BIBMOTHÊQOE DE THÉOItOGIE lUSTOHlQDE
PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DES PROFESSEURS DE THEOLOGIE
A l'institut catholique de paris
EXÉGÈSE RABBINIQUE
ET
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EXEGESE PAULINIENNE
PAR
Joseph BONSIRVEN, S. J.
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Bibliothèque de Théologie historique
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EXEGESE RABBiNIQUE
ET
EXÉGÈSE PAULINIENNE
DU MEME AUTEUR :
Chez Beauchesne et ses fils.
Le Judaïsme Palestinien au Temps de Jésus-Christ. Sa théo-
logie. 2 vol. 1935.
Les Epitres de S. Jean, introduction, traduction et com-
mentaire. (Collection Verbum salutis). 1936.
Les Juifs et Jésus, attitudes nouvelles. 1937.
Chez Grasset.
Sur les Ruines du Temple, ou le Judaïsme après Jésus-Christ.
1928. (Collection la Vie chrétienne).
Chez Bloud et Gay.
Les Idées Juives au Temps de Notre-Seigneur. (Collection
catholique des Sciences religieuses). 1934.
Chez Flammarion.
Juifs et Chrétiens. 1936.
BIBMOTHÈQDE DE THÉOIiOGIE HISTORIQUE
PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DES PROFESSEURS DE THEOLOGIE
A l'institut CATHOLIQUE DE PARIS
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EXÉGÈSE RABBINIOUE
ET
EXÉGÈSE PAULINIENNE
PAR
Joseph BONSIRVEN, S. J.
BEAUCHESNE ET SES FILS
PARIS. RUE DE RENNES, 117
MCMXXXIX
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LIBBABIES
èîï^AOO.t^
AT/if /L OBSTAT
Jh. Demaux-Lagrange, S. J.
Praep. Prov. Tolos.
IMPRIMATUR
Parisiis, die 1=> aprllis 1938.
f Rogerius Beaussart
Eps Elaten.
Tous droits de reproduction, d'adaptation ou de traduction
réservés pour tous pays.
Copyright d938 by Beauchesne et ses Fils.
ÀVÂNT-PROPOS
« A ne tenir compte que de l'étymologie, [e^-qyriaiç, explica-
tion), écrivait le P. Durand, le terme d'exégèse peut s'entendre
de l'explication de n'importe quel texte; pratiquement, il ne
se dit guère que de l'explication du texte biblique ^ ." » C'est
dans ce sens restreint que le mot est employé ici.
C'est à l'intention des exégètes et des théologiens chrétiens
que nous avons entrepris cet ouvrage : ils se réfèrent volon-
tiers à l'herméneutique rabbinique, dans leurs remarques
sur les interprétations bibliques qu'ils rencontrent dans le
Nouveau Testament ou chez les Pères de l'Église. Presque
invariablement ils répètent les mêmes lieux communs : les
rabbins se servaient dans l'explication de la Bible des sept
règles d'HUlel, qui se sont ensuite dilatées dans les treize
d'Ismaël; leurs méthodes herméneutiques comprenaient
quatre gemmes indiqués par les quatre lettres PRDS (compo-
sant le par dés, jardia) : le pesât, qui dégage le sens littéral,
le rèmèz qui découvre les indications contenues dans le texte,
le derûs, ou l'interprétation familière ethomilétique, le sâd,
la science théosophique, l'invention des secrets mystiques
cachés sous la lettre^. Nous avions le sentiment que la réalité
est moins simple et qu'il était nécessaire de la faire con-
naître d'une manière concrète : par des exemples et par un
exposé systémati(jue des procédés exégétiques employés par
les rabbins anciens.
1. Dictionnaire d'Apologétique (A. d'Alès), 1. c. 1811 (Exégèse).
2. Cf. ibid., c. 1812, sq, et J. Brierre-Narbonne, Exégèse talmudique
des prophéties messianiques, Paris, 1934, p, 5-12.
C'est le Zohar (xin« s.) qui appliqua le mot pardés aux quatre
voies de l'interprétation biblique, par allusion aux rabbins qui
s'étaient introduits dans le jardin de la théosophie {Hagiga 14 b).
6 AVANT-PROPOS.
Une étude comparative ne peut s'instituer que si l'on connaît
suffisamment les deux termes à confronter. Nous livrons dans
notre première partie le terme le moins connu de la com-
paraison.
La seconde partie est une application de la méthode
comparative au cas le plus intéressant et le plus représen-
tatif.
PREMIÈRE PARTIE
QUELQUES PARADIGMES
DE L'EXÉGÈSE RABBINIQUE
ANCIENNE
AVERTISSEMENT
Écrivant pour renseigner nos collègues chrétiens, nous
avons pensé qu'il importait surtout de multiplier les exemples.
Nous les avons classés méthodiquement suivant les divers
types que présente l'exégèse des rabbins. Nous essayons
en outre de définir les lois herméneutiques qu'applique cette
exégèse. Nous laissons aux spécialistes, aux rabbins voués à
l'étude du Talmud, le soin de dégager le mécanisme dialec-
tique de ces méthodes, d'en discuter la valeur logique et
juridique, de rechercher leurs origines historiques, d'en
éclairer les procédés laborieux.
Nous avons restreint notre champ aux rabbins tannaïtes
(premier et deuxième siècles après Jésus-Christ). Ils vivaient
à l'âge d'or de l'exégèse juive : par eux furent créées et
développées les méthodes qui constituent le fonds et la base
de l'herméneutique juive. Les plus anciens d'entre eux avaient
été les condisciples de Paul à l'école de Rabban Gamaliel :
nous familiarisant avec leurs sentences, nous prenons con-
tact avec un milieu exégétique qui diffère assez peu de celui
qui a vu surgir le message chrétien primitif.
INDICATIONS BIBLIOGRAPHIQUES
SOURCES
Midrasim juridiques (tannaïtes).
Mekhilta (Exode), édition H. S. Horovitz (Rabin), Frankfurt a. M. 1926.
Siphra (Lévitique), édition Weiss, Wien, 1862.
Siphré d'bé Rab (Nombres), édition Horovitz, Leipzig, 1937.
Siphré d'bé Rab (Deutéronome) édition M. Friedmann. Wien, 1864.
(édition Horovitz- Finkèlstein, Breslan, en cours de publication).
Traduction de Siphré-N ombres par G. K. Kuhn (en cours de publi-
cation), Stuttgart.
Mekhilta de R. Siméon b, Yohai (Hoffmann), Frankfurt a M. 1906.
Autres midrasim :
Genèse rabba, édition Albeck-Theodor, Berlin, 1912, sqq.
Midras rabba, édition Romm, Wilna, 1896.
Tanfyuma, édit. Buber, Wilna, 1913.
Pesiqta de Rab Kafiana, édit. Buber, Lyck, 1868.
Seder 'Olam rabba, édit. B. Ratner. Wilna, 1897.
Talmud.
Misna, éditions Strack (Leipzig), Beer-Holtzmann (Giessen). Traduc-
tion Danby, Oxford, 1933.
Tosephta, édit. Zuckermandel, Pasewalk, 1880.
Talmud palestinien (Jérusalem), édit. Krotoschin, 1866.
Talmud babylonien, édit. Romm, Wilna, 1896.
(Modes de citation : Misna (parfois précédée de M.) par chapitres et
halakhot, le Babli par folio a et b, le Palestinien (indiqué par Pal.)
par chapitre, halakha et folio abcd, la Tosephta (indiquée par Tos.)
par chapitre et halakha).
TERMINOLOGIE DE L'EXÉGÈSE JUIVE
W. Bâcher, Die exegetische Terminologie der judisehen Traditions-
literatur, I, (Tannaîten), Leipzig, 1899.
Ch. Albeck, Einleitung und Register zum Bereschit iîaôôa, Berlin, 1931,
p. 19-44.
J. Vinter und Wuensche, Mechilta...ûber^ezt.., Leipzig, 1909, p. 377-390.
A. Bâcher, Die Proômien der jiidischèn Homilie, Leipzig,. 191 3.
W. Bâcher, Die Agada der Tannaiten, P, 1903, 11, 1890, Strasbourg.
10 INDICATIONS BIBLIOGRAPHIQUES.
OUVRAGES GÉNÉRAUX SUR L'EXÉGÈSE RABBINIQUE
(RosENBLATT, op. laud. p. 2, déclare : « Une étude objective et cri1
que de l'exégèse rabbinique de la Bible est encore un des
deratum. >)
W. Bâcher, Bible Exegesis, dans : the Jewish Encyclopedia, Ne
York, 1906, III, p. 162-174.
A. Kaminka, Bibelexegese, dans : Encyclopaedia judaica, Berlin, 192
IV, c. 619-627.
H. L. Strack, Einleitung in Talmud und Midras, Miinchen, 192
p. 95-109.
M. MiELZiNER, Introduction to the Talmud, New York,'-1925, p. 115-11
(Légal hermeneutics of the Talmud).
H. S. HiRSCHFELD, Holachische Exégèse, Berlin, 1840.
— , Haggadische Exégèse, Berlin, 1847.
L. WoGUÉ, Histoire de la Bible et de l'Exégèse biblique jusqu'à n
jours, Paris, 1881 (p. 164-173, méthodes exégétiques, p. 1'
367, histoire de l'Exégèse).
OUVRAGES PARTICULIERS
A. Berliner, Beitràge zur hebràischen Grammatik in Talmud m
Midrasch, Berlin, 1879.
Lieber Dobschuetz, Die einfache Bibelexegese der Tannaim, Halle
S., 1893.
H. L. Strack, Prolegomena critica in Vêtus Testamentum hebraicv
(II. De textu bibliorum hebraicorum qualis jtalmudistarum tei
poribus fuerit), Lipsiae, 1873.
Samuel Landau, Ansichten des Talmuds und der Geonim ûber d
exegetischen Wert des Midrasch, Halle, 1888.
Ludwig Blau, Masoretische Unîersuchungen, Strassburg, 1891.
Bernhard Koenigsberger, Aus Masorah und Talmudkrilik, Berlin, 18Ç
Georg Aicher, Das Alte Testament in der Mischna, Freiburg i. B. 19C
Samuel Rosenblatt, The Interprétation of the Bible in the Mishna
Baltimore, 1935.
Isaak Heinemann, Altjûdische Allegoristik, Breslau, 1936.
Ed. BiBERFELD, Beitràge zur Méthodologie der halachishen Penl
teuchexegese, Berlin, 1928.
Adolf ScHWARTZ, Die Kontroversen der Schammaiten und Hillelite
Karlsruhe, 1901.
— Die hermeneutische Analogie in der talmudischen Literat't
Wien, 1987.
— Der hermeneutische Syllogismus in der talmudischen Literati
Karlsruhe, 1901.
— Die hermeneutische Induktion in d. t. Lit. Wien und Leipzig, I9(
— Die hermeneutische Antinomie in d. t. L. ibid. 1913.
— Die hermeneutische Quantitâtsrelation in d. t. L. Wien, 1916.
CHAPITRE PREMIER
1. — QUELQUES NOTIONS GÉNÉRALES.
i° L'exégèse biblique dans le Judaïsme.
Dans les siècles qui précèdent et suivent l'établissement du
Christianisme, l'exégèse biblique, le Midrâs\ est une disci-
pline activement exercée en Israël. Expliquer les Écritures,
les scruter, dégager toutes leurs significations possibles,
discuter les interprétations proposées : autant d'exercices aux-
quels les rabbins des deux premiers siècles consacrent le
meilleur de leur temps. Nous saisissons, en outre, dans leurs
exégèses une évolution touchant les méthodes et les opinions,
qui atteste une tradition déjà ancienne. Il est fait allusion
aux interprétations singulières que soutenaient des interprètes
antérieiu-s, les dôi'ëé résumai, ou dot'sé hamûrôt^. Ces
indications permettent d'affirmer que les études exégétiques
étaient une des principales fonctions de ces Scribes, dont
les rabbins passaient pour être les héritiers et les con-
tinuateurs.
Cette induction est confirmée par les deux faits suivants.
D'Esdras, le premier et le modèle des Scribes, il est dit
(7, 10) « qu'il appliquait son cœur à scruter [derôs, étudier,
interpréter) la Tôrâ d'Yhwh et à la pratiquer, ainsi qu'à
enseigner en Israël préceptes et décrets ». Les écrits du même
1. Dans l'hébreu postbiblique le verbe dâras est employé unique-
ment dans un sens technique, qui apparaît déjà dans les derniers
livres de l'Ancien Testament ; expliquer un texte biblique particulier,
interpréter les Ecritures. Le substantif dérivé, midrds, aplusieurs sens,
mais tous dans la même ligne ; recherche, étude; interprétation d'une
écriture ou des Ecritures en général; les écrits qui contiennent ces
interprétations. Voir Strack, îoc. cit., p. 4; Bâcher, Terminologie,
p. 25, sqq., 103, sq.
2. Sur ces mots voir infrà, p. 249-251.
12 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
temps présentent l'étude [dâras] des commandements de Dieu
comme une occupation qu'aiment les justes et que négligent
les impies {Ps. 119, 45, 94, 155; 1 Chron. 28, 8).
Et il était naturel, nécessaire, que cette période de l'histoire
juive, qui se déroule sous le signe d'Esdras, fût marquée par
une importance particulière donnée à l'étude des Ecritures.
Israël ]3i'end de plus en plus la forme d'une communauté
religieuse, vouée à l'établissement du règne de la Loi de
Dieu : la Tora est le code unique et totalitaire, qui doit
informer l'esprit et la conduite des fidèles, guider les com-
portements de la nation : tout en elle, rien sans elle ou en
dehors d'elle. Gomme le dira un contemporain de Jésus-
Christ : (( Tourne-la (laTôrâ), retourne-la, car tout est en elle
et toi aussi tu y es tout entier ; et ne t'en écarte pas, car tu ne
trouveras rien de meilleur qu'elle ^ . »
A l'ouverture de cette période, Esdras le Scribe, entouré et
aidé de ses compagnons, lit et explique la Loi de Dieu au
peuple [Néhem. 8, 1-8); aux termes d'une ancienne tradition
il aurait préparé et publié une nouvelle édition des livres
saints (4 Esd. 14, 37-48), Étudier la Tora, en instruire les
fidèles, demeure la principale occupation des Scribes, qui,
après Esdras, se font les instructeurs de la nation et ses guides
spirituels. Jésus, fils de Sirach, un des leurs, écrit l'éloge de
ces hommes qui renoncent aux métiers manuels pour se
consacrer tout entiers à méditer la Loi du Très-Haut et qui
méritent ainsi d'avoir une place distinguée dans les assem-
blées, de pouvoir occuper le siège du juge, d'interpréter la
justice et le droit [Eccli. 38, 24-39, 11).
Ces études exégétiques poursuivent deux objectifs complé-
mentaires : faire l'inventaire du dépôt des Ecritures; fonder
sur la parole divine l'enseignement des docteurs. Nous voyons,
dès la fin du premier siècle, les rabbins les plus réputés,
Eliezer le grand, Josuében Hanania, pratiquer ces deux formes
d'exégèse : celle qui n'a d'autre fin qu'elle-même, l'exégèse
désintéressée; celle qui fournit une démonstration nécessaire,
1. Pirqé Abat, 5, 22; sentence attribuée là à Ben Bag Bag, disciple
de Hillel; dans Abôt de Rabbi Nathan. 12, 12, elle est mise dans
la bouche de Hillel lui-même.
l'exégèse dans le jodaïsme. 13
l'exégèse intéressée, l'exégèse juridique. Il est probable que
dès les origines les scribes se sont également engagés dans les
deux directions ; divers indices semblent pourtant suggérer
que l'on a scruté les Écritures avant tout pour en tirer un
enseignement, pour y découvrir les lois qu'elles contiennent.
C'est dans ce sens que Jésus, fils de Sirach, s'applique aux
Écritures; c'est pour fonder sur elles sa jurisprudence
qu'HiUel formule ses règles d'herméneutique.
Les Maîtres en Israël devaient concilier deux obligations, en
apparence contradictoires : d'une part l'interdiction soit
d'ajouter à la Loi qui contient tout, soit d'en rien retrancher
puisqu'elle est sacrée; d'autre part, la nécessité d'adapter
cette Loi aux circonstances, d'édicter la Loi orale, dont quel-
ques prescriptions éliminent pratiquement tels commande-
ments anciens ou bien introduisent d'incontestables innova-
tions. L'exégèse résout la difficulté : un raisonnement ingé-
nieux déduit de la lettre divine les préceptes nouveaux.
Notons dès maintenant que cette exégèse n'invente pas, mais
seulement justifie, une loi qui tire toute sa valeur de la tradi-
tion ; et c'est un principe reçu qu'un raisonnement ne peut
fonder une loi si elle n'a déjà autorité i. Pour autant l'exégèse
juridique pourra, impunément et sans crainte, se donner
carrière, se permettre toutes les subtilités, tous les arbitraires :
les conclusions qu'elle doit démontrer sont déjà acquises.
Suivant ces deux directions nous avons deux espèces d'exé-
gèse : l'exégèse qui est censée fonder le droit, les halâkôt,
l'exégèse halakhique ; l'exégèse qui scrute les Écritures pour
les mieux comprendre pour y découvrir des enseignements
moraux ou religieux, l'exégèse haggadique. En théorie ces
deux exégèses devraient suivre des voies différentes et telles
règles herméneutiques sont plus propres à la halâkâ : en
pratique l'une et l'autre procèdent à peu près de la même
1. Cf. infrà, p. 88, 92 et Aicher, op. cit. p. 57-60 sur les prescriptions
introduites sans aucun appui scripturaire.
Le même Aicher, ibid. p. 154-156, s'efforce de démontrer que la
forme Mischna, c'est-à-dire la prescription nue, sans fondement exé-
gétique, a précédé le Midrasch, soit le commentaire scripturaire
halakhique ; même si quelques-uns des arguments présentés sont con-
testables, l'ensemble de la thèse paraît certain.
14 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
manière. Il ne parait donc pas opportun de les exposer séparé-
ment ; il suffira de signaler à l'occasion les procédés caracté-
ristiques de l'une et de l'autre branche ^
2° Les sources : la littérature exégétique
Où trouver nos exégèses? Nos sources sont de deux espèces,
appartiennent à deux genres littéraires distincts.
La littérature juridique. D'abord la Misnâ, rédigée par
Juda le Prince vers la fin du second siècle ap. J,-G. ; il est
remarqiiable que le plus souvent les halakhot sont rapportées
simplement sans aucun souci de les fonder sur l'Écriture;
plusieurs préceptes sont pourtant accompagnés soit de réfé-
rences scripturaires, soit d'exégèses plus ou moins com-
pliquées^. La Tosephta, recueil de lois parallèle à la Miéna
et de peu postérieur est, au contraire, riche en midrasim de
toute espèce. Cette différence trahit une diversité d'écoles et
de tendances. Les deux commentaires de la Misna, le pales-
tinien [Talmud de Jérusalem) et le babylonien [Talmud
babylonien), font une très large place au midras, tant
halakhique que haggadique.
La littérature exégétique proprement dite, soit les commen-
1. AicHER, op. cit., p. 152, note très justement que la distinction,
ordinairement affirmée entre les méthodes herméneutiques suivies
respectivement par la Halakha et la Haggada est imaginaire. Bâcher,
die Agada der Tannaiten, I, p. 464 (appendice sur le mot Haggâdâ)
écint : « En fait, à l'origine il n'y avait pas de différence formelle entre
l'exégèse halakhique et l'exégèse haggadique, il serait faux de consi-
dérer le midrasch halakhique et le midrasch haggadique comme deux
domaines séparés dès le principe. Il suffit d'étudier les monuments qui
nous ont été conservés de l'ancien midrasch pour s'en convaincre. Là,
selon l'ordre des vei'sets du passage expliqué, les interprétations
suivent les interprétations et ce n'est que le caractère intrinsèque du
texte commenté qui conditionne la nature halakhique ou haggadique
de l'exégèse ».
Cf. aussi Strack, Einleitung in Talmud und Midras^, p, 96 : la
haggada utilise les mêmes règles que la halakha, bien qu'elle en
suive qui lui soient propres.
2. Voir Strack, loc. cit., p. sqq. et H, Danby, The Mishna trans-
lated... (Oxford, 1933), Introduction, p. xxiv, sq. : références aux textes
de la Misna et de la Tosepha. On trouve environ 666 citations
scripturaires dans la Misna: la Tosephta en contient beaucoup plus.
OCCASIONS DES EXEGESES. 15
taires rabbiniques sur les divers livres de la Bible, les midra-
sim. Dans cette collection nous tiendrons compte tout parti-
culièrement de ceux qu'on appelle les midrasim halakhiques,
Mekhilta sur l'Exode, Siphra sur le Lévitique, Siphré sur les
Nombres et le Deutéronome. Ces compilations, à peu près con-
temporaines de la Misna, contiennent les exégèses des rabbins
de l'âge tannaïte et aussi des exégèses plus anciennes ; bien
que dénommés halakhiques, ces commentaires comportent en
réalité quantité d'exégèses haggadiques ' .
C'est dans cette littérature qu'on saisit comme sur le vif les
habitudes et les traditions exégétiques des rabbins. Nous les
entendons discuter les interprétations proposées par leurs
collègues ou par leurs devanciers. Surtout nous voyons à
l'œuvre des esprits subtils, insatiablement curieux, acharnés à
chercher et à examiner tous les sens que peut revêtir un texte.
3° Occasions des exégèses.
Ce prurit de multipHer les interrogations, de tout mettre
et remettre en question, d'ergoter sans fin et pour le plaisir,
se manifeste par des formules caractéristiques qui amorcent
les développements exégétiques. En voici quelques échan-
tillons.
Ce sont d'abord des questions sur tel ou tel texte qui
soulève des problèmes.
A propos des mots qui ouvrent le livre du Deutéronome :
« Voici les paroles que dit Moïse, etc. )), le commentateur se
demande :
Moïse n' aurait-il fait que cette prophétie? N'a-t-il pas écrit la Tora
tout entière, suivant qu'il est dit {Deut. 31, 9) : « Et Moïse écrivit (toute)
1. Il serait intéressant d'étudier, comme témoins de l'exégèse
rabbinique, les plus anciennes versions des Écritures : les diverses
traductions grecques, les targums araméens; les deux targums pales-
tiniens du Pentateuque abondent en traditions haggadiques. Ces
recherches, fort délicates, donneraient des résultats moins sûrs et
surtout beaucoup moins étendus que l'étude des écrits rabbiniques.
Dans son travail Dobschutz a rapproché quelques exégèses rabbiniques
des textes correspondants des anciennes versions. P. Churgin, Targum
Jonatham to tke Prophets, New Haven, 1907, p. 80, 84, 87, 93, étudie
les indications exégétiques que contient ce targum.
16 EXÉGÈSE RA.BBINIQUE.
cette Tora » ? Pourquoi est-il enseigné ^ en ces termes « voici les paro-
les » ? Cela nous apprend que c'étaient des paroles de réprimande, sui-
vant qu'il est dit (beut. 32, 15) : « Et Yeshurun est devenu gras et il a
regimbé ». Et de la même manière tu dis {Amos, 1, 1) : « Paroles
d'Amos qui fut parmi les bergers de Thecoa, ce qu'il a vu au sujet de
Jérusalem. » Amos n'aurait-il fait que cette prophétie ? N'a-t-il pas pro-
phétisé plus que ses compagnons? Pourquoi est-il enseigné en ces
termes « paroles d'Amos »? Parce que ce furent des paroles de répri-
mande, suivant qu'il est dit (Amos, 4, 1) : « Ecoutez cette parole, vaches
de Basan, qui êtes sur la montagne de Samarie ». Cette expression
désigne leurs tribunaux. Mêmes remarques sur Jérémie, David, Salomon
(Ecclésiaste) ^.
Le texte suivant nous fait assister à une scène d'école : un
disciple interrogeant son maître sur un mot qui lui parait
sans raison d'être, le maître lui répond en lui faisant observer
que la syntaxe de la phrase est absolument régulière :
« Et Moïse dit à son beau-père, etc. » {Ex. 18, 15) ; On dit : sur ce
mot Juda de Kephar Ikos interrogea Rabban Gamaliel : « Pourquoi
Moïse a-t-il dit : Quand le peuple vient vers moi » ? (Il s'étonne sans
doute que Moïse se pose comme celui qu'on doit interroger.) Le maître
lui répondit: « Si cela ne convient pas qu'aurait-il dû dire? » L'autre
repartit: « Quand le peuple vient vers moi pour interroger Dieu »
(texte biblique complet). Le maître répondit: « Puisqu'il a dit « pour
interroger Dieu, » il a bien dit » 3.
Ou bien question sur une allusion dont manque la réfé-
rence :
« Et il arrivera quand vous entrerez dans la terre que Yhwh vous
donnera comme il l'a dit... » {Ex. 12, 25j. Mais où l'a-t-il dit? « Je vous
introduirai dans la terre « {Ex. 6, 8). Pareillement tu peux citer
{Ibid. 16, 23) : « C'est ce que Yhwh a appelé sabbaton ». Mais où l'a-t-
il appelé? « Et il arriva au sixième jour » {Ibid., 16, 5)-*.
Ou bien difficulté sur une expression métaphorique qui
semble impliquer une impossibilité :
« J'enivrerai mes flèches de sang » {Deut. 32, 42). Est-il possible que
des flèches s'enivrent de sang? Mais voici que j'enivre d'autres êtres
1. « Enseigner en ces termes », traduction littérale d'une formule,
talmûd lômar, probablement la formule la plus employée dans cette
litléraiure, pour indiquer une référence directe à un texte biblique.
2. Siphré Deut. 1, 1, § 1, 64 a.
3. Mekhilta in loc. p. 196.
4. Mekhilta in ^c. p. 39.
OCCASIONS DES EXÉGÈSES. 17
de ce que font les flèches. « Et mon épée se repaîtra de chair. » Est-il
possible à une épée de se repaître de chair? Mais je repaîtrai d'autres
êtres de ce que fait mon épée. Et dans le même sens il est dit {Ezech.
39, 17, 18): « Fils de l'homme, dis aux oiseaux de toute sorte et à tous
les volatiles du ciel (citation libre) : Assemblez-vous et venez!
Réunissez-vous des alentours à mon sacrifice que je fais pour vous...
Et vous mangerez de la graisse à satiété et vous boirez du sang jusqu'à
l'ivresse.,. » Et il dit encore (/s. 34, 6) : « L'épée de Yahwé est pleine
de sang et ruisselante de graisse », Pourquoi? « Car Yahwé fait un
sacrifice à Bosra et un grand carnage au pays d'Edom »*.
Étonnement sur une indication historique, qui parait
invraisemblable, et réponse :
« Les enfants d'Israël partirent de Ramsès pour Sokoth » {Ex.
12, 37). De Ramsès à Sokoth il y a cent vingt parasanges. Laparasange
faisant quatre milles, la voix de Moïse aurait porté à quarante jours de
marche? Ne t' étonne pas. Voici qu'il est écrit : {Ex. 9, 8, 9). « Yahwé
dit à Moïse et à Âaron : Prenez une pleine poignée... qu'elle devienne
une fine poussière sur toute la terre d'Egypte ». Voici qu'on peut
raisonner a fortiori : si la fine poussière, qui n'a pas pour essence de
s'étendre, s'étendit sur une surface de quarante jours de marche, à
combien plus forte raison la voix qui a pour essence de s'étendre en
un clin d'œiP.
Ou bien une action divine paraît inadmissible moralement :
« Yahwé frappa... jusqu'aux premier-nés des captifs » (Ex. 12,29).
Est-ce que les captifs avaient péché? Non, mais uniquement pour que
les captifs ne puissent pas dire : C'est notre crainte (notre religion,
notre Dieu) qui a amené sur eux ces peines. Terrible est notre crainte
qui peut subsister. Terrible est notre crainte, puisque les peines n'ont
pas de prise sur nous. Autre explication: c'est pour t'apprendre que de
tous les décrets (de persécution), que Pharaon avait décrétés contre
Israël, les captifs s'étaient réjouis, suivant qu'il est dit (Prov. 17, 5) :
« Qui se réjouit d'un malheur ne sera pas impuni » s.
Ou bien un mot du texte parait superflu alors qu'il a une
profonde signification :
« Ecoute, Israël, Yahwé, notre Dieu » {Deut. 6, 4). Pourquoi
ces termes? N'est-il pas dit encore : « un Yahwé unique? » Et pour-
1. Siphré, Deut. in lac. § 332, 140 a.
2. Mekhilta in lac. p. 47, sq. L'expression « s'étonner » employée
ici sous forme négative, revient très souvent dans les Midrasim plus
récents sous forme positive : « je m'étonne » .
3. Mekhilta in loc. p. 43.
18 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
quoi est-il enseigné en ces termes « notre Dieu » ? C'est sur" nous par
excellence qu'il fait reposer son nom. Pareillement tu trouves dit (£"3!;.
23, 17) : « Trois fois par an tous tes mâles se présenteront devant
le Seigneur Yahwé, Dieu d'Israël (ce deux derniers mots ne figurent
pas dans la Bible) ». Quel besoin de dire cela, n'est-il pas dit aussi
« devant le Seigneur Yahwé » ? Pourquoi est-il enseigné en ces termes
« Dieu d'Israël »? C'est sur Israël par excellence qu'il a fait reposer
son nom! Même remarque sur Ps. 50, 7. Autre explication : « Yahwé,
notre Dieu » : « un seul Yahwé », sur tous ceux qui entrent au siècle;
« Yahwé notre Dieu », en ce monde ; « un Yahwé unique » pour le
siècle qui vient ^.
Enfin la question peut porter, soit sur une difficulté ou
impossibilité historique, soit sur d'apparentes contradictions
des Écritures : ce dernier cas est particulièrement fréquent.
Moïse demande à Dieu de passer de l'autre côté du Jourdain
et de voir le pays promis {Dent. 3, 25) :
Est-il possible que Moïse ait demandé devant le Mâqôm (le Lieu =
Dieu) d'entrer dans la terre (promise) ? N'est-il pas dit aussi [ibid.
27 et Num. 27, 12, 13) : « Tu ne passeras pas ce Jourdain »? Parabole.
La chose est semblable à un roi qui avait deux serviteurs. Il décréta
que l'un d'entre eux ne boirait pas de vin pendant trente jours.
Celui-ci dit : qu'a-t-il décrété à mon sujet ? que je ne boive pas de vin
de trente jours ? Je n'en goûterai pas de toute une année, et
même de deux années. Et tont cela pourquoi? Pour obtenir que soit
annulé le décret de son maître.
Celui-ci, à nouveau, décréta que le second serviteur ne boirait pas
devin de trente jours. Ce dernier dit : Est-il possible que je vive même
une heure sans vin? Et tout cela pourquoi? Pour témoigner son amour
envers son maître.
De même Moïse aimait les paroles du Mâqôm (le Lieu = Dieu) et il
demandait devant lui (à Lui) d'entrer dans la Terre. C'est pourquoi i^
est dit : « Puissé-je entrer et voir ! » -.
I
Contradictions historiques ou juridiques flagrantes :
« Il y a onze jours de marche de i'Horeb, par la montagne de Séir,
jusqu'à Cadès-Barné » {Beut. 1, 2). Y a-t-il onze jours de marche jusqu'à
Qibrot Hattawwa et de Qibrot Hattawwa jusqu'à Hasérot ? Voici qu'il
n'y a que trois jours de marche, suivant qu'il est dit {Num. 10, 33) : « Ils
1. Siphré, in Zoc, § 31, 73 a.
2. Siphré Deut. 3, 25, § 28, 71 b. Mekhilta sur Ex, 13, 21, p. 82.
Est-il possible que Dieu allât devant eux, lui qui remplit le ciel et
la terre [Jér. 23, 2i)?
OCCASIONS DES EXEGESES.
19
partirent de la montagne de Yahwé et ils firent trois jours de marche ».
R. Juda dit : N'est-ce pas qu'en ces trois jours de marche les Israélites
firent une marche de onze étapes?
Ne peut-on pas dire qu'il y a quarante jours de marche suivant qu'il
est dit d'Elie {1 Reg. 19, 8) : « Il se leva, mangea et but et par la force
de cette nourriture il marcha pendant quarante jours et quarante
nuits ». Si les Israélites l'avaient mérité, en onze jours ils seraient
entrés dans la Terre. Mais de ce qu'ils avaient corrompu leurs actions
le Maqom (Lieu = Dieu) leur imposa quarante années...^.
« Marie et Aaron parlèrent contre Moïse au sujet de sa femme cous-
hite » [Num. 12, 1). Etait-elle coushite? N'était-elle pas madianite, sui-
vant qu'il est dit {Ex. 2, 16) : « Le prêtre de Madian avait sept filles ? »
Et pourquoi est-il enseigné en ces termes « coushite »? Mais, de
même que le coushite se distingue par sa peau, de même Séphora se
distinguait de toutes les femmes par sa beauté. De même tu dis {Ps.
7, 1) : « Shiggaion de David qu'il a chanté à l'occasion des paroles de
Cush le benjaminite». Etait-il donc coushite? Mais de même que le
Coushite se distingue par sa peau, de même Saul se distinguait par
son apparence... 2.
Nous trouvons enfin des questions qui introduisent des
conjectures bizarres, très nombreuses dans la littérature
exégétique rabbinique :
« Et les eaux se divisèrent » {Ex. 14, 21). Toutes les eaux du monde
se fendirent. D'où tires-tu que se fendirent même les eaux des puits,
des citernes, des cavernes, des cruches, des coupes, des vases de
verre, des tonneaux? De ce qu'il est dit « les eaux se fendirent ». De
ce qu'il est écrit ailleurs « la mer se fendit » et qu'il est écrit ici « les
eaux se fendirent », il enseigne que se fendirent toutes les eaux du
monde. D'où tires-tu que se fendirent aussi les eaux supérieures et
inférieures? De ce qu'il est dit {Ps. 77, 17) : « Les eaux t'ont vu,
ô Dieu, les eaux t'ont vu; elles ont tremblé, bien plus, l'abîme s'est
ému »... ^.
Après ces problèmes d'ordre plutôt exégétique, les pro-
blèmes juridiques : la portée juridique de textes, qui sem-
blent superflus ou dont la raison d'être n'apparaît pas.
« Mais si un homme agit méchamment (contre son prochain) » [Ex. 21,
14). Pourquoi cette section est-elle dite? De ce qu'il dit {Lêv. 24, 17) :
1. Siphré Deut. 1, 2, § 3, 65 ab. Dans le Siphré de Num. 10, 33, § 82,
p. 77, est présentée une autre conciliation.
2. Siphré Num. 12, 1, § 99, p. 98, sq.
3. Mekhilta, Ex. 14, 21, p. 104.
20 EXÉGÈSiE RABBINIQXJE.
« Celui qui frappe un homme mortellement sera mis à mort », on
pourrait entendre : tant celui qui frappe volontairement que celui
qui frappe par mégarde, les étrangers, le médecin qui tue, celui qui
frappe par l'ordre du tribunal, celui qui châtie son fils ou son disciple :
il est enseigné en ces termes : « s'il agit méchamment », pour exclure
celui qui agit par mégarde; « un homme », pour exclure l'enfant:
« homme », pour inclure les étrangers; « son prochain », pour inclure
les enfants ; « son prochain », pour exclure les étrangers ^.
La formule précédente, propre à l'école d'Ismàël, est rem-
placée souvent par une formule très usitée, destinée à mettre
en relief la précision juridique contenue dans un texte parti-
culier': « Pourquoi ces mots? De ce qu'il est dit ailleurs on
pomTait déduire... Non! ces mots indiquent... »
« Une même loi pour l'indigène {'ézrah)... » [Ex. 12, 49). Pour-
quoi est-ce dit? N'est-il pas dit ailleurs (ibid. 12, 48) : « il sera comme
l'indigène du pays »? Et pourquoi est-il enseigné en ces termes :
« une seule loi pour l'indigène »? De ce qu'il est dit : « si un étranger
séjournant chez toi veut faire la pâque » je pourrais dire : il n'y a que
pour la pâque que l'étranger soit assimilé à l'indigène Cézrah); pour
le reste des commandements de la loi, d'où le tire-t-on? « Une seule loi
pour l'indigène et pour l'étranger » . La Loi assimile l'étranger à l'indi-
gène en tous les commandements de la Loi 2.
« Aucun étranger n'approchera de vous » {Num. 18, 4). Pourquoi est-
ce dit? De ce qu'il (Dieu) dit {ibid. 18, 7) « l'étranger qui approchera
sera mis à mort », nous entendons la punition (à infliger au crime) ; où
trouver l'interdiction? De ce qu'il est enseigné en ces termes :
« aucun étranger n'approchera de vous » ^.
Parfois la précision ainsi dégagée est tout haggadique.
a Et la colère de Yahwé s'enflamma contre eux; et il s'en alla »
{Num. 12, 9). Après qu'il leur a fait connaître leur faute il décrète
contre eux l'excommunication... Rabbi Nathan disait: pourquoi- leur
fit-il connaître leur faute et après cela décréta-t-il contre eux l'excom-
munication? Pour qu'ils ne disent pas comme Job (10, 2) : « Fais-moi
connaître pourquoi tu me prends à partie? »''.
Question fréquente : pourquoi tel mot, ou tel précepte,
est-il répété? Ici encore nous aboutissons à des précisions,
soit juridiques, soit haggadiques.
1. Mekhilla, in loc, p. 263.
2. Mekhilta, in Zoc, p. 57.
3. Siphré Num, in loc, § 116, p. 132.
4. Siphré Num, in loc,, § 104, p. 102.
OCCASIONS t>ES EXÉGÈSES 21
a Tout habitant pur de ta maison en mangera » {Num. 18, 13).
Pourquoi est-ce dit? N'est-il pas dit aussi {ibid. 11) : « tout habitant pur
de ta maison en mangera »? Pourquoi donc est-il enseigné en ces
termes (13): « tout habitant pir de ta maison en mangera» ? Pour inclure
la fille d'Israël fiancée à un prêtre. Que si nous cherchons si une
femme peut manger de la terûmâ (prélèvement sacerdotal), nous
trouvons désignée (11) la femme mariée à un prêtre. Pourquoi donc
est-il enseigné en ces termes : « tout habitant pur de ta maison en
mangera »? Pour inclure la fille d'Israël fiancée à un prêtre. Les
termes incluent la fiancée et aussi l'hôte de passage {lôshâb) et le
mercenaire : comment alors faire droit (accomplir, qaiièm) à l'écriture
{Ex. 12, 45) : « L'hôte de passage ni le mercenaire n'y auront part »?
L'hôte et le mercenaire qui sont en ton pouvoir en mangeront, mais
l'hôte et le mercenaire qui ne sont pas en ton pouvoir n'en mangeront
pas'.
Dans la section sur les villes de refuge, il est dit trois fois
« Ik-sammd » et trois fois « son compagnon » : pourquoi?
Là (sam) il habitera, là il mourra, et là il sera enseveli. Son compa-
gnon, sauf les étrangers; son compagnon, sauf l'hôte (prosélyte); son
compagnon, voici que l'écriture le désigne ainsi en disant : « qui aura
frappé son compagnon » sans le savoir 2.
Il est d'autres questions qui ne sont pas suggérées par le
texte, qui ne répondent donc pas à une préoccupation exégé-
tique, mais qui, dictées par un souci juridique, provoquent
aux recherches exégétiques : sur quelle écriture fonder telle
prescription légale, que ne contient pas explicitement la
lettre sacrée? Cette question, dans les temps les plus anciens,
est formulée de manière très simple : « d'où » (minnain)
(vient tel commandement) ? Cette interrogation conduit le plus
ordinairement à des précisions juridiques, elle peut intro-
duire aussi des précisions historiques ou haggadiques.
« Il égorgera « (Lév. 1, 5). L'immolation est-elle valide, faite par des
étrangers, des femmes, des esclaves ou des hommes impurs, même
dans le sanctuaire, mais à condition que les impurs ne touchent pas
1. Sipliré Num. in loc. § 117, p. 136, sq. Noter à la fin de ce pas-
sage une autre formule intéressante, parce que rappelant beaucoup
de textes du Nouveau Testament : comment accomplir?
2. Siphré Deut. 19, 4, 5, 11, § 181, 108 a. Nous pourrions évidem-
ment sans peine multiplier les exemples de cette calégorie, vg.
pourquoi ce commandement {E.x. 12, 6) précède-t-il le suivant?
22 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
les chairs, ou seulement faite par un prêtre? Et d'où viens-tu (à cette
opinion)? Du principe (formulé) en ce qui est dit {Num. 18, 7) : « Toi
et tes fils avec toi, vous garderez votre sacerdoce en tout ce qui regarde
l'autel », on pourrait déduire : également pour l'immolation. Mais
puisqu'il est dit [Lév. 1, 5) : « et les prêtres, fils d'Aaron, offriront le
sang et l'aspergeront... », depuis ce point et plus loin c'est la loi du
sacerdoce ; mais pour ce qui regarde l'immolation, elle est valide faite
par tout homme ^.
Voici un passage où abondent les minnain et souvent
pour amorcer des précisions juridiques minimes. Dieu ordomie
de ne pas brûler sur l'autel des mets fermentes ou du miel.
o: Vous pourrez les présenter à Yahwé en offrandes de prémices »
{Lév. 2, 12). « Offrande de prémices », en sorte qu'elle serve de pré-
mices à toutes les oblations (non sanglantes); et c'est ainsi qu'il dit
{Lév. 23; 16) : « Et vous offrirez à Yahwé une oblation nouvelle », afin
qu'elle soit nouvelle (prémices) pour toutes les oblations. 11 n'est ques-
tion que de l'oblation de froment; pour l'oblation d'orge d'où (le tire-
t-on)? Quand il dit {Num. 28, 26) : « au jour des prémices, quand vous
présenterez à Yahwé une oblation nouvelle,jà votre fête des semaines » ,
si le sujet du contexte ne peut être l'oblation de froment, accorde que
le sujet est l'oblation d'orge.
D'où (tires-tu) que (les prémices d'orge) précèdent les prémices? De
ce qu'il est enseigné en ces termes {Ex. 34, 22) : « les prémices de la
moisson du froment ». Il ne s'agit que de la moisson du froment, celle
de l'orge, d'où ? De ce qu'il est enseigné en ces termes (Ex. 23, 16) :
« de ce que tu auras semé ». Il ne s'agit que « de ce que tu auras
semé », les feuilles qui en proviennent, d'où? De ce qu'il est enseigné
en ces termes : « de ce que tu (auras semé) dans les champs ». Il ne
s'agit que de ce qui a poussé dans les champs, ce qui a poussé
sur les toits ou dans les demeures, ou dans le désert, d'où? De ce qu'il
est enseigné en ces termes {Num. 18, 13) : « les prémices de toute leur
terre » . Et d'où vient qu'elles précèdent les libations et les fruits des
arbres? De ce qu'il est enseigné en ces termes {Ex. 23, 16) : « les pré-
mices de ton travail » et qu'il dit : c quand tu recueilleras des champs
le fruit de ton travail n^.
1. Siphra Lév. 1, 5, 6 a. Nous avons choisi ce texte à cause de la
forme singulière de l'expression : « d'où viens-tu? {Weki minnain
bâ''tâ). Ordinairement nous avons seulement minnain (d'où). Quelque-
fois se trouve la formule complète : « d'où dis-tu? » vg. Mekhilta,
Ex. 14, 25, p. 109 : R. José disait : d'où dis-tu que les plaies dont
ceux-ci furent frappés sur la mer étaient les mêmes dont les autres
furent frappés en Egypte...? C'est pourquoi les Égyptiens disaient :
« fuyons Israël, car Yahwé combat pour eux en Egypte ».
2. Siphra Lév. 2, 12, 11 d, 12 a.
OCCASIONS DES EXÉGÈSES. 23
La même formule introduit aussi en divers cas des préci-
sions d'ordre historique :
« Et il arriva à la veille matutinale » (Ex. 14, 24). Tu trouves que
les prières du juste sont exaucées au matin. Le matin d'Abraham, où
(le trouver)? De ce qu'il est dit {Gen. 22, 3) : « Et Abraham se leva au
matin ». Et le matin d'Isaac où? De ce qu'il est dit (ibid. 6) : « Et ils
s'en allèrent tous deux ensemble ». Et des textes sont indiqués pour
les matins de Jacob, de Moïse, de Josué, de Samuel, des prophètes
futurs, du siècle qui vient : Gen. 28, 18; Ex. 34, 4; Jos. 3, 1 ; I Sam.
15, 12; Ps. 5,4; iam. 3, 23 ^
La formule un peu trop elliptique est remplacée par une
autre, qui finira par la supplanter : « quelle est la raison
(quel texte fonde telle loi) de telle loi, ou de tel rabbin )>
(dans l'opinion qu'il propose)?
Sur l'offrande pour la femme soupçonnée d'adultère, « le prêtre ne
versera pas d'huile ni ne mettra d'encens » [Num. 5, 15)... Quelle
est la raison de cette chose? (L'Écriture) l'annonce (l'enseigne) :
« car c'est une oblation de jalousie » ^.
Nous laissons de côté des interrogations de forme très
simple (comment? où?) qui introduisent tout autant des expli-
cations historiques ou juridiques que des discussions exégé-
tiques, pour en venir à une série de formules, encore plus
caractéristiques de l'exégèse rabbinique. Elle se complaît à
rechercher toutes les conjectures qu'on peut faire sur un
texte, toutes les interprétations qu'on en peut donner, inter-
prétations et conjectures souvent arbitraires, voire même gro-
tesques, qui donnent lieu à une discussion plus oii moins
longue. Nous saisissons encore là un trait, qui nous est déjà
apparu dans les exemples précédents : le « caractère drama-
tique », comme disent certains écrivains, de l'exégèse juive;
elle semble toujours reproduire une discussion entre interlo-
cuteurs réels ou supposés.
De ces formules, la plus usitée est le sôméa' 'ani « j'en-
tends », qui introduit toutes sortes de suppositions juridiques
1. Mekhilta in loc, p. 107.
2. Sipkré Num. in loc. § 8, p. 14. Celte formule ma ta'âm deviendra
de plus en plus fréquente dans le Talmud et la littérature postérieure,
voir Bâcher, Terminologie, I, p. 66.
24 BXÉGÈSE RABBINIQUE.
OU haggadiques. Divers auteurs juifs, et à leur suite des
chrétiens, ont rapproché cette formule du « ego autem vobis
dico » de Jésus dans le Sermon sur la Montagne ; les quelques
exemples que nous transcrivons font saisir l'inconsistance de
ce rapprochement.
« Pendant sept jours tu mangeras des azymes :s>{Ex. 13, 6). J'entends:
toute sorte d'azyme suivant le sens du mot. Il est enseigné en ces
termes {Deut. 16, 3) : « Avec ces victimes tu ne mangeras pas de pain
levé pendant sept jours, mais tu mangeras des azymes ». Je ne dis que
des choses qui peuvent devenir des azymes et du pain fermenté ; et
que sont-elles? Ce sont les cinq espèces de grains... ^.
« Fais aussi approcher du sanctuaire tes autres frères, la tribu de
Lévi, la tribu de ton père » [Num. 18, 2). J'entends suivant le sens des
mots (frères) : également les Israélites ; il est enseigné en ces termes
« la tribu de Lévi ». J'entends suivant le sens des mots : également les
femmes ; il est enseigné en ces termes « la tribu de ton père > : Âmram
a mérité que la tribu fut appelée de son nom. Rabbi dit : « la tribu de
Lévi », j'entends suivant le sens des mots : également les femmes : il
est enseigné en ces termes « tes frères », pour exclure les femmes 2.
« Yahwé frappera tout premier-né » {Ex. 12, 29). J'entends : est-ce
par l'intermédiaire d'un ange ou l'intermédiaire d'un messager? 11 est
enseigné en ces termes {ibid. 12) : « et je frapperai tout premier-né des
égyptiens », non par l'intermédiaire d'un ange ou d'un messager^.
Voici une formule à peu près analogue, à la seule diffé-
rence qu'elle met l'objection dans la bouche de l'interlocuteur,
réel ou fictif. Ici encore apparaît le caractère dramatique de
notre exégèse :
« Tu garderas ce commandement » [Ex. 13, 10) : c'est le précepte
sur les phylactères. Tu dis : est-ce le précepte des phylactères ou non,
mais le précepte compris dans tout commandement? Tu diras : de
quel sujet parle-t-il? Des phylactères ^.
« Toi et tes fils avec toi vous porterez le péché de votre sacerdoce »
1. Mekhilta, in loc, p. 64. Ici la prescription biblique est com-
plétée par un principe juridique classique (les cinq espèces de
céréales).
2. Siphré Num., in loc, § 116, p. 131. La conjecture est repoussée par
le rappel {talmûd lômâr) au sens rigoureux du texte.
3. Mekhilta, in loc, p. 43. Nous ne citons que des exemples simples;
souvent la discussion est autrement longue et compliquée, procédant
à coups de raisonnements subtils ; nous aurons l'occasion de retrouver
des textes de ce type.
4. Mekhilta, in loc., p. 68.
OCCASIONS DES EXÉGÈSES. 25
{Num. 18, 1). Ce péché est une chose dont l'examen est commis au
sacerdoce. Tu dis : ce péché est-il une chose commise au sacerdoce ou
au tribunal? Comme il dit {ibid. !):.« toi et tes fils avec toi vous rem-
plirez votre sacerdoce pour tout ce qui concerne l'autel » (le tribu-
nal du Sanhédrin avait le contrôle du culte), ce péché est une chose
livrée au tribunal. Dis ceci : pourquoi est-il enseigné en ces termes
» vous porterez le péché de votre sacerdoce »? Ce péché est une
chose commise au sacerdoce. Tu dis : les Israélites ne, portent pas le
péché des prêtres, mais les lévites portent le péché des prêtres. Il est
enseigné en ces termes {ibid. 23) : « Les lévites feront le travail de
latente de réunion et ils. portent leur péché'' ».
Tous ces exemples trahissent la même inclination : opposer
une exégèse à celle que soutient son interlocuteur; dégager
tous les sens que peut contenir la lettre détachée de son con-
texte. Cette recherche de toutes les combinaisons possibles
est exprimée par un terme très fréquent yâkôl (il est pos-
sible) terme qui introduit souvent des conjectures plausibles,
et tout aussi souvent des inventions ridicules, tant en matière
juridique qu'en matière haggadique.
A propos de l'imposition des mains sur la victime de l'holo-
causte [Lev. 1, 4), le commentateur se demande :
Il est possible que seul l'holocauste volontaire comporte l'imposi-
tion des mains ; l'holocauste obligatoire d'où ? On peut raisonner ainsi :
de l'un et de l'autre il est dit qu'on l'introduit (habâ'); de même que
l'un comporte l'imposition des mains de même aussi l'autre. Après
une controverse sur l'offrande obligatoire qui admet une substitution,
on cite le texte « l'holocauste », soit l'holocauste volontaire, soit l'holo-
causte obligatoire 2.
Voici une suggestion vraiment puérile, qui ne s'explique
que par un prurit incoercible de risquer des suppositions :
Tu disposeras (les pains de proposition) en deux piles » (Lév. 24, 6).
On pourrait les disposer huit et quatre . Il est enseigné en ces termes :
« six et six ». Si la pile est de six on pourrait (imaginer) six, six et six ;
il est enseigné en ces termes ; « douze ». Si c'est douze on pourrait
(imaginer) quatre, quatre et quatre; il est enseigné en ces termes
1. Siphré Num. in loc, § 116, p. 131. Rapprochons un terme
destiné à avoir un grand succès dans la littérature talmudique et usité
déjà quelque peu au temps des Tannas : « Penses-tu [sâbûr) que
celui qui dit cela a dit aussi le reste ?» A propos des derniers mots de
Num. 11, 6 : Siphré, in loc, §88, p. 87.
2. Siphra, in loc, 5 d.
26 EXÉGÈSE nABBINIQUE.
« deux piles » et « six par pile » . Tant que ces trois textes scripturaires
n'ont pas été prononcés, nous n'avons pas entendu (le sens de la loi) ^ •
Le même terme peut introduire des conjectures et précisions
historiques : ainsi à la discussion, qui ouvre le commentaire
Sipkra, sur ce sujet : l'appel de Dieu devance-t-il toujours
sa parole ? une autre controverse s'enchaîne :
11 est possible que l'appel n'ait précédé que pour cet entretien;
pour les autres entretiens de la Tora, d'où? Il est enseigné en ces
termes « de la tente de réunion » : toutes les fois qu'il parle de la
tente de réunion l'appel précède l'entretien. Il est possible que l'appel
n'ait précédé que les entretiens (dâbâr); pour les paroles Çâmâr) et
les ordonnances d'où? R. Siméon dit : il est enseigné en ces termes
<r et il parla », ce qui inclut aussi les paroles et les ordonnances^.
Souvent le terme « il est possible » est omis, mais on ne
laisse pas de proposer des conjectures, fondées ordinairement
sur un raisonnement, tant dans l'ordre juridique que dans
le domaine historique. Quelques exemples :
« Les premiers produits de leur terre seront pour toi » {Num. 18, 13).
L'Écriture enseigne au sujet des premiers produits qu'ils sont sancti
fiés du fait qu'ils sont adhérents à la terre ; d'où l'on peut raisonner
ainsi : la teruma (redevance sacerdotale) et les premiers produits
sont sanctifiés ; si j'apprends que la teruma n'est pas sanctifiée en
raison de son adhérence à la terre, de même les premiers produits ne
■ sont pas sanctifiés en raison de leur adhérence à la terre. Il est
enseigné en ces termes : « les premiers produits de leur terre » :
l'Écriture enseigne que les premiers produits sont sanctifiés en raison
de leur adhérence à la terre 2.
« Yahwé appela Moïse et lui parla » {Lèv. 1, 1). L'appel précède l'en-
tretien. Ne peut-on raisonner : il est dit ici « entretien » {dibbûr),
et il est dit dans (la section du) le buisson « entretien » ; de même que
au buisson l'entretien suit l'appel, de même l'entretien dont il est
question ici suit l'appel. Non : tu argues de l'entretien au buisson qui
est le commencemment- de tous les entretiens, tu ne peux en conclure
relativement à l'entretien de la tente de réunion qui n'est pas le com-
mencement de tous les entretiens'''.
1. Siphra, in loc, 104 a. Notons que le contexte complet est opposé
aux textes morcelés exploités isolément.
2. Siphra, in loc, 3 c.
3. Siphré, in loc, § 117, p. 136.
4. Siphra, in loc, 3 c. Dans la discussion sur le même sujet de
Yoma 4 b, il est tiré argument de la coutume : l'homme appelle son
compagnon avant de lui parler.
FORMULES DES CITATIONS BIBLIQUES. 27
Nombre de ces textes portent les traces de discussions
exégétiques soutenues entre divers rabbins ; les commentaires
et le Talmud relatent plusieurs de ces discussions, certaines
sont restées fameuses, ainsi celles de Josué b. Hanania et
de Eliezer b. Hyrkanos, celles de R. Juda b. liai et de R. Ne-
hémia^
Dans ces controverses exégétiques apparaissent, en leur
plein épanouissement, les qualités caractéristiques des com-
mentateurs rabbiniques : fécondité, puissance dialectique,
souple subtilité, ingéniosité inventrice, parfaite connaissance
des Écritures qui permet d'en combiner et opposer les par-
celles les plus minimes et de les exploiter dans un jeu indé-
finiment prolongé^.
4° Comment sont introduites les citations bibliques.
. Il importe de savoir comment les rabbins introduisent les
textes bibliques qu'ils utilisent : nous comprenons ainsi mieux
qxielle valeur ils attribuent à la parole divine et quel rôle
ils lui assignent dans la connaissance religieuse ; cette étude
est indispensable à qui veut comparer l'exégèse rabbinique
et celle des premiers prédicateurs chrétiens.
Bien entendu, nous nous limitons à l'exégèse tannaïte. En
raison de la fin pratique (permettre les comparaisons) de ce
paragraphe, renonçant à considérer le vocabulaire des di-
verses formes exégétiques, nous ordonnons nos indications
suivant un ordre tout mécanique et matériel.
A. — TEXTES CITÉS SANS AUCUNE FORMULE INTRODUCTRICE.
Ce mode est le moins fréquent, les rabbins n'acceptant pas,
probablement par respect, de recourir à l'Écriture, sans le
1. RosENBLATT, The Interprétation of the Bible in the Mishna, p. 58-
65, énumère et classe les discussions exégétiques contenues dans la
Misna.
2. W. Bâcher, Tradition und Tradenten in den Schulen Paldstinas
und Babyloniens, Leipzig, 1934, p. 129-155, relève les controverses
entre docteurs tannaïtes, dont la tradition a conservé le souvenir.
Voir aussi son Agada der Tannaiten, I, p. 123-154, 196-211, 304-
306; 225-574, etc.
28 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
dire expressément. Quand ils joignent ensemble plusieurs
textes, ils l'indiquent le plus souvent par un « et il dit »
{we''ômér).
Il était tout indiqué de transcrire simplement le texte
sacré dans les livres destinés à le commenter, dans certains
traités juridiques qui prennent l'allure d'un commentaire
biblique, et pareillement au début de quelques halakhot,
dans la Misna et la Tosephta. Il est vraisemblable qu'ainsi
en usaient les rabbins qui traitaient des sujets se fondant
directement sur la Loi écrite, ou. qui discutaient entre eux
sur le sens d'une péricope scripturaire. Nous avons une trace
de cet usage dans la formule classique, qui réintroduit un
texte pour en proposer une nouvelle explication : ddbâr 'ahèr
(autre discours, autre explication). Parfois aussi, mais rare-
ment, dans les discussions, l'un des argumentateurs objecte
un texte sans autre indication (vg. Tos. Sanhédrin, 3, 7,
p. 419; 13, 6, p. 4.35...). Dans les homélies également les
prédicateurs avançaient ordinairement, sans aucune formule,
le verset par lequel ils ouvraient lem' exhortation; dans les
transmissions écrites le verset est fréquemment précédé d'un
pdtah (il ouvrit) ou d'un duras (il expliqua, il prêcha) ^ E est
tout naturel que dans un récit historique soient récités, sans
autre avertissement, les termes de la narration biblique
(vg. Tos. Sota, 8, 7, 9, p. 311). Nous trouvons aussi, mais
d'une manière extraordinaire, des citations implicites (vg. Tos.
Soia, 14, 4, 7; 15, 3 : on rapporte des expressions consa-
crées) .
B. — FORMULES INTRODUCTRICES INDIRECTES.
Nous pouvons rapprocher de l'usage précédent diverses
formules qui annoncent le texte, mais sans l'introduire expres-
sément : des textes discutés sont introduits par un dâras
(il expliqua : vg. Sota 5, 2, 3; Makkot, 3, 15...) ; des textes
1. Sur les usages homilétiques, sur l'emploi, relativement tardif, de
pâta}}, voir : W. Bâcher, Die Proômien der alten jûdischen Homilie,
Leipzig, 1913, surtout p. 17, sq., 21, 27, 33 ; Ch. âLBEcic, Einleitung
und Register zum Bereschit Rabba, p. 11-19.
FORMULES DES CITATIONS BIBLIQUES. 29
invoqués comme argument sont introduits par : « quelle
raison » {jnâ ta dm)! « on s'appuie sur une écriture » (vg.
Tos. Ketuhôt, 12, 2, p. 274); « où ce sujet est-il exposé »
[hékân pires) ? « sur ce point il est expliqué » (vg. Mekhilta
sur Ex. 12, 6, p. 14); « car sur ce point l'Écriture explique »
(vg. Tos. Zebahim, 11, 7, p. 496) ; « sur ce point il est expli-
qué dans la qabbala » (tradition, c'est-à-dire les livres
bibliques autres que le Pentateuque, vg. Siphré Num. 27, 16,
§ 139, p. 186, citant Cant. 1, 7, 8).
Pour indiqiier le sujet d'une transgression, ou la raison
d'une punition, on dit : il pèche en raison du « tu ne pren-
dras pas pour femme la sœur de ta femme » [Tos. Yebamot,
5, 3, p. 345) ; « il s'agit là [yés bô) du « au jour voulu tu lui
donneras son salaire » {Baba mesia\ 9, 12) ; « ils sont
punis en raison du (missûm) ce tu ne porteras pas contre ton
prochain de faux témoignage yy{Makkât, 1, 3...); on avertit
l'homme sur le point de commettre un crime en lui rappelant
le texte du commandement.
Nous présenterons plus loin la formule « pareillement »
(Kyâsé' bâ) introduisant un texte analogue à des textes précé-
demment cités.
C. — FORMULES INTRODUCTRICES mRECTES.
a) Le verbe « dire » Çâmar).
Incontestablement le mot qui sert le plus souvent à intro-
duire une citation biblique, c'est le verbe 'âmar en ses
diverses formes. Les commentateurs veulent-ils par là rappe-
ler qu'ils se fondent sur une parole divine ?
Ils emploient le verbe le plus fréqpiemment au passif
niphal : nè^emar^ il est dit. Ce passif, qui laisse le sujet indéter-
miné, doit-il suggérer que c'est Dieu qui parle ? Nous savons
qpie les rabbins mettent au passif les verbes signifiant une
action divine « il vous est pardonné », « il leur est fait
miséricorde )>...
La formule de beaucoup la plus courante est sènnè 'emar,
composée du verbe et de cette conjonction relative (se) au sens
très général, qui revient constamment dans le discours pour
30 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
indiquer une subordination, une comparaison, une coordina-
tion, une condition, un motif, une finalité... Nous traduisons :
« suivant qu'il est dit », réservant ainsi le sens précis de la
locution : elle annonce toujours la justification dune affirma-
tion précédente, mais elle ne définit pas la nature de cette
justification : argumentation véritable, simple rapproche-
ment, exploitation accommodatice d'un texte... Cette intention
justificatrice est supposée : par les autres formes que prend
la locution : « c'est pourquoi il est dit », « en raison de ce qui
est dit », « car déjà il est dit », « pour accomplir ce qui est
dit », « sur ce sujet il est dit » ; par la question à laquelle
parfois elle répond : « d'où tirer » ? « quand? pourquoi?... »
Le verbe est aussi employé à l'actif, soit au parfait, soit
au participe. En bien des cas le sujet en est exprimé, sujet
créé : une écriture, la Tora, un auteur humain : Anne, David,
Salomon... Souvent aussi le sujet n'est pas exprimé ou il
est simplement indiqué par un mystérieux pronom : « lui,
hû^ ». Ce « Lui » ne désigne-t-il pas Dieu? Il est difficile de
l'entendre autrement dans des textes tels que les suivants :
Au sujet de la mesure de miséricorde il dit [Ex. 20, 5) : « qui punis
l'iniquité des pères sur les enfants « ; et au sujet de la mesure de la
récompense, il dit (ibid.) : < et faisant miséricorde à mille générations'' »•.
« Qu'il a juré à tes pères de leur donner » {Ex. 13,5) : où a-t-il juré
à tes pères? Au sujet d'Abraham il dit {Gen. 15, 18) : « En ce jour
Yahwé conclut une alliance avec Abraham ».... Et au sujet d'Isaac
que dit-il? « Séjourne dans ce pays-ci » {Gen. 26, 3) 2.
Dans d'autres cas « Lui » désigne l'Écriture et nous avons
à noter des tournures singulières :
En Abraham il dit [Gen. 18, 2) : < Ils adorèrent la face contre terre ^ ».
Et c'est ainsi qu'il dit en Josaphat (2 Chron. 19, 6) : « Et il (Josa-
phat) dit aux juges : Prenez garde à ce que vous ferez-^... )>
1. Tos. Sota, 4, 1, p. 298. Bâcher, Terminologie, I, p. 5, 6, assure
que ce pronom « Lui » remplace l'Ecriture; cela ne nous semble pas
évident pour tous les cas. Cf. p. 19, 20, 25, 90, 173, etc.
2. Mekhilta sur Ex. 13, 5, p. 64.
3. Tos. Sota, 4, 2, 4, p. 298.
4. Tos. Sanhédrin^ 1, 9, p. 416. Nous conservons la tournure archaï-
que « en Abraham, en Josaphat » : elle suggère que le personnage
nommé est, ou bien l'auteur des paroles citées, ou bien le héros au
sujet duquel elles sont prononcées.
FORMULAS DES CITATIONS BIBLIQUES. 31
Voici quelques-uns des emplois du verbe « dire ». Pour
introduire une interprétation ou la déduction d'une consé-
quence : « voici qu'il dit » [Tos. Sanhédrin, 9, 11; 10, 3,
p. 429, 430). Après une affirmation doctrinale, pour la con-
firmer : « à ce sujet il dit », « à leur sujet une écriture dit » ,
« à leur sujet David dit », « à tel sujet que dit-il? », « c'est
ce que dit l'Ecriture » ; « et c'est ainsi qu'il dit ». Nous avons
déjà trouvé les formules interrogatives : « n'est-il pas déjà
dit? pourquoi?... », « Pourquoi dit-il ainsi? » ; « de ce qu'il dit
ainsi, ne pourrait-on pas conclure?... » « Pour quelle raison
parle-t-il ainsi? », « s'il en est ainsi pourquoi est-il dit...? »
Nous connaissons aussi la formule courante apportant la
réponse à une question, éliminant une conjecture possible ou
appelant l'attention sur la tournure particulière d'une phrase :
talmûd lômar (il est enseigné en ces termes) : « il n'est pas
enseigné en ces termes... mais... », « pourquoi est-il enseigné
en ces termes? » Pour préciser la pensée : « je ne dis pas ainsi,
mais... »
Nous rencontrerons dans les raisonnements a pari : « il
est dit ici... et il est dit là... » ; dans les discussions sur des
textes en apparence opposés : « une écriture dit... et une
autre écriture dit... »
b) Verbes apparentés au verbe « dire ».
Nous trouvons assez souvent le verbe qârâ' (lire) : dans
les discussions pour préciser le sens d'un texte : «je lis... » ;
ou bien : « ne lis pas ainsi, mais... »; « comment lis-tu? » ;
« sur ce sujet Rabbi un tel lut telle écriture » .
Pour attribuer au Saint Esprit un texte déterminé : dans
les prescriptions sur la génisse au col rompu en expiation
d'un homicide, on précise que les prêtres n'avaient pas be-
soin d'ajouter les dernières paroles qui terminent leur prière:
« et ce sang sera expié pour eux » ; mais c'est le Saint Esprit
qpii les assurait [mebassér) : « Quand vous ferez ainsi, ce sang
sera expié pour vous^ ».
1. Sota 9, 6. Les paroles attribuées au Saint Esprit sont une com-
binaison (avec de légères modifications) de Deut. 21, 8 et 21, 9.
32 EXEGESE RABBINIQUE.
Il est (ftt encore que le Saint Esprit criait [sawwahèt) tels ,
mots du texte sacré^.
Ajoutons aussi une expression que nous expliquerons plus
loin : pour résoudre une apparente contradiction entre deux
textes, on produit un troisième texte qui résout l'antinomie,
par ces mots : « il résout » [hikeria^).
c) Le verbe « écrire ».
Nous avons déjà transcrit l'expression assez fréquente :
« l'Écriture dit ». Le verbe lui-même, mais uniquement au
participe passif [kâtûb, ketîb), se rencontre également quoi-
que moins fréquemment que chez les amoras : « il est écrit » ,
« suivant ce qui est écrit », « comme il est écrit dans la Tora
de Moïse » ; « c'est ce qui est écrit » (pour introduire un
texte en confirmation d'une affirmation); « ne t'étonne pas
de ce qu'il est écrit » ; « à ce sujet l'Ecriture étonne » ; « dans
le même sens il est écrit » ; « pourquoi est-ce écrit? », « que
signifie ce qui est écrit? »
d) Quelques autres expressions.
Retenons, en vue du Nouveau Testament, les expressions
comprenant le verbe « accomplir » [qayyém, au piel, ou à
l'hitbpael) : « pour accomplir ce qui est dit » ; « si tu annules
(ôz7.^a/^<i) tel texte, moi, j'accomplis tel autre »; « comment
accomplir tel texte? » ; « comment est accompli tel texte ^ »?
5° Les diverses méthodes exégétiques. Division du travail.
Les textes déjà transcrits laissent entrevoir les diverses
méthodes suivant lesquelles les interprètes élaborent les
solutions aux problèmes qu'ils se sont posés. Nous pouvons
ramener ces méthodes à quatre.
1, Mekhilta sur Ex. 15, 2, p= 126 (des parties du cantique de Moïse) ;
Siphré Deui. 33, 26, § 355, 148 a (autre cantique).
2. On pourra trouver dans la Terminologie de Bâcher quelques
expressions plus rares, ainsi que des références. Aussi bien avons-
nous jugé expédient en ce paragraphe de ne pas multiplier les exemples
ni les références ; on en trouve abondamment dans les autres pages
de notre travail.
LES DIVERSES MÉTHODES EXÉgÉTIQUES. 33
En plusieurs discussions il est fait usage de raisonnements,
argumentation a fortiori^ argumentation par analogie : c'est
ce que nous appellerons la méthode dialectique. C'est ordi-
nairement celle-là que présentent les historiens de l'exégèse
juive : ils se contentent de transcrire les règles de Hillel et
d'Ismaël, qui codifient les arguments types dont se sert
l'exégèse juive.
Nous avons constaté plus souvent encore que la démons-
tration juridique ou que la déduction exégëtique procèdent
simplement par une référence à un texte biblique, par la
citation d'un mot biblique : c'est ce que nous appellerons
V exégèse simple; nous dirions plus volontiers référentielle .
Exégèse ne supposant aucune méthode; sim/ple en principe
et comme par définition, mais pas toujours en réalité.
Méthode directe, mais un peu moins immédiate et que nous
n'avons pas encore rencontrée, bien qu'elle tienne ime place
notable dans les commentaires rabbiniques, celle qui cherche
à déterminer et mettre en valeur la signification précise des
éléments du discours, en tenant compte, soit de la lexico-
graphie, soit de la grammaire, soit des caractères linguistiques
particuliers de la Bible : nous pouvons appeler cette méthode :
philologique.
Il faut joindre enfin la méthode allégorique ou symbolique.
Pour reprendre le terme dont elle est désignée en gros dans
les trente-deux règles d'Éliezer, nous proposerions de la
nommer : méthode parabolique.
Il est plus probable que la méthode le plus anciennement
en usage fut la méthode directe : c'est celle que nous expo-
serons en premier lieu. Nous présenterons ensuite la méthode
dialectique, qui semble avoir été élaborée, développée et
admise comme légitime dès avant l'ère chrétienne. Nous en
viendrons enfin à la méthode philologique : elle nous parait
s'être formée postérieurement à la précédente et probable-
ment en concurrence, sinon en réaction; par ailleurs, mé-
thode plus scientifique et de soi plus rigoureuse, elle a ren-
contré moins de faveur. Nous terminerons par l'exégèse
parabolique.
EXÉGÈSE RABBINIQUE. 2
34 EXÉGÈSE EABBINIQUE.
6<* Exégèse littérale; sens simple.
Avant d'entreprendre cet exposé, il convient de répondre à
une question multiple. Dans les. traités courants d'exégèse
et d'herméneutique une distinction capitale commande tous
les développements : la distinction entre le sens littéral et
les autres sens : pourquoi ne pas procéder de la même façon
pour l'exégèse rabbinique? Mais d'abord quelle idée les rab-
bins, et tout particulièrement les rabbins anciens, se fai-
saient-ils du sens littéral? Dans quelle mesure en reconnais-
saient-ils le primat? Quelle place tient-il dans l'exégèse
rabbinique ancienne?
La réponse à toutes ces questions semble être apportée
par un dicton rabbinique, assez répandu, et que nous trou-
vons pour la première fois dans la bouche d'un rabbin baby-
lonien, Juda b. Yeqezh'el (220-299) : « L'Ecriture ne doit
pas sortir de son sens simple' ». Ne nous laissons pas abu-
ser par une belle formule : les historiens observent que le
principe fut rappelé lorsqu'il n'était plus respecté, alors que
la Bible était devenue un recueil de textes pouvant servir
d'arguments dans les discussions d'école ; remarque illustrée
très opportunément par l'aveu de Rab Kahana (mort en 410) :
à son interlocuteur qui lui objecte le principe, il confesse :
« quand j'eus dix-huit ans j'appris toutes les six sections (du
Talmud), mais je ne savais pas jusqu'à maintenant que l'Ecri-
ture ne doit pas sortir de son sens simple^ ».
Au reste quel sens les rabbins donnaient-ils à ce moi pdsût,
simple? Dans l'hébreu post-biblique le verbe pst est employé
suivant la valeur primitive de la racine : étendre, tendre
(dans la Bible, dépouiller, enlever un habit); il désigne
dans le langage des tannas l'état d'une chose qui n'est ni
1. Yebamot 11 b, ibid. 24 a le principe est rappelé par Raba' (baby
Ionien, 299-352); sur le principe, sa portée, le sens de pâsat et ses
dérivés voir : Bâcher, Terminologie, I, p. 162; II, p. 170, sqq, ; Dobs-
CHUETz, op. cit. p. 11-15; Lakdau, op. cit., p. 47-55.
2. Sabbat 63 a : sujet de discussion : les armes seront-elles con-
servées aux jours du Messie à titre d'ornements? R. Eliezer le pré-
tendait et on alléguait qu'il s'appuyait sur Ps. 45, 4; mais dans quel
sens entendre ce texte?
LE SENS SIMPLE. 35
doublée, ni courbée; il veut dire ensuite dans le langage des
amoras (après le m® siècle) : interpréter (un texte biblique),
résoudre une question, un doute; le participe /?as^V [pesîtâ^
araméen) désignera une chose claire, évidente, aucunement
douteuse ou contestable; enfin le sens simple d'un texte
biblique : simple, c'est-à-dire obvie, évident, clair, naturel,
et on l'oppose aux interprétations déduites à l'aide d'une
exégèse plus ou moins laborieuse [dâras] ou d'un raisonne-
ment [gâmar). « Simple », au point de vue exégétique, n'est
donc pas entièrement équivalent à notre (c littéral ». Rap-
pelons, au reste, que les rabbins tannaïtes n'ont jamais parlé
du senspdsût, simple, de la Bible.
Auraient-ils été, pour, autant, inattentifs et indifférents au
sens simple de l'Ecriture? Certains indices permettent d'affir-
mer qu'ils le discernaient parfaitement et l'appréciaient.
Nous avons déjà vu que plusieurs rabbins prétendent
interpréter un texte suivant le sens, prout sonat, kemuma ;
ils parlent aussi du sens clairement manifesté, précis, pérâs,
d'un texte ; ou bien ils allèguent les mots tels qu'ils sont écrits,
kekitâbân; parfois aussi ils opposent à des interprétations
symboliques' ou fantaisistes : le mammâ^^ la substance; le
waddâi, clair, évident, par opposition au sens dérivé; la
'èmè^^ la vérité, la réalité ^ Par ailleurs nous entendons R.
Tarpbon reprocher à son ami Aqiba d'accumuler les argu-
ments futiles^, son contradicteur R. Ismael repousser ses
1. Sur ces expressions voir Dobschutz, loc. cit., p. 47 et Bâcher,
Terminologie I, à chacune de ces expressions : l'un et l'autre donnent
d'abondantes références.
Le misma' a été longuement étudié par Ed. Biberfeld, Beitràge
zur Méthodologie der halachischen Pentateuchexegese (Heft 1), Berlin
1928. Il y montre que misma' désigne primitivement le sens littéral
d'un mot ou d'une proposition, sens littéral qui est à la base dn pesât;
toutefois ce sens littéral, étant apprécié subjectivement, ouvre le champ
aux controverses; elles se traduisent souvent par une expression
apparentée : sôméa" 'ani\
2. Yoma 76 a, sur la hauteur de la couche de manne qu' Aqiba veut
déduire de Gen. 1, 20; Mekhilta sur Ex. 16, 14, p. 166, où les rabbins
font assaut d'exagérations sur le même texte de Gen., ne cite, ni
Aqiba, ni le reproche de Tarphoô. Siphra Lév. 1, 5, 6 b et Siphré
Num. 10, 8, § 75, p. 70, en diverses discussions halàkhiques, Tarphon
fait à Aqiba la même remontrance : jusques à quand, Aqiba, amas-
ses-tu (de la paille), megabbéb, pour nous l'amener !
36 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
raisonnements, à la fois trop littéraux et trop subtils, pour
lui rappeler que l'Ecriture parle le langage des hommes^ .
Néanmoins nombre de rabbins tannaïtes n'ont pas résisté
à la tentation « de sortir du sens simple » : les méthodes phi-
lologiqiies çpii devaient enchaîner à la rigueur de la lettre,
les méthodes dialectiques qui prétendaient à une logique
rigide servaient pareillement à tourner la signification natu-
relle des textes, à en tirer toutes les traditions et inventions
juridiques, toutes les imaginations haggadiques. Et il le
fallait bien puisque les enseignements, de quelque nature
qu'ils soient, sont contenus dans la Tora et dans elle seule ;
aucune doctrine ne vaut tant qu'elle n'est pas déduite de
l'unique source de vérité : nous connaissons déjà la sentence
de Hillel sur la Tora et tout ce qu'elle renferme.
Il semble, en outre, que certains rabbins aient admis la
multiplicité des sens dans la Bible : l'école d'Ismaël entendait
ainsi le mot de Jérémie (23, 29) sur la parole de Dieu, qui
est « comme un marteau qui brise le roc » : ce de même que
le marteau fait jaillir une multitude d'étiacelles, de même
chaque (une) écriture se divise en une multitude de sens^. »
1. Siphré Num. 15, 31, § 112, p. 121 : Aqiba déduisait du redouble-
ment du verbe {hikkârét tikkârét) que le coupable sera anéanti en ce
siècle et dans le siècle qui vient ; Ismaël objecte qu'on pourrait déduire
de « sera anéantie » (de 30) ti'ois anéantissements en trois siècles ; et
il ajoute le principe : « l'Ecriture parle la langue des hommes », les
mots n'y ont pas un autre sens que dans la conversation ordinaire.
Sur cette opposition de Tarphon à Aqiba et sur ce principe, voir
Bâcher, Die Àgada de?' Tannaiten, I, p. 236, sq.; le même Tarphon
professai* aussi le principe : la loi parle suivant l'usage humain
{dèrèk 'érès) : ibid., p. 238. H. Weiss, dans son ouvrage sur la tradition
juive {Dor dor wedoriaw), II, p. 105, rassemble les critiques que ses
contemporains faisaient à Aqiba, touchant sa halakha trop subtile et
sa haggada audacieuse.
Noter aussi le reproche que R. José de Damas fait à R. Juda qui
tire de Eadrak (de Zach. 9, 1) des exégèses curieuses sur le nom et
la mission du Messie : « Pourquoi nous pervertis-tu {m'awwét) les
Ecritures ! J'en atteste le ciel et la terre que je suis de Damas et qu'il
y a là un lieu nommé Hadrak. » Cf. Strack-Billerbeck, Zommen^ar zum
N. T., III, p. 136, sqq'.
2. Sanhédrin 34 a; quelques lignes plus haut R. Abbaie tire la même
déduction dePs. 62, 12 : « Dieu a dit une chose et ces deux j'ai enten-
dues... ». Dans le texte parallèle de Sabbat 88 b, il est dit que la parole
de Dieu se divise en 70 langues.
LE SENS SIMPLE. 37
Et à Ismaël, qui lui reproche de trop tirer de l'Ecriture,
Eliezer le grand répond : « et toi tu es un palmier de mon-
tagne », qui porte des fruits rares et desséchés ^ Pareille
conviction ne pouvait que stimuler l'imagination des exégètes;
nous comprenons pourquoi la littérature rabbinique pré-
sente sur le même pied les interprétations, diverses et parfois
opposées, qui ont été données du même texte.
1. Siphra Lév. 13, 47, 68 b. Sur cette vue des sens multiples de
l'Écriture, voir Encyclopaedia judaica, III, c. 673, sq.
CHAPITRE II
l'exégèse simple ou reférentielle.
De cette exégèse il nous parait plus aisé de donner une
définition négative : tout usage des textes bibliques qui ne
recourt, pour dégager le sens de la lettre, ni à des raison-
nements, ni à des considérations philologiques, ni aux
explications symboliques. C'est l'attitude la plus simple et,
partant, très probablement la plus primitive à l'égard des
Écritures. Il convient de remarquer qu'elle procède le plus
souvent par une référence à une sentence biblique.
Elle peut prendre plusieurs formes : les simples fidèles,
qui, vivant leur religion, ne ressentent pas le besoin d'en faire
la théorie, se contenteront de garder les commandements
divins et de répéter des paroles sacrées, sans ^indiquer
expressément qu'ils pratiquent ou qu'ils citent la loi de Dieu ;
leur conduite et leurs citations implicites sont cependant une
sorte d'exégèse implicite, elles attestent quels sens ils
attribuent aux textes sacrés : exégèse virtuelle ou imvlicite.
Les docteurs, ou les fidèles plus intellectuels, citent expressé-
ment et commentent les textes bibliques : exégèse directe
explicite.
1. EXÉGÈSE IMPLICITE OU VIRTUELLE.
L'étude de cette exégèse serait extrêmement instructive :
elle nous révélerait comment les Écritures ont soutenu la vie
religieuse des simples. Nous devons nous borner ici à donner
quelques exemples; nous les prendrons d'abord dans les
livres bibliqiies les plus récents, témoins irréfutables de la
tradition que continuent les rabbins anciens.
Dans les recommandations que Tobie fait à son fils,
beaucoup rappellent diverses sentences bibliques; faisons
EXÉGÈSE IMPLICITE OU VIRTUELLE. 39
seulement deux rapprochements : « honore ta mère » (4, 3
d'après S) reproduit Eûc. 20, 12 ; le texte de B, « ne méprise
pas ta mère », se rapproche plutôt de Prov. 23, 22 ou 15, 20 ;
« que le salaire de tout homme qui a travaillé (pour toi) ne
passe pas la nuit chez toi (14) » reproduit en partie Lév. 19,
13 et s'inspire aussi de Deut. 24, 12-15.
Séchénias avouant à Esdras (10, 2) que les juifs ont péché
en se mariant avec des femmes étrangères, Esdras reprochant
au peuple ce même péché (10, 10), attestejit qu'ils compre-
naient bien la portée des lois mosaïques à ce sujet ; le discours-
prière d'Esdras (9, 10-12) suggère d'intéressantes réflexions:
Maintenant, ô notre Dieu, que dirons-nous après cela? Car nous
avons abandonné vos commandements que vous aviez prescrits par
l'organe de vos serviteurs les prophètes, en disant : le pays dans lequel
vous entrez, pour en prendre possession, est un pays d'impureté,
souillé par les impuretés des peuples de ces contrées, par les abomina-
tions dont ils l'ont rempli d'un bout à l'autre avec leurs impuretés. Et
maintenant, ne donnez point vos filles à leurs fils et ne prenez point
leurs filles pour vos fils, et n'ayez jamais souci de leur prospérité ni
de leur bien-être, afin que vous deveniez forts et que vous mangiez
les bons produits de ce pays et que vous le transmettiez pour toujours
en héritage à vos enfants [ti^ad. Crampon).
Remarquons d'abord cette référence générale : « com-
mandements prescrits par les prophètes », alors que les
citations proviennent des livres mosaïques. D'ailleurs les
textes du Pentateuque sont rappelés plus suivant leur sens
que dans leur teneur exacte ; mais presque tous les termes
sont bibliques, sauf quelques modifications caractéristiques
[niddâ pour désigner l'impureté des païens) : comparez
Esd. 9, 11, 12 avec Lév. 18, 26, 27; Deut. 7, 1, 3; 18, 9, 12.
Néh. 13, 1, 2 rappelle, avec quelques variantes, ce qui « se
trouve dans le livre de Moïse », relativement aux Moabites et
aux Ammonites [Deut. 23, 3-5). Néh. 8, 14, 15 rappelle
aussi la loi de Moïse sur la fête des tentes en des termes qui
se rapprochent de Lév. 23, 40-42. De même. Judas Macchabée
(1 Mac. 3, 56) ordonne de garder les prescriptions de la loi
[Deut. 20, 5-8), qu'il résume très brièvement.
Cette même voie des références et citations implicites
semble avoir été suivie par les rabbins anciens dans lem's
40 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
exposés juridiques, tels que nous pouvons essayer de les
imaginer à partir de la Misna. Le plus souvent les lois bibliques,
dont les halakhot misniques ne sont que le développement
ou le règlement d'application, ne sont pas citées; elles sont
supposées connues. Ainsi pour le traité Pea, des lois régissant
la matière ne sont cités mLév. 19, 9; 23, 22, mDeut. 24, 20;
14, 28, 29 ; seuls sont cités explicitement : Beut. 24, 19, 21
et Lèv. 19, 10 (6, 4; 7, 7). De même en Kilaim n'est cité que
Deut. 22, 11 (9, 8) ; Lév. 19, 19 et Beut. 22, 9, 10 ne sont
pas cités. Dans SebVit nous ne trouvons que Beut. 15, 2, 9,
cité comme écriture (10, 8) ; aucune référence à Ex. 23, 10,
sq. ; Lév. 25, 2-7, 20-22. Par contre, nous trouvons des
allusions nettes, le plus souvent sans référence, à une loi
biblique, aux obligations qu'elle entraine ou aux péchés qui
résultent de sa violation : ainsi Terumot 6, 1, 4, pour la
violation à& Lév. 5, 12; 22, 14 et Ex. 22, 4; ibid. 9, 3 con-
tient une allusion à Beut. 25, 4. Ou bien le développement
juridique se fonde sur un mot, une prescription de la Bible :
ainsi les quatre modes de « sortie » décrits par *S«ô6<2^, 1, 4
se réfèrent à la défense de sortir à' Ex. 16, 29. Le traité Y orna,
dont le noyau est antérieur à la ruine du Temple, contient
peu de références explicites, mais réglemente l'observation de
la loi biblique, toujours présente à l'esprit des législateurs .
De pieux Juifs, exacts à lire et relire les saints livres devaient
inévitablement remplir leurs discours de sentences bibliques,
quelquefois citées expressément, plus souvent incorporées à
la phrase comme une parole familière. Nous faisons cette
constatation en plusieurs hvres du Nouveau Testament. Les
livres les plus récents de l'Ancien présentent le même
fait. Les discours d'Esdras, de Tobie, des Macchabées sont
pleins d'allusions à l'histoire sainte; leurs prières sont un
écho continu du Psautier; dans leurs paroles nous retrou-
vons des citations ou des réminiscences bibHques évidentes,
citations et réminiscences qui sont une sorte de commentaire
implicite. Ainsi Amos 8, 10 a, qui inspire l'auteur du premier
livre des Macchabées (1, 41), est cité explicitement par Tobie
(2, 6); l'abomination de la désolation de / Mac. 1, 57 vient
évidemment de Baniel 12, 11 et en est une interprétation.
EXÉGÈSE SIMPLE, EXPLICITE. 41
Les apocryphes de l'Ancien Testament se conforment à la
même loi ; l'écrit des sectaires de Damas est particulièrement
riche en citations explicites, en citations implicites et en
réminiscences de la Bible ; quelle que soit la date de ce docu-
ment, ses affinités avec la littérature rabbinique nous laissent
entrevoir ce que devait être la manière des rabbins. Il sem-
ble à première vue qu'ils aient toujours muni leurs citations
bibliques d'une référence expresse : il est dit, il est écrit;
cette attitude s'imposait dans les développements juridiqiies
ou même dans les développements haggadiques, dans lesquels
les textes bibliques sont invoqués à titre d'arguments, et
c'est presque uniquement dans ces développements que nous
entendons les rabbins. Il en était sans doute autrement
à.
dans leurs prédications : leur vocabulaire s'apparentait au
vocabulaire biblique ; très souvent ils s'inspiraient du texte
sacré ou le citaient sans indiquer leur source. Plusieurs
sentences de Hillel semblent se rattacher à un mot biblique ^ .
Samuel le petit (fin du premier siècle) prend pour devise
une maxime du livre des Proverbes (24, 17, sq.)^.
II. — EXÉGÈSE SIMPLE, EXPLICITE.
La littérature rabbinique, qui contient peu d'exégèses
implicites, fait très large place à l'exégèse explicite. Celle-ci,
1. « Si tu viens chez moi, je viendrai chez toi » [Tos. Sukka 2, 3,
édit. Zuckermandel, p. 198) reprend Ex. 20, 24. « A Theure où on
recueille, disperse, et à l'heure où on disperse, recueille » [Tos. Berakot,
7, 24, p. 17) se rattache à Ps, 119, 126 et l'applique à l'étude de la Loi.
Entendant le bruit d'une catastrophe il assure qu'elle n'a pas touché
sa maison par ces mots : ab auditione mala non timuit {Palest. Berakot
9, 5, 14 b citant Ps. 112, 7). Voir Bâcher, Die Agada der Tannaiten^
I, p. 5, sqq.
2. ^èo^ 4, 19. Dans les chapitres suivants (mais de date plus récente)
se trouvent des citations implicites : 5, 5 : « que personne ne dise à
son compagnon : il y a trop peu de place pour moi (Js. 49, 20) pour
que je séjourne à Jérusalem », 6, 4 : « Voici la voie (pour apprendre)
la Tora ; un morceau de pain mangé avec du sel et de l'eau bue en
petite quantité [Ez. k, 11)... si tu fais ainsi bienheureux es-tu et c^est
bon pour toi [Ps. 128, 2) ».
Levitas de Jabné (4, 4) prend pour maximO;, sans indiquer sa source,
le mot à'Eccîi. 7, 17 : « Sois extrêmement humble d'esprit, car les
hommes ont pour espérance les vers ».
42 EXÉGÈSE BABBINIQUS.
conformément aux deux fins de l'exégèse rabbinique, suit
deux voies, théoriquement diverses mais en pratique souvent
convergentes et confondues : expliquer un texte à fin immé-
diate d'interprétation, exploiter un texte en vue d'en tirer un
argument.
1° Exégèse simple, explicite, interprétative.
C'est celle que nous trouvons à toutes les pages des com-
mentaires rabbiniques. Elle se présente sous deux formes :
elle dégage le sens du texte, elle indique le rôle que joue le
texte. Aicher la nomme : Schriftauslegung ; Rosenblatt :
literal Exegesis.
A. — EXPLIQUER LE SENS DU TEXTE.
Dégager le sens d'un texte, les rabbins le font, soit tout
simplement en disant ce que signifient les mots qu'ils viennent
de réciter, soit en faisant précéder leur interprétation de
formules indicatives {de là l'Écriture nous enseigne), soit
en distribuant le passage en ses éléments, dont la significa-
tion est indiquée par un démonstratif : ceci, ceux-ci (désigne),
le hoc est de S. Paul [Rom. 10, 6,7)' [exégèse distributive).
Ces divers procédés introduisent tout autant des exégèses
naturelles et obvies que des exégèses fantaisistes. Ces der-
nières proviennent de deux sources : une tradition juridique
ou haggadique ajoutant au texte ou le modifiant, et aussi
l'imagination inventive de l'interprète. Les exemples que
nous transcrivons sont, presque tous, dés exégèses arbitrai-
res; nous ne voulons pas insinuer par là que ce type soit
prédominant, mais il était inutile de citer des exégèses obvies.
Yoici, tirée d'une prescription matérielle, une indication
sur le culte des Hébreux en Egypte :
« On mettra du sang sur les deux montants et sur le linteau de la
porte » {Ex. 12, 7); nous apprenons ainsi que nos pères en Egypte
avaient trois autels : le linteau et les deux montants. R. Ismaël disait :
quatre : le seuil, le linteau et les deux montants •* .
1. Mekhilta in loc. p. 12.
EXÉGÈSE EXPLICITE INTERPRÉTATIVE. 43
Pour tii'er d'un texte, qui n'en peut mais, une prescription
légale, déjà en vigueur. •
« Le maître de la maison se présentera devant Dieu » {Ex. 22, 7) ;
cela fait un; « la cause des deux parties ira jusqu'à Dieu » (8), cela
fait deux; « celui que Dieu aura condamné », cela fait trois : de là on
dit : les causes civiles doivent être jugées par trois juges : paroles de
R. Josia. Deux autres rabbins contestent cette exégèse, mais par des
combinaisons analogues ils arrivent aussi à trois ^ ,
Voici des précisions, dont quelques-unes sont contestables,
ajoutées au texte dans une exégèse distributive :
« Voici ce qui te viendra des choses très saintes... : toutes leurs
offrandes », ce sont les deux pains et les pains de proposition; « en
toutes leurs oblations », c'est l'oblation pour le péché et l'oblation
volontaire; « en tous leurs sacrifices pour le péché », c'est le sacri-
fice pour le péché, tant du particulier que de la communauté, con-
sistant tant en oiseaux qu'en bétail; « en tous leurs sacrifices de
réparation », c'est le sacrifice de réparation, soit évident, soit douteux,
celui du nazir et celui du lépreux; « qu'ils me rendront », c'est le
préjudice causé à un prosélyte; « comme choses très saintes », c'est
la mesure d'huile pour le lépreux; « tout cela sera à toi et à tes fils »,
en raison de tes mérites et des mérites de tes fils ^.
Quelquefois le commentateur ajoute au texte une précision,
ou une restriction en accord avec l'esprit des lois :
« Si une femme mariée se détourne » (Num. 5, 12), l'Écriture parle
d'une femme qu'on peut épouser et elle exclut : pour le grand prê-
tre une veuve, pour un prêtre ordinaire une répudiée... 3.
Parfois le développement législatif amène l'interprète à
donner, comme commentaire, exactement le contre-pied du
texte ; et il le fait simplement, sans aucune excuse ni expli-
cation, comme sïl se contentait de traduire ; nous saisissons
très bien ce phénomène pour ce qui regarde le talion : l'exé-
gète affirme le contraire de la lettre; il sent pourtant le
besoin de discuter les objections que soulève sa version :
1, Mekhitta in loc. p. 302.
2, Siphré Num. in loc. 18, 9, § 117 p. 135.
3, Siphré in loc. § 7, p. 11. Gette clause est souvent ajoutée : dâbâr
re'ûy chose convenant à la fin, visée par le commandement : V. Aigher,
op. cit. p. 73, 74.
44 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
était-elle encore contestée par les Sadducéens ou par leurs
héritiers?
« Œil pour œil » {Ex. 21, 24); (il donnera) de l'argent. Dis-tu : de
l'argent ou non, mais œil matériellement {mammâs = substantielle-
ment, matériellement)? R. Ismaël disait : voici qu'il dit : « celui qui
frappe un homme mourra» {Lév. 24, 21); l'Écriture assimile le tort
fait à un homme au tort fait à une bête et le tort fait à une bête au
tort fait à. un homme : de même que le tort fait à une bête est
puni par une compensation pécuniaire, de même le tort fait à un
homme est puni d'une compensation pécuniaire. R. Isaac disait : voici
qu'il dit (Ex. 21, 30) : « si on impose au maître un prix pour le rachat
de la vie (d'un homme tué par un bœuf) », et voici un raisonnement
a fortiori : de même que dans un cas où l'Écriture stipule la peine de
mort on n'impose qu'une peine pécuniaire, ici où elle ne stipule pas
la peine de mort, il est logique qu'il ne soit puni que pécuniairement.
R. Eliezer disait : « œil pour œil », j'entends : tant celui qui a frappé
intentionnellement que celui qui n'a pas frappé intentionnellement ne
donneront qu'une compensation pécuniaire. Et voici que l'Écriture
exclut celui qui a fait intentionnellement une blessure pour l'astrein-
dre à une compensation corporelle, suivant qu'il est dit {Lév. 24, 19) :
« Et l'homme qui aura fait une blessure à son prochain » : principe
général ; « œil pour œil » cas particulier : principe général et cas
particulier, on ne doit mettre dans le général que ce qui est dans le
particulier. Mais quand il dit {ibid. 20) : <t suivant qu'il a causé une
blessure à un homme », de nouveau il formule un principe général,
dans ce cas c'est le premier principe général qui vaut. Dis-tu : non !
mais c'est un cas de : général, particulier et général; en ce cas on
s'en tient au particulier. Dans ce cas particulier évident, consistant
en mutilations durables et en perte de l'extrémité des membres (qui
entraînent l'affranchissement des esclaves), blessures apparentes et
portées intentionnellement, il n'est tenu qu'à une compensation pécu-
niaire, de même toute mutilation durable et toute perte des extrémités
des membres, blessures apparentes et portées intentionnellement
entraînent une compensation pécuniaire. Il est enseigné en ces termes :
(c suivant qu'il a causé une blessure à un homme », pour autant
qu'il avait l'intention de porter une blessure ^.
1. Mekilta in loc. p, 277. Le recours à trois argumentations, la troi-
sième particulièrement embarrassée, indique que la suppression du
talion n'était pas encore chose acquise.
Le passage parallèle de Siphra in Lév, 24, 20, 104 d, sq., montre la
transition d'un état de législation à un autre : « On pourrait dire :
« Il a aveuglé son œil : qu'on aveugle son œil à lui; il a coupé sa
main, il a brisé son pied : qu'on brise son pied ». Mais on enseigne en
ces termes : « qui frappe une bête... qui frappe un homme » ; de même
EXÉGÈSE EXPLICITE INTERPRETATIVE. 45
Aussi bien R. Ismaël pouvait-il déclarer :
En trois endroits la halakha (loi orale) a supplanté l'Ecriture. L'Écri-
ture dit {Lév. 17, 13) : (il couvrira le sang) « de poussière » ; et la
halakha dit : de n'importe quoi .L'Écriture dit {Num. 6, 5) : « le rasoir «
(ne passera pas sur la tête du nazir) ; la halakha dit : n'importe quoi
(qui puisse arracher). L'Écriture dit {Deut. 24, 3) : « le libelle » (de
divorce doit être un sèphèr, un rouleau) ; la halakha dit : n'importe
quoi*.
Ce n'est pas en trois endroits, mais en une multitude,
que l'exégèse substitue au sens littéral un sens commandé par
les traditions juridiques ou historiques.
Cet arbitraire de l'exégèse directe, même en matière juri-
dique, est illustré par un exemple fameux qu'a relevé Mai-
monide : du même texte on déduit cinq prescriptions dif-
férentes :
D'où tire-t-on que celui qui mange de la viande d'une bête avant
que soit sortie son âme pèche contre une interdiction? Il est enseigné
en ces termes {Lév. 19, 26) : « Vous ne mangerez rien avec du sang ».
Autre explication : « vous ne mangerez rien avec du sang », vous ne
mangerez pas de la viande dont le sang est encore dans le bol à
aspersion. Rabbi Dosa disait : d'où tire-t-on qu'on n'offre pas de repas
(de deuil) aux parents d'un homme exécuté par le tribunal? Il est
enseigné en ces termes : « vous ne mangerez... ». R. Aqiba disait :
d'où (tire-t-on) qu'un tribunal qui a exécuté un homme ne doit pas
manger de toute cette journée? Il est enseigné.. : « vous- ne man-
gerez... ». R. Johanan disait : d'où vient l'avertissement pour le fils
Tebelle? Il est enseigné... « vous ne mangerez pas^.... »
que celui qui frappe une bête verse une compensation, de même celui
qui frappe un homme verse une compensation pécuniaire. Si tu
objectes en ces termes {Num. 35, 31) : « Vous n'accepterez pas de
rançon pour la vie d'un meurtrier » : pour un meurtrier tu n'accep-
teras pas de rançon, mais pour qui mutile un membre tu accepteras
une rançon.
1. Sota 17 a, rapporté par R. Johanan (250); dans le passage paral-
lèle Pnlest. Qiddusin, 1, 59 d, les exemples sont un peu différents; le
kôl dâbâr est précisé par une addition qui paraît un développement
interpolé. Il ajoute que pour ce qui concerne les poils à raser dans le
lépreux la halakha supplante le midras, l'interprétation.
2. Sanhédrin 63 a. Maimonide allègue cet exemple dans son Livre
des commandements, principe 9, où il a établi qu'on ne doit pas
compter parmi les commandements toutes les espèces comprises dans
le principe général.
46 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
Si l'exégèse peut se permettre tant de fantaisie en matière
juridique, que sera-ce dans la haggada? Ici innombrables
sont les échantillons stupéfiants; nous prenons au hasard.
« Et il arriva au terme de quatre cent trente ans » {Ex. 12, 41). II
nous annonce que, dès qu'arrive le terme, le Maqom (Lieu = Dieu) ne
les retarde pas d'un clin d'œil : au quinze nisan le Maqom s'entretint
avec Abraham entre les pièces (du sacrifice, Gen. 15, 10, sqq.); au
quinze nisan les anges du service vinrent vers Abraham pour lui
apporter une bonne nouvelle ; au quinze nisan naquit Isaac ^ .
(Servons d'autres dieux qui t'entourent) « d'un bout de la terre à
l'autre » {Deut. 13, 8) : ce sont le soleil et la lune qui vont d'une extré-
mité du monde à l'autre 2.
B. — DÉFINIR LE RÔLE d'unE SENTENCE OU DE SES ÉLÉMENTS.
L'interprète est obligé de freiner sa fantaisie quand il veut
définir le rôle que joue un texte : indications qui révèlent
à quelle analyse pénétrante étaient soumises les Écritures.
Nous ne pouvons que mentionner les plus importantes de
ces indications.
Nous avons vu que les interprètes s'interrogent sur la
raison d'être des péricopes ; parfois ils marquent la progres-
sion de la pensée et la transition d'un sujet à un autre :
« Tous les jours de sa séparation pour Yahwé (le nazir) ne s'ap-
prochera d'aucun mort » {IVum. 6, 6). Voici que l'Écriture le fait
sortir de la règle de l'interdiction de se raser et va l'instruire de l'im-
pureté 3.
Sous une forme un peu différente :
« Afin que ton bœuf et ton âne se reposent » (Ex. 23, 12) : l'Écri-
ture lui ajoute (l'ordre d') un repos, afin que les animaux puissent
tondre la terre et manger''.
1. Mekhilta in loc . p. 51.
2. Siphré Deut. in loc. % 88, 92 b. Signalons un seul autre exemple
curieux : au sujet de la querelle d'Aaron et Marie contre Moïse à
cause de sa femme Sephora, [Num. 12, 1-10) le commentateur affirme
et démontre par les textes que Moïse n'avait plus de relations avec
sa femme, manquement à la loi de procréation que son frère et sa sœur
avaient découvert...
3. S. Num. in loc. § 26, p. 32.
4. Mekhilta in loc. p. 331.
EXÉGÈSE EXPLICITE INTERPRETATIVE. 47
x4.vaTit d'expliquer Zew. 1, 10 le commentateur note :
Et si ceci ajoute au premier sujet pourquoi cette division? Pour
donaer à Moïse et Aaron la possibilité de réfléchir (et de distinguer)
entre sujet et sujet, entre section et section. D'où raisonnement -a for-
tiori : si celui qui a entendu de la bouche du Saint et qui a parlé en
Esprit Saint est obligé de réfléchir entre section et section, entre sujet
et sujet, à combien plus forte raison le simple (idiota) d'entre les
simples M
Le commentateur remarque une relation entre deux textes
analogues :
« Voici la bénédiction » (de Moïse) {Deut. 33, 1). Voici une addition
à la bénédiction première dont le bénit son père Jacob ; « et c'est ainsi
que leur parla leur père Jacob et il les bénit » (Gen. 49, 28). Nous nous
trouvons apprendre que là où Jacob finit de bénir ses fils, là Moïse
commença et le bénit, suivant qu'il est dit : « voici la bénédiction » .
Autre explication. Voici une addition à la bénédiction première; et
quelle est-elle? une prière, suivant qu'il est dit (Ps. 90, 1) : « Prière
de Moïse homme de Dieu^ ».
Signaler une correspondance [Kenègèd) entre deux textes
projette une lumière sur le sens de l'un ou de l'autre. C'est
une tradition que dans le décalogue les commandements de
la première table correspondent à ceux de la deuxième et
leur donnent ainsi un poids plus considérable, tout divin :
Comment furent données les dix paroles? Cinq sur une table et
cinq sur l'autre table. 11 est écrit : « Moi, Yahwé, ton Dieu > et lui
correspondant : « tu ne tueras pas ». L'Ecriture nous révèle que qui
conque verse le sang, l'Ecriture le lui impute comme s'il diminuait la
ressemblance du roi (Parabole)... suivant qu'il est écrit [Gen. 9, 6) :
« Qui verse le sang de l'homme... car à l'image de Dieu il fît l'homme ».
11 est écrit : « tu n'auras pas (de faux dieux) », et lui correspondant :
« tu ne seras pas adultère ». L'Écriture nous révèle que quiconque se
livre à l'idolâtrie, l'Écriture le lui impute comme s'il était adultère à
l'égard du Mâqôm (Lieu-Dieu), suivant qu'il est écrit {Ez. 16, 32) :
« (tu étais) cette femme adultère, femme qui prend (pour amants) des
étrangers » ; et il est écrit {Osée 3, 1) : « Et Yahwé me dit : « Va encore
et aime une femme qui a des amants et qui est adultère ^ »...
A propos de la loi qui ordonne de secourir le bœuf de son
frère, les exégètes remarquent que la Tora parle ainsi uni-
1. Siphra Lév. 1, 10, 7 c.
2. SipJirê Deut. 33, 1, § 342, 142 a.
3. Mekhilta in toc. Ex. 20, 2, 4, 13, 14, p. 233.
48 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
quement par rapport au penchant (mauvais), pour indiquer
que ce commandement est une occasion de réfréner son
penchant mauvaise
Remarque précieuse : signaler dans un texte le mot, ou le
principe, qui commande tout le reste :
« Si elle met au monde une fille elle sera impure » {Lèv. \2, 5) : la
chose n'est su.spendae qu'à la mise au monde et l'impureté consiste
en semaines : deux semaines ce qui fait quatorze jours.
A propos du jubilé R. José observe qu'un texte le fait dépendre {Lév.
25, 9) de la sonnerie de la trompette et qu'un autre le fait dépendre du
renvoi des esclaves. Qu'est-ce qui est donc l'essentiel dans un jubilé 2?
Note de même valeur : indiquer ce qui cause [gâram], ce
qui conditionne une loi :
Il est défendu de manger du sang : « car la vie (l'âme) de la chair est
dans le sang » [Lèv. 17. 11) : ceci pour révéler ce qui est la cause^.
« Car il n'a ni part ni portion avec toi » {Deut. 14, 27), pour révéler
quelle est la cause (du devoir de secourir le lévite)'*.
Il est important de pouvoir définir la portée démonstra-
tive d'un texte : parfois il contiendra la démonstration incon-
testable [raid) d'une prescription légale ou d'une idée, par-
fois aussi il ne fournira qu'une indication, une allusion [zékér,
souvenir), qui est un commencement ou un succédané de
démonstration.
Aussi, dans une discussion sur l'usage à faire des objets
idolâtriques, les rabbins opposent aux textes allégués par
R. José d'autres textes en les introduisant par cette formule :
de là argument [raiâ)''^.
La forme la plus fréquente est celle qui, à défaut d'argu-
ment, fait état de l'allusion fournie par un texte, tout autant
en matière juridique que dans la haggada; il est clair que
ce procédé se prête à l'a peu près, à l'arbitraire.
1. Siphré Deut. 22, 1, § 222, 115 a; Mekhilta Ex\ 23, 4, p. 324, sq.
2. Siphra Lèv. in toc. 58 d et 107 a.
3. Siphra Léo. 17, 11, 14, 84 cd. Siphré Deut. 12, 23, § 76, 90 b.
4. Siphré Deut. in loc. § 108, 96 b. Remarquer que dans ces deux cas
l'interprète tient compte de la valeur de la conjonction kî (carj, intro-
duisant une proposition explicative, causale.
5. Tos. Aboda Zara 3, 19, p. 465.
EXÉGÈSE EXPLICITE INTERPRÉTATIVE. 49
La tradition prescrit de lier les phylactères de la main à la
main gauche : comment trouver cela dans le texte?
« Et ils seront en signe pour toi sur ta main » {Ex. 13, 9). C'est la
main gauche. Tu dis : est-ce la gauche ou non, mais la droite? Bien
qu'il n'y ait pas d'argument pour la chose il y a une allusion, suivant
qu'il est dit {Is. 48, 13) : « C'est aussi ma main qui a fondé la terre et
ma droite qui a étendu lescieux «. Et il dit {Jug. 5, 26) : « D'une main
elle saisit le pieu et de sa droite le marteau de l'ouvrier » : dans tous
ces cas « la main » ne désigne que la gauche ^
On se demande combien d'écaillés doit avoir un poisson
pour être interdit :
R. Juda dit : deux suffisent. Bien qu'il n'y ait pas de preuve à la
chose il y a une allusion, suivant qu'il est dit (/ Sam, 17, 5) : « Il por-
tait une cuirasse à écailles^ ».
Trait haggadique fondé sur ce procédé : on se demande
ce qu'est cette hâte avec laquelle les Hébreux doivent manger
la Pâque.
R. Eliezer : C'est la hâte de la Sekhina; bien qu'il n'y ait pas de
preuve de la chose il y a une allusion : « Voix de mon bien aimé,
voici qu'il vient bondissant par-dessus les collines, franchissant les
montagnes » {Canl. 2, 8). Et il dit : « Voici qu'il se tient derrière notre
mur » {ibid. 9) 2.
A peu près de même importance que le zékér est le rèmèz,
ou indication fournie par un texte :
« Les lévites n'entreront pas un seul instant pour voir les choses
saintes » {Nwn. 4, 20) : R. Nathan disait : de là indication que le chant
(des lévites) est prescrit par la Loi, mais cela n'a été défini clairement
que par Esdras. R. Hanania, neveu de R. Josué, dit : ce n'est pas
nécessaire, car déjà il est dit (Ex. 19, 19) : « Moïse parla et Dieu lui
répondit par une voix » : de là indication que le chant vient de la Loi'*.
Sur le mot : « moi, je suis celui qui fais mourir et qui fais
vivre », le commentateur note : voilà un des passages qui
leur donne une indication pour la résurrection des morts ^.
1. Mekhilta in loc. p. 67.
2. Siphra Lév. 11, 9, 49 d. qasqassim = 2 (!)
3. Mekhilta Ex. 12, 11, p, 22, sq.
4. Siphré Num. 18, 3, § 116, p. 132.
5. Siphré Deut. 32, 39, § 329, 139 b- (« leur « désigne les négateurs
de la résurrection).
50 EXÉGÈSE RABBIJVIQtJE,
Au point de vue juridique il est bon de savoir quelle sorte
de prescription contient un texte.
La tournure de la phrase indique si une pratique est laissée
à la discrétion [resût, libre) des israélites ou est imposée
comme une obligation [hébd); 0. faut convenir que dans bien
des cas la teneur de la phrase laisse la liberté : d'où les
discussions des rabbins :
« Si le mari est saisi d'un esprit de jalousie et qu'il jalouse sa
femme » [Num. 5, 14) : ad libitum, dit R. Ismaël; obligation, dit
R. Eliezer^.
Dans le droit criminel on distingue la 'azhârâ, l'interdit
de commettre telle action, et le 'ânes, la punition dont sera
frappée la violation de l'interdiction. Les exégètes marquent
nettement dans les textes la promulgation de l'un et de
l'autre :
« Tu ne commettras pas d'adultère » {Ex. 20, 14). Pourquoi est-ce
dit? Quand il dit {Lév. 20, 10) : « L'homme et la femme adultères seront
mis à mort », nous entendons la punition, mais nous n'avons pas
entendu l'interdiction : il est enseigné en ces termes : « tu ne com-
mettras pas d'adultère ».
« Tu ne voleras pas ». Pourquoi est-ce dit? Quant il dit {Ex. 21, 16) :
« Celui qui vole un homme et le vend », nous entendons la punition,
oii est l'interdiction? Il est enseigné en ces termes : « tu ne voleras
pas ». Mais cela est l'interdiction de voler les âmes (de tromper). Dis-
tu : est-ce l'interdiction de voler les âmes ou non, mais bien de voler
des objets matériels {mammôn)'? Puisqu'il dit {Léo. 19, 11) : « Tu ne
voleras pas », c'est l'interdiction de voler des objets... Ou bien l'un
interdit de voler les âmes et l'autre de voler les biens 2...
Terminons ce paragraphe sur une discussion subtile :
« Le septième jour est sabbat (repos) pour Yahwé ton Dieu » {Ex.
20, 10). Pourquoi est-ce dit? Quand il dit {Ex. 31, 15) : « Quiconque
travaille au jour du sabbat qu'il meure », nous entendons la peine,
1. Siphré Num. in loc. % 7, p. 12. En Som 3 a, à la place de R. Eliezer
nous avons Aqiba et on ajoute deux textes {Lév. 21, 3; 25, 46) sur
lesquels les deux rabbins tiennent des positions contradictoires :
dans le premier cas la conjonction ^îm (si), semble laisser la liberté;
mais R. Ismaël déclare que les textes commençant par « si » laissent
la liberté sauf ces trois : Ex. 20, 25; 22, 24; Lév. 2, 14 {Mekldlta,
p. 243).
2. Mekhilta Ex. 20, 14, sq. p. 232, sq.
EXÉGÈSE EXPLICITE DEMONSTRATIVE. 51
l'interdiction d'où vient-elle? II est enseigné en ces termes : « le
septième jour est sabbat pour Yahwé ton Dieu, tu ne feras aucun tra-
vail » . Je ne trouve là que la peine et l'interdiction relativement au
travail pendant le jour, la peine et l'interdiction pour le travail
nocturne, où les trouver? Il est enseigné en ces termes : « ceux qui
le profanent mourront ». Nous avons entendu la peine, mais pas
l'interdiction : il est enseigné en ces termes : « le septième jour est
sabbat poar Yahwé ton Dieu »; on n'enseigne « sabbat » que pour
inclure la nuit dans la mention générale de l'interdiction '.
Les catégories sont appliquées aussi à l'histoire :
Dieu interdit à Âaron de s'approcher en n'importe quel temps de
l'arche « de peur qu'il ne meure » (Lév. 16, 2) : voilà la peine. « Car
j'apparais dans la nuée sur le propitiatoire » : voilà l'interdiction 2.
2° Exégèse simple, explicite, démonstrative.
Plus abondants que les effata et livres rabbiniques, qui
instituent une vraie ou prétendue exégèse des textes bibliques,
sont ceux qui se bornent à les utiKser ou exploiter. C'est ce que
Aicber (p. 67, 107) appelle très heureusejneid Schfnftaniven-
dung. Il ne s'agit plus d'interroger l'Écriture pour en définir
le sens ou en déduire les lois qu'elle contient, on l'emploie
ou l'exploite pour confirmer, se donner l'apparence de démon-
trer, une conclusion déjà établie.
Cette conclusion peut être d'ordre baggadique, maxime
morale, vue historique; le plus souvent elle sera d'ordre juri-
dique.
Le plus ordinairement, surtout dans les compositions juri-
diques les plus anciennes, tout particulièrement dans la Misna,
la prescription juridique est d'abord présentée, comme étant
en vigueur et universellement reconnue, puis la confirmation
en est donnée par un texte biblique. Plus rarement on se
demande : quel est le fondement de cette loi? Plus rarement
encore, comme dans les commentaires, on commence par citer
l'Écriture, pour en déduire la loi.
Inutile de transcrire des exemples du premier mode : nous
l'avons déjà abondamment rencontré, nous le retrouverons.
1. Mekhilta in loc, p. 230.
2. SiphraLév^ in loc.^ 80 b.
52 EXÉGÈSE BABBINIQUE.
Un exemple du second mode qui se trouve peu dans la
Misna et deviendra courant dans les productions postérieures.
R. Aqiba disait : d'où (prouve-t-on) qu'à la porter l'idole souille de
la souillure de la menstruée? Suivant qu'il est dit {Is. 30, 22) : « Tu
les rejetteras comme la menstruée ». Va lui dire : de même que la
menstruée souille qui la porte, de même, l'idole^.
Voici deux exemples du commentaire juridique, suivant
la citation biblique. D'abord pour une loi biblique :
« Le vœu d'une femme veuve et celui d'une répudiée... sont valables
pour elle » {Num. 30, 10). Ainsi si elle dit : je serai nazaréenne après
trente jours et qu'elle se marie avant ce terme, son mari ne peut pas
annuler ce vœu... (autres applications) 2,
Pour une loi, non seulement post-biblique, mais supplan-
tant un commandement biblique (l'annulation des dettes à
l'année sabbatique) :
Le prosbul ne peut périmer. C'est une des lois qu'établit Hillel
l'ancien. Comme il voyait que le peuple était empêché d'emprunter
l'un à l'autre (par la crainte de voir la dette supprimée) et violait ainsi
ce qui est écrit dans la Tora [Deut. 15, 9) : « Prends garde qu'il ne
s'élève dans ton cœur cette pensée basse : « la septième année, l'année
de rémission approche », et que ton œil soit mauvais envers ton frère
pauvre, en sorte que tu ne lui donnes rien », il établit le prosbul^.
Dans tous les cas la citation est introduite par les formules
habituelles, supposant l'autorité divine de l'Écriture :
(( comme il est dit, suivant qu'il est écrit; il est écrit; il est
écrit d'un tel, (Dieu, l'Écriture) dit; pour accomplir ce qui est
dit... » Très souvent on voit mal comment le texte invoqué
démontre, ou même justifie, la conclusion alléguée : elle est
moins une preuve qu'une confirmation verbale, une indication,
une allusion.
1. Sabbat, 9, 1 : la dâwâ d'Isaïe est entendue de cette impureté
féminine. Ibid. 2-4 est conçu de la même façon : d'oîi?... pour trois
autres questions qui n'ont rien à faire avec le sabbat et qui sont peut-
être une interpolation dans ce traité.
2. Nedarim, 11, 9. Cette halakha a tout l'air d'un fragment de midras
introduit dans la Misna.
3. Sebiit, 10, 3. Le prosbul est défini dans la halakha suivante :
c'est une sorte de cédule créditaire ayant son effet en tout temps,
sauf quelques réserves. ïl importe d'observer que la nouvelle loi, abo-
lissant l'ancienne, se fonde sur une stipulation de cette loi, celle qui
en définit l'esprit : l'obligation d'assister son concitoyen devenu pauvre.
EXÉGÈSE EXPLICITE DÉMONSTRATIVE. 53
A. — DÉMONSTRATIONS JURIDIQUES.
Les prescriptions juridiques, pour lesqiielles il est fait
appel à l'Écriture, se rangent en deux catégories : ou bien
éUes sont une simple application du commandement biblique,
ou bien elles dérivent du texte une pratique que celui-ci ne
contient pas et qui peut être : soit la conséquence ou mise en
œuvre d'une prescription biblique (par exemple comment
rechercher les mets fermentes avant le jour des azymes,
comment et au nom de qui immoler l'agneau pascal), soit
une prescription nouvelle (vg. les ^erûbhîm pour l'extension
du territoii'e sabbatique, l'ablution des mains), soit une pres-
cription anti-biblique, tel le prosbul de HUlel.
Dans le premier cas, c'est-à-dire quand nous demeurons
dans la lettre et dans l'esprit de la législation biblique, le
plus souvent la Misna se contente d'exposer, au concret, le
texte biblique, en le supposant connu et sans le citer expli-
citement : ainsi le traité Ma^asèrôt, qui traite d'une loi
biblique, ne se réfère jamais aux prescriptions mosaïques sur
les dîmes ; pareillement Sabbat n'invoque pas les prescriptions
relatives au sujet... Quelquefois sont cités, mais très parcimo-
nieusement, les textes bibliques se rapportant à la question
traitée : Kilaim (9, 8) cite Deut. 22, 11 afin de construire
un argument notarikon sur le mot èa'atnéz; SebVit (10, 8)
cite une seule fois Deut. 15, 2; Pesahim contient six citations
des lois de la Pâque (5, 3 : Ex. 12, 6; 6, 2 : Num. 9, 3 ; 9, 1 :
Num. 9, 9, sq.; 9, 3 : Ex. 12, 19; 13, 7; 10, 4, 5; Ex. 13, 8);
Nedainm présente trois citations bibliques sur les vœux (10,
7; 11, 1, 9 : Num. 30, 13, 14, 9); Baba batra se réfère une
seule fois à la législation sur les testaments (8,2: Num. 7,9).
Parfois ces textes sont incorporés au développentent : ainsi
Ma^aser seni (5, 10-13) cite la déclaration que doit faire
celui qui remet la dime {Deut. 26, 13-15) ; plus souvent le
texte est invoqué comme preuve de l'affirmation précédente :
Si l'agneau pascal est immolé avant midi il est invalide, car il est
écrit [Ex. 12, 6) : « Entre les deux soirs »^
1. Pesahim, 5/3.
54 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
Formule pour indiquer que telle application rentre dans la
loi générale :
Si quelqu'un dit à sa femme : quônâm (formule de vœu) que je
n'aurai pas de relations avec toi, c'est un cas où s'applique le « qu'il
ne profane pas sa parole » {Num. 30, 3)^.
Dans la seconde catégorie (prescriptions juridiques extra-
bibliques) l'argument scripturaire parait plus difficile à
administrer, et c'est, pourtant, là qu'il est le plus nécessaire.
La plupart des 'lois contenues dans la Misna et commentées
dans les Talmuds se rattachent à cette catégorie. Très souvent
la seule justification invoquée est la halâkhâ, la prescription
faisant autorité. C'est ainsi que nous ne trouvons pas une
seule citation biblique dans les traités Demai (mets dont il est
douteux que la dime ait été prélevée), Erubim (extension de
territoire sabbatique), Oholot (impureté contractée au con-
tact d'un cadavre ou dans son habitation), Tebul yom (impu-
reté durant jusqu'au soir), Zabim (impurs par écoulement
séminal)... Dans plusieurs autres les citations bibliques se
réduisent à presque rien ou restent implicites.
Néanmoins, le seul argument vraiment décisif étant la
parole divine, il s'imposait de ramener toutes les lois à une
origine scripturaire. Pour certaines prescriptions les rabbins
se rendaient compte que leur fondement biblique était bien
étroit et précaire :
(Les halakhotsur) l'annulât ion des vœux volent en l'air et ne peuven
s'appuyer sur aucune Écriture, mais le sage (rabbin) dispense suivant
sa sagesse. Les halakhot sur le Sabbat, sur les fêtes et sur les profana-
tions comportent peu d'Écritures et beaacoup de décisions (de halakhot);
elles sont comme des montagnes suspendues à un cheveu et sans feou
tien. De là R. Josué disait : un couple vient d'un couple, mais le pre-
mier couple qu'est-il sinon une création? Mais les lois sur les juge-
ments, sur les puretés et impuretés, sur les incestes, sur les estimations ,
les anathèmes, les terrains et la dîme seconde, ont sur quoi s'appuyer :
Écriture abondante, interprétations et halakhot peu nombreuses. Abba
José ben Hanin disait : ces huit (lois) sont l'arsenal de la Tora, le corps
des halakhot-.
1. Nedarini, 2, 1.
2. Tos. Hagiga 1, 9; Misna Hagiga^ 1, 8; dans les passages corres-
pondants du Taimud palestinien (76 c) et babylonien (10 a et 15 b) les
EXÉGÈSE EXPLICITE DÉMONSTRATIVE. 55
En effet, les textes invoqués peuvent se ranger en trois
classes : des prescriptions juridiques dont on déduit une
application ou une extension; des textes juridiques exploités
dans une autre ligne que leur ligne propre ; enfin des textes
empruntés aux livres historiques, prophétiques, sapientiaux,
recueils de prières : textes inaptes à fonder une loi. Des textes
hibliques mis en œuvre par la Misna, ceux qui viennent des
livres législatifs (Exode, Lévitique, Nombres, Deutéronome)
sont aux autres dans la proportion de onze à sept environ ;
au surplus, quantité de ces sentences sont exploitées dans
un tout autre sens que lem* sens primitif.
Nous donnons quelques échantillons de ces exégèses
directes : nous laissons pour plus tard toutes les interpréta-
tions qui relèvent de la dialectique, de la philologie ou du
symbolisme. Est-il nécessaire d'observer que très souvent
les textes bibliques seront exploités sans tenir compte du
contexte?
a) Textes juridiques ayant un rapport réel avec
la prescription à justifier.
Excellente exégèse, ceEe qui applique aux cas particuliers
un principe général, même si le principe est tout verbal :
Pour les gerbes oubliées dans le champ, celles que le moissonneur
laisse derrière lui sont tenues pour oubliées, mais non celles qu'il
laisse devant lui : car là s'applique le « tu ne retourneras pas ». Voici
le principe : toute gerbe à laquelle s'applique le « tu ne retourneras
pas » est tenue pour oubliée, et celle à laquelle le terme ne s'applique
pas n'est pas tenue pour oubliée ^
C'est encore une mention de la loi, entendue littéralement,
qui appuie une application que le texte primitif n'envisageait
pas :
Les fruits de l'année sabbatique qui sont sortis de la terre (Palestine),
on les détruit là où ils se trouvent : paroles de Rabbi (Juda). R Siméon
rabbins essayent de montrer que -les halakhot suspendues en l'air ne
manquent pas de fondements.
1. Pea, 6, 4 citant Deiif, 24, 19, qui concerne bien les gerbes oubliées.
L'accent est mis sur la verbe tâsûb, retourner en arrière, derrière
soi.
56 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
b. Eléazar disait : on les ramène dans la terre et on les y détruit
suivant qu'il est dit {Lév. 25, 7) : « (à ton bétail qui est) dans ta terre
tout son produit servira (de nourriture) » ^ .
Parfois le texte invoqué prête à une double interprétation,
d'où discussions :
Si une vigne ne porte que des grappillons (raisins mal venus et
tardifs). R. Eliezer estime que ces produits appartiennent au proprié-
taire, R. Aqiba les adjuge aux pauvres. Le premier argue du texte
{Deut. 2A, 21) : « Quand tu vendangeras tu ne grappilleras pas » : s'il
n'y pas eu de vendange, pas de grappillage. Le second argue du texte
parallèle {Lêv. 19, 10): « Tu ne grappilleras pas ta vigne », même si
elle ne contient que des grappillons. Le premier mot (du Deut.) « tu ne
vendangeras pas » indique que les pauvres ne peuvent pas commencer
à grappiller avant les vendanges 2,
Il convient également de tirer une déduction d'une loi
apparentée à la loi discutée :
Si l'on acquitte la teruma avant les prémices, la dîme première
avant la teruma et la dîme seconde avant la dîme première, bien
qu'on viole un interdit (précepte négatif), ce qu'on a fait est valide,
suivant qu'il est dit : « Tu ne retarderas pas de m'oiîrir les prémices
de ta moisson et de ton pressoir » [Ex: 22, 28)^.
Nous avons vu fonder la loi, toute nouvelle, du Prosbul
{SebVit^ 10, 3) sur l'esprit du commandement qu'elle
supplante: devoir d'assister le prochain devenu pauvre.
L'appui biblique peut être indirect, mais très légitime : si
l'on sait que les travaux interdits au Sabbat sont ceux qui
furent pratiqués pour l'édification du tabernacle, on ne
s'étonnera pas de cette déduction :
D'où prouve-t-on la culpabilité du teinturier en pourpre qui travaille
au Sabbat? De ce qu'il est dit {Ex. 25, 5) « et des peaux de bélier teintes
1. Tos Sebi'it, 5, 1, p. 67.
2. Pea 7, 7. Evidemment l'interprétation d'Eliézer se fonde, en
partie, sur le substantif néo-hébreu 'olélâ, (grappillon, raisin chétif
et tardif) tandis qu'Aqiba argue du verbe te'ôlél, qui peut simplement
signifier : vendanger à nouveau, après coup.
3. Terumot^ 3, 6. Bien que le mot teruma figure dans la Bible, la pra-
tique de la teruma (obiation faite aux prêtres sur toutes les récoltes,
en plus des dîmes et prémices) est postbiblique ; il en est parlé environ
600 fois dans la Misna ; elle ne peut se fonder que sur des textes
relatifs aux auti'es redevances sacrées.
EXÉGÈSE EXPLICITE DEMONSTRATIVE. 57
en pourpre ». Cela désigne une blessure : tout ce qui en sort, et même
ce qui ne peut pas en sortir, c'est du sang. D'oii montrer que le sang
est un liquide? de ce qu'il est dit (Num. 23, 24) « et il boit le sang des
blessés »^
Il est tout à fait dans l'esprit rabbinique de vouloir se tenir
à la lettre, même si cela conduit à une absurdité :
ce Tu rassembleras tout le butin (de la ville vouée à l'anathème) au
milieu de la place pour le brûler » {Deut. 13, 17). S'il n'y a pas de place
on en fait une ; et si la place est en dehors de la ville on l'introduit au
milieu de la ville 2.
Le texte de la loi étudiée fournit une base à la déduction,
grâce à une modification introduite dans le sens, voire dans
l'orthographe ou la coupe de la phrase ; nous verrons ces pro-
cédés dans le chapitre de la philologie, ici un seul exemple :
On démontre par une analogie que la femme refusée par son beau-
frère dira son imprécation en hébreu. R. Juda arrive autrement à cette
conclusion. « Elle répondra et dira ainsi » (Deut. 25, 9), en sorte qu'elle
s'exprimera dans cette langue ^.
Parfois toute l'argumentation repose sur un mot pris isolé-
ment : dans la fameuse ^ discussion sur le divorce, Aqiba
s'appuie sur dâbar (une chose), tandis que Sammai prend
l'expression complète ^èrbat dâbâr :
L'école de Shammai disait : un homme ne peut répudier sa femme
que s'il trouve en elle ime chose repoussante suivant qu'il est dit
[Deut. 24, 1) : « Car il a trouvé en elle une chose repoussante ». Et
l'école de Hillel disait : (il peut la répudier) même si elle a brûlé son
plat, suivant qu'il est dit : « Car il a trouvé en elle une chose
repoussante ». R. Aquiba disait : (il peut la répudier) même s'il en a
1. Tos Sabbat, 8, 23, p. 121. Pour le teinturier, le chef de preuve
(sous-entendu) est que tous les travaux nécessaires à la confection du
tabernacle d'alliance sont les types de travaux défendus au sabbat.
Les versets suivants montrent que le vin, le miel, le lait, la rosée...
sont aussi des liquides potables.
2. Sanhédrin, 10, 6.
3. Sota 7, 4. Le « ainsi » [kâkâ) est le premier mot de l'imprécation
« qu'ainsi soit fait... ». Toute l'argumentation repose sur ce démons-
tratif (ainsi) séparé de son contexte; il requiert l'autre démonstratif
« cette langue ».
58 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
trouvé une autre plus belle qu'elle, suivant qu'il est dit (ibid.) «:Et il
arrivera qu'elle ne trouve pas grâce à ses yeux »^.
Autre argument tout verbal fondé sur le mot dâbâr :
Si à l'année sabbatique le débiteur veut payer sa dette et que le
créancier lui dise : « je la remets » et que cependant le débiteur
réplique : « mais mèirie malgré cela », on peut recevoir la dette, sui-
vant qu'il est dit {Deut. 15, 2) : « Voici quelle est la parole {dâbâr ■=
loi) de la rémission ». Pareillement l'homicide, exilé dans une ville de
refuge et que les citoyens de la ville veulent honorer, s'il leur dit : je
suis un homicide et qu'ils lui répondent : « mais même alors », il
pourra recevoir ces honneurs, suivant qu'il est dit [Deut. 19, 4) : « Voici
la parole (la loi) de l'homicide » 2.
Nous sommes enfin au comble de la fantaisie quand la
preuve est tirée du texte afférent au sujet, mais attribue aux
mots un sens tout nouveau ; comme l'observent justement les
rabbins, avec une méthode pareille on ne voit plus où s'arrê-
teront les déductions :
Dès huit jours avant la fête (de l'Expiation) on désigne un prêtre
comme substitut du grand prêtre de peur qu'il ne lui arrive une
impureté. R. Juda dit : on lui désignait aussi une autre femme de peur
que la sienne ne meure, suivant qu'il est dit {Lév. 16, 6) : e II fera
l'expiation pour lui et sa maison » : sa maison désigne sa femme. On
lui dit : s'il en est ainsi les raisonnements seront sans fin^
b) Textes juridiques mais sans rapport avec la loi étudiée.
Les rabbins percevaient que le lien entre la sentence
scripturaire et l'affirmation démontrée était assez lâche :
aussi dans certains cas les formules introduisant la citation
1. Mima Gittin, 9, 5. Dans Siphré Deut. 24, 1, §269, 122 a, discussion
entre les deux écoles sur ce point : pourquoi dans l'Ecriture les deux
mots 'èri>â et dâbâr? Même discussion dans les commentaires des
Talmuds; bab. Gittin 90 a, les rabbins postérieurs se demandent
pourquoi les deux écoles diffèrent, bien que se fondant sur les mêmes
mots : considérations verbales.
2. Sebiit 10, 8. Dans les deux cas la parole [dâbâr) du coupable
suffît à rétablir les droits. La seconde partie : Makkoth 2, 8.
3. Yoma 1. 1. Le prêtre doit ^ être marié, 11 est courant d'appeler
(( sa femme » : sa maison : R. José se vantait (comme d'un acte de
modestie) d'avoir toujours appelé sa femme, non « ma femme », mais
« ma maison » : Sabbat 118 b.
EXÉGÈSE EXPLICITE DÉMONSTRATIVE. 59
indiquent-elles une certaine hésitation : « c'est ainsi que
nous trouvons », « à ce sujet l'Écriture dit », « à ce sujet il
est dit ». Nous connaissons déjà l'expression : « ceci n'est
pas une raison, mais une indication, une allusion^ ».
Le rapport entre la législation justifiée et le texte invoqué
est à peine oblique, quand on passe d'une loi à une autre
loi fort apparentée, v. g. du sabbat à l'année sabbatique :
Si un arbre seul peut produire une masse (gros comme un pain) de
figues pressées et si deux ne ie peuvent pas, ou bien si deux les pro-
duisent et un ne le peut pas, on laboure à leur pied (avant l'année sab-
batique) autant qu'il est nécessaire; on procède ainsi pour trois arbres
et jusqu'à neuf. Pour dix et au-dessus, qu'ils produisent ou non dans ces
mesures, on laboure à cause d'eux l'espace d'un seâ qui les entoure,
suivant qu'il est dit (Ex. 34, 21) : « Tu te reposeras le septième jour,
même au temps de la moisson et du labourage ». Cela ne pouvant se
rapporter à la moisson et au labourage de l'année sabbatique, cela
concerne le labourage et la- moisson, soit de la sixième année qui pré-
cède l'année sabbatique, soit de l'année qui la suit^.
Aucune loi biblique ne prescrit la récitation biquotidienne
du Chema, la forme de cette récitation ou la posture à y
prendre ; pour ce dernier point on exploite le passage qui con-
tient la prière, laquelle est aussi une profession de foi :
L'école de Sammai dit : aa soir on doit se coucher (s'incliner) pour
le réciter, et au matin on se lève (se met debout) pour le dire, suivant
qu'il est dit [Beut. 6, 7) : « Tu parleras de ces commandements,
quand tu te coucheras et quand tu te lèveras ». L'école d'Hillel dit :
on les récite dans la posture où l'on se trouve [kedarkô) suivant qu'il
est dit (ibid.) : « ... quand tu iras par le chemin (en voyage) baddè-
rèk ». Si on suit cette interprétation pourquoi est-il dit « quand tu te
coucheras et te lèveras » ? Pour indiquer qu'on le récite au moment où
l'on a l'habitude (dèrèkh) de se lever et de se coucher^...
Autre procédé courant, principalement dans les exégèses
1. Cf. AiCHER, op. cit. p. 68, 103.
2. La démonstration manque de clarté. Suivant les interprètes,
l'argument scripturaire porte sur la pi^emière partie de la halakha
limitant le labour d'un verger ne contenant pas plus de neuf arbres ;
d'autre part le « pendant le labourag-e ou la moisson » étant superflu
puisque tout travail est interdit au sabbat, il convient de rapportei!*
le texte aux temps entourant l'année sabbatique. Sebi'it, 1, 4.
3. Berakhot 1, 4.
60 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
distributives : déclarer que tel texte se rapporte à telle pra-
tique prescrite par la halakha :
La bénédiction du repas vient de la Tora suivant qu'il est dit {Deut.
8, 10) : « Tu mangeras, et tu te rassasieras et tu béniras », c'est la
bénédiction du repas; « Yahwé ton Dieu », c'est la première bénédic-
tion; « pour la terre », c'est la bénédiction de la terre; « bonne «, c'est
Jérusalem et c'est ainsi qu'il dit {Deut. 3, 25) : « que je voie (paroles
de Moïse) cette montagne bonne et ce Liban »; « qu'il t'a donnée »,
ce sont les mots « qui est bon et bienfaisant n^...
c) Textes non-juridiques.
Fonder une prescription jui^idique sur un texte qui revêt
un tout autre sens doit évidemment conduire à faire abstrac-
tion du contexte, à user et abuser de l'analogie, à passer du
singulier au général, et même à modifier la teneur des
passages exploités.
D'où prouver que le grand Sanhédrin doit compter soixante-onze
membres? Suivant qu'il est dit (Num. 11, 16) : « Assemble-moi soixante-
dix d'entre les anciens d'Israël « ; et Moïse à leur tête, cela fait soixante-
onze... D'où prouve-t-on que le petit sanhédrin doit compter vingt-
trois membres? Suivant qu'il est dit {Num. 35, 24) : « Et l'assemblée
jugera... (25) et l'assemblée délivrera », cela fait vingt. On montre
qu'une assemblée {'édâ) compte dix personnes de ce qu'il est dit {Num.
14, 27) : « Jusqu'à quand cette assemblée de méchants?... » retranche
(des douze) Caleb et Josué, cela fait dix. Et d'où prouver qu'il faut
encore ajouter trois? de ce qu'il est dit {Ex. 23, 2) : « Tu ne suivras
point la multitude pour faire le mal »... On ne peut être entraîné au
mal que par deux. Ajoute encore une unité pour départager le tribunal :
cela fait vingt-trois 2. . .
Voici encore comment par une déduction, tirée d'un fait
historique, on justifie une opinion juridique. L'histoire des
Sichémites égorgés par Siméon et Lévi le troisième jour après
1. T'as Berakhot 7, 1, p. 14. La démonstration fait allusion aux
trois parties de la bénédiction : 1° Béni sois-tu, Yhwh, notre Dieu,
qui nourris le siècle ; 2° Nous te rendons grâce de ce que tu as donné
à nos Pères une terre agréable, bonne et large; 3° Aie pitié d'Israël et
de Jérusalem. Il est courant d'identifier au Liban (blanc) le Temple,
parce qu'il blanchit les péchés.
2. Sanhédrin 1, 6. Encore un point sur lequel la Bible n'a pas légi-
féré. La première démonstration généralise une histoire ancienne;
la seconde, plus compliquée, argue de quelques mots.
EXÉGÈSE EXPLICITE DEMONSTRATIVE. 61
leur circoncision semble indiquer que c'est à ce moment que
la douleur consécutive à l'opération est à son paroxysme, ce
qui permet de violer, pour l'apaiser, le repos sabbatique :
R. Eleazar b. Âzaria disait : on peut baigner un enfant (nouveau-né)
au troisième jour après sa naissance qui tombe un jour de sabbat
suivant qu'il est écrit {Gén. 34. 25) : « Et le troisième jour comme ils
étaient souffrants » ^ .
Les saints personnages étant les modèles à imiter, on peut
ériger leurs gestes en prescriptions à suivre :
On établit (au iif s. av. J.-C. ?) qu'en saluant son prochain (en lui
souhaitant la paix) on prononcerait le nom divin (ineffable), suivant
qu'il est dit {Ruth 2, 4) : « Et voici que Booz venait de Bethléem et il dit
aux moissonneurs : que Yhwh soit avec vous et ils lui répondirent :
que Yhwh te bénisse !» Et il dit {Jug. 6, 12) : « Que Yhwh soit avec
toi, guerrier! »2...
Souvent, dans la Misna et autres recueils juridiques, sont
invoqués les livres sapientiaux; il semble étrange qu'on
puisse tirer une prescription juridique d'une maxime morale ;
il est pourtant un cas où l'application est assez légitime :
quand la maxime morale rappelle l'esprit de la loi consi-
dérée :
Celui qui ne permet pas aux pauvres de faire la cueillette (glaner
ou grappiller), ou bien celui qui le permet à l'un et empêche l'autre,
ou bien celui qui y favorise un seul d'entre eux, celui-là dépouille les
pauvres et de lui il est dit (Prou. 22, 28 et 23, 10) : « Ne déplace pas
la borne antique... et n'entre pas dans le champ des orphelins ^ ».
Les proverbes peuvent fournir ces indications qui ne sont
pas de vraies preuves : la loi sm* le fils rebelle indique parmi
ses fautes les excès de table ; on veut prouver, tout au moins
suggérer, que cette faute suffit par le Proverbe (23, 20) : a Ne
1. Misna Sabbat 19, 3. Dans la gemara babylonienne 134 b, on
reconnaît que ce n'est pas une vraie preuve mais une allusion [zèkèr) .
2. Berakhoth 9, 5, Ailleurs on tire des indications juridiques des
prières des patriarches.
3. Pea 5, 6 et 7, 3.
Nous retrouverons ailleurs le premier proverbe employé à d'autres
fins (exégèse parabolique, p. 227),
Le livre des Proverbes est abondamment usité pour appuyer des
sentences morales : il est cité dix-neuf fois dans les Pirqé Ahot.
62
EXEGESE RABBINIQUE.
sois pas parmi les buveurs de vin ni parmi ceiix qui se §or-
gent de viande ^ » .
Le recours aux Proverbes est encore plus justifié quand la
halaklia prend la forme d'une exhortation morale.
Dans l'avertissement adressé aux témoins en matière criminelle, pour
les engager à peser la portée de leurs dépositions, on termine ainsi :
Peut-être direz-vous : pourquoi nous mettre dans cet embarras? —
N'est-il pas dit {Lév. 5. 1) : « Si quelqu'un pèche en se refusant à dire
après l'avertissement du juge ce qu'il a vu ou ce qu'il sait, il portera
son iniquité »? Peut-être direz-vous : pourquoi nous rendre coupables
de son sang? N'est-il pas déjà dit {Prov. Il, 10) : « Quand les méchants
périssent on pousse des cris de joie^ »?
On n'hésite pas à fonder une prescription juridique sur un
texte prophétique :
Tout le monde (sauf esclaves et servantes de la coupable) peut assis-
ter à l'ordalie de la sota (suspecte d'adultère). 11 est permis à toutes
les femmes de la voir, suivant qu'il est dit [Ez. 23, 48) : « Je ferai
cesser l'impureté dans le pays et toutes les femmes en recevront une
leçon et elles ne commettront plus des impiétés pareilles aux vôtres^.
Les rabbins défendent de porter (fardeaux) des armes au sabbat.
R. Eliezer le permettait en disant que ce sont des ornements (donc
permis à ce titre). Les rabbins lui opposent le texte d'Isaïe (2, 4) :
« De leurs épées ils forgeront des charrues et de leurs lances des cou-
teaux pour la vendange » : c'est donc qu'elles sont une honte et non
un ornement''.
Ce n'est plus pour fonder une loi, mais pour accréditer
une tradition historique, qu'il est fait recours, en l'appliquant
au temps présent, à une prophétie :
D'où prouve-t-on qu'on liait une bandelette de couleur cramoisie sur
la tête du bouc émissaire? Suivant qu'il est dit (/s. 1, 18) : « Si vos
péchés sont comme l'écarlate^ ils deviendront blancs comme neige »'^.
Est-ce ce texte qui a engendré une curieuse croyance tradi-
tionnelle ? Était-elle déjà supposée par la halakha précédente?
1. Sanhédrin 8, 1 ; le texte juridique est Deut. 21, 18-21.
2. Sanhédrin 4, 5. Cf. aussi 3, 7 citant Prov. 11, 13 contre le juge
qui diffame et charge ses collègues.
3. Sota 1, 6. L'accent est mis sur l'instruction à recevoir par les
autres femmes.
4. Sahbat 6, 4.
5. Sabbat 9, 3,
EXÉGÈSE EXPLICITE DEMONSTRATIVE. 63
Après avoir indiqué à quels signes on savait que le bouc avait atteint
le désert, on continue {baraitha, tradition tannaïte) : R. Ismaël disait :
n'avaient-ils pas un autre signe? Une autre bandelette rouge était liée
au-dessus de la porte du Temple, et quand le bouc était parvenu au
désert, la bandelette devenait blanche suivant qu'il est dit (/s. 1, 18) :
« Si vos péchés sont comme l'écarlate ils deviendront blancs comme
ileige^ »,
Notons enfin cet autre trait de la littéralité rabbinique :
la métaphore doit se réaliser :
Tout juge qui, à cause d'un présent reçu, fait dévier son jugement,
aura, avant de mourir de vieillesse, ses yeux obscurcis, suivant qu'il
est dit {Ex. 23, 8) : « Et n'accepte pas de présents, car le présent
aveugle les yeux clairvoyants b^.
B. — DÉMONSTRATIONS HAGGADIQUES.
La hag-gada comprend deux grands domaines : les ensei-
gnements religieux et moraux, l'exploitation de l'Écriture et
de l'histoire sainte. En ces deux domaiiies les rabbins n'avan-
cent rien qu'ils ne prétendent appuyer sur un argument
scripturaire : nécessité qui ouvre largement le champ à la
fantaisie... et aux discussions.
Les exemples sont si nombreux et si variés qu'on peut pres-
que puiser au hasard, ad aperturam libri.
La foi en la résurrection des morts pouvait se fonder sur
de clairs oracles prophétiques ; les Pharisiens voulaient la
prouver d'une manière encore plus convaincante par divers
témoignages, dont leurs adversaires, les Sadducéens, don-
naient une autre interprétation : vers la fin du premier siècle
Rabban Gamliel argumente :
Des hérétiques interrogèrent Rabban Gamliel : d'où tire-t-on que le
Saint, béni soit-il, vivifiera les morts? Il leur répondit : de la Tora,
1. Yoma 6, 8. L'indication baraitha, assez étrange dans la Misna,
se trouve chez peu de témoins. Dans le Talmud palestinien, 43 d,
sont rapportées d'autres traditions sur cette bandelette, puis on cite
diverses exégèses de la sentence prophétique.
2. Pea 8, 9. Dans la même halakha on annonce aux mendiants,
simulant la cécité, la claudication... pour obtenir l'aumône, qu'ils ne
mourront pas sans avoir été frappés de cette même infirmité suivant
Prov. 11, 27 : « Qui cherche le mal le verra venir sur lui ».
\
64 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
des Prophètes et des Hagiographes : et ils ne voulurent pas accepter
son argumentation. De la Tora, car il est écrit {Deut. 31, 16) : « Voici
tu vas être couché avec tes pères, et il se lèvera ». Ils lui dirent : mais
il est dit : « et se lèvera ce peuple et il se prostituera ». Des Prophètes,
car il est écrit (/s. 26, 19) : « Tes morts vivront, mes cadavres ressus-
citeront; réveillez- vous et chantez, vous qui êtes couchés dans la
poussière, car votre rosée est une rosée de lumière et la terre rendra
ses trépassés ». Ils lui dirent : mais peut-être s'agit-il des morts que
vivifia Ezéchiel. Des Hagiographes, car il est écrit [Cant. 7, 10) : « Ton
palais est un vin exquis, qui coule aisément pour mon bien-aimé; qui
glisse sur les lèvres des endormis (=les morts) ». Ils lui dirent : peut-
être ses lèvres s'agitent- elles, car on dit communément que les lèvres
des rabbins, dont on cite sous leur nom une halakha, se mettent à
murmurer dans leur tombeau, suivant qu'il est écrit : « Ton palais... »
Ils contestèrent jusqu'à ce qu'il leur citât cette écriture {Deut. 11, 9) :
« Yahwé a juré à vos pères de leur donner ». Il n'est pas dit « à vous »,
mais « à eux » : de là on montre que la viviflcation des morts est
prouvée par la Tora. D'autres disent : il leur cita cet autre texte
{Deut. 4, 4) : « Et vous, tant que vous êtes attachés à Yahwé, votre
Dieu, vous êtes tous vivants anjourd'hui ». « Vous êtes tous vivants
aujourd'hui », c'est clair, mais cela veut dire qu'au jour où tout le
monde sera mort vous serez vivants. Ou bien : de même qu'aujour-
d'hui vous êtes là, de même au siècle qui vient vous serez tous là^
La loi orale est une des pièces principales de la religion
juive, sa légitimité ne se démontre pas et pourtant les rabbins
ne laissent pas de la trouver dans les textes :
« Ils enseignent ta loi (lu au pluriel = tes lois) à Israël » {Deut. 33,
10). Cela enseigne que deux lois ont été données à Israël, une de vive
voix, l'autre par écrit. Un officier, nommé Quintus (Agnitos) demanda
à Rabban Gamliel : combien de lois ont été données à Israël? il lui
répondit : deux, une de vive voix (la loi orale) et l'autre par écrit^.
Les maximes morales prennent aussi leur appui dans
l'Écriture.
L'homme qui travaille nu doit se couvrir avant de prier, car on dit
qu'il n'est pas honorable à l'homme d'être nu puisque Dieu, quand il
1. Sanhédrin, 90 h. De tous ces arguments scripturaires le seul
incontestable est le second; les autres supposent une argutie, un jeu
sur un mot : artifice que les adversaires repoussent.
2. Siphré in loc. § 351, 135 a. Bâcher, Tannaiten, I. p. 76, note que
l'interprétation suppose qu'on lit le pluriel tôrôtéka. D'autres tirent la
même conclusion du pluriel toroth de Léc 26, 46, ou du gladii anci-
pites de Ps. 149, 6 : Siphra Lév. 112 c; Pesiqta de Rab Kahana, édit.
Buber, 102 b.
EXÉGÈSE EXPLICITE DEMONSTRATIVE. 65
créa rhomme, ne le créa pas nu suivant qu'il est dit {Job, 38, 9) :
« Quand je lui donnai la nue pour vêtement et la ténèbre pour langes ».
La première proposition désigne la membrane qui enveloppe le fœtus,
la seconde, le placenta ^ .
Les exhortations morales se fortifient par la mention des
récompenses et des punitions dont Dieu sanctionna les vertus
et les vices des héros bibliques : thème passionnant^ les
raisons pour lesqTielles le Temple fut ruiné :
R. Johanan b. Torta disait : pourquoi Silo fut-il ruiné? Pour deux
causes : parce qu'on y pratiquait la débauche et le mépris des choses
saintes. La débauche, car il est écrit {i Sam. 2, 22) : « Héli était
très vieux et il apprenait tout ce que ses fils faisaient aux Israélites et
comment ils couchaient avec les femmes dé service à la porte de la
tente de réunion »..,. Le premier temple a été ruiné parce qu'on y
commettait l'idolâtrie, la débauche et l'homicide. L'idolâtrie suivant
qu'il est écrit (/s. 28, 20) : « Le lit est trop court pour s'y étendre »
Dans ces exégèses à fin édifiante les livres de Job et des
Proverbes sont souvent invoqués; arguments qui n'ont rien
d'apodictique puisque le même verset revêt plusieurs sens.
Exemple :
Celui qui laisse passer une fête de pèlerinage sans la fêter n'est pas
tenu à compenser; de lui il est dit {Eccl. 1, 15) : « Ce qui est courbé
ne peut se redresser » et (Ps. 37, 21) : « L'impie emprunte et ne rend
pas ». R. Siméon b. Menasia disait : l'homme qui fait un vol ou une
rapine peut restituer; qui souille une femme mariée et se retire avec
confusion, de lui il est dit : « Ce qui est courbé ne peut être redressé »...
« l'impie emprunte et ne rend pas ». R. Siméon b. Yohai disait : on ne
dit pas ; ne visitez pas un chameau ou un porc pour voir s'il a un
défaut (en vue des sacrifices), mais visitez des animaux sans défaut;
et qui est-ce? Le disciple du sage (rabbin) qui s'est séparé de (l'étude de)
la Loi : de lui il est dit : « ce qui est courbé »..., « l'impie em-
prunte... » R. Juda b. Laqis disait : voici qu'on dit (Prov. 27, 8) :
« Comme l'oiseau qui erre loin de son nid » et il dit {Jér. 2, 5) :
« Quelle iniquité vos pères ont-ils trouvée en moi pour s'éloigner de
moi^»?.
1. Tos. Berakot 11. 14, p. 4.
2. Yoma 9 ab; Dans le texte parallèle de Tos. Menahot, 13, 22,
p. 533, sqq. manquent les preuves scripturaires.
3. Tos. Èagîga 1, 7, 8, p. 233; texte redressé d'après bab. Hagiga
9 b; dans la Misna correspondante [Hagiga 1, 7), les textes scriptu-
raires sont réduits.
EXÉGÈSE RABBINIQUE. 3
66 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
La Haggada qui s'exerce sur l'histoire sainte poursuit
plusieurs fins : d'abord enrichir le merveilleux traditionnel ;
et ainsi se constitue un© lég-ende, souvent fantastique, mais
qui prétend bien se fonder sur l'Écriture. Quelques exemples :
« Et Yahwé allait devant eux pendant le jour » {Ex. 13, 21). Tu te
trouves dire qu'il y avait sept nuées : « Et le Nom (Dieu) allait devant
eux pendant le jour dans la colonne de nuée » ; « et ta nuée se tient
sur eux et dans la colonne de nuée » {Num. 14, 14) ; « et quand la nuée
restait longtemps » [Num. 9, 19) ; « et quand s'élevait la nuée... et si la
nuée ne s'élevait pas... car la nuée de Yahwé était sur le camp » {Ex.
40, 36-38). Cela fait sept nuées : quatre aux quatre vents, une au-dessus,
une par-dessous et l'autre allait au-devant d'eux,... elle élevait les
petits et abaissait les orgueilleux, suivant qu'il est dit {Is. 40, 4) :
« Toute vallée s'élèvera, toute montagne et colline s'abaissera, les
tortuosités se redresseront et les escarpements se feront vallées ».
Cette nuée frappait les serpents et les scorpions, elle balayait et
faisait la litière devant eux : il y avait treize nuées.... "i.
Dans le légendaire juif, figure le ver Shamir, arraché
par Salomon aux démons pour tailler sans peine les pierres
du Temple; cette construction prodigieuse est attestée par
les mots {i Rois 6, 7) : « Quand on bâtit la maison on la
bâtit de pierres toutes préparées dans la carrière » ^.
La Haggada se propose aussi d'éclairer l'histoire en sup-
pléant par conjecture des traits que supposent les récits
sacrés.
Pourquoi est-il dit « eux et vous » (de peur que vous ne mouriez
eux et vous, Num. 18, 3)? Parce que Koré était venu et avait excité à
la révolte contre Aaron; l'Ecriture le dénonce dans tout ce contexte ^
Les conjectures haggadiques s'ingénient à donner un nom
propre aux personnages anonymes.
Les deux hébreux qui se querellent et qui s'insurgent contre l'inter-
vention de Moïse, ce sont Dathan et Abiron ; eux aussi qui dirent
1. Mekhilta in loc, p. 81 ; texte à peu près semblable dans Slphré
Num. 10, 34, § 83, p. 79.
2. Tos. Sota 15, 1, p. 321.
3. Siphré Num. 18, 3, § 116, p. 132. Koré tient une grande place
dans le légendaire juif. Un peu plus loin, 18, 8, § 117, p. 134, sqq., il
est encore parlé de cette révolte de Koré et nous trouvons une autre
explication de ces exégèses : cette péricope est voisine de la péri-
cope de Koré et doit donc s'expliquer par elle.
EXÉGÈSE EXPLICITE DEMONSTRATIVE. 67
(Num. 14, 3) : « Ne vaut-il pas mieux pour nous retourner en Egypte? »
Eux qui murmurèrent au moment de passer la Mer Rouge (Ex. 14, 10-
12) ; eux qui gardèrent de la manne suivant qu'il est écrit {Ex. 16, 20) :
« Et des gens d'entre eux en gardèrent jusqu'au matin » ; eux qui allè-
rent (au sabbat) pour en cueillir et n'en trouvèrent pas {ibid. 27) ; eux
qui prirent part à la révolte de Koré suivant qu'il est dit {Num. 16, 1) c
« Lui, Dathan et Abiron ». Car ils furent dans l'impiété depuis le
commencement jusqu'à la fin ^ .
Là la conjecture se justifie par un besoin d'unification :
attriJDuer aux mêmes pécheurs tous les actes d'impiété; ici
elle se couvre d'un essai d'exégèse :
« On trouva un homme qui ramassait du bois au jour du sabbat »
{Num. 15, 32). Qui était-ce? Salphahad : paroles de R. Aqiba. Ici il est
dit « désert », là (27, 3) il est dit « désert » : de même que le désert dont
il est parlé là est (désigne) Salphahad, de même le désert dont il est
parlé ici est Saphahad. R. Juda b. Bathyra dit : il rendra compte celui
qui dit que l'homme qui ramassait du bois était Salphahad; si celui qui a
dit et le monde fut a caché (sa faute), toi tu la révélerais! Mais d'où
était-il? Il faisait partie des « obstinés » suivant qu'il est dit {Num. 14, 44) :
« Et ils s'obstinèrent à vouloir monter au sommet de la montagne » ^.
Procédé analogue : déclarer que telle maxime morale
générale a été dite de tel héros historique :
« Et Moïse dit au peuple : ne craignez point » {Ex. 20, 20). Voici que
Moïse les encourage, pour t'apprendre la sagesse de Moïse, comme il
s'appliquait à apaiser tous ces milliers et toutes ces myriades. De lui
il est dit clairement dans la tradition {Qabbâlâ) {Eccl. 7, 19) : « La
sagesse donne au sage plus de force que n'en ont dix princes^ ».
Dernier service que l'exégèse doit rendre à l'Écriture : l'édul-
corer, l'expurger. Bâcher le reconnaît : « C'est la principale
préoccupation de la Agada : écarter des personnalités des âges
saints les jugements défavorables '' ». Désespérément les rab-
1. Tanhuma Semot 10 et Rabba sur Ex. 1, 12. Ces traditions ne
doivent par être fort anciennes : nous n'en trouvons pas de trace dans
les Midrasim halakhiques. Cf. Rosenblatt, op. cit., p. 24, sq.
2. Siphré Num. in loc, § 112, p 122. Voir Encyclopaedia judaica,
IV, c. 677, sq. sur ces identifications des anonymes.
3. Mekhilta, in loc, p. 237. Il n'est pas étonnant que nos exégètes
aient très souvent recours à ce procédé.
4. Bâcher, Die Agada der Tannaiten 1, p. 217; voir aussi : Bloch.
Israël und die Vôlker, p. 376.
68 EXÉGÈSE KABBINIQUE.
bins s'attachent à prouver l'innocence des hommes dont la
Bible raconte les péchés :
R. Samuel b. Nahmani disait : R. Jonathan disait : quiconque dit
que Ruben a péché se trompe suivant qu'il est dit {Gen. 35, 22) : « Les
fils de Jacob étaient au nombre de douze ». Cela nous enseigne qu'ils
étaient tous égaux (en sainteté). Mais alors comment pourrai-je justi-
fier {Gen. 35j 22) : « Et il coucha avec Bala, la concubine de son père » ?
Cela nous apprend qu'il mit en désordre {bilbal, à rapprocher de Bala)
la couche de son père et l'Écriture lui impute comme s'il avait couché
avec elle. R. Samuel b. Eleazar dit^ suivant la tradition (tannaïte :
haraitha) : ce juste doit avoir été préservé de ce péché et il ne commit
pas ce fait : sinon sa descendance (semence) aurait-elle pu se tenir sur
le mont Ebal et dire {Deut. 27, 20) : « Maudit qui couche avec la femme
de son père »?... Discussions pareilles sur les fils de Héli, sur David
sur Salomon, sur Josias...''.
G. EXÉGÈSES PROPHÉTIQUES.
En vue de la comparaison avec le Nouveau Testament il
est intéressant de rechercher comment les rabbins ont déduit
de textes bibliques des vues sur l'avenir. Ils découvraient
dans les Écritures l'annonce, soit d'événements historiques
déjà accomplis, soit la prédiction de faits encore à venir,
telle l'histoire des temps messianiques, telle aussi la consom-
mation finale. Ils sont parvenus à leurs conclusions par les
deux voies ordinaires : ou bien ils commentent une parole
divine concernant l'avenir, ou bien ils avancent leurs vues
prophétiques et ils les fondent sur une Écriture. Nous n'aurons
aucun étonnement à rencontrer le plus souvent ce dernier
procédé.
1. Sabbat 55 è, 56 ab. Voir Bâcher, ibid, p, 126, sq. Cette indul-
gence à l'égard de Ruben se retrouve dans toute la haggada, même
chez PhUon.
N'y aurait-il pas déjà quelque essai de cette attitude dans la Bible?
Le Ps. 106, 30 ne dit pas de Phinéas qu'il exécuta les deux cou-
pables, mais qu'il donna une décision {wayephallél, cf. 1 Sam. 2, 25).
La haggada profite de cette autre présentation de l'histoire : quand
Phinéas voyait que l'ange exterminateur frappait plus qu'il ne con-
venait il faisait coucher à terre les hébreux puis il se dressait et priait
[pli signifie ordinaii'ement prier) : Siphré Num., 25, 5, § 131, p. 172.
EXÉGÈSES PROPHÉTIQUES. 69
a) Prophéties déjà, réalisées.
Il était naturel de reconiialtre en certaines catastrophes
nationales l'accomplissement d'oracles divins.
Le massacre des Assidéens est donné (1 Mac. 7, 17, 18)
comme réalisant un verset du Psaume (79, 2,3).
Racontant la première ruine du Temple, l'auteur du Seder
'Olam rabba^ se plaît à relever les accomplissements prophé-
tiques :
Coîiciliant les données divergentes de 2 Reg. 25, 8 et Jér, 52, 12,
il explique que les nations entrèrent le septième jour dans le Temple
et travaillèrent à le détruire les septième, huitième et neuvième jours,
jusqu'à ce que se levât le jour (dixième), suivant qu'il est dit [Jér. 6,
4) : « Consacrez contre elle le combat, levez-vous et allons en plein
midi. Malheur à nous car le jour baisse, car s'allongent les ombres du
soir ». A l'heure des ténèbres ils allumèrent l'incendie et le Temple
fut brûlé le dixième du mois; et sur cette génération il dit {Deut. 31,
21) : « Car je connais ses dispositions, etc. » ; et il dit {ibid. 27 et 29) :
« Car je connais ton esprit rebelle, etc. Car je sais qu'après ma mort la
corruption, etc. » Et c'est ainsi qu'il dit au sujet de Sédécias (2 Chron.
.36, 13-17) : « Et même il se révolta contre le roi Nabuchodonosor... »
« Et il brûla la maison de Yahwé et la maison du roi » {Jér. 52, 13).
« Et il amena à Babel tout ce qu'avait épargné l'épée, etc., pour accom-
plir la parole que Yahwé avait dite par la bouche de Jérémie » (2 Chron.
36, 20, 21). R. José dit : pendant cinquante-deux ans personne ne passa
en Judée, suivant qu'il est dit {Jér. 9, 9) : « Sur les montagnes je ferai
entendre une plainte et une lamentation et sur les pâturages du
désert... » R. José dit : pendant sept ans fut accomplie {nitqayyém)
cette écriture sur la terre d'Israël {Deut. 29, 22) : «... de soufre et de
sel sera consumée toute la terre... »...
Conciliation entre les données numériques divergentes de 2 Reg. 25,
27 et Jér. 52, 31 : la vingt-cinquième année mourut Nabuchodonosor,
l'adversaire de Joachim, et il fut enseveli ; et la vingt-septième année
Evil-Mérodach le fit sortir de son tombeau et l'en tira afin d'annuler ses
décrets, pour accomplir [qayyém) ce qui est dit {Is. 14, 19) : « Mais toi,
on t'a rejeté loin de ton sépulcre comme un rameau détesté, etc. » :
et il l'en tira pour le déshonorer. Dans ce même temps mourut le roi
Sédécias et on prit le deuil à son sujet : Hélas! voici qu'est mort le roi
Sédécias qui a bu la lie de toutes les générations (expié leurs péchés),
pour réaliser ce qui est dit {Jer. 34^ 5) : « Tu mourras en paix... »
Après diverses considérations sur la Providence qui règle tout...
C'est ainsi que Jérémie dit aux Israélites {Jér, 51, 46) : « Que votre
cœur ne défaille pas, ne vous effrayez pas des bruits qui retentiront
sur la terre » : c'est le bruit que fait Balthasar; « Car dans une année
70 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
surviendra un bruit » : c'est celui que fera Darius. Et après cela dans
cette année surviendra le bruit « et Babel, l'ornement (des royaumes)...
sera détruite »... (Is. 13, 19). « Et il y aura violence dans le pays
(de Jérusalem) » (JeV. 51, 46). Ce dominateur c'est Cyrus, le Perse.
« Et moi dans la première année de Darius le Mède, je me tenais
auprès de lui pour le soutenir et le fortifier. Maintenant je vais te
déclarer la vérité. Voici que trois rois se lèveront encore pour la Perse »
{Dan. 11, 1, 2). Ce sont Cyrus, Assuérus et Darius, qui a construit le
Temple. Et pourquoi est-il dit en ces termes « le quatrième »? Le qua-
trième est pour les Mèdes. « Et Daniel fat ainsi jusqu'à la première
année, etc. ». {Dan. 1, 21). Et c'est dans ce temps qu'il lui fut dit (9, 23,
24) : « Dès le commencement de la supplication un ordre est sorti,
etc. Septante semaines, etc.. Sache donc et comprends, etc. ». Les
sept semaines sont celles qu'ils ont passées dans la captivité; puis ils
sont retournés de l'exil et les soixante-deux semaines sont celles qu'ils
ont passées dans leur pays. Et la semaine unique, ils l'ont passée en
partie dans leur pays et en partie au dehors. « Et après soixante-deux
semaines sera retranché un oint, etc.. et il conclura une alliance
ferme avec beaucoup, etc.... » {ibid. 26, 27). R. José dit : septante se-
maines entre la ruine du premier Temple et celle du second; septante
années pour le temps de sa ruine; et 410 pour sa reconstruction. Et
pourquoi est-il dit en ces termes « septante semaines » ? C'est que le
décret fut porté avant les septante années. Et c'est ainsi qu'il dit(Ge«.
5, 32) : « Et il avait cent vingt ans ». Et il dit (Gen. 7, 11) : « L'an
600 de la vie de Noé, etc. ». Il peut dire ainsi parce que le décret était
porté avant les cent vingt ans. Et c'est ainsi qu'il dit {Is. 7, 8) :
« Encore soixante-cinq ans et Ephraïm aura cessé d'être une nation.
Et cette année-là était la quatrième d'Achaz ». Il ne pouvait parler ainsi
que parce que le décret était porté deux ans avant le tremblement de
terre, suivant ce qui est dit {Amos, 7, 11) : « Ainsi dit Amos : Jéroboam
mourra par l'épée et Israël sera emmené captif hors de sa terre ».
Plus loin Dan. 11, 3, 4, le roi vaillant, dont le royaume sera divisé,
est entendu d'Alexandre ^...
Ce document est particulièrement intéressant. Il atteste
que les rabbins, suivant une voie frayée déjà dans la Bible,
s'appliquaient à montrer dans les événements de l'histoire
la réalisation de décrets divins, manifestés en grande partie
par les Écritures. Nous trouvons en ces pages toutes les for-
mules et tous les procédés de l'exégèse prophétique,
1. Seder 'Olam rabba, 27, 28, 30, p. 122-131, 139. Nous renonçons à
expliquer toutes les difficultés de ces pages, les déformations infligées
parfois aux données numériques de la Bible. Il suffisait de montrer
les interprétations prophétiques.
EXÉGÈSES PROPHÉTIQUES. 71 .
D'abord les expressions « accomplir » lemallô''th, biblique
en ^ Chron. 36, 21, et surtout qayyém^ fréquent chez les
rabbins. Les textes prophétiques sont empruntés aux livres
prophétiques, mais aussi aux menaces de malédiction pro-
férées par Moïse. Nous trouvons également des enchaînements
de textes pris dans les divers prophètes. Nous voyons combien
les commentateurs tiennent à entendre les indications con-
crètes, surtout en Daniel, de personnages historiques connus.
Il est vraisemblable que les prophéties de Daniel faisaient
l'objet d'un enseignement particulier et de traditions qui se
transmettaient dans les écoles : Josèphe assure que la dévas-
tation du Temple par Antiochus Epiphane « se produisit
suivant la prophétie de Daniel prononcée il y avait 408 ans
et annonçant que les Macédoniens le détruiraient » ^ .
Dans ce domaine des exégèses prophétiques s'exerce la
fantaisie des rabbins qui s'amusent à découvrir dans l'Écri-
ture la prédiction de tous les événements qui les frappent :
Depuis que se sont multipliés les adultères furent abolies les eaux
amères et Johanan b. Zakkai les abolit, suivant ce qui est dit {Os. 4,
14) : « Je ne punirai pas vos filles parce qu'elles se sont prostituées,
ni vos brus parce qu'elles ont commis l'adultère »... Depuis que sont
morts José b. Joéser de Sereda et José b. Johanan de Jérusalem ont
cessé les hommes (riches de doctrine comme des) grappes, suivant ce
qu'il est dit (Mich. 7, 1) : « Pas une grappe à manger, pas une des
figues-fleurs que désire mon âme ».
Après la ruine du Temple... firent défaut les hommes fidèles, sui-
vant ce qui est dit {Ps. 12, 2) : « A l'aide, Seigneur, car les hommes
pieux s'en vont »...
Depuis qu'a été supprimé le sanhédrin les chants ont cessé dans
les maisons des banquets, suivant qu'il est dit [Is. 24, 9) : « Ils ne
boivent plus de vin avec accompagnement de chants 2... »
1. Antiquités, XII, 7, 6, § 322. Voir aussi ce qu'il dit sur les oracles
de Daniel, avec des réticences indiquant qu'il tait des interprétations
qui déplairaient aux Romains : ibid.,, X, 10; et 11, 7, § 239, sq., 281 :
il avait foi en ces interprétations.'
2. Sota, 9, 9, 11, 12, Nous pourrions rapprocher les textes sur la
destruction des divers sanctuaires : Yoma 9 ab, plus réservé sur les
indications prophétiques (cf. p. 65) et Sabhat li^h, où l'on voit les rab.
bins pratiquer cet exercice scolastique : chercher dans l'Écriture une
confirmation prophétique aux conjectures sur les péchés qui ont pro-
voqué la ruine des Temples.
72 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
En exégèse distributive, renforcée par divers artifices
exégétiques, on s'efforce de prouver que Dieu a montré à
divers personnages, Moïse, Abraham, David... l'histoire fu-
ture d'Israël .
Transcrivons, comme transition au paragraphe suivant :
R, Aqiba, visitant les ruines du Temple, se réjouit alors que ses
compagnons pleurent parce que se réalisent à leur sujet les versets des
Lamentations (5, 17, 18); et il leur dit : quant à moi voici pourquoi je
me réjouis, parce qu'il a dit ainsi {Is. 8, 2) : « Je pris avec moi des
témoins fidèles, Urie, le prêtre, et Zacharie, fils de Jébarachie ». Mais
quel rapport entre Urie et Zacharie? Que dit Zacharie? [Zach. 8, 4) :
« Il y aura de nouveau des vieillards et des femmes âgées assis sur les
places de Jérusalem, chacun son bâton à la main en raison de son
grand âge ». Et que dit Urie? « C'est pourquoi à cause de vous Sion
deviendra un champ qu'on laboure et Jérusalem un monceau de
pierres et la montagne du Temple un haut lieu » {Michée, 3, 12 et Jér.
26, 18 identiques). Le Saint, béni soit-il, lui dit : je prends ces deux
témoins : si les paroles d'Urie se réalisent, celles de Zacharie se réali-
seront et si celles d'Urie tombent [botlîm, sont annulées) tomberont
aussi celles de Zacharie. Je me suis réjoui de ce que les paroles
d'Urie se sont réalisées parce que celles de Zacharie finiront par se
réaliser^.
Laissons de côté tout ce que ces assurances d' Aqiba con-
tiennent d'arbitraire et de fantaisie, ne retenons que la ten-
dance à chercher dans les Écritures des lumières et des
consolations relatives à l'avenir messianique^.
1. A Moïse on applique les versets de Deui. 34, 1, sq. : Siphré in loc.
% 357, 149 ab ; pour Adam, Genèse rahba, 39, 12, p. 377 ; pour Abraham,
Pal. Moed qaton, 3, 5, 82 c; pour David, à l'aide du Psautier : Gittin,
57 b.
2. Siphré Deut. 11, 16, § 43, 81 ab. Reproduit dans Makkot 24 ab et
dans Lamentation rabba 5, 19. Plusieurs étrangetés dans ces propos
d' Aqiba. Les paroles attribuées à Urie se lisent dans le livre de Michée ;
elles sont rapportées dans Jérémie comme ayant été prononcées au
temps d'Ezéchias par un autre Michée, et aussitôt après (20) il est
parlé d'un Urie qui prophétisa également contre Jérusalem : d'où le
passage de Michée à Urie. Il suppose, en outre, que le prêtre Urie et
le Zacharie, nommés dans Isaïe, s'identifient avec FUrie mentionné
dans Jérémie et avec le prophète Zacharie, Exégèse prophétique, en
vérité, bien laborieuse.
3. Rappelons, en passant qu'Aqiba entendait Num. 24. 17 du faux-
messie, Bar-Kokba : Pal. Taanit, 4, 8, 68 d; Johanan b. Torta, son
collègue, repoussait cette interprétation.
EXÉGÈSES PROPHÉTIQUES. 73
h) Prophéties à réaliser.
Les événements à venir qui passionnaient le plus intensé-
ment les cœui'S juifs étaient évidemment avant tout les divers
actes de la restauration messianique et, également, mais à
un rang inférieur, la résurrection et la rétribution des justes
à la fin du monde. Sur ces faits les Écritures fournissaient
des indications plus ou moins claires et la spéculation théo-
logique, des théories plus ou moins traditionnelles; il y avai
donc place pour une double exploitation de la Bible : par
interprétation directe des textes prophétiques, par recour s-
aux Écritures pour fonder une opinion déjà admise.
Lieu classique des exégèses directes, les Targums : ils ont
incorporé des éléments anciens, mais leur date récente ne
nous permet guère de les utiliser. Voici pourtant quelques
exemples significatifs et dans lesquels nous retrouvons une
tradition antique.
Dans la traduction grecque des LXX de Nombres (24., 7)
nous lisons : « un homme (de la race d'Israël) dominera sur
de nombreuses nations; et sera élevé le royaume de Gog et
son royaume s'accroîtra ». Le texte hébreu porte (trad. Cram-
pon) : « sa race (de Jacob) croit sur des eaux abondantes,
son roi s'élève au-dessus d' Agag et son royaume est exalté » ^ .
On connaît la fameuse prophétie de Jacob (Gen. 49, 10) : « Le sceptre
ne s'éloignera pas de Juda, ni le bâton de commandement d'entre ses
pieds, jusqu'à ce que vienne Schiloh : c'est à lui que les peuples
obéiront ». Voici comment traduisent les trois targums.
Onqelos : « Celui qui exerce le pouvoir ne sortira pas de la maison de
Juda, ni le scribe d'entre ses fils à jamais jusqu'à ce que vienne le
Messie à qui appartient la royauté : c'est à lui que les nations obéi-
ront. »
Jerusalmi I : « Les rois ni les chefs ne cesseront pas de se trouver
dans la maison de Juda, ni les scribes enseignant la Loi entre ses des-
cendants, jusqu'au temos où viendra le roi Messie, le plus petit de ses
fils, et par lui seront écrasées les nations. »
1. Cette paraphrase qui introduit Gog à la place d'Agag est inspirée
par le travail d'élaboration légendaire s'accoraplissant autour de Gog
et Magog d'Ézéchiel (38 ; 39). Dans le targum fragmentaire nous trou-
vons à la fin du verset cette précision : « et gi*andira le royaume du
Messie ». Dans les LXX sur Amos. 7, 1 pareille intrusion de Gog.
74 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
Jerusalmi II : « Ils ne cesseront pas les rois de la maison de Juda,
ni d'entre ses fils les scribes enseignant la loi jusqu'au temps où
viendra le roi Messie à qui appartient la royauté et à lui seront soumis
tous les royaumes de la terre » ^ .
Type d'exégèse directe, mais toute gratuite comme le
montre l'objection d'un contradicteur :
R, Juda interprétait (ou : prêchait, dâras) : « Oracle : parole d'Yahwé
contre le pays de Hadrak et à Damas sera son séjour — car Yahwé a
les yeux sur les hommes et sur toutes les tribus d'Israël » {Zachar.,
9, 1). C'est le Messie qui sera dur {had) pour les nations du siècle et
tendre (rak) pour Israël, R. José, le fils de la Damasquine, lui dit :
pourquoi nous troubler les Ecritures? J'en atteste contre toi les ci eux
et la terre que je suis de Damas et qu'il y a là un lieu appelé Hadrak.
Il lui répondit : comment fais-tu droit {qayyém) à « et à Damas sera
son séjour »? De là suit que Jérusalem, à l'avenir, s'étendra jusqu'à
Damas, suivant qu'il est dit « et Damas son séjour »; or, « son séjour »
n'est pas autre chose que Jérusalem, suivant qu'il est dit {Ps. 132, 14) :
« Voici mon séjour à jamais ». Il lui dit : comment fais- tu droit à Jéré-
mie (30, 18) : « La ville sera rebâtie sur sa colline »? Il lui répondit : elle
ne bougera pas de sa place. Suivent d'autres exégèses de cette espèce^.
C'est bien de l'exégèse directe, mais fort peu littérale.
Sont-elles plus littérales les interprétations d'apparente
allure grammaticale? Par exemple :
« Yahwé régnera à jamais et toujours » (Ex. 15, 18). R. José le
galiléen disait : si les Israélites avaient dit dans leur cantique de la
Mer rouge : « Yahwé règne à jamais », aucune nation ni langue n'aurait
pu régner sur eux; mais ils ont dit « régnera à jamais », au futur à
venir ^...
Exégèses directes encore, mais avec l'appui de l'allégorie
ou de l'interprétation symbolique, celles qui voient le Messie
annoncé dans les présents que Booz fait à Ruth**.
1. Sur les autres interprétations provoquées par ce verset, voir :
A. PoSNANSKi, Schiloh, ein Beitrag zur Geschichte der Messiaslehre,
Leipzig, 1904.
2. Siphrê Deut. 1, 1, § 1, 65 a. Voir ce texte dans Pesiqta de R.
Kahana^ ch. 20, 143 a, qui contient d'autres exégèses messianiques
de forme analogue,
3. Mekhilta in loc, p. 150. Autres exégèses prophétiques soi-disant
grammaticales : infi^â, p. 147, 150, 151,.
4. Voir infrà p. 239; p. 243 sur Is. 32, 20,
EXÉGÈSES PROPHÉTIQUES. 75
Intermédiaiï'e entre l'exégèse directe et l'exégèse référen-
tielle :
Dans la semaine où vient le fils de David, dans la première année
s'accomplira cette écriture : « je ferai pleuvoir sur une ville et sur une
autre ville je ne ferai pas pleuvoir » (Âmos, 4, 7)^...
Innombrables sont les exégèses référentielles appuyant des
déclarations sur l'avenir. Inévitablement, si certaines de ces
exégèses se fondent sm' le sens littéral, la plupart recourent
à des accommodations plus ou moins justifiées. Voici un
exemple d'exégèse raisonnable :
R. Eliezer disait : si les Israélites ne font pas pénitence ils ne seront
jamais rachetés, suivant qu'il est dit (Is. 30, 15) : « C'est par la con-
version et par une paisible attente que vous serez secourus ». R. Josué
lui répliqua : est-il vrai que s'ils ne font pas pénitence, ils ne seront
jamais rachetés? R. Eliézerlui répondit : le Saint, béni soit-il, suscitera
contre eux un roi aussi cruel qu'Aman et aussitôt ils feront pénitence
et seront rachetés. Quel est le fondement de cette affirmation? « C'est
un temps d'angoisse pour Jacob, mais il en sera délivré » (Jër. 30, 7).
R. Josué lui répliqua : mais il est écrit {Is. 52, 3) : « C'est gratuitement
que vous avez été vendus et c'est saiis argent que vous serez rachetés ».
Quelle réponse lui fit R. Eliézer? Suivant que tu dis {Prov. 7, 20) :
« Il a pris en sa main le sac d'argent ». R. Josué lui dit : voici qu'il
est écrit {Is. 60, 22) : « Moi, Yahwé, en son temps je hâterai cela ».
R. Eliézer objecte {Deut. 10, 12) : « Et maintenant, Israël, que demande
de toi Yahwé, ton Dieu, si ce n'est que tu craignes Yahwé...? »... Mais
lorsque R. Josué lui eût dit {DqL7i. 12, 7) : « Il leva sa droite et sa gauche
vers le ciel et il jura par celui qui vit éternellement que ce serait dans un
temps, dans deux temps et une moitié de temps, et que, quand on
aurait achevé de briser la force du peuple saint, alors s'accompliront
toutes ces choses », R. Eliézer se tut 2.
Dans cette discussion les rabbins utilisent à la fois des
passages messianiques et des sentences de portée plus géné-
rale; les livres les plus exploités sont les livres prophétiques
et le Psautier. L'interprétation est parfois littérale, parfois de
1. Attribué à R. Siméon b. Yohai dans Derek ''ères zutta, 10 (début),
donné comme baraitha dans Sanhédrin 97 a et parallèles. Dans un
autre passage sur la semaine des tribulations messianiques-est utilisé,
presque comme citation implicite, le texte de Michée 7, 6 sur les divi-
sions domestiques : Sota, 8, 9, 15.
2. Pal. Taaniot, 1, 1, 63 d. Dialogue un peu différent dans Sanhédrin
97 b, 98 a. W. Bâcher, Die Agada der Tannaiten, I, p. 138, sq.
76 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
la plus haute fantaisie, ne reculant même pas devant des
procédés tels que le notarikon. Inutile de citer d'autres
exemples ^
*
Cette première série de paradigmes nous laisse entrevoir
les tendances de l'exégèse rabbinique : même directe, c'est-
à-dire ne voulant pas se soustraire à la domination de la
lettre, elle peut être simple et littérale, mais elle est tout
autant arbitraire, iittéraliste à l'excès ou se dégageant de la
lettre, ajoutant ou retranchant à son gré, fantaisiste, subtile,
se pliant trop volontiers aux requêtes de la Halakha et de la
Haggada.
1. Voir p. 139 l'exégèse prophétique par notarikon de Uqsim, 2>, 12 :
la récompense extraordinaire promise aux justes.
CHAPITRE III
MÉTHODES DIALECTIQUES d'eXÉGÈSE BIBLIQUE.
Pour définir cette méthode et faire saisir la valeur que lui
attribuaient les rabbins, rien n'est plus apte que l'histoire sui-
vante :
Voici les rites de la Pâque qui suspendent le sabbat. Cette halakha
était ignorée des Bené (Fils de) Bathyra, Il arriva une fois que le
quatorze nisan tomba un sabbat et ils ne savaient pas si la Pâque
suspend le sabbat ou non. On leur dit ; il y a ici un babylonien appelé
Hillel, qui a servi (comme disciple) Semaya et Abtalion (appelés grands
rabbins et grands exégètes) : il sait si la Pâque suspend le sabbat ou
non. Peut-être nous sera-t-il de quelque utilité. Ils le mandèrent et lui
dirent : As-tu jamais appris si la Pâque, tombant le quatorze nisan,
suspend le sabbat ou non? Il leur répondit : N'y a-t-il donc qu'une
pâque par an qui suspende le sabbat? N'y en a-t-il pas des quantités?
les uns disent : cent; les autres : deux cents; les autres trois cents... Ils
lui répondirent : nous avons appris que tu pouvais être de quelque
utilité. Il se mit à leur enseigner (son opinion) par assimilation, par a
fortiori, et par analogie. Par assimilation (hèqqués) : le sacrifice perpé-
tuel est un sacrifice de la communauté et la Pâque est aussi un sacri-
fice de la communauté : de même que le premier suspend le sabbat,
de même le second. Par a fortiori : si le sacrifice perpétuel dont l'obli-
gation n'est pas sanctionnée par la peine de l'extermination suspend
le sabbat, la Pâque, dont l'obligation est sanctionnée par la peine de
l'extermination, n'est- il pas juste qu'elle suspende le sabbat? Par analo-
gie : du sacrifice perpétuel et de la Pâque il est dit : « en son temps » ;
de même que l'un suspend le sabbat, de même l'autre suspend le
sabbat. Nous avions déjà dit^ lui répondirent-ils, q^ue tu peux être de
quelque utilité. A l'assimilation que tu as proposée il y a une objec-
tion : tu ne peux tirer argument du sacrifice perpétuel, dont la quantité
est fixée, pour la Pâquè, dont la quantité n'est pas fixée. A l'argument
par a fortiori que tu as proposé il y a une réponse : on ne peut arguer
du sacrifice perpétuel, qui est une sainteté des saintetés, au sacrifice
de la Pâque qui est une sainteté de rang inférieur. A ton argument
par analogie nous opposons que personne ne peut proposer de lui-
même (en dehors de la traditioii) une conclusion par analogie... Bien
qu'il ait continué de disserter tout le jour ils refuserait d'accéder à
78 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
son opinion, jusqu'à ce qu'il leur dit : quel malheur pour moi si je
n'avais pas entendu (terme de tradition : transmission traditionnelle)
d'Abtalion et de Semaya! Quand ils l'entendirent dire cela, aussitôt ils
l'établirent leur prince ^.
Cette anecdote suggère deux conclusions : les raisonne-
ments en matière juridique et exégétique étaient déjà en
usage dans les écoles au commencement du premier siècle
avant J.-C. ; les écoles qui les repoussaient n'admettaient que
l'autorité de la tradition. Les écoles opposées à cette méthode
dialectique étaient-elles celle des Shammaïtes, ou plus géné-
ralement le parti des Sadducéens^? Le relief donné dans
cette histoire à la personne de Hillel, le fait qu'on lui attribue
le premier catalogue de règles exégétiques semblent justifier
cette conjecture. Il est possible que la réalité ait été plus
simple. Il était tout natm'el que dans les discussions acadé-
miques de jurisprudence on eût recours aux raisonnements,
raisonnements qui comportaient à la fois des argumentations
logiques sur les espèces juridiques et des déductions fondées
sur le texte biblique. Ces procédés, d'abord élémentaires et de
forme populaire, se sont de plus en plus perfectionnés ; on
en a fait la théorie, on les a érigés en une sorte d'organon.
Il est normal aussi que les rabbins se soient défiés de ces
procédés d'argumentation : dans le texte cité, des docteurs
montrent comment par ces méthodes on peut déclarer pm^ ce
qui est évidemment impur. Néanmoins, en raison du dévelop-
pement des études juridiques, ces méthodes ont fini par obte-
nir droit de cité ; on les a déclarées le moyen authentique
d'interpréter la Tora; on les a canonisées en les qualifiant
« halakhot de Moïse reçues au Sinaï ».
Toutes ces opérations dialectiques sont désignées par le
verbe dan et ses dérivés : on appelle dîn^ ou bien l'opération
1. PesaJjim palestinien, 6, 1, 33 a; récit moins complet dans le
babli, 66 a. L'analogie, dont argue Hillel, repose sur l'emploi du
même mol (en son temps) dans Num. 28, 2 et 9, 2 et 13.
2. C'est la thèse que soutient Schvvarz dans son livre, Die Contro-
i>ersen de?' Schammaiten und Hilleliten, Wien, 1893 ; thèse contestée
par F£>ucHT\VAKGER dans Monatschrift fiir Geschichte und Wissenscha/t
des Judentums, 1894, p. 370-379. H. VVeiss, Dor. dor wedorsaw,
p. 145, admet cette opposition des Sadducéens,
EXÉGÈSE DIALECTIQUE. 79
exégétique qui consiste à dériver une conclusion d'un texte
biblique, ou bien cette conclusion elle-même, qui se présente
alors comme la sentence d'un juge; de là les expressions si
fréquentes dans la littérature rabbinique : « je puis juger
ainsi, on peut juger (raisonner) ainsi, tu juges (raisonnes) ainsi,
tout jugement (conclusion exégétique) que tu établis »^..
Ces opérations dialectiques sont-elles, à proprement parler,
de l'exégèse? Dans bien des cas il est évident que nous avons
affaire à une argumentation juridique qui ne se fonde pas
directement sm' la lettre sacrée; dans bien des cas aussi la
lettre est un des éléments du raisonnement, mais l'argumen-
tation vise beaucoup plus à justifier une opinion juridique
qu'à déterminer le sens d'un passage biblique. De toute façon
nous n'avons là qu'une exégèse indirecte, extrinsèque au
texte. Ce sont pourtant ces procédés dialectiques qui sont
présentés le plus ordinairement comme le type classique de
l'exégèse rabbinique.
Nous ne pouvons ici discuter un point de vue que beaucoup
de savants juifs font valoir : les principales règles de la
dialectique exégétique juive sont inspirées par l'exégèse des
classiques grecs, pratiquée et codifiée par les alexandrins.
Cette origine expliquerait qu'on puisse réduire les divers
arguments de l'exégèse juive aux formes de la logique aris-
totélicienne^. Nous verrons combien il est malaisé de ramener
les raisonnements des rabbins à des. syllogismes réguliers : ils
sont plus intuitifs que déductifs et analytiques ; ils sont plus
près aussi des procédés populaires ; enfin la nécessité de reve-
nir en dernier ressort à la lettre de la Tora et aussi le besoin
d'aboutir à une conclusion déjà acquise étaient tout autant
1. Bâcher, Terminologie , I, p. 20 sqq.; !e mot ta'âm (goût : raison)
est employé par les tannas dans un sens plus restreint : le fondement
biblique d'une opinion juridique : Bâcher, ibid., p. 66, sq.
2. ScHWARZ, dans ses divers ouvrages sur l'exégèse rabbinique,
s'attache à prouver combien les raisonnements rabbiniques sont
conformes aux lois fixées par Aristote; pourtant il confesse que
l'herméneutique rabbinique ne possède pas tous les caractères d'une
discipline rigoureusement scientifique (Die hermeneutische Induktion,
p. 2).
Sur les dépendances à l'égard des Grecs, cf. Encyclopaedia ju-
daica, VI, c. 622, sq. ; Blau, Revue des Etudes juives, 1936, p. 153-157.
80 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
d'obstacles à la pratique régulière d'une logique inflexible.
Dans la suite des temps les divers procédés de cette dialec-
tique ont été ramenés à quelques types, qu'on appelle des
middot. Le mot middâ, qui signifie primitivement mesure,
prend aussi très souvent le sens de qualité, de propriété
(propriétés, attributs de Dieu) ; c'est dans ces deux sens que
doit être pris le mot middâ dans le vocabulaire de l'herméneu-
tique juive ; ou bien : règles par lesquelles est interprétée
(enseignée) la Tora ; ou bien : propriétés de la Tora [middâ
battôrd) que dégage l'exégèse ou qui la fondent. En fait le mot
en son sens le plus courant désigne les règles de l'hermé-
neutique rabbinique^
La tradition rabbinique conserve plusieurs catalogues de
règles heiunéneutiques : ce sont d'abord les sept de Hillel,
puis les treize d'Ismaël (mort en 135)^. Il est possible que
les règles attribuées à Hillel soient plus anciennes que lui, au
moins dans lem' noyau substantiel : procédés de logique
élémentaire dont se servaient déjà les Scribes 2. Les treize
d'Ismaël peuvent être considérées comme un développement
des sept plus anciennes, l'extension des principes généraux
à des cas particuliers ; si elles ne remontent pas au début du
second siècle, il est très vraisemblable qu'elles ne sont pas
plus récentes que l'âge tannaïte^.
1. Bachee, Terminologie, I, p. 100, sq. Le mot désigne aussi, plus
rarement, l'exégèse donnée d'un texte.
2. Les règles de Hillel sont énumérées dans Tos. Sanhedrinl, 11,
p. 427; sous ce titre; « voici les sept choses que Hillel enseigna
devant les Bené Bethyra » ; et avec cette conclusion : « voilà les sept
règles que Hillel enseigna devant les Bené Bethyra »; voir aussi
Abot de R. Nathan, 37, 10 (chapitres sur les six choses ou les sept).
Les règles d'Ismaël sont transcrites dans la préface du Siphra sur
le Lévitique avec cette introduction : « R. Ismaël disait : par treize
règles la Tora est expliquée ». En fait ces treize sont plutôt seize,
certains numéros contenant deux règles distinctes.
Schwarz prétend que Hillel n'avait édicté que six règles ; il supprime
la sixième et propose une formule différente pour la quatrième (deux
écritures en contradiction, au lieu de: hinyanâb d'après deux écri-
tures).
3. C'est ce qu'affirme souvent Ç. Weiss, Dordor wedorëaw, I, p. 135,
145, 155, sqq. II, p. 101, sq.
4. On trouve une allusion aux règles d'Ismaël dans Mekhilta Ex,
13, 2 et 20, 25, p. 57, 233.
EXÉGÈSE DIALECTIQUE. 81
A la même époque qu'Ismael et en opposition avec son
école, Aqiba soutenait des principes herméneutiques qui, dans
leur ensemble, relèvent davantage de la philologie et que nous
exposerons, par conséquent, dans le paragraphe prochain.
Ces règles plus philologiques, jointes aux règles dialectiques,
sont exposées dans les trente-deux règles attribuées à R.
EHézer fils de R. José le GaHléen (fin du second siècle).
Celles-ci remontent probablement dans leur substance à
Tâge tannaïte et visent l'exégèse haggadique^
Les règles d'Hillel.
1. Qal wahômér ou a fortiori.
2. Gezérâ ëâwâ ou assimilation.
3. Binyan 'dé d'après une seule écriture (établissement d'un principe).
4. Binyan ''âh d'après deux écritures.
5. Kelâl ûpherât (général et singulier).
6. Kyôsé' bô mimmâqôm ahér (pareillement d'après un autre texte).
7. Dâbâr ha-lâméd méHnyânô (règle du contexte).
Les règles d'Ismaël.
1. Qal wâhômér. (Hillel I).
2. Gezérâ ëâwâ (H. 2).
3. Binyan 'âb. (H. 2 et 3).
4. Kelâl ûpherât (général et singulier).
5. Singulier et général (4-11 = Hillel 5).
6. Général puis singulier puis général.
7. 8, 9, 10, 11 : autres combinaisons de général et singulier.
12. Règle du contexte et proposition déterminée par sa finale (H. 7).
13. Deux écritures qui se contredisent l'une l'autre.
Règles d'Eliézer ben José le galiléen.
1, Ribbûy ou inclusion (règles d'Aquiba).
2. Mi'ût ou exclusion.
1. Ces règles ne sont pas mentionnées dans le Talmud ; le premier
à les citer est Abulwalid ibn Ganah (xi« siècle). On les trouve dans les
manuscrits sous le titre : Baraitha des 32 règles de R. Eliezer b. R.
José galili. Elles figurent dans la préface du Midraé haggadol (édi-
tion de ScHECHTER (Genèse) Cambridge, 1902, p. xvni-xxv. • Elles
ont été plusieurs fois éditées à part, vg. par Buber dans ses Midrasim
qeiannim, Wilna, 1925 et par H. C. Enelow, The Mishnah of R. Elie-
zer, or the midrash of thirty-two hermeneutic rules, New York, 1933.
82 EXÉGÈSE BABBINIQUE.
3. Inclusion sur inclusion.
4. Exclusion sur exclusion.
Zt. Qal tnahômér exprimé (a fortiori) (Hillel 1).
6. Qalwahômér implicite (a fortiori) (Hillel 1).
7. Gezérâ sâwâ (assimilation; Hillel 2).
8. Binyan 'àb (établissement d'un principe) (Hillel 3).
9. Dèrèkh qesârâ (expression abrégée).
10. Expression répétée.
11. Division dans le contexte.
12. Elément de comparaison éclairé par un autre élément.
13. Histoire suivant un principe général à titre de cas particulier.
14. Réalité inférieure commandant une supérieure afin de donner
une explication opportune.
15. Deux écritures qui se contredisent (Ismael 13).
16. Usage singulier d'une expression.
17. Idée expliquée en dehors de son contexte.
18. Cas particulier exprimé afin d'expliquer le tout.
19. Proposition qui éclaire une autre proposition.
20. Proposition qui ne se rapporte pas à son contexte mais au
contexte voisin.
21. Objet éclairé par deux termes de comparaison.
22. Proposition éclairée par la proposition voisine.
23. Proposition éclairant la proposition voisine.
24. Objet excepté d'un ensemble mais n'éclairant que lui-même.
25. Objet excepté d'un ensemble pour éclairer un autre objet.
26. Parabole.
27. Correspondance.
28. Paronomase.
29. Grammateia (substitution de lettres).
30. Nôtarîqôn (valeur numérique des lettres).
31. Interversion des termes.
32. Interversion des sections.
Les rabbins tiennent que les exégèses déduites à l'aide des
règles de Hillel et d'Ismael ont valeui* normative ; il y a pour-
tant deux réserves à apporter à cette affirmation. Les docteurs
se rendent bien compte que ces raisonnerûents sont loin d'être
conclusifs : souvent ils les proposent comme une conjecture
possible dialectiquement, mais en réalité inefficace, et ils s'at-
tendent à voir les conclusions, ainsi laborieusement déduites,
repoussées par un rappel à la lettre (il est enseigné en ces
termes, talmûd lômâr)^ ou bien réfutées par une autre
argumentation. Surtout, bien que les treize règles soient dites
RAISONNEMENT A FORTIORI. 83
halakhot mosaïques et sinaïtiques, on sait qu'elles ne peuvent
prévaloir contre la tradition et qu'elles ne valent que pour
confirmer une tradition déjà reconnue; nous avons entendu
les adversaires de Hillel lui rappeler qu'on ne peut de soi-
même proposer un raisonnement par analogie : c'est là un
principe universellement admis. Autre principe pareillement
reconnu : on ne peut fonder sur un raisonnement {dîn) une
loi criminelle ^
Nous exposons les règles de l'exégèse dialectique, en suivant
autant que possible, l'ordre du catalogue de Hillel, mais
en les ramenant à leur type le plus général.
I. — Raisonnement a fortiori. (Hillel 1 ; Ismaël, 1 ; Eliezer,
5 et 6 : a fortiori explicite ou implicite) .
La formule hébraïque de cette règle est qal ivahômèi\,
expression grammaticalement anormale qui joint un adjectif
et un substantif^. Qal dans l'hébreu récent signifie : léger;
appliqué aux lois, aux obligations, il désigne un com-
mandement moins grave, ou plus facile à garder. Rômèr,
en hébreu récent, signifie : matière, chose lourde; et,
dans l'ordre juridique : commandement lourd, grave, dif-
ficile. La conjonction des deux vocables indique nettement
le mécanisme de l'argument. On le décrit souvent comme
pouvant revêtir deux formes : de minore ad majus^ passer
d'une espèce moins importante aune espèce plus importante :
des hommes à Dieu; etl 'inverse, de majore ad minus. Nous
avons simplement ce raisonnement de forme très populaire
que nous appelons raisonnement a fortiori et qui consiste
à passer d'un état, où teUe obligation, qualité, disposition
1. Voir Landau, op-. cit. p. 22, sqq. Nous reviendrons sur ces deux
points. Siphré Deut. i2, 33, 90 b ; Siphra Lév. 20, 17, 92 q.
2, Strack, Bâcher, Schwarz... reconnaissent qu'on devrait dire qôl
(substantif aussi), mais on a préféré qal pour éviter toute con-
fusion avec qôl. voix.
Schwarz traite de cette rè^le dans son livre der hermeneutische
Syllogismus in der talmudischen Literatur, Beitrag zur Gescliichte
der Logik in Morgenlande, Karlsruhe i. B., 1901. Le titre montre bien
dans quel sens l'auteur poursuit ses études sur l'herméneutique
rabbinique. Strack-Billerbeck, Kommentar zum N. T., III, p, 224.
84 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
est moins nécessaire ou justifiée, à un autre état où tout
cela est plus évidemment requis.
La baraitha d'Ismaël donne comme exemple de qal wa~
hâmer la parole de Dieu à Moïse au sujet de la séquestration
de Marie, frappée de lèpre en punition de ses médisances :
« Si son père lui avait craché au visage, ne serait-elle pas
pendant sept jours couverte de honte? Qu'elle soit séqiiestrée
sept jours hors du camp, après quoi elle y sera reçue ))
[Num. 12, 14-). Un autre texte de la baraitha note que,
d'après un propos [baraitha) attribué à R. Ismaël, il y a
dans la Tora dix qal wahômèr'^ . Cette remarque nous suggère
que nous devons voir dans cette forme de raisonnement
moins un procédé exégétique qu'un type d'argumentation,
et argumentation simple, populaire.
D'après Schw^arz (p. 113) le raisonnement a fortiori, sous
des formes diverses, plus ou moins complètes et explicites,
se trouverait environ 900 fois dans la littérature tannaïte :
Misna, Tosephta, Mekhilta, Siphra, Siphré et les baraithot
des deux talmuds : c'est évidemment la règle herméneutique
la plus appliquée.
Mais est-ce de l'herméneutique et que vaut ce raisonne-
ment? Schwarz répond : « C'est un syllogisme herméneu-
tique ; syllogisme identique au syllogisme aristotélicien et n'en
différant que par la forme », en ce qu'il conclut, non du
général au particulier au point de vue de la compréhension,
mais du particulier au général en extension. Par là d'un cer-
tain côté il l'emporte : « car le qôl wahômèr n'est pas exposé
à l'objection, faite depuis Sextus Empiricus au syllogisme, de
contenir une pétition de principe ; notre raisonnement, en
effet, même là où il n'est pas au service de l'herméneutique,
ne veut pas démontrer, mais seulement manifester. Dans le
1. Genèse rabba 92, 7 sur 44, 8, édition Theodor-Albegk, p. U45,
sq. (voir là les parallèles). Les dix passages énumérés par Ismaël
sont : Gen. 44, 8; Ex. 6, 12 ; Num. 12, 14; Deut. 31, 27 ; Jér. 12, 5 [bis] ;
/ Sam. 23, 3; Prov. 11, 31 ; Est. 9, 12; Ezech. 15, 5. Les commentateurs
de cette baraitha renchérissent : la Bible contient plus de dix a
fortiori, à savoir 19 ou 31, sinon 40. Schwarz croit qu'Ismaël n'a compté
que les raisonnements commençant par la conjonction hén [ibid.,
p. 85, sq.).
RAISONNEMENT A FORTIORI. 85
qôl waJjbomèr nous ne tirons pas la conclusion que, puisque
tous les hommes sont mortels, Socrate aussi est mortel ; non !
le Qôl wahômèr veut démontrer tout plutôt que la mortalité de
Socrate ; nous concluons de l'humanité que possède Socrate
aux mortels auxquels il doit appartenir; le Qol wachomer
nous manifeste simplement que Socrate, parce qu'il est com-
pris dans l'espèce homme, doit aussi tomber dans le genre
mortel \ »
Il serait trop long- et fastidieux, pour définir le mécanisme
logique du raisonnement, d'entrer dans d'abstruses consi-
dérations de logique mineure. De toute façon il faut convenir
que, si le Qal wahâmèr peut se réduire parfois à un syllo-
gisme, il prend toujours la forme d'un enthymène dans lequel
la majeure universelle disparait et il revêt un tour hypothé-
tique inquiétant. Ce tour hypothétique indique, non que la
conclusion demeure libre, mais que la vue de la conclusion
dépend moins d'un jeu de concepts que du sentiment et des
appréciations de l'argumentateur. C'est, du reste, ce que
signifie notre (c à plus forte raison » , qui est senti plus que
déduit. C'est aussi le caractère subjectif de ce raisonnement
qui fait sa force et sa faiblesse : subjectif, il frappe plus
vivement les esprits accordés au même diapason; subjectif,
il ne s'impose pas. Et les innombrables qal wahômèr^ proposés
pour appuyer une conjecture toute gratuite et réfutés par
un simple rappel au texte [talmûd lômdr), montrent combien
peu apodictique apparaissait cette argumentation.
Par ailleurs, l'exemple de ce raisonnement déjà trouvé
dans l'histoire d'HiUel nous fait prévoir que nous avons
affaire là moins à un procédé exégétique qu'à un moyen
de dialectique juridique; et l'examen des autres emplois
du qal wahômèr confirment cette prévision.
Nous avons déjà dit qu'il n'y a pas lieu de distinguer deux
formes du raisonnement : de minore ad majus et de majore ad
minus ; dans les deux cas c'est toujours le mécanisme de l'a
fortiori. Les deux espèces distinguées dans les règles d'Eliézer,
1. Ibid., p. 161, voir aussi p. 6, sq., 19, sq., 110, 157-191. Il reconnaît
pourtant (p. 105) que dans ce raisonnement le mehr (le plus) est tout.
Mais dans^le syllogisme tout se fonde sur l'identité.
86 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
— explicite et implicite, — ne concernent que les textes
bibliques ^ Peu importe la forme de l'articulation donnée
au raisonnement : soit celle qui serait la plus ancienne : étant
données la situation A et la situation B ne faut-il pas con-
clure...? soit celle qui serait plus récente : si A s'est comporté
ainsi, à combien plus forte raison B. (ou bien : il n'est pas
besoiu de dire, cf. Q Cor. 9, 4).
Pour illustrer ces considérations quelques paradigmes suf-
firont.
Pour établir que Dieu a parlé à Moïse hors des villes :
« (Yahwé dit à Moïse et à Aaron) dans le pays d'Egypte » {Ex. 12, 1) :
hors de la cité. Tu diras peut-être : est-ce hors de la cité ou non, mais
à l'intérieur de la cité? Puisqu'il dit (Ex. 9, 29) : « Et Moïse lui dit :
quand je sortirai (pour prier) de la ville »... ne peut-on raisonner qal
wahômèr? Si la prière, qui est une chose moins importante, Moïse ne
l'a priée que hors de la yille, l'entretien, qui est une chose plus
importante, n'est-il pas juste (dîn) qu'il ne l'ait entretenu avec lui que
hors de la ville ^?
Les deux formes du qal wahômèr, en halakha et en hag-
gada :
« (Vous ne mangerez point la chair déchirée trouvée dans les
champs) vous la jetterez aux chiens « [Ex. 22, 30) : au chien et à qui
est comme un chien (l'esclave). Tu dis : au chien et à qui est comme
un chien ou non, mais au chien suivant le sens du terme? Il est
enseigné en ces termes (Deut. 14, 21) : « Vous ne mangerez d'aucune
- bête morte {nebélâ, trouvée morte) ». Ne peut-on raisonner a fortiori?
Si la bête morte {nebélâ) qui souille celui qui la porte est permise à
l'usage (non à la manducation), la bête déchirée {teréphà, ou égorgée
1. La sixième règle d'Eliézer donne comme type d'à fortiori implicite
les deux propositions de Ps. 15, 4, 5 : « s'il a fait un serment à son
préjudice il n'y change rien » : « et il n'accepte pas de présent contre
l'innocent ». « Les conclusions sont évidentes : s'il garde un serment
à son préjudice (par exemple de jeûner tout le temps qu'il est en mer)
a fortiori si le serment est à son avantage : l'usage commun étant
de recevoir des présents contre les justes, a fortiori n'en reçoit-il pas
contx'e les impies ».
2. Mekhilta Ex. 12, 1, p. 2. La suite montre que le raisonnement
n'est pas tenu pour conclusif : « Pourquoi ne lui parla-t-il pas dans
l'intérieur de la cité? Parce qu'elle était pleine d'idoles et d'abomi-
nations. Mais tant que la terre d'Israël n'avait pas été choisie toutes
les terres étaient aptes à recevoir les entretiens (divins) ; une fois que
la terre d'Israël eut été choisie, les autres terres furent exclues... »
RAISONNEiMENT A FORTIORI. 87
non rituellement), qui ne souille pas celui qui la porte, n'est-il pas
juste qu'elle soit permise à l'usage? Qu'est-il enseigné? « vous la
jetterez aux chiens » : au chien et à qui est comme un chien, pour t'ap-
prendre que le chien est plus honoré que l'esclave, car la teirèphâ est
pour le chien et la nebélâ pour l'esclave. Cela pour t'apprendre que
le Saint, béni soit-il, ne retient la récompense d'aucune créature,
suivant qu'il est dit (£'a;. 11, 7) : « Personne parmi les Israélites, ni
homme ni chien, ne remuera la langue ». Le Saint béni soit-il, dit :
donne-lui sa récompense (les nourritures interdites à l'homme); et ne
peut-on raisonner a fortiori? s'il en est ainsi pour une bête, pour
l'homme à combien plus forte raison Dieu ne retiendra pas sa récom-
pense, suivant qu'il est dit {Jér. 17, 11) : « Une perdrix couve des
œufs qu'elle n'a pas pondus, tel celui qui s'enrichit injustement : au
milieu de ses jours il quittera (ses richesses) et à sa lin il ne sera
qu'un insensé «. Et il dit [Ihid. 12) : « Trône de gloire, hauteur
éternelle, lieu de notre sanctuaire' ».
Citons l'exemple utilisé par R. Ismaël et qui contient une
clause intéressante :
Par qal wahômèr, comment procède-t-on? « Yahwé dit à Moïse : si
son père lui avait craché au visage ne resterait-elle pas sept jours dans
sa honte? Qu'elle reste séquestrée sept jours! » (Num. 12, 14). Qal
wahômèr pour la Sekhina (Dieu) : elle devrait rester séquestrée qua-
torze jours, mais il suf&t à la conclusion de garder la quantité de la
prémisse : Marie resta séquestrée sept jours hors du camp puis elle
fut ramenée (dans le camp) 2,
Forme encore plus condensée du raisonnement : après une
discussion casuistique particulièrement compliquée, dans
laquelle le maître et les élèves tiennent la même opinion,
vient cette remarque :
Là-dessus on disait : beau est le silence pour les sages, à combien
plus forte raison (qal wahômèr) pour les stupides ; et c'est ainsi qu'il
dit (Prov. 17, 28) : « L'insensé, lui-même, quand il se tait passe pour
un sage » : et il n'est pas besoin de dire : « pour intelligent quand il
ferme les lèvres » ^.
1. Mekhilta in loc., p. 321. La seconde forme de l'a fortioi'i semble
moins ancienne comme l'indique le vocable plus récent désignant
Dieu : le Saint, béni soit-il !
Dans la Misna : Aicher., op. cit., p. 109-111.
2. Siphra,! bc. La formule « il suffît »... est souvent employée; elle
révèle qu'on tenait le raisonnement pour autre chose qu'un syllogisme,
qui procède par identités, sinon la peine aurait dû être doublée.
3. Tos.Pesahim, 9, 32, p. 170; le Babli, 99 a omet la dernière partie
88 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
Nous ne transcrivons pas des sentences dans lesquelles
les raisonnements par qal wahômèr sont repoussés, nous
en avons suffisamment cité. Gomme le reconnaît très juste-
ment Schwarz (p. 38, sqq.), le raisonnement ne vaut pas
si l'analogie entre les deux termes rapprochés est insuffisante,
si l'opposition sur un point capital empêche l'a fortiori.
C'est confesser que ce raisonnement procède par analogie,
ce qui ne rentre guère dans la dialectique syllogistique.
InutEe de signaler que le qal wahômèr ne sert pas souvent
à interpréter directement les textes bibliques.
Enfin, indiquons les limites que la tradition impose aux
conclusions à déduire par qal wahomer. C'est un principe
plusiem's fois répété qu'on ne peut déduire par qal wahômèr,
ni ' azhârâ^ interdit ou précepte négatif (surtout en matière
criminelle), ni '^ônés, la peine dont serait frappée la transgres-
sion de cet interdite
Une autre règle : on ne peut déduire un qal wahômèr d'une
halakha, c'est-à-dire qu'on ne peut prendre comme prémisse
une prescription qui n'est pas formulée dans le texte sacré 2.
Par là ce mode de raisonnement se rattache à l'exégèse.
II. — Raisonnements par analogie.
Dans l'histoire rapportée plus haut le vieil Hillel fonde son
opinion sur une assimilation et sur une analogie. L'analogie
est l'argument le plus employé dans les écoles de droit et
de la sentence; le palestinien sur 9, 10 (37 a) attribue la sentence à
Bar Qappara (fin du second siècle : baraitha) ; après avoir cité la pre-
mière proposition de Salomon, il déduit : il n'est pas besoin de dire :
le sage qui se tait.
1. Schwarz, op. cit., p. 69-73, qui cite et discute les textes.
2. Règle promulguée plus probablement par les amoras comme le
montre la comparaison entre la Misna de Nazir, 7, 4 et sa gemara
57 a qui ajoute cette explication au texte. Cf. Schwarz, loc. cit.,
p. 170. Cf. aussi Baba Qamma 24 b, 25 a : discussion entre R. Tar-
phon et les rabbins. Rapprochons cette règle de la loi des conclusions
théologiques : elles ne peuvent se déduire que de prémisses révélées.
Il est reconnu également que les déductions obtenues par qal
wahômèr n'ont pas valeur légale si elles concernent les choses saintes
(ayant un rapport avec le Temple) : Sghwarz, op. cit. p., 22. La règle
est formulée par R. Johanan (vers 250) : Zebah.im 49 b; Sebu 'ot 10 a...
RAISONNEMENTS PAR JfcfALOGIE. 89
dans les tribunaux : en effet, toutes les fois qu'un texte pré-
cis ne détermine pas la conduite à tenir dans un cas donné
on se réfère aux cas analogues déjà résolus. Les raison-
nements par analogie tiennent une grande place dans la
littérature rabbinique.
1" L'assimilation, le Hèqqés.
C'est le premier argument auquel recourt Hillel ; bien qu'il
ne figuré, ni dans les sept règles de Hillel, ni dans les treize
d'Ismael, nous le considérons d'abord, pour deux raisons : il
semble comporter une analogie plus complète; les rabbins
lui accordent une valeur supérieure : on ne peut réfuter un
hèqqès, disent-ils ^
Hèqqès est le substantif dérivé du verbe qui signifie (en
araméen) : rapprocher, heurter deux objets (faisant la paire,
genoux, vg.) ; puis en langage technique : rapprocher, assi-
miler deux idées, deux espèces juridiques. Le raisonnement
consiste à assimiler deux objets, deux espèces juridiques, soit
parce que l'Écriture les rapproche l'une de l'autre (analogie
juxtapositionnelle), soit parce que l'une et l'autre ont divers
points communs. Gomme dans toute analogie l'assimilation
sera légitime dans la mesure où les points communs seront
plus nombreux et plus essentiels.
Assimilations venant de rapprochements verbaux dans
l'Écriture :
« Pendant sept jours on ne trouvera pas de levain..; quiconque
mangera du pain levé » [Ex. 12, 19) : il assimile le levain au pain levé
et le pain levé au levain : de même qu'il est prescrit au sujet du
levain : « on n'en verra pas et on n'en trouvera pas « ; de même pour
l'autre le voir et le trouver sont interdits ; de même que l'un peut être
pétri des cinq espèces de céréales, de même l'autre^.
1. Donné comme dicton Mena/ioi 82 b, Zebahim k^ a...
Il est étonnant que ce procédé ne figure pas dans les règles de
Hillel; peut-être est-il identique à la règle sixième, dont Schwarz nie
l'authenticité : analogie tirée d'un autre passage biblique {kyôsé bô
mimmâqôm ahér). Schwarz, Die hermeneutische. Induction^ p, 146,
reconnaît qu'en certains cas le Aèg^és l'emporte sur la gezérasâivâ.
2. Meknilta in loc, p. 35. L'assimilation est fondée sur le fait que les
deux objets sont rapprochés dans le texte.
90 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
« Yahwé parla à Moïse et à Aaron... « {Ex. 12, 1). Je trouve que seul
Moïse fut juge de Pharaon, d'où aussi Aaron ? de ce qu'il est enseigné
en ces termes : « à Moïse et à Aaron » ; il assimile Moïse à Aaron et
Aaron à Moïse; de même que Moïse fut juge de Pharaon, de même
Aaron fut juge de Pharaon ; de même que Moïse disait ses paroles sans
avoir peur, de même Aaron disait ses paroles sans avoir peur^.
C'est parfois l'Écriture elle-même qui fait l'assimilation :
« Leur chair (des premiers-nés) sera pour toi, comme la poitrine
qu'on balance et comme la cuisse droite » {Num. 18, 18) : l'Ecriture
assimile les premiers-nés à la poitrine et à la cuisse des sacrifices
pacifiques : de même que ceux-ci doivent être mangés dans les deux
jours 2...
Dans ces cas, où le point de départ est tout entier scrip-
turaire, l'exégèse aide à comprendre le texte en le complé-
tant en vue de son exploitation juridique.
Parfois les rapprochements ne sont pas aussi matériels et
l'assimilation, fondée sur un mot commun, est plus artifi-
cielle.
Un bel exemple :
Rabbi disait : honorer son père et sa mère est cher devant (à) celui
qui a dit et le monde fut, car il dit équivalents : leur honneur et son
honneur; leur crainte et sa crainte; leur injure et son injure. Il est
écrit {Ex. 20, 12) ; « Honore ton père et ta mère » ; et il est écrit lui
correspondant {Prov. 3, 9) : « Honore Yahwé de ta substance » ; il
assimile l'honneur dû au père et à la mère à l'honneur dû au Lieu
(Dieu). 11 est écrit {Lév. 19, 3) : « Que chacun de vous craigne sa mère
et son père » ; et, lui correspondant, il est écrit {Deut. 6, 13) : « Tu
craindras Yahwé, ton Dieu » . 11 assimile craindre son père et sa mère
à craindre le Lieu (Dieu). Il est écrit {Ex. 21, 17) : « Celui qui mau-
dira son père et sa mère » ; et lui correspondant il est écrit {Lév. 24,
15) : « Tout homme qui maudit son Dieu » . Il assimile maudire son
père et sa mère à maudire Dieu^.
2. Gezérâ sâwâ (Hillel, 2; Ismael, 2; Eliézer, 7) : Analogie.
Cette expression si fréquente dans la littérature rabbi-
nique signifie : décision (sentence judiciaire) égale. Elle
1. Mekhilta in loc, p. 1.
2. Siphré Num. in loc, § 118, p. 140 sq.
3. Mekhilta sur Ex. 20, 12, p. 231.
RAISONNEMENTS PAR ANALOGIE. 91
désigne la forme la plus classique de l'analogie. Ces raison-
nements par analogie très nombreux (plus de 600) ne sont
pas toujours précédés de la désignation gezérâ Mwd\
Il semble inutile de distinguer entre analogies exégétiques
et analogies juridiques : dans les deux cas l'analogie se
fonde sur des termes bibliques et tend à suppléer ce qui
manque, surtout au point de vue juridique, dans un passage.
Schwarz a bien analysé le mécanisme de la gezérâ sâwâ :
la véritable repose sur l'emploi du même mot exclusivement
dans deux passages; c'est, ce qu'il appelle le otç X£y6[j-£vov de
la logique grecque ; l'argument est-il pour autant irréfutable?
Qu'on en juge sur cet exemple :
«t Et il leur dit : soyez prêts pour le troisième jour » {Ex. 19, 15).
Mais nous n'avons pas entendu que le Lieu leur ait dit de se séparer
des femmes, il dit seulement {ibid. 11) « soyez prêts >. Soyez prêts (à
juger) en gezérâ sâwâ (par analogie) : de même que le « soyez prêts »
dit ici est pour la séparation des femmes, de même le « soyez prêts »
dit là (11) est pour la séparation des femmes 2.
Exemple haggadique :
D'où montrer que celui qui détourne ses yeux de l'aumône, c'est
comme s'il pratiquait l'idolâtrie? De ce qu'il est dit {Deut. 15, 9) :
« Prends garde qu'il ne s'élève dans ton cœur cette pensée de Belial
(contre le pauvre) ». Et là il dit {Deut. 13, 14) : « Des gens de Belial
sont sortis du milieu de toi (pour entraîner à l'idolâtrie) ». De même
que le Belial dit ici désigne l'idolâtrie, de même le Belial dit là
désigne l'idolâtrie^.
Forme moins rigom^euse de la gezérâ sâwâ, celle qui se
fonde sur la présence dans deux passages de mots identiques,
mais qui se retrouvent en d'autres contextes, le Tiepî ouotv
X£YÔ[;-£va. La gezérâ sâwâ de Hillel fondée sur le bemâ'édo
(en son temps) de Num. 28, 2 et 9, 2-13 est de cette forme.
1. Schwarz étudie cette forme de raisonnement dans son livre : die
hermeneutische Analogie in der talmudisehen Literatur, Wien, 1897.
Dans laMisna: Rosenblatt, op. cit., p. 28, 29; Aicher, op. cit., p. 126,
sq.
2. Mekhilta in loc, p, 213. Inutile de souligner l'arbitraire de l'assi-
milation.
3. Tos Pea, 4, 20, p. 24. Schwarz note que le mot Belial, fréquent
dans les autres livres, ne se trouve que deux fois dans la Pentateuque.
92 EXÉGÈSE RABBINIQlîK.
Nous donnons de cette espèce un exemple tout à la fois
halakhique et haggadique :
D'où montre-t-on que la circoncision doit se pratiquer dans l'organe
reproducteur (le lieu du fruit)? R. José disait : il est dit là (Gen. 17,
14) : « qui circoncit la chair de son prépuce »; et il est dit ici {Lév.
19, 23) : « Vous tiendrez pour incirconcis le prépuce de leurs fruits ».
De même qu'ici c'est dans le lieu du fruit, de même là dans le lieu du
fruit''.
Ces analogies établies entre deux espèces juridiques en
raison, non de leurs ressemblances réelles, mais de quelques
ressemblances verbales, doivent paraître à des esprits réflé-
chis et exigeants assez peu fondées et ne pouvoir pas sup-
porter les conclusions qu'on en tire; d'autant que les mots
communs dont on argue sont parfois très peu topiques, par
exemple des pronoms^. Les rabbins anciens avaient senti
combien cette forme de raisonnement prête aux abus; ils
avaient essayé d'y obvier.
Ils urgeaient de plus en plus le principe que nous avons
entendu opposer à Hillel : on ne peut établir de soi-même
une gezérâ sâwâ; autant dire que ce raisonnement ne vaut
que s'il prétend justifier une décision juridique déjà accré-
ditée par la tradition ou l'autorité rabbinique.
Autre exigence à l'égard de la gezérâ sâw^â : eUe ne doit
utiliser comme fondant l'analogie, que des mots qui sont
superflus {muphné, libres) tout au moins dans l'un des deux
passages rapprochés.
Cette exigence apparente la gezérâ sâwâ aux règles d'inclu-
sion et d'exclusion de l'école d'Aqiba, qui tiennent compte
des mots superflus. Voici un exemple clair de cette gezérâ
sâvv^â plus rigoureuse : ^
Pourquoi est-il enseigné en ces termes {Deut. 23,. 4) : « (ils n'y entre-
ront) jamais » et pourquoi « jusqu'à la dixième génération? » (cette
1. Tos. Sabbat, 16, 9, p. 133; nous suivons la correction proposée
par ScHWARz, op. cit., p. 104, le texte de Zuekermandel étant évidem-
ment incohérent et corrompu. Inutile de noter que les mots qui fondent
l'analogie ne se trouvent pas uniquement dans ces passages.
2. On peut voir dans Schwhrz, p. 111-123 ce qu'il appelle les Sîî
Xsydpva et les Tuspl Suoïv >.eYd[j.£va improprement nommés ainsi; dans
MiLZiNER, Introduction to the Talmud, p. 148, sqq. des exemples de
gezérâ sâwâ exorbitants.
RAISONNEMENTS PAR ANALOGIE. 93
econde précision parait en effet inutile). C'est pour laisser la liberté
de faire l'assimilation et de raisonner en gezérâ sâwâ : il est dit là
(pour les bâtards) « jusqu'à la dixième génération » et il est dit ici
« jusqu'à la dixième génération » ; dé même que la dixième génération
dont il est parlé ici signifie à jamais, de même la dixième génération
dont il est parlé là signifie à jamais'.
Voici un cas beaucoup moins net, ranalogie étant tirée
d'un verbe plusieurs fois répété (« vous prélèverez )>) dans
la péricope, mais jamais d'une manière explétive, à moins de
voir dans l'apposition du verbe prélever au substantif prélève-
ment [harmôtém terûmâ) une sorte de répétition explétive :
« Vous en prélèverez » (Num. 18, 26). Il est libre d'assimiler, de rai-
sonner gezérâ sâwâ (de la dîme payée par les Israélites à la dîme payée
par les prêtres) : « vous en prélèverez », pour ne pas prélever des
récoltes adhérentes à la terre au lieu de celles qui en ont été arrachées
ou inversement; ou du nouveau au lieu du vieux ouréciproquement^...
Malgré le caractère artificiel de nombre de gezérâ sâwâ,
on ne les trouve guère contestées, surtout quand elles sont
muphné; à ce raisonnement par . analogie sont juxtaposés
d'autres raisonnements et les objections élevées contre cer-
taines assimilations atteignent aussi diverses analogies ; mais
n. est frappant de constater qu'on ne les refuse pas purement
et simplement^.
3° Autres raisonnements par analogie.
A. ÉQUIVALENCES.
Le
le même
rapprochement de plusieurs personnages ou objets dans
ême texte permet de déduire qu'ils sont égaux [sâgûl,
1. Siphré Deut. 23, 4, § 249, 120 a. Le muphné est artificiel : car
le second « jusqu'à la dixième génération » n'est pas superflu, le « à
jamais » étant purement explétif.
2. Siphré Num. 18, 26, § 120, p. 147. Nous comprendrions une analo-
logie fondée sur les ressemblances réelles entre les deux dîmes tandis
que les conclusions fondées sur le mot « prélever » paraissent tout
artificielles.
3. Dans son ouvrage sur le sujet Schwarz étudie (p. 124-183) quinze
isorrhemata (analogies fondées sur un mot superflu) soi-disant com-
battues dans Mekliilta, Siphra, Siphré : nous y voyons que la gezérâ
sâwâ est jointe à d'autres arguments, mais on n'objecte rien à la
conclusion obtenue au moyen d'une analogie verbale.
94 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
seqûlîm), équivalents, qu'on peut mettre l'un pour l'autre :
« Si c'est un agneau qu'il amène pour le sacrifice pour le péché »
{Lév. 4, 32). R. Siméon dit : partout les agneaux précèdent les chèvres :
seraient-ils préférables ? Il est enseigné (5, 6) : « Il amènera une bre-
bis ou une chèvre » : cela nous enseigne que les deux sont égaux.
Raisonnement pareil sur les tourterelles qui précèdent les pigeons, sur
le père qui précède la mère.
« Et Moïse dit à Aaron » {Lév. 9, 7) : c'est ce que dit l'Ecriture {Ps.
99, 6, 7) : « Moïse et Aaron sont entre ses prêtres et Samuel entre ceux
qui invoquent son nom; ils invoquaient Yahwé et lui leur répondait
dans la colonne de nuée. » Cela nous apprend que tous les trois sont
égaux l'un à l'autre^-
B. — TEXTES RAPPROCHÉS l'uN DE l'aUTRE.
Nous avons déjà trouvé des textes correspondant l'un à
l'autre [kenègedâ) : l'un explique l'autre, ainsi pour les com-
mandements des deux tables, pour l'honneur dû à Dieu et
l'honneur dû aux parents^.
Usage très fréquent : rapprocher des textes qui contiennent
des idées analogues ; ainsi :
« Toutes les fois que Moïse élevait les mains, Israël avait l'avantage... »
{Ex. 17, 11), Étaient-ce les mains de Moïse qui faisaient le combat ou
qui le rompaient? Non, pour t' apprendre que toutes les fois que les
Israélites levaient leurs yeux vers le Père des cieux et lui obéissaient
ils avaient la victoire, et inversement. Et de même façon tu pourrais
dire : « Fais un serpent et élève-le... » {Num. 21, 8). Un serpent peut-
il donner la vie^?...
C'est en raison d'une analogie supposée entre deux péri-
copes que les rabbins admettent certaines règles de philo-
1. Siphra Lév. in Joe, 22 ab; 43 d. Pour Aai'on et Moïse même con-
sidération dans Mekhilta, 12, 1, p. 2.
2. V. supra, p. 47. La règle 27 d'Eliezer, minnègèd, vise seulement
les correspondances de nombres qui figurent dans la Bible : les
quarante ans du désert correspondant aux quarante jours de l'explo-
ration de la Palestine : Num. 14, 34; cf. I Rois, 11, 30.
3. Misna Ros hassana, 3, 8. « De la même façon » {kyôsé bô) qui
indique une association (Ps. 44, 16). La même expression est employée
dans des textes juridiques pour dire qu'on ne peut inclure dans une
généralisation que les objets de la même espèce, vg. pour les impure-
tés (Siphra Lév. 5, 2,23 a), pour les sacrifices. Analogies entre espèces
jointes dans une phrase : Rosenblatt, op. cit., 18. Même liberté pour
les labours et pour la moisson suivant Ex. 34, 21 {Sebïit, 1, 4).
BAISONNEMENTS PAR ANALOGIE. 95
logie scripturaire que nous verrons dans le chapitre suivant :
une section est dite en éclairer une autre et cependant aucun
raisonnement ni aucune similitude de termes ne fondent cette
analogie.
G, — ARGUMENT TIRÉ d'uNE ESPÈCE ANALOGUE.
Dans les discussions rabbiniques nous trouvons souvent
un argument prétendu décisif introduit par ces mots : telle
chose réfute ou apporte la décision {hâkiah = apporter une
preuve judiciaire, convaincre son adversaire, d'avoir tort) : ici
encore c'est l'analogie qui est le ressort de l'argumentation,
mais une analogie réelle plus que verbale. Dans une longue
discussion sur ce sujet : comment faire disparaître à la veille
de la Pâque le levain?
Rabbi José dit : « Vous supprimerez le levain de vos maisons » {Ex.
12, 15) : par la combustion. Tu dis peut-être : par la combustion ou
par tout autre moyen ? Tu peux raisonner ainsi : ce qui reste de la
Pâque, il est interdit d'en manger, de même il est interdit de manger
du pain fermenté ; si tu as appris que les restes doivent être brûlés, de
même le pain fermenté. (L'adversaire reprend). Voici une réfutation
tirée des viandes immolées irrégulièrement, qu'il est défendu de
manger et que pourtant on n'est pas obligé de brûler : argument pour
dire que le pain fermenté, qu'il est défendu de manger, ne doit pas
disparaître par la combustion.
(Le premier interlocuteur reprend) Tu as dit clairement qu'il est
interdit de tirer parti tant des restes qae du pain fermenté : si tu as
appris qu'on doit brûler les restes, de même le pain fermenté (Second
interlocuteur) Voici une réfutation tirée du bœuf lapidé dont il est
interdit de tirer parti et que pourtant on n'est pas obligé de brûler :
arguments pour dire du pain fermenté : bien qu'il soit interdit d'en
tirer parti, on n'est pas obligé de le brûler. La discussion se poursuit
ainsi, le premier interlocuteur procédant par gezérâ sâwâ, le second
par hôMah*.
Exemple haggadique : dans un exposé juridique sur le sort
fait aux personnes se trouvant dans une ville détruite par
sentence judiciaire, et le sort fait à leurs biens :
Les biens des justes qui se trouvent dans la ville périssent, mais ceux
qui sont en dehors sont sauvés; les biens des impies, qu'ils soient au
1. Mekhilta Ex. 12, 15, p, 28. Moins exégèse que discussion juri-
dique.
96 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
dehors ou au dedans, périssent. R. Eliezer (Hyrkanos) dit : réfu-
tation par le cas de Loth : il n'était dans Sodome qu'à cause de
ses richesses, lui aussi sortit avec uniquement ses mains sur sa
tête (il ne sauva que sa personne) suivant qu'il est dit {Gen. 19, 22) :
« Hâte-toi de te sauver là-bas... » Il te suffit de te sauver toi-même ^
De cette forme de raisonnement nous devons rapprocher
une forme similaire : joindre deux sujets pour les éclairer
l'un par l'autre. Dans la monition, qu'adresse le prêtre à
l'homme venant l'informer que la lèpre s'est attaquée à sa
maison, il doit lui dire :
Les plaies de lèpre ne viennent qu'à cause de la médisance, sui
vant qu'il est dit {De ut. 24, 8, 9) : « Prends garde à la plaie de la
lèpre, en mettant en pratique et observant... Souviens-toi de ce que
Yhwh fit à Marie ». Mais quelle relation ("inyân) y a-t-il entre l'un et
l'autre? Ce n'est que pour nous apprendre qu'elle ne fut punie qu'à
cause de sa mauvaise langue 2.
Autre formule affirmant clairement la relation des deux
sujets :
Moïse dit à son beau-père de" vpnir avec lui, afin de lui faire du bien
« nous allons dans le lieu que Yahvé a promis de nous donner » {Num.
10, 29). Et les prosélytes n'y ont pas de part. Mais comment ferai-je
droit (réaliser, meqaiyêm) au texte [Ezech. 47, 23) : « Dans la tribu où
l'étranger (le prosélyte) est établi, là vous lui donnerez sa portion »?
Que si cela n'a pas rapport {Hnyân) à l'héritage, fais-le rapporter à
1. Tos Sanhédrin 14, 4, p. 436. Cette histoire ne se trouve que dans
le passage correspondant du talmud palestinien, 10, fin, 29 d.
Les règles 22 et 23 d'EIiezer qui contiennent le Hôkiah, se rattachent
plutôt au hèqqés.
Règle 22 : d'une chose qu'explique {môkiaj}) la chose voisine ; com-
ment? « Un don fait en secret apaise la colère » {Proc. 21, 14). Cela
signifie : celui qui donne en secret apaise la colère du Saint, béni soit-
il! « Et un présent tiré du pli du manteau apaise la fureur violente ».
Le premier « apaise » éclaire le second.
Règle 23 : d'une chose qui explique la chose voisine; comment? « La
voix de Dieu ébranle le désert. Yawhé ébranle le désert de Cadès »
{Ps. 29, 8). N'ébranle-t-il que le désert de Cadès, n'ébranle-t-il pas les
autres déserts? S'il en est ainsi, pourquoi dit-il « Cadès? » Pour
éclairer au sujet des autres déserts qui sont ébranlés. Et pourquoi pré-
cise-t-il celui-ci seul? Parce qu'il est le plus considérable de tous, à
preuve : « Vous êtes restés de longs jours à Cadès » (Dent. 1, 46).
2. Siphra Lév. 14, 35, 73 a. L'exégèse est, tout au moins, fort extrin-
sèque.
RAISONNEMENTS PAR ANALOGIE. 97
l'expiation ; car s'il se trouve dans la tribu de Juda il trouvera expia-
lion dans la tribu de Juda ; dans la tribu de Benjamin, il trouvera expia
tien dans la tribu de Benjamin. Autre explication ; si cela n'a pas rap-
port à l'héritage, fais-le rapporter à l'ensevelissement : aux prosélytes
il est donné d'être ensevelis dans la terre d'Israël (gage de résurrec-
tion) ^
Nous pouvons ranger dans cette catégorie une formule
exégétique d'Aqiba : c'est aussi conclure d'une espèce à une
autre.
A propos de la poignée de fleur de farine à joindre à l'holocauste.
Voyons à quoi cela ressemble : nous jugeons une chose qui est tout
entière destinée à être brûlée d'après une chose qui est tout entière
destinée à être brûlée et ne tirons pas argument de l'huile qui n'est
pas tout entière destinée à être brûlée. Ou bien autre voie: nous jugeons
une chose dont la moindre partie doit être jointe à la plus grande
partie d'après une chose dont la plus petite partie doit être jointe à
la plus grande et ne tirons pas argument de l'encens qui n'est pas
soumis à cette condition^.
4P Conclusions par analogies réelles.
Les raisonnements par analogie étudiés jusqu'à maintenant
se fondent ordinairement sur un rapprochement verbal et
procèdent par un raisonnement explicite. Nous avons d'autres
conclusions par analogie où le raisonnement est très réduit,
mais où l'analogie est, ou prétend être, réelle : elle semble
1. Siphré Num. in loc, § 78, p. 75.
Nous exposerons plus loin les i^ègles 7 de Hillel et 12 à'Ismaël sur
le 'inyân, qui relèvent plutôt de la philologie.
Nous pouvons, par contre, rapprocher la règle 20 d'Eliezer, que
Strack illustre par un exemple identique au précédent, tiré de Siphré
Num. 18, 15, § 118, p. 138; voici le texte d'Eliezer : d'une chose
dite dans un texte qui est sans rapport avec elle mais qui est en
rapport avec une chose voisine ; et cela quand la chose voisine en a
besoin alors que la première n'en a pas besoin : comment? « Et voici
pour Juda » {Deut. 33,7). Cela est sans rapport avec Juda puisqu'il
dit : « Écoute, ô Yhwh, la voix de Juda » ; fais-le rapporter à Siméon
qui en a besoin, tandis que Juda n'en a pas besoin. Et tu peux dire :
quand Moïse bénit Ruben il dit : « voici pour Juda », mais dans cette
bénédiction il s'adressa à Siméon (omis dans la série).
2. Siphra, Lép, 2, 2, 10 a. Ici encore déduction jiuûdique plutôt
qu'exégèse.
EXÉGÈSE RABBINIQUE. 4
98 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
tirée des points communs qui rapprochent deux espèces juri-
diques'.
Il suffira de transcrire quelques exemples et de les com-
menter brièvement.
A. — ANALOGIE OU ASSIMILATION SIMPLEMENT AFFIRMÉES.
On doit bénir pour le malheur comme pour le bonheur, suivant qu'il
est dit {Deut. 6, 5) : « Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu... de toute
ton âme » : même s'il prend l'âme.
Dans une discussion sur ce sujet : à la fête des tentes quel est le
nombre des branches qu'on doit porter? R. Aqiba dit : de même qu'il
y a un seul lulab (palme) et un seul étrog (cédrat), ainsi il n'y a qu'une
branche de myrthe et une seule branche de saule.
De même que l'autel consacre ce qui lui convient, de même la rampe
de l'autel consacre ; et de même que l'autel et sa rampe consacrent ce
qui leur convient de même les vases du Temple consacrent (ce qui leur
revient) 2.
Ces conclusions procèdent par analogie ou par assimila-
tion entre deux cas supposés semblables; parfois l'analogie
peut paraître gratuite, plus souvent la logique populaire
établit une analogie entre des espèces semblables. Le raisonne-
ment est un enthymème, quelquefois réductible à un syllo-
gisme vrai et légitime. La portée exégétique de ces consi-
dérations est très contestable.
B. — ANALOGIES RÉELLES CHERCHÉES ET MONTRÉES.
Dans une discussion sur la formule de la bénédiction du repas :
faut-il la modifier suivant le nombre des présents? R. José le galiléen
1. Nous étudions ici les analogies que Schwarz {die hermeneutische
Induktion, p. 77-136) donne comme les formes les plus simples et les
plus anciennes du raisonnement par analogie, mais aboutissant aux
formes plus récentes et plus compliquées de la gezérâ sâwâ et du
hèqqés. Il nous apparaît bien aventureux en cette matière de tenter
une histoire de l'évolution des formes de raisonnement. La principale
différence nous paraît être dans le mode plus simple et aussi plus
réel ; deux notes qui conviennent à la logique populaire.
2. Misna Berakhot, 9, 5; Sukkot 3, 4; Zebahim 9, 4. Toutes ces
analogies commencent par kesém (de même), sém, comme en bien
d'autres cas prenant une valeur de conjonction (vg. au nom de =
en raison de ce que); il est donc excessif de voir avec Schwarz
dans cette formule le correspondant de Vanalogon grec, analogie.
RAISONNEMENTS PAR ANALOGIE. 99
est d'avis qu'il faut ia modifier suivant le nombre, car il est écrit
{Ps. 68, 27) : « Dans les assemblées bénissez Yhwh... » (entendre, non
et dans = M », mais « selon = M »). R. Aqiba dit : que trouvons-nous
dans les synagogues? qu'ils soient nombreux, qu'ils soient peu nom-
breux, on dit : bénissez Yhwh^
On prie pour les fortes pluies jusqu'à la fin de ^ nisan, suivant
qu'il est dit {Joël 2, 23) : « il fera descendre sur vous l'ondée (forte
pluie), pluie d'automne et pluie de printemps, comme jadis >■>. Paroles
de R. Meïr. Et les sages disent : la pluie de printemps en nisan et
la pluie d'automne en kisleu. R. Meïr leur dit : puisque les arbres
mettent douze mois à donner leurs fruits et les moissons six mois,
que trouvons-nous dans les arbres? Suivant qu'il est dit à leur sujet
[Ez. 47, 12) : « Chaque mois ils produiront des fruits nouveaux ».
Pareillement les moissons viendront en quinze jours : voici que tu
apprends que la pluie de printemps et la pluie d'automne sont en
nisan ^.
Ici le raisonnement par analogie est plus explicite ; l'ana-
logie est considérée entre les choses, non entre les termes ;
elle est souvent gratuite. Considérations sans portée exégé-
tique propre.
G. RAISONNEMENTS PAR ANALOGIE COMPLÈTE.
Schwarz compte plus de deux cents raisonnements de cette
espèce dans la littérature tannaïte; nous retrouvons ici
la forme habituelle du raisonnement par analogie. Quelques
exemples :
Si un sea de teruma (prélèvements sacerdotaux) impure tombe
au milieu de cent seas de teruma pure, l'école de Sammai dit :
le tout est interdit; l'école de Hillel le déclare permis. Les Hillélites
V
disaient aux Sammaïtes : puisque la teruma pure est interdite aux
étrangers et que l'impure est interdite aux prêtres, de même que
l'impure peut être neutralisée, de même aussi la pure. Les Sammaïtes
répondirent : Non! Si les comestibles profanes qui sont permis aux
1. Misna Berakhot 7, 3. La formule caractéristique est « que
trouvons-nous? » C'est probablement ce mot qui explique le nom
donné par Schwarz à cette catégorie : der zetistische Analogiescliluss
[Zetistich de Çttcsïv, chercher?).
2. Tos. Taanit, 1, 1, p. 214. Notre traduction rend le raisonnement
absurde en sa forme : môrè désigne la pluie précoce, malqôs, la pluie
tardive au temps de la récolte; mais suivant le point de vue on peut
renverser l'ordre des termes.
100 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
étrangers neutralisent ce qui est pur, est-ce que la teruma, défendue
sub gravi et interdite aux étrangers pourra neutraliser la teruma
impure? Après qu'ils se furent mis d'accord, R. Eliezer ordonna
d'enlever la partie impure et de la brûler; mais les rabbins déclarèrent
qu'on pouvait la considérer comme disparue en raison de sa petitesse ^.
R. Siméon disait : il arriva une fois qu'on mesura le réservoir du
Diskos à Yabné et qu'on le trouva insuffisant : R. Tarphon le déclara
pur, mais R. Aqiba le dit impur. Après une première controverse sur
la présomption de pureté, nouveau raisonnement. R, Tarphon dit : à quoi
cela est-il semblable? à quelqu'un qui offrirait un sacrifice sur l'autel
et on s'apercevrait qu'il est fils^ d'une répudiée ou d'une femme à qui
on a refusé le mariage léviratique, et donc sacrifiant validement.
R. Aqiba dit : à quoi la chose est-elle semblable? à quelqu'un qui offre
un sacrifice à l'autel et on s'aperçoit qu'il a une tare corporelle
et qu'ainsi sa liturgie est invalide. On se demande alors laquelle des
deux comparaisons est juste. R. Aqiba dit : pour le bain les conditions
d'invalidité sont en lui-même tout comme dans un prêtre ayant une
tare elles sont dans son corps et on ne peut opposer le fils de la
divorcée ou de la refusée dont les causes d'invalidité viennent d'autres
que d'eux-mêmes ; pour le bain et le prêtre ayant une tare les causes
d'invalidité sont du domaine du particulier, et on ne peut opposer
le fils de la refusée : son invalidité vient du tribunal qui a fixé
le prix du rachat et qui l'a déclaré impur. R. Tarphon, lui dit Aqiba,
quiconque se sépare de toi se sépare de la vie 2.
Nous avons dans ces deux cas, et nous les découvrirons
dans les deux autres cas, des raisonnements par analogie :
analogies non verbales mais réelles; analogies également
qui ne sont pas évidentes et qui peuvent être repoussées
par une autre argumentation. Ici, comme dans toutes les
analogies, l'argumentateur s'efforce de montrer que l'ana-
logie entre les deux espèces est aussi complète que possible
et que les dissemblances ne sont pas exclusives de l'assimi-
lation. Répétons encore que ces rapprochements contribuent
très peu à éclairer le sens des textes et ne sont donc pas
proprement exégétiques.
III. — GÉNÉRALISATION d'uN CAS PARTICULIER OU d'uNE LOI.
C'est encore un procédé de dialectique, à la fois populaire
et juridique : étendre ce qui a été dit d'un seul cas aux cas
1. Misna Terumot, 5, 4.
2. Tos. Miqwa'ot, 1, 17-19, p. 653, sq.
GÉNÉRALISATIONS. 101
analogues : le ressort de rargumentation est toujours l'ana-
logie. Ces généralisations sont proposées soit par le procédé
du binyan âb, soit simplement.
^ 1° Binyan âb (Hillel, 3 et 4; Ismaël, 3; Eliezer, 8).
A. — BINYAN AB d'aPRÈS UNE SEULE ÉCRITURE'.
En vue de définir plus clairement ce binyan âb, donnons-en
deux exemples, l'un halakhique, l'autre haggadique :
« S'il se trouve » {Deut. 17, 2) : ceci concerne les témoins, d'après le
principe, car il est dit ici {ihid. 6) : « sur la parole de deux ou de trois
témoins la chose sera établie » {19, 15). Voilà le binyan âb pour tout
endroit où il est dit « il se trouve » [immâse) : l'écriture parle alors de
deux et de trois témoins 2.
« Tu as miontré ta grandeur » (Deut. 3, 24) : voici un binyan âb pour
toute « ta grandeur » qui se trouve dans la Tora^.
Ces deux exemples permettent de définir le binyan âb :
d'un texte explicite on déduit comment on doit entendre,
soit un mot pareil, soit une espèce juridique semblable.
Nous pouvons également déterminer le sens à donner à
l'expression hébraïque. Xous prenons âb au sens qii'il a
souvent dans les passages juridiques : H désigne un principe :
les abat des travaux serviles sont ceux qui ont été pratiqués
à la construction de l'arche; dans un sens un peu différent
on parle des impuretés [abat) primaires qui engendrent
des impuretés secondaires; âb garderait un peu son sens
1. Hillel doaaé dans sa liste : le binyan âb d'après une seule
écriture et le binyan âb d'après deux écritures ; certains, suivant
d'ailleurs des manuscrits anciens, proposent de lire simplement ;
deux écritures et de voir là la règle de conciliation de deux écritures
opposées : ainsi Schwarz, die hermeneutische Antinomie, p. 22, sq.
ScHWARz traite du binyan d'après une seule écriture et des généra-
lisations dans son livre : die hermeneutische Induktion in der talmu-
dischen Literaîur, ein Beitrag zur Geschichte der Logik, Wien und
Leipzig, 1909.
2. Siphré Deut. 17, 2, g 148, 104 a. Évidemment le « se trouve »
dont il s'agit concerne seulement les cas de faute tels que Deut.
18, 10; 22, 22; 24, 7 : fautes où l'on ne peut punir que sur le témoi-
gnage de deux et trois témoins.
3. Siphré Deut. 3, 24, § 27, 71 a. Dans tous les textes qui mention-
nent la grandeur de Dieu, on doit entendre comme ici : « ta main
puissante, qui est Dieu en dehors de toi... » ?
102 EXÉGÈSE BABBIKIQUE.
original de père, ii constituerait des familles [béyt âb)\ cons-
truire une famille consiste à dégager le cas-type qui donne
leur forme à tous les autres. Le cas-type n'est pas celui
qui, en soi, est le mieux déterminé, mais seulement celui
dont l'Écriture définit clairement et exactement la nature'.
Quel est le mécanisme de cet argument? Il nous semble
que c'est une de ces analogies élémentaires si fréquentes
dans les raisonnements populaires : d'un cas bien défini on
passe aux autres cas plus ou moins indéterminés; un cas-type
est érigé en principe^.
La dialectique assez délicate de l'induction nous parait
totalement absente d'exemples tels que celui-ci :
« Si quelqu'un s'est rendu coupable, il confessera son péché »
[Num. o, 6, 7). Pourquoi est-ce dit"? Comme il dit {Lév. 5, 5) : « Celui
qui a péché confessera sa faute », je pourrais entendre uniquement
les péchés qui impliquent l'obligation de la confession ; d'où prouver
pour les sacrifices 'âsém? De ce qu'il est enseigné en ces termes « si
quelqu'un s'est rendu coupable, il confessera ». R. Nathan disait :
voilà qui construit un âb (principe) pour tous les mourants, pour
prouver qu'ils sont tenus à faire une confession^.
Peut-on dire que ce mode d'argumentation est plus logique
qu'exégétique? Sa logique apparaît parfois quelque peu arbi-
traire; dans l'exemple précédent on essaie de donner une
base scripturaire à l'usage recommandé de la confession des
mourants. Le côté exégétique serait plus nettement accusé si
les mots qui servent à déterminer le binyan âb étaient, comme
dans le muphné^ des mots superflus dans la phrase; nous
avons étudié attentivement plusieurs de ces raisonnements,
nous en avons découvert très peu comportant des mots super-
flus, inutiles au contexte. Quoi qu'il en soit, le binyan âb
aide à mieux comprendre certains passages et il a de ce
chef une portée exégétique.
1. ScHWARz, op. cit. p. 170-174 entend âh au sens d'espèce et binyan
(synonyme de béyt) au sens de genre : ainsi l'opération serait une
induction consistant à passer de l'espèce au genre : non « une argu-
mentation généalogique, mais une opération strictement logique ».
2. Le caractère de principe est marqué par cette qualification du
binyan âb dans la liste d'Eliézer : « c'est un principe [yesôd, fonde-
ment) qui instruit sur ce qui suit ».
3. Siphré Num. in loc, § 2, p. 6.
GÉNi;RALISATIONS. 103
B. — BINYAN AB d'aPRÈS DEUX ÉCRITURES.
Forme plus compliquée du binyan âb, intéressante parce
qu'elle montre à quelles conditions doit répondre une ana-
logie pouT' pouvoir fonder un raisonnement exégétique ou
juridique. Donnons d'abord un exemple :
« S'il fait tomber une dent à son serviteur » {Êx. 21, 27). J'entends
une dent de lait aussi ; il est enseigné en ces termes « ou un oeil » :
de même que l'œil nô peut repousser, dé même la dent stipulée ne
peut répousser. Je ne vois que la dent et l'œil, l'extrémité des autres
membres d'où? Voici que tu dis en raisonnant (jugeant) un binyan àb
d'après les deux : la condition de la dent et celle de l'œil sont diffé-
rentes; le côté égal entre les deux c'est que la mutilation de l'un et
de l'autre cause une tare irréparable et la mutilation de l'extrémité
de membres qui ne peuvent repousser, faite avec intention et ouver
tement, procure l'affranchissement de la victime : de même la muti-
lation de membres qui ne peuvent repousser procure l'affranchis-
sement de la victime ^
Le procédé consiste à dégager ce qui est essentiel en deux
espèces juridiques analogues, qui, par ailleurs, présentent
des différences essentielles, et à étendfe la loi déterminée
par ce point commun à une autre, ou à, d'autres espèces,
possédant ce point commun. Ce n'est pas proprement de
l'exégèse : ici aucun texte n'est éclairé par cette déductioïi
juridique.
Citons un cas un peu plus compliqué, mais construit
suivant le même schéma :
Il y a quatre principes (abôt) de dommages : le bœuf, la citerne,
l'animal qui broute (les pâturages d'autrui), l'incendie. Ces espèces
diffèrent entre elles : les unes ont l'esprit de vie en elles, le feu ne l'a
pas; certaines ne se déplacent pas comme le bœuf pour causer un
dommage. Lé côté égal entre ces quatre catégories c'est que toutes les
quatre causent un dommage, que tu es obligé à veiller à cet endroit,
et que, si elles causent un dommage, le propriétaire de la cause du
dommage doit le réparer au mieux suivant les coutumes du pays 2.
1. Mekhilta in loc, p. 279, sq. Dans la Bible n'est pas prévue la
mutilation des autres membres, on la déduit de ces deux mutilations
types.
2. Misna, Baba qamma 1, 1 (le premier article du code criminel, de
104 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
2« Autres formes de généralisation.
Nous trouvons d'autres raisonnements de généralisation,
dont certains sont identiques au procédé du binyan âb, avec
cette seule différence qu'il n'est pas parlé de binyan âb.
Quelques exemples, en Hag-gada :
« Les Israélites campèrent là » {Ex. 19, 2) ; en tout endroit où il dit :
« ils partirent et ils campèrent », leur départ se fait avec des querelles
et leur campement avec des querelles, mais ici ils n'avaient qu'un
cœur, c'est pourquoi il est dit : « les Israélites campèrent là en face de
la montagne .... » « En face de la montagne », du côté oriental de la
montagne : tout endroit où tu trouves « en face », leur face est vers
l'Orient 1.
Voici une généralisation juridique plus justifiée.
« L'aigle » [Lev. 11, 14) : de même que l'aigle a pour particularité
de n'avoir pas de doigt supplémentaire, ni de jabot, ni un gésier
qu'on puisse peler, mais de lacérer avec ses pieds ce qu'il mange :
est impur tout ce qui est pareil ^.
Généralisation juridique par analogie :
La loi ordonne de recueillir et de rendre entre autres « le manteau »
[JDeut. 22, 4). Le manteau est compris aussi parmi ces choses. Pour-
quoi cette mention spéciale? Pour servir à une assimilation; en te
disant : de même que le manteau a pour particularité d'avoir dès
marques et d'être réclamé, ainsi doit-on publier (pour les faire retrou-
ver) tout ce qui a des marques et qu'on réclame 3.
Généralisation juridique en raison de la précision apportée
explicitement par la Tora :
« Vous prendrez un bouquet d'hysope » {Eœ. 12, 22). De là tu
apprends comment se pratique toute action de prendre, stipulée dans
la Tora : puisqu'il est parlé en général d'actions de prendre et que
l'Écriture précise pour l'une d'elles qu'elle ne se fait que par un bou-
la section neziqin sur les dommages). Ces quatre types de dommages
sont prévus|dans Ex. 21, 28-22, 5; de là on déduit toutes les lois
essentielles des dommages.
1. Mekhilta Ex. in loc, p. 206. Est-il besoin de faire observer com-
bien gratuite est la conclusion?
2. Babli Hullin, 61 a. Nous retrouvons une expression courante :
kyôsé,fiô tout ce qui lui est pareil.
3. Misna, Baba mesia\ 2, 5.
GÉNÉRALISATIONS. 105
quet, de même je précise pour toutes les actions de prendre qui sont
dans la Tora qu'elles ne se font que sous forme de bouquets ^
Généralisation juridiqpie par extension d'un cas historique :
Le roi ne peut épouser une veuve. R. Juda dit : il peut épouser la
veuve d'un roi, car nous trouvons cela chez David, qui épousa la
veuve de Saul suivant qu'il est dit (2 Sam. \2, 8) : « Je te donnerai la
maison de ton maître et je mettrai ses femmes dans ton sein^ ».
Faut-U encore noter que ces généralisations ont une
valeur plus juridique qu'exégétique? elles tirent des
déductions d'un texte donné, elles n'aident pas à le mieux
comprendre.
Cependant les commentateurs anciens voient là une indica-
tion exégétique : ces précisions bibliques d'où l'on tire des
généralisations montrent que la Tora parle de ce qui se fait
d'ordinaire.
« Vous ne mangerez point la chair déchirée qui se trouve dans les
champs » [Ex. 22, 30). Je ne trouve que celle qui est dans les champs,
celle qui est dans les maisons, d'où? Il est enseigné en ces termes
[Léo. 17, 15) : « bête égorgée non rituellement et bête déchirée » ; il
assimile l'une à l'autre. Pour la bête égorgée non rituellement il ne
distingue pas entre la maison et les champs, de même pour la bête
déchirée il ne distingue pas entre la maison et les champs. Mais alors
pourquoi enseigne-t-il : « la chair déchirée qui se trouve dans les
champs »? l'Écriture parle suivant ce qui arrive ordinairement (ce qui
est = Adioé). Mêmes remarques sur Deut. 22, 27 ; 23, 11 ; 20, 6, introduites
par kyôsé hô^.
1. Mekhilta Ex. in loc, p. 37. La généralisation n'est-elle pas exces-
sive? Certainement les « prises » sont limitées, bien qu'il n'en soit
rien dit aux végétaux.
Nous trouvons ici un procédé analogue, sinon identique, à un
procédé que nous étudierons plus loin : général et singulier, mention
sans précision {sâtûm) et mention précise, particulière (perât).
2. Misna Sanhédrin 2, 2. Schwarz, op. cit. p. 162-170, cite treize
exemples pareils pris dans la Misna et la Tosephta, tant pour la halakha
que pour la haggada : formes élémentaires du binyan âb, qui attestent
à la fois l'ingéniosité exégétique des rabbins et leur respect pour la
Bible, dont tous les textes font loi.
3. Mekhilta in loc. p. 320, sq. Cette propriété attribuée à l'Écriture
rappelle celle que définit Ismaël et que nous avons déjà rapportée :
l'Écriture parle suivant la coutume, suivant les mœurs humaines,
kedèrèk 'ères.
Dans la dix-huitième règle d'Eliézer, le premier exemple est ce
106 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
IV. — GÉNÉRAL ET PARTICULIER.
La cinquième règle de Hillel est ainsi formulée : « général
et particulier, particulier et général » (Kelâl ûpherât, ûpherât
ûkeldl)y ce que nous pouvons entendre en deux sens : ou bien
les deux consécutions dans l'Écriture, général puis singulier,
singulier puis général ; . ou bien, diverses combinaisons
possibles entre le général et le singulier. Les règles 4-11
d'Ismaël présentent huit combinaisons possibles entre le
général et le singulier.
Avant d'exposer ces règles il convient de définir les mots
qu'elles emploient. Keldl (du verbe kàlal, à peine usité en
hébreu biblique = embrasser, compléter) désigne la totalité,
l'ensemble, le général, la somme des cas particuliers ; et aussi
la règle, le principe ^ Son sens se précise par le perdt^
auquel on l'oppose : perât (du verbe jiârat = déchirer,
arracher) désigne le particulier, le singuUer. Aurions-nous
ici l'opposition classique du général et du singulier? En
partie, mais pas toujours avec la rigueur de nos catégories
logiques ; la valeur vraie du couple nous semble exprimée par
les verbes correspondants, dont se sert le vocabulaire
rabbinique : parler en général, exprimer une idée en forme
générale ou en forme particulière^.
Nous allons passer en revue les huit combinaisons de
même texte ; la règle est ainsi formulée : d'une chose qui n'est dite
que suivant une de ses parties et qui a une extension générale ; si
c'est ainsi pourquoi est-elle dite seulement en partie? parce que
l'Ecriture parle de ce qui arrive d'ordinaire.
1. ScHWARZ étudie le sens du mot, très ancien et très usité dans la
littérature rabbinique (plus de 100 fois dans la Misna et plus de 130 fois
dans la Tosephta), dans son ouvrage : die hermeneudsche Quantitàts-
relation in der talmudischen Literatur, Wien, 1916, p. 163-180 {die
sopherische Bezeichnung des Allgemeinen und Besonderen) ; quel-
quefois il laisse entendre que kelâL désignerait le genre.
KeLâl au sens de principe dans celte sentence de R. Aqiba : « voici
le plus grand principe de la Tora : aimer le prochain comme soi même »
{Sip/ira Léc 19, 18, 89 b).
2. Le rédacteur remarque au commencement de la parasa Ex. 12, 43 :
il y a des sections où il formule le général (participe présent :,kôlél) au
commencement et le particulier à la fin, et d'autres où il formule le
particulier au commencement et le général à la fin {Mekhilta, p. 52).
GÉNÉRAL ET PARTICULIER. 107
général et particulier prévues dans les règles d'Ismaër ; sur
ces exemples nous verrons quelle valeur logique et exégé-
tique on peut attribuer à ces règles herméneutiques.
1° Kelàl ûpherât, général et singulier: il n'y a dans
le général que ce qui est dans le singulier.
« Personne d'entre vous ('îs, 'îs, deux fois répété) ne s'approchera
d'une femme sa proche parente pour découvrir sa nudité » (Lêv. 18, 6) :
général; « tu ne découvriras pas la nudité de ton père ni de ta
mère » (7) : particulier. Général et particulier, il n'y a dans le général
([ue ce qui est dans le particulier. Car on pourrait raisonner ainsi :
Puisqu'il est permis d'épouser la fille du frère de son père et que le
frère du père peut épouser la fille de celai-ci, si j'apprends que lui est
interdite la femme du frère de son père, pareillement le frère de son
père ne peut épouser la femme de celui-ci. Puisqu'on peut épouser la
femme de son beau-fils, le beau-fils peut épouser la femme de son
beau-père, mais si j'apprends que lui est interdite la fille de son beau-
fils il faut aussi que son beau-fils ne puisse épouser sa fille. Si tu parles
ainsi tu déduis par raisonnement des interdits matrimoniaux; c'est
pourquoi il est dit : «c Personne... » : général et particulier, il n'y a
dans le général que ce qui est dans le particulier 2.
Le cas est assez compliqué ; il montre que le général n'est
pas à traiter comme un principe général dont on pourrait
déduire, analytiquement ou par analogie, toutes sortes de
conclusions ; l'extension du général est limitée par toutes les
Perât indique parfois (dans l'école d'Aqîba) une exception : « la
lèpre dans la maison de la terre que vous posséderez » (Léi>. 14, 34),
sauf (cela excepté) une maison construite sur une barque ou dans une
exèdre sur quatre poutres, avec inclusion de celle qui est bâtie sur des
arbres (pilotis?) ou sur des colonnes Siphra, 73 a).
Il y aurait lieu parfois de rapprocher sâtûm (indéterminé) de kelâl ;
l'opposition entre sâtûm et mephôrâs correspond en certains cas à
celle de kelâl et de perât.
1. Schwarz assure que ces huit règles sont disposées suivant un
ordre logique. Il les divise en deux catégories : les trois premières sont
des relations quantitatives synechesischen^ qui font rentrer le particulier
dans le général (de cuvsxstv); les cinq autres sont des relations quanti-
tatives apochoristiques, qui font sortir le particulier du général (de
ànoy^optÇsiv^.
2.^ Siphra Lêv. 18, 6, 86 b. Remarquons la règle déjà mentionnée ;
on ne peut fonder sur un raisonnement une prescription légale. Il est
évident que les termes « la femme du frère de son père » et autres
pareils désignent la veuve.
108 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
précisions particulières qui suivent, elles le spécifient et
empêchent, par conséqiient, qu'on ne l'étende à tous les cas
particuliers ou à toutes les applications qu'il pourrait
admettre.
Voici un exemple plus clair :
« (Vous offrirez) une corbeille d'azymes », général, « de fleur de
farine, de gâteaux pétris dans l'huile et de galettes azymes » (N'uni.
6, 15), particulier. Général et particulier, il n'y a dans le général que
ce qui est dans le particulier. Car on pourrait raisonner ainsi : puisque
le sacrifice d'action de grâces comprend du pain et qu'au bouc du
nazir on doit joindre un pain, si j'apprends que le sacrifice d'action de
grâces comporte les quatre espèces il faut aussi que le bouc du nazir
comporte les quatre espèces; mais il est enseigné en ces termes : «une
corbeille d'azymes » général, « de farine ».... particulier; il n'y a dans
le général que ce qui est dans le parti culier"".
Nous saisissons bien ici le mécanisme de la méthode. Ce
qui est appelé général ne l'est que par une coupure arbi-
traire dans la phrase : ce n'est donc, ni une analyse logique
de la proposition, ni une opération de logique qui découvre
ce général ; et il en est ainsi de maint autre keldlj point de
départ pour un raisonnement analogue. Si la corbeille
d'azymes est le général, son extension est déterminée par
les mentions particulières qui suivent aussitôt. Il ne faut donc
pas concevoir l'opposition entre le kelâl et le perât comme
l'opposition entre nos deux catégories logiques du général
et du particulier. La relation de l'un à l'autre n'est pas une
relation logique permettant de conclure du général au par-
ticulier ou de faire une induction du particulier au général :
le rapport du général au particulier, ou plus exactement à
ses points particuliers, est exclusivement déterminée par les
termes du texte. De ce chef nous pouvons relever une grande
parenté entre cette règle et celles du ribbûi et du mVût
(inclusion et exclusion) que nous verrons plus loin : la seule
différence est que dans ces dernières l'exclusion et l'inclusion
sont déterminées par la teneur du texte sans l'intervention
d'aucun raisonnement.
1. Siphrê Num. 6, 15, ^ 34, p. 39.
GÉNÉRALE PARTICULIER. 109
Il y a lieu de rapprocher cette réaction du j^erât sur le
kelâl de la réaction du perâf sur le sâtum (indéterminé) :
« Quand des hommes se querellent » {Ex. 21, 18) : il n'est parlé que
d'hommes, les femmes d'où (lés inclure?) R. Ismaël dit : puisque
tous les dommages de la Tora sont présentés d'une manière indéter-
minée et qu'une écriture précise pour l'un d'entre eux que les femmes
sont sur le même pied que les hommes, je puis préciser aussi pour
tous les dommages mentionnés dans la Tora que les femmes sont sur
le même pied que les hommes. R. Josia dit : « un homme ou une
femme » {Num. 5, 6) : pourquoi est-ce dit? Pour mettre sur le même
pied (déclarer égaux) les femmes et les hommes en ce qui regarde les
dommages mentionnés dans la Tora^.
Le mot qui sert à préciser est pris dans un texte fort
éloigné et qui n'a pas un rapport direct avec le texte com-
menté; il est pourtant admis que ce mot suffît à déterminer
GT sens de prescriptions indéterminées [sâtûm).
3° Perât ûkelâl. Particulier et général : le général ajoute au
particulier et nous comprenons (dans lô particulier) le tout
(le contenu du général).
Un exemple suffira à illustrer cette règle et permettra de
la définir :
« Si quelqu'un donne à garder à son prochain un âne, ou un bœuf
ou une brebis » {Ex. 22, 9). Je ne trouve que «âne, bœuf et brebis»,
tous les autres animaux, d'où (les tirer)? Il est enseigné en ces termes
{ibid.) « ou toute sorte de bétail ». Je lis « toute sorte de bétail » et
pourquoi est-il enseigné en ces termes « âne, bœuf ou brebis »? Si les
derniers mots étaient seuls dits, je pourrais entendre : je ne suis pas
tenu tant qu'on ne m'a pas confié tout le bétail ; il est enseigné en ces
termes « âne, bœuf ou brebis », pour obliger à l'égard de chacun.
Pourquoi alors est-il enseigné « toute sorte de bétail »? C'est que
l'Écriture t'apprend que si un général s'ajoute à un particulier, chaque
particulier est à comprendre suivant la notion du général 2.
Tout cela est de l'exégèse : expliquer la raison d'être de la
mention générale d'animaux après l'indication de quelques
animaux particuliers. Si la règle était l'inverse de la règle
précédente on pourrait conclure que « tout bétail » comprend
1. MekhiltaEx. 21, 18, p. 269. Perât, en ce sens de préciser, parti-
culariser, est très fréquent dans les commentaires de l'école d'IsmaBl-
2. Mekhilta in loc. p. 302, sq.
ilO EXÉGÈSE RABBINIQTJE.
uniquement les trois espèces mentionnées. Un exégète moderne
l'entendrait ainsi : les trois animaux nommés d'abord le sont
comme des exemples particuliers et l'addition « tout bétail »
se rapporte à tout autre animal qui pourrait être pareillement
confié en dépôt. Nous ne voyons pas, devons-nous confesser,
le bien-fondé de l'exégèse rabbinique : on est responsable
de chaque animal en particulier : n'est-ce pas évident?
3° Kelâl ûpherât ûkelâl. Un singulier entre deux généraux :
tu dois conclure d'après le singulier.
Voici un premier exemple simple :
« Quel que soit le corps du délit », général, « bœuf, âne, brebis ou
vêtement », particulier, soit général et particulier; il n'y a dans le
général que ce qui est dans le particulier. Mais comme il dit : « sur
tout objet perdu dont on dira »... (Ex. 22, 8), de nouveau général. Ou
bien est-ce que ce nouveau général est comme le premier? tu réponds :
non, mais général, particulier et général, tu ne juges (conclus) que
suivant le particulier : de même que le particulier précise : les biens
mobiliers qui n'admettent pas de recours, de même j'étends (la pres-
cription) uniquement aux biens mobiliers qui n'admettent pas de
recours''.
Cette exégèse veut justifier une prescription légale relative
aux objets perdus, ou confiés, réclamés par deux plaignants.
Est-elle fondée elle-même exégétiquement? Il semble que la
distinction de deux affirmations générales soit presque uni-
quement verbale : « tout corps de délit » {kôl dâbâr pesa')
est lié grammaticalement à « au sujet duquel on dira » ; le
second général « ou tout objet perdu » introduit une géné-
ralisation du cas qui, en fait, s'identifie au « tout corps de
délit » : la détermination de cette espèce générale se fait
ingénieusement en réduisant au facteur commun les quatre
exemples énumérés : objets mobiliers.
Le procédé apparaît plus contestable quand le second géné-
1. Mekhilta in loc. p. 300, sq. Recours {'aliariût)^ qu'on peut exer-
cer contre l'acheteur d'un bien immeuble qui ne paye pas, mais non
contre l'acheteur de biens meubles. C'est quelque peu l'équivalent de
jios hypothèques pesant sur une propriété vendue, mais dont l'acte de
vente ne porte pas quittance.
GÉNÉRAL ET PARTICULIER. 111
rai, comme il arrive souvent, est pris dans un autre texte
que le texte commenté :
« Quant au rachat, tu le rachèteras depuis l'âge d'un mois » général,
« selon ton estimation contre cinq sicles d'argent » {Num. 18, 16), par-
ticulier : soit général et particulier, il n'y a dans le général que ce
qui est dans le particulier. « Et tout premier-né des hommes d'entre
tes fils, tu le rachèteras » [Ex. 13, 13); de nouveau général. Est-ce que
ce général est comme le premier? Tu dis : non ! mais général, parti-
culier et général, tu ne juges (ne conclus) que d'après le particulier
en ces termes : de même que le particulier précise des biens mobiliers
pour lesquels il n'y a pas de recours, de même le général ne comprend
que des biens mobiliers pour lesquels il n'y a pas de recours. D'où le
dicton : on rachète les premiers-nés des hommes avec toute valeur, sauf
avec des esclaves, des documents (lettres de change) et des terrains ^.
4° Général qui a besoin du particulier (d'être précise, parti-
cularisé) et particulier qui a besoin du général (d'être gé-
néralisé).
« Consacre-moi tout premier-né » (Ex. 13, 2). Voici une des treize
règles au moyen desquelles la Tora est interprétée : du général qui a
besoin de son particulier et du particulier qui a besoin de son général.
« Consacre- moi tout premier-né, qui ouvre le sein » général : tout aussi
bien les mâles que les femelles, suivant le sens. « Tout premier-né qui
naît » {Deut. 15, 19), particulier : sont exclues les femelles suivant le
sens (masculin). Si je ne lisais que le général et non le particulier, je
pourrais entendre : quiconque naît le premier, soit mâle, soit femelle,
est le premier-né (dont il s'agit) ; mais il est enseigné : « tout premier-
né qui naît », tout mâle et non les femelles. Si je ne lisais que le singulier
et non le général je pourrais entendre : tout mâle qui naît, qu'il ouvre
ou non le sein, est premier-né; il est enseigné « consacre-moi tout pre-
mier-né », à condition qu'il soit premier-né et qu'il ouvre le sein, pour
réaliser ce qui est dit {Ex. 34, 19) : « Tout ce qui ouvre le sein est à
moi et tout premier-né mâle de tes troupeaux »2,
Dans le texte le mécanisme du raisonnement est assez indi-
qué pour n'avoir pas besoin d'y revenir : c'est bien de l'exé-
gèse, mais certainement inutile : évidemment le texte ne
présente pas toutes les précisions qu'on lui ajoute d'ailleurs,
1. Siphré Num. 18, 16, §118, p. 138, sq. Dans Mekhilta sur Ex. 13,
13 nous retrouvons le même raisonnement avec seulement une addi-
tion : biens mobiliers qui n'admettent pas de recours et dont la subs-^
tance est mammôn (bien matériel).
2. Mekhilta in loc, p. 57.
112 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
mais tout cela n'était-il pas connu ou sous-entendu? Remar-
quons aussi que le particulier est puisé dans un texte fort
éloigné : c'est de la jurisprudence correcte, est-ce de la bonne
exégèse?
5° D'un élément qui sort (fait exception) du général pour
enseigner quelque chose : il en sort pour instruire, non à, son
sujet, mais au sujet du général tout entier.
(Cf. règle 25 d'EHézer.)
Ce procédé se présente sous deux formes un peu diiférentes.
« Tu ne te vêtiras pas » (d'un tissu mélangé de laine et de lin
{Deut. 22, 11). Il ne s'agit que de se vêtir, d'où l'interdiction de
se couvrir? Il est enseigné en ces termes {Léo. 19, 19) : « Un vête-
ment fait de deux espèces ne montera pas sur toi ». On pourrait
entendre : il est interdit de les rouler et lier sur son épaule. Il est
enseigné en ces termes « tu ne te vêtiras pas » . Être vêtu était dans
le général et en est sorti, pourquoi? Pour servir de point de com-
paraison : de même que le vêtement a la particularité de servir au
corps, de même le « ne montera pas^ ».
Le terme générique est « monter sur le corps » , l'élément
qui sort (fait exception) de ce général, mais dans un texte
tout différent et fort éloigné, est « vêtir ■» , qui détermine le
sens à donner dans le cas présent à « monter sur le corps ».
« Dieu leur dit toutes ces paroles » (£"^1:. 20, 1). Il est possible
qu'ils n'aient dit qu'à la lin (du décalogue) : nous acceptons. Il est
enseigné en ces termes « moi Yahwé » : moi est dans le général
et en est sorti pour instruire sur le général. De même que « moi »
est une parole qui est pour elle-même et que l'acceptation est pour elle)
même, chaque parole (du décalogue) fut dite pour elle-même et l'accep-
tation fut prononcée pour chacune d'elles 2.
Ici, dans le domaine de la haggada, l'exégèse est moins
rigoui'euse ; cependant il est difficile de reconnaître de l'exé-
gèse proprement dite; nous avons seulement la démonstra-
tion, par un procédé qui semble logique, d'une tradition
historique^ accréditée d'ailleurs.
1. Siphré Deut. 22, 11. § 232, 117 a.
2. Mekhilta de Siméon h, Yohai^ in loc, p. 103. Le commentaire
rappelle que chaque commaadement était ponctué du « moi Yahwé » :
d'où l'on déduit que chaque commandement du décalogue était accepté
séparément pour lui-même, non tous en bloc après la pi-omulgation.
GÉNÉRAL ET PARTICULIER. 113
6" Tout élément, qui était dans le général et qui sort du général
pour stipuler une condition de même espèce que le général,
sort pour alléger et non pour aggraver. (Règle 9 d'Ismaël).
Voici l'exemple proposé dans la baraitha d'Ismaël :
« Une chair laquelle aura sur la peau un ulcère et lorsque cet
ulcère sera guéri » (Lêv. 13, 18). Et il est écrit (ibid. 24) : « Une chair
qui aura sur la peau une blessure faite par le feu ». Est-ce que
l'ulcère et la brûlure ne sont pas dans la règle (le général) des plaies?
Sortant de la règle pour une stipulation en harmonie avec la règlcj
ils sortent pour alléger et non pour aggraver ; pour alléger, à savoir :
on ne décide pas à leur sujet suivant la « reviviscence de la chair »
{ibid. 10) et la sentence ne demande qu'une semaine.
Nous avons là tout à la fois de l'exégèse et du droit :
exégèse en ce qu'est ainsi expliqué pourquoi ces cas parti-
culiers de la législation sur la lèpre reçoivent un traitement
plus indulgent.
1° Tout élément, qui est compris dans le général et qui en sort
pour une stipulation d'un antre ordre que le général, en
sort et pour alléger et pour aggraver.
« Si le bœuf frappe un esclave ou une servante {Ex. 21, 32).
« Esclave » était compris dans la règle générale {ibid. 28) « qu'il
tue un homme ou une femme ». Or l'Écriture les fait sortir de la
règle générale pour l'alléger et pour l'aggraver. Pour alléger : si
l'un ou l'autre valait cent mines, il ne donne que trente sicles
{ftélas); pour aggraver : s'ils ne valaient qu'un denier, il donne
trente sicles ^.
La portée de la règle est fort clairement indiquée dans
cet exemple ; ici nous avons une exégèse, mais nous voudrions
une exégèse historique et morale, expliquant pourquoi le
meurtre d'un esclave par le bœuf méchant est moins grave-
ment puni que celui d'une personne libre. De ce point de vue
toutefois est bien vérifiée la condition de cette règle : l'excep-
tion prévue déroge à la loi générale,
1. Mekhiha Ex. in loc.,i^. 287. L'expression « qu'il tue » n'est pas
textuellement dans le texte, mais équivalemment.
114 EXÉGÈSE RABBINÏQUE,
8" Si un élément qui est dans la règle générale en sort (en
est excepté) pour une stipulation nouvelle, on ne peut pas
le ramener à la règle générale tant qu'une écriture ne l'y a
pas ramené expressément.
Exemple donné dans la liste d'Ismaël :
Dans une discussion sur les sacrifices notre règle est invoquée.
« Il immolera l'agneau dans le lieu où l'on immole les victimes pour
le péché et l'holocauste, à savoir dans le lieu saint » {Lév. 14, 13),
puisque, comme le sacrifice pour le péché {halo'), il est sacrifice
de réparation... Car il n'est pas dit « il est comme un sacrifice de
péché de réparation », mais « comme le sacrifice de péché » est « le
sacrifice de réparation [halat, 'asem) )>, parce qu'il est fait exception
(il sort) pour le sacrifice de réparation pour le lépreux pour une
stipulation nouvelle, à savoir que le prêtre met du sang du sacrifice
de réparation sur le pouce de la main, sur le pouce du pied et sur
le lobs de l'oreille droite {ibid. 14) : à cause de cela on pourrait croire
que ce sacrifice n'oblige pas à offrir sur l'autel le sang et les portions
à brûler (comme dans les sacrifices de réparation (Lév. 7, 2-5) ; aussi
est-il enseigné en ces termes : « comme le sacrifice pour le péché
ce sacrifice de réparation est pour le prêtre »; par là l'Écriture
le ramène clairement à sa règle générale en te disant : de même
que le sacrifice pour le péché comporte les offrandes sur l'autel,
de même ce sacrifice de réparation comporte les ofirandes sur
l'autel 1.
Dans le sacrifice du nazir le prêtre prend pour lui « l'épaule du
bélier quand elle est cuite... plus la poitrine balancée et la cuisse
prélevée ». [Num. 6, 19, 20). Pourquoi est-ce dit? Comme il dit
[Lév. 7, 34) : « Car j'ai pris (pour les prêtres) la poitrine balancée
et la cuisse prélevée », on doit entendre aussi le sacrifice pacifique
du nazir, mais l'écriture l'excepte de la règle générale dans le
prélèvement de l'épaule. Je ne trouve que le prélèvement de l'épaule ;
le prélèvement de la poitrine et de la cuisse, d'où ? Je puis raisonner
ainsi : si le sacrifice pacifique du particulier qui ne comporte pas
le prélèvement de Tépaule comporte le prélèvement de la poitrine
et de la cuisse, n'est-il pas juste que le sacrifice pacifique du nazir,
qui comporte le prélèvement de l'épaule, comporte aussi le prélève-
ment de la cuisse et de la poitrine? Si mon raisonnement vaut,
pourquoi est-il enseigné en ces termes : « il sera pour le prêtre outre
la poitrine balancée et la cuisse prélevée »? C'est que toute chose
qui est exceptée de la règle générale pour une prescription nouvelle,
1. Zebaliim 49 ab, mais allégé par la baraitha d'Ismaël de consi-
dérations formant remplissage.
GÉNÉRAL ET PARTICULIER. 115
ne peut être ramenée à la règle générale (restitutio in inlegnim
que si une écriture la ramène à sa règle générale ^ .
Ces deux exemples sont suffisamment clairs pour qui prend
la peine de se référer aux textes bibliques : dans les deux
cas nous trouvons une dérogation à une loi générale; la
dérogation serait totale si une prescription expresse ne réin-
tégrait ce cas particulier dans la loi générale.
* '^
Ces diverses règles sur les combinaisons du général et du
particulier manifestent au mieux les caractères essentiels de
l'exégèse rabbinique : connaissance approfondie des Écri-
tm'es, analyse pénétrante de leurs ressemblances et dif-
férences, prurit de tout expliquer et démontrer même si c'est
inutile.
Appendice — Transcrivons ces deux règles d'Éliézer qui
ressemblent aux règles précédentes, sans leur être iden-
tiques :
24. D'une chose qui est dans le général et qui en sort : elle en sort
pour apprendre quelque chose sur elle-même. Comment? (Jos. 2, 11)
« Josué envoya... pour voir le pays et Jéricho ». Jéricho n'est-il pas
dans le général du pays? Il en sort pour apprendre sur lui-même
qu'il est équivalent en force atout le pays... Autre exemple : 2 Sam. 2'â,
24 : serviteurs de David et Asael, égal à tous.
25. D'une chose qui est dans le général et qui en sort pour instruire
sur son compagnon (le général) Comment? {Num. 35, 31) « Vous
n'accepterez pas de rançon pour l'âme de l'homicide ». L'exécution
de l'homicide n'est- elle pas dans le général de toutes les punitions?
elle en sort pour enseigner : pour un homicide on n'accepte pas de
rançon, mais on en accepte pour une dent, un œil, une main, un pied ,
pour une blessure et toutes les autres plaies.
1. Siphré Num. 6. 20, § 37, p. 40. sq. Schwarz estime que le
raisonnement a fortiori est une interpolation; il nous semble, au
contraire, nécessaire : la restitutio in integrum, au terme de la
règle, doit être prononcée, non par un raisonnement, mais expres-
sément par une écriture. Kuhn, dans sa traduction, p. 115, ne jette
aucune suspicion sur l'authenticité de ce raisonnement par a fortiori :
il est bien dans la manière des exégètes rabbins, qui pensent pouvoir
toujours raisonner.
CHAPITRE IV
EXÉGÈSE PHILOLOGIQUE.
Il est évident que, poUr dégager la signification d'un texte,
il importe de tenir compte de tous les éléments qui le compo-
sent : établir une leçon exacte et correctement orthographiée,
connaître le sens des mots employés, remarquer les particu-
larités grammaticales et stylistiques, propres, soit à la langue,
soit à l'auteur étudié, par conséquent ici les propriétés des
écrits bibliques : c'est l'exégèse philologique, qui étudie les
diverses composantes du discours. Cette sorte d'exégèse
s'impose à quiconque veut déterminer objectivement le sens
d'un écrit. Cependant bien que sa nécessité soit primordiale,
il ne semble pas qu'elle ait été pratiquée dès l'abord, avant les
exégèses directe et dialectique : elle suppose des habitudes
plus scientifiques, moins primitives.
Cette forme d'interprétation tient une g'rande place dans les
travaux des scoliastes g-recs ; nous la trouvons aussi chez les
commentateurs rabbiniques, moins abondamment que les
autres formes d'exégèse et reléguée, semble-t-il, à un rang
subalterne.
Cette exégèse, intrinsèque au texte, dépendant de disciplines
précises, telles que la lexicographie et la grammaire, devrait,
croirait-on à première vue, être défendue contre tout
arbitraire et toute fantaisie, et ne fournir jamais qu'un sens
littéral indiscutable. Chez les rabbins elle aboutit souvent
à ce précieux résultat, malheureusement trop souvent aussi
l'ouvrier, pour fonder un argument scripturaire dont il a
besoin, abuse de cet instrument de précision; déviations
qui trouvent leur explication et leur excuse : l'exégèse n'est
pas entreprise, dans un esprit désintéressé, pour découvrir
le sens d'un texte, mais pour démontrer une thèse déjà ac-
quise ; toutes les particules des livres sacrés ayant une valeur
CRITIQUE TEXTUELLE. 117
divine peuvent être exploitées de toutes les façons en vue d'y
déceler les vérités divines qu'elles renferment.
Nous divisons ce chapitre en quatre paragraphes, suivant
les divers secours que peuvent apporter à l'intelligence du
texte : l'étude du texte en lui-même (1), les considérations
lexicog-raphiques (2), grammaticales (3) et stylistiques; à ces
dernières se joignent les remarques sur les particularités du
langage biblique (4). Nous ne nous dissimulons pas que cette
division n'est pas absolument adéquate : certaines remarques
de lexicographie et de style pourraient être rangées dans les
propriétés de la littérature biblique et réciproquement. Par
ailleurs, tel procédé herméneutique, que nous faisons rentrer
dans la stylistique, pourrait trouver sa place dans l'exégèse
dialectique.
I. ÉTUDE DU TEXTE EN LUI-MÊME.
1° Critique textuelle
On sait tous les travaux des Massorètes pour assurer la
transmission exacte des livres sacrés, défendre la lettre contre
toute altération; ils continuaient une tradition qui remonte
probablement aux anciens scribes ; nous trouvons déjà dans
les écrits tannaïtes des remarques sur le texte biblique qui
préludent aux statistiques des Massorètes : nombre de lettres
et de mots, étendue des diverses sections, forme singulière de
certaines lettres \..
Il n'est donc pas étonnant que dans leurs exégèses les doc-
teurs anciens aient donné une attention particulière à l'état
du texte qu'ils voulaient expliquer.
Dans les commentaires tannaïtes nous trouvons déjà des
1. Voir Blau, Masoretische Untersuchungen.
L. Blau, Zur Einleitung in die Heilige Schrift, 1894.
C. RoTHMUELLER, Masorstlche Eigentûmlichkeiten der Schrift, ihre
Bedeutung und Behandlung im talmudischen Schriftum, Zagreb, 1927.
L. DôBSCHUETZ, op. cit. p. 36, sq.
H. L. Strack, Prolegomena critica in Vêtus Testamentum. hebraicum,
Lipsiae, 1973, p. 66-94
Bernhard Kœnigsberg, Aus Masorah und Talmudkritik, Berlin,
1892.
118 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
remarques de critique textuelle, la mention de variantes .
Il se trouvait trois volumes (du Pentateuque) dans la cour (du
Temple) : celui de me'ônîm, celui de hf hV et celui qui était appelé
volume ze'atûUm. Dans l'un (des trois) était écrit {Deut. 33, 27) : m' on
qdm et dans les deux autres : m'ona elhi qdm] les sages annulèrent
(la leçon du premier) pour garder celle des autres. Dans l'un était écrit
{Ex. 24, 5) : il envoya les ze'atutey, fils d'Israël, et dans les deux autres
ils trouvèrent écrit : il envoya les jeunes gens fils d'Israël ; ils gar-
dèrent la leçon des deux volumes et annulèrent celle du premier; dans
un ils trouvèrent écrit onze fois hû" et dans lès deux autres onze
fois hV; ils annulèrent les deux derniers pour ne garder que le
premier ^.
La mention de la variante écartée précise la valeur à
donner au texte de Beut. 33, 27 : Dieu refuge pour ses fidèles-
On oppose plusieurs fois à la leçon reçue la leçon que por-
tait le Pentateuque de R. Meïr. Il est généralement admis ù,
présent que ce n'étaient pas là de véritables variantes, mais
seulement des développements liaggadiques, fondés sur des
modifications orthographiques, procédé cher aux rabbins :
ces indications, ou bien auraient été inscrites dans la marge
de la Bible appartenant au célèbre docteur, ou bien auraient
été retenues par ses élèves^.
1. Sifré. Deut. 33, 27, § 355, 148 b. Ce texte ne contient que la
première mention. Le reste vient du traité Sopherin, 6, 4 (édition
Mûller, Leipzig, 1878, p. XII et 90-98) et du talmud palestinien, Ta'aniot,
4,2, 68 a (dans ce dernier nous lisons : dans un neuf //£' et dans les deux
autres onze M).
L. Blau, Zum althebràhisclien Buchivesen, p. 101. sqq. assure que
ces mentions reposent sur une confusion; le premier manuscrit est
désigné, non pas d'après la variante qu'il soutient, mais d'après le
lieu où on le conservait : Bet Maon, auprès de Tibériade ; R. José parle
de ce manuscrit {Abot d. R. Nathan, édit. Schechter, cap. 46 fin).
Pour ce qui regarde la seconde leçon notons ces trois faits : Me-
gilla 9 a donne zà'tutei comme la leçon des LXX, pour Ex. 24. 5 (au
lieu de na'arei) et 11 (au lieu de 'asilei); Sopherim. 1, 9, qui transcrit
le texte de Megilla ne rapporte la variante que pour 24, 11 ; VAruc/i
de Nathan b. Yehiel donne aussi la variante mais pour le Targum
Yerusalmi (24, 11), variante disparue de notre texte, note Kohut, III,
p. 309, mais qu'on peut voir encore dans la Massore du Targum; le
mot se retrouve dans le Targum du Cant. 6, 5.
Ces faits indiquent que les mentions de ces trois manuscrits, ou tout
au moins des variantes, reposent sur un fonds historique séi'ieux.
2. Haggada : certainement lire : il les revêtit de tuniques de lumière
CRITIQUE TEXTUELLE. 119
Les rabbins cultivés avaient aussi à leur disposition la tra-
duction grecque des LXX ; en plusieurs endroits sont notées
quelques-unes des variantes qu'elle présente ; le commentaire
ancien de l'Exode adopte une de ces leçons :
Et le séjour que les Israélites firent dans la terre d'Egypte, (et dans
la terre deChanaan et dans la terre de Goshen) dura 435 ans. Et voilà
une des leçons que (les interprètes grecs) écrivirent pour Ptolémée le
roi. Et pareillement ils écrivirent pour lui : « Dieu créa au commen-
cement.. J )).
Il est une série de corrections textuelles que les anciens rab-
bins acceptent et utilisent : ce qu'on appellera plus tard les
tiqqûné sôpherim (corrections, ou amendements, des Scribes) ;
ces modifications tendent à atténuer ou à supprimer le
caractère anthropomorphique de certaines expressions. Voici
l'énumération de ces corrections d'après un midrach tannaïte :
A propos des ennemis de Dieu, on cite le texte de Zacharie (2, 12) :
« Car qui vous touche touche à la prunelle de mon œil ». R, Juda (ben
liai) dit : il ne dit pas : « à la prunelle de l'œil », mais il est écrit « à
la prunelle de son œil » pour ainsi dire, à l'adresse (cela concerne) du
Très-Haut; mais l'Écriture emploie une expression voilée {kinnâ).
Pareillement {Mal. l, 13) : « Et vous dites ; quel ennui ! et vous le (me)
méprisez! » C'est que l'Écriture emploie une expression voilée. Pareil-
lement (1 Sam. 3, 13) : « A cause de la faute dont il avait connais-
sance qu'ils outrageaient eux-mêmes (Dieu, leçon des LXX) » : Mais
l'Écriture... Pareillement (Job, 7, 20) : « Pourquoi me prendre pour cible
et me rendre à charge à moi-même (à toi-même, LXX )? » Mais l'Écri-
ture... Pareillement {Ifab. 1, 12) : «N'es-tu pas dès le commencement
Yahwé, le Dieu de ma sainteté ? Nous ne mourrons pas (tu ne mourras
pas) ». L'Écriture... Pareillement (/er. 2, 11) : « Une nation change-t-elle
de Dieu (et ce ne sont pas de (vrais) dieux) ? et mon peuple peut-il
changer sa (ma) gloire? » L'Écriture... Pareillement (Ps. 106, 20) :
« Et ils ont changé leur (sa gloire, LXX d'après A) en la ressemblance
{■ôr')et non de peau {'or) {Gen. 3, 21); ou bien: tôb mût (la mort est
bonne) au lieu de tôb me^od (était excellent) {Gen. 1, 31).
Ces variantes ont été rapprochées de celles que contenait un manus-
crit ancien conservé à Rome dans la Synagogue de Severus [Ency-
clopaedia judaica, IV, c. 515, sq. qui transcrit toutes ces variantes).
Sur la nature exacte de ces variantes, voir Bereschit rabba, édition
Theodor-Albeck, p. 70, 196, 1181; Bâcher, die Agada der Tannaiten,
11, p. 10, 37
1. Mekliilta Ex. 12, 40, p. 50. Listes plus complètes des variantes des
LXX dans : Megilia 9 a; Pal. Megilla, 1, 11 (71 d); Sôpherim, 1, 9 :
au total quinze variantes.
120 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
d'un bœuf. » L'Écriture... Pareillement {Num. W, 15) ; « Et que je ne
voie pas mon malheur (ton mal; ou : leur mal) ». L'Écriture... Pareil-
lement (2 Sam. 20, 1) : « Nous n'avons pas de part avec David; chacun
à sa tente (son Dieu), Israélites! » L'Écriture... Pareillement (£'2;. 8, 17) :
« Et voici qu'ils portent le rameau à leur (mon) nez! » L'Écriture...
Pareillement {Num. 12, 12) : « Qu'elle ne soit pas comme le mort-né ,
sortant du sein de sa mère! » Il aurait dû dire : « du sein de notre
mère », mais l'Écriture emploie une expression voilée '.
Ces données traditionnelles sur la teneur primitive des
textes aidaient singulièrement à déterminer leur sens véritable.
2° Corrections textuelles à fin doctrinale ou exégétique.
Dans les annotations de la Massore les combinaisons du
Qeré et du Ketib tiennent une grande place : texte à lire
autrement qu'il n'est écrit, texte lu et pas écrit ou inverse-
ment. Ce genre de remarques textuelles commence à appa-
raître dans la littérature talmudique, assez peu cependant
dans les temps les plus anciens; même lorsque les exégèses
pratiquées supposent une lecture différente de la lecture
usuelle, ce n'est pas toujours dit explicitement^.
Dans la littérature talmudique ces suggestions textuelles
sont ordinairement introduites par l'expression 'al tiqrâ
[tiqre]... èllâ (ne lis pas (ceci) mais...). Si le commentateur
ose cette suggestion, ce n'est pas qu'il dispose d'un appareil
critique contenant des variantes, mais uniquement parce
qu'il croit que la leçon qu'il propose convient mieux, soit au
contexte biblique, soit surtout à l'enseignement qu'il en veut
dégager. Dans l'ensemble de la littérature talmudique on
compte environ deux cents de ces suggestions, certaines pro-
1. Mekhilta Ex. 15, 7, p. 135; abrégé dans Siphrê Num. 10, 35. § 84,
p. 81, sq. Tanhuma besallah, 16 ajoute cinq autres exemples. Dans
Semot rabba (13, 2 sur 10, 1) R. José cite la leçon de Zac. 2, 12 et la
nomme tiqqûn sôpherim. Voir aussi Genèse rabba 41, 7, sur 18, 22,
p. 505 (même désignation dans la bouche de R. Simon). La Massore
compte 18 de ces corrections des Scribes.
Sur le piel kînnâ et son sens technique, voir : Bâcher, Termino-
logie, I, 83, sq.
Voir : Bâcher, die Agada der Tannaiten, II, p. 205.
Strack, op. cit., p. 86, sqq.
Blau, op. cit., p. 49-52. *
2. Voir Strack, op. cit. p. 80-86 : Blau, op. cit., p, 52-54.
CRITIQUE TEXTUELLE. 121
posées plusieurs fois en divers endroits ^ Un rapide coup
d'œil sur cette liste montre que le procédé, relativement
peu usité à l'âge tannaïte, rencontra dans les temps suivants
une faveur considérable.
Nous donnons quelques exemples, de ces suggestions
textuelles^ en commençant par celles qui modifient très peu
la lettre reçue.
Certaines expressions, avec une vocalisation identique, peu-
vent supporter deux sens :
Les espions envoyés par Moïse disaient (Num. 13, 31) : « Nous ne pour
rons monter contre ce peuple parce qu'il est plus fort que nous {mim'
mènnû) ». R. Siméon b. Laqis estimait qu'ils entendaient le mimmênnû
du Très-Haut, disant : pour ainsi dire, il ne peut prévaloir contre eux-.
La vocalisation du texte biblique était traditionnellement
fixée en grande partie dès le i^^' siècle^, cependant les rabbins
proposent, en vue de l'interprétation préférée, des lectures
nouvelles.
En hébreu les mêmes consonnes peuvent supporter des
sens différents, suivant qu'on les prononce de telle ou telle
façon, en supposant une vocalisation différente ou des redou-
blements de consonne.
« Vous prendrez des branches de palmier » {Lév. 23, 40). R. Tarphon
disait : kâphût (lié, au lieu de Kappôt, branches) et s'il (le rameau)
est divisé, tu dois le lier''*.
1. Nous nous fondons sur le tableau donné dans V Encyclopaedia
judaica, II, c. 77-86, tableau tiré du livre de A. Rosenzweig, Die Al-tikre
Deutungen, ein Beitrag zur Talmudischen Schriftdeutung, Breslau, 1911.
2. Mimmênnû peut en effet signifier : « plus que lui » ou « plus que
nous » : Pal. Ta^aniot, 4, 8, 68 d. Dans le passage parallèle Sota 35 a,
R. Hanina b. Papa interprète : ne lis pas : plus que nous, mais plus
que lui : pour ainsi dire le maître de la maison ne peut pas en chasser
ses instruments. Item Arakinlh ^.
Autre jeu de mots sur mimmênnû : « Lorsque vous recevrez la
dîme, vous en (mimmênnû) prélèverez » {Num. 18, 26, Siphré, § 120,
p. 147). D'une espèce {min] sur la même espèce {mînô) et non d'une
espèce sur une autre. Interprétation qui corrobore un principe cou-
rant dans la législation rabbinique.
3. G. ROSENBLATT, op. cit. p. 6.
4. Siphra Lêv. 23, 40, 102 d. Même exégèse attribuée à Tarphon par
R. Juda dans une baraitha de Sukka 32 a (suivent des discussions
d'amoras sur l'état des branches).
122 EXÉGÈSE RABBINIQCE.
« Vous observerez les azymes » (Ex. 12, 17)... R. Yoshia disait : ne
lis pas ainsi mais « vous observerez les commandements » (misivôl au
lieu de massôt) : de même que vous ne laissez pas devenir sûrs les
azymes, de même vous ne laisserez pas devenir sûrs les commande-
ments, mais si un commandement vient à ta portée accomplis-le aus-
sitôt ^.
Cette méthode est très propre à déduire des enseignemeiits
haggadiques ; les rabbins s'en servent aussi pour fonder des
opinions juridiques.
Ce jour-là R. Aquiba expliquait (Lév. Il, 33) : « S'il tombe (quelque
objet impur) au milieu d'un vase d'argile, tout ce qui est à l'intérieur
de celui-ci sera impur ». 11 ne dit pas « impur », mais « rendra impur »
(yatemi^j au lieu de la leçon biblique, itemcC), de manière à rendre
impures les autres choses 2...
« Si elle (la fille vendue pour être servante) déplaît à son maître . . .
il ne pourra pas la vendre à des étrangers après lui avoir été infidèle
(beèogedô-bâ) » (Ex. 21, 8). Après d'autres exégèses fondées sur la lettre,
R. Aqibadit : « bebigedô bû », après qu'il a étendu son habit sur elle 2.
Les Massorètes étaient attentifs à noter les cas dans les-
quels la voyelle ô était écrite defective; les rabbins fondent
des exégèses, soit balakhiques, soit haggadiques, sur ces
écritures pleines ou défectives; l'usage semble postérieur à
l'âge tannaïte : aucune de ces interprétations n'est attribuée
à un tanna même si elle prétend justifier des opinions an-
ciennes, des écoles d'Hillel ou de Shammai, ou bien d'Aqiba
et autres*.
1. Mekhïlta in Zoc. p. 33.
2. Sota 5, 2 et Siphra Lév. 11, 33, 54 b.
3. Mekhilta in loc. p. 257, sq. Qiddusin, 18 ab rapporte l'interpréta-
tion d'Aqiba et l'autre, fondée sur la lettre, et ajoute : R. Eleazar (qui
soutient l'opinion commune) pense que sa lecture se fonde sur une
tradition ('é/re lammasorèt) et R. Aqiba pense que sa lecture se
fonde sur l'Ecriture Cém lammiqrâ'). La leçon soutenue par R. Aqiba
(bebigedô) est celle qui a été adoptée par les Massorètes.
Le Targum d'Onqelos et le Yeruâalmi I donnent une interprétation
conforme, à celle d'Aqiba : parce que son maître a marqué son pou-
voir sur elle.
On peut voir dans Siphra 92 b sur Lév. 20, 13 une exégèse d'Aqiba,
lisant au lieu de iskâb le hiphil yaskîb.
4. Voir dans Strack op. cit. p. 71, sq. plusieurs de ces exemples,
mais tous provenant d'amoras ou non datés. Sanhédrin 3 b et 4 ab
CAITIQUË TEXtXJBLLÈ. 123
Modification textuelle légère celle qui lit une sifflante à la
place de la chuintante et réciproquement :
« Vous offrirez deux agneaux d'un an » [Num. 28 3). L'école de
Shammai dit : kebâsim, agneaux, parce qu'ils foulent aux pieds {khê) les
péchés d'Israël suivant qu'il est dit {Michée 7, 19) : « Il aura encore
pitié de nous et il foulera aux pieds nos péchés »• Et l'école de Hillel
disait : tout ce qui est foulé aux pieds finit par remonter. Mais kebàsim
(comme dans le texte massorétique), parce qu'ils blanchissent les
péchés d'Israël et le rendent pareil à un nourrisson d'un an qui est
pur de tout péché'.
Les interprètes rabbiniques se permettent aussi ces conjec-
tures textuelles, auxquelles se complaisent les critiques
modernes : une coupe différente, soit relativement à deux
mots qui se suivent, soit pour un seul divisé en deux :
« L'épée ravira... l'enfant à la mamelle comme le vieillard » Cis
sébâ) {Deut. 32, 25). Ne lis pas Hs sébâ, mais Hs yesibâ, : cela nous
apprend qu'ils étaient tous aptes à s'asseoir dans la yesibà (école rab-
binique)2.
R. Aqiba représente les nations disant à Israël : quel est ton bien-
aimé, pour que vous mouriez pour lui et vous laissiez égorger pour
lui suivant qu'il est dit {Cant. 1, 3) : « C'est pourquoi les jeunes filles
t'aiment » ; elles t'aiment jusqu'à la mort ( 'alâmôt donne 'al mût ou
'ad mût) 2
« Les Israélites traversèrent la mer à pied sec » {Ex. 14, 22). R. Meïr
contient plusieurs de ces interprétations halakhiques. Sukkôt est
écrit plene dans Lép. 23, 34 et deux fois defective 23, 42; les rabbins
prennent la leçon reçue et en déduisent que la Sukka doit avoir deux
parois complètes, la troisième pouvant ne s'élever que d'une palme;
Siméon lit les trois fois plene et en déduit la nécessité de trois parois
complètes... (cf. Sukka 6 b). Pareille argumentation pour les asper-
sions de sang d'après les écritures pleines ou défectives de Qarnôt
dans Zéf. 4, 7, 18, 25, 30, 34.
On remarque que tôledôt est écrit partout défectivement sauf Gen.
2, 4 et Ruth 4, 18 (générations de Pères) : depuis le péché tout est
réduit, mais le fils de Pères rendra les biens enlevés : Gen. rabba
sur 4, 8, p. 101, sqq. Ruth rabba inloc... etc.
1. Pesiqta d. R. Kahana, chap. 6, 61 b. Noter qu'ici encore R.
Aqiba se fonde sur la lecture exacte du texte. Dans le Siphré
nous ne trouvons pas cette exégèse : serait-elle postérieure?
2. Siphré in toc. \ 321, 138 a.
3. Mekhilta sur 15, 2, 127. 'alâmôt du Ps. 46 a souvent donné lieu
à des exégèses accommodatices semblables : on l'entend au sens
de choses cachées ou de siècles (des bons et des méchants) : commen-
taire des Ps. soher tob, in loc. édit. Buber, p. 271, sq.
124 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
disait : quand les tribus se tenaient devant la mer chacune disait :
moi Je descendrai la première dans la mer. Pendant qu'elles étaient
en train de se disputer, la tribu de Benjamin sauta et descendit la
première dans la mer, suivant qu'il est dit (Ps. 68, 28) : « Là était
Benjamin le plus petit d'entre eux et les dominant {rôdèm); voici les
princes de Jula les lapidant... » Ne lis pas : rôdèm mais râd yâm.
Les princes de Juda se mirent à les lapider avec des pierres suivant
qu'il est dit : « Les princes de Juda les lapidaient » '.
Modification encore assez légère celle qui consiste à pratiquer
une métathèse, à permuter une consonne avec une autre
dans le corps d'un mot :
« Et il les (les cailles) étendirent pour eux tout autour du camp »
{Num. 11; 32) R. Juda dit : ne lis pas wayystehû mais wayysJietû (ils
sacrifièrent), cela nous enseigne qu'ils étaient obligés à les immoler
rituellement. Rabbi dit : ce n'est pas nécessaire (de faire cette correc-
tion) car déjà il est dit (Ps. 78, 27) : « Il fit pleuvoir sur eux la viande
comme poussière, et les oiseaux ailés comme le sable de la mer » :
cela nous apprend qu'ils étaient obligés à l'immolation (probablement
parce que l'expression désigne des oiseaux propres à l'immolation).
Mais pourquoi est-il enseigné en ces termes wayyshetu lahèm Mlôahl
Cela nous apprend qu'ils faisaient des tas autour du camp 2.
Métathèses encore plus considérables : suggérer que telle
particule doit passer d'un mot au mot voisin, supportant
ainsi un sens meilleur :
Les rabbins ont enseigné {Lév . 4, 5) : « Le grand prêtre oint prendra
du sang du taureau »... {Middam Happâr) : (lire) dâm méhappâr, il
recevra le sang du taureau; car si tu objectes ; il faut lire middam
happâr, comme il est écrit, du sang du taureau, même seulement une
partie, voici que Rab assure : celui qui immole doit recevoir tout le
sang du taureau suivant qu'il est dit [ibid. 7) : « il versera tout le sang
du taureau ». Si on adopte la leçon proposée, on peut objecter le
1. Mekhilta in loc. p. 104. Pour la seconde interprétation il lit, non
pas riginâtâm (leur troupe), mais regâmûm (ils les ont lapidés).
Meïr était célèbre pour ces modifications textuelles dont il appuyait
ses exégèses haggadiques : Bâcher, Agada der Tannaiten, II
p. 22, 37, sq., 50.
2. Siphré in loc. % 98, p. 97. Il est curieux de voir dans le même
contexte utilisées à la fois la leçon traditionnelle et la leçon conjecturale.
Il est intéressant de voir les LXX mélanger les deux leçons, tout en se
permettant une explication conjecturale : et ils en égorgèrent (métathèse)
s'en faisant des tas pour les faire sécher autour du camp : -/.al 'éaçaÇav
iautoïç (]'UYf/.ouç -/.\5xXw t% napsjJiSoX^î.
CRITIQUE TEXTUELLE. 125
principe ; les rabbias enlèvent et ajoutent au texte afin de pouvoir
l'expliquer*.
Dans une discussion sur le point de savoir si la femme peut
hériter de son mari, les rabbins amoras utilisent le texte
Num. 27, 11 :
Abbaie lit : « vous donnerez sa portion à qui lui est le plus proche,
à sa femme, et il la fera héritière ». Rabba lui reproche d'être un
couteau acéré qui divise les écritures à son gré et il propose, lui, une
lecture modifiant totalement le texte ; « vous lui donnerez la portion
de sa chair (sa femme) ». Il a estimé qu'on peut ajouter et retrancher
afin d'interpréter 2.
Les rabbins sentaient parfois, comme l'indiquent les deux
remarques précédentes, que ce découpage des mots est
contraire au sens obvie, vrai; voici une autre expression de
ce sentiment : •
« Moïse avait dit : je suis un étranger sur une terre étrangère »
{Ex. 18, 3). R. Josué disait : c'était pour lui, évidemment (réellement)
\oaddâ'i, une terre étrangère. R. Eléazar de Modin disait : dans une
terre étrangère nokhriâ soit nôkhér Yâ (étrangère à Dieu) : car Moïse
disait : puisque le monde tout entier pratique l'idolâtrie je sers celui
qui a dit et le monde fut... 3.
Nous avons déjà rencontré des lectures suggérées qui
changent l'état matériel du texte. Voici des suggestions encore
plus hardies, comportant des changements délibérés dans les
consonnes. Les Massorètes notent plusieurs fois que la néga-
tion lé' a été remplacée, pour un meilleur sens, par la préposi-
tion L avec le suffixe pronominal : là. Les rabbins ont parfois
tiré parti pour leurs exégèses de ces suggestions ; en voici
un exemple haggadique important :
Le même jour R. Josué b. Horqanos prêchait : ce n'est que par
amour que Job servait le Saint, béni soit-il, suivant qu'il est dit (Job .
1. Zebahim 25 a. Bien que ce texte soit surtout amora, il semble
reposer sur une tradition exégétique plus ancienne.
Le principe, qui stigmatise l'arbitraire exégétique, est répété
plusieurs fois; voir Bâcher, Terminologie, II, p. 35, 112.
2. Baba hatra 111 b.
3. Mekhilta Ex. in loc. p. 191. Dans la Mekhilta de Siméon b. Yohai
voici comment est rapportée l'opinion de R. Eléazar : terre étrangère
parce que le monde pratique l'idolâtrie et moi je sers celui qui a dit
et le monde fut. (p. 86).
126 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
13, 15) : « Même s'il me tuait j'espérerais en lui ». Il est encore indé-
terminé si (il faut entendre) « j'espère en lui », ou « je n'espère pas en
lui ». Il est enseigné en ces termes {Job, 27, 5) ; « Jusqu'à mon dernier
soupir je conserverai mon innocence » : c'est bien par amour qu'il a
agi.
(La gemara commente ainsi). Il faut voir si ce lo est écrit par lamed
waw ou par lamed aleph : lô" ou lô. Mais est-ce que toutes les fois que
c'est écrit par lamed aleph on doit entendre la négation ? Juge d'après
ce texte où il est écrit par lamed aleph (et entendu comme pronom)
(/s. 63, 9) : « Dans toutes leurs angoisses il (Dieu) a été en angoisse » :
ici également il faut entendre lô' de la même façon. Si tu objectes qu'il
en est autrement, voici qu'il est écrit {ibid.) : « et l'ange de sa face les
a sauvés ». C'est la même signification ici et là^.
Les rabbins utilisent les leçons qeri adoptées plus tard
par la mp^ssore et déjà proposées; un exemple :
Les rabbins enseignent {Lév. 23, 13) : « son offrande sera de deux
dixièmes ». Cela enseigne qu'on doit doubler Toffrande accompagnant
l'agneau à immoler avec la gerbe. On pourrait croire aussi que le vin
à offrir serait doublé, mais il est enseigné : « et vous offrirez comme
libation devin un quart de hin... » R. Eléazar dit : il est écrit weniskâ
et nous lisons weniskû: comment l'expliquer? La libation de l'offrande
est comme la libation de vin : l'an et l'autre sont d'un quart 2.
Le plus souvent c'est de leur cru, sans l'appui d'aucune
tradition, que les rabbins exégètes se permettent de modifier
une ou plusieurs lettres ; ordinairement en vue d'une inter-
prétation hag-gadique. Deux exemples :
« Vous avez servi des dieux que ne connaissaient pas (se'ârûm) vos
pères » {^Deut. 32, 17) : parce que les cheveux de vos pères ne se
dressaient pas devant eux. Autre explication : ne lis pas « lô''se'ârûm »
mais « Zo"" sa'ûm » : bien qu'ils leur aient offert des sacrifices et de
l'encens, ils n'avaient pas pour eux de la crainte (religion) et c'est ce
qu'il dit {Gen. 4, 4) : « Dieu ne faisait pas attention {sâ'â) à Caïn ni
à son offrande '^.
R. Siméon b. Laqis disait ; quiconque répond amen de toutes ses
forces, on lui ouvre les portes du Gan Eden, suivant qu'il est dit
1. Sota 5, 5 et 31 a. Pour Job 13, 15 le qeri, les LXX, Aquiba, le
syriaque, la vulgate et le targum ont lu : lô (en lui).
Pour Isaïe le qeri et de nombreux manuscrits hébreux ont lô. La
discussion enregistrée dans la gemara montre que cette lecture
soulevait quelque contestation.
2. Menahoth 89 b. Le qeri est, en effet, niskû.
3. Siphré in loc. % 318, 136 b. Cf. Aicher, op. cit., p. 100.
CRITIQUE TEXTUELLE. 127
(Is. 26,2) : « Ouvrez les portes et qu'entre une nation juste, demeurant
fidèle » ; ne lis pas « sômêr 'emûnîm » mais « sè'ômerîm 'amén » (qui
disent amen)^.
Ces libertés pouvaient aller fort loin, et même jusqu'à recom-
poser tout un texte :
R. Josué b. Qorha disait {Eecl. 1, 4) : « Une génération va et une
autre génération vient mais la terre subsiste à jamais ». Ne lis pas
ainsi, mais : « Une terre va et une autre terre vient, mais une généra-
tion subsiste à jamais ». Et puisqu'ils ont modifié leurs œuvres, le Saint_,
béni soit-il, a m^odifié à leur profit l'œuvre de la création et c'est ce
qu'il dit {Os. 2, 1) : « Les enfants d'Israël deviendront nombreux
comme le sable qui est sur le bord de la mer, qui ne peut se mesurer
ni se compter » 2.
Plus discrets, certains exégètes.se contentaient de noter
que le sens exigerait une autre teneur du texte :
« On prendra pour l'impur de la poussière de la victime consumée en
sacrifice » [Num. 19, 17). Est-ce de la poussière Caphâr), ne faudrait-il
pas (lire) : ''èphèr, cendre? Pourquoi l'Écriture a-t-elle changé sa teneur?
Parce qu'elle assimile le cas présent à un autre (5, 17) : de même que la
cendre dont il est parlé là doit être mise sur l'eau, de même la cendre
dont il est parlé ici... 2.
Ailleurs le commentateur est embarrassé par une précision
temporelle que la forme négative absolue de la phrase rend
inutile.
« Et vous n'en laisserez rien jusqu'au matin » {Ex. 12, 10).... Je
lirais : « ce qui en restera vous le brûlerez au feu » . Pourquoi est-il
dit « ce qui en restera jusqu'au matin » ? C'est que l'Écriture veut fixer
un terme au matin du matin (au vrai matin).
Autre explication : pourquoi est-il enseigné en ces termes : « jusqu'au
matin » ? Cela nous apprend qu'il n'est brûlé qu'au matin du seize
nisan (le lendemain). R. Ismaël dit : ce n'est pas nécessaire (de
préciser ainsi); il dit {ibid. 16) : « on ne fera aucun travail en ces
jours », or, la combustion est une espèce de travail... Cela voudrait
alors dire que si le seize est un sabbat on différera la combustion au
dix-sept....^,
1. Sabbat 119 b. Nous nous excusons de citer une sentence amora :
la modification textuelle était trop jolie.
2. Siphrê,^ Dt. 11, 21, § 47, 83 b.
3. Siphré in loc, §128, p. 165. Dans le commentaire de l'autre passage
(1 10, p. 16), on observe que la poussière dont il est question ici est
appelée 'aphâr comme pour la cendre de la victime consumée.
4. Mekliilta in loc. p. 21. sq.
128 EXÉGÈSE BABBINIQUE.
Les rabbins sentaient combien ces libertés dans la lecture
de l'Écriture étaient préjudiciables; aussi recouraient-ils,
soit pour défendre leur propre lecture, soit pour rejeter celle
des adversaires, à la remarque : « cette lecture est fondée »,
formule qui remonte à l'âge tannaïte :
« Si elle enfante une fille elle restera deux semaines (sebu'aim) dans
son impureté » {Lêv. 12, 5). Ses disciples interrogèrent R. Judab. Ro'es :
nous l'entendons ainsi : il est possible que cela signifie : elle restera
impure pendant soixante-dix {sibeHm) jours. Il leur répondit : pour
les garçons comme pour les filles nous trouvons des prescriptions pour
l'impureté et pour la purification : de même que la purification pour
l'enfantement d'une fille exige un terme double du terme prescrit pour
les garçons, de même pour l'impureté. Quand ils eurent pris congé, il
sortit, les rappela en leur disant : je n'avais pas besoin d'insister (par
un raisonnement) auprès de vous, car il y a im fondement à la lecture
(que je suis)''....
3° Ponctuation et division du texte.
Les manuscrits anciens ne portent aucune ponctuation :
d'où difficulté parfois de marquer la division des sections
et des phrases, de savoir à quel verbe rapporter un mot;
les rabbins avaient noté les hésitations que commandent cer-
tains passages :
Issi b. Juda disait : il y a cinq mots que la Tora laisse dans l'indé-
termination {16'' hèkréa'); se'^ét dans Gen. 4, 7: «Si tu fais le bien
ne seras-tu pas agréé? » ou bien : « tu es agréé même si tu ne fais pas
le bien ». 'arùr dans Gen. 49, 7 : « Maudite leur colère parce que vio-
lente » ou bien (6) : « Parce que dans leur colère ils ont égorgé des
hommes et dans leur emportement ils ont coupé les jarrets des tau-
reaux, maudite leur colère ». Mâhâr dans Èx. 17, 9 : « Demain je me
1. Siphra in loc, 58 d. L'histoire est rapportée Sanh. 4 a : « vous
n'avez pas besoin d'insister : la lecture sebu'aim est fondée ». Ibid.,
4ab on répète le principe à un objectant disant qu'on pouvait entendre
Ex. 23, 19, « tu ne feras pas cuire un chevreau dans la graisse de sa
mère (behèléb) » :1a leçon reçue behâlâb est fondée.
La formule est yès-''ém lammiqrâ'' : « il y a une mère à la lecture »
(Ecriture) : la lecture de l'Écriture est aussi attestée que la maternité
d'un enfant. Ainsi est expliquée Texpression par Bâcher, Termino-
logie, p. 120. Il croit que l'autre formule déjà rencontrée {yès-''ém
lammasôrèth, « il y a un fondement traditionnel à cette orthographe »)
ne remonte pas à l'âge tannaïte.
CRITIQUE TEXTUELLE. 129
tiendrai sur le sommet de la colline », ou bien : « Va demain com-
battre Amaleq ». Mesuqqàdîm dans Ex. 25, 34 : « Des fleurs d'amandier
avec leurs boutons et leurs fleurs » , ou bien : « A la tige du chandelier
quatre calices en forme de fleurs d'amandier ». Dans Deut. 31, 16 :
« Et ce peuple se lèvera et se prostituera », ou bien : « Voici que tu vas
te coucher avec tes pères et restant debout » ^ .
Le texte massorétique marque certains mots (10 dans le
Pentateuque) d'un ou de plusieurs points; certaines de ces
indications remontent à l'âge talmudique, quelques-unes
même au temps des tannas. Bien entendu ces docteurs
tiennent compte de ces signes dans leurs commentaires. Le
plus souvent les points suggèrent que le texte requiert un
autre sens que celui de la lettre.
En matière halakhique :
« Si quelqu'un (pour la Pâque) se trouve en chemin au loin » [Num.
9, 10). Un point sur le hà (de rehôqhû) : même si dans son voyage il
est proche, mais se trouve impur, il ne fera pas la Pâque avec eux.
Puis on mentionne les passages avec points et l'interprétation spéciale
qu'ils comportent : Gen. 16, 4; 18, 9; 19, 33; 33, 4; 36, 12; Num. 21,
30; 29, 16; Deut. 29, 282.
Nous pensons que c'est seulement plus tard que R. Siméon
b. Eléazar a formulé la règle :
Partout où tu trouves des lettres (non munies de points) plus nom-
breuses que les lettres pointées tu interprètes d'après ces lettres ; si
les lettres pointées l'emportent sur les autres tu interprètes d'après les
lettres pointées 2.
Le principe parait artificiel; il conduit à des exégèses fort
sujettes à caution. Pour Gen. 18, 9, les uns en tirent : ils
1. Mekhilta sur Ex. 17, 9, p. 179. Pour Deut. 31, 16 Gamaliel(6'an/i.
90 b) adopte la deuxième lecture pour en tirer une preuve de la résur-
rection; ses contradicteurs lui opposent la première {suprà^^. 64). Voir
Bâcher, Agada der Tannaiten, II, p. 375, sq. ; et sur l'indentité de
cetissi : Yoma 52 ab. Cf. Strack, op. cit., p. 79, sq. Sur les divergences
entre la Misna et le texte massorétique relativement aux divisions du
texte : Rosenblatt, op. cit., p. 20, sq.
2. Siphi^é Num. 9, 10, § 69, p. 64, sq. Dans Pesaliim 9, 2. R. José
note que le point signifie : ce n'est point pour indiquer proprement
un éloignement; mais seulement celui qui est hors du seuil de son
habitation et au dehors. L. Blau, Masoretische Untersuchungen,
p. 6-40 sur ces points.
3. Genèse rabba 48, 15 sur 18, 9, p. 492; et 78, 9, sur 33, 4, p. 926, sq.
Voir Bâcher, Agada der Tannaiten, II, p. 431, 182 et 137.
EXÉGÈSE RABBINIQUE. -J
130 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
savaient déjà où elle (Sara) était; les autres : les anges
demandèrent à Sara, suivant les lois de la politesse : où est
Abraham. Pour Gen. 33, 4- interprétations diverses : il l'em-
brassa de tout son cœur parce que ses sentiments (d'Esau)
étaient cliangés ; il ne l'embrassa pas de tout son cœur, il
aurait voulu le mordre.
Voici un autre emploi des points :
« Et il arrivera au départ de l'arche ». {Nuni. 10, 35). Point en avant
(de 35) et point après (36) : parce que ce n'est pas là la place (de ces
versets). Rabbi disait : parce que ces deux versets à eux seuls cons-
tituent un volume (séphèr) : aussi dit-on : un rouleau (de* la Loi) qui
a été effacé et dont il reste 85 lettres (comme dans ces deux ve/rsets)
souille les mains. R. Siméon dit : les points indiquent que ce n'était
pas sa place ; il convenait d'écrire à leur place : « Le peuple se mit
à murmurer » (11, 1) < .
Un des derniers tannaïtes, Bar Qappara, fondait une exé-
gèse assez étrange sur une particularité du texte :
« Pour étendre {le-marhé) son empire et pour une paix sans fin »
(/s. 9, 6). R. Tanhum disait : Bar Qappara expliquait : pourquoi tous
les mems qui sont à l'intérieur d'une lettre sont-ils ouverts et celui-ci
fermé? Le Saint, béni soit-il, voulait faire d'Ezéchias le Messie et de
SBnnachérib, Gog et Magog. L'attribut de justice lui dit : Maître du siècle,
comment? de David qui a dit devant toi tant de cantiques et de psaumes
tu ne fais pas le Messie et d'Ezéchias pour qui tu as fait tous ces pro-
diges et qui ne t'a pas dit un cantique tu ferais le Messie? C'est pour-
quoi elle (la lettre) fut fermée aussitôt 2.
Ces quelques exemples montrent combien les rabbins
étaient attentifs à tirer parti de toutes les particularités du
texte sacré et de toutes les données de la tradition à son su-
jet. On voit aussi qu'en matière de critiques et de conjec-
tures textuelles leurs inventions préludent à celles de la
critique moderne. Il est clair qu'ils connaissent à merveille
l'Écriture tout entière, qu'Us ont la science de ses particula-
1. Siphré in loc. § 84, p. 80. Dans le texte massorétique les points
sont remplacés par des nuns renversés. Sabbat 115 b, 116 a signale
aussi des signes mis par Dieu en haut et en bas de la section, pour
indiquer que ce n'est pas sa place. Rabbi dit que cela indique seule-
ment rimporlaDce de la section. Blau, op. cit., p. 40-45, pense que
les points indiquent une variante.
2. SanJiedrin, 94 a.
LEXICOGRAPHIE. 131
rites, la divinatioa des sens qu'elle peut supporter. Ces avan-
tages précieux sont viciés par une excessive subtilité, une
imagination débordante et inventive, le besoin de fonder,
perfas et nefas^ sur une base biblique, leurs opinions juri-
diques et leurs développements haggadiques.
t
II. — LEXICOGRAPHIE.
Le premier souci d'un interprète est de déterminer le sens
des mots qui composent le texte expliqué.
Devant les libertés que prennent à l'égard des textes les
rabbins exégètes, on pourrait se demander s'ils ont eu le
sentiment que les mots ont une signification précise, sur
laquelle il est interdit de jouer. Ce sont peut-être les abus
exégétiques, qui leur ont fait sentir l'existence de ce sens
unique et invariable des mots ; dans les controverses ils op-
posent souvent ce sens vrai, évident, aux arguties de J' adver-
saire.
« Et toute l'assemblée d'Israël l'immolera (l'agneau pascal) entre les
deux soirs » [Ex. 12, 6). J'entends : quand le soleil paraît suspendu;
il est enseigné (à rencontre) : « au soir » {Dt 16, 6). Si c'est au soir
on pourrait l'entendre : depuis que le soleil s'assombrit; mais il est
enseigné : « au coucher du soleil » {ibid.\ Est-ce aussi au coucher du
soleil qu'il faut « le cuire et le manger » ? Il est enseigné « au temps
de ta sortie (d'Egypte) ». Est-ce que l'Ecriture divise (en deux) le même
sujet? Comment faut-il entendre « Tu le cuiras et le mangeras »?
depuis qu'il fait noir. Rabbi disait : voici qu'il dit : « là tu l'immoleras
au soir ». Je puis l'entendre suivant le sens (à savoir : au soir en
général) ; mais il est enseigné (à l'encontre) : « au temps de ta sortie
d'Egypte ». Quand les Israélites sont-ils sortis d'Egypte? Depuis six
heures et aux heures suivantes ^...
Le rappel au sens évident a souvent pom^ but d'écarter un
sens impropre donné à un mot : par exemple en halakha :
<c Ne vous tournez pas vers les idoles » [Lév. 19, 4). Ne te tourne
1. Mekhilta in loc. p. 17. « Suivant le sens », kisemâ'o, prout sonat.
Nous avons déjà rencontré cette expression pour faire valoir le sens
simple ou littéral contre tout sens dérivé ou artificiel. Sur ce mot et
les autres composés de SM% voir Bâcher, Terminologie, I,p. 190, sqq. :
ces formes sont très usitées.
132 EXÉGÈSE BACGINIQUE.
pas pour les adorer. R, Juda dit : ne te tourne pas pour les voir, évi
demment (sens évident) ^
« Les officiers diront encore : qui a peur »? {Deut. 20, 8). C'est celui
qui a peur en raison de la transgression dont il est coupable, suivant
qu'il est dit {Ps. 49, 6) : « Pourquoi craindrai-je au jour du malheUr,
quand l'iniquité de mes persécuteurs m'assaille » ? Ainsi l'expliquait
R. José le galiléen. R. Aquiba disait celui qui craint, évidemment. Et
pourquoi est-il enseigné en ces termes : « celui dont le cœur est amol-
li »? Même le héros d'entre les héros, s'il est tendre, doit retourner 2.
1° Usage biblique et usage courant.
Nombreux et divers sont les moyens dont disposent les
lexicographes et les exégètes pour déterminer le sens des
mots ; les rabbins les mettent tous en œuvre.
La principale source de la lexicographie rabbinique est
la familiarité des docteurs avec le texte biblique : ils en reti-
raient la connaissance précise du sens des racines hébraïques,
de la valeur, ou des valeurs diverses, que revêtent les mots
et les expressions^.
Voie tout indiquée : se référer à l'usage ordinaire :
« S'il y a du poil grêle (daq) » {Lév. 13, 30). R. Aqiba l'entend :
malsain, court. R. Johanan b. Nuri l'entend : même s'il est long.
Qu'entend-on dans le langage (ordinaire) quand on dit : ce bâton est
daq, ce roseau est daq? qu'il est malsain et court? ou bien, qu'il est
malsain et long? R. Aqiba lui répondit : nous n'avons pas à chercher
d'indications dans les roseaux mais dans les cheveux. Le poil d'un
tel est daq : cela signifie qu'il est malsain et court, et non malsain et
long 3.
1. Siphra Lév. 19, 4, 87 a. « Évidemment » rend l'expression (vaddcVi
qui désigae ce qui est évident, explicite : Bâcher, Terminologie, I,
p. 48, sq.
2. Tosephta Sota, 7, 22, p. 309,
3. RosENBLATT, op. cit., p. 7, 8, réunit plusieurs exemples de ces
explications de termes : dâbâr signifie parole et chose (chose impor-
tante ou n'importe quoi); sabbat signifie le dernier jour de la semaine
ou toute la semaine...
Toutefois dans ces remarques plusieurs des significations, indiquées
par Rosenblatt, semblent moins le résultat d'une tradition lexico-
graphique, que le produit d'une exégèse du texte, obtenue soit par
l'étude du contexte, soit par le rapprochement des propositions voi-
sines....
3. Siphra in lac. 65 c. Negaim 10, 1 utilise la même discussion.
LEXICOGRAPHIE, 133
Les rabbins s'étonnent de la mention de Gen. 37, 35 :
« ses fils et ses filles vinrent (vers Jacob) pour le consoler » :
il n'avait qu'une fille. R. Nehemia explique : on ne peut
empêcher quelqu'un d'appeler son gendre « mon fils » et sa
bru « ma fille » ^ .
Ils expliquent plusieurs mots bibliques difficiles et devenus
inintelligibles (vg. salseleha de Prov. 4, 8; matata dJIs. 14,
23), en se référant à la langue parlée dans la maison de Rabbi
Juda le saint, très zélé pour la pureté de l'hébreu^.
Inévitablement, dans ce recours à l'usage actuel, les rab-
bins n'ont pas échappé au défaut dans lequel sont tombés
tant de traducteurs : entendre les mots bibliques au sens
qu'ils prenaient de leur temps : ainsi gér est pris toujours au
sens de prosélyte. Ainsi le « il n'y a plus de place » d'Is. 28, 8
est entendu suivant l'habitude d'appeler Dieu le Màqôm (la
place, le lieu) : Dieu n'est pas avec ceux qui, à table, oublient
l'étude de la Loi^.
Il était tout indiqué, — nous le faisons encore mais avec
plus de précautions, — de recourir dans les cas difficiles,
aux langues sœurs de l'hébreu, par exemple au syriaque ou
à l'araméen, que plusieurs rabbins connaissaient. Ainsi pour
le hapax legomenon à' Ex. 12, 4, îâkossû : R. Josia déclare
que c'est un mot syrien (araméen), « comme lorsqu'un
homme dit à son compagnon : égorge-moi cet agneau »^.
1. Genèse rabba, in loc. 84, 21, p. 1026. D'autres explications sont
données. Voir aussi Tanhuma B. wayyasob, 10, p. 182.
2. Ros ha-sana 36 b. Là-même 36 ab sont expliqués des mots rares
d'après les usages d'autres contrées. Ce sont les servantes de Rabbi
qui se servaient de ces mots rares dans la conversation quotidienne.
Sur cette coutume de Rabbi voir : Weiss, Dor dor wedorsaw, II, p. 159
(plusieurs références rabbiniques).
3. Aboth 3, 3 : Propos de Rabbi Siméon b. Yohai.
Berît (alliance) est souvent entendu de la circoncision (signe de
l'alliance). Voir Rosenblatt, op. cit. p. 9.
4. Mekhilta in loc. p. 12 ; la même explication dans Pesahim 61 a.
Le verbe est entendu en général : vous compterez pour chaque agneau.
Dans le néo-hébreu et en araméen kâsas signifie : couper, mâcher.
Rashi, dans son commentaire du Talmud, l'entend au sens d'égor-
ger : l'auteur du Aruh et son éditeur moderne, Kohut, l'entendent
aussi au même sens ; ils le rapprochent du syriaque nekas qui signifie
égorger; le verbe est employé plusieurs fois en ce sens dans les
134 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
8° Étymologies (notarikon).
Les rabbins se devaient aussi de chercher des indications
dans les étymologies, voie déjà frayée dans la Bible. Dans
cette voie, où la fantaisie peut se donner libre carrière, ils
ont risqué quelqiies conjectures un peu fondées ; mais aussi,
comme nos étymologistes du Moyen Age, ils se sont livrés
à des jeux de mots inattendus.
Explication qui unit une description à une assonance :
Le sisit est uniquement une chose qui sort (yôsé' du vêtement) et
qui a la grandeur convenable ^
Recherche laborieuse sur le mé'onén de Deut. 18, 10.
. R. Istnaël dit : c'est celui qui fait passer (des images fictives) devant
les yeux. Les rabbins disent : ceux qui retiennent les yeux {'aîn)
(pour les empêcher de voir la réalité). R. Aqiba disait : ce sont ceux
qui prédisent les saisons, par exemple ils disent : dans l'année précé-
dant l'année sabbatique les récoltes de céréales sont belles, mais les
cultures de petites légumineuses sont mauvaises 2.
« Le prêtre ayant revêtu sa tunique de lin » {Lév. Q, 3). Sa tunique,
middo, suivant sa mesure, kemiddâtô. De lin bad (pour la tunique et les
caleçons) : qu'ils soient de vrai lin; bad, qu'ils soient neufs; bad,
qu'ils soient doublés (dans les coutures); bad, qa'il ne revête pas
targums araméens. Quant au passage ea question, Onkelos l'entend
au sens de compter ; Yerusalmi I s'étend sur le compte puis termine :
vous égorgerez l'agneau.
Ros ha-sana 26 a contient plusieurs de ces rapprochements : Aqiba
dit que Yôbél signifie en arabe : bélier : affirmation confirmée par la
linguistique moderne, cf. : Gesenius-Buhl, in verb. Bâcher, Agada der
Tannaiten, \, p. 309.
Dèma' de Ex. 22, 28 est défini dans la Mekhilta (p. 22) : prélèvement
[teruma], ce qui correspond à l'équivalent du mot dans le samaritain :
le Targum yerusalmi I le rend par prémices du vin : de même
les LXX.
1. Siphré Num. 15, 38, § 115, p. 124.
2. Siphré Deut. in loc. § 170, 107 a. Siphra Lév. 19, 26, 90 c. (nous
suivons le commentaire sur ce livre de R. Abraham b. David de
Posquières) et Tos. Sabbat, 1, 14, p. 118 (là d'autres exemples des
pronostics météorologiques). Aqiba donne son étymologie d'après
'ônâ, qui signifie : laps de temps, saison. Gesemus-Buhl lait du mot
ua participe poal de 'nn, dont on ignore le sens (prévoir d'après le
nuages ?)
LEXICOGRAPHIE, 135
avec eux d'autres vêtements. Qu'il ne revête pas avec eux des vête-
ments profanes . . J .
Les noms propres, plus que tous autres, invitent aux exer-
cices étymologiques. Sur les noms du beau-père de Moïse :
R. Siinéon b. Menasia disait : son nom était Re'û^él, compagnon de
Dieu suivant qu'il est dit {Ex. 18, 12) : « Aaron et tous les anciens
d'Israël al'èrent manger avec le beaù-père de Moïse devant Dieu ».
R, Dositai disait : il s'appelait qènî; pourquoi? Parce qu'il se séparait
du commerce des Qenim, h savoir des choses par lesquelles ils exci-
taient la jalousie {maqnâHm) du Lieu-(Dieu), suivant qu'il est dit {Deut.
32, 21) : « Ils ont excité ma jalousie par ce qui n'est pas Dieu »... R.
José l'explique ainsi : parce qu'il a acquis {rjânâ) le ciel et la terre et
la Tora. R. Ismaël b. R. José dit que son nom était re'uél, parce qu'il
était compagnon de Dieu, suivant qu'il est dit {Prov.27, 10) : « N'aban-
donne pas ton compagnon, ni le compagnon de ton père » . R. Siméon
b. Yohai disait : il avait deux noms : Yétrô et Hôbâb. Yélro parce qu'il
ajouta (ùtér) une section à la Tora, suivant qu'il est dit {Ex. 18, 21) :
«Et toi tu veilleras sur le peuple lui-même »... Hôbâb parce qu'il
aimait {hibâb) la Tora et nous ne trouvons pas d'autre s prosélytes qui
aient aimé la loi comme Yétro. Et de même que Yétro aimait la
loi, de même ses fils ont aimé la Loi... 2.
Ces exemples attestent l'impuissance des rabbins à utiliser
judicieusement l'étymologie. En ce domaine ils se servent
d'un procédé courant dans la période d'enfance de la philo-
logie : proposer pour un mot un ou plusieurs sens en
déformant son orthographe, en modifiant soit des voyelles,
soit des consonnes ; nous avons vu dans le paragraphe pré-
cédent quelles libertés à l'égard du texte biblique se per-
mettaient les rabbins. C'est ainsi également qu'ils pratiquent
les interprétations étymologiques. Quelques exemples :
« Vous prendrez du fruit d'un arbre beau {hâdâr) » {Lév. 23, 40) Ben
Azzai disait : haddâr, celui qui demeure {dâr) sur l'arbre d'une année
à l'autre 2.
1. Siphra in loc. 29 d. On peut voir des précisions pareilles dans
Zebahim 18 b, toutes fondées sur le sens générique de bad, simple.
Rachi, dans son commentaire, explique de même ces précisions.
2. Siphré Num. 10, 29, § 78, p. 72, sq.
3. Siphra in loc. 102 d. Dans Sukka 35 a cette exégèse est attribuée
à Abbaie (amora) et on ajoute d'autres explications. Rabbi disait : ne
lis pas hâdâr mais haddîr (l'étable) : de même qu'une étable contient
des bêtes petites et grandes, parfaites et avec des tares, de même cet
arbre... où les nouveaux fruits viennent alors que les anciens ne
136 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
Voici comment à l'aide d'un double à-peu-près, ïl. Eléazar
b. Simon explique le nèherèphèt de Lév. 19, 20 (femme
appartenant à un titre quelconque à un homme), dont les
lexicographes modernes confessent ne savoir ni le sens
précis ni l'origine :
R. Eleazar b. Simon expliquait ainsi nèherèphèt devant les rabbins :
c'est une servante devenue le rebut de son mari, sous le pilon devant
son mari, suivant que tu dis {Prov. 27, 22) « Si tu piles le fou dans un
mortier au milieu des rebuts (de la balle du grain) sous le pilon »^,
Par les mêmes procédés on explique sans peine tous les
noms propres : ainsi les 'awwîm de Deui. 2, 23 :
Suivant une baraitha (tradition tannaïte) le mot signifie ceux qui
ruinent (Hwwû) leur pays; ou bien ceux qui désirent {'iwwû avec
aleph) beaucoup de divinités ; ou bien, ceux dont la vue fait trembler
{'awit)^.
R. Eleazar b. Simon explique : ceux qui sont habiles à discerner,
comme le serpent, les différentes espèces de terrain : car, en Galilée
on appelle le serpent (hiwia) Hioya^.
Nous savons que les étymologistes du Moyen Age expli-
quaient le sens de certains mots en les coupant en plusieurs
éléments : cadaver soïi cai^o data vermibus ; lapis s>Qii laedens
sont pas encore cueillis... Ben Azzai disait : ne lis pas hâdâr mais
"îdor, car c'est ainsi qu'en grec on appelle l'eau (38tDp) et cet arbre
croît au bord des eaux.
1. Pal. Qiddusin, 1, 1, 59 a. Nèherèphèt est rapproché (en changeant
le heth en hé) de hâriphôt (dont le sens est fort incertain) de Prov.
et le mot qui suit dans Prov. ba'elî (par le pilon) est réduit à un
seul baalô (son mari). Auparavant est rapportée l'explication que le
prosélyte Aquila avait donnée devant son maître Aqiba : c'est la
même, mais appuyée d'un autre texte, où se retrouve hâriphôt (grains
piles ou dépiqués) : 2 Sam. 17, 19.
2. Hullin 60 b.
3. Genèse rabba sur 6, 4 chap. 26, 7, p. 254.
Nous avons là quatre étymologies pour le même mot. La première
est rapportée aussi dans Genèse rabba et appuyée d'une référence à
Ezéchiel (21, 32), où Dieu annonce qu'il enverra la ruine {'awivâ,
répété trois fois). La troisième explication fait un rapprochement
avec un mot 'awit, inconnu ; les commentateurs le donnent comme
une désignation d'un tremblement de peur; Rachi dit que cela corres-
pond au mot vulgaire crampe. La quatrième explication suppose
une confusion des deux gutturales : les Galiléens confondaient toutes
les gutturales.
LEXICOGRAPHIE. 137
pedem. Nous avons vu aussi nos rabbins découper certains
mots en plusieurs parties, non sans modifier parfois l'ortho-
graphe, pour faciliter leurs exégèses ; ils essaient par des
procédés pareils d'en faire l'ètymologie :
« Tu n'iras pas semant la diffamation dans ton peuple » {Lév. 19, 16).
« Semant Ja diffamation, râkîl », que tu ne sois pas doux en paroles
(ra^)pour celui-ci et dur pour celui-là Çail). Autre explication : que tu
ne sois pas comme le colporteur fâkôl qui poi-te ses affaires de l'un
à l'autre et s'en va^.
Les lexicographes modernes rattachent le mot malqôs à
une racine signifiant être tardif (pluie tardive) : voici les
suggestions de plusieurs rabbins :
Samuel l'entend : une chose qui circoncit imâl) la dureté (qâsiût)
des Israélites (en les forçant à la pénitence). Dans l'école d'Ismaël
on enseigne : une chose qui remplit {memallé') le grain dans sa paille
{qâsô). On enseigne aussi : une Chose qui descend sur les épis (melîlôt)
et sur les pailles {qâsin)^.
Déjà vers la fin du premier siècle ce procédé était appelé
notarikon; iï. rappelait les méthodes des tachygraphes {notarii)
transcrivant les discours en abrégé :
« Et Josué défit {iahalôs) Amaleq et son peuple » [Ex. 17, 13).
Josué disait : il descendit et coupa les tètes des guerriers qui étaient
avec lui dans les rangs de la bataille. R. Éléazar de Modin disait :
il y a là un mot notarikon : il l'affaiblit {wayehal) et le brisa
{wayesabbér)^.
Le Notarikon est devenu la trentième règle d'Eliézer pour
l'exégèse haggadique; en son application ordinaire elle
consiste à prendre chaque lettre du mot comme l'initiale
d'autant d'autres mots ; la méthode est déjà connue des
tannas :
« Vous ne souillerez pas le pays, le sang souille (yahanîph) le pays »
1. Siphra in loc. 89 a; dans Pàl. Pea, 1, 1, 16 a, la Seconde expli-
cation, plus détaillée et plus claire est attribuée à R. Nehemia.
2. Taanit 6 a. Les étymologies de cette espèce abondent chez les
rabbins postérieurs. V. Rosenblatt, op. cit. p. 6, 1, pour la Misna.
3. Môkhilta in loc. p. 181. Nous suivons la leçon de Bâcher (Agada
der Tanaiten, I, p. 198 et 205 mais nous ne traduisons pas avec lui :
il pria.
138 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
{Num. 35, 33) R. Josia disait : c'est un mot notarikon : car c'est le
sang qui fait venir (hn) la colère ('âph) sur la terre.
« La manne avait le goût d'un gâteau (lesad) à l'huile ». (Num.
11, 8). C'est un mot notarikon tenant la place de trois mots : lawis,
pâte, sèmèn, huile, dâbâs, miel : comme une pâte feuilletée à l'huile
et enduite de miel^.
Ce procédé permet des combinaisons infinies ; nous en avons
un riche exemple pour le pahaz de Gen. 49, 4, à la significa-
tion incertaine ; nous avons sur ce mot les exégèses notarikon
de plusieurs rabbins : elles diffèrent entre elles, La plupart
lisent le mot à l'endroit; l'un (R. Eleazar b. Modin ordinaire-
ment) le lit à l'envers en commençant par la dernière lettre,
afin d'en tirer un sens laudatif pour Ruben ; d'autres, enfin,
complètent leurs interprétations en ajoutant aux verbes des
compléments :
Ph. : Pahazta, tu as été présomptueux (arrogant)
posa" ta, tu as marché (contre la loi)
parhâ, s'est envolée (ta force) (second mot heilka)
Pârqqtâ, tu as rejeté (le joug de ton cou)
pilaltâ, tu as prié
paztâ, tu as été téméraire (ardent)
H. Ilâtâ'tâ, tu as péché
hâradtâ, tu as tremblé
hallà, tu as été malade (faible moralement)
hillaltâ, tu as profané (ma couche ; ou bien : ton droit d'aînesse)
Ihabatâ, tu as péché (contre ta primogéniture)
hâsaktû, tu as rejeté (le joug de ton cou)
en lisant par hé :
hislaktâ, tu as rejeté (le joug de ton cou)
hirtaHâ, tu as été excité
z. zûnitâ, tu as commis un inceste
zaltâ, tu as été dissolu
za'iâ, tu as tremblé (à cause du péché)
zi'aza'ta, tu as tremblé
zâr, étranger (tu es devenu; certains ajoutent : à tes dons)
— étranger (es-tu devenu comme de l'eau)
zârhâ s'est levée (ta prière)
Lecture renversée :
Zâ'ta, tu as tremblé (ou bien : ton instinct a tremblé)
1. Siphré in loc. % 89, p. 89; § 161, p. 222.
LEXICOGRAPHIE. 139
liaJtâ, tu as eu peur
pârah, s'est envolé ton péché) ^
Peu après la fin de l'âge tannaïte les rabbins perfectionnèrent
la méthode du notarikon par celle de la gematria (règle 29
d'Eliézer) qui comporte deux procédés : déduire une donnée
numéri(jue de la valeur numérique d'un mot : la durée du
naziréat est de trente jours suivant la valeur des consonnes
du verbe yhyh de Num. 6, 5; un mot peut en signifier un
autre si l'on suppose que Valeph correspond au taph, le beth
au sin... (système athbash) : ainsi leléb qâmâi (cœur de ceux
qui se soulèvent contre moi) de Jér, 51, 1 signifie kasdim,
les Chaldéens^.
R. Josué b. Levi disait : le Saint, béni soit-il, donnera à chaque
saint 310 mondes en héritage, car il écrit {Prov. S, 21) : « Pour
donner une portion à ceux qui m'aiment... ^ »
Les jeux de mots de toute espèce peuvent aussi servir à l'in-
terprétation. La règle 28 d'Eliézer [Mimma^dl) semble justifier
ce procédé, en relevant le jeu de mots pratiqué par Jérémie
(23, 2) : «Malheur aux pasteurs qui paissent mon peuple... »■'.
1. Sabbat 55 b. Genèse rabba in loc. ch. 98, 4, p. 1253 ; cli. 99, 1,
p. 1277 ; Tanhuma wayehi, 9 ; édition Buber (peu abondant) 12, p. 218.
La plupart de ces exégèses sont de rabbins de la fin du premier
siècle : Eliézer, Josué b. Hanania, Eléazar de Modin; voir Bâcher,
Agada der Tannaiten, I, p. 126, sq.
2. Le premier exemple est pris dans une leçon de Siphré Num. 6, 5,
^ 25, transcrite par Friedmann 8 b et rejetée par Horovitz, p. 31.
kraploi dans la Misna : Aicher, op. cit., p. 112-114.
Le second exemple vient de la règle d'Eliézer : les LXX et le Tar-
gum ont entendu suivant la gematria; la Vulgate traduit : qui cor
suum levaverunt contra me.
Sur le mot gematria (déformation de grammatia, plutôt que de
geometria), voir Bâcher, Terminologie, I, p. 127. Le procédé est
appliqué déjà par Rab, au commencement du troisième siècle : c'était
un rabbin babylonien, mais formé en Palestine.
3. Uqsin, 3, 12; le texte est évidemment une addition postérieure,
H. Josué b. Levi étant un amora du troisième siècle. La démonstra-
tion est tirée du yés, inséré à la fin de la proposition; il a pour
valeur numérique 310. Les lexicographes donnent au mot le sens
de possession, un peu comme dans les expressions : 'asèr yés là,
ce qui lui appartient.
4. Voir Bâcher Terminologie., I, 111, sq. sur le sens à donner à
Ma'âl. L'exemple joue évidemment sur le mot : pasteurs {rô'îm) et
sur l'adjectif : ra\ mauvais, méchant (pluriel ra'im).
140 EXÉGÈSE RABBINÏQUE.
Sorte de jeu de mots en ce texte juridique :
Quiconque est apte à recevoir l'expiation (par un châtiment envoyé
par Dieu) sauf ceux qui ont été fustigés, suivant qu'il est écrit
{Deut. 25, 3) (on ne lui fera pas donner plus de quarante coups) « de
peur que ton frère ne soit avili à tes yeux » : une fois fustigé il devient
ton frère ^..
3° Recours aux langues étrangères.
Les lexicologues du Moyen Age faisaient appel volontiers,
pour expliquer le sens d'un mot latin, aune langue étrangère :
les rabbins ont suivi la même voie, ramenant parfois un mot
hébreu à un mot grec, qui n'avait rien de commun avec lui ;
nous avons déjà vu hâdâr expliqué par hyclâr; voici un autre
exemple :
Le Lév. 20, 14 indique clairement la peine d'un inceste spécial :
avoir des relations avec une femme et avec la mère de celle-ci : qu'on
brûle l'homme et les deux femmes {'étèn), R. Ismaël l'entend :
une seule femme. R. Âqiba : les deux femmes. Les rabbins postérieurs
justifient l'opinion d'Ismaël : hèn en grec signifie une [hina, ?y.)2.
4° Détermination du sens par les passages parallèles.
Méthode excellente et proprement exégétique : si dans un
passage la valeur d'un mot reste incertaine, la déterminer
par le sens qu'il prend dans d'autres textes clairs. Cette
méthode, les rabbins anciens l'ont abondamment pratiquée,
mais pas toujours avec le même bonheur ou la même recti-
tude.
Elle convient et donne de bons résultats toutes les fois qu'elle
est employée à définir la signification d'un mot de soi obscur :
Quelques exemples entre des centaines :
« Ils firent cuire en galettes {'ugôth) azymes... » {Ex. 12, 39) : 'ugûth
n'est pas autre chose qu'un gâteau épais [hararà, non-biblique) sui'
vant qu'il est dit [Ez. 4, 12) : « Tu mangeras cela sous la forme
1. Makkot, 3, 15, Jeu de mots avec métathèse : avili, niqlâ; fus-
tigé, nilqâ.
2. Dans Siphra 92 c, l'opinion d'Ismaël n'est accompagnée d'aucune
raison; dans Sanhédrin 76 b, c'est Abaie qui assure que tous les
deux expliquent d'après le sens des mots [misma'oth).
LEXICOGRAPHIE. 141
de galettes d'orge » ; et il écrit (/ Reg. 17, 13) : « Fais-moi d'abord avec
cela un petit gâteau ^.
Nezîrâ signifie partout abstinence {perâsà) et c'est ainsi qu'il dit
{Lév. 22, 2) : « ils s'abstiendront des choses saintes que m'offrent les fils
d'Israël ». Et il dit {ibid. 25, 5) : « Tu ne moissonneras pas ce qui a
germé des grains oubliés de ta moisson (précédente) et tu ne cueilleras
pas les raisins de ta vigne non-taillée — nezirêka ». Et il dit {Os. 9, 10) :
« Et ils sont allés à Baal Phegor et ils se sont consacrés (séparés, nzr)
à la honte (idole) ». Et il dit [Zac. 7, 3) « Dois-je pleurer au cinquième
. mois et faire abstinence? » C'est donc que nezîrâ signifie partout
abstinence (ou : séparation) 2.
Il faut joindre à cette détermination du sens général d'un
mot, obtenue par le rapprochement de textes, la définition de
certains mots et expressions, qui se fonde sur l'usage univer-
sel et bien connu de l'Écriture :
« Si tu viens dans la vigne de ton prochain {ré'èka) » {Dt. 23, 26.
d'après le principe, suivant qu'il est dit : ton prochain, sauf les étrangers 3.
La méthode, sûre quand il faut définir le sens d'un mot
obscur, prête à toutes sortes d'arbitraires et de fantaisies,
quand on veut par ce moyen préciser la valeur particulière,
dans un contexte donné, d'un mot à signification précise.
« Et Marie parla {tedabhèr) avec Aaron au sujet de Moïse » {Num
12, 1). Dibhér, parler, signifie partout dureté : ainsi il dit {Gen. 42, 30) :
« L'homme, maître du pays, nous a dit des choses dures «. [Num. 21, 5) ;
« Et le peuple parla contre Dieu et contre Moïse ». AMU, dire, signifie
partout miséricorde : ainsi il dit {Gen. 19, 7) : « Et il dit : je vous en
prie, mes frères, ne faites pas le mal ». {Num. 12, G) : « Et il dit :
écoutez, je vous en prie, mes paroles » 1
Un des moindres inconvénients de ce procédé est d'attri-
buer au même mot des significations assez différentes :
« Et Juda s'approcha {waiggas) de lui » {Gen. 44, 18). Le mot waiggas
ne signifie que la paix, suivant qu'il est dit (/ Sam. 30, 21) « David
1. Mekhilta in loc. p, 49.
2. Siphré Num. 6, 3, § 23, p. 28. Même explication dans Siphra
Lév. 22, 3, 97 a.
3. Siphré in loc. § 267, 122 a. Le principe général, kelâl, est appli-
qué en plusieurs autres textes, vg. Siphré Dt. 19, 4, § 181, 108 a; Mekhilta
21, 14, p. 263... Méthode dans la mishna : Rosenblatt, op. cit., p. 9, sq.
4. Siphré in loc. § 99, p. 97, sq. Le dernier texte montre la futilité
de cetle exégèse, puisque les deux racines y sont employées et avec
la môme valeur.
142 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
s'approcha du peuple et lui souhaita la paix ». R. Juda dit : cela signifie
consolation {Gen. 21, 27) : « Il s'approcha de lui et le baisa ». R. Nehe-
mia dit : cela signifie offrande [Lév. 8, 14) : « Il fit approcher le tau-
reau pour le sacrifice du péché ». R. José dit : cela signifie excommu-
nication, comme tu dis (Gen. 19, 9) : « Et ils lui dirent : loin de là ».
R. Nathan dit : cela signifie toucher {Gen. 27, 21) : « Approche-toi (que
je te palpe) que je te touche, mon fils »■•.
La méthode permet de donner aux mots un sens métapho-
rique, plus ou moins justifié. Voici une équivalence presque
classique : Liban désigne le Temple bien qu'il puisse pren-
dre une autre valeur :
« Allez... au Liban » [Dt. I, 7). Il leur dit : quand vous entrerez dans
la terre vous devrez vous constituer un roi et construire une maison
d'élection. D'où Liban désigne-t-il uniquement le roi ? De ce qu'il est
dit {Ez. 17, 3) : « Le grand aigle vint au Liban et il enleva la cime du
cèdre ». Et il dit (2 Reg. 14, 9) : « L'épine du Liban envoya dire au
cèdre du Liban : donne-nous ta fille pour femme à mon fils ; et les bètes
sauvages du Liban passèrent et foulèrent aux pieds l'épine ». Et le
Liban n'est pas autre chose que le Temple, suivant qu'il est dit {Jér.
22, 6) : « Tu es pour moi un Galaad, la tête du Liban ». Et il dit {Is.
10, 34) : « Et le Liban tombe sous les coups d'un paissant ». Pourquoi
l'appelle-t-on (le Temple) Liban? parce qu'il blanchit les péchés d'Israël,
suivant qu'il est dit (/s. 1, 18) : « Si vos péchés sont comme l'écarlate
ils deviendront blancs comme neige » 2.
5° Détermination du sens par le contexte.
Méthode excellente aussi : déterminer le sens d'un mot
par le contexte :
Ainsi miksâ de Ex. 12, 4 ne peut signifier que le nombre (minyân)
des âmes, puisqu'on devait égorger lapâque suivant leur nombre et qu'à
ne pas tenir compte du nombre on aurait transgressé un commande-
ment^.
Dans les prescriptions sur la femme suspecte d'adultère,
[Num. 5, 13) les deux conditions, se souiller et en secret, se
1. Genèse rahba sur 44, 18, ch. 93, 7, p. 1166.
2. Siphré in loc. § 6, 66 b. Item : ibid 3, 25, § 28, 71 b. Lévitique
rabha, 1, 2 (R, Siméonb. Yohai). Ahot R. Nathank, 5 (R. Josué devant
R. Johanaa b. Zakkai). Siphré Num. 27, 12, § 134, p. 181.
3. Mekhilta in loc. p. 12. Le contexte dit : « si la maison est trop
peu nombreuse... », tout suppose qu'on fait le compte des convives.
LEXICOGRAPHIE. 143
déterminent l'une l'autre : les témoins ne peuvent pas cons-
tater qu'elle s'est souillée avec un homme, mais ils peuvent
constater qu'elle s'est isolée avec lui assez longtemps pour
se souillera
Dans ce même passage il est parlé par deux fois de l'infi-
délité de la femme [M'L) : ce verbe reçoit deux sens :
L'infidélité peut porter sur les relations sexuelles ou sur les biens
matériels. Puisqu'il dit ici : « et un autre homme a eu commerce avec
elle » l'infidélité porte sur les relations sexuelles et non sur les biens.
Me'îlâ désigne partout une tromperie et c'est ainsi qu'il dit {i Chron.
5, 25) : « Ils furent infidèles au Dieu de leurs pères ». Et il dit {Jos.
7, 1) : « Les Israélites furent infidèles au sujet de l'anathème ». Et il
dit {1 Chron. 10, 13) : « Et Saul mourut dans son infidélité y>~
Autre exemple montrant les déviations que peut provoquer
le procédé : la particule nd' est toujours entendue comme
désignant une prière [bgs), mais dans le commentaire de
Ea?. 12, 9, on lui donne le sens de « cru » {hay) parce que ce
sens semble imposé par le contexte^.
6° Lexique des rabbins.
Ces études minutieuses du vocabulaire amènent les com-
mentateurs à noter les nuances de sens entre des mots qui
ont un sens identiqne ou fort approché :
« Il s'abstiendra de vin et de boisson enivrante » {Num. 6, 3). Voici
que le vin {yaln) est identique à la boisson enivrante {sékâr) et réci-
proquement. C'est que la Tora se sert de deux mots. En voici d'autres
exemples : sehîta est identique à zebîhâ; 'amûquâ à sephélâ, ''ôth à
wo]3/ie^.. C'est que la Tora se sert de deux mots : pareillement ici...
R. Eleazar Haqqapar dit : Yaîn désigne le vin coupé d'eau et sékâr le
vin pur... On lui oppose la règle des libations {Niim. 28, 7) où l'on doit
verser du vin pur^.
1. Siphré in loc. § 7, p. 12.
2. Siphré Num. 5, 12, §7, p. 11. Le second paragraphe répété dans
5, 6, § 2, p. 5. Les textes invoqués accusent plutôt dans ?n7 l'infi-
délité religieuse.
3. Mekhilta in loc. p. 20. Sens donné par les LXX et la Vulgate et
accepté par Gesenius. bur le contexte, voir p. 178-186.
4. Siphré in loc. § 23, p. 27.
R. Josué b. Qorha distingue la nuance de sens entre yâkôl et râs'âi,
144 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
Ces analyses attentives permettent d'établir un lexique ; de
réunir les listes de noms désignant le môme objet : ainsi les
dix noms désignant la prière \ les dix noms désignant le
pécheur^, les dix ou douze noms des faux-dieux^.
Inversement les rabbins tentaient de définir les divers sens
que le même mot revêtait dans la Bible; ainsi du Tesû'ôt^
obscur, de Is. 22, 2 (tu es remplie de tumulte?), R. Eliezer b.
Jacob rapproche deux textes de Job. (39, 7 et 30, 3) et en
déduit que le mot a trois sens; ici : tumulte, agitation; et
dans Job : oppression (ou : coups) et obscurité^.
Les rabbins distinguent aussi le sens propre et les sens
figurés d'un mot :
« Que les fleuves battent des mains {Kaph) » {Ps. 98, 8). Le mot
est dit en trois endroits. {Ps. 47, 2) : « Vous tous, peuples, battez des
mains » : une main contre l'autre pour la joie d'Israël : ce Kaph est
au sens propre (mammâs). {ïs. 55, 12) « Et tous les arbres des champs
battront des mains », ils heurteront une branche contre l'autre : ici
kajjh signifie branche, suivant qu'il est dit {Lév. 23, 40) : « Vous pren-
drez des branches {kappôt) de palmier ». {Ps. 98, 8) : « Que les fleuves
battent les mains », sur les bords l'un de l'autre^.
le premier indiquant une possibilité physique (cf. Josué 15, 63) et
j^âsâ'i la licéité de l'action : Siphré Dt. 12, 17, § 72, 89 b.
Les commentateurs se sont demandé aussi pourquoi, Dt. 32, 1, Moïse
pour la même idée (écouter, entendre) emploie deux mots : ha'azînû
et tisema\ et ils en donnent diverses explications : Moïse était plus
près du ciel et plus loin de la terre (cf. en sens inverse, Is. 1, 2); le
premier verbe est au pluriel parce que le ciel a un plus grand nombre
de portes pour entendre, le second au singulier pour une raison in-
verse (alors objection par le texte d'/s.).... : Siphré in loc. § 306, 131 a.
1. Les dix noms de la prière : prière {tephillâ)^ cri, appel au secours,
plainte, tribulation, jubilation, insistance, prostration, supplication,
intercession, stadon (debout), imploration, demande de grâce : Siphré
Dt. 3, 23, § 26, 70 b. En divers textes nous trouvons justifiées l'une
ou l'autre de ces identifications.
2. Siphré Deut. 17, 2, § 148, 104 a. Voir aussi Siphra 16, 6, 80 d...
3. Siphra Lév. 19, 4, 87 a; 26, 1, 110 bc. Mekhilta Ex. 15, 11, p. 142.
Siphré Deut. 11, 17, § 43, 81 b....
4. Laincnt. rahba, préface, 24. Dans Job nous n'avons que Mesô'â;
en 30, 22 le ketib porte tesiVâ, procella.
5. Midras des Psaumes, éd. Buber p. 422, sq. Dans le passage
parallèle du Midras Hallel (Beit hariunidrasch de Jellinek, V, p. 79)
le verbe MlV est assimilé au verbe M^if (frapper) : du reste dans tout
le commentaire le second est substitué au premier.
EXÉGÈSE GRAMMATICALE. 145
Ou bien on remarque que certains mots ont un sens géné-
rique : ainsi sèh peut se dire, soit d'un chevreau, soit d'un
agneau, comme il est dit explicitement {Deut. 14, 4) : « sèh
de brebis ou de cbèvres » ^
Pareillement, et non sans quelque exagération le sens
métaphorique est donné pour le sens vrai ordinaire :
De sa main (ou : dans sa main) signifie toujours son pouvoir, suivant
qu'il est dit (A^Mm.21, 26) : « Et il prit de sa main toute sa terre ». Et
il dit {Gen. 24, 10) : « Et le serviteur prit dix des chameaux de son
maître et il s'en alla ayant en mains ce qui était le meilleur chez son
maître » ^.
De même (c agréable odeur » signifie « faire plaisir, con-
tenter » : nahat 7'ûah^ (apaisement de l'esprit).
Conséquence des notions lexicographiques, le sens spécial
d'un mot peut suggérer une conclusion exégétique particu-
lière :
« Tu brûleras entièrement au feu la ville avec tout son butin, pour
Yahwé, ton Dieu » (Deut. 13, 17) : R. Siméon disait : quand vous
exécutez le jugement (d'anathème) contre une ville apostate, je vous
l'impute comme si vous m'offriez un holocauste totaH.
»
III. — EXÉGÈSE GRAMMATICALE.
Pour comprendre le sens d'une phrase, d'un texte, la con-
dition préalable et élémentaire est d'en faire l'analyse gram-
maticale et l'analyse logique : les rabbins anciens n'y ont
pas manqué. Dans le présent paragraphe nous étudions leurs
notations proprement grammaticales, réservant pour le para-
graphe suivant tout ce qui regarde le style.
Les rabbins distinguent nettement les diverses parties du
discours et désignent la plupart d'entre elles par des termes
techniques.
1. MekhiltaEx. 12, 4, p. 11.
2. Siphré Num. 31, 6, § 157, p. 210 et Mekhilta Ex. 21, 16, p. 267.
3. Siphré Num. 15, 7, § 107, p. 109 : lié à : « vous ferez ce qui m'est
agréable ».
4. Sanhédrin 10, 6. L' « entièrement » du texte est kâlîl, qui désigne
parfois un holocauste ou un sacrifice total : d'où l'assimilation.
146 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
1° Substantif et adjectif.
Le substantif, le sém, se distingue du mot en général, lâsôn\
l'adjectif est le nom qui en accompagne un autre, sém lewâwy,
expression qui désigne aussi le complément déterminatif^
Zâkâr et neqâbâj joints à lâsôn, désignent le masculin et
le féminin. Des considérations sur le genre fondent des exé-
gèses, soit halakhiques soit haggadiques :
a Ammonites ni Moabites n'entreront dans la communauté du Sei-
gneur » [Dt. 23, 4). R. Juda dit : l'Écriture parle des mâles et non des
femmes : ammônî et môâbi, au masculin, et non : ammônit ni môâhît,
au féminin 2.
« L'indigène d'entre les enfants d'Israël « {Num. 15, 29). Pourquoi
cette précision? Comme il est dit {Lèv. 23, 42) : « Tout indigène en
Israël habitera dans les cabanes », je pourrais entendre que les femmes
sont aussi comprises dans le mot. Il est enseigné en ces termes
« ha'èzràh d'entre les enfants d'Israël » : ceci sert de principe [hinian
"âb) : toutes les fois qu'il est question à'èzî'âh l'Écriture parle des
mâles 2.
« Le champ consacré (non racheté, ou vendu), à sa libération au
jubilé, sera saint (consacré) au Seigneur » {Lév. 27, 21); cela nous
indique que le champ est appelé d'un nom masculin' par le mot qôdès
(saint) : de même que le qôdès, dont il est parlé plus haut {ibid. 14), ne
peut être libéré que par un rachat, ainsi le qôdès, dont il est parlé ici,
ne peut être libéré que par un rachat''.
Voici une haggada supportée à la fois par une remarque
grammaticale et par un raisonnement inattendu :
Le dixième cantique sera chanté au futur à venir, suivant qu'il est
dit (/s. 42, 10) : « Chantez au Seigneur un cantique (Br) nouveau, sa
1. Adjectif : la seule hyssope permise pour l'aspersion est celle qui
n'est désignée par aucun qualificatif (grecque, romaine,.,.) : Siphré
Num. 19, 6, § 124, p. 156; 19, 18, § 129, p. 166.
Celui qui a fait vœu de ne pas manger de légumes peut manger
des légumes des champs (hassâdé) parce que le vocable est accom-
pagné d'un sém lewâwy : Nedarim, 5, 9.
2. Siphré in loc. § 249, 120 a. Par un raisonnement sur les bâtards,
on essaie d'inclure aussi les femmes; le raisonnement est repoussé
par la remarque grammaticale.
3. Siphré in loc. % 112, p. 119.
4. Siphra Lév. in loc. 114 b. .Dans Arakin 25 b 26 a on explique de
la même façon cette opinion, que la Misna attribue à R. Juda. Noter
comment le genre de sâdé est établi :. par son attribut; cela suffit à
établir une analogie avec la consécration de la maison.
EXÉGÈSE GRAMMATICALE. 147
louange des extrémités de la terre ». Et il dit {Ps. 149, 1) : « un can-
tique nouveau, sa louange dans l'assemblée des pieux ». Tous les
cantiques du passé sont désignés par un mot féminin : de même que la
femme enfante, ainsi les saints dans le passé ont été suivis de nouvelles
servitudes, mais le salut futur ne sera pas suivi d'une autre servitude.
C'est pourquoi ce cantique est désigné par un nom masculin, suivant
qu'il est dit {Jér. 30, 6) : « Demandez, je vous en prie, et voyez si un
mâle enfante; pourquoi vois-je tous les hommes avec les mains sur
les reins » (comme une femme qui enfante) ? Car de même que le mâle
n'enfante pas, ainsi le salut à venir ne sera pas suivi d'une servitude,
suivant qu'il est dit (/s. 45, 17) : « Israël est sauvé par le Seigneur d'un
salut éternel, vous n'aurez ni honte ni confusion dans les siècles futurs » •• •'
Le singulier est désigné par Idsân yâhid (mot d'un unique)
et le pluriel, par lâsôn rabbîm (mot de plusieurs). Les rab-
bins, dans leurs exégèses tiennent compte du nombre.
Abba Hanin déduit du singulier 'issè (sacrifice par le feu) de Num,
15, 3, mis en apposition avec divers noms de sacrifices ; bien que les
vases du Temple soient plus nombreux que ceux de la Tente du
témoignage, l'Ecriture ne multiplie pas les libations^.
D'où déduit-on qu'une plate-bande (de jardin) a six palmes carrées ?
Parce qu'on y peut semer cinq semences, une à chaque côté et une au
milieu, suivant qu'il est dit (Is. 6l, 11) : « Car comme la terre produit
sa germination et comme le jardin fait germer ses semences ». 11 n'est
pas dit « sa seiaence-zàrè'â », mais « ses semences zèru'èâ^ ».
Sur les psaumes de David, les rabbins enseignent (baraitha) : les
uns ont été dits au nom de l'assemblée, les autres en son nom personnel ;
ceux qui sont dits au singulier sont dits en son nom, ceux qui sont dits
au pluriel le sont au nom de l'assemblée''.
Nous pourrions signaler beaucoup de haggadas basées sur
des considérations de nombre ; bornons-nous à cette remarque
sur les usages bibliques: entre plusieurs indications sur la
façon de lire les textes bibliques :
Au siège de Samarie « ie quart de qab de fiente de pigeon valait
cinq sicles d'argent » (2, Reg. 6, 25). Les habitants de Jérusalem
assiégée par Sennachérib sont menacés « d'avoir à manger leurs
excréments et à boire leur urine » {Is. 36, 12). On lit ces passages tels
qu'ils sont écrits, parce qu'ils sont ignominieux pour l'idolâtrie. Dans
1. Mekhilta sur Ex. 15, 1, p. 118.
2. Siphré Num. § 107, p. 106.
3. Sabbat, 9, 2, probablement sentence de R. Aqiba.
4. Pesahim 117 a.
148 EXÉGÈSE RABBINIQUË.
ce cas si l'Écriture s'exprime au singulier on la met au pluriel ; mais si
elle s'exprime au pluriel on ne la met pas au singulier *.
Précision numérique que veulent fixer les interprètes,
touchant les noms collectifs ou les pluriels indéterminés :
un premier principe, souvent invoqué, c'est qu'on doit compter
deux pour le minimum {rnVût ou mu'at) et deux aussi pour
le maximum [merubbe) :
« Des hommes pervers sont sortis de toi » {Dt. 13, 14) : pas moins de
deux 2.
« Vous le célébrerez dans vos générations » {Ex. 12, 14)... : je pourrais
l'entendre (deux) : le minimum de générations est deux ; mais il est
enseigné : c'est un précepte perpétuel ^.
« Si le poil (du lépreux examiné) »... {Lèv. 13^3) : le minimum pour
le poil est deux-*.
« Qu'il n'y ait pas parmi vous de sorcier adonné aux sorcelleries
{qâsèm qesâmîm) « {Dt. 18, 10). Sorcier, un au minimum et un au
maximum; qesâmim de manière à condamner toutes sortes de
sorcellerie **.
Enfin, sur le même sujet, règle sage formuléepar R, Aqiba :
A propos des jours (yârnîm) pendant lesquels une femme peut avoir,
en dehors de ses périodes, des écoulements {Lév. 15, 25), on se
demande combien il faut compter de jours : deux ou plus? R. Aqiba
dit : Toutes les fois que le terme comporte dans sa signification un
maximum et un minimum, si tu prends le maximum tu n'as rien fait,
si tu prends le minimum tu as bien agi''.
Les interprètes, pour s'opposer à une exégèse dissociant
les deux éléments de l'expression, font valoir que celle-ci est
à l'état construit :
« Il prendra un encensoir plein de charbons ardents {gahalé 'es »
{Lév. 16, 12). On pourrait entendre : des charbons éteints; il est
1. Tos. Megilla 4, 41, p. 228.
Noter la remarque de Sanh. 4, 5 : dans Gen. 4, 10, il est dit « les
sangs de ton frère » et non « le sang », parce que cela désigne toutes
les générations qui seraient sorties de lui.
2. Siphré in loc. § 93, 93 a.
3. Mekhilta in loc. p. 26.
4. Siphra in loc. 60 c.
5. Siphré in loc. § 171 a. Ici la règle paraît violée; mais on veut
indiquer qu'on ne doit pas laisser subsister un seul sorcier.
6. Siphra in loc. 79 a. Voir Bâcher, Terminologie^ p. 111, qui donne
d'autres références et des sentences analogues.
EXÉGÈSE GRAMMATICALE. 149
enseigné : gahalé 'es (charbons de feu). Puisqu'il s'agit de feu on pourrait
entendre « des charbons enflammés (en flammes) » : il est enseigné
gahalé 'es (charbons ardents). Comment? en soufflant. Et d'où tirer que
le feu (flamme) cesse sur les charbons? II est enseigné : « charbons
ardents »^.
Voici la déduction tirée d'une apposition :
« Cet objet revient au Seigneur, au prêtre » {Num. 5, 8): le Nom,
(Dieu) l'acquiert et le donne aux prêtres 2,
Quelques remarques pertinentes sur les pronoms : le
singulier du pronom accusatif [âta et hé'emidd) de Num.
5, 16 (le prêtre fera approcher la femme) exclut deux inter-
prétations possibles : pratiquer plusieurs ordalies de Sota
ensemble, introduire avec la femme présumée coupable ses
esclaves ou ses servantes^.
Une réflexion d'ordre tout concret précise la valeur du
démonstratif : commentaire vivant illustrant la parole du
geste qui l'accompagne: hazzé: ce qu'on montre du doigt''.
2° Le verbe.
Le verbe se prête à des analyses nombreuses, diverses et
pénétrantes.
Nous avons déjà trouvé des remarques sur le nombre et
le genre. Le genre peut toutefois être déterminé autrement
que par les désinences ou les préformantes : on note que
dans la question des estimations et des échanges [Lév. 27, 10)
tout est dit au masculin : comment inclure les femmes dans
la législation? R. Juda le tire de l'expression intensive et
donc plus générale 'îm hâmér yâmîr (s'il change). R. Meïr
1. Siphra in loc. 81 a. Explications longuement délayées dans
Pesahim 75 b. Valeurs, du génitif: Rosenblatt, op. cit. p. 13, 14.
2. Siphré in loc. § 4, p. 7.
3. Siphré Num. in loc. % 9, p. 15. Même raisonnement (une seule) sur
le yeîhVénnâ de Lév. 4, 32, Siphra, 22 b : et sur le ya'arkènnu de
Lév. 24, 8: Siphra 104, b Cf. Rosenblatt, op. cit. p. 15.
4. Mekhilta Ex. 12, 2, p. 6 (R. Aqiba) ; Siphra Lév. 11, 2, 47 q :
Moïse prenait l'objet et le montrait à Isi-aël en disant : ceci...
Évi dément cette définition ne s'appliqne pas à tous les emplois du
démonstratif.
150 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
le déduit de l'emploi de la conjonction 'îm (si, général) i.
Déduction fondée sur un singulier anormal :
« Voici les Égyptiens en marche derrière eux » (Ex. 14, 10). Il n'est
pas écrit (au pluriel) nôseHm, mais (au singulier) nôséa" : cela nous
enseigne qu'ils se formèrent par bataillons {turmae) comme un seul
homme : c'est de là que l'empire (Rome) apprit la coutume de la forma-
tion en bataillons 2.
A. — TEMPS ET MODES.
Étant donnée (( la nature complexe des deux temps finis de
l'hébreu ->->, le parfait et l'imparfait ou futur ^, il est souvent
malaisé de déterminer la valeur temporelle des formes
verbales; les rabbins, se rendant compte de ce fait, tentent
par divers moyens d'obtenir les précisions que les conjugai-
sons elles-mêmes ne donnent pas.
Voici toute une série de remarques suggestives :
« Alors Moïse chanta » {Ex. 15, 1). Il y a des « alors » {'ûz) qui dési-
gnent le passé {Gen. 4, 26; Ex. 4, 26 ; Num. 21, 17 (cas identique au cas
présent); Jos. 10, 12 ; 2 Chron. 16, 1 ; 1 Beg. 8, 12) et d'autres qui dési-
gnent l'avenir (/s. 60, 5 ; 58, 8 ; 35, 5, 6; Jér. 31, 13; Ps. 126, 2). Autre
explication : il n'est pas écrit ici ^âz sâr (alors il chanta) mais alors
yâsîr (chantera) Moïse : nous apprenons de la Tora la résurrection des
morts-'*.
Ce texte permet plusieurs constatations. Les verbes indiquant
le passé avec 'dz sont, soit au parfait, soit à l'imparfait; les
verbes indiquant le futur sont tous à l'imparfait et pris dans
des textes prédisant l'avenir. La dernière explication (mise en
Sanhédrin 91 b dans la bouche de R. Meïr) montre la tendance,
déjà marquée, à entendre le parfait du passé et l'imparfait
du futur.
Le parfait prophétique, au sens futur :
Après avoir parlé des lamentations, mais quant au futur à venir, il dit
(Is. 25, 8) : « 11 engloutira la mort à jamais... » ^'
1. Temura 2 b. La première raison est invoquée dans Siphra, Lév,
27, 10, 113 b.
2. Mekhilta in loc. p. 91.
3. JoiioN, Grammaire de Vhébreu biblique, Rome, 1923, p. 290, sq., 93,
4. Mekhilta in loc. p. 116.
5. Moed Qaton 3, 9.
EXÉGÈSE GRAMMATICALE. 151
Les commentateurs tendent de déterminer le sens de ce si
fréquent et si vague wayehi :
« Le peuple se mit à murinurer » [Num. II, 1). Wayehi signifie
simplement que ce fait ne se produisit pas pour la première fois : cela
nous apprend qu'ils s'étaient déjà mal comportés et qu'ils recommencent
leur premier désordre ^
« Et il arriva au jour où Moïse acheva de dresser la Tente... » {Num.
1, 1). Rabbi dit : wayehi indique une chose nouvelle; R, Siméon b.
Yohai dit : cela indique une chose qui avait existé mais qui avait cessé
depuis longtemps et qui recommence d'exister dans son état ancien;
c'est ce qu'il dit (Cant. 5, 1) : « Je suis venu à mon jardin » : depuis
que Dieu créa le siècle il désirait y (sur terre) avoir comme dans le ciel
une demeure de grâce : il essaya avec Adam mais le péché fit remonter
la Sekhina. Les divers péchés provoquent des remontées de plus en plus
lointaines delà âekhina. Elle se met à redescendre depuis Abraham ; puis
elle retrouve son habitation de grâce avec Moïse dans le Tabernacle 2.
Les. rabbins pensaient donc que l'expression mystérieuse
peut revêtir deux sens opposés.
De plus en plus, semble-t-il, l'imparfait est entendu comme
un futur :
« Tu renverses tes adversaires » {Ex. 15, 7). Il n'est pas écrit :
tu as renversé {hârastâ), mais tu renverseras {taharôs) : au futur
à venir (eschatologique ?) suivant qu'il est dit {Ps. 58, 7) : « Dieu,
brise leurs dents dans leurs bouches »...
« Tu déchaines ta colère » {ibid.). Il n'est pas écrit « tu as déchaîné
{salahtâ) mais « tu déchaîneras {tiselah) » au futur à venir, suivant
qu'il est écrit {Ps. 69, 25) : « Déverse sur eux ta colère ^ »...
Ailleurs le commentateur insiste : l'imparfait indique une
activité qui doit se continuer et non un acte transitoire accom-
pagnant un autre acte; les traducteurs modernes, suivant
les LXX et les Targums, traduisent ainsi Num, 25, 13 : « Ce
sera pom^" lui et pour sa postérité (de Phinéès) après lui,
l'alliance d'un sacerdoce perpétuel parce qu'il a été jaloux
pour son Dieu et qu'il a fait l'expiation pour les enfants
d'Israël ». La dernière proposition est prise au passé, parce
1. Siphré in loc. § 85, p. 84. Nous suivons la leçon négative, donnée
dans les variantes : elle correspond à la suite du développement et
c'est celle qui est reproduite dans Siphré zutta {ibid. p. 267) et là on
cite Job 1, 3 ; 1 Sam. 1, 1.
2. Tankuma naso 24 (édit. Buber, p. 39, sq.).
3. Mekhilta in loc. p. 136.
152 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
qu'équivalente à la précédente laquelle est éAddemment au
passé. Un rabbin veut l'entendre au futur permansif :
« Et il fera l'expiation pour les enfants d'Israël ». Il n'est pas dit
ici lekappér (gérondif : tout en faisant l'expiation) mais wayekappér :
car jusqu'à présent il ne cesse pas d'exister et d'expier jusqu'à ce que
les morts revivent^.
Nuance que les rabbins s'appliquent à marquer dans le
futur (exprimé par l'imparfait ou par le parfait) ; implique-t-il
une obligation? L'imparfait hébreu (surtout avec la négation)
peut avoir cette valeur.
Entre beaucoup d'autres, deux exemples plus signifiants :
De la jalousie du mari relativement à sa femme suspecte, R. Ismaël
pense qu'elle n'est pas une obligation, R. Aqiba estime qu'elle est une
obligation. A ce sujet on produit deux autres exemples. « Le prêtre
peut se rendre impur pour sa sœur vierge morte » {Lév. 2\, 3);
R. Ismaël : chose libre; R. Aqiba : obligation. « Ils seront vos
esclaves à jamais » {Lév. 25, 46) : R. Ismaël : chose libre ; R. Aqiba :
obligation. Les rabbins postérieurs tentent en diverses manières
d'expliquer les divergences des deux maîtres, soit en rapprochant
des textes analogues, soit en invoquant, pour justifier Ismaël, le prin-
cipe : l'Écriture revient sur un sujet pour modifier la loi... 2.
A propos de la prescription : « Tu circonciras tout esclave acquis
à prix d'argent et alors il mangera de la Pâque » {Ex. 12, 44)...
R. Ismaël en déduit qu'il est licite au maître de circoncire son
esclave pour le faire participer à la Pâqae et que pareillement
il est licite de conserver des esclaves incirconcis (puisqu'ils étaient
auparavant dans la maison) suivant qu'il est dit {Ex. 23, 12) : « Tu-
feras le sabbat afin que le fils de ta servante et le gèr (étranger-hôte)
se reposent ». R. Éliézer dit i ce n'est pas licite de les conserver
incirconcis puisqu'il est dit .' « et tu le circonciras » ^.
Ces discussions et les procédés d'une dialectique subtile
amenaient à mettre en doute la valeur obligatoire de futurs
nettement équivalents à des impératifs :
.« Vous en prélèverez un prélèvement pour le Seigneur » {Num.
15, 19)... R. Jonathan dit : comme il dit aussi {Deut. 18, 4) : « Tu
1. Siihré Num. 25, 13, g 131, p. 173.
2. Sota 3 a. Pour la loi de la Sota (libre ou nécessaire) voir Siphré
Num. 5, 14 § 7, p. 12. Siphra Lév. 1, 2, 4 c {gezéra opposé à resât.)
3. Mekhilta in loc. p. 53. Ici l'opposition n'est pas entre obligation
et liberté, mais entre licéité et obligation. Noter que la discussion
porte sur un parfait à sens de futur.
EXÉGÈSE GRAMMATICALE. 153
donneras au prêtre les prémices de ton blé, de ton moût et de ton
huile t, je pourrais me demander si la première indication prescrit
une obligatioii ou laisse la liberté ; il est enseigné en ces termes :
« tu prélèveras un prélèvement » : c'est une obligation non une
chose libres
Les rabbins sentent la valeur exacte des participes
« Si tu vois l'âne de ton adversaire succombant sous la charge »
{Ex. 23, 5). Il est dit rôbés succombant (une fois en passant) et non
rabsân (habituellement défaillant) 2.
Des doutes sont émis sur la valeur temporelle du participe
bâré' (créant) qui entre dans plusieurs bénédictions, par
exemple dans celle-ci : « Formant la lumière et créant les
ténèbres » {Is. 4-5, 7).
Rabba (amora) disait : tout le monde s'accorde à reconnaître
que bârâ' (au parfait) a le sens de « il a créé » ; on se divise sur la
signification de èdre" (participe) : l'école de Sammai pense que cela
signifie : il créera; et l'école d'Hillel pense : cela signifie : qui a déjà
créé 3 ».
Explication judicieuse suggérée par vu participe :
« Les Israélites virent l'égyptien mort... » {Ex. 14, 30). Mort, met :
étaient-ils donc morts? Non! mourants et non pas morts, de la même
façon qu'il est dit {Gen. 35, 18) : « Et il arriva quand sortait son âme,
car elle était mourante ». Était-elle donc morte? Non ! mourante, mais
pas morte'*.
Pour l'infinitif absolu, mis devant le verbe au mode person-
nel, nous verrons plus loin que R. Ismaël lui attribue, très
1. Siphré Num. 15, 19, § 110, p. 113 et 18, 29, § 121, p. 149.
Pour des rabbins le sens impératif est plus marqué parce qu'en
néo-hébreu s'est formé un verbe dénominatif de teruma : tarant^
2. Mekhilta in loc. p. 325 et Baba Mesia 33 a.
3. Berakot 53 b : les explications attribuées aux écoles classiques
sont-elles du premier siècle? Il y a beaucoup d'araméen dans ces
propos. La Misna (8, 1) rapporte que dans les bénédictions les
Sammaïtes disaient : sèbbârâ (qui a créé) la lumière, tandis que les
Hillélites disaient : bôré' (créant). Dans son commentaire, Rachi voit
dans le participe l'indication d'une action qui dure.
4. Mekhilta in loc. p. 113; même explication, un peu plus appuyée
dans la Mekhilta de R. Siméon b. Yohai, p. 54, sq. Evidemment on
entend met, participe (action qui dure) et non met, parfait (action déjà
passée). Ces verbes n'ont pas de pai'ticipe passif.
154 EXÉGÈSE BABBINIQUE.
justement, une simple valeur intensive, alors que R. Aqiba
y voit une indication particulière.
Nous verrons aussi quelle portée mystérieuse divers rabbins
donnent à l'infinitif d'dmar construit avec la préposition L
B. — LES CONJUGAISONS.
Les exégètes tiennent un compte exact de la valeur des
diverses conjugaisons hébraïques.
Qal distinct du hîphil et du niphal :
« Si un bœuf frappe de sa corne » {Ex. 21, 28) : cela ne concerne pas
les bœufs du stade, car il est dit : « s'il frappe » {qal) et non : si on le
fait frapper {hiphil)^.
« Aucun travail n'y sera fait » {Ex. 12, 16) : tu ne le feras pas,
toi, ni ne le fera ton prochain, ni un goy (gentil); l'objection tirée
de Ex. 35, 2, ou le raisonnement sur la nécessité d'une précision,
ne prévalent pas contre le niphal, passif, donc général : aucun...
ne sera fait {yé'âsè}^.
Le hitpael est entendu dans un cas particulier comme un
passif général : il se fera raser, non seulement au rasoir,
mais de toute façon possible^.
Discussion entre rabbins sur le sens précis du hiphil de
^Y, suivant de près le qal dans Ex. 12, 35, 36 :
« Ils demandèrent aux Égyptiens de leur prêter... Et le Seigneur
fit trouver grâce au peuple aux yeux des Égyptiens et ils leur
prêtèrent... » Ils leur prêtèrent, suivant le sens du mot : l'hébreu
n'avait pas fini de dire « prête-moi » qu'il tirait les choses et les lui
donnait : paroles de R. Ismaël. R. José le galiléen disait : ils crurent
1. Dans Sebuot 3, 5, R. Ismaël attribue, indûment semble-t-il, une
valeur future aux infinitifs avec lamed de Lév. 5, 4 : « Si on jure
de faire le mal ou le bien » ; il en déduit que les serments vains ne
sont coupables que s'ils ont trait à l'avenir.
2. Baba qamma k, 4.
Sur la valeur attribuée aux diverses conjugaisons : Rosenblaït,
op. cit., p. 10, 11.
3. Mekhilta in loc. p. 30, sq. Pesahim 86 ab contient de pareilles
conclusions sur le passif à'Ex. 12, 46. Cf. Mekhilta p, 54. Siphra 109 c
tire du niphal de Lév. 25, 39 qu'on ne peut se vendre soi-même
comme esclave.
4. Siphra Lév. 13, 33, 66 b.
EXÉGÈSE GRAMMATICALE. 155
en eux pendant les trois jours de ténèbres dont les hébreux n'avaient
pas profité contre eux. R. Éliézer b. Jacob disait : l'Esprit de sainteté
fut sur eux et ils dirent : prête-moi cet ustensile que tu caches en tel
endroit... R. Nathan disait : il n'est pas nécessaire de dire « ils leur
prêtèrent », mais même les choses qu'ils ne leur demandaient pas,
ils les leur donnaient ; si un hébreu disait : donne-moi tel article?
il lui répondait ; prends-le et encore cet autre ^.
C. — QUELQUES NOTES SUR LA SYNTAXE ÉLÉMENTAIRE DU VERBE.
Les rabbins remarquent que les deux mots réunis dans un
zeugma ne font qu'une seule expression :
« Souviens-toi et garde » {Ex. 20, 8). Les deux choses sont dites en
une seule expression. On rapproche : Ex 31, 16; Num. 28, 19; Lév. 15,
16: Deut. 25, 5, 11, 12. Dieu seul peut ainsi dire deux choses en une
seule parole suivant Ps. 62, 12 ; Jér. 23, 29.
« Souviens-toi et garde » : souviens-toi- avant le sabbat et observe
après le sabbat. De là les sages disent : on joint le profane au saint, tel
le loup qui se garde (ou bien — autre lecture : saisit sa proie) par devant
et par derrière. R. Eléazar b. Ezéchias b. Hananiab. Garon disait : sou-
viens-toi... dès le premier jour de la semaine, de sorte que si tu ren-
contres dès lors un bon morceau, tu le réserves pour le jour du sabbat
(pour le repas plus choisi du sabbat) ... 2,
Comment déterminer le sujet et le complément dans une
phrase obscure comme Num. 5, 10 et dont la teneur parait
contredire aux directions juridiques communes ? Les dialec-
ticiens ont beau jeu pour user des raisonnements par analogie,
sans arriver pourtant à faire une lumière parfaite^.
1. Mekhilta in loc. p. 46, sq. et parallèles. En français le rapport
de sa' al {qal) et de hise''îl {hiphil) est peu sensible.
2. Mekhilta in loc. p. 229. Le premier paragraphe se trouve aussi
Siphré Deut. 22, 11, § 233, 117 a. Le second paragraphe montre que
certains essayaient de donner un sens séparé à chaque partie de
l'expression.
Gomme l'observe Bâcher, Terminologie, I, p. 18 (note), si l'on
signale que Dieu fait une chose impossible aux hommes, c'est qu'on
pense qu'il a dit à la fois les deux mots et que les auditeurs les ont
perçus (trait fréquent dans le folklore juif).
3. Siphré in loc. § 6, p. 9, 10. A la fin R. Josué sur Lév. 19, 24, 25,
contre l'évidence, affirme que les fruits de la quatrième année revien-
nent au propriétaire : il est dit ensuite : « vous les mangerez et
l'arbre vous continuera son produit »; il ne peut le continuer qu'à
ceux à qui on l'a d'abord donné.
156 EXÉGÈSE RABBÏNIQÛE.
Gomment expliquer que dans Num. 12, 1, alors que Marie
et Aaron ont tous deux parlé contre Aaron, le verbe soit au
singulier féminin, comme s'il avait pour sujet uniquement
Marie?
C'est que Marie commença à parler, car elle n'était pas habituée à
parler devant Aaron à moins d'une nécessité. Et pareillement tu dis
{Jér. 36, 6) : « Tu iras et tu liras dans le rouleau que tu as écrit sous ma
dictée ». C'est que Baruch ne parlait devant Jérémie que par nécessité V
3° Les particules.
C'est encore à la syntaxe élémentaire que se rattache la
détermination de la valeur des particules. D'abord les con-
jonctions qui gouvernent les verbes.
A. — LES CONJONCTIONS.
im : si.
R. Ismael disait : tous les Hm de la Tora ont un sens hypothétique
(libre, ne comportant pas une obligation) sauf trois {Lèv. 2, 14) : « Et si
tu offres l'offrande des prémices », obligation... [Ex. 22, 24. « Si tu
prêtes de l'argent à mon peuple », obligation (devoir de prêter d'après
Deut. 15, 8), {Ex. 20, 25). « Si tu m'élèves un autel de pierres » obliga-
tion suivant 27, 6... Pourquoi le « si »? S'il veut faire un autel de
pierres qu'il le fasse ; de briques, qu'il le fasse : d'où règle a fortiori
pour tous les autres objets ^.
Si optatif :
« Si vous suivez mes ordonnances » (Lév. 26, 3). Cela nous apprend
que le Mâqôm (Lieu = Dieu) désire qu'Israël peine sur la Tora. Et il
dit (Ps. 81, 14, 15) : « Ah! si mon peuple m'écoutait..! » {Is. 48, 18, 19)
Et il dit aussi {Deut. 5, 29) : « Qui fera que leur cœur ...! n^.
De M, aux fonctions variées, un amora du m* siècle,
R. Siméon b.Laquis dit qu'il a quatre sens; il équivaut à : si,
peut-être, si ce n'est (s'opposant à ce qui précède), puisque
(exposant la raison de l'afjfirmation) ^.
1. Siphré Num. 12, 1, § 99, p. 98.
2, Mekhilta Ex. 20, 25, p. 243 et nombreux parallèles.
3. Siphra in loc. 00.
4, Ros ha-sana, 3 a; les parenthèses viennent du commentaire de
Râsi.
EXÉGÈSE GRAMMATICALE. 157
Nous trouvons dans les commentaires tannaïtes quel(jues
applications de cette définition : du M conditionnel :
« Si l'un d'entre vous fait une offrande » {Lèv. \, 2). On pourrait
l'entendre au sens d'un décret (obligatoire); non! il est enseigné
ki yaqeribh : c'est libre (sacrifice qui reste libre) ^.
Kî causal, Voir (suprà, p. 48) sur Veut. 14, 27 : c'est l'in-
dication de la cause.
M au sens temporel :
« Et il arrivera quand vous entrerez dans la terre, ... vous observerez
ce rite... » [Ex. 12, 25) : l'Écriture fait dépendre ce rite (du culte) de
l'entrée dans la terre (la prescription ne vaut que pour les temps qui
suivront) 2.
Discussion intéressante sur la valeur de ki 'im :'sur la
question de savoir si on commémorera aux jours du Messie
la sortie d'Egypte. Ben Zoma cite {Jér. 23, 7, 8) :
« C'est pourquoi voici que dès jours viennent, où on ne dira plus :
Yhwh est vivant qui a fait sortir de la terre d'Egypte les enfants
d'Israël, mais (ki 'im) Yhwh est vivant, qui a fait monter et fait venir
delà terre du Septentrion la race de la maison d'Israël... » Les rabbins
lui dirent : Non ! ce n'est pas que tu exceptes (du nombre des empires
oppresseurs) l'Egypte, mais que tu ajoutes l'Egypte aux empires; les
empires sont l'essentiel et l'Egypte le secondaire (accessoire). Et pareille-
ment il est 6SX{Gen. 35, 10) ; «Ton nom ne sera plus appelé Jacob, mais
[ki Hm) ton nom sera Israël » : tu ne lui enlèves pas le nom de Jacob,
mais tu l'ajoutes à celui d'Israël, Israël étant le principal et Jacob le
secondaire... Pareillement pour le changement de nom de Sara [Gen.
i, 15). Item pour le nom d'Abraham (17, 5). Jadis tu étais père d'Aram,
et maintenant te voici père de tous les hommes (tous ceux qui viennent
au siècle) 3...
Au contraire la valeur adversative de kî 'im est bien accusée :
« Vous n'en mangerez rien de bouilli., mais seulement {kî 'im) rôti au
feu » (Ex. 12, 9) : cela condamne même la manducation d'une petite
1. Siplira in loc. 4 c. ; item 2, 1, 4, c; 2, 4, 10 c : kî taqerîbh,
pour rendre la chose libre. Dans la Misna : Rosenblatt, op. cit. p, 19.
2. Mekhilta in loc. p. 39. Remarque fréquente^ cf. Siphré Num. 35,
9 § 159, p. 215 qui cite comme analogue Deut. 19, 1 (après la
conquête).
3. Tos. Berakhoth 1, 10-14, p. 2, sq. Ben Zama prend kî ''im au
sens adversatif; les rabbins — et c'est le sens qui prévaut dans tout
le passage, — au sens uniquement précisif.
158 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
partie crue ou bouillie... On pourrait ainsi interpréter : qu'on cuise à
l'étouffée ce qui est meilleur ainsi et qu'on rôtisse ce qui est meilleur
ainsi; Non ! il est enseigné en ces termes : « mais uniquement rôti au
feu^ ».
Les rabbins distinguent les valeurs diverses que peut
prendre la conjonction coordinative, si abondamment em-
ployée en hébreu, le waw. Règle générale, formulée par
R. Ismael, le waw a pour objet de joindre ce qui suit à ce qui
précède ^ ; il arrive aussi que la particule ait un rôle disjonç-
tif, équivalent alors k a ou :»^.
Les rabbins sentaient parfaitement que la conjonction copu-
lative peut avoir pour effet, soit de joindre deux propositions,
coordonnées, soit de joindre une proposition subordonnée à
une proposition principale : témoin ces deux interprétations
du même texte :
« Qu'il (le roi) n'ait pas beaucoup de femmes et que son cœur ne se
détourne » {Deut. 17, 17). R. Juda : il peut en prendi'e beaucoup, mais
à condition qu'elles ne détournent pas son cœur. R. Siméon : s'il n'en
prend qu'une et qu'elle doive détourner son cœur, il ne doit pas l'épouser ' .
Le sens disjonctif de 'd est nettement affirmé :
« Il apportera deux tourterelles ou deux pigeons » (Num. 6, 10). De l;ï
on dit : on n'apporte pas les tourterelles comme équivalentes aux
pigeons ni réciproquement^.
1. Mekhilta Ex. 12, 9, p. 20 sq.
2. Zebahim 107 a, baraitha de R. Ismael dans une discussion sur
Lév. 17, 8 : le waiv a pour effet d'unir {'arab) les sections et non
de les opposer. Ou bien il est dit qu'il a pour effet d'ajouter ce qui
suit à ce qui précède : vg. Hullin, 78 a; Mekhilta Ex. 21, 1, p. 247
(R. Ismael); Siphra Lév. 1, 10, 7 c; Siphré Deut. 33, 1, 142 a (cela
ajoute à une bénédiction antérieure).
3. « Frapper son père et sa mère », maudire son père et sa mère »
{Ex. 21, 15, 17) : le et équivaut à ou et on doit traduire, ou bien l'un
d'eux, ou bien, soit tous les deux ensemble, soit chacun d'eux
{Mekhilta p. 265, 267, sq.). Dans la dernière explication le waw est
pris, tantôt au sens conjonctif, tantôt au sens disjonctif. Item : Siphra
Lév. 22, 9, 92 a; Hullin 78 a sur Lév. 22, 28, 21. ■
4. Sanhédrin 2, 4 : dans le premier cas le waw est pris comme
indiquant une subordination (de condition); dans le second cas une
coordination (précisant et restreignant le sens du premier verbe, sans
tenir compte du « beaucoup »).
Voir sur les divers rôles du waw dans la Misna, Rosenblatt, op.
cit., p. 17, sqq.
5. Siphré Num. in loc. § 29, p. 36.
EXÉGÈSE GRAMMATICALE. 159
B. — LES PRÉPOSITIONS
Les rabbins déterminent le sens précis des prépositions.
''ad (jusque), dans certains cas, est équivalent à het (dans) :
Jusqu'au matin signifie « au matin » : c'est l'usage des patriarches
et des prophètes de se lever « au matin, » [Bahhôqèr, se lever de grand
matin) : Gm. 22, 3; 28, 18; Ex. 34, 4; Jos. 3, 1; i Sam. 15, 12)^
Nuance de sens peut-être trop subtile :
« A votre entrée {bebô'akèm dans la terre » [Nmn. 15, 18). L'Ecri
ture désigne cette entrée par une expression particulière; pour les
autres il est dit : « quand vous entrerez, quand Dieu vous fera entrer » ;
ici il est dit bebô'akèm, pour t'apprendre que dès que les Israélites
pénétreront dans la terre, ils seront tenus à la loi du prélèvement de la
hallû (gâteau) 2.
L'expression si fréquente Vémôr (en disant) a exercé aussi
la sagacité et l'imagination des rabbins :
R. Ismaël : va et dis-leur tout de suite, suivant qu'il est dit {Ex.
34, 34) : « Puis il sortait et disait ». R. Éliézer : va, dis-leur et rapporte-
moi la chose, suivant qu'il est dit {Ex. 19, 8) : « Et Moïse rapporta
les paroles du Seigneur »; cf. aussi : Ez. 9, 11. R. Aqiba : va et dis-
leur que c'est à cause de leur mérite qu'il parle avec moi. Siméon b.
Azzai : les termes que tu entends sont ceux que tu apprends '.
R. Aqiba : tout endroit où il est dit W mor a besoin d'être inter-
prété''.
R. Nehemia explique la valeur à la fois du hâ locatif et de
la préposition lamed :
« Ils allèrent à Sukkot » {Ex. 12, 37) ; en opposition à des interpréta-
tions figurées, Nehemia dit : alors qu'il aurait fallu mettre un lamed
avant le mot on met un hâ à la fin ^.
La préposition 'e7 donne occasion à des confusions puis-
qu'elle peut, ou bien signifier avec, ou bien introduire un
1. Mekhilta Ex. 12, 22 p. 38. Prépositions dans la Misna : Rosen-
BLATT, op. cit. p. 16, sq.
2. Siphré Num. in loc. § 110, p. 113.
3. Mekhilta 5, 1, p. 2-4; le second sens (dis et rapporte) détaillé
dans Siphré Num. 12, 13, § 105 p. 104.
4. Siphré Num. 5, 6, § 2, p. 5.
5. Mekhilta in loc. p. 48.
160 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
accusatif : confusions dont on trouve des traces dans la Bible.
D'autre part, les théories de Nahum de Gimzo, vulgarisées
par Aqiba sur la portée, exclusive ou inclusive, des particules
ouvraient la voie à d'autres discussions. Exemple représentatif
de ce sens inclusif attribué à 'et (le faisant équivalent de
avec) :
« Tu craindras Yahwé, ton Dieu » {Lèv. 6, 13) : le 'et signifie : Dieu
et sa loi, (ou bien : Dieu et les rabbins) ^.
Au sens réfléchi :
« Voici la loi du nazaréen : le jour où il a accompli le temps de sa
séparation il (on) le conduit {yahV) » {Num. 6, 13). Est-ce que d'autres
le conduisent; n'est-ce pas lui qui se présente (conduit) lui-même? C'est
un des trois 'eï qu'expliquait (au sens réfléchi) R. Ismaël. Pareille-
ment tu dis {Lév. 22, 16) : « On ne leur fera pas porter le poids de leur
faute » ; est-ce que d'autres leur feraient porter ce poids? N'est-ce pas
eux qui se l'imposent à eux-mêmes? Pareillement tu dis {Deut. 34, 6) :
« Et il s'enterra dans la vallée ». Est-ce que d'autres l'enterrèrent?
n'est-ce pas lui qui s'est enterré lui-même? Pareillement c'est lui qui
se présente lui-même et non d'autres qui l'amènent 2.
Il est rapporté que sur trois textes R. Ismaël demanda à
Aqiba, élève de Nahum de Gimzo, et tenant comme lui que
'et signifie une inclusion, quelle est la portée de la particule :
pour Gen. 1, 1 (le ciel) Aqiba répond que sans cela on pour-
rait croire que le ciel et la terre sont des divinités à côté de
Dieu; pour Gen. 4, 1 et 21, 20, il répond que sans cela le
texte serait trop difficile^.
Pour les prépositions, il est ordinairement assuré qu'elles
1. Pal. Berakhot 9, 7, 14 b et Babil Pesahim 22 b et parallèles. La
parenthèse vient du Babli, qui transcrit d'ailleurs une leçon assez
différente quant aux circonstances de l'histoire.
2. Siphré Num in loc. § 32, p. 38, sq. Ces exégèses, dans le premier
et le troisième cas, sont provoquées par le verbe au singulier, non
par l'incertitude de la ponctuation du "et; dans le second cas par la
présence de deux accusatifs.
3. Genèse rabba, 1, 14, p. 12 (là même on joint l'exégèse, pour
inclure dans la terre et le ciel, la lune et le soleil, les étoiles et les
planètes), 22, 2, p. 206; 53, 15, p. 574. Voir p. 190.
Cette valeur inclusive (équivalent à aoec) du ""et semble avoir été
admise par beaucoup, témoin la traduction qu'Aquila donne ordi-
nairement de la particule, ainsi Gen. 1, 1 : èv -/.sçaXat'w exticev ôsbç oby
Tov oùpavbv y.cà auv xrjv y^v.
EXÉGÈSE GRAMMA.TICA.LE. 161
réfèrent le complément qu'elles régissent à ce qui précède
immédiatement :
« Vous serez purs de tous vos péchés devant le Seigneur » {Lév.
16, 30). R. Éléazar b. Azaria l'entend uniquement des péchés commis
contre Dieu (hattôtékèm liphnè Yhwh)^ non des péchés commis contre
son prochain que le jour de l'Expiation n'efface pas, tant qu'ils ne sont
pas réparés ^...
C. — LES ADVERBES.
Les rabbins s'appliqpient également à définir le sens exact
des adverbes. Nous savons les deux sens qu'ils attribuent à
'âz (alors), ^ôd (ne plus) s'applique à une réalité qui s'est
déjà produite^. Mâhâr (demain) peut signifier le temps pré-
sent ou un temps fort éloigné^ . D'après R. José le galiléen 'ak
(seulement) a pour effet de préciser, de distinguer (de limiter
une prescription aux objets énumérés dans le texte)''.
APPENDICE
Le besoin de justifier une exégèse fera quelquefois passer
par-dessus les règles do la grammaire :
Pour ne pas se laisser tromper par un escroc demandant un objet
qui ne lui appartient pas, on entend ainsi Deut. 22, 2 : « tu garderas
chez toi l'animal trouvé jusqu'à ce que ton frère le réclame (jusqu'au
chercher de ton frère lui, derôs âhîkâ ôtô) » : jusqu'à ce que tu aies
interrogé ton frère pour voir s'il est trompeur ou non^.
1. Yoma, 8, 9.
2. Siphré Num. 18, 5, § 116, p. 133; on cite comme autres exemples :
Gen. 9, 11; Lév. 17, 7; Deut. 11, 22 (on ne fera plus).
3. Mekhilta Ex. 13, 14, p. 73 (demain proche); autres exemples :
Ex. 8, 19; Jos. 22, 24 (demain éloigné).
4. Mekhilta Ex. 12, 15, p. 28 (ce jour même et pas d'autres); 12^
16, p. 32 (vous et pas d'autres, ni les animaux); 21, 21, p. 274.
Siphré Num. 18, 14, 15, § 117, p. 137; 18, 15, § 118, p. 138; 26, 55,
§132, p. 175.
5. Baba Mesia 2, 7 : cette traduction est impossible dans l'état
actuel du texte; il faudrait lire : derôskâ.
EXEGESE RABBINIQUE.
lY
CONSIDERATIONS STYLISTIQUES.
PARTICULARITÉS DU LANGAGE BIBLIQUE.
Dans leurs remarques exégétiques, les rabbins disent fré-
quemment : l'Écriture parle de telle ou telle façon; cette
rubrique introduit souvent des observations justes sur les
particularités de la langue biblique, souvent aussi des consi-
dérations sur le style, qui conviennent à la langue hébraïque
en général. Nous renonçons à séparer ces deux points de
vue, trop étroitement liés.
Dans le présent paragraphe nous passons en revue succes-
sivement les exégèses qui notent la forme singulière de tel
mot, de telle expression, de telle phrase, puis celles qui étu-
dient les rapports des propositions entre elles. Inévitablement
l'une ou l'autre de ces études paraîtra faire double emploi
avec quelques-unes des précédentes sur le vocabulaire et la
grammaire.
1° Principes généraux. Formes du langage biblique.
Toutes les recherches sur le style biblique s'inspirent de
deux principes : la langue parlée dans la Bible est la langue
que parlent ordinairement les hommes ; elle comporte cepen-
dant quelques particularités.
« L'Écriture parle la langue des hommes », nous avons
déjà rencontré et nous trouverons encore plusieurs fois ce
principe, par lequel R. Ismaël rejette les interprétations
subtiles et artificielles de R. Aqiba.
Conséquence de ce principe, l'Écriture, pour s'accommoder
à l'entendement humain, emploie des comparaisons :
« La montagne du Sinaï était toute fumante... et la fumée s'élevait
comme la fumée d'une fournaise » (Ex. 19, 18)... Pourquoi dit-on
« une fournaise » ? Pour mettre dans l'oreille ce qu'elle est capable
d'entendre. Pareillement (Am. 3, 8) : « Le lion rugit, qui ne crain-
drait? » Qui a mis force et puissance dans le lion? N'est-ce pas Lui?
Et voici que nous, nous Le représentons d'après ses créatures, pour
considér^lTions stylistiques. 163
mettre dans l'oreille ce qu'elle est capable d'entendre. Et pareillement
Ez. 43, 2 (Dieii a donné force aux eaux qui le représentent) ^.
Ce texte est intéressant : il montre comment on passe
naturellement de la comparaison à la métaphore et il présent©
la métaphore, donc le langage figuré, comme une des formes
ordinaires du langage humain.
Dans ce même sens sont expliquées certaines formules :
« En sacrifice d'agréable odeur » {Num. 28, 8) : pour m'être agréable
à moi qui ai dit et est accompli mon bon plaisir^.
« Je lui parle bouche à bouche en vision » (Num. 12, 8) : cela signifie :
dans une parole, car personne ne peut voir Dieu et vivre ^.
La règle 21 d'ÉUézer explique pourquoi l'Écriture emploie
pour le même objet deux métaphores : (c Le juste fleurira
comme le palmier, il s'élèvera comme le cèdre du Liban »
[Ps. 92, 13), Si l'on ne prenait que le premier terme on
pourrait croire que, comme le palmier, il n'a pas d'ombre et ne
peut pas être utilisé en menuiserie, aussi ajoute-t-on : comme
le cèdre. Si on ne prenait que le second terme on pourrait
croire qu'il ne porte pas de fruits ; il faut appliquer à l'objet
ce qui est le meilleur dans les deux termes de la comparaison.
On peut raisonner de même sur l' eau , le yin et le lait d'/s .55,1,
symboles de la loi.
L'hyperbole est aussi une figure de langage : aurait-elle
place dans l'Écriture?
« Ce sont de grandes villes et des forteresses s'élevant dans les
cieux » {Deut. 1, 28). R. Siméon b. Gamaliel disait : l'Écriture peut-elle
employer des expressions hyperboliques, suivant qu'il est dit {Deut.
9, 1) : « Écoute, Israël, tu vas passer aujourd'hui le Jourdain » (Impos-
1. Mehhilta in loc. p. 215. Éliézer a tiré de là sa règle 14 :
expliquer uae chose grande par une petite qui dépend d'elle (ainsi
la pluie de Deut. 32, 2, symbole de la Loi; le lion d'Amps symbole
de Dieu), afin de faire entendre à l'oreille ce qu'elle est capable
d'entendre. Dans Siphré Deut. 32, 2, §306, 131 b, les comparaisons
sont développées, mais on cherche également à expliquer par le
phénicien le verbe 'âraph.
Voir aussi Siphré Deut. 33, 2, § 343, 143 a. Cf. Mek/iilia E^. 19, 5,
p. 5, sous une forme un peu différente : pour que l'oreille soit
ouverte.
2. Siphré in loc. § 143, p. 191.
3. Siphré in loc. § 103, p. 101.
164 EXÉGÈSE RABBINI(^X3E.
sible à cette multitude en un seul jour)? Mais qu'a dit le Saint,
béni soit-il, à notre Père Abraham? (Gew. 26, 4) « Je multiplierai
ta postérité comme les étoiles du ciel » et aussi (Gen. 13, 16) : « Je
rendrai ta postérité nombreuse comme la poussière de la terre : si
l'on peut compter la poussière de la terre, ainsi pourra-t-on compter
ta postérité ». Elle n'emploie pas d'expressions hyperboliques ^
Il semble que le rabbin ait admis dans certains cas
l'existence d'hyperboles dans l'Écriture, mais pas dans les
deux derniers textes cités. Un amora du iv^ siècle, R. Ammi,
déclare que la Tora {Deut. 1, 28), les prophètes (/ Reg. 1, 40 ;
une clameur qui fend la terre) et les rabbins se servent
d'expressions hyperboliques^.
A l'opposé de l'hyperbole, la litote, qui atténue la force de
l'expression : ainsi, dire de la terre qu'elle baille (ouvre sa
bouche, pasa) et non qu'elle se fend *,
Ces figures de style sont courantes dans toutes les littéra-
tures. Quelques formes surprenantes, les rabbins les excusent
et expliquent en disant : ainsi s'exprime l'Écriture^.
Particularité très caractéristique de l'Écriture : afin d'évi-
ter soit des anthropomorphismes, soit des expressions indé-
1. Siphré in loc. § 25, 70 a. Hyperbole rend l'hébreu hâha'y, équi-
valent probablement au hâwâ'y de Hullin 90 b. Le même mot dans
Nedarim, 3, 1 désigne les vœux vains.
2. Hullin 90 b et Tamid 29 b, 30 a : on disait : le tas de cendres
sur l'autel mesure 300 cors (plus de trente mètres cubes); on se servait
d'une coupe d'or pour les libations du sacrifice perpétuel; voir aussi
les racontars sur la vigne d'or à laquelle chacun pouvait contribuer,
et peut-être également sur l'épaisseur du rideau du Temple et la
quantité des prêtres qui y travaillaient.
3. R. Siméon b. Gamaliel dans Genèse rabha sur 4, 11, eh. 22,
10, p. 217. Les trois textes avec expression atténuante (memu'ât,
opposé à merahbé dans Pal. Yoma, 2, 5, 40 a) sont : Gen. 4, 11;
Num. 16, 30; Deut. 11, 6. Nous suivons Bâcher, Agada der Tannai-
îen, II, p. 331, qui entend l'atténuation de pâsâ, et substitue le
texte du Deut. à Jug. 11, 35 indiqué par Genèse rabba. Theodor,
dans son édition de Gen. rabba, repousse cette façon de voir et
entend l'atténuation des expressions mentionnées : plus maudit que
la terre; Dieu capable de créer; ouvrir la bouche pour un vœu.
Dans un sens un peu différent Aqiba parle [Pal. Yoma, 2, 5, 40 a)
d'expressions admettant un sens fort et un sens faible), vg. Lép. 1, 8,
les fils d'Aaron (combien en compter?)
4. 'ista'i : Sanhédrin 38 b, dans une sentence amora, mais d'un
disciple de Meïr. Cf. Bâcher, Terminologie, II, p. 17.
CONSIDÉRATIONS STYLISTIQUES. 165
centes ou injurieuses pour Israël, on emploie des tournures
voilées, ou bien on modifie la teneur du texte. Nous avons
déjà vu ces corrections de scribes, introduisant souvent un
mot impropre, ou un pronom ne correspondant pas à l'objet
véritable du discours, par respect pour Dieu ou pour Moïse.
Tel terme décent remplace dans la Bible un autre terme,
qui aurait pu choquer : principe illustré de quelques
exemples :
Les rabbins enseignent : tous les termes de la Tora qui seraient tels
quels (tels qu'ils devraient être écrits) choquants (honteux ligena'y)
sont remplacés à la lecture par des termes honorables {lesèbah), par
exemple : isgalènnâ (un autre la possédera) de Deut. 28, 30 par iskabènnâ
(aura commerce avec elle); ba'éphôlim (Dieu te frappera d'hémorroïdes)
de Deut. 28, 27 par baUehôrîm (même sens, mais expression crue) ;
hiryyônim (fiente de pigeon) de 2 Reg. 6, 25, par clibyônim (mot
de même sens); manger hara^yhèm (leur boue) d'/s. 36, 12 par
sô''âtham (leurs excréments) et sënehèm (leur urine) par même ragh-
léhèm (eaux de leurs pieds, urines); ils firent du temple de Baal
maharâ 'ôth (latrines) de 2 Reg. 10, 27 par Môsa''ôth (même sens, mais
plus réaliste) ^
2° Usages bibliques particuliers.
Certaines expressions ont un sens consacré, constant :
Un précepte éternel est obligatoire pour toutes les générations, et
non pas seulement pour celles qui le reçoivent^.
1. Megilla 25 b; Tos. Megilla 4, 39-41, p. 228.
La leçon honnête est celle du Ketib massorétique et l'autre celle
du Qeri : la Massore a donc pris le contre-pied des rabbins, en
ordonnant de lire le terme le plus choquant, mais probablement pour
mieux accentuer la leçon morale et la honte de l'idolâtrie (cf. Tos.
Megilla, 4, 41, cité p. 147, sq., qui ordonne de lire tel quel ce qui est
ignominieux pour l'idolâtrie).
R. Juda b. liai dit pareillement qu'on ne doit pas interpréter le
Cantique en mauvaise part, mais à la louange d'Israël {Cant. rabba
sur 1, 12 et 2, 4).
Dans le même sens les rabbins veulent que dans certaines discus-
sions juridiques, on se serve de termes purs (nâqî) : Pal. Moed
qafon, 1, 4, 80 d et Ketubôt 30 b sur la Misna 5, 13 ; cf. Bâcher,
Terminologie, II, p. 128.
2. Mekhilta Ex. 12, 14, p. 26; Siphra Zép. 3, 17, 15 a; Siphrè
Num. 18, 8, § 117, p. 135.
166 liXÉGÈSE EABBINIQUE.
Bénir quelqu'un signifie « prier pour lui «^'.
(Une fiile) dans la maison de son père signifie : étant encore
sous l'autorité de son père^.
« Sacrifice au Seigneur » [Lév. 1, 2) : le substantif précède afin que
!a sanctification soit antérieure à l'offrande; d'où l'obligation de dire
« holocauste pour Ya » et non inversement^.
Pour une maison lépreuse un rabbin compétent dira, non pas « il
m'est apparu une plaie » même si elle est évidente, mais « il m'est
apparu comme une plaie » ^.
On explique tel terme extraordinaire, parfois d'une façon
étonnante, mais que justifie le caractère divin de la Bible :
« Sortez, vous trois » {Num. 12, 4) : cela enseigne que tous les trois
furent appelés par un seul mot, ce qu'une bouche (humaine) ne peut
dire ni une oreille entendre^...
Certains usages bibliques sont expliqués.
Pour illustrer ou préciser une prescription, on indique la
circonstance la plus ordinaire : ainsi il est défendu en général
de manger d'une bête trouvée morte ; et il est précisé « dans
les champs », car c'est là que le fait se produit le plus
souvent®.
Quand Dieu dit à Moïse : « parle aux prêtres », ou «parle
aux Israélites » , il lui donne une loi concernant la catégorie
à laquelle il lui commande de s'adresser''^.
Les lois commençant et se terminant par (( moi Yahw^é »
sont plus graves^.
Les rabbins expliquent pourquoi telle forme particulière :
Dans Num. 26, 53 l'ordre de partage (suivant les noms des tribus)
1. Mekhilta Ex. 12, 32, p. 45.
2. Sip.'iré Num. 30, 4, § 153, p. 201.
3. Siphra in loc. 4 c.
4. Siphra Lév. 14, 35, 73 b. Pour rester fidèle aux termes de
l'Écriture.
5. Siphré in loc. § 102, p. 100.
6. Mekhilta Ex. 22, 30, p. 321; c'est la règle 18 d'Éliézer qui
donne en premier lieu cet exemple, puis Deut. 23, 11 (accident
séminal qui se produit le plus souvent la nuit, cf. Siphré in loc. § 255,
120 b)... Voir suprà, p. 106.
7. Siphré Num. 6, 23, § 39, p. 42; cf. 18, 1 § 116, p. 130.
8. Siphra Lév. 18, 2, 85 d. Affirmation de R. Ismael; R. Siméon
b. Yohai donne une autre explication.
CONSIDÉRATIONS STYLISTIQUES. 167
diffère des ordres semblables, parce que dans les autres les vivants
héritent des morts et ici les morts héritent des vivants ^.
30 L'ordre des termes.
Dans les propositions Tordre des termes a son importance ;
en général, les disciples d'Ismaël estiment qu'il faut s'en tenir
à l'ordre du discours :
« Pendant sept jours vous mangerez des azymes » [Ex. 12, 15) : de
telle sorte que le premier jour sera obligatoire et les autres libres.
Tu contestes cela et dis le contraire en t'appuyant sur un verset
suivant (18) « le premier jour du mois au soir vous mangerez des
azymes jusqu'au vingt et unième jour », tu dis que l'Écriture fixe
l'obligatoire pour les autres jours. Cependant tu ne dois pas suivre la
dernière expression mais la première, de manière à rendre le pre-
mier jour obligatoire et les autres libres 2.
On se demande comment la fille, vendue par son père
pour être servante et qui doit obtenir sa liberté autrement
que les servitem's {Ex. 21, 7), peut être libérée. La discus-
sion ne devrait pas pouvoir surgir puisque la suite du texte
prévoit le mode de libération; mais les écoles sont faites
pour discuter. Doit-elle être libérée comme les esclaves
chananéens par la mutilation d'un membre, ou bien à la
faveur de l'année sabbatique ou jubilaire comme les serviteurs
Israélites? « Tu dois t'en tenir à la première expression, non
à la dernière : elle n'est libérée ni comme les esclaves Israé-
lites, ni comme les chananéens w^.
« Les lévites t'accompagneront et te serviront » {Num. 18, 2), par
leur ministère et tu en feras dés trésoriers et des officiers ; faut-il dire
au contraire « ils te serviront dans ton ministère » comme il est dit
plus loin (3) « ils rempliront ton ministère et le ministère de la tente » ?
Je lis aussitôt : « Voici que j'ai pris tes frères, les lévites, du milieu des
enfants d'Israël; ils sont donnés à Yahwé.. » Ils sont donc livrés au
1. Siphré in loc. § 132, p. 174. Cf. règle 16 d'Eliezer.
2. Mekhilta in loc. p. 27 Discussion purement formelle; aucun ne
conteste que les pains levés soient interdits pendant sept jours; la
discussion porte sur ce seul point : quelle est la portée directe de
chaque prescription si on l'abstrait du texte?
3. Mekhilta Ex. 21, 3, p. 249.
168 EXÉGÈSE BABBIîSilQUE.
Nom (Dieu), non aux prêtres. Tu dois donc suivre le premier terme
non le dernier*.
Le principe est explicitemeiit formulé surtout dans des
discussions subtiles et oiseuses ; il est souvent appliqué sans
être rappelé :
« L'étranger séjournant chez toi... devra être d'abord circoncis et
alors il s'approchera pour faire la Pâque » {Ex. 12, 48). Que signifient
ces deux prescriptions ? Voici que tu as devant toi deux commandements :
celui de la Pâque et celui de la circoncision; je ne sais pas lequel des
deux doit précéder. Puisqu'il dit « il doit être circoncis, puis s'appro-
cher », le commandement de la circoncision doit précéder celui de la
Pâque 2.
Il est toutefois quelques cas où l'ordre des termes ne corres-
pond pas à leur importance ou à leur place chronologique :
Les filles de Salphahad ne sont pas énumérées suivant leur ordre de
dignité; puisque les énumérations diffèrent, elles sont toutes égales
entre elles 2.
Dans l'énumération des objets demandés aux Égyptiens par
les Hébreux, les vêtements viennent en dernière ligne parce
qu'ils leur étaient plus chers (précieux) que l'or et l'argent^*.
Ces exégèses sont en accord avec un principe formulé
d'abord par R, Ismaël, puis repris par Rabbi Juda le saint :
il n'y a pas d'ordre chronologique dans la Tora (ni d'avant
ni d'après); de deux événements mentionnés l'un après
l'autre le premier dans l'ordre des temps peut être rapporté
en dernier lieu :
« L'ennemi disait « [Ex. 15, 9) : ceci devrait être au commence-
ment de la section et pourquoi est-ce écrit ici? Parce qu'il n'y a pas
d'avant ni d'après dans la Tora. Pareillement pour Lév. 9, 1 ; Is. 6, 1
(qui devrait commencer le livre du prophète); ^2. 2, 1; ou bien 17, 2
(qui devraient ouvrir le livre); Jer. 2, 2; Os. 10, 1 ; Eccl. 1, 12^.
1. Siphré Num. 18, 2, § 116, p. 131. Voir aussi ibicl. 18, 18, § 118,
p. 141 ; 28, 26, § 148, p. 194 (controverse entre Sadducéens et Phari-
siens sur le compte de la gerbe et le jour de la Pentecôte). Mekhilta
Ex. 12, 2, 3, p. 8, 10.
2. Mekhilta in loc. p. 56. Ibid. sur Ex. 12, 12, p. 23 : on mentionne
en premier lieu les plus coupables.
3. Siphré Num. 27, 1, § 133, p. 176 comparé à Num. 36, 11.
4. Mekhilta Ex. 12, 35; la leçon de Mekh. Siméon h. Yohai, p. 24
est plus claire.
5. Mekhilta in loc. p. 139. Dans le i^abba sur Eccl. 1, 12 l'amora R.
CONSIDÉRATIONS STYLISTIQUES. 169
Si ce principe vaut, à quoi bon l'ordre des termes? Deux
réponses :
« Dieu parla à Moïse et à Aaron » {Ex. 12, 1). Je pourrais croire
que tout ce qui précède dans l'Écriture a précédé dans la réalité ; mais
puisqu'il dit {Ex. 6, 26) « Aaron et Moïse », il nous enseigne qu'ils
étaient égaux entre eux. Autres exemples : Gen. 1, 1 comparé avec
2, 4; Ex. 3, 6 comparé avec Lév. 26, 42 (égalité des patriarches); Ex.
20, 12 comparé avec Lév. 19, 3 (égalité du père et de la mère, relati-
vement à l'honneur dû par les enfants) ; Num. 14, 6, comparé avec 32,
12 (Josué et Caleb égaux) ^
De Num. 10, 3, 4 on pourrait induire (d'après le principe que ce
qui précède dans l'Ecriture précède dans la réalité) que les princes
d'Israël sont inférieurs à la communauté; mais il est enseigné {ibid.
30, 2) : « il parla aux chefs des tribus » ; puisque nous avons des pres-
criptions générales et aussi la précision que les princes précèdent la
communauté, j'en déduis que dans tous les cas les princes précèdent
la communauté. R. Jonathan cite Ex. 34, 31, sq., encore plus décisif
et permettant d'introduire la précision là où elle n'est pas formulée 2.
Ce second principe de solution est codifié dans la règle
treizième d'Éliézer : un fait est mentionné après un principe
général pour apporter une précision sur celui-ci. Ainsi est-il
dit que Dieu créa l'homme à sa ressemblance [Gen. 1, 27);
principe général, après lequel vient la précision concrète :
« Dieu forma l'homme... et il fit tomber un profond som-
meil » [Gen. 2, 7, 21). Celui qui entend pourrait supposer
que c'est un autre fait, alors que ce n'est que la précision
Samuel b. Isaac dit : ceci aurait dû être au commencement du livre...
puis on transcrit le passage antérieur de Mekhilta en l'attribuant à
R. Ismaël (d'autres exemples sont cités). Cf. Bâcher Agada der
Tannaiten, I, p. 240.
La règle 32 d'Éliézer est ainsi formulée : « de l'ordre (de l'avant et
de l'après) des sections »; il montre que l'événement raconté Gen.
15, 9 a précédé la guerre contre les rois, racontée auparavant, et de
cinq ans la sortie de,5aran; de même l'édification de la tente, men-
tionnée Num. 7, 1, a précédé l'entretien avec Dieu raconté en 1, 1.
Le principe est rappelé Siphré Num. 9, 1, § 64, p. 61, illustré
par le heurt entre Num. 1, 1 et 9, 1 ; puis Rabbi donne comme
exemple Ex. 16, 35 (il est dit : les Israélites ont mangé de la manne
pendant quarante ans, alors qu'ils n'en avaient pas encore mangé).
Cf. Bâcher, Agada der Tannaiten, II, p. 473.
1. Mekhilta, in loc. p. 1, 2. Cf. plus haut, p. 168, pour les filles de
Salphahiad.
2. Siphré Num. 30, 2, § 153, p. 198.
170 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
du premier ^ Ces remarques attestent l'existence chez les
rabbins d'un esprit observateur et sagace ainsi que d'un
sens critique, mais timide encore, comme il convient à des
débutants.
4° Caractère elliptique de la Bible. Suggestions textuelles.
Principe codifié dans la neuvième règle d'Éliézer : l'Écri-
ture emploie (parfois) des expressions concises (elliptiques,
dèrèk qesdrâ, voie abrégée) , omettant un mot que le con-
texte exigerait^.
Conséquence de ce caractère parfois elliptique de l'Écriture,
les rabbins se demandent si elle a laissé quelque chose sans
l'exprimer, ou bien ils se préoccupent d'expliquer les pas-
sages trop concis et de combler leurs lacunes :
« Vous ne suivrez pas leurs lois » (Lêv. 18, 3) : l'Écriture a-t-elle
laissé quelque chose qu'elle n'ait pas dite? N'est-il pas déjà dit (Deut.
18, 10) : « Qu'il ne se trouve chez toi personne faisant passer son
fils ou sa fille par le feu... »? Pourquoi « vous n'irez pas dans leurs
lois » ? Vous ne suivrez pas leurs coutumes ni les choses reçues chez
eux, telles que les théâtres, les cirques et les amphithéâtres 2.
1. Il donne encore comme exemple : Is. 1, 1, affirmation générale,
avec la précision concrète en 6, 1; 14, 28 et 36, 1.
On peut rapprocher la règle 12 : une chose qui vient renseigner
sur une autre et qui est illustrée par elle. « Gomme un feu qui
embrase un bois sec » (/s, 64, 1). Nous n'avons pas encore appris
dans l'histoire de la création que le feu ait enflammé la face du
firmament. Mais quand il vient pour donner la loi il dit [ibid.) : « Si
tu déchirais les cieux et si tu descendais! »; de même que tu as
fait à la création. A l'heure où le Saint, béni soit-il, dit {Gen. 1, 6) :
« Qu'il y ait un firmament », il était déjà créé depuis le premier
jour, mais il n'était pas brillant, tant que le feu d'en haut n'était
pas venu l'enflammer. C'est ainsi que l'histoire de la création vient
pour éclairer l'histoire du don de la loi et qu'elle se trouve illustrée
par elle. Autre exemple : Jér. 46, 22 : la voix du serpent se fît
entendre d'un bout du monde à l'autre quand les anges du service,
pour accomplir la condamnation divine {Gen. 3, 14), lui coupèrent
bras et jambes.
2. On donne deux exemples : 1 Chron. 17, 5 : « J'ai été de tente
en tente et de demeure » (en demeure) ; 2 Sara. 13, 39 : « et (l'âme
de) David cessa de poursuivre » (l'addition est exigée par le verbe
au féminin, cf. Ps. 84, 3).
3. Siphra in loc. 86 a. Siphré Num. 6, 3, § 23, p. 28 : jus de raisin
pour indiquer tout ce qui peut provenir du raisin.
CONSIDÉRATIONS STYLISTIQUES. 171
« Tu ne sacrifieras pas sur le pain levé le sang de mon sacrifice »
{Ex. 23, 18) est ainsi paraphrasé : n'immole pas la Pâque tant qu'il
reste du levain, paroles de R. Ismaël. L'aspersion du sang est aussi
comprise dans le terme « sacrifier». R. Juda explique : mon sacrifice
désigne celui qui est tout entier mien, à savoir le sacrifice perpétuel ^.
Parfois le besoin de compléter et de paraphraser se
déploie en tonte liberté et fantaisie :
« Choisissez (tirez) et prenez pour vous un agneau » {Mœ. 12, 21) :
que tire celui qui en a et que prenne celui qui n'en à pas.
R. Josué le galiléen : tirez vos mains de l'idolâtrie et attachez-vôûs au
commandement. R. Ismaël : la Tora vient t' enseigner qu'à jamais on
doit se compter pour la Pâque et qu'on en doit retirer lès mains pour
l'immoler, mais qu'on laisse une victime convenable. R. Isaac : la
Tora vient t'enseigner au sujet des animaux petits qu'on acquiert en
les enlevant^.
« Et je frapperai tout premier-né « {Ex. 12, 12) : les Égyptiens en
Égygte et aussi au-dehors suivant Ps. 136, 10, ainsi que les premiers-
nés de Cham, Kus et Lud et Phut suivant Ps. 78, 51 ^.
« Dieu ne conduisit pas le peuple par le chemin des Philistins,
cependant tout proche » {Ex. 13, 17). Toute proche est la chose que lé
Saint, béni soit-il, avait dite à Moïse {Ex. 3, 12) ; « quand tu feras sortir
le peuple de l'Egypte vous adorerez Dieu sur cette montagne ». Autre
explication : proche est le chemin pour retourner en Egypte suivant
qu'il est dit (8, 23) : « Nous irons à trois journées de marche dans le
désert». Autre explication : proche est (le résultat du) serment qu'Abra-
ham fît à Abimelech, suivant qu'il est dit {Gen. 21, 23) t « Et mainte-
nant jure-moi par Dieu que tu ne tromperas ni moi, ni mes enfants,
ni mes petits-enfants », car ses petits-enfants étaient encore vivants.
Autre explication : proche de la seconde est la première guerre. Autre
explication : proche est le moment où les Ghananéens vous mettront
en possession du pays, suivant qu'il est dit {Gen. 15, 16) : « La qua-
trième génération retournera ici ». Autre exphcatiôn : Dieu leur fît
suivre le chemin le plus long pour leur donner le temps d'étudier la
Loi...-'
1. Mekhilta in loe. p. 334. Paraphrase analogue pour Êx. 20, 18,
{ibid. p. 235) : « Et tout le peuple voyait les tonnerres » ; il voyait
ce qu'on peut voir et entendait ce qu'ôa peut entendre : paroles de
R. Ismael. R. Aqiba : ils voyaient et entendaient ce qui est visible ;
ils voyaient la parole de feu sortant de la bouche de la Puissance
et se gravant sur les tables (de Moïse) suivant qu'il est dit {Ps. 29.
7) : « La voix de Dieu imprime des flammes de feu ». Cf. Mek-
hilta sur Ex. 12, 17 (garder les azymes).
2. Mekhilta, p. 36.
3. Mekhilta, p. 23 et p. 43 sur 12, 29.
4. Mekhilta, p. 75, 76.
172 EXÉGÈSE KABBINIQUE.
Inversement certaines redondances sont expliquées comme
une façon de parler de l'Écriture : « Yaliwé fit pleuvoir...
d'auprès de Yahwé » (Gen. 19, 24) alors qu'il faudrait « d'au-
près de lui » ; « Lamecli dit à ses femmes : écoutez ma voix,
femmes de Lamech » [Gen. 4, 23) pour « mes femmes w\
Juda de Kephr Akko interrogea Rabban Gamaliel sur la parole de
Moïse (Ex. Ï8, 15) : Pourquoi dire :quand le peuple vient vers moi ! —
Il lui répondit : sinon qu'aurait-il dû dire ? — Il aurait dû dire : quand
le peuple vient pour consulter Dieu. — Puisqu'il a dit : il vient vers
moi pour consulter Dieu, il a bien dit 2.
Répondant à ces mêmes préoccupations, l'avant-dernière
règle d'Éiiézer stipule que dans certains cas il faut intervertir
l'ordre des propositions^.
5° Déterminer les sujets des verbes.
Il est important également de remarquer les changements
de sujet qui se produisent, soit dans la même phrase, soit
d'une phrase à l'autre. Les rabbins n'ont pas négligé ce moyen
d'explication. Voici des analyses attentives, voire subtiles et
artificielles :
Penses-tu que celui qui a dit une partie de Num. 11, 6 a dit l'autre
partie? Non ! celui qui a dit une partie n'a pas dit l'autre. C'est Israël
qui dit : « Plus rien, de la manne nous avons plein les yeux ». Et c'est
le Lieu (Dieu) qui, pour apaiser tous ceux qui entrent dans le monde,
dit : « x\llons voir à quel sujet ils murmurent contre moi (ajouté au
texte) ; et la manne était comme de la graine de coriandre et elle avait
l'apparence du bdellium », suivant qu'il est dit {Gen. 2, 12) : « L'or de
ce pays est bon et là est le bdellium ». Pareillement : c'est Juda qui
1. Sanhédrin 38 b; question posée à R. Ismaël et à laquelle répond
un foulon, suivant une tradition qui lui venait de Meïr.
2. Mekhilta p. 196. Rabban Gamaliel lui donne une leçon de gram-
maire : la proposition subordonnée apporte la précision désirée, tout
en montrant que c'est par Moïse que Dieu donne ses consultations.
Les expressions fréquentes et un peu similaires « l'Écriture devait
dire ainsi » Justifient la teneur du texte biblique : voir Bâcher,
Terminologie, I, p. 164, sq.
3. Règle 31 : 1 Sam. 3, 3 est à lire : « Avant que la lampe de Dieu
s'éteignît dans le Temple, Samuel était couché » (hors du Temple).
Il faut lire ainsiPs. 34, 16, 18, 17.
Notons au passage combien judicieuses sont parfois ces remarques
sur ce qui devrait précéder dans l'Écriture.
CONSIDÉRATIONS STYLISTIQUES. 173
dit : « Elle est plus juste que moi » et le Lieu (Dieu) éerit à son en-
droit : a Et il ne la connût pas de nouveau » {Geii. 38, 26) ; quand il
apprit qu'elle était sa bru il ne la connût pas de nouveau. Pareillement
{Deut. 25, 18) : « Toi, tu étais fatigué et épuisé » : est dit d'Israël ; « et
ne craignant pas Dieu » est dit d'Amaleq.
Pareillement Jug. 5, 28-30 : « Pourquoi son char tarde-t-il à venir ? »
est dit par la mère de Sisara. Les plus avisées de ses dames lui
répondent et elle-même se répète ces paroles. « N'ont-ils pas trouvé et
ne se partagent-ils pas le butin » est dit par sa femme. Débora eut révé-
lation par le Saint-Esprit des paroles de la mère de Sisara et elle-même
disait à son endroit : « N'attends pas ton fils, Sisara (ajouté au texte),
qu'ainsi périssent tous tes ennemis, ô Yahwé (31) », Pareillement 1 Sam.
4, 8 : « Qui nous délivrera de la main de ces dieux puissants? » est dit
par les justes ; mais les impies disent : .« Ce sont les dieux qui ont
frappé les Egyptiens de toute sorte de plaie dans le désert » . Et ils
disaient : « Il avait dix plaies et il les a envoyées sur les Égyptiens, il
ne nous frappera pas à notre tour » (ajouté au texte). Aussi le Lieu leur
dit : « Vous dites que je n'ai plus de plaie à envoyer sur vous ; aussi en-
voyé-je sur vous une plaie qui n'a jamais été : alors qu'un d'entre vous
sera assis dans un endroit pur, une souris sortira de l'abîme, relâ-
chera ses intestins et retournera à l'abîme » ; aussi bien dit-il : « Et la
main de Yahwé s'appesantit sur les habitants d'Asdod ». Pareillement
Jér. 26, 16, 17 fut dit par les justes, 20-23 fut dit par les impies. Pareil-
lement {Ruth, 3, 13) : « Reste couchée jusqu'au matin »; la mauvaise
nature de Booz le tenant pendant toute la nuit, il lui fait ce ser-
ment : « Dieu vivant, si je la toucherai » et à la femme il dit : « Reste
couchée jusqu'au matin »*.
Ces analyses, qui distribuent les discours entre plusieurs
sujets, sont pour la plupart injustifiées; cependant elles met-
tent en œuvre un principe légitime : il est certain que divers
psaumes, le Cantique, ne se comprennent que si on distingue
plusieurs sujets, que si on restitue l'élément dramatique que
comporte ce genre littéraire.
1. Siphré Num. 11, 6, § 88, p. 87, sq. Tos. Sota 9, 2-9, p. 312-313.
analyse quelques-uns des textes ci-dessus et en étudie d'autres :
Deut. 21, 7, 8; Num. 13, 26, 27, 28, 29, 30, 31; Nahum, 1, 1, 3, 4; Ps.
56, 1, 2; Cant. 8, 5, 6. Dans Tosephta la formule est : dans cette
section les sujets sont mêlés, ce que dit l'un n'est pas dit par l'autre;
ou bien : il y a là trois sujets, l'un à côté de l'autre.
La règle vingtième d'Eliézer prescrit d'entendre certains textes
d'un autre destinataire que celui qui est indiqué explicitement, parce
que ces textes ne leur conviennent pas : ainsi Deut. 33, 7 se rapporte
à Siméon; dans Jér. 33, 26, au lieu de Jacob, lire Aaron (qui a donné
des chefs au peuple, cf. ibid. 24).
174 EXÉGÈSE RABBINlQtJE.
6° Écritures pauvres et riches.
Principe que, sous diverses formes, invoquent et appliquent
les rabbins : un texte incomplet ou obscur doit être expliqué
par un autre. R. Nehemia donne la formule la plus large du
principe :
Les termes de la Loi sont pauvres en certains endroits et riches en
un autre. (Il faut leur trouver explication ou justification dans les
autres endroits). Aussi bien disait-il : « Elle est comme le navire du
commerçant qui de loin porte son pain » (Prov. 31, 14) ^
C'est conformément à ce principe que le compagnon de
R. Nehemia, R. Juda b. liai, déclare au sujet à!Ex. 15, 3 :
« Yahwé est un homme de guerre » :
Cette écriture est riche (éclairant) beaucoup de passages ; elle nous
apprend que le Saint, béni soit-il, se révéla aux israélites muni de toutes
les sortes d'armes : i'épée [Ps. 45, 4), cavalier [Ps. 18, 11), la cuirasse
et le casque {Is. 59, 17), la lance {Hab. 3, 11 et Ps. 35, 3), l'arc et lès
flèches {Hah.2,,^eiPs. 18, 15)le bouclier etlarondache(Ps.91, 4; 35,2)2.
Autre formule du même principe : « Paroles incomplètes ici
que l'Écriture dit (complète) là » (et réciproquement) ^.
1. Donné comme baraitha de R. Nehemia dans Pal. Ros ha-sana, 2,
5, 58 d. Rapporté à la fin de la règle quinzième d'Èliézer relative aux
textes contradictoires et à leur accord; nous suivons ce texte plus
clair; de là aussi vient la phrase entre parenthèses.
2. Mekhilta Ex. 15, 3, p. 129; item Ex. 14, 19, p. 101.
Dans le même sens on trouve les formules suivantes : « ce n'est
pas dans un seul endroit ou dans deux qu'il fait telle chose « (honore
les anciens) et « dans tout endroit où tu trouves telle chose » (la
mention des anciens. Dieu les honore) », Siphré Num. il, 16, § 92, p. 92
(voir autres références dans Bâcher, Terminologie, I, p. 116, sq.);
c'est dire équivalemment que cet endroit (et les similaires) doit
éclairer les endroits moins clairs.
3. Siphra 13 a et 101 b sur Lév. 2, 14 et 23, 17, sq. que l'on oppose
l'un à l'autre dans une discussion (les prémices à offrir doivent-elles
être fournies par les individus ou par la communauté?) Dans Mek-
hilta, p. 53 sur Ex. 12, 43, formule analogue : l'Écriture nous apprend
par là qu'il y a là des paroles incomplètes. Cette déclaration vient
après une discussion : R. Jonathan rapporte Ex. 12, 43 à la Pâque
faite en Egypte et il trouve la Pâque pratiquée dans les générations
en Num, 9, 3; R. Josia assure que le premier texte se rapporte aux
deux Pâques et que le second texte marque que certaines paroles de
la Loi sont incomplètes
CONSIDÉRATIONS STYLISTIQUES. 175
Principe analogue exprimé dans le Midras tannaïte par un
qualificatif singulier : cette écriture est (c eunuque » et doit
être expliquée :
« Les hommes impurs se présentèrent à Moïse et à Aaron » {Num.
9, 6). Si Moïse ne savait pas, Aaron aurait-il su? Mais l'Écriture est eu-
nuque, explique-la : paroles de R. Josia. R. Hanan au nom de R. Élié-
zer dit : ils étaient assis à l'académie juridique et ils vinrent se pré-
senter devanteux^. „
L'essentiel de ces principes c'est qu'une écriture doit être
expliquée par une autre : ce qui ailleurs est exprimé direc-
tement et sans figure; « une chose qui n'est pas élairement
exposée dans le passage où elle est présentée est expliquée
dans un autre passage » ^.
On dit parfois que tel énoncé, historique ou juridique,
« bouché », sâtûm (implicite, obscur, incomplet), est expliqué
dans un autre endroit :
« Aaron, les bénit « {Lév. 9, 22) cette bénédiction n'est pas précisée,
de telle sorte que tu ne sais pas quelle fut sa formule. Mais l'Écriture
ailleurs explique le passage présent {Num. 6, 24) : « Que Yahwé te
bénisse et te garde. . . qu'il te donne la paix » ^.
Dans une discussion sur « tu ne déroberas pas » {Ex. 20, 15) : con-
tient-elle seulement l'interdiction de voler des biens, défend-elle de
voler les personnes? ne serait-elle que l'avertissement à joindre à l'in-
terdiction formulée en Lèv. 19, 16? tandis que Lév. 19, 11 ne se rappor-
terait qu'au vol des biens matériels? Puisqu'elle suit les deux autres
interdits, de l'homicide et de l'adultère, elle concerne les personnes. Et
on peut encore dire : trois lois ont été énoncées dans ce texte, deux
claires et une bouchée ; nous expliquons la loi bouchée par les lois
claires : de même que celles-ci entraînent la mort par sentence du tri-
bunal, de même l'autre^.
« Il a précipité dans la mer cheval et cavalier » {Ex. 15, 1). Issi b.
1. Siphrê in lac. § 68, p. 63; les deux considérations sont répétées
identiquement : sur 15, 33 et 27, 2, § 113 p. 123, § 133, p. 177.
Même remarque en Mekhilta p. 167 sur Ex. 16, 20 qu'il faut lire :
tout devint infect, puis s'y mirent les vers. Item Siphra sur 10, 7, 45
b (à propos de Lév. 9, 22).
2. Nous transcrivons la dix-septième règle d'Eliézer; les exemples
qu'il donne sont de la haggada la plus légendaire, nous ne les rap-
portons pas. Néanmoins la règle ne fait que codifier des méthodes
pratiquées abondamment dans la littérature tannaïte.
3. Siphra Lév. 10, 7, 45 b.
4. Mekhilta Ex. 20, 15, p. 232, sq. Cf. Sanhédrin 86 a.
176 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
Sammai dit : ici il est dit, sans autre précision, « cheval » et là le
cheval trouve toutes les précisions, suivant qu'il est dit {Zac. 12, 4) :
« En ce jour-là, oracle de Yahwé, je frapperai de terreur tous les
chevaux et de délire leurs cavaliers ; et sur la maison de Juda j'aurai
les yeux ouverts et tous les chevaux des nations, je les frapperai d'aveu-
glement » et il ajoute encore (ibid. 14, 12, 15) : « telle sera la plaie des
chevaux, des mulets, des chameaux et des ânes » . Le passage clair vient
éclairer le passage bouché : de même que celui-là comporte cinquante
fléaux, de même celui-ci ^.
Formule équivalente :
« Et Amaleq vint « (Ex. 17, 8). R. Josué et Éléazar l'aveugle disent :
cette écriture ne contient qu'une indication (râsûm) et elle est expliquée
en Job, suivant qu'il est dit {Job 8, 11) : « Le papyrus croît-il hors des
marais, le jonc s'élève-t-il sans eau? » De même que ces plantes ne
peuvent pousser sans eau, de même Israël ne peut vivre sans la Tora
et s'il s'en sépare, vient sur lui l'ennemi : en effet l'ennemi ne vient
que pour punir le péché et la transgression ^.
Ce procédé est abondamment pratiqué et souvent introduit
par la formule : l'Écriture explique (illustre) ce sujet dans la
tradition {qabbâld, toute l'Écriture hormis le Pentateuque) . De
cette manière est affirmée et montrée l'unité des Écritures et,
d'autre part, le sens symbolique de quelques livres, tels le
Cantique ou les Psaumes, est mis en valeur :
« Les Hébreux se tenaient au pied de la montagne » (Ex. 19, 17)...
à ce sujet il est expliqué dans la tradition (Cant. 2, 14) : « Ma colombe,
qui te tiens dans la fente du rocher, dans l'abri des parois escarpées,
montre-moi ton visage, fais-moi entendre ta voix, car ta voix est douce
et ton visage beau ». « Montre-moi ton visage «, ce sont les douze stèles
dressées suivant les douze tribus d'Israël; « fais-moi entendre ta voix »
ce sont les dix commandements ; « car ta voix est douce », c'est ce qu'ils
dirent après (avoir entendu) les commandements ; « et ton visage est
beau » correspond à Lév. 9, 5 : « Et toute l'assemblée s'approcha et
se tint devant Yhwh » ^.
On dit aussi que telle écriture exprime clairement ce qui
ailleurs n'est pas exprimé ou explicitement affirmé :
' 1. Mek/tilta p. 125. Dicton courant : « toute peine de mort dite
sans précision {seiûmâ) dans la Tora est toujours la plus légère,
l'étrang^lement » : Siphra Léc, 20, 10, 92 a.
2. Mekhilta in loc. p. 176.
3. Mekhilta p, 214, sq. Voir autres exemples dans Bâcher, Termi-
nologie, I, p. 155,
CONSIDÉRATIONS STYLISTIQUES. 177
Dans un développement juridique, incidemment est rapporté (en résu-
mant 2 Chron. 35, 21-24) le conflit du roi Josias avec le Pharaon Néchao ;
il tombe blessé dans le combat et se fait emporter à Jérusalem par ses
serviteurs; le texte spécifie qu'il y mourut; cependant on se pose la
question : où la chose est-elle clairement exposée ? « Le soufQe de nos
narines, l'oint de Yahwé a été pris dans leurs fosses » {Lam. 4, 20) '.
Inversement on dit : voilà une des écritures qui ont besoin
d'explication^.
L'explication qui manque, on peut la chercher dans des
textes parallèles au moyen d'un raisonnement par analogie;
nous connaissons cette exégèse dialectique. La lumière peut
être fournie par des textes apparentés.
Dans certains cas il est tout indiqué de rapprocher deux
textes pour les expliquer l'un par l'autre : ainsi / Sam. 25,
kk (et 18, 19) par 5 Sam. 21, 8, sur les flUes de Saul devenues
les épouses de David ^. Il est naturel également de rechercher
le texte auquel fait allusion un autre texte ^.
Nous avons déjà vu (p. 47) la méthode qui consiste à
rapprocher deux textes qui se correspondent (^enè^èc?). Procédé
semblable : citer des textes contenant une idée pareille à celle
du texte interprété (pareillement, kyôsé bô) :
«Il m'appartient (le nouveau-né) » {Ex. 13, 2). Consacre-moi, afin
1. Tos Taaniot, 2, 10, p. 218. Tos. Zebahim, 11, 7, p. 496 expose com-
ment les dépouilles des victimes sont partagées entre Dieu et les
prêtres, sauf pour l'holocauste où l'jticriture précise {Lév. 7, 8).
2. Siphra 43 c sur 9, 1 : s'agit-il du huitième jour du mois, ou
du jour qui suivit les sept jours de la consécration des prêtres (8, 33-
35)? La suite du texte montre que le huitième jour désigne cela; mais
le prurit rabbinique de poser des problèmes !
3. Ces deux textes sont rapprochés par R. José b. ^alaphta, dont
on rapporte qu'il interprétait des écritures mélangées (me'ôrâbin),
dans une discussion sur Merab et Michel (David aurait-il pu épouser
ensemble les deux soeurs?) : Sanhédrin 19 b. Sur ce procédé dans
la Misna : Aicher, op. cit., p. 118-120.
4. Mekhilta p. 39, sq. sur Ex. 12, 25 donne toute une série de textes
où il est fait allusion à un fait rapporté ailleurs dans un autre texte :
Ex. 12, 25 à compléter par 6. 8 ; 16, 23 par 22 ; Lév. 10, 3 par Ex.
29, 43; Dent. 11, 25 par Ex. 23, 23; Deut. 12, 20 par Ex. 34, 24 et 23,
31; Is. 1, 2 par Deat. 32, 1; /s. 40, 5 par Deut. 32, 39-, Is. 1, 19, sq.
par Lév. 26, 25..,.
Quelques-uns de ces rapprochements sont factices ou purement
verbaux; d'autres montrent quelle parenté on établissait entre divers
passages poétiques.
178 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
d'en recevoir la récompense. Discussion qui amène la répétition de
cette motivation. Pareillement « le prêtre y allumera du bois » (Lév.
6, 5) afin d'en recevoir la récompense. Pareillement Bx. 25, 8... ^.
Souvent la formule (pareillement) sert à ranger des textes
de teneur analogue (cf. plus haut, p. 9k)
Formule équivalente : « et ainsi dit-il » ; par exemple : « ils
ne s'approcheront pas des ustensiles du' sanctuaire » est
rapproché de Num. 4, 20 : « ils n'entreront pas un seul ins-
tant pour voir les choses saintes » ^.
7° utilisation du conteste.
Principe auquel les exégètes modernes ne cessent de se
référer : tenir compte du contexte. Les rabbins anciens avaient
une conscience non moins vive de cette nécessité. Tant dans
le catalogue de Hillel que dans ceux d'Ismael et d'Éliézer
nous trouvons des règles relatives au contexte^.
A. — DÉTERMINATION DU CONTEXTE.
Le terme dont les rabbins se servent pour désigner le
contexte, par son sens multiple, montre bien toute la portée
compréhensive de leur méthode. Vnyaw, qui dans l'Ecclésiaste
désigne une affaire pénible, est pris dans la littérature
rabbinique à la fois pour la chose, l'espèce, le sujet dont il
s'agit et pour le texte traitant d'un sujet déterminé.
L'importance attribuée au ^inyân explique le soin que mettent
les commentateurs à déterminer exactement, d'une part le
sujet dont il est question dans un passage, d'autre part les
limites du texte relatif au même sujet :
« Vous vous souviendrez ainsi de tous mes commandements et les
mettrez en pratique et vous serez saints à votre Dieu» {Num. 15, 40).
1. Mekhilta Ex. 13, 2, p. 58. Siphré Num. 18, 5, § 116, p. 133, pour
expliquer la valeur de 'od.
2. Siphré Num. 18, 3, § 116, p. 131, sq. Formule et procédé constants.
3. Septième règle de Hillel : une chose s'éclaire par son contexte
ijiallâméd mé'inyânô). La douzième d'Ismael reprend cette formule
et la complète par celle-ci : une chose s'éclaire par sa fin.
Les règles d'Éliézer 19, 20-23 se rattachent à la méthode du con-
texte.
CONSIDÉRATIONS STYLISTIQUES. 179
Il s'agit ici de là sainteté que procurent les commandements considérés
dans leur collectivité et non de la sainteté qui provient de l'observance
des franges : de quel sujet parle-t-il? de la sainteté des commande-
ments ^
Ou bien en insistant encore plus fort :
Dieu ordonne aux Hébreux de choisir l'agneau pascal quatre jours
avant son immolation, parce qu'en Egypte ils avaient été contaminés
par l'idolâtrie ; or, le péché d'idolâtrie équivaut aux péchés qui provien-
draient de la violation de tous les commandements ensemble suivant
qu'il est dit {Num. 15, 24) : « Si l'on a péché par inadvertance à l'insu
de la communauté ». L'Ecriture particularise ce commandement et sti-
pule le sujet pour lui-même (pour lui tout seul), à savoir l'idolâtrie.... 2.
On note aussi que plusieurs passages traitent lé même
sujet :
« Moïse exposa (ainsi) les fêtés dé Yahwé aux Israélites » {Lêv. 23j 44).
Nous apprenons que Moïse exposa les lois de la Pâquè au moment de la
Pâque et les lois de la Pentecôte en son tèmpSj et les lois de la fête
(des Tentes) en son temps : les termes qu'il avait entendus, il les
rapportait à Israël. Et toutes ces sections oiit été dites dans un seul
'inyân ^.
On Ée demande pourquoi deux textes sont voisins, s'ils
ont un même sujet :
Le prêtre, purifiant un lépreux^ devait lui dire déâ paroles d'exhorta-
tion, par exemple : mon fils, la lèpre vient uniquement comme peine
de la mauvaise langue, suivant qu'il est dit : « Prends garde à là plaie
de la lèpre, observant bien et accomplissant.... » et « Sôuviens-toi de
ce que Yahwé fit à Marie » {Dèut. 24, 8, 9). Quel rapport {'inyân) y a-
1. Siphré Num. 15, 40^ § 115, p. 127. La section 3^-40 traite dès
franges, mais le verset commenté met au premier plan les com-
mandements. Rabbi y voit la sainteté des franges, « qui ajouté à la
sainteté d'Israël ».
2. Mekhilta sur Ex. 12, 6, p. 15 ; item dans Siphré sur Num. 15, 24,
§ 111, p. 117, à la seule différence : ce commandement est dit pour
lui-même, ce qui montre l'équivalence des deux substantifs; le sujet
['inyân) est un commandement.
3. Siphra Lév, in loc. 103 b. En effet la législation de chaque fête a déjà
fait l'objet de paragraphes spéciaux : Moïse a réuni les lois du sab-
bat et des fêtes dans un chapitre d'ensemble en raison du sujet
commun qui permet de les grouper dans un seul discours.
C'est ainsi qu'Abraham de Posquîères explique la raison de cette
écriture qui parait superflue.
180 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
t-il entre les deux textes ? Cela nous apprend que la lèpre est la puni-
tion de la mauvaise langue ^.
Les rabbins sont attentifs à marqu.er les bornes du passage
["inyân), traitant le même sujet, passage souvent très court.
D'aucun animal on ne devra immoler la mère et le petit le même
jour. R. Siméon b. Azzai entend ce jour du jour qui s'étend jusqu'au
matin (qui comprend la nuit) : puisque le commencement et la fin de
texte (Hnyân) concernent les choses saintes et que relativement aux
choses saintes le jour est le jour qui comprend aussi la nuit^.
Le passage peut aussi être fort long et pas très un :
On se demande ce que Moïse lût au peuple dans le livre de l'alliance
{Ex. 24, 7). R. Ismael dit: au commencement du passage {Hnyàn) que
dit-il? {Lév. 25, 2) « La terre fera son sabbat... pendant six ans tu
sèmeras ton champ »; puis viennent les années sabbatiques et les
jubilés, les bénédictions et les malédictions. Et à la fin du passage
que dit-il? [Lév. 26, 46) « Tels sont les statuts, lois et ordonnances ».
Ils dirent {Ex. 24, 7): « Nous les acceptons... »3,
Afin de prévenir les confusions il importe de couper et
diviser le texte suivant la diversité des sujets :
Dans une discussion sur l'heure de l'immolation et de la manducation
de l'agneau pascal. De Deut. 16, 6 on déduit que l'heure de l'immolation
est au soir, quand le soleil décline. On ne peut tirer du même texte
qu'on peut le cuire et le manger au soir, car il est enseigné en ces
termes : « Immoler... au temps de la sortie d'Egypte ». C'est ainsi que
l'Écriture coupe le texte {Hnyân). Alors comment? « Tu le cuiras et
mangeras » quand il fera nuit-*.
« Si son offrande... » {Lév. 1, 10), Voici qui ajoute au Hnyân (texte
ou sujet) antérieur et pourquoi coupe-t-il ainsi ? Pour donner aisance à
Moïse de distinguer entre les diverses sections {parâsâ) et les divers
1. Siphra Lév. 14, 35, 73 a. Même question sur Deut. 33, 5 et 6 :
les tribus d'Israël intercèdent pour Ruban : Siphré § 346, 144 a.
2. Siphra Lév. 22, 28, 99 c. Le texte traitant le même sujet ne
comprend que 22, 26-28. Cf. Hullin 83 a; là Rasi justifie cette déduc-
tion par Lév. 1, 15. On ajoute : quant au sujet « lui et son petit » on
peut entendre ainsi le jour par rapprochement avec les jours de
Genèse 1.
3. Mekhilta Ex. 19, 10, p. 211. On ne voit pas bien la raison de
l'opinion d'Ismael, sauf que les bénédictions et malédictions pou-
vaient passer pour le résumé de toute la Loi. Il faut noter qu'ici
'■inyân désigne une section assez longue et pas du tout une.
4. Mekhilta Ex. 12, 6, p. 17.
CONSIDÉRATIONS STYLISTIQUES. 181
sujets. D'où raisonnement a fortiori : Si celui qui entendait de la
bouche de celui qui a dit et le inonde fut et qui parlait en Esprit saint
aYait„besoin de distinguer entre les diverses sections et les divers sujets,
à combien plus forte raison un illettré d'entre les illettrés (idiota) ' !
Pour dégager l'unité d'une péricope il est bon de tenir
compte des parenthèses qu'elle peut comporter :
« Aaron entrera dans la tente de réunion « {Lév. 16, 23). Toute la
section est dite dans un ordre parfait sauf ce passage 2.
La règle onzième d'Eliézer touche un point analogue :
une mauvaise division du texte ^.
B. — USAGE DU CONTEXTE.
Voici comment, dans la Baraitha des treize règles d'Ismael,
est appliquée la règle du contexte :
Une chose qui apprend (s'éclaire) par son contexte : comment?
« Lorsqu'un homme a perdu ses cheveux sur la tète, il est chauve,
mais il est pur » (Lév. 13, 40). On pourrait croire qu'il est pur de toute
impureté; mais il est enseigné en ces termes {ibid. 42) « mais si dans
sa calvitie antérieure ou postérieure apparaît une plaie d'un blanc
rougeâtre... « La chose apprend de son contexte qu'il n'est pas pur de
toute impureté, mais seulement de l'impureté d'impétigo (ou maladie
de peau autre que la lèpre)'*.
Voici un exemple plus court et où la règle est invoquée par
R. Ismael lui-même :
Dans une discussion sur Nadab et Âbiu, fils d' Aaron, frappés par Dieu
pour avoir offert un feu étranger, R. José assure que, suivant le texte,
1. Remarques identiques dans Siphra 7 c et 3 c sur Lév. 1, 1 et 10-
la première partie de la remarque dans 19 a sur Léc. 4, 13.
2. Siphra in loc. 82 b. Tout le chapitre décrit les rites de la fête
de l'expiatioa ; seuls ces deux versets (23, 24) mentionnent le bain et
la purification du grand-prêtre.
3. Un ensemble complet {siddâr, ou ensemble bien ordonné) qui a
été divisé. Il donne trois exemples : 2 Chron. 30, 18 à ne pas séparer
de 19 pour avoir un sens convenable ; Joh 17, 4, 5 et Prov. 23, 31 et
32 qu'il croit rendre plus clairs en ajoutant quelques mots explicatifs.
Ces deux derniers exemples ne supposent pas une parenthèse.
4. Le texte de cet exemple et l'emploi de la formule talmûcl lômar
(il est enseigné eij ces termes) indiquent que la règle du contexte est
appliquée très souvent, mais sans qu'elle soit mentionnée, en bien
des cas où on profère le talmûd lômar.
182 EXÉGÈSE BABBINIOtE.
ils moururent devant Yahwé (dans le sanctuaire) mais qu'ils tombèrent
au dehors, parce que Tange les tira dehors en les soutenant, suivant
qu'il est dit {Lëv. 10, 4, 5) « Moïse appela Misaêl et Elisaphon.. et il
leur dit ; Approchez-vous et enlevez vos frères loin du sanctuaire » . Il
n'est pas dit « loin de la face de Yahwé » mais « loin du sanctuaire ».
R. ismaël dit : la chose est éclairée par son contexte, car il est dit
(10, 2) : « Et ils moururent devant Yahwé ». Ils moururent et tombèrent
devant lui. Comment sortirent-ils? On les tira avec des crocs de fer ^.
La seconde partie de la règle du contexte est ainsi formulée
et illustrée :
Une chose apprend de sa fin (de la fin du contexte); comment?
« Une plaie de lèpre dans une maison du pays que vous posséderez »
{Lév. 14, 34). Une maison signifie une chose qui contient des pierres,
des bois et du mortier (de la poussière) qui peuvent recevoir l'impureté.
On pourrait dire qu'il s'agit aussi de maisons ne comportant ni pierres,
ni bois, ni poussière pouvant recevoir l'impureté. Il est enseigné en
ces termes (ibid. 45) : « On démolira la maison, ses pierres, ses bois
et sa poussière « . La chose est éclairée par sa fin : la maison ne peut
devenir impure par la lèpre que si elle comprend des pierres, des bois
et de la poussière.
Ces deux exemples montrent que le contexte doit être
entendu dans un sens assez large : c'est tout le passage
traitant du même sujet, ou aussi les versets voisins, même
traitant d'autres sujets; ce dernier point est supposé parla
règle du sâmûk.
Dans le catalogue d'Éliézer la méthode de l'interprétation
parle contexte est exposée en plusieurs règles.
, Règle 19 : d'une chose dite ici et déterminant le texte voisin :
comment ? « Il fondit les deux colonnes : la hauteur d'une colonne
était dé dix coudées « {i Reg. 1, 15). Cette introduction marque en
termes symboliques, que ce qui est dit d'Une chose est dit de l'autre.
Pareillement {Ps. 97, 11) : « La lumière est semée pour le juste et la
joie pour ceux qui ont le cœur droit ». Il n'est pas possible de dire que
les" justes possèdent la lumière sans la joie ou qu'il y ait des justes
1. Siphré Num. 7, 1^ § 44, p. 49, Sq.
Nous avons trouvé (p. 173) la mention de la règle du contexte
dans le commentaire sur l'interdiction du vol, spécifié par son
contexte : Mekhilta Ex. 20, 15, p. 233 : « apprends la chose d'après
les treize règles, d'après le contexte ». Cf. Sanhédrin 86 a.
Voir aussi Mek/iilta, p. 12 sur Ex. 12, 4 : miksâ désigne le nombre
des participants à la Pâque, dont il est question là-même.
CONSIDÉRATIONS STYLISTIQUES. 183
ayant la joie sans la lumière. Mais « lumière pour les justes » est à
appliquer aux cœurs droits ; « joie pour les cœurs droits » est à
appliquer aux justes. Pourquoi appliquer l'un à l'autre ? parce qu'ils
sont tous deux égaux et ne font qu'un.
L'exemple est très bien choisi ; la justice et le cœur droit
sont identiques : la récompense de l'un est aussi celle de
l'autre
Règle 20 : une chose dite de celui-ci et ne lui convenant pas (son
Hnyân n'est pas pour lui) mais convenant à son compagnon : et quand
convient-elle à son compagnon? quand elle est nécessaire au second
et pas au premier. Comment? « Ceci est pour Juda »... (Deut. 33, 7)
et cela ne convient pas à Juda, puisqu'il dit « écoute, ô Y., la voix de
Juda ». Applique-le àSiméon qui en a besoin, tandis que Juda n'en a
pas besoin. Tu te trouves dire : quand Moïse bénit Ruben et dit « ceci
est pour Juda » il voulut dire cette bénédiction pour Siméon.
Pareillement (Jér. 33, 26) : « je rejetterai aussi la postérité de Jacob
et de David, mon serviteur... » La chose ne convient pas à Jacob, parce
que tout aussitôt il dit (26) : « au point de ne plus prendre de la pos-
térité des chefs... » Applique la chose à Aaron, ce qui se justifie en ce
qu'il dit : « au point de ne plus prendre la postérité des chefs ». Quels
étaient les chefs dans le peuple? Dis : les rois et les grands prêtres, les
fils d' Aaron et les fils de David. A leur sujet cela est dit : « Et ainsi dit-il
(24) : « N'as-tu pas vu ce que ce peuple dit : Yahvé a rejeté les deux
familles qu'il avait choisies ». De même ici il dit : « aussi la postérité
de Jacob et de David ».
Là la considération du contexte n'intervient pas seule, c'est
un raisonnement qui modifie le contexte et y introduit le
« compagnon » auquel l'interprète veut rapporter une affir-
mation qui le gêne dans ses conceptions religieuses ou qui
choque son goût littéraire.
Hègle 21 : Un objet à qui sont attribuées deux qualités séparément
et dont l'essence exige l'attribution des deux qualités ensemble :
comment? « Le juste croît comme le palmier » (Ps. 92, 13). On pour-
rait ainsi l'entendre : de même que le palmier n'a pas d'ombre et qu'on
n'en peut tirer du bois pour la menuiserie, ainsi les justes. Mais il est
enseigné en ces termes (ibid) : « comme le cèdre » : de même que le
cèdre fait de l'ombre et donne du bois de menuiserie, ainsi les justes.
Mais on pourrait dire aussi : de même que le cèdre ne produit pas de
fruits... mais il est enseigné en ces termes : « comme le palmier ».
Tu te trouves dire : le juste possède les propriétés excellentes qui sont
dans les deux. Pareillement : « vous, les altérés, allez aux eaux»...
184 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
(Is. 55, 1). On pourrait dire : de même que les eaux ne réjouissent pas,
ainsi en est-il des voies de l'étude de la Tora; il est enseigné en ces
termes : « du vin et du lait ». On pourrait dire : de même que le vin
ni le lait ne fortifient pas ceux qui grandissent, de même les paroles
(étude) de la- Loi ; il est enseigné en ces termes : « allez aux eaux » . Tu
te trouves attribuer à l'étude de la Loi les propriétés excellentes qui
sont dans les deux termes de comparaison.
Là le raisonnement porte bien sur le contexte, non pas
toutefois pour interpréter une de ses parties par une autre
ou par l'ensemble des parties, mais pour dégager le sens
complet du passage et appliquer correctement une double
comparaison.
Bègle 22. Un texte éclairé par son voisin : comment? « Un don
fait en secret apaise la colère » (Prov. 21, 14). Cela signifie : celui
qui donne en secret apaise la colère du Saint, béni soit-il. « Un présent
mis dans le pli du manteau apaise la fureur violente ». Le premier
« apaise » éclaire le second. Pareillement : « Ce n'est pas avec le traî-
neau qu'on foule la neige, pas plus que la roue du char ne passe sur
le cummin » (/s. 28, 27) : le premier Zd' (négation) éclaire le second
membre (qui n'a pas de négation dans l'hébreu). Pareillement : « Ne
me réprimande pas dans ta colère ni ne xae châtie dans ton irrita-
tion » {Ps. 38, 2). Le premier 'aZ (négation) éclaire le second membre
(sans négation).
Les deux derniers exemples appliquent la méthode d'in-
terprétation par le contexte en étendant la négation du
premier membre du parallélisme au second; dans le premier
exemple on entend les deux membres de la colère divine
qui se laisse apaiser par l'aumône.
Règle 23. Un texte qui éclaire son voisin : comment? « La voix
de Yahvé ébranle le désert, Yahwé ébranle le désert de Kadès » {Ps.
29, 8). Ebranle-t-il seulement le désert de Qadès ou aussi tous les
déserts? Et alors pourquoi « Qadès »? Pour instruire au sujet de ces
déserts qui sont ébranlés. Pourquoi spécifie-t-il ce désert seulement?
Parce qu'il est le plus important de tous, comme le prouve Deut. l, 46 :
« Vous restâtes de longs jours à Qadès ».
Pareillement c( La voix de Yahwé fait enfanter les biches »... (Ps.
29, 9) : même raisonnement que ci-dessus. Pourquoi est-il dit « les
biches »? parce qu'elles sont les plus légères parmi les animaux
coureurs, comme le prouve Ps. 18, 34 « qui rends mes pieds sem-
blables à ceux de la biche ».
CONSIDÉRATIONS STYLISTIQUES. 185
Nous retournons là à la méthode dialectique (exposée dans
la règle 24) du particulier et du général, le particulier
venant illustrer le général.
Autre principe pour l'utilisation du contexte :
Dans une discussion sur le côté par lequel le prêtre sacrificateur
doit aborder l'autel, toutes les opinions se fondant sur Lév. 6, 7 : <i Les
fils d'Aaron la présenteront devant Yahwé, devant l'autel ».R. Eliezer
disait : est-ce à l'ouest de la corne de l'autel ou au sud? Tu dis : toutes
les fois qu'on dispose de deux écritures, que l'une peut être accomplie
en même temps que l'autre, et que l'une ne peut être accomplie qu'en
annulant l'autre, on laisse la seconde pour prendre la première. Si
tu entends « devant Yahwé », à l'occident, tu annules « devant Yahwé,
devant l'autel », soit au sud; si tu dis « devant l'autel » soit au sud,
tu accomplis aussi « devant Yahwé », soit à l'occident. Le prêtre s'ap-
proche donc par le sud de la corne •• .
Rosenblatt a très minutieusement analysé tous les moyens
par lesquels le contexte détermine le sens d'une expression.
Le parallélisme des membres :
« Les impies ne resteront pas debout au jugement, ni lés pécheurs
dans l'assemblée des justes » {P&. \, 5). R. Eliezer en déduit que les
gens de Sodome ne participeront pas au jugement (dernier) 2.
Identification de deux expressions mises en apposition :
Les bénédictions et malédictions devaient être prononcées près de
Sichem, à côté du chêne de Mamré, situé en cet endroit, suivant qu'i 1
est écrit : « Abraham traversa le pays jusqu'au lieu nommé Sichem,
jusqu'au chêne de Mamré » {Gen. 12, 6)3...
Un qualificatif ajouté à un terme et g-énéralisé :
Faire vœu de n'avoir pas de relation avec un incirconcis n'oblige
qu'à l'égard des étrangers, non à l'égard des Israélites non-circoncis,
parce que circoncis est synonyme d'étrangers [goym) suivant qu'il est
écrit {Jèr. 9, 25) : « Car toutes les nations sont incirconcises et toute
1. Sota 14 b et ZebaJiim 63 b, Menahot 19 b. Pour comprendre la
discussioa, il faut se représenter l'autel des holocaustes, à l'orient
du sanctuaire (de Yahwé) avec sa rampe d'accès au sud.
2. Sanhédrin, 10, 3. D'autres leur refusent uniquement la participa-
tion au siècle à venir.
3. Sota, 7, 5.
186 EXÉGÈSE RABBBINIQUE.
la maison d'Israël est incirconcise de cœur » et encore (1 Sam.
17, 36) : tf ce philistin, cet incirconcis » ^.
8° Principe du sâmûk (section expliquée par la section voisine).
Il est tout indiqué d'expliquer une phrase par son con-
texte immédiat, c'est-à-dire par le développement bien déli-
mité, portant sur un seul sujet, dont elle fait partie. Divers
rabbins, suivant un principe d'Aqiba, pensaient que deux
sections voisines, concernant des sujets différents, peuvent
s'éclairer l'une l'autre.
« Pendant qu'Israël demeurait à Sittim le peuple se mit à forniquer »
{Nuïti. 25, 1).... R. Âqiba disait : toute section appuyée (semûkâ) k la
voisine s'éclaire par elle. (C'est Balaam, de la section précédente, qui
donna le conseil aux prostituées de tenter les Israélites). Rabbi (Meïr?)
disait ; il y a beaucoup de sections appuyées l'une à l'autre et qui
sont aussi éloignées l'une de l'autre que l'Orient l'est du Couchant.
Pareillement Ex, 6, 12 à rapprocher de 3, 18; Lèv. 21, 9 de 10 (point,
'inyân, commun entre les deux : la peine du feu) ; Os. 1, 9 de 2, 1
(point commun établi par une parabole); Os. 14, 1 de 2 (point comijaun
établi par une parabole) 2.
On comprend que Rabbi (ou R. Meïr) ait contesté la légi-
timité de la méthode. Les rabbins n'ont pas laissé de l'ap-
pliquer, soit dans la halakha, soit surtout dans la haggada;
ils ont même prétendu en fonder la légitimité sur l'Écriture :
R. Eléazar disait : le (procédé) semûkim vient de la Tora, comme
le montre le Ps. 111, 8 : « Affermis, semûhîm, pour l'éternité, accom-
plis en justice et vérité ». Rab Seâet disait : R. Eleazar disait au nom
1. Nedarim, 3, 11. Dans le premier cas l'attribut est générique; dans
le second « Philistin » et « incirconcis » sont tenus pour équivalents.
2. Siphré Num. 25, 1, g 131, p. 169, sq. Le mot section, pârâsâ,
désigne parfois les sections établies par les massorètes, mais souvent
aussi des textes comptant à peine quelques versets.
Appuyer, du verbe s/nÂ:, « appuyer, soutenir », puis « être proche ».
Le verbe est employé aussi dans un autre sens : sur quel texte scrip-
turaire s'appuie telle opinion? De là le xaoi assmakhtâ, plus tard très
usité pour désigner une opinion fondée uniquement sur un argument
scripturaire, parfois très léger : Bâcher, Terminologie II, p. 13, sq.
Dans la Mishna, Rosexblatt, op. cit., p. 4, 57, 28; Aichek, op. cit.,
p. 115-117. M. GuTTMANN, Asmakhta, Breslau, 1924.
CONSIDÉRATIONS STYLISTIQUES. 187
de R. Eleazar b. Azaria : d'où tire-t-on qu'une yebâmâ (femme soumise au
mariage léviratique) qui échoit à un lépreux, ne peut être contrainte
(à épouser le lépreux)? De ce qu'il est dit {Deut. 25, 4) : « Tu ne
muselleras pas le bœuf qui foule le grain » et aussitôt après (appuyé
à lui, sâmûkh) : « Quand des frères demeurent ensemble ».■ (loi du
lévirat). R. Joseph disait : même celui qui n'admet pas la méthode du
sàmûk peut ainsi entendre le Deutéronome. R. Juda n'admettait pas
en général cette méthode et cependant il expliquait le Deutéronome
dans ce sens. D'où montre-t-on qu'il n'admettait pas cette méthode?
Il est enseigné : Ben Azzai disait : il est dit [Ex. 22, 17) : « Tu ne
laisseras pas vivre une magicienne »; et il est dit (18) : « Quiconque
couchera avec une bête sera lapidé ». Si çelui-çi doit être lapidé, de
même la magicienne. R. Juda lui dit : est-ce parce que ce texte est
proche de l'autre que celui-ci doit être frappé de lapidation? Mais
le devin et le nécromancien sont dans la catégorie générale des
sorciers et pourquoi? Pour leur assimiler le sorcier et te dire : de même
que les sorciers sont devins et passibles de la lapidation, de même
aussi le sorcier nécromancien^...
Autre application de la méthode, pour rendre compte de
certaines consécutions du texte biblique :
Il est enseigné : pourquoi la section du nazaréen est-elle appuyée à
la section de la Sota {Num. 6, 1-21 et 5, 11-31)? Pour te dire : quiconque
voit la Sota dans sa punition dégradante se voue lui-même (yazzir) à
l'abstention du vin. R. Ezechias b. R. Parnach disait : R. Johanan
disait : pourquoi la section de la sota est-elle appuyée à celle du pré-
lèvement sacerdotal et des dîmes? [Num. 5, 9, 10), Pour te' dire :
celui qui ne donne pas les prélèvements et les dîmes, qu'il doit aux
prêtres, finira par les leur donner par le moyen de sa femme 2...
1. Yebamot 4 a; suivent d'autres discussions sur ces démonstra-
tions scripturaires. Item (pour la sorcière) : Sanhédrin 67 b. Tehamot
63 b, l'obligation de procréer est ainsi démontrée : il est dit [Gen.
9, 6) : « Quiconque aura versé le sang d'un homme, son sang sera
versé » et aussitôt après (7) : « quant à vous, croissez et multipliez-
vous » ; par conséquent quiconque viole la loi de la procréation, c'est
comme s'il versait le sang : baraitha de R. Eliezer.
2. Berakot 63 a. Siphré Num. 18, 8, § 117, p. 135; cette section (des
droits sacerdotaux) est appuyée à celle de Qoré (16 et 17) à cause des
murmures de Qoré et sa bande contre Aaron.
C'est à une préoccupation de même ordre que répondent les ques-
tions assez souvent posées : « pourquoi cette section? » 11 y est répondu
n montrant qu'elle apporte, par exeoaple, à l'ensemble du développe-
meut une précision {Mekhilta Ex. 21, 14, p. 265). Cf. Bâcher, Termi-
nologie, I, p. 160, sq.
188 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
9° Inclusions et exclusions; règles d'Aqiba.
Aux méthodes d'Ismael, estimant que la parole de Dieu eg
suit pas d'autres voies que la parole humaine, s'opposent les
méthodes d'Aqiba, assurant que chaque élément du texte
sacré possède une valeur et une signification propres, dont on
doit tenir compte dans l'exégèse. C'est pour cela, sans doute,
qu'il attribue un sens à la succession des péricopes. Le carac-
tère singulier des principes d'Aqiba se manifeste particulière-
ment dans les principes relatifs aux inclusions et exclusions,
d'une part, et dans ceux sur les répétitions d'autre part.
« Si quelqu'un touche une chose impure » (Lév. 5, 2). Au sujet de
l'impureté pourquoi est-il enseigné en ces termes « une chose » (dâh-
âr = chose et parole)? R. Aqiba disait : pour inclure {lehâbi^) les
plaies qui ne deviennent impures que par une parole (sur le prononcé
de la sentence}. Car R. Aqiba n'interprétait pas suivant la règle du
« général, particulier et de nouveau général », mais il interprétait
suivant la règle des inclusions et des exclusions, parce qu'il avait
a]^pris cela de Nahum Gimzo (qu'il avait servi et qui interprétait toute
l'Ecriture par la voie de l'inclusion et de l'exclusion)*.
Ce texte fait remonter l'origine de la règle herméneutique
des exclusions et inclusions à Nahum de Gimzo et sa vulgari-
sation à son élève Aqiba'^. En fait la méthode est très large-
ment appliquée par nombre de rabbins.
Le texte cité à l'instant laisse voir en quoi consiste cette
méthode des inclusions et exclusions et ses rapports avec les
méthodes fondées sur les combinaisons possibles des expres-
sions générales et singulières. Son mécanisme est indiqué par
les expressions dont elle se sert. Pour inclure on emploie le
plus souvent le piel de râbdh {ribbd, ribbôt, d'où le substantii
ribbily)^ au sens, non d'accroître, mais d'ajouter, de com-
prendre dans l'extension du terme interprété; on se serl
aussi du hiphil de 6d' (surtout lehâbi), au sens de : faire
entrer, comprendre, inclure, dans le sens d'un terme. Poui
1. Tos. Sebu'oth, 1, 7, p. 446. La parenthèse vient de Sebuoth 26 a.
plus complet : là R. Johanan explique que R. Ismael suivait Ig
méthode de son maître, R. Nehonia b. Haqqane, qui interprétai'
l'Ecriture suivant les règles du général et du particulier.
2. Voir Bâcher, Agada der Tannaiten, I, p. 57, sqq. et 301.
CONSIDÉRATIONS STYLISTIQUES. 189
rexclusion on emploie surtout lepiel de m't [mi'^dt), au sens,
non de diminuer, mais de restreindre, enlever, exclure; on se
sert aussi de ys' (au qal et surtout au hiphil, particulièrement
lehôsî\ au sens de faire sortir de l'extension du terme). La
méthode consiste essentiellement à déclarer quels sont les
objets inclus dans un mot, ou une tournure, ou inversement
quels sont ceux qui sont exclus.
Si par là elle s'apparente à la régie du général et du
particulier, les différences demeurent pourtant plus consi-
dérables que les ressemblances. Le particulier est plutôt
une précision et non un terme destiné à exclure. Les règles
du général et du singulier considèrent les combinaisons pos-
sibles des deux, tandis que la méthode des inclusions et
exclusions les étudie ordinairement chacune isolément et
n'argue que très rarement de la succession dans un même
texte des inclusions et exclusions. Au surplus, l'esprit qui
anime chacune des méthodes s'inspire de points de vue très
différents, sinon opposés. Les règles du général et du singu-
lier procèdent par raisonnement, leur dialectique est beau-
coup plus exposée au danger du subjectivisme. La méthode
des exclusions et des inclusions, au contraire, prétend tenir
uniquement compte des éléments matériels du texte ; en fait,
d'ailleurs, cet objectivisme de principe est [souvent entamé
et dévié par les tendances fantaisistes et arbitraires de l'exé-
gèse rabbinique désireuse de prouver à tout prix les thèses à
démontrer. Cette méthode est usitée tant dans la halakha
que dans la haggada.
A. — PARTICULES INCLUSIVES ET EXCLUSIVES.
A première vue la méthode des inclusions et des exclusions
se présente comme fondant ses interprétations sur la présence
dans le texte de particules ayant une portée ampliative ou
exclusive. Cette opinion est accréditée par deux séries de
textes.
On rapporte plusieurs fois cette question qu'Ismaël faisait
à Aqiba :
Toi qui as servi Nahum de Gimzo pendant vingt-deux ans, tu tiens
190 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
que les ""ak et les raq ont une valeur d'exclusion et que les 'éth et les
gam ont une valeur d'inclusion, que signifie donc cet ^éth^t
De plus les quatre premières règles d'Éliézer, exposant
la métîiode des inclusions et des exclusions, ne présentent
que des exégèses fondées sur l'emploi des particules.
En fait, le plus souvent l'inclusion ou l'exclusion sont
prononcées uniquement en raison de la teneur du texte, et pas
du tout parce qu'il contient une particule significative.
Nous donnons cependant quelques exemples d'exégèses de
cette espèce fondées sur l'usage des particules : très souvent
l'inclusion ou l'exclusion est inspirée par une tradition juri-
dique ou haggadique.
Sens inclusifs de 'et :
« Tu craindras ton Dieu » (Beut. 10, 20) le 'e7 inclut la Loi (étude
de la Loi, et donc aussi les rabbins) ^.
Dans Gen. l, 1 le 'ei inclut le soleil, la lune, les étoiles et les
comètes. Dans Gen. 4, 1, il signifie : jadis le premier homme a été
créé de la terre et Eve formée d'Adam ; à l'avenir ils seront « à notre
image et ressemblance » par le moyen de la femme et de l'homme
agissant de concert et aussi par le moyen dé la Sekhina (Dieu). Dans
Gen. 21, 20 il inclut, avec le garçon, ses âniers, ses chameliers et les
gens de sa maison (qui ont eu part à sa prospérité)^.
Dans Ex. 21, 28 « on n'en mangera pas la chair >■> le 'et
inclut le sang, la graisse et la peau^.
Dans les règles d'Éliézer le premier exemple est celui-ci :
« Dieu visita Sara « {Gen. 21, 1) : 'ei signifie que toutes les femmes
stériles furent visitées avec elle ».
1. Genèse rahba sur 1, 1; 4, 1; 21, 20; chap. 1, 14, p. 12; 22, 2,
p. 206; 53, 13, p. 574.
2. PesaJdm 22 b et parallèles.
3. Références comme note 1. Le sens inclusif de 'éf dans les deux
derniers cas semblait requis, puisque là la particule signifie : avec,
4. Mekhilta in loc, p. 283. Auparavant longue discussion par ana-
logie pour aboutir à la même conclusion,
5. Dans la Pesiqta rahhati, ch. 42, 177 b, cette exégèse est attri-
buée à R. Samuel b. Isaac; il ajoute que toutes ces femmes enfan-
tèrent en même temps que Sara.
Autres exemples dans la baraitha des 32 règles.
Voir aussi plus haut, p. 159, 160,
CONSID£RATJOJ!«S STYLISTIQUES. 191
Gam.
« lis croiront aussi en toi à jamais » [Ex. 19, 9). « Aussi » {gam) soit
en toi, soit dans les prophètes qui surgiront après toi^.
« Tu succomberas certainement, soit toi, soit ce peuple qui est avec
toi » {Ex. 18, 18). « Toi », c'est Moïse, gam c'est Aaron, gam c'est Nadab
et Abiuh, « le peuple qui est avec toi », ce sont les soixante-dix vieil-
lards 2,
'aph.
« Il prit le manteau d'Élie... il frappa les eaux... lui aussi frappa
les eaux » (2 Reg. 2, 14). Cela nous apprend que, en fendant les eaux
du Jourdain, Elisée obtint beaucoup plus de miracles qu'Elie... ^.
Particules indiquant une exclusion :
'ak.
« Il ne resta que Noé » {Gen. 7, 23). Le ^ak enseigne que, tout en
étant dans l'arche, Noé rendit du sang à cause du froid-'.
« Egalement ^ak) au dixième jour du mois... » {Lév. 23, 27). Le ''ak
restreint l'expiation à ceux qui se convertissent^,
Raq.
« Et Abraham dit : je me disais : il n'y a, sans aucun doute (raq),
aucune crainte de Dieu dans ce pays » {Gen. 20, 11). Le raq limite le
^éyn (négation) et signifie : il n'y aura de crainte que lorsqu'ils vous
entendront suivant qu'il est dit {ibid. 8) : « Abiméléch se leva de
grand matin, raconta ces choses et ils eurent de la crainte w^.
Min.
« Vous ferez vos offrandes de bétail, bovin ou ovin » {Lév. 1, 2). Min
habbehémâ (de bétail) pour exclure le bétail qui a servi à la bestialité
1. Mekhiha in loc. p. 211.
2. Mekhilta Ex. in loc. p. 197.
3. Baraitha des 32 règles. Il est à noter que "aph ne figure pas dans
la liste ancienne des particules inclusives.
4. Baraitha des 32 règles. Genèse rabba in loc. ch. 32, 11, p. 298
donne la même exégèse, mais en la faisant précéder de la remarque :
'aA- mVat, exclut... Tanhuma B., Noé, 3 et 14, p. 30 et 38 sur cette
diminution de Noé (blessé par le lion).
R. José le Galiléen ac(iordait à 'ak une valeur spéciale : il intro-
duit une distinction {halaq) : « Surtout (^ak) gardez mes sabbats »
{Ex. 31, 13) : 'ak divise, il est des sabbats que tu peux suspendre,
il en est que tu dois chômer {Mekhilta, p. 341). It^n sur Ex. 21, 21,
p. 274, seulement un jour (non pas deux).
5. Baraitha des 32 règles et aussi Siphra in loc. 102 a.
6. Baraitha des 32 règles.
192 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
min h'abbâqâr (depuis le bovin) pour exclure celui qui a été adoré'.
« Et le peuple se tint devant Moïse depuis le matin jusqu'au soir »
{Ex. 18, 13). On pourrait croire qu'il jugea tout le jour; mais alors
quand les disciples ont-ils reçu leur enseignement? Il est enseigné
« depuis le matin », exclusif, cela nous apprend qu'il ne siégeait pas
tout le jour mais les rabbins donnent comme mesure (de la séance)
six heures 2.
B. — INCLUSIONS ET EXCLUSIONS CONTENUES DANS LE TEXTE.
Le plus ordinairement les inclusions et exclusions sont
prononcées, non en raion des particules employées, mais
uniquement en raison du texte lui-même ; ici encore les exé-
gèses pratiquées sont imposées par des opinions déjà reçues.
« Le premier jour... jusqu'au vingt et unième » {Ex, 12, 18) : pour-
quoi? pour inclure les nuits 3.
« Les fautes commises dans les choses saintes » {Ex. 28, 38) inclut
femmes, prosélytes et esclaves''.
« Quiconque, Israélite ou prosélyte séjournant en Israël, qui pré-
sente son offrande, soit pour l'accomplissement d'un vœu, soit comme
don volontaire... » {Lév. 22, 18). « Israélite », ce sont les Israélites;
« prosélyte », ce sont les prosélytes; « séjournant », pour inclure les
femmes des prosélytes; « en Israël », pour inclure femmes et esclaves.
S'il en est ainsi pourquoi est-il enseigné en ces termes « quiconque »?
pour inclure les gentils qui offrent des vœux et des dons volontaires
comme les Israélites... « Leurs vœux » inclut les dons pacifiques...^
« Et vous observerez cela » (Ex. 12, 24), pour inclure la Pâque
que pratiqueront les générations suivantes, laquelle comporte aussi
agneaux ou chevreaux : paroles de R. Éliézer^.
La méthode semble facile et fermée à toute contestation;
pourtant les discussions s'élèvent : tel objet parait à l'un
inclus et à l'autre exclu par le même mot :
« Un homme pur recueillera... » {Num. 19, 9). Le mot, d'après le
sens, exclut les enfants et les femmes ; mais « pur » inclut les femmes :
1. Siphra in loc. 4 d, complété par Temura 28 b.
2. Baraitha des 32 règles, règle 2. Cf. Sabbat 10 a, où l'on affirme
que l'on doit aller jusqu'au repas (six heures pour les rabbins). Mek-
Mita in loc. p. 196 assure qu'il siégeait seulement jusqu'au repas.
3. Mekhilta in loc. p. 33.
4. Siphra sur 1, 4, 6 a. Ce livre utilise abondamment la méthode.
5. Siphra in loc. 98 a.
6. Mekhilta in loc. p. 39.
CONSIDÉRATIONS STYLISTIQUES. 193
paroles de R. Ismaël. R, Aqlba dit : le texte exclut les femmes et inclut
les enfants ^...
« On Cîs, un homme) le prendra en. commun suivant le nombre des
personnes » (Ex. 12, 4). Les femmes, les gens de sexe incertain et les
androgynes sont compris dans l'expression « suivant le nombre des
personnes (âmes) » ; mais l'expression pourrait inclure aussi les
malades et les enfants qui ne pourraient pas manger de l'agneau gros
comme une olive; mais alors il est enseigné « d'après ce que chacun
peut manger », ce qui exclut les enfants et les malades qui ne peuvent
pas en manger gros comme une olive 2.
Cet exemple montre que la méthode des inclusions et
exclusions est souvent mise au service de données juridiques
déjà admises et déterminant l'extension des termes.
En dépendance de cette méthode apparaît Tusag-e, constant
dans les commentaires rabbiniques, de préciser la portée
exacte d'un mot, d'une expression, avec une rigueur souvent
excessive.
« Voici l'offrande que feront Aaron et ses fils le jour où ils recevront
l'onction » {Lév. 6, 13j : le jour (dans le jour), ils ne peuvent recevoir
l'onction que pendant le jour 3.
Voici une exclusion et spécification que rien dans le texte
ne suggère :
« Il brûle son butin » (Deut. 13, 17), mais non celui du Ciel (celui
qui revient à Dieu) 3.
« Tout vase découvert sur lequel il n'y a pas de couvercle attaché
sera impur » [Num. 19, 15). De là on déduit : tout tonneau dont la
bonde est enduite d'argile de tous les côtés est impur, car il est dit
« couvercle attaché sur lui » et non « couvercle attaché sur sa surface
supérieure'' ».
Cet exemple, comme tant d'autres qu'on pourrait lui
adjoindre, fait toucher du doigt combien étroitement
littérale, jusqu'au ridicule, est souvent l'exégèse rabbinique.
1. Siphré Num. in loc. § 124, p. 157.
2. Mekhîlta in loc. p. 12.
3. Siphra in loc. 31 b; même précision 40 c sur 7, 37; 48 b sur 12,
3. Valeur stricte des mots dans la Mishna : Rosenblatt, op. cit.,
p. 53, 55.
3. Sanhédrin, 10, 6.
4. Siphré Num. in loc. § 126, p. 163.
EXÉGÈSE RABBINIQUE. 7
194 EXÉGÈSE RABBt NIQUE.
G. — COMBINAISONS d'iNCLUSIONS ET d'eXCLUSIONS.
Jusqu'ici nous avons vu chaque inclusion et chaque exclu-
sion considérée isolément; les espèces peuvent se combiner
et donner occasion à des discussions sur la portée de la
consécution : discussions qui attestent à quel arbitraire peut
se prêter le procédé.
Ribbûy après ribbûy :
« Les nations livrent au feu leurs fils et leurs filles en l'honneur de
leurs dieux » {Deut. 12, 31). Le double ribbûy {gam et ''et) inclut, avec
les fils et les filles, les pères et les mères''.
Autre valeur donnée au ribbûy après ribbûy :
Dans une discussion sur les gâteaux de fleur de farine et les galettes
sans levain arrosées d'huile {Lév. 2, 4). La loi traditionnelle stipule que
les gâteaux doivent subir une triple opération dans l'huile : en est-il
de même pour les galettes ? On essaie d'abord de le prouver par une
analogie, qui se heurte aux termes « pétris à l'huile, arrosés d'huile »,
Mais (autre raisonnement) pourquoi est-il dit des uns et des autres « dans
l'huile »? N'est-ce pas pour astreindre les galettes à la triple opération
dans l'huile? R. Éliézer b. Jacob dit : on arrose (on oint) (d'huile) les
galettes en forme de ki (grec), parce qu'un ribbûy (inclusion, indiquée
par l'expression « dans l'huile ») après un autre ribbûy signifie une
exclusion 2,
Ribbûy suivi de mVût :
« Lorsque quelqu'un d'entre vous fera une offrande » (Zeu. 1, 2).
« Quelqu'un (homme) » pour inclure les prosélytes; « d'entre vous »,
pour exclure les apostats. Pourquoi dis-tu ainsi? Dis : « quelqu'un »,
pour inclure les apostats ; « d'entre vous », pour inclure les prosélytes.
Après avoir fait une inclusion l'Écriture fait une exclusion. Il est
enseigné en ces termes : « Dis aux enfants d'Israël » : de même que les
enfants d'Israël acceptent l'alliance, de même les prosélytes; sont
exclus les apostats qui ne reçoivent pas l'alliance. Mais on peut dire
1. Baraitha des 32 règles, règle 3, citant presque textuellement
Siphré Deut. in loc. § 81, 91 b.
Nous omettons le mVût après mi'ût de la règle 4 : de Num. 12, 2
« Dieu a-t-il seulement {'ak, raq) parlé avec Moïse? n'a-t-il pas parlé
avec nous » on tire que Aaron et Marie ont prophétisé avant Moïse.
2. Siphra Lév. 2, 4, 10 d. Pour bien comprendre lire Menaîiot 74 b,
75 a. Il est clair que cette exégèse est commandée par une tradition
rituelle.
CONSIDÉRATIONS STYLISTIQUES. 195
aussi : de même que les Israélites sont les fils de ceux qui ont reçu
l'alliance, de même les apostats sont les fils de ceux qui ont reçu
l'alliance et ainsi sont exclus les prosélytes qui ne sont pas les fils de
ceux qui ont reçu l'alliance *
Cette affirmation tend à insinuer que l'Écriture, après une
affirmation générale, introduit toujours une spécification et
une limitation.
Combinaison plus complexe : ribhûy^ mVût et ribbûy : dans
la discussion restée traditionnelle entre Ismaël et Aqiba, les
rabbins postérieurs proposent ainsi les raisonnements de l'un
et de l'autre :
(c Si quelqu'un, parlant à la légère, jure de faire du mal ou du.bien,
quoi que ce soit qu'il affirme ainsi par un serment inconsidéré... il
aura contracté une faute » {Lév. 5, 4). R. Aqiba interprète ainsi : « si
quelqu'un jure «, inclusion, « en mal ou en bien », exclusion, « quoi
que ce soit qu'il affirme par un serment inconsidéré », inclusion de nou-
veau : exclusion, inclusion et exclusion, il inclut le tout : il inclut toutes
les paroles et exclut toute parole nécessaire (sur laquelleion réfléchit).
R. Ismaël explique ainsi : « si quelqu'un, parlant à la légère, jure »,
général; « en mal ou en bien », 'particulier; « quoi que ce soit qu'il
affirme par serment inconsidéré », de nouveau général : général,
particulier et général, tu juges d'après le particulier; et le particulier
c'est toute parole se rapportaiit à l'avenir (promesse) 2....
Ainsi les règles herméneutiques fondées sur les exclusions
et les inclusions s'opposent à la dialectique basée sur l'emploi
de termes généraux et particuliers. Nous renonçons à recher-
cher lequel des deux systèmes est le plus logique et surtout
lequel ferme le mieux la voie aux exégèses fantaisistes ou
tendancieuses.
1. Siphra 4 c. Ce principe (exclusion après inclusion) est invoqué
assez souvent, comme traduisant une des façons de parler de
l'Ecriture : Siphra 11 a sur 2, 6 ; 13 a sur 2, 15.
2. àebu'oth 26 a. Ce ne sont pas Aqiba ni Ismaël qui font ces
raisonnements, mais des rabbins amoras, suivant leurs principes.
A. ScHWA.uz, die hermeneutische Quantitàtsrelation, p, 111, 138-163,
étudie plusieurs autres combinaisons de ribbûy et mVût, qui remon-
tent quelques-unes aux temps tannaïtes. Il condamne les principes
fondés sur ces combinaisons, comme contraires à la logique; les
règles d'Ismaël, basées sur les lois du langage humain, sont, d'après
lui, seules logiques.
196 EXÉGÈSE RÀBBINIQUE.
10° Redoublements et répétitions.
A. — REDOUBLEMENTS.
Croyant à la valeur de tous les éléments dans les Écritures,
Aqiha attachait une signification aux redoublements de toute
espèce : principe que contestait Jsmaël, mais que quantité
de rabbins ont admis et suivi. Aqiba, en particulier, tirait
parti, pour appuyer des traditions juridiques ou haggadiques
déjà admises, de la tournure, si fréquente en hébreu, qui
consiste à placer devant un verbe au mode personnel le
même verbe à l'infinitif :
« Cet homme sera retranché {hikkârét tikkârèt) » (Num. 15, 31).
Hikkârêt, retranchement dans ce monde, tikkârèt, sera retranché au
monde à venir : paroles de R. Aqiba. R. Ismaël lui dit : puisqu'il est
dit (30) « (cette âme) sera retranchée » j'entends trois retranchements :
en trois mondes. Mais pourquoi est-il enseigné en ces termes « il sera
retranché »? La Tora parle suivant la langue des hommes^.
« Que soit circoncis [himmôl immôl » {Gen. 17, 13). De là on déduit
deux circoncisions : l'une, la circoncision proprement dite (excision
du prépuce), l'autre, le déchirement (dénudement du gland). Ou bien :
l'une pour circoncire, l'autre pour enlever les filaments : ainsi suivant
R. Aqiba puisqu'il dit : ce sont des paroles abondantes (ribbûîm). Gom-
ment fonder les deux circoncisions d'après R. Ismaël qui dit : ce sont
des paroles redoublées ? Car la Tora, dans sa langue, redouble suivant
l'usage : « allant tu iras « {Gen. 31, 30); « languissant tu languissais »... ;
« d'un vol j'ai été volé » {Gen. 40. 15). R. Juda b. Pazzi le tire de
Ex. 4, 25 : tu m'es un époux de sangs (au pluriel)... ^
Tout redoublement revêt une signification :
Après une discussion sur le passage du Jourdain et les pierres dres-
sées en autel {Jos. A, 2, sqq.) où il est dit « un homme par tribu »,
(pareillement) « Un homme (dit deux fois) par tribu » {Num. 13, 2). Au
sentiment de R. Aqiba qui dit : ce sont des mots ribbûim (inclusifs), ils
étaient douze, huit pour la grappe et quatre pour les figues et les gre-
1. Siphré Num. in loc. § 112, p. 121. Cf. Sanhédrin 64 b et 90 b.
2. Pal. Sabbat 19, 2, 17 a. On pourrait citer nombre d'autres
exemples : yg. pour Ex. 12, 9, Aqiba tire qu'il est défendu de faire
bouillir l'agneau pascal, non seulement dans de l'eau, mais dans
tout autre liquide, du redoublement du verbe, taudis que l'autre le
tire d'un raisonnement par analogie, Mekhilta, p. 20, sq. Voir Bâcher,
Agada dcr Tannaiten, I, p. 236, sqq. Aicher, op. cit., p. 125.
CONSIDÉRATIONS STYLISTIQUES. 197
nades; au sentiment de R. Siméon qui disait : ce sont des mots redou-
blés, ils étaient yiHgt-quatre, seize pour la grappe, huit pour les figues,
les raisins et pour porter les ustensiles; au sentiment de R. Ismaël
ils étaient divisés en groupes de deux porteurs (pour des brancards
ou des perches); au sentiment de R. Aqiba trois groupes de porteurs ^...
Cette méthode peut conduire à des résultats inattendus,
sinon étranges :
« Il sera égorgé par toute l'assemblée de la communauté {Qehal
'adath Israël) d'Israël « (Ex. 12, 6) : en conséquence on dit : la Pâque
est immolée selon trois groupes : la communauté, l'assemblée et
Israël 2.
c(, Moïse s'enquit (dârôs dàraë) » (Lév. 10, 16). Pourquoi ce dârôs
dâras (au sens d'enseigner, prêcher)? Moïse leur donna deux ensei-
gnements : il leur enseigna pourquoi celui-ci (bouc) était brûlé et
pourquoi les autres étaient' mangés'^...
Aqiba voyait dans le lé'môr, si fréquent dans la Bible, une
invitation à chercher un sens profond et il émettait le prin-
cipe : Tout endroit où 0. est dit Wmôr (en ces termes)
demande à être expliqué'*...
B. — REDITES ET REPRISES.
Tout autant que les expressions redoublées, les redites, les
reprises du même sujet, doivent avoir un sens. On attribue
à R. Ismaël cette règle qui ne figure pas dans la série des
treize :
On enseigne dans l'école de R. Ismaël : toute section, dite une fois
1. Pal. Sota 7, 5, 21 d. Voir encore les mêmes principes, ibid. 8, 1,
22 b... Dans Siphra 84 a sur Lév. 17, 8 on déduit que la répétition
de '«s implique qu'ils étaient deux à offrir l'holocauste (sentiment de
R. Siméon, contre un raisonnement par analogie).
2. Mekhilta in loc. p. 17. Dans la Misna de Pesahim 5, 5 on
établit, en se fondant sur le même texte, que l'immolation des agneaux
dans le Temple se faisait en trois séances... Pesah. 64 b.
3. Siphra 47 b. Zebaliim 101 b.
4. Siphré Num. 5, 5, § 2, p. 5. Certains voient là une indication que
Moïse n'a rien dit de son propre fonds. Sur leWmôr d'Ex. 12, 1
voir dans Mekhilta, p, 4, 5, quatre explications : R. Ismaël : dis-
leur tout de suite; R. Eliézer : dis-leur et rapporte-moi la réponse,
R. Siméon b. Azzai : dis-leur suivant ce que tu as entendu; R. Aqiba
dis-leur : c'est par leur mérite qu'il parle avec moi... Voir aussi
Siphra, 4 ab sur Lévit. 1, 1. Cf. p. 159.
l98 EXÉGÈSE RABBINIQUË.
puis répétée, n'est réoétée que parce qu'il y est enseigné une chose
nouvelle '.
Autre règle sur le même fait :
Voici une règle de la Tora : si dans une pârâsâ (section) dite une
fois il manque quelque chose, elle est reprise ailleurs ; elle n'est reprise
(répétée) que parce qu'il y manque quelque chose : règle formulée à
propos de Num. 5, 6 complété par Lév. 5, 20, 21, qui y introduit le tort
fait au prosélyte (implicitement contenu dans le tort fait au prochain) -.
Ailleurs est indiquée la raison des reprises :
En trois endroits il rappelle la section des temps sacrés : dans la loi
des prêtres en raison de leur ordre (Lév. 23) ; dans un cinquième des
ordonnances {Num. 28, 29) en raison des sacrifices qu'ils comportent ;
dans la répétition de la Tora en raison de la communauté [Deut. 16,
1-17). Autre explication « gardez le mois d'Abib » : pour t'enseigner que
Moïse ordonna les temps sacrés d'après le Sinaï (d'après ce qu'il enten-
dit au Sinaï ; ou : dès le Sinaï) et les enseigna à Israël, puis de nouveau
il les leur répéta (enseigna) au moment de l'accomplissement ; Moïse
leur disait : soyez attentifs à apprendre (répéter) le sujet et à l'expli-
quer 3.
Dans le catalogue d'Éliézer la règle des répétitions fig;ure,
mais pour fonder une haggadà fantaisiste :
R. Josa b. Hanina disait : la famine en Egypte devait durer quarante-
deux ans : le Pharaon vit sept épis et sept vaches : cela fait quatorze ans ;
il les énuméra à Joseph, encore quatorze ans; Joseph parla aussi des
sept épis et des sept vaches, de nouveau quatorze ans ; soit quarante-
deux ans [Gen. 41, 1-29), Mais la famine ne dura que deux ans : car
lorsque notre père Jacob descendit en Egypte, il la bénit et la famine
cessa, mais les quarante années revinrent au temps d'Ezéchiel, suivant
qu'il est dit (29, 12) : « Je rendrai stérile la terre d'Egypte », de façon
qu'elle ne produise que le nécessaire.
Pareillement {Jér. 7, 4) : « Ne vous fiez pas... Temple du Seigneur,
Temple du Seigneur, Temple du Seigneur... » Pourquoi est-ce dit trois
fois ? C'est qu'il leur dit : ne vous confiez pas dans les trois fêtes de
pèlerinage que vous célébrez chaque année ; tant que vous ne faites
1. Sota^ a : discussion entre Aqiba et Ismael au sujet de la loi
de la Sota (son mari est-il obligé de la jalouser?) et sur l'impureté
de Lév. 21, 3; cf. Num. 5, 13. Répétitions de la Mishna : Rosenblatt,
op. cit., p. 4, 46.
2. Siphré Num. 5, 6, § 2, p. 4, 5.
3. Siphré Num, 16, 1, § 127, 100 b. A cause de la communauté :
le Deutéronome fut prononcé devant la communauté.
CONSIDÉRATIONS STYLISTIQUES. 199
pas sa volonté, vos fêtes ne comptent pour rien devant lui : voici ce
qui est écrit {Am. 5, 21) : « Je hais et je déteste vos fêtes ». Autre expli-
cation : voyez les trois sanctuaires qui ont été détruits : Nob, Silo et
Gabaon; prenez garde que celui-ci ne soit détruit ^.
Cette façon de tirer parti des reprises bibliques est classique
dans l'exégèse rabbinique : nous avons vu sur quelle base on
fonde la pratique d'égorger les agneaux de la Pâque en trois
séances. Autre raison scripturaire d'une pratique tradi-
tionnelle :
« Moïse leur dit : mangez-en en ce jour, car ce jour est pour Yahwé
sabbat, en ce jour vous n'en trouverez pas » {Ex. 16, 25), Rabbi Zeriqa
disait : de là (on tire) les trois repas du sabbat. Car ils étaient habitués
à sortir dès le matin, ils lui dirent donc : Moïse, notre Maître, sortirons-
nous ce matin? — « Mangez-en aujourd'hui ». — Puisque nous ne
sommes pas sortis le matin, sortirons-nous entre les deux soirs ? —
(( Car c'est le jour de sabbat pour Yahwé. » Et pourquoi est-il dit :
« aujourd'hui vous n'en trouverez pas dans les champs »? On dit : le
cœur de notre père se fendit quand ils dirent : puisque nous n'en
avons pas trouvé aujourd'hui, peut-être n'en trouverons-nous pas
demain? 11 leur répondit : « aujourd'hui vous n'en trouverez pas, mais
demain vous en trouverez » 2.
Ce procédé, apte à fonder, au moins en apparence, une
halakha, est surtout très propre à légitimer une baggada :
inutile de citer des exemples.
Les répétitions ont encore une autre raison d'être; R. Meïr
formulait le principe : toute condition pour être valable doit
être formulée deux fois, comme le furent les stipulations des
fils de Gad et des fils de Ruben avec Moïse {Num. 32, 29, 30)'.
1. La première tradition et l'exégèse qui la fonde sont rapportées
dans Gen. rabba sur 41, 26 (ch. 89, 9, p. 1098) : R. Juda dit 14 ans
de famine; Nehemia, 28; et les rabbins, 42, avec le reste de l'histoire.
Il est piquant de voir un rabbin sérieux et appliqué comme Rasi
s'efforcer de concilier cette tradition et lés données, absolument
opposées, de la Genèse.
2. Mekhilta in loc. p. 168, sq.
3. Qiddusin 3, 5 expliqué dans la Gemara 61 ab, 62 a Dans la
Tosephta 3, 2, p. 338, Rabban Siraéon b. Gamaliel en tire le prin-
cipe de droit : il n'y a pas dans l'Ecriture de condition qui ne soit
redoublée. La Gemara donne d'autres exemples : Num. 32, 20, 23;
Gen. 4, 7 et 24, 3-9; Lév, 26, 3, 15; Num. 5, 19 et 20; 19, 12; 7s. 1,
19, 20,
200 EXÉGÈSE KABBI NIQUE.
11°. Conciliations de textes bibliques opposés.
Une préoccupation des rabbins, et une de leurs occupations
les plus fréquentes, étaient de concilier les textes bibliques
qui leur paraissaient opposés, sinon contradictoires : et cela,
soit dans une intention apologétique, soit en vertu de leurs
études personnelles. En effet, de très bonne heure, les adver-
saires de la religion d'Israël, païens ou sceptiques, faisaient
remarquer aux fidèles de la Parole divine les contradictions
et les difficultés qu'elle recèle : témoins le Contre Apion de
Josèphe, le Contre Celse d'Origène. D'autre part, appliqués
constamment à scruter les Écritures, les rabbins ne pouvaient
manquer de remarquer les problèmes que soulèvent certains
passages.
Les oppositions entre les textes bibliques, que considèrent
les rabbins, se rangent en deux catégories : les oppositions
objectives, les oppositions subjectives \ Les premières viennent
de ce que deux textes paraissent difficilement conciLiables ; les
secondes apparaissent comme conséquence des opinions et
traditions reçues chez les rabbins : en matière juridique les
écoles rivales, prétendant fonder également sur la Bible leurs
décisions, devaient voir des contradictions entre les versets
invoqués de part et d'autre. En matière haggadique telles
représentations historiques reçues s'accordent mal avec quel-
ques passages bibliques. Enfin l'esprit chercheur et subtil des
rabbins découvre parfois des difficultés et des oppositions là
où le lecteur naïf passe sans s'inquiéter ; et par ailleurs ces
questions posées à plaisir sur la lettre sacrée fournissent
occasion à dissertations, discussions et conjectures.
Les rabbins concilient les textes, réellement ou apparem-
ment opposés, par deux voies : voie logique^ par une distinc-
1. Expressions et remarques de A. Schwarz, qui a consacré à la
question un volume : die liermeneutische Antinomie in der talmudis-
chen Literatur^ Wien und Leipzig, 1913.
Voir aussi un article de A. Marmorstein, der Midrasch von den
Widersprilchen in der Bibel, Monatschrift fiir Geschichte und Wis-
senschaft des Judentums, 1929, p. 281-292 (étude sur des fragments
d'un Midrasch « des deux écritures)»^ séné ketûbîm, disparu).
CONSIDÉRATIONS STYLISTIQUES. 201
tien réelle ou verbale, montrer que les textes ne s'opposent
pas, mais concernent des objets différents ou supposent des
circonstances différentes ; voie d'autorité, ou de compromis,
résoudre l'antinomie par un troisième texte qui les accorde
ou qui suggère un autre point de vue. A. Schvs^arz s'applique
à montrer comment les deux méthodes répondent à des ten-
dances bien distinctes. La première serait la plus ancienne et
la plus traditionnelle, pratiquée déjà par Hillel et indiquée
par la formule que certains documents donnent de sa qua-
trième règle : deux écritures; c'est cette méthode qui est le
plus ordinairement suivie par les rabbins. L'autre méthode,
moins conforme aux exigences de la logique, aurait été mise
en honneur au début du second siècle : c'est celle qui est
formulée dans la treizième règle d'Ismaël et dans la quinzième
d'Éliézer : « deux écritures qui se contredisent (se nient) l'une
l'autre jusqu'à ce qu'intervienne une troisième qui décide
(fasse pencher la balance) entre les deux )> ^ .
Nous avons dans la littérature rabbinique plusieurs recueils
de ces exercices scolastiques consistant à résoudre de préten-
dues antinomies bibliques : la section 42 de Siphré sur les
'Nombres étudie huit (ou treize) de ces difficultés^, intro-
duites la plupart par les formules : « une écriture dit... une
autre écriture dit... comment ces deux textes peuvent-ils sub-
sister (se réaliser) ? ». La solution est ordinairement une distinc-
tion réelle ou verbale. Dans la Tosephta de Sota, qui contient
tant de haggadot curieuses, nous avons (ch. il, 11-18; ch. 12,
1-5, p. 318, sqq.) l'étude de plusieurs difficultés historiques,
introduites par la formule : « comment peut-on affirmer cela
alors que...? il n'est pas possible ». Dans le Seder 'Olam sont
1, Aqiba formule aussi cette règle d'une manière peut-être diffé-
rente et dans un autre sens qu'Ismaël, cf. Bâcher, Agada der Tannai-
ten, I, p. 302, sq. : deux écritures qui se correspondent [kenègèd)
et qui se contredisent (sôterin) l'une l'autre jusqu'à ce qu'une
troisième décide... Mekhilta, p. 13 sur Ex. 12, 5 : contradiction arti-
ficielle dans Deut. 16, 2 : « Tu immoleras la Pâque à Yahwé, ton
Dieu, les brebis et les bœufs, au lieu que Yahwé, ton Dieu, aura
choisi » ; d'autres rabbins peinent à résoudre ce problème d'une
prétendue contradiction qu'ils ont forgée à plaisir.
2. Siphré, p. 45-48 : les cinq dernières difficultés sont présentées
à la fin de la section ; Horovitz en conteste l'authenticité.
202 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
résolues plusieurs antinomies chronologiques. Le midras
(perdu) : séné Ketûbîm (deux écritures) est un recueil de ces
exercices ^ Et en bien des endroits nous rencontrons des ques-
tions de cet ordre^ chez les docteurs tannas, et encore plus
chez les amoras.
A. — CONCILIATIONS AU MOYEN d'uNE DISTINCTION.
Quelques exemples suffir ont à donner l'idée du genre :
R, Ismaël dit : une écriture dit : « Tu consacreras tout animal pre-
mier-né » {Deut. 15, 19) ; et une autre dit : « Tu ne consacreras pas un
premier-né » {Lév. 27, 26). On ne peut dire les deux choses en même
temps. Dis donc : tu le consacreras d'une consécration d'évaluation
(pour payer au Templ e le prix de son évaluation) ; tu ne le consacreras
pas d'une consécration pour l'autel (pour le sacrifier, puisqu'il appar-
tient à Dieu) 2.
Les Lévites n'entraient au parvis pour le culte qu'après avoir étudié
pendant cinq ans, suivant qu'il est dit {Num, 8, 24) : « Depuis vingt-
cinq ans et au-dessus le lévite entrera au service... »; mais ailleurs il
dit (Num. 4, 30) : « Tu recenseras les lévites depuis l'âge de trente
ans » . Pourquoi ces deux données ? C'est que pendant les cinq ans qui
séparent les deux âges, il (le lévite) étudiait; ensuite on l'appliquait
au service du Temple^...
Type de pseudo-contradiction et de solution gratuite :
Une écriture dit {Deut. 7, 25) : « Tu ne convoiteras pas l'argent ni
l'or qui est sur les idoles et tu ne le prendras pas... »; et une autre dit
(ibid. 29, 16) : « Vous avez vu leurs idoles, bois, pierre et argent qui
sont chez elles (les nations)... ». Comment peuvent subsister ces deux
écritures (sur elles, 'alèhém, et chez elles, Hmmahèm)1 « Sur elles » :
tant les choses qui servent à vêtir le corps que les autres sont inter-
1. EiSENSTEiN. O&ai^ midrashim, p. 559-561 (le premier fragment
transcrit n'appartient pas à ce midrash).
2, Arakin Misna, 8, 7. La contradiction n'est qu'apparente, puisqu'il
s'agit de consécrations d'ordre différent. Dans la gemara 29 a, les
rabbins montrent combien s'imposait la formule de l'interdiction, puis
celle du commandement.
Dans Sipliré Deut. % 124, 100 a, la distinction est attribuée à
R. Siméon. Antinomies conciliées dans la Mishna : Rosenblatt, op.
cit., p. 51, 30, sq. ; Aicher, op. cit., p. 49, 53.
ri 3. Tos. Seqalim, 3, 26, p. 179. La contradiction entre les deux
textes n'est pas évidente; la conjecture conciliatrice est bien dans
l'esprit rabbinique.
CONSIDÉRATIONS STYLISTIQUES. 203
dites ; « chez elles » : ce qui sert à vêtir le corps est interdit; ce qui ne
sert pas à vêtir le corps est permis ^...,
Une écriture dit (Lév. 25, 3) : « Pendant six ans tu ensemenceras
ton champ », et une autre écriture dit {Ex. 23, 10) : « Pendant six ans
tu ensemenceras ta terre ». Comment peuvent subsister ces deux
écritures? L'une se réalise quand les Israélites entreront dans la terre;
l'autre quand ils retourneront de la captivité^.
Désaccord chronologique :
Une écriture dit {Ex. 12, 40) : « Le séjour des Israélites en Egypte
fut de 430 ans » et une autre écriture dit {Gen. 15, 13) : « Ils y seront
en servitude et y seront affligés pendant 400 ans ». Comment peuvent
subsister ces deux écritures? C'est avant la naissance d'Isaac que fut
arrêté le décret entre les pièces du sacrifice. Rabbi dit : une écriture
dit : « Us y seront opprimés pendant 400 ans » et une autre dit {ibid. 16) :
« A la quatrième génération ils reviendront ici ». Comment...? Le
Saint, béni soit-il, dit : s'ils font pénitence je les rachèterai suivant
le compte des générations, sinon, suivant le compte des années^.
« La trente-sixième année du règne d'Asa, Baasa, roi d'Israël monta
contre Juda... » {2 Chron. 16, I). Est-il possible de dire ainsi? Asa
n'a-t-il pas enterré Baasa la vingt-sixième année de son règne? (i Reg.
15, 33)? Mais c'est pour répondre aux 36 ans à cause desquels fut
porté le décret suivant lequel le royaume de la maison de David
serait divisé, pour leur revenir ensuite; et aussi pour répondre aux
36 ans suivant lesquels fut porté le décret d'après lequel les rois de
Syrie seraient des satans pour Israël et finiraient par tomber sous les
coups de la maison de David''...
1. Tos. Aboda zara, 6, 13, p. 470; cf. parallèles dans les Talmuds.
2. Mekhilta Siméon h. Yohai, in loc. p. 156, Sentence de R. Nathan
b. Joseph, L'éditeur Hoffmann note : quand les Israélites entrèrent
avec Josué en Ghanaan la terre était à eux : donc « ta terre » ; quand
ils retournèrent de captivité, le pays appartenant au roi de Perse, on
ne pouvait dire que « ton champ ». Contradiction toute vei^bale, sup-
posant un littéralisme étroit; solution bien spécieuse.
3. Mekhilta Ex. 12, 40, p. 50; Seder 'Olam rabba, ch. 3, p. 14-17
discute sérieusement toutes les données chronologiques relatives à
Abraham, leur point de départ, les séjours en Egypte.
Le premier désaccord est réel, mais trouve une îiutre explication
qu'un point de départ différent dans le comput. La solution de la
seconde antinomie est du type courant.
4. Tos. Sota 12, 1, 2, p. 316, sq. Nous éclairons les termes du texte
par le passage correspondant du Seder 'Olam, ch. 16, p. 68, sq. :
la division du royaume est la punition des 36 ans pendant lesquels
Salomon est resté marié à la fille du Pharaon qui le fit tomber dans
ridolâtrie. Autre explication ; Baasa attaqua Asa 36 ans après la
mox't de Salomon (?),
204 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
Opposition purement matérielle et fictive :
Une écriture dit : « Que Yahwé lève sa face vers toi » (Num. 6, 26)
et une autre dit {Deut. 10, 17) : « Dieu, qui ne fait pas acception de
personne » (qui ne lève pas la face). Comment peuvent subsister (se
réaliser) ces deux écritures? Quand les Israélites font la volonté du
Lieu (Dieu), il lève la face vers toi; et quand ils ne font pas sa volonté,
il ne lève pas sa face. Autre explication : tant que le décret (de con-
damnation) n'a pas été scellé, Yahwé lève sa face vers toi, quand il a
été scellé il ne lève pas sa face''.
Nous avons dans cet exemple une manifestation représen-
tative de l'esprit rabbinique, qui se plait à multiplier et à
créer des difficultés pour se donner la récréation de les
discuter et résoudre; expression aussi d'un littéralisme qui
s'arrête à peser les syllabes sans considérer les idées qu'elles
expriment.
Ici l'opposition établie entre les textes couvre, en réalité,
une difficulté tbéologique :
Il est rapporté que Johanan (le grand-prêtre) fit taire les éveilleurs
(ceux qui prétendaient éveiller Dieu). D'oii la question : Qu'était-ce
que ces éveilleurs? Rehaba dit : chaque jour les lévites montaient à
l'estrade (dans le Temple) et disaient {Ps. 44, 24) : « Réveille-toi,
pourquoi dormir, Yahwé? » Il leur dit : y a-t-il sommeil devant le
Lieu (Dieu dort-il)? N'est-il pas déjà (ailleurs) dit? {Ps. 121,4) : « Voici
qu'il ne dort, ni ne sommeille, le gardien d'Israël »? Mais pourquoi
est-il enseigné en ces termes {Ps, 78, 65) : « Yahwé se réveilla, comme
1. Siphré Num. 6, 26, § 42, p. 45. Comme le note justement Scliwarz,
op. cit., p. 126 : « Si cette antinomie haggadique, qui prend la forme
d'une antinomie objective, ne nous était connue que par Siphré, nous
pourrions la prendre pour un pur jeu, puisque personne ne peut
méconnaître la grande différence qui sépare les deux affirmations,
et le sens très divers de l'expression employée dans les deux pas-
sages nôsé' phânîm. » Il invoque, comme circonstance atténuante,
que primitivement la difficulté avait été proposée par Veluria, la
prosélyte romaine : pouvait-on répondre par des explications philo-
logiques à cette femme qui savait juste assez d'hébreu pour lire la
Bible dans l'original? En efPet cette Romaine pose la question à Rab-
ban Gamaliel; R. José le prêtre lui répond par une parabole qui
veut inculquer cette idée : pour les fautes contre le prochain.
Dieu ne peut les pardonner tant que le coupable n'a pas réparé son
tort; R. Aqiba propose la seconde explication (les décrets); et R. Meïr
explique aussi par là (avant ou après l'établissement définitif du
décret) pourquoi une prière est exaucée et l'autre pas : Ros hasana,
17 b, sq.
CONSIDÉRATIONS STYLISTIQUES. 205
un homme ivre (ou : dormant) »? C'est que, pour ainsi parler, c'est
comme s'il y avait sommeil devant lui : à l'heure où Israël est dans
la détresse et les nations du siècle dans la prospérité ; aussi bien dit-il
{Job, 17, 2) : « Mon œil veille au milieu de leurs outrages »*.
B. — CONCILIATION PAR UN AUTRE TEXTE.
Donnons un exemple de cette méthode, plus rarement
pratiquée, mais répondant aux lois posées par la règle trei-
zième d'Ismaël et parla quinzième d'Éliézer :
« Quand Moïse venait à la tente du témoignage pour parler avec
lui » {Num. 7, 89). Pourquoi est-ce dit? Comme il dit aussi {Lév. 1,1):
« Et Yahwé lui parla de la tente du témoignage », e pourrais entendre
qu'il lui parla de la tente elle-même. Mais il est enseigné en ces ter-
mes {Ex. 25, 22) : « Là je me rencontrerai avec toi, et là je parlerai
avec toi du haut du propitiatoire ». II ne peut pas dire « de la tente
du témoignage », puisqu'il dit ailleurs « du haut du propitiatoire ».
Comment se réalisent ces deux écritures? C'est une règle de la Tora :
quand deux écritures se correspondent et se contredisent l'une l'autre,
toutes les deux subsistent en leur place jusqu'à ce qu'intervienne une
autre écriture qui décide entre elles. Pourquoi est-il enseigné en ces
termes « quand Moïse venait à la tente du témoignage pour parler
avec lui » ? L'Ecriture nous enseigne que Moïse entrait et se tenait dans
la tente du témoignage et la voix descendait des cieux entre les
deux chérubins et lui entendait, la voix qui lui parlait de l'inté-
rieur 2.
Plus intéressante pour nos esprits critiques la première
antinomie étudiée dans les règles d'Éliézer :
Une écriture dit {2 Sam. 24, 9) : « Il y avait en Israël huit cent mille
hommes d'armes » et une autre dit {i Chron. 21, 5) : « Il y avait en
Israël onze cent mille hommes d'armes ». Il y a entre les deux une
différence de 300.000; et que faire de ces 300.000? Une troisième
1. Misna 9, 10 de .Sofa; nous' suivons la g'emara palestinienne, 24 a;
voir aussi Ton. 13, 9, p. 319, sq. ; bahli 48 a.
2. Siphré Num. 7, 89, § 58, p. 55, sq. Pour voir une contradiction
entre les deux textes, il faut supposer que les mots du Léo. signifient
que Dieu se faisait entendre à Moïse, soit en dehors du Saint des
Saints, soit en dehors de la tente elle-même (le min étant entendu
au sens local). De toute façon il faut reconnaître avec Schwarz, op.
cit., p. 198, qu'il s'agit ici d'une antinomie subjective.
Dans la règle 13 d'Ismael est résolue par Ps. 18, 10 l'imaginaire
antinomie entre Ex. 19, 20 et 20, 22: Mekhiha p. 216.
206 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
écriture intervient et résout la difficulté (^ Chron. 27, 1) : « Les enfants
d'Israël, suivant leur nombre, et suivant leurs divisions... chaque
division étant de 24.000 ». Nous apprenons que les 300.000 étaient
inscrits sur les rôles du roi et ne devaient pas être comptés...
L'explication est plausible. Elle témoigne en même temps
du soin avec lequel les rabbins confrontaient entre eux tous
les versets de l'Écriture; mais leur souci d'éliminer toute
contradiction avait pour effet, à côté d'observations très
judicieuses, de produire aussi des distinctions artificielles,
purement littérales et matérielles : souvent jeux d'enfants
ou de dialecticiens fonctionnant à vide.
12° Statistiques bibliques.
La connaissance approfondie que lés rabbins possédaient
de la Bible apparaît encore en ce que nous pouvons appeler
leurs statistiques bibliques, classifications de faits du même
ordre :
Nous en mentionnons quelques-unes : les changements de nom [Mek-
hilta, p. 59 sur Ex. 13, 2) et les additions de lettres aux noms propres
(p. 189, sur 18, 1); la section des tephillin est rappelée en trois endroits
(p. 74 sur 13, 16); Dieu a donné trois avertissements à Israël (p. 95 sur
14, 13) ; actions faites par le vent d'est (p. 103 sur 14, 21) et autres
punitions par divers moyens (p. 134, sqq. sur 15, 7); emploi métapho-
rique du mot cœur (p. 128 sur 15, 8); les dix cantiques (p. 116, sq. sur
15, 1), les trois propriétés de Dieu (p. 148 sur 15, 16); ses quatre por-
tions {nahala, p. 149 sur 15, 17); trois choses données à Israël sous
condition (p. 201, sur 18, 27)....
Treize paroles desquelles est exclu Âaron [Siphra 3 d sur Lév. 1, 1),
qui est celui à qui Dieu parle d'abord (46 a sur 10, 6).
Évidemment plusieurs de ces rapprochements sont artificiels,
mais dans l'ensemble ils peuvent aider à mieux comprendre
par analogie certains passages ; de toute façon ils mettent en
relief les usages de la Parole divine.
CHAPITRE V
EXÉGÈSE PARABOLIQUE.
Règle vingt-sixième d'Éliézer :
Par mâsàl (parabole) : comment ? (c Les arbres se mirent en chemin
pour se choisir et oindre un roi: ils dirent à l'olivier..., puis au
figuier... » {Jiig. 9, 8-15). Est-ce que les arbres ont l'habitude de se
choisir un roi? Non, mais ce sont les Israélites qui demandèrent à
Othoniel fils de Qenaz, à Débora et à Gédéon d'exercer la souveraineté
sur Israël et ces héros refusèrent. Pareillement : « L'épine du Liban... »
(2 Heg. 14, 9). Epine et cèdre ont-ils l'habitude de contracter mariage
entre eux ? Non, mais cela se rapporte à Sichem et à Jacob, notre père.
C'est ainsi que tu trouves des prophètes et des hagiographes qui ont
proféré des paraboles. En quelles matières peut-on parler ainsi? En
tout ce qui touche à la qabbâlà (livres autres que le Pentateuque) ;
quant à la Tôrâ et aux commandements, tu ne peux pas les interpréter
par mode de mâsàl. On excepte trois textes que R. Ismaël interprétait
par mode de mâsâl ; pour deux d'entre eux, la halakha (décision officielle)
se conforme à ses paroles : « S'il en relève et peut se promener au
dehors avec son bâton » {Exode, 21, 19). (Cela signifie :) en bonne santé :
car tu ne peux pas parler du bâton du malade; mais cela nous laisse
entendre que l'écriture fait allusion à l'appui (bon état) de son corps,
tout comme s'il s'appuyait sur son bâton. Pareillement « si le soleil
est levé sur lui » (voleur par effraction) [Exode, 22, 2) : le soleil se
lèverait-il pour lui seul? Mais (cela veut dire :) de même que le soleil
(symbolise) la paix du monde, ainsi du voleur, s'il est connu qu'il ne
vient que dans une intention pacifique, le propriétaire sera responsable
s'il répand son sang. Pour ces deux textes, la halakha est suivant
R. Ismaël. Voici le troisième: « Et ils déploieront son vêtement »
(Deut.y 22, 17, sur la nouvelle mariée accusée de n'être pas vierge).
Cela signifie que la chose est aussi évidente qu'un vêtemenf.
1. Nous traduisons le texte de Einhorn (Wilua, 1925); le texte donné
par ScHECHTER daos l'introduction à son édition du Midrash hag~ga-
dol (Cambridge, 1902, p. xxiv), ne contient pas le troisième exemple,
mais il est plus clair pour l'explication du premier : « Si tu dis « sur
son bâton », c'est qu'il est encore malade; mais cela laisse entendre
que l'écriture veut indiquer que son corps se soutient. » Ces exégèses
d'Ismaël sont rapportées plusieurs fois (ordinairement toutes les trois
ensemble) : Mekhilta Ex. 21, 19; 22, 2, p. 270, 293; Siphré Deut., 22
208 EXÉGÈSE RABBINIQTJE.
Cette règle admet, tout au moins pour la haggada. un
genre spécial d'exégèse : celle qui n'utilise pas le sens des
mots, mais qui procède par métaphores ; procédé populaire,
mais apte, sous la plume d'un philosophe ou d'un artiste, à
prendre les formes les plus raffinées et à tirer des doc-
trines révélées des déductions quintessenciées.
Cette espèce d'exégèse, nous l'appelons : parabolique ; nous
aimerions mieux dire : machalique. Nous ne disons pas
exégèse allégorique, comme on fait si souvent. La désigna-
tion tirée du vocable hébreu nous parait convenir davantage.
Nous demeurons ainsi dans la ligne de l'esprit juif ; il nous est
permis de ranger sous ce vocable diverses interprétations, qui
se rattachent au genre Httéraire du mâsâl ; nous évitons d'iden-
tifier cette méthode exégétique avec l'exégèse allégorique.
Nous laissons pendant aussi, nous réservant de l'étudier au
cours du chapitre, le problème : les anciens rabbins ont-ils
pratiqué cette exégèse allégorique qui, chez Philon,. intervient
si souvent comme son procédé favori d'exposition? Nombre
d'historiens, surtout parmi les chrétiens, n'hésitent pas à
répondre catégoriquement : oui, et à mettre sur le même pied
le Judaïsme palestinien et le Judaïsme alexandrin. Voici ce
qu'écrivait John Massie :
La méthode allégorique était pratiquée tout autant par les Juifs que
par les Grecs, tout autant par les Juifs palestiniens que par les Juifs
hellénistes... Les Juifs palestiniens allégorisaient l'Ancien Testament,
y découvrant dans les phrases, les mots, les lettres, et (dans les siècles
qui ont suivi le christianisme) même dans les points-voyelles un sens
caché, en vue de se donner un apaisement de conscience relativement
à l'abandon de certaines lois devenues impraticables, ou bien en vue
de justifier des accroissements traditionnels et souvent grossiers, ou
bien pour défendre Dieu de tomber en d'apparentes incohérences, ou
bien pour laver les écrivains historiques des accusations d'impiété ou
d'immoralité; ou bien, généralement, pour des fins homilétiques...
L'allégorie constituait un élément considérable de la Haggada (interpré-
tation) palestinienne, et des lois définies réglementaient son usagée
17 § 237, 117 b. sqq.; Sanhédrin palest. 8, 26 c (développe le second
cas, omet le troisième) ; Ketuhot palest. 4, 4, 28 c,
1. Diciionary of the Bible de Hasti.xgs, 1900, I, p. 65, Nous pour-
rions sans peine joindre d'autres citatioijs de même sens, prises chez
des historiens chrétiens de l'exégèse biblique.
EXÉGÈSE PARABOLIQUE. 209
Il nous semble que cette affirmation, et tant d'autres
pareilles, aussi peu dénuées de réserves, sont provoquées par
deux ordres de faits: les nombreuses équivalences que,
principalement dans les exégèses distributives, l'exégèse
rabbinique établit entre des faits historiques ou des sentences
bibliques d'une part et des idées ou des grandeurs religieuses
(Loi, culte, Israël...) d'autre part; la mention fréquente dans
les textes des dârsé 7'ekimât ou dôrsé hamûrôt^ les « inter-
prètes allégoriques », comme on traduit volontiers.
Les écrivains juifs, au contraire, restreignent considérable-
ment la part de l'allégorie dans l'exégèse rabbinique. Michael
Guttmann, expert en littérature talmudique, écrit : « Le
Judaïsme authentique ou rabbinique n'a jamais vu dans
l'allégorie une vraie méthode d'exégèse. Les mots de l'Écriture
ne peuvent pas perdre leur sens primitif ^ »
E. Stein déclare : <( En terre palestinienne, nous ne rencon-
trons que peu de traces d'une interprétation allégorique; là
où elle apparaît, elle a été provoquée par la spiritualisation
de la religion juive ». Et un peu plus loin, il écrit :
L'exégèse biblique palestinienne primitive, à l'opposé de l'alexandrine,
ne montrait pas de tendances allégoriques ; font exception la Sagesse
de Salomon qui trahit des influences hellénistiques^ les LXX et aussi la
doctrine d'Aqiba. Spécifiquement palestinienne est la limitation imposée
à l'interprétation allégorique par la règle : on ne doit pas sortir du
sens simple de l'Écriture 2.
*
1. Das Judentum und seine Umwelt, Berlin, 1927, p. 250, sq. Il y
montre tout ce qui différencie l'interprétation rabbinique de celle
des Pères de l'Église et de celle de Philon, combien celui-ci reste
juif par son souci de sauvegarder le sens littéral.
2. Encyclopaedia j'udaica, Berlin, 1928, II, c. 338, 341. Il se réfère à
Bergmann, /Mc?jsc/?e Apologetik im neutestamentlichen Zeitalter, Berlin,
1908, p. 44, 45, qui oppose l'usage modéré que faisait de l'allégorie
l'école palestinienne à l'usage de l'école hellénistique. De même, Stein,
dans ses ouvrages sur Philon, voit dans la Haggada palestinienne un
des facteurs qui ont préparé l'allégorie alexandrine et lui ont fourni
ses matériaux : Die allegorische Exégèse des Philo, Giessen, p. 15,
sqq.; Philo und der Midrasch, Giessen, 1931, p. 50, sq. (conclusions).
Le grand rabbin Israël Lévy montre que l'allégorie des soi-disant
interprètes allégoristes n'est pas une véritable allégorie, qu'elle
diffère considérablement des exégèses allégoriques de Philon, de
Joséphe et de S. Paul, appartenant à des écoles toutes en marge
du Judaïsme palestinien : Revue des études juives^ 1910, lx, p. 24-31.
210 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
Ces divergences de vues s'expliqueat, ea partie, par des
notions, divergentes et surtout vagues, sur l'exégèse allégo-
rique, ce qu'elle est, ce qu'elle doit être. Il paraît donc indis-
pensable, avant d'étudier les diverses productions, en ce
domaine, de l'exégèse rabbinique, de procéder rapidement à
quelques considérations préliminaires.
I. EXÉGÈSE ALLÉGORIQUE, EXÉGÈSE PARABOLIQUE.
Il serait trop long d'exposer ce qu'est l'allégorie, soit en
elle-même, soit dans ses formes élémentaires ou préliminaires
(métaphore, symbole, analogie)^ et ce qu'est l'exégèse
aRégorique. Nous voulons noter uniquement cette loi essen-
(tielle : l'interprétation allégorique, dans une littérature
j donnée, se présente comme l'extension et l'application do
genres spéciaux pratiqués en cette littérature.
La littérature grecque comprend des mythes, des récits
mythiques, des épopées. Platon se sert volontiers des mythes,
pour exprimer, sous une forme qui ne relève pas de la
dialectique, des conceptions plus profondes, difficiles à
décrire clairement et à démontrer rigoureusement : les Idées
et le mythe de la caverne! Quant aux antiques narrations
populaires ou homériques, soit qu'ils rejettent leur vérité
historique, soit qu'ils les trouvent trop matérielles, les Stoï-
ciens les utilisent comme des symboles, ou bien des éléments
du monde (allégorie cosmique), ou bien des lois morales
(allégorie morale).
C'est cette méthode que Pbilon applique au Pentateuque,
tout autant à ses parties historiques qu'à ses parties législa-
tives. Il y est conduit, semble-t-il, par sa double éducation:
Ibid. 1898, XL, p. 108, Ludwig Blau déclare qu'il y a très peu d'inter-
prétations allégoriques dans les midraschim des Tannaïtes; les
règles allégoriques n'apparaissent que vers 200.
Bréhier, Les idées philosophiques et religieuses de Philon, Paris,
1908 : «... les rares allégories des livres rabbiniques, si hostiles
d'ailleurs en principe à l'esprit allégorique... » (p. 61).
1. Isaac HEI^{EMAN>f, dans son tout récent Altjûdische Allegoristik,
Breslau, 1936, a consacré des pages denses (p. 5-25) à étudier les
diverses formes d'allégorie, tant chez l'écrivain que chez l'interprète,
ainsi que le vocabulaire de l'allégorie et de l'allégoristique, tant chez
les rabbins que chez les grecs.
EXÉGÈSE PARABOLIQUE. 211
de ses maîtres hellènes il a reçu un système philosophique,
principalement une haute doctrine de vie morale , de sa foi
juive il garde le respect pour la Bible, parole de Dieu. Pour
faire dire à cette dernière, et rendre recevables à ses com-
patriotes ses convictions philosophiques, il les fait appa-
raître sous la lettre des Écritures, entendues allégoriquement.
Voici comment il expose la première partie de la Loi :
La Genèse dans son ensemble, jusqu'à l'apparition de Moïse, repré-
sente la transformation de l'âme humaine d'abord moralement indiffé-
rente, puis se tournant vers le vice, et enfin, quand le vice n'est pas
inguérissable, revenant par degré jusqu'à la vertu. Dans cette histoire,
chaque étape est représentée par un personnage. Adam "(l'âme neutre)
est attiré par la sensation (Eve). Elle-même est séduite par le plaisir
(serpent) ; par là l'âme engendre en elle l'orgueil (Caïn) avec toute la
suite des maux; le bien (Abel) en est exclu, et elle meurt à la vie
morale. Mais, quand le mal n'est pas incurable, les germes de bien
qui sont en elle peuvent se développer par l'espoir (Enos), le repentir
(Enoch), pour aboutir à la justice (Noé), puis, malgré des rechutes (le
déluge, Sodome), à la sainteté définitive. Telle est la trame du Com-
mentaire allégorique de la Genèse; l'allégorie morale y est, on le voit,
l'essentiel; et si l'allégorie physique y joue un rôle, elle est seulement
auxiliaire et subordonnée^.
De cet exemple nous pouvons dégager les lois de l'inter-
prétation allégorique ; première loi essentielle : donner à
un texte un autre sens {allegoria^ déclarer autre chose,
aXXo âYopsuw) que son sens historique obvie, que l'on en
vienne ou non à nier, comme fait parfois Origène, la réalité
historique du récit.; loi secondaire : entendre allégorique-
ment tout un ensemble, et non pas seulement un détail isolé,
ce qui est, dans ce dernier cas, prendre un texte, non au sens
littéral, mais au sens métaphorique : pareillement en litté-
rature l'allégorie, continue et bien construite, s'oppose à la
métaphore employée en passant.
La même méthode peut être appliquée à dès passages légis-
latifs ; en voici un exemple, emprunté non à Philon, mais à
un auteur notablement plus ancien, le Pseudo-Aristée :
Bien que toutes les choses administrées par une seule puissance
soient semblables dans leur nature, chacune a son caractère particu-
1. BRÉmER, op. cit, p. 42, sq.
212 EXÉGÈSE RABBINIQCE.
lier, et des unes nous nous abstenons, des autres nous usons... Ce
n'est pas par curiosité des rats ou des belettes que Moïse a porté cette
législation, mais dans une intention de pureté et de bonne tenue, en
vue de la justice. Les animaux dont nous mangeons se font remarquer
par leur douceur et par leur pureté dans leurs nourritures. Les autres
sont sauvages, rapaces, mangeant les chairs... Il signifie par là, en les
appelant impurs, qu'il s'impose à ceux qui ont reçu la loi de pratiquer
la justice de toute leur âme et de ne faire de tort à, personne, de ne
rien ravir comme ces oiseaux impurs^ de diriger leur vie suivant la
justice... Voilà donc toutes nos lois relatives aux-lanimaux ; la division
des ongles et le pied fourchu sont le symbole que nous devons
ordonner au bien chacune de nos actions : car toute la force des corps
dépend des épaules et des jambes : cette distinction nous force à
nous séparer des hommes injustes... La rumination est le symbole du
souvenir qu'on doit garder de la loi... Donc, l'ongle fendu et la rumi-
nation ne sont pas vains, mais ont en vue l'âme pour l'engager à la
droiture. De même pour les rats qui dévastent tout et pour la belette
qui conçoit par les oreilles et qui met bas par la bouche : impur est ce
genre d'hommes qui donnent corps par leur parole à tout ce qu'ils
reçoivent par l'ouïe et qui par là enveloppent les autres dans les maux,
accomplissant une impureté, corrompus qu'ils sont par la souillure de
l'impiété. Votre loi a bien fait en supprimant de pareilles gens
(les dénonciateurs) ^
Nous saisissons dans cette page tous les mobiles de l'inter-
prète : il ne laisse supposer en aucune manière que les obser-
vances religieuses qu'il justifie soient ou doivent être aban-
données, mais il sent qu'elles paraissent étranges à ses
lecteurs non-juifs et qu'il importe de leur en montrer les rai-
sons d'être d'ordre tout moral, raisons qu'ils pourront com-
prendre ; par ailleurs il découvre des analogies entre les ani-
maux permis ou défendus et les vertus et vices; il présente
donc ces rites juifs bizarres comme des avertissements sym-
boliques invitant les fidèles à la vie parfaite.
Ces divers mobiles qui poussaient le Pseudo-Aristée et
Philon à allégoriser la Bible ne pouvaient toucher les rab-
bins palestiniens : ils devaient donc pour eux rester inopé-
rants.
Les lois positives, est-il besoin de les justifier humaine-
1. Lettre d'Aristée, 143-167, édition Tramontane, Napoli, 193l\
p. 142-158.
EXÉGÈSE PARABOLIQUE. 213
ment? On les reçoit parce que tel est le bon plaisir de Dieu;
à peine un rabbin se risque-t-il à observer que les oiseaux
interdits par la Loi sont aussi les plus rares ^; R. Johanan
b. Zakkai rapproche le rite de la vache rousse des remèdes
contre l'épilepsie^. Dans les histoires bibliques, pensent-ils,
rien qui sente la légende, rien de choquant : nous savons
comment les scandales donnés par les héros du passé sont,
ou bien excusés, ou bien hardiment liquidés.
Cependant les rabbins se sont appliqués volontiers à l'exé-
gèse parabolique; ils y ont été conduits par deux biais :
leur goût et leur recherche des analogies, même purement
matérielles et extérieures, joints au désir de découvrir dans
les textes les grandeurs spirituelles révérées : Loi, Israël, le
Culte, le Messie...; ils étaient, en outre, encouragés à cette
forme d'interprétation par la place considérable que tient
dans la littérature biblique le mdsâl, sous toutes ses formes
et sous les espèces apparentées.
Dans la Bible et dans la littérature postérieure le mot
mâsâl revêt plusieurs sens : propos moqueur, dicton popu-
laire, proverbe à forme brève et ayant besoin d'une explica-
tion, parabole ou allégorie. C'est du nom de mâsâl, qu'Ezé-
chiel désigne la parabole de l'aigle, symbole de Babylone,
et du cèdre, symbole de Sion (17, 2-24); il appelle pareille-
ment parabole le signe de la chaudière (réelle ou figurative?)
qui représente Jérusalem (24, 3). C'est surtout ce sens de
parabole, comparaison, allégorie, voire même fable, que
garde le mot dans la littérature rabbinique. Innombrables les
textes ainsi conçus : « parabole, à quoi cette chose est-elle
semblable? » et suit la parabole qui illustre une idée morale,
dogmatique ou juridique ou bien une vue historique. Il est
parlé des paraboles (fables) tirées de divers animaux : d'après
R. Johanan, R. Meïr racontait 300 fables sur le renard^. Le
mot est employé pour désigner un récit d'apparence his-
1. Siphré Deut. 14, 15, § 103, 95 a.
2. Pesiqta d. R. Kahana 40 ab.
3. Sanhédrin 38 b. Dans le Aruh completum (sub verbo, V, p. 274),
sont mentionnées des fables tirées de divers animaux (poule, lion).
Sur R. Meïr et ses fables : Bâcher, Agada der Tannaiten, II, p. 7.
214 EXÉGÈSE RABBINIQTJE.
torique, mais n'ayant qu'une portée symbolique : R. Juda
et R. Nehemia discutent sur la vision des os desséchés
(Ezéchiel, 37) : est-ce une parabole ou une histoire réelle
(une vérité) ^ ? Un rabbin assure devant Samuel b. Nalimani que
Job n'a jamais existé mais n'est qu'une parabole tout comme
le pauvre (2 Sam. 12, 3) possesseur de la petite brebis, qui
lui fut injustement enlevée^.
En somme, se rattachant au mâSâl, les rabbins connais-
saient dans la Bible : des sentences énigmatiques, appelant
une solution; des récits, paraboles ou allégories, à portée
doctrinale; des gestes symboliques. Ils y joignaient néces-
sairement des métaphores, raccourcis d'allégorie, ou même
les comparaisons, donnant naissance à ces métaphores. La
même idée pouvait être exprimée par toute la série de ces
expressions maâahques : la nation d'Israël, comparée à une
prostituée, appelée une prostituée, son histoire racontée sous
la figure d'Oolla et Oohba [Ez. 23); son infidélité signifiée
par la femme de prostitution qu'Osée reçoit l'ordre d'épouser
[Os. 1, 2). Les rabbins avaient l'habitude, tout au moins
depuis Aqiba, d'entendre le Cantique comme un écrit allé-
gorique, de le prendre lui-même comme une allégorie; ils
tenaient la même attitude à l'égard de l'épithalame du
psaume 45 et à l'égard de pièces analogues. Par contre,
comme nous venons de le voir, ils étaient très peu inclinés
à voir une allégorie dans l'histoire de Job ou dans celle de
Jonas^. Bien plus, certains rabbins assuraient que les ressus-
cites, surgis à la voix d'Ezéchiel des ossements desséchés,
étaient des hommes réels :
A propos de la résurrection et des morts ressuscites par Ezéchiel,
on rappelle le propos traditionnel : cette parabole était une réalité
1. Sanhédrin 92 b : reproduite plus bas.
2. Baba batra 15 a. L'histoire, qui remonte à la seconde moitié du
Hi^ s., se relie-t-elle à une tradition plus ancienne? Cf. Bâcher,
Agada derpalest. Amorder, I, p. 501. Samuel démontre la réalité histo-
rique de Job par les paroles du texte, il donne son nom et sa patrie.
3. Dans le midrach l'odyssée de Jonas est enrichie d'abondantes
broderies. Dans un passage du Zohar [wajakhel, 397) son sort est
donné comme la figure des relations entre l'âme et le corps (d'après
Encyclopaedia judaica, IX, c. 274).
EXÉGÈSE PARABOLIQUE. 215
{èmèt), car Z. Eliezer disait que les morts ressuscites par Ézéchiel
se tinrent sur leurs pieds, chantèrent un cantique, puis moururent...
R. Juda disait : ce fut une réalité (vérité = èmèt) parabolique
(màsâl). R. Nehemia lui objecta : si c'était une réalité, pourquoi para-
bole; et si c'était une parabole, comment réalité? Mais ce fut en réalité
une parabole. R. Eliezer, fils de R. José le galiléen, disait : les morts
que vivifia Ézéchiel allèrent dans la terre d'Israël, y prirent femme
et engendrèrent des fils et des filles. Et R. Juda b. Bathyra (vers 110)
se dressa et dit : « Je suis dés fils de leurs fils et voici les tephillin
que me laissa mon père, qui était l'un d'entre eux^ »
Etant données les convictions des rabbins sur la valeur
historique des livres bibliques, on se demande comment ils
ont pu, sauf pour le Cantique et pour les compositions
similaires, les soumettre à une exégèse parabolique, quasi
allégorique. C'est le sujet de notre étude dans ce chapitre.
Nous commencerons par exposer les diverses exégèses
données du Cantique : elles nous feront saisir les procédés
auxquels recom't cette intei'prétation allégorique et aussi
quels sont ses flottements, ses déficiences. Nous étudierons
ensuite les interprétations de forme allégorique que des
rabbins ont proposées pour des textes juridiques, histo-
riques et géographiques, gnomiques. Nous examinerons
dans quelle mesure ces exégèses peuvent être appelées allé-
goriques. Nous considérerons tout particulièrement les exé-
gèses attribuées aux fameux dâ7'sé résumât [hamûrôt), les
soi-disant interprètes allégoriques : relèvent-elles de l' allé-
gorie?
Si notre étude né se limitait pas aux rabbins tannaïtes,
,nous rencontrerions dans les écrits postérieurs au début
du IIP s., surtout dans les midrasim, des interprétations
paraboliques plus abondantes et plus variées.
II. — l'interprétation du cantique.
Nous abordons cette interprétation comme le type de
l'exégèse allégorique juive. En effet, tous les commenta-
1. Sanhédrin 92 b; Bâcher, Die Agada der Tannaiten, II, p. 242,
traduit ainsi les paroles de R. Nehemia : « Wenn Wahrheit, wozu
Gleichniss? Wenn Gleichniss wozu Wahrheit? Sagen wir : In Wah-
rheit, es war ein Gleichniss ».
216 EXÉGÈSE RABBIN1QÏ3E.
teurs anciens s'accordent sur ce point commun : ils ne
traitent jamais la brûlante poésie comme une série de chants
de noces, ou comme la glorification d'un amour charnel,
qu'il ait pour scène le palais de Salomon ou un foyer cham-
pêtre ; mais ils prennent toutes ses énonciations comme des
symboles représentant divers objets. Trouverons-nous en
ces exégèses une véritable allégorisation?
Au moment de l'avènement du christianisme, la tradition
paraît universellement accréditée qui voit, décrits dans le
poème, l'amom' de Dieu pour Israël et les relations entre le
Seigneur et son peuple. On fait souvent à R. Aqiba l'hon-
neur d'avoir découvert et fait admettre cette interprétation :
ainsi, aurait-il pu défendre le Cantique contre ceux qui vou-
laient l'exclure du Canon des Écritures. Mais d'autres doc-
teurs, avant lui, avaient proclamé la sublimité et l'excellence
du Cantique^ ; et comme l'observe très justement M. Vul-
liaud, R. Aqiba n'aurait pas « imposé une toute nouvelle
manière de voir à ses adversaires ^ » : c'est donc que l'inter-
prétation mystique avait déjà cours. Elle est, en effet, sup-
posée dans une sentence attribuée à Rabban Johanan b.
Zakkai :
Peu après 70, voyant la descendante d'une noble famille de Jéru
salem recueillir, pour s'en nourrir, les grains d'orge contenus dans le
crottin d'un cheval arabe, il disait : toute ma vie je me suis tourmenté
sur ce verset, ne sachant ce qu'il signifie : « si tu ne le sais pas, ô la
plus belle des femmes » {Cant. 1, 8) : si vous ne voulez pas vous
soumettre au Ciel, vous serez soumis aux plus viles des nations
arabes... ; en punition de ce que tu n'as pas servi ton Dieu par amour
tu serviras tes ennemis dans la haine 2.
Ce rabbin voyait donc dans la bien-aimée la figure d'Israël.
1. Ainsi Rabban Gamliel II et R. Eleazar b. Azaria : Cantique Rab-
ba 1, 1, 2 (parag. 11 et 12, édition Wilna, 1896).
2. Le Cantique des Cantiques d'après la tradition Juive, Paris,
1925, p. 141-145.
3. Mekhilta sur 19, 1, p. 204 sq. Histoire très souvent répétée, voir
dans Horovitz l'indication des nombreux parallèles. Dans Tosephta
Ketubot, 5, 9, p. 267, l'histoire est racontée très brièvement, ne
donnant plus que la référence au texte du Cantique, et le tout attri-
bué à R. Eleazar b. Sadoq qui avait aussi vu le second Temple.
On peut donc croire à l'antiquité du propos.
EXÉGÈSE PARABOLIQUE. 217
Et quand, vers le même temps, le pseudo-Esdras écrivait :
Doininator Domine, elegisti... ex omnibus floribus orbis lilium,
imiim... et ex omnibus creatis volatilibus, nominasti tibi columbam
unam...
on peut voir là une allusion à des expressions du Cantique
et une preuve qu'on les appliqpiait à Israël^ .
Comment les interprètes juifs ont-ils exploité cette allégorie
si belle, et par ailleurs depuis Osée si traditionnelle? Pour
en juger tout au long, j'ai voulu relire le Targum du Cantique^
et aussi le midras rabba sur ce même livre. Je dois confes-
ser que cette lecture, surtout celle du dernier ouvrage, m'a
laissé nne impression de malaise et de désenchantement :
pourquoi? D'abord c'est que, dans ce recueil, comme, du
reste, dans toutes les compositions de même espèce, le com-
pilateur a rassemblé des sentences et des développements
qui n'ont rien à voir avec le texte à commenter ou ne lui
sont rattachés que par un lien tout matériel et extérieur :
ainsi, les sermons prononcés à Uéa en remerciement de l'hos-
pitalité accordée aux rabbins, ou bien, à propos de la myrrhe,
les histoires sur la famille d'Euthymos, qui détenait la
recette incommunicable des parfums du Temple ; non seule-
ment ces associations disparates étonnent et agacent, elles
suggèrent aussi le sentiment que les esprits n'étaient pas
tellement préoccupés par l'allégorie qui aurait dû, seule,
les captiver et les retenir. Cette impression s'accroît quand
on vient au détail des exégèses : sans doute, en général et en
gros, il est toujours question de Dieu et d'Israël; mais nous
retrouvons presque partout le procédé classique qui découvre
en chaque image et en chaque objet un symbole des grandes
réalités spirituelles, principalement de la Tôrâ et du culte
du Temple : rapprochements tout mécaniques, matériels et
extrinsèques, sous lesquels disparaît le sens profond de
l'allégorie nuptiale; H est vrai pourtant, que ces interpré-
tations symboliques sont plus abondantes dans le commen-
1. IF Esdras, 5, 24, 26. Charles, dans les Pseudepigrapha, p. 571,
rappelle Cant. 2, 2, 14; 4, 15 et 1, 15.
2. On en trouvera une traduction française dans l'ouvrage déjà
cité de M. Vulliaud, p. 67-103.
218 EXÉGÈSE RABBINIQUE,
taire du Cantique que dans les commentaires des autres
livres : de ces deux faits nous devons inférer que le Cantique
était tenu, plus que tout autre écrit sacré, pour un recueil
de symboles, mais que ces symboles ne comportaient pas,
en général, une interprétation particulière bien définie et
uniquement propre au Cantique ^
Autre constatation que nous avons faite à la lecture du
midras, c'est que les rabbins, dont les sentences sont citées,
sont, en grande majorité, des amoras : cela ne nous étonne
pas, l'exégèse allégorique, et surtout l'exégèse allégorique du
Cantique, n'ayant cessé de progresser et de s'enrichir, jusqu'au
moment où elle a trouvé dans le Zobar son épanouissement
le plus luxuriant^.
Cependant, l'usage était déjà fort répandu, à l'âge tannaïte,
d'interpréter allégoriquement le Cantique et il est significatif
de le voir dans la Mekhilta aussi souvent cité que le livre de
Job et presque autant que les Proverbes.
Il est temps de transcrire, afin de pouvoir apprécier leur
caractère, quelques-unes de ces exégèses tannaïtes du Can-
tique. Donnons d'abord la règle d'interprétation du Cantique :
R. Juda (b. liai) fait taire R. Meïr qui entendait 1, 12 de l'idolâtrie
d'Israël : Assez, Meïr, on n'interprète pas le Cantique à la honte, mais
à la louange d'Israël : car il (Dieu) n'a donné le Cantique des Can-
tiques que pour la louange d'Israël 2.
C'est donc que le Cantique a été écrit en vue d'Israël.
Et un amora du milieu du troisième siècle, R. José b.
Hanina, nous donne la clé de quelques symboles :
« Mon bien-aimé est descendu dans son jardin, au parterre des
baumiers » (6, 2) :... « mon bien-aimé », c'est le Saint, béni soit-il;
1. Le P. Jouoîv, Cantique des Cantiques, commentaire philologique
et exégêiique, Paris, 1909, p. 30, définit le caractère de ce midrash et
note qu'il « existait un fonds d'idées traditionnelles qui s'imposait
aux prédicateurs »; p. 16, il dit très justement : « Si la tradition
juive avait présenté un système uniqure et rigoureux d'interprétation,
au lieu d'offrir seulement des éléments épars et souvent dénaturés... ».
2. Le Zohar pourrait passer tout autant pour un commentaire du
Cantique que pour un commentaire du Pentateuque; cf. VutiiAuo, op.
cit., p. 116-133.
3. Cantique rabba sur 1, 12 (parag. 55). Malgré cette règle, dans le
Targum, 2, 2, 17 et 5, 2 sont entendus de fautes du peuple.
EXÉGÈSE PARABOLIQUE. 219
« dans son jardin », c'est le monde; « au parterre des baumiers »,
c'est Israël; « pour paître dans les jardins », ce sont les synagogues
et les académies; « pour cueillir des lis », c'est pour faire monter (par
la mort) les justes qui sont en Israël ^.
Quant aux exégèses allégoriques du Cantique, nous les
répartissons en trois catégories.
1° Dieu et Israël.
Dans la première catégorie nou,s rangeons les interpréta-
tions qui concernent l'amour de Dieu pour Israël et l'amour
d'Israël pour son Dieu : confessons que les exégètes n'ont
guère développé ce thème et qu'ils sont restés dans les géné-
ralités; nous transcrivons sans commenter :
R. Aqiba disait : je parlerai des embellissements et des louanges
(qu'Israël peut procurer) à la face des nations du siècle à celui qui a
dit et le monde fut : car voici que les nations du siècle interrogent
Israël en ces termes : En quoi ton bien-aimé se distingue-t-il des
autres (bien-aimés) que tu nous adjures ainsi? (5, 9), pour que vous
acceptiez de mourir pour lui et ainsi êtes-vous égorgés pour lui,
suivant qu'il est dit : « aussi les jeunes filles t'aiment » (1, 3); elles
t'aiment jusqu'à la mort (jeu de mots : 'ad mût et 'alâmôi); et il est
écrit : « pour toi nous sommes égorgés tout le jour » {Ps. 44, 23).
Voici que vous êtes beaux, que -^ vous êtes puissants (des héros);
venez, alliez- vous avec nous ! Et Israël répond aux nations du
siècle : vous le connaissez, mais il ne vous a été dit qu'une partie de
sa louange ; « mon bien-aimé est frais et vermeil, on le distinguerait
entre mille » (5, 10). Entendant ainsi sa louange, les nations disent
à Israël : nous viendrons avec vous, car il est dit : « Où est allé ton
bien-aimé, ô la plus belle des femmes? De quel côté s'est dirigé
ton bien aimé, pour que nous le cherchions avec toi? » (6, 1). Et
Israël leur répond : « Vous n'avez pas de part avec lui », mais « mon
bien-aimé est à moi et moi à lui » (2, 16) ; « je suis à mon bien-aimé
et mon bien-aimé est à moi, lui qui paît entre les lis » (6, 3). Et les
1. Ibid. sur 6, 2 (6). Sur 1, 2, divers rabbins indiquent pour objet
du Cantique : le Sinaï (R. Johanan •}• 279), le tabernacle de réunion
(R. Meïr); le Temple (suivant les rabbins [contemporains de Meïr?]
et suivant R. Aha vers 320), le passage de la mer (R. Hanina b.
Papa, vers 300); et la suite du verset (le baiser de la bouche) est
entendu du don de la loi au Sinaï, où les anges venaient baiser les
Israélites fidèles, ce qui donne lieu à des digressions sur la parole
de Dieu...
220 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
rabbins disent : je l'attendrai pendant la nuit jusqu'à ce qu'il vienne
avec moi à l'académie (le bêt hammidrâs). Parabole d'un roi qui suit
son fils dans ses voyages à l'étranger : ainsi Dieu suit partout Israël,
jusqu'à ce qu'il vienne avec moi à l'académie et c'est ce qu'il dit :
« à peine les avais-je passés que j'ai trouvé celui que mon cœur
aime » (3, A)K
« Mon bien-aimé est à moi et moi je suis à lui » (2, 16) : il m'a
chantée et je l'ai chanté; il m'a glorifiée et je l'ai glorifié; il m'a
appelée ma sœur, mon amie, ma colombe, ma toute belle; et moi je
lui ai dit : celui-ci est mon bien-aimé et celui-ci est mon ami. Il m'a
dit : voici que tu es belle, mon amie; et moi, je lui ai dit : voici que
tu es beau, mon bien-aimé, bien plus, délicieux... Le dialogue con-
tinue, utilisant d'autres textes scripturaires, exprimant la louange
d'Israël, les attributs de Dieu et ce que son peuple a fait pour lui 2...
« De la couronne dont sa mère l'a couronné » (3, 11). R. Johanan
disait : R. Siméon b. Yohai interrogea R. Eliézer b. R. José : Aurais-tu
entendu ton père expliquer ce que signifie « de la couronne dont sa
mère l'a couronné »? — Oui. — Comment? — 11 en est comme d'un roi
qui avait une fille unique, qu'il aimait excessivement; il l'appelait ma
fille; et il l'aima encore plus jusqu'à l'appeler ma sœur; et il l'aima
encore plus jusqu'à l'appeler ma mers. Ainsi le Saint, béni soit-il! aima
excessivement Israël et l'appela ma fille {Ps. 45, 11) ; et il l'aima encore
plus jusqu'à l'appeler ma sœur [ibid.), et il l'aima encore plus jusqu'à
l'appeler ma mère, suivant qu'il est dit : « sois attentif à ma voix, ô mon
peuple, ô ma nation, prête l'oreille » [h., 51, 4) ; et il est écrit « ma
mère » le 'immi (au lieu de le''ûmî du texte). Et R. Siméon b. Yohai
se levant le baisa sur la tète, en lui disant : si je n'étais venu que
pour entendre de ta bouche cette explication, c'eût été suffisant^.
2° L'Exode.
Dans la seconde catégorie, nous rangeons toutes les exégèses
qui voient dans le Cantique le récit symbolique de la sortie
1. Mekhilta sur 15, 2, p. 127 sq. Une partie du dialogue dans
Siphre Dent. 33, 2, § 343, 143 a et aussi Cant. rabba, 5, 9, etc.
2. Cant. rabba, 2, 16. « Avec moi du Liban, mon épouse « est
entendu de Dieu et Israël : Mekhilta sur Exode, 12, 41, p. 52 (Dieu
émigré avec Israël) et 15, 1, p. 115.
3. Cant. rabba in loc. Indiquons des exégèses très plates qui
voient Israël dans la bien-aimée de 1, 9 (R. Éliézer : parabole sur la
délivrance d'Israël) de 4, 7 (amoras et tannas); « Mets-moi comme
un sceau sur ton cœur » (8, 6) est entendu par R. Juda b. liai de
l'acceptation de la loi au Sinaï; le même sur 3, 9 compare Israël à
une fille de roi que son père ne craint pas d'interpeller en public :
ces exégèses sont tirées du Rabba in loc.
EXÉGÈSE PARABOLIQUE. 221
d'Egypte : des rabbins entendent nombre de versets des divers
événements, soit de la première rédemption, soit de la marcbe
dans le désert, soit du don de la Loi au Sinaï ; si bien que cer-
tains commentateurs présentent le poème comme un récit
allégorique de ce moment capital de l'histoire d'Israël, Nous
transcrivons quelques spécimens de ces interprétations.
« Ma colombe dans l'excavation du rocher » (2, 14). R. Johanan : le
Saint, béni soit-il! appelle Israël « colombe » suivant Os., 7, 11
(Ephraïm)... R, IsmaeH : quand les Israélites sortirent d'Egypte, à
quoi ressemblaient-ils? A une colombe qui fuit devant le rets, entre
dans la fente d'un rocher et y trouve un serpent faisant son nid. Cris
au secours. Dieu exauce. R. Juda au nom de R. Hamade Kepher Téhu-
mim (iii^ s.) : cris des Israélites, souffrant en Egypte; à cela se rapporte
« ma colombe.... » R. Éléazar l'entendait d'Israël au moment où ils
étaient dans la mer : « ma colombe dans l'excavation du rocher )>, car
ils étaient cachés dans les profondeurs de la mer; « montre-moi
ton visage », c'est ce qui est dit : « restez en place et regardez le salut
de Ya » {Ex. 14, 13) ; « fais-moi entendre ta voix », c'est le Cantique ;
car « ta voix est douce », c'est le chant; « et ton visage aimable »,
car les Israélites montraient du doigt en disant : « celui-cï est
mon Dieu et je le glorifierai » (Ex., 15, 2). R. Aqiba l'entendait
des Israélites quand ils étaient devant le mont Sinaï : « ma colombe
dans l'excavation du rocher », car ils se réfugiaient dans les
cachettes du Sinaï ; « montre-moi ta face », car il est dit : « et tout le
peuple voyait les tonnerres » {Exod., 20, 18); « fais-moi entendre ta
voix », c'est leur voix au sujet des commandements, car il est dit :
« tout ce que Ya a dit nous le ferons et nous l'écouterons » (24, 3)...
R. José de Galilée l'entendait (de la servitude) des empires : « ma
colombe dans l'excavation du rocher », car ils étaient cachés dans les
cachettes des empires; « montre-moi ton visage », c'est le Talmud
(étude) ; « fais-moi entendre ta voix », c'est le bien agir (suit la discus-
sion : qui est supérieur, savoir la loi ou la pratiquer'?)... R. Meïr l'en-
tendait du tabernacle (suivent les exégèses selon le mode habituel)...
D'autres rabbins l'entendent du Temple ou des fêtes de pèlerinage-.
« Il m'a introduite à la salle du festin (du vin) » (2, 4). R. Meïr ; la
communauté d'Israël dit : la nature mauvaise a pris empire sur moi
par le moyen du vin et j'ai dit au veau : « voici ton Dieu, Israël »
(^a;. 32, 4), R. Juda le fait taire... Israël dit : le Saint, béni soit-il! m'a
introduit dans le grand cellier du vin, c'est le Sinaï ; et là il m'a donné
1. Donné comme baraitha; figure dans Mekhilta Ex, 14, 13, p. 94,
2. Rabba in loc. Allusions à la colombe dans Mekhilta Fx. 15, 13,
p. 146, et 19, 6, p. 208.
222 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
son armée (magnificavit), c'est la Tôrâ et les commandements et les
bonnes œuvres ; « et en grand amour » je les ai reçus ^...
« Je suis blessée (malade) d'amour » (2, 5). R. Siméon b. Yohai compare
Israël sortant d'Egypte à un fils de roi que son père veut ménager tout
le temps qu'il est malade; ainsi Dieu attend de donner la loi à son
peuple, fatigué par les souffrances égyptiennes ^.
« J'entends mon bien-aimé, le voici qui vient, sautant sur les mon -
tagnes, bondissant sur les collines » (2, 8). R. Éliézer voit en ce verset
une allusion — et non une démonstration — à la hâte de Dieu (la
Sekhinâ) venant sauver Israël ^.
Les reines sont soixante, les concubines quatre-vingts, et les jeunes
iilles sans nombre (6, 8) ; on a vu là une allusion au peuple sortant
d'Egypte; « les soixante reines «, ce sont les soixante myriades
de guerriers; « les quatre-vingts concubines «, ce sont les hommes de
vingt ans et ^'au-dessus; « les jeunes filles sans nombre », ce sont les
enfants qu'on ne peut compter; et pourtant « unique est ma colombe,
ma toute belle », voilà la parabole {mâsâl) qui répond au tout (Israël est
cette unique colombe) ''*.
3» Symbolismes divers.
Enfin, une troisième catégorie réunit toutes les exégèses,
— et elles sont très nombreuses, — qui appliquent les images
du Cantique, soit aux institutions théocratiques, soit à des
doctrines traditionnelles : quelques exemples ;
« Les soixante guerriers qui entourent la litière de Salomon » (3, 7).
R. Éliézer b. R. José : « la litière », ce sont les tribus d'Israël; « du
roi Salomon », du roi à qui appartient la paix (= Dieu); « soixante
guerriers », ce sont les lettres de la bénédiction sacerdotale; « l'élite
des guerriers », car ils sont la force d'Israël... R. Simlai (vers 260)
l'entend des vingt-quatre classes de prêtres et de lévites; R. Johanan
(t 279) l'entend des sanhédrins ; les rabbins l'entendent des soixante
myriades qui sortirent d'Egypte ^.
Le pavillon nuptial serait le Tabernacle ou le Temple et
1. Rabba in loc. Suivent d'autres exégèses assez différentes.
2. Rabba in loc. Suivent les discours de remerciement pour l'hospi-
talité d'Usa.
3. Mekhilta Ex. 12, 11, p. 22, Cf. Rabba in loc. R. Éliézer b. Jacob
l'entend du Messie (allusion, zékèr; démonstration, raison ra'aia).
4. Mekhilta Ex. 15, 13, p. 144 sq. et Siphré Dent. 32, 8, § 311, 134
b. Ibid. sur 33, 13, § 355, 146 b, les patriarches et les mères sont
figurés par la montagne de myrrhe et la colline de l'encens (4, 6).
5. Rabba in loc. et Mekhilta Ex. 12, 37, p. 48 (les rabbins).
EXÉGÈSE PARABOLIQUE. 223
tout l'ensemble pourrait désigner la résidence de la Sekhinâ
(Dieu)'.
« Tes deux seins sont les faons jumeaux d'une gazelle » (4, 5); les
rabbins y voient ordinairement un symbole de Moïse et d'Aaron^.
D'autres : une allusion aux deux tables de la loi ^.
« Tu es un jardin fermé, ma sœur épouse, une source fermée, une.
fontaine scellée » (4, 12). L'expression est tenue par une tradition
ancienne pour un éloge d'Israëlj qui ne peut pas être suspect de péchés
odieux; mais les rabbins veulent préciser : le jardin fermé, ce sont
les hommes, et la fontaine scellée, les femmes; ou bien, suivant
R. Nathan (vers 160), les femmes mariées et les vierges fiancées ; ou
encore, duomodi coUusK
Voilà, certes, des exégèses étranges et des assimilations
saugrenues, dont le réalisme est tout rabbinique. Nous pour-
rions ajouter d'autres échantillons aussi étonnants : les fils de
ma mère seraient, ou bien Dathan et Abiron^, ou bien les
explorateurs®; mon bien-aimé (2, 8), Moïse '^; notre sœur
encore petite, Abraham^; les reines et les concubines sont le
symbole des justes qui seront à l'Eden sous l'arbre de vie^ ;
les compagnons, qui veulent entendre la voix de la bien-aimée,
ce sont les anges ^°... Nous retrouvons là cette liberté et cette
fantaisie de l'exégèse rabbinique qui lui permettent de
découvrir en chaque mot tout ce qui lui plaît.
1. Gant, rabba sur 3, 9, 10 : sentences de R. Siméon et de R. Juda
b. liai; les textes plus récents donnent d'autres applications et aussi
des détails sur les orfèvreries de Salomon.
2. Ainsi dans le Rahba : traditions du second siècle.
3. Mekhilta Exode, 20, 16, p. 234.
4. Mekhilta Ex. 12, 6, p. 14. Le Rabba rapporte ces exégèses, le
sens traditionnel (éloge d'Israël) et des paraboles sur les Égyptiens
qui regrettent de laisser partir Israël, dont ils avaient méconnu la
valeur : tel un particulier qui vend son champ, dont le nouveau pro-
priétaire tire de magnifiques récoltes.
5. R. Meïr : Rabba, in loc.
6. R. José : Rabba sur 1, 6; le commentaire contient d'autres
applications, mais nous ne rapportons ordinairement que les exégèses
tannaïtes.
7. RR. Juda et Néhémia et les rabbins; R. Eliezer b. Éliézer b.
Jacob (nous l'avons déjà dit) l'entend du Messie.
8. Rabba, 8, 8 (R. Berekia vers 340); 6, 9, ma colombe ma toute-
belle est entendu d'Abraham, « lunique » suivant Ez.^ 33, 24.
9. Rabba, sur 6, 9 (R. Juda b. liai).
10. Rabba, 8, 13 (R. Aha vers 320 et autres rabbins).
224 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
Y trouvons-nous une allég-orisation véritable? A lire succes-
sivement le rabba sur le cantique et un ouvrage quelconque
de Pbilon, on a l'impression d'être devant deux genres
différents.
L'interprétation allégorique du philosophe constitue un
tout systématique, ordonnant' tous les éléments du livre
biblique à l'exposition et au développement d'une doctrine
liée et cohérente. Le recueil rabbinique, florilège de sentences
de tous les temps et de tous les auteurs, mosaïque de maximes
suggérées par les mots du texte, ne peut aucunement prétendre
à l'unité ^ .
Défaut d'unité plus sensible encore par la multiplicité des
objets dont les divers traits du Cantique deviennent les
symboles. Ainsi que le remarque Heinemann (p. 61), l'amour
de Dieu, la Loi de Dieu, Dieu dirigeant l'histoire d'Israël, ne
sont pas pour les Juifs trois objets séparés: il est vrai.
Cependant si l'ouvrage est une allégorie consciemment voulue
par son auteur, il est étrange qTi'il puisse revêtir plusieurs
significations, dont quelques-unes paraissent fort excentriques
au thème principal : l'amour qui unit Dieu et son peuple
Israël. Tout au contraire, ce motif capital est souvent éclipsé
par les autres moins importants, au point de disparaître de
l'attention et de l'esprit.
La forme dramatique, le dialogue échangé entre les acteurs
de premier plan et les comparses, ne laissent aucune trace
dans les interprétations, malgré tous les appuis précieux que
l'interprétation allégorique peut en retirer : une lecture des
commentaires mystiques chrétiens, décrivant, avec les mots
du Cantique, les relations de l'âme avec son Dieu, font
ressortir péniblement ce déficit.
1. Ces notes « florilège, mosaïque » sont empruntées à Heinemann,
op. cit., p. 62-64. Il note par ailleurs que le Targum présente quelque
effort vers l'unité : 1, 2-3, 6 est presque entièrement consacré à
l'histoire de l'Exode; 3, 7-5, 1, avec quelques digressions, à la
construction du Temple ; 5, 2-7 à la ruine du royaume ; 6, 7-12 et 7,
10-13 au temps de l'exil et à la période post-exilique. Il affirme aussi
que l'exégèse du Moyen Age manifeste quelque recherche de l'unité,
mais elle est empêchée d'y atteindre par les matériaux qu'elle utilise
et par sa dépendance à l'égard du Midrash.
EXÉGÈSE PARABOLIQUE. 225
Enfin, les interprétations se ramènent, dans la mesure où ;
l'on peut distinguer les deux genres l'un de l'autre, plutôt au [
symbole qu'à l'allégorie. Dans une allégorie bien conduite,
chacun des termes ne représente qu'un objet, toujours le
même, dont il est le substitut métaphorique, et l'ensemble
des termes compose une histoire ou bien une thèse idéo-
logique ; à cette même loi doit se soumettre l'interprétation
de l'allégorie. Il en est tout autrement dans les exégèses
transcrites : chaque trait, isolé du tout organique dont il est
un membre, reçoit souvent plusieurs significations, qui n'ont
avec l'image qu'une relation plus ou moins lointaine, si bien
qu'à peine peut-on parler de symbole. Identifier le bien-aimé
avec Dieu lui-même est demeurer dans la ligne de l'allégorie ;
l'identifier avec Moïse, ce n'est même plus du symbohsme. Et
que dire quand on voit la bien-aimée devenir Abraham, ses
deux seins représenter Moïse et Aaron, le jardin fermé
entendu des hommes ou des femmes mariées?
Cette corruption de l'allégorie, dégénérant en simple
symbolisme, sinon en pseudo-symbolisme, nous prépare à
mieux comprendre les autres applications de l'exégèse
paraboKque.
III. — EXÉGÈSE PARABOLIQUE DE TEXTES NON-ALLÉGORIQUES.
Il convient d'interpréter allégoriquement les passages qui
ont une teneur allégorique : de quel droit et comment entendre
des textes juridiques, historiques ou gnomiques autrement
qu'au sens littéral?
1° Textes juridiques.
Gomment des docteurs, qui croyaient à la pérennité de la
Loi divine, pouvaient-ils appliquer à ces lois une méthode
exégétique qui aurait pu les faire prendre, non pour des
obligations réellement observées, mais pour de purs sym-
boles? Il est constant que les lois bibliques, pour être
continuellement adaptées aux exigences de la vie, devaient
être soit modifiées, soit abrogées : entorse à la lettre qu'il
EXÉGÈSE RABBINIQUE. 8
226 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
était nécessaire d'appuyer sur une exégèse : exégèse le plus
souvent dialectique, — (ainsi pour justifier l'abandon du
talion), — parfois aussi allégorique. En outre diverses consi-
dérations accessoires sur les lois pouvaient faire appel à des
exégèses symboliques.
Nous avons déjà transcrit la vingt-sixième règle d'Éliézer
et les explications paraboliques qu'elle propose de trois lois.
Les deux premières sont généralement admises ; elles consis-
tent à ramener un trait concret à la disposition qu'il traduit
symboliquement : « se promener avec une canne » suppose le
retour à la santé, état physique, le seul qu'il importe de con-
sidérer; « si le soleil est levé », même suivant la jurispru-
dence moderne on estime qu'un voleur opérant en plein jour
n'a pas d'intention homicide et à son égard le droit de juste
défense ne va pas jusqu'à excuser l'homicide. Pour le troi-
sième cas l'interprétation métaphorique est refusée parce
qu'elle tend à supprimer une pratique matérielle ancienne'.
Exemple indiscutable, semble-t-il, d'une prescription juri-
dique remplacée par une autre prescription :.
« La captive, qu'on veut prendre pour femme, pleurera pendant
un mois son père et sa mère » (Deut. 21, 13) ; Eliezer l'entend au sens
littéral {mammâs); R. Âqiba dit : son père et sa mère ne sont pas autre
chose que les idoles, suivant qu'il est dit : « Ils disent au bois : tu es
mon père « {Jér. 2, 27) 2.
Aqiba veut-il dire que la captive doit abjurer son idolâ-
trie? Il donnerait ainsi une nouvelle signification à la pres-
cription mosaïque. Notons surtout l'opposition que marque
le texte entre l'interprétation figurée de R. Aqiba et l'inter-
prétation de R. Eliézer qui prend les mots suivant leur sens
1. Voir Midras Tannaùn in loc. p. 140 (R. Éliézer b. Jacob) on
déploie le manteau lui-même suivant qu'il est écrit. Item : Ketu-
bot 46 a. Autres explications métaphoriques : expression décente
pour dire qu'on discute la chose en secret; les témoins de l'un et
de l'autre exposeront la chose devant les anciens de la ville.
2. Siphréin loc. § 213, 113 a. Aussitôt après, discussion entre les
deux rabbins sur le sens à donner à « un mois » : Aqiba entend trois
mois (suffisamment pour qu'elle puisse prendre des habits de fête et
pour qu'on puisse juger si elle est enceinte) ; R. Eliezer l'entend prout
sonat. Le Targum du pseudo-Jonathan (ou Jerusalmi I) paraphrase le
texte suivant l'interprétation d' Aqiba.
EXÉGÈSE PARABOLIQUE. 227
littéral : « Son père et sa mère, mâmmâs « (la réalité, le
sens obvie) ^ ; les docteurs distinguaient parfaitement entre
le sens littéral et le sens figuré.
Ordinairement les interprétations de cette espèce tendent,
sous le couvert d'une autre loi qu'on ne veut pas éliminer,
à introduire ou à justifier une loi particulière ; souvent une
analogie réelle ou métaphorique explique cette exégèse :
« Tu ne déplaceras pas la borne de ton prochain » [Deut, 19, 14).
Dans le Deutéronome la loi parle des tombeaux des rois et des pro-
phètes. R. Aqiba : l'Ecriture parle de celui qui épouse, soit la femme
enceinte de son prochain, soit une femme qui allaite l'enfant de son
prochain, suivant qu'il est dit {Prov. 23, 10) : « Tu ne déplaceras pas
les bornes éternelles et tu n'entreras pas dans le champ des orphe-
lins ». Pourquoi? Parce que le Seigneur assure leur vengeance 2.
L'exemple suivant veut justifier une coutume établie par
une analogie métaphorique : le contact avec le sang dans
les deux situations :
« Vous ne mangerez rien avec du sang » {Lev., 19, 26). Après les
interprétations littérales, R. Dosa (plus probablement fin du premier
siècle : Dosa I) dit : on ne sert pas de repas de deuil pour les con-
damnés mis à mort par le Sanhédrin, car il est dit... R. Aqiba en
déduit que les membres d'un Sanhédrin qui ont condamné à mort ne
doivent rien prendre ce jour-là. R. José b. Hannia y voit un avertisse-
ment concernant le fils rebelle ^.
Voici encore une autre exégèse juridique allégorique, inté-
ressante à un double titre : elle donne un sens tout particu-
lier à une loi, et cela en lui appliquant, mais entendue allé-
goriquement, la loi suivante : ce second procédé utOise la
méthode semûkîm (la section doit être expliquée d'après la
1. Bâcher, Die exegetische Terminologie der jûdischen Traditions-
Uteraiur, Leipzig, 1899, I, p. 105 : mammâs signifie : das Greifbare,
Wesenhafte, Wirkliche, le sens obvie.
2. Midras Tannaim, in loc. p. 115. La première interprétation se
relie au texte de Tos. Baba hatra 1, 11, p. 399, défendant de dépla-
cer les tombeaux de rois ou de prophètes. La seconde, à l'interdiction
d'épouser les femmes ayant cette charge : Yebamot 42 a et Pal. Sota
4, 4, p. 19 c (ce texte se réfère à la sentence des Prov.). Cf. p. 61.
3. Siphra in loc. 90 b et Sanhédrin 63 a {Semahot 2, 8, anonyme).
Noter l'expression « avertissement = 'azhârâ », le texte qui contient
l'interdiction de faire une action.
228 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
section voisine); en outre, nous avons la surprise de ren-
contrer là l'exploitation d'une prescription mosaïque, que
saint Paul interprète allégoriquement aussi de son côté^ :
Rab Seset (fin du iii^ s.) disait : R. Eleasar (mort en 279) a dit au
nom de R. Eleazar b. Azaria : D'où tire-t-on que si une femme soumise
au lévirat échoit à un homme souffrant d'ulcères (de la lèpre), on ne
la muselle (contraint) pas? De ce qu'il est dit : « Tu ne muselleras
pas le bœuf quand il foule le grain » {Deut., 25, 4) et aussitôt'après :
« Si deux frères demeurent ensemble... » (législation du léYirat)^,
Citons encore une exégèse de même espèce :
« Et il aura autorité sur toi » [Gen. 3, 16) ; R. José de Galilée disait :
on pourrait croire : de toute sorte d'autorité; non, car il est enseigné
en ces termes : « On ne prendra pas en gage les deux meules ni la
meule du dessus {Deut., 24, 6)3. «
Le targum palestinien relie ce même verset au précédent (devoir
pour le nouveau mari de réjouir sa femme) et en tire cette prescrip-
tion bizarre (contre la pratique de sorcellerie qu'on appelait au Moyen
âge « nouer l'aiguillette ») : et que personne ne lie gendres ou brus
par des sorts, car l'âme qui doit sortir d'eux serait ainsi perdue (ou
blessée)^.
C'est encore par analogie et par le rapport métaphorique
des deux situations qu'une loi de portée matérielle est trans-
formée en prescription morale :
« Tu ne mettras pas devant un aveugle un objet d'achoppement «
{Lév. 19, 14). « Devant l'aveugle », en paroles. Quelqu'un vient te
demander : la fille d'un tel peut-elle épouser un prêtre? Ne lui réponds
pas qu'elle est apte si elle ne l'est pas. On vient te demander conseil,
ne donne pas un conseil qui ne convient pas ^...
1. 1 Cor., 8, 9, 10; l'exégèse de saint Paul se fonde sur la remarque
que le texte doit être entendu au sens figuré. Voir infrà p. 310.
2. Yehamot 4 a.
3. Genèse rabba in loc. 20, 7, p. 191. Bâcher, Die Agada der Tan-
naiten, I, p. 363, observe que José avait d'autant plus de mérite à
donner cette interprétation qu'il était en possession d'une femme
insupportable.
4. Nous citons le Jerusalmi I; le Jerusalmi II, ou targum fragmen-
taire, dit que ceux qui agissent ainsi nient le siècle à venir (qui ne
peut arriver tarit que les âmes à naître ne sont pas A'^enues au monde).
Ibn Ezra, dans son commentaire, proteste contre cette interprétation
dérivée du contexte immédiat : il n'admet que le sens littéral.
5. Siphra in loco, 88 d. Le texte ajoute que ce sont là des choses
laissées au cœur, au sentiment de vraie religion. Il est à noter que
EXÉGÈSE PARABOLIQUE. 229
Passage de la peur physique d'un danger corporel à la
peur morale du péché :
« Les ofQciers diront (avant le combat) : qui est-ce qui a peur et qui
sent son cœur faiblir? qu'il s'en aille »... {Deut. 20, 8). R: Aqiba : celui
qui a peur et dont le cœur est tremblant, suivant le sens. R. José le
galiléen : celui qui a peur à cause des transgressions qu'il a commises ;
c'est pourquoi la Loi a mis tous les autres avec lui afin qu'il puisse
revenir avec eux^.
Analogie à la fois verbale (obtenue par une modification
orthographique) et métaphorique :
« Tu auras une pelle avec laquelle tu iras hors du camp faire un trou
et recouvrir ensuite tes excréments » (Deut. 23, 14). Bar Qappara
expliquait ainsi ce texte : ne dis pas : 'aznèkâ (tes armes, ou : ton
bagage) mais ''ôznèkâ (ton oreille), de telle sorte que si quelqu'un
entend une chose inconvenante il mette son doigt dans -ses oreilles ;
c'est ce que disait R. Eleazar : c'est pour cela que les doigts sont sem-
blables à des chevilles 2...
Plus encore qu'à modifier les lois ou introduire de nouvelles
coutumes, l'interprétation parabolique sert à justifier la
forme ou la raison d'être des lois bibliques, en relevant une
analogie ou un rapport métaphorique entre la forme de
l'action prescrite et sa fin ou son objet :
« L'autel de pierres sur lesquelles tu n'agiteras pas le fer » (Dt.,
27, 5). Pour quelle raison le fer est-il interdit de préférence à tous les
autres métaux? Parce qu'on peut en faire des épées. Or, l'épée est le
symbole du châtiment, et l'autel, le symbole de la propitiation : on
éloigne donc la chose qui est symbole du châtiment de la chose qui
est symbole de la propitiation. Et voici un raisonnement de minori ad
maj'us : si au sujet des pierres, qui ne voient, ni n'entendent, ni ne
parlent, en raison de ce qu'elles procurent la propitiation entre les
Israélites et leur Père qui est au ciel, l'Écriture dit : « Sur elles tu
n'agiteras pas le fer », les fils de la Tôrâ, qui procurent aussi la pro
pitiation au siècle, à combien plus forte raison convient-il que ne les
atteigne aucun de ceux qui causent un dommage^! Voici encore ce
déjà dans la Bible le mot miksôl (achoppement) est pris au sens
moral de scandale : Ez. 7, 19; 14, 4, 7.
1. Sota 8, 5; plus bref dans Siphré in loco. §197, 110 b. Dans Tos.
Sota 7, 22, p. 309, R. José fonde son opinion sur Ps. 49, 6.
2. Ketuhot 5 ab.
3. Ce texte s'éclaire si on le rapproche d'une autre version de la
même sentence : * Si les pierres qui procurent la paix entre les Israè-
230 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
qu'il disait : « C'est de pierres brutes (entières, parfaites,- selémôl)
que tu construiras l'autel de Ya, ton Dieu « ; des pierres qui produisent
la paix entre les Israélites et leur Père qui est au ciel. Dieu (leMâqôm)
dit : qu'elles soient parfaites devant moi; des fils de la Tôrâ qui sont
parfaits (ou = pacifiques) pour le siècle, à combien plus forte raison
importe-t-il qu'ils soient parfaits devant le Mâqôm (Dieu) M
Quand un Hébreu veut devenir esclave perpétuel, c'est son oreille
qui est percée, et non un autre membre, parce qu'elle n'a pas gardé
ce qu'elle a entendu au Sinaï et ce qui affranchissait Israël de toute
servitude terrestre : « C'est de moi que les fils d'Israël sont les escla-
ves, ils sont mes esclaves » {Lév., 25, 55) 2.
Le mari présente pour sa femme qu'il soupçonne d'adultère un
dixième d'epha de farine d'orge : de même qu'elle s'est comportée
comme une bête, de même son offrande est composée de l'aliment des
bestiaux 3.
Les prêtr'es perçoivent sur les victimes l'épaule, les mâchoires et
l'estomac parce que Phinéès à Béeiphégor avait pris une lance en sa
main et percé la femme jusqu'au ventre, tandis que la mâchoire
rappelle sa prière-^.
La loi ordonne de. renverser les autels des nations idolâtres : ce
lites et leur Père qui est au ciel... à combien plus forte raison con-
vient-il que l'homme qui procure la paix entre le mari et sa femme...
ne soit pas atteint par le châtiment » {Siphra sur Lev., 20, 16_, 92 c;
Mekhilta sur Ex., 20, 25, p. 244).
1. Cette interprétation est de Rabban Johanan b. Zakkai; ce grand
rabbin n'est pas donné comme un dôrès hamûrôt, mais cette exégèse,
comme les autres transcrites au même endroit, sont rapportées comme
des interprétations par mode {kemîn) de hômèr, rentrant dans la caté-
gorie de ces exégèses : Tosephta Baba qamma, 8, 6, 7, p. 358.
2. DeR. Johanan b. Zakkai {kemin hômèr) : Tosephta Baba qamma,
7, 5, 6 p. 358 et Mekh. Ex. 21, 6, p. 253 (plus bref et assez différent).
Nous pouvons rapprocher deux autres exégèses du même : celui qui
vole en secret doit rendre plus que celui qui vole ouvertement, parce
qu'il outrage son Créateur en agissant comme si le Très-Haut ne le
voyait pas {Toseph. Baba Qamma, 1, 2, p. 357 et parallèles) ; celui
qui vole un bœuf qui marche rend cinq bœufs et celui qui vole un
agneau ne rend que quatre agneaux, parce qu'il a dû le porter [Tos.
Baba Qamma, 7, 10, p. 359 (R. Meïr présente là d'autres considéra-
tions) et Mekh. Ex. 21, 7, 37, p. 291 sq.).
3. Siphre sur Num., 5, 15 § 8, p. 14 et Sota 15 a : de Rabban Gama-
liel sous forme de hômèr.
4. Siphre Deut. 18, 3, § 165,^106 b {dôrsé reëCunôt) et Hullin 134 b
{Dôrsé hamurôt) et Yalqut Simeoni in loc. (915) {dôrsé hamûrôt) :
leur propos est rapporté par R. Juda; le Yalqut mentionne la variante
R. Josué. L'analogie s'appuie sur Num., 25, 7, 8 et Ps. 106, 30 où
yephallél est entendu au sens de « prier » : nous avons là un de ces
à-peu-près sémantiques si fréquents dans l'exégèse rabbinique.
EXÉGÈSE PARABOLIQUE. 231
n'est pas que le bois ou les pierres aient péché, mais ils sont pour
l'homme une occasion de malédiction; d'où a fortiori pour l'homme
qui fait pécher son prochain et le détourne de la voie de la vie^.
Toutes ces exégèses sont-elles vraiment allégoriques? Il
nous semble que non : en aucun des cas cités le texte n'est
pris au sens figuré. Il est vrai que toutes ces interprétations
font état de symboles et d'allégories ; mais ces allégories ne
visent pas à faire sortir du sens littéral ; au contraire, elles
le confirment. Néanmoins, nous sommes ici sur la voie de
l'exégèse allégorique, et de deux façons. L'application morale,
qui est greffée sur la première et sur la dernière de ces inter-
prétations, pourrait conduire à voir aussi dans ces préceptes
des maximes morales. En second lieu, le symbolisme, qui
est relevé dans les actes prescrits par Icb lois, pourrait
sans peine aboutir à des explications symboliques des lois
positives, telles que nous les lisons chez Philon, Josèphe et
le Pseudo-Aristée. Voici une considération de R. Meïr qui
se rapproche singulièrement de ces développements, chers
aux Juifs hellénistes :
Sur le commandement d'insérer dans les vêtements des franges
avec un cordon de pourpre violette, R. Meïr disait : Il n'est pas dit ici
« vous Zes verrez », mais « vous le verrez »; l'Ecriture nous avertit que
quiconque accomplit le commandement des franges, on le lui impute
comme s'il recevait la face de la Sekhînâ, : car la poui-pre violette
ressemble à la mer, et la mer ressemble au firmament et le firmament
ressemble au siège de la gloire, suivant qu'il est dit : « et au-dessus
du firmament qui était sur leurs têtes, on voyait comme une pierre de
saphir en ressemblance de trône {Ezech., 1, 26)2. »
Le besoin de rendre raison d'une loi pousse parfois à
instituer des rapprochements contestables :
Pourquoi la loi de la niddâ est-elle imposée à la femme (impureté
menstruelle)? Parce qu'elle a versé le sang du premier homme. La
loi de la hallâ (du prélèvement sur les pâtes) lui a été imposée parce
1. Semahôt (traité sur le deuil), ch. 8 vers la fin : des dôrsé hamû-
roth sur Ex. 34, 13.
2. Siphre Num., 15, 38, § 115, p. 126; Berakot palestinien 1, 5, 3 a
(forme plus développée); Menahot 43 b et Sota 17 contiennent les
mêmes idées pour montrer combien le violet diffère du blanc.'
232 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
qu'elle a corrompu le premier homme dont la ^allâ (gâteau) devait
rester (pure) à jamais. Elle a reçu le commandement d'allumer la
lampe du sabbat parce q'uelle a éteint l'âme du premier homme ^
Des rapprochements tout extérieurs et entièrement artifi-
ciels, que ne soutient aucune espèce de relation, voilà ce que
nous lisons en de nombreuses interprétations qui se donnent
un air allégorique :
« Quand tu achèteras un esclave hébreu, il servira six années, la
septième il sortira libre sans rien payer » {Ex. 21, 2). Les dôrêé
resûmot disent : avant que les Israélites n'aient reçu à Mara les
commandements sur les jugements et avant que ne leur fussent
donnés les dix commandements, Moïse dit : Maître du siècle, peut-
être la mauvaise nature égarera tes enfants en sorte qu'ils violeront
les commandements et que tu les exileras loin de toi et que tu les
vendras comme esclaves. Aussi bien ouvrit-il (la section) par ces mots :
« quand tu achèteras un esclave hébreu... » En effet, si tu les livres
aux empires (impies) qu'ils ne soient pas soumis à plus de six empires :
« il servira six ans » : ce sont Babel, les Mèdes, les Perses, les Grecs,
Assur et les Romains. « Et qu'à la septième il sorte libre sans rien
payer». Il dit devant le Maître du siècle : qu'ils ne soient pas anéan-
tis par les Romains, mais fais-leur la grâce gratuitement : « la septième
année il sortira libre gratuitement ». « S'il est venu avec son corps
(uniquement) il sortira avec son corps »; l'Écriture aurait dû dire :
« s'il est entré seul il sortira seul » ; que signifie cet « avec son corps » ?
Il dit : plaise à Dieu que cela n'arrive pas, mais si les péchés des
ennemis leur procurent des ailes comme aux aigles pour voler dans
les cieux, suivant qu'il est écrit {Lam. 4, 19)- : « IVos persécuteurs
ont été plus légers que les aigles des cieux », Maître du siècle, donne-
leur des ailes assurées. Que sont-elles ? « Qui sont ceux-là qui volent
comme des nuées ainsi que des colombes vers leur colombier »? {Is.
60,2.
1. Genèse rabba ch. 17, 8 sur 2, 21 p. 160. Ces explications sont
attribuées à R. Josué. Elles sont beaucoup plus longuement exposées
avec citations à l'appui dans Pal. Sabbat, 2, 3, 5 b.
2. Mekhilta Sim. b. Yohai, in loco. p. 117, sq.
Nous avons là un type de ces exégèses qui greffent sur un texte
quelconque des allusions d'allure prophétique. Thème que ces inter-
prétations prennent de plus en plus volontiers, celui des empires :
ainsi les planches du Tabernacle et leur revêtement d'or, d'argent, et
d'airain symbolisent Babel, les Mèdes et les Grecs; l'argent est omis
parce que symbole de Rome {Exode raba 35, 5). Voir sur ces exé-
gèses, la plupart assez tardives, Heinemann, loc. cit., p. 43, sq. ; Strack
-BiLLERBECK, Kommentar zum N. T. aus Talmud und Midrasch>
III, p. 388-399.
EXÉGÈSE PARABOLIQUE. 233
Inutile d'apporter encore de ces interprétations : si elles
nous éclairent sur la mentalité des exégètes rabbiniques,
elles ne nous apprennent pas grand chose sur l'allégorisme
juif.
2° Textes historiques.
Les rabbins ne nourrissaient pas le moindre doute sur
l'historicité rigoureuse des narrations bibliques, ils étaient
plutôt enclins à prendre les visions et les paraboles pour
des histoires vraies : comment donc pouvaient-ils allégoriser
l'histoire sainte? IcijençoreJ/allég;orisation_vraie-irouv
de place ; nous remarquons_S€ailem.eni-^uneJ.end^
quente à découvrir dans un trait historique un symhple, un
enseignement.
Néanm oins certains rabbi ns ont essayé d'entendre quelques
indications historiques en un sens métaphorique : l es protes-
tations de leurs interlocuteurs montrent que ceux-ci voyaient
en ces interprétations une négation inadmissible du sens
historiqiie :
« Amaleq vint attaquer Israël à Rephidim » {Exode, 17, 8). R. Hana-
nia dit : sur ce mot nous interrogeâmes R. Eliézer, comme il siégeait
dans la grande académie : que signifie Rephidim ? Il nous répondit :
suivant le sens des mots (prout sonat). Les dôrsé resûmôt disaient :
Rephidim n'est pas autre chose que « relâchement des mains »
{ripheyôn yâdaim); c'est parce que les Israélites avaient négligé
(relâché leurs mains de) la loi que l'ennemi est venu sur eux; car
l'ennemi ne vient que contre le péché et contre la transgression
comme il apparaît dans l'histoire de Roboam (2 Chron 12, 1)^.
Texte particulièrement intéressant. Les interrogations des
disciples nous laissent supposer qu'on avait l'habitude d'allé-
goriser ainsi certains noms de lieux ; mais les docteurs tra-
ditionnels ne voulaient pas s'écarter du sens littéral. L'al-
légorisation est ici très marquée, ne s'attachant qu'au sens
1. Mekkilta de Simeon b. Yohai in Ioc.t^. 83; la Mekhîlta courante
contient cette exégèse, mais elle l'attribue à d'autres (ahérîm) p. 177,
saq. Bâcher, Die Agada der Tannaiten I, p. 145, sqq. identifie le
Hanania du texte à R. Hanîna b. Gamliel II.
234 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
figuré; il n'est pas probable, cependant, qu'on ait sacrifié
le sens littéral historique. Le procédé, la paronomase, _gui
cqndjiil^^ sensa^^ lit-
térature rabbinique .
Citons quelques autres exemples d'allégorisation d'un nom
de lieu :
« Elle s'assit à l'entrée d'Enaïm (pétah 'énaym) » (Gen., 38, 14) :
Rabbi disait : nous avons parcouru toute l'écriture et nous n'avons pas
trouvé de lieu appelé pétah 'énaym; qu'est-ce donc que pétah 'énaym ?
Cela nous enseigne qu'elle suspendit ses yeux à la porte à laquelle sont
suspendus tous les yeux (= 'énaym) et qu'elle disait : plaise (à Dieu)
que je ne sorte pas en vain de ma maison*...
Rabbi essaye de justifier son interprétation en assurant
que le terme à interpréter n'est pas un nom de lieu; son
exégèse a, en outre, l'avantage de réhabiliter Thamar en lui
prêtant des sentiments pleins de religion.
Les deux exégèses suivantes ne veulent pas rejeter l'histo-
ricité des données bibliques, mais uniquement rappeler deux
idées chères à la tradition et à la religion d'Israël : les nuées
dont Dieu a couvert et couvrira dans l'au delà son peuple ; la
puissance des mérites des patriarches et des mères :
« Ils partirent pour Sukkotli » {Exode, 12, 37) : Sukkoth littéralement
(mammâs) comme il est écrit: « Et Jacob partit pour Sukkoth » {Gen.,
33, 17), ainsi parlait R. Éliézer, et les rabbins disaient : « Sukkoth n'est
pas autre chose qu'un lieu », comme il est dit: « Et ils partirent de
Sukkoth et ils campèrent à Ethan » {Num., 33, 6) ; de même qu'Ethan
est un lieu, de même aussi Sukkoth. R. Aqiba disait: Sukkoth n'est pas
autre chose que les nuées de gloire, suivant qu'il est dit : « Et Ya
créera sur le lieu de la montagne de Sion et sur toutes ses assemblées
une nuée durant le jour et une fumée et l'éclat d'une flamme
ardente pendant la nuit; car sur toute sa gloire il y aura un dais » {h.,
4, 5, 6). Cela concerne le passé et pour l'avenir il est enseigné : « Et il
y aura une tente pour protéger de la chaleur' pendant le jour » {ibid).
et « les rachetés de Ya reviendront »... (/s., 35, 10)^.
« Demain je me tiendrai sur le sommet de la colline, le bâton de
1. Genèse rahha 85, 7 sur 38, 14, p. 1041 (et parallèles).
2. Mekhilta in loc, p. 48. Cette exégèse métaphorique devint de
bonne heure traditionnelle : il y est fait allusion dans le commentaire
tannaïte sur le Lévit. {Siphra, Lev. 23, 43, 103 b) et dans le talmud
babli, Sukka 11 b.
EXÉGÈSE PABABOLIQUE. 235
Dieu dans ma main » {Ex., 17, 9) : demain nous serons avec vous,
nous tenant debout sur le sommet de la colline, prout sonat, disait R.
Josué. R. Éleazar de Modin disait : demain nous prescrirons un jeûne
et nous nous tiendrons sur les actions des pères : le sommet, ce sont les
actions (mérites) des pères ; et la colline ce sont les actions des mères ^.
Nous pouvons ramener à ce premier type — allég-orisation
de données géographiques — une espèce toute voisine et
d'ailleurs très peu représentée : l'allégorisation de données
historiques. En voici un exemple très significatif : sur le texte
« il descendit sur le mont Sinaï )> :
Est-il possible que la gloire soit réellement [mammâs) descendue et
se soit déployée sur la montagne du Sinaï? (Non) il est enseigné en ces
termes!: « C'est du ciel que je vous^^ai parlé. » Nous apprenons que le
Saint, béni soit-il, inclina les cieux inférieurs et les cieux des cieux
supérieurs sur le sommet de la montagne et que la gloire descendit et
se déploya sur la montagne du Sinaï, tout comme un homme qui étend
un coussin sur le sommet d'un lit, ou comme un homme qui parle du
haut d'un coussin; suivant Is. 64, 1 et 2. Et Rabbi José (b. Halaphta)
disait : voici ce qu'il dit : « Quant aux cieux, les cieux sont à Ya, pour
la terre, il l'a' donnée aux fils d'homme « {Ps. 115. 16) ; pas plus que
Moïse ou Elie ne sont montés en haut, pas plus la gloire n'est descendue
en bas; mais nous apprenons que le Mâqôm (Dieu) dit à Moïse : voici
que je t'appelle du sommet de la montagne, et toi, tu monteras, suivant
qu'il est dit : « et Ya appela Moïse » ^.
Observons que l'interprétation allégorique revient à rejeter
le sens littéral du texte, car il est admis que le ciel est
l'habitat de Dieu qu'il ne quitte pas. Voici, par contre, une
exégèse qui permet de rétrouver dans une indication his-
torique, dont la réaKté n'est pas contestée, une allusion à l'un
des biens spirituels que la piété juive se complait si souvent
à mentionner; reconnaissons que l'allégorisation est bien
indigente, l'analogie entre le fait matériel et la réalité spiri-
tuelle signifiée étant si légère et extérieure :
« Au matin monta une couche de rosée » {Ex., 16, 14) : R. Éléazar
de Modin disait : alors monta l'intercession de la prière des pères qui
1. Mekhilta in loc. p. 79. Autres textes ideatifiaat des lieux aux
mérites des pères : Mekhilta sur 1-6, 10, p. 163 et 17, 12, p. 180; (14,
29, p, 112 : autres mérites).
2. Mekhilta sur Exode, 19, 20, p. 216 s^.
236 EXÉGÈSE RABBINIQUE,
étaient couchés, pareils à une couche de rosée, sur la surface de la
terre ^.
Cette dernière interprétation introduit une catégorie extrê-
mement abondante : un trait historique est présenté comme
signifiant la Loi ou quelqu'autre des valeurs spirituelles, qui
sont la vie d'Israël. Nous sommes ici à la limite de l'exégèse
allégorique. ïl y a encore quelque peu allégorie, puisqu'on
fait dire au texte ce qu'il n'exprime pas directement, sans que^
pour autant, son sens premier soit aucunement repoussé.
Mais le rapprochement institué mérite à peine le titre de sym-
bolique ou d'aKégorique, parce que fort souvent le rapport
entre le terme signifiant et l'objet signifié ne se fonde sur
aucune analogie vraie, soit réelle, soit métaphorique. Quel-
ques exemples de ces exégèses innombrables :
« Que je voie cette belle montagne et le Liban » {BeuL, 3, 25) :
c'est le Temple, suivant qu'il est dit : « tu es pour moi un Galaad,
le sommet du Liban » {Jér. 22, 6) ; et aussi : « et le Liban tombe
sous les coups d'un puissant » (/s., 10, 34). Et pourquoi l'appelle-t-on
Liban? Parce qu'il blanchit les péchés des Israélites suivant qu'il'
est dit : « Si Vos péchés sont comme l'écarlate, ils deviendront blancs
comme neige » {Is., 1, 18)2.
Les dôrse resûmôî dirent : « Ils ne trouvèrent pas d'eau » : (ce sont)
les paroles (commandements) de la loi qui sont assimilées à l'eau.
Et d'où tire-t-on qu'elles sont assimilées à l'eau? De ce qu'il est dit :
« Quiconque a soif, qu'il vienne à l'eau! « [Is., 55. 1). C'est parce
qu'ils s'étaient séparés pendant trois jours des paroles de la loi
qu'ils se révoltèrent et c'est pour cela que les prophètes et les
anciens leur prescrivirent de lire dans la Tora au sabbat, au second
et au cinquième joiir^.
1. Mekhilta in lac. p. 165.
HEmEMA^'N, op. cit., p. 29 sq., rapporte d'autres allégorisations de
cette espèce.
Eleazar de Modin était célèbre pour ses interprétations ingénieuses :
on recourait à lui pour mettre fia aux controverses exégétiques.
2. Siphre Deut. 3, 25, § 28, 71 b. Cette même assimilation au
Liban : ibid., 66 b. R. José (b. Halaphta) entend Is., 5, 2 symbolique-
ment : la tour est le Temple; le pressoir, l'autel (Tosephta Sukka, 3,
15, p. 197).
3. Mek/i. sur Ex., 15, 22, p. 154; version presque identique dans
Mekh. de Siméon b. Yohai in loc, p. 72. Noter d'abord la référence à
Isaïe, entendu, non du salut, mais de la Loi (toujours à l'horizon), et
aussi cette base, prétendue historique; donnée à une prescription
juridique fort postérieure.
EXÉGÈSE PARABOLIQUE. 237
Après une discussion sur la nature du bois qui adoucit les eaux
de Mara... les dôrse résumât dirent : « Il lui fit voir » les paroles
de la loi qui sont assimilées au bois, suivant qu'il est dit : « Elle est
arbre (bois) de vie pour ceux qui la saisissent » {Prov., 3, 18)'.
c De sa droite jaillissaient pour eux des jets de lumière » [Dent.,
33, 2) : l'Écriture nous avertit que les paroles de la Tôrâ sont assimilées
à la lumière ; de même que la lumière a été donnée du ciel, de même
les paroles de la Tôrâ ont été données du ciel, suivant qu'il est dit :
« Vous avez vu que c'est du ciel que je vous ai parlé » {Exode, 20, 22).
De même que la lumière est vie pour le monde, de même les paroles
de la Tôrâ sont vie pour le monde; la lumière (<^s=f eu), ceux qui s'en
approchent se brûlent et ceux qui s'en éloignent sont glacés, de même
pour les paroles de la Tôrâ : tout le temps que l'homme s'y applique,
elles sont vie pour lui, s'il s'en écarte elles le tuent; de même qu'on
use du feu en ce monde et dans le monde à venir, de même on use des
paroles de la Tôrâ en ce monde et dans le monde à venir ; de même
que le feu imprime une marque dans le corps de qui s'en sert, de
même la Tôrâ imprime une marque en tous ceux qui s'en servent;
de même que tous les fils d'homme travaillant sur le feu se distinguent
entre les créatures, de même les disciples des sages (rabbins) se dis-
tinguent, sur les places, par leurs façons de marcher, de parler et de
s'envelopper dans leur manteau 2.
« Si Dieu me donne du pain pour manger et des habits pour me
vêtir » {Gen. 28, 20); R. Josué expliqua au prosélyte Aquila que le pain,
c'est la Tôrâ, suivant qu'il est dit : « Venez, mangez de mon pain » ;
les habits, c'est le manteau de prières (que mettent les fidèles) : si
l'on obtient la Tôrâ, on obtient aussi le manteau^.
1. Mekh. sur Exode, 15, 25, p. 155 sq. et dans la Mekh. Sim. b.
Yohai, in loc, p. 73. Dans la première recension (plus complète),
R. Siméon b. Yohai dit qu'il s'agit d'une parole de la loi, car il est
dit : non pas « il lui montra », mais il l'instruisit, tout comme il est
dit : « Il m'instruisait et il me disait : que ton cœur retienne mes
paroles » {Prov., 4, 4). Notons dans les deux textes exploités l'assi-
milation de la Tôrâ à la Sagesse.
2. Siphre sur Deut. 33, 2 § 343, 143 ah. Siphre sur Num., 6, 25 § 41,
p. 44, voit encore l'illumination de la Loi dans une partie de la
bénédiction sacerdotale. Cette assimilation de la Loi à la lumière, qui
est aussi feu, est très fréquente : cf. Philon De decalogo, \\ (46-49),
édit. Gohn. IV, p. 279.
3. Genèse rabha 70, 5, p. 802 (Josué veut consoler le prosélyte et
lui promettre la participation au culte). R. Nehemia entend le « navis
institoris de longe portans panem suura y> {Prov., 31, 14) des paroles
de la loi, qui, parfois pauvres en elles-mêmes, doivent être expliquées
par un autre texte {Ros hassana palest., 2, 5, 58 d).
Nous pourrions transcrire d'autres textes dans lesquels la loi est
assimilée à l'huile, au miel, à un remède de vie.
238 EXÉGÈSE RABRINIQUE.
Le symbolisme peut aussi s'exercer en diverses manières
sur une narration. Premièrement en découvrant dans tel trait
une portée symbolique; ainsi pour le buisson du désert :
Pourquoi Dieu apparaît-il dans un buisson? demande un gentil
à R. Josué b. Qorha. Pour t'enseigner qu'il n'y a pas d'endroit du inonde
vide de la Sekhina (Dieu)... R. Éliézer : de même que le buisson est
le plus petit des arbres de l'univers^ de même Israël était tout petit
et il descendit en Egypte; c'est pourquoi le Saint, béni soit-il, se révéla
à son peuple pour le délivrer, suivant qu'il est dit {Ex. 3, 8) : « Je suis
descendu pour le délivrer de la main des Égyptiens ». R, Josué : de
môme que le buisson est le plus rude de tous les arbres, si bien que
les oiseaux qui pénètrent en lui n'en sortent pas en paix, de même
l'esclavage en Egypte parut au Saint, béni soit-il, le plus dur des escla-
vages de l'univers, suivant qu'il est dit {ibid.) : « Et Yahwé dit : j'ai vu
longuement la misère de mon peuple... » R. Johanan : de même que
des buissons on fait des haies aux jardins, de même Israël est une
haie pour le monde. Autre explication : de même que les buissons
ne croissent que le long des eaux, de même Israël ne croît que par
le mérite delà Tora qui est appelée eau, suivant qu'il est dit {Is. 55, 1) :
« Vous tous, les assoiffés, allez aux eaux... » De même que le buisson
produit des épines et des roses, de même Israël comprend des justes
et des impies. R. Pinhas le prêtre, fils de R. Hama : de même que
lorsqu'on met sa main dans un buisson, on ne sent inen, mais quand
on la retire elle est toute déchirée, de même quand Israël descendit en
Egypte personne ne fit attention à lui, mais quand il en sortit, il en
sortit au milieu de signes, de prodiges et de guerres...''.
Enseignement symbolique tiré d'un geste :
« Toute l'assemblée des enfants d'Israël partit du désert de Sin »
{Ex. 17, 1) : c'est parce qu'Israël se sépare de la Tora que son adversaire
fond sur lui, car l'adversaire n'a pouvoir sur lui qu'en raison du péché
et de la transgression^.
^&^
Interprétation morale d'une histoire ; l'analogie y joue un
certain rôle mais tout symbolisme a disparu :
Dans la mesure où l'on mesure on est mesuré. Abraham courut par
trois fois au-devant des anges {Gen. 18, 2, 6, 7) ; de même le Lieu (Dieu)
1. Exode rabba, 2, 9, sur 3, 2. Inépuisables, les symboles du buis-
son.
2. Mekhilia in loco, p. 173.
Heiin'emann, op. cit. p. 30, sq. rapporte les exégèses symboliques
(tardives pour la plupart) de gestes symboliques : monter, des-
cendre, sortir (Dieu conduit dehors Abraham {Gen. 15, 5), pour le
faire sortir de son astrologie : Nedarim 32 a).
EXÉGÈSE PARABOLIQUE. , 239
courut par trois fois au-devant de ses fils (Deut. 33, 2). Abraham salua
Dieu la face contre terre {Gen- 18, 2); de ce même mot il annonce à
ses enfants pour le siècle à venir (/s. 49, 23) : « Des rois seront tes
nourriciers... ». Abraham lui offrit un peu d'eau, Dieu ménage à ses
enfants dans le désert une source intarissable... Joseph ensevelit son
père et il mérite lui aussi d'être enseveli par Moïse... ' .
C'est encore une analogie, mais dépourvue de toute portée
symbolique, que certains commentateurs découvrent entre
les actes des Patriarches et ceux de quelques-uns de leurs
descendants : Abraham va à Sichem pour y obtenir dans sa
prière la victoire des fils de Jacob ; il voit de là l'Ebal et le
Garizim où Israël s'obligera à garder la loi; il construit un
autel à Ai, afin d'intercéder pour les fautes d'Acham^.
Plus impressionnantes sont ces anticipations quand elles
se tournent en prophéties messianiques :
« Booz dit à Ruth au moment du repas : approche ici {hoÀom) »
[Ruth 2, 14). R. Éléazar dit : voilà une indication (rèmèz), indication
que la royauté de la maison de David sortira d'elle, car cette maison
est appelée du titre de halôm, suivant qu'il est dit (2 Sam. 1, 18) :
« Le roi David vint et demeura devant Yahwé et dit : qui suis-je, mon
Seigneur Yahwé, et qu'est ma maison pour que tu m'aies fait venir
jusqu'ici [halôm] i>°> <s. Trempe ton morceau (de pain) dans le vinai-
gre » [Rulh, ibid.)... R. Samuel b. Nahmani : voilà une indication,
indication qu'elle aura un fils dont les actes seront pour lui aussi âpres
que le vinaigre; qui? Manassé.
R. Johanan voit là un symbole des souffrances du Messie suivant
qu'il est dit {Is. 53, 5) : « Mais lui a été transpercé à cause de nos
péchés ))3.
Volontiers aussi les rabbins trouvent dans certains traits
une allusion aux grands empires : ce n'est plus du symbo-
lisme et c'est très peu une analogie. On les découvre dans les
quatre rois que combat Abraham [Ge7i. 14, 1); les quatre
mots de Gen. 15, 12, en vertu de rapprochements scriptu-
1. Tos. Sota 4, 1-7, p. 298, sq. Cette loi du talion fait l'objet de
la seconde partie de la règle 28 [Mimma'âl) d'Eliézer : « Et vous avez
dit : Non ! mais nous fuyons sur des chevaux n [Is. 30, 16) : par un
mot ils ont péché, par ce même mot ils sont punis.
2. D'après Heinemann, op. cit., p. 27, résumant le commentaire de
Raschî, qui rapporte les midraschim anciens.
3. Sabbat 11^ b. La dernière exégèse sur le Messie souffrant est
dans Ruth rabba 5, 6 sur 2, 14. Cf. Heijvemaivn, op. cit., p. 27.
240 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
raires, désignent Babel (terreur), les Mèdes (obscurité), les
Grecs (profonde), Edom (tomba) ^..
La curiosité toute scolastique des rabbins les porte à cher-
cher la raison d'être de tel fait historique : Us la découvrent
dans une analogie plus ou moins obvie :
Pourquoi les Israélites ont-ils été exilés en Babylonie de préférence
aux autres pays ? Parce que la famille d'Abraham en venait. On l'expli-
que ainsi en parabole : à quoi la chose est-elle semblable? A une femme
qui a déshonoré son mari : où l'enverra-t-on? On l'enverra à la maison
de son père 2.
Les premières tables de la loi étaient entièrement l'œuvre de Dieu,
les secondes, l'œuvre de Moïse, mais l'écriture était encore de Dieuj
parabole : un roi épousant sa femme, apporte chez lui tout ce qu^
est nécessaire au contrat; quand il renvoie sa femme infidèle, c'est
elle qui apporte tout le nécessaire à l'acte de répudiation, mais c'est
le roi qui écrit et on reconnaît sa main^.
« Il conduisit le troupeau vers le désert » ; R, Josué b. Qorlj.a :
il lui annonçait que son troupeau périrait dans le désert et lui aussi.
« Et il conduisait le troupeau » : il lui signifiait qu'il conduirait
Israël pendant quarante années •'.
Rabban Siméon b. Gamliel disait : il y avait des mulets au temps de
^Ana, suivant qu'il est dit : « C'est ce 'Ana qui trouva les sources d'eau
chaude dans le désert (en faisant paître les ânesses de Sébèon son
père) » {Gen,, 36, 24). Les dorée hamûrôt (variante : resûmôt)
disaient : 'Ana était un homme interdit, c'est pourquoi il introduisit
dans le monde un être interdit, suivant qu'il est dit : « voici les fils de
Seïr le Hori « ; et il est écrit aussi : « voici les fils de Sébéon, 'Aya et
'Ana ». Ce qui apprend que Sébéon eut des relations avec sa mère et
engendra 'Ana. Mais peut-être y eut-il deux "Ana^.
1. Genèse rabba in loc. eh. 41, 2, p. 39.9; ch. 44, 17, p. 439, sq. Cf.
Heinemajxn, op. cit., p. 34.
2. De K. Johanan b. Zakkai, par mode de îiômèr : Tosephta Baba
qamma, 7, 3, p. 357.
3. Du même : Tosephta Baba qamma, 7, 4, p. 358; éclairé par Veut,
rabba sur 1, 1 (3, 16, lin de la section), où la parabole et son expli-
cation sont fort développées.
4. 1 anliuma (version Buber), semôt, 12,11, p. 7; à éclairer par
Exode rabba, 2, 9, sur 3, 1. Relevons dans ce texte le « il lui signi-
fiait )), qui traduit i' expression râmaz iô, laquelle prélude au rèrnez,
appelé a jouer un si giand rôle dans l'exégèse : le remèz dégage
dans un texte une allusion plus ou moins claire : Bachek, Die lermi-
noLogie, i, p. 182.
5. Fesakimbk a. R. Siméon b. Gamliel appuie son affirmation (que
'Ana a inventé les mulets) sur une tradition et une exégèse provenant
EXÉGÈSE PARABOLIQUE. 241
Devons-nous rattacher à l'exégèse Mstorique les explica-
tions diverses que les commentateurs donnent d'un songe,
songe possédant une signification bien déterminée, mais
offrant matière aux rapprochements usuels? Ainsi des songes
du Pharaon :
Sur la vigne que vit en songe l'échanson de Pharaon (Gen. 40, 9,
sqq.), Rab (un des premiers chefs de l'école babylonienne, formé en
Palestine à la fin du second siècle) déclare que les trois branches
signifient les trois princes d'Israël pleins d'orgueil qui se trouvent en
chaque génération. R. Éliézer dit : la vigne, c'est le monde; « les trois
branches », ce sont Abraham, Isaac et Jacob; « celle qui bourgeonne
et fleurit », ce sont les mères; « ses grappes donnèrent des raisins
mûrs », ce sont les tribus (ou : les douze patriarches). R. Josué lui dit :
montre-t-on à un homm.e autre chose que ce qui doit arriver'? « La
vigne », c'est la Tôrà; « les trois branches », ce sont Moïse, Aaron et
Marie; « et elle bourgeonna et fleurit », ce sont les sanhédrins; « ses
grappes donnèrent des raisins mûrs », ce sont les justes qui se
trouvent en chaque génération. Rabban Gamliel dit : voici que nous
avons encore besoin du Modiite qui expliquera le tout d'une seule expli-
cation. Et R. Éléazar de Modin dit : « la vigne », c'est Jérusalem;
« les trois branches », c'est le Temple, le roi et le grand prêtre; « et
elle bourgeonna et fleurit », ce sont les jeunes prêtres; « ses grappes
donnèrent des raisins mûrs », ce sont les libations ^ ...
3° Prières et littérature gnomique.
Dans cette littérature il est une première série de textes qui
appellent une interprétation allégorique : tous ceux qui sont
eux-mêmes de teneur métaphorique ; rares toutefois sont les
sentences métaphoriques auxquelles n'est pas jointe la signi-
fication morale. Voici l'interprétation d'une métaphore qui
reste inexpliquée dans la Bible :
« Jette ton pain sur la face des eaux, car après beaucoup de jours
tu le retrouveras » (Eccl. 11, 1). R. Bibi : fais Faumône avec ceux qui
des interprètes fameux. L'élevage du mulet étant interdit suivant Lév.
19, 19, il ne peut être qu'un animal pâsûl, interdit, impropre; "Ana le
créa, étant lui aussi un homme pâsûl^ en raison ue son origine, ce
qu'on déduit des deux textes qui présentent 'Ana : l'un, comme le frère
de Sébéon, l'autre, comme son fils.
1. HuUin 92 a. Les songes, considérés comme des oracles^ se
prêtaient normalement à ces interprétations ; il serait intéressant de
transcrire les interprétations qui ont été données dju songe de Jacob :
242 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
peinent sur la Tora, symbolisée par les eaux. R. Aqiba raconte l'his-
toire d'un disciple de rabbin sauvé d'un naufrage parce qu'il avait
fait la charité avant de s'embarquer, l'aumône étant signifiée par le
pain jeté sur les eaux. Autres histoires dans le même esprit ^.
et Donnes-en (de ton pain) une part à sept et même à huit » {Eccl.,
II, 2). R. Eliézer dit ; « Donnes-en une part à sept », ce sont les
sept jours de la semaine, suivant qu'il est dit « à la septième fois »
(I Reg., 18, 44), c'est-à-dire au sabbat. « Et même à huit », ce sont les
huit jours de la circoncision suivant qu'il est écrit : « et il mit son
visage entre ses genoux » (ibid.); « entre ses deux genoux », cela
signifie qu'Elie dit à Dieu : Maître des siècles, même si tes fils ne
possédaient que les mérites de ces deux commandements, le sabbat et
la circoncision, ce serait assez pour que tu aies pitié d'eux, R. Josué
voyait dans le premier les sept jours de la Pâque et dans le second les
huit jours de la fête des Tabernacles 2.
Nous avons là de l'exégèse allégorique du meilleur aloi. Le
plus souvent, dans l'Écriture, le sens de la métaphore est
indiqué, soit par le contexte, soit explicitement. Les rabbins
ne laissent pas de donner une interprétation de leur cru,
le plus ordinairement en référant le symbole aux grands
objets de la piété juive :
« Une mouche morte infecte et^ corrompt l'huile du parfumeur »
(EccL, 10, 1). Ben Âzzai disait : une seule mouche morte ne peut pas
infecter et corrompre l'huile du parfumeur ; mais cela signifie que par
un seul péché le pécheur perd de grands biens. R. Aqiba interprétait
ainsi : « C'est pourquoi le schéol se dilate et ouvre sa bouche sans
mesure » {Is. 5, 14) ; « sans mesure {li beli hôq ; hôq = précepte) »
on y a vu les divers éléments de la liturgie du Temple ou les
grands personnages d'Israël; citons les dernières lignes : R. Siméon
b. Yohai dit : il lui montra le Sinaï ; en voici le signe : le samedi (de
Sinaï) vaut (numériquement) soixante; le yod, dix; le nùn, cinquante^
et le dernier yod, dix, soit cent trente : or « et l'échelle )> [wesôlèm)
vaut aussi cent trente {Tanhiima B wayyésé, 7, i, p. 149) : bel échan-
tillon de cette mystique alphabético-arithmétique qui triomphe dans
la Kabbale; mais rien d'allégorique.
1. Eccl. rabha in loco. Le propos est-il d' Aqiba? le vocabulaire
dénoterait une autre provenance.
7. Ecclésiastç. rahba in Loc. et Pesiqta R. Kahana 192 a et Eriibin
40 b (plus bref, il supprime les démonstrations scripturaires et Eliézer
assimile les sept aux jours de la création). La première assimilation
était connue de S. Jérôme : Hebraei ita hune locum intellegunt : et
sabbatum et circumcisionem serva, ne si hoc foiie non feceris inopi-
natum tibi superveniat malum )> . Un peu plus haut, lui-même entend
les « huit » de la résurrection (In Eccl. 11, i, P. L. 23, c. 1101, sq.).
EXÉGÈSE PARABOLIQUE. 243
cela signifie : celui qui n'a pas assez (de pratiques) de commande-
ments pour incliner (la balance au jugement) du côté des mérites.
Les rfdrse resûmôt disaient : l'homme est jugé suivant la majorité
(de ses actes, mérites ou démérites) ; qu'il tâche donc toujours d'équi-
librer les mérites et [les démérites ; heureux s'il fait une bonne action,
car il a incliné sa balance du côté des mérites ; malheur s'il commet
un seul péché, car il a incliné sa balance du côté de la condamnation ^.
Nous avons là une véritable exégèse allégorique ; le Qohe-
leth avait voulu symbçliser par l'image de la mouche morte
qui corrompt l'huile parfumée l'idée qu' « un peu de folie
l'emporte sur la sagesse et la gloire » ; ses commentateurs
rabbiniques ont vu dans cette image une allusion à l'un des
points de la doctrine classique de la rétribution. Nous trou-
vons chez les rabbins d'autres exégèses de cette espèce.
Le texte qui fait l'objet de l'interprétation suivante se rap-
porte à la prospérité des temps messianiques, mais il est assez
indéterminé et assez imagé pour supporter une interpré-
tation allégorique qui découvre dans ces traits divers sym-
boles :
R. Johanan disait au nom de R. Siméon b. Yohai : que signifie le
texte : « Heureux, vous qui semez partout près des eaux et qui laissez
en liberté le pied de l'âne et du bœuf! » (7s. 32, 20)? Quiconque
s'occupe à l'étude de la Tôrâ et à la pratique des œuvres de charité
[sedâqâ) obtiendra la portion de deux tribus, suivant qu'il est dit :
« heureux qui semez » et semer n'est pas autre chose que l'aumône
{sedâqâ) suivant qu'il est dit : « faites vos semences dans la justice
{sedâqâ = aumône) et moissonnez selon la charité » {Os., 10, 12).
Et l'eau n'est pas autre chose que la Tôrâ, suivant qu'il est dit : « tous
les assoiffés, venez vers les eaux » {Is., 55, 1). Il obtient la portion de
deux tribus, à savoir : une tenture comme Joseph, suivant qu'il est dit :
« Joseph est un rejeton fertile, ses branches s'élancent au-dessus de la
muraille » (ce qui fait une tenture, dit Rachi) {Gen. 49, 22) ; il obtient
la portion d'Issachar, suivant qu'il est écrit : « Issachar est un âne
robuste » {ibid. 14)2.
Nous retrouvons le procédé courant des équivalences éta-
blies par des interprétations qui s'apparentent à la charade.
<
1. Eccl. rabba in loco. Les deux exégèses supposent la lecture au
singulier zebûb. Nous trouvons des pensées analogues, fondées sur
Eccl. 9, 18 b (qui précède immédiatement notre texte) dans Qidduèin
40 b (baraitha et sentences de tannas),
2. Baba qamma 17 a.
244 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
Nous pouvons joindre aux sentences métaphoriques les pas-
sages énigmatiques, qui ne peuvent que stimuler l'ingéniosité
des commentateurs : voici ce que les rabbins tirent d'un verset
des Psaumes, irrémédiablement altéré et d'autant plus riche
en suggestions diverses pour quelques-uns de nos prédi-
cateurs :
Après avoir rappelé qu'Israël « a été esclave en Egypte et que Dieu
l'a paré des dépouilles des Égyptiens », et .c'est ce qu'il (Dieu) dit :
« quand vous étiez couchés au milieu des bercails, ailes de la colombe
recouvertes d'argent » (Ps. 68, 14), c'est la dépouille de l'Egypte; « et
ses plumes brillantes de l'éclat de l'or », ce sont les dépouilles de la
mer (recueillies après que les Égyptiens furent engloutis dans la mer),
(i Nous te ferons des colliers d'or » {Canl. \, 11), ce sont les dépouilles
de la mer; «pointillés d'argent », c'est la dépouille de l'Egypte ••.
En outre certaines maximes de sagesse pratique sont enten-
dues en un sens religieux : les rabbins trouvaient-ils que leur
portée première était trop terre à terre?
« Dès le matin sème ta semence » {Eccl. 11, 6). R. Éliézer inter-
prète littéralement. R. Josue (b. Hanania) dit : si la femme que tu as
prise en ta jeunesse meurt, tu te marieras en ta vieillesse ; aie des
enfants en ta jeunesse et aussi en ta vieillesse suivant qu'il est dit :
« Dès le matin sème ta semence et au soir ne laisse pas reposer ta
main. » R. Ismael : si tu as appris de la Tôrâ en ta jeunesse apprends
aussi dans ta vieillesse, car tu ne sais laquelle des deux se conservera
et si toutes les deux seront pareillement bonnes. R. Âqiba : j'avais
douze mille disciples entre Gabbat et Ântipatris ; ils moururent entre
Pâque et Pentecôte, et j'ai fini par en prendre sept, qui sont... 2.
« Celui qui cultive la terre se rassasiera de pain » (Prov., 28, 19) :
les disciples de R. José (b. Hanania) l'entendaient au sens littéral agri-
cole; mais leur maître l'interprétait (dârâs) ainsi : qui cultive (culte reli-
gieux) Dieu et sa terre se rassasiera du pain du siècle à venir; « mais
celui qui poursuit des choses vaines se rassasiera de pauvreté » : ce sont
les nations du siècle qui poursuivent en vain (stupidement) leurs idoles ^.
1. Siphre sur Deut.^ 15, 15 § 120, 99 a. Cette interprétation du Ps.
68 est alléguée aussi dans Mekhilta sur Exode, 12, 36, p. 47 (les
dépouilles enlevées aux Égyptiens, les richesses englouties avec
l'armée égyptienne dans la mer Rouge et que la mer rejette et livre
aux Hébreux). .
2. Eccl. rabha in loco.
3. Genèse rabba. eh. 82, 8, p. 986. Cette exégèse de Josué aurait été
rappelée à ses disciples par un officier romain ; cf. Bâcher, Agada der
Tannaiten, 1, p. 1&3.
EXÉGÈSE PARABOLIQUE. 245
Pareillement le midrasi des Proverbes applique d'une part
le poème de la femme forte (31,10-31) à la Tora et à son étude,
et d'autre part il y trouve toutes les femmes remarquables
mentionnées dans la Bible.
Illustration significative de ce principe qui commande
d'entendre des réalités spirituelles, de la Loi en particulier,
toutes les sentences concernant la vie matérielle :
« J'ai loué la joie, parce qu'il n'y a de bonheur pour l'homme qu'à
manger, boire et se réjouir » {Eccl. 8, 15). Divers amoras disent : toutes
les sentences sur le manger et le boire qui se trouvent dans ce volume,
l'Écriture les prononce relativement à la Tora et aux bonnes œuvres.
R. Jonas disait : c'est un principe général [binyan 'âô) dans toutes ces
choses suivant qu'il est dit (ibid.) : « C'est ce qui l'accompagne dans
son siècle ». Son siècle c'est le siècle présent dans lequel sa vie le
conduit au tombeau. Le tombeau est-ce un lieu pour manger et boire?
Mais ce qui l'y accompagne ce sont la Tora et les bonnes œuvres qu'il a
faites ^
Nous retrouvons, naturellement, dans les commentaires des
textes poétiques les rapprochements coutumiers ; il est intéres-
sant, et attristant, de voir ce que devient sous un pareil traite-
ment le magnifique psaume de la création (104).
« Dieu dans les eaux du ciel et dans les nuées » (3) rappelle les
nuées de l'Exode. « Les sources envoyées par Dieu » (10) désignent les
bains rituels ; « les oiseaux du ciel qui nichent sur leurs bords » (12) ce
sont, ou bien les anges du service (Aqiba), ou bien les nations du siècle.
« Il fait croître les plantes » (14) le lin qui sert au culte divin. Les cèdres
du Liban » (16) ont été créés pour la construction du Temple et non
pour des usages humains. « Là les oiseaux font leurs nids » (17) : ce
sont les lévites. « Les lionceaux qui rugissent après leur proie » (21 )
sont les nations du siècle. « La mer large » (25) est le royaume impie
d'Edom, ou bien la Tora, à moins que ce ne soit la géhenne... 2.
De pareilles interprétations, innombrables, n'ont rien à voir
avec l'allégorisation et très peu avec l'exégèse.
Dernier effort des commentateurs baggadiques sur les
textes poétiques : rapporter une affirmation générale à un
1. Eccl. rabba in loco. Cf. Bâcher, Agada der Palest. Amoràer, III,
p. 50 (Samuel b. Isaac) et 230 (R. Jona).
2. Midras des Psaumes, p. 442-446.
246 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
héros connu : de qui l'auteur parle-t-il? Règle pour l'inter-
prétation du Psautier :
R. Juda dit : tout ce que David dit dans son volume, il le dit, soit rela-
tivement à lui-même, soit relativement à tout Israël, soit relativement
à tous les temps K
Le commentaire applique à des personnes les divers versets
du Psaume :
(c Qui montera à la montagne de Dieu? » c'est Moïse {Ex. 19, 3). « Qui
se tiendra dans son lieu saint? » c'est Moïse {Deut. 5, 28). Moïse est
encore l'homme aux mains innocentes et au cœur pur... Dans les
paragraphes suivants, tous ces versets (3-5) sont dits d'Abraham, puis
de Jacob . . . ^.
Encore un exemple de ces interprétations, celle-ci conçue
dans une fin apologétique, pour démontrer que les quatre
rois et les trois particuliers, voués ordinairement à la damna-
tion, auront part au siècle à venir :
Ils viendront au siècle à venir, suivant qu'il est dit : « à moi
Galaad... » {Ps. 60, 9, 10); « à moi Galaad », cela désigne Achab qui
tomba à Ramôth Galaad; « Manassé », à entendre prout sonat;
« Ephraïm est l'armure de ma tête », cela désigne Jéroboam qui est
sorti d'Ephraïm; « Juda mon sceptre », cela désigne Ahitophel qui
est sorti de Juda ; « Moab le bassin où je me lave », cela désigne
Gehazi qui fut puni à l'occasion d'un bain; « sur Edom je jette ma
sandale », cela désigne Doég l'édomite^...
Inutile de multiplier les paradigmes de cette espèce; les
rapprochements pratiqués ne se fondent sur aucune analogie
perceptible : c'est le procédé courant dans tout son arbi-
traire.
IV. — CARACTÈRES DE l'eXÉGÈSE PARABOLIQUE.
LES INTERPRÈTES ALLÉGORIQUES.
Une première conclusion s'impose : chez les rabbins tan-
naïtes, les interprétations allégoriques, ou soi-disant telles,
1. Midras du Ps. p. 135.
2. Midras du Ps. 24, § 7-9, p. 206, sq.
3. Cette assertion figure dans la misna Sanhédrin 11 (ou 10), 2.
Nous transcrivons la gemara babylonienne, 104 b sç. : dans le talmud
palestinien (10, 2, 29 b), le texte n'est pas attribué aux interprètes des
resûmôt. Même texte dans Num., rabba 14, 1 sur 7, 48,
EXÉGÈSE PARABOLIQUE. 247
sont très peu nombreuses, soit absolument si l'on fait leur
somme, soit relativement si on les compare aux autres formes
d'interprétation^ .
Conclusion et constatation plus graves : les exégèses vrai-
ment allégoriques manifestent un sens allégorique étroit et
pauvre.
Pas de grande allégorie, c'est-à-dire d'interprétation con-
tinue, systématique, poursuivie tout au ,long d'un commen-
taire et se tenant à un thème unique ; ce déficit ne provient
pas uniquement de ce que nos midrasim ne sont que des
compilations réunissant des productions très diverses, il tient
à la mentalité rabbinique elle-même, peu portée à allégo-
riser.
En outre l'allégorisation n'est jamais poussée suffisamment,
même quand le sujet, comme dans le Cantique, est parti-
culièrement riche et facile à exploiter.
Ce qui fait figure d'allégorie se réduit le plus souvent aux
formes élémentaires de l'allégorie : interprétations métapho-
riques ou symboliques^.
En ce genre, le cercle dans lequel se meuvent nos inter-
prètes est fort resserré ; et les objets auxquels ils appliquent
les textes sacrés, très peu nombreux et peu propres à exciter
l'imagination : avant tout la Tora, considérée soit en général,
soit en quelques prescriptions particulières ou dans son étude,
la liturgie du Temple, l'histoire d'Israël, quelques directions
morales.
Enfin les interprétations que beaucoup disent allégoriques
ne contiennent, pour la plupart, que des assimilations souvent
injustifiées, des analogies arbitraires, extrinsèques et artifi-
cielles ; ou bien encore elles fondent des rapprochements
1. Il est difficile de chiffrer cette proportion : dans le Siphre sur le
Deut. nous découvrons environ une exégèse allégorique toutes les
dix pages; dans le Rabba sur le Gant., elles sont naturellement plus
abondantes, mais moins que ne le comporterait le sujet.
2, Heinemann, op. cit. passim ne se lasse pas de montrer que l'exé-
gèse rabbinique comprend surtout les Vorstufen, les formes élémen-
taires, les degrés primaires et préparatoires de la véritable
Allegoristik.
248 EXÉGÈSE BABBINIQUE.
sur des exégèses, ordinairement laborieuses et contestables,
qui fatiguent et suffiraient à mettre en fuite l'esprit poé-
tique, inhérent et nécessaire au genre allégorique.
D'où proviennent chez les rabbins cette indigence de l'exé-
gèse allégorique et cette sorte d'impuissance du sens allégo-
rique? D'abord et avant tout, de ce que chez eux l'exégèse
allégorique est, et ne peut être, qu'occasionnelle et exception-
nelle. Us ne cherchent pas à dégager de la Bible un système
de sagesse, qui lui est étranger; ils étudient les Livres saints
uniquement à deux fins : en déduire toutes les prescriptions
juridiques qu'ils recèlent, justifier les préceptes de la loi orale
et, secondement, acquérir la science et la connaissance de la
Parole divine. A cet effet, ils pratiquent une herméneutique
très développée, habUe et empressée à analyser toutes les
particularités des textes, à déterminer les rapports entre
leurs diverses parties, à découvrir la portée et la significa-
tion des moindres particules. Dans leurs investigations
exégétiques, l'aUégorisation ne jouera qu'un rôle d'appoint
fort secondaire; à vrai dire, cette exégèse allégorique se
ramène aux formes ordinaires de l'exégèse traditionnelle et
se traite suivant les mêmes procédés : identifications et
rapprochements, recours à des exégèses auxiliaires, paro-
nomases, équivalences numériques...
De l'emploi de ces procédés, de ces abus d'une exégèse
trop facile et complaisante, provient le caractère superficiel
et si peu pénétrant de leurs allégories; ces exégètes, si
accoutumés à se contenter de rapprochements tout extérieurs
et matériels, comment pourraient-Us s'appliquer à creuser
des analogies, à établir des rapports plus profonds entre
des objets concrets et des réalités spirituelles? Ajoutons à
cela la prédominance croissante de l'esprit juridique : les
rabbins s'entraînent à découvrir partout des allusions aux
lois, aux divers objets de ces lois, qui sont l'unique sujet de
leur étude : tendance qui ne pouvait que paralyser, si elle
existait déjà, la veine poétique et la faculté d'allégorisation
qui en provient; dans une histoire d'amour, un juriste ne
verra guère qu'une matière à contrats, un temps et des
circonstances où doivent être observées certaines prescriptions
EXÉGÈSE PARABOLIQUE. 249
légales. N'avons-nous pas une autre illustration de cette
tendance et de ses effets dessécliants dans les innombrables
paraboles que contient la littérature rabbinique? Beaucoup
ont trait aux relations entre Dieu et Israël, son fils ou son
épouse; mais, au lieu d'insister sur leur amour mutuel,
la parabole veut uniquement figurer les relations, en quelque
^orte juridiques, entre le Seigneur et son peuple : la rédemp-
tion, la protection divine, le don de la Loi, la perversion
et la pénitence de la nation ... ; et, d'autre part, l'élément
allégorique se réduit et disparaît presque entièrement pour
laisser toute la place au genre parabolique plus sec et plus
extérieur. Quelle diiférence, à cet égard, entre les para-
boles rabbiniques et les allégories prophétiques sur les
bontés de Dieu pour Israël et les égarements de cette fiancée
infidèle !
En somme, chez les rabbins des premières générations,
nous ne découvrons que très peu d'interprétations allégo-
riqiies, et elles n'ont elles-mêmes qu'une valeur allégorique
inférieure ; double phénomène qui trouve son explication dans
les fins et la nature de l'exégèse rabbinique comme dans le
tour d'esprit des docteurs. Gardons-nous de regarder cette
absence d'allégorisme comme un déficit; elle préservait, au
contraire, les rabbins de la tentation de ne voir en certaines
histoires que des mythes symboliques et en quelques lois
que des exhortations morales; et, par ailleurs, leur arsenal
herméneutique leur fournissait tous les instruments néces-
saires pour scruter le sens des Écritures.
Il nous reste à déterminer la signification des noms
appliqués à nos prétendus interprètes allégoriques : dâi'sé
hamûrôt et dôréé resûmôt.
Notons d'abord que les deux expressions sont mises souvent
l'une pour l'autre comme s'il s'agissait d'une unique caté-
gorie. Nous pouvons voir dans les dôrsé hamûrôt ceux
qui interprétaient l'Écriture en forme de hômèr; on a attribué
à ce mot bien des significations : faisceau de perles ou
de parfums, bouton précieux servant à attacher les vête-
ments, le mode d'agir (la punition correspond au mode
250 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
d'agir : Saadia), un calcul, une analogie ^ Il nous semble
plus sur d'entendre le mot A^mèr en son sens ordinaire : lourd,
important, par opposition à qal^ léger, moindre. Le sens
homèr serait le sens plus profond et caché, parfois allégorique
et symbolique ^.
Les dôrëé reêûmât sont évidemment ceux qui dégagent la
signification raktm des textes; le mot peut être entendu en
deux sens : marque, signe, symbole ^, ou bien chose obscure,
s'opposant à chose claire et pleinement manifeste ^ Nous pré-
férons ce second sens ; il semble mieux fondé en lexicogra-
phie et répondre davantage à la réalité ; ces interprètes sont
ceux qui dégagent certains sens cachés et extraordinaires, et,
entre autres, les sens symboliques et allégoriques.
Les deux expressions auraient donc à peu près le même sens.
Il nous semble que ces appellations, ainsi comprises, corres-
pondent aux tendances foncières des exégètes juifs pales-
tiniens. Ils ne distinguent pas dans les Écritures un corps et
une âme, un sens littéral et un sens spirituel, ce dernier mani-
festant une sagesse étrangère. Ils ne voient dans les Écritures
1. Il faut alors dériver le mot de la racine hmr (avec un hé), ainsi
Ariich completum, III, p. 218; Perles, dans la Revue des Etudes juives,
1881, III, p. 109-118; voit ibid., 1910, LX, p. 24-31 (Isr. LÉvi); Biller-
BECK, Kommentar zum N. T., III, p. 388.
Bâcher, Terminologie, p. 62 et Die Agada der Tannaiten, I, p. 29 sq.
penche pour l'objet précieux.
2. Lauterbach, Ancient allegorists : Jewish quarterly Review, 1910-
1911, p. 503-511 : exégètes des côtés importants et significatifs de la
loi. Il les distingue des dôrsé résumât.
3. C'est le sens que préfère Lauterbach, Jewish quarterly Review,
1910-1911, p. 291-333, ce qui confirme son titre : The ancient jewish
Allegorists.
4. Tandis que rsm à l'actif signifie « marquer » le participe passif
râsûm a plusieurs fois un sens équivalent à saZwm (bouché) : Mekhilta
Ex. 17, 8, p. 176 ; « cette écriture est ici râsûm et elle devient claire
(mephôrâs) par Job »; Baba Mesia 23 b (sur le bouchage des bou-
teilles); sur Daniel 10, 21, les disciples de Rabbi se demandent com-
ment une chose peut être à la fois claire (vérité) ou arrêtée et encore
râsûm [Genèse rahba 81, 2, édit. Theodor, p, 970 et Yehamot palesti-
nien, xii, 13 a). Cf. KoHUT, Aruch, vu, p. 308; Bâcher, Terminologie,
p. 183. Rachi (R. oelomo b. Isaac) entend ainsi le mot : sur Pesahim
53 a, il définit les dôrsé resûmôt : (interprètes) d'écritures bouchées
(setûmim) ; sur Berakot 24 a : liées et bouchées. Lauterbach, art. cité :
râsûm signifie : chose à interpréter, et non : obscur.
EXÉGÈSE PARABOLIQUE. 251
sacrées qu'un sens et contenu unique, qui est Dieu, Israël, son
histoire et les institutions théocratiques ; ces objets peuvent
être exprimés par tous les mots inspirés : l'art des exégètes
supérieurs consiste à dégager ces significations à l'aide, soit
de rapprochements subtUs et difficilement perceptibles, soit
d'interprétations ingénieuses, soit de traditions exégétiques.
CHAPITRE VI
GONCIiUSION
PRINCIPAUX CARACTÈRES DE L EXÉGÈSE RABRINIQUE.
Le Judaïsme est la Religion de la Tora, comportant pour la
Loi divine un culte savant et pieux : de cette propriété fonda-
mentale dérivent tous les caractères de l'exégèse juive.
Cependant la Tora est double : la Tora écrite et la Tora orale.
En principe ces « deux tranchants de l'unique glaive divin »
auraient droit à la même autorité, en fait une incontestable
primauté est reconnue à la Loi écrite, tout entière Parole de
Dieu, renfermant à elle seule le dépôt complet delà Révélation ;
aux sentences de la dictée diviue doivent pouvoir se ramener
les stipulations de la Loi orale, promulguée dans le temps
par les Rabbins.
De là les deux directions que suit l'exégèse juive : suivant
une de ces voies, probablement la plus primitive, elle se livre
à l'étude directe et désintéressée du texte sacré afin d'en
dégager la signification ; dans l'autre voie elle s'applique à
justifier la Loi orale en la déduisant de la Bible ou en l'y
rattachant par des procédés dialectiques. Inévitables étaient le
mélange et la confusion des deux genres ; l'exploitation juri-
dique s'introduit dans l'interprétation pratiquée pour elle-
même et ceUe-ci se laisse souvent influencer par les traditions
halakhiques ou haggadiques courantes.
On peut dire également en gros que c'est de cette double
fin, de cette double visée, interprétation désintéressée et
exploitation juridique, que découlent les qualités et les défauts
de l'exégèse rabbinique, les qualités se rattachant plutôt à
la fin désintéressée, à l'exégèse pure, les défauts provenant
en grande partie de la fin intéressée, de l'exégèse tendant à
justifier la Loi. Ne convient-il pas de rappeler ici les diffé-
PRINCIPAUX CARACTÈRES DE l'exÉGÈSE RABBOIQUE. 253
rences qui distinguent et opposent l'histoire pure et l'histoire
adprobandum?
Avant d'exposer les propriétés de l'exégèse rabbinique,
notons qu'elle se manifeste sous deux formes, l'une directe,
l'autre indirecte, la première prenant la forme d'une inter-
prétation, la seconde se contentant de citer un texte biblique,
en confirmation d'une affirmation juridique, religieuse,
morale ou historique. C'est cette forme indirecte qui est la
plus fréquente, la plus abondamment pratiquée, celle que
nous rencontrons presque toujours dans les Talmuds. Nous
avons déjà observé que ces références au texte sacré (« sui-
vant qu'il est dit ») prennent rarement la valeur d'un véri-
table argument scripturaire ; le plus souvent nous n'y décou-
vrons qu'un confîrmatur verbal, l'expression hiératique d'une
pensée déjà établie par ailleurs, une vague allusion, utilisant
les saintes Lettres dans un sens nettement accommodatice.
Dans la mesure où ces citations comportent un véritable
argument, elles supposent une exégèse, évidemment celle-là
même que présentent, mais clairement définie, les interpréta-
tions directes et expresses. Il est naturel que ces exégèses
iûdirectes et équivalentes accusent beaucoup plus volontiers
la tendance à s'évader du sens littéral, à solliciter le texte en
vue de la thèse à démontrer, à se permettre toutes les libertés
à l'égard d'une Écriture, réduite au rang d'un simple moyen
d'expression littéraire, d'artifice rhétorique.
Les qualités et défauts qui affectent l'exégèse rabbinique
s'expliquent encore par l'éducation que recevaient les rabbins,
par les dispositions qu'exigeaient leurs activités diverses. Ces
qualités et défauts, nous les ramenons à trois; d'abord et
avant tout, pénétration profonde de la lettre sacrée par un
interprète sagace et croyant ; faculté juridique fort déliée du
juriste; fonction fabulatrice très inventive du prédicateur
populaire, de l'haggadiste. Il convient d'exposer séparément
et successivement les manifestations de ces qualités et défauts,
sans oublier toutefois que souvent ils jouent de concert pour
j)roduire un résultat d'ensemble.
Pénétration profonde de la lettre sacrée par un intei^
prête sagace et croyant.
254 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
Ce don s'enracine dans une foi consciente et convaincue en
la nature divine des Écritures : œuvre de Dieu, prononcées
par son Esprit Saint, toutes ces paroles sont vérité ; non seule-
ment elles excluent toute erreur ou contradiction interne,
mais encore chacune d'elles est riche d'enseignements, de
prophéties et de symboles. Contrepartie de cette conviction,
l'inclination à prendre isolément chaque sentence, à la traiter
comme un oracle divin qui se suffît à lui-même, indépendam-
ment de son contexte.
Conséquence immédiate de ce culte pour la Bible, le devoir
de l'étudier. Ce devoir primordial, les pieux Israélites le rem-
plissent avec joie. Ils ne se contentent pas des lectures scriptu-
raires faites dans les synagogues : au foyer domestique ils se
plaisent à lire les Écritures ; les entendre commenter par les
docteurs est leur plus consolante récréation.
Il s'ensuit, principalement chbz les lettrés, cette connais-
sance familière, vivante, approfondie, précise et minutieuse,
que vaut le commerce assidu, pieux, d'un texte aimé. La répé-
tition inlassable des mêmes livres, la nécessité de suppléer
par la mémoire au défaut des manuscrits, valent à beaucoup
de savoir par cœur de nombreux et longs passages des Écri-
tures. Indéfiniment redites, quotidiennement rabâchées, les
phrases sacrées s'incorporent à la substance de l'esprit,
modèlent les conceptions courantes, enrichissent le vocabu-
laire usuel. Alors comme aujourd'hui se rencontraient abon-
damment ces rabbins qui apparaissent comme des concor-
dances vivantes et articulées : une maxime bibHque réveille
automatiquement le souvenir de toutes les autres sentences
contenant les mêmes mots ou exprimant les mêmes idées, ce
qui permet des rapprochements lumineux et instructifs. Par
ailleurs à écouter les leçons d'un maître érudit eV tradition-
nel, on est informé des traditions exégétiques qui recèlent le
sens authentique des Écritures, mais infecté aussi, par contre,
d'opinions et de préjugés reçus et admis dans les écoles.
Ces études scripturaires ne se bornent pas à l'intelligence
nue des textes, à l'établissement d'une traduction en langue
vulgaire. Les docteurs, entraînés et assouplis par leurs dis-
cussions juridiques, apportent à scruter (Ipauvav) les Écritures
SES PRINCIPAUX CARACTERES. 255
leur curiosité insatiable, leur souplesse dialectique, leur péné-
tration subtile de casuistes. Ils s'impatientent de ne pas
déchiffrer la moindre des significations que peut revêtir un
mot ou une proposition; ils s'acharnent à rechercher et peser
toutes les difficultés, historiques, morales, doctrinales qu'op-
pose une phrase.
Ces efforts aboutissent à une connaissance de la Bible, éten-
due et fort substantielle.
Ancêtres et précurseurs des Massorètes, les rabbins anciens
possèdent une science solide et judicieuse de la « Lettre ».
Le texte dont ils se servent n'est pas un texte quelconque,
mais un texte fixé par la tradition, même dans ses éléments
non-écrits, telles la prononciation et la ponctuation. Diverses
conjectures textuelles, telles leçons proposées, le choix entre
les variantes connues, dénotent un sens critique judicieux. Des
analyses pénétrantes du texte, des remarques pertinentes sur
le rôle que jouent ses diverses parties, sur les interversions
qu'ont subies certaines autres, témoignent d'une étude intel-
hgente et fort attentive. Le plus ordinairement ils transcrivent
scrupuleusement le texte reçu; quand ils joignent ensembles
dans leui's références, plusieurs sentences ils ne manquent,
pas de le signaler par une conjonction.
Pour l'intelligence de la Lettre ils mettent en œuvre les
sciences auxiliaires dont se servent les interprètes modernes.
Les rabbins anciens auraient pu dresser ce lexique, VAruck
de Nathan b. Yechiel, qui est au point de départ de nos dic-
tionnaires modernes. L'usage de l'hébreu comme langue sco-
lastique, la pratique de l'araméen, un commerce constant et
familier avec les Écritures, provoquant aux rapprochements
révélateurs, la science des traditions lexicographiques, un
sens congénital et très affiné de la langue bibhque, leur
permettaient de déterminer avec précision le sens exact des
mots, de définir les nuances de Sens qui séparent des vocables
à peu près synonymes, la distinction entre le sens littéral
d'un terme et son sens métaphorique; tout cela, bien entendu,
nonobstant les gaucheries et les naïvetés que comporte toute
science dans sa période d'enfance ; étymologies puériles, subs-
tituer au sens primitif d'un terme son sens moderne. . .
256 EXÉGÈSE RABBXNIQUE.
Les rabbins anciens connaissent également la grammaire
de l'hébreu biblique, non point avec cet appareil et cette
phraséologie scientifiques dont s'enorgueillissent les moder-
nes, mais d'une manière empirique, vivante et pratique. Cette
science leur venait de leur usage quotidien de l'hébreu et des
langues-sœurs, des traditions qui se transmettaient dans les
écoles, d'un sens héréditaire du génie de leur langue natio-
nale... Cette science grammaticale est attestée par diverses,
manifestations : une analyse grammaticale et logique du dis-
cours, supposant la connaissance exacte de la valeur des par-
ticules et des formes verbales, en bref de la morphologie et
de la syntaxe; un sens très averti du style biblique...
Ainsi équipés, les rabbins se mettent à l'interprétation du
texte : en plus de leurs dons philologiques, ils y apportent la
sagacité du juriste qui ne veut laisser inexploité aucun terme
d'une loi. Ils recherchent donc tous les sens que peut receler
une phrase, ils s'interrogent sur la raison d'être de chaque
élément du discours et du rôle qu'il remplit, sur les progres-
sions de la pensée, sur la portée juridique, doctrinale ou histo-
rique d'une assertion. Ils sont attentifs à tirer parti de toutes
les singularités matérielles du texte. Philologues et juristes,
ils tiennent souvent compte du contexte. Nous articulerons
tout à l'heure les travers de cette exégèse ; nous pouvons dès
maintenant conjecturer qu'elle sacrifiera à un culte exagéré
de la lettre, au littéralisme.
C'est le juriste plus que le philologue qui applique la
méthode dialectique à l'interprétation des textes : méthode
légitime et féconde tant qu'elle se borne à dégager la dia-
lectique de l'auteur expliqué, tant qu'elle demeure intrinsèque
au texte ; méthode rapidement exorbitante et ne pouvant que
conduire à de fausses exégèses dès qu'elle devient extrinsèque,
introduisant dans le texte des argumentations qu'il ne com-
prend ni ne suppose; nous pouvons penser que les rabbins,
juristes de tempérament, n'ont pas manqué de succomber à ce
défaut. Néanmoins, l'emploi combiné des deux méthodes,
philologique et juridique, leur a permis en bien des cas de
définir toutes les applications juridiques d'une loi biblique, de
dégager la physionomie vraie de l'histoire sainte, d'en resti-
SES PRINCIPAUX CARACTÈRES. 257
tuer souvent la chronologie exacte, de résoudre les apparentes
contradictions qui opposent entre elles certaines énonciations,
d'établir des statistiques historiques; tout cela, évidem-
ment, compte-tenu du défaut de rigueur et de l'habituelle
négligence de la couleur locale, défaut commun à tous les
historiens anciens.
Après les qualités, les défauts; nous les ramenons tous à
.ces deux travers : une excessive faculté dialectique, qui est
le pi?opre du juriste et du casuiste (la part de la halakha) ;
une fonction fabulatrice exubérante^ qui sert avantageuse-
ment au prédicateur populaire (la part de la haggada). Ces
deux travers, produisant soit un culte idolâtrique de la lettre,
soit une liberté illimitée à son égard, exercent leurs effets,
ou séparément, ou souvent aussi de conserve.
Le résultat le plus marqué est certainement un littéralisme
parfois ridicule et inintelligent : dans une déduction juridique
ou dans un jugement historique prendre une expression en
sa signification la plus étroite, sans tenir compte du contexte
m des circonstances; accorder à une particule donnée la
même portée invariable, inclusive ou exclusive; traiter une
phrase isolée de son contexte comme un oracle divin ou
comme un précepte singulier, tel un article de code ; prendre
à la lettre une expression évidemment métaphorique ; l'exé-
gèse qui confine au calembour, l'abus du sens accommoda-
tice, sont les derniers fruits du littéralisme.
Licences à fin intéressée : modifier arbitrairement le texte,
soit dans ses termes, soit dans son orthographe ou sa ponctua-
tion, afin d'en tirer la conclusion juridique ou haggadique
souhaitée ; ajouter aux déclarations bibliques telle précision,
tel complément, suggérés par les traditions courantes en hala-
kha ou en haggada; modifier le sens d'un terme en vue
d'une thèse à démontrer ou à justifier; prêter à l'auteur
sacré les arguments élaborés par les créateurs de la Loi
orale ; instituer entre les affirmations ou les faits bibliques des
analogies, des rapprochements tout mécaniques et artificiels,
afin de pouvoir conclure à des identifications gratuites : ce
travers exerce sa malfaisance principalement dans les exégèses
distributives, qui consistent à découvrir dans les différentes
EXÉGÈSE RABBINIQUE. 9
258 EXÉGÈSE UABBINIQUE.
parties d'un texte des références à des- réalités spirituelles,
parfois absolument étrangères au texte.
Les excès de la faculté dialectique et les déviations de
l'esprit juridique conduisent aux résultats suivants : par-
ticulièrement et par-dessus tout introduire dans le com-
mentaire des raisonnements extrinsèques au texte, substituer
ainsi à l'exégèse une dissertation juridique; d'autant que
souvent ces argumentations, se greffant sur un élément
matériel du texte, ne se basent que sur un fondement tout
verbal : par ailleurs ces considérations laborieuses apparais-
sent fréquemment inutiles, jeu de dialecticien qui se donne'
le plaisir de démontrer pesamment des principes évidents,
d'enfoncer suivant toutes les règles des portes ouvertes : tous
procédés qui entraînent subtilités et ergotages infinis sur
une lettre ou un trait. Le ressort commun à la plupart de
ces argumentations est l'analogie, voie plus ouverte que tout
autre à l'arbitraire et à la fantaisie; les rapprocbements, base
de l'analogie, sont souvent factices et gratuits ; on se permet
de rapprocher l'une de l'autre les espèces les plus disparates,
de voir tout en tout, de dire équivalentes toutes les réalités qu'il
plait de comparer. De ce biais on est amené à fonder une
prescription juridique sur la conduite d'un personnage histo-
rique, à ériger en principe et cas-type [binyân âb) une articu-
lation quelconque de l'Écriture, à se contenter pour étayer
une affirmation d'une simple allusion, d'une légère indication
[zèkèr, rèmèz)^ à arguer de la section voisine {semûkhîm).
Il est inévitable, surtout dans les exégèses référentielles, de
remplacer l'argument scripturaire par une citation plus ou
moins adéquate, ne comportant avec l'affirmation à démon-
trer qu'une association purement verbale, voire moins appa-
rente encore.
A la fonction fabulatrice, aux développements haggadiques
nous rattachons les broderies luxuriantes appliquées sur les
narrations bibliques, les inventions historiques destinées à
expliquer ou à embeUir l'histoire de tel personnage, les
efforts méritoires en vue d'édulcorer un récit peu édifiant ou
de blanchir tel héros Israélite ; l'habitude de donner un nom
aux personnages anonymes, de voir dans une maxime morale
SES PRINCIPAUX CARACTÈRES. 259
l'éloge d'un saint personnage, surtout de Moïse et Abraham ;
les libertés chronologiques, ou autres, en vue d'éliminer une
contradiction; l'élaboration d'étymologies fantaisistes, sinon
grotesques. Il est étrange, en effet, de constater que l'exégèse
rabbinique ne recule pas devant le caractère bizarre, ridicule
ou choquant de certaines inventions, surtout quand elles
paraissent se fonder sur une base philologique, particularité
du texte, singularité grammaticale, emploi d'une particule
limitative ou ampliative.
Ce sont, nous semble-t-il, ces défauts et qualités qui expli-
quent la place restreinte que tient l'allégorisation dans l'exé-
gèse juive et la forme qu'elle y revêt. D'une part, le littéralisme
interdisait d'interpréter allégoriquement des textes juridiques,
historiques ou gnomiques; d'autre part, là où un écrit allé-
gorique ou bien un développement allégorique appelait l'exé-
gèse allégorique, l'abus ordinaire de l'analogie, la tendance à
retrouver partout l'indication des grandes réalités spirituelles
de la religion Israélite, poussaient à délaisser les longues
allégorisations, et à découvrir en tout élément symbolique
la représentation de la Loi, du Temple, de Moïse, de l'al-
liance... ; au surplus cette dernière tendance amène à décou-
vrir en toute énonciation, même la plus dénuée de symbo-
lisme, et en toute chose, la désignation voilée de ces grandes
réalités : procédé qui peut donner l'illusion de l'allégorisation
habituelle et de parti-pris.
Au terme de cette conclusion quel jugement d'ensemble
porter sur l'exégèse rabbinique? Nous croyons qu'elle met en
œuvre les méthodes excellentes auxquelles recourent encore
les meilleurs exégètes, qu'elle professe des principes très sûrs
et que, par cette voie, elle est parvenue à des résulats appré-
ciables et qui auront toujours valeur. Malheureusement, en
bien des cas, méthodes et principes ont été mis en échec
par les travers de l'esprit rabbinique, littéralisme, asservis-
sement à la Loi orale, abus de la Haggada. Malgré tout on
ne lira jamais sans profit les commentaires rabbiniques, tout
particulièrement ceux des tannas, que déparent beaucoup
moins les tares que nous venons de relever.
DEUXIÈME PARTIE
r X
L'EXEGESE BIBLIQUE DE SAINT PAUL
AYERTISSEMENT
L'objet précis de cette partie n'est pas d'étudier tout ce qui
concerne S. Paul dans ses rapports avec l'Ancien Testament,
sujet très vaste qui a donné lieu à de nombreux travaux; elle
se borne à considérer les différents usages que l'Apôtre fait
des Écritures juives, à déterminer et apprécier les procédés
exégétiques auxquels il recourt explicitement ou que suppo-
sent ses utilisations de la Bible.
Nous nous proposons aussi de répondre à la question : dans
son exégèse Paul se montre-t-il, et dans quelle mesure, un
vrai disciple de Gamaliel, plié et asservi aux méthodes rabbi-
niques? A cette question bien rares ceux qui répondent néga-
tivement, et c'est en pleine opposition à l'opinion courante
que Kaufmann Kohler écrivait : <( Il faut n'avoir aucune fami-
liarité avec la théologie rabbinique, — comme il arrive à la
plupart des écrivains chrétiens, — pour trouver dans les écrits
de Paul des traces de son passage dans les écoles rabbini-
ques \ » Un autre savant juif, Klausner, déclare à plusieurs
reprises que Paul interprétait l'Écriture suivant la méthode
rabbinique typique, qu'il recourait au pilpul talmudique pour
des fins antitalmudiques^. Les auteurs chrétiens volontiers
parlent du rabbin Paul, et ils qualifient de rabbiniques nombre
de ses méthodes dialectiques et exégétiques^.
De notre côté nous ne voulons avancer notre solution du
1. The Origins of Synagogue and Church, New York, 1929, p. :261.
2. Historia israélit. Jérusalem. 1925, IV, p. 78, 96, (paragraphe
sur l'exégèse de Paul), 102 (Paul rabbin).
3. Relevons une note plus discrète chez M. Venard : il déclare qu'il
« ne faut pas exagérer les ressemblances entre la forme de l'exégèse
des écrivains du Nouveau Testament et certains procédés rabbini^
ques... » (Citations de l'A. T. dans le N. T., Dictionnaire delà Bible,
Supplément. II, c. 48.)
264 EXÉGÈSE RABBINIQUE.
problème qu'après un examen attentif des procédés exégé-
tiques employés par S. Paul et de son vocabulaire technique.
Cependant, nous ne pouvons juger à leur valeur exacte ses
méthodes herméneutiques et en estimer tout le bien-fondé
qu'après avoir réalisé les conceptions que l'Apôtre se fait de
l'Écriture et du message qu'elle contient.
Bien entendu, nous faisons porter notre étude, non seule-
ment sur les épitres dont certains critiques radicaux rejettent
l'authenticité, telles les épltres pastorales etl'épitre auxÉphé-
siens, mais aussi sur l'épitre aux Hébreux. Suivant les direc-
tions que nous intime un décret de la Commission biblique
(24 juin 1914)\ nous constaterons qu'en cette dernière épltre
« la façon de citer l'Ancien Testament et d'en tirer argu-
ment ne s'oppose pas à une origiae paulinienne. . . , mais qu'elle
suggère que l'Apôtre Paul n'a pas donné à cette lettre sa
forme actuelle ».
QUELQUES INDICATIONS BIBLIOGRAPHIQUES.
(Le sujet ayant été abondamment traité, nous ne donnons
ici que les indications utiles et nous ne mentionnons que les
ouvrages récents.)
A. E. Kautzsch, De Veteris Testamenti locis a Paulo apostolo alle-
gatis Leipzig, 1869.
J. Monnet, Les citations de VA. T. dans les êpîtres de S. Paul, Lau-
sanne, 1874.
BoEHL, Diealttestamentlichen Citaten in N. T. Wien, 1878.
G. ToY, Quotations in the N. T. New York. 1884.
A. Clemen, Der Gebrauch des A. T. in den N. T. Schrifen, Gutersloh.
1895.
H. VoLLMER, Die alttestamentlichen Citatebei Paulus, Leipzig. 1895.
Johnson, the Quotations of the N. T. from the Old, Philadelphia, 1896.
Glemen. op. cit. p. 158. « Chez Paul, qui avait reçu une éducation
rabbinique et qui disposait de si grandes facultés dialectiques et spé-
culatives on peut s'attendre à voir plus largement (que dans le reste
du N. T.) utililisé l'A. T. ». Un des derniers à étudier la question.
PuuKKO, Paulus und das Judentum, 1928, p. 29, sqq., 86, affirme avec
insistance le rabbinisme de l'Apôtre.
1. F. Gavallera, Thésaurus doctrinae cathoUcae, 2« édit., Paris, 1936,
p. 68.
EXÉGÈSE PAULINIENNE. 265
P. w. E. HtiEHN, Die altlestamentlichen Citate und Reminiscenzen in
iV. T. Tiibingen, 1900.
"W. DiTTMAR, Velus Testamentum in Novo, Gôttingen, 1903.
A. von Harnack, Das A. T. in den paulinischen Brie f en und in den
paulinischen Gemeinden, Sitzungsberichte der Preus. Akademie der
Wissenschaften, 1928; p. 124, sqq.
Michel, Paulus und seine Bibel, Gutersloh, 1929.
A. F. PuuKKO, Paulus und das Judentum, Helsinki, Societas orienta-
lis Fennica, Studia orientalia, II, 1928, p. 1-87.
Hans WiNDiscH, Paulus und das Judentum, Stuttgart, 1935.
L. Venard, Citations de l'A. T. dans le N. T. : Supplément au Dic-
tionnaire de la Bible, II, c. 23-51, Paris, 1934.
H. B. SwEHEjntroduction to the 0. oT. in Greek, p. 381-405, Cambridge,
1900.
W. Sanday-A. C. Headlam, the Epistle to the Romans, Edinburgh, 1900,
p. 302-307 (St Paul's use of the Old Testament).
B. F. Westcott, The epistle to the ffebrews , London, 1903, p. 471-497
(on the use of 0. T. in the Epistle).
M.-J. Lagrange, Saint Paul, épître aux Romains, Paris. 1918, p. lxix-
Lxxvm (le thème positif de l'épître et l'argumentation).
E.-B. Allô, Saint Paul, Première èpitre aux Corinthiens, Paris, 1935
p. Lxxii-Lxxiv (citations et réminiscences de l'A. T.).
F- Prat, Théologie de S. Paul (7° édit.) Paris, 1920, I, p. 486-492,
1555, sq.
H. L. STRACat und Paul Billerbeck, Kommentar zum Neuen Testa-
ment aus Talmud und Midrasch, III, Miinchen, 1926.
CHAPITRE I
CONCEPTIONS DE SAINT PAUL SUR l'aNCIEN TESTAMENT.
Saul, se faisant chrétien, n'avait pas à exorciser les croyances
juives traditionnelles et fondamentales, basées sur la révé-
lation divine ; il lui suffisait demies purifier des gauchissements
qu'elles avaient pu subir, de les éclairer par la lumière de sa
nouvelle foi, de les sublimer en les intégrant dans la pléni-
tude du mystère chrétien. Ainsi de son culte pour la Parole de
Dieu, pour ces Écritures saintes, dont il était tout imprégné et
qui lui avaient procuré un premier et authentique « accès » à
Dieu. Tout au contraire, la vertu d'édification des Livres
saints et leur autorité se trouvent renforcées^ puisque le voile
est enlevé qui empêchait d'en pénétrer la signification
plénière\ Bien plus, illuminés par le Christ et par l'Esprit,^
les chrétiens s'ouvrent à une intelligence de la Bible, fermée
aux Juifs.
A cette conception chrétienne de l'Ancien Testament la
conception juive de Paul et ses habitudes bibliques doivent se
subordonner et s'incorporer, déterminant une conception par-
ticulière, une attitude singulière, à la fois juive et chrétienne,
mais moins juive que chrétienne. Cette conception singulière,
nous la connaissons tant par les déclarations explicites de
l'Apôtre que par sa pratique. Elle dépend des idées qu'il
professe sur Israël et sur son rapport au Christ et à l'Église.
Il est d'abord convaincu que les chrétiens sont, non les suc-
cesseurs ou les héritiers des Israélites, mais le véritable Israël,
l'Israël de Dieu [Galates^ 6, 16), l'Israël suivant l'esprit (1 Cor.
1. Remarque très juste d'A. von Harnack : dasAlte Testament in den
pauliniscJien Briefen und in den paulinischen Gemeinden, Sitzungsbe-
frichte der Preussischen Akademie der Wissenschaften, Berlin, 1928,
p. 124.
O. Michel, Pnulus und seine Bibel, Gilterslo/i, 1929, p. 129.
EXÉGÈSE PAULINIENNE. 267
10, 18; Rom. 9, 6); à l'Église revient donc la légitime pro-
priété des biens divins impérissables, détenus jusqu'alors par
la Synagogue : avant tout les Livres saints. D'où la coutume,
d'abord de laisser aux mains des chrétiens venus du Judaïsme
la Bible, mais aussi de la remettre aux convertis du Paganisme,
comme un instrument d'édification et d'instruction. Sinon,
comment comprendre qu'en des communautés, ne comptant
qu'une minorité de Juifs, à Gorinthe, en Galatie, à Rome.
Paul fasse appel dans son argumentation, portant cependant
sur des sujets exclusivement chrétiens, à des preuves scrip-
turaires ^ ? Par ce moyen également la nouvelle religion, ne
possédant encore que la parole transmise oralement du Maître,
pouvait faire état d'une collection d'oracles divins, d'archives
vénérables, remontant à une antiquité insondable; les écrits
des Pères apo&toKques attestent que l'Église primitive, même
munie du Nouveau Testament, ne consentit pas à reléguer
dans un respectueux oubli le trésor des Écritures anciennes et
à ne plus les utiliser.
Autre conséquence pratique de cette unité du peuple de
Dieu : les paroles que Dieu lui adresse^ si elles ne sont pas
accomplies dans l'histoire ancienne, visent les chrétiens et en
eux se réahseront [Héb. 4, 8, 9).
Bien plus, c'est dans l'Église que les oracles divins parvien-
nent à leur parfait accomplissement. En effet la promesse faite
à Abraham, Vè'izo^-^ysXioc, qui est au principe de l'interférence
historique du surnaturel dans le monde, ne se réalise vrai-
ment qu'en Jésus-Christ et dans les chrétiens qui composent
soncorps(Ac^e5,13, 32; 26, 6; G«/.3, 16, 22; 4,28; H^eô. 9,
15). Sans doute Israël a part à la promesse (iîom. 4, 16; 9, 8;
Eph. 2, 12) et on peut le dire en une certaine mesure son
détenteur [Rom. 9, 4). Toutefois la Loi apparaît comme un
rétrécissement de la promesse, presque comme son antago-
niste, parce qu'elle en compromet l'accomplissement complet et
universel (G«/. 3, 17, 18, 21 ; Rom. 4, 13, 14). Dans l'ère de la
1. O. Michel, op. laud. p. 5, sqq., 114-134, prouve contre Harnack que
Paul s'est servi de l'Ancien Testament même dans ses missions auprès
des Gentils, qu'il a communiqué à ceux-ci son culte pour la Bible et
les a accoutumés à y découvrir des preuves de leur foi chrétienne.
268 EXÉGÈSE PAULINIENNE,
promesse l'histoire d'Israël prend donc la forme d'une période
intermédiaire et préparatoire. La Loi n'est pas une fin en
elle-même; dans le Christ elle parvient à son terme, à celui
qui met fin à cette disposition transitoire parce qu'il en est
le but {Rom. 10, k) et parce qu'il accompMt ce qu'elle était
impuissante à produire [Rom. 8, 3 ; 3, 31). Pédagogue chargé
de conduire des enfants mineurs au Christ {Gai. 3, 24, 25)
tout entière orientée vers lui, la Loi et son économie, l'an-
cienne alliance, ne deviennent intelligibles que dans la
mesure où elles sont référées à leur centre d'attraction, au
stade de leur consommation.
Les jugeant suivant ces principes, le juif, devenu chrétien,
déchiifre dans son histoire sainte et dans ses Écritures sacrées
un sens nouveau qui dissipe quantité de ténèbres énigmatil
ques. Dans l'histoire du peuple élu un croyant comme Pau-
adorait à tous les instants l'intervention miraculeuse d'un
Père veillant sur ses fils : il y reconnaît maintenant une autre
intervention paternelle, il y voit à l'œuvre le Dieu tout-puis-
sant préparant l'avènement en chair de son Fils, Jésus-Christ.
Contemplées dans cette perspective, l'histoire et les institu-
tions juives revêtent une tout autre couleur. La lumière dans
laquelle on avait coutume de les voir se modifie de manière
à mettre en relief les lignes essentielles de toutes les réalités
passées et à dégager leur valeur substantielle. Histoire et
institutions anciennes a]3paraissent comme des ombres portées
produites par le Christ et par son économie {Col. 2, 17) : elles
sont donc déjà une première manifestation de toutes ces grâces
surnaturelles;, et, quoique reléguées au rôle de reflet, elles
n'en sont pas pour autant mutilées et dépouillées de toute
consistance propre, mais, au contraire, elles sont comme
ennoblies et promues à une dignité supérieure ; elles devien-
nent l'expression et le gage des mystères divins qu'elles
préparent ^ .
1. Dans l'épître aux Hébreux (10, 1) axfa a aussi ce même sens : les
« biens futurs », dont les institutions mosaïques sont l'ombre, désignent
les actes divers du drame rédempteur, mais envisagés dans le passé,
du point de vue des Juifs. La précision suivante ajoute une nuance péjo-
rative : l'ombre est une reproduction de la réalité inférieure à l'image.
EXÉGÈSE PAULINIENNE. 269
Expression et notion analogues : celles du « type », delà
« figure ». Typos désigne d'abord l'empreinte laissée par un
corps, une figure dessinée, un modèle qu'on doit ou peut
imiter. S. Paul emploie le mot dans une acception particulière.
Après avoir rappelé quelques faits de l'histoire des Hébreux,
il ajoute : « Or, ces choses sont devenues des types (qui se
rapportent) à nous, pour que nous n'ayons pas de convoitise
des choses mauvaises^ à la façon dont ceux-ci convoitèrent. . .
Or, toutes ces choses arrivaient à ceux-là en événements typi-
ques, mais ont été écrites pour éveiller notre attention,
nous sur qui les accomplissements des âges sont arrivés ^ . »
S. Paul distingue deux périodes dans la série des siècles :
l'histoire d'Israël puis les temps chrétiens, qui sont l'âge de la
consommation messianique, le nouvel éon, et à ce titre la fin
des temps, l'âge du monde dernier et définitif. Hommes et
choses de la première période correspondent à ceux de la
seconde, comme leur projection décolorée et réduite, comme
leur préfiguration, comme les présages s'ordonnant aux
accomphssements. Qui possède cette clé peut déjà deviner
dans les ébauches de l'Ancien Testament les figures plus riches
du Nouveau, fortifier ainsi sa foi chrétienne de tous les appels
de son espérance juive. Cette lecture du palimpseste biblique
n'est accessible qu'aux chrétiens, à ceux qui ont dépassé le
stade des ombres, qui vivent en la saison des épanouisse-
ments. Mais ne peut-on conjecturer que les Juifs croyants
étaient acheminés déjà par ces ombres vers les réalités
qu'elles attestaient et révélaient?
Dans ses épltres S. Paul ne commente que quelques-uns de
ces types. Le plus saisissant, le plus instructif est celui d'Adam,
le « type de celui qui doit venir » [Rom. 5, 14.), à savoir le
Christ. La considération de la correspondance et de l'opposi-
Dans Héb. 8, 5, intervient une autre idée et un autre système : la litur-
gie mosaïque est une imag-e, une représentation figurative de la litur-
gie céleste (cf. 9, 23, 24).
1. 1 Cor. 10, 6, 11. Traduction du P. Allô dans son Commentaire,
Paris, 1935, p. 233, 234, sq. Nous exploitons ses explications relatives
au typos. Même sens aussi dans laTtapaSoXT} d'Héb. 9, 9; et 6toS£lyh-« de
270 EXÉGÈSE PAULINIENNE.
tion signalée entre les deux figures nous éclaire sur la concep-
tion typologique de l'Apôtre. Parallélisme par ressemblance
entre les deux Adam : tous deux sont à leur façon des chefs
de l'humanité, tous deux ont reçu de Dieu la prérogative de
déterminer la destinée de leur lignée, tous deux impriment
leur image en leur descendance. Mais aussi parallélisme par
antithèse : le type est déficient, inférieur; ses fautes avec les
ruines qu'elle entraine appellent l'intervention réparatrice de
son antitype {Rom. 5, 12-21 ; 1 Cor, 15, 45-49). Autre propriété
de l'antitype ou du prototype, c'est qu'il est l'expression la
plus haute et la plus parfaite de l'espèce dont il est le som-
met : il est l'exemplaire suprême dont les analogues ne pré-
sentent que des approximations de plus en plus dégradées.
Ceci est beaucoup plus énergiquement marqué dans l'épitre
aux Hébreux qui met en jeu, comme nous le verrous, une
typologie plus complexe. Non seulement Israël est une ombre
de l'économie chrétienne, mais sa liturgie est une image
appauvrie de la liturgie céleste et même, tout comme le
repos promis aux élus est analogue au repos dont jouit
Dieu, les divers actes du salut correspondent aux actes et aux
attributs divins ^ Cela constitue une riche typologie à plusieurs
degrés qui peut supporter une opulente doctrine ^.
Conséquence de ces sens voilés que recèlent certains élé-
ments de l'économie ancienne, celle-ci comporte de ce fait
des mystères, soit des « vérités ou des choses précédemment
cachées » et qui requièrent, pour être comprises, l'intervention
d'un voyant qui les révèle ; ainsi l'union matrimoniale dont
la Genèse livre la formule : cette « union de l'homme et de la
femme dans le mariage, telle que Dieu l'a établie, est le symbole
de l'union du Christ et de son Église ; cette seconde union est
le type parfait, dont la première est la figure et l'imitation^. »
1. C'est là surtout que se trahit la saveur alexandrins de l'Épître,
question que nous ne pouvons aborder ici.
2. Nous commenterons plus loin le principal texte où s'exerce cette
typologie complexe (3, 7-4, 13). On trouvera dans B. F. Westcott, the
Épistle to the Hebrews, London, 1903, p. 482-491, une étude complète
sur toutes ces correspondances, sur ces « signs ».
3. J. HuBY, Saint Paul, les épures de la captivité, sur Ephésiens,
5, 32, p. 232, sq. Le mystère que dévoile S. Paul est tout à la fois dans
EXÉGÈSE PAULINIENNE. 271
Ces principes sur la signification profonde de l'ancienne
économie et de son expression scripturaire devaient engendrer
une herméneutique spéciale, spécifiquement chrétienne. Les
règles essentielles de la méthode sont formulées dans les deux
textes suivants.
Dans ses conseils à Timothée, S. Paul l'engage à suivre une
voie tout opposée à celle des ouvriers d'erreur :
Quant à toi, retiens les doctrines que tu as apprises et dont tu as
éprouvé la vérité sachant de qui tu les as reçues : car depuis ta prime
enfance tu connais les saintes lettres, qui, par le moyen de la foi dans
le Christ Jésus, peuvent te communiquer la sagesse qui conduit au
salut. Toute écriture est inspirée de Dieu et elle peut beaucoup servir
pour les ministères, soit d'enseignement, soit de correction, soit de
redressement, pour donner l'éducation qui conduit à la justice, afin
que l'homme de Dieu soit bien prêt pour sa tâche, et complètement
équipé pour travailler à toute œuvre bonne {2 Tim. 3, 14-17).
Ajoutons cette remarque dont S. Paul souligne l'applica-
tion qu'il vient de faire au Christ d'un verset des Psaumes,
application qui peut étonner ses lecteurs :
Car toutes les Écritures antérieures ont été écrites pour nous ins-
truire, afin que par la patience et par la consolation que communi-
quent les Écritures nous ayons l'espérance {Rom. 15, 4).
Ces deux passages permettent plusieurs conclusions.
Pour les chrétiens, comme pour les Juifs, les Écritures
demeurent la grande autorité, la source qui nous transmet
les révélations divines et qui nous fait entendre des paroles
d'édification. Il est vrai que les chrétiens possèdent la parole
de Jésus, oracle divin suprême, qui est plusieurs fois invoqué
(/ Thés, h, 15; / Cor, 7, 10, 12; / Tim. 6, 3...). Mais la parole
du Fils n'abolit pas et ne rend pas caduque la parole du
Père, enregistrée dans les Livres saints ; au contraire, elle la
le mariage et dans le récit biblique de son institution; il est dit
« grand » parce qu'il « y a dans le mariage plus qu'il ne paraît au
premier abord, il recèle une signification de plus haute importance.
Divergences des interprètes sur le terme auquel se réfère le mystère :
est-ce le mariage ou le texte de la Genèse? Le P. Huby reconnaît
qu'affirmer le sens typologique du récit de la Genèse revient à dire
que l'union de l'homme et de la femme, exprimée par le texte sacré,
symbolise l'union du Christ et de l'Eglise ». '
272 EXÉGÈSE PACLINIENNE.
confirme, elle l'éciaii'e ; et jointes ensemble, toutes les deux
constituent un irrésistible instrument de démonstration. C'est
pour cela que S, Paul, lui aussi familier depuis l'enfance avec
l'Ancien Testament, l'invoque là où il pourrait produire un
mot de Jésus \ et qu'il emprunte aux Écritures la démonstra-
tion de la résurrection du Seigneur (/ Cor. 15, k; Actes, 13,
34-37; 26, 23...) : ces arguments bibliques s'avéraient pour
ses interlocuteurs juifs plus saisissants ; pour les autres de ses
auditeurs, ils manifestaient l'harmonie des deux Testaments,
enrichissaient et fortifiaient leur foi.
Toutefois sur un point capital l'exégèse chrétienne diffère
de l'exégèse juive : elle estime que la Bible ne peut être
comprise que <( par le moyen de la foi au Christ Jésus » ;
c'est laisser entendre que les chrétiens seuls comprennent
pleinement l'Ancien Testament. S. Paul, d'aUleurs, affirme
que les Juifs ne peuvent apercevoir la lumière divine dans
la Bible, tant que leurs yeux sont couverts, comme d'un
voile, par leur refus de la foi chrétienne [S Cor. 3, 13-16).
Relevons le mot didaskalia dans les passages transcrits
plus haut. Ailleurs S. Paul fait de la didaskalia un charisme
[Rom. 12, 7; / Cor. 12, 28, 29; Eph. 4, 11) : le porteur de
ce charisme, le docteur, « avait pour mission d'instruire...
C'était un catéchiste inspiré ou, du moins, suscité providen-
tiellement et doué du discours de science, tout comme le dis-
cours de sagesse était l'apanage habituel du prophète (/ Cor,
12, 8) »^. Ne sommes-nous pas autorisés à induire quel'inter-
1. Michel, op. cit. p. 162-172, étudie les divers chefs de preuves
auxquels recourt l'Apôtre : arguments scripturaires, preuves de
raison, paroles du Seigneur ; il conclut que Paul connaissait quantité
de paroles du Seigneur, qu'il possédait peut-être un recueil de ces
paroles à l'usage des missionnaires, mais qu'il évite de les citer là où
l'on serait en droit de les attendre. Cependant la révélation chrétienne
est en train de transformer la portée des arguments bibliques : les
textes bibliques ont besoin d'être commentés tandis que les paroles
du Seigneur s'imposent en leur teneur directe; par ailleurs lAncien
Testament doit être compris à la lumière du Nouveau, v
2. F. Prat, Théologie de S. Paul, I, p. 500. Huby, sur les Éphésiens,
p. 204, donne une détinition analogue. Lagrange, Epitre aux Romains^
p. 300, Allô, Première épitre aux Corinthiens, p. 336, sq. accordent
aux didascales un « charisme » au sens large, les « grâces d'état » .
EXÉGÈSE PAULINIENNE, 273
prétation des Écritures, qui constituait une partie considé-
rable de la catéchèse chrétienne, rentrait dans la catégorie
des charismes^? De toute façon Paul, conscient de posséder
les dons du prophète et de l'évangéliste, avait la certitude
d'être divinement inspiré quand il commentait les Saints
Livres ; ce n'est point sur l'histoire, sur la philologie ou sur la
logique qu'il fonde les sens qu'il y découvre, mais sur les
intuitions de sa foi, sur les enseignements intérieurs de
l'Esprit^.
Lès doctrines qu'il déduit des Écritures sont de deux
ordres : exhortations d'ordre moral et directions prâ,tiques
de conduite d'abord, mais ensuit^ et surtout preuves et illus-
trations de la dogmatique chrétienne. Dans les deux domaines
il procède à la manière des rabbins, prenant isolément un
verset, une phrase, les tenant pour des oracles, des « dits »
divins, qu'on peut considérer et exploiter indépendamment
de leur contexte. Nous pouvons imaginer combien la médita-
tion portant sur une sentence extraite de son contexte, la
répétition de mémoire de quelques mots détachés, favori-
sent cette interprétation « non historique au sens moderne
du mot »^.
Toutefois, dans la première série, à savoir quand les textes
sont cités « pour fonder des principes moraux, des idées
spirituelles ou pour illustrer les méthodes du gouvernement
divin... ils sont entendus le plus ordinairement dans nn sens
correspondant à celui de l'Ancien Testament »'*. Ici le rab-
1. Michel, op. oit. le pense, en accord avec Weizsâcker et J. Weiss :
il rapproche ce charisme du « discours de sagesse » et du « discours
de gnose » (i Cor. 12, 8).
2. Gf cette appréciation de Clemen, der Gebrauck des Alten in den
N. T., p. 12 : « Les écrivains du N. T. qui interprètent l'Ancien ne
se demandent pas comment les auteurs de l'A. T, ont compris leurs
paroles et comment les contemporains les comprenaient. Ce qui
leur importe, c'est seulement ce que l'Esprit de Dieu leur enseigne
à eux-mêmes, ainsi qu'à leurs contemporains et à tous les temps... »
3. Sanday and Headlam, Romans, p. 303. Ils ajoutent que cette
indépendance du contexte peut aller jusqu'à entendre des textes dans
un sens entièremeut opposé au sens original. Nous verrons com-
ment se justifie cette inversion des rapports.
4. Sanday-Headlam, op. cit. p. 303.
274 EXÉGÈSE PAULINIENNE.
bin ne sortait guère du cercle de ses pensées ou de ses
habitudes anciennes.
Il en va tout autrement dans la proposition des thèses
chrétiennes proprement dites, quand il faut montrer qu'elles
sont « attestées par la Loi et les Prophètes » {Rom. 3, 21;
16," 26). Cette attestation revêt deux formes : l'Ancien Testa-
ment contient la prophétie des événements chrétiens essen-
tiels {Rom. 1, 2; Gai. 3, 8); les principes mis en lumière par
l'Évangile, par exemple celui de la justification par la foi, sont
déjà contenus dans les enseignements bibliques. D'où la
double tâche du didascale chrétien : montrer comment et
en quoi les anciens voyants annonçaient les mystères du
Christ et de l'Église; dégager les affirmations doctrinales
renfermées plus ou moins implicitement dans leurs écrits.
En cette double tâche les catéchistes étaient opportunément
aidés parleurs vues sur les Écritures. Ils étaient convaincus
qu'elles avaient toutes une portée prophétique et que, d'autre
part, toutes les prophéties se rapportent au Christ. Ce
second principe fut explicitement professé par les rabbins
et quant au premier ils le tenaient pratiquement aussi puis-
qu'ils ont vu des prédictions dans presque toutes les parties
de la Bible \ S. Augustru, pareillement, estimait que l'unique
objet des Psaumes est le Christ^.
Pour dégager, soit les sens prophétiques de la Bible, soit
sa théologie implicite, les mystères qui se cachent sous la
lettre, l'évangéHste dispose de plusieurs méthodes exégéti-
ques. D'abord de tous les procédés rabbiniques : déduction,
opérations dialectiques, considérations philologiques, rap-
prochements du genre parabolique. Si l'une ou l'autre de ses
explications paraît forcée, si l'on conteste ses <( allégories »,
par exemple celle qui voit dans les trois binaires « Sara et
Agar )), (c Jérusalem et Sinaï », « liberté et servitude », des
1. La sentence « toutes les prophéties des prophètes n'ont trait
qu'aux jours du Messie » est attribuée à un rabbin du ni'^ siècle ap.
J.-C, R. Johanan; en réalité elle exprime une opinion courante et
traditionnelle {SanJiedrin 99 a et parallèles).
2. Principe constamment appliqué dans les Enarrationes in
Psalmos.
EXÉGÈSE PATJLINIENNE. 275
symboles [Galates, 4, 21-31), il peut répondre en opposant
son inspiration, les divinations de sa foi, qui discernent dans
« les paroles que jadis Dieu adressait aux Pères, des fragments
et des aspects divers de la parole qu'il nous adresse mainte-
nant par son FUs » [Heb. 1, 1). L'exégète chrétien applique
également la méthode typologique qui découvre dans l'an-
cienne économie des préformations de la nouvelle.
Gardons -nous toutefois d'être dupes des apparences.
Comme le note Windisch, un lecteur naïf de l'Épltre aux
Romains pourrait voir dans Paul lin scribe chrétien, un
théologien chrétien, qui prouve la vérité et la légitimité de
sa nouvelle doctrine uniquement à l'aide de Moïse, des Pro-
phètes et des Psaumes..., un homme chez qui l'influence de
Gamaliel se fait sentir plus fortement que celle de Jésus.
En réalité son esprit est tout entier déterminé par le Christ.
C'est un scribe chrétien qui se sert de l'Ancien Testament
pour instruire et édifier les communautés venues de la Gen-
tilité..., un scribe qui interprète chrétiennement l'Ancien
Testament, c'est-à-dire qu'il découvre dans l'Ancien Testa-
ment l'évangile du Christ. Il utilise la connaissance de la
Bible et les méthodes exégétiques qu'il doit, en grande partie,
aux écoles rabbiniques, mais les thèses qu'il démontre par
là lui viennent d'ailleurs et c'est sa foi chrétienne qui lui a
ouvert l'intelligence des Écritures et lui a fait reconnaître dans
ces lettres, jusqu'alors voilées pour lui, les textes décisifs qui
portent témoignage en faveur du Christ et de l'Église ^ .
1. Dans Windisch, Paulus und das Judenium, Stuttgart, 1935, p. 66-
73. Voir aussi dans Michel op. laud. p. 134-159 des pages sugges-
tives sur l'Ancien Testament envisagé comme lettre, ypa[j.fjLa, comme
écriture, YpaçTinj, comme loi, vofioç, et comme esprit, nveujxa.
CHAPITRE II
UTILISATION DE L ANCIEN TESTAMENT.
Dans les épitres de S. Paul, assez diverses sont les formes
sous lesquelles l'Ancien Testament est exploité. Parfois le
texte sacré est transcrit et accompagné d'un commentaire
ou de remarqpies plus ou moins considérables : ainsi procé-
daient les prédicateurs juifs, puis les chrétiens, dans leurs
homélies bibliques ; ce type se rencontre plus abondamment
dans l'épltre aux Hébreux. Plus souvent la sentence bibhque
est allég-uée pour appuyer ou illustrer une considération, —
exégèse référentielle : citation formelle accompagnée d'une
formule, le plus ordinairement placée avant le texte. Quel-
quefois la formule introductrice manque, il est pourtant
clair que l'auteur se réfère volontairement à la Bible : cita-
tion virtuelle. En plusieurs cas les développements se fondent
sur une histoire biblique sans que pourtant la lettre elle-
même soit transcrite : ainsi dans le discours de S. Etienne,
dans celui de S. Paul à Antioche de Pisidie [Actes^ 7, 2-52;
13, 17-22), dans l'étude sur Abraham justifié par sa foi
{Rom. 4) , dans les exemples de foi abondamment accumulés
dans l'épître aux Hébreux (11, 3-4.0). Très souvent encore
nous n'avons affaire qu'à des citations implicites : ou bien
des expressions scripturaires, incorporées depuis des années
au langage de l'écrivahi, réapparaissent sous sa plume, sans
aucune référence à la Bible ; ou bien des réminiscences plus
développées indiquent que sa pensée se rattache à une page
de l'Écriture. Dans cette dernière catégorie il est parfois
difficile de discerner entre les rencontres verbales acciden-
telles et le rappel volontaire et exprès de la lettre sacrée.
Afin de supporter des conclusions plus larges et plus
variées, nous donnons deux séries de listes des citations
bibliques : la première suivant l'ordre des épitres, la seconde
suivant l'ordre des livres bibUques.
EXEGESE PAULINIENNE.
277
I. TEXTES PAULINIENS ET CITATIONS DE l'a. T.
1° Citations formelles (introduites par une formule)
Discours des Actes,
13, 22
1 Samuel 13,14; Ps. 89, 21
13, 33
Ps. 2, 7.
13, 34
Is. 55, 3.
, 13, 35
Ps. 16, 10.
13, 40, 41
Hab. 1, 5.
13, 47
Is. 49, 6.
23, 5
Ex. 22, 28.
28, 26, 27
Is. 6, 9, 10.
Romains.
1, 17
Hab. 2, 4.
2, 24
Is. 52, 5.
3,4
Ps. 51, 6 (+ 116, 11).
3, 10-12
Ps. 14, 1-3.
3, 13=^
Ps. 5, 10.
3, IZ^
Ps. 140, 4.
3,14
Ps. 10, 7 (LXX : 9, 28).
3, 15-17
Is. 59, 7, 8.
3, 18
Ps. 36, 2.
4, 3 (9 et 22)
Gen. 15, 6.
4, 7, 8
Ps. 32, 1, 2.
4,17
Gen. 17, 5.
4, 18
Gen. 15, 5.
7,7
Ex. 20, 17 (Deut. 5, 18).
8, 36
Ps. 44, 23.
9,9
Gen. 18, 10, 14.
9, 12
Gen. 25, 23.
9, 13
Mal. 1, 2, 3.
9,15 ,
Ex. 33, 19.
9, 17
Ex. 9, 16
9, 25, 26
Os. 2, 23 ; 1, 10.
9, 27, 28
Is. 10, 22, 23.
9, 29
Is. 1, 9.
9, 33
Is. 8, 14; 28, 16.
10, 5
Lev. 18, 5.
10, 6-8
Deut. 30, 12-14.
10,11
Is. 28, 16.
10,15
Is. 52, 7.
10, 16
Is. 53, 1.
278 EXÉGÈSE PAULINIENNE.
Romains.
10, 19
Deut. 32, 21.
10, 20
Is. 65, 1.
10, 21
Is. 65, 2.
11, 3
1 Reg. 19, 10 (14).
11, 4
1 Reg. 19, 18.
11, 8
Is. 29, 10 4- Deut. 29, 4.
11, 9, 10
Ps. 69, 23, 24.
11, 26, 27
Is. 59. 20 +27, 9.
12, 19
Deut. 32, 35.
12, 20
Prov. 25, 21, 22.
13,9
Ex. 20, 13-15 4- Deut. 5, 17-19
Lev. 19, 18.
+
14, 11
Is. 45, 23 + 49, 18.
15, 3
Ps. 69, 10.
15, 9
Ps. 18, 50 (2 Sam. 22, 50).
15, 10
Deut. 32, 43.
15, 11
Ps. 117, 1.
15,12
Is, 11, 10.
15, 21
Is. 52, 15.
1 Corinthiens.
1, 19
Is. 29, 14.
1, 31
Jér. 9, 22, 23.
2,9
Is. 64, 4 + 65, 17.
3, 19
Job. 5, 12, 13.
3, 20
Ps. 94, 11.
6, 16
Gen. 2, 24.
9,9
Deut. 25, 4.
10, 7
■•
Ex. 32, 6.
14, 21
Is. 28, 11, 12.
15, 45
Gen. 2, 7.
15, 54, 55
Is. 25, 8 -1- Os. 13, 14.
2 Corinthiens.
4,13
Ps. 116, 1.
6,2
Is. 49, 8.
6, 16
Lév. 26, 11 ; Ez. 37, 27.
6,17
Is, 52, 11, 12.
6, 18
2 Sam. 7, 14.
8, 15
Ex. 16, 18.
9,9
Ps. 112, 9.
Galates.
3, 8 Gen. 12, 3 (18, 18).
3, 10 Deut. 27, 26.
UTILISATION DE LA. T. 279
Galates.
3, 13
Deut. 21, 23.
4,22
Gen. 16, 15.
4, 27
Is. 54, 1.
4, 30
Gen. 21, 10.
5, 14
Lev. 19, 18.
Ephésiens.
4,8.
Ps. 68, 19.
6,2,3
Ex. 20, 12 (Deut. 5, 16).
1 Timothée.
5, 18 >
Deut. 25, 4.
2 Timothée.
2, 19
Num. 16, 5.
Hébreux.
1, 5»
Ps. 2, 7.
1, 5b
2 Sam. 7, 14.
1,6
Deut. 32, 43 (LXX).
1,7
Ps. 104, 4.
1, 8. 9.
Ps. 45, 7, 8,
1, 10-12
Ps. 102, 26-28.
1, 13
Ps, 110, 1.
2, 6-8
Ps. 8, 5-7.
2, 12
Ps. 22, 23.
2, 13=1
2 Sam, 22, 3.
2, 13^
Is. 8, 17, 18.
3, 7-11
Ps. 95, 7-11.
4, 3, 5, 7
Ps. 95, 11, 7, 8.
4,4
Gen. 2, 2.
5, 5
Ps. 2, 7.
5, 6
Ps. 110, 4.
6, 13, 14
Gen. 22, 16, 17.
8, 5
Ex. 25, 40.
8, 8-12
Jér. 31, 31-34.
9, 20
Ex. 24, 6-8.
10, 5-7
Ps. 40, 7-9.
10, 15, 16
Jér. 31, 33, 34.
10, 30^
Deut. 32, 35.
10, 30f
Deut. 32, 36.
10, 37, 38
HaJ). 2, 3, 4.
11, 18
Gen. 21, 12.
12, 5 -• ' ■
* Prov. 3, 11, 12.
12, 15
Deut. 29, 18.
280 EXÉGÈSE PA1ILINi;|SNNE.
Hébreux.
12, 20
Ex. 19, 13.
12, 21
Deut. 9, 19.
12, 26
Aggée, 2, 6.
13, 5
Deut. 31, 6, 8.
2° Citations virtuelles (marquées souvent par une conjonc-
tion, vg-. Y«p).
Romains.
3, 20
Ps. 143, 2.
9,7
Gen. 21, 12.
10,13
Joël, 3, 5.
10, 18
Ps. 19, 5.
11, 34
1 Corinthiens.
Is. 40, 13 4- Job, 41, 3.
2, 16
Is. 40, 13.
10, 26
Ps. 24, 1.
15, 27
Ps. 8, 1.
15, 32
2 Corinthiens.
Is. 22. 13.
8, 21
Prov. 3, 4 (LXX).
9,7
«
Prov. 22, 8 (LXX).
10, 17
Jér. 9, 22.
13, 1
Galates.
Deut. 19, 15.
2, 16
Ps. 143, 2.
3,6
Gen. 15, 6.
3, 11
Ephêsiens.
Hab. 2, 4.
4, 25
Zach. 8, 16.
4, 26
Ps. 4, 5.
5, 31
Hébreux.
Gen. 2, 24.
^^,1
Gen. 14, 17-20.
12, 12
Is. 35, 3,
13, 6
Ps. 118, 6.
3° Citations imvlicites [réminiscences) nettes (ne sont pas
mentionnées les expressions bibliques courantes).
Actes,
lit, 15 Ex. 20, 11.
17, 24, 25 1 Reg. 8, 27; Is, 42, 5.
17, 31 Ps. 9, 9.
UTILISATION DE l'A. T. 281
Romains.
1, 20-32
Sap. 13, 1 (?).
1, 23
Ps. 106, 20 (Sap. 12, 24?).
2,6
Ps. 62, 13.
2, 11
2 Ghron. 19, 7.
3, 4»
Ps. 116, 11.
chap. 4 étudie le cas d'Abraham.
4, 11
Gen. 17, 10, 11.
4, 25
Is. 53, 4, 5.
5,5
Ps. 22, 6.
5, 12 ra
ppelle l'histoire d'Adam.
8, 33
Is. 50, 8, 9.
9, 4 résume la doctrine courante
sur les prérogatives d'Israël
9, 7-11 histoire d'Isaac.
9, 18
Ex. 4, 22 ; 7, 3 (expression cou
9, 20
Is. 45, 9 (29, 16).
9,21
Sap. 11, 23 (?).
9, 22
Jér. 50, 25.
11,1
Ps. 94, 14(95, 4; 1 Sam. 12,
11, 11
Deut. 32, 21.
12, 16,
17 '
Prov. 3, 7, 4 (LXX).
14,13
1 Corinthiens.
Lev. 19, 14 (Deut. 27, 18).
1, 20
Is. 33, 18 (19, 11, 12).
5,7
Ex. 12, 15, 19 (13, 7).
5, 13
Deut. 22, 24 (13, 6).
10, 1-4 allusions à l'Exode des Hébreux.
10, 5
Num. 14, 16.
10, 6
Num. 11, 4, 34.
10, 20
Deut. 32, 17.
10,26
Ps. 24, 1.
11,3
Gen. 3, 16.
11, 7
Gen. 1, 27 (5, 1).
11,25
Ex. 24, 8 (Zach. 9, 11).
13, 5
Zach. 8, 17 (LXX).
14, 25
Is. 45, 14.
15, 25
Ps. 110, 1.
15,27
2 Corinthiens,
Ps. 8, 7.
3, 3
Ez. 11, 19; 26.
3, 7-9
(Ex. 34, 30).
3, 13
Ex. 34, 33, 35.
3, 16
Ex. 34, 34.
5,10
Eccl. 12, 14.
282 ■ EXÉGÈSE PAULINIENNE.
2 Corinthiens.
6, 9
Ps. 118, 17, 18.
6, 11
Ps. 119, 32 (LXX).
9,10
Is. 55, 10 + Os. 10, 12
11, 3
Galates.
Gen. 3, 4, 13,
1, 15, 16
Jér. 1, 5 4- Is. 49, 1.
3, 12
Lev. 18, 5.
3, 16
Gen. 12, 7.
6, 16
Ephésiens.
Ps. 125, 5.
1, 20
Ps. 110, 1.
1, 22
Ps. 8, 7.
2, 13,17
Is. 57, 19 (52, 7).
2, 20
Is. 28, 16.
5,2
Ps. 40, 7 (Ez. 20, 41).
5, 18
Prov. 23, 31 (LXX).
6, 14, 15
Is. 11, 5; 59, 17.
6,17
Philippiens.
Is. 49, 2.
1, 19
Job, 13, 16 (LXX).
2, 10, 11
Is. 45, 23.
2,15
Deut. 32, 5 (LXX).
2, 16
Is. 65, 23 (49, 4).
4,3
Ps. 69, 29.
4,18
Colossiens.
Ps. 40, 7 (Ez. 20, 41).
1, 12
Deut. 10, 9.
2,3
Is. 45, 3.
2, 22
Is. 29, 13.
3, 1
Ps, 110, 1.
3, 10
Gen. 1, 27.
1
Thessaloniciens.
2, 4
Jér. 11, 20.
4,5
Ps. 79, 6 (Jér. 10, 25).
4, 6
Ps. 94, 2.
5, 8
Is. 59, 17.
5, 22
Job. 1, 1, 8; 2, 3.
2 Thessaloniciens.
1,8
Is. 66, 15.
1, 9, 10
Is. 2, 10, 11, 19, 21.
UTILISATION DE LA. T,
283
2 Thessaïoniciens.
1, 12
Is. 66, 5.
2,4
Dan. 11. 36 (Ez. 28, 2),
2,8
Is. 11, 4.
2, 13
i Timothée
Deut. 33, 12.
2,6
Is. 53, 11, 12.
2, 12-14
Gen, 3, 16; 2, 7.
5, 18
Deut. 19, 15.
6, 15
2 Timothée.
Deut. 10, 17; Dan. 2, 47
2, 19
Num. 16, 5.
4, 14
Tite.
Ps. 62, 13 (Prov. 24, 12)
2, 14
Hébreux.
Ps. 130, 8.
1,3a
Sap. 7, 26.
1, 2,^
Ps". 110, 1 (8, 1).
2, 16
Is. 41, 8.
3,2,5
Num. 12, 7.
3, 17
Num. 14, 29.
5, 9
Is. 45, 17.
6, 8
Gen, 3, 17, 18.
6, 19
Lév. 16, 12.
6,20
_
Ps. 110, 4.
7, 28
Ps. 2, 7 ; 110, 4.
8,2
Num. 24, 6 (LXX).
9 décrit le culte ancien,
9, 28
*
Is. 53, 12.
10 résume l'histoire sainte.
10, 12, 13
Ps.. 110, 1.
10, 27
Is. 26, 11 (LXX).
10, 28
Deut. 17, 6.
11 résume I*histoire d'Israël.
11, 4
Gen. 4, 4, 5.
11, 5
Gen. 6, 24.
11, 8, 9
Gen. 12, 1 ; 23, 4.
11,12
Gen. 22, 17.
11, 13
Gen. 23, 4.
11, 17
Gen. 22, 1, 4.
11,21
Gen. 47, 31.
11, 23
Ex. 2, 2.
11,26
.
Ps. 69, 10.
284 EXEGESE PAULINIENNE.
Hébreux.
11,28
Ex. 12, 12, sq., 21, sq.
12, 3
Num. 16, 37 (LXX).
12, 18-20
Ex. 19, 12, 16, 18.
13,11
Lév. 16, 27.
13,15
Lév. 7, 12; Os. 14, 3.
13,20
Bz. 37, 26; 2ach. 9,11.
IL Textes de l'ancien testament cités par S. Paul.
(Les citations implicites sont signalées par une -j-) (entre parenthèses
sont mentionnés les autres endroits du Nouveau Testament où les
textes sont également cités.)
Genèse.
1, 27 4-1 Cor. 11, 7 ; + Col. 3, 10 (Mt.
19, 4; Me. 10, 6).
2, 7 1 Cor. 15, 45.
2, 24 1 Cor. 6, 16; Eph. 5, 81 (Mt. 19, 5,
sq. ; Me. 10, 7, sq.).
3, 16 +1 Cor. 11, 3. -i- 1 Tim. 2, 12-14.
3, 17, 18 + Héb. 6, 8.
4, 4, 5 + Héb. 11, 4.
5, 24 + Héb. 11, 5.
12, 1 + Héb. 11, 8 (Acl. 7, 3).
12, 31» Gai. 3, 8.
12, 7 + Gai. 3, 16 (Act. 3, 25).
14, 17-20 ' Heb. 7, 1-10.
15, 5 Rom, 4, 18.
15, 6 Gai. 3, 6 ; Rom. 4, 3 (Jac* 2, 23).
17, 5 Rom. 4, 17.
17, 10, 11 -}- Rom. 4, 11.
18, 10, 14 Rom. 9, 9.
21, 10, 12 Gai. 4, 30.
21, 12 Rom. 9, 7; Héb. 11, 18.
22, 1 -f- Héb. 11, 17.
22, 16, sq. Héb. 6,13, sq.; -f 11, 12.
23, 4 4- Héb. 11, 13.
25, 23 Rom. 9, 12.
47, 31 + Héb. 11, 21.
Exode.
2, 2 -}- Héb. 11, 23.
4, 22 4- Rom. 9, 18.
7, 3 4- Rom. 9, 18.
UTILISATION DE l'a. T. 285
Exode.
9, 16
Rom. 9, 17.
12, 12,
sq.
+ Héb. 11, 28.
12, 15,
19
+ 1 Cor. 5, 7.
12, 21,
sq.
+ Héb, 11, 28.
16, 18
2 Cor. 8, 15.
19, 12,
16
+ Héb. 12, 18-20.
19, 13
Héb. 12, 20.
20, 11
+ Act. 14, 15.
20, 12-
17
Rom. 7, 7; 13, 9; Eph. 6, 2, sq.
(Jac. 2, 11; Mt. 5, 21....).
22, 28
Act. 23, 5.
24, 8
+ 1 Cor. 11, 25; Héb. 9, 19, sq.
25, 40
Héb. 8, 5.
32, 6
1 Cor. 10, 7.
33, 19
Rom. 9, 15.
34, 33,
34
Lévitique.
+ 2 Cor. 3, 13, 16.
7, 12
4- Héb. 13, 15.
16, 12
+ Héb. 6, 19.
16, 27
+ Héb. 13. 11.
18, 5
Rom. 10, 5 ; + Gai. 3, 12.
19, 14
+ Rom- 14, 13.
19, 18
Rom. 13, 9 ; Gai. 5, 14 (Mt. 5, 43 ;
19, 19; 22, 39; Me, 12, 31; Le. 10,
27; Jae. 2, 8).
26, 11
Nombres.
2 Cor. 6, 16.
11, 4, ;
34
+ 1 Cor. 10, 6.
12, 7
4- Héb. 3, 2, 5.
14, 16
+ 1 Cor. 10, 5.
14, 29
4- Héb. 3, 17.
16, 5
+ 2 Tim. 2, 19.
16, 37
+ Héb. 12, 3.
24, 6
+ Héb. 8, 6.
Deutéronome.
9,19
Héb. 12, 21.
10, 9
+ Col. 1, 12.
10, 17
+ 1 Tim. 6, 15.
13, 6
+ 1 Cor. 5, 13.
17, 6
4- Héb. 10, 28.
19,15
2 Cor. 13, 1; 4- 1 Tim. 5, 18 (Mt.
18, 16; Joan. 8. 17).
286 EXÉGÈSE PATJLINIENNE.
Deutéronome.
21, 23 Gai. 3, 13.
22, 24 +1 Cor. 5, 13.
25, 4 1 Cor. 9, 9; 1 Tim. 5, 18.
27, 18 -f Rom. 14, 13.
27, 26 Gai. 3, 10.
29, 4 Rom. 11, 8.
29, 18 Héb. 12, 15.
.30, 12-14 Rom. 10, 6-8.
31, 6, 8 Héb. 13, 5.
32, 5 + Phil. 2, 15.
32, 17 -1-1 Cor. 10, 20.
32, 21 Rom. 10, 19; -|- 11, 11.
32, 35 Rom. 12, 19; Héb. 10, 30".
32, 36 Héb. 10, 30b.
32, 43 Héb. 1, 6.
33, 12 4-2 Thés. 2, 13.
1 Samuel.
13, 14 Act. 13, 22.
2 Samuel.
7,8 2 Cor. 6, 18.
7,14 Héb. 1, 5; 2 Cor. 6, 18.
1 Rois.
8, 27 + Act. 17, 24, 25.
19, 10, 14, 18
Rom. 11, 3, sq.
2 Chroniques.
19, 7
-(- Rom. 2, 11.
Psaumes.
«t
^
2,7
Act. 13, 33; Héb. 1,5; 5, 5; -|-7,28.
4,5
Eph. 4, 26.
5, 10
Rom. 3, 13».
8,1
4- Héb. 1, Sb.
8, 5-7
1 Cor. 15, 27; Héb. 2, 6-8 (Mt. 21,
16).
8, 7
-H Eph. 1, 22.
9,9
-1- Act. 17, 31.
10, 7 (9, 28)
Rom. 3, 14.
14, 1-3
Rom. 3, 10-12.
16, 10
Act. 13, 35.
18, 50
Rom. 15, 9.
19, 5
Rom. 10, 18.
22, 6
-f Rom. 5, 5.
UTILISATION DE l'a. T. 287
Psaumes.
22, 23 Héb. 2, 12.
24, 1 1 Cor. 10, 26.
32, 1, sq. Rom. 4, 6-8. '
36, 2 Rom. 3, 18.
40, 7 + Eph. 5, 2; + Phil. 4, 18.
40, 7-9 Héb. 10, 5-7.
44, 23 Rom. 8, 36.
45, 7, sq. Héb. 1, 8, sq.
51,6 Rom. 3, 4.
62, 13 -f- Rom. 2, 6 ; 4- 2 Tim. 4, 14.
68, 19 Eph. 4, 8.
Rom, 15, 3; + Héb. 11, 26. (Jo. 2,
69, 10 17).
69, 23, sq. Rom. 11, 9, 10.
69, 29 + Phil. 4, 3.
89, 21 Act. 13, 22.
94, 2 +1 Thés. 4, 6.
94,11 1 Cor. 3, 20.
95, 4 + Rom. 11, 1.
95, 8-11 Héb. 3, 7-11.
102, 26-28 Héb. 1, 10-12.
104, 4 Héb. 1, 7.
106, 20 -f Rom. 1, 23.
110,1 Héb. 1, 13;-l-lGor. 15, 25; -j-Eph.
1, 20; -I- Col. 3, 1; -f- Héb. 1, 3 ;
-f 10, 12 (Mt. 22, 44; et parai.;
Act. 2, 34, sq.).
Héb. 5, 6; -f- 6, 20; + 7, 17, 21.
2 Cor. 9, 9.
2 Cor. 4, 13.
+ Rom. 3, 4».
Rom. 15, 11.
Héb. 13, 6.
4- 2 Cor. 6, 9.
+ 2 Cor. 6, 11,
+ Gai, 6, 16.
+ Tit. 2, 14.
Rom. 3, 13b. ^
Rom. 3, 20; Gai. 2, 16.
2 Cor. 8, 21.
4- Rom. 12, 16, sq.
Héb, 12, 5, sq.
110,
4
113,
9
lié,
1
116,
11
117,
1
118,
6
118,
17
119,
32
125,
5
130,
8
140,
4
143,
2
Proverbes.
3,4
3,7,
4
3, 11, 12
58
EXEGESE
PAULINIENNE ,
Proverbes.
22, 8
2 Cor. 9, 7,
23, 31
+ Eph. 5, 18.
24, 12
■9
+ 2 Tim. 4, 14.
25, 21, sq.
Rom. 12, 20.
Ecclésiaste,
12, 14
Job.
4- 2 Cor. 5, 10.
1,1,8
-f 1 Thés. 5, 22.
2,3
+ 1 Thés. 5, 22.
5,13
1 Cor. 3, 19.
13, 16
+ Phil. 1, 19.
41, 3
Sagesse.
-{- Rom. 11, 34.
7, 26
Héb. 1, 3a,
11, 23
+ Rom. 9, 21 (?).
13, 1, sqq.
+ Rom. 1, 20-32 (?).
Osée.
1, 10
Rom, 9, 26.
2, 23
Rom. 9, 25.
10, 12
+ 2 Cor. 9, 10.
13, 14
1 Cor. 15, 55, sq.
14, 3
Hahacuc.
1
+ Héb. 13, 15.
1,5
Act. 13, 41.
2, 3, sq.
JoeL
Rom. 1, 17; Gai. 3, 11; Héb, 10,
37, sq.
3, 5
Aggée.
Rom. 10, 13.
2,6
Zacharie^
Héb. 12, 26.
8, 16
Eph. 4, 25.
8, 17
4-1 Cor. 13, 5.
9, 11
Malachie.
-f- 1 Cor. 11, 25; 4- Héb. 13, 20J
1, 2, sq
.
Rom. 9, 13.
UTILISATION DE l'a. T. 289
Isaïe.
1,9
Rom. 9, 29.
2, 10, 11, 19, 21
+ 2 Thés. 1, 9, 10.
6, 9, sq.
Act. 28, 26, 27 (Mt. 13, 14, sq. et
parai. : Jo. 12, 40, sq.).
8, 14
Rom. 9, 33 (1 Pet. 2, 8).
8, 17
Héb. 2, 13,
10, 22, sq.
Rom. 9, 27, sq.
11, 4
+ 2 Thés. 2, 8.
11, 5
4- Eph. 6, 14, 15.
11, 10
Rom. 15, 12.
19, 11, 12
+ 1 Cor. 1, 20.
22, 13
1 Cor. 15, 32.
25, 8
1 ,Gor. 15, 54.
26, 11
+ Héb. 10, 27.
28, 11, sq.
1 Cor. 14, 21.
28, 16
Rom. 9, 33; 10, 11; + Eph. 2, 20;
(1 Pet. 2, 6)..
29, 10
Rom. 11, 8.
29, 13
+ Col. 2, 22.
29, 14
1 Cor. 1, 19.
29, 16
+ Rom. 9, 20.
33,18
4- 1 Cor. 1, 20.
35, 3
Héb. 12, 12.
40, 13, sq.
Rom. 11, 34, sq. ; 1 Cor. 2, 16.
41, 8
+ Héb. 2, 16.
42, 5
+ Act. 17, 24, 25.
45, 3
+ Col. 2, 3.
45, 9
4- Rom. 9, 20.
45, 14
+ 1 Cor. 14, 25.
45, 17
+ Héb. 5, 9.
45, 23
Rom. 14, 11; + Phil.,2, 10, sq.
49, 1
4- Gai. 1, 15, 16.
49, 2
4- Eph. 6, 17.
49, 4
4- Phil. 2, 16.
49, 6
Act. 13, 47.
49, 8
2 Cor, 6, 2.
50, 8, 9 .
4- Rom. 8, 33.
52, 5
Rom. 2, 24.
52, 7
Rom. 10, 15 ; 4- Eph. 2, 13-17.
52, 11
2 Cor. 6, 17.
52, 15
Rom. 15, 21.
53, 1
Rom. 10, 16 (Jo. 12, 38).
53, 4, 5
4- Rom. 4, 25.
53, 11
-f 1 Tim. 2, 6.
EXKGÈSE UABBINIQUE.
10
290 EXÉGÈSK PAULINIENNE.
I&aïe.
53, 12 +1 Tim. 2, 6 ; (+ Héb. 9, 28).
54, 1 Gai. k, 27.
55 3 Act. 13, 34.
55' 10 +2 Cor. 9, 10.
57, 19 + Eph. 2, 13-17.
59^ 17 + Eph. 6, 14, 15 ; +1 Thés. 5, 8.
59, 20, sq. Rom. 11, 26, sq.
64, 4
11, 19, 26, 30
28, 2
37, 26
37, 27
Daniel.
2,47
11, 36
1 Cor. 2, 9.
65, 1, sq. Rom. , :0, sq.
65, 23 + Phil. 2, 16.
66, 5 +2 Thés. 1, 12.
66, 15 +2 Thés. 1, 8.
Jérémie.
1 5
9, 22, sq. 1 Cor. 1,31; 2 Cor. 10, 17.
11, 20
31, 31-34
50, 25
51, 45
Ezéchiel.
4- Gai. 1, 15, 16.
1 Cor. 1, 31; 2 Cor.
10,
4- 1 Thés. 2, 4. .
Héb. 8, 8-12 ; 10, 15-18.
4- Rom. 9, 22.
2 Cor. 6, 17.
-1- 2 Cor. 3, 3.
-1- 2 Thes. 2, 4.
4- Héb. 13, 20.
2 Cor. 6, 16.
-{- 1 Tim. 6, 15.
+ 2 Thes. 2, 4,
UTILISATION DE l'a. T. 291
Cette dernière liste ne doit pas donner le change : des textes
mentionnés beaucoup ne sont cités qu'implicitement ; le plus
souvent il est impossible de penser que l'auteur avait en vue
le passage indiqué., surtout quand il se sert d'expressions cou-
rantes, venues de la Bible, mais dégagées par l'usage de toute
attaché avec leur origine, telles que : « en bonne odeur »,
« ne pas faire acception de personne ))...
Un rapide coup d'œil suffit pour constater que les livres
les plus familiers à S. Paul sont d'abord Isaïe, puis le Psautier,
les livres de l'espérance et de la prière ; le Pentateuque (la
Genèse, puis le Deutéronome) ne vient qu'au second rang,
mais tenant toujours la place considérable qui appartient à
la Tora, à la Loi. Dans l'épltre aux Hébreux les citations du
Pentateuque sont proportionnellement plus nombreuses.
Dans cette répartition de ses textes bibliques S. Paul se dis-
tingue des rabbins palestiniens, moins en s'opposant à leur
usage qu'en le développant : si ces derniers exploitent avant
tout le Pentateuque, ils se servent abondamment du Psautier
et aussi d'Isaïe et des Prophètes. Si l'Apôtre réserve une place
prépondérante au grand Prophète c'est qu'il trouve davan-
tage chez lui la vision de l'économie chrétienne; s'il redit
souvent les sentences des Psaumes c'est qu'elles lui sont très
chères et qu'il y voit aussi un recueil de prophéties.
Notre liste comprend trois citations du livre de la Sagesse;
nous aurions pu en joindre plusieurs autres. Certains savants
(Grafe, Norden, Puukko) estiment que plusieurs textes et
diverses conceptions théologiques de S. Paul montrent qu'il
a subi l'influence du livre alexandrin. Après examen attentif
des textes considérés, nous pensons avec Michel qu'il est fort
douteux que l'Apôtre ait beaucoup étudié et utilisé la
Sagesse ^
On a voulu aussi découvrir dans les épltres pauliniennes
des citations des apocryphes juifs, en particulier dans / Cor.
1. Voir Puukko, op. cit., p. 41-45 et Michel., op. cit. p. 14-18 : bien des
ressemblances sont purement formelles et telle maxime paulinienne
se rattache plus nettement à d'autres textes de la Bible hébraïque
qu'au texte allégué de la Sagesse.
292 EXÉGÈSE PAULINIENNE.
15, 4-5 b et 2, 9 (monter au cœur) : là aussi les rapproche-
ments ne permettent aucune conclusion fermée
Nous ne voulons pas aborder le problème soulevé par
divers auteurs : Paul s'est- il servi de florilèges, soit préchré-
tiens, soit chrétiens et rédigés en vue de la controverse
juive ^? Nous nous contenterons d'une remarque obvie : un
juif, sachant par cœur de longs passages des Écritures, les
redisant et les méditant, avait-il besoin de recourir à des
recueils méthodiques? Il aurait pu, cependant, subir l'in-
fluence de ces recueils, revêtus d'une certaine autorité, s'ils
existaient.
De la première hste il appert que les citations explicites,
c'est-à-dire les sentences bibliques, invoquées comme preuve
ou illustration de certaines affirmations, font totalement dé-
faut dans quelques épîtres : 1 et 2 aux Thessaloniciens, Phi-
lippiens, Golossiens, Philémon, Tite; et presque entièrement
dans 1 et 2 à Timothée. On ne doit pas pour autant conclure
que l'Apôtre n'utilisait pas l'Ancien Testament dans ses prédi-
cations aux Gentils ou dans ses instructions aux communautés
pagano-chrétiennes : les églises de Rome, de Gorinthe et de
Galatie comprenaient certainement une grosse majorité de
convertis venus du paganisme ; et d'ailleurs dans ces épitres
où manquent les arguments scripturaires, S. Paul ne laisse
pas de parsemer son discours de sentences bibliques. Les
différences doivent donc s'expliquer, non par la qualité des
destinataires, mais par la nature des sujets abordés.
Induction confirmée par le fait que les chapitres 6-8 de
l'épltre aux Romains n'arguent pas de l'Écriture (5 développe
le parallélisme entre les deux Adam), tandis que les chap. 9-
11 contiennent, à eux trois, autant de citations explicites que
le reste de la lettre. L'épître aux Galates est proportionnelle-
ment très riche en arguments scripturaires ; dans la première
-aux Corinthiens, ils sont plus abondants dans les trois premiers
1. Voir PuuKKo, op. cit., p. 45-51 ; il reconnaît que le résultat est néga-
tif. Cf. Allô, loc. cit. I. p. 43, sq. et 426, sq.
2. Michel, op. laud. p. 3, 37 sq., 52, sqq., 87, sq. expose et rejette
les hypothèses, tant de Hatch et Vollmer pour les florilèg^es préchré-
tiens, que de Rendel Harris pour les recueils compilés par des chré-
tiens. Cf. aussi PuuKKo, op. cit., p. 53, sq.
UTILISATION DE l'a. T. 293
chapitres traitant de la sagesse de la Croix; et dans la
deuxième il faut noter le passage (3, 7-18) sur le voile symbo-
lique de Moïse. De ce fait nous pouvons conclure que l'Apôtre
utilise l'argument scripturaire avant tout dans ce que nous
appellerons les expositions ou les démonstrations conten-
tieuses, celles où il établit une doctrine qui s'oppose aux pré-
tentions juives ou qui parait en désaccord avec l'Ancien
Testament : il fallait prévenir à la fois les contradictions de la
part des Juifs et les objections que les chrétiens, lisant souvent
la Bible, auraient pu,, de leur côté, soulever. Dans les dévelop-
pements christologiques et ecclésiologiques des épltres de la
captivité, il n'a pas paru opportun de s'appuyer sur l'Écri-
ture, parce qu'on demeurait là sur un terrain spécifiquement
chrétien. Si sur des sujets analogues l'épitre aux Hébreux
multiplie les citations explicites, c'est qu'il s'agit encore
d'opposer l'économie nouvelle à l'ancienne. Par ailleurs le
rédacteur de cet écrit aime les développements homilétiques
qui commentent de longs passages bibliques ; nous trouvons
des développements semblables ou leurs amorces dans
'2 Cor. 6, 16-18; 8, 15; 9, 9; Eph. 6, 14-18...
Nous avons maintenant à examiner quelle fin poursuivent
ces citations formelles : une véritable démonstration, ou une
simple illustration?
CHAPITRE III
LES EXÉGÈSES DE S. PAUL.
« Exégèses », parce que S. Paul pratique plusieurs formes
d'exégèse. Elles pourraient se classer suivant les objets que
l'Apôtre entreprend de démontrer ou d'exposer ; cela ne
nous ferait pas connaître les méthodes exégétiques employées
et entraînerait des confusions, des objets différents se trou-
vant traités par des procédés identiques et inversement.
Notre fin nous impose de déterminer les moyens divers selon
lesquels les textes sont exploités et de ranger les exégèses
sous ces différents chefs.
L'exégèse de S. Paul se présente sous des espèces et à
des degrés divers. Exégèse directe et expresse quand le texte
biblique invoqué est commenté ou accompagné d'une remar-
que ; exégèse indirecte quand untexfce est cité à l'appui d'une
affirmation, sans que soit indiqué le rapport de l'un à l'autre ;
exégèse encore plus indirecte dans les citations implicites. Il a
paru plus méthodique d'étudier d'abord les exégèses directes
qui nous livrent en clair les méthodes exégétiques de S. Paul;
nous posséderons alors un fil conducteur qui nous guidera
dans la considération des exégèses indirectes.
1. — EXÉGÈSES DIRECTES ET EXPRESSES.
S. Paul est un écrivain composant ses lettres à la hâte, dans
la fièvre de l'action, en vue d'un résultat urgent à obtenir ;
il dicte avec la même exaltation oratoire qui le possède quand
H prêche ou qu'il discute : rien ne refrène son esprit intui-
tif; tout, au contraire, le stimule et le porte à proférer,
sans autre addition, la sentence décisive. D'autant plus pré-
cieux et révélateurs de sa dialectique sont ses commentaires,
même quand ils se réduisent à un mot.
EXÉGÈSE PAULINIENNE. 295
Viennent d'abord les exégèses sans portée démonstrative;
nous groupons ensemble toutes les exégèses typologiques et
symboliques.
1° Simple remarque pour éviter une confusion.
/ Cor. 15, 27*, il ne faut pas entendre en un sens absolu le
« tout » du Psaume (8, 7), cité pour affirmer que l'ennemie
suprême, la mort, est aussi défaite dans le triomphe du
Christ : il est évident que le Père, qui soumet toutes choses
à son Fils, ne se soumet pas pour autant à lui. S. Paul aime
ces parenthèses, qui précisent le sens d'une proposition,
dissipent une équivoque^.
2° Application homilétique d'une sentence d'ordre moral.
Les rabbins, et encore aujourd'hui les prédicateurs ecclé-
siastiques, aiment à renforcer leurs exhortations d'une
sentence biblique, qui exprime leur sentiment, même si
originairement elle avait un autre destinataire et se rappor-
tait à d'autres circonstances. Pour les chrétiens ces applica-
tions, plus otÎ moins accommodatices, trouvent, en outre,
cette excuse et cette justification que presque tous les per-
sonnages de l'Ancien Testament peuvent être considérés
comme des figures du Christ et de ses fidèles.
Pour engager ses Corinthiens à ne pas laisser stériles les
grâces divines, S. Paul reprend une promesse de secours faite
au Serviteur de Yahwé {h. 49, 8) et il assure qu'elle s'ap-
plique parfaitement à ses lecteurs, en raison du parallé-
lisme exact des circonstances : « temps propice », « jour du
salut » {^ Cor. 6, 2).
Un peu plus loin, dans son sermon de charité, il les invite
à ne pas craindre que leur générosité épuise leurs ressources ;
il évoque l'exemple du juste idéal qui donne largement aux
pauvres et qui, pourtant, demeure toujours en état de mani-
1. Cf. Rom. 5, 1^; 1 Cor. 3, 8^; 4, 20; 10, 29; 15, 10î>, 44^ 46, 52i';
2 Cor. 2, 16; 5, 3, 7 ; .12, 2, 3; 13, 4»; Gai. l, 7; 5, 13^.. Cf. Béb.
6, 13.
296 EXÉGÈSE PAXJLINIENNE.
f ester sa « justice », sa philanthropie, par sa bienfaisance
(Ps. 113, 9). Pour eux, tout pareillement (application), Dieu
les récompensera en accroissant leurs récoltes et, partant,
leur puissance charitable (J^ Co7\ 9, 9-11).
Il est naturel de trouver des applications de ce genre dans
l'épltre aux Hébreux, si riche en développements homiléti-
ques. Nous laissons, pour y revenir, la longue homélie de 3,
7-4., 11. Dans la transition qui conduit au chapitre sur la
foi, l'auteur exhorte ses lecteurs à une patiente et courageuse
persévérance (10, 37-39). Pour cela il prend, dans le texte
d'Habacuc^, devenu un des Keux classiques de la doctrine
chrétienne sur la foi {Rom. 1, 17; Gai. 3, 11), trois vers,
mais tournés et adaptés à la fin recherchée. Les paroles prophé-
tiques ne sont pas introduites par une formule de citation,
mais par quelques mots, une locution adverbiale, prise dans
Isaïe (26, 20) et destinée à corser l'effet à produire : la proxi-
mité de l'avènement du Seigneur. Une conjonction, yocp, peut
suggérer que les termes suivants sont décisifs, sont un oracle
divin. Le premier vers d'Habacuc(2, 3, 4), suivant la mau-
vaise traduction des LXX, laisse entendre que tout proche est
l'avènement, non de la vision attendue, mais du Christ, le
èp)joîj,£voç. Aussitôt après, par une interversion hardie, est
transcrit le dernier vers sur la foi, source de vie, avec les
modifications de teneur et de sens courantes chez les chré-
1. Pour donner plus de clarté à nos remarques, nous transcrivons
en entier la périocope d'Habacuc (traduction Crampon) :
2, 2. Et lahwé me répondit et dit :
Écris la vision et grave-la sur les tables,
afin qu'on y lise couramment.
3 Car il y a encore une vision pour un temps fixé ;
elle se hâte vers son terme et ne mentira pas ;
si elle tarde, attends-la,
car elle arrivera certainement, elle ne manquera pas. a
4 Celui dont l'âme s'enfle au-dedans de lui n'est pas dans
le droit chemin; b
mais le juste vivra par sa foi. c
Voici ce que deviennent dans le grec des LXX a, b, c :
(transcrits dans notre épître suivant l'ordre a, C, b)
Stt £p)(^6[jisvo$ vîÇêt -/.où où [à\ y^povtUT], (Heb. où ypoviet).
sàv unoa-X£tXY]Tat, oùr. sùooy.si y) J'oy^ïj p-ou ly aÙTw.
ô Bl otxatoç £/. TitaTEciç ^o'j Çrîcexai .
EXÉGÈSES EXPRESSES. 297
tiens. Enfin vient l'avant-dernier vers, si obscur dans l'origi-
nal : en sa nouvelle place, il ne peut désigner qu'un retard,
une défection du juste; d'où l'antithèse que reprend un
rapide commentaire : les chrétiens sont les hommes, « non
de la défection, mais de la foi ». Il est évident que cette
utilisation du texte prophétique, avec le commentaire qui la
souligne, ne prend que la matière de la lettre pour lui insuf-
fler un sens nouveau. Il est difficile de ne pas qualifier
d'accommodatice ce sens-là.
Plus loin, à propos des persécutions et de la lutte contre
les péchés, il recommande le courage en rappelant, comme
une exhortation divine, les sentences des Proverbes (3, 11,12)
sur les corrections paternelles, et il les commente très heureu-
sement en assurant que les châtiments envoyés par Dieu
sont une preuve qu'il nous traite comme ses enfants et en
ajoutant des considérations opportunes sur les comporte-
ments des pères terrestres à l'égard de leurs fils (12, 5-11)'.
3° Sens déduit d'un texte biblique.
Une conj onction, conclusive, venant après un texte invoqué,
indique qu'il fournit une base à une déduction.
A propos de la glossolalie, charisme inférieur, S. Paul
rappelle, en la paraphrasant très librement, la parole d'Isaïe
(28, 11, 12), menaçant ses auditeurs, qui se moquent de sa
prononciation, de l'invasion des Assyriens, dont ils ne com-
prendront pas la langue, langue de barbares pour eux. Et il
conclut : « en sorte que (wate) les langues doivent servir de
signe, non aux croyants, mais aux infidèles ». Une langue
inintelligible est un signe de défaveur pour des sujets
désobéissants, qui ne méritent pas des dons plus élevés; il
ne convient doilc pas de la rechercher avec tant d'avidité et
encore moins de s'en glorifier (/ Cor. 14, 21, 22) : plutôt
déduction un peu laborieuse qu'application typologique.
1. Plusieurs rabbins anciens utilisent ce même texte des Proverbes
pour prouver combien précieuses sont les épreuves, les corrections,
infligées par Dieu. Voir notre Judaïsme palestinien au temps de J.-C,
Paris, 1935, II, p. 97. Voir aussi Strack-Billerbeck, Kommentar zum
N. T. aus Talmud und Midrasch, II, p. 193, sqq., III, p. 747.
298 EXÉGÈSE PATJLINIENNE.
Pour S. Paul la justification par la foi se trouve prédite
dans la promesse faite à Abraham : « en toi seront bénies
toutes les nations de la terre » (amalgame de Gen. 18, 18 et
12, 3); et il en tire la conclusion ((Sgxe) que « les croyants sont
bénis avec Abraham le fidèle » [Gai. 3, 8, 9). Cette conclusion
est la résultante d'un raisonnement complexe qu'il serait
peut-être difficile de mettre en forme comme le font certains
commentateurs. Toute bénédiction est une participation à la
bénédiction principieUe promise à Abraham ; elle n'est accor-
dée qu'à ceux qui sont les fils d'Abraham par la foi [Rom. 4,
11, 12). Il importe de comprendre que la dialectique de
l'Apôtre relève plus de l'intuition que de la syllogistique
aristotélicienne.
Pour conclure son développement contre les faux apôtres,
qui s'enorgueillissent de titres de gloire usurpés (5 Cor.
10, 17), S. Paul rappelle, le principe aimé (ju'il tire, par une
simplification réductrice, deJérémie (9, 23; cf. / Cor. 1, 31) :
(( Celui qui se glorifie dans le Seigneur » ; et il en tire (^ap)
une conséquense que supportent à la fois le texte complet du
Prophète (9, 22) et la conduite de ses adversaires : toute
recommandation est vaine si elle ne vient pas de Dieu;
déduction simple, par conversion négative, dirait-on en
logique mineure.
4» Conclusion fondée sur le sens strict d*un terme;
L'élève de Gamaliel n'a pas oublié le littéralisme rabbinique
(jui autorise à prendre un mot suivant son sens le plus
strict.
Rigueur philologique et exégèse de forme toute rabbinique.
Dans la considération [Gai. 3, 16) sur la pî'omesse faite à
Abraham, que la Loi ne peut rendre caduque, un mot bibli-
que suggère une remarque lumineuse, une doctrine centrale,
dont le rappel fortifie l'argumentation. Ces promesses sont
adressées aussi à la descendance (à la semence) d'Abraham
[Gen. 13, 15 et 17, 8); sur quoi se greffe l'exégèse de forme
bien rabbinique : « Il (Dieu ou l'Écriture) ne dit pas « aux
semences » au pluriel, mais au singulier « à la semence »j
EXÉGÈSES EXPRESSES. 299
ce qui est le Christ ». N'avons-nous pas une de ces identi-
fications, (exégèses distributives) si fréquentes chez les
rabbins? Ici S. Paul fonde l'identification à la fois sur le
singulier et sur la conviction que le Christ est par excellence
la descendance d'Abraham, celle en qui s'accomplissent les
divines promesses. Scribe? Oui! mais plus encore chrétien.
Philologie précise par l'analyse grammaticale exacte de la
phrase, citée presque textuellement {Gen. 15, 6) : « Abraham
crut en Dieu et cela lui fut compté comme justice «. « Être
compté » ne peut avoir que deux sujets (dilemme) : ou bien
un travail pour lequel on est convenu d'un salaire, ou bien tout
autre acte ne comportant pas de salaire mais en considération
duquel on reçoit une faveur gratuite ; dans le premier cas on
a quelque titre de gloire. Ici l'acte exprimé parle sujet est la
foi, qui s'oppose aux œuvres productrices de salaire : donc
justice gratuite, dont il ne peut se glorifier [Rom. 4, 3-5).
Conclusions fondées sur un mot du texte sacré [Rom. 9,
15-18). Notons les formules introduisant les citations : « Car
il (Dieu) dit à Moïse », pour bien affirmer qu'il s'agit d'une
parole divine expresse ; « car l'Écriture dit au Pharaon » : il
s'agit encore d'une parole divine et, d'ailleurs, il semble que
parfois « Dieu » et « Écriture » sont mis l'un pour l'autre. Le
premier texte est extrait de la version grecque des LXX de
l'Exode (33, 19) : le mot essentiel en est « je fais miséricorde »,
d'où la double conclusion (16 et 18) : l'obtention des grâces
divines dépend, non des activités humaines mais uniquement
de la miséricorde divine et Dieu l'accorde à qui il veut. Le
second texte est pris aussi dans l'Exode (9, 16) mais avec des
modifications qui mettent davantage en relief l'absolu de l'ini-
tiative divine; d'autre part, l'auteur suppose connu de ses
lecteurs un mot qui se trouve en d'autres passages et que le
passage allégué suppose et résume [h, 21; 7, 3; 9, 12;
14, 4, 17) « Dieu endurcit le cœur du Pharaon »^ : d'où la
conclusion : «il endurcit qui il veut ».
Autre conclusion fondée sur le sens complet d'un mot. Pro-
1. Il arrive aussi que les rabbins citant un texte, ne transcrivent
pas le mot topique.
300 EXÉGÈSE PAULINIENNE.
position à prouver : l'ancienne alliance, n'étant pas irrépro-
chable, fait place à une nouvelle. La formule d'introduction de
l'oracle prophétique le présente comme un reproche prononcé
par Dieu, Puis vient le texte assez long [Jér. 31, 31-34), sui-
vant l'usage de l'épitre aux Hébreux de ne pas se contenter
d'un verset, abondance qui est déjà une démonstration.
Enfin déduction tirée du mot caractéristique « nouveau » : par
là est rendue caduque la première alliance {Héb. 8, 8-13).
Dans la remarque exégétique de même portée (sur Ps. 40,
7-9) faite un peu plus loin touchant les sacrifices (10, 8, 9), on
est incliné à voir un souvenir d'une expression rabbinique :
« il supprime le premier terme pour établir le second » ; les
rabbins parlaient tout pareillement du premier et du dernier
mot.
5° Conclusion fondée sur l'analyse historique
d'un texte ou d'une situation.
Type classique de ce moyen de preuve : la démonstration
de la résurrection de Jésus par une phrase des Psaumes.
Notons combien l'emploi de cet argument atteste la valeur que
les Juifs attribuaient à la démonstration scripturaire,| même
pour un fait dont, normalement, la réalité doit être prouvée
par le témoignage. S. Paul recourt le premier à cette démons-
tration dans son discours de la Pentecôte {Act. 2, 24-31). Il
cite plusieurs versets du Psaume (16, 8-11), comme pour faire
juger de sa saveur messianique et pour ne pas isoler de son
contexte la proposition exploitée. Il y voit tine prophétie et,
en particulier, la prédiction que le sujet à qui se rapporte
l'oracle sera préservé de la mort. Il était ensuite facile
d'observer que, David étant mort, cette assurance ne le concer-
nait pas. De qui l'entendre? Evidemment du Messie, de la
descendance royale ininterrompue promise par Dieu à David,
suivant une proposition des Psaumes (132^ 11) dont le sens
général est rappelé de mémoire. S. Pierre ne prouve pas que
Jésus est ce Messie attendu : il le croit et la résurrection,
affirmée d'ailleurs par les témoins oculaires, en est le témoi-
gnage péremptoire. Démonstration dont le raccourci intuitif
pourrait inquiéter des logiciens trop analytiques.
EXÉGÈSES EXPRESSES. 301
S. Paul, dans son discours d'Antioche de Pisidie [Act. 13,
34-37), s'adressant à des Juifs, emploie un argument de
forme semblable, mais encore plus condensé, pour prouver
la résurrection de Jésus. Le raisonnement semble d'abord
devoir prendre la forme d'un syllogisme. Majeure tirée d'un
mot emprunté à Isaïe (55, 3, LXX) : Dieu accomplira dans
son peuple les grâces promises à David. Mineure : une des
grâces promises est qu'il sera préservé de la corruption [Ps.
16, 10). Or David a subi la corruption : d'où la conclusion
qui condense probablement tout un développement : (c mais
celui que Dieu a ressuscité n'a pas subi la corruption ».
L'orateur ne sent pas le besoin de préciser que ce privilégié
est Jésus. '
Par une analyse de la succession des événements S. Paul
affirme que la justice fut accordée à Abraham indépendam-
ment de la' circoncision, puisque ce n'est qu'ensuite qu'il
reçut ce signe {Rom. 4, 11). La considération des événements,
considération éclairée par un mot de la Genèse (21, 12),
lui permet d'assurer que la vraie descendance d'Abraham
comprend, non tous ses enfants suivant la cha^r, mais
uniquement Isaac et ses autres descendants, héritiers de la
promesse et enfants de Dieu [Rom. 9, 6-9).
Nous trouverons tout à l'heure pareille analyse historique
dans l'homélie de l'épltre aux Hébreux (4, 8) sur le repos pro-
mis à Israël. Autre conclusion de même ordre [Héb. 10, 18) :
la nouvelle alBcince que Dieu conclura avec son peuple, com-
portant la rémission des péchés (/e>. 31, .^4), ne laisse 'plus
de place aux sacrifices pour le péché.
60 Eségèses typologiques.
L'abondance de ces exégèses atteste le goût qu'y trouvait
la première génération chrétienne. On peut les ranger en plu-
sieurs espèces en raison des objets considérés et aussi en raison
des sens divers donnés à « typos ». Le type peut être : un
modèle de conduite à imiter ou à ne pas imiter ; un exemplaire
qu'on reproduit, à la vertu et la nature duquel on participe
(Abraham et le Christ) ; une préfiguration de l'ordre futur
302 EXÉGÈSE PAULINIENNE.
(les figures du Christ et de l'économie chrétienne). Nous
rangeons sous ce chef ce qui est encore une sorte de type : le
symbole qui conduit à l'exégèse symbolique ou allégorique.
Nous présentons en premier lieu une exégèse de typologie
complexe.
A. — TYPOLOGIE COMPLEXE [Héb, 3, 7-4, 11).
La deuxième partie de l'épître aux Hébreux, après le
parallèle entre Moïse et le Christ, se clôt sur une exhortation
qui prend la forme d'une homéhe, développant quatre versets
d'un psaume (95, 7-11) transcrits d'après les LXX, avec de
légères variantes. Le texte à commenter est introduit par un
« c'est pourquoi suivant ce que dit l'Esprit Saint » : l'écri-
vain prend le texte à son compte (même si le 3i5 se relie gram-
maticalement au verset 3, 12).
Le psaume rappelle la promesse faite par Dieu à Israël : lui
octroyer une participation au repos dans lequel Dieu est entré
après la création, à savoir la jouissance de la terre promise.
Puisque la promesse n'a pas sorti ses effets au bénéfice de la
génération du désert, Josué ne l'ayant pas introduite en Pales-
tine, la parole de Dieu s'adresse maintenant aux chrétiens, le
véritable Israël. Le repos sabbatique qui leur est offert est la
grâce chrétienne s' épanouissant dans le salut éternel, le
sabbat divin.
Jadis il fut « un jour » où Dieu s'adressa à son peuple
par le moyen de Moïse; il est maintenant un autre « jour «,
la période de la rédemption, dans laquelle Dieu promulgue
une révélation nouvelle par l'intermédiaire de son Fils. L'in-
crédulité des Hébreux, leur désobéissance, les frustra des
biens promis par le Seigneur ; loin de les imiter, les chrétiens
se doivent de répondre à l'invitation divine par la foi et par
l'espérance.
On voit toute la richesse typologique de cette exégèse. Dieu
apparaît en premier lieu comme la perfection qui s'offre à la
fois à notre imitation et à notre participation. Tous les élé-
ments de l'histoire d'Israël devaient être une ombre des acti^^
vités divines, prérogative transférée au Christianisme ; par
EXÉGÈSES EXPRESSES. 303
ailleurs tous les détails de l'histoire sainte sont d'abord une
préfiguration de l'histoire chrétienne, nous livrant à cet égard
des lumières et des assurances, et ensuite une série d'exemples
typiques à ne pas imiter, racontés pour notre instruction.
B. — EXEMPLARISME ET PARTICIPATION.
Pour démontrer sa thèse de la justification parla foi, S. Paul
avance, comme argument scripturaire , l'analyse du cas
d'Abraham. Cas privilégié : la première manifestation histo-
rique de la justification par la foi, le modèle que doivent imiter
tous ceux qui veulent être sauvés, le Père des croyants dans
la lignée de qui s'inscrivent tous les fidèles, acquérant ainsi
la faculté de participer à la « promesse « qu'il a reçue {Rom.
ch. k, surtout 4, 23). Il a été justifié par sa foi héroïque en
Dieu, de même que les chrétiens le sont par leur foi en celui
qui a ressuscité Jésus (4, 23, 24; Gai. 3, 8); il a été justifié
avant d'avoir reçu la circoncision afin de pouvoir devenir le
Père de tous les croyants, circoncis et incirconcis.
Adam est présenté également comme un principe qu'on
imite par le péché [Rom. 5, 14) et qui exerce son influence
sur tous ceux qui lui sont unis [Rom. 5, 12-19; / Cor. 15,
45-49).
A plus forte raison et par excellence le second Adam est-il
celui que nous devons imiter (/ Thés. 1, 6 ; / Cor. 11. 1), à
qui nous devons ressembler dans une conformité, qui est aussi
une communion et un gage de participation à tous ses états et
à toutes ses grâces [Rom. 6, 5).
G. — LES ISRAÉLITES, TYPES DES CHRÉTIENS.
C'est dans une exhortation aux Corinthiens (/ Cor. 10,
6, 11) que S. Paul affirme la portée typique de l'histoire sainte.
EUe était une préfiguration de l'histoire chrétienne, compor-
tant déjà une anticipation du baptême et de TEucharistie et
une présence voilée du Christ (10, 1-4)* ; elle était encore le
1. Inutile d'aborder ici la fameuse remarque « Petra autem erat
Christus » qui n'est pas proprement exégétique.
304 EXÉGÈSE PAULmiENNE.
temps de la préparation, la période des imperfections, alors
que l'âge chrétien est celui des « accomplissements des
âges «. Aussi bien tous les faits de cette histoire nous sont-
ils rapportés à titre d'avertissement et d'admonestation;
dans le cas présent pour nous détourner d'imiter la convoi-
tise des choses mauvaises, illustrée de quelques souvenirs
concrets.
Ces types, ces exemples peuvent aussi contenir un encou-
ragement : ainsi les sept mille hommes qui, au temps d'Elie,
ne fléchirent pas le genou devant Baal, sont une figure de
l'Israël fidèle, du petit reste que Dieu toujours se réserve
{Rom. 11, 2-5).
Dans ce même sens tout un long chapitre de l'épltre aux
Hébreux est consacré à rappeler les actes de foi dont est
remplie l'histoire du monde et d'Israël (ch.li) : non seule-
ment exemples à suivre tout en les illuminant de la lumière
du Christ (12, 1, 2), mais préparation de la cité chrétienne
(11, 10) et épopée inachevée puisqu'elle ne trouve son plein
accomplissement que dans l'économie chrétienne (11, 39_, 40).
En outre, plusieurs de ces histoires sont des figures des mys-
tères chrétiens : le sacrifice d'Isaac (TcapaèoX'/i) préfigure,
annonce et atteste, le sacrifice du Christ, sa mort et sa
résurrection (11, 17-19).
D. — FIGURES DU CHRIST.
Ce dernier trait nous introduit dans le chapitre, que la
réflexion chrétienne ne cessera d'enrichir, celui des figures
du Christ. Des héros et des institutions de l'Ancien Testament
peuvent être pris comme des préfigurations du Christ, le
faisant mieux connaître dans sa personne et dans ses activi-
tés rédemptrices. C'est le grand mérite de S. Paul d'avoir
révélé ce foyer de connaissance que la tradition ecclésiastique
ne cessera de scruter pour y puiser de nouvelles instructions.
Ce sont d'abord les deux Adam qui se correspondent dans
un parallélisme capital, comportant ressemblances, contraste
et inégalités, qui font éclater la surabondance de la grâce
chrétienne {Ro7n. 5, 12-19; / Cor. 15, 44-49).
EXÉGÈSES EXPRESSES. 305
L'union matrimoniale instituée pour le premier homme et
la première femme [Gen. 2, 24) doit être prise comme un
symbole de l'union qui joint le Christ et son Église {Eph. 5,
31, 32).
L'épltre aux Hébreux aifectionne les figures qui révèlent le
mystère du sacerdoce et du sacrifice rédempteur de Jésus.
Nous avons rencontré àlmstant la « parabole » d'Isaac (il,
17-19). En Melchisédech, en sa destinée singulière, se révèle
une ébauche du Christ, grand-prêtre de la nouvelle alliance,
ébauche qui manifeste certains côtés du ministère de Jésus
qu'aucun autre document ne nous enseigne. Deux passages
nous instruisent sur cette figure sacerdotale du Christ. Un
mot d'un grand psaume messianique (110, 4) nous fait savoir
que le Messie est prêtre, appartenant, non à une des vingt-
quatre classes lévitiques, mais à l'ordre de Melchisédech, et
qu'il l'est à jamais; la narration de la Genèse (14, 17-20)
nous livre d'autres détails significatifs [Héb. 5, 6, 10; 6,
20 ; 7, 1-10). Tous les termes de ces deux textes sont abondam-
ment exploités, en exégèse, non allégorique^, mais typique.
Cette exégèse typologique mérite d'être étudiée de près :
elle est une des plus réussies et achevées, elle présente nette-
ment les deux espèces d'enseignements que peuvent suggérer
les figures.
Enseignements déduits de la lettre, qu'un Juif attentif aurait
pu découvrir et qui font progresser notre théologie. L'institu-
tion prédite d'un autre sacerdoce, pris en dehors de la tribu
de Lévi, annonce l'abolition future du sacerdoce lévitique
et aussi de la loi ancienne, tous deux incapables de conduire
à la consommation parfaite, l'économie Israélite ayant pour
seul rôle d'introduire à l'espérance véritable. Le nouveau
sacerdoce est supérieur à l'autre parce qu'il n'est pas charnel
et provisoire, mais ininterrompu ; supériorité marquée aussi
1. Westcott, dans son commentaire sur ce chapitre, observe que
« l'épître ne contient pas d'interprétation allég-orique : entre le type
et l'antitype existe une correspondance réelle, historique, tandis
qu'entre l'allégorie et son application la correspondance se trouve
seulement entre quelques points pris arbitrairement pour représenter
des faits ou des idées d'une autre espèce » (p. 202). Affirmation
probablement trop générale.
306 EXÉGÈSE PAULINIENNE.
en ce que Melchisédech a reçu des dîmes d'Abraham et l'a
béni.
Données que seul un chrétien peut dégager, qui consistent
dans une correspondance entre la figure et son antitype ;
elles n'enrichissent pas la doctrine chrétienne mais lui appor-
tent quelque lumière et confirmation. Melchisédech, roi de
paix et de justice, ne se rattachant à aucune généalogie
humaine, préfigure celui qui n'a pas de père terrestre, le
Fils de Dieu.
C'est de cette dernière espèce que sont les développements
tirés de la liturgie mosaïque [Héb. 8-10, 18; 13, 11) : au
croyant, déjà avancé dans la science de sa foi, ils dévoilent
des préformations saisissantes du sacrifice de la croix et du
sacerdoce céleste exercé par Jésus glorieux.
De même la remarque qui applique à la passion du Christ
(2, 9), par là abaissé pendant quelque temps au-dessous des
anges, un verset (entendu suivant la teneur de la version
grecque) du psaume huitième, déjà pris ailleurs par S. Paul
comme un oracle messianique : le Seigneur est bien l'homme-
type, l'homme parfait.
E. — l'économie de la loi figurant l'économie de la foi.
Voici des exégèses qui, à première vue, paraissent inadmis-
sibles et ne relever que du sens accommodatice. Pour les
comprendre il faut tenir compte des grands principes qui
dirigent les méditations de S. Paul : les traits de l'ordre
ancien sont des types de l'ordre nouveau et les fins divines
ne trouvent qu'en celui-ci leur pleine réalisation ; tout dans
l'Ancien Testament est prédiction et prédiction du Christ;
les chrétiens, même venus de la gentilité, continuent le véri-
table Israël et étaient préfigurés par lui.
S. Paul veut montrer que les conditions actuelles de
justification n'imposent pas des obligations surhumaines
{Rom. 10, 6-9); pour cela il recourt aux mots de Moïse,
assurant que la Loi est facile [Dent. 30, 11-14). Ces expres-
sions étaient devenues courantes dans la littérature juive
post-bibHque, tant palestinienne qu'alexandrine, pour signi-
EXÉGÈSES EXPRESSES. 307
fier la facilité d'une entreprise. S. Paul se contente-t-il de
reprendre des locutions usuelles, sans vouloir procéder à
une exégèse véritable? Dans une prosopopée de style il
met les mots caractéristiques dans la bouche de la justice
de la foi : est-ce pour ne pas se référer à l'Écriture ? Mais les
rencontres avec la lettre sacrée sont trop nombreuses pour ne
pas trahir une référence voulue ; d'autre part, le hoc est qui
définit le sens des trois propositions alléguées rappelle trop
les procédés de l'exégèse distributive des rabbins. Il n'en reste
pas moins que l'interprète traite son texte avec une singu-
lière liberté : c'est qu'il sait ce qu'il en doit tirer. La troisième
proposition ne fait pas difficulté : les paroles de Moïse repro-
duites assez fidèlement désignent la prédication évangélique,
qui conduit à la foi [Rom. 10, 8). Mais la foi est inefficace et
la doctrine évangélique ne prend un sens et n'a valeur que si
deux conditions sont réalisées, qui dépassent les forces
humaines : l'Incarnation du Christ et sa résurrection (10, 9).
Ce sont ces deux faits que l'Apôtre voit indiqués dans les
deux autres assertions de Moïse, rapportées suivant leur sens
général mais accommodées aux résultats à trouver. Si le trésor
à conquérir était retenu dans le Ciel ou caché au profond de
l'abime (mis ici pour la mer), comment surmonter ces obsta-
cles? Comment monter au ciel? Comment descendre dans
l'abime? Tout cela est accompli : « monter au ciel » signifie
en faire venir le Christ par l'Incarnation (cf. Je. 3, 13); « des-
cendre à l'abime » désigne le Christ ressuscitant d'entre les
morts.
Evidemment de pareilles exégèses ne découlent pas du texte ;
ne peut les proposer qu'un croyant célestement inspiré dans
ses intuitions divinatoires et créatrices ; elles ne semblent pas
sortir de la typologie. Le plus étrange pour nous c'est qu'elles
prennent la forme d'une démonstration.
Non plus démonstration, cette fois, mais simple ex'posé greffé
sur un verset des psaumes [Eph. 4, 8-li citant Ps. 68, 19).
Ce texte décrivant un triomphe de Dieu, peut s'appliquer au
Christ, suivant la règle constante permettant de substituer à
l'Adonai de la Bible le Seigneur des chrétiens. Le texte célèbre
la montée, l'ascension du triomphateur : usant d'une formule
308 EXÉGÈSE PAULINIENNE.
très rabbiniqiie (Qu'est-ce... si ce n'est?), S. Paul voit là une
allusion à l'Incarnation du Fils de Dieu récompensée par son
exaltation au-dessus de tous les cieux. Cette glorification lui
vaut la puissance de combler les siens de ses faveurs (cf. Act.
2, 33); le prédicateur chrétien reconnaît cette idée dans la
seconde proposition du psalmiste qu'il transforme radicale-
ment pour l'effet à obtenir (impossible d'expliquer cette modi-
fication par une autre version grecque, ou par un targum, ou
par une métathèse des lettres du mot hébreu) : le triompha-
teur divin veut, non pas « recevoir des présents des hommes »,
mais « donner des présents aux hommes » ; ce « don de pré-
sents » désigne l'octroi des divers charismes. Typologie forcée
et poussant jusqu'à l'extrême limite la loi du genre.
L'analogie par opposition entre les deux économies ouvre
un jour sur la grandeur nonpareille de la seconde. La pre-
mière, la révélation du Sinaï, fut marquée par un ébranle-
ment de la terre. [Héb. 12, 26-28), Sur la nature de la seconde
nous sommes instruits par les prophéties d'Aggée, relatives
au second Temple et au descendant de David, Zorobabel
(2, 3-9, et 21-23), mais qu'il est loisible d'entendre comme des
oracles messianiques. Dieu annonce que, comme prélude de
ces restaurations extraordinaires, il ébranlera cieux et terre
(6 et 21). L'auteur de l'épitre cite le texte (2, 6) en le paraphra-
sant un peu : « non seulement... mais aussi », et en renver-
sant l'ordre des termes, pour marquer que le second ébranle-
, ment sera universel. Il s'arrête ensuite au « encore une fois »
pour en tirer l'idée que l'ébranlement signifie la substitution
d'un ordre immuable, inébranlable, à savoir le royaume de
Dieu, à l'ordre précédent composé d'éléments créés et péris-
sables : l'Église envisagée dans son éternité, tout autant
dans son épanouissement céleste que dans sa période tempo-
relle (cf. aussi 12, 18-24).
F. — EXÉGÈSES PARABOLIQUES.
De même que les rabbins voyaient dans divers objets et faits
présentés par l'Écriture des symboles de la Loi, d'Israël et des
autres entités de leur religion, de même S. Paul découvre
EXÉGÈSES EXPRESSES. 309
dans différents traits de l'histoire sainte des symboles de
Féconomie chrétienne; nous arrivons ici à l'exégèse allégo-
rique : sans dépouiller les récits bibhques de leur valeur his-
torique, elle y découvre une signification que d'eux-mêmes
ils ne possèdent pas.
Symboliques plus encore qu'allégoriques, les enseigne-
ments que S. Paul déduit du voile de Moïse {2 Cor. 3, 13-4, 6
utilisant Exode 34, 29-35) ; ils concernent : d'une part tous
ceux qui sont infidèles au message chrétien, qui ne s'attachent
qu'à la lettre ; et, d'autre part, tous les croyants qui perçoivent
l'esprit. Le voile empêchait les Israélites de comprendre que
l'Ancien Testament était une illumination provisoire, vouée à
faire place à la lumière véritable ; il signifie aussi l'aveugle-
ment des Juifs qui leur interdit de pénétrer le sens véritable
de la lettre bibhque, aveuglement qui cesse dès qu'ils se tour-
nent vers le Seigneur. Pour les judaïsants l'évangile est
pareillement recouvert. Quant aux croyants, dégagés de tout
voile, ils contemplent à découvert la gloire de Dieu, la reflètent
toujours davantage dans une transfiguration croissante ; ils sont
ainsi capables de la communiquer aux autres en toute liberté,
ne dissimulant et ne frelatant rien de la vérité chrétienne.
L'interprétation pourrait paraître peu systématique et cohé-
rente, en raison des sens divers donnés au même symbole :
il ne faut pas oubher le génie intuitif de l'écrivain inspiré, qui
contemple les aspects multiples de la réahté historique et les
ramène à une image unique.
Très allégoriques les considérations que S. Paul greffe
sur l'antithèse Agar et Sara [Gai. 4, 21-31). Il ne veut pas
simplement illustrer des thèses prouvées par ailleurs : la
Nouvelle AUiance groupe des enfants, des hommes libres,
tandis que l'Ancienne s'adressait à des esclaves ; la Nouvelle
rend caduque l'Ancienne; il prétend tirer de la Loi une véri-
table démonstration (21), démonstration capable de convaincre
ses fidèles qui tiennent ces deux croyances : l'ancienne écono-
mie est une préfiguration de la nouvelle, une allégorie (âXÀv)-
Yopou[jt.£va), inculquant un autre sens que le sens historique ; les
chrétiens sont les vrais fils d'Abraham, parce que les héritiers
de la promesse.
310 EXÉGÈSE PAULINIENNE.
Par un renversement des valeurs, scandaleux et blessant
pour les Juifs, la lignée servile d'Agar et de ses descendants
devient le symbole des Israélites, qui, repoussant l'Égiise,
dépositaire de la promesse, se rangent dans la postérité
charnelle d'Abraham, celle qui s'oppose à la postérité spiri-
tuelle, postérité de la promesse; derrière ce chef de file
s'alignent les autres valeurs caduques : la Loi, représentée
par le mont Sinaï (mont arabe comme Ismaël), et la Jérusalem
terrestre, siège de l'économie périmée. S, Paul n'énumère pas
tous les termes de l'autre ligne, dérivant de Sara, la mère
des enfants libres ; il se contente de lui donner pour expression
la Jérusalem d'en-haut, cité spirituelle, cité des hommes libres,
mère féconde, comme Sara [Is. 54, 1), de nombreux enfants.
Voici la pointe et la conclusion de l'allégorie ; aujourd'hui,
comme jadis, le fils de l'esclave persécute le fils suivant
l'esprit (allusion aux querelles entre les Israélites et les Aga-
réniens), mais maintenant encore se réalisera l'ordre divin,
intimé à Sara, de chasser l'esclave avec son fils [Gen. 21., 10,
12) : cela signifie que les tenants de l'ancienne économie sont
forclos de l'héritage d'Abraham, de l'héritage de la promesse,
Comment qualifier l'exégèse, donnée comme démonstrative
(/ Co7\ 9, 8-10), par laquelle S. Paul tire de l'interdiction de
museler le bœuf qui foule le grain [Deut. 25, 4) le droit pour
le prédicateur d'être entretenu par ses fidèles? Le R. P. Allô
ne voit là qu'un raisonnement à fortiori ; et de fait des rabbins
ont tiré du texte une conclusion semblable par voie d'assimi-
lation^ . Nous savons déjà que ce texte avait reçu une interpré-
tation symbolique, mais justifiée, en outre, par semukin^.
La remarque « cela a été écrit pour nous », qui rappelle celle
de 1 Cor. 10, 11, semble indiquer plutôt une interprétation
de forme typologique; et de même la première remarque,
1, Baba mesia 88 b, 89 a : l'extension du précepte aux ouvriers, qui
ont le droit de manger des produits des champs dans lesquels ils
travaillent, est donnée comme une baraitha.
Allô, Première épitre aux Corinthiens p. 217, sq.
2. Voir plus haut p. 228. Voir aussi Stuacr-Billerbeck, Kommentar
zum N. T., III, p. 286, spp., diverses interprétations symboliques des
commandements, tant chez les juifs alexandrins que chez les Pales-
tiniens.
EXÉGÈSES IMPLICITES. 311
qui cependant ne vise pas à rejeter l'historicité ou la valeur
obligatoire du précepte : « Est-ce des bœufs que Dieu se pré-
occupe? )) / Tim. 5, 17, 18 rappelle et résume cette argumen-
tation complexe,
7° Remarque sur ces exégèses.
Une seule remarque sur ces exégèses explicites, qui manifes-
tent au mieux quel parti S. Paul veut tirer de ses citations
bibliques. Les interprétations typologiques sont proportionnel-
lement les plus abondantes. Si beaucoup de ces exégèses sont
entreprises poiir justifier une proposition, d'autres le sont
simplement pour illustrer une considération religieuse, illus-
tration qui éclaire, qui confirme, mais qui ne prétend pas
démontrer. S'il en est ainsi dans les exégèses directes, à
combien plus forte raison devons-nous nous attendre à trouver
dans les autres citations tout autant des illustrations que des
démonstrations scripturaires.
IL — EXÉGÈSES SUPPOSÉES PAR LES CITATIONS EXPLICITES.
Par citations explicites nous entendons les citations formel-
les et les citations virtuelles et équivalentes.
Dans certaÏQS cas ces citations visent à introduire un argu-
ment scripturaire, dans d'autres elles ne font qu'appliquer
à un personnage ou à une situation une sentence biblique,
ce qui est encore une forme de démonstration, souvent aussi
elles ne veulent que formuler, en termes sacrés, une pensée
de l'auteur, ce qui en est une sorte de confirmation ; parfois,
enfin, la citation n'a que la valeur d'une simple allégation.
C'est suivant ces quatre chefs que nous rangeons les citations
explicites. Nous confessons qu'il est difficile pour certaines de
discerner si elles sont vraiment démonstratives ou simple-
ment confirmatives.
1" Citations supportant une démonstration.
Parfois le rapport du texte à la proposition à justifier est
simple et direct, parfois aussi il implique tout un raisonne-
ment ; nous irons dans notre exposé du plus simple au plus
composé.
312 EXÉGÈSE PAULINIENNE.
A. DÉMONSTRATION PAR APPLICATION DIRECTE d'uN TEXTE.
a. APPLICATIONS ÉVIDENTES. .
Cas le plus simple : les textes de l'Écriture (de la Loi) s'ap-
pliquant aux Juifs {Rom. 3, 19), les sentences affirmant le
règne universel du péché attestent que tous les Juifs sont
pécheurs, non moins que les Gentils [Rom. 3, 10-18).
L'infériorité des anges est démontrée par les mots qui les
concernent, tout au moins dans la tradition des LXX
i^Réh. 1,7, citant Ps. 104., 4). La supériorité du Fils, de Jésus,
du Messie, est prouvée par les textes qui se rapportent à lui,
soit parce que tirés de Psaumes messianiques [Réh. 1, 5, 8;
2, 5-8, citant Ps. 2, 7; 4-5, 7, 8; 8, 5-7 entendu déjà messiani-
quement dans Mt. 21, 16 et / Cor. 1, 27; 15, 27; Eéh. 1, 13
citant P5. 110, 1), soit parce que dits d'une figure du Messie,
Salomon {Héb. 1, 5^ citant 5 Sam. 7, 14) ^ soit parce que
concernant le Seigneur, qui est aussi le Christ [Eéh. 1, 6,
citant Ps. 97, 7, appliqué au moment de llncarnation; 1, 10-
12 citant Ps. 102, 26-28, qui décrit l'action créatrice de Dieu).
De même ordre est la preuve que Dieu a suscité Jésus [Act.
13, 33, citant Ps. 2, 7, formule de l'investiture messianique),
et l'affirmation que Jésus n'a pas usurpé le sacerdoce suprême
[Eéh. 5, 5, 6, citant Ps. 2, 7 et 110, h).
h. APPLICATIONS DE PROPHÉTIES DÉJÀ RÉALISÉES.
Sur ce point triple difficulté. L'auteur fait-il à un événe-
ment actuel l'application simple d'un texte biblique? Veut-
il démontrer que cet événement a été prédit et donc voulu
par Dieu? Veut-il prouver par un texte ancien le sens qu'il
donne à une réahté présente ? Souvent ces trois points de vue
paraissent confondus. Au surplus, l'écrivain inspiré ne juge
pas des prophéties comme nous : non seulement il utilise
les oracles clairement messianiques, mais encore il entend
1. S. Augustin, de Civitate Dei, XVII, '8, dit que Salomon « prae-
nuntiabat Christum ».
EXÉGÈSES IMPLICITES. 313
au sens messianique des messages dans lesquels les Prophètes
décrivaient à l'avance tel épisode de l'histoire d'Israël,
épisode qui pour nous et pour lui appartient au passé; il
voit dans les dits et les gestes des personnages figuratifs tout
autant de prédictions ; enfin il n'hésite pas à prendre isolé-
ment de son contexte une sentence qui convient à son dessein.
Il faut tenu* compte de toutes ces considérations pour appré-
cier équitablement les développements de S. Paul sur l'infi-
délité d'Israël [Rom. 9-11).
Les seules prophéties citées au sens littéral sont : la plainte
d'Isaïe au sujet du serviteur de Yahwé [Is. 53, 1 cité 10, 16),
la menace divine rapportée par Moïse {Deut. 32, 21 cité 10,
19), la prophétie d'Isaïe, mais entendue seulement de l'Israël
idéal, à savoir de ceux qui répondent au message divin,
même s'ils sont d'origine païenne [Is. 65, 1, 2 cité 10, 20, 21),
et, avec les mêmes précisions, celle d'Osée (2, 23; 1, 10,
cité 9, 25, 26).
Les autres textes venus d'Isaïe, se rapportent à un moment
déjà dépassé de l'histoire d'Israël, d'un Israël typique; ces
prophéties, visant un avenir national, sont aussi, à certains
égards, messianiques (7^. 10, 22, 24, et 1, 9, cités 9, 27, 29 ; Is.
8, 14 et 28, 16 cités 9, 33; h. 52, 7 cité 10, 15; Is. 29, 10
et 6, 9 cités en 11, 8). Les imprécations de David contre les
impies, ennemis du juste, peuvent être prises prophétique-
ment, comme dirigées contre les pécheurs par excellence [Ps.
69, 23, 24 cité 11, 9, 10). Est-ce sortir de l'exégèse typolo-
gique prophétique que de voir dans l'hommage que les
cieux rendent à Dieu une figure, « un pressentiment » de la
diffusion universelle du message évangélique [Ps. 19, 5 cité
10, 18)? Gomme le dit si justement le R, P. Lagrange :
...Quand les auteurs sacrés sont cités c'est moins une exégèse du
sens propre et historique de 1 eur oracle qu'un appel à l'autorité de la
parole de Dieu qui domine tous les temps. Ce qui a été dit autrefois
trouve dans l'Évangile une véritable réalisation, parce que les ancien-
nes paroles comme les anciens faits étaient des figures dont le Christ
donnait le sens. Il n'y a pas pure accommodation, ni prophétie exclu-
sivement propre à l'Évangile, mais emploi d'une parole ancienne appli-
cable au temps présent d'après la portée qu'il avait plu à Dieu de lui
donner, sans même que l'objet direct de cette parole soit le type précis
314 EXÉGÈSE PAULINIENNE.
de l'objet qu'elle atteint; par exemple les cieux ne sont pas le type des
Apôtres.. Paul admet que l'Écriture était figurative et l'allègue dans ce
sens. On peut donc qualifier .cette manière de citer : accommodation
figurative. Elle n'exclut pas naturellement dans d'autres textes une
argumentation plus stricte ^.
Application prophétique littérale : de l'oracle sur le Servi-
teur de Yahwé {Is. 52, 15 cité Ro7n. 15, 21) aux prédicateurs
de l'Évangile; de la prédiction sur la Jérusalem nouvelle (/s.
54, 1) à l'Église, mère, contre toute attente, féconde [Gai.
4, 27) ; et du triomphe du fils de Jessé {Is. 11, 10) à la conver-
sion des gentils [Rom. 15, 12).
Illustration et peut-être aussi définition typologique du
Christ, pendu au bois : le condamné à mort exposé sur le
gibet, et dont l'état est une malédiction au regard de Dieu
[Dent. 21, 23, cité dans Gai. 3, 13). Figure encore plus exacte
des savants de ce siècle qui se confient en leur prétendue
sagesse, ces sages de Jérusalem, qui aveuglent le peuple
[h. 29, 14 cité dans / Cor. 1, 19).
C. PROPHÉTIES A RÉALISER DANS l' AVENIR.
Les prédictions des anciens Prophètes concernaient aussi
l'histoire de l'Église ; elles peuvent donc, soit prises directe-
ment en elles-mêmes, soit prolongées par une déduction
simple et comme automatique, renseigner sur l'avenir. Les
cris victorieux sur la défaite de la mort en Isaïe (25, 8) et en
Osée (13, 14, un peu modifié) nous assurent qu'elle finira
par être vaiacue (/ Cor. 15, 55); conclusion que suggèrent
aussi les oracles sur le triomphe total du Messie [Ps. 110, 1
et 8, 7 cités / Cor. 15, 25, 26). Est-il besoin d'un raisonne-
ment pour voir annoncée la conversion future d'Israël dans
les prophéties, prédisant que ses péchés seront enlevés [Is.
59, 20 et 27, 9, groupés de mémoire et cités Rom. 11, 26, 27)?
Application littérale d'un mot [tous] et quelque peu déduc-
tion, l'opération qui découvre une énonciation du jugement
universel [Rom. 14, 11) dans l'oracle [Is. 45, 23) sur le règne
universel de Dieu.
1. Epitre aux Romains, p, 265.
EXÉGÈSES IMPLICITES. 315
B. — JUSTIFICATION d'uNE AFFIRMATION HISTORIQUE.
Pour justijBer l'affirniatioii d'un fait il suffit souvent de
rappeler le récit biblique qui le rapporte : ainsi pour justifier
le titre «. notre père » donné à Abraham (titre d'ailleurs
courant dans la littérature juive) et montrer l'héroïcité de sa
foi {Rom. 4, 16-22 citant Gen. 17, 5; 15, 5; 17, 17). Il résulte
aussi d'une simple analyse de l'histoire d'Isaac [Gen. 21, 12)
que la filiation véritable d'Abraham est la filiation suivant
l'esprit et que l'élection divine est entièrement libre et gra-
tuite [Rom. 9, 7-13).
G. — DÉMONSTRATION PAR EXPLOITATION DU SENS STRICT d'uN MOT.
Nous retrouvons les procédés httéralistes qui exploitent un
mot, même détaché de son contexte. Le Seigneur étant aussi
le Christ, on peut entendre de ce dernier l'assurance donnée
à quiconque l'invoque {Rom, 10, 13 citant Joe/ 3, 5); il était
permis également d'appliquer à la foi au Christ {Rom. 10, 11)
la confiance dans la pierre d'angle qui le figure {Is. 28, 16)
{quiconque croit : efficacité de la foi). Les termes du récit de
la création attestent la réalité du « corps psychique » (/ Co7\
15, 45, citant Gen. 2, 7). La définition exacte de la justice de
la Loi résulte du mot {faire) employé par Moïse {Lév. 18, 5
cité virtuellement dans Rom. 10, 5 et Gai. 3, 12). Le début
des menaces proférées par Moïse {Deut. 27, ^6) contre les
violateurs de la loi, montre bien que ceux qui ne veulent
s'appuyer que sur elle courent le risque de la malédiction et
l'encourent s'ils n'ont pas la foi {GaL d, 10). Frères de Jésus
sont tous les chrétiens, comme le prouve directement le
mot du Psaume mis dans la bouche du Sauveur (P^. 22, 23),
tandis que la même conclusion ne résulte qu'indirectement
et typologiquement de la parole d'Isaïe (8, 17, 18), figure du
Christ, sur les enfants que Dieu lui a donnés {He'b. 2, 12, 13).
Le mot {typos^ modèle) qu'emploie Dieu, ordonnant à Moïse
la construction du sanctuaire, est Un indice que le sanc-
tuaire terrestre est une image assombrie du sanctuaire céleste
316 EXÉGÈSE PA.XJLINIENNE.
[Ex. 25, 40 utilisé dans Héb. 8, 5). Enfin les termes de Job
(5, 12, 13) et du Psaume (94, 11) sur les sages, astucieux
et vains, proclament la vanité de la sagesse humaine (/ Cor.
3, 19, 20).
D. ASSIMILATIONS JURIDIQUES.
Il est courant de déterminer une espèce juridique par
assimilation avec un autre commandement. Ainsi S. Paul
déduit l'interdiction de maudire le grand-prêtre de la défense
de maudire un prince du peuple, le prêtre étant assimilé à
un prince {Act. 23, 5 citant Ex. 22, 27). Il n'est pas excessif
d'assimiler l'union que constituent deux fornicateurs à celle
que réalisent les deux époux légitimes {i Cor. 6, 17 citant
Ge7i. 2, 24). Assimilation encore : tout comme les Hébreux
qui recueillaient la manne n'avaient pas plus l'un que l'autre,
ainsi faut-il que le chrétien qui fait l'aumône et celui qui la
reçoit ne soient ni plus riches ni plus pauvres l'un que l'autre
(5 Cor. 8, 15 citant Exod. 16, 18).
Il était classique également de fonder un précepte moral
sur des textes poétiques et gnomiques, usage que suit S. Paul
dans son avertissement sur la vengeance [Rom. 12, 19, 20
citant Deut. 32, 35 assez modifié et Prov. 25, 21, sq.); et
aussi dans l'injonction de 2 Cor. 6, 17, 18 (citant divers textes
amalgamés : Is. 52, 11 ; Jér. 51, 45, etc.).
E. — DÉDUCTIONS.
Souvent les textes allégués ne justifient la proposition à
laquelle ils se rapportent que par le moyen d'un raisonne-
ment plus ou moins simple et obvie.
a. EXCLUSION DE LA CONTRADICTOIRE PAR l'aFFIRMATION
DU PRINCIPE OPPOSÉ*.
Pour s. Paul on ne peut concevoir que deux principes de
justice : la foi ou les œuvres de la Loi. Il tient comme affirmé
1. Sur ce procédé chez les rabbins (plutôt récents) voir Biberfeld,
op. cit. p. 43.
EXÉGÈSES IMPLICITES. 317
par l'Écriture [Habaciic 2, k) que la foi (seule) procure la jus-
tice (majeure), or il est affirmé également (mineure dans
Lév. 18, 3) que la Loi ne contient que des oeuvres, non la foi :
elle ne peut donc justifier ( (î«/. 3, 11, 12).
Dans leurs contestations avec Dieu les hommes toujours
ont tort, sont menteurs, puisque Dieu est toujours justifié
[Ps. 51, 6 cité Rom. 3, k).
b. A FORTIORI.
Dans la dialectique paulinienne l'argument à fortiori tient
une grande place et souvent avec la même formule que chez
les rabbins (vg. Rom. 5, 9, 10, 17, 15; 11, 12; / Cor. 9, 12;
^ Cor. 3, 8, etc.) Cet à fortiori peut se réclamer d'une confir-
mation scripturaire (vg. Héb. 10, 27-30, 31 s 'appuyant sur
Beut. 32, 35, 36 un peu adapté). Il se fonde exégétiquemen!).
dans le développement sur le voile de Moïse (^ Cor. 3, 11) et
peut-être dans / Cor. 9, 9.
C. CONSÉQUENCE.
Puisque Dieu est le Maître de tout (Ps. 24, 1), tout ce qu'il a
créé est bon et permis à l'usage (/ Cor 10, 26; cf. Rom. 14, 3,
14). De la promesse prophétique faite par Dieu d'habiter à
l'avenir au milieu de son peuple (citation composite de Lév. 26,
11, 12 et Ez. 37, 27) on peut induire que les chrétiens consti-
tuent son Temple (2 Cor. 6, 1 6). De ce qu'il accepte les outrages
de ceux qui outragent Dieu (d'après le Ps. 69, 10, entendu
messianiquement), il s'ensuit que Jésus ne s'est point complu
en lui-même {Rom. 15, 3). Le chrétien ne doit pas cherchera
thésauriser, mais se confier en Dieu (exprimé par Ps. 118, 6)
puisque le Seigneur, suivant qu'ilTa souvent assuré [Gen. 28,
15 ou Deut. 31, 6, sqq,), ne l'abandonnera pas [Héb. 13, 5,
6). La loi prescrit à la femme la soumission, assure S. Paul
/ Cor. 14, 34), mais il ne fonde cette affirmation sur aucun
texte précis ; il estime, probablement, que cette infério-
rité résulte de tout ce que le Pentateuque raconte sur la
création et la faute d'Eve (cf. / Tim. 2, 11-14 et / Cor.
11, 2, 3).
318 EXÉGÈSE PAULINIENNE.
2° Textes appliqués à divers personnages
pour illustrer une thèse.
Nous avons déjà trouvé plusieurs de ces applications dans
des arguments typologiques ; elles sont également pratiquées
pour illustrer une proposition, illustration qui est une sorte
de confirmation. Ces applications supposent ordinairement
un rapport typologique; S. Paul en formule le principe à
propos de la foi d'Abraham, type et principe de notre foi
[Rom. 4, 23).
En tant que ministres et représentants du Christ, les apôtres
s'attribuent l'assurance donnée par Dieu à son serviteur [Is.
49, 6, repris par S. Paul : Act. 13, 47). Comme de bons
ouvriers, ils s'apphquent les prescriptions de l'Ancien Tes-
tament sur la subsistance des travailleurs (■/ Co7\ 9, 7-10).
S. Paul étend aux chrétiens ce que le Psalmiste dit des justes
persécutés [Ps. 44, 23 cité Rom. 8, 36); et au temps présent,
les faveurs promises au Serviteur de Yahwé [Is. 49, 8, cité
5 Cor. 6, 2).
Inversement, aux Juifs repoussant le message évangélique
il applique, reproduisant un propos de son Maître [Marc 4,12),
la malédiction proférée par Isaïe (6, 9, 10) contre les Israélites
qui seront rebelles à la parole du Prophète [Act. 28, 26). Il les
menace [Act. 13, 41) avec les mots d'Habacuc (1, 5) annonçant
l'invasion des Chaldéens. Comme leurs ancêtres repris par
Isaïe (52, 5 cf. Ez. 36, 20), les Juifs contemporains provoquent
les blasphèmes des nations contre Dieu [Rom. 2, 24).
L'écrivain inspiré pouvait mettre dans la bouche du Fils de
Dieu, au moment de son Incarnation, la prière du juste,
cherchant ce qui agrée davantage à Dieu [Ps. 40, 7-9 cité
Héb. 10, 5-7), de même qu'il avait rapporté à ce même instant
[Héb. 1, 6) l'adjuration de Dieu à ses anges [Ps. 97, 7 d'après
les LXX).
3° Textes allégués comme formule sacrée d'une pensée.
L'Écriture peut être considérée comme un recueil d'énon-
ciations inspirées exprimant toutes les réalités divines et
EXÉGÈSES IMPLICITES. 319
humaines : il convient donc, pour formuler une thèse, une
vue sur Dieu ou simplement un sentiment personnel, de lui
emprunter des termes consacrés par leur origine divine;
ainsi le discours revêt une valeur plus haute, les proposi-
tions avancées se trouvent confirmées, sinon démontrées,
puisque prononcées par Dieu lui-même.
A. — FORMULÉS DE THÈSES THÉOLOGÏQUES.
Pour formuler sa thèse sur la justification par la foi, S. Paul
se sert des deux sentences de l'Écriture qui expriment le,
principe, au concret pour Abraham [Gen. 15, 6 : Gai. 3,6;
Rom. k, 3), et dans l'abstrait et en général {Hab. 2, 4 quel-
que peu schématisé : Rom. 1, 17; Gai. 3, 11; Héb. 10, 38).
Il emprunte à Jérémie (9, 22, 23), en l'adaptant et simplifiant,
la formule de la vraie gloire qui n'est que dans le Seigneur
(/ Cor. 1, 31; S Cor. 10, 17).
Formule de thèse, plus développée et introduite avec des
termes qui rappellent une locution rabbinique [Kyôsé bô,
pareillement), demandée à un psaume (32, 1, 2) qui célèbre
le bonheur du pécheur pardonné, justifié, par grâce [Rom.
4, 6, 7). Le rejet d'Esati prouvé par ailleurs (jRom. 9, 10-12)
est affirmé par Malachie (1, 2 : Rom. 9, 13).
B. FORMULES d'attitudes MORALES.
Il est bon de prendre dans les Écritures l'expression de
certaines exhortations : par exemple donner avec le sourire
[Prov. 22, 8 : ^ Cor. 9, 7) ; ne pas nourru* en soi la colère
[Ps. 4, 5 : Eph. 4, 26) ; réconforter les découragés [h. 35, 3
et Prov. 4, 26 : Héb. 12, 12, 13). Inversement, Isaïe (22, 13)
fournit la formule de l'attitude des impies devant la mort
[i Cor. 15, 32).
Nous pouvons rapprocher le principe du double ou triple
témoignage rappelé à propos d'une triple visite (5 Cor.
13, 1 citant Deut. 19, 15).
Les louanges que les nations rendent à Dieu à cause de sa
miséricorde, S. Paul les voit indiquées dans divers textes [Ps.
320 EXÉGÈSE PAULINIENNE.
18, 50; 117, 1; Deut. 32, 43 : Rom. 15, 9-12) qui ont trait
aux rapports des gentils avec Dieu, mais peuvent aussi être
considérés comme des prophéties, ainsi que le suggère l'oracle
messianique [Is. 11,-10) allégué en dernier lieu.
G. — MENTION DES ATTRIBUTS DIVINS.
Pour mettre en relief l'impénétrabilité de la science divine
qu'est-ce qui convient mieux qu'un mot d'Isaïe (40, 13 : cita-
tion formelle en Rom. 11, 34 et / Cor. 2, 16 qui condense)
complété par une proposition de Job (41, 3 d'après les LXX :
Rom. 11, 35)?
De même pour affirmer l'inattendu des révélations divines
sont citées à dessein des maximes bibliques (/ Cor. 2, 9 citant
Is. 64, 4 un peu modifié et peut-être aussi 65, 17 ou Eccli.
1, 9). La formule d'introduction montre bien que l'Apôtre
veut exprimer sa pensée en termes sacrés.
D, — EXPRESSION DE SENTIMENTS PERSONNELS.
Sentant en lui l'esprit de foi que le psalmiste (116, 10 sui-
vant la lettre des LXX) assure posséder, S. Paul réclame
(^ Cor. 4, 13) pareillement le droit de parler hardiment. Il
affirme le souci de sa réputation (j? Cor. 8, 21) en des termes
empruntés aux Proverbes (3, 4 d'après les LXX).
Il est à remarquer que, dans tous ces emprunts soit expli-
cites soit implicites, faits aux Écritures, S. Paul reste fidèle au
sens général du texte, tout au moins tel qu'il le lisait dans la
version grecque dont il se servait le plus ordinairement.
4° Simples allégations de textes.
« On accomplit la loi en un seul précepte [Lév. 19, 18) :
« Tu aimeras ton prochain comme toi-même » {Gai. 5, 14).
Le texte n'est cité ni en vue d'une démonstration, ni comme
illustration, il fait partie de l'énoncé d'une thèse. De même :
Rom. 13, 9, citant Deut. 5, 17, sq. (ou Ex. 20, 13, sq.) et
Lév. 19, 18; Rom. 7, 7, rappelant Deut. 5, 21 (ou Exode ^ 20,
17); ou Eph. 6, 2, 3, mentionnant Deut. 5, 16 [Ex. 20, 12).
EXÉGÈSES IMPLICITES. 321
Simples allégations : les rappels des narrations bibliques :
Rom. 11, ^-k citant / Reg. 19, 10, 14; / Cor. 10, 1-3, 7-10
résumant E^. 13, 21; 14, 22; 32, 6 ; Nu?n. 25, 1, 9; 21, 5, 6;
14, 2, 21-23, 29, 36 ; Héb. 9, 20, citant expressément Ex. 24, 8.
Ce n'est pas dans ces citations-allégations que nous pouvons
découvrir les méthodes de l'exégèse paulinienne : elles ne
supposent aucune exégèse.
III. — EXÉGÈSES SUPPOSÉES PAR LES CITATIONS IMPLICITES.
Nous ne considérons ici, ni les citations virtuelles dans
lesquelles l'auteur montre bien qu'il veut se référer à un
texte, ni les expressions courantes, venues de l'Écriture et
qui se retrouvent dans plusieurs contextes, telles que : « Dieu
qui a fait le ciel et la terre, sacrifice de bonne odeur, imiter
Dieu, gloire de Dieu, livre de vie, Dieu rend suivant les
œuvres »... Nous n'étudions que les réminiscences qu'on
pourrait appeler formelles, qui se rattachent à un contexte
déterminé ; on peut penser ordinairement que l'écrivain,
en transcrivant ces mots, se rendait compte qu'il citait
l'Écriture.
L'examen de ces citations est intéressant. Tout d'abord
il trahit le culte de S. Paul pour la parole de Dieu, sa
volonté de donner plus de poids à sa propre parole en la
tissant de locutions déjà consacrées. Surtout nous pouvons
voir là si l'Apôtre usait volontiers, ou~non, du sens accom-
modatice : prenait-il les locutions employées dans le sens
tant du texte (tel qu'il le lisait dans les LXX) que du contexte
général? Ou bien utilisait-il les mots bibliques, comme un
ouvrier ferait d'une pierre arrachée à un monument, sans se
préoccuper ni de leur sens dans les phrases qu'ils consti-
tuaient, ni de leur portée dans le passage auquel ils apparte-
naient? D'autre part, nous découvrons là quels sont les
thèmes les plus familiers à sa pensée, les aspects qu'il aime
le plus dans la révélation.
EXÉGÈSE RABBINIQUE. 11
322 EXÉGÈSE PAULINIENNE.
±° Dieu et son activité.
Les mots sur l'action créatrice de Dieu {Act. 14,15) repro-
duisent les paroles de Moïse sur le même sujet {Ex. 20, 11).
Les interventions fécondantes de la Providence sont assimilées
à celles de la pluie (5 Co?\ 9, 10 : Is, 55, 10). Le terme àxau-
Ya(T[Aa, dit du Fils de Dieu {Hed. 1, 2). est trop caractéristique
pour ne pas venir du livre de la Sagesse (7, 26).
L'exhortation à la fermeté devant les dissidents (^ Tim.
2, 19) rappelle, peut-être intentionnellement, les assurances
de Moïse au sujet de Qoré [Num. 16, 5, 26).
Les hommages rendus au Christ (PhiL 2, 10) sont exprimés
avec des mots empruntés à l'oracle (Is. 45, 23) dans lequel
Dieu annonce que tous l'adoreront.
Sur le thème du jugement divin nous retrouvons les expres-
sions par lesquelles les psalmistes et les prophètes décri-
vent les jugements divins actuels ou futurs : Act. 17, 31 [Ps.
9, 9); Rom. 2, 6 {Ps. 62, 13 [Prov. 24, 12]); 2 Thés. 1, 8, 9
{Is. 66, 15; Jér. 10, 25; Is. 2, 10); Héb. 10, 27 {Is. 26, 11).
Les égarements des idolâtres sont désignés des termes
bibliques : Rom, 1, 23 et Ps, 106, 20; / Cor. 10, 20 et
Deut. 32, 17.
2° Israël et son histoire.
Il est tout naturel que, rappelant divers traits de l'histoire
sainte, S, Paul reprenne souvent des termes bibliques et
dans leur sens premier : ainsi Act. 13, 17-19 ; Rom. 9, 4
(prérogatives d'Israël) ; S Cor. 3, 3, 7-9, 13, 16 {Exode, 34, 30,
33, 34; Ez. il, 19); Héb. 3, 2, 5, 17 {Num. 12, 7; 14, 29);
8. 2 {Num. 24, 6); les ch. 9 et 11 sont remplis de réminis-
cences verbales précises (l'écrivain suivait de près les livres
saints); 12, 18-20 {Exode, 19, 12-16). Les qualificatifs donnés
au premier homme « de la terre, fait de poussière » (/ Cor.
15, 47) viennent du récit delà Genèse (2, 7).
EXÉGÈSES IMPLICITES. 323
3° Prophéties messianiques.
Les psaumes messianiques (2, 8, 110...) et la prophétie du
Serviteur de Yawhé qui fournissent tant de thèmes de
développement à l'épître aux Hébreux sont également à la
base du vocabulaire (vg. 9, 28, citant Is. 53, 12; cf. 6 20;
7, 28; 8, 1; 10, 12, 13).
4° Thèses théologiques.
Volontiers quelques-uns de leurs termes seront empruntés
à l'Ecriture : ainsi pour nier la justification par les œuvres
de la Loi [Rom. 3, 20 : Ps. 143, 2 ; cf. Gai. 2, 16).
5° Propositions d'ordre moral.
Nous retrouvons encore des termes bibliques dans des vues
générales sur la nature de Thomme : menteur (Rom. 3, 4 :
Ps. 116, 11) ; il n'a pas plus le droit de critiquer son Créateur
que le vase, le potier qui l'a modelé {Rom. 9, 20, 21 : Is. 45,
9; 29,16).
De même, dans des directives morales : Rom. 12, 16, 17 :
Prov. 3, 7, 4 ; / Cor. 5, 13 : Deut. 17, 7 (13, 6) ; Eph. 4, 25 :
Zach. 8, 16; Col. 2, 22 : Is. 29, 13. Les développements sur
la panoplie spirituelle [Eph. 6, 14, 15 et / Thés. 5, 8) sont
manifestement inspirés d'Isaïe (11, 5 ; 59, 17; 52, 7; 40, 3, 9).
Les impies sont stigmatisés avec des expressions consacrées :
Phil. 2, 15 : Deut. 32, 5.
Enfin, même les sentiments personnels d'espérance {Phil.
1, 19) empruntent à Job quelques mots, caractéristiques
(13, 16LXX).
6° Remarques sur les citations implicites.
Dans toutes ces citations nous constatons qu'elles sont
fidèles au sens immédiat du texte d'où elles proviennent.
Gela montre que S. Paul, utilisant l'Écriture, s'en sert avec
respect, sans détourner violemment ses expressions de leur
324 EXÉGÈSE PAULINIEANE.
sens premier. Là où l'on pourrait dénoncer quelque accommo-
dation, faisant fi de la portée originale des textes, on ne
trouve ordinairement que des locutions courantes, qui n'ont
plus aucune attache avec les passag'es bibliques où elles
figurent (vg. Rom. 9, 22 rapproché de Jér. 50, 25).
IV. — CONCLUSION : EXÉGÈSE PAULINIENNE ET EXÉGÈSE RABBINIQUE .
A comparer les deux exégèses on relève entre elles des
ressemblances nombreuses, mais aussi des différences radi-
cales.
Ressemblances dans les procédés, dans le mécanisme :
développements homilétiques, exégèses distributives, consi-
dérations philologiques, raisonnements exprimés ou sous-
entendus reliant le texte invoqué à la proposition à justifier,
analyses historiques des faits tenant compte des successions
chronologiques, exégèses paraboliques, illustrations et con-
firmations d'une pensée par une maxime scripturaire... Cer-
tains de ces procédés, Paul les tient de sa formation rabbini-
que ; tels autres, qui ne relèvent que de la forme générale de
l'esprit, qu'avait-il besoin de les apprendre? Cependant, même
rabbinisant, l'Apôtre ne tombe jamais dans l'arbitraire, dans
le verbiage vide, sinon bizarre et saugrenu.
Mais sa conception typologique est ce qui le distingue le
plus profondément des prédicateurs synagogaux. Seule, sa
foi chrétienne lui révéla toute la signification profonde de
l'Ancien Testament, sa portée figurative. Les inventions de
l'exégèse symbolique l'aidèrent à mieux comprendre et expri-
mer les « types » que l'inspiration divine lui découvrait sous
la lettre, à percevoir la lumière spirituelle qui la transfigu-
rait tout entière'.
CHAPITRE IV
LES CITATIONS BIBLIQUES CONSIDÉRÉES DANS LEUR MATÉRIEL.
Après l'étude de l'exégèse paulinienne nous sommes en état
de mieux comprendre, et nous pouvons donc aborder, deux
points, qu'il est nécessaire de considérer si nous voulons
définir complètement l'exégèse paulinienne : sa fidélité au
sens et à la lettre des écritures citées, comment il introduit
ses citations.
I. FIDÉLITÉ AU SENS ET A LA LETTRE DES ÉCRITURES.
Nous ne considérons ici que les citations explicites.
Avant d'enquêter sur le sujet, deux remarques prélimi-
naires s'imposent.
Sans entrer dans la question, encore fort débattue, du texte
biblique suivi par S. Paul, on peut retenir, comme solide-
ment établies par les recherches de Kautzsch, de Vollmer, de
Bôhl et de Deismann, les conclusions suivantes. S. Paul
lisait la Bible dans une version grecque fort apparentée aux
LXX que nous connaissons; son intime familiarité avec ce
texte se trahit dans son vocabulaire et aussi dans ses concep-
tions théologiques. Il est impossible de déterminer quelle
recension des LXX il utilisait. Ordinairement il suit le texte
grec, même quand il diffère gravement du texte massoréti-
que. Dans certaines leçons où il s'écarte des LX X(vg./ Cor.
14-, 21 ; 15, 54i), il s'accorde avec d'autres versions grecques,
par exemple avec celles de Théodotion, ou d'Aquila, versions
qui reposaient sur une autre version grecque plus ancienne ^ .
Dans quelques cas où il semble corriger les LXX d'après
l'hébreu, par exemple pour Job. 41, 3 et 5, 13 [Rom. 11, 35
1. Voir PuuKKo, op. cit. p. 55, 199.
326 BXÉGÈSfi PAULINIENNE,
et / Cor. 3, 19) d'excellents auteurs, tel Kautzsch, pensent
qu'on pourrait supposer à la base une autre version grecque ^ .
Deux conséquences résultent de ces données. Nous ne
pouvons accuser S. Paul d'être infidèle à la lettre quand il
prend le parti des LXX contre le texte hébreu : il suit son
texte habituel. Nous ne pouvons l'incriminer de mal transcrire
son texte si sa leçon diffère légèrement des leçons des LXX
que nous transmettent les manuscrits les plus autorisés : sa
version n'était pas identique aux nôtres. Il n'est pas encore
établi qu'il ait pris ses citations dans un recueil de textes
bibliques, où la lettre aurait déjà subi quelques modifica-
tions.
Signalons la difficulté, relative à l'Inspiration, que soulè-
vent les cas où S. Paul reproduit le grec là où il contredit l'hé-
breu massorétique. « Certains êxégètes, tels que Gornely, esti-
ment que la leçon des LXX, suivie par l'écrivain du Nouveau
Testament, doit représenter le véritable texte original, qui
aurait été altéré dans l'hébreu actuel. D'autres commentateurs
jugent au contraire que les auteurs sacrés ont pu tirer argu-
ment d'un passage biblique, cité d'après les LXX, même
lorsque le sens n'était pas d'accord avec l'hébreu primitif,
parce que la version alexandrine était reconnue comme texte
officiel, un peu à la façon dont aujourd'hui il est permis de
baser un argument théologique sur un texte emprunté à la
Vulgate latine, même aux endroits où cette version ne rend
pas exactement le sens de l'original, en raison de l'authenti-
cité générale de la Vulgate définie par l'Église^. «
En outre, avant de porter un jugement quelconque sur la
fidélité au sens original des textes cités, il faut tenir compte
1. BôHL. op. cit. p. V-VII, croit que circulait en Palestine une édi-
tion populaire des LXX, que S. Paul aurait parfois modifié son texte
grec d'après une Volksbihel en araméen (?).
2. Venard, op. laud. c. 42, 43, Si l'Eglise chrétienne a reçu les
écritures de l'ancien Testament suivant la forme et dans l'étendue du
texte des LXX, c'est que cette version jouissait dans une partie du
Judaïsme d'une autorité incontestable. On sait que la légende mise en
circulation par la lettre du Pseudo-Aristée a trouvé crédit auprès de
Philon, de Josèphe et de nombreux écrivains ecclésiastiques. S. Augus-
tin, en son de Cwitate Dei, reconnaît dans les LXX un texte faisant
autorité.
FIDÉLITÉ AU SENS DE L ÉCRITURE. 327
de deux caractères de l'exégèse paulinienne : parfois elle
s'appuie sur une sentence scripturaire pour en déduire une
conséquence plus ou moins obvie ; mais souvent elle procède
typologiqnement, par « accommodation figurative », méthode
qui peut conduire à des résultats imprévus.
On est infidèle à un texte exploité, soit en le prenant dans
un sens contraire à celui de l'original, soit en modifiant la
lettre, qu'on respecte ou non le sens.
1<> Fidélité ou infidélité au sens de l'Écriture.
Nous ne considérons que les infidélités apparentes, d'abord
celles qui semblent peu excusables, ensuite celles que justifie
l'intervention de la typologie.
A, — INFIDÉLITÉS MATÉRIELLES AU SENS PRIMITIF.
Nous avons signalé déjà les transformations que subit dans
l'épltre aux Hébreux (10, 37-39) un petit passage d'Habacuc
(2, 3, 4) ; on entend du Christ ce qui est dit de la vision pro-
chaine ; en vertu d'une interversion des vers (et de la forme
spéciale en grec) les mots obscurs de 4* prennent un sens
précis, fournissant matière à une exhortation morale : somme
toute, une de ces accommodations inoffensives que se permet-
tent les prédicateurs.
Le défi triomphal « mort, où est ta victoire...? » {i Cor. 15,
55) prendrait le contre-pied de la déclaration prophétique
[Os. 13, 14) d'où il est tiré, si celle-ci, suivant l'accent du
contexte, est une menace ; mais certains exégètes y voient
un mot d'espérance. Pourquoi S. Paul n'aurait-il pas eu licence
de suivre cette interprétation?
La formule de teneur générale sur la gloire véritable qui
vient de Dieu est une proposition universelle et abstraite
[1 Cor. 1, 31; S Cor. 10, 17), extraite de tout un développe-
ment de même sens, mais concret et particulier [Jér. 9, 22,
23) : opération légitime.
Le verset d'Habacuc (2,4), devenu une des formules maîtres-
ses de la doctrine de la justification [Rom. 1,17; Gai. 3, 11;
328 EXÉGÈSE PAULINIENNE.
Héb. 10, 39), prend le mot foi et l'idée de vivre avec toute la
richesse de sens qu'ils revêtent dans le système chrétien.
Il est évident que « donner des présents » est tout le con-
traire de « recevoir des présents » [Eph. 4, 8 citant Ps. 68, 19) :
ne peut-on excuser ce renversement des valeurs par une con-
sidération de typologie? Le triomphe de Dieu devenant celui
de son Christ, on conçoit que ce dernier, à l'inverse des triom-
phateurs antiques, se montre généreux, aimant mieux donner
que recevoir (cf. Act. 20, 35).
Cette excuse nous introduit aux cas très nombreux dans les-
quels des modifications de sens s'expliquent par des vues
figuratives.
B. — EXÉ&ÈSES TYPOLOGIQUES.
La fascination de la figure peut conduire à donner à une
proposition un sens exactement contraire au sens original.
Ainsi la Loi [Deut. 30, 12-14.) vient témoigner contre elle-
même en faveur de la Foi, parce que l'ancienne économie est
figure de la nouvelle {Rom. 10, 6-9). Les Juifs, descendants
naturels de Sara, sont rattachés à Agar (G«/.'4, 21-31), parce
que Sara est la mère des enfants spirituels d'Abraham, de la
lignée spirituelle qui est celle des chrétiens. Pour des raisons
analogues, des textes concernant les Juifs [Ts. 65, 1, 2 et Osée
2, 23) sont dits exclusivement des chrétiens [Rom. 10, 20, 21;
9, 25). Pareillement, les chrétiens diminués dans leur foi sont
assimilés (/ Cor. 14, 21) aux Israélites rebelles à Dieu à qui
Isaïe (28, 11, 12) annonce, comme une punition, la venue de
barbares dont ils ne comprendront pas la langue. Transfert
d'image : le voile de Moïse symbolise l'aveuglement des Juifs ,
qui leur cache le sens spirituel des Écritures (^ Cor. 3, 14-16).
Le plus souvent l'exégèse figurative amène à donner aux
textes un sens plus haut, contenu virtuellement dans le sens
littéral ou historique.
Il était légitime de voir dans l'homme-type du Psaume 8
le Christ, le véritable Adam (/ Cor. 15, 27, 28; Eph. 1, 22;
Héb. 2, 6-9), de découvrir le mystère de son Église dans
l'Union matrimoniale des premiers époux [Eph. 5, 32). Un
FIDÉLITÉ AU SENS DE l'ÉCRITURE. 329
voyant, divinement inspiré, contemplait dans Saiomon une
figure du Christ et entendait de ce dernier {Héh. 1, 5) les
paroles que Dieu adressait au roi israélite [S Sam. 7, 14).
C'est encore un inspiré qui mettait dans la bouche du Fils de
Dieu, venant en ce monde, la prière d'un juste [Héb. 10, 5-7
citant Ps. 40, 7-9). Il est conforme aux lois de l'exégèse
messianique d'appliquer au Christ ce qu'Isaïe (28, 16) disait
de la pierre établie par Dieu en Sion [Rom. 10, 11; cf.
/ Coi\ 10, 4). Inversement la théologie de la Rédemption
par le sang permettait de reconnaître dans le condamné
maudit une figure de Jésus pendu au bois [Gai. 3, 13, citant
Deut. 21, 23).
Ce n'est plus en vertu d'une exégèse typologique, mais en
vertu du principe qui reconnaît dans le Seigneur de l'Ancien
Testament le Seigneur Jésus-Christ, que divers passages con-
cernant Dieu sont appliqués à Jésus : Ps. 97, 7 [Héb. 1,6);
Ps. 102, 26-28 [Héb. 1, 10-12); Joël, 3, 5 [Rom. 10, 13); P5.
44, 23 [Rom. 8, 36) : Is. 40, 13 (/ Cor. 2, 16) : Ps. 68, 19
[Eph. 4, 8).
Sont prises comme oracles messianiques les prophéties qui
annonçaient un événement décisif de l'histoire israélite, figure
par conséquent de son âge définitif, de l'âge messianique :
Aet. 28, 26 (/5. 6, 9, iO); Rom. 9, 25-29, 32, 33; 10, 15; j 1,8
(05.2,23; 1, 10; 2, l;Js. 10,22,23; 1, 9; 28, 16; 8, 14; 52,
7; 29, 10). Les savants actuels qui se complaisent dans leur
vaine sagesse (/ Cor. 1, 19) sont préfigurés par les sages que
reprend Isaïe (29, 14) ; les Apôtres prennent à leur compte
[Act. J3, 47) ce que Dieu disait à son Serviteur [Is. 49, 6). Les
Juifs rebelles à la prédication chrétienne sont assimilés à
leurs ancêtres dont la mauvaise conduite tirait aux Gentils
des blasphèmes contre Dieu [Rom. 2, 24 citant Is. 52, 5); et
d'autre part, [Rom. 11, 9, 10) aux impies sur qui David [Ps.
69, 23, 24 et 35, 8) appelle les punitions divines.
Figure encore que de comparer l'égalité que réalise l'au-
mône à celle qui régnait entre les Hébreux qui recueillaient
la manne [3 Cor. 8, 15 citant Ex. J6, 18). Il convient de faire
de la pluie qui féconde [Is. 55, 10) l'image de la Providence
qui donne l'accroissement aux récoltes [3 Cor. 9, 10). Nous
330 BXÉGÈSE PAULIMENNE.
arrivons aux limites extrêmes de la typologie quand nous
assimilons à l'hymne universel des créatures [Ps. 19, 5) la
prédication apostolique s'étendant au monde entier {Rom. 10,
18), ou lorsque nous appliquons aux ouvriers apostoliques
(/ Cor. 9, 9) l'interdiction de museler le bœuf qui foule la
moisson {Deut. 25, 4).
G. — Conclusion.
c( Accommodation figurative », teUe est la qualification,
et aussi la justification, qu'on peut décerner à la plupart des
exégèses que nous venons de mentionner. « Accommodation
figurative » n'équivaut aucunement à « sens accommodatice ».
Celui-ci ne prend que la matière des mots et leur infuse une
âme nouvelle, souvent sans aucune relation avec l'ancienne.
Dans l'autre forme d'interprétation, ce que voit avant tout le
commentateur inspiré, c'est une image, un signe, un pressen-
timent des diverses réalités qui composent le mystère chré-
tien. Un lecteur non averti ne découvrirait pas ce rapport entre
les éléments de l'économie ancienne et ceux de la nouvelle ;
mais il peut avouer que ce rapport n'est pas arbitraire ou
imaginaire : réelles, quoique souvent fort légères, les ombres
par lesquelles l'Ancien Testament manifeste le Nouveau.
2° Fidélité ou infidélités à la lettre?
Nous ne retenons ici que les désaccords entre le texte des
LXX et les citations bibliques faites par S. Paul.
On pourrait les classer suivant les formes des variantes :
interversions, formes différentes, omissions ou additions de
termes, résumés... Nous préférons suivre une autre classi-
fication, qui met davantage en relief l'importance des diver-
gences et leurs raisons possibles.
A. — DIVERGENCES GRAVES, INTÉRESSANT LE SENS.
Nous ne voyons, répondant pleinement à ce signalement,
que la citation du psaume (68, 19) dans Evh. 4, 8, et, quelque
peu, l'interversion pratiquée dans Habacuc 2, â, 4 (Héb. 10,
FIDÉLITÉ A LA LETTRE BIBLIQUE. 331
37-39). La variante numérique (24, pour 23) de / Cor. 10, 8
s'explique probablement par une différence de recension.
La réduction en sentence gnomique de Detit. 32, 35, qui
joint si heureusement la leçon de l'hébreu et la version grecque
(hébreu : à moi la vengeance et la rétribution ; grec : Iv 'hi[>.épcx
èxSa-^CTEuç àvTaTCoâcocw) ne change pas substantiellement la
teneur de l'original {Rom. 12, 19; Héb. 10, 30). Et guère
plus l'opération qui tire d'un développement concret (Je>. 9,
22, 23) une proposition générale et abstraite (/ Co7\ 1, 31;
2 Cor. 10, 17).
B. MODIFICATIONS INTROD-UITES EN VUE
DE LA DÉMONSTRATION.
Modifications presque toutes assez légères qui ne corrom-
pent pas le sens du texte biblique.
La plus accusée est l'exploitation de Deut. 30, 12-14 sur la
facilité de la justification par la foi [Rom. 10, 6-9); mais
« descendre dans l'abîme » , qui amorce l'exégèse sur la résur-
rection du Christ, n'est pas ti'ès différent de « passer la mer »
et reste dans la ligne générale du passage.
Est-ce pour mieux marquer qu'Abraham est le destinataire
unique de la promesse [Héb. 6, 14) que le pronom « toi »,
remplace le complément « ta semence » [Gen. 22, 17)?
Additions de mots qui ne changent pas le sens, mais le
précisent dans la ligne de la thèse chrétienne : è-j^'aÙTÛ ajouté
[Is. 28, 16) pour marquer l'objet de la foi [Rom. 10, 11).
Substitutions d'un mot à un autre pour mieux marquer la
portée démonstrative de la citation. « Le fils de la femme
libre » {Gai. 4, 30) au lieu de « mon fils Isaac » {Gen. 21, 10).
(( Les raisonnements des sages » (/ Co7\ 3, 20) au lieu de
« raisonnements des hommes » [Ps. 94, 11) pour rester dans
la note du développement. 'E^ri-{eipà o-c {Rom. 9, 17) au lieu du
heTqp-q^q de l'original {Ex. 9, 16) accuse mieux la souverai-
neté de l'initiative divine. Intentionnel probablement aussi le
changement de « il viendj^a à cause de Sion {Is. 59, 20) en
«il viendra de Sion» {Rom. 11, 26). 'AOeTT^aw (/ Cor. 1, 19) au
lieu de xpùdito {Is. 29, 14) accuse l'intention divine de rejeter
332 EXÉGÈSE PAULINIENNE.
la fausse sagesse. Et ùtco Geou de Deut. 21, 23 a peut-être été
omis [Gai. 3, 13) par respect pour la personne du Christ.
C'est probablement pour mettre en relief la part faite aux
œuvres que S. Paul supprime le complément dans la devise
de la prétendue justice de la Loi (c celui qui accomplira ))
[Rom. 10, 5 citant Lév. 18, 5). Pareille suppression de complé-
ment détermiaatif donne une physionomie plus chrétienne à
la maxime d'Habacuc (2, k) : « le juste par la foi vivra »
[Rom. 1, 17; Gai. 3, 11 ; Héb. 10, 38) au lieu de iv. icfaxswç jjlou
(l'hébreu porte : par sa foi).
C'est aussi pour mieux faire ressortir le sens idoine à la
thèse que des citations sont légèrement paraphrasées ; i Cor.
15, 45 {Gen. 2, 7) ; Héb. 12, 26 [Aggée, 2, 6).
C. — MODIFICATIONS STYLISTIQUES.
Nous appelons ainsi des modifications qui ont pour objet
de rendre un texte plus clair, ou bien de l'adapter au mouve-
ment général du contexte nouveau auquel il est incorporé.
Ainsi les deux propositions d'Osée (2, 23) sont unifiées
sous un seul verbe (j'appellerai : Rom. 9, 25). Un peu plus
loin dire, au lieu de « si le peuple d'Israël » (7^. 10, 22), « si le
nombre des enfants d'Israël » [Rom. 9, 27) rend la phrase
plus cohérente. Kyî[ji.(0(7£iç (/ Cor. 9, 9 et / Tim. 5, 18) au
lieu de (Di\)Maziq, un peu impropre [Deut. 25, 4), rend mieux
le terme hébreu correspondant et éclaire la pensée.
Parfois le développement appelle le remplacement d'un-
pronom par le substantif qu'il représente : (( le nom de Dieu »
[Rom. 2, 24) au lieu de « mon nom » [Is. 52, 5); u les anges
de Dieu » [Héb. 1, 7) au lieu de « ses anges » [Ps. 97, 7) ;
la substitution d'un pronom à un autre : « son règne » [Héb.
1, 8) au lieu de « ton règne » [Ps. 45, 7) ; une modification
de nombre : « leurs yeux » (des impies, Rom. 3, 18) au
lieu de « ses yeux » [Ps. 36, 2), Exprimer le nom sous-
entendu [Héb. 4, 4) éclaire la phrase citée [Gen, 2, 2).
D. — TEXTE CONTAMINÉ PAR UN AUTRE TEXTE.
Parfois des termes étrangers au texte cité lui sont incorpo-
rés, provenant d'un autre passage que l'écrivain récite soit
FIDÉLITÉ A LA LETTRE BIBIJQUE. 333
par association verbale, soit parce que ce nouveau pas-
sage complète le précédent. « Le roc d'achoppement et la
pierre de scandale » [Rom. 9, 33), qui viennent d'Isaïe(8, 14),
sont introduits dans une autre citation d'Isaïe (28, 16).
« L'esprit d'égarement » [Rom. 11, 8), inséré dans un texte
du Deutéronome (29, 4), vient d'Isaïe (29, 10). Un peu plus
loin (11, 9, 10) sont mélangés intimement deux Versets des
Psaumes (69, 23, 24 avec 35, 8 et 28, 4). La phrase d'Isaïe
(45, 23) citée Rom. 14, 11 est introduite par un mot biblique
courant {Is. 49, 18 ou Jér. 22, 24...) Mélange semblable en
i Cor. 2, 9 [Is. 64, 3 et 65, 16) et 3, 19 [Job. 5, 12 et 13
amalgamés); S Cor. 6, 16 {Lév. 26, 12 et Ez. 37, 27) ; 5 Cor.
6, 18 [3 Sam. 7, 8, 27 déjà fort modifié dans la personne
des pronoms, complété par « et en filles » venant peut-être
d'/5. 43, 6).
Contaminations qu'on peut appeler chrétiennes : vlY.oç{i Cor.
15, 55), pour âtV/j, introduit dans le mot d'Osée (13, 14) cité
pour exprimer la victoire du Christ sur la mort (affirmée
aussi en Is. 25, 8 dans la traduction utihsée); touto [Héb. 9,
20), au lieu de Idoù {Ex. 24, 8), par souvenir de l'institution
de l'Eucharistie {Marc. 14, 24).
E. — MODIFICATIONS SANS MOTIF APPARENT,
Interversions qui ne modifient pas le sens : Rojn. 10, 20
{Is. 65, 1) ; 9, 13 {Mal. 1, 2 verbe et complément dii'ect) ; 10,
21 {Is. 65, 2, item); 15, 11 {Ps. 117, 1, le complément avant
le vocatif) ; 15, 21 {Is. 52, 15) ; Héb. 12, 26, 27 {Aggée, 2, 6).
Mots remplacés par des mots équivalents : ':éQeiv.<x{Act. 13,
47) pour âéSwxa (/s. 49, 6); âwjw {Act. 13, 34) pour ^l<x^<7oy.o:l
{Ts. 55, 3); oXCvov (5 Cor. 8, 15) pour aocTtov {Ex. 16. 18);
à'Kxy^zkiù {Héb. 2, 12) -pour hi'fiyri<so[).(xi {Ps. 22, 23); àvop6wGa-£
{Héb. 12, 12) pour \ayuaocxs. {Is. 35, 3), etc.
Suppression de mots insignifiants ou redondants et addition
de mots explétifs : %ai kiziBKéC^axs. supprimé et Ip^ov ajouté dans
Act. 13, 41 à Hab. 1, 5; Act. 13, 47 supprime dans Is. 49, 6
e'iç Siaô'/^xvjv y^vouç ici superflu; dans Rom. 9, 26, le redondant
■/.ixKxbxoi de Osée 2, 1 est omis.
334 EXÉGÈSE PAULINIBNNE.
Ce sont des variantes de ces espèces qu'on découvre dans
les textes suivants, variantes diplomatiques courantes : Héb.
3, 7-11 [Ps. 95, 7-11, variantes plus accusées quand ces mots
sont repris dans les élaborations homilétiques) ; 8, 8-12 [Jer.
31, 31,-34, texte encore plus modifié quand il est repris 10,
16, 17); 10, 5-7, 8-14- (homélie) citant Ps. 40, 7-9; 12, 5-11
[Prov. 3, 11, 12).
Variantes encore plus importantes quand les passages tirés
de l'Ancien Testament sont remplacés par des adaptations
plus ou moins condensées : Rom. 11, 34 et / Cor. 2, 16 [Is.
40, 13); Rom. 9, 25 [Os. 2, 23); 9, 9 [Gen. 18, 10-14); 9,
27, 28 [Is. 10, 22, 23); 10, 15 [Is. 52, 7); 11, 3, 4 (/ Reg. 19,
10, 14, 18); Gai. 3, 10 [Deut. 27, 26); Héb. 12, 20 {Ex. 19,
13). Des six textes transcrits en Rom. 3, 10-18, deux seuls le
sont assez librement [Ps. 14, 1-3; Is. 59, 7, 8).
Nous laissons de côté les variantes minimes : un pluriel
pour un singulier [Rom. 10, 5, 15), un o-ci pour un Sioti [Act.
13, 41), un oTCwç pour un i'va [Rom. 9, 17).
3° Séries, amalgames et combinaisons de textes.
Pour connaître complètement la méthode exégétique de
S. Paul, il convient de considérer les différentes manières
dont il groupe ensemble plusieurs textes.
A. — SÉRIES DE TEXTES.
Textes distincts cités l'un après l'autre et introduits cha-
cun par une formule de citation formelle ou virtuelle : Rom,.
9, 12, 13, 15, 17 [Gen. 25, 23 ; Mal. 1,2,3; Ex. 33, 19 ; 9,16);
9, 25-29(0^.2,25; 1,10; /s. 10, 22, 23; 1,9); 10, 19-21 (Z)ez</.
32, 21; h. 65, 1; 65, 2); 10, 11, 13 [Is. 28, 16; Joël, 3, 9);
11, 8-10 [Deut. 29, 4 contaminé par /s. 29, 10; Ps. 69, 23, 24);
15, 9-12 [Ps. 18, 50; Deut. 32, 43; Ps. 117, 1; Is. 11, 10);
j Cor. 3, 19, 20 [Job. 5, 12, 13; Ps. 94, 11); 2 Cor. 6, 16-18
[Lév. 26, 11, 12; Is. 52, 4, ii\ Ez. 20, 34; ^ Sam. 7, 14,
27 avec contaminations); Héb. 1, 5-13 (jP^. 2, 7 ; 2 Sam. 7, 14;
/>s. 97, 7; 104,4; 45,7,8; 102, 26-28; 110, 1); 2, 12, 13(^5.
FIDÉLITÉ A LA LETTRE BIBLIQUE. 335
22, 23; h. 8, 17, 18); 5, 5, 6(P5. 2, 7; 110, k) ; 13, 5, ^{Deiit.
31, 6, 8; Ps. 118, 6). Cf. Gai, 4, 21-30 (allusions à Gen. 17,
16; h. 54, 1; Gen. 21, 10, 12). Dans un discours de S. Paul
[Act, 13, 34, 35) nous trouvons la majeure [Is. 55, 3) et la
mineure [Ps, 16, 10) d'un argument.
B. COMBINAISONS DE TEXTES.
D'autres disent : « textes composites », (( conflation )>, (c enfi-
lade », pour désigner plusieurs textes cités bout à bout mais
sous une seule formule d'introduction : Rom. 3, 10-18 {Ps.
14, 1-3; 5, 10; 140, 4; 10, 7; Is. 59, 7, 8; Ps, 36, 2); 12, 19,
20 {Beut. 32, 35; Prov. 25, 21, 22); / Cor. 15, 54, 55 [Is, 25,
8; Os. 13, 14) ; ^ Cor. 9, 9, 10 [Ps. 112, 9; h. 55, 10; Os, 10,
12); Héb. 10, 37, 38 [Is, 26, 20; Hab. 2, 3, 4). Dans Rom.
11, 26, 27, un premier texte d'Isaïe (59, 20, 21) est complété
par un second (27, 9) qui présente l'objet de l'alliance nou-
velle accordée par Dieu à son peuple.
D. — CONTAMINATIONS DE TEXTES.
Nous avons relevé plus haut plusieurs textes bibliques, dans
lesquels ont été incorporés des mots venant d'autres textes.
C'est une aggravation de la combinaison ou de l'amalgame des
textes. Ces contaminations et ces amalgames sont plus
abondants dans les citations implicites.
4° Conclusion de ces diverses constatations.
Pour ce qui regarde la fidélité littérale nous pouvons assu-
rer, après tant d'autres (Kautzscb, Swete, Clemen, Vollmér...j :
d'une part, S. Paul est fidèle à la lettre puisque plus de la
moitié de ses citations sont littéralement conformes au texte
des LXX et que dans les autres les variantes sont relativement
légères; d'autre part, il manifeste une assez grande liberté à
l'égard de la lettre biblique (un peu moins dans l'épltre aux
Hébreux).
Cette liberté est-elle rabbinique? Nous savons que les rab-
bins se permettaient à l'occasion de modifier la teneur des
336 EXÉGÈSE PAULINIENNE.
passages bibliques qu'ils utilisaient, mais qu'ils indiquaient
ordinairement cette licence par la formule al tiqré et, d'ail-
leurs, leurs contradicteurs réprouvaient ces détorsions
infligées aux Écritures. Pour le reste, habituellement, ils se
tiennent rigoureusement à la leçon reçue et consacrée par
la tradition ^
Il est donc certain que S. Paul, dans l'ensemble, est moins
respectueux de la lettre que les rabbins. Nous pouvons suppo-
ser qu'il fut induit à prendre les libertés qu'il se permettait
par les déformations qu'il avait vu pratiquer autour de lui.
On a voulu, en particulier, expliquer sa méthode dans les
enchainements de textes par son éducation rabbinique. Propos
classique chez quantité de savants chrétiens : les citations
composites pauliniennes sont une forme du haraz, de ce pro-
cédé qui consistait à accoler ensemble des textes, telles les
perles d'un collier. Fréquemment, il est vrai, les rabbins
utilisent plusieurs textes pour prouver une thèse, mais alors
ils introduisent chaque texte par une formule (ordinairement :
« il dit ») ; il est rare de les voir amalgamer plusieurs sen-
tences bibliques^. Des rabbins on disait qu'ils enchaînaient
[hôrezîn] des textes de la Tora^ des Nebiin et des Hagio-
graphes, soit pour commenter un texte du Pentateuque, soit
pour enrichir leurs commentaires homilétiques^.
1. On signale peu de dérogationsà cette pratique : ainsi Siphrê DeuL
6, 4, §31, 73 a (addition à Ex. 23, 17) ; ibid. 32, 42, § 332, 140 a (modi-
fication dans Ez. 39, 17, 18, 73). Mek/iilta Exode, 21, 32, p. 75 (addi
tions au texte). Tos, Sota, 8, 6, p. 510 (modifications et paraphrase
libre). M. Sota, 9, 6.
Cf. supra, p. 120-128.
Une enquête sur ce point serait peu fructueuse : nous avons peu
. d'éditions vraiment critiques des documents rabbiniques ; par ailleurs
dans les manuscrits actuels, de beaucoup postérieurs à l'âg-e des sen-
tences qu'ils rapportent, les copistes ont rétabli dans les citations
bibliques la leçon massorétique.
2. WiNDFUHR cité par Michel, op. cit. p. 84, donne des exemples de
preuves faites par plusieurs textes, vg. Berakot, 6 a, 58 a; mais cha-
que texte est introduit par une formule (« comme il est écrit »). Item
Pesahim 7 b, 8 a qui cite : Ex. 12, 18; Gen. 44, 12 ; Sopli. 1, 12
3. Bâcher, Terminologie, I, p. 65; Die Proômien der judischen Ho-
milie, Leipzig, 1913, p. 8 sqq. On peut rapprocher aussi le procédé
habituel aux homélistes d'amorcer leur exposé par un texte quel
conque.
FIDÉLITÉ A. LA LETTRE BIBLIQUE. 337
. Les libertés que S. Paul prend à l'égard de ses citations ne
sont donc pas rabbiniques. Gomment les expliquer?
Par des défaillances de mémoire? Infirmité humaine fort
possible. Cependant cette explication est insuffisante à con-
vaincre ceux qui ont vu des rabbins à l'ancienne mode réci-
tant des livres entiers de la Bible et devenus de vivantes con-
cordances de l'Ancien Testament. Si cette solution se vérifiait
toujours, pourquoi, par exemple, un verset de Jérémie (31, 33)
est-il plus librement cité quand il est invoqué une seconde fois
dans l'épître aux Hébreux (10, 16, 17 après 8, 10)? Pourquoi
aussi dans les commentaires, un texte, produit d'abord rigou-
reusement, est-il allégué ensuite plus librement?
Cette imperturbable ténacité de la mémoire rabbinique
rend inutile le recours aux florilèges juifs ou chrétiens, s'ils
ont existé.
Les variantes s'expliquent encore, soit par les particularités
de la recension des LXX lue par l'Apôtre, soit aussi par ce
médiocre souci de la rigueur verbale que S. Jérôme attribue
aux apôtres et aux évangélistes ^ Nous ne pensons pas que
S. Paul, en certains cas, dépende d'une version populaire en
langue syro-palestinienne^.
Cependant les libertés textuelles les plus importantes ont
leur principale racine dans la volonté de l'Apôtre : leur examen
montre qu'elles sont souvent délibérément pratiquées en vue
de la démonstration en cours.
Cette liberté, souveraine et respectueuse, à l'égard de l'Écri-
ture se manifeste encore plus nettement en ce qui touche la
fidélité au sens de la lettre biblique. Nous ne rencontrons
jamais chez S, Paul cet arbitraire déconcertant des rabbins,
qui arrivent à trouver tout en tout. Si l'on tient compte de sa
conception typologique, on doit reconnaître qu'il n'utilise pas
l'Écriture au rebours ou en dépit de son sens littéral.
1. « Perspicuum estapostolos et evangelistas in interprétation e vete-
rum scripturarum sensum quaesisse, non verba, nec magnopere de
ordinatione sermonibusque curasse, cum intellectui res paterent »
(epist. 57, 10, à propos de là prophétie de Michée, 5, 2 citée par Mat.
2, 6) d'après Venard, op, cit. c. 42.
2. Cf. PuuKKO, op. cit. p. 53. Bôhl, op. cit., p. vu, sq.
338 EXÉGÈSE PAULINIENNE.
Nous ponvons maintenant nous représenter assez exacte-
ment ce qui différenciait l'attitude de S. Paul de celle des rab-
bins à l'ég-ard de la Bible.
Ces derniers, adorateurs de la lettre, avaient à justifier par
les Écritures une tradition qui, souvent, ne dérivait de la Loi
écrite que par des canaux très obliques et resserrés, quand
elle ne suivait pas une direction réellement divergente : d'où
leur habituelle fidélité servile à l'endroit de la lettre et leur
méconnaissance de l'esprit.
S. Paul reçoit le dépôt de l'Ancien Testament avec la respec-
tueuse liberté du fils de la maison, maitre de l'héritage de
ses pères. Il voit en lui, non la règle de sa foi, qui lui vient
du Christ, mais le pédagogue qui a préparé le règne de la
Sagesse diviae, et le témoin fidèle chargé d'attester la vérité
chrétienne. Quand il expose le message évangélique, sa
mémoire, nourrie des Saintes Lettres, lui fournit en foule, sur-
tout aux points les plus litigieux, les dépositions de l'ancien
témoin qui viennent illustrer et confirmer sa parole. Il en use
libéralement, substituant, s'il le faut,^ aux mots traditionnels
des termes équivalents qui mettent en plus haut relief la signi-
fication profonde du document sacré, amalgamant sans hésiter
des textes dont la portée testimoniale s'accorde et se renforce.
Pour terminer en style rabbinique : Parabole : à quoi la
chose est-elle semblable? A un fils de famiUe qui reçut, en
héritage de son père, des monceaux d'or et de pierreries;
il ne voulut pas enfermer ces trésors dans des coffres, mais
il les fit valoir, n'hésitant pas aies transformer pour accroître
sa fortune personnelte et enrichir de son opulence tous les
fils de Dieu, ses frères.
FORMULES INTRODUISANT LES CITATIONS. 339
II. — FORMULES INTRODUISANT LES CITATIONS.
EUes nous dévoilent quelques conceptions de l'auteur sur
la composition des Écritures et elles nous permettent d'insti-
tuer des rapprochements avec les rabbins.
1° Formules employant le verbe « écrire » (ypoccpsiv).
A, au parfait : yéyp<x'!:':oii
1) wç YSYpaTCTai (ev xô (|;aX[AÔ tô osuTépw). . . Act. 13, 33.
2) wffTCsp ysypaTûTai 1 Cor. 10, 7.
3) %aôwç yé-^pa-K'zai. .......' Rom. 1, 17.
— (mis après le texte invoqué 2, 24.
— (avec on et long texte composite)] 3, 10.
— (avec oTi) 4,17.
— (avec on) 8, 36.
— 9,33.
— 11, 26.
— 15, 3.
— 15, 9.
— 15, 21.
_ 1 Cor. 1, 31,
— 2, 9.
_ 2 Cor. 8, 15.
_ 9, 9.
h) xaôâxep '^é'-fpy.'^^ioi.i Rom. 3, 4.
_ 9, 13.
_ ' 10, 15.
_ 11, 8.
5) -/eYpaicTat vap Act. 23, 5.
_ Rom. 12, 19.
_ 14, 11.
_ 1 Cor. 1, 19.
_ 3, 19.
— (avec 'ôtO - Gai. 3, 10.
— (sans texte cité) 4, 22.
_ ...; 4, 27.
340 EXÉGÈSE PAULINIENNE.
6) £v vàp xw Mwûcréwç vop-o) •\'éypa'::i:ai 1 Cor. 9,9.
èv TÔ vô[/.o) Y«? '■{i-{poi%':ai o-ci (ici voixoç désigne
Isaïe) 1 Cor. 14, 21.
7) ouTWç yàp Y^TP*'''^''^*^^ 1 Cor. 15, 45.
8) ÔTt veYpawTai Gai. 3, 13.
B. autres formes
9) xaTK xb yB-xpa]J'\i'évo-^ 2 Cor. 4, 13.
tôts Y^^'OO'S'f'^' ô 7v6yoç ô Y^YP*H'l^^^oç • 1 Cor. 15, 54
10) M(i)u(7ï]ç Y^P "^pixcozi... oTi Rom. 10, 5.
2° Formules employant le verbe « dire » (XIysiv et autres).
A. Dieu sujet (exprimé) de la phrase
11) %a6à)ç ekev b Geoç 2 Cor. 6, 16.
12) xaSwç XeY£t to xveu[j.a à'Ywv (psaume) .... Héb. 3,7.
13) t{ X^Y^i ô )jpY)f,a-ci(7i;.6ç ; Rom. 11,4.
B. Dieu sujet (sous-entendu) de la phrase.. .
14) Tô Mwuffei yccp Xéyei Rom. 9, 15.
Uyzi tap 2 Cor. 6, 2.
iirpbç [JLèv Toùç àYYs^owÇ >^éY^^ Héb. 1, 7.
(puis en sous -entendant lé-^ei) 1, 8.
{ji,£{x©6[Ji.£Voç Y^^P aùxoùç XeYS' 8, 8.
15) Sib X£Y£i Eph. 4, 8.
— (cite un hymne chrétien?) 5, 14.
16) oiô-ri y.al Iv kxéput léyzi Act. 13, 35.
y.a8o)ç Héb. 5, 6.
ô)ç xal âv 'QaY)è X^yei Rom.9,25,26.
Bià xou XeYOVTOç Tcpbç aùxov Héb. 7, 21.
17) y,ai '::àXtv asy^^ Rom. 15, 10.
18) où U^ti. . .éCkXu Gai. 3, 16.
19) interrogatif
xm Y»? s'i^s^- ; ^^^- ^' ^•
tCvi Y«? £'i'P''3''^^''- ' 1,13.
àXXà tC XéYEu • ; î^oin- !<>' 8.
20) ouTw; efpïjy.ev Act. 13, 34.
Ttaewç £l'pir]V.ev Héb. 4, 3.
(xhxoq Y^P • • s^P"»!^^^ 13, 5.
£'{pr,y,£v Y'î'? T^o'J • • •o^'^t'iÇ *> ^'
FORMULES INTRODUISANT LES CITATIONS. 341
21) w y,al sItcsv [xapxup-i^aaç Act. 13, 22.
22) Xéywv (cf. l'hébreu /e'm^îr)
3i£[i.apTup£T0 . . .XsYwv Héb. 2, 6.
(2, 11).
'^t/.oas X 6, 13.
k%-fiyyzXxM. ..X 12, 26.
aaXvj(T£v . . .X Act. 28, 26.
ù (î^ç èppàvTWEV XsYwv ' Héb. 9, 20.
C) 23) Jésus-Christ, sujet (sous-entendu) du
verbe £t(7epx6[Ji.£voç . . . èî'pvjxsv . Héb. 10, 5.
— 2, 11.
D) 24) au passif.
èppéÔYj aÙTV) oTt Rom. 9, 12.
ko' ov XÉYExai Héb. 7, 13.
-/.a Ta To EtprjjjLEVov Rom. 4, 18.
pXsTCExe p//] èîcéXôv; to EÎpyjfxÉvov Act. 13, 40.
£V Tw X£Y£a6ai Héb. 3, 15.
E) Sujet : l'Écriture (-/j ypat^-q)
25) X£Y£t Y) Ypa?^ 1 Tim. 5, 18.
Xê'YÊi Y°=P 'h TPO'ÇiQ • Rom. 10. 11.
Xé-^ti il ypoif'}] Tw $apaw 9, 17.
(ici l'Écriture = Dieu)
26) interrogatif :
Tt yap "fi YP'*?''5 ^éT^^' Rom. 4,3.
âXX« Ti X. Y) Y Gai. 4, 30.
£v 'HX£(a Ti X. ■») Y- î I^om. J 1 , 2.
F) Sujet : la Loi (è voixoç)
27) v6{i.oç XIy£^ Rom. 7, 7.
y,a6œç y.ai ô v6[/.oç Xéyei 1 Cor. 14, 34.
G) 28) Divers sujets humains.
MwUaîjç £k£v Héb. 12, 21.
TcpÔTOç Mwuaîjç "kéyBi Rom. 10, 19.
'Haataç Y^'P ^^T^i Rom. 10, 16.
7,al TiâXtv 'Haataç Xeyei 15, 12.
H. âicoToXfJLa xai X^Y^t 10, 20.
%po<; Se Tov 'lapaYjX Xéyei 10, 21.
ïial AauiB X£Y£t Rom. 11, 9.
xaôa^ep y.al AauEtS X£Y£t t^ov (;.ay.7ptG[xcv 4,6.
342 EXÉGÈSE PAULINIENKE.
'/) ly, irbretoç owaiwaûvvj \é-^ei Rom. 40, 6.
29) Pour argumenter
XéYoi/,£v ^àp ôti Rom. 4, 9.
wffTe ôappouvTaç ifjixaç Xéyzv* Héb. 13, 6.
30) Verbes signifiant « dire »
oGtwç yocp èvTETaXTat '^[aîv ô Kupwç Act, 13, 47.
'ji;po£UY37Ye)vt(7aTO tw 'Aêpaà^;. ^ ÏP^^c?**^ (Dieu), . . Gai. 3, 8.
Y^Tiç ujjLîv (i)ç uloïç oKxké-xeTQci . : Héb. 12, 5.
■AaXwç To •j:vEU[ji,a to aytov èXaXvjaev X£Y<*>v .... Act. 28, 26.
{xap-copet TOTiv. ayiov. . .\).exa yap xb elpr,v.évai. . Héb. 10, 15.
xaôwç x£5(P'']H''2''ïi<î''^a'' Mwiia^ç . Héb. 8, 5,
xa6à)ç Tupoeiprjxat 4> 7,
vuv §s èx'iQYYs^'ï'''^ Xèywv Héb. 12, 26.
âi£(ji,apTijp£To {Xéyiùv) . 2, 6.
(p'*ja(v. (au milieu du texte cité) 1 Cor. 6, 16
et Héb. 8, 5.
oÙT. sçepov Yocp To âiaorTeXXojAevov Héb, 12, 20.
oïoat;.£v XQV eÎTCOVxa Héb. 10, 30.
XaXv^aaç ■xpbç aÙTOV Héb. 5, 5.
%pQç ov ekocMBri oti Héb. 11, 18.
•/.aôwç xpoètpYjxev ^Htraîaç Rom. 9, 29.
31) Autres expressions
'Haaiaç y.pàÇ£i Rom. 9, 27.
k%(f^-^ekia.q ykp b Xé^oç oStoç. Rom. 9, 9.
î'va 7.otJi.(ar;(T9£ t;y;v ÏTzcf^yzkia-^ Héb. 10, 36.
6£{ji,£>.ioç Tou G£Ou £^o>v Tf^v cTçpaYÎoa taÛTVjv. . . 2 Tjm, 2, 19.
32) Pour la mention des commandements.
TO yàp où [KQiy^EÙaeiç... àvaxaçaXawuxat, èv tû. . Rom. 13, 9.
à yap Traç vo[j.oç. . .xETCAvjpwTat Iv toj Gai, 5, 14.
après citation d'Exode, 6,2: -^'tiç èffxlv àvxoXr;
xpwTiQ £v âxaYYEXia Eph. 6, 2.
3° Conjonctions introduisant les citations.
33) Y«p dans l'intérieur du texte cité Rom. 10, 13,
— ,/ 11, 34.
— 1 Cor. 2, 16,
— 10, 26.
FORMULES INTRODUISANT LES CITATIONS, 343
— • 15, 27.
— 2 Cor. 8, 21.
— 9,7.
34) oiô Héb. 12, 12.
— 2 Cor. 6, 17.
oib xaî Rom. 4, 22.
35) Sxt (récitatif) Gai. 2, 16.
— 3, 11.
StoTt Rom. 3, 20.
o^Xov ÔTt Gai. 3,11.
ixevouvYE Rom. 10, 18.
36) ocXXa (adversatif) Rom. 9, 7.
— (opposé à Yé^paTCTai. ^àp) 12, 20,
— Gai. 3, 12.
37) -/ai (reliant deux textes) 2 Cor. 6, 17.
— 6, 18.
— Héb. 1,8.
— 1, 10.
— 12, 13.
38) xal '7:<zAiv (introduisant un autre texte). . Rom. 15, 11.
— 1 Cor. 3, 20.
— Héb. 1, 5 (6).
— ': 2, 13.
— 10, 30.
xaC èv Touxw -ÂiaXiv (nouveau texte) 4, 5.
(cf. Rom, 15, 10, 12)
4°. 39) Citations littérales sans formules d'introduction mais
intentionnelles (citations virtuelles) : 1 Cor. 15, 32 ; 2 Cor.
10, 17; 13, 1 (1 Tim. 5, 19); Gai. 3, 6 ; Epb. 4, 25; 5, 31.
344 EXÉGÈSE PAULINIBNNE.
Y' Remarques sur ces formules de citations.
A. — COMPARAISON AVEC LES FORMULES RABBINIQUES.
Un premier point qui frappe, c'est la variété des formules
pauliniennes contrastant avec la monotonie des formules rab-
biniques. Cependant presque toutes les expressions pauli-
niennes ont leur pendant ou leur antécédent chez les rabbins.
Venons au détail.
La locution de beaucoup la plus fréquente chez S. Paul
(32 fois, mais inexistante dans l'épltre aux Hébreux) est y^y-
paTc-rat, surtout précédée d'une conjonction comparative. Nous
avons rencontré son équivalent chez les rabbins anciens ; mais
il saute aux yeux que chez S. Paul le xaSàç yéypocKxui tient
la place du sènnéemar des rabbins.
Par contre, cette dernière formule disparaît presque chez
S. Paul, elle ne revient un peu que dans le xatà to £tpyîpt,£vov de
Rom. 4, 18. Plus fréquemment que les rabbins, mais à peu
près de la même façon, S, Paul use du verbe « dire » aux
formes actives (à l'affirmatif et à l'interrogatif). Comme eux
il indique volontiers le sujet humain de la parole; plus
souvent encore c'est Dieu « qui dit », usag-e peu attesté chez
les rabbins.
Nous trouvons également chez les rabbias : quelques
verbes signifiant « annoncer, promettre, témoigner, crier » ;
la pratique de faire précéder la mention d'une loi de l'ar-
ticle (cf. ici, 32) ; la citation d'un texte sans aucune formule
d'introduction (39).
Nous pouvons donc conclure que dans ses formules de cita-
tion, si S. Paul se rattache aux rabbins, il se montre en posses-
sion d'une manière personnelle ^
1. Michel, op. laud. p. 70, montre que certaines formules, par exemple
le <pT]oiv, se retrouvent dans la littérature hellénistique, en particulier
chez Philon. La diatribe aimait également invoquer les textes d'au-
teurs célèbres. Il ne semble pourtant pas que les usages de S. Paul
s'expliquent par une influence hellénistique.
FORMULES INTRODUISANT LES CITATIONS. 345
B. — l'épitre aux hébreux et les autres
ÉPITRES PAULINIENNES.
Il est frappant que dans l'épitre aux Hébreux les citations
ne soient jamais introduites par le verbe « écrire », si fréquent
dans les autres épltres pauliniennes et caractéristique de leur
manière. Le verbe le plus employé à cette fin dans les
Hébreux est le verbe \é-^zv4. (particulièrement dans la forme
Xs^wv) ; nous y rencontrons aussi plus abondamment qu'ailleurs
d'autres désignations de la parole divine : là encore rien
d'absolument singulier; donc assez de ressemblances pour
ne pas sortir de l'école, et assez de particularités pour dénoter
l'intervention d'un rédacteur possédant son style propre.
C. — IDÉES QUE TRAHISSENT CES FORMULES..,
Elles attestent la foi profonde de l'auteur dans l'origine
divine de l'Écriture, parole de Dieu, de l'Esprit Saint; peut-être
le passif véYpaTc-uai veut-il suggérer la même inîpression. Si
S. Paul invoque fréquemment les Écritures, c'est qu'il entend
puiser sa sagesse à une source céleste. Il a pourtant cons-
cience que Dieu s'est servi d'instruments humains pour la
transmission de son message. Le relief donné à (( l'Écriture »
et à « la Loi » marquent un culte profond pour ces auto-
rités.
L'emploi abondant de conjonctions démonstratives (ydcp, Si6)
indique l'intention de chercher dans ces citations un appui :
lequel peut être tout autant une illustration qu'une preuve
formelle. Les conjonctions comparatives (xaôwç, -AaôaTCsp)
introduisent non moins de simples références que de vrais
arguments scripturaires.
CHAPITRE V
CONCLUSIONS «ÉNËRÂLES.
Après avoir récapitulé les conclusions déjà déduites,
touchant certains points de vue particuliers, nous essaierons
de déterminer quelle est la valeur permanente de l'exégèse
pauiinienne.
I. — l'ÉPITRE aux hébreux et les autres ÉPITRES
PAULINIENNES.
Il semble qu'actuellement les critiques sont moins radicaux
qu'un Bernhard Weiss^ ou qu'un H. J. floltzmann^, se refu-
sant à reconnaître dans l'auteur de l'épître un disciple de
S. Paul. Trof) optimiste, par ailleurs, apparaît M. Rolir, quand
il déclare : « Aujourd'hui la plupart des exégètes se rappro-
chent des vues d'Origène et reconnaissent que l'auteur de
l'épître, se trouvant en connexion avec la personne ou tout
au moins avec la pensée de l'Apôtre Paul, est à chercher dans
son entourage^. » Cependant, sans entrer dans la question
d'authenticité, Michel confesse que l'épître aux Hébreux atteste
la profonde influence qu'a exercée l'argumentation scriptu-
raire pauiinienne . Mais ensuite gratuitement il avance que les
accords entre l'épître et les autres écrits pauliniens s'explique-
raient par une source commune''. Ces ressemblances dûment
constatées permettent de voir dans le rédacteur de l'épître
un authentique disciple du grand Apôtre exprimant, dans
une forme personnelle, la doctrine du Maître ^.
1. Der Brie fan die Hebràer (Meyer-Koramentar), Gôttingen, 1897,
p. 11.
2. Hand-Commentar zum N. T. Freiburg i. B. 1892, p. 6.
3. Die heilige Schrift des N, T., Bonn, 1924, p. 4.
4. Op. laud. p. 195, sq.
5. J. Lebreton, Histoire du dogme de la. Trinité, 7« édit, Paris, 1927,
écrit : « L'épître aux Hébreux est attachée aux lettres de saint Paul, et
EXÉGÈSE PAULINIENNE. 347
Le disciple fait pareiUement servir la parole de Dieu, con-
signée dans l'Ancien Testament, à exposer le mystère chrétien
et, en particulier, le mystère du Christ. Il se laisse aller plus
entièrement à ce genre homilé tique, à ces commentaires spiri-
tuels de l'Écriture, que l'Apôtre pratiquait dans ses discours et
dont ses lettres gardent de nombreux échos. Gomme lui, il lit
la Bible dans la version des LXX, mais il se montre plus Scru-
puleux à l'égard de la lettre. Et cependant tout son discours
est imprégné, à lui aussi, de termes et de conceptions bibli-
ques : ils constituent son horizon intellectuel. C'est au Hvre
sacré qu'il emprunte tous ses arguments : citations qu'il intro-
duit à sa manière ; s'il conserve nombre des formules intro-
ductrices pauliniennes, il leur imprime un tour particuKer ;
il omet même totalement le « comme il est écrit » si pau-
hnien : est-ce pour mieux accuser le « dire » divin? Dans
l'épitre aux Hébreux et dans les épitres pauliniennes anté-
rieures nous retrouvons utilisés certains textes caractéristi-
ques {Ps. 2; 8; 110; Habac. 2, 4; Dent. 32, 35; Gen. 21, 12)
et dans le même sens. C'est aussi la même conception typo-
logique : toute l'histoire ancienne est une préfiguration du
Christianisme, mais le disciple développe le système à l'aide
des méthodes alexandriaes, il ne semble pourtant pas avoir
poussé l'allégorisme aussi loin que le Maître l'a fait dans ses
considérations sur Sara et Agar. Tous les deux identifient le
Christ avec le Seigneur qu'adoraient les Hébreux.
Nous pouvons reprendre les réflexions d'Origène sur l'au-
teur de l'épitre : « ... La phrase et la composition sont de quel-
qu'un qui rapporte les enseignements de l'Apôtre et pour ainsi
dire d'un écolier qui écrit les choses dites parle maître... Mais
qui a rédigé la lettre? Dieu sait la vérité »^
elle est en effet une expression fidèle de sa doctrine... elle présente la
doctrine de saint Paul sous un aspect qui lui est particulier, sous une
forme moins mystique et plus spéculative » (p. 443, sq.).
1. Rapporté par Eusèbe, Histoire ecclésiastique, VI, 25, 13, 14 (tra-
duction Grapin).
348 EXÉGÈSE PAULINIËNNE.
IL — s. PAUL ET LES RABBINS BANS LEUR USAGE
DE l'écriture.
Le philologue qui, étudiant d'un point de vue tout formel
les écrits rabbiniques et les épltres pauliniennes, s'attacherait
uniquement à relever les formes d'exposition, les mécanismes
dialectiques, les structures de rhétorique, classerait sans hési-
ter dans le même genre exégétique les deux littératures. Et
cependant l'honnête homme, qui lit simplement les unes
après les autres plusieurs pages de ces productions d'un
esprit si différent, a le sentiment qu'il se heurte, non seule-
ment à deux doctrines opposées et irréconciliables, mais aussi
à deux formes de pensée et de composition et à deux usages
de l'Écriture spécifiquement distincts. Comment expliquer la
coexistence légitime de ces deux impressions? S. Paul est un
rabbin^ devenu évangéliste chrétien.
A l'école de Gamaliel le jeune Saul a contracté des convic-
tions et des tournures intellectuelles, d'ailleurs louables, qui
constituent le fonds de l'éducation rabbinique. Il croit que
l'Écriture, parole de Dieu, renferme toute la vérité. Il a donc
nourri son esprit de ces lettres sacrées, mais lues dans une
version grecque ; elles se sont incorporées à son intelligence
dont elles sont devenues comme la moelle : son discours est
tramé de leurs expressions. Il ne conçoit pas qu'en un exposé
doctrinal on puisse se passer de leur appui, de leur lumière :
d'où les nombreux arguments qu'il leur emprunte surtout
dans ses démonstrations contentieuses, pouvant soulever
les contestations des Juifs. Gomme ses anciens confrères, il
recourt volontiers au Pentateuque; plus abondamment que
les rabbins il puise dans Isaïe et dans les Psaumes, où se
complaît davantage sa contemplation mystique.
On retrouve chez lui, mais avec beaucoup plus de variété
et fort enrichies de formules personnelles, les expressions tra-
ditionnelles qui servent à introduire les citations bibliques.
Le docteur chrétien accuse plus énergiquement l'origine
divine des Écritures. Ses argumentations et illustrations scrip-
turaires mettent enjeu presque tous les procédés classiques :
EXÉGÈSE PAUHNIENNE. 349
applications morales, développements homilétiques, assimi-
lations juridiques, considérations philologiques, exploita-
tions de la lettre, analyses chronologiques, interprétation
dialectique, accommodations.,., et ordinairement sans trop
tenir compte du contexte.
A tout cela, appareil et matière, l'évangéliste chrétien infuse
une âme nouvelle. Il a dépouillé la mentalité rabbinique ;
comment s'amuser encore à ces controverses scolastiques,
où l'on s'ingéniait à disputer subtilement sur les divers
sens que peut revêtir une sentence biblique? où l'on devait
étayer ses vues juridiques, produit d'une tradition extrabi-
blique, de preuves bibliques, nécessairement extrinsèques,
gratuites et arbitraires, sinon bizarres et ridicules? Comment
encore s'attarder à des prédications qui trop souvent avaient
pour fin de flatter et stimuler l'imagination du populaire?
L'Apôtre chrétien se sent investi d'une charge plus haute
et redoutable : héraut de l'évangile du Christ, économe du
mystère chrétien, qu'il doit dispenser, non plus en des dis-
cours de sagesse humaine si souvent frelatée, mais en simples
énonciations de sagesse divine. Cette sagesse, ce « sens du
Christ », il les a reçus directement de Dieu, quand il lui a
jîlu de lui révéler son Fils. Dans ses méditations inspirées il
s'est rendu compte que la Loi, dont il était jadis le jaloux
sectateur, rendait le même son que la science du Christ
crucifié, que cette économie, maintenant périmée, était une
ombre, une figure de l'économie nouvelle et pouvait lui servir
de pédagogue. Il doit donc, dans son message, projeter la
grande lumière du Christ sur ces lueurs prémonitrices, qui
l'attestent et la font valoir.
Voici à l'œuvre l'évangéliste chrétien, maniant l'antique
instrument de la Loi, mais avec une gravité et une liberté
toutes nouvelles. Grave ^ celui qui sait que le Christ crucifié
ne va pas perdre son temps à des virtuosités exégétiques, il
ne peut pas exposer l'enjeu vital qu'il dispute : le salut des
âmes pour lesquelles son Maître a versé son sang ; donc pas
de dialectique à vide, pas d'ergotages infinis, pas de verbiage
déplacé. Si nous tenons compte de sa conception typologique,
nous ne découvrons pas chez S. Paul de ces références scrip-
350 EXÉGÈSE PAULINIENNE.
turaires qui n'ont aucun rapport avec le sens vrai du texte,
quand elles ne le méconnaissent pas totalement. Souveraine-
ment libre, l'évangéliste, dirigé par l'Esprit de Dieu, dispose
ses moyens de preuve en vue de la fin qu'il poursuit : soilvent
il se contentera d'une fidélité générale à la lettre et il a
toujours en vue la portée figurative de l'histoire sainte et de
l'Ancien Testament ; il n'hésite pas à tourner contre la Loi les
éloges de la Loi, à refuser à l'Israël charnel, pour les conférer
à l'Israël spirituel, les promesses et les prérogatives octroyées
au peuple élu. Dans ses interprétations typiques et symbo-
liques il met en œuvre les méthodes d'exégèse parabolique
apprises jadis et il les pousse jusqu'à leur extrême limite, pour
mieux extraire de la lettre qui tue l'esprit qui vivifie.
III. — VALEUR PERMANENTE DE L 'EXÉGÈSE PAULINIENNE.
A étudier les exégèses de S. Paul, uniquement au point de
vue rationnel et logique, on ne peut qu'être choqué. Bien des
critiques expriment à ce sujet dos appréciations, auxquelles
M. Loisy a donné une formule incisive :
Ce n'est pas pour rien que Paul est visionnaire; il l'a été dans sa
conversion, il n'a pas cessé de l'être, il l'est en quelque façon jusque
dans ses raisonnements... Sa théorie de l'économie salutaire inaugurée
en Abraham et accomplie dans le Christ n'est aussi qu'une vision gran-
diose, dont les éléments ont bien pu lui être fournis d'un côté par les
spéculations juives sur Abraham, et d'un autre, côté par la mystique
païenne et les morts divines, qui s'est élaborée spontanément dans- son
esprit et s'est imposée à lui comme une réalité. C'est pourquoi il a
poussé jusqu'aux dernières limites possibles le génie du contresens.
Les passages bibliques qu'il utilise ne sont pas que des sentences isolées
de leur contexte et qui peuvent être appliquées à un autre objet par
un simple artifice d'exégèse, ils sont comme le support d'une vision
indépendante que son imagination y a rattachée. Aussi bien, à pro-
prement parler, ne prouve-t-il pas ses thèses par l'Écriture, il les voit
dans l'Écriture... Vision sublime, mais pure vision, car les textes bibli-
ques ne suggèrent point ce que Paul y trouve, si ce n'est que la ren-
contre d'un mot éveille en lui la perspective de tout un mystère^ ...
1. LoiSY, L'épître aux Galates, Paris, 1916, p. 44, sqq.
Cf. Michel, op. cit. p. 133 : « Paul ne déduit pas de l'Écriture, mais
démontre par elle son opinion... ».
Cf. aussi WiNDiscH, 0/?. cit. p. 71, 73...
EXÉGÈSE PAULINIENNE. 351
Au fond Paul n'aurait pas dépouillé son rabbinisme : ses
anciens collègues s'acharnaient à voir dans les Écritures, et à
les y découvrir par une exégèse arbitraire, leurs conceptions
haggadiques ou halakhiques, lui y retrouve ses propres
visions.
Est-il besoin d'assurer que ces vues sont inacceptables pour
un croyant? Nous tenons que la révélation judéo-chrétienne
constitue un tout organique intimement lié. L'Ancien Testa-
ment, partie de cet ensemble, n'est pas une unité isolable et
séparable qui trouve son explication en elle-même. C'est un
stade préparatoire, un moment de l'éducation de l'humanité :
le pédagogue forme les enfants mineurs et les achemine vers
le Christ. De même que dans une relation de termes inégaux,
l'inférieur appelle le supérieur et ne devient intelligible que
par lui, de même l'Ancien Testament, dans son histoire, dans
ses institutions et dans le livre qui le représente, ne prend
toute sa valeur qpie référé au Christ et à son Église.
Évidemment ce n'est que la foi chrétienne qui livre le
secret de ces perspectives mystérieuses, qui illumine les
ombres incertaines de ce clair-obscur sur lequel rayonne la
figure attirante du Sauveur. De ce chef l'Ancien Testament
devient plus pénétrablè, plus compréhensible au chrétien
qu'au juif. Actuellement nous saisissons beaucoup mieux
tout l'esprit qui anime la longue attente : le sens profond de
l'espérance messianique, la raison des épreuves purificatrices
auxquelles Dieu soumet son peuple, le constant souci pro-
videntiel de détacher Israël de ses ambitions politiques, do
son orgueil national, afin de le conserver intégralement pour
sa mission religieuse.
Ce n'est donc pas une âme étrangère, une signification
extrinsèque que S. Paul impose violemment aux textes qu'il
exploite : il en dégage le sens profond, celui que le Saint Esprit
destinait à notre instruction et consolation^
Nous avons vu qu'en une certaine mesure cette signification
1. Contre Sanday-Headlam, epistle to the Romans, p. 305, sq. : ils
estiment que S. Paul a bien compris l'esprit de l'Ancien Testament,
mais que les exégèses qu'il produit pour soutenir ou exposer ses vues
sont sans valeur et à rejeter.
352 EXÉGÈSE PATJLINIENNE.
spirituelle était accessible aux Juifs et pouvait les orienter,
tant intellectuellement que pratiquement, vers le Messie véri-
table, vers le Rédempteur des âmes. Les oracles messianiques,
les prédictions relatives à la nouvelle alliance, à la Loi divine
inscrite dans les cœurs, devaient ouvrir les yeux sur la vraie
portée de l'élection, relative et conditionnelle, sur son
caractère supra-national. Les directions morales tendaient à
créer dans les cœurs une disponibilité totale, à les dégager de
tout particularisme, de toute confiance orgueilleuse dans la
vertu sanctificatrice des institutions mosaïques : ce ne sont i
pas les œuvres humaines qui sauvent, mais la grâce de Dieu.
L'Israélite de bonne volonté, qui vivait de cette manière sa
religion, se tournait comme d'instinct vers le temps de l'ac-
complissement, de la perfection, que l'heure présente pré-
parait et faisait pressentir. Pour ce fidèle les exégèses de saint
Paul n'avaient rien de rebutant ni d'absolument inattendu :
elles répondaient à ses propres aspirations : tels étaient les
Juifs qui par myriades accueillirent le message apostolique.
Ce rôle préparateur de l'Ancien Testament, M. P. Claudel
l'a présenté dans une page magistrale :
D'Adam jusqu'à Noé, et de Noé jusqu'à Abraham, et d'Abraham
jusqu'à Moïse, et de Moïse jusqu'à David, et de David jusqu'à Jean-
Baptiste, il y a une promesse qui est à l'œuvre. Dieu est à l'œuvre à
travers le temps, et son instrument, en tant que Père par excellence,
est la génération qui a pour sacrement la circoncision.
L'Ancien Testament n'est pas autre chose qu'une relation de l'opéra-
tion de cette promesse à travers les siècles.
Le problème qui se posait au poète et ingénieur divin était de pré-
parer les âmes, et je dirai les corps, de les aiguillonner du côté d'une
réalité qui surpasse infiniment les forces de l'intelligence et de l'ima-
gination, et pour cela, de s'adresser au-dessus de toutes nos facultés
à l'être, d'adapter en nous peu à peu une certaine capacité, non pas
de conception, mais d'appréhension, au moyen inouï d'intervention
qu'il se réservait, à un miracle capable de faire chanceler la nature
sur ses bases.
L'exploit divin était de faire préférer à l'homme Y Autre, et, pour ce qui
est du présent, l'inconnu au connu, le futur à l'immédiat, la foi à l'in-
telligence, la parole de Dieu à la satisfaction de l'instinct. A une telle
tâche tous les moyens en apparence étaient inadéquats, toutes les expli-
cations comme toutes les injonctions, déficientes, toutes les paroles et
toutes les invitations sans portée. Le seul procédé était d'utiliser cette
EXÉGÈSE PAULIN4ENNE. 353
disproportion elle-même, de fournir un vocabulaire à notre balbutie-
ment, un appoint à ce faible désir, de suggérer par la voie de l'insuf-
fisance, d'apporter les clefs qui ne valent que parce qu'elles ouvrent.
Le sens de l'Écriture, c'est sa direction^
Pour nous aussi les interprétations pauliniennes gardent
leur prix. Aujourd'hui, devant les attaques de la nouvelle
religion germanique, le chrétien comprend qu'il ne peut
purger sa religion de son substrat juif sans la ruiner.
Par ailleurs nous ne voulons pas lire l'Ancien Testament
uniquement dans un intérêt historique et archéologique :
comment pourra-t-il nous dispenser encore instruction et
édification? A deux conditions.
La première condition est de savoir utiliser l'instrument de
la révélation biblique, d'y reconnaître en tous ses linéaments
la divine figure de Jésus, tout comme des ombres laissent
deviner les réalités dont elles sont la projection, ainsi que la
source lumineuse qui les éclaire.
L'Ancien Testament, écrit M. P. Claudel, l'Ancien Testament, poésie
lyrique et dévotionnelle, prescriptions morales et rituelles, est incom-
présensible sans cette présence invisible et future qui le dispose et
l'oriente tout entier, jusqu'aux moindres nuances, jusqu'aux plus sour-
des intonations, et crée de toutes parts autour de lui une espèce de
champ prophétique.
L'Ancien Testament est incompréhensible sans le Nouveau, qui vient
tout remplir, justifier et expliquer. Je ne suis pas venu, dit Notre-
Seigneur. dissoudre, mais remplir. Pas un iota de la loi ne passera et
pas un point sur Vi (Matthieu, 5, 18). Et, comme en réalité toute la lettre
a passé, il faut bien admettre, si quelque chose subsiste, que ce quel-
que chose est le sens spirituel inhérant jusqu'aux moindres détails du
texte premier.,.
Le verbe fait chair, qu'il agisse ou prêche, pendant les trois années
de sa mission, n'a pas fait autre chose que parler, que se montrer lui-
même à la place de la figure. Dès l'enfance, quand ses parents lui
reprochent de les avoir quittés pour se proposer aux docteurs, il répond :
Ne savez-vous pas que dans ces choses qui sont de mon Père, c'est-à-dire
dans ces mots, dans ces réalités concrètes, qui annoncent que je suis
son Fils, il faut Moi être"} Et plus tard, quand il accomplit le tour des
synagogues, que fait-il que se produire au milieu de la loi et des
prophètes comme une référence vivante? Ecce venio (Psaume, 39, 8).
On vous a dit telle et telle chose, déclare-t-il sur la montagne, mais
1. VAVhChAw^h, Introduction au v. Livre de Ruth. » Paris, 1938, p. 81, sq.
EXÉGÈSE RABBINIQUE. . 1^
354 EXÉGÈSE PAULINIENNE.
moi-même, me voici là, écoutez ! pour vous dire telle autre. A chaque
instant reviennent dans l'Évangile, ces mots : lU adimpleantur
Scripturae. Quand ses disciples veulent le détourner d'accepter la
Passion, sa réponse est : quomodo adimplebuntur Scripturae ? Il ne fait
qu'un avec elles... Et quand, après la Résurrection, il rencontre les
deux disciples sur le chemin d'Emmaus, toute son instruction consiste
à leur ouvrir les Écritures qui le contiennent. Il est dedans. Quand il
apparaît aux deux apôtres sur le Thabor, il veut que ce soit entre Moïse
et Elle et sa manifestation est une transfiguration, la clarification,
l'illumination extérieure d'un texte opaque.
Tout l'Ancien Testament ne fait que balbutier la première lettre du
nom sacré (qui est aussi la première de l'alphabet) : .4 a a et c'est le
Fils seul qui a été rendu capable de l'achever et de la mettre dans
notre bouche sous sa forme parfaite : Abba Pater \ Notre Père qui êtps
aux ci eux ' !
La seconde condition est de conjuguer étroitement les
deux parties, si intimement liées et cohérentes, de la Révéla-
tion totale, afin de comprendre mieux le sens plein de l'Évan-
gile, en le situant à son rang dans la perspective complète de
l'économie divine, et aussi de pénétrer quelque peu le
mystère de l'histoire que dirige, en ses inflexions les plus
déconcertantes, la main paternelle de Dieu. Ainsi notre foi se
trouve éclairée et fortifiée, la dispensation judéo-chrétienne
n'étant intelligible que si l'on considère conjointement les
deux termes. Par ailleurs, à remarquer les attitudes prises
par Dieu dans l'éducation de son peuple, nous comprenons
mieux certains moments obscurs et angoissants de l'histoire
chrétienne.
Écoutons encore M. Claudel : il discerne admirablement,
dans son déroulement séculaii'e, l'unité substantielle que
manifeste le « fleuve des Écritures, le fleuve de la Révélation » :
Un fleuve! le fleuve de la Révélation, qu'est-ce à dire? Il y a
différentes sortes de révélation. La première est comme si on était
un voile de devant une statue, et la seconde est comme im rais de
soleil dans une chambre obscure, qui détermine différentes zones de
visibilité. Et la troisième, enfin, est quelque chose d'actif et de vivi-
fiant qui nourrit, amène à maturité et manifestation le germe inclus
dans le sol. Ainsi dans la continuité de sa marche majestueuse, le
fleuve de vérité que je viens de décrire et dont Israël fut le véhicule à
1. P. Claudelj op. laud, p, 87-90.
EXÉGÈSK PAUMNIENXE. 355
travers les peuples et les siècles. Tout ce qu'il touche, tout ce à quoi
il apporte le nom de Jéhowa, tout ce qu'il imprègne de cet esprit qui
est essence, tout: cela prend forme, ordre, vie et sens et le désert irri-
gué assume espèce, et vigueur, à perte de vue, de vocabulaire de
l'éternité <.
Cette intelligence ne peut être acquise que si nous avons
appris, à l'école de saint Paul, à déchiffrer le sens figuratif
des Écritures. L'Apôtre nous enseigne également cet art
infini et parfois si secourable : exploiter toutes les ressources
qu'offrent à notre foi et à notre piété les Écritures entendues
allégoriquement et symboliquement. De ce biais, comme
l'écrit M. Claudel, « il n'y a parlage ou discours^ dit le
Psaume 18, 4, dont la voix ne se fasse entendre. Tout devient
par rapport à Dieu. Tout ce qui passe est promu à la dignité
d'expression, tout ce qui se passe est promu à la dignité de
signification. Tout est symbole et parabole. Tout est figure,
ou bien, comme disaient nos ancêtres, moralité^ un drame
comportant une morale, une application et une explication
]3ratique au moyen de la réalité d'un enseignement, un fait
relatif à Dieu, la mise en scène et en acte, sous la forme d'une
histoire, d'une intention de notre régisseur ^ ».
C'est par cette double voie, du sens typologique et du sens
figuré, que les vieilles Écritures ont fourni de riches aliments
spirituels aux saints de tous les temps qui étudient la parole
de Dieu, non pour satisfaire de vaines curiosités historiques
et critiques, mais pour nourrir leurs âmes. Et nous voyons
que ces esprits, ardemment appliqués à scruter les filigranes
de figures que recèle la lettre biblique, ne sont pas des reve-
nants de l'antiquité ou des simples, ignorant la science et la
philosophie. Au surplus, ils peuvent se réclamer d'un patro-
nage glorieux : Pascal estimait que l'Écriture n'est qu'un tissu
de contradictions si l'on n'y voit pas une série de figures :
Pour entendre l'Écriture, il faut avoir un sens dans lequel tous les
passages contraires s'accordent... Tout auteur a un sens auquel tous les
passages contraires s'accordent, ou il n'a point de sens du tout. On ne
peut pas dire cela de l'Écriture et des prophètes : ils avaient assuré-
1. Op. laud. p. 58.
2. Op. laud. p. 58.
356 EXÉGÈSE PAULINIENNE.
ment trop bon sens. Il faut donc en chercher un qui accorde toutes les
les contrariétés.
Le véritable sens n'est donc pas celui des Juifs : mais en Jésus-
Christ toutes les contrariétés sont accordées.
Les Juifs ne sauraient accorder la cessation de la royauté et prin-
cipauté prédite par Osée (3, 4) avec la prophétie de Jacob {Gen. 49, 10).
Si on prend la loi, les sacrifices et le royaume pour réalités on ne peut
accorder tous les passages. Il faut donc par nécessité qu'ils ne soient
que figures. On ne saurait pas même accorder les passages d'un même
livre, ni quelquefois d'un même chapitre, ce qui marque trop quel
était le sens de l'auteur : comme quand Ézéchiel (20) dit qu'on vivra
dans les commandements de Dieu et qu'on n'y vivra pas.
Jésus-Christ leur ouvrit l'esprit pour entendre les Écritures. Deux
grandes ouvertures sont celles-là : 1° Toutes choses leur arrivaient en
figures : vere Israelitae vere liber i, vrai pain du ciel ; 2° un Dieu humilié
jusqu'à à la Croix : il a fallu que le Christ ait souffert pour entrer dans
la gloire : « qu'il vaincrait la mort par sa mort » {fféb. 2, 14).
Dès qu'une fois on a ouvert ce secret, il est impossible de ne pas le
voir. Qu'on lise le vieux Testament en cette vue, et qu'on voie si les
sacrifices étaient vrais, si la parenté d'Abraham était la vraie cause de
l'amitié de Dieu, si la terre promise était le véritable lieu de repos ?
Non ! donc c'étaient des figures. Qu'on voie de même toutes les céré-
monies ordonnées, tous les commandements qui ne sont pas pour la
charité, on verra que c'en sont les figures.
Tous ces sacrifices et cérémonies étaient donc figures ou sottises.
Or il y a des choses claires, trop hautes, pour les estimer des sottises ^.
1. Édition Brunschvicg, 684, 679, 680. On ne sait, en vérité, parmi les
nombreuses pensées relatives à cette théorie des figures, qui semble
avoir obsédé Pascal, faire un choix : il y a là tant de lumières. Voir
encore : 576, 643, 648, 659, 670, 673, 675, 677, 678, 683, 68^, 687, 692,
750...
TABLES
I. TABLE DES CITATIONS
1° Ancien Testament.
Agé
jée.
6
222
2, 3-9,
21-23
308
7
220
6
288, 308,
332, 333
12
15
223
217
Amos.
5,1
151
1,1
16
2
218
3,8
162
9, 10
219
4,1,
16
6,1
219
7
75
2
218
5, 21
199
3
219
7,1
79
8
222
11
70
9
223
8, 10»
40
7, 10
64
Cantique.
8,5
173
1, 3
123, 219
6
173, 220
6
223
8, 13
223
7
29
1 Chroniques.
8
29, 216
5, 25
143
9
220
10, 13
143
11
244
12, 1
233
12
218
17,5
170
15
217
21, 5
205
2,2
^
217, sq.
27, 1
206
4
221
28, 8
12
5
222
36, 13-17
69
8
49, 222, 223
2 Chroniques.
9
49
16, 1
150, 203
14
176, 217,
221
19, 6
30
16
219, 220
7
286
3,4
220
30, 18, 19
181
7
222
35, 21-24
177
9
220
36, 13-17
69
11
220
20
69
4,5
223
21
69, 71
358
TABLE DES CITATIONS.
Daniel.
17
145, 193
1, 21
70
14, 4
145
2, 47
290
21
86
9, 23, 24, 26,
27
48, 157
7 i * '
27
70
28, 29
40
11, 1-4
70
15, 2
40, 53, 58
36
290
8
156
12, 7
75
9
40, 52, 91
11
40
19
111, 202
16, 1-17
198
Deutéronome.
2
201
1,2
18
3
24
28
163, sq.
6
131, 180
46
96, 184
17,2
101
2,23
136
6
101, 285
3,24
101
323
25
18, 60, 236
17
158
27
18
18, 4
152
4,4
64
9
39
5, 16-18
320
10
101, 134, 148, 170
21
320
12
39
28
246
19, 1
157
29
156
4
58
6,4
17
5
101
5
98
14
227
7
59
15
285, 319
13
90
20, 5-8
39
7,1,3
39
6
105
25
202
8
132, 229
8, 10
60
15
179
9,1
163
21, 7
173
19
285
8
31, 173
10, 9
285
9
31
12
75
13
226
17
204, 285
18-21
62
20
190
22
101
11, 6
164
23
286, 314, 329, 332
9
64
22, 2
161
22
161
4
104
25
177
9, 10
40
12, 20
177
11
40, 53, 112
31
194
17
207
13, 6
285, 323
24
286
8
46
27
105
14
91, 148
23, 3-5
39
TAr.LTS 1>ES CITATIONS.
359
4
92, 146
36
286, 317
11
105,
166
39
49
14
229
42
16
26
141
43
286, 320, 334
24, 1
57
33, 1
47
3
45
2
237, 239
6
228
5,6
180
7
101
7
97, 173, 286
8,9
96, 179
10
64
12, 15
39
27
118
19
40, {
55
34, 1, sq.
72
20
40
6
160
21
40, l
56
Ecclésîaste.
25, 3
140
4
40,
187,
228, 286,
1,4
127
310,
330, 332
12
168
5
155
7
15
65
9
57
7, 19
67
11, 12
155
8, 3
245
18
173
9, 18
243
26, 13-16
53
10, 1
242
27, 5
229
11, 1
241
18
286
2
242
20
68
6
244
26
286,
315,
334
12, 14
288
28, 27, 30
165
Ecclésiastique
29, 4
333,
334
1,9
320
16
202
7, 17
41
22
69
38-39, 11
12
28
129
30, 12-14.
286,
306,
328, 331
Esdras.
31, 6-8
317,
335
9, 10-12
39
9
15
10, 2, 10
39
16
64,
129
4 Esdras.
21
69
27
69,
84
5, 24, 26
217
29
69
14, 37-48
12
32, 1
144,
177
Esther
2
163
9, 12
84
5
323
15
16
Exode.
17
126,
286,
322
2,2
284
21
135,
286,
313, 334
^ 16
19
25
123,
147
3, 8
186, 238
35
286,316,317,331,335
12
179
360
TABLE DES CITATIONS.
4, 21
299
48
20, 168
22
284
49
20
25
196
13, 2
111, 177
26
150
5
30
6,8
16, 177
6
24
12
84, 186
7,8
53
7,3
284, 299
9
49
8,19
161
13
111
23
171
14
161
9,8,9
17
17
171
12
299
21
66, 321
16
285, 299, 331,
334
14, 3
67
20
86
4
229
11, 7
87
10
150
12, 1
86, 90, 197
10-12
67
2
149
13
221
4
133, 142, 182,
193
17
299
6
21, 53, 131,
179,
21
19
197
22
123, 321
7
42
24
23
9
143, 157, 196
30
153
12
24, 171
15, 1
150, 175
13
285
2
221
14
148
3
174
15
95, 161, 167, !
>85
7
151
16
127, 154, 161
9
168
17
122
18
74
18
167, 192
16, 5
16
19
53, 89, 285
14
235
20
127
18
285/ 316, 329, 333
21
171, 285
20
67, 175
22
285
22, 23
16, 177
24
192
25
199
25
16, 157, 177
27
67
28
104
29
40
29
17, 24
17, 1
238
30
140
8
176, 233
35
154, 168
9
128, 235
36
154
11
94
37
17, 159, 234
13
137
40
203
18, 3
125
41
46
12
135
43
174
13
132
44
152
15
16, 172
45
21
18
191
TABLE DES CITATIONS,
361
21
135
19, 2
104
3
246
8
159
9
191
11
9d
12-16
285
13
285, 334
15
91
16
285
17
176
18
162
19
49
20
205
20, 1
112
5
30
8
155, 221
10
50
11
285, 322
12
90, 320
12-17
285
13, sq.
320
14
50
17
320
18
171
20
67
22
205, 237
25
50, 156
21,2
232
7
167
8
122
14
19, 187
15
158
16
50
17
90, 158
18
109
19
207
21
161, 191
24
44
27
103
28
113, 154, 190
30
44
32
113
22, 2
207
7,8
43
8
9
17, 18
24
27
28
30
23, 2
5
8
10
12
16
17
18
19
23
31
24, 3
5
7
8
11
25, 5
8
22
34
40
27,6
28, 38
31, 13
15
16
32, 4
6
33, 19
34, 4
18
19
21
22
29-35
30
33, 34
85, 2
110
109
187
50, 156
316
56, 134, 285
86, 105, 166
60
153
63
40, 203
46, 152
22
18
171
128
177
177
221
118
180
285, 321, 333
118
56
178
205
129
285, 316
156
192
191
50
155
221
285, 321
285, 299, 334
23, 159
231
111
59,94
22, 177
309
322
285, 322
154
362
TABLE DES CITATIONS.
40, 36-38
66
21
119
Ezécliiel.
4,1
4
160, 190
126
1, 26
231
5
284
2,1
168
7
128, 199
47 ,
290 '
10
148
4, 11
41
11
164
12
140
23
171
8, 17
120
26
150
9, 11
159
5, 24
284
il, 19
322
7
32
70
36
290
7, 11
70
15, 5
84
20
35
17, 2
168
23
191
2-24
213
9, 6
47, 187
18, 32
47
7
7
7
187
20, 34
334
11
161
21, 32
136
12, 1
284
23
214
3
284, 298
23, 48
62
6
7
185
24, 3
213
7
284
29, 12
198
13, 15
298
33, 24
223
7
16
164
36, 20
318
14, 1
129
37
214 sq.
17-20
284, 305
37, 27
317, 333
15, 5
238, 284, 315
39, 17, 18
17
6
284. 299, 319
43, 2
163
10,
sqq.
46
47, 12
99
12
X A
239
23
96
13
203
Genèse.
16
171, 203
1,1
160, 190
18
30
6
170
16, 4
129
27
284
17,5
157, 284, 315
31
119
8
298
2,2
332
10,
11
284
4
123
13
196
7
284, 315, 322, 332
14
92
12
.172
15
157
24
270, 271, 284, 305,
16
335
316
17
315
.3,6
284
18, 2
30, 238, 239
. 14
270
6,
7
238
16
228
9
129, 130
17, 18
234
10,
14
284, 334
18
19, 7
9
22
24
33
20, 8, 11
21,1
10
10, 12
12
20
23
22, 1
3
6
16, 17
23, 4
24, 3-9
10
25, 23
26, 3
4
27, 21
27
28, 18
20
31, 30
33, 4
17
34, 26
35, 10
18
22
36, 12
24
37, 35
38, 14
26
40, 8
15
41, 1-29
42, 30
44, 8
18
298
141
142
96
171
129
191
190
381
284, 310, 335
284, 301, 315, 347
160, 190
171
284
23, 159
23
284, 331
284
199
145
284, 334
30
164
142
142
23, 159
237
196
129, sq.
234
61
157
153
68
129
240
133
234
173
241
196
198
141
84
141
CITATIONS.
3G3
47, '31
284
49, 4
138
6,7
128
10
73, 74, 356
14
243
22
243
28
47
Habacuc.
1,5
288, 318, 333
12
119
2, 2-4
296, 297
3, sq.
288, 327, 330,
335
4
317, 319, 327,
347
332,
3,9
174
11
174
Isaie.
1, 2
144, 177
9
289, 313, 329,
334
18 sq.
62, 236
19 sq.
177, 199
2,4
62, 63
10
289, 322
11, 19, 21
289
4,5,6
234
5, 2
236
14
242
6,1
168
9 sq.
289, 313, 318,
329
7,8
70
8,2
72
14
289, 313, 329,
333
17
289, 315, 335
18
315, 335
9,6
130
10, 22 sq.
289, 313, 329
334
, 332,
34
236
11, 4
289
5
289, 323
10
289, 314, 320,
332
13, 19
70.
14, 19
69
23
133
364
TABLE DBS CITATION'?.
19, 11, 12
289
17
147, 289
22, 2
144
23
289, 314, 322, 333
13
289, 319
48, 13
49
24,9
71
18, 19
156
25, 8
150, 289, 314,
333,
49, 1, 2, 4
289-
335
6
289, 313, 329, 333
26, 2
127
8
289, 295, 318
11
289, 322
18
333
19
64
20
41
20
296, 335
23
239
27, 9
314, 335
50, 8, 9
289
28, 7
184
51, 4
220
8
133
52, 3
75
.11, sq.
289, 297, 328
4
334
16
289, 313, 315,
329
5
289, 318, 329, 332
333, 334
7
289, 313, 323, 329,
20
65
334
29, 10
289, 313, 329,
333,
11
289, 316, 334
*■ 7
334
15
289, 314, 333
13
289
53, 1
289, 313
14
289, 314, 329,
331
4
289
16
289, 323
5
239, 289
30, 15
75
11
289
16
239
12
290, 323
22
52
54, 1
290, 310, 314, 335
32, 20
74, 243
55, 1
163,184,230,237,243
33, 18
289
3
290, 301, 333, 335
34, 6
17
10
290, 322, 329, 335
35, 3
289, 333
12
144
5, 6
150, 319
57, 19
290
10
234
58, 8
150
36, 12
147, 165
59, 7, 8
334, 335
40, 3
323
17
174, 290
4
66
20 sq.
290, 314, 331, 335
5
177
60, 5
150
9
323
8
232
13 sq.
289, 320, 329
334
22
75
41, 8
289
61, 1
170
42, 5
289
11
147
10
146
63, 9
126
43, 6
333
64, 1
235
45, 3
289
3
333
7
153
4
290, 320
9
289, 323
65, 1
333
14
289
1,2
313, 328, 334
TABLE DES CITATIONS.
365
2
333
43
70
16
333
45
290, 316
17
320
46
69
29
290
52, 12, 13
69
66,5
290
31
69
15
290,
322
Job,
Jérémîe,
1, 1-8
288
1, 5
290
3
151
2, 2
168
2,3
288
7
5
65
5,12
316, 333,
334
11
119
13
288, '316,
325, 333,
27
226
334
6, 4
69
7, 20
119
7, 4
198
8, 11
176
9, 9
69
10, 2
20
7
22, sq.
25
290,
298, 319, 327
13,15
125, 126
185
7 /
16
288, 323
17, 2
205
10, 25
322
*' 5 ■"
4, 5
181
11, 20
290
J.J V
27, 5
126
12, 5
84
7
>
30, 3
144
17, 11, 22
87
7
22
144
22, 6
236
^^7
38, 9
65
24
333
5
39, 7
144
23, 2
139
7
7,8
157
41, 3
288, 320,
325
24
18
Joël
29
36, 155
2, 23
99
26, 16, 17
173
3,5
288, 315,
329
18
72
9
334
20-23
173
30, 6
147
Josué
7
73
2, 11
115
18
74
3,1
23, 159
31, 13
150
4, 2 sqq.
196
31-34
290,
300, 334
7,1
143
33
337
10, 12
150
34
301
15, 63
144
33,24
183
22, 24
161
26
173,
183
Juges.
34, 5
69
36, 6
156
5, 26
49
46, 22
170
28-31
173
50, 25
290,
324
6, 12
61
51, 1
139
9, 8-15
?07
366
TABLE DES CITATIONS.
10, 2
182
lamentations
3
177
3, 23
4, 19
20
5, 17, 18
23
232
177
72
4, 5
6
16
11, 2
14
182
58
197
149
104
Lévitique.
33
12, 5
122
48, 128, 193
1,1
26, 197,
205
13, 3
148
2
157,
166,
191, 194
10, 18, 24
113
4
25
30
132
5
21, 22
40, 42
181
8
164
14, 13, 14
114
10
47, 180
21
19
2,4
194
34, 45
182
12
22
15, 16
155
14
50, 156,
174
16, 2
51
20
198
12
285
4,5
124
23, 24
181
7, 18,25,30
,123
27
285
32
94, '
149
3
161
34
123
17, 7
161
5, 1
62 \
8
158
2
188
11
48
4
154,
195
13
45
5
102
15
105
6
94
18, 3
170, 317
12
40
5
285, 315, 332
6,3
134
6,7
107
5
178
26, 27
39
7
185
19, 4
131
13
160,
193
9
40
7, 2-5
114
10
40, 56
8
177
11
50, 175
12
285
13
39,90
15
180
14
228, 285
34
114
16
137, 175
37
193
18
285, 320
8, 14
142
19
40, 112, 241
33-35
177
20
136
9, 1
168,
177
23
92
5
176
24, 25
155
7
94
26
45, 227
22
175
20, 10
50
TABLE DES CITATIONS
367
13
122
14
140
21,3
50, 152, 198
9, 10
186
22, 2
141
4
40
6
160
18
192
21
158
26-28
180
28
158, 180
23
198
23, 13
126
16
22
17
174
22
40
34
123
40
121, 135, 144
40-42
39
42
123, 146
44
179
24, 6
25
8
149
15
90
19, 20
44
21
44
25, 2
180
2-7
40
3
203
5
141
7
56
9
48
20-22
40
46
50, 152
55
250
26,3
156, 199
11
285, 317, 334
12
317, 333, 334
15
199
25
177
46
64, 180
27, 10
146
21
146
26
202
I Macchabées
.
1, 41, 57
40
3, 56
39
7, 17, 18
69
Malachie.
1,2
319, 333
2 sq.
288, 334
13
119
Michée.
3, 12
72
7,1
71
6
75
Nahum.
1, 1, 3, 4
173
Néhémie.
8, 1-8
12
14, 15
39
13, 1, 2
39
Nombres.
4, 20
49, 178
30
202
5,5
197
6
102, 109, 198
7
102
8
149
10
155
11-31
187
12
43
13
142, 198
14
50
15
23
16
149
17
127
20
199
6,3
143
5
45, 139
6
46
9, 10
187
10
158
13
160
15
108
19, 20
114
368
TABLE DES CITATIONS
24
175
15,3
147
26
204
18
159
7,1
151
19
152
9
53
24
179
89
205
29
146
8,24
202
30, 31
36,'
196
9, 2-13
91
32
67
3
53, 174
37-40
179
6
175
38
134
9, sq.
53
40
178
10
129
16, 1
67
19
66
5
285,
322
10, 29
96
26
322
33
18,'
19
30
164
35, 36
130
37
285
11, 1
130,
151
18, 1
24,5
25
4
285
2
24,
167
6
60, i
172
3
66, '
167, 178
8
138
4
20
15
120
5
161
32
124
7
20,:
22, 25
34
285
9
43
12, 1
19,'
141
11
21
1-10
46
13
21,
22, 26
2
194
14, 15
161
4
156,
166
16
90,
111
6
141
23
25
7
285,
322
26
93,
121
8
163
21, 5
141,
321
9
20
6
321
12
120
8
94
14
84,
87
17
150
13, 2
196
26
145
26-31
173
30
129
31
121
23, 24
57
14, 2
321
24, 6
285,
322
3
67
7
73
14
66
17
72
16
285
25, 1
186,
321
21-23
321
7
230
27
60
9
321
29
285,
321, 322
13
151
34
94
26, 53
166
36
321
55
161
44
67
27, 1
168
TABLE DES CITATIONS
369
3
67
18
237
11
125
4. 4
237
12,
13
18
8
133
28, 2
78, 91
26
319
7
143
7, 20
75
8
163
11, 10
62
19
155
13
62
26
22
27
63
29
198
31
84
29, 16
129
13, 14
174
30, 3
54 "
15, 20
39
9
53
17, 5
17
10
52
2.8
87
13,
14
53
21, 14
96, 184
32, 20,
23
199
22, 8
288, 319
29,
30
199
28
61
33, 6
35, 24
234
60
23, 10
20
61, 227
61
31
45, 115
22
39
33
138
31
181, 288
36, 1
168
24, 12
288, 322
Osée.
17, sq.
41
1, 2
214
25, 21, sq.
288, 316, 335
J
9
186
27, 8
65
10
188, 313
10
135
2, 1
127, 186,
333
22
136
23
288, 313,
328, 332,
28, 19
244
/ 7
7 ^^ )
334
31, 14
237
3,1
47
31, 10-31, 1
245
4
356
Psaumes.
4, 14
71
7,11
221
1,5
185
9, 10
Ul
2
347
10, 1
168
2, 7
277, 286, 312,
12
243, 288,
335
4, 5
286, 319
13, 14
288, 314,
327, 333,
5, 4
23
335
10
286, 335
14, 1, 2
186
7,1
19
3
288
8
328, 347
Proverbes.
8,1
5-7
286
286, 312
3,4
287, 320,
323
7
286, 295, 314
7
287, 323
9,9
322
9
90
28
286
11, 12
287, 297,
334
10, 7
286. 335
370
TABLE DES CITATIONS
12, 2
71
62, 12
14, 1-3
286, 334, 335
13
4,5
86
68, 14
16, 10
286, 300, 335
19
8-11
300
18, 10
205
27
11, 15
174
28
34
184
69, 10
50
286, 320, 334
23, 24
19, 4
355
5
313, 329
25
22, 6
286
29
23
287, 315, 333, 335
77, 17
24,1
287, 317
78, 27
7-9
246
51
28, 4
333
65
29, 7
171
79, 2, 3
8
96, 184
81, 14, 15
9
184
84,3
32, 1, 2
287, 319
89,21
34, 16-18
172
90, 1
35, 2, 3
174
91, 4
8
329, 333
92, 13
36, 2
287, 332, 335
94, 2
37, 21
65
11
38, 2
184
95,4
40, 7
287
8-11
7-9
287, 300, 318, 329,
334
97, 7
44, 16
94
11
23
219, 287, 318, 329
98, 8
24
204
99, 6, 7
45
214
102, 26-28
45, 4
174
104, 4
7
287, 332
3-25
7,8
312, 334
106, 20
11
220
30
46, titre
123
110
47, 2
144
110,1
49, 6
132j 229
4
50, 8
18
111, 8
51, 6
287,317
112, 7
56, 1, 2
173
9
58, 7
151
113, 9
60. 9, 10
246
115, 16
36, 155
287, 322
244
287, 307, 308, 328,
329, 330
99
124
287, 317
287, 313, 329, 333,
334
151
287
19
124
171
204
69
156
170
277, 287
47
174
163, 183
287
287, 316, 331, 334
287
287, 302, 303, 334
312, 1318, 329, 332,
334
182
144
94
287, 312, 329, 334
287, 312, 334
245
119, 287, 322
68, 230
347
287, 312, 314, 334
287, 305, 312, 335
186
41
287, 335
296
235
TABLE DES CITATIONS
371
116, 1
287
Sagesse.
10
320
7, 26
288, 322
11
287, 323
11, 23
288
117, 1
287, 320, 333, 334
13, 1, sqq.
288
118, 6
287, 335
1 Samuel.
17
287
1,1
151
119, 45, 94
12
2, 22
65
126
41
25
68
155
12
3, 3
172
121, 4
204
13
119
125, 5
287
4,8
173
126, 2
150
13, 14
277, 286
128, 2
41
15, 12
23, 159
130-, 8
287
17, 5
49
132, 11
300
36
186
14
74
18,19
177
136, 10
171
23, 3
84
140, 4
287, 335
25,44
. 177
143, 2
287, 32
30, 21
141
149, 1
147 -
2 Samuel.
6
64
7,8
286, 333
1 Rois.
14
286, 312, 328,
334
1, 40
164
18
239
6, 7
66
27
333, 334
7, 15
182
12, 3
214
8, 12
150
8
105
27
286
13, 39
170
H, 3
94
17, 19
136
15, 33
203
20, 1
120
17, 13
141
21, 8
177
18, 44
242
23, 24
115
19, 8
19
24, 9
205
10, 14, 18
286, 321, 334
Tobie.
7 7
7 7
2, 6
40
2 Rois.
7
4, 3-20
39
2, 14
191
Zacharie.
6, 25
147, 165
2, 12
119
10, 27
165
7, 3
141
14, 29
207
8, 4
72
25, 8, 27
69
16
288, 323
Ruth.
17
288
2,4
61
9,1
36, 74
14
239
11
288
3, 13
173
12, 14
176
4,18
123
14, 12. 15
176
372
TABLE DES CITATIONS
2° Nouveau Testament.
A. Textes patjuniens.
Actes.
31
278, 298,
319, 327,
2, 24 31
300
331, 339
32
308
2,9
278, 292,
334, 333,
34, sq.
287
339
3, 25
284
16
280, 320,
329, 334>
7, 2-52
276
342
3
284
3,8
295
13, 17-19
322
19
278, 316,
326, 333,
14, 15
280, 322
334, 389
17, 22
276
20
278, 316,
331, 334,
22
277, 341
343
24, 25
280
4, 20
295
31
280, 322
5, 7
281
32
267
13
281, 323
33
277, 312,
339
6, 16
278, 342
34
277, 333,
335, 340
17
316
34-37
272, 301
7, 10, 12
271
35
277, 335,
340
8, 9, 10
228
40
277, 341
9, 8-10
310
41
277, 318,
333,
334
9
278, 317,
330, 332,
47
277, 318,
329,
342
333,
12
317
340
20, 35
328
10, 1-4
281, 303,
321
23, 5
277, 316,
339
4
329
26, 6
267
5
281
23
272
6
269, 281,
303
28, 26, 27
277, 318
, 329,
342
341,
7
7-10
278, 939
321
Colossiens.
1,12
2, 3
17
22
3, 1, 10
282
282
268
282
282
7-16
-8
11
18
20
26
29
318
331
269, 303,
267
281, 322
280, 281,
295
310
317, 342
1 Corinthiens.
11, 1
303
1, 19
278, 314
, 329,
339
331,
2
3
317
281, 317
20
281
7
281
27
312
25
281
TABLE DBS CITATIONS
373
12, 8
272, 273
17
278, 316, 343
28, 29
272
18
278, 316, 333, 343
13, 5
281
16-18
293, 334, 340
14, 21
278, 297, 325,
340
328,
8, 15
278, 293, 316, 329,
333, 339
22
297
21
280, 320, 343
25
281
9,7
280, 319, 343
34
317, 341
9
278, 293, 335, 339
15, 4
272
9-11
296
10
295
10
282, 322, 329, 339
25
281, 314
10,17
280, 298, 319, 327,
26
314
331, 343
27
280, 281, 295,
328,
11, 3
282
342
12, 2, 3
295
28
328
13, 1
280, 319, 343
32
280, 319, 343
4
295
44
295
Ephésiens,
45
278, 292, 315,
332,
340
1, 20
282
45-49
270, 303, 304
22
282, 328
46
295
2, 12
267
47
322
13, 17
282
52
295
20
282
54
278, 325, 335, 339
4,8
278, 328, 329, 330,
55
278, 314, 327,
333,
340
335
8-11
11
307
272
2 Corinthiens
•
25
280, 323, 343
2, 16
295
26
280, 319
3,3
281, 322
5, 2
282
7-9
281, 322
14
340
7-18
293
18
282
8
278, 317
31
280, 305, 343
10
278
32
270, 271, 305, 328
11
317
6,2
342
13
278, 281
2,3 •
278, 320
14-16
272, 281, 328
14, 15
282, 323
16
322
14-18
293
3, 13-4, 6
309, 322
17
282
4, 13
278, 320, 340
Galates,
5, 3, 7
295
10
281
1,7
295
6, 2
278, 295, 318, 340
15, 16
292
9, 11
282
2, 16
280, 323, 343
16
278, 317, 333
3,6
280, 319, 343
374
TABLE DBS CITATIONS
8
274, 278, 303, 342 ]
12'
279, 315, 333, 334
8, 9
298
13
279, 315, 334, 343
10
278, 315, 334, 339
16
283
11
280, 296, 317,
319,
3,2, 5
283, 322
327, 332
, 343
7-11
279, 334
12
282, 315, 317, 343
12
302
13
279, 314, 329,
332,
15
341
340
17
283, 322
16
267, 282, 298, 340
3, 7-4, 11
302, 303, 340
17, 18
267
4,3
279, 340
21, 22
267
4
279, 332, 340
24,25
268
5
279, 343
4, 21-31
275, 309, 310,
328,
7
279, 342
■^î —
335
8
267, 301
22
279, 339
9
267
27
279, 314, 339
11
269
28
267
5,5
279, 312, 335, 342
30
279, 331, 341
279, 305, 312, 335
5, 13
295
6
340
14
279, 320, 342
9
283
6, 16
266, 282
10
6, 8
305
283
Hébreux.
^7
13
279, 295, 341
1, 1
275
14
279, 331
2
322
19
283
3
283
20
^83, 305
5
279, 312, 328,
340,
7,1
280
343
1-10
305 •
5-13
334
13
341
6
279, 312, 318,
329,
21
340
341
28
283, 323
7
279, 312, 332,
340
8,1
323
8
279, 312, 332,
340,
2
283, 322
343
5
269, 279, 316, 342
9
279
8
340
10
279, 343
8-12
279, 300, 334
10-12
312, 329
10
337
11
279, 341
8-10, 18
306
12
279
9
283, 322
13
279, 312, 340
9,9
269
2, 5-8
312
15
267
6
342
20
279, 321, 333, 341
6-8
279
23, 24
269
9
306
28
283, 323
11
341
10
283
TABLE DES CITATIONS
375
10, 1
268
6
280, 317, 339, 342
5
341
11
284, 306
5-7
279, 318, 329,
334
15, 20
284
7-9
300
8-14
334
Philippiens.
12, 13
283, 323
1, 19
232, 323
15
279
2, 10
322, 282
16
279, 334, 337
11
282
17
334, 337
15
282, 323
18
301
16
282
27
283
4, 3, 18
282
27-30
317
28
283
Romains.
30
279, 331, 342,
343
1,2
274
36
342
17
277, 296, 319, 327,
37
279, 335
332, 339
37-39
296, 327, 330
20-32
281
38
279, 319, 332,
335
23
281, 322
39
328
2,6
281, 322
11
283, 304, 322
11
281
11, 3-40
276
24
277, 318, 329, 332,
4,5
283
339
8,9
283
3,4
277, 281, 317, 323,
10
304
339
12, 13
283
10
339
17
283
10-12
27-7
17-19
304, 305
10-19
312, 334, 335
18
279, 342
13-17 ,
277
21, 23
283
18
277, 332
26
283
20
280, 323, 343
28
284
21
274
39, 40
304
31
268
304
4
276, 281, 303
3 .
284
4,3
277, 319, 341
5
279, 342
3-5
299
5-11
297, 334
6
319, 341
12
280, 319, 333,
343
7
277, 319
13
319, 343
8
277
15
279
9
277, 342
18-20
284, 322
11
281, 298, 301
20
280, 334, 342
12
298
21
280, 341
13, 14, 16
267
26
;280, 332, 334i
342
17
277, 339
26-28. -
308, 333
16-22
315
13, 5 '
240, 280, 317,
335
18
277, 341, 344
376
TABtË DÈS CtTAtlONS
22
277, 343
32
329
23
303, 318
33
277,313,329,333,339
24
303
10, 4
268
25
281
5
277, 315, 332, 334,
5
292
340
5,5
281
6
42, 341
7
295
6-8
277
9, 10
317
6-9
306, 328, 3gl
12
281
7
42
12-19
303, 304
8
307, 340
12-21
270
9
307
14
269, 303
11
277,315, 329, 331,
15, 17
317
341
6,5
303
13
280, 315, 329, 342
6-8
292
15
277, 313, 329, 334,
7,7
277, 320, 341
339
8, 3
268
16
277, 313, 341
33
281
18
280, 313, 330, 343
36
277, 318, 329, 339
19
278, 313, 341
9-11
292, 313
20
278, 313, 328, 333,
9,4
267, 281, 322
334
6
267
21
278, 313, .328, 333,
6-9
301
341
7
280, 343
11, 1
281
7-11
281
2
341
7-13
315
2-4
321
8
267
2-5
304
9
277, 334, 342
3
278, 334
10-12
319
4
278, 334, 340
12
277, 334, 341
8
278, 313, 329, 333,
13
277, 319, 333, 334
339
15
277, 334, 340
9
278, 313, 329, 333,
15-18
299
341
17
277, 331, 334, 341
10
278, 313, 329, 333
18
281
11
281
20, 21
281, 323
12
317
22
281, 324
26
278, 314, 331, 335,
25
277, 313, 328,
332,
339
334,
340
27
278, 314. 335
25-29
329, 334
34
280, 320, 334, 342
26
277, 313, 333
35
320, 325
27
277, 313, 332,
334,
12, 7
272
342
16,17
281, 323
28
277, 334
19
278, 316, 335, 339,
29
277, 313, 342
\ 331
TABLE DES CITATIONS
377
20
13, 9
14, 3
11
13
14
15, 3
4
9
9-12
10
11
10-12
12
21
16, 26
1 Thessaloniciens.
278, 316, 335, 343
278, 320, 342
317
278, 314, 339
281
317
278, 317, 339
271
278, 339
320, 334
278, 340
278, 333, 343
343
278, 314, 341
278, 314, 333, 339
274
1,6
2,4
4,5,6
15
5, 8
22
303
282
282
271
282, 323
282
2 Thessaloniciens.
1, 8, 9 282, 322
10 282
12 283
2, 4, 8, 13 283
1 Timothée.
2, 6 283
12-14 283, 317
5, 17 311
18 278, 283, 311, 332,
341
19 343
6, 3 271
15 283
2 Timothée
2, 19
3, 14-17
4, 14
Tite.
2, 14 283
Autres écrits,
Jacques.
2, 8, 11 285
23 284
Jean (évangile).
2, 17 287
3, 13 307
8, 17 285
12, 40 sq. 289
Luc.
10, 27 285
Marc.
4, 12 318
10, 6, sqq. 284
12, 31 285
14, 24 333
Matthieu.
5, 18 353
21, 43 285
13, 14, 15 289
18, 16 285
19, 4, 5 284
19 285
21, 16 286, 312
22, 39 285
40 286
1 Pierre.
2, 6, 8 289
278, 283, 322, 342
271
283
378
TABLE DES CrTATIONS.
3° Littérature rabbinique.
MiDRASIM TAKNAÏTES.
Mekhilta, Exode.
14
161
2, 1
86, 90, 179
16.
206
2
149, 168
17
171
"3
168
21
18, 66
4
133,142,145,182, 193
14, 10
150
5
201
13
206, 221
6
29, 131,
179,
180,
19
174
197,
223
21
19, 206
7
42
24
23
9
143, 158,
196
25
22
10
127
29
235
11
49, 222
30
153
12
168, 171
15, 1
147, 150, 206, 220
14
148, 165
2
32, 123, 220
15
95, 161, 167
3
174
16
154, 161
7
120, 151, 206
17
122, 171
8
168, 206
18
192
11
144
19
89
13
221, 222
21
171
16, 17
206
22
159
18
74
24
192
22
236
25
16, 155, '
177
25
237
29
17, 24
16, 10
235
30
141
14
35, 236
32
166
20
175
35
155, 168,
244
25
199
36
155, 168
17, 1
238
37
17, 159,
222, :
234
8
176
40
119, 203
9
129, 235
41
46, 220
12
235
43
174
13
137
44
152
18, 1
206
46
154
3
125
48
168
13
192
49
20
15
16, 172
13, 2
111, 178
, 206
18
191
5
30
27
206
6
24
19, 1
216
9
49
2
104
10
24 .
5
163
TABLE DES CITATIONS.
379
6
8
9
221
163
191
Mekhilta de Siméon ben Yohaî.
12, 35
168
10
15
17
20
20, 2, 4
6
8
10
\.%S Si.
180
91
176
205,
47
223
155
50, ,
235
51
14, 30
15, 22
25
17, 8
18, 3
20, 1
21, 2
23, 10
153
236
237
233
125
112
232
203
12
90
Siphra
sur Lévi tique.
13
47
1,1
26, 181, 197, 206
14
47,,
50
2
152, 156, 166, 192,
15
50, '
175,
176, 182
194
18
171
4
.25, 192
25
50, '
156,
230
5
22, 35
21, 1
158
10
47, 158, 181
3
167
2,1
156
6
230
2
97
7
230
4
194
8
122
6
195
9
207
12
22
14
20,'.
L41,
187
14
174
15
158
f
15
194
16
145
17
165
17
158
4, 13
181
18
109
32
94, 149
21
161,
191
5,2
94
24
44
6, 3
135
27
103
13
193
28
190
7, 37
193
32
113,
336
9,1
177
22,2
207
7
94
4
104
10, 6
206
1
43
7
175
8
110
16
197
9
109
11, 2
149
28
134
9
49
30
86, i
Î7, 105, 166
33
122
23,4
48
12, 3
193
5
153
5
48, 128
12
46
13, 3
148
18
171
30
132
31, 13
191
33
154
380
ÏAfiLE DÈS CITATIONS.
14, 35
96, 166, 180
14 (7)
50, 152
15, 25
148
15(8)
250
16, 2
51
16(9)
149
6
144
6, 3 (23)
141, 143, 170
12
149
5(25)
139
23
181
6(26)
46
17, 8
197
10 (29)
158
11, 14
48
13 (32)
160
18, 2
166
15 (34)
108
3
170
20 (37)
115
6
107
23 (39)
166
19, 4
132, 144
25 (41)
237
14
228
26 (42)
201, 204
16
137, 227
7, 1 (44)
182
26
134
89 (58)
205
20, 13
222
9, 10 (69)
129, 175
14
240
10, 8 (75)
35
16
230
29 (78)
97, 135
17
83
33 (82)
19
22, 3
141
34 (83)
66
9
158
' 35 (84)
120, 130
18
192
11, 1 (85)
151
28
180
6(88)
25, 173
23, 17
174
8 (89)
138
27
191
* 16 (92)
174
40
121, 135
32 (98)
124
43
234
12, 1 (99)
19, 141, 156
44
179
4 (102)
166
24, 8
149
8 (103)
163
29
44, 45
9 (104)
20
25, 9
48
13 (105)
159
39
154
15, 3 (107)
147
26,1
144
7 (107)
145
3
156
18 (110)
159
46
64
19 (110)
153
27, 10
150
24 (111)
179
21
146
29 (112)
146
Siphi
•é Nombres.
31 (112)
36, 196
32 (112)
67
5,5(2)
197
33 (113)
175
6(2)
102, 143, 159, 198
38 (115)
134, 231
7(2)
102
40 (115)
127
10(6)
155
16, 1 (127)
198
12(7)
43, 143
18, 1 (116)
25, 166
13(7)
143
2 (116)
24, 168
TABLE DES
CITATIONS.
38i
3 (116)
49, 66, 178 1
13, 8 (88)
46
4 (116)
20
14 (93)
148
5 (116)
161, 178
14, 15 (103)
213
8 (117)
66, 165,
187
27 (108)
48
9 (117)
43
15, 15 (120)
244
13 (117)
21, 26
19 (124)
202
14 (117)
161
17, 2 (148)
101, 144
15 (118)
97, 161
18, 3 (165)
250
16 (118)
111, 161
10(170,171
) 144, 148
18 (118)
90, 168
19, 4 (181)
21, 141
26 (120)
93, 121
5, 11 (181)
21
29 (121)
153
20, 8 (197)
229
19, 6 (124)
146
21, 13 (213)
226
9 (124)
193
22, 1 (222)
48
. 15 (126)
193 ,
11 (233)
112, 155
17 (128)
127
17 (237)
207
18 (129)
146
23, 4 (249)
93, 146
25, 1 (131)
186
11 (255)
156
5 (131)
68
26 (267)
141
13 (131)
152
24, 1 (269)
58
26, 53 (132)
167
32, 1 (306)
144
55 (132)
161
2 (306)
163
27, 1 (133)
168
8 (311)
222
3 (133)
175
17 (318)
126
12 (134)
142
25 (321)
123
16 (139)
29
39 (329)
49
28, 8 (143)
163
42 (332)
11, 17, 336
30, 4 (153)
166
33, 1 (342)
47, 158
31, 6 (157)
145
2 (343)
220, 237
35, 33 (161)
138
5, 6 (346)
180
Siphré
Deutéronome.
10 (351)
64
1, 1 (1)
16, 74
13 (355)
222
2(3)
19
26 (355)
32
7(6)
142
27 (356)
118
28 (25)
164
34, 1 (357)
72
3, 23 (26)
144
Midras Tannaim sur le
24 (27)
101
Deutéronome.
25 (28)
18, 142.
236
19, 4
227
6, 4 (31)
17, 18,
336
-, j *
22, 17
226
11, 16 (43)
72
17 (43)
144
Midras Rabba sur Genèse.
21 (47)
127
1, 1 (1, 14)
160, 190
12, 17 (72)
144
2, 21 (17, 8)
232
31 (81)
194
3, 16 (20, 7)
228
33 (81)
83
4, 1 (22, 2)
160, 190
382
TABLE DES CITATIONS.
11 (22, 10)
18 (23, 2)
6, 4 (26, 7)
7, 23 (32, 11)
12, 3 (39, 12)
14, 1 (41, 2)
15, 12 (44, 17)
18, 9 (48, 15)
21, 20 (53, 15)
28, 20 (70, 5)
33, 4 (78, 9)
35, 17 '(82, 8)
37, 35 (84, 21)
38,14(85,7)
41,26(89,9)
44, 8 (92, 7)
49, 4 (98, 4)
1, 21
2,9
3, 2
10, 1
1,2
7, 48
1,1
1,1
2
6
9
12
2,4
5
8
14
16
164
123
136
191
72
239
240
129
160, 190
237
129
244
133
234
199
84
139
Exode.
67
240
238
120
Lévitîque.
142
Nombres.
246
Deutéronome.
240
Cantique.
216
216, 219
223
220
165, 218
165, 222
222
222, 223
221
220
■}•)')
9
220, 221
10
221
11
220
4,5
223
7
220
12
223
5, 9
220
6,2
219
8,6
220
8
223
13
223
Ecclésiaste
1, 12
168
8, 15
245
10, 1
243
11, 1
242
2
243
6
244
2, 14
4, 18
Ruth.
239
123
Lamentations.
préface, 24
5, 19
144
72
Pesiqta R. Kahana.
ch. 6
12
20
30, 192 a
123
64
74
242
Tanhuma (entre parenthèses
édit. Buber).
besaliah, 16 120
Noé (3, 14) 191
Naso, 24 (25) 151
Semot(5) 240
(10) 67
(12) 240
wayehi, 9 (12) 139
wayassob 10 133
wayese (7) 242
TABLE DES CITATIONS.
383
Targum,
Genèse, 49,10
73, 74
Exode 12, 4
134
21, 8
122
22, 28
134
24, 5
118
Nombres, 24,7
73
Deutéronome,
24, 6
228
Cantique
217 et 224
Talmud et traités annexes
Abot.
3,3
133
4,4
41
19
41
5,5
41
22
12
6,4
41
Abot R. Nathan.
4,5
142
12, 12
12
37, 10
80
Arakin.
M. 8, 7
202
Bab. 15 a
129
25 b, 26 a 146
29 a
202
Aboda Zara.
Tos. 3, 19
48
6, 13
203
Baba batra.
M. 8, 2
53
T. 1, 11
227
B. 15a
214
111 b
125
Baba mesia.
M. 2, 5
104
7
161
9, 12
29
B. 33a
153
Baba qamma.
M. 1, 1
103
4,4
154
T. 7, 2
230
3,4
240
5,6
230
10
230
8, 6, 7
230
B. 17 a
243
24b, 25 a
88
88 b, 89a
310
Berakot.
M. 1, 4
59
7,3,4
99
8,1
153
9,5
98
Tos. 1, 10-14
157
7,1
60
24
41
11, 14
65
Pal. 1, 5, 3 a
231
9, 5, 14 a
41
7, 14 b
160
B. Sa
336
53 b
153
58 a
336
63 a
187
Derek
ères zutta
ch. 10
75
Erubin.
B. 40 b
242
Gittin.
M. 9, 5
58
B. 57 b
72
90 a
58
Hagiga.
M. 1, 7
65
8
54
T. 1, 9
54
P. 1, 8, 76 b
54 -
B. 9 b
65
10 a
54
15 b
54
384
TABLlî DES CITATIONS.
HuUin.
Nazir.
B. 60 b
136
M. 7, 4
88
61a
104
B. 57 a
88
78 a
158
Nedarira.
83 a
180
M, 2, 1
54
90 b
164
3, 1
164
92 a
241
vj *
11
186
134 b
230
5, 9
146
Ketubot.
10, 7
53
T. 5,9
216
11, 1
53
12, 2
2,9
9
52, 53
P. 4, 4, 28 c
208
B. 32 a
238
5, 13, 30 b
165
B. 5ab
229
Negaim.
46 a
226
M. 10, 2
132
Kilaim.
Pea.
M. 9, 8
40, 53
M. 5, 6
61
Maaserot seni
.
6,4
40, 55
M. 5, 10, 13
53
7,3
61
Makkot.
7
40, 56
8, 9
63
M. 1, 3
29
>
T. 4, 20
91
2, 8
58
?
P. 1, 1, 16 a
137
3, 15
28, 140
B. 29 ab
72
Pesahim.
Megilla.
M. 5, 3
53
T. 4, 39-41
165
5
197
41
148, 165
6,2
53
B. 9 a
118, 119
9,1
53
25 b
165
2
129
P. 1, 11, 71 d
119
3
53
Menahot.
10, 4, 5
53
T. 13, 22
65
T. 9, 32
87
B. 19 b
185
P. 6, 1, 33 a
78
43 b
231
9, 10, 37 a
88
74 b, 75 a
194
B. 7 b, 8 a
336
82 b
89
22 b
160, 190
89 b
126
33 a
78
54 a
240
Miqwaot.
61 a
133
T. 1,17,19
100
64 b
197
Moed qaton.
75 b
149
M. 3,9
150
86 ab
154
P. 1, 4, 80 d
165
99 a
87
3, 5, 82 c
72
117 a
147
TABLE DES CITATIONS.
385
Qiddusim.
M. 3, 5
199
T. 3, 2
199
P. 1, 1, 59 a
136
2, 59 d
45
B. 18 ab
122
40 b
243
61 ab, 62 a
199
Ros ha-sana.
P. 2, 5, 58 d
174, 237
B. 3 a
156
17 b, sq.
204
26 a
134
36 ab
133
Sabbat.
M. 1, 1
40
6,4
62
9, 1-4
52
2
147
3
62
19, 3
61
T. 7, 14
134
8, 23
57
16, 9
92
P. 2, 3, 5 b
232
19, 2, 17 a
196
B. 10 a
192
55 a
139
55 b, 56 a
68
63 a
34
88 b
36
113 b
239
115 b, 116
a 130
118 b
58
119 b
71, 127
134 b
61
Sanhédrin.
M. 1, 6
60
, 2
105
3,7
62
4,5
62
8,1
62
10, 3
185
6
57, 145, 193
11 (10), 2
246
T. 1, 9
30
2,4
158
3,7
28
4,5
148
7, 11
80
9, 11
31
10, 3
31
13, 6
28
14, 4
96
P. 8, 8, 26 c
208
10, 2, 29 b
246
9, 29 d
96
B. 3 b
122
4a
128
4 ab
122
19 b
177
34 a
36
38 b
164, 172, 213
63 a
45, 227
64 b
196
67 b
187
76 b
140
86 a
.182
90 b
64, 129, 196
91 b
150
92 b
214, sqq.
94 a
130
97 a
75
97 b, 98 a
75
99 a
274
104 b, sq.
246
Sebiit.
M. 1, 4
59, 94
10, 3
52
8
40, 53, 58
T. 5, 1
56
Sebuot.
M. 3, 4
154
T. 1, 7
188
B. 10 a
88
26 a
188, 195
EXEGESE RABBINIQUE.
13
386
TABLE DES CITATIONS.
Seder Olam rabba.
ch. 3
203
16
203
27, 28, 30
69
Semahot.
2,8
227
8 (fin)
231
Seqalim.
T. 3, 26
202
Sopherim.
1,9
118, 119
6,4
118
Sota.
M. 1, 6
62
5,2
28, 122
3
28
7,5
185
8,5
229
9, 15
75
9, 6
31, 336
9
71
10
205
11, 12
71
T. 4,1
30
1-7
239
2,4
30
7,9
28
22
132, 229
8, 5
229
6
336
9, 15
75
9,2-9
173
6
31
9
71
10
205
11, 12
71
11, 11-18
201
12, 1, 2
203
1-5
201
13,9
205
14, 4, 7
28
15, 1
66 .
3
28
P. 4, 4, 19 c
227
7, 5, 21 d
197
8, 1, 22 b
197
9, 10, 24 a
205
B. 3 a
50, 152, 19g
14 b
185
15 a
250
17 a
45
35 a
121
48 a
205
Sukka.
M. 3, 4
98
T. 2, 3
41
3, 15
236
B. 11 b
234
32 a
121
35 a
135
Taanil.
T. 1, 1
99
2, 10
177
P. 1, 1, 63 d
75
4, 2, 68 a
118
8, 68 d
121
B. 6 a
137
Tamîd.
B. 28 b, 30 a
164
Teraura.
B. 2 b
150
28 b
192
Terumot.
M. 3, 6
56
6,1,4
40
9,3
40
'Uqsim.
M. 3, 13
76, 139^
Yebamot.
T. 5, 3
29
B. 4 a
187, 228
11 b
34
24 a
34
42 a
227
63 b
187
EXPRESSIONS EXÉGÉTIQES. 387
Yoma.
Zebahim .
M. 1, 1
58
M. 9, 4
98
5,8
63
T. 11, 7
29, 177
8,9
161
B. 18 b-
135
P. 2, 5, 40 a
164
25 a
125
6, 8, 43 d
36
49 a
89, 114
B. 9 ab
54, 71
49 b
88, 114
52 ab
129
63 b
185
76 a
35
101 b
197
II. Termes et expressions exégétiques.
3K, chef, principe, 101-103.
1K, divers sens, 158.
TK, sens passé ou futur, 150, 161.
mmN, texte interdisant une action, 50, 88, 227.
□•ïî*, conjonction, divers sens, 50, 150, 156.
'^^, adverbe indiquant une exclusion, 161, 190, 191, 194,
Kipn hn, pour introduire une modification textuelle, 120,
121, 122, 127.
n*l*lDaS DK, texte fondé en tradition, 122, 128,
KipaS DN, texte fondé sur l'Écriture, 122, 128.
OQMB^) lUa, introduisant une citation, 29, 30, 135, 145, etc.
ViDii, sens simple opposé à un sens déduit ou para-
bolique, 35, 215.
><nDODN, exégèse arlilicielle, 188.
ïjî*, adverbe à sens inclusif, 191.
T\ii, conjonction revêlant divers sens, 159, 161, 190,
194.
U^l, indique "une inclusion, 188, sqq.
Siai, ne pas tenir compte d'un texte, 32, 72.
3î< pas., introduit une généralisation, 101-103, 146, 245
(voir : principe et généralisation).
1U?1, introduit quelques citations, 31,
mu? mu, titre de certaines analogies, 90, 91.
Da, adverbe à sens inclusif, 190, 191, 194.
î^lTûDa, exégèse alphabético-numérique, 139.
"iDi, raisonner, opiner (opposé à sens simple), 35.
Dia, principe commandant une énonciation, 48.
*inî< in, autre explication, 28, 45, etc.
^1i<"1 13ÏÏ, chose qui convient à la fia cherchée, 43.
ilT, n, raisonnement exégétique, 78, 79.
388 EXPRESSIONS EXÉGÉTIQUES.
Y^K TJ*1T, usage commun que suit la lettre biblique, 105.
msp ^îTî, forme elliptique de quelques textes, 170.
U?n, interpréter l'Écriture, prêcher, déduire un sens,
(opposé au sens simple), 5, 11, 12, 28, 74,
122, 35.
(mDT5Z7l) nllion ''U^ITT, exégètes anciens, appelés parfois allégori-
ques, 11, 209, 230, 232, 233, 236, 240, 249-251.
iKin, hyperbole, 164.
n, locatif, sa valeur, 159.
nin, ce qui se produit ordinairement, 105, 166.
n''3in, pour réfuter une exégèse donnée, 95.
yllDn, résout une opposition, 32, 201, 205, (128).
•jH, indiquant un a fortiori, 84.
^pn, assimilation, 77, 89.
\ ses divers sens, 158.
iKTl, sens évident, simple, 35, 125, 132,
\Ti1, quels sens? 151.
I^T, masculin, 146.
*13î, allusion (opposé à preuve), 48, 61, 222, (voir : al-
lusion, indication).
niin, obligation, 50.
IDin, lourd, grave (raisonnement et exégèse), 83, 230,
240, 249, 250.
pSn, distinguer, 191.
DÎTD, raison, fondement exégétique, 23, 29. 79.
bl3t, introduit une conjecture exégétique, 25.
'^*1D^ principe, 102.
Kï"», pour exclure un sens, 189, sqq. (voir : exclusions).
11 ^"î, cas où s'applique un précepte, 29.
13, ses valeurs, 48, 156-158.
*Q N3?1"i3, pareillement, cas ou textes analogues, 29, 44,
104, 105, 177, 178.
"an33, suivant la lettre, (sens simple), 35.
SS3, principe, 55, 106, 141.
yDtZ^Ol, comme on l'entend (sens simple), 24, 35, 86, 111,
131, 140, 154, 233, 234, 246, etc.
1333, textes ou objets correspondants, 47, 90, 94, 201.
nj3, employer un terme décent, 119, 120.
nri3, il est écrit, introduit citations, 32.
EXPRESSOINS EXÉGÉTIQBES. 389
'^a^JS, sens mystérieux, divers, 154, 159, 197.
nS, iS, négation ou pronom, 125, 126.
p^b, mot, 146.
Dm, 'Tin\ tllb, ymh, adjectif, singulier, pluriel, 146, 147.
nTTD, mQ, attribut, règle herméneutique, 80.
tL'TTD, interprétation (opposé à la prescription tradition-
^ nelle), 11.
"ina, demain, divers sens, 161.
pD, préposition exclusive, 191, 192.
ITInSd, accomplir une écriture, 71.
WDD, substance, sens propre, simple, 35, 44, 144, 227-
234, 235.
■j^JD, d'où tirer telle affirmation? 20, 21, 22, 25 (voir : d'où).
ûlXnD, tsîna, exclure, exclusion, 189-191, 194.
bya, paronomase, 139, sq.
niSC, terme superflu, base de raisonnement, 92.
U?T!90, sens évident, explicite, 107.
StZHD, parabole, 208, 213-215, 222.
n;3p3, féminin, 146.
^"02, terme convenable, 165.
11"TD, ordre et succession du discours, 181.
T!D, sens théosophique, 5.
"IIOD, sens déterminé par la section voisine, 182, 186,
187, 227, 228.
DlnD, sens non-défini, 105, 107, 109, 175, 176, 250,
lï, sens de la particule, 159.
ITjr, sens de l'adverbe, 161, 178.
tt7Jiy, peine prononcée contre un délit, 50, 88.
"Çi^V, divers sens; passage biblique, son objet, 47, 96,
97, 178, 186...
■QlS, particulier, faisant exception, 105-107, 109.
t^lS, sens, simple, 35.
nt27"l9, section biblique (sens divers), 186.
"QXÎJS, sens simple, 5, 34, 35.
nns, prendi'e un texte pour un discours, 28.
n*lï, crier, pour introduire une citation, 32.
nbap, toute écriture autre que le Pentateuque, 176.
D''''p, accomplir un texte (lui faire droit), 21, 32, 69^
71, 74, 96, 111, 202, 203, 204, 205... (voir i
accomplir).
IDim Sp, raisonnement a fortiori, 83.
N1v3, introduit citations, 31.
390 INDEX ANALYTIQUE.
'tTi, texte écrit et non lu, 120, 126.
•T'K*!, argument, preuve, 48, 222.
■liai, n3,l, inclure, inclusion, 188, sqq., 194, 196.
TDI, allusion, indication (et non preuve), 5, 49, 239,
240.
pi, adverbe, exclusif, 190, 191, 194.
Dltt^l, sens indéterminé, 176, 250.
m^"l, chose libre, 50 (opposé à obligation).
"'3i< S?D*1ÏJ7, j'entends (introduit une conjecture exégétique),
23, 24, 35, 44, 103, 131.
□^, substantif, 146.
Slpt2?> équivalent, égal. 93, 94.
IDtS "laSn, enseigné en ces termes (oppose le texte à une
conjecture), 16, 31, 82, 85... (voir : j'entends..).
0*1-1310 "lûlpri, corrections des Scribes, 119, 120.
Ilï. Index analytique.
(Les expressions exégétiques sont indiquées par des italiques),
Abraham, type du croyant, 303.
Accommodatice (sons), 295, 297, 306, 321, 327, 330.
Accommodation figurative, 313, 314, 327, 330.
AccompUr une écriture, 21, 32, 69, 71, 72, 74, 96, 111, 342, etc. Voir :
qayt/ém.
Adam, type du Christ, 269, 270, 303, 304, 305.
Adaptation, de textes, 334.
Addition de termes (pour démontrer), 47, 60, 64, 66,
Adjectif (rôle exégétique), 146, 185.
A fortiori (règle herméneutique), 44, 47, 76, 83-88, 114, 229, 231;
ses limites, 88; chez S. Paul, 310, 317.
Allégations simples de textes, 320, 321.
Allégories, 210-212; allégorisalion, ibid.; exégèse allégorique, 208;
211, 241, 242, 243, 259; allégorisation de textes historiques, 233, sqq.,
rabbins peu allégoriques, 231. Chez S. Paul, 309-311, 305.
Allusions simples, 48, 49, 61, 222, 240.
Amalgames de textes, 298, 316.
Analogies (exégèses par), 77, 88-100, 177; elles valent avec la tra-
dition, 77, 92; goût rabbinique pour VA. 213, 258. Conduit au symbo-
lisme, 238-240.
Analyses (historiques), 309, 301, 315; de textes, 46.
Anonymes identifiés, 66, 67, 246.
S'applique ici telle loi, 54, 55, 342.
INDEX ANALYTIQUE. 391
Application simple d'un texte, 312-315, 318.
Apocryphes (cités par S. P.?), 291, 292,
Apposition (base exégé tique), 149, 185.
Aqiba : contre le sens simple, 35, 201; ses principes herméneu-
tiques, 81, 160, 186, 188-199; son interprétation symbolique du
Cantique, 216.
Assimilations juridiques, 25, 26, 44, 97, 98, 100, 104, 105, 107, 108,
112, 127, 146, 187, 318, etc.; Iièqqés, 77, 89, 90, 145; historiques, 67.
Atti'ibut (exégèse grammaticale), 146.
Autre explication, dâbâr ahér, 28, 45, 47, 150, etc.
Cantique : allégorie, 215-219; son exégèse allégorique, 215-225.
Caractères généraux de l'exégèse rabbinique, 15, 27, 115, 130, 131,
204, 206, 223, 252-259; de l'exégèse paulinienne, 273-275, 291-293, 311,
321, 324, 335-338, 344, 345, 348-350.
Cause (d'une prescription), 48.
Chrétiens : ont un sens particulier de l'Ancien Testament, 266-269,
271, 272, 351.
Chronologie biblique, 168-170.
Citations bibliques chez les rabbins : modes et formules d'intro-
duction, 29-32; chez S. P. : introduction, |339-343; explicites, vir-
tuelles, implicites, 38-40, 277-291.
Comparaisons nécessaires, 162, sq.
Complètent (rabbins) textes concis, 170-172, 174.
Composites (citations), 317.
Conciliation de textes opposés, 200-206.
Condition valide : doit être répétée, 199.
Conjectures exégétiques, 19, 20, 22, 23, 25, 102, 107, 108, 114, 146,
153, 157, 169, 181, 193, 205, etc.
Conjugaisons (exég. grammaticale), 154, sq.
Conséquence d'un texte, 317.
Contaminations textuelles, 332, 333, 335.
Contentieuses (considérations) plus riches en exégèses, 292, 293.
Contexte : sa détermination, 178; son emploi exégétique, 24-26, 66,
142, 143, 181-186, etc. ; parfois négligé, 55, 57, 60, 349.
Contradictions, 18, 19; à résoudre, 200. .
Conti-adictoire exclue, 316, sq.
Controverses et discussions exégétiques, 23, 27, 56, 57, 59, 62, 63,
64, 74, 75, 95, 99, 100, 132, 152, 153, 157, 167, 168, 174, 187, 193, 196,
197, 198, 226, etc.
Corrections textuelles : des Scribes, 119, 120; intentionnelles,
120-128.
Correspondant (textes se), kenègèd, 47, 90, 176.
Coupe arbitraire d'un texte à fin exégétique, 57, 64.
Critique textuelle, 117-120.
Décents {termes), kinnâ, nâqi, 165, 226.
Déductions exégétiques, 56, 57, 59-62, 297-298, 314, 316-318.
392 INDEX ANALYTIQUE.
Démonstrations exégétiques, 51-68, 311-315 ; parfois peu distinctes
d'une simple illustration, 48, 49, 311, 318.
Destinataires d'une parole (déterminés), 178.
Dialectique (exégèse), 33, 36, 77-115, 257, 258; faculté dialectique
des rabbins, 257; dialectique paulinienne, 298, 300, 301, 317.
Difficultés historiques, 17, 19; théologiques, 17.
Dire (et verbes apparentés) introduisant citations, 30, 340-342.
Distinction {particule indiquant une), hâlaq, 191.
Distributives (exégèses), 18, 42, 43, 60, 69, 70, 72, 176, 191, 192, 209^
218, 219, 221, 222, 234, 236, 244, 246, 299, 307, etc.
Diviser un texte (comment), 128-129, 181,
Donnée historique fondant une loi, 60, sq.
D'où (tirer telle conclusions?), minnain, 20, 21, 22, 23, 25, 26, 30,^
45, 51, 52, 60, 90, 91, 92, 102, 105, 109, 112, 114, 236, etc.
Dramatique (forme) de l'exégèse rabbinique, 23-25
Eclairant (écrit) un autre écrit, 176, sq.
Écrire (dans les formules introduisant les citations bibliques), 32,.
339, 340.
Écritures, leur autorité, 271, 272.
Eliezer, ses règles, 33, 81, 82; Règle 1 : 190, sq.; R. 2 : 191; R. 3 :
194 , R. 4 : 195 ; R. 5 : 83-88 ; R. 6 : 86, 92 ; R. 7 : 90-92 ; R. 8 : 101-103 ;
R. 9 : 170; R. 10 : 198, sq. ; R. 11 : 181; R. 12 : 170; R. 13 : 169, 170;
R. 14 : 163; R. 15 : 174, 201, 205, sq. ; R. 16 : 157; R. 17 : 175; R. 18 :
105, sq., 166; R. 19 : 178, 182, 183; R. 20 : 97, 173, 178, 183; R. 21 :
163, 178, 183, sq. ; R. 22 et 23 : 96, 178, 184; R. 24 : 115, 184; R. 25 :
112, 115; R. 26 : 207, sq., 227; R. 27 : 94; R. 28 : 139, 140, 239; R. 29 :
139; R. 30 : 137-139 ; R. 31 : 172; R. 32 : 169.
Elliptique (langage biblique), 170-172.
En Abraham (l'Écriture, dit), 30.
Enseigner en ces termes, talmûd lomar, 16, 18, 19, 20,22,24, 25, 26,
31, 44, 45, 82, 90, 102, 103, 112, 114, 126, 131, 132, 157, 181, 188, etc>
Je puis entendre ainsi, sôméa' 'ani, 20,23, 24, 35, 44, 103, 131.
Equivalences (raisonnements par), 93, 94, 109, 183.
Esdras, scribe, exégète, 11, 12.
Espèces juridiques : différentes empêchent l'assimilation, 26, 77^
doivent être semblables dans les analogies, 88, 89, 94, 97, 99, 100,
103, 104. Arguments tirés d'espèces analogues, 95, 96.
Esprit contre la lettre, 52, 56.
Essentiel d'un texte, 48.
Etat construit (exég. grammat.), 148, 149.
S'étonner, 17.
Etymologies, 134-137 ; doublées d'allégories, 233.
Eunuques (textes : à expliquer), 175.
Exclusions, 20, 21, 24, 43, 44, 108, 111, 149; combinées avec inclu-
sions, 188-195.
INDEX ANALYTIQUE. 393
Exégèse juive : notions historiques, 5, 11-14 ; désintéressée et inter-
prétative ou intéressée et démonstrative, 12 ; en halakha et en .hag-
gada, 13, 14, ses sources, 14, sq. Voir : explicite et implicite.
Exemplarisme et participation (typologie), 303.
Explicites (exégèses), 41-76, 276, 294-311.
^j^/j^Me (l'Ecriture), 29. Textes à expliquer par d'autres, 174-178.
Fabulatrice (fonction) chez les rabbins, 257, 258.
Fidélité ou infidélité au sens, 43-45, 52, 54, 62, 96, 97, et passim,
323-330; à la lettre, 330-338; voir : modifications.
Figure, voir : type. Figures de l'économie chrétiennes, 269.
Figuré (sens), 144.
Florilèges bibliques, 292, 326, 337.
Formules bibliques de thèses et pensées personnelles... 318-320.
Futur (exég. grammat.) 150-152.
Gematria, 139, 242.
Général et particulier (diverses combinaisons), 44, 106-115, 189, 195.
Généralisations, 100-105, 146.
Générique (sens) d'un mot, 145.
Genre (exég. grammat,), 111, 146, 149, 150.
Grammaticale (exégèse), 145-161 ; analyse, 299.
Haggada, 13,14; ses fondements et démonstrations, 62-68; hagga-
dique (exégèse), 258.
Halakha, 13, 14; sa valeur, 45, 54 ; voir : Tradition.
Haraz, 336.
Hébreux (épître aux), 264; sa typologie, 270; ses développements
homilétiques, 293, 295, 296; formules introduisant citations, 345;
le sacerdoce de Jésus, 305, 306; comparée aux autres épîtres pauli-
niennes, 346, 347.
Hillel, 12, 13; ses règles herméneutiques, 33, 77, 78, 80. Règle 1 :
83-88 ; R. 2 : 90-92 ; R. 3 : 101, 102 ; R. 4 : 103 (201) ; R. 5 : 106-113 ; R. 6 :
89 (?) ; R. 7 : 178-186.
Histoire : fondement de lois, 61; embellie, expurgée, 66-68.
Homélies dans les épîtres pauliniennes, 293, 295-297.
Hyperboles, hâbâ^y, 163, 164.
Identifications, 74, 299.
Il n est pas besoin de dire {a fortiori), 86, 87.
Illustratives (exégèses purement), 311, 318. Voir : démonstrations.
Image (distinct de : ombre), 268.
Imparfait (exég. grammat.), 150, 151.
Implicites, citations, 321-324; exégèses, 38-41, 276, 311-323.
Imputer à... ma'alé, 47, 68, 145, 231.
Inclusions, 20, 21, 51, 107, 108, 149, 160; et exclusions (combi-
naisons), 188-193.
Indications, 48, 49, 61, 239.
Infinitif (exég. grammat.), 154, 159, 160.
394 INDEX ANALYTIQUE.
Interdiction, ^azhârâ, 20, 45, 50, 51.
Interprétation simple, 42-51.
Interprétation (charisme d'), 272, 273.
Isaïe, figure de Jésus, 315.
Ismaël : défend le sens simple, 35-37, 188, 196; admet les son
multiples, 35, 37; sur le sens parabolique, 207; ses règles, 33, 80,
197, R. 1 : 83-88; R. 2 : 90-92; R. 3 : 101-103; R. 4-11 : 106-113;
R. 12 : 178-185; R. 13 : 201-206.
Israélites, types des chrétiens, 303, 304, 313.
S. Jérôme, 242, 337.
Jésus : terme de la promesse, 267 ; ses figures, 304-306, 315, 329 ;
autorité de ses paroles, 271, 272.
Jeux de mots, 139, 140.
Josèphe (son exégèse prophétique), 71.
Langage biblique (ses particularités), 162-174, 172.
Langue des hommes (parlée par l'Écriture), 36, 162, 163.
Leçon fondée^ textuellement ou traditionnellement, 128,
Lexicographie, 131-145.
Lexique des rabbins, 143, 144.
Libertés textuelles, 125, 335-338.
Lire (introduisant citations), 31.
Litote, 164.
Littéral (sens) : estimé, défendu, 5, 24, 74, 125, 131, 132, 144, 227,
^'»,
Littéralisme servile, 55, 56, 57, 58, 63, 193, 203, 257.
Loi, figure de la Foi, 306-308, 328.
Loi orale, 64, 65; déduite de l'Ecriture, 55-63, contre l'Écriture,
45, 52, 53.
Maximes morales, fondent lois, 61, 62 ; déduites, 64, 65 ; exprimées en
termes bibliques, 319, 323.
Maximum et minimum, 148.
Meïr (ses variantes bibliques), 118.
Melchisédech, figure de Jésus, 305.
Métaphores, 16, sq., 163.
Métaphorique (sens), 144, 145; exégèse, 247 (voir : parabolique).
Méthodes exégétiques, 32, 33.
Midras, 11, 13.
Midrasim (leur exégèse), 15.
Misna : l'orme législative simple, 13; son exégèse, 14.
Modifications : du sens (pour démontrer), 58, 125, 257...; du texte
99, 118, 123-128, 220, 229, 308, 320, 327, 330-336.
Morale (pour fonder la loi), 61, 62.
Multiples (sens) d'un mot, 36, 37, 45, 65, 141, 142, 144, 171.
Mystère (dans l'A. T.), 270.
Nahum de Gimzo, ses méthodes exégétiques, 160, 188-192.
INDEX ANALYTIQUE. 395
Narrations bibliques rappelées, 321, 322.
Nehonia haqqané, ses règles herméneutiques, 188.
Nombre (exég. grammat.), 64, 147, 148, 196, 231, 298, 299.
Notarikon, 76, 137-139.
Objet d'un passage (déterminé), 178, 179.
Obligation (imposée par un texte, ou liberté), 50, 152, 153, 156.
Obscur, bouché, sâtûm, (texte), à éclairer, 175, 176.
Ombres du N. T. dans l'A., 268.
Oppositions entre passages bibliques, 200, sqq.
Ordinaire (ce qui arrive d'), objet habituel de l'Ecriture, 105.
Ordinaire (sens) d'une expression, 145, 165, 166.
Paraboles, 18, 213-215 ; appuyant une interprétation, 240, 249.
Parabolique (exégèse), 33, sq., 207-251, portant sur toutes sortes
de textes; rabbins peu allégoriques, 247-249; chez S. P. 308-311.
Paraphrases, 308, 332.
Pareillement, kyôsé'' bô, 18,94, 104, 156, 160, 162, 163,;i73, 177, 178.
Pardés (les quatre règles herméneutiques), 5.
Parenthèses, marquées, 181.
Participes, 153.
Particules (exég. grammatic), 156-161; valeur inclusive ou exclu-
sive, 188-192.
Particulier, voir : général.
Paul : sa conception de la Bible, 266-275, 345, 348 ; son usage de
VA. T., 267; interprète autorisé de l'Écriture, 273, 275; livres qui lui
sont le plus familiers, 291; thèmes favoris, 321-324, 345; comparé
aux rabbins dans ses procédés exégétiques, 263, 264, 348-350, 324,
338.
Pauvres ou riches (termes), 174, sqq.
Peine, 'onés (sanction d'une interdiction), 20, 50, 51.
Philologique (exégèse), 33, 36, 116-206, 298-301.
Points dans le texte, 129, 130.
Possibles (sens), yâkôl. 25, 26.
Pourquoi tel texte''^. 15, 16, 30, 92, etc.
Précisions i*elevées, 21, 22, 23, 24, 104, 109, 146; ajoutées aux textes,
43, 46, 49, 56, 60, 86, 87, 93, 95, 134, 135, 161, 167, 169, 170, 171. 179,
193, 228, 242.
Principe général appliqué, 55, lOi, 102, 103, 141, 146, 245.
Progression du texte (iodiquée), 46.
Pronoms, 149.
Prophétiques (exégèses), 68-76, 146, 147, 274, 312-315.
Propre (sens), 144.
Psaumes (leur interprétation), 246.
Quelle est la raison (fondement)? ma ta'am, 23, 29.
Raisonnements en exégèse, leur valeur limitée, 78, 79, 82, 83, 92,
107.
396 INDEX ANALYTIQUE.
Rapporter un texte à un sujet autre, 96, 97.
Rapprochements (démonstration par), 60, 96, 177, 178, 227, 239.
Redondances (expliquées), 172. ,
Redoublements (leur portée exégétique), 196, 197.
Redressement de la lettre, 170-172.
Références (complétées), 16,
Référentielle (exégèse), 33, 38-76, 253, 276.
Règles herméneutiques, 80; voir : Aqiba, Éliezer, Hillel, Ismaël.
Remarques explicatives sur un texte, 295.
Répétitions : leur raison, 20, |21, 197, 198; leur valeur exégétique,,
36, 93, 107, 149, 196, 197-199.
Restitutio in integrum (exégétique), 114, sq.
Résurrection de Jésus, démontrée exégétiquement, 300, 301.
Révélation judéo-chrétienne, son unité, 350-353.
Riches (textes), en éclairant d'autres, 174.
Sacerdoce de Jésus figuré, 305, 306.
Sagesse (livre de la), 291.
Salomon, type de Jésus, 329.
Science des Écritures chez les rabbins, 12, 27, 130, 131, 208, 253-
256.
Scribes, 12.
Sections dans le texte, 47, 180, 181, 186.
Septante (version des) : utilisée par les rabbins; 73, 118, 119, 124,
126, 139, 143; suivie par S. Paul, 296, 301, 302, 312, 318, 320, 321»
323, 325, 326, 330, 335, 337, 347.
Si (conjonction, ses divers sens), 40.
Simple (sens), 34-37, 74; exégèse, 33, 38-76.
Statistiques bibliques , 206.
Strict (sens) d'un terme, fondant exégèses (inclusions et exclusions) >
56, 57, 157, 158, 192, 193, 321, 357, 298-300, 314, 315, 316.
Style biblique, 162-206.
Substantif, 146-149.
Suivant qu'il est dit, sènnéemar, 30 et partout.
Sujet d'un verbe (déterminé), 155, 156, 172, 173, d'un passage,
178-181; sujets confondus, 173.
Superflus (mots, expliqués), 17, 18-20
Symboles, 245 (voir : allégorie).
Symboliques (écritures), 176, 245; exégèses, 236, 238, 245, 247.
Synonymes (mots), 143, 185.
Syntaxe, 16,
Targums (leurs exégèses), voir : tables.
Temps et modes du verbe (exég. grammat.), 150-154,
Théosophiques (sens), 5.
Thèses théologiques, formulées en termes bibliques, 319, 323.
Tosephta, plus riche en exégèses que la Misna, 14,
INDEX ANALYTIQUE. 397
Tradition: fondement vrai des lois, 13, 24, 42, 43, 45, 52, 77, 83,
92; son autorité, 78, 83, 54; textuelles et exégétiques, 128, 131.
Type, tupos, 269; ses diverses formes, 301, 302; typologie, 275;
chez S. Paul, place prépondérante, conclusions déduites, 287, 270,
275, 301-308, 311, 324, 327; justifie modifications du sens biblique,
328-330; actualité de la typologie, 353, 356.
Valeur permanente de l'exégèse paulinienne, 350-356.
Variantes étudiées, 118, 119.
Verbe (exég. grammat.), 149-156.
Vérité : sens simple, 35, 215.
Virtuelles : citations, 280; exégèses, 38-41.
Fomn.(texte) explique, sâmûk, 66, 186, 187, 227, 228.
Zeugma, 155.
TABLE DES MATIÈRES
AVANT-PROPOS
PARTIE I
EXÉGÈSE RABB INIQUE.
Quelques paradigmes de l'exégèse rabbinique ancienne.
Pages
Indications bibliographiques 9
CHAPITRE PREMIER.
QUELQUES NOTIONS GÉNÉRALES
1° L'exégèse biblique dans le Judaïsme 11
2° Les sources : la littérature exégétique 14
3° Occasions des exégèses 15
4° Comment sont introduites les citations bibliques 27
A. Textes cités sans formule introductrice 27
B. Formules introductrices indirectes 28
C. Formules introductrices directes 29
a. Le verbe « dire » 29
b. Verbes apparentés au verbe « dire » 31
c. Le verbe « écrire » 32
d. Autres expressions 32
5° Les diverses méthodes exégétiques. Division du travail 32
6° Exégèse littérale : sens simple 34
CHAPITRE II.
L'EXÉGÈSE SIMPLE
I. Exégèse implicite 38
IL Exégèse explicite simple 41
10 Exégèse explicite simple interprétative 42
A. Ex^plr ^ ' H^sens du texte 42
400 TABLE DES MATIÈRES.
Pages.
B. Définir le rôle d'une sentence ou de ses éléments 46
2° Exégèse simple explicite démonstrative 51
A. Démonstrations juridiques 53
a. Textes juridiques ayant un rapport réel avec la prescrip-
tion à justifier 55
b. Textes juridiques sans rapport avec la loi étudiée 58
c. Textes non-juridiques 60
B. Démonstrations haggadiques 63
G . Exégèses prophétiques 68
a. Prophéties déjà réalisées 69
b. Prophéties à réaliser 73
CHAPITRE III.
MÉTHODES DIALECTIQUES D'EXÉGÈSE BIBLIQUE
Méthodes et règles 11
I. Raisonnement a fortiori 83
II. Raisonnement par analogie 88
1° L'assimilation : le hèqqés 89
2° Gezérâ sâwâ : analogie 90
3° Autres raisonnements par analogie 93
A. Equivalences 93
B. Textes rapprochés l'un de l'-autre 94
G. Argument tiré d'une espèce analogue 95
4° Conclusions par analogies réelles 97
A. Analogie ou assimilation simplement affirmées 98
A. Analogies réelles cherchées et montrées 98
C. Raisonnements par analogie complète 99
III. Généralisation d'un cas particulier ou d'une loi. 100
1° Binyan âb 101
A. Binyan âb fondé sur une seule écriture , 101
B. Binyan âb fondé sur deux écritures 103
2° Autres formes de généralisation 104
IV. Général et particulier 106
1° Général et singulier 107
2° Singulier, puis général 109
3° Un singulier entre deux généraux 110
4° Général qui a besoin du particulier et particulier qui a besoin
du général 111
5° Élément qui fait exception pour expliquer l'ensemble 112
6° Élément qui fait exception pour alléger les obligations. 113
7° Élément qui fait exception pour atténuer et aggraver 113
8° Réduction ad integrum d'une exception , 114
Appendice, règles 24 et 26 d'Éliezer , ,: 115
SSPipPittliiipiiP
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LE LIVRE DES PSAUMES
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l'auteur : comme le Juste de Psaume 1, il a réussi dans son œuvre. >
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Psaumes, Proverbes, Job, Ecclésiastique, sont autant de nouveaux exemples de la
théorie strophique appliquée par l'auteur dans ses commentaires d'Isaïe et de Jérémie.
Mais cette fois, le P. Condamin expose en dix chapitres les lois de la strophique hébraïque;
il répond aux objections rencontrées çà et là depuis 28 ans.
Intéressante surtout pour les spécialistes, l'introduction est lisible pour tous. Sans
irriter personne, elle prépare à mieux comprendre les poèmes qui suivent et les strophes
magnifiques du livre de la Sagesse, qui suivront bientôt dans le savant commentaire du
P. Mariés.
Ces Poèmes de la Bible sont éminemment propres, du point de vue de la littérature
comparée, à mettre en relief certaines ressemblances et différences que présente le lyrisme
dans îalittérature sémitique d'une part, et les littératures classiques, grecque et latine
d'autre part.
Les éloges généralement donnés aux traductions d'Isaïe et de Jérémie, du même auteur,
permettent d'espérer que l'on goûtera aussi celles de ce recueil.
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tiel dans notre vie de tous les jours. L'auteur s'attache à préciser ce rôle visible et
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