principe qui éclaire et résout tout 
problème. Ces préventions helléniques contre la résurrection corporelle, qui auraient 
pu tout affaiblir et remettre en question dans la croyance évangélique, il les a 
victorieusement écartées ; il a affermi ses chrétiens sur le roc de leur espérance, 
pour qu'ils fassent progrès sur progrès jusqu'au « Jour du Seigneur ». Alors ilse laisse 
aller au lyrisme d'un vrai cantique, revoyant tout le chemin que la Providence a 
fait suivre à l’homme, à travers le domaine sombre du péché et de la loi, pour 
lui faire goûter au terme le triomphe de la charité. 

C'est bien le couronnement de l'Épitre, dont la leitmotis était « l'union ». Main- 
tenant l'Apôtre inspiré contemple dans l'avenir l'union achevée, le Dieu vivant 
devenu, par le Christ, « tout en tous ». 


Cu. xv, 55. « [loÿ oov, Oivare, 1ù vinoc; moù oou, Oévare, To xévroov; » 
56. To DÈ névipov Toë Oavérou à Guaprla, n dE Güvapus TH auaprias 5 vom. 
57. To 0 Os yépis To dore Auiv vd vixog due roù xupiou Andy ’Inooë Xpioro. 
58. “Qote, &dehgol mou dyarntol, Edpator viveole, ueraxivnrot, Teproselovtec 
y r@ Épyw Toù rupiou mévrote, eldoves Ov 6 nômoS buy oÙx Éoriv xevds ëv xupiu. 


— À. 55. Les exclamations sont d'Osée, x, 14; dans les LXX, on lit &ôn 
au lieu du deuxième Odvare; cet « Hadès » classique a été rétabli dans notre 
texte par quelques témoins, À, K, L, M, P, al., syr., got. Les deux questions du 
prophète peuvent ne former, nous l'avons vu, qu'une citation faite en blocage avec 
les paroles tirées d’Isaïe au verset 54. Mais il semble bien que ce soit l’ Apôtre Jui- 
même qui parle ici dans les termes d'Osée, car une nouvelle péricope s'ouvre avec 
ce verset. — Voir sur ces textes Srr.- Bill, p. 488. 

B. 55. Quand Paul est enthousiaste, il lui vient naturellement à la bouche des 
textes de l'Écriture, qu'il ne s’astreint pas du reste à citer littéralement. La citation 
très libre qu'il venait de faire d'Isaïe le porte à continuer sur le même ton biblique, 
et d'une façon tout à fait sublime. Si, comme le croient Cyrille d'Alexandrie, 
Cornely, Gôbel, le texte précédent (yeypæumévos), vérifié au jour de la grande victoire, 
était placé par l'Apôtre dans 1, bouche des saints glorifiés, alors nous pouvons dire 
que Paul lui-même, dans sa vue prophétique, s'associe à leur chœur triomphal. 

À. 56. Pour « péché » et « loi », voir à Rom. vi, 14, vu, 18, et la doctrine 
générale de l'Épitre aux Galates, 1, 19, al. 

B. 56. Si cette réflexion sur le péché et la loi n'était qu'une « remarque exégé- 
tique », une « courte digression » (Lietzm.), au moins elle ferait voir comme était 
parfaite l'unité de la pensée de Paul et de son enseignement; car les Corinthiens 
sont supposés instruits de la doctrine sotériologique qui devait être exposée un 
peu plus tard aux Romains, après les Galates, et qui n'avait donc pas été créée pour 
ceux-ci. 

J. Weiss, quand il y voit une « glose théologique », ou tout au plus une note 
que Paul aurait ajoutée après coup, montre encore une fois co mme il a mal compris 
tout ce chapitre. De fait, cette note est tout à fait « organique », et, dit Bachmann, 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XV, 05-58. 437 


bien mise à sa place quand Paul en vient à penser au dernier fond des choses — 
ou plutôt de l'histoire humaine. Parvenu au terme de sa lettre, il regarde avec 
triomphe ce péché et cette Loi dont ses fidèles sont enfin délivrés, — s'ils compren- 
nent leur vocation. Tout cela c'était le cortège de la mort, vaincue par le Fils 
de Dieu! 

—— A. 57. 16 àù de yéou, cfr. Rom. vir, 25, pour la délivrance du « corps de 
la mort », escomptée là comme ici. — Le participe présent Bëévz« marque le 
progrès continu (Rob.-Pl.); l'aoriste dévu, de D, vulg., latt., donne un sens également 
admissible. — Il y a ellipse de &n ou de Éotw. 

B. 57. Il ne restait plus qu’à s'épancher en reconnaissance pour le Dieu qui, 
par le triomphe de Jésus-Christ, donne aussi aux membres du Christ la « Victoire » 
parfaite sur le monde, le péché et la mort. 

B. 58. L'Apôtre se retourne pour conclure, dans une apostrophe tendre et 
pressante, vers ses « frères bien-aimés », dont il espère avoir vaincu les derniers 
doutes païens qui les empéchaient d'être de parfaits disciples du Christ. Ce chapitre, 
réservé à la fin de son écrit, devait surmonter les tendances dangereuses qui 


Cu. xv, 55. « Où [est] d mort, ta victoire? ton dard, à mort, où [est-il]? » 

56. Or, le dard de la mort, [c'est] le péché, et la puissance du péché, 
[c'est] la Loï. 

57. Mais grâce [soit] à Dieu, qui nous donne la victoire par notre Seigneur 
Jésus-Christ. . 

58. Aïnsi donc, mes frères très aimés, devenez solides, inébranlables, 
vous surpassant dans l'ouvrage du Seigneur, toujours, sachant bien que 
votre peine n'est pas inutile dans le Seigneur! 


auraient porté graduellement les néophytes au scepticisme et au découragement (voir 
vv. 32-34), et compromis tout le travail de la vie chrétienne. Ils doivent désormais, 
s'ils comprennent, se sentir armés contre l'inconstance, l'esprit de vanité et de 
division, les illusions d’une liberté mal entendue: il faut qu'ils se donnent de tout 
leur cœur au « travail du Seigneur » (c'est-à-dire à l'imitation des vertus du Jésus 
historique dont la vie et les exemples leur étaient certainement prêchés), dans 
l'attente ferme de la magnifique récompense que ces pages leur ont fait entrevoir. 
Nora. L’écrit de Kanc Barru sur ce chapitre, « Die Auferstehung der Toten », est 
bien digne d’une mention spéciale en exégèse; sa profondeur contraste avec les 
gauches finesses des commentateurs « religionsgeschichtlich ». Maïs c'est une œuvre, 
en fin de compte, qui déçoit tristement. L'auteur dit que la fin des choses n'est pas 
la conclusion du cours des choses, parce qu'elle se produit sur un autre plan, 
sans qu'il y ait contact; c'est un plan supérieur, évidemment, mais auquel 
l'humanité, et chaque âme rachetée, doit s'élever par le chemin des événements 
terrestres et historiques. — La résurrection, nous dit-on, c'est Dieu, le passage à 
l'ordre de Dieu; elle signifie simplement que « Dieu est Dieu »; la « fin » n'est 
que le retour au commencement, l'homme ne s'affirmant plus contre Dieu; le 
« corps pneumatique » n'est pas futur, mais caché, et la Parousie n'est que l'émer- 
gence à la surface d’une réalité latente; le Pneuma, « ce qui fait que Dieu est Dieu » 


doit remplacer la « Psychè »; Le v. 48 (rouoüror xx où érouodvio) s'entendrait d'un 
présent intemporel, et création, résurrection du Christ, fin et résurrection des 
hommes, tout ne serait qu'un « jour », Etc. On voit trop que cette sibylline 


« théologie dialectique » prend le contre-pied du véritable enseignement de Paul, 


438 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XV. 


qui se basait sur une véritable intervention contingente de Dieu dans le monde; 
préparée, réalisée et continuée par des événements de l'histoire; Barth et son 
école ne mettent, à la place d'une doctrine si objective et solide et concrète, qu'un 
fidéisme abstrait et plutôt sombre, qui ne sait même pas, quand il prétend ap- 
précier les faits du salut (par exemple à propos de Pâques, du Pneuma et du 
« Corps pneumatique »}, se dégager des « placita » de l'école d'histoire des 
religions, tout en faisant profession de les dédaigner. 


. Exc. XVIII. SAINT PAUL ET LA ( DOUBLE RÉSURRECTION CORPORELLE ». 


Notre commentaire a indiqué les raisons multiples qni empêchent d'admettre 
en ce chapitre xv l'idée d'une « double résurrection » des corps. Mais comme 
cette théorie a été mise très à la mode de nos jours, il convient de l’examiuer 
de plus près. 

L'interprétation du chapitre xx, 1-10, de l'Apocalypse par un Règne de 
mille ans pris à la lettre, avec le Christ visible trônant sur la terre au milieu 
des martyrs ressuscités, possède encore la faveur de la majorité des exégètes 
non orthodoxes. Cependant ceux à qui il ne suffit pas de la répéter comme une 
leçon de leur catéchisme scientifique, n'en ignorent pas les graves. difficultés. 
Catte conception a beau être analogue à celle de certains apocryphes juifs, et 
paraître confirmée par le chiliasme de quelques anciens Pères, elle est en 
désaccord. manileste avee les prophéties du Seigneur dans les. Synoptiques, 
suivant lesquelles la Parousie, survenant inattendue, mettra le point final à 
toute histoire terrestre; elle ne peut même pas s'appuyer sur Daniel. Aussi 
Zahn voudra-t-il la considérer comme une révélation nouvelle et toute particu- 
lière accordée à saint Jean; le catholique Wikenhauser, en la maintenant 
comme sens littéral, tâchera d'expliquer que c’est seulement une espèce 
d’allégorie pour signifier que les martyrs auront une situation privilégiée dans 
le monde futur. Mais ceux qui n’ont pas à faire d'apologétique. par exemple 
Loisy, reconnaissent sans ambages que le millénarisme littéral apparaît comme 
un élément étranger dans l’ensemble du Nouveau Testament, et demeure incon- 
ciliable avec bien des affirmations de l’Apocalypse elle-même; ce ne pourrait 
donc être qu'un spécimen de ce conflit de traditions hétérogènes qui se trouvent 
généreusement et peu intelligemment, selon leur système, juxtaposées dans un 
même livre. Cependant on ne s’en tient pas à cette solution désespérée; depuis 
quelque temps on se met à insister sur certains traits, assez obscurs. de 
l'eschatologie de saint Paul, où l’on prétend découvrir au moins l’amorce de la 
croyance chiliaste. Ainsi nous aurions, dans la révélation chrétienne, deux pers- 
pectives eschatologiques en conilit : l'une, générale ct pure de chiliasme, qui 
est celle des Synoptiques et aboutit à la Deuxième Épitre de Pierre; l'autre, 
millénariste, empruntée à des cercles juifs de la même époque, qui se mêle à la 
première chez Paul, et s’épanouit dans l'Apocalypse, Papias, Justin, Irénée, 
d'autres encorc. 

Parmi les exégètes du siècle dernier, wall (1857), Edwards (1885) étaient 
déjà favorables aux « deux résurrections » chez l’Apôtre. Godet (« Com. sur 
Ja 1'° épître aux Corinthiens », Il, pp. 374.379) défend très honnêtement cette 
théorie, et pense même la retrouver dans le reste du Nouveau Testament. Tous- 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XV. L39 


saint, dans son commentaire catholique de notre épître (p. 415, 1910) inclinait 
assez visiblement vers la même thèse. Loisy n'en doute plus. Enfin Albert 
Schweitzer, dans son remarquable livre sur « la Mystique de l'Apôtre Paul » 
(1930), faussé malheureusement par sa thèse eschatolog'iste, qui lui fait restrein- 
dre tout ce que saint Paul dit de l'union au Christ à l'intervalle d'un « règne 
messianique intermédiaire », prétend (pp. 94-96. al.) qu'une résurrection anti- 
cipée des justes précédera la résurrection générale, pour que les fidèles qui 
étaient morts jouissent aussi des biens messianiques en compagnie de la dernière 
génération des vivants, « transformés » à la Parousie; Paul aurait trouvé le 
premier cette solution, étrangère à Jésus, en adaptant au spiritualisme chrétien 
l'eschatologie de ZV Esdras et de l'Apocalypse de Baruch. 

On n'aurait point d'abord pensé à découvrir pareille théorie dans les épîtres 
pauliniennes, s’il n'avait fallu à toute force trouver un parallèle ou un antécédent 
néo-testamentaire au prétendu millénarisme de Jean; et cette étude veut montrer 
au prix de quelles complaisances violentes, de quel refus d'analyse on y est 
parvenu. 

Si l’on voulait d'abord mettre un intervalle, comme plusieurs le font, entre la 
résurrection des justes et celle des réprouvés, il fallait oublier ou détourner de 
leur sens des passages comme Rom. 11, 5-suivants, qui n’envisage qu'un seul 
jour du « jugement » pour les uns comme pour les autres, oublier que le 
« Jour du Seigneur », ou la Parousie, caïncidera avec la ruine des impies 
(1 Thess. v, 2. suivants), textes clairs qu'aueun autre ne contredit, et que 
tous au contraire paraissent confirmer. 

Mais le passage de Paul qui est en cause essentiellement, c'est [| Corin- 
thiens, xv, 22-26; pour en faire l'exégèse suflisante, nous devons recourir à un 
parallèle tout proche, I Cor. xv, 50-55, et à un autre plus éloigné, I Thessalo- 
niciens 1Y, 13-18. | 

Disons tout d'abord pourquoi nous tenons ce rapprochement entre I Cor. et 
T Thess. pour légitime et nécessaire. Bien qu’un intervalle de cinq années peut- 
être sépare ces deux épîtres, rien n'autorise à penser que les vues de Paul touchant 
les fins dernières aient varié durant ce temps. S'il avait eu à rectifier quelque 
enseignement autrefois proposé par lui à ses fidèles — et cela sur un sujet aussi 
capital en sa prédication que l'étaient les fins dernières. — ses écrits nous en 
auraient bien conservé quelque signe, au moins sous forme d’allusion. Mais 
tout signe, toute allusion de cette espèce fait défaut. 

Il avait bien pu le faire, dira-t-on, dans sa prédication orale. Personne ne le 
niera. Mais ce n’est qu'en désespoir de cause qu'on pourrait se réfugier dans 
cette inconnue, et seulement si l'ensemble des Ictires de Paul, qui sont des 
quantités connues, présentait des incohérences ou des contradictions inexpli- 
cables autrement. Il n'en va pas ainsi an cas où les leltres, s'éclairant l’une par 
l'autre, montrent — ou du moins n’excluent pas — la continuité de l'idée et ia 
cohérence des points de vue. 

Cela étant bien compris, abordons le fameux passage où saint Paul est censé 
préluder au chiliasme. Il se trouve dans la °° aux Corinthiens, ch. xv, pp. 29-56. 


22. Ainsi, on eflet, qu'en Adam tous meurent, de même aussi c'est dans le Christ 
que tous seront vivifiés. 28, Mais chacun au rang (ou « dans le groupe ») qui est le 


480 “ÉPITRE AUX CORINTHIENS, . XV. 


sien (ëv t& ôlw téyuart) : le Christ, prémices ; ensuite (érera) ceux qui sont au Christ, 
à sa Parousie. 24. Et puis (eîta), la fin! (ro tékoç) quand il livre (rapaüidot) la royauté 
au Dieu et Père, quand il aura fait évanouir toute principauté et toute domination et 
puissance. 25. Car il faut qu'il règne (et yào aurov fBaotheberv) jusqu'à ce qu'il ait mis 
tous les ennemis sous ses pieds (Ps. 110). 26. Le dernier ennemi qui s'évanouit, 
c’est la Mort. 


La théorie à juger est celle-ci : 

Entre les versets 23 et 24 s'introduirait la notion du « Règne intermédiaire », 
comme dans l’Apocalypse. La résurrection se fait en trois temps : d'abord cellé 
du Christ, prémices, qui a eu lieu déjà; — ensuite (#xetra) celle des fidèles du 
Christ, à l'heure de la Parousie; — et puis (etre, coordonné à ireuxa), celle du 
reste des hommes (rù xélos) qui n'ont pas eu part à la première. Donc deux 
résurrections corporelles. La deuxième est séparée par un intervalle de la 
première, comme celle-ci l'a été de la résurrection de Jésus. Trois téyuara : le 
Christ — les fidèles — « les autres ». Le premier intervalle a été rempli par la 
vie militante de l'Église j jusqu'au retour de son Chef, à la Parousie; par quoi le 
sera le deuxième? Par le « règne » du Christ redescendu parmi les siens ressus- 
cités; il prendra vigoureusement en mains son pouvoir royal (Basrkeüew) pour 
réduire toutes les puissances qui ne lui sont pas encore soumises {cfr. l'A poca- 
lypse, Gog et Magog), et détruira tout empire de la mort (qu'il jettera dans : 
l'étang de feu, Apoc.), en ressuscitant les derniers morts, auxquels le jugement 
général assignera leur sort éternel. 

Si nous admettions ce parallélisme avec l'Apocalypse, il faudrait au moins 

commencer par noter qu'il cloche en plusieurs points. D'abord, dans l'Apoca- 
 lypse, le combat victorieux contre les puissances signifiées par Gog et Magog, 
qu'exceite Satan libéré, n'a lieu qu'à la fin des Mille Ans, tandis que chez Paul 
tout le règne qui, dans l'hypothèse, suivrait la Parousie, paraît occupé par 
une guerre de conquête et d’extermination; mais on pourrait dire que c’est là 
un simple eflet varié de perspective. Ce qui est plus grave, c'est que, chez 
Paul, tous les fidèles, tous « ceux du Christ », sont ressuscités et doivent par 
conséquent régner avec Lui, tandis que l'Apocalypse ne fait (dans l'hypothèse 
des mêmes exégètes) ressusciter et régner que les « martyrs ». Ce ne sont donc 
point, chez Paul et chez Jean, les mêmes ressuscités ni les mêmes « rois » — 
à moins qu'on ne veuille croire, avec Charles et Loisy, que « fidèles » et « mar- 
tyrs », c’est unum et idem, parce que tous les chrétiens, d’après l'Apocalypse, 
doivent être martyrisés par la Bête, entre la publication du livre et la Parousie, 
les fidèles morts auparavant et autrement étant négligés dans la perspective ; 
idée formellement contraire à celle de Paul, qui représente des chrétiens vivant 
encore à l'heure du second Avènement. Mais ceux qui ne donnent point dans 
cette fantaisie (ainsi Wikenhauser) ne peuvent assimiler Paul et Jean; il faut 
qu'ils reconnaissent une divergence essentielle entre ces deux perspectives. Et 
ils ne pourront justifier les vues de Paul comme ils tentent de le faire pour celles 
de Jean, en disant que celui-ci a voulu tout simplement enseigner, par l'emprunt 
du mythe judaïque du « Zwischenreich », une glorification spéciale et anticipée 
d'une catégorie spéciale de fidèles, les « martyrs »; cet expédient apologétique 
leur échappera pour ce qui concerne Paul, et ils devront reconnaître que celui-ci, 
à la différence de Jean, ne saurait être absous de millénarisme matériel. 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XV. LUS A 


Pour l'interprétation de Jean, nous renvoyons le lecteur à notre commentaire 
de l'Apocalypse, auquel rien ne nous semble devoir être changé ici. Quant à 
l'exégèse de 1 Cor., xv, 22-26, tout y dépendra d'abord du sens, et du rôle 
dans la phrase, qu'il faut donner aux expressions : 


3 … HI ! at: 
év ro lp Téypart; 
EîtTa ; 
A LA 
To Té}OG; 
.ei yap aûrov Baorsuev. 


19 &v +5 uw réyuaur. — Il est évident que cette expression commande au moins 
les deux qui suivent: Xpcorés et of voù Xp1oro5; ils auront (ou occuperont) leur 
réyua respectif. Mais que veut dire ce mot réyux? Le sens ordinaire, depuis 
le 1v° siècle et surtout Xénophon, est « corps de troupe », « subdivision mili- 
taire » petite ou grande. On le trouve dans les papyrus, les inscriptions, chez 
Josèphe, Clément de Rome, Hermas, etc., et il passe souvent au sens plus 
général de « groupe » quelconque. Les Septante l’emploient une vingtaine de 
fois, le plus souvent au sens dérivé de « bannière « (pour rallier les groupes), 
et parfois au sens plus écarté d’« hommes de pied »; les autres traducteurs 
grecs de la Bible lui font signifier « bande », « fête », « rangée ». Ainsi la 
signification, au 1°’ siècle, en était fort extensible; et comme réyux, étymo- 
logiquement, veut simplement dire : « ce qui est ordonné ». ou « mis en ordre », 
rien d'étonnant s’il prend d'autres acceptions encore. Ainsi, dans les Définitions 
faussement attribuées à Platon, 414°, nous lisons : Gixutov vouou véyua mountixèv 
Siauooüvne, où il signifie « ordonnance » — « prescription » : « prescription 
légale qui réalise la justice », est-il traduit d dans la coll. Budé. Aristote, Pol. 1v, 
vx (9), 3, écrit : êx Gvoiv rayuarotv, tk mèv êx voD dluyagyixo vouou, rx D’ Ex où Onsoxow- 
zxo%, où la constitution, soit oligarchique, soit démocratique," s'appelle un 
réyux. Au reste, du sens commun de « groupe » ou « troupe » occupant sa place 
déterminée dans un défilé, militaire on non, il était facile de passer à à celui de 
« rang » ou de « place » d'un individu dans la troupe. C'est ainsi qu'Épioure 
(A Herodotos, 71, dans Diogène Laërce I} parle des choses güseuc 00° Eœurà 
réyux Éyovta — « ayant chacune pour soi son rang dans la nature », et probable- 
ment c'est le même sens qu'il faut reconnaître I Clément. xur, 4 (malgré xxxvir, 
3 où téyua — « groupe ») : Éxaoros uv, dôeApat, àv ri dl Téypart ebapeoteires ré) 0Eû 
= « que chacun de nous, frères, à son rang, se rende agréable à Dieu », dans 
la fonction individuelle qu'il accomplit, plutôt que « au sein de son ordre » (de 
prêtres, lévites, laïques, xz, 6). — Alors, si, dans notre passage de saint Paul, 
nous traduisons « à son propre rang », on évitera ainsi la difficulté de faire 
représenter par le Christ une « troupe » à lui tout seul (cfr. Lietzmann). 

20-30 éêca vd réAnç. — ra signifie « ensuite », ordinairement au sens chrono- 
logique; mais ce mot, ainsi que son composé Ërerva, marque souvent aussi, non 
pas une idée de postériorité dans le temps à l'égard des choses qui précèdent 
dans une énumération, mais simplement que l'on continue à énumérer, comme 
en français « et encore », ou un « alors » indéfini, ou ce qui est immédiatement 
conséquent, sans intervalle temporel, aussi bien que ce qui est subséquent. 
Dans la même épître aux Corinthiens, x11, 28, Ëxute ne marque qu'un ordre 


L42 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XV. 


inférieur de dignité, et surtout. il faut remarquer ce que nous avons observé 
au début de ce même chapitre xv, v. 7. Tout cela nous autorisera, s’il Le faut, 
à voir dans l'eira de xv, 24 autre chose que la marque d'un: intervalle où l’on 
pourrait loger une guerre messianique. 

Cette question est liée à celle du sens qu’il conviendra de donner au mot 
suivant, vo vékoç. En soi, rékos signifie « fin », « conclusion », mais aussi « bout », 
« queue » {/saïe x1x, 15); cette seconde acception (— mepirroux « ce qui reste », 
Liet:zmann, ad loc.) se rencontre par exemple chez Aristote, De gen. an., pour 
« ce qui reste » de la nourriture et s’en va du corps. On pourrait donc, abstraite- 
ment parlant, l'entendre en notre passage du « reste », des « autres », c'est-à- 
dire des hommes qui ne sont pas « ceux du Christ », peut-être avec une nuance 
de dédain dans l'expression. Nous verrons si cela convient mieux au contexte 
que le sens commun et abstrait de « fin », « conclusion ». 

Mais déjà nous pouvons voir que la structure de la phrase, aux vv. 23-24, 
oblige à elle seule de joindre étroitement era vo vélos à ce qui suit (6rav 
rapaô.ôoi..….) bien plutôt qu'à ce qui précède. On pourrait croire à première vue 
que eîra est coordonné à reve de 23, et appelé par ce premier adverbe; mais, 
en considérant mieux, il apparaît d’abord clairement que cette « livraison » de 
la royauté au Père ne peut être jointe logiquement aux trois membres (qu’on 
présume) dans l’énumération; car le Christ-prémices est exclu, ce n’est pas au 
moment de sa résurreetion qu'il a remis un royaume pacifié à son Père; cette 
exclusion du premier membre rend au moins douteuse la liaison de ëruv mapaô. 
avec le second membre ëreura of roù Xpiorob; ce qu'il reste de certain, c'est qu'il 
est impossible de séparer la chose ou l'événement signifié par ro +élo de la 
proposition qui suit; les mots ôrav mapad. xré. peuvent très bien n'être donc que 
l'explication de rélos, ou désigner un fait concomitant avec ce seul +£ho; et alors 
il serait tout naturel de faire commencer une nouvelle phrase, elliptique, une 
nouvelle idée avec era vo vélos, ce qui empêcherait de trop insister sur une 
coordination de elra avec Éretra pour en conclure-que aire introduit quelque 
chose d’homogène à of toù Xpiorob, un troisième groupe. 

A9 Geï yap adrov Baorheberv ur£. — Le yéo indique que cette phrase est explicative; 
le Christ doit régner nécessairement parce qu’il lui faut avoir le temps d'anéan- 
tir tous ses ennemis. Mais le temps présent de l'infinitif Baotsteiv ne montre pas 
que c’est seulement lorsqu'il apparaîtra à la Parousie, et aura ressuscité « ceux 
du Christ », qu’il commencera cette royale guerre devant aboutir à la destruction 
de la mort: si Paul avait sûrement voulu exprimer cette idée (Règne inter- 
médiaire), il aurait mieux fait d'employer l’aoriste ingressif Baothsüoou. 

Une fois débarrassés de ces préliminaires, nous pourrons déterminer, pour 
toute la péricope 22-26, en paraphrasant s'il est besoin et commentant quelque 
peu, le sens qui paraît de beaucoup le plus naturel. 


22... c'est dans le Christ que tous seront vivifés. 


Des commentateurs anciens, avec l’un ou l’autre moderne, ont cru que celte 
« vivification » était la résurrection corporelle en général, aussi bien des réprou- 
vés que des élus. Mais cette opinion n'est guère d'accord avec le contexte, où 
Paul ne s'occupe absolu ment que de ceux qui seront appelés à la vie de gloire, 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XV. 443 


conforme à celle du Christ ressuscité. [l laisse, en tout ce chapitre, les damnés 
dans l'ombre. On ne comprendrait guère qu'il dît que les malheureux condamnés 
à la mort éternelle seront « vivifiés dans le Christ ». Par conséquent, de ce 
seul chef, ro rx aura peu de chances de signifier : « les autres, ceux qui 
n'appartiennent pas au Christ » et, à la résurrection, n’obtiendront pas le salut. 


23. Mais chacun [arrive à cette vivification] au rang qui lui convient : d’abord le 
Christ, prémices [des ressuscités glorieux] (1); ensuite ceux qui sont au Christ, 
à sa Parousie. 


Ceux qui sont au Christ et ceux qui sont sauvés, c’est, d'après tout le 
Nouveau Testament, exactement la même chose; car aucun juste, eût-il ignoré 
matériellement le Christ, ne peut être justifié et sauvé que par la médiation de 
Jésus, dont les effets anticipés se sont fait sentir depuis qu'il y a des hommes. 
Paul affirme que le Christ a le premier rang, et ses fidèles le deuxième, après 
un notable intervalle. N'était-il pas absolument inutile de dire avec tant de 
solennité une chose si évidente? Sans doute l'Apôtre aurait pu s'en passer; mais 
il tient à faire ressortir, par cette surabondance d'expression, en insistant sur 
l'ordre chronologique des résurrections respectives, que le Christ glorifié a bien 
le rôle de « prémices », dans lesquelles toute la masse est sanctiliée comme 
consacrée à Dieu et acceptée de lui (Kart Barth), — ici gloriliée. Car toute son 
argumentation repose là-dessus. La date antérieure de la résurrection de Jésus 
illustre sa fonction de « prémices ». Il convenait donc que le Christ fût, dans 
l’ordre du temps, au premier réyua, c'est-à-dire au premier rang, — comme un 
chef qui marche devant ses troupes, — et que cela fût souligné par un intervalle 
notable de temps entre sa résurrection et celle des hommes sanctifiés en lui. 

Aïnsi il n'y a aucune difficulté à mettre le Christ dans l'énumération, comme 
occupant un tôtov téyua à lui tout seul (cfr. Lietsmann). I] n'est pas nécessaire 
(cfr. Gutjahr, al.) de distinguer parmi les saints (pour expliquer êv r& têle tdyuart) 
divers rangs assignés à chacun selon ses mérites. 


24, Et puis (ou alors), c'est la fin (ro tékos)! car il livre alors la royauté (ou le 
royaume) à Dieu son Père, après avoir fait évanouir toute principauté, toute domi- 
nation, toute puissance. 


Pour la raison ci-dessus indiquée, nous faisons commencer avec élrs une 
nouvelle phrase, au lieu de coordonner éirx à l'éretre précédent pour faire ainsi 
de ro r£loc le troisième ordre des ressuscités. Théophylacte, plus tard Cajetan 
(réfuté par Estius), et quelques autres ont bien cru à tort (voir à 22) que ce +ékos 
signifiait « les autres » qui ressusciteront sans être sauvés. Mais au moins 
ces exégètes n'allaient pas soutenir pour autant qu'il y aurait entre la résurrec- 
tion des deux groupes un intervalle de règne millénaire: les deux actes devaient 
se succéder immédiatement, et le jugement suivre aussitôt. (Voir ci-dessous, 
l'exégèse de I Thess.). Tout à fait arbitraire, et sans aucun appui dans le reste 
du Nouveau Testament (2), est l'opinion de Lietzmann, Loisy, al., qui veulent 


(1) Cfr. Gol., 1, 48 : « pr'imogenitus ex mortuis ». 
(2) Même pas dans la I Pel., 111, 19-29; mais il serait trop long de le prouver ici. 


Lk4 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XV. 


voir un intervalle de guerres messianiques, ou un millenium, entre la Parousie 
accompagnée de la résurrection des chrétiens qui ont confessé dans leur vie le 
nom du Christ, et celle d'un vélo, les autres. justes, les non-chrétiens, qui 
ressusciteraient alors aussi, mais au dernier rang, comme un supplément au 
nombre des élus qui l'étaient de plein droit. 


Jésus donc détruira tout pouvoir opposé au sien, ou qui pourrait masquer le 
sien, 


25. Car il faut que dure son règne jusqu'à ce qu'il ait mis tous ses ennemis sous 
ses pieds. 


Nous entendons Bacihebev, — et c'est très grammatical, — de la durée, de la 
prolongation du règne du Christ, qui s'étendra assez à travers les âges pour 
que tous ses ennemis soient vaincus tour à tour, et que toute puissance humaine 
se montre vaine en face de la sienne. Certainement Paul ne veut pas dire que le 
Christ commencera à être roi en acte seulement à la Parousie et à la résurrec- 
tion des chrétiens; il a plus d’une fois dit expressément que nous sommes déjà 
sous le règne du Christ, Seigneur (xüptos); ainsi Rom., xiv, 17, 17, le service du 
Christ est identifié avec le « règne de Dieu », et Phil., 11, 9. ss., Jésus possède 
déjà, depuis son exaltation, le nom divin qui doit faire successivement fléchir 
tous les genoux, même sur terre (xat émiyeluv, v. 10). Ce règne messianique des 
prophéties n’est donc pas réservé à l'avenir; seulement il est à l'époque présente 
contredit, il doit abattre progressivement des obstacles, et ne sera reconnu 
de tous que lorsque le dernier aura disparu. Alors ce règne, d'une certaine 
façon, cessera, comme l'indiquent le v. 24, et, plus bas, le v. 28. Des anciens, 
par exemple Théodoret, pour esquiver cette idée et toute apparence d’infériorité 
de la Seconde Personne divine par rapport à la Première, contre Arius et 
Eunomius, ont compris &çpt où au sens de degré, et non pas de durée : « Il faut 
qu'il soit roi (à travers l'histoire terrestre) au point de mettre tous ses ennemis 
sous ses pieds »; mais cette interprétation est moins adaptée au contexte. Au 
reste, les Pères ont suffisamment déjà expliqué que le Christ ne cessera 
pas de régner après la consommation, — pas plus que le Père n'avait en réalité 
suspendu l'exercice de sa royauté pendant que le Christ régnait; seulement 
la caractéristique propre du Règne de Jésus-Messie, qui était la médiation et 
la lutte contre les ennemis, finira à la Parousie; le Sauveur cessera d'exercer le 
rôle de chef d'une église militante; comme représentant de l'humanité, il 
remettra au Père tous les trophées de ses victoires, Dieu sera « tout en tous », 
le monde entier sera consciemment soumis à son pouvoir, il n'y aura plus 
aucun mode distinctif entre la domination du Christ comme Messie et la domi- 
nation universelle de Dieu; le Père et le Fils, siégeant sur un même trône 
(Apoc., xxu, 1, 3 : « le trône de Dieu et de l'Agneau ») exerceront la même 
royauté, d'une façon indivisible, et, en tout acte de l'Homme Jésus, les regards 
bienheureux verront à découvert la Divinité même qui agit. Paul a peut-être 
tant insisté, comme dit Théodoret, sur ce retour de tout pouvoir à Dieu, pour 
éviter que ses convertis du paganisme, se souvenant de leurs fables anciennes 
sur la succession de dieux suprêmes, croient que Jésus avait substitué son pou- 
voir à celui du Dieu d'Abraham et de Moïse, qui se serait effacé pour laisser 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XV. 445 


son Fils agir à sa place. Cela peut être une vue juste; car les erreurs pagano- 
gnostiques guettaient déjà la foi des ignorants. | 


26. Le dernier ennemi anéanti, c'est la Mort. 


La victoire du Christ, comme Messie, comme chef et sauveur de l'humanité 
rachetée, doit être si totale, qu'elle ne s'arrêtera pas avant d'avoir détruit la 
Mort elle-même, introduite dans l’humanité par l'envie du Diable et le péché 
d'Adam, et personnifiée ici comme adversaire ultime, celui qui résistera jusqu’au 
dernier moment. Le Christ ne remettra à son Père un royaume pacifié qu'après 
avoir anéanti ce dernier effet de la puissance du Diable. Telle sera la dernière 
œuvre de son règne messianique, conçu comme modalement distinct de celui 
de son Père, Mais à quel moment cela aura-t-il lieu? Paul, en tout ce contexte, 
n'a parlé qu'une fois, au moins explicitement, d'un fait qui équivaille à une 
« destruction de la mort »; c’est la résurrection de « ceux du Christ », au verset 
23; de plus, l'emploi des présents mapaddot (qui est la vraie leçon au v. 24), et 
xarapyeïcur (v. 26 ; « le dernier ennemi, qui s’évanouit alors, c'est la Mort ») 
et non d’un futur à 26, ni à 23 d’un aoriste subjonctif valant un futur antérieur 
(qui entraînerait encore un délai), insinue la coïncidence entre d’une part cette 
destruction de la mort, ainsi que cette remise de pouvoir, marquant la fin de 

tout, vélos, et d’une autre le fait précédemment énoncé, la résurrection des 
fidèles à la Parousie; Jésus est en mesure de remettre la royauté, à ce moment- 
là, et l'on peut dire que le terme est atteint : « Et puis alors, c'est la consom- 
mation finale, à ce moment où il peut enfin remettre à son Père la pleine 
royauté qu'il Lui a acquise, maintenant qu'il a détruit tous ses ennemis, dont 
le dernier à détruire, la Mort, est désormais abolie par la résurrection. » 

Ce passage suffirait done, si on l'interprète de cette façon très naturelle et 
très grammaticale, sans épiloguer sur un terme obscur, à nous apprendre 
toute l’eschatologie de Paul (la résurrection des réprouvés n'étant que sous- 
entendue, avec le jugement), et à écarter toute idée de « Règne intermédiaire » 
après la Parousie. Il faut noter seulement que Paul n'y dit rien concernant les 
hommes que le Dernier Avènement trouvera encore vivants sur la terre, 


* 
* x 


Si l'on estime cependant que nous avons trop usé du droit d'interprétation 
pour la péricope 22-26, alors examinons le passage du même chapitre, 50 et 
suivants, qui nous ramène au même thème eschatologique. 

Les deux péricopes, assez divergentes dans la plupart de leurs traits, ont 
pourtant ceci d’explicitement identique, c'est de se terminer l'une et l'autre sur 
la destruction de la mort, qui coïncide avec la fin de toute histoire terrestre. 
Or, si l'on n'est pas encore convaincu que cela arrive juste au moment de la 
Parousie accompagnée de la résurrection. de « ceux du Christ », et non au 
bout d'une période subséquente, les derniers doutes doivent se dissiper à la 
lecture de 50-55 où une parfaite coïncidence cest établie entre ces trois événe- 
ments. . 

Quelle place occupe cette péricope dans l'argumentation de Paul? 


&4G ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XV. e 


Paul y répond à une question posée au v. 35, à ce qui faisait la grande diff. 
culté pour les fortes têtes de Corinthe : 


35. Mais on dira : « comment ressuscitent les morts? mais avec quelle espèce de 
corps (rotw dë swuartt) reviennent-ils ? » 


Au lieu de résoudre immédiatement ce problème, l'Apôtre multiplie les 
considérations qui doivent disposer les esprits à écouter et à accepter la réponse, 
la promesse audacieuse qui sera exprimée seulement au v. 49 et suivants : à 
savoir que les morts élus auront un corps « pneumatique », pareil au corps 
glorifié de Jésus-Christ, — et, de plus, que les fidèles qui ne seront point 
morts au jour où aura lieu cette gloricuse résurrection, verront leurs corps 
transformés pour devenir semblables aux premiers en gloire (Voir le commen- 
taire et l'introduction de 33-49 et 50-54). 

Le v. 49 répond donc à la question du v. 35 : 


49. Comme nous avons porté l’image de [l'homme] fait de poussière, ainsi nous 
. portérons (pogésouev — ou portons, popévwuev) l'image de celui qui est du ciel. 


Mais Paul veut expliquer davantage cette réponse, ét la compléter. Il fallait 
d’abord qu'elle n'eût plus aucune obscurité; ensuite, comme il ne s'était agi 
que des morts, les Corinthiens pouvaient se demander quel serait le sort des 
fidèles trouvés encore en vie par le Christ revenu. Il continue donc par ce 
développement, que nous traduisons d’abord avec une littéralité barbare : 


50. Mais j'affirme ceci, frères : « chair et sang » ne peut hériter de la royauté de 
Dieu, ni la corruption n’hérite l’incorruptibilité. 

51. Voici que je vous dis un mystère. 

52. Tous nous ne dormirons pas, mais tous nous serons changés, en un instant 
indivisible (èv àtéuw), en un clin d'œil, à la dernière trompette; — car la trompette 
sonnera, — et les morts ressusciteront incorruptibles, et nous, nous serons changés. 
53. Car il faut que ce corruptible-ci revête l’incorruptibilité, et que ce mortel-ci 
revête l’immortalité. 

54. Mais lorsque ce corruptible-ci aura revêtu l’incorruptibilité et que ce mortel-ci 
aura revêtu l’immortalité, alors se fera la parole qui a été écrite : « La mort a été 
engloutie en victoire » Us. XXV, 8). 

55. « Où [est], mort, ta victoire ? Où [est], mort, ton aiguillon? » (Osée, xur, 14). 

56. Mais l’aiguillon de la mort, [c’est] le péché... 


Ce mot-à-mot servile peut laisser lieu à beaucoup de discussions sur le sens 
précis de termes particuliers. Maïs ceci au moins est enseigné d’une façon 
manileste : en un instant indivisible, en un clin d'œil, aura lieu une résurrec- 
tion des morts, une transformation des vivants, et la disparition de la mort à 
tout jamais. 

S'il fallait croire que deux actes, séparés par un long intervalle, eussent été 
distingués dans la résurrection à 20-26, la péricope présente, du moins, ne 
peut répondre qu'au dernier de ces actes. Car tout se passe à la dernière 
trompette, celle de la fin du monde, et la mort, — le dernier ennemi, v. 26, — 
est anéantic juste à ce moment-là, Si donc c'est la Parousie (qui n’est pas 


. ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XV. 447 


nommée ici, mais qu'il faut bien y sous-entendre, ainsi que nous allons le 
prouver bientôt par l'exégèse d’une autre épître), toute la question du Millenium 
matériel et terrestre est tranchée du coup, et négativement, Or, rien ne peut 
faire supposer que la Parousie ait déjà eu lieu longtemps avant cette résurrec- 
tion et cette transformation des hommes à la « dernière trompette »; rien 
n'indique qu'aucune catégorie d'hommes aît été ressuscitée à une époque 
antérieure, ni qu'aucun fidèle vivant ait déjà été transformé, — comme il l'aurait 
fallu si tous les bénéficiaires d’un Règne de mille ans s’intercalant entre la 
Parousie et le jugement dernier avaient été, d'après des imaginations comme 
celle de Zahn {1}, exemptés de la mort. 

De plus, tout le monde admire l'élan lyrique de l'Apôtre, quand il célèbre ici, 
pour la seconde fois, la destruction de la mort. Cet engloutissement de la mort 
dans la victoire, qui coïncide avec le réloc, étav mupaddoi de 24, c'est aussi (cfr. v. 56) 
la destruction pour les élus de toutes les conséquences de la mort, en premier 
lieu de sa cause, le péché. Que peut-il donc y avoir de plus artificiel, de plus 
contraire même à tout l'esprit de cet enseignement, que d'aller supposer (avec 
Joh. Weiss) qu'il s'agit aux versets 24, 26, — et ici encore, à 54-55, il le faudrait 
bien! — de la résurrection des réprouvés? Ce serait bien le cas de chanter 
avec ces accents l'incorruptibilité et l’immortalité, la victoire sur la mort, à 
l’occasion de malheureux qui ne revivent que pour être livrés à la mort 
éternelle! — Quant à une seconde fournée de justes, appartenant moins au 
Christ que les autres, et qui seraient les seuls à ressusciter alors, les derniers, 
obligés d'attendre la dernière trompette, il est clair qu'il n'en est pas question 
ici, et que les y introduire serait de l'imagination pure. 

Nous pouvons dès lors combiner et paraphraser tout ce que Paul enseigne 
aux chrétiens, dans ce chapitre xv, sur la certitude et la manière de leur résar- 
rection bienheureuse (2). 

Il leur a dit d’abord que, si le Christ n'est pas ressuscité (comme il ressortirait 
logiquement d'une négation générale de la résurrection des hommes) et qu'eux, 
par conséquent, ne doivent pas ressusciter davantage, tout leur travail est perdu. 
19. « Si nous sommes des gens qui, dans cette existence, auront « espéré » dans 
le Christ, et rien de plus que cela, nous sommes à plaindre plus que tous les 
hommes. 20. Oui! mais le Christ est bien ressuscité des morts! #7 est ressuscité 
comme prémices de ceux qui dorment, en rnontrant ainsi et leur garantissant 
leur sort futur; car Dieu, en prenant Jésus comme prémices, a montré qu "cl 
s'adjugeait toute la masse. 21. Je l'appelle «prémices », lui qui nous ouvre 
le chemin à la gloire, parce que, après que (3) la mort est venue par un homme 
(prémices de la mort et responsable de la mort de tous), c'est par un homme 
aussi que viendra la résurrection des morts. 22. Car de même qu’en Adam 
tous meurent (parce qu’ils sont de sa descendance et faits à sa ressemblance, 
des êtres sortis de la poussière comme lui et portant la peine de sa faute, 
v. Rom. v), ainsi c'est dans le Christ que tous seront vivifiés. 23. Mais chacun 
au rang qui lui revient : d’abord est ressuscité le Christ, comme prémices; 


(1) Dans son commentaire de l’Apocalypse. 


(2) Nous traduisons très librement cette fois, et nous ajoutons nos explications en italiques. 
(3) Voir comm. de 21, A et B, 


443 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XV. 


ensuite ressusciteront ceux qui appartiennent au Christ, à sa Parousie. (/7 faut 
bien en effet qu’il y ait un intervalle entre les prémices et la masse d’où elles 
sont tirées; ce sera tout le cours de la vie de ce monde, pendant lequel la 
masse des vivants vivra d'espoir, d’un espoir fondé et sûr, en se conformant à 
ses prémices). 24. Et puis alors, c'est la fin; maintenant qu’il livre la royauté 
à Dieu son Père, après avoir réduit à néant toute principauté, domination et 
puissance. 25. Car il faut qu'il soit Roï, Roëï de l’histoire et des temps messia- 
niques, jusqu’au bout, que son règne dure etse prolonge jusqu’à ce moment-là, 
jusqu’à ce qu'il ait mis tous ses ennemis sous ses pieds, comme | *Écriture l’a 

prédit du Messie. 26. Le dernier ennemi qui sera alors anéanti, c'est la mort, à 

cette résurrection générale qui détruira et la mort, et ses causes, et ses 
conséquences. à à. + + + + à à + « + + + + « 35. Mais vous me demandez com- 
ment elle pourra se faire, cette résurrection? vous ne concevez pas quel genre 
de corps pourra être celui des ressuscités? (36-49. Mais voyez la puissance de 
Dieu à créer tous les genres de corps qu'il veut, et rappelez-vous ce qu'est le 
corps de Jésus, l'homme céleste, transformé à sa résurrection). 49. Voici donc 
la réponse : ainsi que nous avons porté la ressemblance de l’homme fait de 
poussière, de même nous porterons aussi la ressemblance de l'homme céleste, 
du Christ ressuscité. 50. Mais pour que vous compreniez bien, contre toute 
imagination grossière ou insuffisante, jusqu'où ira cette ressemblance, et à qui 
elle s’étendra, je vous affirme ceci, frères : « la chair et le sang », je veux dire 
ce qui est infirme, faible, caduc dans la nature humaine (1), ne peuvent hériter 
de la royauté de Dieu (dont la participation nous est promise); il faudra donc 
que nous soyons dégagés des faiblesses comme il y en a dans notre état 
présent; celle corruption, qui était le lot de notre corps, de ce grain semé 
dans toutes les pauvretés de la vie présente, et destiné à pourrir au tombeau, 
n'hérite pas l'incorruptibilité; elle ne pourra se prolonger sous le régime de 
l’incorruptibilité, ce serait contradictoire; donc il faudra que nous soyons 
tous changés profondément. 51. Voici donc que, de plus, je vous révèle un 
mystère (car vous pourriez vous demander, puisque je vous ai présenté la 
mort, la mort que le Christ lui-même a dû souffrir, comme condition de notre 
gloire future, ce qu’il adviendra de ceux que la Parousie trouvera encore. 
vivants). 52, Ce mystère, comprenez-le : Ce n'est pas en totalité (2), sans 
aucun doute, je l’aï dit déjà (cfr. I Thess., infra) que nous dormirons du 
“ ommeil de la mort; mais c'est en totalité (2) que nous serons changés, érans- 
formés; et cela en un instant indivisible, en un clin d'œil, à la « dernière 
trompette » {et pas avant). — Car la trompette retentira! — nous serons 
transformés, tous les fidèles appartenant au Christ, soit par la résurrection, 

‘une autre manière, les morts en reprenant un corps exempt de toutes 


\ 

(1) Ou bien : « la personne humaine en tant que remplie d’infirmités, ne peut (in sensu 
composito) hériter, etc. ». 

(2) Iévra a évidemment la même extension dans les deux membres de cette phrase 
antithélique : par conséquent, la « transformation » attribuée à mavres? englobe aussi 
la résurrection proprement dite, comme l’un de ses deux modes éventuels. Il s’agit de 
tous les fidèles, de Corinthe et d'ailleurs, de ce temps-là et de toute. autre époque; l'en- 
seignement de Paul vise l'universalité des fidèles dignes du salut. Et il ne pense pas ici, pas 
plus que I Thess., à leur rien apprendre sur la date de la Parousie. 


ÉPITRE AUX CORFNTHFENS, XV. &49 


les infirmités et besoins qu'il avait eus avant de mourir, et les vivants en se 
dégageant de tous ces besoins et infirmités sans être obligés de mourir; donc 
les morts ressusciteront incorruptibles, et nous: (je parle: au nom et des morts 
et de'ceux qui ne seront point morts), nous serons {ous changés en toutes nos 
conditions de vie, de facon à passer à l'état de: ressuscités ou au même état 
que les ressuscités. 53. Car il faut que ce: corps corruptible (que nous avons à 
présent, et que les morts ont eu), revête l'incorruptibilité (4), et que: ce corps, 
maintenant mortel, revête: l'immortalité, 54, Et lorsque ce corps eorruptible 
aura revêtu l'incorruptibilité, et que ce corps. mortel aura revêtu limmortalité, 
qu'il n'y aura plus pour aucun de nous de ces indigences de « la chair et du 
sang. », quelle heure, 6: frères, sera cette heure où l'apparition du Christ 
ous apportera à tous, morts et vivants, la plénitude d'une vie indéfectible! 
Alors se vérifiera, proclamée par Dieu etious les êtres, la parole de l'Écriture : 
Ea mort a été engloutie dans la victoire! 

55. « Où est, Ô Mort, ta victoire »?.. 58. Ainsi, mes frères très aimés, devenez 
fermes, ne vous laissez plus troubler l'éme par toutes ces questions sur la 
résurrection, sachant bien que tout. votre travail n'est pas vain dans le 
Seigneur, et vous mènera à une vie complète et éternellenent bienheureuse. » 

Dans ces perspectives encourageantes que Paul ouvre à ses Corinthiens, on 
voit qu'il n’y a pas la moindre mention d'un Millenium de bonheur qui dût 
commencer durant leur vie ou plus tard. On dirait donc finalement, d'après ce 
chapitre xv de: la Première aux Corinthiens, ou que Paul n’a pas soupçonné 
l'attente millénariste, ow que, s’il l’a connue; il en a résolument détourné ses 
fidèles. 


La démonstration est déjà bien complète à nos yeux. S'il en est encore à qui 
elle ne suffit pas, examinons l’autre fameux passage eschatolosique, I Thessa- 
loniciens, 1v, 13-18. 

L'intervalle de temps qui sépare cette épître de l’autre n’est pas, nous le 
prétendons encore une fois, à mettre en ligne de compte. Mais l'état psycho- 
logique des lecteurs diffère; il est pour ainsi dire, retourné. Si Paul suppose, 
d'après les derniers versets, 50 et ss., du passage précédent, que certains 
Corinthiens pouvaient se demander comment les vivants, au jour de la Parousie, 
ne seraient pas dans une condition inférieure à celle des morts, ici c’est l'inverse, 
et l'Apôtre:se croit obligé de déclarer aux Thessaloniciens que les vivants, au 
jour de la Parousie, n'auront sur les morts aucun avantage. État d'esprit que 
nous ne comprenons plus guère; il faut croire que ces pieux et ardents fidèles 
de Macédoine avaient été influencés par des rêveries de chiliasme judaïque. 
A Thessalonique on attendait avec ferveur le retour du Christ, et beaucoup pour 
une époque rapprochée, avant la fin de la génération contemporaine. Paul, sans 


ti} Le mot évètouoBat, « revélir », est, malgré Joh. Weiss, une figure très exacte, et non 

un à peu près, attendu que c'est dans l’idée de Paul, malgré les théories de ces auteurs, le 

même corps qui était mortel et qui deviendra immortel, dépouillant le vêlement terrestre pour 

prendre le vêlement céleste, les qualités « pneumatiques »; il n’y à pas distinction de sujet. 
ÉPITRE AUX CORINTINENS. 99 


450 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XV. 


le vouloir, y était pour quelque chose : il les avait enthousiasmés par l'espoir 
du retour du Christ; mais le temps de son enseignement avait été trop rac- 
courei, ou leurs esprits trop lents à s'ouvrir, pour qu'il les eût bien pénétrés 
de la connaissance des modalités de l'Avènement glorieux. Sous l'influence 
peut-être des Synagogues locales, et des prosélytes ou craignant-Dieu qui 
formaient une part de leur communauté (Act. xvir, 4), ils croyaient que Jésus, 
— ce Messie trouvé! — allait bientôt redescendre sur la terre, parmi ses 
fidèles vivants, pour leur assurer une période indéfinie de bonheur parfait; mais 
ils ne voyaient pas trop quelle serait la suite des événements, ni comment leurs 
frères dans la foi que le trépas avait enlevés déjà pourraient avoir leur part dans 
cette félicité. La résurrection, que Paul ne peut avoir manqué de leur enseigner, 
les impressionnait moins que cette perspective de régénération sur terre, et 
semble être demeurée pour eux dans un brumeux lointain. 

Paul rectifie ces vues judaïques : il leur déclare que les morts auront accès 
au bonheur en même temps que les vivants, et que ce sera seulement, d’une 
façon complète, au Jour de la Résurrection. Il ne fixe encore pour cela aucune 
époque, respectant l'incertitude où le Christ, d'après les Synoptiques, avait 
voulu laisser les croyants sur la date de son retour. Ce n'est que dans la 
Deuxième Épître aux Thessaloniciens que, ayant pu constater les inconvénients 
de ce silence, il déterminera une série d'événements intermédiaires, dont le 
déroulement repousse la Parousie fort loin dans l'avenir. Il pose ici deux caté- 
gories où se trouvera en ce jour répartie l'universalité des fidèles : les vivants et 
les morts; et, comme lui et ses lecteurs sont actuellement du nombre des 
vivants, il parle au nom de cette catégorie, sans nullement dire ni insinuer 
qu'ils ne passeront pas dans l’autre. Toute la question n’est traitée qu'au point 
de vue des principes, sans aucune détermination individuelle, Voici d'ailleurs 
le texte : 


1 Tuess., 1v, 13. Mais nous ne voulons pas que vous restiez dans l'ignorance, 
frères, au sujet de ceux qui se sont endormis, pour que vous ne vous affligiez pas 
à la façon des autres, ceux qui n'ont pas d'espérance (d'un sort glorieux pour 
leurs défunts). 

14. Car, si nous croyons que Jésus est mort et est ressuscité, ainsi ceux qui se 
sont endormis en Jésus (àà ’Insoë), Dieu les amènera (i. e. nous les ramènera) (1) 
avec Lui {i. e. avec Jésus). 

15. Car ceci, nous vous le disons, parlant au nom du Seigneur (cfr. I Cor., xv, 50 
et 51) : Nous, les vivants, ceux qui sont laissés (sur terre) jusqu’à la Parousie du 
Seigneur, nous n'aurons aucune avance (où nu phécuue) sur ceux qui se sont 
endormis (2). 


(1) Leurs âmes, d’ailleurs, avant ce jour-là, jouissaient déjà de la compagnie du Christ, 
voir II Cor., v, 6-s. et Phil, 1, 23. 

(2) Paul s’attendait-il alors à être personnellement de ces vivants au jour de la Parousie ? 
Alors il faudrait que ses prévisions eussent bien changé, sans qu’il en dit rien, lorsqu'il 
écrivait II Cor., v, où il prévoit certainement sa mort. Cela malgré l’article de Lyder Brun 
dans ZNTW, 1929, Zur Auslegung von IT Kor. V, 1-10; les vv. 6-8 seraient d'une singulière 
banalité, et peu dignes de l’Apôtre, s’il y voulait dire seulement qu'il aimerait plutôt (4älov) 
être transformé (sans mourir) et emporté au ciel que de rester dans les misères de cetle 
vie; sans parler d'autres raisons, que nous développerons en leur temps. 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XV. 451 


16. Parce que le Seigneur lui-même, au signal, à la voix de l'Archange, et à la 
trompette de Dieu (cfr. I Cor., xv, 52), descendra du ciel, et les hommes morts dans 
le Christ ressusciteront d'abord (1). 17, Ensuite nous, les vivants, ceux qui sont 
laissés, tous ensemble, en même temps qu'eux, nous serons ravis dans les nuées à 
la rencontre du Christ dans les airs. 18. Et ainsi nous serons toujours avec le 
Seigneur. 


Ce texte achève bien d'apporter toute la clarté désirable. L’attitude de Paul à 
l'égard de la « double résurrection corporelle » et du Millénarisme s'y révèle 
manifestement négative. Tout, en effet, y est présenté comme se passant presque 
in tnstanti, et ici personne ne pourra douter qu'il s'agisse de la Parousie. En 
même temps que le Sauveur, Dieu fait reparaître les morts {évidemment ressus- 
cités) aux yeux des vivants. Et, avant même que le Christ ait touché terre, tous 
les sauvés, morts et vivants, se sont élancés à sa rencontre dans les airs, ravis 
dans les nuées. Ce n'est pas pour en redescendre afin de juger avec le Christ 
les réprouvés qui attendent tremblants sur la terre; cette idée d'anciens comme 
Théophylacte n’est qu'une pure et simple addition, que rien ne justifie, au texte 
et à l’idée. Caril est dit que, « ainsi » (oÿtws, v. 18), c'est-à-dire sans aucun autre 
événement ou formalité intermédiaire, « ils seront toujours avec le Seigneur », 
Leur ravissement dans les nuées n’a été que l'élan de leur ascension continue 
vers le ciel, où ils se reposeront éternellement avec le Christ. Il n’est pas dit 
que les vivants ont eu d'abord à être « transformés »; mais cela va de soi, 
puisqu'ils se trouvent d’une condition égale à celle des ressuscités, agiles 
comme eux, s'envolant du même vol. 


Où trouver là une place pour un Millenium terrestre quelconque séparant la 
Parousie du Jugement? 


x 
*X x 


Cette instantanéité du drame suprême est même ici portée si loin, qu'on 
cherche, non sans embarras, où, quand et comment se fera le Jugement général. 
Il est pourtant indubitable que Paul l’a annoncé, comme les Synoptiques. comme 
Jean lui-même dans l'Évangile et surtout dans l'Apocalypse. IT Cor. v, 10, est 
formel, tant pour les élus que pour les réprouvés : « Il faut en effet que tous 
nous soyons traduits à découvert devant le tribunal du Christ, pour recevoir 
chacun la rétribution de ce qu'il a fait par son corps (i. e. dans sa vie corporelle), 
selon ce qu'il a réalisé soit de bien soit de mal. » Et, dans les versets mêmes 
qui suivent immédiatement ceux que nous venons d'étudier, les impies sont 
représentés plongés dans l'angoisse à la Parousie, qui les surprendra comme 
un voleur nocturne, pour leur perdition ([ Thess. v, 2-3). 

En somme, si nous réunissons, avec les passages expliqués ci-dessus, plusieurs 
autres des Epîtres, nous pouvons reconstituer un tableau complet, et très sai- 
sissant, du Dernier Jour. Paul y a conservé plusieurs traits d'apocalypse, l'appel 
angélique, la trompette — ce qui était, dans la symbolique juive, le signe du salut 


(1) Hp&rov, « dabord », en corrélation avec éxava de 17, et non xpüro, « les premiers », 
que les découvreurs de la « double résurrection » chez Paul déclarent être le sens de ce 
xpütov, pôur introduire encore dans cette scène un socond groupe de ressuscités. 


B52 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XV. 


apporté par Dieu à son peuple, et corrélativement, du châtiment de ses ennemis. 
Le sens profond est le même que Mathieu, xx1v, 27 : « Comme l'éclair part de 
l'Orient et est.vu jusqu'à l'Occident, ainsi sera la Parousie du Fils de l'Homme. 
30 alors apparaîtra le signe du Fils de FHomme dans le ciel; et ils verront 
le Fils de l'Homme venant sur les nuées du ciel; 31 et il enverra ses. anges 
avec la grande trompette : et ils rassembleront ses élus des quatre vents... ». 
C'est-à-dire que le Christ apparaîtra subitement à tout l'univers, et tous les 
hommes seront saisis en même temps par l'éclat de sa théophanie. Paul laisse 
toujours assez volontiers dans la pénombre le sort des impies; il ne décrira 
donc point de scène judiciaire se déroulant à l'instar d'un jugement humain, 
comme Âathieu, xxv, 31-46. Est-ce à dire qu'il supprime ces assises de son 
enseignement eschatologique? Nullement, car il parle plusieurs fois de la con- 
damnation des réprouvés, et il croit si bien au Jugement dernier et universel 
qu’il associe à la prononciation de la sentence tous les saints, autrement dit 
tous les élus, qui auront à « juger le monde » et même les Anges {I Cor. vi, 2-3); 
il croit à ce « feu » du Grand Jour, qui révélera la valeur exacte de toutes 
les œuvres humaines (ibid. nr, 12-17). Le jugement n'est pas supprimé, mais 
la totalité en est contractée en un instant indivisible; comme si tous les hommes, 
conformément à l’enscignement ultérieur du [V° Évangile, prenaient, en voyant 
venir le Christ-Juge, l'attitude que leur impose le rapport où leur conscience 
leur dit qu'ils sont avec cette Présence (cfr. Rom. 11, 15-16) ; et cette Présence 
sanctionne leur jugement; chacun reçoit, au vu et au su de tout l'Univers, qui 
approuve, l’une ou l'autre des sentences qu’explicite saint Mathieu. Mais tout 
cela se fait dans une vision rapide comme la foudre, dès que le Christ apparaît 
« sur les nuées » : d’un seul coup tous les voiles sont arrachés, tous les secrets 
des consciences mis à nu, approuvés ou condamnés par tous les Anges et tous 
les hommes ensemble, toutes les sentences prononcées par le Juge et les justi- 
ciables eux-mêmes, tout l'univers rénové pour l'éternité (Rom. vur, 21-22), et 
la séparation des bons et des mauvais faite pour toute l'éternité aussi. Tableau 
plus dramatique encore que la deseription de l'Évangile; cette concentration 
d'une grandeur formidable porte la scène au comble du surnaturel, et, tont en 
produisant, si on la recompose ainsi, le maximum d'effet, elle: fait transition et 
établit l'union entre le tableau du Jugement dans le Premier Évangile et la 
conception. tout, intellectuelle: et spirituelle qu'en donne l' Évangile de Jean. 

Mais de millénarisme, dans ces fulgurantes prophéties, pas la moindre trace. 


Nous aimons à finir sur cette note positive et synthétique. Mais, pour en 
revenir au sujet qui nous occupait proprement, la « seconde résurrection 
corporelle », nous voyons que Paul la nie au moins par prétérition. Ses pro- 
phéties sont même incompatibles avec ce dédoublement, et avec le millénarisme, 
quoiqu'il dût bien connaître, comme le fait supposer [ Thess., et ne fût-ce que 
par son‘ancienne formation juive, érudite.et pieuse, quelque: forme de chiliasme, 
IF en faisait si peu de cas qu'il ne l'a même pas réfuté directement. 

Si donc on compare l’enseignement de Paul sur les fins dernières avec celui 
d'Apoc. xx, au lieu de les confondre, en les dénaturant tous les deux, paur les 
ramener à des rêves dignes de Papias, il faut constater : 

° Qu'ils devraient se distinguer dès la première vue, dans l'hypothèse 


ÉPITRE AUX CORINTHLENS, XV. 453 


chiliaste elle-même, — parce que si l'Apocalypse est censée prédire un Règne 
des Martyrs, Paul parleraît manifestement de celui de tous les justes « qui sont 
au Christ »; on ne pourrait donc, même en cette hypothèse fansse, les ramener 
à l'identité ; 

2 Paul parle de la résurrection corporelle au Dernier Jour, et l'Apocalypse 
de la résurrection spirituelle des âmes pendant tout le Règne messianique ; 

8° L'Apocalypse, pour ce faire, emprunte la figure juive.d'un « Règne inter- 
médiaire » (en le spiritualisant), afin de signifier les côtés glorieux dans la vie 
de l'Église militante, unie déjà à l Église triomphante au cours de l'histoire (1): 
tandis que Paul n’ envisage que ce qui arrivera au moment de la Parousie, qui 
est pour lui Ja fin, et non pas le début, du « Règne intermédiaire » {si l’on veut 
ainsi l’appeler) de Jésus-Christ, à savoir celui qui a commencé avec son Premier 
Avènement, en Palestine, et s'étend de là sur toute la terre. 

Concluons donc que la théorie des « deux résurrections » séparées par un 
Millenium trouve aussi peu d'appui chez Paul que chez aucun autre auteur du 
Nouveau Testament. Toute la doctrine eschatologique de l’Apôtre en implique 
même la négation. 


* 
x 


Avec la révélation que l'Apôtre a donnée sur les fins dernières en cet admi- 
rable chapitre xv, nous pouvons nous faire une représentation totale de sa 
doctrine eschatologique, dispersée à travers toutes ses épiîtres, notamment 
I-IT Thess., Rom., I-IL Cor. et Phil. (2). 

Jésus remonté au ciel avec son corps glorieux règne invisible sur la terre, où 
ses fidèles vivent « in Christo », pour se préparer à le rejoindre. Comme Roi 
et Chef de l' Église militante, qui est son corps, il lutte contre tous les obstacles 
et les abat l'un après l’autre (I Cor. xv); la guerre est engagée, au milieu de 
péripéties où le rejet temporaire et la conversion d'Israël auront un grand rôle 
(Rom. x1), contre toutes les puissances du Mal figurées, sous leurs formes les 
plus insolentes et les plus rebelles, dans « l'homme de péché » ([[ Thess.), 
l'Antéchrist. Elle durera longtemps. Les âmes des fidèles, « endormis dans le 
Christ », en attendent l'issue dans la compagnie de leur Maître (IT Cor. v 
Phil). Le jour enfin viendra où tout sera mûr pour l'Avènement glorieux; alors 
Jésus reparaîtra avec les siens (1 Thess.), tout reconnaitra sa puissance {PAil 
11, 11), les fidèles vivants ne mourront pas, mais seront transformés ([ Cor. xv), 
le jugement des bons et des méchants aura lieu (Î[ Cor. v, et passim), tous les 
élus monteront au Ciel avec le Christ, qui remettra à son Père ce qu'il a conquis, 
et, ayant détruit à jamais la mort {l Cor. xv), n'aura plus rien à vaincre; Dieu 
« sera tout en tous », et les élus, glorifiés même en leur corps par l'Esprit, 
jouiront éternellement face à face de la vision de la divinité (l Cor. xur) et du 
Dieu-Homme. Quant aux réprouvés, ils seront ressuscités aussi {cfr. les paroles 
de Paul Act. xxiv, 15, al.) et condamnés à un malheur éternel, mais Paul a parlé 
d'eux le moins possible en des lettres où il voulait stimuler ses convertis par 


(1) Voir notre Commentaire de l’Apocalypses, pp. 307-313, et Exc. xL, pp. 317-329. 
(2) Voir notre Comm. de l'Apocalypse3,'Introd., pp. CXXI-CXXX VIT. 


454 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XV. 


l'espérance. Cette « Apocalypse de Paul » coïncide pleinement, en substance, 
avec celles des Synoptiques et de Jean. 

[On peut voir, pour cet excursus et le chapitre précédent, les commentaires de 
GoperT, Toussainr, J. Weiss, LiErzMANN, Bacumann, Loisy, etc.; — le com- 
mentaire du P. Vosré sur Thessal.; — F, Tirzmann, Die Wiederkunft, etc.; — 
À. Wixennauser, Das eschatologische Problem (Oberrheinisches Pastoralblatt 
1929 et Der Sinn der Apokalypse des heiligen Johannes, 1931); — J. Wuiss, 
Urchristentum, pp. 373-376; — R. Rerrzensrein, Das iranische Erlüsungsmys- 
terium, p. 132; — Nonnen, Die Geburt des Kindes, p. 49; — Lreisecanc, Der 
Apostel Paulus ais Denker; — E. B. Aro, L'Apocalypse de S. Jean, pp. 
cxxI-CXXX VII, 307-313, 317-329; —— Tosac, Le Christ nouvel Adam (Rev. d'hist. 
ecclés. 1925, 2); — L. Toner, Gest nella storia, 1926; — À. Virri, Chris- 
tus Adam, de paulino hoc conceptu interpretando ejusque ab extraneis fonti- 
bus independentia vindicanda (Biblica 7, 1926); — Diseuvus, Urchr. Gem. et 
Osiern und Pfingsten; — A. Scawerrzer, Die Mystik des Apostels Paulus. Etc. 


ÉPILOGUE 
(Chapitre XVI. Questions personnelles). 


Inr. Ce dernier chapitre n'est plus qu'un épilogue, traitant de questions parti- 
culières qui ont d'ailleurs leur importance pour l'histoire du temps, des églises, des 
personnes, — et aussi pour les problèmes historiques de l'Introduction, le séjour à 
Éphèse, la date de l'Épitre, les projets de collecte, le voyage de Timothée, l'attitude 
d'Apollos. Il pr épare aussi l'intelligence historique de la Deuxième Épitre aux Corin- 
thiens. 

On y voit encore Paul dans toute son activité, et la salulation de la fin est 
vraiment un dernier mot qui résume tout l'enseignement de l' Épitre. 

Les subdivisions sont les suivantes : 


À. 1-4. collecte et voyage projeté à Jérusalem ; 

B. 5-9. projets de voyage à Corinthe; la situation à Éphèse; 
C. 10-12. voyage éventuel de Timothée; attitude d'Apollos ; 

D. 13-18. exhortation; recommandation de chefs de l'église; 
E. 19-24. salutations, terminées par celle de Paul lui-méme. 


A. AFFAIRE DE LA COLLECTE (XVI, 1-4). 


Inr. Paul va parler de cette collecte pour Jérusalem, qui tiendra une si grande 
place désormais dans ses plans d'apostolat, comme d'un projet dejà connu des 
Corinthiens; la formule d'introduction (xep\ dé) est en effet la même qu'en tête des 
réponses formelles aux demandes posées par la lettre de l'église. En avait-il parlé 
dans la lettre précanonique? ici il ne fait qu'en réglementer la levée: — Nous 
étudierons plus à fond cette collecte et son but à propos de II Cor. vur-ix. Elle est à 
elle seule une preuve de la « catholicité » de l'esprit et du cœur et de l'action de 
saint Paul. 


A. 1. xepi dé, encore plus bas au v. 12, cfr. vu, 4, etc. — Aoyias : ce mot, écrit aussi 
Aoyela, qui n'est pas spécialement biblique, signifie « collecte » (Deissmann, Bibl. 
St., al.), comme en quelques cas oukcyf, ou, comme dit Chrys. Épavos, « cotisation », 
« souscription », et se trouve abondamment représenté dans les papyrus dès 
l’époque ptolémaïque (Moulion-Milligan, Voc.). 

B. 1. La tournure fait croire que Paul recommence à répondre à des questions 
qui lui avaient été officiellement posées. Paul avait pu parler déjà de cette collecte 
aux Corinthiens, non par Titus, qui n'était pas encore allé chez eux (cfr. Rob.-Pl.), 
mais au cours de sa première évangélisation ou dans la lettre précanonique. Il en 
sera question encore Il Corinihiens, vui-1x, très au long, Rom. xv, 25, 26, 31, Gal. 
1, 10, et aussi Act. xx1v, 47, cfr. xt, 21. L'église avait probablement consulté l’Apôtre 
sur la méthode à suivre (Gutjahr), et c'était pour Paul l'exécution de l'arrangement 
pris, Gal. n, avec les anciens apôtres (Zd.). C'était là un hommage spécial des 
églises nouvelles des Gentils à la communauté-mère, — dont les affaires financières 
périclitaient depuis longtemps, surtout à cause des persécutions subies qui ont 
laissé des échos dans Jac. et Heb. Il faut remarquer que les fidèles de Jérusalem 


456 | ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XVI, 1-4. 


CH. xvr, 1. “Ilsot 55 ns “hoyix 2 rs cils voïs dylouc, #3r2p dtétaËa tais 
Enxancions 1%: l'aharins, otws xal bueis morirure. 2. Kar “ulav ox66dro, 
Étaotos dbudv map Eauto Tiléto Oncauptéw o mt äy ebodgirar, va ph Otay EAU 
tôte hoyiar vhuvem. 3. “Orav D rapayévupar, où Eau Dorudonte, “dL ÉtioroAdy 
roûrous méphu Gmeveyuetr thv “ydpuv buy et ’Tepouoakip. #. "uv D dEroy à 


, à 


ToÙ AAUÈ mopetecar, oùy Éuot moosÜcovrar. 


sont appelés « les saïnts », sans autre précision, et leurs coreligionnaires compren- 
nent aussitôt de qui il s’agit; car c'étaient eux les premiers « saints », les aînés 
de tous. Une solidarité et une assistance mutuelle déjà « catholiques » unissaient 
déjà tous’les croyants de l'Évangile. 

Rob.-Pl, ont raison de faire valoir les correspondances de ce passage avec II Cor., 
Rom., Gal. comme un argument qui confirme solidairement l'authenticité de toutes 
ces « Grandes Épitres ». — Les « églises de Galatie » sont pour nous celles de la 
Galatie du Nord, voir Lagrange, « Épitre aux Galates ». 

A. 2 Au lieu de 5a66drou, on a 6a664tw dans À, 37, et ox66dtev K, L, M, al.; 
la Vulg. a transcrit littéralement, « unam sabbati »; rat plav ooffiéron : xarà est 


distributif, piav os. un hébraïsme (Lietzm., J. Weiss, Gutjahr, ete,), héb. nawa TTIN 


(Strack-Bul.); et sa66drou (on a plus souvent le pluriel o466uta) signifie « semaine »; 
cfr. pour cette acception OK voÿ cafôdrov, Luc xvurr, 12. On lit Act. xx, 7, êv 79 ui 
rüv oa66druv. Il s'agit du dimanche. — edod&tar, passif (Gutjahr), cfr. Rom. 1, 10, 
edodw0moouat; ce verbe est fréquent dans les LXX, et signifie « conduire par un bon 
chemin »; Loisy précise trop peut-être en traduisant : « ce qu’il aura gagné ». 

B. 2. Chrysostome relève la délicatesse de Paul, qui met ses fidèles à l'aise eu 
leur prescrivant de mettre leurs contributions de côté « à la maison », loïn du 
regard inquisiteur des voisins. 

ll fixe pour cela un jour déterminé, celui qui était consacré au culte religieux, 
pour que {les fidèles y apportent d'une part plus de mémoire et d’exactitude, et se 
rappellent mieux dans quel esprit ils accomplissent cet acte. Le calendrier juif était 
donc connu dans cette église, qui comptait un certain nombre d'Israélites. Le 
dimanche était jour sacré, comme étant celui de la Résurrection (Sickenb., al.) 
peut-être avait-il déjà totalement remplacé le sabbat (Gutjahr). Ge « Jour d'Hélios » 
n'avait pas été uniquement choisi pour fêter « le lever du soleil » de Pâques 
(cfr. J, Weiss), maïs comme anniversaire exact de la résurrection; et l'ancienneté de 
cette fixation (voir au ch.x1) est un indice qui confirme la résurrection du Christ 
«au troisième jour » (supra, xv, 5). 

Paul veut :que tout cela se fasse avant sa venue, pour le succès de la collecte, 
qui sera ainsi plus facile ct plus assuré, et pour éviter les retards et les embarras 
durant son séjour, qu'il veut occuper à des questions plus graves. 

ms À, 3. oÙc èùy Goxtudonte est une formule bien connue des papyrus (Deissmann 
L O). H ne faut pas, comme la Vulgate, arm., Calvin, Bèzse, Estius et d'autres, 
joindre « per epistolas » à « probaveritis », car cette jonction ne va pas bien am 
sens de dortuds., mais à néubw, « mittam ». — Le pluriel (60 Emsxokv) peut, en 
attique déjà, s'employer pour une seule lettre; à moins (Bachmann) que Paul ne 
pense à des lettres de plusieurs communautés, qui accompagneront leurs envois 
respectifs d'argent, et seront expédiées de ‘Corinthe «en bloc. — Xépiwv, faveur 
gratuite. 

B. 8. Paul dans l'esprit qui lui dictera plus tard les chapitres vu et ax de la Seconde 
Épître aux mêmes Corinthiens, leur présente ce sacrifice, non comme une pure 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XVI, 4-4. 457 


Cu. xvt, 1. Pour ce qui est maintenant de la collecte [faite] pour les 
saints, ainsi que je l’ai réglé pour les églises de Galatie, vous aussi faites 
de même. 2. Chaque premier jour de ‘a semaine, que chacun de vous 
mette à part lui l’é épargne qu il aura réussi à faire, afin que ce ne soit 
pas une fois que je serai venu qu'il faille alors faïre des collectes. 8. Maïs 
quand une fois je serai là, ceux que vous aurez jugés qualifiés, j'enverrai 
ceux-là avec des lettres porter vos générosités à Jérusalem. 4. Sapposé qu'il 
vaille la peine que je fasse la route moi aussi, ils feront route avec moi. 


aumôûne, mais comme une « grâce », un on d'amour chrétien dent eux-mêmes 
profiteront; ainsi interprète :s. Chrysostome. Jérusalem est enfin nommée, pour la 
première fois, et les lecteurs savaient déjà qu'il s'agissait d'elle; c'était une affaire 
entendue à l'avance. 

B. 4. Chrys. et la plupart entendent ce verset au sens que Paul se mettra Fui-même 
à la tête des envoyés de l'Église, si le produit de la collecte est vraiment généreux; 
il veut stimuler ses lecteurs, ce qui est assez dans la note de IT Cor. vurr-ix. Il 
vaut mieux le comprendre ainsi que de dire, avec Gutjahr : Paul ira avec les 
messagers si cela convient au jugement des Corinthiens; il est, croyons-nous, peu 
probable que Paul ait subordonné ses projets au bon plaisir de ces gens ‘un peu 
fantaisistes. 

C'est ici la première mention de .ce projet d'un voyage à Jérusalem, qui devait 
être si dramatique. 


B. PROJET DE SÉJOUR À CORINTHE, LES AFFAIRES D'ÉPHÈSE (xvi, 5-9). 


Inr. Ces versets sont d'une grande importance pour déterminer l'ordre des rap- 
ports entre l'Apôtre et l'église de Corinthe (voir Intro», ch. IIT). À eux seuls ils 
n'élucident pas toutes les difficultés, et il faudra y revenir en commentant II Cor. 
1, 45-16. Mais ils montrent au moins où Paul a écrit cette lettre-ci, et confirment la 
date approximative que nous avons déjà donnée (Int. ch. VIIT). 

Il faudrait surtout savoir si Paul annonce ici un changement de plan. 

J. Weiss, dans son système, se demande si le présent Sréeyx opat(e. 5) n'indique 
pas que Paul, quand il écrit ce morceau, est en Macédoine, alors 5 et 6 appartien- 
draient à la « seconde lettre », tandis que 7 et 8 seraient de la lettre « précano- 
nique »; seulement l'adverbe & pr de 7 lui fait difficulté, ccmme nous le verrons. — 
Selon nous, il n'y a aucune raison valable de faire ces distinctions entre des versets 
qui se tiennent fort bien, et &pri ne suppose pas une « courte visite » avant la com- 
position de I Cor. | 


Cu. XVI, 5. ’Ehebsoua 55 mods duc Otav Maxedovtav GéA0w, — Maxedovlay 
yap “Gtépyoua, — 6. mods duas dè “ruyoy Tapauevd À ka Tapayemdow, (va 
bueïs pe mpomépbnss “ob éxv mopsiwpar. 7. Où Gékw yap dus “épre y rapodw 
ijety” EAritu yep gobvoy nvx émpelva mods dpäs, ékv 8 xÜpros Émurpébn. 

8. Eriusvo 8 tv ’Epéso Éwsz vis mevrnuos:gs. 9. OSpa yap mor àvéuyer 
peydAn nai “évepyhs, nat àvrinslmevor modo. 


À. 5. Cfr. Act, xix, 21. — Le présent Gtépyoua peut très bien signifier ur futur 
prochain (cfr. J. Weiss), Il n'y avait pas besoin de faire cette parenthèse et de 
répéter le verbe si Paul n'avait voulu insister sur la brièveté de son passage à travers 
la Macédoine. 

B. 5. La situation indiquée par ce verset répond exactement à celle d’Act. xix, 21, 
c’est-à-dire au milieu du troisième voyage missionnaire (Lietzmann). Voici le texte : 
be 0 énAnpoÜn tata, Eeto 6 Ilaüdos Ev té rvebuatt, dev tv Maxedoviav xai ‘Ayaiav 
nopedeobat sis ’lepoodAuua, eindbv Bre meta ro yevéodar que Enet Det pe at “Pounv ideîv : « Quand 
toutes ces choses (les incidents d'Éphèse) furent accomplies, Paul se mit dans l'esprit 
de faire route, en traversant la Macédoine et l'Achaïe, vers Jérusalem, disant : 
« Après que j'aurai été là, il faut que je voie aussi Rome. » Paul avait déjà annoncé sa 
visite à Corinthe (iv, 18-s., x1, 34, xiv, 6); d'après Sickenberger, il dit ici à ses 
fidèles (5-9), avec beaucoup de ménagements, qu'il faudra l’attendre un certain 
temps; d'ailleurs il ne s'attardera pas en Macédoine à leur détriment. Mais déjà 
IV, 18-S., son voyage ne paraissait pas tout proche, puisqu'une mission de Timothée 
devait être interposée. Croire d'ailleurs avec J. Weiss qu'il était déjà en Macédoine 
est assez irréfléchi; car la parenthèse de Gtépyouat n'aurait guère de sens si elle : 
ne dénotait un voyage hâtif, et, quand on annonce à des hôtes sa venue prochaine, 
en allant vers eux aussi vite qu'on le peut, on envoie de nos jours une carte postale, 
autrefois on dépêchait un .messager, si l'on en trouvait un, avec un simple billet 
et non pas avec une longue lettre qu'on n'aurait pas eu le temps d'écrire en 
pareilles circonstances; on ne prendrait pas en attendant des dispositions 
provisoires ou définitives pour régler leurs cérémonies hebdomadaires, comme 
Paul l'a fait aux chapitres x1 et x1v. - 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XVI, 5-9. | 459 


Resterait à savoir si ce verset et les suivants dénotent un changement de plan, 
comme (à cause du zedtepov de II Cor. 1, 15-16) le croient beaucoup d'exégètes, 
Bisping, Cornely, Heinrici, B. Weiss, Kühl, Callan, Sales, ete. Ce sera une question 
à discuter en son temps. Mais déjà les versets qui suivent l'éclaircissent quelque 
peu. 


À. B. 6. svyov, accusatif absolu, rare. Paul, négligeant pour eux la Macédoine 
fidèle, veut leur donner une grande marque de son intérêt, et de sa confiance dans 
leur collaboration. On voit en effet, II Cor. x, 15, que Paul comptait prendre 
Corinthe, ce grand port et cette grande église, comme le centre de ses futures 
expéditions apostoliques. Plus tard, ce sera Rome. 
À. ‘7. Formule équivalente, « st Dieu le veut» Act. xvnir, 21, quand Paul 
quittait Éphèse après son premier passage, — Act, xx, 2 décrivent le trajet de 
Paul d'Éphèse en Hellade. 

Il est très malaisé de bien déterminer le sens d'ägux, et pourtant de cet adverbe 
dépend en bonne partie le tableau qu’on se fera de l'histoire de Paul en cette 
période. *Agrt, « maintenant », peut avoir une valeur comparative, et s'opposer à un 


Cu. xvi, 5. Or, j'arriverai chez vous dès que j'aurai traversé la Macédoine, 
— car je [ne fais que] traverser la Macédoïne, — 6. mais chez vous, au 
besoin, je séjournerai, ou même je passerai l'hiver, pour que ce soit 
vous qui aidiez à mon voyage, où je pourrai me rendre. 7. Car je ne veux 
pas aller chez vous, dans ce temps-ci, [rien qu’en passant; car j'espère 


prolonger mon séjour quelque temps chez vous, pourvu que le Seigneur 
le permette. 


8. Mais je prolongerai mon séjour à Éphèse jusqu’à la Pentecôte. 9. Une 
porte s’y est ouverte à moi, en effet, large et praticable; et [il y a] de 
nombreux adversaires! 


réku, « autrefois », sous-entendu. Il peut signifier aussi soit un futur très prochain, 
soit un passé très récent (cfr. le français « tout à l'heure »). Enfin, parfois, dans la 
langue classique, il veut dire « juste à présent », « à cette heure précise, » et, 
classiquement encore, un passé à peine écoulé; plus tard, dans la langue hellénistique, 
il est employé très fréquemment pour signifier le présent en général, le présent 
_Sans comparaison avec le passé ou le futur. — Beaucoup ici supposent que où Bélw 
&pri implique une comparaison avec un vouloir plus ancien (Toussaint, comme plus 
probable, Sickenberger, al.) : Paul aurait d'abord projeté « une visite en passant », 
maie maintenant, &prt, il y aurait renoncé afin de pouvoir en faire une plus 
longue. D'autres (Toussaint, comme possible, J. Weiss comme certain) comprennent 
&gr comme cquivalant à rélw, et signifiant : « [de nouveau] cette fois-ci », par 
opposition à une visite courte qui aurait été faite effectivement (c'est ce qui fait 
difficulté à J. Weiss pour placer 7-8 dans la lettre « précanonique »). Rob.-Pl. 
Bachmann, Guijahr, répondent que ëgx n’a pas du tout nécessairement ce sens-là; 
ils comprennent äprtnon comme « cette fois-ci de nouveau » (Paul aurait plutôt alors 
dit zdéw), mais comme « maintenant », c'est-à-dire « dans les circonstances 
présentes » (1). | 
B. 7. Nous croyons, comme les derniers nommés, que le mot &pri n'implique ici 
aucune comparaison avec un vouloir antérieur révoqué, et encore moins avec une 


(1) Loisy se dispense de traduire äpu. 


460 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XVI, 5-9. 


courte visite passée, dont il ne se trouve nulle part aucune trace (Bachm.), Paul 
leur dit qu'il veut les voir plus longuement qu'en passant, « dans les circonstances 
présentes », allusion aux difficultés draitées dans la lettre, et qu'il faudra bien mettre 
un certain temps à apaiser : « Maintenant » après tout ce que j'ai appris, « je vous 
dois une longue visite »; et il n’y a plus alors aucun rapport nécessaire avec II Cor, 
1, 15, ce qui s'accorde mieux, à notre avis, avec le long intervalle qui sépare .la 
ITe lettre aux Corinthiens de la Première, et les multiples événements intervenus 
entre les deux, 

Et l'on pourrait comprendre ce « maintenant » d’une manière encore plus simple, 
au sens de « tout de suite ». Paul dirait : « Je ne veux pas aller vous voir mainte- 
nant, tout de suite, car alors je ne pourrais le faire qu'en passant, à cause des 
alïaires qui me rappelleraient rapidement à Ephèse.Je me réserve de séjourner chez 
vous à loisir après que j'aurai passé par la Macédoine ». 

——— PB, 8. Paul ne pensait cependant pas alors trop différer sa visite. Il 
écrivait très probablement notre lettre pour qu'elle arrivât à Corinthe vers le 
temps de la Pâque {voir ch. v, 7-8)-et il comptait quitter Éphèse à la Pentecôte, c'est- 
à-dire sept ou huit semaines après. De fait les circonstances l'obligérent à 
différer bien plus longtemps, jusqu'à ce qu'il fût chassé d'Éphèse par l'émeute 
des orfèvres (Act. x1x). C'est qu'il y avait un immense travail à faire dans cette 
ville (voir Act. x1x, 10). 

À. 9. Pour la métaphore, très sémitique, de porte ouverte pour signifier 
des facilités d'action, de porte fermée pour dire le contraire, v. Strack-Bill., ad 
loc, — dvéwyev, parfait, forme tandive pour duégera. — La Vulg. et des Latins ont 
lu évaoyds, « visible », « manifeste » au lieu de éwpyÂs, signifiant « efficace » ou 
« qui promet du travail ». — L omet xat avt. moà. . 

B. 9. Paul s'est aperçu qu’une tâche immense et très efficace l'attend à Éphèse; 
cette « ouverture de porte » semble s'être faite tout récemment, et la mention 
des « adversaires », ävriseluevor, ces bêtes féroces (xv, 32) dont Îles attaques à 
peine repoussées lui laissaient un cuisant souvenir, font supposer (Bachmann) 
que ces lignes (et par conséquent toute la lettre) ont été écrites quand Paul 
n'était qu'assez récemment revenu dans ces parages de l'Asie maritime, d'où les 
Corinthiens avaient l'espoir, ‘en apparence fondé, de recevoir assez prochainement sa 
visite. Il ne pouvait la frire si tôt, tant à cause des embarras d'Éphèse que des 
nouveaux espoirs qui l'empêchaient de quitter ce poste pour le temps assez prolongé 
qu'exigeait à ses yeux la situation de Corinthe. Voir Ixrron., ch. vi. 


C. IxronmarTions sur TimoTHÉE ET ApoLros (xvi, 10-12). 


NT. St Paul ne pouvait venir tout de suite en personne, il avait annoncé du moins 
{ ch. IV) la visite de son clier disciple et homme de confiance Timothée. Et à Éphèse, 
près de lui, se trouvait un prédicateur que les Corinthiens airaient bien mieux aimé 
revoir que Timothée, Apollos, qui avait chez eux un parti si fervent. Paul avait 
hésité peut-être, et hésitait même encore, à donner cette mission au premier, et il 
avait sincèrement fait des efforts pour que le second l'accepte. Les lignes consacrées 
à Fun et à l'autre sont très significatives. 


Cu. xXvE, 10. Eüv  E)0n Tiéôeos, *BRérere va 4066 YÉVATAL red dpac" 
ro vyap Épyov rupiou Epydberar dc ave. 14. MA sic oûv adrèr Éboudeyñon" rporéu- 
Vare dE adrov ëv elohvn, va EX0n mods me” Exdéyopiar ap œbrov era Tov dexgüv. 


CH. xvr, 40. Mais s’il arrive que Timothée vienne, veillez à ce qu’il 
soit sans crainte en face de vous; car à l’œuvre du Seigneur if travaille 
comme moi-même. 11. Qu'on n'aille donc point n’en pas faire cas; mais 
faites-lui poursuivre son voyage en paix, pour qu'il vienne à moi, car 
je l'attends avec Les frères. 


A. 10. ‘Eùv marque cértaïnement ici un doute. — Bléretv (uepmväv) vx, tournure 
hellénistique, au lieu de l'infinitif ou de &xwg; —npûs bus, « en face de vous »; 
ou « parmi vous », avec l'idée du mouvement qu'il a fallu pour’ venir (comme 
supra, aux vv. 6 et 7, xpès bpüç xarauevü, etc). 

B. 10. Timothée, d’après Act. xix, 22 était alors parti pour la Macédoine, en 
compagnie d'Eraste: il n'était certainement plus à HÉphèse, et c'est probable- 
ment la raison (Lemonnyer) pour laquelle il n’y a pas de salutation inscrite de sa 
part en tête d'une lettre destinée à une église qu'il avait pourtant, avec Silas, aidé 
Paul à évangéliser (voir supra, 1, 1), tandis que son nom sera joint à celui de 
Paul au début de la Deuxième Épître. Au ch. 1v, v. 47, Paul avait l'air d'annoncer la 
venue de son disciple d'une manière très catégorique, et faisait même grandement 
son éloge, Iei rien de tel, et l’on pourrait en être un peu étonné; c’est une des 
bases de la théorie de J. Weiss, sur la pluralité des missives; iv, 7 aurait 
été écrit en des circonstances postérieures, quand la situation s'était aggravée: 
Mais on peut bien répondre au moins ceci : c'est que, au chap. 1v, Paul menaçaït, et, 
dans la chaleur de sa dictée; il pouvait paraître compter sur l’action éventuelle 
de Timothêe un peu plus qu'il ne le faisait en réalité ou à d’autres moments; 
son ton et ses dispositions étaient plus sereines quand il arriva à la fin de son 
épître. Au reste, puisque Timothée avait du travail, beaucoup peut-être, en Macé- 
doine, Paul n'avait jamais pu être assuré que son émissaire arriverait à Corinthe 
avant lui. C'est pourquoi il n'en parle plus que comme d’une éventualité; et, 
puisqu'il doit lui-même se mettre en route dans quelques semaines, et que sa lettre 
vient de régler les difficultés principales, il ne pense plus à donner au passage de 
Timothée cette couleur de mission: officielle qu’elle paraissait avuir au chapitre 1v, 
dicté sans doute plusieurs jours auparavant, et dans une autre disposition d'esprit, 
Cette mobilité d’impressions, et les nuances d'expression qui en résultent, sont 


462 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, 10-12. 


42. "Aepi 8 St "AxokÂw T5 a3Eh 0, RoAX “mapentheox abrov Îvx EA0n pd 
bus per Toy dbehobv vit “mavrus où fv Délmuz va vdv ÉAOn, Éhebcerar dà 
Orav ebxat pion. 


assez fréquentes chez Paul, sans qu on puisse le taxer de contradiction pour cela. 

On ne sait pas si Timothée a jamais rempli la mission dont il s'agit. S'il l’a 
fait, ce doit avoir été sans grandes conséquences, à en juger par la Ife aux 
Corinthiens; en cette dernière lettre, le personnage qui avait été injustement traité 
(adranQets, IT Cor. vir, 12) n'est, malgré certains auteurs, tiès probablement pas lui. 

La recommandation de Paul s'explique, si l'on se reporte aux conseils donnés 
I Tim. 1v, 11-12 au destinataire de la lettre. Timothée était encore relativement 
jeune, et peut-être encore assez timide ou impulsif; or les Corinthiens se montraient 
parfois gens retors, et rudes aussi à l’occasion, même avec leur Apôtre, comme 
IL Cor. le montre trop bien. En somme, Paul a l'air de désirer maintenant que 
Timothée, qui certainement édifiera les fidèles, .et leur rappellera par son exemple 
comment se conduit un vrai disciple de Paul (1v, 17), ne se mêle pourtant pas trop 
des affaires difficiles. 

A. 11. Cr. I Tém. 1v, 12. — uerà rüv adeloüv omis B, sans doute à cause de 
la répétition des mêmes mots à la fin de 122. 

B. 11. Tout ce que Paul demande aux Corinthiens, c'est de considérer Timothée 
avec révérence, comme un bon ouvrier de l’ Évangile qui rivalise de zèle avec son 
maître (10b, supra), de ne pas dédaigner ses conseils, et de lui prêter cordialement 
leurs services pour l’heureuse continuation de son voyage. Il espère qu'il quittera 
leur ville « en paix », c'est-à-dire probablement muni de bonnes nouvelles à rap- 
porter à Éphèse sur l'effet qu'aura produit la présente lettre. 

Paul suppose ainsi que tout pourra se faire entre la Pâque et la Pentecôte; c'est 
donc que Timothée, s'il passe à Corinthe, ne doït pas y demeurer longtemps. Est-ce 
que l’Apôtre « attend les frères » avec lui? Alors ces frères seraient Eraste et 
les autres compagnons du voyage en Macédoine et en Achaïe dont parlent les 
Actes. Mais plutôt lui et les frères attendent ensemble Timothée, à qui ils sont 
attachés et qui leur apportera des nouvelles de toutes les chrétientés d'Europe. Ces 
« frères » sont bien entendu ceux d'Éphèse, et non (comme au v. 12) les chrétiens 
de Corinthe, Stéphanas et ses compagnons, qui se trouvent actuellement à Éphèse 
auprès de Paul; ceux-ci avaient probablement apporté la lettre de Corinthe et 
devaient remporter la réponse apostolique; il serait entièrement dépourvu de sens 
de leur faire attendre Timothée à Éphèse pour retourner ensuite chez eux avec une 
lettre portant des recommandations au sujet d'un séjour de Timothée dans leur 
ville, lequel serait déjà passé. 

À. 12. rept dé, cfr. supra vu, 1, etc., et xvi, 1. — Le nom d’Apollos est omis 
N, On ne sait comment. — Après àèekgoë, addition de ônk& buiv &r dans N°, D, E, F, 
G, sulg. Ambre. ; authentiques ou non, ces mots importent peu au sens, ils soulignent 
simplement l'intention de Paul de donner ou de transmettre une leçon à ses corres- 


pondants. — Apollos s'appelle « le frère », comme Sosthène au ch. 1, 4. — Ici le 
verbe rapaxaksiv, aux nuances si multiples, signifie « engager ». — révrus oÙx — 
« absolument pas », diffère de où révws de v, 10 (= « pas absolument », v. ad Loc.) 


et de où xévrus de Rom. ut, 9 (cfr. Lagrange «, « Épître aux Romains »); ce n'est que 
chez Paul, et en ces trois seuls passages, que xéytus est joint à une négation dans le 
N. T., et Zuc seul, en dehors de Paul, emploie révrws. — (Oéinue est la volonté 
d'Apollos, et non celle de Dieu (contre Théophylacte, Bengel, Evans). — ÿv, l'unique 
passé que possède’ le verbe eu, n'indique pas du tout, malgre Rob.-PI, ou Lemon- 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XVI, 12. 463 


12. Pour ce qui est maintenant d’Apollos le frère, je l’ai beaucoup 
engagé à aller chez vous avec les frères; et ce n'a pas été du tout [sa] 
volonté d’aller maintenant; mais il ira dès qu'il en aura le Loisir. 


nyer, qu'Apollos n'était plus auprès de Paul quand il écrit; il est appelé tout natu- 
rellement par l’aoriste rapexdksou, et'signifie « était » ou « a été »; l’auteur pouvait 
l'employer tout aussi bien que és, dans le même sens. 

B. 12. La tournure initiale, #ept &..., indique que Paul fait une réponse; la lettre 
de Corinthe avait sans doute demandé, et avec insistance, le retour d’Apollos (Roë.- 
PI., Gutjahr). Paul n'y aurait pas été contraire, et c’est assurément avec sincérité 
qu'il a cherché à décider Apollos; il tient à affirmer que le refus de celui-ci n'est pas 
dû à sa pression (Sales). Maïs l'attitude d’Apollos en personne a été catégorique, et 
mortifiante pour ses admirateurs; comme lui n’est pas le père de la communauté, il 
juge opportun de lui montrer uniquement, pour l'instant, la contrariété qu'il éprouve 
à voir des cabales montées sur son nom; il refuse intentionnellement (s. Thomas, 


Sales, Bachmann, Gutjahr, Sickenberger, al.), et même sèchement : « Il ira quand il 
aura le temps »; nous penserions qu’il a expressément prié Paul — qui s’y est prêté 
avec une certaine malice, car les Corinthiens le méritaient, — de transmettre sa 


réponse exactement .en ces termes. Bachmann trouve significatif qu'il n’envoie même 
(lorsqu'il pouvait très bien être encore à Éphèse, voir A) aucune salutation à l'église, 

J. Weiss ne veut pas sentir ici de reproche secret, et prétend au contraire que 
cette mention d’Apollos indique des circonstances plus calmes que celles des pre- 
miers chapitres, et un temps antérieur aux factions révélées par les gens de Chloé. 
Pour ne pas remarquer le ton bref, réservé, tout juste courtois, de Paul en ce pas- 
sage, il faut des oreilles plus ou moins bouchées par les nécessités d’une théorie . 
littéraire à soutenir. 


“ 


D. Exnontarion. RECOMMANDATION DE QUELQUES PERSONNALITÉS: CONINCRIENNES (xvi, 43-18), 


INT. — Après quelques conseils chaleureux, très appropriés à la situation que nous 
« fait connatire cette lettre, saint Paul parle de divers personnages de Corinthe, se 
trouvant alors près de lui, qui remplissaient des cliarges dans la communauté. Il 
serait intéressant de préciser ces charges, par un rapprochement avec le ch. XIT. En 
tout cas, nous avons ici ün indice nouveau de l'existence d’une organisation ecclésias- 
tique locale. 


Cu. XvI, 13. l'oyyopetre, “ovhxere êv vi mioreu, àvdplleode, xparaoüoe. : 
1h. *Tlévra bpov Ev &yémn yivédôw. 

45. Topaxond dE buide, abençoi cidare Tv obréuy Zrepava, Or Éctiv drapyh 
rh ’Ayalag wat els Guuxovlay “rois àylors “érabav Eaurobs" 16. “la wat Ümeïc 
drordoonofe tros Touoûtais xai mavti T& ouvegyobvtr nai xomidvre. 17. Xafpw dE nt 
rÿ Tapouoia Drepava wat Doprouvérou rat ’Ayaïxoë, Or rù *bpérepoy “borépnye 
cûtor évenkipuoar #8. avérauoav yaœp 1ù pèn “muedpo ai To bubv EmVWOTUETE 
oÙv' Tobc TolobTous. 


A. 13-14. Paul se montre pressé de finir; remarquer, avec Gutjahr, la vivacité. de 
l'asyndeton. — Pour àv5p. et xpar., cfr, Ps. xxx, 25 (LXX); même sens EpA. vi, 10; 
pour la charité, voir ch. x. — ovÂxece, de otxw, forme hellénistique façonnée sur le 
parfait Éornxx de lornpr. — révra buëiv, « toutes vos œuvres » ou « toutes vos affaires ». 

B. 18-14. Cette exhortation est adaptée d'une façon parfaite à tout l’enseignement 
de l'Épitre. Les fidèles de Corinthe doivent « veiller » contre leur laisser aller, « être 
fermes dans la foi », contre les influences de « libertins » comme ceux qui mettaient 
en doute la résurrection, se « viriliser » pour se dégager des enfantillages qu'ils 
étalaient dans leur prétention à la sagesse ou aux charismes (ch. 1-1; xut et xiv), se 
« fortifier » de toutes façons contre leurs passions, leurs chicanes, leur tolérance 
lâche comme dans l'affaire de l'incestueux, leurs craintes et leur respect humain 
dans celle des idolothytes. Qu'ils règlent tout sur la charité, d’où découlent les autres 


vertus; c'est la grande leçon de toute l’Epiître, et elle devait être répétée à la conclu- 
sion. 


À, 15. « maison de Stéphanas », cfr. 1, 16; la Vulg, ajoute « et Fortunati et 
Achaïci » d'après le v. 147, — otà. thv olxiav... Gt Eoziv, figure de grammaire dite 
« prolepse »; Ëtakov, accord « ad sensum ». 

B. 15. Paul, en parlant de Stéphanas et de ses familiers, oîxfa (très probablement 
le Fortunatus et l’'Achaïcus dont les noms suivront), qu'il avait baplisés lui-même 
d'après le ch. 1° ct qu'il estimait comme de bons collaborateurs, veut dire « vous 
les connaissez bien, vous devez savoir ce qu'ils sont ct ce qu'ils valent », comme 
plus bas au v. 18. Il les appelle les « prémices de l'Achaïe », non pas probablement 
qu’il les eût baptisés à Athènes, avant de venir à Corinthe (v. au ch. 1, 16), mais 
parce qu'il ne pense pas ici aux rarcs convertis qu'il avait pu faire là (Sickenb.); 
c'était sans doute la première « famille » corinthienne convertie en bloc (Rob.-P1.); 
ils étaient aussi « prémices » comme se distinguant parmi les meilleurs (Chrys.). 
Sur les fonctions qu'ils pouvaient avoir dans l'église, et leur initiative pour les 
embrasser, voir le verset suivant, 

On admet généralement que c’élaient eux qui avaient apporté la lettre de Corinthe, 


ÉPITRE AUX .CORENTHIBNS, 13-18. 465 


ct devaient rapporter la réponse d’Éphèse (comme Phæbé porta la lettre aux 
Romains, Onésime et Tychique celles de la eaptivité destinées à l'Asie). Bachmann 
objecte que, s'ils avaient reçu mission officielle de l'église de Çarinthe, il serañt 
inutile à Paul de dire de les « reconnaître »; il se trompe, ear 1'Apôtre veut dire : 
« Recennaissez plus pleinement la valeur de ces hommes, que vous estimez du reste 
déjà, puisque vous Les avez pris pour vas représentants ». 
A. 16. va est elliptique (s.-ent. « il faut »}), ou bien se rattaphe à xgpaxakû de 
45. — Uroréownole correspond à érakav du verset précédent. — fr, la recommandation 
d'Epaphrodite, Phil. n, 29. — œavrt T@ auvepyobvrs arA. sent. roïç spioûtoic, « fous ceux 
qui cnapérent avec [eux].au avec [de tels hommes] », et se donnent le même mal. 

B. 16. Quelles étaient donc ces fonctions permanentes de Stéphanas et de ses 


On. xvi, 18. Soyez vigilants, tenez-vous fermes dans la foï, virilisez- 
vous, fortifiez-vous. 14. Que toutes choses se fassent chez vous dans la 
charité, 

15. Et je vous fais une recommandation, frères : vous connaissez bien 
la maison de Stéphanas, qu’elle est les prémices de l’Achaïe, et qu'ils 
se sont rangés d’eux-mèmes au service des saints; 16. [il faut] que vous 
aussi, vous vous rangiez sous de tels hommes, et sous tous ceux qui 
travaillent avec [eux] et se donnent de la peine. 17. Je me réjouis de 
la présence de Stéphanas, de Fortunatus et d’'Achaïcus, parce que ceux-ci 
ont compensé la privation où je suis de vous; 18. car ils ont tranquillisé 
mon esprit, et le vôtre; reconnaissez donc [ce que valent] de tels hommes. 


compagnons, pour que l'Apôtre recommande aux fidèles en général de leur être 
soumis? Sauf Lictzæmann, Joh. Weiss, qui verraient en eux des « diacres », dont la 
maison aurait servi à des réunions de la communauté, la généralité des commenta- 
teurs (Rob.-Pl., Bachmann, Gutjahr, Sickenberger, al.) pensent que leur rôle ne pou- 
_vait pas être officiel, puisqu'ils s'y étaient « rangés d'eux-mêmes ». Nous doufons de 
Ja valeur de ce raisonnement; ils avaient très bien pu s'offrir spontanément à Paul 
pour recevoir de lui une charge importante dans l'église; par exemple Stéphanas 
était épiscope ou diacre ou didascale (v. ch: xt), et des gens de sa maison, baptisés 
avec lui, pouvaient l'aider, si l'on veut, dans les ävzüiders, surtout si l'église se 
réunissait chez eux; soit dit pour répondre à Gutjahr, qui ne voit pas comment 
« toute la famille » pouvait être munie de charges. Autrement on ne verrait pas 
comment saint Paul recommanderait de «leur être soumis ». S'il dit de l'être « à tous 
ceux qui coopèrent », ce n'est pas évidemment qu'il veuille faire obéir ses Corin- 
thiens à quiconque montre du zèle privé. D'ailleurs, pour ce qui est de leur initiative 
(ÉtaËav), nous trouvons IT Cor. vi, 16-17, un cas dont l'analogic peut illustrer le 
leur, et la façon de parler de Paul : c'est celui de Titus, dont Paul présente le voyage 
à Corinthe comme spontané et méritoire, parce qu'il désirait cette mission, quoi- 
qu'il ne fût parti que sur l'invitation expresse de l’Apôtre. 

—— À. 17-18. ro buérepov botépqua : on pourrait l'entendre dans le sens subjectif 
{« ce qui me manquait de votre fait, de votre part », en fait de confiance, d'égards, 
etc.; ainsi Bachmann, Loisy, al.; Rob.-Pl. hésitent): ou dans le sens objectif (« Le 
manque », « la privalion que j'avais de vous », c'est-à-dire de vous voir et de vous 
entretenir, Gutjahr, al.). Nous adoptons cette seconde opinion, qui va bien mieux au 
contexte. — àver... tb... mvebua, Cfr. LI Cor. vu, 18. — émyuv., clr. L T'hess, v, 12, 

B. 17-18. Dans la compagnie de Paul se trouvaient, avec Stéphanas, deux bons 

ÉDITRE AUX CORINTHIENS, 30 


466  ÉPITRE AUX CORINTHIENS, 13-18. 


chrétiens de Corinthe, qui portent des noms d'’affranchis, et faisaient très probable- 
ment partie de la « famille » mentionnée au v. 15 et occupée au service de l’église. 
En ce.cas, il faut noter, comme une marque de l'égalité chrétienne à Gorinthe et 
dans toutes les églises pauliniennes (voir vu, 21-23), que ces humbles croyants sont 
mis. par l'Apôtre au même rang que leur maître, et remplissaient peut-être des 
charges non inférieures à la sienne. Tous trois, suivant l'opinion générale, ont servi 
de messagers dans l'échange des lettres. 

Avec beaucoup de délicatesse et d’effusion, Paul se félicite de les avoir près de lui 
comme de très dignes représentants d'une église qui lui est si chère; dans leur 
affection et leurs égards, il veut voir le type des sentiments de la communauté. 
« C'est comme si je vous avais vus », déclare-t-il avec une tendre amitié (Sales). Ils 
n'ont pas compensé seulement « le manque de rapports personnels » (Gutjahr), pour 
le traitement des affaires et les choses de ce genre, maïs adouci le regret qu'éprouve 
le cœur chaleureux de l’Apôtre de ne pas revoir la communauté plus tôt. On aime 
trouver cette note, si digne de Paul et si habituelle d’ailleurs chez lui, à la fin d'une 
lettre qui souvent a dû être sévère. Certainement cette interprétation est la meilleure; 
à cette place surtout, Paul n'aurait pas volontiers rappelé les reproches trop mérités, 
ni rien exprimé surtout qui pût paraître à personne un trait de susceptibilité per- 
sonnelle. 

Ils ont réconforté l'esprit de l'Apôtre — par la joie de voir de si bons représen- 

. tants de sa chère communauté, et par tout ce qu'ils ont pu lui dire de la foi, de la 
générosité, du dévouement à leur père qui subsistaient quand même à Corinthe; et 
l'esprit des Corinthiens, parce que ceux-ci comptent sur la manière apte dont ils 
auront exprimé leurs sentiments et leurs besoins, et sur les instructions bien fondées 
qu’ils auront obtenues de l’Apôtre à la suite de leurs rapports, et de leurs explica- 
tions ajoutées à la lettre de l’église. Paul jouit d'avance de l’heureux effet qu'aura 
leur retour à Corinthe, Ce passage rappelle, même dans les termes, la joie qu'il eut 
plus tard quand il reçut Titus revenant de la même ville (IT Cor. vu). 
… Une dernière fois, il engage l’église à reconnaître le mérite de ses délégués (ëxy:- 
vocxete), et par conséquent à suivre leur direction (brotéooncte, supra, v. 16). Il avait 
donné aux Thessaloniciens (loc. cit., À) une recommandation du même genre (eibévou), 
à l'égard de leurs préposés (rpoïoréuevor), c'est-à-dire de ceux qui remplissaient dans 
leur église des fonctions ecclésiastiques; ce qui confirme bien ce que nous avons 
voulu établir concernant la situation officielle de Stéphanas et de ses deux compa- 
gnons. 


E. SALUTATIONS ET CONCLUSION (xvi, 19-24). 


Int. — Nous gagnons ici quelques renseignements nouveaux touchant l'entourage de 
Paul.et les usages chrétiens, et les habitudes épistolaires de l'Apôtre. La formule 
Marana tha est célèbre et doit être expliquée. Tout finit sur le témoignage de la 
« Charité », comme il convenait à cette lettre. 


D , e , _ , 
Cu. xvI, 19. ’Acrélovron dpas ai ExnAnolar tic ’Aciac. *’Acmdterar buüc ëv 
l ? … _ # 
xvpiy moXA& Axbhac nat IToioua odv rh “ar” ofxov abrüv ExxAnoia. 20. ’AotéCovrar 
buaç ot adehpot mévrec. ’Aondoode &XANous ëv oulépart &ylu. 


CH. xvi, 19. Les églises d'Asie vous saluent. Vous saluent beaucoup 
dans le Seigneur Aquilas et Prisca, avec l’église [qui est] dans leur maison. 
20. Vous saluent tous les frères. Saluez-vous les uns les autres, dans un 
saint baiser. 


A. 19. — 20. Le verset 19 est omis tout entier À, 84; la première partie, dans 
37, 39, al, — Téva ajouté à ExxAnotar C, P, al., pes, — Tlpioxdx, forme plus ordinaire, 
pour Mpicz, À, D, E, F, G, K, L, al., syr.; äondteru singulier, « pindarique », — AUX 
noms des époux a été ajouté rap” of ai Eevitoua, D, E, F, G, vue. 

B. 19. Manifestation de la charité catholique ‘des églises : es mots « églises 
d'Asie » sont une nouvelle preuve que cette épître est envoyée d'Éphèse, car Paul 
n’a pas été à Laodicée, Hiérapolis, ou en d'autres villes d'Asie évangélisées dans la 
même période. | 

Sur Aquilas et Prisca (Priscilla), voir Ace. xvin, 2, 18, 26, et Rom. xvi, 3-5. Nous 
avons fait la connaïssance. de ces illustres époux quand Paul arrivait à Corinthe; 
ils le reçurent alors chez eux comme ouvrier tisserand, et aidèrent ses premières 
prédications. Plus tard, à la fois pour leurs affaires et par zèle apostolique, ils se 
transportent à Éphèse, à Rome, où ils avaient des maisons. Est-ce à Éphèse, dans 
le « combat contre les bêtes » (v. supra, xv, 32), ou dans l'émeute de Démétrius 
(Act. xx), qu'ils « exposèrent leurs têtes » (Rom. xvi, 4) pour le salut de l’Apôtre? 
C'est un point de l’histoire primitive de l'Église qui nous échappe, à notre grand 
regret. C'étaient des chrétiens notables et très agissants, bien connus dans le 
monde d’affaires de Corinthe, grands amis de Paul et aussi d’Apollos, qu'ils avaient 
introduit dans l'Église (Act. xvin, 26). Comme leur industrie s'exerçait en diverses 
villes, ils avaient à Éphèse une maison où une partie des chrétiens se réunissait 
pour les cérémonies liturgiques; ceux-là devaient s'intéresser particulièrement à 
Corinthe, dont Aquilas et sa femme devaient volontiers leur parler, puisque c'est 
là qu'ils avaient connu le grand Apôtre et pout-être reçu le baptême. — Bachmann 
observe pertinemment que la mention de leur séjour à Éphèse, où ils avaient maison 
en ville, serait plus difficile à admettre s'il ne s'était écoulé que quelques mois 
avant qu'ils se rétablissent à Rome (Rom. XVI, 4); cette considération recule la 
composition de notre lettre jusqu'aux premiers tomps du travail de Paul à Éphèse. 

— B. 20. « Tous les frères » d'lfphèso et d'Asie saluent Les Corinthions. 
Et même, pouvons-nous supposer, tous ccux que Paul à convertis hors d'Asie, el 


468 ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XVI, 19-24. 


€ « … _s “ . « , 04 

21. O Goracuds +9 euÿ yeupt Iaÿhou. 22. Hi si où œuheï vov xbprov, “tu 

23. H you Toù xupiou ’Inoo5 mel’ buüv. 24. ‘H “éyérn 
pou meta mévrwy dpüv v Xpior® [nooë. 


, 


avale. Mapavabd. 


qu'il voit en esprit unis à ceux de Corinthe par le lien de la charité. Il est leur 
porte-parole. Par lui, toute l'Église catholique recommande à ces Corinthiens si 
divisés de s'unir dans un saint baiser fraternel. Gfr. I Per. v, 14. Même charité 
catholique II Cor. xm, 12 et Rom. xvi, 16. 

s———…— B. 21. La salutation finale, jusqu'à 24, a été tracée sur le papyrus de la 
main même de Paul. Il cesse de penser au style; tout est en interjections, en 
déclarations brèves. Cfr. IT Thess. us, 17; la fin de Gal, vi; Col. 1v, 48. 

wmmimer À. LS. Hrw {cfr. Jac. v, 12) forme hellénistique (dorienne?) pour Éotw. — 
‘&védeue, répondant à D hébraïque, a été découvert, par Deissmann, dans une 


malédiction purement païenne de Mégare, du rr-1e siècle, et trois fois dans le 
même document le verbe üvaleuatitew; on dévoue aïnsi quelqu'un aux dieux 
infernaux (Voir Moult.-Mill.), Le mot qui suit, papuvaña, n'a rien à faire avec 
V'anathème, malgré Ia confusion que Îa proximité des deux expressions a fait naître 
en certains temps, et dont un témoignage se trouve déjà dans une inseription 
sépulcrale d'Attique. 1ve-ve s. après Jésus-Christ, dvddeua frw uapav a0év. Ces mots 
étrangers sont araméens, et devaient, puisque Paul ne les traduit pas, être entrés 
dans la liturgie comme Amen, Alleluia, ou dans le langage des « pneumatiques ». Ils 
peuventse lire de deux manières : Maran atha, « Le Seïgneur vient» ou Marana tha, 
« Notre Seigneur, viens! » cfr. Apoc. xxu, 20. Lisent « Maran atha » Rob.-Pl., J. Weiss, 
Toussaint, Lemonnyer; lisent « Marana tha » {cfr. Didachè, x, 6) Lietzmann, Bach- 
mann, Gutjahr, Callan. On peut hésiter. Pour trancher la question, il faudrait 
bien connaître l'origine de d'exclamation. $tr.-Bäll. rapprochent la formule juive de 
bannissement : « Le -Schem (le « Nom »} vient ». Ælostermann (« Probleme im 
Aposteltext ») donne une aœutre interprétation : « Notre-Seigneur est le signe (nK) », 
formule de fraternisation; id. Mommel (ZNTW 1914, pp. 317-322) qui pense de 
plus à la signification des lettres N et n, première et dernière de l'alphabet, comme 
« et w : « Notre-Seigneur est le commencement et la fin ». D'autres opinions encore 
ont été exprimées, Nous préférons le sens « Notre-Seigneur, siens! » (Marana tha), 
parce qu'il nous semble mieux s'accorder avec les souhaits qui suivent; une menace 
de jugement {comme « le Nom vient » des Juifs), aggravant encore l'äféveua, nous 
paraît être moins dans le ton de la lettre, Au reste, libre à chacun de choisir. 

B. 22. Paul mn'écrit pas de sa propre main pour « montrer son écrilure » 
(comme EL Thess), maïs parce que l'habitude antique, fréquemment constatée dans 
les papyrus, était de signer soi-même les lettres qu'on avait dictées, avec une 
courte phrase. L'Apôtre a volontiers pris cette occasion (voir Gal. vi, 41-18) de 
fixer d'esprit de sa lettre, en quelques mots vigoureux, où se dépensait le reste de 
son inspiration. Notons une dernière fois l'à-propos de J. Weiss, d'après qui cette 
mention de « sa propre écriture » se comprendrait chez Paul seulement dans une 
première dottre, en sorte que ceci devrait appartenir à la lettre « précanonique »; 
inôme il irait jusqu'à supposer, pour la même faible raison, que ZT Thess. est en 
réalité la première lettre envoyée à Thessalonique. Dieu pardonne à l'esprit. de 
système | 

On voit très bien comment Paul a tracé ces lignes. Toute la, lettre prêchait 
l'union au Christ, donc son amour; le mal venait tout entior à Corinthe de ce qu'on 
ne Je-connaïissait pas «et qu'on ne l'aimait pas assez; done « anathème à qui n'aime 
pas le Seigneur! », et nuit ainsi à toute l'église. Paul et les vrais fidèles appellent 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS, XVI, 21-24. 469 


21. Salutation de ma main, à moi Paul : 22 « Si quelqu'un n’aime pas 
le Seigneur, qu’il soit anathème. Marana THA! 23. Que la grâce du Seigneur 
Jésus soit avec vous! 2%. Mon amour avec vous tous, dans le Christ 
Jésus !*» 


au contraire d’un cœur ardent celui qui seul les rendra vainqueurs du péché et de Ia 
mort ; « Marana tha! — O notre Seigneur, viens! ». 

B. 22-24. Il vient déjà, Il vient par sa grâce : « Que la grâce du Seigneur 
Jésus soit avec vous! », Déjà elle remplit l'âme de Paul, père de la communauté, 
d’un amour débordant pour ses fils, qui s'est manifesté même parmi ses réprimandes 
(nous traduisons ici &yéxn par « amour », pour mieux faire ressortir le caractère 
affectif de ce dernier mot) : « Mon amour est avec vous tous — dans le Christ . 
Jésus » — qui est la source de tout amour, et comme le « lieu ».où s'exerce le 
seul amour éternel. J, Weiss rachète un peu ici bien des mauvaises subtilités, en 
notant que saint Paul tient à finir son admirable lettre par le nom de JÉSUS. 


TABLE DES MATIÈRES 


INTRODUCTION 


Pages, 

CHapiTRE I. — Vue d'ensemble sur les Épitres aux Corinthiens.................... V-VI 
Cx. II. — Corinthe et son évangélisation................,,...,................... VII-XVII 
I. L’Apostolat de Paul jusqu'à son arrivée à Corinthe......... severe .. VII-X 

II. Corinthe au 1° siècle après Jésus-Christ. .............,.....,.,..... .  X-XIII 


III. Comment saint Paul évangélisa Corinthe.........................  XII-XVI 


Cu. IIT. — Circonstances qui déterminèrent saint Paul à écrire la « Première aux 
Corinthiens ».....,...,..,.4,. ess sssesscssossssessosssecsess  XVII-XXIII 


CH. IV. — Analyse de la Première Épiître aux Corinthiens. Sa richesse de doc- 


trine. Ses rapports avec les autres Épitres........ sosssessssssessses  NXIV-LII 
I. Analyse........... perse DETTE DPSSETET TETE erresecresessess  NXEV-XXVIII 
If. Docirines.........,.......,,,44., esse . (XXVDI-XLIX) 


A. Doctrines rappelées par allusions ou mentions brèves....  XNIX-XXXII 
B. Les points plus spécialement trailés à l'usage des Corin- 
thiens ...........,.....,,,.,,,,,,,ss, XXXI-XLI 
III. Applications de la doctrine aux circonstances concrètes ........., XLU-XLV 
IV. Les influences présumées qui se seraient exercées sur la doctrine 
de Paul... ss ssssses esse NEV-XLIX 


V. Le ion de l'Épttre. Sa place parmi les Épîtres de saint Paul........ XLIX-LIT 

CH. V. — La langue et le style de la Première Épître aux Corinthiens...,...... LIII-LXXV 
I. Vocabulaire ........,..,,,, es ss essesssssesessse LITI-LIX 

II. Grammaire ............ Dos sressese esse cesse sors sesssses LIX-LXI 

IIL Séyle ..........,,....,,........ possreseersessrescesse sesossesess LXI-LXX 

Autorités el citations dans la Première aux Corinthiens............. LXX-LXXV 

Cu. VI. — Authenticité et unité de la Première Épître aux Corinthiens....…. LXXVI-LXXXV 
I. Authenticilé........................ péssssorsee sors ses 5. LXXVIELXXIX 

II. Jniégrilé el unilé...... evrenesseserserer eue esse vesss  LXNIX-LXXXV 

Cu. VII, — Lieu et date..............,....... osseuses sesresss esse LXXXVI-LXXXIX 
Cu. VIII. — Le texte de la Première Épitre aux Corinthiens ...........,......... XC-XGVI 
I. Témoins grecs ........... vesesosssssssses Buseresessee ere .  XC-XCII 

IT. Témoins non-grecs........,,.,.............,.......,,,,,,.,,.,... XCHI-XCIV 

IT. Quelques leçons disculées.......... poses pesrsesessesse ss XCIV-XCV 

Notre traduction...............,.........,......,,4.,. dossvosee sos.  NOV-XCVI 

Cu. IX. — Les commentaires de la Première Épitre aux Corinthiens............ NCVII-CIV 
I. Anciens Grecs el Orientaux..............................., ....  NOVI-XCVH 

I. Anciens Lalins............................,,,,,,.,.... seccsses  NOVITI-XCIX 

III. Moyen Age jusqu'à la Réforme...........................,. . XCIX 

IV. De la Réforme au ATXA® siècle............................,.,,, s... NGIX-C 

V. Du XLX siècle à nos jours .....4.. 4.4... se. sous CV 


BIBLIOGRAPHIE. ...... snrssrvere ose ose sossusors orerroresr essor esse GV-CXII 


COMMENTAIRE 


Pages. 
ADRESSE, SALUTATION ET ENTRÉE EN MATIÈRE (I, 1-9)... 1-5 
PREMIÈRE PARTIE (L, 10 — IV, 20)....................... 6-115 
À. Ch. 1, 10-17. — PAUL DÉCRIT ET RÉPROUVE LES FACTIONS DE CORINTHE............ 6-12 
B. Ch. 1, 18 — 11 (it, 4). — LA SAGESSE DU MONDE ET LA SAGESSE DE DIEu........ 13-55 
I. Opposition de la sagesse de Dieu et de celle du siècle (ch. 1, 18-25)........... 18-18 
ÎT. La preuve « ad hominem » (ch. i, 26-31)................................... 19-29 

III. Paul explique soû'attitade à: Fégara dé la « Sagesse » lors de l'évangélisa- 
tion de Gorinthe Se It, 1- D. isrte dense srer sererses sense cesse esse 23:26 
EXCGURSUS 1. me tna rh e sé déa ne see sens des sedee ses sense 26-33 
EXC. Iusrscsssssssssssssss codéevisuse Séevase rase desvescs sise posseeeses 33-88: 

IV. Parl ne méprise pourtant pas toute sagesse, car ” travaille à en répandre 
ver la « Sagesse de Dieu » (ch. 11, 6-16 [urr, 2])..........................., 39-51 
. Géttè « sagés$e n dés parfaits, Paul en a jugé les Corinthiens incapables... 52-55 

C. Ch. Le 5 — I; 16. — PAUL APPREND AUX GORITHIENS CE QU'EST LE MINISTÈRE 
APOSTOLIQUE. . crsocoss mecs creme ccusenensesseseesensesee ennssesss nosoièessose 56-77 


I. Ge que furent : à Corinthe les rôles respectifs de Paul et d’Apollos (ch, T1, 5-10). 56-58 
IT. Avertissements à ceux qi veutéit peiféctionner l'œuvre de l'Apôtre (ch. 111 


[TO] 11-23)... seen sciences eee res scceseonsseeseseneeee meer 59-66 
EXC. Iso ssssssss essences sseessss esse esse secs 66-67 

IF, Paul définit 1e devoir des apôtres et réséive à Dieu le droit d'e lés classer 
selon lèurs miërités (Étr. 1v, 1:5).....:................ sc. sonsrrsossse 68-70 
IV. Réprimande aux Corinthiens et exhortation paternelle (ch. 1v, 6-16)....... 71-77 

D. Ch. iv, 17-21.-— ANNONCE DE LA VENUE DE TIMOTHÉE ÊT DE GÉLLE DÉ PXUL EN PER- 
SONNE 5 dons ocoeoon bass at étonne seen sisi sue mor éotedidée sésesreseee ss - 78-80 
EXG. IVe usssene ere RRPRE PP EEE EEE enavecseevevesee 80-87 
DEUXIÈME PARTIE (V-VI).......... osessoseseesssee 116-151 
JE 
À. Ch: V, 1-8. — LE GAS DE L'INCESTUEUX........ eee suseneeu serve 117-127 
B. Ch. v, 9:13. — COMMENT TRAITER LES PÉGHEURS PUBLICS...................... 198-131 
C. Ch. Vi, 1-11. — CONTRE LES PROCÈS ET L'INJUSTICE... cesse ceseceseesoesses ‘ 13-138 
EXxG. vr..…........, nos eie reed eee im sors serions see Sévoresooes 189-140 
D. Ch. vi, 12-20. — LES FAUTES CONTRE LE SIXIÈME COMMANDEMENT....... .…….. 141-151 
TROISIÈME PARTIE (VII-XIV)....................,.,,... 152-386 
À. Ch. vil. — QUESTIONS CONCERNANT LA FAMILLE .susscuseoseoasersesermenssese 152-194 
I. Le mariage chrétien, sa légitimité et ses droits (ch. vi, 1-7) .........,... 153-161 
IT. Indissolubilité du mariage (ch. vrr, 8-16)............. dussssesesesvossees 162-169 
III. Conseil général de ne pas changer d'état (ch. vit, 17-24)................., 170-175 
IV. Le célibat et le mariage (ch. vrr, 25-88)......................,..,, , ... 176-187 
V. Le cas des veuves (ch. vi, 39-40)..............................,...,....., 188-189 


EXC VII see esse esse ere museau assises scene ueee 189-194 


TABLE DU COMMENTAIRE. 473 


Pages. 

B. Ch. vui-xt, 1. — LES VIANDES D'ANTWAUX IMMOLÉS EN SAGRIFIGE...........,.. 195-252 
Ï. La « gnose » et la charité (ch. vrrr).........,,.,,,..,,..,...........,,.... 196-207 

a) la science des chrétiens et les idoles (1-6).........,.... 196-201 

b) Les forts ne doivent pas scandaliser les faibles (7-13)... 202-206 

EXC. VtiLosoos..s soso nsstsesrons sonesonosesrsus secs esresssessee 206-207 

II. Contre l'abus de la liberté (ch. 1x, 1 — x, 13).........................,.. . 208-235 

a) les renoncementis de Paul (1x, 1-6)................,.... 208-215. 

b) pourquoi Paul les accomplit (1x, 7-18)................, 216-225. 


c) c’est aussi au profit äe son œuvre apostolique(ix, 19-23). 224-226 
d) te contrôle sur soi-même que commande la prudence 


chrétienne (1x, 28-27)... essence see semences. 227-229 
e) avertissements tirés de l'histoire d'Israël (x, 4 -13)...... 230-235 
IT. Solutions pratiques de la question des viandes immolées (x, 14 — x1, 1).. 236-252 
a) interdiction des banquets païiens (x, 14-22).............. 236-245 
b) manière de se comporter dans les repas ordinaires 
(K, 28 — XI, 1)... enssossossee 246-252 
C. Ch. xI, 2 — XIV. — QUESTIONS CONCERNANT LES ASSEMBLÉES DE QULTE....... 253-386 
I. Ga tenue des femmes dans les assemblées liturgiques (ch. xt, 2-16)......... 253-263 
ExG. IX.......,.,.,.... da agree ne ere esse ses eree ses sresesresesse 263-268 
IT. La célébration de la Cène eucharistique (ch. x1, 17-84)........,...,.,..,.. 269-285 
Exc. x........... sorseesssssseserssssesssesee cursus nussesssessees 285-293 
EXC. XI... unes ct avr are sure à vers à vote ve same nan sns à Lénseessseuessee 294-302 
EXC. KIF..... 0 ui sou amusn cg ae eo seance érersesrusese 803-716 
HT. Les « charismes » et jour iranifestation (ch. XIÉ-XYF)................ .... 317-886 
a. Les charismes distribués par l'Esprit pour le bien géné- 
ral (ch. x1t}.…. verse soso sersvsessse vessresves (319-339) 
1° le principe (ni, 141)... Morse. esse reessere ressens 319-527 
2 Le corps de l'Église et l'organisme humain (x, 12-26)....... 328-331 
3° les spécialisalions nécessaires dans l'Église Ge, 27-81) .... 332-335 
EXC. XIe. és Perrin stone etes serons tresses 335-339 
b. La charité supérieure à tous Res autres dons. (ch. XII, 34» 
xt) PRET TEESS tete Vo cena étonne réssssssss ses 340-351 


Exc. XIV. CORRE RARES ER EE ER EE ET 351-353 
©. Gomparaison des deux charismes, de « prophétie » et “ 
de « glossolalie »,:et leur réglementalion tch. x1v).,.. (854-384) 


1° comparaison de ces deux dons.(xrv, 1-26})..,................, 356-368 

2% l’ordre à observer dans leur asage (XIV, 26-40).........,.., … 309-374 

Exc. XV: sudovdon oc c'da bee postée cruise tes ue lasse ere rs eee s  te e 374-384 

EXC. XVI............. less. mors néresse moe ne sesereesee ocre , 884-386 
QUATRIÈME PARTIE (KV)... drssuees eus me nereeses 387-454 

A, Ch. xv, 1-11. — LE FAIT DE LA RÉSURRECTION DU CHRIST..................... 388-394 
EXG. XVI ses ensosoussse sessssmesesesessnsses.s .….. 394-398 


B. Ch. xv, 12-34. — CERTITUDE DE LA RÉSURRECTION DES FIDÈLES DU GuHRIST.... 399-418 
1° Rapport de la résurrection de Jésus à celle des fidèles 


(KV, 12-19).....,............. dorsssoressesseoss voscevsssse 400-404 
2° Ils ressusciteront dans le triomphe du nouvel Adam (xv,20-28). 405-410 
3° Apostrophes de Paul (Kv, 29-84)..........,..,.,.,4....,..... 411-418 


C. Ch. XV, 35-58, — COMMENT POURRA SE FAIRE LA RÉSURRECGTION GÉNÉRALE .... 419-458 
1° Dieu peut créer des corps « spirituels » après les corps maté- 

riels (KV, 35-44)... essor sons. 421-425. 
2 Ils seront conformés à celui de « l'Homme Céleste » (XV, 45- 

49). seen eeses cesse erreurs 496-430 


474 TABLE DU COMMENTAIRE, 


8° La Transformation universelle et la victoire sur la mort 


(KV, 50-54)..,.,..,.,,.....,,,,... 44.444 eee ses 
L° Action de grâces el encouragements (XV, 55-58).............. 
ExC. XVII.........,......,,,,.. jeessss ressens essences 
ÉPILOGUE (XVI... uses esse 
À. Ch. xvi, 1-4. — LA COLLEGTE.......,....,,....... Fééraseuosssss 
B. Ch. XVI, 5-9. — LES PROJETS DE SAINT PAUL .........,........ 
-C Ch. xvi, 10-12. — TIMOTHÉE et APOLLOS.......,......,.,,.. .. 
D. Ch. xvi, 13-18, — EXHORTATION ET RECOMMANDATION... ...+... 
E. Ch. xv1, 19-94. — SALUTATION ET CONCLUSION... L 
EXCURSUS 
Exc. 1. Le défaut d'« éloquence » chez Paul et son « style oral »...:........... ... 
Exc. 11. « Ut non evacuetur crux Christi ». La mort du Christ et la mort des dieux. 
Exc. ir. La doctrine du Purgatoire trouve-t-elle un appui chez saint Paul?........ . 
Exc. 1v. Les partis à Corinthe, spécialement le parti « du Ghrist »....,.,..,...,... 
Exc. v. Existe-t-il une « sagesse » ésotérique pour les « parfaits »? — Le «Pneuma » 
et l’hellénisme mystique............. enrosssoosesesscereeesereres osseuses 
1° le sens de « parpail », TÉAEroG..........,....,,........... oc... 
2° Les sens divers de nvedpe...........,.,,,.,.... sesssssssseses 
3° nature du Ilveüua de Dieu, ou du nveSu«a participé de Dieu, 
dans la doctrine de Paul..... conne nes ressens eee 
4° la « sagesse » des « pneumatiques » n’est pas une doctrine 
ÉSOLÉTIQUE. ns n seems rennes r ses see sers su. 
Exc. vi. Le pouvoir judiciaire et coërcitif dans l’Église de Corinthe................ 
Exc. vit. Saint Paul s'est-il occupé de « Virgines subintroductae »?............... 
Exc. vit. Origine et sens du mot &yänn, « Charité »....,... snntorsoessvessesnsesee 
Exc. 1x. La « Puissance » sur la tête (xr, 10)..............,.....,..,,,.,..,,...... 
Exc. x. Le cadre extérieur et l'ordre du « Repas du Seigneur » à Corinthe........ 
Exc. x1. La signification du « repas du Seigneur » à Corinthe.............,........ 
Exc. x11. Synthèse et origine de la doctrine eucharistique de saint Paul.......:... 
Exc. xt. Charismes et fonctions publiques dans l’Église primitive... noneesreses 
Exc. x1v. D'où vient la triade « Foi — Espérance — Charité »?......,............. 
Exc. xv. La « Glossolalie » et le miracle des langues à la Pentecôte............... 
Exc. xvi. L'« Assemblée de paroles » et le « Repas du Seigneur »................. 


Exc. xvir. La valeur du témoignage de Paul pour l'historicité de la Résurrection. 
Exc. xviri. Saint Paul et « la double résurrection corporelle »....,...,.,..,...... 


Pages. 


26-33 
33-38 
66-67 
80-87 


101-112 


112-115 
139-140 
189-194 
206-207 
263-268 
285-298 
294-302 
302-316 
335-339 
351-353 
374-384 
384-386 
394-398 
438-454 


INDEX ANALYTIQUE 


Abandon à Satan, 123, 131, 139. (Voir Excom- 
munication, Incestueux, Peines). 


Abba, 983. 
Abraham, 409, 444. 
Abstinence sexuelle, 158. (Voir Ascètes, 


Chastlelé, Mariage, Rigoristes). 

Abus dans l'église de Corinthe, 242, 254, 270, 
271, 284, 385, al. 

Acception de personne, 271. 

Accusatif absolu, LIX, 459. 

Achaïcus, XXI, 339, 464, 466. 

Achaïe, XI, XIV. 

« Achetés », 150, 174 (Voir Affranchis, Ré- 
demption). 

Acrocorinthe, VII, XI (Voir Corinthe, Aphro- 
dite, Hiérodutes). 

Acte conjugal, 157 (Voir Abstinence, Mariage). 

fous des Apôtres, leur véracité, 224, 295, 

Action sacrée de l'Eucharistie, 386 (Voir 
Eucharistie, Repas du Seigneur). 

Action sanctifiante du mariage sur un con- 
joint infidèle, 167 (Voir Incroyants, Ma- 
riage). 

Actualité permanente du style de Paul, 30, 
39 (Voir Style). 

Adam, XXX, XXXII, XLVII, XCI, 259, al. — 
En quoi il est type du Christ, 426, 427, 
— Deuxième ou Dernier Adam, XXX, 
XXXIITI, 405, 427, 428 (Voir Christ, Anti- 
thèse, Héractiite, Victoire, Prémices). 

Adaptation, 254 (Voir Usages). 

Additions, 157, 201. 

Adjectifs, LIX. 

Adonis, 37. 

Adoration du Christ, XLVI, 2 (Voir Invoca- 
tion, Christ). 

Adultes, XXXVI, XXXVII, 90, 91, 114, al. 
(Voir Ages de la vie, Métaphores, Parfaits, 
téAe'oc). 

Adultèéres 140 (Voir Incestueux, Enuméra- 
tions, Pécheurs). 

Affranchissement des Gentils, IX. — affranchis 


les temples, 150 (Voir Achelés, Change- 
ment d'état, Esclaves, Rédemption). 

Ayazn, LXVII, 206-207; — sens religieux chez 
les païens ? 206 (Voir Charité, Amour). 

Agapes (Voir Repas du Seigneur, Eucharistie). 

Age messianique, 61, al. (Voir Derniers 
temps, Eschatologie, Résurrection). 

Ages de la vie, XXXVI, al. (Voir Adultes, 
Enfants, Mélaphores). 

Ayvoervar, XCIV, authenticité et sens du mot, 
374, 

Agraphon, 271. 

Agricoles (métaphores), 58. 

Agrippa I (Hérode), 30. 

Alchimie, alchimistes, 103, 111 (Voir Pneuma). 

Alexandre le Grand, 32, 200. 

Alexandre d'Ephèse, 131, 140. 

Alexandrie, XII, XIX, 140. 

Alexandrines (leçons), XC. 

Aliments, 143, 146 (Voir Zdolothytes). 

Allégorie, 330, 332; — n'est pas procédé 
usuel de Paul en exégèse, LXXIIT, 422; — 
allégorisation de rites juifs, 125 (Voir 
Ancien Testament, Bœuf, Membres, Rocher). 

Alleluia, 468. . 

« Alliance en mon sang », 280 (Voir Calice, 
Présence réelle, Sang du Christ). 

Ame (buy), LXVI, 92, 424, al.; — état des 
âmes séparées, 413, 417; — âme du monde, 
98 (Voir Pneuma, Noÿc, ‘Eschatolog gie, Juge- 
ment, Purgaloire). 

Amen, 468. 

Amour XLIV, naturel ou charnel, 156; 
chrétien, 457, et divin (Voir Charilé); — 
amour paternel de Paul, 77; — amour de 
la Croix, 35. 

Amphithéâtre, XII, 75. 

Anacoluthes, 165, 197, 201, 220. 

Analogies, LXVII, 349, 423, al. 
d'analogie, 167. 

Analyse de l'Épitre, XXIV-ss5. 

Anamnèses, 279 (Voir Eucharistlie). 

Ananias, 395. 


— argument 


du Christ, 174; — affranchissements dans|Ananie et Saphire, 123 (Voir Peines). 


(1) Les chiffres renvoyant à des pages où le sujet est traité systématiquement sont 
imprimés en caractères gras. — al, signifie : ailleurs encore. 


L76 


Anaphore (grammaire) LXV; — (pour l'Eu- 
charistie), 297. 

Anarchistes, 86 (Voir Parti du Christ). 

Anastrophe, 178. 

Anathème, 468; — à Jésus 84; — fuif, 125 
(Voir Maranatha). 

Anatolie VIII, al. (Voir Asie Mineure). 

Ancien Testament LXXII, 198, 200 al., cita- 
tions (Voir à ce mot) et réminiscences; — 
interprétation par Paul, 230, al. — histo- 
ricité, 283; — événements typiques, carac- 
tère figuratif 195, 196, 208, 230, 231, 233; — 
parallélisme avec le N. T. 233; — accom- 
plissement, 402 (Voir Citalions, 
Allégorie). 

Anges : bons anges, 266, gardiens de Torûre, 
261, 267; — « à cause des Anges », 260- 


ss; — anges d’'Hénoch, 265, 266; — Usfiel,. 
265; — concupiscence des Anges, 260-5.,. 


— mauvais anges, ‘261; Asmodée, 265; 
— Langue des Anges, 342-s.; (Voir Tenue 
des femmes, Voile, « Puissance » ‘sur la 
tôle), 

Anthropos » (Premier Homme, « Ur- 
mensch »), 105,406, 409, 427,498, 499, al. (Voir 
« Homme », Iranisme, Reilsenstein, Adam, 
Christ, Résurrection). 

Antiféminisme » prétendu de Paul 164, 253, 
378 (Voir Femmes, Féminisme, Mariage). 


ES 


= 
À 


Antinomistes, 83, 142 (Voir « Tout m'est 


permäs »). 

Antioche, VII, VIII, IX, XII, KVIH, 196; — 
conflit d'Antioche, IX, XXII, 211. 

Antistrophe, 18. 

Antithèse, LXVI, LXVIT;les deux« Sagesses», 
« Adam et Christ », «chair ‘et esprit », 
(Voir à tous ees mots). 

Aoristes, leur portée significative, 74, 78, 168, 
178, 178. 

Aphrodite, XI-s,, 146, 156 (Voir Acrocorinthe, 
Hiérodules). 

Apocalypse synoptique, 454. 

Apocalypse, voir Révélations. 

Apocalyptique Juive, 28, al. (Voir Willéna- 
risme, Résurrection). 

Apocryphes, 41, 60, 95, 178, 231, 265, 438 ; — 
leur emploi, 231. 

Apollos, XVI, XIX, XX, XXI, LXXVI, 8, 12, 

23,55, 56, 57, 58, 60, 65, 71, 72, 73, 75, 88, 

218, 308; — son refus de retourner à 

Corinthe, 461, 462, 463 (Voir Econome, Mérite, 

hist. de Paul et de Gor.). 

Apologie » de Paul au ch. IX, qui n'a pas 

été faite pour les Corinthiens, IX, 72, 208, 

210, 211, 219 (Voir Droits des Apôtres, 

Liberté, Renoncements, al., Relations dr 

P. avec Corinthe). 


_ 
À 


Faits, 


INDEX ANALYTIQUE. 


Apologue, LXX, 328 (Voir Membres du corps, 
Menenius Agrippa, Fable). | 

Aposiopèse, 220. 

Apostolat de Paul, son succès, 224. al. ; — ses 
moyens (Voir Croix). (Voir Hist de Corinthe, 
Hist de Paul). 

Apostrophes, LXVII, 73, 411. 

Apôtres, 211-s., 336, 339, al.; — Paul apôtre, 
sa vocation, 1-s.; — leur devoir et leur 
mérite, 56, 68, al. ; — leur témoignage 401; — 
leur usage général, 139 ; — leurs droits, 216- 
s.; — leurs épouses, 213; — charisme 
d’apôtre, apôtres et prophètes, 858; — faux 
apôtres, judaïsants, 85, al. — Vie des apô- 
tres ici-bas, 75-s. (Voir Hist. de Paul, Eco- 
nome, Femme-sœur, Apologie, Charismes, 
Résurrection, Frères du Seigneur). 

Apparitions du Christ ressuscité, LXX, al. ; 
— apparitions aux femmes, passées sous 
silence, 392, 394; — à Céphas, 391, 392, 
394, 395; à Jacques, tbidem et 396; — aux 
« Douze », 392, 393; — à « tous les 
Apôtres »; 397; — aux 500 frères, 394, 395, 
396; — à Paul, 398. — Comparaison avec 
les Évangiles, 392, 394; — identification des: 
apparitions, 896-s.; — objections, 398; — 
agencement logique du récit, 39%; — son 
caractère probablement officiel, 395 (Voir 
Conversion de Paul, Illusions, Pâques, 
Résurrection, Catéchèse, al.). 

Appels à la conscience, 125; à la dignité 
chrétienne, 142; au bon sens, 237, 262. 

Applications concrètes dela doctrine, XLII-sss. 

Aquilas et Priscilla, XIIT, XVIII, XIX, XX, 
LXXXVI, 261, 467. 

Arabe (version), XCIV. 

Araméen, 28, 72. | 

Arbitrage, 133 (Voir Procès, Tribunaux). 

Archives des églises, LXXXIII. 

Archontes, #2, 43, 200, 261, (Vair Princes, 
Philosophes, Anges). 

Argumentations, LXVI-s., al., 445-s.; — ad 
hominem, 19-s; — a majori, LXVIIXI (Voir 
Logique de Paul). | 

Arius, ariens, 444. 

Arménienne (Version), XCIII-s. 

Art de Paul LXIIT, LXVII, al. (Voir Stralégie, 
Style). 

Artémis XI, XVIII. 

Apre (sens du mot), XX, XXI, CIV, 459-s. 
(Voir Visite). 

Article, LIX, 240. 

Ascëètes, XXI, 452, 154, 159, 188, 189 — Ascé- 
tisme de Paui, 81. 

Asiatiques, X VIII. 

Asie (l'Évangile en), XVIIL. 

Asie-Mineure, 385, 387 (Voir Analolie). 


INDEX ANALYTIQUE. 


Assemblées : cultuelles, XXII, 40, 122, 257, 
261, 274, al.; — dominicales, 274, al, — 
« de paroles » ou de charismes, 152, 257, 
271; — pour le « repas du Seigneur », vair 
à ce mot; — ouvertes aux infidèles, 367; — 
leur confusion 369, al; — leur réglementa- 
tion, 369-ss.; — elles se groupaient autour 
du « repas du Seigneur », 385, 386 (Voir 


Repas du Seigneur, Charismes, Divisions, 
Culte). 

Assimilation de textes, 165. 

Assistance (don d’), 333, 344 (Voir Charismes, 
Fonctions). 

Assonances, LXV. 

Assurer son salut (Devoir d’}), 227-ss. 

Assyriens, 365 (Voir Signe, Infidèles). 

ÂAstres, 422-s; — leur éclat, 498. 

Astrologie, 111. 

Asyndèse, 59, 178, 181, 188, 240, 464. 

Ataraxie, 180, 182 (Voïr Stoïciens). 

Athéna (tête d’), 298 (Voir Présence réelle). 

Athènes, VIT, VIII, IX, X, XI, XII, XIV, 24, 
26, 30, 35, 36, 226, 264, 464. 

Athlètes, 228 (Voir Jeux, Couronne). 

Attente de la Parousie, 276, al. (Voir Millenium, 
Thessaloniciens). 

Atticisme, LVI. 

Attis, 37, 90, 343 (Voir Mystères). 

Attraction grammaticale, 150; — inverse, 237. 

Auguste, X. 

Aumônes (distribution d')}, 337 (Voir Assis- 
lance). 

Autel, 245, 303-s. (Voir Eucharistie, Table). 

&üthenticité de l'Épiîlre, LXXVI-s. 

Autorités invoquées (Voir Citations). 

« Avorton », 393. 

Azymes, 125 (Voir Dale, Pâques). 


Bacchus, XI, XLVI. 

Bachmann, LXXXVI (Voir Date). 

Banquets païens 302, 205, 233, 236, 242, 269 
(Voir Jdolothytes, Invitations, Confréries). 

Baptème, XXXI, LXI, 138, 241; — formule, 
100; — « pour les morts », 67, 411-413; 
baptème et eucharistie, 289 (Voir Sacra- 
mentalisme, Mer, Nuée, Purgatoire). 


Barbare, 254, 360; — idiomes barbares, 378| 


(Voir Glossolalie). 
Bardesane, 102 (Voir Mani). 
Barnabé, IX, 211, 214, 215, 219, 337. 
Barth (Karl), 438, al. (Voir Écoles, Théol. 
dialectique). 
Basilide, LXX VII. 
Beauté des astres, LXIX, 428. 
Beatty (Chester), papyrus, LXXXIV, XC 
Belle-mère, 117, 119 (Voir Inceslueux). 
Bénédicité juif, 247 (Voir Repas privés). 


d 


477 


9 


# 


Bénédiction (du calice), 238 
Eucharislie). 

Bérée, VIII. 

|Bêtes (combat contre les) (Voir Thério- 
mackie). | 


(Voir Galice, 


Bien commun de l'Église, 317, al. (Voir 
Charismes). 
Rien spirituel des individus, 156, al. (Voir 


Chasteté, Mariage, Perfection). 

.-Bœuf qui foule le grain, LXXIIT, 
Allégorie). 

Bonne entente entre Les croyants, 
Charité). 

Bonne réputation des croyants, 249. 

Bonheur, 179, 188 (Voir Vécessilé, Célibat, 
Tourment). 

Bonnet d'affranchi, 257 (Voir « Puissance » 
sur la téle). 

‘Boucherie (viande de), 195, 246 (Zdolathytes). 

Bouddha, LXXIX. 

Bultmann, LXIV, LXVII, LXVHI, LXIX 

(Voir Style de Paul). 


217 (Voir 


254 (Voir 


Cabbale, 96, 497. 

Cabires, XLVI. 

Calice, 237, 238 (Voir Eucharislie, Sang du 
Christ). 

Camisards, 396. 

Cantiques, 29 (Voir Hymne à la Charité). 

« Gaptivité éphésienne », VIII XVII, «11, 
L15. 

Caractère de l'auteur, La nature do san génie, 

+328 ; — spontanéité, 27, 78, al. ; — éloquence, 
26, 7, al.; — logique souvent latente, mais 
supérieure, 202, al. ; imperfections dues à 
l'éducation sémitique, 228; — sens du réel, 
156, al.; expérience, 38, 414, al.; sa péné- 
tration psychologique, 202, 354 al. ; prudence, 
196, 223, 227, al. ; ban sens et goût de l'ordre, 
354; sang-froid, L, LXIV, al. ; don d’organi- 
sation, 354 al.; souplesse, 226, 354, al. ; — 
goût du paradoxe et du dramatique, XL, 
el.; enthousiasme et lyrisme, LXIV, LXX, 
27, 99, 841, 434, 436, 449, 452 al.; comment 
il est et n'est pas poète, LXVIII-s.; son 
goût, 258, 262, al.; mobilité d'impression 
et d'expression, boutades, irritations pas- 
sagères, 461, 134, 373, al.; — ironie, XLIX, 
LXI, 26, al.; humour et malice, 134, 364, 
355, al. ; — tendresse (Vair.« Père », 466, ak.). 

Sa personnalité morale ‘et religieuse, 224 ; 
apôtre de la Groix (Voir Croix) et de Ja 
Hiberté (Voir Liberté); — son souci perpé- 
luel de l'éthique, 323, al,; — son « indivi- 
dualisme », 49, 69, 162, al.; son « gnosti- 
cisme », 3;.son « pnoumalisme », 226, .807, 
362, al.; son « rigorismce », 936; son 


478 


« orgueil », 77, al.; son « antiféminisme », 
164, al. — Exigence de sa conscience, 227; 
respect des consciences, 248. — Fermeté, 
195, al,; modération, 129, 195, al-; pas révo- 
lutionnaire, 170. — Libéralisme, condescen- 
dance, concessions opportunes, XLIX-s., 
225-s., 247, al. — Traits de fierté, 69, 223; 
de magnanimité et de désintéressement, 
216, 223, al.; d'humilité, 68, 76, 108, 222, 
227, etc. — Universalisme, 328, passim (Voir 
Histoire de Paul, Type, Stratégie, etc.). 

Caractéristiques de l'Épiître, IV-s., LXXIV, etc.; 
— Structure (Voir Analyse) logique et 
soignée, LXXIV, al. — Variété de sujets, 
XXIV-s., LXXIV, al. et d'élocution, 31, al. 
— Le ton. XLIX-s. al; terminologie fami- 
lière LXIV, ou solennelle, LXIV, 390, al. — 
L'unité (voir à ce mot); logique interne, 153, 
202, 208, 298, 391, 401, al. ; harmonie el identité 
de structure des développements comparés, 
LXVII, 224, passim; unité spirituelle, XXV, 
al. — Grande valeur historique, I-s., 211, 
215, 253, 354, 862, etc. — Grande valeur 
doctrinale (Voir Doctrines). — Comparaison 
avec les autres, VI, LXXIV-s., surtout les 
«Grandes Épitres», LV, LXIV, VLXXIV, — 
Universalisme et catholicisme, 2,328, al.(Voir 
à ces mots) — Marche progressive et couron- 
nement au ch. xv, Résurrection, 399, 436. — 
Correetion de la langue LV, LXI, 178, al. ; 
difficultés de lexique et de grammaire, 184, 

.al.,les négligences de style, 187, — Lien 
des versets, 255; division des alinéas et 
versets, coupures, 431. — Changements de 
ton, 411, al.; — Répétitions. 247; « digres- 
sions », LXITI. 159, 341, al. (Voir Doctrines, 

Style, etc.). 

Cas de conscience, 195, 205, 246, 250, 272 (Voir 
Mariage, Idolothytes, al). 

Gasuistique juive, 30, al. (Voir Halakh a. 
Rabbins), 
Catéchèse, catéchisme, XXXII, 23, 39, 54, 138, 

364, 394, 397. 

Catholicité de l'épitre, catholicisme, XXXI, 
XXXVIII, 2, 332, 372, 456, 467, 468, al. — 
cath. de Paul, 332, 372. 

Célibat (Voir Virginilé, Chasteté), 152, 153, 
154, 176, 179, 185, 188, 189, 193; — sa supé- 
riorilé, 183, 174; — Paul célibataire, 159, 
214 (Voir Femme-sœur), 

Cenchrées, X, XIV, XIX. 

Gène : Dernière Cène, 126-s; — paroles du 


Christ, 294-s8.; — Paul n'en a pas connu le 
détail et le sens par « révélation » immé- 


diate, 309-sss. (Voir Eucharistie). 
Céphas (Voir Pierre), IX, LI, 56, 65, 68, 71 
72, 78, 9211, 


212, 375, 395 (Voir Parti 


INDEX ANALYTIQUE. 


de Céphas, 

Gérinthiens, 412. 

Gésar, IX, XVII; — Jules César, X. 

Gésarée, 375, 376, 381 (Voir Glossolalie). 

« Ceux du Christ », 442, 443, 445 (Voir Résur- 
rectlion, Parousie). . 

« Ceux du dehors » (ot stw), 135 (Voir Paiens, 
Juifs). 

Chair, 193; — Israël selon la chair, 242: — 
« chair et sang », 144, 495 433, 484 (Voir 
Corps). 

Ghangement d'attitude envers les choses du 
monde, 180. 

Changement d'état, 170-ss, 176 (Voir Liberté). 

Changement d'opinions (prétendu) chez 
Paul, LXIT, 196, al. 

Ghatismes (Voir Dons) en général XXLI, 
XXXIV, LXII, 40, 48, 53, 91, 93, 147, 160, 
254, 255, 285, ss., 317-558, 312, 348, 350, 464, 
al.; — sens de yéptoua, en général., sens 
restreint 160; étymologie, 322; -—— énuméra- 
tion, 319, al.; ordre d'énumération, 332; — 
caractère partiel et transitoire, 347; — répar- 
tition et spécialisation, 822, al. ; — le cas à 
faire des charismes extraordinaires, 48, 
53. — Assemblées où ils se manifestent, 
271, 354, al.; leur réglementation, 354, al, — 
Charité (v. à ce mot) supérieure aux 
charismes;, — le Mariage est-il un cha- 
risme? 147 (Voir Dons, Pneuma Grâce, 
Grâces gratis datae, Langues, Mariage,, 
Assemblées, Glossolalie, Prophétie, etc.). 

Charité XXIV, XXXV, XXXVI, XXXVII, 
LXII, 29, 115, 183, 195, 196, 197, 158, 202, 
203, 205, 207, 236, 246, 251. 318, 319, 340-g55., 
351-s., 364, 387, 435, L64, L67, 468, 469; — 
elle est l'amour de Dieu, 207, al, d'où 
découle l'amour du prochain; — sa néces- 
sité, 342-ss; — sa valeur éternelle, 347; — 
la triade « foi-espérance-charité », son 
origine, 351-353; — « hymne à la charité », 
340-sss (Voir Vertus théologales, Triades, 
Union, Vision béalifique, Idée centrale). 

Chasteté, 153, 177, 188, 214, al. (Voir fnces- 
tueux, Pécheurs, Mariage, Virginité). 

Ghâtiments personnels infligés par Dieu, 62, 
at. (Voir Jnceslueux, Excommunicalion, 
Feu, Peines, Communion indigne, Malaides, . 
Purgaloire, Jugements). 

Chef (Voir « Téle »). 

Chefs de ce siècle 41, 42 (Voir Archontes). 


Apparitions, lemme-sœur). 


.Ghevelure, 253-sss., 256, 262, 267 (Voir Tenue 


des femmes, Usages, « Tête », « Puissance » 
sur la tête, Discipline, Émancipées). 
Chine 152, 157 (Voir Manichéens, Tourfan). 
Chloé et « Gens de Ghloé », XXII, LXXXIE, 7-5., 
80, 85, 117, 151, 236, 253, 270, 388. 


INDEX ANA LYTI QUE. 


Chrétiens, de Galatie; de Thessalonique (Voir! Gommentateurs : 


ces mots). 
Christ: comme nom propre, 255; — « Homme 
céleste », 110, 426-s5s; — comme homme 


terrestre, 428, al. ; — médiateur, rédempleur, 
Juge; « têle », 409, al.; — « prémices », 
405, 406, 407, 429; — crucifié 18, 114, al., 
237, al. (Voir Croix), agneau pascal, 125; 
— Christ « sagesse » et « puissance » de 
Dieu, 18; — instituteur de l'Eucharistie 
(voir à ce mot); — relations avec Lui, 
union à Lui (Voir Imitation, Union). — 
« être dans le Christ », 21, al; — « fonde- 
ment », (Voir à ce mot); pas d'autre Christ 
85, 87; — préexistence, divinité (Voir 
Christologie). 

Christ mystique XXXI, 134, 329, al.; — 
« Christ » collectif, 328 (Voir Membres du 

_ Christ, Église.) 

Christocentrisme (Voir Mystique du Christ, 
Clemen). 

Christologie LI, LII, LVIII-s., 50, 59, 110, 
201, 445 etc.; — « Homme céleste » (Voir à 
Christ); préexistence, 231; divinité XXIX-s., 
34, 471, 231, al.; — Triomphe du Christ, 
445, et sa Royauté avec le Père (Voir 
Victoire, Royauté, Eschatologie). 

Chrysostome (son autorité hisiorique), 391, 319 
(Voir Repas du Seigneur, Charismes). 

Chypre, VIII. 

Gilicie, 196. 

Circonstances de composition de l'Épitre, 
XVIII -ss. 

Circoncision, LVIII, 82, 172. 

Citations, LXXII-ss., 146, 434, al. ; — catégories 
de citations de l'A. T., LXXII-s.; cilations 
« ad sensum », LXXIIT; cit. bloquée, 436: — 
preuves par citations, LXVIIT: — citations 
profanes, voir Ménandre. — Citations à 
noter de la Genèse, 147, 426. — Citations 
des Pères, XC-5. 

Clarté de l’Épître, LXIV. 

Classiques, 162, 177, al. 

Claude (édit d'expulsion des Juifs), XIIT. 

Clemen (sa théorie) Voir Mystique du Christ, 
Résurrection. 

Clément de Rome, XVII; son témoignage sur 
I Cor., LXXVI (Voir Authenticité). 

Codex (Voir manuscrits). 

Cohabitation des époux, 158, 164, 168 (Voir 
Mariage, Droits). 

Cohérence des doctrines de Paul, LI-s, (Voir 
Correspondances). 

Collecte pour Jérusalem, XVIII, XXX VIII, 455. 

Commandements : du Christ, (Voir Urdres, 
ou Préceutes); — de laul, 164, al. (Voir 
Mariage). 


479 


grecs et orientaux, XGVIII- 
ss., anciens Latins, XGVIII-s; Moyen Age, 
XCIX; de la Réforme au xtv° siècle, XGIX- 
s.; jusqu’à nos jours, G-GIV. 

Communauté primitive,.255, 294-sss. 335-ss. 

Communauté de Corinthe (Voir Corinthe). 

Communication « in-sacris », 202, 246 (Voir 
Idolâtrie, Idolothytes, Banquets paiens). 

Communication de la « sagesse », 45 (Voir 
Sagesse). 

Communion : eucharistique (Voir Eucharistie, 
Repas du Seigneur); — communion à l'autel, 
243 (Voir Auiel); communion aux 
démons, 244, 247 (Voir Table); — commu- 
nion entre fidèles, 239. 

Comparaisons chez Paul, 328, 358, 360, 365 ; 
— avec instruments de musique, 358; avec 
langues étrangères 858, 360 (Voir Glossola- 
lie). 

Concessions de Paul (Voir Caractère). 

Concile de Jérusalem, IX, 211; — décret apos- 
tolique, 247 (Voir Idolothytes). 

Conciles : d'Elvire et autres, 190; — de Nicée 
III, 213; — de Trente, 165, 239, 245. 

Conclusion de l'Épître, 467 (Voir Charité). 

Goncubinat, 118, al. (Voir Jncestueux, Ma- 
riage). 

Concupiscence : remède à la concupiscence, 
164; — concup. des Anges, 265 (Voir Anges). 

Conflagration 433 ; stoïcienne, 62 (Voir 
Feu, Stoiciens, Eschatologie). 

Confirmation et conformité au Ghrist, 41, 
56, al. (Voir Union, Tmitation). 

Gonfréries grecques (leurs statuts), 73 (Voir 
Repas du Seigneur, Banquets), Procès). 

Connaissance expérimentale de Dieu, 54; — 
réciprocité de connaissance entre Dieu et 
l'homme, 349. 

Connaissance de la vie terrestre du Ghrist, chez 
Paul et ses chrétiens, XV, XXIX, LXIX- 
s; LXXI, 23, 24, 164, 165, 172, 177, 184, 209. 
252, 278, 437 (Voir Paroles du Christ, Ordre, 
Imitation). 

Conscience, 202; al.; — témoignage et satis- 
faction de la conscience, 222, 227; — cons- 
cience erronée, 202, 204; — conscience des 
païens, 248. 

Consécration,eucharistique (Voir Eucharistie); 

consécration extérieure, 167 (Voir 
Mariage, Pureté, Action sanctifiante). 

Conseils : évangéliques, 166, 176 (Voir Paroles 
du Christ, Virginité) ; —de Paul,171, 174, 176, 
177,183,464 (Voir Célibal, Changement d'état, 
Veuves); — sens du conseil de célibat, 183. 

Consentement de la jeune fille à la volonté de 
son père, 186 (Voir Mariage, Père antique, 
« Pérg. subintr. »). 


—— 


#80 


CGonstsuction prégnante, 168. 
Contrastes (pracédé de Paul, 
Caractère, Style, Antithèse). 


Contemplation hehlénistique et gnastique, 340. 


Convenances ou bienséances 


262 (Voir Usages, Chevelure). 


Conversion.da Paul, 35, 398, al. (Voir Damas, 


Croix, Paul. 
Coopération avec Dieu, 58 (Voir Apôtres). 
Copies des lettres de Paul, LXXXIIT-s. 
Gorinthe, V, IX-s., passim, Histoire de la 

ville, X-XIII, al. ; fouilles, XI ; -- conditions 

politiques, ethniques, économiques, sociales, 
morales, X-XIIT; — immoralité, XII; — 
langues, 383; — religions, XI (Voir Apkro- 
dite). — Évangélisation, XIII-ss, — La crise 

AVI, L-s. — L'église de CGorinthe : sa compo. 

sition, XII, XV, XVI, 24, 175, 254, al: — 

origines ‘religieuses el saciales de ses 
membres, XII, 171, 172, al; — les familles 

189, al; — les femmes, 256-ss.: — le carac- 

tère des converlis de Coxriathe, 139, 164, 

172, ete; — Les divisions et les coteries, 

XXI, al. (Voir Ghangements d'élai, Femmes. 

Purtis). — L'organisation, XXXVIT, 152, 

139, 385, etc. (Voir Eglise, Assemblées, Fonc- 

tions, Pouvoir). 

Carinthiens (Deuxième Épitre aux), sa compo- 
sition, XVIL. | 

Cornelius (le centurion), 3875 (Voir Césarée, 
Glossolalie). 

Corps : lecorps humain en soi, sa destination, 
143, 144. 145, 148; — sa permanence, 424; — 
péchés sontre le corps, 148. — Le corps 
« psychique », 144, 490, 424; le .corps 
« pngumatique » ou spirituel 91, 105, 110, 
113, 144, 146, 330, 419, 420-ss., 491, 494, 495, 
429; — sa nature et son identité subsfan- 
lielle avec le corps psychique 426, 430, 434, 
449, al, (Voir Fornication, Péchés, Mort, 

Résurrection). 

Corps du Christ : le corps glorieux du Christ 
ressuscité, 420 (Voir Corps pneumaiique); — 
le corps et le sang du Christ dans l'Eucha- 
ristie, 337 al. (Voir ÆEucharistie); — en 
divers sens, passim; corps mystique du 
Christ, XXNIV, 63, 296, 318, 328, 401, al. 
{Voir Christ mystique, Eglise, Membres). 

« Corpus paulinum », LXXXIIT, 3. 

Correspondances des épitres, 246, 496, 
(Voir Caractérisliques, Cohérence). 

Corruption (o60p4), 431 (Voir Afort, Corps 
psychique). 

Gorybautes, 348. 

Cosmique, cosmologie, 958 
Salut). 


al. 


(Voir Pnreuma, 


LKXHI (Voir 


INDEX ANXALYTIQUE. 


Coupe : caupe juive, 138; — coupe des 
démons, 242 (Voir Zdolothytes, Eucharistie), 
Gouronne, 288 (Voir Jeux, Métaphores). 


|Gouronnement de l'épitre par le chap. xv, 
: naturelles, 
238; antiques 254, 269, 26%; chrétiennes, 


258, 399 (Voir Curactéristiques). 


| Gourse, coureurs, 227, 228 (Voir Zmages). 


| Gourhtisanes grecques, 258 (Voir Chevelure). 

‘Gréation ex nihilo, 96, 196, 208, (Voir Dieu 
créateur); — récit de la Genèse, 498: — 
nouvelle création, 172. 

Crispus, XIII, 20. 

Croissance et maturité spirituelle, 88, al. (Voir 
Ænfarts, Adultes). 

Croix, XXX, XL, XLI, XLVI, al 17, 27, 33, 
34, 35, 46, 87, 38, 49, G4, 87, 113, 114, 237, 
238, 404, al.: — langage de la Croix XIV, 
KE, 14, 85, af, (Voir Conuersion de Saul, 
Folie, Scandale, Sacrifice, Mort du 
Christ, etc.) 

Culte : chrétien 40, 270, 309, al. (Voir 4s- 
semblées, Tenue des femmes, Euckharistie, 
-Charismes); — :culie de Jésus, (Voir Znvo- 
cation) (Voir Assemblées, Eucharistie, etc.). 
Culle Juif, 22: — Culie des empereurs, 
200; — cultes idolâtriques XXXIX, al. 
(Voir Zdolätrie); — cultes des démons, 236, 
al. (Voir Jdalotkytes, Table, Démons). 

Cybèle, 90, 343 (Voir Mystères). 

Cymbales, 343, 

Gyniques, 148 (Voir Diatribe). 

Damas, 35, 222, 278; — chemin de Damas 
(Voir Conversion de Paul). 

« Dans le Christ », 66; « Dans le Seigneur », 
261, 262 (Voir ces mots et Liberté, Veuves, 
Mariage). 

Date de l'épitre, LXXXVII-<., 195, 983, 417, 
455, 460, 467 (Voir Pâque, Aguilas, Bach- 
man). 

Datifs, « de manière », « commodi, incom- 
modi », 249, 258, 282, 

Décalogue, 172. 

« Décalques » (traductions —), 80. 

Déclarations solennalles, 431, al, 

Déclinaison, LIX. 

Décor (oyñua), 180. 

Découvertes, 102 (Voir Manichéens, F'ayoum, : 
Tourfan). 

Décret apostolique, 196, 247 (Voir Idolothytes, 

Conc. de Jér.). 

« Defixionum tabellae », 198, 

Degrés de pneumatisme, 88,89 (Voir Pneumu- 
tiques). 

Delafosse, (sa théorie) LXXXIX., 

Délégation corinthienne, 888 (Voir S{éphanas). 

Délos, X. 

Déméter, XLVI (Voir « Mystères »), 


INDEX ANALYTIQUE. 481 


Démétrius le Cynique, XV. 

: Démétrius d'Éphèse, XVIII. 

Démons, #1, 102,199, 200, 236, 242, 243, 244, 
245; — leur culte, leur table (voir à ces 
mots) (Voir Dieux paiens, Culte, al.). 

Denys de Corinthe, XVII. 

Dernier ennemi, 446 (Voir Mort, Eschatologie, 
Parousie). 

Dernière trompette (Voir Trompette). 

Derniers temps, 178 (Voir Æschatologie, 
Nécessité, Messianisme). 

Dette (conjugale), 157 (Voir Mariage, Égalité). 

Devoirs, passim; — devoir d’un apôtre, 308 
(Voir Apôtre, Économes. — du père d'une 
fille à marier, 176 (v. mariage). 

« Diable attrapé », 42 (Voir Apocryphes). 

Diaconies, 328 (Voir Charismes, Dons). 

Diacres, 338, 465. 

Dialectique de Paul, 202, al. (Voir Argumen- 
lation, Stratégie). 

Dialogues (fictifs), 249, 250, al. (Voir Diatribe). 

Diaspora XIX, (Voir Juifs). 

Diatribé, XLI, LXIV-s., 10, 18, 19, 25, 26, 28, 
58, 64, 65, 74, 132, 136, 137, 156, 170, 173, 209, 
216, 227, 249, 330, 421, al (Voir Sfoiciens, 
Cyniques, Style de Paul). 

Dictons, 73, 142. 

AtÔÜantT. nvevpatos, 114. 

Didascales, 333, 335, 336 (Voir Église, Dons, 
Prophètes, Apôtres, Triades\. 

Dieu : unité de Dieu, 203, al. (Voir Unité); 
— puissance de Dieu créateur, 419-s, 421-s., 
425; sa puissance dans le Christ, 18; — 
amour muluel de Dieu et de l'homme, 
(Voir Charité); — sa fidélité, 5, 235, al. ; 
— Dieu de paix, 372; — ce qu'il nous a 
préparé, 44-s.; — Dieu d'Abraham et de 
Moïse, 44k; — « chef » du Christ, 256; — a 
tout soumis au Christ, qui lui remettra un 
royaume pacifié, 407-409; — sera vu face à 
face, (Voir Charité et Vision béatifique) et 
sera « tout en tout », 409-s. (Voir Sagesse, 
Puissance, Gloire, Grâce, Charité, Ghrist, 
Corps pneumatique, Résurrection). 

Dieux païens, XXII, XLIT, XLVI, 324, 372, al. ; 
— leur caractère imaginaire, 243, 24%; — Les 
banquets et sacrifices en leur honnour 
247 (Voir Banquets, Idolothytes); — dieux 
suprêmes successifs, 444; — dieux souffranis 
et mourant, 36, 37, — langue des dieux, 
337 (Voir Démons, ITdolothytes, Idoles| du Seigneur). 

Aphrodite, etc.). Écoles philosophiqués, 40, al. 

Dignité des fidèles, 21, 65, al. (Voir Rédemp- Écoles modernes : de Tubinguo, 225, 429: — 
tion, Sagesse, Apôtres), « hollandaise », LXXVIIL, CGIV; — escha- 

Dignité de la femme, 258, 260, al. (Voir| tologique, 180, 407; — d'histoire des 
« Antiféminisme », « Puissance » sur lal religions, XLV, 437, 838, passim (Voir 
tête). Tubingue, Schweilser, Reitsenslein, ete). 


Digressions (véritables et prétendues) LXIIT, 
210, 276, 282, 341 (Voir Caractéristiques, 
Stralégie). 

Dimanche, 276, 456 (Voir Repas du Seigneur). 

Dionysos, 343 (Voir Bacchus et Mystères). 

Discernement des esprits (don), 326, 338, 355 
(Voir Charismes). 

Discipline, 255, 256, 263, al. ; — son unité dans 
les églises, 263 (Voir : Voile, Charismes, al.). 

Discours de gnose et de sagesse (Voir à ces 
mots). 

Divisions à Corinthe (Voir Gorinthe, Partis). 

Docteur des Gentils, 36. 

Doctrines de l'Épitre, XXVIII-sss., LVIII-s., 

. passim. — Celles qui sont présupposées, 
XXIX-s.; — celles qui sont enseignées 
directement, XXXII-ss, — Leur application, 
XLII-ss.; — leur mode de présentation 
LXIV-s; LXIX, 27, al. (Voir Séyle, Argu- 
mentation, Paradoxes, etc.). 

Documents manichéens, chinois, 102; — al- 
chimiques, etc. 103, 111, al. 

Dogme eucharistique, synthèse, 953, 259-sss, 

. (Voir Euchar.). Paul n’en est pas l'auteur, 
502-316. 

Dons de l'Esprit (Voir Charismes) XI, 333-ss, 
844, al. — Dons de sagesse, de science et 
d'enseignement, de puissance, de gouverne- 
ment, de guérison, d'assistance, de discer- 
nement, de langues, (voir à tous ces mots) 
(Voir Grâce, grâces gratisdatae, Charité, 
Mariage, Foi, Glossolalie), 

Dorienne (forme), 468. 

« Douze » (les), 392, 393, 394 (Voir Apôtres, 
One, Résurrection). 

Aoëæ, LVI, 422, al, (Voir Gloire). 

Droit : israélite, 140, 174; — antique, païen, 
164, 186; — coërcitif dans l'Église, 117-s; 
4139-88. ; — droit du mariage, 153, 167, 169, 
183, al.; droit du père antique sur l'état de 
sa fille, 176, 186, 189 {Voir surtout /nces- 
lueux et Mariage). 

Droits des apôtres, de Paul, 208, 219 (Voir 
Caractère de l'auteur, Renoncements). 

Apoprevæ, 41, 281, 296-s (Voir Mystères, 
Eucharistie). 


Eau du rocher, 233 (Voir Anc. Testament, 
Baptême, Rocher). 
Ebriété, 149, 278, al. (Voir Zurognes, Repas 


ÉPITRE AUX CORINYIHIENS. 31 


462 INDEX ANALYTIQUE.. 
Économe des mystères de Dieu, 68, 84, 255] enfants dans le Christ, 271 (Voir Adultes: 
(Voir Apôtres,. Foi). Lait, Parfaits, Pur, Sagesse, Charisme). 

Économie domestique, 195 (Voir Zdolothytes).| « Enigme ». de la foi, 349. (Voir Foi). 

Écrituves, 390; al: (Voir Citations, Ancien| Ennemi (Voir Dernier ennemi). 

Testament); — accomplissement des: Écri:| Enonciations: et affirmations qui ne-sont pas 
tures, 402; — « selôn des Écritures », 897| à considérer comme: des « preuves », 424, 
(Voir Résurrection). al. 

Édutation de Paul : juive LXV, LXVIIT, 28,| Enseignement des Douze, 81, al. (Voir Disci- 
38, 217, 9928, 254, 419, 484; — grecque, el! pline, Réglementatien des Charismes; Résur- 
culture littéraire; LXVIII, 33, 254, 418; —| reotion, Eucharistie, Traditions). 
son excellence, 347 (Voir Style, Argumen-| Enseignements laxistes, et autres. erronés, 18%, 
tation, Hellénisme, Rabbinisme). passim, 

Efféminés, 262, al. ÆEnumérations : de vices, 137; — d'épreuves, 

Égalité : chrétienne, 466; spirituelle: -entre| 75-5; — d'exemples de VA, T, 283-8.; — 
homme et femme, 261; — de droits con-| d’apparitions du ‘Christ, 391-ss; — de 
jugéux, 164; — spirituelle entre Juifs ei| charismes et de fonctions, 319:8., 382; 338:s, 
Gentils, maîtres et esclaves X LIT, 182-5. 335-ss. (Voir à tous ces mots). 

Église. : de Corinthe, V-s., passim (Voir! Éons, (les deux) ou siècles, LXVI 
Corinthe); — églises fondées par Paul, Ephèse, XII XVI, XVII, XIX, XXI, 
263, al.; autres éelises, 253; églises d'Asie,| LXXXVII, XC, 79, 83, 196, 10; 376, 381, 
267; église ou églises de: Dicu, 261, 263: 399, 400, 414, 415, 455, 460, 467 (Voir Cap- 
« toutes les églises», 255. tivité, Glossolalie, Lieu d'envoi). 

Église-Christ, corps du Christ, 348, 329, al,,|-Ephpheta, 383 (Voir Langues étrangères). 
(Voir Christ mystique, Gorps, Membres) ;|Épi, 421 (Voir Grain, Eleusis, Résurrection). 
— Église une et universelle, 241, 382, al.| Epicuréisme, 411, 417. 

(Voir: Cathoôlicité; Traditions); — église| Epicharme, 98. 
enseignante, 336, 894, al., et enseignée, 394:| Épilogue de l’Ep., 455-ss. 
— ecclésiologie de Paul, 256,328, 339 (Voir| Epigraphie, XI. 
Catholicite, Fonctions, Discipiine, etc.),  |« Epiphanies, n 296, 297. 

Églises protestantes et ovientales: (opinions| Epiphore, LXV. 
des), 67, 165 (Voir Mariage, Purgatoireï. | Bpiscopes, 336, 388, 371, 465: (Voir Fonctions). 

Égypte : religion, 96, 377, 419; — sortie d'Eg., Epispasme, 175 (Voir Circoncision.) 

231, Epitres de la captivité, 200, 339 (Voir Ephèse, 

Egyptiennes (versions), XCIIT; Gaptivité, Doctrines). 

Ebvn, LVI (Voir Gentils), Épître aux Ephésiens XXXII, — ak (Voir 

ExxAnçto, voir Église ; éxtknoie du-peuple, pas! Doctrines, Église). 
decorrespondance dans l'église corinthienne, |-Épître. aux. Hébreux, XX, 

122 (Voir Procés). Épitre: aux. Philippiens, XXXI, al. (Voir 

Eleusis, 421 (Voir Epi, Grain, Mystères,| Christologie). 

Résurrection). Épiîtres aux Thessaloniciens, 353, 449-ss (Voir 

Elite-des chrétiens, 271 (Voir Parfaits, Vierges).|  Vertus théol., Résurrection). 

Ellipses, 199, 218, 243, 249, 280, 437, 465. Epoptie, 90, 296-s (Voir Eueharistie, Weiter, 

Elohai, et-autres noms magiques, 378. Mystères), 

Elus (deuxième. catégorie prétendue), 447 Époux chrétiens, 153, 163, 4164, al. (Voir 
(Voir Résurrection). Mariage). 

Elymas, 123. « Epulae Jovis »,. 244 (Voir Banquets). 

Emancipées, 262 (Voir Femmes, Féminisme). | Equilibre social respecté, 171; — des com- 

Empereurs, 200, 273 (Voir Culée). paraisons, 428. 

Emprunts (pas d'emprunt de doctrine aul|Erasistrate, 98. 
paganisme), 86. (Voir Jnfluences). Eraste, XV, XXI, LXXXI, 20, 79, 461, 462. 

Emulation donnée aux Grecs, 228. « Erreur bienfaisante », 403 (Voir Résurrec- 

Encratisme, XL, 194 (Voir Mariage, Rige-| tion). 
ristes, Partis). Eschatologie, XXXIII-s., 70, 134, 148, 145, 

Evepynmata (œuvres d'énergie, dons de l'Es-| 179, 181, 182, 296, 407, al, — tableau de 
prit), 323, 325 (Voir Œuvre de Puissance).| leschatologie paulinienne, 388, 454-458 

Enfance, enfants, XXKVI, XXXVII, 168, 348,| — eschatologie « spiritualiste », 399-407. 
al.; — enfants des Corinthiens, 167; —| (Voir Résurreclion, Thessaloniciens). 


{ 


INDÈX ANALYTIQUE. 483 


Eschyle, 381. 

Esciavés, XLITI, 164, 173, 329, al.‘ — esclaves 
ét mäâîtres 153; — idées de ‘Paul sut l'éscla-| É 
vage, 174, 175; — esclaves et afftanchis du|Ë 
Christ, 174, 256 (Voir Changement d’étal, 
États, Equilibre): == ésclavage du foiniéa- 
teur, 142 (Voir Dignité, ÉoYnicaliôn. Libérté).| 

Esotérisme, XLVEE, 89, 40, 41, 50, 78, 87, 112, 
415 (Voir Pneumatiques). 

Espérance, 350, 387, 358, 403, 436 (Voir 
Verlus théologales, Triades, Résurrection). | 

Espoirs réligieux dés patens, 36 (Voir Dieux, | 
Hfystères). 

Esprit (Voir Preuma, Saint-Esprit), XXXI, 
LIY, 150, 318, 393 passim; — de Dieu, 63, 
communiqué, 87, 94; — du Seigieur, du 
Christ 146, 197; — vivifiant, 428; — cons- 
ciénce qu'on péui avoir de l'Esprit, 47; — 
esprit du monde, 46, al..— « esprits » au 
pluriel {Voir Prophètes, Discernemñent). 

Estomac, 133, 146. 

État intérmédiaïre des âmés, 67 (Voir Âmes 
séparées, Pürgatotre). 

États sociau# 159, — tous éapablés d'être 
sanctifiés, 171 (Voir Changements d'état, 
Esclaves). 

Ethiopfénne (Version), KCIŸ. 

Eucharistio : XXIT, XXXT, KXXIT, 129, 159, 
195, 931, 269, al.; — son institution par le 
Christ (Voir Dernière Cene); — sà célébra- 
{ion à Coriñthe (Voir Kepés du Seigneur, 

” Assemblées); — son caractère de sacrifice, 
152, 303-ss.; — Présence Réeïllé, 23), 241, 
244, 269, 279, 289, 283, 304, 306, al. ; — com- 
munion, 236, 241; communion indigne, 282; 
— sacrement d'unité, aul, 27%, al. (Voir: 
Union au Clhirist); —ses eflets, 262, 286, al. 
— prières liturgiques de l'Eucharislie, 238, 
239; dans la Didachè, 291; — piécepte 
traditionnel du Christ de la célébrer, 275; 
esprit de l'inslitution, 269, al.; — le texte 
eucharistique de Paul ét les antrés, 20%-s8. 
(Voir Repas du Seigneur, Cène, nhuors, 
xpiuax, Pain, Union, Charité, Synthèse al.) 
— Paul n’est pas l’autéür du dogme, 26%:s. 

Éunomius,. 444. 

Euüripide, 351. 

Évangélisation, sa teneur LVI{T, 389, (Voir 
Résurrection); — de Corinthe en général. 
(Voir Corinlhe), 

Évangélistes, leur mérite, 56 (Voir Aptres) ; 
—  évangélistes (charisme), 337 (Voir 
Charismes). 

Évangile, 198, 216, passim; — enseignemenl 
moral, 164; — traditions évargéliques 
orales, LXXI, 164, venues du Christ, 165: 
— évangiles canoniques, 392, 394, 397. 


Ëve, 259 (Voir Création, Genèse, Tenue des 
femmes). 

volution prélendue de Paul, Li-s., 406, al. 
xcommunication, 123, 124, 198, 139; — 
fineure, 120 (Voir. Incestueua, Droils, 


— à propos a récit. eucharistique, 851; — 
pes d”« exemples » au sens technique de 
la diatribe, LXIX; — exemples à prendre 
chez l’Apôtre, 208, ‘al. (Voir Imitation). 
Éxpérience de Paul, 33 (Voir Gonversion; 
Croix). 
Éxpiation, 64 (Voir Peines, Purgaloir e): 
Extases, 107, 356, #70, 382 (Voir Glossolalie). 
Éxtravagances rejetées, 172. 


Fable égyptienne 328. 

Factions à Corintlie, XXII, XXXI, 6, 210, 
234, 236, (Voir Divisions, Par bis). 

à Pafblés » (chrétiens), 202, 305, 248, al.; 
Paul se disant « faible», 226. 

Faits évangéliques, et du minisféré du Christ, 
LIT, LXXI, 41, 156, 184, 278, al. (Voir Con- 
naissance de la vie du Chr ist, Évargilé); — 
faits dé l'Anc. Test, (Voir Anc. Test, 
Exemples). | 

Famille (vie de) XLIII, al. (Voir Mariage, 
Repas, Ésclaves). 

Fausses lettres corinthiennes, LXXVII. 

Fautes de scribe, de mémoire, 233, 934. 

Fautes chaïnelles, 441-5s. (Voir Incestueux, 
Fornication). 

Fautes extérieures des païens, 130. 

Fayouni, 102, (Voir Manichéens, Découver tes). 

Féminisme, XXXIX, XLIITI, 253, 258 (Voir 
« Antifém. »). 

Femmes, XXXIX, 258, 262, al. (Voir Mariage, 
Époux, Égalité, Subordination), %43-ss., 
256, etc. — Femme gloire de l'homme, 259, 
267; — Femmes dé Gorinthe, 373, al.; leur 
tenue dans les assemblées, (Voir Tenue, 
Chevelure); — femmes émancipées, f. per- 
verses, 258, 261, 262; — f. esclaves, 258; — 
f. prophètesses, 372 (Voir Mariage, Dignilé, 
« Téle », « Antiféminisme », etè.). 

« Femme-sœur »,. 211-214 (Voir Apôtres, 
Concessions). 

Ferment, 125 (Voir Azymes, Pâque). 

Festis de corporation, 195 (Voir Banquets). 

Feu, 60, 61, 66, 81, 100, 101 (Voir Châliménts, 
Parousie, Purgatoire), 

Fiançaïlles, fiancés, 193, 19%, al. ; — - fiariçailles 
ct mariage « spirituels » avec « subintro- 
ductae », 190, 191 (Voir « Virgines subintro- 
ductae »). | 


484 


“a Fides » du mariage, 156 (Voir Mar iage).… 
Figure (cxâux) du monde,-180. 


antique). 

Fils de Dieu, 5, 42, 409; — son hommage 
au Père, 409 (Voir Christ, Christologie); 
— « Fils de Dieu » dans la Genèse, 265. 

Fils de l'Homme, 109, 409, 428 (Voir Homme). 

Foi, XXXV, XLI, 39, 43, 49, 78, 350; — foi 
commune, règle de foi, 39, 49, 78, (voir 
Traditions) (Voir Vertus théologales, Esprit, 
Dons, Charité, Triades). 

Foi-charisme, 325, 343, 344 (Voir Charismes). 

Folie : de Dieu, 17, 18, 35, 87; de la Croix, 
27, 64, 81 (Voir Sagesse, Paradoxes, Croix). 
— folie des hommes, 64 (Voir Sagesse des 
hommes). 

Folklore, 265. 

Fonctions spirituelles spécialisées, 332, 333; 
— d'administration, 332; — permanentes, 
65 (Voir Charismes, Église). 

Fonction génératrice, 143 (Voir Fornication). 

Fondement (le Christ fondement unique), 59. 

Formes verbales, LX. 

« Formgeschichte, » 177. 

Fornication (mot ide sens très large), XX, 
146, 148, 233 (Voir JIncestueux, Péchés 
charnels, Corps). 

« Forts », 204, 209, 224, 235, 249, 251 (Voir 
Faible, Scandale des faibles, [dolothytes). 

Fortunatus, XXI, 339, 464, 466 (Voir Déléga- 
tion, Stephanus). 

Foule (spectacles de la) (Voir Images). 

Frère (appellation), 1, 132, 136, 364. 462. 

Frères du Seigneur, 211, 212, 214 (Voir 
Jacques, Joses, Simon, Jude, Apôtres, 
Femme-sœur, Droits). 


Galates, 211. 

Galatie, VIII, XVI, XVIII, XXII, LXXXVII, 
84. 

Galimatias magique, 378 (Voir Langues). 

Gallion, XIV, XV, LXXXVI, 1 (Voir Corinihe, 
Séjour de Paul). 

Gayomard, XLVIII, (Voir Jranisme, Premier 
Homme). 

Gendre, 119 (Voir Inceslueux). 

Genèse (souvenirs de la), 180; — récit de la 
Création, 428 (Voir Citations). 

Génitif absolu, 79. 

Gentils, 172, al (Voir Paiens, Incroyants). 


Grain, 


INDEX ANALYTIQUE. 


‘ gloire de l’homme, et l’homme gloire de 


‘. Dieu, 260-8.; — de gloire en gloire, : 257: 
. Filles non mariées, 177 (Voir Viérges, Pèrel 


— gloire que Paul tire de Corinthe, 209: 

:— gloire (ou éclat) des astres (Voir 4stres), 
(Voir Hvareno).: 

« Gloses » du Moyen Age, XCIX. 

Gloses (vraies ou prétendues), 177, 209, 221, 
256, 270 ; — glose théologique, 436. — gloses 
« catholicisantes » prétendues, 78, al. (Voir 
Weiss, Catholicité). 

Glossèmes, 380 (Voir Glossolalie). 

Glossolalie (Voir « parler-en-langues ») et 
glossolales, XXXIV, 40, 107, 110, 319, 334, 
349, 347, 855, 364, 366, 367, 385, al.: — sens 
technique de YAüocx, 380-s.; pas « langues 
étrangères », 362, al.; — glossolalie et 
prophétie, 354-ss.; — description, 364, 382- 
ss. — glossol. et miracle des langues à la 
Pentecôte, 376-ss.; — théories diverses, 374- 
ss. — genres de gloss., 380; — conditions, 
imposées par Paul, 369; nombre permis 
des glossolales, 369 (Voir Charismes, 
Langues, Prophétie, . Miracle, Pentecôte, 
Extase, Simulateurs, Pneuma, Pneuma- 
tiques, etc.). 

Gnose (voir Science), XXIII, 40, 87, 91, 105, 
115, 142, 196, 198, 203, 209, 210, 248, 395, 
342, 343, 358; — sens de yvüot, 105; yv@ouc 
et voü, 108, 111; gnose et sagesse (Voir 
Sagesse); et Pneuma (Voir Pneuma). — 
« langage de gnose » 107, 115, 324-s. (Voir 
Sagesse, Charismes, Didascales). 

Gnosticisme, gnostiques, XXXI, 37, 39, 86, 90, 
103, 110, 146. 191, 200, 202, 226, 233, 265, 
340. 


Gog et Magog, 440. 


Goguel (théorie de) LXXXII (Voir Unité de 
l'Épitre). 

Gothique (version), XCIV. 

Gourmandise, 148, 149. 

Goût de Paul, LXVII, LXVIII, al. 

Gouvernants, 41 (Voir Archonties). 

Gouvernement (don de), 338 (Voir Charismes, 
Dons). 

Grâce, XXXI, XLVII, 44, 46, 95, 160, 469; — 
grâce sanctifiante, 9%; — grâces « gratis 
datae », 158, 160, 318, 335 (Voir Charismes, 
Fonctions); grâces d'état, XXXIV, 335 (Voir. 
les mêmes mots). 

LXX, 9222, 434 (Voir Germination, 

Images, Mort, Résurrection). 


Germination, 434 (Voir Grain, Résurrection).| Grammaire, LIX-s5., 28, passim. 


Tcyvworxw (sens de), 108. 
Gloire (ô6ëa), XLVII, XLIX, 44, 422, dE 
Christ « Seigneur de gloire », 


— le 


Grandes Épîtres (Voir Caractéristiques de 


I Cor.). 


—| Grande Mère, XI (Voir Cybèle). 


gore de Dieu, Trône de gloire, 6. 951, Gratuité du service de Paul, 216 (Voir Carac- 


— degrés de gloire, 423; — la femme 


tère ‘de P.\. 


: Harmonie des parties de l'Épitre, 224. 


INDEX ANALYTIQUE. . 485 


Grec antique et classique, 168, 221. Hermèés, VIII. 

Grécité de l'Epiître LVI-s,, LVIII (Voir Gram- Hermétisme, XLVIII, 99, 105, 106, 111, 197, 
maire, Vocab.). 265, 325, 848 (Voir Pneuma, Noÿc). 

Grecs (Hellènes), IX, 17, 18, 112, 142, 155, Hiérarchie naturelle, 261. 
254, 329; — sens général de « Gentils », |Hiérodules, XI, 146 (Voir Aphrodite, Forni- 
« Païens », 17-s., 251, 329; — leurs opinions | calion). 
sur Ja Croix et la virginité, (voir ces mots), |Hiérothytes, 248 (Voir Zdolothytes). 
— orateurs grecs, LXVI; — ce que Paul Histoire de Corinthe, X-s., XIV-s., 31, 189, 
doit aux Grecs, LXVII; (Voir Éducation, | 270, 458 (Voir Corinthe). 
Hellénisme). Histoire de l’Église primitive, de ses croyances 


Grecs : Pères, 276; — commentateurs, XCVII-| et de ses mœurs, 253, 862, 467, al. 

8. Histoire de Paul, Vil-ss., XIII et suivantes 
Gregory : XC, XCIIT (Voir Nomenclature). LVIII, LXXXVI, 81, 71, 79, 224, 295, 227, 
Groupe deuxième de ressuscttés, 4514 (Voir! 458 (Voir Conversion, Caractère, Corinthe, 

Résurrection, véhos). Éphèse, Charismes, Célibat,  Thério- 
Groupement des matières d'après saint| machie, etc). 

Thomas, LXI. Hommage du Fils au Père, 409 (Voir Fils de 


Guërisons (don), 325, 326, 337 (Voir Cha-| Dieu, Royauté, Eschatologie). 
rismes). Homme : en face du mariage, 178; — homme 


Gymnosophistes, 345 (Voir Supplice du feu).| terrestre, 110; vieil homme et homme 
| nouveau, 102; « homme intérieur », 105, 
107, 109. 

Hommes « psychiques », et « pneumatiques », 
(Voir à ces mois). Homme céleste LXVI, 
(Voir Christ). 

Premier Homme, LXVI (Voir Adam, Anthro- 
pos, Gayomard, Iranism — les Deux 
Hommes de Philon, 498. 

Humanité de Jésus, XXX, al. 

Hvareno, XLIX, 259 (Voir Gloire, [ranisme). 

Hymenaios, 121, 140, 399 (Voir Excommunica- 
lion). 

Hypallages, 184, 186, 

Hyperboles, 206, 218, 222, 270. 


Hadès, 399, 417, 436 (Voir Immor'talité). 

Hadrien, 69. 

Haggada, LXX, 217 (Voir Rocher, Rabbinisme). 

Hagge {théorie de), LXXXI. 

Halakha, 120, 156, 267 (Voir Jncestueux, 
Rabbins). 

Hallucinations, 401 (Voir Résurrection). 

Hapax-légomènes, LIII-s., 184, 220, 221, 246, 
432, 


Hébraïsmes, LX, 69, 80, 456. 

Hébreu, 28; — Paul et l'original hébraïque, 
82 (Voir Citations). 

Hébreux : leur sortie d'Égypte, 230; leur 
infidélité, 236, 237 (Voir Exemples, Anc. 
Test.); — « sagesse » des Hébreux, 112; — 
Hébreux gnostiques, 85 (Voir Juifs). 

Hellènes (Voir Grecs). 

Hellénisme, V, XI, XL, 13, 84, 253, 359; — 
« sagesse » hellénique, 418; — hellénisme 
religieux et mystique, rapports avec chris 
tianisme, 111, 112, 152, 198, 299, 325, 340 
422 (Voir Sagesse, Résurrection, Spiritu a 
lisme). 

Hellénisme de Paul, LVII, LXX, LXXIV 
Paul pense en grec, 29 (Voir {nterprètes) 
Paul « classique de l'hellénisme », 32 
Paul et l'hellénisme en général, 348. (Voi 
Éducation, Croix, Style). 

Hellénistiques (formes), 188. 

Hendiadys. 25. 

Héracléon, LXX VII. 

Héraclite et logique héraclitéenne, XLV II 
LXV, LXVI (Voir Logique de Paul). 

Herakles, 245 

Hérésies, 272, 


Jao (et autres noms magiques), 378, 

Idéal supérieur (de virginité), 186. 

Idée centrale et principe unique de l'Épitre, 
XXIV, 195, 202, 207, 236, 253, al. (Voir 
Union au Christ, Charilé, Liberté, Morale). 

Idées du monde profane sur la Croix, (Voir 
Infamie, Scandale, Folie); — des Juifs et 
des Grecs sur la virginité, 185; — des 
Thessaloniciens et d'autres sur la Parousie, 
399, 449 (Voir Parousic). 

Idées sémitiques prêtées à Paul, 255 (Voir 
« Anliféminisme »). 

Identité de structure entre sections del'Épitre 
(Voir Caractéristiques). 

Idiomes barbares, 378. 

Idiotisme grec, 250. 

Idolâtres, 83, 129, 183, 199. 

Idolâtrie, XXXIX, 129, 200, 205, 233, 236, 297, 
239, 248, 245 (Voir Culle, Démons, Repas). 

Idoles, 195, 199, al. (Voir Dieux); — jeur 
néant, 196, al; — opinion de Paul sur leur 
« réalité », 200, 243, 


486 


Idolothytes, XLII, XLIV, 84, 137, 141,. 495- 
sssg, 209; 206, 236, 243, 247, 252, 317, 464%; 
&— solution pratique, 196, 286, (Woir /dolälie, 
Repas, Banquets paiens, Table, Sacrifice, 
Scandale, Encharistie). . 

leqarah, 95 (Pneuma, Gloire). 

Tlluminés, 370: 

UHiustrations, LXIX, LXXITI (Voir Exemples), 

Illusions collectives, 395 (Voir Résusrection, 
Apparitions). 

Images qu'emplaie Paul, LXVITIss. — leur 
origine, (Bible et. diatribe) LXIX; leur 
originalité peu marquée, ibid; — bibliques, 
LXVIII, al. 
jeux, de théâtre, de la rue, de méliers, des 
âges dela vie, LXIX, (voir à. tous ces mats, 
<t Lieux communs}; — absence à pen près 
“totale d'images médicales. et nautiques, 
- LXVIN (voir à ces mots). 

‘Imitation de Jésus, XXX, LXXI, 252, 255, al. 
(Voir Conn. de. la vie du Christ). 

Imitation de Paul, XXX, XXXV', 77, 255 (Voir 
Car. de Paul son « orgueil », Discipline, 
Traditions, Économe). 

Immortalité, incorporelle ou. platonicienne, 
387, 399, 402, 414, 417 (Voir Résurrection). 

Empératifs, LXV, 174, 334. 

Improvisation, 27, 224. 

Impur, impureté, 237 (Voir Pur). 


Incarnation, LVIII-s., 327, 398 (Voir Christo- 


logie). 


Incestueux, XXII, LXXIV, 83, 116, 117, 118, 
128, 130, 139, 141, 283, 464; — 
son père, sa compagne, 118; — sa peine, 
122-ss., 239 (Voir Abandon, Excommunicu- 


119, 122-8., 


lion). 

« Inclusio », LXVIT, 330. 

Encorporation au Christ, 
Membres, Union). 

Ineroyants, 
joint ineroyant, 166, 168 (Voir 
Privilège paulinien) (Voir Fnfidèles). 

Indépendance chrétienne, 146, 
Libérté). 

Indépendants à Corinthe, 86, 
(Voir Parti du Christ). 

Indiens, 67. 

Imeptie, 35 (Voir Folie). 

Infamie de la Croix, XLVI, 37 (Voir Croix, 
Dieux mourants, Conversion de 
Scandale, Ineptie). 

Infidèles, (Voir Incroyants); — au sens fort, 
« signe pour les infidèles », 365. 

Infinitif présent, sa portée, 408. 

Influences étrangères présumées sur Ja 
doctrine de Paul, XLV-s8., 36, 254, al, (Voir 
Hellénisme, Hermétisme, Mystères, Stloi- 


195, 944 


152, 446 al. 


; — domestiques, agricoles, del: 


(Voir 


8, 133, 136, 366, 386; — le con- 
Mariage, 


183 (Voir 


Paul, 


INDEX ANALYTFIQUE. 


cisme); — dans. le style, LXVEH, al, — 
influence de la Bible grecque, LVI, 98 
(Voir Vocabulaire, Septante). 


LEnitiés païens, XXXV, XLII, 40, 74, 226, 321 


(Noir Mystères, Pneumatisme). 
Injustes,, 132, al. (Voir Procès, Juges, Péchés). 
Emnovations de l'Évangile, 157,164 (Voir Ma- 
riage, Égalité, Esclaves, Staiciens). 


Fascriptions, 37, G9, 72, 168, 176, 219, 245, 


Lh1, 468. 


Inspirés, 49, 83; — leurs rivalités, 271 (Voir 


Pneumatiques, Gtossolales). 
Instantanéité de la. fin, 451 (Voir Parousie, 
EBschetologie, Seconde Résurrection). 
Instruments de musique, camparés à la langue 
des glossolales, 343, 358 (Voir Comparaisons, 
Glossolalie, Hymne à la Charité). 


Insultegrs, 129: (Voir Péchés mortels). 


Intégrité fie l'Épître, LXXX (Voir Unité, In- 
terpol.). 

Intention de Paul dans le récit eucharistique, 
269 (Voir Euchar.). 

Intermédiaires philoniens ou hellénistiques, . 
46, 201, 278. | 

« Interpolations », 166, 182; — « interpola- 
tions. cafholicisantes », LXXX, 2, 263, al, 
(Voir Intégrité, Woiss). 

Interprétation de l'Ane. Test., 230, al. (Voir 
Anc. Test.). 

Interprétation (charisme), 326, 338; — inter- 
pr. des « langues »., 370, at. 

« Interprêtes » de: Paul, 30 (Voir Éducation, 
Hellénisme, Style oral, Tite). 

« Interversions », 270, 

Invitations chez les païens, 
Table, Idolathytes). 

Invocation du nom de Jésus, XXX, 9, 3 (Voir 
Christologie, Adoration du Christ). 

Ionienne (poésie), LVII, 

Jranisme, XLIX s., LXVI, 60, 62, 67, 101, 
105, 409, 111, 352, 491, 423 (Voir Premier 
homme, Anthnopos, Beilsenstein). 


246, 247 (Voir 


Ironie, 69, 74, 75, 80, 83, 134, 135, 136, 155, 
158, 169, 177, 199, 956. 258, 271, 284, 861, 367; 
emphase ironique, 197 (Voir Caractère, 
Style). 

fsis, XI, XL VI. 

Islam, 157. 

Israël : historique, 229, al. (Voir Hébreux); 


Israël « selon la chair », 242: — Israël de 
Dieu, 230 (Voir Correspondances). 

Itacisme, 193. 

Ivresse au repas du Seigneur, 273, 385. 

Ivrognes,ivrognerie, 129, 148, 149 (Voir Péchés 
mortels). 


Jacques de Zébédée, 211. 


L INDEX ANALYTIQUE. 


Jacques frère du Seigneur, 212.(Voir Apééres, 
Frères du S.\. 

Jannès et Jambrès. 44, 231 (Voir Légendes). 

Jean-Baptiste, et ses disciples, XIX. 

Jérôme (st), XCIII (Voir Vuigate). 

Jérusalem, 455, 457; — communauté-mèré, 
455 (voir «« Saints », Catholicisme, Collecte); 


— Concile de Jérusalem, (voir à ce mot); — 


voyages à Jérusalem (voir à ce mat). 
Jésus (Voir Christ, Christologie); — Jésus 


Seigneur, 279; son nom invoqué, 2; — fré- 


quence de son nom, 5, 469, 

Jeux publics, XI, 227 .8.; — jeux isthmiques, 
XI, 227 (Voir Images, Courses, etc.), 

Josés frère du Seigneur, 212 (Voir Frères du 
Seigneur). 


Jour, Jour du Seigneur, 60, 61, 79, 348, 385, 436 
(Voir Parousie, Feu, Jugement). — « Jour »| 


bumain, 69. — « Troisième jour », 391, 397 
(Voir Résurrection, matin de Pâques). 
Judaïsants. XVI. Li, LVIII, 82, 84, 86, 137; 


— controverse judaïsante, IX, LI (Voir 


Galatie, Juifs). 
Judas l'Iscariote, 392. 
Jude, frére de Jacques, 212 (Voir Frères du 

Seigneur). 

Judéo-Ghrétiiens, VIII, 119, 166, 167 (Voir 
Corinthe, Parti de Céphas). 

Judiciaire (pouvoir) dans l'Église, 439. ss. 

Juges païens de Corinthe, 132, 133, 186 (Voir 
Procès, Injustes). 

Juges (les fidèles) sur le monde et sur les 
Anges, 133, 134. 

Jugement des païens, 130, 247 (Voir Cons- 
cience), 

Jugement du Christ, 66; général, 134 (voir 
Parousie); particuliers (Voir Âmes, Chäli- 
ment, Purgaloire). 

Jugement de la communion indigne, 282, 284, 
285, 

Jugement personnel de Paul, 
Mariage). 

Juifs, VIII, XII, 17, 18, 140, 164, 172, 254, 257, 
329, al.; — Juifs hellénistes et alexandrins, 
917, 943, (voir Apollos, Philon); — Juifs à 
Corinthe (voir Corinthe, Hist. de Paul) : — 
l'homme juif et la femme juive, 254; — 
missions occasionnelles de Paul parmi Îles 
Juifs, 255; Paul « Juif avec les Juifs » (voir 
Caractère), 225) (Voir Hébreux, Dias- 
pora, etc. HHist. de Paul, etc.\. 

Jupiter capitolin, XI (Voir Religions de Go- 
rinihe), 

Juridiction pénale, 139 (Voir pouvoir Judi- 
ciaire, Procès). 

Justes non-Ghrétiens (ou non Israélites), leur 
résurrection, 44 (Voir Deuxième Groupe). 


165, al. (Voir 


Justification, LVITI, 278; 
un sens non théologique, 70; 


Lettre des Corinthiens à Paul, 


487 


— Justification en 
— « justice 
imputée », « justification » luthérienne, 


88; — «justitia tradux », 168. 


Kaduws yeypanras, -«« aomime il'a été écrit », 


LXXII. 


Kénose, 42. 
Kocvnr, littéraire et vulgaire, LVI-s., LX. 
Kopevôcaéeabuc, « vivre à la Corinthienne », 


XII. 


Kôpros, XXIX, 200, (Voir Christ, Jésus}; — 
Je. sens -du terme, 22; ‘équivalence à :6e6:, 


171. — Küpios Zéperic, 200 (Voir Seigreur, 
Dieux, Empereurs). 


Lait, allaiter, XV,.53, 88, 90, 114 (Voir Enfants, 


Catéchisme, Métaphore, Ep. aux Hébreux). 


Langage des écoles, 90. 133, al. 

Langue de Paul (Voir Vocabulaire, Gram- 
maire, Style). 

Langue religieuse païenne, LVII (Voir Hellé- 


nisme, .elc.). 


Langues : langue organe de la parole, 359; — 


parler-en-langues, 366-sss {voir (rlossolalie, 
Charisme); langue des Anges, 348, 877, (voir 
Anges, Magie); — langues étrangères (simple 


objet de comparaison avec glossolalie), 355, 


356,.375, 379, 881; — langues de la Pentecôte, 
355, 856, 358, 360, 364, 382 ; langues de feu, 
375. 


Lapsus de secrétaire, 234. 
Latins:; témoins, XLII s., 880; 


— commentia- 
teurs, XCVIII s. 


Latinisme, LIV, LVI. 
Laxistes, 83, 86,, 152, 153, 495, 238, 


934, 249, 
246, 418 (Voir Chasteté, Fornication, Ido- 
lätrie, Repas). 


Lechaion, X (Voir Gorénthe). 
Leçons : 
432; — de Marcion, XC-XCI — « neutres » 
(ou alexandrines, égyptiennes), XCIT: — 
syriaques, 182. 
culées, XCIV-s. 
Lectionnaires, AG 
Légendes juives, 231, 939, 42 
ulilisé ? 232 (Voir Rocher. annés,. 
Légitimité ou licéité du mariage, 153, 188, al. 


« occidentales », XC, XCII, 44, 182, 


— Principales leçons dis- 


— Paul en a-t-il 


(Voir Mariage). 

XVI, 8, 142, 
151, 156, 159, 161, 177, 188, 189, 195, 196, 197, 
205, 258, 255, 455 (Voir Questions). 


Lettre perdue de Paul aux Corinthiens, XVI, 
128. 

Lettre «in lacrymis », ne peut être I Cor, L 

Lettre précanonique d'après Weiss et d'autres, 
196, 209, 243, 270, 279, 468. 


488 


Lettre (deuxième prétendue, 342, al.; — les 
Trois Lettres prétendues de ces auteurs, 
LXXXI, al. 

Libéralisme de Paul, 247, al. (Voir Carac- 
tère). 

Libéraux de Corinthe, 196, 197, 204, 210, 222, 
229, 

Libertins et Libertaires à Corinthe, XXII, 117, 
137, 142, 145, 157, 464 (Voir Fornication, 
Idolothytes, Sophismes, Partis. Havra qu. e.). 

Liberté, XXIV-s., XXXVI-s., XXXIV, XLIII, 
XLIV, 66, 81, 86, 141, 149, 174, 183, 188, 
189, 195, 203, 204, 219, 246, 254. 256, 258, 317, 
340, 387, al.; corrélative à la charité, le 
principe, 249 (Voir Charité, Fornication, 
Mariage, Esclaves, Idolûtrie). — Liberté de 
Paul, 209 (Voir Renoncement). 

Lieu d'émission de l'Épître, LXXXVI, 415, 467 
(Voir Éphèse). 

Lieux communs dans les images de l'Épitre, 


LXVIII-s. (Voir Images, Métaphores, Dia- 


tribe). 

Lignes (disposilion du texte en), XCV-s., 341, 
419. 

« Literarkritiker », LXXXV. 

Litotes 177, 294. 

Logion, 219. 

Logique de Paul, LXVI, LXXIII, 208, 298, 
al. ; — elle est normale, LXVI. (Voir Carac- 
tère, Caractéristiques, Style, Stratégie:. 

Logos, 231. (Voir Pneumu;); — « orlhos Lo- 
gos », 63 (Voir Stoicisme). 

Lois de la nature, 484. (Voir Membres, Ger- 
minalion, Résurrection). 

Loi mosaïque, 81, 216, 219, al.; — allégorisa- 
tion de la Loi, 217; — Loi et péché; 110, 
436, 437; loi abrogée, 81. (Voir Grandes Épt- 
tres). ° 

Loi de Dieu, 226; — du Ghrist, XXX, 226. 

Luc (Évangile de), 184. 

« Lumière » (Mystique de), son absence, LIX 
(Voir Jranisme, Manichéisme). 

Luthérienne (exégèse), 154, al. (Voir Mérite 
Justification). 

Luxure, 137, al. (Voir Fornication). 

Lycaonie, VIII. 

Lyrisme, 27, 340, 
Style). 

Lystres, VIII, XIV, 26, 35, 226. 


421, al, (Voir Caractère, 


Macédoine, X, 24, 31, 458, 459, 460, 461. 

Macrocosme et microcosme, XLVIII. (Voir 
Tranisme). 

Magie, 98, 378, etc.; — littérature magique, 
99, 101, 111, (voir Papyrus), — magie apo- 
tropéique, 260, 265, 266 (voir Voile, Anges, 
Démons) ; — miroir magique, 8349; — pas de 


-INDEX ANALYTIQUE. 


« sanclification » magique, 166 (voir Sain- 
teté). | 


Mahomet, LXXIX, 30. 
Maîtres (Voir Esclaves, Affranchis). 


Mal (problème du), 36. (Voir Croix). | 

Maladie de Job, 124. (Voir Abandon à Satan). 

Maladie de Paul, VIII, 27. (Voir AHist. de 
Paul). | 

Maladies et morts à (Corinthe, 280. (Voir 
Châtiment, Eucharistie). 

Malédiction païenne, 468 (Voir Abandon, Def. 
tabellae. 

Mana, 99. (Voir Pneuma). 

Mandéens, XIX, XXX, 101, 412. 

Mani et Manichéisme, 101, 102, 109, 387 (Voir 
Premier Homme). L 

Manifestation des charismes, 93, 253, al. (Voir 
Charismes). 

Manne, 231, 233 {Voir Hébreux, Eucharistie, 
Exemples). 

Manuscrits grecs : onciaux, XCI-s.; cursifs, 
lectionnaires, XCII; — vieux-latins, XCII- 
s.; — vulgate latine, syriaques, coptes, 
XCIIT; — autres, XCIII-s. 

Marana tha, 367, 383, 468. 

Marc, interprète de Pierre, 31. 

Marcion, LXXVII, XC-s., 102, 

Marcionisme, et prétendues idées marcionites, 
43, 71, 72, 116, 130, 132, 262, 269, 412. 

Marcosiens, 412. 

Mariage, LXI, 453-169; — mariage et célibat, 
476-189; — permis (voir Légitimité); con- 
seillé comme opportun, 154, 159, 179; — 
monogame, 154, 155, 157; — indissoluble, 
XLIV, 82, 162-164, 188; — « debitum », 
usage, 157, 176; — « charisme », état sanc- 
tifié, 161, 184; — institution, glorification, 
156; — silence de Paul sur quelques-unes de 
ses fins, 155; — ses tribulations, 177, 179, 
182; — mariages mixtes, 165-S.; — nouveau 
mariage 188. (Voir Veuves). (Voir Époux, 
Innovation, Concupiscence, Virginité, Cé- 
libat). — Pas, de mariage « spirituel », 190, 
193. (Voir Virg. subintroductae). 

Mariés, et personnes à marier, 191, 192 (Voir 
Époux). 

Marie, sœur de Marthe, 184. (Voir Luc, Évan- 
gile). 

Marthe, 184. 

Martyrs (règne des), 440, 458. (Voir Mille- 
nium, Résurrection). 

Matériaux d'expression chez Paul, LXVIII; 

ordre des matériaux de l'Épitre, 

LXXXV. 


Matin de Pâques, 357. (Voir Pâques, Tombeau, 


Apparitions). 
Médecins, 97. (Voir Pneuma). 


INDEX ANALYTIQUE. 


Mélange de lettres (prétendu) (Voir Lettres, 
Goguel, Weiss, Unilé). 

Membres du corps, 330, 331. (Voir Apologue, 
Église). 

Membres du Christ, XXXIV, XXXV, 63, 145, 
149, 174, 183, 332. (Voir Corps du Christ, 
Christ mystique, Église, Incorporation, For- 
nication). 

Menenius Agrippa, LXX, 328. (Voir Apologue). 

Mer (dans l'Exode), 230. (Voir Anc. Test., 
Baptême). 

Mérite, 57, 221, 222 (Voir Luthérienne). 

Messianisme, XLVIII, al.; — ,regne messia- 

- nique, 445, al. (Voir Royauté du Christ, 
Derniers Temps). 

Messie, 402, 407, 427. (Voir Christ, Règne, 
Église militante); — Messie juif, 33, (Voir 
Croix). 

Métaphores, 180, 359, al.; — militaires, 359, 
agricoles, de métiers, etc. (Voir à ces mots). 
(Voir Images). 

Méthode rabbinique, 434. (Voir Rabbins, Édu- 
cation, Argumentation). 

Métiers, LXIX, 195. (Voir Images, Festins, 
Idolothytes). 

Métonymie, 199, 260, 264, 265, 266, 267. 

Mra ou66atwy, LVI, LXI, 456. (Voir Di- 
manche, Hébraïsme). 

Millenium, Millénarisme, XXXIV, 134, 350, 
L4O, 447, 449, 450, 451; — exclu de l'escha- 
tologie paulinienne, 438-sss. (Voir Résur- 
rection, Parousie). 

Minim, 84. 

Ministère apostolique, 55-s, al. (Voir Apôtres, 
Économe). 

Miracles, 17, 231, 326, 376. (Voir Corinthe, 
Rocher, Pentecôte). 

Miroir, 349. (Voir Foi, Enigme, Magie). 

Missionnaires, 338. 

Mithra, 55. 

Mœurs XL; — restes de mœurs païennes, 124, 
al. (Voir {ncestueux, Fornication, [dolätres). 

Moïse, 230, 233, 237, 944, 257, 409. 

Monde religieux des gentils, XLVI. 

Monde futur, 44. 

Monothéisme, XXII, 199-s. (Voir Science). 

Montanisme, 71, 377. 

Morale, XXXVI, 195, al,; — morale grecque, 
153; — morale de Paul, 142; moralité 
moyenne exigée des croyants, 129, 132. 

Moralistes grecs XLVI, LVII; — usage de 
leur langue, LVII. (Voir Sfoiciens). 

Morceaux qui ont pu être préparés avant 
d’être écrits, 29, 294. 

Mort, 408, 435, 437; — personnifiée, 408. (Voir 
Dernier Ennemi); — victoire sur la mort, 
387, 408, 420, 431 (Voir Parousie, Résurrec- 


489 


tion); — mort du grain, mort condition de 
vie, 419, 421 (Voir Grain, Transformations). 
Mort du Christ, 87, al. (Voir Croix). 

Mortification, 157. 

Mots particuliers à l'Épître, LIll-s. (Voir 
Hapax); — mots absents ou rares, quoique 
pauliniens, LIV, LVIII. (Voir Vocabulaire). 

Motif de la prédication de Paul, exclusi- 
vement surnaturel, 26; — motif religieux du 
célibat, 189, (Voir Célibat, Virginité). 

Moyen Age (commentateurs), XCIX. 

Mummius, X. 

Mystère, XCIV ; — de Dieu, du Christ, 40, 68, 
81, 88, 431, 435; science des mystères, 343. 

« Mystères » païens, XI, XLVI, 36, 87, 40, 83, 
87, 90, 91, 102, 103, 110, 233, 317, 321, 353, 
367, 419, 432. — Paul les connaît, XLVI, 
mais ne leur a rien emprunté, 91, 112. (Voir 
Initiés, Pneumatiques, Glossolales, Assem- . 
blées). 

Mystique, 39; faux mystiques, 84; les deux 
mystiques, 49; mystique païenne, hellénis- 
tique, XLVIII, al., 86, 111, al. Mystique de 
Paul, XLVIIT, 149, 253; son haut principe, 
256. (Voir Union). — Myst. des chrétiens 
primitifs, 362. — Mystique du Christ (Voir 
Christocentrisme, Schweitser); — pas de 
« mystique de Lumière » (voir à ce mot). 


Nägeli, LIIT. ss. (Voir Vocabulaire). 

Nature, 419: — ordre et lois de la nature, 
256, 262, 263, 422 (Voir Stoicisme,. Résurrec- 
tion, Grain). | 

Nautiques (absence de métaphores), 180. 

Nécessité présente (àv&yxn évestüoa), pas néces- 
sairement eschatologique, 178, 179, 182, 189 
(Voir Eschalologie, Parousie); — pas de 
nécessité héraclitéenne, LXVI (Voir Adam, 
Antithèse), 

« Nechamah », 96, (Voir Ame, Pneuma). 

« Nefech », 96, 98 (Voir Ame. Pneuma). 

Néoménies, 127. 

Néoplatoniciens, 244. 

Néopythagorlciens, 99, 284. 

Nnmcos, (opposé à vélesoc), LX VIII, 113, 115 ; — 
le sens, 113 (Voir Enfant, Lait, Adulte, 
Parfaits). 

Néron, X, 193. 

Nestle, XCV. 

Niaiserie (Voir Folie. 

Nietzsche, XXXIX, 

Nomenclature des manuscrits, XC. 

Nominatifs « pendants », 262, 

Non-initiés (ira), 363 (Voir Assemblée, Glos- 
solalie, Prophélie), 

Norden (jugement sur langue de Paul), 32. 

Nous (intelligence, raison), XXXVI, XLVII, 


490 


LXXIV, 99, 105 ss. 354, .864; 
mot, 40bns8. — voùs et nveïua, 104, 113, 341: 
voüs — et yv@ots 106, 108, 111. — Dieu Noûs 
des hermétiques, 105, 106, 108 (Voir Her- 
mMétisme, Mystique de Paul); — Noù du 
Christ, XXXVII, 88 (Voir Septante). 

Nuée (de l'Exode), 230 Woir Hébreux, Moïse, 
Bapléme). 


Cbéissance pour Dieu.seul, 174 (Voir Esclaves). 

Din XVIII. 

Olympe, 20 

Omonbegie, que, 298. 

Onésime, 465. 

« Onze» (Les), 209 (Voir « Douze »). 

Ophites, LXXVII, 

Opinions païennes et juives sur la Croix, 37 
(Voir Croix, Folie, Scandale, Infamie). 


Opposition juive, VIIL, IX, XV (Voir Hist. de 


Paul, de Corinthe). 
Optatif, LX. 
Ordre de la création :et de la grâce, 261, 262. 


Ordre dans l'Église, 266, 261, al. (Voir Tenue 


des femmes, Tradition, Discipline). 

Ordres (on préceptes) du Seigneur, 133, 163, 
164, 165, 166, 172, 216, 255 (Voir Conn. de la 
vie du. Christ, Évangile). 

Ordre conditionnel de Paul, 166 (Voir Mariages 
mixiles). 

Organisation de l'Église, XXXVII s. 

Griginalité de L'Épitre, XXXVIII-ss. 

Orphiseme, 67, 244, 412. 

Osiris, 37, 298; 
Euch.). 

Ouvrier (Paul), 214 s. (Voir Renoncemeni). 


Paganisants, 83, 84 (Voir Laæistes, Idolätres). 

Paganisme : convertis du pagan., 44; 
retour pratique au paganisme, 366 (Voir 
Idolâtres, Idolothytes, Fornication). 

Païens (Voir Gentils, Hellènes). 

Pain, 237; — Pain unique, 241 (VoirEucha- 
r'islie). 

Paires de concepts, LXV, LXVI (Voir Anti- 
thèse, Héraclite, Logique de Paul). 

Palla, 256 (Voir Voile). 

Tavtæ pos ebeozcv (« Lout m'est permis »), 
XXXVI, 137, 149, 233, 246 (Voir Jiefrains, 
Liberté, Laxistles). 

Panthéisme : superstition panthéiste, 100; — 
psychol. panthéiste, 104; — inspiratioa pan- 
théiste, 112 (Voir Preuma). 

Papyrus, LIV, LVIII, XC, 11, 18, 20, 57, 75, 
79, 110, 139, 133, 150, 157, 184, 193, 204, 206, 
Uk, 246, 947, 374, 434, &k1; — les rouleaux 
de papyrus, leur conservation, LXXXIII, 
LXXXIV; — codex de papyrus, LXKXIV; 


— 


— sens du| 


— sang d'Osiris, 298 (Voir 


INDEX ANALYTIQUE. 


— papyrus contenant des fragments de 
f’Épître, XG. — Papyrus magiques, 99, 101, 
843, 378 (Voir Magie). 


Pâque juive, 125, 279 (Voir Azymes, Ferment, 


Date, Eucharistie). 


Pâques, LXXI. 126. (Voir matin de Pâques, 


Tombeau, Apparitions, Dimanche). 
Paraboles (absentes), LXX. 
iaæpañoocs (Voir Tradition), XLI, 263, 269. 


Paradoxes de Paul, XL, LXV (Voir Antithèse, 


Sagesse, Croix). 

Parallélisme, LXV, LXVI, LXVIT, 29, 186, 
178, 182, 9236, 242, 433, 40; — antithétique, 
LXVI, 245; synthétique, LXVI s.; — paral- 
lélisme dans le récit de la Résurrection, 399, 
(voir Apparilions); — parallélisme et exé- 
gèse, 4928. 

Parataxe, 28. 

HapekxGov, 275, 310 s. (Voir T7 adition, ÆEucha- 
ristie) 


|Parenthèses, 163, 197, 203, 209, 240, 251, 458. 


Parfait (temps du verbe), 166, 168, 197. 

Parfaits, Perfection, XXX VI, 39, 40, 41, 42, 44, 
48, 52, 68, 59, 74, 78, 87, 89,91, 402, 104, 176, 
340; — rapport à perfection individuelle 
(pour mariage), 176, 179; — État de perfec- 
tion, 183 (Voir Célibat, Virginité). — Entre- 
tiens des parfaits, 114 s., al. (voir Sagesse); 
— Jour de la perlection, 348 (Voir Adulte, 
téketoc, Pneumatiques). 

Parler (faculté de) des dons reçus, 87, 88 (Voir 
Discours de Science, de Sagesse). 

Paroles du Ghrist, leur autorité, 177 (Voir 
Tradition, Règle, Mariage, Conn. de la vie 
du Christ, Évangile). 

Paronomase, 141. 

Parousie, XL, 5, 61, 70, 145, 478, 180, 420, 498, 
435, 440, 442, 450, 451; — les hommes vivants 
à la Parousie, 420, 446; — sa proximité (non 
enseignée ni insinuée), XL, 156, 161, 175, 
284, 285, 431, 432, 448, 450 (Voir Résurrection, 
Jugement, Nécessité). 

Partis à Gorinthe (Voir Factions), XXII, pas- 
sim. — Parti de Paul, 81; de Céphas, LI, 
55, 60, 65, 69, 73, 81, 82, 88, 209; d'Apollos, 
16, 40, 81, 83; du Christ, v. infra; parti 
ascétique, 188 (voir Rigoristes). — Nature 
des partis, 172 (Voir Corinthe, Hisloire, 
Sagesse, Repus, etc.). 

Parti « du Ghrist », N 10, 12, 55, 64, 65, 66, 73, 
82, 84, 137, 196, 202, 209, 383, 399, 400, 418 
(Voir rdénendants) 

Particularisme, 3, 152, al, 

Particules, LIV, LIX, LX. (Voir 
maire). 


Gram- 


Passion du Christ, XXX, LXXI, 24, 36, 239 


(Voir Mort, Groix, Infamie). 


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INDEX ANALYTIQUE. LAS 


Pasteurs (moryéves), 335, 337, 371 (Voir fonc- Plan de Dieu pour le salut, 87, 113 (Voir 


tions). 


: Patron (d'une vierge), 198 (Voir Virg. subintr). 


Paul de Samosate, 190. 

« Paulino-apolloniens », 86 (Voir Partis, 
École de Tuhingue). 

Péchés, charné]s et autres, 116, 138, 140, 189, 
436, 437; contre nature, 138, 140 (Voir Forni- 
calion, Injustes, Incestueux, etc.) — péchés 
contre le corps, 448 s. (voir Fornic.); — 
péchés mortels, 1437 s. 

Pécheurs publics, 116, 128, 129, 130, 131 (Voir 
Excommunication, Quarantaine), 

Pédagogues, 77. (Voir « Père »). 

Peines temporelles, 59, al.; médicinales, 129, 
283 (Voir Chétiments, Maladies, Purgatoire); 
— peine diabolique, 124 (Voir Abandon). . 

Peintures chrétiennes, 241 (Voir Eucharistie), 

Pentecôte, LXXXIX, 79, 126, 354, 396; — 
analogie et différence entre le miracle des 
langues et la glossolalie, 374, 382. 

Pérates, LXXVII. 

« Pére » (titre que Paul se réserve), 71, 77. 

Père antique, ses droits, 189 (Voir Vierges, 
Mariés, Virg. sub). 

Pères chiliastes, 438 (Voir Millenium), 

Hepcrxx0apua (sens de), 76. 

Périodes (absentes), LXV, 

« Permis (tout m'est) », (Voir tœæayte) 

Perte de la chair, 123 (Voir Abandon, Peines). 

« Pétro-christins », 86 ( Voir Partis, Ec. de 
Tubingue). 

Phases du pneumatisme, XXXV-s. (Voir 
Pneumatisme, Enfants, Adultes, Parfaits). 

Phébé de Corinthe, 261, 465 (Voir « Antifémi- 
nisme »), 

« Phénomènes mystiques », le cas qu'en fail 
Paul, 318 (Voir Charismes, Glossolalie, 
Mystiqué). 


Sagesse, Folie, Croix, Mysière, Prédestina- 
tion). 

Pneuma (Voir Esprit), XLVI-s., LXVI, LXVIT; 
sens divers, M-ssss., — Pn. cosmique, 95, 98; 
fluidique, 98, 101, 109, 330; pneuma et feu, 
100; — psychologique, 92, 98, 354, 362; 
et âme, Wuy#, 108; pneuma et voÿç, 104, 341 
(voir voÿc) — Pneuma chez les païens : 
cosmique, fluide, feu, bummin(voirei-dessus); 
chez les médecins, 97; en magie, 97; en 
religion grecque et hellénistique, 97; en 
philosophie, particulièrement chez les 
stoïciens, 95, 97, al. — Pneuma dans la 
Bible, 111; dans le Nouveau Testament, 
100-s. — Pneuma par rapport à Dieu, 93 
(voir Dieu, Saint-Esprit, Esprit), cemmu- 
niqué (Voir Esprit, Grâce, Pneumatiques), 
vivifiant, 420; — pneuma par rapport à 
l'homine, 92, 354, 362; psychologique (supra); 
surnaturel, 92, 854, 362, 420, 424 (Voir 
Esprit communiqué). 

« Pneumata », au pluriel : des prophètes, 95, 
370; anges, dieux, (voir ces mots). 

(Voir Sagesse, Grâce, Pneumatiques, Saint- 
Esprit, Charismes, Dons). 

Pneumatiques (ou « spirituels »), Pneuma- 
tisme, (Voir Pons, Charismes), 811-ss., 
XXV, XXXI-s., KXXVI, XLVI-s., 49, 52, 54, 
74, 83, 84, 86, 110, 113, 196, 198, 309,. 317, 
822, 832, 848, 371, 383, 887; — sens primitif 
du mot « pneumatique » : « aérien,» « incor'- 
porel », 110; sens technique : « homme de 
PEsprit », « soumis à l'Esprit », ete. 109, 
110, 113; — catégories d'hommes « pneu- 
matiques », 47. — « Carps pneumatique » 
(voir Corps, Résurrection). — « Pneuma- 
tisme» de Paul {Voir Curactére). (Voir Cha- 
rismes, Résurrection, Glossolalie, Prophélie). 


Phénomènes de Samarie, Césarée et Éphèse| Polythéisme, 200. 


375, 376, 381 (Voir Glossolalie, Pentecôte). 


Pompée, X. 


Philetos, 399 (Voir Éxcommunication, « Spiri-| Pompéi, 246. 


tualisme »). 

Philippes, VIII. 

Philippiens, XII. 

Philon, philonisme, XIX, XX, 46, 198, 427. 

Philosophie, philosophes, IX, 20, 39, 41. al. 
(Voir Stoiciens, al.); — philosophie hel- 
lénistique (Voir Hellénisme); — philoso- 


«u Porte ouverte », LXXXVIII, LXXXIX, 416, 


460 (Ephèse). 
Porteurs des lettres, 464 {Voir Stephanas). 
Possession diabolique, ou suggestions diabo- 
liques, 124, 262 (Voir Incestueux, Peine dia- 
bolique, « Mystères », Glossolalie, « Ana- 
thème à Jésus »), 


phie religieuse de Paul, IX, LXVI, 39-sss.,| Pragmatisme, 403. 


118, 258, al. (Voir Sagesse, Stoiciens). 
Philosophisants, 83 (Voir Sagesse). 
Phrygie, XVIII, 200, 

« Piaculum », 76 (Voir reptxa6æpma). 
« Pièce rapportée », 208. 

Pierre, XXII, al. (Voir Céphas). 
Pisidie, VIII. 


Pratiques empruntées au paganisme, 411; — 
le baptême pour les morts n'en est pas 
une, ibidem. 

Préceptes du Christ (voir Ordres); — de 
l'Évangile, 172; — distinguer précepte de 
Paul et permission ou conseil, 156, 184, 
189 (Voir Mariage, Virginité). 


492 


Prédestination, 198. 

Prédication orale de Paul, LXVIII, 23-s., 
400, 439 (Voir Lait, Croix, Catéchisme). 

Prééminence de l’homme sur la femme, 9254, 
257, 258, 261, 263 (Voir « Téle »). 

Préjugés : sémitiques, 254; helléniques, 287, 
399, 436; eschatologiques et encratites, 160; 
protestants, 147, 154, 160, 183, 221. 

Prémices de l'Esprit. 89 ; — le Christ prémices, 
407, 443 (Voir Résurrection). — Prémices de 
l'Achaïe, 464 (Voir Siephanas). 

Premier Homme, XLVIII, al. (Voir Adam, 
Homme céleste, Anthropos, Gayomard). 

Presbytres, 833 (Voir Fonctions). 

Prescriptions de chasteté, chez les Juifs et 
les païens, 158 (Voir Abstinence). 

Présence du Christ parmi les siens, 41, 122 
(Voir Union, Tribunal); Présence réelle 
dans l'Eucharistie, 239, al. (Voir Eueha- 
rislie); — présence de l'Esprit comme hôte 


INDEX ANALYTIQUE. 


Psychiques, 48, 49, 88, 91, 103, 109 (Voir 
Sagesse, Esprit, Pneumatiques, Hommes 
psychiques, Corps psychique, Adam, Résur- 
rection, Ame). 

Hrnvoy (après xrmv&v), LXV (Voir Rime), 

Ptolémée (hérétique), LXXVII. 

Pugilat, 227 (Voir Jeux, Images). 

Puissance de Dieu Créateur, 419, 420, 4921 
(Voir Sagesse, Création, Corps pneuma- 
tique), — dans le Christ, 38, al. 

Puissance (éfouoia) sur la tête, 260, 261, 263-58. : 
— marque de puissance, 260, 265, 267, ap- 
partenant à la femme, 261, 267 (Voir 
Voile, Mélonymie, Dignité de la Femme, 
Anges, « Tête »). 

Pur (et impur), pureté (légale; dit du conjoint 
incroyant, et des enfants des chrétiens), 
166, 167 (Voir Mariage mixte, Sanctifica- 
tion, Consécration extérieure, Église, 
Magie). 


des âmes, XXXV, 111 (Voir Saint Esprit,| Purgatoire, 61, 62, 63, 66, 67, 413; — appui de 


Temple). 
Présidents locaux, XXXVIII (Voir Organi- 
sation, Fonctions). 


cetle doctrine dans notre épitre, 66-67. 
(Voir Châtiment, Feu, Jugement particulier, 
État intermédiaire, Ames séparées). 


Preuves par citations (Voir Cilations, Argu-| Pythagoriciens, 40. 


mentation). 
Prières eucharistiques, 238, 386 (Voir Eucha- 
ristie). 
Prince de ce monde, 40 (Voir Archontes). 
Printemps 55, date de réception de l'Épitre, 
LXXXVIII-S. 
mann). 


Pythie, 110. 


Qualité d'apôtre, non contestée à Paul par les 
Corinthiens, 209 (Voir « Apologie », Judai- 
sants). 


(Voir Dale, Pâque, Bach-| Qualité des images de Paul, LXVIII-s. (Voir 


Lieux communs, Répertoir €). 


Privilège non accordé à l'homme en fait de Quantité des vocables de l'Épître, LIIT (Voir 


droits conjugaux, 157 (Voir Mariage, Éga- 
lité). 

« Privilège paulinien », 168-s. (Voir Mariage 
mixte). 


Vocabulaire). 

Quarantaine (mise en) des pécheurs publics, 
130, 139 (Voir Pécheurs, Excommunication, 
Pouvoir Judiciaire, Lettre perdue). 


Problèmes historiques, importance de l'Épi- Quartodécimans, 126 (Voir Pâques). | 
logue pour les résoudre, 455; — quelques-| Quatrième Évangile, LIX, 308 (Voir Théologie 


uns qui restent (Voir Sosthène, 
Baptême pour les morts). 

Procès entre fidèles, XXII, 116, 132 (Voir 
Injustes, Tribunaux, Juges, Solidarité, 
Sermon sur la Montagne). 

Prophètes, prophétie, 40, 107, 110, 257, 319, 
333, 336, 338, 339, 355, 356, 362, 366, 367, 


Chloé, 


johannique). 


Questions posées par Paul : rhétoriques, LXV, 


abruptes, 243; ironiques, 142; triumphales, 
LXV, 435 s. (Voir Diatribe). 


Questions des Corinthiens, XXI {voir Leltre 


des Corinthiens) : familiales, sociales, (voir 
à ces mots); religieuses (voir Zdolothytes). 


371, 374, 386; prophétesses, 258; caractère] Questions personnélles, XXIV, 455 ss. (Voir 


des prophètes de Corinthe, 370. — Prophétie 
et gnose, 343. — Prophétie et glossolalie, 
356-ss.; réglementation, 370; « esprits » 


Epilogue, Voyages, etc.); importance pour 
l'histoire, 455. 


des prophètes, 95, 370; — Les « prophètes »| Rabbins, Rabbinisme, 95, 157. 255, 262, 265, 359, 


de Celse, 378. 


434; spéculations rabbiniques, 343; — « rab- 


Prostituée, 147, 149 (Voir Fornication, Hiéro-le binisme » chez Paul, 217, passages rabbini- 


dules). 

Protestants, 172, al. (Voir Luthérienne, Pré- 
jugés, Justification). 

Provincialisme, 281. 


ques tranchant sur l'ensemble de son œuvre, 
30 (Voir Juifs, Halakha, Haggada, Éduca- 
tion). 

« Raccord », 208 (Voir Unité, Transpositions). 


INDEX ANALYTIQUE. 


Rationalistes, 84, 86, 152, 198 (Voir Sagesse, 
« Spirilualisme »). 

Réalisme sacramentel de Paul, XLVI, 307, al. 

Réciprocité de connaissance, XX XVII, 349; et 
d'amour, 198, entre Dieu et l'homme (Voir 
Charité, Vision béatifique). 

« Récitations cultuelles », 12, 29, 33, 220. 


Recommandation : de Timothée 462; — de 
personnalités  corinthiennes, 464 (Voir 
Stephanas). 


Récompense, 61 (Voir Mérite, Conscience). 

Rédaction, « rédacteur », LXXX, 153, 196, 208, 
209, 227. 

Rédemption, 196, 203, al.; — non purement 
eschatologique, 21 s. (Voir Croix). 

Réduction à l'absurde, 10-11 (Voir Argumen- 
tation). 

Refrains et répétitions, 172, 174, 247. 

Régime de la grâce et de la gloire, 409, 410 
(Voir ces mots). 

Règle de foi et de mœurs, XLI, XLII, al. (Voir 
Foi, Traditions, Évangile, Discipline); — 
règle de décence, 254. | 

Réglementation de la vie familiale, 153; du 
mariage, (voir à ce mot); — des repas (voir 
Idolothytes); — des charismes, 369, 371, 
(voir à ce mot et Glossolalie, Prophétie). 

Règne : des Juifs, 33 (Voir Messie juif). 

Règne de Dieu, 79, 80, al.; consommé, 434 ss.; 
— règne du Chrfst, 336, 444 s. ; messianique 
iutermédiaire, 435, 442, 445, 458. — « r. des 
martyrs » 440, 458. 

Reitzenstein, XLVIII, passim (Voir JZranisme, 
Pneuma, Sotériologie, Anthropos, Corps 
pneumatique). 

Relation immédiate au Christ, 257, 263, al. ; 
(Voir Union, Baptême, Communion eucharis- 


tique). 
Relations d'intérêt, 128; — professionnelles et 
sociales, 195, al.; — des sexes, 259 (voir 


Mariage, Égalité, Prééminence, Voile, Chas- 
teté); — relations avec les païens, XLIV, 
195, 129, 165, 246, al. (Voir Znritalions, 
Mariage mixte, al.). 

Relations de Paul avec la communauté, L s., 
LXXX ss., 31, passim; — moins tendues 
que d’après certains critiques, L (Voir 
Corinthe, Hist. de Paul, de Corinthe, Partis). 

Religions de Corinthe, XI (Voir Corinthe, 
Aphrodite). 

Renforcement (procédé de), LXIII (Voir Stra- 
tégie). 

Renoncements de Paul, 195, 208, 210, 220, 222, 
225 (Voir l'emme-sœur, Travail des mains, 
Caractère, Droils, Liberté, Apôtre). 

Renseignements historiques de l'Épitre (voir 
Valeur historique et Caractéristique) sur 


493 


Charismes, Vie privée et sociale, fête de 


_ Pâques, Frères du Seigneur, etc. (Voir à 


ces mots), 


Renversement des valeurs, ou transvaluation, 


LXV (Voir Paradoxe, Antithèse, Sagesse, 
Croix, Nietzsche). 


Repas : privés, 129, 195, 246; quotidiens, 281 ; — 


repas sacrés païens, XLIX, 231, 236 s., al. 
(Voir Banquet, Communicatio, Sacrifices, 
Table des démons, Idolätrie). 

Repas pascal juif, 238, 300, 301 (Voir 
Coupe). 

Repas commun, « repas du Seigneur », 
269-sss., 272 ss. ; — nature et ordre, 290 ss.; 
— signification, . 294-302; — il comprend : 
l'Eucharistie, à la fin, 291, 3886; — il coïncide 
avec l’assemblée des « pneumatiques ». 384 
ss. (Voir Dernière cène, Eucharistie, Abus]. 


Répertoire traditionnel des images de Paul, 


LXIX (Voir Ancien Testament, Diatribe, 
Images). 


Réponses de Paul à la lettre de Corinthe, 128, 


153, 176, 195, 317, 455, 461, al. (Voir Lettre 
des Corinthiens, Pécheurs, Mariage, Virgi- 
nité, Idolothytes, Charismes, Collecte, Apol- 
los). 


Réprouvés, 63, 64, 283, 443, k47 (Voir Jugement, 


Résurrection, Péehés mortels). 


Résurrection, IX, XXIV, XXX. XXXII, XL, 


37, 74, 14h, 145, 255, 350, 493, al. 
Résurrection à la juive, 481; 
Résurrection du Christ, XXXII. 388-558., 

al.; — témoignages des Apôtres et de Paul, 

394-398. (Voir Apparilions); — base de tout 

l’enseignement, 390. — Résurrection des 

fidèles ; sa certitude, 400 ss ; — comment elle 
pourra se faire, 419 ss., 446 (Voir Victoire du 

Christ, Homme céleste, Grain, Corps pneu- 

matique). — Couronnement de toute l’Épître 

(voir à ce mot). — « Double résurrection 

prétendue » XLVIII,438-ssss. — Résurrection 

des damnés, 443, 447, 451, (voir Réprouvés]. 

(Voir Pâques, Tombeau, Témoignages, Pa- 

rousie, Jugement, Règne et Royauté du 

Christ, Victoire sur la mort; — Millenium, 

al.). : 


Retour du Christ, 36, al. (Voir Parousie). 
Rétribution des prêtres, 219 (Voir Bœuf, Loi, 


Évangile. Renoncement). 


Réunions cultuelles (Voir Assemblées), XXI]; 


— une seule, 385 s.; — du « repas du Sei- 
gneur », (voir ce mot); — des « pneuma- 
tiques », 152, 257. 


Révélation, XXXIX, 271, al. (Voir Sagesse 


révélée). 


Révélations, 40, 276, 348, 358, 369, 370, 371: 


(Voir Prophèles); — prétendue révélation 


494 


de l'Eucharistie, XLI, 307 ss. (voir sens del 
391. 


‘népélubov) ; Üe là Résurréction, XLI, 390, 
Rhétorique latine, 30. 
Rigoristes, 147, 157. 
Rimes, L'XV, 493, 


Rites : judaïques, allégorisés, 195; les chrétiens! 
en ontuils adoplé ? 196; — ésiriens, 421; — 


éleusiniens (Voir Épi, Grain). 
Robertson-Plunmmer, LIIT. XCÉX, CITE 


INDEX ANALYTIQOUÉ. 


« non-impurété, 168 (Voir sanciification du 

‘ conjoint incroyant). 

Saint-Esprit (Voir Esprit, Preuma de Dieu, 
Trinité), XXXI, XLVI, LILI, passim; — 
sa personnalité èt sa divinité, 45-s., 100, 
111, 322, 323, 326, al.; — ses: opérations, 
329, 893, al. (Voir Foi, Cliarismes). 

Salaire, 61 (Voir Mérite, Conscience). 

Salutations, 467-ss. 


Rocher (de l’Exode), 341; rocher d'Israël, 232| Samarie, 375 (Voir Phénomènes, Langues). 


(Voir Ancien Testament, Légendes, Ekrislo- 


logie). 
Rôle de la femme, 26, 
nisme », Voile). 
Rome, XIT, XVII, 190; Romains anciens, 257. 
Royauté. du Christ, messianique et éternelle, 
436; —sa remise aw Père, 445-(Voir Règne, 
Bivinité dir Christ, Parousie, Victoire, Fils 
de: Dieu, Hommage). 
Rythmes, LXXXV, 56, 6b, 1 
423, al. 


89, 141, 224, 419 


Sabazivos, 84. 

Sacramentalisme de Paul!, 298 (Voir Réalisme). 

Sacramentanx, 413, 414 [Voir Bup{. pour les 
morts). 


Sacrifices païèns, 200, 239, 243 (Voir /doln: 


thytes, Table des démons, Banquets, Eucha- 


rislie). Sacrifice eucharistique (Voir Repas: 


du Seigneur, Euchuristie, son caractère 
sacrificiel). 

Sagesse, sages, IX, XXIII, XXXIX, XL, LIX, 
LXI, LXV, 18, 15, 16, 21, 24, 38, 39, 49; 44, 
45, bk, 64, 74, 86, 89, 106, 108, 112, 152, 325, 
al,; odpia, LXVIL, 231; Sagesse grecque el 
hébraïque, 112, (voir Pheumü) : domination 
du: « Sage », 65 (Voir S{oiciens). 

Les deux Sagesses, LIT, 13-48; Sagesse de 
Dieu, XXV, LIT, 13, 18, 38, 87, 89, 232, 317, 
435; « en mystère », révélée aux hommes 
XXXIX, 88, al. ; don de sagesse, 50; « entre- 
tiens de sagesse » des « parfaits », A2, 88, 
89, leur sens, 444 (voir Esotérisme); « dis- 
cours: (ou' langage) de sagesse », 48, 107, 
115, 394, 336, 358, 387, 419 (Voir Charismes, 
Discours de gnose); Sagesse et Gnose, la 
Sagesse est supérieure, sagesse et prophétie, 
106-ss., 324, 343; 
(ironique), 12, 325 (Voir Mystère, Folie, 
Paradoxe, Croix, Plan de Dieu, Charismes, 
Science, etc.). — Sagesse du monde, et des 
phäosophes, IX, XXTII, XXXIX, 18, 81, 83 
272, 464, al. (Voir Psychiques, Archontes, 
Rationalistes, Philosophes, Juifs, 

Saints, XXXV, XLIV, 2, 132; — sens du mot, 
2; — « Saints » de Jérusalem, 456. 

Sainteté (Voir Saints), XXXV; au sens de 


261 (Voit « Antéfémi- 


« sagesse en discours » 


Grecs). 


Samedi, 288. 

Samothrace, XLVI, 

Sanctification extérieure de l'incroyarit, 166-585. 
(Voir Pureté, Sainteté, Mariage mixte, 
Enfants). | 

Sandan, $6. 

Sans-loi, 226. 

Sarapis, XI, XXIX, 247. 

Sarcasmes; 71, 73, 205, 237, 274, 831. 


|Zaprevos et oxprenos, XCIV: — sens dif- 


férents 52, al. 
Satan (Voir Abandon, Excommunication): 
Scandale, 18, 87, 205, 236, 248; — scandale des 
faibles, XXXVII, XLII, 203, 204 (Voir 
Faïbles; Théologie morüle, Condesceñdance 
de Pual, Idolothytes). 


‘Scandale de la Croix, 18, 35-38 [Voir Croir, 


Juifs, Grecs, Sagesse, Paradéxe). 


Sceptiques, 411. 


Sceva (fils de), X 
Schekinäh, 63, 95. 
Schema, 199. 
Schismes, 271, 272. 

Schweitzer, XLVIII, LVIIT (Voir Mystique, 
Double Résurrection). 

Science (Voir Gnose), XXXV, 203, äl.; 
théorique, XXXIX, 195. Science et 
charité, 496-s.; — langage ou « discours de 
science » (voir à Gnose). — Science du 
Christ communiquée, 50, (voir à Noû«). 

Secrétaires, 31. 

Seigneur (voir xÜproc); — faux « Seigneurs » 
XXIX (Voir Dieux, Empereurs). 

Séjour à Gorinthe (de Paul; sa durée), XIV, 
LXXX VI. | 

« Semaïlles », 423 (Voir Corps psychique, 
Grain, Mort, Résurrection). 

« Sémites », 96. 

Sémitismes LVI, LXI-ss., 28; — métaphores 
sémitiques, 460; — « sémilisme » allégué, 
264%, 


XVITE, (Voir Éphèse). 


,| Sennachérib, 365. 


Sens nouveaux de mots anciens : LIV, LVI. 

Sens de mots divers; occasionnels : àvÜpwroc, 
113; Gtxatdw, 70; nuépu, 69; meprxédaoue, 
76: — Constants : vmocs, 52; vos, 102; 
mveupatixée, 209-S.* céprivos et capixéc, 52 


INDEX ANALYTIQUÉ. 495 


affinités de Paul avec esprit stoïque, 318: 
supériorité de {a « liberté » chrétienne; 183: 
— le-pneuma stoïcien, 97, 100; = influetices, 
XLV, 954 (Voir Morutistes, Diatribe). 

Évuvyera, 200. 

Stratégie de Paul, LXIIT, LXV, LXXXV, 
196, 236, 373; — comment il série ses 
reproches, 259 (Voir Argumentation, Style, 
Caractère de Paul). 

Strophes, 170, 341, 342, 847, 419; 434. 

Structure de phrase, 442, 

Style de l'Épître LXlsss, 159; 163 al; — 
formes du style, 176; direct, 30; écrit et 
parlé, 27.— « Style oral », L'XIII, 12, 18; 19, 
20, 96, 29, 33, 56, 168, 178, 220, 224, 248, 
2u7. — Style. de Notre-Seigneur, LXVIIT, 
29, 

Substitution (prétendue) de noms convention- 
nels à ceux des chefs de partis, 4 (Voir 
Partis). 

Subsitles reçus, XITI. 

Succés d’apostolat (mesures prises pour le), 
227-Ss. 

Succession logique, 391 (Voir Caruvctéristiques, 
Logique). 

Suicide, 148 (Voir Péchés contre: le: corps). 

EvverOnos (Voir Conscience; Sloïciens). 

Evvetsaæntoc (Voir Virgines subintrodéclae). 

Superstitions, 202, al.; panthéistés, 100; astro. 
logiques, 127. 

Supplice du feu, 345 (Voir G1 ymnosophistes, 
Charité). 

« Suppressions », 240: 


rékesog, tédoc (voir à ces mots); Yuyñ, 102. 
Sentences de l'Église, 189 (Voir Judiciaire). 
Septante (version des), LVT, LXT, 50, 204, 207, 

241; — usage qu’en fait Paul, LXXIT:S. 
Septième commandement, 138 (Voir Pots). 
Sermon sur la Montagne LXXI, 136: (Voir 

Connuïssance, Évangile, Conseils). 

Service de Dieu, 189. 

Serviteur de Yahwoh, 34. 

Serviteur de tous (Paul), 225. 

Servituüde, 189: 

Sibylle, 321. 

Signes (onpetx), 317, 365; — signe de « puis- 
sance: ». 267 (Voir{Woile, « Puiss: » sur la 
tête); — sigtie pour les infidèles, 365, (Voir 
Langues). 

Sitas, IX, 31, 75. 

Simon, 212 (Voir Frères du Seigneur). 

Simulateurs, 364, 370, al, 

Simultanéité du « repas du Seigneur » et du 
mystère, 287, 288 (Voir Repas du Seigneur). 

Sixième commandement 116, 138, 441-588. 
(Voir Fornication, Incestueux, Péchés). 

Sociale (vie) XLIII, (Voir Vie). 

Socrate, 317. 

Soden, XC; XCI, XCIV. 

Solidarité, XXXVIL : des membrés du. Christ, 
371; — de tous les hommes, XLIV, 251; — 
des deux sexes, 254, 261, 263: au: point de 
vue spirituel, 262 (Voir Union, Christ), 

Solidarité de toutes les épiîtres de saint Paul, 
406 (Voir Correspondances, Dvctrines). 

« Sommeil » des âmes, 66 (Voir État inter 


médiaire). Surérogation, 222 (Voir Mérite). 
Sophismes immoraux, 141, 143 (Voir Fornica-| Sympathie cosmique, 97 (Voir Sfoïciens). 
tion). Symboliques (sens), 217. 


Syncrétisme, synorétistes,. XLIT, 84, 195, al. ; 
— Syncr. pagano-chrélien, 84 — Syncré- 
listes modernes, 254, 260, 266, 42%, passim 
(Voir Écoles). 

Synthèse eucharistique (Voir Eucliaristie). 

Syrie, 190, 196. 


Sosthène, 1, 2 (Voir Problèmes): 

Sotérivlogie; LI-s (Voir Rédemption, Croix); — 
Sotériologie « cosmique », XLIITI, 105, (Voir 
Iranisme. Anthropos, Manichéens, Reitsens- 
. lein). 

Suécialisation des charismes, 322, al. (Voir 
Charismes, Fonctions). 

Spectacles de la rue, LXIX (Voir Images). 

Spéculations rabbiniques et païennes, 348. 

« Spiritualisme », grec, XXXVIII, XL, 145, 
387, 399 (Voir Corps, Résurrection). 

Stade (prétendu moins précis) de l'enseigne- 
ment moral, 141 (Voir Sixième commande- 
ment): 

Stephanas, XXI, 8, 122, 339, 462, 465 (Voir 
Délégalion, Por teur 8, For tunatus, Achaicus, 
Fonctions). 

Stoïcisme, stoïciens, IX, XL, XLIII, XLV, 
LVIL, 62, 63, 65, 74, 75, 95, 96, 100, 402, 103, 
111, 136, 143, 146, 149, 170, 172, 173, 174, 180, 
183, 204, 217, 223, 262, 328, 330, 494: — 


Table, 244-s. {Voir Auïel) ; du Seigneur, LXXIV, 
196, 245; — table-des démons, 242, 244 (Voir 
Idolätrie, Communicatio, Démons, Dieux). 
— ‘lable païenne, 246 (Voir Relations, 
Invitations). 

Talith, 953, 257 (Voir Voile, Juifs). 

Tarse, XXIX, XLVI, 33, 958, 954 (Voir 
Éducation, Voile). 

rehetos, XLVI, LXVIII, 48, al.; — sens, 89, 
118, 115 (Voir Adultes, Parfait). 

rehos, 447 (Voir Deuxième Résurrection, 
2° Groupe). 

Témoignage, témoins : témoins du Christ 196, 
al. (Voir Apôtres, Économes); et de la 


496 Lo eu INDEX ANALYTIQUE. 


tradition, (Voir Traditions); —, témoignage 
de la conscience, 222 (Voir Conscience); — 
témoignages . officiels de la Résurrection, 
392 (Voir Apparilions). 

Temple de Dieu ou de. l'Esprit, 63, 150 (Voir 
Corps, Grâce, Saint-Esprit, Présence). 

Tendances esthétiques de Paul, 253 (Voir 
Caractère). 

Tentation, 235. 

Termes : religieux, LVI; des LXX, LVI; 

. religieux neutres, 102; techniques chrétiens, 
LVII; — éthiques, LVI; — philosophiques, 
LVII, 20; stoïciens LVIT, al.; — didactiques, 
50; — terme juif, 130; — juridiques, de 
jeux et de sport, LVII; — classiques, LVIT; 
postclassiques LVIIT; — poétiques, LVII; 
— de conversation hellénistique LVII-s., de 
poésie ionienne, de Nouvelle Comédie, 
LVII; — vulgaires, LVI:; — absents ou rares, 
(voir Mots) (Voir Vocabulaire, Hellénisme). 

Tête, 256, 257, 269-s.; — « puissance » sur la 
tête (voir à ces mots); — tête ou Gheîf de 
l'Église, du Christ, de l'homme, de la 
femme, 256 (Voir Voile, Christ, Prééminence, 
Église). 

Texte de l'Épître, XCG-ss8.; — corruption, 72; 
— variation importante, 431-s. 

Textus receptus, 247. 

Thaïs de Ménandre, 417 (Voir Gitations). 

Théodicée, 35. 

Théologie de l'Épître (Voir Doctrines), 
XXVIII-sss, 39, 40, 48, 405, al.; — théologie 
morale, XLII-ss, 204 (Voir Scandale des 
faibles); — base à la théologie rationnelle 
et mystique, 115 (Voir entretiens de 
Sagesse); Paul premier théologien catho- 
lique, 115. — Théologie johannique, 308; — 
théologie catholique, 410, thomiste, 3849 ; — 
« théologie dialectique », XL, 437. 

« Théophagie », 298. 

Théophanies, 62, 101. 

Théosophie, 40, 86. 

Thériomachie (Voir Bétes). 

Thessaloniciens (idées, psychologie), XL, 449, 
466 (Voir Épitres, Parousie). 

Thessalonique, VII, XVI 28, 36. 


Matin de Pâques, Apparilions aux femmes). 

Ton de l'Épiître, XLIX ss, LXIV. 

Ton moyen de l'apostolat de Paul, LXXIV. 

Tourfan, 102 (Voir Découvertes). . 

Tourment dans la chair, 179 (Voir Nécessité, 
Mariage). 

Traces de circoncision, 84 (Voir Epispasme, 
Juifs, Partis). 

Tradition, XXI, XXIV, XXXI, LXXI, XCIV, 
49, 84, 253, 270, 274, 809, 311, 383, 388, 390, 
al.; Tradition évangélique orale, LXX s., 
164,'al.; tradition commune et fixe, 177, 255, 
270, 394, al.; tr. cultuelles, 275, al.: — tr. 
apocalyptique, 60, 438, al. (Voir Feu, Images, 
Trompetie); — Paul sauveur de la tradition 
contre l’« hellénisme » et le syncrétisme, 
383 (Voir Foi, Règle de Foi, Discipline, 

Catholicité, Eucharistie, etc.), — Traditions 
bibliques et rabbiniques, 101: — sur Adam et 
sur Anthropos, 427. — Tradilions textuelles, 
181, 232, 234 (Voir Texte, Leçons). 

Traductions : « décalques », 29 (Voir Slyle oral); 
— « rythmiques », XCV. : 

Transformation universelle, corps trans- 
formés, 145, 420, 434, 433, 446 (Voir Parousie, 
Résurrection, Victoire, Eschatologie). 

Transitions entre matières, LXII; — préten- 
dues, LXXX, 270, al. (Voir Weiss). 

Transposition de sens, 266; — transp. arbi- 
traires, 141. 

Transsubstantiation, 301, 

Travail manuel, 75 (Voir Renoncements). 

Triades : d'« apôtres-prophètes-didascales », 
336 (voir Église enseignante); — de « foi- 
espérance-charité », son origine, 354 ss., 
comment elle « demeure », 850 s. (Voir 
ces mots et Vertus théologales). 

Tribunaux : païens, 132; — juifs, 140; — ecclé- 
siastiques, 133, 134, 139 (Voir Juges, Procès, 
Tncestueux, Judiciaire). 

Trichotomies, 103, 104 (Voir Ame, Corps, 
Pnreuma). 

Trinité el formules trinitaires, XXXI, 94, 100, 
138, 201, 253, 318; — Personnes, 319; 
Deuxième personne en relation à la Pre- 
mière, 257,444 (Voir Doctrines, Dieu, Christ, 

Thiases, 244, 367. Fils de Dieu, Saint-Esprit, Dons). 

Thomas l'Apôtre, 392, 397 (Voir Apparilions).| Troisième jour, 391 (Voir Résurrection, Pâques, 

Timothée, VIII, XXI, LXXXI, LXXXII, 8,| Dimanche, [ranisme). 

31, 75, 78-8., 455, 461, 462; — sa mission,| Trompette, 433, 446, 447 (Voir Dernière Tr, 
78, 79, 461-s Tradition apocalyptique). 

Titius Justus, XIII. Tychique, LXXXIII, 465. 

Titus (Tite le disciple), XVII, 85, 455, 465,| Type intellectuel de Paul, LXVI, LXVIII (Voir 
466; — comme « interprète », 30, 31 (Voir| Caractère, Slyle). 

Interprètes, Style oral). Tyrannus, XVIII, 
Tolstoïsme, 156. 


Tombeau du Christ 391, 424 (Voir Pâques,| Union charnelle, 146 s.; — coupable, 146: 


INDEX ALPHABÉTIQUE. 497 


publique incestueuse, 141; — conjugale, 147,| lerme aux deux sexes, 177. -— Vierges allé- 
al.; — légale, 167 (Voir Prostiluée, Forni-| goriques d'Hermas, 190. ‘ 
cation, Mariage, Pureté). . Vingt-trois mille, 233. 


Union à Dieu, 146, 148, 340, 436, et au Christ,| Virginité, 152, 156, 176; — gloriflée, 156, al. 
XXIV, XXXV, LVIIL, 41, 141, 145, 146, 202, (Voir Célibat, Mariage). 
207, 246; par la communion eucharistique, | « Virgines subintroductae » (ignorées de Paul), 
(voir Euchar.) (Voir Idée centrale, Charilé).| 189 ss., 213 (Voir Père, Fiancé, «sa » vierge). 
— Union des fidèles, XXXVI s., 371; de! Vision. de Damas, 209, al. (Voir Damas, (:on- 
tous les hommes, XLIV, 207, 251 (Voir| sion, Apparitions). | 


Catholicité). Vision béatifique, XXX VII, 318, 340, 348, 387, 
Unité de Dieu. 201, 203 (Voir Dieu, Poly-| 453 (Voir Charité, Vie éternelle). 
théisme). Visionnaires, 152. 


Unité des fidèles, 241, dans l'unité du « Pain »,| Visite de Paul annoncée, LA XX VIII, 79, 458 8. 
241 (Voir Eucharistie, Gatholicilé, Pain). « Vivification » des morts, 442 (Voir fésur- 
Unité de l'Épître, LXXIX ss.; — de structure,| recéion). | 
132; de composition 237; de morceaux, 269| Vocabulaire, LIIL ss8.; — sa signification pour 
(Voir Caractéristiques, Harmonies, Weiss.| l'histoire et la doctrine, L,VIIT 8. 


Goguel, Vôüller:). Vocation, XXXV, 322. al.; — voc. à l'apos- 

Usages et convenances : juifs 254. 263, —{| tolat. 1; — à la « sainteté », 1, 2; — voca- 

païens, 263; — grecs, 258, 262; — romains,| lion commune, 176 (voir Mariage). et excep- 

254. | lionnelle (voir V’érginilé, Célibat); — voca- 

Universalisme, XLIX, passim. tions régulières de « pneumatiques », 337 
(Voir f'onctions, Grüces délut). 

Valentin, LXXVII. Vœux de Paul à la juive, 225 (Voir (onces- 


Valeur de l'Épître, historique, littéraire, reli-| sons). 

gieuse, V-s., 340, al., passim (Voir Ren-|Vogels, XCV. 

seignements, Slyle, etc.), « Voies », 78 (Voir Tradilions, Imitation). 
Valeur sociale des dons de l'Esprit, 363 (Voir| Voile (de bateau), 180 (Voir Nautiques, Méta- 
. Corps, Église. Prophétie, Glossolalie. Fonce-|  phores). | 

lions). Voile sur la lête : des femmes, XXX VII, 254 
. Valeur éternelle de la charilé, 347, (voir! ss., 260, 261, 264, 267, 270: — des Orientales, 
Charité, Foi, Espérance, Triade, Charisme.| 954, 256: — des Grecques, 258; — de Moïse, 


Vision). 258 (Voir Usages, Règle de décence, Assem- 
Variantes (Voir Lesons). blée, Tenue des femmes, Tête, Nature. 
Végétation, #25 (Voir Grain. Lois de la na-| Chevelure, « Puissance » sur la téle). 

ture). Voix publique, 117, 151, 253. 

Ventre, 143 (Voir Sophismes). Vol, voleurs. 129, 133, 138, 140 (Voir Péchés 
« Verbo-moteurs », 30 (Voir Style oral). mortels). 

« Verge », 84. Vôlter (sa théorie), LXXX (Voir /ntégrité). 

« Vérité n, 346. Voyages de Paul : troisième voyage apostlu- 
Versions, XCII ss. lique, XVII, LXXXVI; — « voyage inter- 


… Vertus (Voir Charilé, Chastelé, ele,\: — verlus!  médiaire ». XVI, XX s.; --- voyages projetés, 
théologales, 253, 318, 340 (Voir foi, Espe-| à Corinthe, en Macédoine et à Jérusalem, 


rance, Charité, Triade). XXI, %57 ss, — Voyage de Timothée, 
Veuves, 153, 163, 176, 185, 188 (Voir Mariage.| LXNAXIT 455. 

(hasteté). Vulgate latine (voir l'ersions), 197, 214, 216, 
Viande (Voir Boucherie, 1dolethytes). 220, 235, 272, 273, 332, 433: vulgate sixtine, 


Victoire sur la mort, #37 (Voir Parousie,| 237. 
loyauté du Christ). 

Vie domestique, sociale, religieuse publique,| Weiss Johannes (sa théorie), LXXXI ss., al. 
253, al.; (voir lamille, Culte, ete.); — vie| (Voir les Trois leltres, L'nilé de l'Ep.). 
sexuelle, 246; — vie spirituelle, 89, passim ;| Westcott-Hort, XCIV, XCV. 

— vie éternelle, XXV, #1. Wettstein, NC (Voir Nomenclature). 

Vierges (mapBévoc), 176 s.; — « sa » vierge,| Wilamowitz (jugement sur langue de Paul), 

186; (voir Père antique); — extension du| LXX, 325. 


ÉPITRE AUX CORINTHIENS. : 32 


INDEX DES. PASSAGES BIBLIQUES 


ET: DES ANCIENS oRTs REL IGTEUX AUXQUELS IL EST RENVOYÉ | 


SAINTES fentunes. se 
: Les. autr es, s: letipes. de saint Paul: 


Romains, VI, VII, XII-s, XIV, XV, “XXIX, 
SXXX,XXXII, KXXIIT, XL, XLVIT, “LE, Lit, 
LIT, LIV, LV, LVI, EVIL, LV, LIX, 
CLX, LXI, LXIN, LXIV, LXV, "ENVI, 
“LXIX, LXX, LAXXI, . LXXH,  LXXIV, 
LXXV, LXXXVI, 2 2. 3, 4, 7. fi, 16, 18, 
‘20, 21, 27, ‘82, 41, &6, 54, 58, 61, 65 66, 79, 
“0, 89; ‘92; 93, 9 108. 105, 106, 108, 109, 


179, "478, 179, 180, 188: 199. 900: 308, 304, 205, 
206, 207, 209, 216, 226, 230, 246, 247,249, 2 

255, 262, 296, 320, 322, 824, 326, 827, 332. ne | 
336, ‘387, 338, 346, 348, 850, 351, 352, 36, 
‘871, 372; 390, 403; 406, 409, 414, 


_ 435, 436, 437, 139, A4, 52, as, 455, ‘456, 
‘ k62; 467, 468. 
11e Gorinthiens. Vi VIL, “VIT, XII, “XVIL, 


XVIII, XX, ‘XXI, XXX, ‘XXXI, XXXV, 
XXXVE “XXXVI, XLVIL, XLIX, L, LI, 
LIT, LV, EVI, LVIIf, LX, LXIV, LXXIV, 
LXXV, LXXVIL, LXXVIN, LXXX, 
LXXXLs. LXXAIF, LXXXVIS, 2, 3, 7, 14, 
47, 18, ‘20, 24, 95, “26, 27, 31, 32, 50, 54, 58, 
66, 68, 70, 73, 74, 75, 79, 80, 82, 85, ‘86, 87, 


89; 92, 93, 9%, 104, 167, 109, 114, 117, 118, 122, | 


‘126,198, 131, 137, 139, 140, 146, 150, 156, 
162, 176; 178, 179, 206, 209, 210, 211, 214, 
218, 222, “235, 237, 259, 282, 317, m2 . 823, 
326, 340, 350, 363, 364, 390, 393, 400, 414, 
516, ‘417, 492, 492, 435, 450, 451, be 455, 
456, 457, 458, 459, 460, 462, 465, 466, 4GB, 


Galatos, VII, VII, IX, XXIL, XXIX, XXXI, 


XLI, LI, LIV, LV, LVI, LVIL, LVII, 
LIX, LX, LXI, LXIV, LXV, LXIX, 


LXNIIT, LXXIV, LXXVIIL 3, 4, 21, 27, 
110, 


157. 


"83, 34, 36, 54, 71, 77, 80, 92, 93, 0, 108, 

195, 197, 129, 135, 136, 137, 145, 146: 
158,171, 172, 178, 179, 1984, 200, 206, 
219, 216, 919, 925, 226, 997, 9230, ET 
255, 258, 278, ‘280, 310, 311, 326, 328, 
Sun, 359, 358, 389, 393, 405, 414, 431, 
55, 496, 468. 


207, 


242, | 
529, | 
136, | 


{ Éphésiens, | 
. XXXVII, 
.. 40, 4%, .49, 80, 91, 92, 93, 94, 102, 


. 109, 115, 129, 
234, 235, 288,329, 398, 824, 395, 326, 327, 


VI, XXIX, XXXII, XXXUHI. 
XXXIX, LI, LIV, LV, LVL. 
LVII, LIU, LXIV, LXXV, 3, 24, 96, 38 
106, 107, 
146, 148, 156, 162, 175, 206, 


328, 329, 332, 835, 336, 337, 340, 350, 359, 
356, 364, 369, 373, 385, 393, 409, 431, 464. 


Philippiens, VI, XIII, XXXI, XXXVIL 
KXXXVIIT, Lil, LVII, LXIV, LXXIV, 


LXXXII, 3,4, 24, 35, 42, 58, 66, 70, 77, 92, 
106, 108, 110, 113, 162, 193, 206, 297, 239, 
2a6, 250, 310, 326, 338, 344, 345, 346, 364, 


390, 416, 417, 493, 426, 429, 432, 444, 453. 
.| Golossiens, XXIX, 


XXX, XXXIII, XXXIX, 
XLVII, LI, LVI, LVII, LXXXIIT, 8, 18, 
32, 41, 42, 49, 80, 92, 93, 106, 108, 115, 130, 


185, 175, 179, 184, 200, 250, 255, 296, 310, 


311, 315, 326, 328, 329, 336, 352, 364, 405, 443, 


|. 468. 


_ Thessaloniciens, . VII, VIIT, XXXIIE, 
XXXVIIE, LI, LI, LII, LVI, LVII, 
LXXI, LXXIV, 3, 26, 61, 72, 80, 92, 93, 98, 
102, 103, 104, 129, 130, 178, 188, 214, 269, 
289, 283, 310, 326, 338, 352, 353, 370, 432, 
433, 489, 443, 448, 449, 451, 459, 458, 465, 


466. 


IL Thessaloniciens, VIII, XXXIII, XLI, LI, 


I 


LVI, 3,21, 60, 77, 80, 92, 93, 106, 178, 219, 
297, 255, 310, 326, 340, 346, 390, 453, 468. 
Timothée, XXXVIII, XLI, LVI, LVII, 
LXXIV, 3, 21, 28, 35, 92, 109, 106, 108, 121, 


1123, 130, 156, 163, 176, 186, 188, 216, 219, 


. 228, 259, 262, 269, 329, 332, 338, 373, 386, 


393, 399, 407, 462. 


II Timothée, XXXVIII, LVI, LXXIV, 3, 44, 


83, 92, 106, 198, 231, 322, 332, 337, 338, 387, 
399, 409, 416, 


Tite, XXX, XXXVIIL, 4, 106, 165, 255, 332, 


416. (Pastorales, en général, LI, LVI, 3, 


392, 339, 339). 


Philémon, VI, 4, 7, 174, 200, 239, 350. 


Es 


Le 


INDEX DES PASSAGES BIBLIQUES. 499 


Hébreux, XX, LIV, LV, LIX, LXXIL, 58, 54, 
61, 77, 80, 90. 92, 125, 150, 178, 234, 240, 
278, 280, 281, 283, 306, 307, 308, 310, 315, 

. 316, 338, 350, 352, 364, 391, 408, 431, 455. 


Les aulres livres du N.T, 


Matthieu, LV, LIX, LXI, LXXI, 10, 17, 29, 
34, 43, 44, 92, 98, 9%, 100, 101, 122, 129, 186, 
140, 143, 150, 154, 157, 158. 160, 163, 164, 
165, 177, 178, 185, 188, 205, 206, 221, 230, 249; 
271, 275, 279, 280, 282, 294, 295, 303, 305, 
310, 311, 315, 343, 344, 364, 391, 399, 396, 
408, 411, 431, 433, 452. 

Marc, LVI, LIX, 10, 58, 79, 92,.130, 162, 
163, 165, 171, 184,185, 224, 275, 279, 280, 294, 
295, 305, 310, 317, 342, 356, 382, 391, 395, 
397. 

Luc, XIX. LIV, LV, LVI, LXXI, 10, 61, 67, 
69, 80,92, 100, 101, 105, 106, 134, 150, 158, 163, 
165, 178, 184, 185, 209, 216, 219, 221, 224, 235, 
249, 266, 275, 279, 280, 294, 295, 303, 304, 
305, 310, 391, 395, 396, 397, 401, 422. 

(Synoptiques en général), LX, LXXI, 92, 94, 
220, 268, 277, 294, 397, 438, al. 

Jean, XIX, LIV, LV, LIX, LX, LXXI, 14, 15, 
5, 69, 92, 94, 100, 134, 150, 166, 188, 200, 
220, 239, 257, 268, 299, 302, 304, 305, 310, 
320, 340, 390, 395, 397, 406, 409, 452. 

(Évangiles en général), 80, 368, al. 

Actes, V, VIT, VIII, IX, XI, XIII, XIV, XV, 
XVI, XVII, XVIIT, XIX, XX, XXI, LIV, 
LV, LVI, LIX, LX, LXXXI, LXXXVI, 
LXXXVII, LXXXVII, LXXXIX, 4, 17, 
23, 24, 25, 26, 37, 78, 70, 80, 81, 92, 94, 
100, 101, 123, 127, 150, 157, 184, 188, 196, 

197, 214, 215, 216, 295, 226, 249, 272, 275, 
285, 288, 310, 315, 320, 325, 326, 337, 338, 355, 
366, 374, 375, 376, 381, 382, 390, 392, 395, 
396, 397, 401, 404, 405, 415, 416, 417, 427, 
250, 456, 458, 459, 461, 469, 467, 

Jacques, LX, 92, 133, 135, 226, 228, 271, 274, 
281, 337, 391, 455, 468. 

I Pierre, LV, 21, 53, 79, 90, 92, 410, 221, 298, 
955, 283, 329, 359, 443, 468. 

IT Pierre, XLVII, LVI, 60, 112, 134, 188, 
288, 385, 438. 

Jude, 134, 285, 288, 385. 

I-II-III Jean, 69, 93, 206, 207, 315, 349, 874. 
Apocalypse, LIV, LX, 45, 69, 74, 79, 92, 94, 
105, 106, 127, 134, 135, 162, 163, 177, 273, 
215, 336, 368, 368, 405, 407, 108, 1928, 132, 
438, 440, 441, 444, 451, 459. 


ÉPITRE AUX CORINTIIIENS, 


Ancien Testament. 


Genèse, XLIIT, LXXII, LXXIIT, LXXIV, 
47, 94, 96, 146, 147, 148, 153, 158, 220, 259, 
266, 320, 422, 426, 427, 428. 

Exode, LXXII, 4%, 95, 198, 230, 232, 233, 279, 
280, 300. 

Lévitique, LXXII, 119. 

Nombres, LXXII, LXXIV, 231, 232, 233, 234, 
267. 

Deutéronome, LXXII, 84, 123, 130, 216, 217, 
239, 249, 943, 24h, 9245, 365. 

Josué, 169. 

I Samuel, 80, 238. 

II Samuel, 80, 169, 

IT Chroniques, 43, 264. 

Tobie, 76, 265. 

Esther, 169. 

Judith, 94. 

I Machabées, 171, 204, 345, 

II Machabées, 23, 67, 171, 345. 

Job, LXXII, LXXIV, 18, 64, 70, 96, 401. 

Psaumes, LXXI, LXXII, 64, 94, 916, 239, %44, 
391, 408, 416, 435, 464, 

Proverbes, 76, 96, 364. 

Cantique, 207. 

Sagesse de Salomon, LVII, 17, 18, 95, 184, 
206, 207, 217. 

Écclésiastique, LVII, 43, 64, 95, 135, 192, 
207, 347. 

Isaïe, LXXII, 15, 34, 43, 44, 49, 95, 136, 365, 
390, 391, 415, 484, 435, 436, 449, LG. 

Jérémie, LXXII, 22, 94, 198, 264. 

Baruch, 232. 

Ezéchiel, 94, 264, 304. 

Daniel, 75, 345, 488. 

Osée, LXXII, 391, 434, 486, 446. 

Joël, 95, 169. 

Amos, 62, 198, 

Abdias, 15. 

Zacharie, LXXII, LXXIV, 62. 

Malachie, LXXII, LXXIII, 242, 304. 


ADOCRYPHES. 


Aristée, 207, 217. 
IV Machabées, LVI, 171, 197. 
Jubilés, 95, 244. 
Hénoch, 33, 134, 244, 260, 265. 
Psaumes de Salomon, 33, 95, 178. 
Assomption de Moïse, 171. 
Testaments des XII Patriarches, 96, 130, 178, 
242, 25. 
Apocryphes sur Adam, 427. 
Secrets d'Élie, 44. 
Ascension d'Issie, 42, 44, 95, 843. 
32* 


500 INDEX DES PASSAGES BIBLIQUES. 


IV Esdras, 410, 439, Saint Polycarpe, LXXVII. 


Apocalypse de Baruch, 439, Pasteur d'Hermas, LXXVII, 5, 7, 190, 191, 
Testament de Job, 343, 377. 194, 311, 319, 315, 440, 441. 


Lettre à Diognète, LXXVII. 


L 


LITTÉRATURE RABBINIQUE. 


Évangile selon les Hébreux, 392, 397.  [Targums, 34, 95, 281, 232, 249. 
Évangile de Pierre, 273, 397. Mischna, 119, 244; Pirke Aboth, 65, 171, 242. 
Actes de Paul, LXXVII, 415. Talmud, 44, 247, 264, 266, 4927. 
Actes de Philippe, LXX VII. Mekhilta, 232. 
Actes de Thomas, LXXVII. Midraschim, 259, 266, 427. 
Lettres apocryphes de Paul et des Corin- 
thiens, LXX VII. LiTTÉR. GNOSTIQUE ET PAIENNE. 


Gorpus hermeticum, 28, 90, 99: Poimandres, 
105, 110, 343, 377. 

Didachè, LXXVII, 237, 238, 239, 241, 249, | Pistis Sophia, 44. . 
273, 289, 291, 299, 302, 303, 307, 319, 326, | Littérature mandéenne, 44. — manichéenne, 


PÈRES APOSTOLIQUES. 


332, 333, 839, 862, 370, 386, 468. 109, al. 
1 Clément, LXXVI, 8, 9, 43, 44, 82, 232, 272 | Papyrus magiques, 99, 298, 343, 378, al. 
341, 441. ‘ Littérature alchimique, 99, al. 
Barnabé, LXXVII, 272, 273. Littérature iranienne, XLVIII-s., 102, 109, 
Saint Ignace, LIV, 15, 213, 232, 273, 319, 416.| al. 
Papias, 452. Isis et Osiris de Plutarque, 99. 


LISTE DES AUTEURS MENTIONNÉS 


Aer, LX, LXI, 4, 17, 18, 52, 53, 62, 72, 

4135, 136, 158, 178, 216, 224, 249, 265, 
FF 820, 321, 330, 348, 401, 414, 496, 438. 
Acneis, 187, 189, 190, 191, 192, 193, 194, 


349, 
Æzius ARISTIDE, X, XI, 138, 244. 
ALCIPHRON, XII. 
ALFARIC, 277. 
ALrOoRD, CII, 16, 135, 149, 181. 


ALLO, XX XIV, 93, 109, 163, 322, 397, 408, 


498, 432, 433, 458, 454. 
AMBROISE (SAINT), 181. 


AMBROSIASTRE, XCII, XOVII, 8, 5, 7, 9, 
10, 25, 47, 49, 60, 63, 104, 121, 128, 138, 
150, 165, 166, 167, 168, 170, 173, 180, : 
181, 185, 186, 210, 213, 218, 219, 240, 
249, 250, 251, 255, 269, 272, 273, 283, 
286, 293, 312, 320, 332, 364, 371, 372, 
374, 389, 406, 408, 412, 414, 415, 423, 


426, 427, 428, 429, 433. 


| ANDERSEN, 286, 296, 301. 


ANDOCIDE, 419. 

ANSELME de Laon, XC, XCIX, 298. 
ANTHOLOGIE grecque, 410, 437. 
APHRAATE, 191. 

APoLLONIUS DyscoLE, 485, 192, 198. 
AqQrBA (Rabbi), 4338. 


AqouizA (le traducteur), 207, 264, 365, 435. 


ARATUS, 418. 
ARCHAMBAULT, 34. 
ARISTIDE (l’apologiste), 399. 
ARISTOPHANE, XII, 18. 


ARISTOTE, LIV, LVI, 47, 50, 57, 103, 110, 


369, 380, 432, 441. 
ARRIEN, 26. 
ATHÉNAGORE, LXXVII, 399, 432, 
ATHÉNÉE, 54. 
Arro Vercellensis, XCIX. 
AUBESPINE, 287. 


AUGUSTIN (SAINT), LXVI, 49, 64, 102, 123, 
435, 166, 167, 179, 184, 185, 198, 215, 
220, 240, 241, 242, 259, 2641, 269, 273, 


286, 292, 293, 320, 322, 829, 381, 406, 
408, 409, 410, 423. 


BacHMANN, LXXXVI, LXXXIX, Cll-s., 


5, 8, 40, 41, 17, 21, 24, 25, 41, 41 44, 
45, 47, 49, 59, 58, 60, 73, 76, 78, 79, 86, 
409, 417, 418, 419, 121, 124, 1926, 128, 
130 133, 134, 135, 136, 142, 143, 147, 
4148, 154, 157. 159, 160, 162, 164, 166, 
167, 168, 174, 172, 173, 174, 176, 477, 
178, 180, 181, 185, 186, 191, 193, 194, 
197, 198, 199, 200, 203, 204, 210, 216, 
217, 218, 219, 220, 221, 222, 227, 298, 
230, 232, 235, 236, 237, 239, 240, 248, 
250, 254, 256, 257, 258, 259, 260, 261, 
262, 266, 269, 271, 272, 273, 277, 280, 
281, 282, 285, 293, 300, 301, 316, 320, 
821, 323, 324, 325, 326, 327, 331, 334, 
340, 342, 343, 344, 345, 346, 347, 349, 
850, 353, 356, 357, 358, 359, 360, 363, 
367, 374, 376, 388, 389, 391, 392, 398, 
397, 399, 402, 406, 407, 408, 409, 411, 
419, 418, 415, 416, 417, 418, 429, 495, 
426, 427, 498, 499, 439, 436, 454, 456, 
459, 460, 463, 465, 467, 468. 


Bacon (B. W.}), 86. 
Baron, 170, 261. 
BarTe (A.), LXXXVII. 
BarTx (Karl), CN, 


348, 388, 389, 397, 
899, 402, 404, 407, 409, 413, 414, 415, 
118, 422, 494, 498, 429, 435, 497, 438, 
&43. 


BARTMANN, 376, 383, 390. 

Base (St), 120, 124, 181. 
BarTirroz, 273, 287, 292, 298, 339. 
BauEr (Bruno), LXXVIII. 


BAUMGARTNER, 273, 276, 285, 286, 287, 
288, 290, 293, 385. 

BauR (F.-G.), LXXVI, LXXVIII, 86, 87, 
148, 159, 231. 

Bèpe (St), XOIK. 


Beer, CN. 


(1) Les caractères gras renvoient au chapitre IX où les commentateurs sont nommés, 


composition de l'Epitre. 


” classés et appréciés; parfois aussi au chap. VI, pour les théories de divers critiques sur la 


502 LISTE DES AUTEURS MENTIONNÉS. 


BELSER, 189, 194, 287, 293, 376, 384, 415. 

BENGEL, C, 14, 58, 78, 121, 128, 132, 134, 
135, 173, 197, 240, 250, 257, 278, 412, 
462. 

BErGn van Eysinea (van den), LXXVIII. 

BERNARD (St), 198, 494. 

BERNARD (exégète). 424. 

BERNARDINUS A PIconio, XCIX, 86, 859. 

BERTHELOT, 99. 

BERTHoOLDT, 292. 

BERTRAM, 397. 

BeyscaLac, CI, 86. 

Bèze, (, 61, 71, 123, 135, 159, 170, 173, 
874, 401, 256. 
BILLERBECK, CIN, 
LERBECK). ‘ 

BizLrora, CI. 

BINGHAM, 287. 

Bisrine, €, &, 21, 124, 141, 154, 459, 471, 
478, 185, 198, 218, 250, 257, 272, 273, 
283, 323, 326, 334, 343, 346, 357, 376, 
396, 397, 406, 418, 298. 459. 

BissiNc (von), 328. 

Birys, 110. | 
Brass, 19, 20, 26, 269, al. 

_ DEBRUNNER). 

BLass-DEBRUNNER, 74, 174, 269, 314, 330, 
844, 858, 389. 

BLEEK, 9, 44, 376, 380. 

BLEGEN, XI. 

_ Biümz, XXXI. 

Bouzre, XXIX, 254. 

BônMERr, 11. 

Bonner (Campbell), XI. 

Bossuer, 1928. 

BouLANGER, XI. 

Bousser, XLVIII, CIF, 9, 12, 78, 95, 96, 
134, 190, 194, 298, 399. 323, 343, 349, 
369,.378, 888, 389, 403, 407, 498. 

BROWN, CHE. 

BRUDER, 314. 

Rruiws, 9, 280. 

Brun (Lyder), 254, 261, 268, 450.' 

BrusTon, CIV. 

BRruyne (Dom de), XCIII, XCVIII. 

BULTMANN, LXIV, LXVII, LXVIII, 
LXIX. 

BurxtrT, 190, 194. 

BurTon, CII. 


(voir Srracr et Brt- 


{v. BLass- 


Carus, 119. 

CasETAN, XCIX, 9, 40, 61, 128, 
159, 165, 166, 180, 199, 209, 
245, 257, 273, 277, 283, 326, 
15, 449. 

CALLAN, CI, 40, 47, 86, 135, 158, 168, 174, 
178, 203, 240, 248, 261, 351, 413, 429, 
432, 459, 468. 


441, 
220, 
407, 


154, 
235, 
408, 


Cazmer, XOIX, 49, 128, 158, 166, 180, 231, 
287, 293. 

CALOVIUS, GC, 72. 

CALVIN, 0, 9, 9,45, 16, 123, 135, 173, 285, 
249, 257, 329, 378, 410, 412, 418, 456, 

Camus (Mgr. Le), 9, 166, 277, 279, 316. 

Canon de MuRATORt, LXXVIL. 

Cassiopore, 5. 

CELSE (Aulus Cornelius, le médecin), 171, 

GELse, (le polémiste antichrétien}), 15, 37, 
378. 

CERFAUXx, 80, 200. 

CHARLES, 424, 440. 

Chester Beatty (papyrus de), LXXXIV, XC, 
515. 

CarysosTomE (St JEAN), XC, YCOVII, 2, 
3, 5, 9, 40, 15, 20, 23, 25, 40, 41, 48, 45, 
49, 61, 62, 71, 73, 76, 85, 86, 104, 417, 
120, 1921, 124, 195, 126, 128, 129, 133, 
135, 137, 141, 148, 445, 149, 154, 166, 
167, 168, 169, 170, 173, 174, 176, 179, 
180, 184, 197, 199, 200, 203, 204, 209, 
211, 213, 217, 218, 219, 224, 297, 985, 
238, 240, 242, 249, 250, 257, 258, 260, 
267, 269, 270, 278, 274, 275, 278, 279, 
283, 286, 290, 291, 293, 819, 320, 321, 
323, 325, 331, 334, 842, 848, 347, 351, 
357, 899, 363, 864, 872, 374, 377, 378, 
390, 393, 896, 401, 404, 408, 412, 414, 
418, 423, 428, 499, 456, 457, 464. ‘ 

Cicéron, 37, 119, 328, 345. 


CLÉANTHE, LXX, 359, 418, 


CLEMEN, LXXXI, LXXXIV, 8, 73, 170, 
190, 194, 202, 208, 221, 275, 277, 296, 
298, 299, 300, 302, 313, 315, 316. 

CLÉMENT d'Alexandrie, LXXVII, XC, 162, 
213, 214, 224, 347, 858. 

CONYBEARE, 384. 

Concile de Carthage, 412. 

CorzuY, 412, 428. 

CoRNELIUS A LAPIDE, XCIX, 3, 71, 128, 
134, 154, 158, 160, 171, 180, 185, 196, 
209, 217, 220, 238, 250, 257, 269, 273, 
283, 346, 389, 393, 396, 406, 407, 409, 
A5, 429, 427. 

CorNELIUS NEPOS, 198. 

CorwneLy, 0, 2, 8, 4, 5, 9,10, 15, 16, 20, 21, 
28, 24, 41, 48, Lh, 46, 47, 57, 61, 63, 68, 
74, 76, 118, 121, 122, 124, 126, 184, 135, 
136, 137, 138, 142, 147, 148, 149, 154, 
455, 158, 160, 162, 164%, 165, 167, 168, 
170, 171, 172, 173, 176, 177, 178, 180, 
185, 186, 197, 198, 202, 203, 205, 209, 
210, 212, 214, 216, 217, 218, 220, 280, 
231, 233, 284, 237, 288, 240, 241, 244, 
247, 248, 249, 250, 258, 255, 256, 257, 
259, 260, 264, 263, 269, 274, 272, 275, 


LISTE DES AUTEURS 


277, 
316, 
359, 
401, 
459. 

Corpus hermeticum, 28. 

Corssen, 358. 

CoRSWANT, 297. 

CoucaouDr,LXXVIII, LXXIX, XCI, CIV, 
29, 48, 277. 

CRAMER, XCVII, XCVIIT. 

CRÔNERT, 206. 

Cyprien (St), XCII, 1450, 181, 190. 

CyriLLe d'Alexandrie (St), XOVIIX, 2, 3, 144, 
166, 261. 363, 390, 406, 436. 


278, 
829, 
376, 
406, 


279, 283, 
323, 326, 
383, 389, 
409, 413, 


287, 293, 300, 301, 
339, 343, 346, 351, 
390, 392, 396, 397, 
493, 497, 432, 496, 


Damascène (St JEAN), XOVIIL, 9, 85, 283, 
820. 

DEBRuNNER, 193, (voir BLass-DBRUNNER). 

‘DsissMANW, VI, XII, LVIII, LXIV, 
LXX XVI, 41, 26, 69, 140, 150, 463, 174, 
206, 273, 281, 357, 407, 455, 456, 468. 

DEISSNER, 407. 

Dezarosse, LXXVIII, LXXIX, LXXXV, 
CIV, 9,13, 17, 43, 74, 416, 130, 170, 173, 
190, 191, 196, 255, 269, 280, 282, 341, 
377, 388. 

DeLATTE, CI. 

DeLAZER, 412, 413. 

DELLING, 373. 

DeziTzscx, 227. 

DemerTrius (grammairien), 20. 

DÉMOsTHÈNE, LXVIII, 332. 

Denys d’Halicarnasse, 47, 184, 359, 881. 

Denys de Corinthe (St), 212. 

Denys le Chartreux, XCIX, 154, 257. 

DEvREESSE, XCVIII. 

Dreezius, 42, 123, 124, 140, 260, 265, 268, 
454. 

DreTericx, 377. 

DILLERSBERGER, 167. 

Dropore de Sicile, 47, 5%, 266, 281, 

DioGÈènE LAËRGE, 448, 441. 

Dion Cassius, 75, 246. 

Dion CHRYSOSTOME, 26. 

DITTENRBERGER, 245. 

Dosscaürz (Von), 104, 112, 120, 123, 140, 
263, 267, 286, 296, 301, 396. 

Dons, CII. 

DôLcEr, 302. 

Dracu, €. 

Drews, 280, 


Epwanps, CII, 173, 197, 438. 
EicxHorN, 9, 376. 

Eirrem, XI. 

ELrezer (Pirke Rabbi), 422. 


MENTIONNÉS. 


ELzzicoTT, ICE. 

Ernrem (St), KOVII, 491, 286, 293. 

EPICHARME, 47, 97, 98. 

EpicrÈèTEe, LIV, LVII, LXX, 411, 45, 23, 
80, 47, 69, 73, 76, 77, 90, 136, 137, 145, 
146, 184, 220, 228, 255, 330, 345, 848, 

Ericure, 97, 441. 

EPIMÉNIDE, 418. 

EpipHANE (St), 171, 185, 242, 412. 

ERASISTRATE, 98. 

ErASME, XCIX, 59, 74, 124, 231, 401, 412. 

ESTIENNE, 407, 417, 

ESTIUs, XÛIX, 3, 4, 10, 19, 21, 41, 46, 47, 
65, 74, 86, 4121, 123, 124, 128, 135, 136, 
15%, 159, 160, 170, 180, 185, 193, 196, 
198, 199, 209, 217, 218, 220, 234, 235, 
238, 244, 250, 251, 257, 270, 272, 278, 
277, 283, 321, 323, 326, 332, 334, 343, 
846, 357, 363, 368, 376, 389, 390, 396, 
397, 401, 404, 406, 409, 412, 414, 4145, 
493, 427, 493, 448, 45G. 

EUCHER (St), 286, 298. 

EurtpidE, 97. 

Eusèse, 181, 244, 278, 878. 

EUSTATHE, 880. 

Euraauius, XC, XCII, 44, 209, 820. 

Euraymius ZIGABENUS, KOVIII, 

Evans, CII, 58, 462. 

EverzinG,123,140,260, 265, 267, 377. 384. 

Ewan, Cl, 2, 7, 438, 

EZzNik, 412. 


FARNENBRUCH, 190, 194. 
FarRAR, OJIEL. 

FEHRLE, 267. 

Feivs, XXX, 415, 418, 434. 
FELTEN, 376, 384. 
FESTUGIÈRE, 99, 103, 10%, 112. 
Frzzion, ©, 459, 166, 413. 
Frnpray, CII, 76, 169, 424. 
Fonx, 376, 388. 

Freer (man. de), XCI. 

Funx, 287, 291, 298. 


Gacwæus, XCIX. 

GALIEN, 98, 381. 

GarDner (Percy), 298, 301. 

Gavin, 306, 316. 

Gerra (voir Künnern-GErTu). 

Grsson (Mrs.), XCIV. 

GiusTiNiANt, XCIX 3, 86, 199, 257, 270, 
409. 

Gzoac, CII. 

Gloses, 46, 122, 150, 166, 167, 269, 287; 
293, 412, al. 

Goner, LXXXV, CII, 3, 4, 13, 43, 47, 
86,123, 124, 125, 138, 149, 159, 160, 171, 


500 INDEX DES PASSAGES BIBLIQUES. 


IV Esdras, 410, 439, Saint Polycarpe, LXXVII. 


Apocalypse de Baruch, 439. Pasteur d'Hermas, LXXVII, 5, 7, 4190, 191, 
Testament de Job, 343, 377. 194, 311, 312, 315, 440, 441. 

4 Lettre à Diognète, LXXVII. 

LITTÉRATURE RABBINIQUE. 
Évangile selon les Hébreux, 392, 397. Targums, 34, 95, 231, 232, 242. 
Évangile de Pierre, 273, 397. Mischna, 119, 244: Pirke Aboth, 65, 171, 242. 
Actes de Paul, LXXVII, 415. Talmud, 44, 247, 264, 266, 427. 
Actes de Philippe, LXXVII. Mekhilta, 232. 
Actes de Thomas, LXXVII. Midraschim, 259, 266, 427. 
Lettres apocryphes de Paul et des Gorin- 
thiens, LXXVII. LiTTÉR. GNOSTIQUE ET PAIENNE. 


Gorpus hermeticum, 28, 90, 99: Poimandres, 
105, 110, 343, 377. 

Didachè, LXXVII, 237, 238, 239, 241, 249, | Pistis Sophia, 44. ; 
273, 289, 291, 299, 302, 303, 307, 319, 326, | Littérature mandéenne, 44. — manichéenne, 


PÈRES APOSTOLIQUES. 


332, 333, 339, 362, 370, 386, 468. 402, al. 
I Clément, LXXVI, 8, 9, 43, 44, 82, 232, 272 | Papyrus magiques, 99, 298, 343, 378, al. 
841, 441. ‘ Littérature alchimique, 99, al. 
Barnabé, LXXVII, 272, 273. Littérature iranienne, XLVIII-s., 102, 109, 
Saint Ignace, LIV, 15, 213, 232, 273, 319, 416. | al. 
Papias, 452. Isis et Osiris de Plutarque, 99. 


LISTE DES AUTEURS MENTIONNÉS ‘ 


Asez, LX, LXI, &, 47, 18, 52, 53, 62, 72, 

135, 136, 158, 178, 216, 294, 249, 265, 
ET 320, 321, 330, 348, 401, &14, 496, 493. 
Acmeuts, 187, 189, 190, 491, 192, 493, 494, 


849. 
Ærius ARISTIDE, X, XI, 133, 244. 
ALCIPHRON, XII. 
ALFARIC, 277. 
ALFORD, CI, 16, 135, 149, 181. 


Azzo, XX XIV, 93, 109, 163, 322, 397, 408, 


428, 432, 433, 453, 454. 
AMBROISE (SAINT), 181. 


AMBRoSIASTRE, XCII, XOVIIE, 8, 5, 7, 9, 
10, 25, 47, 49, 60, 63, 404, 494, 428, 134, 
150, 165, 166, 167, 168, 170, 193, 180, : 
481, 185, 186, 210, 213, 218, 219, 240, 
242, 250, 251, 255, 269, 272, 273, 283, 
286, 298, 312, 320, 332, 864, 371, 372, 
374, 389, 406, 408, 412, 414, 415, 498, 


426, 427, 428, 429, 438. 
ANDERSEN, 286, 296, 301. 
ANDOCIDE, 149. 

ANSELME de Laon, XC, XCIX, 298. 
ANTHOLOGIE grecque, 1410, 137. 
APHRAATE, 491. 

ApoLLonIus Dvscoze, 185, 4992, 193. 
AotBA (Rabbi), 433. 


AouiLA (le traducteur), 207, 264, 365, 435. 


ARATUS, 418. 
ARCHAMBAULT, 34. 
ARISTIDE (l’apologiste), 399. 
ARISTOPHANE, XII, 418. 


ARISTOTE, LIV, LVI, 47, 50, 57, 103, 110, 


869, 380, 432, 441. 
ARRIEN, 26. 
ATHÉNAGORE, LXXVII, 399, 432. 
ATHÉNÉE, 04, 
Artro Vercellensis, XCIX. 
AUBESPINE, 287. 


AuGusTIN (SAINT), LXVI, 49, 61, 102, 123, 
435, 166, 167, 179, 181, 185, 198, 213, 
220, 240, 241, 242, 259, 261, 269, 273, 


286, 292, 293, 320, 322, 329, 831, 406, 
408, 409, 410, 428. 


BACHMANN, LXXXVI, LXXXIX, Cil-s., 
5, 8, 40, 44, 47, 24, 24, 25, 41, 41 44, 
45, 47, 49, 52, 58, 60, 73, 76, 78, 79, 86, 
109, 117, 118, 119, 121, 1284, 126, 128, 
130 133, 134, 135, 136, 142, 143, 147, 
148, 154, 157. 159, 160, 162, 164, 166, 
167, 168, 171, 172, 178, 174, 176, 177, . 
478, 180, 181, 185, 186, 191, 198, 194, 
197, 198, 199, 200, 203, 204, 210, 216, 
217, 218, 219, 220, 221, 222, 227, 298, 
230, 232, 285, 2386, 237, 289, 240, 248, 
250, 254, 256, 257, 258, 259, 260, 261, 
262, 266, 269, 274, 272, 273, 277, 280, 
284, 282, 285, 298, 300, 301, 316, 320, 
3241, 323, 324, 325, 326, 327, 331, 334, 
340, 342, 348, 844, 345, 346, 347, 349, 
350, 353, 856, 357, 358, 359, 360, 368, 
367, 374, 376, 388, 389, 391, 392, 898, 
397, 399, 402, 406, 407, 408, 409, 411, 
412, 418, 415, 416, 417, 418, 422, 425, 
426, 427, 428, 429, 482, 4386, 454, 456, 
459, 460, 463, "as 467, 468. 

Bacon (B. W.), 8 

Baz3oN, 170, Le 

Barr (A.), LXXXVII. | 

Bart (Karl), CII, 348, 388, 389, 397, 
399, 402, 404, 407, 409, 413, 414, 445, 
418, 422, 424, 428, 429, 485, 437, 438, 
443, ‘ 

BARTMANN, 376, 383, 390. 

Basize (St), 120, 124, 181. 

Barirroz, 273, 287, 292, 293, 839. 

Bauzr (Bruno), LXXVIII. 

BAUMGARTNER, 273, 276, 285, 286, 287, 
288, 290, 293, 385. 


-Baur (F.-C.), LXXVI, LXXVIII, 86, 87, 


148, 159, 231. 
Bène (St), XCIK. 


Beer, CIN. 


(1) Les caractères gras renvoient au chapitre IX où les commentateurs sont nommés, 


classés et appréciés; parfois aussi au chap. VI, pour les théories de divers critiques sur la 
composition de l'Epitre. 


502 


BeLsER, 139, 194, 287, 298, 376, 884, 415. 
 BENGEL, C, 14, 58, 73, 121, 123, 132, 132, 
435, 178, 197, 240. 250, 257, 278, 419, 

462. 

BERGx van EysiNca (van den), LXXVIII. 

BERNARD (St), 198, 424. | 

BERNARD (exégète), 424. 

BERNARDINUS A Piconro, XCIX, 86, 359. 

BERTHELOT, 99. 

BERTHOLDT, 232, 

BERTRAM, 397. 

BeyscnLac, CI, 86. 

BÈzE, C, 61, 74, 1923, 135, 159, 170, 173, 
874, 401, 456. 
Biccerseck, CI, 
LERBECK). 

BrziroTe, CI. 

Bincuam, 287, 

Bisrine, GC, 4, 21, 124, 441, 454, 459, 474, 
178, 185, 198, 218, 250, 257, 272, 273, 
288, 328, 326, 334, 343, 3846, 857, 876, 
396, 397, 406, 418, 428, 459. 

Bissine (von), 328. 

Brrys, 110. 

Brass, 19, 20, 26, 269, al. 
| DEBRUNNER). 
Brass-DEBRUNNER, 74, 174, 269, 314, 330, 

34h, 858, 889. 

BLEex, 9, 44, 376, 380. 

BLEGcEN, XI. 

Biünuz, XXXI. 

Bouzrc, XXIX, 254. 

BôHMER, 11. 

Bonner (Campbell), XI. 

Bossuer, 123. 

BouLANGER, XI. 

BousseT, XLVIII, CII, 9, 12, 78, 95, 96, 
134, 190, 194, 298, 999 393. 348, 349, 
869,.878, 888, 889, 403, 407, 428. 

BROWN, CIN. 

BRUDER, 314. 

Rauins, 9, 280. 

Brun (Lyder), 254, 261, 268, 450. 

BrusTon, CIV. 

BRruyne (Dom de), XCIII, XCVIII. 

BuzTMANN, LXIV, LXVII, LXVIII 
LXIX. 

BurxrTT, 190, 194. 

BurTonw, C!I. 


(voir SrRAck et Brr- 


(v. Brass- 


Carus, 119. 

CGAJETAN, XCIX, 9, 40, 61, 128, 141, 
159, 165, 166, 480, 199, 209, 220, 
245, 257, 2738, 277, 283, 326, 407, 
415, 448. 

CazLaN, OI, 40, 47, 86, 135, 158, 168, 


432, 459, 468. 


154, 
295, 
408, 


174, 
178, 203, 240, 248, 261, 351, 413, 429, 


LISTE DES AUTEURS MENTIONNÉS. 


CGazmer, XCIX, 19, 128, 158, 166, 180, 231, 
287, 293. 

CALOVIUS, €, 72. 

Cazvin, CO, 2,9, 45, 16, 123, 135, 173, 283, 
249, 257, 329, 974. 410, 412, 413, 456. 

Camus (Mgr. Le), 9, 166, 277, 279, 316. 

Canon de MuRATORI, LXXVIL 

CASSIODORE, 5. 

CELSE (Aulus Cornelius, le médecin), 171. 

Cezse, (le polémiste antichrétien), 15, 37, 
378. 

CEerrAux, 80, 200. 

CHARLES, 424, 440. 

Chester Beatiy (papyrus de), LXXXIV, XC, 
515. 

CHRYSOSTOME (St Jean), XC, YOVII, 2, 
3, 5, 9, 40, 15, 20, 238, 25, 40, 41, 48, 45, 
49, 61, 62, 74, 73, 76, 85, 86, 104, 4147, 
120, 124, 124, 125, 126, 128, 129, 133, 
135, 137, 141, 143, 145, 149, 154, 166, 
167, 168, 169, 170, 173, 174, 176, 179, 
180, 181, 197, 199, 200, 203, 204, 209, 
211, 213, 217, 248, 219, 224, 227, 285, 
238, 240, 242, 249, 250, 257, 258, 260, 
267, 269, 270, 273, 274, 275, 278, 279, 
283, 286, 290, 291, 293, 319, 320, 821, 
323, 395, 334, 384, 349, 343, 947, 851, 
357, 359, 863, 364, 372, 374, 377, 378, 
390, 3938, 396, 401, 404, 408, 412, 414, 
418, 423, 428, 429, 456, 457, 464. 

CicéRoON, 37, 119, 328, 345, 

‘OLÉANTHE, LXX, 859, 418. 

CLEMEN, LXXXI, LXXXIV, 8, 78, 170, 
190, 194, 202, 208, 224, 275, 277, 296, 
298, 299, 800, 302, 313, 315, 316. 

CLémenr d'Alexandrie, LXXVII, XC, 162, 
213, 214, 224, 847, 358. 

CONYBEARE, 384. 

Concile de Carthage, 412. 

CorzLuy, 412, 428. 

CoRNELIUS A LAPIDE, XOIX, 3, 71, 128, 
184, 454, 158, 160, 171, 180, 185, 196, 
209, 217, 220, 238, 250, 257, 269, 273, 
283, 346, 389, 398, 396, 406, 407, 409, 
L45, 423, 427. 

CorNELIUS NEPOS, 498. 

Connezv, C, 2, 8, 4,5, 9,40, 15, 16, 20, 21, 
23, 24, 41, 43, 4h, 46, 47, 57, 61, 63, 68, 
74, 76, 418, 121, 422, 128, 126, 184, 135, 
136, 137, 138, 442, 147, 148, 449, 154, 
155, 158, 160, 162, 164, 165, 167, 168, 
470, 471, 172, 173, 176, 177, 178, 180, 
185, 186, 197, 198, 202, 203, 205, 209, 
210, 212, 214, 216, 217, 218, 220, 230, 
231, 233, 284, 237, 288, 240, 241, 244, 
247, 248, 249, 250, 258, 255, 256, 257, 
959, 260, 261, 263, 269, 274, 272, 275, 


v- 


 DeissMANN, VI, XII, 


LISTE DES AUTEURS MENTIONNÉS. 503 


277, 278, 279, 283, 287, 293, 300, 301, 


316, 322, 328, 326, 339, 348, 846, 351, 
309, 376, 383, 389, 390, 392, 396, 397, 
401, 406, 409, 413, 423, 427, 482, 436, 


459. 
Corpus hermeticum, 28. 
CoRSSEN, 353. 
CorswanT, 297. 


Coucou, LXXVIII, LXXIX, XCI, CIV, 


29, 43, 277. | 
CRAMER, XCOVII, XOVIII. 
CRÔNERT, 206. 
Cyprien (St), XCII, 150, 481, 190. 
CGyrizze d'Alexandrie (St), XOVIL, 2,3, 144, 
166, 261. 363, 390, 406, 436. 


DaAmaAscÈNE (St JEAN), XCVIIT, 9, 85, 283, 
320. 

DEBRUuNNER, 193, (voir BLass-DBRUNNER). 

LVIIT, 
LXXXVI, 11, 26, 69, 140, 150, 463, 174, 
206, 273, 281, 357, 407, 455, 456, 468. 

DEISSNER, 407. 

DELAFOSSsE, LXXVIII, LXXIX, LXXXV, 
CIV, 9, 13, 17, 43, 71, 116, 130, 170, 173, 
190, 491, 196, 255, 269, 280, 282, 841, 
377, 388. 

DELATTE, CI. 

DELAZER, 419, 413. 

DerLiwc, 373. 

DeriTzscx, 227. 

Deuerrius (grammairien), 20. 

DÉMosTHÈNE, LXVIII, 332. 

Denys d’Halicarnasse, 47, 184, 359, 381. 

Denys de Corinthe (St), 212. 

Denys le Chartreux, XCIX, 154, 257. 

DEvREESSE, XCVIII. 

Drsezius, 42, 1238, 124, 440, 260, 265, 268, 
454. 

Dietericx, 377. 

DiILLERSBERGER, 467. 

Dropore de Sicile, 47, 54, 266, 281. 

Diocène LAËRCE, 143, 4441. 

Dion Cassius, 75, 246. 

Dion CHRYSOSTOME, 26. 

DiITTENBERGER, 245. 

Dosscaÿürz (Von), 104, 112, 120, 128, 140, 
263, 267, 286, 296, 301, 396. 

Dons, CII. 

Dôzcer, 302. 

Dracx, C. 

Drews, 280. 


Epwanps, CII, 173, 197, 438. 
EicHHoRN, 9, 376. 

Exrrem, XI. 

Errezer (Pirke Rabbi}, 422. 


LXIV, 


Ezzicorr, ICI. 

Epxrzm (St), KOVI, 191, 286, 298. 

EPiCHARME, 47, 97, 98. 

EpicrèTE, LIV, LVII, LXX, 41, 45, 23, 
30, 47, 69, 73, 76, 77, 90, 136, 137, 145, 
146, 184, 220, 228, 255, 330, 345, 348, 

EPIGuURE, 97, 441. 

EPIMÉNIDE, 418. 

ErtPHANE (St), 174, 185, 242, 412. 

ERASISTRATE, 98. 

ERASME, XCIX, 59, 74, 124, 231, 401, 412. 

ESTIENNE, 407, 417. 

EsTius, XCIX, 8, 4, 10, 19, 24, 41, 46, 47, 
65, 74, 86, 421, 123, 124, 128, 135, 136, 
154, 159, 160, 170, 180, 185, 193, 196, 
198, 199, 209, 217, 218, 220, 231, 2385, 
238, 244, 250, 251, 257, 270, 272, 278, 
277, 283, 321, 323, 326, 332, 334, 348, 
346, 357, 363, 368, 376, 389, 390, 396, 
397, 401, 404%, 406, 409, 412, 414, 415, 
4238, 427, 433, 443, 456. 

Eucner (St), 286, 298. 

EuRIPIDE, 97. 

EUSÈBE, 181, 244, 273, 378. 

EUSTATHE, 380. 

EurTuazius, XC, XCII, 44, 209, 320. 

EUTHYMIUS ZIGABENUS, XOVIIL. 

Evans, CIIT, 58, 462. 

EverLiNG,1238,140,260, 265, 267, 377. 384. 

Ewazp, CL 2, 7, 438, 

Eznik, 412. 


FAHNENBRUCH, 190, 194. 
FarRaAR, OI. 

FEHRLE, 267. 

FEInE, XXX, 415, 418, 434. 
FELTEN, 376, 384. 
FesTucière, 99, 103, 104%, 112. 
Frzrion, 0, 159, 166, 418. 
FinpLay, OIL, 76, 169, 424. 
Fonx, 376, 383. 

Freer (man. de), XCI. 
Funx, 287, 291, 298. 


Gacnæus, XCIX. 

GALIEN, 98, 381. 

GARDNER (Percy), 298, 301. 
Gavin, 806, 316. 

Gerra (voir Künaner-GERTH). 


| Greson (Mrs.), XCIV. 


GiusTiNIANt, XCIX 3, 86, 199, 257, 270, 
409. 

GLoac, CIII. 

Gloses, 46, 122, 150, 166, 167, 269, 287, 
293, 412, al. 

GoDET, LXXXV, CII, 3, 4, 13, 48, 47, 
86,123, 124, 125, 138, 149, 159, 160, 171, 


504 


172, 173, 179, 185, 200, 213, 222, 223, 
240, 257, 272, 273, 2838, 3238, 326, 343, 
357, 432, 438, 454. 

GÔBEL, CIE, 47, 486. 

Gocuri, "LXXVI, LXXXI, 
277, 298, 802. 

GoossEens, 306, 316. 

Gorpon, XOIX. 

Goupcees, C. 

GRarE, 189, 190, 194. 

GRANDMAISON (de), XXX, XLVI. 

GRÉGoIRE DE NaAzIANZzE (St), 409. 

GRÉGOIRE DE Nvysse (St), 201, 409. 

Grecory, XCIII. 

GRESSMANN, 298, 302. 

GRIMME, 86. 

Grorius, C, 44, 64, 123, 234, 257, 273. 

GRUPPE, 194. 

GUNKEL, 4924, 

GUNTERMANN, XXXIV, XXXVII. 

GÜNTERT, 343, 377, 384. 

Gursaur, C, 4, 3, 4, 7, 10, 44, 16, 24, 23, 
24, 25, 89, 41, 46, 47, 58, 69, 78, 76, 78, 

* 81, 86,117, 118, 124, 122, 124, 126, 130, 
133, 135, 136, 137, 138, 142, 145, 147, 
449, 150, 154, 155, 159, 160, 164, 167, 
168, 171, 172, 173, 176, 177, 178, 179, 
480, 181, 191, 193, 194, 197, 198, 199, 
203, 204, 210, 212, 213, 216, 
220, 224, 227, 228, 230, 232, 
238, 239, 240, 242, 244, 288, 
256, 257, 260, 261, 269, 272, 
280, 282, 319, 320, 328, 325, 
333, 334, 339, 342, 343, 345, 
355, 356, 357, 359, 360, 363, 
370, 374, 376, 379, 382, 383, 
390, 392, 396, 397, 399, 401, 
406, 407, 409, 413, 415, 417, 
4926, 427, 428, 429, 431, 432, 

456, 457, 45 9,463, 464, 465, 


GWILLTAM, XCIII. 


Haccz, LXXXI, LXXXIV, 208. 

HammonD, C. 

Hannack, LXXIX, XC, 8, 196, 298, 336, 
339, 351, 353, 378, 397. 

HARTKE, LXXVIIL. 

Harcx, 206. 

. HarTsipaKis, 321. 

Havmon D’HALBERSTADT, XCIX, 287, 292, 
293. 

HEFrELE, 190. 

Herneiot, CI, 3, 44, 47, 58, 86, 417, 125, 
454, 459, 170, 473, 179, 482, 197, 200, 
203, 213, 248, 259, 270, 283, 285, 311, 


LXXXIL 
LXXXIIT, LXXXIV, CIV, 6, 416, 141, 


LISTE DES AUTEURS MENTIONNÉS. 


314, 315, 316, 328, 846, 351, 359, 369, 
376, 380, 383, 389, 399, 406, 407, 412, 
426, 459. (Voir MEYER-HEINRICI.) 

HEiTMÜLLER, 14, 121, 140, 294, 298, 301, 
815, 316, 390. 

HEMMER, LXXVI. 

HÉRACLITE, LXVI, 28. 

Hercner, XII. 

HERKLOTZ, 191, 194, 264, 265, 268. 

HÉRODIEN, 435. 

HÉroDoTE, 6, 49, 57, 359. 

Hervé de Bourg-Déols, XCIX, 127, 154, 
458, 166, 180, 186, 272, 273, 283, 287, 
293, 389, 393, 409, 412, 427. 

Hesycunius, 184, 345. 

Hizaire (St), 211, 324, 332, 406, 409. 

HizcenreLn, 86, 369, 378, 384. 

HippozyTe (St), 90 

HiTcHcock, 7. 

Hirzic, 249, 259. 

Hopce, CII. 

Hormann, CI, 21, 43, 134, 473, 221, 857, 
&17. 

Hozz, XXX, 101, 112, 397. 

HOLTZMANN (H. J. }, 298, 

HozsTen, LXXX, CI, 2, 3, 11, 58, 72, 73, 
86, 127, 162, 166, 178, 209, 239, 280, 351, 
869, 372, 376, 389. 

Homère, LX, 364. 

HommeLz, 468. 

Horace, XII, 7. 

Horner, XCIII. 

Honr, XCIV. (Voir Wesrcorr-Horr.) 

Hueues DE SAINT-CHER, XCIX, 9, 287, 
289, 293. 

Hueues pe SAINT-Vicror, XCIX. 

Hunr, XC. 


Imitation de Jésus-Christ, 341. 
IRÉNÉE (St), LXXVII, XC, 14, 124, 190, 
191, 205, 312, 317, 377, 412. 


Jacqurer, LXXVI, LXXXVI, XCIIT, 90, 
91, 103, 112, 384. 

JAMES, 384. 

JEREMIAS (A.), 268. 

JÉRÔME (St), 26, 30, 31, 43, kk, 158, 166, 
467, 173, 180, 185, 241, 213, 220, 396, 
409, 432, 434. 

Josèpne (F1), 
LA. 

Jousse, 13, 18, 29, 30, 31, 33. 

Jüzicuer, LXXXIII, LXXXVII, 86, 190, 
194, 286, 287, 293, 396. 

Jusrer, 140, 231. 

Jusrin Martyr (St), LX XVII, 15, 37, 238, 
265, 273, 294, 302, 399. 


47, 134, 171, 233, 265, 


LS 


KanrT, 228. 
Kay, CIIL 


LISTE DES AUTEURS MENTIONNÉS. 


KEATING, 287, 293. 
Kenweny, LXXXVII. 


Kenyon, XCIII. 


KuviA BEN ABBA, 44. 
Krrrez (Gerhard), XLIX, 112, 260, 261, 


264, 265, 266, 267, 


KLAUSNER, 34. 
Kuine, CI. 
KLiôPPERr, 86. 


364. 


KLOSTERMANN, 342, 468. 
KNABENBAUER, 376. 


Kocux, 194. 
Krauss, 264. 


_ Krewxez, LXXXVII. 


Küxz, CIE, 357, 359, 259. 
Kôüaner-GErTu, 2, 17, 185, 221, 359, 391, 


441. 
KüxRiINce, 80. 


LABRIOLLE (DE), 268, 3738, 878, 384. 


LACHMANN, 130, 


181, 219. 


LADEUZE, 287,293. . 
LAGRANGE, VIII, XIX, LXIII, LXVII, 
LXXXVIII, 34, 95, 96, 232, 294, 395, 
389, 396, 412, 456, 462. 


Latins, 380. 
LAURENT, 889. 


l 


LeBrEeTon, XXXI, 103, 112. 
LEcLERCQ, 287, 298. 


Lerèvre p’EraBres, XCOIX. 


LEIPoLDT, 412. 


+ 


f 


Leisecanc, XLVII, LXVI, 94, 99, 401, 


412, 406, 454. 
LELONG, 194. 


LEMONNYER, CI, 
121, 126, 185, 
180, 181, 185, 
289, 240, 248, 
277, 820, 325, 
401, 407, 409, 


468. 
Levesque, 396. 


Lras, CHI. 


8, 4, 16, 48, 47,. 72, 86, 
142, 166, 168, 174, 178, 
199, 210, 212, 230, 232, 
260, 261, 262, 263, 269, 
351, 363, 374, 889, 391, 
412, 426, 432, 461, 4692, 


LieTzmaAnn, LXXXVI, CI, 4, 41, 12, 45, 
16, 17, 21, 24, 25, 41, 42, 46, 47, 55, 57, 
62, 69, 72, 73, 76, 79, 80, 86, 90, 117, 118, 


121, 423, 


160, 462, 


125, 183, 184, 142, 148, 
155, 156, 159, 


167, 168, 


174, 175, 176, 178, 179, 184, 185, 


189, 192, 198, 
204, 209, 210, 
229, 226, 227, 
243, 244, 245, 
265, 266, 269, 
800, 302, 316, 


194, 196, 
211, 214, 
228, 230, 
246, 249, 
270, 278, 
820, 323, 


198, 200, 
217, 219, 
233, 238, 
250, 257, 
278, 285, 
324, 328, 


454, 
478, 
486, 
203, 
220, 
240, 
260, 
298, 
829, 


505 


331, 333, 
359, 363, 


842, 346, 350, 

872, 374, 383, 
399, 401, 402, 405, 407, 
415, 417, 422, 428, 426, 
482, 4838, 486, 441, 442, 443, 454, 
458, 465, 468. 

Licarroot (John, l’ancien), C, CIII, 412. 

LicaTroor (J.-B.), CII, 16, 21, 47, 61, 
121, 135, 150, 169, 173, 178, 181. 

LiDE, LXIX. 

Locu, C. 

Locke, C. 

Loisy, XXXIII, XOV-s., CIV, 8, 47, 50, 
58, 62, 72, 117, 120, 127, 134, 158, 174, 
476, 181, 190, 191, 192, 199, 242, 
220, 235, 240, 260, 263, 269, 270, 
294, 295, 296, 298, 299, 302, 305, 
308, 313, 316, 341, 846, 3514, 359, 369, 
374, 389, 398, 401, 402, 407, 412, 418, 
423, 429, 439, 440, 443, 454, 456, 
465. 

Loman, LXXVIII. 

LomBarp (Pierre, le « Maître des 
tences »}, XCIX, 454, 160, 166, 170, 
261, 273, 288, 286, 293, 346, 390, 
427. 

LomBarD (E.), 378, 384. 

Lucain, 99, 424. 

Lucien (le satirique), 15, 87, 262, 345. 

Lucirer, 1424, 150. 

LüTeEerT, 73, 86, 87. 

Lurner, 59, 73, 184, 173, 192, 329, 407, 
4138. | 

Lypus (Johannes), 320. 

Lyranus. (Voir Nicozas DE LyRre.) 


351, 352, 357, 
389, 390, 391, 
408, 409, 418, 
428, 429, 431, 
256, 


Mac Evirzy, C. 

Mac Fapyen, CII. 

Mac LaRen, ON. 

MacroBE, 263. 

Mare, CO, 193, 124, 174, 178, 179, 185, 
213, 220, 240, 250, 257, 273, 275, 277, 
283, 376, 389, 413. 

MAIMONIDE, 95. 

Maxnen (Van), LXXVIII, XCI, 189, 194. 

Marc-AURÈLE, 173, 328, 845, 881. 

Maraow, LXXVII, LXXIX, XC-s., 44, 
41,120, 450, 259, 312, 864, 371, 372, 390, 
412, 428. 

Manirana, XCIX. 

MaARMoRSTEIN, 95, 97. 

Massie, CII. 

Maunoury, C. 

MeizzeT, 381, 384. 

Meinecke, XII. 

Mrïr (Rabbi), 65. 

Mékhitaristes, XCIV. 


506 . 


MELANCHTON, 420. 

MéLiTon, 273. 

MÉNANDRE, LVI, 414, 417, 418, 

Menocuius, XCIX, 86. 

Meruovius, 150, 184, 185. 

MeriTr, XI. 

Messmen, OC, 63, 86, 272, 846, 357, 376, 397, 
432. 

Messos, XCIII. 

Mevysoom, LXXVIII. 

Meyer (Eduard), 102, 297, 302. 

Meyer, CI, 2, 9, 185, 213, 257, 278, 283, 
851. (Voir Mever-Hginricr.) 

Meyer-Héinricr, LXXVII, Cls., 37, 73, 
123, 138, 171, 217, 240. (Voir HgiNrrcer.) 

Micnaëus, VII, LI, LXXXII, 416. 

Micure, OI. 

Mivuicaw, 424. (Voir Mourron-Mirrican.) 

Maœnis, 192. 

Morratir, LXXXVII. 

Moore, 96. 

Mosusim, 0, 2. 

Mosiman, 377, 384. 

Mouzron-Mitziean, LIV, LVI, LX, 25, 
69, 75, 76, 77, 80, 133, 136, 157, 18%, 194, 
4199, 194, 206, 207, 246, 281, 311, 344, 
455, 468. 

Musonius Rurus, 149, 155, 156. 


Naser, LXXVIII, 202. (Voir PrersoN.) 

Niçezi, LIII, LIV, LVI, LVII. 

NEANDER, Ôl, 43, 86. 

NesTze, XCV, 120, 134, 181, 269, 282, 429. 

NICÉPHORE CALLISTE, 415. 

Nicoras DE Damas, 345. 

Nicozas pe Lvyre, XOIX, 47, 134, 166, 
469, 273, 277, 287, 298. 

Nrertzscue, XXXIX. 

Nicezurscn, C, 178. 

NoëLz ALEXANDRE, XOIX, 240, 412. 

NorDEn, LIX, LXIV, LXX, 28, 32, 38, 
353, 390, 454. 


ŒcumEnius, XOVIIE, 9,10, 40, 148, 166, 180, 
185, 186, 238, 257, 388, 407. 

OLsHAUSEN, OI, 10, 197, 198. 

OpTarT, 10. 

Oracies sibyllins, 137, al. 

OrIGÈNE, XC, XCVII, 28, 24, 25, 41, 4ë&, 
118, 193, 4928, 137, 454, 458, 460, 475, 
225, 328, 844, 365, 374, 378, 409. 

OsIANDER, CI, 3, 48, 86, 850. 


Pascaz, 36, 198. 

Pausantras, 227. 

Price, CIN. 

PÉLAGE, XOVIII, 3, 9, 40, 47, 128, 165, 


LISTE DES AUTEURS MENTIONNÉS. 


166, 173, 180, 185, 186, 213, 237, 292, 
273, 283, 286, 293, 406, 409, 44, 415. 

PERDELWITZ, 82, 259. 

Pères grecs, 21, 376. 

PFLEIDERER, 87, 286, 298. 

PHicasTre (St), 412. 

PaiLéTÈRE, XII. 

PHiLopèME, 206. 

PHILON d'Alexandrie, 20, 40, 47, 58, 90, 
96, 98, 103, 104, 146, 217, 218, 282, 235, 
243, 848, 349, 353, 359, 374, 497. 

Paorius, 76. 

ParRyNIcHOS, 249. 

PIERCE, 9... 

Prerson (et Naser), LXXVIII, 202. 

PINDARE, 342. 

PzaTon, LIX, LX, LXX, 82, 49, 54, 70, 
90,103, 109, 410, 435, 270, 272, 284, 317, 
359, 360, 422, 441. 

Pine le Jeune, 271, 292, 302. 

PzoTin, 109. | 

PLummMEeRr, CI. (Voir RoBERTsoN-PLun- 
MER.) 

Pziumrrer, ON. 

PrurarQue, 37, 47, 54, 77, 97, 99, 408, 
410, 263, 381, 421, 

Pozrocnos, XII. . 

PoLy8e, 6, 47, 70, 133, 249, 860, 365, 369. 

PôLzL, 418. 

PorPuyne, 244, 245, 803, 358. 

PRAT, 63, 94, 104, 112, 323, 336, 339, 866, 
883, 413. 

PRrEISIGKE, 99, 112. 

PREUSCHEN (-BaurzR), LX, 815, 344, 845, 
849, 359, 360, 391. 

Primasius (Ps.-), XCVIIE, 9, 410, 20, 40, 
178,,180, 185, 186, 205, 210, 213, 283, 
393, 409, 415, 416. 

Pythagore, 90, 91. 


QUuADRATUS, 399, 
QuinTiLiEN, 828, 381. 


RABIGER, 85, 209. 
RADERMACHER, LX, 17, 72, 242, 314, 822. 
RAMBAUD, C. | 
Ramsay, CIN, 7, 419, 469, 206, 260, 267. 
Reinacx (Salomon), 298, 301. 

Reiscuz, C. 

RerTiensTeiN, XIX, XLI, XLVII, 
XLVIII, XLIX, LVII, LXVI, 410, 25, 
26, 47, 49, 55, 86, 87, 90, 91, 98, 99, 101, 
404, 109, 440, 411, 112, 144, 445, 198, 
204, 260, 265, 266, 267, 298, 302, 309, 
313, 916, 317, 325, 328, 329, 848, 350, 
352, 377, 378, 384, 406, 407, 409, 412, 
429, 499, 494, 497, 434, 454, 


LISTE DES AUTEURS MENTIONNÉES. 


Renan, LXVII, 86, 87, 376, 377, 8384, 395. 

RenDaLz, CHI. 

Rescu, 44, 218, 271, 358. 

Reuss, CII, 3, 86, 125. 

Révizze (Jean), 271, 301, 307. 

Rirscuz, 21, 378, 384. 

RosEerTson (F. W.), CII. 

Rosertson (Arch.) et Pcrummer, LIIT, 
LV-s, LXXII, LXXIII, XC, XCII 
XCIV, GT, 1, 3, 5, 14, 16, 17, 21, 23, 
24, 25, &1, 22, 43, 46, 47, 56, 58, 61, 62, 
72, 74, 76. 79, 80, 86, 94, 118, 121, 124, 
195, 196, 139, 134, 137, 138, 142, 143, 
149, 154, 156, 159, 167, 169, 178, 174, 
176, 179, 181, 184, 185, 186, 189, 191, 
192, 193, 194, 497, 199, 208, 205, 209, 
210, 213, 217, 218, 220, 227, 230, 231, 
232, 233, 234, 238, 289, 240, 244, 248, 
250, 251, 255, 256, 260, 261, 267, 269, 
271, 278, 277, 279, 283, 291, 298, 300, 
801, 315, 316, 320, 321, 323, 325, 326, 
333, 339, 343, 344, 345, 846, 850, 356, 
357, 359, 361, 363, 369, 374, 388, 389, 
391, 392, 393, 396, 399, 400, 401, 402, 
403, 405, 406, 408, 409, 413, 417, 418, 
493, 494, 495, 496, 497, 431, 432, 433, 
435, 437, 456, 459, 462, 4638, 464, 465, 
468, 

ROBILLIARD, XLIIT. 

ROBINSON, 226. 

RoupE, 76, 263. 

Rouxr, 190, 194, 287, 
385, 

Roncy, 286, 298. 

Rucx, 299, 302. 

Rückenr, OL 3, 16, 154, 159, 231, 250. 

Rüscxe, 97, 112. 


293, 376, 579, 384, 


SA (Emm.}), XCIX. 

Saces, C, 3, 21, 41, 43, 47, 86, 
125, 135, 142, 148, 158, 178, 
213, 230, 231, 240, 248, 261, 
277, 351, 396, 399, 407, 415, 
497, 429, 499, 459, 463, 466. 

SALLUSTE (le philosophe), 90. 

SALMERON, XCIX. 

SANDAY (et HEADLAM), LXXIII. 

SANDERS, XCI, 

SCHÆDER, 128. 

SCHÂFER, LXXXVII, C, 10, 23, 24, 86, 
124, 441, 168, 190, 194, 240, 250, 251, 
270, 272, 321, 355, 359, 389, 396, 397, 
401, 406, 412, 423, 432, 

SGHENKEL, 86, 209. 

ScuLATTER, CII, 86. 

ScHMir (W.), 69. 

ScnMIinT (K. L.), 87, 128, 154, 348, 358. 


1214, 194, 
185, 199, 
262, 263, 
423, 496, 


507 


ScHMIEDEL, CII, 2, 3, 10, 21, 41, 73, 86, 
134, 162, 173, 184, 201, 204, 208, 260,. 
265, 269, 270, 277, 859, 369, 372, 389, 

. 895, 407, 409, 412. 

SCHNEDERMANN, CII, 173. 

SCHNEIDER, XLIX. 

SCHŒTTGEN, 232. 

ScHOLz, 123. 

SCcHÜRER, 140, 171, 376. 

SCHUSTER, CII. 


SCHWEITZER, XXIX, XXXIII, XLVIII, 
LVIIT, 294, 299, 301, 383, 385, 407, 408, 
412, 439, 454. 

ScoTT (W.), 90. 

SEeDULIUS ScoTus, XOVIII. 

SEISENBERGER, 376, 383. 

SEMLER, 128. 

SÉNÈQUE, 63, 75, 98. 

SÉVÉRIEN, 47, 

SExTUS Emprricus, 859, 381. 

SHEaAR (Leslie), XI. 

SHORE, CII. 

SICKENBERGER, G-8., 3, 21, 44, 47, 62, 72, 
76, 78, 79, 86, 117, 118, 124, 125, 132, 
134, 137, 138, 143, 154, 156, 459, 160, 
166, 168, 173, 176, 178, 184, 185, 191, 
193, 194, 203, 219, 213, 218, 220, 222, 
230, 235, 238, 240, 244, 248, 250, 251, 
255, 256, 257, 258, 260, 261, 266, 269, 
270, 277, 285, 821, 323, 325, 326, 346, 
353, 357, 360, 362, 363, 366, 367, 374, 
383, 389, 891, 379, 899, 406, 407, 409, 
LAS, 414, 428, 424, 495, 496, 429, 4931, 
432, 433, 456, 458, 459, 463, 464, 465, 

SIEVERS, 259, 

SIMAR, 482. 

SIMÉON BEN JOocHAÏ (Rabbi), 265. 

SoDEN (Hermann von), XCIV, 48, 
407, 4929. 

SÜDERBLOM, 297, 302, 807. 

SouTER, XCII, XCIV, XCVIII, 293. 

SPITTA, 286, 294%, 297, 301. 

STAAB, XOVIIT. 

STAFFELBACH, XX XVI, LXIX:® 

STAHL, XLIX. 

STAHLIN, 48 

STANLEY, III, 296, 301, 340. 

STECK, LX XVIII. 

STEINMANN, 178. 


324. 


 STEENKISTE (Van), 418. 


STOBÉE, 28. 

Sroscu, CII. 

STRAATMANN, 280. 

STRABON, 345, 865. 

Srracx et BILLERBECK, OIL, 43, 60, 95, 
119, 130, 140, 157, 158, 168, 217, 227, 
230, 232, 238, 242, 247, 254, 259, 260, 


508 


263, 264, 265, 266, 267, 328, 3438, 344, 
352, 368, 864, 393, 402, 408, 412, 422, 
427, 433, 436, 460, 468. 

SYMMAQUE (le traducteur}, 207. 


Tacire, LXXIX. 
TATIEN, LXXVII, 191. 


TerTULLIEN, LXXVII, XCII, 14,16,42, 
122, 147, 150, 154, 158, 481, 490, 191, 
204, 214, 213, 249, 260, 265, 266, 347, 


349, 371, 378, 412, 415, 429. 

THéopore de Mopsueste, XCVIII, 20, 47, 
177. 

Taéoporer, “XOVIII, 2, 8, 7, 9, 20, 25, 40, 
41,104, 147, 120, 121, 122, 124, 130, 135, 
138, 11, 142, 158, 157, 158, 160, 166, 
170, 176, 179, 180, 181, 197, 
213, 218, 230, 235, 255, 260, 
273, 27k, 290, 293, 343, 863, 
397, 409, 415, 423, 429, 444. 

THÉODOTION, 207, 435. 


THÉoPHyLACTE, XOVIII, 3, 9, 10, 19, 40, 
Lh, 86,124, 145, 160, 166, 185, 257, 259, 
283, 388, 390, 407, 408, 415, 443, 462. 

Tomas d’Aquin (St), LXI, XCIX, 8, 5, 
16, 21, 25, 40, 47, 50, 60, 68, 65, 70, 75, 
114, 117, 118, 122, 123, 124, 128, 130, 
132, 134, 136, 137, 138, 148, 154, 156, 
459, 160, 166, 167, 169, 170, 173, 1784, 

186, 193, 197, 198, 199, 

247, 218, 220, 222, 230, 

240, 2441, 248, 250, 251, 

263, 269, 272, 273, 277, 

287, 293, 800, 301, 322, 

342, 3843, 357, 3858, 359, 

383, 388, 389, 392, 393, 

406, 408, 412, 415, 417, 


176, 180, 185, 
204, 206, 210, 
234, 234, 238, 
256, 257, 261, 
278, 283, 284, 
325, 831, 332, 
372, 376, 379, 
8396, 401, 404, 
423, 429, 4338, 463. 

TaomPrson, XCIII. 

Taucypipe, 18, 49, 457, 270, 382. 

TILLMANN, 145, 178, 454. 

Trrinus, XCIX. 

TiscHEnDorr, 4, 43, 45, 481, 204, 499, 

Tire-Live, 328. 

ToBac, 454. 

TonpeLut, 454. 

ToseTri, 94. 


ToussaiInrT, CI, 3,14, 20, 21, 24, 41, 44, 61, 
72, 73, 83, 86, 117, 118, 124, 125, 130, 
134, 195, 144, 145, 149, 154, 157, 159, 
160, 165, 167, 168, 171, 173, 178, 179, 

227, 298, 

248, 256, 

282, 298, 

351, 359, 

409, 413, 


480, 184, 197, 200, 
230, 234, 236, 238, 
261, 262, 269, 271, 
316, 320, 323, 331, 
363, 366, 389, 390, 
415, 454, 459, 468. 


204, 212, 
239, 240, 
277, 279, 
344, 350, 
399, 407, 


210, 211, 
267, 270, 
388, 393, 


LISTE DES AUTEURS MENTIONNÉS. 


Toy, LXXIIL. 


"TREGELLES, 181. 


Tubingiens, 429. 


UzriLzas, XCIV. 
USENER, 76. 


VAGANAY, 397. 

Verrius VALENS, 99, 281. 

ViREy, 421. 

VITEAU, 4, 65. 

VITRINGA, 7. 

ViTTi, 454. 

Vocets, XCV, 4, 11, 120, 184, 289, 324, 
347, 407, 499. 

VôLKER, 288, 298. 

VOLLMER, 43. 

VôzrTer, LXXVIII, LXXX. 

VosTÉ, 384, 454. 

Vulgate latine, XCIII, 135, 372, 374, 406, 
L14, 418, 428, 432, 433, 456, 460, 464, 
passim. 


WAELE (De), XI. 

WacEenseiz, 265, 266. 

WALAFRID STRABON, XCIX.. 

WEBER, 259. 

WeinEL, 302, 367, 369, 377, 384. 

Weiss (Bernhard), CII, 3, 4, 10, 47, 122, 
168, 173, 269, 273, 357, 359,. 406, 408, 
412, 459. 


Weiss(Johannes), XXX,XXXI,XXXVIII, 


XLV, LXIII, LXV, LXVII, LXXVIII, 
LXXX, LXXXI LXXXII, LXXXIII, 
LXXXVI, CI, CI, 4, 2, 3, 6, 7, 8, 
9, 44, 12, 14, 15, 16, 20, 21, 22, 28, 
94, 25, 28, 31, 32, 33, 40, 41, 49, 43, LE, 
47, 58, 60, 64, 62, 63, 64, 65, 66, 69, 70, 
72, 78, 74, 75, 76, 78, 79, 80, 85, 90, 116, 
117, 118, 120, 123, 125, 126, 128, 129, 
430, 182, 134, 135, 136, 137, 138, 141, 
149, 144, 445, 147, 149, 450, 153, 154, 
456, 158, 160, 162, 163, 166, 168, 170, 
173, 174, 175, 177, 178, 180, 181, 183, 
184, 185, 190, 191, 194, 197, 198, 499, 
200, 201, 202, 204, 205, 208, 209, 240, 
911, 216, 247, 218, 220, 221, 224, 295, 
226, 227, 230, 231, 234, 235, 286, 237, 
238, 239, 240, 241, 243, 244, 246, 247, 
248, 249, 250, 254, 252, 255, 256, 259, 
260, 261, 262, 263, 265, 266, 270, 271, 
273, 274, 277, 278, 279, 280, 282, 288, 
293, 294, 295, 296, 298, 301, 302, 345, 
816, 320, 323, 324, 325, 826, 328, 330, 
332, 341, 349, 343, 945, 847, 348, 349, 
351, 353, 357, 358, 359, 360, 361, 362, 
363, 369, 370, 372, 374, 376, 380, 381 


LISTE DES AUTEURS MENTIONNÉS. 509 


383, 389, 390, 391, 392, 396, 397, 399, 
400, 402, 403, 407, 408, 409, 410, 411, 
LAR, 445, 416, 419, 429, 494, 495, 4926, 
427, 428, 429, 433, 434, 436, 447, 449, 
154, 456, 458, 459, 461, 463, 465, 468, 
469, 

WerzsÂcker, 86, 87, 189, 360. 

WELLHAUSEN, 297, 301. 

WEenDLAND, LXIV, 193. 

WesseLy, 99, 110. 

WestT(A. Brown), XI. 

WesTcoTT-HorT, XCII, XCV, 4, 14, 74, 
181, 320, 407, 429. 

Werre (De), CI, 3, 46, 173, 281, 240. 

WertTer (G. P.), 296, 297, 299, 300, 802, 
307. 


WETTSTEIN, 0, 135, 265, 357. 
WEYMOUTH, 4, 45. 
WIKENHAUSER, 438, 440. 
WiLzAmMowiTz, LXX, 382, 338, 102. 
Wine, 18, 344. 

WiLLIGER, 166. 

Wozr, C. 

WorpsworTx, GIII. 


Xénornow, LVII, 182, 270, 279, 328, 438, 
LA, 


ZAHN, LXXXIII, 8, 86, 277, 301, 320, 447. 
ZoNaRAS, 345. 

BosimE, 99, 109, 110. 

ZWinGzr, 296. 


INDEX DES MOTS GRECS 


DONNANT LIEU À DES OBSERVATIONS 


äyauos, LVII, 162, 183. 

&yar&uw, 198, 206, 207, 239. 

dydsn, LVII, LXVIT, 195, 197, 
345, 

&yanrntoi pou, 247. 

&yc&éw, LVI, 166; 
nytaatar, 166. 

dyraou6s, LVI, 21. 

dyvas, 2, 132, 167. 

dyvaéew : Gyvostvor, XOIV, 374. 

&ôdäravoz:, LVII. 

aôehyh, 211, 219, 213, 214 ; 
&dehpny yuvaiue, 211-5. 

&ôchpôs, LV, LVIII, 1. 

&ônhos, 358. 

&0hws, LVII, 298, 358. 

&ôvrréw, 136, 188. 

&ôcror, 133. 

ados, LVIT, 228. 

&Oxvaoia, LVI. 

œipévers, 271, 209. 

aipéw, 145. 

acwv, 40, 41. 

dr&ôaptos, LVII. : 

arobw, 855, 

arpascia, LVII. 

drpoëvotia, LVI, LVIII. 

&rwv, LIV, 220. 

&hnôerc, 125. 

AG, 43, 138: 
&AAG YE, 209. 

&hodgw, LVI. 

duépeuvos, LVII. 

duetarivnros, LVTIT. 

aphv, 363. 

Aurehwvy, LVTIII. 

vd : avi péocov, LVIII, 135; 
va pLépos, 369. 

avéyrn, 178, 186. 

&v&0epa, LVI, 321. 

avarpive, LV, LVIT, 69, 88, 210. 

&vanaderv T nyvedua, LVI. 

&vôpEG este, rpuTarodade, LVI. 

GYEYAANTOUS EV TA AMEPX, 5. 

avéyopot, 76 


206, 207, 


avhe, LV, 154. 
Evôpwros, LV, 68, 153, 154, 178; 

&vôpunoë Éote, 88. 
dvoiyvupe : GvÉWYyEV, 460. 
ävouos, LVI, LVIII, 
avrthn(u)bers, 333, 328, 344. 
&nayémevor, 871. 
anapyh, 405, 407. 
dreptondotws, LVII, 184. 
&ncotos, LV, 366, 386. 
nd, 275, 309-s., 311, 313-s. 
&rôôerbes, LVII, 25. 
dnodelrvon, 75. 
&noôvharw, LV, 
änozxaAdrTw, 60. 
&rondAvgees, 5, 107, 358. 
&nékkvupe, LV ; 

&noÀë, 15; 

&rohAdpevor, 14. 
&nooyéæ, 210. 
äroAbtowars, LVIII, 21. 
&réôotohos, LV. 

&rropar, 153. 
&pa, LX, 128; 

&pa oùv, LX. 
&poevoroirns, LVII, 137. 
&pre, XX, XXI, LIV, LV, 350, 459-s, 
&alévero, LV. 

&obevs, LV. 

dotatéw, 75. 

doynmove, 331. 

&oynpovéw, 184, 189, 346. 

d&ruuia, 262, 4238. 

&Teuôtepa, 331. 

Topos, LIV, LVIII, 432; ëv &vôtrw, LVIIT, 

433, 
adAodpevoy, 358. 
adEd&ve, LX, 57. 
aûTés, LV; aûtév naë AuGv, 3; 6 adros, 

LV, LVIIT. 
adth, 210. 
ap0apoix, LV. 
apinus, 163, 165, 

&ppov, LIX, 14, 491. 
äpuwvos, 321, 359, 


INDEX DES 


&xpr, 108; dype où, 44h. 
&qvuyos, LVIT. 


Bérrrouax, LVII. 

Baaorcia vod 0eod, LV. 

Baarhedw, LVIT, 74, 408, Lh1-S,, Lhh. 
BeGaréw, LVIT. 

Brwvcerôs, 134, 

Bhacpnpodparz, 250, 251. 

BraGetov, LVIT, 227. 

Bpôyos, 183. 


y : yahanTOos, 216. 

yapéuw, LV, 178, 188; yauñons, 178; yaei- 
ruwcav, 184, 186; yaun0fvac, 188. 

yauiéw, LIV, 185, 190, 191, 192, 193. 

ve, LX, 169, 174, 270, 280, 405, 434. 

YÉVN Yhwocév, 380. 

yéyvopar, 21, 145; vyevnoôpevoy, LX, 422; 
yévnror ëv Epoi, 220; éyevn0n, 21; — Onv, 
LX ; ph yévorco, LX, LXV, 145. 

vuyvocre, LV, 15, 88, 105, 106, 108; 197, 198: 
Eyve, 15; yvüvac, 88. 

vAdaca, YAGooar, LV, 107, 355, 356, 364, 
375-S., 880; yhwmoucs (-on) AœAeîv, LVII, 
355-S., 375 88. 

yvoun, 177. 

yvwpiGw, 192, 193, 386. ' 

yves, 102, 105, 106, 195, 197. 

voyy0Gw, LVII, 

Yoda, 93, 

yvoñpw, LV, 43, 128, 129, 153; Yéyoantoz, 43, 
Lk; ypéperv nept.., 153; Éypxdo, 128, 129. 

ypnyopetv, LVI. 

yuuvés, 422. 

vovh, LV, 154, 178, 183, 212, 213; à Yuvn à 
&yawos, 183; &GcAph yuvh (v. aÔeApr). 


dé, LX,.55, 153, 162, 235, 256, 270, 334, 369, 
388, 389, 431. 

et, 409, 434. 

Sépw, LVI. 

déw : dédetoe, 188. 

Sn, 150. 

ôtd, LXV, 62; dei avec génitif, 261; êr& vod 
nveduoaros, 325; Ôr’ Encoto}Gv, 456; Ota Ts 
YAooons, 359; dc vodro, LXV,260 ; Gta Tobs 
GYYÉROUE, 259, 266; Ôv écértpou, 348; OL’ 
hpäs.. éypépn, 218. 

ôt&6oh0s, LVI. 

Ocacpéaers, 322, 

Ocanovos, 68. 

Ocanplvw, 135. 

Orœhoyeouôs, LVIII. 

Ocacrohñ, LVIII, 358. 

Grdantôs, 47, 48, 114, 

GeOay, 107, 


MOTS. GRECS. 51 


Giduwpe : GLOGvTe, 437. 
Gtépyopac, 458. 

Gvracoobvn, LVIIT, 21. 

Ovrwcdw, LVTIIT, 70, 138. 

86, 321, 361. 

Orônep, 236. 

Oro : ÔLOAETE, 355. 

Boréw, 189. 

dortu&éuw, 60, 282. 

Sono, 60, 228. 

Coëa, XLIX, LVI, 257, 258, 422. 
Soë&éw, LIV, LVI. 
Écvhaywyéw, LIV, LVIII, 298. 
GovAdw, LVII; ôeôobhwtac, 168. 
Gpéccouur,, 64. 

Oüvapus, LIV, 18, 25, 80, 333, 337, 360. 
Gvaynunée, LVII. 


édv, LIV, LVIII, 162, 367, 421, 461; êqv Gë 
rab, 178. 

ÉauTé, 282, 

évyeipw, LV; êyeipetar, 493. Û 

éyrpatebonac, 162. 

Éy : Éyé ÔE Xprotod, 82, 85, 179. 

éGpatos, 184. 

EOvn, LVI. 

et, LIV, 169; eù na, 174; eë ph, 170; eè pate 
&v, 157; et tôygor, LX, 359. 

etdwhetoy, 204. ‘ 

etôüwaoy, LVI. 

ciôwhorgTtons, LVII. 

etôwA60vtoy, LVI, 187, 247, 

cir, 389. 

ethcrpivezx, LVIIT, 125. 

eèpé : até, 21; eêoev, 199, 200; etvœr sis, 146 ; 
ctvor &e, 158; nv, 231, 462; Aunv, LX, 348; 
Pro, 468: ta ph dvTa, 20. 

etnep, 199; cènep &po, 401. 

eis, LXI, 146 : eis &épa AmAdv, 359; els 
Éhdyroréy éote, 69; sis nveduE Cworocody, 
426-s.; ès uynv Süoav, 426-8,; eès Mwd- 
cv fPart., 230. 

ets, LV, 369 : ets dpros, 233. 

eëvo., 391, 407, 440, 441, 449, 451. 

etre, LV, 369. | 

ën, 46, 241; x pépous, 107; (ëx péAous), 332; 
ÊA VERpOY, 405. 

EÉxaotos, LV. 

Enfaors, LVII, 235. 

éndéxopar, 284. 

Erxôrros, LVII. 

énnalœéperv, LVT, 195 : Énnaddpate, 125. 

énrAnoia, LV, LVIT; 
ëv érnAngéx, 270, 290. 

énvhypecv, LVIII, 418. 

éatds eè ph, LVIII, LX, 357. 389. 

Ertowopa, LVIIT, 393. 


512 


EG, 220. 

ëAcd6epos, LV, LVII. 

EhniGuw, : nArcaôtes ÉduLEv, L02-S, 

ëv, 16, 270 : ëv instrumental, LVI; ëv Gr0aw- 
roès, 47, 48; èv nvple, 22; ëv 6460, LX, 
23, 80, 116; ëv day, 360; èv époë, 360 ; ëv 
temporel, 407; ëv rpwtors, 390. 

Évepyéw, 326. 

évepyhuata, 325. 

êvepyhs, 460. 

évéormuc : éveotüow, 177, 178. 

Évyouos (Kpratod), 226. 

Evoyos, 281-5. 

évrpéruw, 77. 

évwnroy, 21. 

Ebeare, XXXVI, 141. 

Éboubevéw : éfou0eynpévos, 27, 134, 135. 

fovatia, LIV, LV, 204, 209, 211, 218, 246, 259 
260, 264, 265, 266, 267. 

éfovaraéw, 141, 142, 157. 

Ew [oé], 130. 

Érnarvéw ; Énacvéouw, 274. 

ênet, 198, 166, 411. 

ênecdn, 405, 406. 

Enerta, 333, 391, 399, 407, 440, 441, 442. 
t : ênt rapdiav oùr &véfin, LVI; ëni vd 
adté, 157. 

Éniyeros, 109. 

éxeOavatros, LIV, 75. 

érncongw, 171. 

ënorrodopéw, LV. 

épavv&w, LIV, LX, 45. 

Epyov, LV. 

écôtw, LV: écûinte, 280. 

Ecyavov, 393, 395. 

Evepos, 55, 325; étépar YAGGGœL, 383. 

ebaycov, LV. 

edhoyéw, 238. 

cdAoyéa, 238, 

edo0odpar, 456. 

cond&pedpos, 188, 184, 219. 

ebonpos, LIV, 359. 
edayr'hpuwv, 183, 184. 

| edyaprotéw, LV. 

Ep, 117, 118, 155, 165; épétw, 155, 159, 418, 

Éws &pTe, 203. 


EnAdw : Enhodte, 334, 555. 
Con, LIX, 
Gwonoveiv, LIV (Voir à eès) 


ñ LX, 214, 216, 219; voir à OéAw. 
ñ modal, 172. 

ñôn; 146, 

060$, LIV. 

het, 438. 

NV, Any, voir à ep. 


INDEX DES MOTS 


GRECS. 


| ñnépa, 61, 70, 


hrenpa, 136, 142. 


O&vavos, LVI. 

Géatpov, 75. 

OéÂw, LV, 158, 181, 357; H0ehov, LXV ; 0éw 
ÿ, 364. 

Oeûs, LIV. 

OepiGo, 218. 

Onprouayéw, 415. 

Ovotacthprov, 303. 


tôtos, LV, 272; td Eôvov Geinvoy, 272. 

iôtorns, 90, 363, 366. 

{spé0utov, 197. 

‘’Incods, LIV. 

Eravôs, 283. 

tva 7, 69, 120, 157, 344, 465; Eva Ofow, LX; 
Eva av0noopaz, LX; Eva ph puarodode, 
LX ; Eva mé, 249. | 

’lovôatos, LVIII. 

"IcpañÀ : cp. rat oûpax, LVIII. 

Éornpar : Éotévar, 234; Écrhuate, 388. 


rabanep, LV. 

AAC, raOLÉETE, 134. 

240% yéyoanvar, LXXII, 43, 4h, 197, 

2406 Get yvivar, 197. 

naë, 73, 162, 163, 181, 219, 219, 279, 311-5., 390; 
rai Todto, 136; na TobToy, 28; nat pLepé- 
protar, 181. 

racpôs, 157, 179. 

rai : AXVO oo, 34%. 

ranioa, 125, 364. 

nakéw, XXXV, LV. 

raÀGS, LIV, 153, 154, 162, 177. 

xaÀGS, 158, 185. 

raté, 401: nœTa GvOpuwmov, 216, 414, 415; 
nord vb nvedua, 325; RAT TA Ypapés, 
390, 397; a0' Eva, 371: x&«0° bnep6odv, 
342; xaT& REPAARS, 257. 

RATAYYÉA AW : HATAYYÉARETE, 280. 

xaTatoyüve, LV. 

RATARREUND : AATAARNOETOL, 62. 

xaTarpvw, 130. 

RATAVTEU : AUTAYVTAREV, 234. 

ratapyéw, LV, 39, 142, 347, 407. 

raTapTiC : HaTNpTLaUÉVE, 6 

xataypéonmarz, 179. 

ravynua, LV. 

ravydopar : ravyant, 73, 

revos, 402. 

AEpÜœivw : EPA, 224. 

rep, LV, LVIII 256-s. 

ANUS : anpwaezs, XOV, 216. 

whpuyuæ, 400, 401. | 

xnpddaw, 39, 228, 400. 


INDEX DES 


rAduw : ÉnAwoev, 279. 

xANGES, 19, 172, 

rANTOS, 1. 

rocAia, 148. 

rozpéomur, 188, 283, 402. 
rotVOYER, 239. 

rocvwvot Toù Guarwatnpiou, 242. 
rohgopac, 146. 

xôopos, LV. 


Apévw, LV, 23, 180, 133, 284 ; rénprux, 120,122. 


rptrhprov, 133. 

rohvos (arnvéy. .…. menvéy), LXV. 
rvGépvnors, 332, 333, 338. 

AUPLARGY, 274. 

xôpros, XXIX, LIV, LVIII, 22, 57, 200, 273. 


Aahéw, LV, 39, 48, 50, 356, 376: Axheïv 
Yhoocurs (-on). Voir à YAGoG&; Aa. pau- 
othpta, oixodophv, 356; AmAGv Ëv émoé, 
360. | 

Aoyéa, 455. 

Aoyééouas, 68, 346. 

Adyos, LV, 12, 97, 389, 390; Adyos ocopéias, 12, 
33, 48, 50. 

Aourôv, LIXV, 69; vos Aocmote, 165; Th Aocrdy 
tva, 179, 


pdnerhov, LIV, LVI, 246. - 

paoy, 174. 

papav 404, LIV, 468. 

péya ai, 218. 

péer Tv Boûiv, 216. 

péARec : pLÉAAQvTE, 178. 

peiGwy, LIX, 350. 

méhos, LV ; x péAous, pour ëx pépous. 

uév, LX, 55, 120, 

pepiGuw, 85, 182. 

mépos mc, 270. 

ETAT YNLATÉG, 71. 

uetéyw, LV, 238, 249. 

'h : W'h yévosro, voir à YLYVOREL ; LL TÈ SE, 
21; ph mhaväade, 137; ph Ocanpivwv, 282. 

unvü& : Tov punvooavra, 248. 

uveye, LIV, 134, 

mia (auf), LVI, LXI, 456. 

p.co06s, 58, 220. 

uoethprov, LV, 41,107; puazt, 6e0Ù, 68. 

mwpio, LV, 14, 20, 22. 

pwpés, 20; Tù puwpèy Toùd 6e0ù, LIX; + 
hwp&, 20. 


verxpÔs, LV, 405. 

vh: LIV, LX, 219, 

vnrtdéw, 364. 

vaneoc, LX VIII, 39, 52, 88, 90, 107, 115. 
viros, LVII, 434... 

vôuos, LV, LVIII, 295, 


MOTS GRECS. 513 


vods, XXXVII, XLI, XLVII, LX, LXXIV, 
7, 46, 50, 92, 102-106, 113, 354, 362; vodv 
Xpceroÿ, XXXVII, XLI, 50, al. 

vouOetéw, 77. - 

vOv, vUVE, LIV, LV. 129, 166, 357; vdv logique, 
166; vuvi Gé, 350, 405. 


6, > T6, 7, 180, al. Voir à +& et à té. 

oiôæ, LV, 46, 63. 

obréw, 94. 

oixoDopséw, 197. 

otroôomh, LV. 

oirovopaos, 68. 

&}côpos Ths caprôs, 123. 

GwS, 117, 411, 

dvouééw : ovouaxbémevos, 129. 

ÊpLws, 358. 

85, À, 6 : 00 éxere, 150; oÙs Edv Ooncuéonte, 
456. 

6006 : dou, 43, 

Gorts : oiveves, 63. 

Goyppnats, LIV, 330. 

ôrav, LIV, LV, 409. - 

ôte, LIV. 

ôxe, 18, 177, 197, 218, 262; ôte ets &pros, 240; 
ôüre ôte, XCIV, 

où, où%, 55, 137, 401; où après ei, 162, 401; où 
uñ, LX; oùx atôate dec, LXIV ; où révrws, 
128 ; où GéAw dus &yvoeiv, 280; où Be, 
242, 243; oùx Écrev, 400: où Éatev [aup. 
Getnvov payeiv] 272, 978, 

odv, LIV, LV, LX, 271. 

oddév, 199 ; odGEv Éote, LXV. 

oÙ0év, LIX. 

oûte, 137. 

oùtws, 451, 

oÙùyé, LIV, LV, XCV, 55. 


opera, 157, 


dpeihw, 184; opeikete, 128. 
Gpehov, LXV, 74. 
ôpoveu, 216. 


rnatôedw, 283. 

ravtroayoÿ, 78. 

nävrws, 125, 216, 224; révrws oùdx, 462, 

rap, 311-55.; map Tvoÿro, 330, 

RAPAYYÉÀ AG : RAPAYYÉAAWY, 269. 

RAPAËEG wwe, 255, 275, 311, 890; ÜTav rapax- 
Sedo, 407, 445, 446. 

rapéôaoocs, XCIV, 255. 


[rapaënAde : rnapaénhodte, 242. 


rapanahéw, LV, 6,76, 77, 

napahaunGave, 275, 277, 278, 809, 310-s., 390, 
891. 

napeñpedw, 219. 

mapôévos, LV, 177, 183, 189, 193, 

mapéotnpe, 204. 


51h 


INDEX DES MOTS GRECS. 


ns : névres, 418; navres où, 431; ncev, | onpetov, onpeto, 34, 365. 
409; näory toits &noot., 397; nücav pay, | cn&vÜahoy, 17. 


kAk; névru or ÉBeotev, XXXV. 

nec06s, XOV, 24, 25. 

neèv, 211 (voir à révecv). 

réunuw : Énemda, 78. 

névTE, 364. 

— rep, LV. | 

nept dé, 152, 176, 196, 197, 320, 388, 455. 

neptré0apua, LIV.76. 

nepenatéw, LV, 54. 

neprocebw, LV. 

nepetéavesv, neperopñ LVIIT. 

nepihnux, LIV, 76. 

neprepedopat, 345. 

révw, LV, 211; neîv, supra; nivnte, 280. 

rrotedbw, LVIIT;: Éneotebaurte, 389. 

nioves, LV, LVIITI, 107, 344. 

neotôs, 176. 

rhaväuw : WA mhavadde, voir à ph. 

rhsioves, LIV, 392. 

nhsoveËëiæ, 129. 

rhnv, 26. 

zhovtéw, LVII, 74 

nveduæ, XLVII, LIV, LVIII LXVI, LXVII, 
46, 50, 89,91, 104, 109, 113, 120, 121, 182, 355, 
861, 362, al.: nvedpa @eod, 188; nvcduo 
Cwoonocodv, 92; nvebparæ, 361,371. 

nveupatraés, LV, 89, 47,53, 89, 109, 110, 120, 
230, 424: nycvpatenots, 47. 

nyvEevLaTtirés, 47, 93, 

rotéw : rothous, 168; rocnoovaozv, 411, 

rnochv, 335, 337 

notos, 421. 

rovnpia, 125. 

TOVApÉS : TV rovnpoy, 130. 

nopveia, LV, 117, 129, 144. 

rothptrov, LV. 

npüyua, 132. 

rpéoow : np&Ës, 120. 

rpaërns, 80. 

rpoohauédvew, 284. 

rpoopiéw : rpowproey, 41. 

npôs : npùds rnacpôy, 157; mpds dus, 461. 

rpogrxuvéuw, 368. 

rpopntreix, noophntns, LV, al. 

roëToy pLév, 270, 271, 285. 

mTnvés : wonvov, LXV, 422. 

rvrTtedw, L VII, 228. 


É6R6G0S : Ev p&6Ôw, voir à ëv. 
berh 6p0œAuod, LIV, 432, 433. 


capurnôs, XCIV, 52, 54, 88, 103, 218. 

c&prrvos, XCIV, 52, 54, 88, 

c&p$, LV, 21, 92, 103, 144, 146, 178; ca pl rai 
aitu, 431. 


| onetpo : 


cxôtos, LIX. 

copia, LV, LXVII, 19, 102, 395, al.; copié 
AGyou, 12, 26, 83, 325. 

copôs, 58, 185, al, 

oneipetac, 423. 

ctéyw, 218. | 

gTévavos, 228. 

atarw, LVI, LX. 

cuyyvopm, 158, 159. 

GLYREPVYUE, 330, 

cuyXpive, 47, 

cuve : cuvéGarvev, 234. 

cupéaatAedw, LVI. 

cuuuEpÉGw, 215. 

cepgopoy, 188. 

cûvy, 58. 

adv nav, TA, 2. 

cuveiônors, LV, LVII, LXVII, 106, 203. 

GUVEpy0s, 58. 

cuvÉpyopac, 270. 

suéntnths, LIV, 15. 

cuvhôerx, XCIV, 208, 204. 

covorôe, 70. 

cuotéhw : cuveotæhévos, 179, 

cxhua, 179. 

cxtopa, 272. 

cébow, LV,14; cwbects, 388; cwbômevor, 14. 

cüpa, LV, 92, 143, 144, 182, 422: a. nvevpua- 
TURÔV, V. À RYEUVLOTLAOS: 6. SUYLROV, V. à. 
DURS. 


td; Ta ph ÜvTa, 20; TX ÔE hour, 285. 

Ty, 407, 408, 440, 441. 

me, Te... n&Ë, 21, 80. 

réhecos, XLVI, LVII, LXVIII, 39, 47, 53, 54. 
90, 364 ; to Téhercoy, 348, 

réhos, 07, 441, 449, 448; réin Tüv aiwvwy, 
234. 

euh, 150, 175, 266. 

més : tuvés, 138, 400 ; vevôs, 141. 

ris interrogatif, LXV, 188, 141; té, LXV; vé 
oiôas, LXIV; (TE yap, cé ôte, té oùv) 
LXV, vé 6pehos, LXV ; ré ov Eacev, 56. 

té : To ph Ürëp & yéypaurtas, LIX, 72; cd 
Aocndy Eva, 179; To œûto, 233; to Ünép 
GpGv, 275. 

rôroc, 862, 

roûto, 269. 

rpéneba, 244, 245, 305. 

rpôpos [at péfBos], 24. 

TUYXA VU : Eù TÜyor, v. à ei; vuyôv, LIX, 


duétepov [datépnua], 465. 
drèp, 72, 419, 413. 
dréparuos, LIV, 184, 189, 191, 193. 


INDEX DES MOTS GRECS. 519 


drep6odh, 312. | xdocs, LV, 3, 220, 518, 456; xéprve petéypis, 
drepoyh, LVI. | 249. 
danpérns, 68. xapidopa: : ta xapeabéveæ, 47,48, 87. 
dn6, 224. xépuaux, LV, 3,158, 318, 834, al. 
drotéaaw, LV ; drocayhactae, 409. xodouar : akkov ypouc, 173. 
drwnc&éw, LVII, 228. ‘ xenata ôpLAbac, 417, 418. 
| ; xonatedetas, LIV, 345. 
-@ayetv, LV. | Xptaxés, LIV. 
pelôGouae, 178. . | : [xwpééonar, 165, 165. 
gpebyw, 148; pedyete à, 236. … | 
comté 179; pnai, LXXIT, 146, 409. guyh, LAXVI, 46, 88, 02, 102, 103, 1041: guyt, 
pOGyyos, 358. Cüax, 92. | 
6606 [rar Tpôuos], 24. Yuyxerôs, 109, 110, 42%, al. 
popéw : POPÉGUWLEV, 429, 446. 
ppéves, 364. wôe, LAV, 69. 
puaréw, LV, 72, 73, 197, 845; mepuscwmévos | DS, 75, 79; &e &v, 320, 
êaté, 120. wçnepet, LIV, 393. 
pôacs, LVII. ave, LV, 65.982, 287. 


putééuw, LIX. 


. Note additionnelle. — Il faut rectifier maintenant (décembre 1934) notre page XC, à la 
note 2. Après que ces lignes étaient imprimées, nous avons appris la récente découverte 
de nombreuses feuilles nouvelles du même codex, lequel contient maintenant ! Er IT Coriw- 


TRIENS, et presque tout le texte des Épîtres de Paul. La publication en est vivement 
désirée. : | 


TABLE GÉNÉRALE 


Pages 
INTRODUCTION. ........ PRIT PETER ER IEEE IEEE EEE EI TE EEE EEE V-CIN 


BIBLIOGRAPHIE ee een eee rene der eue neneenenen eee eene eee secure eee CV-CX] 
COMMENTAIRE. ui... ee... sssccescce.sesseeteseseeseeeresssereesreeeee. 1 
TABLE DES MATIÈRES......... sense ressens erese see seereereesmeccesessssesesesse 870-417! 
INDEX ANALYTIQUE. ....../....... sessseners ses s see sesnsseesensese Lecce 475-49 
INDEX DES OUVRAGES CITÉS......!......e........ sonvercssseneesenessesccoucser.s  408-50( 
LISTE DES AUTEURS MENTIONNÉS. rerereeneneemeneeenmeneeneceemeneeneeuveneee. 301-500 
INDEX DES MOTS GBC. eee leerseeceseseseeiencetenes secs 50-51: 


Nore additionnelle à la page xc, n. 2..:..... nanereserenerse vénvesseseerersses verse 5 


imprimé en France 
TYPOGRAPHIE FIRMIN-DIDOT ET Cl°. — MESNIL (EURE). — 1985, 


=.