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Full text of "Les citations de l'Ancien Testament dans l'épître aux Hébreux [microform]"

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Jlomains (Paris 1900). 
Clemen. — Der Gebrauch des A. T. in den N. T. Schriften (Giitersloch 1895). 
Voir aussi commentaires sur Vépitre aux Hébreux et sur les livres 
respectifs de l'A. T. 
Menegoz. — La Théologie de Vépitre aux Hébreux {Paris 189^). 
Menegoz. — Exégèse sur Vépitre aux Hébreux (cours inédit). 
Stapfer. — Introduction aux livres du Nouveau Testament (cours inédit). 
LoDS A. — Histoire littéraire du peuple d'Israël {cours inédit). 
LoDS A. — La religion d'Israël (cours inédit). 
Stapfer. — La Palestine au temps de Jésus- Christ {Paris 1898). 



INTRODUCTION 



Une étude des citations de l'Ancien Testament dans le Nou- 
veau s'impose à tout étudiant en théologie et à tout chrétien 
par son importance capitale. Elle nous mène droit au centre 
de la révélation divine. Elle nous permet d'embrasser d'un 
seul regard l'ensemble du plan de la pédagogie divine que 
Dieu employa pour mener les hommes à la connaissance de la 
vérité et elle nous permet de suivre les étapes successives 
de cette pédagogie. Elle nous permet d"entrevoir comment 
les conceptions théologiques du peuple de Dieu, plongeant 
par leurs origines dans les âges préhistoriques, se purifient, 
se raffermissent d'époque en époque, de siècle en siècle, et 
après avoir trouvé leur expression la plus haute, la plus 
idéale dans la bouche de Jésus et de ses apôtres, passent et 
descendent jusqu'à nous. Elle nous permet de voir les dii- 
férentes attitudes des auteurs de la nouvelle économie vis- 
à-vis des auteurs de l'ancienne. Elle nous permet de voir 
comment Jésus et les apôtres ont connu, compris, expliqué 
les auteurs de l'Ancien Testament, et l'importance qu'ils 
y attachaient. Elle nous permet d'entrer, jusqu'à un certain 
degré, dans l'intimité de la pensée de Jésus et de ses apôtres 
et de suivre leur exégèse et leurs études bibliques. Nous 
étudions ainsi l'Ancien Testament, ce livre si précieux, auprès 
de maîtres incomparables. 

Cependant, cette étude qui s'impose à première vue par 
son charme divin et sublime, cette étude qui mène notre 
pensée dans des régions supra terrestres, nous fait aussi 
•entrevoir des nuages. 11 est connu qu'il n'y a pas de rose sans 
épines, et l'étude des citations de l'Ancien Testament dans le 
Nouveau a aussi son côté épineux Tout lecteur du Nouveau 
Testament, pour peu qu'il le lise avec attention ne tarde pas 
à s'apercevoir que dans la reproduction des passages de 



- 7 — 

l'Aticien Testament l'exactitude scrupuleuse n'est pas tou- 
jours observée. Si le lecteur est réfléchi et qu'il veuille 
poursuivre ses investigations, ses premières constatations 
ne feront que se confirmer. Ce sont des substitutions de mots, 
et quelquefois de phrases entières; changements dans le 
nombre ou le temps des verbes, et dans le nombre des sub- 
stantifs, omission de mots et quelquefois de phrases entières; 
transpositions dans la coupure des versets, ce qui est dans 
l'Ancien Testament la fm d un verset est dans la citation le 
commencement. Souvent les citations semblent être aussi 
bien prises au hasard qu'employées arbitrairement, surtout 
lorsqu'on se rapporte à leurs contextes. Si le lecteur est un 
lettré capable de se rapporter aux textes originaux, il s'expli- 
quera facilement beaucoup de discordances que nous venons 
d'indiquer, mais il verra surgir devant lui une difficulté 
autrement grande. Tous ceux qui se sont essayés à faire des 
traductions savent que la version la mieux réussie ne vaut 
jamais l'original. La traduction est généralement à l'original 
ce que la reproduction est au tableau de maître. Il y a tou- 
jours de petites nuances, des finesses, des subtilités que l'on 
ne parvient pas aisément à saisir, et même lorsqu'on les a 
saisies, on n'a pas toujours le bonheur de trouver l'équivalent 
nécessaire, l'expression adéquate. La difficulté dans la tra- 
duction est de rendre l'esprit, le génie de la langue, et le 
traducteur le plus habile se voit souvent obligé de sacrifier 
l'esprit à la lettre, s'il veut donner un mot à mot scrupuleux, 
ou de sacrifier la lettre à l'esprit s'il veut être fidèle à l'idée 
de l'auteur. Le lecteur qui est capable de se rapporter aux 
textes originaux sera donc souvent tenté de se demander si 
les traductions existantes de l'Ancien Testament sont parfaite- 
ment entrées dans l'esprit de l'auteur du livre saint, et si la 
traduction donnée exprime parfaitement ce que le traducteur 
avait senti et compris. Souvent il se verra obligé de se 
demander quelle est la valeur de la version grecque des Sep- 
tante même là où elle avait le même texte que les massorèthes 
et quelle a été l'influence de cette version sur les thèses et 
démonstrations des auteurs du Nouveau Testament. 



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— 8 - 

Nous ne sommes pas les premiers qui se soient aperçus de 
ces difficultés. Elles ont été senties plus ou moins profondé- 
ment par tous les exegèles sérieux. Nous pouvons remonter 
ainsi jusqu'à Théodore de Mopsueste et jusqu'à Origène pour 
constater les tours de force exégétiques qu'on a faits, afin de 
concilier ce qui est inconciliable et d'expliquer ce qu'à notre 
avis ils ne pouvaient pas comprendre (' ). En effet, la transcen- 
dance de l'évangile contrastait si profondément avec l'état 
d'abaissement et d'effacement du peuple Juif, le Christianisme 
s'élevait si puissamment et si majesteusement au dessus du 
berceau où il est né, que le bon sens le plus droit et le plus pé- 
nétrant ne pouvait songer à faire de rapprochements entre les 
écrits apostoliques et les productions théologiques des rabbins 
de leur temps. On confessait que Jésus est né de la viergeMarie. 
qu'il a été crucifié sous Ponce Pilate, les récits des évangiles 
ont été bien connus, au moins à partir du second siècle, mais 
toute l'attention des théologiens se portait sur le côté méta- 
physique de la figure de Jésus, sur ce qu'il y a de sotériolo- 
gique, de rédempteur dans sa personnalité. On cherchait à 
connaître l'effet salutaire de l'œuvre rédemptrice de Jésus, la 
finalité de sa vie, mais non pas sa vie toute entière, son édu- 
cation, sa manière d'être et de penser. Les disciples ont eu 
.le même sort que le maître. On cherchait dans les écrits 
apostoliques leurs conceptions christhologiques sans poser 
sérieusement le pourquoi de leur conception, sans s'enqué- 
rir de leur éducation et des conditions de vie qui ont déter- 
miné leur état d'âme. Il faut donc placer Jésus et ses 
disciples dans leur cadre historique, c'est-à-dire dans le 
centre des spéculations et des discussions religieuses de leur 
temps qui furent aussi nombreuses, aussi variées, qui écha- 
paient à tout contrôle, et qui ignoraient tout frein et toute 
limite. 1*1 faut avoir présent à l'esprit ce tourbillon d'idées, 
ces assertions et ces négations qui se rencontrent et s'entre- 



(i) Voir dans Toi.ucK, Y Ancien Testament dans le Nouveau. — Hambourg i8j6, 
•pp. 1-8, sur les différents essais qu'on. a lait à travers l'histoire de concilier l'Ancien 
Testament avec le Nouveau. 



choquent sur un point donné, et qui, bien que diamétralement 
opposées, sont confirmées l'une et l'autre par un passage de 
la Bible et admises comme révélation divine. Il faut avoir 
présent à l'esprit le ou les livres qui servaient à l'éduca- V- 
tjon, l'influence et l'importance des écoles, si nous voulons 
réaliser la manière de penser de Jésus, des apôtres en géné- 
ral et de l'auteur de Tépître aux Hébreux en particulier. 



- 10 — 

PRÉLIMINAIRES 
DES LIVRES QUE TOUT MAITRE ÉTAIT CENSÉ CONNAITRE 

En première ligne vient l'Ancieri Testunient. C'était le 
livre connu de toutes les sociétés juives, il formait la base, 
le canon de la piété et de la vie religieuse Cela n'empêche 
pas que les différentes sociétés en possédaient des copies qui 
différaient dans le détail l'une de l'autre. La Bible, ou du 
moins les cinq livres de Moïse des Sadducéens, différait de 
celle des Pharisiens''^^ Les Pharisiens mêmes semblent avoir 
eu plusieurs copies. Ainsi le Talmud a connu un recueil des 
Psaumes dans lequel le premier et le second Psaume ne 
formaient qu'un seul chapitre ^^K Les Juifs d'Alexandrie pos- 
sédaient un texte de l'Ancien Testament avec les Apocryphes 
qui différait notablement du texte massoréthique. Nous ne 
pouvons pas déterminer si les « Malédictions» de Achija de 
Silo mentionnées Taanith 19,2 formaient un recueil à part 
ou s'il s'agit là seulement de 1 Rois XIV, 10-16. 



LES VERSIONS DE L'ANCIEN TESTAMENT 

Les versions de la Bible ont été commencées en Babylonie. 
Il était d'autant plus facile pour les Juifs de la captivité 
d'abandonner la langue hébraïque et d'adopter le chaldéen 
que ce dernier idiome est d'une parenté très étroite de 
l'hébreu. Déjà de très bonne heure on s'aperçut que la lec- 
ture de la Bible dans les Synagogues n'était plus comprise 
du public et l'on se vit obligé d'instituer des interprêtes offi- 
ciels qui traduiraient en chaldéen la portion de la Bible 
hébraïque lue au culte. Beaucoup de ces interprètes officiels 
ont dû écrire leurs versions, mais comme ces sortes d'écrits 



(i) Voir Megilah f. 15 ; Souccah f. 43. 
(2) Berachotli t. 9. 



— 11 — 

rentrent dans la catégorie de la loi orale, les rabbins s'oppo- 
sèrent à la propagation de ces manuscrits parnii le public. 
Nous savons d'après le traité de Sabbath f. 115,1 que Gama- 
liel, le maître de St Paul, cacha une version chaldéenne du 
livre de Job et que son petit fils qui portait également le nom de 
Gamaliel, eût à cacher une autre version du même livre. Ces 
deux versions successives d'un livre qui ne rentre pas dans le 
rituel de la Synagogue, duquel il n'est fait aucun extrait de 
Haphthorah, nous font supposer que les versions en chaldéen 
d'autres livres ont dû être faites en grand nombre. Cependant 
il ne nous est parvenu que trois Targoumim sur le Penta- 
teuque; celui d'Oakelos, le Targoum de Jérusalem et le 
Targoum. dit Jonathan et un seul sur des autres livres de 
l'Ancien Testament, celui de Jonathan. 



LA PESlilTTHO 

Des versions syriaques nous ne possédons que laPeshitthô 
«la simple» ou «la certaine».. C'est surtout dans ce dernier 
sens que le mot Peshitthô est fréquemment employé dans 
le Talmud. D'après la tradition, cette version a été faite sous 
Abgar bar Manou, vers la fin du second siècle après J. C, 
La relation de cette version avec les Targoumim ne se borne 
pas à une parenté de langage seulement. Ce sont deux tra- 
vaux qui vont de pair, donnant spontanément les mêmes 
phrases, ou se faisant des emprunts, ou des échanges mu- 
tuels. Ainsi le Targoum du livre de Proverbes a été lait 
d'après une version syriaque que l'on chaldaïsée, tandis que 
la version syriaque des livres des Chroniques a été faite 
d'après un Targoum. 

L'auteur de notre épître n'a certainement pas connu la 
Peshitthô sous sa forme actuelle, mais nous aurons l'occa- 
sion de constater au cours de notre étude qu'il comprend et 
traduit certains passages de l'Ancien Testament de la même 
manière que les traducteurs syriaques. 

Un mot sur ce qui concerne la version syriaque de l'épître 



- 12 - 

aux hébreux : Elle diffère souvent dans les lectures des 
manuscrits grecs qui nous sont parvenus. Elle contient sur- 
tout une foule de suscriptions, de titres qui ne se trouvent 
pas dans les manuscrits grecs Néanmoins, cette version a 
été faite sur un manuscrit grec, et non hébreu ou araraécn. 
Cela se voit surtout dans les citations qui se présentent 
comme étant une version de la version des Septantes, avec les 
changements que l'auteur de notre épîtrey a apportés. Ainsi, 
la Peshitthô n'a pas connu, malgré le témoignage de Clément 
d'Alexandrie (cité par Eusèbe Hist. Eccl. VI, 14) 1 épître aux 
hébreux écrite en hébreu ou araméen. 

Les caractères syriaques sont de plusieurs formes, nous 
nous servirons dans le cours de notre étude des caractères 
carrés (hébraïques). 



LA VERSION DES SEPTANTE 

Nous avons vu que les versions chaldéennes ont été faites 
sous l'empire des nécessités -d'ordre intérieur. Ce sont la 
décadence de la langue hébraïque d'un côté et les exigences 
du culte de l'autre qui ont suscité l'institution d'interprètes 
officiel.^ dans les Synagogues. On est donc tenté de supposer 
que la version greque de l'Ancien Testament a'été inspirée 
parles mêmes besoins, cependant Josèphe, la Mishnah et le 
Talmud lui attribuent une toute autre origine. D'après eux, 
elle n'a pas été motivée par les besoins intérieurs de la com- 
munauté, mais par une circonstance extérieure, un ordre ou 
un désir de Ptolomée. Voici le résumé de ce que nous lisons 
dans Josèphe ^^\ Ptolomée, sur les conseils de son bibliothé- 
caire Dimitrius de Phalère a envoyé par Aristée et un autre 
officier une lettre et de riches présents à Eléazar, grand-prêtre 
à Jérusalem. Ce dernier choisit soixante-douze vieillards, 



(i) Voir Josèphi Opéra, vol. 2 ; ff, 103-132, éd. Havcrcamp. 



— 13 - 

six de chaque tribu, auxquels il fournit un précieux manus- 
crit de l'Ancien Testament, qu'il traduisirent à Alexandrie. 
Cette version, dit Josèphe, a été approuvée par le Sanhédrin 
d'Alexandrie. Le contenu de ce témoignage se trouve aussi 
dans la Mishnah '^^ et dans le Talmud ^^^ où il ne semble se 
rapporter qu'au Pentateuque seulement. Ces témoignages 
malgré leur caractère légendaire sont cependant dune grande 
importance. Le point essentiel des assertions qu'ils contien- 
nent se trouve confirmé par des considérations historiques. 
Il faut se représenter les goûts littéraires de ces trois Ptolo- 
mées, qui ont succédé à Alexandre le Grand. C'est par Ptolo- 
mée I (Lagûs) qu'ont été fondés à Alexandrie un musée et 
une bibliothèque qui ont contribué à faire de cette ville un 
centre d'études et un foyer littéraire remarquable pour 
l'époque. Son fils Ptolomée II (Pliiladelphe) hérita des goûts 
littéraires de son père, qu'il développa au point d'en devenir 
maniaque. Les sommes qu'il dépensa pour des manuscrits 
rares, et qui souvent, n'avaient qu'une valeur médiocre, 
dépassent l'imagination. Ptolomée III suivit l'exemple de ses 
prédécesseurs. 11 faut aussi tenir compte de la faveur dont la 
communauté juive jouissait auprès de ces trois monarques et 
auprès du public, au milieu duquel elle vivait. Elle se trou- 
vait en contact avec toutes les classes de la société, et ses 
rapports avec l'élite intellectuelle ne pouvaient manquer de 
susciter chez cette dernière le désir de connaître les principes 
fondamentaux de la religion des Juifs et les traits essentiels 
de leur histoire. Que les savants grecs n'aient pas cherché 
à connaître le contenu des écrits juifs, cela serait inexplicable. 
Il serait également surprenant que les Ptolomées, dans leurs 
généreux élan littéraire, n'aient pas cherché à enrichir leur 
bibliothèque d'une bonne version des livres saints Israélites. 
Ainsi nous pouvons conclure des témoignages précités, après 
les avoir corroborés par des considérations historiques, que 



(2) Sophrim, halachah 8. 

(3) Megilah f. 9,1. 



- 14 - 

la version grecque du Pentateuque, car c'est de cela qu'il 
s'agit dans le Talmud et dans le Halachah ('^ a été faite 
durant le règne et peut-être sous le patronage de Ptoloméell 
(Philadelphe) 286-284 ; qu'elle a été motivée non pas par 
les besoins du culte national, mais par le" désir de personnes 
qui étaient tout à fait en dehors du culte Juif et qu'elle a été 
destinée à être lue non pas par les Juifs, mais par des per- 
sonnes dont la culture intellectuelle, et par conséquent aussi 
les appréciations, différaient profondément de celle du peuple 
au milieu duquel le Pentateuque a été composé. Cette ver- 
sion se recommande à nous par son impartialité et sa sobriété. 
Point de commentaires; abstention totale des spéculations 
théologiques. Ce sont là des qu'alités que nous ne retrouvons 
pas dans les versions chaldéennes, mais elle avait un texte 
qui souvent différait notablement de celui des massorèthes. 
Quels livres de l'Ancien Testament, autres que le Penta- 
teuque ont été traduits à cette époque? C'est ce qu'il nous est 
impossible de déterminer. Il est probable que les Haphthoras, 
les fragments des prophètes qu'on lisait avec le Pentateuque 
ont été traduits à cette époque ou bientôt après, mais tout 
l'Ancien Testament n'a pas été traduit à une seule et même 
époque; au contraire, la version complète parait l'ouvrage 
de plusieurs personnes et de divers siècles. Cependant elle a 
un grand caractère d'unité. A rencontre des Targoumim, elle 
ne fait pas de spéculations théologiques, elle s'efforce de 
donner le sens littéral des mots hébreux souvent au détri- 
ment du bon style grec. C'est la version qui a été destinée, 
dès son origine, à être lue par des gentils, d'où aussi sa 

netteté et son impartialité. Par ces avantages, et aussi pour 
des raisons purement économiques, car un manuscrit grec 
était relativement bon marché, tandis que le prix d'un manus- 



(i) Megilah f. c)» Sophrim, Halachah 8 est dit aaan n&û n'-i)n '^ îans «écrivez- 
moi la Thorah de votre maître Moïse » ; Ceci peut vouloir dire non seulement la 
Bible entière, mais, par extension, aussi la loi orale. Néann7oins, les 15 variantes 
que le Talmud énumère dans cette version, se rapportent toutes au Pentateuque- 
C'est donc du l'entateuque qu'il s'agit. 



— 15 — 

crit hébreu était inabordable, elle a pénétré jusqu'en Pales- 
tine, où peu à peu elle a vaincu les oppositions des rabbins 
et jouissait finalement de la même autorité que la Bible 
hébraïque (i). C'est de cette version que les auteure du Nou- 
veau Testament se servent généralement. 

Les manuscrits les plus anciens que nous possédons sont 
(B) Vaticanus ; (A) Alexandrinus ; («) Sinaiticus. Ils sont 
du IVmQ siècle. Nous n'avons pas de manuscrits vraiment 
anciens datant de l'époque apostolique^ Le temps a fait son 
œuvre à laquelle la guerre que les rabbins ont déclarée 
contre cette version, dès son début, contribua beaucoup. Un 
manuscrit du Pentateuque des Alexandrins dans lequel les 
noms propres de Dieu ont été écrits avec des lettres d'or fut 
condamné à être caché (2). Nous aurons donc à nous deman- 
der chaque fois que la citation dans notre épitre diffère du 
texte des Septante quelle doit être la lecture la plus probable. 



LA MISNAH, LE TALMUD ET LE MEDRASH 

Les grandes spéculations théologiques, controverses et 
préoccupations légalistes, qui s'expriment dans la Misnah, 
le Talmud et le Medrash, ont eu pour origine, et peut-être 
aussi pour cause, la captivité babylonienne. Le point de 
départ de ce grand remue-ménage d'idées a été exclusivement 
biblique. Le but était de sauvegarder l'intégrité de la loi 
écrite et de lui donner une interprétation fidèle, mais finale 
ment on s'occupait de tout ce qui peut exciter la curiosité 
humaine, et toute l'étendue, limitée du reste, de la science 
contemporaine se trouvait traitée. Il va de soi que toute 
question, de n importe quelle nature qu'elle soit, se trouvait 
traitée sur le terrain purement biblique, et l'on tranchait une 



(i) Megilah 8". 

(2) Sepher Thorah Halachah 10. 



— 16 — 

importante question physiologique avec un verset de la 
Genèse. 

La rédaction définitive de la Misnah a été faite vers l'an 
200 de notre ère, et celle du Talmud vers la fin du 5^^ 
siècle W. Malgré leur rédaction tardive, la majeure partie des 
idées qui s'y trouvent exprimées, surtout celles qui ont trait 
à la venue du Messie, 6u au royaume messianique, provien- 
nent des siècles qui précédèrent ou qui suivirent immédiate- 
ment l'ère chrétienne. Dans les siècles post-chrétiens on 
évitait les discussions messianique ou on les dénaturait en 
faisant passer la doctrine chrétienne, pour la doctrine épicu- 
rienne. Nous aurons l'occasion de constater, pendant le cours 
de notre étude, jusqu'à quelle point l'auteur de notre épître 
était imbu des idées théologiques des rabbins, et les cas 
particuliers où il diffère d'eux. 



(i) Voir Graetz Ges'ch, der Juden vol. IV 407-409. 



17 - 



L'HERMÉNEUTIQUE ET SES RÈGLES 

L'élément propre de la vie mentale d'un docteur de la loi 
était la Bible. Il y vivait si profondément et avec une telle 
intensité de vie que sa personnalité se trouvait comme 
absorbée par les textes sacrés, ou plutôt les textes sacrés se 
trouvèrent absorbés dans sa personnalité. Il y cherchait tout 
et trouvait tout ou presque tout par le fait que la Bible était 
devenue pour lui une sorte de miroir qui devait refléter ses 
pensées. Il résulta de là que le docteur de la loi ne disait pas 
toujours ce que le contenu d'un tel texte aurait pu suggérer 
à un exégète impartial, mais il y trouva l'expression plus ou 
moins précise et claire de ce qu'il pense, désire et espère. Le 
parchemin devînt la lettre patentée qui garantissait ses aspi- 
rations et ses assertions, ou un socle, un support sur lequel 
il édifiait ses prévisions et par lequel il étayait ses jugements. 
La conscience était le seul guide de l'herméneutique, mais 
comme les consciences diffèrent l'une de l'autre à 1 infini, il 
y eut aussi à l'origine une variété infinie d'interprétations, 
et des manières d'envisager les textes. Cependant on en dis- 
tingua quatre, probablement les plus répandues, que l'on 
désigna avec les lettres du mot DTifî, « paradis »; terme d'ori- 
gine persane qui se trouve dans l'Ancien Testament. Chaque 
lettre fut prise comme signe mnémonique pour désigner un 
mode particulier d'herméneutique. 

i) fi Peshaie, simplicité, certitude. /C'est la méthode qui 
visait à une interprétation scrupuleuse, à un mot à mot des 
textes. C'est la méthode des positivistes à outrance en fait 
d'exégèse. Aucun texte de l'écriture ne peut être détourné de 
son sens littéral. Que le texte soit à peine compréhensible par 
son mot à mot, qu'un récit historique implique contradiction 
ou invraisemblance, peu importe. Il ne faut pas vouloir com- 
prendre autre chose et au delà de ce que le texte dit. Mais 
cette méthode portait dans son principe les germes de sa 
condamnation. Elle était rigide, mécanique, privée d'espiit, 
de souffle et de vie, et comme toute méthode de positivisme 



— 18 — 

intransigeant, elle fut abandonnée pour sa rigidité et sa 
stérilité. 

2) ") Reniez indice. C'est la méthode qui s'efforça de corriger 
les défauts de la précédente. Tout trait, tout indice hors 
texte, tout mot superflu en apparence, ou manquant tous 
les écarts visibles dans le texte sont là pour nous indiquer 
ou nous enseigner quelque chose.. Souvent un récit tout 
entier pL.ut signifier tout autre chose que ce qui est dit dans 
son contenu littéral] C'est la méthode qui fut grandement 
pratiquée par les rabbins de la diaspora orientale. Dans la 
diaspora occidentale c'est Philon qui en est le plus distingué 
représentant. 

3) 1 Driish aussi drash. Le sens étymologique de ce mot 
est discuté. D'après Maïmonide (i), il vient de darasli dans le 
sens de chercher, rechercher. D'après d'autres, dont Eders- 
heim (2), il vient du même verbe mais avec le sens de fouler, 
marcher en tout sens. S'il y a doute sur le sens étymologique 
du mot, nous savons cependant d'une manière aussi approxi- 
mative que possible la chose qu'il désigne.[C'est le sermon 
d'il y a deux mille ans) C'est une sorte d'allocution oii l'on 
appliquait les paroles prophétiques el historiques de ce qui 
avait été, à ce qui est et à ce qui sera, vu l'état actuel des 
choses. C est une vue panoramique de l'ensemble de l'Ecri- 
ture qui aboutit à des affirmations purement morales et d'une 
application immédiate. C'est aussi une sorte d'exhortation 
où l'auteur s'attendrit, prophétise, s'excite, s'emballe et saute 
à pieds joints d'un sujet à l'autre sans éprouver le moindre 
malaise Les auxiliaires sont l'histoire, la légende, le pro- 
verbe, la parabole, rédigée et arrangée d'après les lumières 
de la dialectique contemporaine. 

4) D Sod secret, mystère[c'est la méthode d'envisager toute 
l'Écriture à travers les images hardies et imprécises des visions 



(i) Voir introduction à la Hagadah, éd. Vilna 1897, vol. l- feuille 3b, texte 
hébreu. 

(2) Life and times of J.-N., vol. i, p. 11, London 1883. 



— 19 - 

d'Es. VI, 1-7: d'Ez. X, etc. C'est la méthode par laquelle on 
cultiva une foule de visions fantastiques et brillantes des 
choses -surnaturelles, et où l'on discutait l'existence de Dieu, 
l'angélologie, la démonologie, l'exahatologie, le royaume de 
Dieu et le paradis^ Les échos de cette science se retrouvent 
dans le Gnosticisme et dans la Cabale. Cependant, en général, 
on évitait ses spéculations hardies, supra-terrestres, et bien 
peu de personnes étaient initiées aux choses de la création et 
du chariot, c'est-à-dire, la manière d'être de Dieu. 

Ce sont là quatre modes d'herméneutique qui, à l'origine, 
représentaient des individualités et des mentalités différentes. 
.Lê_positiviste ne pouvait trouver dans les textes sacrés autre 
chose que le peshat, c'est-à-dire le sens littéral, le récit inté- 
gral quelle qu'en fut la valeur. L/id_é_a1iste investissait les récits 
et les lettres d'esprit, il y meitait du souffle et de la vie. Les 
idées prédominantes du siècle, la philosophie et la législa- 
tion s'introduisaient dans les interlignes des textes sacrés, 
elles s'echafaudaient sur une lettre superflue en apparence, 
ou prenaient racine à la place d'une lettre absente. L'historjen- 
mgraliste ne voyait que le drush, l'application des récits his- 
toriques et des paroles prophétiques à l'état actuel des choses. - 
Le visionnaire voyait partout le mystère. Mais, par cette loi 
bizarrement libérale de l'époque, qui veut que lors même 
qu'il y aurait contradiction flagrante entre les idées et les 
jugements des autorités exégétiques, ils soient néanmoins 
« les uns les autres parole du Dieu vivant », un ssul docteur 
pouvait cultiver les quatre mélhodes à la fois, et chaque texte, 
chaque parole, renfermait virtuellement et implicitement les 
quatre sens. 

Nous pouvons "nous représenter facilement tout ce qu'il y 
avait de vague et de flottant dans les spéculations d'un doc- 
teur de la loi qui voulait cultiver les quatre méthodes à la 
fois. Dans l'impossibilité de pouvoir se dédoubler en quatre» 
il en faisait une sorte de synthèse, d'amalgame ou de super> 
position où elles perdaient leurs caiactères distinctifs et leur 
vigueur. Le vieil adage rabbinique, « qui trop embrasse, 
n'embrasse rien », trouva ici sa plus haute confirmation En 



— 20 - 

voulant faire tout on ne fait rien, au moins rien de sérieux; 
la pensée spéculative semblait se débattr'e dans l'anarchie, et 
l'exégèse que l'on fit semble être imprégné d'arbitraire. 

Ce fut sfin de remédier à cet état de choses que Hilïel pro ' 
mulga ses sept règles. Il fit là une œuvre de psychologue, il 
recueillit les règles de logique des penseurs de son temps ou 
de ceux qai l'ont précédés, et les mit en vigueur. 

Ces règles sont les suivantes : 

i) lûim hp à fortiori, à plus 'forte raison. La formule équi- 
valente dans le Nouveau Testament est rr-i^w p.à/ov ou mlm p.à/).ov. 

2) ma> mnJ, classe parallèle. 

3) nnx iinDû :j« j^ja. construction principale d'après un 
texte. 

4) D"'mn:D ""Jîy/'Jî ^x pa, construction principale d'après deux 
textes 

5) Î2-121 '^^^j conclusion du général au particulier, de la règle 
à l'exception. 

6) im Dipoo nî3 «VPD, la conclusion se trouvant dans un autre 
endroit, 

7) ir:yû noSn nm l'enseignementducontenu; l'idéegénérale 
qae le contenu d'un texte suggère. 

Il y a encore les 13 règles de rabbi Ismael et les 32 règles 
du rabbi Eliezer, mais ces docteurs étant d'une date posté- 
rieure à la rédaction du Nouveau Testament, nous n'avons 
pas à nous en préoccuper. Les quelques cas exceptionnels 
où il semble que l'un des régies de ces derniers a précédé au 
raisonnement d'un auteur sacré du Nouveau Testament ne 
doivent être considérés que comme des coïncidences for- 
tuites. 



— 21 - 
La Citation de l'A. T. dans l'Epître aux Hébreux. 



PLAN DE L'EPITRE (i) 

« On peut la diviser en deux grandes parties, 

dont la première, plutôt théorique, va du commencement de 
récrit jusqu'au ch. lo, i8, et la seconde, plutôt pratique, parc- 
nétique du ch. lo, i9 jusqu'à la fin de l'épître. 

« La première partie comprend deux grandes divisions. 
Dans les sept premiers chapitres, l'auteur compare les organes 
de l'ancienne alliance, avec Jésus-Christ, l'organe de la nou- 
velle alliance, et il montre que l'organe de la nouvelle 
alliance est infiniment supérieure à ceux de l'ancienne. Dans 
la seconde subdivision (ch. 8, lo, i8), l'auteur compare les 
deux Alliances elles-mêmes, et établit la supériorité de la 
nouvelle alliance. 

« En étudiant le développement des idées dans ces deux 
grandes subdivisions, nous remarquons, dans la première, 
l'ordre suivant : Jésus Christ est supérieur i) aux anges; 2) à 
Moïse; 3) au souverain sacrificateur juif; 4) aux prêtres lévi- 
tiques. Dans la seconde subdivision, l'auteur, comparant 
entre elles les deux Alliances, démontre que la nouvelle 
Alliance est supérieure à l'ancienne i) par son sanctuaire : 
l'un est terrestre, l'autre est céleste; 2) par ses sacrifices : 
d'une part, les victimes sont des animaux, d'autre part, la 
victime est le Fils de Dieu; d'une part, le sacrifice est impar- 
jait, il a besoin d'être renouvelé, d'autre part, il est parfait, il 
a une valeur éternelle. 

« ...... La partie parénétique commence par une exhor- 
tation à la fidélité chrétienne : Puisque la nouvelle Alliance 
est si parfaite tenons ferme à notre foi, n'abandonnons pas 
nos assemblées, soyons fidèles, car la parousie du Christ est 
proche (ch. 10, 19. 39'. Puis l'auteur expose la notion de la 
joi, qui, dans sa pensée, s'allie à celle de la fidélité. C'est par 



(i) MénégOi;, tbéol. de l'ép, aux Hébr,, p,-p. 12, 13. 



- 22 - 

la foi que nous sommes sauvés (ch, ii). Enfin, aux ch. 12 
et 13, il exhorte à la concorde et à la sanctification; et il ter- 
mine, après énumération des vertus chrétiennes, par des salu- 
tations et des vœux. ,> 

PASSAGES DES LIVRES SAINTS 
CITÉS PAR L AUTEUR 

L'emploi que l'auteur fait de l'Ancien Testament est extrê_ 
mement vaste. Il ne fait pas seulement appel à un très grand 
nombre de passages bibliques pour confirmer ou pour appuyer 
ses thèses, il ne fait pas seulement un usage fréquent des 
descriptions des institutions de l'ancienne Alliance telles que 
l'institution sacerdotale, de temple et ses ordonnances, le 
Sabbath, mais on constate encore que tout son langage, que 
tout son style est éminemment imprégné d'expressions et de 
locutions purement scripturaires. Le nombre des livres que 
l'auteur emploie ainsi est immense, presque toute la Bible y 
passe. Mais étant donné que le but que nous nous proposons 
d'atteindre est modeste, car nous ne cherchons à connaître 
que ce qu'il cite et comment il le cite, nous ne traiterons pas 
à fond toutes les allusions de l'Ancien Testament qu'on relève 
dans l'épître. Nous nous arrêterons seulement aux citaticns 
proprement dites, c'est-à-dire aux passages qui sont précédés 
par une formule d'introduction, ou à des textes de l'Ancien 
Testament employés sans formule d'introduction, mais sur 
lesquels il fait une sorte de commentaire et desquels il tire 
des leçons. Nous passerons cependant en revue, il est vrai, 
d'une manière sommaire, l'ensemble des textes de l'Ancien 
Testament que l'auteur emploie dans l'épître, y compris les 
locutions purement rhétoriques, ou allusions. 



— 23 — 

Les citations dans l'ordre où elles se rencontrent dans 
répître aux Hébreux. 

ch. 1,3 sIttcv : Ps. 2,7. 

1.5 xal TràX'.v : 2 Sam. 7,14 

1.6 )iys', : Deut. 32,43. 

1.7 » Ps. 104,4. 

1.8 » Ps. 45,7-8. 
1,10 Ps. 102,26-28. 
1,13 s'ioY.XcV : Ps . 1,1 , 1 
2,6-7 (ir!.£|j.apT'jpaTO ^^ ''^^'^ '^'"' ^^^y^v : Ps. 8,5-7. 

2.12 Xéycov Ps. 22,23 

2.13 xal Trà).'/^ : Es. 8,17; 2 Sam. 22,3. 

2.13 » » Es. 8,18. 
3,2-5 Nom. 12,7 (i). 
3 7-1 1 xadw^ )iys'. tÔ T:vcO'[j.a -zo ày>,ov : Ps. 95,7-11 

4.4 sl'prjxsv yàp iro-j : Gen. 2,2. 

5.5 6 Xa)//;(7a!" Trpoç auTOV : Ps. 2,7. 

5.6 xal £v STspw }iy£!,: Ps. 110,4. 

6.14 Àiycov: Gen 22,16-17. 
7,1 Gen. 14, 18-20. 
7,17 ij.y.o'zopthy.'. yàp : Ps. 110,4. 
7,21 XiyovTo; Tcpo? aÙTOv : Ps. 110,4. 

.8,5 6Y,a-!,v : Ex. 25,40. 
8,8 12 lérz'.: Jer. 31,31-34. 
9,20 )iyojv:.Ex. 24, 6-8. 
10,5-7 ^^^T''-: Ps. 40, 7-9 

10,16-17 [j.y.p'zopzi tÔ 7ryc'j[j.a -ô ày',ov:Jer. 3 1. 31 -33. 
10,30 tôv siTîôvTa : Deut. 32,35. 
10,30 xal 7:à).'.v : Deut. 32,3(5; Ps. 135,14. 
io>37"38 Hab. 2,3-4. 
11,18 Tipôç ôv D.aAT-Gy, : Gen. 21,12. 
12,5-6 rj-:'.; O'.c/lzrz-zai : Prov. 3,11-12. 
12.21 Ex. 19, 16 19. 
12,26 sTc/yysAsxa'. Àsycov : Hag. 2,6. 

13.5 s'ip'/.xsv : Deut. 28,29? 31,6,8? Jos. 1,5. 

13.6 Ps. 118,6. 



Cit. I. 


ch 


2 


» 


3 


» 


4 


» 


5 


» 


• 6 


» 


7 


» 


8 


» 


9 


» 


10 


» 


II 


)) 


12 


» 


13 


)) 


14 


» 


15 


» 


16 


» 


17 


)) 


18 


» 


19 


» 


20 


» 


21 


» 


22 


» 


23 


> 


24 


» 


25 


» 


26 


» 


27 


» 


28 


» 


29 


>; 


30 


» 


3i 


» 


32 


» 


33 


» 


34 


» 



24 - 



Les allusions dans l'ordre où elles se recontrent dans 
répitre aux Hébreux sont: 

Chap. 2,i6 Es. 41,8 

3,1 Nom. 12,7 

3,i'i Nom. 14,32 

5>9 Es. 45.17 

6.7 Gen. r.2 

6.8 Gen. 3,17 

6,19 ^. Lev. 16,2; 12 

7.1 Gen. 14.7 

8.2 Nom. 2,4,6 (diffère du texte 

massoréthique'. 



Ex. 


26,3 


Ex. 


16,33 (Nom. i7,8; 19,9) 


Ex. 


30,10 


Lev. 


16,1 


Ex. 


19 10 


Ex. 


53,1^ 



9,2 

9,4 

9,7 

9.12 

9.13 

9.28 

10,21 Zach. 6,11 

10,27. Es. 26,2 

10,28 Deut. i7,6 

10,37 Es. 26,20 

11.4 Gen. 4,4 

11.5 Gen. 5,24 

ir,8 Gen. 12,1 et 13 4 

11,12 Gen. 22,17 

11,13 • Gen. 23,4 

1I1I7 Gen. 22,1 

11,21 Gen. 47,31 (diffère de la 

lecture massoréthique). 

11,23 Ex. 

11,26 Ps. 

11,28 Ex. 

11,33 Dan. 

12,3 '. .. Nom. 16.38 

12,12 Esaïe 35,3 

12 13 * Prov. 4,26 



2,2 et II 
69,9(89,50) 
12,21 
6,22 



- 25 - 

Chap. 12,14 Ps. 4,14 

12.15 Deut. 29.18 

12.16 Gen. 2533 

12.18 Deut. 4,11 

12.19 Ex. 19,16 ; Deut. 4, 23 et 25 

12,21 Deut. 9,19 

12,29 Deut. 4,24 

13,2 et 13 Lev. 1627 

13,15 Lev. 7,17; Ps. 115 (116) 17 

13,15 Hos. 14,2 (comp. Jes. 

57, 19 Hébr) 

13.20 Es. 43,2; 55.3 

13,20 Zach. 9,2 

En distribuant les citations directes et les allusions d'après 
les livres de l'ancien Testament, nous aurons : 

CITATIONS ALLUSIONS 

Pentateuque 12 • 33 

Livres historiques i — 

Psaumes 11 2 

Proverbes i i 

Esaie i 7 

Jérémie ï — 

Daniel — i 

Osée — I 

Habacuc i — 

Aggée I — 

Zacharie — 2 

29 47 



- 26 - 

LA SUPÉRIORITÉ DU FILS SUR LES ANGES 

La comparaison entre le Fils, le médiateur de la Nouvelle 
Alliance, elles Anges, les médiateurs de l'Ancienne Alliance 
est la plus minutieuse. L'auteur de Lépître aux Hébreux étaie 
son argumentation sur un groupe compacte de sept citations, 
et il arrive à la conclusion que le Fils est supérieur aux anges 
parce qu'il jouit d'une filialité toute spéciale, que Dieu 
s'adresse à lui comme un père s'adresse à son fils, qu'il règne 
éternellement à la droite de Dieu; tandis que les anges ne 
sont que des serviteurs dont la mission est limitée. Ils sont 
les ministres, les. fonctionnaires placés entre le père et ceux 
qui doivent hériter le salut. 

Rémarquons, en passant, que cette argumentation serait 
complètement superflue si l'auteur était de la dispora orien- 
tale et s'adressait aux Babyloniens ou aux Palestiniens. Ceux- 
là ne faisaient pas intervenir les anges dans la transmission 
de la loi au peuple dlsraëL et n'avaient pas pour eux la même 
adoration, ou vénération que les juifs d'Alexandrie. 

Citation 1 [Héhr., chap. 1, 5) 

ulo; ^ou tX cr'j, èyw (j-f\'^tpo-'^ ysysvvrixà (7£. 
fComp. Texte Moss. et Sept., Ps. 2, 7/. 

La citation est probablement faite d'après les Septantes, 
mais elle pouvait être aussi faite d'après le texte hébreu, si 
l'auteur voulait faire une version d'un mot à mot rigoureux. 
L'auteur de l'épître sait très bien que les anges sont appelés 
« fils de Dieu », qu'Israël est « son fils premier né ». (Exode 4, 
22; Ps 39, i) que « Dieu a engendré Israël ». (Deut 32, 18), 
et lui-même va encore plus loin en disant que tous ceux qui 
sont dans le processus de la conversion sont des fils de Dieu 
(ch. 2, 10; TToÀXoù; uloù;, etc.), mais ce que l'auteur veut faire 
ressortir, c'est qu'à aucun d'eux Dieu ne s est jamais adressé 
d'une manière aussi direte et aussi personnelle. 

Il considère Ps. 2, 7 comme messianique, puisque le Psaume 
ne peut s'appliquer à aucun des rois d'Israël. David avait son 



- 27 - 

berceau à Béthleliem et non à Sion. Salomon n'a jamais vu 
des peuples se liguer contre lui pour se soustraire à son 
joug. Aucun des rois, tant de Juda que d'Israël, depuis 
répôque de la scission ne méritait les éloges du Psalmiste. 
Et l'auteur, comme tous les docteurs de son temps, naurait 
jamais pu songer à rapporter ce psaume au passé, à y voir un 
regard rétrospectif sur une époque fictivement glorieuse du 
peuple d'Israël; car ceci contrasterait formellement avec 
la notion qu'on avait des prophéties, qui sont les oracles 
de l'avenir, la révélation de ce qui doit arriver plutôt que 
des registres du passé. 

Ce même verset du Psaume est cité dans un des discours 
de Saint- Paul (Actes 13, 33), et ce ne sont pas seulement les 
auteurs du Nouveau Testament qui considèrent ce Psaume 
comme essentiellement messanique, mais aussi les docteurs 
du Talmud. Traité Souccah, feuille 52, 2, nous lisons : 

nû hm ^ja r]"2pn )h iûix )yt2':i mnDi r\tih mv^ nn p n^^t^ p::i i:n 
^Jûû bm "li^ nn« ^33 ^'?x lax "n pn hi< nnsD« iQXJty ^7 fn^^ ''Jni tî'paû nn« 

Les rabbins enseignent : Au Messie fils de David, qui doit 
se révéler bientôt, en nos jours, TÉternel dit : Demande ce 
que tu désire, et je te le donne, car il est dit : Je raconterai 
la loi, Dieu m'a dit tu es mon fils... . demande de moi, etc. 

Le Targoum rend ce verset : 

inna jn N?:r i'?\s3 nxsî n:n •'h n:ii6 122 T:in tu m'es cher 

comme un fils à un père, tu es juste (ou pur) comme si je 
t'avais ciéé aujourd'hui. 

La christologie de l'épître aux Hébreux reflète parfaite- 
ment ces idées rabbiniques. Le Messie est le fils, le médiateur 
(ch. 8, 6: 9, 15; 12, 24); il est pur, sans tache (ch. 7, 26): il 
doit se révéler bientôt, en nos jours (ch. 9, 37). 

L'auteur de notre épître, comme les rabbins, pouvait avoir 
d'autant plus de facilité à considérer le Ps. 2 comme essen- 
tiellement messianique, qu'il se peut qu'ils aient eu sous la 
main le recueil des Psaumes mentionné dans le Talmud 
[Berachflth f. 6) dans lequel le premier et le second Psaume 



- 28 — 

ne formaient qu'un seul chapitre. Le contenu en était, i) le 
bonheur des hommes qui marchent d'après la loi divine, 2) 
le bonheur des hommes qui se confient en le roi-messie. Le 
changement du sujet serait par trop grand si l'on voulait voir 
dans l'autre moitié un roi terrestre. 

Citation 2 (Épîli'c aux Hébr., 1, 5J. 

èyw irjo'^.y.i aù-rw elq Tta-^spa, y.al a.'Jxbç, S(T-cf.<. u.o\ elç ulov. 

fComp. T. M. cl Sept. 2 Sam. 1, 14'. 

La citation se rat4;ache étroitement à la précédente par les 
mots xal TtàXw — mv^ et encore, dans un autre endroit. C'est 
la formule courante du Midrash et de la Hagadah, lorsqu'il 
s'agit de rattacher une citation à l'autre. 

La citation est tirée de 2 Sam, 7, i4. (Septante 2 Rois 7, i4), 
ou de I chr. 17, 13, où nous avons un récit parallèle à celui 
du 2 Sam. avec quelques variantes, mais danslesquelle verset 
cité est le même. Elle est faite d'après les Septante qui ren- 
dent le h datif hébreu par el? suivi de l'accusatif. Il est difficile 
d'admettre que l'auteur, faisant une version indépendante 
sur le texte hébreu se soit accordé avec les Septante dans 
cette particularité. 

L'emploi messianique de notre citation se justifie par le 
fait que l'on ne considérait pas seulement 3 Sam. 7, i4 comme 

■y 

une prophétie messianique, mais que toute la dynastie davi- 
dique avec les promesses qui s'y rattachent, devait la véné- 
ration qui l'entourait à ce qu'elle était considérée comme le 
type, comme le symbole de celui qui devait venir. C'est 
encore le positivisme vaincu par l'idéalisme, le P es liât par le 
Reniez, le fait historique par la philosophie de l'histoire^? A 
l'époque de notre auteur, l'état de la communauté revenue à 
l'exile babylonien était si précaire, qu'on avait le pressenti- 
ment qu'aucun des rois terrestres ne parviendrait à réaliser 
les promesses glorieuses faites à l'égard de la dynastie davi- 
dique. Du reste, Dieu seul savait dans quelles basses cou- 
ches de la société, la' lignée de David cachait les promesses 
faites à son égard. Aussi, à la place du royaume de David 
disparu, à la place de sa famille dissoute, l'espoir, ce guide 



— 29 — 

suprême envoyé à l'homme par Dieu, a mis un royaume 
messianique, et ainsi tout ce qui se rapportait auparavant à 
David où à sa descendance, se rapporterait dorénavant au 
Messie, fils de Dieu. Certes, le texte cité comporte quelques 
obstacles à cette manière de voir; ainsi, le Messie ne peut 
pas être châtié à la manière des hommes, mais ces hommes 
de Dieu ne voyaient que les grandes lumières et passaient 
par-dessus les obstacles sans même s'y heurter. 

Citation 3 {Hébv. cli. 1,6). 

La citation est entourée de grandes difficultés, mais avant 
d'aborder le citation elle-même, il faut examiner le verset 
d'introductron qui est non moins difficile. La place de la cita- 
tion dans les ivres saints dépendra du sens qu'on veut donner 
à ce verset : 

OTav oï TiâA'.v ôlc-avàyr, tov TîpcoTÔ-îoxov sic t/jV oixo'J.uivTiV Asys!.. 

Le mot TràX'.v peut avoir trois sens : 

i) Il peut être considéré comme conjonction antithétique 
avec oi. On le trouve dans ce sens chez Philon. Leg. AU. 3, 9, 

éd. Mangey, 6 oï tJjX\^ aTTOOiopàa-xtov Gsôv Tj ôè 7ra)v!.v Osov 

à-ooox!.(j.à;oyTa, lui, de son coté, s'enfuit de Dieu, elle de son 
côté, désapprouve Dieu. 

2) Il peut être considéré comme une conjonction avec ôé 
servant à introduire une nouvelle citation. C'est un hébraïme 
Il a la valeur de ti;;i qu'on peut traduire par xal iràX'.v et par 
ôè TîàÀ'.v, et encore, ou mais encore, puisque le vau i a le sens 
de et, et de mais. 

3) Il peut être considéré comme un adverbe à sla-ayàyri 
encore une fois, de nouveau. 

Nous pouvons donc donner deux versions de ce verset : 
i) Mais encore, lorsqu'il introduit le premier-né dans le 
monde, il dit : « mais encore » se rapporte à « il dit », et le 
verset a un sens présent, il parle soit de l'incarnation, soit 
de la résurection, 

•i) De nouveau, considéré comme adverbe donne un sens 
futur à notre verset. Lorsqu'il introduit de nouveau, c'est-à- 
dire à la parousie, la seconde venue du christ. 



\r 



- 30 - 

Les grandes autorités exégétiques sont divisées quant au 
sens exact de ce sens, Calvin, Kûbel, Ménégoz et beaucoup 
d'autres le rapportent soit à l'incarnation, soit à la résurrec- 
tion. D'autres, dont Weiss, Vaughan, Westeott, Kurtz, Keil, 
Lange, le rapportent à la parousie. Ces deux manières de 
voir offrent de grandes difficultés. Si l'on donne au verset un 
sens futur et qu'on le rapporte à la parausie,on se demande, 
est-ce seulement alors que les anges l'adorent? nel'adorent-ils 
pas depuis le moment où il est monté au ciel et s'est assis à 
la droite du Père ! Si Ton donne au verset un sens présent ou 
se heurte contre l'ordre des mots. Il aurait dû y avoir pour 
faire un bon hébraïsme tSkiv Ss ô^av, etc, 

La citation elle-même ne comporte pas moins de diffi- 
cultés. Elle peut être tirée de trois endroits différents : du 
Deut ch. 32, 43; du Psaume 97, 7, et des Hymnes qui se trou- 
vent annexés dans certains manuî^crits de la Septante à la 
fin des Psaumes. 

Le texte du Deut ch. 32, 4^ des Septante est le suivant : 

i t ' \ i > 

>:al TTpoa-x'JVYic-à^riocrav auTco Ttkv'ztc, v.yrzXo'. ôîoù 

De ces quatre vers, le' troisième seulement se trouve dans 
le texte massarétique. Le cod. V^t. seul contient le passage 
tel qu'il est cité dans notre épître/'Le cod. Aled. lit ulol, d^ns 
le second vers, c'est-à-dire dans le passage cité dans notre 
épître, et ayyzloi dans le quatrième. eùfpccAr^-zt « réjouissez" 
vous », ne correspond pas au mot ^''iin « chanter » du 
texte hébreu, mais à la version du Targoum Jonathan qui lit 
«ûy """lûlp )ùhp « réjouissez-vous devant lui peuples ». C'^ci ne 
peut pas être une pure coïncidence. 

Essayons de reconstituer le texte hébreu d'après le cod, 
Vat, Les manuscrits hébreux de cette époque n'avaient pas 
de voyelles. Nous conservons quelque doute sur la question 
si on laissait ou on ne laissait pas d'espace entre les mots. 



31 — 



Du reste, cette question ne saurait avoir aucune influence sur 
les objections que soulève la version grecque du texte hébreu 
en question : 

Le texte hébreu que nous obtenons, d'après le cod. Vat., 
est le suivant : 

ù'nbn [■'j:]] bD nj; ib um 

Le dernier mot du premier vers, comme celui du troisième 
vers, ne pouvait pas êtie autre que ioî;. Le mot "inx serait com- 
plètement étrange dans le style poétique du ch. 32 de Deut. 
Du reste, cela se voit à l'œil nu que la strophe 3 est une 
reprise, une répétition de la strophe i, comme la strophe 4 
est la répétition de la strophe 2. C'est un des traits caracté- 
ristiques de la poésie hébraïque de répéter l'idée avec tirés peu 
de changement dans les mots. Il y avait donc dans la première 
strophe, comme dans la troisième, le mot loj;, et nous nous 
demandons comment il se fait que les Septante aient procédé 
avec un tel arbitraire dans la lecture du texte? Pourquoi 
veulent-ils lire à la première strophe ibî^ avec chirek, et tra- 
duire aij-a aùxw « avec lui », tandis que dans la troisième ils 
lisent h)i_ avec un patach et traduisent {j-s-rà toû ).aoù y-b-où «avec 
son peuple? C'est l'un ou l'autre. Ou bien il faut lire dans la 
première et dans latroisième sitophe ibj/avec un patah, et tra- 
duire « son peuple » ou bien avec un chirek, et traduire dans 
les deux strophes « avec lui ». L'auteur de notre épître a pu 
citer Deut ch. 32, 43, parce qu'il lit avec les Septante à|jLa aÙTÔ) 
« avec lui », c'est-à-dire avec Dieu et que le passage suivant : 
que tous les anges se prosternent devant lui, se rapporte à 
Dieu, où Jésus-Christ, qui pour l'auteur sont la même per- 
sonne; il n'aurait pas pu le faire s'il lisait « son peuple «, car 
alors le passage suivant ne se rapporte pas àDieu, mais à Israël^ 
Or la vocalisation des Septante de la strophe i est le moins 
probable. La strophe 3, qui existe dans le texte massorétique, 
et qui se trouve citée par St-Paul. (Romains ch. 15, 10) est 
lue à l'unanimité ibj; avec un patah, « son peuple», et telle doit 



— 32 - 

être aussi la lecture de la strophe i.- Ainsi l'auteur de notre 
épître, si réellement il cite Deut 32, 43, ne le fait qu'après 
avoir été induit en erreur par une vocalisation arbitraire des 
Septante et sans avoir connaissance ou sans se préoccuper 
du texte hébreu. 

Le second endroit duquel notre citation pouvait avoir été 
tirée est Ps. 97, 7 ; 

ù'rhn h2 i'? inr.îiTi que tous les Elohim s 3 prosternent 
devant lui. 

Cette citation serait faite d'après le texte hébreu, et non 
d'après les Septante qui lisent 7:pocrx'jv7;cra-:s au lieu de Tcpoo-- 
x'jvrio-à'rwcrav, et aO-roG au lieu de OsoCi. L'auteur traduit, wnhUi qui 
au propre signifie toujours Dieu et par extension, autorité, 
puissance terrestre ou supra terrestre par « anges de Dieu » 

L'auteur de l'épître est ici en contradiction formelle avec 
le Targoum Jonathan. Ce dernier traduit Ps. 97, 7 par |nJD''i 
i<r\)Viù ^nhsi nv^v h2 Mûnp que toutes les nations, servant les 
fidoles au propre «erreur») se prosternent devant lui. 

Il faut supposer que le Targoum avait ici un autre texte. 
On n'a qu'à changer le n du mot ù^rha « Dieu » en h pour 
avoir ù'^bba. Mais il est vrai aussi que le Targoum fait souvent 
des paraphrases, des sortes de commentaires, et il aurait pu 
traduire, tout en ayant le texte massoréthique devant lui, le 
mot DTi'pw par « idole » ou par une autre phrase. 

En admettant l'authenticité de la lecture massoréthique du 
Ps. 97, 7, et qu'il faut absolument lire Elohim, et non Elilim 
la traduction de DMb»s par franges de Dieu» est arbitrai re.a'n'?x 
signifie, puissance, autorité terrestre ou spirituelle. Ex. 
ch. 21 6; ch. 22, 8; ch. 22, 27, le terme est appliqué aux 
juges Ex ch. I, il est appliqué à Moïse^ il désigne aussi 
«anges et idoles». Job. ch. i, 6: ch. 2 i; Ps.ch. 29, i;ch.89,7. 
La traduction la plus exacte serait : « que toutes les puissances 
(ou autorités) se prosternent devant lui », plutôt que tous les 
anges, etc., des Septante. 

La citation peut avoir été tirée des hymnes qui se trouvent 
ajoutés à la fin des Psaumes et où nous avons une autre 
récdiision du cantique de Moïse dans lecod. Alex. 



— ;53 — 

Cette hypothèse a été émise par Kurtz, Bleek et autres. Ils 
appuient leur hypothèse sur le fait que l'auteur cite généra- 
lement le cod. Alex, et non le cod. Vat. L'auteur de notre 
épître n'a pas connu le texte du Deut 32, 43, qui se trouve 
dans le cod. Vat., mais les hymnes du cod. Alex. Cette 
hypothèse écarterait toutes les difficultés si nous pouvions 
avoir la certitude que le cod. Alex est le plus ancien, et 
que l'auteur de notre épître a connu cette récension. Or, 
comme Keil le fait remarquer, le cod. Alex, ne paraît pas le 
plus ancien. S'il semble se rapprocher du texte hébreu plus 
que les autres manuscrits, c'est qu'il a subi des corrections 
postérieures (i). Il est aussi difficile d'admettre que l'auteur 
ait connu les différentes recensions de la Septante; caria 
diversité des recensions est beaucoup moins le résultat de la' 
négligence des copistes que de l'usage extrêmement long 
des textes sacrés par des communautés, qui n'avaient que peu 
ou point de rapports entre elles. Or, s'il existait en Egypte 
des communautés isolées^ au sein desquelles l'Écriture Sainte 
aurait subi une transformation aussi notable que de placer le 
Cantique de Moïse à la fin des Psaumes, l'auteur de notre 
épître ne pouvait en avoir connaissance que si cette trans- 
formation existait de son vivant, et qu'il ait appartenu à cette 
communauté. 

L'hypothèse de Kurtz étant à notre avis trop hardie, il 
nous faut chercher notre citation dans le Deut. ou dans les 
Psaumes. Nous ne pouvons pas dire avec certitude lequel 
des deux livres notre auteur cite; il nous est cependant 
permis d'indiquer la solution la plus probable. Ce qui doit 
nous guider, c'est le sens du verset 6". Si l'auteur a voulu 
dire : <c mais encore une fois, lorsqu'il introduit le premier-né 
dans le monde », il a en vue l'incarnation ou la résurrection, 
et dans ce cas, il cite Deuter. 33, 43, dont tout le discours 
est d'actualité et où le prophète parle toujours au présent; 
mais si l'auteur dé notre épître veut dire : « mais lorsqu'il 



(i) Keil, épître aux Hébr. p, 41. 



- 34 - 

introduit de nouveau le premier-né dans le monde », c'est-à- 
dire, s'il a en vue le second retour du Christ, la parousie, il 
cite probablement le Psaume 97, dont le thème est rétablisse- 
ment du royaume de Dieu sur terre. « Jehovah a régné, que 
la terre tressaille de joie, que le îles nombreuses se réjouis- 
sent, et que tous les Ëlohim se prosternent devant lui. » 

La question se pose: par quel mobile fondamental, par 
quel raisonnement, l'auteur de l'épître était-il amené à rap- 
porter un chapitre qui parle de la manifestation de Jehovah 
à la manifestation de Jésus-Christ? L'explication que n'ayant 
pas de connaissances directes du texte hébreu, il considère 
par erreur comme messianique chaque verset où l'on lit 
x'jp'-o; «Seigneur», n'est pas seulement par trop insuffisante, 
mais aussi elle ne repose sur aucun fondement sérieux. 
Nous pouvons au contraire affirmer que l'auteur connaissait 
l'hébreu. Il s'efforce toujours de donner l'interprétation la 
plus large et la plus solide aux expressions hébraïques qu'il 
• se voit obligé d'incorporer dans son exposé. L'explication 
d'après laquelle l'auteur aurait rapporté un chapitre qui parle 
d'Israël comme fils, à Jésus, le Fils, est cherchée pour ne 
pas dire impossible. Si l'auteur cite Deut32, 43 c'est qu'il lit 
«réjouissez-vous avec lui,» c.-a.-d. avec Dieu, et non avec 
Israël. L'explication la plus probable est celle de Delitzsch, 
et à laquelle nous nous rangeons. Voici ce qu'il dit: 

« Partout où il est parlé dans l'Ancien Testament d'un 
avenir décisif, de la fin des Temps, (la parousie) partout où 
il est parlé de l'apparition et de la manifestation de Jehovah 
dans sa puissance salutaire et dans sa gloire, partout où il est 
parlé d'une révélation analogue et correspondante à celle de 
Moïse, ce Jehovah, c'est Jésus-Christ; car celui-ci est le Jehovah 
manifesté en chair, le Jehova apparu dans l'humanité et dans 
l'histoire, le Jehova qui monte comme le soleil de justice 
au-dessus de son peuple. Cette thèse est une vérité immua- 
ble ; sur elle repose l'unité indivisible de l'Ancien et du 
Nouveau Testament, et le développement du plan du salut 
à travers l'histoire. Tous les auteurs du Nouveau Testament 



— 35 - 

sont imprégnés de cette conviction; Elle s'exprime à l'ori- 
gine même des évangiles. Elie doit précéder le jour de 
Jehovah (Mal. 3, 23) et c'est Jean qui marche devant la face 
du Sjigneur. (Luc. 1,76). C'est ainsi que tous les Psaumes 
dans lesquels il est parlé de l'établissement du royaume de 
Dieu sur terre sont considérés comme messianiques, car 
dans le plan divin du salut, la théocratie ne peut pas être 
autre chose que la christocratie; le royaume de Dieu et le 
royaume du Christ sont une seule et même chose. 

Deut 32. est aussi considéré comme messianique par les 
Targoumim qui ajoutent rinû''ûi « par sa parole il fera l'expia- 
tion pour son peuple et pour sa terre. » 

Le Siphré dit: les promesses de Deut 32.43 se réaliseront 
aux jours du Messie (i). 

CITATION 4 fÈp. aux Hébr., ch. i, Ij. 

6 Tto'.tôv Toùç àyviXo'j; a'j-ro'j TzvîuaaTa, xal to'j; Às'.TO'jpyo'j^ a'j':oùi 

(Comp. T. Mass. Ps. 10i,i; Sept. 103,4) 

La citation est faite d'après le cod. Alex, qui correspond de 
tout point au texte massoréthique, à l'exception d'un xat. qu'il 
insère pour lier les phrases. L'insertion des conjonctions est 
assez fréquente dans le cod. Alex. Le cod. Clarom. de l'épître 
aux Hébreux lit Tr^sù^-a, au singuher au lieu du pluriel. De 
même le Syriaque nn \T13n'?û i::ï;n "vent" au singulier. Le 
cod. Vat. lit Tîup oXÉyov pour Tzupbç cpXôya. 

Le texte hébreu permet deux interprétations : 

i) Il fait ses anges des vents., etc., il les transforme en vents, 
il transforme ses ministres en feu éclatant. 

2) R fait les vents ses anges, etc., les vents sont ses anges, le 
feu éclatant sont ses ministres. 

La majorité des exégètes modernes sont pour la traduction 

Siphré t. 138" 



36 — 



2. (Ewald, Hupfeld, Hitzig), mais l'ancienne exégèse et Luther 
sont pour la traduction i. Le Targoum Jonathan traduit 
«nin "]\n pimD )1M lijnqui fait ses messagers légers comme le 
vent. Luther traduit : Der du machest deine Engel zii Windeii 
und deine Dieiier zu Feuerflammen. C'est ainsi aussi que cette 
citation est comprise par l'auteur de notre épître. 

Quelques exégètes modernes s'élèvent contre l'épître aux 
Hébreux et contre Luther, et leur reprochent de prêter au 
Ps, 104, 4 un sens qu'il n'a pas. Mais leurs griefs nous sem- 
blent peu fondés. Nous ne pouvons pas dire, quel est le sens 
exact de ce verset. Toutes les probalités sont même en faveur 
de la traduction 2, mais le Targoum, qui était si près de la 
source, qui vivait à une époque où l'hébreu possédait encore 
sa vitalité, est décidément contre l'exégèse moderne. Ajou- 
tons que l'angélologie de l'Ancien et du Nouveau Testament 
ainsi que celle des rabbins est avec l'auteur de notre épître. 

Dans l'Ancien Testament, les anges sont des êtres trans- 
cendants et spirituels que Dieu envoie à une certaine classe 
d'individus pour leur annoncer soit un châtiment, soit une 
récompense ; ils sont les ministres exécutants de la volonté 
céleste sur terre. Ils prennent à cet effet une forme naturelle, 
concrète; ils se travestissent en hommes, afin de pouvoir se 
mettre en contact avec l'humanité. 

Abraham est visité par les anges qui lui annoncent la nais- 
sance d'Isaac. Abraham leur offre un repas, auquel ils parti- 
cipent comme de simples mortels; ils quittent le patriarche 
pour aller détruire Sodome et pour sauver Lot. A la naissance 
de Samson l'ange que Manoah prend pour un homme, s'élève 
au ciel avec la flamme du sacrifice. Les anges se transforment 
en chariots et en cavaliers de feu. (2. Rois 6,16) (voir aussi 
Ps. 91, ii-i2; 103,20). Dans le Nouveau Testament Zacharie 
voit un ange en vision seulement, tandis que Marie et 
Elisabeth parlent aux anges comme l'on parle à un homme. 
Dans le Midrash Shmoth R. les anges naissent chaque matin 
et après avoir loué Dieu, ils retournent dans la rivière de feu 
d'où ils sont sortis. 



- 37 — 

L'idée que Dieu transforme les éléments de la nature en 
anges, idées que les exégètes modernes croient voir dans 
notre passage, est tout à fait étrangère aupsalmiste Dieu peut 
se servir des éléments de la nature; il monte les nuages; il 
marche sur les ailes du vent ; les cieux racontent sa gloire, 
(Ps. 19,1.) mais ces éléments n'ont nulle part les attributs 
d'anges ou de ministres. 



CITATION 5 [Ep. aux Hébr. 1,8) 

9p6voç cou 6 Gsos zU "^ov aldyoL toù aiwvoç 
xal Yi pà[38o; r/^ç s'jQ'JTriTo;, pà|Bûo; f^^ [iv.'jO.eiy.^ croo. 
Y,yà7:7,c7aç û!.xa'.0(7Jvr,v xal ÈjjL'ls-yio-aç àvoaiav 
o'.à 'zo'J'zo è'ypio-sv o-s 6 Ôîo^, 6 ^zô^ trou D.a'.ov àva).)>!,àa-£wç 
7:apà TO'jç [j-cTÔy^ou; o-ou. 

(Co/n/î. r. Moss. Ps. ^5,7-8 ; Sept. P. U,7-S) 

La citation paraît être tirée des Septante, mais elle n'est 
complètement d'accord avec aucun des manuscrits, auôva toû 
alwvo; est du Cod. Alex. LeCod. Vat. omet tou. Elle s'accorde 
avec le Cod. Val. 'dans àoix'.av; le Cod. Alex, lit àvoaiav. Elle 
s'écarte de l'un et de l'autre en mettant xal y, pà[3oo; qui n'exi- 
ste ni dans l'un ni dans l'autre, mais qui se trouve dans le 
Sinaïticus. 

Le Ps. 45, est un hymne nuptial. Il était composé à l'occa- 
sion des fiançailles d'un roi d'Israël (les fiançailles de Salomon 
avec la fille de Pharaon d'après Hoffmann; celles de Joram 
avec Athalie d'après Delphes). II est entré dans le recueil du 
psautier au même titre que le Cantique des Cantiques et 
quelques autres livres contestables. 

Nous savons qu'on a voulu cacher le Cantique des Cantiques, 
les livres d'Esther, de Ruth, des Proverbes et même d'Ezékiel, 
et que, grâce à quelque rabbin du Talmud, qui par ses spécu- 
lations exégétiques est arrivé à leur donner un sens mystique 
et religieux, indépendamment des faits historiques et quelque 
fois à rencontre du contexte, ces livres ont été conservés 



- 38 - 

dans le canon de l'A. T. Dans le traité Sabbath, f. 30, nous 
voyons que lorsqu'on a voulu cacher un livre où un autre, un 
rabbin de grande notoriété s'enfermait dans une chambre 
haute, avec des provisions pour une durée de temps extrê- 
mement longue, afin d'élaborer une exégèse mystique, 
• d'écarter les contradictions ou de donner un sens religieux à 
un fragment qui n'en avait pas. C'est ce qui est probablement 
arrivé à notre psaume. 

Déjà de très bonne heure on sentit la difficulté de ce vocatif 
DM^N=o 6£o; au milieu d'un verset qui ne parle nullement du 
royaume de Dieu. Aussi s'efforça-t-on d'écarter cette difficulté 
par une foule d'inventions, plus subtiles les unes que les 
autres. Saadiah Gaon sous-entendici pi"-» ton trône Dieu éta- 
blira pour l'éternité. » Aben Ezrah sous-entend encore une 
fois le mot i^DD «ton trône est le trône de Dieu pour l'éternité». 
Il trouve un parallèle à cette construction dans 2 Chr. 15,8 
et c'est à cette interprétation qu'adhèrent la majorité des exé- 
gètes modernes. Certes, cela ne serait pas d'un hébreu excel- 
lent; on trouverait difficilement une autre construction 
correspondante, mais on l'accepte afin d'éviter le trouble dans 
l'harmonie de l'idée du psaume. 

Parmi toutes les propositions qu'on a faites, la plus ingé- 
nieuse est celle de Mr. Bruston : il suppose qu'il y avait n\T' 
« il sera » que le copiste à pris pour le tétragramme, et qu'il 
a écrit Elohim. Cependant, malgré l'avis de ces grandes 
autorités, nous ne voyons aucune urgence d'apporter de 
changements dans le texte; au contraire, il nous semble pré- 
férable de maintenir le « Elohim » de notre passage. Nous 
avons vu, ce mot signifie une autorité terrestre ou spirituelle; 
il remplace le mot « juge » chef du peuple, (Ex. 22,26) le 
mot « maître » de Pharaon, (Ex. 7, i); il n'y aura donc rien 
d'étonnant à ce que le psalmiste applique ce mot à un roi, et 
nous traduirons par- conséquent: « ton trône, ô majesté, 
est pour l'éternité » 

Nous ne pouvons pas admettre que les deux versets de 
notre citation forment une parenthèse, une digression, oii 



— 39 — 

l'auteur, parlant d'un roi terrestre, s'élèverait, subitement 
et sans transition à chanter la gloire da royaume de Dieu. 
Une telle supposition ne ferait qu'obscurcir les deux versets. 
« Ton trône, ô I)ieu, est éternel et c'est pourquoi Dieu, ton 
Dieu, t'a oint etc. » formerait une contradiction flagrante. 
Dieu ne peut pas s'oindre lui-même; Dieu ne peut pas s'a- 
dresser à lui-même à la seconde personne et parler de lui à la 
troisième. 

Comment l'auteur de notre épître est-il arrivé à lapporter 
à Jésus-Christ un Psaume qui parle d'un roi d'Israël? Nous 
ne pouvons pas admettre l'explication, suivant laquelle, ne 
sachant que le grec, il aurait entendu par le mot Osô^ « Jésus- 
Christ ». Ce serait une méthode par trop facile. Nous ne 
pouvons pas admettre non plus qu'il s'est fait un rappro- 
chement dans la pensée de l'auteur entre r/pio-sv « oint » et 
ypio-Toç, car l'onction dont il s'agit dans notre texe, n'est pas 
une onction spirituelle, mais une onction de joie, des jours 
de fête, l'opposé de l'onction des morts et des jours de deuil, 
et l'auteur de notre ép^!tre devait savoir cela. L'explication la 
plus plausible serait à notre avis, de rapprocher cette citation 
de la citation 2. C'est le même principe qui a dirigé l'auteur, 
lorsqu'il a cité 2 Sam. 7,14 et lorsqu'il a reproduit Ps. 45,7-8. 

f ■-- 

jTout ce qui se rapporte à David et à sa descendance se rap- 
porte au Messie le fils de David, et trouve la réalisation en 
luijll était probablement encouragé dans cette vue par l'ex- 
pression D\l'7K=9£o; du verset 7, titre exceptionnel pour un roi 
terrestre et surtout par les expressions 6 6e6ç 6 Gsôç o-ou. « Ton 
Dieu qui est à toi d'une maoiore particulière », le Dieu, dans 
lequel tu occupes la première place; et de T^apà toù; {j-sToyou; 
o-ou « au-dessus de tes compagnons »; La citation, considérée 
sous cet angle, vient admirablement bien à propos, car la filia- 
tion divine du Messie est une des thèses principales qui occu- 
pent l'auteur dans ce moment. 

Le Ps-,45 esf considéré comme messianique par le Targoum 
qui traduit verset 3'"^ : « Ta beauté, ô roi Messie, est plus 
grande que celle des fils des hommes /> Aussi par le Mudrash, 
Breshith R. f ITS--» éd. Versovie. 



40 — 



CITATION 6 [Ep. aux Ilcbr. 1,10) 

G\j xar: àpyàç, x'jpu, tv,v yriv z £(l£|j.îÀ(wa-a>; 
X7.1 l'ora TWV 7£t,pwv G-oû slo'v,' ol O'jpaVO'l. 
aùrol aTroXoDvTa'., o-ù os oiajj.svî',; 

xaî. coo-s". 7:cp',pûAa'.ov sAt.çs'.ç auTOu; 

(to^ laà-:!.ov) xal aA^.ayrîo'OVTa'. 

(T'j û£ 6 auTOC si xal -^à sV/", (70u o'jx èxÀsi^ouc-iv. 



(Comp. T. Mass. Ps. 102,26-^8: Sept. Ps. 101,26-28) 

cT'j et xûpLs se trouvent dans les cod. Alex, Psalt. Graeco lat. 
Ver. et Psalt. Turicense ; les deux mots manquent dans les 
autres manuscrits et dans le texte massoréthique. Dans la Pes- 
hittô nis=a"j existe dans l'épitre et dans le Ps. etle x-jp'.s mhn 
manque dans les deux. sAiçs!.; est du cod. Alex, et Vat., les 
autres ont \yX\y.^t'.:;. élU'.; est une réminiscence d'Es. 34,4 
è).!,y/](7ovxa!. etc. « Les Cieux se rouleront comme un livre » (Keil). 
Cette lecture peut aussi provenir d'une petite défectuosité 
dans le mar-uscrit hébreu. Dans le mot DS"''?nn la tête du h 
lamed et le point central du pé se sont effacés, ils avaient un 
n et D. Le n et le a sans daguesh avaient la même prononci- 
ation; Ils ont la DDnsn pour DS^'^nn. 

La citation fait pendant à la citation 5 (Hébr. 1,8). Après 
avoir démontré rinfériorité des anges, il indique en passant 

I l'infériorité de l'univers vis-à-vis du Fils. L'Univers, l'en- 
semble des choses créés, est changeant, il vieillit. et il est 
destiné à disparaître. Autrement grand est le Fils, par lequel 
l'univers a été créé, son trône est éternel, il est toujours le 
même, et, ses années ne finissent pas. Les versets 26 et 27 sont 
cités à dessein. Il avait besoin de prévenir ses lecteurs d'ori- 

■^ gine non Israélite qui adoraient la « création » au lieu du 
créateur {Rom. 1,25), aussi bien que ses lecteurs d'origine 
Juive qui eux aussi n'étaient pas exempts d'une certaine ado- 
ration pour l'ensemble de la création riTlf et pour les esprits 
de la terre qui accompagnent chaque personne, au nombre de 



— 41 — 

mille à gauche et de dix mille à droite (^Brachott, f. 8). 

Remarquons que dans la pensée du Psalmiste il n'est nulle- 
ment question du Messie. L'être qui est toujours le même et 
dont les années ne finissent pas, c'est Jéhovah. Mais pour 
l'auteur de l'épître les versets 26-28 se rapportent au Messie, 
le fils de Dieu puisque c'est par lui que l'univers à été créé 
(Hébr. 1,2). 



CITATION 7 {Ep. aux Hcbr. 1,13) 

KàOo'j ex. ôs^',à)v [j.O'J sco; av 9co toj; syGpouç go'J Gtto-oo'.ov twv toocov 
cou. 

fComp. T. Mass. Ps. 110,1; Seplante Ps. 109,1.) 

La citation est faite d'après les Septante qui donnent un 
mot à mot crupuleuxdu texte massoréthique. C'est le Psaume 
le plus souvent cité dans le Nouveau Testament. (Delitzsch). 

La valeur messianique du Psaume iio réclame notre atten- 
tion d'une manière toute spéciale II n'était pas considéré 
comme messianique dans les cercles rabbiniques de- l'époque 
de Jésus et des Apôtres. Dans les deux curieuses versions du 
Targoum aucune ne l'attribue au Messie: 

Voici comment les Targoumim l'ont compris: 

^rûn Nn^n\x ish'inh n^^nn ef^n «nmi ''b pu'? n^it^'Q:: ^^ lox (i 

^-p^i? îi>^D3 ia:3i "^bv:! '''\^ii'-\ r; iiix 

« Dieu a dit par sa parole de ne donner la suprématie (le 

rabbinat) parce que tu t'es assis à étudier la loi (car à ma 

droite est la lumière) jusqu'à ce que je subjuguerai tes ennemis 

sous tes pieds ». 

3-1:1 î Sxnty'' b2 bv l'iyi '«n"' nxity^ nnû^û:i "«^ iû« m^mn T'h t» bv (2 
6^:: '»'iîi«« p nn:3i . . . mû''n r; p^j:jn n^y^ p^sn b)mb y\m :nn ^b iûx 

« Une louange, par David. Dieu a dit par sa parole de me 
faire maître de tout Israël, car il m'a dit, assieds-toi et je te 
montrerai Saûl de la Tribu de Benjamin avant qu'il meure.. . 
et après cela je mettrai tes ennemis sous tes pieds » 



— 42 — 

Dans les deux paraphrases le mot '•j'nx'?, est interprété non 
pas par « à mon seigneur», mais « de me faire seigneur, roi 
d'Israël ou prince de la science Par '^i'^ù'^h 2^ assieds-toi à ma 
droite, la première version entend : tu t'es assis à étudier la 
Horas, (qui est la lumière et la droite de Diea), la seconde 
paraphrase comprend, « attend patiemment la fin de la 
dynastie benjamineïte. Toutes les deux l'attribuent à David 
exclusivement et pour eux le Messie n'a rien à voir dans ce 
Psaume. 

Nous ne trouvons au sujet de ce Psaume, autant que nous 
avons pu nous en assurer, aucune spéculation messianique ni 
dans le Talmud, ni dans le Midrash. Le Midrash des Psaumes 
fait exception à cette règle (^^ Il comprend les mots « assieds- 
toi à ma droite » comme se rapportant au Messie; mais nous 
ne croyons pas que ce Midrash soit vraiment ancien, ou qu'il 
exprime des idées réellement anciennes au sujet de notre 
citation. 

Ce Psaume a t-il été considéré comme messia:nique, du 
moins parle peuple ? Nous n'en savons rien. Il est probable 
que dans certains cercles galliléens il était considéré comme 
tel, mais en tout cas il n'était pas messianique pour la classe 
intellectuelle de la Palestine, pour les Pharisiens, les Scribes 
et les Çadducéens. 

Nous comprenons maintenant pourquoi, lorsque Jésus citait 
ce Psaume, la foule prenait plaisir à l'écouter (Marc 12,27) 
tandis que les pharisiens n'ont pas pu lui répondre. (Matth. 
22,46). La foule attendait ardemment la venue du Messie, et 
tout passage de 1 Ecriture, annonçant la fin de cette longue 
attente était saisi avec avidité. Il n'en était pas de même des 
membres des classes cultivées. Eux, ils se turent, non pas parce 
qu'ils n'ont pas pu reconnaître en Jésus le Messie attendu, mais 
plutôt parce que leur exégèse était différente de celle de 
Jésus, Ils ne voyaient pas, au contraire de Jésus, le Messie 
annoncé dans le Psaume iio. 



(1) Voir Midrash Thilinie sur Ps. 18. 



- 43 - 

Jésus à fait sur le Psaume iio une exégèse particulière et 
personnelle, qui n'était pas connue des rabbins, et autour de 
laquelle, on a fait, pendant de longues générations un silence 
voulu, calculé, prémédité. L'auteur, en citant ce Psaume, 
connaît donc l'exégèse personnelle de Jésus. IL connaît donc 
les synoptiques. Il se sert du Psaume iio parce que Jésus s'en 
est servi, et il l'envisaga exégétiquement avec le regard du 
Maître. 

C'est le seul cas où l'auteur se départît de l'exégèse rabbi- 
nique de son temps. Il montre par là qu'il est vraiment 
disciple de Jésus. Le fait d'avoir rejeté l'enseignement officiel 
de grandes académies, et d'avoir introduit un enseignement 
nouveau serait considéré comme un acte courageux à toute 
les époques historiques, l'était encore davantage à cette 
époque, car il expose moralement l'auteur à une peine exces- 
sivement sévère et diffamante.^ 



CITATION '8 {Ep. aux Hébr. 2,6) 

r wjç à-jQprJmov ort sTriçxETrTvj «ùrôv ; 
Yily.r-M<T(/.ç «ÙtÔv PfiK/y Tt Tra/j' c/.yyfj.ov:, 
SiSri y.y.i TL^.r, ècrre^fix'joxry.ç «ùrciv, 

TrâvTK ÛtTî'tkÇkî VTTOy.y.TM T6JV TToSwV C/.VTOU, 

{Comp. T. Mass. et Sept. P. S, 7-7) 

L'interrogatif t1 » qu'est-ce », qui correspond à l'ébreu nû 
est du Cod. Vat. ; le cod. Alex, lit au contraire v.q. Il est très 
difficile de rendre dans une autre langue l'hébreu tî>'iJXetD1Xp, 
fils d'Adam, fils de la terre, être faible et débile. Le Targoum, 
la langue sœur de l'hébreu, y a presque réussi. Il met pour 
l'un et l'autre mi "i3 qui inclut le sens de « faiblesse, débilité », 
Les Septante se sont contentés de mettre àvQpwTcos et ulo^ 
avOpo'jTcoco, mais le sens original et intime du texte hébreu est 



(i) « Celui qui donnera un sens à la Thorah qui n'est conforme à la halachah est 
coupable de la peine de mort. » 



- 44 - 

complètement perdu pour le lecteur grec. y.Xà'CTwa-a; aùrov 
imonm/d'après l'avis de plusieurs des commentateurs modernes 
la version des Septante ne correspond pas à l'hébreu. En effet 
sXc/.-z-oùy « rendre inférieur» et ion «diminuer » ne se couvrent 
pas tout à fait. Nous nous rangeons ici à l'avis de Delitszch. 
Dans les Septante èXa-r-roùv n'a pas strictement son seiis 
classique. Ils traduisent "ion et tû"'j;ûn par ce même verbe (Voir 
Gen. 8, 35; Ecel. 4,8), et l'auteur de notre épître aurait 
employé ce même verbe s'il avait fait une version à lui du 
texte hébreu, '^j^y-yy t'. correspond à £3î;û du texte massoréthique. 
Dans le contexte hébreu il ne peut pas être autre chose qu'un 
adv. de degré, la Traduction doit-être: « Tu las diminué 
un peu d'Elohim, il lui manque peu pour être un 
Elohim. » On ne peut pas le considérer comme un adverbe 
de temps, et traduire « Tu l'as diminué pour un peu de temps » 
à moins de torturer le texte. L'auteur de l'épitre ignore donc 
l'hébreu, où il ne s'en occupe pas. Son raisonnement du 
ch. 2,9 est fait sur le fipay'j t». des Septante qu'il considère 
comme un adverbe de temps, et non sur le texte hébreu. Nous 
avons une autre preuve, plus éclatante, qu'il se sert des Sep- 
tante, et non du texte massoréthique, par l'ordre des mots de 
ôoHa ei'z'.ij.r,. Dans le texte massoréthique nous avons mm 11:j3: 
1U3 = T'.jj.rî (( honneur », désigne sa position dans le monde, 
il exprime, la vénération qui lui est due de la part de ses 
semblables, du monde. mn= oHa « splendeur, gloire», exprime 
ce qu'il est en lui-même. L'auteur de Tépître, comme les Sep- 
tante, renversent les termes, ils mettent « gloire et honneur » 
pour l'hébreu, «honneur et gloire. » Ces deux mots sont au 
datif d'après le cod. Vat. Le cod. Alex, lit l'accusatif, Socav 
T'.pîv. C'est le cod. Vat. qui est plus près de l'hébreu. 

Dans la pluralité des cas DTi^K/ avec ou sans article, est 
synonyme à nin\ et désigne le vrai Dieu. Mais, comme nous 
avons déjà vu plus haut D\n^N, a souvent un sens flottant et 
vague ; Moïse est le Elohim de Pharaon ; une autre fois le mot 
signifie f idole, faux dieu, » (Ex. 18,13) et encore « puissance^ 
autorité. » Les Septante en traduisant le Elohim de notre 
texte par « anges» sont évidemment dans l'idée du psalmiste. 



— 45 — 

Hupfeld et beaucoup d'autres traduisent : « Tu Tas rendu un 
peu inférieur à la divinité, mais à tort. » Le psalmiste n'aurait 
jamais songé que l'homme est de bien peu inférieur à la divi- 
nité, parce que Dieu met à sa disposition certaines classes du 
règne animal et parce qu'il lui permet de dominer sur une 
faible partie des œuvres sorties de sa main. La version des 
Septante est sous ce rapport d'accord avec le Targoum qui lit 
«••^sto h'hp n^n^ «mom « Tu l'as diminué légèrement des anges. 
» Cela est certai- nement le sens de notre verset; à l'homme 
faible, débile ti^JH, il manquerait bien plus que a peu de chose» 
pour être l'égal de Dieu. A peine peut-il, avec de rares excep- 
tions, être quelqu'un qui vaille un ange. 

Verset 8. Nous avons ici l'omission de la moitié d'un verset 
qui se trouve dans le texte hébr. et dans les Septante. 
L'omission de toute une moitié d'un verset reste inexplicable 
malgré les tours de force exégétiques qu'on a faits pour en 
rendre compte. Toute la citation est faite avec un mot à mot . 
scrupuleux d'après le Cod. Vat, La coïncidence de ti pour 
T'.; et du datif olii-r^ -t'.ja-^ pour l'accus, transposition dans 
l'ordre de mot «gloire et honneur» pour «honneur et gloire», 
nous empêchent de supposer que faisant la citation de mé- 
moire, auteur l'ait oublié la première moitié du verset. On a 
fait la supposition que l'auteur de l'épître aux Hébreux a omis 
cette partie de la citation avec intention, soit. parce que les 
mots sont en contradiction avec i, lo (Lachmann , soit parce 
qu'ils ne lui paraissaient pas nécessaires pour sa thèse. 
(Hoffmann, Keil, V. Soden), ou encore parce que^, en mettant 
tout l'accent sur Tiàvra, on pourrait dire qu'il ne se rapporte 
qu'à %k Ê'pya etc., tandis qu'au fond l'auteur entend par le 
mot TîàvTa beaucoup plus que cela. (Weiss). 

Toutes ces explications ingénieuses nous paraissent quand 
même insuffisantes, celle de Weiss même erronée. Nous ne 
voyons pas en quoi « toute chose > serait plus que l'univers 
crée; les esprits, les éons ne rentrent-ils pas dans la classe diis 
êtres crées? Ne pouvant accepter aucune de ces explications, 
nous nous voyons obligé de considérer la citation comme un 
talmudisme. Dans le Talmud il arrive souvent lorsqu'on à citer 



- 46 - 

un long passage de l'Ecriture Sainte, on néglige les parties 
les moins importantes d'un verset que l'on suppose être 
connues, et on les remplace parlesformules courantes de "iûi:n 
« et finir », en "di = •T'^DI « et entièrement » à compléter. La 
première formule appartient à l'hébreu de la mishnah, la 
seconde est un araraaisme pur. On en faisait un usage courant 
à l'époque de notre auteur, surtout de Ja dernière. II n'y aurait 
donc rien d'étonnant à ce qu'il s'en soit servi aussi. 11 a mis 
n'i'p.lDl s'il a écrit son épître dans le dialect palestinien de cette 
époque, ou x.t. -àv-ra, s'il l'a écrite en grec. Ainsi, la citation 
existe intégralement dans la pensée de l'auteur, il ne s'est 
servi du signe sténographique que par économie de temps ou 
du parchemin. Elle existait également pour les lecteurs de 
son temps si l'épîtie avait été écrit en araméen; ils savaient 
que le signe .t'^I^I veut dire qu'il faut compléter la citation 
d après le texte du Psaume. Il en était de même si l'épître a 
été écrite en grec Ses lecteurs étaient principalement des 
Juifs convertis, ils n'avaient pas de difficulté à comprendre 
que le signe xal xb. TràvTa mis à la fin du verset 8, veut- dire 
qu'il faut lire le verset 8 entièrement. Il n'en était pas ainsi 
avec un lecteur, ou un copiste grec, d origine non Israélite 
ignorant la source de la citation et étranger à ces formules 
d'abréviation;- il n'y a absolument rien compris. Il a vu qu'il y 
avait un Tràv-ra de trop, que le râvTa du signe sténographique 
se heurte contre le Tràv-ca du verset 8 b dans notre citation, 
et il crut qu'il ne pouvait mieux faire que de le supprimer. 

Comment, fauteur de notre épître est-il arrivé à donner un 
sens messianique au Ps. 8 qui, pris à la lettre ne semble pas 
en avoir. Kurtz s'efforce defexpliquerdela manière suivante. 
Voici le résumé de son raisonnement,^'^ Dans le verset qui 
précède (Hébr. 2,5), l'auteur ayant dit « Car ce n'est pas aux 
anges qu'il (Dieu) a soumis le monde à venir», on doit satten- 
dre naturellement à l'antithèse suivante : Ce n'est pas aux 
anges que Dieu a soumis le monde à venir, mais au Fils, (de 



(i) Voir Kurtz, ép. aux Hébr. p. p. 88, 89,90. 



— 47 - 

Dieu), ou. plutôt « au fils de Thomme», puisque l'auteur a déjà 
dans la pensée la citation du Ps. 8. Il se fait ensuite un rap- 
prochement, dans la pensée de l'auteur, entre l'expression 
<•< fils de l'homme» de notre Psaume, et le «fils de l'homme» 
du livre de Dmiel, (D.m. 7 13). 

A notre avis, cette explication de Kurtz, loin d'écarter la 
difficulté ne fait que l'aggraver. En effet, il en résulte que non 
seulement.l'auteur détournerait Je Psaume 8 de son vrai sens, 
mais que' il confondrait de plus, deux significations différentes^ 
et diamétralement opposées, de l'expression « fils de 
l'homme » dans l'A. T. Le fils de l'homme du Psalmiste, est 
l'hoQime mortel, l'héritier d'Adam déchu, tandis que le « fils 
de l'homme » du livre de Daniel est un être surhumain, un 
phénomène particulier des spéculations de ce livre, une 
créature qui s'approche jusqu'à Dieu Une telle confusion, est 
à peine comprébensible si l'auteur avait dans la pensée le 
texte grec, où nous avons, dans le Psaume et dans Daniel, 
uioç àvQpto-o'j ; elle l'est encore moins si l'auteur raisonne sur 
le texte mâssoréthique, où nous avons d'un côté un hébraïsme 
pur m« p, et de l'autre un chaldaïsme pur tî>J« 12. 

A notre avis, l'emploi du Psaume 8 par l'auteur est fait dans 
1 esprit rabbinique de son temps, et d'après la méthode 
particulière de Reniez, (voir p. 18.) Il s'efforce d'envisager 
premièrement le Psaume dans son sens concret et positif, 
mais il se'heurte contre l'expression -rràvTa «toutes choses» 
Dieu lui ayant assujetti toutes choses, n'a rien laissé qui ne.lui 
soit assujetti; cependant nous ne voyons pas encore 
maintenant que toutes choses lui soient assujetties. Or, le 
Psaume ne parle pas de l'homme et du fils de l'homme, mais 
du Fils de Dieu ; s'il est dit qu'il est inférieur aux anges c'est 
de Jésus, qui a été rendu inférieur aux anges pour un peu de 
temps, qu'il s'agit; et s'il est dit que toutes choses lui sont 
assujetties, il ne s'agit pas des choses de ce monde, mais du 
monde à venir. 

Les rabbins se sont heurtés contre les mêmes difficultés que 
l'auteur de notre épître, et ils se sont efforcés de les expliquer 
d'une manière analogue : 



- 48 — 

Traité Nedarim f. 21, i, nous lisons : 

imonm i^xjîy nn« non n^^tih iiij d^i^i ùh)V^ ixi:jj nj^a n^ty ù'^^'^m 

Cinquante sources (littér. por/es) d'intelligence ont'été créés 
dans le monde, et toutes ont été données à Moïse, moins 
une ; car il est dit : « et tu l'as diminué », etc. 

Traité Sabbath f. 88,2 nous lisons : 

"l'? ntjjjty nnjji mion t-js^ i-iqk «;: mm h^ph n"apn on'? nû« irai ntî>i< 
iiys'? njD^'? typ:io nnx D'?iï;n K"i:3Jtî> onip nnn nv:^!';'^ Q^v^m minû ï;îî'£3 

« Au moment où Moïse est monté au ciel, les anges dirent 
à Dieu: Maître du monde que fait un (être) né d'une femme 
(c.-a -d. homme) dans notre milieu ? Dieu leur répondit, il est 
venu recevoir la thorah; mais les anges lui dirent: ô la 
désirée, la secrète, qui est restée cachée chez toi pendant 
neuf cent soixante-quatorze générations avant la création du 
monde, et tu désires la donner maintenant à un être de chair 
et de sang! qu'est-ce l'homme que tu te souviennes de 
lui, etc. » 

Il n'y a rien d'étonnant à ce que l'auteur ait choisi intention- 
nellement ce Psaume, qui pour les rabbins se rapportait à 
Moïse, le législateur de l'Ancienne Alliance, et est substitué 
à celui-ci Jésus, le médiateur de la Nouvelle Alliance. Si 
Ps, 8, 5 parle du fils de l'homme, ce fils de l'homme n'est pas, 
d'après lui. Moïse, un être fait de chair et de sang, un mortel, 
mais le Fils. Si le verset'6 dit « tu l'as rendu un peu inférieur 
à Elohim-, » il ne parle pas de l'infériorité intellectuelle de 
Moïse vis-à-vis de Dieu, mais de l'infériorité temporaire du 
Messie vis-à-vis des anges. Il prend à dessein les mêmes 
versets 5 et 7 que les rabbins rapportaient au premier légis- 
lateur; il accepte le cadre de leurs idées a car il (Dieu) n'a pas; 
donné sa préférence aux anges mais il l'a donnée à la postérité 
d'Abraham » ; il se sert même de, leur terminologie parti- 
culière al[j.a xal cràp^ = Dl"i 16^5 (v. i4), mais il les surpasse en 
donnant au Ps. 8 un sens plus noble et plus spirituel. Il' 



— 49 — 

montre aussi par là à ses lecteurs, jusqu'à quel point il est 
d'accord avec l'exégèse rabbinique et jusqu'à quel point il 
diffère d'eux, et il les prépare ainsi à l'exposé suivant, dans 
lequel il traitera de l'infériorité de Moïse vis-à-vis du Fils. Si 
ce n'est pas là la raison de l'emploi du Ps. 8 par l'auteur, nous 
ne pouvons songer a aucune autre. Il serait même surprenant 
si l'on rejette notre explication, qu'un bibliciste aussi dis- 
tingué que l'auteur de notre épître n'ait pu trouver un texte 
plus approprié à la thèse qu'il émet. Es. ch. 9, 5-6 ; ou ch. 
II, i-io, nous semblaient tout indiqués. 

CITATION 9 (Ep. aux Ilébr. 2,12) 

Il ' - i ' 

fComp. Texte iMass. Ps. 22,23; Sept. Ps. 21,23) 

Au lieu de à-arysAw « j'annoncerai » de notre citation, les 
Septante ont o'.v.'r^(70[j.a'. « je raconterai » qui correspond exac- 
tement à n"lSD^< du texte m^ssoréthiqae.Mais cetnifîDWdu texte 
massoréthique est une erreur de copiste manifeste. Le verbe 
ISD dans le contexte a le même sens que notre verbe « racon- 
ter ». On raconte une histoire, une nouvelle, mais on ne 
raconte pas un nom. Dans la rédaction primitive, ou, du moins 
dans la pensée du Psalmiste, il y avait mt^iK « j'annoncerai, 
je ferai connaître » et non môDX « je raconterai » du texte 
massoréthique. 

On serait tenté de supposer que l'auteur de l'épître corrige 
les Septante après le texte primitif hébreu, mais au fond il 
n'en est rien. Il se sert intégralement du texte des Septante, 
y compris l'omission de la seconde moitié du verset, du mot 
il, Cette omission ne s'expliquerait pas si l'auteur avait 
connaissance du texte hébreu, car cet adjectif :n aurait pu lui 
rendre de grands services. Il aurait pu traduire : « Au milieu 
de beaucoup d'assemblées » et le verset se serait rapporté 
admirablement bien à la prédication de l'évangiJe de Christ. 



— 50 — 

L'auteur transforme o'//-|Vr^c-o[j.a'. des Septante en aTrayvsÀtTj parce 
que ce dernier verbe est plus adéquat à la pensée générale du 
Psaume; i) est plus compréhensible dans le contexte. Il 
rappelle aussi le mot £'jaYY£).',ov, un mot qui s'imposait avec 
force à l'entendement de l'Église primitive. 

Comment l'auteur en est-il arrivé à comprendre ce Psaume 
: comme messianique? Cela s'explique par le fait qu'il suit les 
méthodes rabbiniques. Le psaume, malgré sa suscription, ne 
peut pas se rapporter à David Le poète, après avoir épanché 
sa tristesse, sa désolation, et être descendu au dernier degré 
de découragement se ressaisit et s'élève, plein d'espoir, jus- 
qu'à Dieu. Tout le Psaume respire la douleur d une âme en/ 
détresse, qui par moments se sent abandonnée par son Dieu, 
mais qui la certitude du triomphe final de sa propre cause 
et de celle de Dieu. Or, tout ceci ne cadre pas avec le règne 
de David. Les rabbins l'ont expliqué comme devant se rap- 
porter au Messie (voir Jalkut sur Ps. 22, 16; sur Es. 40) et 
l'auteur de Fépître est d'accord avec eux. Delitzsch remarque 
avec raison que les versets 15-18 nous peignent avec l'habi- 
leté d'un artiste, la situation pénible d'un crucifié. ^^) Le Psaume 
ne parle pas, en termes précis, du Messie mais l'image qu il 
donne, à quelques exceptions de détails près, ressemble 
parfaitement à « l'homme de douleur » au « Fils vainqueur ». 

CITATION 10 [Ep. aux Hébv. 2,13) 

£V(0 S'JOU.'y.'. TtcTTO'/jwC ZTz'aÙ'ZlO 
I i -1 

Pour cette citation nous ne saurons indiquer avec exac- 
titude aucun des livres de l'Ancien Testament soit en hébreu 
ou en grec, desquels l'auteur tire sa citation, car dans sa 
forme présente elle ne se trouve nulle part. 

Des mots similaires se trouvent dans beaucoup d'endroits. 
Les Septante traduisent avec totto'.Ôco; èdo^y.'. sTr'aÙTco Es. 8, 17 
•h wipi ; Es. 12, 2 hîoix et 2 Sam. 22,3 1:} noUN. 



(i) Delitzsch sur Ps. 22. Keil, ép. aux Hébr. p. 72. 



- 51 -- 

La citation peut-être tirée du 2 Sam. 32,3 (Ps. 18, 2), si nous 
pouvons affirmer que l'auteur de l'épître traduit lui-même la 
citation sur le texte hébreu. Certes, sa traduction n'est pas 
parfaite, car le verbe non dit plutôt « s'abriter, se réfugier », 
que « se confier », mais tout de même, elle serait soutenable. 
Mais nous n'avons pas, jusqu'à présent, une preuve assez 
certaine qui nous permette d'affirmer que l'auteur de notre 
épître traduit un texte hébreu. Aussi la majorité des exégètes 
sont-ils d'avis que la citation est faite de mémoire d'après les 
Septante, Es. ou 2 Sam., avec une insertion de eyw et le dépla- 
cement de £a-o]j.a'. ; qu'il cite surtout Es. 8, 17, vu que le contenu 
de ce fragment d'Esaïe parle d'Emmanuel ou du Messie. 

Si la citation est tirée d'Esaïe 8, 17, nous ne pouvons établir 
aucun rapport entre l'auteur de l'épître et le Targoum. Pour 
le Targoum Jonathan Es. 8, i7, se rapporte au Prophète. Il 
traduit \niuip'? W^iai « Je demandais à lui, » ou « je priais 
devant lui ». C'est le prophète qui demande à Dieu. 11 y 'a, au 
contraire des rapports extrêmement étroits entre l'auteur de 
l'épître et Je Targoum si la citation est tirée de 2 Sam, 22,3 
ou d'Es. 12, 2. Il paraphrase 2 Sam. 22, 3 par pm N'JX nn?:''» hvi 
car à sa paroZe je me confie, et Es. 12,2 par xn^x lûVi bv î<n 
pm KJX «ipTit3 « car à la parole de Dieu je confie ma rédemp- 
tion ». Le sens de ^''^û^'3 chez les Targoumims étant à peu près 
le même que celui du lôyo:; chez les auteurs du Nouveau 
Testament,' le contact entre l'auteur de l'épître aux Hébreux 
et le Targoum est donc très grand. Ce que David, ou Esaie 
disent de Dieu le Père, de Targoum et l'auteur de l'épître aux 
Hébreux le rapportent au Logos. 

D'après cette manière de voir, que 2 Sam 23 (ou Es. 12), où 
il s'agit da Dieu le Père, parle en réalité du Logos ou du 
mémreh, la citation est très à propos. Dans 2 Sam. comme 
dans Es. 13 nous n'avons pas seulement un acte de confiance 
d'un seul individu : c'est le formulaire éternel de la foi 
de tous les croyants et de toutes les églises. Ce « je me 
confie » etc., veut dire : je c. a. d. moi, auteur, comme tous 
ceux qui croient en lui. Ainsi sa thèse sur les rappoits du 
Christ et de l'humanité se trouve toute indiquée. Le rap- 



- 52 - 

port, le lien entre le Fils et l'humanité c'est la confiance 
commune des croyants. 

CITATION 11 {Ep. aux Hébr. 2,13) 
loo'J eyco xat, toc Tzaioiy. a u.oi eowxev o Usoç 

(Com/j. r. Mass. et Sept. Es. 8, 18) 

La citation est faite d'après la Septante qui couvre parfai- 
tement le texte hébreu, sauf qu'elle met le [Aot, avant le verbe. 
Le Cod. Marchalianus donne le même ordre des mots que 
l'hébreu; il met plo-. après Iùcoxsv.. Cet accord parfait entre 
l'auteur de l'épître et la Septante nous force d'admettre que 
l'auteur ne s'est nullement soucié du texte original hébreu, 
mais qu'il suit mot pour mot la traduction grecque. 

Comment a-t-il pu arracher de son contexte un passage où 
l'on parle d'Esaïe et de ses enfants, puis substituer à Esaïe le 
Christ et mettre à la place des enfants d'Esaie, les chrétiens 
ou l'humanité appelée à la conversion, ceci a étonné et 
étonne encore tous les commentateurs. En effet la preuve 
scripturaire pèche par la base. Uans Esaïe il est parlé d'un 
prophète, l'auteur de notre épître parle du Fils de Dieu; là 
il est parlé des propres enfants d'Esaïe; lui il parle des 
enfants de Dieu; Pour sa thèse il lui fallait un passage qui 
établit la véritable fraternité qui existe entre le Christ et 
l'humanité, mais la citation en question ne parle pas de cela 
et ne prouve rien à cet égard. La seule supposition qu'il nous 
reste à faire c'est que l'auteur fait cette citation, non pas po^ir 
! prouver le lien de fraternité qui existe entre le. Christ et l'hu- 
1 mànité, mais pour appuyer sa thèse e^ évo? Tràv-reç « nous 
sommes tous d'un ». Il est vrai que l'auteur aurait pu choisir 
un passage plus probant,, à supposer qu'une thèse aussi uni- 
versellement admise ait encore besoin d'un appui scripturaire. 



- 53 - 
DE LA SUPÉRIORITÉ DU CHRIST SUR MOÏSE 

Après avoir établi la supériorité du Christ sur les anges, 
l'auteur met en parallèle la personnalité du Christ avec celle 
de Moïse. Ce parallèle s'imposait, en toute nécessité, après 
celui que l'auteur avait établi entre le Christ et les anges. La 
mémoire de Moïse était entourée ajuste titre, d'une auréole 
sainte. Moïse fut dans la pensée Israélite de toute la diaspora, 
non seulement le libérateur et jusqu'à un certain degré le 
créateur du peuple d'Israël, considéré dans son unité nationale, 
mais il était encore le plus grand des prophètes, la plus haute 
personnalité dans l'ordre de la révélation. Deut 34,10 affirme 
qu'il ne s'est plus levé en Israël un prophète tel que Moïse, que 
l'Eternel connaissait face à face, et cette assertion, vraie dans 
ses grands traits, a gravé la croyance à la valeur unique de la 
personne de Moïse dans la mentalité du peuple d'Israël en 
traits ineffaçables. Dans cette mentalité il n'y a psychologi- 
quement plus de place pour un autre être qui prétendrait à 
être vénéré au même titre et à l'égal de Moïse, mais vouloir 
mettre le Christ au-dessus de Moïse entre Dieii et les élus 
est une thèse qui a besoin d'être confirmée par une preuve 
scripturaire, par un témoignage de JDieu même. 

- GITÀTlbN 12 {Ep. aux Hébv, 3, 2-6) 

{Nombr. ch. 12,7) 

Nous ne nous trouvons pas ici en présence d'une citation 
directe. C'est line allusion à Nom. 12, 7, dont l'auteur reproduit 
seulement le contenu général, en faisant quelques inver- 
sions pour les besoins de sa thèse. 

C'est évidemment de la version des Septante qu'il se sert 
et non |)as des T^rgoumim, Ces derniers, à Teiicontre des 
Septante, dorihént pour lé mot |û«j. non pas toottô; « fidèle », 
mais |p\-ii3 « cru ». îl est cru par toute rria maison . 



- 54 — 

L'accent que l'auteur met sur le T.i'7i:ôq n'est certainement 
pas fortuit. Dans le Talmud Babba Bathra on spécule aussi 
sur le mot p«J. Dans le Midrash Vaikra Rabba il est dit : 
« tous les prophètes n'avaient leurs visions qu'à travers des 
miroirs ternes; Moïse avait ses visions à travers un miroir 
brillant » ou encore « tous les prophètes n'avaient leurs 
visions qu'à travers neuf miroirs; Moïse voyait à travers un 
seul miroir ». 



CITATION 13 [Ep. aux Hébr. S, 7-llJ- 



IJ.Y, tAYiP'jvYiTî Ta^ xapo'la^ 'j^^jmv (o; èv -rw izy.oy.TZ'.y.py.'j^M 

y.cf.-k Tr,v T,!J.£pav xoù 7:î'.paa-[j.0'J sv Tr, î.^r^>^.Oj, 

où eTTcipacrav rA TzaTÉpsç -jucov àv ooxi.aa'T'.a 

xal î'.oov-rà £ova aou -Z'yy tpy.y.oy-y. sVa. 

I o'.oj Trpocrwy 0'.!7a t/j YcVca Taûx'^, 

xal sIttov àsl -AavtovTa', 7?, xapSia 



r "\ 



a-j-o'. 0£ O'jy. cyvcoo-av Taç ooo'jç pio-J 

cl clTîAî'JTOVTa', si-; rÀ|V xaTa— auo-Lv aou. 



i 



/Co/77p. 7\ Mass. Ps. 95, S-11 Sept. 9//, 7-11 

Les nombreuses divergences entre la Septante et le texte 
massoréthique, divergences que l'auteur de l'épître s'approprie 
sans les rectifier, ne proviennent pas de ce que les traducteurs 
grecs avaient un autre texte devant eux, mais plutôt delà 
lecture si difficile du texte hébreu. 

Dans l'hébreu « aujourd'hui, si vous entendez sa voix » 
forme la fin du verset 7; La Septante en fait le commencement 
d'un verset. Le texte original hébreu n'ayant ni signes spé- 
ciaux, ni points, ni voyelles, -permettant de reconnaître la fin 
des versets, la tâche de séparer les versets était après la lecture 
du texte, une des plus difficiles. Aussi arriva-t-il assez souvent 
au traducteur de commettre des erreurs. Dans notre Psaume 
cependant ils ont mieux réussi dans la séparation des versets 
que les Massorèthes. 11 est préférable de commencer le verest 



- 55 -- 

par: « aujourd'hui > etc., et cela pour deux raisons: i° Le 
texte est ainsi beaucoup plus clair.Dans le texte inassoréthique 
le mot « aujourd'hui » a très pea de rapport avec ce qui 
précède; il n'a aucune relation avec ce qui suit; la phrase 
paraît cherchée. D'après la Septante la phrase occupe sa place 
naturelle; le style devient tout à fait clair. 2° Le psaume 95 se 
compose de versets de deux et de trois vers ou phrases; 1-4 
contient deux vers chacun, 5 et 6 trois. D'après la coupure 
des versets dans la Septante, tout le reste du chapitre, à l'ex- 
ception du dernier V. li, se compose de trois vers ou phrases 
par verset; il n'en est pas ainsi avec le texte massoréthique. 
En ]e lisant tel qu'il est devant nous, c'est-à-dire avec les mots 
« aujourd'hui, etc , » rattaché au verset 7, nous aurions ici 
contrairement à tous'les autres versets, un verset de quatre 
vers ou phrases. 

En rendant DX par Èàv les Septante donnent une traduction 
correcte malgré les objections qu'on a soulevées contre elle. 
Certes, elle n'est pas d'accord avec le sens qu'il faut donner 
„au mot D« dans le texte massoréthique, où il équivaut à une 
exclamation et exprime un souhait : « ô si vous entendiez 
aujourdhui sa voix! » Mais comme nous venons de le voir, 
« aujourd'hui etc., forme le commencement d'un nouveau 
verset, et DKle comme le èàv est bien un conditfonnel : si vous 
entendiez sa voix etc.» La traduction donnée parla Septante, 
du mot DX, ainsi que la séparation du verset 7, paraît être 
appuyée par le Targoum Jonathan. Il lit: nh nnû''i2:îDN' p «ri? 
hh^ipn (( ce jour si vous, etc. » 

xaç y.a^oiy.q ujawv VOS cœurs DDTilp'?. Le texte massoréthique 
n'a que « votre cœur ». Nous'ne croyons cependant pas que la 
traduction grecque eût ici un autre mot. r>,v xap&tav au singulier, 
laisserait à désirer dans cette phrase, et il a préféré mettre le 
pluriel. 

ev Tto TrapaTï'.xpaa-uKÔ '/.a-zk tTjV Y,u.£pav to'j Tce'.pao-u-O'J. Massall et 
Meribah sont des noms propres, qui ont été donnés à Refidim 
à loccasion des plaintes et des murmures des Juifs contre 
Moïse et contre Dieu (voir Ex. 17, i-7), mais comme cette 
localité n'a probablement pas conservé ces noms, les Septante,- 



- 53 - 

par ignorance, les traduisent par 7:apa7r!,xpa3-Li.6; et Trs'.paa-tjLo; aii 
lieu de donner simplement des noms propres. Remarquons 
que dans notre texte la Septante ne lit pas Meribah, mais 
m''lû. Le traducteur grec des Psaumes a donc une connais- 
sance vague ou nulle des récits de Nomb. 20 ou Ex. 17, que 
ce soit dans le texte original ou dans la traduction grecque; 
autrement il aurait accepté la traduction de Xo'.o6pY,(T'.; et 
d'àvTO.oyUç que nous lisons là. 

sTte'lpacrav sans le pronom [j.£ est du Cod. Vat , cependant 
il existe dans le texte massoréthique ; aussi K ca X ajoutent y-e 
après le premier et le second verbe, et le cod. Alex, ajoute 
[JL£ après le second verbe seulement. Au lieu de èôox[[jLaa-ay 
de la Septante, l'auteur de l'épître aux Hébreux a sv 8ox',p.aa-ta 

La différence entre ■zk è'pva [j.ou« mes œuvres » (pluriel) et '''?ï;£5 
mon œuvre (singulier) provient simplement d'une différence 
dans lavocdbilisation: l'^ys pour '''^Vfi.L'épître aux Hébreuxinclut 
encore dans ce même verset les mots Tco-o-apàxovra hr^ qui for- 
ment dans les Septante et dans le texte massoréthique le com- 
mencement du veiset lO.' Là préférence doit-êre donnée ici àla, 
lecture de la Septante et du texte massoréthique. L'ordre des 
rythmes est plus régulier dans ces deux derniers textes; il est 
moins bon dans l'épître aux Hébreux. En outre, d'après celle- -^ 
ci^ il faudrait encore insérer au commencement duverseti^ùn 
ph qui jure dans le style de notre psaume. • 

Tri yevcâ. Taur^i. Les Septante ont èxcîvr, . Dans le texte 
massoréthique il y a ici un lapsus manifeste de la part d'un 
copiste; il devait y avoir xinn 'd'après la Septante ou nin 
d'après le texte de notre' épître. eIttov est la lecture des 
manuscrits Alex, et Turicence. 'Les autres manuscrits de la 
Septante ont zlrca.. 

Pour àsl « toujours » le texte massoréthique lit dï^ « un 
peuple ». Nous avons cherché en vain un mot hébreu répon- 
dant au grec àsl et pouvant convenir au contexte. Tous ces 
mots hébreux, signifiant toujours û'^lj;'? /Iï;"? /nïj'? /T'ori, placés 
avant lynetc, transformeraient la poésie de ce verset en un 
jargon. Nous nous voyons donc acculés à expliquer la diver- 
gence entre la lecture de la bible hébraïque et celle de la 



— 57 - 

Septante par une faute des copistes. Le scribe, au lieu d'écrire 
Dy « un peuple, » s'est trompé et l'a écrit avec un aleph DK. 
Une fois que cette erreur existait dans le manuscrit Hébreu, 
le traducteur grec ne pouvait faire autrement que de lire, im 
« si »; car il n'aurait jamais pu songer qu'il y avait ici, dans 
le manuscrit, une faute d'orthographe. Il ne pouvait prendre 
cet DK pour la conjonction « si » introduisant un conditionnel, 
car alors le verset n'avait plus aucun sens; il lui a donné le 
sens affirmatif et l'a traduit par ad < toujours, » 

a.ù'zol ok; le oï « mais » se trouve dans les manuscrits Alex. 
Sinaiticus et Taricense; les autres ont xal aù-zo'.. Leide ûm 
peut avoir le sens de noire conjonction «et» et delà conjonc- 
tion « mais». Sans doute le 03 ici doit-être compris comme 
une particule antithétique « mais » car les Septante aiment 
généralement suivre l'ordre des mots du texte hébreu, et s'ils 
avaient voulu mettre une conjonction correspondante au 
« et » français, ils auraient mis xal aÙTo-.. 

Il résulte de ce que nous venons de dire, que "l'auteur de [ 
l'épître aux. Hébreux n'avait aucune connaissance du texte ^ 
des massorèthes tel qu'il nous est parvenu. 11 accepte' toutes 
les améliorations que la Septante a apportées, soit dans la 
séparations des versets (Sept. v. 8) soit dans la lecture des 
voyelles (v. 9 è'pya) ou même des mots, que les massorèthes ont 
omis par négligence, mais il accepte aussi les erreurs mani- J 
festes que la Septante a commises. (Merirah a;u lieu de 
Meribah; l'omission de p après sTcsipao-av ; àcl « toujours » 
pour Dy « peuple ». Cependant il ne cite pas un des manuscrits 
de la Septante que nous possédons, mais un codex grec que 
n'avons plus. Le plus grand, le plus hardi des changements, 
qu'il fait subir à la Septante, et que l'on dirait être fait d'une 
manière arbitraire, ne provient cependant pas d'une erreur de 
lecture ou de ce que l'auteur de l'épître cite le psaume de 
mémoire, mais d'un des manuscrits de la Septante; la même 
leçon se trouve ainsi dans le Psal Graec. Lot. Veron. 

Les coïncidences entre les spéculations rabbiniques et 
celles de Tauteur de notre épître sont très nombreuses. Aassi 
avons-nous l'impression qu'il prend de préférence ce fragment 



- 58 - 

des Psaunies, parce que dans la synagogue on a de même fait 
à son propos des spéculations hardies, On expliquait, en 
s'appuyant sur le verset 7 de notre Psaume, que la Parousie? 
la révélation du Messie dans le monde, ne dépend que d'une 
Tepentance immédiate, s'accomplissant avant que le « aujour- 
d'hui » passe. 

Voici le texte tel que nous le lisons dans lé traité Sanhédrin 
fol. 98. 

ï^tyin^ ^:5-i nr,:s' nm jnxn nvi^îi^D^ )h iûx .^isi nû'?^'? xrnt< i^ -idk \snr 
nnn'? n"''?^^îi' h^i )h nox n^t!v,: Tis nû\s Vs ^i^qî^ "j 'pipi \"i^n-i d'-jî^ ^l'^'p 
nty i^isi Q'nhn ^h::)^ "r; ^rn n\"i^ ht^^d \xûi ['] xmpi t^nnsx 3W nD^n^ 

Nn« orn '^''x na ""nx nn\s':' V'x \si^b 12 ybv D)b\i^ *?"« moi ^::-i jhv a)b^ 
-]i::s'?i ■]':' •]r\^:2ii b"i< wS 13 y*?:; Di'^ty V'x 1^ iûx ""xd i'? iûx i,t':'X '':]j'? 
n^'? lî^x snx x':»! xrnx dim ^':' y^ai ':i ip^ xp '•■npîî^ V'x ^nxn x^b^'? 

.lyàtyn l'^ipi dx Dvn l'p "idx ^dh 
« Rabbi Josué ben Lévi trouva le prophète Elle qui se tenait 
à la porte du caveau de Rabbi Siméon ben léchaï. 11 lu^ 
demanda : viendrai-je dans le monde à venir. Il (Elle) lui ré- 
pondit : Lorsque le maître que voici le voudra. Rabbi josué 
ben Lévi dit : J'ai vu deux (personnes) et j'ai entendu la voix 
de trois. Je lui ai demandé quand le Messie viendrait. Il me 
répondit : va le demander à lui-même. — Et où se trouve- 
t-il ? — A la porte de la ville (i) (de Jérusalem). Quels sont 
ses signes? (à quoi le reconnaîtrai-je?) Toutes les autres 
(malades) bandent toutes leurs plaies à la fois; lui il bande 
les siennes l'une après l'autre ; car il se dit, peut-être aura-t- 
on besoin de moi, et que je n'en sois pas empêché. (Josué) 
donc alla et dit ; la paix soit avec vous, mon chef et mon 
maître ! Il lui répondit : La paix soit avec toi, fils de Lévi. 



(i) Dans certaines éditions on lit ici /am au lieu «mp^T et certains théologiens ont 
compris, à la porte de la ville de Rome. Ceci est une erreur de leur part. S'il laut lire 
ïOm dans le texte, cela ne peut dire autre que la porte. sud de Jérusalem. 11 n'au- 
rait jamais pu germer dans la pensée d'un palestinien, que le Messie fixeerait son 



siège à Rome. 



- 59 - 

Il (Josué) lui demanda : quand viendra le Seigneur? (c.a.d. 
tu.) Il lui répondit : Aujourd'hui. Josué revint à Elle. Elie lui 
demanda : qu'a-t-il dit? Josué répondit : Paix sur toi, fils de 
LévylEliell t'a assuré par là, à toi et à ta famille^ la vie future. 
Jossué : Mais il m'a enduit en erreur; car il m'a dit : aujour- 
d'hui je viendrai, et il n'est pas venu ! £lie lui répondit: Voici 
ce qu'il voulait te dire: aujourd'hui si vous entendez sa voix!» 

Le texte dans le traité Sanhédrin fol iio" est [non moins 
intéressant. Là le talmud spécule sur le mot « repos », dont 
il est parlé dans notre chapitre, et il enseigne que le dernier 
verset de notre psaume n'affirme pas seulement que la géné- 
ration. qui a vécu au désert ne rentrerait pas en Palestine à 
cause de son rébellion mais aussi qu'elle a perdue à cause de 
cela sa part à la vie éternelle, au paradis, qui revenait à tout 
Israélite, a tout fils d'Abraham. 

Voici la teneur du texte : nûiNi...«::n ùb)vh p':'n urh |^« '\:ïit:^n nn 

«Les hommes de la génération du désert n'ont pas de partà 
la vie éternelle. Il est dit : parce que j'ai juré dans ma colère 
s'ils entrent dans mon repos. » 

A ces deux textes du Talmud ajoutons en un autre, que 
nous trouvons dans le traité Sanhédrin fol. 99% dans le Mé- 
drash Tanchuma, dans la Pesikteta dans le Zohar, et qui par 
sa haute antiquité, par sa brièveté et sa forme énigmatique 
a dû s'imposer à la mentalité palestinienne avec la force d'un 
oracle sortant des Ourim Vetoumim du Grand-Prête même. 

En voici la teneur : 
. nJiy û''î;31N rr'tyûn m»'' «Les jours du Messie sont quarante ans.» 

Pour peu que l'on mettre en face de ces .trois textes du 
Talmud la longue et pressance exhortation de l'épître, on ne 
tardera pas à s'apercevoir que ces divers morceaux mettent 
tout l'accent sur des mots particuliers du psaume, en tirent 
les mêmes leçons et parlent à peu près le même langage. 
Pour l'auteur de l'épître aux Hébreux comme pour le Tal- 
mud le mot « aujourd'hui» du psaume forme le centre delà 
leçon et ils en tirent les mêmes conclusions : une repentance 
immédiate, faite pendant que Dieu dit encore, «aujourd'hui» 



- GO - 

Le royaume du Messie ne peut venir sans cela sur le terre, 
d'après le Talmud. On perd la vertu rédemptrice du Christ 
et le royaume du ciel, que cette vertu inclut, si l'on se relâche 
dans la repentance ou si l'on se soustrait aux exhortations 
mutuelles qui se font dans l'église. (Hébr*3, i2-r4). Le repos 
dont il est parlé au verset ii du psaume est pour l'auteur de 
1 epître aux Hébreux, aussi bien que pour le Talmud, non 
pas la possession du Canaan, le repos après le long esclavage 
en Egypte et la jouissance calme de la fertilité du sol palesti- 
nien, mais c'est le repos d'au-delà, le repos que Dieu accorde 
à ses enfants dans le royaume avenir. C'est le Sabbat de Dieu 
même, dont il jouissait, après avoir achevé l'œuvre de ses 
mains. 

Enfin le texte énigmatique du traité Sanhédrin 99" n'est non 
plus sans inflluence sur l'auteur de l'épître aux Hébreux, Il a 
dû contribuer à lui suggérer le parallèle qu'il établit entre le 
peuple du désert marchant vers la Terre Promise, et l'Eglise 
chrétienne primitive à la veille de l'entrée dans le royaume 
du. Messie. (Hébr. 3, 16, 19). Ce parallèle est d'une parfaite jiis- 
tesse. Ce sont deux événements historiques qui se super- 
posent. C'est la résurrection d'un fait historique (si je 
puis m'exprimer ainsi) qui revient sous une forme plus pure, 
plus sainte^ plus morale, et plus universelle. L'un avait trait à 
un peuple isolé, l'autre à l'ensemble de l'humanité. Le peuple 
du désert, dans la pensée de l'auteur, attendait un royaume 
terrestre qui s'élèvera jusqu'à Dieu; l'Église primitive attendait 
un royaume des cieux qui s'abaissera jusqu'à la terre. Comme 
le peuple du désert, les premiers chrétiens étaient dans la 
détresse et dans l'angoisse, mais avaient en mênië temps la 
conviction inébranlable, qu'ils ne faisaient que traverser une 
période de tribulations pour en arriver à une meilleure. 
Encore un peu, bien peu de temps, et Celui qui doit venir 
viendra certainement. Ce sont quarante années pour la con- 
templation des oeuvres de Dieu, une période, pendant laquelle 
on doit cultiver par l'espoir des choses qu'on ne voit pas 
encore, comme si elles étaient déjà, présentes; ce sont des 
années de préparation à la manifestation du Fils de Dieu sur 



- 61 - 

la terre. Peut-être est-ce pour cette raison que l'auteur de 
répître rapporte les mots Tso-c-apàxovTa hr^ au verset précédent 
et dit « ils ont vu mes œuvres pendant quarante ans >} au lieu 
de les rapporter aux verset suivant et de dire : pendant qua- 
rante ans je me suis irrité contre cette génération. » Il ne peut 
pas les rapporter au verset suivant, car l'espace de temps 
qui sépare la première et la seconde venue de Christ n'en- 
ferme pas exclusivement des années de colère, mais des 
années d'attente et d'espoir. 



CITATION 14 (Ep. aux Hébr. ////-) 

Comp. T. Mass. et Sept. Gen. 2,2 

La version des Septante paraît s'écarter dans la dernière 
moitié du verset du texte hébreu, L'hébreu a in^H^û « de tout 
son travail » au singulier; la Septante lit spycov au pluriel. C'est 
le mot ^DD qui généralement est un pluriel, « de tous », qui a 
induit les auteurs de la Septante à rendre le substantif suivant 
nD«^û par un pluriel. 

La citation -de Fépître diffère des Septante et du texte 
massorétique par l'insertion des mots 6 Oso; et xal qui n'existent 
ni dans l'hébreu ni dans la Septante, et en second lieu l'omis- 
sion de wv ÈTcoiriosv qui existe dans l'hébreu, dans la Septante 
et dans les anciennes versions importantes, telles que le Tar- 

goum et la Peshitto. 

Si nous nous demandons d'où viennent ces deux grandes 
divergences entre l'auteur de l'épître aux Hébreux et la Sep- 
tante ou le texte massorétique (car ces deux derniers se 
couvent parfaitement) deux hypothèses se présentent : 

a). L'auteur de i'épître fait lui-même sa version sur un texte 
hébreu, qui était le même que celui des Massorèthes. Mais 
comme les deux moitiés du Gen. 2,2 disent tout à fait la même 



— 62 — 

chose ; ^^''l et m:3ti'"'l expriment la même idée : cessation. 

,r]^V ity« m^x'^rj h^: ^v^:!^^ or 3 mjsty^ v. 2" 

il s'est fait une petite confusion dans la version ; il a transposé 
le D\n'?t<— Oso^ du 2" dans 2'', et il a omis n^V llî>x wv £7rou,(7£v 
qui se trouvent dans 2-* . Il se peut aussi que cette transpo- 
sition ait été faite intentionnellement, afin de donner plus de 
clarté au texte. Il procède de la même manière que les Tar- 
goumim; il fait une paraphrase qui est en même temps une 
sorte d'explication et d'exégèse, 

Cette hypothèse écarterait toute les difficultés, mais elle 
soulève plusieurs objections, i) L'auteur pense en grec en non 
en hébreu niityi n'a pas du tout pour lui le sens de cessation, 
comme '?2''i,mais de repos, il dit xaTi-ûaucrcv «i.ls'est reposé etc. » 

2) Nous n'avons jusqu'à présent aucune preuve qui nous per- 
mette d'affirmer que l'auteur traduit lui-même un texte. 

3) L'étude que nous avons faite sur la citation précédente. 
(Ps. 95, ep. aux Hébr. 3, 7-11) a démontré d'une façon indiscu- 
table que l'auteur se sert d une version grecque des Septante et 
non du exte hébreu du Ps. 95. Il nous est donc impossible 
d'imaginer que dans un seul et même développement, dans 
un fragment qui parait être écrit au courant de la plume, 
l'auteur se soit servi tantôt d'une Bible grecque et tantôt d'une 
Bible hébraïque. 4) La citation précédente (Ps. 95) a été faite 
d'après un texte grec. Il divise cette longue citation en plu- 
sieurs parties et en fait des applications diverses, Ch. 4, 3-6 
il spécule sur le mot xaTaTtaucnç du Ps. 95, 11. C'est ce dernier 
mot qui, par association d'idée, a appelé la citation de 
Gen. 2,2. Après le xaTàTiaua-^ du Ps. 95, 11, la citation de 
Gen. 2, ù y.y.\ xaTSTca-jo-sv s'est présentée à sa mémoire 
sans effort. Il n'en est pas ainsi si l'auteur se servait 

du texte hébreu. 11 n'y a aucune similitude phonétique 
entre le mot nhlJû « repos > du Ps. 95, 1 1 et m:3a'''1 « il se reposa » 
du Gen. 2,2. Outre l'absence totale d'une similitude phoné- 
tique, ces mots expriment pour un hébraïsant deux notions 
différentes, le premier dit repos, quiétude ; le second, cessa- 
tion, rupture avec les occupations précédentes. Certes, le 



- 6H - 

rapprochement est toujours possible, mais il est plus difficile 
et plus recherché que si l'auteur s'étoit servi du texte grec. 

b) La citation serait-elle faite d'après un receuil de prières ? 
Ps. 95 et Gen. 2, 1-3 se trouvent dans les recueils deprières 
du Samedi soir dans le même ordre que dans notre épître. Les 
Psaumes viennent en premier lieu, ensuite plusieurs bénédic- 
tions et après Gen. 2,1-3.11 se peut donc que les citations 13 
et i4 (Hébr. 3,7-11 et Hébr. 4, 4) soient faites non pas d'après 
le texte hébreu ou grec de la Bible, mais d'après le recueil 
de prières où elles avaient la même, forme que darrs4'Epître 
aux Hébreux. Ces prières pouvaient parfaitement être engrec 
comme l'on avait des prières enaraméen! Cette hypothèse, 
si nous pouvions la confirmer, écarterait toutes les difficultés, 
mais nous ne pouvons pas affirmer l'existence d'un recueil 
de prières dans les cercles Judeo-Alexandrins. En admettant 
l'usage d'un recueil, de prières hébreux ou grec par les Juifs 
d'Alexandrie, nous ne saurions dire ni ce qu'il contenait, ni 
si l'auteur a voulu en faire usage pour ses citations. Du grand 
nombre de citations de l'épître, trois citations seulement se 
trouvent dans le recueil de prières actuel, et il est. plus que 
probable que ce ne soit là qu'une coïncidence fortuite. 



— 64 - 



LA SUPÉRIORITÉ DU CHRIST 

SUR LES GRANDS-PRÊTRES, 



CITATION 15 {Ep. aux Hébr. 5,5; Ps. 2,7) 

w.ôi [j.o'j si o-û, etc. 

Pour les rapports de cette citation avec le texte massoré- 
tique et les Septante voir citation i, page 26, mais l'applica- 
tion que l'auteur en fait ici, est toute nouvelle. Là(Hébr. 1,5; 
il s'en est servi pour établir la filiation du Christ et du Père, 
l'état et la qualité du Fils. La paraphrase des mots « Dieu dit» 
par « à qui a-t-il jamais dit » lui a permis de conclure que le 
Christ est supérieure aux anges et qu'il est le premier-né. De 
sa première conclusion du Ps. 2,7, il en résulte, pour l'au- 
teur, une nouvelle, qui doit tendre à établir le sacerdoce du 
Christ. Le Christ est le Fils, le premier-né, mais comme dans 
l'ancien Israël le fils premier-né était investi d'ane sorte de 
pouvoir religieux ou sacerdotal, exerçait une sorte de prêtrise 
lians la famille et recevait du père les bénédictions ou les 
promesses (Hébr. 11, 17-18), le Christ est donc prêtre pour le 
fait même qu'il est le fils premier-né; il est supérieur aux 
autres prêtres par le fait qu'il est d'essence divine et éternelle. 
C'est le raisonnement implicite que l'auteur a dans la pensée 
losrqu'il fait ici usage du Ps. 2,7, car sans ce raisonnement 
nous ne voyons pas le rôle de la citation dans ce développe- 
ment; elle ne semble avoir, sans ce raisonnement, aucun lien, 
ni avec ce qui précède ni avec ce qui suit. Il est au contraire 
très convaincant, si nous entrons dans la pensée secrète 
de l'auteur. 

A la démonstration du sacerdoce suprême du Christ par 
le Ps. 2, 7, l'auteur ajoute la citation du Psaume i^o, 4, 
C'est la construction fondamentale d'après deux textes, une 
des lois exégétiques de Hillel. (voir p. 20) 



— 65 — 

CITATION 16 {Ep. aux Hébr. 5,6) 

o-ù Upeùç zlq xov atwva xara rr\v Ta^Lv MeXyidtrAy. 

{Comp. T. Mass. Ps. 110 A: Sept. Ps. 109,4) 

La citation s'accorde avec la version des Septante des ma- 
nuscrits Alex, et Turicence, qui omettent le verbe el. C'est le 
mot à mot du texte massoréthique. L'omission du verbe d pro- 
vient-elle de la dépendance de l'auteur vis-à-vis d'un manus- 
crit des Septante ou d'une traduction qu'il a faite lui-même sur 
le texte hébreu original? Nous ne saurions le dire, mais ce qui 
nous décide à supposer que l'auteur de lépître aux Hébreux 
se servait de l'une des versions des Septante, c'est la partie b 
de la citation : xa-cà t7,v Ta^^v MtXyj.(7&Béy,, 

Cette autre moitié du verset a quelque chose d'inattendu; 
elle semble être cherchée de loin. Nous ne trouvons qu'une 
seule fois la personnalité de Melchisedek, dans la Genèse. 
Là il est roi de Salem, que l'on croit être la ville de Jérusa- 
lem, et en même temps il est prêtre (Kohen) au Dieu su- 
prême. C'est l'unique mention qui soit faite de lui dans les 
livres saints. Nous ne connaissons ni son origine, «sans père, 
sans mère, sans généalogie », ni l'étendue de son royaume, 
ni le peuple, sur lequel il régnait. Nous ne savons pas à quel 
rang, à quelle catégorie de prêtres il appartenait, ni en quoi 
consistait son sacerdoce ou quel en était le cérémoniel; nous 
ne pouvons pas savoir, d'après le texte massoréthique, si en 
sa qualité de prêtre il était de son rôle à percevoir la dîme 
des autres ou de donner des dîmes aux autres. Tout ce que nous 
savons c'est que le pain et le vin jouaient un rôle dans son 
ministère, et que dans ses conceptions théologiques il y avait 
l'idée du rachat du monde, (des cieux et de la terre) par un 
Dieu très haut. Malgré le silence dans les écrits sacrés sur ce 
personnage énigmatique. il a dû circuler sur son compte des 
traditions qui se précisèrent, et trouvèrent des adhérents 
de plus en plus nombreux dans le monde palestinien^ 



- (1(5 — 

SI bien qu'à l'époque de l'ère chrétienne nous trouvons 
toute une secte de Melchisédéciens, établie officiel- 
lement à côté de la secte des Esséniens. Il va sans dire que 
les docteurs de cette secte lisaient le nom de Melchisédek 
aussi dans le Psaume iio. On n'a qu'à constater l'effort avec 
lequel les docteurs de toutes les sectes cherchaient à établir, 
à étayer sur l'écriture sainte leurs doctrines^ leurs rites et 
leurs dogmes. Dans ce désir de trouver leurs dogmes dans 
les Ecritures saintes ou de les voir confirmés par elles, on en 
est même arrivé à faire un usage abusif et arbitraire. On n'a 
qu'à jeter un coup d'œil sur le Zohar pour voir comment les 
cabbalistes trouvent la Schinah un peu partout dans la Bible 
et ceci dans les passages qui pour nous parlent de tout autre 
chose. Les docteurs de la secte Melchisedekienne lisaient 
évidemment le nom de Melchisédek dans notre Psaume et 
retrouvaient leur « grande force » encote ailleurs dans les 
livres saints. Mais devons-nous vraiment lire le nom de Mel- 
chisédek, dans le Psaume qui nous occupe? Sans doute, nous 
ne saurions faire autrement, si nous acceptons la version des 
Septante qui rend les mots Tilil hv par « à la manière de 7/. 
Mais cette version est ici, à notre avis, extrêmement contes- 
table. Les Septante, considèrent cette locution de la même 
valeur que les mil hy du livre d'Eccl. Dans ce dernier livre 
c'est un hellénisme, nian hv est l'équivalent de xaTà t7|V àywy/iv. 
Le livre. d'Eccl, possède beaucoup de locutions grecques et 
celle-ci s'ajoute à tant d'autres, sans que nous en soyons sur- 
pris. Mais l'influence de la langue grecque est nulle ou insigni- 
fiante sur les auteurs des Psaumes, et nous nous demandons, 
si ce n'était pas à tort que les Septante ont rapproché le TniT hV 
du Psaume iio de ces mil hv du livre de l'Ecclésiastique. 
Nous ne serions pas surpris, si dans le manuscrit, sur lequel 
les Septante ont fait leur version, le jod de '•miT manquait; ils 
ont lu mil hv et comme on ne faisait pas à cette époque l'hisr- 
torique du développement des langues, ils ne pouvaient pas 
faire autrement que de lui donner le sens qu'il a dans le livre 
de l'EccL, et ils ont mis pour plus de clarté xarà Tr,v Tàç-.v, 
« selon le rang » au lieu de xa-rà t/jV àyiov-z-v. 



- 67 - 

Le Tnil h^ du Psaume 110 serait-il l'équivalent de i:ji hv ou 
''-):i1 hv, et faudrait-il traduire « à cause de » ? Cette hypothèse 
a été déjà émise par Aben Ezra, et Hoffmann dans son 
commentaire sur l'épître aux Hébreux l'a reprise. Ce dernier 
soutient que la version de la Septante est inexacte, et qu'il 
aurait fallu traduire « Tu es prêtre éternellement à cause de 
moi, un Melchisedek » 

Nous avouons que ceci est très ingénieux mais à peine sou- 
tenable. Que fait Hoffmann du n dans le mot ""ni^n ? Évi- 
demment pour lui il est de trop et il faut le rejeter. Il faut 
également changer toute la vocalisation et les notes musi 
cales ; les mots piï *d'?û restent à la fin du verset tout seuls, 
sans se lier étroitement avec ce qui précède; tout le verset 
devient d'un style haché, cahoté, qui est beaucoup au-dessus 
du talent poétique de l'auteur de ce Psaume. La traduction 
de Hoffmann, si ingénieuse qu'elle soit, est encore en somme 
moins bonne que celle de la Septante. Aussi Aben Ezra n'a-t-il 
fait qu'indiquer cette hypothèse sans y insister. 

A notre avis le Tiiil hv n'est pas, comme la Septante l'a 
compris, un néologisme, mais au contraire un archaïsme. 
L'influence de la langue araméenne sur l'hébreu a été de tout 
temps extrêmement puissante, et cette influence se fait sentir 
sans exception dans tous les écrits de l'A. T. Le mot Tnil de 
Ps. iio ne serait a-utre chose qu'un mot hébreu, qui a subi 
l'influence chaldéenne, quant à sa forme. Au lieu d'écrire i:n 
«parole » simplement, on l'a transformé en Nm^T ou peut-être 
nii"i. Ceci n'est pas une pure hypothèse que nous émettons 
sur l'existence d'un mot, qui n'est que dans notre imagination ; 
il a dû réellement exister. Nous ne pouvons trouver dans les 
livres de l'A. T. ce substantif dans sa forme primitive et pure, 
vu la quantité relativement restreinte des écrits vraiment 
anciens, mais nous le retrouvons cependant avec sa décli- 
naison pronominale. La forme TTililû (Deut. 33,3) n'est 
autre chose que la déclinaison pronominale d'un substantif 
de forme Chaldéenne. Le ^mm du Psaume 1 10 ne doit-être 
autre chose qu'une autre forme de ce même substantif avec 



— 68 - 

une déclinaison pronominale. >m51 bv doit-être traduit « sur 
ma parole, » c'est une des formules de serment, et la traduc- 
tion de notre verset doit donc être, par conséquent, celle-ci: 
Jehovah a juré et ne se repentira pas, tu es prêtre éternelle- 
ment sur ma parole, (tu es) mon roi juste. 

La version que nous venons de proposer n'est pas abso- 
lument nouvelle et inédite. Bechaï a compris Ps. iio,4 comme 
nous. Les commentaires de Bechaï sont malheureusement 
perdus pour nous, sauf ces notes sur les cinq livres de Moïse 
et qui sont évidemment une traduction de l'original hébreu 
ou arabe, mais Aben Ezra dans son commentaire sur les 
Psaumes reproduit les paroles de Bechaï; elles se résument 
dans cette petite phrase « et Rabbi Bechaï dit: sur ma parole, 
ou crois-moi sur ma parole ». Mais étant donné que Aben 
Ezra mentionne cette interprétation de Bechaï simplement en 
passant, sans commentaires ni réfutation, nous ne pouvons 
pas savoir quelles ont été les raisons qui ont déterminé ce 
maître à donner au Ps. iio, 4 le sens que nous avons vu. 

La version que nous venons de proposer, rencontrera la 
faveur des exégètes futurs ou elle sera rejetée par eux ; mais 
quelque soit son sort, il n'en restera pas moins acquis que la 
version donnée par les Septante du Ps. iio, 4 est discutable, 
Cette version n'a pas été suivie ni acceptée par les traducteurs 
d'origine palestinienne. Le Targoum traduit Ps.iio, 4: «'?i i'» pip 
♦■•^î "l'^û «n^im xm^î pa \"i«t \frhvb \<y^h ''jonû nJNn iin*' «Dieu a juré 
et ne se repentira pas, que tu sera nommé maître (Rab) dans 
je monde à venir, à cause du mérite que tu as été un roi juste. » 
La Peshittô rend le ''m:n'?ï;, contraire à la Septante, par «mûi:i 
« selon l'image, la similitude ». 

..,,; L'auteur en reproduisant mot à mot la version des Septante, 
d:é préférence aux versions d'origine palestinienne, prouve 
qu'il la connait, et, que, seule cette version fait autorité pour 
lui. Remarquons que tout en reproduisant mot à mot la ver- 
sion des Septante, l'auteur semble avoir dans la pensée la 
version de la Peshittô. Ainsi, au ch. 7, 15 il dira xaTàxriV 6jj.o'.6- 
TT.Ta-xniûli, selon l'image, la similitude. 



- 69 — 

CITATION 17 (Èp. aux Hébr., ^y.. 
el [X71V euXoywv sùXoyrjO-w o-s xal 7rATi9ûvtov ttXyiOuvw (o-s). 
/Co/n/j. T. Mass. et Sept. Gen. 22,17) 

el fji/]v est la lecture la plus autorisée de notre texte. Nous la 
trouvons dans les plus anciens manuscrits de l'épître aux 
Hébreux ; elle est aussi la plus ancienne lecture des Septante 
du Gen. 22, 17. La lecture ^ [/-/iv qui se trouve dans d'autres 
manuscrits, ne serait, d'après Mr. Westcott qu'une particula- 
rité d'idiome. Les deux lectures des Septante, ou de l'épître, 
ne correspondent pas du tout au texte massoréthique. Ce der- 
nier texte porte le mot ''3 que les Septante auraient dû tra- 
duire par oxi. Avaient-ils un autre texte hébreu dans lequel 
on lisait n'^dk? Nous ne le pensons pas. Le style hébreu'du 
Genèse 22 perd une grande partie de sa beauté et de sa sim- 
plicité pour peu que l'on s'imagine le moindre changement 
dans le texte. A notre avis, la transformation de 6x1 en el {ji>,v 
provient de l'embarras dans lequel les auteursdes Septante se 
sont trouvés pour rendre le sens exact du texte hébreu. L'in- 
finitif absolu "j3"iiK "jii doit être traduit : « je te bénirai abon- 
damment, certainement. » Les Septante voulant le rendre mot 
à mot par eùXoytôv eùXoyyjo-w, se sont aperçus que cela ne dira 
rien aux lecteurs grecs. Un helléniste, sans connaissances 
hébraïques, n'aurait jamais pu voir dans cette version la force 
de l'affirmation que le texte original comporte. Aussi ont-ils 
essayé de combler cette lacune en remplaçantoTi par d p,v ou 
r, [XYiv, qui est l'équivalent de l'hébreu ah DKaffirmutif, ou parri 
p/iv qui, d'après M. Ménégoz^ serait l'équivalent de |û«-Amen. 

Quelle que soit la valeur réelle de la version donnée de 
notre texte par les Septante, il n'en reste pas moins pour 
nous comme un fait acquis que l'auteur de répître,en l'accep- 
tant telle qu'elle est sans montrer la moindre velléité de la 
corriger, prouve qu'il ignore le texte hébreu, ou du moins, 
ne s'en occupe pas. 



— 70 — 

Au lieu de Tzlrfiùvoiv Tzlrfi. o-s, les Septantes, d'accord avec le 
texte massoréthique lisent t6 o-Tràppia o-ou. Pour expliquer cette 
déformation volontaire et intentionnelle dutexte des Septante 
et des massorèthes, plusieurs raisons ont été proposées. Pour 
Bleek, de Wette, Lûnemann elle provient de ce que l'auteur 
s'occupe exclusivement d'Abraham et non de sa postérité. 
Pour Delizsch (i) elle résulte de ce que l'auteur voulait pré- 
senter la promesse sous la forme la plus courte et la plus 
succincte. Nous avouons que ces raisons ne nous semblent 
pas suffisantes pour expliquer la déformation que l'auteur 
fait subir au texte, Cette déformation devient encore moins 
explicable, si l'on se représente la conception que l'auteur 
se fait de l'inspiration de l'écriture sainte. Pour lui elle est 
toute entière parole de Dieu, personnalité vivante, et l'on ne 
peut s'imaginer que l'auteur arracherait des membres de 
phrases de cette parole vivante pour lui substituer des phrases 
de lui. La seule explication que nous pouvons donner serait 
celle-ci : La citation est faite avec la même méthode que la 
citation 8, p. p. 45, 46, c.a.d. avec la méthode d'abréviation 
employée couramment dans la Mishnah et dans le Talmud. 
Après avoir paraphrasé les mots: « J'ai juré par moi-même 
dit l'éternel » qui sont le commencement de Gen 22, 16, il né- 
glige le reste qu'il ne croit pas devoir citer textuellement, et 
cite immédiatement le verset i7: «Je te bénirai certainement 
et abondamment je multiplierai...» La suite du verset était 
indiquée par un signe sténographique équivalent de V'3l ouV'jl. 
Ce signe était o-.£,=!7Ùv hépc.q « avec les autres,» «et les autres », 
qu'un copiste grec, n'ayant pas compris ces signes particuliè- 
rement palestiniens, a lu o-s. La citation existait intégrale- 
ment pour l'auteur de l'épître et pour ces lecteurs d'origine 
juive, mais par une erreur de copiste bien excusable on est 
arrivé à faire dire à la citation de Gen. 22, i7 tout autrechose 
de ce qu'elle dit en réalité. 

Nous émettons cette hypothèse sont toutes réserves, non 
seulement parce qu'à notre connaissance, aucun exégète ne 



(i) Voir Delitsh, Ep. aux Hébr. 



-Ti- 
ra donnée avant nous, mais aussi parce nous ne pouvons pas 
remonter à un manuscrit vraiment ancien pour la confirmer. 
Cependant nous croyons pouvoir la maintenir, et ceci pour 
deux raisons qui nous semblent plausibles, i) L'auteur joint 
à sa tournure d'esprit hébraïque une connaissance très sé- 
rieuse de spéculations théologiques de la Mishnah et du 
Talmud 2) C'est la seule explication qui écarte la contradic- 
tion flagrante qui existe entre la conception que l'auteur a de 
l'inspiration de la Bible et la manière dont il s'en sert. 



CITATION 18 

p o-uvavTrj araç 'A[3paà[A u-oc-irpÉoovT!. c/.7zq r^; xott/J; tcov (Sao-'Aétov xal 
euXoy/jo-aç auTov, w xal osyÂrr^v 7.7:0 TràvTwv èiji£pi,(7£v '^(âpaàu.. 

(Ep. aux Hébr. 7,1-3. Gen Vi, 18-20) 

Nous ne trouvons pas ici en présence d'une citation régu- 
lière et directe, mais plutôt d'une paraphrase, d'une adapta- 
tion des passages ee Gen 14, 18-20 que l'auteur suppose con- 
nus de ses lecteurs. Elle est faite d'après les Septante, et non 
d'après le texte hébreu; car il reproduit le mot qui se trouve 
souvent dans les Septante. (Deut. 38,^5, Es. lo, ao), mais qui 
ne se trouve pas dans le N. T. en dehors de ce seul passage. 

Le texte de Gen. 13, i8-2onous donne une image un peu ^ 
vague, imprécise, et jusqu'à un certain degré énigmatique de 
la personne de Melchisedek C'est moins une description 
qu'une mention hâtive et obscure. La personnalité de Melchi- 
sedek y passe comme un éclair et laisse le lecteur dans la 
perplexité, dans les ténèbres. Ce récit si embarrassant pour 
les commentateurs ne l'est nullement pour l'auteur de l'épître. 
Ils s'y sent d'autant plus à l'aise qu'il n'y cherche pas des 
données historiques. L'auteur ne se demande pas sur quel 
peuple il régnait. 11 décompose le mot MEkyi<js.hkx et traduit: roi 
de justice ; il ne sent pas le besoin d'avoir des détails sur son 



72 - 



sacerdoce ; il lui suffit de constater que l'Ecriture ne donne 
pas sa généalogie pour conclure qu'il n'a pas de commence- 
ment de jours ni fin de vie. (Hébr. 7,3) On ne doit pas se de- 
mander non plus, si l'auteur s'est embarrassé de la question 
de savoir, sur quelle ville il régnait. Si le Salem était pour 
lui la ville de Jérusalem, comme pour les Targoumin, ou si 
c'était la ville de SaXsijjt. mentionnée dans Jean 3, 24 et que 
d'après Jérôme ( Ep. 87) les savants juifs (?) la considéraient 
comme ayant été la ville de Melchisedek. Pour lui Salem 
veut dire: paix; et, le roi de Justice qui n'a ni commencement 
de jours ni fin de vie, est roi de paix. 

Par la manière dont l'auteur comprend Gen. 14, 18-20 nous 
surprenons un renseignement très important; c'est que l'auteur 
savait l'hébreu. 11 décompose le nom de Ms^yj-o-soix, qu'il trou- 
vait dans les Septante, le considère comme formé de deux 
mots hébreux ']ht2 et pi'i, et traduit « roi de justice. » Il lit 
dans le texte grec Sa)^y][7.. et traduit, comme si il avait devant 
lui l'hébreu Q)h^ « paix». L'auteur confond évidemment ùh^ 
adj., « en paix » (littéralement, eniièr) avec ù)h^ subst, « paix. » 
Mais cette légère confusion ne nous surprend nullement. 
Elle devait se produire fatalement. Dans notre texte ch^ est 
le nom d'une ville et non un adj. se rapportant à ']hù. La 
langue courante en Palestine à l'époque de l'auteur n'était 
pas l'hébreu pur, mais l'araméen ou syriaque. Dans les salu- 
tations, on se servait de l'expression «û'^iy ou ùhiif (pion, sa- 
lem) (i). C'est une formule dont on faisait un usage constant. 
On s'en servait pour les salutations aussi bien que pour les 
vœux et les bénédictions. C'est le sens que ce mot avait dans 
le premier siècle qui a prévalu dans la pensée de l'auteur 
sur son sens strictement hébraïque et biblique. Ajoutons que 
l'auteur de l'épître n'est pas le seul qui ait confondu 
ahiif avec nh^. Nous trouvons la même erreur dans Pilon, 
Leg. AH, m 25, vol. I ; p. 103 oè [Bao-'Asùç 7,y£[jLwv etprjVYiç, 2a).7Î[j.. 



(r) Voir Buxdorf, Lex. chald. art. Hnhvif et bhif; Uhlmann, Gramm Syr. p. xvni, 



- 73 



CITATION 19 (Ep. aux Hébr. 7, 17; Ps. IW, 4) 

Ta est prêtre éternellement selon l'ordre de Melchisedec. 

Le texte de la citation est le même que celui de la citation 
i5, (Héb. 5,6),mais l'usage dogmatique que l'auteur en fait ici 
diffère de celui qu'il en a fait précédemment. Au ch. 5,6 il a 
mis tout l'accent sur les mots « tu es prêtre», ici il le met sur 
le mot « éternellement » et de ce seul mot il déduit la supé- 
riorité du Christ sur les prêtres aaronides. Ceux-ci tirent leur 
institution de l'une des lois de la chair, mais comme la chair 
est périssable, l'institution sacerdotale, l'est aussi. Christ, au 
contraire, est institué prêtre par la force d'une vie indes- 
tructible. 



CITATION 20 {Ep. aux Hébr. 1,21) 

lOjjLOffcV v,ii^in^.i xal où jj-STaji-cX-^ôriC-sTa!, o-ù tspsù^ sU "^ov auova. 

{Comp. T. Mass. Ps. 110,^ ; Sept. Ps. W9,li) 

h2i citation concorde avec le texte de la Septante qui tra- 
duit exactement le texte hébreu. Les différents manuscrits de 
l'épître aux hébreux ne s'accordent pas sur l'étendue de la 
citation. Le cod. «* arrête la citation après ]XBxci.]j.zkr^y[uzxct.\. « il 
ne se repentira pas ». L'édition de Nestlé qui représente l'au- 
torité des meilleurs textes, arrête la citation après tov alwva 
« éternellement », d'autres textes enfin, dont «% et la Peshittô 
donnent tout le verset 4 du Psaume 110, et incluent dans 
notre citation « selon l'ordre de Melchichedec ». Il est évi- 
dent que l'auteur de l'épître aux Hébreux pouvait parfaite- 
ment arrêter la citation après « et il ne se repentira pas ». Il 
a besoin d'apporter un appui à sa thèse, que le Christ a été 
institué prêtre par un serment; or, la première partie du ver- 
set 4 est suffisante pour cela. Cependant il est possible que 
l'auteur avait étendu la citation jusqu'à « éternellement » ce 
qui -donne plus de clarté et plus de force à l'argument. Y 
avait-il aussi dans la citation les mots « selon l'ordre de Mel- 



— 74 — 

chisedek ? » D'après Lueneman ces mots ont existé, et les 
copistes les ont omis involontairement. Il croit qu'ils se sont 
trompés de ligne et au lieu de mettre xaTà t7,v -îà^vv... ils ont 
par erreur, commencé la ligne par xarà -zo'joû-o. Cela est bien 
possible, mais cette hypothèse n'est nullement indispensable, 
puisque la citation serait tout à fait normale, même si l'au- 
teur de l'épître aux Hébreux ne reproduisait que les deux 
mots w[xoa-£v y.ùpioqa Dieu a juré. >- Il est aussi possible que l'au- 
teur de l'épître se soit servi de signes d'abréviation rabbini- 
ques. Il a pu s'arrêter à i).z'za^,tk'i]^-ri(jt'zy.i ou à tov alwva et indiquer 
le reste par un signe sténographique comme c'était l'usage à 
cette époque. Il a indiquée ce V'31 ou V'jii par x. t. tt. et les mots 
xaxà to(toOto que nous lisons au verset 23 et qui ne semblent pas 
être indispensable dans le texte, peuvent bien être là à la 
place de toute autre chose 

CITATION 21 {Ep. aux Hcbr. 8,5) 
opa TzoUjCTî'.ç TràvTa xaxà tov vj-ov tov otvf^vna. crot. ev tw opst. 

(Comp. T. Mass. et Sept. Ex. 25/i0) 

La version de la Septante et l'auteur de l'épître diffèrent 
ici du texte hébreu dans plusieurs points; ils lisent opa sans 
le xai,-i,et TTor/içE'.ç, le futur, tandis que le texte hébreu a l'impé- 
ratif ; la Septante lit « selon le modèle » au singulier, l'hé- 
breu au contraire a le pluriel « dans leur modèle». D'après la 
Septante, le texte original devait être ainsi conçu nB>ï^ nxT 
n''Jin3. Le Cod, Ambrosianus, possède le mot Tiàvra que 
nous avons dans le texte de l'épître aux Hébreux. La diffé- 
rence verbale entre ces textes et le texte massoréthique 
devient ainsi encore plus grande; il faudrait intercaler h:)n 
ou plutôt D^ID après nt^j;. Cependant malgré la différence 
verbale, le sens qui se dégage de ces deux derniers textes se 
rapproche davantage de l'hébreu que la version donnée par 
les Septante. Le mot Tcàvxa semble atténuer le singulier de 
cette dernière version. « Tu fefas toutes choses d'après le 



- 75 - 

modèle » se rapproche davantage du texte hébreu que « Tu 
feras d'après le modèle » de la version de la Septante. Cette 
amélioration ne nous permet cependant pas de conclure que 
l'auteur connaissait l'original hébreu. Ce dernier mot, comme 
nous l'avons dit, se trouve dansle Cod. Ambrosianus, et 
Philon cite aussi notre texte avec une insertion de -navra (i). 
Surtout ce qui nous induit à penser que l'auteur n'avait pas 
connu le texte massoréthique, c'est que le mot Tràv-ra ne cor- 
rige rien. S'il avait connu et voulu corriger les Septante 
d'après le texte massoréthique, il aurait mis le pluriel xaTà tov 

TUTtOV aUTCÔV. 



(l) Voir Deliizscli. l'p. aux Hébr. p. 336. 



— 76 — 

LA SUPÉRIORITÉ DE LA NOUVELLE ALLIANCE 

SUR L'ANCIENNE 

CITATION 22. (Ep. aux Hébr. 8,8-12) 

'ISoù Yiy.ipxt ïpyoMTV.t, liyît v.ûtoî, 

y.Cf.l (TuvTs/î'crw stt'i. tov oiy.ov [lapur^. y.cà ÈttÎ 

tÔv «ixov 'loûSa ùtxOriy.YiV y.uiVYiV, 

où y.v~y. T/,v S«a9y,zviv v^v hnovridy. ~oï; Tïc/.rpicxtv 

«•JTWV £V Yi^jApCf £7ri)>«|3of/.ï'vOU «OU TViÇ yjtph^ «ÙTWV 

èÇa-j'K'yîtv «ÙToùç Ix Y'^Ç Atyinzrov, 

on c/.vToi oùx svcpstvav ev t*^ StaOyjxv; fzov, 

xx-yw Yi^Dcfidv. «ÙTwv, ^i-j/st y.\jpioq, 

on kÛtv) -fl Staôy/Z// viv ^iuOYi(Toy.c/.i ~m oÎzw Iff^oxy/), 

p.î~à rà; Yi^épui ly.zhuq, léysi y.vpiog, 

5t5où; itô^oxi^ pioy stj --/jv Stâvotav avT&iv, 

ZKJ IttÎ y.KpiiÎKç «ùrwv iiztypy.-^o) «ÙToû;, 

X«t 's(TOl/.C(l «ÙTOt; S£J OïCiV. 

x«j «ÙToi s70VTui u.oi si: ).y.ô-j. 

X«t où p/i SlSâÇwfTtV £X«(TrOÇ TÔV TTO/îr/JV V.\JTO\> 

y.y.'i ïyMCtroq tÔv àSê)>çpôv aÙTOÛ, léycav' jvôiOt rbv yJjpiov 
on TrâvTSç d§Yiaopj.(TL-j y.s ành ^ly.pou ïwg ps'yâXo'J «ÙTwv. 
0T£ D.swj scro^.Kt. rv.iq vZiyiv.n; «ùtwv 
:<«t Twv (Zu«|OT«wv «Ùtwv où p// fAVr/TÔoJ s'~£. 

(Comp. r. Mass. Je/-. SI, 31-3^; Sept. Jer. 38, 31-34-) 

La citation est faite d'après un texte des Septante, et non 
d'après un texte hébreu, mais les divergences qui existent 
entre le texte de lepître, le texte des Septante, et celui des 
massorètes méritent une comparaison minutieuse et une 
attention toute spéciale. 

Pour Xéyst (ép. Hébr. 8, 8) l'auteur est d'accord avec le cod. 
Alex. Le cod. Vat. dit cpyio-t. Les Septante, comme l'auteur 
de l'épître. sont d'accord avec le texte massoréthique qui dit 
D1NJ, (le Pa-oul du verbe dxj). 

Pour cruvT£)io-w Sta9v)x-/iv (Hébr. 8,8),' les Septante lisent 
Bt.a^(TO]J.y.'. StaG/ix'/iv. On dirait que les Septante ont lus nni mi 



— 11- 

avec un beth pour nna TTù; car, généralement, les Septante se 
servent d'un participe et d'un verbe, ou d'un subst; et d'un 
verbe pour rendre l'infinitif absolu, (voir citât. 17. p.69)£ÙXoywv 
£ÙAoy7]<Tto ; TxX'/iÔùvwv uX'/iOuvio) Le verbe m:: voulait dire à l'ori- 
gine couper, fendre; de ce verbe on a formé le subs. ^'''la, une 
alliance qu'on fait après avoir coupé en tranches une victime. 
(Voir Gesenius, art. K"i:i et mi). Cependant dans le texte 
massoréthique nous avons partout et toujours n''"iû mD et non 
m::. 

Pour l'expression invariable du texte massoréthique et des 
Septante n''*ii iTù = St-axiGevat Sta97ix-/iv Jer. ch. 31, (Septante 
ch. 38) V. 30, V. 31 et V 32, l'épître donne trois expressions 
différentes, l) o-uvréXew Si-aB. 2) tûolsIv 8la9. 3) SiaTiôevat. S(,a 9. 
(Ep. aux Hébr. ch. 8, v. v. 8, 9, 10. Ces trois expressions 
diftérentes, pour une expression des Septante, ou de l'hébreu, 
paraissent être confectionnées par l'auteur lui-même. Il a des 
qualités de style remarquables, il a un vocabulaire de plus 
riches et il sait en disposer. « Rien que dans le ch. 3, 16-18, il 
arrive à changer les «expressions trois fois h}X 00^ obyl, d 
{JI-/1 » (i). Il nous est difficile, au contraire de nous imaginer 
que l'auteur ait déjà trouvé cette variété d'expression dans 
une version des Septante. Ceux-là s'occupent généralement 
beaucoup plus du mot à mot hébreu, que de la langue grecque 
dont ils se servent. 

Pour ETil Tov aixov les Septante ont tc5 o'ixcp, et qui correspond 
exactemet à l'hébreu nx. Il est évident que l'auteur n'a pas 
trouvé cet âul dans une version des Septante. Il aurait fallu 
qu'il y eût dans le texte hébreu h'if, or ce mot ne pouvait pas 
s'y trouver et s'il s'y était trouvé par erreur, un traducteur 
grec ayant une connaissance rudimentaire de la langue 
hébraïque n'aurait pas tardé à découvrir cette erreur. Ce 
changement du tw des Septante en e-rù tov est, à notre avis, 
fait avec intention par l'auteur de l'épître. La Nouvelle 
alliance, n'est pas comme l'ancienne, faite avec la maison 



(i) Ménégoz, cours inédit. 



- 78 - 

d'Israël, mais au-dessus èttI, elle surpasse la maison d'Esrael; 
de même que le christ est fidèle, non pas comme Moïse dans 
sa maison, mais au-dessus de sa maison eitl tov oIxov aùroû. 
(Hébr. ch. 3,5) 

èv '^[xépa eTTiapoXèvou [jlou est un mot à mot rigoureux 
du texte massoréthique, que l'auteur a puisé des Septante. Ce 
texte se trouve aussi cité dans Justin Martyr (2) mais là nous 
lisons £v Tipiépa £v Ti £7!:'Aa[3ôpiv. Que l'auteur cite la version des 
Septante, cela est tout indiqué; s'il avait fait sa version lui- 
même, il se serait probablement servi d'un meilleur grec. 

oùx èvép'.vav. Les textes de la Septante et de l'épître aux 
Hébreux ne correspond pas au texte massoréthique. Celui-ci 
dit qu'ils ont détruit ou anéanti nsn . Il nous est impossible 
d'expliquer cette divergence; nous n'avons pas pu trouver 
un mot hébreu qui corresponde exactement à ce £V£[j.£t,vav. 
. . . i IIûï; i6 /"lûp i6 sont les seules expressions qui se rappro- 
chent de cette phrase de la Septante, et encore la version de 
la Septante laisserait à désirer; car nous avons vu que les 
traducteurs grecs de Jer. 31, 31-34 s'efforcent de donner une 
version aussi littérale que possible; ils se seraient donc servis 
du verbe ïcjrr\iv.. 

xàyw. Cette contraction se trouve dans le Cod. Alex, les 
autres manuscrits ont ici deux mots xal èyio. Pour àij.£)v£'t;v le 
texte massoréthique ab)}^ « maîtriser ». Ce dernier mot est 
certainement à tort dans le texte massoréthique. Il n'a aucun 
sens malgré les tours de force exégétiques, que l'on a faits 
pour le maintenir. Deux hypothèses principales ont été 
faites. D'après l'une, la leçon originale était h^i et les 
massorèthes ont pris, a pour un ji. D'après l'autre hv^ 
et hti:: veulent dire la même chose par la raison que les 
lettres j^nriK se remplacent souvent les unes les autres. Ce 
serait alors un verbe tout a fait courant, et nous sommes 
étonnés de ne pas le rencontrer plus souvent sous cette 
forme ; nous ne le trouvons qu'une seule fois dans toute 



(2) Juitin Dial. c. Tryph. ch. ii. 



— vo- 
la Bible : ici (Jer. 3, 14 est d'un autre genre). A notre avis le 
verbe hv^ se trouve dans le texte par suite d'une erreur de 
lecture, non pas comme les autres supposent, parce qu'on 
a pris un ;i pour un :i, mais parce qu'on a pris un n pour un j;. 
Dans les anciens manuscrits hébreux le h se composait de 
deux zaïn et d'un point au-dessus de la ligne qu'on reliait à 
ces deux lettres en forme de circonflexe, comme ceci fj. La 
partie supérieure de ce cheth se trouvait effacée ; on a pu le 
prendre facilement pour un aïn. Que cette erreur se soit 
glissée dans le texte massoréthique d'une manière ou d une 
autre, cela est de peu d'importance, mais ce qui est intéres- 
sant, et ce qui est à constater, c'est que la lecture du texte ori- 
ginal parlés traducteurs delà Septante est ici supérieure à 
celle des Massorèthes. 

aij-T, Y, ÔLaQ. sans jj.ou. Le Cod, Vat, a ici |j.ou. Il est omis dans 
les Cod. Alex. Syn, et Mardi, C'est la lecture de ces derniers 
manuscrits que l'auteur del'Epître aux Hébreux accepte pour 
la citation. Elle est eonforme au texte massoréthique. y,v 
S{,aQ7]o-o{7.'.. Il accepte cet expression des Septante et des Mas- 
soreths après l'avoir rejetée 2 fois. La première fois il dit 
cruvTc/ia-w (v. 8), la seconde fois £7zoi■r^'7a (v. 10), maintenant il 
accepte oi.</J}-/{(jo^y.>.. Seul le cod. March, a comme l'épître 
èTroÎTio-a au verset ^^ - Hébr. v. 9. 

liyzi X. ne se trouve dans aucun manuscrit des Septante ; 
tous ont cpr^o-t. y,. Les deux mots manquent complètement dans 
le texte massoréthique. /. ' 

û'.ôoù; p.6p.ouç qui correspond à TinJ du texte massoréthique, 
se trouve dans les manuscrits Alex, et March. Le cod. Vat. 
et les autres insèrent otôo-w, comme s'ils avaient dans' leur 
texte hébreu la construction par l'infinitif absolu im |nJ. La 
version du texte hébreu est assez difficile ici. tidj est régu- 
lièrement un passé «j'ai donné. >, mais il a souvent le sens 
d'un futur dans le langage des prophètes. Les Septante le 
rendent parun présent ou un futur; (voir Sept. Mal. ch 3,1). 
Ici, dans notre texte ils ont rendu par un part présent. C'est 
le sens exact du mot. 



— 80 — 

v6[ji.ouç etc. «mes lois». Le texte massoréthique a « ma loi » 
au singulier. Les Septante et les massorèthes avaient ici le 
même texte, mais comme les anciens textes hébreux ne por- 
taient pas de voyelles, les Septante ont lu TiTiD « mes loi ». 
Pour St.avoi.av des Septante et de l'auteur de l'Epître, le texte 
massoréthique dit D5"ip5 « en eux, dans leur intérieur ». La 
version des Septante est ici admirablement réussie, car c'est 
bien cela ce que le Prophète voulait dire. èraypà'W est con- 
iorme aux Cod. March. Les autres manuscrits ont ypà(|;co. Les 
Septante comme l'auteur de l'Epître lisent è7rt.ypàcj;to auToûç 
pnD«, le pluriel ; le texte massoréthique n'a que le sing. 
nJinSK « je l'écrirai. » 

xal où iKr\ se trouve dans les manuscrits Alex. Sin, et March., 
le Vat. omet le dernier mot \j:}\. 7ïoHrr\y est du cod. Vat, le 
Cod Alex, donne ào£).cp6v, le cod. March. donne 7zl-fi<jlo\> . 
C'est cette dernière version qui se rapproche le plus de 
l'hébreu j^i. «Tiolirr^q pour j^n est beaucoup moins souvent usité 
dans les Septante que Tzl-riTiov ^ on le rencontre cependant 
dans les livres de Jérémie et dans Job » (Delitzcsh). 

Tov àoeXcpov est du cod. Vat. qui traduit exactement l'hébreu 
ITIW. Le cod. Alex, dit twXyio-îov. yvwGi. « connais », au sing., le 
texte massoréthique dit ij^l « connaissez » au pluriel. Il est, 
évident que les Septante n'ont lu que ï?i le i se trouvait effacé. 
La lecture la plus probable est celle des. massorètes. C'est le 
pluriel que le prophète a dans la pensé : « ils n'enseigneront 
plus » etc. £lû7]a-ouo-i,v se trouve dans tous les manuscrits des 
Septante, sauf Vat.^ qui lit ot.ûy]o'ouo-!,v. aTzb ^iy.po\j sans auTwv, 
est du cod. Alex., le Vat. lit ici aiiTtôv. Le cod. Vat. est plus 
près de l'hébreu qui dit Ditapû'? « depuis leur plus petit » que 
le cod. Alex, et l'auteur de lépître. V. ii fin (texte Mass. 
V. 14"'^ nw D1«3 « dit l'Eternel », qui se trouve dans le texte 
massoréthique, est omis par tous les manuscrits des Septante 
à l'exception du cod March. qui porte dans sa note marginale 

cp/jO-i. xç. 

V. 12. 'Ovswç scro^Kai « je serai indulgent, favorable », se 
trouve dans tous les manuscrits des Septante, contrairement 
au texte massoréthique qui dit n^DX « je pardonnerai ». Les 



- 81 - 

Septante ont lu dans leur texte hébreu ûmK pour nhoa. Nous 
n'avons pas besoin de supposer ici, pour les Septante un autre 
texte hébreu que celui des massorèthes. On pouvait lire facile- 
ment Dm« pour nhûiH si le parchemin était ancien et avait été 
souvent roulé et déroulé ; il arrive alors que des parties des 
lettres ou quelque fois des lettres tout entières sautent, dis- 
paraissent, sans laisser de traces, àiy-apr-wv Nous avons une 
variante dans certains manuscrits de l'épître qui lisentàvojjAwv 
contraire à tous les manuscrits des Septante qui donnent le 
premier de ces deux mots. 



CITATION 23 {Ep. aux Hébr. 9,20) 

(Comp. T. Mass. et Sept. Ex. 2â,S) 

La citation diffère des Septante et du texte massoréthique. 
Pour -ro'jTo nous avons dans les Septante loob et dans le texte 
massoréthique nin. Au lieu de htxelly.-zo nous avons dans les 
Septante et le texte massoréthique ouUxo ma. Nous avons 
vu plus haut (cit. 22 p ^94'.) que l'auteur de l'épître a donné 
trois expressions différentes pour la seule expression des 
Septante et des Massorèthes, o'.a-rtOcva'. o'.aGrixr|V=n''*i3 ril3/ ici 
nous avons encore une autre expression à ajouter aux précé- 
dentes., evsTsXÀs'.v ô'.aO. 11 change aussi 6 x'jpt.oç des Sep- 
tante en 6 Qcôç. La citation est évidemment faite de mémoire. 
On s'en rend facilement compte, lorsqu'on compare 
Ex. 24, 6-8 avec Hébr. 9, 18-21, où des différences de détail 
sautent aux yeux. Ex. 24, 6-8 ne mentionne pas l'offrande 
de boucs, ni l'addition de l'eau au sang, ni la laine rouge et 
l'hysçpe, ni l'aspersion du livre de Talliance. Nous ne nous 
trouvons pas ici en présence d'une citation proprement 
dite, mais en présence d'une adaptation, d'une paraphase, 
faite à la manière des Targoumim, qui est en même temps 
une sorte de commentaire, de là aussi les détails additionnels. 



- 82 - 

CITATION 24 {Ep. aux Hébr, 10, 5-15) 

Q-jrrl.v.'j Y.vX nporrmpy.'j oiiy. ■}fizkf,ny.z, awj.v. Oi y.v.zr.rjxlno) u/ji.' o).ozc<u~wp.!ZT« y.v.L 
Tvtpl y.^.c/.priy.g oùx v',ùSo-/v;r(Zç. rorî îi— ov" i()o-j -/îxw, iv Y.tyylJ.ùi. pi.p)lo\> '/i^/rjyKXv.i ~zpi. 
è'j.oy, ToO 7T0i.r,Ty.t. o Oîh: zo ()i):r,ij.y. ao'j. 

(Comp. T. Mass. Ps. W,7-9', Sept. Ps. 39, 7-9) 

La citation commence par un accord parfait avec le texte 
massoréthique et les Septante, mais elle finit dans la plus 
grande divergence. Au lieu de a-ô3[7.a oh y.a-r,pT(<rw « Tu m'as 
formé un corps » ]e texte massoréthique dit: nn^ D''JïN. « Tu 
m'as creusé (ouvert) des oreilles ». La différence entre ces 
deux textes c.-a.-d., entre la Septante et le texte massoré- 
thique paraît tellement grande que beaucoup d'exégètes n'ont 
pu trouver d'autre solution que celle d'inventer pour les 
Septante un autre t^xte hébreu que celui des massorèthes. 
C'est une hypothèse qui écarte toute la difficulté. Elle est 
possible puisque nous avons déjà constaté dans le cours de 
notre étude que les Septante, en faisant leur version, avaient 
sous la main un texte qui différait notablement de celui des 
massorèthes. Mai^pourla citation qui nous occupe nous ne 

« 

sommes pas obligé de recourir à l'hypothèse de l'existence 
d'un autre texte. 

On peut expliquer cette divergence de deux manières: Par 
une erreur commise par un copiste grec. Les anciens manus- 
crits grecs n'avaient pas d'espace entre les mots, les lettres 
se suivaient d'un bout de la ligne à l'autre. Aussi a-t-on pris 
le ^ du mot précédent rfizlr^<jaq et on l'a ajouté au mot sui- 
vant oiv.c/.,, ainsi o-coTî-a et on a lu enfin o-â)|j.a. Cette erreur 
pouvait se glisser d'autant plus facilement que l'on se servait 
des majuscules. L'erreur pouvait se produire également si 
l'on s'est servi des minuscules : c'est l'explication de 
MM. Lûnn., Bleck et Ménégoz. 

A côté de ces grandes autorités exégétiques, nous émettons, 
sous toute réserve, une autre explication qui nous parait 
assez vraisemblable. Le texte massoréthique tel qu'il est 
devant nous n'offre aucun sens. « Tu m'as creusé les oreilles, 



- sa - 

ne nous dit rien ànous, et ne pouvait pas dire grand chose 
aux lecteurs palestiniens; tout au plus auraient-ils compris 
par ce métaphore : tu m'as fait esclave, en rapprochant ce 
mD creuser, de yïn perforer, d'Exode 20.6; mais ceci n'offre 
aucun sens ici, cela trouble l'ordre d'idées du Psalmiste. Le 
texte original hébreu portait donc ici un autre verbe, et ce 
verbe ne pouvait être autre que n':':i. Ainsi, le texte primitif, 
avait i'? n'''?J û"'Jïî< «Tu m'as révélé les oreilles, w C'est une locu- 
tion familière aux grands prophètes et au livre de Job; le 
sens en est « Tu m'a inspiré, tu m'a donné la révélation. 
Dans les copies du texte primitif, les massorèthes ont bien lu 
D''Jm « oreilles », mais au lieu de n''h> «tu m'as révélé» ils ont lu 
JT^niJ «tu as -creusé». Les Septante ont bien lu n'''?J, mais le « du 
mot D'iJiN se trouvait complètement effacé, ils ont confondu 
le reste avec iTlJi « corps ». Mais comme « Tu m'as révélé un 
corps » n'offrait pas de sens, ils ont cru entrer dans l'idée 
du Psalmiste en traduisant: tu m'as préparé, arrangé, formé 
uacorps. 

Que le texte original hébreu comportait de défectuosités 
cela est tout à fait visible par le mot m^t^ ; ce substantif n'a 
pas d'autre sens que celui de «péché». C'est un mot qui n'a pas 
de raison d'être dans notre texte, et le mot exact saute aux 
yeux par sa simplicité. Ce n'est pas nsïûn, «péché ». qui doit 
s'y trouver, mais nsûn « le sacrifice pour le péché »; on a sim- 
plement lu un n pour un n. Les Septante sont ici supérieurs 
aux massorèthes, ils ont luDNtan et donnent Trspl àij.ap-r[a^. C'est la . 
formule qu'ils emploient couramment avec ou sans l'article 
rr\q pour le mot r\m\i (voir version de la Septante sur Levi- 
tique ch. 4-1 3; ch.6,7). 

Le pluriel 6).oxa'jTWjj.aTa du texte de la citation se trouve 
dans le cod. Alex., le Psalt. Graeco-Lat. Veronense et le Psalt. 
Turiciense, tandis que le texte massoréthique et le cod. Vat. 
ont le singulier. Ils lisaient donc dans leur texte niNtsm r\hy\ 
Cette lecture est la moins probable. Nous ne voyons pas 
pourquoi le Psalmiste, ayant commencé avec le singulier, 
intercalerait, tout à coup sans motif plausible, un mot au 
pluriel dans le texte. 



— 84 - 

Nous nous voyons obligé de tirer deux conclusions ici : 
(i) L'auteur de l'épîtren'a pas connaissance, ou du moins ne 
se préoccupe pas, du texte hébreu, il a accepté le moto-wf/a qui 
est certainement une erreur provenant soit d'un copiste grec 
qui a ma] lu son lexte, soit des trad acteurs, qui ne sont pas 
parvenus à déchiffrer le texte original hébreu. 2)11 suit mot à 
mot un texte grec. L'auteur de l'épître aux hébreux est un 
écrivain de grand talent, par son langage et son style il est 
supérieur aux autres hagiographes du Nouveau Testament. Il 
n'est donc pas admissible que citant de mémoire il commette 
la faute peu ordinaire de placer deux substantifs l'un après 
l'autre sans les faire accorder dans le nombre, et de dire, «Ho- 
locaustes » au pluriel et « sacrifice expiatoire » au singulier. 
C'est donc un texte grec qu'il suit avec la même fidélité, 
avec la même piété que les massorèthes et les rabbins ont 
suivi leur texte hébreu. La lecture la plus probable est celle 
du texte massoréthique en corrigeant nnD en n'''?;i et riNton en 
riNïûh d'après le cod.Vat. 

YiùooxYicraç ne se trouve dans aucun manuscrit des Septante 
existants. Le Vat.lit '^r^o-aç il est d'accord avec le texte masso- 
réthique ; les manuscrits x, Alex., Ps. Grecco-Lat. Veron. et 
Ps. Tur. lisent k^riTricraç ntyin. Mais comme nous ne pouvons pas 
admettre que l'auteur cite de mémoire, il faut supposer que 
d'après cette version, le texte original hébreu portait n^^npour 
rbm. 

h y,z'faXioi f). c'est le mot à mot hébreu nfiD n':'Jiûi. xccpa}.^ 
signifiait tête, chapiteau, partie supérieure du bois qui 
portait le parchemin, ensuite le manche de bois sur 
lequel on enroulait le parchemin et à la fin le rouleau 
même. C'est le mot que les Septante donnent souvent pour 
le mot n^Jû(voir Ez. ch. 2, 9; ch. 3, 1-3; Esdras ch. 6.2.) Sous 
l'influence des idées et de la langue grecque en Palestine ce 
mot est passé dans l'usage courant et au lieu de se servir du 
mot biblique n'p^iû on se servait couramment du mot grec 
hébraïcisé bùp « parchemin », rouleau de parchemin (i) Le 



(i) Voir Buxdorf, Lex. Hébr. Chald. art. hùp. 



— 85 — 

mot xscsaXt; était donc pour les traducteurs grecs le plus 
naturel et l'auteur de i'é pitre aux Hébreux comme les Sep- 
tante auraient pu-,s^4i^î-s£x:v^i-r de préférence à toute autre. 

Toû 7:o'/?ia-a'. etc. Cette phrase s'accorde avec des manuscrits 
des Septante qui déplacent les mots 6 ôsoç, (en supprimant le 
[xou qui correspond au i pronominal du ni'^x) et les mettent 
tout de suite après le verbe « de faire, » au lieu de les mettre 
après le régime « ta volonté ». Ce bouleversement dans " 
l'ordre des mots n'est pas de grande conséquence, car au fond 
l'idée sera toujours la même si l'on dit : « de faire ta volonté, 
ô Dieu » ou si l'on dit « de faire, ô Dieu, ta volonté, » mais ce 
qui change profondément le sens de la citation, c'est que 
l'auteur de l'épître aux Hébreux supprime complètement le 
dernier mot è^jouk-ri^iy <' j'ai désiré» de sorte que l'on com-_ 
prend dans la citation : Je viens (il est écrit de moi dans le 
livre) afin « de faire, ou d'accomplir, ô Dieu, ta volonté », con- ( 
trairement au sens réel du Psaume 40,7-9, tel que nous le 
voyons dans le texte massoréthique ou dans les Septante. 
Ici la phrase « il est écrit de moi etc, » se rapporte à ce qui 
précède «je viens» et non à ce qui suit. Cette manière de 
retrancher la fin d'un verset afin de lui faire dire tout autre 
chose que ce qu'il dit en réalité, surprend, et pour cause, tout: 
exégète et tout lecteur sérieux. On est docteur de la loi, on 
est apôtre, lorsqu'on s'est donné corps et âme à l'étude et à 
la prédication de la parole de Dieu. Mais le fait de creuser, 
de sonder, les centres mystéri eux de la volonté divin e, le fait de 
s'être enfoui dans les profondeurs de textes sacrés, ne vous 
confère pas le droit de dénaturer, de mutiler ces textes et de 
leur faire dire le contraire de ce qu'ils disent. Ce maniement 
des textes, qui à notre époque serait considéré comme une 
anomalie qualifiée, ne constitue pas une particularité de l'au- 
teur de l'épître aux Hébreux seulement, mais nous le cons- 
tatons aussi presque chez tous ses contemporains. Dans le 
Talmud, ces cas de spéculations sur une partie du texte de 
laquelle on tire des conclusions, contraires à son contenu con- 
sidère dans son ensemble, abondent. D'où vient cette ano- 
malie spirituelle qui semble avoir perdu toute relation et tout 



- 86 - 

rapport avec les méthodes exégétiques actuelles? Pour l'ex- 
pliquer il faut entrer dans l'état d'esprit de cette époque loin- 
taine. Dans Tancien Israël toute question grave était tranché 

t 

parle grand prêtre. C'est lui qui expliquait et commentait 
l'oracle d'Ourim Vetoumim. A l'époque du second Temple 
le sanctuaire et la hiérarchie lévitique avaient à peu près perdu 
leur prestige. Les docteurs de la loi jouissaient d'une influence 
colossale auprès du public. Les écoles ràbbinique rivalisaient 
avec le temple. On disait même « qu'un bâtard instruit dans la 
science ràbbinique est supérieur à un grand prêtre ignorant ». 
Peu à peu les rabbins arrivèrent à supplanter le grand-prêtre, 
et lés textes sacrés l'ourim vetoumim. Dans les moments cri- 
tiques de l'histoire du second Temple, p.ouj savoir l'avenir, 
on ne s'adressait plus à l'ourim vetoumim mais à un texte 
sacré (i). Seul, le fait d'avoir transformé l'Écriture Sainte en 
une sorte d'oracle, présentait déjà de grands dangers de mé- 
sinterprétation; mais si l'on ajoute à cette vue de l'Ecriture 
l'état des textes dont on se servait, c, à. d. un manuscrit dans 
lequel les lettres se suivaient, sans espaces entre les mots, 
sans voyelles, sans virgules et sans signes pour marquer la 
fin des versets, on conçoit aisément qu'un docteur de la loi 
pouvait faire un usage peu légitimé d'un texte, tout en étant 
de bonne foi, et croyant servir la bonne cause. 



CITATION 25 {Ep. aux Hébv. 10, 16-17) 

AÛV/; Y, 3t«Gy/Zr; Y,'J ^wMi(JO^.V.l TTjOÔç «LITOÙç ^.STÙ. TV.q Y,^.ip'KÇ By.îL-JC/.Ç, IviU vJjOtO^' 

SiSoyç voaouç |l/.0'j ItvI y.v.pZiv.ç «ùtwv y.v.'i Ini Ty,v 5«âvot«v «vtwv è—t.ypy.-li(,i c/.vtov:, v.v.i 
Twv vM.c/.rjXiw «Ot&jv y.v.i twv à-JOi^Mt-j «ùrwv o\} u.yi ^.vYi'jOYitToao'.i sri. 

(Comp. T. Mass. Jer. Si, 32-34; Sept. Jer. 38, 33-34) 

Les différences entre cette citation et celle du chap. 9. 6-12 
sont énormes. Outre que l'auteur omet la plus grande partie 
des verets du contexte, il apporte des changements dans les 



(i) Yplbû ''? plDS « verse moi ton verset ». Gittin f. 56, i et ailleurs souvent. 



- 87 — 

mots du texte même. Il commence par aur/-, en omettant ov. 
« car » qui fait partie dïi verset. A rw oIym 'Icrcar,À « avec la 
maison d'Israël, » il substitue r.pb; y.ùxobç « avec eux «. Il met 
le mot xapota, « cœur » et o'.àvo'.a < entendement » pour o'.àvot-a 
«entendement» et xapoia, « cœur*:»; il insère la phrase xal vwv àvo- 
[7.(.wv ab-zCoy « et de leurs iniquités » qui ne se trouve pas dans la 
citation 20, et enfin il remplace la conj. aor. pY.crGco par le 
futur ij.vr,<78-/](70(ji.a'.. Cette manière de bouleverser le texte de la 
citation ne doit nullement nous surprendre, car en réalité 
nous ne nous trouvons pas ici en présence d'une vraie citation 
c.-à.-d., d'un fragment biblique que l'auteur emploie pour 
appuyer ou illustrer une thèse quelconque, il a fait cela au 
chap. 9,8-12. Ici, il fait seulement appel a cette citation du 
chap. g. 8-15, qu'il reproduit d'une manière sommaire et de 
laquelle il ne veut tirer aucune nouvelle conclusion. 
• Cette paraphrase de la citation 20 n'est amené ici que pour 
terminer le long développement sur la supériorité de la Nou- 
velle Alliance sur l'Ancienne, qui inclut en elle Tidée de la 
supériorité du sacerdoce de Jésus sur les prêtres lévitiques. 
L'auteur est un homme d'un grand talent démonstratif et 
pédagogique. Tout en se servant d'un langage bibique, il 
termine cette longue démonstration de la supériorité de la 
nouvelle Alliance sur l'Ancienne par l'idée capitale de sa 
thèse, à savoir que le pardon de péché n'aura plus pour con- 
dition première et indispensable les sacrifices perpétuels, 
mais par le sacrifice du Christ consommé une fois pour 
toutes, qui apporte une nouvelle loi, une loi intérieure, écrite 
dans le cœur et dans l'intelligence. 



- 88 - 

PARTIE MORALE 

CITATION 26 (Ëp. aux Hébr. 10,30) 

£]j.ol sy.oLxY,c-!,ç, eyco àvTaTroôwTto. 
(Comp. T. Mass. et Sept. Deiit. 33,35) 

Cette citation ne s'accorde ni avec la Septante ni avec le 
texte massoréthique. Dans ce dernier il faut considérer ûpJ 
ûhtif) comme deux verbes et il faut traduire, « c'est à moi de 
venger et de rétribuer », à moins qu'on ne les considère à la 
rigueur comme deux substantifs et qu'on traduise « à moi est 
la vengeance et la rétribution. L'auteur de l'épître donne pour 
le premier mot DpJ un substantif « la vengeance » pour le se- 
cond d'?éî> un verbe, avecune insertion Èyto, « je récompenserai.» 

Devons-nous considérer la citation comme une paraphrase 
c.-à.-d., une sorte d'adaption surle texte hébreu? En effet on fit 
des paraphrases à l'époque de l'auteur de l'épître, le Targoum 
Onkelos donne une paraphrase qui se rapproche beaucoup 
du texte de notre citation: ùb^H njxi «njyiifl ""Dlp a devant moi 
est le châtiment et je rétribuerei ». Le Targoum Jonathan 
donne la même paraphrase que celle d'Onkelos. Tous les 
deux insèrent le mot « je » qui se trouve dans notre citation 
et qui manque dans Thébreu. La paraphrase du Targoum de 
Jérusalem est encore plus surprenante. Elle correspond mot 
pour mot à notre citation sauf qu'elle a de plus « et ». Le 
Targoum de Jérusalem dit d'pîî'K «3«"i Knjynfi) nn « car c'est à 
moi la vengeance etje rétribuerai.» Sinous pouvions admettre 
que l'auteur emploie ici le procédé du Targoumim, la discus- 
sion sur la source de la citation serait tranchée, mais des tai- 
sons très sérieuses nous conduisent à nier que l'auteur de 
notre épître ait employé le procédé du Targoumim. L'auteur 
de l'épitre aux Hébreux ne se préoccupe pas du texte hébreu, 
il le néglige à tel point que nous nous demandons sérieuse- 
ment s'il a jamais eu le texte hébreu devant lui au moment 
de faire ses citations. Il va de soi que pour faire la para- 



— 89 — 

phrase d'un texte il faut au moins l'avoir lu. La coïncidence 
littérale delà citation de notre épître avec celle des Rom 12, 
19, n'est certainement pas fortuite II est à peine concevable 
que l'auteur de notre épître en faisant une adaptation d'un 
texte hébreu dont il est assez difficile de faire la version, se 
soit servi exactement des mêmes termes que Saint-Paul. La 
citation dans Rom 12,19 n'est certainement pas une adapta- 
tion faite sur le texte massorétique, car nous y lisons encore 
lèyti xupi,oç « dit le Seigneur > qui ne se trouve pas dans Deut- 
32,35. Ce Aiys!. xupioç estlaformule avec laquelle les prophètes 
terminent, et pour ainsi dire signent lesgrandesprophéties.Ils 
'^scellaient ainsi leurs prédictions sur le sort des nations avec 
le sceau divin. Saint-Paul, en apôtre qu'il était, n'aurait ja- 
mais eu la hardiesse d'ajouter cette formule, d'apposer cette 
signature à une prédiction, car c'est de cela qu'il s'agit dans 
Deut ^2, qui ne la portait pas; c'est donc un texte, inconnu 
de nous, et dans lequel cette formule existait déjà, que Saint- 
Paul cite intégralement. Ajoutons encore que plusieurs manus- 
crits de l'épître aux Hébreux portent aussi dans notre citation 
les mots XÉys'. xûp'.o; et bien qu'ils manquent (ians « et D, 
Delitzsch revendiqueleurplacedansleseditions.il croit qu'on 
les a omis de très bonne heure comme étant de trop, après la 
formule d'introduction de la citation TÔv elTtovrx « celui qui a 
dit». Cette coïncidence encore plus grande entreles deuxtextes 
nous amène nécessairement à la conclusion que l'un et l'autre 
ont tiré leur citation d'une source commune que nous ne 
possédons plus. 

CITATION 27 (Ep. aux Hébr. 10,-30) 

xpiveï 6 v.6p^.o^ TOV Xaov a.ù'zou. 
{Comp. T. Mass. et Sept. Deut. 32,36) 

La citation s'accorde avec la Septante et le texte massoré- 
thique, sauf qu'elle omet le mot ov. par lequel la Septante 
rend le mot ""a du texte massoréthique. La citation peut pro- 
venir de Deut 32, 36 ou du Ps. 135, 14. Dans ce dernier livre, 



— 90 — 

le texte massorétliique, le cod.Alex., le Ps.G.-Lat Ver. et Ps. 
Turicense donnent la même phrase que daps Deut. Seue le« 
donne olx-rsips'. « Dieu aura compassion, etc. » Le texte hébreu 
supporte également bien les deux versions. 

La citation considérée dans son contexte est admirablement 
approprié pour l'usage que l'auteur en fait. Il veut prévenir et 
conjurer les défections et les apostasies qui se produisent au 
sein de son Eglise, il veut aussi raffermir, édifier et consoler 
ceux dont la foi est indécise et chancelante; or, il ne pouvait 
trouver dans toutes les exortations des prophètes des paroles 
qui fussent aussi saisissantes, aussi captivantes que celles de 
Deut 32. Ce chapitre est le canevas et le modèle inimitable 
de toutes les exhortations prophétiques; il était toujours 
considéré comme étant de Moïse, et adressé par lui, dans -les 
derniers moments de sa carrière, à la veille de sa mort, au 
peuple d'Israël; cet Israël dont il a souvent vu les chutes et 
enduré les rébellions. Aussi l'auteur de 1 épître ne pouvait 
mieux faire que de reproduire l'ancienne exhortation si pathé- 
tique, dans une circonstance nouvelle et tout à fait analogue- 

CITATION 28 {Ep. aux Ilébr. 10,37-38. Es. 26,20? Hab. 3,3-7?) 

l-z'. yàp [jL!.xpôv 0C70V oiov., 6 t^yô^-iyoç r^\^l xal où '/ooviitv 
6 ôà o'ixawç [JLO'J £X TcLo-ïôcoç HvîcreTa!., xal eàv UTcoo-TcOaiTai,, oùx 
t\)O0Y,t\ r, 'iu'/'/ u-O'j £v auTW. 

£T'. vàp p.'/x.pov oVjv ôctov, ne se trouve nulle part, à moins que 
ce ne soit une réminiscence- d'Es. 26, 29 d'après les Septante. 
A partir de 6 sp'^ô^asvoç le langage est celai de Habakuk 
ch. 2,3-4, mais avec un bouleversement dans l'ordre des 
phrases. Dans Hab. 2, 3-4 nous lisons xal èàv u-oa":£Oa,Ta'. 
avant 6 os oixa-ro; etc. Nous ne croyons pas devoir com- 
-parer cette citation avec le texte des Septante et de l'hébreu; 
car nous ne pensons pas que l'auteur fasse ici une citation 
directe. Pour Habakuk le IpyoïjLsvo; « celui qui doit venir », 
n'est pas le Messie, mais la vision qu'il attend, ou l'armée ba- 
bylonienne et le •jTîOfT'îsÀÀofj.sr^oç « celui qui se retire » n'est 



- 91 — 

pas le croyant, mais encore la vision, ou l'armée Babylo- 
nienne. Les paroles d'Habakuk sont devenues, selon toute 
probabilité, une formule en quelque sorte stéréotypée des 
espérances messianiques. C'est par elle qu'on a exprimé une, 
et non la moindre, des « Promesse » messianiques qui cir- 
culaient dès avant le premier siècle de notre ère. Elle se divi- 
sait en trois sentences : 

i) Le Messie doit venir dans très peu de temps. Les consé- 
quences de sa venue, de la parousie du Messie, seront : 

2) Le juste, vi\^ra par la foi. Il sera membre de la commu- 
nauté messianique, dont le chef est le prince de la vie. 

3) L'injuste, le î^ti^l, celui qui se soustrait à la croyance qui 
est celle de l'auteur de l'épître et aussi d"ô tout homme juste 
et craignant Dieu, (voir Luc, 2,25-26), le messie ne prend point 
de plaisir en lui. Par où Fauteur de l'épître entend, les béné- 
dictions divines ne reposeront pas sur lui. Dans son style 
imagé il compare ce dernier à une terre- fertile qui se trouve 
privée de culture, de soleil et de pluie, et qui au lieu de pro- 
duire des fruits, ne donne que des épines et des chardons, 
bons a être brûlés; elle ne peut pas tarder à être abandonnée 
et redevenir un désert (voir Hébr. 6,4,8.) Cette promesse 
messianiqu'e, revêtue des paroles de Habakuk exprime 
tout à fait la même idée que le fragment apocalytique 
Math, 25,32-33, la parabole de l'ivraie, (Math. 13,24-30). A 
celle du figuier stérile, (Luc. 13, 6-9) elle se retrouve sous des 
formes différentes dans les livres rabbiniques, tels que 
Akedah, Ikrim, le Talmud de Babylone, traité Souccah, 
f. 48". Il n'y aurait rien d'étonnant à ce qu'on ait exprimé 
cette croyance, qui est une des synthèses de plus substantielles 
de l'ensemble des prédictions prophétiques, dans des termes 
se rapprochant de plus en plus du langage biblique, et, qu'à 
la fin, on ait utilisé textuellement les paroles de Hab. 
2, 3-4. Il est aujourd'hui universellement admis que les 
13 articles de foi que nous trouvons dans les liturgies syna- 
gogales sont de Maïmonide et non des hommes de la Grande 
Synagogue; on est néanmoins frappé de voir que l'article 12, 
traitant delà croyance à la venue du Messie, insère aussi les 



— 92 - 

paroles du Prophète Habakuk. « Je crois » y est-il dit, «avec 

une fidélité parfaite à la venue du Messie, et si même il tarde 

attends-le, car il viendra certainement, il ne sera point en 

.retard. » )b n^n nanr^n^îî' '•s hv ^i<) n'^tî-'ûn nx"":::: r]t:h'^ nJiDs:: Î^dnq ""JX 



CITATION 29 {Ep. aux Hébr. ll,îg 

OT!. £V 'lo-aàx x)\T,G7]a-£T7i (70t. cTrépfjia 

/^Co/îîp. T. Mass. et Sept. Gen. 21,12) 

La citation s'accorde avec les Septante et lesMassorèthes. 
Le mot ''D du texte massoréthique comme les o-zi du texte des 
Septante est une proposition exprimant cause « car ». on dans 
lesensde« car» n'est pas un vocabulaire de l'auteur de l'épître. 
Aussi Nestlé, dans son édition du Nouveau Testament, ne 
semble pas considérer ce ov. comme appartenant au texte de 
la citation. Cependant nous ne pouvons pas voir là une raison 
sérieuse de refuser ce mot au texte cité. La facilité avec la- 
quelle l'auteur manipule l'Ecriture, le nombre considérable 
des livres saints qu'il cite, témoignent jusqu'à quel point la 
Bible lui était familière. Il devait être en mesure, et il l'étai* 
en effet, de citer un texte de la longue haleine où le style 
était moins grec que l'hébreu, il devait donc aussi être en 
mesure de citer intégralement le texte de Gen. 21, 12 sans en 
retrancher un mot lui appartenant, on avec le sens de « car » 
bien qu'il ne suit pas du vocabulaire de l'auteur, se trouve 
cependant avec le même sens dans la citation 20 (Hébr. 8, 9), 
l'auteur pouvait donc le reproduire aussi dans' le texte de 
notre citation. 

Si le ox!, appartient au texte de la citation, comme cela est 
de notre impression, il est tout démontré que l'auteur ne fait 
pas lui-même sa version du texte hébreu mais se sert du texte 
desSepteute. 



- 93 - 



CITATION 30 (Ep. aux Héhv. 12,5-6) 

mé pi.ou, p.yj d),fyw(Oât Txy.i^slv.ç z-upia-j, ur,Zh IyJJjo-j i)n(/Sj~o\} D.z'jyjju.i'jrjç . ov 
yào à'iKKV. yJjrjtoç TTKidsvst, p.««7Tjyot §1 Trâvra vihv ov ~c/.p</.()iys~Kt. 

fComp. T. Mass. et Sept. Prov. 3, 11-12) 

wÀ [j-ou Dans tous les manuscrits des Sept le pronom per- 
sonnel [AO'j manque. Ils commencent tous par un vocatif, 
«fils» etc. Contrairement au texte massorétliique qui dit • 
« mon fils, » et contrairement bon style hébreu. 

L'auteur de Tépître aux Hébreux est d'accord avec le texte 
massorétliique, mais cela ne prouve pas que l'auteur, ait 
connu le texte massorétliique, et qu'il ait voulu corriger les 
Septante d'après ce dernier texte; car dans ce cas il aurait 
aussi corrigé r.c/.iotùu en sXiyys'.. Le verbe n''3T' correspondand 
au substantif nUDin de la phrase précédente, et du moment 
qu'il a pour ce premier sXsyyôjj-svoç, il aurait dû mettre aussi le 
verbe èXiyysî et non tto-'.os'js'. qui correspond au verbe id"" et qui 
serait accordé avec le mot "idid de la première phrase de notre 
citation. 

[j.ao-î'.yo'î;, etc. « il frappe des verges ceux qu'ils reconnaît pour 
ces enfants » Le texte massoréthique dit nïn'' p ns axiDl « et 
comme un père l'enfant qu'il chérit ». Cette divergence entre 
les Septante et le texte massoréthique, qui parait irréductible, 
ne provienten somme que d'une toute petite différence de lec- 
ture. Le texte original avait 5XD1 qu'on peut lire de deux ma- 
nières différentes, selon les voyelles qu'on ajoute. Le texte 
massoréthique à lu-ix^i «et comme un père^) etc. La Septante 

a lu S«bl « et il fait mal », (i) cette dernière vocalisation nous 

paraît la plus probable, elle donne au texte plus de clarté que 
celle du texte massoréthique. 



(i) « Midr. Thillim sur Ps. 94 lit le texte cité avec la même vocalisation que les 
Septante : DiMsaty'JaNSI «'?« a«31 n"« « ne lis pas: ouke-ab (et comme un père) 
mais vekôéb (et peine) quand il lui envoie de la peine Nous devons l'indication de 
ce texte précieux à M. A. Loçls, à qui nous exprimons pour ceci et pour tant d'autres 
leçons, notre vive gratitude. 



_ 94 - 

TràvTa ulov « chaque » « ou tout fils... »; le mot Tcàv-ua manque 
dans le texte massoréthique mais se trouve dans tous les 
manuscrits des Septante, c'est une preuve qui s'ajoute à tant 
d'autres, que l'auteur cite une version grecque des Septante 
sans se préocuper du texte massoréthique. 

CITATION 31 (Ep. aux Hébr. 12,21) 

Nous ne trouvons pas dans le texte d'Ex. 19, 11-25 que 
Moïse ait dit «je suis effrayé et tout tremblant » mais noas 
lisons au verset 10 du texte massoréthique "i5y« D^n h'ii TilT'l 
njriDi que les Septante traduisent xal Ir^-zrji^h^. r^â.c, 6 laoq 6 kv r^, 
7rap£[j.poAf, «et tout le peuple dans le camp fut effrayé », et au 
verset 18 où nous avons dans le texte massoréthique h2 I't\'>) 
^Sû "^m « et toute la montagne trembla énormément » les 
Septante lisent Dj^n pour -inn et traduisent xal Içéa-r/-! ~â; 6 Xao? 
G-cpoSpa « et tout le peuple fut dans une grande épouvante » 
Le izy.q, tout le peuple mclut aussi Moïse dans la crainte géné- 
rale qui fut partagé par le peuple-, et comme l'auteur s'efforce 
de donner un tableau saisissant et exact, quant à son ensemble 
de l'apparition de Jéhovah sur le Sinaï, il arrive à faire dire 
à Moïse « je suis effrayé et tout tremblant » (cy que du reste 
est vrai, Moïse, commele peuple, d'après le récit, durent avoir 
peur) bien que nous ne trouvons pas dans le texte que Moïse 
eût dit cela. 

Il se peut aussi que les deux mots sxooi^ô; sIjj.'. proviennent 
d'une réminiscence de Deut. 9.19 (la scène du veau d'or), xal 
£VTpo|j.o; qui paraît appartenir au texte de, la citation ne se 
trouve nulle part. 

CITATION 32 {Ep. aux Hébr. 12, 26) 

STL y.Tvv^ èyô) Uzioroi o\j jxôvov Ty,v yz/V à),),« '/.al tov ovokvov. 
{Comp. T.. Mass. el Sept. Aggé 2,6) 

La citation est tirée des Septante qui om mettent les mots : 
«\n t2ï;û du texte massoréthique. En effet on ne voit pas bien 
le sens de ces deux mots. Littéralement ils veulent dire « c'est 



- 95 - 

peu i, mais la traductioQ littérale n'offre pas de sens dans 
notre passage, car on ne peut pas dire que le bouleversement 
des deux et de la terre est peu de chose. Un grand nombre 
des exégètes supposent qu'il faut lire le mot taVû comme s'il 3^ 
avait ïûï;d^w presque, bientôt, dans peu de temps » (voir Ps. 
119 87; 73,2). Il ne nous appartient pas de discuter ici si ces 
deux mots du texte hébreu sont authentiqués ou non; il nous 
suffit de constater que l'auteur ne connaît pas le texte mas- 
soréthique qu'il suit scruplusementles premiersmots du texte 
de la Septante et qu'il finit par transposer les phrases en met- 
tant T/jvy^Vj'rov ojpavov «La terre» avant « le ciel » et insère les 
mots où ]xôvov a/.la xal « non seulement mais aussi ». 

Ce bouleversement de la citation n'a pour nous rien de sur- 
prenant, malgré le culte que l'auteur del'épître, comme tous 
ceux de son temps, rendait à la lettre. On avait l'intui- 
tion à cette époque que la venue du royaume de Dieu, coïn- 
ciderait avec un boulversement du monde physique, avec un 
changement des phénomènes naturels. De ce boulversement 
il sortiraitunmonde plus ira matérielet plus pieux. Les germes, 
de cette idée se trouvent dans les écrits de tous les prophètes 
mais elle a trouvé son expression la plus nette et la plus caté- 
gorique dansAgg. 2 6-7 (voir Math. ch. 24) Apocalypse 20, 11- 
15; aussi dans le traité Sanhédrin Ch.Chélék où nous lisons: 

ty^^-iD ""Jin r\):hù imx ins'^i ]::iin inM^h 'rNiîy^^ anh \r\i< nobo mf^ 

,n'^^ Ni::^i inxi D'»j:îy 

«Je donnerai à Israël un court règne après la destruction 
(du Temple), et après ce règne je bouleverserai le ciel et la 
terre et le Messie viendra ». Rabbi Akiba s'appuyait aussi sur 
le passage d'Agg. 2,6 pour affirmer que le Messie devait ve- 
nir à la fin du second temple (voir traité Sanhédrin feuille 97" 
surtout les explications Raschi sur ce fragment talmudique). 

C'était une des prophéties messianiques les plus connues; 
elle devait être présente à l'esprit de tous lesfidèles,c'estaussi 
pourquoi l'auteur de l'épître aux Hébreux se permet de faire 
une paraphrase de ce passage et d'accentuer la gravité du 
boulversement, « non seulement la terre mais aussi le ciel». 



— 96 - 

convaincu que ses lecteurs ou ses auditeurs connaissent très 
bien le contenu du texte auquel il fait allusion. 

CITATION 33 (Èp. aux Hébr., 13, ôj. 

o-j y.ri (TE àvw où^'ov ^.ti as èyy.Krci).l.7V(,i, 

Le texte de la citation tel que nous l'avons devant nous ne 
se trouve nulle part dans l'Écriture Sainte. Des fragments 
de textes qui se rapprochent de notre citation se trouvent 
dans le texte massorétique et dans la Septante Gen, 28,15, 
Es. 14, 17 Deut. 31, 6 et Deut. ch. 28,29, Ij^^ïs ces passages se 
servent de la troisième pers. « Il ne te laissera etc. » Le 
contenu littéral de ces textes s'accorde mal avec la formule 
d'introduction où il fait parler Dieu même>>.OTo; = t^in, « c'est 
lui qui a dit,» et qui exige «Je ne te laisserai ». Le texte 
de notre citation se trouve exactement mot à mot dans le 
texte massoréthique Jos. 1, 5 « Je ne te laisserai point, je ne 
t'abandonnerai point ». La citation serait admirablement 
appropriée si elle est tirée de Jos. C'est une promesse que 
Dieu fit à Josué immédiatement après la disparition de Moïse, 
c'est un encouragement adressé à Josué pour le stimuler en 
présence des dangers d'une guerre et l'enhardir à conduire le 
peuple d'Israël dans la terre promise. La communauté chré- 
tienne à laquelle notre épître fut adressée se trouvait, au 
point de vue moral, dans une situation analogue. Le grand 
chef, le Messie, vient d'être enlevé. Le culte Mosaïque, le 
Temple .et ses ordonnances présentaient de graves signes de 
vétusté; « il était vieilli et près delà disparition» (Hébr. 8, 13)' 
Battu en brèche, déchiré intérieurement par les nombreuses 
sectes qui se combattaient mutuellement, il ne devait évo- 
quer dans la pensée du croyant que l'idée d'un désert. Et 
au milieu de cette désagrégation on attendait l'évanouis- 
sement de l'économie présente et l'établissement d'une éco- 
nomie nouvelle qui sera inaugurée par le Messie et qui re- 
présentera la vraie terre promise, le vrai Sabbath. Oii peut- 
on trouver des paroles plus consolantes que celles de Jos? 



- 97 — 

Peut on imaginer quelque chose Je plus consolant que l'af- 
firmation que le Dieu de leurs pères, le Dieu de Josué, est en- 
core leur Dieu. La citation serait dans ce cas d'un à propos 
admirable, mais nous ne sommes pas du tout certain que la 
citation soit tirée de Jos. 1,5. L'auteur ne montre nulle part une 
connaissance directe du texte hébreu nous permettant de 
supposer qu'il fît lui-même la version du texte original 
hébreu. En admettant .même que l'auteur ait eu con- 
naissance du texte hébreu de Jos. 1,5, nous avons de la 
peine à admettre que la traduction qu'il en donne soit de lui, 
par la raison que le verbe àvî/.ij.'. n'est pas de son vocabulaire, 
il ne s'est jamais servi de ce verbe au cours de son écrit (i). 
Partout oh ce verbe se trouve dans les écrits du N. T. il a 
une toute autre signification que dans notre texte (voir 
Actes 27, 40; 16,18011 il a le sens de lâcher, délier.) 11 faut 
ajouter que le texte de la citation, bien qu'il ne se trouve nulle 
part dans les Septante, se trouve cependant mot à mot dans 
Philon. (De Conf. Ling. tome l'p. 410, éd Mangey). Cet ac- 
cord entre l'auteur de l'épitre aux hébreux et Philon ne peut 
s'expUquer que si on leur suppose une source commune, un 
écrit Grec, où l'un et l'autre ont puisé cette citation. 



CITATION 34 (Ep. aux Hébr. ISJl] 

T 

{Comp. T. Mass Ps. 118,6: Sept. Ps. 117,6) 

La citation est évidemment faite d'après les Septante; elle 
n'est certainement pas une version personnelle de l'auteur. 
C'est aux Septante qu'il doit le mot Kupw; sans article. C'est 
un mot à mot servile du textehébreu, et un traducteur ayant 
un talent littéraire comme celui de l'auteur de l'épître aurait 
certainement mis l'article. C'est aux Septante qu'il doit le 
mot |3or|G6? = tiîï;^. Ce mot ne se trouve pas dans le verset 6 du 
texte Mass., mais dans le verset 7. Il est d'accord avec les 



(i) Westcott, ép, aux Hébr. p. 433. 



- 98 - 

Septante en ce qui concerne la vocalisation de ce mot. En 
traduisant les versets 6" et 7" « Le Seigneur est mon aide », 
ils lisent évidemment le singulier nîV3 tandis que les Masso- 

rethes lisent au verset 7 " ''-lîya* « Jéhovali est de ceux qui 

t: : 

m'aident». Si le mot hébreu correspondant à [5iori06s;^c-à-d., nîyn 
se trouvait déjà dans le verset ô*" (ce qui est fort probable) et 
que l'auteur de l'épître ait lu ce verset en hébreu, il aurait eu 
à choisir entre deux vocalisation et interprétations différentes. 

i) '^l'^V^ Nom concret; Jéhovah est de ceux qui m'aident, 
de ceux qui me secondent (texte Mass.) 

2) nry;! Nom Abstrait; Jehovah est mon aide, mon secours 
(Septante). 

L'auteur en acceptant le mot nî^n qui ne se trouve. pas dans 
le texte Massoréthique, et en lui donnant la vocalisation des 
Septante prouve qu'il ne traduit pas lui-même et qu'il cite un 
texte des Septante. 



- 99 - 



CONCLUSIONS 

(A) 

Le lecteur qui nous aura suivi dans notre étude jusqu'ici et 
qui aura comparé avec nous les citations de l'épître avec les 
textes des Septante et des Massorèthes, se serait aperçu, 
comme nous, qu'il est impossible de ramener les textes cités 
à une source unique et définie. 'En effet, les divergences entre 
les textes cités, les Septante et le texte massoréthique sont 
si grandes et si nombreuses que l'on s'y perd complètement. 
On dirait à première vue, un pêle-mêle chaotique qui n'est 
dominé que par des principes hétérogènes et qui n'est régie 
que par des méthodes contradictoires. Dans un seul et même 
texte, l'auteur montre des velléités de corriger la Septante 
d'après le texte massoréthique, de rejeter la lecture et voca- 
lisation des massorèthes pour ne suivre que les Septante, 
tout à coup il semble abandonner et le .texte hébreu et les 
Septante pour faire de rhétorique et du style, pour donner 
plusieurs expressions, là où dans la Septante et l'hébreu nous 
n'en avons qu'une seule, et enfin il semble rejeter aussi cette 
méthode pour suivre une des lectures d'un des manuscrits des 
Septante les moins connus, et dont il ne se servira qu'une 
seule fois. Cependant, en dégageant les traits prédominants 
de l'ensemble des textes cités, nous pouvons dire que le con- 
tenu essentiel et les expressions fondamentales, de chaque 
citation, ainsi que la presque totalitédes passages cités s'ac- 
cordent généralement avec une des formes du cod. Al. Pour 
les passages tirés des Psaumes il se rapproche généralement 
du Psalt. Gr. Lat. Veronense et du Ps, Turicense. L'auteur ne 
s'occupe pas du texte hébreu, ne traduit jamais lui-même un 
passage du texte hébreu et ne corrige pas, d'une manière gé- 
nérale, les Septante d'après ce texte. 

Font exception, cit. 3 (Hébr. i, 6; Deut. 32,43) qui est du 



- 100 - 

cod. Vat.(i); cit .8, (Hébr. 2, 6-7 ; Ps. 8, 5-7, qui est en partie du 
Cod. Vat; cit. 26 (Hébr. 10, 30), qui se trouve cité ainsi mot 
à mot par St. Paul (Rom. 12, 19) et citation 33 (Hébr. 13,5) 
qui se trouve aussi mot à mot chez Philon (de Conf. Ling. 8,1; 
page 430 éd. Mangey). 

Des 29 passages différents dont l'auteur s'est servi dans son 
écrit, 23 sont pris du Pentaîeuque et des Psaumes, c.-à-d., des 
livres dont on se servait fréquemment dans les synagogues. 
De la Thorah qui était lue au moins tous les samedis, et des 
Psaumes que l'on chantait, ou récitait peut être tous les jours. 
ÎLe fait que l'auteur cité de préférence des livres qui^ àl'origine, 
ont été à la base du rituel des synagogues et qui ont été con- 
sidérés comme livres de piété par excellence, est de grande 
importance,^L'influence de la Grande Synagogue surles idées 
de l'auteur est incontestable, et nous devons nous demander 
si les nombreux textes qui nous ont embarrassés autant par" 
leur forme que parla source d'où ils ont été puisés, n'ont pas été 
pris dans un recueil de prières? Quelques unes des citations 
semblent vouloir confirmer cette hypothèse: Ainsi citation 13 
et 14 (Ep. aux Hébr 3, 7-11 et 4,4) se trouvent dans le même 
ordre, dans le rituel du samedi soir. Citation 34 (Ep. aux 
Hébr. 13,6) est du Grand Hallel (Ps. 113-118). Citation 3 (Ep. 
aux Hébr. I, 6) serait encore du rituel du samedi soir, si elle 
est prise du Ps, 97. Mais là s'arrête toute preuve. D'un 
autre côté, on est surpris de ne pas voir figurer dans les cita- 
tions, les Psaumes des jours. (Ps. 24, 48, 82, 94, 81, 93 et 92) 
Ces Psaumes ont été chantés par les lévites dans le Temple 
(voir Sophrim ch. 15,1) de là ils ont passé dans le receuil de 
prières actuel. Un Israélite lettré devait donc les connaître bien 
plus que tous les autres, et cependantl'auteur ne s'en sert pas. 
Il ne se sert pas non plus des Haphtorahs, c.-à-d. les extraits 
des livres des prophètes qu'on lisait avec la loi. 

L'auteur ne connait pas le livre de prière 4^ns sa forme 
actuelle ou plutôt ne s'en occupe pas", Les trois citations qui 
semblent avoir quelque rapport avec le rituel du Samedi, ne 



(i) A moins qu'elle ne soit du Ps. 97, 7, d'après le texte Massoréthique. 



101 



doivent être considérées, à notre avis, que comme des coïn- 
cidences fortuites. 

Deux citations se rapportant à la parousie du Clirist sont 
données comme étant des « promesses >) e7za.yysXb.. (Cit. 28 et 
32; Ep. aux Hébr. 10, 37-38 et 12, 26). Ces citations ont elles-étë 
prises d'un « reccueil des promesses » une des formes des an- 
ciennes « promesses », mais plus étendue plus large, plus 
appropriée aux nécessités du moment, que la bénédiction de 
Jacob (Gen. 99, 1-28) ou la bénédiction de Moïse (Deut. 3 , 
,T 29)? nous n'en savons rien. Ces sortes de recueils ont cer- 
tainement dû exister, du moins oralement, mais l'histoire -ne 
nous en a rien transmis. 

[Notre impression est que l'auteur se sert d'une version des 
Septante que- nous n'avons plus. L'hypothèse que l'auteur, 
citant de mémoire, reproduit inexactement le texte des Sep- 
tante, ne nous charme pas. L'auteur est un homme de beau- 
coup de tact, il ménage toutes les susceptibilités de ses lec- 
teurs, et il aurait certainement prévu l'objection que ses lec- 
teurs, ou ses auditeurs, auraient pu lui faire : tel passage que 
vous citez pour appuyer telle thèse ne se trouve pas du tout 
dans notre Bible. Ajoutons encore que si l'auteur faisait ses cita- 
tions vaguement, de mémoire, les inexactitudes devraient se 
produire d'une toute autre manière. Lorsque la mémoire fait 
défaut, le vocabulaire se rétrécit, le style se simplifie j'usqu'à 
la monotonie. En premier lieu nous aurions dû constater des 
changements et des substitions dans les mots qui ne sont pas 
de son vocabulaire : àvuifjit. j'oublie. (Ep. aux Hébr* 13.25) ot». 
dans le sens de «car». Hébr. 8,10; £m)^a^o[ji£vou [j.ou. 89; £'-; Tra-rlpa 
1,3 ; xo7r/,c( défaite» 7,1. Nous n'aurions pas non plus pu trouver 
chez lui trois à quatre expressions différentes pour' une seule 
expression des Septante et du texte massoréthique. Or, nous 
voyons qu'il donne bien les mots et les locutions des Sep- 
tante qui ne sont pas de son vocabalaire. tandis que tout à coup 
il abandonne leur version pour en donner une autre qui, celle- 
là aussi, peut être soutenue par le texte hébreu. Il cite donc 
une des versions grecques que nous ne possédons plus. 



102 



DE LA MANIÈRE DONT L'AUTEUR TRAITE 
LES TEXTES DE LANCIEN TESTAMENT 

L'interprétation biblique de l'auteur est, autant par le fond 
que par la forme, purement rabbinique. Il cultive les trois 
méthodes, le Peshat, le Reniez et le Drush à la fois (voir pp. 
T7 et i8). Il cultive aussi la quatrième méthode, le Sod. (voir 
ép.auxHébr. ch. 12, 22-24) mais sans excès, sans exagération 
et en évitant de trop insister sur les détails. 

11 cultive la méthode du Peshat. Melchisedec, veut dire: roi 
de justice: Salem, veut dire: paix. Mais c'est encore la méthode 
du Remez qui est au centre de toute son interprétation et qui 
domine tout son système. C'est par cette méthode qu'il 
trouve un sens plus profond, plus spirituel et plus divin dans 
toute parole de l'Écriture Sainte quel qu'en soit le caractère, 
qu'elle soit poétique, historique ou législative. Un mot que 
l'on nepeut prendre au pied de lettre, qui offre contradiction, 
par la méthode du Peshat (7ràv-a = '?3 ; ép. aux Hébr. ch. 2,9), et 
un autre mot dans le même texte, qui semble être superflu 
[ipayù v. û5;o, lui permet de transformer le sens intime du 
fragment poétique du Ps. S, et de le rapporter entièrement 
à Jésus. Une lacune dans un texte, ouïe simple silence dans 
un récit, lui suggèrent également des conclusions métaphy- 
siques et spirituelles (ch. 7, 3). Cette spiritualisation, cette 
idéalisation, si nous pouvons nous exprimer ainsi, que l'au- 
teur fait des écrits de l'Ancien Testament, ne se limite pas 
aux textes seulement, il spiritualise et idéalise également les 
personnes, les institutions, le temple et son cérémonial. 

Le principe qui lui dicte son Remez à lui est, comme pour 
tous les hagiographes de la Nouvelle Alliance, le principe du 
salut en Jésus. Tous, ils envisagent l'Ancien Testament à 
travers le prisme du fait chrétien. Mais il y a lieu ici de faire 
des distinctions et de saisir des nuances dans la manière dont 
les divers auteurs du Nouveau Testament se servent du 
Remez et envisagent le rapport de l'Ancien Testament avec 
la Nouvelle Alliance. 



— 103 — 

La conception particulière que l'auteur de l'épître se fait de 
l'Ancien Testament, ou plutôt de l'Ancienne Alliance, est 
énoncée dans son préanibule, ch. 1,1-2. Elle consiste en ceci : 
Dieu a mis a la disposition de l'humanité un plan de salut. 
Dans ce plan d'éducation divine il y a d'étapes d'épuration, de 
perfectionnement, qui aboutissent enfin à l'économie chré- 
tienne. Les personnages et les faits historiques, conservent 
leurs caractères contemporains. Ils disparaissent et renaissent 
sous une autre forme plus pure et plus sainte parce que les 
temps ont changé, ont progressé. Il y a eu progrès dans la 
méthode d'éducation divine Melchisedec réapparaît dans le 
Christ-Grand-Prêtre. La loi Mosaïque disparaît, mais elle 
revient, non plus écrite sur les tables de pierre, mais dans les 
cœurs des croyants. En général il ne s'occupe pas des lois 
isolées de l'institution mosaïque quelle que fût la profondeur 
avec laquelle elles s'étaient gravées dans la conscience du 
peuple d'Israël. S'il s'occupe des anges, de Moïse, du temple 
et de ses ordonnances ce n'est qu'en autant qu'ils sont organes 
de l'Ancienne Alliance. «Toute la loi se résume pour l'auteur 
dans l'ancienne Aliance. et tout l'évangile dans la nouvelle 
Alliance, (voyez ch.7, 22; 8,6; 9, 15-20; 10, 16-29; 12,24; 
13 20. » (i). 

Cette attitude de l'auteur vis à vis de l'Ancien Testament 
mérite d'être comparé avec celle des quatre auteurs aposto- 
liques, à qui la tradition, d'après Origène (2) a tour à tour 
attribué l'épître aux Hébreux. 

L'AUTEUR ET SAINT-PAUL 

Le Remez de Saint-Paul est aussi dictée par le fait chrétien, 
mais la manière dont il s'en s'ert est diamétralement opposé 
à celle ds l'épître. Ce que Saint-Paul voit dans l'Ancien 
Testament ce n'est pas avant tout l'ancienne Alliance mais 
la loi. La loi mosaïque n'a pas été surpassée par la Nouvelle 



(i) Ménégoz, Théol. de Tép. aux Hébr. p. 158. 
(2) Origène, cite par Eusèbe, Hist. Ecc, vi, 25. 



— 104 - 

Alliance comme pour l'auteur de notre épître, mais elle a 
été abolie. (Rom. lo, 4) La loi c'est l'esclavage. Elle sollicite le 
péché et elle donne la mort. Saint-Paul s'angoisse constam- 
ment, on dirait c'est son tourment, son cauchemar, pour 
snvoir quel est le rapport des lois isolées de l'ancienne 
Alliance avec la Nouvelle Alliance (voir Rom. ch. 2 à 12) Il 
heurte de front le mystère du rôle permanent du peuple 
d'Israël, et se tourmente pour connaitre sa mission et son 
but final. L'auteur' de i'épître aux Hébreux n'éprouve pas 
même le besoin d'effleurer ces graves questions. Pour lui 
ce sont des institutions de l'ancienne Alliance, qui n'ont 
d'autres attaches avec la nouvelle Alliance que celles du lien 
et du progrès historique. 

Saint-Paul voit dans l'ancien Testament les reflets de la 
Nouvelle Alliance et les « promesses » (voir Gai. 3, 15; 3,23; 
4,23; 5. I Cor. 5,6; 9,9ss.) L'idée de reflets delà Nouvelle 
Alliance dans l'ancienne est complètement étrangère à l'au- 
teur de notre épître. Quant à la notion de Promesse, elle est 
tout à fait différente de celle de Saint-Paul. Pour lui les 
«Promesses.» se rapportent, non pas à la Nouvelle Alliance? 
mais exclusivement à la parousie du Christ, (voir pp. loi). 

L'AUTEUR ET LUC 

Nous avons deux écrits de Luc, le troisième -évangile et les 
Actes des apôtres. Dans les deux écrits Luc fait montre de 
rares qualités d'historiographe. Il a receuilli toutes les 
données que les documents et la tradition ont pu lui fournir, 
et ils les a arrangées par ordre. (Luc. i, 1-4), Les Citations de 
l'Ancien Testament que nous trouvons dans l'évangile selon 
St-Luc et dans les Actes des Apôtres sont toutes de seconde 
main, Nous ne pouvons donc pas nous représenter exac- 
tement comment il comprenait, personnellement, le rapport 
de l'Ancien Testament avec la nouvelle alliance, et de quelle 
manière il se serait servi du Remez. Luc était le compagnon 
de Saint-Paul, il a dû épouser en grande partie les vues 
spécifiquement pauliniennes sur l'Ecriture. Mais nous sommes 



— 105 -- 

obligés de nous tenir ici à des impressions purement subjec- 
tives. Nous verrons plus loin pour quelles raisons l'épître n'a 
pas pu être écrite par Luc. (voir p. 113-114). 

L'AUTEUR DE L'EPITRE AUX HÉBREUX 
ET CLÉMENT DE ROME 

ANALOGIES d'iDÉES 

Celui qui aura étudié l'épître aux Hébreux et qui jetterait 
ensuite un regard sur l'épître de Clément de Rome sera 
surpris de la ressemblance frappd^nte qui existe entre ces deux 
écrits. On dirait que celle de Clément est la suite, la seconde 
partie des exhortations morales de l'épître aux Hébreux. 
Cette similitude entre les deux écrits porte non seulement 
sur le fond des idées, sur la tendance morale, mais aussi sur 
la forme. Ils peignent souvent la même idée avec les mêmes 
mots, l'illustrent par les mêmes exemples et donnent les 
mêmes citations. Comparez l'épître de Clément 9-12, avec 
l'épître aux Hébr. 11. C'est la même idée fondamentale et 
souvent aussi les mêmes exemples. L'épître aux Hébr. 
dit : ttLo-ts'. 'Paà[3 T, TTopvYj où (j'Jva-KwXs'ro 'zolç a.Tzs'Jir^'yy.'y'.v . L'épître 
de Clément dit aussi : o'.à rJ.^v.y xal cpOvOçsviav ècwOr, 'Paà[îi r, 
TTopv/] et, ajoute Clément «Ils (les espions) lui ont ordonné de 
donner un signe, qu'elle mette du rouge en dehors de sa 
maison. Ils ont montré par là qu'il y aura une rédemption par 
le sang du Seigneur pour tous ceux qui croient et qui 
espèrent en Dieu. Vous voyez, mes bien aimés, que la femme 
a reçu non seulement la foi, mais aussi la prophétie » (i) 
L'exemple de Rahab la courtisane comme modèle de foi et 
de piété est clair et explicite; nous voyons en quoi consistait 
sa foi. Elle croyait les messagers (les espions) qui lui ont 
donné le symbole de la rédemption par le sang du Christ. Au 
contraire l'exemple de Rahab comme modèle de piété dans 



(i) Clément de Rome i Cor. 12 1-8. 



— 106 — 

l'épître aux Hébreux est moins précis ; on dirait que l'auteur 
connaissait déjà les explications de Clément et qu'il les 
résume seulement. 

Si Clément de Rome dit : M'.^:riTCf.\ vcVfoasBa xàxsivwv oïv.vsç èv 
oèp^ao-'.v aivsioi^ x.al ^.r^Mo-zoÀ; r.a^izTikrr^iyy . (i) « devenons les 
imitateurs de ceux qui erraient vêtus de peaux de brebis et de 
chèvres », il rappelle deux idées de l'épître. D'imiter la 
foi des saints, est particulière à l'épître aux Hébreux (ch. 13,8) 
Elle est contraire à la conception Paulinienne de la foi. 
L'autre moitié de ce texte se tiouve à peu près mot à mot 
dans l'épître aux Hébreux 13,37. 

Clément de Rome ch. 31',!. «Voici la voie dans laquelle 
nous trouvons notre rédempteur Jésus-Christ, le grand- 
prêtre de nos offrandes,» etc., nous rappelle l'épître aux 
Hébr. 4, 14-16 et 5,1. 

Ch. 36,2 s. s. oç (ov àTîa'jyacruia T/is [J.£ya)vW(7'JV'^ç auTOÙ, TOffOUTO) 
y.ti'Qwv £<7-:lv àyyi}^wv oo-to o(.acoopcL)STpov ovopia xex)vripov6[Ji.'^X£V, se 
trouve dans l'épître aux Hébreux i,3-4. Suivent 3 citations 
qu'il donne mot à mot, comme dans l'épître aux Hébr. 
Ps. io4, 4; Ep. aux Hébr. 1,7. — Ps. 2, 7; Ep. aux Hébr. i, 5 
et Ps. iio, i; Epître aux Hébr. i, 13. 

Ajoutons que deux textes qui ne se trouvent cités dans le 
Nouveau Testament que par l'auteur de l'épître, sont aussi 
cités par Clément de Rome. Ce sont nomb. 12, 7 ; i cor. 17, 
5, comp. ép. aux Hébr. 3,3 et Prov. 3, 17; i cor. 55, 6; comp. 
Ep, aux Hébr. 12,6. 

LEURS BIBLICISMES 

Clément de Rome, commel'auteur de l'épître aux Hébreux, 
est bibliciste, mais il l'est plus que l'auteur de l'épître aux 
Hébreux. Il ne parle que Bible. 11 cite parfois des chapitres 
tout entiers. Cette manière de citer n'est pas du tout palesti- 
nienne. Le langage des rabbins est aussi assez* souvent 



(1) Clément de Rome i Cor. 17, i 



— 107 — 

imprégné de locutions de l'Ancien Testament; ils font aussi 
fréquemment des citations directes, précédées par la formule 
d'introduction: «car il est écrit», ou «car il est dit», mais elles 
sont très courtes, un ou deux versets tout au plus. L'auteur de 
l'épître aux Hébr. dépasse déjà la mesure de ce que nous 
avons l'habitude de voir, mais Clément de Rome fait une 
véritable exception. Nous ne trouvons nulle part, ni chez les 
rabbins ni dans le Nouveau Testament, des citations d'aussi 
longue haleine. 

LKUR MANIÈRE D'ENVISAGER LES TEXTES SACRÉS 

ET LEUR REMEZ 

Clément de Rome, comme l'auteur de l'épître aux Hébreux, 
met sur le même niveau toute la série des écrits qui forme le 
canon de l'Ancien Testament. Toute la Bible est « sagesse 
Dieu» I Cor. 50, i, (cparole de Dieu» ou ccoracle de Dieu» xà 
Xôyia. r Cor. 5 3,1. C'est une personnalité vivante, éternelle, 
une sorte de in mû''û des Targoumim qui entre en communi- 
cation directe avec les générations passées et présentes, qui 
nous donne une sagesse divine et nous rend meilleurs, (Cl. de 
Rome chap. 19,5 s. s; voir ép. aux Hébr. 4, 12) ««Les prophètes 
sont des ministres de la grâce qui parlent de repentance par le 
Saint-Esprit.» (i) Mais ici Clément dépasse l'auteur de l'épître 
aux Hébreux, Non seulement il connaît et cite un évangile 
(ou des évangiles) et Saint-Paul, (voir l'Auteur et Clément de 
Rome, pages 113 et 114, mais il les met au même niveau 
que les prophètes. (( Nos apôtres ont été évangelisés par le 
Seigneur Jésus-Christ, Jésus-Christ a été envoyé par Dieu; 
ils sont donc l'un et l'autres. régulièrement (institué) par la 
volonté de Dieu » (i cor. 42, 1-2). « Recevez la lettre de 
Saint-Paul qu'il nous a écrit àl'origine de l'évangile (i cor. 47,1) 
L'auteur de l'épître aux Hébreux, au contraire, ne connaît 
pas d'évangile ou de lettre de Saint- Paul. Il ne 

(i) I Cor. 8, I. 



— 108 — 

connaît que la tradition. « Le salut a été premièrement 
annoncé par le Seigneur, nous a été confirmé par ceux qui 
l'avaient entendu. (Hébr. 2, 31 

Il y a aussi lieu de faire une distinction dans la manière dont 
ils se servent du Remez, et du champs de manœuvre vers 
lequel s'orientent leurs spéculations typologiques. L'aureur de 
l'épître prend un organe de l'ancienne Alliance, un être saint, 
ou une institution sainte, les anges, Moïse, Melchisedek, le 
temple et ses ordonnances, c.-à -d, une chose qui était déjà 
objet de piété et de vénération de la part des Juifs, et il la 
compare à Jésus-Christ. L'idée fondamentale de sa typologie 
est que la Sainteté du Christ dépasse tout ce qu'il y a de plus 
sacré et de plus saint chez le peuple juif. Clément de Rome 
fait une typologie de hasard, et prend pour base démonstra- 
tive n'importe quoi: le fil rouge de Rahab la courtisane était 
le symbole de la rédemption par le sang du Christ, (voir 
Clément de Rome i cor. 12,7). 

L'AUTEUR DE L'ÉPÎTRE AUX HÉBREUX 

ET L'épître de barnabas 

Si nous établissons une comparaison entre l'épître aux 
Hébr. et l'écrit qui porte le titre « Epître de Barnabas », ce 
n'est que par acquit de conscience. Il est aujourd'hui univer- 
sellement admis que l'épître de Barnabas, qui nous est par- 
venue, n'a rien de commun avec le Barnabas, mentionné 
dans les Actes 4, 6. Du reste, c'est moins une comparaison 
que nous aurons à faire ici qu'une constatation de diver- 
gences iréductibles de pensée et de méthode. 

L'auteur de l'épître aux Hébreux s'efforce de démontrer que 
le Christ a été aussi fidèle dans»la maison de Dieu que Moïse 
o)ç xal Mto'Jo-ri^ (Hébr. 3. 2). Le Christ est néanmoins 
supérieur à Moïse; (Hébr. 3,34). L'épître de Barnabas ne 
s'embarasse pas avec des démonstrations de la supériorité 
du Christ sur Moïse. Les Prophètes tenaient la grâce de lui 
(c -à.-d, de Jésus), et ils « prophétisaient pour lui ». (ép. de 
Barn. 5.6) 



— 109 — 

Il y a aussi un abîme entre leurs méthodes exégétiques. 
L'èpître de Barnabas connaît déjà laGuematria et le notari con_ 
La circoncision d'Abraham a été faite selon l'esprit en l'hon- 
neur de Jésus. Abraham a circoncise 318 hommes. osxaoxTcô 
y.al Tp'.axoo-iouç; les 18 sont ensemble (forment un mot grec) 
et «trois cents» est dit après; cela nous enseigne: 18= i H veut 
dire: Jésus, et T veut dire: la croix: (voir Ep. de Barn. 
9, 7-9). L'auteur- de l'èpître aux Hébr. ne connaît ni la Gue- 
matria ni le notaricon. Il ne connaît que le Remez. 

Il serait intéressant de savoir à partir de quelle époque 
l'Anagramme, le Notaricon et la Guematria sont devenus les 
méthodes exgégétiques des pères. Dans le Rabbinisme ils ne 
sont entrés en vigueur qu'avec rabbi Eliezer fils de Rabbi Josi 
Haglili, c.-à -d. vers la fin du second siècle, et encore ils ont 
rencontré une très grande opposition de la part des rabbins 
(voirTosiphta à Berachoth dans la grande édition duïalmud, 
Vilna 1879 ; et traité Chulin 89, i). 



110 



CONCLUSION 

(B) 

LES FORMULES DE CITATION 

Nous avons constaté après chaque citation que la méthode 
de l'auteur est, autant pour le fond que pour la forme, 
purement rabbinique. Tons les livres de l'Ancien Testament 
sont mis sur le même niveau, et tous ils recèlent la parole 
vivante, présente et éternelle de Dieu. Ce n'est pas autant 
un livre ou un recueil des livres qu'une personnalité vivante, 
agisante, une sorte d être surnaturel qui se met en contact 
avec l'homme et exerce une influence sur sa vie. Cela 
rappelle la mo^û des Targoumim. Toute l'écriture est 
parole éternelle de Dieu. Cette conception purement pales- 
tinienne et Targoumiste de l'Ancien Testament s'exprime 
aussi dans les formules de citation. L'auteur et le titre du 
livre n'existent pas pour l'épître aux Hébreux. C'est Dieu qui 
parle (1,5; 1,6; i, 13 etc.), ou le Saint-Esprit (3, 7; 10, 1659,8). 
Dans deux citations seulement, les paroles sont a:iises dans, 
la bouche de Jésus (2, 11, ; 10, 5). 

La conception biblique de l'auteur est purement pales- 
tinienne, et aussi, en un sens, ses formules de citation. Mais 
ici nous nous heurtons à une anomalie inexplicable. Il a seu- 
lement une des formes des formules rabbiniques, mais il ne 
se sert jamais de l'autre forme. Les rabbins, dans la mishnah 
et dans la Talmud, se servent invariablement de deux for- 
mules des citations : idxjît « car il est dit », et :j^nDT 
« car il est écrit». Or, l'auteur de l'épître a une très grande 
variété des formules dérivées de la première : fm-v, léyzi 

uprr/.fJ, J.î'yojv, lyl-fi'jry.:;, /-'yc/vroç, friibj, z'nrfi-j-v., ïi.vjùfhi t)Lvj.iyirv.t., et il ne Se 

sert jamais de la formule ■iû«jty = y^ypaTcra'., ou de ses dérivées 
Comparons maintenant les formules de citations de notre 



- 111 — 

épître, avec celles des quatre auteurs à qui la tradition attri- 
buait l'épître. 

Saint-paul se seit invariablement de deux formules rabbi- 
niques \iyt\, ylv-âa-K-ra'.. Lorsque ce léyt'. ne se rapporte pas à 
Dieu, c.-à.-d, si ce n'est pas Dieu qui parle à la première per- 
sonne, il a soin d'ajouter le nom de l'auteur, ou il dit simple- 
ment, l'Écriture dit; la loi dit : 

Rom. 10, 1 6 'Wtvjm; ).irizt 

» 10, 19 Mw-jo-y),- li'/zi 

2> 11,9 AK'j-i5 li'/ii. 

» 4j 3 ''^' V,^«'f') >.^V^'- 

» ^ji'^l /iy^"'- -h ^■/[j'y/f/, 

» 1 T voy.oç i'/îyiv 

La formule de (xaOtoc) Y£ypa--a'. se trouve plus de 
16 fois dans l'épître aux Romains seulement. L'auteur de 
l'épître aux Hébreux ne mentionne jamais le nom du Prophète 
et ne se sert jamais de la formule ysypa-Tau Saint-Paul 

■^ lit 

cite une parole de Dieu, c.-à.-d, ou Dieu parle à la première 
personne comme simple Ecriture )iy£'. /, ypacpr,. (Rom. 7, 9). 
L'auteu]' de l'épître aux Hébreux, au contraire, cite des pa- 
roles où le prophète parle à la première personne comme 
parole de Dieu. (Hébr. 2, 13). 



L'AUTEUR ET LUC 

Nous n'avons pas pu découvrir quelle a été la conception 
personnelle de Luc sur le rapport de l'Ancienne Alliance avec 
la Nouvelle, mais nous serons plus heureux maintenant qu'il 
s'agit de définir sa conception de l'inspiration biblique. Nous 
avons dit, en manière d'hypothèse, que la conception du rap- 
port de l'ancienne Alliance avec la nouvelle, et son Remez 
devraient-etre, en grande partie, hérités de Paul, et cette 
hypothèse se trouve grandement confirmée par les formules 
des citations que Luc emploie dans son évangile et dans le 
livre des Actes. Elles sont toutes Pauliniennes, à quelques 
nuances de près : 



- 112 — 

Luc 2. 23 -AC/Jl'.); 'ji'irM~-r/.t. 

2, 24 doviVÀ-jo-j h Tw vov/.). 

4, V. 4, V. 8, V. TO yiyoKTTTKt 

4. 17 pifSÙVJ TO-J 7rrjrj'i,r,70V 'HdVJ.O-J ' ' OÙ Yi'J yiyfjC/.u.y.iyO'J . 

— 7, 27 7rs/>t o-'j yiypc/.nzc/.i. 

— 20, 42 ).î'7=« i"v pijS)/.) -i/K/y-Mv 

Actes I, 20 » » «■ » 

» 7» 4" îîkOwç Ô TzrjOfhffiÇ li'/îi.. 

Comme Saint-Paul il indique généralement la source de la 
citation : dans le livre d'Esaie ; dans le livre des Psaumes, 
dans la loi. Il emploie alternativement les formules ysypaTrira!. 
etXÉys!.. De même que Saint- Paul, il cite comme paroles du 
prophète, et non comme parole de Dieu, un texte dans 
lequel Dieu parle à la première personne. (Actes 7,48) 

Luc disposait pour la rédaction de son évangile et des 
Actes de deux sources distinctes: la tradition orale et la tra- 
dition écrite. L'une et l'autre se sont si bien transformées 
sous sa plume que nous ne pouvons plus distinguer, d'après 
les formules des citations, quel fragment provient de la tradi- 
tion orale et quel fragment provient de la tradition écrite II 
a une assez grande variété des formules pauliniennes qu'il 
emploie uniformément aussi hien pour la source écrite, que 
pour la source orale. Luc nous donne des discours de Jésus, 
de Pierre, d'Etienne et de Paul qui contiennent beaucoup de 
citations, et, dans ces discours si différents l'un de l'autre, 
nous constatons encore l'uniformité des formules des cita- 
tions, Luc se serait donc servi de ces formules des citations 
qui lui sont familières s'il eût été le rédacteur primitif de 
l'épître aux Hébreux et nous aurions également dû les 
retrouver si Luc eut traduit ou rédigé J'épître aux Hébreux 
d'après Saint-Paul. 

Les formules de citation ne sont pas, comme on pourrait le 
supposer, une quantité négligeable dont il n'y a lieu de tirer 
aucune conclusion sérieuse. Au contraire, elles représentent 
la conception de l'inspiration biblique de l'auteur et les diffé- 
rences que nous constatons, trahissent des divergences 



- 113 - 

d'école si ce n'est pas des différences de secte. Nous pouvons 
donc conclure, après examen des formules de citation, qu'il 
n'y a rien de commun, au point de vue de conviction reli- 
gieuse personnelle et d'école, entre Saint-Paul et Luc d'un 
côté et l'auteur de l'épître aux Hébreux de lautre. 

Essayons de descendre le courant, et voyons si nous ne 
pourrions pas trouver un parallèle aux formules de citation 
de l'épître, dans Clément de Rome ou dans l'épître dite de 
Barnabas. 



L'AUTEUR ET CLÉMENT DE ROME 

Les analogies entre Lépître aux Hébreux et la première 
épître de Clément de Rome aux Corinthiens sont remar- 
quables. L'une et 1 autre supposent la même conception des 
écrits de l'Ancien Testament à savoir: que Dieu est celui qui 
parle dans tous les écrits; qu'ils sont en quelque manière l'ex- 
pression vivante, présente et éternelle de la volonté et de la 
pensée divine. L'Écriture est plutôt iine pjrsonnalité qu'un 
livre. De là provient la manière de citer les textes par la for- 
mule peu commune )v£y£i. ou e'ip-^xév tcou (Ep.aux Hébr.2, 6; 4, 4; 
comp. Clément, i Cor. 15,2; 26,2; 28,3) Il dit quelque part, 
et cet il c'est Dieu, ou la parole de Dieu, qui sont tout un. 
Clément de Rome, comme l'auteur de l'épître aux Hébreux 
attribue des paroles des prophètes ou des Psaumes au 
Saint-Esprit (ép. aux Hébr. 3,7; 10, 15; voir Cl, de Rome, 
I Cor. 13,1; 14,2; 14,15; 22,1). L'auteur de l'épître aux Hébreux 
attribue le même texte tantôt à Dieu et tantôt au Saint-Esprit 
(comp. ép. aux Hébr. 3,7 à 3,15; 8, 8 à 10, 15 , l'épître de 
Clément aussi attribue un texte du livre des Prov. à Dieu, 
(i Cor. 21, 2) tandis qu'il attribue un autre texte de ce même 
livre au Saint-Esprit (i Cor. 22, i)- 

Cependant il y a des différences bien caractéristiques dans 
leur manière de citer. Clément attribue des paroles de Dieu 
au ayioq lôyoq (i Cor. 13, 4 ; 56, 3 S. s.) Cette formule est absente 
dans l'épître aux Hébreux. 



- 114 - 

Clément d-^ Rome cite les paroles de Jésus avec les formules 
qu'il emploie par les paroles de l'Ancien Testament (i Cor. 
13, 2; 46, 8). L'évangile est mis sur le même niveau que 
l'Ancien Testament et il jouit de la même autorité. 
L'auteur de l'épître aux Hébreux connaît aussi un évangile, 
{ch. 2,3-4) mais il ne le cite pas. Il cite bien des textes comme 
paroles de Jésus (ch. 2, ir ; 10, 5), mais ce sont des textes des 
Psaumes qu'il met dans sa bouche (Ps. 22,22 et Ps. 40,6). 

L'auteur de Tépître dispose d'une grande variété des formules 
de citation dérivées de -iû«Jtî' (voir p. iio). Il ne connaît pas 
la formule iTiDl =réypa'n:Ta'., et ne mentionne jamais le nom de 
l'auteur ou du livre qu'il cite. Clément de Rome, au contraire 
n'a pas plus de trois formules qui se rattachent à nû«ja> Xlye'., 
cp/jo-lv, èXàV/icrev, mais il les supplée avec la formule ysypauxa!. : 

Clément i cor. ^6, 3 ysypaTiTat. yàp 
» » 48, 2 xaGojç ysypaTTTa!. 

» » 50» 4 yéypaTTxai, yàp 

Clément a souvent souvent soin d'indiquer la source à 
laquelle il a puisé la citation, et de donner le nom présumé, 
d© l'auteur, du livre qu'il cite : — 

Clément i cor. 26, 3 'Icb(S Xéyet. 

28, 2 Xéyei yàp tzou to ypaœeiov 

34, 6 léyei yàp r, ypatpri 

35, 7 'i » » 
42, 5 » » » 

52, 2 coTio-lv yàp . . . Aaut8 

Ps. 104,4 ^ui se trouve cité dans l'épître aux Hébreux et 
dans l'épître de Clément, l'épître aux Hébreux se sert de 
Xeyet, (Hebr. ch, 1,7) tandis que Clément l'introduit avec 
yéypauTati. 

Les différences entre ces deux auteurs sont donc bien 
nettes et bien prononcées. L auteur de l'épître aux Hébreux 
n'aurait pas pu écrire l'épître de Clément, pas plus que 
Clément n'aurait pu écrire l'épître aux Hébreux 



115 - 



L'AUTEUR DE L'EPITIIE AUX HÉBREUX 
ET L'ÉPITRE DITE DE BARNABAS 



Les formules de citation dans l'épître de Barnabas ex- 
priment la même conception de l'Écriture Sainte que celle de 
l'auteur de l'épître aux Hébreux. Les citations sont généra- 
lement faites d'une manière anonyme. (Ep. de Barn. ch 2,5; 
2,7: 3, I.) Dieu est celui qui parle à travers les écrits de 
l'Ancien Testament, aussi l'auteur introduit-il des citations 
par la formule Xé-jei. xûpi.oç ev xw TcpocpTir/i (i). (ch. 9, i) tandis que 
dans le contexte de la citation il ne s'agit nullement de Dieu, 
mais de TEbed-Jalivé, ou d'un roi d'Israël, (voir ép. de Barn. 
ch. 9,1; Ps. 18.45), Mais ici s'arrête toute analogie entre 
l'épître aux Hébreux et l'épître de Barnabas. 

L'épître de Barnabas ne possède pas la grande variété des 
formules de citation dont use l'auteur de l'épître aux Hébreux, 
(voir p. iio. ) Elle ne dispose d'une manière générale 
que de trois formules ; T^lyei,, eItov et «p-rio-lv. 

L'épître de Barnabas cite un texte de l'évangile avec la 
formule w; ysypauTat. ( ép. de Barn. 4,14; Matth. 22,14), 
L'épître aux Hébreux n'emploie jamais cette formule, ne cite 
jamais l'évangile oral et ne semble pas avoir connaissance 
d'un évangile écrit. 

L'épître de Barnabas indique souvent la source et l'auteur 
des paroles qu il cite : 

Ép de Barn. ch. 4, 5 liysi àavir{k, 
ch. 4, 7 Xè'yet, T, ypacpri. 
ch. lO, T Mtoiiar-?;; sItcîv, 



(i) Nous avons, dans l'ép. aux Hébr., une formule oorrespondante à celle-là 
£v AauîiS )iy&jv (ép. aux Hébr. 4,7), et elle ne se trouve qu'une seule fois dans l'épître. 



— 116 — 

L'auteur de l'épître aux Hébreux ne fait jamais mention 
de l'auteur du livre ni de la source du texte de la citation. 
Ce sont deux écrits qui accusent des caractères différents 
et qui semblent avoir été composés à des époques et dans 
des écoles différentes. 



117 — 



DE LA LANGUE DANS LAQUELLE L'EPITRE 
A DU ÊTRE ÉCRITE. 



Avant de poser la question de savoir dans quelle langue 
l'épître a été écrite, nous désirons attirer l'attention des 
théologiens sur les plus importants aramaïsmes ou expres- 
sions courantes de la terminologie thélogique palestinienne, 
aussi bien que sur les connaissances des spéculations rabbi- 
niques de l'auteur. 

£7z" hy^âioo Tcôv Y)[j.£pcov (ch. I, 2) pQ\n pp fin des jours. Dan. 

12, 13.- D^û\n nnri«5 Michée 4, 1,4. 

Toù; alwva; (ch. I, 2). ii'^ûhv /DID^^lî;»!. (voir Delitzsch, ép. aux 
Hébr. p. 4). 

à7T:a'jyao-ij.a = inr. (i, 3). C'est un mot très usité chez les 
cabbalistes. On connaît le livre qui a pour titre «Zohar)). 

à-a'jya-ij.a r^? oôlr^q {i , 3) rinp' iinn. Targoum Onkelos à 
Deut 33, 2. 

cpspwv rà Tcàv-ra (i, 3) h:)r\ ^310. Zohar Chaddash f. 9; Midr. 
Schmoth R. 133, 1 ; Bereshith R. 23.2 (voir M'Caul, ép, aux 
Hébr. p. II). 

T^ p-ri^y.v. (i, 3) n''"iD''DJ:. La Mémrah joue un rôle très impor- 
tant dans la création et dans la révélation chez les Targoumis- 
tes. Au fond, l'idée se trouve aussi dans les Psaumes. « Parla 
parole de Jehovah les cieux ont été faits et par le souffle de 
sa bouche, toutes leurs armées ». (Ps. 33, 6). 

£V .b'ir.lol;; (.1 3) D^Ûllû:: 

• AeiTOUpy.xà TTVcùjAa'ra (i, 14) mtyn ''D«'?tt/ 

■ . . .Âôyoq kyivz^o (âsj^aio; (2, 2) ù'p) inîî'. C'est la formule avec 



- 118 - 

laquelle on confirmait un contrat. On la trouve plusieurs 
fois dans le traité Gittin, etTargoum à Prov. 9, 7. 

olxo'Jijivri iilAlouaa (2, 5) "^mi HJ^hv.M^in ùh^V* 

ye'j(7£Ta', 9avà-ou (2, 9) NDirT'û dî;îû (aram.) nn^û nv'ô (hébr.) (voir 
Delitzsch ép. aux Hébr. p. 66). 

aïfj-a xai cràp^ (2, 14) DU "".tî'a, voir le texte du traité Sabbath, 
f. 88, 2 cité dans notre étude p. 48. Cette locution se trouve 
fréquemment dans les écrits rabbiniques. 

To Tîvsup-aTo aytov (3. 7; lo, 15) milp ti)'i, Targoum à Ps. 137, 5. 
Le Targoum l'emploie aussi avec le casus constr. KtympT «nn 
l'esprit de sainteté. 

6 Xôyoq xo'j 8coù (4, 12) ""n «lû""» si fréquent dans les Tar- 
goumim. 

Ikà'/aXpy. oicr-oixoq (4, 12) nrfi£3 ^in, (Ps. 1496); pÛlS pm «Ô''D/ 
voir Targoum, à Prov, 5, 4; KitSDin Kfl^d à Ps. 149,5. 

^pôvo; T'ôs 7_âp'.Toç (4, 16) iDnn XDD, Es. 16.5 Targoum et Hébr. 

X^piv sùpôTv (4.16) |n KVû voir Gen. 68, Hébr. et Targoum. 

Ge-/îo-£'.s îtaL Lx£T£p[aç (5, 7) ni''jni n'?''finy Dàtl. 9. 3- 

xaAov p-ô[;.a (6, 5) ilîa "lin Jos. 21. 43, Zach 3, 13. 

alwv pLÉW.wv (6, 5) '•mn «û'?ï;/ «in D^^iv. Plus haut l'auteur a dit 
olxou[jL£v/i (2, 5). Il connait donc le double sens de l'hébreu 
ùb)lf, ou chaldéen «d'?ï^ ; ùh'iV dans le sens de monde habité, 
univers, oi.xup.svri; et D^piv dans le sens d'époque, économie, 
dispensation alwv. 

Melyi^toky., dit l'auteur (ch. 7, 2) signifie, roi de justice. 
SaX-/][jL, veut dire paix. Salem n'est pas, pour l'auteur, un mot 
hébreu où il est toujours un adj. ou un adv., mais substari- 
tif araméen. (voir plus haut, p. 72). 

UpaxeLav Xap-^âvôlv (ch. 75) HJina tl)pbi 

Le subst. olc(.^y.'f\ dont l'auteur se sert avec le double sens 
de testament et d'alliance (ch. 9, 15 ss.) se trouve également 
dans la langue courante de la Palestine, aux environs de 
l'ère chrétienne. A la suite des influences hellénistes ce sub- 
stantif a pénétré dans la littérature palestinienne avec une foule 
d'autres. On l'écrivait '•piiT'l/ ipT)'''''! et aussi "pTi'"'! ; on le pronon- 
çait daïthikou, daïthiki et diathiki. Nous le trouvons dans 



- 119 — 

la Mishnah, traité Moed Katone f. i8, 2 ; Baba Bathra 1. 18, i ; 
Baba Meziah f. 135, 2 ; et dans le talmud, traité Baba Bathra, 
f. 13, I ; Gittin 28,1. Le Nouveau Testament syriaque poite 
pour titre «mn «pWl. L'origine grecque de ce mot a été vite 
oubliée, néanmoins, le mot a conservé son double sens 
jusqu'à la fin. Les talmudistes se posent la question: qu'est 
ce qu'un daithiki? et ils répondent ipTi"''''! veut dire ûp \in NT 
« ceci restera convenu, conclu * (i). Pour les talmudistes, daï- 
thikou est un mot d'origine hébraïque, dont les consonnes, 
ainsi pDl, constituent un anagramme représentant trois autrts 
mots. C'est un procédé philologique digne de Rabelais (2) 
mais ils nons montrent à nouveau, que bien qu'on ignorât 
l'origine du mot, il avait - néanmoins conservé son sens 
primitif. La langue palestinienne, à l'époque de l'ère chré- 
tienne, possédait encore deiix synonymes à Daïthiki: i) «û^p 
dans le sens exclusif de (( Alliance », et 2) n«1î^ dont le sens 
exclusif est <» testament», mais c'est le subst. daïthiki qui 
cumulait le double sens de testament et d'alliance. Dans le 
Nouveau Testament syriaque, on se sert tantôt de «Dp et 
tantôt de «pTi'iii. Le jeu de mot sur sur oia^-riy.'ri = ''p'^n'^'^i dans 
le double sens de Testament et d'Alliance pouvait donc se 
faire aussi bien dans la langue palestinienne de l'époque, qu'en 
grec, et l'épître aux Hébreux aurait pu être écrite, d'après ce 
que nous venons de dire, en araroéen, en syriaque, ou dans 
l'idiome particulier de la Mishnah. Le traducteur n'avait qu'à 
donner le mot grec qui se rapproche le plus et qui se propose 
iiaturellement, oia8-/,xT, pour '•pin*'!. La Septante, donne ■/.ffakiç 
pour bS)p c-à-d. l'équivalent dont l'original n'existe pas dans le 
texte. Ps. 40, 8. dit-i£3DnSijioa, mais, comme Megillah et Kephal 
disent tous les deux : rouleau (de parchemin), la Septante, 
ayant Kephal dans là pensée, traduit : h xecpaydi J3 (voir 



(i) Traité Baba Meziah, f. 19, i ; Baba Bathra 135, 2. 

(2) Rabelais. Vie dé Gargantua et de Pantagruel. 

. . . Quoy voyant Gargantua y print plaisir bien grand, sans aultrement s'en vanter 
et dist à ses gents : je trouve beau ce ; dont fçut depuis appelle ce pays la Beauce. 



— 120 — 

p. p. 84, 85). 11 est évident que le traducteur aurait donné, 
StaOriXT, pour ""pTin, si répître eût été écrite dans la langue de 
la Mishnah. 

Outre son vocabulaire, et saterminologie palestinienne, l'au- 
teur montre une grande connaissance des spéculations talmu- 
diques des écoles de son temps. Nous les avons constatés à 
chaqae citation. Il faut encore passer en revue quelques-unes 
de ces idées dont le. fond rabbmique ne saurait-être contesté. 

A travers tout son écrit et surtout au ch. 9, l'auteur semble 
confondre le tabernacle du désert avec le temple de Jérusalem. 
Ces deux sanctuaires, qui pour nous représentent deux institu- 
tions distinctes, se confondent au point de n'en faire qu'une 
Seule pour l'auteur. Cela provient de ce qu'il a devant l'esprit 
l'unité du commandement, ou de la révélation, touchant le 
sanctuaire. Le sanctuaire est un, il est organe de l'ancienne 
Alliance ou de la révélation patriarcale et prophétique; et, en 
tant qu'organe, il reste toujours le même dans son essence, 
malgré les transformations historiques qu'il subit. Le Temple 
et le tabernacle sont deux expressions successives de la 
même révélation. Ce sont deux institutions qui se super- 
posent et se confondent. Tabernacle et temple sont une seule 
et même chose, C'est un sanctuaire qui préfigure le vrai 
sanctuaire où le Christ grand-Prêtre est entré. Cette vue de 
l'auteur sur l'immutabilité et 1 unité du sanctuaire est essen- 
tiellement rabbinique. La Mishnah et le Talmud confondent 
aussi le Tabernacle et le temple, si bien qu'ils arrivent à dire : 
tyipû np^Ki pîyf^i \y^ti "'ip^a.i tî^npD ]n:3tyx, «Nous trouvons que le 
temple est appelé Tabernacle et que le Tabernacle est appelé 
temple » (traité Eroubin f. i, 2, et2, i ). 

La Jérusalem céleste, considérée comme un lieu de réunion 
de fidèles, (ch. 12,22; 13, 14), le Sabbat, type allégorique du 
Sabbat éternel, (ch.4, 9) sont des conceptions purement rabbi- 
niques, (voir Ménégoz, Théoi. de l'ép. aux Hébr. p. 217). 

D'un autre côté, il nous est impossible de trouver, et nous 
ne pensons pas que personne puisse trouver, des m-ots 
hébreux ou aràméens qui correspondent, en un seul mot. 



- 121 - 

comme en grec, à des expressions, telles que TioXup.spwç, 
TcoXuTooTtOs (r, i) p-s-p'-oTûaTsw (5, 2) cÙTreploTTaTo; (12, I) ou. des locu- 
tions équivalentes à yapaxTTip Tr\ç uiroa-Tacrsoj;; (l) il , 2) , i]J.a^ev 
àcp'tov STraBsv (5, 8). 

La dépendance de l'auteur à l'égard de Philon, ou du moins 
la communauté d'esprit et de langue entre ces deux auteurs 
ne saurait-être contestée. Nous renvoyons le lecteur à l'étude 
de M. Ménégoz sur l'auteur et Philon dans son livre^ La Théo- 
logle de VEpître aux Hébreux, p -p. 197-217. 

L'auteur est à la fois, et 'par sa terminologie et par ses 
idées, Palestinien et Alexandrin. C'est un rabbin-apôtre 
Philonien. Nous avons donc le droit de nous demander, en 
présence de sa double éducation, dans quelle langue l'auteur 
a écrit son épître? 

D'après la forme de l'épître, il semble probable qu'elle a été 
écrite en grec. La langue et le style de l'auteur plaident en 
faveur d'une composition originale et non d'une traduction. 
Toute l'épître paraît être écrite au courant de la plume, et 
porte UD cachet primesautier. 11 est vrai qu'il y a des traduc- 
teurs émérites sous la plume desquels l'original s'efface à un 
tel point- qu'on ne peut le reconnaître. Voyez le Macbeth de 
Schiller et le Macjieth de Shakespeare. ^L'allemand de Luther 
dans sa traduction du Nouveau Testament est supérieur au 
grec de l'original » (Ménégoz). Qui peut nous assurer, à ne 
regarder que la forme, que l'épître aux Hébreux n'est pas 
sortie de la main d'un traducteur de génie? La forme plaide 
en faveur d'une composition originale grecque, mais elle ne 
nous la garantit pas. 

Les citations seules peuvent décider dans quelle langue 
l'épître a été écrite. 

Toutes les citations, sans exception accusent des coïnci- 
dences très prononcées avec le texte des Septante. Nous avons 



(i) Nous n'avons pas pu trouver unt phrase hébraïque ou chaldéenne correspon- 
dante à cette locution, mais au fond l'idée est purement talmudique ; ainsi les tal- 
niudistes connaissent « les âmes des saints," qui planent immédiatement au dessous 
du trône de la gloire ». 



- 122 - 

démontré presque à chaque citation que l'auteur ne se pré- 
occupe pas du texte hébreu, et ne traduit pas lui-même de 
l'hébreu, c'est ce que nous avons également constaté que l'au- 
teur suit la Septante jusque dans ses lectures fautives et ses 
versions manquées inclusivement. Voir cit. ^ (p. p. 30, 31, 
32), où au lieu du texte de la Septante : 

Réjouissez-vous, cieux, avec lui (c.àd. avec Dieu). 

Et que tous les anges de Dieu se prosternent devant lui 
(c.àd. devant Dieu); il faut lire d'après le texte original 
hébreu : 

Chantez, cieux, (avec) son peuple. 

Et que tous les Elohim se prosternent devant lui (c.àd. devant 
son peuple). 

Dans la cit. 8 (Hébr. 2, 6) l'auteur fait ses spéculations sur 
le texte grec, le texte hébreu s'y prêterait beaucoup moins 
bien. 

Des vingt-neuf textes différents que l'auteur emploie dans 
l'épître quatre seulement, traduisent exactement l'hébreu, 
(mais ils sont aussi mot à mot dans la Septante). Tous les 
autres diffèrent notablement du texte hébreu, mais ils s'ac- 
cordent avec un des manuscrits de la Septante. L'auteur 
ne peut pas avoir écrit en hébreu et citer le grec de la Sep- 
tante. 

L'auteur n'a pas écrit son épître en hébreu, car il n'aurait 
pas pu se servir de la citation 10 (ch. 2 13). Il n'aurait pas pu 
introduire une citation d'un mothûiN' ou tout au plus de deux 
mots 1:3 noriN. Cela n'est pas dans les habitudes de son temps. 
On donne du moins une phrase entière et précise. 

L'auteur ne pouvait avoir écrit l'épître en hébreu, car outre 
qu'il nous manque une des formules des citations hébraïques 
consacrée, (STiDn car il est écrit) une formule que l'auteur 
semble ignorer, il a une très grande variété des formules 
(voir p. no), qui, non seulement ne se trouvent pas chez les 
rabbins de son temps, mais ne se rencontrent nulle part dans 
les écrits hébraïques. Quelques-unes de ses formules, telle que 
Suptapr^paTO Se ttou t!.ç "kiyoiy (ch. 2, 6), vluç StaXéyetai. (ch. 12,5), 
ne pouvaient pas avoir pour modèle une formule hébraïque, 



- 123 - 

car on ne peut pas les traduire convenablement en hébreu. 

D'après ce que nous venons de dire, il est également 
impossible que les citations aient été rectifiées par le traduc- 
teur, ou à une époque postérieure, d'après une des formes de 
la Septante. L'auteur fait ses spéculations sur un texte grec et 
non hébreu. Ses formules de citation n'ont aucun rapport avec 
celles de la Mishnah. Elles sont personnelles, spontanées et 
grecques. L'épître a donc été écrite en grec et non en hébreu. 



— 124 



LA DATE 



La citation 13, (ép. aux Hébr. 3, 7-9) : «Aujourd'hui si vous 
entendez ma voix... et ils ont vus mes œuvres quarante 
ans 7/, peut nous fournir une indication très précieuse pour 
dater l'épître. L'auteur, à la suite de cette citation, invite 
ses lecteurs à la repentance, aux exhortations mutuelles et 
journalières, et ceci pendant qu'il est encore dit (appelé) 
« Aujourd'hui. ». a-^ptÇ ou xb crri^epov xaXs'ÏTaf, (ch. 3, 13). Au 
ch. 10, 25, nous avons, en substance, la même exhortation 
pressante : «. . . mais exhortons-nous les uns les autres, et cela 
d'autant plus que vous voyez que le jour approche ». Cette 
insistance de l'auteur, auprès de sa communauté, sur une 
repentance immédiate, faite pendant que « l' Aujourd'hui » 
existe encore, est très caractéristique, et nous devons nous 
demander quelle durée de temps l'auteur a compris par 
To a-/-j|j.£pov ? Étant donné que son exhortation fait pen_ 
dant au texte de la citation, que Ps. 95,7-11 lui fournit le 
canevas et le modèle de son pressant appel, ce sont donc 
les « quarante ans » du texte qu'il a devant sa pensée, et la 
durée de -zo <y/iij.tooy, l'espace de temps qui est appelé » Aujour- 
d'hui » est par conséquent de 40 ans. 

Au ch, 4,8, l'auteur compare la communauté chrétienne 
sous la conduite du christ, au peuple d'Israël sous la conduite 
de Josué. Si le parallèle existe entièrement dans la pensée 
de l'auteur, le Christ devra faire entrer la communauté des 
croyants dans le repos idéal, comme Josué à fait entrer le 
peuple d'Israël dans un repos relatif, après quarante ans de 
séjour dans le désert, — et, par conséquent, le to (7'/]|ji.£pov aune 
durée de quarante ans. 



- 125 



L'auteur, dans les spéculations da ch. 4, se meut entiè- 
rement, dans l'atmosphère des spéculations rabbiniques (voir 
cit. 13 et 14, p. 54 à 6^). Mais comme les rabbins connaissent 
les jours du Messie de 40 ans » (i), il n'y a rien d'étonnant à 
ce que l'auteur les connaisse aussi. Ainsi l'épitre a dû être 
écrite, au plus tard, quarante ans après la scène de la passion, 
ou avant, et non bien distant de l'an 70. Ceci concorde admi- 
rablement bien avec les résultats de nos meilleurs critiques 
et exégètes, qui placent sa rédaction entre 64 et 68. (voir 
Ménégoz. La TliéoL de l'Ép. aiixHébr. p. p. 35-44). 



(i) Synh. i. <)(.), i; où il est dit: mw d^î)'i'^^< ri'tî'on fiW» « les jours du Messie 
sont quarante ans », nous nous demandons s'il n'y a pas dans notre texte une méprise 
d'un 1 pour un ) et qu'il l^iliaitlire rùl^i^ « et la mort du Messie est quarante ans ». 



126 



L'AUTEUR 

Les Citations nous ont permis de voir que l'épître n'a rien 
de commun avec les quatre auteurs à qui la tradition, d'après 
Origène, (i) a tour à tour, attribué cet écrit. Elle ne peut pas 
être de Saint Paul, ni de Luc, ni de Clément de Rome, ni de 
l'écrivain auquel nous devons l'épître de Barnabas. Les cita- 
tions nous ont également permis de connaître l'auteur, son 
Philonisme, son Rabbinisme et son Christianisme. Mais si 
nous avons pu pénétrer dans l'âme de l'auteur et percer à jour 
ses pensées, son individualité, il reste néanmoins, pour nous, 
un génie mystérieux que la brume impénétrable des siècles 
voile à notre regaid intellectuel. Nous ignorons tout de lui; 
sa carrière, son rôle dans l'église, sa date et lieu de naissance, 
et jusqu'à son nom; et nous ne pouvons mieux faire que de 
répéter les paroles d'Origène : tU oh 6 ypàtj/aç r^v £7zi<jxokriy , 
To [iiv àl-r^Uq Gsoç olBtv (2) qui a écrit l'épître, Dieu seul le sait. 
La vérité ' là-dessus : « Mieux vaut, dit M. Ménégoz, rester 
dans l'incertitude que d'émettre des affirmations contes- 
tables )). Il nous suffit de savoir qu'à part son rôle sociale et 
sa biographie, le génie de l'auteur s'est parfaitement révélé 
à nous (3). 



(i) Cité par Eus. Hist. Eccl. VI. 25. 

(2) id. 

(3) Théol. de l'ép. aux Hébreux, p. 65, 



TABLE DE MATIÈRES 



Bibliographie p. 

introduction 

Préliminaires 

Des livres que tout maître était censé connaitrc 
Les Versioiis de l'Ancien Testament ...... 

La Peshiithô 

La Version des Septante 

La Mishnah, le Talmud et le Midrash 

L'herméneutique et ses règles 

Les Citations de l'A. T. dans l'épitre aux Hébreux 

Plan de l'Epître . . ' 

Passages des livres Saints cités par l'auteur 

[ Citation 1 (Ep. aux Hébreux 1, 5) 

- 1, 5 

- 1, 6 

1, 7 
1,8 

- 1,10 

- 1,13 

2, 6 

- 2,12 

- 2,13 

- 2,13 



3,2-6 

3,7-11 

4, 4 



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25 






5, 5 
5, 6 
G, 7 
7,1-3 
7,17 
7,21 
8, 5 

8,8-12 

9,20 

10,5-6 

10,16-17 



5 

6 

10 

10 
U 
12 
15 
17 

21 
22 

26 
28 
29 
35 
37 
40 
41 
43 
49 
50 
52 

53 
54 
61 

64 
65 
69 
71 
73 
73 
74 

76 
81 
82 
86 



Citation 26 Ep. aux Hébreux 10,30 



2- 

o 



.... 88 

27 . — • 10,30 ... . 89 

28" - 10,37-38 .... .90 

29 — 11,1^ . . . . 92 

30 — 12,5-6 .... 93 

31 - 12,21 . . . .• 94 

32 - 12,26 .... 94 

33 — 13,5 .... 96 

34 — 13,6 .... 97 

CONCLUSIONS (a) 99 

De la manière dont l'auteur traite les textes de l'A. T. 102 

L'auteur et Saint-Paul 103 

L'auteur et Luc 104 

L'auteur et Clément de Rome 105 

Leurs biblicismes . . . . . . . . . . . . 106 

Leur manière d'enûisager tes textes sacrés et leur Remez . 107 

L'auteur de l'épître aux Hébreux et Barnabas. . . 108 

CONCLUSION (b) 

Les formules de citation 110 

L'auteur et St-Paul 111 

L'auteur et Luc 111 

L'auteur et Clément de Rome 113 

L'auteur et Barnabas. 115 

DE LA LANGUE DANS LAQUELLE l'ÉPITRE A DU ÊTRE ÉCRITE 117 

LA DATE 124 

l'auteur • 126 



11,3.11 

BS . 

3776 

.P2 



556317 



Padva 



Les oitat lflns d e l^anniei 

testament, ^ 



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