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Full text of "Dictionnaire encyclopedique des sciences medicales V.49"

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DfCTfONWinE    ENCYOLOPÉDIOIJE 


SCÏENCT^S  MÉDICALES 


TARIS.  —    TYI'OGUAPIIIE   A.    LAIIURE. 
Rue  de  Fleunis,  9. 


DICTIONNAIRE  ENCYCinPÉDIQUE 


nO 


DES 


SCIENCES  MÉDICALES 


DIRECTEURS 

A.    DECIIAMCRE    —    L    LEREBOULLET 

DEi8CiAi885  nEi'uisisas 

Directeur-Adjoint    :    L.    hahn 


COI.LABOUATEUKS    :    MM.    LES    DOCTEURS 

ABCIIAMBAULI,    ARI.OING,   ARNOIILD   (j.),    AKNOZAN,    ABSONVAI.   (d'),    AUBRY   (J.),   AUVARD,    AXENFELD,    BAILLAROER 

BAIII.ON,    IIAI.UIANI,    1)AI.L,   BARIÉ,    BARTIl,    BAZIN,    BEAUGBAND,    BÉCLABD,  BÉIIIEB,   BENEDEN  (VAN),    UEBCER, 

BERNriEIM,   BKUTIM.ON,  UEBTI.V-SANS,   BESNIER  (ERXESt),    UI.ACIIE,   UT.ACIIEZ,   BI.ANf.IlARD  (r.),  Bl.ABEZ,    BOINET, 

BOISSEAU,    nORDIER,    UORIUS,    liOUClIACOIJRT,    UOUCIIARII   (Cll.),     BODCIIEREAII,     IlOUtSSON,    IIOUI.AND    (P.),    UOUI.EY   (il./ 

BOUREL-RONCIÈRE,  BOURfiOriV,  HOIIBRU,   IlOl'BSIER,  UOIISQIIET,  IlOUVIER,  BOVEK,  BRASSAC,  IIROCA,  UROCIIIM,   BBOUARDEI., 

BROWN-SÉQUARU,  IIRUN,  BIIRCKKR,  UIBLUREAIY,   DUSSARI),  CAIIIAT,  CaLMEII,,  CAMI'ANA,  CABI.ET  (G.),  CERISE,  CIIAMIIARD 

CBARCOT,    CIIABVOT,    CIIASSAIGNAC,   CriAUVEAU,     ClIAIIVEI.,    CIIÉREAIJ,    ClIERVIN,     CIIOIIPPE,     CHRÉTIEN,   CHRISTIAN, 

CI.EBMONT,    COLIN   (l.),   CURMI.,   COTABD,    COUI.IER,    COURTÏ,    COVNE,    DAI.I.Y,    DAVAINE,    DECIIAMIIRE   (a.),   DELENS, 

DELIOUX   DE  SAVICNAC,  DEI.ORE,  DELPECII,  DEMANGE,    DENONVIl.LIERS,  DEI'AUI,,    DIDAY,  DOLBEAU,  UUliUlSSON,   DU  CAZAI,, 

DUCI.ADX,   DUCUET,   DIUABDIN-BEAUMETZ,    DUPLAY  (s.),    DUREAU,    DUTROUI.AU,    DUWEZ,    DUZÉA,    EGGER,    ÉI.OY,    ÉLÏ, 

falbet  (j.),  farabeijf,  féi.izet,  féris,  ferranu,  fleubv  (de),  foli.in,  fonssagrives,  forgue,  fournier  (e.), 

fodrnier  (il.),  franck-françois,  gai.tier-uoissière,  gariel,  gavarret,  gayet,  gayraud,  gervais  (p.),  gii.i.ettf, 

oihaud-teul.on,  collley,  granclleb,  grasset,  greeniiii.i.,  grisolle,  gubler,  guéniot,  guéralvll,  guii.lard, 

GUILLAUME,   CUILLEMIN,  GUÏ0n(f.),  IlAllN    (l.),    IIAMELIN,   IIAÏEM,    IIECIIT,    IIECKEL,    IIENNEGUY,  IIÉNOCQUE,    IIEBRMANN, 
IIEYDENREICII,    IIOVELACQUE,    IIUMREHT,    IIUTINEL,    ISAMBERT,   JACQUEMIEB,   JUIIEL-RÉNOY,    KARTII,    KELSCII,    KIRMISSON, 
KRISIIAUER,    LAIJllÉ    (lÉOn),   LARRÉE,    LAUORDE,  LABOULBÈNE,    LACASSAGNE,    LADREIT   DE  LA   CIIARRIÈRE,    LAGNEAU    [G.), 
LAGRANGE,   LANCEBEAUi,    LARCIIER    (o.),   LAUBE,    LAVEBAN,    I.AVERAN    (a,),    LAYET,    LECLERC    (l.),    LECORCIIÉ, 
LE  DOOULE,    LEFÈVRE   (eU.),    LEFORT    (lÉOn),    LEGOUESI,     LEGOYT,    LEGROS,    LEGROUX,    LEREBOULLET,    LEROUX, 
LE  ROY  DE  MÉRICOUBT,  LETOUBNEAU,    LEVEN,    LÉVY   (mICIIEI.),    LIÉGEOIS,    LIÉTARD,    LINAS,    LIOUVILLE,    LITTRÉ,  L0N<:ET, 

LOiNGUET,    LUIZ,    MAGITOT  (E.),   MAIIÉ,    MALAGUTTI,  MARCHAND,    MAREV,    MARIE,    MARTIN    (a.-J.),   MARTINS,    MASSE, 

MATHIEU,    MERKI.EN,    MERRÏ-DELADOST,    MICHEL   (dE   NANCY),   MILLARD,   MDLLIÈRE   (DANIEL),    MONOD  (CH.),   UONTAMFR, 

MORACUE,   MORAT,   UOREL    (b.  A.),    MOSSÉ,    MUSELIER,  NICAISE,    NUEL,    OUÉDÉNARE,    OLLIER,   ONIMUS,    ORFILA    (l.), 

OUSTALET,   l'AJOT,  PARCHAPPE,   l'ARROI,   PASTEUR,    PAULET,    PÉCHOLIER,    PERRIN  (MAURICE),    PETER   (m.),    PETIT    (a.) 

PETIT   (l.-II.),  PEYROT,    PICQUÉ,    PIGNOT,    PINARD,    PINGAUD,    PITRES,    POLAILLON,    PONCET    (aNT.),    POTAIN, 

POUCHET   (GAISR.),   POZZI,    RAULIN,    RAYMOND,         RECLUS,    RÉGIS,    REGNAIIU,    BEGNAUI.D,     BENAUD    (l.),    BENAUT,     BENIlU, 

RENDU,    BETTERER,    RRY,    BEYNAL,    BICHE,  RICKLIN,    RITTI,    ROBIN  (aLBEBI),    BOBIN    (CII.),    BOCIIABD,  BOCHAS    (de), 

ROCIIEFORT,    ROGER   (il.),     BOIIUEB,    BOI.LET,     BOTIREAU,    ROUGET,    ROYER    (CLÉMENCE),     SAINTE-CLAIRE   DEVILLE    (il.), 

SANNÉ,    SANSON,    SAUVAGE,    Sr.HLTZENBERGER     (Cil.),    SCIIUTZENUERGER    (P.),   SÉDILLOT,    SÉE    (MARC),    SERVIER, 

SEÏNES    (de),    SINÉTÏ   (ue),   SIRY,   SOUDEIBAN   (l.),    SPILLMANN    (e.),   STÉPIIANOS   (CLÔN),   STRAUSS   (il.),  TABTIVEL, 

TESTELIN,    TESTUT,    THIUIEBGE,   THOMAS  (L.),  TILLAUl  (p.),  TOURBES,   TOUUNEUÏ,  TRÉLAT  (u.),  TBIPIEK    (i.ÉON), 

TROISIER,  VAI.LIN,  VARIONÏ    (I)E),    VELPEAU,  VERNEUIL,    VÉZIAN,    VIALD-GRAND-MARAIS,    VIDAL    (ÉMj^IDiU,    YILLEMIN 

VINCENT,    VOIILEMIER,    VI  Ll'IAN,    WARIOMONT,    WERTHElMEIl,    WIDAL  WM.LM,    WORM^ 

QUATRIÈME    SKUU; 

F  —  K 

TOME    TREIZIÈME 

HÉM  — HÉR 
PARIS 


C,^  IMAMS 


ASSELIN  ET  HOUZEAU 

LIBRAIRES   DE   LA  FACULTÉ   DE   MÉDECINE 

Plupfi  lie  rÉcole-(lc-Mi'(li^i'iiie 


G.    MASSON 


LIIIRAIRE    DE   L  ACADEMIE  DE    MEhECINE 

I        BouleiarJ  Saint-Cermaio,  en  fare  de  l'École  de  Hédecioe 


MDC.CCLXXXVllI 


■.'Ma 


DICTIONNAIRE 

ENCYCLOPÉDIQUE 


PES 


SCIENCES  MÉDICALES 


UË9IATOCÈLE  l'ACil.^ALE.  Celle  dénomination,  imposée  par  Heisler,  est 
impropre  el  devrait  disparaître  de  la  nosographie  :  hémalocèle  signifie  hernie  ou 
tumeur  sanguine  :  or  le  sang  peut  manquer  dans  les  hématocèles.  Nous  préfére- 
rions  les  noms  de  vaginalite  chronique  proposé  par  certains  auteurs,  el  de 
périorchite  employé  par  Koolier.  Encore  semblent-ils  mieux  applicables  aux 
vieilles  iiydrocèles  à  parois  altérées  ou  aux  adhérences  des  deux  feuillets  de  la 
séreuse.  Le  terme  de  pachyvaginalite  nous  paraît  seul  donner  une  notion 
exacte  sur  ran;itomie  pathologique  qu'il  rattache  d'un  mot  aux  lésions  sem- 
blables des  méninges.  Aussi  dirons-nous,  et  ce  sera  notre  déflnition  :  la  pachy- 
vaginalite, mal  nommée  hémalocèle  vaginale,  est  une  affcclion  caractérisée  par 
un  épaississemcnt  considérable,  une  abondante  néoformation  des  parois  de  la 
séreuse  qui  enveloppe  la  glande  spermatique. 

Historique.  Nos  vieux  auteurs  ne  mentionnent  pas  l'héiuatocèle.  Ambroise 
Paré  nous  décrit  a  la  hargne  cliarneiise,  la  hargne  venteuse,  la  hargne  vari- 
queuse, la  hargne  humorale,  la  hargne  aqueuse  nommée  hydrocèle  »,  mais  nous 
ne  trouvons  nulle  part  la  moindre  allusion  aux  néomembranes  de  la  vaginale  el 
aux  épanchements  sanguins  qui  souvent  distendent  la  séreuse.  Les  chirurgiens 
du  siècle  suivant  ne  sont  pas  mieux  renseignés.  Cependant  on  rencontre  çà  et 
là,  au  hasard  des  observations,  quelques  cas  non  douteux  de  pachvvaginalite. 
Saviard,  sous  le  titre  de  :  Hydrocèle  extraordinaire  et  Autre  hydrocèle,  nous 
parle  «  d'un  courrier  de  Bourdeaux  nommé  Monsieur  Framboise  »  qui,  en  1697, 
vit  son  scrotum  prendre  un  volume  considérable;  la  tumeur  était  dure,  non 
fluctuante,  sauf  en  un  point;  la  bourse  fut  ouverte  avec  un  cautère  et  il  s'en 
écoula  «  une  bonne  chopine  d'une  couleur  noirâtre  et  semblable  à  la  laveure 
d'un  sang  corrompu.  »  La  guérison  fut  obtenue  par  bourgeonnement.  D'ailleurs, 
plus  de  cent  ans  auparavant,  Vigo,  en  1532,  ne  semblait-il  pas  connaîre  la  pachy- 
vaginalite et  la  distinguer  du  sarcocèle  malin?...  «  Et  après  l'ouverture  faite, 

DICT.    ENC.    4*    s.    Xllf.  ] 


2  IIEMATOCÈLE. 

ifault  regarder  si  le  testicule  n'est  point  corrompu;  il  fault  séparer  toute  la  car- 
iiosité  avec  un  instrument  convenable  ei;  bien  tranchant  et  l'ôter  et,  pour  réduire 
le  testicule  en  son  premier  lieu,  fault  coudre  l'incision...  » 

Au  dix-huitième  siècle,  John  Hunier  pose  nettement  la  question  :  La  séreuse 
contient  parfois  du  sang  dont  l'extra vasation  n'est  pas  toujours  le  «  résultat  immé- 
<liat  d'une  violence  extérieure  ;  elle  peut  être  l'effet  d'une  action  morbide  ou 
d'un  mode  particulier  de  sécrétion.  »  Cet  admirable  analyste  avait  bien  vu  que 
la  pachyvaginalite  ne  ressemble  point  aux  suffusions  ordinaires,  les  violences 
extérieures  manquant  souvent  dans  les  commémoralifs.  II  sut  reconnaître, 
distinction  bien  rare  à  cette  époque,  que  cette  tumeur  épaisse,  dure  et  soulevée 
par  de  volumineux  caillots,  n'était  point  un  cancer  hématode.  Elle  donne  «  la 
sensation  d'une  hydrocèle  obscure  ou  de  quelque  cliose  d'intei'médiaire  entre 
riiydrocèle  et  le  squirrbe  du  testicule;  l'incertitude  est  telle,  qu'il  a  toujours 
conseillé  de  faire  une  ponction  »  Mais  l'ensemble  des  caractères  qui  permettent 
ie  diagnostic  est  encore  assez  indécis  pour  que  l'illustre  physiologiste  s'y  trompe 
lui-même,  et  de  ses  deux  observations  l'une  a  certainement  trait  à  un  carcinome. 

Cette  doctrine,  peu  claire  déj:'i,  va  s'obscurcir  encore  chez  les  auteurs  du 
commencement  de  ce  siècle,  sauf  peut-être  cliez  Aslley  Cooper.  Celui-ci,  du 
moins,  sait  que  l'hématocèle  n'est  pas  toujours  d'origine  traumatique,  et  il  cite 
deux  observations  où  l'épanchement  du  sang  et  l'épaississement  de  la  vaginale 
survinrent  sans  que  le  malade  put  invoquer  la  moindre  violence  extérieure. 
<]ependant,  lorsqu'on  veut  remonter  un  peu  haut  dans  l'histoire  de  l'affection 
<jui  nous  occupe,  il  faut  éviter  une  erreur  fondamentale,  il  faut  savoir  que  nos 
prédécesseurs,  en  cela  plus  sages  que  nous,  n'étiquetaient  pas  d'un  même  nom 
des  affections  aussi  dissemblables  que  la  contusion  des  bourses  et  la  pachy- 
\agiiialite.  Sous  le  nom  d'hématocèle,  ils  décrivaient  «  un  épancbement  sanguin 
brusquement  survenu  dans  la  vaginale  à  l'occasion  d'une  violence  extérieure  », 
affection  d'un  médiocre  intérêt  et  dont  l'étude  se  confond  avec  celle  des  trauma- 
lismes  des  bourses.  Par  celui  de  «  hydrocèle  à  parois  épaisses  »,  ils  entendaieni 
une  altération  de  la  séreuse  qui  se  développe  lentement  et  que  caractérise  la 
formation  de  néomembranes  à  vaisseaux  nombreux  et  de  rupture  facile. 

Ne  nous  a-t-on  pas  dit  que  Boyer  ignorait  la  pachyvaginalite  parce  que,  sous 
ie  nom  d'hématocèle,  il  décrit  un  épancbement  sanguin  provoqué  par  une  con- 
tusion violente,  ou  par  la  piqûre  d'un  vaisseau  dans  la  ponction  de  l'hydrocèle? 
J\Iais  qu'on  arrive  au  chapitre  De  quelques  tumeurs  des  bourses  auxquelles  ou 
n  donné  improprement  le  nom  de  sarcocèles,  on  y  trouveia  une  étude  précise 
dont  nous  devons  au  lecteur  l'analyse  rapide.  «  La  vaginale  acquieit  une  épais- 
seur considérable.  Dans  quelques  cas  elle  est  telle,  et  d'une  si  grande  consis- 
tance, que  la  tumeur  présente  les  apparences  du  sarcocèle,  sans  être  cancéreuse 
toutefois,  puisque,  le  plus  souvent,  le  testicule  ne  participe  eu  rien  à  l'affection 
•de  ses  enveloppes.  Le  mal  a  été  tout  d'abord  une  hydrocèle  simple;  ensuite  la 
séreuse  s'est  épaissie  par  une  inflammation  chronique  survenue  spontanément 
ou  déterminée  par  une  contusion.  »  Boyer  nous  rapporte  trois  cas  où  la  castra- 
tion permit  d'étudier  la  tumeur.  Dans  le  premier,  «  la  vaginale  était  épaisse 
de  8  à  10  lignes,  son  tissu  lardacé  contenait  plusieurs  foyers  ichoreux;  sa  cavité 
était  remplie  de  sérosité  sanguinolente,  le  testicule  occupait  la  partie  postérieure 
et  n'offrait  aucune  altération  de  forme,  de  volume  ou  de  tissu.  »  Dans  le  deuxième, 
«  le  liquide  était  semblable  à  de  la  décoction  de  café,  la  vaginale  avait  environ 
ij  lignes,  et  sa  surface  était  couverte  de  concrétions  membraniformes,  comme 


•     UÉMATOCELE.  5 

celles  qu'on  rencontre  dans  les  autres  séreuses  chroniquement  enflammées.  » 
Enfin,  dans  la  troisième,  il  «  s'écoule  un  liquide  noirâtre,  épais,  semblable  à 
du  sang  coagulé;  la  vaginale  a  une  épaisseur  et  une  dureté  considérables  sans 
que  la  glande  soit  affectée.  »  On  le  voit,  l'esquisse  est  exacte,  il  ne  manque 
qu'un  mot  pour  désigner  ces  tumeurs  «  auxquelles  on  a  improprement  donné 
le  nom  de  sarcocèles.  » 

La  doctrine  est  la  mémo  dans  l'œuvre  da  Duj)uylrcn;  il  fait  de  la  pachyvagi- 
nalite  une  simple  variété  de  l'hydrocèle,  mais  la  description  en  est  bien  moins 
nette.  «  Quelquefois,  nous  dit-il,  j'ai  vu  le  feuillet  séreux  être  le  siège  d'exha- 
lations sanguines  plus  ou  moins  abondantes  ou  présenter  des  plaques  osseuses 
d'une  étendue  variable.  »  Il  cite  trois  observations  dont  deux  sont  des  types 
d'bématocèle,  «  liquide  couleur  lie  de  vin,  roussâtre  et  inodore,  analogue  à 
celui  que  l'on  trouve  dans  les  cellules  des  tumeurs  dégénérées;  vaginale  épaissie 
et  inégale,  testicule  sain.  »  Mais  le  chirurgien  en  chef  de  l'Hôtel-Dieu  n'entre 
dans  aucun  détail  et  reste  muet  sur  les  symptômes,  le  diagnostic  ou  la  patho- 
génie de  celte  affection.  Blandin  est  aussi  peu  prolixe  et  il  nous  parle  d'hydro- 
cèles  dont  les  parois  «  sont  épaisses  de  plusieurs  lignes,  opaques,  dures, 
cartilagineuses,  et  dans  les  cas  rares  de  consistance  ostéo-crétacée...;  elles  se 
sont  accrues  par  superposition  de  couches  pseudo-membraneuses,  n  On  trouve 
dans  les  cavités  de  la  sérosité  des  flocons  albumincux  ou  du  sang. 

Ce  sont  là  des  descriptions  bien  vagues,  et  il  faut  reconnaître  que  vers  cette 
époque,  aux  environs  de  1840,  la  pacliyvaginalite  est  mal  connue.  Jules  Cloquet, 
dans  le  Dictionnaire  en  50  volumes,  dit  que  l'hématocèle  succède  toujours  à 
une  ponction  des  bourses;  la  vaginale,  longtemps  distendue  par  la  sérosité,  est 
sillonnée,  suivant  Pott,  par  des  vaisseaux  sanguins  variqueux;  la  peinte  du 
trocart  ou  de  la  lancette  en  ouvre  quelques-uns  et  l'épanchement  se  produit. 
Roux  nous  donne  une  opinion  curieuse  à  l'article  Testicule  du  même  diction- 
naire :  la  vaginale  ou  pérididyme  est  parfois  atteinte  de  sarcocèle.  Mais  qu'on 
se  garde  bien,  insiste-t-il,  de  considérer  comme  sarcocèle  tout  épaississement  du 
pérididyme;  dans  quelques  hydrocèles  anciennes,  la  poche  a  beaucoup  d'épais- 
seur, et  ce  qu'on  prendrait  facilement  pour  une  véritable  induration  n'est 
qu'un  dépôt  de  fausses  membranes  consécutif  à  des  inflammations  chroniques 
ou  répétées.  La  doctrine  ancienne  est  là  tout  entière  :  on  ne  sait  faire  le  départ 
de  la  pacbyvaginalite,  que  l'on  confond  dans  ses  formes  légères  avec  l'hydrocèle; 
avec  le  cancer  lorsque  ses  altérations  sont  avancées  et  étendues. 

La  thèse  d'Ernest  Cloquet,  à  la  date  de  1846,  est  considérée  comme  de 
majeure  importance  dans  l'histoire  de  l'hématocèle.  Nous  ne  partageons  pas  cet 
enthousiasme;  bien  des  opinions  y  sont  errone'es.  Cloquet  s'empare  d'une  idée 
développée  déjà  par  Velpeau  :  la  pacbyvaginalite  aurait  pour  origine  une  effusion 
sanguine  dans  la  séreuse  dont  les  parois  s'épaississent  par  dépôts  successifs  de 
fibrine  et  par  exsudation  de  lymphe  plastique.  Il  y  aurait  donc  à  la  fois  produc- 
tion de  fausses  membranes  et  de  néomembranes.  Quant  à  l'hémorrhagie  géné- 
ratrice de  l'affection,  elle  est  tantôt  traumatique  et  succède  à  une  contusion  ou 
à  une  ponction  d'hydrocèle  simple;  elle  est  tantôt  spontanée,  et  l'auteur  cite 
huit  observations  où  la  tumeur  est  survenue  sans  qu'on  puisse  trouver  la 
moindre  violence  extérieure  pour  en  expliquer  l'apparition.  Là  est  le  seul  point 
bien  observé,  car,  en  définitive,  Cloquet  met  au  premier  rang  l'effusion  san- 
guine, épisode  pourtant  sans  importance  qu'il  regarde  comme  la  génératrice  de 
l'épaississement  des  parois,  le  phénomène  primordial,  celui  qui  domine  l'his- 


4  HEMATOCELE. 

loire  de  l'affection.  Comment  d'ailleurs  explique-t-il  l'iiémorrliagie?  D'après 
lui,  l'exhalation  sanguine  est  sous  la  dépendance  d'une  hydrocèle  pre'existante 
ou  d'une  dilatation  des  vaisseaux  qui  serpentent  à  la  surface  d'une  séreuse.  11 
invoque  même  une  perversion  dans  l'exhalation  modifiée  souvent  parla  puberté.  » 
Celte  pathogénie  est  pauvre;  elle  ne  lient  aucun  compte  des  excellents  matériaux 
amassés  depuis  le  dix-septième  siècle  :  aussi,  malgré  le  retentissement  de  celte 
thèse,  nous  préférons  la  brève  description  de  Hunier  et  surtout  le  sobre  tableau 
tracé  de  main  de  maître  par  Boyer. 

Le  mémoire  de  Gosselin,  dans  les  Archives  générales  de  médecine,  marque 
un  tournant  de  la  question.  11  sépare  nettement  l'hématocèle  traumatique  parié- 
tale, effuse  dans  les  enveloppes  du  scrotum,  de  l'hématocèle  spontanée  de  Cloquet. 
L'auteur  renoue  la  tradition  rompue  depuis  Boyer  et  prouve  que  l'épaississe- 
ment  de  la  séreuse  précède  l'épanchement  sanguin;  les  vaisseaux  jeunes  et 
friables  de  la  ncomembrane  se  déchirent  et  inondent  la  vaginale  que  viennent 
obstruer  les  caillots.  L'hémorrhagie  est  un  résultat,  et  non  un  point  de  départ 
comme  le  voulait  Velpeau.  Il  est  à  regretter  que  l'éminent  clinicien  ait  adopté 
la  désignation  sans  relief  d'héniatotèle  consécutive.  Pourquoi  no  pas  lui  substi- 
tuer celle  de  «  vaginalite  pseudo-membraneuse  »  qu'il  prononce  au  cours  de 
son  travail?  11  eût  relégué  au  rang  qui  lui  convient  cet  épisode  —  sans  grande 
importance  et  qui  du  reste  fait  parfois  défaut  —  de  l'irruption  du  sang  dans 
la  séreuse,  pour  fixer  d'abord  l'attention  sur  le  point  capital,  l'épaississement 
de  la  séreuse,  la  néoformalion  des  tissus. 

L'objection  est  si  pressante  que  Jamain,  dans  sa  remarquable  thèse  d'agréga- 
tion et  dans  le  cinquième  volume  des  Éléments  de  pathologie  chirurgicale  de 
Nélaton,  rédigé  par  lui,  se  demande  :  «  Lorsque  le  liquide  contenu  dans  le 
kyste  est  séreux,  doit-on  considérer  l'affection  comme  une  hématocèle?  Quoi 
qu'il  en  soit,  comme  c'est  surtout  l'état  de  la  poche  qui  donne  le  cachet  spécial 
à  l'affection  que  nous  décrivons,  nous  rapprocherons  celte  forme  de  l'hématocèle 
proprement  dite.  »  Il  eût  été  plus  hardi,  non  de  rapprocher,  mais  de  confondre 
les  pachyvaginalites  séreuses  et  sanguines.  Il  l'aurait  fait  sans  doute,  s'il  avait, 
comme  nous  et  comme  tant  d'autres,  retiré  par  deux  ponctions  successives, 
d'abord  une  substance  épaisse,  brun  chocolat,  et  une  seconde  fois  un  liquide 
transparent,  citrin,  semblable  à  celui  d'une  hydrocèle  banale.  En  vérité,  a-t-on 
pu  dans  un  cas  pareil  porter  d'abord  le  diagnostic  d'hématocèle,  puis  celui 
d'hydrocèle,  et  quelques  globules  rouges  en  plus  ou  en  moins  suffisent-ils  pour 
faire  glisser,  de  l'une  dans  l'autre,  deux  affections  d'une  marche  et  d'une  théra- 
peutique si  différentes? 

Désormais  la  doctrine  est  stable;  nous  la  trouvons  remarquablement  exposée 
par  Kocher  dans  le  Compendium  de  Pitha  et  Billroth,  sous  le  nom  de  péri- 
orchile  plastique;  il  nous  y  donne  une  étude  excellente  des  diverses  formes  de  la 
pachyvaginalite,  dont  il  a  le  tort,  cependant,  de  trop  multiplier  les  variétés.  Les 
contemporains  n'ajoutent  que  peu  aux  connaissances  déjà  acquises.  Nous  essaie- 
rons cependant  d'éclairer  l'anatomie  pathologique  de  la  pachyvagiiialite  par  les 
recherches  des  médecins  sur  les  inflammations  plastiques  et  hémorrhagipares  des 
méninges,  du  péritoine,  des  plèvres  et  du  péricarde.  Nous  ajouterons  quelques 
notions  étiologiques  nouvelles  ;  avec  Tédenat,  nous  montrerons  que  les  hémalo- 
cèles  sont  parfois  d'origine  syphilitique;  nous  avons  depuis  longtemps  insisté 
sur  les  périorchites  d'origine  tuberculeuse  :  nous  généralisons  maintenant  tous 
ces  faits  et  pour  nous,  comme  pour  Kocher,  la  pachy vaginalite  est,  dans  l'im- 


IIÉMATOCELE.  5 

mense  majorité  des  cas,  pour  ne  pas  dire  toujours,  non  une  m:iladie  primitive 
de  la  séreuse,  mais  une  affection  consécutive  à  une  lésion  épididymairc. 

Anatomie  pathologique.  Les  altérations  de  la  vaginale  ne  retentissent  guère 
sur  les  tuniques  scrotales.  La  celluleuse,  l'érythroïde,  le  dartos  et  le  scrotum, 
n'ont  subi  que  des  atteintes  légères  ou  nulles.  Dans  les  H7  observations  que 
nous  avons  compulsées,  nous  ne  trouvons  que  quelques  cas  d'épaississement  et 
d'induration,  un  œdème  chronique  des  enveloppes;  leur  paroi  cependant  a  pu 
mesurer  jusqu'à  2  centimètres,  un  tissu  lardacé  les  constitue,  strié  çà  et  là  de 
cristaux  hémaliques;  la  peau  est  rugueuse,  chagrinée,  violacée  ou  rouge;  des 
vaisseaux  la  sillonnent  comme  on  en  voit  dans  certaines  dégénérescences  cancé- 
reuses. Gérin  Roze  a  publié  une  observation  d'hématocèlc  bilatérale  où  les 
tuniques  scrotales,  épaisses  de  2  centimètres  1/2,  faisaient'  croire  au  premier 
abord  à  une  bourse  éléphantiaque.  Ces  troubles  nutritifs  et  circulatoires  sont 
d'habitude  le  fait  d'indammations  aiguës  ou  larvées  que  provoquent  les  froisse- 
ments ou  les  contusions  sur  l'organe  malade  ;  parfois  même  la  vaginale  se  fissure, 
et  nous-même  avons  vu,  deux  fois,  le  sang  amassé  dans  la  séreuse  ou  épanché 
des  vaisseaux  rompus  s'infiltrer  en  longues  traînées  ecchymotiques.  Annandale 
nous  parle  d'une  hématocèle  d;>tant  de  vingt-sept  ans,  grosse  comme  une  tète 
d'adulte  et  divisée  en  deux  poches  dont  l'une  était  la  vaginale,  tandis  que  l'autre, 
creusée  lors  d'un  traumatisme,  avait  envahi  le  périnée  et  la  racine  de  la  cuisse; 
cas  semblable  de  Thicbault  :  la  vaginale,  distendue  par  2  litres  de  liquide 
chocolat,  communiquait  avec  un  kyste  pariétal  très-volumineux,  par  l'orifice 
artificiel  qu'un  coup  de  trocart  avait  créé  dans  une  ponction  antérieure. 

Autrement  fréquentes  sont  les  lésions  du  testicule  et  de  l'épididyme,  et  nous 
ne  voulons  parler  ici  que  des  lésions  grossières,  celles  qu'ont  pu  noter  les 
chirurgiens  au  cours  de  leurs  opérations.  Souvent,  il  est  vrai,  ils  se  taisent  sur 
l'état  de  la  glande,  mais  les  observations  sont  nombreuses  oii  l'on  constate  des 
dégénérescences.  11  en  est  d'évidemment  secondaires  et  pi'ovoquées  par  la  com- 
pression; l'organe  est  enserré  dans  des  couches  de  tissu  fibreux  dont  on  ne  le 
dégage  que  par  une  véritable  sculpture;  il  a  sa  forme  ordinaire,  mais  il  est 
anémié  et  la  spermatogenèse  y  est  nulle  ou  moins  active;  d'autres  fois  l'albu- 
ginée  est  altérée,  épaissie,  les  travées  fibreuses  empiètent  sur  les  tubes  sémini- 
fères  atrophiés,  et  la  glande  perdue  dans  la  masse  morbide  est  aplatie,  rubanée, 
et  semble  faire  partie  de  la  paroi  kysti(jue.  Il  est  des  cas  où  une  dissection 
attentive  n'a  pas  permis  de  reconnaître  les  vestiges  de  la  glande.  Besnier  et 
Godard  nous  parlent  d'un  testicule  aplati,  allongé,  à  tunique  albuginée  épaissie; 
son  parenchyme  est  pâle,  décoloré,  ramolli;  l'examen  microscopique  n'y  montre 
que  de  rares  animalcules.  Velpeau  incise  une  hématocèle  et  cherche  inutilement 
la  glande;  l'opéré  meurt.  A  l'autopsie,  on  la  découvre  au  milieu  des  masses 
corticales,  mais  absolument  membraniforme.  Dolbeau  châtre  un  prêtre  pour  une 
tumeur  vieille  de  vingt  ans,  l'examen  ne  permet  pas  de  retrouver  les  éléments 
de  l'épididynie  et  du  testicule.  Nous  pourrions  multiplier  les  exemples  de  dispa- 
rition complète  ou  d'atrophie  considérable  et  citer  les  observations  de  Dupuytren, 
de  JBrodie,  de  Curling,  de  Dubreuil,  de  Chaillier,  de  Gripat,  plus  deux  faits 
personnels  qui  établissent  sans  conteste  la  grande  fréquence  de  ces  altérations. 

On  a  voulu  déterminer  la  place  exacte  qu'occupe  la  glande  dans  les  néofor- 
mations de  la  pachyvaginalife;  point  intéressant  lorsque  le  chirurgien  ponctionne, 
incise  ou  décortique  la  tumeur.  D'ordinaire  elle  est,  comme  dans  l'hydrocèle, 
accolée  vers  la  partie  moyenne  du  segment  postérieur.  En  effet,  si  le  dévelop- 


6  HEMATOCKLE. 

pement  est  régulier,  l'épancbement  séreux  ou  sanguin  distend  la  vaginale  doublée 
de  ses  néomenibranes;  elles  cèdent  et  la  cavité  se  forme  surtout  en  haut  et  en 
avant.  Aussi,  dans  les  explorations  cliniques,  est-ce  en  arrière  qu'on  essaie  de 
provoquer  par  la  compression  la  sensation  spéciale  de  testicule  froissé;  mais 
les  anomalies  sont  fréquentes.  Parfois  le  liquide  exagère  le  eul-de-sac  qui  existe 
entre  le  testicule  et  l'épididyme,  et  celui-ci  s'étale  sur  l'un  des  pôles  de  la 
tumeur,  tandis  que  celui-là  est  refoulé  vers  l'autre  pôle;  néanmoins  l'épididyme 
en  forme  de  croissant  adhère  encore  au  testicule  par  sa  tête  et  par  sa  queue; 
le  corps  seul  s'en  est  éloigné.  Parfois  des  adhérences  partielles  des  deux  feuillets 
de  la  vaginale  n'ont  laissé  libre  qu'une  faible  portion  de  la  séreuse,  siège  de  la 
future  hématocèle.  Si  cette  cavité  se  trouve  en  bas  et  en  avant,  son  extension 
rejettera  la  glande  en  haut  et  en  arrière;  eu  bas,  si  la  cavité  est  en  haut.  Et 
nous  ne  parlons  pas  ici  des  inversions,  qui  sont  loin  d'être  rares  ;  lorsque  l'organe 
sera  atrophié,  voilé  par  des  néoniembranes  trop  abondantes,  ou  qu'il  aura  perdu 
sa  sensibilité  spéciale,  le  chirurgien  pourra  blesser,  malgré  une  incision  correcte, 
le  testicule  ou  ses  annexes.  Nous  avons  ainsi  fendu  un  épididyme,  faible  malheur, 
car  les  lé'sions  étaient  assez  ])rofondes  pour  nécessiter  la  castration. 

La  séreuse  épaissie  et  ses  néomenibranes  limitent  une  cavité  dont  les  variétés 
sont,  pour  ainsi  dire,  infinies.  Elle  est  parfois  assez  considérable  pour  contenir 
i ,  2  ou  0  litres  de  liquide.  Nous  avons  opéré  à  Lariboisière  un  individu  dont 
la  vaginale  était  distendue  par  1500  grammes  de  sang  et  de  caillots.  Dans  une 
observation  de  Gérin  Roze,  l'hématocèle  est  bilatérale;  des  deux  tumeurs,  l'une 
renferme  1000  grammes  et  l'aulre  2000  grammes  d'une  substance  visqueuse 
et  noirâtre.  Ces  cas,  pour  n'être  pas  In  règle,  se  montrent  assez  souvent,  et  les 
pachyvaginalites  sont  une  des  affections  qui  peuvent  donner  aux  bourses  le  plus 
grand  développement;  encore  ne  parlons-nous  pas  ici  de  ces  cas  exceptionnels 
dont  Rochard  n'a  pu  réunir  que  trois  et  oîi  il  existe  deux  poches,  l'une  dans  le 
scrotum,  l'autre  dans  la  cavité  abdominale,  et  qui  communiquent  par  un  goulet 
rétréci  à  travers  le  trajet  inguinal.  Une  de  ces  hématocèles  «  en  bissac  »  con- 
tenait 5  litres  de  substance  hématique.  Les  pachyvaginalites  ordinaires  ren- 
ferment de  50  à  500  grammes  de  liquide,  mais  la  quantité  peut  être  moindre 
et  à  peine  trouve-t-on  quelques  grammes  de  sang  sous  les  épaisses  couches 
stratifiées.  Sur  un  sujet  de  l'école  pratique,  le  liquide  faisait  défaut,  il  n'existait 
qu'une  poussière  hématique  peu  abondante  et  quelques  cristaux  de  cholestérine. 
On  ne  saurait  toujours  dire,  d'ailleurs,  si  ces  substances,  sérosité,  sang,  caillots, 
cristaux  de  toute  sorte,  sont  bien  dans  la  cavité  de  la  vaginale,  et  s'il  ne  s'agit 
pas  de  lacune  ou  de  kyste  creusé  entre  deux  néomembranes.  Fleury  (de  Cler- 
raont)  a  vu  un  vestige  de  la  séreuse  distendu  par  un  peu  de  liquide  et,  en  avant 
d'elle,  un  large  espace  rempli  de  sang  modifié  se  développer  au  milieu  des 
feuillets  durs  et  fibro-cartilagineux  des  néomembranes. 

Par  définition  même,  le  liquide  de  l'hématocèle  devrait  êti'e  du  sang  et  des 
caillots.  Le  plus  souvent  il  en  est  ainsi  ;  leur  consistance  et  leur  aspect  sont 
d'ailleurs  très-variables.  Parfois,  c'est  une  masse  homogène,  une  substance 
visqueuse  et  épaisse,  pailletée  de  cholestérine,  noirâtre,  lie  de  vin,  chocolat  ou 
marc  de  café,  et  dans  ces  nuances  on  a  épuisé  tous  les  genres  de  comparaison. 
Parfois  le  contenu  est  en  proportion  inégale,  soUde  et  liquide;  il  n'est  pas  rare 
de  trouver  du  sang  presque  pur,  d'effusion  en  apparence  récente,  où  surnagent 
des  flocons  fibrineux  rouges  ou  gris  et  pleins  d'hématies  ou  de  leucocytes.  Mais 
les  liquides  clairs,  à  peu  près  limpides,  citrins  ou  verdâtres,  ne  sont  pas  rares. 


IlÉMATOCELE.  7 

Gripat  cite  un  cas  où  la  tumeur  datait  de  trente  ans;  le  contenu  était  d'une 
transparence  parfaite.  Bauchet,  Levasseur,  nous  donnent,  à  eux  deux,  quatre 
observations,  et  nous  possédons  six  faits  personnels  de  pachyvagioaiite  à  contenu 
séreux.  Dans  deux  de  ces  cas,  la  ponction  donna  un  liquide  hématique  une 
première  fois,  et  sc'rcux  une  seconde.  Mieux  encore,  celte  année  même,  nous 
avons  soigné  un  individu  dont  la  tumeur  droite  était  distendue  par  de  la  sérosité 
citrine,  et  la  gauche  par  un  licpiide  brun,  sirupeux  et  rempli  de  globules 
rouges.  Chaillier  a  publié  un  exemple  semblable.  On  a  cité  des  hématocèles  à 
liquide  blanc  ou  galactocèles,  des  cholécèles,  à  liquide  semblable  à  de  la  bile. 
Disons  enfin  que  dans  les  tumeurs  à  loges  multiples,  dues  à  des  cloisons  de  la 
séreuse  ou  à  des  lacunes  entre  les  feuillets  stratifiés,  les  différents  kystes  nous 
offrent  toutes  les  variétés  possibles. 

Les  néomembranes  présentent  des  variétés  plus  nombreuses  encore,  mais 
tout  d'abord  il  nous  faudrait  déterminer  où  finit  la  vaginalite  chronique  et  où 
commence  la  pachyvaginalite.  Nous  avons  vu  que  les  hydrocèles  à  parois  épaisses 
de  Boyer,  de  Dupuytren  et  de  Blandin,  rentrent  pour  la  plupart  dans  la  classe 
des  hématocèles;  nous  avons  publié  avec  Brissaud  des  observations  où  la  séreuse 
épaissie  et  recouverte  d'arboi'isalions  vasculaires  pouvait  être  considérée  comme 
un  premier  degré  de  l'affection  qui  nous  occupe.  Avant  nous,  en  1870,  Malassez 
étudie  un  cas  où  le  feuillet  pariétal  de  la  vaginale  est  blindé  de  plaques  sail- 
lantes, hyalines  et  d'une  dureté  cartilagineuse;  elles  sont  formées  à  leur  surface 
de  lames  superposées,  peu  vasculaires,  comme  celles  des  fibromes  cornéens; 
dans  leur  profondeur,  la  structure  change,  la  substance  fondamentale  devient 
onduleuse,  fibrillaire,  parcourue  par  des  faisceaux  ramifiés;  le  feuillet  viscéral 
est,  lui  aussi,  épais,  irrégulier,  rugueux.  Il  faut  tenir  compte  de  ces  faits,  mais 
n'oublions  pas  que  nombre  de  ces  vaginalites  chroniques  durent  des  années, 
incrustant  tout  au  plus  leurs  plaques  fibreuses  de  concrétions  calcaires,  sans 
accumuler  les  unes  sur  les  autres  les  couches  stratifiées  des  néomembranes. 
Elles  diffèrent  par  conséquent  des  pachyvaginalites  dont  le  tissu  reste  embryon- 
naire et  dont  les  feuillets  se  superposent  incessamment. 

D'après  l'épaisseur,  la  consistance  et  l'ancienneté  de  leurs  néomembranes, 
les  pachyvaginalites  sont  divisées  par  M.  Gosselin  en  premier,  deuxième  et  troi- 
sième degré.  Djus  le  premier,  la  séreuse  ne  mesure  guère  que  1  à  2  millimètres  ; 
elle  est  encore  souple  et  molle  et,  lorsqu'on  a  enlevé  les  caillots  qui  l'encom- 
brent, elle  revient  sur  elle-même  adossant  son  feuillet  pariétal  à  son  feuillet 
viscéral.  Les  couches  superficielles  de  ces  stratifications,  celles  qui  sont  au  con- 
tact du  liquide,  sont  tapissées  de  dépôts  de  fibrine  inéguliers  et  qui  donnent 
à  sa  surface  un  aspect  tomenteux  et  semblable  à  la  peau  du  crapaud  ou  du  caï- 
mam.  On  les  gratte  avec  les  ongles  et  on  trouve  la  néomembrane  plus  résis- 
tante, quoique  friable  cependant,  puisqu'on  peut  en  déchirer  des  lambeaux.  On 
les  sépare  assez  aisément  de  la  vaginale,  plus  blanche  et  plus  mince.  Son 
épaisseur  n'est  pas  partout  égale  :  en  général  elle  est  moindre  en  avant  et  en. 
haut,  dans  les  points  les  plus  éloignés  du  testicule.  Ces  strates  se  multiplient 
en  arrière,  au  point  de  réflexion  de  la  vaginale  sur  la  glande.  Aussi,  même  dans 
les  hématocèles  au  premier  degré,  l'épididyme  est  perdu  dans  une  atmosphère 
fibreuse  dont  on  l'isole  à  grand'peine.  Même  inégalité  dans  les  néomembranes 
du  feuillet  viscéral  ;  d'un  façon  absolue,  elles  sont  beaucoup  moins  épaisses  que 
celles  du  feuillet  pariétal  ;  souvent  même  elles  font  défaut.  En  définitive,  lorsque 
la  glande  est  en  position  normale,  c'est  en  arrière,  autour  de  l'épididyme,  que 


8  HÉMATOC 

s'accumulent  les  tissus  neoformés.  Récemment  nous  avons  contrôlé  de  l'œil  et 
du  doigt  toutes  ces  particularite's  de  la  pachvyaginalite  au  premier  degré  chez 
un  major  d'artillerie  dont  nous  avons  incisé  la  vaginale,  altérée  depuis  moins 
d'un  an. 

Le  deuxième  degré,  qui  se  confond,  à  ses  limites,  avec  le  premier  et  le  troi- 
sième, se  caractérise  par  une  épaisseur  plus  considérable,  2  ou  5  milli- 
mètres environ;  les  strates  sont  beaucoup  plus  nombreuses;  cependant  elles 
restent  flexibles,  encore  assez  pour  permettre,  après  évacuation  de  la  poche, 
l'oblitération  du  kyste  hématique.  Les  dépôts  fibrineux  sont  abondants  à  la 
surface  libre,  irrégulière  et  tonientensc;  la  surface  profonde  adhère  mal,  et 
d'ordinaire  il  suffit  d'une  traction  peu  considérable  pour  la  décoller.  Parfois 
une  spatule,  le  manche  d'un  scalpel,  en  certains  points  le  bistouri  ou  les  ciseaux, 
deviennent  nécessaires.  Les  vaisseaux  sont  abondants  et  fragiles;  leurs  parois 
dilatées  forment  de  véritables  ampoules,  des  anévrysmes  miliaires;  leur  tunique 
se  rompt  et  l'on  trouve  de  petits  lacs  sanguins  que  remplacent  des  caillots  et 
plus  tard  des  cristaux  d'hématoïdine.  L'organisation  des  strates  est  plus  avancée; 
des  faisceaux  fibreux  se  montrent  au  milieu  des  éléments  jeunes  et  de  la  matière 
amorphe.  Nous  pensons  que  la  consistance,  plus  que  l'épaisseur  des  parois, 
doit  déterminer  le  degré  de  la  pachyvaginalile,  car  il  en  est  de  fort  anciennes 
dont  les  enveloppes  dures,  fibro-carlllagineuses  et  déjà  incrustées  de  sels 
calcaires,  mesurent  à  peine  2  à  5  millimètres. 

Le  troisième  degré  est  celui  que  nous  observons  plus  fréquemment  dans 
nos  hôpitaux.  Comme  la  tumeur  est  d'ordinaire  indolente,  les  néomembranes 
s'organisent  sans  bruit  et  n'augmenlent  que  peu  le  volume  des  bourses,  si 
tant  est  qu'un  traumatisme  ne  déchire  les  jeunes  vaisseaux  et  ne  provoque  un 
épanchement  dans  la  cavité  vaginale.  Les  lésions  peuvent  être  déjà  fort  avancées 
lorsque  les  pachyvaginalites  sont  soumises  à  notre  examen.  Les  parois  ne  s'effa- 
cent plus  après  l'évacuation  du  kyste;  on  les  déprime  comme  une  ventouse  en 
caoutchouc,  mais  elles  reprennent  bientôt  leur  forme  première.  Leur  épaisseur 
varie  de  quelques  millimètres  à  1,  2,  5,  4  centimètres.  Nous  avons  opéré  à 
Lariboisière  un  maraîcher  dont  les  néomembranes  mesuraient  5  centimètres 
en  arrière  et  en  haut  ;  un  cas  à  peu  près  semblable  est  signalé  par  Polaillon  : 
les  vaisseaux  du  cordon  qui  émergeaient  d'une  pareille  masse  battaient  comme 
des  radiales,  et  leur  ensemble  avait  a  le  volume  d'un  intestin  distendu.  »  Par- 
fois les  couches  juxtaposées  s'écartent,  sous  la  pression  du  sang  épanché  et  for- 
ment un  kyste  dont  la  substance,  suivant  son  âge,  est  rouge,  noire,  brunâtre  ou 
ocreuse.  Les  strates  superficielles,  celles  qui  limitent  la  cavité  kystique,  sont  les 
plus  anciennes;  elles  sont  plus  denses,  moins  vasculaires,  et  incrustées  de  sels 
calcaires.  Chez  un  vieillard  de  Bicètre  dont  la  tumeur  contenait  1  litre  1/2 
de  sang  et  de  caillots,  ces  concrétions  pierreuses  tapissaient  la  néo-membrane 
d'un  revêtement  intégral.  Astley  Cooper  et  Kocher  ont  vu  des  dépôts  superficiels 
ossifiés. 

Cette  division  de  Cosselin  en  trois  degrés  est  contestable.  Nous  la  préférons 
cependant  à  la  classification  de  Kociier,  qui  distingue  trois  formes  de  «  périor- 
chite  chronique.  »  D'abord,  sa  première  variété,  la  périorchite  «  adhésive,  »  ne 
rentre  pas  dans  notre  description.  Elle  consiste  dans  une  obHtération  de  la 
cavité  par  fusion  des  deux  feuillets  de  la  vaginale.  Cette  «  symphyse  »  de  la 
séreuse,  si  fréquente  après  les  orchites  et  que  provoquent  si  souvent  les  injec- 
tions de  teinture  d'iode,  diffère  trop  de  notre  pachyvaginalite  pour  que  nous  en 


IIÉMATOCÈLE.  9 

fassions  ici  l'étude.  Sa  deuxième  variété,  la  périorchite  «  prolifcrative  ou  défor- 
mante »,  que  caractérise  un  épaississement  considérable  des  parois  avec  cavité 
persistante  à  l'état  de  fente  étroite,  ne  se  distingue  que  bien  peu  de  la  troisième 
variété,  la  périorchite  «  hémorrhagique  ou  vasculaire  »,  car  la  couleur  et  la 
nature  de  l'épanchement,  séreux  dans  un  cas,  sanguin  dans  l'autre,  ne  suffisent 
pas  pour  légitimer  même  une  simple  variété.  Koclier  invoque  bien  un  autre 
caractère,  l'épaississement  plus  considérable  de  la  périorchite  déformante  et 
la  tendance  de  son  tissu  embryonnaire  à  dexenir  adulte,  mais  nos  recherches 
ne  justifient  pas  cette  assertion,  et  la  vaginale  était  distendue  par  du  sang 
et  de  volumineux  caillots  dans  un  de  nos  faits  où  les  parois  mesuraient  plus 
de  5  cenlimèlres.  Il  n'est  pas  rare  non  plus  de  trouver  des  pachyvagina- 
lites  hémorrhagiques  dont  les  néomembranes  sont  •«fibreuses,  du  moins  en 
grande  partie. 

Le  mode  de  formation  de  ces  néomembranes  rappelle  Irait  pour  trait  le  déve- 
loppement des  couches  stratifiées  de  la  pachyméningitc,  la  mieux  étudiée  des 
inflammations  chroniques  des  séreuses  :  un  petit  caillot  fibrincux  se  dépose  sur 
la  séreuse  sans  l'altérer,  malgré  son  adhérence  il  ne  paraît,  au  microscope, 
constitué  que  par  un  réseau  où  les  leucocytes  abondent;  on  trouve  bien  quel- 
ques globules  rouges,  mais  disséminés,  tandis  que  les  globules  blancs  sont 
groupés  en  amas  qui  ne  sont  autre  chose  que  des  centies  de  coagulation.  Dès 
le  début,  rinflanunation  chronique  est  donc  sèche;  bientôt  ce  petit  caillot 
fibrineux  s'étend  et  prend  les  apparences  d'une  lamelle  facile  à  décoller  avec 
l'ongle,  sans  adhérence  intime  avec  le  revêtement  endolhélial.  Ce  n'est  qu'une 
sorte  de  placage,  car  l'endothélium  est  sain  et,  lorsque  la  lamelle  est  enlevée, 
alors  même  que  son  épaisseur  égale  1/2  millimètre,  la  sénnse  sous-jaccnte 
n'a  subi  aucune  altération,  à  tel  point  qu'une  fois  la  fibrine  détachée  on  n'en 
saurait  plus  trouver  le  siège  primitif.  La  fausse  membrane,  encore  simple 
coaguluni  emprisonnant  des  leucocytes  dans  ses  mailles,  commence  à  s'orga- 
niser. Sa  couleur  se  modifie  ;  elle  devient  plus  blanche,  plus  résistante,  et  ses 
leucocytes,  loin  de  mourir,  se  transforment  en  cellules  étoilées  qui  deviennent 
bientôt  cellules  à  grands  prolongements  angioplastiques  :  dès  lors  nous  avons 
une  petite  néomembrane  qui  contracte  des  adhérences  plus  intimes  avec  les 
parois  de  la  séreuse,  dont  l'épithélium  se  laisse  pénétrer  par  des  pointes  angio- 
plastiques. 

Les  cellules  angioplastiques  vont  parcourir  le  cycle  de  leur  évolution  natu- 
relle :  elles  deviennent  des  vaisseaux  sanguins  qui  s'alimentent  aux  réseaux 
sous-séreux.  Ces  capillaires  ont  d'énormes  dimensions;  ce  sont,  pour  la  plupart, 
de  petites  artérioles  possédant  une  tunique  moyenne  et  une  tunique  adventice, 
mais  les  anastomoses  sont  rares  entre  les  vaisseaux  de  la  néomembrane  et  ceux 
du  tissu  sous-séreux  ;  les  adhérences,  plus  résistantes  cependant  qu'au  premier 
jour,  ne  sont  jamais  bien  intimes;  quelle  que  soit  l'épaisseur  de  la  néomem- 
brane, elle  se  détache  facilement  et  la  séreuse  sous-jacente  conserve  son  apparence 
normale  et  son  aspect  primitif.  La  fragilité  des  parois  vasculaires  en  explique 
la  facile  rupture  et  les  hématomes  qui  s'accumulent  parfois  entre  la  séreuse  et 
la  néomembrane.  La  collection  se  résorbe  le  plus  souvent  et  ne  laisse  à  sa  place 
qu'un  interstice  ocreux,  mais  elle  peut  persister  lorsqu'elle  est  plus  abondante 
et  le  sang  rester  liquide  presque  indéfiniment.  Quoi  qu'il  en  soit,  le  dépôt  cruo- 
rique  sert  d'appel  à  une  nouvelle  formation  fibrineuse  d'où  résulte  un  nouveau 
placage,  de  nouvelles  néomembranes,  des  formations  vasculaires  nouvelles,  avec 


10  IIÉMATOCÈLE. 

de  nouvelles  hémorrhagies.  Et  c'est  ainsi  que  la  séreuse  accumule  ses  stratifi- 
cations. 

Nous  avons  vu  que  la  rupture  des  gros  capillaires  peut  amener  des  épanclie- 
ments  sanguins  considérables,  véritables  hématomes  situés  entre  les  stratifica- 
tions de  la  néomembrane;  mais,  d'autres  fois,  le  sang  fait  irruption  à  la  surface 
de  la  néoniembrane  et  comble  l'ancienne  cavité  d'un  mélange  de  sérosité  et  de 
sang.  Souvent  le  liquide  ne  remplit  qu'imparl'aitcmcnt  la  poche  ;  l'exsudation 
fibrineuse  établit  alors  des  adhérences  entre  les  deux  feuillets  ;  la  fusion  est 
plus  ou  moins  étendue  :  de  là  le  volume  plus  ou  moins  considérable  de  la 
cavité  kystique.  D'après  ce  qui  précède,  on  comprend  les  variétés  que  présentent 
nos  pachyvaginalites  :  ou  bien  l'hématocèle  est  un  épaississement  de  la  vaginale 
composé  de  couches  stratifiées  avec  infiltrations  hémorrhagiques,  et,  dans  ce 
cas,  il  existe  tantôt  une  adhérence  générale  des  deux  feuillets,  tantôt  un  écarte- 
ment  de  ceux-ci  par  un  liquide  citrin  d'hydrocèle;  ou  bien  la  vaginale  est 
remplie  par  du  sang,  plus  ou  moins  foncé  selon  l'ancienneté  de  son  effusion. 

11  arrive  même  à  ne  plus  avoir  de  coloration  rouge,  mais  seulement  au  bout 
d'un  temps  très-long. 

Étiologie.  Nous  venons  de  voir  combien  sont  peu  précises  les  limites  de  la 
pachyvaginalite  :  ou  ne  sait  où  elle  commence  et  où  finissent  certaines  hydro- 
cèles  à  parois  épaisses.  Aussi  ne  peut-on  se  prononcer  sur  la  fréquence  absolue 
de  cette  affection,  assez  rare,  si  on  l'entend  à  la  manière  des  anciens  auteurs, 
de  rencontre  courante,  si  nous  comptons  comme  iiématocèle  un  épanchemcnt 
verdâtre  ou  citrin  qu'enveloppe  une  séreuse  liyperplasiée.  Cette  année,  dans 
notre  petit  service  de  l'hôpital  Broussais,  nous  n'avons  traité  qu'une  Iiématocèle 
au  vieux  sens  du  mot,  tandis  que  nous  avons  excisé  cinq  vaginales,  épaisses  de 
2  à  5  millimètres,  chagrinées,  rugueuses,  et  abondamment  vascularisées.  Nous 
les  rangeons,  sans  respect,  ou,  pour  mieux  dire,  par  respect  de  la  nosographie, 
parmi  les  pacliyvaginalites  dont  la  classe  s'étend  ainsi  au  détriment  de  l'iiy- 
drocèle. 

C'est  une  affection  de  tous  les  climats  :  elle  doit  être  très- fréquente  en 
Egypte.  Osman  Wacil  ne  dit-il  pas  qu'au  Caire  les  vaginalites  chroniques  sont 
si  nombreuses  qu'un  spécialiste  a  pu  faire  une  fortune  «  considérable  ))  en 
les  opérant  à  60  centimes  ?  Elles  est  à  peu  près  de  tous  les  âges,  pourtant 
exceptionnelle  avant  la  puberté,  et,  si  Bryant  nous  parle  d'un  enfant  de  deux  ans 
atteint  d'hématocèle,  dans  nos  117  observations  nous  n'en  trouvons  que  5  où 
la  pachyvaginalite  ait  débuté  avant  douze  ans.  4  seulement  des  48  faits  de 
Kocher  ont  trait  à  des  individus  au-dessous  de  vingt.  La  fréquence  s'accroît 
avec  l'âge  ;  on  rencontre  surtout  ces  tumeurs  dans  les  services  de  vieillards,  et 
c'est  de  Bicêtre  que  je  tiens  mes  cas  les  plus  nombreux.  La  statistique  do 
Kocher  et  celle  de  Jamain  confirment  la  nôtre  :  55  individus  sur  48  et  15  sur  25 
avaient  dépassé  la  quarantaine.  On  a  incriminé  certaines  professions  :  les  cava- 
liers dont  les  bourses  trop  longues  heurtent  sans  cesse  le  pommeau  de  la  selle 
sont  parmi  les  plus  souvent  atteints. 

Certes,  le  traumatisme  joue  un  rôle  considérable  dans  la  production  des 
hématocèles.  mais  il  y  en  a  beaucoup  qui  naissent  et  se  développent  d'une 
manière  insidieuse,  et  les  malades  ne  peuvent  retrouver  dans  leur  mémoire  le 
souvenir  d'une  violence  quelconque.  Près  d'un  tiers  de  nos  observations  ren- 
trent dans  cette  catégorie;  encore,  parmi  ceux  qui  accusent  un  effort  ou  un 
coup,  nous  soupçonnons  que  souvent  ce  traumatisme  a  été  l'occasion  d'un  exa- 


HÉMATOCÈLE.  11 

men  attentif  de  la  glande,  où  l'on  a  reconnu  une  tumeur  déjà  existante  dont  le 
volume,  du  reste,  a  pu  s'accroître  d'une  manière  subite.  Nous  devons  tenir 
compte  de  toutes  ces  causes  d'erreur,  mais  un  traumatisme  indiscutable  se 
découvre  à  l'origine  de  trop  de  pachyvaginalites  et  chez  des  individus  évidem- 
ment intacts  jusque-là,  pour  qu'on  ose  révoquer  en  doute  sa  valeur  pathogénique. 
Un  malade  de  Chassaignac  saute,  pour  se  mettre  en  selle,  sur  un  cheval  lancé 
au  galop.  Un  de  nos  clients  provoque  l'apparition  de  la  maladie  en  rapprochant 
violemment  les  cuisses.  Les  coups  de  poing,  les  coups  de  pied,  les  pressions 
et  les  pincements  dans  les  jeux  ou  dans  les  pugilats,  les  chutes  à  califourchon, 
les  contusions  sur  les  coins  de  table,  sur  les  barrières,  contre  des  pieux,  se 
retrouvent  en  nombre  d'observations. 

Les  ponctions  d'hydrocèle  sont  une  des  causes  le  plus  souvent  invoquées.  Ou 
évacue  la  vaginale,  on  fait  une  injection,  et  la  tumeur  récidive  avec  des  parois 
épaisses  et  du  liquide  brun  noir  ou  chocolat.  L'inflammation  provoquée  par 
l'iode  peut  bien  irriter  la  séreuse,  mais  nous  croyons  que,  le  plus  souvent,  la 
pachyvaginalite  existe  déjà  ;  c'est  même  à  sa  présence  qu'est  dû  l'échec  du  trai- 
tement :  les  feuillets  trop  rigides  n'ont  pu  se  juxtaposer  et  la  fusion  n'a  pas  eu 
lieu.  Nous  admettons  cependant  que  telle  vaginalite  chronique  dont  révolution 
lente  eût  abouti  à  quelque  plaque  dense  et  ])eu  vasculaire  s'accroisse  tout  à 
coup  et  se  double  de  néomembranes  embryonnaires  irriguées  par  des  vaisseaux 
sans  résistance  et  que  rompra  le  premier  choc.  En  résumé,  la  ponction  et  l'in- 
jection iodée  n'ont  fait  qu'aggraver  une  pachyvaginalile  en  formation  ou  déjà 
formée,  car  ici  nous  ne  voulons  pas  parler  des  cas  incontestables  où,  dans  le 
traitement  de  l'hydrocèle,  un  vaisseau  de  la  glande  a  été  ouvert  par  la  pointe 
du  trocart.  Nous  laissons  aussi  de  côté  les  faits  où  le  sang  provient  d'une  source 
extra-vaginale  et  pénètre  dans  la  séreuse  par  l'orifice  qu'a  créé  le  trocart.  Ces 
accidents  étaient  beaucoup  plus  fréquents  lorsqu'on  se  servait  de  la  lancette, 
qu'on  ne  faisait  pas  d'injections  et  qu'on  permettait  au  malade  de  reprendre 
aussitôt  ses  occupations.  La  section  des  tissus  était  plus  grande,  le  retrait  des 
parois  plus  brusque,  la  pression  exercée  sur  la  vaginale  cessait  plus  vite,  la 
marche  pouvait  provoquer  la  rupture  des  petits  vaisseaux  :  toutes  raisons  qui 
suffisent  pour  expliquer  l'hémorrhagie.  Mais  ces  épanchements  sanguins  ne  nous 
regardent  pas,  et  nous  ne  comprenons  guère'quc  Rocher  leur  consacre,  dans  ses 
excellents  travaux,  un  article  à  part  sous  le  nom  d'hématocèles  Iraumatiques.  Il 
s'agit  d'une  simple  complication  à  signaler  tout  au  plus  à  propos  du  trtiitemeut 
de  l'hydrocèle. 

L'effort  est  incriminé  dans  un  très-grand  nombre  d'observations  :  ici  encore 
une  distinction  est  à  faire.  Très-souvent  la  pachyvaginalite  existe  déjà,  les  feuil- 
lets de  la  séreuse  sont  épaissis  et  les  vaisseaux  jeunes  qui  les  parcourent  se 
rompent  sous  l'influence  d'une  tension  plus  grande.  La  tumeur  alors  double 
ou  triple  de  volume.  Mais  du  sang  peut-il  s'épancher  dans  une  vaginale  saine, 
sous  l'impulsion  d'un  effort?  Des  observations  indiscutables  le  prouvent.  Au 
cours  d'une  secousse  de  toux  survient,  chez  un  cordonnier  cité  par  Svalin,  une 
large  ecchymose  du  scrotum  ;  on  incise,  et  l'on  trouve,  en  dehors  de  la  suffu- 
sion  sanguine  pariétale,  un  gros  caillot  qui  distendait  la  séreuse.  L'hémorrhagie 
avait  pour  cause  la  rupture  d'un  vaisseau  artériel  de  la  tête  de  l'épididyme. 
Rocher  cite  le  cas  d'un  lieutenant  qui,  au  commandement  de  «  Marche!  » 
s'élance  et  sent  une  douleur  très-vive,  la  bourse  se  tuméfie  et  noircit,  et  l'on 
relire  de  la  cavité  vaginale  deux  verres  de  sang  noirâtre. 


12  IIÉMATOCÈLE 

Une  expérience  de  Kocher  nous  donne  l'explication  de  ce  phénomène  bizarre. 
Sur  le  cadavre  d'un  homme  jeune  et  vigoureux,  le  cordon  spermatique  est  mis 
à  nu  et  on  lie  une  canule  le  long  du  canal  déférent;  on  pousse  une  injection 
de  gélatine;  elle  produit  une  tuméfaction  de  la  grosseur  du  poing,  qui  cache 
en  partie  le  teslicule  :  la  masse  molle  a  pénétré  dans  le  tissu  cellulaire  qui 
entoure  l'épididyme  et  affleure  le  bord  postérieur  du  testicule  ;  en  ce  point  la 
vaginale,  soulevée  par  la  gélatine,  est  fortement  tendue  et  présente  une  foule  de 
petites  fissures  à  travers  lesquelles  l'injection  filtre  diuis  la  cavité  de  la  séreuse, 
<|ui  contient  une  couche  de  gélatine  épaisse  de  1  centimètre.  Pendant  l'effort, 
le  sang  de  l'abdomen  est  refoulé  dans  les  vaisseaux  qui  peuvent  se  rompre,  un 
hématome  dilTus  du  cordon  spermatique  se  produit,  il  fuse  sous  la  séreuse,  la 
perfore,  et  l'épanchemcnt  sanguin  inlra-vaginal  est  bientôt  constitué. 

Donc  les  violences  sur  le  scrotum,  les  ponctions  dans  les  hydrocèles,  l'effort 
et  la  ((  j)resse  abdominale  »,  peuvent  provoquer  dans  la  vaginale  une  irruption 
de  sang  qui  provient  du  testicule  ou  de  l'épididyme,  des  enveloppes  des  bourses 
ou  de  la  séreuse  elle-même.  Cet  épanchement,  simple  épisode  dans  l'étude  des 
traiimatismes  de  la  glande  ou  de  la  contusion  dos  boiu'ses,  nous  intéresse  pour- 
tant, car,  selon  les  idées  de  Velpoau,  il  peut  avoir  pour  conséquence  une  pachy- 
vaginalite  véritable,  non,  comme  le  voulait  l'illustre  clinicien,  par  une  organi- 
sation directe  du  sang,  mais  ce  sang  irrite  la  séreuse  comme  le  ferait  \in  corps 
étranger  :  les  globules  blancs,  issus  p^r  diapédèse,  s'organisent  alors  en  néomem- 
branes. Me  voyons-nous  pas  même  certains  hématomes  des  mailles  cellulaires 
sous-cutanées,  en  particulier  les  '(  hématocèles  pariétales  »  de  Béraud,  s'en- 
tourer de  strates  multiples,  de  couches  concentriques  épaisses?  Or  le  tissu  con- 
jonclif  est  moins  apte  que  les  séreuses  à  l'organisation  de  ces  néomembranes. 
Gosselin  discute  ce  point  dans  son  fameux  article  des  Archives,  mais,  s'il  conclut 
à  la  possibilité  de  la  pachyvaginalite,  il  ne  croit  guère  à  sa  fréquence,  et  pour 
lui  les  tumeurs  consécutives  à  une  hémorrhagie  traumatiquo  ne  fourniraient 
(|u"iin  maigre  apport  au  nombre  total  des  hématocèles.  Ne  sait-on  pas,  depuis 
les  expériences  de  Trousseau,  que  le  sang  «  non  enflammé  »  injecté  dans  les 
séieuses  se  résorbe  le  plus  souvent  sans  en  altérer  les  parois? 

Mais  il  faudrait  s'entendre  sur  ces  mots  de  pachyvaginalite  «  primitive  »  ou 
«  spontanée  ».  La  pathologie  générale  nous  apprend  que  les  séreuses,  peu 
susceptibles  par  elles-mêmes,  sont  au  contraire  très-sensibles  aux  altérations 
des  organes  quelles  enveloppent.  Les  arthrites  aiguës  ou  chroniques  deviennent 
(le  plus  en  plus  une  affection  des  extrémités  osseuses  ;  les  synovites  sont  souvent 
des  ténosites  ;  les  pleurésies  évoquent  l'idée  d'une  lésion  pulmonaire,  et,  pour 
ce  qui  est  de  la  glande  spermatique,  M.  Panas  ne  soutient-il  pas  depuis  long- 
temps que  les  hydrocèles  ont  pour  origine  quelque  tare  de  l'organe?  Pour  nous, 
notre  conviction  est  faite,  et  nous  en  dirons  autant  de  l'hématocèle.  Je  sais  bien 
((ue,  dans  certaines  observations,  testicule  et  épididyme  sont  déclarés  sains, 
mais  je  m'imagine  que  nombre  de  poussées  fluxionnaires,  de  congestions  de 
courte  durée,  de  contusions  légères  et  répétées,  peuvent,  à  cliaque  coup,  laisser 
un  stigmate  sur  la  séreuse,  qui  s'épaissit  de  plus  en  plus.  JN'expliqne-t-on  pas 
ainsi  les  adhérences  pleurales  que  révèlent  les  autopsies,  les  fibromes  cornéens 
du  foie  et  de  la  rate,  les  «  leucomes  »  du  péricarde  et  nos  pachyvaginalites 
spontanées?  Dans  les  irritations  habituelles  et  non  perçues,  tant  elles  sont  faibles, 
comme  la  contusion  des  bourses  du  cavalier  sur  le  pommeau  de  la  selle,  la 
glande  souffre  plus  que  la  séreuse,  mais  la  congestion  momentanée  dans  la  pre- 


HÉMATOCELE.  15 

mière  se  réporcute  sur  la  seconde  qui  réagiL  par  la  production  d'une  néo- 
membrane.  Nous  parlerons  à  celte  place  de  l'inlluence  incontestable  des  hernies 
scrotales,  influence  que  nous  ne  voyons  pourtant  mentionnée  nulle  part.  Les 
irritations  du  sac  doivent  retentir  sur  la  vaginale  qui  lui  est  juxtaposée  :  en 
tout  cas,  dans  nos  117  observations,  nous  en  trouvons  près  d'un  tiers  où  il  y  a 
coïncidence,  et  la  licrnie  est  toujours  du  même  côté  que  l'iiémalocèle. 

On  admet  que  les  inflammations  aiguës  de  la  vaginale  sont  secondaires  la 
plupart  du  temps.  Pourquoi  n'en  serait-il  pas  ainsi  pour  les  inflammations 
chroniques?  D'ailleurs,  les  altérations  visibles  et  sensibles  de  la  glande  sont  très- 
fréquentes  et  nous  en  trouvons  un  bon  nombre  d'exemples  dans  nos  117  obser- 
vations. Moulinié  constate  dans  une  hématocèle  bilatérale  l'atrophie  du  testicule 
droit  et  l'hypertrophie  du  gauche.  Dans  une  seconde  observation  la  glande  est 
dure,  luméhée,  raboteuse,  el  l'épididyme  considérablement  développé.  Dans  le 
fait  de  Bouchard,  le  testicule  inclus  dans  les  membranes  ne  mesure  que  la  moi- 
tié du  volume  habituel  ;  l'épididyme  du  congénère  est  induré.  Quénu  cite  un 
cas  où  l'épididyme  est  tuméiié  et  dur.  Ericksen  j)arle  d'un  kyste  sanguin  intra- 
épididymaire  et  Poinsot  d'un  ramollissement  de  la  glande.  Les  néomembranes 
provoquées  par  les  affections  induscutables  du  testicule  ne  sont  pas  rares;  nous 
les  avons  rencontrées  dans  ([uelques  cas  do  sarcome,  et  notre  thèse  de  doctorat 
sur  la  tuberculose  du  testicule  contient  une  foule  d'exemples  où  des  périépi- 
didymites  et  des  pcriorcbites  très-intenses  enveloppaient  des  organes  dégénérés. 
Quelques  auteurs,  Chassaignac  entre  autres,  ont  aussi  pailé  d'hématocèles  pro- 
voquées par  la  tuberculose. 

Enfin  Tédenat  et  nous-même  n'avons-nous  jias  appelé  récemment  l'attention 
sur  les  pachyvaginalites  survenues  au  cours  d'une  syphilis  de  la  glande?  Dans 
notre  mémoire  de  1882,  nous  insistons  sur  les  néomembranes  épaisses  qui 
entourent  l'épididyme  d'une  atmosphère  fibreuse  de  1  ou  2  centimètres;  nous 
montrons  que  dans  les  formes  scléro-gommeuses  les  deux  feuillets  de  la  séreuse 
hypertrophiée  se  fusionnent,  et  nous  relatons  un  cas  où  les  enveloppes  des 
bourses  se  confondaient  en  une  membrane  unique  de  consistance  fibro-cartilagi- 
neuse.  Le  tissu  scléreux  formait  une  coque  qui  triplait  le  volume  de  l'épididyme  ; 
le  canal  déférent  à  son  origine  et  les  vaisseaux  du  cordon  étaient  perdus  dans 
cette  gangue.  Tédenat  nous  montre  des  néomembranes  vascularisées  circon- 
scrivant une  cavité  remplie  de  liquide  hématique.  Nous  exhumons  un  vieux 
cas  de  Nélaton  où  une  tumeur  des  bourses,  vieille  de  sept  ou  huit  mois,  se 
rompt  pendant  une  marche  forcée,  et  une  ecchymose  énorme  apparaît  au  scrotum  : 
on  ponctionne  la  vaginale,  d'où  il  s'écoule  80  grammes  de  sang  ;  le  testicule  est 
«  engorgé,  »  indolore,  les  membranes  qui  l'enveloppent  sont  épaissies.  On  donne 
par  doses  ascendantes  jusqu'à  20  grammes  d'iodure  de  potassium  par  jour,  et 
la  tumeur  disparaît.  En  ce  moment  nous  observons  un  cas  remarquable  :  un 
malade  entre  à  Broussais  pour  une  double  pachyvaginalite  :  ponction  et  issue  à 
droite  de  250  grammes  de  liquide  séreux  ;  à  gauche,  de  80  grammes  de  liquide 
hématique.  La  vaginale  est  encore  flexible  et  revient  sur  elle-même  à  droite  ;  à 
gauche  elle  crépite  comme  du  cuir  neuf  et  s'aplatit  comme  une  ventouse  en 
caoutchouc.  Des  deux  côtés  nous  reconnaissons  les  signes  du  testicule  syphili- 
tique :  indolence,  dureté  ligneuse,  irrégularité  de  la  glande  :  6  grammes 
d'iodure  de  potassium,  et  la  tumeur  fond  sous  nos  yeux,  la  pachyvaginalite 
s'assouplit  et  nous  touchions  à  la  guérison  totale,  lorsque  le  malade,  fort 
indocile,  quitta  furtivement  l'hôpital. 


14  HÉMATUCÈLE. 

La  pachyvaginalite  est  donc  pour  nous  une  affection  secondaire;  une  lésion, 
cachée  ou  patente,  de  la  glande  sjiermatique,  la  précède  et  l'engendre  ;  l'inflam- 
nialion  du  viscère  a  comme  corollaire  l'inllammation  de  la  séreuse,  qui  devient 
parfois  la  maladie  principale.  Voici  comment  nous  et  notre  ami  Ed.  Brissaud, 
qui  nous  a  beaucoup  aidé  dans  ce  travail,  reflet  de  notre  commune  opinion, 
comprenons  rencliaînenient  et  la  succession  des  phénomènes.  La  glande  est 
irritée,  la  circulation  se  ralentit  et  les  globules  blancs  quittent  les  vaisseaux  au 
niveau  des  bouches  absorbantes.  Ces  leucocvtes  sont  un  centre  de  coagulation 
pour  la  fibrine  qui  s'étale  en  minces  couches  au-dessus  de  l'épithélium  sain 
encore  ;  l'exsudat  fibrineux  ne  se  dépose  pas  indistinctement  dans  tous  les 
points  ;  il  s'accumule  dans  les  régions  où  les  lymphatiques  viscéraux  sont  le 
plus  abondants  et,  règle  générale,  plus  sont  étroites  les  connexions  des  lym- 
phatiques viscéraux  avec  les  lymphatiques  sous-séreux,  plus  facile  et  plus  intense 
sera  la  réaction  de  la  séreuse.  Celte  loi  nous  explique  une  particularité  bien 
remarquable,  l'abondance  des  néomembranes  au  niveau  de  l'épididyme,  leur 
absence  ou  leur  extrême  ténuité  à  la  surface  du  testicule. 

En  effet,  les  lymphatiques  de  la  membrane  alhuginée  n'ont  aucune  connexion 
avec  ceux  du  feuillet  séreux  qui  l'enveloppe  et  les  uns  et  les  autres,  sans  réseau 
commun  et  sans  anastomose,  convergent  vers  l'épididyme.  On  n'a  point  ces 
inosculalions  à  \)\e\n  canal  observées  à  la  plèvre,  au  péricarde  et  au  péritoine. 
Celle  indépendance  singulière,  ce  manque  de  solidarité  cesse  au  niveau  de  l'épi- 
didyme où  capillau'es  séreux  et  parenchymateux  se  mêlent  et  confluent.  Aussi, 
selon  la  règle,  le  testicule  et  son  albuginée  réagissent  à  peine  sur  la  séreuse, 
presque  toujours  intacte,  tandis  que  lépididynic  imprime  à  son  feuillet  une 
activité  remarquable.  Et  les  occasions  sont  nombreuses  :  l'épididyme  est  bien 
souvent  malade,  ce  n'est  point  un  conduit  excréteur  banal  —  ce  rôle  est  dévolu 
au  canal  déférent  —  c'est  un  organe  très-délicat  et  sensible  par  excellence.  Son 
atmosphère  celluleuse  lâche  le  protège  à  peine,  tandis  que  le  testicule  est  à  l'abri 
sous  sa  carapace  albuginiquc  ;  sa  richesse  vasculaire  est  extrême;  il  est  le  centre 
d'irradiation  des  artères,  le  point  de  convergence  des  veines,  et  à  ses  lympha- 
tiques il  ajoute  ceux  du  lesticnle.  Aussi  voit-on  se  développer  dans  l'épididyme 
les  inflammations  qui,  parties  de  l'urèlhre,  ont  traversé  impunément  la  prostate, 
les  canaux  éjaculaleurs,  les  vésicules  séminales  et  le  long  trajet  du  canal 
déférent. 

La  conclusion  est  facile  à  tirer  :  la  pathologie  générale  nous  apprend  que  les 
inflammations  des  séreuses  sont  presque  toujours  secondaires  ;  elles  succèdent 
aux  lésions  des  organes  qu'elles  enveloppent.  La  vaginale  n'échappe  point  à  cette 
loi,  et  l'examen  des  conditions  étiologiques,  la  lecture  des  observations,  nous 
montrent  que  l'hématocèle,  en  particulier,  doit  avoir  pour  origine  non  une 
irritation  directe,  mais  quelque  affection  de  la  glande  spermatique.  Encore 
faut -il  distinguer,  et  nous  voyons  que  le  testicule,  isolé  dans  sa  membrane 
albuginée,  sans  relation  intime  avec  le  feuillet  de  sa  séreuse,  est  à  peu  près 
sans  influence  sur  la  production  des  néomembranes  absentes  ou  peu  épaisses  à 
son  niveau.  Au  contraire,  l'épididyme  délicat,  sensible,  mal  protégé,  très-vascu- 
laire,  réagit  d'autant  plus  sur  la  vaginale  que  leur  deux  réseaux  lymphatiques 
s'anastomosent  largement  :  c'est  donc  à  son  niveau  que  s'accumuleront  les  néo- 
membranes, et  leurs  feuillets  seront  d'autant  plus  épais  qu'ils  se  rapprocheront 
de  ce  centre  originel. 

Symptômes.     La  pachyvaginalite  «  moyenne  » ,  celle  qui  nous  servira  de  type, 


IIÉMATOCÈLE.  15 

est  une  tumeur  du  volume  d'un  œuf  de  dinde,  piriforme  ou  arrondie,  en  général 
unilatérale.  La  peau  qui  la  recouvre  est  souple,  normale,  à  peine  un  peu  tendue  ; 
la  surface  en  est  lisse,  sans  rugosités,  sans  bosselures  ;  elle  est  résistante,  mais 
élastique,  et  la  pression  qu'on  exerce  en  un  point  se  transmet  dans  son  intégra- 
lité à  toute  la  périphérie,  sauf  en  arrière,  où  l'on  trouve  un  tissu  d'une  densité 
différente,   saillant  et  qui,  lorsqu'on  le  pince,  réveille  chez  le  malade  la  sen- 
sation spéciale   du   testicule  froissé.    Si  on  interpose  les  bourses  soulevées  à 
une  lumière  et  à  l'œil  du  chirurgien,  on  n'aperçoit  aucune  transparence.  La 
ponction  donne  issue  à  un  liquide  rouge,  brun,  chocolat  ou  noirâtre;  la  cavité 
ne  s'affaisse  pas  complètement,  et  ses  parois  rigides  rappellent  le  parchemin  ou 
le  cuir  neuf.  Ou  reste,  le  patient  raconte  que  l'affection,  née  peut-être  à  l'occasion 
d'un  coup,  s'est  développée  lentement,  d'une  manière  insidieuse,  bien  que,  en 
une  ou  deux  circonstances,  un  heurt,  une  fatigue  excessive,  aient  provoqué  tout 
à  coup  une  sorte  de  poussée  aiguë  ;  jiuis  tout  est  rentré  dans  l'ordre  et  la  masse 
slalionnaire  évolue,  ne  gênant  guère  que  par  son  volume  et  par  son  poids.  Elle 
s'éternise  ainsi  des  mois  et  des  années  sans  troubler  autrement  l'organisme. 
Tel  est  l'aspect  ordinaire  de  la  pachyvaginalite,  mais  il  n'est  pas  un  des  traits 
de  ce  tableau  qui  ne  puisse  se  modilier. 

C'est  ainsi  que  le  volume  est  des  plus  variables  :  on  a  cité  des  hématocèles 
grosses  à  peine  comme  une  noix  et  Marcé  a  vu,  dans  un  cas  de  pachyvaginalite 
bilatérale,  l'une  des  tumeurs  coiffer  le  testicule  d'un  kyste  à  parois  libro-carti- 
lagineuses,  épaisses  de  5  millimètres  et  distendues  par  du  liquide  chocolat  : 
l'ensemble  avait  les  dimensions  du  pouce.  D'autre  part,  le  développement  peut 
être  excessif;  dans  11  de  nos  117  observations  les  bourses  étaient  comparables 
à  une  tête  d'adulte;  dans  un  cas  de  Polaillon,  le  scrotum  mesurait  58  centi- 
mètres de  circonférence.  H  en  est  qui  contiennent  2  litres,  2  litres  1/2,  5  litres 
de  liquide  :  telle  est  l'observation  de  Rochard,  où  la  tumeur,  non  contente  de 
distendre  les  bourses,  s'étranglait  à  travers  le  canal  inguinal  et  s'épanouissait 
dans  l'abdomen  jusqu'à  la  hauteur  de  l'ombilic,  lluguier  et  Dupuytren  ont  vu 
chacun  un  cas  analogue.  Ce  sont  là  les  fameuses  hydro-hématocèles  en  bissac 
dont  le  nom  a  prêté  déjà  à  tant  de  confusion.  Entre  les  grosses  et  les  petites 
pachyvaginalites  s'échelonnent  tous  les  degrés  intermédiaires. 

La  forme  est  plus  constante,  la  tumeur  est  en  général  ovalaire,  allongée,  avec 
une  sorte  de  côte  un  peu  saillante  en  arrière,  au  niveau  du  point  où  d'habitude 
se  trouve  la  glande  spermatique.  Dans  d'autres  cas,  elle  est  presque  ronde,  et  la 
régularité  de  sa  courbe  n'est  troublée  que  par  la  voussure  du  testicule  sain 
appliqué  sur  l'un  des  côtés  de  la  tumeur.  Assez  souvent  la  pacliyvaginalile  est 
bilatérale  —  22  fois  sur  117  observations  —  et  les  boui'ses  prennent  des  aspects 
différents  selon  la  prédominance  de  l'une  ou  l'autre  séreuse  dont  les  lésions  ne 
sont  pas  toujours  identiques.  Les  parois  de  l'une  peuvent  être  épaisses,  fibro- 
cavtilagineuses,  crétacées,  distendues  par  une  substance  hémalique  ;  les  feuillets 
de  l'autre  sont  souples  encore  et  remplis  d'un  liquide  citrin.  Dupuytren,  Vel- 
peau,  Gosselin,  Duhamel,  Chaillier,  en  ont  cité  des  exemples,  et  nous  en  possé- 
dons deux  dont  l'un  a  trait  à  une  hématocèle  d'origine  syphilitique. 

La  peau,  avons-nous  dit,  est  souple,  normale,  parfois  un  peu  tendue.  On  l'a 
trouvée  cependant  épaissie,  rouge,  et  comme  atteinte  d' œdème  chronique.  Dans 
un  fait  déjà  cité  de  Gérin  Roze,  le  scrotum  était  dur,  violacé,  comme  éléphan- 
tiaque,  et  sa  surface  de  section  mesurait  2  centimètres  1/2.  L'hyperplasie  se 
montrait  très-notable  encore  dans  un  cas  de  Garcia  ;  les  téguments  étaient  bruns 


d6  HÉMATOCKLE. 

et  sillonnés  par  des  veines  ybondanles  et  volumineuses.  Ces  vaisseaux,  que  l'on 
retrouve  dans  les  observalioas  de  l'oiasot,  de  l'olailion,  d'Oré  et  de  Dcm:\rquay, 
ont  été  causes  de  cerlaines  erreurs  de  diagnostic  et  d'une  castration  trop  lifilive. 
On  comprend  l'origine  de  ces  altérations  de  la  peau  :  l'inflammation  n'est  pas 
toujours  limitée  à  la  vaginale;  elle  gagne  les  couches  sous-jacentes  et  se  traduit 
par  des  œdèmes  chroniques  et  des  troubles  circulatoires. 

L'i  palpalion  est  loin  de  donner  des  sensations  toujours  identiques,  et  si,  d'or- 
dinaire, la  peau  roule  sur  une  tumeur  lisse,  égale,  sans  bosselures,  de  nom- 
breuses observations  relatent  des  rugosités,  des  saillies,  des  dépressions.  Le  doigt 
est  arrêté  par  une  dureté  ligneuse  ou  s'enfonce  dans  des  tissus  qui  cèdent  faci- 
lement. Et,  de  fait,  les  néomembranes  de  la  pachyvaginalite  n'ont  point  partout 
même  épaisseur.  A  couches  redoublées  en  certains  endroits,  (îbrn-cartilagineuses, 
blindées  de  sels  calcaires,  elles  sont  souples,  amincies  en  d'autres,  et  le  liquide 
les  distend  d'une  manière  inégale.  11  n'est  pas  besoin  de  remonter  à  l'observa- 
tion de  Saviard  oii  «  M.  Bessière  découvrit  ua  petit  endroit  oij  l'on  sentait 
(|uclque  peu  de  mollesse  n,  et  où  l'on  apjdiqua  le  cautère;  les  faits  abondent  : 
Bauchet  signale  des  bosselures  dans  deux  cas,  et  Cauchois  insiste  sur  l'inégalité 
des  parois  qui  cèdent  en  quelques  points.  Dans  quelques  faits,  la  cavité,  à  demi- 
vide,  produit  sous  la  pression  une  crépitation  parcheminée.  Rien  n'est  plus 
inconstant  que  la  fluctuation,  d'habitude  obscure,  mais  indiscutable.  D'autres 
fois  la  consistance  est  pierreuse  à  tel  point  que  l'on  a  pu  croire  à  de  l'enchon- 
drome.  Dans  une  observation  de  Gérard  Laurent,  la  dureté  était  intermittente, 
la  tumeur  diminuait  à  la  suite  de  transpirations,  ou  après  des  urines  très- 
copieuses  . 

La  présence  de  la  glande  spermalique  en  arrière  oîi  elle  forme  une  légère 
saillie  est  un  signe  d'une  grande  importance  et  la  recherche  doit  en  être  faite 
avec  le  plus  grand  soin,  mais  l'anatomie  pathologique  nous  en  a  appris  déjà  l'in- 
constance: le  testicule  peut  être  en  inversion  ou  aplati,  atrophié,  perdu  dans 
une  gangue  fibreuse  ;  sa  sensibilité  est  obtuse  ou  abolie  et  la  pression  ne  réveille 
aucune  sensation  spéciale  dans  cette  masse  scléreuse  qui  n'a  ni  forme  ni  struc- 
ture. Que  de  fois,  même  lorsque  les  lésions  sont  loin  d'être  aus.si  profondes,  les 
investigations  du  chirurgien  ont  été  infructueuses!  Deniarquay,  Velpeau,  Gos- 
sclin,  Uichct,  Verneuil,  Poinsot,  Polaillon,  Trélat,  Donnay,  explorent  en  vain  la 
tumeur  dans  tous  les  sens.  Nous  voyons  dans  nos  notes  que,  sur  15  observations 
pei'sonnelles,  5  fois  la  position  de  la  glande  n'a  pu  être  déterminée  ;  dans  un 
autre  cas  elle  le  fut,  mais  d'une  manière  erronée,  comme  le  démonti'a  l'examen 
de  la  tumeur  après  castration.  Avec  notre  conception  de  l'hématocèle,  l'opacité 
elle-même  n'est  pas  un  signe  constant  et,  dans  les  cas  de  liquide  citrin,  on 
observe  la  transparence,  si  la  cavité  est  très-distendue  et  si  les  néomembranes 
ne  sont  pas  trop  épaisses. 

L'absence  de  douleur  est  de  règle;  elle  peut  être  absolue  et  certains  malades 
n'ont  même  pas  ces  tiraillements  dans  l'aîne,  ces  pesanteurs  du  périnée  et  des 
lombes  qui  accompagnent  les  tumeurs  volumineuses  des  bourses,  mais  d'autres 
fois  les  souffrances  sont  vives,  et  nous  ne  parlons  pas  ici  de  celles  qui  peuvent 
survenir  à  l'occasion  d'une  contusion  des  bourses  et  d'une  suppuration  du  kyste 
sanguin.  Non,  le  scrotum  est  bien  soutenu,  l'hématome  n'est  pas  échauffé,  et 
cependant  des  élancements,  des  irradiations  fort  pénibles,  se  font  sentir.  A  l'époque 
où  la  douleur  éveillait  facilement  l'idée  de  cancer,  on  s'y  est  trompé  et,  sur  ce 
signe,  Dupuytren  a  pratiqué  la  castration  pour  une  hématocèle  qu'il  croyait  être 


HÉMATOCÈLE.  17 

un  sarcocèle;  Baiicliet,  Ballue,  Gosselin,  Poinsot,  Cloquet,  pour  ne  citer  que 
ceux-là,  ont  publié  des  faits  où  la  pachyvaginalite  s'accompagnait  de  douleurs 
plus  ou  moins  intenses.  Chez  un  de  nos  clients  nerveux,  inquiet,  un  peu  liypo- 
chondriaque,  les  élancements  étaient  intolérables  et  la  palpation  des  bourses 

impossible. 

L'évolution  de  riicmatocèle  est  essentiellement  chronique.  Au  début  le  patient 

croit  que  le  testicule  atteint  est  simplement  plus  gros  ;  la  tumeur  augmente  peu 

à  peu  et  finit  par  gêner  grâce  à  son  poids  et  à  son  volume.  Des  malades  ont  gardé 

quarante  ans  leur  pachyvaginalite  sans  en  éprouver  d'autre  trouble.  La  marche 

peut  être  la  même  quand  uu  traumatisme  est  à  l'origine  du  mal  :  il  y  a  eu 

souffrance  vive,  gonflement,  ecchymose,   inflammation   de  la  glande,  puis  ces 

phénomènes  se  dissipent,  sauf  la   tuméfaction  qui  s'accroît.  Les  cas  d'indolence 

complète  sans  épisodes  aigus  sont  rares  ;  à  l'occasion  d'un  lieiu-t,  d'une  violence 

quelconque,  d'une  maladie  générale,  et  quelquefois   spontanément,  les  bourses 

grossissent  tout  à  coup,  elles  doublent  ou  triplent  de  volume,  le  scrotum  et  le 

fourreau  de  la  verge  noircissent  et  leur  coloration  changeante  vient  déceler 

l'existence  d'un  épanchement  sanguin  dans  l'épaisseur  des  tissus. 

Les  observations  en  abondent  :  Déuucé  nous  raconte  qu'un   individu,  atteint 
d'hématocèle  depuis  deux  ans,  se  réveille  en  sursaut  pendant  la  nuit  ;  il  a  senti 
un  craquement  dans  les  bourses  et  s'aperçoit  que  sou  scrotum  est  déjà  tout 
noir;  les  néomembranes  fissurées  avaient  permis  au  sang  de  fuser  dans  les 
bourses.  Nélaton  a  publié  un  cas   et  Ernest  Cloquet  deux  cas  qui  sont  absolu- 
ment semblables.  Le  malade  de  Godard  et  Besnier  avait  sa  tumeur  depuis  sept 
ans  :  il  se  heurte,  elle  grossit,  s'enflamme,  et  l'incision  devient  nécessaire.  Dans 
un  fait  de  Jouon,  l'hématocèle  datait  de  sept  mois  :  elle  s'accroît  tout  à  coup  à 
la  suite  d'un  violent  effort.  Dans  celui  dePeulevey,  c'est  une  séance  de  lilliotritie 
qui  provoque  l'augmentation  de  volume  et  les  phénomènes  douloureux.  Dans 
celui  de  Cauchois,  une  variole  hémorrhagiciue  éclate  et  la  tumeur,  stalionnaire 
depuis  dix  ans,  acquiert  un  développement  et  une  tension  extrêmes.  Les  fatigues 
du  mariage  doublent  une  pachyvaginalite  observée  par  Ballue,  et  une  autre 
traitée  par  Thibault.  Cet  accroissement  subit  de  la  tumeur  a  son  explication  dans 
la  rupture  des  vaisseaux  fragiles  de  la  néomembrane.  Le  sang  s'épanche  dans  la 
cavité  qu'il  distend  ou  entre  les  feuillets  des  parois  qu'il  sépare.  Ainsi  se  déve- 
loppent des   kystes  liématiques  plus  ou   moins  volumineux.    La  pression  est 
parfois  assez  forte  pour  franchir  les  limites  de  la  vaginale  hyperplasiée  qui  se 
fissure,  et  le  liquide  fuse  dans   les  enveloppes  scrotales  :  d'où  les  colorations 
noires  et  marbrées,  les  ecchymoses  à  teinte  changeante.  Le  sang  a  pu  même 
s'amasser  hors  de  la  vaginale  et  de  ses  néomembranes  et  former  dans  les  enve- 
loppes scrotales  un  hématome  en  communication  avec  la  cavité  séreuse.  Nous 
avons  déjà  signalé  le  remarquable  exemple  qu'en   donne  Annandale  :  la  poche 
pariétale  empiétait  sur  le  périnée  et  sur  la  racine  de  la  cuisse. 

Le  traumatisme  peut  être  l'occasion  d'une  poussée  inflammatoire  :  le  kyste 
s'échauffe  et  du  pus  se  mélange  aux  substances  liématiques  ;  le  scrotum  gonfle 
et  rougit;  des  douleurs  éclatent  ;  la  tension  est  extrême,  l'état  général  devient 
grave  et  la  vie  est  menacée,  si  une  rapide  évacuation  du  pus,  provoquée  ou  spon- 
tanée, ne  conjure  l'empoisonnement  septique.  Lorsque  le  phlegmon  s'ouvre  de 
lui-même,  en  général  une  eschare  se  forme,  qui  se  soulève,  et  un  flot  de  pus  et 
de  caillots  putrides  s'écoule  à  l'extérieur.  On  cite  quelques  cas  où  les  néomem- 
branes se  dctacJient  en  bloc  ;  Panas  les  vit  tomber  au  trentième  jour.  Les  parois 

DXT.    EXU.    i"   S.    XUI.  2 


18  HÉMATOCÈLE. 

granulent  alors  jusqu'à  oblitérer  la  cavité,  mais  parlois  une  fistule  persiste,  et 
il  faudra,  pour  la  tarir,  une  intervention  chirurgicale,  Gosselin  a  dû  pratiquer 
une  double  décortication  dans  une  bémalocèle  bilatérale  abcédée  et  devenue 
fistulcuse  après  une  injection  de  teinture  d'iode. 

Ces  phlegmons  développés  en  pleine  pachyvaginalite  sont  loin  d'être  toujours 
innocents  :  ils  ont  provoqué  de  nombreux  désastres,  et  la  mort  par  infection 
purulente  termine  plus  d'une  observation  d'hématocèle.  Les  simples  ponctions 
exploratrices  suffisent  pour  déterminer  rinflammation  du  kyste,  sa  suppuration 
et  la  pyohémie.  Dans  la  seule  thèse  de  Donnay  nous  en  trouvons   7   cas,  et 
l'auteur  n'aurait  eu  qu'à  feuilleter  quelques  recueils  pour  en  décupler  facile- 
ment le  nombre.  Tout  conspire  pour  engendrer  les  accidents  septiques  :  la  région 
peu  propre  ù  l'asepsie  ;  la  proximité  du  méat  urinaire  et  de  l'anus ,  surtout  la 
structure  des  néomembranes  à  tissu  embryonnaire,  à  vaisseaux  mous  et  fragiles, 
toujours  ouverts  pour  l'absorption  des  substances  virulentes.  A  cette  heure,  le 
danger  a  beaucoup  diminué  ;  nous  pourrions  cependant  citer  un  cas  où  une 
pachyvaginalite  énorme  traitée  par  l'incision  et  pansée  sous  un  Lister  rigoureux 
granulait  depuis   huit  jours  lorsque  l'opéré,  sous  l'influence  d'une  émotion 
morale  violente,  est  pris  d'un  frisson  et  meurt  au  bout  de  quarante-huit  heures. 
Nous  tenons  d'un  de  nos  amis  le  fait  suivant  :  pachyvaginalite  du  volume 
d'une  tête  d'enfmt;  une  ponction  exploratrice  donne  issue  à  quelques  grammes 
de  liquide  sanguin.  Trois  jours  après  fièvre  vive;   la  bourse  se  tuméfie,  et  un 
emphysème  sous-cutané  envahit  la   paroi  abdominale  jusqu'à   la  poitrine.  Les 
conjonctives  sont  ictériques,  la  température  s'élève  à  près  de  40  degrés  ;  l'épi- 
derme  du  scrotum  est  soulevé  par  une  phlyctène  gangreneuse  d'où  s'exhale  une 
odeur  de  macération  cadavérique.  Une  large  incision  livre  passage  à  un  flot  de 
liquide  fétide.  La  cavité  est  lavée  avec  soin,  mais  des  accidents  redoutables  s'al- 
lument, on  veut  pratiquer  la  décortication;  on    y    renonce  après  une  vaine 
recherche  du  testicule  ;  on  lie  le  cordon,  aussi  volumineux  que  l'index  et  le 
médius  réunis,  et  on  extirpe  la  tumeur.  On  badigeonne  la  perte  de  substance 
avec  du   chlorure  de  zinc  au  1/8;  on   draine,  on  suture,  et  la  guérison  a  été 
complète. 

Nous  avons  observé  à  Bicêtre  des  accidents  graves  chez  un  individu  de  soixante- 
douze  ans  dont  la  tumeur  était  vieille  de  quatorze  ans.  Comme  elle  grossissait 
et  fatiguait  le  malade,  nous  y  plantons  le  Irocart  et  500  grammes  de  liquide  s'en 
écoulent.  iNous  lavons  la  cavité  avec  une  solution  phéniquée  à  2  1/2  pour  100. 
Dès  le  lendemain,  douleur  vive,  gonflement  et  rougeur  des  bourses,  funiculite 
qui  remonte  jusque  dans  le  trajet  inguinal.  Une  incision  de  la  vaginale  donne 
issue  à  des  caillots  fétides  et  à  des  gaz.  La  |)oche  est  incrustée  de  sels  calcaires 
qui  lui  forment  une  carapace;  tout  le  segment  antérieur  du  kyste  est  enlevé  de 
deux  coups  de  ciseaux;  la  température  redevient  normale  et  la  suppuration  est 
peu  abondante.  Tous  les  trois  ou  quatre  jours  se  détache  quelque  fragment  des 
concrétions  intérieures,  mais,  cinq  mois  après  notre  intervention,  il  existe 
encore  des  plaques  sous  les  téguments  en  partie  cicatrisés,  car  une  fistule  per- 
siste par  où  notre  stylet  se  heurte  à  des  îlots  crétacés. 

DiAGiNOSTic.  Lorsqu'une  hématocèle  se  présente  avec  ses  caractères  clas- 
siques, tumeur  de  volume  moyen,  piriforme  ou  arrondie,  lisse,  sans  bosselures, 
élastique,  fluctuante  et  opaque,  avec  la  glande  refoulée  en  arrière  ;  lorsque,  par 
surcroît,  ses  parois  rigides  crépitent  comme  du  cuir  neuf,  on  ne  saurait  avoir  le 
moindre  doute  sur  l'existence  d'une  pachyvaginalite,  surtout  lorsque  la  bourse 


IIÉMATOGKLE.  19 

indolente  s'est  accrue  lentement  ou  par  à-coiips  subits  et  dure  depuis  des  années^ 
sans  retentir  sur  l'organisme  par  un  affaiblissement  des  forces  ou  par  de  la 
cacbexie.  Mais  ne  savons-nous  pas  que  cbacun  de  ces  signes  peut  manquer  ou 
même  être  remplacé  par  un  si-ne  contraire?  Et  l'on  voit  des  pacliyvaginalites, 
petites  ou  énormes,  de  consistance  molle  ou  ligneuse,  bosselées,  rugueuses,  de 
l'orme  régulière,  transparentes  même,  ou  sans  localisation  du  teslicnle  atropbié 
ou  perdu  ;  la  marcbe  de  l'affection  peut  être  rapide  et,  dans  quelques  cas,  on  a 
noté  un  élat  général  misérable. 

Lorsque  la  tumeur  se  présente  ainsi  «  comme  une  énigme  à  deviner  »,  toutes 
les  erreurs  sont  possibles,  et  toutes  ont  été  commises.  Nous  puisons  au  hasard 
dans  les  observations  :  Ricord  et  Demarquay  déclarent  (ju'un  testicule  est  tuber- 
culeux, la  castration  prouve  qu'il  s'agit  d'une  bémalocèle.  Cruveilbier  fils  dans 
un  cas,  Benjamin  Anger  dans  un  autre,  croient  à  un  encbondrome  ;  la  dissection 
leur  montre  une  accumulation  de  ncomembranes  ligneuses.  Roycr  et  Descliamps 
pensent  extirper  un  kyste,  ils  n'enlèvent  chacun  qu'une  séreuse  épaissie  ;  Diipuy- 
tren,  Poinsot,  Oré,  diagnostiquent  un  hydrosarcocèle,  on  constate,  pièces  en 
main,  toutes  les  altérations  d'un  kyste  hématique.  L'inverse  est  plus  fréquent 
encore  :  hématocèle  d'un  sac  herniaire  prise  par  Bourdon  pour  une  liématocèle 
vaginale  ;  sarcome  névroglique  du  testicule  et  de  ses  enveloppes  déclaré  pachy- 
vaginalite  par  Verneuil  ;  myxonie  drainé  par  Trélat.  qui  suppose  un  épanchemcnt 
sanguin  dans  la  séreuse;  carcinome  développé  en  quatre  ans,  à  la  suite  d'un 
traumatisme,  et  considéré  par  Uichet  comme  une  hématocèle.  Gosselin,  Le  Fort, 
Berger,  ont  commis  de  semblables  méprises.  En  1851,  Vidal  de  Cassis  présenta 
à  ses  collègues  de  la  Société  de  chirurgie  un  individu  porteur  d'une  tumeur  da 
bourses;  Chassaignac  et  Maisonneuve  concluent  à  une  hématocèle,  Guersant  et 
Vidal  à  un  cancer,  Giraldès  à  un  encbondrome  et  Denonvilliers  ne  se  pro- 
nonce pas. 

Nous  croyons  qu'à  cette  heure  les  éléments  du  diagnostic  sont  moins  précaires. 
Les  tumeurs  du  testicule  sont  mieux  étudiées,  et,  si  les  erreurs  sont  toujours 
possibles,  elles  deviennent  moins  fréquentes.  Nous  ne  chercherons  pas  à  distin- 
guer les  héraatocèles  des  hydrocèles  à  parois  épaisses,  puisque  nous  les  considé- 
rons comme  de  même  origine  et  que  n  ous  rangeons  les  unes  et  les  autres  dans 
nos  pachyvaginalites.  Parmi  les  tumeurs   liquides,  nous  ne  voyons  guère  que  les- 
hématocèles  d'un  sac  herniaire  et  les  hémato  cèles  d'un  kyste  spermatique  avec 
lesquelles  la  confusion  soit  possible.  Dan  s  le  cas  de  Bourdon,  la  tumeur  était 
absolument  irréductible,  fluctuante,  opaque,  san  s  gargouillements,  mais  un  peu 
sonore  en  haut;  les  adhérences  des  intestins    empêchaient  le  reflux  du  liquida 
dans  le  péritoine.  On  ponctionne  et  il  s'écoule  4  litres  de  substance  semblable  à. 
du  curaçao;  on  cherche  en  vain  la  position  du  testicule;  il  est  facile  de  com- 
prendre que,  dans  ce  cas,  l'autopsie  ait  seule  établi  le  diagnostic  d'hématocèle 
d'un  sac  herniaire.  Certains  épaississements  vasculaires  des  parois  d'un  kyste 
spermatique  avec  effusion  de  sang  dans  la  cavité  sont  encore  bien  difficiles  à 
reconnaître  :  on  n'y  parviendra  que  par  la  détermination  précise  du  testicule- 
situé  en  bas  de  la  tumeur  et  par  la  recherche  altentive  des  spermatozoïdes  dans 
le  liquide  et  sur  les  caillots. 

C'est  avec  les  tumeurs  solides  et  très-dures,  le  squirrhe,  les  enchondromes^ 
que  les  pachyvaginalites  petites,  à  parois  épaisses,  ligneuses,'  incrustées  de  sels 
calcaires,  ont  été  surtout  confondues.  Lorsque  l'hématocèle  est  volumineuse, 
irrégulière,  bosselée^  résistante  par  places  et  dépressible  en  certains  points,  on 


20  IIÉMATOCÈLE. 

pourra  les  prendre  pour  des  tumeurs  mixtes  du  testicule,  pour  desence'plialoïdes 
à  marche  rapide,  de  surface  inégale  aussi  et  où  les  parties  solides  alternent 
avec  des  kystes  et  des  tissus  ramollis  et  régresses  ;  lorsqu'on  se  rappelle  en  outre 
que  ces  néoplasmes  malins  se  développent  parfois  à  l'occasion  d'un  coup,  qu'un 
traumatisme  peut  doubler  ou  tripler  leur  volume,  presque  aussi  rapidement  que 
pour  une  pachyvaginalite  dont  les  vaisseaux  sont  rompus,  on  comprend  les  hési- 
tations, les  incertitudes,  et  finalement  la  méprise  du  chirurgien.  En  pareil  cas,  le 
plus  siir  indice  est  encore  la  recherche  du  testicule  ;  si  on  le  trouve  en  arrière 
avec  sa  sensibilité  caractéristique,  il  y  a  des  chances  pour  la  pachyvaginalite  : 
mais  combien  sont  nombreuses  les  causes  d'erreur!  l'inversion  de  la  glande,  son 
atrophie,  l'épaississement  des  néomembranes. 

Il  nous  reste  la  ponction  exploratrice  :  le  liquide  hématique  d'une  part  et  la 
palpation  qui  permet  de  reconnaître  les  altérations  de  la  vaginale  sont  des  signes 
pathognomoniques.  Encore  faut-il  savoir  que  parfois  la  ponction  a  été  blanche 
dans  une  véritable  pachyvaginalite.  Le  kyste  hématique  peut  être  presque  obli- 
téré, et  les  néomembranes  constituent  la  totalité  de  la  tumeur  ;  dans  d'autres 
cas  il  n'y  a  môme  pas  de  liquide,  mais  des  flocons  d'albumine,  des  caillots 
cruoriques  qui  obslruenl  la  canule  :  rien  ne  s'ccoule  au  dehors.  Enfin  la  pointe 
du  trocart  peut  refouler  devant  elle  un  des  feuillets  stratifiés  des  parois;  elle 
s'en  coiffe  sans  pénétrer  dans  l'intérieur  de  la  séreuse.  Nous  trouverions  dans 
nos  notes  un  fait  clinique  pour  légitimer  chacune  de  ces  assertions  ;  ne  cite-t-on 
pas  même  des  cas  oii  l'instrument  traverse  la  cavité  et  s'engage  dans  l'épaisseur 
de  la  glande  qui  donne  à  peine  quelques  gouttes  de  sang? 

La  ponction  n'est  pas  seulement  infidèle,  elle  est  dangereuse,  et  nous  connais- 
sons des  accidents  qu'elle  a  provoqués,  même  quand  on  l'entoure  de  précautions 
antiseptiques.  Eu  quelques  heures,  en  quelques  jours,  des  décompositions 
putrides  se  font  dans  la  cavité,  et  des  phlegmons  diffus,  des  gangrènes  envahis- 
santes, des  septicémies,  des  infections  purulentes,  en  ont  été  la  conséquence.  Ce 
n'est  pas  tout,  le  trocart  a  pu  provoquer  des  hémorrhagies;  Bouilly  en  a  cité  un 
exemple;  nous  pourrions  y  ajouter  le  fait  de  Polaillon,  celui  de  Yelpeau  et  celui 
de  Percival  Pott,  oii  l'écoulement  sanguin  dura  plus  de  quatre  jours  et  faillit 
emporter  le  malade.  Aussi  préférons-nous  à  la  ponction  l'incision  franche  et 
large  sous  le  chloroforme  ;  on  divise  couche  par  couche,  on  évite  le  testicule 
inversé  et  l'épididyme  refoulé,  on  peut  lier  les  vaisseaux  au  fur  et  à  mesure 
qu'on  les  coupe;  d'ailleurs  on  n'a  point  fait  un  délabrement  inutile,  puisque 
celte  incision  exploratrice  sera,  ou  l'opération  tout  entière,  ou  le  premier  temps 
de  l'opération. 

Pronostic.  Pour  avoir  beaucoup  perdu  de  sa  gravité,  la  pachyvaginalite  n'en 
reste  pas  moins  une  affection  sérieuse  qui  peut  compromettre  la  vie.  Tant  que 
son  évolution  est  froide,  la  tumeur  n'est  gênante  que  par  son  poids,  les  tiraille- 
ments qu'elle  provoque  et  les  rares  douleurs  qui  s'irradient  dans  l'aîne  ou  dans 
les  lombes.  Elle  est  encore  une  difformité  que  dissimulent  mal  nos  vêtements 
masculins.  Mais  les  hématocèles  s'enflamment  et  nous  avons  vu  quelle  fièvre 
septique  elles  peuvent  allumer.  Lorsque  le  phlegmon  se  circonscrit  et  que  les 
accidents  restent  locaux,  la  gangrène  des  néomembranes  et  leur  chute  sont  par- 
fois suivies  d'une  guérison  radicale,  mais  des  fistules  peuvent  persister,  et  nous 
avons  cité  une  observation  de  Gosselin  et  un  fait  personnel  où  les  incrustations 
pierreuses  de  la  paroi  s'opposaient  encore  plusieurs  mois  après  la  suppuration 
des  bourses  à  la  cicatrisation  de  la  cavité. 


IlÉMATOGÈLE.  21 

Quand  le  chirurgien  intervient,  son  acte  opératoire  n'est  pas  toujours  inno- 
cent, et  même  depuis  l'antisepsie  des  inflammations  éclatent  qui  peuvent  avoir 
la  gravité  des  suppurations  spontanées.  Les  injections  iode'es,  si  bénignes  dans 
les  liydrocèles  à  parois  souples,  deviennent  dangereuses  dans  les  pachyvagina- 
lites  où  la  poche,  épaissie  et  rigide,  ne  peut  revenir  sur  elle-même.  Elle  se  rem- 
plit d'air,  les  liquides  se  décomposent,  des  gaz  putrides  se  forment,  et  l'empoi- 
sonnement septique  est  imminent.  Nous  avons  relevé  plus  de  50  observations 
oii  ces  accidents  ont  débuté,  pour  avorter  le  plus  souvent,  il  est  vrai,  après  une 
intervention  énergique.  Mais  les  cas  de  morl  ne  sont  pas  rares  ;  Gosselin,  Demar- 
quay,  Donnay,  Lannelongue,  en  ont  cité  des  exemples. 

Et  puis  la  fonction  est  souvent  compromise  :  elle  l'est  d'une  manière  excep- 
tionnelle par  le  volume  de  la  tumeur.  Un  de  nos  malades,  dont  la  verge  dispa- 
raissait derrière  la  double  saillie  d'une  pachyvaginalite  bilatérale,  en  était  devenu 
impuissant.  Berger  rapporte  le  cas  d'un  individu  qu'une  hématoccle  droite  avait 
rais  dans  une  situation  semblable  ;  les  rapports  purent  reprendre  après  la  castra- 
tion. Ces  faits  sont  rares,  mais  ce  qui  ne  l'est  pas,  c'est  la  perte  de  la  virilité 
par  trouble  de  la  spermatogénèse.  Lorsqu'une  seule  glande  est  atteinte  et  que 
l'autre  est  saine,  passe  encore,  muis  lorsque  les  deux  testicules  sont  pris,  le  cas 
est  grave.  Nous  avons  vu  que  souvent  les  canalicules  séminifèrcs  sont  anémiés, 
atrophiés  par  la  compression  des  néomembranes  ou  étouffés  par  les  tissus  sclé- 
rosés développés  en  plein  parenchyme,  nous  ne  reviundrons  pas  sur  ce  point  que 
Gossehn  a  bien  mis  en  lumière  ;  il  nous  dit  que,  si  parfois  on  trouve  encore 
quelque  animalcule,  le  plus  souvent  les  tubes  n'en  contiennent  pas. 

Et  la  spermatogénèse  ne  fùt-elle  pas  entravée  ou  supprimée,  nous  doutons 
que  la  semence  put  franchir  l'épididyme  étalé  comme  un  ruban  dans  la  paioi 
kystique  ou  étouffe  par  la  gangue  fibreuse  plus  abondante  à  son  niveau  que 
partout  ailleurs.  Elle  forme  là  des  couches  redoublées  qui  opposent  un  obstacle 
mécanique  à  l'excrétion  du  sperme.  Gosselin,  cependant,  a  vu,  sous  une  petite 
pression,  le  liquide,  poussé  dans  le  canal  déférent,  parcourir  le  tube  enroulé  de 
l'épididyme  et  arriver  jusqu'aux  cônes  ;  ces  cas  doivent  être  d'autant  plus  rares 
que  l'organe  est  altéré  pour  son  propre  compte,  indépendamment  des  néomem- 
branes qui  l'enveloppent  ;  ces  dernières  même  seraient  le  plus  souvent  consécu- 
tives, ainsi  que  nous  avons  essayé  de  l'établir  à  propos  de  la  pathogénie. 

Ce  n'est  pas  à  dire  que  nous  sacrifierions  sans  regret  une  glande,  même 
inutile,  et  nous  trouvons  irréprochables  la  plupart  des  arguments  qu'invoque 
M.  Gosselin  en  faveur  de  la  conservation.  Avec  la  sécurité  que  donnent  les  pan- 
sements antiseptiques,  nous  devons  préférer,  s'il  est  possible,  le  traitement  qui 
garde  le  testicule  :  d'abord  parce  que  dans  des  cas  très-rares  il  sécrète  des 
spermatozoïdes,  puis,  lorsque  la  fonction  est  abolie,  il  laisse  à  l'opéré,  non- 
seulement  l'illusion  d'une  fécondité  qu'il  ja 'a  plus,  mais  parfois  la  réalité  d'une 
puissance  incontestable.  Dans  sa  Lettre  à  M.  Polaillon,  M.  Gosselin  nous  parle 
d'un  individu  atteint  de  pachyvaginalite  bilatérale  et  chez  qui  l'injection  iodée 
avait  provoqué  une  double  suppuration  et  une  fistule  double.  Le  chirurgien  de 
la  Charité  pratiqua  la  décorticaticn;  la  virilité  fut  conservée;  le  malade  avait 
des  rapports  sexuels  avec  émission  d'un  liquide  dans  lequel,  du  reste,  on  ne 
trouva  jamais  la  présence  de  spermatozoïdes. 

Traitement.  La  pachyvaginalite  ne  guérit  pas  spontanément,  et  les  cas  où 
ses  néomembranes  et  son  kyste  restent  stationnaires  sans  accroissement  subit, 
sans  fissure,  sans  ecchymose  scrotale  et  sans  menace  d'inflammation,  sont  même 


22  IIÉMATOCÊLE. 

assez  rares.  (In  pouvait  autrefois,  lorsque  l'infection  purulente  guettait  tout 
opéré,  attendre  les  complications,  car  les  interventions  dans  les  hématocèles  se 
chiffraient  par  une  mortalité  de  d5  à  oO  pour  100.  Maintenant  l'indication  est 
précise,  et  reconnaître  une  pacliyvaginalite,  c'est  du  même  'coup  décider  qu'on 
se  prépare  à  opérer.  Les  méthodes  sont  très-nombreuses,  mais  l'ordre  commence 
à  se  faire  dans  le  chaos  des  procédés  qui,  pour  la  plupart,  ne  peuvent  être  ni 
écartés  ni  généralisés.  Ils  répondent  chacun  à  une  indication  spéciale,  et  l'on  a 
recours  à  l'un  ou  à  l'autre  suivant  l'ancienneté  et  l'épaisseur  des  néomembranes, 
selon  que  la  glande  est  intègre  ou  altérée. 

Quand  les  néomembranes  sont  jeunes  et  souples,  et  qu'après  l'évacuation  du 
liquide  les  deux  feuillets  de  la  séreuse  se  juxtaposent,  comme  dans  l'hydrocèle 
simple,  Y  injection  iodée,  nous  dit-on,  est  efficace  et  sans  danger.  Rien  que  dans 
les  recueils  on  trouve  quelques  faits  authentiques  de  guérison,  nous  ne  recom- 
mandons pas  ce  procédé  ;  la  récidive  est  de  règle,  le  kyste  se  remplit  de  nou- 
veau et  la  tumeur  reprend  une  marche  ascendante.  Ne  lisons-nous  pas  dans  la 
plupart  des  observations  que  des  injections  ont  été  faites,  mais  sans  succès,  et 
qu'au  bout  d'un  ou  deux  mois  on  a  dû  recourir  à  une  méthode  plus  radicale? 
La  perte  de  temps  n'est  pas  l'inconvénient  unique,  et  nous  avons  cité  de  fré- 
quentes complications,  hémorrhagies  dans  la  poche,  inflammation,  gangrène, 
septicémie  :  il  faut  alors  intervenir,  quelquefois  trop  tard,  et  au  milieu  d'un 
état  général  grave.  Jlieux  eût  valu  accepter  d'emblée  le  procédé  que  les  acci- 
dents actuels  nous  forcent  de  clioisir. 

Donnerons-nous  quelques  faits  à  l'appui  de  cette  opinion  ?  Demarquay,  Chas- 
saignac,  Velpeau,  Donnay,  Thibault,  Gloquet,  Bauchet,  Nélaton,  Polt,  tous  les 
chirurgiens,  pourrions-nous  dire,  ont  publié  un  ou  plusieurs  exemples  de  réci- 
dive. Tous  ou  presque  tous  ont  encore  signalé  des  accidents  inflammatoires 
ou  gangreneux.  Nous  avons  pratiqué  trois  fois  des  injections  iodées  ou  phéni- 
quées  ;  une  fois  le  kyste  se  reproduisit  rapidement,  deux  fois  la  tumeur 
s'échauffa  et,  sous  peine  de  voir  éclater  des  complications  redoutables,  nous 
dûmes  fendre  la  vaginale  dans  toute  sa  hauteur.  Dans  ces  trois  cas,  il  nous  a 
été  possible  d'étudier  les  modifications  que  subissent  les  parois  de  l'hématocèle 
sous  l'influence  de  l'inflammation  aiguë  ;  la  cavité  est  cloisonnée  en  tous  sens 
par  des  diaphragmes  fibrineux  limitant  des  alvéoles  irréguliers,  indépendants 
les  uns  des  autres,  et  qui  contiennent  un  liquide  de  coloration  souvent  diffé- 
rente. Outre  ces  lames  fibrineuses  parfois  incomplètes,  dentelées,  percées  à  jour, 
avec  des  pi'olongements  analogues  aux  cordages  tendineux  du  cœur,  la  séreuse 
est  tapissée  de  caillots  décolorés  semblables  à  des  rayons  de  miel,  et  abondant 
surtout  au  point  oii  le  feuillet  pariétal  se  réfléchit  pour  envelopper  la  glande. 

Ces  récidives  fréquentes  et  ces  complications  imminentes  nous  font  donc 
repousser  l'injection,  même  dans  les  cas  de  pachyvaginalite  au  premier  degré, 
et,  d'emblée,  nous  avons  recours  à  Vincision.  On  examine  l'épaisseur  de  k 
séreuse  et,  si  les  feuillets  en  sont  encore  souples,  on  excise  la  partie  antérieure, 
ne  laissant,  en  dehors  et  en  dedans,  que  juste  ce  qu'il  faut  du  feuillet  pariétal 
pour  reformer  une  cavité;  nous  opérons,  en  un  mot,  comme  pour  la  cure  radi- 
cale de  l'hydrocèle,  selon  l'ancienne  méthode,  renouvelée  récemment  par 
Volkmann  et  Juillard.  Les  deux  lambeaux  de  la  séreuse  sont  suturés  en  avant 
par  quelques  fils  de  catgut  très-fins,  pour  que  la  résorption  en  soit  facile,  puis 
nous  mettons  un  petit  drain  entre  la  vaginale  ainsi  reconstituée  et  l'incision 
scrotale  dont  les  deux  lèvres  ont  été  rapprochées  par  des  points  au  crin  de  Flo- 


HÉMATOCELE.  25 

rence.  Cette  pratique  est  sûre,  nous  y  avons  eu  recours  cinq  fois  cette  année  à 
Broussais,  et  cinq  fois  le  succès  a  été  complet  :  du  douzième  au  dix -septième 
jour,  nos  opérés  ont  quitté  l'hôpital.  Charles  Nélaton,  qui  nous  a  succédé  dans 
le  service,  a  traité  de  la  même  manière,  et  avec  semblable  résultat,  une  héma- 
tocèle  récidivée  après  injection  de  teinture  d'iode. 

Lorsque  les  néomembranes  ne  sont  plus  flexibles,  cette  excision  partielle  avec 
reconstitution  de  la  cavité  vaginale  n'est  plus  possible  ;  on  se  trouve  alors  en  pré- 
sence du  drainage,  de  X'incision  simple,  de  V incision  avec  excision  partielle, 
de  Y  excision  totale,  de  la  décorlication  et  de  la  castration.  Nous  ne  parlerons 
guère  du  drainage,  défendu  cependant  par  Cliassaignac  et  par  Uichet  :  il  compte 
des  succès,  mais  aussi  de  nombreux  revers;  d'ailleurs,  n'est-il  pas  une  sorte  de 
sous-procédé  de  l'incision,  laissant  comme  elle  subsister  les  néomembranes 
dans  toute  leur  épaisseur  et  la  cavité  kystique  dans  toute  son  étendue,  mais 
moins  franche  qu'elle,  et  mettant  moins  à  l'abri  des  rétentions  de  pus  et  des 
inflammations  consécutives?  On  ne  voit  guère  ce  que  l'on  fait;  le  trocart  aveugle 
perfore  parfois  l'épididyme  séparé  du  testicule,  ou  le  testicule  inversé.  Aussi, 
entre  deux  opérations  incomplètes,  nous  préférerions  l'incision  comme  plus  nette 
et  plus  efficace. 

Cette  incision  doit  se  faire  couche  par  couche,  à  la  partie  antérieure  de  la 
tumeur,  et  comprendre  toute  la  iiauteur  du  kyste  hématique.  On  avance  len- 
tement en  se  préoccupant  de  la  position  du  testicule  et  de  l'épididyme,  souvent 
hors  de  leur  place  habituelle.  L'œil  est  un  conseil  insuffisant,  car  les  néomem- 
branes peuvent,  avec  leur  coloration  et  leur  structure  changeante,  simuler  tous  les 
tissus  normaux  ou  pathologiques  ;  le  doigt  est  un  meilleur  guide  :  si  le  malade 
ne  dort  pas,  la  pression  réveille  la  sensibilité  spéciale  de  la  glande;  s'il  dort,  la 
palpation  révèle  au  niveau  du  testicule  une  mollesse  particulière.  Qaand  ce 
mode  de  recherche  n'amène  aucun  résultat,  le  testicule  est  altéré  et  la  section 
serait  moins  grave.  Dès  que  la  cavité  est  largement  ouverte,  on  la  lave  avec  la 
liqueur  de  Van  Swieten,  on  en  saupoudre  la  surface  avec  de  l'iodoforme,  et  on 
remplit  la  poche  d'ouate  hydrophile;  les  bourses,  bien  maintenues  par  un  spica 
ou  par  un  suspensoir  large  et  souple,  sont  recouvertes  de  gutta-percha  laminée 
qui,  par  sa  mince  feuille  malléable,  protège  le  pansement  contre  l'accès  de 
l'urine. 

La  vaginale  ouverte  par  l'incision  se  dépouille  d'abord  de  ses  couches  fibri- 
neuses,  puis  elle  se  recouvre  de  bourgeons  charnus  et  une  membrane  vermeille 
ou  rosée  remplace  la  surfjice  inégale  et  tomenteuse  de  l'ancienne  néomembrane. 
La  granulation  est  surtout  abondante  dans  la  profondeur  au  point  de  réflexion 
de  la  séreuse  :  cette  dépression  est  bien  vite  comblée;  les  deux  feuillets  s'ac- 
colent et  s'unissent,  de  la  profondeur  vers  la  superficie;  à  la  section  cutanée  les 
deux  lèvres  doivent  être  écartées  jusqu'à  cicatrisation  complète  de  la  cavité  sous- 
jacente.  Il  y  a  trois  ans,  nous  avons  incisé  une  pachyvaginalite  dont  les  néo- 
membranes mesuraient  5  millimètres  d'épaisseur.  Le  kyste,  assez  vaste  pour 
contenir  un  œuf,  s'est  oblitéré  en  vingt-cinq  jours.  Notre  opéré,  major  dans  un 
régiment  d'artillerie,  est  revenu  nous  voir  après  une  campagne  lointaine  et  des 
plus  fatigantes  :  l'hématocèle  n'a  pas  reparu,  et  il  ne  reste,  comme  vestige  de 
notre  intervention,  qu'une  cicatrice  linéaire,  adhérant  à  la  face  antérieure  du 
testicule.  Les  néomerabranes  des  parois,  les  masses  fibreuses  qui  entouraient 
l'épididyme,  se  sont  résorbées,  et  les  deux  glandes  ont  maintenant  un  aspect,  une 
forme  et  une  consistance  à  peu  près  semblables. 


24  IIÉMATOCÈLE. 

Nous  avons  opéré,  à  l'hôpital  du  Midi,  un  menuisier  de  trente-sept  ans,  chez 
qui  deux  ponctions  simples  avaient  été  déjà  pratiquées  ;  chaque  fois  la  tumeur 
avait  repris  son  volume  primitif,  et,  lorsque  nous  l'examinons,  elle  était  grosse 
comme  un  œuf  de  dinde  :  une  incision  est  faite  à  la  partie  antérieure  de  la 
tumeur,  et  nous  pénétrons  dans  la  cavité  que  remplissent,  avec  des  caillots 
fibrineux  et  cruoriques  abondants,  250  grammes  de  liquide  hématique.  La 
séreuse  est  recouverte  d'une  couche  continue  de  fibrine  aréolaire  qu'on  détache 
avec  l'ongle;  sa  surface  est  chagrinée,  irréguhère,  irriguée  par  de  nombreux 
vaisseaux;  elle  est  épaisse  de  oà4  millimètres,  friable,  et  se  déchire  facilement. 
La  néoniembrane  viscérale  non  moins  vasculairc  est  beaucoup  plus  mince  :  le 
simple  passage  de  l'éponge  ouvre  les  capillaires  dilatés  d'où  s'échappe  une  vraie 
pluie  de  sang  ;  la  cavité  lavée  avec  une  solution  phéniquée  est  remplie  de  tarla- 
tane. L'opération  a  été  faite  le  28  août;  le  21  septembre  notre  menuisier  quittait 
l'hôpital  ne  conservant  de  sa  pachyvaginalile  qu'une  cicatrice  linéaire  sur  le 
scrotum. 

Ce  sont  là  de  bons  résultats,  mais  on  ne  les  obtiendra  guère  que  dans  les  cas 
où  les  néomembranes  sont  encore  souples  et  peu  épaisses.  Lorsqu'elles  sont 
vieilles  et  calcaires,  elles  deviennent  un  maigre  sol  pour  le  développement  des 
bourgeons  charnus  rares  et  peu  vivaces.  On  ne  saurait  d'ailleurs  faire  disparaître 
les  amas  séreux,  les  épanchements  sanguins  qui  séparent  souvent  les  divers 
feuillets  de  la  paroi  kystique;  cependant,  même  lorsque  la  pachyvaginalite  est 
jeune,  nous  préférons  à  l'incision  le  procédé  de  Juillard,  plus  rapide,  plus  sur  et 
plus  exempt  de  danger.  Nous  avons  vu,  pour  un  cas  où  nous  pratiquerions 
maintenant  la  castration,  un  malade  de  Lariboisière  emporté  en  deux  jours  par 
une  septicémie  suraigué.  Blanriin,  Gosselin,  Demarquay,  Deuonvilliers,  Nélaton, 
Curling,  ont  constaté  des  faits  semblables.  Dans  16  observations  relevées  par 
Béraud,  l'incision  simple  a  provoqué  6  fois  la  mort,  4  fois  des  accidents  fort 
graves,  gangrène,  infection  putride,  et  les  malades  n'ont  guéri  qu'après  avoir 
couru  de  grands  dangers  ;  2  fois  on  fut  obligé  de  pratiquer  la  castration,  1  fois 
la  cicatrisation  ne  fut  obtenue  qu'au  bout  de  trois  mois,  et  2  fois  seulement  le 
résultat  fut  bon.  Il  faut  savoir  aussi  qu'elle  est  souvent  inefficace  :  chez  un  de 
nos  opérés,  les  plaques  calcaires  des  néomembranes  n'étaient  pas  éliminées  au 
bout  de  quatre  mois  et  il  restait  à  ce  moment  une  fistule  intarissable.  Bérard, 
Gosselin,  Roux,  ont  publié  des  faits  semblables.  Voilà  pourquoi  nous  rejetons 
l'incision  dans  les  pachyvaginalites  anciennes,  parce  qu'on  observe  des  suppu- 
rations abondantes,  des  complications  redoutables,  une  réparation  des  plus 
lentes  qui  peut  même  ne  pas  être  complète;  dans  les  pachyvaginalites  jeunes, 
parce  que  l'opération  de  Juillard  est  plus  efficace. 

L'excision  totale  ne  se  contente  pas,  comme  le  procédé  précédent,  d'ouvrir  la 
cavité  sur  sa  face  antérieure;  les  deux  segments  ou  les  deux  valves,  l'interne 
et  l'externe,  sont  isolés  avec  le  bistouri  jusqu'à  leur  insertion  postérieure  sur  la 
glande,  puis  on  les  sectionne  avec  les  ciseaux.  Cette  méthode  est  radicale  ;  elle 
ne  laisse  pas  de  tissus  altérés,  mal  nourris,  peu  propres  au  développement  des 
bourgeons  charnus,  mais  elle  favorise  les  hémorrhagies  et  n'est  trop  souvent 
qu'une  mauvaise  castration.  Le  testicule,  caché  dans  les  enveloppes  du  kyste 
hématique,  est  difficile  à  reconnaître;  parfois  une  sensibilité  spéciale,  une  mol- 
lesse plus  grande,  une  sorte  de  fluctuation,  indiquent  sa  place,  et  en  en  évite  la 
section  ;  mais  l'épididyme  étalé  comme  un  ruban  dans  les  couches  stratifiées, 
les  éléments  du  cordon  épars  dans  la  paroi,  échappent  à  toute  recherche,  et  l'on 


IIÉMATOCÈLE.  25 

ne  compte  plus  les  observations  où  l'instrument  tranchant  a  compromis  l'inté- 
grité de  la  glande  spermatique.  Gosselin,  après  sa  première  incision,  examine  la 
coupe  des  enveloppes,  Fépididyme  s'y  trouvait  compris;  il  dut  finir  par  une 
castration. 

La  décorlicalion  est  peut-être,  après  la  castration,  le  plus  ancien  des  procédés  : 
elle  fut  exécutée  par  Savard  au  dix-seplième  siècle;  dans  la  première  de  ses 
deux  observations  d'  «  hydrocèles  singulières  »,  il  enleva  la  fausse  membrane 
«  comme  on  sépare  la  membrane  interne  des  gésiers  de  la  volaille  ».  Malgaigne 
y  revient  en  18i8  et  llaltier,  qui  en  publie  l'observation  dans  la  Revue  médico- 
chirurgicale,  croit  à  la  nouveauté  de  la  mclhode.  Mais  ce  n'est  qu'en  1851,  dans 
un  remarquable  mémoire,  que  Gosselin  décrit  nettement  la  décortication.  Plus 
tard,  il  la  commente,  l'explique,  la  développe,  l'appuie  sur  de  nombreuses 
observations  dans  les  articles  de  nos  recueils,  dans  les  discussions  de  nos  sociétés 
savantes,  dans  les  cliniques  de  la  Charité.  L'année  dernière,  à  propos  d'une 
discussion  à  la  Société  de  chirurgie  où  la  décortication  avait  été  quelque  peu 
malmenée,  M.  Gosselin  reprend  la  plume  et,  dans  une  lettre  publiée  par  les 
Archives  générales  de  médecine,  expose  à  nouveau  les  avantages  du  procédé. 

«  Débarrasser  les  malades  par  une  opération  qui  ne  soit  pas  plus  dangereuse 
que  la  castration  et  qui  les  guérisse  vite  eu  laissant  intacts  le  testicule  et  ses 
dépendances,  tel  est  le  problème  à  résoudre.  La  solution  en  est  simple  :  l'in- 
flexibilité des  parois,  les  dangers  de  l'inflammation  consécutive,  les  lenteurs  de 
la  cicatrisation,  sont  dues  à  la  présence  d'une  fausse  membrane  mal  organisée  et 
très-peu  adhérente;  ôtez-la  sans  enlever  aucune  des  parties  naturelles  ».  Voici 
comment  l'auteur  pratique  cette  opération  qui  se  compose  de  trois  temps  prin- 
cipaux. 11  essaie  de  déterminer  la  position  exacte  du  testicule,  afin  de  ne  pas  le 
blesser  ;  si  la  glande  ne  se  révèle  pas  par  la  sensation  spéciale  qu'éveille  la 
pression,  le  cliirurgien  est  tenu  à  la  plus  grande  prudence  dans  ses  incisions. 
On  fait,  sur  la  partie  antérieure  de  la  tumeur,  une  section  verticale,  et  l'on  divise 
les  tissus  couclie  par  couche.  Lorsqu'il  n'en  reste  plus  qu'une  petite  épaisseur, 
on  plonge  le  bistouri  en  bas  de  l'incision  que  l'on  agr;mdit  un  peu  en  se  dirigeant 
vers  le  haut;  le  li(juicle  s'écoule,  on  cherche  si  le  testicule  n'est  pas  compris 
dans  la  partie  antérieure  des  enveloppes  et,  dès  qu'on  a  reconnu  qu'il  n'en  est 
rien,  on  élargit  encore  la  section  avec  un  bistouri  boutonné. 

Le  deuxième  temps  consiste  dans  le  décollement  de  la  fausse  membrane  :  on 
se  sert  des  doigts  comme  on  fait  pour  détacher  une  écorce  d'orange  ou  de 
citron;  des  tractions  légères  suffisent  à  déchirer  les  adhérences  molles  qui 
unissent  les  néomembranes  aux  feuillets  séreux.  On  saisit  avec  des  pinces  sur 
un  côté  de  l'incision  la  couche  la  plus  interne  et  la  plus  dense,  on  l'attire 
en  dedans,  tandis  qu'avec  les  doigts  de  l'autre  main  on  retient  les  enveloppes. 
Si  l'on  éprouve  trop  de  résistance,  on  donne  quelques  coups  de  bistouri  ou  de 
ciseaux.  Dès  qu'un  espace  commence  à  s'établir  entre  les  deux  feuillets,  on 
achève  la  séparation  avec  le  doigt,  le  manche  d'un  scalpel  ou  une  spatule, 
pendant  qu'avec  l'autre  main  on  exerce  toujours  des  tractions  sur  la  fausse 
membrane.  Lorsqu'on  arrive  à  la  partie; postérieure,  dans  le  voisinage  du  testi- 
cule, là  où  la  pseudo-membrane  est  plus  adhérente,  on  s'arrête,  et  on  fait  le 
décollement  de  la  même  manière,  du  côté  opposé.  Il  ne  reste  plus,  et  c'est  là  le 
troisième  temps,  qu'à  exciser  les  deux  valves  flottantes  :  le  bistouri  et  les 
ciseaux  coupent  la  fausse  membrane  décollée  au  niveau  du  point  où  elle  est 
adhérente.  Le  sang  qui  s'écoule  se  tarit  promptement.  Avec  les  pansements 


26  IIÉMAÏOCÈLE. 

anciens,  on  ne  cherchait  pas  la  réunion  immédiate;  maintenant  on  pratiquerait, 
je  crois,  le  drainage  et  la  suture. 

M.  Gosselin  compare  la  décortication  à  la  castration,  la  dernière  des  méthodes 
dont  il  nous  reste  ù  parler  et  dont  nous  n'avons  pas  à  décrire  ici  le  manuel 
opératoire.  La  décortication  lui  semble  préférable,  car  elle  procure,  nous  dit-il, 
une  guérison  aussi  prompte,  tout  en  respectant  les  organes  sécréteurs  du  sperme. 
La  première  de  ces  assertions  est  contestable,  et  si  autrefois  l'une  et  l'autre  de 
ces  méthodes  n'amenait  la  cicatrisation  qu'après  suppuration  abondante,  à  cette 
heure,  avec  l'asepsie,  la  castration,  opération  réglée,  nette,  facile  en  plein  tissu 
sain,  sera  mieux  drainée,  mieux  suturée  et  plus  vite  guérie  que  la  décortication, 
qui  laisse  au-dessous  d'elle  des  vaisseaux  à  hémostase  plus  difficile,  une  large 
surface  contuse  et  arrachée,  dans  un  tissu  fibro-séreux  enflammé  chroniquement. 
Mais  nous  n'insistons  pas  sur  cet  argument,  car  quelques  jours  de  plus  ou  de 
moins  pour  obtenir  la  cicatrisation  ne  sont  pas  un  avantage  tel  que  nous  le 
préférions  à  celui  de  conserver  au  malade  l'intégrité  des  voies  spermatiques. 

Malheureusement,  il  n'en  est  pas  toujours  ainsi  ;  l'anatomie  pathologique 
nous  a  montré  que  dans  les  pachyvaginaliles  anciennes  le  testicule  est  atrophié 
et  perdu  au  milieu  de  masses  fibreuses;  même  pièces  en  main,  sa  présence  n'a 
pas  toujours  été  reconnue.  En  pareil  cas,  comment  en  éviter  la  blessure  et  l'extir- 
pation? La  décortication  ne  sera-t-elie  pas  impossible?  Qu'on  le  veuille  ou 
qu'on  ne  le  veuille  pas,  la  castration  s'impose  ;  en  emportant  les  fausses  mem- 
branes, on  extirpera  tout  ou  partie  de  la  glande.  Mieux  vaut  alors  agir  de  parti- 
pris  :  l'opération  y  gagnera  en  vitesse  et  en  sûreté.  D'ailleurs,  autant  vaudrait 
laisser  "un  lambeau  de  néomembrane  que  cet  organe  «  flétri  »,  sans  forme,  sans 
structure  et  surtout  sans  fonction.  Les  tubes  séminifères,  étouffés  dans  une 
gangue  scléreuse,  ne  sont  plus  déroulables,  et  ce  qui  pei'siste  de  leur  épithé- 
lium  est  devenu  impropre  aux  délicates  métamorphoses  de  la  spermatogenèse. 
M.  Gosselin  lui-même  nous  a  fourni,  dans  ses  travaux  antérieurs,  les  documents 
les  plus  précieux  sur  cette  question,  et  ses  recherches  nous  démontrent  qu'en 
pareil  cas  la  décortication  conserverait,  non  le  testicule,  mais  l'illusion  d'un 
testicule. 

Nous  ne  voyons  pas  trop  l'avantage  de  conserver  un  tel  moignon  quand  la 
pachyvaginalite  est  unilatérale.  Le  malade  fait  assez  facilement  l'abandon  d'une 
glande  ;  il  sait  assez  de  physiologie  pour  connaître  la  fausseté  du  vieux  jeu  de 
mots  :  Te?tis  iinus,  testis  niillus.  Mais  nous  deviendrons  aussi  conservateur  que 
M.  Gosselin  du  testicule  «  moral  »,  si  l'bématocèle  est  bilatérale.  Nous  nous 
livrerions  aune  recherche  patiente,  minutieuse,  difficile,  incertaine, pour  essayer 
de  conserver  à  l'opéré  l'apparence  d'au  moins  une  glande  spermatique.  Nous  ne 
croyonfe  pas  que  dans  ces  cas  extrêmes  —  je  ne  dis  pas  la  fécondité,  —  mais  la 
virilité  soit  sauvée  du  naufrage,  mais  il  restera  l'espérance  et,  grâce  à  son  espèce 
de  fibrome,  au  fond  de  ses  bourses  plates,  le  malade  se  dit  qu'un  jour  sans 
doute  reviendront  les  attributs  de  ce  qu'il  nomme  son  testicule. 

Nous  avons  raillé  comme  tant  d'autres  «  l'illusion  consolante  »  sous  les  espèces 
d'un  scrotum  fisluleux  et  suppurant,  couvert  de  cataplasmes  ;  l'expérience  nous 
a  converti  :  Un  jeune  homme  nous  consulte  pour  un  double  sarcocèle  tubercu- 
leux; à  gauche,  plus  de  glande;  l'épididyme  s'est  évacué  par  une  foule  de  fis- 
tules qui  trouent  le  scrotum,  et  le  testicule  n'est  plus  qu'une  albuginée  dis- 
tendue par  le  pus.  Nous  l'enlevons  et  le  malade,  après  cette  première  mutilation, 
reste  gai,  bien  que  la  seconde  glande,  très-altérée,  ne  se  prête  ni  aux  éjacu- 


HKMATOCÈLE   (bihliograpiiie).  27 

lations  ni  même  aux  érections.  Au  bout  de  deux  ans,  les  dégâts  deviennent  si 
profonds  que  je  pratique,  non  une  castration  nouvelle  —  la  nature  l'avait  déjà 
faite,  —  mais  uu  grattage  de  ses  abcès,  une  sorte  de  régularisation  de  son 
scrotum  en  écumoire.  Depuis,  tout  accident  a  cessé  :  notre  jeune  homme  ne  passe 
plus  des  heures  à  garnir  ses  bourses  de  linges  et  d'émoUients;  il  monte  à 
cheval,  il  chasse,  il  marche,  il  dunse,  tous  plaisirs  qu'il  n'avait  plus  goîités 
depuis  deux  ans  :  eh  bien,  il  est  devenu  triste,  morose,  désolé.  A  sa  dernière 
visite  il  me  disait  :  «  J'ai  un  si  grand  regret  de  n'avoir  jamais  commis  de 
faute  !  » 

S'il  nous  fallait  résumer  en  quelques  lignes  notre  opinion  sur  les  diverses 
méthodes  opératoires  qui  se  disputent  l'hématocèle,  nous  dirions  :  Tout  dépend 
de  l'ancienneté  et  de  l'étendue  des  néomembranes.  Au  début,  lorsqu'elles  sont 
encore  jeunes  et  souples,  au  lieu  de  perdre  son  temps  à  des  injections  iodées, 
douloureuses  et  qui  aggravent  le  mal,  nous  pratiquerions  l'opération  de  Juillard 
pour  la  cure  radicale  de  l'hydrocèle.  Si  les  parois  sont  épaisses  et  rigides,  leur 
conservation  partielle  pour  la  reconstitution  de  la  vaginale  n'est  plus  possible  : 
alors,  laissant  de  côté  le  drainage,  l'incision  simple,  l'excision  partielle  ou 
totale,  nous  aurions  recours  à  la  décortication  de  M.  Gosselin,  ne  nous  résolvant 
à  la  castration  que  dans  les  cas,  malheureusement  peu  rares,  où  le  testicule 
atrophié,  scléreux,  perdu  dans  la  séreuse  hyperplasiée,  serait  d'une  recherche 
trop  difficile  ;  encore  tenterions-nous  cette  recherche  et  reviendrions-nous  à  la 
décortication  ou  du  moins  à  son  semblant,  si  la  pachyvaginahte  était  bilatérale. 
Ici  comme  ailleurs  la  forme  emporte  le  fond  et  nous  savons  que  l'opéré  veut, 
quand  même,  croire  à  sa  virilité.  Paul  Reclus. 

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28  HÉMATOCHYLURIE. 

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Do  MÊME.  Lettre  sur  le  traitement  de  V hématocèle .  In  Archives  générales  de  médecine,  1885, 
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Richelot,  1839,  t.  I,  p.  700.  —  Imbeut  de  Lonnes.  Traité  de  l'hydrocèle,  de  rhématocèle, 
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traitement  de  l'hydrocèle  et  de  l'hématocèle.  In  journal  /'Expérience,  1840,  n°  134,  p.  49. 

—  Ambroise  Paré.  Les  œuvres  d'Ambroise  Paré,  8'  livre,  p.  200,  12"  édit.,  Lyon,  1664.  — 
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Clinique  chirurgicale,  Paris,  1810,  t.  II,  p.  202.  —  Petit  (J.-L.).  Œuvres  complètes,  édition 
de  Limoges,  1857,  p.  750.  —  Poulet  et  Bousqcet.  Traité  de  pathologie  externe,  t.  III, 
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testicule.  Paris,  1882,  et  Dictionnaire  encyclopédique  des  sciences  médicales,  art.  Testi- 
cule. —  Du  MÊME.  Du  tubercule,  du  testicule  et  de  l'orchite  tuberculeuse.  Thèse  de  Paris, 
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volumineuse,  drainage  de  la  cavité  vaginale.  Guérison.  In  France  médicale,  1885,  p.  375. 

—  RociiARD.  Notes  sur  les  hématocèles  de  la  tunique  vaginale  qui  remontent  dans  l'abdo- 
men à  travers  le  canal  inguinal.  In  Union  médicale,  1860,  2°  série,  t.  VII,  p.  359.  — 
Roche  et  Saxsos.  Hydrocele,  dans  Nouveaux  éléments  de  pathologie  médico-chirurgicale. 
ch.  I,  p.  348,  3°  èdit.,  1837.  —  Roux.  Art.  Sarcocèle,  dans  le  Dictionnaire  de  médecine  en 
^Q  volumes,  t.  XXIX,  p.  499,  2°  édit.,  1844,  —  Saviard.  D'une  autre  hydrocele.  In  Nouveau 
Recueil  d'observations  chirurgicales,  1702,  p.  125.  —  Tédenat.  Vaginalites  syphilitiques. 
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pliquée d'hématocèle  pariétale  par  suite  d'une  ponction  faite  avec  le  Irocarl.  In  Gazette 
des  hôpitaux,  1878,  p.  172.  —  Velpeau.  Thèse.  De  la  contusion,  etc.,  1833.  Du  même.  Traité 
de  médecine  opératoire,  1832.  hi  Presse  médicale,  1837.  —  Du  même.  De  l'hématocèle,  dans 
les  Leçons  orales  de  clinique  chirurgicale,  t.  II,  p.  381,  1841.  —  Vidal  de  Cassis.  Traité  de 
path.  externe,  t.  V,  p.  525.  —  Du  même.  Presse  médicale,  1837.  —  Vigo.  Édit.  de  1552, 
liv.  II,  chap.  VI.  —  Volkmaxn.  Cwe  radicale  de  l'hydrocèle.  In  Berlin,  klin.  Wochenschrift, 
13'  année,  1876,  p.  2.1,  résumé  dans  Hayem,  t.  VI,  p.  751.—  Wacil  Osmas.  De  l'hydrocèle 
vaginale,  ses  rapports  avec  l'hématocèle  spontanée.  Thèse  de  Paris,  1879.  P.  R. 

HÉUATOCHLORiiVE.  Ce  nom  a  été  donné  par  Preyer  au  pigment  trouvé 
dans  le  bord  du  placenta  de  la  chienne  et  qui  est  de  coloration  verle  ;  ce  pigment 
a  été  signalé  comme  formé  de  biliverdine  par  Hoppe-Seyler  et  Etti.       A.  H. 

HÉMATOCHYLURIE.     Voij.  Hématurie  Eindémique. 


HÉMATOME  29 

nÉMATOCRISTAI.LIKE.       Voij.   HlÎMOGi.Olil.NR. 

HÉMATOCYAÎVIIVE.       Voy.  IlÉMACïAM-NE. 

HÉMATODE  (FojNGus).     Voy.  FoNGus,  p.  287. 

HÉMATOÏDlXE.  C'4r'*Az''0'\  Substance  cristallisée  en  aiguilles  microsco- 
piques, d'un  rouge  vif,  qu'on  rencontre  dans  les  anciens  foyers  liémorrliagiques. 
L'hématoidine  est  insoluble  dans  l'eau,  l'alcool,  l'élhcr,  l'acide  acétique,  soluble 
dans  l'ammoniaque.  On  a  cru  longtemps  qu'elle  était  identique  avec  la  biliru- 
bine, mais  celle-ci  a  des  proi)riétés  et  une  composition  différentes  :  G'^I'^Az^O''. 

On  a  extrait  des  corpuscules  jaunes  et  rouges  de  l'ovaire  de  la  vacbe  une 
variété  d'bématoïdine  soluble  dans  le  cbloroforme,  le  sulfure  de  carbone,  l'acide 
acétique  crislallisable  cbaud,  insoluble  dans  Canimoniaque  et  la  plupart  des 
autres  réactifs.  11  s'agit  peut-être  là  d'un  corps  dilférenl  de  riiémaloïdine 
[voy.  Hémato-lutéine). 

Du  reste,  l'existence  de  l'iiémaloïdine  en  tant  que  principe  immédiat  a  été 
constatée  par  Cb.  Robin  et  par  lloppe-Seyler.  L.  Un. 

UÉ.WATOÏiXE.  Nom  donné  par  Preyer  à  un  produit  de  dédoublement  de 
riiémoglobine  qui  est  probablement  un  mélange  d'bémaline  et  d'Iiématopor- 
pbyriue.  ^-  H- 

IIÉMATO-LUTÉIXE  OU  IIÉMO-LUTÉIXE.  Matière  pigmentaire  jaune 
extraite  des  corps  jaunes  de  l'ovaire  de  la  vacbe,  considérée  par  les  uns  comme 
formée  de  biliverdine,  par  d'autres  comme  un  composé  distinct  de  la  biliverdine 
et  del'hématine  (Gorup-Besanez,  Traité  de  physiologie  chimique,  édition  fran- 
çaise, t.  I",  p.  280).  A.  II. 

nÉmATOmE.  Le  mot  hématome,  d'après  son  sens  étymologique,  signifie 
tumeur  constituée  par  du  sang.  Ce  nom  est  surtout  appliqué  aux  collec- 
tions sanguines  d'origine  traumalique,  mais  on  l'emploie  aussi  nour  désigner 
certaines  tumeurs  bématiques  nées  spontanément  et  il  semble  qu'on  puisse 
aujourd'bui  mettre  ces  faits  en  série.  Notre  tâclie,  pour  cela,  sera  d'ailleurs  des 
plus  aisées,  car  nous  n'aurons  qu'à  renvoyer  aux  articles  déjà  parus  ou  à  paraître 
dans  le  Dictionnaire. 

Parmi  les  tumeurs  sanguines  d'origine  Iraumatique,  il  en  est  qui  tirent  un 
caractère  tout  spécial,  au  double  point  de  vue  clinique  et  thérapeutique,  de  leur 
communication  avec  un  vaisseau  artériel  important,  dont  la  blessure  leur  a 
donné  naissance  ;  à  celles-là  on  doit  donner  le  nom  d'anévrysmes  (voy.  Artères, 
Plaies,  AfiÉvnYSMEs),  tout  en  reconnaissant  qu'il  y  a  une  gradation  insensible 
de  l'hémorrhagie  cellulaire  de  Cruveilbier  au  véritable  auévrysme  diffus. 

Le  nom  à'hématome  traumalique  est,  en  somme,  réservé  aux  épanchements 
sanguins  produits  par  une  contusion  [voy.  ce  mot).  Certains  d'entre  eux  méritent 
d'être  étudiés  à  part,  et  nous  signalerons  ici  l'allure  et  l'étiologie  toutes  parti- 
culières de  certaines  tumeurs  sanguines  de  la  voûte  du  crâne  {voy.  Céphalema- 
TOME  et  Crâne,  p.  580),  du  pavillon  de  l'oreille  {voy.  Oreille,  p.  174). 

L'évolution  anatomo-patbologique  de  la  masse  hématique  qui  forme  toutes  ces 
tumeurs  n'a  pas  à  être  reprise  ici.  Nous  ne  ferons  que  mentionner  un  faits   r 


JO  HÉMATOPOTE. 

lequel  il  y  a  quelques  années  l'oncet  (de  Lyon)  a  attiré  l'attention.  Nous  voulons 
parler  de  l'ictère  hémaphéique  consécutif  à  la  résorption  des  vastes  épanche - 
ments  sanguins.  Nous  signalerons  encore  la  persistance  d'une  tumeur  (Ibrineuse 
(ïrélat),  d'une  collection  scro-sanguine  d'où  certains  kystes  néogènes  héma- 
tiques  {voy.  Kystes).  Ces  modifications  tardives  peuvent  donner  naissance  à 
quelques  erreurs  de  diagnostic.  D'autre  part,  elles  conduisent  à  des  interven- 
tions chirurgicales  spéciales,  car  ces  reliquats  de  contusion  doivent  être  extirpés 
comme  de  véritables  tumeurs. 

A  côté  de  ces  hématomes  traumaliqiies,  il  en  est  d'autres  où  aucune  injure 
extérieure  ne  semble  inlervenir,  et  ces  hématomes  spontanés  ont  donné  lieu  à 
des  discussions  nombreuses,  d'abord  limitées  à  quehiues  faits  particuliers,  puiî 
généralisées.  Autour  de  ces  collections  sanguines,  en  effet,  on  trouve  une  paroi 
pseudo-membraneuse  où  des  dépôts  stalifiés  de  fibrine  entremêlés  de  quelques 
petits  loyers  hémorrhagiques  reposent  sur  une  couche  de  granulations  inllamma- 
toires  pourvues  de  vaisseaux  très-déliés  et  fragiles.  Longtemps  on  a  admis  que 
la  fausse  membrane  était  une  conséquence  de  l'épanchement  sanguin,  mais  on 
a  reconnu  ensuite  qu'il  s'agissait  d'une  néo-membrane  et  non  d'une  pseudo- 
membrane ;  que  cette  néo-membrane  était  cause  et  non  effet  de  l'hémorrhagie. 
Cela  a  d'abord  été  l'iudié  pour  l'hémorrhagie  méningée,  à  laquelle  les  travaux 
allemands  ont  fait  attribuer  le  nom  à'hématome  delà  dure-mère  [voy.  Méninges, 
p.  538),  pour  17iema^ocè/e  vaginale  {voy.  ce  mot).  11  y  a  avant  tout  inflamma- 
tion, d'où  pachyméningile,  pachyvaginalite.  Plus  récemment  aussi,  des  faits 
du  même  ordre  ont  été  observés  dans  le  péritoine,  et  la  pachypéritonite  est 
venue  expliquer  certaines  liématocèles  rétro-utérines  [voy.  ce  mot  et  Pelvi- 
pébitonite)  ;  le  même  processus  peut  engendrer  certaines  pleurésies  et  péricar- 
dites  hémorrhagiques  {voy.  ces  mots).  Dans  les  articulations  enfin,  la  pachysyno- 
vile  hémorrhagiqiie  existe  également,  et  nous  citerons  à  ce  propos  une  observation 
de  Saxtorph  reproduite  par  Jalaguier  {De  l'arthrotomie,  th.  d'agr.  en  chir., 
1886).  Un  peut  donc  dire,  d'une  manière  générale,  que  toutes  les  séreuses  sont 
exposées  à  ces  inflammations  lentes,  remplaçant  la  surface  séreuse  par  une 
paroi  embryonnaire,  dont  les  vaisseaux  fragiles  se  rompent  et  sont  la  cause 
d'épanchemcnts  sanguins  enkystés,  auxquels  on  peut  appliquer  le  nom  générique 
d'hématome.  Mais  nous  n'avons  pas  besoin  de  faire  une  étude  d'ensemble  sur  ce 
point.  On  trouvera  tous  les  renseignements  nécessaires  dans  les  articles  auxquels 
nous  venons  de  renvoyer.  A.  Broca. 

HÉDIATOMÉTRE.        Voy.  llÉMODYÎiAMOMÈTRE. 

HÉM.4.TOMYÉLIE.     Variété d'hémorrhagie  rachidienne  {voy.  Moelle,  Patho- 
logie, p.  784).  L.  Hs. 

HÉMA.TOPOTE  (Atfza,  «to;,  sang,  et  ttôtoç,  buveur).  On  désigne  sous  ce 
nom  un  genre  d'insectes  Diptères  brachocères,  de  la  famille  des  Tabanidœ  ou 
Taons  {voy.  Taons),  établi  par  Meigen  en  1803,  adopté  par  Latreille,  Fabricius, 
Macquart.  Les  caractères  des  Hématopotes  sont  tirés  de  la  forme  des  antennes 
longues  et  avancées,  point  d'ocelles,  les  ailes  couchées  en  toit,  rapprochées  au 
repos,  avec  la  première  cellule  sous-marginale  appendiculée.  Les  mâles  diffèrent 
des  femelles  par  leurs  yeux  très-grands  et  velus,  par  leur  trompe  horizontale, 
tandis  qu'elle  est  verticale  chez  celles-ci.  La  face,  avec  une  ligne  enfoncée  de 


IIÉMATOPOTE.  51 

chaque  côté  chez  le  niàle,  offre  de  nombreux  poils;  le  front  chez  la  femelle  est 
large  et  saillant.  Le  premier  article  des  antennes  du  mâle  est  velu,  oblong,  épais, 
tandis  qu'il  a  une  forme  conique  et  qu'il  est  glabre  dans  l'autre  sexe. 

Les  femelles  des  Hématopotes  sont  avides  de  sang  ;  les  mâles  sont  rares, 
tandis  que  les  femelles  très-nombreuses,  tiès-communes  surtout  dans  les  bois, 
tourmentent  les  grands  quadrupèdes  et  l'homme,  en  se  posant  sur  les  parties 
découvertes  du  corps  et  en  enfonçant  leur  puissante  armure  buccale  dans  les 
téguments. 

L'fhEMATOPOTA  PLUvuLis  Linué  {Tabanus,  1761),  Ilœmatopota  pluvialis 
Meigen,  longue  de  8  à  10  millimètres,  est  noirâtre  en-dessus,  cendrée  en-dessous 
avec  la  face  d'un  gris  clair;  trompe  noire,  palpes  jaunâtres.  Les  antennes  à 
peine  plus  longues  que  la  tète,  à  premier  article  épais  et  ovale,  base  de  la  troi- 
sième division  fauve;  une  bande  noire,  luisante,  sur  le  devant  du  front.  Les 
^eux  verdàtres,  à  partie  inférieure  pourpre  avec  des  lignes  jaunâtres  sinuées. 
Thorax  à  trois  lignes  blanchâtres  longitudinales.  Abdomen  à  ligne  dorsale,  deux 
rangs  de  taches  blanc  jaunâtre  sur  les  côtés,  bord  postérieur  des  segments  blanc 
ou  cendré  jaunâtre  ;  les  trois  premiers  segments  latéralement  fauves  chez  le 
luâle.  Pattes  noires,  base  des  jambes  antérieure  fauve  ou  jaunâtre,  ainsi  que 
deux  anneaux  sur  les  autres  tibias  et  presque  tout  le  premier  article  des  tarses. 
Ailes  d'un  gris  brun,  marbrées  et  tachées  de  blanc;  quelques-unes  des  taches 
sont  circulaires.  Le  mâle  a  les  yeux  contigus  sans  bande  frontale. 

Cette  espèce  d'IIématopote,  la  plus  abondanic  dans  nos  climats,  est  parfois 
tellement  commune,  principalement  de  juin,  juillet,  jusqu'à  la  fin  de  septembre, 
qu'il  est  incommode,  surtout  quand  le  temps  est  couvert  et  orageux  (d'où  son 
nom  A' Ilœmatopota  pluvialis)  de  pouvoir  traverser  les  endroits  boisés.  Les 
paysans  et  les  chasseurs  de  la  Champagne,  de  l'Anjou,  des  Landes,  etc.,  la 
connaissent  sous  le  nom  de  Petit  Taon  ou  de  Taon  gris.  Les  essaims  à  vol  lourd 
de  ces  buveurs  de  sang  tourbillonnent,  puis  s'abattent  brusquement  sur  l'homme, 
sur  les  animaux,  chevaux  et  bœufs,  et  dès  qu'ils  sont  posés  entament  la  peau  et 
font  sentir  une  piqûre  dont  la  douleur  est  ordinairement  de  courte  durée.  Les 
animaux  deviennent  ensanglantés,  ils  cherchent  à  fuir  en  pressant  le  pas.  Hors 
du  couvert,  les  Hématopotes  sont  moins  redoutables,  devenant  plus  clairsemés. 

La  piqûre  de  l'insecte  normal  est  ordinairement  sans  résultat  désagréable  ou 
fâcheux.  Pour  ma  part,  j'ai  été  piqué  un  grand  nombre  de  fois;  à  deux  reprises 
seulement  j'ai  éprouvé  un  effet  très-marqué,  assez  prolongé,  parce  que  l'Hcma- 
topote  avait  dû  piquer  avant  moi  quelque  animal  malade.  Une  première  fois,  à 
Bar-sur-Seine,  j'ai  enlevé  une  Hématopote  qui  venait  d'introduire  son  rostre  sur 
le  dos  de  ma  main  droite;  il  s'écoula  une  gouttelette  de  sang.  La  nuit  suivante, 
la  main  était  enflée.  Le  docteur  Cartereau,  avec  lequel  je  me  trouvais,  me  donna 
de  l'eau  fortement  phéniquée  et,  après  quelques  applications  internes,  l'enflure 
n'eut  pas  de  suite;  elle  disparut  en  quatre  jours. 

Au  mois  d'août  1882,  le  H.  à  cinq  heures  du  soir,  en  Anjou,  une  petite 
douleur  au  médius  gauche  me  fit  regarder  la  main  sur  laquelle  une  Hématopote 
était  posée.  J'enlevai  l'insecte,  je  constatai  une  forte  piqûre  d'oià  je  fis  couler 
par  pression  une  gouttelette  de  sang.  Peu  après  autour  du  point  touché,  placé 
exactement  à  la  base  du  médius,  sur  la  phalange  un  peu  en  dedans,  il  existait 
un  point  central  ecchymotique,  avec  un  cercle  élevé,  pâle,  et  autour  une  aréole 
rosée  de  1  centimètre  de  diamètre.  Quelques  heures  plus  tard,  œdème  dur,  peu 
étendu;  le  doigt  est  facilement  pUé,  puis  dans  la  soirée  sur  le  dos  de  la  main 


52  IIEMATOPOTE. 

des  taches  rouges,  des  marbrures  par  places  qui  arrivèrent  à  se  confondre. 
Pendant  la  nuit,  douleur  légère  ou  plutôt  sensation  de  tension  et  de  gonllement 
du  dos  de  la  main. 

Le  lendemain  12  août,  l'endroit  piqué  offre  une  élévation  légère  à  dépression 
centrale.  La  teinte  est  un  peu  jaunâtre,  à  reflet  fauve  rougeâtre,  bien  visible  à 
contre-jour.  Le  gonflement  du  médius  atteint  la  deuxième  phalange;  le  dos  de  la 
main  est  œdématié,  empâté,  gardant  l'impression  du  doigt.  La  douleur  est  très- 
sujiportahle.  —  Le  soir  douleur  plus  vive,  gonflement  et  rougeur  marqués.  Petites 
élevures  autour  de  la  piqûre  s'étendant  vers  le  haut  de  la  main;  articulation 
métacarpo-phalangienne  sensible  à  la  pression,  main  pliée  avec  peine;  pour  tout 
traitement  lavages  à  l'eau  fraîche,  —  Le  15,  peu  do  sommeil,  lourdeur  delà 
main,  tension,  engourdissement.  Petites  papules  autour  de  la  piqûre,  pas  de 
vésicules.  Moins  de  douleur  qu'liier  à  la  pression  de  l'articulation  métacarpo- 
phalangienne,  rien  sur  le  bras  comme  lymphangite,  pas  de  douleur  ni  de  gonfle- 
ment intra-axillaire;  mal  local,  appétit  conservé.  Le  soir  toujours  œdème, 
rougeur  diffuse.  — Le  14,  lourdeur  de  la  main,  surtout  autour  de  la  piqûre,  œdème 
moins  étendu,  mais  marqué  sur  le  dos  de  la  main.  Démangeaisons  vives  autour 
du  point  piqué,  saillies  rugueuses  moins  prononcées. — Le  15,  nuit  sans  douleur 
dans  la  main.  Rougeur  uniforme,  d'un  rouge  net  et  sans  teinte  assombrie, 
œdème  devenu  dur  autour  de  la  piqûre.  —  Le  16,  la  main  se  ferme  avec  facilité, 
aucune  douleur  spontanée  articulaire,  il  faut  presser  fortement  sur  les  deux 
extrémités  métacarpo-phalangienne  du  médius  pour  produire  de  la  douleur, 
prurit  léger  de  l'endroit  piqué,  s'exaspérant  dès  qu'un  grattage  a  eu  lieu. 
Rougeur  nette,  vive,  se  produisant  alors  en  petite  zone  élevée,  périphérique,  sur 
le  dos  de  la  main,  teinte  jaunâtre,  rappelant  la  lin  des  ecchymoses;  cette  teinte 
s'efface  par  pression.  — Le  17,  toujours  élevure  de  la  partie  piquée,  dont  le 
centre  est  blanc  jaunâtre  avec  une  rougeur  rosée,  surtout  en  haut  et  en  bas. 
—  Le  18,  encore  rougeur  légère  avec  démangeaisons  par  instants.  Sensibilité 
à  une  foite  pression  sur  l'articulation  métacarpo-phalangienne  du  médius.  — 
Le  21,  il  existe  toujours  une  petite  élévation  rouge  et  sous  une  très-forte  pres- 
sion l'articulation  précitée  est  douloureuse.  —  Le  22,  en  mouillant  avec  l'eau  ou 
la  salive  la  petite  saillie,  on  y  distingue  des  points  jaunâtres  placés  sous  l'épi- 
derme,  dans  le  derme.  Desquamation  autour  de  la  piqûre.  —  Le  28,  hier  et  avant- 
hier  constatation  de  petits  points  jaunâtres  profonds  autour  de  la  piqûre.  Aujour- 
d'hui, point  exact  piqué  devenu  sec  et  corné.  —  Le  50,  hier  le  point  corné  est 
tombé;  autour  il  reste  une  élevure  d'un  rouge  vineux,  de  la  grandeur  d'une  len- 
tille. —  Octobre,  j'ai  énucléé  deux  fois  avec  la  pointe  d'une  épingle  le  point 
piqué  et  quelques-uns  des  points  jaunes,  .le  n'observe  plus  qu'une  tache  rouge 
qui  fin  octobre  avait  disparu. 

N'ayant  à  ma  disposition  en  ce  moment  aucun  instrument  d'optique  à  fort 
grossissement,  je  n'ai  pu  examiner  le  contenu  des  points  jaunâtres. 

La  larve  de  V Hœmatopota  pluvialis  a  été  trouvée  par  Edouard  Perris  et 
décrite  par  lui  avec  grand  soin  dans  les  Insectes  du  Pin  maritime  {Annales  de 
la  Société  entomologique  de  France,  ¥  série,  t.  X,  p.  196-201,  pi.  11, 
fig.  62  à  69,  1870).  Suivant  son  habitude,  Perris  compare  cette  larve  à  celle  des 
Tabaniens;  il  représente  aussi  la  nymphe  et  montre  les  stigmates  thoraciques 
et  abdominaux.  Fabricius  avait  avancé  que  les  larves  à'Hématopote  vivaient  dans 
le  fumier;  je  serais  porté  à  croire  qu'elles  doivent  plutôt  se  trouver  dans  la  terre 
ou  le  terreau. 


IIÉMATOSCOPIE. 


35 


L'Hematopota  italica  Mcigeii  (1804).  —  //.  longicornis  et  tenuicornis 
Macquart,  a  les  mêmes  mœurs  que  VH.  pluviale,  mais  elle  est  moins  com- 
mune et  un  peu  plus  grande.  Sa  couleur  est  plus  noire  ;  les  antennes  sont 
une  fois  et  demie  plus  longues  que  la  tète,  le  premier  article  cylindrique 
est  d'un  brun  noir.  L'abdomen  est  peu  tacbé,  le  bord  postérieur  des  seg- 
ments est  nettement  blanchâtre  on  blanc  {voy.  Diptèues,  Insectes,  Simulies, 
Taons).  A.  Laboulbène. 

UÉMATOPORPllYniXE.      Yoij.  Hkmoglobi.ne. 


nÉnATOR.%€iil^.     Variétcd'hemorrhagie  raciiidienne  [voy.  Moelle,  Patho- 
logie, p.  776).  L.  Hn. 

nÉMATOSCOPIE.       IIKMATOSCOPE.        IlÉHATO  -  SPECTROSCOPES. 

L'hématoscopie  est  la  méthode  d'analyse  du  sang  que  j'ai  instituée;  elle  est 
basée  sur  l'examen  spectroscopique  du  sang  et  l'emploi  d'instruments  de  préci 
sioa  appelés  iiématoscopes,  hémato-spectroscopes.  Elle  comprend  deux  modes 
d'observation  :  i"  l'analyse  spectrale  du  sang  pur,  non  dilué,  déterminant  la 
quantité  d'oxyhémoglohine  contenue  dans  le  sang;  2"  l'élude  de  la  durée  de  la 
réduction  de  l'osybcmoglobinepar  l'examen  spectroscopique  de  l'ongle  du  pouce. 
Le  rapport  entre  ces  deux  données  établit  l'évaluation  de  l'activité  de  la  réduc- 
tion de  l'oxyhémoglobine  dans  le  pouce.  Les  procédés  accessoires  d'examen 
diaphanomélrique,  de  reproduction  photographique,  viennent  compléter  l'étude 
du  sang  par  cette  méthode  iComptes  rendus  de  l'Acnd.  des  se,  2  nov.  18S6). 

L  Mesure  de  la  quantité  d'oxyuemoglobine.  Le  dosage  de  la  quantité 
d'oxyhénioglobine  du  sang  se  pratique  au  moyen  de  l'hématoscope  d'Iiénocquc. 

L'héniatoscope  est  essentiellement  constitué  par  deux  lames  de  verre  de 
largeur  inégale.  Elles  sont  superposées  de  lagon  que,  maintenues  en  contact 
à'I'une  de  leurs  extrémités,  elles  s'écartent  à  Taulre  extrémité  d'une  distance 
de  30  millièmes  de  millimètres,  limitant  ainsi  un  espace  prismatique  capillaire; 
la  position  des  lames  est  assurée  au  nioven  de  deux  agrafes  en  laiton  nickelé, 
supportées  par  la  lame  de  verre  inférieure,  et  formant  deux  coulisses  dans 
lesquelles  la  lamelle  supérieure  est  introduite  à  frottement  doux  {voy.  fig.  i). 


f5J553S^r* 


{— , — — ^ 


^       ^0      20      30      ^0       SO      6% 


Fig.  1.  —  Ilémaloscope  vu  de  face,  grandeur  naturelle. 

La  disposition  de  ces  diverses  parties  est  représentée  en  coupe  dans  la 
figure  2, 

La  lame  inférieure  (/i)  est  séparée  de  la  lamelle  supérieure  (/s)  par  un 
espace  prismatique  S  représenté  en  noir  (et  un  peu  exagéré  dans  la  figure). 

La  lame  inférieure  porte  à  ses  deux  extrémités  les  agrafes  de  laiton,  celle  de 
gauche  a,  g,  maintient  les  lames  en  contact,  celle  de  droite  présente  un  talon 

DICT.  ENC    4"  S.  XIIL  3 


54  IIEMATOSGOPIE. 

{t),  ayant  5  dixièmes  de  millimètres  d'épaisseur,  qui  détermine  l'écartement  des 
deux  lames  ;  ces  deux  agrafes  forment  les  deux  rainures  ou  coulisses  dans 
lesquelles  la  lamelle  supérieure  glisse  à  frottement  doux  {voy.  lig.  1  et  2). 

Une  échelle  graduée  en  millimètres  est  gravée  sur  la  plaque  inférieure,  elle 
s'étend  de  0  à  GO  millimètres.  Il  résulte  de  celte  disposition  que,  si  l'on  fait 
pénétrer  du  sang  entre  les  deux  lames,  celui-ci  forme  une  couche  dont  l'épais- 


Lt  é 

Fig.  2.  —  Coupe  do  l  liémaloscope. 

seur  varie  de  gauche  à  droite  entre  0  et  500  millièmes  de  millimètres  ou 
micra. 

On  peut  mesurer  l'épaisseur  de  cette  couche  au  niveau  de  chaque  division 
de  l'éclicUe  :  en  effet,  chaque  longueur  de  1  millimètre  correspond  à  5  mil- 
lièmes de  millimètres,  en  d'autres  termes,  la  pente  de  la  lamelle  supérieure  est 
de  5  millièmes  de  millimètres  pour  1  millimètre. 

Pour  calculer  l'épaisseur  en  millièmes  de  millimètres  ou  micra  il  faut  simple- 
ment multiplier  le  chiffre  de  réchelle  par  5. 

Lorsqu'on  introduit  du  sang  entre  les  deux  lames  en  en  déposant  quelques 
gouttes  sur  la  tranche  inférieure,  ce  liquide  pénètre  par  capillarité  et  s'étend 
en  couche  d'une  épaisseur  graduellement  progressive,  de  sorte  que  la  colora- 
tion nulle  à  U  devient  rougeàtre,  rouge,  carminée  et  de  plus  en  plus  intense 
vers  60. 

Le  sang  présente  donc  une  teinte  progressivement  plus  foncée  de  gauche  à 
droite,  ainsi  qu'on  peut  le  voir  dans  la  figure  1.  Il  est  évident  que  la  teinte  sera 
d'autant  plus  foncée  que  le  sang  contiendra  une  plus  grande  quantité  d'oxyhé- 
moglobine  ou  matière  colorante  active,  ce  qui  permet  la  mesure  comparative 
et  même  quantitative  de  la  richesse  du  sang  en  matière  colorante  active. 

Introduction  du  sang  dans  l'hématoscope.  Pour  examiner  le  sang  recueilli 
sur  un  animal,  il  suffit  d'en  laisser  tomber  quelques  gouttes  dans  la  rainure 
inférieure  que  forment  les  plaques  de  verre,  au-dessus  de  l'inscription  «  héma- 
toscope  d'Uénocque  »,  en  inclinant  les  plaques  de  façon  que  le  sang  pénètre 
entre  elles  par  l'action  de  la  pesanteur  et  par  capillarité. 

La  capacité  de  l'espace  prismatique  est  de  90  millimètres  cubes,  mais  en 
pratique  il  faut  obtenir  six  gouttes  de  sang  pour  bien  remplir  l'hématoscope. 

Pour  examiner  le  sang  de  l'homme  il  faut  pratiquer  à  la  partie  externe  de 
la  pulpe  du  petit  doigt  une  piqûre  à  l'aide  d'une  lancette  ou,  de  préférence, 
au  moyen  de  Vaiguille  hématoscopiqne ;  disposée  de  manière  à  pouvoir  prati- 
quer une  piqûre  ne  dépassant  pas  une  étendue  linéaire  de  1  millimètre  ;  cette 
lancette  minuscule  porte  un  talon  qui  en  limite  la  pénétration  dans  les  tissus, 
elle  peut  être  rendue  aseptique  par  le  flambage,  ou  par  tout  autre  moyen. 

Pour  faire  pénétrer  le  sang  entre  les  lames,  on  applique  le  bord  inférieur  de 
l'hématoscope  au  niveau  de  la  piqûre,  et  le  sang  tomhant  directement  dans  la 
rainure  se  distribue  également  entre  les  deux  lames  : 

L'hématoscope  simpliûe  l'analyse  spectrale  de  la  matière  colorante  du  sang  et 
de  ses  diverses  modifications. 

En  effet,  si  l'hématoscope  chargé  de  sang  pur  est  placé  devant  la  fente  d'un 


IIlUlATOSCOPIE.  55 

speciroscopc,  on  peut  étudier  les  bandes  d'absorption  que  présente  l'ox^hémo- 
"lobine  sous  dilTérenlcs  épaisseurs.  En  faisant  mouvoir  lentement  riiématoscope 
de  "auche  à  droite,  on  constatera  successivement  l'apparition  des  deux  bandes 
d'absorption  caracléristiqiies  de  V oxyhémoglobine,  puis  leur  élargissement,  et 
enfui  leur  confusion,  en  même  temps  que  la  disparition  de  l'espace  vert  qui  les 
séparait  ;  en  d'autres  termes,  on  observe  le  sang  sous  des  épaisseurs  variant  de 
0  à  500  millièmes  de  millimètre,  et  par  conséquent  c'est  à  peu  près  comme  si 
l'on  examinait  des  dilutions  graduées  de  sang  variant  entre  1/00  et  1  (en  admet- 
tant que  le  liquide  servant  à  la  dilution  n'ait  aucune  action  sur  les  principes 
colorés  du  sang)  [Comptes  rendus  de  la  Soc.  de  biuL,  p.  700,  760,  i iC  [188ij). 
Toute  modification  de  la  matière  colorante  est  facilement  étudiée  ;  le  mélange 
d'oxyhémoglobine  et  d'hémoglobine  réduite,  la  présence  de  la  métliémoglobine, 
de  l'hémoglobine  oxycarbonée,  et  en  définitive  tous  les  dérivés  de  l'hémoglobine, 
présentent  dans  l'hématoscope  leurs  réactions  spectrales  caractéristiques. 

L'hématoscope  peut  servir  non-seulement  à  l'analyse  qualitative  de  ces  divers 
composés,  mais  encore  à  l'analyse  quantitative  du  plus  important  d'entre  eux, 
l"oxyhémoglobine  [Comptes  rendus  de  la  Soc.  de  biol.,  p.  12, 62,  70,  081  [1885]). 
Principe  de  la  méthode.  Lorsqu'on  examine  avec  le  spectroscope  le  sang 
contenu  dans  l'hématoscope,  et  qu'on  étudie  l'espace  intermédiaire  entre  le 
moment  d'apparition  des  deux  bandes  caractéristiques  de  l'oxyliémoglubine  et 
celui  où  les  bandes  sont  confondues,  c'est-à-dire  la  disparition  du  vert,  on 
perçoit,  à  une  certaine  épaisseur  du  sang,  un  aspect  caractéristique  des  bandes, 
que  j'ai  décrit  sous  le  nom  de  phénomène  des  deux  bandes  également  obscures 
et  qui  peut  être  formulé  comme  il  suit  : 

Théorème.  Le  sang  contenant  14  pour  100  d'oxyhémoglobine,  examiné  à  la 
lumière  du  jour  sous  une  épaisseur  de  70  millièmes  de  millimèlre  avec  un 
spectroscope  à  vision  directe,  à  une  dislance  ne  dépassant  pas  1  millimètre, 
présente  les  deux  bandes  caractéristiques  de  l'oxyhémoglobine  avec  une  teinte 
noire  également  obscure.  Elles  ont  aussi  une  étendue  égale  dans  le  spectre,  si  on 
les  mesure  en  longueurs  d'ondes  ;  elles  occupent  les  espaces  de  550  à  550  et  de 
570  à  590  millionimètres  ou  ),. 

U  est  facile  de  comprendre  que  le  phénomène  des  deux  bandes  égales  étant 
pris  pour  type  se  produira  sous  des  épaisseurs  différentes  suivant  que  le  sang 
est  ]dus  ou  moins  riche  en  matière  colorante  active  ou  oxyhémoglobine,  et, 
lorsqu'on  étudiera  le  sang  dans  un  hématoscope,  on  percevra  les  deux  bandes 
égales  sous  une  épaisseur  d'autant  plus  grande  que  le  sang  sera  plus  anémique. 
C'est  l'étude  de  la  loi  de  ces  variations  qui  permet  de  faire  l'analyse  quanti- 
tative de  l'oxyhémoglobine  avec  l'hématoscope. 

Procédés.  Tous  les  spectroscopes  peuvent  servir  à  examiner  le  sang  dans 
l'hématoscope,  à  condition  d'appliquer  la  plaque  sur  la  fente,  ou  à  distance  fixe, 
de  l'éclairer  convenablement  et  d'en  présenter  successivement  les  diverses  divi- 
sions de  0  à  60,  au-dessous  de  la  fente. 

Le  premier  procédé  très-simple  est  applicable  aux  examens  rapides  que  com- 
portent la  clinique  et  les  expérimentations  on  les  observations  doivent  être 
multipliées  en  un  court  espace  temps. 

11  consiste  à  examiner  le  sang  à  l'aide  d'un  spectroscope  à  vision  directe  : 
tenant  l'hématoscope  de  la  main  gauche  et  verticalement,  on  se  place  devant  une 
fenêtre  de  façon  à  recevoir  la  lumière  solaire  diffuse  ou  d'un  rédecteur  de 
porcelaine  blanche. 


56  IIKMATOSCOPIE. 

Prenant  le  spectroscopc  de  la  main  droite,  on  applique  la  fente  en  dedans  de 
l'agrafe  ganche  de  riiématoscope,  près  du  zéro,  et  on  fait  glisser  l'instrument  de 
façon  à  examiner  successivement  les  diverses  parties  de  la  division  0  à  la  divi- 
sion 60. 

On  peut  ainsi  observer  des  phénomènes  identiques  à  ceux  que  présente 
l'exaniea  de  solutions  plus  ou  moins  concentrées  de  sang.  Les  deux  bandes 
apparaissent  vers  5  à  i  niillimèlres  ;  elles  deviennent  plus  foncées,  égales  vers 
14;  puis  elles  s'élargissent  en  s'estompant  vers  leurs  bords,  l'espace  intermé- 
diaire "vert  se  rétrécit,  diminue,  et  entin  disparaît. 

On  note  les  divisions  auxquelles  ces  trois  phénomènes  sont  observés,  de  façon 
à  pouvoir  comparer  les  trois  résultats. 

Une  rclielle  de  concordance  permet  de  lire  sans  calculs  la  quantité  d'oxylié- 
moglobine  contenue  dans  le  sang,  sous  les  diverses  épaisseurs  auxquelles  on 
observe  le  phénomène  des  deux  bandes  égales.  Il  est  indispensable,  si  l'on  veut 
pouvoir  comparer  et  discuter  les  résultats  obtenus,  de  les  exprimer  suivant  cette 
notation  (|ui  est  basée  sur  les  lois  (ïahwrption  spectroscopiqiie,  et  sur  des 
examens  ré|)étés  de  sang  pur,  de  sang  défibriné,  de  sang  dont  le  fer  a  été  dosé, 
et  dont  la  capacité  respiratoire  a  été  mesurée. 

Cette  échelle  indique  quelle  est  la  quantité  d'oxyhémoglobine  correspondante 
à  la  distance  en  millimctres  à  laquelle  la  fente  du  spectroscope  est  placée  pour 
constater  le  phénomène  des  deux  bandes  égales. 

Dans  le  second  procédé,  au  lieu  de  pratiquer  les  recherches  avec  les  mouve- 
ments de  la  main,  on  emploie  des  appareils  dénommés  hémato-spectroscopes  qui 
sont  disposés  de  manière  (jue,  l'hématoscope  étant  fixé  sur  un  support  com- 
parable à  celui  d'un  microsco[)e,  on  peut  exécuter  tous  les  mouvements  méca- 
niquement et  en  outre,  grâce  à  une  échelle  latérale,  détermmer  en  longueur 
d'onde  l'étendue  et  la  position  des  bandes.  Ces  appareils  servent  à  l'étude  et  à  la 
démonstration.  Enfin  Y hémalo-^pectroscope  double,  instrument  formé  de  deux 
hématoscopos  à  vision  directe  réunis  sur  une  fente  commune,  permet  à  deux 
personnes  d'étudier  les  phénomènes  spectroscopiques  et  de  se  contrôler  récipro- 
quement dans  leurs  examens.  En  somme,  avec  l'hématoscope  on  détermine  la 
quantité  d'oxyhémoglobine,  on  connaît  la  richesse  du  sang  en  matière  colorante 
active;  il  reste  à  apprécier  la  durée  de  le  réduction  de  l'oxyhémoglobine  dans  les 
tissus. 

11.  Mesure  oe  i.\  durée  de  la  réduction  de  l'oxyhémoglobine  a  la  surface  sous- 
usGuÉALE  DU  l'OLCE.  Lorsqu'on  examine  à  la  lumière  du  jour  la  surface  de 
l'ongle  du  pouce  avec  un  spectroscope  à  vision  directe,  on  aperçoit  la  première 
bande  d'absorption  du  sang,  masquant  le  jaune  et  s'étendant  à  droite  de  la 
raie  I);  quelquefois  ou  reconnaît  aussi  un  peu  pins  loin  vers  la  raie  E,  dans  le 
jaune  vert,  la  seconde  bande,  mais  plus  étroite  et  moins  foncée.  Si  l'on  applique 
autour  de  la  première  phalange  du  pouce  une  forte  ligature  avec  un  tube  de 
caoutchouc,  et  «pie  l'on  observe  l'ongle  avec  le  spectroscope,  on  voit,  au  bout  de 
quelques  secondes,  la  deuxième  bande  pâlir  et  disparaître,  puis  après  un  temps 
de  vingt-cinq  à  trente-cinq  secondes  on  voit  apparaître  le  jaune,  la  première 
bande  pâlit  peu  à  peu  et  finit  par  disparaître,  de  sorte  que  le  spectre  est  con- 
tinu, quoique  présentant  assez  longtemps  une  légère  teinte  sombre  entre  D  et 
E.  Ces  phénomènes  se  succèdent  en  un  temps  variable,  entre  quarante  et  quatre- 
vingt-dix  secondes.  J'appelle  virage  le  moment  d'apparition  du  jaune,  et  durée 
delà  réduction  tout  le  temps  qui  sépare  l'application  de  la  ligature  de  la  dispa- 


UKMATOSCOPIE.  37 

ritiou  complète  de  la  bande  principale  (a),  la  seule  dont  on  ait  à  se  pre'occuper. 
Aussitôt  qu'on  enlève  la  ligature,  on  voit  réapparaître  celte  bande  et  elle  olïre 
même  une  plus  grande  intensité  qu'avant  l'application  du  lien. 

Ces  phénomènes  s'expliquent  facilement  :  en  eiïet,  la  ligature  isole  dans  le 
pouce  une  certaine  quantité  de  sang  artérialisé,  on  perçoit  pendant  quelque 
temps  les  bandes  de  l'hémoglobine  oxygénée,  puis  la  réduction  par  les  échanges 
interstitiels  se  fait,  l'oxygène  est  consommé  et,  l'hémoglobine  réduite  ne  présen- 
tant pas  de  bande  d'absorption  assez  intense  pour  être  perçue  à  travers  l'ongle, 
le  spectre  réapparaît  sans  bande  d'absorption. 

Diverses  expériences  ont  démontré  que  le  sang  extrait  alors  de  la  pulpe  du 
pouce  est  de  coloration  veineuse  et  contient  de  l'hémoglobine  réduite.  On  peut 
donc  considérer  la  durée  de  la  réduction  comme  représentant  le  temps  néces- 
saire pour  la  consommation  de  l'oxygène  du  sang  dans  le  riche  réseau  vasculaire 
placé  sous  l'ongle  du  pouce. 

Pour  apprécier  cette  durée  de  réduction  il  faut  procéder  méthodiquement; 
on  peut  pour  la  clinique  se  servir  d'un  spectroscope  à  vision  directe  tel  que  le 
fabrique  à  Paris  M.  Lutz,  suivant  mes  indications,  ou  bien  des  petits  spec- 
troscppes  de  poche  de  Duboscq,  de  Nachet,  de  Verlein,  etc.  Le  sujet  à  observer 
étant  placé  près  d'une  fenêtre  de  façon  que  l'ongle  reçoive  la  lumière  solaire 
plus  ou  moiuj  diffuse,  on  applique  la  pai'tie  inférieure  du  dis(jue  qui  porte  la 
fente  sur  la  portion  cutanée  de  la  phalangette  du  pouce  située  entre  la  lunule  et 
l'articulation  de  la  phalangette,  on  incHne  le  spectroscope  au-dessus  de  l'ongle 
de  façon  à  voir  le  spectre  et  la  bande  a  de  l'oxyliémoglobine,  et  alors  on 
enroule  rapidement  autour  de  la  phalange  un  tube  de  caoutchouc  de  façon  à 
faire  une  ligature  bien  serrée  ;  on  note  alors  au  moyen  de  la  montre  à  secondes 
le  moment  où  la  bande  caractéristique  disparaît,  et  l'on  a  ainsi  la  durée  de  la 
réduction  [Gazette  hebdom.,  1886,  p.  69r>). 

La  durée  de  réduction  varie  entre  vingt-cinq  et  quatre-vingt-dix  secondes,  la 
moyenne  oscille  entre  cinquante-cinq  et  soixante-cinq  secondes,  elle  varie  chez  le 
même  individu  suivant  les  diverses  conditions  de  l'état  physiologique,  la  diète, 
le  repos,  le  sommeil,  l'état  de  la  digestion,  les  efforts,  l'influence  du  froid,  des 
bains,  des  ablutions,  mais  ces  variations  sont  peu  étendues  et  passagères.  Les 
oscillations  normales  se  font  entre  cinquante-cinq  et  soixante-cinq  secondes,  des 
efforts  répétés,  les  bains,  peuvent  faire  varier  la  durée  entre  quarante-cinq  et 
soixante  secondes,  mais  les  modifications  sont  bien  plus  considérables  suivant 
les  états  pathologiques  et  suivant  les  médications.  Je  n'insiste  pas  sur  les  nom- 
breuses observations  que  j'ai  faites  à  ce  sujet,  parce  que,  la  durée  de  la  réduction 
dépendant  non-seulement  de  l'activité  des  échanges  entre  le  sang  et  les  tissus, 
mais  aussi  de  la  richesse  du  sang  en  oxyhémoglobine,  il  est  indispensable  de 
réunir  ces  deux  facteurs  et  de  les  comparer  l'un  avec  l'autre  pour  apprécier 
l'activité  des  échanges  qui  déterminent  la  réduction  de  l'oxyhémoglobine  ou  en 
d'autres  termes  la  consommation  de  l'oxygène. 

m.  Mesure  de  l'activité  de  la  réductio.n.  Pour  rendre  ces  résultats  compa- 
rables, il  a  fallu  établir  une  unité  d'activité  de  réduction  et  je  l'ai  déterminée 
de  la  manière  suivante  : 

L'expérience  m'a  montré  que  chez  l'homme  vigoureux  et  bien  portant  dont  le 
sang  contient  14  pour  100  à' oxyhémoglobine  la  durée  de  réduction  est  de 
soixante-dix  secondes,  chez  les  individus  dont  le  sang  contient  13  pour  100 
d'oxyhémoglobine  la  durée  de  réduction  est  de  soixante-cinq  secondes.  Si  l'on 


58  IIÉMATOSCOPIE. 

admet  que  la  réduction  se  fait  uniformément,  on  conclura  que  le  premier  en 
une  seconde  aurait  consommé  14/70  pour  100;  le  second  13/65  pour  100,  soit 
l'un  et  l'autre  0,2  de  la  quantité  d'oxyhémoglobine  du  sang.  C'est  cette  quan- 
tité qui  est  prise  ]iour  unité  d'activité  de  réduction  et  une  formule  très-simple 
permet  de  calculer  l'activité  correspondante  à  des  durées  de  rédaction  et  à  des 
quantités  d'oxyhémoglobine  déterminées. 

.,..,,,       ,,      .  quantité  d'oxyliémoglobine       .  ,,     , 

L  activité  de  réduction  ou  £= -, — -, — ,      , , — ^ X<J,  en  d  autres 

durée  de  réduction 

termes,  l'activité  de  réduction  exprimée  en  unités  d'activité  est  égale  à  5  fois  le 
quotient  du  chiffre  exprimant  la  quantité  d'oxyhémoglobine  pour  100  par  le 
chiffre  exprimant  la  durée  de  la  réduction.  Dans  la  pratique  cette  formule  peut 
être  simplifiée  de  la  manière  suivante  :  on  divise  par  2  le  quotient  de  lu  quan- 
tité par  la  durée  et  l'on  multiplie  ]iar  10. 

L'activité  de  réduction  ainsi  évaluée  exprime  l'activité  des  échanges  entre  le 
sang  et  les  tissus  dans  une  partie  de  l'organisme,  la  phalange  du  pouce,  c'est-à- 
dire  un  organe  comprenant  la  peau  et  son  tissu  sous-cutané,  les  vaisseaux  sous- 
cpidermiques,  en  plus  du  tissu  tendineux  et  un  os  :  la  phalangette.  On  peut 
considérer  les  résultats  obtenus  comme  exprimant  une  grande  partie  des. phé- 
nomènes d'échanges  et  en  particulier  le  phénomène  de  la  consommation  de 
l'oxygène  du  sang  par  les  tissus;  nous  possédons  par  conséquent  un  moyen  nou- 
veau d'apprécier  l'activité  des  échanges  et  l'élude  de  ses  variations,  dans  l'état 
de  maladie,  qui  offre  une  importance  considérable. 

Variations  de  racllvUé  de  réduction.  J'ai  fait  un  grand  nombre  d'observa- 
tions sur  les  modifications  de  l'activité  chez  deux  cents  individus  différents  et 
dans  les  conditions  les  plus  diverses  de  santé,  de  maladie,  et  sous  l'influence 
des  médications  les  plus  habituellement  appliquées. 

Je  ne  puis  ici  qu'en  résumer  les  principaux  résultats.  L'activité  de  réduction 
oscille  au-dessus  et  au-dessous  de  la  normale  égale  à  1.  Elle  peut  être  voisine 
de  la  normale,  c'est-à-dire  de  0,80  à  120.  Elle  peut  être  augmentée  et  exa- 
gérée, c'est-à-dire  de  1,25  à  2,50.  Elle  peut  être  diminuée,  c'est-à-dire  de 
0,40  à  0,75. 

La  diminution  de  Vaclivité  a  varié  entre  0,40  et  0,75  dans  25  cas,  dans 
9  cas,  elle  a  été  voisine  de  la  moitié  de  la  normale,  dans  16  cas,  elle  est 
au-dessous  des  3/4  de  celle-ci.  Il  s'agît  dans  la  plupart  des  observations  de 
chloro-anémies,  d'anémies  par  métrorrhagies  répétées  et  dephthisie.  L'activité  la 
plus  faible  a  été  trouvée  dans  des  cas  d'anémie  pernicieuse,  d'anémie  chez  des 
cuisiniers,  enfin  dans  le  diabète  et    chez  des  épileptiques. 

En  génénil,  la  diminution  d'activité  est  en  rapport  direct  avec  la  diminution 
d'oxyhémoglobine,  mais  il  y  a  des  exceptions.  Par  exemple,  des  épiletiques  avec 

11  et  13  pour  100  d'oxyhémoglobine  ont  présenté  une  activité  faible  de  0,60. 
Dans  un  cas  d'embarras  gastrique  avec  13  pour  100,  l'activité  n'était  que  0,75. 
Dans  la  chlorose  avec  11  pour  100,  l'activité  peut  descendre  à  0,60.  Dans  la 
croissance  au  moment  de  l'établissement  des  règles,  j'ai  noté  une  activité  de 

12  pour  100  d'oxyhémoglobine;  enfin,  chez  les  individus  obèses,  l'activité  se 
ralentitnotablement  et  indépendamment  de  l'anémie. 

h' augmentation  de  Vactivité  de  réduction  a  été  observée  dans  29  cas  se 
répartissant  ainsi:  9  cas  de  1,50  à  1,75  et  même  2,  soit  1  fois  1/2  à  2  fois  la 
normale,  avec  une  quantité  d'oxyhémoglobine  de  8  à  14  pour  100;  15  cas  de 
1,40  à  1,45,  avec  une  quantité  d'oxyhémoglobine  de  10  à  14,5   pour  100; 


HÉMATOSCOPIE.  59 

ô  cas  de  1,22  ù  1,26,  avec  une  quantité  d'oxyhcmoglobine  de  10  à  M, 5  pour 

100. 

Ces  faits  comprennent  des  observations  prises  à  l'état  de  santé,  ou  chez  des 
hommes  à  tempérament  sanguin,  des  arthritiques,  des  herpétiques,  pendant  les 
manifestations  congestives  ou  inflammatoires,  telles  que  les  congestions  pulmo- 
naires, l'angine  et  la  fièvre  herpétique,  les  accès  de  rhumatisme  subaigu,  le 
purpura  rhumatismal,  enfin  certains  cas  de  glycosurie. 

L'exagération  de  l'activité  peut  avoir  lieu  même  avec  des  quantités  d'oxyhé- 
moglobine  faibles,  de  8  à  9  ou  9,5  pour  100  dans  l'irritation  spinale, 
l'alcoolisme,  chez  des  individus  sanguins  à  la  suite  d'hémorrhagies. 

L'influence  de  douches  chaudes,  de  bains  de  piscine,  peut  doubler  momen- 
tanément l'activité  de  réduction.  Une  marche  prolongée,  des  efforts  musculaires 
répétés,  augmentent  l'activité  de  réduclion. 

L'activité  moyenne,  c'est-à-dire  variant  de  0,80  à  1  et  1,2,  a  été  obsei'vée  dans 
cent  soixante-quinze  cas  et  dans  des  conditions  si  variées  qu'il  n'est  pas  possible 
d'en  donner  un  résumé  même  succinct.  Un  fait  prédominant  et  remarquable 
est  que  l'activité  de  réduction  peut  al  teindre  la  normale,  alors  même  qu'il 
y  a  une  quantité  faible  d'oxyliémotrlobinc  :  par  exemple,  chez  un  goutteux, 
à  la  fin  d'un  accès,  l'activité  a  été  de  1  avec  7,5  pour  100  d'oxyhcmoglobine; 
elle  a  été  également  normale  avec  9  pour  100  chez  un  arthritique  alcoolique, 
avec  9,0  pour  100  chez  une  cuisinière  anémiée,  avec  9  pour  100  chez  une  tuber- 
culeuse, 10  pour  100  chez  une  femme  affectée  d'asystolie.  11  n'est  pas  rare  de 
trouver  l'activité  normale  avec  11  pour  100,  et  ce  fait  s'est  présenté  chez 
plusieurs  médecins. 

Il  s'établit  dans  ces  cas  une  sorte  de  compensation  entre  la  durée  de  la 
réduction  et  la  quantité  d'oxyhémoglobine,  d'où  il  résulte  qu'avec  un  sang 
pauvre  les  fonctions  s'exécutent  d'une  manière  satisfaisante,  grâce  au  ralentis- 
sement ou  à  la  rapidité  des  échanges  suivant  les  cas,  mais  cet  équilibre  peut 
être  rompu  par  une  complication  accidentelle  ou  pathogénique.  C'est  ce  que 
l'étude  de  l'activité  de  réduction  démontre,  soit  dans  le  sens  de  la  diminution, 
comme  chez  les  chlorotiques  au  moment  de  l'établissement  des  règles  et  pen- 
dant la  croissance,  soit  dans  le  sens  de  l'exagération,  comme  chez  les  arthri- 
tiques, les  herpétiques,  les  cardiaques,  les  emphysémateux. 

Applications  thérapeutiques.  Les  médications  produisant  des  modifications 
de  l'activité  de  la  réduction,  qu'il  est  très-intéressant  de  constater  et  de  suivre 
dans  le  cours  du  traitement,  afin  d'apprécier  l'effet  produit  par  les  agents  thé- 
rapeutiques sur  la  quantité  d'oxyhémoglobine  et  sur  l'activité  des  échanges.  C'est 
ainsi  qu'on  peut  déterminer  l'action  de  la  médication  ferrugineuse  arsenicale, 
sulfureuse,  par  l'arséniate  de  fer,  les  alcalins,  les  iodures,  et  en  général  de 
tous  les  médicaments  qui  agissent  sur  la  composition  du  sang  ou  modifient  la 
nutrition. 

Par  exemple,  chez  un  pléthorique  emphysémateux,  l'iodure  de  potassium  à 
la  dose  quotidienne  de  1  gramme  pendant  vingt  jours  a  modifié  l'activité  de 
réduction  de  façon  à  l'abaisser  de  1,25  à  0,80,  en  même  temps  que  la  quantité 
d'oxyhémoglobine  est  descendue  à  15  pour  100.  Dans  des  conditions  opposées 
un  vieillard  athéromateux,  avec  congestion  pulmonaire,  dyspnée,  cyanose  des 
extrémités,  présentait  une  hématose  incomplète,  de  façon  que  le  sang  ne  ren- 
fermait que  9  pour  100  d'oxyhémoglobine  mélangée  avec  de  l'hémoglobine 
réduite  et  une  activité  de  0,50  ou  moitié  de  la  normale  ;  chez  ce  malade  l'u- 


40  IIÉMATOSCOPIE. 

sage  de  l'iodure  de  sodium  (6  grammes  en  six  jours)  a  doublé  l'activité  de  la 
réduction,  c'est-à-dire  l'a  ramenée  à  l'unité,  pendant  que  le  sang  renfermait 
10  pour  100  d'oxyhémoglobine. 

L'héniatoscopie  offre  une  utilité  incontestable  pour  l'étude  des  médications 
thermales  ou  hydrothérapiques  ;  elle  permet  d'apprécier  l'action  thermale 
et  hydrorainérale  pour  ainsi  dire  jour  par  jour  et  avec  les  incidents  divers  qui 
peuvent  se  produire  :  c'est  ainsi  que  j'ai  constaté  que  les  grandes  douches  d'Aix 
peuvent  amener  l'exagération  de  l'activité  de  réduction  de  1  à  2  et  même  davan- 
tage. La  piscine  avec  mouvements  de  natation  a  amené  une  élévation  de  l'acti- 
vité de  1,20  à  2,50,  c'est-à-dire  qu'elle  a  doublé.  De  même  à  Saint-Ilonoré-les- 
Bains  j'ai  constaté  une  augmentation  de  l'activité  de  réduction.  A  la  suite  de 
bains  de  piscine,  celle-ci  s'est  élevée  dans  les  premieis  bains  de  0,75  à  i  ou 
de  1  à  1,25,  la  rapidité  de  la  réduction  après  la  piscine  a  été  observée  chez 
plusieurs  individus  concurremment  avec  l'élévation  du  pouls. 

I/hématoscopie  permet  en  outre  de  reconnaître  le  mélange  de  l'hémoglobine 
réduite  avec  l'oxyhémoglobine,  et  ce  phénomène  se  produit  dans  les  états 
asphyxiques,  dans  l'agonie,  dans  l'état  de  cyanose  et  en  général  lorsque  l'héma- 
tose e>t  incomplète;  ce  mélange  existe  daus  le  cas  de  maladie  bleue  où  il  est 
cependant  possible  d'observer  le  pliénoinène  de  la  réduction  au  pouce. 

L'héniatoscopie  peut  démontrer  la  présence  de  la  méthémoglobine  dans  le 
sang,  mais  jusqu'à  présent  cette  constatation  n'a  été  faite  que  sur  des  animaux. 

Les  applications  de  l'hématoscopie  à  la  physiologie  et  à  la  toxicologie  ne  sont 
pas  encore  nombreuses,  cependant  mes  recherches  sur  la  paraldéhyde,  sur  l'anti- 
pyrine,  l'acétophénol.  la  thalline  et  l'anlifibrine,  ont  démontré  que,  lors  même 
que  ces  toxiques  donnés  comme  agents  thérapeutiques  n'amènent  pas  de  pro- 
fondes modifications  dans  le  sang,  ils  agissent  sur  l'activité  de  la  réduction  en 
même  temps  que  sur  la  quantité  d'oxyhémoglobine  contenue  dans  le  sang. 

A  doios  toxiques,  on  pourra  retrouver  par  Ihématoscopie  la  méthémoglobine 
et  même  en  apprécier  la  quantité  relative.  J'ai  pu  ainsi  déterminer  chez  ce 
cobaye  l'époque  d'apparition  de  la  transformation  du  sang  en  méthémoglobine 
et  la  durée  de  l'élimination  de  la  méthémoglobine.  Les  deux  modes  d'examen 
du  sang  qui  constituent  l'hématoscopie  peuvent  être  employés  conjointement  ou 
séparément  [Comptes  rendus  de  la  Soc.  de  bioL,  1885,  p.  669;  1884,  p.  146). 

Chez  les  cobayes  on  peut  étudier  la  durée  de  la  réduction  par  un  procédé 
analogue  à  celui  de  l'examen  du  pouce  chez  l'homme  :  en  effet,  si  l'on  examine 
au  spectroscope  la  surface  plantaire  de  ces  animaux  lorsque  celle-ci  n'est  pas 
noire,  on  peut  observer  la  bande  principale  de  l'oxyhémoglobine  et,  si  l'on 
applique  une  ligature  avec  un  tube  de  caoutchouc  autour  du  cou-de-pied,  on 
peut  observer  la  disparition  de  la  bande  et  mesurer  la  durée  de  réduction  :  celle- 
ci  est  en  moyenne  de  00  à  70  chez  les  cobayes  dont  le  sang  contient  15  à 
14  pour  100  d'oxyhémoglobine. 

Les  procédés  complémentaires  de  l'hématoscopie  sont  la  reproduction  photo- 
graphique du  sang  contenu  dans  l'hématoscope,  et  l'étude  diaphanométrique  ou 
chromométrique  du  sang  à  l'aide  d'un  hématoscope  d'émail. 

La  photographie  du  sang  sera  décrite  à  l'article  Photographie  (médicale)  du 
Dictionnaire,  il  nous  suffit  de  dire  qu'elle  est  un  moyen  de  contrôler  les  résultats 
observés  au  spectroscope.  Le  second  procédé  est  basé  sur  l'appréciation  de  la 
transparence  du  sang  observé  en  couche  mince  d'épaisseur  progressive. 

Sur  une  plaque  d'émail  blanc  sur  laquelle  sont  tracés  des  chiffres,  des  lettres 


HÉMATOXYLON   (emploi).  41 

et  (les  divisions  millimétriques  servant  d'échelle,  on  superpose  l'iiémaloscope 
chargé  de  sang.  La  partie  peu  épaisse  et  peu  colorée  du  sang  laisse  lire  les 
lettres  et  les  chiffres,  mais  les  uns  et  les  autres  disparaissent  dans  la  partie 
épaisse  et  plus  colorée;  il  est  évident  qu'on  lira  d'autant  plus  de  lettres  et  de 
chiffres  que  le  sang  sera  moins  chargé  de  matière  colorante  ou  oxyhénioglohine. 
L'échelle  de  cliiffres  a  été  établie  de  façon  que  les  chiffres  correspondent  à 
des  quantités  d'oxyhémoglohine  déterminées,  et  le  dernier  cliiffre  lu  distinc- 
tement indique  la  quantité  d'oxyhémoglobide  contenue  dans  100  grammes  de 
san"'  avec  une  approximation  suffisante  pour  que  ces  résultats  soient  com|)a- 
rables.  Le  procédé  diaphanométrique  permet  d'ajiprécier  la  quantité  d'oxyhé- 
mo"lobine  et  surtout  la  présence  d'hémoglobine  réduite  dans  le  sang  extrait  des 
vaisseaux  et  introduit  dans  l'hématoscope.  A.  IIiïinocque. 

HÉMATOSIXE.  Lecanu  a  décrit  sous  ce  nom  l'hématine  {voy.  Hémo- 
glouise).  a.  11. 

nÉMATOXYLii\E.  C'H'^O^ -f-o(l*0.  Matière  colorante,  isolée  du  Lois  de 
campêche  pour  la  première  fois,  en  1810,  par  Chevreul,  sous  le  nom  àliématine; 
ce  nom  a  été  changé  depuis  en  celui  dliématoxyline  pour  ne  pas  la  confondre 
avec  l'hématine  du  sang.  En  ISiS,  Erdmann  a  extrait  ce  corps,  non  plus  au 
moyen  de  l'eau  et  de  l'alcool,  comme  ses  prédécesseurs,  mais  au  moyen  de  l'éthcr, 
et  l'a  obtenu  sous  forme  de  petits  prismes  jaune  de  miel,  dont  la  poudre  est 
blanche  ou  jaune  pâle  ;  ces  cristaux  possèdent  une  saveur  douceâtre  qui  rappelle 
celle  du  jus  de  réglisse  et  se  dissolvent  peu  dans  l'eau  froide,  aisément  dans 
l'eau  chaude,  l'alcool  et  l'élher,  qu'ils  colorent  en  jaune.  L'hématoxyline  se  dissout 
dans  les  alcalis  avec  une  coloration  rouge  pourpre  ou  violette  qui  passe  au  jaune, 
puis  au  brun.  L'alun  et  les  sels  de  plomb  la  précipitent  de  ses  solnlions. 

La  solution  ammoniacale  laisse  déposer  par  évaporation  des  cristaux  violet 
foncé  (ïhématéine  ammoniaque  ou  hématéate  d'ammoniaque,  dont  0.  liesse, 
en  1858,  a  déterminé  délinitivement  la  composition,  ainsi  que  celle  de  l'héma- 
toxyline.  Vhématéine  (CHV''O^YAz  s'obtient  en  précipitant  la  solution  d'héma- 
téine  ammoniaque  par  l'acide  acétique;  elle  constitue  un  dépôt  rouge  brun, 
volumineux.  On  peut  l'obtenir  sous  forme  de  grains  cristallins  d'un  noir  violacé, 
à  reflets  métalliques;  elle  se  dissout  dans  l'eau  et  la  colore  en  pourpre  foncé. 
Elle  repasse  à  l'état  d'hématoxyline  quand  on  la  traite  par  le  zinc  et  l'acide  sul- 
urique,  ou  par  l'acide  sulfureux. 

L'hématéine  colore  l'alcool  en  brun  rouge  et  l'éther  en  jaune  d'ambre  ;  elle 
'précipite  en  bleu  les  sels  de  plomb  et  de  cuivre.  Enfin  sa  solution  ammoniacale 
donne  avec  la  plupart  des  sels  métalliques  des  laques  bleues  ou  violettes.  C'est 
l'hématéine  qui  agit  dans  la  teinture  par  le  campêche. 

Rappelons  encore  que  l'hématoxyline  est  très-employée  dans  la  technique 
histologique  à  l'état  de  solution  dans  l'alcool  ;  ce  réactif  colore  spécialement  les 
noyaux  des  cellules.  On  l'emploie  en  outre  mélangée  avec  l'éosine. 

L'hématoxyline  n'est  guère  employée  en  médecine  {voy.  Hiîmatoxylo>).  L.  Hk. 

nÉMATOXYLOlX.      g  I.  Botanique.       Voy.  CamPÊCHE,  1"  sér.,  t.  XII,  p.  30. 

§  II.  Emploi  médical.  C'est  en  1746  que  ce  médicament  fut  introduit 
pour  la  première  fois  dans  la  pharraaoopée  de  Londres  sous  le  nom  de  Lignum 


42  UÊMATOXYLON   (emploi). 

tinctile  Campechense.  Aujourd'hui  ce  sont  les  médecins  de  langue  anglaise 
qui  le  prescrivent  encore  soit  en  Grande-Bretagne,  soit  aux  colonies. 

L'hémaloxylum  n'est  autre  que  les  copeaux  du  bois  de  Campèclie,  employé 
dans  l'industrie  et  désigné  par  les  botanistes  sous  le  nom  (Vllematoxylon  Cam- 
pcchianum  {Logwood,  Peachwood  ou  Campechy-ivood  des  Anglais;  Kam- 
peschenholz  et  Blauholz  des  Allemands  et  Campeggo  des  Italiens). 

Importé  sous  forme  de  bûches  de  teinte  brun  noirâtre  à  l'extérieur,  rouge 
foncé  ù  l'intérieur,  ce  bois  est  réduit  en  copeaux  de  couleur  d'un  rouge  vio- 
lacé, d'odeur  douce  et  de  saveur  astringente,  qualités  qu'ils  partagent  avec  les 
produits  d'autres  végétaux  de  la  famille  des  Légiimineuses-Césalpiniées. 

La  substance  colorante  qu'il  renferme  a  reçu  le  nom  d'hématoxyline.  Les 
copeaux  de  bonne  provenance  en  contiennent  9  à  10  pour  100  de  leur  poids. 

Action  et  usages  THÉRArEUTiQUE?.  Les  propriétés  physiologiques  du  bois  de 
Campèclie  et  de  l'hématoxyline  sont  encore  à  étudier.  On  le  considère  cependant 
et  on  l'emploie  comme  astringent  et  comme  tonique. 

En  Angleterre,  Ralfe,  Corrigan,  Wilks,  Wilshire,  Budd,  ont  fait  connaître 
des  cas  de  dysenterie  et  de  diarrhées  rebelles  contre  lesquelles  ils  en  firent 
usage  avec  succès.  On  l'a  recommandé  également  contre  la  diarrhée  chronique 
des  enfants,  mais  en  remarquant  la  IVéquence  des  phlébites  après  son  admi- 
nistration. 

C'est  encore  à  titre  d'astringent  et  de  tonique  que  l'hematoxylon  a  été  admi- 
nistré contre  les  fièvres  adynamiques  des  pays  chauds,  que  M.  Cotton  l'a  employé 
comme  topique  sur  les  plaies  et  que  l'extrait  de  Campèche  a  servi  au  pansement 
des  cancers,  des  fongus  hématodes  et  des  ulcères  phagédéniqucs  dans  les  obser- 
vations publiées  en  Angleterre  par  Woodward,  Dermates  et  autres. 

Mode  d'administration  et  doses.  La  décoction  de  bois  de  Campèclie  s'obtient 
avec  un  mélange  de  50  grammes  de  bois  de  Campèche  et  de  Ss^TS  de  cannelle 
pour  000  grammes  d'eau.  Telle  est  la  décoction  antidy sente rique  de  Ralfe. 

Le  même  observateur  recommande  encore  Vextrait  aqueux  du  bois  de  Cam- 
pèche., préparé  par  l'infusion  pendant  vingt-quatre  heures  d'une  partie  du  bois 
concassé  dans  dix  parties  d'eau  bouillante.  On  réduit  ensuite  au  bain-marie 
jusqu'à  consistance  convenable.  La  dose  d'extrait  varie  de  10  à  50  grammes. 

Dans  le  traitement  de  la  dysenterie,  Ralfe  combine  l'emploi  de  l'hématoxyline 
avec  celui  de  l'huile  de  ricin.  D'après  ses  statistiques,  il  aurait  obtenu  six  gué- 
risons  dans  une  série  de  onze  dysentériques  chez  lesquels  la  durée  du  traitement 
aurait  été  de  trente-trois  jours.  Comme  le  remarquent  les  auteurs  qui  ont  fait 
l'essai  de  ce  médicament,  ces  statistiques  ne  sauraient  être  décisives,  puisque 
dans  plusieurs  cas  le  médecin  anglais  prescrivait  l'ipécacuanha  en  même  temps 
que  l'extrait  de  Campèche. 

Un  des  effets  les  plus  constants  est  la  coloration  rouge  des  urines  après 
l'administration  de  la  décoction  de  bois  de  Campèche.  Quant  aux  vertus  théra- 
peutiques de  ce  bois,  elles  sont  fort  douteuses.  Ch.  Éloy, 

Bibliographie.  —  Corrigan.  The  L.  Med.  Becoi-d,  1848,  t.  I,  p.  43.  —  Hutchinso\.  Eodcm 
loco,  1858,  p.  276.  —  Budd.  Eodem  loco,  1856,  p.  49.—  Wilks.  Med.  Times  and  Gaz.,  1862, 
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1875,  t.  II,  p.  125.  —  Flùckiger  et  IIanbury.  Histoire  des  drogues  d'origine  végétale,  trad. 
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mentaires thérapeutiques  du  Codex,  1885,  p.  43.  —  Roux.  Traité  des  maladies  des  pays 
chauds,  1886.  Ch.  É. 


HÉMATOZOAIRES.  43 

nËMATOZOAiUE!^.  On  appelle  Hématozoaires  {auj.a,  sang;  'ÇSio-j,  animal) 
les  animaux  qui  vivent,  soit  normalement,  soit  accidentellement,  dans  le  sang 
d'autres  animaux.  Ces  parasites  ne  constituent  point  un  groupe  zoologique  na- 
turel, puisqu'on  trouve  parmi  eux  des  Protozoaires  et  des  Vers  (Trématodes, 
TS^ématodes). 

Une  étude  générale  des  hématozoaires  ne  saurait  être  présentée  ici,  en  raison 
même  de  la  grande  diversité  de  ces  êtres.  Nous  ne  pouvons  que  considérer  suc- 
cessivement les  liématozoîiires  appartenant  aux  différents  groupes  zoologiques. 

Si  nous  devions  n'envisager  ici  que  ceux  de  ces  aniniaux  qui  se  peuvent  ob- 
server chez  l'Homme,  notre  làclic  serait  aisée  :  il  nous  suffirait  de  faire  l'iiistoirc 
de  la  Bilharzia  haematobia,  de  consacrer  quelques  lignes  à  un  helminthe  dou- 
teux, Hexathyridium  venariim,  et  de  dire  quelques  mots  des  cas,  d'ailleurs 
fort  rares,  où  des  Distomes  erratiques  ont  été  rencontrés  dans  l'appareil  circula- 
toire; il  nous  faudrait  encore  r.ittacher  secondairement  à  notre  étude  la  Filaria 
sangiunis  hominis  qui,  malgré  son  nom,  est  réellement  parasite  du  système 
lymphatique,  mais  dont  les  embryons  se  trouvent  en  grande  abondance  dans  le 
sang  (Foî/.  Helminthes,  n°  34).  Ainsi  compris,  cet  article  exposerait  sans  doute 
ce  qu'on  sait  à  l'heure  actuelle  des  hématozoaires  de  l'Homme,  mais  il  ne  don- 
nerait qu'une  idée  fort  imparlai  te  des  hématozoaires  en  général  et  de  leur 
importance  pathologique  :  nous  étudierons  donc  non-seulement  les  hématozoaires 
de  l'Homme,  mais  aussi  ceux  des  divers  animaux. 

Hématozoaires  appartenant  au  groupe  des  Protozoaires.  Les  Protozoaires 
hémalobies  appartiennent  au  groupe  des  Flagellés.  Dans  l'état  actuel  de  nos 
connaissances,  il  serait  prématuré  de  charcher  à  en  donner  une  classification 
méthodique  :  leur  structure  et  surtout  leur  provenance  sont  en  effet  si  impar- 
faitement connues,  que  certains  auteurs  se  refusent  encore  à  les  considérer  connue 
des  parasites  véritables  et  ne  voient  en  eux  que  de  simples  éléments  anatomiques 
modifiés. 

Des  recherches  ultérieures  démontreront  sans  doute  leur  présence  possible 
dans  le  sang  d'animaux  appartenant  aux  différents  ordres  de  Vertébrés.  Jusqu'à 
présent,  on  les  a  surtout  l'encontrés  chez  les  animaux  à  sang  froid  (Batraciens, 
Poissons).  Hs  semblent  être  rares  chez  les  Oiseaux;  quant  aux  Mammifères,  on 
ne  les  connaît  encore  que  chez  les  Rongeurs  et  les  Insectivores. 

Kûnstler  a  rencontré  un  organisme  de  ce  genre  dans  le  sang  du  Cobaye.  Avant 
lui,  Gros,  Chaussât  et  Lewis,  avaient  vu  des  parasites  analogues. 

Gros  assure  que  le  sang  d'un  Mulot  lui  a  présenté  des  «  vermicules  »  si  nom- 
breux, que  tous  les  globules  en  avaient  l'air  animés.  Ces  hématozoaires  étaient 
si  petits  qu'ils  étaient  à  peine  reconnaissables  à  un  grossissement  de  400  dia- 
mètres. Suivant  le  même  observateur,  le  sang  des  Taupes  renferme  souvent  les 
mêmes  animalcules. 

Chaussât  a  rencontré  plusieurs  fois  dans  le  sang  du  Rat  noir  [Mus  rallus  Lin.) 
des  animalcules  microscopiques  ayant  la  forme  de  Filaiies  :  leurs  mouvements 
étaient  très  rapides.  Ces  parasites  ne  s'observent  presque  jamais  chez  les  jeunes 
Rats,  mais  se  voient  presque  toujours  chez  les  adultes  :  Chaussât  semble  les 
considérer  comme  de  jeunes  Nématodes,  mais  nous  ne  doutons  pas  qu'ils 
soient  fort  analogues,  sinon  identiques  à  ceux  dont  il  va  être  question  ;  la  même 
remarque  est  applicable  aux  hématozoaires  signalés  par  Gros. 

Lewis  a  observé  à  Calcutta,  dans  le  sang  de  plusieurs  Mus  decumanus  et 
Mus  rufescens  en  parfaite  santé,  un  nombre  considérable  d'organismes  en  forme 


44  HEMATOZOAIRES. 

(le  bâtonnets,  capables  de  modifier  plus  ou  moins  leur  forme  et  pourvus,  à  l'une 
de  leurs  exlnémilés,  d'un  long  flngellum  au  moyen  duquel  ils  se  déplacent  avec 
une  grande  vivacité;  l'animalcule  en  mouvement  a  son  flagellum  dirigé  eu 
arrière.  Le  corps  est  transparent,  auhiste,  long  de  20  à  50  j/  et  large  de  0,8 
à  1  p;  le  flagellum  est  d'une  extrême  finesse  et  au  moins  aussi  long  que  le 
corps. 

Les  organismes  dont  il  s'agit  appartiennent  incontestablement  au  groupe  des 
Flagellés,  plus  spécialement  à  celui  des  Monades  ;  ils  diffèrent  des  TrA'panosomes 
par  l'absence  de  membrane  ondulante.  Ces  parasites  sont  très-fréquents  dans  les 
espèces  dont  nous  avons  cité  les  noms,  puisque  Lewis  les  a  rencontrés  dans 
29  pour  100  des  cas.  Ils  n'exercent  aucune  inHueuce  sur  la  santé  de  l'animal. 
Récemment,  Danilewsky  les  a  désignés  sous  le  nom  à'Herpetomo7ias  Lewisi. 

C'est  à  Wedl  que  revient  le  mérite  d'avoir  le  premier  constaté  d'une  façon 
certaine  l'existence  de  Protozoaires  dans  le  sang  des  Oiseaux;  ses  descriptions 
sont  mallieureusement  trop  vagues  pour  qu'on  puisse  se  prononcer  sur  la  véri- 
table nature  des  organismes  observés  par  lui.  Il  décrit  et  figure  chez  Loxia 
coccothraustes  des  hématozoaires  ovales,  à  peu  près  aussi  gros  qu'un  globule 
sanguin  et  dont  l'un  des  pôles,  séparé  par  un  étranglement,  porte  une  couronne 
de  cils  vibratiles;  l'organisme  tourne  en  rond  sur  lui-même. 

Wedl  signale  encore,  chez  le  même  Oiseau,  l'existence  d'hématozoaires  si 
nombreux  que  chaque  goutte  de  sang  en  renfermait  de  50  à  50;  ils  mesuraient 
75  à  130  [X  de  long  sur  5  à  6  u  de  large  et  se  déplaçaient  par  un  mouvement 
en  hélice;  ils  étaient  assez  épaissis,  effilés  à  une  extrémité,  obtus  à  l'autre. 

Ces  organismes,  que  Wedl  décrit  trop  sommaiiement,  ont  la  plus  grande  ana- 
logie avec  les  hématozoaires  décrits  plus  haut  chez  le  Rat.  Ils  ne  ressemblent 
pas  moins  à  ceux  que  Danilewsky  a  observés  chez  des  Oiseaux  de  groupes  assez 
divers  [Accipitridae,  Laniadae,  Corvini,  etc.).  Le  naturaliste  de  Gharkow  rat- 
tache, il  est  vrai,  ces  productions  aux  Cytozoaires,  dont  il  sera  question  plus 
loin,  et  veut  voir  en  elles  déjeunes  Grégarines, 

Ce  dernier  observateur  a  encore  rencontré  dans  le  sang  des  Oiseaux  un  Trypa- 
nosoma  avium,  organisme  fusiforme  plus  ou  moins  allongé,  effilé  à  ses  deux 
extrémités.  L'une  de  celles-ci  porte  un  flagellum  assez  long,  de  la  base  duquel 
part  une  membrane  ondulante  qui  s'étend  jusqu'à  l'extrémité  opposée,  en  faisant 
autour  du  corps  un  à  deux  tours  de  spire.  Le  corps  renferme  un  noyau  arrondi 
et  homogène;  au  moment  de  la  mort  apparaissent  aussi  des  vacuoles  qui  parfois 
se  fusionnent  en  une  seule.  Cet  hématozoaire  se  meut  en  spirale:  le  flagellum 
est  dirigé  en  avant.  Les  j)lus  grands  individus  sont  trois  à  cinq  fois  aussi  longs 
qu'un  globule  rouge  du  sang. 

Le  sang  des  Chéloniens  peut  également  renfermer  des  parasites  de  cet  ordre  : 
Leydig  y  a  observé  des  Trypanosomes  et  Kûnstler  a  vu  chez  la  Tortue  boueuse 
«  un  parasite  fort  rare,  qu'il  croit  être  très-voisin  du  Trypanosoma.  » 

Danilewsky  nous  a  fourni  à  ce  propos  des  renseignements  plus  précis.  Dans 
le  sang  de  Tortues  [Emys  lutraria)  qui  étaient  restées  plusieurs  mois  sans 
manger  et  se  trouvaient  par  conséquent  fort  amaigries,  cet  observateur  a  trouvé 
un  nombre  immense  de  Monades  très  mobiles;  ces  mêmes  parasites  se  voyaient 
aussi  dans  la  lymphe,  l'urine,  la  bile,  etc.  C'étaient  des  Hexamitus,  c'est-à-dire 
des  Flagellés  caractérisés  par  la  présence  de  quatre  flagellums  mobiles  eu  avant 
et  de  deux  longs  tentacules  immobiles  en  arrière. 

Quant  à  la  provenance  de  ces  Monades  hématobies,  Danilewsky  pense  qu'elles 


HÉMATOZOAIRES.  i5 

sont  venues  de  l'inleslin  et  que  les  alte'rations  subies  par  la  muqueuse  intesti- 
nale pendant  la  période  d'inanition  ont  favorisé  leur  passage  dans  le  sang. 

La  première  observation  de  Protozoaires  dans  le  sang  des  Batraciens  est  due 
a  Glû^eet  date  de  1842.  Cet  observateur  trouva  dans  le  cœur  d'une  Grenouille 
un  or"-anisme  microscopique  de  forme  allongée,  terminé  en  pointe  à  ses  deux 
extrémités  et  portant  sur  le  cùté  droit  trois  appendices  assez  longs  (probable- 
ment une  membrane  ondulante]  qu'il  faisait  mouvoir  avec  beaucoup  de  rapidité  ; 
en  même  temps  il  se  déplaçait  très- vivement.  Le  corps  était  transparent  et  ne 
présentait  pas  la  moindre  trace  d'organisation. 

Peu  de  temps  après,  ce  même  animalcule  fut  retrouvé  par  Mayer,  qui  lui 
donna  le  nom  iVAma'ba  rotatoria,  i)uis  par  Gruby,  qui  le  désigna  sous  celui  de 
Trypano!^oma  sanguiiiis. 

Von  Siebold  admit  l'identité  de  VAinœba  rotatoria  Mayer  avec  le  Tri/pano- 
soma  sancjninis  Gruby  :  semblable  manière  de  voir  a  été  adoptée  par  Cbaussat, 
auquel  le  Trypanosome  n'a  pas  paru  aussi  rare  qu'à  Gruby. 

Wedl,  en  1850,  retrouva  cet  organisme  dans  le  sang  de  la  Hainette.  Hay 
Lankester  le  revit  chez  la  Grenouille  en  1871  ;  le  croyant  nouveau,  il  lui  donna 
le  nom  d'Undidina  ranarnm.  Par  la  suile,  Grassi  le  vit  également  chez  la  Rai- 
nette et  le  Crapaud  commun.  Davaine,  au  dire  de  Chaussât,  l'avait  lui-même 
observé  chez  l'Alyle  accoucheur;  on  l'a  vu  encore  chez  les  têtards. 

On  considère  actuellement  les  Trypanosomes  comme  des  êtres  particuliers  : 
on  s'accorde  à  les  ranger  parmi  les  Flagellés,  dont  ils  constituent  le  genre  le 
plus  simple.  Mais,  avant  que  cette  notion  fût  généralement  admise,  on  a  émis 
sur  leur  nature  les  opinions  les  plus  diverses.  Remak,  Creplin  et  von  Siebold, 
ne  pouvaient  consentir  à  voir  en  eux  de  véritables  animaux;  ce  dernier  auteur 
les  considérait  comme  des  membranes  flottantes,  de  provenance  inconnue.  Gaule 
a  émis  une  opinion  non  moins  s-ingulière  :  pour  lui,  il  ne  s'agirait  point  là  de 
parasites,  mais  de  simples  leucocytes,  dont  il  aurait  pu  suivre  sous  le  micro- 
scope la  transformation  en  Trypanosomes;  inversement,  les  Trypanosomes  pour- 
raient redevenir  des  globules  blancs. 

Le  Trypanosome  n'est  point  le  seul  Protozoaire  qui  se  rencontre  dans  le  sang 
de  la  Grenouille.  Mayer  y  a  encore  observé  un  autre  organisme,  qu'il  appela 
Paramaecium  loricalum  ou  coslalum.  Cet  hématozoaire  a  clé  revu  et  figuré  par 
Wedl  chez  la  Grenouille  (fig.  5,  h,  i;  fig.  6)  et  chez  la  Rainette  (fig.  9  et  10); 
Ràttig,  Gaule  et  Grassi,  eurent  également  l'occasion  de  l'observer  :  ce  dernier 
lui  donna  le  nom  de  Paramecioides  coslalus. 

Enfin,  Danilewsky  a  pu  rencontrer  encore,  dans  le  sang  de  Grenouilles  qui 
avaient  passé  l'hiver  dans  le  laboratoire,  des  llexamitus  analogues  à  ceux  qu'il 
avait  vus  déjà  chez  la  Tortue. 

Les  Protozoaires  hématobies  sont  connus  chez  les  Poissons  depuis  1841.  A 
cette  époque,  Valentin  décrivit  dans  le  sang  de  la  Truite  commune  des  animal- 
cules longs  de  7  à  15  ;/,  doués  de  mouvements  amiboïdes  ;  ils  exécutaient  des 
mouvements  très-rapides,  le  plus  souvent  sans  changer  de  place,  mais  pouvaient 
aussi  se  déplacer,  en  décrivant  dans  leur  marche  de  véritables  cercles. 

Remak  observa  lui-même  dans  le  sang  de  la  plupart  des  Poissons  de  rivière, 
et  particulièrement  chez  le  Brochet,  des  hématozoaires  qui  n'étaient  sans  doute 
autre  chose  que  des  Trypanosomes.  Il  leur  recoimaît  une  partie  membraneuse 
transparente  et  des  prolongements  dentés,  qui  disparaissent  quand  l'animalcule 
reste  en  repos.  C'est  assurément  le  même  organisme  qui  a  été  revu  par  Berg  et 


40  HÉMATOZOAIRES. 

Creplin  chez  le  Brochet  et  par  Gros  chez  diverses  espèces  (Goujon,  Motelle, 
Perche,  Sterlet,  Lotte,  Tanche,  etc.)  :  les  animalcules  de  la  Motelle  étaient  nom- 
breux, très-vifs,  amiboïdes,  et  présentaient  l'aspect  d'un  ruban  qui  se  tord  et  se 
plisse  dans  tous  les  sens;  ils  étaient  longs  de  43  ^,  larges  de  1  p  seulement. 
Gros  dit  encore  avoir  vu  quelques-uns  de  ces  organismes  à  l'intérieur  des  glo- 
bules sanguins;  peut-être  s'agit-il,  dans  cette  observation,  des  curieuses  pro- 
ductions cellulaires  que  nous  étudierons  plus  loin  sous  le  nom  de  Cytozoaires. 

Un  hématozoaire  différent  de  ceux-ci  a  été  rencontré  par  Chaussât  dans  le 
sang  du  Barbeau  :  cet  auteur  le  compare  avec  raison  à  VAmœba  rotnloria  Mayer, 
qui  n'est,  comme  nous  l'avons  dit,  qu'une  forme  du  ïrypanosome  de  la  Gre- 
nouille. 

VYedl  a  observé  dans  le  sang  de  la  Tanche  des  parasites  fort  analogues  à  ceux 
qu'avait  décrits  Uemak;  il  les  retrouva  chez  le  Goujon  et  vit  en  même  temps, 
chez  ce  dernier,  des  organismes  différents  qu'il  appela  Glohularia  radiata  san- 
gulnis.  Il  est  difficile  de  se  prononcer  sur  la  nature  de  ce  dernier,  dont  la 
description  est  incomplète  et  les  dessins  assez  imparf.iits  :  on  est  frappé  seule- 
ment de  son  analogie  avec  Trichodina  pedic}il)tx,  Infusoire  péritriche  assez  fré- 
quent dans  l'intestin  de  la  Grenouille.  L'helminthologiste  viennois  rencontra 
également  dans  le  sang  du  Goujon  et  de  la  Tanche,  parfois  en  nombre  considé- 
rahle,  des  «  petites  Pilaires  n  un  peu  plus  longues  que  les  globules  rouges.  Ces 
productions  ressemblent  beaucoup  à  celles  que  Gros  a  observées  chez  la  Motelle 
et,  comme  celles-ci,  doivent  sans  doute  être  considérées  comme  des  Cytozoaires. 

Uneétude  plus  récente,  et  aussi  plus  complète,  des  hématozoaires  des  Poissons, 
est  due  à  Mitrophanow.  Le  naturaliste  moscovite  décrit  sous  le  nom  d'Haema- 
iornoiias  cobUis  un  organisme  rencontré  par  lui  dans  le  sang  de  Cobitisfûssilis. 
C'est  un  étie  long  de  50  à  40  u,  large  de  1  à  1,5  pt,  doué  d'une  extrême  agilité; 
le  corps  piésente  sur  un  de  ses  côtés  une  large  membrane  ondulante  entourée 
en  spirale  et  est  pourvu,  à  l'une  de  ses  extrémités,  d'un  long  flagellum  qui 
est  toujours  dirigé  en  avant  pendant  la  marche.  Au  moment  de  la  mort,  fla- 
gellum et  membrane  se  rétractent  et  l'organisme  prend  l'aspect  d'un  simple 
grumeau  sarcodique. 

Mitrophanow  lait  également  connaître  sous  le  nom  d' Ilœmatomonas  carassii 
un  hématozoaire  de  Carassius  vulgnris.  Ce  nouvel  organisme  est  très-semblable 
au  précédent,  si  ce  n'est  que  sa  taille  est  plus  forte,  sa  membrane  ondulante 
plus  étroite  et  son  agilité  moins  grande. 

Enfin,  Danilewsky  a  retrouvé  ces  mêmes  organismes  chez  différents  Poissons 
[Cypriniis  carpio,  C  tinca,  Cobitis  fossilis,  C.  barbatida,  Esox  lucius.  Perça 
flitviatilis,  etc.).  11  leur  donne  le  nom  de  Trypanosoma  pisciiun  et  en  distingue 
deux  variétés,  qui  correspondent  assez  exactement  à  celles  qu'a  reconnues  Mitro- 
phanow. 

CvrozoAir.ES.  Nous  devons  maintenant  dire  quelques  mots  de  productions 
singulières  que  Ray  Lankester  avait  aperçues  déjà  dans  le  sang  de  la  Grenouille 
en  1871,  mais  dont  l'étude  détaillée  a  été  faite  par  Gaule  et  par  Danilewsky. 

En  examinant  les  globules  rouges  du  sang  de  Grenouille  défibriné  et  porté  à 
une  température  de  50  à  52"  C,  dans  une  solution  de  chlorure  de  sodium  à 
0,6  jjour  lUO,  Gaule  vit  apparaître  dans  la  cellule,  à  côté  du  noyau,  des  cor- 
puscules mobiles,  allongés  et  pointus  à  leurs  deux  extrémités  (fig.  1,  B).  Ces 
corpuscules,  que  Gaule  appelle  Cytozoaires,  sortent  de  la  cellule,  qu'ils  peuvent 
traîner  un  certain  temps  après  eux,  accomplissent  des  mouvements  pendant  un 


UÉMATOZOAIRES. 


47 


laps  de  temps  plus  ou  moins  long,  puis  entrent  en  repos,  meurent  et  dispa- 
raissent par  dissolution  dans  le  plasma. 

Les  Cytozoaires  ne  sont  point  préformés  dans  le  sang;  ce  ne  seraient  point 
davantage  des  parasites,  et  l'opinion  d'Arndt,  qui  les  prenait  pour  des  Spirncliètes, 
serait  inexacte.  11  faudrait  les  considérer  comme  des  particules  de  la  substance 
du  noyau. 

Dans  des  organes  comme  la  rate,  le  foie,  la  moelle  des  os,  ils  se  développent 


A 


B 


Fig.  1.  —  Cytozoaires  de  la  Grenouille,  d'après  Gaule. 

A.  Cellule  splénique  avec  Cytozoaires.  —  B.  Globule  rouge  du  sang  dont  le  protoplasma  renferme  un 

Cytozoaire. 

aux  dépens  des  hématies  bien  plus  facilement  et  bien  plus  vite  que  dans  le  sang 
lui-même.  Pour  la  rate,  l'intervention  de  la  chaleur  est  inutile  et  il  suffit 
d'ajouter  la  solution  saline  au  suc  de  cet  organe  pour  les  voir  apparaître  ;  Gaule 
pense  même  que  les  globules  rouges  acquièrent  seulement  dans  la  rate  la  faculté 
de  leur  donner  naissance.  Il  est  du  reste  à  noter  qu'ils  se  développent  tout  aussi 
bien  dans  les  cellules  propres  de  la  rate  (ûg.  1,  A),  dans  les  cellules  hépatiques 
et  dans  les  cellules  de  la  moelle  des  os. 

L'époque  à  laquelle  les  Cytozoaires  se  montrent  le  plus  facilement,  et  en  plus 
grand  nombre,  coïncide  avec  le  moment  où  la  Grenouille  ne  prend  plus  aucun 
aliment  et  vit  uniquement  des  réserves  qu'elle  a  faites  pendant  sa  période  d'ac- 
tivité ;  ce  sera,  pour  les  grosses  Grenouilles  en  automne,  pour  les  petites  au 
printemps. 

Ces  organismes  s'observent  également  dans  les  tissus  des  animaux  vivants. 
Qu'on  fixe  instantanément  les  tissus  par  le  sublimé  corrosif  en  solution  aqueuse 
concentrée  ou  par  l'acide  nitrique  à  5  pour  100  et  qu'on  fasse  intervenir  les 
réactifs  colorants  (violet  de  gentiane),  on  verra  fréquemment  dans  les  cellules, 
à  côté  des  noyaux,  de  petits  «  noyaux  accessoires  »  qui  se  comportent  à  l'égard 
des  réactifs  de  la  môme  façon  que  le  noyau  lui-même  et  qui  ne  sont  autre  chose 
que  les  Cytozoaires. 

Si  on  chssocie  dans  l'acide  osmique  une  rate  fraîche  de  Grenouille,  on  ne 
trouve  point  de  Cytozoaires  et  on  ne  voit  dans  chaque  cellule  que  le  noyau  et  le 
protoplasma  granuleux,  mais,  si  on  laisse  mourir  les  éléments  de  la  rate  et 
qu'ensuite  on  provoque,  par  les  moyens  énoncés  plus  haut,  l'apparition  de  ces 
organismes,  on  pourra  dès  lors  les  fixer  par  l'acide  osmique. 

Ces  productions  ont  une  structure  compliquée  :  par  l'action  des  réactifs,  on 


48  IIÉMÂTOZOAIUKS. 

y  peut  reconnaître  un  noyau  et  un  protoplasma  formé  de  deux  substances  bien 
distinctes  :  l'une,  qui  se  colore  par  la  nigrosine,  occupe  les  deux  extrémités; 
l'autre,  sur  laquelle  se  porte  l'éosine,  se  présente  sous  l'aspect  de  deux  grains 
entourés  d'un  espace  clair  et  disposés  de  chaque  côté  du  novau. 

I,es  hématies  ne  sont  pas  les  seuls  éléments  capables  de  produire  des  Cyto- 
zoaires,  encore  que  le  phénomène  s'observe  plus  aisément  chez  elles  :  chaque 
espèce  de  cellule  peut  avoir  les  siens.  De  plus,  leur  aspect  varie  d'une  espèce 
animale  à  l'autre  :  ceux  de  la  Grenouille  rousse  (hffèrcnt  de  ceux  de  la  Gre- 
nouille verte.  Chez  les  Batraciens  urodèles  (Salamandre,  Triton),  ils  sont,  comme 
les  globules  rouges,  de  grandes  dimensions,  et  présentent  un  llagellum.  Les  héma- 
tozoaires flagellés  que  Danilewsky  a  trouvés  chez  la  Tortue  et  dont  nous  avons 
parlé  plus  haut  ne  seraient  autre  chose  que  des  Cytozoaires,  d'ajirès  l'opinion  de 
Gaule,  (^hez  l'Homme  lui-même,  on  peut  observer  de  semblables  organismes,  et 
on  en  reconnaîtrait  même  deux  lormes  :  l'une  Oagellée,  l'autre  vermiculaire, 
comme  chez  la  Grenouille;  ils  prennent  naissance  au  moment  précis  où  le  sang 
quitte  les  vaisseaux  et  se  tondent  aussitôt  dans  le  plasma  :  pour  les  voir,  il  tant 
donc  avoir  recours  à  des  i)iocédés  de  fixation  instantanée. 

Quelle  est  la  signification  physiologique  des  Cytozoaires?  A  l'état  normal, 
c'est  seulement  dans  la  rate,  quelquefois  aussi  pourtant  dans  le  foie,  qu'ils  sor- 
tent des  globules  sanguins  :  ils  pénètrent  alors  à  l'intérieur  de  certaines  cellules 
spléniques  ])articulicrement  riches  en  protoplasma.  Ces  cellules,  que  Gaule  dé- 
signe sous  le  nom  de  cellules  nourricières,  lorment  des  amas  épars  dans  la 
substance  de  la  rate,  à  la  façon  des  follicules  chez  les  Mammifères  :  c'est  à  leur 
intérieur  que  prendraient  naissance  les  jeunes  hématies. 

En  automne,  les  Cytozoaires  commencent  à  s'emmagasiner  dans  les  cellules 
nourricières.  Celles-ci  augmentent  alors  de  taille  et  se  chargent,  vers  le  milieu 
de  l'hiver,  d'un  pigment  particulier  ayant  la  même  couleur  que  l'hémoglobine. 
Au  commencement  du  printemps,  on  distingue  déjà  à  leur  intérieur  de  jeunes 
globules  rouges,  qui  seront  mis  en  liberté  au  moment  où  l'animal  sortira  de  son 
sommeil  hivernal. 

Tandis  que  les  jeunes  hématies  se  forment  de  la  sorte,  les  vieilles,  celles  qui 
ont  donné  naissance  aux  Cytozoaires,  se  détruisent  peu  à  peu  :  elles  s'accumu- 
lent dans  la  rate  et  dans  le  foie.  Pendant  l'hiver,  la  masse  totale  du  sang  de  la 
Grenouille  va  donc  sans  cesse  en  diminuant;  au  printemps,  elle  augmente  brus- 
quement. 

11  est  intéressant  de  remarquer  que  certaines  conditions  peuvent  provoquer 
l'apparition  de  ces  phénomènes  qui,  normalement,  s'accomplissent  pendant  la 
saison  froide  :  la  captivité,  un  hiver  particulièrement  chaud,  la  sécheresse,  la 
lumière,  sont  de  ce  nombre.  Il  en  est  de  même  pour  certains  poisons  :  par 
exemple,  une  dose  de  0,6  à  1  milligramme  de  pilocarpine  détermine  la  pro- 
duction de  jeunes  globules  rouges  dans  l'espace  de  quelques  heures  :  on  voit 
alors  le  nombre  des  globules  augmenter  dans  une  proportion  considérable,  grâce 
à  l'apparition  d'éléments  encore  incomplètement  développés. 

Telle  est,  exposée  dans  ses  traits  essentiels,  la  théorie  de  Gaule.  Pour  cet  au- 
teur, les  Cytozoaires  ne  seraient  nullement  des  parasites,  mais  bien  des  produc- 
tions normales  de  l'organisme.  Nous  devons  ajouter  que  cette  opinion,  défendue 
avec  persévérance  par  son  auteur,  n'a  rencontré  jusqu'à  ce  jour  que  des  con- 
tradicteurs. 

Ray  Lankester  n'hésite  pas  à  considérer  les  Cytozoaires  du  sang  de  la  Gre- 


HÉMATOZOAIRES. 


49 


nouille  comme  de  véritables  parasites  ;  il  veut  y  reconnaître  les  corpuscules 
lalciformcs  d'un  Sporozoaire  (Coccidie)  et  propose  de  leur  donner  le  nom  de 
Drepanidirnn  ranarum. 

L'étude  de  ces  productions  a  été  reprise  avec  détails  par  Danilewsky.  A 
l'exemple  de  Ray  Lankester,  le  naturaliste  russe  les  considère  comme  des  para- 
sites, qu'il  rattache  aux  Sporozoaires;  il  les  décrit  sous  le  nom  général  de  Ilaemo- 
gregarina. 

Cliez  les  Oiseaux,  les  Cytozoaires  prennent  encore  naissance  à  l'intérieur  des 
hématies  :  ils  grandissent  peu  à  peu,  s'allongent  et  prennent  une  forme  vermi- 
culaire;  ils  finissent  par  devenir  libres  et  |)ar  acquérir  un  noyau.  Nous  avons 
indiqué  plus  haut,  à  propos  des  Protozoaires  hématobies  des  Batraciens,  quelles 
semblaient  être  alors  leurs  relations  avec  les  organismes  fdariformes  qu'il  n'est 
point  rare  de  voir  nager  librement  dans  le  plasma. 

Danilewsky  a  pu  suivre  d'une  façon  plus  complète  l'évolution  des  Cytozoaires 
chez  la  Tortue  {Emys  lutraria).  Ces  organismes  se  montrent  enfouis  dans  la 
substance  d'un  plus  ou  moins  grand  nombre  de  globules  rouges,  à  côté  du 
noyau  (fig.  2,  A,  C,  C,  D)  ;  on  peut  les  voir  encore,  mais  bien  plus  rarement. 


A 


Fig.  2.  —   Haemogregarina  Stepanowi  des  globules  rouges  du  sang  de  la  Toriue  (Emys  lutraria) 

d'après  Danilewsky. 

A,  B,  C,  D,  différentes  formes  de  Cytozoaires  renfermés  daus  les  globules  rouges,  à  côté  du  noyau.  — 
E,  F,  le  Cytozaire  sort  du  globule.  —  G,  Cytozoaire  nageant  librement  dans  le  plasma  sanguin. 

nageant  dans  le  plasma,  G.  Les  globules  qui  les  hébergent  ne  se  distinguent  des 
normaux  ni  par  la  forme  ni  par  la  structure;  on  les  voit  seulement  acquérir 
de  grandes  dimensions,  quand  le  parasite  augmente  lui-même  de  taille  et 
acquiert  son  complet  développement.  Celui-ci  tranche  sur  la  substance  du 
globule  par  sa  plus  grande  transparence  et  par  son  aspect  gris  clair;  il  rejette 
le  noyau  sur  le  côté.  Quand  il  a  atteint  son  maximum  de  taille,  il  peut  mesurer 
jusqu'à  50  |x,  c'est-à-dire  qu'il  est  souvent  plus  de  deux  fois  plus  long  que  le 
globule,  à  l'intérieur  duquel  il  se  replie  sur  lui-même. 

La  croissance  du  parasite  se  fait  aux  dépens  de  la  substance  du  globule,  qu'il 
absorbe  peu  à  peu  :  ce  dernier  est  réduit  finalement  à  une  mince  couche  péri- 
phérique, qui  forme  autour  du  Cytozoaire  une  sorte  de  capsule  incolore.  Quand 
celui-ci  a  achevé  sa  croissance,  il  déchire  son  enveloppe,  E,  F,  et  commence  à 
nager  dans  le  plasma  ;  jusqu'alors  il  était  resté  immobile  ;  les  restes  du  globule 
DICT,  EKC.  1"  s.  Xllf.  4 


50  HÉMATOZOAIRES. 

se  retrouvent  alors  dans  le  sang,  sous  forme  d'un  sac  percé  à  l'une  de  ses 
extrémités  ;  le  noyau  se  voit  encore  à  l'intérieur  ou  à  côté  de  ce  sac. 

Le  Cytozoaire  devenu  libre  a  une  structure  des  plus  simples,  G  :  c'est  un 
corps  cylindrique,  allongé;  l'une  des  extrémités  est  arrondie  et  dirigée  en  avant, 
l'autre  est  effilée  et  tournée  en  arrière.  La  partie  moyenne  du  corps  renferme  un 
noyau  elliptique,  pourvu  d'un  nucléole. 

Lu  forme  libre  représenterait  l'état  adulte  d'un  Sporozoaire  que  Danilewsky 
appelle  Haemogregarina  Stepanowi.  L'opinion  du  naturaliste  russe  diffère  donc 
notablement  de  celle  de  Ray  Lankester,  qui  rattachait  aussi  les  Cytozoaires  aux 
Sporozoaires,  mais  les  considérait  comme  analogues  aux  corpuscules  falciformes. 

Les  Cytozoaires  du  Lézard  [Lacerta  viridis,  L.  agills)  ressemblent  beaucoup 
aux  précédents  :  ils  sont  parfois  si  nombreux,  qu'on  les  trouve  chez  plus  de 
20  pour  100  des  globules.  Pour  la  commodité  de  la  description,  on  en  peut 
distinguer  deux  formes,  l'une  inlra-cellulaire,  l'autre  libre  dans  le  plasma,  mais 
ces  deux  formes  ne  représentent  que  deux  états  successifs  d'un  même  parasite; 
les  animalcules  libres  sont  toujours  bien  plus  rares  que  les  intra-ccllulaires, 
Danilewsky  distingue  encore  trois  formes  parmi  ces  derniers. 

Tous  ces  faits  rendent  assurément  fort  vraisemblable  l'opinion  d'après  laquelle 
les  Cytozoaires,  loin  d'avoir  la  signification  et  l'importance  hislogénique  qui 
leur  est  attribuée  par  Gaule,  seraient  de  simples  parasites  du  groupe  des  Spo- 
rozoaires. Néanmoins,  dans  l'état  actuel  de  la  science,  il  est  bien  difficile  de  se 
prononcer  sur  ce  point.  On  n'est  pas  mieux  fixé  sur  l'origine  de  ces  parasites 
et  sur  leur  mode  de  pénétration  dans  le  sang. 

Les  Cytozoaires  n'ont  pas  encore  été  étudiés  d'une  fa^on  suivie  dans  le  sang 
de  l'Homme,  bien  que  Gaule  dise  les  y  avoir  rencontrés.  Danilew.->ky  croit  pou- 
voir leur  rapporter  les  organismes  trouvés  dans  le  sang  par  Richard,  Laveran, 
Marcbiafava  et  Celli,  dans  les  cas  de  malaria.  En  effet,  les  «  éléments  cylin- 
driques en  croissant  »  décrits  par  Laveran  et  les  «  formes  en  croissant  »  signalées 
par  Marcbiafava  et  Celli  se  développent  à  l'intérieur  des  globules  rouges. 

Hématozoaires  appartenant  au  groupe  ues  Trématodes.  A  part  les  Bilharzies, 
dont  nous  aurons  à  parler  longuement  à  la  fin  de  ce  chapitre,  les  Trématodes  se 
voient  rarement  dans  le  sang.  Parmi  les  observations  actuellement  connues, 
quelques-unes  sont  indiscutables,  quelques  autres  sont  douteuses  :  de  ce  nombre 
est  celle  de  Treutler,  sur  laquelle  les  auteurs  sont  loin  d'être  d'accord. 

Cet  auteur  a  décrit,  en  1793,  sous  le  nom  A' Hexalhyridium  venanim,  un 
Ver  plat  qu'il  aurait  extrait  de  la  veine  tibiale  antérieure,  ouverte  spontanément, 
chez  un  jeune  homme,   pendant  que  celui-ci  se  baignait  à  la  rivière. 

L'observation  de  Treutler  a  donné  lieu  à  bien  des  controverses  :  il  était  en  effet 
difficile  de  l'admettre,  tant  qu'on  ne  connaissait  point  d'exemples  plus  authen- 
tiques de  la  présence  de  Distomes  dans  les  vaisseaux  sanguins.  Mais  ce  fait, 
longtemps  considéré  comme  douteux,  est  aujourd'hui  démontré.  On  peut  donc 
admettre  que  les  Hexathyridiiim  venarum  de  Treutler  n'étaient  autre  chose 
que  des  Disloma  lanceolatum  ou,  plus  vraisemblablement,  de  jeunes  D.  liepa- 
ticum,  ainsi  que  semblent  l'indiquer  les  ramifications  latérales  portées  par  chacun 
des  deux  caecums  intestinaux. 

Un  cas  plus  remarquable,  et  dont  l'authenticité  ne  peut  être  l'objet  du  plus 
léger  doute,  est  celui  de  Duval,  professeur  d'analomie  à  l'École  de  médecine  de 
Rennes.  On  en  trouvera  l'histoire  détaillée  à  l'article  Douves. 

Il  convient  de  rapprocher  de  ce  cas  ceux  où  des  Distoraes  ont  été  trouvés  dans 


HÉMATOZOAIRES. 


al 


des  tumeurs  sous-cutauées.  Ces  Vers,  sans  aucun  doute,  e'iaient  primitivement 
libres  dans  le  sans  :  entraînés  avec  celui-ci,  ils  se  sont  arrêtés  dans  les  capil- 
laires et  leur  présence  s'nst  manifestée  par  la  production  d'une  tumeur.  A  cette 
catégorie  appartiennent  les  cas  de  Giesker,  de  Penn  Ilarris,  de  Fox  et  de  Dionis 
des  Carrières,  dont  on  trouvera  le  résume  à  l'article  Douves. 

A  côté  de  ces  observations,  citons  encore  celles  de  Leared,  de  Scbmitz  et  de 
von  Baer,  qui,  il  est  vrai,  ne  se  rapportent  pas  à  l'Homme.  Le  premier  de  ces 
iiuteurs  a  trouvé,  dans  les  cavités  du  cœur  d'une  Tortue,  de  jeunes  Distonies 
longs  de  5  millimètres,  larges  de  i  millimètre  environ  :  il  leur  donna  le  nom  de 
Distoma  constrictum.  Des  œufs  qui  provenaient  sans  doute  de  ce  parasite 
étaient  en  suspension  dans  le  sang;  ces  mêmes  œufs  ont  encore  été  rencontrés 
dans  le  cœur  d'une  autre  Tortue  appartenant  à  une  espèce  différente. 

Schmitz  a  observé  à  Berlin,  en  1826,  dans  les  vaisseaux  mésentériques  du 
Sonneur  à  ventre  de  feu  [Bombinalor  igneus),  des  hématozoaires  dont  il  donne 
une  description  trop  incomplète  pour  qu'on  puisse  les  classer  si!uement.  H 
semble  du  moins  probable  qu'il  s'agissait  de  petits  Trémalodes;  Diesing  leur  a 
donné  le  nom  dllexathyridium  affine,  les  rangeant  ainsi  dans  le  même  groupe 
que  le  parasite  vu  par  Treutler. 

Des  hématozoaires  appartenant  à  l'ordre  des  Trématodes  ont  encore  été  trouvés 
par  von  Baer  dans  le  sang  de  certains  Mollusques  lamellibranches  [Anodonta 
ventricosa)  :  ce  célèbre  anatomiste  leur  donna  le  nom  de  Distoma  duplicalum. 
Ils  nageaient  librement  dans  le  sang  de  l'oreillette  et  du  ventricule  et  des  para- 
sites de  même  espèce  se  trouvaient  logés  dans  l'organe  de  Bojanus,  sous  la  peau 
du  dos,  dans  le  foie,  le  pied,  les  branchies,  etc. 

BiLUARziA  HAEMATOBiA  Gobbold.  Ce  Trcuiatode  appartient  à  un  groupe  remar- 
quable de  Distomes  unisexués.  Il  a  été  découvert 
en  1851  dans  le  sang  de  la  veine  porte  par  Bil- 
harz,  alors  professeur  à  l'École  de  médecine  du 
Caire.  On  trouvera  à  l'article  Bein,  relativement 
à  cet  helminthe,  quelques  documents  auxquels  il 
ne  sera  pas  bors  de  propos  d'adjoindre  ici  le  ré- 
sultat d'observations  plus  récentes. 

Le  mâle  (fig.  5,  f,g,li)  est  long  de  II  à  14  mil- 
limètres; sa  largeur  peut  atteindre  1  millimètre; 
il  est  à  peu  près  gros  comme  un  Oxjure  et  d'un 
blanc  d'opale.  L'extrémité  antérieure  du  corps  est 
nettement  aplatie  et  porte  les  ventouses  :  celles-ci 
sont  à  peu  près  d'égale  taille,  situées  à  peu  de 
distance  l'une  de  l'autre,  et  font  une  notable  saillie 
à  la  surface  du  corps  ;  elles  ont  un  diamètre  d'en- 
viron 260  IL. 

En  arrière  de  la  ventouse  ventrale,  le  corps 
s'épaissit  assez  brusquement,  puis  conserve  la 
même  épaisseur  jusqu'à  l'extrémité  caudale,  ter- 
minée en  pointe  arrondie.  Le  corps  semble  tout 
d'abord  cylindrique,  mais  un  examen  plus  attentif 
permet  de  reconnaître  qu'il  est  lui-même  aplati, 
plus  aplati  même  que  la  partie  antérieure.  L'apparence  cylindrique  tient  à  ce 
que  la  face  ventrale  s'est  enroulée  sur  elle-même  en  gouttière;  cet  enroule 


Fig.  3.  —  Bilharzies  mâle  et  femelle 
fortement  grossies,  d'après  Bilharz. 

a,b,c,  femelle  en  partie  contenue 
dans  le  canal  gynécopliore  du  mâ- 
le. —  f,  g,  II,  le  mâle.  —  t,  ven- 
touse buccale. —  k,  ventouse  ven- 
trale. 


52  HEMATOZOAIRES. 

ment  est  si  complet,  que  les  deux  bords  chevauchent  l'un  sur  l'autre.  11  se  forme 
de  la  sorte,  à  lu  partie  postérieure  du  corps  du  mâle,  un  canal  incomplètement 
clos  qui  sert  d'abri  à  la  femelle.  Ce  canal  a  été  reconnu  par  Bilharz,  qui  lui 
donna  le  nom  de  canalis  gynaecophorus  ;  quand  la  femelle  est  fécondée  et 
qu'elle  grossit  par  suite  du  développement  des  œufs,  les  lèvres  du  canal  s'écar- 
tent l'une  de  l'autre,  mais  jamais  assez  pour  ne  plus  la  retenir  et  pour  la  laisser 
tomber. 

La  partie  antérieui'e  du  corps  n'occupe  que  la  huitième  ou  la  neuvième  partie 
de  la  longueur  totale;  le  tégument  en  est  lisse  et  mou.  Le  reste  du  corps  est  au 
contraire  orné,  sur  sa  face  supérieure  ou  externe,  d'un  grand  nombre  de  papilles 
surmontées  de  petites  épines.  La  face  ventrale,  c'est-à-dire  l'intérieur  du  canal 
gynécophore,  est  elle-même  pourvue  d'innombrables  petites  saillies  coniqvies, 
très-serrées  les  unes  contre  les  autres;  seule,  la  ligne  médiane  du  canal  reste 
lisse.  Les  deux  ventouses  ont  \in  aspect  chagriné,  grâce  à  la  juxtaposition  d'un 
nombre  considérable  de  granules  aplatis  qui  se  trouvent  disposés  à  leur  sur- 
lace interne. 

Au-dessous  de  la  cuticule  se  voit  une  double  assise  musculaire  :  la  couche 
longitudinale,  (jui  est  la  plus  importante,  est  formée  de  cellules  fusiformes, 
parallèles  entre  elles,  bien  distinctes  les  unes  des  autres  et  longues  de  50  p; 
Ja  couche  diagonale  est  constituée  par  des  faisceaux  très-espaces  les  uns  des 
autres.  Le  parenchyme  du  corps  est  formé  de  cellules  conjonctives  serrées,  dont 
le  noyau  mesure  4  \>..  L'enroulement  de  la  partie  postérieure  du  corps  n'est 
point  dii  à  l'action  des  muscles. 

L'appareil  excréteur  est  représenté  par  deux  canaux  clairs  et  étroits,  de 
largeur  inégale,  non  ramifiés,  qui  sont  situés  dans  les  parties  latérales  du 
corps,  mais  se  réunissent  en  arrière,  suivant  la  ligne  médiane,  en  un  canal 
unique;  celui-ci,  après  un  court  trajet,  s'ouvre  à  l'extrémité  de  la  queue.  Au 
point  où  les  deux  branches  latérales  s'anastomosent,  on  voit  également  aboutir 
un  fin  canalicule,  qu'il  est  possible  de  suivre  quelque  temps  sur  la  ligne 
médiane. 

Le  tube  digestif  commence  à  la  ventouse  antérieure  ou  buccale  ;  il  se  renfle 
en  un  pharynx  de  petites  dimensions,  puis  se  continue,  sous  forme  d'un  canal 
étroit  et  sinueux,  jusqu'à  la  ventouse  ventrale  ou  postérieure.  Immédiatement 
en  avant  de  celle-ci,  il  se  divise  en  deux  branches,  dont  chacune  se  porte  dans 
la  partie  latérale  correspondante  et  présente  un  diamètre  transversal  de  40  ja 
au  maximum.  Les  deux  branches  intestinales  poursuivent  leur  trajet  d'avant  en 
îirrière,  puis  finissent  par  se  réunir  en  un  seul  cfecum,  dont  le  fond  se  trouve 
situé  à  peu  près  à  0'""%34  de  l'extrémité  caudale. 

Les  organes  génitaux  ont  une  structure  des  plus  simples.  Un  peu  en  arrière 
de  la  ventouse  postérieure,  au  point  précis  oii  la  partie  antérieure  du  corps, 
lisse  et  aplatie,  se  continue  avec  la  partie  postérieure,  on  voit  cinq  à  six  vési- 
cules testiculaires  arrondies,  serrées  les  unes  contre  les  autres,  larges  de  120  ;:a 
et  disposées  en  alternance  suivant  la  longueur.  Ces  vésicules  aboutissent  à  un 
canal  déférent  que  limite  une  paroi  propre  et  qui  s'ouvre  presque  aussitôt  dans 
le  fond  du  canal  gynécophore  par  un  orifice  qui  semble  être  circonscrit  par  un 
bourrelet.  A  sa  terminaison,  ce  canal  présente  du  côté  gauche  un  diverticule 
constitué  par  une  vésicule  séminale  à  paroi  contractile.  L'appareil  copulateur 
fait  défaut  :  il  n'existe  pas  de  poche  du  cirre. 

La  femelle  (fig.  o,  a,  h,  c)  est  plus  longue  que  le  mâle,  dont  elle  diffère  con- 


HÉMATOZOAIRES.  t;5 

sidérablement  par  sa  complication  anatomique;  elle  mesure  de  15  à  20  milli- 
mètres. Son  corps  est  plus  élancé,  presque  cylindrique,  et  rappelle  par  son 
aspect  général  celui  des  Nématodes.  Elle  est  d'une  grande  ténuité,  fine  comme 
un  fil  de  soie,  et  passe  aisément  inaperçue  dans  le  sang  de  la  veine  porte,  si  on 
n'a  soin  de  verser  celui-ci  en  mince  nappe  sur  une  assiette,  pour  l'examiner 
attentivement  :  elle  se  présente  alors  sous  la  l'orme  d'un  filament  blanchâtre, 
tandis  que  le  mâle,  environ  quatre  fois  plus  épais,  est  enroulé  sur  lui-même 
en  une  sorte  de  grumeau. 

Sur  une  coupe  transversale,  le  corps  de  la  femelle  présente  une  forme  très- 
variable.  Depuis  la  ventouse  buccale  jusqu'à  la  ventouse  ventrale,  la  section  a 
l'aspect  d'un  ovale  aplati.  La  distance  entre  ces  deux  ventouses  est  seulement 
de  0"'",225,  malgré  la  taille  relativement  considérable  de  l'animal;  elles  font 
saillie  à  la  surface  du  corps  et  ont  un  diamètre  de  0""",08.  A  la  ventouse  pos- 
térieure commence  un  profond  sillon  qui  s'étend  le  long  de  la  ligne  médiane 
de  la  face  ventrale  et  qui  correspond  au  canal  gynécophore  du  mâle;  ce  sillon 
s'efface  vers  la  partie  moyenne  du  corps,  mais  réapparaît  dans  la  région  caudale 
et  se  continue  jusqu'à  l'extrémité  postérieure. 

Le  corps  s'épaissit  progressivement  d'avant  en  arrière  et  son  épaisseur  va  de 
Qmm  07  à  0'"'",28.  La  cuticule  n'ost  pas  complètement  lisse,  mais  porte  de  fines 
épines  cylindriques,  qui  sont  particulièrement  développées  dans  la  région  cau- 
dale, où  elles  forment  un  revêtement  serré  à  la  surface  du  sillon  ventral  :  ces 
épines  sont  dirigées  en  avant  et  s'opposent  peut-être  à  ce  que  la  femelle  glisse 
dans  le  canal  gynéco))liore. 

La  ventouse  buccale,  étirée  en  avant  en  une  pointe  mousse  et  profondément 
échancrée  sur  les  côtés,  conduit  par  lui  étroit  orifice  dans  un  large  pharynx  en 
forme  de  bocal  et  à  faible  musculature.  A  celui-ci  fait  suite  un  œsophage  sinueux 
qui,  immédiatement  en  avant  de  la  ventouse  ventrale,  se  divise  en  deux  bran- 
ches dont  la  largeur  est  considérable,  mais  qui  se  rétrécissent  notablement,  aux 
points  ou  les  organes  génitaux  viennent  à  les  comprimer.  En  arrière  de  ces  der- 
niers, les  deux  branches  intestinales  se  réunissent,  comme  chez  le  mâle,  en 
un  tube  assez  large,  qui  se  contourne  d'ordinaire  légèrement  en  spirale  et  se 
termine  en  un  cul-de-sac  dont  le  fond  est  séparé  de  l'extrémité  caudale  par 
une  distance  de  0™™,12  à  O^^jSS. 

Dans  les  premières  portions  du  tube  digestif,  l'épithélium  est  souvent  mal 
développé,  surbaissé,  indistinct;  plus  loin,  mais  surtout  après  la  fusion  des 
deux  branches  latérales,  il  est  encore  irrégulier,  mais  devient  plus  puissant, 
sans  que  pourtant  on  y  puisse  recoimaître  de  hautes  cellules  cylindriques.  Les 
cellules  cubiques  ou  cylindriques  surbaissées  portent  à  leur  surface  libre  des 
filaments  protoplasmiques  granuleux  analogues  à  ceux  qu'a  décrits  Sommer 
chez  la  Douve  hépatique.  Ces  prolongements  remplissent  en  grande  partie  la 
cavité  intestinale;  ils  se  séparent  parfois  des  éléments  sous-jacents,  sous  forme 
de  masse  cohérente,  et  laissent  derrière  eux  des  cellules  à  contours  bien  accu- 
sés et  à  sommet  arrondi.  Plus  l'intestin  est  étroit,  plus  sa  paroi  devient  visible  ; 
celle-ci  est  certainement  contractile,  bien  qu'on  ne  puisse  encore  rien  dire  de 
précis  sur  les  muscles  qui  entrent  dans  sa  structure. 

L'appareil  excréteur  est  très-développé  ;  sa  disposition  générale  est  la  même 
que  chez  le  mâle.  Deux  larges  canaux,  qui  occupent  les  côtés  et  qu'il  est  facile 
de  suivre  jusque  vers  le  milieu  de  la  longueur  du  corps,  s'anastomosent  entre 
eux;  à  leur  confluent  aboutit  également  un  petit  canal  médian.  Ces  différents 


oi  HEMATOZOAIRES. 

canaux  sont  tapissés  par  un  é(iitliélium  vibratile;  ils  constituent  par  leur  ren- 
contre une  poche  collectrice  longue  de  80  à  180  pi;  cette  poche  communique 
avec  l'extérieur  au  moyeu  d'un  orifice  étroit  et  contractile,  percé  à  l'extrémitt' 
caudale. 

Les  organes  génitaux  femelles  ont  la  même  structure  générale  que  chez  les 
Dislomes,  si  ce  n'est  qu'ils  sont  plus  dissociés,  en  raison  de  l'allongement 
exceptionnel  du  corps. 

L'ovaire  ou  germigène  est  de  forme  ovale  allongée;  on  le  trouve  dans  l'angle 
que  constituent  les  deux  branches  intestinales  en  se  fusionnant  en  un  cul-de-sac 
unique.  Il  est  lobé,  épais,  long  de  0'""',4  ;  son  épithélium  est  formé  de  cellules 
polyédriques  très-distinctes  et  de  taille  différente,  suivant  leur  état  de  maturité. 
Les  cellules  ovulaires  les  plus  mûres  sont  ovales  et  entourées  d'une  couche  d'al- 
bumine, substance  qui  s'accumule  çà  et  là  en  grande  quantité  à  l'intérieur  de 
l'ovaire  et  sépare  les  ovules  les  uns  des  autres. 

De  l'extrémité  postérieure  de  l'ovaire  part  un  canal  qui  se  réfléchit  aussitôt 
en  avant  et  se  dirige  vers  l'orifice  sexuel  :  ce  canal  est  l'oviducte  ;  on  voit  sou- 
vent à  son  intérieur  des  ovules  en  plus  ou  moins  grand  nombre,  reconnaissables 
à  la  réfringence  de  leur  vésicule  germinative.  Après  un  assez  long  trajet,  il 
s'est  uni  au  conduit  qui  provient  des  vitellogènes. 

Ceux-ci  sont  représentés  par  deux  organes  glandulaires  longs  de  12  à  14  mil- 
limètres et  situés  de  chaque  lôlé  du  cœcum  intestinal.  Ils  émettent  de  toutes 
parts  des  canaux  courts  et  à  mince  paroi,  de  l'union  desquels  résulte  un  canal 
unique,  le  conduit  vitellin. 

L'oviducte  et  le  conduit  vitellin  suivent  la  même  direction  ;  ils  s'enroulent 
l'un  autour  de  l'autre,  mais  sans  quitter  pourtant  la  ligne  médiane,  serrés 
qu'ils  sont  de  part  et  d'antre  par  les  branches  intestinales.  Ils  sont  d'ailleurs 
assez  faciles  à  distinguer  l'un  de  l'autre  :  le  conduit  vitellin  augmente  progres- 
sivement de  calibre,  jusqu'à  acquérir  une  largeur  à  peu  peu  près  égale  à  celle 
de  l'oviducte;  il  est  en  outre  caractérisé  par  son  contenu,  formé  d'éléments 
vitellins  cellulaires,  à  grosses  granulations,  agglomérés  entre  eux  et  de  même 
taille  que  les  ovules. 

L'oviducte  et  le  canal  vitellin  finissent  donc  par  s'anastomoser  :  le  canal 
unique  qui  résulte  de  leur  fusion  se  jette  immédiatement  dans  la  glande  coquil- 
lière.  Celle-ci  a  la  forme  d'un  fruit  légèrement  effilé  par  sa  partie  supérieure 
et  supporté  par  un  court  pédoncule;  elle  semble  ne  pouvoir  contenir  qu'un 
seul  œuf  à  la  fois.  Elle  est  revêtue  intérieurement  d'un  épithélium  glandulaire, 
dont  les  cellules  cubiques  sont  disposées  en  séries  longitudinales,  ce  qui  déter- 
mine une  sorte  de  striation  ;  cet  épithélium  se  surbaisse  peu  à  peu,  pour  se 
continuer  jusque  dans  le  pédoncule.  Le  produit  sécrété  par  la  glande  se  dispose 
autour  de  l'œuf  dont  il  forme  la  coquille;  la  cavité  du  pédoncule  produit  elle- 
même  l'éperon  dont  tout  à  l'heure  nous  reconnaîtrons  l'existence  à  la  surface  de 
l'œuf.  Cet  éperon,  d'après  Frifsch,  serait  exactement  terminal,  quand  l'utérus 
débouche  dans  le  fond  même  de  la  glande  coquillière;  il  serait  latéral,  quand 
l'orifice  utérin  est  situé  eu  dehors  de  l'axe  de  la  glande. 

Par  son  extrémité  antérieure,  située  à  0"'°',6  en  arrière  de  la  ventouse  ventrale, 
la  glande  coquillière  donne  naissance  à  l'utérus,  canal  large  et  sinueux,  limité 
par  une  mince  paroi,  qui  se  dirige  d'arrière  en  avant  et  se  termine  par  un 
rétrécissement  subit.  Au  delà  de  celui-ci  se  voit  une  chambre  spacieuse,  à  paroi 
épaissie,  longue  de  160  u,  large  de  100  p..  Cette  chambre  ou  réservoir  séminal 


IIÉMATOZOAIRliS. 


55 


se  continue  finalement  par  un  vagin  étroit  et  musculeux,  long  de  180  pt,  large 
de  50  u.,  qui  débouche  au  dehors  par  une  vulve  située  immédiatement  en  arrière 
de  la  ventouse  ventrale,  comme  l'orifice  sexuel  du  màle. 

Nous  avons  dit  déjà  que  Je  canal  gynécophore,  formé  par  l'enroulement  du 
corps  du  màle  sur  lui-même,  était  destiné  à  donner  abri  à  la  femelle,  lors  de 
l'accouplement.  Le  corps  de  cette  dernière  est  trop  long  pour  être  contenu  en 
entier  dans  le  canal  :  il  s'en  échappe  par  chacune  de  ses  extrémités,  mais  sur- 
tout en  arrière;  les  parties  qui  sont  ainsi  pendantes  représentent  plus  de  la 
moitié   de  la  longueur  totale  de  la  femelle- 

Lcs  deux  animaux  en  copulation  sont  disposés  ventre  à  ventre.  Par  suite  de 
l'absence  de  tout  organe  d'accouplement,  le  sperme  s'écoule  dans  le  canal  gyné- 
cophore et  fuse  sans  doute,  le  long  du  sillon  ventral  de  la  femelle,  jusqu'à 
l'orifice  vaginal  qui  l'aspire  par  capillarité.  Cette  manière  de  voir  est  d'autant 
plus  vraisemblable,  qu'on  n'a  pas  observé  jusqu'à  présent  d'une  façon  certaine 
le  canal  de  Laurer  qui,  chez  les  Distomes,  servirait  de  poche  copulatrice  et  fait 
communiquer  avec  l'extérieur  le  point  du  tube  génital  femelle  où  l'oviducle  et 
le  conduit  vitallin  se  fusionnent. 

L'œuf  (lîg.  4,  a,  b)  est  de  forme  allongée,  assez  régulièrement  ovale,  et 
mesure  160  ,a  sur  GO  //;  il  porte  à  l'un  de 
ses  pôles  un  éperon  effilé,  long  de  20  pt  et 
terminé  par  une  pointe  très-acérée.  A  part 
cet  appendice,  dont  le  rôle  important  va 
nous  être  révélé  tout  à  l'heure,  la  coque  de 
l'œuf  est  absolument  lisse;  elle  est  du  reste 
très-mince,  doublée  intérieurement  d'une 
seconde  enveloppe  ovulaire  et  dépourvue  du 
clapet  caractéristique  de  l'œuf  des  Dis- 
tomes hermaphrodites. 

L'éperon  est  d'ordinaire  exactement  po- 
laire, c'est-à-dire  situé  à  l'une  des  extré- 
mités du  grand  axe  de  l'œuf;  parfois,  il  est 
plus  ou  moins  latéral  :  nous  avons  indiqué 
plus  haut  quelle  disposition  anatomique 
semblait  être  cause  de  cette  variation.  Cer- 
tains observateurs  ont  voulu  en  conclure  à 
l'existence  de  deux  espèces  distinctes  de 
Bilharzies,  mais  cette  manière  de  voir  doit 
être  définitivement  rejetée  :  on  trouve  en  effet 
tous  les  intermédiaires  entre  l'œuf  à  éperon  polaire  et  l'œuf  à  éperon  franche- 
ment latéral.  De  même,  on  peut  voir,  dans  certains  cas,  l'éperon  diminuer  de 
taille,  au  point  que  l'œuf  semble  dépourvu  d'appendice,  mais  on  ne  saurait 
considérer  cette  variété  d'ovule  comme  caractéristique  d'une  espèce  particulière 
de  Bilharzie,  puisque,  cette  fois  encore,  on  peut  trouver  toutes  les  transitions 
entre  l'œuf  à  éperon  et  l'œuf  à  coque  inerme  :  Harley  admettait  que  cette  der- 
nière variété  était  propre  à  l'espèce  nominale  Bilharzia  capensis,  du  Gap  de 
Bonne-Espérance,  alors  que  B.  hcematobia  d'Egypte  avait  toujours  des  ovules 
éperonnés. 

L'embryon  ne  se  développe  qu'après  la  ponte,  mais  son  évolution  commence 
fréquemment  avant  que  l'œuf  soit  expulsé  :  aussi,  en  examinant  avec  attea- 


Fig.  4.  —  Œufj  de  Bilharzia  haemalobia. 

a,  œufs  renfermés  dans  un  mucus  épais 
(LO  diamètres).  —  b,  œufs  contenus  dans 
l'urine  (100  diamètres).  —  c,  embryons 
libres  ciliés. 


56  IIÉMATOZOAlRIiS. 

lion  un  assez  grand  nombre  d'ovules  éliminés  avec  l'urine,  en  trouve-t-on  tou- 
jours quelques-uns  à  Tintérieur  desquels  l'embryon  est  déjà  complètement 
l'ormé. 

La  segmentation  est  totale  et  semble  être  régulière.  Elle  aboutit  à  la  formation 
d'un  embryon  cilié,  assez  semblable  à  celui  des  Distomes  et  ressemblant,  comme 
lui,  à  un  Infusoire  holotriche;  sa  masse  interne  est  encore  remplie  par  un  amas 
cellulaire  et  ne  présente  aucune  trace  de  différenciation.  Cependant  une  cavité 
somatique  n£  tarde  pas  à  se  creuser,  en  même  temps  que  k  région  céplialique 
se  trouve  indiquée  par  la  production  d'une  sorte  de  mamelon  conique,  au  niveau 
duquel  les  cils  vibratiles  disparaissent.  En  ce  même  point  naît  alors  par  inva- 
gination un  organe  particulier  qui  plonge  dans  la  cavité  somatique  ;  on  voit  en 
même  temps  apparaître,  vers  le  pôle  opposé,  deux  ou  trois  grosses  masses 
arrondies  et  réfringentes,  véritables  germes  de  Rédies  qui  se  meuvent  librement 
dans  la  cavité  et  dont  le  nombre  ira  en  augmentant. 

Le  caecum  ne  se  développe  parfois  qu'après  l'éclosion;  plus  rarement,  ses 
brancbes  latérales  se  sont  déjà  formées  avant  l'éclosion. 

Jusqu'à  ce  moment,  l'embryon  était  demeuré  immobile;  il  devient  alors  le 
siège  de  vigoureuses  contractions,  qui  se  produisent  surtout  dans  la  région 
antérieure.  Celle-ci  vient  lieurler  par  saccades  et  à  de  courts  intervalles  la  paroi 
de  l'ovule,  qu'elle  clicrche  à  briser  comme  ferait  un  bélier.  Sous  ces  chocs 
répétés,  la  coque  se  déchire  longitudinalemeut  sur  ^s  deux  tiers  de  sa  longueur; 
presque  toujours  la  jucmière  rupture  se  fait  entre  l'éperon  et  la  région  médiane. 
L'embryon  apparaît  donc  au  dehors,  mais  il  est  rare  qu'il  parvienne  ù  se  dégager 
d'un  seul  coup,  et  de  nouveaux  efforts  sont  nécessaires  pour  qu'il  puisse  atteindre 
ce  résultat.  Au  moment  de  sa  sortie,  il  s'élrangle  en  son  milieu  à  la  façon  d'un 
sablier,  par  suite  de  l'étroitesse  de  la  déchirure  pratiquée  dans  la  coque  ;  quand 
il  est  définitivement  mis  en  liberté,  sa  forme  redevient  promptement  ovalaire 
(fig.  4,  c).  ^ 

La  rapidité  avec  laquelle  l'embryon  sort  de  l'œuf  varie  notablement  suivant  la 
nature  du  liquide  au  sein  duquel  se  l'ait  l'éclosion  :  d'après  Cobbold,  deux 
minutes  sufhraient  dans  l'eau  pure;  si  l'on  ajoute  quelques  traces  d'urine, 
l'éclosion  serait  beaucoup  plus  lente  et  exigerait  cinquante-cinq  minutes;  elle 
ne  se  ferait  pas  dans  l'urine  pure  et  les  embi^ons  ne  donneraient  aucun  signe 
de  vitalité.  Zancarol  a  eu  pourtant  l'occasion  de  trouver  l'embryon  libre  dans 
la  vessie  et  même  dans  le  parenchyme  rénal  ou  dans  la  muqueuse  du  gros 
intestin. 

A  partir  du  moment  de  l'éclosion,  le  tégument  cihé  de  l'embryon  s'épaissit 
notablement  et  l'on  voit  s'y  développer  un  appareil  aquifère,  constitué  essen- 
tiellement par  deux  troncs  principaux  qui  se  dirigent  d'avant  en  arrière  en  sui- 
vant un  trajet  sinueux  et  en  émettant  un  certain  nombre  de  brandies  anaslo- 
motiques;  on  ne  trouve  pas  de  pore  excréteur  à  l'extrémité  postérieure. 

Pendant  que  cet  appareil  se  développe,  le  caecum  que  nous  avons  vu  se  former 
au  pôle  antérieur  de  l'embryon  donne  bientôt  naissance,  par  une  invagination 
nouvelle,  à  deux  poches  latérales,  que  Cobbold  croit  pouvoir  comparer  aux  lem- 
nisques  des  Échinorhynques.  Finalement,  les  masses  sarcodiques  réfringentes 
augmentent  de  nombre  et  de  volume,  à  l'intérieur  de  la  cavité  somatique. 

Quand  la  formation  de  ces  corpuscules  a  pris  fin,  l'embryon  cilié  ne  tarde  pas 
à  se  ronipre  :  les  globules  sarcodiques,  dans  lesquels  il  faut  sans  doute  voir  des 
Rédies  en  voie  de  développement,  sont  ainsi  mis  en  liberté,  et  on  les  trouve 


HÉMATOZOAIRES.  57 

nageant  et  se  contractant  au  sein  du  liquide  amijiant.  L'embryon  se  vide  donc 
peu  à  peu,  comme  le  lait  le  Sporocyste  des  Distomes;  quand  tous  les  globules  se 
sont  séparés  de  lui,  il  continue  encore  à  nager  pendant  quelque  temps,  bien  que 
réduit  à  sa  cuticule  ciliée. 

A  cela  se  bornent  nos  connaissances  sur  le  développement  de  la  Bilbarzie;  les 
phases  ultérieures  de  l'évolution  sont  encore  inconnues  et  on  ne  pourrait  sans 
doute  les  étudier  avec  succès  que  dans  les  pays  infestés.  Cobbold  a  entrepris  le 
premier  des  expériences  d'infestation  avec  l'embryon  infusoriforme  :  il  le  mit  en 
présence  de  Mollusques  d'eau  douce,  de  petits  Crustacés,  de  Poissons;  il  essaya 
de  faire  pénétrer  les  œufs  cliez  des  larves  de  Diptères,  chez  des  Entomostracés, 
des  Écrevisses,  des  Limnées,  des  l'alucHues,  des  Planorbes,  et  chez  d'autres 
espèces  de  Mollusques  fluviatiles  :  toutes  ces  tentatives  demeurèrent  infruc- 
tueuses, il  vit  simplement  les  embryons  éclore  et  émettre  leurs  germes  contrac- 
tiles. Dans  une  autre  série  d'expériences,  le  même  observateur  put  voir  l'embryon 
essayer  de  pénétrer  dans  le  corps  de  V Hélix  alliaria. 

Des  tentatives  du  même  genre  furent  faites  par  llarley  :  pensant  que  la  Bilbarzie 
se  développait  directement,  sans  passer  par  un  bote  intermédiaire,  ce  dernier 
fit  avaler  des  embryons  à  des  animaux  vertébrés  tels  que  le  Chien  et  le  Lapin: 
il  n'obtint  aucun  résultat. 

Cette  môme  question  fut  encore  reprise,  sans  plus  de  succès,  par  Sonsino; 
les  expériences  étaient  faites  avec  des  œufs  sépaiés  de  l'urine  aussi  soigneuse- 
ment que  possible,  puis  divisés  en  deux  lots  :  un  premier  lot  servait  pour  les 
expériences  faites  directement  sous  le  microscope,  le  reste  était  mis  dans  un 
aquarium  renfermant  un  certain  nombre  de  Gastro|iodes  d'eau  douce  [Yivipara 
nnicolor,  Cleopatra  cijclostomoides,  CL  bulimoides,  Physa  alexandrina  et 
Melaniatuherculata]  ;  on  ne  retrouva  pas  la  moindre  trace  des  œufs  ni  de  leurs 
coques  dans  aucun  organe  de  ces  Mollusques,  malgré  l'examen  le  plus  attentif. 
Le  résultat  ne  fut  pas  plus  favorable  avec  des  larves  d'Insectes,  avec  de  petits 
Coléoptères  ou  Névroptères  aquatiques. 

En  présence  de  tentatives  aussi  infructueuses,  Sonsino  considère  comme  assez 
probable  que  la  Dilharzie,  qui  s'éloigne  à  tant  de  points  de  vue  des  autres  genres 
de  Distoracs,  ait  pour  hôtes  intermédiaires  des  animaux  appartenant  à  d'autres 
classes  que  ceux  chez  lesquels  se  fixent  ces  derniers,  ou  même  puisse  accomplir 
tout  son  cycle  évolutif  en  passant  par  une  première  phase  de  liberté  dans  les 
eaux,  puis  en  pénétrant  chez  un  hôte  unique  et  déflnitif  (Homme,  Singe)  ;  peut- 
être  même  se  développerait-elle  sans  génération  alternante. 

Nous  croyons  devoir  faire  les  plus  expresses  réserves  à  l'égard  de  cette  opinion; 
malgré  l'insuccès  des  expériences  que  nous  venons  de  rapporter,  il  demeure 
probable  que  la  Bilbarzie  passe  par  un  hôte  intermédiaire  et  que  celui-ci  est  un 
Gastropode. 

L'infestation  se  fait  par  les  eaux  de  boisson,  soit  qu'on  ingère  l'hôte  inter- 
médiaire lui-même,  et  alors  il  s'agirait  d'un  Mollusque  de  petites  dimensions,  soit 
plutôt  qu'on  avale  la  Gercaire  nageant  librement  dans  l'eau.  Cette  larve,  autant 
qu'on  en  peut  juger  par  analogie,  doit  être  armée  d'une  dent  perforante,  grâce 
à  laquelle  elle  s'enfonce  dans  les  parois  intestinales  et  tombe  dans  une  des 
branches  d'origine  de  la  veine  porte. 

On  a  supposé  que  le  parasite  pénétrait  dans  l'organisme  à  travers  la  peau  et, 
par  suite,  on  a  interdit  formellement  les  bains  de  rivière.  Cette  interdiction 
ne  nous  semble  aucunement  justifiée  :   encore  que  nous  ignorions  les  phases 


58  HÉMATOZOAIRES. 

ultimes  du  développement,  il  y  a  de  sérieuses  raisons  d'admettre  que  l'helminthe 
pénètre  réellement  par  la  voie  que  nous  avons  indiquée  plus  haut.  C'est  donc 
l'usage  d'eau  non  filtrée  ou  bouillie  qu'il  faut  rigoureusement  proscrire  dans  les 
pays  contaminés;  l'usage  des  bains  est  iiidilférent. 

La  Bilharzie  se  rencontre  à  l'état  adulte  dans  la  veine  portî  et  ses  branches 
(notamment  dans  la  veine  splénique)  dans  la  veine  rénale  et  dans  les  plexus 
veineux  de  la  vessie  et  du  rectum.  On  a  vu  de  quelle  manière  la  larve  pouvait 
s'introduire  dans  le  système  porte,  mais  la  présence  du  parasite  dans  les  veines 
du  petit  bassin  ou  dans  les  branches  de  la  veine  cave  est  moins  facile  à  com- 
prendre. Le  fait  n'est  pourtant  pas  inexplicable. 

Les  veines  du  système  porte  sont,  comme  on  sait,  dépourvues  de  valvules  : 
rien  ne  s'oppose  donc  à  ce  que  la  Bilharzie  descende,  par  la  veine  mésentériquo 
inférieure,  jusque  dans  les  veines  rectales.  De  celles-ci  elle  peut  passer  égale- 
ment dans  les  veines  hémorrhoïdales  moyennes  et  inférieures,  qui  s'anastomosent 
avec  les  branches  pelviennes  de  la  veine  cave;  des  hémorrhoïdales  inférieures 
elle  peut  remonter  dans  les  veines  honteuses  internes  et  gagner  les  veines  vési- 
cales  par  l'intermédiaire  du  plexus  de  Santorini. 

Le  parasite  se  nourrit  de  sang  :  on  en  retrouve  les  globules  en  grand  nombre 
dans  son  tube  digestif.  Kiichenmeisler  admet  qu'il  puise  ce  sang  dans  les  vasa 
vasorum  bien  plus  que  dans  le  torrent  circulatoire  au  sein  duquel  il  est  plongé; 
cette  opinion  nous  semble  peu  soutenable. 

Les  œufs  sont  pondus  par  amas  dans  les  vaisseaux  sanguins  :  le  cours  du  sang 
les  entraîne  dans  les  capillaires  de  divers  organes,  où  ils  s'accumulent  et  déter- 
minent à  la  longue  des  lésions  dont  la  nature  est  très  variable,  suivant  l'organe 
qui  en  est  le  siège.  Ces  lésions  et  les  symptômes  qui  les  accompagnent  ont  été 
étudiés  déjà  par  de  nombreux  observateurs  :  Bilharz,  Griesinger,  Harley,  Sonsino, 
Mantcy,  Guillemard,  etc.  Les  recherches  les  plus  complètes  et  les  plus  récentes 
sont  dues  à  Zancarol,  Damaschino,  Belleli  et  Kartulis. 

Quand  le  parasite  est  logé  dans  les  plexus  veineux  de  la  vessie,  les  voies  uri- 
naires  deviennent  le  siège  de  graves  lésions  pouvant  amener  la  mort.  La  vessie 
présente  des  dimensions  fort  réduites,  mais  ses  parois  sont  extraordinairement 
épaisses;  la  muqueuse  est  indurée  en  certains  points  par  des  dépôts  d'acide 
urique,  mais  la  lésion  principale  consiste  en  des  ulcérations  recouvertes  de  pus 
sanieux. 

En  incisant  l'organe,  on  constate  que  la  muqueuse  est  très-épaissie ;  elle  crie 
sous  le  couteau  et  a  presque  la  consistance  crétacée.  Au  microscope,  le  chorion 
muqueux  se  montre  infiltré  d'un  grand  nombre  de  leucocytes  et  d'une  petite 
quantité  d'oeufs.  Ceux-ci  sont  au  contraire  en  extrême  abondance  dans  le  tissu 
conjonctif  sous-muqueux  ;  ils  remplissent  également  la  lumière  des  vaisseaux 
sanguins.  La  plupart  de  ces  œufs  sont  morts  et  ont  subi  déjà  la  dégénérescence 
calcaire,  mais  quelques-uns,  pondus  plus  récemment,  étaient  encore  vivants  au 
moment  de  l'autopsie  :  ils  sont  reconnaissables  à  ce  qu'ils  fixent  plus  ou  moins 
énergiquement  les  réactifs  colorants.  11  est  intéressant  de  noter  que,  suivant 
Sonsino  et  Belleli,  les  œufs  qui  farcissent  ainsi  les  parois  de  la  vessie  sont  presque 
toujours  armés  d'un  éperon  terminal,  tandis  que  les  œufs  dont  nous  constate- 
rons plus  tard  la  pi'ésence  dans  l'épaisseur  du  rectum  ont  d'ordinaire  un  éperon 
latéral. 

La  couche  musculaire  de  la  vessie  a  acquis  elle-même  une  épaisseur  considé- 
rable :  le  tissu  conjonctif  intermusculaire  est  hypertrophié,  mais  l'hypertrophie 


HEMATOZOAIRES.  59 

porte  principalement  sur  les  fibres  musculaires.  Celles-ci  sont  tout  à  fait  nor- 
males; la  dégénérescence  hyaline  qu'on  leur  a  parfois  attribuée  n'est  peut-être 
qu'un  phénomène  cadavérique.  Dans  les  parties  les  plus  superticielles  de  la 
tunique  musculaire  on  trouve  encore  un  assez  grand  nombre  d'amas  d'œufs, 
notamment  au  voisinage  des  vaisseaux.  Des  œufs  isolés  s'observent  encore  dans 
les  parties  profondes,  mais  on  les  voit  devenir  de  plus  en  plus  rares  à  mesure 
qu'on  se  rapproche  de  la  couche  conjonctive  sous-périlonéale  et  finalement  ils  ne 
se  rencontrent  ])lus  au  sein  de  cette  dernière.  Nous  avons  dit  déjà  que  la  vessie 
était  considérablement  rétrécie  :  sa  cavité  intérieure  est  si  restreinte  que  par- 
fois elle  peut  à  peine  contenir  une  grosse  noix.  Cette  modification  tient  unique- 
ment à  l'épaississement  excessif  de  la  couche  musculaire. 

Quant  au  fait  que  les  œufs  s'accumulent  surtout  dans  la  couche  sous-muqueuse 
de  la  vessie,  il  semble  tenir  à  une  cause  purement  mécanique.  Les  veinules  de  la 
couche  muqueuse  sont  de  dimensions  capillaires  et  sont,  par  conséquent,  trop 
étroites  pour  livrer  passage  aux  œufs  :  ceux-ci  s'arrêtent  donc  dans  les  vaisseaux 
plus  larges  de  la  couche  sous-muqueuse;  il  en  résulte  que  des  ruptures  vascu- 
laires  se  feront  dans  ce  même  tissu,  au  sein  duquel  les  œufs  pourront  de  la  sorte 
s'accumuler  en  extrême  abondance  et  d'une  façon  continue. 

Les  œufs  qui  se  déposent  ainsi  dans  la  couche  sous-muqueuse  se  comportent 
à  la  façon  de  corps  étrangers,  et  leur  présence,  jointe  aux  hémorrhagies  consé- 
cutives à  la  rupture  des  veinules,  suffit  à  expliquer  les  lésions  présentées  par  la 
vessie.  L'inflammation  de  la  muqueuse  est  le  phénomène  initial  :  au  début,  les 
éléments  cellulaires  se  multiplient  activement,  des  lambeaux  d'épithélium  se 
détachent;  par  la  suite  peuvent  intervenir  des  altérations  secondaires  de  l'urine,^ 
la  muqueuse  peut  s'ulcérer  et  suppurer,  des  dépôts  uriques  ou  calcaires  se  font 
dans  son  épaisseur  et  finalement  elle  s'hypertrophie  de  façon  à  présenter  à  sa 
surface  des  sortes  de  verrues  ou  de  papilles. 

Ces  papilles  s'observent  fréquemment  :  elles  se  hérissent  en  colonnes  et  sont 
de  plus  grande  taille  que  dans  les  cas  de  catarrhe  simple  de  la  vessie.  11  faut 
reconnaître  aussi  qu'il  est  difficile  de  rencontrer  des  circonstances  qui  favorisent 
davantage  la  production  d'un  catarrhe  exceptionnellement  grave  :  le  passage  des 
œufs  dans  les  veines  vésicales  est  continu,  l'accumulation  de  ceux-ci  dans  les 
tissus  va  sans  cesse  en  augmentant  et  les  altérations  consécutives  de  l'urine  vont 
elles-mêmes  en  s'exagérant. 

Les  œufs  ne  se  trouvent  qu'en  très-petite  quantité  dans  l'épaisseur  de  la  couche 
musculeuse  :  aussi  l'énorme  hypertrophie  de  cette  dernière  ne  peut-elle  être 
attribuée  à  la  présence  de  ces  corps  étrangers;  elle  est  plutôt  consécutive  au 
catarrhe  de  la  muqueuse. 

Des  lésions  analogues  à  celles  que  nous  venons  de  rencontrer  dans  la  vessie 
s'observent  également  dans  le  tiers  inférieur  des  uretères.  Ici  les  œufs  sont  en 
très-petit  nombre,  en  sorte  que  la  lésion  doit  encore  être  considérée  comme  con- 
sécutive à  la  lésion  vésicale  et  à  l'altération  de  l'urine  :  comme  il  arrive  dans  les 
cas  de  catarrhe  chronique  de  la  vessie,  la  lésion  se  propage  le  long  de  l'uretère 
et  remonte  finalement  jusqu'au  bassinet  et  au  rein.  L'uretère  est  élargi,  tortueux 
et  rétréci  par  places  ;  sa  muqueuse  est  irrégulière  et  comme  tomenteuse  ;  d'autres 
fois,  son  canal  demeure  à  peu  près  normal,  mais  sa  paroi  acquiert  une  énorme 
épaisseur. 

Les  modifications  dont  les  uretères  sont  le  siège  ont  un  retentissement  immé- 
diat  sur  le  rein.  Par  suite  des  rétrécissements  que  nous  avons  signalés  sur  le 


60  HÉMATOZOAIRES. 

trajet  de  ces  conduits,  le  cours  de  l'urine  se  trouve  plus  ou  moins  gèué,  d'autant 
plus  que  le  rétrécissement  va  parfois  jusqu'à  l'oblitération  complète  :  l'urine 
s'accumule  en  amont  de  l'obstacle,  d'où  les  dilatations  dont  nous  avons  égale- 
ment parlé.  Le  même  effet  mécanique  détermine,  dans  les  cas  particulièrement 
graves,  une  profonde  altération  des  reins  :  l'organe  augmente  considérablement 
de  volume,  le  bassinet  se  dilate,  la  distinction  des  deux  substances  corticale  et 
médullaire  devient  fort  difficile  et  le  tissu  rénal  peut  se  réduire  à  une  couche 
presque  homogène,  bosselée  et  dont  l'épaisseur  est  au  plus  de  5  à  4  millimètres; 
çà  et  là,  quelques  petits  abcès  miliaires  se  voient  dans  le  parenchyme,  surtout  à 
la  surface.  11  s'agit,  en  somme,  d'une  véritable  hydronéphrose,  qui  détermine 
tout  d'.-ibord  des  lésions  atrophiquos  du  rein  et  qui  finalement  peut  tuer  le 
malade  par  urémie  ;  la  mort  arrive  encore  assez  souvent  par  albuminurie. 

Par  quelle  voie  les  œufs  de  la  Bilharzie  arrivent-ils  jusqu'aux  uretères?  Les 
veines  de  ces  organes  vont  se  jeter,  les  supérieures  dans  la  veine  rénale,  les 
movennes  dans  la  veine  sperinatique  et  les  inférieures  dans  la  veine  ihaque  pri- 
mitive. L'œuf,  pondu  dans  les  plexus  du  petit  bassin,  peut  être  entraîné  par  le 
courant  sanguin  jusque  dans  les  veines  hypogastrique  et  iliaque  primitive  ;  mais, 
en  raison  de  son  inertie,  on  ne  conçoit  guère  comment  il  peut  remonter  de  cette 
dernière  jusque  dans  l'épaisseur  de  l'uretère.  Aussi  doit-on  croire  à  une  migra- 
tion accomplie  par  la  femelle  suivant  le  trajet  que  nous  venons  d'indiquer  plutôt 
qu'à  une  communication  anastomotique  entre  les  veines  du  petit  bassin  et  celles 
de  la  partie  inférieure  de  l'uretère. 

Cette  migration  est,  d'autre  part,  le  seul  phénomène  qui  nous  explique  les  cas 
où  les  œufs  se  rencontrent  dans  le  rein,  dans  le  bassinet  et  dans  les  portions 
supérieures  de  l'uretère.  Les  œufs  sont  toujours  trop  peu  nombreux  dans  le 
parenchyme  rénal  pour  qu'on  puisse  leur  attribuer  les  graves  lésions  dont  nous 
avons  décrit  plus  haut  le  type  extrême:  dans  des  cas  plus  bénins,  l'affection 
rénale  consiste  en  une  simple  inflammation,  eu  une  néphrite  parenchymateuse; 
il  peut  se  former  aussi  des  kystes  ou  des  calculs  rénaux  (d'où  les  coliques  néphré- 
tiques notées  déjà  par  Ilarley),  l'organe  peut  devenir  le  siège  d'une  cirrhose  plus 
ou  moins  intense. 

Le  point  de  départ  est,  comme  nous  l'avons  vu,  l'altération  vésicale  :  celle-ci 
consiste  essentiellement  en  une  cystite  chronique  avec  hypertrophie  de  la  tunique 
musculeuse.  Dans  les  premiers  temps,  la  maladie  est  caractérisée  par  une  héma- 
turie fréquente,  s'accompagnant  de  cuisantes  douleurs  et  de  ténesme.  L'Iiématurie 
a  semblé  si  caractéristique  que  l'on  désigne  ordinairement  sous  le  nom  d'héma- 
turie d'Égyple  la  maladie  parasitaire  qui  nous  occupe,  maladie  dont  suivant  la 
gravité  des  cas  les  manifestations  sont  diverses  et  qu'il  serait  préférable  d'appeler 
bilharziose.  Le  passage  du  sang  dans  l'urine  ne  se  fait  pas  dans  le  rein  au 
niveau  du  glomérule  de  Malpighi,  mais  bien  dans  l'uretère  ou  dans  la  vessie  : 
nous  savons  déjà  que  les  œufs  du  parasite  s'accumulent  dans  les  capillaires  de 
ces  organes  et  eu  provoquent  la  rupture;  la  petite  liémorrhagie  ainsi  produite 
se  fraie  un  chemin  vers  la  cavité  de  la  vessie  d'autant  plus  aisément  que  la 
muqueuse  est  elle-même  fortement  enflammée  et  que  son  épithéliura  se 
desquame. 

L'urine  est  d'abord  tout  entière  sanguinolente,  mais  peu  à  peu  elle  devient 
plus  claire,  et  c'est  seulement  à  la  fin  de  la  miction  que  sont  expulsés  des  flocons 
muco-purulents,  à  l'intérieur  desquels  le  microscope  permet  toujours  de  recon- 
naître la  présence  d'un  grand  nombre  d'œufs  et  même  d'embryons  libres.  On 


HÉMATOZOAIRES.  61 

trouve  encore  dans  l'urine  des  lambeaux  d'épitliélium,  de  nombreux  globules 
de  pus  et  une  quantité  variable  d'œufs  et  parfois  même  d'embryons  libres. 
Ajoutons  que  le  diagnostic  de  bilharziose  ne  saurait  être  porté  avec  certitude, 
tant  qu'on  n'a  pas  rencontré  dans  l'urine  l'œuf  caractéristique. 

Nous  avons  vu  que  des  calculs  se  forment  parfois  dans  le  rein.  De  semblables 
productions  pathologiques  prennent  encore  plus  souvent  naissance  dans  la 
vessie.  Le  nodule  central  de  ces  calculs  est  toujours  constitué  par  un  ou  plu- 
sieurs œufs.' 

On  doit  encore  ranger  au  nombre  des  accidents  consécutifs  à  l'accumulation 
des  œufs  dans  l'épaisseur  de  la  vessie  la  production  fréquente  de  fistules  uri- 
naires,  qui  viennent  s'ouvrir  à  la  surface  du  périnée,  plus  rarement  dans  le 
rectum.  Ces  fistules  s'établissent  dans  les  cas  les  plus  graves,  quand  des  infiltra- 
tions purulentes,  parties  de  la  muqueuse,  se  répandent  dans  toute  l'épaisseur 
de  la  vessie,  puis  se  fraient  un  chemin  au  dehors.  Dans  certains  cas,  on  voit 
pourtant  la  fistule  s'établir  chez  des  individus  ne  présentant  que  des  lésions 
vésicales  peu  accusées  et  s'ouvrir  dans  la  portion  membraneuse  de  l'urèthre  :  la 
fistule  est  alors  probablement  occasionnée  par  des  abcès  dus  eux-mêmes  à 
l'ariêt  des  œufs  dans  l'épaisseur  des  tissus  du  périnée. 

Pour  en  finir  avec  les  lésions  de  l'appareil  gcnito-urinaire,  ajoutons  que  les 
œufs  lie  la  IJilharzie  se  rencontrent  encore  très-fréquemment  dans  les  vésicules 
séminales  et  dans  la  prostate;  ces  organes  sont  alors  plus  ou  moins  hyper- 
trophiés. 

Le  gros  intestin,  et  en  particulier  le  rectum,  présente  ordinairement  des 
lésions  analogues  à  celles  que  nous  venons  de  décrire  longuement  dans  la 
vesîie  et  les  organes  voisins.  La  surface  muqueuse  est  hérissée  d'une  foule  de 
saillies  mamelonnées  et  rapprochées  les  unes  des  autres.  Ces  saillies,  très-volu- 
mineuses pour  la  plupart,  ressemblent  à  de  petits  polypes  dont  la  longueur 
atteint  et  dépasse  parfois  10  à  15  millimètres;  leur  surface  est  légèrement 
villeuse  et  est  criblée  de  petits  orifices  glandulaires.  Dans  l'intervalle  de  ces 
tumeurs,  la  muqueuse  intestinale  est  tantôt  d'aspect  à  peu  près  normal,  tantôt 
au  contraire  lisse  et  comme  vernissée  ;  ce  dernier  aspect  lient  à  ce  qu'une  cica- 
trice s'est  formée  à  l'endroit  qu'occupait  précédemment  une  ulcération  consécu- 
tive à  une  perte  de  substance. 

Si  l'on  fait  au  niveau  des  saillies  polypiformes  une  section  comprenant  toute 
l'épaisseur  de  l'intestin,  on  constate  que  les  œufs  du  parasite  sont  surtout 
accumulés  dans  l'épaisseur  de  la  couche  muqueuse,  à  l'intérieur  de  laquelle  ils 
forment  des  amas  considérables,  visibles  à  l'œil  nu  :  à  la  lumière  oblique,  ces 
amas  se  présentent  sous  l'aspect  de  trauiées  miroitantes,  ayant  jusqu'à  1  mil- 
limètre 1/4  d'épaisseur  et  se  poursuivant  au  sein  même  des  excroissances 
morbides.  On  voit  en  outre  un  certain  nombre  d'œufs  épars  dans  la  muqueuse, 
entre  les  glandes  en  tube  ou  plus  rarement  dans  leur  lumière;  quelques  autres 
sont  logés  dans  les  follicules  clos.  En  revanche,  on  n'en  rencontre  aucun  ni 
dans  l'épaisseur  même  des  tuniques  musculaires,  ni  dans  la  couche  sous- 
séreuse. 

Sonsino,  Zancarol  et  Damaschino  s'accordent  à  reconnaître  que  la  plupart  des 
œufs  renfermes  dans  l'épaisseur  du  gros  intestin  ont  une  épine  latérale;  Belleli 
dit  au  contraire  que  cet  appendice  est  d'ordinaire  exactement  terminal.  Cette 
différence  d'opinion  entre  des  observateurs  également  distingués  montre  bien  le 
peu  d'importance  qu'il  faut  attribuer  à  l'éperon,  puisque  sa  situation  est  diffé- 


6-2  HÉMATOZOAIRES. 

rente  sur  les  œufs  pondus  par  deux  individus  distincts  et  peut-être  même  varie 
sur  les  œufs  d'un  même  individu. 

L'examen  histologique  démontre  que  les  productions  polypiformes  sont  en 
grande  partie  constituées  par  la  muqueuse  ;  dans  leur  partie  axile  pénètre  pour- 
tant une  mince  couche  de  tissu  sous-muqueux.  Le  point  le  plus  intéressant  est, 
sans  contredit,  le  développement  excessif  des  glandes  en  tube,  hypertrophie 
décrite  d'abord  par  Zancarol  et  Damaschlno,  puis  revue  par  Kartulis  et  Belleli. 
Ces  glandes,  dont  la  longueur  normale  est  d'environ  0'"™,5,  atteignent  parfois 
jusqu'à  2  ou  5  millimètres,  et  même  jusqu'à  5'""', 5  de  longueur  ;  leur  diamètre 
transversal  mesure  jusqu'à  0'"'",06  et  même  0"™,08,  en  sorte  qu'elles  sont 
perceptibles  à  l'œil  nu. 

Dans  l'intervalle  des  productions  polypiformes,  la  muqueuse  montre  les  alté- 
rations classiques  de  la  dysenterie  chronique.  Toutes  les  tuniques  de  l'intestin 
présentent  des  traces  non  équivoques  d'un  processus  phlegmasique  à  évolution 
lente.  La  sous-muqueuse,  indépendamment  des  œufs  dont  elle  est  en  quelque 
sorte  criblée  et  qui  se  disposent  de  façon  que  leur  grand  axe  soit  parallèle  à 
la  surface  intestinale,  est  très-épaissie  et  partout  infiltrée  d'une  grande  quan- 
tité de  petites  cellules  rondes.  Les  couches  musculaires  elles-mêmes  sont  nota- 
blement hypertrophiées  et  peuvent  être  trois  fois  plus  épaisses  qu'à  l'état  normal. 

Les  ruptures  capillaires  qui  se  produisent  dans  la  muqueuse  ont  pour  but  de 
déterminer  de  légères  hémorrhagies  rectales,  qui  viennent  s'ajouter  à  la  dysen- 
terie. On  trouve  alors  dans  les  matières  fécales  des  œufs  en  plus  ou  moins 
grande  abondance.  Il  est  à  remarquer  que  ceux-ci  sont  d'ordinaire  infiniment 
plus  nombreux  dans  la  vessie  que  dans  le  rectum  :  alors  que  la  vessie  présente 
les  lésions  les  plus  graves  et  que  l'urine  renferme  une  masse d'œufs,  il  n'est  pas 
rare  de  ne  noter  aucune  altération  de  l'intestin  et  de  ne  trouver  aucun  œuf  dans 
les  excréments.  11  est  enfin  des  cas  exceptionnels  oîi  les  lésions  du  rectum 
prédominent. 

Les  lésions  que  nous  avons  jusqu'à  présent  étudiées  sont  les  plus  importantes 
et  les  plus  constantes,  mais  les  œufs  de  Bilharzie  peuvent  encore  être  portés 
dans  d'autres  organes  et  y  provoquer  des  altérations  dont  nous  devons  dire 
quelques  mots. 

Les  ganglions  mésentériques  sont  fréquemment  hypertrophiés  :  leur  substance 
est  comme  tuméfiée  et  présente  en  son  centre  de  petits  foyers  hémorrhagiques  ; 
on  y  trouve  également  des  œufs,  ainsi  que  Zancarol  l'a  constaté  le  premier. 

Leuckart  admettait  que  les  œufs  doivent  se  rencontrer  dans  le  foie  :  la 
démonstration  de  ce  fait  intéressant  est  due  à -Kartulis.  Dans  deux  foies  prove- 
nant d'individus  ayant  succombé  à  la  bilharziose,  cet  observateur  a  trouvé  une 
grande  quantité  d'œufs  :  l'organe  est  légèrement  cirrhotique;  il  est  dur  et 
opaque.  Les  œufs  sont  accumulés  d'ordinaire  dans  les  branches  de  la  veine  porte, 
mais  on  les  voit  aussi  dans  le  parenchyme  hépatique,  où  ils  ont  pénétré  par 
déchirure  des  parois  vasculaires.  Ils  se  tiennent  alors  en  petit  nombre  dans  les 
espaces  iaterlobulaires  ;  plus  rarement  ils  pénètrent  dans  les  lobules  eux- 
mêmes,  mais  sans  s'écarter  de  la  périphérie.  Quand  ils  séjournent  depuis  long- 
temps dans  le  parenchyme,  ils  s'entourent  d'une  couche  conjonctive  qui  devient 
progressivement  plus  compacte  et  plus  épaisse. 

La  présence  des  œufs  dans  le  foie  jette  un  jour  nouveau  dans  l'étiologie  de 
certaines  maladies  hépatiques  qu'on  observe  en  Egypte.  On  doit  néanmoins  se 
garder  d'attacher  une  trop  grande  importance  pathogénique  à  ces  œufs  qui, 


HÉMATOZOAIRES.  65 

comme  nous  l'avons  vu,  sont  toujours  en  fort  petit  nombre  et  s'enkystent  dans 
une  coque  conjonctive;  il  importe  notamment  de  ne  pas  considérer  la  Billiarzie 
ou  son  œuf  comme  la  cause  de  l'hépatite  suppurée  des  pays  chauds,  erreur  qui 
trop  longtemps  a  eu  cours  dans  la  science. 

Les  œufs  de  la  Billiarzie  n'ont  pas  encore  été  observés  dans  certains  organes, 
tels  que  la  rate,  le  pancréas  et  l'estomac,  dont  le  sang  se  déverse  dans  la  veine 
porte.  En  revanclie,  on  les  a  trouvés  dans  des  organes  tels  que  le  poumon,  qui 
sont  tributaires  de  la  circulation  veineuse  générale.  Ce  fait  n'a  rien  de  surpre- 
nant, quand  on  se  rappelle  quelles  larges  anastomoses  font  communiquer  les 
plexus  veineux  de  la  vessie  avec  la  veine  hypogaslrique  et,  par  son  intermé- 
diaire, avec  la  veine  cave  inférieure  ;  peut-être  même  le  Ver  adulte  suit-il  cette 
même  route,  ainsi  que  nous  l'avons  supposé  plus  haut  en  signalant  la  présence 
des  œufs  dans  le  parenchyme  du  rein. 

La  découverte  des  œufs  dans  le  tissu  pulmonaire  est  due  à  Mackie.  L'obser- 
vation a  été  faite  chez  un  individu  mort  de  pyémie  consécutive  à  une  cystite 
purulente.  Le  poumon  renfermait  un  grand  nombre  d'abcès  métastatiques  de 
volume  variable,  les  plus  gros  ne  dépassant  pas  la  taille  d'une  petite  noisette; 
ces  abcès  étaient  limités  par  un  tissu  nécrosé;  leur  contenu  était  formé  de  pus 
sanieux.  A  part  les  points  où  ils  siégeaient,  le  reste  du  poumon  était  absolu- 
ment sain.  Dans  le  pus  des  abcès  et  dans  le  tissu  pulmonaire  frais,  on  trouvait 
quelques  œufs,  logés  en  dehors  des  vaisseaux  sanguins,  dans  le  tissu  conjonclif 
intra-lobulaire  et  dans  le  tissu  péribronchique. 

Dans  cette  longue  étude  anatomo-pathologique,  nous  avons  cherché  surtout  à 
montrer  quelles  lésions  pouvaient  produire  les  œufs  de  la  Billiarzie,  dans  les 
cas  les  plus  graves.  On  peut  établir  en  règle  générale  que  la  gravité  des  sym- 
ptômes et  des  lésions  est  en  raison  directe  du  nombre  des  parasites  logés  dans  les 
vaisseaux.  Kartulis  a  trouvé  dans  les  veines  du  système  porte  d'un  seul  individu 
jusqu'à  500  Vers,  dont  la  plupart  étaient  en  voie  d'accouplement;  le  nombre 
des  parasites  est  parfois  encore  plus  considérable. 

Ce  ne  sont  là.  fort  heureusement,  que  des  cas  exceptionnels.  Le  plus  souvent 
l'affection  est  assez  bénigne,  sans  doute  parce  que  les  parasites  sont  en  petit 
nombre;  elle  se  réduit  alors  à  une  cystite  chronique  peu  intense,  présentant  des 
exacerbations  au  cours  desquelles  le  patient  émet  à  la  fin  de  la  miction  un  peu 
de  sang  mêlé  à  du  mucus  filant.  La  maladie  peut  durer  des  années  sans  s'ag- 
graver davantage,  sans  même  que  le  malade  juge  à  propos  de  consulter  un 
médecin. 

Quand,  par  exception,  la  maladie  s'aggrave  au  point  d'amener  la  mort, 
celle-ci  peut  survenir  de  diverses  manières  :  par  rupture  de  la  vessie,  par  pyélo- 
néphrite  ascendante,  par  urémie,  par  albuminurie;  le  malade  peut  encore 
mourir  dans  le  marasme,  épuisé  par  la  dysenterie  ou  par  l'anémie  consécutive  à 
des  hématuries  abondantes  et  répétées. 

11  est  donc  tout  à  fait  inexact  de  considérer  la  bilharziose  comme  une  affec- 
tion toujours  mortelle  ;  il  est  aussi  peu  justifié  de  la  croire  incurable  ;  quoi 
qu'en  dise  Cobbold,  qui  condamnait  tout  traitement,  médical  ou  chirurgical,  et 
qui  se  bornait  à  prescrire  aux  malades  de  bonnes  conditions  climatologiques, 
des  toniques  généraux  et  des  moyens  analogues  pour  seconder  les  efforts  cura- 
tifs  de  la  nature,  le  traitement  est  souvent  suivi  de  succès.  Dans  les  cas  de 
moyenne  intensité,  et  ce  sont  les  plus  communs,  on  peut  procurer  au  malade 
une  amélioration  notable,  au  point  de  le  considérer  comme  guéri. 


O'é  HEMATOZOAIRES. 

Diverses  médications  ont  été  proposées,  mais  les  résultats  n'ont  pas  toujours 
été  des  plus  satisfaisants.  Fouquet  semble  avoir  obtenu  des  succès  remarquables 
par  l'emploi  des  antlielmintbiques,  administrés  avec  persistance  et  à  doses  peu 
élevées.  Il  emploie  les  capsules  d'extrait  élbéréde  Fougère  mâle  qui  se  trouvent 
dans  le  commerce:  il  donne  d'abord  une  capsule  par  jour,  puis  deux,  une  avant 
chacun  des  deux  principaux  repas  de  la  journée;  chez  les  individus  vigoureux, 
on  peut  porter  la  dose  à  trois  capsules  par  jour.  On  continue  ainsi  jusqu'à  ce 
que  la  guérison  paraisse  acquise;  à  partir  de  ce  moment,  on  donne  encore 
pendant  un  mois  une  seule  capsule  par  jour,  afin  d'éviter  plus  sùrenient  le 
retour  de  tout  accident.  Pendant  le  cours  du  traitement,  on  prescrit  encore  au 
malade  un  régime  tonique,  des  frictions  stimulantes,  l'hydrothérapie  et,  comme 
moyen  prophylactique,  l'usage  d'eau  filtrée  ou  bouillie. 

A  ce  traitement  général  il  est  avantageux  d'adjoindre,  au  moins  dans  les  cas 
les  plus  graves,  un  traitement  local,  consistant  en  injections  intra-vésicales 
d'une  solution  de  bichlorure  de  mercure  à  1/5000.  Ces  injections,  répétées 
chaque  matin,  sont  facilement  supportées  par  le  malade;  elles  sont  très-efficaces 
et,  dès  le  troisième  ou  le  quatrième  jour,  la  cystite  diminue  considérablement. 
On  fait,  avec  un  égal  succès,  des  injections  au  nitrate  d'argent,  à  l'acide  phé- 
nique  ou  à  l'acide  boriijue.  Ces  mêmes  substances  rendent  encore  de  grands 
services  pour  le  traitement  local  des  phénomènes  intestinaux  ;  on  les  administre 
sous  forme  de  lavements. 

Itans  certains  cas,  l'intervention  chirurgicale  peut  devenir  nécessaire.  Quand 
l'hématurie  et  la  cystite  sont  très-graves,  .Alackie  n'hésite  pas  à  pratiquer  la 
cystotomie;  le  plus  souvent,  l'hématurie  cesse  instantanément  et  les  lavages 
intra-vésicaux  amènent  une  amélioration  qui  est  presque  équivalente  à  la  gué- 
rison. L'ablation  des  tumeurs  rectales  se  fait  avec  l'écraseur  ou  par  toute  autre 
mélliode  ;  le  traitement  des  fistules  urinaires  se  fait  par  les  procédés  habituels. 

La  bilharziose,  dont  1'  «  hématurie  d'Egypte  »  n'est  que  la  manifestation  la 
plus  ordinaire,  n'a  encore  été  observée  qu'en  Afrique  ou  chez  des  individus 
ayant  fait  dans  ce  continent  un  séjour  plus  ou  moins  long.  Comme  on  sait,  le 
parasite  qui  la  cause  a  été  découvert  en  Egypte,  et  c'est  encore  dans  ce  pays 
que  la  maladie  semble  être  le  plus  répandue.  Elle  y  est  si  fréquente  que  Grie- 
singer  trouvait  le  Ver  H7  fois  sur  565  autopsies,  et  Sonsino  50  fois  sur  54  autop- 
sies de  sujets  arabes  ;  ces  chiffres  suffisent  à  montrer  que  le  parasite  reste  très- 
fréquemment  à  peu  près  inoffensif,  sans  doute  parce  que  le  patient  n'a  été 
soumis  qu'accidentellement  et  pendant  un  temps  fort  court  aux  causes  d'infes- 
tation. 

La  race  semble  n'être  pas  sans  influence  sur  la  production  de  la  maladie, 
mais  ce  n'est  là  qu'une  simple  apparence,  due  à  ce  que  certaines  castes,  par 
leur  habitat  et  par  leur  genre  de  vie,  se  trouvent  particulièrement  exposées  à 
ses  atteintes.  C'est  ainsi  que  l'hématurie  est  surtout  fréquente  dans  les  villages 
et  chez  les  individus  de  la  classe  pauvre  qui  ne  font  jamais  usage  d'eau  filtrée; 
elle  est  plus  rare  chez  les  femmes.  D'après  Bilharz,  les  Fellahs  et  les  Coptes  sont 
le  plus  fréquemment  atteints;  on  observe  la  maladie  chez  la  moitié  des  indi- 
vidus, puis  viennent,  par  ordre  de  fréquence,  les  Nubiens  et  les  Nègres.  Quant 
à  la  provenance  du  parasite,  Belleli  accuse  formellement  l'eau  du  Nil  et  note 
qu'il  est  à  peu  près  inconnu  dans  les  villes  qui  reçoivent  de  l'eau  filtrée. 

La  bilharziose  s'observe  dans  toute  l'Egypte,  notamment  dans  le  delta  du 
Nil.  Les  médecins  qui  nous  ont  laissé  des  relations  de  l'expédition  d'Egypte  en 


HÉMATOZOAIRES.  65 

1799,  ont  noté  que  les  soldats  français  avaient  souffert  d'hématurie;  il  est  à 
peu  près  certain  que  ces  désordres  étaient  causés  par  la  Bilharzie. 

D'Egypte  le  parasite  s'étend  tout  le  long  de  la  côte  orientale  d'Afrique  jus- 
qu'au cap  de  Bonne-Espérance;  il  est  vrai  que  sa  présence  n'a  pas  été  suffisam- 
ment observée  sur  toute  l'étendue  du  littoral,  mais  on  l'a  notée  sur  des  points 
si  divers,  qu'on  est  autorisé  à  penser  que  des  reclierclies  ultérieures  nous  la 
feront  connaître  dans  les  régions  où  on  ne  l'a  point  encore  signalée.  Les  habi- 
tants du  Tibbu,  duTciad,  du  Darfour  et  du  Kordofan,  sont  fréquemment  atteints 
d'hématuries  que  Nachtigall  attribue  à  la  Bilharzie.  Au  bord  du  lac  Nyassa  et 
dans  tout  le  bassin  du  Zambèzc,  les  habitants  sont  également  atteints  d'héma- 
turie et  en  font  remonter  la  cause  à  des  Vers  quiis  verraient  sortir  de  temps  en 
temps  par  le  canal  de  l'urèthre. 

Le  parasite  a  été  du  moins  reconnu  d'une  façon  certaine  à  Zanzibar,  à  ^'atal 
(Cobbold),  à  Pietermaritzburg  (Allen).  On  le  voit  aussi,  mais  plus  rarement,  dans 
la  Cafrerie  anglaise;  Spredy  l'a  observé  à  East  London,  ville  côtière  à  l'embou- 
chure du  Buffalo,  et  à  King-AVilliams-Town,  ville  située  plus  haut  sur  ce  même 
ileuve;  on  ne  le  cite  pas  plus  avant  dans  les  terres.  On  le  rencontre  assez  fré- 
quemment au  Cap,  oîi  John  Harley  l'a  vu  le  premier  en  1864;  on  l'a  vu  notam- 
ment à  Uitenhage,  ville  située  sur  le  Zw;u'lekop  river,  à  5  lieues  de  son  embou- 
chure dans  la  baie  d'Algoa,  et  à  Porl-Élisabeth,  ville  située  sur  la  baie  même  et 
tirant  ses  légumes  d'Uitenhage. 

Quant  aux  cas  que  certains  auteurs  disent  avoir  observés  à  Madagascar,  à 
Maurice  et  à  La  Réunion,  nous  les  considérons  comme  insuffisamment  démon- 
trés et  nous  les  rapportons  à  l'hématurie  intertropicalc,  causée  par  la  Pilaire 
du  sang. 

Nous  avons  vu  déjà  que  Sonsino  a  découvert  chez  le  Bœuf  et  le  Mouton  une 
espèce  particulière  de  Bilharzie,  qu'il  appelle  Bilharzia  crassa.  L'espèce 
B.  hœmatobla  n'est  point  particulière  à  l'Homme;  Cobbold  l'a  retrouvée  chez 
un  Singe  égyptien  (Cerco/;i7/iecus  fuliginosm),  mort  au  Jardin  zoologique  de 
Londres. 

Hématozoaires  appartenant  ad  groupe  des  Némâtodes.  La  présence  possible 
de  Nématodes  dans  le  sang  de  l'Homme  est  aujourd'hui  un  fait  acquis;  nous 
avons  parlé  ailleurs  [voij.  Helminthes,  n'^  54)  de  la  Pilaire  du  sang,  dont  les 
larves  se  rencontrent  en  nombre  immense  dans  les  vaisseaux  sanguins,  chez  les 
individus  atteints  d'hémato-chylurie  et  d'éléphantiasis  des  Arabes. 

Cet  helminthe  est  le  seul  Nématode  dont  l'existence  dans  le  sang  humain  est 
certaine,  mais  on  est  autorisé  à  penser  que  le  sang  est  sinon  le  séjour  habituel, 
du  moins  le  lieu  de  passage  et  le  moyen  de  transport  d'un  certain  nombre  de 
Vers  qui  se  trouvent  disséminés  en  divers  organes,  plus  ou  moins  loin  des  voies 
respiratoires  et  digestives,  qui  sont  la  voie  d'infestation  la  plus  habituelle. 
L'opinion  que  nous  émettons  ici  est  notamment  applicable  aux  embryons  de  la 
Trichine,  aux  larves  du  Leptodera  ISiellyi,  aux  Filaria  Loa,  F.  labiaîis  et 
F.  oculi  huviani. 

Des  faits  nombreux,  empruntés  à  la  pathologie  et  à  l'helminthologie  comparées, 
viennent  corroborer  notre  manière  de  voir  :  en  effet,  les  cas  sont  loin  d'être 
rares,  et  nous  aurons  par  la  suite  à  en  citer  quelques-uns,  oii  l'on  trouve  tout 
à  la  fois  dans  le  sang  et  dans  les  organes  une  seule  et  même  espèce  d'helminthes. 
En  ce  qui  concerne  la  Filaria  oculi  humani,  la  certitude  est  même  à  peu  près 
absolue,  si  on  considère  que  la  F.  papillo?a,  qui  se  voit  dans  l'œil  du  Cheval 

DICT.   EKC.  i'  s.  XIII.  5 


66  HÉMATOZOAIRES. 

dans  les  mêmes  conditions,  a  été  rencontrée  on  bien  d'autres  points  du  corps 
par  divers  observateurs,  et  particulièrement  dans  le  sang  par  Cobbold. 

On  sait  d'ailleurs  que  l'embryon  hexacanthe  des  Ta;nias,  pour  passer  de  1  in- 
testin dans  l'organe  au  sein  duquel  il  doit  se  transformer  en  Cysticorque  ou  en 
Écbinocoque,  se  laisse  ordinairement  porter  par  le  courant  sanguin.  Si  le  Cijstt- 
cercus  pislfonnis  du  Lapin  se  développe  de  préférence  dans  le  foie,  cela  tient, 
comme  l'a  montré  Laulanié,  à  ce  que  l'embryon  hexacanthe  dont  il  provient  a 
été  amené  dans  le  viscère  par  la  veine  porte. 

L'opinion  que  le  sang  de  l'Homme  peut  parfois  contenir  des  Vers  est  fort 
ancienne  :  un  grand  nombre  d'auteurs  ont  prétendu  avoir  rencontré  des  hel- 
minthes dans  le  cœur  ou  dans  les  vaisseaux,  mais  l'examen  attentif  de  leurs 
écrits  amène  à  conclure  que,  le  plus  souvent,  on  a  pris  pour  des  parasites  de 
simples  caillots  fibrineux  et  que,  dans  d'autres  cas,  l'existence  d'un  véritable 
hématozoaire  n'a  pas  été  constatée  d'une  manière  positive. 

Sans  outrer  dans  lo  détail  de  ces  observations,  rappelons  celles  qui  ont  été  le 
plus  souvent  citées  ou  reproduites.  Les  faits  rapportés  par  Welsch  et  par  Poli- 
sius,  à  propos  de  Vers  vus  dans  le  cœur  de  l'Homme,  ne  sauraient  être  admis; 
ces  auteurs  ont  pris  évidemment  pour  des  helminthes  des  concrétions  fibri- 
neuses.  La  même  remarque  est  applicable  à  plusieurs  observations  citées  par 
Senac. 

Les  laits  dont  font  mention  Borelli,  Peter  de  Castro,  Kircher,  etc.,  r.e 
méritent  pas  davantage  créance;  il  en  est  de  même  pour  les  prétendues 
observations  de  Bartholin,  de  Fabrice  d'Acquapendente,  de  Spigel,  etc.  Les 
auteurs,  dans  tous  ces  cas,  ne  donnent  ni  descriptions,  ni  dessins,  mais  se 
bornent  à  de  simples  assertions.  —  On  trouvera  dans  le  livre  de  Davaine  la 
liste  à  peu  près  complète  et  la  critique  de  ces  anciennes  observations  de  Vers 
dans  le  sang. 

S'il  est  rare,  à  part  les  cas  d'hématurie  intertropicale  ou  d'éléphantiasis  des 
Arabes,  de  trouver  des  Nématodes  libres  dans  la  cavité  du  cœur  ou  des  vais- 
seaux sanguins  de  l'Homme,  une  semblable  trouvaille  n'est  pas  rare  chtz  les 
animaux  ;  dans  certaines  espèces,  elle  peut  même  être  considérée  comme  assez 
commune. 

Dans  l'état  actuel  de  nos  connaissances,  le  Chien  est  le  Mammifère  dont  le 
sang  renferme  le  plus  souvent  des  Nématodes  ;  on  en  connaît  au  moins  quatre 
espèces,  mais  ne  se  rencontrant  pas  toutes  avec  une  égale  fréquence.  Sans 
attacher  plus  d'importance  qu'il  ne  convient  à  une  observation  de  Jones  (de 
Philadelphie),  qui  aurait  recueilli  un  Slrongle  géant  {Eustrongi/lus  gigas  Die- 
sing)  dans  le  cœur  d'un  Chien,  en  même  temps  que  cinq  Filaires  [Filaria 
immitis  Leidy),  nous  croyons  devoir  dire  quelques  mots  de  certains  autres 
hématozoaires  plus  communs  et  aussi  plus  importants. 

Stro.ngylus  vasorum  Baillet.  1866.  Cet  helminthe  a  été  découvert  en  1833 
par  Serres,  professeur  à  l'Ecole  vétérinaire  de  Toulouse,  dans  le  cœur  droit  et 
jusque  dans  les  plus  fines  branches  de  l'artère  pulmonaire  d'un  Chien  ;  il  s'y 
trouvait  en  quantité  innombrable  ;  l'orifice  de  l'artère  pulmonaire  était  presque 
entièrement  bouché  par  de  petits  pelotons  vermineux.  La  mort  subite  à  laquelle 
avait  succombé  l'animal  trouvait  son  explication  dans  ce  nombre  prodigieux 
d'entozoaires.  L'animal  fut  décrit  par  Baillet,  auquel  Serres  en  remit,  à  quatre 
reprises,  quelques  exemplaires. 

M.  Laulanié  a  récemment  ajouté  des  faits  importants  à  l'histoire  du  parasite; 


HÉMATOZOAIRES.  67 

il  a  fait  connaître  son  mode  de  reproduction,  ses  migrations  et  les  lésions  qu'il 
produit. 

Les  embryons  devenus  libres  seraient  déglutis  accidentellement  par  des  Chiens 
et  subiraient  dans  l'appareil  digestif  ou  le  système  veineux  de  ces  derniers  les 
modifications  qui  les  amènent  à  l'état  adulte  dans  le  cœur  droit.  Laulanié  tire 
du  moins  cette  conclusion  d'expériences  dans  lesquelles  un  grand  nombre  de 
Chiens,  à  qui  il  avait  fait  manger  des  fragments  de  poumon  atteint  de  granulie 
parasitaire,  ont  offert  à  l'autopsie,  pratiquée  un  mois  après  l'infestation,  toutes 
les  altérations  caractéristiques  de  la  strongylosc.  Ainsi  s'expliquerait  comment 
cette  affection  peut  revêtir  la  l'orme  cnzoûli(iue  et  atteindre  plusieurs  Chiens 
dans  une  seule  meute. 

M.  Laulanié  a  décrit  avec  soin  les  lésions  produites  par  l'œuf  dans  le  tissu 
pulmonaire.  L'animal  adulte  n'est  pas  davantage  un  parasite  indifférent;  sa  pré- 
sence détermine  une  artérite.  Les  produits  de  l'inflammation  vasculaire  affectent 
ici  une  forme  très-irrégulière,  celle  de  bourgeons,  de  lames  ou  cordons  résis- 
tants et  anastomosés;  la  paroi  interne  étalée  de  l'artère  offre  alors  un  aspect 
réticulaire  comparable  à  celui  qui  caractérise  la  surface  des  oreillettes,  sauf, 
bien  entendu,  le  volume  des  travées,  qui  est  jieu  considérable. 

Ces  lésions  ne  sont  pas  constantes,  mais,  à  la  limite  du  territoire  pulmonaire 
affecté  par  la  granulose  et  du  territoire  sain,  les  petites  branches  artérielles 
présentent  toujours  une  thrombose  plus  ou  moins  étendue.  La  lumière  du  vais- 
seau est  remplie  par  un  caillot  dur  et  jaunâtre  :  celui-ci  est  libre  par  son  extré- 
mité centrale  et  plonge  par  l'extrémité  périphérique  dans  un  foyer  d'endarté- 
rite  au  delà  duquel  le  vaisseau  paraît  singulièrement  rétréci,  sinon  oblitéré. 

Strongylus  slbolatus  Cobbold,  1879.  Cet  helminthe  a  été  découvert  par 
Leisering  (de  Dresde),  qui  lui  donna  le  nom  à' Ilœmatozoon  siibulatum  ;  il 
habite  le  système  veineux  du  Chien.  Il  n'a  encore  été  vu  que  deux  fois,  en  1864 
et  1865.  Dans  le  premier  cas,  on  en  trouva  de  trente  à  trente-cinq  exemplaires 
dans  une  sorte  de  nodule  que  présentait  le  poumon  ;  dans  le  second  cas,  on  le 
renco'.tra  dans  la  veine  dorsale  de  la  verge,  dans  les  tissus  des  corps  caverneux; 
chaque  goutte  de  sang  en  renfermait  de  quatre  à  six. 

FiLARiA  1M5IITIS  Leidy,  1856.  Cette  Filaire  habite  le  cœur  droit  et  les  artères 
pulmonaires  du  Chien;  on  ne  trouve  souvent  qu'un  ]ietit  nombre  d'individus 
(7  dans  le  cas  de  Silva  Araujo) ,  mais  parfois  les  Vers  sont  au  nombre  de 
plusieurs  centaines,  comme  dans  le  cas  rapporté  par  Mégnin  ;  les  cavités  du 
cœur  sont  alors  obstruées  par  une  sorte  de  bouchou  qui  en  occupe  tout 
1  espace  et  qui  est  constitué  par  les  païasites  enchevêtrés  les  uns  dans  les 
autres  d'une  façon  inextricable.  On  trouve  en  moyenne  un  mâle  pour  deux 
femelles;  dans  un  cas,  Manson  a  compté  41  Vers,  dont  15  mâles  et  28  femelles; 
parfois  pourtant,  comme  dans  le  cas  de  Silva  Araujo,  on  ne  rencontre  que 
des  màlcs. 

En  raison  de  leur  étroitesse,  qui  est  inférieure  à  celle  des  globules  rouges, 
les  embryons  sont  entraînés  dans  tout  l'organisme  par  le  torrent  circula- 
toire; on  les  trouve  dans  le  sang  pris  en  un  point  quelconque  du  corps  et  leur 
nombre  est  si  considérable  que  Gruby  etDelafond  n'exagèrent  certainement  pas, 
et  sont  peut-être  même  au-dessous  de  la  vérité,  en  l'évaluant  à  11000  ou 
224  000,  suivant  les  cas.  On  observe  parfois  ces  hématozoaires  alors  que  le 
cœur  ne  renferme  pas  la  Filaire  adulte  ;  celle-ci  se  retrouve  alors  dans  le  tissu 
conjonctif  sous-cutané,  comme  Ercolani  l'a  fait  vair. 


68  HÉMATOZOAIRES. 

On  ignore  encore  quel  sort  est  réservé  à  ces  embryons.  Il  est  probable  qu'ils 
doivent  sortir  des  vaisseaux  sanguins  pour  continuer  leur  évolution  dans  un 
hôte  intermédiaire,  comme  l'ait  la  Pilaire  du  sang  humain.  Bancrolt  dit  avoir  vu 
des  embryons  dans  l'intestin  des  Trichodectes,  Insectes  qui  vivent  dans  le  pelage 
du  Chien,  et  considère  ces  Hémiptères  comme  les  véritables  hôtes  intermédiaires; 
cette  manière  de  voir  est  peu  admissible,  car  il  n'est  point  prouvé  que  les  Tri- 
chodectes sucent  le  sang. 

Quoi  qu'il  en  soit,  les  embryons  de  la  Filaire  peuvent  circuler  pendant  long- 
temps avec  le  sang  du  Chien  ;  Gruby  et  Delafond  ont  pu  les  observer  pendant 
des  années  sur  un  même  animal,  sans  les  voir  subir  la  moindre  transformation. 
Us  sont  capables  de  passer  du  sang  de  la  mère  dans  celui  du  fœtus,  comme 
l'ont  démontre  Galeb  et  l'ourquier,  mais  il  ne  faudrait  pas  partir  de  là  pour 
expliquer  la  propagation  du  parasite  et  son  endémicité.  Plus  d'un  auteur  a  pré- 
tendu que  celui-ci  pouvait  se  transmettre  par  hérédité;  cette  opinion  insoute- 
nable a  eu  un  regain  d'actualité  à  la  suite  des  observations  de  Galeb  et  Pour- 
quier  ;  elle  n'en  est  pas  moins  inexacte,  car  il  nous  semble  amplement  démontré 
que  l'embryon  ne  peut  devenir  adulte  dans  les  vaisseaux  de  l'animal  chez  lequel 
il  a  pris  naissance. 

La  Filaire  du  sang  du  Chien  n'est  pas  un  parasite  très-rare.  Elle  avait  déjà 
été  vue  en  K\irope  par  différents  anatomistes,  quand  Gruby  et  Delafond  la  ren- 
contrèrent à  leur  tour  et  firent  sur  sa  fréquence  d'intéressantes  observations; 
ils  la  trouvèrent  5  fois  sur  250  Chiens.  Chaussât  examina  plusieurs  animaux, 
mais  sans  la  rencontrer.  Elle  a  été  retrouvée  en  Danemark  par  Krabbe;  aux 
Etats-Unis,  par  Jones,  Leidy  et  Schuppert  ;  au  Brésil,  par  SilvaAraujo.  Nulle  part 
elle  n'est  plus  fréquente  qu'aux  Indes  et  en  Chine,  où  Lewis  et  Manson  l'ont 
bien  étudiée;  elle  est  aussi  très-commune  au  Japon. 

Manson  considère  cet  helminthe  comme  assez  inoffensif.  C'est  là  une  exagéra- 
tion évidente.  Le  Chien  peut  sans  doute  rester  quelque  temps  sans  être  incom- 
modé, mais  tôt  ou  tard  se  manifestent  des  accidents  dont  la  gravité  est  ordinai- 
rement subordonnée  au  nombre  des  Vers  adultes  contenus  dans  le  cœur  ou  les 
artères  pulmonaires  ;  les  fonctions  du  cœur  se  trouvent  gênées,  le  cours  du  sang 
vers  le  poumon  peut  être  entravé,  d'où  des  symptômes  variables  sur  la  nature 
desquels  il  est  difficile  de  se  prononcer.  Assez  souvent  l'animal  semble  présenter 
des  accès  d'hydrophobie  (cas  d'Osborne,  de  Rivolta  et  de  lloysted)  ;  la  mort 
arrive  plus  ou  moins  rapidement  (cas  de  Schuppnrt).  Les  embryons,  en  raison 
de  leur  petite  taille,  qui  leur  permet  de  circuler  dans  les  vaisseaux  les  plus 
déliés,  ne  paraissent  pas  avoir  grande  influence  sur  la  santé;  Gruby  et  Delafond 
ont  gardé  vivants,  pendant  des  années,  des  Chiens  dans  le  sang  desquels  on  en 
rencontrait  des  quantités  innombrables. 

Spiroptera  sakguinoleîjta  Rudolpbi,  1819.  Cet  helminthe,  signalé  pour  la 
première  fois  par  Redi  en  1684,  se  rencontre  chez  le  Chien,  le  Loup  et  le 
Renard,  dans  des  tumeurs  de  l'œsophage  ou  de  l'estomac  ou  libre  dans  la  cavité 
de  ces  organes.  Le  Spiroplère  ensanglanté,  ainsi  nommé  à  cause  de  sa  coloration 
rouge  de  sang,  se  rencontre  encore  parfois  dans  des  tumeurs  de  l'aorte.  Ce  fait, 
constaté  tout  d'abord  par  Morgagni  et  Courten,  a  été  révoqué  en  doute  par  les 
meilleures  autorités  :  il  est  pourtant  incontestable,  comme  le  prouvent  de  ré- 
centes observations. 

Patrick  Manson  en  Chine  et  Lewis  aux  Indes  ont  en  effet  fréquemment  observé, 
sur  le  trajet  de  l'aorte  du  Chien,  des  tumeurs  vermineuses  dues  à  ce  parasite. 


HÉMATOZOAIRES.  69 

Ces  tumeurs  sont  tle  grosseur  variable,  depuis  la  taille  d'un  grain  de  plomb  de 
chasse  jusqu'à  celle  d'une  noisette  ou  d'une  noix.  Les  plus  petites  renferment  des 
Nématodes  à  l'état  larvaire,  les  plus  grosses  contiennent  des  animaux  adultes, 
parfois  au  nombre  de  cinq  à  six.  Les  dernières  mues  du  parasite  et  son  passage 
à  l'état  sexué  s'accomplissent  à  l'intérieur  de  ces  tumeurs.  Celles-ci  font  saillie 
à  la  face  externe  du  vaisseau,  dont  elles  rendent  la  paroi  mince  et  fragile.  Quel- 
quefois le  Ver  rampe  entre  les  tuniques  de  l'aorte  et  fait  sortir  par  un  petit 
orifice  l'une  de  ses  extrémités,  qui  pend  alors  librement  dans  la  cavité  de  l'ar- 
tère ;  on  peut  voir  alors  le  calibre  du  vaisseau  presque  oblitéré  par  un  caillot 
formé  autour  de  l'helminthe. 

La  tumeur  vermincuse  se  vide  parfois  dans  l'aorte  :  on  trouve  alors  dans  le 
sang  des  œufs  ou  des  embryons  à  différents  degrés  de  développement;  l'animal 
adulte  n'y  a  pas  été  rencontré. 

Les  tumeurs  dont  nous  venons  de  parler  ont  encore  été  vues  par  Oreste  sur 
le  trajet  de  l'aorte  thoracique  :  elles  renfermaient  jusqu'à  dix-sept  Vers.  Enlin 
Mégnin  a  montré  que,  lorsqu'elles  siègent  sur  l'aorte  abdominale,  elles  peuvent 
causer  la  mort  subite  de  l'animal  qui  les  héberge,  par  rupture  du  vaisseau. 
Manson  avait  constaté  d'autre  part  que  la  rupture  dos  tumeurs  aortiques  ou 
œsophagiennes  pouvait  déterminer  des  pleurésies  et  que  la  pénétration  des  œufs 
dans  les  capillaires  de  la  moelle  épinière  occasionnait  parfois  la  paralysie  des 
membres  postérieurs. 

Siiva  Araujo  a  retrouvé  au  Brésil  le  Spiroptère  ensanglanté,  mais  constaté  la 
production  de  tumeurs  aortiques. 

Pas  plus  que  les  Carnassiers  les  Pinnipèdes  ne  sont  à  l'abri  de  l'attaque  des 
hématozoaires.  A  quelques  semaines  d'intervalle,  Joly  (de  Toulouse),  J.  Leidy 
(de  Philadelphie)  etC.  Ileller  (de  Vienne),  firent  connaître  des  Nématodes  trouvés 
dans  le  cœur  droit  du  Phoca  vilidina.  Leidy  leur  donna  le  nom  de  Filaria 
spirocauda  et  Joly  celui  de  F.  cordis  pliocae,  qu'ils  doivent  conserver,  la  prio- 
rité appartenant  au  naturaliste  français.  C'est  peut-être  eucore  la  même  espèce, 
ou  du  moins  une  espèce  voisine,  que  Cobbold  a  décrite  chez  le  Stemmalopiis 
cristatus  sous  le  nom  de  F.  Iiebetata. 

Nous  ne  connaissons  qu'une  seule  observation  de  Nématode  dans  le  sang  des 
Ruminants  :  elle  se  rapporte  à  la  Filaria  Evansi,  découverte  par  Evans  chez  un 
Chameau  et  décrite  par  Lewis. 

Il  n'est  point  rare  d'observer  des  Nématodes  dans  le  sang  des  Solipèdes,  encore 
que  ce  phénomène  soit  moins  fréquent  que  chez  le  Chien  :  c'est  chez  le  Cheval 
que  la  plupart  des  cas  ont  été  constatés. 

ScLERosTOMA  EQuiNUM  Dujardiu,  1845.  Le  Sclérostome  du  Cheval  ou  Strongle 
armé  des  vétérinaires  [Strongylus  armatus  Rudolphi)  vit  dans  le  caecum  du 
Cheval,  de  l'Ane,  du  Mulet  et  de  quelques  autres  Équidés. 

Les  œufs  sont  expulsés  avec  les  matières  fécales  ;  en  quelques  jours  ils 
éclosent  dans  l'eau  ou  dans  les  excréments.  Les  embryons  ressemblent  à  de 
petits  Rhabditis;  quand  ils  ont  achevé  leurs  premiers  développements,  ou  bien 
si  les  conditions  favorables  à  leur  évolution  viennent  à  leur  manquer,  ils  muent 
et  s'enferment  dans  leur  vieux  tégument  comme  dans  un  étui  :  Baillet  a  pu 
les  conserver  ainsi  en  vie  latente  pendant  plusieurs  mois.  Amenés  dans  l'intestin 
du  Cheval  par  les  eaux  de  boisson,  ils  sortent  de  leur  capsule,  traversent  les 
parois  intestinales  et  pénètrent  dans  les  vaisseaux  sanguins,  oiî  ils  peuvent  sé- 
journer plus  ou  moins  longtemps.  On  ne  sait  pas  encore  si  leur  passage  dans 


70  HÉMATOZOAIRES. 

le  sang  est  normal  ou  simplement  accidentel;  il  est   du  moins  certain  que  le 
phénomène  s'accomplit  avec  une  extrême  fréquence. 

Quoi  qu'il  en  soit,  le  parasite  s'observe  principalement  dans  l'artère  mésen- 
térique  antérieure  ou  grande  mésentérique,  où  Ruysch  l'a  rencontré  pour  la 
première  fois  en  IGOo. 

A  la  suite  de  Ruysch,  le  Sclérostome  du  Cheval  a  été  rencontré  par  un  grand 
nombre  d'observateurs  :  on  trouvera  dans  le  mémoire  de  Rayer  le  résumé  de 
leurs  travaux,  ainsi  qu'une  étude  des  lésions  produites  par  le  parasite. 

Les  individus  renfermés  dans  les  vaisseaux  sont  à  l'état  larvaire;  leur  bouche 
est  déjà  armée  de  denlicules  et  la  bourse  caudale  trilobée  du  mâle  est  indi- 
quée :  les  sexes  sont  donc  reconnaissables,  mais  les  organes  génitaux  ne  sont 
pas  encore  développés.  Nous  avons  dit  que  les  Vers  siégeaient  de  préférence  dans 
la  grande  mésentérique,  mais  on  les  voit  encore  dans  les  artères  hépatique, 
rénales,  testiculairos,  ainsi  que  dans  les  branches  de  la  mésentérique  qui  se 
rendent  au  cùlon  et  au  caecum;  par  exception,  on  les  a  rencontrés  dans  l'artère 
occipitale.  On  les  a  trouvés  aussi  dans  le  pancréas,  dans  le  foie  et  dans  les 
tuniques  du  testicule.  Enfin,  Valentin  rapporte  qu'on  en  vit  un  exemplaire 
dans  la  veine  porte  à  l'Ecole  vélérinoire  de  Berne. 

Ces  Vers  sont  loin  d'être  inolfensifs  :  ils  déterminent  des  anévrysmes  vcrmi- 
neux,  au  niveau  desquels  se  développe  un  caillot  adhérent  à  la  paroi  du  vais- 
seau et  offrant  ù  sa  surface  des  dépressions  qui  donnent  abri  aux  helminthes  : 
ceux-ci  sont  ordinairement  peu  nombreux,  ils  sont  colorés  en  rose  ou  en  rouge 
par  le  sang  qu'ils  ont  avalé  et  mesurent  en  moyenne  de  1  à  3  centimètres  de 
longueur. 

Les  anévrysmes  vermineux  sont  très-fréquents;  il  est  rare  de  ne  point  les 
rencontrer  chez  les  vieux  Chevaux.  Ils  ne  se  rompent  qu'exceptionnellement, 
leur  paroi  acquérant  une  épaisseur  considérable  et  subissant  même  la  dégéné- 
rescence calcaire.  Eu  revanche,  le  caillot  formé  à  leur  intérieur  est  souvent  le 
point  de  départ  d'embolies  ayant  pour  conséquence  de  graves  accidents  que 
Bollingcr  a  étudiés  avec  soin  sous  le  nom  de  «  colique  des  Chevaux.  » 

Dans  les  cas  où  le  Ver  s'ari'ête  dans  le  foie,  il  peut  amener  dans  cet  organe  de 
profondes  altérations.  Mégnin  a  vu  le  lobe  moyen  du  foie  d'un  Cheval  trans- 
formé en  une  véritable  tumeur  fibro-plastique  dans  laquelle  le  tissu  propre  du 
foie  avait  complètement  disparu.  Ce  lobe  était  parsemé  dans  toute  son  étendue 
de  petits  kystes  sanguins  contenant  chacun  un  helminthe  replié  sur  lui-même. 
Les  vaisseaux  qui  parcouraient  la  tumeur  contenaient  des  helminthes  sem- 
blables, à  divers  degrés  de  développement. 

Cagny  et  Railliet  considèrent  le  passage  du  parasite  dans  les  vaisseaux  comme 
un  phénomène  normal.  Pour  eux,  les  Vers  reviennent  définitivement  dans 
l'intestin,  après  avoir  formé  ces  petits  kystes  sous-muqueux  si  communs 
dans  le  caecum  et  dont  chacun  renferme  une  jeune  larve  de  Sclérostome 
enroulée  sur  elle-même  :  celle-ci  s'accroît  peu  à  peu,  de  même  que  celle 
des  anévrysmes,  rompt  son  kyste  et  tombe  dans  l'intestin,  où  elle  acquiert  sa 
maturité  sexuelle. 

FiLARiA  PAPiLLOSA  Rudolphi,  1810.  Cet  helminthe  se  loge  dans  le  thorax, 
l'abdomen,  les  méninges,  le  tissu  conjonctif,  les  muscles,  etc.;  son  habitat  est 
variable,  et  on  le  trouve  encore  très-fréquemment  dans  la  chambre  postérieure 
de  l'œil.  Il  se  rencontre  chez  le  Cheval,  l'Ane,  le  Mulet  et  les  Ruminants  à 
cornes. 


HÉMATOZOAIRES.  71 

Dans  les  cas  où  le  Ver  adulte  s'observe  chez  le  Cheval,  il  est  fréquent  de  ren- 
contrer la  larve  dans  le  sang.  La  première  observation  de  ce  genre  est  due  à 
Wedl.  En  Égyplc,  Sonsino  a  pu  constater  aussi  la  coexistence  de  la  Filaire  adulte 
■dans  les  viscères  abdominaux  et  de  larves  dans  le  sang  ;  il  décrivit  ces  dernières 
sous  le  nom  de  Filarin  sangiiinis  equi.  Enfin,  Lange  rapporte  que  Jakimoff 
trouva  dans  le  sang  d'un  Cheval  hématurique  des  larves  de  Filaire  en  telle 
abondance,  que  chaque  goutte  de  sang  en  contenait  deux  ou  trois;  l'autopsie  du 
Cheval  n'a  pas  été  faite. 

On  n'est  pas  encore  fixi'  sur  la  véritable  nature  des  Nématodes  rencontrés  par 
Burke  dans  le  sang  et  l'urine  de  Chevaux  affecl('s  d'induenza  :  ce  sont  des  hel- 
minthes longs  de  6  centimètres  auxquels  Burke  donne  le  nom  àllœinatobium 
equi. 

Les  Cétacés  semblent  être  eux-mêmes  fréquemment  atteints  d'Iiématozoaires; 
ceux-ci  se  rencontrent  exclusivement  dans  le  système  veineux,  où  ils  acquièrent 
leur  complet  développement.  Ils  ont  été  étudiés  chez  le  Marsouin  {Delpliinus 
phocasna)  par  un  grand  nombre  d'observateurs,  entre  autres  par  lUidolphi, 
Raspail,  von  Baer  et  Davaine  :  on  les  rencontre  principalement  dans  le  cœur 
droit  et  dans  l'artère  pulmonaire  et  ses  brandies;  le  système  à  sang  rouge  n'en 
renferme  pas. 

L'hématozoaire  du  Marsouin  a  été  appelé  Strongylns  inflexus  par  Rudolphi, 
Sir.  inflexus  var.  major  par  Raspail,  Pseudalius  filum  par  Dujardin,  Prosthe 
cosacter  inflexus  par  Diesing  :  aucun  de  ces  noms  ne  saurait  convenir,  mais  le 
nom  définitif  doit  être  Pseudalius  inflexus. 

D'autres  helminthes  vivent  encore  dans  le  sang  du  Marsouin  :  dans  les  sinus 
de  la  base  du  crâne  et  dans  les  vaisseaux  du  poumon  se  trouve  le  Stenurus  in- 
flexus  Dujardin  {Strongylus  inflexus  Rud.  Str.  minor  Kuhn,  Str.  vagans 
Eschricht,  Prosthecosacter  minor  Diesing).  Dans  les  vaisseaux  pulmonaires  du 
même  animal,  on  trouve  encore  le  Pr.  convolutus  Diesing  {Str.  comiolutus 
Kuhn);  dans  les  sinus  crâniens  du  Narval,  le  Pharurus  alatus  R.  Leuckart; 
dans  les  corps  caverneux  du  pénis  du  Balaenoptera  rostrata,  la  Filaria  cras- 
sicaîfrfa  Creplin. 

Bien  qu'on  ne  connaisse  encore  que  fort  peu  de  chose  de  l'helmintho- 
logie  des  Edentés,  on  sait  pourtant  que  ces  animaux  peuvent  liéberger  égale- 
ment des  hématozoaires.  Da  Silva  Araujo  rapporte  que  le  professeur  Rosendo, 
de  l'Université  de  Bahia,  rencontra  dans  le  cœur  d'un  Tatou  trois  Vers  longs 
de  3  centimètres  et  larges  d'à  peu  près  1  millimètre;  ils  avaient  l'aspect  de 
■Filaires. 

Nous  abordons  maintenant  l'étude  des  hématozoaires  des  Oiseaux.  Ces  para- 
sites ne  sont  pas  rares,  mais  ils  semblent  être  surtout  abondants  dans  le  sang 
des  Corbeaux. 

La  première  observation  d'hématozoaires  chez  les  Oiseaux  est  due  à  Barkow, 
qui  aurait  trouvé  dans  le  ventricule  droit  du  cœur  d'un  Héron  [Ardea  cinerea) 
deux  Nématodes  que  l'on  conserve,  au  dire  de  Creplin,  au  Musée  zootomique  de 
Greifswald. 

Gros  a  signalé  le  premier,  en  1845,  un  hématozoaire  microscopique,  parti- 
culier aux  Corbeaux  et  ayant  l'apparence  d'une  Filaire.  Bien  que  des  myriades 
de  ces  Filaires  se  rencontrent  dans  le  sang,  les  organes  de  l'Oiseau  n'offrent 
aucune  lésion  qu'on  puisse  leur  attribuer. 

Le  professeur  Ecker,  de  Bàle,  a  également  constaté  la  présence  de  larves 


72  HÉMATOZOAIRES. 

de  Filaires  dans  le  sang  de  onze  Freux  {Corvus  friigilegus),  notamment  dans 
le  cœur,  dans  les  \eines  pulmonaires  et  dans  l'aorle.  C'étaient  des  animal- 
cules longs  de  100  p.,  larges  de  5  à  G  jy. ,  animés  de  mouvements  très- 
rapides  ;  l'eau  les  tuait  presque  instantanément.  Le  mésentère  de  ces  mêmes 
Oiseaux  renfermait  des  Filaires  adultes,  longues  de  2  ou  5  lignes,  libres  ou 
enkystées  et  pleines  d'embryons  un  peu  plus  petits  que  les  hématozoaires. 
Ecker  pense  que  les  embryons  pondus  pénètrent  dans  les  vaisseaux,  d'où  ils 
sortent,  après  un  séjour  plus  ou  moins  long,  pour  se  développer  dans  diffé- 
rents organes. 

Des  hématozoaires  analogues  ont  encore  été  vus  dans  le  sang  du  Freux  par 
FoUin,  Rayer  et  Ch.  Robin.  Cette  observation  est  rapportée  par  Chaussât,  qui 
reproduit  même  (pi.  II,  lig.  2)  un  dessin  de  Robin. 

Ilerbst,  en  1852,  vit  égalemment  déjeunes  Nématodes  dans  le  sang  de  divers 
Oiseaux  (Corneille,  Choucas,  Geai,  Autour,  etc.).  Il  les  prit  pour  des  Trichina 
spiralis,  mais  Diesing  crut  devoir  les  rapporter  à  son  espèce  nominale  Tr.  af- 
finis  :  il  est  difficile,  en  raison  de  la  connaissance  incomplète  que  nous  en  avons, 
de  leur  donner  un  nom  spécifique;  il  est  du  moins  certain  que  ce  ne  sont  point 
des  Trichines. 

Nous  en  dirons  autant  des  Nématodes  à  l'état  larvaiie  que  Borell  observa  en 
1874  dans  le  sang  d'un  Corbeau  et  qu'il  considéra  également  comme  des  Tri- 
chines :  ces  vermisseaux  longs  de  150  p,  larges  de  -4  pt,  très-agiles,  étaient  très- 
abondants  dans  les  veines  et  dans  les  artères;  on  les  trouvait  encore  dans  la  bile, 
dans  l'humeur  aqueuse  et  dans  le  corps  vitré.  Ajoutons  entin  que  Jakimoff, 
élève  du  professeur  Lange,  de  Kazan,  a  trouvé  lui-même  dans  le  sang  des  Cor- 
neilles une  grande  quantité  d'hématozoaires. 

On  ne  sait  rien  encore  de  Texistence  de  Nématodes  dans  le  sang  des  Reptiles, 
à  moins  que  la  Filaria  cistudinis,  décrite  par  Leidy  comme  provenant  du  cœur 
de  la  Cistudo  carolina,  ne  soit  un  véritable  hématozoaire  :  la  description  de 
cet  auteur  n'est  pas  suffisamment  précise,  et  il  est  difficile  de  dire  si  l'hel- 
minthe a  été  trouvé  dans  l'épaisseur  ou  dans  la  cavité  de  l'organe. 

Des  Nématodes  à  l'état  larvaire  ont  été  vus  maintes  fois  dans  le  sang  de  la 
Grenouille.  La  première  observation  est  due  à  Valentin.  De  son  côté.  Cari  Vogt 
observa  des  helminthes  analogues  dans  les  capillaires  de  la  membrane  nicti- 
tante  d'une  Grenouille  qui  venait  d'être  tuée,  puis  dans  tous  les  vaisseaux  san- 
guins de  ce  même  Batracien  ;  par  la  suite,  il  retrouva  des  Vers  semblables  dans 
le  sang  de  plusieurs  Grenouilles.  C'étaient  des  animalcules  très-agiles,  obtus  à 
une  extrémité,  effilés  à  l'autre  ;  leur  longueur  était  à  peu  près  égale  à  trois  fois 
le  grand  diamètre  d'un  globule  rouge,  leur  largeur  était  celle  de  ce  même 
globule  vu  de  profil.  Vogt  admet  que  ces  embryons  de  Filaire  circulent  ainsi 
dans  tout  le  corps  pendant  un  certain  temps  :  ils  finissent  par  s'arrêter  dans 
les  viscères,  s'y  enkystent,  achèvent  leur  développement  et  arrivent  à  matu- 
rité sexuelle;  ils  tomberaient  alors  dans  la  cavité  abdominale  et  donneraient 
naissance  à  des  embryons  qui  pénétreraient  dans  les  gros  vaisseaux  pour  recom- 
mencer le  même  cycle. 

Cette  opinion  a  été  confirmée  par  les  observations  de  Vulpian.  Chez  plu- 
sieurs Grenouilles  dont  le  sang  renfermait  des  hématozoaires  cet  habile  ob- 
servateur a  toujours  rencontré  dans  la  cavité  générale,  au  milieu  des  gros 
vaisseaux  de  la  base  du  cœur ,  des  Filaires  adultes ,  enroulées  sur  elles- 
mêmes  et   pleines    d'un   nombre  incalculable    d'embryons    vivants;  ceux-ci 


HEMATURIE.  75 

étaient  en  tout  point  identiques  aux  jeunes  Ncmatodes  du  sang;  ils  sont 
longs  d'environ  100  jz.  La  façon  dont  ils  pénètrent  dans  les  vaisseaux  n'est  pas 
encore  élucidée. 

La  première  observation  de  Nématodes  dans  le  sang  des  Poissons  est  due 
à  Prenant.  Cet  auteur  décrit  sous  le  nom  de  Filaria  oblurans  un  Ver  long 
de  do  à  20  centimètres  et  provenant  des  artères  branchiales  du  Brochet; 
le  parasite  se  rencontre  aussi  parfois  dans  la  cavité  branchiale.  Tous  les  indi- 
vidus observés  étaient  des  femelles  ;  celles-ci  sont  d'ordinaire  remplies  d'em- 
bryons. Raphaël  Blanchard. 

HÉMATURIE.  Dkfinitiox.  L'hématurie  consiste  dans  l'émission  d'un 
liquide  urinaire  contenant  du  sang  en  mélange;  c'est  cette  excrétion  simul- 
tanée et  mêlée  du  sang  et  de  Vurine  qui  constitue  le  caractère  important  en 
clinique  et  le  point  délicat  en  définition.  Par  cette  acception,  en  effet,  le  sujet 
se  trouve  allégé  des  écoulements  sanguins  qui  suintent  du  méat  en  dehors  du 
moment  de  la  miction;  par  là  aussi  on  sépare,  ù  l'exemple  de  Thompson,  de 
l'hématurie  ces  uréthrorrhagies,  contemporaines  de  la  miction,  mais  qui  pro- 
viennent d'une  atteinte  traumatique  faite  à  l'urèthrc  antérieur  :  en  ces  cas,  en 
effet,  l'urine  et  le  sang  ne  se  brassent  point  en  un  mélange  plus  ou  moins 
intime;  ou  bien  le  sang  côtoie  le  jet  urinaire  en  jet  isolé,  ou  bien  il  le  suit  ou 
le  précède,  mais  sans  jamais  se  mêler  à  lui.  Au  contraire,  et  nous  y  insiste- 
rons, les  traumatismes  uréthraux,  en  arrière  du  sphincter  de  la  région  mem- 
braneuse, se  comporlent,  au  point  de  vue  de  l'hématurie,  comme  les  altéralions 
vésicales  elles-mêmes  :  coloration  brun  foncé  des  urines,  caillots,  mélange  du 
sang  et  de  l'urine,  l'analogie  symptomatique  est  complète.  11  nous  paraît  donc 
qu'on  doit  accepter  au  chapitre  Hématurie  ces  uréthrorrhagies  par  traumatisme 
de  l'urèthre  postérieur,  et  que,  en  formule  définitive,  l'apparition  du  sang  pen- 
dant la  miction  et  son  mélange  à  l'urine  sont  les  deux  termes  qui  définissent 
l'hématurie. 

Cette  définition  étant  admise,  la  question  que  nous  allons  traiter  se  pose  dans 
les  termes  suivants  :  Voici  une  urine  sanglante  :  d'oij  ce  sang  provient-il '.'Quelle 
est  la  valeur  diagnostique  de  ce  pissement  sanguin?  Quelles  lésions  peuvent 
produire  ce  symptôme,  et  suivant  quelle  fréquence  relative?  Quel  pronostic 
entraîne-t-il  et  quel  traitement  peut-il  réclamer?  C'est  qu'en  effet  (et  Thompson 
combat  celte  tendance  qui  fait  d'un  phénomène  symptomatique  une  véritable 
entité  fixe)  Thématurie  n'est  qu'un  symptôme  :  son  étude  ne  peut  donc  être 
qu'un  chapitre  de  diagnostic  différentiel.  Or,  on  comprend  quelle  difficulté 
clinique  il  y  a  à  préciser  la  source  de  l'hémorrhagie  dans  cet  appareil  urinaire 
si  complexe  qui  des  corpuscules  de  Malpighi  s'étend  jusqu'au  méat  externe  ; 
combien  c'est  une  enquête  délicate  que  d'en  apprécier  la  cause  productrice 
quand  on  songe  aux  lésions  multiples  (traumatismes  et  corps  étrangers;  lésions 
inflammatoires  et  congestives  ;  altérations  organiques)  qui  peuvent  atteindre  les 
divers  départements  des  voies  urinaires. 

Eu  face  d'un  échantillon  d'urines  sanglantes,  c'est  donc  un  problème  complexe 
que  d'indiquer  la  signification  diagnostique  de  cette  hématurie.  Et  on  ne  peut 
le  résoudre  que  par  une  analyse  méthodique  des  symptômes  :  l'examen  attentit 
des  urines,  l'étude  du  malade  dans  laquelle  on  recherche  quelles  peuvent 
être,  pour  les" différentes  régions  de  l'appareil  urinaire,  les  différentes  causes 
provocatrices  de  l'hémorrhagie,  et  aussi  quels  en  sont  les  procédés  palliogé- 


74  HÉMATURIE. 

niques,  telle  est  la  marche  liabituellement  suivie  dans  l'examen  clinique  ;  tel 
aussi  sera  notre  plan. 

Examen  des  uri>es.  Caractères  généraux.  Si  l'on  excepte  les  cas  dans 
lesquels  le  sang  plus  ou  moins  pur  apparaît  soit  à  l'état  liquide,  soit  à  l'état 
solide,  il  faut  convenir  que  les  caractères  physiques  des  urines  hématuriques 
exposent  à  de  nombreuses  chances  d'erreur.  C'est  qu'en  effet  la  coloration  rouge 
peut  être  produite  par  une  série  de  principes  très-variés  :  les  uns  sont  de  nature 
végétale  (séné,  rhubarbe,  semen-contra),  les  seconds  ont  une  origine  minérale 
(acide  phénique),  les  derniers  et  les  plus  importants  proviennent  de  l'organisme 
(bile,  matières  colorantes  du  sang,  hématine,  héniatoïdine,  hémoglobine).  Si  la 
distinction  entre  l'iiématurie  et  ces  diverses  urines  rouges  est  relativement 
facile,  il  n'en  est  pas  de  même  lorsqu'il  s'agit  de  l'Iiémoglobinurie.  C'est  qu'en 
effet  les  ressemblances  entre  l'hématurie  et  l'hémoglobinurie  sont  nombreuses 
ot  profondes  :  aussi  une  série  d'altérations  urinaires,  indûment  attribuées 
jusqu'ici  à  l'hématurie,  ont-elles  dû  rentrer  dans  le  domaine  de  Yhémoglobl- 
nurie  {roij.  ce  mot).  En  présence  de  ces  réelles  difficultés,  il  importe  donc  de 
baser  le  diagnostic  des  urines  hématuriques  : 

i°  Sur  l'examen  microscopique  du  dépôt  et  de  l'urine; 

2"  Sur  l'analyse  sjiectroscopique  : 

5"  Sur  les  recherches  chimiques. 

Ces  points  bien  établis  permettront  alors  de  déceler  aisément  dans  les  urines 
rouges  le  principe  végétal,  minéral  ou  organique,  auquel  est  due  cette  coloration 
rougeâtre  si  fertile  en  erreurs. 

Examen  microscopique.  Globules  sanguins.  Les  hématies  sont  rarement  en 
piles  comme  dans  les  préparations  histologiques  du  sang;  le  plus  ordinairement 
elles  se  présentent  à  l'état  isolé.  Les  globules  sanguins  ont  alors  une  forme 
arrondie,  discoïde;  leur  centre  est  aplati,  leur  coloration  est  jaunâtre.  Leur 
diamètre  est  de  6  à  7  millièmes  de  millimètre,  leur  épaisseur  est  habituelle- 
ment do  2p;  quelques  globules  sont  crénelés,  mûriformes.  Dans  les  urines  très- 
concentrées,  acides,  riches  en  sels  minéraux,  les  globules  prennent  quelquefois 
un  aspect  comparable  à  celui  des  marrons  d'Inde  (Ultzmann).  Dans  une  urine 
acide,  les  globules  restent  intacts  pendant  deux  ou  trois  jours,  mais  dans  les 
urines  alcalines  ils  ne  tardent  pas  à  se  déformer,  à  se  gonfler  ;  leur  contour 
devient  festonné.  Enfin,  si  le  liquide  est  ammoniacal,  les  globules  se  transforment 
en  petites  utricules  sphéroïdales  qui  se  décolorent  et  finissent  par  se  vider.  Le 
globule  peut  se  trouver  réduit  à  une  enveloppe  dégonflée,  l'hémoglobine  diffuse, 
et  le  stroma  disparaît. 

La  recherche  de  ces  hématies  est  facile;  si  le  sang  est  en  petite  quantité, 
l'examen  d'une  gouttelette  du  dépôt  de  l'urine  devient  alors  nécessaire.  Rare- 
ment la  diffusion  de  l'hémoglobine  nécessite  l'emploi  des  réactifs  colorants  tels 
que  l'iode  et  la  fuchsine.  D'après  Beale,  les  globules  sanguins  pourraient  être 
confondus  avec  des  spores  analogues  de  forme  et  de  couleur.  Ces  spores  se 
distinguent  des  globules  du  sang,  à  un  très-fort  grossissement,  par  une  certaine 
variabilité  de  leurs  dimensions,  le  développement  fréquent  d'expansions  germi- 
natives  arrondies,  leur  pullulation  rapide  dans  l'urine  placée  dans  un  endroit 
chaud  et  l'absence  d'albumine  (Danlos).  Il  ne  faut  pas  non  plus  confondre  les 
hématies  soit  avec  de  petites  formations  discoïdes  d'oxalate  de  chaux,  soit  avec 
des  nogaux  cVépithélium  rénal.  A  l'état  isolé,  les  globules  sanguins  ne  peuvent 
donner  d'indications  sur  leur  provenance.  Cependant  Friedreich  considère  les 


IIÉMATURIK.  75 

mouvements  amiboïdes  et  la  scission  des  corpuscules  sanguins  comme  des 
signes  des  he'morrhagies  rénales  [Virchow's  Archiv,  Bd.  XIV).  D'après  Beale, 
lorsque  le  sang  séjourne  quelque  temps  dans  les  tubuli  avant  de  passer  dans 
l'urine,  on  trouve  des  cristaux  d'une  apparence  étoilée  irrégulière. 

Cylindres  fibrineux.  Mais  lorsque  les  globules  sanguins  sont  imprimés  à  la 
surface  des  cylindres  fibrincux  plus  ou  moins  allongés,  du  diamètre  d'un  cana- 
licule  uriuilerc,on  peut  alors  allirmer  l'origine  rénale  de  riiématurie.  Ce  moule 
(ibrineux  ne  se  détache  pas  toujours  dans  son  entier  du  canalicule  droit  qui  le 
contient,  il  se  morcelle,  il  apparaît  alors  dans  l'urine  sous  la  forme  de  petites 
masses  fibrineuses  irrégulières.  Enfin  ces  globules  sont  quelquefois  moulés  sur 
des  caillots  allongés,  vermiformcs,  décolorés,  d'aspect  fibrineux  ou  gélatineux. 
Lorsque  la  fibrine  du  sang  se  présente  sous  la  forme  de  caillots  noirs,  cet 
examen  est  naturellement  inutile. 

Les  urines  hématuriques  contiennent  non-seulement  la  partie  solide  du  sang 
(globules,  fibrine),  mais  elles  renferment  encore  la  partie  liquide,  le  sérum. 
Comme  le  sérum  possède  de  l'albumine,  toute  uriuc  sanguinolente  est  forcé- 
ment albumineuse  ;  si  la  quantité  d'albumine  est  trop  forte,  elle  provient 
encore  d'une  autre  source,  d'une  affection  des  reins,  par  exemple. 

Mais  l'urine  peut  renfermer  les  éléments  du  sang  sous  une  autre  forme.  Si  le 
sang  est  extravasé  dans  l'urine  longtemps  avant  l'émission,  ou  si  l'urine  est 
déjà  décomposée,  les  globules  détruits  ne  forment  plus  qu'un  dépôt  rougeâtre. 
Cela  arrive  toutes  les  fois  qu'une  urine  sanglante  est  devenue  ammoniacale  dans 
la  vessie.  Dans  ces  conditions,  lumatière  colorante  du  sang,  l'hémoglobine,  est 
mélangée  à  l'urine  et  dissoute  dans  ce  liquide,  et  dès  lors  ces  urines  ne  s'éclair- 
cissent  pas  par  le  repos  (Y von). 

L'examen  spectrosco pique  et  l'analyse  chimique  font  reconnaître  cette 
matière  colorante  du  sang  et  permettent  de  faire  le  diagnostic  avec  les  urines 
colorées  en  rouge  par  des  principes  végétaux,  minéraux  ou  organiques.  Mais  il 
ne  faut  pas  oublier  que  ces  deux  derniers  procédés  ne  s'adressent  qu'à  l'hémo- 
globine, et,  lorsqu'on  voudra  nettement  distinguer  l'hématurie  de  l'hémoglobi- 
nurie  paroxystique  ou  symptomatique,  il  sera  nécessaire  de  procéder  à  l'examen 
microscopique  et  de  trouver  l'élément  caractéristique,  le  globule  sanguin.  Étu- 
dions ces  deux  moyens  de  diagnostic. 

Analyse  spectroscopique.  On  aperçoit  un  spectre  interrompu  par  deux 
bandes  noires  :  l'une  est  située  dans  h  jaiine,  l'autre  dans  le  vert.  Ce  spectre, 
désigné  sous  le  nom  de  spectre  de  l'oxyhémoglobine  oxygénée,  peut  être  encore 
obtenu  avec  une  dilutionjde  sang  à  un  dix-millième  (Hoppe-Seyler).  Si,  dans 
l'urine  sanguinolente,  on  verse  quelques  gouttes  de  sulfhydrate  d'ammoniaque, 
au  lieu  d'une  bande  d'absorption,  on  n'en  observe  plus  qu'une  seule. 

Recherches  chimiques.  Les  procédés  chimiques  ont  une  moindre  valeur  que 
l'examen  microscopique. 

1"  Alraèn  a  proposé  de  caractériser  la  présence  du  sang  par  son  action  bien 
connue  sur  la  teinture  de  gaïac.  On  mêle  dans  un  tube  à  essai  quelques  centi- 
mètres cubes  de  teinture  de  gaïac  avec  une  quantité  égale  d'essence  de  térében- 
thine et  on  l'agite,  puis  on  ajoute  l'urine  :  si  elle  ne  renferme  pas  de  sang,  il 
se  produit  un  précipité  bleu  verdâtre,  tandis  que  le  précipité  est  d'un  bleu 
intense,  si  l'urine  contient  du  sang. 

2"  Un  second  procédé  pratique  pour  la  recherche  clinique  du  sang  dans  l'ui'ine 
est  basé  sur  l'action  de  la  potasse.  Si  l'on  fait  chauffer  le  dépôt  dans  un  tube 


76  HÉMATURIE. 

avec  une  pastille  de  potasse  caustique,  on  obtient  une  coloration  brune  avec 
reflets  verts  par  réflexion  ;  cette  coloration  est  due  à  l'héniatine,  qui  prend  nais- 
sance dans  ces  conditions.  On  peut  faire  cette  réaction  sur  l'urine  même,  sans 
attendre  qu'elle  ait  déposé,  si  elle  renferme  une  quantité  assez  considérable  de 
sang  (Yvon).  Le  précipité  hématique  se  dissout  dans  l'acide  acétique  en  donnant 
jne  teinte  rouge  qui  se  décolore  peu  à  peu  à  l'air  (Neubauer).  Il  faut  éviter 
de  le  confondre  avec  un  précipité  de  couleur  analogue  déterminé  par  la  potasse 
dans  les  urines  qui  contiennent  le  prncipe  courant  du  sene,  de  la  rhubarbe 
(A.  clirysophunique)  ou  celui  du  semen-conlra  :  «  mais  celui-ci  n'est  pas  di- 
cbroique  et  se  dissout  dans  l'acide  acétique  sous  forme  d'un  liquide  jaune  citron 
qui  prend  à  l'air  une  teinte  violette  ;  de  plus,  l'urine  n'est  pas  albumineuse, 
elle  est  jaune  brune,  plutôt  ictérique  que  sanguinolente,  avant  d'être  alcalinisée, 
et  la  couleur  rouge  développée  par  la  potasse  disparaît  par  l'addition  d'un 
acide  »  (Ultzmann).  Enfin  l'examen  spcctroscopiquc  fera  facilement  reconnaître 
les  urines  hématuriqucs. 

Principes  minéraux.  A  côté  de  ces  principes  végétaux  susceptibles  de 
donner  aux  urines  une  coloration  analogue  à  celle  des  urines  hématuriques,  il 
faut  placer  certaines  substances  minérales  telles  que  ïacide  phénique,  par 
exemple.  Cette  substance  donne  aux  urines  une  coloration  noirâtre  qui  peut 
prêter  à  l'erreur.  Mais  ces  urines  ont  une  teinte  un  peu  vert  foncé  que  l'on 
n'observe  jamais  dans  l'bématurie,  elles  ne  contiennent  pas  d'albumine,  elles 
dégagent  sous  l'influence  de  l'acide  sulfurique  une  odeur  caractéristique  d'acide 
phénique,  etc. 

Principes  organiques.  Enfin  des  principes  provenant  de  l'organisme:  héma- 
toïdine,  mélanine,  bile,  héraaphéine,  peuvent  faire  prendre  aux  urines  une  colo- 
ration qui  parfois  est  presque  identique  à  celle  des  urines  hématuriques.  Il 
importe  de  fan-e  la  distinction  de  l'hématurie  avec  les  diverses  urines  qui  n'ont 
avec  elle  d'autre  ressemblance  que  la  coloration  rouge.  Une  note  de  M.  le 
docteur  Gorre  (de  Brest  [insérée  dans  laGaseMe  hebdomadaire  du  15  mai  1881]) 
résume  bien  les  différents  caractères  différentiels  des  urines  rouges. 

1°  Urines  colorées  par  le  sang  en  nature,  sanglantes  ou  sanguinolentes 
(hématurie  vraie).  Globules  constatés  au  microscope  dans  les  urines;  bandes 
de  réduction  de  l'hémoglobine  au  spectroscope,  albumine  en  notable  proportion 
dans  le  liquide. 

2"  Urines  colorées  par  l'hémoglobine  [hémoglobinurie).  Pas  de  globules  au 
microscope,  ou  globules  hors  de  proportion  numérique  avec  l'intensité  de  la 
coloration  rouge  des  urines  ;  bandes  de  réduction  caractéristiques  :  l'une 
étroite,  foncée,  nette  comme  un  trait  d'encie,  dans  le  jaune,  rapprochée  de  la 
ligne  D  de  Fraunhôfer;  l'autre  plus  large,  mais  moins  foncée,  sur  la  limite  du 
jaune  et  du  vert,  rapprochée  de  la  ligne  E  ;  albumine  en  proportion  notable 
dans  le  liquide. 

o"  Uriiies  colorées  par  l'héniatine  [hématinurie).  La  transformation  de 
l'hémoglobine  en  hématineest  exceptionnelle  dans  l'organisme;  elle  aurait  pour 
caractères  l'absence  de  globules  au  microscope  et  la  bande  unique  de  réduction 
de  l'hématine  sur  la  limite  du  jaune  et  de  l'orangé  (entre  G  et  D,  hématine 
alcaline)  ou  en  plein  orangé  (c,  hématine  acide). 

A"  Urines  colorées  par  la  mélanine  [mélanurie  vraie,  mélaninurie).  Ge 
sont  celles  de  l'état  mélanénique  à  tous  ses  degrés  ;  elles  sont  caractérisées  par 
la  présence  de  granulations  pigmentaires,  immédiatement  dérivées  de  l'hématine. 


HÉMATURIE.  77 

5°  Urines  colorées  par  l'hémaphéine  et  les  principes  suppose's  analogues. 
Certaines  urines  qui  se  produisent  au  cours  d'afleclions  fébriles  sont  colore'es 
par  un  principe  (urosacine,  uroérythrine)  formé  en  quantité  considérable  aux 
dépens  du  sang  ou  par  un  principe  très-voisin,  l'uroxanthine  ou  l'iiémaphéine. 
A  l'examen  spectroscopique,  ces  premières  urines  donnent  une  bande  ordinai- 
rement peu  foncée  dans  la  portion  du  vert  qui  avoisine  le  bleu  et  une  pénombre 
étendue  sur  le  bleu,  l'indigo  et  le  violet.  Ces  urines  ne  renferment  pas  de  glo- 
bules et  elles  ne  sont  pas  albumineuses. 

6°  Urines  colorées  par  la  bile  [cholyurie).  Ces  urines  ont  souvent  un  aspect 
rougeàtre;  elles  donnent  par  l'acide  azotique  une  coloration  spéciale;  le  pigment 
biliaire  verdit,  puis  devient  jaune  acajou,  et  le  spectroscopc  donne  avec  une 
pénombre  étendue  sur  les  rayons  extrêmes  une  bande  diffuse,  peu  foncée,  dans 
la  portion  dn  vert  qui  avoisine  le  jaune. 

Principaux  spécimens  cliiniques  d'urines  sanglantes.  Mais  il  y  a  une  grande 
diversité  de  types  d'urines  sanglantes,  et  il  convient  d'en  présenter  les  princi- 
paux spécimens  cliniques.  M.  Guyon  en  a  fait  une  étude  remarquable.  Si  l'on 
examine  l'urine  d'un  bématurique  dans  un  vase  h  essai,  on  la  voit  s'éclaircir 
plus  ou  moins  complètement  et  se  disposer  en  deux  zones,  tantôt  nettement 
séparées,  tantôt  presque  confondues  ;  au-dessous  d'une  coucbe  liquide  surna- 
geant on  voit  une  bande  inférieure  qui  constitue  le  dépôt,  mélange  de  sang  et 
d'autres  matières.  Son  apparence  est  variable  :  tantôt  c'est  un  dépôt  jaunâtre, 
à  striations  sanguines  délicates,  qui  rappellent,  par  leurs  dispositions  en  lignes 
ondulées  séparant  le  dépôt  en  plusieurs  couches,  l'apparence  de  strates  géolo- 
giques ;  tantôt  c'est  une  masse  fdante,  visqueuse  et  glaireuse,  adhérente  aux 
parois  du  vase,  ponctuée  de  toute  part  de  filets  sanglants  qui  la  colorent  vive- 
ment. Dans  ces  deux  types  d'urines  sanguinolentes  le  sang  est  mélangé  au 
dépôt  purulent  ;  la  couche  liquide,  au  contraire,  l'urine  surnageant,  demeure 
incolore  ou  tailjlement  colorée  :  suivant  lu  très-heureuse  expression  de  M.  Guyon, 
((  le  pus  a  englué  les  globules  sanguins  ». 

D'autres  échantillons  d'urines  sanglantes  montrent  bien  quelques  glaires  et 
flocons  muco-purulents,  mais  qui  demeurent  distincts  du  dépôt  sanguin.  C'est, 
en  ces  cas,  l'urine  qui,  à  la  zone  supérieure,  se  colore  d'une  teinte  sanglante; 
à  la  moindre  agitation  d'ailleurs  toutes  les  couches  présentent  une  rougeur 
uniforme. 

Les  premiers  spécimens  sont  les  urines  sanglantes  qu'on  observe  dans  les 
cystites  :  la  valeur  séméiologique  de  ces  dépôts  composés  de  sang  et  de  pus,  de 
ces  glaires  hémo-purulentes,  est  donc  importante.  S'il  s'agit,  au  contraire,  de 
ces  types  d'urines  rouges  à  dépôts  purement  sanglants,  l'examen  des  échantil- 
lons urinaires  perd  sa  valeur  diagnostique  pour  l'appréciation  exacte  de  la  nature 
et  du  siège  de  la  lésion  hémorrhagipare.  Voici  quel  est  l'aspect  habituel  de  ces 
dépôts  sanglants  ;  ils  présentent  deux  parties  distinctes  :  des  caillots  et  une 
sorte  de  crème  rougeàtre.  «  Les  caillots,  dit  M.  le  professeur  Guyon,  sont  plus 
ou  moins  nombreux,  assez  mous,  très-faciles  à  dissocier  ;  lorsqu'on  n'agite  pas 
le  contenu  des  vases,  ils  conservent  à  peu  près  la  forme  sous  laquelle  ils  ont 
€té  rendus.  La  plupart  sont  irréguliers;  si  on  pouvait  définir  leur  forme,  on  les 
<lirait  semi-ovoïdes.  Dans  quelques  circonstances,  l'indécision  de  la  forme 
n'existe  plus;  le  caillot  est  franchement  allongé,  quelquefois  assez  délié,  ver- 
miforme,  d'autres  fois  plus  épais,  en  forme  de  sangsue  bien  gorgée.  Nous  avons, 
Jans  bien  des  circonstances  cherché  à  savoir  si  cette  forme  bien  définie  avait 


78  HÉMMUUIE. 

une  signification  précise.  Le  seul  résflltat  auquel  nous  soyons  arrive,  c'est  à 
constater  que  les  caillots  allongés  se  forment  souvent  dans  l'urèthre,  dans  sa 
partie  profonde,  comme  dans  sa  partie  antérieure;  mais  il  ne  nous  a  jamais  été 
permis  de  voir,  comme  d'aulres  observateurs  paraissent  l'aioir  fait,  que  les 
caillots  allongés  et  déliés  eussent  l'uretère  pour  origine  ».  La  configuration  des 
caillots  ne  peut  donc  devenir  un  élément  de  diagnostic  du  siège  de  la  cause  de 
l'hématurie;  les  formes  en  sont  indistinctes  et  variables.  Uizmann  admet  cepen- 
dant qvie  «  l'on  peut  quelquefois,  d'après  la  forme  des  caillots,  déterminer  avec 
certitude  le  siège  de  l'iiémorrhagie;  si  les  coagula  sont  allongés  et  en  petit 
bâtonnet,  ils  reproduisent  le  moule  des  conduits  urinifères,  et  l'hémorrhagie 
provient  du  rein  ;  si  au  contraire  les  caillots  sont  irréguliers  et  grossiers,  l'hé- 
maturie est  d'origine  vésicale  )>. 

La  coloration  des  caillots  est  importante  à  considérer;  ils  sont  généralement 
de  teinte  noire,  quelquefois  de  nuance  rouge  foncé,  parfois  rouge  vif;  ils  peu- 
vent aussi  se  présenter  sous  l'apparence  de  masses  fibrineuses,  décolorées  ; 
parfois  encore  un  pi([ucté  sanglant  ponctue  le  fond  grisâtre  du  caillot.  Ainsi  que 
le  fait  remarquer  M.  Guyon,  il  y  a  un  intérêt  de  diagnostic  différentiel  à  la 
mention  de  ces  coagula  librineux,  dépouillés  de  toute  coloration  béraatique  : 
souvent,  en  effet,  le  malade  s'en]  alarme  et  les  considère  comme  des  morceaux 
de  chair  dont  l'expulsion  l'épouvante;  le  médecin  y  reconnaît  la  plupart  du 
temps  de  simples  llocons  fibrineux  ;  l'évacuation  de  véritables  fragments  de 
tissus  néoplasiques  demeure  un  fait  clinique  rare,  mais  qu'il  est  possible  d'ob- 
server et  (ju'il  est  utile  de  rappeler. 

Quant  à  la  couche  urinaire  qui  surnage  au-dessus  de  ces  dépôts  sanglants,  la 
coloration  varie  de  nuance  et  d'intensité.  Ce  n'est,  comme  nous  l'avons  vu,  que 
dans  les  urines  hématuriqucs  des  cystites,  au-dessus  de  ces  dépôts  mélangés  de 
sang  et  de  pus,  que  le  liquide  urinaire  demeure  incolore  ;  en  tous  les  autres 
échantillons  d'urines  sanglantes,  au  contraire,  on  voit  dans  le  verre  à  essai  la 
zone  supérieure  teintée  d'une  rougeur  variable  ;  les  principes  colorants  héma- 
tiques  sont  dilués  dans  l'uiine,  et  d'autant  plus  complètement  que  la  densité  du 
liquide  s'atténue.  Dans  les  urines  aqueuses,  en  effet,  la  fonte  globulaire  s'ac- 
centue, la  coagulation  se  retarde  et  les  caillots  se  désagrègent  ;  et  c'est  là  un 
résultat  thérapeutique  utile  qu'on  obtient  en  prescrivant  aux  hématuriques  des 
boissons  délayantes.  Ajoutons  ici  que  la  puissance  de  coloration  du  liquide 
sanguin  est  telle  qu'une  héraorrhagie  médiocre  suffit  à  teindre  une  quantité 
considérable  de  liquide  urinaire  :  c'est  une  considération  qui  a  sa  valeur 
clini(]ue,  et  qu'il  faut  rappeler  pour  éviter  toute  fausse  alerte  et  toute  appré- 
ciation inexacte  de  la  spoliation  sanguine,  en  face  d'une  perte  hématurique 
inquiétante. 

La  nuance  est  un  élément  qui  se  doit  étudier  à  côté  de  V intensité  chroma- 
tique. Ici,  il  y  a  une  riche  gamme  de  teintes  qui  varie  du  rouge  clair,  du  rouge 
rosé  (rouge  sirop  de  groseilles)  aux  variétés  éclatantes  ou  foncées  du  rouge.  Et 
dans  ces  teintes  assombries  les  types  de  coloration  sont  variés  :  ce  sont  des 
teintes  troubles,  grisâtres,  parfois  tirant  sur  l'orange,  pour  lesquels  d'ailleurs 
on  multiplie  les  comparaisons  et  les  appellations.  On  les  dénomme  :  «  urines 
couleur  de  fumée  »  (Thompson)  ;  on  les  compare  à  un  mélange  d'urine  et  de 
marc  de  café,  ou  bien  encore  d'urine  et  de  suie  ;  on  en  rapproche  la  teinte  du 
porter  et  des  bières  brunes  anglaises.  Tout  cela  est  variable  et  sans  signification 
diagnostique  absolue;  la  coloration  brunâtre  n'est  point,  comme  on  l'a  prétendu, 


HÉMATURIE.  79 

un  indice  de  l'origine  rénale  de  l'hémorrhagie.  Sans  doute,  c'est  un  fait  admis 
qu'après  un  certain  temps  de  contact  avec  l'urine  le  sang  perd  sa  couleur  ver- 
meille et  tire  au  brun  :  il  est  donc  rationnel  d'admettre  avec  Thompson  que  le 
sau"-  venu  d'un  département  reculé  de  l'appareil  urinaire,  à  moins  d'être  très- 
abondant,  teint  on  brun  le  liquide  urinaire  ;  qu'au  contraire  une  urine  d'un 
rouge  vif  est  l'indice  probable  d'une  hémorrhagie  plus  voisine,  et  d'origine  vési- 
cale.  Mais  c'est  là  un  élément  de  diagnostic  bien  infidèle;  après  des  lithotrities, 
après  des  fausses  routes,  on  voit  des  malades  pisser  des  urines  brunes,  tandis 
que  des  urines  rutilantes  peuvent  être,  comme  l'a  montré  M.  Guyon,  fournies 
par  un  malade  atteint  de  cancer  du  rein.  Au  lieu  de  voir  dans  la  coloration  un 
signe  patliognomonique  de  la  provenance  de  l'hémorrhagie,  il  faut  donc  n'y  voir 
qu'une  probabilité  diagnostique,  qu'un  élément  contingent,  variable  suivant 
l'abondance  de  l'écoulement  sanguin,  la  durée  de  son  contact  avec  l'urine, 
l'intensité  de  son  mélange. 

De  cette  étude  des  variétés  d'urines  sanglantes  il  faut  conclure  qu'il  est,  en 
général,  impossible  à  la  simple  inspection  d'accoler  à  chaque  échantillon 
urinaire  son  étiquette  clinique  exacte.  En  dehors  en  effet  de  ces  urines  hé- 
mopyuriques  de  la  cystite  (qu'on  nous  passe  le  mot  en  raison  de  sa  commo- 
dité) à  dépôt  purulent  caractéristique  ponctué  ou  strié  de  sang,  on  ne  peut 
point  conclure  de  l'examen  des  urines  sanglantes  à  la  nature  ou  au  siège 
de  la  lésion  hémorrbagipare.  C'est  à  l'examen  du  malade  qu'il  faut  demander 
ce  moyen  de  diagno>^lic  édologique:  l'hématurie  ne  se  présentera  point  avec 
la  même  allure  clinique  chez  le  calculeux,  chez  le  prostatique,  chez  le  néo- 
plasique;  elle  ne  relèvera  point,  en  ces  divers  cas,  des  mêmes  causes  pro- 
vocatrices et  des  mêmes  conditions  palhogéniques  ;  c'est  la  description  de 
ces  tableaux  symptomatiques  différents  qu'il  nous  faut  faire  maintenant,  c'est 
aussi  la  discussion  des  divers  procédés  pathogéniques  qu'il  nous  faut  entre- 
prendre. 

Étant  donné  un  échantillon  d'urine  sanglante,  il  faut,  ainsi  que  le  dit 
Thompson,  «  passer  en  revue,  comme  si  vous  les  comptiez  sur  les  doigts,  les 
sources  les  plus  ordinaires  de  l'extravasation  sanguine,  les  reins,  la  vessie,  la 
prostate,  l'urèthre  ».  De  plus,  pour  chacun  de  ces  départements  de  l'appareil 
urinaire,  la  lésion  hémorrbagipare  peut  varier  :  la  cause  de  l'hématurie  peut 
être  :  1°  mécanique  (traumatisme  ou  corps  étrangers)  ;  2"  inflammatoire  et  con- 
gestive;  Z"  organique. 

1"  Hématurie  d'origine  traiimatiquedans  les  traumatismes  de  l'urèthre.  Les 
hématuries  dans  les  traumatismes  uréthraux  peuvent  se  rapporter  à  deux  types 
bien  distincts.  Elles  peuvent  se  produire  ou  dans  l'urèthre  antérieur  qui  s'étend 
du  méat  au  pubis  ou  dans  l'urèthre  profond,  qui  va  du  pubis  au  col  de  la 
vessie.  Yoici,  par  exemple,  un  blennorrhagien  qui  se  rompt  la  corde  ;  un  rétréci 
chez  lequel  on  vient  de  faire  la  section  opératoire  d'un  rétrécissement  situé  dans 
la  région  pénienne  ou  bulbaire;  un  blessé  dont  l'urèthre  subit  une  rupture  trau- 
matique  en  sa  portion  libre  ou  en  avant  du  sphincter  membraneux  :  en  ces  cas 
l'uréthrorrhagie  est  continue.  «  véritable  épistaxis  uréthrale  »  (Guyon),  et  sans 
rapport  avec  la  miction.  Que  si  le  traumatisme  atteint  l'urèthre  dans  sa  région 
post-sphinctérienne,  l'uréthrorrhagie  prend  l'allure  d'une  hématurie  vésicale  ; 
un  rétentionniste  habitué  à  se  sonder  se  fait  une  fausse  route  prostatique  ;  une 
chute  avec  fracture  du  pubis  déchire  l'urèthre  en  sa  région  profonde  ;  les 
mictions  sanglantes  se  présentent  alors  avec  les  caractères  des  hématuries  par 


80  HÉMATURIE. 

lésions  de  la  vessie  :  mélange  intime  du  sang  avec  le  liquide  urinaire,  colora- 
tion brun  foncé  et  caillots  de  toute  sorte  dans  les  urines  ;  l'analogie  clinique  est 
complète  avec  une  hématurie  dont  la  source  est  dans  les  voies  urinaires  supé- 
rieures. 

!2"  Hématurie  dans  les  traiimatismes  de  la  vessie  et  des  reins.  L'hématurie 
trauniatique  dans  les  cas  de  plaie  de  la  vessie  n'est  point  à  étudier  longuement 
ici  ;  elle  n'est  en  ces  cas  qu'un  détail  clinique  surajouté  à  un  appareil  sympto- 
malique  caractéristique.  Le  sang  s'accumule  généralement  dans  le  réservoir 
urinaire,  d'où  il  s'écoule  au  dehors,  soit  par  la  plaie  elle-même,  soit  par 
l'urèthre;  tantôt  il  se  mélange  à  l'urine,  tantôt,  dans  le  cas  d'hémorrhagie  abon- 
dante, il  se  coagule  et  provoque  une  obstruction  mécanique  du  col  ou  le  déve- 
loppement d'une  cystite  intense.  Les  lésions  traumatiques  atteignant  isolément 
l'uretère  sont  une  rareté  clinique,  et  l'hématurie  y  a  été  exceptionnellement  ob- 
servée. Au  contraire,  l'hématurie  fait  rarement  défaut  dans  les  cas  de  trauma- 
tisme rénal  :  elle  en  est  le  sym})lômc  capital  et  palhognnmonique.  Les  mictions 
sanglantes,  constantes  et  copieuses,  qui  suivent  la  contusion  et  la  blessure  des 
reins,  peuvent  se  montrer  sous  des  aspects  différents  :  les  caillots  peuvent  être 
plus  ou  moins  abondants,  le  sang  peut  être  plus  ou  moins  complètement  dilué  ; 
la  constatation  au  microscope  de  globules  sanguins  moulés  sur  des  tubes  urini- 
fères  devient  un  indice  précieux  de  l'origine  rénale  de  l'hémorrliagie.  Ajou- 
tons, pour  compléter  cette  brève  esquisse  clinique,  que  l'hématurie  peut  être 
immédiate  et  se  montrer  dès  la  première  miction;  que  parfois  elle  est  tardive 
et  n'apparaît  qu'après  quelques  jours;  que.  dans  quelques  cas,  un  bouchon 
librineux  obturant  l'uretère,  on  voit  riiématurie  se  suspendre,  la  douleur 
prendre  une  exacerbation  soudaine,  le  ventre  se  ballonner  et  les  vomissements 
apparaître,  puis  l'uretère  se  désencombre,  riiématurie  réapparaît  ;  quelquefois 
ces  oscillations  et  ces  alternatives  se  peuvent  répéter. 

A  côté  des  traumatismes  francs,  il  faut  étudier  l'influence  de  certaines  causes 
provocatrices  de  l'hématurie  qui  ne  sont,  pour  ainsi  parler,  que  des  trauma 
atténués  et  continus.  En  voici  le  plus  intéressant  type  clinique  :  à  la  suite  d'un 
excès  de  fatigue,  d'une  secousse  inopportune,  d'une  marche  forcée,  d'une  course 
en  voiture,  un  malade  qui  auparavant  aura  présenté  un  dépôt  briqueté  dans 
ses  urines,  qui  aura  expulsé  quelques  graviers  et  souffert  de  quelques  crises 
néphrétiques,  qui  urinera  plus  souvent  le  jour  et  pendant  le  mouvement,  qui 
pourra  ressentir  comme  un  coup  d'aiguille  vers  l'extrémité  du  pénis  à  la  fin  de 
la  miction,  ce  malade  aura  une  miction  sanglante.  Notons  ici  que  cette  héma- 
turie peut  survenir  sans  trouble  antécédent  et  se  montrer  comme  le  premier 
symptôme  révélateur  d'un  calcul  rénal.  En  tous  cas,  le  malade  se  repose, 
s'abstient  de  tout  mouvement  exagéré,  les  symptômes  douloureux  s'atténuent, 
et  les  urines  reprennent  leur  coloration  normale. 

Cette  histoire  clinique  est  pathognomonique  et  ces  hématuries  d'un  ordre 
mécanique  spécial  sont  le  propre  des  calculeux.  Cette  subordination  de  leur 
pissement  sanguin  à  la  fatigue  et  au  mouvement  est  un  trait  clinique  bien 
personnel. 

Le  mécanisme  pathogénique  semble  ici  indiscutable  :  c'est  le  calcul  secoué 
dans  la  cavité  vésicale,  qui  en  contusionne  les  parois  et  provoque  la  rupture 
vasculaire.  Cela  est  si  vrai  que,  suivant  la  remarque  de  M.  Guyon,  tel  malade 
qui  ne  peut  aller  en  voiture  à  deux  ou  quatre  roues,  parce  qu'il  souffre,  parce 
qu'il  pisse  du  sang,  supporte  bien  le  chemin  de  fer,  et  supporte  mieux  encore 


HEMATURIE.  81 

l'omnibus  et  surtout  l'impériale,  dont  le  mouvement  plus  étendu,  non  saccadé, 
n'imprime  à  la  pierre  ni  secousses  brusques,  ni  ébranlement  considérable. 

Toutefois,  le  trauma  vésical  est-il  la  condition  exclusive  et  immédiate  des 
hématuries  des  calculeux?  Son  influence  étiologique  est  prépondérante,  à  coup 
sûr;  mais  elle  s'exerce  grâce  à  des  causes  auxiliaires.  Assurément,  c'est  un 
point  bien  établi  de  la  physiologie  vésicale  (Guyon)  que  la  vessie,  si  excitable 
par  la  distension,  est  obscurément  sensible  au  contact;  il  est  dénionlré  que  la 
pierre  la  plus  irrégulière  peut  demeurer  longtemps  silencieuse  et  tolérée.  Mais 
il  est  indéniable  aussi  que  la  présence  des  calculs  détermine  une  hyperémie 
vésicale  ;  si  la  vessie  saine  tolère  bien  les  concrétions  calculeuses,  il  n'en  est 
plus  de  même  de  la  vessie  enflammée  dont  la  sensibilité  au  contact  s'exagère,  et 
pour  laquelle  la  pierre  devient  une  épine  excitatrice  qui  provoque  des  phéno- 
mènes congestifs.  Sans  doute,  ainsi  que  nous  l'avons  entendu  enseigner  par 
M.  Guyon,  la  cystite  des  calculeux  est  plus  rare  et  surtout  plus  tardive  que  l'on 
ne  l'admet  classiquement,  mais  il  convient  d'établir  des  distinctions  cliniques  : 
la  cystite  est  fréquente  dans  les  cas  de  calculs  phosphatiques,  les  urines  puru- 
lentes sont  alors  alcalines  et  souvent  ammoniacales;  la  cystite  est  d'ailleurs  ici 
la  cause  et  non  la  conséquence  du  calcul  ;  la  vessie  d'un  pareil  calculeux  se 
vide  mal;  il  y  a  stagnation  urinaire,  distension  et  congestion  :  ce  sont  là  des 
termes  cliniquement  enchahiés.  En  une  vessie  ainsi  altérée,  toute  secousse  du 
calcul  devient  un  traumatisme  fâcheux  :  autant  l'hématurie  est,  dans  ces  cas, 
fréquente  et  facilement  provoquée,  autant  elle  est  rare  quand  il  s'agit  de  ces 
calculs  d'acide  urique,  d'urates,  d'oxalato  de  chaux,  de  provenance  rénale,  et 
qui  ne  s'accompagnent  que  de  modifications  insigniiiantes  de  la  muqueuse  vési- 
cale, bien  que  cependant  les  chances  de  cystite  augmentent  beaucoup  avec 
l'ancienneté  et  le  volume  du  calcul.  C'est  à  ces  mêmes  conclusions  qu'Ulzmann 
s'arrête  :  «  C'est  dans  les  cas  de  calculs  phosphatiques  ou  oxaliques  qu'on 
rencontre  habituellement  les  plus  fortes  hématuries  ;  les  calculs  lisses  d'acide 
urique  ne  provoquent  que  de  médiocres  héraorrhagies.  Le  poids  de  la  pierre 
importe  aussi  beaucoup  :  tandis  que  les  calculs  lourds  d'oxalates  et  d'urates 
déterminent  de  violentes  hématuries,  les  pierres  légères  de  cystine  sont  rare- 
ment accompagnées  de  mictions  sanglantes  » . 

L'hématurie  symptoraatique  du  calcul  rénal  est  spontanée  ou  déterminée  par 
la  fatigue  et  les  secousses  :  c'est  ainsi  que  l'équitation  et  les  cahots  de  voiture  la 
provoquaient  chez  Sydenham,  qui  était  goutteux  et  calculeux.  Elle  est  parfois 
l'unique  symptôme  de  la  lithiase  rénale  ;  parfois  aussi  elle  peut  par  sa  fré- 
quence anémier  le  malade,  au  point  de  simuler  un  cancer  rénal.  Dans  quelques 
cas,  l'hématurie,  qui  durait  depuis  plusieurs  jours,  disparaît  brusquement  pour 
reparaître  ensuite  ;  sa  disparition  est  accompagnée  de  douleurs  sur  le  trajet  de 
l'uretère  ;  les  urines  deviennent  limpides  et  normales  ;  celte  brusque  suspension 
de  l'hématurie  tient  à  l'obstruction  de  l'urelère  par  un  caillot  tîbrineux.  Lecorché 
admet  que  beaucoup  d'hématuries  dites  essentielles,  à  retours  paroxystiques, 
reconnaissent  pour  cause  la  formation  dans  la  portion  droite  des  canalicules 
urinifères  ou  dans  les  tubes  de  Bellini  des  calculs  d'oxalate  de  chaux  moulés 
sur  ces  canalicules.  C'est  à  l'irritation  déterminée  dans  les  l'eins  par  ces  calculs 
que  seraient  dues  ces  hématuries  paroxystiques  qui  ne  cessent  qu'après  l'expul- 
sion de  la  concrétion  rénale  ;  elles  reparaissent  au  bout  d'un  temps  plus  ou 
moins  long,  après  la  reproduction  du  calcul  oxalique  intra-canalicuiaire. 

A  côté  de  ces  hématuries  par  irritation  traumatique  due  à  des  calculs  vé.'i- 

DICT.  EKC.  4°  s.  XIH,  6 


82  HÉMATURIE. 

eaux  ou  rénaux  il  convient  de  placer  des  formes  cliniques  que  leur  étiologie  en 
rapproche  :  ici,  c'est  un  parasite  qui  joue  le  rôle  de  corps  étranger  et  de  cause 
liémorrhagipare. 

Parasites.  Les  principaux  parasites  du  rein  susceptibles  de  déterminer 
l'hématurie  sont  au  nombre  de  trois  :  1»  le  strongle  géant;  2"  le  pentastome 
denticulé;  5"  le  distoma  hœmatobium.  Ils  ont  été  étudiés  et  décrits  au  mot 
Hématozoaires  {voy.  ce  mot). 

Hématuries  d'origine  inflammatoire  oa  congestive.     Il  est  des  hématuries  dont 
la  cause  provocatrice  est  une  altération  phlegmasique  ou  simplement  hyperé- 
niique  des  voies  urinaires.  Mais,  en  pratique,  ces  groupes  étiologiques  ne  sont 
point  aussi  nettement  distincts.  Dans  l'hématurie  des  néoplasiques,  par  exemple, 
nous  verrons  quel  rôle  important  revient  à  l'élément  congestion,  quelle  part 
étiologique  secondaire  est  attribuable  à  l'altération  organique  des  parois  vési- 
cales.  Même  remarque  pour  l'iiématurie  de  la  tuberculose  vésicale,  symptôme 
presque  initial  et  qui  l'ait  cortège  à  la  période  congestive  :  il  y  a  donc  là  des 
influences  étiologiques  associées  ;  c'est  en  raison  de  cette  patliogénie  complexe 
qu'il  nous  faut  étudier,  comme  deux  groupes  étiologiques  voisins,  les  hématuries 
d'origine  inllammatoire  et  les  hématuries  d'origine  congestive  :  nous  ferons 
ainsi  un  rapprochement  utile  et  nous  aurons  une  transition  commode  entre  les 
hématuries  congestives  et   les  hématuries  par  lésions  organiques,  puisque  dans 
les  néoplasmes    et  dans    les  tubercules   de   la  vessie  les  mictions  sanglantes 
relèvent  d'un  processus  congestif  plus  encore  que  de  destructions  ulcéreuses. 
Hématuries  inflammatoires  dans  les  phlegmasies  uréthrales.     L'hématurie 
dans  les  phlegmasies  uréthrales  est  une  variété  clinique  sur  laquelle  il  n'est 
point  nécessaire  d'insister.  Dans  une  blennorrhagie  uréthrale,  il  peut,  ainsi  que 
l'a  établi  Diday,  sortir  du  sang  par  le  canal  dans  quatre  cas  distincts  :  1"  quand 
la  blennorrhagie  est  suraiguë,  par  intensité  du  travail  phlegmasique  et  à  l'occa- 
sion du  moindre  traumatisme  :  alors,  le  sang  est  combiné  à  la  sécrétion  puru- 
lente; 2°  pendant  les  érections  forcées  et  après  la  rupture  de  la  corde  par  redres- 
sement violent  du  canal  érigé  ;  c'est  alors  un  sang  pur  qui  s'écoule,  c'est  une 
uréthrorrhagie  qui  se  fait  goutte  à  goutte  en  dehors  des  mictions;  o"  à  la  suite 
d'injections  caustiques  de  nitrate  d'argent  :  alors  le  sang  sort  mêlé,  mais  non 
combiné  avec  l'urine,  et  il  sort  dès  le  commencement  de  l'émission  de  l'urine; 
ce  qui  distingue  ce  cas  du  quatrième,  hématurie  à  la  suite  d'une  cystite  où  le 
sang  ne  commence  à  couler  qu'à  la  fin  de  la  miction. 

Dans  l'inflammation  chronique  de  la  portion  prostatique  de  l'urèthre,  l'héma- 
turie peut  se  montrer  le  plus  souvent  après  une  blennorrhagie  opiniâtre;  un 
homme  de  vingt  à  trente  ans  voit  apparaître  chez  lui  et  d'une  façon  graduelle 
les  symptômes  suivants  :  mictions  fréquentes  suivies  de  douleurs  à  l'extrémité 
du  pénis,  de  temps  en  temps  un  peu  de  sang  vient  rougir  les  dernières  gouttes 
d'urine  qui  se  trouble  et  renferme  un  dépôt  muco-purulent  ;  sentiment  de 
chaleur  et  de  pesanteur  au  périnée  et  vers  le  rectum  ;  tous  ces  malaises  s'aggravent 
par  l'exercice  et  la  fatigue.  Ce  tableau  clinique  peut  donner  l'illusion  d'un 
calcul;  les  anamnestiques  et  la  sensibilité  au  cathéter  dans  la  portion  prosta- 
tique de  l'urèthre  permettent  d'établir  le  diagnostic. 

Dans  la  cystite.  L'hématurie  s'observe  dans  les  différentes  formes  de  la 
cystite  :  elle  se  répète  sans  cause  appréciable,  persiste  assez  longtemps,  ne  se 
calme  ni  par  le  repos,  ni  par  le  lit;  on  peut  la  rencontrer  aussi  bien  dans  la 
cystite  aiguë  que  dans  la  cystite  chronique,  dans  la  cystite  du  col  que  dans  la 


HÉMATURIE.  85 

cystite  du  corps.  Elle  est  surtout  intense  dans  les  cystites  aiguës  et  souvent 
localisées  qui  compliquent  la  hlennorrhagie.  Nous  ne  pouvons  ici  que  tracer  à 
grands  traits  l'esquisse  clinique  de  ces  hématuries.  Voici  un  malade  atteint  de 
cystite  du  col  :  extrême  fréquence  des  envies  d'uriner  ;   douleur  intense  qui 
accompagne  le  début  et  surtout  la  fin  de  la  miction  et  détermine  un  spasme  et 
des  épreintes  pénibles.  Ce  spasme  douloureux  peut  provoquer  un  léger  écoule- 
ment du  sang  dû  à  une  sorte  d'expression  de  la  muqueuse  hypérémiée  ;  on  n'observe 
ordinairement  d'hémorrliagie  appréciable  que  d'une  façon  tout  à  fait  passagère, 
et  le  plus  souvent  l'exhalation  sanguine,  insuffisante  pour  modifier  la  coloration 
de  l'urine,  s'attache  seulement  au  produit  de  sécrétion  du  col.  Nous  avons  plus 
haut  mentionné  quelle  valeur  diagnostique  M.  le  professeur  Guyon  attribue  à  la 
présence  au  fond  du  verre  à  examen  de  ces  grumeaux  muco-purulents  striés  de 
sang;  même  caractère  de  dépôt  purulent  dans  la  cystite  du  corps  :  en  ces  cas, 
l'hématurie  s'accompagne   d'irradiations  douloureuses   à   siège  hypogastrique 
plutôt  que  périnéal.  Nous  n'étudions  pas  ici  l'hématurie  de  la  cystite  tubercu- 
leuse; nous  la  plaçons  au  groupe  des  hématuries  par  lésions  organiques  de  la 
vessie.  Est-il  nécessaire,  pour  que  la  miction  sanglante  se  produise  dans  la 
cystite,  qu'il  y  ait  ulcération,  ou  bien  l'hyperémie  de  la  muqueuse  suffit-elle  à 
former   l'extravasation  sanguine?  11  serait  difficile   d'admettre    que  dans   les 
cystites  blennorrhagiques  où  le  début  est   si   rapide  et  l'hématurie   souvent 
intense  il  y  ait  un  travail  ulcératif.  Il  est  aussi  bien  rare  que  l'autopsie  montre 
des  ulcérations  dans  les  cas  de  cystite  chronique  avec  hématurie  abondante  ;  en 
ce  cas,  il  est  possible  que  l'émigration  globulaire  à  travers  les  vaisseaux  intacts 
joue  le  principal  rôle  dans  la  production  de  ces  hémorrhagies  :  les  modifications 
de  pression  intra-vasculaire,  les  désordres  de  l'innervation  vaso-motrice,  les 
phénomènes  congestifs,  sont  les  causes  productrices  dominantes  de  l'exhalation 
sanguine  et  nous  sommes  ici  encore  conduits  à  reconnaître  le  rôle  pathologique 
considérable  de  la  fluxion  hyperémique. 

Pyélite.  Qu'elle  soit  consécutive  à  un  empoisonnement  (canlharide,  téré- 
benthine), qu'elle  survienne  dans  la  fièvre  typhoïde,  la  pyémie,  le  typhus,  la 
scarlatine,  la  rougeole,  le  charbon,  etc.,  la  pyélite  s'accompagne  d'urines  héma- 
turiques. 

D'après  Lécorché,  un  des  premiers  symptômes  de  la  pyélite  catarrhale  est  le 
pissement  de  sang,  mais  le  plus  ordinairement  le  pus  a  précédé  l'apparition  du 
sang.  C'est  dans  cette  hémorrhagie  pyélitique  que  l'on  peut  constater  ces  caillots 
vermiformes.  La  présence,  dans  les  sédiments,  de  cylindres  fibrineux  qui  rap- 
pellent le  diamètre  des  tubes  deBellini,  distingue  l'hématurie  rénale,  canalicu- 
laire,  de  l'hémorrhagie  pyélitique  ;  ce  signe  offre  d'autant  plus  d'importance  que 
la  pyélite  occasionnée  par  les  dyscrasies,  les  exanthèmes,  s'accompagne  d'héma- 
turies abondantes.  Elles  dépassent  de  beaucoup  en  quantité  les  hémorrhagies 
paroxystiques  produites  par  les  calculs. 

La  pyélite  provoquée  par  des  parasites  ou  des  néoplasies  est  en  connexion  avec 
une  production  analogue  des  reins. 

Néphrites  aiguës.  Les  urines  hématuriques  sont  fréquentes  dans  les  7iéphrites 
aiguës,  qu'elles  soient  ou  non  produites  par  les  maladies  infectieuses.  L'hémor- 
rhagie est  un  accident  initial  surtout  marqué  dans  les  formes  désignées  par 
Wagner  sous  le  nom  de  formes  hémorrhagiques  catarrhales  du  mal  de  Bright. 
En  voici  des  exemples  :  ainsi  un  scarlatineux,  à  la  période  de  desquamation, 
se  refroidit.  L'urine  devient  rare,  épaisse,  brune,  noirâtre  ou  rosée,  suivant  la 


84  HÉMATURIE. 

proportion  de  sang.  La  coloration  rougeâtre  ressemble  souvent  à  celle  île  la 
lavure  de  chair.  Rarement  on  a  noté  l'émission  de  sang  pur.  Les  sédiments 
contiennent  des  cylindres  fd)rincux  et  un  grand  nombre  de  globules  sanguins 
tuméfiés,  parfois  ratatinés  et  en  partie  déformés.  D'après  Bull,  lorsque  les 
lésions  prédominent  notablement  dans  le  tissu  interstitiel,  l'hématurie  est  la 
règle.  La  néphrite  aiguë  s'observe  aussi  dans  les  brûlures  étendues,  la  diphthérie 
et  plus  rarement  dans  les  exanthèmes  fébriles  (variole,  rougeole,  érysipèle), 
dans  le  cours  de  la  fièvre  typhoïde,  de  la  fièvre  récinrente  (Ponfick),  de  la 
méningite  cérébro-spinale,  de  la  fièvre  intermittente,  de  la  fièvre  jaune. 

Néphrites  septiqnes.  Dans  ces  cas,  l'hématurie  est  rare  et  habituellement 
les  globules  sanguins  et  les  leucocytes  sont  peu  abondants  (Labadie-Lagrave). 

Dans  la  néphrite  parenchymateuse  chronique,  une  coloration  rougeâtre  due 
à  la  présence  des  éléments  du  sang  dans  le  liquide  est  chose  rare. 

Dans  la  néphrite  interstitielle  chronique,  seul  l'appareil  génito-urinaire  est 
habituellement  respecté  par  la  tendance  hémorrhagique  si  particuhère  à  l'une 
des  périodes  de  l'affection  (Labadie-Lagrave).  Enfin  l'hématurie  ne  se  rencontre 
dans  la  néphrite  amyloide  que  lorsqu'à  cette  dégénérescence  s'est  ajoutée  de 
la  néphrite  parcnciiymateuse  (Lécorché).  Dickinson  n'a  trouvé  l'hématurie  que 
4  fois  sur  48  cas  de  néphrite  amyloide,  mais  la  néphrite  interstitielle  peut 
entraîner  des  hématuries  par  un  autre  mécanisme;  sous  l'influence  de  la 
dégénérescence  athéromatcuse  liée  à  la  néphrite  interstitielle  il  survient  chez 
les  vieillards  des  hémorrhagies  du  bassinet  qui  déterminent  parfois  des  héma- 
turies abondantes  (Lécorché). 

Hématuries  dans  les  maladies  générales.  Pathogénie.  Ce  serait  une 
erreur  de  croire  que  les  hématuries  observées  dans  les  maladies  infectieuses 
sont  toujours  liées  à  une  néphrite  :  ainsi  que  l'a  fait  justement  remarquer 
Labadie-Lî  grave,  «  très-souvent  l'hématurie  se  produit  en  pleine  période  d'érup- 
tion chez  les  scarlatineux,  à  une  époque  où  les  complications  rénales  ne  se 
rencontrent  qu'exceptionnellement.  Chez  les  varioleux,  l'hématurie  a  pour 
siège  habituel  la  muqueuse  des  calices  et  des  bassinets  ;  c'est  du  moins  ce  qui 
résulte  des  recherches  d'Oscar  Unrub.  Sur  212  autopsies  de  varioleux  pratiquées 
par  Unrub  à  Dresde,  28  fois  les  bassinets  étaient  la  source  d'hémorrhagies 
abondantes.  »  Le  point  de  départ  de  ces  hématuries  d'origine  infectieuse 
devient  encore  plus  difficile  à  préciser,  si  les  recherches  de  Forster  et  Klebs  sont 
suffisamment  établies.  Ces  auteurs  rapprochent  des  cystites  puerpérales  décrites 
par  Hervieux  les  inflammations  graves  de  la  vessie  qui,  sous  l'influence  d'orga- 
nismes inférieurs  retrouvés  dans  l'urine,  peuvent  se  développer  dans  la  pyohé- 
mie,  le  typhus,  la  variole,  la  scarlatine  et  le  choléra. 

Enfin,  dans  les  formes  malignes  de  la  scarlatine,  de  la  rougeole,  de  la 
variole,  les  altérations  du  sang  déterminent  une  sorte  de  diathèse  hémorrha- 
gique. Au  milieu  de  ces  hémorrhagies  multiples  et  variées,  l'hématurie  n'ap- 
paraît que  comme  un  épiphénomène  d'une  signification  pronostique  de  la  plus 
haute  gravité  (Sydenham).  Il  faut  rapprocher  de  ces  faits  les  hématuries  de 
l'ictère  grave,  de  la  peste,  de  la  fièvre  jaune,  du  scorbut.  Dans  toutes  ces 
maladies  infectieuses,  les  altérations  sanguines  jouent  le  principal  rôle  et  faci- 
litent singulièrement  l'extravasation  du  sang,  non-seulement  dans  les  reins, 
mais  encore  au  niveau  des  bassinets  et  de  la  vessie  ;  souvent  en  pareil  cas  les 
globules  sont  détruits  et  les  modifications  de  l'urine  se  rapportent  alors  à 
l'hémoglobinurie.  C'est  surtout  dans  les  différentes  formes  de  l'irapaludisrae 


HEMATURFE.  85 

que  cette  distinction  présente  de  telles  difficultés,  que  l'on  comprend  bien  la 
variété  des  opinions  soutenues  à  propos  de  la  fièvre  bilieuse  héniorrhagique,  la 
fièvre  bilieuse  mélanuriquc. 

Impaludisme.  Dans  ces  manifestations  de  l'impaludisme  les  urines  sont 
souvent  rutilantes  au  moment  de  l'émission;  elles  ont  l'aspect  sanguinolent 
absolument  comme  si  elles  étaient  composées  de  véritable  sang  pur.  Mais,  dans 
h  fièvre  bilieuse  mélmmriqiie,  Daullé,  Béranger-Féraud,  Trouette,  n'ont  jamais 
retrouvé  les  globules  sanguins  mentionnés  par  Hugolin  {Arch.  de  méd.  navale, 
1865),  Borius  et  Pellarin.  De  plus,  l'examen  spectroscopique  des  urines  noires, 
fait  par  Corre  et  Yenturini,  a  prouvé  que  les  deux  bandes  d'absorption  se  rap- 
portent bien  à  l'hémoglobine  {Arch.  de  méd.  navale,  -1878).  D'après  Béranger- 
Féraud,  il  faudrait  distinguer  cette  fièvre  bilieuse  mélanurique  de  la  fièvre 
bilieuse  hématurique.  Mais  la  plupart  des  médecins  qui  ont  observé  au  Sénégal 
et  aux  Antilles  les  considèrent  comme  une  seule  entité  morbide.  Les  observa- 
tions de  Dutrouleau,  Lebeau,  Le  Roy  de  Méricourt,  ont  exagéré  la  fréquence  de 
l'hématurie  vraie  dans  la  fièvre  palustre  pseudo-continue,  grave,  rémittente, 
biliaire,  dans  la  fièvre  bilieuse  hématurique  :  il  n'est  pas  étonnant  que  les 
hématies  disparaissent  rapidement  dans  les  urines  des  malades  atteints  de  fièvre 
bilieuse.  Les  histologistes  savent  bien  que  la  bile  détruit  rapidement  les  glo- 
bules du  sang.  «  L'action  de  la  bile  sur  les  globules  sanguins  a  été  expérimentée 
par  Kùhne.  Elle  est  extrêmement  curieuse  :  les  globules  pâlissent  d'abord,  puis 
tout  à  coup  disparaissent  sans  laisser  aucune  trace  »  (Banvier,  Traité  de 
technique  histologique,  p.  188. 

Enfin,  dans  un  travail  tout  récent  sur  la  Malarial  Ilœmaturia  (ihe  Médical 
News,  p.  251,  mai  1883),  James  Tison  distingue  deux  formes  d'accidents 
hématuriques  liés  à  la  malaria.  Lsl  pfe?nière  forme,  bénigne  et  légère,  a  déjà  été 
l'objet  des  recherches  de  Dressler  {Virchow's  Arch.,  1854)  et  de  Ilarley  [Medico- 
Chir.  Trans.,  1865).  Elle  consiste  dans  l'apparition  d'urines  sanguinolentes, 
qui  reviennent  quotidiennement  ou  par  intervalles,  d'une  façon  paroxystique, 
chez  des  sujets  en  puissance  d'accès  palustres  ou  antérieurement  atteints  de 
fièvres  intermittentes.  Les  urines  sont  fortement  teintées  en  rouge,  très-albumi- 
neuses,  mais  pauvres  en  globules;  souvent  même  on  ne  trouve  pas  une  seule 
hématie  sous  le  champ  du  microscope.  11  s'agit  donc  là  d'une  variété  d'hémo- 
globinurie  en  rapport  avec  l'impaludisme.  La  forme  grave  de  l'hématurie 
paludéenne  ne  se  rencontre  guère  que  sous  les  tropiques  et  dans  le  sud  de 
l'Amérique.  Au  bout  d'un  ou  deux  accès  de  fièvre  apparaît  une  urine  noire, 
acajou,  très-abondante,  dont  l'écoulement  dure  aussi  deux  ou  trois  heures.  Des 
vomissements,  parfois  des  hématémèses,  comme  dans  la  fièvre  jaune,  se 
montrent  concurremment  avec  un  ictère  intense.  La  mort  peut  survenir  au 
milieu  de  ces  accidents  pernicieux,  plus  souvent  un  nouvel  accès  emporte  le 
malade.  Ici  encore  l'examen  de  l'urine  montre  qu'il  s'agit  d'une  hémoglobi- 
nurie  et  non  d'une  hématurie  véritable  (in  Revue  des  sciences  médicales, 
Hayem,  24'=  année,  1884).  L'hématurie  apparaît  aussi  dans  une  autre  série 
d'états  généraux  : 

Ainsi,    sur   216   cas    d'hémophilie,    Grandidier    a   noté    11    fois    l'héma- 
turie ; 

Dans  la  leucocythémie,  Isambert  a  mentionné  2  fois  l'hématurie  sur  41  cas  ; 

L'hématurie  est  encore  signalée  dans  le  scorbut,  dans  le  purpura  hemor- 
rhagica. 


86  HÉMATURIE. 

Autant  dans  les  premières  maladies  l'altération  sanguine  et  vasculaire  joue 
un  rôle  capital,  autant  dans  certaines  liématuries  du  purpura  hémorrhagica 
l'action  nerveuse  serait  prépondérante. 

Hématuries  d'origine  congestive.  Les  hématuries,  qui  reconnaissent  pour 
facteur  étiologique  prépondérant  la  congestion,  offrent  un  très-grand  intérêt 
clinique;  cet  élément  hyperémique  doit  être  étudié  comme  cause  productrice 
des  mictions  sanglantes  qu'on  observe  chez  les  prostatiques,  les  rétrécis,  les 
néoplasiques,  les  malades  atteints  de  tuberculose  urinaire.  C'est  surtout  avec 
les  travaux  de  M.  le  professeur  Guyon  et  de  l'école  de  Necker  que  se  soDt 
dégagées  ces  notions  étiologiques  nouvelles  sur  le  rôle  des  phénomènes  con- 
gestifsen  pathologie  urinaire;  c'est  dans  la  thèse  de  notre  ami  Tuflier  qu'elles 
ont  trouvé  leur  expression  claire  et  complète. 

Hématuries  supplémentaires.  Voici  d'abord  une  catégorie  de  faits  où  le 
rôle  pathogénique  de  l'hyperémie  est  indiscutable;  qu'un  écoulement  sanguin 
habituel  vienne  à  être  supprimé,  que  l'appareil  urinaire  soit  le  siège  d'une 
fluxion  pathologique  continue,  on  voit  alors  en  ce  cas  la  dilatation  congestive 
des  vaisseaux  de  la  muqueuse  urinaire  préparer  l'hématurie  en  ces  points  où 
le  régime  circulatoire  est  ainsi  modiiié. 

Ces  hématuries  sont  étudiées  avec  soin  par  les  vieux  auteurs  (Pinel,  Salm\ith, 
Choppart).  Dans  certains  cas,  le  mécanisme  pathogénique  est  simple  et  indis- 
cutable ;  c'est  le  procédé  de  la  fluxion  compensatrice  en  toute  sa  netteté.  En 
d'autres  cas,  ce  sont  des  fatigues,  des  contusions  continues,  qui  congestionnent 
les  voies  urinaires  et  préparent  l'hématuiie  (hématurie  des  cavaliers)  ;  quel- 
quefois enfin  il  existe  un  développement  marqué  du  réseau  veineux,  sous- 
muqueux  au  niveau  du  bas-fond  et  du  col  vésical;  les  veines  dilatées  se 
développent  eu  bourrelets  variqueux  :  de  là  des  envies  fréquentes  d'uriner  et 
une  dysurie  qui  peut  aller  jusqu'à  la  rétention.  Le  malade  éprouve  de  la 
pesanteur  à  l'hypogastre,  au  périnée,  à  l'anus,  puis  il  rend  par  l'urèthre  une 
grande  quantité  de  sang  et  se  trouve  soulagé  jusqu'à  une  nouvelle  crise  dysu- 
rique.  L'hématurie  peut  être  parfois  assez  abondante  pour  devenir  mortelle 
(fait  de  Laugier  rapporté  par  Guyon).  Ces  varices  vésicales,  signalées  par  Bonet, 
Morgagni,  Vidal,  Guyon,  Baraduc,  n'ont  encore  qu'une  histoire  clinique  ina- 
chevée et  qu'une  démonstration  anatomique  incomplète;  on  conçoit  cependant 
combien  est  prédisposé  à  la  stase  sanguine  et  à  la  dilatation  variqueuse  cet 
appareil  veineux  de  la  vessie  au  triple  réseau  (sous-muqueux,  intermusculaire 
et  sous-péritonéal). 

Hématuries  par  hyperémie  rénale.  Les  hématuries  par  x.tase  ou  fluxion 
rénale  surviennent  :  1"  dans  les  hijperémies  des  reins;  2'^  dans  la  thrombose 
des  veines  du  rein;  3»  dans  les  infarctus,  les  embolies. 

\°  Hyperémie  des  reins.  «  D'après  les  observations  de  Liebermeister, 
lorsque  l'hyperémie  par  stase  est  assez  considérable  pour  donner  lieu  à  une 
exsudation  d'albumine,  l'apparition  simultanée  du  sang  dans  l'urine  est  si 
fréquente,  que  l'existence  d'albumine  dans  l'urine  sans  trace  de  sang  permet 
d'exclure  avec  vraisemblance  une  simple  hyperémie  par  stase  et  tend  à  faire 
admettre  un  trouble  inflammatoire  de  la  nutrition.  Ce  fait  pathologique  que  l'on 
constate  dans  chaque  affection  du  cœur  de  longue  durée  et  qu'on  peut  y  pour- 
suivre dans  ses  différentes  phases  répond  à  une  expérimentation  physiologique  : 
après  la  ligature  de  la  veine  rénale  ou  de  la  veine  cave,  au-dessus  de  l'embou- 
chure de  la  veine  rénale,  on  observe  constamment   de  l'albuminurie  et  de 


HÉMATURIE.  87 

l'hémalurie  »  (Niemeyer,  t.  II,  1869).  Celte  dernière  expérience  est  renouvelée 
en  partie  dans  les  thromboses  des  veines  rénales. 

2"  Thromboses  des  veines  du  rein.  Ces  lésions  se  rencontrent  principale- 
ment chez  les  nourrissons  atteints  d'athrepsie.  L'urine  est  rare,  d'un  brun  noir, 
et  les  sédiments  renferment  des  cylindres  rénaux  et  des  corpuscules  sanguins 
agglomérés.  Ces  faits  ont  été  décrits  d'une  façon  magistrale  par  Parrot.  Chez 
les  adultes,  ces  hématuries  s'observent  dans  les  états  cachectiques,  la  fièvre 
puerpérale,  et  dans  les  thromboses  résultant  de  la  compression  exercée  par  les 
tumeurs  voisines  du  bile. 

0"  Enfin,  dans  les  infarctus  hémorrhagiques,  l'urine  prend  une  coloration 
d'un  brun  foncé,  quelquefois  noirâtre.  A  l'examen  microscopique,  on  y  découvre 
des  globules  rouges  en  grand  nombre.  Ces  modifications  de  l'urine  sont  passa- 
gères. La  brusque  apparition  d'une  douleur  lombaire  unilatérale  avec  hématurie 
et  albuminurie  chez  un  sujet  atteint  de  rhumatisme  articulaire  aigu,  d'endo- 
cardite ou  de  toute  autre  affection  prédisposant  aux  embolies  artérielles,  le 
peu  de  durée  de  ces  accidents,  permettent  le  diagnostic  de  l'infarctus  du  rein. 
A  moins  qu'une  stase  extrême  ne  provoque  une  hématurie  abondante,  le  plus 
ordinairement  la  congestion  passive  des  reins  n'enlrauie  l'cxtravasation  que  d'un 
petit  nombre  de  globules  rouges  ;  la  coloration  rouge  foncé  des  urines  tient  à  la 
présence  d'une  grande  quantité  d'acide  urique  et  d'urates. 

Hijperémie  aiguë.  Mais  il  n'en  est  plus  de  même  dans  les  hyperémies 
aiguës  consécutives  à  l'absorption  de  cantliarides,  d'essence  de  térébenthine, 
d'essence  de  moutarde,  de  baume  du  Pérou,  de  sublimé,  d'arsenic,  de  sulfate 
de  quinine.  Dans  les  premiers  cas  surtout,  l'urine  trouble,  de  couleur  foncée, 
noirâtre,  tient  en  suspension  un  grand  nombre  de  globules  rouges  plus  ou 
moins  altérés  et  renferme  des  quantités  notables  d'albumine  et  de  fibrine. 

Mais  souvent  aussi  ces  hyperémies  aiguës  confinent  à  l'inflammation  franche, 
et  les  remarquables  expériences  de  M.  Cornil  et  de  M.  Browicz  démontrent 
que,  chez  les  animaux,  la  cantharidine  en  injections  sous-cutanées  développe 
une  néphrite  parenchymateuse  aiguë.  A  côté  de  ces  hématuries  par  hypérémie, 
il  est  nécessaire  de  placer  les  hématuries  dites  névropalhiques  qui  résultent, 
elles  aussi,  d'une  dilatation  vasculaire  par  action  vaso-motrice. 

Hématuries  névropathiques.  Dans  l'étude  des  hémorrhagies  il  y  a  un  élé- 
ment qui  a  été  souvent  négligé,  c'est  l'élément  nerveux.  JI  existe  une  classe 
d'hématuries  sans  lésions  vasculaires,  sans  altération  du  sang,  et  ces  hémorrhagies 
sont  sous  la  dépendance  immédiate  du  système  nerveux.  M.  Lancereaux  cite  un 
certain  nombre  de  cas  de  ces  hématuries  névropathiques  déjà  mentionnées  par 
Latour  (d'Orléans),  Van  Hur,  Lordat,  Gendrin,  Parrot,  et  étudiées  au  point  de 
vue  expérimental  par  M.  le  professeur  Yulpian.  D'après  M.  Lancereaux,  qui  a 
fait  une  bonne  étude  des  faits  de  ce  genre,  ces  hémorrhagies  d'origine  nerveuse 
sont  assez  ordinairement  précédées  de  sensations  douloureuses;  d'autres  fois,  elles 
apparaissent  après  une  vive  émotion,  une  grande  colère,  une  frayeur  soudaine 
ou  une  attaque  de  nerfs.  Elles  ont  pour  caractères  de  ne  produire  que  peu  de 
désordres  fonctionnels  et  de  ne  pas  altérer,  comme  les  hémorrhagies  d'une 
autre  origine,  la  santé  générale.  La  marche  de  ces  hématuries,  rarement  con- 
tinue, est  le  plus  souvent  intermittente,  quelquefois  périodique;  la  récidive  est 
la  règle.  Quant  slu  pronostic,  il  est  relativement  bénin;  pourtant  une  mort 
rapide  en  a  quelquefois  été  la  conséquence  {Traité  d'anatomie  pathologique, 
Lancereaux,  t.  I,  p.  562).  Leur  étiologie  est  assez  vague.  Les  agents  physiques 


88  HÉMATURIE, 

prédisposent  à  ces  hématuries.  Latour  (d'Orléans)  raconte  qu'un  évêque,  fai- 
sant sa  tournée  pastorale  pendant  une  grande  chaleur^  fut  pris  d'hématurie  dans 
sa  voiture  (Lancereaux) .  Parmi  les  influences  pathologiques  se  présentent  tout 
d'abord  les  névroses,  et  avant  tout  Vhijstérie.  L'épilepsie  est  quelquefois  suivie 
des  mêmes  accidents.  Les  lésions  matérielles  des  yierfs  et  des  centres  nerveux 
sont  dans  quihpies  cas  l'origine  de  ces  hémorrhagies  (Marrotte,  Charcot,  Olli- 
vier) .  En  ce  qui  concerne  leur  pathogénie,  on  croit  que  le  système  nerveux  agit 
directement  sur  les  vaisseaux  pour  en  produire  soit  la  dilatation,  soit  le  resser- 
rement. Il  y  a  probablement  diapédèse  et  non  rupture  des  vaisseaux. 

IlÉMATORiE  CHEZ  LES  PROSTATIQUES.  Abordons  maintenant  l'étude  de  l'hé- 
maturie des  prostatiques,  qui  est  un  type  clinique  d'observation  fréquente. 

L'iiématuric  est,  après  la  rétention,  une  des  complications  les  plus  fréquentes 
de  riiypcrtiophie  prostatique.  Elle  est  rare  pendant  la  première  période  de  la 
maladie,  alors  qu'il  n'y  a  encore  que  la  fréquence  nocturne  des  mictions,  la 
lenteur  et  la  faiblesse  du  jet  d'urine;  elle  apparaît  le  plus  souvent  dans  la 
seconde  période,  alors  que  le  prostatique  ne  vide  plus  sa  vessie  et  que  l'urine 
stagne  dans  le  bas-fond  vésical  (voy.  Prostate).  Le  pissement  de  sang  chez  le 
prostatique  i)out  succéder  à  un  calliétliérisme,  même  prudent;  il  peut  aussi 
apparaître  spontanément  comme  traduction  symptomalique  de  l'état  congestif 
de  la  vessie.  Quand  l'hématurie  succède  à  un  cathétérisme,  elle  peut  survenir 
par  éraillure  traumalique  de  la  muqueuse  ou  sans  blessure  du  canal.  Dans  le 
premier  cas,  ce  qui  frappe,  c'est  la  disproportion  du  trauma  uréthral  insigni- 
fiant et  de  l'hémorrliagie  abondante,  persistante  et  rebelle. 

Parfois  l'urèlhre  cathétérisé  n'a  subi  aucune  atteinte  traumatique,  et  cepen- 
dant il  survient  spontanément  une  hémorrhagie  si  abondante,  si  persistante,  que 
le  malade  peut  succomber  à  ces  pertes  hématuriques.  On  trouve  dans  le  Boston 
Médical  de  1881  l'observation  d'une  de  ces  hématuries  spontanées,  à  termi- 
naison funeste. 

Les  pertes  hématuriques  incoercibles  et  mortelles  sont  chez  les^  prostatiques 
les  formes  cliniques  rares  ;  elles  peuvent  aller  jusqu'à  provoquer  une  crise  syn- 
copale  (cas  de  Chopart)  ;  le  plus  souvent,  l'hématurie  s'arrête  après  une  durée 
moyenne  de  deux  à  trois  jours  (statistique  de  Benoît  [Étude  sur  rhématurie  dans 
la  rétention  d'urine]  th.  de  Paris,  1886),  portant  sur  17  cas).  —  C'est  souvent 
après  le  premier  ca^étérisme,  dans  un  cas  de  rétention,  que  se  fait  un  écou- 
lement d'urines  noirâtres,  fortement  hémaliques  ;  plus  souvent  encore,  c'est  au 
cours  d'une  évacuation  méthodiquemeut  conduite  que  l'hématurie  apparaît. 
Voici,  par  exemple,  un  rélentionniste  dont  la  vessie  distendue  et  impuissante  à 
se  vider  retient  2  à  5  litres  d'urine;  on  fait  l'évacuation,  par  cathétérisme 
intermittent  et  progressif,  jusqu'à  réduire  à  une  minime  quantité  la  retenue  de 
l'urine  :  l'urine  s'est  écoulée  d'abord  claire,  puis  rosée,  puis  sanguinolente, 
enfin  c'est  du  sang  pur  qui  est  évacué. 

11  est  évident,  en  tous  ces  cas,  qu'il  y  a  disproportion  entre  le  trauma  du 
cathétérisme  et  l'abondante  hématurie  qui  le  suit.  Pour  qu'une  insignifiante 
éraillure,  accident  négligeabled'exploration,  pour  qu'un  cathétérisme  correct  et 
prudent,  puissent  devenir  les  causes  occasionnelles  d'écoulements  hémorrha- 
giques  semblables,  il  faut  des  influences  pathogéniques  auxiliaires,  il  faut  une 
congestion  des  plexus  veineux  pelviens,  et  un  état  de  fluxion  hyperémique  des 
voies  urinaires,  toutes  prêtes  à  saigner  au  moindre  prétexte  traumatique. 

On  sait  que,  chez  le  vieillard,  le  système  veineux  prostatique,  quintuple,  décuple 


HÉMATURIE.  89 

même  (Tuffier)  ses  dimensions  premières  :  l'appareil  artériel,  au  contraire,  se 
modifie  peu  ;  bien  plus,  il  devient  le  siège  d'une  endartérite  qui  en  rétrécit  le 
calibre  et  affaiblit  l'impulsion  à  tergo.  On  voit  quel  état  de  gêne  circulatoire 
crée  cette  disposition  d'un  appareil  artériel  sclérosé  et  affaibli  venant  se  perdre 
en  un  lac  veineux  anormalement  développé  ;  on  conçoit  aussi  avec  quelle  faci- 
lité retentiront  sur  ce  système  circulatoire  tout  prêt  à  la  stase  toute  difficulté 
dans  l'évacuation  veineuse,  tout  rajitus  congestif  dans  les  plexus  voisins.  Qu'une 
constipation  liabituelle,  que  des  excès  sexuels,  que  l'apparition  d'un  flux  liémor- 
rboïdaire,  entravent  la  déplétion  des  veines  du  petit  bassin,  les  plexus  péri- 
prostatiques  et  périvésicaux,  en  connexion  vasculaire  directe  avec  ces  voies  vei- 
neuses, subiront  une  dilatation  congestive  ;  de  même,  un  refroidissement 
amenant  une  congestion  vésicale  violente,  des  excès  de  boissons  forçant  la  vessie 
à  un  fonctionnement  exagéré,  les  fatigues  d'un  voyage,  une  station  assise  pro- 
longée, congestionneront  cet  appareil  veineux  à  circulation  languissante  :  de  là 
une  liyperémie  vésico-prostatique  qui  fait  que  la  moindre  offense  traumatique, 
le  cathétérisme  le  plus  méthodique  deviendront  l'occasion  d'hématuries  abon- 
dantes. Notons  à  ce  sujet  que  cet  état  de  congestion  passive  ne  se  limite  point  à 
la  vessie;  chez  les  prostatiques  rétentionnistes,  il  y  a  un  état  de  congestion  per- 
manente de  toutes  les  voies  urinaires,  de  la  prostate  jusqu'au  rein,  et  la  polyurie 
est  l'indice  clinique  de  cette  vascularisation  rénale  exagérée.  Tout  cet  appareil 
congestionné  est  prêt  à  l'hémorrhagie  ou  à  l'inflammation  :  entre  les  trois 
organes  de  celte  triade  urinaire,  prostate,  vessie  et  reins,  il  y  a  une  association 
pathologique  intime  qui  fait  qu'aucun  ne  peut  s'hyporémier  ou  s'enflammer 
isolément.  On  peut  donc  se  demander  si,  chez  les  prostatiques,  l'hématurie  peut 
être  produite  par  l'extravasation  sanguine  au  niveau  du  rein  hyperémié  :  c'est 
peu  admissible,  car  le  rein  laisse  difficilement  passer  le  fluide  sanguin.  11  faut, 
ainsi  que  le  dit  ïuffîer,  les  lésions  très-étendues  du  carcinome  rénal  ou  l'inflam- 
mation suraiguë  d'une  néphrite  parenchymateuse  pour  provoquer  une  hémorrha- 
gie  abondante  :  le  rein  témoigne  sa  congestion  par  la  polyurie  plutôt  que  par 
l'hématurie.  Cependant,  dans  un  cas,  Picard  [France  médicale,  1879)  a  noté 
des  foyers  hémorrhagiques  disséminés  dans  le  parenchyme  rénal. 

En  formule  résumée,  l'hématurie  des  prostatiijues  est  donc  d'ordre  congestif  : 
il  nous  faut  maintenant  pénétrer  plus  avant  dans  l'analyse  de  son  procédé 
pathogénique.  C'est  un  thème,  brillamment  développé  par  quelques  auteurs 
(Thompson,  Leçons  cliniques),  que  le  parallèle  pathologique  de  lutérus  et  de  la 
prostate  :  or,  en  demeurant  sur  le  terrain  théorique,  comment  ne  point  rap- 
procher ces  métrorrhagies  réflexes  provoquées  par  la  présence  de  fibromes  intra- 
utérins,  des  hématuries  que  déterminent  par  fluxion  hyperéniique  les  fibromes 
intra-prostatiques,  sans  ulcérations  de  la  muqueuse  du  canal  ou  de  la  vessie  ? 
c'est  un  rapprochement  légitime  et  une  analogie  clinique  intéressante.  —  Quant 
aux  causes  déterminantes  de  la  rupture  vasculaire  en  ces  voies  urinaires  ainsi 
hyperémiées,  elles  sont  multiples  et  de  valeur  discutable  :  Benoît  en  a  étudié, 
dans  sa  thèse,  le  mécanisme  pathogénique.  Les  uns  voient  dans  l'hématurie  le 
résultat  d'une  véritable  expression  de  la  muqueuse  vésicale,  congestionnée,  par 
h  tunique  musculaire  revenant  sur  elle-même  et  vidant  comme  une  éponge  les 
plexus  veineux  gorgés  de  sang  (Mercier,  Reliquet)  ;  quelques  autres,  dans  les  cas 
où  l'atonie  vésicale  est  complète  et  où  la  paroi  est  impuissante  à  se  contracter, 
parlent  d'une  succion  opérée  par  la  vessie  sur  ses  propres  parois  ;  d'autres  font 
jouer  un  rôle  considérable  à  la  décompression  brusque  qui  succède  à  l'évacuation, 


90  HÉMATURIE. 

quelquelbis  incorrectement  faite,  d'une  vessie  liabituée  à  la  distension  (Legrand, 
Union  médicale,  1860.  —  Picard,  France  médicale,  1879.  —  Yoillemier  et 
Ledentu).  Le  mieux  est  d'admettre,  avec  éclectisme,  ces  diverses  iniluences  :  on 
comprend  que  dans  ces  vessies  de  prostatiques  où  les  faisceaux  musculaires, 
ceux  surtout  de  la  couche  plexiforme,  siiypertrophient  en  colonnes  saillantes 
(thèse  de  Jean),  où  le  glissement  des  couches  les  unes  sur  les  autres  est  gêné 
par  le  travail  de  prolifération  scléreuse  qui  amène  la  fusion  de  la  muqueuse 
avec  la  celluleuse  sous-jacente,  la  circulation  veineuse  pariétale  de  la  vessie 
éprouve  des  obstacles;  on  comprend  aussi  qu'une  vessie  chroniquement  dis- 
tendue, hyperémiée,  trouve  dans  la  masse  liquide  retenue  une  contre-pression 
utile;  cet  appui  intérieur  vient-il  à  être  brusquement  supprimé,  les  capillaires 
gorgés  éclatent,  et  l'hématurie  apparaît  à  mesure  que  l'urine  s'évacue  et  que  les 
vaisseaux,  désormais  sans  soutien,  se  dilatent.  C'est  une  hémorrliagie  ex  vacuo 
dont  les  types  cliniques  analogues  sont  noml)reux  :  hémorrhagies  pleurales  à  la 
suite  d'une  thoracentèse  trop  radicale  ;  infiltration  sanguine  sous-péritonéale 
après  une  ponction  d'ascite  (Verneuil). 

On  peut  donc  conclure  que,  chez  le  prostatique,  ce  qui  prépare  l'hématurie 
c'est  la  congestion  réflexe  ou  niécani(|ue  de  tout  l'appareil  urinaire;  ce  qui  la 
provoque,  c'est  ou  une  occasion  trauniatique  (cathétérisme),  ou  une  déplétion 
trop  rapide  du  globe  vésical  chroniquement  distendu. 

llémahirie  chez  les  rétrécis.  Chez  les  rétrécis,  les  phénomènes  congestifs 
n'ont  point  la  même  importance,  comme  conditions  productrices  de  l'hématurie. 
A  la  suite  d'un  excès  de  boisson,  d'une  fatigue  sexuelle,  d'un  refroidissement, 
un  malade  jeune,  ancien  blennhorragiquc,  est  pris  d'une  rétention  complète 
d'urine  :  le  cathéter  explorateur  est  arrêté  dans  la  région  périnéo-scrotale;  celte 
rétention  brusque  est  d'ordre  congcstif  et  cède  à  une  médication  antiphlogis- 
tique;  que  si,  au  contraire,  on  veut  à  tout  prix  forcer  l'obstacle  uréthral,  ce 
sont  des  hémorrhagies  redoutables  qui  sont  le  résultat  de  ce  cathétérisme  inop- 
portun. Le  plus  souvent  alors  c'est  une  fausse  route  qui  conduit  dans  la  vessie. 
Alors  que  l'hématurie  constitue,  chez  le  prostatique,  une  complication  redou- 
table, elle  n'offre  donc  chez  le  rétréci  qu'un  médiocre  intérêt  clinique.  C'est  que 
l'état  dos  voies  urinaires  est  différent  dans  les  deux  cas  :  alors  que  la  vessie  du 
prostatique  rétentionnisle,  congestionnée  et  distendue,  perd  son  énergie  contrac- 
tile, alors  que  son  rein  et  sa  prostate  s'hyperémient  passivement,  au  contraire, 
la  vessie  des  rétrécis  reste  le  plus  souvent  puissante,  en  dépit  du  degré  avancé 
de  la  coarctation  uréthrale  :  par  là  est  supprimé  cette  influence  de  la  stagnation 
urinaire,  si  féconde  en  poussées  congestives  rétlexes;  par  là  est  évité  ce  danger 
des  hématuries  par  évacuation  d'une  vessie  habituellement  distendue.  Ce  qui 
prouve  que  l'obstacle  uréthral  n'est  point  tout,  mais  que  le  maintien  de  la 
vigueur  contractile  du  muscle  vésical,  la  régularité  de  la  circulation  veineuse 
pelvienne,  l'intégrité  de  la  propulsion  cardiaque  et  de  l'élasticité  artérielle,  sont 
des  éléments  prépondérants  en  la  production  de  ces  hématuries  par  hyperémie 
des  voies  urinaires. 

Il  est  des  cas,  toutefois,  oiî  la  vessie  des  rétrécis  ne  conserve  point  son  inté- 
grité de  structure  et  de  fonctions  :  en  ces  types  si  bien  décrits  par  M.  le  profes- 
seur Guyon  [Atlas  des  maladies  des  voies  génito-urinaires,  p.  144)  sous  le  nom 
de  cystite  interstitielle,  le  globe  vésical  ratatiné  et  sclérosé  se  cache  derrière  le 
pubis,  où  il  est  enveloppé  dans  une  couche  fibreuse  dense.  C'est  que  le  muscle 
vésical  est  ici  envahi  par  une  abondante  prolifération  conjonctive  qui  étouffe 


HÉMATURIE.  9t 

l'élément  contractile;  on  comprend  que  le  jeu  des  fibres  vésicales  soit  singuliè- 
rement entravé  par  ce  tissu  scléreux  ;  on  comprend  aussi  que  le  réservoir  vésical 
devienne  inextensible  et  intolérant.  De  là  des  mictions  fréquentes;  de  là  un  état 
congestif  de  la  muqueuse  urinaire;  de  là  une  bématurie  qui  a  le  plus  souvent 
un  caractère  intermittent,  apparaissant  et  disparaissant  sans  cause  connue, 
souvent  assez  abondante  pour  donner  une  teinte  rouge  foncée  à  l'urine,  ne  se 
montrant  pas  babituellement  sous  la  forme  de  stries  sanglantes,  comme  c'est  le 
cas  pour  les  cystites  aiguës  du  col.  —  L'autopsie  fournit  en  ces  cas  la  raison 
anatomique  de  ces  bématuries  chez  les  rétrécis  à  petites  vessies  contractées  :  on 
trouve  la  muqueuse  sclérosée,  contenant  en  son  épaisseur  des  traînées  embryon- 
naires ;  elle  est  fortement  arborisée,  rouge  et  tonienteuse;  elle  offre  par  place 
des  tacbes  rougeàtres,  violacées,  eccbymotiques  :  on  croirait  voir  une  plaie  dont 
les  bourgeons  sont  œdéraatiés  et  eccbymotiques  (Guyon  et  Bazy).  On  conçoit 
dès  lors  avec  quelle  facilité  se  produira  une  hcmorrhagie  intra-cavitaire  ;  deux 
conditions  viennent  encore  favoriser  cette  production  ;  en  ces  parois  vésicales 
hypertrophiées  par  la  néoformation  conjonctive,  les  vaisseaux  présentent  une 
augmentation  de  leur  volume  et  une  prolifération  pariétale  embryonnaire  :  de 
là  un  afflux  sanguin  plus  considérable,  de  là  une  fragilité  des  parois  vasculaires, 
toutes  conditions  favorables  à  l'Iiémorrbagie  inlra-vésicale. 

Hématuries  par  lésions  organiques.  Hématuries  dans  les  néoplasmes  vési- 
eaux.  L'hématurie  est  un  des  symptômes  fondamentaux  des  néoplasmes  de  la 
vessie;  c'est  M.  le  professeur  Guyon  qui  en  a  écrit  l'étude  clinique  la  plus  com- 
plète :  grâce  à  son  enseignement,  grâce  à  la  thèse  de  Tuffier,  ce  point  intéressant 
de  séméiologie  vésicale  est  maintenant  précisé,  au  point  de  vue  de  sa  valeur 
diagnostique,  de  ses  conditions  productives  et  de  son  procédé  patbogénique 
[voy.  Vessie). 

C'est  qu'en  effet  ces  bématuries  des  néoplasiques  présentent  des  particularités 
sjTnptomatiques  qui  jusqu'à  présent  étaient  demeurées  obscures  et  inexpli- 
quées :  elles  sont  persistantes  ;  elles  surviennent  sans  cause  appréciable  et  dis- 
paraissent sans  raison  déterminée  ;  elles  sont  abondantes  et  s'accroissent  avec  les 
progrès  évolutifs  de  la  tumeur  vésicale.  Voilà,  esquissée  à  grands  traits,  la  phy- 
sionomie clinique  de  l'hématurie  des  néoplasiques,  bien  différente,  on  le  voit, 
de  l'hématurie  des  calculeux  que  la  fatigue  provoque  et  que  le  repos  suspend  ; 
bien  distincte  aussi  des  mictions  sanglantes  des  tuberculeux  peu  abondantes, 
symptôme  de  début  disparaissant  quand  les  lésions  atteignent  un  degré  avancé. 

Si,  dans  les  néoplasmes  en  général,  les  hémorrhagies  rebelles  et  dangereuses 
sont  le  propre  des  tumeurs  dites  malignes,  et  le  résultat  de  destructions  ulcé- 
reuses par  le  processus  morbide,  au  contraire,  quand  il  s'agit  de  tumeur  vési- 
cale, cette  règle  n'est  plus  applicable  :  une  petite  tumeur  paplUomateuse  non 
ulcérée,  un  myome  de  volume  médiocre,  suffisant  à  provoquer  une  hémorrhagie 
dangereuse. 

Vlzmann  (Uebei' Hœmaturie,  etc.,  1878)  a  appelé  l'attention  sur  un  carac- 
tère particulier  que  lui  ont  présenté  les  urines  dans  trois  cas  de  tumeurs 
villeuses.  «  Ces  urines,  de  couleur  rouge  jaunâtre,  se  coagulent  vite  après  leur 
émission,  et  forment  une  masse  adhérente  au  vase  qui  les  contient.  Stein  a 
observé  le  même  phénomène  chez  un  de  ses  malades  atteints  de  cancer  villeux  ». 
11  explique  ainsi  cette  hématurie  :  «  Les  puissantes  contractions  de  la  vessie 
empêchent  la  circulation  de  retour  dans  les  villosités  et  produi.sent  la  tur- 
gescence des  petits  vaisseaux;  si  la  tension  est  trop  grande,  les  vaisseaux  se 


92  HÉMATURIE. 

rompent  et  une  hémorrhagie  se  produit;  si  la  tension  est  plus  faible,  le  plasma 
seul  transsude  et  sa  fibrine  se  coagule  aussilôt  après  l'admission  des  urines.  En 
im  mot,  il  y  a  fibrinurie  » . 

Qu'on  accepte  ce  mécanisme  de  l'exsudation  sanguine  sans  solution  de  conti- 
nuité de  la  muqueuse,  ou  que,  avec  plus  de  vérité  analoniique,  on  admette 
qu'une  tissure  vasculairc  a  permis  l'iiéniorrhagie,  il  n'en  faut  pas  moins  recon- 
naître un  rôle  considérable  à  la  turgescence  congestive  des  voies  urinaires.  La 
disproportion  manifeste  entre  la  lésion  analomique,  souvent  simple  fissure  insigni- 
fiante et  difficilement  retrouvée  à  l'examen  nécropsique,  et  ces  hémorrhagies 
abondantes,  rebelles,  quelquefois  mortelles,  indique  qu'il  faut  pour  expliquer 
des  accidents  aussi  graves,  aussi  persistants,  d'autres  facteurs  palhogéniques 
qu'une  rupture  vasculaire  restreinte,  qu'un  frottement  liypotliétique  de  la  paroi 
de  la  vessie  sur  la  surface  bourgeonnante  de  la  tumeur,  souvent  non  ulcérée. 
Ainsi  que  le  dit  Hollin  (thèse  de  Paris,  1885),  «  partant  de  ce  principe  que  ces 
bcnuiturics  sont  capricieuses,  que  l'extirpation  ne  provoque  pas  d'écoulement 
sanguin  en  proportion  avec  les  hémorrhagies  spontanées,  il  faut  chercher  comme 
clément  palhogénique  un  processus  qui  présente  les  mêmes  variations  brusques, 
les  mêmes  effets  violents  et  rapides,  les  mêmes  atténuations  subites  ».  Or, 
comment  ne  point  rapprocher  ces  hématuries  des  néoplasiques,  avec  leurs 
caprices,  leurs  soudainetés,  leurs  fugacités,  des  phénomènes  congestifs  si  mobiles 
en  leurs  manifestations,  si  irréguliers  en  leurs  causes,  si  variables  en  leurs 
troubles  dynamiques? 

Comment  ne  point  opposer  à  ces  hémorrhagies  spontanées  abondantes  des 
néoplasmes  vésicaux  ce  fait  qu'on  peut  les  gratter  et  les  extirper  à  sec  sans 
perte  sanglante?  Comment  ne  point  rappeler  qu'une  sonde  à  demeure  supprime 
ces  hématuries,  alors  que  ce  contact  devrait  aggraver  ces  accidents,  s'il  s'agissait 
d' hémorrhagies  mécaniques?  Comment  ne  point  citer  les  faits  nécropsiques 
démontrant  l'existence  do  cet  état  congcstif?  (Observations  de  Féré.)  Comment  ne 
pas  mentionner  que  dans  certains  cas  le  mécanisme  de  la  congestion  réflexe  est 
indéniable  (hématuiie  après  un  cathétérisme,  après  un  travail  vésical  exagéré)? 

Gomme  le  dit  Tuffier,  «  la  vessie  est  un  organe  essentiellement  congestif,  et 
par  son  anatomie,  et  par  sa  physiologie  :  sa  congestion  est  son  mode  de  réaction 
le  plus  fréquent  :  dès  lors,  la  présence  d'un  néoplasme  doit  être  pour  l'organe 
une  cause  excitatrice  incessante.  Il  se  fait  sous  cette  influence  une  vaso-dilatation 
du  côté  de  la  vessie  :  d'où  ruptures  consécutives  des  vaisseaux  friables  du  néo- 
plasme ».  Ce  qui  fiivorise,  en  effet,  ces  ruptures  hémorrhagiques,  ce  sont  les 
conditions  de  structure  et  de  fragilité  vasculaire  des  tissus  néoplasiques 
{voy.  Vessie). 

Hématurie  dans  la  tuberculose  vésicale.  Un  malade  de  vingt  à  quarante  ans, 
jusqu'alors  bien  portant,  a  pissé  du  sang  en  plus  ou  moins  grande  quantité,  et 
cela  sans  douleur,  sans  cause  locale  plausible.  Puis,  soit  que  cette  miction  san- 
glante demeure  isolée,  soit  qu'elle  se  reproduise  par  répétitions,  le  col  vésical 
se  contracture  spasmodiquement;  les  envies  d'uriner  deviennent  de  plus  en  plus 
fréquentes  et  impérieuses;  les  mictions  sont  douloureuses  au  commencement  et 
à  la  fin,  le  repos  ne  les  calme  pohit;  le  malade  expulse  à  grand'peine  de  sa 
vessie  quelques  gouttes  d'urine,  laissant  au  fond  du  vase  un  dépôt  purulent 
à  stries  sanglantes,  et  par  intervalles  rend  abondamment  une  urine,  tantôt 
claire,  presque  normale  (urine  nerveuse),  tantôt  trouble  et  colorée  (urine  des 
affections  pi-ofondes  du  rein).  On  explore  l'urèthre,  une  blennorrhée  existe  dans 


HEMATURIE.  95 

sa  partie  profonde;  on  examine  la  vessie,  elle  est  petite  ou  dilate'e;  le  col  est 
douloureux,  le  bas-fond  induré  ;  les  épididymes  souvent  sont  hypertrophiés  et 
noueux;  la  palpation  de  la  région  rénale  est  douloureuse  et  la  prostate  se 
montre  bosselée. 

Tel  est  le  tableau  symptomatique  résumé  d'une  hématurie  dans  la  tubercu- 
lose vésicale  :  ici  encore  le  rôle  de  la  congestion  est  manifeste  et  prépondérant. 
C'est  un  parallèle  partout  re]»roduit  que  celui  qui  rapproche  de  la  tuberculose 
pulmonaire  la  cystite  tuberculeuse.  Sans  forcer  les  analogies  cliniques,  on  peut 
voir  dans  les  hémoptysies  initiales  le  symptôme  correspondant  aux  hématuries 
prémonitoires  :  l'expectoration  bacillaire  devient  l'analogue  de  la  pyurie  bacil- 
laire; aux  élancements  douloureux  périnéo-péniens  répondent  les  points  névral- 
giques intercostaux  et  les  quintes  de  toux  douloureuses.  Ce  rapprochement  est 
légitime;  c'est  que  dans  la  plithisie  vésicale  comme  dans  la  tuberculose  du 
poumon  les  phénomènes  congestifs  ont  un  rôle  considérable.  De  même,  en  effet, 
que  la  tuberculose  traduit  l'envahissement  pulmonaire  à  son  début  par  d'abon- 
dants crachements  de  sang,  de  même  l'hématurie,  véritable  hémoptysie  vésicale, 
est  un  symptôme  précoce  de  la  cystite  tuberculeuse.  Dans  les  deux  cas,  l'hé- 
morrhagie  n'est  point  le  fait  de  la  lésion  destructive,  de  la  fonte  caséeuse  de 
l'organe  tuberculisé;  deux  arguments  le  prouvent  :  l'abondance  de  la  perte 
hémorrhagique,  alors  que  les  altérations  sont  encore  peu  étendues,  et  son  atté- 
nuation à  mesure  que  les  lésions  s'aggravent.  C'est  donc  la  congestion  prétuber- 
culeuse qui  constitue  le  facteur  pathogénique  dominant  de  ces  hématuries. 
Voici,  en  effet,  un  malade,  dont  les  lésions  tuberculeuses  n'ont  encore  provoqué 
aucun  travail  ulcéreux,  aucune  induration  vésicale  notable.  Cependant  les  dou- 
leurs vésicales  deviennent  violentes  et  répétées;  les  hématuries  sont  abondantes, 
capricieuses.  Chez  ce  malade,  qu'on  place  une  sonde  à  demeure;  si  les  mictions 
douloureuse  s  et  sanglantes  persistent  et  légitiment  une  intervention  décisive, 
qu'on  pratique  la  boutonnière  périnéale  de  Thompson  ou  mieux  la  taille  hypo- 
gastrique  :  ûès  qu'on  a  suprimé  l'activité  contractile  du  muscle  vésical,  dès  que 
le  réservoir  urinaire  est  mis  au  repos,  la  congestion  disparaît  et  l'hématurie 
douloureuse  se  dissipe.  C'est  un  résultat  thérapeutique  remarquable  que  nous 
avons  pu  constater  dans  le  service  de  M.  Guyon  :  dès  que  la  vessie  fermée  revient 
à  sa  besogne  de  réservoir  contractile,  l'hyperémie  réapparaît,  et  avec  elle  l'hé- 
maturie. Ces  hématuries  congestives  de  la  cystite  bacillaire  sont  d'ailleurs  aidées 
par  toutes  les  conditions  qui  hyperémient  la  vessie  :  c'est  ainsi  que  les  retenues 
d'urine,  le  décubitus,  le  flux  menstruel,  peuvent  exagérer  cette  réplétion  vascu- 
laire  des  plexus  vésicaux  et  provoquer  les  mictions  sanglantes. 

Cancer  du  rein.  Dans  le  cancer  du  rein,  les  hématuries  sont  fréquentes. 
Elles  apparaissent  dans  les  proportions  de  51/59  (Roberts),  24/50  (Ebstein).  Dans 
ces  cas,  l'hématurie  a  pour  principal  caractère  d'être  intermittente.  Elle  se 
montre  sans  cause  appréciable,  à  des  intervalles  irréguliers  de  quelques  jours  à 
quelques  semaines.  Cette  hématurie  ne  se  présente  pas  toujours  avec  les  mêmes 
particularités  :  \°  Dans  les  cas  de  Roberts,  l'hématurie  existe  au  début,  dure 
quelques  semaines,  puis  cesse  tout  à  coup  pour  ne  plus  repai'aître.  Parfois  le  sang 
disparaît  subitement  quand  l'uretère  est  obstrué  par  des  caillots  ou  quand  il  est 
comprimé  par  la  masse  cancéreuse.  En  général,  suivant  M.  Lancereaux,  l'héma- 
turie  se  fait  remarquer  par  sa  persistance  dans  les  premiers  temps  du  mal; 
2°  quelquefois  l'hématurie  ne  se  produit  qu'à  la  fin,  bien  après  la  tumeur  can- 
ce'reuse.  Dans  le  fait  de  Townsend,  l'hématurie  n'eut  lieu  que  quelques  joui's 


U  HÉMATURIE. 

avant  la  mort.  Parfois  ce  n'est  qu'à  la  suite  d'un  traumatisme  que  l'écoulement 
survient;  c'est  ce  qui  arriva  dans  le  cas  de  Brinton  dans  lequel  on  trouva  à  l'au- 
topsie un  cancer  du  rein  qui  ne  s'était  révélé  par  aucune  autre  manifestation. 

Tantôt  l'hématurie  est  pour  ainsi  dire  excessive,  elle  est  alors  suivie  d'un  état 
général  des  plus  graves;  tantôt  le  sang  n'est  reconnaissable  qu'au  microscope. 
Mais  le  plus  souvent  le  sang  colore  assez  fortement  l'urine  qui  contient  des 
cylindres  parsemés  de  globules  sanguins.  On  observe  quelquefois  des  cellules 
provenant  du  néoplasme  (Moore).  L'urine  renferme  aussi  des  caillots  qui  sont 
vermifovmes  lorsqu'ils  ont  été  pour  ainsi  dire  moulés  dans  les  uretères. 

Tuberculose  rénale.  Dans  la  dégénérescence  caaéeuse  des  bassinets  et  des 
reins,  l'urine  présente  ordinairement  les  caractères  de  la  pyélite  avec  hémor- 
rhagie.  Le  sédiment  est  abondant  et  l'examen  microscopique  y  fait  découvrir  des 
globules  rouges,  des  globules  de  pus,  des  détritus  caséeux,  des  cellules  épithé- 
liales  provenant  du  revêtement  des  voies  urinaires,  quelquefois  aussi  des  fibres 
élastiques  et  des  fragments  de  tissu  conjonctif.  D'après  Lebert  et  Vogel  la  pré- 
sence au  milieu  de  ces  détritus  de  masses  caséeuses  insolubles  dans  l'acide  acé- 
tique devient  caractéristique.  Souvent  aussi  l'hématurie  est  transitoire  et  ne  se 
montre  qu'au  début.  Le  plus  souvent,  il  n'existe  dans  l'urine  que  de  légères 
stries  sanguinolentes.  Mais  ces  modilications  des  urines  appartiennent  le  plus 
souvent  à  la  [tyélite  purulente  et  ne  caractérisent  que  médiocrement  la  tubercu- 
lose rénale  dont  le  diagnostic  sera  corroboré  par  les  anamnestiques  et  l'examea 
général  du  malade. 

Diagnostic  difféiientiel.  Une  urine  sanglante  étant  donnée,  une  double 
question  se  pose  :  Quelle  est  la  nature  de  la  lésion  ?  Quel  en  est  le  siège  ?  Voilà  le 
problème  diagnostique  :  quels  seront,  en  cette  enquête  clinique,  nos  éléments  d'in- 
formation, quels  renseignements  utiles  pourront  nous  être  fournis  par  les  moyens 
habituels  d'investigation  :  interrogatoire  méthodique  et  clair  du  malade,  examen 
des  sécrétions,  observation  clinique,  exploration  manuelle  et  instrumentale? 

Examen  des  urines.  Prenons,  par  exemple,  comme  premier  élément  d'en- 
quête, Vexamendes  urines  sanglantes  :  nous  avons  déjà  vu  que  nous  n'y  trou- 
verons point  de  renseignement  diagnostique  bien  précis.  A  part  les  dépôts  puru- 
lents, mélangés  de  sang,  caractéristiques  de  la  cystite,  dont  nous  avons  longue- 
ment étudiés  la  valeur  séméiologique,  où  trouverons-nous,  au  simple  examen, 
un  élément  de  diagnostic  décisif?  Sera-ce  dans  la  coloration,  aux  teintes  som- 
bres dans  l'hémorrhagie  rénale,  aux  nuances  rutilantes  dans  les  hématuries 
d'origine  moins  éloignée?  Mais  nous  avons  démontré  quelles  réserves  il  conve- 
nait de  faire  sur  la  valeur  symplomatique  de  la  nuance  des  urines  brunes. 
—  Sera-ce  dans  la  forme  des  caillots  ?  Mais  ils  sont  polymorphes  et  le  plus  souvent 
indistincts.  —  Sera-ce  dans  l'examen  microscopique  de  débris  néoplasiques? 
C'est  possible,  mais  cela  est  rare.  Cependant  Thompson  insiste  sur  cet  examen 
des  dépôts  urinaires  qui  peuvent  contenir  des  débris  organiques,  véritables 
épaves  détachées  de  la  tumeur;  de  Volkmann  put,  à  l'examen  de  fragments 
néoplasiques,  diagnostiquer  un  myome  vésical.  Ce  n'est  que  la  constatation,  au 
microscope,  de  la  présence  d'épithélium  rénal,  ou  mieux  encore  de  cylindres 
protéiques,  qui  serait  un  exact  renseignement  et  deviendrait  un  indice  indéniable 
dans  le  cas  d'une  néphrite  existante.  On  peut  enfin,  comme  l'a  conseillé  Reli- 
quet  (Société  de  médecine,  novembre  1885),  être  mis  sur  la  voie  d'une  affection 
des  reins  par  l'analyse  des  urines  et  la  constatation  de  la  diminution  de  l'urée, 
indice  de  l'insuffisance  rénale. 


HÉMATURIE.  95 

Examen  des  conditions  productrices  et  de  Vallure  clinique.  Si  l'examen 
des  mictions  sanglantes  est  peu  instructif,  il  n'en  est  pas  de  même  de  la  déter- 
mination de  leurs  conditions  productrices.  Y  a-t-il  eu  traumatisme  antérieur? 
Gela  devient  un  élément  précieux  d'enquête  :  éliminons,  dès  l'abord,  les  contu- 
sions dorso-lombaires  violentes,  les  atteintes  traumatiques  graves  du  rein,  de  la 
vessie,  de  l'urèthre  ;  rien  de  plus  simple  alors  que  d'établir  le  lien  entre  l'bé- 
maturie  et  sa  cause.  Faisons  aussi  des  réserves  sur  la  part  étiologique  prépon- 
dérante que  le  malade  est  toujours  disposé  à  accorder  aux  causes  traumatiques; 
tel  cancéreux  attribuera  ses  troubles  vésicaux  à  un  traumatisme  trop  ancien 
pour  être  coupable  :  il  faut  donc  suspecter  toute  bématurie  non  immédiatement 
consécutive  au  traumatisme,  sans  rapport  avec  lui  et  sans  régularité. 

Ces  cas  éliminés  et  ces  réserves  faites,  voici  une  de  ces  actions  traumatiques 
souvent  incriminées  par  les  malades  (fatigues,  secousses,  mouvements  exagérés), 
qui  est  suivie  d'une  bématurie;  le  repos  la  supprime;  l'indication  diagnos- 
tique est  ici  précise  ;  ce  malade  est  calculeux,  et  l'exploration  vésicale  vous  le 
démontre. 

Les  mêmes  traumatismes  provoquent  le  pissemcnt  de  sang  dans  le  cas  de 
lithiase  rénale  :  ici,  des  éléments  auxiliaires  du  diagnostic  interviennent;  les 
crises  de  coliques  néphrétiques  à  irradiations  douloureuses  voisines,  la  sensi- 
bilité lombaire,  les  complications  possibles  des  concrétions  rénales  (hydro- 
néphrose  et  pyélo-néphrite)  sont  des  détails  symptomatiques  utiles  à  rappeler. 
Quelle  différence  clinique  entre  cette  hématurie  du  calculeux  que  le  repos 
suspend  et  ces  pissements  sanguins  irréguliers,  spontanés,  abondants,  que  le 
repos  ne  modifie  point,  que  le  décubitus  même  prolongé  est  impuissant  à  arrê- 
ter! Aux  hématuries  de  ce  type  répondent  des  affections  diverses;  on  peut 
les  observer  dans  les  différentes  formes  de  la  cystite;  on  les  observe  surtout 
dans  les  néoplasmes  et  dans  la  tuberculose  de  la  vessie.  Dans  les  hématuries 
par  cystite  chronique,  les  douleurs  et  le  trouble  des  urines  ont  précédé  le  pisse- 
ment  de  sang  ;  elles  sont  spontanées  et  à  répétition  comme  les  hémorrhagies  des 
tumeurs,  mais  elle  ne  sont  pas  aussi  prolongées  et  sont  rarement  indolentes. 
Leur  marche,  leur  abondance  très-variable  qui  en  fait  tantôt  de  véritables  héma- 
turies, tantôt  de  simples  stries  sanglantes  dans  l'urine;  l'efficacité  d'un  traite- 
ment convenable  qui  reste  au  contraire  sans  action  sur  les  hématuries  sympto- 
matiques de  la  tuberculose  ou  des  néoplasmes  de  la  vessie  :  voilà  autant 
d'éléments  utilisables  pour  un  diagnoctic  différentiel. 

C'est  entre  l'hématurie  des  néoplasiques  et  celle  des  tuberculeux  que  des 
difficultés  de  diagnostic  peuvent  se  poser  et  se  discuter.  Toutes  deux  indiffé- 
rentes à  l'influence  du  repos,  elles  sont  toutes  deux  capricieuses,  persistantes 
et  spontanées  ;  cette  spontanéité  est  un  signe  commun,  et  sur  ce  point,  néopla- 
sie  cancéreuse  et  néoplasie  bacillaire  se  touchent.  Il  est  aussi  un  caractère 
commun  qui  les  rapproche  :  la  quantité  de  sang  ne  demeure  point  égale  pen- 
dant le  cours  d'une  même  miction;  claire  ou  à  peine  teintée  au  début  de 
l'expulsion,  l'urine  se  fonce  en  couleur,  à  mesure  ({ue  par  la  déplétion  vési- 
cale la  pression  intérieure  diminue;  l'épreuve  de  la  miction  en  des  verres 
successifs  est  démonstrative,  chez  le  tuberculeux,  comme  chez  le  néoplasique. 
Mais  la  marche  de  l'hématurie  les  différencie,  dans  les  deux  cas  :  alors  que, 
dans  les  néoplasmes  de  la  vessie,  les  hémorrhagies  vont  en  se  rapprochant 
et  en  augmentant  (rarement  elles  disparaissent  spontanément  sans  laisser  de 
traces),   celles  de  la  cystite  tuberculeuse  N'ont  ordinairement  en  s'atténuant. 


96  HEMATURIE. 

quoique  l'affection  progresse  et  s'aggrave  ;  alors  que  les  premières  peuvent  durer 
plusieurs  années  sans  s'accompagner  de  cystite,  et  qu'après  que  l'hématurie  a 
cessé  les  urines  reprennent  leur  aspect  normal  jusqu'à  une  nouvelle  crise  héma- 
turique,  au  contraire  on  voit  les  tuberculeux  vésicaux  présenter  bientôt  des 
urines  troubles  et  le  douloureux  cortège  de  la  cystite.  Rappelons  que  la  limpi- 
dité des  urines  contribua  ù  consolider,  dans  l'esprit  de  M.  Bazy,  l'opinion  que 
son  malade  avait,  non  pas  de  la  cystite,  mais  une  tumeur  vésicale;  à  la  lin, 
toutefois,  les  urines  des  néoplasiques  se  troublent,  deviennent  épaisses,  flocon- 
neuses, boueuses,  et  peuvent  surtout  dans  les  tumeurs  malignes  présenter  une 
odeur  infecte  de  macération  analomique.  Ajoutons  que  les  pissements  des 
tuberculeux  sont  peu  sanglants  (bien  que  l'hématurie  prémonitoire  soit  quel- 
quefois abondante),  qu'au  contraire  les  cancéreux  urinent  beaucoup  de  sang; 
ajoutons  aussi  les  plus  grands  intervalles  qui  séparent,  du  moins  au  début,  les 
apparitions  de  l'hématurie  chez  les  néoplasiques;  joignons-y  l'époque  d'appari- 
tion de  la  maladie  (les  néoplasmes  se  montrent  dans  le  jeune  âge  et  dans  la 
vieillesse,  la  tuberculose  chez  les  adultes),  et  nous  aurons  complété  la  mention 
de  ces  symptômes  distinctifs  fournis  par  l'étude  de  la  marche  des  symptômes. 

Seuls  les  néoplasmes  du  rein  peuvent  donner  lieu  ù  des  hématuries  de  même 
allure  clinique  (jue  les  mictions  sanglantes  qui  accompagnent  les  tumeurs  vési- 
cales  :  l'existence  de  crises  douloureuses  analogues  aux  coliques  néphrétiques; 
la  moindre  durée  des  hématuries;  les  plus  longs  intermèdes  entre  leurs  appari- 
tions; l'examen  de  la  région  rénale,  la  constatation  d'unvariuocèle  symptomatique 
d'une  tumeur  ri'nale,  seront  des  ressources  utilisables  de  diagnostic  différentiel. 
Quant  à  faire  le  diagnostic  histologique  du  néoplasme  vésical,  c'est  une  difficulté 
de  clinique  qu'on  ne  peut  résoudre  qu'avec  les  renseignements  habituels  :  étude 
de  fragments  du  néoplasme  (naturellement  expulsés  ou  chirurgicalement  extir- 
pés) ;  étude  de  l'état  général  du  malade  et  de  la  marche  de  l'affection  (durée 
indéterminée  du  fongus  bénin;  accalmies  complètes  et  souvent  prolongées).  De 
l'hématurie,  on  ne  peut  rien  conclure,  puisque  les  tumeurs  vésicales  bénignes 
saignent  plus  que  les  néoplasmes  histologiquement  malins. 

Le  repos  et  le  décubitus  prolongé  qui,  nous  l'avons  vu,  suppriment  l'hématurie 
des  calculeux  et  demeurent  sans  influence  notable  sur  les  mictions  sanglantes 
des  néoplasiques  et  des  tuberculeux,  vont  devenir  chez  certains  malades  un 
facteur  étiologique  important;  et  cette  influence  étiologique  est  un  précieux 
renseignement  de  diagnostic.  Voici  un  homme  déjà  avancé  en  âge,  dont  nous 
avons  plus  longuement  retracé  l'histoire  clinique,  qui  se  plaint  d'une  fréquence 
nocturne  de  la  miction,  surtout  accentuée  pendant  la  deuxième  moitié  de  la 
nuit,  d'érections  douloureuses,  d'impuissance  et  de  chute  du  jet  urinaire,  et  qui 
devient  incapable  de  vider  sa  vessie;  vienne  une  cause  de  stase  vésico-protas- 
tique  :  la  rétention  apparaît,  et  l'hématurie  se  montre  à  la  première  évacuation 
vésicale.  Ici  l'image  chnique  est  bien  distincte  :  il  s'agit  d'une  hématurie  chez 
un  prostatique. 

La  fréquence  et  la  durée  des  hématuries  peuvent-elles  fournir  au  diagnostic 
des  renseignements  importants?  Ainsi  que  le  dit  M.  Guyon,  leur  fréquence  n"a 
de  -valeur  symptomatique  réelle  que  si  la  réapparition  du  sang  est  indépendante 
de  toute  cause  appréciable.  Le  renouvellement  des  accès,  lorsqu'il  n'est  pas  pro- 
voqué, est  un  indice  grave  qui  permet  de  penser  à  une  lésion  organique,  telle 
que  le  fongus,  le  tubercule  ou  le  cancer.  La  persistance  de  l'hématurie  suffit 
pour  faire  soupçonner  la  présence  d'une  tumeur  du  réservoir  urinaire. 


HÉMATURIE.  97 

Symptômes  généraux  concomitants.  L'hématurie  se  présente  parfois,  comme 
un  simple  détail  symptoaiatii|ue,  dans  une  affeclion  dont  le  diagnostic  s'impose: 
ainsi,  les  hématuries  du  scorhut  et  du  purpura  ;  les  hématuries  des  lièvres 
éruptives  et  des  maladies  infectieuses.  L'hématurie  n'est  plus  alors  qu'un  sym- 
ptôme surajouté  :  tout  l'intérêt  clinique  se  reporte  sur  l'affection  primitive. 

Examen  objectif  du  malade.  Restent  enfin,  comme  procédés  d'investiga- 
tion clinique,  l'examen  local  et  l'exploration  des  voies  urinaires,  qui  seuls 
peuvent  prononcer  en  certains  cas  d'indécision  diagnostique.  L'exploration  de 
la  région  lombaire,  la  constatation  précise  de  la  douleur  rénale  provoquée,  vien- 
dront confirmer  un  diagnostic  d'hématurie  rénale.  Si  l'on  hésite  entre  une 
tuberculose  et  un  néoplasme  de  la  vessie,  le  palper  hypogastriqne  combiné  au 
toucher  rectal  pourra  ajouter  une  notion  décisive  ;  au  lieu  de  l'épaississement 
et  de  l'hypertrophie  de  la  vessie  tuberculeuse  développée  en  une  tumeur  ovoïde 
rétro-pubienne,  on  découvrira,  dans  certains  cas  de  néoplasmes  viscéraux  malins, 
des  masses  morbides  développées  en  bosselures  appréciables,  en  reliefs  mame- 
lonnées, en  plaques  indurées  :  la  tumeur  est  le  plus  souvent  accessible  à  l'in- 
vestigation rectale.  Comme  nouveaux  éléments  d'information,  on  recherchera  le 
retentissement  néoplasique  dans  les  ganglions  iliaques;  on  notera  les  nodosités 
épididymaires,  les  bosselures  des  vésicules  séminales  et  de  la  prostate,  qui 
feront  reconnaître  la  tuberculisation  génito-urinaire. 

Enfin,  après  avoir  ainsi  épuisé  tous  ces  moyens  d'enquête  clinique,  le  cathé- 
térisme  explorateur  sera  la  suprême  ressource  de  précision  diagnostique.  Mais 
il  convient  de  l'employer  avec  indications  et  précautions  :  le  passage  du  cathé- 
ter explorateur  est  mal  toléré  par  les  tuberculeux^  difficilement  supporté  dans 
les  cas  de  fongns  bénin  :  chez  le  cancéreux,  il  peut  [uovoquer  des  troubles  dou- 
loureux de  la  miction,  des  crises  longues  et  rebelles.  II  faut,  à  ce  propos,  rap- 
peler les  utiles  préceptes  de  M.  le  professeur  Guyon  :  «  Je  vous  engage  à  ne 
pas  pratiquer  le  cathétérisme  explorateur  dans  les  cas  de  cancer,  à  moins  d'in- 
certitude dans  le  diagnostic,  et  d'une  façon  générale  à  n'en  user  qu'avec  beau- 
coup de  discrétion  lorsque  vous  serez  en  présence  de  malades  qui  ont  à  plu- 
sieurs reprises  pissé  du  sang,  sous  toute  autre  influence  que  celle  des  secousses, 
ou  des  mouvements,  ou  des  congestions  actives  de  la  cystite.  »  En  général  donc  la 
riche  symptoraatologie  des  néoplasmes  vésicaux  doit  dispenser  de  l'intervention 
exploratrice-,  toutefois,  la  nécessité  d'un  diagnostic  rigoureux  et  d'une  action 
thérapeutique  précisée  autorisent  l'infraction  à  cette  règle. 

Que  dire  maintenant  des  opérations  exploratrices  (dilatation  des  conduits 
naturels  et  incisions  vésicales),  sinon  qu'en  France  un  intérêt  de  diagnostic 
pur  ne  suffit  point  à  justifier  ces  interventions  ;  elles  ne  deviennent  légitimes 
que  quand  elles  sont  un  temps  opératoire  préliminaire,  et  quand  elles  servent 
en  même  temps  à  reconnaître  et  à  traiter  l'affection  productrice  de  l'hématurie. 

Traitement.  La  thérapeutique  de  l'hématurie  a  bénéficié  des  révisions 
pathogéniques  et  des  acquisitions  physiologiques  nouvelles  ;  cette  démonstration 
clinique  du  rôle  des  processus  congestifs  en  pathologie  urinaire,  cette  notion 
neuve  de  la  sensibilité  vésicale  à  la  distension,  ont  éclairé  et  guidé  l'interven- 
tion thérapeutique.  En  même  temps  que  s'est  établie  l'influence  pathologique 
de  l'hyperémie  dans  les  bémorrhagies  de  l'appareil  urinaire,  la  symptomato- 
logie  des  tumeurs  de  la  vessie  a  été  débarrassée  par  M.  le  professeur  Guyon  de 
ses  obscurités  diagnostiques,  et  la  méthode  antiseptique  a  permis  une  chirurgie 
plus  heureusement  active  ;  nous  avons  appris  à  diagnostiquer  plus  tôt  et  a 
DTCT.  ENC.  4'  s.  XII f.  7 


98  HÉMATURIE. 

traiter  plus  radicalement  les  tumeurs  vésicalcs  et  leurs  hématuries  sjmpto- 
maliques. 

Ces  remarques  de  thérapeutique  générale  une  fois  établies,  discutons  les  cas 
différents  et  les  différentes  ressources  de  traitement.  Et  d'abord  faisons  une 
brève  étude  de  thérapeutique  préventive  :  elle  est,  en  certains  cas,  de  toute 
importance.  S'agit-il,  en  effet,  d'un  protastique  démontré,  comme  ici  la  con- 
gestion c'est  l'ennemi,  c'est  à  prévenir  ou  à  combattre  cet  accident  qu'on  doit 
s'appliquer.  U  y  a  toute  une  hygiène  des  voies  urinaires  qu'il  faut  observer 
pour  empocher  la  stase  des  plexus  vésico-prostatiques  :  les  refroidissements, 
les  fatigues  exagérées,  les  excès  sexuels,  les  retenues  volontaires  d'urine,  sont 
des  menaces  de  congestion  vésicalc.  On  les  évitera;  on  prescrira  une  alimenta- 
tion modérée,  un  exercice  régulier,  des  frictions  sèches;  on  aidera  à  la  régula- 
rité circulatoire  par  quelques  grammes  d'iodure  de  potassium.  La  constipation 
engorge  les  'plexus  prostatiques  ;  on  doit  maintenir  vide  le  rectum  des  prosta- 
tiques par  les  laxatifs  légers,  par  les  lavements  réguliers,  et  non  par  les  pra- 
tiques qui  amènent  une  hypcrémie  hémorrhoïdaire.  Si  le  prostatique  ne  vide 
plus  sa  vessie,  si  l'urine  stagne  dans  le  bas-fond,  la  distension  vésicale,  source 
de  congestions  vésico-rénales,  doit  être  combattue  par  le  calhélérisme,  mais  non 
point  par  une  évacuation  complète,  en  un  seul  coup,  supprimant  soudainement 
la  contre-pression  salutaire  qu'exerce  la  masse  liquide  intra-vésicale  sur  les 
parois  chroniquement  distendues  et  hyperémiées,  et  provoquant  une  abondante 
hémorrhagie  exvacuo.  Suivant  la  formule  de  M.  Guyon,  la  vessie  doit  être  vidée 
progressivement,  par  soustractions  successives,  jusqu'à  sa  mise  à  sec,  après 
cinq  à  six  jours  de  cathétérisme,  et  antiseptiquement,  c'est-à-dire  en  rempla- 
çant le  quart  du  liquide  enlevé  par  une  solution  boriquée  à  4  pour  JOO.  Ces 
précautions  hygiéniques  sont  applicables  à  l'hémorrhagie  des  néoplasmes  et  de 
la  tuberculose  de  la  vessie;  les  mêmes  influences  qui  peuvent  hyperémier  les 
voies  urinaires  et  provoquer  le  raptus  hémorrhagiqne  doivent  être  évitées  avec 
la  même  attention.  Chez  les  calculeux,  ce  sont  les  mouvements  exagérés,  les 
secousses,  les  excès  de  fatigue,  qui  provoquent  les  crises  hématuriques  ;  le  repos 
en  est  le  traitement  efficace;  s'il  s'agit  de  calcul  vésical,  l'action  opératoire 
s'impose,  et  l'extraction  supprime  le  symptôme  en  supprimant  la  cause. 

Supposons  maintenant  l'hématurie  établie,  et  cherchons  à  en  préciser  les 
indications  et  les  ressources  thérapeutiques.  S'il  s'agit  d'une  simple  uré- 
throrrhagie  survenue  au  cours  d'une  phlegmasie  ni  étlirale  (rupture  de  la  corde, 
par  exemple),  l'hémostase  est  aisée  :  la  compression  de  l'urèthre  sur  une  sonde 
suffit  à  arrêter  le  suintement  sanguin.  Quand  on  se  trouve  en  présence  d'une 
hématurie  vraie,  on  peut,  à  l'exemple  de  Reliquef  (Société  de  médecine,  14  novem- 
bre 1885),  sans  s'inquiéter  des  origines  probables  du  sang,  courir  sus  à  la  cause  la 
plus  fréquente  de  congestion  des  voies  urinaires  ;  la  stagnation  fécale  dans  le 
gros  intestin.  «  J'impose  toujours,  dit  Reliquet,  le  grand  lavement  donné  matin 
et  soir,  le  malade  étant  couché  sur  le  côté  droit,  la  canule  souple  en  gomme 
introduite  d'au  moins  10  centimètres  dans  le  rectum,  et  le  liquide  n'arrivant 
que  très-lentement  dans  l'intestin.  J'ai  vu  chez  plusieurs  malades  l'hématurie 
cesser  immédiatement.  Je  me  rappellerai  toujours  un  malade  chez  lequel  l'accu- 
mulation des  matières  dans  l'intestin  avait  fait  croire  à  un  cancer  de  cet  organe, 
et  dont  l'hématurie  cessa  dès  qu'on  eut  vidé  et  maintenu  vide  l'intestin.  » 
Toutes  les  ressources  de  la  méthode  antiphlogistique  peuvent  être  concurera- 
ment  mises  en  oeuvre  ;  un  grand  bain  chaud  et  prolongé,  une  saignée  locale 


HÉMATURIE.  î^9 

■de  quinze  ou  vingt  sangsues  au  perine'c,  aideront  à  la  décongestion  des  voies 
urinaires. 

Tout  cela  rentre  dans  les  indications  générales  et  les  ressources  thérapeutiques 
communes  aux  diverses  variétés  d'hématurie;  qu'on  y  ajoute  le  régime  hémo- 
statique (repos,  température  fraîclie,  aliments  froids)  ;  les  prescriptions  ohligées, 
mais  trop  souvent  inefficaces,  d'agents  plus  ou  moins  puissants  (potions  tan- 
niques,  perchlorure  de  fer,  ergot  et  injections  d'ergotine,  infusé  de  matico),  et 
l'on  aura  complété  tout  l'arsenal  du  traitement  médical  usuel.  Et  ces  ressources 
constituent  bien  souvent  les  seules  armes  contre  les  hémorrhagies  urinaires 
■dont  le  point  de  départ  est  en  amont  de  la  vessie  :  que  l'épanchement  sanguin 
provienne  d'une  dégénérescence  organique  du  rein,  ou  d'une  irritation  par  un 
calcul,  le  repos  et  le  décubitus  horizontal  sont  les  premiers  et  les  meilleurs 
remèdes. 

Quand  il  s'agit  d'une  abondante  hémorrhagie  vésico-prostatique,  quand  le? 
caillots  intra-vésicaux  solliciteront  douloureusement  la  contraction  de  la  pocha 
urinaire,  les  narcotiques  seront  utiles  pour  supprimer  ce  ténesmc  et  cesépreintes. 
Les  réfrigérants  pourront  aussi  rendre  service  :  un  sachet  de  glace  à  l'hypo- 
fraslre,  un  morceau  de  glace  dans  le  rectum,  sont  des  expédients  thérapeutiques 
à  ne  point  négliger. 

Ici  se  place  un  point  souvent  débattu  de  pratique  chirurgicale.  Dans  les  cas 
d'hématurie  avec  rétention  urinaire  et  distension  vésicale,  quelle  doit  être  la 
«enduite  du  chirurgien?  On  ne  peut  ici  hxer  une  formule  opératoire  absolue, 
et  se  déclarer  partisan  exclusif  de  l'abstention  ou  de  l'évacuation  vésicale;  c'est 
dans  l'appréciation  judicieuse  des  cas  qu'on  trouve  les  indications  d'interven- 
tion. La  formation  de  caillots  dans  la  vessie  est  de  règle  constante  dans  les  cas 
d'hémorrhagie  rénale  ou  vésicale  abondante,  mais  il  est  rare  de  voir  un  bou- 
chon cruorique  obstruer   hermétiquement  le   col   vésical  ;   le  plus  souvent  le 
caillot,  progressivement  engagé  dans  l'urèthre,  s'effile,  se  segmente,  s'expulse, 
sans  que  la  véritable  rétention  ajjparaisse  (l  cas  sur  40  hématuriques,  Guyonj. 
Cet  accident  ne  se  montre  guère  que  dans  les  essais  de  miction  debout;  si  au 
■contraire  (et  c'est  une    position  instinctive   que  prennent  les  vieux  hématu- 
riques) le  malade  urine  dans  le  décubitus  dorsal,   le  bassin  relevé  de  façon  à 
modifier  l'orientation  de  l'axe  vésical  et  à  faire  tomber  dans  le  bas-fond  le  cail- 
lot obturateur,  la  miction  devient  facile  ;  le  repos  et  les  boissons  abondantes 
qui  dissocient  les  coagula  complètent  ce  traitement  exclusivement  médical.  Le 
cathétérisme  ne  sera  donc,  en  ces  cas,  qu'une  ressource  exceptionnelle;  c'est 
souvent  d'ailleurs  un  moyen  dangereux.  La  partie  oculaire  de  la  sonde  s'obstrue, 
en  effet,  plus  aisément  encore  que  le  col  cervical;  les  injections  poussées  pour 
désencombrer  ces  orifices  ne  font  qu'ajouter  au  trop-plein  vésical  et  à  la  disten- 
sion angoissante,  et  les  caillots  font  soupape  et  retiennent  le  liquide  injecté  :  si 
alors  on  veut  recourir  à  l'aspiration,  aux  évacuations  forcées,  on  ne  fait  qu'aug- 
menter les  dangers  de  l'hématurie.  Donc,  ainsi  que  le  prescrit  Guyon,  «  si  la 
rétention  d'urine  est  purement  accidentelle  et  n'est  que  le  fait  de  Thématuric 
elle-même,  n'intervenez  à  l'aide  du  cathétérisme  que  s'il  vous  est  bien  démontré 
qu'il  est  impossible  de  s'en  abstenir.  »  C'est  aussi  la  règle  indiquée  par  Thompson  : 
il  Quant  à  la  sonde,  laissez-la  décote,  si  vous  pouvez  vous  en  passer.  Il  y  a  des 
personnes  qui  se  font  un  épouvantall  de  l'existence  d'un  volumineux  caillot 
dans  la  vessie,  et  je  sais  des  chirurgiens  qui  n'ont  pas  reculé  devant  une  cysto- 
tomie  sus-pubienne  dans  le  seul  but  d'évacuer  un  coagulum  sanguin.  Vous 


100  IIKMATURIK. 

aurez  biea  soin  de  laisser  ce  caillot  Iranquille  :  racliun  cuiiLiiiue  de  l'urme  le 
liquéfiera  et  l'expulsera  peu  à  peu.  » 

Mais  voici  un  cas  qui  réclame  une  conduite  chirurgicale  différente  :  l'héma- 
turie est  survenue  chez  un  malade  qui  depuis  longtemps  est  impuissante  vider 
sa  vessie;  l'urine  sanglante  ne  peut  être  expulsée,  et  les  coagula  sanguins 
encombrent  le  globe  vésical  distendu.  Le  cathétérisme  évacuateur  devient  alors 
obligatoire  en  ces  cas  de  rétentions  anciennes  compliquées  d'hématurie,  mais 
c  est  très-souvent  une  difliculté  que  de  déblayer  le  réservoir  urinc^ire.  Le  cathé- 
ter est  introduit,  rien  n'est  expulsé.  Les  injections  pénètrent  dans  la  vessie, 
mais  les  caillots  qui  obstruent  la  partie  oculaire  de  l'instrument  les  retiennent. 
Ln  ces  dillicullés  d'évacuation,  on  essaiera,  quchiuefois  avec  succès,  une  grosse 
sonde,  22  à  24,  à  grands  yeux;  on  aura  soin  de  sonder  le  malade  couché;  on 
clierchora  à  déplacer  les  caillots  par  une  })vession  hyi>ogastrique,  en  faisant  faire 
au  malade  quelques  effets  de  toux  ou  d'expulsion  modérée.  Si  ces  subterfuges 
sont  ineflicaces,  il  faudra  recourir  à  l'aspiration  avec  une  seringue  à  hydrocèle 
ou  une  pompe  stomacale;  il  faudra  as])irer  à  petits  coups,  courts  et  brusques, 
plutôt  pour  dé[)lacer  les  caillots  que  pour  obtenir  par  une  évacuation  forcée 
l'expulsion  violente  des  caillots  cruoriques. 

Ce  n'est  qu'après  ces  premiers  et  indispensables  résultats  que  des  lavages 
antisepli<pies  peuvent  compléter  le  nettoyage  vésical,  et  qu'on  peut  utiliser  les 
injections  astringentes  :  ces  dernières,  en  effet,  ])oussées  en  pleine  crise  héma- 
turique,  agissent  beaucoup  plus  sur  le  liquide  épanché  que  sur  les  parois  du 
réservoir  vésical;  leur  effet,  très- malencontreux,  est  la  coagulation  du  sang  et 
la  formation  de  caillots  durs,  difficiles  à  dissocier  et  à  expulser.  Les  injections 
hémostatiques  ne  sont  utilement  poussées  qu'au  déclin  des  hématuries  et  après 
évacuation  vésicale. 

Les  progrès  dans  l'étude  clinique  des  néoplasmes  vésicaux  (tumeurs  et  tuber- 
cules), les  notions  nouvelles  sur  le  procédé  pathogénique  de  leurs  complications 
liématuriques,  ont  eu,  comme  résultat,  de  diriger  l'action  thérapeutique  et  d'en 
préciser  les  ressources.  Puisque  l'hémorrhagie  des  néoplasmes  et  des  tubercules 
vésicaux  est  d'origine  congestive,  c'est  cette  congestion  qu'il  faut  combattre  : 
or  c'est  une  cause  puissante  d  hyperémie  pour  le  réservoir  vésical  que  sa 
besogne  de  contraction  ;  le  meilleur  moyen  de  le  décongestionner,  c'est  de  le 
placer  au  repos.  Lors  donc  que  les  ressources  médicales  et  les  précautions 
hygiéniques,  plus  haut  énoncées,  se  seront  montrées  impuissantes  contre  l'hy- 
perémie  vésicale;  lorsque  les  hématuries,  persistantes  et  abondantes,  menaceront 
la  vie  du  malade,  on  pourra  se  résoudre  à  cette  intervention  soit  par  la  bou- 
tonnière périnéale  de  Thompson,  soit  plutôt  par  la  cystotomie  sus-pubienne, 
dont  nous  avons  pu  constater  les  heureux  résultats  dans  le  service  de  M.  le  pro- 
fesseur Guyon  ;  on  transformera  la  vessie,  de  réservoir  contractile  exposé  à  la 
fatigue,  à  la  distension  et  à  l'hyperémie,  en  un  simple  conduit  inerte.  Nous 
n'avons  point  à  exposer  ici  les  procédés  opératoires  ni  les  indications  d'opérations  : 
tous  ces  détails  sont  entrés  dans  la  pratique  chirurgicale  commune.  Quand  il 
s'agit  d'une  tumeur  polypiforrae,  bien  circonscrite,  facilement  accessible,  histo- 
logiquement  bénigne,  l'incision  hypogastrique  permet  l'extirpation  radicale  et 
la  guérison  complète;  lorsque  c'est  une  masse  néoplasique,  à  Lirge  base  étalée 
et  infiltrée,  dont  on  ne  peut  racler  que  la  superficie,  même  en  l'absence  d'une 
éradication  complète,  le  résultat  est  remarquable;  la  mise  en  non-activité  (qu'on 
nous  passe  le  mot)  de  la  vessie  supprime  les  hémorrhagies  abondantes,  les 


HÉMATURIE.  lOi 

épreintes  douloureuses,  la  dislension  hyperémiante.  La  boutonnière  périnéale 
ou  l'incision  hypogastrique  ont  la  même  efficacité  thérapeutique  contre  les 
hématuries  de  la  cystite  bacillaire  :  le  muscle  vésical  une  fois  mis  au  repos,  la 
congestion  disparaît  et  l'hématurie  se  supprime.  Forgde  et  Boinet. 

néiMATURiE  EXDÉMIQL'E  DES  PAYS  CHAUDS.  Que  faut-il  entendre, 
actuellement,  par  ce  terme  général,  hématurie  endémique  des  pays  chauds  ? 
Jusqu'ici,  on  a  toujours  englobé  sous  cette  dénomination  Vhématurie  dite 
d'Egypte,  du. Cap,  etc.,  qui  reconnaît  pour  cause  indiscutée  le  distome  de  Bil- 
harz,  et  Vhémato-chylurie,  confondant  ainsi  dans  une  même  description  deux 
maladies  aussi  distinctes  par  leur  étiologie  que  par  leurs  caractères  cliniques. 
Un  seul  symptôme,  pourtant,  leur  est  commun,  le  pissement  de  sang,  et  encore 
semble-t-il  manquer  parfois  dans  la  chylurie  proprement  dite,  car  il  est  des 
urines  qui  présentent  d'emblée  une  apparence  purement  chyleuse,  mais  par 
ailleurs  rien  ne  justifie  ce  rapprochement:  la  cause  essentielle  probable  (le 
parasite),  les  troubles  morbides,  l'anatomie  pathologique,  le  pronostic  surtout, 
le  traitement  même,  tout  diffère  ;  la  distribution  géographique  sert  elle-même 
de  caractère  différentiel,  car  on  n'a  encore  rencontré  le  distome  hnematobie  qu'en 
Afrique,  et  la  chylurie  a  été  vue  presque  partout  dans  les  zones  chaudes,  Brésil, 
Antilles,  Inde,  Chine,  Océanie  et  Afrique  également  ;  enfin  son  symptôme  patho- 
gnomonique,  la  lactescence  de  l'urine,  est  étranger  à  l'hématurie  par  Bilharzia. 
Il  importerait  donc  de  mettre  fin  à  cette  confusion  en  dissociant  à  l'avenir  l'histoire 
des  deux  maladies;  dès  1878,  nous  en  avions  montré  la  nécessité  [Arch.  méd., 
nov.,  t.  XXIX),  mais  dans  ce  présent  travail  une  description  séparée  exposant  à 
des  répétitions  et  à  des  longueurs,  nous  avons  cru  devoir  rattacher,  chemin  fai- 
sant, à  ïhémato-chylurie  endémique  proprement  dite,  l'étude  comparative  des 
caractères  spéciaux  à  la  cystite  vermineuse  de  Bilharz.  L'histoire  naturelle  du 
distome  hœmatobie  a  été  traitée  aux  mots  Ueins,  Distome,  Entozoaires;  elle 
n'entrera  pas  dans  le  cadre  de  cette  étude. 

Hémato-chyldrie  endémique  des  pays  chauds.  Maladie  endémique  dans  les 
régions  tropicales  et  sub-tropicales,  très-rare  partout  ailleurs,  offrant  comme 
caractère  le  plus  saillant  l'émission  d'urines  sanglantes,  ou  lactescentes,  ou 
mixtes,  se  coagulant  spontanément;  le  plus  souvent  chronique  et  d'une  durée 
variable,  irrégulièrement  périodique  dans  ses  manifestations,  assez  rarement 
grave,  et  susceptible  de  guérison  spontanée,  tels  sont  ses  traits  les  plus  généraux. 
Ajoutons  que  les  caractères  anormaux  de  l'urine  sont  vraisemblablement  dus  à 
des  ruptures  des  capillaires  lymphatiques  et  sanguins  de  l'appareil  urinaire  et 
que  la  maladie,  du  moins  dans  les  zones  chaudes,  ne  représente  aujourd'hui, 
d'après  l'opinion  la  plus  générale,  qu'une  modalité  d'un  groupe  d'états  patholo- 
giques assez  nombreux,  le  plus  souvent  isolés,  parfois  simultanés  ou  alternant 
entre  eux,  et  toujours  coexistant  avec  la  présence  d'entozoaires  particuliers. 

Ses  synonymies  répondent  pour  la  plupart  aux  théories  qui,  tour  à  tour,  ont 
prévalu,  et  leur  multiplicité  montre  combien  a  été  jugée  difficile  la  caractérisa- 
tion  nosologique  de  cette  énigmatique  maladie  :  Pyurie  lactée  (Sauvages, 
Vieussens,  Diemerbroeck)  ;  diabète  laiteux  duBrés'd  ;  pohjurie  caséeuse  (Alibert)  ; 
lacturie,  galacturie,  urines  laiteuses,  lactescentes,  appellations  anciennes  qui 
ne  s'appliquent  qu'aux  caractères  objectifs  de  l'urine,  car  sa  composition  ne 
rappelle  en  rien  celle  du  lait  ;  glus,  de  Linné,  genre  GXGIX  ;  urines  chyleuses 
(Klug,  Requin);  hutyracées  (F.  Martins)  ;  graisseuses  (Pereira  Rego)  ;  albumino- 


102  HÉMATURIE. 

graisseuses  (Bouclmt)  ;  chylurie  (Proiit)  ;  chylorrhée  (Ploucquet)  ;  diabète  chy- 
leux  (Imbert)  ;  lymphiirie,  lymphorrhée  rénale,  bjmphorrhagie  de  l'appareil 
nropoétique  (Giibler)  ;  pimélurie  endémique  des  pays  chauds  (Boucliardat)  ; 
albumino-pimélnrie  (Marlins  Costa,  P.  Guimaràes)  ;  hématurie  tropicale,  i7iter- 
//•op/ca/e  (Sigaud),  terme  impropre,  caria  maladie  se  rencontre  jusqu'aux  55  degrés 
latitude  ;  intennitlente ,  endémique  de  l'Ile  de  France  (Ghopotin,  Salesse);  chy- 
leuse,  chyloïde  (Crevaux)  ;  hématurie  essentielle  endémique  (Rayer)  ;  hémato-hjm- 
phurie  (Sonsino)  ;  enfin,  hémo-chylurie,  ou  mieux  hémato-chylurie  de  Prout  et 
des  Brésiliens,  dernier  terme  ^*<>  l'usage  a  consacré.  Il  exprime  la  coexistence 
des  deux  symptômes  objectifs  fondamentaux,  la  présence  du  sang  dans  l'urine 
et  l'apparence  cbyleuse  de  celle-ci;  nous  l'adoptons,  quoiqu'il  soit  aussi  possible 
de  quelques  critiques:  il  y  a  bien,  en  effet,  pissenient  de  sang,  hématurie  vraie, 
avec  contraction  de  la  vessie  et  présence  constante  d'hématies  dans  l'urine,  mais 
le  terme  complémentaire  chylurie,  pissement  de  chyle,  est  discutable  en  ce  qu'il 
implique  trop  rigoureusement  l'idée  du  passage  du  chyle  dans  les  voies  urinaircs, 
fait  probable,  il  est  vrai,  et  considéré  comme  réel  par  quelques-uns  (Beale, 
V.  Percira,  Manson,  etc.),  mais  dont  l'anatomie  pathologique  n'a  pas  encore 
fourni  la  preuve  certaine.  11  ne  faut  donc  l'entendre  que  sous  la  réserve  d'une 
certaine  restriction  dans  son  sens  étymologique  ;  jusqu'à  plus  ample  imformé, 
il  doit  désigner,  non  un  pissement  de  chyle  proprement  dit,  mais  l'émission 
dune  urine  qui  rappelle  jusqu'à  un  certain  point  l'aspect  du  chyle  et  en  con- 
tient les  éléments  principaux,  des  globules,  de  l'albumine  et  de  la  graisse.  Du 
reste,  ce  mot  chylurie  a  pris  droit  de  domicile  dans  le  langage  médical  depuis 
Prout  (1818)  ;  il  est  court,  euphonique,  expressif,  et  à  ces  divers  titres  il  mérite 
d'être  conservé.  L'hématurie  par  Bilharzia  porte  généralement  le  nom  d'héma- 
turie d'Egypte,  du  Cap,  de  l'Ile  de  France,  etc. 

Étiologie.  La  découverte  d'entozoaires  embryonnaires  dans  l'urine  et  dans 
le  sang  des  chyluriques,  et  plus  tard  de  progéniteurs,  en  divers  pays  d'endémie, 
Australie,  Chine,  Inde  et  Brésil,  a  été  le  point  de  départ  d'une  théorie  pathogé- 
nique  qui  sera  exposée  plus  loin  ;  mais  en  dehors  de  cette  cause,  essentielle  pour 
la  plupart,  hypothétique  pour  d'autres,  on  a  invoqué  des  causes  prédisposantes 
ou  occasionnelles  dont  le  rôle  et  la  valeur  sont  diversement  appréciés. 

A.  Causes  somatiques.  La  maladie  frappe  tous  les  âges,  de  la  première 
enfance  à  la  vieillesse,  mais  dans  une  proportion  très-inégale. 

Pour  les  Brésiliens,  le  sexe  féminin  y  prédispose,  du  moins  dans  leur  pays; 
les  comptes  rendus  de  l'Académie  de  médecine  de  Rio  (1835-1856),  les  statis- 
tiques de  S.  Lima,  10  femmes  sur  18  cas;  d'A.  Couto,  4  sur  6;  de  J.  da  Silva, 
40  sur  65  cas,  etc.,  semblaient  avoir  établi  ce  fait  d'une  façon  indiscutable.  Ce 
rapport  a  été  contesté  par  J.  de  Moura  (1877)  qui,  sur  un  total  de  99  faits,  est 
arrivé  à  une  proportion  inverse,  47  femmes  et  52  hommes  ;  Claudio  de  Lima  a 
relevé  15  hommes  et  11  femmes  et  C.  Rebello  signale,  sur  90  bématuriques, 
55  hommes,  52  femmes,  5  inconnus.  Cassien,  qui  à  la  Réunion  n'a  trouvé  que 
2  femmes  sur  12  sujets,  en  a  conclu  aussi  à  l'influence  prépondérante  du  sexe 
masculin;  Torres-Ilomem,  à  Rio,  ne  comptait,  en  1877,  que  des  hommes  dans  sa 
pratique.  D'un  autre  côté,  Clarac  dit  que  la  maladie  à  la  Martinique  paraît 
incomparablement  plus  fréquente  chez  la  femme.  Les  opinions  ne  sont  pas  moins 
divergentes  au  sujet  de  l'hématurie  d'Egypte  qui,  selon  Bilharz,  s'adresserait 
moins  souvent  au  sexe  féminin,  mais  pour  Sonsino  c'est  une  erreur  attri- 
buable  à  l'absence  de  femmes  dans  les  hôpitaux  du  Caire,  et  il  croit  que  la 


HÉMATURIE.  10') 

Bilharzia  s'attaque  indifféremment  aux  deux  sexes.  C'est  donc  une  question  îi 

revoir. 

Quelle  est  l'influence  du  rôle  physiologique  dévolu  à  la  femme?  Existe-t-il 
une  relation  entre  ses  fonctions  génésiques  et  les  manifestations  de  la  maladie? 
Peu  de  renseignements  précis  à  cet  égard  ;  la  plupart  nous  viennent  des  méde- 
cins brésiliens.  L'état  de  gestation  ne  serait  pas  sans  action,  paraît-il,  sur  l'ex- 
plosion et  la  marche  des  accès  chyleux. 

La  race  ne  crée  pas  d'immunité:  si  aux  Mascareignes  et  au  Brésil  les  Créoles 
sont  surtout  prédisposés  (15  Brésiliens  sur  18  cas,  S.  Lima,  A.  da  Luz,  Azéma), 
les  Européens  qui  font  un  long  séjour  dans  ces  pays  contractent  aussi  des  héma- 
turies continues,  simples  ou  mixtes. 

B.  Causes  cosmiques.  Domaine  géographique.  La  coexistence  d'ento- 
zoaires  identiques  dans  la  chylurie  et  dans  quelques  autres  maladies  plus  spé- 
cialement propres  aux  pays  chauds  également  soulève  de  telles  présomptions  de 
communauté  étiologique  qu'il  y  aurait  lieu,  aujourd'hui,  d'étudier  de  front  la 
distribution  géographique  de  ces  affections.  Ce  serait  surcharger  ce  travail,  et 
nous  renverrons  à  l'article  Éléphantiasis,  en  nous  bornant  à  signaler  ici  cette 
corrélation  fréijuente  sur  laquelle  nous  reviendrons  plus  loin. 

La  chylurie  ne  se  rencontre  guère  que  dans  les  pays  à  température  moyenne 
élevée  ;  on  ne  connaît  qu'un  assez  petit  nombre  de  faits  plus  ou  moins  authen- 
tiques d'urines  lactescentes  chez  des  sujets  n'ayant  jamais  quitté  l'Europe. 

Asie.  Les  Anglais  ont  signalé  la  chylurie  à  Bombay  (Carter,  Makuna),  à 
Calcutta  (Lewis),  à  Amoï  (Chine,  P.  Manson),  dans  l'empire  de  Siam  ;  Crevaux 
mentionne  un  cas  observé  à  Saigon.  Baelz  et  Rémy,  parmi  les  parasites  des 
japonais,  indiquent  la  filaria  sanguinis  hominis  (1885)  ;  la  maladie  filarienne, 
d'après  Scheube,  au  Japon,  est  presque  exclusivement  limitée  à  Kiu-Siu,  la  plus 
méridionale  des  quatre  grandes  îles,  et  aux  ilôts  voisins,  Goto,  Hirado-Shima, 
Amakusa,  etc.  ;  elle  serait  fort  rare  et  non  indigène  sur  Nippon  et  inconnue  dans 
Yeso.  Van  Leent  ne  s'est  jamais  trouvé  en  présence  de  l'hématurie  endémique 
dans  les  possessions  néerlandaises  de  la  Malaisie  durant  un  séjour  de  dix  ans,  et  les 
médecins  du  pays  n'en  voient  jamais  ;  il  croit  qu'elle  n'existe  ni  à  Batavia,  ni  dans 
les  îles  de  la  Sonde  ;  pourtant  Bouchardat  a  traité,  à  Paris,  un  sujet  atteint 
d'urines  chyleuses  contractées  à  Java. 

Afrique  septentrionale.  Les  pissements  de  sang  par  cystite  vermineuse  de 
Bilharz  sont  d'une  extrême  fréquence  en  Egypte  et  en  Nubie,  chez  les  Fellahs 
et  les  Coptes,  d'après  Renault,  Bilharz,  Griesinger,  A.  Reyer,  Sonsino,  Zancarol, 
Mackie,  etc.  Fouquet,  du  Caire  (1884),  dit  que  les  Européens  sont  moins  atteints 
que  les  Arabes.  L'hématurie  chyleuse  s'y  rencontre  également  (Lombard,  Son- 
sino, Fayrer),  mais  moins  fréquente  qu'au  Brésil  et  dans  l'Inde;  les  seuls  ren- 
seignements que  l'on  possède  sur  sa  fréquence  relative  dans  ces  pays  ont  été 
fournis  par  Pr.  Sonsino  qui,  sur  10  cas  d'infection  filarienne,  en  a  compté  5  avec 
lymphurie  (1882).  Leared  dit  l'hématurie  fréquente  en  Algérie  et  au  Maroc; 
Cauvet  a  également  retrouvé  à  Alger  les  caractères  de  l'endémie  tropicale,  sauf  la 
lactescence. 

Afrique  orientale.  On  rencontre  à  Madagascar  l'hématurie  pure  ou  chyleuse  ; 
Grenet,  qui  dit  la  première  fréquente  à  Mayotte,  n'en  a  pourtant  relevé  que  9  cas 
dans  l'espace  de  quatre  années  passées  sur  l'ilôt  de  Dzaoudzi  et  chez  des  enfants 
mozambiques  ;  nous  n'en  avons  pas  vu  un  seul  pendant  une  année  de  séjour  dans 
cette  même  colonie;  elle  y  est,  croyons-nous,  moins  commune  qu'on  ne  l'a  dit. 


lui  HEMATURIE. 

Deblenne  cite  2  observalions  à  Nossi-Bé.  Citer  Maurice  et  la  Réunion,  c'est  rap 
peler  la  patrie  classique  de  l'endéniie;  les  premières  observations  nous  sont 
\enues  des  Mascareignes  ;  en  1812,  CbapoUn  voyait  des  pissements  de  sang  chez 
tous  les  enfants  de  l'île  de  France,  mais  il  ne  cite  que  4  cas  d'urines  chyleuses. 
Au  dire  de  Salesse  (1834)  les  trois  quarts  des  enfants  de  Maurice  sont  atteints 
d'hématurie,  mais  il  ne  parle  pas  du  caractère  graisseux  de  l'urine  ;à  la  Réunion, 
les  enfants  sont  quelquefois  atteints,  mais  dans  une  proportion  bien  moindre  que 
ne  l'indique  le  médecin  de  Maurice  (Cassien)  ;  les  médecins  de  la  marine  sont 
unanimes  à  reconnaître  que  la  maladie  y  est  assez  rare.  Cependant  Nativel  (1886) 
affirme  qu'à  Bourbon  les  cas  de  chylurie  sont  tellement  nombreux  qu'un  tiers 
seulement  de  la  population  est  épargné  (?). 

Afrique  occidentale  et  centrale.  Griffon  du  Bellay,  seul,  signale  un  cas  de 
chylurie  chez  un  laplot,  au  Gabon  [Arcli.  méd.,  nov.,  t.  1);  c'est  à  la  Cùle-d'Or 
qu'on  a  plus  spécialement  rencontré  le  craw-craw  (O'Neill). 

Amérique seidentrioncde.  La  Nouvelle-Orléans,  Vera-Gruz,  possèdent l'hémato- 
chylurie  (Juvenof),  qui  a  peut-être  été  observée  aussi  dans  la  Caroline  du  Sud. 
«  L'urine  est  quelquefois  pàlo  comme  du  lait  et  de  l'eau,  spécialement  pendant 
les  chaleurs  de  l'clc  et  chez  les  petits  garçons  au-dessous  de  sept  ans;  on  pense 
que  cet  état  indique  la  présence  de  vers  »  (L.  Clialmers,  cité  par  Rayer).  On  cite 
.un  cas  provenant  des  Rermudes  ;  elle  n'a  pas  été  signalée  dans  le  Centre-Amérique. 

Antilles.  Beale  à  Cuba,  Debout  à  Port-au-Prince,  Thomas  à  la  Barbade, 
mentionnent  de  nombreux  cas  de  chylurie  ;  Rufs  de  Lavison  affirme  que  l'héma- 
turie, telle  qu'elle  est  décrite  pour  les  îles  Mauiice  et  Bourbon,  n'existe  pas  à  la 
Martinique  ;  il  signale  pourtant  5  cas  d'urines  blanchâtres  dites  chyleuses,  dont 
2  chez  des  Nègres  ;  Saint-Val  cite  un  fait  dans  la  même  île  ;  nous  pouvons  certi- 
fier, d'après  des  renseignements  dignes  de  confiance,  que  la  chyluiie  n'y  est  pas 
une  maladie  rare  et  qu'elle  y  est  assez  souvent  observée  depuis  que  l'attention 
a  été  appelée  sur  ce  sujet.  A  la  Guadeloupe,  dit  Crevaux,  elle  est  considérée 
comme  une  curiosité  pathologique  ;  pourtant,  Venturini  en  a  observé  2  cas  en 
1878.  Bence  Jones  l'a  vue  chez  un  Anglais  ayant  passé  la  majeure  partie  de  sa 
vie  à  la  Havane. 

Amérique  méridionale.  Puerto-Cabello  et  la  Guayra  (Juvenot)  ;  Guyane 
anglaise  (Bouyum  et  Hillis);  semble  beaucoup  plus  rare  à  la  Guyane  française  où 
Dupont  n'a  observé  que  5  cas  en  sept  ans.  Yan  Leent  n'en  fait  pas  mention  dans 
la  pathologie  de  la  Guyane  néerlandaise.  C'est  au  Brésil  que  la  maladie  a  été  le 
mieux  étudiée  (diabète  laiteux  du  Brésil),  mais  on  y  a  exagéré  sa  fréquence. 
Nous  croyons  avec  Souza  Lima,  J.  de  Moura,  et  d'après  les  chiffres  fournis  par 
les  médecins  brésiliens,  qu'elle  est  moins  commune  à  Rio  et  à  Bahia  qu'on  ne 
le  suppose,  et  on  peut  en  dire  autant  du  Brésil  en  général.  Parmi  une  clientèle 
étendue,  S.  Lima,  à  Bahia,  n'avait  enregistré  en  1876  que  18  cas;  Wucherer, 
en  cinq  ou  six  ans,  n'a  pu  réunir  que  28  observations  appartenant  à  divers  méde- 
xins  ;  A.  Couto  n'apporte  qu'un  faible  contingent  ;  à  Rio-de-Janeiro,  Torres- 
Horaem  ne  mentionne  que  12  cas  dans  sa  pratique  (1877)  ;  Joâo  et  José  Silva, 
14  observations,  etc.  Les  médecins  brésiliens,  loin  d'être  a  appelés  chaque  jour 
à  traiter  la  maladie  »  (Juvenot),  la  considèrent  comme  relativement  rare.  Nous 
avons  séjourné  trois  ans  sur  les  côtes  du  Brésil  sans  la  rencontrer  dans  nos  équi- 
pages, et  les  rapports  des  médecins  de  la  marine  sur  ces  mêmes  campagnes  n'en 
font  aucune  mention.  Juvenot  dit  qu'elle  existe  à  l'embouchure  des  Amazones  ; 
elle  ne  doit  pas  y  être  commune  ;  C.  du  Rocha  n'en  a  jamais  trouvé  un  seul 


HÉMATURIE.  105 

exemple  sur  plus  de  1000  malades  et  durant  un  assez  long  séjour  dans  le  fleuve  ; 
F.  S.  Castro  l'a  pourtant  rencontrée  au  Para  ;  on  la  voit  aussi  à  Maranhâo.  Pour 
ce  qui  est  de  l'inténeur,  Noranha  Gonzaga,  d'après  W.  Lee,  médecin  anglais  à 
S.  Joâo  d'Ël-Rei,  a  signalé  dans  la  province  de  Minas  une  grande  fréquence  de  la 
maladie  et  sa  prédilection  pour  les  âges  de  quarante,  cinquante  ans,  et  pour  la 
vieillesse.  Ces  faits  ont  été  contestés  par  Felicio  dos  Santos  qui,  pendant  dix  ans 
de  pratique  médicale  dans  le  nord  de  la  province,  n'a  jamais  observé  un  cas  de 
chylurie;  Er.  Ottoni,  après  plusieurs  années  de  séjour  dans  ces  mêmes  régions, 
affirme  ne  pas  l'avoir  trouvée  plus  fréquente  qu'à  Rio  et  sans  prédilection  marquée 
pour  l'âge  avancé  (C.  liebello).  A.  da  Luz  nous  a  communiqué  4  observations 
provenant  de  Valença.  Peu  de  renseignements  sur  les  provinces  méridionales  ;  la 
maladie  serait  assez  commune  à  Santos  (llavelburg),  inconnue  ou  fort  rare  à 
Sainte-Catherine  et  dans  la  colonie  d'itajahy  (Martins  Mendes).  J.  de  Moura,  qui 
accuse  la  race  africaine  d'avoir  importé  au  Brésil  les  Boubas,  la  lèpi'e  grecque, 
l'aïnhum,  l'hypohémie  interlropicale  et  d'autres  maladies  encore,  se  demande  si 
la  chylurie  est  réellement  une  espèce  uosologique  engendrée  dans  le  pays  sous 
l'influence  des  conditions  climatologiques  du  milieu,  ou  si  elle  est  aussi  le  fait 
de  l'importation,  comme  le  dragonneau  peut-être;  question  que  les  documents 
brésiliens  sont  pour  le  moment  impuissanls  à  résoudre. 

D'après  Juvenot,  l'hématurie  simple  ou  cliyleuse  existerait  sur  les  deux  rives 
de  la  Plata  et  des  grands  fleuves  qui  s'y  déversent.  Nous  avons  passé,  à  plusieurs 
reprises,  de  longs  mois  sur  rade  de  Montevideo,  visité  l'hôpital  français,  et  n'y 
avons  jamais  vu  la  maladie  ;  elle  doit  être  au  moins  fort  mre  dans  le  bassin  de 
la  Plata.  P.  Guimaràes  ne  l'a  jamais  rencontrée  à  Montevideo,  Buenos-Ayres, 
Corrientes,  Bella-Vista,  Rosario,  etc.,  et  sur  les  rives  de  la  Plata  et  de  ses  affluents 
on  a  vu  seulement  des  hématuries  ordinaires.  C'est  aussi  sur  des  témoignages 
très-vagues  que  Juvenot  en  a  signalé  l'existence  sur  les  côtes  du  Chili  et  du  Pérou. 

Océanie.  Jusqu'en  1877,  la  chylurie  n'avait  encore  été  constatée  qu'en 
Australie  (Queens'land)  par  Bancroft  ;  mais  cette  même  année  Chassaniol  et 
Guyot  observaient  à  Taïti  un  cas  des  mieux  caractérisés,  chez  un  Européen  habi- 
tant le  pays  depuis  trente  ans,  et  retrouvaient  le  ver  de  Wucherer  avec  tous  ses 
caractères.  Loupy  l'a  rencontrée  en  Nouvelle-Calédonie  chez  un  indigène  des 
Nouvelles-Hébrides  (Nielly,  Path.  exotique). 

L'hématurie  par  Bilharzia  possède  un  domaine  géographique  beaucoup  plus 
restreint,  car  jusqu'ici  on  n'a  rencontré  le  dislome  hœmatobie  que  sur  le  con- 
tinent africain,  quelques  îles  avoisinantes,  et  peut-être  le  long  de  la  côte  arabe  de 
la  mer  Rouge.  Elle  abonde  en  Egypte;  sur  500  enfants  de  l'école  de  Tantah 
examinés  en  1880  parSonsino,  plus  du  tiers  étaient  ou  avaient  été  hématuriques, 
et  dans  75  examens  de  la  vessie,  seulement,  post  mortem,  38  fois  il  a  découvert 
la  présence  du  ver;  il  est  convaincu  que  parmi  tous  ceux,  quelle  que  soit  la  race, 
Arabes,  Coptes,  Nubiens,  étrangers,  qui  boivent  des  eaux  impures,  il  n'en  est 
guère  qui  n'aient  souffert  de  la  Bilharzia  dans  le  cours  d'une  longue  vie.  Dans 
tout  le  bassin  du  Zambèse  et  sur  les  rives  du  lac  Nyassa,  l'hématurie  serait  fort 
commune,  d'après  Kirch.  En  diverses  localités  de  la  pointe  sud  de  l'Afrique,  le 
long  de  la  côte  sud-est,  dans  la  baie  d'AIgoa,  à  Uitenhage,  fort  Beaufort,  Alice, 
Grahamstown,  et  en  quelques  points  de  la  Gafrerie  libre  (Spranger],  la  maladie 
est  assez  répandue,  ainsi  que  dans  la  colonie  du  Cap  et  à  Natal  (Dunstroville, 
Spranger,  Rubidxe,  Harley,  Guiilemard)  ;  la  plupart  des  jeunes  garçons  à  Pieter- 
maritzburg  en  sont  atteints  (Batho,  Ariny  Med.  Rep.,  vol.  XII),  exagération  pro- 


lOti  IIKMATURIE. 

bable,  traprès  Guillemard,  Men  que  l'hémalurie  soit  assez  fréquente  dans  cette 
ville.  Guillemard  incline  à  penser  qu'elle  existe  aussi  sur  la  côte  occidentale  et 
probablement  dans  lintérieur,  sur  les  rives  de  l'Orange.  Le  distome  se  retrouve 
à  coup  sur  à  Maurice  (Harley),  on  ne  sait  trop  s'il  existe  à  la  Réunion;  il  est 
extrêmement  probable  que  Ibématurie  que  l'on  observe  en  quelques  points  de 
Madagascar  reconnaît  cette  dernière  cause,  mais  ceci  est  encore  conjectural  ;  en 
tout  cas,  c'est  le  distome  que  Corre,  Bréjon  et  Deblenne,  ont  vu  à  Nossi-bé  ;  Corre 
y  aurait  peut-être  aussi  rencontré  le  verde  Bancroft  (Deblenne,  tli.  Paris,  p.  256). 

Cette  revue  nous  conduit  à  conclure  que  l'hématurie  des  pays  chauds,  pure, 
graisseuse  ou  mixte,  associée  au  dislome  ou  à  la  filaire  ^vuchérienne,  ou  à  ces 
deux  entozoaires  à  la  fois,  est  exclusivement  bornée  aux  latitudes  chaudes,  mais 
que  son  domaine  géographique  franchit  en  bien  des  points  la  limite  des  tro- 
piques et  s'étend  entre  les  55''*  parallèles  dans  les  deux  hémisphères  ;  au  delà  de 
ces  limites  générales,  elle  perd  le  caractère  d'endémicité. 

L'hématurie  chyleuse  s'améliore  et  guérit  souvent,  non  toujours,  par  un  séjour 
prolongé  dans  les  climats  tempérés  et  froids,  ou  par  l'ascension  à  des  altitudes 
qui  rappellent  les  conditions  thermiques  de  ces  climats;  on  la  rencontre  sur  le 
littoral  de  la  Réunion,  climat  hyperthermique  (moyenne  annuelle  supérieure  à 
-h  20  degrés,  Fonssagrives),  mais  elle  ne  se  développe  jamais  dans  les  localités 
élevées  de  lîle  qui  jouissent  d'une  température  fraîche  ou  tempérée  ;  à  Salazie 
(872  mètres  d'allitude,  température  moyenne  -h  19  degrés)  on  ne  l'observe  que  sur 
des  malades  provenant  des  parties  basses  et  chaudes  de  l'île.  Harley  affirme,  de 
même,  qu'elle  est  inconnue  dans  les  terres  élevées  de  la  colonie  du  Cap.  La  cha- 
leur joue  donc  un  rôle  prépondérant  unanimement  admis;  doit-on  attribuer  la 
même  importance  aux  autres  éléments  météorologiques,  aux  conditions  topogra- 
phiques, géologiques,  etc.,  des  régions  où  la  maladie  règne  avec  le  caractère 
d'endémicité?  Causes  banales,  invoquées  trop  souvent  et  qui  ne  peuvent,  il  nous 
semble,  entrer  en  ligne  de  compte.  Chaque  pays,  chaque  localité,  possède  du 
reste  une  telle  multiplicité,  une  telle  inconstance  d'éléments  contradictoires,, 
que  la  valeur  éliologique  de  ces  influences  si  variées  échappe  a  toute  analyse  : 
c'est  ainsi  que  l'hématurie,  endémique  à  Bahia,  ville  niontueuse  où  elle  se 
montre  aussi  bien  dans  la  partie  basse  que  dans  les  quartiers  secs  et  salubres 
des  hauteurs,  se  voit  également  dans  les  plaines  inondées  et  marécageuses  de 
Calcutta  (S.  Lima).  Comment  admettre  avec  Manson  l'influence  exclusive  du 
voisinage  de  la  mer  et  des  vents  marins,  alors  que  la  maladie  est  inconnue  à 
Formose  (Myers)  et  qu'on  l'observe  dans  la  province  de  Minas  au  Brésil? 

Les  conditions  climatologiques  des  pays  d'endémie,  l'action  des  saisons  surtout^ 
ont  souvent  été  interrogées  et  leur  influence  a  été  exagérée  à  ce  point  qu'un  rôle 
pathogénique  exclusif  a  été  attribué  aux  climats  caractérisés  par  un  excès  de 
chaleur  et  d'humidité,  à  l'association  des  pluies  torrentielles  et  des  chaleurs 
excessives  des  hivernages,  etc.,  opinion  qui,  du  reste,  n'a  guère  trouvé  de  par- 
tisans au  Brésil;  Souza  Lima  la  repousse  et  pour  J.  de  Moura  le  climat  ne  pos- 
sède qu'une  influence  indirecte  sur  la  genèse  de  la  maladie.  Azéma,  au  contraire, 
accuse  avant  tout  les  influences  de  climat  auxquelles  seraient  uniquement  subor- 
donnés les  troubles  physio-pathologiques  et  les  modifications  subies,  dans  les 
pays  chauds,  par  le  système  lymphatique  et  par  les  grands  appareils  organiques  » 
ces  modifications,  innées  chez  le  Créole,  ne  seraient  acquises  qu'après  plusieurs 
années  par  l'Européen  en  voie  d'indigénisation  ;  elles  se  traduisent  chez  l'un  et 
chez  l'autre  par  un  ensemble  d'altérations  dans  lesquelles  prédominent  la  sur- 


HÉMATURIE.  107 

charge  et  la  distension  des  vaisseaux  blancs  et  qui  aboutit,  en  passant  par  l'ané- 
mie, à  une  diallièse  lymphatique  particulière,  toute  diftercnte  de  celle  qui  con- 
fine à  la  scrofule  et  propre  aux  pays  chauds  (ÏV.  de  la  li/mph.  end.).  Mais  on 
ne  devient  pas  forcément  lymphatiqne  par  un  séjour  de  cinq  ou  six  ans  à  la 
Réunion  ou  à  Maurice,  et  chez  un  anémique  la  réplétion  du  système  lympha- 
tique n'entraîne  pas  nécessairement  l'explosion  d'un  accès  de  chylurie,  pas  plus 
que  Taiiparition  d'un  éléphantiasis  ou  d'intumescences  inguinales.  Par  ailleurs, 
rien  de  plus  variable  que  l'induence  des  saisons  sur  le  développement  et  sur  la 
marche  si  capricieuse  de  la  maladie. 

L'hématurie  d'Egypte  diflère  de  la  chylurie  par  l'époque  de  ses  explosions  et 
par  la  régularité  de  ses  retours  paroxystiques  :  elle  apparaît,  en  effet,  plus 
fréquemment  de  juin  à  juillet  et  août,  et  devient  plus  rare  de  septembre  à 
janvier  (Copland,  art.  Worms;  Davaiue,  Entoz.,  p.  318). 

C.  Causes  pathologiques.  Dans  ce  groupe  étiologique,  il  importe  de  men- 
tionner plus  spécialement  les  relations  qu'on  a  reconnues  en  divers  pays,  Drésil, 
Inde,  Chine,  Australie,  entre  la  chylurie  et  certains  états  morbides,  et  sur  les- 
quelles on  s'est  appuyé  pour  en  éclairer  la  palhogénie.  Dès  1855,  Meirelles,  à 
Rio  de  Janeiro,  faisait  remarquer  que  le  plus  grand  nombre  des  chyluriques 
sont  lymphatiques  et  sujets  aux  érysipèles  ;  une  chylurique  présentait  des 
attaques  périodiques  d'érysipèle  tous  les  quinze  jours  ;  la  maladie  cessa  par 
un  voyage  en  Europe,  mais  se  reproduisit  par  le  retour  au  Brésil.  Chez  une 
négresse,  la  chylurie  précédait  presque  toujours  les  accès  d'épilepsie  ou  d'érysi- 
pèle éléphantique  auxquels  elle  était  sujette  (De  Simoni  et  Jubim);  le  Brésilien 
observé  par  Caffeet  Rayer  avait  souvent  éprouvé  sur  les  jambes,  dans  son  enfance» 
des  éruptions  qu'il  caractérisait  d'érysipèles  erratiques,  et  qui  reparaissaient 
périodiquement  toutes  les  semaines;  Catta  Prêta,  Souza  Lima  (1864),  ont  vu 
deux  malades  dont  les  urines  devenaient  laiteuses  toutes  les  fois  qu'ils  étaient 
pris  d'érysipèle  du  scrotum;  une  malade  de  J.  Sylva,  souffrant  depuis  long- 
temps de  fréquents  accès  d'érysipèle  et  de  lymphatites,  est  prise  brusquement, 
en  pleine  période  d'allaitement;  la  chylurie  cesse  pendant  un  violent  accès 
d'érysipèle  du  sein,  pour  revenir  après  la  guérison.  Martins  Costa  mentionne 
également  la  coexistence  des  deux  maladies.  S.  Araujo  a  rapporté,  en  1877,  ce 
fait  curieux  d'un  individu  sujet  depuis  neuf  ans  à  des  érysipèles  périodiques  du 
scrotum,  et  qui  fut  pris  successivement  de  chylurie,  de  craw-craw  et  d'élé- 
phancie  scrotale  avec  lymphectasies.  Ferreira  Pinto  (1858)  a  vu  l'éléphancie 
coïncider  avec  des  urines  cliyleuses  ;  W.  Roberts  a  observé,  en  Europe,  un  cas 
de  pachydermie  lymphorrhagique  de  l'hypogastre  chez  un  individu  atteint  en 
même  temps  de  chylurie  ;  aux  Indes  et  eu  Chine,  la  chylurie  accompagne  sou- 
vent le  lympho-scrotura  (Lewis,  Manson,  etc.);  Bancroft,  en  Australie,  a  vu  ces 
urines  associées  à  des  abcès  lymphangiliques,  des  hydrocèles  ;  Chassaniol,  à  des 
hémoptysies,  etc..  Nous  reviendrons  plus  lard  sur  ces  rapports  à  propos  des 
théories  pathogéniques. 

La  maladie  a  quelquefois  marché  de  front  avec  une  phthisie  commençante, 
une  fois  avec  une  hépatite  clu-onique  (Sigaud)  ;  ailleurs,  elle  alternait  avec  des 
diarrhées  sanglantes  ou  chyleuses,  ou  avec  une  affection  bronchique  fluxionnaire 
et  de  l'asthme  (Jubim),  ou  bien  c'est  un  épanchement  séreux  du  cerveau, 
suivi  d'hémiplégie,  qui  entraîne  la  mort.  Cassien  signale  comme  cause  occa- 
sionnelle la  détérioration  de  la  constitution  à  la  suite  d'une  fièvre  typhoïde; 
Torres  Horaem,  la  coqueluche  chez  un  enfant  de  deux  ans.  J.  Silva  a  fait  jouer 


108  HEMATURIE. 

un  rôle  éliologique  à  la  syphilis  et  à  la  lèpre  :  deux  de  ses  malades  sont  lépreux, 
et  il  rattache  cet  étal  à  la  syphilis;  quelques-uns  sont  syphilitiques  par  leurs 
ascendants;  chez  d'autres,  la  chylurie  coïncide  avec  une  éruption  dartreuse  liée 
à  la  vérole;  l'un  a  des  boubas  et  sa  fille  est  lépreuse,  etc.  Jubim,  de  Siraoni, 
de  Bento  da  Roza,  A.  Chevalier,  ont  vu  aussi  des  syphilitiques  avec  des  urines 
cliyleuses,  mais  combien  d'autres  véroles  qui  n'ont  jamais  été  chyluriques  ! 
On  a  quelquefois  observé  des  urines  blanchâtres  dans  le  carreau  et  dans  cer- 
taines maladies  du  pancréas  (Chomel,  Moyse).  Quelques  médecins  anglais  ne 
sont  pas  éloignés  d'admettre  une  corrélation  entre  la  maladie  et  l'imprégnation 
malarienne  (obs.  de  Habersbon,  Listen,  Monvcnoux)  ;  jusqu'ici  on  ne  possède, 
à  ce  sujet,  rien  de  positif  qui  autorise  à  voir  dans  l'association  de  la  fièvre 
intermittente  et  de  la  chylurie  autre  chose  qu'une  pure  coïncidence  facile  à 
expliquer,  du  reste,  par  le  rapprochement  du  domaine  géograpbique  des  deux 
maladies  [voij.  Elépuamiasis). 

Les  médecins  de  la  Réunion  ont  trop  volontiers  mis  en  cause  l'abus  d'une 
alimentation  riche  en  condiments  excitants,  poivre,  piment,  gingembre,  etc.  ; 
l'usage  en  est  tellement  répandu,  et  les  cas  d'hématurie  sont  comparativement 
si  rares,  que  cet  élément  éliologique  doit  être  tenu  pour  très-problématique. 
Salcsse  avait  aussi  accusé  les  mets  épicés,  la  masturbation  chez  les  enfants,  et 
la  mauvaise  (pialito  des  eaux,  dernière  cause  possible,  probable  même,  si  ces 
eaux  sont  réellement  le  véhicule  d'enlozoaires  aptes  à  se  développer  dans  l'or- 
ganisme. Leared  attribue  la  maladie,  en  Algérie  et  au  Maroc,  à  l'excès  de  l'huile 
d'olives  dans  l'alimentation,  cxplicntion  hypothétique  qui  ne  pourrait  s'appliquer 
qu'à  un  état  graisseux  accidentel  des  urines,  et  non  à  l'hénio-chylnrie  vraie. 

Voici  maintenant  d'autres  causes  plus  ou  moins  problématiques  et  le  plus 
souvent  inexplicables  :  l'affection  s'est  parfois  déclarée  après  un  bain  glacé 
de  rivière,  le  corps  étant  en  transpiration  (Crevaux),  ou  à  la  suite  d'une  équita- 
tion  prolongée  ;  un  médecin  de  Rio  voit  ses  accès  chyleux  reparaître  toutes  les 
fois  qu'il  fait  un  trajet  en  voiture  après  ses  repas,  à  ce  point  qu'il  peut  provo- 
quer à  volonté  une  attaque;  W.  Roberts  cite  un  cas  provoqué  par  un  ébranle- 
ment physique  et  moral  dans  une  rencontre  de  deux  trains,  etc.  On  a  invoqué 
sans  preuves  à  l'appui  l'influence  des  professions  sédentaires  et  de  celles  qui 
exposent  à  l'action  d'une  chaleur  continue,  maréchal-ferrant,  boulanger,  cui- 
sinier, etc.;  les  chauffeurs  de  nos  navires  n'ont  jamais  été,  que  nous  sachions,  plus 
particulièrement  atteints  dans  les  régions  tropicales  ;  enfin,  l'abus  de  l'alcool, 
une  alimentation  trop  riche  en  graisse,  etc.  En  somme,  il  est  souvent  impossible 
d'assigner  une  cause  prédisposante  ou  occasionnelle  justifiée. 

D.  Causes  spécifiques.  Hérédité.  Son  rôle  n'est  pas  déterminé.  Pour  ce 
qui  est  de  la  transmissibilité  d'un  sujet  à  l'autre,  W'ucherer  dit  que  tous  les 
cas  qu'il  a  observés  étaient  sporadiques,  et  il  ne  connaît  pas  d'exemple  d'atteintes 
simultanées  dans  une  même  maison. 

Symptomatologie.  Presque  toujours  l'accès  chyleux  se  déclare  brusquement 
et  surprend  le  sujet  en  pleine  santé,  sans  le  plus  léger  prodrome  ;  parfois  il 
n'y  a  eu  qu'un  malaise  insignifiant,  et  le  patient  constate  tout  à  coup,  et  non 
sans  effroi,  l'aspect  insolite  de  ses  urines.  Ce  mode  de  début  est  commun  au 
Brésil  (V.  Pereira,  J.  dos  Reys,  C.  Rebelle),  et  à  la  Réunion  (Gassien).  Quel- 
quefois, seul  accident  précurseur,  une  diarrhée  séreuse  survenant  sans  cause 
appréciable,  ou  une  soif  insatiable  quelque  heures  après  les  repas,  quelle  que  soit 
du  reste  la  nature  de  l'alimentation  (Mar tins  Costa),  ou  une  diarrhée  sanguino 


HÉMATURIE.  109 

lente  avec  phénomènes  d'entérite  assez  intense  (Ferrand).  Assez  souvent,  pour- 
tant, l'invasion  est  précédée  de  légères  douleurs  lombaires  ayant  plutôt  le  carac- 
tère de  douleurs  musculaires  que  de  douleurs  rénales  proprement  dites,  ou 
d'une  sensation  de  tension  et  de  pesanteur  dans  les  lombes  et  au  périnée; 
d'autres  fois  leur  point  de  départ  est  dans  le  rein  même,  et  elles  se  propagent 
alors  par  les  uretères  jusqu'à  la  vessie,  et  s'étendent  même  au  cordon,  au  testi- 
cule et  à  la  cuisse  (Wiiclierer)  ;  en  général  passagères,  elles  cessent  d'ordinaire 
avec  l'apparition  du  sang;  ou  bien  c'est  une  sensation  de  battement  dans  les 
reins,  sensation  subite,  très-violente,  et  dont  la  disparition  est  aussi  brusque 
que  le  début.  Dans  quelques  cas,  très-rares,  l'invasion  s'est  accompagnée  de 
véritables  col.ques  néphrétiques,  avec  rétraction  des  testicules,  accidents  qu'on 
a  expliqués  [tâv  la  coexistence  d'une  gravelle  urique  qui  n'existe  presque  jamais 
au  Brésil  et  dans  l'Inde,  et  que  P.  Guimaràes  met  plus  justement  sur  le  compte 
de  coagula  dans  les  bassinets  et  les  uretères;  ou  bien  encore  ce  sont  de  vives 
douleurs  vésicales  se  propageant  jusqu'à  l'extrémité  du  gland,  et  très-souvent 
de  l'ischurie  (Sonsino,  P.  Guimaràes).  Dans  la  période  d'état,  le  symptôme 
douleur  disparaît  presque  toujours  pour  ne  plus  revenir  qu'à  de  longs  inter- 
valles, lors  de  quelque  recrudescence,  par  exemple.  Ces  paroxymes  douloureux 
semblent  plus  s[)écialement  liés  aux  périodes  hématuriques;  quand  l'urine 
prend  l'aspect  franchement  laiteux,  la  douleur  s'apaise  ou  disparaît,  d'oii  quel- 
ques auteurs  ont  conclu  que  le  phénomène  douleur,  dans  sa  plus  grande  acuité, 
correspond  à  la  déchirure  des  capillaires  sanguins  en  quelque  point  des  voies 
uiinaires  (reins  ou  vessie)  ;  cependant,  nous  avons  assisté  à  la  Réunion  à  une 
crise  cliyleuse  pure,  avec  urines  très-abondantes,  sans  dysurie,  mais  accom- 
pagnée de  douleurs  hypogastriques  assez  intenses  pour  éveiller  des  idées  de 
suicide. 

En  général,  peu  de  retentissement  vers  l'appareil  digestif;  un  peu  d'inappé- 
tence, de  l'anorexie,  précédant  chaque  accès,  des  nausées,  plus  rarement  des 
vomissements.  V.  Pereira  a  noté  des  digestions  difliciles  et  de  la  flatulence; 
ilalfe,  de  la  dyspepsie  avec  douleurs  gastriques  et  coliques  suivies  de  jaunisse; 
une  malade  de  Gubbitt  se  plaignait  de  perte  d'appétit,  de  douleurs  épigastriques 
après  les  repas,  de  céphalalgies  avec  nausées,  palpitations  et  autres  symptômes 
dyspeptiques;  J.  Silva  mentionne  ces  mêmes  phénomènes  alternant  avec  une 
exagération  notable  de  l'appétit.  Ces  accidents  se  dissipent,  d'ordinaire,  une 
lois  l'accès  établi,  et  l'appétit  augmente,  comme  chez  le  Brésilien  de  Rayer  ; 
Certains  malades  sont  boulimiques  (Gaffe,  Crevaux),  fait  que  V.  Pereira  explique 
par  une  hypocholie  due  à  la  soustraction  des  principes  gras,  et  à  la  nécessité, 
pour  l'organisme,  de  contre-balancer  ses  pertes  par  l'acquisition  de  nouveaux 
éléments.  Havelburg  a  noté  une  soif  inextinguible  chez  une  femme.  La  constipa- 
tion est  assez  habituelle;  Crevaux  l'attribue  également  à  l'élimination  de  la 
graisse  et  à  la  diminution  corrélative  de  la  bile  sécrétée  en  moindre  quantité, 
ce  qui  n'a  pas  été  véritié;  cependant  les  fonctions  du  foie  ont  paru  troublées 
dans  quelques  cas  très-rares;  Crevaux  a  constaté  des  douleurs  dans  l'hypochondre 
droit  ;  Sigaud  une  hépatite  chronique  concomitante  ;  Ralfe  une  jaunisse  passa- 
gère. Ce  point  appelle  de  nouvelles  recherches. 

Du  côté  de  la  circulation,  quelques  accès  hématuriques  ont  été  précédés  de 
frissons  et  accompagnés  d'un  état  fébrile  d'une  durée  variable  de  un  à  trois  et 
dix  jours  (Crevaux),  qui  cessait  avec  l'apparition  du  sang.  Cette  réaction  fébrile 
du   début  est   fort   rare   au  Brésil  ;    S.   Lima  ne  l'a  jamais  constatée,   et  à 


no  HÉMATURIE. 

Bahia  l'iiématurie  chyleuse  est  généralemeat  considérée  comme  une  affection 
essentiellement  apyrétique ;  elle  a  été  notée,  cependant,  par  Ferrand,  Damas- 
chino  et  Scheube. 

On  a  rarement  évalué  avec  exactitude  la  quantité  de  sang  perdue;  à  lile  de 
France,  chez  les  enfants,  elle  est  parfois  si  faible  qu'il  ne  se  forme  pas  de  cail- 
lots, et  l'émission  de  l'urine  n'éprouvant  aucun  obstacle  se  fait  sans  douleur 
(Rayer).  Chassaniol  a  vu  les  pertes  s'élever  à  un  demi-litre  par  vingt-quatre 
heures,  et  pendant  plusieurs  jours.  Les  hémorrhagies  du  début  sont  peut-être 
les  plus  abondantes,  mais  presque  jamais  assez  copieuses  pour  entraîner  des 
accidents  ;  on  a  pourtant  noté,  au  moment  des  crises,  spécialement  chez  les 
enfants,  des  frissons,  de  l'anxiété,  le  refroidissement  des  extrémités,  des  sueurs 
froides,  l'altération  des  traits,  un  certain  degré  d'accélération,  de  concentration 
et  de  faiblesse  du  pouls,  enfin  tous  les  signes  ordinaires  des  hémorrhagies  abon- 
dantes, mais  ces  cas  sont  rares.  Au  bout  d'un  temps  variable,  le  sang  diminue 
et  disparaît;  le  malade  pourrait  se  croire  guéri,  mais  ce  n'est  qu'un  temps 
d'arrêt,  une  intermittence  qui  varie  de  quelques  jours  à  plusieurs  mois;  une 
nouvelle  attaque  ne  tarde  pas  à  ramener  la  même  série  d'accidents. 

On  ne  possède  rien  de  précis  sur  les  rapports  de  l'hématurie  avec  les  autres 
écoulements  de  sang  pathologiques  ou  physiologiques.  Grevaux  a  noté,  comme 
phénomènes  précurseurs  pendant  un  an,  des  épistaxis  abondantes  qui  cessèrent 
avec  l'invasion  de  la  maladie;  Chassaniol,  des  hémoptysies  rebelles  précédant 
de  six  mois  l'accès  hém;iturique  et  disparaissant  ensuite  graduellement;  dans  des 
cas  de  ce  genre,  il  serait  intéressant  de  s'assurer  si  les  caillots  hémoptoïques  con- 
tiennent le  même  helminthe  que  ceux  de  l'urine.  Chez  une  malade  de  Cassien, 
la  menstruation,  peu  abondante  depuis  le  passage  du  sang  dans  les  urines, 
devint  très-copieuse  après  la  guérison  de  l'hématurie. 

Ces  déperditions,  à  la  longue,  retentissent  plus  ou  moins  sur  la  santé  générale; 
on  lit  partout  que  les  malades,  malgré  quelques  années  d'urines  chyleuses,  con- 
servent généralement  les  apparences  d'une  bonne  santé  :  il  y  a,  en  effet,  quel- 
quefois de  l'embonpoint  (G.  Bird,  Gosset,  Cassien,  S.  Lima),  mais  presque  tou- 
jours, surtout  lorsque  les  urines  ont  été  longtemps  sanguinolentes,  on  découvre 
des  signes  d'anémie  plus  ou  moins  prononcée  ;  «  ces  malades  se  fatiguent  promp- 
tement,  sont  apathiques,  sans  courage,  sans  énergie  et  sans  forces,  mènent  une 
vie  molle  et  efféminée,  redoutent  la  marche  qui  a  pour  effet  d'augmenter  la 
sensation  de  pesanteur  dans  la  région  lombaire,  et  le  plus  petit  exercice  phv- 
sique  »  (Cassien).  Salesse  dit  qu'ils  sont  en  général  d'une  faible  constitution  et 
ont  le  teint  pâle;  J.  de  Moura,  qu'ils  sont  maigres  et  parfois  d'une  extrême 
maigreur.  Le  Brésilien  de  Rayer,  qui  paraissait  jouir  d'une  santé  assez  bonne, 
était  moins  bien  portant  quand  l'urine  devenait  fortement  laiteuse  ;  une  malade 
de  Cubbitt  était  incapable  de  tout  effort,  avait  diminué  de  poids  et  présentait 
d'autres  symptômes  d'affaiblissement  général;  im  chylurique  de  Sonsino, 
émacié  et  très-faible,  ne  pouvait  supporter  aucune  fatigue,  la  marche  était  chan- 
celante, et  il  se  plaignait  de  spasmes  dans  les  fléchisseurs  des  mains  et  d'en- 
gourdissement dans  les  jambes;  celui  de  Ferrand  accusait  une  fatigue  assez 
marquée  et  une  faiblesse  générale  ;  l'examen  du  sang  décela  une  diminution 
notable  des  hématies.  «  Généralement,  les  malades  se  sentent  affaiblis  par  ce 
drainage  de  la  lymphe,  et  au  bout  de  quelque  temps  deviennent  maigres  et  éma- 
ciés  ;  quelquefois  cependant  cette  perte  de  lymphe  est  bien  supportée,  ce  qu'on 
peut  attribuer  aux  bonnes  conditions  hygiéniques  du  malade  »  (Sonsino).  Un 


HÉMATURIE.  111 

créole  de  Maurice  était  atteint  de  pétéchies  (Rayer)  ;  un  autre,  d'amaurose  qui 
avait  coïncidé  avec  l'époque  de  la  transformation  de  l'hématurie  en  urines  cliy- 
leuses;  Sonsino  relate  une  double  luxation  du  cristallin,  etc.  Cependant,  ces 
complications  sont  tout  à  fait  exceptionnelles;  à  Maurice,  la  maladie  n'entrave 
pas  l'évolution  physiologique  des  enfants;  le  malade  de  Crevaux  avait  été  atteint 
à  quatorze  ans,  mais  n'en  a  pas  moins  continué  à  grandir  et  à  se  développer. 

Les  fonctions  de  reproduction  chez  l'homme  ne  subissent  aucune  atteinte  ; 
Miranda  Azevedo  rapporte,  il  est  vrai,  une  anaphrodisie  succédant  à  la  dispari- 
tion des  urines  laiteuses,  mais  c'est  le  seul  fait  de  ce  genre  qui  ait  été  signalé. 

Du  côté  de  V appareil  urinaire,  les  symptômes  sont  des  plus  caractéristiques. 
D'ordinaire,  la  miction  a  lieu  sans  douleur,  sans  ardeur,  sans  prurit,  exactement 
comme  dans  l'état  normal,  mais  elle  peut  être  précédée  de  fréquentes  envies 
d'uriner,  et  à  chaque  fois  il  est  émis  une  petite  quantité  d'urine  (Salesse).  Clarac 
a  connu  une  jeune  femme  de  dix-neuf  ans,  chylurique,  qui  dans  son  enfance 
était  l'objet  des  railleries  de  ses  compagnes,  «  tant  elle  urinait  souvent  »  [comm. 
manuscr.).  Les  dernières  contractions  de  la  vessie  peuvent  aussi  s'accompagner 
de  douleurs  vives  et  cuisantes,  mais  ce  fait  est  plus  spécial  à  l'hématurie  d'Égyple. 
L'expulsion  des  coagula  accumulés  dans  la  vessie  peut  provoquer  aussi  de  très- 
vives  douleurs  et  devient  dans  les  premiers  temps  Tine  préoccupation  continuelle 
pour  le  malade  ;  des  accidents  de  dysurie,  d'ischurie,  de  strangurie,  peuvent 
survenir  et  exiger  l'intervention  du  cathétérisme;  J.  dos  Reys  fut  une  fois 
obligé  de  dilater  le  canal.  Cependant  il  est  rare  que  l'intervention  chirurgicale 
devienne  nécessaire  ;  quand  la  vessie  est  pleine,  les  caillots  franchissent  l'urèthre 
sous  l'impulsion  de  contractions  énergiques;  au  bout  de  vin^t-quatre  heures 
ils  commencent,  du  reste,  à  se  désagréger,  et  n'offrent  plus  de  résistance;  les 
urines,  généralement  acides,  deviennent  alors  alcalines  et  laissent  déposer 
des  cristaux  de  phosphate  ammoniaco-magnésien.  M.  G.  Theodoro,  Argollo, 
V.  Pereira,  ont  signalé  des  palpitations  cardiaques  pendant  l'expulsion  des 
urines  chargées  de  gros  caillots. 

Urines.  A.  Caractères  physiques.  Ils  diffèrent  sensiblement  dans  l'héma- 
turie de  Bilharzia  et  dans  la  chylurie  {voy.  Dugnostic).  Les  urines  hémato- 
chyleuses,  au  moment  de  l'émission,  affectent  des  colorations  très-variées  : 
rouges  sang,  ou  d'un  blanc  laiteux  comme  une  émulsion,  dans  les  cas  les  plus 
tranchés,  elles  sont  parfois  seulement  rosées  ou  légèrement  sanguinolentes  ;  ou 
bien,  limpides  et  naturelles  à  la  sortie,  elles  deviennent  opalines  après  un  repos 
de  quelques  heures,  et  présentent  alors  des  reflets  ambrés,  azurés,  marbrés,  etc. 
On  a  admis  dans  la  maladie  deux  périodes,  distinctes  souvent,  mais  non  tou- 
jours, et  caractérisées  par  la  différence  de  couleur  des  urines  :  une  période 
hématurique  franche,  celle  du  début,  et  une  autre  signalée  par  l'apparition  de 
la  graisse  et  de  l'aspect  chyleux,  et  J.-J.  Silva  a  même  vu,  dans  ces  périodes, 
deux  entités  morbides,  hématurie  et  chylurie,  ce  qui  est  vrai,  s'il  ne  s'agit  que 
de  l'hématurie  par  Bilharzia,  dans  laquelle  on  ne  rencontre  jamais  l'aspect  chy- 
leux, mais  ce  qui  n'est  plus  justifié  par  l'observation  clinique  en  ce  qui  concerne 
l'hémo -chylurie  proprement  dite.  Ici,  une  des  périodes  peut  manquer,  la  der- 
nière, par  exemple,  et  après  une  ou  plusieurs  atteintes  d'hématurie  simple  les 
urines  reviennent  définitivement  à  l'état  normal,  et  la  guérison  a  lieu  sans 
autre  transformation;  ou  bien  le  sang  paraît  faire  défaut,  quoique  ces  urines, 
quelque  lactescentes  qu'elles  apparaissent,  renferment  toujours  des  hématies: 
mais,  en  ne  tenant  compte  que  de  la  couleur,  il  est  certain  que  fréquemment  au 


112  HKMATURIE. 

Brésil  les  urines  sont  cliyleuses  d'emblée  (J.-J.  Silva,  S.  Araujo),  malgré  l'asser- 
tion coiiUaire  de  Rayer,  Requin,  etc.,  pour  lesquels  la  chylurie  n'est  jamais 
primitive,  et  de  S.  Lima,  qui  ne  connaît  non  plus  un  seul  cas  où  les  urines  se 
soient  montrées  purement  laiteuses  dès  les  premiers  jours  de  l'invasion,  ses 
malades  ayant  accusé  unanimement  la  présence  du  sang  en  proportion  variable 
dans  la  péiiode  initiale.  Mais  d'autres  cas  observés  au  Brésil  ne  peuvent  laisser 
de   doutes  ;  Bueno  Mamoré,  à   Belem   du  Para,   cite  un  fait  très-précis  dans 
lequel  il  n'a  jamais  remarqué  l'aspect  sanguinolent,  soit  avant,  soit  après  les 
accès  chylcux ;  Walers,  Araujo,  J.  Silva,  Sonsino,  ont  relaté  des  faits  semblables; 
Lewis  dit  même  que  le  mot  bématurie  serait  un  terme  impropre  dans  quelques 
cas,  vu  que  parfois,  du  début  jusqu'à  la  tin  de  l'allaquo,  il  est  impossible  de 
découvrir  des  traces  de  matière  colorante  rouge  dans  l'urine,  et  il  cite  un  créole 
européen  de  l'Inde  qui,  à  la  troisième  attaque,  n'y  avait  jamais  constaté  la  plus 
légère  trace  de  sang.   Cependant  la  maladie  débute  souvent  aussi  par  un  pisse- 
nient  de  sang  pur,   ou  par  des  urines  sanguinolentes,  l'aspect  laiteux  n'appa- 
laissant  que  consécutivement;  la  couleur  varie  alors  du  rose,  ou  llcur  de  pêcber, 
ou  teinte  cbair  uniforme,  à  celle  du  vin  de  Porto  (Hellis),  ou  au  rouge  foncé; 
ou  bien  on  aperçoit  seulement  des  traînées  roses  ou  rougeâlres  et  quelques 
moules  fibreux  ou  sanglants  que  le  malade  prend  pour  des  lambeaux  de  chair 
(Sonsino).  Avec  le  temjis,  la  proportion  dii  sang  diminue  peu  à  peu,  et  la  teinte 
devient  uniformément  laiteuse,  ou  chocolat  (Chassaniol),  ce  qui  est  plus  rare, 
ou  plus  souvent  café  an  lait,  nuances  dont  l'urine  est  redevable  à  un  mélange 
de  sang  en  proportions  variables;  pourtant,  J.-J.  da  Silva  a  vu  des  urines  café 
au  lait,  dans  lesquelles  le  sang  manquait  (?j  et  dont  la  coloration  provenait, 
dit-il,  de  l'acide  urique  en  poudre  amorpbe  tenu  en  suspension  par  l'albumine. 

Prout  a  donné  le  nom  de  lymphatiques  [lijmphous)  à  des  urines  dans  les- 
quelles la  graisse  ne  se  montre  qu'en  faible  proportion,  et  qui,  dépourvues  de  la 
teinte  opaque  des  urines  dites  chyleuses,  contiennent  néanmoins  de  l'albumine 
et  de  la'  fibrine,  et  se  coagulent  spontanément.  Cet  aspect  particulier,  assez 
mal  défmi  et  qui  semblerait  impliquer  la  présence  de  la  lymphe  seule,  n'aurait 
pas  encore  été  rencontré  au  Brésil. 

Sous  diverses  influences  mal  appréciées,  l'aspect  et  la  composition  de  l'urine 
changent,  non-seulement  d'un  jour  à  l'autre,  mais  pour  ainsi  dire  à  toutes  les 
heures  de  la  journée,  et  jusque  dans  une  même  miction.  Quand  l'affection  est 
bénigne,  l'urine  du  matin  est  généralement  moins  trouble,  et  à  première  vue 
se  rapproche  de  l'urine  normale  ;  elle  est  de  couleur  citrine,  sans  pellicule 
crémeuse  à  sa  surface,  mais  donne  encore  un  coagulum  sensible  par  la  chaleur 
et  l'acide  azotique.  Meirelles  avait  signalé  dès  1855  qu'au  lit  les  urines  restent 
limpides,  fait  confirmé  depuis  par  Bence  Jones,  Cassien,  F.  dos  Santos,  mais 
contredit  par  d'autres  observations  de  Bueno  Mamoré,  de  Crevaux  et  de  Sonsino  : 
ce  dernier  dit  que  le  décubilus  et  le  séjour  au  lit  semblent  faciliter  l'échappe- 
ment de  la  lymphe  ;  P.  Guimarâes  et  C.  Rebello  ont  vu  l'urine  rosée  le  matin 
et  laiteuse  dans  la  soirée  ;  Sonsino,  café  au  lait  ou  brune  dans  le  jour  et  plutôt 
blanche  au  réveil  ;  ou  bien  le  sang  ne  se  montre  que  dans  la  seconde  partie  de 
la  nuit,  de  douze  à  six  heures  du  malin,  et  dans  la  journée  les  urines  restent 
simplement  lactescentes  (Ferrand).  On  possède  deux  observations  (Oehme, 
Siegmund),  de  malades  n'ayant  jamais  quitté  l'Allemagne  centrale  et  chez 
lesquels  l'urine  chyleuse  n'était  invariablement  excrétée  qu'une  fois  dans  les 
vingt-quatre  heures,  et  la  nuit  à  partir  de  deux  ou  trois  heures  du  matin  ;  le 


HÉMATURIE.  US 

jour,  l'urine  était  normale;  le  malade  d'Oehme  était  atteint  de  cancer  stomacal. 
Quelle  explication  donner  à  cet  autre  fait  non  moins  bizarre  rapporté  par  Acker- 
mann?  l'urine  était  parfaitement  normale  quand  le  malade  se  coucliait  sur  1& 
côté  droit,  et  reprenait  l'aspect  chyleux  aussitôt  qu'il  se  levait.  Ce  sont  les  urines- 
du  jour  et  celles  du  soir  qui  présentent  manifestement  la  couche  crémeuse 
(Ch.  Robin);  elles  sont  sensiblement  plus  blanches  trois  ou  quatre  heures  après' 
le  repas  (Cussien,  Obs.  IV  ;  Dickman)  ;  chez  un  malade  de  Bence  Jones,  l'urine 
était  plus  fréquemment  chyleuse  après  un  repas  de  viande  qu'après  lingestiort 
d'aliments  végétaux  ;  elle  reprenait  sa  transparence  pendant  le  reste  du  jour. 
Pourtant,  ce  n'est  pas  une  règle  générale  que  l'excès  des  matières  grasses  ani- 
males dans  le  régime  influe  sensiblement  sur  la  couleur  de  l'urine;  Scheube  a 
bien  vu  chez  un  Japonais  la  graisse  augmenter  par  l'usage  de  l'huile  de  foie  de 
morue,  mais   Brieger  dit,  au  contraire,  que  ce  médicament  n'exerce  aucune 
influence;  toutefois,  la  matière  grasse  diminua  (juand  il  soumit  son  malade  à 
un  régime  privé  de  graisse.  Par  ailleurs,  aucun  fait  nouveau  n'a  confirmé  l'as- 
sertion de  Leared  au  sujet  de  l'abus  de  l'huile  d'olives.  Moitessier,  comparant 
les  urines  du  matin,  des  repas,  et  des  boissons,  n'a  trouvé  aucune  concordance 
entre  leur  aspect  et  leur  composilion,  et  les  condilions  [diysiologiques  de  son, 
malade.  L'abstinence,  pourtant,  n'<;st  pas  sans  action  :  Moriissou  a  vu  une  juive 
dont  l'urine  devenait  beaucoup  plus  claire  pendant  la  période  du  jeune  annuel. 
Chez  la  malade  de  Cubbilt  toute  fatigue  du  corps  ou  de  l'esprit,  tout  effort  inac- 
coutumé, toute  excitation,  la  veille,  l'ennui,  le  chagrin,  avaient  pour  effet  d'exa- 
gérer immédiatement  l'aspect  laiteux  de  l'urine;  l'eau-de-vie  la  rendait  transpa- 
rente. Cassien  dit,  au  contraire,  que  l'alcool  a  pour  effet  immédiat  d'augmenter 
la  proportion  du  sang.  Sous  l'influence  du  repos  ou  d'un  exercice  modéré,  le 
dépôt  est  seulement  rosé  ;  une  marche  forcée  ou  un  long  trajet  en  voiture  ou 
à  cheval  rendent  l'urine  sanguinolente  dans  toute  sa  masse;  chez  un  malade  de 
Goodwin,  tout  travail  pénible  ramène   la  coloration  chyleuse;  un  cbylurique- 
provoque  à  volonté  un  accès  par  un  trajet  en  voiture  après  ses  repas,  etc.  Ces 
faits  n'ont  rien  de  constant  :  chez  le  Brésilien  de  Rayer,  l'équitation   a  quel- 
quefois ramené  passagèrement  les  urines  à  l'état  normal;  on  a  vu  aussi  le  sang, 
diminuer  après  un  bain  froid  ou  une  marche  forcée  ;  Salesse  dit  que  chez  un  de 
ses  malades  indemne  de  graviers  les  excès  vénériens  ou  ceux  de  la  table  ren-; 
daient  parfois  les  urines  moins  sanglantes;  chez  le  même,  le  sperme  épanché^ 
dans  des  pollutions  nocturnes  était  sanguinolent.  Noronha  Gonzaga  affirme  aussi 
qu'après  le  coït  l'urine  semble  faire  retour  à  son  aspect  normal.  Il  est,  du  reste,! 
fort  rare  que  l'aspect  laiteux  persiste  d'une  façon  constante  ;  il  y  a  de  temps  en 
temps,  sinon  cessation  complète,  du  moins  rémission  plus  ou  moins  marquée' 
dans  l'abondance   de   l'émission  sanguine  ou    lactescente.   Tantôt  la  chylurie 
alterne  avec  le  pissement  de  sang  ou  l'accompagne;  celui-ci  a  disparu  depuis-> 
longtemps  déjà  que  les  urines    se  montrent  encore  laiteuses    ou    qu'elles  le 
deviennent  pour  la  première  fois  (Robin).  Un  Portugais  cité  par  Meirelles  pissait^' 
une  fois  par  jour  du  sang  pur  aussitôt  coagulé  ;  d'autres  fois  l'urine  était  claire^ 
ou  bien  café  au  lait  et  trouble.  Roza  rapporte  que  chez  un  viveur  le  coagulum- 
prenait  souvent  une  teinte  azurée. 

Les  urines  reprennent  parfois  leur  aspect  habituel  pendant  une  maladie  inter- 
currente ;  chez  l'un,  la  chylurie  disparaît  pendant  deux  mois  à  la  suite  d'une 
fièvre  pernicieuse  syncopale  (J.  Moura);  pendant  une  angine,  chez  un  autre 
(Salesse),  ou  un  accès  de  goutte  (Rayer),  ou  à  l'occasion  d'un  embarras  gastriqxie 
WCT.  EKC.  i*  j.  XllJ.  8 


114  HÉMATURIE. 

(ébrile  (Ferrand).  Nativel  avance  que  les  exacerbations  dans  la  coloration  lai- 
teuse coïncident  d'ordinaire  avec  des  accès  de  fièvre  palustre,  fait  qu'on  ne 
trouve  mentionné  par  aucun  observateur.  Nous  avons  signalé  ralteruance  des 
périodes  liémato-cliyluriques,  de  l'érysipèle  et  des  lympliorrliagies  cutanées. 

L'urine  conserve  généralement  Vodeur  qui  lui  est  propre  ;  Sobrini  et  Jubim 
lui  ont  trouve'  celle  du  blanc  d'oeuf;  Cubbitt,  de  pommes  mûres  ;  llavelburg, 
une  forte  odeur  de  graisse;  pour  Rosenstein,  elle  est  fade  comme  celle  d'un 
extrait  végétal  en  voie  de  décomposition   ou  d'un  sirop;  le  malade  de  Crevaux  ia 
comparait  à  celle  du  café  au  lait;   Mébu  aurait  perçu  une  odeur  de  lait  tellement 
prononcée  qu'il  soupçonna  tout   d'abord  une   supercherie.  Au  bout  de  vingt- 
quatre  heures,  elle  devient  ammoniacale,  puis  suH'hydrique  et  des  plus  repous- 
santes (Jubim,  Crevaux).  Ces  urines   se  putrériei4  rapidement  chez  quelques 
malades,  moins  vite  chez  d'autres  ;  la  décomposition  serait  d'autant  plus  prompte 
qu'elles  sont  plus  chargées  de  caillots  rouges,  et  quelquefois  tellement  rapide 
qu'elle  a  lieu  aussitôt  après  la  miction;  pourtant,  Chassaiiiol  en  a  vu  de  com- 
plélenient  blanches  dont  l'otleur   au  sortir  même  du  canal  était   extrêmement 
fétide  et  fortement  ammoniacale;  d'autres  Ibis,  on  peut  les  garder  deux  et  trois 
jours  sans  qu'elles  s'allèrent  assez  pour  offenser  l'odorat  (J.  de  Moura,  Bouchut),, 
B.  Caractères  chimiques.      En  règle  générale,  les   urines  sont  acides   aa 
moment  de  l'émission,  alcalines  parfois  (Ralfe,  Souza-Lima),  réaction  que  leur 
imprime  une  grande  quantité  de  phosphate  ammoniaco-magnésien  (Priestley), 
ou   un  commencement  d'altération  dans  la  vessie  ;  on  les  a  trouvées  neutres 
quelquefois  (Hillis). 

La  qualification  ù'albumino-graisseiises  rappelle  la  présence  constante,  mais 
en  pi'oportions  variables,  de  deux  éléments  étrangers,  l'albumine  et  la  graisse. 
Débarrassée  préalablement  de  la  matière  grasse  par  l'éther  ou  le  chloroforme, 
l'urine  présente  toutes  les  réactions  des  urines  albumineuses  dans  la  maladie  de 
Briglit;  elle  donne  par  l'acide  nitrique  et  par  la  chaleur  un  coagulum  épais, 
blanc  ou  jaunâtre,  qui  offre  au  microscope  les  caractères  de  l'albumine  (Gubler), 
€t  qui  s'étend  parfois  au  1/5  ou  à  la  1/2  du  liquide  total;  quand  la  matière 
blanche  n'est  pas  en  forte  proportion  et  que  l'urine  est  alcaline,  la  chaleur  seule 
peut  ne  pas  donner  de  coagulum,  et  pour  l'obtenir  il  faut  ajouter  quelques 
gouttes  d'acide  acétique.  Quelquefois  on  n'obtient  qu'un  léger  précipité  ;  vers 
la  fin  de  la  maladie  et  près  de  la  guérison  on  n'en  trouve  plus.  Dans  la  période 
d'état,  l'urine,  quoique  accidentellement  claire,  contient  presque  toujours  de 
l'albumine  (elle  manquait  dans  une  analyse  de  Cubitt),  et  celle-ci  peut  se  coa- 
guler spontanément  par  le  refroidissement.  Cette  coagulation  spontanée  serait 
la  règle,  d'après  Wucherer;  une  fois  opérée,  ni  la  chaleur  ni  l'acide  azotique  ne 
produisent  plus  de  coagulum.   Bence  Joues  a  montré  que  l'albumine  cessait 
d'être  rendue  pendant  le  repos  absolu  {Phil.  Trans.,  1850).  Fait  remarquable, 
malgré  la  présence  presque  constante  de  l'albuminurie,  il  est  extrêmement  rare 
de  trouver  de  l'œdème  des  extrémités  ou  des  signes  d'hydropisies  ;  nous  avons 
relevé  deux  faits  seulement   où   l'œdème  a  été  signalé,  dans  un  cas  cité  par 
Priestley,  chez  un  enfant  mort  tuberculeux  avec  les  lésions  rénales  de  la  maladie 
de  Bright,  et  dans  un  autre  rapporté  par  Lewis  chez  une  femme  qui  présenta 
une  ou  deux  fois  de  l'œdème  de  la  face  et  des  membres.  Les  quantités  d'albu- 
mine sont  variables;  en  général,  l'urine  en  renferme  une  proportion  égale  ou  un 
peu  supérieure  à  celle  de  la  graisse  ;  pour  1000  :  Cubitt,  15  dans  les  urines  lai- 
teuses du  matin,  0  dans  les  urines  transparentes  de  la  journée  ;  Bence  Jones, 


HÉMATURIE.  115 

14,0")  et  15,95;  Ouévenne,  7;  Bouchardal,  2,1  •  Waters,  6;  Ralfc,  14,5;  Damas- 
chi'no,  20,65;  Scheube,  G  à  27;   W.  Begbie,  1,70;  Nienieyer,  6,18  et  5,15; 
Moitessier,   11,2;  Barbour,  28  et  15,9;  Brieger,  2,6  à  4;  Coliignon,  19,4; 
Nativei,  6,  etc.  ;  les  analyses  de  Lehmann  et  de  Le  Conte  n'en  font  pas  mention. 
C'est  principalement  derulbumine  du  sérum,  mais  les  rechercbes  de  Thudichum, 
E"-<Tel  et  Oebni,  ont  prouvé  qu'à  côté  d'elle  existait  encore  au  moins  une  autre 
espèce  d'albumine  (Spring)  ;  Boucbut  et  Senator  ont  vu  le  précipité  obtenu  par 
l'acide  nitrique  se   dissoudre  par  la  chaleur  et  reparaître  par  le  refroidisse- 
ment :  l'albumine  s'y  trouverait  donc  en  partie  à  l'état  modifié   (albuminose). 
Pour  Méhu,  l'albumine  facilite  l'émulsion  de  la  matière  grasse  et  la  rend  plus 
stable.  Quant  à  la  caséine  que  l'on  a  prétendu  avoir  extraite  des  urines  dites 
laiteuses  [voy. Ch.  Robin  et  Verdeil,  Chimanat.,  t.  111,  p.  545),  et  que  l'acide 
acétique  n'a  jamais  révélée,  on  sait  aujourd'hui  que  ce  n'est  autre  chose  que  de 
l'albumine  (Ch-  Robin).  Le  tannin  et  l'alcool  donnent  des  précipités  très-abon- 
dants. 

Quand  on  a  éliminé  la  matière  grasse  par  le  chloroforme  ou  l'éther,  l'albu- 
mine par  la  chideur,  qu'on  a  filtré  et  évaporé  à  consistance  sirupeuse,  si  l'on 
ajoute  au  liquide  restant  quelques  gouttes  d'acide  azotique,  on  obtient  encore 
ime  certaine  quantité  de  cristaux  d'azotate  d'urée.  «  La  petite  proportion  de 
l'urée  et  des  autres  principes  fixes  montre  qu'il  y  a  là  un  état  général,  ou  au 
moins  de  l'excrétion  urinaire  qui  est  morbide  »  Ch.  Robin). 

La  matière  blanche  n'est  qu'en  partie  et  lentement  soluble  dans  l'éther  ;  2  à 
5  heures  de  contact  sont  généralement  nécessaires  pour  obtenir  la  transparence 
duhquide;  il  faut  souvent  attendre  12  heures  et  agiter  pour  que  la  réaction 
soit  complète.  L'éther  qui  surnage  prend  une  teinte  jaunâtre  ;  décanté  et  éva- 
poré, il  laisse  un  résidu  de  même  couleur,  onctueux  au  toucher,  faisant  tache 
sur  le  papier,   saponifiable  par   les  alcalis,   et   dégageant  par  la  combustion 
l'odeur  de  l'acroléine  (Sonsino),  rappelant,  en  un  mot,  tous  les  caractères  de  la 
graisse.  La  quantité  de  graisse  atteint  quelquefois  40   pour  1000  et  au  delà 
(47,  Miller  Ord)  ;  cependant,  en  général,  elle  n'est  que  de  5  à  15  (Ch.  Robin); 
5  à  15  (Bouchut);  d'autres  analyses  ont  fourni  :  Bouchardat,  13  et  25;  Qué- 
venne,  19;  Cubitt,  13,9;  Bence  Jones,  7,46  et  8,57;  Crevaux,  22;  Le  Conte, 
11,8  à  19  et  20;  Watters,  9,9;  Ralfe,  7,8;   Eggel,  7;  B.  Scheube,  6  à  33; 
Ferrand,  8,27;   Barbour,  1,5  et  59,1;  Brieger,^0,30  à  7,2;  Ollivier,  0,42; 
Coliignon,  8,12;  Méhu,  4,25  et  8,37;  Nativei,  9,4,  etc.;  seule  une  analyse 
de  Lehmann  n'en  accuse  pas  de  traces.  Isolée,  cette  graisse  est  neutre  (Eggel, 
Ackermann),  ou  à  l'état  d'acide  gras,  acide  sébacique  (Scheube),  mais  ne  possé- 
dant qu'une  action  très-faible  sur  le  tournesol;  une  partie  seulement  est  soluble 
dans  l'alcool  chaud  ou  froid.  Elle  est  douée  d'une  odeur  aromatique  (Quévenne, 
Bouchardat)  comparée  parfois  à  celle  du  beurre  de  cacao,  ou  rappelant  celle  de 
l'acide  benzoïqne  dont  Bouchardat  a  trouvé  des  traces.  Les  opinions  varient  sur 
sa  nature;  on  en  a  fait  une  graisse  phosphorée  comme  la  lécythine;  pour  Thu- 
dichum (1864)  c'est  un  composé  de  palmitine  et  d'acide  stéarique  émulsionnés 
par  le  sulfate  de  soude;  Ord  y  a  trouvé  de  l'oléine,  de  la  palmitine  et  de  la 
stéarine,  et  une  petite  quantité  d'acides  gras  d'un  point  de  fusion  différent  des 
acides  stéarique  ou  margarique.  D'après  Rosenstein  et  Ackermann,  elle  serait 
maintenue  en  émulsionpar  l'albnmine.  Elle  fond  à  36-58"  (Ackermann).  Lang- 
gaard  a  vérifié  la  présence  de  la  cholestérine  et  de  la  lécythine  {Arch.  f.  Anat. 
med.  physiol.,  t.  LXXYI,  p.  545). 


116  HÉMATURIE. 

En  dehors  de  ces  éléments  constants,  albumine  et  graisse,  il  s'ajoute  encore 
le  plus  souvent  de  la  fibrine,  quelquefois  en  notable  proportion,  qui  entre  dans 
la    composition  des  caillots;    Golding  Bird,    Magalhaès,     Yogel,     la  signalent 
dans  plusieurs  analyses,  et  la  coagulation  spontanée  de  l'urine  en  est  une  autre 
preuve  ;  chez  le  sujet  de  Ferrand,  il  existait,  pour  1000  d'urine,  0,58  de  fibrine 
«  aussi  élastique  que  celle  du  sang  récemment  sorti  de  ses  vaisseaux  ou  du 
liquide  de  la  pleurésie  franche  récente  »  (Méhu).  Selon  Thudichum,  elle  se  pré- 
sente sous  forme  de  caillots  ou  de  pellicules  renfermant  des  globules  sanguins 
et  s'élevant  au  sommet  du  liquide  par  le  repos;   ils  sont  retenus  par  le  filtre; 
lorsque  la  fibrine  se  présente  à  l'état  de  simple  coagulum,  celui-ci  peut  être 
petit  et  n'occuper  que  le  centre  du  récipient,  ou  bien  c'est  la  masse  entière  de 
j'urine  qui  se  prend  en  un  blor  tremblotant  qui  reproduit  la  forme  du  vase.  Dans 
l'un  et  l'autre  cas,   le  coagulum  brisé  par  l'agitation  se  sépare  en  deux  parties, 
l'une  fluide  et  séreuse,  plus  ou  moins  opalescente  ou  laiteuse,  comme  l'urine 
elle-même,  et  qui,  par  le  repos,  présente  bientôt  une  couche  crémeuse  à  sa 
surface,  l'autre  constituée  par  une  masse  fibrineuse  délicate,  petite  en  compa- 
raison du  volume  primitif  de  la  masse  coagulée,  d'apparence  charnue,  et  en 
général  plus  ou  moins  colorée  en  rose  par  les   hématies.  Ce  sont  ces  caillots 
fibrineux  qui,  se  formant  parfois  dans  la  vessie  même,  apportent  des  obstacles 
à  la  miction.  Pour  A.  Schmidt,  l'urine  doit  contenir  en  dissolution  les  éléments 
chimiques   nécessaires  à  la   production  de  la   fibrine,  à  savoir  :  la  substance 
fibrinogène,  la  substance  fibrino-plastique  et  le  ferment  de  la  fibrine  ;  quand 
l'uriue  chyleuse  ne  se  coagule  pas,  c'est  la  première  qui  paraît  faire  défaut 
(Spring). 

Les  éléments  inorganiques  de  l'urine  normale  ne  paraissent  pas,  dans  la 
majorité  des  cas,  modifiés  dans  l'urine  chyleuse.  11  est  pourtant  des  circon- 
stances où  l'acide  urique  s'est  présenté  en  excès,  libre,  et  formant  un  dépôt 
scdimentaire  plus  ou  moins  abondant  ;  on  a  même  vu  parfois  l'urine  graisseuse 
alterner  avec  des  urines  sanglantes  chargées  d'acide  urique  :  de  là  le  rôle  qu'on 
a  fait  jouer  à  la  gravelle  dans  la  production  de  l'hématurie  endémique,  ainsi 
qu'il  sera  dit  plus  loin.  Cette  complication  serait,  dit-on,  commune  à  Maurice, 
tant  dans  les  urines  sanguinolentes  que  dans  les  urines  chyleuses  ;  Rayer  en 
rapporte  plusieurs  cas,  avec  coliques  néphrétiques  et  émission  de  graviers,  et 
s'est  appuyé  sur  ce  fait  pour  diviser  ïhématurie  essentielle  endémique  en 
hématurie  simple,  avec  gravelle  urique  et  chyleuse.  Salesse  rapporte  qu'un  de 
ses  malades,  sujet  aux  coliques  néphrétiques,  rendait  des  graviers;  chez  un  autre, 
l'urine  déposait  un  sédiment  rougeàtre,  rugueux  au  toucher.  Cassien  n'en  fait 
pas  mention  à  l'île  Bourbon  ;  au  Brésil,  le  fait  doit  être  fort  rare  ;  à  part  Paula 
Candido  (1855),  qui  dit  avoir  constaté  de  l'acide  urique  libre  et  rarement  de 
l'urée,  et  J.-j.  Silva  (1875),  qui  aurait  trouvé  cet  acide  à  l'état  amorphe  dans 
une  urine  purement  chyleuse,  les  médecins  brésiliens  ne  mentionnent  pas  cette 
complication  ;  Wucherer  ignore  si  la  présence  des  graviers  a  été  constatée  dans 
le  pays  ;  A.  Couto  n'en  a  jamais  vu  ;  les  analyses  de  Bouchardat,  Cubbitt,  Watters, 
Lehmann,  ne  signalent  que  des  quantités  très-faibles  ou  des  traces  d'acide 
uriaue  libre  ;  beaucoup  d'autres  ne  la  mentionnent  pas.  Mais  ceci  ne  s'applique 
nu'à  l'hémalochylurie  ;  dans  l'hématurie  d'Egypte,  les  concrétions  urinaires, 
Erraviers  et  calculs,  sont  une  conséquence  commune  de  la  présence  du  distome, 
los  œufs  de  la  bilharzia  pouvant  par  eux-mêmes  en  constituer  les  noyaux,  comme 
Sonsino  s'en  est  assuré. 


HÉMATURIE.  117 

Si  la  maladie  était  seulement  une  lymphurie ,  on  devrait  trouver  toujours 
dans  les  urines  une  certaine  quantité  de  sucre,  la  lymphe  étant  constamment 
plus  chargée  de  glycose  que  le  chyle.  Or,  la  présence  du  sucre  a  été  rarement 
constatée.  Nisseron,  il  est  vrai,  a  mentionné  l'action  réductrice  de  ces  urines 
sur  la  liqueur  cupro-potassique,  mais  Gubler  qui,  par  la  liqueur  de  Barreswill, 
a  vu  la  couleur  du  réactif  virer  au  violet,  ajoute  que  l'ébuUition  prolongée  ne 
détermine  pas  de  précipité  jaune;  Cassien  dit  également  que  le  même  réactif  ne 
provoque  pas  de  précipité  d'oxydule  de  cuivre  ;  Priestley,  Bouchut,  A.  Pinto. 
Scheube,  Ilavelburg  et  d'autres,  n'ont  jamais  obtenu  de  sucre;  Bouchardat  l'a 
recherché  par  la  polarisation  et  par  l'ébuUition  avec  un  excès  de  chaux  sans  en 
découvrir  une  quantité  appréciable,  et  il  en  conclut  que,  bien  qu'on  ait  avancé 
que  le  diabète  sucré  suivait  souvent  le  diabète  chyleux,  les  preuves  de  cette 
coexistence  font  complètement  défaut.  G.  llarley  a  néanmoins  soutenu  que  la 
glycosurie  pouvait  être  associée  à  l'urine  chyleuse,  et  que  des  observations  de 
Babington  on  pouvait  presque  conclure  que  la  présence  du  sucre  dans  le  sang 
prédispose  à  la  chylurie  ;  Babington,  ayant  examiné  le  sang  d'un  grand  nombre 
de  diabétiques,  les  aurait  trouvés  positivement  atteints  de  piarrhémie  {Cijclop. 
of  Anat.  and  plnjs.,  Todd).  Morrisson  pense  aussi  que  la  glycosurie  peut  pré- 
céder la  chylurie  et  lui  donner  naissance.  En  présence  de  ces  assertions  contra- 
dictoires, il  est  prudent  d'attendre  de  nouvelles  observations. 

En  résumé,  l'urine  chyleuse  diffère  de  l'urine  normale  par  la  présence  de  la 
matière  grasse,  de  l'albumine,  de  la  fibrine  et  de  l'acide  benzoïque  (Bouchardat), 
et  éventuellement  de  l'acide  urique  et  du  sucre;  privée  de  ces  éléments,  elle 
reproduit  les  principes  caractéristiques  de  l'urine  normale. 

G.  Caractères  microscopiques .  Us  sont  [des  plus  remarquables.  Outre  les 
entozoaires  dont  il  sera  question  plus  lom,  on  rencontre  de  nombreux  éléments 
figurés.  La  teinte  cerise,  rouge,  ou  plus  ou  moins  rosée  de  l'urine  ou  du  dépôt, 
est  due  presque  uniquement  à  des  hématies,  c  11  s'agit  ici  de  véritable  sang,  et 
non  d'une  simple  coloration  sanguinolente  provenant  de  la  dissolution  des  cor- 
puscules sanguins,  semblable  à  celle  qui  se  rencontre  dans  certains  cas  de  fièvres 
graves,  d'intoxication  par  l'arsenic,  etc.,  que  Vogel  appelle /iema/m2<r/e.  Ici,  on 
retrouve  les  globules  sanguins  intacts  »  (Wucherer).  Un  grossissement  de  350  à 
400  diamètres  suffit  pour  les  bien  voir  ;  leur  présence  est  constante,  quoique 
souvent  l'aspect  extérieur  de  l'urine  ne  l'indique  pas;  Coquerel  les  a  toujours 
rencontrés  chez  les  malades  de  Cassien.  Dans  des  urines  blanches,  avec  le  compte- 
globules  de  Malassez,  Crevaux  en  a  compté  11  000  par  millimètre  cube,  preuve 
que,  si  la  teinte  lactescente  masque  la  couleur  rouge  des  hématies,  la  coexistence 
de  celles-ci  avec  la  graisse  n'en  est  pas  moins  constante.  Beconnaissables  à  leur 
coloration  jaunâtre,  à  leur  groupement,  à  leur  insolubilité  dans  l'eau,  les  glo- 
bules hématiques  des  urines  diffèrent  cependant  des  mêmes  éléments  dans  le 
sang  normal  ;  un  certain  nombre  seulement  conservent  leur  forme  de  disques 
bi-concaves  ;  beaucoup  sont  devenus  complètement  globuleux,  d'un  diamètre 
inférieur  à  celui  des  corpuscules  sanguins,  et  se  sont  décolorés.  Il  se  produit  ici 
ce  qui  se  passe  quand  le  sang  a  séjourné  dans  l'urine,  dans  l'albuminurie  avec 
Héphrorrliagie,  par  exemple  ;  sous  l'influence  de  phénomènes  diosmotiques, 
l'hématosine  s'échappe  des  globules,  ceux-ci  absorbent  de  l'eau  et  se  gonflent  en 
se  décolorant.  Ils  représentent  alors  non  plus  des  disques  rougeàtres,  mais  des 
utricules  sphériques  à  peu  près  incolores  et  dont  il  est  facile  de  reconnaître 
l'origine  par  l'ammoniaque  qui  les  dissout  immédiatement,  ou  par  l'acide  acé- 


118  HÉMATURIE. 

tique  qui  dissout  seulement  leur  enveloppe  et  met  le  noyau  en  liberté.  Cette 
configuration  tout  accirientelle  n'aurait-ellc  pas  induit  en  erreur  Wucherer, 
V.  Pereira,  etc.,  qui  ont  pris  ces  hématies  déformées  pour  des  globules  blancs 
du  sang,  et  par  suite  ont  supposé  que  ces  derniers  circulaient  dans  le  sang  en 
proportion  beaucoup  plus  considérable  qu'à  l'étal  normal,  ce  qui  n'est  pas  suf- 
fisamment démontré?  Ces  globules  déformés  mesurent  1/200''  de  millimètre 
environ  en  moins  que  les  globules  bi-concaves,  et  cette  diminution  de  diamètre 
doit  avoir  pour  cause  le  passage  de  l'état  discoïde  à  l'état  spliéroïdal  (Crevaux). 
Régulièrement  spliériques  et  lisses  pour  la  plupart,  parfois  avec  un  double 
contour,  ils  offrent  aussi  nue  surface  chagrinée,  ou  bien  sont  crénelés  sur  leur 
pourtour  par  de  petits  prolongements  qui  leur  donnent  un  aspect  framboise',, 
yiùiiforme.  D'autres  ont  la  forme  d'un  bonnet  ou  d'une  coupe,  d'autres  enfin 
sont  ovoïdes  (Crevaux). 

Parmi  les  hématies,  on  distingue  des  corpuscules  lymphatiques,  globules 
blancs,  analogues  5  ceux  du  sang,  plus  volumineux,  et  d'autant  plus  nombreux 
que  les  caillots  sont  plus  opaques.  Leur  proportion  est  d'environ  1  pour  500,  un 
peu  plus  forte  que  dans  le  sang  normal,  i  pour  400  (Longet),  ou  355  (Moles- 
choit),  2  à  5  pour  iOOO  (Frey).  On  reconnaît  aussi  au  microscope  que  l'aspect 
laiteux  est  dû  cssoulielloment  à  des  granulations  de  nature  graisseuse  dans  un 
état  de  division  extrême  ;  sous  300  à  350  diamètres,  elles  n'apparaissent  que 
comme  une  fine  poussière  disséminée  dans  tout  le  liquide  et  agitée  d'un  mou- 
vement brownien  continuel.  Les  filtres  en  papier  ne  les  retiennent  pas  aussi  : 
l'urine  filtrée  reste-telle  aussi  trouble  qu'auparavant.  Le  crémor  de  la  surface  est 
formé  par  une  agglomération  plus  grande  de  granulations.  Elles  ne  se  rassem- 
blent ni  ne  se  déposent  par  le  repos  ;  elles  sont  brillantes  et  trop  ténues  pour 
paraître  jaunes  au  centre  comme  les  gouttes  ordinaires  dégraisse:  c'est  une  véri- 
table émulsion.  Piabuteau  estime  leur  diamètre  variable  à  l/oOO''  de  millimètre, 
Bouchardat  à  1/800%  Gubler  à  1/600°.  Ces  molécules  sontsolubles  dans  l'élher, 
mais,  la  dissolution  n'ayant  pas  lieu  instantanément,  on  est  porté  à  supposer 
qu'elles  sont  revêtues  d'une  mince  enveloppe  protéique  ;  celle-ci  détruite  par  la 
décomposition  putride  de  l'urine  ou  par  l'acide  acétique,  la  grr,isse  est  mise  en 
liberté  et  se  réunit  en  gros  globules  huileux.  Les  urines  chyleuses  ne  renfer- 
ment, en  fait  de  matières  grasses,  que  ces  granulations  pulvérulentes,  différant 
en  cela  des  urines  grasses,  qui  sont  caractérisées  par  la  présence,  soit  d'une 
couche  huileuse  plus  ou  moins  divisée  et  surnageante,  soit  de  gouttes  grais- 
seuses à  la  surface  ou  dans  la  masse,  qui  réfiactent  fortement  la  lumière.  Les 
observations  de  Goquerel  ne  lui  ont  jamais  montré  que  de  la  graisse  à  l'état 
moléculaire,  et  jamais  de  globules  granuleux  ni  huileux  comparables  aux  glo- 
bules du  lait.  Pourtant,  Bence  Jones,  Beale,  ^Yaters,  Lhérilier,  Franz  Simon» 
disent  avoir  observé  d'emblée  des  globules  de  graisse  et  d'huile  dans  l'urine,  et 
l'on  a  vu  parfois  des  urines  laiteuses  présentant  sous  le  champ  du  microscope 
une  multitude  de  globules  huileux  bien  définis;  Crevaux  a  rencontré  ces  glo- 
bules dans  des  urines  examinées  au  sortir  de  l'urèlhre,  avant  tout  phénomène  de 
décomposition  :  ils  sont  caractérisés,  dit-il,  par  leur  forme  sphérique,  l'incon- 
stance de  leur  volume,  et  surtout  par  leur  forte  réfringence;  les  uns  ne  sont 
qu'un  peu  plus  volumineux  que  les  granulations  moléculaires,  d'autres  ont  à 
peu  près  le  diamètre  des  globules  blancs  du  sang,  et  ils  s'en  distinguent  par 
leur  aspect  plus  brillant,  mais  il  ajoute  que  :  plus  les  urines  ont  séjourné  dans 
la  vessie,  plus  elles  contiennent  de  globules  huileux.  Ces  faits  ne  représentent 


HEMATURIE.]  119 

^as  pourtant  la  règle  commune  ;  en  général,  la  présence  de  ces  globules  serait  le 
signe  patliognomonique  de  la  dégénérescence  graisseuse  des  voies  urinaires  dans 
la  maladie  de  Bright,  parenchyme  et  cellules  épithéliales  des  reins,  cellules  épi- 
Ihéliales  des  uretères,  de  la  vessie  ;  dans  les  urines  chyleuses,  au  contraire,  la 
graisse  paraît  être  de  nouvelle  formation  et  semblable  à  la  graisse  émulsionnée 
qui  se  rencontre  dans  le  chyle  et  dans  le  sang  après  la  digestion,  ou  dans  le 
sang  des  animaux  soumis  à  l'engraissement  forcé.  11  est  évident,  d'ailleurs, 
qu'il  ne  s'agit  pas  ici  d'une  dégénérescence  des  icins,  supposition  qu'excluent  la 
marche  et  la  terminaison  habituellement  heureuse  de  la  maladie  (Wucherer). 

Outre  ces  éléments,  hématies,  leucocytes,  granules  graisseux,  etc.,  «  l'urine 
contient  une  innombrable  quantité  de  cylindres  librineux  semblables  à  ceux  que 
l'on  observe  dans  beaucoup  d'affections  des  reins,  mais  ici  ils  sont  transparents 
et  tellement  décolorés  qu'il  est  difficile  de  les  distinguer.  Quand  l'urine  est  très- 
laiteuse,  ils  se  reconnaissent  mieux  à  l'aspect  de  tubes  vides,  translucides,  de 
forme  allongée,  où  manquent  les  molécules  graisseuses.  Rarement  ils  sont  gra- 
nuleux, et  il  ne  nous  souvient  pas  de  les  avoir  vus  contenir  des  corpuscules  san- 
guins ou  porter,  adhérents  à  leur  surface,  des  cellules  épithéliales  des  tubes 
urinifères  »  (Wucherer).  Cassien  et  Primavcra  ont  vu  de  leur  côté  des  cylindres 
hyalins  brillants  et  blanchâtres,  probablement  fournis  ])ar  la  fibrine  coagulée  et 
moulée  dans  les  tubes  urinifères  ;  ils  se  rencontrent  aussi  dans  le  mal  de  Bright, 
mais  accompagnés  de  globules  graisseux  et  huileux  et  de  cellules  rénales  altérées. 
De  l'absence  des  corpuscules  sanguins  dans  ces  cylindres  librineux  ^Yucherer 
avait  conclu  que  le  sang  ne  vient  pas  des  tubuli,  mais,  tout  en  faisant  des 
réserves,  faute  de  données  nécroscopiques,  il  ajoute  que  «  de  la  présence  simul- 
tanée du  sang  et  des  tubes  fîbrineux  cylindriques,  qui  sont  déjà  une  preuve  suf- 
fisante d'une  affection  rénale,  il  résulte  d'une  manière  à  peu  près  évidente  que 
le  sang  dans  l'urine  des  hématuriques  provient  des  reins  ».  D'un  autre  côté,. 
Priestley,  Niemeyer,  St.  Mackenzie,  n'ont  pas  trouvé  ces  cylindres  de  l'urine,  et 
Scheube  en  nie  formellement  la  présence  ;  la  curieuse  autopsie  d'Havelburg 
permet,  en  effet,  de  supposer  que  l'appareil  rénal  n'est  ni  toujours,  ni  exclusi- 
vement, le  siège  de  l'hémorrhagie. 

Les  cellules  épithéliales  qu'on  découvre  isolées  ou  en  groupes  proviennent  de- 
tous  les  points  des  voies  urinaires,  calices,  uretères,  vessie,  etc.  ;  quelques-unes, 
prismatiques,  contiennent  un  ou  plusieurs  noyaux;  Mitchell  Bruce  en  a  vu 
suinter  de  grosses  gouttes  huileuses  ;  elle  sont  tout  à  fait  identiques  aux  cellules 
du  rein  figurées  par  Beale  (Crevaux).  Gubler  a  découvert  également  un  grand 
nombre  d'animalcules  infusoires  d'une  ténuité  excessive  et  d'une  forme  impos- 
sible à  déterminer,  même  à  un  grossissement  de  500  diamètres;  on  y  trouve 
presque  toujours  de  grandes  quantités  de  vibrions  (Wucherer).  Des  cristaux  de 
phosphate  ammoniaco-magnésien  se  forment  lorsque  l'urine  devient  fétide;  oa 
les  trouve  parfois  sous  forme  de  petits  graviers  ou  nageant  dans  la  pellicule 
superficielle  du  liquide,  associés  à  de  petits  corps  informes,  jaunes,  verts  et 
blancs  (Crevaux).  Enfin,  le  microscope  dévoile  la  présence  d'organismes  parasi- 
taires qui  seront  étudiés  plus  loin  {voij.  Nature  de  la  maladie). 

Diagnostic  différentiel.  Quand  la  maladie  se  présente  d'emblée  sous  sa 
forme  laiteuse,  ou  quand,  ayant  débuté  par  des  pissements  de  sang  pur,  elle 
passe  à  la  période  chyliforme,  le  diagnostic  s'appuie  sur  un  ensemble  de 
symptômes  tellement  caractéristiques  qu'il  serait  bien  difficile  de  la  mécon- 
naître. 


'120  HÉMATURIE, 

Les  urines  jumenteuses  ou  purulentes  pourraient,  au  premier  aoord,  entraî- 
ner une  méprise;  la  gravelle  phosphatique,  certaines  néphrites,  une  marclie 
forcée  après  un  repas  copieux  (Requin),  etc.,  expliquent  l'aspect  trouble  et 
Wancliàtre  des  premières,  dû  à  des  urates  et  phosphates  à  l'état  de  particules 
■ténues  et  rendues  insolubles  par  l'alcalinité  accidentelle  de  l'urine.  Mais  ces 
urines  sont  toujours  alcalines  au  moment  de  l'émission;  dans  le  cas  de  phos- 
phates, l'opacité  disparaît  par  l'addition  de  l'acide  acétique;  l'urine  chargée 
■d'urates  reprend  sa  transparence  par  la  chaleur,  qui  n'y  détermine  pas  de  coagu- 
lum  ;  elle  ne  contient  pas,  en  efiet,  d'albumine.  Sous  le  microscope,  on  trouve 
•le  plus  généralement  une  poudre  amorphe  (phosphate  calcique)  et  des  cristaux 
«caractéristiques  de  phosphate  ammoniaco-magnésicn  ;  pas  de  traces  de  granules 
graisseux,  pas  de  globules  sanguins,  p;is  d'organismes  vivants. 

L'urine  purulente  est  liée  à  quelque  inllammalion  aiguë  ou  chronique  de 
Tappareil  génito-urinaire,  pyélite,  néphrite,  cystite,  etc.  Il  y  a  eu,  au  début, 
des  phénomènes  indammaloires  locaux  qui  n'ont  pas  été  sans  retentissement  sur 
l'état  général,  cl  l'on  retrouve,  soit  dans  le  passé,  soit  dans  les  symptômes 
présents,  des  caractères  qui  assurent  le  diagnostic  différentiel.  L'urine  puru- 
lente est  alcaline  et  dépose  par  le  repos  une  couche  plus  ou  moins  épaisse  d'un 
blanc  mat  qui  est  du  pus;  le  liquide  surnageant  reste  légèrement  trouble,  mais 
ne  se  prend  pas  en  coagulum  gélatineux  comme  dans  la  chylurie;  le  refroidis- 
sement ne  détermine  [)as  de  crémor  à  la  surface.  S'il  reste  des  doutes,  traiter 
i'urinc  par  l'étlicr  ;  on  voit  bientôt  surnager,  si  elle  est  chyleuse,  une  masse  de 
gros  globules  huileux  comparables  aux  yeux  du  bouillon,  fait  qui  suffit  pour 
en  déterminer  la  nature.  Un  dépôt  purulent  agité  avec  partie  égale  d'une  solution 
<le  potasse  se  prend  en  ime  masse  gélatineuse,  dense,  transparente,  plus  ou 
■moins  adhérente  au  vase  ;  dans  le  liquide  décanté  et  traité  par  l'acide  azotique  ou 
la  chaleur  il  se  forme  un  précipité  d'albumine  provenant  du  sérum,  réactions 
les  plus  sîires  pour  déterminer  la  présence  du  pus  (G.  Bird).  Enlin,  chercher 
les  globules  purulents  reconnaissables  à  leur  surface  grenue  et  à  leurs  bords 
irréguliers.  L'ammoniaque  ferait  reconnaître  les  urines  chargées  de  pus  et  de 
mucus  à  la  fois. 

Dans  les  urines  grasses  proprement  dites  (lipurie)  on  dislingue  facilement  au 
microscope  de  nombreuses  gouttelettes  fortement  réfringentes  qui  ne  sont  qu'acci- 
-dentelles  dans  l'urine  chyleuse  :  ce  sont  des  globules  gras  beaucoup  plus  gros 
que  dans  la  chylurie.  Ces  urines  peuvent  être  parfois  albumineuses,  mais  ne 
-montrent  jamais  les  éléments  du  chyle.  La  matière  grasse  est  principalement 
formée  de  margarine;  l'oléine  domine  dans  les  urines  huileuses  (élaiurie)  ;  dans 
•ces  dernières,  la  surface  du  liquide  est  recouverte  d'une  couche  huileuse  surna- 
g;eante,  pellicule  surmontée  elle-même  de  petits  cristaux  d'acide  urique,  d'urate 
d'ammoniaque  et  de  phosphate  ammoniaco-magnésien.  Elles  diffèrent  des  précé- 
dentes en  ce  que  la  matière  grasse  y  est  à  l'état  liquide.  D'après  Rassmann  (1S80), 
-dans  l'urine  grasse  par  dégénérescence  du  système  uropoétique  la  graisse  se 
«•encontre,  non-seulement  à  la  surface  du  récipient  sous  forme  de  gouttelettes, 
mais  aussi  dans  le  sédiment  sous  forme  de  petites  molécules  ou  gouttelettes, 
-renfermées  dans  les  cellules  épithéliales,  dans  les  globules  purulents  ou  les 
cylindres  urinaires. 

Quant  aux  urines  véritablement  laiteuses,  si  l'on  soupçonnait  quelque  super- 
■cherie,  chez  des  hystériques  particulièrement,  le  cathétérisme,  l'acide  acétique 
■et  la  présence  des  globules  laiteux,  suffiraient  pour  la  dévoiler. 


HÉMATURIE.  121 

•    La  polyurie,  simple  ou  glycosiqiie,  a  de  tels  caractères  qu'il  nous  semble 
inutile  de  nous  arrêter  sur  son  diagnostic  différentiel. 

îDans  la  période  d'hématurie  pure,  lors  de  la  première  atteinte  surtout,  le 
diagnostic  peut  liésiter  entre  diverses  maladies  des  pays  chauds  donnant  aussi 
des  urines  rougies  par  le  sang.  Ainsi,  il  est  d'un  haut  intérêt  de  distinguer 
l'hématurie  par  Bilharzia  et  l'hémato-chylnrie,  car,  bien  que  rapprochées  par 
des  analogies  symptomaliques  et  par  une  origine  parasitaire,  elles  diffèrent  l'une 
de  l'autre  au  point  de  vue  pathogénique  comme  sous  le  rapport  du  pronostic. 
En  dehors  même  des  éléments  de  diagnostic  fournis  par  les  localités  et  par  les 
entozoaires,  une  analyse  attentive  des  symptômes  permettra  de  les  distinguer: 
l'hématurie  d'Egypte  possède  des  signes  cliniques  très-spéciaux,  assez  uniformes 
en  général,  quel  que  soit  le  mode,  peu  variable  du  reste,  suivant  lequel  a  débuté 
l'attaque  :  le  pissement  de  sang  est  rarement  le  premier  et  le  seul  symptôme  ; 
le  plus  souvent  il  a  été  précédé  par  une  irritation  de  la  vessie  et  par  des  mic- 
tions douloureuses,  avec  sensation  de  brûlure,  lorsque  le  col  et  l'urèthre  sont 
envahis,  ce  qui  a  lieu  en  règle  générale.  Le  malade  a  ressenti  tout  à  coup,  en 
nrinant,  une  vive  douleur  dans  le  canal,  douleur  dont  l'acuité  va  en  croissant, 
ou  bien  elle  siège  au  périnée  et  s'accompagne  d'un  besoin  fréquent  d'uriner  ;  au 
bout  de  quelque  temps,  un  mois  plus  ou  moins,  il  peut  se  produire  une  rémis- 
sion attribuable  à  une  sorte  de  tolérance  de  la  vessie  et  de  l'urèthre.  Assez  sou- 
vent aussi  des  douleurs  hypogaslriques,  ni  aiguës  ni  durables  en  général,  mais 
qui  parfois  reviennent  par  paroxysmes,  sont  accrues  par  l'exercice,  et  courbent 
le  malade  pendant  la  marche  (Guillemard)  ;  quelquefois  enfin,  mais  plus  rare- 
ment, des  douleurs  à  l'anus  et  dans  les  aines,  et  une  excitation  assez  habituelle 
des  organes  génitaux;  Guillemard  cite  un  malade  qui  avait  quatre  et  cinq  pol- 
lutions nocturnes.  La  durée  de  l'attaque  varie;  pendant  les  périodes  de  calme, 
la  santé  est  assez  bonne,  les  fonctions  digestives  restent  intactes,  mais  il  y  a  de 
l'amaigrissement,  une  diminution  de  poids  et  des  signes  d'anémie  ;  le  malade 
se  sent  faible,  irritable,  et  répugne  à  tout  exercice;  malgré  l'absence  de  douleurs 
et  de  malaise,  il  est  rare  qu'il  accuse  un  étal  de  santé  satisf  lisant  ;  il  persiste 
des  signes  d'irritation  constante  du  côté  de  la  vessie,  spécialement  lorsque  le 
malade  reste  abstême  ;  quelques  douleurs  hypogaslriques  ou  rectales,  de  temps 
en  temps  des  douleurs  lancinantes  au  périnée  et  dans  l'urèthre,  assez  vives  et 
assez  soudaines  pour  provoquer  un  cri  involontaire,  mais  aussi  fugitives  qu'elles 
sont  aiguës;  parfois  enfin  une  douleur  obtuse  à  la  base  du  sacrum  (Guillemard). 
Quelques  malades  perçoivent,  disent-ils,  les  mouvements  de  l'helminthe  dans 
l'urèthre,  fait  possible,  vu  les  dimensions  du  ver,  9  à  11  millimètres  (Sonsino). 
Comme  dans  les  hémorrhagies  de  la  vessie  et  de  l'urèthre,  l'émission  du  sang  a 
lieu  presque  toujours  à  la  fin  de  la  miction  (Renoult,  Sonsino,  Guillemard],  le 
sang  ne  colore  que  les  derniers  jets,  et  à  ce  moment  seulement  le  malade  expulse 
une  cuillerée  à  thé  environ  d'urine  sanguinolente  ;  il  est  tout  à  fait  exceptionnel 
que  le  liquide  rendu  soit  purement  sanglant,  bien  que  le  sujet  evpulse  quelque- 
fois des  caillots  de  sang  assez  épais  pour  entraver  le  jet  de  l'urine.  Pour  Son- 
sino, l'issue  du  sang  avec  les  dernières  gouttes  de  l'urine  seulement  est  plutôt 
'un  signe  de  Bilharzia  que  d'infection  par  la  lilaire;  l'hématurie  abondante  et 
soudaine  a  plutôt  une  origine  filarienne.  D'après  Salesse,  quand  le  sang  pro- 
•vient  des  reins,  les  caillots  sortent  au  commencement  ou  à  la  fin  de  la  miction, 
■et  les  douleurs  se  portent  à  l'extrémité  du  gland  ;  quand  il  provient  de  la  vessie, 
4a  douleur  siège  dans  cet  organe  et  à  l'anus.  Le  linge  est  souvent  taché  en  rouge 


122  HÉMATURIE. 

par  une  pelile  qiKnUilc  tic  sang  cl  (l'urine  mélangés  qui,  après  la  miction,  » 
séjourné  dans  l'urèthre  et  ne  s  ecliappc  que  quelques  instants  plus  tard  ;  il 
semblerait  que  l'énergie  des  muscles  accélérateurs  de  l'urine  a  diminué;  u» 
malade  de  Guillemard  obviait  à  cette  difficulté  d'urination  en  pressant  avecla 
main  le  long  du  canal  jusqu'à  la  fin  de  la  miction. 

Il  est  donc  rare  que  l'urine  des  bilharziques  contienne  du  sang  pur;  celle  du 
début  est  souvent  transparente,  claire,  ambrée,  et  la  présence  du  sang  ne  s'y 
révèle  que  sous  lornu?  de  points  nombreux,  d'un  rouge  brillant,  de  la  grosseur 
d'une  tète  d'épingle,  qui  finissent  par  se  tasser  au  fond  du  verre  ;  parfois  le  sang 
n'apparaît  (|u'au  bout  de  un  ou  deux  mois,  et  toujours  dans  les  derniers  jets  de 
l'urine,  l'ius  lard,  on  trouve  du  sang,  des  mucosités,  de  l'albumine  qui  manque 
au  début,  ou  du  pus,  mais  jamais  de  graisse;  «  j'ai  examiné  plusieurs  centaines- 
de  sujets  atteints  de  Bilbarzia,  jamais  elle  ne  donne  lieu  à  une  lymplio.Tliagie  » 
(Sonsino).  L'urine  peut  offrir  un  aspect  lacté  quand  elle  contient  beaucoup  dfr 
pus  ou  une  grande  quantité  de  phosphates  et  d'urates,  mais  jamais,  dans  ces- 
cas,  elle  ne  se  coagule  spontanément;  de  plus,  l'opacité  due  à  des  phosphates 
disparait  par  l'addition  de  quehiues  gouttes  d'acide  acétique,  et  la  chaleur  seule 
rend  leur  transparence  aux  urines  chargées  d'urates  (Sonsino). 

L'accès  franchement  établi,  la  quantité  d'urine  varie  de  15  à  1800  grammes 
et  plus  par  jour,  (|uatre  mictions  on  moyenne;  la  vacuité  de  la  vessie  détermine 
toujours  do  telles  douleurs  (jue  quelques  malades  prennent  l'habitude  de  n'uriner 
qu'une  fois  par  jour  (Guillemard).  L'urine  du  matin  est  la  plus  trouble,  mais 
la  moins  chargée  de  ces  corps  étrangers  désignés  par  les  Anglais  sous  le  nom  de 
détritus  de  la  hilharzia;  rarement  aussi  des  caillots  sanguins,  sauf  quelques 
petits  copgula  expulsés  par  le  premier  jet;  réaction  ordinairement  acide  et  cou- 
leur un  peu  foncée,  odeur  particulière  forte  et  douceâtre.  Dans  la  journée, 
l'urine  est  plus  pâle,  mais  très-trouble  également,  neutre  ou  alcaline  en  géné- 
ral, contenant  une  grande  quantité  de  détritus.  Au  moment  du  coucher,  beau- 
coup plus  claire,  elle  présente  ordinairement  deux  ou  trois  caillots  de  sang  sou- 
vent volumineux  et  une  assez  l'orte  propoition  de  ces  débris.  Ces  états  divers  de 
l'urine,  caractéristiques  de  cette  hématurie,  se  lient  invariablement  à  ces  Irois^ 
moments  de  la  miction.  L'albumine  manque  souvent  au  début,  ou  bien  ne  se 
trouve  qu'on  faible  quantité;  au  bout  de  quelques  mois,  l'urine  est  le  plus  sou- 
vent acide  ou  neutre. 

Les  détritus  fournissent  des  caractères  pathognomoniques.  On  voit  flotter, 
jusqu'au  moment  où  ils  se  déposent,  de  nombreux  filaments  incolores,  tronqués, 
longs  de  2  à  3  centimètres  et  plus  ;  les  plus  petits  sont  simples,  les  plus  longs, 
souvent'rameux,  avec  des  extrémités  recourbées,  tous  offrant  dans  leur  épaisseur 
de  petites  taches  d'un  blanc  opaque,  ou  jaunes,  ])lus  rarement  rouges.  Au  fond 
du  verre  s'amasse  un  dépôt  caractéristique  dans  lequel  on  trouve  :  1°  des  petites 
masses  arrondies,  opaques,  de  la  grosseur  d'une  tète  d'épingle,  blanches,  jau- 
nâtres ou  d'un  rouge  vif;  2"  des  plaques  sanguines  dont  quelques-unes  ont  le 
diamètre  d'un  schelling;  5°  des  corps  d'un  rouge  vif  de  sang,  ressemblant  tout 
à  fait  à  de  petits  fragments,  souvent  avec  deux  ou  trois  ramifications,  de  toutes 
grandeurs  jusqu'à  1  à  2  centimètres  de  longueur  sur  58/100  de  millimètre  à 
2""", 5  en  largeur;  leur  surface  externe  est  formée  d'une  mince  membrane 
blanche  qui  se  prolonge  souvent  au  delà  des  extrémités  ;  ils  sont  cylindriques, 
mais  parfois  avec  de  légers  renflements  fusiformes.  Ces  longs  filaments  blao- 
châtres  ou  rouges-sang,  caractéristiques  de  cette  hématurie,  sont  formés  de 


HÉMATURIE.  12/> 

fibres  homogènes  et  de  cellules  muqueuses  constituant  une  sorte  de  stroma  dans 
lequel  sont  enfouis  des  œufs  en  grand  nombre,  du  pus,  du  sang,  des  cellules- 
épilhéliales  ou  pigmentaires,  des  granulations  et  autres  débris;  d'autres  œufs 
sont  libres  d'adhérences,  d'autres  agrégés  en  blocs  de  20  à  50.  Enfin,  on  trouve 
quelques  moules  rénaux  finement  granuleux,  mais  peu  abondants  en  moyenne. 
La  nature  de  ces  filaments  semblables  à  des  tronçons  veineux  n'a  pas  reçu  d'expli- 
cation satisfaisante  ;  Harley  croit  qu'ils  sont  formés  par  le  mucus  provenant  des 
cavités  où  le  distome  a  élu  domicile,  et  où  les  corpuscules  muqueux  se  multi- 
plient sous  l'influence  de  l'irritation  provoquée  par  le  parasite  et  par  ses  œufs, 
puis  il  arrive  un  moment  où  ce  mucus,  repousse  au  dehors  sous  forme  de  moules 
grossiers  par  la  production  incessante  des  œufs,  apparaît  dans  l'urine  sous 
l'aspect  de  petites  pelotes  ou  de  rubans.  Le  reste  des  dépôts  organiques  est  prin- 
cipalement formé  d'hémalies,  de  globules  de  pus  et  de  débris  épithéliaux  ;  ces 
derniers,  nombreux,  comprennent  des  cellules  de  toute  dimension  et  de  toute 
figure,  quoique  les  formes  prismatique  et  conique  soient  rares;  quelques-unes 
proviennent  des  reins,  mais  la  plupart,  ovales  et  de  grandes  dimensions,  sont 
d'origine  extra-rénale;  enfin,  des  granulations  pigmentaires  amorphes  et  libres. 
A  mesure  que  la  maladie  progresse,  le  nombre  croissant  des  cellules  de  pus 
indique  que  le  distome  a  déterminé  un  certain  degré  d'inllammation  autour  des 
points  où  il  a  éln  domicile,  et,  en  effet,  les  désordres  de  l'urine  par  bilharzia 
durent  des  années,  et  le  liquide  excrété  finit  par  revêtir  les  caractères  propres  à 
l'urine  de  la  cystite.  Enfin,  lorsque  la  maladie  a  déjà  une  certaine  durée,  on 
aperçoit  au  fond  du  verre  des  flocons  jaunes  ou  gris-foncé  dans  lesquels  on 
découvre  les  œufs  du  distome. 

En  fait  de  dépôts  inorganiques,  on  trouve  parfois  des  cristaux  de  phosphate 
ammoniaco-magnésien  et  du  phosphate  amorphe  de  chaux  ;  les  cristaux  d'acide 
urique  sont  assez  peu  communs,  ainsi  que  ceux  d'oxalate  de  chaux,  mais  assez 
souvent  on  rencontre  de  petites  masses  arrondies,  jaunes  ou  rougeàtres,  sans- 
apparence  cristalline,  couvertes  de  petites  protubérances,  et  de  formes  irrégu- 
lières; ce  sont  de  petits  calculs  d'acide  urique  probablement  (Guillemard).  La 
gravelle  et  les  calculs  accompagnent,  en  effet,  très-fréquemment,  l'hématurie  de 
bilharzia,  car  les  flocons  muqueux  qui  contiennent  les  œufs  peuvent  constituer 
par  eux-mêmes  des  noyaux,  comme  Sonsino  s'en  est  assuré,  et  cette  complication 
si  fréquente  est  une  preuve  manifeste  de  la  nature  parasitaire  de  l'hématurie 
d'Egypte  :  or,  aucun  fait  n'autorise  à  admettre  que  la  maladie  filarienue  puisse 
donner  lieu,  par  ce  procédé,  à  la  foimation  de  calculs  ;  on  a  rarement  trouvé 
chez  les  chyluriques  des  œufs  de  némato'ides  dans  les  urines,  ce  sont  des'  larves 
qu'on  y  rencontre,  ce  qui  peut  expliquer  l'absence  des  concrétions  dans  cette 
forme  d'hématurie  par  la  différence  des  entozoaires. 

Contrairement  aussi  à  ce  qui  se  passe  dans  la  chylurie,  il  est  rare  que  l'héma- 
turie d'Egypte  procède  par  crises  intermittentes  laissant  entre  elles  de  longues 
périodes  de  guérison  apparente;  ces  rémissions  ne  dépassent  pas  quelques  jours 
ou  quelques  mois.  Elle  peut  cependant  disparaître  après  une  durée  de  plusieurs 
années,  modification  qui  semble  souvent  se  produire  vers  l'âge  de  la  puberté,  à 
Maurice,  ainsi  que  Chapotin  l'avait  remarqué,  mais  ce  n'est  pas  le  cas  le  plus 
commun,  comme  on  l'a  dit.  J.  Harley  croit  que  cette  amélioration  apparente  est 
probablement  due  à  l'enkystement  du  distome.  Un  fait  certain,  c'est  que  l'héma- 
turie de  bilharzia  s'adresse  le  plus  ordinairement  aux  jeunes  enfants  à  partir  de 
3  ans  (Guillemard)  ;  on  l'a  vue  cependant  débuter  dans  l'âge  mûr  (50  ans,  Ensor). 


124  HÉMATURIE. 

et  même  dans  la  vieillesse  (76  ans,  Spranger).  L'affection  qui  offre  avec  elle  le 
plus  d'analogie  serait  le  calcul  vésical  ;  la  douleur,  l'irritation  de  la  vessie,  le 
ténesme  et  enfin  l'expulsion  de  quelques  gouttes  de  sang  à  la  fin  de  la  miction, 
sont  des  symptômes  communs;  par  le  catliéte'risme  même  on  peut  quelquefois 
rencontrer  des  surfaces  raboteuses  qui  pourraient  être  prises  pour  des  calculs 
(Leuckart),  mais  elles  sont  immobiles  et  donnent  une  sorte  de  toucber  laineux; 
enfin,  ni  les  cabots  de  la  voiture,  ni  les  autres  mouvements,  ne  provoquent  de 
douleur;  il  n'y  a  pas  de  douleur  dans  le  gland,  et  pas  de  sensation  de  corps 
étrangers  dans  la  vessie. 

D'un  autre  côté,  dans  l'infection  par  le  ver  de  Bilbarz,  outre  les  désordres  de 
la  fonction  urinaire,  djsurie,  iscburie,  cystite  subaiguë  (Guillemard),  on  trouve 
des  accidents  inflammatoires,  de  la  fièvre,  des  troubles  gastro-intestinaux,  depuis 
le  simple  calarrbe  jusqu'à  la  diarrliée  muco-sanguinoleute  et  à  la  dysenterie, 
phénomènes  assez  exceptionnels  dans  l'autre  hématurie,  et  des  symptômes 
rapides  d'anémie  en  rapport  avec  la  répétition  des  pertes  sanguines  ;  les  forces 
déclinent,  puis  surviennent  la  cichexie  et  la  mort  amenée  le  plus  souvent  par 
la  dysenterie,  la  pneumonie,  l'urémie,  ou  quelque  autre  maladie  aiguë  à  forme 
typhoïde.  Ces  inflammations  pulmonaires,  terminaison  fréquente  de  l'belmin- 
tbiasc  de  la  lîilliarzia,  seraient,  d'après  Vircliow  et  Kirkes,  des  pneumonies 
cnd)oli(pies  provocpiées  par  le  trans[)Ort  des  œufs  que  Griesinger  a  trouvés  dans 
le  cœur  gauche.  Ces  symptômes  et  d'autres  encore  sont  étrangers  à  l'hémato- 
chylurie  :  ainsi,  riiémalurie  d'Egypte  est  plus  fréquente  en  été  (le  printemps 
serait  ré|ioque  du  développement  des  cercairex  (Cobboid)  ;  l'autre  se  déclare  au 
Brésil  dans  toutes  les  saisons  indifférennnent;  jusqu'ici,  du  reste,  on  n'a  trouvé 
le  ver  de  Billharz  ni  dans  l'Inde,  ni  au  Brésil,  ni  en  Chine.  En  tout  cas,  la 
recherche  microscopique  des  entozoaires  tranchera  la  question. 

On  se  demande  comment,  dans  la  période  hémalurique,  la  maladie  a  pu  être 
confondue  avec  les  hémorrhagies  rénales  de  certaines  pyrexies  graves  des  pays 
chauds,  la  fièvre  jaune,  la  fièvre  bilieuse  hématurique,  les  fièvres  palustres  de 
type  périodicjue  avec  urines  rouges.  Klebs  a  bien  signalé  des  hématuries  dans 
des  fièvres  rémittentes  relevant  du  miasme  paludéen  et  guéries  par  la  quinine 
[Handb.  der  palh.  Anal.,  1870);  Elliotson  en  a  observé  dans  la  période  de 
concentration,  Gcrgères  dans  le  stade  de  chaleur;  J.  Tyson  a  décrit  {the  )Ied. 
JSewa,  1885)  sous  le  titre  de  Malarial  llœmaluria,e\,  chez  des  impaludés,  une 
forme  d'hématurie  grave  qui  ne  semble  être  que  l'accès  icléro-hémorrhagique, 
et  une  forme  bénigne,  signalée  déjà  par  Harley  [Med.-Chir.  Trans.,  1865), 
caractérisée  par  des  urines  sanguinolentes,  à  retours  paroxystiques;  dans  cette 
dernière  forme,  «  les  urines  sont  fortement  teintées  en  rouge,  ti  ès-albumineuses, 
mais  pauvres  en  globules  ;  souvent  même  il  y  a  absence  complète  d'hématies.  11 
s'agit  donc  là  d'une  variété  d'hémoglobinurie  en  rapport  avec  l'impaludisme. 
Quand  ce  symptôme  est  prononcé,  il  s'associe  fréquemment  à  la  présence  d'un 
ictère  léger,  d'origine  évidemment  hémaphéique  «  (Hayem.  1884).  Mais  ces 
néphrorrhagies,  ou  ces  colorations  de  l'urine,  s'accompagnent  d'accidents  géné- 
raux assez  accusés  pour  rendre  toute  méprise  impossible.  Dans  l'hématurie 
tropicale,  le  pissement  de  sang  constitue  pour  ainsi  dire  toute  la  maladie,  la 
présence  des  hématies  est  constante,  et  le  retentissement  des  désordres  matériels 
de  l'appareil  uropoétique  est  à  peu  près  nul  sur  l'état  général.  Quant  aux  néphror- 
rhagies de  la  fièvre  jaune,  de  l'ictère  grave,  etc.,  elles  coïncident  avec  d'autres 
hémorrhagies  membraneuses  et  parenchymateuses  toujours  abondantes,  et  repré- 


HÉMATURIE.  125 

sentent  une  complication  d'un  état  général  toujours  empreint  d'un  cachet  de 
haute  gravité. 

Il  est  pourtant  une  affection  décrite  par  Pavy  et  Wickham  Legg  sous  le  nom 
d'hemalurie  à  paroxysmes  qui  pourrait  causer  quelque  embarras.  Elle  est 
caractérisée  par  la  présence  dans  l'urine  d'une  certaine  quantité  de  sang  ou 
d'éléments  chimiques  du  sang  (llématinurie),  et  par  des  symptômes  généraux 
qui  rappellent  assez  bien  ceux  de  la  fièvre  intermittente.  Après  l'émission  d'urines 
chargées  de  sang,  la  sécrétion  rénale  reprend  rapidement  ses  caractères  normaux 
et  les  garde  jusqu'à  la  prochaine  attaque.  Legg  l'a  décrite  comme  une  hématurie 
d'hiver,  ne  s'observant  guère  que  chez  les  hommes,  et  ne  se  rencontrant  que 
dans  les  pays  humides  et  par  les  temps  froids  en  Angleterre.  Pourtant  Druilt 
assure  que  les  médecins  de  l'Inde  sont  habitués  à  la  rencontrer  dans  ce  pays,  et 
le  nombre  des  faits  observés  s'accroît  dans  les  pays  chauds  et  dans  les  contrées 
à  malaria.  Dans  le  tiers  des  cas  on  a  noté  la  préexistence  d'une  fièvre  intermit- 
tente et  parfois  de  l'ictère  accompagnant  la  fièvre  ou  existant  seul.  Les  urines 
ne  contiennent  ni  œufs  ni  parasites  ;  l'anatomie  morbide  est  inconnue,  faute 
d'autopsies.  Ces  retours  paroxystiques  établissent  entre  les  deux  maladies  cer- 
taines analogies  qui  expliquent  peut-être  comment  quelques  médecins  anglais 
ont  cru  découvrir  des  rapports  entre  la  chylurie,  l'éléphantiasis,  etc.,  d'une  part, 
et  l'intoxication  paludéenne  de  l'autre  {On  paroxijsmal  Hœmaturia  iSaint-Bar- 
thol.  Hosp.  Reports,  1874,  v.  X,  p.  71]). 

Le  pissement  de  sang  est  un  symptôme  commun  à  une  foule  d'autres  états 
pathologiques  des  organes  urinaires,  reins,  uretères,  vessie,  etc.,  sur  lesquels 
nous  ne  pouvons  nous  arrêter,  car  les  circonstances  qui  les  accompagnent  excluent 
toute  difiicullé  de  diagnostic.  Dans  l'hématurie  tropicale,  toute  l'affection  se 
résume  pour  ainsi  dire  en  une  miction  sanglante,  sans  autres  accidents;  ce 
symptôme  n'est  que  secondaire  dans  les  autres.  La  marche  offre  aussi  des  carac- 
tères très-différents  :  l'invasion,  dans  l'hématurie  commune,  est  presque  toujours 
précédée  de  (roubles  fonctionnels  ou  pathologiques,  généraux  ou  locaux,  plus  ou 
moins  accusés  ;  dans  l'autre,  elle  est  ordinairement  subite,  et  la  maladie  ne  se 
révèle  souvent  que  par  l'aspect  insolite  de  l'urine.  La  première  continue  tant 
que  persistent  les  désordres  locaux  ou  généraux  qui  l'ont  déterminée  et  l'état 
général  est  subordonné  à  leur  gravité  ;  la  seconde  a  une  marche  intermittente 
avec  des  intervalles  très-inégaux,  et  plus  rarement  continue;  l'altération  de  la 
santé  n'est  en  rapport,  ni  avec  sa  durée,  ni  avec  sa  résistance  aux  moyens  théra- 
peutiques. 

L'hématurie  vraie  et  l'hématinurie  n'ont  de  commun  que  la  coloration  de 
l'urine;  outre  les  renseignements  fournis  par  le  poids  spécifique,  les  dépôts,  la 
présence  des  globules  sanguins  et  autres  éléments  morphologiques,  il  y  aurait 
lieu  de  rechercher  les  entozoaires  propres  à  l'hématurie  endémique.  Du  reste, 
toutes  les  fois  que,  dans  les  pays  chauds,  on  se  trouve  en  présence  d'urines 
sanglantes  que  ne  justifie  pas  un  état  pathologique  générrâ  nettement  accusé, 
il  importe  d'en  faire  un  examen  microscopique  attentif.  Pour  la  distinction 
entre  les  entozoaires  des  organes  urinaires,  échinocoques,  distome  hsematobie, 
Strongles,  etc.,  nous  renvoyons  aux  Traités  d'helminthologie  et  aux  articles 
Reins,  Helmi.mhes,  etc.,  du  Dictionnaire. 

Marche.  Durée.  Terminaison.  Pronostic.  Entre  l'action  des  causes, 
quelle  que  .soit  leur  nature,  et  les  premières  manifestations  de  la  chylurie, 
quel  serait  l'intervalle,  ou,  si  l'on  veut,  quelle  est  la  durée  de  la  période  d'in- 


126  HÉMATURIE. 

ciibation?  Aucun  renseignement  positif  à  cet  égard;  Azéma  croit  qu'un  long 
■séjour  dans  les  pays  d'endémie  est  nécessaire;  les  Brésiliens  semblent  professer 
celte  même  manière  de  voir.  Nous  rappelleron?,  sans  commentaires,  ce  cas 
•observé  par  Daniaschiuo  d'un  nègre  de  Zanzibar  atteint  brusquement  de  chylurie 
avec  filaires  dans  le  sang  après  un  séjour  de  six  ans  à  Paris,  et  celui  d'Ollivier, 
presque  identique.  Celte  période  d'incubation  serait  quelquefois  assez  longue 
■  dans  l'hématurie  de  Bilharz;  un  malade  de  Guillemard  fut  atteint  neuf  mois 
après  son  départ  de  l'Afrique  méridionale,  alors  qu'un  de  ses  compagnons  de 
voyage  était  pris  depuis  plus  d'un  an;  mais  beaucoup  de  coolies  des  plantations, 
à  Natal,  deviennent  billiarziquos  six  mois  après  leur  arrivée  dans  la  colonie; 
dans  un  cas  cité  par  ftoberts,  l'iiématurie  commença  quatre  mois  après  l'arrivée 
au  Caire. 

Née  souvent  sans  cause  appréciable  et  d'une  façon  subite,  cessant  parfois 
Ijrusqueuient  pour  ne  plus  reparaître,  rhémato-chylurie  affecte  presque  toujours 
vue  marche  chronique  capricieuse,  irrégulière,  et  variable  même  suivant  les 
pays.  Au  Brésil,  elle  survient  par  accès  plus  ou  moins  longs,  dont  les  intervalles 
peuvent  franchir  des  années  (jusqu'à  dix  ans,  Martins  Costa)  pendant  lesquelles 
les  patients  jouissent  d'une  santé  plus  ou  moins  parfaite.  Sonsino  rapporte  une 
observation  analogue  chez  une  malade  (ilariée  qui  n'eut  que  deux  attaques  à 
vingt-cinq  ans  d'intervalle.  En  règle  générale,  ces  intermittences,  avec  le  temps, 
deviennent  plus  rares  et  plus  courtes,  et  la  maladie  devenue  continue  marche 
vers  la  chronicité;  les  lésions  sont  sans  doute  plus  profondes  et  plus  étendues. 
A  Bourbon  et  à  Maurice,  ces  périodes  d'intermittence  seraient  moins  tranchées, 
■et  la  marche  est  plus  ordinairement  continue  à  partir  de  l'invasion  ;  plusieurs 
médecins  ont  conseillé  de  respecter  la  maladie  quand  elle  revêt  une  allure 
périodique. 

Rarement  un  seul  accès;  quelquefois  aussi  tout  se  borne  à  la  première  période, 
c'est-à-dire  à  l'hématurie  pure  qui  peut,  comme  à  Maurice  surtout,  durer  très- 
longtemps  et  même  sans  que  la  transformation  chyleuse  apparaisse  jamais.  Rien 
de  plus  variable  que  la  durée  des  attaques  :  quelques  heures,  quelques  jours, 
deux  et  trois  semaines  chez  les  uns,  plusieurs  mois  ou  des  années  chez  d'autres. 
Chez  le  malade  de  Crevaux,  les  accès  duraient  quatre  mois  environ,  séparés  par 
des  périodes  au  moins  égales  pendant  lesquelles  les  urines  restaient  complè- 
tement limpides  ;  le  début  de  chaque  nouvelle  crise  était  marqué  par  des  urines 
sanguinolentes  qui  ne  passaient  à  l'état  chyleux  qu'au  bout  de  quelques  jours. 
Sonsino  a  noté  une  attaque  dont  la  durée  fut  de  trente-deux  mois  ;  Scheube,  de 
deux  ans.  ha  durée  de  la  maladie  reste  indéterminée;  abandonnée  à  elle-même, 
l'affection  peut  guérir  spontanément,  même  sans  émigration,  au  bout  d'un  temps 
très-variable,  mais  fréquemment  aussi,  en  dépit  de  tous  les  moyens,  elle  se 
prolonge  pendant  une  longue  période  de  l'existence  que  le  plus  souvent  elle  ne 
semble  point  compromettre  ;  une  dame  créole  morte  à  80  ans  était  chylurique 
depuis  50  ans  (Cassien)  ;  une  juive  de  55  ans,  depuis  plos  de  20  ans  (Sonsino)  ; 
-deux  malades  de  S.  Lima  étaient  atteints  depuis  14  et  22  ans,  etc. 

La  maladie  se  termine,  ou  par  disparition  spontanée,  ou  par  une  guérison 
plus  ou  moins  solide,  ou  bien  elle  accompagne  l'individu  jusqu'à  la  mort  déter- 
minée toutefois,  le  plus  ordinairement,  par  une  autre  maladie. 

Le  pronostic  n'a  rien  de  grave  dans  la  majorité  des  cas,  et  il  est  étonnant  com- 
bien peu  l'affection  retentit  parfois  sur  la  santé  générale,  même  après  de  longues 
années.  Les  forces  ne  s'altèrent  que  peu  à  peu,  et  la  maladie  n'affecte  un  carac- 


HÉMATURIE.  127 

tère  dangereux  et  ne  se  lerniine  fatalement  que  par  exception  (Ilirsch).  Dans  un 
«as  cité  par  Eilioston,  elle  durait  depuis  28  ans,  avec  quelques  répits,  et  n'avait 
pas  sensiblement  affecté  la  santé  générale;  chez  une  malade  de  J.-J.  Silva,  elle 
avait  commencé  pendant  une  première  grossesse  et  avait  duré  treize  ans  et 
huit  mois  pendant  lesquels  il  y  eut  trois  couches  heureuses;  l'individu  dont  parle 
Abernethy  était  gros  et  fort  après  douze  ans  de  maladie.  Ces  exemples  sont 
nombreux. 

Les  hémorrhagies  sont  rarement  assez  abondantes  pour  inspirer  des  inquié- 
tudes immédiates;  elles  ont  pu  parfois  se  produire  par  rupture  des  vaisseaux 
sanofuins  de  l'appareil  urinaire  pendant  des  efforts  de  miction;  mais,  lorsque  les 
accès  se  rapprochent,  que  les  déperditions  sanguines  sont  ahoiulau:es  des 
troubles  sérieux  dans  les  fonctions  d'assimilation  et  dénutrition  peuvent  survenir, 
déterminer  un  état  cachectique  irréparable,  et  prédisposer  ainsi  à  l'explosion  de 
la  tuberculose  pulmonaire.  Cette  dernière  complication  n'est  pas  rare;  Sigaud, 
ïloberts,  Isaacs,  Priestley,  Sonsino,  Martius  Costa,  J.  de  Mouia,  A.  du  Luz,  en 
rapportent  des  exemples  ;  J.-J.  Silva  a  noté  huit  cas  où  la  maladie  se  compliqua 
■de  tuberculose  généralisée.  La  néphrite  catarrhale  ou  parenchymateuse,  les  con- 
gestions rénales,  les  douleurs,  les  coliques  néphrétiques,  les  accidents  de  dysurie 
■et  d'ischurie  par  coagula  intra-vésicaux,  représentent  d'autres  com|)lications  non 
moins  graves  qui,  non  enrayées,  peuvent  conduire  à  l'affaiblissement  et  au 
marasme.  La  maladie  semble  plus  sévère  au  Brésil  qu'à  la  Réunion;  Wucherer 
cite. deux  cas  dans  lesquels  la  mort  est  survenue. pendant  les  attaques.  La  perle 
continue  d'albumine  ne  peut  que  constituer  une  feicheuse  prédisposition  à  des 
désordres  ultérieurs.  Dans  le  petit  nombre  de  faits  observés  en  Europe,  la 
maladie  se  serait  parfois  associée  à  une  polyurie  glycosiqae,  complication  qui 
entraîne  une  grande  gravité  dans  le  pronostic.  Sonsino  estime  que  la  présence 
de  la  Filaria  sangiiinis  hominis  doit  être  considérée  comme  une  éventualité 
«érieuse,  bien  que  certains  sujets  porteurs  de  ce  ver  n'offrent  aucun  désordre 
grave  appréciable  pendant  longtemps  :  «  S'il  peut  sortir  à  travers  un  abcès 
glandulaire,  comme  cela  est  présumable,  il  peut  aussi  parfois  se  frayer  une  issue 
à  travers  quelque  organe  important  et  y  provoquer  ou  des  abcès,  ou  des  throm- 
boses, ou  des  embolies,  et  des  accidents  graves  et  même  mortels  :  on  doit  donc 
le  regarder  comme  un  parasite  dangereux  qui  menace  constamment  la  vie  de 
l'hôte  qui  en  est  porteur  ». 

AiWTOMiE  PATHOLOGIQUE.  Les  reuseigiiemcuts  nécroscopi-ques,  dans  l'héma- 
turie chyleuse,  sont  tout  à  fait  insuffisants  ;  la  maladie  entrahie  rarement  la 
mort;  dans  l'Inde  et  en  Chine  les  préjugés  sociaux  et  religieux  des  indigènes 
s'opposent  aux  néeropsies,  et  depuis  la  découverte  de  Wuclierer  nous  ne  connais- 
sons qu'une  seule  autopsie  pratiquée  au  Brésil,  celle  de  llavelburg.  Quelques 
examens  macroscopiques  datant  déjà  d'époques  éloignées  n'ont  rien  appris  de 
satisfaisant. 

Les  lésions  anatomiques  du  distome  hœmalobie,  étudiées  par  Bilbarz,  Grie- 
singer,  Leuckart,  J.  Harley,  Sonsino,  Zancarol,  Mackie,  etc.,  sont  mieuv  connues. 
Dans  l'appareil  urinaire,  le  parasite  envahit  les  veines  vésicales,  celles  du  rein, 
de  l'uretère  et  de  l'urèthre;  sans  action  ff.cheuse  peut-être  dans  les  troncs,  il 
détermine  des  désordres  variés  dans  les  capillaires  et  dans  les  muqueuses.  Par 
sa  présence  seule  ou  par  l'accumulation  de  ses  œufs,  il  provoque  une  irritation 
bientôt  suivie  de  phénomènes  inflammatoires  plus  ou  moins  circonscrits  dont  les 
effets  varient  avec  la  localisation  du  narasite.  Du  côté  de  la  vessie,  tt  aussi  des 


128  HÉMATURIE. 

uretères,  les  altérations  débutent  habituellement  par  une  inflammation  catar- 
rhalc;  dans  une  première  période,  on  trouve  sur  la  muqueuse  des  plaques 
saillantes,  lisses,  d'un  rouge  foncé,  circonscrites  par  des  capillaires  variqueux; 
CCS  taches  varient  de  la  dimension  d'une  lentille  à  celle  d'un  schelling;  Sonsino 
en  a  trouvé  de  forme  annulaire,  du  diamètre  d'une  pièce  de  5  francs,  à  centre 
normal,  à  périphérie  grise  ou  rougeâlre,  inégale,  rugueuse,  granulée.  Elles 
siègent  en  un  point  quelconque  de  lu  vessie  et  peuvent  môme  couvrir  plus  de  la 
moitié  de  sa  muqueuse  ;  habituellement  c'est  sur  la  paroi  postérieure  et  sur  le 
fond  qu'on  les  rencontre;  le  trigone,  rarement  envahi  par  les  infarctus  hémorrha- 
giques,  garde  ordinairement  sa  couleur  normale  (Sonsino).  A  leur  surface  s'étale 
une  couche  constituée  par  du  mucus  et  des  cellules  cpilhéliales,  qu'on  peut  sou- 
lever sous  forme  d'une  mince  pellicule,  et  qui  recouvre  un  fond  piqueté  de  points 
sanglants.  Le  mucus  vésical  et  l'urine,  le  sang  extravasé  des  plaques,  la  muqueuse 
congestionnée  et  même  le  tissu  conjonctif  sous-muqueux,  renferment  d'innom- 
brables quantités  d'œufs  de  distome  qui,  parfois,  semblent  simplement  déposés 
à  la  superficie,  et  ailleurs  sont  réunis  en  masses  par  une  membrane  d'enveloppe. 
Généralement,  ces  œufs  s'offrent  sous  toutes  les  phases  de  leur  développement 
jusqu'à  l'embryon  mùr,  et  l'on  peut  même  souvent  distinguer  des  coques  crevées 
et  vides  que  les  embryons  ont  déjà  abandonnées.  Dans  la  plupart  des  cas,  cette 
inflammation  aboutit  à  l'absorption  des  liquides  exsudés  et  à  l'induration  des 
vaisseaux  obstrués. 

Parfois,  au  lieu  des  altérations  ci-dessus,  c'est  un  épaississement  incolore, 
pigmenté,  sans  traces  de  sang,  souvent  jaune  ou  vert,  coriace  comme  après  un 
certain  temps  de  séjour  dans  l'alcool,  et  d'un  aspect  finement  grenu.  On  y  voit 
quelques  grains  brillants  qui  crient  sous  le  scalpel  ;  ce  sont  des  œufs  du  distome,^ 
mais  vides  depuis  longtemps  et  pour  la  plupart  remplis  de  carbonate  de  chaux. 
Plus  tard,  il  arrive  souvent  qu'à  la  surface  des  plaques  s'étend  une  couche 
rugueuse  de  l'épaisseur  d'une  toile,  assez  fortement  adhérente  et  formée  de 
cellules  épilhéliales  désagrégées;  elle  correspond  à  la  pellicule  déjà  signalée  sur 
la  muqueuse  pendant  la  période  inflammatoire  aiguë;  ces  couches  contiennent 
les  mêmes  œufs  que  la  couche  coriace  plus  profonde,  mais,  de  plus,  un  grand 
nombre  de  concrétions  plus  ou  moins  volumineuses  jusqu'à  la  dimension  d'un 
grain  de  millet,  et  qui  semblent  pour  la  plupart  formées  d'acide  urique.  Ces 
concrétions  adhèrent  quelquefois  làcbement  à  la  couche  rugueuse,  mais  parfois 
aussi  elles  y  sont  étroitement  incluses,  et  d'après  les  caractères  de  leur  noyau 
semblent  s'être  formées  par  incrustation  sur  les  œufs  du  distome.  On  trouve 
parmi  ces  concrétions  de  petites  molécules  microscopiques  d'urate  d'ammoniaque. 

A  un  degré  plus  avancé  de  la  maladie,  la  muqueuse  vésicale  est  surmontée 
d'excroissances  particulières,  groupées  ou  isolées,  assez  semblables  à  des  con- 
dylomes  ou  à  des  productioni  polypiformos  pédiculées  ou  non,  de  figure  très- 
variée  et  du  volume  d'un  pois  à  celui  d'un  haricot  ou  d'une  fève;  elles  sont 
mollasses,  jaunâtres,  ou  d'une  couleur  vineuse  due  aux  nombreux  vaisseaux 
sanguins  qui  les  parcourent.  Leur  surface  est  verruqueuse,  arrondie,  facilement 
saignante,  et  souvent  couverte  d'une  croûte  formée  en  partie  par  les  œufs,  en 
partie  par  les  sels  de  l'urine,  comme  les  concrétions  superficielles  des  plaques.  A 
la  section,  la  muqueuse  est  épaissie,  le  tissu  conjonctif  sous-muqueux,  base  de 
ces  productions,  hypertrophié.  Ces  tissus  sont  pénétrés  par  un  riche  réseau  de 
capillaires  quelquefois  très-dilatés,  et  çà  et  là  convertis  en  cavités  assez  larges, 
pour  contenir  souvent  des  spécimens  adultes  du  distome.  Dans  le  parenchyme  de 


HÉMATURIE.  1-29 

ces  excroissances  formé  principalemeal  de  tissu  sous-muqueux  on  rencontre  un 
grand  nombre  d'œufs,  pour  la  plupart  encore  peu  développes,  Zancarol  n'y 
aurait  trouvé  que  des  œufs  à  épine  terminale,  tandis  que  les  mêmes  productions 
polypifonnes  de  l'intestin  ne  possèdent  que  des  œufs  à  épine  latérale. 

L'explication  de  ces  deux  formes  si  différentes  d'altérations  anatomiques, 
plaques  et  excroissances,  est  assez  embarrassante;  Leuckurl  fait  remarquer  qu'il 
existe  entre  ces  deux  types  de  nombreux  états  intermédiaires,  souvent  dans  la 
même  vessie,  ce  qui  prouverait  que  les  deux  foimes  ne  sont  que  des  phases 
différentes  du  même  processus  :  «  La  différence  provient  peut-être  de  ce  que 
dans  un  cas  ce  sont  les  œufs,  dans  l'autre  les  animaux  vivants,  qui  agissent 
comme  corps  irritants  sur  la  muqueuse  et  le  tissu  sous-muqueux  «  (Leuckart). 
Grenet,  à  Mayolte,  chez  des  négrillons  mozambiques,  a  vu  la  muqueuse  du 
trigone  épaissie,  formant  une  plaque  grise  devenue  rude  au  toucher  par  un 
dépôt  de  sels  ;  il  y  a  trouvé  un  petit  corps  pédicule  grisâtre,  analogue  par  la 
forme  et  le  volume  à  la  glande  pinéale. 

A  ce  degré  avancé  la  vessie  a  quelquefois  une  ampleur  inusitée  (Sonsino)  ;  ses 
tuniques  sont  épaissies;  la  muqueuse  garde  néanmoins  sa  consistance  normale 
(Davaine),  mais  le  tissu  sous-muqueux  «  est  souvent  d'un  jaune  grisâtre, 
ramolli,  difflueiit,  infiltré  de  sang  coagulé  et  de  pigment  ».  La  tunique  muscu- 
laire de  la  vessie  et  des  uretères,  quoique  rjremcnt  altérée  même  vers  la  lin  de 
la  maladie,  shypertrophie  facilement;  Zaucarol  cite  un  cas  où  celle  de  la  vessie 
atteignait  2  centimètres  d'épaisseur.  Une  fois  seulement  on  a  rencontré  sur  la 
séreuse  vésicale  et  la  couche  voisine  du  péritoine  des  excroissances  avec  pigment 
très-foncé  et  semblables  à  des  crêtes  de  coq  (Leuckart).  Dans  un  cas  observé  par 
Bilharz,  l'inflammation  primitive  avait  abouti  à  l'ulcération,  sans  induration  ni 
hypertrophie  polypiforme  ;  la  paroi  postérieure  de  la  vessie,  dans  l'étendue  d'un 
écu,  était  indurée  et  coriace,  et  sur  le  plancher  existait  un  ulcère  du  diamètre 
d'une  pièce  de  50  centimes,  rugueux  et  pulpeux,  circonscrit  par  des  bords 
tuméfiés  d'un  rouge  foncé,  rappelant  les  ulcérations  du  gros  intestin  dans  la 
dysenterie;  le  plancher  contenait  des  coques  d'œuf. 

Dans  les  uretères,  ces  mêmes  désordres  anatomo-pathologiques  se  présentent 
d'habitude  sous  forme  de  dépôts  annulaires  qui  rétrécissent  le  calibre  du  conduit 
au  point  qu'un  stylet  très-tin  n'y  pénètre  que  difficilement.  Cette  constriction  se 
produit  le  plus  communément  très-bas,  au  point  même  où  l'uretère  s'ouvre  dans 
la  vessie,  et  la  dilatation  qui  en  est  la  conséquence  s'étend  alors  au  conduit  tout 
entier,  puis  au  bassinet  et  aux  calices  ;  Bilharz  et  Zancarol  rapportent  deux  cas 
d'hydronéphrose  atrophique  du  rein  par  oblitération  complète  des  uretères. 

Zancarol  n'admet  pas  que  les  alléralious  habituellement  trouvées  dans  les 
reins  soient,  comme  celles  de  la  vessie  et  de  l'uretère,  le  résultat  direct  de  la 
présence  du  parasite;  il  fait  remarquer  que  les  œufs  et  les  embryons  sont  prin- 
cipalement confinés  dans  les  parties  les  plus  déclives  des  voies  urinaires,  et  il 
pense  que  les  altérations  rénales  sont  subordonnées  à  la  cystite.  Des  lésions  sem- 
blables à  celles  de  la  vessie  et  des  uretères  ont  bien  été  rencontrées  sur  la 
muqueuse  du  bassinet,  mais  ces  cas  sont  plus  rares  :  «  La  muqueuse  du  bassinet 
et  des  calices  est  injectée  ;  les  reins  sont  généralement  volumineux  et  gorgés  de 
sang.  Ces  organes  finissent  par  subir  une  dégénérescence  graisseuse,  ou  bien 
l'on  observe  la  pyélite,  la  dilatation  du  bassinet  et  des  calices,  et  l'atrophie  de 
la  substance  rénale  »  (Davaine).  On  trouve  aussi  des  graviers  dans  les  reins. 

Nature  et  pathogénie.     C'est  la  question,  sinon  la  plus  obscure,  du  moins 

DICT,  E.NC.  i"  s.  XIII.  9 


150  HEMATURIE. 

la  plus  embrouillée  de  l'histoire  de  la  maladie.  Propre  aux  pays  chauds,  extrê- 
mement rare  dans  les  autres  climats,  la  chylurie  n  a  été  l'objet  de  bonnes  obser- 
vations qu'à  partir  de  1812;  jusque-lîi,  on  ne  rencontre  que  des  cas  d'une 
authenticité  douteuse,  et  presque  tous  observés  en  Europe. 

En  somme,  jusqu'à  1850,  l'étiologie  reste  complètement  hypothétique,  et  les 
théories  tour  à  tour  proposées,  chylaemie,  piarrhémie,  etc.,  sont  impuissantes 
à  éclairer  la  nature  et  la  pathogénie  de  l'affection.  La  découverte  de  Bilharz  fut 
le  point  de  départ  d'une  doctrine  nouvelle;  en  1851,  il  découvre  dans  le  système 
porte  les  premiers  spécimens  du  parasite  qui  a  gardé  son  nom,  et  démontre  la 
nature  parasitaire  de  l'hématurie  d'Egypte;  Griesinger  le  rencontre  également 
dans  les  plexus  veineux  du  rectum  et  de  la  vessie  ;  Reinhard,  Lautner,  trouvent 
ses  œufs  dans  le  parenchyme  du  foie,  entre  les  tuniques  de  l'intestin  grêle,  mais 
surtout  et  en  énorme  quantité  dans  la  muqueuse  et  le  tissu  cellulaire  sous- 
muqueux  de  la  vessie,  des  uretères,  des  vésicules  séminales  et  du  rectum; 
A.  Reyer  saisit  des  distomes  vivants  dans  la  vessie,  etc.  La  coïncidence  du  para- 
site, les  désordres  en  rapport  constant  avec  le  nombre  des  entozoaires,  l'évolution 
parallèle  du  distome  et  de  la  maladie,  ne  laissaient  aucun  doute  sur  les  relations 
de  cause  à  effet  entre  la  Bilharzia  et  cette  forme  d'hématurie  signalée  depuis  long- 
temps par  Larrey,  Renoult,  etc.,  et  qui  mériterait  à  juste  titre  le  nom  de  cystite 
vermineuse  endémique  d'Egypte  proposé  par  J.  Rochard.  Ce  n'est  pourtant  que 
dix  ans  plus  tard  qu'on  a  cherché,  en  divers  pays,  à  vérifier  si  les  hématuries 
de  forme  endémique  n'étaient  pas  aussi  subordonnées  à  l'existence  du  même 
parasite,  et  il  est  surprenant  que  ces  découvertes  soient  restées  si  longtemps 
ignorées  en  dehors  du  milieu  où  elles  s'étaient  produites.  Les  médecins  de  Cap- 
Town,  longtemps  avant  la  découverte  de  Bilharz,  avaient  cependant  soupçonné 
que  l'affection  devait  avoir  pour  cause  première  quelque  altération  des  muqueuses 
uriuaires  par  des  parasites;  en  1864,  J.  llarley,  confirmant  cette  hypothèse  par 
des  observations  directes,  rencontre  dans  les  urines  des  embryons,  puis  des  œufs 
et  des  fragments  d'un  distome  auquel  il  donna  le  nom  de  Bilharzia  ou  Dislo- 
vium  capetisis,  convaincu  qu'il  s'agissait  d'une  espèce  distincte  du  dislome 
hsematobie,  erreur  que  Cobbold  a,  depuis,  réfutée.  Mais  jusqu'en  1869  ces 
recherches  semblent  complètement  méconnues;  Juvenot,  iN'oronha  Gonzaga, 
Catta  Prêta,  qui  écrivaient  deux  et  trois  ans  après  la  découverte  de  Bilharz, 
paraissent  l'avoir  ignorée;  Gubler  expose  en  1858,  sans  mentionner  le  parasite, 
sa  théorie  de  la  lymphurie;  Dutt  et  Carter  dans  leurs  observations  (1862)  mettent 
seulement  en  relief  la  part  que  prend  le  système  lymphatique  dans  la  production 
de  la  chylurie;  ^\'aters  ne  voit  dans  la  maladie  qu'un  relâchement  des  capillaires 
du  rein;  Owem  Rees  et  Babington  signalent  la  présence  du  sucre;  Priestley 
apporte  une  observation  suivie  d'autopsie;  Fr.  Pavy  (1865)  cherche  à  démontrer 
que  la  chylurie  est  due  à  un  trouble  de  l'assimilation;  Bouchardat  lui  impose 
le  nom  àepimélurie.  Ackermann,  L.  Beale,  donnent  de  bonnes  descriptions  de 
la  maladie,  etc.  Nulle  part  il  n'est  question  de  parasites.  En  1865  également 
l'Académie  de  médecine  de  Rio  revient  sur  ce  sujet  sans  que  l'association  de  ces 
corps  animés  soit  signalée;  A.-J.  Souza  Lima  et  J.  Pereira  Guimaràes  (thèses 
de  Rio,  1864)  semblent  avoir  ignoré  les  travaux  de  Bilharz;  pour  le  premier,  la 
maladie  dépend  d'un  vice  de  l'assimilation  dû  à  une  chylohémie  par  atonie  des 
lymphatiques  et  spécialement  des  chylifères.  Cette  même  aimée  pourtant, 
Demarquay  avait  publié  une  observation  d'hydrocèle  chyleuse  des  bourses  avec 
présence  d'animalcules  particuliers  dont  les  caractères  sont  identiques  à  ceux  de 


HÉMATURIE.  151 

la  filaire  de  Wucherer  et  de  Lewis,  et  que  Davaine  considéra  comme  des  néma- 
toïdes  embryonnaires  ;  le  malade  était  originaire  de  la  Havane,  mais  ce  fait  passa 
inaperçu,  et  c'est  trois  ans  après  seulement  que  les  faits  signalés  en  Egypte  et 
au  Cap  ont  conduit  indirectement  aux  curieuses  découvertes  qu'il  nous  reste  à 
exposer. 

En  1806,  Otto  Wucherer(à  Bahia),  rechercliant  vainement  les  œufs  du  distorae 
de  Bilharz  si  faciles  à  reconnaître  à  leurs  dimensions  et  à  leur  conliguratioiii 
spéciale,  découvre  dans  les  coagula  d'urines  cbyleuses,  et  au  milieu  des  globules 
sanguins,  des  embryons  d'un  nématoïde  et  des  œufs  tout  différents,  et  acquiert 
bientôt  la  conviction  que,  si  l'Iiéniatnrie  d'Egypte,  du  Cap,  de  Maurice,  est  due 
au  distome  hœmatobie,  celle  du  Brésil  devait  avoir  une  autre  origine.  Ses 
recherches  dans  le  sang  aboutirent  à  un  résultat  négatif.  Leuckart  vit  dans  ces 
parasites  des  embryons  d'un  nématoïde  inconnu,  de  la  famille  des  Strongylides, 
qui  devait  habiter  un  point  quelconque  des  voies  urinaires,  les  reins  probablement, 
en  raison  des  cylindres  fibrineux mêlés  aux  résidus  de  l'urine;  il  trouva,  de  plus, 
des  œufs,  mais  dont  les  dimensions  ne  lui  parurent  avoir  aucune  connexion 
avec  celle  des  embryons.  Wucherer  les  avait  déjà  vus  sans  y  attacher  d'impor- 
tance, etCrevaux  les  chercha  vainement  plus  tard;  depuis,  ils  ont  été  retrouvés 
avec  leur  couleur  marron,  leur  contenu  granuleux,  leur  forme  ovoïde  ou  sphé- 
rique,  et  un  grand  diamètre  d'environ  25-50  fz,  par  S.  Lima,  S.  Araujo,  Paci- 
fico,  A.  Couto,  V.  Pereira,  Cobbold  et  Cauvet. 

En  1868,  Salisbury,  en  Amérique,  rencontre  aussi  dans  les  urines  d'une 
femme  atteinte  de  cystinurie,  sans  hématurie  ni  chylurie,  des  ovules  et  des 
embryons  d'un  nématoïde  qu'il  crut  devoir  placer  dans  le  genre  trichine  et 
nommer  trichina  cystica  ;  mais  l'entité  du  nématoïde  de  Salisbury  est  resiée 
très-indécise,  soit  comme  espèce  distincte,  soit  dans  ses  rapports  avec  la  Bil- 
harzia  et  avec  la  filaire  de  Wucherer.  En  1870,  Crevaux  observe  dans  les  urines 
d'un  jeune  créole  chyluri(iue  de  la  Guadeloupe,  et  retrouve  pendant  quatre  années 
consécutives,  des  vers  en  tout  semblables  à  ceux  de  Wucherer,  et  que  Davaine 
et  Balbiani  considèrent  comme  des  embryons  d'un  nématoïde.  Peu  après,  les 
Anglais  font  connaître  des  recherches  fécondes  en  résultats  inattendus  :  Sp.  Cob- 
bold rencontre  dans  l'urine  d'une  petite  fdle  atteinte  d'hématurie  endémique 
de  Natal,  non-seulement  les  œufs  de  la  Bilharzia,  mais  aussi  d'autres  œufs 
(une  cinquantaine)  d'où  s'échappaient  des  embryons  d'un  nématoïde  ayant  toute 
l'apparence  des  vers  du  Brésil  ;  l'enfant,  au  dire  de  sa  mère,  aurait  rendu 
longtemps  auparavant,  par  l'urèthre,  trois  petits  vers  filiformes  de  la  longueur 
du  doigt,  peut-être,  d'après  Cobbold,  des  spécimens  sexuellement  mûrs  de  la 
tilaire  de  Bancroft  découverte  plus  tard  (?).  Les  différences  observées  entre  les 
œufs  et  les  embryons  excluaient,  du  reste,  toute  affinité  spécifique  entre  ce 
nématoïde  et  le  distome  haematobie.  Ce  n'était  pas  non  plus  le  ver  de  Bilharz: 
sous  des  phases  différentes  de  développement,  car  on  ne  retrouvait  ici,  ni  les 
dimensions,  ni  les  cils,  ni  les  papilles  buccales,  ni  l'estomac  rudiraentaire  de 
l'embryon  du  distome.  Cobbold  en  conclut  à  la  coexistence  des  deux  vers  ei> 
Afrique,  coexistence  que  les  observations  ultérieures  de  P.  Sonsino  et  de  Fayrer 
ont  confirmée.  En  mars  1870,  J.-R.  Lewis  et  Cminingham,  dans  l'Inde,  avaient 
aussi  découvert  dans  les  mines  chyleuses  de  très-petits  vers  filiformes,  très- 
actifs,  dépourvus  de  bouche  et  d'anus,  et  enveloj)pés  d'une  gaine  transparente. 
Jusque-là  l'urine  semblait  être  l'unique  habitat  du  parasite,  mais  en  juillet  1872 
Lewis  le  retrouve  dans  la  circulation,  dans  le   sang  d'un  Hindou  atteint  de 


152  HÉMATURIF. 

diarrhée  chronique,  et  au  mois  d'octobre  suivant  il  aperçoit  des  embryons 
microscopiques  dans  le  sang  du  même  chyliiriquc  dont  les  urines,  deux  ans 
auparavant,  lui  avaient  fourni  les  premiers  microzoaires.  D'après  Parkes 
et  Busk,  ils  appartenaient  auxiliaires.  Lewis,  les  considérant  comme  des  héma- 
tozoaires, leur  donna  provisoirement  le  nom  de  Filaria  sanguinls  hominis,  et  les 
regarda  comme  les  plus  importants  des  hématozoaires.  Plus  tard,  et  chez  plus  de 
trente  sujets  chyluriques  observés  jusqu'en  1875,  il  retrouve  constanmient  ces 
mêmes  formes  embryonnaires  dans  l'urine,  ou  dans  le  sang,  ou  dans  ces  deux 
liquides  à  la  fois  et  dans  divcr^es  sécrétions,  constate  que  la  plupart  de  ces 
malades  étaient  atteints  en  même  temps  d'élépiiantiasis  ou  de  lymphectasies 
scrotales,  et  recueille  l'embryon  dans  le  liquide  exsudé  par  les  tissus  malades  ; 
à  plusieurs  reprises  aussi,  le  parasite  était  rencontré  dans  le  sang  d'individus 
sains  et  en  ap|)arence  bien  portants. 

En  1875,  Ch.  Hobin  reconnaît  le  même  entozoaire  dans  un  dépôt  d'urines 
chyleuses  provenant  de  la  Réunion  (Foncervincs),  et  peu  après  (févr.  1874) 
Prospère  Sonsino,  à  Zagazig,  cherchant  à  s'assurer  si  la  Bilharzia  n'avait  pas 
dans  le  système  circulatoire  une  distribution  plus  générale  qu'on  ne  le  sup- 
posait, découvre  dans  le  sang  d'un  juif  égyptien,  hématurique  par  Bilharzia, 
sans  lymphurie  toutefois,  un  ver  nématoide  nageant  au  milieu  des  globules  et 
semblable  au  vers  décrit  par  Lewis  chez  les  chyluriques  de  Calcutta  ;  cependant, 
l'élui  d'enveloppe  manquait,  et  le  ver  ne  fut  pas  recherché  dans  l'urine.  Sonsino 
en  fit  une  espèce  distincte  sous  le  nom  de  Filaria  sanguinls  hominis  jEgijptiaca. 
Depuis,  reconnaissant  que  cette  enveloppe  n'est  pas  constante  et  qu'elle  ne 
représente  probablement  que  la  première  membrane  tégumentaire,  c'est-à-dire 
une  simple  mue  de  l'embryon,  il  n'a  plus  hésité  à  admettre  l'identité  du  ver 
observé  en  Egypte  et  de  celui  que  Lewis  a  découvert  dans  l'Inde.  Tous  ces  para- 
sites embryonnaires  observés  au  Brésil,  à  la  Guadeloupe,  dans  l'Inde,  à  la 
Réunion,  en  Egypte,  offraient  dans  leurs  caractères  la  plus  complète  similitude. 
Silva  Lima,  qui  a  pu  comparer,  à  l'hôpital  Neltley,  des  lilaires  envoyées  par 
Lewis,  ne  doute  nullement  de  l'identité  des  deux  vers  trouvés  au  Brésil  et  dans 
l'Inde;  c'était  aussi  l'opinion  de  Crevaux. 

Peu  après,  nouvelles  découvertes  de  Lewis  tendant  à  établir  des  affinités  étio- 
logiques,  soupçonnées  déjà  par  sir  J.  Fayrer,  entre  la  chylurie  et  d'autres  affec- 
tions plus  spécialement  propres  aux  pays  chauds.  Il  signale  la  coexistence 
fréquente  de  l'cléphancic  (éléphuntiasis  des  Arabes)  et  de  l'hématurie  chyleuse 
chez  le  même  individu,  et  constate  la  présence  des  mêmes  entozoaires  dans  le 
sang,  dans  l'urine  chyleuse  et  dans  la  lymphe  extraite  des  tumeurs  éléphan- 
toïdes  elles-mêmes.  Dans  l'interprétation  pathologique  de  ces  faits,  il  présente 
la  cliylurie  etrêléphancie  comme  associées  à  la  présence  de  l'hématozoaire;  voici 
ses  conclusions  :  dans  les  régions  tropicales,  le  sang  est  assez  souvent  envahi 
par  des  microzoaires  filiformes  qui  peuvent  y  pulluler  longtemps  sans  révéler 
leur  présence  parmi  trouble  quelconque,  mais  qui,  à  un  moment  donaé,  peuvent 
déterminer  de  graves  accidents.  Ceux-ci  se  manifestent  sous  deux  modes  princi- 
paux :  ]iar  issue  dans  un  canal  excréteur  quelconque,  et  apparition  du  parasite 
dans  les  urines,  les  larmes,  les  produits  sécrétoires  de  l'intestin,  etc.,  et  par 
des  épanchements  dans  le  tissu  cellulaire  sous-cutané  ;  ils  sont  dus  probablement 
à  ties  obstructions  mécaniques  des  lymphatiques  par  des  tumeurs  vermineuses 
pariétales,  ou  à  la  formation  d'embolies,  ou  à  des  ruptures  des  parois  délicates 
fies  capillaires  .•^angnins,  lymphatiques  ou  chyleux,  par  l'accumulation  accidentelle 


HEMATURIE.  155 

des  filaires,  et  à  l'cxtr.ivasation  des  liquides  nourriciers  dans  divers  organes;  eu 
général,  l'état  chyieux  de  l'urine  ne  constitue  qu'un  des  symptômes,  mais  un 
des  plus  caractéristiques,  de  ce  désordre  circulatoire.  Lewis  conseille  enfin  de 
toujours  soumettre  le  sang  à  l'examen  microscopique,  beaucoup  de  manifesta- 
tions obscures,  de  phénomènes  jusqu'ici  inexplicables  dans  la  pitliologie  tropi- 
cale, pouvant  être  éventuellement  rapportés  à  la  même  cause  ou  à  une  cause  de 
même  ordre. 

L'identité  étiologique   et  pathogcniquc   des  deux  maladies,  cliylurie  et  élé- 
phancie,  ne  fut  d'abord  acceptée  au  Brésil  qu'avec  une  certaine  réserve,  car 
jusqu'en  1877  le  sang  et  les  écoulements  lympliorriiéiijues  des  clépliantiasis  du 
scrotum  et  des  jambes  n'avaient  fourni  que  des  résultats  négatifs,  et  il  en  avait 
été  de  même  toutes  les  fois  qu'on  avait  cberclié  les  filaiies  dans  le  sang  des. 
chvlurlques.  Mais  bientôt  (février  1877),  F.  dos  Santos  reconnaît  dans  le  sang 
d'une  tumeur  élépbanliasique  du  scotum  la   Wiichereria  filaria,  identique  à 
celle  de  la  cliylurie,  et  quelques  mois  plus  tard   (20  septembre)  la  retrouve 
chez  deux  sujets  dans  le  liquide  de  lymphorrhagies  cutanées  provenant  de  jambes 
élépliantiqnes  ;  S.  Araujo  et  V.  Percii'a,  à  lialiia,  rencontrent  des  filaires  vivantes 
dans  la  Ivmphe  exsudant  d'un  scrotum  éléphantiasiqne,  chez  un  hémato-cliylu- 
rique  atteint  en  môme  temps  de  lymplio-scrolum  et  de  craw-craw,  et  en  1878  • 
le  premier  recueille  la  même  microlilaiie  dans  le  sang  d'une  région  parfiute- 
ment  saine,  sur  un  malade  porteur  de  varices  lymphatiques  des  bourses.  Déjà  à 
Rio-de-Janeiro  (décembre  1877)  P.   S.  Mngalhâes  l'avait  reconnue  dans  l'épais- 
seur même  des  tissus  du  scrotum  chez   un  malade  opéré  par  Saboia,  et  ea 
mars  1878  il  l'apercevait  de  nouveau  dans   le  sang  et  dans  la  lymphe  d'une 
femme  atteinte  d'éléphantiasis  lympli;ingieclode  de  la  grande  lèvre.  Le  ver  était 
semblable  aux  filaires  des  urines  cliyleuses  et  mesurait  32/100  de  millimètres  en^ 
lon^'ueur,  dimension  que  lui  assignentLeuckart  et  Lewis,  1/5  de  millimètre,  mais- 
supérieure  à  celle  qu'iudiquent  d'autres  obseivaleurs  (Corre,20/100).  Ces  dimen- 
sions importent  peu,  en  somme,  car  il  est  certain  que  les  filaires  de  l'urine  n'ont 
pas  toujours  une   longueur  rigoureusement   égale;  l'extrémité   céphalique  se 
détachait  avec  un  double  contour  très-manifeste,  rappelant  l'étui  d'enveloppe- 
signalé  par  Lewis. 

Un  an  après  la  publication  des  travaux  de  Lewi.-;,  Patrick  Manson,  d'AmoiV 
appelle  de  nouveau  l'attention  sur  la  coïncidence  de  l'hémato-cbylurie.  dn. 
lympho-scrotum,  du  lymphocèle,  etc.,  et,  s'appuyant  sur  des  observations  irrécu- 
sables, plaide  cette  même  cause  de  l'identité  étiologique  probable  entre  ces 
afiections  si  dissemblables  en  apparence.  Ses  recherches  lui  montrent  la  filaire 
chez  de  nombreux  malades  parmi  lesquels  plusieurs  étaient  précisément  atteints., 
ou  de  chylurie,  ou  d'éléphancie,  ou  des  deux  affections  à  la  fois,  ou  de  diverses 
maladies  offrant  avec  ces  dernières  des  rapports  plus  ou  moins  étroits.  11  ra[)- 
porle  l'aspect  lactescent  de  l'urine  au  passage  du  chyle,  et  avec  Beale  et 
W.  Pioberts  pense  que  cet  état  chyieux  dépend  de  conditions  particulières  des 
lymphatiques  dans  quelque  point  de  l'appareil  urinaire,  conditions  semblables  à 
celles  qu'on  a  rencontrées  dans  des  cas  connus  de  lymphorrhagies  en  divers 
points  du  corps.  S'appuyant  sur  des  observations  multiples,  il  conclut  :  1°  à  la 
rupture  des  lymphatiques  obstrués  et  variqueux,  rupture  ouvrant  un  passage 
au  chyle  ou  à  la  lymphe  vers  les  voies  urinaires  ;  2"  à  l'éliologie  commune  de 
l'hémato-chylurie,  de  l'éléphantiasis  et  du  lympho-scrotum.  11  fait  en  outre  re- 
marquer que  ces  maladies  sont  endémiques  dans  les  mômes  pays,  et  qu'elles 


iôi  HÉMATURIE. 

offrent  des  rémittences  et  des  intermittences  dans  leurs  symptômes  les  plus 
aigus;  que,  patbologiquement,  elles  sont  presque  identiques;  qu'on  rencontre 
ciiez  toutes  un  état  particulier  du  sang  (les  parasites  de  Lewis)  et  qu'enfin 
elles  coexistent,  ou  alternent,  ou  se  succèdent  souvent  chez  le  même  individu. 

Vers  la  même  époque,  1875,  on  mentionnait,  mais  cette  fois  en  dehors  de 
toute  connexion  avec  l'appareil  urinaire,  diverses  découvertes  de  micro-organismes 
dans  lesquelles  on  a  cru  trouver  des  analogies  qui  les  feraient  rentrer  dans  la 
catégorie  des  faits  révélés  par  Lewis.  O'Neill  avait  rencontré  chez  des  nègres  de 
la  Côte  d'Or  atteints  d'une  éruption  cutanée  désignée  dans  le  pays  sous  le  nom 
de  craw-craw ,  et  dans  des  lames  minces  du  derme  excisées  à  la  base  des  papules 
des  filaires  vivantes  offrant  la  configuration  et  l'aiiilité  motrice  qui  caractérisent 
celles  de  Wucherer  et  de  Lewis  ;  leurs  dimensions  s'en  rapprochaient  aussi  plus 
ou  moins.  L'observation  ne  dit  pas  si  les  préparations  contenaient  aussi  du  sang, 
ce  qui  est  supposable,  les  papules  ayant  été  coupées  au  ras  de  leur  base;  le  sang 
des  régions  saines  ne  fut  pas  examiné,  et  on  ne  sait  s'il  contenait  ou  non  les 
mêmes  parasites.  Un  second  fait  qui  ressemble  étroitement  au  précédent  a  été 
observé  au  Brésil;  c'est  encore  la  découveite  d'une  filaire  avec  des  caractères  et 
dans  des  conditions  identiques  par  S.  Araujo,  en  1875  également.  On  trouve  ici 
les  mêmes  papules,  le  même  animalcule  vivant,  semblable  par  son  aspect  et  ses 
dimensions  à  celui  du  craw-craw  d'Afrique  et  au  ver  de  ^Yucherer.  S.  Araujo,  qui 
l'avait  d'abord  considéré  comme  une  espèce  parasitaire  nouvelle  [Filaria  derma- 
themica)  et  avait  donné  à  la  maladie  le  nom  de  filariose,  a  reconnu  depuis  que 
sa  filaire  n'est  autre  que  celle  de  Wucherer  et  de  Lewis  ;  il  est  convaincu  que  les 
vers  siègent  dans  Ifs  capillaires  du  derme,  mais  ne  s'est  pas  assuré  si  la  circu- 
lation générale  contenait  ou  non  le  parasite  rencontré  dans  les  papules.  Toute- 
fois, si  l'observation  d'O'Neiil  est  insuffisante  pour  déterminer  l'espèce  du 
iiiicrozoaire  du  craw-craw  (Xielly,  Un  cas  de  dermatose  parasitaire),  il  est 
difficile  en  se  reportant  à  la  description  et  aux  figures  du  mémoire  de  S.  Araujo 
de  ne  pas  reconnaître  d'intimes  analogies  entre  sa  filaire  et  celle  de  Wucherer. 

Mentionnons,  pour  mémoire  seulement,  les  entozoaires  trouvés  en  1874  par 
F.  Winckell  dans  un  épanchement  ascitique  chyliforme  chez  une  femme  ayant 
habité  Surinam;  Winckell  signale  la  ressemblance  qui  existe  entre  ces  animal- 
cules filiformes  et  la  filaire  de  l'Inde,  mais  les  dimensions,  la  présence  de  cils 
sur  l'extrémité  céphalique,  l'absence  du  fourreau  d'enveloppe,  ne  permettent 
pas  de  ranger  ces  organismes  dans  les  embryons  filaires  de  Lewis.  La  même 
année,  B.  Cauvet  avait  aussi  découvert  dans  l'urine  d'un  Arabe  algérien  atteint 
d'hématurie  intermittente  non  chyleuse  :  1"  des  œufs  à  divers  états  de  dévelop- 
pement, depuis  la  formation  de  deux  gros  noyaux  jusqu'à  celle  d'un  embryon 
cylindrique  enroulé  sur  lui-même  ;  1°  un  embryon  à  extrémité  antérieure 
arrondie  et  obtuse,  et  effilé  à  son  extrémité  caudale  :  «  Je  pense,  dit-il,  que  ce 
ver  est  probablement  celui  que  Wucherer  et  Crevaux  ont  trouvé  dans  l'hématurie 
intertropicale,  celui  dont  Leuckart  découvrit  les  œufs,  mais  dont  il  ne  put  éta- 
blir la  nature.  » 

Enfin,  en  1876,  Cobbold  découvre  dans  du  sang  recueilli  par  Bancroft  chez 
on  chylurique  de  Brisbane  (Queens'land,  Australie)  une  vingtaine  de  ces  micro- 
zoaires  semblables  à  ceux  de  l'Inde,  et  des  œufs  de  nématoïde  ;  peu  après,  Chas- 
saniol  et  Guyot  constatent  à  Taïti  l'existence  de  la  chylurie  associée  à  la  filaire 
Wuchérienne,  et  en  1878  Venturini  recueille  des  filaires  dans  l'urine  et  dans 
le  sang  d'un  créole  de  la  Guadeloupe.  Mais  jusqu'en  1876  on  n'avait  vu  que 


HEMATURIE.  135 

les  parasites  enibryonnaii-es;  la  découverte  d'une  première  forme  de  progéni- 
teur appartient  à  Bancroft  :  le  21  décembre  1876,  il  recueille  cinq  spécimens 
du  ver  adulte,  l'un  dans  un  abcès  lymphangitique  du  bras,  mais  qui  était  mort, 
les  autres  dans  une  hydroccle  du  cordon,  pelotonnés  sur  eux-mêmes  et  qui 
s'engagèrent  dans  l'œil  du  trocart.  11  put  les  garder  vivants  pendant  un  jour  ; 
ils  avaient  l'épaisseur  d'un  cheveu  et  7  à  10  centimètres  de  longueur  (54  pouces 
anglais);  des  embryons  en  nombre  prodigieux  s'échappaient  par  deux  ouvertures 
vers  le  centre  du  corps.  Bancroft  avait  déjà  constaté  à  cette  époque  la  présence 
d'embryons  dans  une  vingtaine  de  cas,  et  il  vit  dans  sa  découverte  la  solution 
pathogéuique  de  la  chylurie,  de  certains  abcès  lymphatiques  spontanés  et  d'hydro- 
cèles  à  liquide  librineux  ou  chyleux,  de  varices  molles  particulières  de  l'aine,  etc. 
La  colonie  de  Brisbane  ne  lui  avait  fourni  aucun  cas  d'éléphantiasis  des  jambes 
ou  des  bourses.  Sp.  Cobbold  donne  bientôt  après  (1877)  la  description  de  ces 
filaires  adultes  sous  le  nom  de  Filaria  Bancrofti,  en  l'honneur  du  médecin  de 
Brisbane  dont  la  découverte  justifiait  les  présomptions  qui  avait  fait  naître  celles 
de  Wuclierer  et  de  Lewis.  11  n'hésite  plus  dès  lors  à  admettre  l'action  commune 
de  filaires  microscopiques  dans  tout  un  groupe  de  processus  morbides  jusque-là 
fort  obscurs  quant  à  leur  mode  d'origine;  de  plus,  à  son  sens,  toutes  les  diverses 
formes  larvales  décrites  par  Wuclierer,  Salisbury,  Lewis,  Crevaux,  Sonsino, 
S.  Lima,  Bancroft,  et  par  lui-même,  se  rapportent  à  une  seule  et  même  espèce 
[Lancet,  6  octobre  1877),  assertion  que  ne  légitime  pas  encore  l'élude  impar- 
faite de  tous  ces  spécimens  tant  embryonnaires  qu'adultes. 

Ces  découvertes,  et  deux  autres  de  Manson  en  1880,  portent  à  cinq  ou  six 
pour  le  moment  le  nombre  des  progéniteurs  nématoïdes  connus  donnant  nais- 
sance à  des  formes  embryonnaires  qui,  toutes,  rappellent  exactement  la  Filaria 
Wiichereri.  Ces  parasites  adultes  sont-ils  identiques?  Est-ce  le  même  entozoaire 
que  Bancroft  a  découvert  en  Australie,  Lewis  à  Calcutta,  S.  Araujo  à  Bahia, 
F.  Santos  et  J.  de  Moura  à  Bio-de-Janeiro,  Manson  en  Chine?  L'anatomie  de  ces 
divers  spécimens  ne  permet  pas  encore  d'affirmer  leur  identité  spécifique  ;  les 
descriptions  et  les  figures  de  Cobbold  et  de  Lewis  offrent  de  grandes  analogies, 
mais  aussi  des  différences  faciles  à  saisir.  Quoi  qu'il  en  soit,  après  ces  décou- 
vertes le  rôle  pathogéuique  du  parasite  devenait  de  plus  en  plus  probable,  mais 
son  histoire  naturelle,  même  après  la  découverte  de  ces  formes  sexuées,  restait 
encore  fort  obscure;  sa  provenance,  son  habitat,  sa  forme  dans  le  monde  exté- 
rieur, son  mode  et  sa  voie  de  pénétration  dans  l'organisme,  le  degré  d'évo- 
lution sous  lequel  il  l'envahit  (ovulaire  ou  larval,  agame  ou  sexué),  sou  habitat 
organique  à  l'état  adulte,  le  sort  ultérieur  des  embryons  rejetés  au  dehors,  etc., 
toutes  ces  questions  n'avaient  pas  encore  reçu  de  solution.  C'est  en  1877  seu- 
lement que  P.  Manson  a  publié  sur  les  maladies  filariennes  à  Amoi  des  statistiques 
et  des  déc-ouvertes  infiniment  curieuses,  complétées  eu  1885-1884,  par  lesquelles 
il  croit  être  parvenu  à  révéler  toute  la  série  des  transformations  intermédiaires 
entre  l'état  embryonnaire  et  l'état  adulte  du  parasite.  11  a  reconnu  que  la  pre- 
mière phase  de  l'évolution  de  la  filaire  s'effectue  dans  la  lymphe  et  le  sang  ;  elle 
est  représentée  par  les  jeunes  d'une  filaire  mûre  vivant  dans  les  vaisseaux  lym- 
phatiques, et  qui  pénètrent  dans  la  circulation  sanguine  en  même  temps  que 
la  lymphe  :  mais  ces  embryons  n'arrivent  pas  à  maturité  dans  le  corps  humain, 
du  moins  on  n'a  trouvé  jusqu'ici  chez  l'homme  aucune  forme  intermédiaire 
entre  la  filaire  adulte  et  son  embryon  ;  aucun  fait  ne  prouve  que  dans  l'orga- 
nisme humain  le  développement  du  parasite  dépasse  la  forme  embryonnaire,  et 


iô6  HÉMATURIE. 

dans  celle-ci  on  n'a  découvert  non  plus  aucun  détail  de  structure  qui  autorise  à 
penser  qu'il  puisse  passer  d'un  sujet  à  l'autre.  11  était  donc  présumable  que, 
comme  plusieurs  autres  parasites,  l'embryon  filaire  a  besoin  d'emprunter  les 
services  d'un  hôte  intermédiaire  apte  à  le  soustraire  du  sang  humain,  à  le  nourrir 
jusqu'à  ce  qu'il  soit  organisé  pour  une  vie  indépendante,  et  à  le  placer  dans 
des  conditions  favorables  qui  lui  permettent  l'accès  dans  son  hôte  définitif.  De 
plus,  l'animal  servant  d'intermédiaire  devait  avoir  une  distribution  géographique 
en  corrélation  avec  celle  de  la  fdaire,  et  il  lallait  aussi  qu'il  fût  nocturne  dans 
ses  habitudes,  dernière  condition  indiquée  par  ce  fait  bizarre  dans  l'histoire  de 
la  filaire  que  l'embryon  n'apparaît  dans  le  sang  que  pendant  la  nuit.  Pour 
Manson,  cet  hôte  intermédiaire  n'est  autre  que  le  moustique  (Culex)  qui,  par 
ses  habitudes  nocturnes,  par  sa  diffusion  dans  les  régions  chaudes,  et  par  le 
milieu  où  finalement  il  vient  déposer  ses  œufs  et  mourir,  est  l'animal  le  plus 
apte  à  réaliser  toutes  ces  conditions  requises.  L'idée  que  le  moustique  pouvait 
ici  jouer  le  rôle  d'habitat  transitoire  a  dû,  sans  doute,  se  présenter  à  l'esprit 
de  plusieurs  observateurs.  Bancroft  écrivant  à  Cobbold  (the  Lancet,  i2  jan- 
vier 1878)  faisait  incidemment  cette  remarque  :  «  Je  me  suis  demandé  si  les 
moustiques  pouvaient  sucer  les  hématozoaires  et  les  transporter  dans  l'eau  ; 
ils  paraissent  y  mourir.  »  La  démonstration  pratique  du  fait  appartient  à 
P.  Manson:  il  s'est  procuré  des  moustiques  gorgés  du  sang  de  sujets  infectés 
par  des  microfilaires,  et  il  a  vu  que  l'hématozoaire,  qui  avait  pénétré  dans  l'es- 
tomac de  l'insecte  sous  la  forme  d'un  animalcule  sans  structure  apparente,  le 
(juittait  a])rès  avoir  passé  par  une  série  de  transformations  au  terme  desquelles 
il  se  présente  très-agrandi,  pourvu  d'un  tube  digestif  et  peut-être  d'organes  de 
génération,  dépouillé  de  sa  gahie  embryonnaire,  et  devenu  par  ailleurs  apte  à 
une  existence  indépendante.  A  ce  moment  la  filaire  s'échappe  dans  l'eau  où  le 
moustique  est  venu  mourir  après  sa  ponte,  et  le  parasite  mis  en  liberté  se  trouve 
ainsi  dans  les  conditions  les  plus  favorables  pour  être  introduit  de  nouveau  dans 
l'organisme  humain  par  l'intermédiaire  de  l'eau. 

Comment  a  lieu  cette  introduction?  Il  n'est  guère  possible  de  le  dire  aujour- 
d'hui, mais  deux  hypothèses  sont  acceptables  :  ou  bien,  et  c'est  le  cas  le  plus 
probable,  le  parasite  en  voie  de  maturation  est  ingéré  avec  l'eau  potable  et  se 
Iraye  une  roule  à  travers  les  parois  du  tube  digestif  jusqu'au  point  où  il  doit  se 
fixer  définitivement,  c'est-cà-dire  jusqu'au  système  lymphatique  selon  toute  pro- 
.babilité;encepoint  son  développement  est  achevé,  la  fécondation  s'est  effectuée, 
et  finalement  les  embryons  sont  déversés  dans  la  circulation  lymphatique,  puis 
dans  le  torrent  sanguin  p^r  essaims  successifs  et  en  quantités  innombrables;  le 
cycle  génétique  que  parcourt  l'animal  est  ainsi  parachevé  ;  ou  bien  pénètre- 
t-il  peut-être  par  les  téguments;  c'est  la  première  [hypothèse  de  Manson.  qui 
pensait  pouvoir  expliquer  ainsi  la  fréquence  de  Léléphancie  des  jambes  chez 
les  Chinois  «  qui  marchent  souvent  dans  l'eau  ».  S.  Araujo,  comparant  les  dimen- 
sions de  sa  Filaria  devmalhemica  et  celles  des  orifices  cutanés  des  glandes 
sudoripares  et  des  follicules  pileux-sébacés,  avait  pensé  que  l'introduction 
devait  s'opérer  par  ces  voies,  de  même  que  la  Filaria  sangiiinolenta  du  chien 
pénètre  très-probablement  par  les  follicules  muqueux  de  l'œsophage,  et  que 
le  parasite  entrait  dans  l'organisme  à  l'état  de  larve  ou  d'ovule.  Il  rapporte 
qu'un  Portugais  fut  atteint  de  craw-craw  et  de  lymphectasies  scrotales  à  la  suite 
de  bains  pris  dans  la  lagune  de  Feiticeira,  province  de  Bahia,  lagune  connue 
des  riverains  comme  provoquant  le  développement  de  la  première  de  ces  derma- 


-HEMATURIE.  157 

toses;  mais  cet  homme  e'tait  depuis  longtemps  sujet  à  des  e'rysipèles  du  scrotum, 
était  porteur  d'une  ele'pliancic  scrotale  et  avait  été  cliylurique;  du  reste,  rien 
ne  confirme  encore  )a  croyance  populaire  des  riverains  à  la  nocuité  de  ces  eaux 
(Gaz.  méd.  Bahia,  1877),  et  d'un  autre  côté  les  observations  de  Manson  sont  en 
désaccord  avec  l'hypothèse  de  S.  Araujo  ;  ce  n'est  ni  à  l'état  larval  ni  à  l'état 
ovnlaire  que  le  parasite  s'introduit  dans  l'organisme;  si  la  filaire  pénètre  chez 
l'homme  par  la  peau,  ce  doit  être  sous  la  forme  et  arrivée  au  degré  de  dévelop- 
pement qu'elle  possède  au  sortir  de  l'estomac  ou  des  tissus  du  moustique  ;  à  et 
moment  elle  mesure  de  o  à  5/100  de  millimètres  en  largeur  et  pourrait  encore, 
il  est  vrai,  franchir  les  canaux  excréteurs  des  grosses  glandes  sudoripares  dont 
quelques-unes  ont  un  diamètre  de  10  à  15/100  de  millimètres;  mais  jusqu'ici 
cette  pénétration  n'a  pas  été  démontrée,  quoique  le  fait  soit  acceptable.  P.  S.  de 
Magalhàes  croit  avoir  retrouvé  la  filaire  dans  les  eaux  de  la  Garioca  (Rio-de-Janeiro), 
mais  la  description  qu'il  en  donne  s'éloigne  trop  des  caractères  indiqués  par 
Manson  dans  le  développement  de  la  Fihiria  snnguinis  hominis  pour  qu'il  soit 
permis  d'affirmer  l'identité  de  ces  vers;  les  nématoides  aquatiques  comprennent, 
du  reste,  de  très-nombreuses  espèces  qu'il  est  fort  difficile  de  déterminer  dans 
leurs  formes  embryonnaires;  Cobbold,  malgré  les  analogies  entre  ceux  de  la 
Garioca  et  du  Jardin  botanique  de  Hio,  et  les  embryons  de  Wucherer,  se  refuse 
à  admettre  toute  relation  génétique  entre  ces  animalcules. 

Quoi  qu'il  en  soit,  la  découverte  de  Manson,  bientôt  confirmée  partiellement 
par  Lewis  dans  l'Inde,  établissait  une  analogie  remarquable  entre  la  Filaria  san- 
guinis  hominh  et  les  autres  entozoaires  qui  ne  parcourent  leur  cercle  génétique 
complet  qu'à  la  condition  de  passer  par  deux  organismes  différents,  tels  le  taînia 
etledragonneau;  elle  démontrait  lanécessitéd'un  intermédiaire,  le  moustique,  pour 
onduire  le  parasite  à  son  état  parfait.  De  plus,  pour  son  auteur,  elle  établit  les 
rapports  de  cause  à  effet  entre  la  lilaire  et  la  chylurie  et  l'éléphancie  ;  elle  rend 
compte  pourquoi  le  domaine  de  ce  groupe  morbide  complexe  qu'il  a  désigné 
sous  le  nom  de  maladie  éléphanfo'ide  est  limité  à  certaines  zones  du  globe,  et 
pourquoi  ces  maladies  sont  endémiques  là  seulement  où  pullule  le  moustique  ; 
pourquoi  aussi  elles  sont  plus  communes  dans  certaines  régions  que  dans  d'autres 
oij  le  moustique  est  rare  oU  représenté  peut-être  par  une  espèce  incapable  de  con- 
duire les  filaires  au  delà  de  l'état  embryonnaire  (Myers,  à  Formose).  Manson 
explique  encore  de  cette  façon  l'importation  de  la  maladie  dans  des  pays  jusque- 
là  indemnes,  tel  le  développement  de  l'éléphantiasis  à  la  Barbade  oii  il  était 
inconnu  il  y  a  un  siècle  et  demi,  et  où  il  se  serait  multiplié  rapidement  après 
l'immigration  de  sujets  infectés  de  filaires,  assertion  contestable,  du  reste.  D'un 
autre  côté,  le  fait  de  la  migration  de  la  filaire  par  le  moustique  rend  probable, 
sinon  certaine,  cette  source  d'infection  déjà  soupçonnée  par  S.  Lima,  les  eaux 
stagnantes  où  vont  mourir  les  moustiques,  et  qui,  ingérées  en  boisson,  transpor- 
tent dans  l'organisme  le  ver  déjà  en  voie  de  maturation  :  ainsi  s'expliquerait 
l'endémicilé  de  l'éléphantiasis  et  des  autres  affections  lilariennes  dans  les  loca- 
lités marécageuses,  même  en  l'absence  des  manifestations  malariennes;  d'après 
Kôniger,  l'éléphantiasis  est  si  commun  aux  Samoa  que  50  pour  100  de  la  popu- 
lation mâle  en  sont  atteints,  et  il  est  de  notoriété  que  le  mal  se  développe  sur- 
tout dans  les  campements  voisins  des  étangs;  cependant  la  malaria  est  inconnue 
dans  le  pays  (H.  Barth). 

Résumons  ce  long  historique.  Les  premières  théories  ne  voient  dansl'hémato- 
chylurie  qu'un  écoulement  inexpliqué  de  lait,  de  chyle  ou  de  lymphe,  ou  un  flux 


138  HEMATURIE. 

•  éliminatoire  de  sang  et  de  graisse  non  comburée  par  suite  d'un  vice  de  l'héma- 
tose ou  d'un  trouble  physiologique  de  l'assimilation  ;  plus  tard,  c'est  le  parasi- 
tisme de  la  Bilharzia  qui  est  mis  en  cause,  mais,  localisé  en  Afrique,  il  n'explique 
d'ailleurs  que  le  symptôme  hématurie;  à  partir  de  18G6,  la  chylurie  devient  la 
maladie  du  ver  de  Wucherer,  et  tout  d'abord  rien  ne  fait  soupçonner  que  le 

■  domaine  pathogénique  du  parasite  s'étende  au  delà  de  l'appareil  uropoétique  ; 
enfin,  aujourd'hui,  loin  de  constituer  une  entité  morbide,  elle  ne  représente 
qu'un  des  processus  symptomatiques  de  l'envahissement  de  l'appareil  circula- 
toire tout  entier,  vaisseaux  lymphatiques  et  sanguins,  par  ce  même  parasite  à 
l'état  adulte  et  larval,  les  autres  étant  constitués,  suivant  le  siège  et  le  degré  de 
développement  de  l'entozoaire,  par  divers  états  pathologiques,  éléphancie,  intu- 
mescences ganglionnaires,  etc. 

Traitement.  La  thérapeutique  de  l'hématurie  chyleuse  porte  nécessairement 
l'empreinte  des  doctrines  pathogéniques  qui  ont  successivement  prévalu  :  aussi 
voit-on  s'y  coudoyçr  les  médications  les  plus  disparates,  aussi  mobiles  que  les 
'théories,  et  toutes  revendiquant  des  succès  que  justifie  plus  sûrement  l'évolution 
même  de  la  maladie  ou  l'intermission  spontanée  et  plus  ou  moins  durable  des 
symptômes. 

S'il  est  vrai  que,  dans  le  cycle  vital  du  parasite,  le  moustique  soit  l'agent 

•intermédiaire  de  l'infection,  la   règle  de  conduite  est  toute   tracée:  dans  les 

lieux   d'endémie,   s'abstenir,   en  bains,   en  boissons,  des   eaux  marécageuses, 

•  refuge  habiluel  de  l'insecte,  et  n'user  que  d'eaux  épurées  par  l'ébuUition  et  le 
filtrage;  rejeter  de  l'alimentation  les  poissons,  les  viandes  même  que  leur  degré 
de  cuisson  ou  leur  mode  d'apprêt  ne  purifient  pas  des  organismes  inférieurs  à 
l'état  de  vie  (précaution  qui  s'adresse  surtout  à  la  prophylaxie  du  distome)  ;  se 
défier  des  causes  de  débilitation  et  d'anémie  si  puissantes  dans  l'explosion  des 
accès  chyleux,  c'est  là  tout  ce  qu'une  prophylaxie  rationnellement  basée  sur  la 

'théorie  parasitaire  est  actuellement  à  même  de  conseiller. 

Le  traitement  curatif  emprunte  ses  moyens  à  l'hygiène  et  à  la  matière  médi- 
cale. Bouchardat,  d'après  cette  théorie  inadmissible  que  la  maladie  est  liée  à  un 

■  excès  de  graisse  dans  les  liquides  de  l'organisme,  conseillait  d'équilibrer  la 
dépense  et  la  réparation  des  éléments  de  calorificatioH  par  une  grande  sobriété, 
et  par  l'abstention,  autant  que  possible,  de  tous  les  aliments  hydrocarbonés, 
graisses,  huiles,  beurre,  boissons  alcooliques,  que  l'on  remplacera  par  le  thé  ou 
Je  café  ;  peu  de  sucre,  et  une  alimentation  féculente  modérée  ;  préférer  le  pain 
de  gluten;  les  herbes,  les  fruits  dans  une  juste  mesure,  des  viandes  grillées 
dégraissées  et  en  quantités  proportionnelles  aux  forces  dépensées  par  l'exercice 
et  par  la  gymnastique;  une  utilisation  aussi  régulière  et  aussi  énergique  que 
possible  des  forces;  des  bains  froids  chaque  jour,  des  ablutions  fraîches  deux  ou 
trois  fois  dans  les  vingt-quatre  heures;  régulariser  les  garde-robes  par  l'habi- 
tude des  heures.  Eh  bien,  la  diète  des  aliments  gras  n'a  donné,  au  Brésil, 
aucun  bon  résultat,  et  les  Brésiliens  ont  démontré  l'insuccès  et  les  inconvénients 
des  exercices  gymnastiques  ;  Sonsino  en  est  arrivé  à  conseiller  le  repos.  D'un 
autre  côté,  dans  les  observations  de  Leared  et  de  Barbour,  on  voit  les  stimulants 
alcooliques  procurer  toujours  un  amendement  temporaire. 

Pour  les  partisans  delà  doctrine  parasitaire,  le  traitement  doit  viser  avant  tout 
l'infection,  et  chercher  à  débarrasser  l'économie  des  entozoaires  par  des  moyens 

•  ou  agents  anthelminthiques  ou  parasiticides  appropriés.  Or  il  s'agirait  d'atteindre, 
non-seulement  les  embryons  dans  l'appai-eil  urinaire,le  sang  et  la  lymphe,  mais 


HEMATURIE.  159 

aussi  les  progéniteurs  eux-mêmos.  Mais  jusqu'ici,  dans  la  chylurie,  l'habitat 
■organique  de  ces  derniers  n'est  que  vaguement  soupçonné,  et  l'on  ne  possède 
aucun  moven  d'action  capable  de  tuer  les  vers  et  de  les  expulser.  Plusieurs 
■observations  établissent,  il  est  vrai,  que  l'homme  peut  en  être  délivré  par 
quelque  procédé  naturel  ;  on  a  saisi  les  progénileurs  dans  des  abcès  lymphatiques 
•du  bras  (Bancroft,  F.  dos  Sanlos,  Carter,  J.  de  Moura),  dans  des  tumeurs  super- 
ficielles {Helminthoma  elaslica,  de  Bancroft),  dans  le  liquide  des  lympho- 
•cèlcs,  etc..  On  peut  supposer  qu'ils  peuvent  également  être  expulsés  avec 
l'urine  chyleuse,  mais,  en  somme,  on  ne  possède  aucun  moyen  propre  à  provo- 
quer ou  à  faciliter  cette  terminaison  favorable.  Le  problème  serait  de  reconnaître 
l'habitat  du  ver-parent  avec  une  exactitude  suflisante  pour  l'extraire,  s'il  est 
possible,  ce  qui  ne  semble  pas  réalisable  pour  ce  qui  est  de  la  ohylurio.  Man- 
son,  dans  un  cas  de  lympho-scrotum,  a  pu  satisfaire  à  cette  indication  par 
l'ablation  des  tissus  qui  contenaient  une  femelle  adulte  ;  de  même  Lewis, 
dans  l'Inde.  Chez  le  chylurique  de  Ferrand  (comme  dans  les  observations  de 
farter,  de  Manson,  Chauvef,  Barbour,  etc.),  il  existait  un  ganglion  inguinal 
volumineux  et  douloureux,  et  Damaschino  s'est  demandé  s'il  n'y  avait  pas  lieu 
■de  l'extirper. 

Pour  ce  qui  est  des  embryons,  Myers  a  montré  (1881)  que  le  bisulfate  de 
quinine,  l'acide  salicylique,  l'acide  arsénieux,  Id  santonine,  étaient  impuissants 
à  détruire  leur  vitalité,  et  que  les  doses  nécessaires  pour  les  tuer  seraient  toxiques 
pour  le  patient  lui-même  ;  Magalhâes  croit  que  la  glycérine  possède  une  action 
désorganisatrice  très-rapide  sur  ces  microzoaires,  mais  il  ne  sait  quelle  serait  son 
■efûcacité  dans  la  chylurie  (fi^c/s.  lued.  Bahia,  sept.  1881).  S.  Lima,  cherchant  un 
agent  toxique  et  se  fondant  sur  l'élimination  rapide  de  l'iodure  de  potassium 
par  l'urine,  a  essayé  les  préparations  d'iode  à  l'intérieur.  Les  résultats  sem- 
blèrent d'abord  satisfaisants  ;  les  urines  recouvraient  leur  aspect  normal  au  bout 
de  quinze  à  vingt  jours;  mais  d'autres  essais  infirmèrent  ces  premiers  succès; 
■chez  plusieurs  malades,  l'iodure  rosia  impuissant,  et  échoua  même  là  où,  dans 
une  précédente  période  hématurique,  il  semblait  avoir  procuré  la  guérison. 
■C.  Rebello  a  bien  noté  un  fait  où  la  chylurie  disparut  avec  une  rapidité  surpre- 
nante; Davis  (de  Bombay)  quatre  cas  associés  au  rhumatisme  et  guéris  par 
l'iodure  de  potassium,  mais,  en  somme,  l'iode  et  ses  composés,  soit  comme 
altérants,  soit  comme  parasiticides,  ne  possèdent  pas  de  propriétés  curatives,  ni 
plus  certaines,  ni  plus  constantes  que  tous  les  autres  médicaments  employés 
jusqu'ici.  Pacifico  a  expérimenté  une  fois  l'acide  salicylique;  l'accès  disparut,  et 
cinq  mois  plus  tard  l'urine  ne  présentait  plus  aucun  caractère  chyleux.  Mais 
que  conclure  d'un  seul  essai?  Quant  à  la  glycérine  (Magalhâes),  elle  n'a  encore 
■été  essayée  que  dans  un  cas  d'hydrocèle  chyleuse.  Bouchut  conseille  le  cousso  et 
l'huile  éthérée  de  fougère  mâle;  S.  Araujo  dit  avoir  obtenu  plus  sûrement  la 
destruction  des  embryons  dans  un  cas  de  lympho-scrotum,  par  une  sorte  de 
fulguration  au  moyen  de  décharges  électriques  {(jaz.  med.  Bahia,  nov.  1877); 
c'est  la  seule  observation  de  ce  genre  que  l'on  possède. 

Le  nombre  des  médications  et  des  agents  médicamenteux  expérimentés  dans 
cette  maladie  est  considérable  ;  la  plupart  ne  possèdent  qu'une  action  temporaire 
ou  inconstante. 

Les  laxatifs,  peu  employés  généralement,  sauf  indication  particulière,  ont 
été  conseillés  par  I.  Betoldi  (de  San-Paolo) ,  qui  aurait  obtenu  deux  guéri- 
soas  par  l'eau-de-vie  allemande,  et  qui  explique  ces  succès  par  la  déplétion 


140  HÉMATURIE. 

des  chvlifères  et  l'arrêt  du  passage  du  chyle  dans  les  urines.  Quelle  que  soit  la 
valeur  de  cette  explication,  c'est  une  médication  qui  doit  être  maniée  avec 
prudence. 

Les  médecins  de  Maurice,  au  Brésil,  Jubim  et  Imbert,  ont  pratiqué  jadis  des 
émissions  sanguines,  mais  non  sans  inconvénients;  elles  sont  condamnées  aujour- 
d'hui à  juste  titre,  il  n'existe  déjà  que  trop  de  causes  de  débilitalion.  P.  Guima- 
ràes  estiuic  qu'en  présence  d'accidents  inllammatoires.  fort  rares  du  reste,  vers 
l'appareil  urinaire,  et  avec  indication  des  antiphlogistiques,  il  faudrait  préférer 
les  ventouses  aux  saignées. 

Les  révulsifs  n'ont  pas  mieux  réussi  ;  Jubim  a  essaye  vainement  les  vésica- 
t(»ires  associés  à  la  noix  d'acajou  pour  éviter  le  stimulus  des  cantharides  sur  la 
vessie  et  les  reins. 

Les  diurétiques  onl  parfois  suspendu  les  accès  chyleiix;  ((  sans  répondre  à 
l'indication  causale,  la  médication  diurétique  peut  venir  en  aide  au  traitement 
en  diluant  l'urine,  facilitant  son  émission,  et  peut-être  en  activant  l'élimination 
des  embryons  »  (C.  liobello).  On  a  donné  dans  ce  but  la  busscrole  (Valiadâo),  la 
digitale,  la  pariétaire,  etc.,  en  déconseillant  le  nitrate  de  potasse  comme  trop 
hyposthénisant  (Torres  llomem).  Quelques  médecins  brésiliens,  qui  ont  cru  à  la 
nature  nerveuse  de  la  maladie,  ont  associé  aux  diurétiques,  et  non  sans  succès 
quelquefois,  les  antispasmodiques  et  les  toniques,  et  obtenu  des  guérisons  par  la 
valériane  et  le  fer  (de  Simoni,  Valbidào,  J.  dos  Reis),  ou  par  la  belladone  et  la 
jusquiamc  indiquées  par  Hooper. 

Mais  c'est  aux  astringents  et  aux  toniques  amers  qu'on  s'est  adressé  avec  le 
plus  de  profit  ;  Sonsino  pense  que  les  premiers  peuvent  atténuer  l'écoulement 
lymphuri(pie  par  leur  action  sur  les  parois  des  vaisseaux  ruptures  ou  sur  le 
plasma  lui-même.  Le  quiuquina  et  la  limonade  sulfurique  ont  donné  à  Meirelles 
un  certain  nombre  de  guérisons;  P.  Guimaràes  a  retiré  du  fer  et  du  quinquina 
associés  des  résultats  avantageux;  il  a  aussi  essayé  en  bains  et  à  l'intérieur 
l'écorce  ôe  pdo  pereira,  dont  l'alcaloïde,  la  péreirinc,  permettrait  peut-être  un 
dosage  plus  exact  [voy.  Pereira).  La  flore  brésilienne  est  riclie  en  astringents 
énergiques  qui  n'ont  pas  tous  été  soumis  à  l'expérimentation  :  Vabutua,  la 
monœsia;  les  diverses  écorces  connues  sous  le  nom  de  barhalimào ;  la  feuille  de 
Yaraça  (goyavier),  \a.camhalha  ou  Curatella  americana  (DiUéniacées),  l'oreille 
de  chat,  Vaoeii'a  ou  pistachier  bonduc,  le  pdn pomho,  etc..  L'extrait  de  ratanhia 
à  hautes  doses  a  quelquefois  produit  une  modification  favorable  chez  les  malades 
de  Cassien;  le  sang  diminuait  rapidement,  la  teinte  laiteuse  disparaissait,  et 
les  urines  reprenaient  leur  aspect  normal;  plusieurs  fois  pourtant  jI  est  resté 
impuissant.  L'acide  tannique,  employé  souvent  à  la  Réunion,  est  loin  de  posséder 
l'efficacité  que  les  Anglais  attribuent  à  l'acide  gallique;  Bence  Jones,  Priestley, 
Goodwin,  et  les  médecins  du  gouvernement  à  Maurice,  Sonsino,  en  Egypte,  dans 
la  lymphurie,  ont  obtenu  de  ce  dernier  des  effets  très-remarquables  et  quelques 
guérisons  ;  il  posséderait  une  action  astrictive  sur  les  canalicules  urinaires.  Il 
est  certain  qu'il  dissipe  promptement  l'aspect  chyleux  de  l'urine  et  fait  dispa- 
raître l'albumine.  Goodwin  (1856)  l'a  donné  à  la  dose  quotidienne  de  6  grammes, 
Waters  a  poussé  jusqu'à  9  grammes,  en  atténuant  ensuite  peu  à  peu  les  doses. 
Ce  médicament  a  produit  parfois  un  obscurcissement  passager  de  la  vue  et  un 
peu  de  surdité;  Priestley  fut  obligé  de  le  suspendre,  en  raison  de  l'intolérance 
gastrique  (L.  Beale).  La  décoction  d'écorce  du  Rhizophora  racemosa  [Rhizo- 
phora  mangle  L.)   a  été  préconisée  par  Bouyun  (de  Demerara),  à  la  dose  de 


HÉMATURIE.  141 

50  "Tammes  pai"  jour  à  l'intérieui";  Marlius  classe  celte  écorce  parmi  les  astrin- 
o-ents  les  plus  énergiques,  et  c'est  sans  doute  cette  propriété  qui  en  a  justifié 
l'emploi  dans  la  chylurie;  pour  Copland,  elle  augmente  la  sécrétion  urinaire  tout 
en  en  modifiant  les  caractères,  el  n'est  pas  sans  influence  sur  la  santé  générale 
(Copland,  Med.  Dict.,  vol.  III,  p.  1221)  ;  Hillis,  à  la  Guyane  anglaise,  en  a  retiré 
un  bénéfice  réel.  Wucherer  avait  essayé  le  perclilorure  de  1er;  Cassien  l'a  vu 
réussir,  à  hautes  doses,  comme  hémostatique,  chez  une  malade  réduite  par  les 
hématuries  à  la  dernière  extrémité;  Dutt  a  guéri  par  ce  sel  un  Hindou  atteint  de 
chylurie  et  dyspeptique;  A.  Gouto  dit  que  pendant  l'emploi  de  cette  préparation, 
et  vingt-quatre  à  quarante-huit  heures  après,  l'iu'ine  est  débarrassée  d'embryons, 
mais  qu'ils  reparaissent  lorsqu'on  suspend  le  médicament.  Sonsino  met  en  pre- 
mière ligne  l'acide  gallique  et  la  teinture  de  perchlorure  de  fer.  Quelques 
malades  de  Prout  ont  obtenu  un  soulagement  temporaire  parles  acides  minéraux, 
l'alun  et  l'acétate  de  plomb  ;  l'opium  a  également  enrayé  la  marche  pendant  un 
certain  temps;  Bence  Jones  donne  la  préiérence  aux  astringents,  tannin,  azotate 
d'argent,  etc.  En  résumé,  les  astringents,  végétaux  surtout,  rendent  de  bons  ser- 
vices à  titre  d'hémostatiques,  mais  en  dehors  de  cette  indication  il  y  a  peu  à 
compter  sur  eux  pour  assurer  une  guérison  définitive;  C.  Rehello  leur  attribue 
cependant  une  action  parasiticide. 

Les  ferrugineux  trouvent  généralement  l'opportunité  de  leur  emploi  chez  les 
sujets  affaiblis  par  des  pertes  sanguines  abondantes,  et  dont  il  importe  de  sou- 
tenir la  santé  générale;  ils  ont  donné  les  meilleurs  résultats.  Gaffe,  Rayer,  les  ont 
recommandés,  Imbert  rapporte  la  cure  de  trois  malades  par  le  carbonate  de  fer. 
U  faut  choisir  de  préférence  les  sels  de  fer  qui  ne  constipent  pas,  lactate, 
citrate,  iodure. 

Les  balsamiques  comptent  quelques  cas  de  guérison;  Salesse  cite  un  créole  de 
Maurice  qui,  atteint  d'hématurie  rebelle  et  d'uréthrite,  guérit  de  ces  deux  mala- 
dies par  l'usage  du  baume  de  copahu.  S.  Lima  ne  se  prononce  pas  sur  la  valeur 
de  ce  médicament;  il  n'a  été  employé  à  Bahia  que  dans  deux  occasions,  une 
fois  avec  un  semblant  de  bénéfice,  l'autre  fois  sans  prolit,  ou  plutôt  avec  aggra- 
vation de  l'hématurie.  Le  matico,  essayé  par  Bence  Jones,  procurait  quelque 
soulagement.  Sonsino  a  obtenu  par  l'huile  jaune  de  Santal,  20  à  25  gouttes,  trois 
fois  par  jour,  la  guérison  rapide  d'une  attaque  de  cliylurie,  mais  sans  disparition 
des  filaires. 

Silva  Lima  mentionne  avec  éloge  des  pilules  employées  au  Para  pai'  F.  da 
Silva  Castro,  el  ainsi  composées  :  ergot  de  seigle,  en  poudre  très-récente,  10  cen- 
tigrammes ;  iodure  de  fer,  5  centigrammes;  extrait  de  cachou,  q.  s.  pour 
i  pilule.  Faire  55  pilules  ;  1  le  matm,  1  le  soir,  avec  infusion  de  Polygala 
paraensis  {Cadmembéca,  au  Brésil).  Deux  cas  traités  par  le  médecin  du  Para 
ont  été  suivis  de  guérison;  en  1875,  S.  Lima  a  employé  ces  pilules,' au  nombre 
de  trente-quatre,  chez  une  malade  à  son  sixième  ou  septième  accès:  l'hématurie 
disparut  aussitôt  après  la  dernière  pilule;  quelques  mois  plus  tard  commença 
une  nouvelle  période  hématurique  qui  coïncida,  comme  précédemment,  avec 
l'état  de  grossesse  ;  la  chylurie  continua  après  l'accouchement,  puis  il  survint 
une  paralysie  béribérique  ;  par  les  bains  de  mer,  des  pilules  de  sulfate  de  1er, 
de  quinine,  de  strychnine,  et  l'extrait  d'aloès,  les  deux  maladies  disparurent  en 
deux  mois. 

Ghapotin  cite  un  cas  d'hématurie  continue,  chez  un  créole  de  Maurice,  suivie 
<i'urines  chyleuses,  et  guérie  par  la  teinture  de  cautliarides. 


J42  HÉMATL'RIE. 

Dans  les  cas  de  complication  de  gravelle  urique,  les  alcalins,  sons  la  forme  de- 
l'ean  de  Vichy,  seraient  parfaitement  justiûés;  Roza  cite  nne  femme  de  soixante 
ans  qui  guérit  par  l'emploi  des  bains  de  mer  et  de  l'eau  de  Vichy,  mais  il  ne 
dit  pas  si  les  urines  contenaient  de  l'acide  urique  libre.  Le  soufre,  intiis  et 
extra,  et  l'arsenic,  auraient  été  suivis  de  bons  effets  dans  une  complication  de 
diathèse  dartreuse.  Torres  Homem  recommande  les  fleurs  de  soufre  associées 
au  suc  exprimé  du  persil  commun,  ou  au  sulfate  de  quinine  et  au  carbonate  de 
fer,  et  ainsi  que  Wucherer,  pour  prévenir  les  pertes  excessives  d'albumine,  les 
capsules  de  térébenthine  ;  J.  Moura  a  réussi  au  moyen  de  très-petites  quantités^ 
d'essence  de  térébenthine  chez  un  malade  qui  n'avait  obtenu  aucun  bon  résultat 
par  de  fortes  doses;  quelques  médecins  ont  cru  reconnaître  dans  ce  médicament 
une  action  parasiticide  (Satterlh\Yaite,  1884);  d'autres  le  considèrent  comme  un 
simple  modilicaleur  du  système  nerveux.  A.  Pinto  et  A.  Rego  ont  essayé  avec 
profit  l'eau  de  Seltz  et  les  Eaux-Bonnes  ;  cependant  ces  dernières  n'ont  donné 
aucun  résultat  à  C.  Rebello. 

Divers  produits  de  la  pharmacopée  brésilienne  auraient,  à  des  titres  divers, 
fourni  des  succès  :  la  fécule  de  Jacatiipé  [Pacinjrrhisus  angulatus  Benth), 
mélangée  au  suc  de  citron,  contre  les  accidents  hcmaturiques  (J.-J.  Silva,  L.-A. 
Pinto,  Miranda,  Azevedo,  P.  Hego,  A.  Dego)  ;  C.  Rebello  n'en  a  pourtant  retiré 
aucun  bénéfice;  les  décoctions  de  l'Amor  do  campo  {amour  des  champs,  zornia 
selon  ?sic.  Moveira,  lied ysarum  selon  J.-J.  Silva)  ;  la  Canna  de  brejo  hranca 
(Alpinia  spicata,  Amomacées],  VHerva  pomhinha  {Phyllantus  mycrophillus 
de  }tlàrlms,  Euphorbiacées)  ;  lejapecanga  {Herreira  salsaparrilha,  Smilacées), 
la  Quintefeuille  [Bignoniacées],  astringent  vanté  par  Valladâo  ;  la  Sensilive 
[Miynosa  pudica,  Légumineuses),  associée  au  fer  par  Godoy  Botelho  ;  la  Barba  de 
paca  {Rosacées);  la  Bidens  pilosa,  picâo  {Composées;  Foriu.  de  Cherno- 
vitz),  etc..  Citons  enfin  l'huile  de  foie  de  morue,  la  quinine,  l'acide  phénique, 
la  strychnine,  l'aloès,  le  café  noir  (HomoUe),  etc.,  et  nous  en  aurons  fini  avec 
cette  longue  liste  d'agents  médicamenteux  dont  l'action  variable  n'a  abouti  le 
plus  souvent  qu'à  l'impuissance. 

C'est  de  l'hydrothérapie  qu'on  doit  attendre  les  plus  sûrs  bénéfices;  elle  a  été 
de  tout  temps  employée  au  Brésil  (Jubim,  Rosa),  et  c'est  le  traitement  le  plus 
iiabituellement  suivi  à  la  Réunion  sous  forme  de  bains  de  mer  ou  de  rivière,  ces 
derniers  préférables  à  cause  de  leur  plus  basse  température.  Cassien  a  employé 
les  douches  générales  en  pluie,  très-courtes,  et  les  douches  en  jet  sur  la  région 
lombaire,  qui  agissent  mieux  dans  les  premiers  jours  du  traitement  ;  il  cite 
quatre  cas  de  guérison  presque  complète,  et  une  seule  récidive  chez  un  malade 
qui  cessa  trop  tôt  la  médication.  La  dm'ée  du  traitement  est,  en  effet,  une  con- 
dition de  succès  ;  quelquefois,  dès  les  premières  applications  froides,  les  urines 
reprennent 'leur  limpidité;  cesser  brusquement  serait  appeler  une  rechute.  Le 
traitement  sera  donc  prolongé  longtemps  encore  après  la  disparition  des  acci- 
dents, surtout  si  la  maladie  est  ancienne.  Après  guérison  et  retour  dans  les 
cUmats  chauds,  le  malade  devra  se  soumettre  à  l'usage  journalier  des  bains 
froids  et  des  applications  froides  sur  la  région  rénale.  Pendant  tout  le  traite- 
ment recommander  l'exercice  musculaire,  mais  modéré  ;  Sonsino  estime  même 
que  le  repos  peut  contribuer  puissamment  à  diminuer  les  pertes  lymphorrha- 
fiques.  Cassien  prescrit  une  bonne  hygiène,  un  régime  tonique,  fortifiant,  par 
les  viandes  grillées,  le  vin,  le  fer,  le  quinquina,  les  amers;  Sonsino  croit  pour- 
tant qu'il  faut  être  circonspect  sous  ce  point  de  vue,  une  trop  grande  distension 


HÉMATURIE.  145- 

des  lymphatiques  pouvant  entraver  la  guérison  des  points  qui  ont  souffert  de 
l'obstruction  causée  par  les  vers  [Lancet,  mai  1882,  p.  555). 

La  maladie  étant  spéciale  aux  pays  chauds,  on  a  été  naturellement  conduit  à- 
conseiller  l'émigration  vers  des  climats  tempérés  ou  froids  ;  les  créoles  de  la 
Réunion  vont  demander  la  guérison  aux  localités  élevées  et  fraîches  de  l'île, 
aux  thermes  de  Salazie,  etc..  ;  d'autres  viennent  en  Europe;  plusieurs  malades 
de  Rio-de-Janeiro  ont  été  temporairement  délivrés  par  un  séjour  dans  la  Plata 
(C.  Rebello),  ou  ont  guéri  dans  les  hauteurs  et  sous  le  climat  plus  tempéré  de 
Friburgo,  de  Pétropolis,  etc..  (Martins  Costa);  Makuna  a  vu  également  uU' 
séjour  de  quelques  semaines  dans  les  sanatoires  de  Mahabalechwer,  de  Matherun, 
de  Khandala,  dissiper  l'état  chyleux  de  l'urine  et  ramener  les  apparences  de  la^ 
santé.  Ce  changement  de  climat,  si  habituellement  recommandé  et  en  général 
très-favorable,  offre  partout  des  contre-indications  ;  il  convient  quand  la  maladie 
est  récente  ou  ne  remonte  pas  au  delà  de  deux  ou  trois  ans  ;  au  delà  de  ce  terme, 
il  semble  inutile  et  même  nuisible,  surtout  lorsque  la  constitution  générale  est 
profondément  altérée  (Gassien).  D'un  autre  côté,  il  arrive  souvent  que  la  maladie 
qui  a  cédé  par  le  déplacement  reparaît  par  le  retour  dans  les  pays  chauds,  fait 
signalé  par  Salesse,  Cassien,  Makuna,  Moura,  Torres-Homem,  etc.. 

Dickinson,  partisan  de  la  théorie  de  la  chylorrhéc,  et  admettant  le  regorge- 
ment du  chyle  du  canal  thoracique  vers  les  lymphatiques  rénaux,  a  employé  la 
compression  au  moyen  d'un  tourniquet  abdominal  dont  une  pelote  était  placée- 
sur  la  dernière  vertèbre  lombaire  :  l'effet  fut  immédiat,  l'urine  revint  à  sa  cou- 
leur normale,  et  la  quantité  de  matière  chyleuse  dans  l'urine  tomba  au-dessous 
du  huitième  de  son  chiffre  précédent  (Lancet,  8  déc  1875).  Chez  un  malade  de 
Bence  Jones,  la  compression  au  moyen  d'une  ceinture  serrée  avait  soulagé  \n 
douleur  et  rendu  l'urine  un  peu  moins  chyleuse. 

En  somme,  on  ne  possède  aucun  agent  thérapeutique  sur  lequel  on  puisse 
compter  d'une  façon  certaine  ;  tel  paraît  réussir  dans  un  cas  qui  échoue  dans  un 
autre,  ou  qui,  après  un  premier  succès,  reste  impuissant  chez  le  même  malade 
lors  d'une  nouvelle  période  hématurique.  11  n'est  pas  rare  que  la  maladie  dispa- 
raisse spontanément  au  bout  de  quelques  mois,  d'une  année,  et  cette  disparitioa 
peut  coïncider  avec  l'emploi  d'un  traitement  auquel  on  aurait  tort  de  rapporter 
l'honneur  de  la  guérison,  car  plus  tard  c'est  en  vain  peut-être  qu'on  lui  deman- 
dera les  mêmes  services.  «  Mon  observation  persoiuielle,  dit  S.  Lima,  ne  m'in- 
spire de  confiance  en  aucun  de  ces  agents  pharmaceutiques.  Je  compte  davantage 
sur  les  ressources  d'une  bonne  hygiène,  tant  qu'une  connaissance  plus  parfaite 
de  l'étiologie  et  de  la  pathogénie  de  l'affection,  et  surtout  une  expérience  cli- 
nique plus  étendue,  ne  nous  auront  pas  conduits  à  une  médication  rationnelle  et 
efficace.  » 

L'intervention  chirurgicale  peut  devenir  nécessaire  dans  les  cas  où  des  caillots 
fibrineux  déterminent  des  accidents  de  dysurie  ou  une  rétention  d'urine;  ces 
cas  sont  assez  rares,  du  reste,  et  exigeraient  le  cathélérisme  ou  des  injections 
délayantes  dans  la  vessie,  mais  le  plus  souvent,  au  prix  de  quelques  efforts,  les 
malades  arrivent  à  expulser  ces  caillots  et  à  se  soustraire  à  une  opération  qu'ils 
redoutent. 

On  n'est  pas  mieux  armé  contre  l'hématurie  par  Bilharzia  ;  la  térébenthine, 
l'huile  de  Dippel,  l'asa  foetida,  le  copahu,  le  cubèbe,  la  santonine,  le  buchu, 
l'iodure  de  potassium,  ont  tous  échoué  comme  agents  parasiticides.  L'extrait  de 
fougère  mâle  associé  à  l'essence  de  térébenthine  a  été  recommandé  par  J.Harley 


144  IIÉMATL'RIE. 

comme  eflicace  pour  activer  l'évacualioii  des  œufs  ;  la  térébenthine  ne  pourrait 
être  prescrite  qu'avec  réserve,  si  les  reins  son!,  malades.  J.  Worlabet  aurait 
obtenu  des  résultats  excellents  de  ces  deux  médicaments  associés  à  l'intérieur 
et  en  injections  hypodermiques. 

En  1869,  J.  Ilarley  a  essayé  des  injections  médicamenteuses  dans  la  vessie; 
des  infusions  d'absinthe  et  de  quassia  amara  restèrent  sans  résultat,  mais  l'huile 
de  fougère  mâle  (O^^oO  à  1  gramme)  provoqua  une  vive  irritation  et  des  con- 
tractions énergiques  de  la  vessie,  avec  expulsion  d'œufs  nombreux;  elle  fut 
impuissante  puurlant  à  tuer  les  parasites.  Allen  (1882)  aurait  obtenu  plusieurs 
guérisons  par  injections  veineuses  d'une  solution  alcoolique  de  santonine.  Quant 
aux  injections  vcsicales  d'iodure  de  potassium  (0*^'%50  à  l^-'^oO  pour  160  grammes 
d'eau),  seules  ou  alternant  avec  celles  d'huile  de  fougère,  elles  n'ont  pas  mieux 
réussi  que  ces  dernières  ;  le  sel  était  promptement  absorbé,  et  il  survenait  des 
symptômes  de  catarrhe  sans  irritation  vésicale.  Harley  avait  présenté  ce  mode 
de  traitement  comme  efficace  pour  déblayer  la  vessie  des  produits  du  parasite 
au  fur  et  à  mesure  de  leur  formation,  et  comme  capable  de  tuer  les  vers 
adultes,  mais  au  bout  de  quelques  mois  son  malade  continuait  à  rendre  des 
œufs.  Dans  un  fait  cité  par  Guillemard  ce  traitement  a  eu  des  conséquences 
déplorables  :  il  s'ensuivit  une  cystite  et  une  néphrite  aigués,  et  Guillemard  juge 
cette  méthode  extrêmement  dangereuse.  Golbold  y  est  formellement  opposé  : 
«  Notre  but,  dit-il,  doit  être,  non  d'intervenir,  mais  d'aider  les  efforts  de  la 
nature  qui  tend  à  la  guérison  au  moyen  d'obstacles  artificiels  apportés  à  l'écou- 
lement sanguin;  de  celle  façon,  la  santé  se  soutient  jusqu'au  moment  où  les 
parasites  meurent  ou  cessent  d'être  nuisibles,  G'est  là  le  principe  qui  doit  guider 
dans  le  traitement  des  désordres  provoqués  par  la  Billiarzia...  Si  vous  calhété- 
risez  et  employez  des  injections  médicamenteuses,  vous  faites  plus  de  mal  que 
de  bien  ».  Sonsino  va  même  plus  loin,  et  soutient  que  ce  serait  une  erreur  en 
pratique  de  provoquer  la  mort  du  parasite,  même  si  cela  était  possible,  en  raison 
des  dangers  consécutifs  d'embolisme  ou  de  septicémie  ;  le  traitement  doit  avoir 
pour  objectif  plutôt  le  soutien  de  la  sanlé  générale  et  l'atténuation  de  tous  les 
symptômes  fâcheux  qui  peuvent  survenir,  que  la  destruction  du  distome  lui- 
même.  G'est  ainsi  que  l'on  devra  surveiller  attentivement  tout  signe  de  calcul 
vésical  ou  rénal;  dans  ce  dernier  cas,  des  délayants  et  surtout  du  repos;  si 
l'urine  est  acide,  quelques  alcalins,  acétate  ou  citrate  de  potasse,  qui  seront 
utiles  comme  préventifs  de  la  formation  de  l'acide  urique  ou  des  dépôts  d'oxa- 
late  de  chaux  (Guillemard);  un  régime  analeptique,  mais  non  stimulant;  repas 
peu  copieux,  maisj  fréquents  ;  éviter  les  vins  généreux  et  les  repas  prolongés. 
L'expérience  a  bientôt  instruit  le  malade  du  bien-être  obtenu  par  des  urines 
abondantes,  et  en  général  il  est  inutile  de  lui  recommander  un  large  emploi  des 
boissons  (Guillemard).  Disons  enfin  que  la  lithotritie  ou  la  taille  trouvent  assez 
souvent  leur  indication  dans  l'hématuiie  de  Bilharz. 

Le  mode  de  pénétration  du  ver  dans  l'économie  étant  inconnu,  la  prophylaxie 
de  l'infection  n'est  basée  que  sur  des  conjectures.  Dans  les  pays  d'endémie,  toute 
eau  potable  doit  être  bouillie  et  filtrée;  rechercher  celle  des  puits  profonds  ou 
des  sources,  éviter  toute  eau  provenant  des  étangs,  des  marais,  etc..  ;  s'abstenir 
des  bains  de  rivière,  rejeter  le  cresson,  les  poissons  et  les  crustacés  d'eau 
douce;  avertir  enfin  tout  porteur  du  distome  de  Bilharz  de  la  possibilité  où  il 
est  de  devenir  lui-même  une  source  d'infection  pour  les  autres. 

BOCREL-ROACIÈRE. 


HÉMÉRALOPIE.  145 

HÉnEIVTERIE.      Voi/.  HiRUDiNÉES. 

HÉMÉRALOPIE.  On  désigne  sous  ce  nom,  un  état  pathologique  de  la 
vision  caractérisé  par  l'impossibilité  plus  ou  moins  complète  de  voir  la  nuit, 
alors  que,  pendant  le  jour,  le  sujet  qui  en  est  atteint  ne  s'aperçoit  d'aucun 
trouble  spécial. 

Si  elle  se  montre  chez  des  individus  dont  l'œil  est  indemne  de  toute  lésion 
apparente,  l'héméralopie  est  dite  idiopathique,  elle  est  au  contraire  symptoma- 
tique,  si  elle  accompagne  certaines  affections  bien  caractérisées  et  bien  connues 
pour  la  tenir  sous  leur  dépendance.  Nous  nous  occuperons  surtout  de  la  pre- 
mière, la  seconde  se  trouvant  mentionnée  et  décrite  dans  les  articles  de  ce  Dic- 
tionnaire, consacrés  aux  diverses  maladies  oculaires  capables  de  l'engendrer. 
Le  plus  souvent  elle  est  épidémique,  c'est-à-dire  apparaît  à  la  fois  sur  un 
grand  nombre  de  sujets  placés  dans  des  conditions  hygiéniques  semblables  et 
soumis  aux  mêmes  influences;  plus  rarement,  elle  frappe  des  individus  isolés. 

Connue  depuis  la  plus  haute  antiquité  par  les  médecins  de  tous  les  pays, 
l'héméralopie  a  une  histoire  que  nous  ne  pouvons  nous  dispenser  de  résumer, 
ce  qui  nous  permettra,  en  passant,  de  poser  et  de  résoudre  bon  nombre  de  pro- 
blèmes se  rattachant  soit  à  l'idée  qu'il  faut  s'en  faire,  soit  au  nom  même  qu'on 
lui  a  donné. 

Un  des  points  les  plus  curieux  de  cette  histoire,  c'est  la  fortune  diverse  qu'a 
subie  le  nom  même  de  la  maladie.  En  effet,  à  la  place  de  l'expression  héméralo- 
pie,  nous  trouvons  dans  les  écrits  les  plus  anciens  sa  conlre-parlie  nyctalopie,  et 
les  descriptions  du  mal  données  par  les  auteurs  ne  nous  laissent  aucun  doute 
sur  le  sens  qu'ils  lui  attribuaient.  Un  seul,  et  c'est  le  premier,  le  plus  impor- 
tant, Hippocrate,  fait  exception  en  désignant  sous  le  nom  de  nyctalopes  les  gens  qui 
voient  la  nuit.  Cette  contradiction  soulève  un  problème  singulier  et  qui  mérite 
d'être  éclairci,  celui  de  savoir  si  le  père  de  la  médecine  a  connu  la  cécité  noc- 
turne. Pour  le  résoudre  nous  devons  entrer  dans  des  détails  de  grammaire  et  de 
lexicographie  à  la  suite  de  Greenhill  et  de  Tweedy,  dont  les  savantes  discussions 
nous  serviront  de  guide.  Dans  les  Prorrethica  au  livre  II,  §§  33  et  34,  Hippocrate 
désigne  sous  le  nom  de  nyctalopes  les  gens  qui  voient  la  nuit,  01  Si  t»5;  vuxtoî 
ôpôJvTEç,  oOî  cïi  vu/.-aXoja;  xaî.eopiîv  :  par  conséquent  les  gens  qui  voient  le  jour 
seront  héméralopes.  Ou  le  passage  des  Prorrethica  ne  signifie  rien,  ou  il  faut 
l'appliquer  à  une  affection  toute  différente  de  celle  qui  nous  occupe,  à  la  photo- 
phobie, suivant  l'interprétation  du  professeur  Auguste  Hirsch,  de  Berhn.  Dans  le 
cas  contraire,  il  faut  admettre  qu'Hippocrate  a  ignoré  un  état  qu'ont  décrit 
presque  tous  les  auteurs  de  l'antiquité,  fait  si  surprenant,  qu'il  nous  oblige  à 
serrer  de  plus  près  notre  texte  et  à  examiner  si  quelque  erreur  ne  s'y  est  pas 
glissée. 

Aristûte,  Pline,  Galien,  Oribase,  Celse,  Aétius,  Al.  de  Tralles,  Paul  d'Égine 
et  autres,  se  sont  servis  du  mot  nyctalopie  dans  le  sens  de  cécité  nocturne:  c'est 
là  un  fait  que  leur  description  de  la  maladie  met  hors  de  doute.  Hippocrate 
emploie  la  même  expression  dans  un  sens  exactement  contraire  :  faut-il  croire 
qu'il  ne  connaissait  pas  la  maladie  ou  que,  l'ayant  connue,  il  ne  l'a  pas  décrite? 
Un  fait  aussi  étrange  a  frappé  plusieurs  maîtres  de  la  philologie  moderne  et  ils 
ont  préféré  y  voir  le  résultat  d'une  faute  de  copie,  plutôt  que  l'expression  exacte 
de  la  vérité. 
Déjà  Ghamseru,  en  1786,  dans  son  mémoire  adressé  à  la  Société  de  médecine, 

DICT.    ENC.    i°  S.    XIII.  10 


146  HEMÉRALOPIE. 

avait  remarqué  que  dans  un  manuscrit  des  œuvres  hippocraliques  datant  du  qua- 
torzième siècle  le  mot  où/  devant  ôpûiizsç  avait  été  effacé,  mais  que  sa  trace 
était  encore  visible.  Le  savant  Goray,  qui  connaissait  celte  remarque  de  Gham- 
seru,  s'en  référant  à  son  tour  à  Gelse,  qui  sans  aucun  doute  avait  dû  traduire 
les  Prorretliica,  pensa  qu'en  effet  la  négation  avait  du  exister  dans  les  textes 
primitifs,  comme  en  faisaient  foi  les  Commentaires  de  Galien  concluant  dans  le 
même  sens.  Ces  raisons  ont  paru  assez  fortes  pour  qu'en  1864  Emmerius  ait 
donné  une  édition  importante  des  œuvres  llippocratiquesdans  laquelle  les  textes 
ont  été  rétablis  dans  le  sens  de  cette  version.  Ainsi  s'est  trouvé  effacée  une 
discoi'dance  incompréhensible,  et  l'accord  s'est  fait  entre  tous  les  savants  de 
l'antiquité  sur  le  vrai  sens  du  mot  nyctalopie. 

Voilà  donc,  dans  toute  cette  période  reculée,  ce  mot  en  possession  d'exprimer 
la  cécité  nocturne,  tandis  que  celui  d'héméralopie  dont  nous  nous  servons 
aujourd'hui  pour  dire  la  même  chose  ne  serait,  d'après  Greenhill,  écrit  qu'une 
fois  dans  un  auteur  grec,  et  cela  sans  explication  aucune  sur  son  véritable  sens. 
Il  n'est  pas  sans  intérêt  de  savoir  pourquoi  et  comment  s'est  faite  la  substilution. 
Tweedy  en  donne  une  explication  assez  ingénieuse.  Il  suppose  que,  jusqu'au 
milieu  du  di.v-scpticme  siècle,  la  plupart  des  écrivains  s'en  étaient  surtout  tenus 
aux  textes  de  Galion,  d'Aristotc,  de  Pline,  etc.,  parce  que  les  ouvrages  de  ces 
maîtres  étaient,  plus  que  ceux  d'IIippocrate,  accessibles  à  leurs  recherches. 
Galien  avait  défini  le  terme  mjctalopes  :  ceux  qui  ne  voient  pas  la  nuit,  c'en 
était  assez  pour  qu'on  se  fiât  à  sa  parole  sans  remonter  au  texte  original  du 
père  de  la  médecine,  mais  voilà  que  de  1588  à  1665  trois  éditions  de  S3S  œuvres 
parurent,  celles  de  Mercurialis,  de  Foesius  et  de  Van  der  Linden  :  or,  comme 
toutes  trois  disaient  nyctalopes  ceux  qui  voient  la  nuit,  on  abandonna  peu  à 
peu  une  expression  qui  ne  pouvait  plus  s'adapter  à  la  réalité  des  choses.  Le  sens 
sacré  d'Hippocrate  ne  pouvant  être  touché,  on  fut  conduit  à  employer  pour  exprimer 
la  cécité  nocturne,  non  plus  le  mot  nyctalopie,  mais  bien  sa  contre-partie,  c'est-à- 
dire  l'expression  héméralopie.  Paré,  Guillemeau  et  Plempius,  furent  les  premiers 
à  entrer  dans  cette  voie  où  ils  furent  bientôt  suivis  par  la  foule  grossissante 
des  auteurs  modernes.  Aujourd'hui  Jiéméralopie  a  une  véritable  possession 
d'état,  tout  le  monde  s'en  sert  et,  sauf  deux  ou  trois  récalcitrants,  s'accorde  sur 
sa  signification  :  il  nous  semble  donc  inutile  de  la  changer  et,  tout  en  appréciant 
la  justesse  plus  grande  du  moi  nyctamblyopie  proposé  par  Quaghno,  nous  l'avons 
inscrite  en  tête  de  cet  article. 

Ce  point  établi,  revenons  en  arrière  et  essayons  de  nous  faire  une  idée  des 
notions  que  possédaient  les  Anciens  sur  l'héméralopie.  Celse  qui  la  décrit 
sous  le  nom  d'imbecillilas  oculorum,  nous  dit  qu'elle  n'attaque  pas  les  femmes 
bien  réglées  et  que,  pour  la  guérir,  il  faut  employer  le  jus  qui^découle  d'un 
foie  de  bouc,  ce  qui  prouve  entre  parenthèse  que  c'est  bien  l'affection  telle 
que  nous  la  connaissons  qu'il  avait  en  vue.  Paul  d'Égine,  Aétius  et  Actua- 
rius,  au  point  de  vue  thérapeutique,  poursuivent  la  tradition  de  Celse,  qui 
se  continue  ensuite  à  travers  tout  le  moyen  âge.  Il  faut  arriver  à  Bontius 
pour  trouver  cette  importante  notion  que  la  maladie  est  une  de  celles 
qui  frappent  les  voyageurs  de  la  mer  des  Indes,  ce  qui  lui  implique  un  carac- 
tère épidémique  et  surtout  la  rattache  à  un  ordre  de  causes  dont,  plus  tard, 
Boerhaave  et  maître  Jan  feront  une  étude  plus  approfondie.  Peuà  peu  l'héméra- 
lopie prend  sa  place  dans  tous  les  traités  d'ophthalmologic,  aussi  bien  en  France 
qu'en  Allemagne,  en  Angleterre  qu'en  Italie.  Dans  la  période  moderne  de  son 


IIÉMÉRALOPIE.  147 

histoire,  nous  devons  signaler  les  années  qni  s'écoulent  entre  1845  et  1885, 
pendant  lesquelles  paraissent  d'innombrables  mémoires  partis  surtout  de  la  main 
des  chirurgiens  de  la  marine  et  de  l'armée,  qui,  tout  en  nous  donnant  d'inté- 
ressantes descriptions  des  épidémies  observées,  s'efforcent  de  fixer  certains  points 
spéciaux  de  pathologie,  d'étiologic  et  de  thérapeutique.  Puis,  comme  il  arriva 
toujours  après  tout  effort  scientifique,  le  mouvement  se  ralentit  et  nous  n'aurons 
plus  à  citer  de  travail  récent  sur  la  matière. 

Le  résultat  positif  de  tous  les  travaux  que  nous  venons  de  passer  en  revue, 
c'est  que  l'héméralopie  doit  être  considérée  sous  deux  aspects  différents  :  d'abord 
comme  une  maladie  spéciale  dont  la  cécité  nocturne  est  le  caractère  le  plus  signi- 
ficatif, ensuite  comme  un  symptôme  commun  à  plusieurs  affections  très-diffé- 
rentes et  s'y  rattachant  par  des  liens  plus  ou  moins  évidents.  Cette  façon  de 
l'envisager  nous  trace  dans  notre  exposition  une  division  toute  naturelle.  D'un 
côté  se  place  l'héméralopie  idiopathique,  de  l'autre  l'héméralopie  symptomatique. 
C'est  à  la  première  que  nous  consacrerons  presque  exclusivement  cet  article. 

Héméralopie  idiopathique.  Si  nous  pouvions  trouver  à  cette  maladie  une  carao 
lériîtique  anatomique,  c'est  par  elle  que  nous  devrions  en  déterminer  la  nature. 
Malheureuseusement  l'état  actuel  de  nos  connaissances  ne  nous  permet  pas  cette 
détermination,  et  nous  serons  obligé  de  nous  contenter  d'en  tracer  le  tableau 
par  des  traits  que  nous  emprunterons  à  la  symptomatologie,  à  l'étiologie  et  à  la 
marche  de  l'affection. 

Le  signe  le  plus  frappant  consiste  en  ce  que  Yhéméralope,  qui  jouit  ou  paraît 
jouir  d'une  vue  convenable  tant  que  le  soleil  est  sur  l'horizon,  devient  aveugle 
dès  que  cet  aslre  se  couche.  Cet  tains  auteurs,  frappés  de  l'iiifliience  de  la  dispa- 
rition de  la  lumière  solaire,  ont  été  jusqu'à  diie  que  le  patient  ne  saurait  rien 
voir  sans  elle,  et  qu'au  milieu  des  brumes  les  plus  épaisses  il  peut  dire  le  moment 
précis  oii  le  soleil  disparaît  de  l'horizon. 

Queymard  (thèse  de  Montpellier,  1878)  soutient  cette  opinion  et  Desmarres,  dans 
son  Traité  des  maladies  des  yeux,  1858,  p.  495,  s'en  montre  le  partisan  non 
moins  résolu.  Il  affirme  que  le  même  homme  qui  ne  peut  rien  voir,  le  soleil 
une  fois  couché,  pourra  très-bien,  pendant  le  jour,  travailler  dans  une  cave  à  la 
lueur  d'une  bougie.  Le  fait  est  plus  que  discutable,  et  déjà  en  1816  Payen  affir- 
mait dans  sa  thèse  que  la  lumière  artificielle  est  toujours  visible  pour  l'héméra- 
lope,  quoiqu'elle  l'éclairé  insuffisamment.  Aujourd'hui  tout  le  monde  tend  à 
admettre  que  la  cécité  nocturne  apparaît  à  toute  heure,  dès  que  la  lumière, 
quelle  qu'en  soit  la  source,  devient  trop  faible  pour  le  sujet  affecté.  La  maladie 
serait  donc,  comme  le  pense  Baizeau,  continue  et  non  intermittente,  ai  l'affaiblis- 
sement de  la  vue  existerait  aussi  bien  le  jour  que  la  nuit.  On  a  même  essayé  de 
calculer  la  perte  que  subit  la  vision  dès  qu'on  diminue  l'éclairage,  et  de  Wecker, 
dans  sa  Thérapeutique  oculaire,  1879,  dit  que  dans  un  œil  affecté  l'acuité  cen- 
trale baisse  dans  la  proportion  de  1  à  40  et  même  60,  comparativement  à  ce  qui 
arrive  dans  l'œil  sain, 

M.  Boudet  (thèse  de  Montpellier,  1875)  s'était  déjà  posé  la  question  de  savoir 
quelle  était  l'intensité  minime  de  la  lumière  nécessaire  à  un  héméralope. 
Empêché  d'y  répondre  à  cause  du  défaut  de  procédés  photoméh'iques  un  peu 
sûrs  et  de  la  variabilité  des  sujets,  il  s'était  arrêté  à  la  méthode  de  M.  Pirion, 
médecin  de  la  marine.  Cette  méthode  consiste  à  faire  regarder  simultanément  la 
lumière  d'une  même  bougie  à  un  héméralope  et  à  un  sujet  sain,  en  les  obligeant 
tous   les    deux   à  s'éloigner  ensemble  de  la  source   lumineuse.  Cette  expé- 


148  HEMERALOPIE. 

rience  donne  à  notre  auteur,  comme  résultat,  une  infériorité  pour  le  malade 
représentée  par  le  chiffre  134.  Reconnaissant  alors  l'impossibilité  d'établir  des 
différences  absolues,  il  préféra  adopter  une  classification  plus  large,  et  en  somme 
assez  pratique.  Il  propose  de  ranger  au  point  de  vue  de  la  capacité  de  voir  tous 
les  sujets  dans  une  des  six  catégories  suivantes  : 

]"  Ceux  qui  ne  peuvent  pas  distinguer  nettement  la  lune; 

2°  Ceux  qui  peuvent  distinguer  la  lune  ; 

3°  Ceux  qui  voient  Sirius  et  les  planètes  ; 

4°  Ceux  qui  distinguent  les  étoiles  de  première  grandeur,  la  clarté  lunaire 
et  la  lueur  phosphorescente  de  la  mer; 

5°  Ceux  qui  distinguent  les  étoiles  de  deuxième  grandeur  ; 

6"  Ceux  qui  voient  les  étoiles  de  troisième  grandeur  et  la  clarté  d'une  atmo- 
sphère sereine. 

D'après  M.  Boudet,  tous  les  héméralopes  se  trouvent  dans  les  quatre  premières 
lasses:  aucun  d'eux  n'a  pu  reconnaître  les  étoiles  de  deuxième  et  troisième 
grandeur.  Nous  avouons  que,  en  l'absence  de  mensuration  plus  précise,  nous  goû- 
tons assez  cette  manière  d'apprécier  la  valeur  de  la  vision  nocturne.  Elle  démontre, 
dans  tous  les  cas,  que  l'héniéralopie  se  présente  à  tous  les  degrés,  depuis  la  cécité 
nocturne  la  plus  absolue  jusqu'à  l'état  normal,  et  elle  justifie  la  classification 
que  l'on  a  établie  en  héméralopie  complète  et  héméralopie  incomplète.  Cela  dit, 
voyons  comment  se  manifeste  ce  trouble  singulier  de  la  vision. 

J'emprunterai  une  grande  partie  de  cette  description  à  la  thèse  de  E.  Comme, 
dans  laquelle  ce  sujet  me  parait  particulièrement  bien  traité. 

Aussitôt  que  le  soleil  vient  de  se  coucher,  un  nuage  semble  s'interposer  entre 
l'œil  et  les  objets,  nuage  qui  va  s'épaississant  de  plus  en  plus.  Très-souvent  les 
malades  qui  s'observent  constatent  une  espèce  d'hémiopie.  La  partie  inférieure 
du  champ  visuel  est  obscurcie  et  le  brouillard  qui  masque  les  objets  situés  en  bas 
s'élève  de  plus  en  plus.  L'héméralope  ne  distingue  bientôt  que  la  silhouette  de 
tout  ce  qui  l'entoure  se  projetant  sur  le  ciel  lumineux.  Les  objets,  ne  laissant  plus 
voir  que  leurs  parties  les  plus  éclairées,  perdent  leurs  véritables  formes  et  ne 
sont  plus  reconnus.  Les  malades  disent  qu'ils  voient  tout  comme  à  la  lueur  d'un 
incendie.  La  perspective  k  son  tour  est  supprimée  et  à  mesure  que  l'obscurité 
augmente  la  vision  se  perd  de  plus  en^plus. 

Ainsi  que  nous  l'avons  dit,  la  torpeur  héméralopique  se  montre  à  des  degrés 
très-variables.  Au  grand  jour  le  malade  y  voit  très-bien,  mais  il  suffit  souvent 
d'une  diminution  très  faible  de  la  lumière  pour  le  troubler  :  témoin  un  tinion- 
nier  qui  y  voyait  très-bien  sur  le  pont  et  qui  avait  grand'peine  à  se  conduire 
dans  un  carré  bien  éclairé  cependant.  Dans  les  cas  légers,  on  peut  voir  l'héméra- 
lopie  diminuer,  si  la  lune  se  lève.  Il  va  sans  dire  que  M.  Comme  reconnaît  l'exi- 
stence d'un  trouble  visuel  diurne  chez  ses  sujets,  et  il  est  même  d'accord  avec 
M.  Chaussonnet  pour  dire  que  quelquefois  l'amblyopie  cesse  d'être  intermittente 
pour  durer  jour  et  nuit. 

Un  symptônie  important  signalé  encore  par  M.  Gomme,  c'est  la  diplopie  qui 
se  manifeste  chez  le  patient  lorsque  celui-ci  regarde  une  bougie  à  4,  5  ou 
6  mètres  et  plus.  Quelquefois  il  y  a  de  la  polyopie.  D'ordinaire  la  diplopie 
s'accompagne  d'un  léger  strabisme  et  Vidal  de  Cassis  dit  avec  raison  qu'elle  en 
est  la  conséquence.  Quant  à  la  polyopie,  elle  serait  le  résultat  d'une  accommo- 
dation insuffisante  et  de  la  formation  de  foyers  multiques  par  les  divers  secteurs 
inégalement  réfringents  du  cristallin.  Quoi  qu'il  en  soit  de  la  cause  du  phénomène, 


IlEMERALOPIE.  149 

notons  qu'il  ne  se  produit  pas  toujours,  même  lorsqu'on  s'astreint  aux  précau- 
tions recommandées  par  l'auteur  de  ne  se  servir  que  d'une  lumière  très-faible. 

La  torpeur  rétinienne  n'est  pas  toujours  uniformément  répandue  sur  la  surface 
de  la  membrane  et,  lorsqu'on  montre  au  malade  un  petit  objet,  œlui-ci  ne  le  per- 
çoit pas  toujours  immédiatement  ;  il  a  besoin  d'un  instant  pour  s'orienter  et, 
lorsqu'il  déclare  le  reconnaître  on  s'aperçoit  souvent,  non  sans  surprise,  que  son 
axe  visuel  n'est  point  dirigé  sur  l'objet  fixé.  Nous  connaissons  très-bien  ce  phé- 
nomène que  nous  caractérisons  de  perte  de  la  vision  centrale.  Le  plus  souvent, 
c'est  bien  sur  la  macula  que  porte  le  scotome,  mais  fréquemment  aussi  il  se 
manifeste  dans  d'autres  régions,  à  la  périphérie,  par  exemple.  Lorsque  les  lacunes 
du  champ  visuel  sont  nombreuses,  elles  se  trahissent  par  une  singulière  attitude 
du  sujet,  qui  regarde  les  corps  comme  s'il  les  cherchait  à  travers  les  éclalrcies 
d'un  feuillage;  s'ils  sont  volumineux,  il  ne  les  voit  qu'incomplétementet  il  en  trouve 
la  surface  comme  semée  de  trous  et  de  lacunes  plus  ou  moms  nombreuses  et 
plus  ou  moins  irrégulières.  Les  symptômes  extérieurs  par  lesquels  se  trahissent 
encore  les  altérations  sont  l'impossibilité  où  se  trouvent  les  héméralopes  de 
distinguer  les  objets  placés  près  d'eux.  Cela  prouve  que  leur  champ  visuel  est 
rétréci  surtout  en  haut,  comme  le  démontrent  des  recherches  plus  directes  et 
plus  précises. 

Les  symptômes  fonctionnels  ainsi  reconnus  —  et  nous  pensons  avoir  signalé 
tous  ceux  qui  sont  le  plus  communément  admis,  — passons  aux  signes  objectifs, 
c'est-à-dire  à  ceux  qui  sont  susceptibles  d'être  saisis  par  l'observateur. 

En  première  ligne,  nous  signalerons  la  dilatation  et  la  paresse  pupillaircs, 
admises  par  presque  tous  les  auteurs  et  particulièrement  par  les  Anglais.  Elles 
sont  plus  ou  moins  considérables,  mais  semblent  exister,  même  dans  les  cas  les 
plus  légers;  seulement  elles  ne  se  manifestent  d'une  façon  bien  nette  que  si  l'on 
examine  les  malades  la  nuit  et  à  la  lumière  d'une  bougie.  A  la  lumière  du  jour, 
ou  à  un  éclairage  un  peu  intense,  le  phénomène  disparaît  et  l'activité  irienne  se 
montre  à  peu  près  égale  chez  l'héméralope  et  chez  le  sujet  sain,  à  moins  qu'il 
n'existe,  ainsi  que  M.  Gomme  l'a  observé  deux  fois,  une  conjonctivite  capable 
d'entraîner  dans  la  membrane  contractile  un  certain  degré  d'inertie.  La  dila- 
tation n'est  pas  toujours  régulière;  Cunier  dit  en  avoir  vu  une  hexagonale  et 
Ouvrard  une  rectangulaire. 

Boudet,  voulant  apprécier  la  valeur  de  celte  dilatation,  a  fait  construire  une 
échelle  pupillaire  comparative  formée  de  cercles  noirs  collés  sur  un  carton  blanc 
et  croissant  de  millimètre  en  millimètre.  11  a  vu  pendant  le  jour,  chez  ses  malades, 
une  dilatation  moyenne  de  6  à  8  millimètres.  L'accroissement,  pendant  la  nuit, 
était  très  sensible;  il  variait  de  1  millimètre  à  1  millimètre  1/2;  aune  faible 
lumière  il  était  de  9  millimètres  1/2.  Cependant  chez  quelques  sujets  la  pupille 
restait,  même  dans  ces  conditions,  à  7  millimètres  1/2.  Sur  les  sujets  en  voie  de 
guérison,  l'ouverture  pupillaire  se  montrait  de  plus  en  plus  sensible  à  la  lumière. 

Comme  M.  Coquerel  l'a  avancé,  la  dilatation  et  la  paresse  pupillaires  sont  donc 
la  règle  dans  l'héméralopie,  et  ce  n'est  que  par  exception  que  Wenzel  a  pu  signaler 
des  cas  dans  lesquels  il  existait  un  myosis  intense. 

On  cite  encore  comme  symptôme  d'héméralopie  des  douleurs  oculaires  qui 
peuvent  se  montrer  avant  ou  après  que  la  maladie  a  éclaté.  M.  Gomme  ne 
les  a  observées  que  très-rarement,  sous  forme  de  tension  dont  les  malades  se 
plaignent  après  avoir  fait  de  longs  et  infructueux  efforts  pour  voir  pendant 
la  nuit. 


150  HÉMÉRALOPIE. 

Chaussonnet  (thèse,  \S10)  a  encore  signalé  une  conjonctivite  qui  se  dévelop- 
perait sons  l'influence  de  l'héméralopie,  ou  peut-être  aussi  sous  celle  des 
causes  qui  ont  engendré  la  maladie.  Sichel,  qui  n'avait  pas  vu  d'épidémie  de 
cécité  nocturne,  pensait  que  cette  conjonctivite  catarrhale  pourrait  en  être  le 
prodrome,  sinon  la  cause,  et  Gosselin  tlit  qu'il  a  vu  une  blépharite  catarrhale 
se  montrer  avant  l'héméralopie  chez  des  soldats  du  5*=  bataillon  de  chasseurs  à 
pieds  et  du  75'  de  ligne  atteints  épidémiquement  à  Paris. 

Les  paupières  sont  parfois  gonflées,  rouges  ou  violacées,  surtout  chez  les 
blonds.  Tantôt  l'injection  est  uniforme,  tantôt  elle  se  fait  par  des  arborisations 
partant  des  culs-de-sac  pour  se  diriger  vers  la  cornée,  tantôt  occupant  l'espace 
interpalpébral  sur  le  globe  oculaire.  Dans  quelques  cas,  qui  ne  sont  pas  rares, 
on  voit  la  conjonctive  bulbaire  sèche,  terne,  comme  détachée  de  la  sclérotique; 
d'autres  fois  elle  est  plissée  et  ressemble  à  une  mince  couche  de  graisse  figée 
sur  l'eau. 

Cette  altération,  signalée  aussi  par  Ouvrard,  nous  paraît  confondue  à  tort  par 
Chaussonnet  avec  ce  qu'a  décrit  Bitot  (de  Bordeaux)  et  presque  en  même  temps 
que  lui  M.  Villemin,  professeur  au  Val-de-Gràce.  Nous  devons  nous  arrêter  un 
instant  sur  la  lésion  décrite  par  ces  auteurs,  soit  à  cause  de  leur  notoriété,  soit 
surtout  à  cause  de  l'importance  qu'ils  ont  voulu  lui  attribuer. 

Le  premier,  dans  un  mémoire  intitulé  Lésion  conjonctivale  non  encore 
décrite  coïncidayH  avec  rhémeralopie  et  publié  dans  la  Gazette  hebdomadaire, 
t.  X,  p.  284,  raconte  qu'il  a  examiné  à  l'hospice  des  Enfants-Trouvés  de  Bor- 
deaux 29  héméralopes  dont  19  garçons  et  10  filles,  et  que  chez  tous  il  a 
observé  une  lésion  conjonctivale  placée  aux  extrémités  du  diamètre  horizontal 
de  la  cornée,  le  plus  généralement  en  dehors.  Cette  lésion  consiste  en  une  tache 
de  couleur  nacrée  argentée.  On  dirait  un  agrégat  de  petit  points  ou  de  minces 
linéaments  dont  on  pourrait  comparer  l'ensemble  à  une  plaque  d'écume  blanche 
et  à  demi  figée.  Cette  couleur  varie  peu,  seulement  elle  est  plus  ou  moins  vive 
selon  les  sujets  et  selon  l'époque  où  la  tache  est  observée.  Quand  elle  doit  dis- 
paraître sa  couleur  commence  à  devenir  moins  éclatante. 

La  forme  de  cette  tache  diffère  non-seulement  selon  les  sujets,  mais  encore 
aux  deux  yeux  du  même  individu.  En  général,  elle  est  triangulaire  à  sommet 
externe;  la  base  voisine  de  la  cornée  est  un  peu  concave.  Elle  semble  formée  de 
parties  qui  ne  paraissent  pas  liées  entre  elles,  ce  qui  devient  très-apparent,  si 
l'on  cherche  à  plisser  la  conjonctive  par  le  jeu  des  paupières. 

La  tache  héméralopique  est  d'autant  plus  étendue  que  la  cécité  nocturne  est 
plus  complète.  Elle  était  très-grande  chez  un  sujet  qui  ne  pouvait  distinguer 
aucun  objet  après  le  coucher  du  soleil  ;  elle  n'a  jamais  élé  aussi  grande  chez 
les  personnes  capables  de  distinguer  le  soir,  quoique  d'une  manière  confuse. 
Chez  un  certain  nombre  de  sujets  la  découverte  de  cette  tache  a  amené  celle  de 
l'héméralopie  qui,  jusque-là,  avait  échappé  à  l'observation. 

Enfin  la  marche  de  cette  tache  est  en  rapport  avec  celle  de  la  maladie,  gran- 
•dissant  et  décroissant  avec  elle. 

Après  cette  citation  presque  textuelle  de  la  partie  essentielle  du  travail  de 
Bitot,  pas  n'est  besoin  de  nous  étendre  sur  celui  de  Yillemin,  publié  dans  le 
même  journal  et  à  la  page  532  du  même  volume.  Sous  le  titre  :  De  Valtération 
épilhéliale  de  la  conjonctive  dans  l'héméralopie,  le  professeur  du  Val-de-Grâce 
confirme  les  observations  de  son  prédécesseur,  en  y  ajoutant  quelques  traits, 
puis  il  entre  dans  une  explication  théorique  que  nous  aurons  à  examiner  dans 


IIÉMÉRALOPIE.  151 

une  autre  partie  de  ce  travail.  Ce  que  nous  devons  étudier  ici,  c'est  la  réalité  du 
symptôme  et  sa  connexito  avec  la  maladie  qui  nous  occupe. 

N'ayant  jamais  observé  d'épidémie  de  cécité  nocturne  et  n'ayant  pas  eu 
roccasion  de  fixer  notre  attention  sur  d'autres  espèces  que  les  symptomaliques, 
nous  n'avons  pas  eu  celle  de  vérifier  les  faits  avancés  par  Ouvrard,  Bitot  et 
Villemin,  mais  nous  ne  pouvons  nous  empêcher  d'être  frappé  de  ce  que,  depuis 
la  publication  de  leurs  travaux,  aucun  auteur  ne  les  a  suivis  et  n'a  admis  la 
réalité  de  leurs  observations.  A  la  rigueur,  on  pourrait  comprendre  qu'un  sym- 
ptôme délicat  ait  pu  échapper  à  l'attention  de  gens  non  prévenus,  mais  comment 
supposer  qu'une  fois  avertis,  et  sachant  ce  qu'ils  cherchaient,  ils  soient  obligés 
de  déclarer  qu'ils  n'ont  rien  pu  trouver?  C'est  cependant  ce  qui  est  arrivé  pour 
Netter,  Marlialis,  Comme  et  tant  d'autres  qui,  depuis  1863,  ont  écrit  sur  la  cécité 
nocturne  et  n'ont  pas  admis  la  tache  héméralopique.  Si  donc  nous  pouvons 
accepter  certaines  conjonctivites  comme  un  symptôme  fréquent  de  la  maladie, 
nous  devons  observer  la  plus  grande  réserve  à  propos  de  l'altération  épithéliale 
en  question. 

Une  des  raisons  pour  lesquelles  on  s'est  évertué  à  chercher  les  lésions  anato- 
miques  même  les  plus  superficielles  et  les  plus  légères  pour  expliquer  la  cécité 
nocturne,  c'est  qu'il  répugnait  à  la  plupart  des  bons  esprits  d'y  voir  comme 
Nélaton  une  simple  névrose  optique,  ou  comme  d'autres  une  sorte  de  fièvre 
intermittente  s'attaquant  à  l'œil,  et  cela  parce  que  l'examen  ophthalmoscopique 
n'avait  rien  révélé. 

Nous  touchons  là  à  un  point  délicat  de  notre  sujet  ;  nous  allons  l'aborder  en 
toute  liberté  et  compléter  avec  son  élude  le  tableau  symptomatique  que  nous 
avons  entrepris  de  tracer.  N'ayant  pas  vu  nous-môme  l'héméralopie  essentielle, 
nous  ne  pouvons  formuler  aucune  opinion  personnelle  sur  l'état  du  fond  de 
l'œil  pendant  cette  maladie;  d'une  autre  part  nous  lisons  de  tous  côtés  que  l'état 
de  la  rétine  ne  présente  rien  de  particulier  à  l'examen  ophthalmoscopique,  ce  qui 
nous  conduit  à  penser  que,  si  l'héméralopie  est  produite  par  une  lésion  quel- 
conque des  membranes  profondes,  ces  lésions  doivent  être  très-délicates  à  obser- 
ver. Or,  dans  nos  recherches  bibliographiques,  nous  avons  trouvé  que,  en  1866, 
Quaglino  a  publié  dans  le  Journal  d'ophthalmologie  qu'il  dirigeait  alors  les 
résultats  d'une  étude  attentive  qu'il  avait  faite  sur  trente  soldats  provenant  du 
«amp  d'instruction  de  Somma  et  qui  étaient  venus  à  l'hôpital  del  Monasterio 
Maggiore  de  Milan  pour  y  être  traités  d'une  héméralopie  essentielle  et  épidé- 
mique. 

A'^oici  les  altérations  constantes  qu'il  aurait  observées  chez  eux  : 

1°  Une  teinte  blanc  grisâtre  de  toute  la  surface  de  la  rétine,  surtout  au 
pourtour  de  la  pupille  et  le  long  des  vaisseaux  rétiniens,  s'étendant  quelque- 
fois jusqu'au  disque  lui-même.  Cette  altération  est  plus  ou  moins  prononcée 
suivant  l'importance  des  cas  et  elle  empêche  de  voir  la  vascularisation  de  la 
choroïde  sous-jacente  ; 

2»  Une  congestion  évidente  des  vaisseaux  veineux,  qui  sont  tortueux  et  con- 
tiennent un  sang  noirâtre; 

3°  Des  artères  centrales  souvent  augmentées  de  volume  sur  la  papille,  mais 
qui,  dès  que  la  maladie  est  ancienne,  semblent  plus  petites  et  cachées  çà  et  là 
par  le  parenchyme  rétinien  hypertrophié  en  apparence. 

Quaglino  avait  encore  remarqué  que  : 

4°  Dans  bon  nombre  de  cas,  quand  la  maladie  est  récente,  on  observe  une 


152  HÉMÉRALOPIE. 

coloration  rose  de  la  papille  due  à  une  injection  très-fine  des  capillaires  et  au 
développement  des  vaisseaux  collatéraux.  En  outre,  les  réseaux  des  vasa  vorti- 
cosa  de  la  choroïde  semblent  plus  pleins  et  plus  serrés  ; 

5"  L'aspect  terne  de  la  rétine  se  dissipe  avec  le  temps  jusqu'au  rétablissement 
de  la  complète  transparence  des  parties,  mais  les  artères  ainsi  que  les  veines 
diminuent  de  calibre,  les  contours  de  la  papille  deviennent  irréguliers  et  frangés 
par  des  raies  de  pigment  noir  ; 

6*  Lorsque  la  maladie  s'est  répétée  plusieurs  fois  et  si  l'amblyopie  devient 
persistante,  aux  apparences  ci-dessus  décrites  se  substituent  celles  de  l'atrophie 
réelle. 

A  son  tour  le  docteur  Martialis,  médecin  de  première  classe  de  la  marine, 
publia  en  1868,  dans  son  Mémoire  sur  Vhéméralopie,  les  remarques  suivantes  : 

«  A  un  degré  plus  avancé  la  rétine  perd  sa  transparence,  non  pas  immédia- 
tement dans  toute  son  étendue,  exception  rare  que  j'ai  pourtant  deux  fois 
observée,  mais  par  plaques  irrégulières,  envoyant  dos  prolongements  opalescents 
aux  vaisseaux,  aux  veines  surtout,  dont  les  parois  semblent  la  source  de  cette 
transsudation  séreuse  qui  finit  par  envahir  complètement  la  rétine.  A  mesure 
que  la  maladie  parcourt  ses  phases  les  phénomènes  vasculaires  s'accusent  ;  le 
système  veineux  semble  y  prendre  la  part  la  plus  large.  Tandis  que  les  artères 
enserrées  par  l'exsudation  semblent  se  rétrécir,  s'effiler  et  même  disparaître 
dans  quelques  points,  les  veines  se  gonflent,  deviennent  foncées  et  tortueuses 
jusqu'à  en  paraître  moniliformes.  Un  degré  de  plus  et  les  plus  graves  lésions 
peuvent  se  montrer,  telles  que  la  rupture  des  veines  et  la  production  de  petits 
lacus  hémorrhagiques,  sur  la  papille  nu  la  surface  de  la  rétine  ».  Le  travail  de 
Martialis  est  accompagné  d'une  planche  contenant  des  figures,  sur  lesquelles  le 
seul  phénomène  bien  caractéristique  est  la  dilatation  et  la  teinte  foncée  des 
veines  comparée  au  rétrécissement  des  artères. 

Ce  sont  encore  les  mêmes  signes  que  notre  ami  le  professeur  Poucet  a  fait 
connaître  dans  un  article  delà  Gazette  des  hôpitaux  de  1869.  A  cette  époque  il 
venait  d'observer  une  grande  épidémie  d'héméralopie  pendant  laquelle  il  avait 
fait  sur  trente  malades  des  observations  ophthalmoscopiques  presque  journalières  : 
il  en  résultait  qu'au  miroir  la  maladie  se  caractérise  par  une  anémie  des  artères 
de  la  rétine,  qui  seraient  exlraordinairement  pâles  et  grêles  et  montreraient 
dans  le  voisinage  de  la  papille  seulement  leurs  doubles  contours.  Les  veines,  au 
contraire,  seraient  gonflées  et  sombres  surtout  en  rapport  avec  la  vacuité  des- 
artères. La  papille  est  souvent,  mais  non  constamment  injectée  en  rouge. 
L'œdème  du  disque  optique  et  de  la  rétine  signalé  par  les  médecins  italiens 
serait,  selon  Poucet,  fréquent,  mais  non  pathognomonique  ;  il  est  la  conséquence 
de  l'anémie  des  vaisseaux  et  s'étend  le  long  de  leurs  parois. 

Galezowski  nous  apprend  à  son  tour  que,  dans  tous  les  cas  observés  par  lui, 
la  rétine  présentait  des  altérations  dues  à  la  contraction  spasmodique  des  artères 
centrales,  contraction  qui  pouvait  aller  jusqu'à  simuler  une  interruption  du 
vaisseau,  et  la  membrane  nerveuse  semblait,  dans  ces  cas-là,  couverte  d'un 
léger  voile. 

Enfin,  en  mai  1871,  le  professeur  Reymond  (de  Turin),  ayant  eu  l'occasion  de 
visiter  les  élèves  d'un  collège  de  cette  ville  qui,  soumis  à  un  régime  déplorable, 
présentaient  presque  tous  les  carêmes  des  cas  nombreux  d'héméralopie,  observa 
sur  eux,  d'une  façon  constante,  mais  à  des  degrés  plus  ou  moins  prononcés,  les 
lésions  rétiniennes  observées  par  le  professeur  Quaglino.  Seulement,  dans  tous 


HEMÉRALOPIE.  155 

les  cas  où  il  lui  fut  permis  de  suivre  la  marclie  du  mal,  du  commencement  à  la 
fin,  la  le'sion  clioroïdienne  lui  parut  précéder  la  formation  des  exsudats  réti- 
niens. Il  crut  aussi  remarquer,  en  même  temps  que  l'hyperémie  de  la  papille, 
un  léger  dépôt  pigmentaire  dans  la  région  de  la  choroïde  qui  correspond  à  la 
pénétration  des  nerfs  ciliaires  postérieurs,  soit  au  dedans,  soit  en  dehors  de  la 
macula.  Les  exsudats  lui  semblèrent  aussi  pénétrer  plus  profondément  dans  les 
couches  de  la  rétine.  Après  la  disparition  de  ces  exsudats  dont  l'étendue  n'était 
pas  toujours  en  rapport  avec  la  gravité  du  mal,  mais  paraissait  en  relation  avec 
son  début,  Reymond  constata  toujours  des  signes  d'atrophie  plus  ou  moins  pro- 
noncée des  cellules  pigmentaires  et  l'oblitération  plus  ou  moins  avancée  de 
quelques  vasa  vorticosa. 

Aucune  nouvelle  recherche  n'a  été  faite,  que  nous  sachions,  au  sujet  des 
signes  ophthalmoscopiques  de  l'héméralopie  essentielle,  et  nous  voyons  qu'en 
somme  ils  se  bornent  : 

l»  A  une  dilatation  des  veines; 

2»  A  un  rétrécissement  des  artères  ; 

5°  A  la  production  d'un  œdème  ou  d'exsudats  péripapillaires  et  péri- 
vasculaires  ; 

A°  A  des  altérations  pigmentaires  de  la  choroïde  et  à  l'atrophie  de  quelques 
veines  de  cette  membrane.  Joignons-les  donc  à  la  symptomatologie  de  l'hémé- 
ralopie et  complétons  ainsi  le  tableau  de  cette  affection  en  Aiisant  remarquer  que 
les  lésions  anatomiques  de  la  rétine  et  de  la  choroïde  nous  mèneront  sui-  le 
terrain  des  affections  où  la  vision  nocturne,  perdant  un  peu  de  sa  personnalité 
pathologique,  tend  à  prendre  le  caractère  d'un  simple  symptôme.  Leur  nature 
fugitive,  dans  les  cas  récents,  nous  expliquera  aussi  comment  ils  ont  pu  échapper 
à  l'observation  de  médecins,  sans  doute  très-instruits,  mais  pas  toujours 
préparés  par  leurs  études  à  saisir  les  nuances  délicates  des  lésions  du  fond  de 
l'œil. 

Si  maintenant  nous  voulons  résumer  en  quelques  lignes  le  tableau  symptoma- 
tique  de  l'héméralopie  essentielle  soit  sous  sa  forme  épidémique,  soit  sous  sa 
forme  endémique  ou  sporadique,  nous  dirons  que  c'est  une  maladie  caracté- 
risée : 

1°  Par  une  baisse  anormale  de  l'acuïté  visuelle  pendant  la  nuit,  mettant  les 
sujets  hors  d'état  de  se  livrer  à  des  occupations  que  pendant  le  jour  ils  n'ont 
aucune  peine  à  accomplir  ; 

2"  Par  la  présence  d'une  sorte  de  brouillard  qui,  dès  que  le  soleil  est  couché, 
semble  monter  du  sol  et  dérober  au  patient  la  vue  des  objets  placés  devant 
lui; 

o"  Par  la  baisse  corrélative  de  l'acuïté  visuelle  pendant  le  jour  et  la  possibilité 
pour  le  sujet  de  voir  à  une  lumière  diffuse  d'une  certaine  intensité;  ce  qui  en 
définitive  implique  des  degrés  très-variables  dans  la  maladie; 

4"  Par  la  mydriase  et  la  paresse  pupillaire; 

5°  Par  un  défaut  d'accommodation  et  un  certain  déficit  de  la  convergence 
(Comme)  ; 

6°  Par  des  douleurs  vaiiables  de  l'œil  et  de  son  voisinage; 

7"  Par  des  phénomènes  plus  ou  moins  accusés  de  conjonctivite  (Gosselin)  ; 

8"  Par  des  variations  de  calibre  dans  les  vaisseaux  centraux;  rétrécisse- 
ment des  artères,  dilatation  des  veines  (Quaglino,  Martialis  (Poucet,  de  Cluny), 
Galezowski,  Reymond  ; 


^5i  HÉMÉRALOPIE. 

9"  Par  la  formation  d'œdèmes  ou  d'exsudats  rétiniens,  par  des  altérations 
pigmentaires  de  la  choroïde  et  finalement  par  des  lésions  atrophiques  du  côté 
du  nerf  de  la  vision  (Quaglino,  Martialis,  Reymond). 

A  présent  que  nous  savons  reconnaître  riiéméralopie,  essayons  d'en  recher- 
cher les  causes  en  songeant  qu'ici  plus  que  jamais  nous  devons  ne  nous  prcoc- 
cnperque  de  l'héméralopie  essentielle  ou  idiopathique. 

Étiologie;  Les  causes  de  l'hémorrhagie  sont  générales  et  particulières,  ce  qui 
nous  conduit  à  les  classer  dans  deux  chapitres. 

a.  Causes  générales.  En  première  ligne  nous  devons  signaler  les  influences 
climatologiques,  puisqu'on  leur  a  fait  jouer  un  très-grand  rôle  dans  le  développe- 
ment épidermique  de  la  maladie.  Le  meilleur  moyen  de  les  faire  connaître,  c'est 
de  mettre  sous  les  yeux  du  lecteur  un  abrégé  de  chapitre  de  Géographie  médi- 
cale que  Falk  a  consacré  à  ce  sujet. 

Depuis  l'épidémie  observée  par  Sauvage  à  la  fin  du  siècle  dernier  aux  envi- 
rons de  Montpellier,  on  en  a  observé  un  certain  nombre  en  France  et  notamment 
à  Strasbourg,  à  Paris,  à  Lyon,  à  Metz,  à  Verdun,  à  la  Roche-Guyon,  à  Âix, 
Angoulême,  Dunkerque  et  Mont-Dauphin.  On  en  a  vu  aussi  en  différents  points 
de  l'Allemagne,  ensuite  à  Lisbonne,  Cadix  et  Gibraltar,  puis  à  Bologne,  Malte, 
ainsi  qu'en  Hongrie  et  à  Constantinople.  En  Russie,  la  maladie  serait  très-fré- 
quente surtout  en  Podolie,  dans  les  Provinces  maritimes  occidentales  et  en 
Finlande.  En  Angleterre  et  en  Ecosse,  l'héméralopie  n'a  jamais  été  épidémique, 
on  n'y  voit,  paraît-il,  que  les  personnes  revenant  des  Indes  qui  en  soient  affec- 
tées ;  en  Irlande,  au  contraire,  l'affection  se  présenterait  fréquemment.  Elle  se 
montre  épidémique  et  endémique  à  la  fois  dans  toute  l'Amérique,  dans  le 
Labrador,  à  Terre-Neuve  et  dans  les  États  du  Sud  de  la  Grande  Confédération. 

A  Mexico,  sur  les  côtes  Mosquetos,  à  Saint-Domingue,  dans  les  Indes  Occiden- 
tales britanniques  et  au  Brésil,  elle  est  très-fréquente. 

On  la  retrouve  encore  communément  en  Arabie,  dans  les  Indes  Orientales  et 
aussi  dans  les  Indes  intérieures  et  surtout  en  Chine.  Enfin  en  Algérie  et  à  l'île 
Bourbon  elle  est  fréquente,  et  dans  le  Sahara  ainsi  qu'en  Egypte  elle  est  endé- 
mique; il  en  est  de  même  à  Honolulu.  C'est  surtout  dans  les  ports  qu'on  la 
rencontre,  et  elle  est  épidémique  sur  les  navires  et  particulièrement  dans  les 
régions  équatoriales.  La  côte  occidentale  de  l'Amérique  du  Sud  est  regardée 
généralement  comme  un  foyer  d'héméralopie  pour  les  équipages,  et  cependant  à 
terre  cette  affection  est  si  rare,  que  beaucoup  de  personnes  n'en  ont  jamais 
entendu  parler.  La  mer  des  Indes  elles  mers  de  Chine  ont  aussi  leur  réputation 
faite  relativement  à  la  question  qui  nous  occupe.  Généralement  les  épidémies 
déclarées  à  bord  pendant  les  campagnes  dans  ces  mers  lointaines,  cessent  à  la 
rentrée  dans  les  eaux  européennes. 

La  première  réflexion  que  fasse  naître  l'étude  de  la  distribution  géographique 
de  l'héméralopie,  c'est  que  cette  affection  se  trouve  à  peu  près  partout;  dans  les 
pays  froids  comme  dans  les  pays  chauds  ou  tempérés,  sous  les  ciels  éclatants  de 
lumière  comme  sous  ceux  qui  sont  le  plus  ordinairement  voilés  par  les  brumes, 
dans  les  climats  secs  comme  dans  les  climats  humides.  Ce  n'est  donc  pas  à  des 
causes  inhérentes,  à  la  latitude,  à  la  nature  du  ciel  ou  à  la  nature  du  sol,  ni 
même  à  l'influence  du  séjour  à  la  surface  des  mers,  qu'il  faut  attribuer  son  déve- 
loppement. Il  est  nécessaire  de  serrer  la  question  de  plus  près,  et  d'exa- 
miner à  quelle  catégorie  de  sujets  l'affection  s'adresse  le  plus  particulièrement. 
C'est  spécialement  aux  marins  et  aux  soldats  et,  si  l'on  en  pouvait  douter,  il 


HÉMÉRALOPIE.  155 

suffirait  de  songer  que  la  plupart  des  documents  qui  nous  sont  fournis  sur 
l'héméralopie  proviennent  des  médecins  de  la  marine  et  des  médecins  militaires. 
Presque  seuls  ils  ont  observé  des  épidémies,  alors  que  la  plupart  des  autres 
hommes  de  l'art,  exerçant  dans  les  conditions  habituelles,  non-seulement  n'en 
ont  jamais  vu,  mais  encore  n'en  ont  pas  rencontré  un  seul  cas.  A  côté  des  marins 
et  des  soldats  les  seules  victimes  du  mal  que  l'ont  ait  encore  citées  sont  les 
prisonniers  et  aussi  les  habitants  de  certaines  comm.unautés  destinées  ou  non  à 
l'enseignement,  comme  des  maisons  d'éducation,  des  couvents,  des  pénitenciers. 
L'épidémie  de  la  Roche-Guyon  est  peut-être  la  seule  qui  ait  éclaté  dans  une 
population  civile.  Il  résulte  de  ces  faits  qu'on  ne  saurait  attribuer  une  sérieuse 
influence  aux  conditions  telluriques  ou  cosmiques  et  qu'il  faut  porter  son  atten- 
tion sur  toutes  celles  dans  lesquelles  peuvent  se  trouver  les  gens  appelés  à  vivre 
en  commun  et  à  faire  un  service  d'une  nature  spéciale. 

La  vie  en  commun,  dans  des  locaux  comme  les  casernes,  les  navires,  les  pri- 
sons, les  pénitenciers  et  les  couvents,  implique  la  soumission  à  des  conditions 
communes  au  pnint  de  vue  de  l'hygiène  générale,  de  la  nourriture,  du  vêtement, 
du  coucher,  de  l'aération  et  de  l'exercice.  Si  les  unes  et  les  autres  sont  défec- 
tueuses, tout  le  monde  en  souffre.  Si  les  vivres  sont  insuffisants  ou  avariés,  si 
l'aération  est  mauvaise,  le  vêtement  mal  compris,  si  l'exercice  va  jusqu'à  la 
fatigue  et  au  surmenage,  tous  les  membres  de  la  communauté  auront  à  en  pâtir 
et  l'on  ne  verra  échapper  aux  conséquences  d'un  pareil  état  de  choses  que  ceux 
qui,  par  leur  situation,  sont  en  mesure  de  se  défendre  contre  elles.  C'est  préci- 
sément ce  qui  arrive  pour  l'héméralopie,  et  on  ne  la  voit  sévir  que  sur  la  foule, 
tandis  qu'elle  épargne  les  officiers,  les  sous-officiers,  et  en  généra!  tout  le  per- 
sonnel dirigeant,  habituellement  mieux  nourri,  mieux  logé,  mieux  vêtu  et 
moins  fatigué.  C'est  ce  qui  résulte  clairement  des  remarques  de  M.  Laveran, 
<lans  son  mémoire  de  1858,  et  de  toutes  celles  publiées,  à  tant  de  reprises  et 
d'époques  diverses,  par  les  médecins  de  l'armée  et  de  la  marine. 

Comme  les  mauvaises  conditions  hygiéniques  d'une  con)niunauté  peuvent  se 
produire  sous  tous  les  climats  et  sous  toutes  les  latitudes,  il  n'est  pas  surpre- 
nant que  partout  elles  produisent  leurs  effets,  sans  avoir  besoin  d'être  même 
aidées  par  les  influences  plus  ou  moins  mystérieuses  et  vagues  de  l'air  et  des 
lieux.  Tout  au  plus  pourrait-on  accepter  celles  des  contrées  marécageuses,  si 
elles  se  montraient  d'une  façon  régulière  et  surtout  si  elles  semblaient,  à  un 
certain  degré,  nécessaires.  Mais  il  n'en  est  rien,  et  il  serait  aussi  "facile  de  citer 
des  contrées  humides  où  la  cécité  nocturne  ne  s'est  jamais  montrée  que  des 
pays  élevés  et  secs  où  on  l'a  rencontrée  plusieurs  fois  épidémiquement.  Si  dans 
les  expéditions  navales  on  l'a  observée  sur  les  mers  les  plus  diverses,  c'est  dire 
aussi  que  le  climat  marin  n'exerce  pas  d'influence  particulière. 

Cette  cause  générale  ainsi  éliminée,  nous  avons  à  rechercher  quelles  peuvent 
être  dans  la  vie  des  communautés,  les  causes  particulières  qui  peuvent  être 
signalées. 

Le  fait  de  l'immunité  complète  et  absolue  des  chefs  est  très-significatif.  En 
effet,  il  est  des  influences  auxquelles  ils  sont  soumis  aussi  bien  que  leurs 
subordonnés,  et  il  en  est  d'autres  auxquelles  ils  échappent  par  leurs  positions 
mêmes.  Passons  en  revue  les  unes  et  les  autres.  Les  influences  communes  sont 
celles  du  climat,  que  nous  avons  éliminées,  celles  de  l'air,  de  la  lumière,  du 
temps  chaud  ou  froid,  sec  ou  humide,  et  encore  l'homme  gradé  peut-il,  dans 
une  certaine  mesure,  s'y  soustraire  ;  mais  celles  qui  pèsent  de  tout  leur  poids  sur 


156  HÉMÉRALOPIE. 

le  simple  soldat,  le  marin,  le  prisonnier  ou  l'élève  d'un  pensionnat,  sont  la  nour- 
riture, le  vêtement  et  par-dessus  tout  la  fatigue,  ou,  si  l'on  veut,  l'exercice. 

Tout  le  monde  sait  que,  dans  les  administrations  les  mieux  réglées  et  les  plus 
largement  pourvues,  les  denrées  alimentaires  sont  soumises  au  point  de  vue  de 
la  suffisance  et  de  la  qualité  à  des  fluctuations  en  quelque  sorte  nécessaires,  et 
cela  même  en  temps  de  paix.  Qui  n'a  entendu  dire  que  des  approvisionnements 
ont  été  à  un  moment  donné  insuffisants  ou  avariés,  sans  qu'on  pût  ni  les 
augmenter  en  temps  utile  ni  les  supprimer,  faute  de  pouvoir  les  remplacer  ! 
Dans  les  longues  campagnes  maritimes  on  a  vu,  par  exemple,  les  vivres,  puis  la 
viande  de  boucherie,  manquer  par  le  fait  d'une  longue  traversée  ou  d'événements 
imprévus,  et  les  équipages  être  condamnés  à  vivre  de  viandes  salées  et  de  légumes 
secs.  Les  mémoires  des  chirurgiens  de  la  marine  sont  pleins  de  doléances  à  cet 
endroit  et,  si  ce  fait  peut  se  produire  en  temps  de  paix,  combien  ne  doit-il  pas 
être  plus  gi^ave  et  plus  fréquent  en  temps  de  guerre  !  Or  c'est  précisément  pen- 
dant ces  périodes  de  pénurie  ou  de  mauvaise  alimentation  que  l'on  voit  se  mani- 
fester le  plus  sûrement  les  épidémies  d'héméralopie.  C'est  aussi  pour  des  raisons 
analogues  que  naissent  celles  que  l'on  observe  dant  les  prisons,  les  pénitenciers 
et  les  couvents.  Nous  savons,  en  effet,  que  c'est  surtout  à  la  fin  du  carême  qu'elles 
se  montrent  dans  les  communautés  religieuses  et  que  quelquefois  elles  sont 
amenées  dans  certains  pensionnais  par  un  esprit  d'économie  que  Charles  Dickens 
a  immortalisé  dans  son  célèbre  roman  de  Nicolas  Nickleby. 

Si  nous  passons  au  vêtement,  nous  pouvons  présenter  des  lemarques  analo- 
gues. Qui  dit  uniforme  dit  nécessairement  une  moyenne  de  tenue  qui  ne  saurait 
s'adapter  aux  circonstances  extrêmes  et,  si,  pour  des  raisons  faciles  à  comprendre, 
ces  circonstances  viennent  à  se  produire  d'une  façon  par  trop  persistante,  les 
sujets  auront  beaucoup  à  souffrir  de  ce  chef. 

11  en  est  de  même  pour  la  fatigue.  Supportable  dans  les  conditions  ordinaires 
de  la  vie  du  soldat  et  du  marin,  elle  peut  cesser  de  l'être  pour  bien  des  raisons 
multiples  et  atteindre  des  proportions  qui,  à  la  longue,  sont  capables  de  miner 
les  constitutions  les  plus  robustes. 

Tous  ceux  qui,  comme  nous,  voudront  prendre  la  peine  de  lire  les  travaux  où 
se  trouve  retracée  l'histoire  de  la  cécité  nocturne  épidémique,  pourront  se  con- 
vaincre que  l'insuffisance  ou  l'altération  de  la  nourriture,  l'imperfection  du 
vêtement  et  l'excès  de  la  fatigue,  sont  les  causes  qui  se  montrent  à  l'origine  de 
toutes  les  épidémies,  souvent  réunies  ensemble,  et  quelquefois  isolées  une  à 
une  ou  deux  à  deux. 

Ce  que  nous  savons  des  cas  endémiques  et  des  cas  sporadiques  corrobore 
encore  le  fait,  car  nous  savons  pertinemment  qu'ils  se  montrent  toujours  sur  des 
sujets  affaiblis  :  témoin  les  mendiants  de  Turin.  Quant  à  l'opinion  depuis  des 
siècles  accréditée  que  la  maladie  atteint  les  Indiens  et  les  Chinois  à  cause  du 
riz  dont  ils  se  nourrissent,  elle  est  encore  en  notre  faveur,  puisque  nous 
savons  que  la  graminée  en  question  est  la  plus  pauvre  en  éléments  réellement 
nutritifs. 

En  continuant,  suivant  la  méthode  que  nous  avons  adoptée,  à  serrer  de  plus 
en  plus  près  la  question  éliologique,  nous  en  venons  à  nous  demander  quelle 
est,  parmi  les  trois  causes  signalées  ci-dessus,  la  plus  efficace  pour  la  production 
de  riiéméralopie.  La  réponse  est  en  réalité  embarassante,  tant  ces  trois  influences 
se  tiennent  et  s'enchevêtrent  ensemble.  Nous  pourrons  faire  observer  cependant 
que  dans  les  épidémies  des  soldats  c'est  le  surmenage  qui  semble  décidément 


HÉMÉRALOPIE.  457 

prendre  le  dessus.  En  France  spécialement  et  en  pleine  paix,  nous  savons  que  les 
hommes  ne  sont  pas  trop  mal  nourris  et  que  leur  équipement  ne  laisse  pas  grand' 
chose  à  désirer  :  c'est  donc  l'influence  des  exercices,  du  service  de  la  nuit,  des 
longues  marches,  qu'il  faut  invoquer.  D'après  WeberetM.  Desmarets,  les  factions 
et  les  marches  nocturnes  auraient  un  effet  évident,  mais  il  n'est  pas  si  évident 
que  cela,  puisque  bon  nombre  de  leurs  collègues  n'en  ont  rien  dit  ou  n'en  ont 
parlé  que  pour  le  nier. 

En  somme,  il  résulte  de  l'étude  à  laquelle  nous  venons  de  nous  livrer  que  les 
seules  causes  générales  que  l'on  puisse  attribuer  à  l'héméralopie,  sont  celles  qui 
portent  une  atteinte  profonde  et  prolongée  aux  forces  des  sujets,  qui  nuisent 
à  leur  constitution  par  le  fait  d'une  déséquilibration  entre  l'apport  et  la  dépense, 
qui  créent,  en  un  mot,  ce  qu'on  a  appelé  avec  tant  de  force  et  de  justesse  la  misère 
physiologique.  Avec  une  telle  conception,  bien  des  points  obscurs  ou  controversés 
s'affirment  et  s'éclaircissent,  et  certains  rapports  souvent  signalés  se  montrent  en 
quelque  sorte  nécessaires.  On  comprend  que  d'autres  épidémies  viennent  atteindre 
à  la  fois  des  êtres  affaiblis  et  on  ne  s'étonne  plus  de  voir  le  scorbut  en  particu- 
lier, le  fléau  des  hommes  de  mer  pendant  les  longues  et  pénibles  traversées, 
apparaître  en  même  temps  que  la  cécité  nocturne,  puis  c'est  la  grippe  ou  bien 
ces  variétés  de  l'état  catarrhal  qui  naissent  et  se  pro[)agent  si  facilement  sur  des 
êtres  bien  préparés.  Les  influences  paludéennes,  sur  lesquelles  trop  d'auteurs 
ont  insisté  pour  que  nous  ne  soyons  pas  obligés  d'en  tenir  compte,  peuvent  encore 
à  notre  avis  s'expliquer  assez  facilement.  Il  n'est  pas  en  effet  d'influence  plus 
largement  et  plus  promptement  débilitante  que  celles  de  ces  agents  miasmatiques 
dont  on  commence  à  comprendre  de  nos  jours  la  véritable  nature.  Ce  que  la 
privation,  la  fatigue,  l'insomnie,  la  douleur  même,  ne  sauraient  accomplir  qu'avec 
un  temps  assez  long,  ces  agents  redoutables  l'accomplissent  en  quelques  jours 
et  souvent  en  quelques  heures.  Nous  savons  tous  les  conséquences  terribles  pour 
les  constitutions  les  plus  robustes  d'une  exposition,  même  courte,  aux  infections 
paludéennes,  et  tous  les  jours  nous  voyons  que,  sans  créer  la  fièvre  intermittente, 
elle  engendre  des  débilitations  profondes  et  prolongées.  Dans  notre  pensée  l'action 
des  marécages  est  de  produire  une  brusque  misère  physiologique  et  de  prédis- 
poser rapidement  les  sujets  à  l'apparition  de  l'iiéméralopie  ;  nous  n'irons  pas  plus 
loin,  et  nous  n'admettrons  pas  la  maladie   oculaire  comme    une  manifestation 
<lu  paludisme,  d'abord  parce  qu'elle  ne  saurait  être  regardée  comme  une  com- 
pagne même  rare  de  la  fièvre,  et  parce  qu'elle  n'a  d'intermittent  que  l'apparence. 
Comme  tout  ne  saurait  être  clair  dans  un  pareil  sujet,  il  restera  bien  à  expliquer 
les  faits  d'épidémicilé  signalés  par  Weber,  faits  relatifs  aux  casernes  Sainte-Mar- 
guerite et  de  la  citadelle  à  Strasbourg  et  à  celle  d'Arène  à  Besançon,  mais  il  nous 
semble   qu'on   pourrait   les  faire   dériver   de    quelques   circonstances    locales 
semblables  à  celles  qui,  à  Mont-Dauphin,  sous  les  yeux  de  M.  Deconihout,  firent 
développer  presque  toutes  les  héméralopies  dans  le  même  quartier  d'une  grande 
caserne.  Quant  au  fait  d'avoir  vu  au  camp  du  Nord  cinq  hommes  venus  de  la 
caserne  Sainte-Marguerite  de  Strasbourg  frappés  seuls  au  milieu  du  bataillon 
dans  lequel  ils  avaient  été  versés,  il  prouve  seulement  que  ces  hommes  avaient 
apporté  avec  eux  le  germe  de  leur  maladie  ou,  en  d'autres  termes,  la  débihta- 
tion  organique  indispensable  à  sa  manifestation. 

Une  fois  établi  l'influence  des  circonstances  hygiéniques  dans  lesquelles  se 
trouvent  placés  les  sujets,  il  faut  examiner  si  nous  rencontrerons  des  prédispositions 
appartenant  à  l'individu  lui-même.  11  est  naturel  de  penser  que  tous  ceux  qui, 


158  IIÉMÉRALOPIE. 

par  leur  tempérament  ou  leur  conslituliou,  sont  plus  disposés  que  les  autres  à 
être  iniluencés  par  les  causes  débilitantes,  sei'ont  par  là  même  plus  aptes  à 
contracter  l'héméralopie.  Sous  ce  rapport  la  question  de  race  peut  être  posée.  On 
a  dit  en  effet,  de  Wecker  entre  autres,  que  les  nègres  échappent  toujours  à  la 
maladie,  mais  Killary,  d'après  Baizeau,  affirme  qu'aux  colonies  les  nègres  four- 
nissent plus  d'héméralopes  que  les  blancs,  et  Boudet  a  pu  constater  qu'aux 
Antilles  les  hommes  de  couleur  sont  très-susceptibles  de  contracter  la  cécité 
nocturne.  De  son  côté  Boyer,  dans  son  Traité  des  maladies  chirurgicales,  cite  le 
Père  d'Entrecolles  qui,  dans  une  lettre,  aurait  écrit  qu'en  Chine  la  maladie  est 
très-commune,  mais  cela  ne  prouve  pas  que  ce  soit  une  question  de  race,  parce 
que  dans  ce  pays  il  existe  des  causes  toutes  particulières  de  débilitation  ducs  à  la 
culture  du  riz.  Si  tous  ces  documents  infirment  l'influence  des  races  dans  le 
développement  de  la  maladie  qui  nous  occupe,  le  fait  qu'elle  existe  sur  toute  la 
surface  du  globe  nous  défend  de  croire  à  sa  prédilection  pour  quelques-unes  des 
familles  qui  l'habitent. 

Dubois  (thèse  de  Paris,  1879)  a  recherché  le  teint  et  la  couleur  des  yeux  chez 
les  hommes  de  son  bord  frappés  d'héméralopie  pendant  une  longue  campagne 
du  Pacifique.  Il  a  trouvé  : 

li  MonHs ÔD  aux  yeux  bleus. 

ol  cliàlains 2G        —        rou\. 

13  lu'uns 9        —        noir>. 

Nozcran  également  dans  sa  thèse,  oii  le  tempérament  des  malades  a  été  relevé, 
dit  qu'ils  étaient  tous  lymphatiques,  à  barbes  et  cheveux  châtain  clair,  et  pré- 
sentaient sur  le  corps  des  taches  de  rousseur.  Bonnafy,  Lolier,  médecins  à  bord  du 
Ducouëdic,  1846-1849,  Guérin-Méueville,  ont  fait  des  observations  analogues, 
et  Coquerel  a  vu  jusqu'à  dix  récidives  du  mal  chez  un  matelot  dont  les  yeux 
étaient  bleus.  D'oii  il  résulte  que  les  yeux  dépourvus  de  pigment  sont  évidem- 
ment plus  prédisposés.  Et  comme  la  plupart  des  malades  avaient  la  peau  fine  et 
les  chairs  flasques,  il  en  résulte  que  le  tempérament  lymphatique  constituerait 
une  prédisposition  ;  c'est  aussi  ce  tempérament  qui  se  montre  le  plus  favorable 
aux  rechutes.  Dubois  a  fait  encore  une  constatation  curieuse  touchant  le  poids 
des  malades  atteints  de  cécité  nocturne  ;  il  l'a  trouvé  augmenté,  mais  il  pense 
que  cette  augmentation  est  due  à  la  suffusion  séreuse  dont  ils  étaient  atteints 
pour  la  plupart.  En  somme,  il  résulte  de  cette  enquête  que  c'est  encore  à  titre 
de  facteur  de  la  débilitation  que  le  tempérament  intervient  dans  le  développe- 
ment de  la  maladie.  Nous  n'avons  à  peu  près  rien  à  dire  de  l'âge  et  du  sexe  à 
propos  de  l'étiologie  de  la  cécité  nocturne.  Les  femmes  sont  très-rarement  expo- 
sées à  la  contracter;  nous  devons  cependant  citer  ici  l'observation  riipportée  par 
M.  Demeulater  d'une  femme  qui  fut  héméi'alope  pendant  ses  deux  grossesses, 
et  plus  fortement  à  la  seconde  qu'à  la  première.  Nous  avons  vu  aussi  que  les 
enfants  et  les  jeunes  gens  sont  atteints  dans  les  maisons  d'éducation  et  les 
pénitenciers. 

Bien  que  nous  nous  soyons  aussi  expliqué  en  passant  sur  l'influence  de  cer- 
taines maladies  pour  favoriser  le  développement  de  l'héméralopie,  nous  devons 
y  revenir  ici  à  cause  de  l'importance  que  certains  auteurs  y  ont  attachée.  Le 
scorbut  est  en  première  ligne. 

C.KuUner  {SchmidC  s  Jarbucher  der  Medicin,  t.  CXXV,  p.  228)  déclare  d'après 
ses  observations  que  l'héméralopie  est  d'origine  scorbutique.   Comme  dit  :  La 


liÉMÉRALOl'IE.  159 

seconde  fois  que  celte  allection  se  montra  à  bord  du  Limier,  l'apparitiou  du 
scoibut  était  imminente.  Ollivier  (thèse  Montpellier,  1847)  déclare  avoir  vu 
rhéméralopie  éclater  au  milieu  du  scorbut.  Pirion  a  vu  à  bord  du  Colbert  le 
scorbut  et  l'héméralopie  se  montrer  concurremment.  Rivière  (thèse  Montpellier, 
1864)  dit  qu'à  bord  de  la  Cordelière  il  n'a  jamais  vu  l'héméralopie  se  déclarer 
chez  un  homme  sain;  tous  étaient  anémiés,  scorbutiques  ou  scrolùleux.  Dubois, 
Savalier  et  Bonnafy,  pensent  que,  si  lesdeux  affections  ne  se  montrent  pas  tou- 
jours ensemble,  il  y  a  cependant  une  relation  entre  elles  prouvée  par  leur  fré- 
quente coïncidence.  C'est  donc  un  fait  absolument  certain  et  dont  nous  devons 
tenir  compte. 

L'héméralopie  se  montre  fréquemment  dans  le  cours  des  maladies  hépatiques. 
Scarpa,  Slrambio,  Sticmeyer,  Bamberger,  Frerich,  Jules  Simon,  ont  signalé  ce 
fait  en  y  appuyant  plus  ou  moins,  Steiwag  et  de  Wecker  l'ont  confirmé  et  Qua- 
glino  a  eu  l'occasion  de  faire  deux  autopsies  d'héméralopcs  atteints  de  lésions  du 
foie.  Les  travaux  les  plus  récents  sur  ce  sujet  sont  ceux  de  Strauss,  deGoreccki, 
de  Cornillon,  et  enfin  les  mémoires  que  Parinaud  a  fait  paraître  en  i^^ï  dans 
les  Archives  générales  de  médecine,  presque  en  même  temps  que  la  thèse  de 
Mouly  et  un  mémoire  de  Funiagalli.  Parinaud  donne  quatre  observations,  deux 
d'hypertrophie,  une  de  cirrhose  paludéenne  et  une  de  cirrhose  hypcrtrophique, 
compliquées  de  cécité  nocturne  :  il  en  tire  même  des  conclusions  sur  la  nature 
du  mal,  que  nous  ferons  connaître  et  discuterons  plus  tard. 

Nous  devons  être  très-réservé  sur  l'influence  étiologique  de  ces  maladies  et 
dire  qu'il  n'y  a  là  qu'une  coïncidence  et  non  pas  un  rapport  nécessaire  de  cause 
à  effet.  La  misère  organique  dont  nous  avons  rais  en  relief  toute  l'importance  poui- 
le  développement  de  l'héméralopie  n'a  pas  en  effet  d'expression  plus  complète 
que  le  scorbut,  et  d'un  autre  côté  nul  n'ignore  qu'il  n'est  pas  de  maladies  plus 
propres  que  celle  du  foie  à  détériorer  l'organisme,  et  par  conséquent  à  y  pré- 
parer la  rétine  à  la  cécité  nocturne. 

D'après  Gubler,  cette  même  cécité  peut  survenir  après  toutes  les  affections 
aiguës,  quelles  qu'elles  soient,  diphthérie,  fièvre  typhoïde,  dysenterie,  bron- 
chite, etc.,  etc.  La  grossesse,  l'albuminurie,  l'intoxication  saturnine,  la  pellagre, 
y  ont  donné  lieu  et  elle  a  disparu  avec  elles. 

b.  Causes  particulières  ou  directes.  Une  fois  cette  étude  des  causes  prédis- 
posantes terminée,  nous  devons  rechercher  s'il  existe  des  causes  directes  de  la 
cécité  nocturne;  nous  trouverons  encore  sur  ce  point  beaucoup  d'opinions  diver- 
gentes. 

D'après  Sanson,  Siebel  et  la  plupart  des  médecins  de  la  marine,  l'héméralopie 
serait  une  insensibilité  de  la  rétine  succédant  à  la  stimulation  par  une  lumière 
trop  vive  ;  d'après  Bonnafy,  elle  serait  semblable  à  la  surdité  des  ouvriers  qui 
travaillent  au  milieu  d'un  ,  bruit  intense.  M.  Fonssagrives,  dans  son  Traité 
d'hygiène  navale,  s'exprime  ainsi  :  «  Il  en  est  de  la  rétine  comme  de  tous  les 
autres  organes  :  sa  surstimulation  prolongée  ne  peut  qu'entraîner  avec  le  temps 
sa  paralysie.  La  clarté  sidérale  devient  à  la  longue  incapable,  dans  les  pays 
chauds,  de  stimuler  une  rétine  affadie  par  des  sensations  lumineuses  trop 
vives.  » 

Colin  (thèse  de  Paris,  1865)  fait  remarquer  que  sous  les  tropiques  l'hémé- 
ralopie est  très-fréquente  et  que  nos  marins  en  sont  vivement  affectés.  Au  con- 
traire, elle  est  très-rare  dans  nos  climats.  Quelle  peut  être  la  raison  de  cette 
différence,  sinon  l'influence  d'une  vive  lumière?  «  Celui,  dit  M.  Coquerel,  qui 


160  HEMÉRALOPIE. 

n'a  pas  été  témoin  du  brillant  éclat  du  soleil  du  tropique  peut  à  peine  se  faire 
une  idée  des  flots  de  lumière  qui  inondent  tous  les  objets  sous  la  zone  torride  ; 
en  effet  il  faut  une  certaine  habitude  pour  pouvoir  considérer  un  instant,  sans 
trop  de  fatigue,  les  corps  fortement  éclairés  par  le  soleil.  » 

Hubner,  Barre,  Doumic,  Netter,  Deconihout,  Siebel,  Fleury,  Alb.  de  Graefe, 
W'hatson  et  Baldy,  déclarent  qu'il  suffit  de  considérer  les  conditions  dans  lesquelles 
l'hémcralopie  règne  à  bord  des  navires  pour  se  convaincre  du  rôle  de  la  lumière. 
Elle  éclate  en  pleine  mer,  sous  les  tropiques  où  le  ciel  est  toujours  clair  et  la 
lumière  éblouissante,  elle  frappe  les  calfats,  les  gabiers  et  tous  ceux  que  leur 
devoir  tient  sans  défense  contre  son  inlUience. 

Ce  n'est  pas  seulement  l'influence  directe  de  la  lumière  qui  peut  être  mise  eu 
cause,  mais  aussi  sa  réverbération  sur  la  mer;  sur  la  neige,  comme  en  Russie, 
en  Suède  et  en  Norvège  (Nélafon)  ;  sur  le  sable,  comme  à  Aden  (Gliaussonnet); 
sur  les  murs  blanchis  à  la  chaux  (Icard). 

Il  semble  donc  que  l'influence  de  cet  agent  est  incontestable,  mais  notre  con- 
viction s'ébranle,  si  des  travaux  des  médecins  de  marine  nous  passons  à  ceux  de 
l'armée. 

Tandis  que  quelques-uns  partagent  l'opinion  de  leurs  confrères,  bon  nombre 
restent  dans  le  doute  et  font  remarquer  que  cette  cause  ne  saurait  être  tou- 
jours invoquée  :  témoin  le  fait  curieux  que  les  citadelles  des  bords  du  Rhin, 
situées  dans  un  pays  habituellement  voilé  de  brumes,  sont  le  siège  de  fréquentes 
épidémies. 

Encore  quelques-uns,  comme  Weber,  vont-ils  jusqu'à  invoquer  une  influence 
toute  contraire,  celle  des  marches  et  des  factions  de  nuit  :  témoin  ces  soldats 
qui  sont  devenus  héméralopes  après  une  marche  de  nuit  dans  la  Campagne 
romaine,  ou  le  matin  en  descendant  de  garde,  et  ces  marins  qui  ont  été  frappés 
après  avoir  couché  sur  le  pont  d'un  navire. 

Icard,  dans  un  travail  intéressant  relatif  à  une  petite  épidémie  observée  par 
lui  à  Lyon  en  1860,  fait  ressortir  les  effets  du  contraste  de  la  fraîcheur  des  nuits 
avec  la  chaleur  des  jours,  et  il  invoque  en  faveur  de  cette  thèse  l'opinion  de 
Baizeau. 

Je  dois  faire  observer  que,  en  fait,  la  plupart  des  épidémies  ont  éclaté  pendant 
l'été  et  que,  d'après  Biard,  les  mois  les  plus  féconds  en  cécités  nocturnes  sont, 
dans  notre  climat,  avril,  mai  et  juin.  11  serait  à  propos  de  se  demander  si,  à 
côté  des  rayons  lumineux,  et  plus  qu'eux  peut-être,  les  rayons  chimiques  ne 
seraient  pas  capables  de  jouer  un  rôle  étiologique. 

A  cette  question  nous  ne  saurions  repondre,  n'ayant  pas  d'expérience  per- 
sonnelle et  n'ayant  trouvé  le  sujet  traité  par  aucun  des  auteurs  que  nous  avons 
consulté. 

On  a  encore  invoqué  l'influence  de  la  lune,  et  nous  devons  dire  que  cette  cause 
est  très-populaire  dans  la  marine,  où  elle  satisfait  un  certain  penchant  naturel 
à  faire  de  cet  astre  un  artisan  de  malheur.  Comme  c'est  pendant  la  nuit  que 
l'héméralopie  exerce  ses  ravages,  et  que  c'est  pendant  la  nuit  que  la  lune  entre 
en  action,  le  rapport  est  simple  et  satisfaisant.  Fonssagrives  ne  serait  pas  éloigné 
d'admettre  cette  influence,  et  Payen  l'accepte  parce  qu'il  aurait  rencontré  plus 
de  malades  pendant  la  pleine  lune.  En  revanche,  ni  Chaussonnet,  ni  beaucoup 
d'autres,  ne  l'ont  remarquée.  Guillaume  Pison,  Bajou  à  Cayenne,  Leroy  à  bord 
de  la  Persévérante,  comme  eux  ne  l'admettent  pas,  et  nous  ne  pouvons  nous 
empêcher  de  remarquer  que  les  phases  de  l'astre  nocturne  ne  semblent  influencer 


IIÉMÉRALOPIE.  161 

en  rien  le  mal,  et  qu'au  contraire  sa  clarté  apporte  aux  héme'ralopes  un  véri- 
table soulagement. 

Maintenant,  si  nous  jetons  un  coup  d'œil  d'ensemble  sur  l'étiologie  que  nous 
venons  d'étudier  en  détail,  nous  reconnaissons  bien  vite  que,  pour  arriver  à 
quelque  chose  de  satisfaisant,  nous  devons  nous  garder  de  trop  restreindre  notre 
point  de  vue  et  de  prendre  à  partie  telle  ou  telle  circonstance,  pour  l'admettre 
sans  réserve  ou  pour  la  combattre  sans  merci.  L'héméralopie  est  une  résultante, 
non-seulement  des  causes  générales,  des  causes  individuelles  et  des  causes 
immédiates  ou  particulières,  mais  encore  de  leur  combinaison  et  des  propor- 
tions avec  lesquelles  elles  entrent  dans  l'ensemble. 

Cette  manière  de  juger  explique  bien  des  faits  contradictoires  en  apparence, 
et  nous  fait  écliapper  à  des  surprises  sans  fondements.  Si  la  débilitation  est 
nécessaire  au  développement  de  l'héméralopie,  encore  est-il  que  tous  les  genres 
de  débilitation  n'y  préparent  pas.  11  faut  regarder  comme  nécessaire  celle  qui 
résulte  des  troubles  nutritifs,  des  congestions  abdominales  et  des  altérations  du 
sang,  leur  conséquence  naturelle.  Les  misères  de  l'inanition,  de  l'alcoolisme,  de 
la  syphilis,  celles  de  beaucoup  de  dialhèses,  comme  la  cancéreuse  et  l'herpé- 
tique, etc.,  y  paraissent  beaucoup  moins  favorables. 

Les  dispositions  générales  une  fois  acquises,  il  faut  encore,  pour  que  la  maladie 
éclate,  des  conditions  particulières  de  tempérament  ou  de  prédispositions  con- 
jonctivales  ou  pigmentaires  ;  et  encore  cela  ne  suffit-il  pas,  et  il  devient  néces- 
saire que  le  sujet  ainsi  prédisposé  soit  soumis  aux  causes  occasionnelles  :  à  la 
vive  lumière,  à  la  brusque  différence  d'un  jour  très-chaud  à  une  nuit  très- 
froide,  à  une  réverbération  intense,  à  un  travail  nocturne,  à  une  marche  dans 
un  pays  humide  et  brumeux.  Et  qui  ne  comprend  que,  de  la  combinaison  de 
ces  trois  ordres  de  causes,  résultent  les  variétés  innombrables  des  cas,  celles 
des  épidémies  et  surtout  la  possibilité  de  ces  faits  si  étranges  d'individus  sur- 
pris par  la  maladie  au  milieu  des  populations  q\ii  restent  indemnes,  bien 
qu'habitant  les  mêmes  localités  et  soumises  aux  mêmes  inlluences. 

Aujourd'hui  que  la  connaissance  des  micro-organismes  a  imprimé  des  modi- 
fications si  profondes  à  nos  idées  sur  Lépidémicité,  il  serait  bon,  peut-être, 
d'examiner  à  ce  point  de  vue  nouveau  l'étiologie  de  l'héméralopie  ;  mais  nous 
ne  devons  pas  oublier  que  la  nature  de  ce  travail  nous  interdit  formellement 
toute  tentative  dans  ce  sens.  Nous  sommes  ici  pour  enregistrer  les  connaissances 
actuelles  de  la  science,  et  non  pour  nous  livrer  à  des  discussions  théoriques. 

Natdre  de  l'héméralopie.  Nous  devons  la  chercher  :  1"  dans  l'examen  direct 
des  yeux  qui  sont  atteints  de  cette  maladie;  2" dans  l'étude  ophlhalmoscopique; 
5°  dans  l'examen  fonctionnel  de  l'organe  visuel.  C'est  ce  que  nous  allons  faire 
niétnodiquement  dans  ce  chapitre. 

1°  Les  autopsies  d'yeux  atteints  à'héméralopie  essentielle  sont  très-rares,  et 
surtout  très-incomplètes,  et  nous  pouvons  dire  d'ores  et  déjà  que  peu  de  savants 
sont  capables  de  mener  à  bien  des  recherches  nécroscopiques  sur  des  rétines 
malades.  Aussi  saisissons-nous  cette  occasion  pour  donner  à  ceux  de  nos  con- 
frères à  qui  échei-rait  la  précieuse  occasion  de  faire  l'autopsie  d'un  œil  atteint 
de  l'affection  qui  nous  occupe  de  le  placer  dans  les  liquides  conservateurs  et  de 
l'envoyer  aux  hommes  reconnus  compétents  en  matière  d'histologie. 

Ceci  dit,  nous  lisons  dans  le  Journal  universel  des  sciences  médicales,  1829, 
ime  note  de  Chauffard  d'Avignon,  disant  que  dans  l'autopsie  d'un  héméralope 
ayant  succombé  à  une  hémoptysie  l'élat  du  nerf  optiqueetceluiderœilétaientles 
DICT.  E.\c    A"  s.  XllI.  11 


162  HÉMERALOPIE. 

suivants  :  Le  névrilème  faisant  suite  à  la  pie-mère  était  injecté,  mais  le  nerf 
lui-même  ne  présentait  pas  de  lésion.  Dans  l'orbite,  il  était  pressé  par  l'extrême 
turgescence  d'une  foule  de  vaisseaux  sanguins  tapissant  la  dure-mère —  Le  gan- 
glion ophthalmique  était  très-rougeâtre.  L'artère  centrale  très-gontlée  laissait  à 
la  section  écouler  une  goutte  de  sang.  Entre  la  choroïde  et  la  sclérotique  existait 
une  véritable  suffusion  sanguine  et  des  taches  hémorrhagiques  ;  la  choroïde  était 
de  couleur  rougeâtre  et  sanglante. 

Dans  son  Traité  des  maladies  des  yeux  Mackensie  rapporte  qu'en  dissé- 
quant l'œil  d'un  sourd-muet  atteint  d'héméralopie  il  aurait  trouvé  la  rétine 
semée  de  taches  noires  irrégulières,  et  nous  trouvons  dans  les  Archives  géné- 
rales de  médecine  un  cas  de  Teissier  oii  aurait  été  observée  une  atropine  des 
deux  nerfs  optiques  avec  ramollissement  de  leur  partie  centrale.  Mack,  cité  par 
Chaussonnet,  aurait  trouvé  encore  des  taches  noires.  Dans  un  cinquième  et  der- 
nier cas,  Laveran  n'aurait  rien  vu,  ni  à  l'œil  nu  ni  au  microscope. 

Depuis  1870,  je  ne  sache  pas  qu'on  ait  publié  d'autopsie  nouvelle.  11  suffit  de 
celles  que  je  viens  de  signaler,  pour  voir  qu'elles  sont  hors  d'état  de  fournir  la 
moindre  notion  précise  sur  les  lésions  oculaires  capables  d'engendrer  l'hémé- 
ralopie.  Serons-nous  plus  heureux  avec  l'examen  ophlhalmuscopique? 

2»  En  parlant  des  symptômes  objectifs,  nous  avons  raconté  tout  au  long  les 
résultats  des  recherches  oplithalmoscopiques  deQuaglino,  dePoncet,  de  Marlialis, 
Reymond  et  Galezowski.  Les  faits  bien  et  dûment  constatés  sont  :  un  rétrécisse- 
ment des  artères;  une  dilatation  des  veines,  un  état  d'œdème  de  la  rétine 
autour  de  la  pupille  et  le  long  des  vaisseaux  rétiniens.  Les  accumulations 
pigmentaires  signalées  autour  de  la  papille  sont  admises  moins  universellement. 
Il  va  sans  dire  que  nous  ne  mentionnons  pas  ici  les  taches  noires  des  rétinites 
pigmentaires,  parce  que  celles-ci  se  lient  à  l'héméralopie  symptomatique  dont 
nous  ne  parlons  pas  dans  cette  partie  de  notre  travail. 

Que  dire  encore  des  symptômes  conjonctivaux,  soit  de  nature  franchement 
catarrhale  comme  ceux  admis  par  Gosselin,  soit  ceux  de  nature  épithéliale  obser- 
vés par  Ouvrard,  Bitot  et  Villemin?  Ici  encore  le  bagage  est  assez  mince  et 
aucun  de  ces  faits  ne  saurait  être  pathognomonique  de  l'héméralopie,  puis- 
qu'on les  a  vus  souvent  paraître  sans  elle,  et  elle  sans  eux. 

Restent  les  phénomènes  fonctionnels;  les  uns  sont  très-nets,  très-précis, 
admis  par  tout  le  monde;  les  autres  plus  ou  moins  connus  et  plus  ou  moins 
discutés.  Le  premier  de  tous  est  la  cécité  nocturne  à  ses  différents  degrés,  la 
cécité  pour  le  rouge  carmin  et  le  bleu,  d'après  Ferster,  la  cécité  pour  le  bleu, 
d'après  Macé  et  Nicati,  puis  la  paresse  papillaire  ainsi  que  sa  dilatation,  la 
paresse  accommodative.  C'est  avec  cet  ensemble  de  symptômes  qu'il  s'agit  d'ex- 
pliquer la  maladie. 

Nous  citerons  d'abord  les  opinions  auxquelles  nous  ne  voulons  pas  nous 
arrêter,  parce  qu'elles  ne  nous  semblent  que  de  simples  vues  de  l'esprit,  ne  s'ap- 
puyant  en  réalité  sur  rien.  Ainsi  on  a  dit  que  l'héméralopie  était  une  mani- 
festation du  paludisme,  une  sorte  de  fièvre  larvée;  qu'elle  était  une  simple 
névrose,  une  torpeur  de  la  rétine  causée  par  une  exposition  trop  prolongée  à 
une  lumière  éblouissante,  toutes  manières  de  voir  qui  semblent  mettre  en  cause 
une  altération  sine  materiâ  de  l'appareil  nerveux,  quelque  chose  d'analogue  à 
la  berlue  des  Anciens  ;  des  mots  et  rien  de  plus.  Galezowski,  en  signalant  avec 
minutie  le  fait  du  rétrécissement  des  artères  et  en  faisant  de  la  maladie  une 
sorte  d'ischémie  artérielle  dépendant  d'une  altération  du  sympathique,  nous 


-^  HÉMÉRALOPIE.  163 

semble  aussi  n'avoir  émis  qu'une  hypothèse,  assez  difficile  à  justifier.  Nous 
nous  demandons  comment  jamais  elle  n'est  en  rapport  avec  l'anémie  générale, 
«t  comment  aussi  elle  n'est  jamais  unilatérale,  comme  cela  devrait  être  vrai- 
semblablement, si  le  spasme  vasculaire  devait  en  être  la  véritable  cause. 

Nous  repousserons  aussi  l'idée  de  Bonnafy,  qui,  attachant  une  importance 
«xagérée  aux  phénomènes  pupillaires  et  accommodatifs,  nous  dit  que  l'héméra- 
lopie  n'est  pas  autre  chose  qu'une  paralysie  momentanée  du  muscle  ciliaire. 
Tout  an  plus,  en  pareil  cas,  admettrions-nous  le  trouble  de  la  vision,  mais  non 
pas  la  cécité. 

Nous  attacherons  plus  d'importance  aux  opinions  de  Poncet,  de  Quaglino,  de 
Fumagalh,  de  Martialis,  de  Netter,  etc.,  qui,  tenant  compte  des  troubles  obser- 
vés dans  la  circulation,  cherchent  à  en  déduire  les  altérations  de  la  membrane 
nerveuse,  capables  de  l'empêcher  de  percevoir  nettement  sans  le  secours  d'une 
lumière  intense.  Pour  bien  les  suivre  dans  l'exposition  de  leurs  vues,  et  appré- 
cier les  raisons  qui  les  leur  ont  fait  adopter,  nous  sommes  obligé  d'entrer  dans 
des  détails  qui  nous  feront  connaître  l'héméralopie  mieux  que  nous  ne  l'avons 
fait  encore. 

Nous  avons  dit  que  la  cécité  nocturne  était  observée  comme  symptôme  de 
quelques  affections  bien  déterminées  de  la  membrane  nerveuse.  Dans  la  rétinite 
pigmentaire,  par  exemple,  on  la  rencontre  toujours,  et  cette  maladie  est  caracté- 
risée par  une  lésion  très-nette  et  parfaitement  déliiiie  :  l'invasion  du  pigment 
dans  les  couches  rétiniennes  et  particulièrement  autour  des  vaisseaux.  Or,  dans 
cette  maladie,  on  est  frappé  d'une  chose  en  étudiant  le  champ  visuel,  c'est  que 
l'acuité  est  restée  très-satisfaisante  dans  les  points  où  elle  existe,  tandis  qu'elle 
est  énormément  diminuée  ou  même  éteinte  dans  toutes  les  régions  où  la 
lésion  se  montre  ou  va  se  montrer.  Lorsque  la  rétinite  pigmentaire  a  marché 
très-régulièrement  et  très-longtemps,  il  lui  arrive  de  réduire  le  champ  visuel 
â  une  zone  périmaculaire  très-restreinte,  et  de  mettre  les  malades  dans  l'état 
d'un  homme  sain  qui,  suivant  l'expression  de  Liebreich,  serait  obligé  de  regar- 
der à  travers  un  étroit  cornet  à  parois  opaques  et  ouvert  à  ses  deux  extrémités. 
<3r,  celui  qui  voudra  essayer  de  circuler  la  nuit,  dans  ces  conditions,  verra  bien 
A'ite  qu'il  en  est  incapable  et  que  par  ce  simple  artifice  il  s'est  rendu  hémérolape. 
Les  symptômes  sont  si  exactement  pareils  dans  l'héméralopie  de  la  rétinite 
pigmentaire  et  ceux  de  la  cécité  nocturne  essentielle  épidémique,  qu'il  y  a  lieu 
■de  supposer  que  cette  dernière  résulte  aussi  de  la  création  de  lacunes  dans  la 
rétine  et  parlant  dans  le  champ  visuel,  lacunes  ophthalmoscopiquement  invi- 
sibles, mais  dont  les  troubles  de  la  circulation  seraient  la  manifestation. 

Pieymond  (de  Turin),  dans  un  mémoire  publié  en  1871,  sous  le  titre  de 
Interprétation  de  ïhéméralopie,  est  arrivé  à  la  même  hypothèse  par  les  obser- 
vations suivantes  : 

Partant  de  ce  fait  que  l'œil  sain  garde  sensiblement  la  même  acuité  lors- 
qu  on  fait  diminuer  l'éclairage  dans  certaines  limites,  pourvu  que  les  variations 
soient  assez  lentes  pour  que  la  rétine  puisse  s'adapter,  il  a  cherché  ce  qui  aiTi- 
verait  pour  un  œil  héméralope  non  amblyope,  et  il  a  vu  avec  l'appareil  de 
Fôrster  que  les  limites  de  variation  d'éclairage  permises  et  le  temps  de  l'adap- 
tation rétinienne  restaient  sensiblement  les  mêmes. 

De  même  pour  l'œil  sain  et  l'œil  héméralope  non  amblyope,  la  limite  au  delà 
de  laquelle  l'acuité  visuelle  baisse  est  la  même,  ce  qui,  entre  parenthèse  ren- 
verse toute  idée  de  torpeur  de  la  rétine.  Mais  là  ou  l'œil  sain  et  l'œil  héméra- 


164  IlÉMERÂLOPIE. 

lope  vont  différer,  c'est  lorsque,  l'acinté  baissant  par  suite  de  la  diminution  de 
l'éclairage,  on  fera  la  comparaison  des  angles  visuels  nécessaires  à  l'un  et  à 
l'autre.  Tandis  que  pour  le  premier  cet  angle  augmentera  régulièrement,  pour 
le  second  il  fera  à  un  moment  donné  un  brusque  saut.  Le  moment  de  ce  saut 
marquera  donc  l'instant  initial  do  l'héméralopie,  et  sa  grandeur  en  dira  l'inten- 
sité :  c'est  pour  cela  que  Raymond  propose  de  lui  donner  le  nom  d'angle  hémé- 
ralogique.  C'est  pour  expliquer  ce  fait  que  notre  auteur  en  est  venu  à  supposer 
que  parmi  les  parties  de  l'appareil  sensoriel  chargées  de  perceçoir  l'image  des 
objets  il  devait  eu  exister  chez  l'héméralope  d'insensibles,  partant  d'inu- 
tiles, et  qu'en  conséquence  l'image  devait  grandir  beaucoup  pour  en  atteindre 
d'autres.  Cette  hypothèse,  il  pensa  l'avoir  vérifiée  dans  cinq  observations 
qu'on  lira  avec  intérêt  à  la  fin  de  son  mémoire.  Voilà  donc  un  point  de  la 
nyclalopie  essentielle  à  peu  près  éclairci,  car  personne  ne  saurait  mettre  en 
doute  l'exactitude  des  recherches  de  l'éminent  observateur  de  Turin.  II  montre 
que  les  causes  des  deux  héméralopies  seraient  en  réalité  semblables,  seulement 
les  unes  sont  vues  et  connues,  tandis  qu'on  ne  voit  les  autres  que  par  leur  reflet. 

On  sait,  en  effet,  que  les  perturbations  vasculaires  ne  sont  que  bien  rarement 
uniques  et  exclusives;  le  plus  habituellement  elles  indiquent  une  lésion  préa- 
lable ou  ne  tarderont  pas  à  en  faire  naître,  et  c'est  cette  lésion  qu'il  faut  cher- 
cher. Pour  la  trouver,  dans  notre  cas,  il  faudrait  que  tombât  entre  les  mains 
d'un  histologiste  émcrite  un  œil  d'héméralope,  et  que  cet  œil  put  être  pré- 
paré dans  les  conditions  de  fraîcheur  indispensables  à  la  fixation  d'altérations 
que  la  moindre  putréfaction  fera  disparaître  à  coup  sûr.  C'est  là  une  bonne 
fortune  qui  ne  s'est  pas  encore  produite;  en  attendant,  nous  devons  nous  borner 
à  de  simple  hypothèses.  Pour  les  uns,  l'épanchement  d'abord  séreux,  puis  plus 
ou  moins  exsudatif,  qui  se  produit  consécutivement  à  un  trouble  par  stase  de  la 
circulation,  se  répandrait  dans  la  rétine  et  y  étoufferait  les  éléments  sensoriels, 
particulièrement  les  cônes  et  les  bâtonnets.  Pour  d'autres,  il  se  produirait  des 
altérations  dans  le  tissu  rétinien  lui-même  dont  la  sensibilité  à  la  perception 
deviendrait  de  moins  en  moins  vive.  Parmi  ces  dernières  opinions,  celle  de 
Netter  sur  le  rôle  conpressif  du  pigment  rétinien  accumulé  autour  de  la  papille 
mérite  une  mention  spéciale,  soit  à  cause  de  son  originalité,  soit  à  cause  de 
l'ardeur  avec  laquelle  son  auteur  l'a  défendue,  soit  surtout  parce  qu'elle  a  été 
le  point  de  départ  d'ua  traitement  qui  a  joui  d'une  véritable  vogue. 

Netter  se  base  sur  le  fait  anatomique  signalé  par  Martialis  de  l'accumulation 
anormale  du  pigment  chez  les  héméralopes;  pour  lui,  c'est  là  le  fait  jmncipal 
et  incontestable.  Physiologiquement  il  explique  cette  accumulation  de  la  manière 
suivante  :  L'action  du  soleil  est  hors  de  doute  pour  la  formation  du  pigment,  et 
il  n'en  veut  pour  preuve  que  les  taches  brunes  qui  accompagnent  ou  suivent  sur 
la  peau  les  coups  de  soleil;  c'est  même,  entre  parenthèse,  cette  action  observée 
sur  lui-même  qui  l'a  mis  sur  la  voie  de  sa  théorie.  Sur  la  rétine  pourvue,  comme 
on  le  sait,  d'une  couche  polygonale  pigmentée,  cette  action  est  en  quelque  sorte 
naturelle  et  se  trouve  en  rapport  avec  des  phénomènes  physiologiques  qu'il  faut 
analyser. 

Lorsqu'un  homme  sain  et  un  héméralope  quittant  brusquement  la  lumière 
du  jour  entrent  ensemble  dans  un  cabinet  ténébreux,  tous  deux  restent  plongés 
dans  une  cécité  absolue,  mais  avec  le  temps  la  vue  leur  revient  à  l'un  et  à 
l'autre,  seulement  le  temps  est  beaucoup  plus  court  pour  le  premier  que  pour 
le  second.  La  raison  en  est  que  l'action  du  soleil  a  développé  chez  l'un  et  chez 


HÉMÊRALOPIE.  d65 

l'autre  des  quantités  très-différentes  de  pigment  dont  la  résorption  doit  s'ef- 
fectuer, pour  que  la  vision  s'exerce  dans  l'obscurité.  Le  développement  exagéré 
du  pigment,  s'explique  par  l'action  immodérée  de  la  lumière  chez  des  hommes 
qui  y  sont  prédisposés  par  des  troubles  organiques,  et  ainsi  intervient  l'étio- 
logie  classique.  Mais  ce  pigment  ne  reste  pas  confiné  dans  les  cellules,  ses  récep- 
tacles habituels,  et  surtout  ne  reste  pas  inoffensif.  Soit  qu'il  se  déplace  par  des 
mouvements  amiboïdes,  soit  qu'il  soit  mis  en  liberté  par  l'altération  des  cellules, 
il  entre  en  migration  et  vient  peu  à  peu,  cheminant  à  travers  les  couches  de  la 
rétine,  s'accumuler  autour  du  nerf  optique  qu'il  comprime.  De  là  une  gêne  cir- 
culatoire, qui  se  trahit  par  le  rétrécissement  des  artères  et  la  dilatation  des 
veines. 

Telle  est  en  peu  de  mots  toute  la  théorie  de  Netter.  Le  lecteur  qui  sera  inté- 
ressé par  elle  pourra  l'U  chercher  les  preuves  dans  les  différents  travaux  de  l'au- 
teur et  spécialement  dans  sa  dernière  lettre  aux  Annales  cl" oculistique  de  1876, 
tome  LXXV.  Il  y  verra  comment  il  y  met  à  profit  certaines  données  récentes,  de 
son  temps,  sur  la  formation  du  pigment,  les  migrations  cellulaires  et  les  circu- 
lations locales;  il  y  trouvera  même  un  lien  très-naturel  entre  la  maladie  essen- 
tielle et  la  maladie  symptomatique,  et  comment  les  enfants  nouveau-nés  exposés 
sans  précautions  suffisantes  à  la  lumière  solaire  peuvent  devenir  d'abord  des 
héméralopes  intermittents  et  curables,  puis  des  héméi'alopes  incurables  par 
rétinite  pigmentaire  ;  il  comprendra  enfin  l'action  curalive  des  cabinets  ténébreux, 
l'obscurité  favorisant  la  résorption  du  pigment. 

Tout  cela  est  à  coup  sûr  bien  ordonné  et  ingénieux,  il  n'y  manque  absolu- 
ment que  la  rigueur  de  l'observation,  et  la  démonstration  des  faits  destinés  à 
l'étayer.  L'accumulation  pigmentaire  autour  de  la  papille  optique  n'est  rien 
moins  que  certaine;  l'influence  compressive  de  ces  grains  migrateurs  est  pure- 
ment hypothétique,  l'influence  des  cabinets  ténébreux  est  loin  d'être  admise 
par  tout  le  monde,  et,  récemment  encore,  Poucet  nous  écrivait  que  les  expé- 
riences faites  sur  ce  point  par  >^etter  lui-même,  ne  lui  avaient  pas  paru  le 
moins  du  monde  démonstratives.  Le  public  médical  en  a  jugé  ainsi,  car  la 
question  est  restée  ouverte  et  depuis  quinze  ans  beaucoup  d'autres  opinions  se 
sont  produites. 

La  relation  incontestable  de  l'héméralopie  avec  les  affections  hépatiques  a 
surtout  attiré  l'attention  et  servi  de  base  aux  tentatives  faites  pour  l'expHquer. 

Suivant  Cornillon,  la  relation  serait  directe,  comme  en  témoignent  les  varia- 
tions corrélatives  des  deux  maladies.  Mais  Parinaud,  non  content  de  cette  simple 
affirmation,  a  voulu  chercher  par  quel  intermédiaire  elles  correspondent.  Il  a 
supposé  que  le  pourpre  rétinien,  dont  les  travaux  de  Boll  et  de  Kiihne,  venaient 
de  mettre  en  lumière  et  l'existence  et  la  fonction  physiologique,  ne  pouvait  plus 
être  formé  dans  des  conditions  convenables  par  un  sang  profondément  vicié,  et 
qu'il  en  résultait,  dans  la  vision,  des  perturbations  sur  l'explication  desquelles  il 
n'insiste  pas.  Nous  aurions  voulu  que  M.  Nouly  dans  sa  thèse  imitât  cette  sage 
réserve,  parce  qu'il  nous  semble  n'avoir  qu'une  idée  fort  incomplète  de  la  forma- 
tion de  ce  pourpre,  de  ses  usages  et  de  sa  destruction.  Quant  aux  études  de  Straus, 
de  Brouardel  et  de  Vulpian,  sur  les  altérations  du  sang  par  les  maladies  du  foie, 
elles  nous  montrent  bien  que  l'œil,  comme  tous  les  autres  organes,  peut  en 
être  affecté,  mais  elles  ne  nous  disent  rien  sur  le  mécanisme  par  lequel  se  pro- 
duit la  cécité  nocturne.  Il  est  intéressant  de  les  rapprocher  des  lésions  rénales 
entraînant  l'héméralopie,  comme  on  en  a  cité  des  exemples. 


166  IIÉMÉRALOPIE. 

Somme  toute,  si  on  laisse  de  côté  les  explications  théoriques  qui  ont  la  pré- 
tention un  peu  Iiâlive  d'expliquer  des  phénomènes  connus  par  des  lésions  encore 
douteuses,  au  moyen  d'une  physiologie  dans  l'enfance,  on  arrive  à  cette  con- 
viction que  presque  tous  les  auteurs  qui  se  sont  occupés  de  l'héméralopie  la 
comprennent  comme  une  lésion  rétinienne,  plus  ou  moins  disséminée  dans  son 
étendue,  mais  paraissant  se  localiser  du  côté  de  ses  éléments  percepteurs  et  de 
sa  couche  pigmentée,  lésion  préparée  par  une  profonde  débilitation  de  l'orga- 
nisme et  mise  en  branle  par  des  influences  directes,  parmi  lesquelles  la  lumière 
semble  jouer  un  rôle  important. 

Les  choses  en  sont  restées  là  jusqu'en  1881,  époque  à  laquelle  J.  Macé  et 
W.  Nicati  envoyèrent  une  note  à  l'Académie  des  sciences,  pour  démontrer  que 
l'héméralopie  n'était  en  définitive  qu'un  daltonisme  pour  le  bleu,  et  cela  con- 
trairement aux  opinions  émises  par  Parinaud.  Dans  les  cas  cités  par  celui-ci,  il 
y  avait  toujours  coïncidence  d'ictère,  ce  qui  explique  précisément  le  daltonisme 
en  question.  Quant  à  l'explication  théorique  du  fait,  les  autours  de  la  note  la 
font  ressortir  de  leurs  recherches  sur  l'action  héméralopisante,  qu'on  nous  par- 
donne ce  mot,  des  verres  jaunes  et  rouges,  qui  arrêtent  le  bleu,  et  à  un  moindre 
degré  des  verres  verts,  qui  le  laissent  passer  en  grande  partie.  Ils  pensent  encore 
que  les  éléments  pour  le  bleu  sont  particulièrement  sensibles  aux  faibles  impres- 
sions lumineuses,  et  voilà  pourquoi  leur  absence  se  fait  sentir  particulièrement 
la  nuit  et  au  crépuscule.  Nous  sommes  prêts  à  acquiescer  aux  résultats  si  inté- 
ressants et  aux  recherches  si  bien  conduites  de  Nicati  et  Macé,  mais  en  cliniciens 
nous  continuons  à  nous  demander  pour  quelle  raison  se  montre  le  daltonisme 
pour  le  bleu,  à  quelles  lésions  rétiniennes  il  correspond,  et  comment  il  découle 
des  influences  incontestables  que  nous  avons  signalées.  Avec  et  même  sans 
réponse,  nous  sommes  prêts  avec  eux  à  repousser  l'idée  de  la  torpeur  rétinienne 
que  nous  avons  déjà  vu  battre  en  brèche  par  la  théorie  de  Raymond. 

Marche  et  durée.  Ce  n'est  qu'exceptionnellement  que  l'héméralopie  débute 
brusquement.  Ghaussonnet  et  Comme  ont  vu  chacun  un  cas  de  ce  genre  et  Payen 
en  cite  un  troisième.  Habituellement  la  vue  se  trouble,  un  soir  après  un  service 
exceptionnel  par  un  jour  très-clair.  Le  trouble  dure  un  quart  d'heure  ou  une 
demi-heure  le  premier  jour;  il  est  plus  long  et  plus  prononcé  le  second;  peu  à 
peu  il  arrive  à  durer  toute  la  nuit.  Rarement  le  mal  diminue  dans  les  premiers 
jours,  et  c'est  seulement  par  des'nuits  de  lune.  Avec  le  temps  la  vue  se  montre 
trouble  même  dans  les  lieux  éclairés,  si  on  laisse  le  malade  livré  à  lui-même  et 
sans  soins. 

La  dilatation  pupillaire  se  montre  à  des  époques  variables,  presque  jamai.s^ 
dans  les  premiers  jours.  Au  bout  de  quinze  jours  à  un  mois  arrivent  le  larmoie- 
ment et  la  sécrétion  muco-albumineuse.  Le  myosis  et  la  photophobie  se  montrent 
plus  tôt  ou  plus  tard.  Le  trouble  de  l'humeur  aqueuse  et  la  déformation  de  la 
pupille  se  voient  rarement  dans  les  cas  graves. 

La  sécheresse  de  la  muqueuse  et  son  plissement  sont  plus  communs  et  con- 
stituent un  symptôme  tardif. 

L'héméralopie  en  voie  de  guérisonpeut,  en  un  jour,  revenir  à  son  état  pri- 
mitif, si  le  malade  s'expose  à  une  vive  lumière,  surtout  s'il  a  été  traité  par  l'obs- 
curité. Sa  durée  est  très-variable  ;  huit  jours  selon  les  uns,  quinze  jours  selon 
les  autres;  d'après  Boudet  sa  durée  moyenne  serait  de  dix  à  douze  jours.  Cepen- 
dant on  l'a  vue  persister  des  mois  et  même  des  années.  Elle  guérit  spontanément, 
si  on  la  soustrait  aux  causes  qui  l'ont  engendrée  et  à  l'influence  de  la  lumière 


HEMER\L0P1E.  167 

qui  la  provoque  et  l'entretient.  Mais,  si  on  laisse  les  patients  dans  le  même 
milieu,  si  les  conditions  liygiéniques  ne  changent  pas,  ni  l'état  de  l'atmosphère, 
aucun  traitement  ne  saurait  les  guérir. 

Certains  auteurs  regardent  la  cécité  nocturne  comme  toujours  bénigne. 
Bomfield,  qui  a  traité  plus  de  trois  cents  malades,  lésa  tous  vus  guérir.  Audouit, 
qui  a  dépouillé  plus  de  vingt  rapports,  a  trouvé  cependant  cinq  ou  six  cas  qui 
se  sont  terminés  par  l'amaurosc.  Mackenzie,  Dulrouleau,  Rivière,  Martialis, 
disent  qu'elle  cause  souvent  une  cécité  incurable.  Nous  avons  vu  comment  Netter 
explique,  chez  les  enfants,  le  passage  de  l'hémérolopie  curable  à  l'hémérolopie 
incurable. 

Méreau  pense  qu'elle  peut  donner  une  conjonctivite  chronique  et  Tavignot 
croit  qu'elle  peut  devenir  chronique  et  stationnaire.  Chaussonnet  la  juge  le 
plus  souvent  bénigne  et  toute  sa  gravité  tient  à  son  épidémicité.  Elle  apporte  de 
grands  troubles  dans  le  service  d'un  navire,  par  le  nombre  des  matelots  qu'elle 
frappe  et  les  conditions  dans  lesquelles  elle  se  montre.  Sa  guérison  est  toujours 
rapide  et  facile,  un  peu  plus  lente  cependant  que  la  marclie  progressive  du  mal. 

Elle  a  grande  tendance  à  récidiver  et  un  homme  sera  d'autant  plus  sùromen 
frappé  qu'il  l'aura  déjà  été  plusieurs  fois.  Boyer  cite  le  cas  d'un  sujet  qui  depuis 
sa   trente-troisième   année  était   atteint   tous  les  printemps  d'héméralopie.  La 
promptitude  des  récidives  peut  être  telle,  qu'on  pourrait  dire  qu'on  ne  guérit 
pas  la  maladie  dans  les  parages  oi'i  on  l'a  contractée. 

Comme  complications  on  peut  signaler  le  nystagmus  observé  cliez  des  mineurs 
par  Dransart  et  par  Wieden. 

Diagnostic.  Il  doit  avoir  pour  but  :  i°  d'ét;iblir  la  réalité  de  la  maladie; 
2"  de  la  distinguer  des  héméralopies  symplomatiques. 

On  comprend  que,  pendant  les  épidémies  qui  éclatent  à  bord  d'un  navire, 
dans  une  Ctiserne,  dans  un  pénitencier  ou  une  prison,  bon  nombre  d'hommes, 
voyant  leurs  camarades  dispensés  des  corvées,  soumis  à  un  excellent  régime, 
veuillent,  au  prix  de  quelques  ennuis,  jouir  des  mêmes  avantages,  et  comme 
d'un  autre  côté  les  modèles  ne  leur  manquent  pas,  ils  arrivent  promptement  à 
une  parfaite  simulation  de  la  cécité  nocturne.  Les  signes  objectifs  faisant  défaut 
pour  reconnaître  la  fraude,  on  comprend  que  Chaussonnet  ait  pu  écrire  que  la 
simulation  de  l'héméralopie  est  impossible  à  découvrir.  Pour  notre  part,  nous 
sommes  disposé  à  penser  comme  lui  et,  si  nous  remontons  à  des  souvenirs  loin- 
tains, nous  dirons  que,  dans  l'épidémie  observée  aux  Collinettes  à  Lyon  par 
notre  confrère  Icard,  nous  avons  souvent  pensé  que  les  effets  si  rapides  des 
cabinets  ténébreux  et  de  l'huile  de  foie  de  morue  s'adressaient  bien  à  quelques 
simulateurs. 

Le  diagnostic  entre  l'héméralopie  essentielle  et  l'héméralopie  symptomatique 
est  au  contraire  toujours  possible,  facile  même.  11  n'en  était  pas  de  même 
autrefois  où  l'on  confondait  volontiers  les  deux  maladies  et  où  on  les  décrivait 
ensemble.  Aujourd'hui  que  nous  connaissons  bien  la  rétinile  pigmentaire  dans 
son  altération  anatomique,  un  examen  ophthalmoscopique  rapide  nous  permettra 
de  faire  sa  part;  même  dans  ces  cas  si  rares  où  les  lésions  noires  de  la  rétine  à 
peine  existantes  ne  sont  représentées  que  par  des  macules  infiniment  dispersées 
et  difficiles  à  découvrir,  l'erreur  ne  saurait  subsister.  La  rétinite  pigmentaire  a 
sa  physionomie  propre  et  caractéristique;  elle  seule  fournit  les  cas  hérédi- 
taires, elle  seule  les  maladies  de  longue  durée  et  fatales,  et  par-dessus  tout  elle 
n'est  jamais  épidémique. 


168  HÉMÉRALOPIE. 

Nous  eu  dirons  autant  du  dia^^nostic  différentiel  entre  notre  tiéméralopie  et 
celle  qui  survient  pendant  la  marche  de  quelques  amauroses  et  se  présentent 
comme  la  conséquence  d'une  véritable  impuissance  de  la  rétine.  Les  malades 
qui  en  devraient  offrir  le  type  sont  ceux  frappés  d'atrophie  papillaire  :  or,  il 
n'en  est  rien  et,  quoique  nous  ayons  bien  souvent  cherché  à  analyser  leurs 
impressions  de  la  nuit  et  même  à  les  surveiller  le  soir,  jamais  nous  n'avons  tiré, 
ni  de  leurs  réponses,  ni  de  leurs  gestes,  ni  de  leurs  habitudes,  la  conclusion 
qu'ils  eussent  rien  de  commun  avec  les  héméralopes. 

Il  semble  vraiment  qu'il  soit  nécessaire  que  le  champ  visuel  soit  alléré  d'une 
certaine  façon,  c'est-à-dire  par  la  présence  de  lacunes  plus  ou  moins  étendues  et 
plus  ou  moins  disséminées,  pour  que  la  cécité  nocturne  se  révèle.  Je  voudrais 
pouvoir  parler  par  expérience  de  l'interprétation  originale  que  Macé  et  Xicati 
ont  donnée  de  la  maladie  et  dire  quelles  en  sont  les  conséquences  au  point  de 
vue  du  diagnostic,  malheureusement  les  occasions  m'ont  manqué  pour  en  vérifier 
l'exactitude.  J'ajouterai  que  ce  que  je  me  permettrai  d'appeler  la  théorie  des 
lacunes  nous  permet  de  comprendre  pourquoi  l'iiéméralopie  se  rencontre  chez 
les  alcooliques,  les  gens  atteints  de  décollement  de  la  rétine,  de  choroïdite  dis- 
séminée, de  rétinite  albuminurique,  etc.,  mais  toutes  ces  affections  ont  des 
caractères  si  tranchés  qu'il  est  impossible  de  les  méconnaître. 

Traitement.  Il  va  nous  présenter  le  reflet  de  toutes  les  idées  que  l'on  s'est 
faites  sur  la  nature  de  la  maladie;  toutefois  parmi  ses  ressources  nous  allons  en 
rencontrer  quelques-unes  plus  ou  moins  bizarres  ayant  traversé  les  âges  pour 
arriver  jusqu'à  nous  et  recevoir  les  témoignages  les  plus  approbateurs  et  en 
apparence  les  plus  scientifiquement  motivés.  En  première  ligne,  nous  signa- 
lerons les  fumigations  avec  la  décoction  bouillante  des  foies  d'animaux,  bœuf, 
brebis,  bouc,  chèvre,  renard  et  même  chat. 

Ce  remède  est  d'origine  hippocratique  et  le  père  de  la  médecine  conseillait  le 
foie  de  bœuf.  L'imagination  des  médecins,  j'allais  dire  des  artistes,  a  fait  inter- 
venir les  autres  animaux.  Oribase,  Paul  d'Égine  et  surtout  Galien,  se  sont  faits 
sous  ce  rapport  les  continuateurs  d'Hippocrate. 

Au  seizième  siècle  A.  Paré  a  tour  à  tour  conseillé,  déconseillé  et  reconseillé 
les  mêmes  fumigations.  En  Allemagne,  elles  sont  devenues  d'un  usage  vulgaire  et, 
si  nous  en  croyons  Chaussonnet,  elles  ont  été  vantées  par  Zsimandy,  Karvy,  à 
Vienne,  Kreuser  à  Stuttgard,  Fuesselin  à  Briichsall,  Halle  à  Brun.  En  France, 
Fonssagrives,  Neboux,  Baizeau  et  Jobit,  se  sont  faits  leurs  prôneurs,  et  IluLbeuet 
les  a  employées  en  Russie.  Elles  figurent  comme  agent  thérapeutique  dans  tous 
les  ouvrages  dydactiques,  dans  tous  les  mémoires,  et  dans  bon  nombre  elles  sont 
l'objet  d'une  véritable  apologie.  En  Italie,  Quagliano  et  Fumagalli  les  préconisent. 
II  ne  leur  a  pas  manqué  la  con;écration  populaire,  et  Boudet  nous  raconte 
qu'au  bagne  de  Toulon  les  forçats  faisaient  main  basse  sur  les  foies  de  bœuf  et 
s'en  servaient  en  fumigations  pour  la  préservation  de  leurs  yeux. 

Pour  être  si  longtemps  en  possession  de  la  confiance  publique,  il  faut  que  ces 
fumigations  jouissent  d'une  réelle  efficacité,  et  les  médecins  qui  les  emploient 
ont  essayé  de  s'en  expliquer  l'action.  Ils  se  sont  partagés  en  deux  camps  :  1°  ceux 
qui  n'y  voient  que  l'influence  de  la  vapeur  d'eau  ;  2"»  ceux  qui  attribuent  au  foie 
lui-même  et  surtout  au  fiel  une  réelle  valeur  thérapeutique.  M.  Baizeau  s'est 
fait  le  champion  de  la  première  opinion,  et  Fonssagrives,  puis  Dumas  (de  Cette), 
ont  défendu  la  seconde  :  l'hygiéniste  de  la  marine  est  même  tellement  con- 
vaincu de  son  opinion,  qu'il  engage  à  faire  des  collyres  avec  les  différents  prin- 


IIEMERALOPIE.  169 

cipes  gras  de  la  bile  et  ensuite  à  les  essayer  sur  les  yeux  des  héméralopes.  A  la 
vérité  l'introduction  dans  les  formules  des  muts  c/io/a/es,  toraiœholates,  donnent 
à  la  chose  une  apparence  scientitlque,  mais  ne  nous  apprend  rien.  Les  médecins 
de  la  marine,  au  moins  la  plupart,  ne  paraissent  avoir  qu'une  foi  médiocre  dans 
le  bizarre  médicament  ;  nous  en  dirions  autant  de  quelques  chirurgiens  mili- 
taires. Pour  nous,  n'ayant  sur  ce  sujet  aucune  expe'rience,  nous  nous  contentons 
d'enregistrer  les  opinions  de  confrères  qui  ont  vu,  et  de  signaler  en  lui  accordant 
l'importance  qu'il  mérite,  le  fait  de  la  persistance  si  prolongée  de  l'emploi  en 
thérapeutique  du  remède  d'IIippocrate. 

Les  idées  que  nous  avons  prêtées  à  Baizeau  devaient  l'entraîner  à  l'emploi  des 
fumigations  avec  la  simple  vapeurd'eau  chaude,  mais,  comme  probablement  elles 
étaient  restées  inefiicaces  entre  ses  mains  ou  celles  de  ses  collègues,  il  y  Joignit 
1  ammoniaque,  guidé  sans  doute  par  cette  idée  théorique  que  dans  une  maladie 
torpide  lien  ne  devait  être  plus  utile  que  l'action  excitante  de  ce  médicament. 

Abordons  maintenant  l'emploi  de  l'huile  de  foie  de  morue  à  la  dose  de  deux 
cuillerées  à  bouche  administrées  aux  patients  le  matin  à  jeun.  C'est  à  M.  Des- 
ponts qu'est  due  l'initiative  de  ce  tra-tement. 

Il  le  lit  connaître  dans  un  travail  adressé  en  1863  à  l'Académie  de  médecine 
-et  sur  lequel  Gosselin  fut  appelé  à  faire  un  rapport.  Celui-ci  fut  servi  à  point  par 
l'apparition  dans  quelques  casernes  de  Paris  d'une  épidémie  d'héméralopie  qui 
lui  permit  d'étudier  son  sujet  sur  le  vif.  C'est  grâce  à  cette  coïncidence  favorable 
qu'il  put  établir  un  rapport  qui  est  devenu  classique  et  dans  lequel  ont  puisé 
tous  ceux  qui  ont  écrit  depuis  sur  le  même  sujet.  Gosselin  expérimenta  lui- 
même  l'huile  de  foie  de  morue  administrée  selon  la  méthode  de  Desponts  et  eu 
éprouva  de  si  bons  effets,  qu'il  en  devint,  comme  ce  dernier,  un  ardent  défen- 
seur. Bon  nombre  de  médecins  de  la  marine,  dont  nous  avons  eu  les  thèses  sous 
les  yeux,  bon  nombre  aussi  de  chirurgiens  militaires,  se  sont  bien  trouvés  de  ce 
remède,  et  l'on  peut  dire  qu'il  est  entré  dans  la  thérapeutique  classique  de  l'hé- 
méralopie.  Nous  ferons  remarquer  que  le  goût  nauséabond  de  ce  médicament  et 
la  répugnance  en  quelque  sorte  instinctive  qu'il  inspire,  surtout  aux  jeunes 
gens,  pourraient  bien  expliquer  par  une  raison  étrangère  à  la  médecine  l'action, 
souvent  d'une  rapidité  extraordinaire,  qu'on  lui  attribue.  11  y  a  bien  peut-être 
quelques  simulateurs  parmi  ces  gens  guéris  en  deux  jours. 

Quoi  qu'il  en  soit,  on  peut  dire  aussi  que  l'huile  de  foie  de  morue,  étant  un 
reconstituant  de  premier  ordre,  peut  bien  jouer  un  rôle  utile,  en  s'adressant  à 
des  constitutions  débilitées  comme  celles  de  presque  tous  les  hémérulopcs. 

En  fait  de  médicaments  généraux  s'adressant  directement  à  la  cécité  nocturne, 
on  a  conseillé  les  toniques,  le  fer  et  le  quinquina,  et  ceux  qui  considéraient  le 
mal  comme  lié  à  une  influence  palustre  n'ont  pas  manqué  d'ordonner  le 
sulfate  de  quinine,  dont  l'emploi  ne  s'est,  du  reste,  jamais  généralisé.  Le  froid 
en  application  sur  les  yeux  a  été  également  recommandé. 

Ceux  qui  voyaient  dans  la  maladie  une  affection  torpide,  une  espèce  d'araau- 
rose  asthénique,  ont  conseillé  l'emploi  de  la  stryclmine  soit  à  l'intérieur,  soit, 
comme  Quaglino,  en  injections  hypodermiques.  Les  effets  en  auraient  été 
souvent  heureux.  Ceux  au  contraire  qui  étaient  plus  frappés  des  phénomènes 
liyperesthésiques  comme  maux  de  tète,  rougeur  des  conjonctives,  larmoie- 
ments, etc.,  ont  plus  volontiers  ordonné  des  émissions  sanguines  générales  ou 
locales,  des  purgations  répétées  au  tartre  stibié  et  au  calomel,  ou  encore  des 
purgatifs  résineux,  comme  l'aloès,  destinés  à  décongestionner  la  choroïde.  Ils 


170  IIÉMÉriALOPIE. 

ont  encore  applique  des  vésicatoires  aux  tempes  ou  d'autres  révulsifs  cutanés. 

Les  Anglais,  comme  ils  le  font  pour  la  plupart  des  maladies,  ont  donné,  mais 
sans  grand  succès,  les  mcrcuriaux.  Nous  ne  saurions  nous  empêcher  de  nous 
étonner  de  voir  des  médications  altérantes  adaptées  à  des  malades  particulièrement 
débilités  et  en  état  de  misère  physiologique,  et  nous  no  sommes  pas  surpris  de 
lire  presque  partout  que,  le  traitement  débilitant  étant  resté  sans  succès,  on 
dut  passer  à  autre  chose. 

Jusqu'ici  nous  nous  sommes  borné  à  parler  des  moyens  mis  en  œuvre  pour 
atteindre  le  mal  à  travers  la  constitution  ;  nous  allons  maintenant  faire  mention 
d'un  traitement  reposant  sur  une  base  pliysiologi([ue  et  ayant  la  prétention  de 
soustraire  l'organe  visuel  à  la  cause  même  qui  engendre  la  maladie  :  je  veux 
parler  des  cabinets  ténébreux  préconisés  par  M.  Netter  avec  toute  l'ardeur  d'une 
conviction  sincère. 

Nous  avons  dit  autre  part  que  ce  chirurgien  militaire  attribuait  l'héméra- 
lopie  à  l'accumulation  autour  de  la  papille  d'un  pigment  immodérément  fourni 
par  l'action  d'une  lumière  intense  et  continue.  De  là  à  conseiller  le  séjour  dans 
l'obscurité  pour  favoriser  la  résorption  du  pigment  il  n'y  avait  qu'un  pas,  qui 
lut  bientôt  franchi,  et  M.  Netter  ne  traita  bientôt  plus  ses  malades  que  par 
renijjloi  des  cabinets  ténébreux.  Les  résultats  qu'il  a  signalés  et  dont  quelques- 
uns  sont  consignés  dans  la  thèse  de  Baldy  ne  sauraient  être  plus  avantageux  et 
la  question  serait  absolument  jugée,  s'il  fallait  s'en  rapporter  sans  critique  à 
M.  Netter. 

Malheureusement  bon  nombre  de  ceux  qui  ont  assisté  à  ses  expériences  n'en 
sont  pas  sortis  aussi  convaincus  que  lui  et  nous  connaissons  plusieurs  médecins 
qui  ne  croient  pas  à  la  réalité  de  ses  résultats,  soit  qu'il  les  ait  vus  avec  trop 
d'enthousiasme,  soit  qu'il  ait  été  trompé  par  certains  simulateurs,  pour  qui  les 
cal)inets  noirs  étaient  aussi  redoutables  que  l'huile  de  foie  de  morue.  Voici, 
d'après  Chaussonnet,  une  statistique  qui  prouve  que  l'obscurité  ne  guérit  pas 
seule  l'héméralopie.  A  la  fin  de  février  et  au  commencement  de  mars  1865,  il 
eut  14  guérisons  spontanées,  par  suite  de  simple  changement  de  climat  et  de 
l'arrivée  de  son  navire  dans  des  pays  où  le  marin  pouvait  se  reposer  et  se  récon- 
forter. En  mars,  juin,  juillet  et  août,  il  soigna  60  cas,  dont  24  par  l'obscurité  et 
les  vésicatoires  volants.  La  durée  moyenne  pour  ceux-ci  fut  de  14  jours  1/10  et 
elle  fut  de  16  jours  pour  ceux  traités  par  l'obscurité  seule.  Il  faut  remarquer 
cependant  que  tous  les  cas  traités  ainsi  étaient  considérés  comme  graves.  Ghaus- 
sonnet  croyait  cependant  si  bien  à  l'avantage  de  soustraire  les  patients  à  la 
lumière  qu'il  leur  fit  porter  des  lunettes  colorées  et  fumées  avec  quelque  avan- 
tage; il  avoue  que,  sur  12  sujets  ainsi  munis,  il  eut  7  récidives  plus  ou  moins 
rapides. 

Après  tous  ces  moyens,  nous  devons  signaler  un  certain  nombre  de  médi- 
caments appliqués  sur  l'œil  spécialement.  Leur  emploi  porte  encore  le  caractère 
d'un  empirisme  plus  ou  moins  éclairé  ou  la  trace  d'une  préoccupation  théorique. 
Un  remède  populaire  dans  l'Inde,  c'est  la  mousse  de  savon  introduite  dans  l'œil; 
O'Briare  lui  attribue  des  guérisons  sur  les  bateliers  du  Gange.  Dans  la  seconde 
figurent  les  collyres  à  l'ésérine  recommandés  par  Galezowski  pour  rétrécir  la 
pupille  et  favoriser  l'accommodation,  mais  nous  ne  pouvons  nous  empêcher  de 
faire  remarquer  que  c'est  là  un  singulier  médicament  pour  un  médecin  qui  croit 
à  une  ischémie  de  la  rétine. 

Si  nous  jetons  un  coup  d'œil  d'ensemble  sur  le  traitement  de  l'Iiéniéralopie, 


IlÉMÉRALOPIE   (bibliographie).  171 

nous  ne  tardons  pas  à  nous  apercevoir  qu'il  n'existe  contre  cette  maladie  aucune 
médication  vraiment  spécifique  ;  que  d'abord  il  est  des  cas  qui  échappent  à  toute 
médication  et  qui  méritent  d'être  classés  à  part,  si  on  ne  veut  pas  embrouiller  la 
question  comme  à  plaisir.  Ensuite  rhéméralopie  essentielle  elle-même  échappe 
à  toute  action  directe,  précisément  parce  qu'elle  est  la  résultante  des  causes 
multiples  sur  lesquelles  nous  nous  sommes  longuement  étendu  à  propos  de 
l'étiologie. 

Dans  les  cas  où  la  cécité  nocturne  frappe  eu  vertu  d'une  cause  épidémique 
des  hommes  encore  robustes,  nous  pensons  que  c'est  le  cas  de  recourir  au 
cabinet  ténébreux  de  Netter,  avec  purgatif,  et  à  quelques  révulsifs  légers.  Si  elle 
s'adresse  à  des  hommes  débilités,  il  faut  surtout  faire  de  la  prophylaxie,  sous- 
traire ses  malades  aux  causes  qui  les  détériorent  et  les  rendre  à  une  bonne  et 
solide  hygiène.  Enfin,  si  elle  l'ait  des  victimes  parmi  ceux  qu'a  déjà  frappés  une 
autre  atJéction,  c'est  vers  la  cure  de  cette  affection  que  doivent  se  diriger  tous 
les  efforts  de  la  médication,  surtout  si  on  a  des  raisons  de  penser  qu'elle  tienne 
sous  sa  dépendance  la  cécité  nocturne.  Gayet. 

BiDLioGnAPHiE.  —  Prorretkica,  liv.  II,  g§  53-34   —  Galien.  De  Oculis,  part.  IV,  cliap.  ii.  — 
Celse.  Lib.  VI,  secl.  6,   n°  58.  —  Sauber   (P. -A. -G.).  De  nyclalopia.  Jcikc,  4695.  —  Maître 
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1744,  VII,    76.  —  BoEBHAAVE.   Prœlccliones  publicœ  de  morbis  oculorum.  Gôllingue,  1746. 
—  Bach  (.\.-M.).    De  mjclalopia  seu  visu  nocturno,  s.  in-4°.    Francol'.  ad  Viad.,  1754.  — 
Bergen   (C.-A.)   el  AVeise   (J.-C).  De  nyclalopia  seu  cœcilale  noclurna.  Francof.  ad  Viad., 
1754.    —  FoLRNiER.  Observations  sur   l'/iéiiiéralopie.   In   liée,  périod.  d'obs.   de  méd.,  de 
chir.  el  de pharm.  Taris,  1856,  IV,  170-182.  —  I'ye  (S.).  Of  a  Periodical  Blindness.  In  Med. 
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nyctalopie.  In  Journ.  de  méd.,  chir.  et  pharm.  Paris,  1765,  XIX,  347-350.  —  Rothe  (C.-G.). 
De  nyclalopia  ac  hemeralopia.  visu  simplici  et  duplici,  in  4°.  Jena,  1774.  —  HehebdEiN'  (^\.)• 
On  Ihe  Miglit  Blindness.  In   Med.  Tr.  Roy.  Coll.  Phys.  London,  1785,  S-"  Ed.,  I,  60-65.  — 
Du  même.  Of  a  Peculiar  Affection  of  t/ie  Eyes.   In  ibidem,  1815,  IV,  56-64.  —  Saillant.  Mé- 
moire  sur  l'espèce  de   nyctalopie  ou  vue  de  nuit,  dont  parle  llippocrale.   In  Hist.  de  la 
Soc.  roy.  de  méd.,  1786.  Paris,  1790,  XIII,  p.  2,  121-129.—  SAnvAGES.  Nosot.  méthod.  — 
Chamseru  (de).  Recherches  sur  la   nyctalopie  ou  Vaveuglement  de  nuit,   maladie  qui  règne 
tous  les  ans  dans  le  printemps  aux  environs  de  la  Roche-Guyon.   In  Hist.  de  la  Soc.  roy. 
de  7néd.,  1786.  Paris,  1790,  VIII,   pi.  2.  130-178.  —  Guthpie.  Observations  on  the  Kuritsha 
SIepota,  or  on  Blindness  of  Russia.   In   Med.  Comment.,  1794.  London,  1795,   décade  2, 
IX,  284-291.  —  Dn  sième.  Some  Account  of  the  Dysopia.  In  Mem.  Med.  Soc.  London,  1795, 
IV,  568-578.  —  BoGEL.  Eine  Hemeralopie,  mit  einem  sonderbai-en  Lichthunger  verbunden. 
In  Journ.  f.  die  chir.  Geburtsh.  u.  gerichtl.  Arzneihunde.  Jena,  1797,  I,  9ô-lUl.  —  Dupont. 
Extrait  d'un  mémoire  sur  la   goutte  sereine   nocturne   épidcmiquc  ou  nyctalopie,  avec  les 
réflexions  et  observations  de  Roussille-Cliamseru.  In  Rec.  périodique  de  ta  Soc.  de  méd. 
de  Paris,  1797,  II,  80-147.  — Capox  (J.-B.).  Diss.    sur  la  nyctalopie  ou  vue  de  nuit,  in-8\ 
Paris,  1805,  XI.  —  Dodhaist  (P.).  Sur  Vhéméralopie  ou  l'aveuglement  de  nuit,  in-4°.  Stras- 
bourg, 1806.  —  Pentland  (J.).  A  Case  of  Nyclalopia.  In  Dublin  Med.  and  Phys.  Essays, 
1807,  l,  135-138.  —  IIdfeland  (C.-'\V.).  Ueber  deu  Magnelismus  nebst  Geschic/ile  einer  merk- 
wiudigen  voUkcmmenen  Tageblindheit  (Nyctalopie  und  Photophobie),  ivclche  nachdreijàh- 
riger  Daiier  durch  den  Magnelismus  vôllig  gcheilt  wurde.  In  Journal  der  pract.  Heilk. 
Berlin,  1809,  XXIX,  8  St.,  1-68.  —  Forbes  (J.).  Observations  on  Tropical  Nyclalopia.  In 
Edinb.  Med.  and  S.  Jounia/,  1811,  VII,  417-419.   —  Isbell   (J.).   Case  of  periodical  Day- 
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Essay  on  Hemeralopia,   or  Nighl-Blindness,   commonly  c'alled  Nyclalopia,  as  it  Affecls 
Seamen  and  others  in  the  East-  and  West-lndes,  China  the  Medilcrranean,  and  ail  Tro- 
pical Climates;  in  which   a  successfull  Method  of  Curring  the  Discases  is  dctailled.  In 
Med.  Chir.   Tr.  London,  1814,   Y,  52-66.  —  Bailli  (H.).  Observations  on  Hemeralopia  or 
Night-Blindness.  In  Med.  Chir.  Journ.  and  Rev.  London,  1810,  II,  179-182.  — Païen  (C.-V.). 
Sur  l' hémcralopie,  ou  cécité  nocturne,  in-4'.  Paris,  1816.  —  Chauffakc.  Parlicularilcs  ana- 


172  HÉMÉRALOPIE   (bibliographie). 

forniques  rencontrées  dans  les  yeux  et  le  trajet  des  nerfs  optiques  d'un  adulte  atteint  d'hé- 
méralopie.  In  Journ.  univ.  des  se.  méd.  Paris,  1820,  liv.  89-91.  —  Durend  (C).  Sur  l'he'iiié- 
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qui  règne  épidémiquement  sur  le  dép.  des  Bouches-du-Rliône.  In  Bull.  gén.  de  thérap., 
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IIÉMÉRALOPIE   (bibliographie).  175 

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manifestado  con  dcsusada  frequencia  nos  corpos  da  guainiçào  de  Lisboa.  In  Eschol. 
de  med.  Lisboa,  1856,  VIII,  377.  —  Rosmini  (G.).  Cenni  sulla  mcmoria  del  doit.  A.  Quaglino 
intorno  alV  emeralopia  cd  ai  vapori  di  fegato  di  viontone  quai  meizo  specefico  per  curarla. 
In  Ann.  univ.  di  med.  Milano,  1856,  CLVIII,  485.  —  Allé.  Ueber  die  Ueilung  der  Nacht- 
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leur  est  applicable.  In  Bull.  gén.  de  thérapeutique,  etc.  Paris,  1858,  LV,  248,  303.  —  Du 
MÊME.  Note  sur  l' hemeralopie  ;  observation  d'un  cas  de  ce  genre,  rapidement  guéri  à  l'aide 
des  vapeurs  azotées.  In  Union  médicale.  Paris,  1858,  XII,  310.  —  Doujiic.  Note  sur  l'hémé- 
ralopie et  spécialement  sur  son  traitement  par  les  fumigations.  In  Bull.  gén.  de  thérap. 
Paris,  1858,  LY,  175-180.  —  Guépin  (fils).  Deux  observations  cl' hemeralopie.  In  Annales 
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lopie. In  Geneesk.  Tijdsckr.  v.  Nederl,  Indie.  Batav.,  1858-1859,  VI,  072-674.  —  Neboux. 
Note  sur  une  épidémie  d' hemeralopie;  importance  du  foie  de  bœuf  pour  le  traitement  de 
cette  maladie.  In  Bull.  gén.  de  thérap.,  etc.  Paris,  1858,  LV,  416-419.  — Netter  (A.).  Lettre 
sur  l'héméralopie.  In  Union  médicale.  Paris,  1858,  XII,  396.  —  Du  même.  Du  traitement  de 
l'héméralopie  par  l'obscurité.  In  ibidem,  450-455.  —  Du  même.  Cause  nocturne  et  traitement 
de  l'héméralojne.  In  Annales  d'hygiène.  Paris,  1858,  2°  s.,  X,  207-210.  —  Du  même.  Note 
sur  l'héméralopie  épidémique.  In  Gazelle  médicale  de  Strasbourg,  1858,  XVIII,  p.  195-200. 
—  OuvRARD  (G. -F.).  Quelques  remarques  sur  l'héméralopie,  surveillée  à  bord  du  a  Lavoisier  » 
pendant  une  campagne  en  Océanie,  in-4'>.  Paris,  1858.  —  De  Paula  Garrido  (F.).  De  la 
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320,  385,  598.  —  Torresini  (M.).  Sopra  i  vapori  di  fegato  di  manzo  nelV  emeralopia.  In 
Gazz.  med.  ilal.  lomb.  Milano,  1858,  4=  s.,  III,  45.  —  Du  même.  Quatro  casi  di  emeralopia 
osservati  nelV  esercito.  In  ibidem,  1864,  5°  s.,  III,  333.  —  Oueymard.  Thèse  de  Montpellier, 
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174  IIÉMÉRALOPIE    (bibliographie). 

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Cron.  med.  Yalencia,  1885-1884,  VIT,  257-296.  —  Du  même.  In  Rec.  d'ophthalm.  Paris, 
1884,  1885,  YI,  135-142.  —Charpentier  (A.).  Élude  d'un  cas  d'hémeralopie  dans  le  cours 
d'une  cirrhose  hijpertrophique.  lu  Arch.  d'ophth.  Paris,  1884,  IV,  570-579.  —  Chibret.  Un 
cas  extraordinaire  d'hémeralopie  congénitale.  In  Arch.  d'ophth.  Paris,  1884,  IV,  79-85.  — 
Fontan  (J.).  De  l'héméralopie  tropicale.  In  Rec.  d'ophth.  Paris,  1882,  5'  s.,  IV,  577-604, 
1  pi.  —Du  Même.  Un  diagnostic  positif  de  l'héméialopie  essentielle.  In  Bull,  et  mém.  de  la 
Soc.  franc,  d'ophth.  Paris,  1884,  II,  111-121.  —  Du  même.  Arch.  de  méd.  nav.  Paris,  1884, 


IIÉMIANESTlIESiji'.  177 

XLI  524-329.  —  Gbanizo  (F.).  Sobre  la  keineralopia  observada  en  los  soldados  dcl  ejercito 
de  Cuba.  In  Gac.  de  saiiid.  mil.  Madrid,  1884,  X,  489-493.  —  Jœlson  (K.).  Gemeralopija  u 
soper,  kûk  shedslvie  nedostalochnago  prodovolstvija.  In  Voyenno  med.  Journ.  St.-Pé(ers- 
boui'O'  188i,  GXLIV,  pt.  3,  11-18.  —  Rivmpoldi  (R.).  Annotazioni  intorno  la  emeralopia  cosi 
delta  p.ssenziale.  In  Ann.  di  oUalm.  Pavia,  1884,  Xlll,  298-511.  G. 

HEMÉRIS.     La  plante  désignée  sous  ce  nom  dans  Pline  est  une  espèce  de 
chêne,  probablement  le  Quercus  robur  L.  Ed.  Lef. 

IIÉMÉROCILLE  [H emerocallh  L.).  Genre  de  plantes  de  lo  famille  des 
Liliacées  et  du  groupe  des  Asphodélées.  Ce  sont  des  herbes  vivaces,  à  racines 
fibreuses  ou  tubéreuses,  à  feuilles  linéaires,  toutes  radicales,  du  centre  des- 
quelles s'élève  une  hampe  fistuleuse,  simple  ou  rameuse,  terminée  par  de 
grandes  Heurs  jaunes  ou  rougeàtres.  Ces  fleurs  ont  un  périanthe  simple,  infun- 
dibulirorme,  à  tube  court  et  à  limbe  partagé  en  six  divisions,  un  androcée  com- 
posé de  six  étamines  insérées  sous  la  gorge  du  périanthe,  et  un  ovaire  supère, 
surmonté  d'un  style  filiforme,  à  stigmate  capité.  Le  fruit  est  une  capsule 
charnue-coriace,  dont  les  (rois  loges  renferment  chacune  plusieurs  graines 
arrondies. 

Les  llémérocalles  n'offrent  aucun  intérêt  pour  la  médecine.  Quelques  espèces 
sont  cultivées  communément  dans  les  jardins  à  cause  de  la  beauté  et  de  l'odeur 
suave  de  leurs  fleurs.  Tel  est  notamment  \'H.  flava  L,,  qui  est  bien  connu  sous 
les  noms  vulgaires  de  Lis  asphodèle,  Lis  jaune,  Lis  jonquille,  Belle  de  jour. 

C'est  à  ce  litre  également  qu'on  cultive  le  Funkia  subcordata  Sj)reng.,  plante 
voisine  des  llémérocalles,  qui  est  YHemerocallis  japonica  de  Tliunberg  et 
l'Hémérocalle  du  Japon  des  fleuristes.  Ses  fleurs  blanches,  très-odorantes,  ont 
servi,  dit-on,  à  faire  une  liqueur  de  table  à  laquelle  on  a  attribué  des  propriétés 
digestives.  Ed.  Lef. 

HÉinÉROS.     Nom  grec  ancien  du  Sambucus  nigra  L.  [voy.  Soreau). 

Ed.  Lef. 

HÉMÉROSICHYS.  Dioscoridc  a  désigné  sous  ce  nom  le  Ciicumis  sativus  L. 
{voy.  Cokcombre).  Ed.  Lef. 

HÉMEROTES.  Nom  ancien  de  VEryihrcea  centaurium  Pers.  {voy.  Erythrée 
et  Centaurée).  Ed.  Lef. 

HÉMIAXESTSIÉSIE.  C'est  la  perte  de  la  sensibilité  dans  tous  ses  modes 
limitée  à  une  moitié  du  corps:  si  nous  supposons  un  plan  passant  par  la  lirrne 
des  apophyses  épineuses  et  la  pointe  du  sternum,  et  que  toutes  les  parties  qui 
sont  du  côté  gauche  de  ce  plan  soient  privées  de  sensibilité,  si  la  vue,  l'ouïe, 
l'odorat,  le  goût  du  côté  gauche,  sont  abolis,  il  y  a  hémianesthésie  gauche.  On 
voit  par  cette  définition  que  nous  excluons  de  ce  chapitre  les  pertes  de  sensi- 
bilité d'origine  spinale,  qui  respectent  les  sens  spéciaux,  la  sensibilité  de  la  face, 
ainsi  que  les  anesthésies  dues  à  des  lésions  de  la  protubérance  ou  aneslhésics 
mésocéphaliques.  Les  auteurs  qui  se  sont  occupés  de  l'hémianesthésie  ont  lon^^- 
temps  regardé  ce  symptôme  comme  l'apanage  exclusif  de  l'hystérie  (Briquet, 
Landouzy,  Gendrin).  Cependant  Demeaux  (1845)  avait  déjà  vu  que  l'hémianes- 

DICT.   ENC.    4°   s.   XIII.  12 


178  IIÉMIANESTIIÉSIE. 

thésie  peut  accompagner  l'hémiplégie;  il  en  cite  un  cas  à  la  fin  de  sa  thèse 
inaugurale;  Andral  avait  fait  la  même  observation,  mais,  â  partir  des  travaux  de 
Ludwig  Turck  (1859),  les  faits  de  coïncidence  entre  l'hémianesthésie  et  l'hémi- 
plégie se  sont  multipliés.  C'est  même  l'étude  attentive  de  ces  faits  qui  a  permis 
de  trouver  quelle  était  la  région  du  cerveau  dont  la  lésion  produisait  l'hémi- 
anesthésie. A  partir  du  jour  où  cette  découverte  fut  bien  établie,  fut  corroborée 
par  des  observations  nombreuses,  par  des  expériences  sur  les  animaux  (Veysière, 
Carville  et  Duret),  l'hémianesthésie  de  cause  cérébrale  entrait  dans  le  domaine 
pathologique  ;  c'est  là  la  deuxième  phase  de  l'histoire  de  l'hémianesthésie.  Puis 
on  ne  tarda  pas  à  remarquer  que  l'hémianesthésie  de  cause  centrale  avait  abso- 
lument les  mêmes  allures  que  l'hémianesthésie  hystérique  :  de  là  l'idée  bien 
scientificiuc  d'englober  dans  l'hémianesthésie  de  cause  cérébrale  les  troubles  de 
sensibilité  hystérique.  On  fut  longtemps  arrêté  avant  d'arriver  à  cette  générali- 
sation par  les  hémianesthésies  survenant  chez  des  hommes  à  la  suite  de  chutes, 
de  coups,  d'émotions  vives;  ce  n'est  qu'à  grand'peine  qu'on  finit  par  admettre 
la  nature  hystérique  de  ces  manifestations.  Mais,  les  faits  d'hystérie  chez 
l'homme  se  multipliant  chaque  jour,  on  accepte  aujourd'hui  volontiers  l'hémi- 
anesthésie hystérique  masculine  et,  bien  que  dans  ces  cas  comme  dans  ceux 
d'hystérie  féminine  la  lésion  cérébrale  n'ait  pas  encore  été  démontrée,  tout 
porte  à  croire  qu'elle  existe  et  qu'elle  a  pour  siège  les  mêmes  parties  du  cer- 
veau dont  les  lésions  amènent  l'hémianesthésie  de  cause  cérébrale. 

On  voit  par  ce  rapide  coup  d'oeil  d'ensemble  de  quelle  importance  est 
l'étude  de  l'hémianesthésie  de  cause  cérébrale.  C'est  L.  Turck  (de  Vienne)  qui 
le  premier  indique  le  siège  de  la  lésion  encéphalique ,  puis  Charcot  pré- 
cise davantage;  MM.  Veyssière,  Raymond,  en  reproduisant  expérimentalement 
l'hémianesthésie,  appuient  les  conclusions  du  maître,  auxquelles  les  thèses  de 
Lépine,  Rendu,  le  travail  de  Magnan  (1874),  achèvent  de  donner  une  sanction 
définitive.  Le  travail  publié  en  1876  par  Raymond  {Étude  sur  Vhémichorée, 
l'hémianesthésie  et  les  tremblements  symptomatiques)  résume  très-bien  tout  ce 
que  nous  savons  actuellement  sur  la  question.  La  lésion,  quelle  qu'en  soit  la 
nature,  intéresse  un  territoire  très-nettement  délimité  :  c'est  le  tiers  postérieur 
de  la  capsule  interne.  Nous  ne  pouvons  que  renvoyer  pour  cette  étude  anato- 
mique  à  l'excellent  article  Encéphale  de  ce  Dictionnaire  ;  on  y  verra,  en  résumé, 
qu'il  existe  un  faisceau  spécial  de  la  capsule  interne  qui  sert  de  carrefour  à 
toutes  les  fibres  sensitives  destinées  à  une  moitié  du  corps,  même  à  celles  des 
sens  spéciaux,  et  que  l'hémianesthésie  est  souvent  liée  à  la  lésion  de  ce  dépar 
tement;  nous  disons  souvent  et  non  toujours.  Nous  venons  en  effet  de  perdre 
un  malade  dont  M.  Delorme  a  relaté  l'histoire  à  la  Société  de  chirurgie  (juillet 
1886)  et  qui,  à  la  suite  d'une  colossale  hémorrhagie  de  la  méningée  moyenne 
gauche,  avait  tout  le  cerveau  gauche  comprimé,  tassé,  déjeté  vers  la  droite,  avec 
effacement  du  ventricule  latéral,  sans  trace  d'anesthésie  ni  de  paralysie  motrice. 
Il  n'avait  qu'une  anesthésie  de  la  cornée  et  une  dilatation  de  la  pupille  du  côté 
gauche.  Mais  on  est  habitué  en  pathologie  cérébrale  à  rencontrer  ces  grosses 
exceptions  qui,  sans  confirmer  la  règle,  ne  l'infirment  pas  à  l'absolu.  La  lésion 
est  le  plus  souvent  le  résultat  d'ime  hémorrhagie  dont  le  foyer  affecte  la  forme 
linéaire  aplatie  en  boutonnière.  On  retrouve  toujours  ces  foyers  sous  forme  de 
cicatrices  ocreuses,  longitudinales,  tout  à  fait  linéaires,  vestiges  de  lésions 
guéries  ayant  provoqué  une  hémianesthésie  passagère.  Dans  d'autres  cas  d'hé- 
miajiesthésie  transitoire,  les  faisceaux  sensitifg  ne  sont  que  comprimée  p^ç  des 


IIÉMIANESTHESIE.  17» 

liémorrhaTies  qui  siègent  dans  leur  voisinage.  Il  est  inutile  de  dire  que  la  lésion 
est  rarement  limitée  à  la  région  du  cerveau,  qui  préside  à  la  sensibilité,  et  qu'elle 
empiète  le  plus  souvent  sur  les  foyers  voisins  {voy.  IIémichorée)  :  de  là  la  l'ré- 
nuente  association  de  l'hémianesthésie    avec   l'hémichorée,   l'hémiathétose   et 

l'hémiplégie. 

Symptômes.  Cette  coïncidence  si  fréquente  de  troubles  de  la  motilité  rend 
difficile  l'étude  symptomalique  de  l'hémianesthésie  causée  par  des  lésions  céré- 
brales, mais,  comme  elle  a  absolument  les  mêmes  caractères  que  l'hémianesthésie 
des  hystériques,  laquelle  n'est  ordinairement  pas  compliquée  par  des  phéno- 
mènes moteurs,  il  nous  semble  que  l'étude  didactique  des  symptômes  doit  être 
faite  sur  les  hémianesthésiques  hystériques. 

Troubles  de  la  sensibilité  générale.  Dans  notre  définition  nous  avons  dit 
que  l'hémianesthésie  était  constituée  par  l'abolition  de  la  sensibilité  d'une  moitié 
du  corps;  la  vérité  est  qu'elle  empiète  de  1  à  2  centimètres  au  niveau  de  h 
lio-ne  médiane,  en  avant  et  en  arrière  sur  le  côté  resté  sain.  Dans  les  cas  typiques 
tous  les  modes  de  la  sensibilité  commune  sont  atteints,  sensibilité  au  tact,  à  la 
douleur,  à  la  chaleur  et  à  l'électricilé;  l'insensibilité  peut  même  s'étendre  aux 
parties  profondes  et  les  malades  perdent  le  sens  musculaire;  leurs  muscles 
peuvent  être  excités  par  l'électrisatioii  sans  qu'ils  en  aient  la  moindre  conscience. 
Ils  perdent  dans  le  lit  la  notion  de  la  situation  de  leurs  membres.  Les  mem- 
branes muqueuses  ne  sont  pas  épargnées.  La  conjonctive  peut  être  iusensibl-î 
sans  que  la  cornée  le  soit  :  c'est  ce  qui  arrive  le  plus  souvent  dans  l'hémianes- 
thésie, tout  comme  dans  l'empoisonnement  par  la  strychnine,  tandis  que  dans 
l'empoisonnement  par  l'éther  c'est  la  conjonctive  qui  perd  la  première  sa  sen- 
sibilité :  c'est  que  la  conjonctive  reçoit  les  nerfs  ciliaires  directs  de  la  5''  paire, 
tandis  que  la  cornée  est  innervée  par  les  rameaux  émanant  du  ganglion 
ophthalmique.  Mais  il  peut  arriver  que  la  conjonctive  et  la  cornée  soient  à  la' 
fois  anesthésiques  :  dans  ces  cas  le  contact  d'un  corps  étranger  sur  la  cornée  du 
côté  anesthésique  ne  provoque  aucune  douleur  ni  aucun  mouvement  du  globe 
oculaire,  et  cependant  les  larmes  coulent  immédiatement.  On  peut  rapprocher 
ce  fait  de  ce  qui  se  passe  chez  les  hystériques  anestbcsiques  chez  lesquelles  les 
mamelons  du  sein,  le  clitoris,  bien  qu'insensibles  au  toucher,  conservent  la 
faculté  de  s'ériger  au  moindre  contact  (Briquet). 

Les  sens  spéciaux  sont  également  atteints,  non-seulement  ceux  dont  les  nerfs 
sont  d'origine  bulbaire,  goût,  ouïe,  mais  encore  l'odorat  et  la  vue.  M.  Magnan 
a  étudié  avec  soin  les  perturbations  de  l'odorat,  de  Touïe  et  du  goùl.  MM.  Ga- 
lezowski  et  Landolt  ont  très-bien  décrit  les  troubles  de  la  vision  (Landolt,  1875). 
L'amblyopie  hystérique,  à  part  sa  mobilité,  est  identique  à  celle  qui  est  causée 
par  une  lésion  organique,  bien  que  l'examen  ophtlialmoscopique  ne  révèle  rien. 
La  pupille  du  côté  aneslhé'sié  se  contracte  par  l'exposition  brusque  à  la  lumière, 
même  chez  les  malades  qui  ne  peuvent  distinguer  le  jour  de  la  nuit.  L'acuïté 
visuelle  peut  être  réduite  à  zéro  ou  seulement  diminuée  dans  une  mesure 
variable;  il  existe  en  outre  un  rétrécissement  concentrique  du  champ  visjuel  et 
une  perversion  du  sens  des  couleurs.  On  a  cru  longtemps  que  cette  perversion 
n'était  soumise  à  aucune  loi;  on  sait  aujourd'hui  que  le  pliénomène  est  soumis 
à  des  lois  constantes,  mais,  pour  bien  le  comprendre,  il  faut  se  rappeler  que, 
même  à  l'état  normal,  toutes  les  parties  du  champ  visuel  ne  sont  pas  également 
aptes  à  percevoir  les  couleurs  :  ainsi  c'est  pour  le  bleu  que  le  champ  visuel  est 
le  plus  étendu,  tandis  que  le  viélet  n'est  perçu  que  par  les  prties  centrales  de 


180  HbnIIAiNESTHESlE. 

Ja  rétine;  entre  ces  deux  extrêmes  se  placent  le  jaune,  l'orange,  le  rouge  et  le 
vert  :  or  dans  l'état  pathologique  ces  cercles,  correspondant  aux  limites  de  la 
vision  pour  cliaque  couleur,  se  rétrécissent  concentriquement,  de  sorte  que  celui 
'lu  violet  peut  se  rétrécir  au  point  de  devenir  nul;  le  malade  ne  voit  plus  alors 
les  couleurs  violettes,  tandis  qu'il  continue  à  voir  les  autres,  puis  ce  sera  le 
lour  du  vert,  du  rouge;  le  jaune  et  le  bleu  persistent  jusqu'à  la  dernière 
limite;  à  partir  du  moment  où  ces  dernières  couleurs  cessent  d'être  appréciables, 
les  objets  n'apparaissent  plus  que  sous  un  aspect  uniformément  terne.  Dans 
l'hyslérie,  ces  troubles  visuels  survivent  souvent  à  la  disparition  des  autres 
Iroubles  de  la  sensibilité;  ils  constituent  un  des  stigmates  les  plus  constants 
et  peuvent  avoir  une  extrême  importance  diagnostique.  M.  Feré  a  démontré 
<|u'ils  ne  se  rencontraient  que  quand  l'iiémianeslbésie  atteignait  les  téguments 
<le  l'œil  ou  les  régions  cutanées  avoisiuantes. 

Tous  les  troubles  de  la  sensibilité  ont  un  caractère  commun  et  véritablement 
inexplicable  :  c'est  de  passer  inaperçus  aux  yeux  du  malade  et  d'avoir  besoin 
d'être  cherchés  pour  être  trouvés.  Dans  certains  cas  exceptionnels  les  malades 
accusent  leur  anesthésie,  ils  sentent  moins  bien  le  sol  du  côté  gauche  que  du 
coté  droit;  ils  disent  qu'ils  sont  obligés  de  surveiller  leurs  mouvements,  de 
bien  regarder  avant  de  descendre  d'un  trottoir;  ils  accusent  la  gène  que  leur 
cause  l'obscurité,  un  certain  degré  d'inhabilité  de  la  main  aneslhésiée,  souvent 
ils  se  brûlent  sans  le  savoir  et  s'en  aperçoivent  aux  plaies  consécutives;  ils 
appellent  alors  l'attention  du  médecin  sur  cette  circonstance.  Mais  ce  sont  là 
des  faits  exce})tionnels;  habituellement  les  liéniianesthésiques  n'accusent  aucun 
trouble  fonctionnel  et  les  perversions  les  plus  marquées  de  la  sensibilité  doivent 
être  recherchées  par  le  médecin.  Lasègue  a  signalé  depuis  longtemps  ce  curieux 
«hénomène  :  «  U  semble,  dit-il,  que  le  fait  d'être  privé  des  notions  que  fournit 
■  Je  contact  doit  apporter  un  obstacle  aux  actes  les  plus  nécessaires  de  la  vie  et 
■cependant  il  est  d'expérience  que  les  hystériques  non  encore  éclairées  par  les 
investigalions  d'un  médecin  ne  font  pas  mention  de  l'anesthésie.  J'ai  examiné 
à  ce  point  de  vue  un  grand  nombre  de  filles  affectées  d'hystérie,  d'une  intelli- 
o-ence  plus  que  moyenne,  je  les  ai  sollicitées  avec  de  vives  instances  à  ne  rien 
omettre  des  incommodités  qu'elles  éprouvaient  et  je  n'en  ai  pas  encore  rencontré 
une  qui  fît  sponlanément  figurer  l'anesthésie  parmi  les  accidents  dont  elle  avait 
à  se  plaindre  »  (Lasègue,  Arch.  gén.  de  méd.,  1864).  U  est  vrai  de  dire  que 
dans  riiémiuncsthésie  hystérique  la  sensibilité  cutanée  n'est  atteinte  souvent 
que  dans  un  de  ses  modes,  à  savoir  la  sensibilité  à  la  douleur  :  tel  est  le  cas 
d'un  jeune  malade  dont  M.  Ramey  a  présenté  l'observation  à  la  Société  de  bio- 
logie en  juillet  1886. 

Il  avait  de  l'hémianalgésie  absolue  à  gauche,  avec  perte  du  sens  thermique 
et  trouble  des  sens,  mais  il  av;iit  conservé  le  sens  musculaire  et  un  toucher 
très-délicat;  il  différenciait  par  leur  poids  une  pièce  de  1  franc  d'une  pièce  de 
2  francs;  il  sentait  les  saillies  et  les  dépressions  de  ces  pièces,  reconnaissait  un 
crayon  cylindrique  d'un  crayon  à  facettes,  ne  se  trompait  pas  sur  l'effort  qu'il 
fallait  faire  pour  accomplir  tel  ou  tel  mouvement.  Bref,  la  persistance  de  ces 
modes  de  sensibilité  lui  suffisait  pour  les  usages  ordinaires  de  la  vie,  c'est 
pourquoi  il  nous  affirmait  de  la  meilleure  foi  du  monde  ne  jamais  s'être  douté 
de  son  analgésie,  et  cependant  elle  était  incontestable;  on  pouvait  percer  la  peau 
de  part  en  part  sans  faire  sourdre  une  goutte  de. sang.  Elle  était  susceptible  de 
passer  de  l'autre  côté  du  corps  sous  l'influence  de  l'or,  de  l'aimant,  de  la  seule 


HKMIANESTHESIE.  18t 

suggestion,  et  c'est  elle  d'ailleurs  qui  a  mis  sur  la  vole  du  diagnostic.  Dans  une 
longue  auto-observation  le  malade,  très-leltré  et  très-fin  observateur,  ne  faisait 
grâce  d'aucun  des  détails  de  sou  bistoire  palbologicjue  et  il  ne  mentionnait  pas 
son  hémianalgésie  et  la  perte  absolue  de  sens  thermique.  Comment  cependant 
comprendre,  pour  ne  citer  qu'un  détail,  que  dans  ses  ablutions  quotidiennes  il 
n'ait  pas  été  frappé  de  la  différence  de  sensation  que  produisait  l'eau  froide  à 
droite  et  à  gauche?  Le  problème  reste  donc  tout  entier. 

Nous  croyons  avoir  remarqué  que  dans  l'hcmiauesthésie  de  cause  cérébrale 
la  même  indifférence  n'existait  pas,  que  les  malades  s'en  plaignaient  le  plus 
souvent;  c'est  là  un  point  à  revoir;  mais  ce  détail  n'est  vraiment  pas  suffisant 
pour  différencier  l'aneslliésie  d'origine  centrale  de  l'aneslliésie  hystérique  cl 
pour  renverser  la  théorie  que  l'école  actuelle  s'efforce  d'établir  et  qui  a  pour 
but  évident  la  suppression  de  toutes  les  maladies  aine  maleriâ.  Nous  venons 
de  décrire  l'hémianesthésie  typique,  elle  se  rencontre  rarement  aussi  parfaite 
et  le  plus  souvent  elle  est  incomplète,  c'est-à-dire  que  la  sensibilité  est  non  pas 
abolie,  mais  seulement  diminuée.  Celle  des  sens  spéciaux,  celle  des  muqueuses, 
peut  môme  n'être  qu'effleurép,  et  d'autre  part  les  anesthcsies  du  toucher,  de  la 
douleur,  de  la  température,  peuvent  être  isolées;  l'analgésie  en  particulier  se 
rencontre  souvent  avec  la  persistance  de  la  sensibilité  tactile.  En  un  mot,  toutes 
les  combinaisons  sont  possibles,  et  il  suffit  qu'un  certain  nombre  de  perturba- 
tions de  la  sensibilité  se  trouvent  réunies  sur  un  même  côté  du  corps  pour  que 
cliniquemcnt  il  y  ait  hémianesthésie.  C'est  dans  ces  cas  que  l'esthéidomètre, 
employé  suivant  les  règles  indiquées  par  Magnan,  peut  rendre  des  services  pour 
apprécier  le  degré  de  l'anesthésie  et  pour  suivre  les  progrès  de  la  maladie,  soit 
qu'elle  s'aggiave,  soit  qu'elle  s'atténue.  C'est  également  dans  ces  cas  incomplets 
qu'il  serait  intéressant  de  mesurer  la  vitesse  du  courant  nerveux  au  moyen  de 
l'appareil  imaginé  en  1886  par  M.  d'Arsonval  et  que  Brown-Sécpiard  a  déjà 
utilisé  pour  mesurer  la  vitesse  du  courant  nerveux  chez  les  malades  atteints 
d'hémiplégie  spinale  avec  hyperestbésie  ;  il  l'a  trouvée  une  fois  et  demie  plus 
grande  qu'à  l'état  normal;  il  est  probable  que  chez  les  anestliésiques  il  y  aurait 
variation  en  sens  inverse. 

L'hypereslhésie  accompagne  souvent  l'hémianesthésie  incomplète,  et  les- 
mêmes  nerfs  dont  les  extrémités  cutanées  sont  insensibles  peuvent  être  le  siège 
d'une  sensibilité  exagérée  dans  une  autre  partie  de  leur  Irajel.  Ces  faits  s'obser- 
vent journellement,  non-seulement  dans  l'hémianesthésie,  mais  dans  les  anes- 
thésies  partielles;  ils  ne  motivent  pas  de  plus  longs  commentaires.  Le  côté 
anesthésié  a  souvent  une  température  inférieure  de  1  et  même  2  degrés  à  la 
température  du  côté  sain.  Le  début  peut  être  brusque  dans  toutes  les  hémi- 
anesthésies  comme  il  peut  être  insidieux,  et  c'est  le  cas  le  plus  fréquent,  la 
perversion,  puis  l'abolition  de  la  sensibilité  gagnant  progressivement  les  diverses 
parties  de  la  moitié  du  corps.  La  durée  peut  être  indéfinie,  si  la  lésion  centrale 
est  elle-même  définitive,  mais  en  général  la  sensibilité  revient  peu  à  peu  quand 
la  lésion  subit  une  régression,  ce  qui  est  le  cas  le  plus  habituel.  Dans  l'hyslérie, 
le  retour  de  la  sensibilité  est  moins  rapide  qu'on  ne  le  croit  généralement;  les 
coups  de  théâtre,  les  guérisons  miraculeuses  et  subites,  sont  tout  à  fait  l'excep- 
tion; le  retour  progressif  à  la  normale  est  la  règle  et  même,  quand  tout  paraît 
être  rentré  dans  l'ordre,  il  n'est  pas  rare  en  bien  cherchant  de  retrouver  des 
stigmates  tels  que  :  plaques  d'aneslhésie  incomplète,  persistance  d'un  léger 
degré  de  rétrécissement  du  champ  visuel,  etc. 


{82  IlEMUNESTHESlE. 

Nous  venons  d'étudier  riiémiancslhésie  dégagée  de  tout  phénomène  moteur 
pt  nous  avons  vu  que  dans  ces  cas  l'incertitude  de  certains  mouvements,  l'inha- 
bilité manuelle,  s'expliquaient  facilement  par  la  nécessité  de  faire  intervenir  la 
vue  dans  l'accomplissement  des  opérations  qui  d'hahitude  s'exécutent  sous  la 
seule  direction  du  toucher.  Ces  faits  sont  la  règle  dans  l'hémianesthésie  hysté- 
ri([iie,  mais  dans  l'hémianesthésie  provoquée  par  de  grosses  lésions  cérébrales 
il  est  rare  que  les  centres  voisins  ne  soient  pas  intéressés  et  qu'il  n'y  ait  pas  en 
même  temps  hémiplégie  ou  contractures,  ou  hémichorée,  ou  hémiathétose. 
Autant  est  rare  l'hémianesthésie  dans  l'hémiplégie,  autant  est  fréquente  l'hémi- 
plégie chez  les  hémianesthésiques  céi'ébraux.  II  n'est  pas  rare  non  plus  de 
trouver  l'iiémichorée  associée  à  l'hémianesthésie.  Dans  les  cas  d'hémichorée 
symptomatique  {voij.  Hémichorée),  cette  coïncidence  est  la  règle  et  s'explique 
facilement  par  la  proximité  des  foyers  de  l'hémichorée  et  de  l'hémianesthésie 
(voy.  ENCÉrHALE).  Mais  elle  s'observe  aussi  dans  les  cas  d'hémichorée  dite  essen- 
tielle (Moyoier),  et  ce  n'est  pas  là  le  moindre  des  arguments  que  nous  ayons 
invoqué  pour  essayer  de  prouver  que  l'hémichorée  dite  essentielle  est  destinée 
à  disparaître  devant  les  progrès  de  l'anatomie  pathologique;  de  même  l'hémi- 
athétose  est  très-rare  chez  les  hémianesthésiques  et  l'hémianestliésie  est  la  règle 
chez  les  alhétosiques.  C'est  à  ce  point  que  Paul  Oulmont  dans  son  Étude  cli- 
nique mr  l'athétose  (1878)  cherche  à  démontrer  que  sur  27  observations 
d'hémathétose  il  y  a  eu  26  fois  de  l'hémianesthésie  du  même  côté,  soit  perma- 
nente, soit  le  plus  souvent  transitoire;  sur  les  27  cas,  il  s'en  trouvait  en  effet 
12  où  l'hémianesthésie  persistait  à  un  degré  variable,  et  en  analysant  les 
15  autres  il  n'en  restait  que  9  où  l'on  pouvait  démontrer  l'absence  actuelle  de 
Tanesthésie,  et  sur  ces  9  il  n'y  en  avait  qu'un  où  l'mtégrité  de  la  sensibilité 
ait  été  constatée  dès  le  début.  Dans  son  observation  XVIII  il  cite  une  hémianes- 
thésie  qui,  après  avoir  duré  neuf  ans,  a  disparu  totalement  sans  que  l'athétose 
concomitante  ait  subi  la  moindre  modification.  Ces  faits  prouvent  à  la  fois  l'in- 
dépendance des  deux  syndromes  et  la  proximité  des  régions  dont  la  lésion  leur 
donne  naissance. 

Étiologie.  C'est  par  le  fait  de  l'athérome  des  artères  et  de  leur  fragilité 
que  se  produisent  les  plus  nombreux  cas  de  lésions  cérébrales  amenant  l'hémi- 
anesthésie {voy.  IlÉMORRHAGiE  cérébrale),  et  c'cst  saus  doute  parce  qu'elle  amène 
l'athérome  artériel  que  l'intoxication  chronique  par  l'alcool  joue  dans  l'histoire 
de  l'hémianesthésie  le  rôle  important  que  nous  allons  signaler.  Nombreuses 
sont  les  observations  d'hémianesthésie  chez  les  alcooliques.  iM.  Debove  en  a  relaté 
un  cas  très-intéressant  en  1879,  et  avant  lui  M.  Magnan  avait  appelé  l'attention 
sur  ce  sujet  [Gaz.  hebd.,  1875).  Dans  son  important  travail  sur  l'alcoolisme, 
cet  auteur  public  6  observations  détaillées  et  il  consacre  tout  un  article  à 
l'étiide  symptomatique  de  l'hémianesthésie  des  alcooliques,  qui,  à  son  avis,  ne 
diffère  d'ailleurs  en  rien  de  celle  des  hystériques,  bien  qu'elle  se  rattache  à 
une  lésion  matérielle.  Il  faut,  dit-il,  «  que  l'altération  matérielle  porte  sur  un 
point  déterminé  de  l'encéphale  ;  c'est  une  question  de  siège,  de  topographie, 
plutôt  que  de  nature  de  la  lésion.  »  Quelques-unes  de  ces  observations  ont  été 
complétées  par  Yirenque  (thèse,  1874). 

Tout  comme  l'alcoolisme,  ei  sans  doute  au  même  titre,  le  saturnisme  peut 
provoquer  l'hémianesthésie.  M.  Raymond  en  a  publié  en  1875  la  première 
observation  connue. 

La  syphilis,  qui  chez  la  femme  provoque  si  souvent  au  début  de  la  périotle 


IIÉMIANESTUESIE.  185 

secondaire  des  troubles  varies  de  la  sensibilité,  n'amène  jamais  d'hémianestbésie. 
Dans  les  remarquables  rechercbes  de  M.  Fournier  sur  ce  sujet  {Annales  de 
dermatologie,  1. 1, 1869),  dans  la  thèse  de  son  élève  Moustapha-Faïd  (Paris,  1870), 
dans  ses  Leçons  cliniques  de  1881,  l'éminent  professeur  insiste  sur  la  fréquence 
de  ces  troubles,  qui  en  font  une  manifestation  banale  de  la  syphilis  secondaire 
de  la  femme,  et  qui  consistent  soit  en  analgésie  simple,  soit  en  analgésie  avec 
aneslhésie,  ou  avec  perte  du  sens  musculaire.  Cette  analgésie  est  générale,  elle 
s'étend  alors  de  la  tête  aux  pieds  ou  partielle,  mais  alors  elle  est  symétrique, 
circonscrite  aux  extrémités  des  membres,  à  la  face  dorsale  de  la  main  ou  des 
mains;  elle  a  une  prédilection  inexplicable  pour  les  seins;  enfin  sa  distribution 
est  remarquablement  irrégulière,  sous  forme  d'îlots.  Bref,  elle  se  différencie  de 
mille  laçons  de  l'anesthésie  et  de  l'analgésie  hystériques  et  n'affecte  aucune 
prédilection  pour  la  moitié  du  corps.  Mais  la  syphilis  peut,  chacim  le  sait, 
réveiller  une  hystérie  éteinte,  et  même  créer  de  toutes  pièces  une  hystérie  qui 
mériterait  le  nom  d'accident  secondaire  ;  il  ne  serait  pas  impossible  que  dans 
ces  cas  l'hcmianesthésie  put  se  rencontrer;  les  observations  de  M.  Fournier 
n'en  font  cependant  pas  mention.  Si  l'on  songe  que  cette  hystérie  secondaire 
diffère  de  la  véritable  hystérie  par  bien  des  traits,  entre  autres  par  sa  curabilité 
sous  l'influence  du  traitement  spécifique,  on  ne  s'étonnera  pas  qu'elle  en  diflère 
par  ses  symptômes  et  que  l'héniianesthésie  n'y  ait  pas  encore  été  rencontrée. 
Même  rareté  de  l'hémianesthésie  dans  la  syphilis  tertiaire.  Dans  l'hémiplégie 
syphilitique  tertiaire,  la  sensibilité  reste  indemne,  mais  on  a  dit  à  tort  qu'elle 
est  toujours  respectée,  car  M.  Fournier  a  observé  des  cas  assez  nombreux  où 
elle  était  éraoussée,  et  d'autres  exceptionnels,  mais  incontestables,  où  elle  était 
abolie.  L'hémianesthésie  intéressait  alors  à  la  fois  la  sensibilité  générale  et  les 
sens  spéciaux  de  la  moitié  du  corps;  il  y  a,  comme  le  dit  M.  Fournier,  une 
<juestion  de  siège  et  non  de  nature  de  lésions,  la  qualité  syphilitique  de  la  lésion 
reste  sans  efiet  dans  l'espèce  et,  si  l'hémiplégie  syphilitique  ne  s'accompagne  que 
rarement  d'iiémianesthésie,  c'est  que  a  ses  localisations  anatomiques  ne  se  font 
que  rarement  au  niveau  des  districts  cérébraux  qui  tiennent  sous  leur  dépen- 
dance les  phénomènes  de  sensibilité  »  (Fournier,  La  syphilis  du  cerveau, 
p.  446). 

Enfin  à  l'hystérie  appartiennent  les  plus  nombreux  cas  d'hémianesthésie.  On 
sait  la  fréquence  de  l'hémianesthésie  hystérique  chez  la  femme,  et  les  études 
récentes  démontrent  qu'elle  est  plus  fréquente  chez  l'homme  qu'on  ne  l'avait  cru 
pendant  longtemps;  elles  démontrent  surtout  ce  fait  intéressant  que  l'hystérie 
éclate  souvent  chez  l'homme  inopinément,  à  la  suite  d'un  traumatisme  quel- 
conque. Y  aurait-il  dans  ces  cas  lésion  matérielle?  Alors  ils  ne  seraient  plus 
de  l'hystérie  dans  le  sens  classique  du  mot  ;  ou  bien  tous  les  cas  d'hémianes- 
thésie dite  hystérique  sont-ils  liés  à  des  lésions  matérielles,  mais  temporaires  ? 
€'est  probable,  mais  non  encore  démontré.  L'importance  de  cette  question 
nous  excite  à  résumer  les  discussions  soulevées  sur  ce  sujet  à  la  Société  médi- 
cale des  hôpitaux  dans  ces  deux  dernières  années.  M.  Debove,  dès  1869,  avait 
publié  un  mémoire  intitulé  :  Recherches  sur  l'hémianesthésie  accompagnée 
d'hémiplégie  motrice,  dliémichorée ,  de  contracture,  et  sur  leur  curabilité 
par  les  agents  esthésiogènes,  mais  à  cette  époque  il  croyait  qu'il  ne  s'agissait  pas 
d'hystérie  parce  que  ses  maladies  étaient  des  hommes;  plus  tard,  son  opinion 
se  modifia,  il  publiait  en  1882  un  mémoire  sur  l'hystérie  fruste,  en  1884  il 
revenait  sur  ce  sujet,  enfin,  en  1885,  27  novembre,  il  présenta  à  la  Société  un; 


184  IlÉMIANESTllÉSIE. 

homme  robuste,  sans  attaques  ni  vertiges,  qui  venait  pour  des  douleurs  très- 
vives  dans  ie  genou  et  la  jambe  droites;  il  avait  de  riiémiparésie  et  de  l'hémi- 
anesthésie;  il  était  très  hypnotisable  et  très-suggestionable.  Ce  n'était  pas  un 
simulateur,  c'était  un  hystérique  incontestable.  Le  13  novembre  1885,  M.  Rendu 
présente  un  homme  indemne  de  tout  antécédent  qui  tout  à  coup  devient  parésié 
du  côté  droit  avec  anestliésie  profonde  absolue  de  tout  le  membre  supérieur 
gauche,  perte  de  la  perception  de  la  position  du  membre  quand  il  ne  le  voit 
pas,  aneslhésie  musculaire  et  articulaire,  sensibilité  électrique  nulle,  moins 
abolie  au  tronc  et  à  la  face;  l'aneslhésie  atteignait  les  muqueuses.  Le  malade  se 
mordait  en  mangeant,  son  champ  visuel  était  diminué,  l'ouïe,  l'olfaction,  le 
goût,  étaient  abolis  à  gauche,  et  quelques  jours  après  l'hémianesthésie  cutanée 
et  musculaire  disparaissait  :  c'était  encore  un  cas  d'bémianesthésie  hystérique. 
Telle  fut  en  aernière  analyse  l'opinion  de  MM.  Rendu,  Troisier,  etc.  Peu  après, 
27  novembre  1885,  M.  Féréol  présente  deux  hystériques  masculins.  Le  premier 
a^ait  de  i'Iiémianesthésie  gauche  complète  générale;  l'examen  du  champ  visuel 
fait  par  M.  Charcot  était  confirmatif;  il  ne  dépassait  pas  20  degrés  dans  la 
demi-circonférence  interne,  etc.  Cette  hémianesthésie  existait  de  longue  date 
quand  survint  une  paralysie  hystérique  suivie  d'atrophie.  Le  deuxième  malade 
avait  aussi  de  l'hémianesthésie  gauche  avec  amblyopie,  polyopie  monoculaire 
gauche,  ptosis  double  plus  prononcé  à  gauche  et  paralysies  associées  intéressant 
presque  tous  les  mouvements  des  yeux,  diplopie  consécutive,  inégalité  pupillaire, 
réflexe  aboli  pour  l'accommodation,  etc.  11  avait  eu  à  l'âge  de  quatre  ans  un  formi- 
dable accident  qui  le  tint  trois  ans  au  lit.  C'était  encore  un  hystérique  non 
douteux.  Quelques  semaines  après  M.  Millard  présente  un  homme  robuste,  mais 
très-nerveux,  qui,  après  avoir  eu  de  l'hémiparésie  gauche  momentanée,  entre  à 
Reaujon  avec  hémiparésie  et  hémianesthésie  gauche,  analgésie,  perte  du  sens 
musculaire,  etc.  ;  vingt  jours  après  il  était  presque  guéri. 

Enfin  un  malade  que  M.  Troisier  présente  à  la  Société  médicale  des  hôpitaux 
en  juillet  1885  et  avril  1886,  malade  qui  a  fait  le  sujet  d'une  clinique  de 
M.  Charcot  (voy.  Sem.  méd.,  n°  15,  1886),  a  fini  par  guérir  de  sa  paralysie 
sous  l'influence  d'une  violente  colère,  mais  il  conserva  longtemps  les  stigmates 
de  l'hystérie  et  de  l'hémianesthésie  du  côté  droit.  Duponchel,  dans  un  travail 
sur  l'hystérie  dans  l'armée  (1886),  cite  des  laits  analogues,  desquels  il  résulte 
que  l'hémianesthésie  hystérique  est  relativement  fréquente  chez  l'homme.  Pour 
Debove  l'hémianesthésie  est  presque  toujours  hystérique,  même  quand  elle  sur- 
vient cJiez  l'homme  et  même  quand  elle  est  précédée  d'accidents  apoplccti- 
formes.  Une  observation  publiée  par  M.  Vulpian  [Revue  de  méd.,  1881)  est 
bien  démonstrative  à  cet  égard.  Quant  à  l'hémianesthésie  sans  lésion  organique 
des  saturnins,  des  alcooliques,  Debove  n'hésite  pas  à  la  considérer  encore  comme 
relevant  de  l'hystérie  ;  seulement  dans  ces  cas  l'hystérie  est  symptomatique, 
assimilable  de  tous  points  aux  épilepsiessymptomatiques  d'intoxications  (Debove, 
Congrès  de  INancy,  1886;  Achard,  thèse  de  Paris,  1886). 

Diagnostic.  Nous  avons  dit  que  l'hémianesthésie,  pour  être  trouvée,  devait 
être  cherchée  par  le  médecin.  Cette  recherche  a  une  importance  extrême  et  doit 
toujours  être  faite  ;  elle  peut  mettre  sur  la  voie  d'une  hystérie  méconnue,  car 
l'hystérie  n'est  pas  toujours  accompagnée  d'attaques,  de  vapeurs,  de  mobilité 
de  caractère,  etc.  Les  hommes  hystériques  sont  sombres,  mélancoliques,  ne 
répondent  pas  du  tout  à  l'idée  qu'on  se  faisait  autrefois  de  cette  grave  maladie. 
Ils  peuvent  n'avoir  ni  attaques,  ni  vertiges,  ni  troubles  nerveux  révélateurs,  ni 


HEMIANESTIIÉSIE.  185 

zones  hyslc'rogènes,  et  être  hc'mianestlu'siques.  La  de'couverle  de  leur  hémianes- 
thésie  leur  peut  donc  êlrc  profiluljle.  Tel  est  le  cas  de  ce  malade  que  nous  avons 
vu  à  l'hôpital  Saint-Martin,  qui,  très-bien  portant  du  reste,  avait  depuis  long- 
temps des  phénomènes  passagers  de  rétention  d'urine,  assez  importants  à  un 
moment  donne  pour  avoir  justifié,  sinon  motivé,  l'uréthrotomie  interne.  Cette 
grave  opération  n'avait  d'ailleurs  été  suivie  d'aucune  amélioration;  par  moment, 
les  sondes  de  petit  calibre  étaient  difficilement  introduites,  d'autres  fois  on 
faisait  sans  peine  pénétrer  de  grosses  sondes.  Bref,  le  diagnostic  était  resté 
longtemps  indécis,  jusqu'au  jour  où  l'exploration  de  la  sensibilité  fit  découvrir 
une  hémianalgésie  gauche  absolue.  Le  diagnostic  d'hystérie  fut  de  suite  con- 
firmé par  les  recherches  sur  l'ouïe,  la  vue;  le  malade  fut  alors  hypnotisé,  et  di;s 
la  deuxième  séance  M.  Ramey  lui  suggéra  une  guérison  définitive  qui  ne  s'est 
pas  démentie  depuis  cinq  mois.  Ce  malade  que  nous  voyons  souvent  n'est  pas 
un  simulateur;  on  ne  pousse  pas  la  simulation  jusqu'à  subir  l'uréthrotomie 
interne;  la  recherche  de  l'Iiémianesthésie  lui  a  épargné  de  nouvelles  interven- 
tions chirurgicales,  elle  lui  a  été  absolument  profitable  et,  nous  le  répétons, 
c'est  l'hémianesthésie  seule  qui  a  mis  sur  la  voie  du  diagnostic.  Hàtons-nous 
de  dire  qu'elle  est  parfois  simulée  par  lus  hystériques;  si  l'exploration  n'est 
pas  douloureuse  et  qu'elle  ne  consiste  qu'en  pincements,  chatouillements,  etc., 
l'impassibilité  des  malades  affirmant  qu'ils  ne  sentent  rien  n'a  aucune  valeur 
diagnostique.  Il  faut  en  effet  toujours  se  tenir  en  garde  contre  les  caprices  inex- 
plicables, les  fantaisies  des  hystériques,  qui  aiment  par-dessus  toute  chose  à 
tromper,  à  mentir  pour  mentir.  Mais  l'absence  d'écoulement  sanguin  à  la  suite 
des  piqûres  est  un  signe  plus  certain  d'Iiémianeslhésie. 

Diagnostic  différemiel.  Rien  ne  serait  plus  difficile  que  de  différencier 
l'hémianesthésie  hystérique  de  l'hémianesthésie  de  cause  cérébrale,  si  l'on  se 
bornait  à  étudier  les  troubles  de  la  sensibilité.  Tout  au  plus  peut-on  dire  que 
l'hémianesthésie  hystérique  a  pour  le  côté  gauche  une  prédilection  qu'on  n'ob- 
serve ni  dans  l'hémianesthésie  de  cause  cérébrale,  ni  dans  l'hémianesthésie 
alcoolique  (Magnan);  mais,  en  étudiant  le  malade,  ses  antécédents,  son  âge,  le 
début  de  son  liémianesthésie,  il  est  rare  qu'on  n'arrive  pas  au  diagnostic. 

Les  anesthésiques  hystériques  sont  en  général  facilement  hypnotisables,  et 
pendant  le  sommeil  provoqué  rien  n'est  plus  facile  que  de  faire  pour  un  instant 
passer  leur  anesthésie  d'un  côté  du  corps  à  l'autre,  sous  l'inlluence  de  l'aimant, 
d'un  métal  de  la  suggestion.  C'est  le  phénomène  du  transfert  {voij.  ce  mot)  qu'il 
est  moins  facile  d'obtenir  dans  les  liémianeslhésies  à  grosses  lésions  cérébrales. 
Dans  ces  dernières,  d'ailleurs,  il  y  a,  comme  nous  l'avons  dit,  concomitance 
fréquente  d'hémichorée,  de  paralysie,  de  troubles  trophiques,  etc.  Quant  à 
différencier  l'hémianesthésie  véritable  des  anesthésies  d'origine  spinale  ou  méso- 
céphaliques,  c'est  en  général  facile. 

L'hémianesthésie  peut  en  effet  être  d'origine  spinale  et  accompagner  l'hémi- 
plégie, mais  dans  ces  cas  elle  respecte  la  face,  les  sens  spéciaux,  et  siège  du  côté 
opposé  au  côté  paralysé.  Sorel  {Arch.  de  méd.  milit.,  mai  1886)  en  a  relaté 
deux  exemples  concluants. 

De  même  dans  les  anesthésies  mésocéphaliques  la  face  est  respectée  et  il  y  a 

des  phénomènes  de  paralysie  alterne  qui  permettent  d'arriver  au  diagnostic. 

^  Pronostic.     Le  pronostic  varie  singulièrement  suivant  la  cause  qui  a  produit 

l'hémianesthésie;  si  elle  est  d'origine  hystérique,  elle  peut  durer  indéfiniment 

ou  disparaître  sans  laisser  de  traces.  Nous  avons  vu  d'ailleurs  qu'elle  n'était  pas 


•186  IIÉMIANESTHÉSIE  (bibliographie). 

gênante  pour  les  malades.  Si  elle  est  d'origine  centrale,  son  importance  s'eflace 
devant  celle  de  la  lésion  mère. 

Le  traitement  est  d'importance  minime  dans  les  cas  de  lésions  cérébrales.  Il 
est  évident  que,  si  l'on  soupçonnait  la  syphilis  comme  cause  d'iiémianesthésie, 
on  recourrait  au  traitement  spécifique  énergique,  avec  quelques  chances  d'in- 
tervenir utilement.  Mais,  dans  la  grande  majorité  des  cas,  la  thérapeutique  est 
impuissante.  L'hémianesthésie  disparaît  souvent  seule  quand  la  lésion  cérébrale 
vieillit,  quand  le  volume  du  caillot  générateur  diminue,  etc.  ;  mais  rien  ne 
l'atténue  quand  la  lésion  cérébrale  persiste.  M.  Magnan,  qui  avait  fondé  quelque 
espoir  sur  l'action  des  courants  continus  {Gaz.  méd.,  1877),  nous  a  dit  que 
l'amélioration  obtenue  par  ce  moyen  n'avait  été  que  passagère. 

Dans  l'hémianesthésie  hystérique  il  est  important  de  soumettre  les  malades 
à  l'action  des  divers  métaux  {voij.  Métallothkkapie),  parce  que  les  métaux 
qui  produisent  le  transfert  sont  précisément  ceux  auxquels  les  malades  sont 
sensibles,  et  en  les  leur  administrant  à  l'intérieur  on  parvient  à  modifier 
non-seulement  l'hémianesthésie,  mais  la  maladie  principale  [voij.  Hystérie). 
Bernheim  {De  la  suggestion  et  de  ses  applications  thérapeutiques,  1886)  fonde 
de  grands  espoirs  sur  l'emploi  delà  suggestion  dans  l'héniianesthésie  hystérique. 
Son  observation  Vlll  est  très-concluante  :  La  suggestion  hypnotique  agissait  sur 
la  sensibihté  de  l'appareil  visuel  avec  la  même  intensité  que  l'aimantation 
réelle.  Bien  plus,  un  simulacre  d'aimantation  produisait  identiquement  les 
mêmes  effets,  au  point  que  M.  Bernheim  se  demande  si  l'aimantation  n'a  pas  une 
vertu  suggestive  et  si  la  suggestion  ne  s'associe  pas  bien  souvent  à  l'insu  du 
malade  et  même  du  médecin  à  beaucoup  de  manipulations  thérapeutiques. 
L'observation  X  est  également  démonstrative;  dans  la  suivante  la  guérison  a  été 
définitive.  Il  n'est  pas  jusqu'à  l'hémianesthésie  de  cause  cérébrale  que  M.  Bern- 
heim n'espère  modilier  avantageusement  par  la  suggestion;  tel  a  été  le  cas  du 
■malade  de  l'observation  IV  :  âgé  de  soixante-deux  ans,  atteint  d'hémiplégie 
gauche  avec  hémianesthésie.  L'aimant  sans  suggestion  avait  dans  ce  cas  été  d'un 
effet  nul,  et  l'aimant  avec  -suggestion  sans  sommeil  amena  un  retour  rapide  de 
la  sensibilité.  Ce  sont  là  des  faits  très-intéressants,  mais  encore  à  l'étude,  sur 
lesquels  nous  ne  pouvons  pas  nous  appesantir  davantage.  Burlureaux. 

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IIEMICIIOREE.  187 

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d'origine  cérébrale  cl  sur  les  troubles  île  la  vue  qui  V accompagnent.  In  Progrès  méd.,  1870. 

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sur  un  cas  d'hémiancsthcsie  d'origine  alcoolique.  In  Progrès  méd.  Paris,  1879.  —  Guasset. 
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HÉMIACÉI'HALES  (Ây.tau,  moitié,  a  privatif,  y-zioàh,  tête).  Nom  donné 
par  Is.  Geoffroy-Saint-IIilaire  à  des  monstres  du  groupe  des  Paracé pliai iens 
[voij.  ce  mot  et  Omphalosites).  0.  L. 

HÉMBCHORÉf:.  Définition.  L'hémichorée  ou  chorée  unilatérale  est 
cette  chorée  partielle  qui  atteint  tout  un  côté  du  corps,  sans  jamais  envahir 
l'autre  côté.  Dans  la  plupart  des  cas,  la  chorée  généralisée  débute  par  une 
chorée  partielle  et  souvent  par  une  chorée  unilatérale;  riiémichorée,  en  d'autres 
termes,  e.'-t  souvent  le  prélude  d'une  chorée  généralisée,  mais  cette  hémichorée 
passagère  n'est  pas  celle  qui  fait  l'objet  de  cet  article  dans  lequel  nous  ne  vou- 
ions étudier  que  l'hémichorée  persistante,  limitée  pendant  toute  la  durée  de  la 
maladie  au  côté  primitivement  atteint.  Disons  cependant  un  mot  de  la  fré- 
quence de  l'hémichorée  passagère.  D'après  certains  auteurs  l'invasion  d'une 
moitié  du  corps  est  la  règle  générale;  Sée  l'a  notée  97  fois  dans  154  observa- 
tions; Roussel  donne  une  proportion  de  29  sur  97.  Mais  dans  la  plupart  de  ces 
observations  la  chorée  ne  reste  pas  localisée  à  une  moitié  du  corps  ;  après 
Z,  8,  10  jours,  elle  gagne  l'autre  côté,  de  sorte  que  l'immense  majorité  de  ces 
cas  d'hémichorée  ni>  sont  pas  de  notre  domaine.  Quant  à  l'iiémichoréc  qui  reste 
telle  pendant  toute  la  durée  de  la  maladie,  tUe  est  infiniment  moins  fréquente. 
Smith  l'a  notée  55  fois  sur  150  cas,  Sée  64  fois  sur  225. 

Elle  est  plus  fréquente  à  gauche  qu'à  droite  ;  la  prédilection  de  la  chorée 
pour  le  côté  gaucbe  se  vérifie  dans  ces  cas;  on  sait  que  la  chorée  généralisée 
prédomine  à  gauche  deux  fois  plus  souvent  qu'à  droite,  que  les  chorées  partielles 
à  un  bras,  par  exemple,  sont  plus  fréquentes  à  gauche  qu'à  droite  dans  le  rap- 
port de  10  à  6.  Il  n'est  pas  étonnant  que  ce  rapport  subsiste  pour  les  hémi- 
chovées  proprement  dites;  on  en  rencontre  57  gauches  contre  27  droites  (Sée), 
18  gauches  pour  15  droites  (Smith).  Déjà  Ervart  [Dissertatio  de  ch.  S.  Viti. 
Edimbourg,  1760),  Dehaen,  Gardane,  ont  insisté  sur  cette  prédominance  qui  après 
avoir  été  contestée  par  A.  Dugès  {Essai  physiologico  pathologique.  Paris,  1825) 
a  trouvé  une  sanction  définitive  dans  l'observation  clinique. 

Dans  l'état  actuel  de  la  science,  il  y  a  lieu  d'admettre  l'hémichorée  sans 
lésions  et  l'hémichorée  avec  lésions  cérébrales,  jusqu'au  jour  où  une  obser- 
vation plus  fine  aura  démontré  que  l'hémichorée  sans  lésions,  et  considérée 
jusqu'alors  comme  essentielle,  est  due  comme  l'hémichorée  symptomatique  à 


188  IIÉMICIIORÉE. 

des  lésions  d'un  département  bien  déterminé  du  cerveau.  Quand  cette  vérilc 
sera  bien  admise  pour  l'hémichorée,  quand  il  sera  démontré  que  l'bémichorée 
essentielle  n'existe  pas,  on  pourra  étendre  à  la  cborée  généralisée  ces  pré- 
cieuses acquisitions  et  la  cliorce  généralisée  essentielle  ou  sine  maleriâ  aura 
cessé  d'exister.  C'est  par  les  lésions  de  l'hémichorée  qu'on  arrivera  à  con- 
naître celles  de  la  chorée;  c'est  en  allant  du  simple  au  composé  qu'on  par- 
viendra à  éclairer  l'histoire  si  controversée  des  lésions  de  la  chorée,  à  anéantir 
le  dogme  de  la  chorée  essentielle.  Pour  la  ronoaissance  des  localisations  céré- 
brales, rien  ne  vaut  l'élude  des  affections  partielles  ;  les  études  les  plus  minu- 
tieuses sur  la  périencéphalile  diffuse  généralisée  ne  feront  jamais  avancer  d'un 
pas  la  question  des  localisations  cérébrales,  de  même  les  études  sur  la  chorée 
généralisée  avec  troubles  psychiques  sensitifs  et  moteurs  ne  vaudront  jamais 
les  éludes  faites  sur  l'hémichorée,  surtout  si,  comme  il  arrive  souvent,  l'hcmi- 
chorée  se  présente  sans  troubles  sensitifs  ou  psychiques  concomitants.  A  ce 
titre  l'hémichorée  mérite  d'être  considérée,  non  pas  seulement  comme  une 
variété  clinique  de  la  chorée,  mais  comme  une  affection  d'une  importance  capi- 
tale, devant  donner  la  clef  de  l'histoire  de  la  chorée.  C'est  pour  le  pathologiste 
une  mine  féconde  qu'ont  d'ailleurs  déjà  exploitée  avec  un  soin  jaloux  Charcot, 
Raymond  et  plusieurs  autres  savants  que  n'effraierait  pas  la  dénomination  de 
«  localisateurs  à  outrance.  »  Malheureusement  ces  études  sont  encore  de  date 
récente;  déplus,  les  cas  d'hémichorée  avec  constatation  anatomique  ne  se  pré- 
sentent pas  souvent  ;  en  outre ,  bon  nombre  d'hémichorées  guérissent  après 
1,  2  ou  5  mois,  et  les  choréiques  guéris  emportent  avec  eux  leur  secret.  Force 
est  donc  d'admetli^e  jusqu'à  nouvel  ordre  des  hémichorées  sans  lésions  connues 
que,  pour  nous  conformer  au  langage  traditionnel,  nous  appellerons  essentielles, 
et  des  hémichorées  avec  lésions  ou  hémichorées  symplomatiques,  dont  l'étude 
nous  arrêtera  plus  longtemps.  11  y  a  certainement  entre  ces  deux  variétés  (l'hé- 
michorée une  parenté  intime  semblable  à  celle  qui  existe  entre  l'hémianesthésie  hys- 
térique sans  lésions  appréciables  et  l'hémianesthésie  de  cause  cérébrale,  mais 
dont  la  science  moderne  n'est  pas  encore  arrivée  à  élucider  le  mystère. 

IlÉMicuoRÉE  ESSENTIELLE.  Sou  éliologic  cst  la  même  que  celle  de  la  chorée 
du  même  nom,  mais  nous  ne  pouvons  pas  mieux  faire  que  de  renvoyer  le  lec- 
teur à  l'article  Daînse  de  Saim-Guy  de  ce  Dictionnaire.  Les  considérations  rela- 
tives à  l'hérédité  nerveuse,  aux  impressions  morales,  au  sexe,  à  l'âge,  aux 
rapports  qu'il  y  a  entre  le  rhumatisme  et  la  chorée,  s'appliquent  de  tous  points 
à  l'hémichorée.  Relativement  à  l'âge,  l'hémichorée  peut  comme  la  chorée  atteindre 
les  adultes,  voire  même  les  vieillards,  et  ne  pas  laisser  de  traces  anatomiques; 
elle  peut  aussi  disparaître  après  avoir  duré  un  ou  deux  mois  ;  elle  ne  diffère  en 
rien,  dans  ce  cas,  de  la  chorée  vulgaire  des  enfants.  Disons  cependant  que  le 
plus  souvent  l'hémichorée  essentielle  des  adultes  et  surtout  des  vieillards  s'ac- 
compagne de  troubles  psychiques  (Anstie,  the  Praclilioner.  Aug.  1874);  que  la 
chorée  de  la  seconde  puberté  dure  en  général  de  six  à  sept  mois  et  laisse  sou- 
vent après  elle  des  désordres  mentaux  qui  se  réparent  en  grande  partie;  que  la 
chorée  des  femmes  enceintes  peut  durer  tout  le  temps  de  la  grossesse,  provoquer 
la  folie  gravidique,  s'améliorer  par  l'accouchement,  si  la  femme  renonce  à  allaiter, 
et  qu'après  trente  ans  le  pronostic  s'assombrit,  l'hémichorée  devenant  tenace 
et  s'accompagnant  souvent  d'une  déchéance  progressive  des  facultés  mentales. 

Lorain  {Arch.  gén.  de  méd.,  1875,  6e  série)  rapporte  plusieurs  observations 
de  chorée  partielle  d'abord,  puis  générale,  chez  des  femmes  ayant  éprouvé  des 


HEMlCIiOREE.  189 

émotions  soudaines  dans  le  cours  de  la  menstruation,  et  Vassicht  (thèse  de 
Paris,  1885),  dans  sa  thèse  Sur  la  chorée  des  adultes^  relate  également  plusieurs 
cas  d'hcmichorée  transitoire  survenant  sous  diverses  influences  ou  sans  cause 
connue  chez  des  adultes  ou  des  vieillards.  Mais  le  plus  bel  exemple  d'hémicliorée 
essentielle  chez  les  vieillards  est  celui  que  II.  Roger  {Un.  méd.,  21  septembre 
1854,  tome  VUI)  a  signalé  à  la  Société  médi('ale  des  hôpitaux  de  1854  chez  une 
dame  de  quatre-vingts  ans  ;  cette  personne,  aussi  bien  portante  que  son  âge  le 
comportait,  fut  prise  sans  cause  connue  d'hémicliorée  droite  qui  alla  en  s'aggra- 
vant  au  point  d'empêcher  la  malade  de  marcher,  de  manger  seule,  mais  qui 
décrut  graduellement  à  partir  du  troisième  septénaire  pour  disparaître  quinze 
jours  après. 

Les  troubles  moteurs  de  l'hémichorée  essentielle  sont  exactement  ceux  de  la 
chorée.  Rappelons-en  les  principaux  caractères.  Les  mouvements  sont  brusques, 
instables,  irréguliers,  bizarres,  survenant  au  repos,  ordinairement  disparaissant 
pendant  le  sommeil;  c'est  une  véritable  folie  du  mouvement  (Bouillaud)  exas- 
pérée par  l'attention  et  à  laquelle  l'intelligence  assiste  impuissante.  Notons 
cependant  qu'il  est  rare  de  voir  dans  l'hémichorée  les  mouvements  présenter  le 
désordre  excessif  qu'on  observe  dans  les  chorées  généralisées  graves  et  qui 
compromettent  l'alimentation,  la  station,  le  sommeil.  Les  pupilles  peuvent  dans 
l'hémichorée  prendre  part  au  désordre  musculaire  :  c'est  ainsi  que  la  pupille 
du  côté  atteint  est  souvent  dilatée  pendant  toute  la  durée  de  la  maladie 
(Hasse,  Uosenthal,  Ziemsscn).  Quant  aux  troubles  sensitifs  et  psychiques,  ils 
font  le  plus  souvent  défaut,  du  moins  dans  l'hémifliorée  des  jeunes  gens.  Le 
docteur  Moynier  a  cependant  démontré  que  l'anesthésie  peut  exister  du  côté 
atteint,  et  nous  avons  vu  que  dans  la  chorée  des  adultes  et  des  vieillards  les 
troubles  intellectuels  sont  loin  d'être  l'exception. 

Hémichorée  symptomatique  ou  AVEC  LÉSIONS  CÉRÉBRALES.  Elle  avaït  été  entrevue 
par  Travers  en  1855,  par  Rodd  [CUnical  Lectures,  1855),  qui  cite  quelques 
cas  avec  autopsie;  par  Aitken,  par  Uunglinghs-Jackson  [Edinb.  Med.  Journ., 
1868  et  18P>9),  par  Tuckvel  (1867  et  1869);  mais  presque  tous  ces  auteurs 
croyaient  avoir  affaire  à  la  chorée  ordinaire  et  enregistraient  comme  lésions 
appartenant  à  la  chorée  les  altérations  cérébrales  les  plus  disparates.  Ce  n'est 
qu'en  1875  que  M.  Charcot  apporta  la  lumière  dans  cette  étude;  dès  cette 
année  il  consacra  deux  conférences  à  l'hémichorée  symptomatique;  depuis  cette 
époque  il  a  plusieurs  fois  repris  cette  importante  question  {voy.  entre  autres 
Progrès  médical,  n"^  A  et  6, 1875).  MM.  Yeyssière  et  Lépine  dans  leurs  thèses  ont 
développé  les  idées  du  maître  en  ajoutant  quelques  observations.  Le  docteur 
Raymond  a  fait  en  1876  sur  l'hémichorée,  l'hémianesthésie  et  les  tremblements 
symptomatiques,  une  étude  des  plus  intéressantes  que  nous  mettons  à  contri- 
bution. Mitchell  (de  Philadelphie)  avait  aussi  dès  1874  indiqué  les  hémichorées 
survenant  chez  les  adultes  et  les  vieillards  hémiplégies;  il  ajoute  même  que  les 
étals  choréiforraes  qui  persistent  depuis  la  naissance  sont  la  conséquence  de 
paralysies  intra-utérines  qui  se  sont  en  partie  guéries.  C'est  le  plus  souvent  à  la 
suite  des  hémiplégies  que  surviennent  les  hémichorées  symptomatiques,  alors 
que  la  paralysie  du  mouvement  commence  à  guérir.  D'abord  faibles,  peu  étendus, 
les  mouvements  augmentent  d'amplitude  assez  rapidement  et  persistent  jusqu'à 
la  mort  des  malades  avec  tous  leurs  caractères,  qui  sont  identiques  à  ceux  de 
l'hémichorée  essentielle.  Les  malades  sont  généralement  revenus  à  la  santé, 
quand  ils  deviennent  choréiques  ;  leur  sommeil  est  bon,  leur   appétit  parfait, 


190  UEMICHORÉE. 

leur  intelligence  est  intacte,  mais  ils  sont  rendus  plus  ou  moins  infirmes  par 
la  parésie  qui  persiste  au  côté  atteint  et  par  les  secousses  choréiques  qui 
entravent  leurs  mouvements. 

En  outre,  il  est  rare  qu'il  n'y  ait  pas  un  certain  degré  de  contracture  et  une 
liémianeslliésie  qui  a  pour  caractère  d'être  complète,  absolue,  de  porter  sur 
tous  les  modes  de  la  sensibilité  :  froid,  chaud,  douleur,  tact,  sensibilité  élec- 
trique, sans  épargner  les  sens  spéciaux.  Elle  est  semblable  en  tous  points  à 
celle  des  hystériques  ovariennes;  elle  n'en  diffère  que  par  sa  persistance  :  elle 
dure  en  effet  indéfiniment,  jusqu'à  la  mort  des  malades. 

L'hémichorée  est  quelquefois,  mais  rarement,  prœhéniiplégique  ;  dans  ces  cas,^ 
les  mouvements  choréiques  s'établissent  aussitôt  après  l'attaque  apoplectique, 
persistent  quelques  jours,  puis  sont  remplacés  par  l'hémiplégie;  comme  dans 
les  cas  précédents,  ils  sont  presque  toujours  accompagnés  dliémianesthésie.  Si  le 
malade  a  plusieurs  apoplexies  successives,  on  peut  chaque  fois  voir  reparaître 
l'hémichorée,  qui  précède  toujours  l'hémiplégie. 

L'hémichorée  peut  enfin  dépendre  de  tumeurs  cérébrales  et  d'atrophie  céré- 
brale partielle,  remontant  à  une  maladie  cérébrale  de  l'enfance  ou  même  de  la 
vie  intra-utérine  (thèse  de  Cotaid),  mais  alors  elle  est  accompagnée  de  troubles 
psycliiques  ou  somaliques  variés  et  l'hémianeblhésie  fait  déluut  dans  les  cas 
observés  jusqu'à  ce  jour.  Dans  tous  ces  cas  d'hémichorée  liée  à  des  lésions  céré- 
brales, le  problème  anatomo-pathologique  est  loin  d'être  aussi  simple  qu'il 
semblerait  de  prime  abord,  à  cause  de  la  complexité  habituelle  des  lésions;  les 
foyers  circonscrits  sont  en  effet  l'exception.  Cependant,  en  analysant  de  près  les 
observations,  en  instituant  des  expériences  sur  les  animaux,  Raymond  a  pu 
arriver  à  la  conclusion  suivante  avec  toutes  les  appaiences  de  la  vérité.  C'est 
que  «  la  lésion  de  l'ensemble  du  faisceau  qui,  dans  le  pied  de  la  couronne 
rayonnante,  se  trouve  en  avant,  en  dehors  de  fibres  sensilives,  et  qui  se  com- 
pose des  masses  blanches,  en  rapport  avec  la  partie  postérieure  de  la  couche 
optique,  produit  par  compression,  par  irritation  ou  par  déchirure,  l'hémichorée 
symptomatique  »  ;  ce  faisceau  correspond  exactement  à  la  distribution  de  l'ar- 
tère optique  postérieure,  branche  de  la  céiébrale  postérieure;  c'est  l'artère  de 
l'hémichorée,  tandis  que  l'artère  lenticulo-optique  qui  vient  de  la  sylvienne 
est  l'artère  de  l'hémianesthésie  (Raymond,  Anatomie  pathologique  du  système 
nerveux,  Paris,  1886).  Pénétrons  plus  avant  dans  l'étude  de  la  lésion  cérébrale; 
14  observations  de  la  thèse  de  Raymond  sont  muettes  à  ce  sujet  (1870)  parce 
qu'elles  manquent  du  contrôle  auatomique  ;  mais  10  observations  a'hémichorée 
post  ou  prœ  paralytique  démontrent  que  c'est  une  hémorrhagie  le  plus  souvent, 
et  quelquefois  un  ramollissement  (obs.  XVIII)  de  la  région  signalée  plus  haut, 
qui  a  causé  l'hémichorée.  Dans  le  cas  d'hémorrhagie,  le  foyer  est  plus  ou 
moins  ocreux,  selon  la  durée  de  la  survie.  Dans  le  cas  de  ramollissement,  il  y  a 
soit  de  la  diffluence  de  la  substance  blanche  avec  nombreux  corps  granulés  au 
microscope,  soit  des  lacunes  indiquant  une  lésion  ancienne  comme  dans  l'obser- 
vation XXII.  Dans  rhéniichorée  symptomatique  de  l'atrophie  cérébrale,  les 
lésions  sont  trop  diffuses  pour  qu'on  puisse  rien  conclure  sur  la  localisation  de 
la  lésion  spéciale  à  l'hémichorée;  d'ailleurs  les  autopsies  sont  peu  nombreuses. 
Quant  à  l'hémichorée  provoquée  par  des  tumeurs  cérébrales,  elles  est  rare  et 
les  lésions  n'en  sont  pas  assez  connues.  Nous  en  avons  trouvé  une  observation 
dans  le  travail  de  Sée  (p.  387)  qui,  bien  que  peu  concluante  en  faveur  de 
notre  thèse,  nous  semble  devoir  être  relatée.  11  s'agit  d'une  enfant  de  deux  ans 


HÉMICIIORÉE.  19t 

et  trois  mois  qui  fut  prise  à  la  suite  de  la  rougeole  de  tuberculisation  pulmo- 
naire et  cérébrale;  la  première  manifestation  fut  une  cliorée  très-nette  du  bras 
et  de  la  jambe  gauche  qui  n'empêchait  pas  l'enfant  de  se  lever;  pendant  les 
sept  premiers  jours  suivants,  la  chorée  alla  en  augmentant  d'intensité  et  en 
gagnant  tout  le  visage  et  le  tronc.  A  l'autopsie,  on  trouva  une  augmentation 
de  la  sérosité  sous-araclinoïdienne,  injection  de  la  pic-mère  et  six  tubercules 
cérébraux  à  la  surface  supérieure  et  postérieure  de  l'hémisphère  droit,  à  la 
partie  moyenne  du  bord  supérieur,  à  l'extrémité  antérieure  du  même  hémi- 
sphère et  à  la  partie  postérieure  interne  de  l'hémisphère  gauche  du  cervelet, 
tous  les  tissus  de  l'encéphale  étant  paifaitement  sains.  De  nouvelles  observa- 
tions sont  donc  encore  nécessaires  pour  permettre  d'affirmer  la  constance  des 
lésions  de  la  capsule  interne  dans  l'hémichorée  symptomatique. 

Fréquence.  La  fréquence  de  l'hémichorée  symptomatique  est  assez  consi- 
dérable, puisque  sur  100  hémiplégiques  prises  au  hasard  à  la  Salpêtrière 
M.  Raymond  en  a  trouvé  5  cas. 

Pronostic.  Il  est  subordonné  à  l'importance  de  la  lésion  cérébrale  origi- 
nelle; il  est  des  malades  atteints  d'hémichorée  post-hémorrhagique  qui  vivent 
jusqu'à  dix  ans  après  leur  attaque,  en  d'autres  termes,  l'apparition  du  tremble- 
ment choréique  ne  paraît  avoir  aucune  importance  spéciale  au  point  de  vue  du 
pronostic,  cpiand  il  survient  après  la  paralysie  ;  quand  au  contraire  il  survient 
immédiatement  après  l'ictus  et  qu'il  précède  la  paralysie,  il  est  en  général  du 
plus  fâcheux  augure. 

Diagnostic.  L'hémichorée  symptomatique  peut  être  confondue  avec  l'hémi- 
chorée ordinaire  et  avec  un  certain  nombre  d'affections  du  système  nerveux 
caractérisées  soit  par  du  tremblement  hémilatéral,  soit  par  de  l'incoordination 
motrice  d'un  seul  côté  du  corps. 

Diagnostic  d'avec  l'hémichorée  essentielle.  Age.  Les  éléments  du  dia- 
gnostic ne  sont  ni  l'âge  du  malade,  ni  les  symptômes  observés. 

Bien  que  l'hémichorée  symptomatique  survienne  le  plus  souvent  comme 
l'hémorrhagie  cérébrale,  chez  des  sujets  âgés,  on  ne  peut  pas  conclure  de  l'âge 
de  la  personne  à  la  nature  de  l'hémichorée,  puisque  nous  avons  vu  que  l'hémi- 
chorée essentielle  se  rencontre  chez  les  adultes  et  même  chez  les  vieillards. 

Les  symptômes  de  l'hémichorée  essentielle  sont  tellement  semblables  à  ceux 
de  l'hémichorée  due  à  des  lésions  cérébrales,  que  de  l'aveu  de  tous  les  auteurs 
il  serait  impossible  en  voyant  un  hémichoréique  de  se  prononcer  sur  la  nature 
de  l'affection.  L'anesthésie  est,  il  est  vrai,  plus  fréquente  dans  l'hémichorée 
symptomatique,  mais  elle  peut  se  rencontrer  dans  l'hémichorée  essentielle.  C'est 
la  marche  et  la  durée  de  la  maladie  qui  doivent  mettre  le  médecin  sur  la  voie. 
L'hémichorée  essentielle  n'a  pas  un  début  brusque,  l'hémichorée  praehémorrha- 
gique  a  un  début  subit  et  la  post-liémorrhagique  a  été  précédée  de  phénomènes 
paralytiques  qui  manquent  à  l'hémichorée  essentielle.  L'essentielle  rétrocède  le 
plus  souvent;  celle  qui  est  symptomatique  est  au  contraire  définitive  et  per- 
siste sans  aggravation  ni  ainélioration  pendant  des  mois  et  des  années. 

Quant  à  diflerencier  l'hémichorée  des  autres  maladies  similaires  du  système 
nerveux,  rien  n'est  en  général  plus  facile  :  1"  le  tremblement  hémi-latéral 
des  hémiplégiques  ne  se  produit  pas  pendant  le  repos,  il  est  accompagné  d'une 
exagération  des  réflexes  tendineux  et  d'un  certain  degré  de  contracture  et 
d'atrophie  des  muscles  ;  2°  le  tremblement  unilatéral,  qui  peut  survenir  à  titre 
exceptionnel  chez  les  sujets  atteints  d'atrophie  cérébrale,  ressemble  de  tous 


162  HEMICIIORLE. 

points  au  tremblement  des  hémiplégiques;  il  est  aussi  en  rapport  avec  une 
sclérose  secondaire  des  cordons  latéraux  et  n'a  rien  de  commun  avec  Thémi- 
chorée;  3"  de  même  une  plaque  de  sclérose  primitive  d'un  cordon  latéral  pi'o- 
voquerait  des  tremblements  disparaissant  pendant  le  repos;  4°  dans  la  contrac- 
ture unilatérale  des  hystériques,  la  trémulation  des  parties  contraclurces  consiste 
en  oscillations  rapides  et  toujours  dans  le  même  sens  ;  l'ataxie  locomotrice,  le 
tremblement  de  la  paralysie  générale,  de  l'alcoolisme,  ne  sont  jamais  assez 
limités  à  un  côté  du  corps  pour  qu'il  y  ait  à  établir  le  diagnostic  d'avec  l'hé- 
micliorée.  11  n'en  est  pas  de  même  du  tremblement  qu'on  appelle  à  tort  trem- 
blement sénile  qu'il  est  quelquefois  difficile  au  début  de  diflérencier  de  l'hémi- 
chorée  parce  que:  1"  il  commence  toujours  par  quelques  groupes  musculaires  avant 
d'êtie  généralisé  :  c'est  ainsi  qu'il  peut  affecter  la  tête  ou  le  tronc  ou  le  bras 
seulement;  d'autre  part  il  n'est  pas  l'apanage  des  vieillards,  puisque  sur  les 
2000  vieillards  de  la  Salpêtrière  on  ne  voit  qu'un  très-petit  nombre  de  trem- 
bleurs  et  la  plupart  ont  commencé  à  trembler  avant  d'être  vieillards  (Charcot, 
leçon  orale,  1880). 

Te  même  il  n'est  pas  toujours  très-facile  de  différencier  au  premier  coup 
d'œil  l'hémichorée  de  la  paralysie  agitante;  nous  en  avons  vu  en  1885,  dans  le 
service  de  M.  Diiguet,  un  cas  où  la  prédominance  du  tremblement  au  côté 
gauche  du  corps  était  absolument  marquée  ;  on  aurait  pu  confondre  avec 
l'hémichorée,  mais  dans  ce  cas,  comme  dans  tous  ceux  de  maladie  de  Parkinson, 
le  tremblement  était  constitué  par  des  oscillations  rapides  et  régulières  ;  la 
malade  paraissait  soudée  tout  d'une  pièce,  son  visage  était  un  masque  immo- 
bile, elle  accusait  une  sensation  perpétuelle  de  chaleur,  etc. ,  tous  phénomènes 
venant  en  aide  au  diagnostic. 

Diagnostic  différeistiel  de  l'hémichorée  et  de  l'hémiathétose.  Nous  insis- 
terons d'autant  plus  sur  ce  paragraphe  que  les  auteurs  l'ont  plus  légèrement 
effleuré.  Dans  son  article  Chorée  du  Nouveau  Dictionnaire  de  médecine  et  de 
chirurgie  pratiques  U.  i.  Simon  n'y  fait  aucune  allusion,  et  dans  son  article 
Danse  de  Saint-Guy  de  ce  Dictionnaire  M.  Raymond  dit  seulement  qu'il  lui 
semble  inutile  d'insister  sur  le  diagnostic  «  de  la  chorée  et  de  l'épilepsie  de 
l'athétose.  »  Il  y  a  cependant  entre  les  deux  affections  des  rapports  assez 
intimes,  puisque Bernhardt  [Prog.  méd.,  1877,  n"17)  considère  l'hémiathétose 
comme  une  forme  clinique  de  l'hémichorée.  Bien  qu'ils  proposent  de  lui  conserver 
le  nom  de  maladie  de  Hammond,  Charcot  et  Bourneville  ne  sont  pas  éloignés 
d'admettre  cette  manière  de  voir  qui  est  aussi  formulée  par  Grasset.  Dans  une 
revue  critique  de  1877  [Montpelliermédical]  cet  auteur,  après  avoir  dépouillé 
29  observations  et  en  avoir  exclu  10  comme  insuffisantes,  arrive  à  conclure  que 
l'hémiathétose  n'est  le  plus  souvent  qu'une  variété  de  chorée  post-hémiplégique, 
mais  que  ce  peut  être  la  manifestation  de  la  névrose  chorée.  Sans  aller  aussi  loin 
Duguet  [Gaz.  des  hôpit.,  1885)  estime  que  les  deux  affections  ont  une  étroite 
parenté  par  leurs  symptômes  et  surtout  par  le  siège  de  leurs  localisations.  La 
première  autopsie  qui  ait  révélé  Li  locaUsation  de  l'athétose  est  celle  où 
Rosenbach  trouva  un  foyer  circonscrit  jaune  grisâtre  à  l'extrémité  postéro-infé- 
rieure  et  externe  du  noyau  lenticulaire  droit,  ayant  1  centimètre  de  long  sur 
4  millimètres  de  large.  Depuis  cette  époque  diverses  nécropsies  ont  démontré 
que  les  localisations  de  l'hémichorée,  de  riiémianeshésie  et  de  l'hémiathétose, 
étaient  très-voisines  ;  c'est  ce  qui  explique  que  dans  certains  cas  l'hémiathé- 
tose et  l'hémichorée  peuvent  s'emprunter  quelques  particularités  symptoma- 


IIÉMICIIORÉE.  193 

tiques  propres  à  rendre  le  diagnostic  délicat.  Mais  le  plus  souvent  les  deux 
affections  sont  facilement  reconnaissables  :  dans  rhémiathétose,  en  effet,  ce  ne 
sont  le  plus  souvent  que  les  doigts  et  les  orteils  qui  sont  le  siège  de  mou- 
vements involontaires;  il  est  rare  que  la  main   tout  entière  et  le  pied  soient 
affectés;  il  est  plus  rare  encore  de  voir  les  muscles  de  la  face  et  du  corps 
prendre  part  aux  mouvements  cliorciformes.  Mais  ce  sont  surtout  les  caraclèresK 
de  ces  mouvements  qui   permettent   d'affirmer  le  diagnostic.  Ils  sont  toujours 
lents,  disgracieux,  les  doigts  remuent  sans  cesse  comme  des  tentacules  de 
poulpe  et  la  main  ne  peut  rien  tenir  ;  chaque  doigt  jouit  d'une  indépendance 
complète  et  se  meut  pour  son  propre  compte  avec  une   tendance  constante  à' 
prendre  des  attitudes  forcées;  les  mouvements  d'extension,  de  flexion,  d'adduc- 
tion, de  circumduclion,  etc.,  se  combinent  de  mille  façons  et  défient  toute  de- 
scription ;  aux  orteils  au  contraire,  les  mouvements  de  llexion   sont  les  plus, 
habituels,  sauf  pour  le  gros  orteil,  qui  est  surtout  inquiété  par  des  mouvements 
d'extension.  Quand  le  poignet  et  le  cou-de-pied   sont  intéressés,  la  main  et  le 
pied  ont  des  mouvements  de  circiimduclion  très-lents  d'inclinaison  sur  le  bord 
externe  ou  interne,  de  flexion,  d'extension  forcées  ;  à  la  longue  les  ligaments 
se  relâchent  et  les  articulations  se  déforment.  A  la  face  les  contractions  mus- 
culaires sont  faibles  et  ressemblent  à  des   tics  nerveux;  ces  mouvements,    peu> 
modifiées  et  parfois  exagérés  parla  volonté,  persistent  dans  le  repos  et  souvent 
dans  le  sommeil;  ils  se  compliquent  ordinairement  de  contractures  passagères 
ou  spasmes  intermittents  pouvant  atteindre  tous  les  segments  du  membre  supé- 
rieur, mais  dépassant  rarement    le    cou-de-pied.   Tout  comme  l'hémichorée 
symptomatique,  l'fiémiatliétose  coïncide  souvent  avec  l'hémiancslliésie  du  même 
côté  et  elle  persiste  indéfiniment  sans  amélioration  appréciable;  le  plus  souvent 
la  lésion  est  à  extension  progressive  et  l'hémiplégie  vient  après  l'alhétose.  Ajou- 
tons que  l'athétose  est  le  plus  souvent  limitée,  du  début  à  la  fin,  à  un  côté  du 
corps,  comme  l'hémichorée  symptomatique. 

Le  traitement  do  l'hémichorée  symptomatique  n'existe  pas  ;  les  nombreuses  mé- 
dications qui  l'éussissent  dans  les  cas  de  chorée  essentielle  échouent  fatalement, 
quand  il  s'agit  de  chorée  symptomatique,  et  c'est  ce  qui  légitime  ce  que  nous 
disions  à  propos  du  diagnostic.  Dans  les  cas  douteux,  c'est  l'évolution  de  la  ma- 
ladie, c'est  la  façon  dont  elle  résiste  au  temps  et  aux  médicaments  qui  permet 
le  plus  souvent  d'affirmer  l'hémichorée  symptomatique.  Il  est  regrettable  que  les 
bains  galvaniques,  qui  ont  donné  à  M.  Constantin  Paul  des  résultats  si  encoura- 
geants, dans  les  cas  non-seulement  d'Iiémichorée  essentielle,  mais  encore  dans 
bon  nombre  de  cas  de  tremblements  symptomatiques  et  dans  divers  troubles  de 
la  coordination  du  mouvement  (Congrès  de  Reims,  15  aoiàt  1880),  n'aient  pas 
encore  été  essayés  dans  l'hémichorée  symptomatique  (communication  orale  de 
M.  Paul).  Quant  aux  autres  agents  thérapeutiques  qui  ont  été  essayés,  nous  n'en 
donnons  même  pas  la  nomenclature,  car  ils  sont  aussi  nombreux  qu'insuffisants. 

L'hémichorée  essentielle  au  contraire  guérit  tout  aussi  facilement  que  la 
chorée  du  même  n^m,  et  par  les  mêmes  moyens;  seule  la  chorée  des  vieiU 
lards  est  tenace,  le  plus  souvent  incurable  ;  à  ce  titre  elle  se  rapproche  de 
l'hémichorée  symptomatique  et  établit  une  transitiou  naturelle  entre  ces  deux 
grands  groupes  de  chorée  que  nous  avons  systématiquement  opposés  l'un  à 
l'autre  pour  l'étude,  mais  qui  en  réalité  ont  des  affinités  incontestables,  inca- 
pables d'échapper  à  tout  esprit  généralisateur,  c'est-à-dire  véritablement  scien- 
tifique, BURLUREAUX. 

DICT.    ENC.    i'    s.    XIJL  15 


194  IIÉMIDAGTYLE. 

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DÉmiCRÂi^IE.      Voy.  Migraine. 

HÉHIDACTYLE.  On  désigne  sous  ce  nom  les  Geckotiens  {voy.  ce  mot) 
qui  ont  les  doigts  élargis  à  leur  base  et  en  disque  du  milieu  duquel  s'élèvent  les 
deux  dernières  phalanges,  qui  sont  grêles  ;  la  base  inférieure  de  ce  disque  est 
revêtue  de  feuillets  entuilés,  le  plus  souvent  échancrés  en  chevron.  Le  pouce 
peut  être  élargi  dans  toute  sa  longueur  et  formé  de  lames  sous-digitales  ou  être, 
au  contraire,  rétréci  à  la  pointe;  dans  ce  dernier  cas,  le  pouce  est  parfois 
allongé,  parfois  très-court;  chez  certaines  espèces  les  doigts  sont  à  demi  palmés, 
chez  d'autres  ils  sont  absolument  libres. 

L'espèce  la  plus  connue  du  genre  est  l'Hémidactyle  verruculeux  [Hemidactylus 
verruculatus] ,  qui  se  trouve  sur  tout  le  pourtour  de  la  Méditerranée,  en  Egypte, 


UÉMIOPIE,  195 

dans  le  sud  de  la  France,  en  Italie,  en  Sicile,  en  Dalraatie,  dans  les  îles  Ioniennes, 
■en  Grèce,  en  Turquie,  dans  les  îles  de  l'Archipel,  principalement  dans  les  Cyclades  ; 
en  Afrique,  il  a  été  signalé  au  Sénégal,  au  Maroc,  en  Algérie,  en  Tunisie,  en 
Egypte,  au  Sennâar  et  en  Abyssinie;  on  l'a  recueilli  en  divers  points  de  Syrie,  de 
Palestine,  de  Perse,  de  l'Arabie  Pétrée. 

L'ïlémidaclyle  \erruculeux  a  la  tête  courte,  le  museau  fort  obtus,  les 
doigts  médiocrement  élargis,  la  queue  ronde  ;  les  écailles  du  dos  sont  entre- 
mêlées de  tubercules  nombreux;  la  taille  maximum  arrive  à  12  centimètres. 
La  coloration  est,  le  plus  souvent,  grisâtre  ou  rougeâtre  avec  des  marbrures 
brunes;  le  plus  ordinairement,  on  voit  une  bande  noire  entre  l'œil  et  la 
narine.  H.-E.  Sauvage. 

Bibliographie.  —  Cuvieh.  Règne  animal,  t.  II.  —  Giuy  ap.  Gbiffitii  (Ed.).  The  Animal  King- 
dom  arrangea  in  ConfortnitywWi  ils  Organisation,  t.  IX.  —  Duméril  et  Bibron.  Erpétologie 
générale,  t.  III,  1856.  £.  S. 

HÉMIEIVCÉPII4LES.  Monstres  dont  le  cerveau  est  à  peu  près  normal, 
mais  qui  ne  possèdent  pas  d'organes  des  sens.  L.  Hn. 

HÉniiniÈLES  (wwu-r,  moitié;  fiÉ^oç,  membre).  Monstres ecirome7ie«s  {voy, 
ce  mot).  0.  L. 

llËmiHELLlQUE  (Acide).  CIPO".  Isofflérique  avec  l'acide  trimésique, 
l'acide  liémimellique  prend  naissance,  en  même  temps  que  de  l'anhydride  phta- 
lique,  lorsqu'on  chauffe  l'acide  hydromellophaniquc  avec  l'acide  sulfurique  con- 
centré. Il  se  présente  en  aiguilles  incolores,  peu  solubles  dans  l'eau.  L'acide 
«hlorhydrique  le  précipite  de  sa  solution  aqueuse  concentrée.  II  est  fusible  vers 
185  degrés  et  à  une  température  supérieure  se  dédouble  en  acide  benzoïque  et 
en  anhydride  phtalique.  L.  Hn. 

HÉMI1\E.  Nom  donné  par  Teichmann  au  chlorhydrate  d'hématine  [voy. 
Hématine  et  article  Sang  [Médecine  légale),  p.  650,  t.  VI,  3^  série).       L.  Hn. 

HÉITIIOPIE  ou  HÉWIAXOPSIE.     Ilemiopia   (de  ^ji^to-vç,  moitié,  et  o'tttso-- 

fiat,  voir;  allemand,  Halhsichtiçjkeit ;  anglais  et  espagnol,  Ilemiopia;  ita- 
lien, emiopia)  est  la  perte  unilatérale  de  la  vision  binoculaire.  Elle  est 
horizontale  ou  verticale.  Dans  l'hémiopie  horizontale,  le  malade  ne  voit  que 
la  partie  soit  supérieure,  soit  plutôt  inférieure  des  objets.  La  démarcation 
entre  la  partie  de  l'objet  qui  est  vue  nettement  et  celle  qui  n'est  vue  que 
■confusément  n'est  jamais  une  ligne  horizontale  :  c'est  plutôt  une  zone  plus 
ou  moins  étendue.  Ce  trouble  visuel  peut  n'atteindre  qu'un  œil,  il  est  en 
général  passager,  à  moins  qu'il  ne  soit  lié  à  un  décollement  de  la  rétine  ; 
il  se  rencontre  souvent  dans  la  syphilis  cérébrale,  avec  ou  sans  ptosis  conco- 
mitant. 

Mais  c'est  surtout  l'hémiopie  verticale  qui  a  attiré  l'attention  des  neuro-patho- 
logistes  et  provoqué  des  travaux  considérables,  en  ces  dernières  années  :  disons 
tout  de  suite  qu'elle  n'a  rien  de  commun  avec  l'amblyopie  hystérique.  Elle  atteint 
toujours  les  deux  yeux,  ce  qui  prouve  son  origine  centrale;  elle  s'explique  par 


196  IIÉMIOPIE.     • 

la  décussation  des  nerfs  optiques.   Ces  nerfs  A  et  B,  avant  de  sortir  du  crâne, 
s'entre-croisent  imparfaitement. 

On  comprend  dès  lors  qu'une  tumeur  qui  comprime  l'extrémité  A  rendra  in- 
sensible les  deux  moitiés  droites  de  chaque  rétine  AA  :  dès  lors,  les  moitiés 
gauches  (BB)  fonctionnant  seules,  la  partie  droite  de  l'objet  sera  seule  perçue; 
un  seul  œil  ou  les  deux  yeux  regardant  ensemble  ne  verront  que  la  moitié  de 
l'objet  :  c'est  l'hémiopie  homonyme.  Si,  au  contraire,  une  tumeur  siège  à  l'entre- 
croisement des  nerfs,  elle  rendra 
insensible  les  deux  moitiés  inter- 
nes des  rétines  A  et  B.  L'œil  droit 
verra  donc  la  moitié  gauche  et 
l'œil  gauche  la  moitié  droite  de 
l'objet;  les  deux  yeux  regardant 
ensemble  verront  l'objet  dans  son 
entier,  c'est  là  l'hémiopie  croisée 
dite  aussi  hétéronyme  latérale. 
Telles  étaient  à  peu  près  les  con- 
clusions du  travail  présenté  par 
de  Graefe  à  la  Société  de  biologie 
eu  1866. 
Mais,  depuis  celte  époque,  la  pathogénie  de  l'hémiopie  s'est  singulièrement 
obscurcie,  en  même  temps  que  se  multipliaient  les  observations  et  les  travaux 
anatomiques.  On  crut  un  moment  que  la  lésion  de  \a.  baadelette  optique  du  côté 
opposé  ou  de  la  région  cérébrale  circonvoisine  était  la  condition  sine  quâ  non 
du  symptôme  hémiopie  homonyme  (Charcot,  Abadie,  H.  Jackson,  Bemy  et 
Prévost),  puis  de  nouvelles  observations  vinrent  démontrer  que  la  lésion  pro- 
ductrice de  l'hémiopie  pouvait  être  corticale  ;  c'est  la  coïncidence  relativement  fré- 
quente de  l'hémiopie  avec  une  certaine  variété  d'aphasie  (cécité  verbale)  qui  a 
mis  les  savants  sur  cette  nouvelle  voie.  On  avait  noté  depuis  longtemps  la 
coïncidence  fréquente  de  l'hémianopsie  avec  l'aphasie.  Des  1875,  Gi'asset  l'avait 
constatée  [Monlpellier  médical):  Schœn  {Traité  du  champ  visuel,  1874,  cité  par 
Staber,  Archives  d'ophthalmologie,  1885,  p.  155)  avait  conclu  de  quatre  obser- 
vations qu'elle  était  constante;  en  1876,  Galezowsky  cite  un  cas  d'hémiopie 
qu'il  appelle  aphasique  (Rev.  d'opth.). 

Les  thèses  àeBcWouard  [De  l'hémianopsie,  1880)  et  de  Gilles  en  contiennent  de 
nombreux  exemples.  Feré  {Contribution  à  l'étude  des  troubles  de  la  vision, 
1882)  insiste  aussi  sur  ce  sujet,  mais  aucun  de  ces  auteurs  n'avait  spécifié  de 
quelle  forme  d'aphasie  il  s'agissait;  seul  Vernike,  dans  son  observation  5,  a  relaté 
la  coïncidence  de  l'hémiopie  droite  avec  la  cécité  des  mots.  C'est  Bernard,  élève 
de  Charcot,  qui  le  premier  a  affirmé  la  relation  dont  il  s'agit  comme  constante. 
«  L'hémiopie  n'a  jamais  fait  défaut,  dit-il,  dans  les  cas  de  cécité  verbale  où  l'exa- 
men de  la  vue  a  été  convenablement  pratiqué.  »  11  ne  faut  cependant  pas  oublier 
que  non-seulement  l'hémianopsie  droite  peut  ne  pas  s'accompagner  de  cécité 
verbale,  mais  encore  qu'elle  persiste  alors  que  la  cécité  verbale  concomitante 
est  arrivée  à  guérison  (Macbridge,  the  American  Journalof  Neurology,  1885; 
Samelsohn,  Berlin,  1882). 

On  sait  que  la  cécité  verbale  consiste  dans  l'abolition  plus  ou  moins  complète 
de  la  mémoire  des  signes  figurés  ;  elle  met  les  malades  dans  l'impossibilité  de 
lire  les  lettres,  les  syllabes,  les  mots  placés  sous  leurs  yeux.  Le  malade  voit  les 


IIÉMIOPIE.  197 

signes,  mais  n'en  peut  interpréter  la  signlficalion.  Or  l'observation  i  de  la  thèse 
de  Bernard  (Paris,  janvier  1885)  mentionne  le  fait  suivant  :  Un  malade  qui 
avait  été  paralysé  du  côté  droit  et  qui  était  atteint  de  cécité  verbale  voulut  ua 
mois  après  son  accident,  bien  guéri  de  sa  paralysie,  essayer  déjouer  au  billard, 
mais  il  ne  put  le  faire,  bien  qu'ayant  ses  mouvements  libres,  parce  qu'il  ne 
voyait  que  la  moitié  du  tapis  vert,  la  moitié  de  la  bille,  et  qu'il  perdait  les  billes 
de  vue,  lorsqu'elles  entraient  dans  la  partie  droite  du  champ  visuel. 

L'examen  ophthalmoscopique  démontra  qu'il  n'existait  aucune  modification 
du  fond  de  l'œil,  mais  une  étude  régulière  de  la  fonction  visuelle  fit  découvrir 
que  l'hémianopsie  latérale  homonyme  droite  était  limitée  par  une  ligne  parfaite- 
ment verticale,  passant  par  le  point  de  fixation.  En  même  temps  qu'une  éduca- 
tion méthodique  fit  disparaître  la  cécité  verbale,  l'hémianopsie  se  modifia  con- 
curramment.  De  même  dans  l'observation  2  il  y  avait  de  l'hémiopie  latérale 
droite  typique  chez  un  malade  atteint  d'amnésie  générale  et  devenu  plus  tard 
paralytique. 

Étant  donné  cette  parenté  entre  la  cécité  verbale  et  l'hémianopsie,  on  est  on 
droit  de  conclure  à  l'identité  des  lésions  de  ces  deux  symptôines  :  or  les  huit 
autopsies  bien  faites,  dont  Bernard  relate  les  détails,  démontrent  assez  nette- 
ment que  les  lésions  cérébrales  dont  dépend  la  cécité  verbale  occupent  la  partie 
postérieure  du  lobule  pariétal  inlérieur  gauche.  Pitres  {voy.  Encéphale)  accepte 
aussi  cette  localisation.  «  Lobule  pariétal  inférieur  et  partie  antérieure  de  la 
région  occipitale.  »  En  outre,  «  les  lésions  destructives  du  centre  ovale  situées  au- 
dessous  des  régions  de  l'écorce,  qui  ont  des  fonctions  sensorielles  nettement  dé- 
finies, déterminent  les  mêmes  troubles  que  les  lésions  destructives  de  ces  régions 
corticales  elles-mêmes  »  (Pitres). 

C'est  ainsi  que  la  lésion  de  la  substance  blanche  sous-jacente  à  l'écorce  au 
niveau  du  lobule  pariétal  inférieur  et  de  la  partie  antérieure  du  lobe  occipital 
provoque  aussi  l'hémiopie  :  c'est  ce  qui  résulte  nettement  d'une  observation  de 
Westphall  dans  laquelle  un  ramollissement  de  la  substance  blanche  du  lobe 
occipital  et  du  lobe  pariétal  qui  respectait  l'écorce  était  accompagnée  d'hémiopie 
latérale  homonyme.  Eu  même  temps  l'expérimentation  venait  donner  sa  sanction 
à  l'observation  clinique.  Les  travaux  de  Munch  sur  les  chiens  et  les  singes 
semblent  bien  établir  que  les  lésions  de  l'écorce  d'un  hémisphère  entraînent 
l'hémianopsie  homonyme.  Ceux  de  Luciani,  de  Tamburini,  de  Goltz,  de  Ferrier, 
David,  aboutissent  aux  mêmes  conclusions.  Celles  des  recherches  toutes  récentes 
que  M.  Lannegràce  vient  d'exposer  au  Congrès  de  Nancy  de  \  880  sont  encore 
plus  précises.  En  pratiquant  des  extirpations  cérébrales  partielles  au  moyen 
du  thermocautère,  cet  auteur  a  cru  pouvoir  démontrer  :  l"quc  les  lésions  uni- 
latérales donnent  des  troubles  temporaires  :  "2"  que  les  lésions  occipitales  pro- 
duisent surtout  des  troubles  dimidiés.  Elles  donnent,  dit--il,  plus  spécialement 
lieu  à  une  hémiamblyopie  latérale  homonyme  paraissant  s'atténuer  dans  la  région 
de  la  macula  lutea  (zone  sensorielle). 

La  zone  sensorielle  correspond  au  centre  visuel  de  Munch.  «  Cette  région  semble 
bien  en  rapport  par  sa  partie  latérale  externe  avec  la  moitié  externe  de  la  rétine 
du  même  côté  et  par  sa  partie  latérale  interne  avec  la  moitié  latérale  interne  de 
la  rétine  du  côté  opposé;  mais  les  faits  ne  permettent  pas  encore  une  affirma- 
tion absolue  »  (Lannegràce).  Ce  sont  là  des  études  fort  délicates,  et,  à  vrai  dire,  de 
nouvelles  recherches  sont  encore  nécessaires  pour  élucider  la  question.  Il  arrive 
en  effet  que  les  mêmes  lésions  qui  provoquent  l'hémiopie  se  traduisent  chez 


198  HÉMIOPIE   (bibliographie). 

d'autres  malades  par  de  l'amblyopie  croisée  (Féré,  thèse,  1882,  et  Archives  de 
Neur.,  1880).  C'est  ce  qui  fait  dire  à  cet  auteur  dans  son  dernier  travail  (Ana- 
tomie  médicale  du  système  nerveux,  p.  528)  que  les  connexions  de  la  rétine 
avec  les  différentes  parties  du  cerveau  ne  sont  encore  établies  que  sur  des 
hypothèses.  Aucun  fait  anatoinique  précis  ne  peut  rendre  compte  à  la  fois  de 
l'amblyopie  croisée  et  de  l'hémianopsie,  cl  les  constructions  schématiques  les 
plus  ingénieuses  ne  font  que  prouver  l'inextricable  difficulté  de  cette  étude. 

Après  le  schéma  de  Charcot  est  venu  celui  de  Féré.  Puis  Grasset  [Traité 
des  maladies  du  système  nerveux,  1886)  a  cru  devoir  en  proposer  un  autre 
à  triple  entre-croisement  pour  expliquer  les  faits  dans  lesquels  il  y  a  à  la  fois 
amblyopie  et  hémianopsie.  D'après  cet  auteur,  les  faits  cliniques  forcent  à 
admettre  : 

1°  Que  les  fibres  internes  s'entre-croisent  au  chiasma,  tandis  que  les  fibres 
externes  continuent  directement; 

2°  Que  les  fibres  externes  s'entre-croisent  quelque  part  en  arrière  du  chiasma^ 
de  sorte  que  l'entre-croisement  est  alors  complet  pour  toutes  les  fibres  optiques, 
et  que  dans  chaque  capsule  interne  se  trouvent  réunies  toutes  les  fibres  de  l'œil 
opposé  ; 

0"  Que  les  fibres  externes  subissent  un  second  entre-croisement  au  delà  de  la 
capsule  interne  avant  d'aboutir  aux  circonvolutions,  de  sorte  que  chaque  lobe 
occipital  contiendrait  les  fibres  externes  de  l'œil  du  même  côté,  et  les  fibres 
internes  de  l'œil  opposé.  L'auteur  reconnaît  que  «  le  schéma  est  un  peu  com- 
plexe, mais  les  faits  à  expliquer  le  sont  eux-mêmes  »  :  Ce  schéma  de  Grasset  est 
sévèrement  jugé  par  Séguin,  qui  en  propose  un  autre  considéré  par  Féré  comme 
«  parfaitement  insuffisant  » .  En  résumé,  l'hémiopie  homonyme  est  produite  par 
une  lésion,  soit  de  la  bandelette  optique,  soit  de  la  région  du  lobule  pariétal 
inférieur.  Quant  à  la  nature  de  cette  lésion,  nous  ne  pouvons  pas  la  préciser, 
étant  donné  que  nous  n'avons  trouvé  que  quinze  autopsies.  Ce  qu'on  peut  affirmer, 
c'est  qu'elle  est  souvent  transitoire,  comme  le  symptôme  auquel  elle  donne 
naissance. 

Il  est  possible  qu'elle  soit  souvent  de  nature  syphilitique,  bien  que  M.  Fournier 
n'en  fasse  aucune  mention  dans  son  traité  de  la  Syphilis  cérébrale.  Quand  elle 
n'est  pas  accompagnée  d'autres  troubles  visuels,  l'hémiopie  est  une  infirmité 
peu  gênante,  compatible  avec  les  exigences  de  la  vie  quotidienne;  notons  cepen- 
dant qu'elle  compromet  l'écriture  et  la  lecture.  Quelques  malades  n'écrivent 
que  sur  une  partie  de  la  page  ;  ils  ne  hasardent  pas  la  plume  dans  la  partie 
obscure  du  champ  visuel.  De  même,  elle  gêne  la  lecture  en  cachant  au  malade 
une  partie  du  mot  qu'il  lit. 

L'hémiopie  est  quelquefois  persistante,  mais  le  plus  souvent  elle  est  passa- 
gère. Elle  coïncide  très  souvent  avec  la  déviation  conjuguée  de  la  tête  et  des 
yeux,  elle  est  alors  un  indice  certain  d'une  grave  maladie  encéphalique  (Go- 
wers).  Elle  alterne  parfois  avec  la  migraine  ophthalmique.  Rappelons  que  ce 
n'est  qu'un  symptôme  qui  emprunte  sa  gravité  à  celle  de  la  lésion  originelle 
et  qui  n'est  justiciable  d'aucun  traitement  spécial,  sauf  le  cas  où  la  syphilis 
serait  en  cause.  Bdrlureaux. 

Bibliographie.  —  Westpiiall.   Soc.   de  psych.   et  mal.  nerveuses,  etc.   Berlin,   novembre- 
1881.  — Gnauck.  Un  cas  d' hémianopsie  hétéronyme  latérale.  In  Neur.  Centralblatl,  t883. 

Feré.  Contr.   à  l'étude  des  troubles  fonct.  de  la  vision,   1882,  et  trois  autopsies  pour 

servir  à  la  localisation  cérébrale  des  troubles  visuels.  In  Arch.  de  Neur.,  mars  1885.  — 


IIP^MIPIIRACTE.  199 

Bauium.  Ilemianopia.  In  Brilish  Med.  Journ.  London,  1885.  —  Vossius  (A.)-  Ejn  Fall  von 
hilat.  temporal  Hemianopsie.  In  Arch.  f.  Ophlli.  Berlin,  188i.  —  AVillbrand  (H.).  Ueber 
conccntruche  Gcsichfsfeldeinschrânkiing  bei  funclionellen  Stôrmigen  der  Gross/iiriirinde 
und  ûber  Incongruenz  hemianopischer  Gesichtsfetddefecte.  In  Klin.  Monatsbl.  f.  Augenh. 
Stuttgart,  1883.  —  Keil  (Wilhelni).  Beitrâge  zkv  lAtteratur  der  temporalen  Hemianopie. 
Halle,  1885. —Bull  (C.-S.).  Two  Cases  of  Unilatéral  Temporal  llcmianopsia.  In  New-York 
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Seguin  (E.-C).  A  Conlribulion  to  llie  Patliology  of  Hemianopsia  of  Central  Origin,  Case 

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Armaignac  (II.).  Observation  d'hémiopie  avec  cécité  des  mots,  retour  de  la  faculté  de  lire 


m 


mais  persistance  de  ihémiopie.  In  Rev.  clin,  d'ocul.  Paris,  1884.  —  Fouseca  (L.  da).  /7e- 
mionopsia  latéral  izquiei-da;  majoras  importants.  In  Rev.  des  sciences  méd.  Barcel.,  1884. 

B. 

nÉMlPAGES  (-Âpto-uç,  moilié,  Tiriywai  fixer).  Monstres  monomphaliens 
{voy.  ce  mot).  0.  L. 

nÉMlPHRACTE.  Le  genre  Hemiphractiis,  établi  par  Wagler  en  1850 
pour  des  Batraciens  anoures  qui  pré?entent  ce  caractère  d'avoir  des  dents  aux 
deux  mâchoires.  La  mâchoire  inférieure,  qui  est  complètement  ossifiée,  est 
armée,  en  effet,  d'une  forte  dent  et  d'une  série  de  petites  dents.  D'après  Paul 
Brocchi,  ces  dents  sont  essentiellement  composées  de  tissu  osseux  recouvert 
d'une  couche  amorphe  qui  ressemble  beaucoup  à  de  la  vitro-dentine  ;  il  y  a,  en 
tous  cas,  une  différence  considérable  entre  les  organes  qui  arment  la  mandibule 
de  l'Hémiphracte  et  les  dents  ordinaires  des  autres  Batraciens  anoures,  dents 
composées  d'une  couche  de  dentine  formée  de  tubes  fixes  et  d'une  substance 
intermédiaire  de  couleur  claire.  Les  fronto-pariétaux  s'articulent  avec  des  os 
particuliers  que  l'on  peut  regarder  comme  une  dépendance  du  tympanique,  de 
telle  sorte  que  toute  la  portion  latérale  et  postérieure  du  crâne  est  formée  par 
les  tympaniques  et  par  l'os  carré  ou  jtigal  de  Cuvier.  La  colonne  vertébrale  se 
compose  de  neuf  vertèbres,  auxquelles  il  faut  joindre  le  coccyx;  les  corps  de  ces 
vertèbres  sont  unis  entre  eux  par  un  condyle  reçu  dans  une  cavité,  mais  ce 
condyle,  au  lieu  de  se  trouver  à  la  face  postérieure  de  la  vertèbre,  comme 
c'est  le  cas  ordinaire  chez  les  Batraciens  anoures,  se  trouve  à  la  face  anté- 
rieure, ainsi  qu'on  le  voit  chez  le  Sonneur  pluvial  [voy.  Discoglosse):  le  coccyx 
s'arlicule  par  deux  condyles.  Les  coracoïdes  et  le  épicoracoïdes  sont  parallèles 
et  le  cartilage  épicoracoïdien  est  remarquable  par  sa  grande  largeur.  Le 
vomer  et  les  palatins  sont  garnis  de  dents;  les  doigts  ne  sont  pas  dilatés  en 
disques. 

Les  deux  espèces  du  genre  Hemiphractus  {H.  arcuatus  Spx  ;  H.  divaricalus 
Cp.)''habitent  le  Para,  l'Écuadar,  la  Colombie. 

Le  genre  Hemiphractus  est  le  type  de  la  famille  des  Hémiphractidées  de 
Cope;  outre  ce  genre,  la  famille  comprend  le  genre  Ceratohyla,  de  l'Écuadar, 
caractérisé  par  la  dilatation  des  doigts,  et  le  genre  Amphodus,  du  Brésil, 
qui,  avec  la  même  disposition  des  membres,  présente  des  dents  sur  le  para- 
sphénoïde.  H.-E.  S.\UVAGE. 

BiLiioGKAPHiE.  —  Spix  ct  Martins.  Itcr  pcr  Brasilians,  1817-1820.  —Wagler.  Isis,  1828, 
p.  743.  —  Du  MÊME.  System  der  Amphilnen,  1830.  —  Espada.  Faunœ  neotropicalis  spe- 
ctes  quœdam  nondum  cognilœ.   In  Jornal  de  se.  physicas  e  naturals.  Lisboa,  n">  9,  1870. 

—  Cope.  Journ.  de  l'Acad.  Philad.,  t.  YI,  1866.—  Peters.  Mon.  Berl.  Akad.,  1863,  1872. 

—  Brocchi  (P.).  Recherches  sur  l'osléologie  d'un  batracien  anoure  provenant  du  Brésil, 
r Hemiphractus.  In  Bibl.  école  hautes  études,  t.  XVI,  1877.  —  Du  même.  Sur  un  squelette 
d' Hemiphractus.  In  Comptes  rendus  de  l'Ac.  se.,  2  octobre  1876.  —  Boulerger  (G.).  Cat. 
Batracia  Salientia  in  ihe  Coll.  of  ihe  British  Muséum,  p.  451,  1882.  E.  S. 


200  HÉMIPLÉGIE. 

llÉraiPIlVK^UE  (Acide).  C'^II^'^O'''.  U  se  forme  en  même  temps  que  de  la 
cotarnine,  de  la  méconine  et  de  l'acide  opianique,  en  oxydant  la  narcotine  au 
moyen  de  l'acide  nitrique  étendu  ou  du  peroxyde  de  manganèse  et  de  l'acide 
sulfurique;  on  l'obtient  encore  par  oxydation  de  l'acide  opianique.  L'acide  hémi- 
pinique  est  en  prismes  rhomboïdaux  obliques,  incolores,  renfermant  générale- 
ment deux  molécules  d'eau  de  crislallisaiion  qu'ils  perdent  à  100  degrés.  Il  est 
peu  soluble  dans  l'eau  froide,  plus  facilement  dans  l'alcool  et  l'élher.  Il  fond  à 
181-182  degrés  et  fournit  un  anhydride  fusible  à  166-167  degrés.  Lorsqu'on  le 
cbauffe  longtemps  à  180  degrés  avec  10  parties  d'acide  chlorhydrique  concentré, 
il  donne  de  l'acide  protocatécliique  et  de  l'acide  mélbylprotocatécliique.  Soumis 
à  la  température  de  'âiO  degrés  en  présence  de  la  potasse  caustique,  il  fournit 
uniquement  de  l'acide  protocatécliique  et,  avec  la  chaux  sodée,  laisse  dégager 
J'éther  diméthylique  de  la  pyrocatéchine.  L.  Hn. 

IIEIIIPLÈGIE  Eiv  gê;\Ïi:ral.  L'hémiplégie  ou  paralysie  limitée  à  un 
côté  du  corps  est  le  résultat  de  lésions  diverses  et  le  symptôme  d'un  grand 
nombre  de  maladies  déjà  décrites  en  divers  articles  de  ce  Dictionnaire.  On  trou- 
vera donc  à  l'arlicle  Paiulysie  l'indication  des  conditions  palhogéniques  et  des 
modalités  diverses  de  l'hémiplégie,  et  aux  mois  :  Ckrveac,  Chorée,  IIvsterie, 
Méniages,  Moelle,  ScLÉr.osE  en  i'Laques,  Paralysie  agitante,  etc.,  etc.,  la  des- 
cription des  diverses  formes  de  l'hémiplégie.  L.  L. 

nÉMlPLÊGlE  SPASMODIQUE  «\FAXT1LE.  DÉFINITION.  Nous  décri- 
rons ici  non  pas  d'une  Aiçon  générale  l'hémiplégie  chez  les  enfants,  mais  plus 
particulièrement  cet  aspect  spécial  de  l'hémiplégie  infoniile  connu  sous  le  nom 
d'hémiplégie  cérébrale  infantile,  d'hémiplégie  spasmodique  infantile,  dont  la 
place  en  nosologie  pure  est  peut-être  assez  mal  délimitée,  mais  qui  jouit  en 
clinique  d'une  individualité  bien  caractérisée. 

A  la  vérité  le  terme  d'hémiplégie  spasmodique  infantile  est  loin  de  défier 
toute  discussion  :  on  verra,  par  exemple,  que  dans  certains  cas  le  caractère  de 
celte  paralysie  est  loin  d'être  trcs-spasmodique.  Aussi,  si  nous  ne  supprimons 
pas  cette  épithète,  c'est  surtout  à  cause  de  l'embarras  où  nous  nous  trouvons 
de  lui  en  substituer  une  autre  pour  indiquer  qu'il  est  ici  question  non  pas 
d'une  hémiplégie  quelconque,  de  cause  cérébrale,  survenant  chez  un  enfant 
(méningite  tuberculeuse,  tubercules  ou  tumeurs  cérébrales,  etc.),  mais  d'une 
forme  clinique  spéciale. 

Tout  en  faisant  de  ce  type  l'objet  de  l'étude  actuelle,  nous  aurons  cepemlant 
l'occasion  dans  le  courant  de  cet  article  de  parler  quelquefois  des  autres  mani- 
festations hémiplégiques  qui  peuvent  se  voir  dans  l'enfance,  mais  ce  ne  sera, 
nous  tenons  à  le  répéter,  que  d'une  façon  accidentelle. 

Ajoutons,  pour  éviter  tout  malentendu,  que,  bien  que  formant  en  clinique, 
au  point  de  vue  purement  objectif,  un  groupe  assez  homogène,  l'hémiplégie 
spasmodique  inhmtile  n'est  ni  une  maladie,  ni  même  une  affection  spé- 
ciale, mais  bien  une  expression  symptomatique  qui  semble  être  fonction  de 
trois  facteurs  principaux  :  l''  le  jeune  âge  du  sujet  qui  se  trouve  ainsi  atteint 
pendant  sa  période  de  développement;  2»  la  participation  de  Vécorce  céré- 
brale aux  lésions  (abstraction  faite  de  la  nature  et  même  de  la  localisation 
étroite  de  celles-ci);  5"  un  laps  de  temps  suffisant  pour  l'évolution  complète 
•des  symptômes. 


HÉMIPLÉGIE.  201 

Historique.  11  semble  peu  utile  de  rechercher  chez  les  auteurs  du  siècle 
dernier  les  observations  isolées  ayant  trait  ù  l'affection  qui  nous  occupe,  car 
aucun  à  notre  connaissance  n'a  essayé  d'en  faire  une  étude  particulière.  Que 
riiémiplégie  infantile  ait  existé  de  tout  temps,  cela  ne  fait  d'ailleurs  aucun 
doute,  et  à  ce  point  de  vue  le  meilleur  document  est  incontestablement,  comme 
l'u  fait  remarquer  M.  le  professeur  Cliarcot,  le  célèbre  tableau  du  Pied-bot^  de 
Ribera  (1588-1656),  qui  peut  à  bon  droit  passer  pour  un  exemple  typique  de 
cette  infirmité. 

L'étude  méthodique  de  cette  forme  morbide  ne  date,  il  faut  bien  le  dire,  que 
du  commencement  du  siècle,  c'est  le  mémoire  de  Cazauvielh  «  sur  l'agénésie 
cérébrale  et  la  paralysie  congéniale  »  qui  marque  le  début  de  cette  étude  (1827). 
Cazauvielh  était  à  cette  époque  interne  à  la  Salpèlrière,  il  avait  eu  sous  les  yeux 
un  assez  grand  nombre  de  cas  de  ce  genre,  la  description  qu'il  en  donne,  les 
réflexions  qu'il  y  joint,  sont  des  plus  remarquables;  qu'on  en  juge  :  Non-seule- 
ment il  avait  fort  bien  vu  le  défaut  de  développement  des  membres  et  notam- 
ment celui  du  squelette,  l'intégrité  relative  des  muscles  du  tronc,  la  prédomi- 
nance de  cette  atrophie  sur  le  membre  supérieur,  mais  encore  il  signale 
l'hémichorée  et  l'hémiathétose,  et  dans  ses  autopsies  on  trouve  des  exemples  de 
lésions  en  foyer,  de  sclérose  lobaire,  etc.,  en  un  mot,  ce  travail  contenait 
en  germe  l'indication  de  presque  tout  ce  qui  devait  dans  la  suite  être  con- 
sidéré comme  donnant  à  l'hémiplégie  infantile  une  physionomie  si  parti- 
culière. 

Cruveilhier,  dans  son  atlas,  en  figure  des  exemples  et  cherche  à  classer  au  point 
de  vue  purement  anatomo-pathologique  les  différents  cas  d'atrophie  cérébrale 
qu'il  avait  été  à  même  d'étudier. 

Lallemand  (1854)  rassemble  le  plus  grand  nombre  des  cas  d'atrophie  céré- 
brale publiés  à  cette  époque  et  montre  qu'ils  sont  presque  toujours  secondaires, 
qu'ils  reconnaissent  pour  cause  non  pas  un  simple  arrêt  de  développement, 
mais  un  processus  inflammatoire,  une  véritable  encéphalite. 

Un  peu  plus  tard  Turner  (1856)  pendant  son  internat  à  la  Salpêtrière  dirige 
spécialement  ses  études  sur  l'atrophie  croisée  du  cervelet  par  rapport  à  l'atro- 
phie cérébrale  et  en  établit  la  fréquence. 

Tous  ces  travaux  avaient  permis  de  rassembler  une  quantité  de  matériaux 
précieux,  il  restait  à  mettre  ceux-ci  en  œuvre,  à  les  classer,  à  édifier,  grâce  à 
eux,  une  œuvre  d'ensemble  :  c'est  ce  que  Cotard  (1868)  eut  le  mérite  de  faire. 
La  description  clinique  qu'il  donna  de  l'hémiplégie  infantile  est  fort  exacte, 
quoique  un  peu  incomplète  sur  certains  points  ;  quant  à  sa  description  anatomo- 
pathologique,  on  verra,  par  les  nombreux  emprunts  faits  dans  le  cours  de  cet 
article,  qu'elle  est  restée  tout  à  fait  intacte  ;  on  y  a  peu  ajouté,  on  n'en  a  pour 
ainsi  dire  rien  retranché  et,  même  actuellement,  nous  n'en  connaissons  aucune 
autre  aussi  complète. 

M.  le  professeur  Charcot,  qui  avait  inspiré  la  thèse  de  Cotard  et  qui  chaque 
année  consacrait  quelques-unes  de  ses  leçons  à  l'hémiplégie  infantile,  continua  à 
diriger  de  ce  côté  les  recherches  de  ses  élèves,  thèse  de  Raymond  (1870)  sur 
l'hémichorée,  thèse  d'Oulmont  (1878)  sur  Vathétose. 

Peu  à  peu,  l'aspect  clinique  de  l'hémiplégie  infantile  se  dessinait  ainsi  de  traits 
plus  nets,  pi-enait  un  relief  plus  accentué;  les  travaux  de  Bourneville  [Icono- 

*  Musée  du  Louvre,  salle  Lacaze. 


202  IlÉMh'LÉGIE. 

graphie  photographique  de  la  Salpêtrière,  1878)  et  de  son  élève  "Wuillamier 
(1882)  vinrent  encore  puissamment  contribuer  à  l'étude  de  cette  question, 
nul  mieux  qu'eux  ne  nous  semble  avoir  compris  l'évolution  du  syndrome  bcmi- 
plégie  infantile,  nul  aussi  bien  qu'eux  n'a  décrit  l'épilepsie  d'un  caractère 
si  singulier  qui  l'accompagne  ordinairement  et  en  fait  pour  ainsi  dire  partie- 
intégrante. 

Dans  les  autres  pays  l'étude  de  l'hémiplégie  spasmodique  infantile  ne  semble 
pas,  du  moins  avant  ces  dernières  années,  avoir  été  l'objet  d'une  série  de  tra- 
vaux aussi  fournie  que  celle  dont  nous  avons  parlé  plus  haut. 

En  Angleterre,  nous  signalerons  les  mémoires  de  Robert-Eoyd  (1 856)  Sur 
V atrophie  du  cerveau,  plus  récemment  ceux  de  Ross,  de  Hadden,  qui  contiennent 
des  i'aits  intéressants,  de  Samuel  Gee,  etc.  ;  en  Amérique,  le  travail  de  Hammond 
sur  Vathélose,  celui  de  Mac-Nutl  (1885),  dans  lequel  on  trouve  un  des  rares 
examens  microscopiques  d'atrophie  cérébrale  qui  aient  été  faits  jusqu'ici;  en 
Italie  les  travaux  de  Bianchi  sur  la  porencéphalie.  11  faut  aussi  réserver  une 
mention  spéciale  pour  la  thèse  de  Gaudard  (Genève,  1884),  dans  laquelle  on 
trouve  rassemblés  nu  grand  nombre  de  documents  jusque-là  épars. 

En  Allemagne,  le  premier  travail  sur  ce  sujet,  d'après  les  différents  auteurs 
que  nous  avons  pu  consulter,  est  la  thèse  inaugurale  do  Ilenoch  *  de  Atrophia 
cerehri  (1812). 

En  1860,  Heine,  dans  son  Traité  de  la  paralysie  spinale  infantile,  donne  d& 
celte  affection  mie  description  très-satisfaisante;  c'est  à  cet  auteur  qu'on  doit 
le  nom  de  hemiplegia  spastica  cerebralis. 

Puis  le  silence  se  fait  de  nouveau  sur  cette  question;  on  s'en  tient  à  la  de- 
scription de  Heine;  les  différents  articles  des  manuels  de  Ziemssen  et  deGerhardt,. 
où  on  pourrait  s'attendre  à  trouver  une  élude  spéciale  de  l'hémiplégie  infantile,, 
contiennent  peu  de  détails  sur  ce  sujet.  Cependant  Bernhardt  (1876),  Seetig- 
mûller  (1879),  Henoch  (1881),  consacrent  à  cette  affection  quelques  pages  inté- 
ressantes; Forster  (1880)  avait  mis  en  lumière  quelques-uns  des  traits  du  tableau 
clinique. 

En  1882,  Kundrat  vient  avec  son  mémoire  Sur  la  porencéphalie  apporter,  au 
point  de  vue  anatomo-pathologique,  d'importants  documents.  Mais  jusqu'alors 
aucune  description  méthodique  n'avait  été  tentée  en  Allemagne  :  aussi  s'ex- 
plique-t-on  aisément  la  faveur  avec  laquelle  fut  accueillie  la  communication 
de  Strûmpell  au  Congrès  de  Magdebourg  (1884).  Cette  communication  conte- 
nait, en  effet,  un  résumé  clair  et  exact  des  principaux  caractères  de  cette  affec- 
tion, résumé  tout  à  fait  concordant  d'ailleurs  avec  les  conclusions  auxquelles 
étaient  arrivés  déjà  les  auteurs  français  précédemment  cités;  de  plus  Strûmpell 
proposait  d'adopter  un  nom  particulier,  celui  de poliencéphalite  aiguë;  ce  nom 
fit  fortune  et,  un  peu  grâce  à  lui,  certains  médecins  en  vinrent  à  s'imaginer  qu'il 
s'agissait  d'une  maladie  nouvelle.  Ce  fut  là  comme  le  signal  de  nombreux 
travaux  parmi  lesquels  il  faut  citer  le  mémoire  de  Bernhardt  (1885)  empreint 
d'un  esprit  critique  fort  judicieux  et  dans  lequel  l'aphasie  chez  les  enfants  est 
étudiée  avec  un  soin  tout  particulier,  celui  de  Wallcnberg  (1886),  monographie 
très-complète  inspirée  par  le  professeur  von  Dusch,  la  communication  de  Kast 
au  Congrès  de  Baden-Baden,  etc.  Dans  tous  ces  derniers  travaux,  nous  sommes 
heureux  de  le  reconnaître,  la  part  de  l'école  de  la  Salpêtrière  a  été  très-loyale- 

1  II  nous  a  été  impossible  de  nous  procurer  ce  travail,  et  nous  ne  savons  si  l'hémiplégie 
infantile  y  a  été  traitée  d'une  façon  particulière. 


IIÉMII'LÉGIE.  20S 

ment  faite  et  les  conclusions  auxquelles  elle  était  arrivée  ont  été  parfois  com- 
battues, mais  au  moins  signalées.  Quelques  autres  auteurs,  au  contraire,  et,  si 
nous  en  parlons  ici,  c'est  à  cause  de  leurs  nationalités  diverses,  ont  absolument 
négligé  d'en  faire  la  moindre  mention.  La  chose  est  d'autant  plus  singulière  que, 
comme  il  s'agit  là  le  plus  souvent  de  revues  générales,  on  aurait  cru  être  en 
droit  de  s'attendre  à  y  trouver  sinon  une  érudition  très-étendue,  du  moins  quelques 
reclierclies  bibliographiques  élémentaires.  La  conclusion,  qui,  à  notre  avis,  se 
dégage  nettement  de  cet  historique,  c'est  que,  si  l'on  compare  l'évolution  de  nos 
connaissances  sur  l'hémiplégie  spasniodique  infantile ,  dans  les  différents 
centres  scientifiques  il  est  impossible  de  méconnaître  que  l'école  de  la  Sal])è- 
trière  peut  à  bon  droit  revendiquer  une  large  part,  tant  au  point  de  vue  de  la 
priorité  de  ses  études  sur  ce  sujet  qu'à  celui  des  résultats  auxquels  celles-ci 
ont  abouti. 

Étiologie.  Causes.  L'étiologie  de  l'hémiplégie  spasmodique  infantile  est 
assez  difficile  à  élucider,  vu  l'âge  auquel  elle  survient  ordinairement,  les  enfants 
étant  trop  jeunes  pour  donner  aucun  renseignement,  vu  aussi  Finlervalle  de 
temps  souvent  considérable  qui  s  écoule  entre  son  début  et  le  moment  do  l'ob- 
servalion  médicale. 

Lorsque  l'affection  cérébrale  est  congénitale  ou  tout  au  moins  se  montre  dès  la 
naissance,  un  certain  nombi*e  de  causes  pourraient,  dit-on,  être  invoquées,  telles 
que  traumatisme  ayant  porté  sur  le  ventre  de  la  mère,  émotion  vive  de  celle-ci  ;^ 
une  autre  moins  banale  et  sur  laquelle  insistent  plusieurs  auteurs  serait  Vas- 
phyxie  pendant  le  travail  de  l'accouchement,  asphyxie  qui  donnerait  lieu  à  une 
hémorrhagie  cérébrale  ou  méningée;  il  est  certain  que,  dans  les  cas  congéni- 
taux, on  constate  assez  souvent  (Ross,  Ranke,  etc.)  une  durée  exagérée  du  tra- 
vail de  l'accouchement,  ou  bien  encore  une  présentation  vicieuse.  Y  a-t-il  dans 
ce  cas  hémorrhagie  intra-crànienne  par  stase  sanguine  ou  par  traumatisme  du 
crâne?  c'est  ce  qu'il  est  difficile  d'établir. 

Quand  l'hémiplégie  s'est  montrée  plus  ou  moins  longtemps  après  la  naissance 
on  invoque  certaines  causes  dont  quelques-unes  banales,  telles  que  la  présence 
de  vers  intestinaux,  le  travail  de  la  dentition,  les  émotions,  l'influence  du 
froid,  etc.  ;  d'autres,  au  contraire,  telles  que  ['hérédité,  semblent  avoir  une 
influence  plus  manifeste. 

L'hérédité  neuropathologique  se  retrouve  eu  effet  chez  un  certain  nombre 
de  malades,  mais  il  est  bon  d'en  préciser  le  sens  :  en  effet,  comme  le  fait  remar- 
quer Wuillamier,  ce  n'est  pas  d'une  hérédité  homologue  qu'il  s'agit  ici  :  «  Aucun 
des  malades  qui  nous  ont  occupé,  dit-il,  n'est  l'enfant  de  parents  épileptiques  ; 
pour  cette  forme  de  l'épilepsie,  de  même  que  pour  l'épilepsie  vulgaire,  nous 
avons  noté  chez  les  ascendants  de  nos  malades  toutes  les  autres  affections  qui 
prédisposent  les  générations  suivantes  aux  maladies  nerveuses  :  excès  alcoo- 
liques, apoplexie,  convulsions,  chorée,  hystérie,  aliénation  mentale,  suicide,  etc.» 
Et,  en  effet,  dans  un  certain  nombre  d'observations  on  trouve  chez  plusieurs  des 
ascendants  les  affections  nerveuses  les  plus  variées.  Dans  un  cas,  cependant, 
on  voit  l'hémiplégie  infantile  frapper  plusieurs  membres  d'une  même  famille  ; 
vu  la  rareté  du  fait,  on  ne  peut  dire  s'il  s'agit  là  d'une  coïncidence  fortuite.  Le 
fait  est  emprunté  à  la  thèse  de  van  der  Eyden,  nous  en  devons  la  traduction  à 
l'obligeance  de  M.  le  docteur  Thijssen  :  «  Catherine  B...,  âgée  de  dix-sept  ans,, 
a  depuis  sa  naissance  une  paralysie  du  côté  gauche  et  des  attaques.  La  malade 
a  un  frère  âgé  de  ((uinze  ans,  qui  comme  elle  a  une  atrophie  du  côté  gauche. 


204  HÉMIPLÉGIE. 

mais  qui  ne  présente  pas  d'attaques.  La  main  de  celui-ci  est  aussi  en  prona- 
tion, mais  les  doigts  sont  en  flexion  permanente  ;  il  a  aussi  un  pied-bot  équin. 
Trois  frères  ou  sœurs  qui  avaient  aussi  une  affection  du  côté  gauche  à  leur 
naissance  sont  morts  jeunes  de  convulsions.  » 

Mais,  s'il  est  vrai  que  l'hérédité  peut  comme  cause  prédisposante  avoir  une 
importance  notable,  est-il  juste  de  lui  reconnaître  la  même  valeur  comme  cause 
efficiente?  nous  ne  le  croyons  pas,  la  cause  réelle  de  la  lésion  cérébrale  primi- 
tive doit,  à  notre  avis,  pour  la  grande  majorité  des  cas,  être  recherchée  ailleurs. 
C'est  dans  l'inlluence  de  certaines  maladies  générales  de  nature  plus  ou  moins 
nettement  infectieuse  que  nous  la  trouverons. 

La  connaissance  des  relations  entre  les  maladies  infectieuses  et  l'hémiplégie 
spasmodique  infantile  n'est  d'ailleurs  pas  récente  :  c'est  ainsi,  par  exemple,  que 
Cotard  (1858)  mentionne  ^(  l'inlbience  des  fièvres  exanthématiques  »  ;  que 
Benedikt  (1868)  avance  que  «  l'hémiplégie  spasmodique  infantile  se  montre  avec 
une  fré(iuence  particulière  après  les  maladies  fébriles  aiguës,  notamment  les 
exanthèmes  ».  Heine  en  cite  des  exemples,  et  depuis  lors  les  faits  de  ce  genre 
sont  devenus  nombreux  (Gaudard,  Striimpell,  Jcndrassik  et  Marie,  Wallen- 
berg,  etc.);  Ricliardièrc  dans  sa  thèse  émet  l'opinion  que,  lorsque  l'hémiplégie 
débute  avant  l'âge  de  deux  ans,  elle  reconnaît  le  plus  souvent  comme  cause 
l'hérédité  nerveuse,  l'alcoolisme  des  parents,  les  émotions  morales  dans  la  gros- 
sesse, etc.,  tandis  qu'après  deux  ans,  à  part  le  traumatisme,  elle  est  surtout 
produite  par  les  maladies  infectieuses.  Parmi  celles  de  ces  maladies  qui 
amènent  le  plus  souvent  l'hémiplégie  on  peut  citer  en  première  ligne  la  scarla- 
tine, puis  la  rougeole,  la  fièvre  typhoïde;  on  a  observé  aussi  cet  accident  dans 
la  diphthérie,  dans  la  fièvre  rémittente,  la  \accine,  les  oreillons,  enfin  dans  la 
maladie  de  Werliiof  et  dans  la  coqueluche  (s'agissait-il  simplement  dans  ce  der- 
nier cas  d'une  de  ces  hémorrhagies  par  suite  d'efforts  de  toux  qui  sont  loin 
d'être  rares  dans  la  coqueluche?).  Etant  donné  ces  faits,  une  question  se  pose, 
d'un  intérêt  tout  particulier,  celle  des  relations  de  l'hémiplégie  infantile  avec 
la  syphilis  héréditaire.  Quelques  auteurs  ont  publié  des  cas  oii  l'existence  de 
celle-ci  est  indéniable  :  J.  Simon  dans  ses  Leçons  sur  la  sclérose  cérébrale  msiste 
sur  l'existence  chez  quelques  parents  d'antécédents  syphilitiques;  G.  Sée  a 
observé  une  sclérose  cérébrale  peut-être  consécutive  à  une  méningo-encéphalite 
chez  une  petite  fille  qui  avait  présenté  des  accidents  très-nets  de  syphilis  héré- 
ditaire; Jendrassik  et  Marie  parlent  aussi  d'une  pe'ile  fille  hémiplégique  chez 
laquelle  l'existence  de  l'hérédo-syphilis  était  rendue  fort  probable  par  l'existence 
d'une  kératite  interstitielle;  Gaudard  (observations  II  et  Vlll)  rapporte  dans  sa 
thèse  deux  faits  dans  lesquels  la  syphilis  a  été  constatée  de  la  façon  la  plus  for- 
melle :  aussi  est-ce  le  document  le  plus  précis  que  l'on  ait  jusqu'ici  sur  cette 
question.  D'autre  part,  à  Rio-Janeiro,  Moncorvo  a,  dans  un  travail  intéressant 
sur  la  sclérose  en  plaques  chez  les  enfants,  publié  un  cas  d'hémiplégie  infan- 
tile (car  à  notre  avis  ce  n'est  pas  là  un  exemple  de  sclérose  en  plaques)  chez 
une  petite  fille  syphilitique,  mais  le  fait  est  susceptible  d'une  autre  interpréta- 
tion car  il  y  avait  coïncidence  de  variole.  H  semble  donc  bien  établi  que  la 
syphilis  héréditaire  peut  produire  riiémiplégie  infantile,  mais  avec  quelle  fré- 
quence? Ici  les  documents  faisant  complètement  défaut,  nous  avons  cherché  à 
nous  rendre  compte  par  nous-même  du  nombre  de  cas  de  syphilis  héréditaire  qu'on 
pouvait  rencontrer  parmi  les  malades  atteints  d'hémiplégie  infantile  spasmo- 
dique* nous  avons  examiné  à  ce  point  de  vue  spécial  sept  filles  du  service  de 


IIEMIPLEGÎE.  205 

M.  Charcot  à  la  Salpètrière  et  quatorze  liommes  adultes  du  service  de  M.  Bour- 
neville  à  Bicêtre;  sur  aucun  de  ces  malades  la  sypliilis  héréditaire  n'était  évi- 
dente, chez  trois  des  hommes  et  chez  une  des  filles  il  existait  des  érosions  den- 
taires assez  nettes,  mais  sans  aucun  caractère  pathognomonique,  et  d'ailleurs 
on  ne  trouvait  aucun  autre  stigmate  qui  permît  de  faire  le  diagnostic  de  vérole 
congénitale.  La  syphilis  héréditaire  scmhle  donc,  s'il  faut  en  croire  la  série  que 
nous  avons  eue  sous  les  yeux,  ne  jouer  dans  la  production  de  l'hémiplégie  infan- 
tile spasmodique  qu'un  rôle  des  plus  secondaires.  Nous  ne  pouvons  donc  que 
souscrire  pleinement  aux  lignes  suivantes  tirées  du  livre  de  M.  le  P'^  Fournier  sur 
la  syphilis  héréditaire  tardive  :  «  Enfin  rhémi|jlégie,  soit  généralisée,  soit  par- 
tielle, a  été  rencontiée  en  quelques  cas;  mais  elle  est  rare,  très-rare  même  en  tant 
que  symptôme  de  la  première  période.  Presque  toujours  elle  conslitue  une  nia- 
nifeslalion  plus  ou  moins  tardive,  et  souvent  encore  un  épiphénomène  voisin  de 
la  terminaison  fatale.  A  ce  dernier  propos,  notons  au  passage  une  différence  digne 
de  remarque  entre  la  syphilis  cérébrale  des  jeunes  sujets  et  celle  de  l'adulte. 
Chez  l'adulte,  c'est  chose  assez  commime  de  voir  une  hémiplégie  précédée  ou 
non  de  quelques  prodromes  marquer  le  début  d'une  encéplialopathie  si»écifique, 
tandis  que  ce  même  fait  est  relativement  exceptionnel  dans  le  jeune  âge.  » 

En  résumé,  l'influence  des  maladies  infectieuses  sur  la  production  de  l'hémi- 
plégie infantile  nous  semble  s'appuyer  sur  une  telle  réunion  de  documents  qu'il  est 
impossible  de  la  méconnaître;  quant  à  expliquer  k  façon  dont  elle  s'exerce, 
cela  n'est  pas  actuellement  en  notre  pouvoir.  Peut-être  même  les  procédés  sont- 
il  multiples,  il  y  aurait  alors  tantôt  endocardite  et  embolie,  tantôt  artérite  ame- 
nant soit  une  thrombose,  soit  une  hémorrhagie,  tantôt  enfin  méuingo-encépha- 
lite  chronique  par  action  directe  de  la  maladie  sur  la  séreuse  ;  mais  ce  ne  sont 
là  que  des  hypothèses.  Quoi  qu'il  en  soit,  du  fait  de  cette  modalité  étiologique 
un  rapprochement  s'impose  entre  l'hémiplégie  spasmodique  infantile  et  la 
paralysie  spinale  atropliique  de  l'enfance,  car  on  sait  avec  quelle  fréquence 
cette  dernière  se  montre  au  cours  des  maladies  infectieuses,  notamment  des 
exanthèmes  propres  au  jeune  âge.  L'une  et  l'autre  affection  ont  un  mode  de 
production  tout  à  fait  analogue,  la  lésion  primitive  est  la  même  pour  toutes 
deux,  la  seule  différence  est  dans  son  siège  :  ici  cerveau,  là  moelle.  Quant  à  vou- 
loir avec  Strùmpell  pousser  plus  loin  l'analogie  et  prétendre  reconnaître  pour 
l'hémiplégie  spasmodique  une  lésion  spéciale,,  systématique,  pour  ainsi  dire,  et 
étroitement  localisée  à  la  substance  grise  du  cerveau  (poliencéphalite),  nous 
avons  déjà  dit  combien  cette  tentative  nous  paraissait  peu  fondée,  combien  les 
faits  s'accordaient  peu  avec  elle.  Mais,  ce  côté  anatomique  de  la  question  étant 
mis  à  part,  les  analogies  qui  au  point  de  vue  de  la  pathologie  générale  unissent 
ces  deux  affections  sont  des  plus  étroites;  qu'on  en  juge  par  le  fait  suivant 
dû  à  P.  J.  Môbius;  nous  avons  eu  l'occasion  de  le  citer  dans  un  article  du 
Progrès  médical  et  si  nous  tenons  aie  rappeler  ici,  c'est  qu'il  vaut  à  lui  seul 
toutes  les  démonstrations.  Le  frère  et  la  sœur,  âgés  le  premier  de  trois  ans,  la 
seconde  de  un  an  et  demi,  après  avoir  présenté  tous  deux  des  symptômes  géné- 
raux (fièvre,  état  gastrique,  etc.)  pendant  quelques  jours,  furent  presque  simul- 
tanément atteints,  la  sœur  de  paralysie  atrophique  spinale,  le  frère  d'hémiplégie 
spasmodique  infantile.  11  est  vraisemblable  que  chez  tous  deux  la  maladie  géné- 
rale initiale  était  la  même,  seule  la  localisation  des  lésions  dans  le  système 
nerveux  fut  différente. 

Sexe.     Les  renseignements  sur  ce  sujet  sont  malaisés  à  réunir,  car,  les  sta- 


^06  HÉMIPLÉGIE. 

tistiques  les  plus  nombreuses  ayant  été  généralement  dressées  dans  des  asiles 
spéciaux  où  se  trouvent  soit  seulement  des  filles,  soit  seulement  des  garçons, 
on  conçoit  qu'elles  ne  sont  guère  comparables  les  unes  aux  autres;  cependant 
il  est  vraisemblable  que  les  deux  sexes  sont  à  peu  près  également  frappés  par 
l'hémiplégie  infantile  spasmodique;  dans  la  statistique  la  plus  nombreuse,  celle 
de  Wallenberg,  figurent  89  cas  du  sexe  féminin,  contre  71  du  sexe  masculin, 
chiffres  en  définilive  à  peu  près  égaux. 

Age.  Ici  il  y  a,  croyons-nous,  lieu  de  faire  une  distinction.  Il  ne  s'agit  pss 
en  effet  de  ranger  en  un  seul  bloc  tous  les  cas  d'hémiplégie  survenant  chez  des 
enfants  ou  des  adolescents,  de  compter  comme  hémiplégie  infantile  tous  cens 
qui  peuvent  se  produire  depuis  la  naissance  jusqu'à  l'âge  de  14,  15  et  16  ans, 
comme  l'ont  fait  Gaudard  et  Wallenberg.  Ce  serait,  nous  l'avons  déjà  dit,  faire 
l'histoire  de  Vhémiplégie  chez  les  enfants,  mais  non  celle  de  Vhémiplégie 
spasmodique  infantile,  deux  choses,  en  somme,  fort  distinctes,  puisque  celle-ci 
a  un  aspect  clinique  tout  spécial  qui  s'élève  au  rang  d'un  véritable  syndrome, 
tandis  que  celle-là  peut,  dans  son  expression  symptomatique,  ne  différer  en 
rien  de  ce  qui  s'observe  chez  l'adulte.  Ce  qu'il  est  donc  tout  d'abord  nécessaire 
de  fixer,  c'est  l'âge  passé  lequel  l'hémiplégie  spasmodique  infantile  ne  se  pro- 
duit plus,  puisque,  comme  on  l'a  vu  en  tête  de  cet  article,  pour  que  ce  syndrome 
puisse  se  montrer  dans  son  plein  développement,  une  des  conditions  nécessaires, 
t'est  que  le  début  ait  eu  lieu  à  un  âge  encore  assez  tendre.  On  comprend 
combien  la  fixation  de  cet  âge  maximum  est  arbitraire  dans  l'état  actuel  de  la 
science,  et  combien  les  différences  individuelles  peuvent  apporter  des  modifi- 
cations à  ce  sujet;  cependant,  d'après  l'examen  d'un  grand  nombre  d'observa- 
tions, d'après  ce  que  nous  avons  pu  voir  par  nous-même,  nous  pensons  qu'a- 
près 9  ans  on  ne  doit  plus  compter  que  l'hémiplégie  chez  un  enfant  puisse 
prendre  les  caractères  propres  de  l'hémiplégie  spasmodique  infantile,  et  c'est 
là  un  âge  extrême,  car  dans  la  majorité  des  cas  on  verra  qu'en  somme  c'est  à 
un  début  beaucoup  plus  précoce  que  le  développement  de  celle-ci  correspond. 
Cela  posé,  quel  est  l'âge  auquel  se  montre  le  plus  souvent  l'hémiplégie  céré- 
brale infantile?  La  statistique  de  Wallenberg  peut  donner  d'utiles  renseigne- 
ments sur  ce  sujet,  mais  on  devra  se  souvenir  qu'elle  a  été  dressée  pour  les  cas 
d'hémiplégie  chez  les  enfants,  d'une  façon  générale,  et  non  spécialement  pour 
les  cas  d'hémiplégie  spasmodique  infantile.  Sur  160  observations  cet  auteur  a 
trouvé  que  dans  19  l'affection  était  congénitale,  55  fois  le  début  avait  eu  lieu 
dans  la  première  année,  29  fois  dans  la  2'^,  17  fois  dans  la  3^,  9  fois  dans  la 
4%  9  fois  dans  la  5%  13  fois  dans  la  6%  6  fois  dans  la  7%  4  fois  dans  la  8% 
5  fois  dans  la  9^,  etc.  Strùnipell  au  contraire  qui,  lui,  n'a  eu  en  vue  que  l'hé- 
miplégie spasmodique  infantile  (la  poliencéphalite),  donne  les  chiffres  suivants 
qui  à  notre  avis  sont  beaucoup  plus  conformes  à  la  réalité  des  faits  :  sur  24  cas 
le  début  s'était  fait  7  fois  avant  la  fin  de  la  première  année,  8  fois  entre  1  et 
2  ans,  4  fois  entre  2  et  3  ans,  dans  les  autres  cas  à  un  âge  plus  avancé, 
mais  dans  des  limites  telles  qu'au  moment  des  premiers  accidents  le  plus 
jeune  des  malades  avait  4  semaines,  le  plus  âgé  6  ans.  Eu  résumé,  ce  qu'il 
faut  retenir  au  sujet  de  l'âge,  c'est  que  l'hémiplégie  spasmodique  est  quel- 
quefois congénitale,  qu'elle  est  surtout  fréquente  dans  les  3  premières  années 
de  la  vie,  qu'elle  est  rare  à  partir  de  l'âge  de  4  ou  5  ans  et  ne  peut  proba- 
blement plus  se  développer  avec  ses  caractères  spéciaux  quand  l'enfant  a  atteint 
l'âge  de  9  ans. 


HÉMIPLÉGIE.  207 

Anatomie  rATHOi.oGiQi'E.  Nos  connalssancos  à  ce  sujet  sont  encore  bien  inconi- 
plèles  et  ne  remontent  guère  qu'au  travail  deCotard;  les  faits  recueillis  par 
Cazauvielh,  par  Tiirner  et  par  les  autres  auteurs,  tout  exacts  qu'ils  fussent, 
restaient  trop  isolés  pour  qu'on  en  tirât  quelque  profit;  Cotard  sut  les  grouper 
avec  métliode  et  les  interpréter  suivant  les  règles  d'ime  critique  judicieuse. 
Nous  ferons  de  fréquents  emprunts  à  sa  description. 

11  nous  semble  plus  logique  de  commencer  l'étude  de  Tanatomie  patholo- 
gique de  l'hémiplégie  spasmodique  infantile  en  mettant  tout  d'abord  sous  les 
yeux  du  lecteur  ce  qui  se  voit  le  plus  fréquemment  dans  les  autopsies,  c'est- 
à-dire  un  cerveau  déjà  profondément  altéré,  porteur  de  lésions  anciennes  qui 
ont  elles-mêmes  subi  de  très-grandes  modifications,  au  point  de  devenir  souvent 
méconnaissables.  Après  avoir  pris  une  connaissance  suffisante  des  pièces  de  ce 
genre  qui  sont  en  somme  caractéristiques  de  l'hémiplégie  infantile  observée 
dans  une  période  déjà  avancée  de  son  évolution,  il  sera  temps  de  recliercher 
quelle  est  la  nature  initiale  de  ces  lésions,  quelles  sont  les  altérations  qui  se 
montrent  tout  à  fait  au  début  de  l'affection. 

A.  Lésions  primitives.  (Avec  Cotard  il  faut  entendre  par  ce  mot  non  pas 
le  premier  stade  du  processus  morbide,  mais  simplement  les  altérations  pré- 
sentées au  moment  de  l'autopsie  par  la  partie  du  cerveau  qui  a  été  primiti- 
vement atteinte.)  Elles  peuvent  se  montrer  sous  l'un  des  aspects  suivants  : 

1»  Plaques  jaunes.  Cette  altération  se  présente  sous  forme  de  plaques 
irrégulières,  jaunâtres  ou  ocrées,  de  dimension  variable;  à  leur  niveau,  les 
circonvolutions  sont  rétractées,  IVoncées,  et  même  complètement  atrophiées;  la 
plaque  jaune  tout  entière  l'orme  une  dépression  assez  profonde  à  la  surface  du 
cerveau.  Cette  dépression  est  d'ailleurs  d'autant  plus  prononcée  que  le  ramollis- 
sement qui  a  été  le  point  de  départ  de  la  plaque  jaune  s'étendait  plus  loin  en 
profondeur;  on  trouve  même  des  plaques  jaunes  qui  pénètrent  jusqu'au  voisi- 
nage du  ventricule. 

2°  Kystes  et  infiltration  cellulense.  Celle-ci  consiste  en  des  cavités  anfrac- 
tueuses,  tapissées  en  tous  sens  par  des  brides  ou  des  cloisons  incomplètes  et 
formant  des  sortes  de  cellules  remplies  d'un  liquide  d'abord  laiteux  qui  peut 
devenir  transparent  quand  la  lésion  est  très-ancienne.  Quant  aux  kystes,  ils 
sont  de  forme  assez  régulière,  à  bords  indurés  et  colorés  en  jaune  brun  ;  quel- 
quefois ils  sont  remplacés  par  des  cicatrices  linéaires  dures  et  colorées.  Tantôt 
ces  kystes  sont  petits,  tapissés  d'une  fine  membrane  cellulense,  à  parois  lisses, 
traversés  de  quelques  brides  seulement;  ils  sont  généralement  situés  vers  les 
parties  centrales  de  l'hémisphère  dont  ils  ont  déterminé  consécutivement  l'atro- 
phie et  ne  présentent  plus  dans  leurs  parois  de  matière  colorante  ocrée,  le 
liquide  qu'ils  contiennent  est  devenu  limpide  et  incolore.  Tantôt  ces  kystes 
sont  vastes,  remplis  de  sérosité,  et  occupent  la  place  d'une  partie  considérable 
de  l'hémisphère.  Dans  d'autres  cas  encore  ils  semblent  appartenir  aux  méninges. 
Jusqu'à  présent  nous  avons  reproduit  à  peu  près  textuellement  la  description 
de  Cotard;  nous  arrivons  à  sa  troisième  classe  qu'il  intitule  :  Cas  caractérisés 
surtout  par  l'atrophie  et  la  disparition  complète  de  la  substance  nerveuse; 
nous  croyons  préférable  de  désigner  ces  cas  sous  le  nom  qui  a  été  aujourd'hui 
généralement  adopté,  celui  de  porencéphalie. 

5"  Porencéphalie.  Ce  nom  a  été  créé  par  Hischl  et  s'applique  à  des  pertes 
de  substance  en  forme  de  cavités  (porus)  situées  à  la  surface  du  cerveau,  qui 
tantôt  s'ouvrent  dans  l'arachnoïde,  tantôt  en  sont  séparées  par  une  membrane 


208  HÉMIPLÉGIE. 

fournie  par  rarachnoïde  elle-même;  elles  s'enfoncent  plus  ou  moins  dans  la 
substance  cérébrale,  quelquefois  jusqu'à  l'épendyme,  souvent  même  elles 
pénètrent  à  travers  celui-ci  jusque  dans  la  cavité  des  ventricules.  Turner  avait 
déjà  rapporté  des  cas  qui,  suivant  toute  vraisemblance,  appartiennent  à  cette 
catégorie;  mais  de  plus  cette  lésion  était  déjà  très-bien  connue  de  Cotard,  qui 
lui  assigne  les  caractères  suivants  :  Une  portion  de  la  substance  nerveuse  de 
l'hémisphère  a  disparu,  et  dans  une  étendue  plus  ou  moins  considérable  les 
méninges  se  trouvent  accolées  à  la  membrane  ventriculaire;  entre  ces  deux 
membranes  serpentent  des  vaisseaux,  et  vers  la  limite  de  la  perte  de  substance 
les  circonvolutions  froncées  et  ratatinées  se  transforment  en  une  substance 
gélatineuse  avant  de  disparaître  complètement.  Cette  altération  est  souvent 
très-étendue  et  occupe  toute  la  partie  supérieure  de  l'hémisplière.  »  On  voit 
que  la  description  de  Cotard  est  en  somme  très-nette  et  très-précise,  et  que  pour 
être  la  première  en  date  elle  n'en  est  pas  plus  mauvaise.  Plus  récemment, 
Kundrat  (1882)  a  fait  de  la  [lorencéphalie,  de  ses  caractères  et  de  son  mode  de 
production,  une  étude  spéciale  qui  constitue  le  document  le  plus  important  que 
nous  ayons  actuellement  siu'  ce  sujet  :  aussi  aurons-nous  à  mettre  plus  d'une 
fois  son  mémoire  à  contribution. 

4°  Sclérose  lobaire  primitive.  Il  sera  uniquement  question  ici  de  celte 
forme  de  sclérose  lobaire  qui  paraît  se  développer  spontanément  sans  être  pré- 
cédée d'aucune  autre  lésion  grossière  du  cerveau  ou  des  méninges.  Quant  à  la 
sclérose  lobaire  secondaire,  un  paragraphe  spécial  lui  sera  consacré  à  propos 
des  lésions  secondaires.  L'aspect  d'un  cerveau  atteint  de  sclérose  lobaire  primi- 
tive est  tout  à  fait  particulier,  tout  l'hémisphère  malade  présente  une  diminution 
de  volume  souvent  considérable  :  c'est  ainsi  que,  dans  un  cas  dont  nous  avons 
publié  l'autopsie  en  collaboration  avec  E.  Jendrassik,  la  longueur  de  l'hémi- 
sphère malade  était  inférieure  de  15  millimètres  à  celle  de  l'hémisphère  sain, 
sou  épaisseur  moindre  de  32  millimètres;  le  sillon  de  Rolando  mesurait  à 
droite  120  millimètres,  à  gauche  seulement  68.  L'hémisphère  ainsi  atrophié 
fait,  on  le  conçoit,  un  contraste  singulier  avec  celui  du  côté  sain  qui  le  déborde 
de  toutes  parts.  De  plus,  les  circonvolutions  de  l'hémisphère  malade  ont 
éprouvé  une  sorte  de  ratatinement  tel  qu'elles  peuvent  ne  plus  présenter  qu'une 
épaisseur  de  2,  3,  4  millimètres,  tandis  que  celles  du  côté  opposé  en  ont  une 
de  1  centimètre  et  plus  encore;  quelquefois  aussi  elles  sont  comme  froncées, 
comme  parsemées  d'empreintes  punctifornies  rappelant  assez  bien  l'aspect  du 
bois  vermoulu  (Pozzi).  Mais,  fait  remarquable  et  caractéristique  de  cette  variété 
de  lésions  encéphaliques,  la  forme  générale  de  l'hémisphère  est  bien  conservée  ; 
il  n'y  a  pas  de  perte  de  substance,  pas  de  trace  de  lésion  en  foyer,  le  trajet  des 
circonvolutions  est  normal  et  n'a  subi  aucune  interruption,  en  un  mot,  c'est,  du 
moins  au  point  de  vue  de  la  pure  moiphologie,  un  hémisphère  normal  ramené 
à  une  échelle  inférieure  à  celle  sur  laquelle  est  formé  son  congénère.  Il  ne 
faudrait  pas  d'ailleurs  croire  que  la  sclérose  lobaire  frappe  toujours  la  totalité 
de  l'hémisphère  d'une  façon  assez  égaie  pour  arriver  à  en  faire  pour  ainsi  dire 
une  réduction  géométrique;  loin  de  là,  dans  la  majorité  des  cas,  sinon  dans 
tous,  la  sclérose  porte  plus  spécialement  sur  certains  lobes.  On  constate  alors 
que  certaines  parties  du  cerveau  sont  beaucoup  moins  atrophiées  que  d'autres, 
quelquefois  même  on  trouve  des  circonvolutions  qui  sont  presque  intactes  comme 
volume.  Nous  n'insisterons  pas  plus  longtemps  sur  l'aspect  macroscopique  de 
cette  lésion  primitive;  on  trouvei^a  tous  les  détails  nécessaires  dans  la  thèse  de 


HÉMIPLÉGIE.  209 

H.  Richardière  (1885),  qui  a  fait  de  la  sclérose   lobaire  une  c'iude  des  plus 
complètes. 

Comme  nous  le  dirons  plus  loin,  ces  quatre  principaux  types  des   lésions 
encéphaliques    productrices    du    tableau    clinique     liémiplcgie    infantile    ont 
entre  eux  les  plus  étroites  analogies  au  point  de  vue  de  la  cause,  au  point  de 
vue  du  processus  initial,   ils  sont  en  effet  tous  quatre  d'origine  vasculaire, 
et    les    symptômes  qu'ils  déterminent   peuvent  être   considérés   comme   uni- 
voques.  Ces  quatre   types   constituent  donc  bien,    comme   l'avait  dit  Cotard, 
l'ensemble  de  Tanatomie  pathologique  de  riiémiplégie  spasmodiquc  infantile. 
Il  en  est  cependant  un  cinquième,  tout  différent  par  sou  origine,  par  sa  nature, 
et  aussi    par  certaines  particularités   de  son   expression    clinique,    qu'il  nous 
semble  nécessaire  d'ajouter  à  la  description  de  Cotard,  car  ce  cinquième  type 
de  lésions  peut,  lui  aussi,  donner  naissance  à  un  ensemble  symptomatique  (brt 
analogue  à  celui  de  l'hémiplégie  spasmodique  infantile  vulgaire  :  nous  voulons 
ici  parler  de  la  méningo-encéphalite  tout  particulièrement  signalée  dans  plu- 
sieurs observations  de  Bourneville  et  de  ses  élèves  (Bourncville,  Comptes  rendus 
de  Bicêtre  pour  1882,  p.  107;  pour  4883,  p.  109;  Bourncville  et  Wuillamicr, 
Arch.  de  neuroL,  t.  111,  p.  327);  c'est  aussi  à  cette  forme  que  nous  semblent 
devoir  se  rattacher  la  plupart  des  cas  décrits  par  M.  Jules  Simon  sous  le  nom 
de  sclérose  cérébrale  chez  les  enfants. 

5"  Méningo-encéphalite.  Cette  lésion  (il  est  bien  entendu  qu'il  s'agit  ici 
d'une  méningo-encéphalite  chronique  durant  depuis  des  aimées,  et  non  de  la 
méningo-encéphalite  à  marche  aiguë,  qui  se  termine  par  une  marche  rapide) 
est  surtout  caractérisée  par  une  telle  adhérence  de  la  pie-mère  avec  l'écorce, 
qu'en  enlevant  cette  membrane  on  voit  toute  la  couche  de  substance  grise 
suivre  la  pie-mère,  laissant  à  nu  le  squelette  de  substance  blanche  des  circon- 
volutions; la  substance  blanche  ainsi  mise  à  nu  est  indurée,  ferme,  hérissée  de 
petites  crêtes  dont  la  saillie  est  rendue  encore  plus  visible  par  l'immersion 
dans  l'eau;  d'autre  part,  il  reste  une  véritable  coque  résultant  de  la  soudure 
de  la  pie-mère  à  la  substance  grise  et  reproduisant  par  les  reliefs  et  ses  dépres- 
sions le  moule  des  circonvolutions  ainsi  dépouillées.  Dans  les  3  cas  de  Bour- 
neville cités  plus  haut,  et  probablement  dans  presque  tous  les  cas,  les  lésions 
occupaient  les  deux  hémisphères,  et  ce  fait  se  comprend  d'autant  mieux  qu'ici 
la  lésion  est  d'origine  méningée  et  qu'il  y  a  par  conséquent  beaucoup  moins  de 
chances  de  la  voir  se  localiser  à  un  seul  hémisphère  que  si  elle  élait  comme  dans 
les  4  types  précédents  d'origine  vasculaire.  Cependant  les  lésions  de  méningo- 
encéphahte  prédominent  souvent  assez  sur  un  hémisphère  peur  donner  naissance 
à  une  hémiplégie  évoluant,  elle  aussi,  d'une  façon  chronique;  c'est  la  raison  pour 
laquelle  nous  avons  cru  devoir  introduire  ce  cinquième  type,  bien  qu'en  réalité, 
nous  le  répétons,  l'hémiplégie  infantile  spasmodique  ne  se  produise  dans  cette 
forme  de  lésions  que  d'une  façon  pour  ainsi  dire  fortuite,  et  en  présentant  le 
plus  souvent  des  caractères  tout  particuliers. 

Il  est  aussi  nécessaire  de  dire  quelques  mots  d'une  autre  forme  de  sclérose 
cérébrale  qui  nous  semble  s'éloigner  beaucoup  trop  par  ses  symptômes  des 
types  précédents  pour  que  nous  puissions  la  comprendre  dans  la  description 
anatomo-pathologique  de  l'hémiplégie  infantile  spasmodique.  Cette  forme  a 
été  particulièrement  étudiée  par  MM.  Bourneville  et  Brissaud.  Elle  constitue, 
d'après  la  description  de  ces  auteurs,  une  affection  superiicielle  du  cerveau 
siégeant  dans  les  parties  grises  de  l'écorce,   quoique   envahissant   cependant 

DICT.   EKC.  4°  S.  XIII.  14 


210  HÉMIPLÉGIE. 

un  peu  les  parties  blanches,   car  le  lissu   scléreux  se  continue  sans  délimi- 
taliou  nette  avec  les  parties  saines.  Les  nodules  sont  exclusivement  composés 
de  tissu  conjonctif,  ils  ne  contiennent  ni  fibres  ni  cellules  nerveuses;   on  n'y 
rencontre  pas  non  plus  de  fins    vaisseaux,    seuls    ceux   d'un   certain    calibre 
semblent  y  pénétrer.  Il  n'existe  aucune  altération  des  méninges.  Celte  lésion, 
que  MM.  Bournevilie  et  Brissaud  considèrent  comme  une  polio-encéphallle  tubé- 
reuse, est  regardée,  peut-être  non  sans  raison,  par  Fûrstner  et  Stiihlinger,  comme 
une  production  gliomateuse.  Dans  aucun  des  cas  où  cette  sclérose  tubéreuse  a 
été  trouvée  à  l'autopsie  elle  ne  s'est  accompagnée  du  syndrome  de  l'hémiplégie 
infantile  spasmodique  :  aussi  avons-nous  pensé  que,  s'il  est  bon  d'en  signaler 
ici  l'existence  pour  éviter  tout  malentendu  ;  il  serait   d'autre  part  tout  à  fait 
hors  de  propos  de  la  ranger  parmi  les  types  anatomo-pathologiques  qui  donnent 
naissance  à  l'hémiplégie  inl'anlile  spasmodique. 

Il  reste  maintenant  à  se  demander  de  quelle  nature  sont  les  lésions  formant 
les  quatre  premiers  types,  celles  qui  en  somme  appartiennent  le  plus  étroitement 
à  notre  sujet.  La  question  est,  jusqu'à  un  certain  point,  embarrassante,  car  il 
est  rare  de  faire  des  autopsies  d'hémiplégie  infantile  à  une  période  assez 
rapprochée  du  début*.  Lorsqu'on  a  cette  heureuse  fortune,  les  lésions  que  l'on 
rencontre  ont  généralement  un  aspect  si  différent  de  celui  des  lésions  plus 
anciennes  qu'il  est  fort  difficile  de  dire  dans  quel  type  une  évolution  ultérieure 
les  aurait  fait  rentrer. 

Cependant,  en  utilisant  les  quelques  documents  qui  existent  sur  ce  sujet  et 
aussi  en  s'aidant  de  l'aspect  présenté  par  les  lésions  qui  ne  sont  pas  encore 
tout  à  fait  parvenues  au  terme  de  leur  évolution,  on  ne  tarde  pas  à  se  con- 
vaincre ([u'en  réalité,  chez  l'enfant  comme  chez  l'adulte,  c'est  dans  un  grand 
nombre  de  cas  à  ïhémorrhagie  ou  au  ramollissement  cérébral  par  thrombose 
ou  embolie  qu'il  faut  faire  remonter  la  responsabilité  de  l'hémiplégie.  D'après 
Cotard,  les  kystes  seraient  dus  le  plus  souvent  à  la  transformation  d'anciens 
foyers  hémorrhagiques;  on  peut  aussi,  d'après  lui,  se  demander  s'il  n'y  a  pas 
dans  quelques  cas  des  foyers  d'hémorrhagie  méningée  ou  plutôt  sous-méningée, 
caria  cavité  de  l'arachnoïde  est  généralement  saine,  (inânl  clvlx  plaques  jaunes^ 
elles  sont  le  reliquat  d'anciens  foyers  de  ramollissement.  Dans  un  certain  nombre 
de  cas,  d'ailleurs,  on  a  pu  constater  directement  l'existence  de  ce  ramollisse- 
ment (Norman  Moore,  Jules  Simon,  E.  Revilliod,  etc.);  ces  deux  derniers 
auteurs  ont  même  pu  démontrer  l'oblitération  du  vaisseau  oblitéré  par  throm- 
bose; dans  l'observation  de  E.  Revilliod  où  l'autopsie,  chez  un  enfant  de  trois 
ans  et  demi,  fut  faite  six  semaines  après  le  début  des  accidents;  la  sylvienne 
droite  était  obturée,  le  ramollissement  comprenait  le  lobe  frontal  et  les  3/4 
inférieurs  du  lobe  pariétal. 

L'obstruction  permanente  ou  transitoire  des  veines  et  des  sinus  semble, 
dans  les  hémorrhagies  et  les  ramollissements  de  l'enfance,  jouer  un  rôle  impor- 
tant. M.  Ilutinel,  dans  sa  thèse,  insiste  tout  particulièrement  sur  ces  faits;  il  a 
montré  que  le  plus  souvent  chez  les  nouveau-nés  le  ramollissement  rouge  était 

1  Parmi  les  douze  cas  qui  figurent  en  tête  du  tableau  dressé  par  Wallenberg,  dans  lesquels 
on  aurait  pu  examiner  les  lésions  à  une  époque  rapprochée  du  début,  il  y  en  a  au  moins 
huit  qui  nous  semblent,  pour  obéir  à  une  méthode  rigoureuse,  ne  devoir  pas  être  comptés, 
car  ils  ont  tirait  à  des  enfants  de  9,  10,  13  et  même  16  ans  :  or  à  cet  âge  les  symptômes  dé- 
terminés par  les  lésions  cérébrales  ne  sont  plus  tout  à  fait  ceux  de  l'hémiplégie  infantile 
spasmodique,  et  nous  aurons  plus  loin  l'occasion  de  fixer  approximativement  à  9  ans  l'âge 
maximum  où  les  lésions  cérébrales  peuvent  encore  détei'miner  ces  symptômes. 


HÉMIPLÉGIE.  2H 

dû  à  des  thromboses  dans  le  système  \eineux  encéphalique;  dans  les  cas  oii 
celles-ci  n'existaient  pas,  il  admet  que  la  stagnation  d'un  sang  noir  et  poisseux 
dans  les  veines  peut  s'opposer  assez  à  l'irrigation  des  éléments  nerveux  pour  en 
amener  la  destruction.  Si,  au  point  de  vue  symptomatique,  les  malades  observés 
par  cet  auteur  n'ont  guère  présenté  l'aspect  de  l'hémiplégie  spasmodique,  cela 
tient  suivant  toute  vraisemblance  à  ce  qu'il  s'agissait  d'une  catégorie  toute 
spéciale  de  cas  dans  lesquels  la  survie  n'était  i>as  assez  longue  pour  permettre 
le  développement  de  celle-ci.  En  effet,  par  suite  de  l'état  prononcé  d'athrepsic 
dans  lequel  se  trouvaient  la  plupart  de  ces  enfants,  par  suite  aussi  de  l'extension 
des  lésions,  la  mort  était  généralement  très-rapide.  Rappelons  encore  les  travaux 
de  von  Dusch  et  de  Parrot  sur  les  thromboses  du  système  veineux  encéphalique 
«hez  les  nouveau-nés.  De  même  pour  Gowers  les  hémiplégies  subites  de  l'en- 
fance seraient  duos  souvent  à  la  thrombose  du  sinus  longitudinal  supérieur  ou 
des  veines  qui  s'y  jettent.  Quant  au  ramoll hibernent  blanc  décrit  par  Parrot  et 
attribué  par  lui  à  la  stéatose  de  l'encéphale,  d'accord  avec  M.  llutinel,  nous  ne 
pensons  pas  qu'il  puisse  jamais  produire  l'hémiplégie  spasmodique  infantile, 
car  il  semble  toujours  entraîner  la  mort  à  bref  délai. 

L'origine  vasculaire  des  deux  premiers  types  de  lésion  peut  donc  être  consi- 
dérée comme  bien  établie  :  en  est-il  de  même  pour  les  deux  autres  types'? 
Oui,  suivant  toute  vraisemblance.  Pour  le  troisième  type,  la  porencéphalie,  que 
Cotard  considérait  comme  particulièrement  liée  à  l'encéphalite  traumatique, 
les  recherches  de  Kundrat  ont  parfaitement  montré  que  cette  lésion  est  toujours 
en  rapport  avec,  un  territoire  artériel  et  est  par  conséquent  d'origine  vasculaire. 
Dans  27  cas  (dont  19  congénitaux,  8  survenus  postérieurement)  cet  auteur  a 
trouvé  que  la  lésion  siégeait  nettement  dans  le  territoire  de  l'artère  cérébrale 
moyenne;  dans  5  cas,  c'était  sur  le  territoire  de  l'artère  cérébrale  antérieure; 
enfin,  dans  5  cas  sur  celui  de  l'artère  cérébrale  postérieure.  Quant  m  processus 
même  par  lequel  se  produit  la  lésion  cérébi'ale  dans  le  territoire  artériel,  Kun- 
drat l'attribue  à  une  anémie  due  surtout  à  la  faiblesse  du  cœur  du  fœtus  ou  de 
l'enfant;  faiblesse  produite  elle-même  soit  par  des  troubles  de  la  nutrition 
générale,  soit  par  une  gêne  dans  la  circulation  placentaire.  Cette  anémie 
pourrait  encore  être  consécutive  à  la  compression  du  crâne,  ou  h  des  hémorrha- 
gies  au  moment  de  l'accouchement.  En  somme,  on  le  voit,  c'est  l'anémie  sans 
lésions  artérielles  primitives  que  vise  spécialement  le  professeur  Kundrat  ;  cette 
anémie  amènerait  une  encéphalite  productrice  de  la  porencéphalie  (même  pour 
les  cas  congénitaux),  et  caractérisée  par  une  prolifération  accentuée  des  vais- 

*  Il  est  bien  entendu  que  la  méningo-encéplialite  constitue  un  type  tout  à  fait  à  part 
n'appartenant  que  d'une  façon  accessoire  et  occasionnelle  à  l'hémiplégie  infantile  spasmo- 
dique, et  qu'elle  devra  par  conséquent  n'être  nullement  comprise  dans  les  descriptions  géné- 
rales s'appliquant  aux  quatre  formes.  Lorsqu'il  devra  être  question  d'elle,  il  en  sera  fait  une 
mention  spéciale.  Nous  ferons  aussi  remarquer  que  dans  les  quatre  types  précédents  les 
méninges  sont  saines  et  s'enlèvent  assez  facilement  ;  si  quelquefois  on  les  trouve  un  peu 
épaissies,  cela  tient  vraisemblablement  non  à  une  lésion  primitive,  mais  plutôt  à  une  irri- 
tation secondaire  déterminée  soit  par  l'extension  du  processus  cortical,  soit  par  la  disten- 
sion que  détermine  dans  la  pie-mère  l'infiltration  dont  elle  est  le  siège  par  suite  de  l'épan- 
chement  séreux  intra-ai^achnoidien  auquel  Cotard  attribue  (probablement  à  juste  titre)  un 
caractère  tout  à  fait  passif.  —  Quant  à  l'état  des  méninges  particulièrement  dans  la  poren- 
céphalie, Kundrat  insiste,  lui  aussi,  sur  ce  fait  qu'elles  restent  intactes  (il  l'attribue  à  leur 
richesse  plus  grande  en  vaisseaux  qui  leur  permet  de  ne  pas  éprouver  de  l'anémie  les  mêmes 
effets  délétères  que  la  substance  cérébrale),  cependant  au  niveau  même  de  la  perte  de 
substance  la  pie-mère  fait  presque  toujours  défaut,  c'est  tout  au  plus  si  l'on  trouve  au- 
dessus  un  léger  voile  membraneux  ;  celui-ci  ne  serait  formé  que  par  l'arachnoïde. 


212  HÉMIPLÉGIE. 

seaux  qui  cependant  resteraient  intacts  et  parfaitement  perméables.  Kundrat 
insiste  d'autant  plus  sur  ce  point  que  Klebs  dit  avoir  observé  le  rétrécisse- 
ment et  l'oblitération  de  ces  vaisseaux  ;  d'après  le  premier  de  ces  auteurs,  ces 
lésions  seraient  seulement  secondaires  à  la  porencéphalie,  mais  jamais  primi- 
tives. Quant  ù  nous,  il  nous  paraît  difficile  d'être  aussi  absolu,  et  nous  croyons 
que  suivant  toute  vraisemblance  la  lésion  vasculaire  initiale,  ici  encore,  doit 
être  dans  bien  des  cas  une  liémorrbagie  ou  plutôt  une  Ibrombose. 

Quant  au  quatrième  type,  à  la  sclérose  lobaire  yrimillve,  les  données  macro- 
scopiques et  microscopiques  permettent,  ainsi  que  l'ont  fait  Jendrassik  et  Marie, 
de  le  rattacher  également  à  une  lésion  vasculaire  primitive  :  en  effet,  lorsque, 
au  lieu  d'un  cerveau  atteint  de  sclérose  lombaire  généralisée,  on  examine  un  de 
ceux  où,  comme  nous  l'avons  dit,  elle  porte  plus  spécialement  sur  telle  ou  telle 
région,  on  ne  tarde  pas  à  se  convaincre  que  dans  ce  cas  la  distribution  de  la 
sclérose  est  tout  à  fait  concordante  avec  celle  du  réseau  artériel.  De  plus,  dans 
les  cas,  peu  nombreux  d'ailleurs,  où  la  sclérose  atteint  les  deux  hémisphères  au 
lieu  de  rester  comme  d'habitude  localisée  à  l'un  d'eux,  on  constate  qu'elle  se 
répartit  presque  toujours  d'une  façon  symétrique  et  frappe  soit  les  deux  lobes 
frontaux,  soit  les  deux  lobes  occipitaux  (cas  de  Ricliardière).  On  conçoit  com- 
bien cette  disposition  symétrique  vient  plaider  en  faveur  d'une  origine  arté- 
rielle de  la  lésion,  car,  lorsque  le  processus  est  tout  autre,  comme,  par 
exemple,  dans  la  niéningo-encéphalite  qui  est  souvent  bilatérale,  les  lésions 
sont  disséminées  sans  aucun  ordre,  sans  la  moindre  symétrie.  De  plus,  au 
microscope,  Jendrassik  et  Marie  ont  dans  deux  cas  trouvé  des  lésions  vascu- 
laires  ou  plutôt  périvasculaires  si  prononcées  (dilatation  des  espaces  périvas- 
culaires,  envahissement  de  ceux-ci  par  du  tissu  conjonctif  en  prolifération,  et 
quelquefois  soudure  de  la  gaine  et  du  vaisseau),  qu'il  semble  bien  qu'il  s'a- 
gisse là  de  lésions  portant  primitivement  sur  le  système  circulatoire.  Mais, 
quant  à  la  nature  de  ce  processus  primitif,  nous  avouons  l'impossibilité  de 
l'expliquer  actuellement.  S'agit-il  d'une  thrombose  avec  embolies  canalisées 
dans  la  suite?  S'agit-il  d'une  simple  artérite  infectieuse  sans  oblitération  du 
vaisseau  ou  avec  obstruction  passagère?  c'est  ce  que  les  documents  actuels  ne 
permettent  nullement  de  décider. 

Il  y  aurait  lieu  de  parler  aussi  des  relations  que  peut  affecter  Vencéphalite 
congénitale  de  Virchow  avec  l'hémiplégie  infantile  spasmodique,  malheureu- 
sement nos  connaissances  sur  ce  sujet  sont  encore  bien  peu  avancées,  puisque 
l'existence  même  de  cette  lésion  n'est  pas  admise  d'une  façon  unanime  (Jas- 
trowitz,  etc.).  Nous  ignorons  absolument  si  cette  encéphalite  peut  dans  cer- 
tains cas  donner  naissance  au  syndrome  que  nous  étudions  ;  il  faut  cependant 
mentionner  ici  l'opinion  de  von  Limbeck;  d'après  cet  auteur,  l'encéphaUte 
congénitale  de  Yirchow  pourrait,  par  la  réunion  et  la  fusion  de  plusieurs 
foyers  voisins,  amener  un  ramollissement  cérébral  et  plus  tard  par  l'intermé- 
diaire de  celui-ci  une  porencéphalie.  Il  sera  utile  que  de  nouveaux  faits  vins- 
sent confirmer  une  hypothèse  qui,  au  premier  abord,  ne  semble  pas  très-vrai- 
semblable. 

A  propos  d'encéphalite,  nous  devons  dire  quelques  mots  de  la  poliencéphalite 
de  Strùmpell  (le  terme  de  poliencéphalite,  employé  déjà  par  Wernicke  et  par 
Bourneville  et  Brissaud,  a  été  appliqué  par  ces  auteurs  à  des  lésions  tout  à  fait 
différentes  de  celles  que  Strùmpell  a  eues  en  vue).  Pour  cet  observateur, 
l'hémiplégie  spasmodique  infantile   avec  les  caractères  particuliers  qu'on  lui 


UÉMIPLEGIE.  215 

connaît  serait  toujours  due  à  une  encéphalite  spécialement  localisée  à  la  sub- 
stance grise  des  circonvolutions,  et,  dans  tous  les  cas  anciens  appartenant  à 
cette  catégorie,  ou  trouverait  des  pertes  de  substance  porencéplialiques  dans  le 
territoire  moteur  de  l'écorce;  cette  dernière  assertion  nous  semble  absolument 
inexacte.  Quant  au  stade  aigu  de  cette  inflammation,  on  n'aurait  encore  sur  lui, 
au  point  de  vue  anatomo-pathologique,  que  des  renseignements  bien  insuffisants. 
Telle  est  l'opinion  émise  par  Strûmpell  ;  elle  est  à  notre  avis  beaucoup  trop 
exclusive,  et  de  plus  en  désaccord  avec  un  trop  grand  nombre  de  faits  pour 
qu'on  puisse  l'adopter  ou  même  l'admettre  d'une  façon  générale. 

Donc,  pour  résumer  ce  qui  a  trait  aux  lésions  primitives,  elles  peuvent  macro- 
scopiquement  se  diviser  en  quatre  types  principaux  : 

Plaques  jaunes; 

Kystes  et  infiltration  celluleuse; 

l'orencéphalie  ; 

Sclérose  lobaire  jJrimitive. 

Un  cinquième  type  ne  produit  que  par  occasion  l'iiémiplégie  spasmodique 
infantile  :  c'est  la  ménhujo-encéphalile  chronique. 

Sauf  ce  dernier  type,  tous  les  autres  relèvent  d'altérations  vasculaires  (hémor- 
rhagies,  thrombose,  embolie,  artérite  (?)  ou  péri  vasculaires,  dont  elles  ne  sont 
qu'une  conséquence  plus  ou  moins  éloignée. 

B.  Lésions  secondaires.  Celles-ci  ont  dans  l'hémiplégie  infantile  spasmo- 
dique un  Intérêt  tout  particulier,  car  d'une  part  elles  s'étendent  à  presque  tout 
le  système  nerveux,  d'autre  part  les  progrès  de  leur  évolution  sont  tels  que 
souvent  et  par  leur  étendue  et  par  les  symptômes  'qu'elles  déterminent  elles 
prennent  une  prépondérance  considérable  sur  les  lésions  primitives.  En  un 
mot,  et  on  ne  saurait  trop  insister  sur  ce  point,  dans  l'hémiplégie  infantile 
spasmodique  la  lésion  finit  par  vivre  pour  ainsi  dire  d'une  existence  propre, 
grâce  à  laquelle  elle  se  perpétue  et  s'étend  aux  dépens  de  l'hémisphère  atteint, 
et  cela  en  général  pendant  de  longues  années. 

Les  lésions  secondaires  se  retrouvent  dans  les  hémisphères,  dans  le  cervelet, 
le  bulbe  et  la  moelle. 

Hémisphères.  On  peut  admettre,  en  règle  générale,  que  l'hémisphère  sur 
lequel  portait  la  lésion  primitive  offre  au  bout  d'un  certain  temps  les  marques 
manifestes  d'altérations  secondaires;  ces  marques  sont  V atrophie  et  la  sclérose. 
L'atrophie  est  souvent  très-marquée  et  l'hémisphère  malade  présente  cette  dimi- 
nution de  poids,  cette  réduction  de  toutes  les  dimensions  que  nous  avons  déjà 
signalées  à  propos  de  la  sclérose  lobaire  et  sur  lesquelles  il  est  inutile  de  revenir, 
car  l'aspect  d'un  hémisphère  atteint  de  sclérose  lobaire  primitive  est  tout  à  fait 
analogue  à  celui  d'un  hémisphère  atteint  de  sclérose  lobaire  secondaire.  Cepen- 
dant dans  ce  dernier  cas,  surtout  si  la  lésion  primitive  ne  remonte  pas  à  l'âge 
le  plus  tendre,  l'atrophie  est  généralement  moins  marquée,  elle  est  plus  étroite- 
ment localisée  au  voisinage  de  la  lésion.  La  forme  des  circonvolutions  au  niveau 
et  à  l'entouv  de  la  lésion  primitive  est  un  indice  dont  Kundrat  a  notamment 
montré  toute  l'importance.  D'après  cet  auteur,  il  serait  possible  par  l'aspect  de 
la  surface  des  hémisphères  de  reconnaître  si  un  cas  de  porencéphalie  est  congé- 
nital ou  non  ;  dans  le  premier  cas,  les  circonvolutions  situées  à  la  périphérie  du 
foyer  sont  orientées  en  rayons  dirigés  vers  le  milieu  de  ce  foyer,  elles  sont 
comme  attirées  par  celui-ci,  et  elles  se  prolongent  pour  ainsi  dire  jusqu'au  fond 
de  la  cavité;  dans  la  porencéphalie  non  congénitale,  au  contraire,  on  ne  trouve 


214  HÉMIPLÉGIE. 

pas  cette  disposition  radiée  et  les  circonvolutions  sont  coupées  assez  nettement 
par  les  bords  de  la  cavité  et  ne  se  prolongent  pas  dans  son  intérieur. 

Quant  à  la  sclérose,  elle  se  révèle  suffisamment  par  l'induration  de  la  sub- 
stance cérébrale,  qui  dans  certains  cas  devient  telle  que  l'hémisphère  prend  une 
consistance  assez  analogue  à  celle  du  cuir,  en  même  temps  sa  résistance 
augmente  et  pour  en  séparer  un  fragment  il  devient  nécessaire  de  faire  un 
effort,  de  déchirer  le  tissu  cérébral  qui  se  détache  alors  en  foi'mant  une  sorte 
de  lanière. 

Au  point  de  vue  microscopique,  les  documents  sont  en  nombre  très-restreint, 
et  encore  ne  s'appliquent-ils  guère  qu'à  des  cas  de  sclérose  lobaire  (Robin, 
Ilayem,  Jendrassik  et  Marie,  Richardière,  Mac  Nutt)  ;  dans  un  cas  de  Jendrassik 
et  Marie,  on  trouvait  la  névroglie  dans  un  état  de  prolifération  des  plus  accen- 
tués, elle  formait  d'épaisses  travées  dirigées  le  plus  souvent  d'une  façon  assez 
sensiblement  radiée,  comme  si  ces  travées  constituaient  des  groupes  appartenant 
à  un  système  anatomique  dont  le   centre   (vaisseaux?)  n'était  pas  nettement 
déterminé;  ces   travées  principales  étaient  reliées  les  unes  aux  autres  par  des 
faisceaux  plus  minces  ayant  une  direction  perpendiculaire  à  celle  des  premières. 
La  réunion  de  tous  ces  faisceaux  produisait  une  sorte  de  feutrage  d'un  aspect 
assez  régulier,   affectant  même,  grâce  à  la  disposition   radiée,  l'apparence  de 
certaines  formes  cristallines.  Le  nombre  des  noyaux  est  augmenté,  il  existe  une 
quantité  plus  ou  moins  considérable  de  cellules  araignées.  Les  fibres  nerveuses 
éprouvent  sinon  une  disparition  complète,  dans  les  circonvolutions  atteintes  par 
la  sclérose  et  dans  la  substance  blanche  sous-jacente,  du  moins  une  diminution 
considérable;  il  en  est  de  même  des  cellules  nervemes.  De  plus,  les  espaces 
périvasculaires  sont  considérablement  dilatés,  au  [loint  d'acquérii'  un  diamètre 
cinq  ou  six  fois  plus  grand  que  celui  du  vaisseau  qui  en  occupe  le  centre;  le 
vaisseau  lui-même,  outre  les  altérations  qu'il  peut  présenter,  décrit  une  série  de 
simiodtés  qui  lui  donnent  un  aspect  tout  à  fait  singulier  et  suivant  toute  vrai- 
semblance doivent  être  rapportées  à  la  rétraction  éprouvée  par  le  tissu  cérébi'al. 
C'est  par  un  raisonnement  analogue  que  Jendrassik  et  Marie  expliquent  le  fait 
que,  sur  les  coupes  des  parties  atteintes,  les  vaisseaux  semblent  beaucoup  plus 
nombreux  à  l'œil  nu  que  sur  des  coupes  similaires  de  l'hémisphère  sain  :  en 
effet,  par  suite  de  la  rétraction  considérable  subie  par  la  substance  blanche,  les 
vaisseaux,  dont  le  nombre  n'a  probablement  pas  varié,  se  trouvant  répartis  sur 
un  espace  moindre,  paraissent  beaucoup  plus  nombreux.  Enfin,  il  est  un  autre 
résultat  de  l'examen  microscopique  sur  lequel  ces  auteurs  insistent  tout  parti- 
culièrement :  c'est  la  présence  d'abondants  corps  granuleux,  soit  dans  les  mailles^ 
du  tissu  cérébral,  soit  dans  les  espaces  périvasculaires.  L'existence  de  ces  cor- 
puscules aurait,  d'après  Jendrassik  et  Marie,  une  signification  toute  particulière, 
étant  donné  l'époque  très-éloignée  à  laquelle  dans  leurs  deux  cas  remontait  la 
lésion  primitive  (cas  I,  intervalle  de  9  ans;  cas  H,  intervalle  de  5  ans  1/2).  En 
effet,  dans  ces  cas,  la  présence  des  corps  granuleux  ne  pouvait  être  mise  sur  le 
compte  de  la  résorption  d'éléments  dont  la  destruction  remonterait  à  l'époque 
de  la  lésion  primitive,   puisque  dans  la  sclérose  lobaire  primitive  il  n'existe 
aucun  foyer  d'hémorrhagie  ou  de  ramollissement  dans  lequel  les  matières  grais- 
seuses auraient  pu  être  retenues  pendant  m\  temps  plus  ou  moins  long  pour 
être  reprises  ensuite  par  les  cellules  lymphatiques  sous  la  forme  de  corps  gra- 
nuleux. Et  même,   en  admettant   qu'à  l'époque    du  début  il  y  eût  eu   une 
destruction  assez  considérable  d'éléments  nerveux,  il  est  évident  que  la  résorp- 


HÉMIPLÉGIE.  215 

tion  en  aurait  dû  s'accomplir  complètement  dans  un  espace  de  temps  bien 
moindre^  II  semble  donc  ncccssaiie  d'admettre  qu'on  se  trouve  là  en  pré- 
sence d'un  processus  encore  en  pleine  activité,  processus  soit  spécial,  soit 
analogue  à  celui  des  dégénérations  secondaires  constatées  dans  d'autres  points 
de  l'axe  encépbalo-médullaire.  Nous  verrons  à  propos  des  symptômes  les 
conclusions  qui  peuvent  être  tirées  de  ce  fait  au  point  de  vue  de  leur  évo- 
lution. 

Outre  l'atropbie  et  la  sclérose  des  circonvolutions  et  des  centres  blancs,  il 
reste  à  signaler  comme  lésions  secondaires  dans  les  liémisplières  :  les  altéra- 
tions des  noyaux  gris  centraux  et  la  dilatation  venir iculaire. 

Les  ganglions  centraux  (couche  optique  et  corps  strié)  ne  semblent  pas  se 
comporter  toujoui's  d'une  façon  identique  et,  si  nous  prenons  les  chiffres  fournis 
par  H.  Richardière,  nous  voyons  que,  dans  8  observations  de  sclérose  lobaire, 
ces  ganglions  étaient  aussi  atrophiés  et  sclérosés,  tandis  que  dans  1  autres 
cas  on  les  avait  trouvés  sains  ;  la  même  inconstance  existe  dans  les  autres  types 
anatomo-pathologiques  de  l'hémiplégie  infantile  spasmodique.  Celte  inconstance 
est  vraisemblablement  due  à  des  différences  dans  l'étendue  et  l'intensité  des 
lésions  cortico-niédullaires,  mais  nous  ignorons  encore  les  lois  qui  la  régissent. 
Quant  à  la  lésion  primitive  des  ganglions  centraux,  lUchardière  dit  ne  l'avoir 
jamais  vue  signalée. 

La  dilatation  ventriculaire  est  sinon  constante,  du  moins  très-fréquente,  elle 
peut  avoir  un  développement  considérable,  à  tel  point  que  l'hémisphère  malade 
ne  représente  plus  qu'une  sorte  de  coque  dont  les  parois  amincies  n'ont  que 
quelques  millimètres  d'épaisseur.  Dans  un  cas  de  Jendrassik  et  Marie,  la  cavité 
formée  par  le  ventricule  latéral  dilaté  avait  une  capacité  d'environ  60  grammes, 
et  l'air  qui  y  restait  logé,  lorsqu'après  avoir  examiné  l'hémisphère  on  le  replaçait 
dans  le  liquide  conservateur,  suffisait  à  faire  flotter  tout  l'hémisphère  à  la 
surface  du  liquide.  Au  moment  de  l'autopsie,  les  ventricules  dilatés  contiennent 
ordinairement  une  assez  grande  quantité  de  sérosité;  nous  avons  déjà  vu  que 
la  pie-mère  contient  quelquefois  aussi  dans  ses  mailles  une  certaine  quantité  de 
liquide  séreux. 

Cervelet.  Les  lésions  secondaires  du  cervelet  dans  l'hémiplégie  infantile 
spasmodique  ont  été  surtout  étudiées  par  Vulpian  et  par  Turner;  celui-ci  a 
montré  que,  en  règle  générale,  on  constatait  dans  ce  cas  une  atrophie  du  lobe  du 
cervelet  du  côté  opposé  à  celui  de  l'hémisphère  cérébral  sclérosé.  Le  poids  du 
cervelet  peut  tomber  de  175  grammes,  chiffre  normal,  à  95  ou  même  moins: 
l'inégalité  des  deux  lobes  est  alors  des  plus  apparentes. 

Dans  la  protubérance,  le  bulhe  et  la  moelle,  on  trouve  presque  toujours  une 
sclérose  descendante  assez  prononcée  du  faisceau  pyramidal,  quelquefois,  au 
contraire,  celle-ci  est  très-peu  marquée,  elle  pourrait  même  faire  défaut  d^s 
des  cas  tout  à  fait  exceptionnels.  On  observerait  quelquefois  aussi  une  inégalité 
de  volume  entre  les  deux  colonnes  de  substance  grise  de  la  moelle,  celle  du  côté 
opposé  à  la  lésion  hémisphérique  étant  moins  large  que  l'autre.  Quant  aux 
cellules  ganglionnaires  de  la  moelle  du  côté  opposé  à  la  lésion  cérébrale,  il  ne 

*  H.  Ricliardiére  a,  lui  aussi,  dans  un  cas  de  sclérose  lobaire  constaté  l'existence  de  nom- 
breux corps  granuleux,  bien  que  l'autopsie  eût  été  faite  deux  ans  après  le  début  des  acci- 
dents. —  Dans  l'observation  xn  de  la  thèse  de  M.  le  professeur  Ilayem  on  trouve  signalée  la 
présence  de  corps  granuleux  assez  abondants  quoi  que  la  date  de  la  lésion  initiale  fût  très- 
éloignée. 


'216  HÉMIPLÉGIE. 

semble  pas  établi  d'une  façon  certaine  qu'elles  aient  subi  une  altération  notable. 
Schrôder  van  der  Kolk  et  Cotard  auraient  constaté  dans  2  cas  l'atrophie  de 
quelques  racines  nerveuses  et  des  ganglions  du  grand  sympathique  corres- 
pondants. 

Quant  aux  nerfs  périphériques  et  aux  muscles,  bien  qu'il  y  ait  une  atrophie 
très-marquée  des  membres  paralysés,  ils  ne  paraissent  pas  présenter  de  lésions 
grossières,  mais  les  documents  manquent  au  point  de  vue  microscopique. 

Nous  aurons,  à  propos  des  symptômes,  à  revenir  sur  les  altérations  du  sqiie- 
lelle  en  général  ;  il  est  nécessaire  de  signaler  ici  les  modifications  que  subit  la 
configuration  du  crâne. 

Déformations  du  crâne.  Celles-ci  ont  été  très-bien  décrites  par  Cotard;  cet 
auteur  fait  remarquer  avec  raison  ([u'oUes  ne  se  montrent  généralement  d'une 
façon  accentuée  que  lorsque  la  lésion  cérébrale  remonte  aux  premières  années 
de  l'existcacc  ou  à  la  vie  iulra-utérine,  et  que,  si  même  dans  ces  cas  on  ne  la 
constate  pas  toujours,  c'est  que  souvent  la  substance  cérébrale  détruite  serait 
remplacée  par  un  kyste  ou  par  une  accumulation  assez  considérable  de  liquide 
dans  les  ventricules.  Cependant  ces  déformations  peuvent  se  montrer  même 
quand  la  lésion  n'a  pas  été  précoce,  et  dans  quelques  observations  elles  exis- 
taient, bien  que  le  début  des  accidents  ne  remontât  qu'à  l'àge  de  six  ou 
sept  ans. 

La  configuration  intérieure  du  crâne  suit  en  général  assez  exactement  les 
contours  de  la  déformation  cérébrale;  lorsque  tout  l'hémisphère  est  atrophié 
ainsi  que  le  lobe  opposé  du  cervelet,  on  trouve  les  fosses  antérieure  et  moyenne 
correspondantes  et  la  fossette  occipitale  du  côté  opposé  notablement  rétrécies. 
La  base  du  crâne  elle-même  peut  éprouver  des  déformations  accentuées  :  il  en 
est  ainsi,  par  exemple,  dans  l'observation  XIV  de  Wuillamier  :  «  La  moitié 
gauche  de  la  base  du  crâne  est  notablement  déformée,  la  fosse  coronale  gauche 
est  plus  saillante  que  la  droite,  presque  unie.  La  fosse  sphénoidale  est  plus 
étroite  que  celle  du  côté  opposé.  L'apophyse  crista  galli  est  déjetée  à  gauche,  en 
sorte  que  la  gouttière  ethmoïdale  est  à  peine  marquée.  La  selle  turcique  est 
très-étroite.  Les  apophyses  clinoïdes  antérieures  et  postérieures  ne  sont  distantes 
les  unes  des  autres  que  de  2  ou  5  millimètres,  la  lame  quadrilatère  est  très- 
déprimée  et  se  continue  directement  avec  la  gouttière  basilaire.  » 

Dans  un  cas  (Bell)  la  dure-mère  avait  éprouvé  une  ossification  tellement  pro- 
noncée que  l'hémisphère  atrophié  semblait  être  enfermé  dans  une  seconde  boîte 
osseuse. 

L'épaisseur  des  parois  du  crâne  est  souvent  augmentée;  dans  certains  cas 
celles-ci  paraissent  même  comme  boursouflées,  la  voûte  orbilaire  est  dédoublée 
en  deux  lames  entre  lesquelles  se  trouvent  de  vastes  cellules  qui  semblent  être 
une  expansion  des  sinus  frontaux. 

La  forme  extérieure  du  crâne  peut  quelquefois  ne  pas  éprouver  de  modifica- 
tion notable,  bien  que  la  configuration  intérieure  de  celui-ci  soit  altérée,  cela 
tient  alors  à  ce  que  la  diminution  de  la  capacité  du  crâne  s'est  faite  presque 
uniquement  par  le  retrait  de  la  table  interne.  Lorsqu'au  contraire  il  existe  une 
déformation  notable  de  l'extérieur  du  crâne,  celle-ci  correspond  assez  exacte- 
ment à  la  partie  atrophiée  du  cerveau,  le  crâne  est  aplati,  tantôt  en  avant, 
tantôt  sur  le  côté,  suivant  le  siège  de  la  lésion  cérébrale. 

Enfin,  beaucoup  plus  rarement  (2  cas  seulement)  on  a  signalé  au  niveau  de 
la  lésion  cérébrale  une  véritable  perte  de  substance  des  os  du  crâne.   Dans 


HÉMIPLÉGIE.  217 

l'observation  de  Meschede,  qui  fut  suivie  d'autopsie,  on  constata  que  la  perte  de 
substance  osseuse  était  fermée  par  une  membrane  fibreuse  et  qu'il  existait  dans 
la  région  sous-jacente  de  l'hémisphère  une  cavité  de  dimensions  à  peu  près 
correspondantes  à  la  perte  de  substance  ;  cette  cavité  était  remplie  d'un  liquide 
séreux  et  communiquait  avec  le  ventricule  latéral,  en  un  mot,  il  s'agissait  d'une 
porencéphalie  ;  il  est  curieux  de  constater  à  la  fois  une  perte  de  substance  céré- 
brale et  crânienne  à  localisation  tout  à  l'ait  correspondante.  C'est  probablement, 
ainsi  que  le  dit  Ross,  une  lésion  analogue  que  présentait  la  petite  fille  dont  il 
a  rapporté  l'observation  :  elle  était  hémiplégique  du  côté  gauche,  cl  depuis  sa 
naissance  on  avait  remarqué  une  perte  de  substance  dans  son  pariétal  droit. 

Symptômes.  Tableau  général.  Etant  donné  ce  que,  dans  la  définition,  nous 
avons  dit  du  sujet  à  trailer  dans  cet  article,  on  concevra  qu'il  ne  soit  pas  im- 
possible de  faire  une  description  générale  s'appliquant  à  tout  un  groupe  de 
malades  qui,  on  dépit  de  lésions  primitives  souvent  fort  dissemblables  présentent 
une  expression  symptomalique  commune. 

L'aspect  sous  lequel  se  présente  et  évolue  l'hémiplégie  spasmodique  infantile 
est  ordinairement  le  suivant  :  à  la  naissance  ou  dans  les  premiers  mois  qui  suivent 
celle-ci,  l'enfant  est  pris  plus  ou  moins  subitement  de  convulsions  durant  de 
une  à  plusieurs  heures  ;  lorsque  celles-ci  sont  terminées,  on  constate  la  paralysie 
d'un  côté  du  corps  ;  d'abord  flasque,  cette  paralysie  ne  tarde  pas  à  prendre  des 
caractères  spasmodiques,  et  au  bout  de  quelques  mois  une  sorte  de  contracture 
amène  des  déviations  notables  dans  la  direction  des  membres  ;  en  même  temps 
on  remarque  un  défaut  d'accroissement  assez  prononcé  de  ceux-ci;  dans  d'autres 
cas  la  contracture  et  l'arrêt  de  développement  n'existent  pas,  mais  les  extré- 
mités sont  animées  de  mouvements  involontaires  d'aspects  variés  ;  ces  mouve- 
ments peuvent  d'ailleurs  coïncider  avec  la  contracture.  Souvent  aussi  il  existe 
une  diminution  assez  marquée  de  l'intelligence.  Mais  ce  n'est  pas  tout,  au  bout 
d'un  temps  variable,  de  quelques  jours  à  plusieurs  années,  on  voit  survenir 
des  attaques  épilepliformes  présentant  des  caractères  spéciaux.  Dès  lors  le  malade 
présente  au  complet  l'aspect  clinique  de  l'hémiplégie  infantile  spasmodique  qu'il 
nous  reste  à  étudier  dans  ses  détails. 

Début.  La  manifestation  capitale,  celle  qui  appelle  immédiatement  l'at- 
tention des  parents,  c'est  l'attaque  éclamptique  qui,  dans  la  grande  majorité 
des  cas,  semble  être  le  phénomène  initial.  Nous  disons  semble  être  parce 
qu'en  effet  ce  n'est  là  quelquefois  qu'une  apparence  :  dans  certains  cas,  en 
effet,  si  on  interroge  avec  soin  les  parents,  on  finit  par  acquérir  la  certitude 
que  déjà  depuis  quelques  jours  l'enfant  était  un  peu  souffrant,  qu'il  était  gro- 
gnon, qu'il  présentait  quelques  troubles  gastriques.  Dans  d'autres  cas  cependant 
les  convulsions  sont  réellement  survenues  comme  un  coup  de  foudre  sans  que 
rien  dans  la  manière  d'être  de  l'enfant  eût  pu  les  faire  présager;  dans  un  cer- 
tain nombre  d'observations  on  les  a  même  vues  se  montrer  pendant  que  les  enfants 
étaient  en  train  de  jouer. 

Ces  convulsions,  fort  analogues  d'ailleurs  dans  leur  ensemble,  présentent 
cependant  en  général  quelques  caractères  spéciaux.  Le  plus  souvent  elles  sont 
unilatérales.,  ou  du  moins  occupent  un  côté  du  corps  avec  une  prédominance 
marquée,  se  montrent  tout  d'abord  de  ce  côté  et  ne  s'étendent  aux  quatre 
membres  qu'au  bout  de  quelques  instants.  Il  est  exceptionnel  de  n'observer 
qu'une  seule  attaque  éclamptique,  le  plus  souvent  celles-ci  se  fusionnent  de 
telle  sorte  qu'elles  déterminent  un  véritable   état  de  mal  se  prolongeant  quel- 


218  HÉMIPLÉGIE. 

ques  heures  ou  plus  encore,  état  de  mal  pendant  lequel  il  existe  une  élévation 
appréciable  de  la  température  centrale  (Bourneville),  puis  une  accalmie  survient, 
les  convulsions  sont  suspendues,  elles  recommenceront  dans  quelques  heures, 
et  cela  à  plusieurs  reprises,  de  façon  à  constituer  une  série  d'accès,  ou  bien  elles 
sont  définitivement  terminées,  c'est  alors  que  les  parents  remarquent  que  les 
membres  d'un  côté  sont  plus  flasques,  que  l'enfant  s'en  sert  mal  ou  même  pas 
du  tout,  en  un  mot,  qu'il  existe  une  hémiplégie.  Dans  certains  cas,  cette  hémi- 
plégie se  montre  dès  le  premier  accès  de  convulsions,  dans  d'autres  seulement 
au  second,  au  troisième  ;  quelquefois  elle  est  très-accusée  dès  l'abord,  ou  bien 
au  contraire  si  peu  prononcée  qu'elle  n'attire  nullement  l'attention  ;  il  est  des 
cas  enfin  où  elle  n'existe  pas  et  ne  se  montre  que  plus  tardivement  ainsi  que 
nous  aurons  l'occasion  de  le  voir.  Comme  nous  l'avons  déjà  dit,  les  moda- 
lités les  plus  diverses  peuvent  être  observées,  c'est  ainsi,  par  exemple,  que  les 
convulsions  peuvent  être  localisées  uniquement  à  un  membre,  soit  seulement 
au  début,  soit  même  pendant  toute  leur  durée.  Enfin,  les  convulsions  peuvent 
manquer  absolument,  mais  cela  surtout  chez  les  enfants  déjà  âgés  de  trois  ou 
quatre  ans,  il  y  a  le  plus  souvent  alors  pertede  connaissance,  le  petit  malade  tombe 
et  quand  il  revient  à  lui  on  constate  l'hémiplégie;  déjà  ici,  on  le  voit,  l'analogie 
avec  ce  (jui  se  passe  chez  l'adulte  commence  à  se  montrer,  c'est  pour  ainsi  dire 
l'ébauche  de  l'attaque  d'apoplexie.  Quelques  parents  prétendent  même  n'avoir 
jamais  observé  chez  leurs  enfants  frappés  d'hémiplégie  ni  convulsions  ni  même 
perle  de  connaissance;  ce  début  latent,  pour  ainsi  dire,  n'est  pas  impossible, 
à  la  rigueur,  mais  on  sait  combien  les  renseignements  de  cette  nature  sont  sujets 
à  caution,  et  l'on  doit  en  tout  cas  considérer  ce  mode  de  début  comme  tout  à 
fait  exceptionnel. 

Très-rarement  aussi  on  a  vu  après  les  convulsions  l'hémiplégie  disparaître 
aussitôt  ou  même  ne  pas  se  montrer  nettement,  puis  plus  tard  au  bout  de  un, 
deux  ou  trois  ans,  en  même  temps  apparaissaient  des  accès  d'épilepsie,  l'hé- 
miplégie survenait  et  ne  tardait  pas  à  présenter  les  caractères  qui  lui  sont  spé- 
ciaux. C'est  là  une  nouvelle  preuve  de  la  tendance  qu'ont  chez  ces  malades  les 
lésions  à  se  perpétuer  d'une  façon  active  pendant  un  laps  de  temps  souvent  fort 
long.  On  retrouvera  cette  même  tendance  à  propos  de  l'apparition  tardive  de 
l'atliétosc  dans  quelques  cas,  et  surtout  de  l'épilepsie. 

Mais,  en  général,  dès  que  la  lésion  est  constituée,  l'hémiplégie  existe,  et  dans 
le  cours  de  son  évolution  elle  va  prendre  les  caractères  qui  lui  sont  propres  ; 
nous  aurons  aussi  à  parler  des  troubles  de  l'intelligeMce  et  de  la  parole  qui 
peuvent  se  montrer  pendant  la  période  des  convulsions  et  persister  après 
elles. 

Hémiplégie.  L'hémiplégie  est  de  beaucoup  plus  fréquente  que  les  monoplé- 
gies;  les  monoplégles  pures  peuvent  même  être  considérées  comme  rares,  mais 
il  s'en  faut  que  toujours  la  paralysie  frappe  avec  une  égale  intensité  le  membre 
inférieur  et  le  supérieur.  Ce  dernier  est  en  général  beaucoup  plus  atteint  que 
l'autre,  et  c'est  un  fait  qui  n'avait  pas  échappé  aux  plus  anciens  observateurs 
que  bien  des  malades  marchent  d'une  façon  assez  convenable,  tandis  que  leur 
membre  supérieur  est  condamné  à  une  inactivité  presque  complète.  Quelquefois 
au  contraire  la  paralysie  ne  se  borne  pas  à  l'affaiblissement  d'un  des  membres 
inférieurs  suivant  le  mode  hémiplégique  vulgaire,  elle  les  atteint  tous  les  deux, 
la  marche  devient  alors  très-difficile  et  présente  des  caractères  spasraodiques 
très-accentués  (observation  de  Hadden)  ;  il  est  probable  que  cette  paraplégie 


HEMIPLEGIE.  219 

reconnaît  la  même  cause  que  celle  qui  survient  dans  l'hémiplégie  des  adultes 
et  a  fait  l'objet  de  remarquables  études  de  la  part  de  M.  Brissaud  et  de  M.  le 
professeur  Pitres. 

Enfin,  il  n'est  pas  très-rare  d'observer  chez  les  enfants  une  hémiplégie  double^ 
les  quatre  membres  sont  alors  paralysés,  cette  hémiplégie  peut  être  double  d'em- 
blée, ou  au  contraire  survenir  en  deux  attaques  bien  distinctes  comme  dans  le  cas 
de  Norman  Moore  et  dans  celui  de  Kast  ;  cette  hémiplégie  double  est  souvent 
incomplète  et  les  enfants  ne  sont  pas  alors  absolument  paralysés,  mais  ont  dans 
les  mouvements  une  lenteur  et  une  maladresse  singulières,  et  dans  ces  cas,  comme 
ou  le  verra  au  diagnostic,  la  distinction  avec  le  tabès  dorsal  spasmodique  peut 
n'être  pas  sans  difficultés. 

Certains  groupes  musculaires  sont  plus  particulièrement  atteints  par  la 
paralysie,  mais  ce  serait  aller  trop  loin  que  de  prétendre  avec  Gaudard  que  la 
localisation  de  la  paralysie  se  fait  invariablement  au  membre  supérieur  dans  le 
groupe  du  radial  et  au  membre  inférieur  dans  le  groupe  du  scialique  poplité 
externe.  Le  plus  ordinairement  les  extrémités  sont  beaucoup  plus  paralysées 
que  les  segments  du  membre  plus  rapprochés  du  tronc,  quelquefois  même  on 
peut  voir  l'avant-bras,  ou  même  la  main  seule  paralysée  ;  dans  ce  cas  la  jambe 
n'est  généralement  pas  atteinte;  assez  souvent  aussi  tout  le  membre  supérieur 
a  été  paralysé,  au  début,  mais  dans  la  suite  la  puissance  motrice  est  revenue 
dans  la  plus  grande  partie  de  celui-ci,  et  ce  ne  sont  guère  que  les  mouvements 
propres  de  la  main  qui  restent  incomplets.  On  sait  que  c'est  là  un  caractère 
assez  fréquent  des  paralysies  d'origine  corticale. 

Jusqu'à  présent  il  n'a  pas  encore  été  question  ici  de  la  participation  de  la 
face  à  l'hémiplégie;  voici  ce  que  dit  Cotard  à  ce  sujet  :  «  L'hémiplégie  faciale 
est  commune,  mais  habituellement  |ieu  prononcée;  il  existe  seulement  une 
légère  déviation  de  la  bouche,  un  peu  de  flaccidité  de  la  joue,  très-rarement 
une  légère  déviation  de  la  langue.  La  déviation  de  la  face  a  été  constatée  neuf 
fois  dans  nos  observations,  quatre  fois  on  a  noté  qu'elle  n'existait  pjs  ».  Il  est 
certain  en  effet  que  dans  l'hémiplégie  infantile  spasmodique  la  paralysie  du 
facial  inférieur  est  moins  fréquente  et  moins  prononcée  (du  moins  pour  les  cas 
déjà  un  peu  anciens)  que  dans  l'hémiplégie  des  adultes;  de  plus,  il  est  rare  de 
constater  dans  la  première  la  déviation  de  la  langue,  si  fréquente  au  contraire 
dans  ia  seconde.  On  peut  en  conclure  que  l'hémiplégie  faciale  a  chez  les  enfants 
une  grande  tendance  à  disparaître  ou  du  moins  à  s'atténuer  d'une  façon  très- 
notable.  Nous  avons,  chez  une  malade  du  service  de  M.  Charcot,  constaté  l'exis- 
tence d'une  contracture  secondaire  du  facial  inférieur  du  côté  où  siégeait 
l'hémiplégie.  Dans  quelques  cas  aussi  on  voit  ïathétose  se  montrer  et  très-nette- 
ment sur  les  muscles  de  la  face  du  côté  paralysé.  Un  autre  phénomène  intéres- 
sant que  l'on  remarque  dans  quelques  cas  du  côté  de  la  face  est  une  asymétrie 
plus  ou  moins  prononcée  du  visage,  due  à  un  certain  degré  d'atrophie  du  même 
côté  que  l'hémiplégie.  Quelquefois  aussi  la  fente  palpébiale  de  ce  côté  est 
moins  largement  ouverte  que  de  l'autre  et  probablement  pour  cette  raison  l'œil 
semble  plus  petit.  Quant  aux  mucles  des  yeux,  leur  intégrité  dans  la  grande 
majorité  des  cas  mérite  une  mention  toute  spéciale  ;  en  règle  générale,  il  n'y  a 
pas  de  paralysie  des  paupières  ni  des  muscles  rotateurs  de  l'œil,  il  n'y  a  pas 
non  plus  de  nystagmus  ;  cependant  chez  quelques  malades  on  a  pu  voir  ce  der- 
nier phénomène,  ou  bien  encore  du  strabisme  se  montrer  dans  le  cours  de  l'hé- 
miplégie spasmodique  infantile,  mais  c'est  là  une  véritable  rareté,  et  proba- 


220  UÉMIPLÉGIE. 

blement  il  s'agissait  dans  presque  tous  ces  cas  d'une  méningo-encéplialite 
chronique. 

Les  troubles  vaso-moteurs  sont  quelquefois  assez  marqués  du  côté  hémiplé- 
gique, les  membres  ont  alors  une  coloration  plus  rouge,  leur  température  est 
un  peu  moins  élevée  que  celle  du  côté  sain. 

Dans  certains  cas,  des  craquements  articulaires  d'une  certaine  intensité  ont 
été  signalés  par  M.  Bourneville  dans  les  membres  du  côté  paralysé;  quelque- 
fois aussi  cet  auteur  a  constaté  dans  ceux-ci  des  douleurs,  véritables  arthral- 
gies  revenant  par  crises ,  principalement  lors  des  variations  brusques  de 
température. 

Quant  aux  réactions  électriques  des  muscles  paralysés,  tous  les  auteurs  sont 
d'accord  pour  reconnaître  qu'elles  ne  sont  pas  sensiblement  modifiées.  C'est 
tout  au  plus  si  l'excitabilité  est  un  peu  diminuée,  comme  dans  un  cas  de  Fôster 
où  «  l'excitabilité  musculaire  faradique  était,  du  moins  au  début,  un  peu  dimi- 
nuée pour  les  muscles  paralysés,  de  plus  sur  les  nerfs  de  ce  côté  il  fallait  des 
courants  un  peu  plus  forts  pour  obtenir  KaSZ  ».  11  n'y  a  pas  de  réaction  de 
dégénération.  Iladden  parle,  il  est  vrai,  d'un  cas  où  la  EaR  aurait  été  constaté, 
mais  ce  fait  est  tellement  en  contradiction  avec  ce  qu'ont  vu  tous  les  autres 
observateurs,  qu'il  ne  doit  être  accepté  que  sous  toutes  réserves. 

En  résumé,  à  part  quelques  détails,  tout  cela  ne  s'éloigne  guère  de  ce  qui 
se  voit  dans  l'hémiplégie  vulgaire  des  adultes  :  ce  n'est  qu'au  bout  de  plusieurs 
mois  à  un  an  et  plus  que  les  membres  paralysés  auront  pris  réellement  tous 
les  caractères  propres  à  ceux  frappés  par  l'hémiplégie  spasmodique  infantile  : 
c'est  donc  à  cette  époque  qu'il  faut  se  transporter  pour  examiner  l'aspect  que 
présentent  alors  les  malades. 

Ccl  aspect  n'est  d'ailleurs  pas  absolument  identique  chez  tous  les  malades,  et 
l'on  peut  à  cet  égard  distinguer,  croyons-nous,  deux  types  principaux  :  A  type 
avec  contracture  et  déformation  prononcées  des  membres;  B  type  avec  athétose 
vraie.  Celte  distinction  nous  semble  être  tout  à  fait  conforme  à  ce  qui  se  voit  en 
clinique;  elle  est  très  nette  pour  les  cas  bien  tranchés,  mais  seulement  pour 
ceux-ci,  car,  entre  ces  deux  types,  on  trouve  des  formes  de  transition  nom- 
breuses et  diverses. 

A.  Type  avec  contracture  et  déformations  prononcées  des  membres. 
Dans  ces  cas,  l'aspect  des  malades  est  tout  à  fait  singulier  :  le  membre  supérieur 
se  fait  tout  d'abord  remarquer  par  son  atrophie  et  par  son  altitude,  le  bras  est 
généralement  parallèle  à  l'axe  du  tronc  ou  un  peu  oblique  de  haut  en  bas, 
d'avant  en  arrière,  et  assez  rapproché  du  corps;  ïavant-bras  est  fléchi  à  peu 
près  à  angle  droit,  quelquefois  dirigé  en  avant,  le  plus  souvent  en  dedans,  de 
façon  qu'il  s'applique  sur  les  parties  latérales  du  thorax  et  sur  la  région  épi- 
gastrique;  il  est  de  plus  eu  pronation.  Le  poignet  est  dans  une  flexion  forcée 
telle  que  la  face  palmaire  de  la  main  peut  s'appliquer  par  toute  son  étendue 
sur  la  face  antéro-interne  de  l'avant-bras.  L'extrémité  inférieure  de  l'avant-bras 
se  trouve  alors  constituée  non  plus  par  les  apophyses  styloïdes  du  cubitus  et  du 
radius,  mais  par  la  surface  articulaire  du  carpe,  qui  se  trouve  ainsi  complète- 
ment renversée  et  regarde  en  bas,  au  lieu  d'être  dirigée  en  haut  comme  à  l'état 
normal.  La  main  a  généralement  subi  en  outre  de  cette  flexion  une  déviation 
plus  ou  moins  accentuée  vers  le  bord  cubital,  elle  est  considérablement  atrophiée 
ainsi  que  l'avant-bras,  et  la  forme  spéciale  qu'elle  affecte  contribue  encore  à 
diminuer  ses  dimensions  apparentes.  Cette  forme  consiste  en  ce  que  la  face  pal- 


IIÉMIPLKGIE.  221 

maire  prend  une  disposition  très-prononcée  en  gouttière  par  suite  de  l'opposition 
persistante  du  pouce,  le  diamètre  transversal  de  la  main  se  trouve  ainsi  nota- 
blement diminué,  sa  face  dorsale  a  un  aspect  tout  à  fait  arrondi  assez  particulier, 
que  M.  le  professeur  Bouchard  a  déjà  parfaitement  caractérisé,  dans  son  mémoire 
de  1866,  par  les  lignes  suivantes  :  «  La  main,  qui  est  le  plus  souvent  en  flexion, 
au  lieu  d'accuser  par  des  angles  saillants  les  articulations,  présente  au  contraire 
par  sa  région  dorsale  une  surface  régulièrement  convexe  qui  se  continue  sans 
soubresaut  de  l'avant-bras  jusqu'aux  dernières  phalanges.  Cette  forme  particu- 
lière est  sans  doute  le  résultat  de  l'atrophie  du  tissu  osseux  et  des  éminences 
articulaires,  atrophie  à  laquelle  ne  participe  pas  le  tissu  cellulaire  sous-cutané.  » 
Quant  aux  doigts,  ils  sont  eux  aussi  moins  développés  que  du  côté  sain,  et  se 
montrent  tantôt  fléchis  en  griffe,  tantôt  au  contraire  étendus. 

Le  membre  inférieur  présente  une  paralysie  avec  atrophie  qui,  pour  être  un 
peu  moins  prononcée  que  celle  du  membre  supérieur,  ne  laisse  pas  que  de  lui 
être  tout  à  fait  analogue.  A  part  un  léger  degré  de  flexion  du  genou  qui  n'existe 
pas  toujours,  ce  qui  frappe  surtout  la  vue,  c'est  la  déformation  du  pied  qui  est 
souvent  des  plus  considérables.  Cette  déformation  consiste  ordinairement  en  un 
pied-bot  équin,  ou  varus  équin,  et  peut  être  telle  que  grùce  à  elle  et  à  l'atropliic 
du  membre  le  malade  marche  littéralement  sur  ses  orteils  ;  il  n'est  pas  rare 
non  plus,  dans  les  cas  où  elle  est  très-prononcée,  d'observer  une  subluxation 
plus  ou  moins  accentuée  de  l'astragale  analogue  à  celle  qui  a  été  signalée  plus 
haut  pour  la  surface  articulaire  supérieure  du  carpe. 

Pour  compléter  l'aspect  que  présentent  les  membres  dans  ce  type  d'hémiplé- 
gie infantile,  il  faut  ajouter  que  Vexagération  des  réflexes  tendineux  y  est  la 
règle. 

B.  Type  avec  athétose  vraie.  Ici  les  caractères  de  l'hémiplégie  sont  tout 
différents,  les  membres  ne  sont  plus  atrophiés,  contractures,  immobiles  :  on  leur 
trouve  au  contraire  des  dimensions  presque  égales  à  celles  du  côté  sain  et,  loin 
d'être  le  siège  d'aucune  contracture  permanente,  ils  présentent  une  mobilité  anor- 
male  qui  se  traduit  par  une  suite  presque  ininterrompue  de  mouvements  ;  de 
plus,  dans  ce  type  les  réflexes  tendineux,  au  lieu  d'être  très-exagérés,  sont 
presque  normaux.  Si  nous  employons  ici  le  terme  d'athétose  vraie,  c'est  qu'il 
nous  a  semblé  qu'au  point  de  vue  clinique  il  existait  une  distinction  assez 
nette  ^  entre  les  malades  présentant  les  signes  d'une  athétose  classique  et  ceux 
chez  lesquels  on  observait  seulement  des  manifestations  athétosiques,  d'un 
caractère  moins  net,  dont  il  sera  question  plus  bas. 

Tels  sont  les  deux  principaux  types  cliniques  de  l'hémiplégie  spasniodique 
infantile,  mais,  comme  nous  l'avons  déjà  dit,  les  formes  de  transition  sont 
nombreuses,  chacun  des  symptômes  qui  constituent  l'hémiplégie  spasmodique 
infantile  peut  revêtir  des  modalités  diverses,  aussi  est-il  nécessaire  de  procéder 
à  l'étude  détaillée  de  ceux-ci. 

Atrophie.  Cette  atrophie  que  nous  avons  vue  si  marquée  dans  le  type  A 
porte  surtout  le  côté  hémiplégie,  mais  est  plus  prononcée  sur  les  membres; 
sur  ceux-ci  elle  affecte  en  même  temps  les  parties  molles  et  le  squelette,  de 

1  Nous  tenons  à  répéter  qu'il  s'agit  ici  bien  plus  de  nuances  que  de  différences  parfaite- 
ment tranchées  dans  tous  les  cas;  il  existe  en  effet  des  formes  de  transition  tellement  nom- 
breuses que  la  distinction  de  ces  deux  variétés  peut  être  quelquefois  un  peu  artificielle. 
Cependant  au  point  de  vue  de  la  description  et  de  l'étude  du  syndrome  nous  croyons  cette 
distinction  avantageuse. 


2-22  HÉMIPLÉGIE. 

telle  sorte  que  leurs  dimensions  sont  moindres  que  du  côté  sain,  non-seulement 
quant  à  l'épaisseur,  mais  aussi  quant  à  la  longueur.  Dans  la  majorité  des  cas, 
l'atrophie  est  plus  marquée  à  l'extrémité  du  membre  qu'à  sa  racine,  cependant 
dans  un  cas  Schroder  van  der  Kolk  aurait  constaté  que  l'atrophie  était  plus 
prononcée  pour  les  os  à  la  racine  du  membre,  pour  les  muscles  à  son  extrémité. 
Quelquefois  elle  frappe  le  membre  en  masse ,  quelquefois  au  contraire  elle 
semble  porter  surtout  sur  certains  groupes  musculaires  (groupe  antérieur  au 
bras,  groupe  postérieur  à  la  jambe,  Wuillamier).  Mais,  outre  les  extrémités  et 
la  face,  elle  peut  siéger  dans  d'autres  régions  du  côté  hémiplégie,  le  tronc  est 
parfois  imparfaitement  développé  de  ce  côté,  la  cage  tboracique  plus  étroite 
(45  centimètres  et  plus),  la  clavicule  plus  courte,  le  bassin  étroit  et  oblique, 
le  rachis  courbé  de  façon  à  présenter  une  convexité  assez  prononcée  du  côté 
sain.  Mais,  ainsi  que  le  faisait  déjà  remarquer  Cazauvielh,  l'atrophie  est  toujours 
beaucoup  plus  marquée  pour  les  membres  que  pour  le  tronc.  D'autres  organes 
encore  peuvent  présenter  une  diminution  de  volume  du  côté  paralysé,  on  a  dans 
des  cas  très-rares  observé  ce  fait  pour  l'oeil,  l'oreille,  le  testicule;  l'atrophie  de 
la  mamelle  signalée  d'abord  par  Cazauvielh  semble  au  contraire  être  assez 
fréquente. 

Telle  se  montre  l'atrophie  dans  le  type  A  ;  dans  le  type  B  au  contraire,  dans 
les  cas  iVntliétoxe  vraie,  il  en  est  tout  autrement,  c'est  à  peine  si  elle  existe,  la 
différence  de  volume  entre  les  deux  côtés  n'atteint  guère  que  quelques  milli- 
mètres, quelquefois  même  on  n'en  constate  aucune.  Mieux  encore,  on  peut 
observer  une  hypertrophie  des  muscles  atteints,  c'est  là  un  fait  parfaitement 
établi  par  tous  les  auteurs  qui  se  sont  occupés  de  l'athétose. 

Pour  ce  qui  est  du  degré  que  peut  acquérir  cette  atrophie,  on  ne  peut  guère 
accepter  l'opinion  émise  dans  quelques  travaux  récents  (Gaudard,  Fôster,  etc.) 
que  jamais  il  ne  serait  très-prononcé.  «  Chez  l'enfant  hémiplégique,  la  diminution 
de  volume  des  membres,  quoique  commune,  n'a  guère  d'importance,  car  elle 
n'est  jamais  considérable  et  chez  nos  malades  elle  n'a  jamais  dépassé  1  cen- 
timètre à  1'"",.^  au  pourtour  du  bras  et  du  mollet.  Les  membres  ne  présentent 
donc  pas  ce  décroît  considérable  que  l'on  observe  dans  la  paralysie  spinale 
infantile  »  (Gaudard).  C'est  là  une  erreur  absolue  :  sans  être  aussi  prononcée 
qu'elle  l'est  quelquefois  dans  la  paralysie  spinale  de  l'enfance,  l'atrophie  de 
l'hémiplégie  spasmoclique  infantile  peut  donner  pour  le  membre  supérieur  une 
diminution  en  longueur  de  5  à  6  centimètres,  et  en  largeur  (avant-bras)  de 
o  à  5  centimètres  ;  de  pareils  exemples  ne  sont  pas  très-rares,  et  M.  Bourne- 
ville  en  a  rapporté  plusieurs. 

A  quelle  époque  de  l'affection  se  montre  celte  atrophie?  Sur  cette  question 
le  document  le  plus  important  est  le  travail  de  Fôster.  Cet  auteur  a  eu  la  bonne 
fortune  d'observer  dans  l'hôpital  des  enfants  de  Dresde  plusieurs  cas  d'hémiplé- 
gie cérébrale  infantile  peu  de  temps  après  le  début.  C'est  ainsi  qu'il  a  pu  déjà 
constater  une  atrophie  de  1  centimètre  pour  le  membre  supérieur  dans  un  cas 
où  la  paralysie  datait  de  sept  mois  ;  dans  deux  autres  cas  oîj  la  paralysie  ne 
remontait  qu'à  douze  et  à  vingt-trois  semaines,  l'infériorité  dans  la  longueur 
du  membre  n'existait  pas  encore.  Quant  à  l'atrophie  des  muscles  paralysés,  à 
l'amaigrissement  du  membre,  Fôrster  dit  «  qu'il  survient  ordinairement  modéré 
au  bout  de  quelques  semaines  et  ne  subit  guère  d'aggravation  dans  la  suite  ». 
C'est  ainsi  que  chez  un  des  enfants  qu'il  a  observés  treize  jours  après  le  début 
de  la  paralysie  il  n'y  avait  pas  d'amaigrissememt  du  membre,  tandis  que  six 


HÉMIPLÉGIE.  <>2 


:o 


semaines  plus  tard  il  y  avait  5  millimètres  de  diiïérence  pour  le  bras  et  7  mil- 
limètres pour  le  mollet.  Cliez  d'autres  malades  le  même  auteur  a  vu  l'infério- 
rité de  volume,  constatée  de  trois  à  cinq  semaines  après  le  début  de  la  para- 
lysie, rester  la  même  après  plusieurs  mois. 

De  tout  cela  Forsler  conclut  que  l'atropliie  reste  bientôt  stationnaire  et  n'est 
jamais  considérable  ;  on  a  vu  plus  baut  que  cette  conclusion  ne  pouvait  être 
admise.  Peut-être  expliquerait-on  dans  une  certaine  mesure  les  résultats  aux- 
quels est  arrivé  Fovster  en  disùngnanlV atrophie  proprement  dite,  consistant  en 
une  véritable  diminution  de  volume,  et  Y  inégalité  de  volume  des  deux  membres 
par  suite  d'un  arrêt  de  développement  ;  la  première  est  évidemment  très  peu 
accentuée,  il  est  même  probable  qu'elle  manque  assez  souvent  ;  quant  à  la 
seconde,  c'est  une  quantité  essentiellement  relative,  puisqu'elle  est  constituée 
par  la  différence  entre  un  membre  qui  se  développe  normalement  et  son  cou' 
"énère  qui  se  développe  moins  bien  :  à  ce  point  de  vue  on  ne  doit  donc  pas  dire 
quel'atropbie  puisse  être  stationnaire,  puisque,  tant  que  durera  le  développement 
du  membre  sain,  celte  différence  pourra  s'accroître.  La  diirée  de  la  paralysie 
doit  donc  ici  entrer  en  ligne  de  compte  d'une  façon  très-sérieuse.  Il  y  a  encore  un 
autreélément  qui  ne  doit  pas  être  négligé,  c'est  ïâge  du  sujetau  moment  de  l'in- 
vasion de  riiémiplégie;  plus  en  effet  celui-ci  sera  jeune,  plus  il  y  aura  de  chances 
pour  que  le  volume  des  deux  membres  soit  inégal,  puisque  le  développement 
de  l'un  d'eux  aura  été  plus  tôt  entravé.  Enfin  le  facteur  dont  l'importance  est 
peut-être  capitale,  et  dont  dépendent  vraisemblablement  les  différences  souvent 
considérables  que  présentent  les  malades  au  point  de  vue  de  l'intensité  de 
l'atrophie,  c'est  le  degré  d'altération  du  faisceau  pyramidal;  son  rôle  est  pro- 
bablement prépondérant,  car  à  une  paralysie  complète  correspond  généralement 
une  atrophie  très -accentuée. 

Contracture.  On  a  vu,  à  propos  de  la  description  du  type  A,  les  déformations 
que  pouvait  produire  la  contracture  dans  certains  cas;  il  s'agit  alors  d'une  con- 
tracture compliquée  de  rétractions  musculaires  et  fibreuses,  c'est  à  celles-ci 
qu'il  faut  attribuer  la  persistance  de  l'attitude  vicieuse,  l'impossibilité  de 
redresser  les  déformations  articulaires  ;  il  se  peut  même  que  la  contracture  ait 
dans  les  cas  anciens  cessé  presque  complètement  par  une  sorte  d'atrophie  simple 
secondaire  des  muscles,  et  que  cependant  les  membres  conservent  encore  leur 
attitude  vicieuse  uniquement  par  suite  de  l'existence  de  ces  rétractions. 

D'autre  part  dans  le  type  B,  dans  l'athétose  vraie,  la  contracture  fait  com- 
plètement défaut.  Mais,  entre  ces  deux  extrêmes,  on  observe  des  degrés  fort 
variables,  très-souvent  il  n'y  a  pas  de  rétractions,  la  contracture  seule  existe, 
les  articulations  peuvent  alors  par  une  traction  un  peu  prolongée  et  progressive 
être  ramenées  à  leur  situation  normale  et  restent  ainsi  pendant  quelques  mo- 
ments encore  après  que  la  traction  a  cessé.  Dans  certains  cas  la  contracture, 
lorsqu'elle  est  modérée,  peut  s'accompagner  de  phénomènes  bizarres  à  l'occasion 
des  mouvements  volontaires  ;  ces  phénomènes  ont  été  décrits  pour  la  première 
fois  d'une  façon  très-nette  par  M.  Charcot  dans  sa  thèse  (1853).  «  Un  certain 
nombre  de  ces  infirmes,  dit-il  en  parlant  des  malades  atteintes  d'hémiplégie  infan- 
tile spasmodique,  ont  les  muscles  extenseurs  et  fléchisseurs  des  membres  d'un 
côté  du  corps  dans  un  état  de  tension  continue;  si  elles  veulent  étendre  les 
mains  fléchies,  à  peine  celles-ci  ont  dépassé  le  point  qui  sépare  la  flexion  de 

l'extension  qu'elles  passent  brusquement,  convulsivement;  à  l'extension si, 

leurs  mains  étendues  exécutent  un  mouvement  de  flexion,  le  même  phénomène 


224  HÉMIPLÉGIE. 

se  manifeste  en  sens  inverse....  Cependant  il  n'y  a  chez  ces  inûrmes  aucune 
lésion  des  articulations.  »  Benedikt  (1868)  a  observé  aussi  des  phénomènes 
analogues.  Dans  certains  cas,  dit-il,  si  le  pouce  se  trouvant  en  opposition  accen- 
tuée on  enjoint  au  malade  de  le  mettre  en  abduction  et  que,  malgré  ses  efforts, 
il  n'ait  pu  y  réussir,  il  se  peut  qu'en  lui  disant  de  le  mettre  davantage  en  oppo- 
tion  on  le  voie  tout  d'un  coup  sauter  en  abduction  comme  mû  par  un  ressort. 
Cette  contracture,  comme  d'ailleurs  celle  de  l'hSmiplégie  des  adultes,  augmente 
par  l'exposition  au  froid  et  sous  l'influence  des  mouvements,  diminue  par  la 
chaleur,  par  le  séjour  au  lit;  elle  est  surtout  marquée  au  niveau  des  extrémités 
des  membres  supérieur  et  inférieur.  Mais  plus  souvent  que  celle-ci  elle  offre  ce 
caractère  d'être  variable  de  siège  et  d'intensité,  quelquefois  même  pour  ainsi 
dire  intermittente.  Dans  certains  cas  même,  ce  n'est  pas  à  proprement  parler 
une  contracture  véritable  qu'on  observe,  mais,  comme  le  dit  Benedikt,  des  ten- 
sions musculaires  {Muslielspauniimjen)  anormales.  Ces  tensions  musculaires 
peuvent  occuper  alternativement  tantôt  un  groupe  musculaire,  tantôt  un  autre; 
c'est  ainsi  que,  d'après  cet  auteur,  le  malade  peut,  suivant  le  moment  où  on 
l'examine,  présenter  un  pied-bot  tantôt  talus,  tantôt  équin,  tantôt  varus.  Ici  on 
est  en  présence  d'un  phénomène  nouveau,  ce  n'est  plus  tout  à  fait  de  la  con- 
tracture, ce  n'est  pas  encore  tout  à  fait  de  l'athétose,  mais  un  degré  de  plus  dans 
cette  série  de  transitions  presque  insensibles,  et  on  se  trouve  en  face  de  mouve- 
menls  athélosiques  parfaitement  caractérisés. 

Athétose.  Monvemenls  athétosiques,  etc.  Dans  ce  paragraphe  il  sera  non- 
seulement  question  de  l'alhétose,  mais  encore  d'un  certain  nombre  de  mouve- 
ments involontaires  qui  s'observent  dans  l'hémiplégie  spasmodique  infantile. 
Pour  ce  qui  est  de  l'athétose,  nous  avons  déjà  eu  l'occasion  de  dire  que  clinique- 
ment  Valhélose  vraie  devait  être  distinguée  de  certaines  manifestations  analogues 
qui  seraient  désignées  sous  le  nom  de  mouvements  athétosiques  ;  dans  l'un  et 
l'autre  cas  on  constate  bien  une  mobilité  anormale  des  doigts,  mais  ce  qui 
caractérise  l'athétose  vraie,  c'est  le  degré  bien  moins  accusé  de  la  paralysie, 
l'absence  de  contracture  et  d'atrophie,  l'exaltation  moindz'e  des  réflexes  tendi- 
neux et  aussi  un  développement  plus  grand,  une  portée  plus  considérable  des 
mouvements  des  doigts.  Nous  appellerons  au  contraire  mouvements  athétosiques 
ceux  qui,  se  produisant  dans  les  membres  nettement  paralysés,  présentent  un 
degré  plus  ou  moins  marqué  de  contracture  et  d'atrophie,  et  une  notable  exagé- 
ration des  réflexes  tendineux;  ces  mouvements  sont  beaucoup  plus  limités  que 
ceux  de  l'athétose  vraie,  au  lieu  de  ce  renversement,  de  cet  épanouissement 
complet  de  la  main  et  des  doigts,  qui  est  propre  à  celle-ci,  ils  ne  produisent  le 
plus  souvent  qu'un  degré  modéré  d'écartement  des  doigts  tel  que  la  main  res- 
semble à  une  sorte  de  trépied  à  cinq  branches.  Peu  marqués  au  repos,  ils  s'exa- 
gèrent très- notablement  pendant  les  mouvements  volontaires;  c'est  très-vraisem- 
blablement aux  mouvements  athétosiques,  sinon  à  l'athétose  vraie,  que  peut  se 
rapporter  le  passage  suivant  du  mémoire  de  Cazauvielh  (1827)  :  «  Une  particu- 
larité, dont  mon  attention  a  été  vivement  frappée  et  que  je  ne  m'explique  pas 
encore,  c'est  l'écartement  forcé  des  doigts  du  pied  et  surtout  de  la  main  en 
forme  d'éventail.  La  séparation  des  phalanges  est  d'autant  plus  prononcée  que 
ces  individus  veulent  exécuter  de  plus  grands  mouvements.  Il  leur  est  impos- 
sible, si  les  membres  sont  en  mouvement,  de  réunir  les  doigts.  »  C'est  là  d'ail- 
leurs, on  le  sait,  un  caractère  commun  avec  les  mouvements  associés  qui  s'ob- 
servent très-fréquemment  et  à    un    degré    ordinairement  très-marqué   dans- 


IIKMIPLKGIE.  225 

l'hémiplégie  spasmodique  infantile.  Mais  il  ne  saurait  entrer  Jans  le  cadre  de 
cet  article  de  donner  une  description  détaillée  de  ces  troubles  de  mouvement; 
on  trouvera  à  cet  égard  tous  les  renseignements  nécessaires  dans  la  thèse  de 
Oulmont  sur  l'Athétose.  De  même  que  l'athétose  vraie,  ïhémichorée  (dont  Ray- 
mond l'un  des  premiers  a  signalé  des  cas  dans  l'hémiplégie  infantile)  ne  s'ac- 
compagne généralement  pas  d'une  paralysie  très-accentuée,  non  plus  que  de 
phénomènes  évidents  de  contracture;  ici  les  mouvements  ne  sont  plus  localisés 
aux  extrémités  comme  dans  l'athétose,  ils  s'étendent  à  tout  le  membre  (presque 
toujours  membre  supérieur)  et  décrivent  des  courbes  beaucoup  plus  étendues; 
ils  s'exagèrent  eux  aussi  très-notablement  à  l'occasion  des  mouvements  volon- 
taires. En  somme,  de  l'aspect  présenté  par  les  malades  atteints  d'hémiehorée  ou 
d'athétosc  vraie  il  semble  que  l'on  puisse  conclure  que  dans  ces  cas  le  laisceau 
pyramidal  n'est  pas  ou  est  à  peine  altéré,  tandis  que  chez  les  individus  pré- 
sentant les  mouvements  athétosiques  ce  faisceau  est  le  siège  de  lésions  assez 
marquées,  d'où  la  production  d'une  paralysie  plus  intense,  de  contracture, 
d'atrophie,  d'exagération  des  réflexes  tendineux. 

Enfin,  dans  certains  cas,  on  a  observé  des  mouvements  d'un  caractère  un  peu 
différent,  et  ne  pouvant  guère  être  rangés  dans  l'une  des  catégories  précédentes  : 
tantôt  il  s'agit  de  désordres  moteurs  à  caractère  ataxique,  tantôt  d'un  tremble- 
ment plus  ou   moins  prononcé   surtout  pendant  l'exécution  des  mouvements 
volontaires;  enfin,  dans  un  cas  de  Taylor,  il  est  question  d'un  entant  atteint 
d'hémiplégie  infantile  spasmodique  chez  lequel,  à  la  suite  d'un  bruit  inattendu 
ou  d'une  légère  tape  sur  la  tête,  on  voyait  le  membre  supérieur  })aralysé  être 
vivement  projeté  en  dehors  et  former  un  angle  droit  avec  le  tronc  ;  le  coude,  le 
poignet  et  les  doigts  se  mettaient  en  extension  ;  cet  état  durait  environ  trente 
secondes,  puis  il  se  faisait  un  relâchement  progressif  des  muscles  du  membre 
supérieur.  Mais  ce  sont  là  en  somme  des  phénomènes  rares,  et  les  types  les  plus 
fréquents  de  beaucoup  sont  ceux  indiqués  précédemment. 

Réflexes.  Comme  on  a  déjà  eu  l'occasion  de  le  voir  par  ce  qui  précède,  l'état 
des  réflexes  tendineux  n'est  pas  toujours  identique  dans  l'hémiplégie  infantile 
spasmodique;  si  l'on  a  affaire  au  type  A  (contracture  des  membres  paralysés), 
ils  sont  très-nettement  exagérés  ;  si  c'est  au  type  B  (athétose  vraie),  ils  sont 
presque  normaux*.  On  ne  saurait  donc  assigner  à  ces  réflexes  un  caractère  iden- 
tique, et  cette  façon  d'envisager  les  choses  permet  d'expliquer  aisément  les  diver- 
gences qui  ont  pu  à  ce  sujet  se  produire  entre  les  différents  auteurs.  L'exaltation 
des  réflexes  tendineux  peut  aller  jusqu'à  l'apparition  du  clonus  du  pied,  mais 
cela  n'a  pas  lieu  dans  la  majorité  des  cas.  Assez  souvent  le  réflexe  rotulien  est 
notablement  augmenté  aussi  du  côté  sain,  il  semble  que  ce  soit  là  comme  un 
premier  indice  de  la  paraplégie  spasmodique  qui  se  montre  quelquefois  dans  l'hé- 
miplégie infantile  spasmodique  et  dont  il  a  été  question  plus  haut. 

Quant  aux  réflexes  culanés,  Wallenberg  dans  deux  cas  les  a  tout  d'abord 
trouvés  exagérés,  puis  les  a  vus  s'affaiblir  par  la  suite.  Chez  un  de  ses  malades 

*  Les  réflexes  tendineux  dans  l'athétose  vraie  sont  souvent  assez  difficiles  à  rechercher. 
Au  pi'emier  abord  on  pourrait  croire  qu'ils  manquent  complètement,  mais  cette  absence 
n'est  qu'apparente  et  est  due  à  l'état  de  tension  dans  lequel  se  trouvent  d'une  façon  presque 
continue  les  muscles  de  la  cuisse.  Si  on  persiste  à  percuter  pendant  une  ou  deux  minutes 
le  tendon  l'otulien,  il  survient  un  moment  où  un  relâchement  musculaire  se  fait  qui  pei-met 
d'obtenir  le  réflexe,  on  voit  alors  que,  si  celui-ci  n'est  souvent  pas  très-ample,  il  est  cepen- 
dant un  peu  brusque,  de  sorte  que  dans  la  majorité  des  cas  on  peut  le  considérer  comme  un 
peu  plus  fort  qu'à  l'état  normal. 

DICT.    ENC.    i'   S.    XIII.  15 


226  HEMIPLÉrxIE. 

le  réflexe  abdominal  faisait  défaut  ;  il  en  était  de  même  dans  une  hémiplégie 
infantile  observée  par  Hadden  et  de  plus  le  réflexe  crémastérien  manquait  lui 
aussi  dans  ce  cas. 

Sensibilité.     La  question  des  troubles  de  la  sensibilité  dans  l'hémiplégie  in- 
fantile spasmodique  est  traitée  d'une  façon  un  peu  différente  par  les    auteurs 
qui  s'en  sont  occupés.  Oulmont  considère  que,  dans  la  grande  majorité  des  cas 
d'hémiaihétose  et  probablement  même  dans  la  totalité,  l'hémianesliiésie  a  existé, 
sinon  d'une  façon  permanente,  du  moins  pendant  les  premiers  temps  qui  suivent 
le  début;  d'après  lui,  si  on  ne  retrouve  pas  plus  souvent  cette  hémianesthésie, 
c'est  que,  dans  le  plus  grand  nombre  des  cas,  on  ne  voit  les  malades  que  long- 
temps après  la  période  initiale  de  la  paralysie  et  à  ce  moment  l'hémiuneslhésie, 
qui  est  en  somme  un  symptôme  Irès-fugace,  a  eu  tout  le  temps  de  disparaître 
entièrement.  Malgré  ces  conditions  défavorables,  il  signale  cependant  l'existence 
de  troubles  de  la  sensibilité  dans  presque  tous  les  cas  d'atrophie  cérébrale  qu'il 
a  observés.  Raymond,  au  contraire,  dans  sa  thèse,  dit  n'avoir  jamais  vu  l'hémi- 
anesthésie  dans  l'hérniplégie  infantile  qu'une  seule  fois,  et  dans  ce  tas  il  n'y  avait 
pas  d'hémichorée.  Chez  un  certain  nombre  de  malades  que  nous  avons  person- 
nellement examinés  à  ce  sujet,  jamais  nous  n'avons  constaté  d'hémianesthésie 
véritable,  mais  quehiuefois  il   existait  une  diminution  assez  nette  de  la  sensi- 
bilité, tous  ces  malades  d'ailleurs  étaient  depuis  plusieurs  années  déjà  poirteurs 
de  leur  hémiplégie,  de  sorte  que  nous  sommes  sans  renseignements  sur  l'état  de 
la  sensibilité  au  moment  de  l'apparition  de  celle-ci.  Mais,  avec  la  majorité  des 
auteurs,  ou  peut,  croyons-nous,  admettre  que  dans  l'hémiplégie  infantile  spasmo- 
dique le  côté  paralysé  peut    présenter  en  certains  cas  des  troubles  plus   ou 
moins  accentués  de  la  sensibilité;  ces   troubles  ])euvent  consister  soit  en  une 
anesthésie  véritable,  comme,  par  exemple,  dans  le  cas  de  Norris  Wolfenden,  où 
celle-ci  dura  plusieurs  semaines  après  le  début  des  accidents,  soit  en  une  simple 
diminution  de  la  sensibilité. 

Quant  aux  troubles  des  sens  spéciaux,  on  a  déjà  vu  qu'ils  sont  extrêmement 
rares;  cependant,  d'après  la  statistique  dressée  par  Wallenberg,  dans  trois  cas  il 
y  aurait  eu  diminution  de  l'ouïe  du  côté  paralysé,  dans  neuf  cas  des  troubles 
de  la  vue.  Quoi  qu'il  en  soit,  lorsque  les  sens  spéciaux  sont  affectés,  c'est  là  en 
général  un  indice  assez  vraisemblable  de  l'existence  d'une  méningo-encéphalite 
chronique. 

Troubles  intellectuels.  Aphasie.  11  est  fréquent  chez  les  individus  atteints 
dhémiplégie  infantile  spasmodique  de  voir  l'intelligence  ne  pas  acquérir  son 
développement  normal.  Faut-il  dire  que  cette  déchéance  ou  plutôt  cette  infé- 
riorité intellectuelle  existe  dans  tous  les  cas  ?  A  notre  avis,  ce  serait  aller  trop 
loin  :  il  y  a  en  effet  des  cas,  et  ici  nous  sommes  tout  à  fait  d'accoid  avec  Gau- 
dard  et  Wallenberg,  où  l'intelligence  peut  être  considérée  comme  à  peu  près 
normale.  C'est  ainsi,  par  exemple,  que  nous  connaissons  un  caissier  d'une  grande 
administration  dont  les  membres  du  côté  gauche  présentent  à  n'en  pas  douter 
les  traces  d'une  hémiplégie  infantile  spasmodique,  et  qui  cependant  remplit 
d'une  façon  très-satisfaisante  ses  délicates  fonctions  ;  il  est  seulement  un  peu 
irascible,  et  aurait  quelque  tendance  à  la  salacité,  mais  sans  qu'il  y  ait  là 
d'ailleurs  rien  de  nettement  pathologique.  Cependant  comme  règle  générale  on 
peut  en  effet  avancer  que  l'intelligence  est  atteinte,  mais  cela  suivant  des  degrés 
très-divers,  et  à  ce  point  de  vue  la  classification  établie  par  Bourneville  et 
Wuillamier  est  tout  à  fuit  légitime.  Ces  auteurs  distinguent  trois  catégories  : 


HEMIPLEGIE.  227 

l'enfant  est  ou  idiot,  on  imbécile  ou  simplement  arriéré;  d'après  Bourneville, 
il  y  aurait  même  une  relation  assez  étroite  entre  le  degré  de  rhémijdégie  et 
celui  de  l'état  intellectuel,  il  est  certain  en  effet  que  les  enfants  idiots  présen 
tent  ordinairement  une  hémiplégie  beaucoup  plus  accentuée  que  ceux  qui  sont 
seulement  arriérés  ;  mais  il  ne  faudrait  cependant  pas  considérer  cela  comme 
une  règle  absolue,  les  exceptions  seraient  trop  fréquentes.  Enfin  les  troubles 
intellectuels  sont  ordinairement  plus  marqués  chez  les  enfants  atteints  d'hémi- 
plégie double  (cas  de  Hadden,  de  Kast,  etc.). 

Le  côté  sur  lequel  siège  l'hémiplégie  ne  semble  pas,  du  moins  d'après  les 
recherches  de  Cotard  et  celles  de  Gaudard,  exercer  une  influence  manifeste  sur 
le  degré  de  la  déchéance  intellectuelle.  Mais,  comme  nous  venons  de  le  dire, 
lorsque  l'hémiplégie  est  double,  on  voit  l'idiotie  se  montrer  d'une  façon  beaucoup 
plus  fréquente  et  avec  une  intensité  plus  marquée. 

Un  point  qui  a  été  mis  tout  particulièrement  en  relief  par  Bourneville,  c'est 
la  façon  dont  se  comportent  ces  troubles  intellectuels.  Cet  auteur  a  montré  que 
presque  toujours,  loin  de  s'accroître  comme  on  pourrait  s'y  attendre,  ils  restent 
plutôt  stalionnaires;  de  sorte  que,  dans  l'héMiiplégic  infantile,  on  n'observerait 
que  très-rarement  cet  état  de  démence  progressive  si  fréquent  chez  les  anciens 
épileptiques.  Bien  plus,  l'éminent  médecin  de  Bicêtre  a,  grâce  à  ses  efforts 
persévérants,  prouvé  que  l'intelligence  de  ces  malades  était  susceptible  d'être 
développée  par  une  éducation  méthodique,  et  dans  les  ateliers  de  sa  division  on 
n'en  est  plus  à  compter  les  exemples  de  ce  genre.  Cependant,  bien  qu'ordinai- 
rement l'affaiblissement  intellectuel  n'ait  pas  de  tendance  à  augmenter,  il  est 
nécessaire  de  tenir  compte  de  l'opinion  contraire  exprimée  par  quelques  au- 
teurs :  c'est  ainsi  que  Bernhardt,  Ross,  etc.,  ont  vu  des  cas  d'hémiplégie  infan- 
tile où  la  déchéance  intellectuelle  s'accentuait  progressivement  jusqu'à  aboutir 
à  l'idiotie  complète;  il  est  probable  que  ces  cas  rentrent,  du  moins  pour  la  plu- 
part, dans  la  catégorie  de  ceux  qui  reconnaissent  pour  substratum  anatomique 
la  raéningo-encéphalite  dont  on  a  déjà  eu  plusieurs  fois  l'occasion  de  relever 
la  tendance  vers  une  marche  progressive.  Nous  avons  cependant  eu  l'occasion 
d'observer  dans  le  service  de  M.  Charcot  une  malade  d'une  soixantaine  d'années 
atteinte  d'hémiplégie  infantile  spasmodique  avec  épilepsie  chez  laquelle  survint 
une  démence  progressive,  et  l'autopsie  ne  permit  de  constater  qu'une  sclérose 
cérébrale  sans  méningo-eneéphalile. 

Quant  à  Vaphasie,  voici  ce  que  dit  Cotard  :  «  Il  est  extrêmement  remarquable 
que,  quel  que  soit  le  côté  de  la  lésion  cérébrale,  les  individus  hémiplégiques 
depuis  leur  enfance  ne  présentent  jamais  d'aphasie,  c'est-à-dire  d'abolition  de 
la  faculté  du  langage,  avec  conservation  plus  ou  moins  complète  de  l'intelli- 
gence... et  cela  même  quand  tout  l'hémisphère  gauche  est  atrophié  ».  Cette  pro- 
position très-absolue  dans  sa  forme  a  rencontre  des  contradicteurs;  parmi  ceux-ci, 
il  faut  surtout  citer  Bernhardt,  qui  a  consacré  une  partie  de  son  intéressant 
travail  à  l'étude  de  l'aphasie  chez  les  enfants.  Il  est  bien  certain,  ainsi  que 
l'a  montré  le  professeur  de  Berlin,  qu'il  peut  exister  de  l'aphasie  chez  les 
malades  atteints  d'hémiplégie  infantile  spasmodique,  et  cependant  la  remarque 
de  Cotard  conserve  toute  sa  valeur,  l'aphasie  est  très-rare  dans  cette  hémiplégie 
lorsqu'elle  est  parvenue  à  un  certain  degré  d'évolution.  Ici  en  effet  l'aphasie  ne 
s'observe  guère  qu'immédiatement  après  le  début,  pendant  les  premières  semaines 
qui  suivent  les  convulsions  initiales,  puis  elle  disparaît  progressivement,  au  point 
de  ne  laisser  le  plus  souvent  aucune  trace.  Voici,  d'après  Bernhardt,  la  classifi- 


228  HÉMIPLÉGIE 

cation  que  l'on  peut  adopter  pour  la  plupart  des  cas  :  1"  on  a  af taire  à  des  enfants 
atteints  d'hémiplégie  depuis  un  an  ou  plus,  et  alors,  ou  bien  a  on  ne  constate 
rien  d'anormal  du  côté  de  l'intelligence  ni  de  la  parole,  ou  bien  p  ces  enfants  sont 
tellement  idiots  qu'il  n'y  a  rien  d'étonnant  à  ce  qu'il  ne  parlent  pas,  ce  n'est 
plus  là  une  aphasie  véritable,  c'est  un  manque  de  l'intelligence  en  général; 
'i'-'  on  a  affaire  à  des  enfants  qui  viennent  d'être  atteints  d'hémiplégie  seule- 
ment qiiel(|ues  jours  auparavant,  et  qui  parlant  bien  déjà  se  trouvent  présenter 
des  symptômes  trcs-nels  d'aphasie  motrice,  quoique  leur  intelligence  soil  intacte. 
11  est  fort  probable  que,  dans  l'espace  de  quelques  mois  à  un  an,  ces  enfants 
rentreront  eux  aussi  dans  la  classe  a  de  la  catégorie  1°. 

Une  autre  classification  également  intéressante  du  même  auteur  est  celle  qui 
envisage  les  cas  d'aphasie  au  point  de  vue  du  degré  de  développement  qu'avait 
la  faculté  du  langage  lors  du  début  des.  accidents  :  —  A,  les  enfants  ont  été 
frappés  d'hémiplégie  tout  jeunes,  alors  qu'ils  n'avaient  pas  encore  commencé  à 
parler:  dans  ce  ca;,  on  observe  un  gr?nd  retard  dans  l'apparition  de  la  parole, 
quelcpiefois  môme,  mais  beaucoup  pin:  rarement,  une  absence  à  peu  près  com- 
plète de  celle-ci.  —  li,  les  enfants  on;  été  frappés  d'hémiplégie  alors  qu'ils  par- 
laient déjà  :  dans  ce  cas  l'aphasie  pont  être  absolue  pendant  quelques  heures, 
([uelques  jours,  ou  même  plus  longlem;is,  mais  elle  disparaît  en  général  tout  à 
fait  dans  la  suite,  ou  bien  elle  persiste  d'une  façon  incomplète,  les  entants  con- 
servant alors  la  faculté  de  répéter  les  mots  qu'ils  ne  prononcent  pas  spontané- 
ment; quelquefois  encore  l'aphasie  a  tout  à  fait  disparu,  mais,  par  suite  d'une 
parésie  tenace  du  voile  du  palais,  ou  dr  toute  autre  cause,  il  subsiste  un  certain 
degré  de  dysphasie  ou  même,  dans  certains  cas,  une  akataphasie  (exemple  : 
langage  à  l'intinitif). 

En  résumé,  la  conclusion  de  Bernhardt  est  la  suivante  :  «  Chez  les  enfants  ce 
n'est  qtie  dans  un  nombre  relativement  irès-faiblc  de  cas  que  V aphasie  persiste 
comme  symptôme  permanent  «  ;  on  voit  combien  cette  conclusion  diffère  peu 
de  la  proposition  de  Cotard  reproduite  plus  haut.  Ce  fait  est  d'autant  plus 
remarquable  qu'on  peut,  ainsi  qu'on  en  a  cité  des  exemples,  voir  l'absence  d'a- 
phasie coïncider  avec  une  atrophie  considérable  de  l'hémisphère  gauche.  Quelle 
est  la  raison  de  cette  anomalie?  Cotard  pense  que  cette  absence  d'aphasie  tient 
à  ce  qu'il  s'établit  une  suppléance  fonctionnelle  par  l'hémisphère  droit  d'autant 
plus  aisément  qu'il  n'existe  encore  aucune  faculté  acquise,  et  que  les  notions 
nécessaires  à  l'exercice  de  la  parole  peuvent  ainsi  s'emmagasiner  directement 
dans  le  cerveau  droit.  L'explication  est  rationnelle,  mais  peut-elle  bien  s'ap- 
pliquer réellement  à  tous  les  cas? 

On  a  publié  des  cas  dans  lesquels  des  troubles  du  langage  auraient  été  con- 
statés au  cours  d'une  hémiplégie  ^«wc/fe;  mais  s'agissait-il  là  réellement  d'apha- 
sie, ces  troubles  n'étaient-ils  pas  plutôt  dus  soit  à  l'affaiblissement  intellectuel, 
soit  à  une  difficulté  de  l'articulation  provenant  d'un  certain  degré  de  parésie  du 
voile  du  palais? 

Quant  à  {"aphasie  sensorielle  (car  jusqu'à  présent  c'est  de  l'aphasie  motrice 
qu'd  a  été  question),  quant  à  Valexie,  à  Vagraphie,  etc.,  Bernhaidt  avoue 
n'avoir  pu  obtenir  à  ce  sujet  aucune  observation  concluante,  et  fait  remarquer, 
ajuste  titre,  combien  des  constatations  de  ce  genre  doivent  être  difficiles  chez 
d'aussi  jeunes  enfants. 

Épilepsie.  Les  attaques  comitiales  font  pour  ainsi  dire  partie  du  tableau 
clinique  de    l'hémiplégie   spasmodique  infantile,   tant  leur  fréquence  y  est 


HÉMIPLÉGIE.  229 

•n'ande;  on  peut  cependant  observer  des  cas  dans  lesquels  l'cpilepsic  ne  se 
montre  pas,  mais  on  doit  bien  prendre  garde  que,  son  apparition  pouvant  se 
faii'e  à  des  dates  fort  variables,  il  faut  avoir  suivi  les  malades  pendant  de  longues 
années  pour  être  en  droit  d'affirmer  l'absence  des  manifestations  comitiales. 
C'est  là  encore  une  raison  pour  laquelle  il  nous  semble  actuellement  impossible 
d'exprimer  par  des  cliiffres  le  degré  de  fréquence  des  manifestations  comitiales 
dans  l'héraiplcgie  spasmodique  infantile. 

L'étude  de  cette  forme  d'épilepsie  a  été  faite  d'une  façon  très-complète  par 
M.  Bourneville  et  par  son  élève  Wuillamier  ;  ces  auteurs  ont  su  mettre  les  pre- 
miers eu  relief  un  certain  nombre  de  caractères  qui  donnent  à  cette  forme  un 
aspect  spécial  et  la  distinguent  de  l'épilepsie  vulgaire. 

Le  début  de  l'épilepsie  dans  l'Iiémiplégie  spasmodique  infantile  présente  ceci 
de  particulier  qu'il  peut  se  faire  à  des  époques  très-différentes  :  tantôt  on  verra 
l'attaque  comitiale  se  montrer  quatre  ou  cinq  jours  après  l'apparition  des  acci- 
dents initiaux,  tantôt  au  contraire  elle  ne  surviendra  que  bien  plus  tard,  alors 
que  rien  ne  pouvait  faire  prévoir  une  semblable  complication,  au  bout  de  cinq 
à  six  ans,  plus  encore.  Cette  apparition  tardive  de  l'épilepsie  constitue  un  fait 
des  plus  singuliers,  Jendrassik  et  Marie  se  sont  demande  si  elle  ne  serait  pas 
en  rapport  avec  la  présence  des  corps  granuleux  qu'ils  ont  signalée  dans  le  cer- 
veau de  ces  malades  cl  qui  semble  indiquer  que  même  après  quatre,  cinq,  six 
ans,  il  subsiste  dans  la  substance  cérébrale  un  processus  irritatif  qui  se  traduirait 
anatomiquement  par  la  présence  de  ces  éléments,  et  cliniquement  par  l'appari- 
tion et  la  persistance  de  l'épilepsie. 

Quant  aux  caractères  qui  donnent  à  cette  forme  d'épilepsie  une  physio- 
nomie spéciale,  il  faut  signaler,  surlout  dans  les  premiers  temps,  quand 
cette  épiiepsie  est  «  encore  jeune  »  (Wuillamier),  la  grande  fréquence  de  l'aura. 
Lorsque,  ainsi  que  le  font  remarquer  Bourneville  et  Wuillamier,  les  enfants 
sont  encore  trop  petits  pour  bien  localiser  leurs  sensations,  cette  aura  ne  se 
traduit  guère  que  par  les  appels  suivants  :  «  Maman,  je  vais  être  malade  »,  ou 
bien  :  «  Ça  me  prend,  »  etc..  Mais,  quand  ils  sont  un  peu  plus  âgés,  ils  indi- 
quent comme  phénomène  précurseur  de  l'attaque  un  fourmillement,  un  engour- 
dissement, des  secousses,  des  douleurs  dans  le  membre  paralysé  (surtout  dans 
le  membre  supérieur)  ;  quelquefois  encore  c'est  une  impulsion  en  avant,  des 
palpitations,  une  douleur  épigastrique,  etc.  La  présence  de  cette  aura  explique 
très-bien  que,  le  malade  pouvant  prendre  ses  pi'écautions,  les  chutes  soient  peu 
fréquentes,  d'oii  la  rareté  des  cicatrices  sur  le  front  de  ces  malades.  Lorsque  des 
chutes  ont  lieu,  c'est  presque  toujours  du  côté  paralysé. 

Le  début  de  l'attaque  est  ordinairement  silencieux,  c'est-à-dire  qu'on  n'ob- 
serve presque  jamais  ce  cri  initial  que  signalent  les  auteurs  dans  l'épilepsie 
vulgaire.  Un  assez  grand  nombre  de  malades  n'éprouvent  pas,  surtout  dans  les 
premiers  temps,  de  perte  de  connaissance.  Dans  certains  cas,  ces  convulsions 
s'arrêtent  à  la  période  tonique,  les  mouvements  cloniques  ne  se  montrent  pas. 

Un  autre  caractère  qui,  ainsi  que  le  précédent,  indique  bien  les  analogies  qui 
existent  entre  les  manifestations  convulsives  de  l'hémiplégie  spasmodique  infan- 
tile et  l'épilepsie  corticale,  jacksonienne,  c'est  la  localisation  de  l'attaque  aux 
membres  du  côté  paralysé.  Cette  localisation  peut  être  dans  certains  cas  tout  à 
fait  exclusive,  mais  le  plus  souvent  elle  n'a  lieu  que  pour  le  commencement  de 
l'attaque  ;  au  bout  de  quelques  secondes,  les  secousses  ne  tardent  pas  à  gagner 
les  membres  du  côté  sain,  les  convulsions  deviennent  alors  générales. 


250  HÉMIPLÉGIE. 

Enfin,  chez  d'autres  malades,  les  deux  côtés  sont  affectés  d'une  façon  simul- 
tanée et  l'attaque  serait  absolument  identique  à  celles  de  l'épilepsie  vulgaire, 
si  quelques  légères  différences  ne  se  montraient  encore  le  plus  souvent  à  un 
observateur  attentif,  différences  consistant  dans  Vabsence  d'écume  et  de  bave 
sanglante  (ces  malades  ne  se  mordraient  presque  jamais  la  langue);  presque 
jamais  non  plus  il  n'y  a  dans  cette  forme  à' évacuations  involontaires.  En  outre 
les  accès  se  terminent  en  général  brusquement,  il  n'y  a  pas  de  période  de  stertor 
ni  de  coma  ;  aussitôt  les  secousses  arrêtées,  les  malades  retrouvent  la  connais- 
sance et  reprennent  leurs  jeux  ou  leurs  travaux  comme  si  de  rien  n'était.  Enfin, 
Bourneville  et  Wuillamier  n'ont  jamais  observé  chez  ces  épileptiques  de  mani- 
festations délirantes,  d'impulsions  ni  isolées,  ni  consécutives  à  des  accès.  De 
même  les  étourdissements,  les  vertiges,  les  absences,  seraient  chez  eux  relative- 
ment rares.  D'abord  diurnes,  les  accès  finissent  par  devenir  diurnes  et  nocturnes; 
ils  peiivent  être  sériels,  mais  l'état  de  mal  ainsi  constitué  diffère  de  l'état  de 
mal  vulgaire  en  ce  que  la  température  ne  s'élève  pas  aussi  rapidement  que 
d'ordinaire  et  dépasse  rarement  58", 5;  de  plus  les  malades  ne  sont  pas  plongés 
dans  un  coma  profond,  mais  seulement  dans  un  état  d'obnubilation,  d'hé- 
bétude. 

Mais  toutes  ces  différences  ne  tardent  pas  à  disparaître  à  mesure  que  l'épi- 
lepsie devient  jdus  ancienne,  et  au  bout  de  quelques  années  elles  peuvent  s'ef- 
facer à  peu  près  entièrement;  l'aspect  présenté  parles  malades  dans  leurs  accès 
ne  diffère  plus  alors  sensiblement,  ce  qui  se  voit  dans  l'épilepsie  vulgaire. 

On  a  déjà  dit  plus  haut  que  la  démence  ne  s'observait  guère  chez  les  hémi- 
plégiques épileptiques,  contrairement  à  ce  qui  a  lieu  dans  l'épilepsie  vulgaire. 
Nous  aurons,  à  propos  du  pronostic,  l'occasion  d'insister  sur  la  tendance  que 
présentent  ces  manifestations  coniitiales  à  disparaître  spontanément  vers  l'âge 
de  trente-cinq  à  quarante  ans. 

Diagnostic.  Le  diagnostic  de  l'hémiplégie  infantile  spasmodique  doit  être 
fait:  A,  avec  les  affections  s'accompagnant  d'hémiplégie,  mais  d'une  hémiplégie 
dont  l'évolution  n'esl  pas  analogue  à  celle  qui  fait  le  sujet  de  cet  article;  B,  avec 
les  affections  dont  quelques-uns  des  symptômes  peuvent  simuler  ceux  de  l'hémi- 
plégie infantile  spasmodique;  il  faudra  enfin  G  chercher  à  reconnaître  chez  les 
malades  qui  présentent  ce  syndrome  clinique  quelle  est  la  variété  de  lésion  pri- 
mitive qui  lui  a  donné  naissance. 

A.  Ainsi  qu'il  ressort  des  remarques  faites  au  commencement  de  cet  article, 
le  nom  d'hémiplégie  infantile  spasmodique  ne  doit  pas  être  considéré  comme 
signifiant  purement  et  simplement  :  hémiplégie  chez  un  enfant;  il  désigne  une 
variété  spéciale  d'hémiplégie  survenant,  il  est  vrai,  chez  des  enfants,  mais  s'accom- 
pagnant de  phénomènes  particuliers,  revêtant  une  évolution  spéciale,  consti- 
tuant, en  un  mot,  un  syndrome  à  part.  11  y  a  donc  lieu  de  distinguer  cette 
variété  d'hémiplégie  de  celles  qui,  se  produisant  par  un  processus  tout  autre, 
présentent  une  évolution  et  des  phénomènes  tout  différents.  Dans  cet  ordre 
d'idées,  c'est  surtout  la  méningite  tuberculeuse  et  les  tumeurs  cérébrales  qu'il 
faut  avoir  en  vue.  11  semble,  au  premier  abord,  qu'd  n'y  ait  guère  lieu  à  confu- 
sion entre  la  méningite  tuberculeuse  et  l'hémiplégie  spasmodique  infantile,  car 
autant  l'évolution  de  la  première  est  rapide,  autant  celle  de  la  seconde  est  lente: 
aussi  n'est-ce  pas  dans  la  période  avancée  de  celle-ci  qu'on  trouve  l'occasion  de 
faire  ce  diagnostic,  mais  tout  à  fait  au  début,  dans  la  période  des  convulsions. 
La  difficulté  peut  être  insurmontable,  cependant,  en  ayant  présent  à  l'esprit  le 


HEMIPLEGIE.  231 

tableau  clinique  si  complexe  de  la  méningite  tuberculeuse,  on  arrivera  le  plus 
souvent  à  la  dépister  ;  les  prodromes  auront  été  plus  prolongés,  la  fièvre  plus 
vive,  les  convulsions  moins  localisées,  à  début  moins  nettement  unilatéral, 
d'autres  phénomènes  enfin  coïncideront  presque  toujours,  tels  que  strabisme, 
nystagmus,  raideur  de  la  nuque,  rétraction  du  ventre,  cris  hydrencéphali- 
ques,  etc.,  qui  font  au  contraire  défaut  dans  l'iiémiplégic  spasmodique  infan- 
tile. Enfin  l'hémiplégie  elle-même  sera  ordinairement  moins  complète,  son 
intensité  pourra  même  varier  entre  deux  examens  et  d'autres  paralysies  l'accom- 
pagneront ou  se  montreront  avant  elle.  Cependant  il  est  bon  de  se  souvenir  que, 
dans  certains  cas  (Seeligmùiler,  Henoch,  Rendu,  etc.),  on  a  vu  l'hémiplégie  se 
montrer  de  la  façon  la  plus  nette  au  cours  de  la  méningite  tuberculeuse. 
Dans  quelques  cas  même,  la  méningite  prenant  une  marche  moins  aiguë,  le 
diagnostic  pourra  devenir  beaucoup  plus  ardu  encore;  mais  dans  ces  cas  les 
symptômes  se  rapprocheront  davantage  de  ceux  dus  aux  tumeurs  cérébrales  que 
de  ceux  qui  appartiennent  à  l'hémiplégie  spasmodique  infantile. 

Quant  aux  tumeurs  cérébrales,  s'il  est  vrai  que  dans  quelques  cas  elles 
amènent  l'hémiplégie,  c'est  d'une  façon  en  général  beaucoup  plus  lente,  plus 
progressive;  les  convulsions  ne  constituent  pas  alors  le  phénomène  tout  à 
fait  initial  comme  dans  l'hémiplégie  spasmodique  infantile  proprement  dite, 
elles  ne  prennent  pas  non  plus  ce  caractère  «  d'état  de  mal  »  si  fréquent  dans 
celle-ci.  Enfin  d'autres  symptômes  mettront  sur  la  voie  du  diagnostic  :  cépha- 
lalgie persistante  et  localisée,  vomissements  continuels  en  dehors  même  des 
attaques  de  convulsions,  phénomènes  oculaires,  strabisme,  névrite  optique,  etc. 
De  plus,  dans  les  cas  où  la  survie  est  suffisamment  longue,  l'aspect  des  membres 
hémiplégiques  ne  devient  jamais  identique'  à  celui  que  l'on  observe  dans 
l'hémiplégie  spasmodique  infantile  typique;  on  ne  constate  pas  ces  rétractions, 
ces  déformations,  celte  atrophie  si  marquée  souvent  dans  celle-ci.  Cependant, 
comme  nous  avons  eu  l'occasion  de  le  constater  dans  certains  cas,  l'athétose  ou 
l'hémichorée  peuvent  être  très-prononcées  et  il  n'y  a  ni  contracture  fixe,  ni 
atrophie  du  membre  ;  c'est  avec  ces  cas  surtout  que  l'hémiplégie  infantile  par 
tumeur  cérébrale  présenterait  quelque  ressemblance. 

11  est  chez  les  enfants  une  forme  d'hémiplégie  qui,  à  l'encontre  des  affections 
dont  il  a  été  jusqu'ici  question,  peut  offrir  les  plus  grandes  difficultés  de  dia- 
gnostic, c'est  Vhémiplegie  choréique  particulièrement  signalée  par  Todd  et 
récemment  étudiée  avec  les  autres  paralysies  de  la  chorée  dans  la  thèse  de 
Ollive.  Certes  dans  la  chorée  il  est  rare  de  voir  survenir  une  hémiplégie  com- 
plète, bien  que  le  fait  ait  été  constaté  (Charcot),  mais  on  sait  d'autre  part  que  la 
danse  de  Saint-Guy  a  une  tendance  toute  particulière  aux  manifestations  unila- 
térales, aussi  ne  doit-on  pas  s'étonner  de  trouver  les  formes  de  transition  les 
plus  variées  entre  la  simple  parésie  et  l'hémiplégie  complète.  La  difficulté  du 
diagnostic  est  encore  accrue  par  ce  fait  que,  dans  l'hémiplégie  spasmodique 
infantile,  aussi  bien  que  dans  la  danse  de  Saint-Guy,  les  mouvements  choréiques 
font  pour  ainsi  dire  partie  intégrante  du  tableau  clinique.  On  arrivera  cepen- 
dant à  distinguer  ces  deux  affections  l'une  de  l'autre  en  se  souvenant  que 
l'hémiplégie  choréique  se  montre  généralement  à  un  âge  plus  avancé  (de  sept 

*  M.  Hiitinel,  dont  on  connaît  la  haute  compétence  sur  ce  sujet,  nous  a  dit  cependant  avoir 
observé  chez  des  enfants  des  cas  de  tubercules  cérébraux  à  évolution  très-lente  dans  lesquels 
l'hémiplégie  avait  les  caracières  de  l'hémiplégie  spasmodiiiue  infantile.  Ces  faits,  croyons- 
nous,  doivent  être  consiaérés  comme  tout  à  tait  exceptionnels. 


252  HÉMIPLÉGIE. 

à  quinze  ans),  qu'elle  présente  non  plus  une  exagération,  mais  une  abolition  des 
réflexes  tendineux  ;  son  évolution  est  beaucoup  plus  rapide  (quelques  jours  à 
un  ou  deux  mois)  et  se  termine  par  la  guérison  complèle  ;  jamais  elle  ne  se 
complique  d'attaques  d'épilepsie  ;  enfin,  dans  la  majorité  des  cas,  on  trouvera  du 
côté  hémiplégie  la  douleur  ovarienne  dont  nous  avons  montré  la  fréquence  dans 
la  cliorée  de  Sydenhara. 

Dans  l'hémiplégie  hystérique  les  mêmes  caractères  permettront  de  faire  le 
diagnostic,  celui-ci  pourra  cependant  être  rendu  particulièrement  difficile  par 
l'une  des  deux  circonstances  suivantes  :  la  présence  d'attaques  d'hystérie  qui 
pourraient  être  aisément  confondues  avec  des  attaques  d'épilepsie,  ou  bien 
l'existence  d'un  certain  degré  d'atrophie  des  membres  paralysés  (on  sait  en 
effet  que,  dans  ces  derniers  temps,  M.  le  professeur  Charcot  a  appelé  l'attention 
sur  l'atrophie  dans  les  paralysies  hystériques,  et  l'observation  publiée  par 
M.  A.  Chauffard  a  montré  que  chez  les  enfants  celle  atrophie  pouvait  acquérir  un 
degré  très-notable  :  c'est  donc  là  un  fait  qu'il  est  nécessaire  de  ne  pas  perdre  de 
vue). 

R.  Parmi  les  affections  qui  peuvent  par  quelques-uns  de  leurs  symptômes 
simuler  l'aspect  de  l'hémiplégie  infantile  spasmodique,  il  faut  citer  en  première 
ligne  la  paralysie  spinale  atrophique  infantile.  Dans  ces  deux  affections  on 
peut  constater  eu  effet  le  début  par  des  convulsions,  ainsi  que  la  paralysie  et 
l'atrophie  des  membres  atteints  :  aussi  dans  quelques  cas,   assez  rares,  il  est 
vrai,  le  diagnostic,  à  première  vue,  ne  sera  pas  sans  difficulté.  Pour  éviter  toute 
erreur,  il  suffira  de  se  rappeler  que  dans  la  paralysie  spinale  infantile  les  con- 
vulsions ne  débutent  pas  par  un  côté  du  corps,  d'une  façon  aussi  nettement 
hémiplégique  que  loistju'il  s'agit  d'une  lésion  cérébrale.  Il  est  de  plus  assez  rare 
que  les  deux  membres  d'un  cùlé  soient  atteints  dans  la  paralysie  spinale  infan- 
tile ;  le  plus  souvent  on  constatera  une  disposition  beaucoup  moins  régulière  de 
la  paralysie,   quelques  groupes  musculaires  se  montreront  épargnés  alors  que 
d'autres  situés  à  une  plus  grande  distance  seront  atteints.  Dans  le  cas  enfin 
où.  la  disposition  hémiplégique  existerait  réellement,  les  caractères  objectifs  sui- 
vants permettraient  encore  de  faire  aiî^ément  le  diagnostic:  dans  la  paralysie  spi- 
nale infantile,  il  s'agit  d'une  paralysie  flasque  dans  laquelle  les  réflexes  tendineux 
sont  abolis,  qui  ne  s'accompagne  jamais  de  contracture,  mais  au  contraire  d'une 
laxité  toute  spéciale  des  articulations  ;  enfin  dans  cette  affection  on  constate  au 
début  la   réaction  de  dégénération   sur  les  muscles  atteints,  plus  tard  enfin 
toute  excitabilité  électrique  peut-être  anéantie  :  or  rien  d'analogue  ne  se  voit 
dans  l'hémiplégie  infantile  spasmodique. 

Le  tahes  dorsal  spasmodique  peut  aussi  ressembler  à  l'hémiplégie  inflmtile 
spasmodique,  quand  elle  est  double  ou  qu'elle  affecte  la  forme  paraplégique 
dont  il  a  clé  question  plus  haut.  Nous  voulons  plus  particulièrement  parler  ici 
du  tabès  dorsal  spasmodique,  tel  qu'il  se  montre  chez  les  enfants,  tel  que  l'ont 
spécialement  décrit  Little  et  Piupprecht  et  dont  voici  un  tableau  sommaire.  Les 
enfants  n'apprennent  à  marcher  que  tardivement,  en  moyenne  vers  l'âge  de 
quatre  ans  ;  leur  démarche  est  spasmodique,  double  pied-bot,  adduction,  flexion 
et  l'otation  en  dedans  des  cuisses  ;  les  réflexes  tendineux  sont  exagérés,  quel- 
quefois la  raideur  envahit  les  quatre  membres,  mais  cependant  on  peut  dire  que 
les  bras  sont  bien  plus  rarement  atteints  que  les  jambes.  Dans  un  assez  grand 
nombre  de  cas  il  y  a  certains  troubles  du  côté  des  muscles  des  yeux,  de  la 
face  et  du  gosier  (strabisme  spasmodique,  grimaces  spasmodiques,  articulation 


HÉMIPLÉGIE.  255 

spasmodique  et  même  dans  un  cas  déglutition  spasmodique);  la  plupart  des 
malades  semblent  un  peu  slupides  et  ne  savent  apprendre  àparlerqu'entredeux  et 
six  ans,  cependant  ils  ne  manquent  nullement  d'intelligence  et  apprennent 
bien  au  collège;  ce  qui  est  défectueux  en  eux,  ce  n'est  pas  l'intelligence,  c'est 
plutôt  un  état  spasmodique  qui  fait  obstacle  au  jeu  des  muscles  dont  l'intelli- 
gence se  sert  pour  s'exprimer.  Très-souvent,  ainsi  que  l'a  montré  Little,  ces 
enfants  sont  nés  avant  terme,  d'où,  suivant  toute  vraisemblance,  le  développe- 
ment incomplet  du  faisceau  pyramidal.  On  voit  qu'en  somme,  si  jusqu'à  un 
certain  point  ce  tableau  clinique  peut  faire  penser  à  celui  présenté  par  l'hémi- 
plégie infantile  double  ou  par  la  forme  paraplégique,  il  existe  cependant  des 
différences  capitales.  En  effet,  dans  le  tabès  siiasmodique,  il  n'y  a  jamais  de 
convulsions  au  début  (ce  fait  est  très-important  et  montre  que  l'on  a  affaire 
à  une  affection  toujours  congénitale)  ;  les  membres  inférieurs  sont  le  plus 
souvent  seuls  atteints  ou  tout  au  moins  ils  le  sont  toujours  beaucoup  plus  que 
les  supérieurs  et  jamais  ceux-ci  ne  présentent  la  moindre  atrophie  ou  la  moindre 
déformation  :  on  sait  que  tout  au  contraire  dans  l'hémiplégie  infantile  spasmo- 
dique les  membres  supérieurs  sont  toujours  beaucoup  plus  atteints  que  les 
inférieurs.  Enfin,  dans  le  tabès  spasmodique,  on  ne  voit  jamais  d'attaques 
d'épilepsie  se  montrer  dans  le  cours  de  l'affection. 

Chez  les  jeunes  enfants,  on  peut  encore  observer  une  forme  de  paralysie 
qui  dans  certaines  circonstances  simule  jusqu'à  un  certain  point  l'hémiplégie 
infantile  :  c'est  la  pseudo-parahjsie  syphilitique,  dont  on  doit  surtout  la 
description  aux  travaux  de  MM.  Parrot  et  Troisier.  A  la  vérité,  il  est  rare  que 
cette  pseudo-paralysie  se  présente  sous  l'aspect  hémiplégique,  et  M.  Dreyfous, 
dans  une  revue  très-complèle  sur  ce  sujet,  n'en  cite  qu'un  seul  cas  (Van  Har- 
lingen),  mais  quelquel'ois  elle  frappe  à  la  fois  un  bras  et  les  deux  jambes  et 
dans  ces  cas  on  pourrait  la  confondre  avec  l'hémiplégie  à  forme  paraplégique. 
Les  éléments  du  diagnostic  consisteront,  ainsi  que  le  fait  remarquer  M.  Troisier, 
dans  la  tuméfaction,  et  quelquefois  la  crépitation  au  niveau  des  jointures,  dans 
l'existence  de  douleurs  souvent  fort  vives  au  niveau  des  membres  paralysés, 
dans  l'absence  de  paralysie  de  la  face,  dans  la  conservation  des  mouvements 
volontaires  (très-nets,  bien  que  peu  étendus)  des  extrémités  (main,  doigts, 
pied),  souvent  aussi  dans  la  présence  simultanée  d'éruptions  syphilitiques  sur  le 
corps  de  l'enfant. 

II  faut  signaler  aussi  chez  les  nouveau-nés  cette  variété  de  paralysie  obsté- 
tricale, consistant  en  une  monoplégic  brachiale  avec  hémiplégie  faciale  (Danyau, 
Guéniot,  in  Duchenne,  de  Boulogne,  Électr.  /oc),  qui  pourrait  fort  bien  de  prime 
abord  en  imposer  pour  une  paralysie  d'origine  cérébrale.  On  sait,  d'après  les 
travaux  de  Duchenne,  qu'il  s'agit  là  du  moins  pour  le  bras  d'une  paralysie 
radiculaire  produite  par  l'application  du  forceps,  que  celte  paralysie  est  loca- 
lisée dans  les  muscles  deltoïde,  sous-épineux  et  iléchisseurs  de  l'avant-bras  sur 
le  bras,  et  caractérisée  par  l'abaissement  du  membre  qui  s'applique  alors  contre 
le  tronc,  par  la  rotation  du  bras  en  dedans  et  par  l'extension  de  l'avant-bras  sur 
le  bras  ;  les  réactions  électriques  sont  souvent  modifiées  (réaction  de  dégénéra- 
tion complète  ou  incomplète,  diminution  ou  disparition  de  l'excitabilité  fara- 
dique).  Ces  caractères  suffiront  pour  éviter  de  confondre  cette  forme  de  paralysie 
obstétricale  avec  l'hémiplégie  cérébrale  infantile. 

G.  Reste  la  question  de  savoir  à  quelle  variété  de  lésion  primitive  on  a  affaire. 
Ici  le  diagnostic  devient  extrêmement  difficile,  on  peut  même  dire  le  plus  sou- 


^34  HÉMIPLÉGIE. 

vent  impossible,  entre  les  quatre  premiers  types  dont  l'étude  a  été  faite  au  cha- 
pitre consacré  à  l'anatomie  pathologique.  L'impuissance  où  nous  nous  trouvons 
n'a  d'ailleurs  guère  lieu  de  surprendre,  puisqu'en  somme,  nous  l'avons  vu,  ces 
quatre  types  ont  un  point  de  départ  commun,  une  lésion  vascnlaire,  un  aboutis- 
sant unique,  la  sclérose  et  l'atrophie  consécutives  de  l'hémisphère.  Et  du  reste 
chez  l'adulte,  alors  même  qu'on  peut  assister  au  début  de  l'hémiplégie  et  qu'on 
se  trouve  en  présence  de  symptômes  plus  tranchés,  est-il  donc  toujours  si  aisé 
de  faire  ailleurs  que  dans  les  livres  le  diagnostic  entre  le  ramollissement  et  l'hé- 
morrhagie  cérébrale.  La  distinction  en  somme  n'importe  guère  ici,  puisque 
chacun  de  ces  types  an;\tomo-palhologiques  présente  au  point  de  vue  clinique  une 
('volulion  identique  ;  il  n'en  est  pas  de  même  pour  le  cinquième  type,  la  mé- 
ningo-encépholite  chronique  :  ici  en  effet  l'évolution  est  tout  autre  et  au  point 
de  vue  du  j)ronostic  nous  avons  un  intérêt  réel  à  savoir  la  reconnaître.  Dans 
un  certain  nombre  de  cas,  ce  diagnostic,  quoique  difficile,  peut  cependant  être 
fait.  Lorsqu'on  examine  avec  soin  les  observations  suivies  d'autopsie,  dans  les- 
quelles l'existence  de  la  meningo-encéphalite  a  été  nettement  établie,  notamment 
celles  de  Bourneville  et  de  ses  élèves,  on  voit  que  presque  toujours  l'aspect 
clinique  a  été  plus  ou  moins  différent  de  celui  qui  accompagne  les  quatre  pre- 
miers types.  Dans  la  meningo-encéphalite,  en  effet,  les  troubles  moteurs  sont 
assez  souvent  bilatéraux  et,  quoique  prédominants  sur  un  côté  du  corps  au  point 
d'amener  une  véritable  hémiplégie,  ils  ne  laissent  pas  de  se  montrer  d'une  façon 
plus  ou  moins  marquée  sur  l'autre  côté;  quelquefois  aussi,  mais  beaucoup  plus 
rarement,  on  observerait  des  troubles  oculaires  (nystagmus,  strabisme,  etc.). 
Enfin,  et  c'est  là  un  symptôme  plus  constant,  chez  ces  malades  l'intelligence 
ne  se  conserve  pas  sans  changement  notable  dans  l'état  où  l'avaient  laissée  les 
accidents  initiaux  ;  contrairement  à  ce  qui  a  généralement  lieu  dans  l'hémi- 
plégie spasmodique  infantile,  on  la  voit  dans  la  meningo-encéphalite  chronique 
diminuer  de  plus  en  plus  et  arriver  progressivement  jusqu'à  l'idiotie.  11  ne 
faudrait  évidemment  pas  croire  que  l'idiotie  ne  puisse  s'observer  dans  les  autres 
types  anatomiques  d'hémiplégie  infantile,  loin  de  là,  mais  alors  l'idiotie  a  existé 
dès  les  premiers  accidents  ou  peu  après,  elle  n'est  pas  survenue  progressive- 
ment dans  un  espace  de  temps  relativement  assez  long. 

Marche  et  pronostic.  S'il  est  vrai  que  le  plus  souvent  les  lésions  cérébrales 
qui  produisent  l'hémiplégie  spasmodique  infantile  permettent  une  survie  très- 
lonf  ne,  il  est  cependant  des  cas  où  la  mort  peut  arriver  pendant  les  accidents 
initiaux;  il  est  fort  probable  qu'il  en  est  ainsi  pour  un  certain  nombre  des 
enfants  dont  le  décès  est  enregistré  dans  les  statistiques  médicales  sous  le  nom 
de  «  méningite  ».  Cette  période  des  accidents  initiaux  une  fois  passée,  la  vie  est 
moins  directement  menacée,  l'enfant  n'est  plus  un  malade,  c'est  un  infirme 
-dont  l'hémiplégie  pourra  s'accompagner  d'une  contracture  et  de  déformations 
telles  que  les  membres  de  tout  un  côté  du  corps  soient  frappés  d'une  impotence 
complète  ;  quelquefois  au  contraire  l'hémiplégie  rétrocédera  en  grande  partie  et 
ne  laissera  que  des  traces  peu  marquées.  Mais,  dans  les  cas  même  les  plus  favo- 
rables au  point  de  vue  des  manifestations  paralytiques,  restera  suspendue  pen- 
dant de  longues  années  sur  la  tête  de  ces  enfants  une  menace  terrible,  celle  de 
l'épilepsie.  Celle-ci  peut  à  elle  seule  devenir  une  cause  de  mort  par  suite  de  la 
répétition  et  de  la  prolongation  des  accès  amenant  un  véritable  état  de  mal  avec 
toutes  ses  conséquences;  c'est  là  ce  que  Bourneville  et  Wuillamicr  appellent  la 
période  grave  de  l'affection.  Mais,  ainsi  que  l'ont  montré  ces  auteurs,  si  le 


HÉMIPLÉGIE.  235 

malade  survit  à  cette  période,  le  pronostic  va  s'amender  d'une  façon  très-notable, 
car  d'une  part  on  a  vu  qu'ici,  du  moins  dans  la  majorité  des  cas,  il  n'y  a  pas  à 
craindre  la  démence  progressive,  cet  aboutissant  si  fréquent  de  l'épilepsie  vul- 
gaire ;  d'autre  part,  ces  manifestations  comitiales  présentent  une  tendance  natu- 
relle à  disparaître.  En  effet,  d'après  Wuillamier,  lorsque  les  malades  atteints 
d'liémiplén;ie  infantile  spasmodiquc  sont  arrivés  vers  ITif^e  de  trente  ans,  les 
accès  d'épilepsie  deviennent  de  moins  en  moins  nombreux,  si  bien  qu'ils  finis- 
sent souvent  par  disparaître  d'une  façon  complète  à  l'âge  de  quarante  ou  cin- 
quante ans  ;  quelquefois  même  cette  heureuse  terminaison  a  lieu  beaucoup  plus 
tôt  encore.  Rien  alors  ne  menace  plus  l'existence,  du  moins  par  le  fait  de  l'hé- 
miplégie spasmodique  infantile,  aussi  n'cst-il  pas  rare  de  voir  ces  infirmes 
atteindre  un  âge  avancé. 

Traitement.  Dans  l'impuissance  où  l'on  se  trouve  d'agir  directement  sur 
la  lésion  productrice  de  riiémiplégie  infantile  spasmodique,  on  conçoit  que  le 
traitement  ne  puisse  guère  s'appliquer  qu'aux  symptômes.  Au  début,  dans  la 
période  éclamptique  on  aura  recours  aux  petites  émissions  sanguines  (sangsues 
aux  apophyses  mastoïdes),  aux  vésicatoires  à  la  nuque,  aux  affusions  froides 
sur  la  tète,  aux  grands  bains  tièdes;  à  l'intérieur  on  prescrira  les  bromures,  le 
chloral,  le  musc  à  la  dose  de  40  centigrammes  à  1  gramme  (Grisolle),  le  chlo- 
roforme en  inhalations  (West).  On  aura  soin  d'entretenir  la  liberté  du  ventre. 
Si  les  accidents  surviennent  dans  le  cours  d'une  maladie  générale  bien  déter- 
minée (fièvres  exanlhémaliques,  etc.),  on  devra  traiter  énergiquement  celle-ci. 

Une  fois  cette  période  passée,  lorsque  l'enfant  est  plutôt  un  infirme  qu'un 
malade,  contre  la  paralysie  on  emploiera  l'électricité  ;  voici  à  cet  égard  la 
conduite  que  conseille  Gaudard  :  Le  traitement  faradique  ne  doit  être  commencé 
qu'environ  un  mois  après  la  disparition  des  symptômes  aigus  initiaux,  il  doit 
•être  continué  longtemps,  le  courant  devra  être  faible,  les  séances  ne  dureront 
que  dix  à  quinze  minutes,  une  séance  tous  les  deux  jours.  Quand  l'enfant  est 
trop  jeune  on  pourra  le  mettre  dans  un  baquet  métallique  plein  d'eau  tiède  qui 
sera  relié  à  l'appareil  électrique,  de  façon  à  tenir  lieu  d'électrode.  Bernhardt 
préfère  l'électrisation  galvanique,  pourvu  qu'elle  soit  faite  par  une  personne 
exercée,  sinon  on  fera  de  courtes  séances  de  faradisatiou. 

Pour  prévenir  les  déformations^  il  sera  bon  de  pratiquer  sur  les  membres  et 
les  articulations  des  manipulations  méthodiques,  une  sorte  de  massage  fait  par 
le  médecin  avant  les  séances  d'électrisation  et  par  les  parents  dans  l'intervalle 
de  celles-ci.  11  faudra  ne  pas  laisser  marcher  trop  tôt  le  malade  et  avoir  soin 
que  son  pied  soit  bien  maintenu  par  la  bottine. 

Quand  les  déformations  existent,  il  y  aura  lieu  de  faire  usage  d'appareils 
orthopédiques  (Gaudard  recommande  particulièrement  le  sabot  de  Venel).  Enfin, 
dans  les  cas  oii  elles  seront  trop  accentuées,  on  pourra  avoir  recours  à  des  opéra- 
tions chirurgicales  pour  redresser  les  membres  et  combattre  la  rigidité  articu- 
laire. Quant  à  l'élongalioii  des  nerfs  préconisée  par  Morton,  on  doit  faire  bien 
■des  réserves  à  son  égard. 

Chez  les  malades  atteints  d'épilepsie,  il  y  aura  lieu  d'administrer  d'une  façon 
prolongée  les  bromures  alcalins  suivant  des  doses  suffisantes,  variables  selon 
l  âge  des  sujets.  Bernhardt  va  même  jusqu'à  recommander  de  donner  ce  médica- 
ment ainsi  que  l'iodure  de  potussium  d'une  façon  préventive,  pour  tâcher 
d'éviter  T apparition  de  l'épilepsie. 

11  ne  faudra  pas  oublier  non  plus  que  les  troubles  de  Vintelligence  et  du 


256  IIKMIPLÉGIE    (bibliographie). 

langage  sont  susceptibles  eux  aussi  d'éprouver  une  amélioration  considérable 
par  l'emploi  d'une  gymnastique  intellectuelle  méthodique.  Les  remarquables 
résultats  obtenus  à  cet  égard  par  M.  Bourneville  doivent  servir  d'encouragement 
et  d'exemple  pour  le  traitement  des  enfants  arriérés  ou  imbéciles  atteints 
d'hémiplégie  spasniodique  infantile.  Pierre  Marie. 

Bibliographie.  —  Benedikt.  Eleklrolherapie.  Wien,  18G8.  —  Du  même.  Neiveiipalhologie 
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HÉMIPTÈRES.  237 

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d'autopsies  d'hémiplégie  infantile.  P.  M. 

HÉMIPTÈRES  (de  ^ui,  demi;  TrTcpôv,  [aile).  Ordre  d'Insectes,  établi  par 
Linné,  à  métamorphoses  incomplètes,  ordinairement  à  quatre  ailes  et  pourvus 
d'un  bec  ou  rostre  articulé  qui  leur  a  fait  aussi  donner  le  nom  de  Rhynchotes 
(pîi'^y^oç,  bec).  L'appellation  d'Hémiptères  provient  de  la  conformation  des  ailes 
supérieures,  qui  sont  le  plus  ordinairement  composées  de  deux  parties,  l'une 
plus  ou  moins  coriace  ^et  basilaire,  l'autre  membraneuse  vers  le  sommet  ou 
apicale,  mais  cette  dénomination  ne  s'applique  rigoureusement  qu'à  une  partie 
des  insectes  Rbynclioles. 

La  présence  d'un  bec  ou  rostre  de  succion,  articulé,  s'étendant  sous  la  poi- 
trine, non  enroulé  au  repos,  muni  de  soies  internes,  caractérise  nettement  les 
insectes  qui  font  le  sujet  de  cet  article,  et  ce  caractère,  ainsi  que  celui  de  méta- 
morphoses incomplètes,  reste  constant  malgré  des  formes  variées  et  des  modifi- 
cations alaires  importantes. 

Les  Hémiptères,  dont  un  grand  nombre  sont  connus  sous  les  noms  vulgaires 
de  Punaises,  de  Cigales,  de  Cochenilles,  de  Pucerons,  vivent  du  suc  des  plantes, 
parfois  du  sang  des  animaux  piqués  par  leur  bec  ou  rostre.  A  l'état  de  déve- 
loppement complet  ou  de  perfectose,  ils  offrent  à  considérer  :  1»  la  tète;  2"  le 
thorax  et  o"  l'abdomen. 

1"  La  tête  est  ordinairement  triangulaire,  emboîtée  plus  ou  moins  profondé- 
ment dans  le  thorax,  rarement  portée  sur  un  cou.  Les  yeux  à  facettes  et  laté- 
raux sont  constants  ;  en  outre,  sur  le  vertex  on  trouve  les  ocelles  sous  forme 
de  points  bombés,  ronds  et  lisses,  qui  manquent  très-rarement.  Les  antennes  sont 
généralement  grêles,  parfois  renflées  ou  épaissies  à  leur  extrémité  ;  d'autres  fois, 
au  contraire,  terminées  par  une  soie  très-fine  ou  sétacées  ;  jamais  elles  ne  pré- 
sentent de  dents  ou  de  feuillets  lamelliformes.  Le  bec  ou  rostre  composant 
l'appareil  buccal  est  cylindrique,  conique  ou  filiforme,  parfois  arqué,  assez 
court,  mais  plus  fréquemment  droit  et  couché  sur  la  poitrine.  Il  se  compose 
■d'une  gaîne,  d'une  goultièi^e  articulée  servant  de  fourreau  ou  d'enveloppe  aux 
jsoies  buccales;  c'est  en  résumé  un  demi-tube,  composé  de  4  articles,  reposant 
J'uii  dans  l'autre  par  leur  extrémité  postérieure,  d'où  le  nom  d'Arthrognathes 
{ipOpov,  yi/âôoî,  bec  à  jointures),  donné  par  Spinola.  A  l'intérieur  sont  4  soies, 
dont  les  deux  extérieures  représentent  les  mandibules  des  insectes  broyeurs,  les 
<leux  extérieures  engaînées  étant  les  analogues  des  mâchoires  ou  maxilles.  Ces 


258  HEMIPTERES. 

deux  dernières  soies  buccales  sont  parfois  difficiles  à  séparer  et  quelques  au- 
teurs n'ont  admis  à  tort  que  2  soies  latérales  et  1  centrale,  5  en  tout.  Les 
liquides  peuvent  facilement  monter  entre  ces  soies  ou  lancettes  perforantes,  par 
capillarité  encore  plus  que  par  succion,  et  dont  les  mouvements  ont  lieu  par  de 
petits  muscles  placés  à  leur  base.  La  gaine  est  formée  par  la  lèvre  inférieure, 
et  en  dessus  s'applique  la  lèvre  supérieure  ou  labre,  provenant  du  bord  anté- 
rieur de  la  tète,  court,  triangulaire,  rarement  allongé.  Burmeister  regardait 
comme  des  palpes  labiaux  les  prolongements  de  la  lèvre  inférieure  engainante, 
mais  il  est  plus  naturel  d'admettre  l'absence  des  palpes,  tant  labiaux  que  maxil- 
laires, CCS  derniers  n'offrant  aucun  vestige. 

2"  Le  thorax  se  compose  de  trois  parties,  celle  qui  forme  le  prothorax  est 
ordinairement  la  plus  développée  sous  forme  de  trapèze  ou  d'hexagone  transver- 
sal; les  angles  latéro-postérieurs  sont  souvent  saillants,  parfois  épineux,  les  côtés 
peuvent  être  dilates,  lamelleux.  Dans  plusieurs  groupes  d'hémiplères  homoptères 
le  prothorax  est  réduit  à  un  anneau  antérieur  et  le  mésothorax  prend  un  grand 
développement  (Cigales,  Pucerons).  L'écusson,  ordinairement  petit,  est  grand 
chez  les  Pentatomes  et  recouvre  même  parfois  les  ailes  et  l'abdomen  (Scutel- 
1ères).  Le  dessous  du  thorax  présente  le  prosternum,  sillonné  fréijuemment  à  la 
partie  antérieure  avec  une  pointe  dirigée  en  arrière,  un  mésosternuni  souvent 
»',arénc,  enfin  le  niétastcrnum.  Près  de  la  jonction  de  ce  dernier  avec  le  méso- 
sternum et  sur  le  côté  on  remarque  les  ouvertures  des  glandes  qui  fournissent 
le  fluide  particulier,  odorant  et  souvent  si  désagréable,  des  hémiptères;  ce  sont 
les  ostioles  odorifiques,  faciles  à  reconnaître  sur  les  Pentaloraides  et  les 
Lygéides,  sous  forme  d'ouvertures  oblongues,  entourées  d'une  surface  mate, 
ou  recouvertes  d'une  couche  mince  du  produit  de  la  sécrétion.  Les  ostioles 
odorifiques  paraissent  manquer  chez  un  grand  nombre  d'hémiptères. 

Les  ailes,  à  l'état  le  plus  complet  de  développement,  sont  au  nombre  de 
quatre,  mais  chez  les  Coccidiens  les  mâles  n'en  ont  que  deux  et  les  femelles 
sont  aptères.  Les  deux  ailes  supérieures  ont  fait  caractériser  l'ordre  entier,  elles 
sont  d'une  consistance  plus  solide  que  les  inférieures  et  elles  portent  le  nom 
d'hémélylres  ou  demi-élytres,  la  partie  basilaire  fortement  coriacée  se  nomme 
corie,  la  portion  restante  ou  membraneuse  simplement  :  membrane.  Quand  les 
quatre  ailes  existent,  mais  entièrement  membraneuses,  parcourues  principale- 
ment par  des  nervures  longitudinales,  les  insectes  rhynchotes  sont  réellement 
Homoptères  {o^.bç,  semblable,  pareil,  et  Tzrspbv,  aile)  par  rapport  aux  Hémiptères 
vrais,  pourvus  d'hémélytres.  Je  dois  ajouter  que  la  corie,  ou  partie  chilineuse 
plus  épaisse,  piésenle  un  pli  longitudinal  oblique  allant  de  la  base  à  l'angle 
interne  de  la  membrane,  limitant  une  portion  touchant  à  la  suture  et  appelée 
clavus.  En  outre,  chez  les  Capsides,  une  petite  pièce  nommée  cuneus  est  placée 
à  l'extrémité  externe  de  la  corie  dont  elle  est  séparée  par  un  pli  et  souvent  par 
une  écbancrure  sur  le  bord  externe.  Enfin,  la  corie  est  souvent  courte,  mais  ne 
manque  presque  jamais,  tandis  que  la  membrane  disparaît  :  alors  l'insecte  est 
brachyptère.  Celte  modification  peut  se  rencontrer  seulement  chez  les  femelles 
ou  chez  quelques  individus  d'une  espèce  qui  alors  présente  les  deux  formes 
macroptère  et  brachyptère.  Plusieurs  Hémiptères  restent  aptères  dans  les  deux 
sexes  ;  ils  sont  comme  des  larves  pourvues  d'appareils  sexuels  comparables  aux 
Orthoptères  Phasmiens  demeurés  aptères  et  parmi  les  Vertébrés  aux  Axolotls 
non  transformés,  larves  ovigères  d'Amblystomes.  J'ai  déjà  dit  que  parfois  les 
femelles  seules  sont  aptères,  analogues  de  la  sorte  aux  femelles  de  Lampyres,  de 


HÉMIPTÈRES.  259 

Drilus,  chez  les  Coléoptères,  à  celles  des  Psychides  chez  les  Lépidoptères  {voy. 
Coléoptères,  Lépidoptères,   Papillons). 

Les  pattes  sont  généralement  grêles,  rarement  fortes,  très-variées  de  formes. 
Les  antérieures  peuvent  dans  certains  groupes  saisir  ou  arrêter  une  proie  ;  elles 
ont  des  cuisses  courtes  et  épaisses,  armées  d'épines,  avec  les  jambes  arquées  ; 
ces  pattes  sont  dites  ravisseuses. 

Le  plus  souvent  les  six  pattes  sont  conformées  pour  la  marche,  plus  rarement 
pour  le  saut  (Cicadelles,  Psylles  adultes).  Les  Ilydrocosises  ou  Punaises  d'eau 
ont  les  postérieures  comprimées,  munies  de  soies  serrées,  et  servant  à  la  nata- 
tion. Les  tarses  ont  deux  ou  trois  articles,  rarement  un  seul;  le  dernier  article 
est  terminé  par  deux  crochets  fins  et  aigus,  recourbés,  ayant  quelquefois  enire 
eux  une  petite  pelote  arrondie,  membraneuse,  aidant  l'insecte  à  se  fixer  aux 
objets  lisses  et  servant  aussi  d'organe  tactile.  Dans  la  région  sternale,  on  trouve 
ordinairement  au  thorax  deux  paires  de  stigmates,  la  première  paire  située  entre  le 
prosternum  et  le  mésosternum,  cachée  par  le  bord  des  hanches  antérieures,  la 
seconde  paire  placée  entie  le  mésosternum  et  le  métasternum. 

0"  L'abdomen  des  hémiptères  est  ordinairement  composé  de  6,  quelquefois 
de  8  ou  9  segments  chitineux.  Il  tient  en  avant  au  métathorax  ;  la  partie  infé- 
rieure ou  ventrale  se  réunit  à  la  supérieure  en  formant  un  bord  plus  ou  moins 
tranchant  appelé  connexivum,  qui  déborde  souvent  les  élytres  et  qui  est 
stigmatifère.  Chaque  segment  a  deux  stigmates,  un  de  chaque  côté,  excepté  le 
dernier  qui  en  est  dépourvu.  Ces  stigmates  sont  très-modifiés  dans  les  Nèpes  et 
les  Ranatres.  Le  dernier  segment  abdominal  est  enchâssé  par  la  base  dans  le 
précédent;  à  l'extrémité  en  dessous  sont  les  organes  sexuels  externes.  Chez  la 
femelle,  il  existe  ordinairement  deux  plaques  vulvaires  réunies,  qui  paraissent 
n'en  former  qu'une  seule,  fendue  longitudinalement  au  milieu;  mais  quelque- 
fois il  y  a  4,  5,  même  7  plaques.  Le  mâle  est  pourvu  d'une  plaque  anale  non 
fendue  et  souvent  bombée.  Un  oviscapte  ou  tarière  est  parfois  visible  chez  les 
femelles,  sortant  entre  les  plaques  vulvaires  ;  la  tarière  sert  à  percer  le  paren- 
chyme des  plantes  ou  à  déposer  des  œufs  dans  la  terre.  Léon  Dufour  avait 
remarqué  à  ce  sujet  que  le  nombre  des  plaques  vulvaires  diminue  à  mesure 
que  l'oviscapte  se  perfectionne,  ainsi  il  est  de  7  à  8  dans  les  Hémiptères  à  long 
écusson  qui  n'ont  aucune  trace  de  tarière;  chez  d'autres  à  petit  oviscapte  caché 
le  nombre  des  plaques  est  réduit  à  quatre,  enfin  dans  la  plupart  des  llomo- 
ptères  chez  lesquels  cet  organe  est  au  maximum  de  développement  il  n'y  a  que 
deux  panneaux  vulvaires. 

Les  organes  internes  composant  les  appareils  de  la  digestion,  delà  respiration, 
de  la  circuLition,  de  la  génération,  ceux  des  sécrétions,  ont  été  d'abord  étudiés 
par  Ramdohr,  surtout  par  Léon  Dufour,  etc.  Voici  un  aperçu  de  la  structure 
intérieure  des  Hémiptères  : 

L'appareil  digestif  est  constitué  par  un  tube  alimentaire  de  longueur  variable, 
faisant  parfois  des  replis  sur  lui-même  (Cigales),  dépourvu  de  gésier  et  de 
papilles  extérieures  ou  villosités.  Les  glandes  salivaires  remarquables  sont 
disposées  tantôt  en  sachets  bi-  ou  trilobés,  tantôt  en  ulricules  agglomérées,  en 
pelotons  ou  en  grappes,  avec  des  dilatations  ou  réservoirs  salivaires.  Les  vais- 
seaux de  Malpighi  sont  au  nombre  de  1  ou  2  paires,  insérés  immédiatement  sur 
l'intestin  ou  par  l'intermédiaire  d'une  ou  deux  dilatations. 

L'appareil  respiratoire  est  composé  de  trachées  tubulaires  et  aussi  de  trachées 
utriculaires,  aboutissant  à  des  stigmates  de  position  variable.  H  y  a  une  ou  deux 


240  HÉMIPTÈRES. 

paires  de  stigmates  tlioraciques,  et  de  4,  6  à  7  paires  de  stigmates  abdominaux. 
Le  cœur  a  la  forme  d'un  long  vaisseau  dorsal. 

Les  organes  génitaux  mâles  sont  formes  d'une  paire  de  testicules  uni  ou 
multicapsulaires,  suivis  de  conduits  déférents  plus  ou  moins  repliés,  de  vési- 
cules séminales,  enfin  d'un  canal  éjaculateur  terminé  par  le  pénis  entouré  d'une 
armure  copulatrice.  Les  organes  génitaux  femelles  comprennent  deux  ovaires 
dont  les  gaines  ovigères  tantôt  en  nombre  déterminé,  tantôt  innombrables,  sont 
uni-  ou  mulliloculaires,  suivies  d'un  oviducte,  de  glandes  annexées,  enlin  d'un 
oviscapte  dans  plusieurs  genres. 

Le  système  nerveux  se  compose  de  ganglions  cérébroïdes,  plus  de  ganglions 
tlioraciques  avec  prolongement  racliidien  pourvu  de  paires  symétriques  de  nerfs. 

Un  tissu  adipeux  splancbnique,  plus  ou  moins  abondant,  remplit  les  inter- 
stices des  viscères. 

J'ai  déjà  indiqué  (page  238)  les  glandes  odorifères  qui  s'ouvrent  chez  l'insecte 
parfait  par  des  ostioles  sous-thoraciques. 

Les  Hémiptères  odorants  se  trouvent  principalement  parmi  les  Géocorises  ;  le 
nom  de  l'unaise  est  devenu  typique  pour  indiquer  une  odeur  repoussante.  La 
sécrétion  est  volontaire  et  l'insecte  irrité  ou  menacé  de  danger  la  produit  seu- 
lement alors.  Léon  Dufour  a  remarqué  avec  soin  que  la  grande  Punaise  grise 
commune  {Wtaphiçjaster  griseus  ou  punclipennis)  ne  répand  aucune  odeur,  si 
elle  est  tranquille,  mais,  si  elle  est  saisie  avec  une  pince  et  immergée  sur  l'eau, 
on  voit  aussitôt  s'élever  de  son  corps  de  petites  bulles  gazeuses  qui,  venant  à  la 
surface  par  volatilisation  du  liquide  séciété,  exhalent  l'effluve  caractéristique. 
Cette  vapeur  est  acre  et  elle  a  une  action  irritante  sur  les  yeux  ;  de  plus  elle 
tache  les  doigts  en  brun  ou  en  jauncàtre  comme  certains  acides  minéraux. 

L'organe  odorilique  consiste  en  une  bourse  assez  grande,  paire  et  parfois 
au  nombre  d'une  double  paire  placée  dans  l'intérieur  et  à  la  base  ventrale  de 
l'abdomen,  sous  les  organes  digestifs.  La  forme  est  ovalaire  ou  arrondie,  la 
couleur  jaunâtre  ou  orangée;  j'ai  indiqué  la  place  des  poches  odorifiques  chez 
l'adulte,  mais  à  l'état  de  larve  ou  de  nymphe,  d'après  Kùnckel,  les  mêmes 
insectes  ont  les  glandes  odorifiques  placées  à  la  partie  supérieure  de  l'abdo- 
men sous  le  tégument.  Deux  scutelles  indiquent  sur  les  arceaux  de  la  région 
dorsale  la  présence  de  ces  glandes,  chacun  offre  deux  ostioles  servant  à  la  sortie 
du  liquide  odorant,  qui  se  volatilise  tout  de  suite.  Ainsi,  depuis  la  naissance  jus- 
qu'à la  dernière  mue,  l'appareil  odorifique  serait  une  dépendance  de  la  région 
supérieure  ;  après  la  dernière  mue,  à  l'époque  de  perfectose,  il  devient  une 
dépendance  de  la  région  ventrale.  Les  glandes  de  la  larve  s'atrophient  lorsque 
l'organe  destiné  à  les  remplacer  se  forme  à  la  partie  inférieure  du  corps.  En 
résumé,  le  nouvel  organe  semblable  au  premier  occupe  la  situation  qui  con- 
vient pour  la  défense  de  l'animal  qui  en  est  pourvu. 

L'odeur  de  toutes  les  Punaises  est  loin  d'être  aussi  fétide  que  celle  du  Cimex 
griseus-;  certaines  espèces  répandent  l'odeur  de  pomme,  de  jacinthe,  du  gro- 
seiller  noir;  elle  est  parfois  acétique  ou  thymique.  Les  Punaises  d'eau,  comme 
les  Naucores,  ont  une  odeur  acre,  les  Notonectes  une  émanation  vireuse,  les 
Corises  rappellent  celle  de  la  Punaise  des  bois,  toutefois  Léon  Dufour  n'a  trouvé 
chez  ces  insectes  aucun  organe  comparable  aux  glandes  des  Géocorises  :  leur 
odeur  proviendrait-elle  do  glandes  anales?  De  nouvelles  recherches  éclairciraient 
ce  point  intéressant  d'anatomie. 

Les  Hémiptères  ont  des  familles  remarquables  par  des  sécrétions  cireuses. 


HEMIPTERES.  241 

solubles  soit  dans  l'alcool,  soit  dans  l'élher,  développées  parfois  en  filaments 
situés  à  l'exlrémité  du  corps  (Lystrides,  Ftata,  certains  Fulgores  et  Aphides, 
Schizoneura,   Adelges,   etc  )    ou   répandus   sur   celui-ci  (Larves  et   Nymphes 
à'Aleurodes,  Cocciens,  Dactylopius  adonidum,  Orthezia,  etc.).  Les  Aphrophora 
larvaires  s'entourent  d'une  sorte  d'écume,  semblable  à  de  la  salive,  et  ces  amas 
sont  vulgairement  connus  sous  les  noms  de  crachats  de  coucou,  de  larmes  des 
saules,  d'écume  du  piintemps.  Us  contiennent  une  ou  plusieurs  larves,  pré- 
servées contre  la  dessiccation,  l'attaque  des  oiseaux  et  des  parasites  ordinaires. 
L'écume  est  rejelée  par  l'anus  sous  forme   de  bulles  gazeuses,   les  bulles  suc- 
cessivement produites  et  réunies  forment  les  amas  écumeux.  La  larve  retirée  de 
l'écume  est  inhabile  à  la  produire,  si  elle  n'a  plus  de  sève  à  sucer.  Les  nymphes 
opèrent  leur  transformation  dans  l'amas  écumeux,  elles  savent  faire  dessécher 
la  matière  qui  les  couvre,  il  se  forme  un  vide  dans  la  masse,  une  sorte  de 
voûte  close  ;  c'est  dans  cette  cellule  voûtée  que  la  nymphe  quitte  sa  dépouille, 
qui  se  fend  sur  la  tète,  puis  sur  le  thorax,  et  enfin  où  elle  étend  ses  ailes. 

Certaines  sécrétions  s'observent  sur  les  Pucerons  [voy.  Pucerons)  ou  les  tuber- 
cules du  corps  de  divers  Coccides,  par  exemple,  la  gomme  laque  [voy.  Coche- 
nilles, Carterialacca,l-  XVlll,  p.  195).  La  fumagineou  morphée  se  développe 
sur  le  miellat  produit  par  divers  Pucerons  et  Cochenilles  [voy.  CocuENn-i.ES, 
loc.  cit.,  p.  187).  Ce  miellat,  d'une  nature  très-sucrée,  rendu  même  par  des 
hémiptères  sans  cornicules,  ni  mamelons  ou  tubercules,  par  des  Rhizobiiis,  etc., 
est  éjaculé  ou  rendu  en  quelque  sorte  par  l'anus. 

La  phosphorescence  a  été  attribuée  au  célèbre  Fulgore  porte-lanterne,  Fulgora 
laternaria  Linné,  Grand  porte-lanterne  des  Indes  Occidenlales  [voy.  Fulgore)- 
Sibylle  deMérian,  qui  avait  signalé  ce  fait,  est  très-explicite,  mais  la  phosphores- 
cence de  ce  curieux  hémiptère  est  de  plus  en  plus  révoquée  en  doute.  Rien  ne 
rappelle  sur  la  tête  du  grand  Fulgore  la  disposition  des  organes  lumineux  des 
Lampyres,  des  Pyrophores,  ou  d'aulres  insectes  phosphorescents.  Y  avait-il 
quelque  Élatéride  parmi  les  Fulgores  dont  la  célèbre  observatrice  dit  avoir 
observé  la  lumière?  Une  récente  et  très-intéressante  communication  laite  à  la 
Société  entoraologique  de  France  paraît  contraire  à  la  propriété  lumineuse  du 
Fulgora  laternaria  [Annales  de  la  Société  entomologique  de  France,  séance  du 
22  juin  1886,  bulletin,  page  c). 

Les  Hémiptères  ne  produisent  pas  en  volant  un  bourdonnement  comparable 
à  celui  des  Di|)tères  ou  un  bruit  comme  celui  de  divers  Papillons  [Chelonia 
pudica,  Setina,  Sphinx  atropos).  Latreille  signale  à  peine  un  froissement  des 
parties  membraneuses  chez  la  PoUymorpha  histtnx  ou  lacininta,  et  le  frotte- 
ment du  rostre  contre  le  sternum  dans  les  grandes  espèces  de  Réduves  rappelle 
le  bruit  des  Cerambyx  chez  les  Coléoptères,  il  cesse  lorsque  le  rostre  est  coupé. 
La  stridulation  ou  le  chant  des  Cigales  a  été  célébré  depuis  l'anlicjuité  [voy. 
Cigales).  Réaumur  a  fait  connaître  le  premier  le  mécanisme  à  l'aide  duquel  les 
mâles  des  Cigales  produisent  leur  bruit  musical  caractéristique.  Doyère,  Solier, 
Goureau,  ont  étudié  les  organes  sonores  et  le  professeur  Carlet,  de  Grenoble,  en  a 
donné  une  description  avec  représentation  très-soignée  dans  les  Annales  des 
sciences  naturelles  de  1877. 

Un  grand  nombre  d'Hémiptères  ne  vivent  qu'une  saison  sous  leur  dernier  état 
complet  ou  de  perfectose.  Il  y  u  même  parmi  les  Géocorises  des  femelles  fécon- 
dées ou  des  larves  et  nymphes  qui  résistent  à  l'hiver,  cachées  sous  des  pierres, 
des  feuilles,  des  écorces,  dans  les  fentes  des  murailles,  entre  les  parois  et  les 

DICT.    ENC.    4*    S.    XIII.  10 


242  IIKMll'TEllIiS. 

volets  des  ouveilures  closes  de  nos  habitations.  Les  llydrocorises  résistent 
cachées  au  bord  des  eaux,  ou  dans  le  sable,  la  vase.  Les  Coccidiens  et  les  Ph7jl- 
loxera  sont  des  plus  intéressants  sous  le  rapport  de  leur  conservation,  ils 
olTrent  des  œufs  de  plusieurs  sortes  et,  coninu;  je  l'ai  déjà  fait  remarquer,  ils 
possèdent  une  multiplicité  exlraordinaire  de  formes  et  de  reproduction  [voy. 
Coi;nKMM,i:s,   I'uceuo.ns,  Phylloxéra). 

On  ne  connaît  (jue  quelc|ues  espèces  gallicoles  parmi  les  Géocorises,  ce  sont 
les  Monanthia  clavicornis  et  Monanlhia  leucru,  celui-ci  connu  de  Réauniur' 
et  produisant  une  hypertrophie  de  la  corolle  chez  le  Teucrium  chamœdrys. 
(Juebpies  Psyllideâ  du  genre  Trioza  donnent  naissance  à  des  productions  gal- 
laires.  Mais  les  Pucerons  occasionnent  sur  un  grand  nombre  de  végétaux  des 
galles  curieuses.  Les  Pemj.higns  du  téiébintlle,  les  galles  du  Caroub  de  Judée, 
bazgenges  des  Turcs,  sont  tous  gallicoles,  les  galles  noires  des  pistachiers,  les 
galles  de  Chine  ou  Poey-tse,  celles  du  Myrobalan  citrin,  enfin  celles  des  peu- 
pliers, soit  la  galle  en  spirale  i\\i  |)éliole  ou  celles  des  feuilles,  sont  très  remar- 
quables. Les  galles  de  l'Ormeau,  au  nombre  de  six  au  moins,  mettent  sur  la 
voie  de  Pucerons  iTiigratcurs  tantôt  vivant  sur  les  racines  des  Graminées,  tantôt 
dans  des  galles  de  feuilles  sur  les  arbres. 

Lu  curieux  détail  de  mœurs  a  étéolleit  par  V Acantho^onui  ou  Elasmolhetus 
iiilerslincluf.  Limi.  ou  yrixeua  L.  non  Fabr.,  betuhedc  Géer,  qui  est  une  espèce 
de  Punaise  vivant  sur  le  bouleau.  Dé  Géer  dit  qu'ayant  trouvé  plusieurs  iemelles 
de  cette  espèce  au  commencement  de  juillet,  chacune  était  accouipagnée  de  ses 
petits  au  nombre  de  trente  à  quarante.  La  mère  se  tenait  près  d'eux,  sur  les 
chatons  du  bouleau  ou  sur  une  feuille;  dès  qu'elle  changeait  déplace,  les  petits 
la  suivaient,  faisant  halle  quand  elle  s'arrêtait.  Elle  les  promenait  ainsi  à  la 
.manière  d'une  poule  pour  ses  poussins.  De  Géer  dit  qu'il  vit  une  fois  une  do 
>ccs  mères  battre  des  ailes  avec  un  mouvement  très-rapide,  sans  chanijer  de 
place,  et  comme  pour  éloigner  un  danger.  C'est  surtout  contie  le  mâle  que  cette 
mère  inqiiièle  se  met  en  défense  parce  qu'il  cherche  à  piquer  et  à  détruire  sa 
postérité.  Les  larves  quittent  la  mèie  quand  elles  sont  devenues  assez  fortes 
itour  n'avoir  plus  besoin  de  son  secours  efficace. 

Parmi  les  Hémiptères  vivant  non  point  immergés,  mais  à  la  surface  de  l'eau, 
s;  les  Gerris  se  tiennent  sur  les  eaux  tranquilles,  de  curieux  Hémiptères  du 
"enre  Haluhates  et  Halobalodes  se  li'ouvent  en  mer  sur  les  fucus  et  les  algues 
flottantes,  souvent  fort  loin  des  côtes,  surtout  sur  les  fucus  à  vésicules  gonllées, 
appelés  raisins  des  tropiques.  Ces  Halobates  sont  parlbis  attachés  à  des  animaux, 
Salpa,  Phy><alia,  etc.;  ils  habilenl  les  mers  les  plus  chaudes,  dans  l'Atlantique, 
autour  du  Cafi  de  Matlagascar,  aux  environs  d'Aden  et  près  des  Célèbes.  Dans 
les  voyages  du  Talisman,  on  a  rencontré  deux  Halobates  entre  les  Açores  et 
les  îles  du  cap  Vert. 

Les  Parasites  des  Hémiptères  sont  peu  nombreux.  Les  plus  remarquables  sont 
{esOcyptei-a,  mouches  à  larves  créophages  vivant  dans  les  Penla  tomes.  LéonDufour 
a  décrit,  dans  les  Annales  des  sciences  naturelles  (t.  X,  p.  248,  planche  XI, 
li».  2  et  5,  1827),  les  mœurs  extrêmement  remarquables  des  larves  de  YOcyptera 
bicolor,  et  Kûnckel  a  vérifié  et  représenté  de  nouveau  ces  faits  intéressants. 
Les  rares  jmrasites  des  Aphidiehs  gallicoles,  surtout  du  Phylloxéra,  ne  peuvent 
nous  rendre  que  peu  de  services. 

On  trouve  des  Hémiptères  fossiles  dans  les  terrains  jurassiques,  types  lacustres, 
Naucores,  Bélostomes,  Nèpes.  Les  terrains  tertiaires  et  le  succin  renferment  des 


IIÉWIPTEIIES.  245 

espèces  plus  nombreuses  et  plus  variées  (?;oî/.  Gii.  Buongniart,  Revue  scientifique , 
août  1885,  p.  278). 

Œuf.  Les  œufs  des  Insectes  hémiptères  varient  pour  la  forme.  Chez  les 
Géocorises  ou  Punaises  terrestres,  ils  sont  ordinairement  disposés  sur  les  feuilles 
ou  les  tiges  des  plantes,  en  rangées  transversales,  et  collés  par  un  bout.  Leur 
forme  rappelle  ainsi  celle  d'un  barrillet,  ovahiire  ou  cylindrique,  aplati  aux  deux 
extrémités.  Il  en  est  de  blanchâtres,  lisses,  gris  de  perle,  parfois  irisés,  ou  velus, 
«pineux,  ornés  de  dessins  à  réseaux,  de  bandes  circulaires,  de  points  plus 
foncés.  L'extrémité  supérieure  s'enlève  au  moment  de  l'éclosion  comme  une 
calotte  ou  opercule.  Les  œufs  des  Gerris  sont  allongés,  non  tronqués  à  un  des 
bouts.  Chez  les  llydrocorises,  les  Nèpcs  ont  des  œufs  couronnés  de  sept 
fdets  cylindriques,  les  Ranatra  n'ont  que  deux  filets.  Des  Corises  exotiques 
mexicaines  pondent  un  nombre  considérable  d'œufs  qui  servent  à  ralimentation. 
ainsi  que  je  le  dirai  plus  bas  [voy.  p.  244). 

Les  œufs  des  Cigales  et  des  Cicadelles  indigènes  sont  oblongs,  cylindroïdes 
et  blanchâtres,  introduits  par  la  tarière  des  lémelles  dans  les  branches,  les 
tiges  des  arbres  et  des  plantes  ;  ceux  de  V Issus  apterus  sont  en  amas  et  recou- 
verts de  terre,  déposés  sur  les  échalas  dans  les  vignes.  Les  œufs  des  Goccides 
«t  des  Phylloxéra  sont  tout  à  fait  spéciaux  et  remarquables,  surtout  l'œuf  unique, 
dit  œuf  d'hiver.  Le  corps  desséché  de  la  mère  protège  les  œufs  chez  beaucoup 
de  Gallinsectes  [voy.  Galliinsectes,  Cochenilles). 

Larve.  La  plupart  des  larves  chez  les  Hémiptères  ressemblent  beaucoup  à 
l'insecte  parfait  et  n'en  diffèrent  que  par  une  forme  plus  ramassée,  ainsi  que 
par  le  manque  d'ailes  ou  d'organes  sexuels.  Dès  leur  naissance,  elles  présentent  la 
disposition  générale  du  corps,  toutefois  les  antennes  sont  plus  grêles,  moins  arti- 
culées, le  rostre  ainsi  que  les  pattes  moins  bien  formés.  Les  ocelles  peuvent 
faire  défaut  et  les  yeux  avec  un  réseau  moindre  que  chez  l'adulte.  Après  deux, 
trois  ou  quatre  mues,  la  larve  montre  de  courts  fourreaux  ou  moignons  alaires; 
après  une  dernière  mue,  ordinairement  la  cinquième,  apparaît  la  nymphe.  Sou- 
vent il  n'y  a  pas  un  passage  brusque  de  la  larve  à  la  nymphe;  les  rudiments  d'ailes 
paraissent  après  la  première,  il  y  a  de  h  sorte  des  transitions  insensibles, 
«onime  chez  beaucoup  de  Névroptères,  Libellules,  Ephémères  [voy.  Névroptères 

€t  ÛRTHOI'TÈRES). 

Au  contraire  de  ce  qui  a  heu  chez  les  Géocorises,  les  larves  des  Cigales  res- 
semblent moins  à  l'adulte,  elles  sont  trapues,  couvertes  d'une  peau  résistante, 
vivent  en  terre,  suçant  les  racines  des  aibres,  et  ne  parvenant  à  l'état  parfait 
qu'au  bout  d'un  temps  parfois  très-long;  les  pattes  antérieures  sont  remarqua- 
blement fortes,  épineuses,  propres  à  fouir  le  sol  et  à  cheminer  dttns  un  terrain 
compacte.  Les  larves  de  certains  Cercopiens  sont  entourées  de  l'écume  spumeuse 
dont  j'ai  déjà  parlé  (ijoî/.  p.  241).  Les  derniers  Hémiptères  à  organisation  moins 
complète  ou  dégradée,  les  Psylles,  les  Aphidiens,  les  Aleurodes,  les  Phylloxères, 
les  Goccides,  ont  des  larves  parfois  assez  différentes  de  l'état  parfait  ou  de  per- 
fectose. 

Nymphe.  L'état  de  nymphe  s'établit  d'une  manière  peu  sensible,  après  une 
mue  des  téguments,  dans  la  plupart  des  premiers  groupes  d'Hémiptères.  Quand 
il  est  plus  marqué,  on  voit  apparaître  les  moignons  des  ailes,  qui  après  une  der- 
nière mue  laissent  développer  les  ailes  définitives.  Beaucoup  d'espèces  adultes  et 
pourvues  d'organes  génitaux  restent  sous  la  forme  nymphale. 

Chez  les  Gerr/.-i  laciistris  la  larve  naissante,  longue  d'un  millimètre,  offre  son 


244  HEMIPTERES. 

abdomen  rélraclé,  paraissant  nul;  à  la  quatrième  mue  des  moignons  d'iié- 
mélytres  épais  et  luisants  se  montrent,  avec  un  abdomen  court  et  pointu  ;  à  la  cin- 
quième mue,  l'abdomen  devient  aussi  long  que  le  reste  du  corps  et  les  moignons, 
qui  n'ont  pas  cliangé  de  dimension  jusqu'au  dernier  moment,  sont  remplacés  par 
des  ailes  qui  s'étendent  jusqu'à  l'extrémité. 

Les  nymplies  des  Cigales  de  nos  climats,  pourvues  de  moignons  d'ailes,  sortent 
de  terre  et  grimpent  le  long  des  troncs  d'arbres,  mettant  en  action  les  tarses 
des  grosses  pattes  antérieures  cacbés  dans  une  rainure  cbcz  la  larve.  J'ai  souvent 
trouvé  à  Agen  la  peau  de  ces  nymphes,  avec  une  fente  dorsale,  retenues 
accrochées  aux  ceps  de  vigne  ou  aux  échalas  par  les  ongles  des  tarses  et  les 
épines  des  jambes,  l'insecte  parfait  s'étant  dépouillé  de  la  peau  nympliale  le 
soir  ou  pendant  la  nuit.  Chez  les  Apliropbores,  la  nymphe  se  trouve  dans  la 
cavité  préparée  par  la  larve  dans  l'amas  écunieux  déposé  sur  les  plantes,  saules, 
luzernes,  graminées.  Les  Membracides  njmphales  sont  moins  bizarrement  déve- 
loppées que  les  adultes.  Les  nymphes  d'Aleurodes  sucent  les  plantes  comme  les 
larves,  mais  sont  immobiles.  L'état  de  nymphe  est  peu  marqué  chez  les  Pucerons 
et  les  Coccidés. 

Hémiptères  utiles.  On  trouve  bien  moins  d'insectes  utiles  que  de  nuisibles 
chez  les  llémiplères.  Ceux  qui  font  la  chasse  aux  autres  nous  servent  indirec- 
tement et  leur  action  doit  être  signalée.  Ainsi  la  Zicrona  cœndea  poursuit  sur 
la  vigne  les  Altises;  les  Gonocerm,  les  Anthocoris,  attaquent  les  petites  chenilles, 
les  Pucerons;  les  Réduvides,  surtout  le  Rediiviiis  personalus,  dont  la  larve  noc- 
turne fait  la  guerre  aux  Punaises  des  lits,  les  Harpactor,  sont  carnassiers. 

La  Cochenille  du  cactus,  la  Carteria  de  la  laque  et  autre  Coccidés,  sont  utiles 
{voy.  Coche.mlle).  Enfm  deux  es|.èces  de  Corises  américaines  servent  à  l'ali- 
mentation. LesCorixa  mercenaria  et  C.  /emorata  Guérin-Méneville,  du  Mexique, 
pondent  des  œufs  qui,  de  temps  immémorial,  bien  antérieur  à  la  conquête 
espagnole,  ont  été  recueillis  dans  un  but  alimentaire.  Les  indigènes  vont  à  la 
recherche  de  ces  œufs  dans  les  lacs  de  Chalco  et  de  Tezcuco,  entre  lesquels  est 
bâtie  la  ville  de  Mexico;  des  faisceaux  de  jonc,  disposés  verticalement  à  quelque 
distance  du  rivage,  sont  reliés  par  des  boucles  de  jonc  permettant  de  les  retirer 
lorsqu'ils  seront  couverts  d'un  énorme  nombre  d'œufs.  Les  Corises  venant 
pondre  sur  ces  faisceaux,  chaque  brin  de  jonc  est  au  bout  de  quinze  jours 
entièrement  recouvert  d'œufs.  On  retire  alors  les  faisceaux  que  l'on  l'ait  sécher 
au  soleil,  puis  on  les  bat  sur  de  grands  draps  pour  en  détacher  les  innom- 
brables œufs  qu'ils  portent.  Les  faisceaux  remis  ensuite  dans  l'eau  servent  à 
une  récolte  nouvelle.  Les  œufs  mondés,  tamisés,  sont  mis  en  sacs  comme  de  la 
farine  et  vendus  pour  fabriquer  après  cuisson  des  espèces  de  galettes  appelées 
Ilautlé,  d'un  goût  rappelant  le  fromage  elle  poisson,  très-recherchées  à  Mexico: 
l'empereur  Maximilien,  de  tragique  mémoire,  les  aimait,  dit-on,  beaucoup.  De 
plus,  à  l'aide  de  filets  ou  Iroubleaux,  on  prend  de  grandes  quantités  de  Corises 
qui  sont  vendues  séchées  dans  les  rues  de  Mexico  pour  nourrir,  sous  le  nom  de 
Mosquitos,  les  oiseaux  en  cage.  Enfin,  au  fond  des  deux  lacs  précités,  il  se  forme 
un  véritable  terrain  oolithique  par  suite  du  dépôt  des  œufs  de  Corises,  dépôt 
qui  va  croissant  d'année  en  année  et  dont  il  serait  bien  difficile  d'expliquer  la 
véritable  cause  sans  la  connaissance  enlomologique  de  son  origine. 

Les  anciens  Grecs,  au  dire  d'Aristote,  mangeaient  les  Cigales  plein(  s  d'œufs  et 
nicmc  lesC'ixales  non  développées,  avant  qu'elles  eussent  dépouillé  leurenveloppe. 


HÉMIPTKRES.  245 

Avaient-ils  connu  les  larves  ou  plutôt  s'agit-il  de  quelque  autre  insecte  lar 


vaire? 


La  piqûre  de  certaines  Cigales  [Cicada  orni  L.;  6'.  pimctata  P'al).)  détermi- 
nerait sur  le  Fraxinus  rotundifolia,  après  le  départ  de  l'insecte,  l'extravasa- 
tion  du  suc  très-sucré,  appelé  manne  :  mais  c'est  par  des  incisions  qu'on  se  pro- 
cure la  plus  grande  partie  de  la  manne  et  les  Cigales  y  concourent  peu.  La 
manne  du  Tamarisc  est  produite  par  la  piqûre  d'une  Cochenille  {Coccus  ou  Gos- 
syparia  manniparus  [voy.  Cocuenilles  et  Manne]). 

Hémiptères  nuisibles.  Les  Hémiptères  sont  nuisibles,  tan(  à  l'état  de  larve 
ou  de  nymphe  qu'à  celui  d'insecte  parlait,  quand  ils  sucent  avec  leur  rostre  les 
parties  tendres  des  végétaux.  Les  cultures  potagères  ont  à  souffrir  des  attaques 
de  plusipiu's  Géocorises,  leSehirus  bicolor,  les  Strachia  ornata  et  oleracea,  etc. 
VEiirygaster  maiirus  ipique  sur  les  épis  de  froment  les  jeunes  grains  en  forma- 
tion. Plusieurs  Pentatomes  communiquent  aux  fruits  sur  lesquels  elles  ont  passé 
une  odeur  infecte;  les  Tingis  du  poirier,  connus  sous  le  nom  de  tigres,  sont 
redoutables,  car  ils  vivent  en  familles  nombreuses  sous  les  feuilles  dont  ils  cri- 
blent de  piqûres,  la  face  inférieure;  ils  attaquent  surtout  les  arbres  en  espalier. 

La  trop  commune  Punaise  des  lits,  Cimex  [Acanthia)  leclularius  Linné,  est 
un  hémiptère  cosmopolite  nocturne  vivant  de  sang  et  déterminant  par  sa  salive 
une  tache  rougeàtre  au  point  piqué.  Elle  s'engourdit  l'hiver  et  pullule  dans  les 
lieux  obscurs,  les  fentes  des  lits  en  bois,  sous  les  papiers  de  tenture  {voy. 
Punaise). 

Les  Réduviens  ont  une  piqûre  redoutable  à  cause  de  la  douleur  vive  qui  en 
résulte  surtout  pour  les  grandes  espèces.  Cette  piqûre  donne  une  sensation  de 
choc  électrique.  Les  Araignées  ne  touchent  point  avant  qu'il  soit  mourant  au 
Reduvius  personatus  souvent  arrêté  dans  leur  toiles.  Aucune  de  ces  piqûres 
n'a  causé  d'accidents  graves  même  pour  les  espèces  exotiques  et  quoi  qu'on  ait 
dit.  Les  Naucores,  les  Nèpes,  les  Notonectes,  piquent  fortement,  je  puis  l'affirmer 
pour  en  avoir  ressenti  les  effets;  il  faut  les  prendre  avec  précaution,  elles  pro- 
mènent leur  rostre  court  dans  tous  les  sens. 

Dans  les  groupes  des  Psylliens,  Aphidiens,  Phylloxériens  et  Cochenilles,  le 
plus  grand  nombre  est  nuisible.  Tels  sont  les  PsyUapyrielP.  pyrisuga  du  poi- 
rier, les  Aphides  des  genres  Scliiioneura,  Pemphigus,  le  trop  célèbre  et  redou- 
table Phylloxéra  vastatrix  [voy.  Phylloxéra),  qui  menace  de  détruire  non- 
seulement  nos  vignobles  français,  mais  ceux  de  l'Europe  entière.  J'ai  déjà  insisté 
sur  les  Cochenilles  nuisibles  de  divers  genres  [voy.  Cochenilles). 

Avant  d'arriver  à  la  classification  des  Hémiptères,  un  coup  d'œil  sur  l'en- 
semble de  cet  ordre  d'Insectes  en  fera  comprendre  les  principales  divisions.  J'ai 
fait  observer  que  les  caractères  du  rostre  et  des  métamorphoses  incomplètes 
caractérisaient  mieux  les  Rhynchotes  que  le  système  alaire  :  en  effet,  les  deux 
principales  divisions  de  cet  ordre  ne  se  ressemblent  qu'incomplètement. 

Le  sous-ordre  des  Hémiptères  vrais  ou  Hétéroptères  {i^zpbç,  autre,  différent, 
itTepôv,  aile),  fondé  par  Latreille,  a  pour  caractères  la  différence  des  deux  portions 
des  ailes  supérieures  ou  hémélytres,  coriaces  sur  la  corie  et  membraneuses  dans 
leur  région  terminale.  Le  rostre  naît  du  front,  le  prothorax  est  beaucoup  plus 
grand  que  les  deux  autres  segments  thoraciques.  Ils  sont  tantôt  phytophages, 
parfois  carnassiers  ou  polyphages.  Les  uns  sont  aériens  ou  Géocorises,  les  autres 
aquatiques,  amphibies  ou  Hydrocorises.  Les  premiers  ont  des  antennes  décou- 


246  HÉMIPTÈRES. 

vertes,  allongées,  tandis  que  les  seconds  ont  les  antennes  très-petites,  cachées, 
et  ils  forment  le  passage  aux  Ilomoptères,  dont  les  antennes  sont  petites. 

LesPentatomeset  les  Scutellères  sont  remarquables  par  leurs  antennes  ordinai- 
rement de  cinq  articles  et  leur  écusson  grand,  arrivant  même  à  couvrir  tout 
l'abdomen.  Les  Coréides  et  les  Lygéides  ont  les  téguments  solides,  ainsi  que  les 
Tingides,  remarquables  par  leur  ailes  supérieures  homogènes,  réticulées  forte- 
ment, sans  distinction  nette  decorieet  de  membrane.  LesMiris  et  les  Capsides  eut 
les  téguments  d'une  grande  mollesse.  Les  Arades  ont  le  corps  aplali  comme  la 
Punaise  des  lits,  type  des  Cimex. 

Les  Réduviens,  les  fdilbrmes  Ploiaria,  sont  suivis  de  genres  courant  ou  avan- 
çant à  la  surface  de  l'eau  [Uydrometra,  Gerris,  Halobates,  Velia). 

Les  llydrocoriscs  comprennent  les  Galgulos  exotiques,  les  Naucores,  les  Mèpes, 
Ranatrcs,  les  grands  Belostomes  colosses  des  Ilétéroptères,  les  Corises  et  les 
Notonectcs.  Tous  ces  insectes  sont  carnassiers,  vivant  de  proie  et  souvent  se  dévo- 
rant entre  eux. 

Dans  le  sous-ordre  des  Hémiptères  Ilomoptères  (ôpd;,  pareil,  urepàv,  aile)  les  ailes, 
à  peu  d'exceptions  près,  sont  membraneuses  dans  leurs  deux  paires;  si  les  anté- 
rieures sont  plus  dures  et  fortement  chitineuses,  elles  sont  de  consistance  égale, 
sans  corie  et  sans  membrane  séparées.  Le  rostre  de  trois  articles  apparents 
naît  du  bas  de  la  tète  au-dessous  des  yeux  entre  les  pattes  antérieures,  d'où  le 
nom  de  Collirostres  ou  d'Auchénorhynques  {xbxîiv,  cou,  p'jyx.°^,  bec)  ;  les  antennes 
sont  courtes,  terminées  par  une  soie  fine.  Les  femelles  sont  pourvues  d'une 
tarière  ou  oviscapte;  le  régime  est  végétal. 

Les  Cicadides  ou  stridulants  sont  les  géants  des  Ilomoptères  propres  aux 
régions  chaudes  du  globe,  les  Fulgorides  n'ont  en  France  qu'un  représentant, 
Dictyophana  europœa.  Les  Lystres,  les  Fiâtes,  ont  une  sécrétion  de  longs  fila- 
ments de  matière  cireuse  blanche  sur  l'abdomen.  Les  Merabracides  sont  très- 
remarquables  par  leurs  formes  extraordinaires.  Les  Issus,  lesDelphax,  les  Cerco- 
pides,  sont  des  insectes  sauteurs,  comme  beaucoup  de  petites  Giccadelles,  les 
Tettigones,  les  Typhlocybes,  etc.,  etc. 

Les  Sternorhynques  terminent  la  série  des  Ilomoptères,  leur  organisation  est 
remarquable,  quoique  simplifiée;  ils  ont  été  appelés  Phytophtires  on  Poux  des 
plantes.  Leur  rostre  ou  suçoir  semble  prendre  son  origine  au-dessous  de  la  tête, 
au  devant  du  sternum,  entre  les  pattes  antérieures  (a-rÉpvov,  sternum,  pvy/oç, 
bec)  ;  ce  rostre  manque  parfois  dans  l'un  des  sexes  et  les  mâles  n'ont  alors  que 
deux  ailes.  Ces  insectes  restent  fixés  aux  végétaux,  non  plus  d'une  manière 
intermittente  comme  les  Homoptères  ordinaires,  mais  d'une  manière  continue, 
parfois  pendant  toute  leur  existence. 

Les  Psyllides  ou  Faux-pucerons  ont  des  larves  et  nymphes  qui  ne  sautent  pas 
comme  l'insecte  parfait,  nuisibles  par  leur  succion,  occasionnant  sur  les  bour- 
geons ou  les  fleurs  des  productions  galloïdes.  Les  Livies  se  trouvent  sur  les 
joncs.  L'immense  famille  des  Aphides,  absolument  nuisible,  comprend  ces  légions 
de  Pucerons  qui  pullulent  sur  les  plantes,  les  pousses  tendres  des  arbres,  les 
racines,  et  parmi  lesquels  se  trouvent  le  Puceron  lanigère  [Schizoneura  lanigei^a) 
et  le  trop  fameux  Phylloxéra  vaslatrix.  Les  Pucerons  ailés  se  distinguent  des 
Psylles  en  ce  qu'ils  ne  sautent  pas,  qu'ils'sont  très-souvent  aptères,  vivant  parfois 
sous  terre,  enfin  parce  qu'ils  se  multiplient  par  des  générations  spéciales. 

Leur  corps  est  très-mou,  souvent  recouvert  d'une   matière  cotonneuse  {voy. 


IIÉMITKRIKS.  2i7 

Pucerons).   Les  genres  Aphis,  Lachnun,   Pemphigm,  Adelges  et  autres  sont 
bien  moins  à  redouter  que  le  Phylloxéra  île  la  viyiie  [voy.  Phylloxéra). 

Les  Coccitles  sont  les  derniers  llomoptères,  n'ayant  pas  de  rostre  chez  les 
mâles,  et  avec  des  femelles  immobiles  après  leur  ponte,  sauf  les  Orthezia.  Les 
dépiédalions  de  ces  insectes  ne  sont  pas  assez  compensées  par  la  Cochenille  et 
les  divers  Coccidés  utiles  {voy.  Cochemlles). 

Classification.  Linné,  créateur  de  Tordre  des  Hémiptères  dans  la  première 
ébauche  de  son  SyMema  nalurœ,  en  1755,  leur  donnait  pour  caractères  d'avoir 
quatre  ailes,  dont  les  deux  supérieures  à  demi  membraneuses.  Dans  la  douzième 
édition  de  son  célèbre  ouvrage  il  lait  entrer  parmi  les  Hémiptères,  les  OrUiop- 
tères  actuels  qu'il  avait  d'abord  placés  parmi  les  Coléoptères.  De  Géer  appelait 
Hémiptères  les  Blattes  et  les  Sauterelles;  il  donnait  le  nom  de  Sipbonata  aux 
Cigales  et  aux  Pucerons,  celui»de  Dermaptera  aux  Punaises  terrestres  et  aqua- 
itiques,  enfin  celui  de  Proboscidea  aux  Cochenilles.  Geoffroy,  le  premier,  établit 
les  Hémiptères  comme  ordre  à  part  des  Orthoptères,  ayant  les  ailes  supérieures 
presque  semblables  à  des  étuis,  la  bouche  armée  d'une  trompe  aigué,  repliée 
en  dessous  et  le  long  du  corps.  Fabricius  comprenait  dans  ses  Rhyngota  les 
Hémiptères  vrais  et  des  Pulicidcs  ou  Siphonaptères.  Latreille,  en  i,810,  adopta 
l'oidre  des  Hémiptères  avec  les  deux  sous-ordres  llétéroptères  et  llomoptères,  que 
Leach  en  1817  élevait  au  rang  d'ordres  nouveaux.  Actuellement  la  division  de 
Latreille  est  généralement  suivie. 

On  vient  de  voir  que  Fabricius  avait  compris  les  Poux  ou  PedicuU  parmi  les 
Hémiptères  actuels  ;  Burmeister  a  partagé  cette  manière  de  voir.  Gervais  et  van 
Beneden,  dans  leur  Zoologie  médicale  (t.  I,  page  576,  1859),  regardent  les  Pédi- 
cuhdcs  ou  Épizoïques  comme  un  sous-ordre  aberrant  des  Hémiptères,  restant  con- 
stammQnt  aptères  qu  dépourvus  d'ailes. 

Les  Podiuelles  ont  de  même  été  placées  à  la  suite  (ies  Hémiptères,  comrrjo 
autre  sous-ordre  aberrant,  p,nr  les  auteurs  précités,  Gervais  et  van  Beneden  [Zoo- 
logie médicale,  t.  1,  page  582-o85,  18à*J).  Cette  place  ne  peut  être  maintenue 
aux  Poduielles  ni  aux  Smiuthures;  j'ai  démontré  que  [\inurida  maritimçL, 
espèce  très-curieuse  de  Poduride  [Annales  de  la  Société  entomologiqiie  de 
France,  1864,  pages  711  et  715,  planche  XI,  figures  10,  H  et  l'i),  est  munie 
d'organes  buccaux  masticateurs  compliqués  et  caractéristiques,  ne  l'éloignaqt 
pas  absolument  des  ïhysanoures  [voy.  Névroptères  et  Thysakoures). 

Voici  un  aperçu  des  diverses  familles  des  insectes  hémiptères  : 

IlÉTÉRopTÈREs.  Géocoriscs  :  Scutelleridœ,  Pentatomidœ,  Coreidse,  Lijgeidœ, 
Phymalidœ,  Tingidœ ,  Aradidœ,  Capsidœ ,  Cimicidse,  Reduvidse,  Saldidœ, 
Hydrometridœ,  Gerridœ.  —  Hydrocorises  :  Pelogonidœ,  Naucoridœ,  Nepidœ, 
Notonectidœ,  Coriùdœ. 

HoMOPTÈREs.  Auchénorhynques  :  Cicadidœ,  Fulgoridce,  Lystridx,  Membra- 
cidse,  Cercopidœ,  Ulopidœ,  Jassidœ,  Tettiyonidœ. .—  Sternoihynques  :,  Psyl- 
lidœ,  Aphidse,  Aleurodidse,  Coccidœ.  A.  Laroulbène. 

OÉMISTOME.     Voy.  Trématodes. 

HÉMITÉBIES  {r'pitau,  moitié,  Tsoa;,  monstre).  Sous  ce  nom,  Is.  Geoffroy- 
Saint-Hilaire  a  désigné,  d'ensemble,  tous  les  vices  de  coniprmation  et  les  variétés 
analomiques  auxquels  il  a  donné  également  le  nom  A' anomalies  simples,  et 
qui,  n'étant  d'ailleurs  pas  capables  d'entraver  notablement   l'acçoipplissement 


248  HÉMOGLOBINE. 

lies  grandes  fonctions,  consistent  surtout  en  des  anomalies  de  volume,  de  forme, 
de  couleur,  de  consistance,  de  position  ou  de  connexions,  de  nombre  et  même 
d'existence  d'organes  ou  de  parties  d'organes.  0.  L. 

IIÉMITRITÉE  (Fièvre).  C'est  le  type  de  fièvre  appelé  demi-tierce  {voy. 
Intermittente).  L.   Un. 

IIE91MIIVG  (WiLLUM-DooGi.\s).  Né  à  Saxmundham,  dans  le  comté  de  Suffolk, 
le  14  novembre  IS-iS.  11  fit  ses  études  médicales  au  Collège  royal  de  Londres,  en 
1868,  devint  membre  du  Collège  royal  des  chirurgiens  on  1875  et  fut  admis 
la  même  année  felloiv  du  Collège  des  chirurgiens  d'Edimbourg.  Il  commença  la 
pratique  de  la  médecine  avec  son  père,  et  fut  quelque  temps  attaché  comme 
chirurgien  adjoint  à  un  hôpital,  mais  l'état  de  sa  santé  l'obligea  à  quitter  Londres 
pour  résider  à  la  campagne  à  Bournemouth  où  il  mourut  le  9  décembre  1881.  11 
s'était  occupé  surtout  des  maladies  des  oreilles  et  il  a  publié  dans  les  principaux 
journaux  de  médecine  de  Londres  un  certain  nombre  d'articles  ayant  l'olologie 
pour  objet.  L'un  de  ses  ouvrages,  The  Otology  of  the  Last  Ten  Years  (1880), 
a  été  traduit  en  français.  Nous  nous  bornerons  à  citer  de  lui  : 

I.  Olorrhœn,  ils  Varielics,  Causes,  Complications  and  Treatment.  Londres,  1876,  in-8°. 
—  IL  Trealmenl  of  Certain  Forms  of  Tinnitus  Aurium.  In  Med.  Press  and  Circular,  1877. 

A.  D. 

IIÉMOCIIROMOGÈIVE.       Voy.  HÉMOGLOBINE. 

ilÉMOCYAMll^E.  Nom  donné  par  Frédéricq  à  une  substance  albuminoïde 
incolore  contenue  dans  le  sang  (ou  hémolymphe)  de  certains  mollusques,  et  qui 
bleuit  au  contact  de  l'air  et  de  l'oxygène;  c'est  elle  qui  fixerait  l'oxygène  pour 
'échanger  avec  les  tissus  remplissant  une  fonction  analogue  à  celle  de  l'hémo- 
globine chez  les  animaux  supérieurs.  On  doit  la  distinguer  de  l'hémacyanine  et 
de  l'hématocyanine,  qui  désignent  un  produit  de  décomposition  de  la  matière 
colorante  de  la  bile  ou  du  sang  que  les  recherches  de  Simon,  Sanson,  Lassaigne 
et  Lecanu,  ont  fait  connaître  sans  en  déterminer  nettement  la  composition 
(Frédéricq,  Bull.  deVAc.  royale  de  Belgique ,  t.  XLVI,  n"  H  ;  Kruckenberger, 
Grundziiye  einer  vergleichend.  Physiolog.  der  Farhslof(e,  p.  99,  Ileidel- 
berg,  1884).  A.  11. 

IIÉMODROMOGRAPIIE.       Voy.   CIRCULATION,  p.  420. 

llÉmODROlllOlllÈTRE.      Voy.  Circulation,  p.  418  et  420. 

HÉMODYlVAnoinÈTRE.     C'est  l'hémomètre  {voy.  Circulation,  p.  414). 

L.  Hn. 

HÉMOeLOBIWE.  Physiologie  (syn.  he'matoglohuUne,  hémntocristal- 
liney  cruorine).  On  désigne  sous  ce  nom  la  matière  colorante  du  sang  qui 
constitue  la  masse  des  globules  rouges  ;  elle  est  cristallisable,  elle  présente  des 
réactions  spectroscopiques  caractéristiques,  et  la  propriété  remarquable  de  fixer 
l'oxygène  en  combinaison  instable;  elle  existe  dans  le  sang  à  l'état  d'hémoglo' 
bine  oxygénée  et  à  l'état  d'hémoglobine  réduite. 


Uii^MôGLOBiNE.  24y 

Cette  matière  colorante  a  été  depuis  longtemps  isolée  à  l'état  de  cristaux 
microscopiques  par  Hùnefeld,  Reichert,  Kolliker,  Leydig.  Francke  décrivit  le 
moyen  de  l'extrait  du  sang  de  la  rate  (1851),  et  Kunde  (1851)  en  détermina 
la  préparation  méthodique.  Ces  observateurs  n'observaient  les  cristaux  du  sang 
qu'en  quantités  très-petites  et  les  étudiaient  au  microscope.  Lehmann,  sous  le 
nom  d'hématocristalline,  en  a  donne  des  figures  qui  sont  actuellement  encore 
reproduites  dans  certains  livres  classiques  sous  le  nom  de  cristaux  d'hémoglo- 
bine; malgré  la  dilTérence  de  dénomination,  il  a  eu  le  mérite  d'étudier  les 
formes  cristallines  diverses  de  la  matière  colorante  du  sang  chez  différents 
animaux. 

C'est  lloppe-Seyler  qui,  le  premier,  découvrit  les  caractères  spectroscopiques 
de  l'hémoglobine  et  fixa  pour  longtemps  les  incertitudes  des  chimistes  au  sujet 
delà  matière  colorante  du  sang.  Il  montra  que  l'hémoglobine,  matière  colorante 
principale  du  sang  veineux,  se  transforme  pendant  la  respiration  en  oxyhémo- 
globiue,  matière  colorante  principale  du  sang  artériel  en  absorbant  de  l'oxygène, 
et  que  réciproquement  l'oxyhémoglobine  du  sang  artériel  échangeant  avec  les 
tissus  son  oxygène  redevient  hémoglobine.  11  établit  définitivement  une  distinc- 
tion entre  l'hémoglobine  et  l'hématine,  et  montra  que  l'oxyhémoglobine  extraite 
du  sang  des  animaux  et  cristallisée  présente  des  propriétés  spectroscopiques  et 
chimiques  identiques  à  celles  de  la  matière  colorante  du  sang  artériel. 

A  partir  de  ce  moment,  les  travaux  de  Scbmidt,  de  Valcntin  (1865),  de  Stokes 
(1864),  de  Preyer  (1868),  constituent  la  période  initiale  de  la  découverte  de 
l'hémoglobine.  Depuis  les  vingt  dernières  années,  les  recherches  ont  été  nom- 
breuses et  onl;  fait  accomplir  de  grands  progrès  que  nous  signalerons  au  cours 
de  cet  article. 

L'usage  a  consacré  le  mot  oxyhémoglobine  pour  désigner  l'hémoglobine 
oxygénée,  et  il  est  préférable  d'employer  ce  mot  pour  éviter  toute  confusion.  Le 
terme  hémoglobine  devrait  toujours  être  réservé  pour  exprimer  la  matière 
colorante  du  sang,  sans  distinction  de  l'état  d'oxygénation  ou  de  l'état  de 
réduction.  Les  produits  de  décomposition  de  l'hémoglobine  sont  nombreux, 
nous  décriions  les  principaux  que  l'on  peut  grouper  ainsi  qu'il  suit  : 

L'oxyhémoglobine,  privée  d'oxygène,  se  transforme  en  hémoglobine  réduite  ; 
privée  d'une  partie  de  son  oxygène,  elle  forme  la  méthémoglobine. 

L'oxyhémoglobine  traitée  par  les  acides  se  transforme  en  hématine. 

L'hémoglobine  réduite  se  transforme  sous  l'influence  des  acides  en  hématine 
réduite  ou  hémochromogène. 

L'hématoporphyrine,  appelée  aussi  hématine  sans  fer,  l'hématosine,  l'Iiéma- 
toïdine,  sont  aussi  des  dérivés  de  l'oxyhémoglobine  et  de  l'hémoglobine  ayant 
pour  caractère  commun  l'absence  du  fer. 

OxïHÉMOGLOBiKE.  Préparation.  Les  nombreux  procédés  employés  reposent 
sur  ce  principe  général  que  l'oxyhémoglobine  doit  être  séparée  du  stroma  des 
globules  pour  être  soumise  à  la  cristallisation.  Le  moyen  le  plus  simple  a  été 
employé  par  Rollet,  il  consiste  à  détruire  le  globule  par  la  congélation.  On 
laisse  tomber  goutte  à  goutte  du  sang  défibriné  de  cobaye  dans  un  vase  entouré 
d'un  mélange  réfrigérant,  puis  on  porte  le  sang  rapidement  à  la  température 
de  20  degrés,  le  sérum  est  coloré  par  l'oxyhémoglobine  dissoute  ;  en  répétant 
plusieurs  fois  l'opération,  il  se  forme  spontanément  des  cristaux  d'oxyhémo- 
globine,  ou  bien  il  suffit  d'ajouter  de  l'alcool  ou  do  l'éther  à  la  solution  pour 
obtenir  des  cristaux  d 'oxyhémoglobine. 


250  HEMOGLOBINE. 

Pour  l'examen  microscopique  des  cristaux  dhémoglobine,  on  em|jloiera  les 
procédés  suivants  :  On  dépose  sur  une  lame  de  verre  une  goutte  de  sang  défi- 
briné  de  cobaye  ou  de  chien,  on  la  laisse  évaporer  jusqu'à  ce  que  les  bords 
commencent  à  se  dessécher,  ensuite  on  laisse  tomber  au  centre  une  goutte  d'e;ui 
et  on  recouvre  avec  la  lamelle  de  verre,  on  assiste  à  la  formation  des  cristaux. 
On  peut  aussi  ajouter  \me  goutte  d'éther  ou  de  cliloroforme  à  une  goutte  de 
sang  défibriué  et  recouvrir  avec  la  lamelle.  Un  piocédé  très-simple  que  j'ai 
employé  souvent  consiste  à  recueillir  du  sang  de  cobaye  dans  du  sulfate  de  soude 
en  solution  et  à  le  traiter  par  l'éther. 

Pour  examiner  au  spectroscope  l'oxyhémogiobine,  il  suffit  de  diluer  du  sang 
dans  de  l'eau  et  d'en  étudier  les  réactions  dans  une  cuvette  prismatique,  dans 
la  cuvette  de  Preyer  ou  dans  un  hématoscope.  Lorsqu'il  s'agit  d'obtenir  des 
quantités  d'oxyliémuglobine  assez  notables  pour  en  l'aire  l'analyse  ou  s'en  servir 
pour  établir  des  dilutions  graduées,  les  procédés  sont  beaucoup  plus  compli- 
qués, 11  est  indispensable  de  consulter  les  monographies  et  les  traités  de  chimie 
pour  exécuter  pratiquement  ces  préparations,  c'est  pourquoi  nous  nous  conten- 
tons de  résumer  les  principaux  d'entre  eux. 

Procédés^  de  Hoppe-Seijler.  Le  sang  défibrint'  avec  10  fois  au  moins  son 
volume  d'une  solution  de  chlorure  de  soilium  renfermant  1  volume  d'une  solu- 
tion saturée  de  ce  sel  pour  14  volumes  d'eau  (9  pour  19).  On  laisse  reposer  un  à 
deux  jours  à  une  basse  température  jusqu'à  ce  que  les  globules  se  soient  presque 
complètement  déposés  au  fond  du  vase.  Le  liquide  est  alors  décanté.  La  masse 
formée  par  les  globules  est  additionnée  d'une  petite  quantité  d'eau  et  d'une 
quantité  égale  d'éther.  Le  mélange  est  agité,  puis,  l'éther  ayant  été  décanté,  ou 
filtre  à  la  température  de  0  degré,  et  l'on  ajoute  au  liquide  un  quart  de  son 
volume  d'alcool  refroidi  à  0  degré.  On  laisse  reposer  la  liqueur  pendant  quelques 
jours  à  une  lempérature  de  —  5  à  —  10  degrés.  On  obtient  ainsi  une  masse 
cristalline,  contenant  des  substances  albumineuses  mélangées  à  des  cristaux 
d'oxyhérnoglobine.  Pour  obtenir  ces  derniers  à  l'état  pur,  il  faut  faire  plusieurs 
cristallisations  successives  ;  pour  cela  la  masse  cristalline  est  recueillie  sur  un 
filtre  à  0  degré,  et  traitée  par  un  peu  d'eau  à  40  degrés;  l'hémoglobine  se 
redissout,  et  on  la  fait  de  nouveau  cristalliser  par  l'addition  d'un  quart  de  son 
volume  d'alcool  et  en  la  laissant  au  repos  plusieurs  jours  à  une  tempé- 
rature au-dessous  de  0  degré.  La  théorie  de  cette  préparation  est  simple,  l'ad- 
dition de  solution  de  sel  marin  a  pour  but  de  séparer  les  globules  ;  l'eau  et 
l'éther  dissolvent  la  matière  colorante;  en  ajoutant  l'alcool  à  la  solution 
aqueuse,  on  diminue  la  solubilité  de  l'hémoglobine,  d'où  la  cristallisation  plus 
facile. 

Le  procédé  de  Kiihne  repose  sur  ce  principe  que  le  sang  du  cheval  main- 
tenu à  température  basse  laisse  déposer  les  globules  rouges  et  permet  de  les 
isoler  du  sérum,  et  sur  l'action  destructive  de  la  bile  sur  le  stroma  des  glo- 
bules. 

Le  sang  du  cheval  est  recueilli  dans  une  éprouvetteque  l'on  refroidit  de  manière 
à  empêcher  la  coagulation.  Les  globules  se  déposent  et  se  séparent  du  plasma. 
On  décante  ce  liquide  et  l'on  ajoute  aux  globules  1  gramme  de  bile  cristallisée 
par  COO  centimètres  cubes  de  sang.  Les  globules  se  dissolvent,  ou  les  sépare  du 
dépôt  fibrineux  qui  se  forme,  et  on  ajoute  à  la  liqueur  de  l'alcool  à  90  degrés 
acidulé  avec  de  l'acide  acétique.  On  laisse  reposer  à  0  degré  et  l'oxyhémogiobine 
se  précipite  en  masse  cristalline. 


HEMOGLOBINE.  251' 

\u&  procédé  de  Preyer  repose  sur  la  dissolution  de  l'hémoglobine  par  des  con- 
gélations successives  et  l'emploi  de  l'alcool,  il  demande  comme  les  précédents 
des  manipulations  répétées  et  qui  exposent  à  de  grandes  pertes  de  la  matière 
colorante;  ils  doivent  être  pratiqués  en  hiver  et  par  des  températures  très- 
basses. 

Propriétés  phijsiques.  Les  cristaux  d'oxyhémoglobine  se  présentent  sous 
l'aspect  d'une  poudre  rouge  clair,  dans  laquelle  le  microscope  fait  voir  des 
formes  cristallines  variables  suivant  les  animaux  d'où  provient  le  sang.  Preyer 
les  a  décrites  dans  47  espèces  de  Vertébrés,  et  ses  résultats  ont  été  reproduits  et 
complétés  par  llenninger.  Elles  appartiennent  pour  la  plupart  au  système  rhom- 
bique.  Tels  sont  les  cristaux  du  sang  de  l'homme,  du  chien,  du  cobaye,  du 
lapin,  du  chat,  du  cheval,  du  lion,  du  couguar,  du  Fdk  marmorala.  Chez  le 
Cobaye  l'aspect  de  ces  cristaux  ressemble  à  celui  de  tétraèdres,  mais  en  réalité 
ils  forment  des  moitiés  de  pyramides  rhombiques  (Lang). 

Chez  l'homme,  les  cristaux  forment  des  rectangles  allongés,  rhombes,  à  angle 
de  54°,6,  ou  des  prismes  à  six  pans;  ils  appartiennent  au  système  cristallin 
orthorhombique  (Funke,  Von  Lang). 

Chez  quelques  animaux,  l'écureuil,  le  hamster,  la  souris,  les  cristaux  ont  la 
forme  de  tablettes  hexagonales  (système  hexagonal).  Enfin,  chez  le  cheval,  l'hé- 
moglobine a  été  obtenue  sous  deux  aspects,  tables  rhombiques  et  prismes  longs 
et  en  aiguilles. 

Ces  différences  dans  la  cristallisation  se  retrouvent  pour  la  solubilité  des 
diverses  ox\ hémoglobines  qui  sont  dissoutes  par  l'eau  en  quantité  variable.  Les 
cristaux  les  moins  solubles,  comme  ceux  du  cochon  d'Inde  et  du  chien,  sont  les 
plus  faciles  à  préparer  par  les  procédés  indiqués  précédemment.  La  solubilité 
varie  avec  la  température,  elle  est  plus  prononcée  avec  les  températures  élevées, 
c'est  pourquoi  l'on  redissout  les  cristaux  avec  de  l'eau  à  20  ou  50  degrés. 
Lehmann  a  trouvé  que  la  solubilité  de  l'oxyliémoglobine  du  cobaye  est  de 
16  pour  100,  mais  lloppe-Seyler  indique  pour  l'oxyhémoglobine  du  chien 
2  pour  100  à  5  degrés  centigrades. 

L'oxyhémoglobine  est  soluble  dans  les  dissolutions  très-étendues  d'alcalis, 
d'ammoniaque  et  de  carbonates  alcalins,  mais  elle  s'y  altère  au  bout  de  quelques 
jours,  elle  se  dissout  et  se  conserve  au  contraire  dans  la  glycérine  et  les  solutions 
étendues  d'albumine,  de  sucre,  de  lait,  de  raisin  et  de  canne  ;  elle  est  soluble 
dans  l'urine,  les  solutions  d'urée,  les  diverses  humeurs  de  l'écoELomie,  mais 
elle  s'y  altère  rapidement. 

L'oxyhémoglobine  est  insoluble  dans  l'alcool  absolu,  elle  se  décompose  rapi- 
dement dans  l'alcool  étendu  d'eau,  elle  est  également  insoluble  dans  l'éther,  les 
essences,  les  huiles,  le  chloroforme,  la  créosote,  le  sulfure  de  carbone. 

Propriétés  optiques.  Les  cristaux  d'oxyhémoglobine  ont  une  coloration 
rubis  éclatante  lorsqu'on  les  examine  au  microscope,  ils  sont  biréfringents  et 
d'une  grande  transparence,  mais  ces  caractères  disparaissent  lorsqu'il  y  a 
mélange  d'hémoglobine  amorphe,  ou  d'hémoglobine  réduite,  ou  bien  un  commen- 
cement d'altération. 

Les  réactions  spectroscopiques  de  l'oxyhémoglobine  offrent  une  importance 
considérable  en  hématologie,  elles  ont  été  décrites  dans  divers  articles  de  ce 
Dictionnaire  (article  Sang  [Médecine  légale],  Tourdcs  ;  article  Spectroscope 
\ Biologie],  Eénocqne,  et  aussi  dans  l'article  Hématoscope,  Hénocque). 

Je  rappelle  ici  que  l'oxyhémoglobine  en  solutions,  et  suivant  l'épaisseur  exa- 


252  IIÉMOGLOBINI-:. 

minée,  offre  deux  bandes  caractéristiques  situées  à  droite  de  D  et  à  gauche  de  E, 
c'est-à-dire  dans  le  jaune  ;  ces  deux  bandes  se  retrouvent  dans  des  solutions 
très-faibles,  à  condition  d'augmenter  l'épaisseur  de  la  couche  de  liquide  :  en  effet, 
Hoppe-Seyler  a  montré  qu'on  peut  encore  voir  les  deux  bandes  en  examinant  des 
5olulions  de  1/100  milligramme  pour  1  centimètre  cube  d'eau,  soit  1/100  000. 
J'ai  constaté  qu'on  peut  voir  ces  deux  bandes  en  observant  les  cristaux  d'oxyhé- 
moglobine  disposés  en  simple  couche  entre  deux  lames  de  verre,  à  l'aide  du 
micro-spectroscope. 

La  détermination  de  la  position  précise  de  ces  deux  bandes  «  et  p  a  été  l'objet 
de  recherches  qui  n'ont  pas  donné  des  résultats  tout  à  fait  concordants,  parce 
que  les  divers  observateurs  n'ont  pas  ramené  leurs  mesures  à  des  quantités 
bien  déterminées  d'oxyhémoglobinc.  Cependant  Jiiderholm  a  trouvé  que  les 
parties  moyennes  de  ces  bandes  correspondent  pour  la  bande  a  à  577,5  "k  et  pour 
la  bande  [i  à  559,5  X  ou  millionièmes  de  millimètres.  De  mon  côté,  j'ai  établi 
que,  lorsqu'on  examine  une  dilution  d'oxyhémoglobine  ou  même  le  sang  à  une 
certaine  épaisseur,  on  observe  le  phénomène  des  deux  bandes  également 
obscures,  et  occupant  des  espaces  égaux  en  longueur  d'onde  :  or,  les  deux 
bandes  mesurent  alors  «  =  590  à  570  millioniinèties.  j3  =  555à  553  millioni- 
mètres  :  la  partie  moyenne  est  donc  pour  a  580  et  pour  p  540  millionimètres  ; 
ces  résultats  conlirnicnt  ceux  de  Jaderholm. 

Propriétés  chimiques.  L'oxyhémoglobine  desséchée  dans  le  vide  au-dessous 
de  0  degré  peut  être  conservée  dans  des  tubes  de  verre  fermés,  à  la  température 
ordinaire  ;  elle  peut  êlre  chauffée  jusqu'à  100  degrés  sans  être  altérée,  placée  sur 
une  lame  de  platine  à  une  température  plus  élevée  elle  se  boursoufle,  s'enflamme, 
donne  une  odeur  de  corne  grillée  et  laisse  un  résidu  d'oxyde  ferrique  ronge 
brun. 

Exposée  à  l'humidité  ou  dissoute  dans  l'eau,  elle  s'altère  rapidement  ;  chauffée 
quelque  temps  à  70  ou  80  degrés,  elle  se  transforme  en  hématine  et  en  matière 
albuminoide.  L'alcool  étendu  mélangé  d'ammoniaque,  l'eau  de  chlore,  l'acide 
acétique,  décolorent  les  cristaux  d'oxyhémoglobine.  L'acétate  de  plomb  et  le  sous- 
acétate  de  plomb  ne  précipitent  pas  l'oxybéraoglobine  de  ses  solutions. 

Les  acides  en  solution  aqueuse  produisent  des  précipités  de  substances  albu- 
minoïdes  colorés  en  brun  par  l'hématine.  Les  acides  acétique,  oxalique,  phos- 
phorique,  tartrique,  décomposent  l'oxyhémoglobine  en  la  dédoublant  en  héma- 
tine et  en  matière  albuminoide  ou  bien  en  la  transformant  d'abord  en 
mélhémoglobine.  Les  alcalis  agissent  plus  lentement,  cependant  la  potasse 
caustique,  l'ammoniaque,  amènent  à  des  degrés  divers  la  transformation  en  héma- 
tine et  en  mélhémoglobine. 

Les  réactions  les  plus  remarquables  sont  celles  que  produisent  les  agents 
réducteurs,  ceux-ci  enlèvent  à  l'oxyhémoglobine  son  oxygène  et  la  transforment 
en  hémoglobine  réduite.  On  verra  plus  loin  quelle  est  l'importance  de  ce  dépla- 
cement de  l'oxygène. 

Composition  de  l'oxyhémoglobine.  Elle  n'est  pas  encore  déterminée  défini- 
tivement, en  ce  sens  que  nous  ne  possédons  pas  la  formule  rationnelle  de  cette 
substance,  mais  seulement  des  formules  empiriques.  Cependant  les  analyses  de 
Schmidt,  Hoppe-Seyler,  Biicheler,  Preyer,  Kossel,  Otto,  Hufner  et  Zinoffsky,  ont 
fait  connaître  les  particularités  les  plus  importantes  de  la  composition  de  l'oxy- 
hémoglobine. Nous  résumons  dans  le  tableau  suivant  les  premières  analyses  de 
Hoppe-Seyler,  de  Schmidt,  de  Kossel  (cheval),  d'Otto  (porc)  : 


HEMOGLOBINE. 


253 


Carbone 

Hydrogène 

Azole 

Oxygène 

Soufre 

Fer 

Aciile  phosplioriquo 


Eau  de  cristallisation. 


SCIIMIDT  ET  IIOrPE-SEVLEn. 


Chien. 


52,83 

7,32 

16,17 

21, Si 

0,39 

0,45 


100,00 
3  à  -i 


Oie. 


54,26 

7,10 

16,21 

20,69 
0,51 
0,43 
0,77 


100,00 
lour  lOU. 


Cochon  (l'Inde. 

Écureuil. 

51,12 

51,09 

7,36 

7,39 

16,78 

16,09 

20,68 

21,44 

0,58 

0,10 

0,48 

0,59 

M 

» 

100,00 

100,00 

7  pour  100. 

6  p.  100. 

KOSSEL. 
Cheval. 


54,87 

6,97 

17,51 

19,73 

0,63 

0,47 


100,00 
9  p.  100. 


. OTTO. 
Poic. 


51,17 

7,38 

16,23 

21,36 

0,66 

0,43 


lUO.OO 


Ce  tableau  montre  que  roxyliénioglobine  présente  des  différences  très-minimes 
de  composition  chez  les  divers  animaux  et  en  outre  qu'elle  diffère  des  matières 
albuminoïdes  par  la  présence  du  fer. 

Les  principes  les  plus  importants  de  l'oxyliémoglobinc  sont  le  fer,  le  soufre 
et  l'oxygène. 

Fer  et  soufre.  C'est  l'oxyhémoglobine  qui  contient  tout  le  fer  du  sang,  il 
importe  par  conséquent  de  connaître  la  quantité  exacte  de  ce  corps  et  aussi  sa 
proportion  relative  par  rapport  au  soufre;  le  tableau  suivant  donne  les  résultats 
obtenus  par  divers  auteurs  : 

Soufre  pour  100.       Fer  pour  100. 

i  Schmidt 0,  66  0,  43 

Chiens.  .  5  Hoppe-Seyicr 0,  57  0,  45 

f  Iloppe-Seylet- 0,  44  0,  42 

Biicheler '  .   .    .      0,  65  0,  43 

BiRheler 0,  64  0,  47 

,  Bùchelcr »  0,  46 

Cheval.  .  {  ,^^^^^1 p^g3  0^  ^7 

Ollo 0,  67  0,  45 

Zinolfsky 0,389  0,335 

On  voit  par  ce  tableau  que  les  résultats  présentent  des  différences  notables 
qui  probablement  sont  dus  à  ce  que  la  plupart  des  observateurs  ont  opéré  sur 
de  faibles  quantités  d'oxyhcmoglobine.  Zinoffsky,  quia  disposé  de  quantités  plus 
considérables,  et  dont  les  analyses  ont  été  faites  avec  grand  soin,  donne  des 
chiffres  fort  différents.  On  admettait  généralement  q\ie  l'oxyliémoglobine  des 
divers  animaux  renfermait  0,42  pour  100  de  fer. 

Or  les  analyses  de  M.  Zinoffsky  ne  donnent  que  39  pour  100;  ce  résultat 
offre  une  grande  importance  pour  certains  procédés  d'évaluation  de  l'hémo- 
globine contenue  dans  le  sang,  ainsi  que  nous  le  verrons  plus  loin;  lisent 
en  outre  pour  conséquence  de  spécifier  la  relation  qui  existe  entre  le  fer  et  le 
soufre  de  l'oxyhémoglobine  :  en  effet,  celle-ci  renferme,  suivant  Zinoffsky,  1  atome 
de  fer  pour  2  atomes  de  soufie,  ce  serait  une  combinaison  définie. 

L'oxygène  contenu  dans  l'oxyhémoglobine  est  à  l'état  de  combinaison  faible  : 
en  effet,  les  cristaux  humides  ou  les  solutions  d'oxyhémoglobine  exposés  dans  le 
vide  dégagent  de  l'oxygène.  L'évaluation  de  cette  quantité  d'oxygène  a  été  faite 
par  diverses  méthodes,  Hopt)e-Seyler  et  Strassburg  ont  trouvé  que  la  proportion 
d'oxygène  est  de  TS-^sOo  à  118",4  d'o.xyhémoglobine  poiu'  100  grammes  d'oxy- 
hémoglobine à  0  degré  et  76  centimètres  de  pression.  Dybkowski  (1866)  a  obtenu 


254  lIÉMÛGLOBliNE. 

lo6'',6  pouf  100  grammes;  Preyer  (1866)  171  cenlimèties  cubes  en  moyenne, 
soit  0«%2-445  d'oxygène  pour  100  grammes  d'oxyliémoglobine  ;  enfin  Hufner, 
sur  10  recherches,  a  obtenu  en  moyenne  159'*=,2  à  0  degré  et  76  centimètres  de 
pression.  Ces  diverses  données  ont  permis  d'établir  les  formules  suivantes  de 
l'oxyliémoglobinc  : 

Carbone.      Hyilrogèuo.      Azole.        Oxygène.         Fer. 

Formule  de  Hufner 630  102.o  16i  89  53 

Formule  (h;  Preyer 600  960  15t  179  53 

Formule  de  Ziuotfsky 712  1150  2U  243  52 

La  nature  intime  de  1  oxyliémoglobine  n'est  donc  pas  encore  complètement 
•délînie,  la  présence  du  fer  a  été  considérée  comme  la  cause  de  cette  combi- 
naison faible  de  l'oxygène,  mais  la  relation  précise  entre  le  fer  et  la  fixation  de 
l'oxygène  n'est  pas  encore  démontrée;  ce  qu'il  importe  de  constater,  au  point 
de  vue  de  la  physiologie  et  du  rôle  de  l'oxyhémoglobiue,  c'est  que  la  propriété 
de  fixer  l'oxygène  et  de  le  dégager  par  la  réduction  se  manifeste  encore  plus 
complètement  à  l'intérieur  des  tissus  vivants  par  l'intermédiaire  des  globules 
rouges  (c'est-à-dire  de  l'oxyhémoglobiue  unie  au  slroma  des  hématies)  que  dans 
les  solutions  d'oxyliémoglobine.  En  effet,  dans  les  échanges  qui  se  font  entre  le 
sang  et  les  tissus  la  réduction  ou  dégagement  d'oxygène  s'opère  sans  aucune 
altération  de  l'hémoglobine,  tandis  que  dans  les  solutions  d'oxyhémoglobine  in 
viiro  il  se  produit  concurremment  avec  la  réduction  une  transformation  partielle 
^n  hématine. 

HÉMOGLOiiixE  uKDuiTE.  C'cst  la  suhslaHce  colorante  principale  du  sang  veineux, 
elle  est  caractérisée  à  l'analyse  spectroscopique  par  une  bande  unique  large, 
un  peu  diffuse  et  moins  obscure  vers  les  bords  qu'au  centre;  cette  bande  occupe 
les  3/4  de  l'espace  DE  et  dépasse  un  peu  la  ligne  D  vers  G,  c'est-à-dire  l'espace 
jaune  vert,  ainsi  que  Slokes  l'a  décrit  le  premier  en  1864,  en  donnant  à  l'hémo- 
"lobine  réduite  le  nom  de  «  purple  cruorine  »  (1864).  En  dilution  au  centième,  elle 
occupe  en  longueurs  d'onde  l'espace  situé  entre  572  et  542  millionimètres,  sui- 
vant Yierordt,  et,  si  on  l'examine  dans  le  sang  réduit,  en  couche  mince  de  70  à 
100  millièmes  de  millimètres,  elle  s'étend  entre  590  et  540  niillionimèlres 
(Ijénocque)  ;  on  peut  considérer  la  partie  centrale  moyenne  comme  répondant  à 
560  millionimètres.  On  trouvera  à  l'article  Spegtroscope  li  complément  de  ces 
réactions,  le  troisième  spectre  de  la  figure  1,  page  20,  est  celui  de  l'hémoglobide 
réduite.  L'hémoglobine  réduite  agitée  à  l'air  ou  en  présence  de  l'oxygène  se 
transforme  en  oxyhémoglobine.  On  peut  donc,  avec  une  même  solution  ou  avec 
«e  même  sang,  préparer  l'hémoglobine  réduite  en  séparant  l'oxygène  de  loxyliémo- 
fflobine  par  l'action  du  vide,  puis  reproduire  l'oxyhémoglobine  par  l'agitation 
dans  l'air.  L'analyse  spectrale  fait  ainsi  constater  que  la  matière  colorante  du 
sauo'  est  bien  unique.  L'hémoglobine  existe  dans  le  sang  veineux,  mais  elle  y  est 
toujours  mélangée  avec  une  quantité  presque  égale  d'oxyhémoglobine;  néan- 
moins si  on  extrait  du  sang  des  vaisseaux  d'un  doigt  qui  a  été  lié  pendant 
nlusieurs  minutes  et  est  cyanose,  le  sang  ne  contient  que  de  l'hémoglobine 
léduite  (Hénocque).  Suivant  Hufner  le  sang  de  la  veine  crurale  du  chien  contient 
7  155  grammes  d'hémoglobine  réduite  et  9,955  grammes  d'oxyhémoglobine, 
tandis  que  le  sang  de  l'artère  crurale  contient  1,022  grammes  d'hémoglobine 
réduite  et  14,510  grammes  d'oxyhémoglobine. 

L'tiérao"lobine  réduite  cristallise  difficilement  parce  qu'elle  est  plus  soluble 


lllÎMUGLOmNE.  255 

dans  Teaii  que  l'oxyhérnogloblne,  cependant  il  résulte  des  recherches  de  RoUet 
et  de  Kûline  que  ces  cristaux  dilTèrent  suivant  les  animaux  observés. 

Tous  lesagenlsqiii  séparent  l'oxygène  de  l'oxyhénioglobine  peuvent  servir  debase 
à  un  procédé  de  préparation  de  l'hémoglobine  réduite  :  c'est  ainsi  que  Stokes  la 
prépaiait  en  faisant  reagir  sur  du  sangdélibriné  dilué  dans  l'eau  quelques  gouttes 
d'un  liquide  (dit  de  Stokes)  composé  d'une  solution  de  sulfate  de  protoxyde  de 
fer  additionnée  d'acide  tartrique  neutralisé  par  l'ammoniaque. 

On  peut  se  servir  de  sulfure  d'ammonium  (Hoppe-Seyler),  de  solutions  tartro- 
ammoniacales  de  chlorure  d'étain  (Nawrocki). 

Enfin  on  peut  chasser  l'oxygène  de  loxyliémoglbbine  par  un  courant  d'hydro- 
"ène  ou  par  l'azote,  et  même  l'acide  carbonique,  mais  le  meilleur  procédé  pour 
obtenir  l'hémoglobine  au  moyen  de  l'oxyhémoglobiue  cristallisée  consiste  à 
absorber  l'oxygène  dans  le  vide.  Wurtz  le  décrit  ainsi  qu'il  suit  :  on  délaye  dans 
l'eau  l'oxyhémoglobine  cristallisée,  on  introduit  la  bouillie  dans  lu  pompe  à 
mercure  et  l'on  fait  le  vide  à  plusieurs  reprises,  en  remplaçant  l'eau  qui  s'éva- 
pore; les  cristaux  se  dissolvent  et,  lorsque  l'action  du  vide  a  été  suffisamment 
prolongée,  la  solution  montre  la  bande  d'absorption  caractéristique  de  l'hémo- 
clobine  réduite.  Cette  solution  se  dessèche  dans  le  vide  ou  dans  l'air  sec  en  une 
masse  amorphe  sans  fournir  de  cristaux. 

L'hémoglobine  réduite  peut  absorber  l'oxygène  lorsqu'on  l'expose  à  l'air,  elle 
absorbe  aussi  l'oxyde  de  carbone  et  lebioxyde  d'azote  enfermant  des  combinai- 
sons qui  sont  décrites  plus  loin.  L'hémoglobine  en  solution  aqueuse  est  coagulée 
])ar  l'ébullition  en  donnant  un  précipité  rouge  et  une  liqueur  colorée  en  rouge. 
L'un  et  l'autre  renferment  un  produit  de  dédoublement  voisin  de  l'hémaline  et 
queHoppo-SeyIer  a  désigné  sous  le  nom  d'hcmochromogène.  Les  alcalis  en  solution 
aqueusiî  ou  alcoolique  décomposent  l'hémoglobine  en  albuminate  alcalin  et  en 
hémochromogène  (il  en  est  de  même  de  l'acide  phosphorique,  de  l'acide  tar- 
trique étendu).  Les  acides  organiques  ou  inorganiques  forts,  l'alun,  l'acide  oxalique 
étendu,  transforment  riicmoglobine  réduite  en  hémochromogène  qui  est  elle-même 
lapidement  décomposée  en  hématoporphyrine. 

Hémoglobine  oxijcarhonée.  Cette  combinaison  de  l'hémoglobine  avec  le 
carljone  se  forme  lorsqu'on  traite  les  solutions  d'hémoglobine  par  l'oxyde  de 
carbone,  elle  se  forme  dans  le  sang  des  animaux  asphyxiés  par  l'oxyde  de  car- 
bone. Claude  Bernard  le  premier  a  démontré  que  l'oxyde  de  carbone  chasse 
l'oxygène  contenu  dans  les  globules  rouges  et  cette  découverte  a  été  l'origine 
de  méthodes  très-précises  d'analyse  des  gaz  du  sang.  Ce  phénomène  a  été 
étudié  ensuite  par  Meyer,  Donders  et  Zùntz,  puis  par  Hufuer,  qui  a  trouvé  que 
100  grammes  d'hémoglobine  lixent  159  centimètres  cubes  d'oxygène  à  0  degré 
et  760""".  L'oxyde  de  carbone  remplace  dans  l'oxyhémoglobine  l'oxygène  mo- 
lécule par  molécule  et  forme  l'hémoglobine  oxycarbonée,  qu'on  peut  ob- 
tenir en  cristaux  isomorphes  avec  ceux  de  l'oxyhémoglobine.  Ils  sont  solubles 
dans  l'eau  et  leur  dissolution  a  une  couleur  rutilante  analogue  à  celle  du  sang 
artériel.  5 

En  dilutions  étendues  elle  jirésenle  deux  bandes  caractéristiques  qui  ressemblent 
à  celles  de  l'oxyhémoglobine,  mais  elles  sont  plus  rapprochées  de  E  [voy.  Spec- 
TRoscoPE,  page  20,  deuxième  spectre  de  la  figure  i,  et  article  SAJic,  page  618, 
spectre  de  l'hémoglobine  oxycarbonée).  Suivant  Hoppe-Seyler,  si  les  deux  bandes 
d'oxyhémoglobine  sont  observées  entre  578  et  539  raillionimètres,  celles  de 
l'hémoglobine  oxycarbonée  occupent  l'espace  entre  572  et  555.  Jàderholm  a 


256  HÉMOGLOBINE. 

donné  des  chiffres  différents  qui  sont  plus  exacts,  le  milieu  de  la  bande  «  est  à 
572  et  le  milieu  de  p  à  535  millioniraètres  (wo?/.  Oxyhémoglobine,  page  10). 

L'hémoglobine  oxycarbonée  est  plus  stable  que  l'oxyhémoglobine,  cependant 
on  peut  par  le  vide  enlever  la  majeure  partie  de  l'oxyde  de  carbone;  l'hydrogène 
chasse  ce  gaz,  mais  cette  combinaison  résiste  à  la  putréfaction  pendant  très- 
longtemps.  Les  oxydants  neutres  la  transforment  en  une  matière  semblable  à  la 
méthémoglobine.  L'étude  de  l'aclion  de  l'oxyde  de  carbone  sur  rhéuioglobine. 
présente  une  grande  importance  en  séméiologie  et  en  médecine  légale. 

hliémoglobine  peut  former  des  combinaisons  définies  avec  d'autres  gaz  :  tels 
sont  le  bioxyde  d'azote  (Henïiann),  l'acétylène  (Liebreich),  le  cyanogène  (Lan- 
kestei),  l'acide  cyanhydrique  (Iloppe-Seyler).  Les  caractères  de  ces  composés  ont 
été  résumés  dans  la  tiiè<e  de  Fumouze,  monographie  la  plus  complète  qui  ait 
été  publiée  en  France  jusqu'en  1871. 

MÉTHiÏMOGLor.iNE.  Ce  produit  se  forme  spontanément  par  la  décomposition  de 
l'oxyliémoglobine  en  solution  exposée  à  l'air  pendant  un  certain  temps.  La  colo- 
ration rouge  disparaît  peu  à  peu  et  est  remplacée  par  une  teinte  brun  rougeâtre 
qui  rappelle  celle  du  sang  traité  par  le  nitrite  d'amyle  (Gamgee)  ou  celle  des 
liquides  de  l'économie  contenant  du  sang  épanché  (hydrocèles,  kystes  hématiques, 
urine  bématurique).  Iloppe-Seyler,  qui  le  premier  l'a  décrit  en  1865,  a  donné  à 
ce  dérivé  de  l'hémoglobine  le  nom  de  méthémoglobine. 

La  méthémoglobine  peut  être  préparée  directement  avec  l'oxyhémoglobine 
exposée  à  l'air  en  vase  clos  pendant  plusieurs  mois  (Preyer),  mais  on  l'obtient 
par  un  grand  nombre  de  réactions. 

C'est  ainsi  que  la  plupart  des  substances  oxydantes  transforment  l'hémoglobine 
réduite  et  l'oxyhémoglobine  en  méthémoglobine  :  tels  sont  le  permanganate  de 
potasse  (Macmunn),  le  chlorate  de  potasse  (Marchand),  les  nitrites  (Gamgee. 
Jolyet,  Macmunn,  llénocque,  llayem),  l'iode,  l'acide  osmique  (Marchand),  le  fcrro- 
cyanure  de  potassium.  Cette  transformation  peut  se  faire  dans  l'organisme  même 
sous  l'influence  de  divers  médicaments,  ainsi  que  nous  le  verrons  plus  loin. 

La  méthémoglobine  présente  des  l'éactions  spectrales  caractéristiques,  très- 
importantes  à  connaître. 

Lorsqu'on  examine  le  sang  contenant  de  la  méthémoglobine  sous  une  faible 
épaisseur  (80  à  250  millièmes  de  millimètres),  on  aperçoit  deux  bandes  sem- 
blables à  celles  de  l'oxyliémoglobine  et  une  troisième  bande  située  entre  G  et  D  : 
par  exemple,  si  les  deux  bandes  j3  et  a  occupent  les  espaces  555  à  555  et  557  à 
559  millionimètres,  la  troisième  bande  caractéristique  de  la  méthémoglobine 
occupe  l'espace  de  G05  à  615  millionimètres.  En  d'autres  termes,  outre  les  deux 
bandes  placées  dans  le  jaune  et  le  jaune  vert  il  y  a  une  troisième  bande  dans  le 


rouge  orange. 


Ces  réactions  spectroscopiques  varient  suivant  qu'on  examine  la  méthémoglo- 
bine dans  une  solution  acide  ou  une  solution  alcaline.  Ilenninger  a  donné  de  ces 
spectres  caractéristiques  la  description  suivante.  En  solution  aqueuse,  c'est-à-dire 
légèrement  acide  au  papier,  on  observe  une  bande  très-nette  dans  le  rouge,  entre 
G  et  l)  un  peu  plus  près  de  G,  à  partir  de  D  tout  le  spectre  est  sombre,  mais  par 
la  dilution  on  voit  apparaître  une  bande  très-peu  foncée  entre  D  et  E  tout  près 
de  D,  puis  un  peu  avant  E  l'intensité  lumineuse  commence  de  nouveau  à 
décroître  et  atteint  avant  F  un  minimum  limitant  une  large  bande  très-foncée 
qui  se  détache  assez  bien  sur  le  fond  sombre  du  spectre;  vers  la  laie  F,  on 


HEMOGLOBINE.  257 

observe  imc  faible  éclaircie  bleue,  les  radiations  indigo  et  violettes  étant  totale- 
ment absorbées  (Henninger,  in  Dictionnaire  de  Wurtz,  Supplément,  p.  905). 

Les  solutions  de  méthémoglobine  rendues  alcalines  par  une  goutte  de  potasse 
présentent  un  spectre  bien  différent.  La  bande  dans  le  rouge  a  disparu  et  à  sa 
place  on  observe  trois  bandes,  une  pâle  avant  D  et  deux  autres  entre  D  et  E,  qui 
pourraient  être  confondues  avec  les  bandes  a  et  p  de  roxybémoglobine  (llen- 
nino^er).  Cette  description  répond  à  celle  que  j'ai  donnée  plus  haut  de  la  réaction 
du  sang  contenant  de  la  méthémoglobine. 

La  méthémoglobine  est  soluble  dans  l'eau,  100  centimètres  cubes  d'eau  dis- 
solvent 5851  grammes  à  0  degré  ;  elle  a  été  obtenue  à  l'état  de  cristallin  par  Hufner 
et  Otto  (1885),  quiontobtenu  avec  le  sang  du  porc  des  cristaux  fins  en  aiguilles 
lorniant  une  masse  rouge  brunâtre. 

Sous  l'inttuence  des  agents  réducteurs  (le  sulfure  d'ammonium,  riiydrosulfitc 
de  sodium  neutralisé,  etc.),  la  méthémoglobine  se  transforme  eu  hémoglobine 
réduite  et  celle-ci  peut  de  nouveau  être  transformée  en  oxyhémoglobine  ou  en 
méthémoglobine,  mais  le  passage  de  l'hémoglobine  à  la  méthémoglobine  est 
direct,  et  l'on  n'observe  jamais  la  production  intermédiaire  d'oxyhémoglobine  ;  ce 
fait  est  important  au  jioint  de  vue  de  la  théorie  du  mode  de  constitution  de  ce 
principe. 

La  nature  de  la  méthémoglobine  n'est  pas  encore  précisée.  Hoppe-Seyler  l'a 
d'abord  considérée  comme  un  produit  de  transformation  intermédiaire  entre 
l'hémoglobine  et  l'hématine,  mais  Kùhne  s'efforça  de  démontrer  que  la  méthé- 
moglobine n'était  qu'un  mélange  d'albumine,  d'hémoglobine  et  d'hématine.  Iloppe- 
Seyler  adopta  cette  opinion;  Preyer,  au  contraire,  apporta  de  nouveaux  arguments 
démontrant  que  la  méthémoglobine  doit  être  considérée  comme  un  principe  par- 
ticulier dérivé  de  la  métliémoglobine,  et  cette  opinion  a  prévalu.  La  quantité 
d'oxygène  contenue  dans  la  méthémoglobine  n'a  pas  été  délinitivement  établie, 
cependant  la  plupart  des  auteurs  admet  que  la  méthémoglobine  renferme  moins 
d'oxygène  que  l'oxyhémoglobinc  (Hoppe-Seyler,  Marchand,  Weyl  et  Anrep,  Hen- 
ninger), contrairement  à  l'opinion  de  Sorby  et  Jàderhoim,  d'après  laquelle  la 
méthémoglobine  serait  un  peroxyde  d'hémoglobine.  Eu  résumé,  la  méthémo- 
globine serait  une  combinaison  de  l'hémoglobine  avec  l'oxygène,  intermédiaii'e 
entre  l'oxyhémoglobine  et  l'hémoglobine.  Cependant  ces  deux  substances  ne  sont 
pas  des  combinaisons  oxygénées  de  même  ordre;  ainsi  que  La  montré  Henninger, 
dans  l'oxyhémoglobine  une  molécule  entière  d'oxygène  (0-)  est  fixée  sur  une 
molécule  d'hémoglobine  contenant  un  atome  de  1er  ;  c'est  une  sorte  de  combi- 
naison moléculaire  facilement  dissociable.  Dans  la  méthémoglobine,  par  contre, 
l'oxygène  semble  s'être  porté  sur  l'atome  de  fer,  cet  atome  qui  se  trouve  à 
l'état  de  minimum  dans  l'hémoglobine  étant  passé  au  maximum  d'oxydation 
{Comptes  rendus  de  la  Soc.  debioL,  n"  57,  1882,  p.  712). 

11  est  probable  qu'il  existe  d'autres  combinaisons  entre  l'oxygène  et  l'hémo- 
globine, ainsi  quil  semble  résulter  des  recherches  de  Marchand,  et  des  travaux 
plus  récents  de  Nencki  sur  la  yarahémoglohine,  combinaison  très-voisine  de 
l'oxyliémoglobine  qui  aurait  été  signalée  pour  la  première  fois  par  Reichert. 

Hématine  ou  hématine  brune,  oxyhématine.  Ce  dérivé  de  l'hémoglobine 
avait  été  décrit  en  1857  par  Lecanu,  sous  le  nom  d'hématosine;  elle  se  produit 
par  l'action  des  acides,  des  bases  de  l'alcool,  del'étheret  de  l'ozone,  sur  Ihémo- 
globine.  On  la  rencontre  accidentellement  dans  les  foyers  hémorrhagiques,  da«s 
le  canal  intestinal  et  l'estomac  à  la  suite  de  l'action  du  suc  gastrique  sur  le 

CICT,    EXC.    i'    ?.    ■yill.  17 


258  IIÉMOGLOBIÏNE. 

sang  exlravasé,  et  dans  le  melœna,  dans  l'hématurie.  Elle  présente  une  compo- 
sition fixe;  suivant  Hoppe-Seyler  elle  a  pour  formule  G"*H'"'Az^Fe^O"',  elle 
renferme  8,82  pour  100  de  fer.  Desséchée,  elle  se  présente  sous  forme  d'une 
poudre  d'aspect  métallique,  brun  rougeâtre,  elle  u'cst  altérée  par  la  chaleur 
qu'au  delà  de  180  degrés;  elle  brûle  à  l'air  sans  se  boursoufler  et  laisse 
12,6  pour  100  d'oxyde  ferrique  pur. 

Elle  est  insoluble  dans  l'alcool,  l'eau  et  le  chloroforme,  mais  se  dissout  dans 
l'alcool  acidulé  ou  alcalinisé,  et  les  dissolutions  sont  brunes  et  dicliroïques. 

Le  procédé  le  plus  précis  pour  préparer  l'hématine  est  celui  de  M.  Cazeneuve  t 
on  agite  à  plusieurs  reprises  du  sang  fibrine  avec  deux  fois  son  volume  d'éther 
du  commerce  contenant  au  moins  25  pour  100  d'alcool.  Le  sang  étant  coagulé, 
on  décante  l'éther  au  bout  de  vingt-quatre  heures,  et  on  épuise  le  coagulum  par 
l'éther  à  56  degrés,  tenant  en  dissolution  2  pour  100  d'acide  oxalique.  Cette 
teinture  colorée  en  rouge  brun  par  l'hématine  est  saturée  par  de  l'éther  chargé 
de  gaz  ammoniac.  L'hématine  ainsi  précipitée  est  recueillie,  lavée  à  l'eau,  à 
l'alcool,  à  l'éther.  L'hématine  se  présente  sous  trois  formes  auxquelles  corres- 
pondent des  caractères  speclroscopiques  différents  qui  ont  été  décrits  dans 
l'article  Spectroscoi'ie,  page  25,  et  (jui  sont  figurés  page  20  (4",  5*,  6"  spectre), 
et  article  Sakg,  page  618. 

L'hématine,  sous  l'influence  de  divers  réactifs,  se  décompose  en  une  série  de 
composés,  qui  présentent  un  grand  intérêt  dans  l'étude  théorique  des  matières 
colorantes  du  sang,  mais  sont  moins  importantes  pour  les  applications  à  la  méde- 
cine :  telles  sont  riiématoporphyrine  et  l'hémochromogène,  l'hématoline,  l'hé- 
matoïdine.  Elle  forme  avec  les  acides  divers  composés  dont  le  plus  intéressant 
est  le  chlorhydrate  (Thématine  ou  hémine,  dont  l'étude  est  fort  importante  au 
point  de  vue  de  la  médecine  légale;  c'est  pourquoi  les  caractères  en  ont  été- 
décrits  par  M.  Tourdes  à  l'article  Saxg  {Médecine  légale,^.  618). 

L'hémochromogène  ou  hématine  réduite,  ou  hématine  rouge  a  pour  formule 
C^'^IP^Az^FeO*,  elle  se  forme  dans  la  décomposition  de  l'hémoglobine  réduite  par 
les  alcalis  et  les  acides  ou  les  agents  réducteurs;  sa  propriété  la  plus  caractéris- 
tique et  analogue  à  celle  de  l'hémoglobine  réduite  est  d'absorber  l'oxygène  de 
l'air  et  de  se  transformer  de  nouveau  en  oxyhématine.  Ce  corps  a  été  découvert 
par  Stokes  en  1864;  il  lui  a  donné  le  nom  d'hématine  réduite,  mais  Hoppe- 
Seyler  l'a  étudié  plus  complètement  sous  le  nom  d'hémochromogène.  L'expression 
d'hématine  réduite  convient  mieux  parce  qu'elle  répond  à  l'affinité  de  ce  corps 
pour  l'oxygène.  Elle  n'est  connue  que  par  ses  caractères  spectraux  et  quelques 
réactions  de  ses  solutions.  Les  acides  la  décomposent  en  la  séparant  du  fer  et  la 
transformant  en  hématoporphyrine,  l'acide  sulfurique  la  décompose  d'une 
façon  analogue  en  hématoline,  qui  est  aussi  un  dérivé  de  l'hématine. 

L'hématoporphïrine  ou  hématine  privée  de  fer,  décrite  par  Mulder  et 
Hoppe-Seyler.  est  un  corps  brun  ayant  pour  formule  G''*H''Az^O'*,  peu  soluble 
dans  l'eau  et  que  l'on  obtient  par  l'action  de  l'acide  sulfurique  concentré  sur 
l'hématine.  Elle  présente  un  spectre  caractéristique,  formé  de  deux  bandes 
d'absorption  ;  la  première,  étroite,  située  entre  C  et  D,  occupant  un  espace  de 
longueur  d'ordre  de  595  à  665  millimètres;  la  seconde,  beaucoup  plus  large, 
s'étendant  de  550  à  585  millimètres. 

L'hématoline,  Vhématoïne,  sont  des  dérivés  analogues  à  l'hématoporphyrine, 
car  ils  sont  comme  celle-ci  dépourvus  de  fer;  il  en  est  de  même  des  autres- 
corps  incomplètement  définis,  tels  que  l'hématosine  de  Jolly  et  Paquelin. 


HÉMOGLOBINE.  259 

V hematoïdine  est  un  des  produits  de  décomposition  de  l'hémoglobine  dans 
les  tissus  vivants  qui  ont  été  rencontrés  dans  rorgonisme;  découverte  par  Virchow 
dans  des  foyers  liémorrhagiques  anciens,  elle  a  été  trouvée  par  Robin  dans  un 
kyste  du  foie.  Les  analyses  de  Robin  et  Riche  ont  démontré  qu'elle  est  exempte 
de  fer,  et  M.  Gantier  en  a  donné  la  formule  suivante  :  G-'^H-'^AzO".  On  trouvera 
la  desciiption  et  les  lipures  des  cristaux  d'hématoïdiiie  dans  Wuriz  [Chimie 
orqaniqne,  t.  1,  p.  oi9)  et  dans  Robin  [Trailé  des  humeuvf^,  p.  (30o). 

Dosage  de  L'ntMO(;r.oiuiNE.  Jusqu'à  présent  ou  s'est  préoccupé  surtout  de 
doser  l'osybémoglobine;  cependant  il  est  possible  de  doser  l'hénioglobine  réduite 
et  quelques  essais  ont  été  tentés  pour  le  dosage  de  l'hématine  et  de  la  niéthé- 
moglobine. 

Les  divers  procédés  peuvent,  ainsi  que  l'a  fait  Lambling  dans  une  monographie 
remarquable,  être  réunis  en  trois  groupes  :  les  méthodes  chimiques,  les  méthodes 
coloriniétriques,  les  méthodes  spectroscopiques  et  spectropbotométriques. 

Les  méthodes  chimiques  comprennent  le  dosage  de  rbémoglobine  par  le  fer, 
par  riiémaline,  parla  quantité  d'oxygène  absorbée  par  l'action  décolorimétrique 
du  chlore. 

Dosage  de  l' hémoglobine  par  le  fer.  Ce  procédé,  le  plus  ancien,  a  clé 
institué  par  Pelouze.  On  opère  sur  100  granmies  de  sang  dcfibriné,  qui  est 
d'abord  évaporé  dans  une  capsule  de  platine,  le  résidu  est  calciné  au  rouge 
sombre  en  évitant  le  boursoullemeut,  puis  traité  par  20  ou  oO  centimètres 
cubes  d'acide  chlorhydrique  étendu  de  son  volume  d'eau  ;  on  ajoute  au  liquide 
bouillant  20  à  30  centimètres  cubes  d'eau  et  l'on  décante  le  liquide  filtré.  Le 
résidu  est  incinéré  à  nouveau  et  l'on  filtre  les  eaux  de  lavage.  On  reprend  le 
nouveau  résidu  par  l'acide  chlorhydri<iue  et  l'on  répète  l'extraction  et  l'inciné- 
ration trois  ou  quatre  fois.  On  incinère  le  filtre,  et  les  cendres  dissoutes  donnent 
un  liquide  jaune  et  limpide  renfermant  le  fer  à  l'état  de  sel  ferrique.  On  le 
transforme  en  sel  fei'reux;  à  cet  el'fet,  le  liquide  est  inlioduit  dans  un  ballon 
avec  du  zinc  divisé,  très-pur,  dans  lecjuel  on  fait  passer  un  courant  d'acide 
carbonique;  on  chauffe  et  l'on  dose  le  fer  par  l'hyjiermanganate  de  potassium, 
suivant  le  procédé  de  Pelouze. 

Étant  donné  le  poids  du  fer  obtenu  par  l'analyse,  on  calcule  la  quantité 
correspondante  d'oxj hémoglobine. 

On  admet  que  l'oxyhémoglobine  contient  0,42  pour  100  de  fer  chez  les  divers 
animaux  .par  conséquent   on  a  la   proportion    suivante  :   100:  0,42  =  .z;/' 

ou  X  =  fx  jjjc^  =  /"x  258, 1 . 

Cette  méthode  de  dosage  présente  des  inconvénients  graves,  elle  suppose 
d'a'Dord  que  le  chiffre  de  0,42  pour  100  de  fer  dans  l'oxyliémoglobineest  normal 
et  constant  chez  divers^  animaux  :  or  il  n'en  est  pas  ainsi,  ce  chiffre  est  une 
moyenne  et  bien  plus  les  travaux  deZinoffsky  démontrent  que  cette  quantité  de 
fer  a  été  exagérée,  elle  serait  suivant  lui  de  0,59  pour  100,  de  sorte  que  le 
coefficient  258  devrait  être  remplacé  par  520.  Les  résultats  obtenus  suivant 
qu'on  accepte  l'un  ou  l'autre  coefficient  varient  considérablement  :  par  exemple, 
une  analyse  que  j'ai  fait  pratiquer  au  laboratoire  de  M.  Pellet,  le  5  décembre 
1885,  comprenant  175  grammes  du  sang  extrait  par  une  saignée  chez  une 
femme  âgée  atteinte  d'affection  du  cœur,  a  donné  une  [iroportion  de  fer  de 
0,496  pour  100;  avecle coefficient  classique  le  sang  renfermerait  11,7  pour  100 
d'oxyhémoglobine,  avec  celui  de  Zinoffsky  il  contiendrait  15  pour  100  d'oxy- 


260  HÉMOGLOBINE. 

hémoj^lobine.  On  remarquera  de  plus  que  toute  erreur  portant  sur  la  quantité 
de  fer  (5  centigrammes  au  maximum)  se  trouve  multipliée  par  un  coefficient  de 
520  ou  238,  et  par  conséquent  je  ne  crois  pas  qu'on  puisse  compter  sur  cette 
méthode  de  dosage  pour  des  recherches  délicates. 

Dosage  de  V hémoglobine  par  la  qiiantilé  d'hématine  formée.  Ce  pro- 
cédé consiste  à  transformer  l'hémoglobine  en  hématine;  primitivement  on  trans- 
formait l'oxybénioglobine  en  hématine  par  l'action  d'un  acide  et  l'on  pesait 
riiéniatine.  A  chaque  gramme  de  cette  substance  correspondrait  2i8%ol  d'oxy- 
hémoglobine  (Brozeit).  Ce  procédé  a  été  dernièrement  modifié  par  Mùller. 
qui  étudie  par  le  spectroscope  la  quantité  d'acide  nitrique  rendue  nécessaire 
pour  réduire  l'oxyliémoglobine  dissoute  dans  la  glycérine. 

II  est  basé  sur  ce  fait  que  l'oxyhémoglobine  du  sang  recueilli  dans  la  glycé- 
rine ne  s'altère  pas,  et  montre  les  deux  bandes  caractéristiques;  mais,  si  l'on 
ajoute  peu  à  peu  de  l'acide  nitrique  très-dilué,  la  transformation  en  hématine 
s'opère  graduellement,  les  deux  bandes  disparaissent  et  sont  remplacées  par  les 
bandes  caractéristiques  de  l'hématine  acide.  L'évaluation  repose  sur  cette  expé- 
rience fondamentale  :  pour  faire  disparaître  les  deux  bandes  d'oxyhémoglobine 
dans  du  sang  contenant  9,85  pour  100  d'oxyhémoglobine  et  dissous  à  la  dose 
de  4  centimètres  cubes  pour  20  centimètres  cubes,  soit  une  dilution  de  sang  à 
2  pour  100  dans  la  glycérine,  il  faut  employer  6,95  centimètres  cubes  d'une 
dilution  aqueuse  de  2  pour  100  d'acide  nitrique  (de  poids  spécifique  1,185). 
Les  résultats  obtenus  par  Miïller  sont  généralement  plus  faibles  que  les  chiffres 
des  autres  observateurs. 

Dosage  de  l'oxyliémoglobine  par  Vo.rygène  absorbé.  On  admet  théorique- 
ment, d'après  les  calculs  de  lloppe-Seyler,  que  dans  l'oxyliémoglobiiie  un  atome 
d'oxygène  correspond  à  un  atorne  de  fer.  11  y  aurait  donc  pour  100  grammes 
d'oxyhémoglobine  12  grammes  d'oxygène  ou  83  centimètres  cubes  d'oxygène, 
en  admettant  la  moyenne  de  0,42  |)our  100  de  fer  dans  l'oxyhémoglobine;  mais 
les  chiffres  déduits  des  expérimentations  prouvent  que  100  grammes  d'oxylié- 
inoglobine  contiennent  Os'',24  ou  167*^^'', 38  d'oxygène. 

On  a  appelé  capacité  respiratoire  la  quantité  maxima  d'oxygène  absorbée  par 
le  sang,  c'est-à-dire  par  l'oxyhémoglobine,  et  l'on  comprend  que  tout  procédé 
qui  permettra  d'extraire  tout  l'oxygèue  du  sang  ou  d'une  solution  d'oxyhémo- 
globine donnera  le  moyen  de  calculer  la  quantité  d'oxyhémoglobine  correspon- 
dante à  la  capacité  respiratoire. 

Malheureusement,  malgré  les  travaux  de  lloppe-Seyler,  Dybkowski,  Preyer, 
Pflùger,  la  quantité  normale  d'oxygène  correspondant  à  un  poids  déterminé 
d'oxyhémoglobine  n'est  pas  encore  établie  rigoureusement.  Cependant  on  peut 
accepter  comme  constante  d'absorption  quci  l'''',67  d'oxygène  correspondent  à 
1  gramme  d'oxyhémoglobine. 

Les  procédés  les  plus  anciennement  employés  ont  été  l'extraction  de  l'oxygène 
par  le  vide;  ils  ont  été  perfectionnés  en  suivant  les  progrès  de  l'instrumentation 
technique  des;  pompes  à  mercure. 

Les  appareils  de  lloppe-Seyler,  Ilelmoltz,  Schmidt,  de  Mathieu  et  Urbain,  de 
Noël,  de  Pflûger  et  de  Busch,  sont  décrits  dans  les  traités  de  technique  physio- 
logique, et  en  particulier  d;ms  la  monographie  de  Regnard  {Sur  les  combustions 
respiratoires),  la  thèse  de  Noël,  le  Manuel  de  laboratoire  de  physiologie  de 
Burdon  Sanderson,  Foster  et  Brunton,  dans  la  Physiologische  methodik  de 
U,  Gsp''l*^*'i^'"'  ^^^^^  '"^^  travaux  des  auteurs  précédemment  cités. 


HÉMOGLOBINE  261 

Le  procédé  de  Claude  Bernard  est  basé  sur  ce  fait  découvert  par  l'illustre 
physiologiste,  à  savoir  que  l'oxyde  de  carbone  se  substitue  volume  .î  volume  à 
l'oxygène  de  l'oxybémoglobine.  Il  consiste  à  agiter  le  sang  dans  un  tube  rempli  à 
moitié  d'oxyde  de  carbone  pur  et  préparé  en  décomposant  le  ferrocyanure  de 
potassium  par  l'acide  sulfurique  concentré.  Ou  agite  de  temps  en  temps  et  après 
six  à  huit  heures  on  transvase  les  gaz  dans  un  tube  gradué  étroit  ou  à  l'aide  de 
la  potasse  et  de  l'acide  pyrogalli(}ue  ;  on  détermine  les  quantités  relatives  d'oxy- 
gène et  acide  carbonique. 

Dosage  de  l'oxygène  par  Vhyposxilfite  de  soude.  Schiitzenberger  et  Risler 
ont  utilisé  la  propriété  de  l'bydrosultite  de  soude  d'absorber  l'oxygène  et  les 
réactions  de  l'indigo  blanc  et  de  l'indigo  bleu  pour  constituer  un  procédé  très- 
ingénieux  d'analyse  volumétrique  qui  a  été  appliqué  par  Quinquaud  à  des 
études  cliniques;  Lambling  a  fait  l'exposé  et  la  critique  de  ce  procédé  dans  sa 
thèse,  page  38  et  suivantes. 

Dosage  de  Ihémoglohhie  par  le  chlore.  De'colorime'trie.  M.  Quinquaud  a 
décrit  sous  ce  nom  un  procédé  basé  sur  ce  principe  qu'une  solution  d'eau  de 
chlore  titrée  par  l'acide  arsénieux  et  le  sulfate  d'indigo  décolore  sous  un  certain 
volume  une  quantité  déterminée  d'oxybémoglobine. 

Méthodes  calorimétriques  ou  chromométriques.  Les  j)lus  importantes  sont 
celles  de  Hoppe-Seyler,  de  Malassez,  d'Hayem,  de  Mantegazza,  qui  sont  décrites 
dans  l'article  Sang,  page  527,  et  sur  lesquelles  nous  ne  reviendrons  pas.  Il  faut 
y  ajouter  les  procédés  suivants  : 

1»  Le  procédé  de  Worm  Millier,  dans  lequel  on  colore  une  quantité  d'eau 
connue  en  ajoutant  le  sang  à  examiner  de  façon  à  obtenir  une  couleur  type 
déterminée  d'avance.  La  quantité  de  sang  ajoutée  donne  la  quantité  d'oxybé- 
moglobine ; 

2°  Le  procédé  de  Jolyet  et  Laffont,  basé  sur  l'emploi  du  colorimètre  de 
Duboscq,  et  dans  lequel  on  compare  la  solution  du  sang  à  une  solution  de 
picrocarminate  d'ammoniaque  ; 

3"  Le  chromocytomètre  de  Bizzozero  sert  à  la  fois  de  compte-globules  oii 
cytomètre  et  de  chromomètre  ;  il  constitue  une  sorte  de  lactoscope  de  Donné  en 
miniature,  il  nécessite  l'emploi  d'un  étalon  coloré  préparé  d'avance,  et,  comme 
dans  tous  les  procédés  précédents,  on  opère  sur  du  sang  dilué. 

Tous  les  procédés  colorimétriques  présentent  un  désavantage  auquel  s'ajoute 
la  difficulté  de  l'appréciation  des  teintes,  des  solutions,  de  la  construction  de 
l'étalon  de  comparaison. 

Méthodes  spectroscopiques.  Procédé  de  Preyer  (1866).  Preyer  a  le  premier 
utilisé  l'analyse  spectrale  pour  le  dosage  de  l'oxybémoglobine.  Il  a  pris  pour 
principe  que  toute  dissolution  sanguine,  ayant  un  pouvoir  absorbant  équivalent 
à  celui  d'une  solution  titrée  d'oxybémoglobine,  contient  une  quantité  d'oxybé- 
moglobine égale  à  celle  de  la  dissolution,  et  en  outre  que  la  solution  d'oxybé- 
moglobine, à  un  certain  degré  de  dilution,  laisse  apparaître  le  vert  au  niveau 
de  la  raie  B. 

Les  instruments  nécessaires  à  cette  analyse  sont  un  spectroscope,  une  cuve 
«  hématinométrique  »,  c'est-à-dire  une  cuvette  de  verre  en  forme  de  parallé- 
lipipède  rectangulaire,  à  faces  parallèles  écartées  de  1  centimètre,  une  pipette 
graduée  à  1/100  de  centimètre  cube  et  une  source  lumineuse  constante  (lampe 
de  pétrole). 

On  commence  par  placer  devant  la  fente  du  spectroscope  à  une  distance  fixe 


262  HÉMOGLOBINE. 

une  solution  d'oxyliénioglobine  pure  concentrée,  contenue  dans  l'iiémalinomètre, 
on  y  ajoute  peu  à  peu  de  l'eau,  de  façon  qu'on  voie  apparaître  près  de  la 
raie  B  une  bande  verte  qui  s'élargit,  si  l'on  augmente  la  quantité  d'eau.  Évapo- 
rant 40  centiuiètres  cubes  de  cette  solution  normale,  on  y  détermine  la  quan- 
tité d'oxyhémoglobine.  Preyer  employait  des  solutions  à  0,8  pour  100.  On 
remplace  alors  la  solution  par  le  sang.iî  examiner,  eu  ayant  soin  de  conserver  la 
même  distance,  la  même  largeur  de  fente  et  la  même  lumière.  On  introduit 
ainsi  dans  l'hématinomètre  environ  0,5  centimètres  cubes  de  sang  défibiiné,  et 
l'on  ajoute  lentement  de  l'eau  avec  la  pipette.  On  cesse  la  dilution  aussitôt 
qu'on  voit  apparaître  une  bande  verte. 

La  formule  suivante  permet  de  constater  la  quantité  d'oxyhémoglobine  de 
100  centimètres  cubes  de  sang  suivant  la  quantité  e  d'eau  ajoutée,  S  est  le 
volume  sanguin,  h  la  quantité  d'oxybcmoglobine  de   la  solution  normale,   la 

/j    Ip  _|_  s 

quantité  d'oxyhémoglobine  ou  x  =  — — ^ — '- 

Ce  procédé  qui,  entre  les  mains  de  l'auteur,  a  donné  de  bons  résultats,  offre 
cet  inconvénient  qu'on  ne  peut  établir  par  tâtonnements  ni  vérifier  le  moment 
de  rap]);\rition  du  vert;  Lambling  l'a  modifié  en  se  servant  de  la  même  manière 
d'un  spectroseope  de  Donné  dans  lequel  il  plaçait  le  sang  dilué. 

Procédé  d'Uénocqiie.  Pour  éviter  les  inconvénients  des  dilutions,  j'ai  ima- 
giné r/;ertzatos("07Je  ou  cuvette  prismatique  capillaire  qui  permet  d'examiner  le 
sang  non  dilué  sous  des  épaisseurs  très-faibles,  mais  progressivement  variables 
et  mesurées  en  millimètres.  Ce  procédé  est  décrit  à  l'article  IltMATOscorF,.  Si 
l'on  emploie  le  spectroseope  double  h  fente  uiiicpie,  on  peut  faire  l'examen  à 
deux  personnes,  et  déterminer  le  moment  d'apparition  du  phénomène  des  deux 
bandes  égales  en  longueur  d'onde  et  eu  obscurité,  ce  qui  constitue  un  procédé 
en  quelque  sorte  photométrique,  plus  facile  à  déterminer  rigoureusement  que 
l'apparitiou  du  vert.  La  lumière  du  jour  convient  pour  cette  étude  mieux  encore 
que  les  sources  lumineuses  artificielles.  Ce  procédé  a  l'avantage  de  permettre 
l'examen  spectroscopique  du  sang  tel  qu'il  sort  des  vaisseaux  et  sans  dilu'ions, 
en  outre  on  peut  déterminer  le  phénomène  des  deux  bandes  par  une  série  de 
lectures  et  par  des  tâtonnements  aussi  répétés  qu'il  es;t  nécessaire. 

Méthode?,  spectrophotométrkjuex.  Vierordt  a  créé  une  méthode  générale 
d'analyse  quantitative  basée  sur  le  pouvoir  absorbant  des  solutions  coloréps  par 
rapport  à  la  lumière.  Les  principes  en  sont  complexes,  mais  il  est  nécessaire 
d'en  faire  un  exposé  résumé. 

On  sait  qu'une  solution  laisse  d'autant  moins  passer  les  rayons  lumineux 
qu'elle  contient  une  plus  grande  quantité  de  matière  colorante,  et  l'expérience 
nous  permet  d'apprécier  empiriquement  la  concentration  ou  la  richesse  en 
matière  colorante  d'une  solution  colorée,  le  vin,  par  exemple,  par  un  simple 
examen  :  or  il  est  possible  d'évaluer  très-iùgourcusement  la  quantité  de  matière 
colorante  d'une  solution  en  mesurant  l'affaiblissement  qu'elle  produit  dans  les 
rayons  lumineux  et  surtout  pour  certains  i^ayons  colorés  tels  que  ceux  d'une 
région  déterminée  du  spectre. 

Tous  les  procédés  spectrophotométriques  reposent  sur  ce  principe  que  les 
substances  colorées  possèdent  un  pouvoir  absorbant  constant  pour  certaines 
régions  du  spectre,  c'est-à-dire  pour  une  plage  lumineuse  de  longueurs  d'ondes 
déterminées. 

De  plus,  on  peut  apprécier  le  pouvoir  absorbant  de  deux  solutions  d'une 


HÉMOGLOBINE.  265 

matière  colorante  eu  indiquant  les  épaisseurs  de  chacune  d'elles  nécessaires 
pour  réduire  un  même  faisceau  lumineux  à  une  môme  fraction  de  sou  intensité 
primitive.  L'intensité  lumineuse  primitive  étant  égale  à  1,  on  peut  prendre 
pour  mesure  du  pouvoir  absorbant  d'une  solution  colorée  l'épaisseur  nécessaire 
pour  réduire  de  1/10  cette  intensité.  C'est  le  principe  de  la  méthode  géné- 
rale de  Bunsen  et  Hoscoe,  qui  ont  appelé  coefficienl  d'extinction  la  valeur 
réciproque  de  l'épaisseur  qui  produit  l'affaiblissement  constant.  Les  coefficients 
d'extinction  sont  proportionnels  à  la  concentration  de  la  solution,  c'est-à-dire  à 
la  proportion  de  substance  colorante  renfermée  dans  une  épaisseur  donnée  de  la 
solution.  Si  l'on  représente  par  rt  et  par  c  le  coefficient  d'extinction,  le  rapport 


a 


de  ces  deux  nombres-  est  une  quantité  constante  et  s'appelle  le  rapport  (Val 


c 


sorption. 

On  a  pu  ainsi  déterminer  pour  diverses  substances  le  rapport  d'absorption  en 
calculant  le  coefficient  d'extinction  de  solutions  titrées,  et  réciproquement  on 
peut  déduire  du  coefficient  d'extinction  le  titre  d'une  solution  colorée,  c'est-à- 
dire  la  quantité  de  matière  colorante.  Tels  sont  ces  principes  que  Vierordt  a 
appliqués  à  l'analyse  quantitative  de  l'oxyhémoglobine. 

Procédé  de  Vierordt.  L'appareil  employé  i)ar  Vierordt  est  un  spectroplioto- 
mètre,  c'est-à-dire  un  spectroscope  dans  lequel  la  partie  mobile  de  la  fente  est 
partagée  en  deux  parties  égales  indépendantes  pouvant  être  rapprochées  par  une 
vis  microspectrique  mesurant  bien  exactement  à  1/100  de  millimètre  près.  11 
résulte  de  cette  disposition  que  l'on  peut  obtenir  avec  une  source  lumineuse 
deux  spectres  superposés.  On  place  une  solution  colorée  devant  la  fente  supé- 
rieure et  l'on  fait  varier  les  largeurs  des  fentes  de  façon  que  la  plage  étudiée 
du  spectre  libre  présente  le  même  éclat  que  la  plage  correspondante  et  super- 
posée du  spectre  affaibli  par  la  substance  colorée.  On  dé(hiit  le  coefficient  d'ab- 
sorption de  la  largeur  de  la  fente.  On  peut  isoler  une  plage  déterminée  du 
sppxtre,  par  exemple,  celle  qui  correspond  à  la  bande  de  l'oxyhémoglobine.  au 
moyen  d'un  diaphragme  disposé  dans  l'oculaire.  Ce  procédé  a  permis  à  Vierordt 
de  fonder  méthodiquement  l'analyse  quantitative  des  liquides  renfermant  une 
ou  plusieurs  substances  colorantes,  d'en  formuler  les  lois  et  de  les  appliquer  au 
dosage  de  f  oxyliémoglobine  et  même- de  l'hémoglobine. 

Des  perfectionnements  fort  importants  ont  été  apportés  par  l'application  des 
lois  de  la  polarisation  à  la  spectrophotométrie,  ainsi  que  l'écrit  M.  Branly 
(thèse,  p.  11)  :  «  Deux  dispositions  principales  ont  été  imaginées  :  ou  bien 
les  deux  images  polarisées  à  angle  droit  sont  amenées  au  contact,  ou  bien 
on  les  fait  empiéter  l'une  sur  l'autre  et  on  reçoit  la  partie  commune  sur  un 
polariscope.  » 

Le  spectropholomètre  de  Glahn  est  le  type  de  la  première  disposition  ;  il 
■comprend  un  spectroscope,  c'est-à-dire  un  collimateur,  un  prisme  et  une 
lunette;  entre  la  lentille  du  collimateur  et  le  prisme  sont  intercalées  les  pièces 
du  photomètre,  à  savoir  un  prisme  biréfringent,  un  prisme  de  Wollaston  et  un 
nicol.  Le  prisme  Wollaston  donne  naissance  à  deux  images  que  la  rotation  du  nicol 
permet  d'amener  à  l'égalité  d'éclat.  Le  nicol  produit  donc  ici  le  même  effet  que 
Ja  fente  variable  de  Vierordt.  La  fente  verticale  du  collimateur  est  divisée  en 
deux  par  une  bande  horizontale  de  laiton  noirci.  La  lumière  qui  vient  de  chaque 
demi-fente  est  dédoublée  par  le  prisme  de  Wollaston. 

Le  spectrophotomètre  de  Hiifner  est  basé  sur  le  même  principe  que  le  pré- 


264  HÉMOGLOBINE. 

céclenl,  mais  il  est  disposé  en  spectroscope  à  vision  directe  et  d'un  mouvement 
beaucoup  plus  simple. 

Le  spectrophotomètre  à  faisceaiuc  superposés  de  Branly  repose  sur  ce  prin- 
cipe que  les  deux  faisceaux  polarisés  sont  en  partie  superposés,  et  qu'ils  sont 
examinés  avec  un  polariscope.  Cet  appareil  fort  ingénieux  a  donné  des  résultats 
très-précis  sur  le  dosage  de  l'oxyliémoglobine  consignés  dans  la  thèse  de 
M.  Branly  (Paris,  1882,  n"  207). 

Qr/ANTiTi':  d'oxyhémoglobine  contenue  dans  le  sang  et  ses  vAr.iATioNS.  Les 
procédés  précédents  ont  permis  d'établir  les  limites  de  variations  de  la  quantité 
d'oxyhémoglobine  à  l'état  de  santé  chez  l'homme  et  chez  un  grand  nombre 
d'animaux.  Nous  ne  résumerons  ici  que  les  résultats  les  plus  importants  par  le 
nombre  des  observations  et  la  rigueur  des  procédés.  On  peut  les  résumer  ainsi 
qu'il  suit  : 

Auteurs.                            Hommes.              Femmes.  Procédé. 
Becquerel  et  Rodier,  résultats 

calculés  parPreyer 12,09  à  13,07  11,37  à  13,69  Dosage  par  le  fer. 

Quinckc »  14,1     à  14.i  Piocédé  de  Preyer  modifié. 

Quinquaud 12,5          »  10,7           »  Procédé  de  Quinquaud. 

Otto 13,50  à  15,30  11,58  à  14,46  SpeclrophDtomelriemoy.de 

23  hommes  et  23  femmes. 

J'ai  publié  à  la  Société  de  biologie  une  statistique  bien  plus  étendue.  En  effet, 
sur  208  individus  observés,  mettant  de  côté  58  malades,  j'ai  trouvé  : 

Chez  50  une  proportion  de.  .  .  .   13  à  14,5  pour  100  d'oxyhémoglobine. 
Chez  34      —      ....       12  pour  100      — 
Chez  36       —      ....   11  à  11,5  pour  100      — 

Mais  ces  derniers  sont  à  la  limite  de  l'état  de  santé  et  de  l'anémie  ou  de  tous 
autres  troubles  pathologiques. 

Les  maladies  amènent  une  diminution  de  10  à  6  pour  100  sans  que  la  vie  soit 
nécessairement  compromise. 

La  normale  chez  l'homme  bien  portant  de  vingt  à  cinquante  ans  est  de  14 
pour  100  ;  elle  est  plutôt  de  13  pour  100  chez  l'habitant  des  grandes  villes. 

Au  point  de  vue  du  sexe,  les  chiffres  se  répartissent  ainsi  : 

A  14  pour  100  et  au-dessus 24  hommes  et  6  femmes. 

A  13  pour  lOO  — 14  hommes  et  6  femmes. 

On  peut  donc  considérer  que  la  quantité  d'oxyhémoglobine  normale  de  l'homme 
adulte  vigoureux  est  de  14  pour  100,  celle  de  la  femme  est  de  13  à  15,5  pour 
100,  et  les  oscillations  physiologiques  non  encore  pathologiques  varient  pour 
les  deux  sexes  entre  12  et  14,5.  Le  maximum  observé  nous  paraît  avoir  été  de 
15  pour  100,  le  minimum  compatible  avec  l'état  de  santé  est  de  11  à  11,5  pour 
100.  Au-dessous  de  ce  chiffre,  il  y  a  des  troubles  de  l'hématopoèse  ou  des 
lésions  organiques. 

Chez  les  animaux,  les  observations  ont  été  encore  plus  nombreuses,  surtout 
pour  les  Mammifères  domestiques. 

Nous  les  résumerons  sous  forme  de  tableau  : 

Smge  .-  flénocque  (1  fois  14;  1  foisl5;  2  fois  10) 10        à  14 

Chien  :  Preyer,  pour  100 15,5 

—  S'jhbolin 9,57  à  13,80 

—  Hoppe-Seyler 12        à  14,5 

Otto  (16  chiens),  méthode  speclropholoiuétrique..  12        à  15,98 

Ilénocque  (22  chiens),  liématoscope 14        à  14,5 


11    MOGLOBINE.  265 

Cheval  :  Nasse : 11,62 

—  Quinquaud 10,6 

(Ces  chiffres  sont  éviJemiiicnt  inférieurs  à  la  moyenne  normale). 

Bœuf  :  Pelouze 11,45  à  15,01 

—  Preyer 13,65 

—  Subbolin. 12,1 

—  Quinquaud 10,8 

Veau  :  Preyer 10,12 

Subbotin 8,42  à    9,25 

—  Quinquaud 7,6 

Porc  .  Pelouze 12,03  à  14,17 

—  Preyer 14,36 

—  Quinquaud 13,8 

Lapin  :  .Subbolin 7,10  à    9,50 

—  ;  Otto  (25  lapins) 7,80  à  10,76 

1  —  '  '  Hénocque .    8   à  12 

Cobaye  :   Hénocque  (27  cobayes) 15   à  14,5 

La  quantité  de  14  pour  100  peut  être  considérée  comme  la  normale  du  sang 
de  cobaye  artériel  défibriné,  ainsi  que  je  l'ai  constaté  maintes  fois  en  dehors  des 
observations  notées  ci-dessus. 

Pigeon  :  Hénocque  (11  pigeons) 9  à  11,5  pour  100 

Lézard  :         Id.        (en  été) 7  à  J3        — 

—  Id.        (en  hiver  et  dans  l'inanition).   .   .      2  û    C        — • 

Outre  ces  résultats,  Korniloff,  Vierordt,  ont  indiqué  les  coefficients  d'extinc- 
tion de  l'oxyliémoglobine.  Ce  sont,  suivant  Vierordt  et  Korniloff  : 

Homme,  1,215.  Mammifères,  0,957.  Oiseaux,  0,781.  Reptiles,  435.  Amphi- 
biens,  0,389.  Poissons,  0,556. 

La  quantité  d'oxyhémoglobine  varie  avec  le  sexe.  Elle  est  un  peu  plus  faible 
chez  les  femmes  que  chez  l'homme,  et  chez  les  Mammifères  plus  faible  chez  la 
femelle  que  chez  le  mâle.  Elle  est  au  contraire  plus  forte  chez  les  enfants 
nouveau-nés.  Suivant  Leichtenstein,  les  proportions  de  matière  colorante  sont  : 

De  1  à  3  jours 100 

De  1/2  à  5  ans 53 

De  5  à  13  ans 58 

De  15  à  25  ans 64 

De  23  à  43  ans 72 

De  43  à  60 ans.. 63 

Déjà  Denis  avait  constaté  par  le  dosage  du  fer  la  proportion  élevée  de  matière 
colorante  du  nouveau-né.  Convert  et  Naunyn  l'ont  constatée  par  la  méthode 
de  Preyer. 

Il  y  aurait  des  variations  quotidiennes  de  l'oxyhémoglobine  suivant  Vierordt  et 
Leichtenstein,  il  y  a  une  augmentation  après  le  repas  de  midi.  L'usage 
de  boissons  aqueuses  en  excès  ne  la  modifie  pas;  au  contraire  l'abstention  de 
boissons  et  les  sueurs  répétées  augmentent  la  proportion  d'oxyhémoglobine 
(Leichtenstein). 

L'inanition  modifie  peu  la  quantité  d'oxyhémoglobine.  Subbotin  a  trouvé  chez 
un  chien  inanitié  le  premier  jour  13,8  pour  100,  et  le  trente-huitième  jour  13,38. 

Les  variations  pathologiques  de  la  quantité  d'oxyhémoglobine  sont  très- 
variables,  mais  elles  offrent  toujours  une  importance  considérable  pour  la 
pathogénie  comme  pour  la  thérapeutique.  Les  recherches  spectroscopiques  ont 
ouvert  à  l'observation  clinique  une  nouvelle  voie  dans  laquelle  les  travaux  sont 


■266  HÉMOGLOBINE. 

encore  peu  nombreux,  mais  suffisants  pour  démontrer  l'utilité  pratique  de  ces 
études. 

Ainsi  que  l'a  faitWurtz,  nous  résumerons  en  un  tableau  les  résultats  obtenus 
par  divers  auteurs  en  y  ajoutant  ceux  qui  nous  sont  personnels  et  qui  com- 
prennent actuellement  près  d'un  millier  d'observations  sur  250  personnes  dif- 
férentes. 

Les  variations  de  l'oxyhémoglobiue  dans  les  maladies  offrent  au  médecin  un 
intérêt  considérable,  malheureusement  elles  n'ont  été  étudiées  que  par  un  petit 
■nombre  d'auteurs;  depuis  les  observations  faites  par  le  dosage  du  fer  d'Andral  et 
Gavarret,  de  Becquerel,  Rodier,  Denis  et  d'autres  qui  ont  étudié  la  quantité  de  fer 
contenue  dans  le  sang,  ont  cependant  donné  des  résultais  importants,  mais  les 
procédés  nouveaux  de  dosage  de  l'oxyghémolobine  permettront  de  multiplier  les 
observations,  et  nous  pouvons  déjà  signaler  les  résultats  précis  obtenus  plus  par- 
ticulièrement par  Quincke,  Subbotin,  Quinquaud,  Hénocque,  etc. 

Les  anémies  forment  plusieurs  groupes  d'affections  protopathiques  et  sympto- 
matiques  qui  fournissent  dans  leur  évolution  les  variations  les  plus  étendues. 
C'est  ainsi  que  dans  la  chlorose  et  l'anémie  essentielle  Subbotin  a  vu  la  quan- 
tité descendre  à  5,  à  4,63  pour  100;  Quincke  a  noté  5,5  pour  100;  Quin- 
quaud, 6,2,7,8,  5,9,  7,2;  j'ai  trouvé  sur  des  individus  présentant  une  quantité, 
sur  41,  d'oxyliémoglobinc  variant  de  9,5  à  5,5  pour  100  ;  j'ai  trouvé  50  chlo- 
rotiques  (dont  4  hommes)  pour  lesquels  la  quantité  a  été  la  suivante  : 

17  présentant  de Sa  V>,5  pour  100. 

7  —        de .  7  à  7.3        — 

1  —        à 6,3  — 

1  —        à 3  — 

3  —        à 4  — 

1  —        à 3,3  — 

Les  chiffres  de  5,5  pour  100  et  un  des  chiffres  de  4  pour  100  se  rapportent 
à  de  l'anémie  cachectique,  des  malades  sont  morts,  et  des  deux  autres  l'une  est 
vivante  et  l'autre  a  été  perdue  de  vue. 

Chez  les  10  autres  individus,  il  s'agit  d'anémie  symptomatique,  d'une 
cachexie  dans  la  plupart  des  cas.  Nous  aurons  à  les  classer  plus  loin. 

Les  hémorrhagies  n'amènent  de  changements  importants  que  si  les  pertes 
de  sang  sont  très-abondantes  et  répétées.  Chez  une  femme  de  l'hôpital  d'Aix, 
•qui  avait  eu  des  hémorrhagies  considérables  à  la  suite  de  l'accouchement,  j'ai 
constaté  un  abaissement  de  l'oxyhémoglobine  à  4,5  pour  100. 

Les  hémorrhagies  modérées  ont  une  action  moindre  :  ainsi,  à  la  suite  d'hémo- 
ptysie, j'ai  noté  dans  2  cas  9  et  11,5  pour  100.  Une  épistaxis  abondante  a 
abaissé  l'oxyhémoglobine  à  9,5  pour  100  et  deux  jours  après  la  quantité  attei- 
gnait 11,5  pour  100.  Le  fait  de  la  rénovation  rapide  à  la  suite  d'héraorrhagie 
est  d'ailleurs  établi  depuis  longtemps  et  a  été  maintes  fois  constaté  expérimen- 
talement et  cliniquement,  c'est  pourquoi  j'ajouterai  seulement  trois  exemples  : 
•celui de  la  marquise  X...  qui,  à  l'âge  de  quatre-vingt-deux  ans,  présentait  14  pour 
100  d'oxyhémoglobine  ;  à  la  suite  d'une  hémorrhagie  cérébrale  légère,  la  quantité 
restait  encore  à  12  pour  100,  et  aussi  le  cas  d'une  femme  atteinte  de  cancer 
utérin  avec  métrorrhagies  répétées,  dont  le  sang  contenait  encore  10  pour  100 
d'oxyhémoglobine,  enfin  celui  d'une  femme  atteinte  de  corps  fibreux  avec 
métrorrhagies  très-abondantes  qui  présentait  11  pour  100  d'oxyhémoglobine. 

hsi  pléthore  est  rarement  observée  dans  les  grandes  villes,  surtout  si  l'on  ne 


HÉMOGLOBINE.  267 

considère  comme  exagères  que  les  chiffres  de  14,5  à  15  pour  100  d'oxybémo- 
globine,  il  faut  tenir  compte  de  l'état  habituel  de  l'individu  :  ainsi  j'ai  vu  plu- 
sieurs fois  à  l'âge  de  la  ménopause  les  troubles  congeslifs  coïncider  avec  les 
chiffres  de  15  à  14  pour  100.  J'ai  observé  chez  une  jeune  femme  aménorrhéique 
Jusqu'à  15  pour  100  d'oxybémoglobine,  à  la  suite  de  plusieurs  mois  sans  règles. 
Chez  un  avoué  de  Paris,  avec  14  pour  100,  j'ai  observé  des  troubles  attribuables 
à  la  pléthore. 

La  tuberculose  présente  de  grandes  variations,  suivant  les  périodes. 

Quinquaud  a  trouvé  les  quantités  suivantes  : 


1"    (leRTO. 

2' 

■  (IcKré. 

.'"  (li?sié. 

Tuberculose  : 

10,0 

8,6 

l.S 

11,0 

10,6 

6,'2 

9,6 

11,0 

10.6 

11,5 

8,6 

6,7 

Granulie  : 

6,7 

7,6 

2,7 

8,1 

2'  semaine. 

5°  semaine. 

12,7 

1.i,6 

8.0 

7 

Mes  relevés  ont  donné  (sur  8  malades)  : 

i"  degré.      2"  (lepré.        5"  degré. 
12  10  G-,  8,ri 

12  »  7,5  8,8  5,9  (oUservés  sur  un  même  inalale). 

«  »  7,8  8,3  (oliscrvôs  .-iiir  un  im'tinc  malade). 

»  »  6,5  7  (à  110  jours  d'intervalle). 

Dans  la  fièvre  typhoïde  : 

Quinquaud  a  trouvé 10,1        9,1        11,3        12,5 

1"  semaine. 

Quineke 12,9 

Hénocqne  (forme  simple,  lille  de  10  ans)   ....        9,5 

Id.       (forme  adynamique 7  »  » 

€nncer  de  l'estomnc  :  Qiiin([uniid 4,2     3,8    4,8     1,5 

Diabète  :  Quineke,  sujet  gras 15,4 

—  Quineke,  jeune  lille 14,4 

—  Subbotin,  jeune  lille 11,57 

—  Subliotin,  jeune  fille 10,90 

—  Hénocque  («lycosurie  in(erniiltente),  2  à  8  pour  100  de  sucie..  6,3  à  11,5 

—  IJ.        (diabète  faible),  10  à  20  pour  100  de  sucre 12 

—  Id.        (diabète  modéré),  femme,  20  pour  100 11,5 

Épilepsie  :  Hénocque,  pour  100 9    12    13 

■Chorée  :  Hénocque,  pour  100 11,5 

Irritation  spinale  :  Hénocque 8  à  12 

■Sclérose  de  la  moelle  :  Quinquaud 9,1     9,6    10,1 

Maladie  de  Pott  :  Quinquaud 7,2    6,7     7,02 

■Ostéomijélile  du  tibia  :  Hénocque  (enfanl  ie  iù  ans) 8 

Phlébite  et  septicémie  :  Hénocque 7,5 

Endocardite  ulcéreuse  :  Hénocque 11,5    7    9 

Rhumatisme  :  Hénocque  (rhumatisme  aigu)     .   .       .   .   .       9,5  à  6,5 

—  Id.        (rhumatisme,  purpura  rhumatismal) 9,5 

Coutte  :  Hénocque  (à  la  lin  d'un  accès). 11 

—  Id.       (névralgie  goutteuse) 9àll 

Maladie  de  Bright  :  (imnqxn^LVii 10    11,0    8.17    9  6 

Néphrites:  Quineke 10  5    10,7    8  5 

Les  manifestations  herpétiques,  les  diverses  phases  des  cardiopathies,  l'arthri- 
tisme,  l'emphysème,  donnent  des  chiffres  trop  variables  pour  que  je  les  repro- 
duise, mais,  pour  terminer,  je  citerai  la  diminution  de  l'oxyhémoglobine  dans  la 


26S  HÉMOGLOBINE. 

cirrhose  (10,1  Quincke),  la  leucocythémie  (5,8  Quincke),  l'entérite  chronique 
(9  pour  dOO,  Hénocque). 

Les  variations  de  l'hémoglobine  suivant  les  médications  sont  fort  utiles  à 
étudier  dans  la  clinique  et  la  thérapeutique.  En  ne  tenant  compte  que  des 
observations  cliniques,  on  ne  trouve  pas  de  travaux  étendus  à  ce  sujet  en  dehors 
des  observations  d'Andral  et  Gavarret,  Becquerel  et  Rodier,  Denis,  Malasscz, 
Hayem  {voy.  articles  Sang,  Fkr  et  Hématoscopie),  cependant  depuis  quelques 
années  on  a  commencé  l'étude  de  l'action  d'un  grand  nombre  de  substances 
médicamenteuses  sur  la  composition  du  sang,  soit  pour  la  quantité,  soit  pour 
les  transformations  que  celle-ci  peut  subir.  Les  recherches  faites  par  Hayem, 
Lépine,  Loye,  Quinquaud,  Hénocque,  Huchard,  Éloy,  la  plupart  publiées  à  la 
Société  de  biologie,  sur  lesnilrites  d'amyle,  de  sodium,  la  paraldéhyde,  l'acéto- 
pliénole,  la  kairine,  l'antifébrine,  expérimentalement  et  cliniquement,  ont  fondé 
les  bases  d'un  moyen  d'étude  nouveau  et  déjà  fécond  en  résultats.  Néanmoins 
l'expérimentation  et  la  toxicologie  ont  jusqu'à  présent  fourni  plus  de  documents 
que  les  recherches  cliniques  comprenant  l'évaluation  rigoureuse  de  l'oxyhémo- 
globine.  J'ai  employé  dans  des  cas  nombreux  mes  procédés  héraatoscopiques, 
mais  je  n'en  ai  pas  encore  publié  les  résultats,  car  en  pareille  matière  il  faut 
multi|»licr  les  observations  avant  de  conclure.  Cependant  pour  l'action  du  fer, 
de  l'iodure  de  potassium,  de  l'arsenic,  des  alcalins,  des  traitements  par  les 
agents  physiques,  les  variations  d'oxyhémoglobine  peuvent  en  quelques  jours,  eu 
quelques  semaines,  donner  des  renseignements  sur  le  mode  d'action  de  ces 
moyens  thérapeutiques,  les  quantités  d'oxyhémoglobine  ne  varient  souvent  que 
de  1  à  2  pour  100,  comme  pour  le  fer,  les  alcalins,  l'iodure,  et  en  une  ou 
deux  semaines.  Mais  ces  différences  sont  suffisantes  pour  apprécier  l'action 
thérapeutique. 

Dosage  de  Vhémoglobine  réduite.  W  a  été  fait  par  Hûfner,  au  moyen  de  la 
méthode  spectrophotométrique,  dans  le  but  de  déterminer  les  quantités  relatives 
de  l'oxyhémoglobine  et  de  l'hémoglobine  réduites  dans  le  sang  veineux  et  le  sang 
artériel.  Les  analyses  d'Hufner  sur  le  sang  du  chien  ont  donné  : 

Pour  le  sang  de  la  veine  crurale  : 

Hémoglobine  réduite 7,153  grammes. 

Oxyhémoglobine 9,955        — 

Total 17,110  grammes. 

Pour  le  sang  de  l'artère  crurale  : 

Hémoglobine  réduile 1,022  grammes. 

Oxyhémoglobine 11,310        — 

Total 13,552  grammes. 

En  dehors  de  ces  faits,  on  n'a  pas  jusqu'à  présent  attaché  d'importance  à 
l'analyse  quantitative  de  l'hémoglobine;  il  serait  cependant  intéressant  de  savoir 
quelle  est  la  quantité  relative  d'hémoglobine  et  d'oxyhémoglobine  pouvant  exister 
dans  le  sang  veineux  ou  artériel,  sans  compromettre  l'existence.  Divers  travaux 
ont  été  faits  dans  ce  sens.  Stroganoff  a  montré,  en  observant  directement  l'artère 
carotide  et  la  veine  jugulaire  au  spectroscope,  que  chez  l'animal  qu'on  asphyxie 
le  sang  contient  encore  une  certaine  proportion  d'hémoglobine  jusqu'à  la  der- 
nière contraction  cardiaque.  Mais,  immédiatement  après,  le  sang  artériel  et  le 
sang  veineux  ne  contiennent  que  de  l'hémoglobine  réduite. 


HÉMOGLOBINE.  269 

Mac  Mann  a  vu  que,  dans  lu  mort  par  asphyxie,  on  trouve  l'hémoglobine 
réduite  dans  le  sang  des  diverses  cavités  cardiaques  et  de  l'aorte. 

J'ai  constaté  moi-même  chez  un  cliien  un  lait  analogue. 

Au  moment  de  l'agonie,  le  sang  des  capillaires  renferme  des  quantités 
d'hémoglobine  de  plus  en  plus  prédominantes,  je  l'ai  constaté  chez  une  femme 
mourant  d'affection  cardiaque  avec  hypostase  pulmonaire. 

11  serait  très-intéressant  d'étudier  ces  phénomènes  au  point  de  vue  de  la 
médecine  légale  et  aussi  du  diagnostic  de  la  mort  prochaine  et  du  rnomentum 
mortis.  Il  est  certain  que  dans  la  mort  subite,  dans  la  mort  avec  arrêt  des 
échanges  (par  exemple,  chez  les  foudroyés,  certains  noyés,  les  morts  par  trau- 
matisme du  bulbe),  le  sang  peut  rester  rouge  même  dans  les  veines  et  contenir 
une  certaine  quantité  d'oxyhémoglobine  longtemps  après  la  mort,  mais,  lorsque 
le  sang  capillaire  et  à  plus  forte  raison  le  sang  artériel  ne  contiennent  que  de 
l'hémoglobine  réduite,  la  mort  est  établie,  les  échanges  ont  ccïsé.  Je  rappelle 
cependant  que  pour  une  portion  des  membres  circonscrite,  comme  un  doigt, 
l'asphyxie  locale  peut  être  complète,  le  sang  ne  contenant  que  de  l'hémoglobine 
réduite  et  à  peine  de  l'oxyliémoglobine  comme  à  la  suite  d'une  ligature  prolongée, 
sans  que  l'organisme  soit  atteint  par  cette  suspension  partielle  des  échanges. 

Recherche  de  la  mélhemoylobine.  11  n'y  a  pas  de  pi'océdé  exact  de  dosage 
de  la  méthéraoglobine,  et  jusqu'à  présent  l'on  s'est  contenté  de  la  conslatatioii 
de  l'existence  de  ce  principe  dans  le  sang,  et  même,  à  part  quelques  cas  toxico- 
logiques  [voij.  art.  Hémoglobinurie),  on  n'a  constaté  l'existence  de  la  mélhé- 
moglobine  dans  le  sang  que  chez  des  animaux  on  expérimentation.  Il  importe 
néanmoins  de  signaler  les  essais  tentés  dans  cette  voie. 

J'ai  le  premier  montré  qu'à  l'aide  de  l'examen  speclroscopique  du  sang  dans 
des  godets  de  porcelaine  on  peut  déterminer  dans  les  expérimentations  le 
moment  où  la  méthéraoglobine  apparaît  dans  le  sang,  suivre  la  durée  de  la 
transformation,  et  enfui  étudier  la  période  d'élimination  (Société  de  biologie, 
22  décembre  1883).  J'ai  montré  en  outre  que.  si  l'on  emploie  le  nitritc  d'anyle 
etlenitritede  sodium,  l'élimination  commence  avec  la  transformation,  ce  qui  rend 
fort  difficile,  sinon  impossible,  l'appréciation  de  la  quantité  de  méthémoglobine 
produite  dans  le  sang  par  certains  agents  avec  nos  moyens  actuels  d'investi- 
gation. 

En  effet,  ainsi  que  je  l'ai  démontré,  les  diverses  phases  de  l'intoxication  par 
formation  de  méthémoglobine,  telle  qu'on  l'obtient  chez  les  animaux  en  injectant 
le  nitrite  de  sodium  ou  du  niliite  d'anyle  sous  la  peau  ou  dans  le  péritoine, 
peuvent  être  représentées  sous  forme  de  courbes  qui  mettent  en  évidence  ce  fait 
que  la  production  de  la  méthémoglobine  commence  avec  l'absorption  du  médi- 
cament, qu'elle  continue  pendant  un  certain  temps,  et  que  la  disparition  est 
d'abord  graduelle  pendant  quelques  minutes,  puis  s'accélère  bruï.quenient. 
Lorsqu'on  emploie  des  doses  successives  et  peu  intenses,  les  phénomènes  se  pro- 
longent, l'altération  du  sang  n'arrive  pas  à  son  maximum  d'intensité,  il  y  a  des 
oscillations  qui  peuvent  durer  plusieurs  heures.  L'éliniin;>tion  se  fait  par  les 
poumons,  par  les  sécrétions  salivaires  et  rénales  {voy.  IIémooloblnurie)  suivant 
le  mode  d'administration.  Le  sang  est  altéré  en  masse,  si  l'absorption  est  rapide 
et  considérable,  mais,  si  l'absorption  est  jjrogressive,  la  production  de  méthémo- 
globine peut  être  réduite  à  un  minimum  tel  que  l'acte  respiratoire  suffise  à 
l'oxygénation  de  l'hémoglobine,  et  même  à  la  transformation  de  la  méthémo- 
globine. 


270  HÉMOGLOBINE. 

Dans  ces  conditions,  il  est  difficile  d'apprécier  exactement  la  quantité  de 
mctliémogloliine  existant  dans  le  sang. 

Les  recherches  de  Gamgee,  Mac  Munn,  lîabuteau,  ne  contredisent  en  rien  ces 
résultais,  et  celles  de  Jolyet  et  Regnard  les  confirment;  ces  auteurs  ont  trouvé 
que  dans  Faction  du  nitrite  d'amyle  sur  le  sang  la  capacité  respiratoire  diminue 
de  façon  à  ne  représenter  que  1/5  de  la  capacité  avant  roxpériencc.  Toutes  pro- 
portions gardées,  ce  serait  comme  si  la  quantité  d'oxj hémoglobine  diminuait  de 
15  à  3  pour  100.  Hayem  évalue  à  10  pour  100  de  la  matière  colorante  du  sang 
la  quantité  de  métliémoglobine  nécessaire  pour  obtenir  la  troisième  bande  carac- 
téristique (De  la  métliémoc/lobine,  in  Rev.  des  cours  scient  if.,  5  juin  1886, 
p.  718). 

Des  expériences  récentes  m'ont  amené  à  celte  conclusion,  que  la  transfor- 
mation de  l'oxyliémoglobine  en  métliémoglobine,  par-  les  diverses  substances 
toxiques  ou  médicamenteuses,  est  précédée  d'une  diniiniition  de  la  quantité 
d'oxyhémoglobine.  C'est  ainsi  que  dans  une  expérience  faite  avec  M.  Laborde  et 
M.  Weill  (thèse  de  Paris,  1887),  5  grammes  d'acétanylidine  ayant  été  injectés 
dans  l'estomac  d'un  chien,  la  quantité  d'oxyhémoglobiiie  descend  de  11  à  8  et 
6  pour  100  en  l'espace  de  deux  heures  et  la  bande  caractéristique  de  la  métlié- 
moglobine n'n[)paraît  tpi'à  ce  moment,  cette  réaction  spectroscopique  se  pro- 
nonçant ultéricnrenient  de  plus  en  plus. 

On  rapprochera  de  ces  faits  les  observations  citées  à  l'article  Hémoglodinurie. 

h'Iiémaline  ne  se  rencontre  qu'accidentellement  dans  l'économie,  elle  ne  peut 

être  évaluée    quantitativement   que  par  la   méthode  des  pesées,  elle  pourrait 

d'ailleurs  servir  au  dosage  de  la  matière  colorante  du  sang,  dans  les  humeurs  ou 

les  produits  d'excrétion,  l'urine  on  particulier. 

Rùi;E  DE  L'HÉMOGLoriiNE  ET  DE  SES  DÉRIVÉS.  Ainsi  qu'oH  a  pu  le  voir  dans  le 
chapitres  précédents,  l'hémoglobine  en  tant  que  matière  colorante  du  sang  est 
surtout  connue  à  l'état  de  combinaison  avec  l'oxygène  ou  hémoglobine  oxygénée; 
la  nature  d'hémoglobine  réduite  est  moins  bien  définie  et  l'étude  de  ses  dérivés 
n'a  pas  encore  permis  d'en  tracer  l'histoire  complète. 

L'hémoglobine  est  donc  la  matière  colorante  du  sang  unique,  renfermée  dans 
le  globule  louge,  et  dont  la  propriété  capitale  est  aussi  bien  un  phénomène 
physique  qu'ime  fonction  physiologique,  celle  de  fixer  l'oxygène  en  combinaison 
labile  ou  faible  sous  une  couleur  déterminée,  mais  aussi  de  le  dégager  sous  l'in- 
lluence  des  échanges  interstitiels  dans  les  tissus,  comme  sous  l'influence  du 
vide  ou  des  agents  réducteurs  in  vitro. 

L'analogie  (pii  existe  entre  les  propriétés  de  l'oxyhémoglobine  cristallisée  et 
celles  des  globules  rouges  du  sang  semblerait  indiquer  que  les  fonctions  de  ces 
derniers  correspondent  aux  propriétés  physiques  et  chimiques  de  l'hémoglobine. 
Cette  proportion  n'est  vraie  que  dans  son  ensemble,  car  l'identité  de  l'hémo- 
globine cristallisée  et  de  la  matière  colorante  du  sang  n'est  pas  absolue,  ainsi 
que  nous  le  démontrerons  plus  loin.  Néanmoins  le  rôle  physiologique  de  l'hémo- 
globine est  intimement  lié  à  celui  des  globules  rouges. 

L'hémoglobine  apparaît  de  très-bonne  heure  dans  les  vaisseaux  de  l'embryon, 
mais  nous  ne  savons  pas  comment  se  fait  l'union  de  cette  substance  avec  le 
stroma  globulaire.  Nous  constatons  que  sous  l'influence  de  la  chaleur,  de  la  con- 
gélation suivie  de  réchauffement,  et  dans  certains  cas  pathologiques  (hémoglobin- 
hémie),  l'hémoglobine  apparaît  à  l'état  de  gouttelettes  réfringentes  colorées 
dans  le  sérum  du  sang,  constituant  une  partie  des  microcytes.  Ces  gouttelettes 


HÉMOGLOBINE.  271 

existent  presque  toujours  dans  le  sérum  fin  sang  coagulé  :  il  est  en  effet  diflicile 
d'obtenir  par  la  coagulation  spontanée  du  sang,  chez  l'homnie  surtout,  un  sérum 
entièrement  dépourvu  d'hémoglobine.  C'est  pourquoi  rien  ne  prouve  que  ces 
CTOuttelettes  d'hémoglobine  ne  soient  pas  un  produit  de  désintégration  ou  d'alté- 
ration des  globules  rouges,  plutôt  que  la  première  apparition  de  la  substance 
colorante  avant  son  union  avec  les  globules  rouges.  Nous  ne  savons  pas  où  se 
fait  cette  combinaison  de  l'hémoglobine  avec  le  stroma  globulaire,  en  un  mot, 
comment  la  substance  chimique  devient  élément  vivant  de  l'organisme. 

L'histoire  de  l'hématopoèsc  n'est  pas  mieux  élucidée  que  celle  de  l'hé- 
raato"enèse,  de  sorte  que  nous  sommes  dans  l'ignorance  des  phases  d'appa- 
rition et  de  renouvellement  de  l'hémoglobine,  mais  nous  connaissons  mieux  le 
rôle  physiologique  essentiel.  Nous  savons  que  l'hémoglobine  des  globules  fixe 
l'oxygène,  dans  lu  respiration,  plus  complètement  encore  qu'il  n'existe  dans 
l'oxvhémoglobine  cristallisée.  Celle-ci  cependant  absorbe  pour  1  gramme  un 
peu  plus  de  1  centimètre  cube  d'oxygène  :  or,  dans  son  passage  à  travers  les 
poumons,  le  sang,  l'hémoglobine,  présentent  une  puissance  d'absorption,  une 
capacité  respiratoire,  au  moins  égales.  Il  semble  même  que  dans  l'acte  respira- 
toire l'hémoglobine,  à  l'état  d'activité,  l'hémoglobine  du  globule  rouge,  enfin, 
riiéinoglobine  «  vivante  m,  si  l'on  [)crmet  le  mot,  fixe  l'oxygène  en  un  état  de 
combinaison  particulier,  et  que  la  chimie  n'a  pas  encore  déterminé,  bien  qu'elle 
l'ait  désigné  sous  le  nom  d'élat  de  diasociaUon. 

Govup  Besanez  a  soutenu  cette  hypothèse,  que  dans  les  globules  rouges  l'oxy- 
gène est  à  l'état  d'ozone  0'\  expliquant  ainsi  l'activité  des  oxydations  qui  se 
produisent  dans  l'organisme  par  les  échanges  entre  le  sang  et  les  tissus,  mais 
d'autres  physiologistes,  avec  Iloppe-Seyler,  sont  d'opinion  que  cet  état  naissant 
de  l'oxygène  qui  se  dégage  de  la  combinaison  avec  l'hémoglobine  ou  avec  le 
globule  suffit  pour  expliquer  l'énergie  de  son  action  sur  les  tissus. 

Quoi  qu'il  en  soit,  le  sang  à  son  issue  du  poumon  doit  renfermer  son  maxi- 
mum d'hémoglobine  oxygénée,  il  est  complètement  artérialisé  (la  démonstra- 
tion n'a  pas  été  faite  expérimentalement  au  point  de  vue  du  dosage  de  l'oxy- 
hémoglobine  dans  les  veines  pulmonaires,  mais  elle  mérite  d'être  tentée). 

Le  sang  artérialisé  transporte  l'oxyhémoglobine  dans  les  tissus  par  les  capil- 
laires, et  c'est  dans  ces  réseaux  vasculaires  que  s'opèrent  les  échanges  entre  le 
sang  et  les  tissus  ou  du  moins  les  phénomènes  primaires  de  la  respiration  dite 
interstitielle,  et  l'histologie  ainsi  que  la  coloration  du  sang  a  permis  d'établir 
la  distinction  entre  le  sang  des  artères  et  le  sang  des  veines  ;  de  même,  il  est 
facile  d'observer  directement  le  phénomène  de  nutrition  interstitielle  par  lequel 
l'oxyhémoglobine  abandonne  aux  éléments  du  tissu  l'oxygène  fixé  pendant  la 
respiration,  c'est-à-dire  le  phénomène  de  réduction  de  l'hémoglobine. 

En  effet,  on  peut  démontrer  cette  action  réductrice  non-seulement  par  les 
agents  chimiques,  mais  aussi  en  mettant  en  présence  les  solutions  d'oxyhémo- 
globine  et  divers  tissus,  tels  que  des  muscles  frais  ;  on  assiste  alors  à  la  réduc- 
tion de  l'hémoglobine  ;  la  démonstration  est  encore  bien  plus  évidente  lorsqu'on 
examine  les  tissus  vivants.  Grâce  aux  recherches  de  Preyer,  de  Yierordt,  de 
Stroganoff,  de  Fumouze,  nous  savons  qu'on  peut  observer  dans  les  tissus] sui- 
vants la  réduction  de  l'oxyhémoglobine,  et  j'ai  rendu  cet  examen  méthodique 
(voy.  Hématoscopie),  de  façon  que  non-seulement  on  peut  assister  à  la  réduc- 
tion de  l'hémoglobine  dans  un  organe  isolé  par  une  ligature  (la  phalange  du- 
pouce),  mais  aussi  en  apprécier  les  diverses  phases. 


272  HÉMOGLOBINE  (bibliographie). 

II  est  donc  bien  démontré  que  l'hémoglobine  oxygénée  est  l'agent  intermé- 
diaire des  oxydations  interstitielles.  Le  sang  devenu  veineux  au  sortir  des  capil- 
laires transporte  l'hémoglobine  réduite,  toujours  combinée  avec  les  hématies, 
vers  le  cœur  droit,  puis  par  l'artère  pulmonaire,  qui  doit  renfermer  la  plus 
grande  quantité  d'hémoglobine  réduite  vers  les  poumons.  Nous  ne  connaissons 
presque  rien  des  phénomènes  intermédiaires  qui  peuvent  s'effectuer  dans  ce 
trajet,  nous  ne  savons  quelle  influence  exerce  sur  l'hémoglobine  du  sang  vei- 
neux l'absorption  si  considérable  de  la  muqueuse  digestive  et  de  ses  vaisseaux, 
non  plus  que  l'introduction  du  contenu  des  vaisseaux  lymphatiques  et  chylifères; 
en  définitive,  nous  devons  reconnaître  que  nous  n'avons  sur  ce  sujet  de  physio- 
logie générale  que  des  hypothèses  à  proposer.  Nous  ne  saurions  mieux  exprimer 
l'état  de  la  science  qu'en  reproduisant  les  conclusions  que  M.  Beaunisa  formu- 
lées dans  son  Traité  de  physiologie,  à  savoir  que,  dans  le  parcours  de  l'hémo- 
globine à  travers  l'appareil  circulatoire,  une  partie  de  celle  ci  est  détruite  et 
donne  naissance  à  un  certain  nombre  de  produits  de  décomposition,  mais  que 
nous  ne  connaissons  pas  exactement  la  quantité  de  cette  destruction  ni  la  nature 
des  produits  qui  en  lésultent.  II  semble  cependant  démontré  que  c'est  dans  le 
foie  que  se  passent  les  phénomènes  les  plus  importants  de  l'élimination  des  pro- 
duits dérivés  de  l'hémoglobine.  L'hémoglobine  s'y  transformerait  en  hydro- 
biliruhine  qui  produirait  elle-même  la  bilirubine.  Celle-ci  est  éliminée  par  l'ex- 
crétion biliaire  et  aussi  par  la  sécrétion  urinaire,  sous  forme  d'nrobiline.  Les 
transformations  sont  plus  multiples ,  et  nous  en  ignorons  certainement  un 
grand  nombre,  elles  ont  été  étudiées  sous  le  nom  de  matières  pigmentaires,  dont 
la  plus  importanteJ[est  la  mélanine.  Ayant  constaté  l'insuflisance  des  notions 
que  nous  possédons  sur  les  transformations  de  l'hémoglobine  dans  les  tissus, 
nous  devons  reconnaître  que  les  progrès  accomplis  dans  les  procédés  de  l'ana- 
lyse chimique  biologique  et  l'emploi  de  l'analyse  spectroscopique  ont  amené 
ce  premier  résultat  important  que  les  données  des  problèmes  à  résoudre  sont 
précisées,  et  les  méthodes  pour  les  étudier  sont  multiples,  dans  l'ordre  chi- 
mique et  physique  ou  physiologique.  A.  Hénocque. 

Bibliographie.  — JNous  n'iiiduiucrons  ici  que  les  ouvrages  cités  dans  cet  article,  la  biblio- 
ffpaphie  étant  ^en  grande  partie  faite  aux  articles  Spectroscopie,  Sang,  Hématies.  —  Bikfalvi. 
Darslellung  der  Hœminkrystalle  miltelst  Jod  und  Bromthalium.  —  Brozeit.  Jahresbericht 
Tkierch.    1871,  p-  85.   —  Convekt  et  Nalny.n.    Corresp.  Blatt  fur  schweizer  yErzte,  1811, 

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IIÉMOGLOBINURIE.  275 

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HÉ.liOGLOBLLii%iE.     Synonyme  d'Hémoglobine  {Voy.  ce  mot). 

llÉllOGLOBll\tRlE  (IlÉMATiJNURiE.  Métiikmoglobinurie).  I.  Le  terme 
hémoglobinurie  désigne  un  état  de  l'urine  caractérisé  par  la  présence  de  la 
matière  colorante  du  sang  avec  absence  de  globules  rouges.  L'expression  d'iiéma- 
tinurie  a  d'abord  été  employée  dans  le  même  sens,  et  celle  de  métliémoglo- 
binurie  spécifie  la  présence  d'une  des  substances  dérivées  de  rbémoglobine. 
Nous  croyons  devoir  adopter  déOnitivement  le  mot  hémoglobinurie,  d'abord 
parce  qu'il  est  plus  général  et  s'applique -à  tous  les  dérivés  de  la  matière  colo- 
rante du  sang  tels  que  la  mclbémoglobinc,  l'oxyhémoglobine,  l'Iiématiue,  ou 
autres  composés,  et  ensuite  jjarce  que  les  caractères  de  ces  trois  substances 
peuvent  se  retrouver  dans  l'urine  d'un  même  individu  atteint  d'hémoglobinurie 
suivant  certaines  conditions  d'examen. 

G'est  llarley  qui  décrivit  en  18G5  le  premier  fait  d'bématinurie,  et  Popper 
qui  définit  l'iiémoglobinurie  (18G8),  plus  récemment  Iloppe-Seyler  a  démontré 
la  fréquence  de  la  métbénioglobinurie. 

L'hémoglobinurie  a  été  rencontrée  dans  des  circonstances  très-diverses  comme 
conséquence  d'altérations  profondes  du  sang,  mais  elle  constitue  le  symptôme 
caractéristiquo  d'un  état  morbide  particulier,  désigné  sous  le  nom  d'béniO"lo- 
binurie  paroxystique  ou  essenlielle,  de  sorte  qu'on  doit  distinguer  les  hémo'^lobi- 
nuries  symptonialiques  ou  deutéropalliiquesde  l'bémoglobinurie  idiopatbique. 

L'Iiémoglobinurie  symplomalique  d'une  altération  du  sang  peut  être  produite 
expérimentalement  par  la  transfusion  du  sang  d'un  animal  à  un  autre  d'espèce 
différente,  par  les  injections  intra-veineuses  aqueuses,  les  injections  sous-cuta- 
nées d'éther,  de  glycérine,  de  sel,  des  acides  biliaires,  de  l'eau  distillée  (Pon- 
fick,  Bridges,  Adams,  etc.),  de  nitrile  de  sodium  (Henocquc). 

L'hémoglobinurie  a  été  observée  chez  l'homme,  d'une  part  dans  diverses 
intoxications  telles  que  l'empoisonnement  par  l'hydrogène  arsénié  (Vo"-eI, 
Wachter,  Eitner),  par  l'acide  chlorhydrique  (Naunyn),  l'acide  sulfurique  (Bam- 
berger),  l'acide  pyrogallique  (Neisser),  le  chlorate  de  potasse  (Hofmeier,  Mar- 

DICT.    ENC.   4°    s.    X1I[.  J8 


274  HEMOGLOBINURIE. 

chand,  Dresclifekl,  etc.),  par  le  naphtol  (Neisser),  par  l'acide  pliénique  (Niedeii), 
par  le  toluylène  diamine  (Affaniasscfj,  par  le  phosphore,  par  l'hydrogène 
sulfuré,  et  enfin  par  certains  champignons  (Bostroem,  Ponfick)  ;  d'autre  part, 
riiémoglobinurie  a  été  constatée  dans  certaines  maladies  infectieuses  ou  dans 
lesquelles  le  sang  est  profondément  altéré  telles  que  l'ictère  grave  (Legg,  Murri), 
les  embolies  graisseuses  et  les  brûlures  (Scriba,  Riedel),  le  typhus  abdominal 
(Yogel,  Naunyn,  Immermann),  la  scarlatine  (lleubner),  les  fièvres  paludéennes 
graves  (Soltnilcoff). 

PATiioGÉ.Nn-:  DE  i,'HÉM0GL0Bir<E.  L'hémogloblue  n'existe  dans  l'économie  qu'à 
l'état  de  combinaison  avec  les  éléments  figurés  du  sang,  les  globules  rouges  ou 
hématies;  elle  constitue  une  grande  partie  de  leur  masse;  mais,  en  dehors  des 
caractères  chimiques  de  l'hémoglobine  et  do  son  rôle  dans  la  respiration  pul- 
monaire et  dans  les  phénomènes  d'échanges  qui  s'opèrent  dans  les  tissus,  nous 
ne  connaissons  presque  rien  sur  la  phase  initiale  de  la  combinaison  ou  sur  le 
mode  de  séparation  de  l'hcmoglobine  et  des  globules  rouges. 

L'expérimentation  fait  connaître  une  partie  des  phénomènes  de  la  séparation 
ou  plutôt  de  l'élimination  de  l'hémoglobine. 

Un  grand  nombre  de  substances  déterminent  la  destruction  des  globules  rouges, 
lorsqu'elles  sont  portées  dans  le  couiant  de  la  circulation  directement,  ou  par 
injection  sous-cutanée,  ou  par  absorption  à  travers  le  tube  digestif;  la  plupart  de 
ces  substances  agissent  in  vitro  sur  le  sang  en  détruisant  les  globules  rouges, 
mais  les  phénomènes  qui  se  passent  lorsqu'on  agit  sur  le  sang  vivant  circulant 
ne  sont  pas  tout  à  fait  semblables. 

Les  substances  qui  détruisent  les  globules  rouges  agissent  à  la  fois  physique- 
ment et  chimiquement,  soit  qu'elles  désagrègent  les  globules,  soit  qu'elles 
en  séparent  seulement  la  matière  colorante  :  on  peut  donc  les  diviser  en 
deux  groupes,  l'un  comprenant  le  chlorate  de  potasse,  le  naphtol,  l'acide 
pyrogallique,  le  suc  de  certaines  morilles,  l'hydrogène  arsénié,  l'iode,  la  gly- 
cérine, l'éther,  etc.;  au  second  groupe  appartiennent  l'aniline,  l'aniline  di- 
métliylique.  Quel  que  soit  le  mode  d'action  de  ces  substances  que  Fonfick 
désigne  sous  le  nom  général  de  cijlhémolitiqiie  (destructeur  des  globules  du 
sang),  il  a  pour  résultat  Vhémoglobinhémie,  et  alors  on  peut  constater  dans  le 
sérum  du  sang  la  présence  de  l'hémoglobine  à  l'état  d'oxyhémoglobine  et  même 
de  méthémoglobine. 

Les  résidus  des  globules  sanguins,  s'accumulent  dans  divers  organes,  le  foie, 
la  rate,  la  moelle  des  os,  et  surtout  dans  les  reins;  quant  à  la  matière  colorante, 
elle  peut  exceptionnellement  se  déposer  dans  le  derme,  mais  elle  est  elle-même 
éliminée  en  majeure  partie  par  les  reins. 

L'hémoglobinhémie  peut  exister  indépendamment  de  l'hémoglobinurie,  les 
expériences  ont  démontré  que  l'hémoglobinurie  ne  se  produit  que  si  l'iiémoglo- 
binhémie  est  prononcée;  les  injections  intra- veineuses,  les  injections  dans  les 
vaisseaux  du  sang  d'un  animal  d'espèce  différente,  les  injections  sous-cutanées 
de  sang  ou  d'hémoglobine,  telles  que  les  ont  pratiquées  Ponfick,  et  plus  récem- 
ment Lebedeff,  Litten,  Beneczù,  sont  plus  particulièrement  décisives  pour 
prouver  que  le  sérum  doit  contenir  une  solution  assez  concentrée  d'hémoglobine 
avant  que  l'hémoglobinurie  s'établisse.  Les  recherches  de  Litten  sur  ce  sujet 
sont  pai'ticulièrement  remarquables  parce  qu'il  a  expérimenté  avec  l'aniline, 
qui  sépare  l'hémoglobine  d'avec  les  globules,  laissant  le  stroma  de  ces  éléments 
sous  forme  d'anneaux,  incolores  :  il  a  pu  ainsi  constater  que  les  débris  des  glo- 


IIÉMOGLOBINUKIE.  275 

bules  s'accumulent  dans  différents  organes,   la  rate,  le  foie  et    les  os,  mais 
surtout  les  reins. 

L'élimination  de  l'hémoglobine  par  les  reins  étant  un  acte  non  physiologique 
amène  des  troubles   plus   ou  moins  prononcés  dans  ces  organes  ;  déjà  par  la 
simple  injection  d'hémoglobine  dans  le  sang  (Litten)   on  peut  observer  une 
accumulation  d'hémoglobine  à  l'état  de  coagulum  dans  les  canalicules  de  la 
substance  médullaire  (Litten)  ;  si  l'hémoglobinurie  est  confirmée,  quelle  qu'en 
soit  l'origine,  on  retrouve  des  altérations  plus  ou  moins  prononcées  qu'Adams, 
Ponfick,   Marchand,   Bohm,  Masius,  Lehedeff,  ont  étudiées  dans   l'hémoglobi- 
nurie par  l'iode,  la  glycérine,  l'hydrogène  arsénié,  le  chlorate  de  potasse.  A  un 
premier  degré  on  retrouve  riiémoglobine  coagulée  sous  forme  de  cylindres,  de 
oouttelettes,  mélangée  à    de  l'albumine;  celle-ci  renferme    des    granulations 
colorées,  ou  même  des  débris  globulaires  qui  ressemblent  à  des  corpuscules 
rouges,  néanmoins   l'épithélium  des  tubuli   reste  intact,   cette  exsudation  se 
rencontre  dans  les  tubes  de  substance  médullaire,  dans  les  tubes  droits  et  les 
tubuli  contorti.  A  un  degré  plus  avancé,  les  glomérules  eux-mêmes  présentent 
une  exsudation  entre  la  capsule  et  les  vaisseaux,  ceux-ci  peuvent  être  remplis 
par  de  l'hémoglobine  et  des  débris  de  corpuscules  rouges,   et  enfin  vers  les 
papilles  les  tubes  peuvent  être  remplis  de  sortes  de  cylindres  formés  d'albumine 
et  d'hémoglobine.  Ce  n'est  qu'à  un  degré  plus  grave  de  l'empoisonnement  qu'on 
observe  une  néphrite  interstitielle.  Cornil  a  fait  remarquer  l'analogie  qui  existe 
entre  ces  lésions  et  celles  que  produit  l'empoisonnement  par  la  cantharide. 
c'est-à-dire  une  néphrite  diffuse  subaïgue  pour  les  petites  doses,  et,  si  l'empoi- 
sonnement est  plus  lent,  il  s'y  ajoute  une  néphrite  interstitielle  {Manuel  d'histo- 
logie pathologique,  de  Cornil  et  Ranvier,  p.  560). 

En  définitive,  les  lésions  rénales  sont  évidemment  la  conséquence  de  l'élimi- 
nation de  l'hémoglobine  et  non  la  cause  de  la  séparation  de  l'hémoglobine,  ainsi 
qu'on  l'a  supposé.  Tels  sont  les  enseignements  de  l'expérimentation  ;  si  nous  les 
rapprochons  des  observations  cliniques,  nous  retrouvons  dans  la  plupart  des  cas 
où  l'hémoglobinurie  est  de  cause  toxique  des  conditions  analogues  à  celles  de 
l'expérimentation,  et  c'est  dans  ces  observations  qu'on  a  pu  retrouver  des 
altérations  des  reins  analogues  à  celles  que  nous  venons  de  décrire;  dans  ces  cas, 
la  nature  de  la  substance  cylhémolytique  est  facile  à  constater,  et  le  méca- 
nisme de  l'hémoglobinurie,  en  ce  que  nous  pouvons  apprécier,  ne  varie  que 
suivant  le  mode  d'action  chimique  et  physique  de  la  substance. 

Il  est  bien  plus  difficile  d'expliquer  les  hémoglobinuries  survenant  à  la  suite 
des  brûlures,  des  embolies  graisseuses  ;  la  substance  cythémoly tique  est  ici 
difficile  à  définir  et  nous  verrons  que,  pour  l'hémoglobinurie  paroxystique  ou 
à  frigore^  la  théorie  est  encore  plus  compliquée. 

Faut-il  admettre  que  sous  certaines  influences  il  se  développe  dans  l'orga- 
nisme une  substance  cydiémoly tique,  qu'on  a  cru  pouvoir  faire  dériver  du 
foie  ou  de  foyers  quelconques  de  destruction  des  globules  rouges  dans  les 
téguments  ou  dans  divers  viscères?  L'argument  péremptoire.  c'est-à-dire  la  con- 
statation de  cette  substance,  manque  absolument.  Il  serait  plus  rationnel  de 
supposer  que  sous  certaines  influences  le  développement,  l'évolution,  la  trans- 
formation des  gloliules  rouges,  peuvent  être  troublés  par  l'intermédiaire  du  sys- 
tème nerveux,  d'où  le  nom  d'hémoglobinurie  nerveuse,  et  l'on  pourrait  alors 
en  rapprocher  l'hémoglobinurie  produite  parles  injections  sous-cutanées  d'iode, 
de  glycérine,  en  si  petite  quantité  que  la  destruction  globulaire  locale  ne  paraît 


270  IIÉM0GL08INURIE. 

pas  assez  abondante  pour  expliquer  la  présence  de  l'hémoglobine  dans  l'urine. 
Ces  théories  et  ces  hypothèses  ont  pour  résultat  de  démontrer  la  complexité  des 
phénomènes  sans  les  résoudre  d'une  manière  satisfaisante. 

Méthémoglobinurie  et  hémalinurie.     Les  doimées  précédentes  ne  s'appli- 
quent qu'à    riiémoglobinurie    vraie,    mais    depuis    que    Iloppe    Seyler,    Mac 
Munn,  etc.,  ont  démontré  que  très-souvent  l'urine  contient  de  la  métliémoglo- 
bine,  on  s'est  posé  cette  question,  de  savoir  s'il  n'y  a  pas  une  méthémoglobi- 
nurie véritable  ;  l'expérimentation  a  démontré  que  l'oxyliémoglobine  se  trans- 
forme facilement  en  méthémoglobine  dans  l'urine,  et  qu'il  ne  s'agit  là  que  d'un 
phénomène  secondaire;  il  en  serait  de  môme  pour  les  cas  où  l'on  constate  dans 
l'urine  les  réactions  de  l'hématine,  mais  jusqu'à  présent  l'on  n'a  pas  constaté 
ciiez  l'honmie  vivant  la  présence  de  la  méthémoglobine  dans  le  sérum  du  sang, 
de  sorte  qu'on  ne  peut  admettre  comme  démontrée  la  méthémoglobinhémie 
qui  serait  l'origine  de  l'élimination  de  la  méthémoglobine  par  les  reins.  11  faut 
cependant  signaler  que   la  transformation  de  l'hémoglobine  en  méthémoglo- 
bine dans  le  sang  est  un  des   phénomènes  constants  observés   dans  certaines 
intoxications,  en  particulier  par  le  chlorate  de  potasse,  les  nilrites,  les  vapeurs 
iiitreuscs,  l'hydrogène  arsénié  ;  malheurcuseuient  ces  faits  n'ont  pas  été  étudiés 
d'une  manière  précise  au  point  de  vue  de  la  méthémoglobinurie.  Il  n'en  est 
pas  moins  utile  de  signaler  l'importance  de  ce  problème,  qui  pourra  être  résolu 
expérimentalement  ou  même  cliniquement  dans  les  cas  toxicologiques,  à  condi- 
tion qu'on  ait  toin  de  faiie  l'examen  spectroscopique  et  microscopique  du  sang, 
du  sérum  du  sang  et  de  l'urine  fraîche. 

Séméiologie.  Caractères  de  l'urine.  Les  symptômes  qui  accompagnent 
riiémoglobinurie  ne  peuvent  être  le  sujet  d'une  étude  générale,  parce  qu'ils  pré- 
sentent les  plus  grandes  variations  dans  riiémoglobinurie  toxique,  où  ils  se 
confondent  avec  les  autres  phénomènes  de  l'intoxication,  ce  n'est  que  dans 
l'hémoglobinurie  paroxystique  à  friyore  que  l'on  a  pu  séparer  et  mettre  en  relief 
un  groupe  symptomatique  caractéristique,  et  l'on  devra  se  reporter  aux  cha- 
pitres suivants  pour  en  connaître  la  description.  C'est  dans  l'étude  de  l'urine 
que  l'on  peut  trouver  les  seuls  caractères  communs  aux  diverses  espèces  d'hé- 
moglobinurie  :  en  effet,  l'état  de  l'urine  constituant  l'hémoglobinurie,  il  importe 
d'indiquer  les  moyens  de  diagnostiquer  la  présence  de  l'hémoglobine  et  de  ses 
dérivés  dans  l'urine. 

En  pratique,  c'est  la  coloration  de  l'urine  qui  attire  l'attention  du  malade 
ou  du  médecin  qui,  dans  toute  intoxication  réelle  ou  soupçonnée,  doit  faire  l'exa- 
men et  l'analyse  de  l'urine.  La  coloration  rougeàtre  ou  brunâtre,  ou  même 
rouge  rubis,  peut  exister  dans  l'hématurie,  ou  dans  l'hémoglobinurie,  il  en  est 
de  même  de  la  réaction  p;ir  la  teinture  de  gaiac,  de  la  réaction  de  Ileller  p.u' 
la  potasse,  lesquelles  indiquent  seulement  la  présence  de  la  matière  colorante 
du  sang;  le  simple  examen  spectroscopique  démontre  avec  la  plus  grande  faci- 
lité l'état  de  la  matière  colorante  en  suspension,  oxyhémoglobine,  ou  méthé- 
moglobine, ou  hématine.  Mais  l'examen  microscopique,  en  démontrant  l'absence 
de  globules  rouges  du  sang  dans  l'urine,  permet  de  distinguer  définitivement 
l'hémoglobinurie  de  l'hématurie. 

L'examen  microscopique  n'a  pas  seulement  cette  importance  d'ordre  négatif, 
car  il  fait  en  outre  retrouver  une  matière  colorante  granuleuse,  dérivée  de  la 
matière  colorante  du  sang,  à  l'état  libre  ou  amorphe,  ou  bien  d'amas  granu- 
leux et  globuleux,  ou  enfin  ayant  l'aspect  de  cylindres  brunâtres.  Ces  i-eliquats 


IlÉMOGLOBINURIE.  277 

sont  semblables  aux  exsudats  retrouvés  dans  les  reins  ;  la  matière  colorée  peut 
avoir  l'aspect  de  globules  rouges  déformés,  mais  il  sera  facile  de  faire  la  dis- 
tinction en  employant  les  réactifs  qui  mettent  en  évidence  le  stroraa  des  globules 
]OUges,  tels  que  l'eau  iodn-iodurée,  l'acide  osmique,  la  potasse,  etc. 

L'analyse  chimique  des  urines  démontre  la  présence  de  l'albumine  coagu- 
lable  par  la  chaleur  ou  l'acide  nitrique,  mais  aussi  quelques  caractères  particu- 
liers tels  que  la  solubilité  plus  grande  dans  un  excès  d'acide,  qui  semblent  se 
rapporter  à  la  globuline  provenant  des  reins.  La  recherche  de  l'urée,  de  l'acide 
urique  et  des  matières  colorantes  biliaires,  offre  une  grande  importance  parce 
qu'elle  pourra  nous  éclairer  sur  les  conditions  dos  fonctions  biliaires  dans  l'hé- 
moglobinurie.  L'examen  spectroscopique  n'est  pas  seulement  utile  à  pratiquer 
à  première  vue  de  l'urine  pour  diagnostiquer  la  présence  de  l'hémoglobine  ou  de 
ses  dérivés,  il  doit  être  effectué  avec  la  plus  grande  précision  et  méthodique- 
ment dès  que  l'absence  des  globules  rouges  est  démontrée.  Il  faudra  examiner  à 
part  les  dépôts,  et  l'urine  elle-même,  rechercher  les  caractères  spectroscopiques 
de  l'oxyhémoglobine,  c'est-à-dire  les  deux  bandes  caractéristiques  variant  sui- 
vant la  concentration  de  l'hémoglobine;  si  l'urine  renferme  une  quantité  assez 
grande  d'hémoglobine  pour  qu'on  ne  puisse  distinguer  les  deux  bandes  séparées, 
il  faudi'a  examiner  l'urine  sous  une  faible  épaisseur,  ce  qui  vaut  mieux  que  la 
diluer.  La  position  et  les  caractères  des  deux  bandes  d'oxyhémoglobine,  ainsi 
que  l'aspect  de  la  bande  unique  de  l'hémoglobine  réduite  lorsqu'on  ajoute  à 
l'urine  hémoglobinurique  du  sulfbydiate  d'ammoniaque,  la  recherche  des  trois 
bandes  caractéristiques  de  la  méthémoglobine,  d'ailleurs  facile  à  exécuter  même 
à  la  simple  inspection  avec  un  spectroscope  à  vision  directe,  tels  sont  les  signes 
spectroscopiques  qui  assureront  le  diagnostic  très-complet,  et  sur  lesquels  nous 
n'insistons  pas  parce  qu'ils  sont  décrits  dans  les  trois  articles  :  S AîiG  {Toxicologie) , 
Specteoscoi'ie  (Clinique),  WÉwoGhoniisE  et  ses  dérives. 

Jusqu'à  présent  l'analyse  quantitative  de  l'hémoglobine  contenue  dans  les 
urines  n'a  pas  été  faite  avec  précision.  Ralfe  a  construit  une  échelle  chromo- 
métrique permettant  d'apprécier  cette  quantité  en  rapprochant  la  couleur  de 
l'urine  hémoglobinurique  de  celle  d'une  dilution  de  sang  dans  l'urine.  Hayem 
a  fait  une  évaluation  approximative  analogue,  et  je  ne  doute  pas  qu'il  soit 
facile  d'arriver  à  un  procédé  plus  exact,  en  utilisant  les  méthodes  chromomé- 
triques appliquées  à  l'étude  du  sang  et  de  l'hémoglobine,  ou  simplement  en 
étudiant  l'urine  sous  des  épaisseurs  progressivement  variées,  à  l'aide  du  spec- 
troscope et  en  employant  une  cuvette  prismatique  assez  large  et  graduée,  ainsi 
que  je  l'ai  fait  dans  un  cas  d'hémoglobinurie  que  j'ai  observé  avec  le  D''  Salle 
pendant  l'impression  de  cet  article. 

Beneczu  transforme  l'hémoglobine  de  l'urine  en  hématine,  par  l'action  de  la 
chaleur  et  de  l'alcool  contenant  de  l'acide  sulfurique.  L'hématine  acide  ainsi 
obtenue  est  analysée  quantitativement  par  la  méthode  spectrophotométriqne. 

II.  Hémoglobinubie  paroxystique  ou  à  frigore.  Synonymie  :  Intermittent 
Hsematuria  (llarley)  ;  Winter  Hœmaturia  (hématurie  hivernale  [Hassall]); 
Paroxysmal  Ecematuria  (Pavy)  ;  Paroxysmal  Exmatinuria  (Roberts,  etc.); 
hémoglobinurie  périodique  (Lichtheim). 

Cet  état  morbide  a  été  décrit  pour  la  première  fois  en  Angleterre  par  Ilarley 
(1814),  puis  par  Hassall  (1865)  et  Pavy  (1866),  et  le  nom  de  maladie  de  Harley 
qu'on  lui  donne  quelquefois  en  Angleterre  est  bien  mérité;  il  fut  dès  cette 
époque  étudié  en  Angleterre  par  Gull  (1866),  Greenhow  (1868),  Dickinson,  Legg 


278  IIÉMOGLOBINURIE. 

(1874),  Roberts  (1872),  Foirest  Finlaysoa  et  Adam  (1879),  Mac  Kenzie  (1879- 
1884),  en  même  temps  que  diverses  observations  ont  été  [lubliées  par  Laycock 
(1871),  Habcrshon,  Matlbew  Davis  (1870),  Druitt  (1873),  Beale  (1875),  Adam 
Wilks  (1879),  Malthew  Cliarteris,  Neale  (1879),  Stone,  Day,  Godsou  (1880), 
Saundby  (1880  à  1882),  Morris  (1884).  Il  n'a  été  étudié  que  plus  tard  en 
Allemagne;  Popper  a  bien  décrit  une  hémoglobinurie  nerveuse,  Lebert  et 
Leuccbi  en  ont  publié  en  1872  une  observation  très-complète,  puis  vinrent  les 
observations  et  les  études  de  Lichtheim  (1878),  Kuessner  (1878),  de  llosenbach 
(1880),  Soltnikofr  (1880),  Lœtz,  Stuubing,  Eiehbaum  '^1881),  Boas  (1881), 
Ileinemann  (1885). 

En  Italie,  Murri,  Sylvestrini,  de  1880  à  1884,  ont  fait  connaître  l'hémoglobi- 
nurie  comme  un  état  morbide  spécial,  et  bien  caractérisé  non-seulement  parles 
réactions  chimiques,  mais  par  son  origine  animale,  le  froid,  la  syphilis. 

A  Amsterdam,  Van  Rosscm,  en  1877,  a  résumé  dans  une  thèse  les  faits  connus 
à  cette  époque,  et  en  Amérique  on  compte  les  deux  observations  de  Jacobi  et 
de  Gordon  Murril  en  1882. 

Enfin  on  France,  olI  la  maladie  doit  être  rare,  les  premières  observations  d'hé- 
moglobinurie  ont  été  faites  par  Clément  (1880),  Corre,  Mesnel,  Ducazal,  Torio, 
Lépine,  llenrot  (1881),  et  les  revues  critiques  de  liamlot,  de  Dreyfus  Brisac, 
d'Eloy,  les  thèses  de  Brejon,  de  Barriou.  ont  contribué  à  fiiire  connaître  les 
caractères  qui  distinguent  l'hémoglobinurie  paroxystique  à  frigore  comme  une 
entité  morbide.  Nous  avons  pu  ainsi  recueillir  un  ensemble  de  plus  de  LXX  obser- 
vations d'hémoglobinurie  paroxystique  vraie  et  une  douzaine  de  faits  qui  ne 
présentent  pas  de  caractères  suffisants  pour  être  acceptés  comme  appartenant  à 
l'hémoglobinurie  paroxystique  ou  qui  en  diffèrent  par  certains  caractères. 

Symptomatologu:.  L'hémoglobinurie  se  manifeste  sous  forme  d'accès  plus  ou 
moins  répétés  à  des  intervalles  très-variables,  mais  présentant  comme  caractère 
commun  un  début  brusque,  survenant  le  plus  ordinairement  à  la  suite  de 
l'action  du  froid,  s'accompagnant  d'un  certain  nombre  de  phénomènes  généraux 
et  produisant  l'apparition  de  l'urine  caractéristique.  La  plupart  des  observations 
peuvent  être  ramenées  à  un  type  moyen  :  un  individu  en  apparence  bien  portant, 
ayant  éprouvé  l'atteinte  du  froid,  ressent  brusquement  un  frisson,  ou  seulement 
des  frissonnements,  il  pâlit,  les  extrémités  sont  refroidies,  pâles,  cyanosées,  et  en 
même  temps  le  malade  éprouve  un  malaise  général  consistant  en  tintements 
d'oreilles,  éblouissoments,  sensation  de  vertige,  des  douleurs  de  tête,  un  senti- 
ment de  constriction,  de  pesanteur  douloureuse  à  l'épigastrc,  dans  le  ventre,  à  la 
région  vésicale,  aux  reins,  ou  enfin  des  irradiations  douloureuses  avec  faiblesse 
dans  les  membres  inférieurs.  Bientôt  il  y  a  une  réaction  légère,  la  peau  devient 
plus  chaude,  le  pouls  s'élève  un  peu  et  le  malade  éprouvant  le  besoin  d'uriner 
rend  des  urines  plus  ou  moins  colorées  en  rouge,  en  rouge  brun,  dites  couleurs 
de  vin  de  Porto,  de  vin  de  Bordeaux,  de  Porter  ou  de  café.  Cet  accès  peut  durer 
quelques  heures  pendant  lesquelles  les  urines  présentent  des  colorations  varia- 
bles ainsi  que  des  caractères  chimiques  dépendant  de  la  présence  de  l'albumine 
et  de  la  matière  colorante  du  sang  plus  ou  moins  modifiée,  mais  reconnaissable 
par  ses  réactions  spectroscopiques  ou  chimiques,  tandis  qu'à  l'examen  microsco- 
pique on  ne  peut  retrouver  des  globules  rouges  de  sang.  En  même  temps  que 
l'urine  se  décolore  l'accès  se  termine,  laissant  au  malade  un  sentiment  de  pro- 
stration légère  ou  d'accablement,  qui  cesse  bientôt  sans  que  la  réaction  devienne 
bien  vive.  11  semble  à  ceux  des  malades  qui  ont  eu  des  fièvres  intermittentes 


IlKMOGLOBINURli:.  i2a 

qu'ils  aient  éprouve  une  sorte  d'accès  incomplet.  Ces  accès  peuvent  se  renou- 
veler à  quelques  jours  d'intervalle  sous  l'induence  du  froid,  leur  apparition 
peut  être  provoquée,  ils  se  répètent  d'eux-mêmes  jusqu'à  5,  6  ou  8  fois  en 
quelques  jours,  puis  à  quelques  mois  d'intervalle,  ou  même  ne  se  produisent  que 
dans  la  saison  froide,  à  plusieurs  années  de  distance. 

Chacun  de  ces  caractères  de  l'hémoglobinurie  doit  être  examiné  en  particulier. 
11  est  assez  difficile  de  connaître  rigoureusement  les  symptômes  initiaux,  parce 
que  le  médecin  a  rarement  l'occasion  d'y  assister,  et  que,  dans  les  cas  où  l'on  a 
pu  provoquer  artificiellement  l'accès  par  l'action  du  froid,  les  symptômes  parais- 
sent atténués,  comme  d'ailleurs  la  plupart  des  autres  signes.  Cependant  pour  la 
plupart  des  cas  un  frisson  précède  l'apparition  de  l'urine  rouge,  quelquefois  on 
a  d'abord  observé  des  bâillements  répétés,  des  pandiculations  avec  extension  des 
membres.  Ce  frisson  peut  être  léger,  ou  être  aussi  complet  que  dans  un  accès 
violent  de  fièvre  ;  les  malades  qui  ont  eu  plusieurs  accès  arrivent  souvent  à  recon- 
naître la  sensation  de  froid  qui  les  annonce,  celle-ci  peut  être  bornée  aux  extré- 
mités ou  envahir  tout  le  corps.  Dans  les  cas  d'accès  provoqués  (Mesnet,  Kuessner, 
l'iosenbach)  le  frisson  initial  manque  souvent  ;  la  sensation  de  froid  peut  être 
bornée  à  la  partie  refroidie.  Dans  un  cas  de  Strubing  le  froid  et  la  cbaleur  ont 
manqué,  Rosenbacli  a  signalé  pareil  fait  pour  les  accès  en  été.  La  peau  présente 
quelquefois  l'aspect  de  chair  de  poule  et  même  une  éruption  d'urticaire  étendue 
en  diverses  parties  du  corps  ou  limitée  aux  parties  exposées  au  froid  (Mackenzie, 
Forest,  Lichlbeim,  Kuessner).  Dans  la  période  qu'on  peut  appeler  algide  il  y  a  de 
la  pâleur,  une  teinte  cyanique  et  môme  subictérique,  surtout  au  nez,  aux 
oreilles  et  aux  mains,  l'aspect  livide  peut  être  semblable  à  celui  qu'on  observe 
dans  ((  l'asphyxie  locale  »  (Mackenzie). 

La  soif  peut  présenter  une  grande  intensité  au  début  de  l'accès  (Mackenzie, 
Boas),  mais  elle  accompagne  plutôt  les  transpirations  et  les  sueurs  profuses  qui 
existent  quelquefois  dans  la  période  de  réaction. 

Les  sensations  douloureuses,  rarement  très-intenses,  ont  principalement  pour 
siège  la  tête  (céphalée  plus  ou  moins  marquée),  puis  l'abdomen  (coliques,  dou- 
leurs, pesanteurs),  endolorissement  aux  hypochondres  et  à  la  région  lombaire 
(tension  pénible,  sensibilité  à  la  pression),  enfin  le  thorax,  puis  la  région  épigas- 
trique,  où  elles  se  manifestent  sous  forme  d'oppression,  de  suffocation,  de  pesan- 
teur, quelquefois  avec  nausées  et  vomissements.  En  même  temps  la  percussion 
et  la  palpation  de  l'estomac,  de  la  rate,  du  foie,  des  reins,  est  douloureuse,  et 
l'on  peut  constater  des  signes  d'hypertrophie  spléniquc  ou  hépatique.  La  dou- 
leur siégeant  aux  diverses  parties  des  voies  urinaires  ne  se  borne  pas  toujours 
à  une  sensation  pénible  de  pesanteur,  à  une  sensibilité  à  la  pression  des  reins 
et  de  la  vessie,  quelquefois  elle  s'irradie  dans  les  fosses  iliaques  et  jusqu'aux 
testicules  et  acquiert  une  grande  intensité  (Clément,  Dickinson).  La  miction 
n  est  cependant  pas  douloureuse  aux  diverses  périodes  de  l'accès. 

Les  accès  ont  peu  de  retentissement  sur  les  centres  nerveux;  en  dehors  du  ver- 
tige au  début,  de  la  sensation  de  fatigue,  d'affaissement,  et  quelquefois  de  la 
prostration  qui  suit  ces  attaques,  on  n'a  pas  observé  de  troubles  de  l'intelligence. 

Les  variations  du  pouls  sont  en  général  peu  prononcées,  il  y  a  ordinairement 
une  augmentation  de  10  à  15  pulsations  pendant  l'accès,  il  y  a  de  70,  80  à 
88  pulsations  par  minute  et  exceptionnellement  108  (Saundby).  Au  début  des 
accès  l'élévation  du  pouls  n'est  pas  en  rapport  avec  celle  de  la  température. 
La  température  est  le  plus  souvent  modifiée  au  moment  de  l'accès,  elle  s'élève 


280  IIÉMOGLOBINURIE. 

rapidement  en  moins  d'un  quart  d'heure  à  un  degré  voisin  de  son  maximum, 
mais  les  observations  sont  très-variables  à  cet  égard.  Tandis  que  dans  les  accès 
provoqués  l'élévation  de  température  manque  souvent  (Boas,  Kuessner),  elle  peut 
atteindre  40  degrés  (Murri,  Heinemann),  40», 6  (Saundby).  Dans  quelques  cas 
la  marche  de  la  température  a  pu  être  suivie  dans  les  diverses  phases  de  l'accès; 
les  résultais  de  ces  observations  doivent  être  signalés.  Greenhow  l'un  des  pre- 
miers a  constaté  chez  un  malade  dans  trois  accès  les  températures  de  59°, 5  avec 
un  pouls  à  HO,  puis  dans  les  accès  suivants  37", 6  avec  pouls  à  86  et  90. 
Matthew  Charteris  a  suivi  la  température  à  des  intei'valles  Irès-rapprochés,  à 
partir  du  début  du  frisson  il  a  noté  à  4  heures  15  minutes  du  soir  ol°,h;k 
5  heures  15  minutes  37°,6  ;  à  6  heures  30  minutes  57<',9  ;  à  7  heures  30  minutes 
o7",9;  à  9  heures  15  minutes  37", 9;  à  10  heures  37", 8;  à  11  heures  57°, 8;  à 
'l  iieures  du  matin  57", 2  ;  à  8  heures  du  matin  56", 7.  M.  Matthew  Charteris  a 
fait  remarquer  que  l'élévation  de  la  température  coïncide  avec  l'émission  des 
urines  sanguinolentes  et  les  deux  phénomènes  ont  duré  à  peu  près  le  même  temps 
dans  plusieurs  accès.  Dans  deux  cas  où  le  malade  prenait  des  accès  en  s'expo- 
sant  à  l'air,  la  température  s'éleva  de  35", 5  à  57", 1  en  2  heures  et  à  57", 9  une 
heure  i)lus  tard.  Dans  un  antre  accès,  où  l'on  fit  une  injection  de  pilocarpine, 
la  teiiq)éralure  resta  à  57", 4. 

Rosenbach  a  pu  étudier  chez  un  enfant  le  début  de  l'accès  ;  examinant  l'urine 
immédiatement  après  l'apparition  des  prodromes,  il  constata  l'absence  d'hémo- 
globine, avec  présence  d'albumine,  en  même  temps  la  température  rectale  était 
(le  57",4  et  quelques  minutes  a])rès  le  début  de  l'accès  la  température  était  de 
58", 8,  puis  10  minutes  plus  tard  de  59", 1  ;  à  ce  moment  (20  minutes  après  la 
miction  précédente)  l'urine  rendue  renfermait  de  l'hémoglobine.  Un  quart  d'heure 
plus  tard,  la  température  s'éleva  à  59", 5,  puis  descendit  graduellement  de  façon 
à  revenir  à  la  normale  en  une  demi-heure. 

Du  Gazai  chez  un  malade  ayant  le  pouls  à  68  degrés  et  la  température  axillaire 
56",9  détermine  un  accès  par  une  promenade  au  dehors  à  la'  température  de 
1 1  degrés  ;  il  observe  au  bout  d'une  heure  un  quart  le  début  de  l'accès  avec  le  pouls 
petit,  serré,  à  60  degrés,  et  la  température  axillaire  à  57  degrés,  une  heure  après 
celle-ci  s'élève  à  58°, 7  et  elle  atteignit  jusqu'à  40  degrés.  11  faut  conclure  de  ces 
exemples  que  l'accès  s'accompagne  ordinairement  d'une  élévation  de  température 
qui,  sans  être  aussi  prononcée  que  dans  les  accès  de  fièvre  intermittente,  n'en 
présente  pas  moins  une  progression  rapide  et  une  défervescence  brusque. 

Caractères  de  l'urine.  La  coloration  anormale  de  l'urine  est  le  symptôme 
qui  a  fait  connaître  l'hémoglobinurie  ;  il  ne  faut  pas  croire  que  la  coloration  rouge 
(les  urines  rouges  à  frigore  de  Torio)  existe  constamment,  au  contraire,  on 
observe  une  série  de  colorations  qui  ont  été  désignées  sous  des  appellations  très- 
diverses  :  c'est  ainsi  qu'en  Angleterre  on  a  comparé  ces  urines  au  vin  de 
Porto,  de  Xérès,  à  l'indigo,  au  mahogany,  à  la  suie,  au  porter  ;  en  France,  en 
Allemagne,  en  Italie,  au  café,  au  chocolat,  ou  plus  simplement  aux  couleurs 
variant  du  louge  au  rouge  brun  foncé.  En  l'ésumé,  ainsi  que  l'a  montré  M.  Mesnet, 
on  peut  observer  dans  les  divers  échantillons  une  gamme  ascendante  du  rouge 
jaune  au  brun  rouge  et  brun  noir  et  une  gamme  descendante  inverse  du  brun 
noir  au  rouge  et  rouge  jaune.  L'intensité  de  la  coloration  correspond  à  la  quan- 
tité d'hémoglobine  contenue  dans  l'urine  (Murri,  Du  Gazai,  etc.),  elle  se  présente 
ordinairement  à  son  maximum  au  début  de  l'attaque  pour  diminuer  rapidement, 
mais  il  y  a  des  variations  nombreuses.  C'est  ainsi  que  dans  les  cas  de  Mackenzie, 


HÊMOGLOBINURIE.  '281 

Du  Cazal,  Rosenbach,  Barrion,  la  gamme  descendante  a  e'té  seule  observée, 
tandis  que  Mesnet  dans  les  accès  provoqués  a  observé  la  gamme  ascendante  ;  ces 
divergences  peuvent  dépendre  de  la  marche  différente  des  accès  et  aussi  de 
l'état  deréplétion  de  la  vessie  au  moment  de  l'accès;  suivant  Mackenzie,  Kuessner 
et  autres,  dans  les  accès  provoqués  la  teinte  est  souvent  en  rapport  avec  la  durée 
de  l'exposition  au  froid  et  le  degré  de  refroidissement.  L'urine  de  l'accès  est 
ordinairement  trouble  et  laisse  précipiter  par  le  repos  un  dépôt  brunâtre, 
tandis  que  la  partie  liquide  offre  une  teinte  sanguinolente  plus  ou  moins  intense. 

11  importe  d'étudier  séparément  les  caractères  de  l'urine  et  ceux  du  dépôt. 

Les  réactions  chimiques  ordinaires  montrent  en  général  une  acidité  prononcée, 
mais  ce  sont  la  réaction  par  l'acide  azotique  ou  réaction  de  Heller  et  la  réaction 
par  la  teinture  de  gaïac  qui  caractérisent  la  présence  de  l'albumine  et  de  la 
matière  colorante  du  sang;  cette  dernière  réaction  très-employée  en  Angleterre 
permet  suivant  Mackenzie  de  reconnaître  la  matière  colorante  du  sang  alors  que 
l'urine  est  à  peine  plus  colorée  que  normalement. 

Les  examens  avec  le  spectroscoque  et  le  microscope  présentent  une  importance 
bien  plus  grande,  ainsi  que  nous  le  montrerons  à  propos  du  diagnostic,  mais 
dans  ce  chapitre  nous  nous  bornerons  à  l'examen  des  principaux  éléments  de 
l'urine,  c'esl-à-dire  que  nous  étudierons  d';ibord  la  matière  colorante  de  l'urine, 
la  matière  albumineuse ,  les  dépôts  et  la  composition  chimique  des  urines 
paroxysmales. 

Hémoglobine  ou  matière  colorante  du  sang.  Les  premiers  observateurs  ont 
bien  noté  la  présence  de  la  matière  colorante  du  sang  sous  forme  d'hématine,  de 
cristaux  d'hématine  et  de  granules  colorés  (GuU,  Harley,  Greenhow,Robcrts,  etc.), 
mais  Gscheidlen,  dans  le  cas  de  Lebert  et  Secchi,  -187!2,  nous  paraît  avoir  le  pre- 
mier nettement  précisé  la  présence  de  l'hémoglobine  par  ses  caractères  spectro- 
scopiques  :  il  a,  en  effet,  observé  et  décrit  les  deux  bandes  caractéristiques  de 
l'oxyhémoglobine  dans  l'urine  d'un  malade,  et  de  plus  la  transformation  de 
ces  deux  bandes  en  bande  unique  d'hémoglobine  réduite,  sous  rinduence  du 
sulfure  d'ammonium,  et  enfin  l'action  de  l'oxyde  de  carbone  déterminant  l'ap- 
parition des  deux  bandes  caractéristiques  résistant  à  l'action  du  sulfhydrate 
d'ammonium,  d'oii  il  a  conclu  à  la  présence  d'oxyhémoglobine  et  d'hémoglobine 
réduite.  Quelques  années  plus  tard,  Robert  et  Kuessner  (1878),  Mackenzie,  Mac 
Munn,  Van  Rossem,  Neale  (1879),  Saundby,  et  dès  lors  tous  les  observateurs,  ont 
appliqué  l'examen  spectroscopique  à  l'étude  de  ces  urines. 

Il  résulte  de  tous  ces  faits  que  très-souvent  la  matière  colorante  est  altérée  et 
se  présente  sous  la  forme  de  méthémoglobine.  Mac  Munn  et  les  observateurs  les 
plus  récents,  en  Allemagne  principalement,  ont  insisté  sur  la  fréquence  de  cette 
modification  de  l'hémoglobine,  de  sorte  qu'on  pourrait  aussi  bien  donner  le  nom 
de  méthémoglobinurie  que  celui  d'hémoglobinurie  à  un  grand  nombre  d'obser- 
vations; cependant,  pour  bien  des  cas,  les  caractères  de  l'oxyhémoglobine  ont  été 
nettement  observés,  et  Mackenzie  a  démontré  que  l'on  peut  constater  tantôt 
l'oxyhémoglobine,  tantôt  la  méthémoglobine,  suivant  que  l'urine  est  plus  ou 
moins  récemment  émise  ;  d'autres  observateurs,  et  en  particulier  Forrest  et  Fin- 
layson  (1879),  Ralfe,  Hayem,  ont  également  constaté  ces  transformations  de 
l'hémoglobine  par  l'urine.  Chez  le  malade  du  D"-  Salle,  dans  un  accès  provoqué 
j'ai  constaté,  en  faisant  l'examen  de  l'urine  à  30  minutes  d'intervalle,  l'apparition 
de  la  méthémoglobine  dans  l'urine  au  sixième  examen  ;  la  transformation  n'a 
pas  dû  se  faire  dans  la  vessie,  mais  probablement  dans  les  reins. 


282  HÉMOGLOBINURIE. 

C'est  aussi  à  une  altération  plus  profonde  de  riiémoglobine  qu'il  faut  rap- 
porter les  exemples  d'hématinurie  vraie,  c'est-à-dire  ceux  dans  lesquels  le  spectro- 
scope  a  démontré  les  caractères  de  l'iiématine  et  principalement  de  l'iiématine 
acide.  Il  est  probable  que  dans  ces  cas  il  y  a  eu  des  altérations  particulières  de 
l'urine  soit  dans  la  vessie  (par  excès  d'oxalates,  par  exemple),  soit  dans  l'urine 
après  son  émission. 

La  quantité  d'bémoglobine  oxygénée,  on  réduite,  ou  celle  de  la  mélbémoglo- 
bine,  doit  être  en  rapport  avec  l'intensité  de  coloration  de  l'urine,  mais  jusqu'à 
présent  l'on  n'a  pas  appliqué  de  méthode  précise  à  cette  évaluation.  Hayem  dans 
le  cas  de  Mesnet  estimait  à  peu  près  à  7  pour  100  la  quantité  de  sang  contenue 
dans  l'urine.  M.  Salie  l'a  estimée  à  12  pour  100  maximum  et  dans  l'expérience 
précédente  je  l'ai  appréciée  à  7  do  sang  pour  100  d'urine. 

Nous  indiquerons  à  propos  du  diagnostic  les  caractères  spectroscopiques  et 
chimiques  de  ces  diverses  substances. 

L'albumine  accompagne  l'hémoglobine  dans  les  urines  hémoglobinuriques, 
elle  la  précède  quelquefois  (Roscnbach);  elle  semble  être  en  rapport  avec  la 
quantité  de  matière  colorante,  enfin  elle  peut  persister  dans  l'urine  après  les 
accès  et  dans  leur  intervalle  (Mackenzie,  Saundby,  Forrest,  Jacoby).Elle  présente 
les  caractères  ordinaires  de  l'albumine  du  sérum,  elle  est  coagulable  par  la 
chaleur,  par  l'acide  nitrique  (réaction  d'Ileller);  quelques  auteurs  ont  signalé 
des  caractères  particuliers  à  cette  albumine.:  telle  serait  sa  facilité  à  se  dissoudre 
rapidement  dans  l'acide  nitrique  (Harley).  GuU  a  pensé  que  c'était  de  la  globu- 
line,  Lichtheim  a  remarqué  qu'elle  flottait  à  la  surface  de  l'urine,  enfin  Saundby 
a  démontré,  en  traitant  par  le  sulfate  de  magnésie  l'urine  hémoglobinurique, 
qu'elle  renferme  à  la  fois  de  la  paraglobuline  et  de  l'albumine  du  sérum. 

Le  dépôt  de  l'urine  est  brunâtre,  couleur  de  café  noir,  plus  ou  moins  abondant, 
mais  ne  manquant  presque  jamais;  il  a  été  dans  un  grand  nombre  de  cas  examiné 
avec  soin  au  microscope  et  il  présente  cette  première  particularité  que  l'on 
n'y  retrouve  pas  de  globules  rouges  du  sang,  ou  bien,  lorsqu'il  renferme  quelques 
globules,  ceux-ci  sont  altérés  et  en  nombre  très- restreint  et  nullement  en  rapport 
avec  la  coloration  rouge  due  à  l'hémoglobine  ;  l'absence  des  globules  rouges  est 
caractéristique  de  l'hémogiobinurie;  dans  la  plupart  des  cas,  on  ne  retrouve 
même  plus  les  débris  des  globules  ni  leur  membrane  d'enveloppe.  L'examen 
microscopique  démontre  au  contraire  la  présence  d'éléments  fort  importants,  ce 
sont  des  débris  de  cylindres  rénaux,  et  une  matière  granuleuse  colorée. 

Les  cylindres  ont  l'aspect  hyalin,  ou  bien  ils  sont  granuleux,  et  très-souvent 
ils  sont  pigmentés  ;  depuis  que  Harley  les  a  signalés,  ils  ont  été  trouvés  dans 
presque  tous  les  cas.  Cependant  ils  peuvent  manquer.  Leur  coloration  brunâtre 
est  due  à  la  présence  d'un  pigment  dérivé  de  la  matière  colorante  du  sang,  et 
aussi,  suivant  Beale,  à  la  présence  d'urates. 

Ces  débris  de  cylindres  ressemblent  à  ceux  que  Ponfick  a  décrits  dans  l'urine 
après  la  transfusion.  La  matière  granuleuse  amorphe  du  dépôt  est  brunâtre,  elle 
renferme  quelquefois  des  cristaux  d'hématine  (Gull),  d'hématoïdine  (Neale),  ou 
des  cristaux  bleuâtres  ou  noirâtres  mal  définis  et  mélangés  à  des  urates  et  à  des 
oxalates. 

Les  oxalates  sont  souvent  très-abondants,  et  quelques  auteurs  leur  ont  attribué 
un  rôle  important,  sinon  prépondérant,  dans  les  altérations  de  la  matière  colo- 
rante et  des  globules  du  sang. 

En  général,  ces  urines  sont  très-acides,  leur  densité  est  élevée,  elles  renferment 


HEMÛGLOBINURIE.  285- 

(.les  quantités  d'urée  variables  qui,  mesurées  dans  quelques  cas,  dépassaient  la 
moyenne.  La  densité  est  naturellement  un  peu  élevée  et  la  quantité  totale  d'urine 
souvent  exagérée. 

Les  matières  colorantes  biliaires,  Turobiline  ou  matière  colorante  de  l'urine, 
ont  été  signalées  dans  certains  cas,  mais  leur  présence  et  leur  quantité  n'offrent 
ni  constance  ni  importance  démontrées. 

Dans  l'intervalle  des  accès,  l'urine  «  interparoxysmale  »  paraît  dans  la  majo- 
rité des  cas  à  peu  près  normale,  de  sorte  que  pendant  des  mois,  des  années,  le& 
malades  ne  remarquent  pas  de  coloration  anormale,  mais,  lorsque  les  accès  sont 
rapprochés,  l'on  peut  trouver  soit  des  traces  d'hémoglobine,  soit  de  l'albumine, 
ensemble  ou  séparément,  enfin  dans  quelques  cas  (Lépine,  Saundby,  Legg)  on 
reconnaît  des  caractères  d'une  affection  rénale  ou  même  d'un  calcul,  comme 
dans  l'observation  de  Sutlon  [Hunlerian  Society  Reports,  1878,  p.  53). 

h'étude  du  sang  chez  les  hémoglobinuriques  présente  une  grande  importance 
pour  la  pathogénie,  mais  elle  n'a  été  faite  que  par  un  petit  nombre  d'obser- 
vateurs, et  les  résultats  de  leurs  recherches  seront  facilement  résumés.  En  effet, 
au  point  de  vue  de  l'aspect  général  du  sang,  l'on  a  signalé  soit  une  facilité  plus 
grande  à  la  coagulation,  soit  une  tendance  à  l'hémorrhagie  (à  la  suite  de  l'appli- 
cation de  ventouses).  L'étude  histologique  des  globules  a  donné  des  résultats  fort 
contradictoires  :  en  effet,  tandis  que  Lebert,  Kuessner,  Rosenbach,  Clément, 
Lépine,  n'ont  pas  observé  d'altérations  spéciales  des  globules,  même  pendant 
l'accès,  Murri  et  Boas  ont  décrit  très-minutieusement  les  altérations  des  globules, 
qu'ils  considèrent  comme  caractéristiques,  et  qu'ils  ont  observées  au  moment 
des  accès,  dans  les  mains  et  les  doigts  refroidis  chez  des  hémoglobinuriques; 
suivant  Murri  les  globules  rouges  ont  souvent  la  forme  d'anneaux  à  centre 
transparent,  ils  sont  souvent  déformés,  brisés,  plissés  et,  au  moment  d'un  accè& 
déterminé  par  le  froid,  le  sang  des  parties  refroidies  présente  des  globules 
altérés,  quelques-uns  à  peine  reconnuissables,  les  autres  enroulés,  à  contours 
peu  distincts.  Boas,  étudiant  comparativement  le  sang  des  parties  refroidies  et 
des  parties  non  atteintes,  a  trouvé  dans  les  premières  les  globules  rouges  plus 
gros,  plus  mats,  moins  colorés,  gonllés,  ovales,  en  fuseau,  ou  triangulaires, 
avec  des  contours  effacés;  de  plus,  ils  ne  se  mettaient  pas  en  piles  de  monnaies. 
Suivant  Boas  les  hématies  résistent  moins  à  l'action  du  froid  et  à  celle  de  l'élec- 
tricité. Mackenzie,  Adams,  Wilck,  ont  également  remarqué  cette  diminution  de 
la  disparition  en  piles  de  monnaie  ;  Wilck  a  signalé  aussi  l'excès  de  fibrine. 

Hayem  a  conclu,  de  l'examen  du  sang  du  malade  de  Mesnet,  que  les  éléments 
anatomiques  n'étaient  pas  sensiblement  altérés,  que  les  hématies  n'étaient  pas 
plus  vulnérables  que  celles  du  sang  sain,  que  le  sang  subit  au  moment  du 
paroxysme  une  certaine  altération,  puisqu'il  présente  alors  et  seulement  dans 
ces  conditions  les  caractères  atténués  du  sang  phlegmasique,  qui  peuvent  d'ail- 
leurs se  retrouver  dans  certains  cas  d'hémorrbagie. 

L'étude  du  sang  du  malade  est  résumée  par  Hayem  dans  l'observation  de 
Mesnet  : 

Sous  l'influence  des  pertes  d'hémoglobine,  le  malade  était  devenu  anémique. 
Les  globules  rouges  étaient  peu  altérés  et  leur  contenu  en  hémoglobine  était 
presque  égal  à  celui  des  globules  normaux  (premier  degré  de  l'aglobulie).  Ils 
n'étaient  pas  déformés  et  à  2  degrés  centigrades  ils  n'ont  subi  aucune  modifi- 
cation sensible.  Pendant  les  accès,  o  fois  sur  3,  c'est-à-dire  constamment, 
léger  épaississement  du  réticulum  fibrineux    et  disposition  particulière   des 


284  IIÉMOGLOBINURIE. 

piles  d'hématies  ;  ces  deux  pliénomènes  étaient  transitoires  comme  l'Iiémoglobi- 
nurie  elle-même  et  sous  sa  dépendance.  En(in,  au  moment  de  la  perte  hémoglo- 
binurique,  légère  augmentation  de  globules  blancs,  diminution  assez  sensible 
de  globules  rouges  et,  deux  jours  après,  poussée  d'hématoblastes  et  de  globules 
nains  indiquant  dans  l'évolution  du  sang  une  suractivité  plus  accusée  qu'on 
n'aurait  pu  s'y  attendre  après  une  bémorrhngie  en  apparence  si  peu  abondante. 
La  quantité  des  globules  rouges  a  été  étudiée  dans  quelques  cas.  Clément  a 
compté  o  900  000  globules  rouges  chez  son  malade;  Lépine,  après  avoir  constaté 
2  810  000  globules  rouges  à  l'entrée  du  malade,  vit  ce  nombre  s'élever  à 
4000  000  à  la  sortie;  Goelz,  dans  un  cas  récent  d'hémogiobinurie  chez  une 
enfant  de  neuf  ans  atteinte  de  syphilis  héréditaire,  compta  1  800  000  aussitôt 
après  les  accès,  2  500  000  entre  les  accès,  et  4  000  000  après  le  traitement. 
Le  sérum  du  sang  a  été  trouvé  coloré  par  l'hémoglobine  dans  un  certain  nombre 
de  cas  :  c'est  ainsi  que  Kuessner  l'a  observé  dans  six  accès  ;  Lichtheim,  Fleischer, 
ont  retrouvé  l'hémoglobine  dans  le  sérum  du  sang  provenant  de  ventouses 
scarifiées  ou  à  l'état  de  gouttelettes  dans  lu  sérosité  du  vésicatoire;  Stolnikoff, 
Du  Cazal,  ont  signalé  la  coloration  du  sérum  ;  enfin  Boas  a  constaté  la  présence 
de  l'hémoglobine  dans  le  sérum  du  sang  extrait  pendant  l'accès. 

Dans  une  publication  récente  (Revue  des  cours  scientifiques,  5  juin  \%%Q, 
p.  518),  llayem  rapporte  qu'il  a  retrouvé  l'oxyhémoglobine  dans  le  sérum  du 
sang  de  malades  hérnoglobinuriques  et  que  la  quantité  de  matière  colorante  du 
sang  dissoute  dans  le  sérum  chez  ces  malades  lui  a  paru  aussi  abondante  en 
dehors  des  accès  que  pendant  les  accès  eux-mêmes.  Chez  le  malade  du  D''  Salle 
j'ai  trouvé  en  dehors  de  l'accès  la  quantité  de  8  pour  100  d'oxyhémoglobinedans 
le  sang,  et  pendant  l'accès  seulement  7  pour  100;  le  sérum  en  dehors  de  l'accès 
contenait  ta  peine  1  pour  100  d'oxyhémoglobine,  pendant  l'accès  il  en  contenait 
au  moins  le  double. 

Marche.  Dorée.  Pronostic.  L'hémoglobinurie  se  présente  sous  forme 
d'accès  qui  peuvent  se  reproduire  pendant  plusieurs  jours  de  suite,  et  sembler 
ainsi  intermittents,  bien  qu'on  n'ait  pas  observé  l'intermittence  vraie.  Ordinai- 
rement, les  accès  reviennent  à  des  intervalles  prolongés,  plusieurs  mois,  quelques 
années  même;  on  peut  citer  des  exemples  de  durée  dépassant  plus  de  dix  années 
pendant  lesquelles  il  y  a  eu  rémission  pendant  plusieurs  années  sans  accès;  la 
plupart  des  malades  ont  été  guéris  ou  bien  ont  été  perdus  de  vue.  11  n'y  a  que 
4  cas  de  terminaison  mortelle,  Henrot,  Murri,  2  cas,  Otto,  et  dans  ces  faits, 
la  mort  est  survenue  par  des  complications,  la  tuberculose,  affection  rénale,  ou 
autre  maladie  intercurrente,  de  sorte  que  le  pronostic  de  cette  maladie  ne  peut 
être  considéré  comme  grève,  mais  il  serait  difficile  d'assigner  une  période  cer- 
taine à  l'évolution  des  accès  ;  il  ne  semble  pas  qu'on  puisse  considérer  les  affec- 
tions rénales  et  les  complications  pulmonaires  comme  constituant  une  période 
terminale  de  laquelle  chaque  accès  pourrait  rapprocher  le  malade  ;  il  faut  donc 
avouer  que  les  documents  positifs  manquent  pour  établir  le  pronostic  de  l'hémo- 
globinurie paroxysmale,  qu'on  doit  se  borner  à  ce  fait  que  les  cas  de  termi- 
naison fatale  dus  essentiellement  à  l'hémoglobinurie  paroxystique  à  frigore  en 
dehors  de  ceux  que  nous  avons  cités  sont  ignorés. 

Les  résidtats  des  autopsies  connus  dans  4  cas  (Henrot,  Murri,  Otto)  n'ont 
pas  présenté  de  caractères  pouvant  élucider  l'origine  de  l'hémoglobinurie  ; 
néanmoins  dans  5  de  ces  autopsies  il  y  avait  des  altérations  rénales.  Henrot, 
dont  le  malade  a  succombé  à  la  phlhisie,  dit  que  «  les  reins  présentaient  un 


n 


IIÉMOGLOBINURIK.  285 

aspect  tout  à  fait  particulier;  les  pyramides  ayant  conservé  leur  forme  normale 
et  fortement  colorées  en  rouge  semblent  incrustées  dans  une  masse  colloïde  uni- 
formément jaune,  résistante  et  dépourvue  de  vaisseaux  «. 

Les  lésions  observées  par  le  docteur  Oueillot  étaient  celles  d'une  néphrite 
interstitielle  avancée  d;ins  son  évolution.  Il  y  avait  dans  le  tissu  conjonclif 
une  exsudation  de  matière  colorante  du  sang,  se  montrant  sous  l'aspect  de 
iirains  d'hématosine. 

i]tiologie.  L'hémoglobinurie  a  été  observée  à  des  âges  très-divers,  et  surtout 
chez  les  hommes. 

Van  Rosseni,  en  1879,  ne  signale  que  1  cas  chez  la  femme  pour  30  chez 
riiomme. 

Sur  67  cas  que  j'ai  analysés,  j'ai  trouvé  59  cas  cliez  l'homme  et  seulement 
8  chez  la  femme. 

Au  point  de  vue  de  l'âge,  il  résulte  de  ces  statistiques  que  c'est  depuis 
l'enfance  jusqu'à  l'âge  moyen  que  l'hémoglobinurie  a  été  observée,  la  plus 
jeune  malade  avait  9  mois,  les  deux  plus  âgés  62  ans. 

Les  observations  de  Van  Ilossem  se  divisent  ainsi  qu'il  suit  : 

Première  année.   .    .   .   •  • 1  cas. 

De    5  à  10  ans 3 

10  à  20  ans i 

20  à  30  ans' 7 

50  à  40  ans 8 

iO  ù   45  ans 6 

50  à  60  ans 1 

Ma  statistique,  ne  comprenant  que  les  faits  dont  les  renseignements  sont  com- 
plets et  précis,  donne  les  résultats  suivants  : 

De    1  à  10  ans 6  cas  dont  o  an-dessous  do  5  ans. 

11  à  20  ans 6  ca^^. 

21  à  30  ans •    .   .       12  cas. 

51  à  40  ans 16  cas  et  de  plus  11  cas  d'âge  moyen. 

41  à  50  ans 4  cas. 

51  à  62  ans 7  cas  dont  2  ù  62  ans. 

Pour  les  femmes,  les  cas  se  répartissent  ainsi  : 

9  mois, '2  ans  1/2,  9  ans,  16  ans,  55  ans  et  âge  moyen  (Goetz,  Gull,  Day, 
Godson,  Adam,  Cône,  Saundby,  Werlh). 

Si  l'on  réunissait  tous  les  faits  décrits  sous  le  nom  d'hémoglobinurie  ou 
d'hématinurie  publiés  en  Amérique  et  en  Europe,  on  obtiendrait  une  centaine 
de  cas  observés  en  l'espace  de  vingt  années,  depuis  la  découverte  de  cet  état 
morbide.  Au  premier  rang  des  causes  de  l'hémoglobinurie  il  faut  placer  le 
froid  :  c'est  en  effet,  dans  la  grande  majorité  des  cas,  sous  l'influence  d'un  refroi- 
dissement, que  l'hémoglobinurie  apparaît;  bien  plus,  nous  avons  vu  qu'il  est 
possible  de  produire  l'accès  par  le  refroidissement  (Kuessner,  Mesnet,  Rosen- 
bach.  Boas,  Salle)  ;  l'importance  de  cette  influence  est  telle  qu'on  peut  avec 
raison  désigner  l'hémoglobinurie  paroxystique  sous  le  nom  d'hémoglobinurie 
à  frigore.  Murri  a  démontré  que  la  syphilis  peut  être  considérée  comme  l'une  des 
causes  prédisposantes  à  l'hémoglobinurie.  Si  l'on  lient  compte  de  la  fréquence 
de  la  syphilis  chez  les  hémoglobinuriques,  sur  36  cas  analysés  par  lui  il  a 
trouvé  15  fois  la  coexistence  de  la  syphilis,  14  fois  ses  indications  ont  manqué, 
dans  5  cas  l'absence  de  syphilis  était  signalée,  dans  2  cas  il  y  eut  doute.  11 
faut  y  ajouter  1  cas  récent  d'hémoglobinurie  chez  une  petite  tille  atteinte  de 


^86  IIÉMOGLOBINURIE. 

Tsyphilis  héréditaire  (Goetz).  A  l'appui  de  cette  action  de  la  syphilis,  Muni  a  cité 
de  nombreux  cas  observes  par  lui  et  par  d'autres  où  le  traitement  mercuriel 
semble  avoir  amené  une  amélioration  rapide  et  la  disparition  des  accès. 

Chez  un  bon  nombre  de  malades,  en  Angleterre  surtout,  l'existence  d'acci- 
dents paludéens  a  été  signalée;  les  faits  de  ce  genre  ont  été  principalement 
observés  chez  des  malades  qui  avaient  voyagé  dans  les  Indes  ou  séjourné  dans 
les  pays  où  les  accidents  paludéens  sont  à  l'état  endémique,  mais  dans  la  plus 
grande  partie  des  observations  l'influence  paludéenne  n'existait  pas. 

11  en  est  de  même  pour  le  rôle  des  fatigues,  des  efforts,  des  excès  de  coït  et 
de  l'alcoolisme;  ces  diverses  conditions  ne  peuvent  être  citées  qu'à  titre  de 
particularités  exceptionnelles  ;  enfin  deux  cas  semblent  devoir  être  considérés 
comme  héréditaires,  ce  sont  ceux  de  Saundby  où  un  jeune  homme  et  sa  sœur 
ont  été  atteints  d'hémoglobinurie,  le  père  ayant  présenté  des  symptômes  qu'on 
peut  rapporter  à  cette  affection. 

Telles  sont  les  causes  ordinaires  de  l'hémoglobinurie.  dont  nous  apprécierons 
l'importance  au  point  de  vue  de  la  pathogéiiie  de  l'hémoglobinurie. 

Pathogénie  de  l'hêmoglouinurie.  Les  détails  dans  lesquels  nous  sommes 
entré  à  propos  de  l'hémoglobinurie  en  général  nous  permettent  de  discuter 
brièvement  les  diverses  théories  qui  ont  été  proposées  pour  expliquer  l'hémoglo- 
binurie paroxystique,  parce  que  nous  ne  nous  plaçons  ici  qu'au  point  de  vue  des 
documents  cliniques.  Dans  tous  les  cas,  il  faut  admettre  que  l'hémoglobine 
contenue  dans  des  corpuscules  du  sang  ne  peut  apparaître  dans  l'urine  qu'à  la 
suite  de  la  destruction  de  ces  globules,  et  celle-ci  ne  peut  se  faire  que  dans  la 
vessie,  dans  les  reins,  ou  dans  une  partie  quelconque  de  l'organisme.  Cette  alté- 
ration ne  peut  provenir  d'un  état  particulier  de  l'urine,  de  sa  densité,  de  la 
présence  des  oxalates  ou  du  sérum  plus  ou  moins  modifié,  ainsi  que  l'ont  pensé 
Legg,  Greenhaw,Thudichum,  Van  Rossem,  etc.,  parce  que,  dans  cette  hypothèse, 
on  retrouverait  encore  des  globules  plus  ou  moins  altérés  dans  l'urine  fraîche- 
ment émise  :  or  il  est  suffisamment  démontré  que  l'on  peut  ne  retrouver  dans 
ce  liquide  aucune  trace  de  globules  et  de  plus  que,  lorsque  du  sang  est  intro- 
duit dans  l'urine  des  hémoglobinuriques,  les  corpuscules  restent  longtemps  sans 
présenter  d'altérations  (Clément,  Hayem,  Boas,  etc.). 

L'origine  rénale  de  l'hémoglobinurie  mérite  plutôt  d'être  discutée,  parce 
qu'elle  a  été  admise  par  de  nombreux  auteurs  (Mackenzie,  Rosenbach,  Lé- 
pine,  etc.)  et  qu'elle  repose  sur  des  arguments  en  apparence  très-sérieux.  En 
effet,  l'on  retrouve  dans  l'urine  des  moules  protéiques,  des  produits  d'exsudation 
rénale,  des  tubuli  ou  cylindres  granuleux,  pigmentés,  de  véritables  moules 
formés  d'une  substance  albuminoïde,  colloïde,  renfermant  des  détritus  de  glo- 
bules rouges,  une  substance  granuleuse  colorée  et  dérivant  de  la  matière  colo- 
rante du  sang,  et  dans  les  rares  autopsies  l'on  a  constaté  des  altérations  rénales 
qui  peuvent  être  rapprochées  de  celles  qui  se  présentent  dans  l'hémoglobinurie 
d'origine  toxique. 

La  cause  de  cette  destruction  des  globules  dans  les  reins  pouiTait  être  aussi 
rattachée  à  une  action  vaso-motrice  ;  sous  l'influence  du  froid,  il  se  fait  une 
anémie  dans  une  certaine  étendue  de  la  peau,  ayant  pour  conséquence  une 
hypeiémie  rénale  et  une  destruction  des  globules,  soit  par  compression  méca- 
nique (Mackenzie,  Rosenbach),  soit  sous  une  influence  spéciale  des  centres  vaso- 
moteurs  (Bartels,  Bolkin),  et  à  l'appui  de  cette  hypothèse  Rosenbach  invoque  les 
cas  où  il  n'a  pu  reconnaître  ni  la  présence  d'hémoglobine  dans  le  sérum  du 


IIÊMOGLOBINURIE.  287 

sang,  ni  les  altérations  caractéristiques  des  globules.  Cette  théorie  ne  peut  expli- 
quer tous  les  faits,  elle  semble  plutôt  devoir  être  appliquée  à  des  cas  d'iiémo- 
globinurie  fausse  ou  d'hémoglobinurie  compliquant  une  affection  rt'nale,  comme 
dans  le  fait  de  Lépine.  Les  lésions  rénales,  si  peu  prononcées  qu'elles  ^nt  été 
mises  en  doute,  ne  font  pas  comprendre  la  soudaineté  et  la  rapidité  de  l'élimi- 
nation de  l'hémoglobine,  elles  sont  plutôt  le  résultat  que  la  cause  de  l'hémoglo- 
binurie. 

Dans  ces  deux  hypothèses  on  suppose  qu'il  n'y  a  pas  préalablement  hémoglo- 
binhémie,  c'est-à-dire  production  d'hémoglobine  dans  le  sang  par  destruction  des 
globules  rouges;  il  n'en  est  plus  de  même  de  la  troisième  théorie  qui,  émise  par 
Lichtheim.  a  été  admise  en  Allemagne  par  Kuessner,  Boas,  et  soutenue  en  Italie 
avec  une  grande  vigueur  par  Marri,  elle  pourrait  se  lésumer  par  ces  mots  : 
l'hémoglobinhémie  précède  l'hémoglobinurie. 

Cette  théorie  s'adapte  parfaitement  aux  observations  dans  lesquelles  on  a 
trouvé  le  sérum  coloré  par  l'oxyhémoglobine  (Kuessner,  Boas,  Clément,  Du  Cazal, 
Hénocque,  et  des  hématies  altérées  (Murri,  etc.)  ;  elle  expliquerait  pourquoi 
la  fièvre  est  d'autant  plus  marquée  que  la  surface  refroidie  est  plus  grande, 
c'est-à-dire  que  la  destruction  des  globules  a  été  plus  intense,  si  l'on  accepte 
comme  démontré  que  l'altération  globulaire  s'opère  dans  les  capillaires  de  la 
partie  refroidie,  ainsi  que  Boas  l'a  constaté.  Les  mêmes  auteurs  qui  soutiennent 
cette  théorie  (Litten,  Ponfick,  etc.)  admettent  que  la  destruction  globulaire 
peut  se  faire  dans  le  foie  (qui  a  été  trouvé  tuméfié  pendant  les  accès,  Murri),  dans 
la  rate,  enfin  dans  la  moelle  des  os.  Des  objections  fort  graves  ont  été  adressées  à 
cette  interprétation  pathogénique,  comment  admettre  l'hémoglobinhémie  préalable 
quand  on  ne  retrouve  pas  d'hémoglobine  dans  le  sérum  et  qu'un  examen  très-atten- 
tif ne  révèle  aucune  altération  globulaire  particulière  (Mesnet)  ?  11  ne  suffirait  pas 
ici  d'opposer  les  observateurs  aux  observateurs  ou  d'invoquer  une  différence 
dans  le  procédé  des  recherches  :  on  ne  pourrait  que  supposer  qu'il  peut  y  avoir 
une  rapidité  de  destruction  telle  que  les  résultats  intermédiaires  peuvent  échapper 
à  la  constatation,  ou  que  les  détritus  sont  conservés  dans  certains  organes  ;  cette 
hypothèse  admissible,  s'il  s'agit  seulement  de  détritus  des  membranes  globu- 
laires, ne  saurait  expliquer  l'absence  d'hémoglobine  dissoute  dans  le  sérum.  Si 
l'on  veut  se  borner  aux  résultats  de  la  clinique,  il  faut  constater  que  de  nou- 
velles observations  peuvent  seules  élucider  cette  question  pathogénique.  Enfin 
l'hémoglobinhémie  n'explique  pas  pourquoi  chez  certains  individus  le  froid 
produit  des  résultats  aussi  exceptionnels,  de  sorte  qu'il  a  bien  fallu  admettre 
h  priori  que  les  globules  rouges  présentent  chez  les  malades  une  résistance 
d'autant  moins  grande  au  froid  qu'ils  ont  une  organisation  moins  complète  ; 
malheureusement  tout  ce  que  l'on  a  pu  ohserver  sur  la  constitution  de  ces 
globules  se  borne  à  des  modifications  difficiles  à  définir,  telles  que  diffusion 
des  contours,  variation  dans  la  coagulation  et  la  disposition  des  globules  en 
couronne;  les  altérations  globulaires  décrites  par  Murri  ne  font  pas  reconnaître 
une  modification  spéciale  et  originelle  des  globules. 

Nous  ne  sommes  pas  beaucoup  plus  instruits  du  mécanisme  immédiat  de  la 
destruction,  en  quelque  endroit  qu'elle  s'exécute.  L'hypothèse  par  laquelle  ou 
admet  que  le  foie  laisserait  dans  le  sang  un  pigment  ou  une  substance  spéciale 
qui  détruirait  les  globules  rouges  ne  repose  pas  sur  des  preuves  suffisantes.  Eu 
définitive,  nos  connaissances  sur  le  mode  de  développement  des  hématies  et  sur 
leur  disparition  ne  sont  elles-mêmes  pas  assez  précises  pour  nous  expliquer 


288  HÉMOGLOBINUIIIE. 

comment  le  froid  agit  sur  la  destruction  des  globules,  et  dans  le  domaine  des 
hypothèses  nous  pourrions  supposer  que  le  système  nerveux  lui-même  agit  sur 
les  globules  au  moment  même  de  leur  formation,  que  l'hémoglobine  se  sépa- 
rerait des  globules  à  leur  origine. 

L'influence  du  froid,  celle  de  la  syphilis,  celle  du  miasme  paludéen,  tels  sont 
les  trois  facteurs  que  l'on  retrouve  pour  remplacer  l'agent  toxicohémique  des 
hémoglobinuries  par  empoisonnement;  et  il  est  bien  évident  que  le  froid  n'est 
qu'une  cause  occasionnelle  déterminante  et  que  la  cause  prédisposante  est  un 
état  particulier  du  sang  ou  des  organes  hématopoétiques  ^  produit  par  la 
syphilis,  le  paludisme,  ou  exceptionnellement  individuelle  et  héréditaire.  Quelle 
que  soit  la  théorie  qu'on  accepte,  il  faut  reconnaître  que  «  l'hémoglobinurie 
paroxystique  ou  à  frigore  »  véritable  constitue  une  entité  pathologique  qu'il 
importe  de  séparer  dans  un  cadre  nosologique  spécial,  pour  la  distinguer  des 
hémoglobinuries  toxiques  et  symptomatiques  en  la  rapprochant  des  tropho- 
névroses. 

Le  DIAGNOSTIC  de  l'hémoglobinurie  à  frigore  a  pour  base  l'apparition  des 
urines  rouges,  que  le  malade  remarque  le  plus  souvent  lui-même.  L'examen 
spectroscopiquc  l'ait  reconnaître  la  présence  de  la  matière  colorante  du  sang,  soit 
sous  l'état  d'hémoglobine  ou  bien  de  méthémoglobine,  et  l'examen  micro- 
scopique démontre  l'absence  de  globules  du  sang.  Le  diagnostic  se  complétera 
par  l'étude  de  la  coloration  produite  par  la  teinture  de  gaïac,  la  production 
de  cristaux  d'hémine  (par  le  procédé  de  Teichmann),  enfin  l'analyse  chimique 
de  l'urine,  la  recherche  de  l'albumine,  tels  sont  les  moyens  qui  permettent 
de  diagnostiquer  l'hémoglobinurie.  Le  début  brusque  sous  l'influence  du 
froid,  la  relation  d'accès  antécédents,  les  commémoratifs,  l'absence  de  cause 
toxique,  feront  distinguer  l'hémoglobinurie  à  frigore  des  autres  formes  d'hémo- 
globinurie. 

Les  procédés  de  diagnostic  sont  décrits  en  détail  à  propos  de  l'hémoglobinurie 
en  général  {voy.  p.  27G),  et  nous  n'avons  pas  à  les  reproduire,  mais  nous  signa- 
lerons les  points  les  plus  importants  du  diagnostic  qui  permettront  d'élucider 
l'histoire  de  cet  état  morbide.  Mackenzie,  dont  nous  traduisons  les  conclusions, 
recommande  de  diriger  avec  soin  les  investigations  sur  l'observation  des  sym- 
ptômes suivants  : 

1"  L'examen  microscopique  du  sang  entre  les  accès,  pendant  l'accès,  dans  les 
parties  exposées  au  froid  ou  refroidies  expérimentalement,  avec  ligature  préa- 
lable ou  sans  ligature  ; 

2°  L'examen  pendant  le  paroxysme,  avec  le  spectroscope  ou  la  réaction  du 
ga'iac,  du  sérum  du  sang  obtenu  par  les  ventouses  et  le  vésicatoire  ; 

5°  Rechercher  si  l'albumine  précède  l'apparition  de  la  coloration  rouge  des 
urines,  et  si  elle  persiste  api'ès  la  disparition  de  la  matière  colorante  du  sang. 

Traitemeint.  Un  grand  nombre  de  substances  ont  été  essayées  dans  les  diverses 
périodes  de  l'hémoglobinurie,  mais  la  plupart  n'ont  pas  donné  de  résultats  dignes 
d'être  exposés.  Nous  nous  bornerons  à  signaler  les  indications  thérapeutiques 
générales. 

Il  convient  avant  tout  d'éviter  l'action  du  froid,  on  maintiendra  les  malades 
à  la  chambre,  bien  couverts,  en  même  temps  qu'on  les  soumettra  à  une  médi- 
cation tonique  basée  sur  l'usage  des  préparations  de  quinquina  et  les  prépa- 
rations ferrugineuses.  La  quinine  sera  administrée,  si  la  température  s'élève, 
s'il  y  a  le  moindre  commémoralif  d'influence  paludéenne;  chez  les  syphilitiques 


HÉMOGLOBINURIE    (bibliographie).  289 

et  même  dnns  les  cas  douteux  le  traitement  spécifique  mercuriel  devra  être 
employé,  car  ce  traitement  a  re'ussi  dans  des  cas  nombreux. 

Comme  médication  préventive,  l'emploi  des  douches  froides  ou  des  bains  de  mer 
a  donné  des  résultats  variables,  et  il  peut  être  prescrit  utilement  comme  un 
moyeu  d'habituer  les  malades  à  l'impression  du  froid  :  par  conséquent,  l'admi- 
nistration des  douches  réclame  des  précautions  minutieuses. 

L'ergotine,  le  perclilorure  de  fer,  la  strychnine,  la  teinture  d'Eucalyptus,  la 
pilocarpine,  l'acide  gallique,  les  sels  ammoniacaux,  ont  été  essayés,  mais  sans 
produire  l'arrêt  des  accès  ni  une  amélioration  bien  précise.      A.  Hénocque. 

Bibliographie.  —  Nous  réunissons  sous  ua  nnème  titre  les  indications  bibliograpliiques 
ayant  rapporta  l'Iiémoglobinurie  en  général,  l'hémoglobinurie  paroxystique,  l'hématurie  et 
Vhémalinuvie  intermittentes,  paroxysmales  ou  périodiques.  —  Adams.  Hœmoglobin-Ausschei- 
dung  in  cler  Niere,  in-8°.  Leipzig,  1880.  In  Ccnlralbl.  f.  med.  Wissensck.,  1881,  15.  —  Afa- 
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DICT.    E.NC.    i"   S.    XIll.  19 


200  IlÉMOGLOBINURIE   (bibliographie). 

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IIÉMOI'IIILIE.  291 

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Case  of  Uœmoglobinuria.   In  iMed.  Tim.  and  Gaz.  Loudun,  1880,  1,  170.  —  STitiiuiNG.  Pa- 
roxysmale   Ilœmoglobinurie.   In   Deutsche   med.   WochenscJivifl.  Berlin,  1882,  VIII,  1.  — 
Trezevant.^  Case  of  Paroxysmal  Hœmnlnria.  In  Trans.  South.  Car.  Med.  Assoc.  Charles- 
lown,  1876,  I.  —  Tyson.  Microscopical  Spécimens  of  Urine  in  Intermettent  Ilœmaturia.  In 
Med.  Times.  Philadelphia,  1870,  I,  284.  —  Clinical  Lecture  on  Intermiltent  Ilœmaturia.  In 
Ibid.,  429.  —  Ughetti.  Sull  intossicazione  chinica  ciel  prof.  Tomaselli  e  l' emoglobino-albu- 
minuria del  prof.  Silvestrini-Conti.   Iii  Osservalore  med.  Palermo,   1881,  s.  3,  XI,  3.  — 
Verco.  Paroxysmal  Hœmatinuria.  In  Australia  med.  Gaz.  Sydney,  1882,  n"  219.  —  "Vogel. 
Harn-Analyse  in  Krankkeilen  der  liarnbereitendcn  Organe.  In  Virchow's  Ilandbuch    der 
speciellen  Pathologie  u.   Tlierap.  Bd.  VI,  2°  Ablli.,  p.  559.   —  Wertii.    Ein  Fall  von  Hâ- 
moglobinurie unter  der  Geburt  beobachtel.  In  Arch.  fïtr  Gynâk.  Berlin,  1881,  XVII,  122.  — 
WiLKES.  A  Case  of  Ucemoglobinuria,  Gangrené  of  the  Fingers,   associatcd  with  Prolonged 
Suppuration,  la  Med.  Times  and  Gazelle.  London,  1879,  II,  207.  —  Wilthshire.  Urine  from 
a  Case  of  Intermiltent  Hcemaluria.  In  Tr.  Patk.  Soc.  London,  18G7,  XVIII,  180.  —  Wuit- 
siTT.   Some  Bemarlis  on  the  Disease  slyled  Material  Hemorrhagic  Fcver,  Swamp  Fever, 
Hœmaturia.   In  Hichmond  and   Loiiisville  Médical  Journal.  1878,  XXV,  521.  —    Wolff. 
Ueber  paroxysmale  Hâmoglobinurie.    In    lireslauer   àrztliche   Zeilschrift,  1883,   V,   125. 
—  Zk>i  (G.).  Sulla  patogenesi  dell'  emoglobinuria  da  freddo.  In  il  Morgagni.  Napoli,  1885, 
XXV,  497.  A.  II. 

HiïMOMArvoMÈrRE.     Tout  manomètre  appliqué  à  la  mensuration  de  la 

tension  du  sang  :  tel  est  l'hémomètre  {voy.  CincuLATio>",  p.  414),  le  manomètre 
compensateur  de  Marey  {ibid.,  p.  415).  L.  Hn. 

HÉiUOlHÈTRE.       Voy.    IlÉMOJIANOMÈTIiE. 

HÉMOPHILIE.  Définition.  On  désigne  sous  le  nom  d'iiémophilie  une 
disposition  congénitale  et  héréditaire  aux  liémorrhagies.  Celte  expression,  dé- 
livée  de  deux  mots  grecs  («ïf/ta,  sang,  et  yt/ta,  amitié),  n'est  pas  heureuse  au 
point  de  vue  étymologique,  mais  elle  est  consacrée  par  l'usage,  et  cela  suffit. 
KUe  a  prévalu  sm*  une  foule  d'autres  dénominations,  successivement  proposées 
et  qu'il  est  inutile  de  reproduire.  Ce  qui  importe  davantage,  c'est  de  rechercher 
s'il  existe  bien  réellement  une  entité  paliiologique  qui  mérite  ce  nom  et  qui 
réponde  à  la  définition  qui  précède.  Voyons  d'abord  comment  elle  a  pris  droit 
(le  domicile  dans  la  science. 

HisToiiiQUE.  Ou  a  remarqué,  de  tout  temps,  que  certains  individus  avaient 
une  disposition  particulière  à  perdre  beaucoup  de  sang,  h  l'occasion  de  la 
moindre  blessure,  mais  c'est  Albucasis  qui  a  le  premier  signalé  la  transmissi- 
bilité  de  cette  dialhèse  par  voie  d'hérédité.  Depuis  celte  époque,  la  même  obser- 
vation se  trouve  consignée  de  loin  en  loin  dans  les  ouvrages  de  médecine,  à 
l'occasion  de  quelque  fuit  particulier.  Toutefois,  ce  n'est  qu'au  commencement 
de  ce  siècle  que  les  médecins  américains  Otto,  Rusch,  Boaniley,  Hay,  en  ont 
pu  rassembler  un  nombre  suffisant  d'observations,  pour  eu  tracer  l'histoire  et 


292  HÉMOPHILIE. 

{lour  la  décrire  comme  une  maladie  à  part.  En  Allemagne,  les  travaux  de  Nasse 
appelèrent  l'attention  sur  elle  en  1845;  Schœnlein  lui  donna  une  place  dans 
le  cadre  nosologique,  et  Vircliow  la  lui  conserva,  sous  le  nom  d'hémophilie,  dans 
le  grand  ouvrage  de  pathologie  et  de  thérapeutique  qu'il  publia,  quelques 
années  après,  en  colloboration  avec  Vogel,lleebra,  Wiiitrich  etLebert.Ce  dernier 
avait  fait  connaître  riiémophilie  en  France,  dès  1857,  dans  ses  recherches  sur 
les  causes,  les  symptômes  et  le  traitement  des  hémorrhagies  constitutionnelles. 
C'est  en  effet  dans  ce  groupe  d'affections  qu'on  la  rangeait  alors,  et  les  diction- 
naires de  médecine  publiés  depuis  le  commencement  du  siècle,  et  (pii  repro- 
duisent iidèlement  l'état  de  la  science  à  l'époque  où  ils  ont  paru,  lui  consacrent 
quelques  lignes  à  l'article  des  hémorrhagies.  C'est  ainsi  qu'il  en  est  traité  dans 
]e  gvdud  Dictionnaire  des  aciences  médicales  (t.  XX,  p.  552,  1817),  dans  le 
Répertoire  cjénéral  des  sciences  médicales  (t.  XV,  p.  156,  1857),  et  dans  le 
Compendiuin  de  médecine  pratique  (t.  IV,  p.  466,  1841).  Ce  n'est  qu'ulté- 
rieurement qu'on  a  donné  une  place  à  part  à  l'hémophilie  et  qu'on  l'a  considérée 
comme  une  individualité  morbide.  L'importante  monographie  publiée  à  Leipzig 
par  Grandidier  (de  Cassel),  en  1855,  y  a  bcr.ucoup  contribué.  La  plupart  des 
auteurs  qui  ont  écrit  depuis  sur  ce  sujet  ont  adopté  ses  idées  et  mainlenanl 
tous  les  traités  de  pathologie  interne  et  tous  les  dictionnaires  lui  consacrent 
un  article  particulier. 

Malgré  cette  unanimité,  les  esprits  sévères  en  matière  de  nosologie  se  de- 
mandent si  c'est  avec  raison  qu'on  a  créé  cette  maladie  nouvelle  et  si  l'on  n'a 
|)as  englobé  sous  son  nom  une  foule  d'états  pathologiques  différents,  n'ayant 
entre  eux  de  commun  que  la  disposition  hémorrhagique.  Tous  les  chirurgiens 
savent  en  effet  qu'on  observe  des  hémorrhagies  très-difficiles  à  arrêter  chez 
les  blessés  qui  ont  déjà  perdu  beaucoup  de  sang  ou  qui  ont  été  épuisés  par 
la  pourriture  d'hôpital,  par  un  long  séjour  dans  les  hôpitaux;  personne  n'a 
lu  pensée  d'invoquer  pour  expliquer  cette  complication  une  disposition  orga- 
nique particulière.  Les  hémorihagies  spontanées  qu'on  observe  dans  le  scorbut, 
le  purpura,  les  maladies  infectieuses,  ne  sont  également  qu'un  symptôme.  On 
peut  en  dire  autant  de  l'hémalidrose  qui  se  montre  parfois  dans  la  fièvre  jaune 
et  dans  certaines  névroses.  Il  y  a  loin  de  là  à  l'hémophilie  telle  qu'on  l'a 
comprend  aujourd'hui,  à  celte  diathèse  compatible  avec  la  santé  et  ne  se  tra- 
duisant que  par  une  étrange  disposition  aux  hémorrhagies  et  la  diflicullé 
qu'on  éprouve  à  arrêter  le  sang  lorsqu'il  a  commencé  à  couler.  Il  est  certain 
pourtant  que,  lorsqu'on  analyse  les  observations  nombreuses  publiées  par  les 
auteurs,  on  ne  peut  pas  se  refuser  à  reconnaître  que  le  plus  grand  nombre 
d'entre  elles  ne  peuvent  se  rapporter  à  aucune  autre  maladie  connue  et  qu'il 
y  a,  dans  l'uniformité  des  symptômes  observés,  une  telle  concordance  qu'il  faut 
t)ien  admettre  cette  diathèse  spéciale,  quelque  étrange  qu'elle  soit.  Grandidier, 
dont  nous  avons  eu  déjà  l'occasion  de  citer  le  premier  travail,  a  réuni,  dans  un 
mémoire  publié  huit  ans  plus  lard,  une  série  d'observations  paraissant  tout  à 
fait  probantes.  Il  a  trouvé  l'hémophilie  signalée  dans  174  familles  compre- 
nant 512  ])ersoniies.  D'auties  faits  ont  été  rapportés  depuis,  qui  paraissent  mé- 
riter toute  coi]tiance,  et  il  n'est  guère  de  médecin  ayant  une  pratique  un  peu 
étendue  (|ui  n'ait  eu  l'occasion  de  rencontrer,  dans  le  cours  de  sa  carrière,  des 
individus  bien  portants  en  apparence,  chez  lesquels  l'avulsion  d'une  dent  on 
l'application  de  ([uelques  sangsues  suffisait  pour  mettre  la  vie  en  péril.  Nous 
concluons  de  ce  qui  précède  que  c'est  avec  raison  qu'on   a  donné  une  place 


iiEiioi>ii.;jK,  'yyj 

à  part,  dans  le  cadre  nosologique,  ù  cette  singulière  affection,  et  qu'il  y  a  lieu 
de  la  lui  conserver. 

Étiologie.  L'hérédité  est,  comme  nous  l'avons  dit,  un  des  caractères  essen- 
tiels de  l'hémophilie.  C'est  le  triste  apanage  d'un  certain  nombre  de  familles. 
Il  en  est  dans  lesquelles  on  a  pu  la  constater  dans  quatre  on  cinq  vénérations 
successives.  Gomme  toutes  les  maladies  héréditaires,  elle  franchit  souvent  une 
"énération.  La  transmission  se  fuit  le  plus  souvent  par  la  mère.  La  tille  issm- 
d'une  famille  hémophilique,  exemple  elle-même  de  la  diathèse,  ainsi  que  son 
mari,  engendre  des  lîls  qui  en  sont  atteints,  des  filles  qui  ne  le  sont  pas, 
mais  qui  sont  destinées  à  transmettre  à  leur  tour  cet  héritage  à  leurs  enfants 

mâles. 

Dans  sa  monographie  sur  les  hémorrhagies  traumatiques,  L.-J.  Sanson  raconte 
qu'Applelon,  qui  dans  son  jeune  âge  avait  été  sujet  aux  hémorrhagies  spon- 
tanées, succomba  à  un  écoulement  de  sang  par  la  muqueuse  uréthrale  et  par 
la  surface  d'une  eschare  de  la  hanche.  Sur  17  enfants  ou  petits-enfants  qu'il 
eut,  5  succombèrent  à  la  suite  de  blessures  insignifiantes;  les  autres  furent 
sujets  à  des  hémorrhagies  spontanées  qui  entraînèrent  la  mort  de  quelques-uns 
d'entre  eux.  Dans  sa  thèse  de  concours  sur  l'hércdité  dans  les  maladies,  M.  Lere- 
houllet  cite  un  cas  très-intéressant  d'hémophilie  héréditaire.  Dans  les  familles 
où  celte  disposition  existe,  on  la  constate  chez  un  peu  plus  de  la  moitié  des 
enfants  (55  pour  100,  d'après  les  chiftres  de  Grandidier).  Les  cas  d'hémophilie 
isolés  et  sans  antécédents  sont  très-rares. 

Les  premières  manifestations  de  la  diathèse  hémorrhagique  peuvent  se  mon- 
trer à  la  fin  de  la  première  année  ;  jamais  on  ne  l'a  observée  après  la  vingt- 
deuxième.  On  ne  cite  même  que  deux  cas  oîi  la  première  perte  de  sang  ait  été 
aussi  tardive,  et  tous  deux  ont  été  observés  dans  la  même  famille,  où  le  père  et 
le  fils  sont  morts,  tous  deux  au  même  âge  et  tous  deux  à  la  suite  d'hémorrhagies 
nasale  et  intestinale.  Par  contre,  on  voit  des  hémophiliques  arriver  à  un  âge 
assez  avancé.  Steiumetz  et  Grandidier  en  citent  trois  qui  ne  sont  morts  qu'à 
soixante-deux,  soixante-cinq  et  soixante-dix  ans. 

Les  femmes,  ainsi  que  nous  l'avons  déjà  dit,  y  sont  beaucoup  moins  sujettes 
que  les  hommes.  On  avait  même  prétendu  que  cette  diathèse  était  exclusive  au 
sexe  masculin,  mais  il  existe  au  moins  seize  faits  authentiques  d'hémorrhagies 
mortelles  chez  des  jeunes  filles  ou  sur  des  femmes  hémophiliques  et,  dans  le 
nombre,  il  en  est  une  qui  a  été  observée  par  Wachsmann,  et  qui  succomba  à  la 
suite  de  la  rupture  de  1  hymen.  La  proportion  entre  les  deux  sexes  établie  par 
Lange  et  acceptée  par  Virchow  est  d'une  femme  pour  sept  hommes.  La  mens- 
truation s'établit  prématurément  chez  les  jeunes  tilles  hémophiliques.  Gran- 
didier l'a  vue  apparaître  à  huit  ans,  Uhde  à  treize,  Heyfelder  à  douze.  Les  règles 
sont  abondantes  et  de  longue  durée.  Dans  les  familles  où  cette  diathèse  existe 
les  femmes  qui  en  sont  exemptes  sont  cependant,  au  dire  de  Viéli,  sujettes  à 
l'avortement.  Grandidier  dit,  au  contraire,  que  chez  les  hémophiliques  la  gros- 
sesse arrive  le  plus  souvent  à  terme  et  ne  s'accompagne  pas  d'hémorrhagies 
plus  abondantes  que  chez  les  autres  femmes.  A  l'époque  de  la  ménopause,  la 
diathèse  a  disparu. 

La  constitution  des  sujets  hémophiliques  ne  se  fait  remarquer  par  aucune 
particularité  constante.  En  général,  ils  ont  la  peau  fine,  blanche,  transparente, 
les  yeux  bleus  et  les  cheveux  blonds,  les  attributs  du  tempérament  lymphatique, 
en  un  mot;  mais  il  en  est  qui  offrent  toutes  les  apparences  de  la  force  et  de 


294  HÉMOPHILIE. 

la  sanlé,  qui  ont  la  peau  brune,  les  muscles  vigoureux,  qui  sont  gais,  actifs, 
intelligents. 

L'inlluence  de  l'hygiène  paraît  nulle.  L'hémophilie  est  aussi  fréquente  chez 
les  riches  que  chez,  les  pauvres,  chez  les  gens  qui  se  nourrissent  mal  que  cliez 
ceux  dont  l'alimentation  ne  laisse  rien  à  désirer.  On  l'observe  à  la  campaane 
comme  à  la  ville.  Certaines  races  y  paraissent  prédisposées  :  les  israélites  et  les 
musulmans,  par  exemple.  On  a  remarqué  que  les  familles  décimées  par  l'hémo- 
philie compensaient  les  perles  qu'elles  subissent  par  une  remarquable  fécon- 
dité. On  a  compté  204  enfants  sur  21  familles  :  soit  9,5  par  famille,  et  c'est  à 
peu  près  le  double  de  la  moyenne. 

L'hémophilie  est  plus  commune  dans  les  pays  scpfcntrinnaux.  Son  domaine 
géographique  s'étend  eu  Europe  du  43'  degré  de  lattitudc  jusqu'au  QQ''  et  en 
Amérique  du  ôZ^  au  45''.  D'après  les  relevés  les  plus  complets,  l'Allemagne  figure 
pour  48  sur  100  dans  la  totalité  des  faits  publiés,  l'Angleterre  pour  18,  la  Suisse 
pour  9,  la  France  pour  8,5.  On  cite  dfs  localités  où  l'hémophilie  est  en  quelque 
sorte  endémique.  D'après  le  docteur  Viéli,  de  Rhaezuens,  village  situé  près  de 
Terma  dans  les  Alpes  Dhétiques  et  par  une  altitude  de  plus  de  1600  mètres,  on 
compte  dans  cette  bourgade  quinze  ou  vingt  habitants  hémophiliques.  C'est  au 
printemps  et  en  autonme  ([ue  les  manifestations  spontanées  de  la  maladie  se  pro- 
duisent le  plus  souvent.  Martin  croit,  au  contraire,  qu'elles  sont  surtout  à  craindre 
pendant  les   chaleurs  de  l'été,  après  les  grands  froids  et  les  orages.  D'autres 
observateurs,  comme  Tardieu,  font  ressortir  l'influence  des  temps  humides  et 
des  saisons  pluvieuses.  Une  émotion  morale  vive  suffit  parfois  pour  les  faire 
éclater.  On  a  vu  des  tumeurs  sanguines,  des  épistaxis  rebelles  survenir,  après 
un  accès  de  colère.  On  cite  même  des  cas  étranges  dans  lesquels  l'hémophilie 
se  serait  montrée  chez  des  enfants  à  la  suite  d'émotions  vives  survenues  pendant 
la  grossesse  de  la  mère.  Telle  est  l'observation  rapportée  par  le  docteur  André  et 
dans  laquelle  il  est  question  d'un  ménage  exempt  de  toute  diathèse  hémorrha- 
gique,  de  toute  prédisposition  licréditaire,  et  ayant  donné  le  jour  à  deux  enfants 
également  indemnes.  Dans  le  cours  de  sa  troisième  grossesse,  la  mère  éprouve 
une  émotion  violente;  l'enfant  qu'elle  portait  meurt  six  semaines  après  sa  nais- 
sance d'hémorrhagies  spontanées  par  le   cuir  chevelu  et  la  pulpe  des  doigts; 
deux  autres  enfants  venus  plus   tard  et  allaités   par  leur  mère  meurent  de  la 
même  façon  à  l'âge  de  deuv  mois.  11  existe  également  des  exemples  d'hémophilie 
survenant  chez  des  enfants  à  la  mamelle,  h  la  suite  d'émotions  vives  éprouvées 
par  la  mère.  Le  plus  remarquable  des  cas  de  ce  genre  est  celui  qui  a  été  observé 
par  Ghelius  (d'I'leidelberg).  Le   nourrisson  avait  neuf  mois;  il  était  robuste  et 
bien  portant  ;  la  mère  lui  donne  le  sein  après  une  syncope  causée  par  une  émotion 
terrible  :  l'enfant  pâlit,  l'hémophilie  s'accentue,  il  meurt  dans  une  dernière  hémor- 
rhagie,  et  tous  les  enfants  qui  naissent  ensuite  sont  atteints  de  la  même  affection. 
Ces  faits  sont  tellement  étranges  qu'on  serait  tenté  de  les  révoquer  en  doute, 
malgré  l'autorité  des  observateurs  qui  les  racontent,  s'ils  n'étaient  pas  si  nom- 
breux et  si  concordants. 

SvMPTOMATOLOGiE.  L'iiémophilie  a  pour  symptômes  essentiels  :  des  hémor- 
rhagies  Iraumatiques  ou  spontanées  extrêmement  rebelles;  des  péléehies,  des 
ecchymoses,  des  tumeurs  sanguines  qui  ne  sont  que  des  expressions  différentes 
d'un  même  fait  pathologique  et,  comme  phénomènes  accessoires,  des  douleurs 
articulaires.  Gintrac  signale  de  plus,  comme  coïncidence  fréquente,  les  névroses 
convulsives. 


HÉMOPHILIE.  205 

Les  héraorrliagies  traumatiques  les  plus  rebelles  se  produisent  chez  les  hémo- 
philiques  à  l'occasion  des  blessures  les  plus  insignifiantes.  Elles  sont  remar- 
quables par  leur  durée,  leur  ténacité  et  la  disproportion  qui  existe  entre  l'impor- 
tance de  la  lésion  et  le  danger  qu'elle  fait  courir.  Ainsi  dans  la  statistique  des 
cas  mortels  relevés  parGraudidier,  on  voit  figurer,  en  première  ligne,  les  gerçures 
de  la  peau  ou  des  lèvres,  qui  ont  causé  14  décès,  les  plaies  légères  du  cuir  che- 
velu, qui  en  ont  détern)iné  H ,  les  morsures  de  la  langue  par  les  dents  des  malades, 
qui  en  ont  fait  périr  7,  et  les  saignements  de  nez  suite  de  chute  ou  de  contusions, 
qui  ont  entrahié  5  fois  la  mort.  Quant  aux  opérations,  ce  sont  également  les  plus 
insignifiantes  qui  ont  eu  les  suites  les  plus  latales.  Les  avulsions  de  dents  et  les 
applications  de  sangsues  sont  surtout  à  redouter.  Les  saignées  sont  moins  souvent 
suivies  d'hémorrhagies  qu'on  ne  pourrait  le  croire,  pourvu  qu'on  ait  soin  de  serrer 
suffisamment  le  bandage.  Le  docteur  Betli  rapporte  l'histoire  d'une  femme  hcmo- 
philique  qui  fut  saignée  douze  fois,  dans  le  cours  d'une  pleurésie,  sans  qu'il  en 
résultât  d'accidents.  Dans  les  42  cas  relevés  par  Grandidier,  on  compte  10  extrac- 
tions de  dents,  8  saignées,  4  applications  de  sangsues,  4  de  ventouses  scarifiées 
et  4  circoncisions.  On  y  voit  même  ligurer  des  opérations  non  sanglantes,  telles 
que  des  appositions  de  ventouses  sèches  ou  de  vésicatoires. 

Fordyce  avait  déjà  remarqué  que  les  déchirures,  les  érosions,  les  plaies  super- 
ficielles, sont  plus  redoutables  que  les  sections  nettes  et  profondes  produites  par 
l'instrument  tranchant.  Lorsque  la  mort  survient,  à  la  suite  d'une  ligature  d'artère 
ou  d'une  amputation,  ce  n'est  pas  par  les  gros  vaisseaux  que  le  sang  s'écoule, 
il  s'échappe,  en  bavant,  par  les  capillaires,  et  suinte  de  toute  la  surface  de  la  plaie. 
Les  hémori'hagies  spontanées  se  font  plus  souvent  par  les  muqueuses  que  par 
la  peau  et  surtout  que  parles  séreuses.  Les  épistaxis  figurent  dans  les  statistiques 
pour  la  moitié  des  cas  et  pour  le  tiers  des  décès;  les  liémorrhagies  buccales  et 
intestinales  viennent  ensuite;  les  hémoptysies  marchent  en  quatrième  lieu;  les 
hématuries,  les  métrorrhagies,  les  écoulements  de  sang  par  le  vagin,  l'urèthre, 
et  par  la  pulpe  des  doigts,  terminent  la  série.  Ce  n'est  pas  toujours  par  le  même 
point  que  le  sang  coule  chez  le  même  individu,  et  certains  auteurs  prétendent 
qu'on  peut  observer  des  hémorrhagies  spontanées  incoercibles  sur  des  sujets 
chez  lesquels  les  hémorrhagies  traumatiques  s'arrêtent  facilement. 

L'écoulement  de  sang  peut  arriver  subitement,  sans  phénomènes  précurseurs; 
cependant,  dans  la  majorité  des  cas,  il  est  annoncé  par  des  phénomènes  de 
congestion  portant  le  plus  souvent  sur  la  tète.  Ce  sont  des  bourdonnements 
d'oreille  que  les  malades  comparent  au  bruit  d'un  moulin,  une  surdité  inter- 
mittente, des  troubles  de  la  vue;  d'autres  se  plaignent  de  vertiges,  de  bouffées 
de  chaleur,  et  chez  quelques-uns  ces  sensations  se  traduisent  à  l'extérieur  par 
l'injection  des  capillaires  de  la  face,  par  des  dilatations  vasculaires  formant  un 
réseau  à  larges  mailles  étendu  sur  les  joues  et  les  oreilles. 

Les  hémorrhagies  spontanées  se  font  aussi  par  les  capillaires.  Le  sang  coule 
en  nappe;  on  le  voit  suinter  par  gouttelettes  de  la  suriace  saignante,  qui  res- 
semble à  une  éponge.  Ce  qui  caractérise  ces  hémorrhagies,  c'est  leur  durée  et 
leur  ténacité.  Quand  la  terminaison  doit  être  funeste,  elle  est  lente  à  venir. 
Les  épistaxis  durent  cinq,  six  et  même  sept  jours.  Hay-Roberts  a  vu  le  sang 
couler,  pendant  vingt-deux  jours,  à  la  suite  d'une  extraction  de  dent,  et  Uhde 
parle  d'une  hématurie  qui  dura  près  d'un  mois.  Par  contre,  Escherich  a  vu 
la  mort  survenir  en  quarante-quatre  heures  à  la  suite  d'une  petite  blessure 
reçue  dans  un  duel. 


-^6  IIÉMOl'llILIE. 

La  quantité  totale  de  sang  perdue,  dcp\iis  l'invasion  jusqu'à  la  mort,  varie 
suivant  les  cas,  entre  1  et  12  litres.  On  a  vu  des  malades  perdre  2  litres  de 
sang,  dans  un  jour,  après  l'avulsion  d'une  dent.  On  en  cite  un  qui,  après  en 
avoir  perdu,  par  l'anus,  un  plein  seau  en  une  heure,  resta  tout  un  jour  comme 
mort  et  finit  par  se  rétablir.  Il  n'y  a  donc  rien  de  plus  variable  que  la  quantité 
de  sang  qu'un  hémopliilique  peut  perdre  dans  un  temps  donné. 

Les  pétéchies,  les  ecchymoses,  les  tumeurs  sanguines,  ne  sont  que  des  hémor- 
rhagies  interstitielles,  de  nature  spontanée  ou  traumatique,  dont  le  sang  est 
retenu  dans  les  mailles  du  tissu.  Les  premières  varient  de  dimension,  depuis 
celle  d'une  tète  d'épingle  jusqu'à  la  largeur  d'une  pièce  de  5  francs.  Elles 
passent  par  tontes  les  teintes  des  taches  eccliymotiques.  Elles  peuvent  se  ren- 
contrer sur  toutes  les  parties  du  corp<,  mais,  en  général,  on  les  observe  sur 
les  membres  inférieurs,  le  scrotum  ou  les  fesses,  parfois  sur  le  cuir  chevelu.  On 
eu  a  aussi  rencontré  sur  les  viscères.  Le  bord  antérieur  du  foie,  la  base  du  poumon, 
la  muqueuse  gastrique,  la  langue,  le  voile  du  palais,  sont  leurs  sièges  de  prédi- 
lection. Les  taches  apparaissent  tantôt  spontanément,  tantôt  à  la  suite  d'une 
contusion  légère  ou  d'une  simple  pression.  Elles  sont  souvent  les  signes  précur- 
seurs d'une  hémorrhagie  spontanée;  parfois,  au  contraire,  elles  sont  l'annonce 
d'im  changement  favorable  dans  la  santé  et  signalent  la  cessation  d'une  hémor- 
rhagie ou  de  douleurs  articulaires.  Parfois  elles  constituent  à  elles  seules  toute  Ja 
maladie. 

Lorsque  l'hémorrhagie  interstitielle  est  trop  abondante,  le  sang  s'accumule  par 
places  et  forme  des  tumeurs  sanguines  dont  le  volume  atteint  parfois  celui  de  la 
tète  d'un  enfant.  Elles  sont  d'une  couleur  bleuâtre,  tirant  sur  le  noir,  avec  un 
bord  rouge  qui  disparaît  le  })remier,  quand  la  résorption  se  produit.  Elles  sont 
molles  et  fluctuantes  quand  elles  renferment  du  sang  liquide,  dures  lorsqu'elles 
contiennent  des  caillots,  et  toujours  assez  douloureuses  à  la  pression.  Celle-ci 
fait  immédiatement  apparaître  un  cercle  ecchymotique  autour  de  la  tumeur, 
ce  qui  ne  se  produit  jamais,  en  pareil  cas,  chez  les  sujets  exempts  de  cette 
diathèse.  Celles  qui  sont  produites  par  des  contusions  peuvent  se  montrer  par- 
tout, mais  les  tumeurs  spontanées  s'observent  le  plus  souvent  aux  environs 
des  fausses  côtes,  dans  la  région  lombaire,  à  la  racine  des  cuisses  et  autour 
des  genoux. 

Les  tumeurs  sanguines,  comme  les  ecchymoses,  sont  précédées  par  des  phéno- 
mènes de  congestion  analogues  à  ceux  q\u  annoncent  les  hémorrhagies  ;  elles 
peuvent  alterner  avec  celles-ci,  ou  les  remplacer;  elles  peuvent  enfui  devenir 
mortelles.  Matzenbecher  a  cité  le  cas  d'un  jeune  homme  qui  succomba  à  la  suite 
d'une  tumeur  sanguine  étendue  à  tout  le  tissu  cellulaire  du  thorax. 

Les  douleurs  articulaires  sont  des  arthrites  rbumaloides.  Dans  les  familles 
hémophiliques,  il  est  rare  qu'un  des  membres  au  moins  n'en  soit  pas  atteint. 
Elles  peuvent  apparaître  dès  le  plus  jeune  âge,  et  avant  toute  espèce  d'hémor- 
rhagie.  Elles  alternent  souvent  d'ailleurs  avec  ces  dernières,  ainsi  qu'avec  les 
tumeurs  sanguines.  Elles  se  déplacent,  comme  les  arthrites  rhumatismales, 
et  affectent  comme  elles  les  grandes  articulations.  Elles  passent  de  l'une  à 
l'autre  et  se  fixent  définitivement  au  bout  de  quelques  jours  sur  une  des  join- 
tures principales.  C'est  habituellement  sur  le  genou.  Sur  45  cas  relevés  par 
Grandidier,  toutes  les  articulations  ont  été  prises  9  fois;  le  genou  15  fois;  le 
pied  7  fois;  la  hanche  5  fois;  l'épaule  4  fois;  le  coude  4  fois;  la  main  et  les 
doigts,  1  fois. 


HEMOPHILIE.  297 

Les  douleurs  articulaires  durent  habituellement  huit  ou  neuf  jours.  Elles 
se  montrent  d'ordinaire  en  automne,  et  le  froid  humide  les  exaspère.  Elles  sont 
variables  d'intensité,  rémittentes  ou  intermittentes,  avec  des  exacerbations  vespé- 
rales, et  parfois  assez  vives  pour  rendre  tout  mouvement  impossible.  Le  gon- 
flement peut  manquer;  pourtant  il  existe  dans  la  majorité  des  cas.  Les  arti- 
culations tuméfiées  donnent  à  la  pression  la  même  sensation  que  les  tumeurs 
blanches. 

Les  ecchymoses  qui  se  montrent  parfois  à  leur  niveau  sont  causées  par  les 
mouvements,  par  la  palpation,  et  se  produisent  par  le  même  mécanisme  que 
celles  qui  entourent  les  tumeurs  sanguines.  Sauf  cet  accident  de  coloration,  les 
téguments  ne  changent  [las  d'aspect;  ils  ne  présentent  ni  rougeur,  ni  élévation 
de  température.  La  facilité  avec  laquelle  les  eccliymoses  se  produisent  a  fait 
penser  à  quelques  auteurs  que  la  douleur  et  le  gonflement  étaient  le  résultat 
d'un  épanchement  sanguin  intra-articulaire.  C'est  Dubois  (de  Neufchàlel)  qui  a 
émis  le  premier  cette  opinion  à  laquelle  Fournier  et  ïardieu  se  sont  ralliés  ; 
mais  le  docteur  ScheIT,  dans  ses  recherches  historiques  sur  l'hémophilie,  fait 
observer  avec  raison  que,  s'il  y  avait  toujours  épanchement  de  sang  dans  l'arti- 
culation, on  ne  verrait  pas  la  douleur  se  mobiliser  comme  elle  le  fait  et  tous  les 
accidents  disparaîlre  en  quelques  jours.  D'ailleurs,  dans  les  autopsies  qu'on  a 
faites,  on  n'a  jamais  trouvé  de  sang  dans  les  jointures. 

Les  accidents  dont  les  articulations  sont  le  siège  chez  les  hémophiliques  se 
•rapprochent  des  arthrites  rhumatismales  par  la  mobilité  et  le  caractère  de  la 
douleur  ;  ils  en  diffèrent  par  leur  peu  de  durée,  par  l'absence  de  lièvre  et  de 
rougeur,  enfin  par  te  fait  que  d'habitude  ils  ne  laissent  pas  de  traces.  On  cite 
cependant  quelques  cas  dans  lesquels  les  articulations  se  sont  del'ormées  à  la 
longue.  Ce  sont  donc,  comme  le  dit  Schcff,  des  douleui's  pseudo- rhumatis- 
males. 

Ouant  aux  névroses  convulsives  que  Gintrac  range  parmi  les  affections  qui 
coïncident  souvent  avec  l'hémophilie,  la  plupart  des  auteurs  ne  les  considèrent 
que  comme  la  conséquence  de  l'état  d'anémie  amené  par  les  pertes  de  sang. 

Diagnostic.  Les  symptômes  que  nous  venons  de  passer  en  revue  sont  assez 
caractéristiques  pour  empêcher  de  confondre  l'hémophilie  avec  les  autres  maladies 
qui  s'accompagnent  de  pertes  de  sang.  Dans  aucune  d'entre  elles,  en  effet,  on 
n'observe  ces  hémorrhagies  interminables,  incoercibles,  existant  depuis  l'en- 
fance et  se  transmettant  par  voie  d'hérédité.  Les  ecchymoses,  les  tumeurs  san- 
guines, apparaissant  sans  motifs,  ou  à  l'occasion  de  la  contusion  la  plus  légère, 
enfin  les  arthralgies  mobiles  et  apyrétiques,  sont  des  phénomènes  absolument 
propres  à  l'hémophilie.  Elles  ne  permettent  pas  de  la  confondre  avec  le  scorbut, 
qui  ne  se  montre  que  dans  des  conditions  spéciales  et  qui  disparaît  avec  elles,  ni 
avec  le  purpura,  affection  essentiellement  transitoire,  souvent  épidémique,  et 
dans  le  cours  de  laquelle  les  hémorrhagies  n'ont  ni  la  même  abondance,  ni  la 
même  ténacité.  Il  serait  plus  difficile  encore  de  confondre  la  maladie  qui  nous 
occupe  avec  l'hématidrose,  qui  se  manifeste  parfois  dans  les  maladies  nerveuses. 
Les  sueurs  de  sang  qu'on  observe  alors  ne  sont  ni  héréditaires,  ni  abondantes,  ni 
incoercibles.  Elles  ne  mettent  pas  la  vie  en  danger  et  ne  se  montrent  pas  à  la 
suite  des  blessures  légères.  Quant  aux  hémorrhagies  passives  qui  surviennent 
parfois  dans  le  cours  des  maladies  infectieuses  et  notamment  dans  la  fièvre 
jaune,  il  faudrait  y  mettre  de  la  bonne  volonté  pour  les  confondre  avec  celles  de 
l'hémophilie.  Nous  en  dirons  autant  de  l'eiTcur  de  diagnostic  qui  consisterait 


298  HÉMOPHILIE. 

à  prendre  les  douleurs  articulaires  de  celte  dernière  affection  pour  des  arthrites 
rhumatismales. 

La  seule  maladie  qui  se  rapproche  par  quelques-uns  de  ses  caractères  de 
celle  qui  fait  l'objet  de  cet  article  est  la  leucocythémie.  La  confusion  a  été  faite 
j)lus  d'une  fois.  Ainsi  le  fait  cité  par  Laveran  {Gazette  hebdomadaire,  1857, 
p.  621)  n'est  évidemment  qu'un  cas  de  leucocythémie.  Il  y  est  q\iestion  d'un 
jeune  soldat,  entré  au  Val-de-Gràce  dans  un  état  profond  d'anémie,  la  face  et  les 
téguments  boursouflés,  la  lèvre  bleuâtre,  la  rate  énorme,  le  sang  décomposé, 
et  chez  lequel  les  hémorrhagies  ne  survinrent  qu'à  la  suite  de  cette  altération 
j)rofonde  de  l'économie.  Les  hémophiliques  ne  présentent  rien  de  semblable.  Ils 
jouissent  d'une  bonne  santé  apparente,  jusqu'au  jour  où  les  hémorrhagies  se 
produisent.  On  ne  constate  chez  eux  ni  hypertrophie  de  la  rate,  ni  augmentation 
<le  volume  du  foie,  ni  engorgement  des  ganglions  lymphatiques.  Enfin,  l'altéra- 
tion remarquable  du  sang  qui  a  donné  son  nom  à  la  leucocythémie  ne  s'observe 
pas  chez  les  hémophiliques,  et  cela  suffit  pour  séparer  complètement  les  deux 
maladies  et  pour  rendre  toute  erreur  de  diagnostic  difficile  pour  un  esprit 
attentif. 

Marche  et  pronostic.  L'hémophilie  est  une  maladie  essentiellement  grave. 
Lorsque  l'art  ne  parvient  pas  à  en  triompher,  elle  marche  fatalement  vers  une 
terminaison  funeste.  Les  hémorrhagies  se  succèdent  à  des  intervalles  de  plus  en 
plus  rapprochés  et  deviennent  de  plus  en  plus  tenaces,  à  mesure  que  le  sang 
s'appauvrit,  que  le  sujet  devient  plus  anémique  et  plus  débile.  La  moi  t  arrive 
le  plus  souvent,  dans  les  cas  funestes,  avant  la  vingt  et  unième  année  ;  cet  âge 
lïaMchi,  les  chances  dévie  augmentent,  (lependant  Grandidier  a  vu  mourir  des 
malades  à  quarante-cinq  et  à  cinquante  ans.  Chez  ceux  qui  survivent,  les  hémor- 
rhagies deviennent  de  plus  en  plus  rares.  Parfois  même  elles  cessent  tout  à  fait, 
à  l'occasion  d'une  maladie  intercurrente.  On  les  voit  alors  faire  place  à  des  accès 
d'asthme,  à  des  rhumatismes  avec  déformations  articulaires,  dans  quelques  cas 
même  à  de  véritables  tumeurs  blanches.  Grâce  à  cette  transformation  ou  à  la 
diminution  des  hémorrhagies,  les  hémophiliques  atteignent  parlbis  l'âge  de 
soixante  et  même  de  soixante-dix  ans,  ainsi  que  nous  en  avons  cité  des  exemples. 
Quoi  qu'il  en  soit,  c'est  toujours  un  état  pathologique  des  plus  menaçants  et  le 
pronostic  est  d'autant  plus  grave  que  le  sujet  est  plus  jeune,  les  hémorihagies 
plus  fréquentes  et  plus  opiniâtres.  Elles  sont  plus  redoutables  que  les  tumeurs 
sanguines  et  que  les  ecchymoses,  et  parmi  les  hémorrhagies  c'est  l'épistaxis  qui 
tient  le  premier  rang,  sous  le  rapport  de  la  gravité  du  pronostic. 

Anatomie  et  PHïsioLOGiE  PATHOLOGIQUES.  L'occasiou  de  pratiquer  l'autopsie 
de  sujets  m.orts  d'hémophilie  s'est  présentée  très-souvent,  mais  ces  recherches 
n'ont  rien  appris  de  positif  au  sujet  des  lésions  anatomiques  qui  tiennent  cette 
maladie  sous  leur  dépendance.  Les  cadavres  sont  exsangues;  la  peau,  d'une  cou- 
leur de  cire,  présente  parfois  des  ecchymoses,  mais  on  n'a  pas  trouvé  de  lésion 
viscérale  constante  et,  dans  le  cas  de  douleurs  articulaires,  on  n'a  pas  rencontré 
de  sang  dans  les  jointures.  L'altération  qui  a  été  le  plus  fréquemment  signalée 
est  celle  des  vaisseaux  sanguins.  Elle  a  été  reconnue  parHooper,  Wilson,  Schlie- 
man,  Virchow,  Gavoy,  Fischer  (d'Llm),  William  Legg,  Grandidier,  etc.  Magnus 
Huss  est  très-explicite  à  son  égard.  11  dit  que,  dans  les  autopsies  bien  faites, 
on  trouve  toujours  des  lésions  du  système  artériel  et  que,  dans  celles  où  on  a 
rencontré  les  vaisseaux  avec  leur  structure  normale,  les  recherches,  qui  sont 
très-dtfficiles,  avaient  été  mal  faites.  Percy  Kidd  a  trouvé,  chez  un  sujet  mort 


HEMOPHILIE.  299 

d'épistaxis  et  de  stomatorrliagie,  la  tunique  musculaire  des  artérioles  de  la 
muqueuse  buccale  transformée  en  un  tissu  mal  cleTini  et  légèrement  opaque. 
Les  artérioles,  les  veinules,  les  capillaires,  étaient  oblitérés  sur  différents  points 
par  des  amas  cellulaires  résultant  de  la  prolifération  de  l'endolbéliura.  Celte 
observation  est  unique;  toutefois  la  plupart  des  observateurs  admettent  une 
altération  congénitale  de  texture  des  petits  vaisseaux.  Celle-ci  est  caractérisée 
par  la  ténuité  extrême  des  artérioles  et  plus  particulièrement  de  leur  tunique 
moyeinie,  laquelle  est  mince,  transparente,  a  disparu  sur  certains  points  et  a  été 
remplacée  sur  d'autres  par  des  plaques  graisseuses,  suivant  ainsi  la  loi  des  or- 
ganes atrophiés. 

Le  sang  a  été  plus  souvent  examiné  que  les  vaisseaux  et  on  n'y  a  pas  trouvé 
d'altération  constante.  On  a  noté  qu'au  début  il  était  fortement  coloré  et  qu'il 
se  coagulait  promptement,  qu'il  devenait  de  moins  en  moins  rouge  et  de  plus  eu 
plus  aqueux,  à  mesure  que  les  hémorrhagies  se  prolongeaient.  11  serait  difficile 
qu'il  en  fût  autrement.  11  est  probable  que  les  auteurs  qui  ont  noté  sa  teinte 
claire  et  son  défaut  de  consistance  avaient  eu  affaire  à  du  sang  de  malades  déjà 
épuisés. 

L'analyse  chimique  a  donné  des  résultats  tout  aussi  négatifs.  La  seule  qui  ait 
été  publiée  est  celle  du  docteur  Heyland  (de  Liibeck).  11  a  trouvé  sur  1000  par- 
ties de  liquide  700  parties  d'eau,  137  de  globules  et  4  de  fibrine.  C'était, 
comme  on  le  voit,  un  sang  Irès-iiche.  La  proportion  des  matériaux  solides 
diminue  nécessairement  à  mesure  que  le  sang  coule,  mais  il  en  est  exactement 
de  même  chez  les  blessés  qui  ne  sont  atteints  d'aucune  diathèse.  L'examen  mi- 
croscopique n'a  pas  été  plus  fructueux.  Le  professeur  Diiflos  (de  Breslau)  a 
analysé  du  sang  recueilli  par  Wachsmuth  sur  un  enfant  Iiémopliilique  atteint 
d'épistaxis.  11  l'a  examiné  avec  le  microscope  de  Purkinge  et  n'y  a  rien  décou- 
vert d'anormal.  Le  professeur  Hayem  nous  a  dit  également  n'avoir  rien  trouvé 
de  particulier  dans  le  sang  d'un  malade  atteint  de  cette  affection.  Ce  sujet  appelle 
évidemment  de  nouvelles  recherches,  cependant  on  peut  conclure  de  celles  qui 
ont  été  faites  déjà  que  le  sang  n'est  pas  aussi  profondément  altéré  dans  l'hé- 
mophilie que  dans  une  foule  de  maladies  où  il  reste  pourtant  dans  ses  vais- 
seaux. On  ne  voit  pas  d'hémorrhagies  rebelles  chez  les  chlorotiques,  chez  les 
anémiques,  malgré  l'abaissement  considérable  du  chiffre  des  globules.  Dans 
ses  expériences  sur  les  animaux,  M.  Hayem  est  arrivé,  par  des  saignées  succes- 
sives, à  abaisser  le  chiffre  des  globules  de  moitié  et  celui  de  la  fdjrinc  de  plus 
d'un  tiers,  sans  déterminer  la  diathèse  hémorrhagique  dont  nous  nous  occu- 
pons. Dans  les  maladies  infectieuses  où  le  sang  est  si  profondément  altéré,  les 
hémorrhagies  n'ont  ni  la  même  abondance,  ni  la  même  ténacité;  enfin,  dans  la 
leucocythémie,  elles  ne  se  montrent  qu'à  la  périoile  ultime,  alors  que  la  fai- 
blesse est  arrivée  à  son  comble,  que  l'anorexie,  la  diarrhée,  les  vomissements, 
l'ascite,  la  dyspnée  et  la  fièvre  hectique,  ont  amené  le  malade  au  dernier  degré 
d'épuisement  {voy.  Leucocythémie,  2''  série,  t.  II,  p.  519). 

En  résumé,  l'opinion  la  plus  généralement  répandue  consiste  à  considérer 
cette  disposition  du  sang  à  sortir  de  ses  vaisseaux,  jusqu'à  la  mort  des  sujets, 
comme  tenant  aune  autre  cause  qu'une  altération  de  ce  fluide.  Celle-ci  ne  peut 
intervenir  que  comme  élément  secondaire.  La  plupart  des  auteurs  inclinent  à 
penser  que  c'est  dans  la  texture  des  vaisseaux  qu'il  faut  chercher  la  cause  de 
l'hémophilie.  S'appuyant  sur  les  recherches  nécroscopiques  que  nous  avons  in- 
diquées, ils  pensent  que  l'amincissement  des  artérioles,  que  la  disparition  de 


01 0  IIKMOI'IIII.IE. 

leur  tunique  moyenne,  ont  pour  effet  d'affaiblir  leurs  parois,  de  leur  enlever 
leur  propriété  contractile  et  de  les  mettre  par  là  dans  l'impossibilité  de  rétrécir 
leur  calibre  pour  retenir  le  sang.  Tous  ne  se  rendent  pas  compte  des  faits  de 
la  même  manière.  Yirchow  pense  que,  chez  les  hémophiliques,  il  existe  un  état 
fœtal  permanent  du  cœur,  compliijué  de  l'étroitesse  des  gros  vaisseaux,  faisant 
varier  le  calibre  relatif  de  ces  conduits  et  les  disposant  à  se  rompre.  Meynel  et 
Lemp  admettent  un  développement  incomplet,  un  vice  congénital  de  structure 
du  système  capillaire;  Blagden  invoque  l'amincissement  des  tuniques  artérielles; 
Grandidier  et  Wickham  Legg,  tout  en  reconnaissant  l'atrophie  de  la  tunique 
contractile  des  vaisseaux,  accusent  en  même  temps  le  système  nerveux  qui  les 
anime.  Us  pensent  que  c'est  le  défaut  d'action  des  nerfs  vaso-moteurs  qui  pro- 
duit la  paralysie  des  petits  vaisseaux  et  les  met  dans  l'impossibilité  de  résister 
à  la  pression  du  sang.  Wedemeyer  croit  comme  eux  à  la  paralysie  des  capil- 
laires; enfui  M.  Lancereaux,  se  plaçant  à  un  autre  point  de  vue,  range  l'hémo- 
philie dans  la  classe  des  affections  nerveuses,  à  cause  du  caractère  mobile  et 
capricieux  des  pertes  de  sang,  de  la  constitution  émotive  des  sujets  qui  les  pré- 
sentent et  de  l'influence  qu'exercent  sur  leur  retour  toutes  les  causes  qui  trou- 
blent l'action  du  système  \aso -moteur.  Les  troubles  qui  précèdent  les  hémor- 
rhagies,  les  bouffées  de  chaleur,  les  palpitations,  les  vertiges,  qui  en  sont  les 
piodromes,  tout,  jusqu'à  l'hérédité  elle-même,  porte  M.  Lancereaux  à  attribuer 
à  l'hémophilie  une  origine  nerveuse. 

11  est  certain  qu'une  lésion  de  structure  congénitale  et  toujours  la  même  ne 
saurait  rendre  compte  de  la  mobilité  de  ces  phénomènes  et  de  l'influence  que 
les  impressions  morales  exercent  sur  le\ir  production  ;  mais  il  faut  reconnaître 
aussi  que  les  troubles  nerveux  les  plus  graves  seraient  incapables  de  produire 
d'aussi  redoutables  hémorrhagies,  s'il  n'existait  pas  dans  le  système  vasculaire 
une  cause  matérielle  de  leur  production.  Il  est  donc  rationnel  de  faire  la  part  de 
ces  deux  éléments  et  d'admettre  que  la  fragilité  héréditaire  des  petits  vaisseaux 
et  l'énergie  anormale  du  cœur  sont  les  conditions  primordiales  de  l'hémophilie; 
que  les  accidents  se  produisent  sous  l'influence  de  troubles  nerveux  qui  portent 
à  la  fois  leur  action  sur  le  centre  circulatoire  et  sur  le  système  vaso-moteur,  et 
qu'enfin  l'appauvrissement  du  sang  causé  par  les  hémorrhagies  répétées  vient 
s'ajouter  à  ces  causes,  eu  aggravant  la  situation. 

Celte  théorie  éclectique  est  celle  qui  nous  paraît  aujourd'hui  la  plus  plausible, 
mais  il  ne  faut  pas  perdre  de  vue  qu'elle  ne  repose  que  sur  des  hypothèses,  et 
que  le  sujet  appelle  de  nouvelles  recherches.  Il  est  à  désirer  que  les  médecins 
qui  ont  l'occasion  d'observer  des  hémophiliques  étudient  le  sang  avec  le  plus 
grand  soin  et  aux  différentes  phases  de  la  maladie.  On  ne  saurait  trop  les 
engager,  lorsqu'ils  ont  l'occasion  de  faire  des  autopsies,  à  porter  leur  atten- 
tion d'une  manière  spéciale  sur  la  structure  intime  des  petits  vaisseaux.  En 
faisant  ces  recherches  avec  la  précision  qu'il  est  possible  de  leur  donner  au- 
jourd'hui, il  y  a  lieu  d'espérer  qu'on  trouvera  le  solution  de  cet  intéressant 
problème. 

Traitemeint.  La  thérapeutique  n'est  pas  aussi  désarmée  qu'on  le  croyait 
autrefois  en  face  de  l'hémophilie.  Le  médecin  peut,  dans  une  certaine  mesure, 
prévenir  les  hémorrhagies  et  les  arrêter  lorsqu'elles  se  produisent.  11  peut  même, 
par  un  traitement  bien  dirigé  et  suivi  avec  persévérance,  modifier  la  diathèse 
et  conduire  le  sujet  à  l'âge  où  d'ordinaire  elle  ne  détermine  plus  d'accidents 
mortels. 


HEMOPHILIE.  301 

Dans  les  familles  hémophiliques,  la  prophylaxie  doit  commencer  à  la  nais- 
sance. Le  médecin  fera  bien  de  défendre  l'allaitement  aux  mères  atteintes  de 
cette  diatlièse  héréditaire.  Il  devra  surveiller  l'éducation  des  enfants,  leur  inter- 
dire les  occupations  et  les  jeux  qui  les  exposent  à  se  blesser  et  surtout  s'abs- 
tenir chez  eux  de  toute  opération  sanglante,  à  moins  de  la  nécessité  la  |)liis 
absolue.  11  y  aura  lieu  de  leur  prescrire  un  régime  réparateur  sans  être  tro|) 
stimulant.  11  est  permis  de  penser  que  l'hydrothérapie,  qui  n'a  pas  encore  été 
rationnellement  expérimentée  dans  ce  cas,  donnerait  de  bons  résultats,  comme 
pratique  hygiénique  pour  fortifier  les  enfants,  en  accroissant  la  tonicité  de  leurs 
tissus,  et  comme  moyen  thérapeutique  au  moment  des  hémorrhagies. 

Le  changement  de  climat  doit  être  conseillé  aux  nialadcs  des  contrées 
septentrionales  lorsque  leur  situation  de  fortune  le  permet.  L'hémophilie 
est  une  maladie  des  pays  froids  :  il  est  donc  rationnel  de  diriger  les  gens 
qui  en  sont  atteints  sur  les  régions  méridionales  où  on  ne  l'observe  pas. 
A  l'appui  de  ce  conseil,  Gintrac  cite  le  cas  d'un  jeune  homme  de  quatorze 
ans  atteint  d'épistaxis  qui  mettaient,  ses  jours  en  péril.  En  désespoir  de  cause, 
on  l'envoya  à  Nice.  Ses  saignements  de  nez  cessèrent  complètement  tant  qu'il 
fut  dans  le  Midi,  mais  ils  recommencèrent,  deux  ans  après,  lorsqu'il  revint 
à  Paris. 

Nous  avons  dit  que  les  hémorrhagies  spontanées,  les  ecchymoses  et  les 
douleurs  articulaires,  étaient  le  plus  souvent  précédées  de  phénomènes  con- 
gestifs  avec  suractivité  cardiaque  et  tendance  aux  fluxions  ;  ces  prodromes 
peuvent  être  efficacement  combattus  et  les  accidents  consécutifs  prévenus  par 
une  médication  appropriée.  A  une  époque  où  il  était  de  règle  de  traiter  les 
hémorrhagies  internes  par  la  saignée,  on  n'a  pas  manqué  d'y  avoir  recours  chez 
les  hémophiliques.  C'est  même  à  cette  occasion  qu'on  a  remarqué  que  cette 
petite  opération  était  chez  eux  sans  danger,  pourvu  que  le  bandage  lût  suffi- 
samment serré.  Wachsmuth,  qui  a  eu  souvent  recours  à  la  phlébotomie,  ne  la 
conseille  toutefois  que  chez  les  sujets  dont  la  constitution  la  comporte  et  qui 
l'ont  déjà  supportée  sans  inconvénient.  Aujourd'hui  qu'on  ne  saigne  plus  pei- 
sonne,  pas  même  les  apoplectiques,  il  ne  viendra  à  l'idée  d'aucun  médecin 
d'ouvrir  la  veine  chez  un  malade  qui  est  précisément  menacé  de  mourir  à  la 
suite  de  ])erles  de  sang.  Aussi  la  plupart  des  médecins  qui  ont  eu  l'occasion  de 
traiter  cette  maladie,  Otte,  Fordyce,  par  exemple,  se  sont-ils  bornés  à  prescrire 
les  boissons  acidulés,  les  pédiluves  sinapisés  et  le  sulfate  de  soude  comme  déri- 
vatif intestinal  et  comme  moyen  de  désemplir  la  circulation,  en  provoquant 
d'abondantes  évacuations  séreuses.  Ce  médicament  a  d'abord  été  employé  empi- 
riquement en  Amérique,  dans  une  famille  dont  la  plupart  des  membres  étaient 
atteints  d'hémopliilit;.  Depuis  on  y  a  eu  recours  dans  d'autres  pays  et  avec  des 
résultats  irès-divers.  Waschmuth,  Mutzenbecher,  Finger,  lui  ont  dû  des  succès 
remarquables;  Elsaîsser,  Rieken,  Schœnlein,  Ficlis,  n'en  ont  rien  retiré.  Il  est 
à  peine  besoin  de  dire  que,  s'il  est  rationnel  de  l'enq^loyer  dans  le  cours  de  la 
période  congestive,  il  serait  dangereux  d'y  recourir  lorsque  les  hémorrhagies 
ont  épuisé  le  malade  et  altéré  la  composition  du  sang. 

La  digitale  trouve  aussi  son  emploi  pendant  ces  prodromes,  et  surtout  dans 
le  cas  où  la  suractivité  de  l'action  cardiaque  se  traduit  par  l'accélération  du 
pouls. 

Lorsque  cette  médication  n'a  pas  triomphé  de  l'état  fluxionnaire,  que  les 
hémorrhagies,  que  les  épancheraents  sanguins  sont  survenus,  de  nouvelles  indi- 


cOl  HÉMOPHILIE. 

calions  surgissent.  La  plupart  des  médecins  qui  se  sont  occupés  de  ce  sujet 
pensent  que,  lorsque  les  malades  n'ont  pas  été  affoiblis  par  des  hémorrhagies 
antérieures,  que  la  congestion  a  été  bien  marquée  et  que  le  sang  a  encore  toute 
sa  richesse,  il  faut  le  laisser  couler  quelque  temps  avant  de  l'arrêter.  On  sait,  en 
effet,  qu'en  dehors  de  toute  diallièse  les  hémorrhagies  qui  se  produisent  chez 
des  sujets  jeunes,  sanguins,  ont  besoin  de  se  satisfaire,  que  les  épistaxis  qu'on 
voit  survenir  au  printemps  cliez  les  jeunes  filles  blondes  au  teint  rosé,  à  la  peau 
blanche,  reviennent,  quoi  qu'on  fasse,  jusqu'à  ce  qu'elles  aient  perdu  une 
certaine  quantité  de  sang.  Il  en  est  de  même  chez  les  hémophiliques  qui  ont 
encore  toute  leur  vigueur.  En  s'efforçant  d'arrêter  dès  le  début  une  perte  de 
sang  peu  inquiétante  par  elle-même,  on  s'exposerait  à  provoquer  une  hémor- 
rhagie  interne  ou  une  congestion  viscérale  plus  grave,  ou  même  à  donner  lieu 
à  une  attaque  d'apoplexie. 

C'est  au  médecin  qu'il  appartient  d'apprécier  le  moment  précis  où  il  convient 
d'intervenir,  et  les  moyens  dont  il  dispose  diffèrent  suivant  l'accident  dont  il 
s'agit. 

Lorsqu'il  se  trouve  en  face  d'une  hémorrhagie  interne,  il  n'a  à  sa  disposition 
que  des  moyens  indirects  :  les  révulsifs  cutanés,  appliqués  sur  les  extrémités, 
les  pédiluves  irritants,  l'eau  froide  et  enlin  les  médicaments  dits  hémostatiques. 
L'hydrothérapie,  dans  ce  cas,  ne  doit  plus  consister  seulement  dans  les  afiusions 
froides,  comme  lorsqu'elle  fait  partie  du  régime  :  il  faut  recourir  aux  douches 
et  surtout  aux  douches  en  pluie  iine,  à  forte  pression,  appliquées  sur  les  pieds. 
Ginlrac  a  vu  ce  moyen  suivi  des  effets  les  plus  remarquables,  chez  une  femme 
atteinte  à  la  fois  d'hémorrhagies  graves  et  d'accès  hystériques. 

Les  médicaments  liémostatiques  usités  dans  ce  cas  sont  :  le  tannin,  l'ergotine, 
l'acétate  de  plomb  et  les  préparations  martiales.  Le  tannin  et  l'ergotine  sont 
surtout  indiqués.  Ce  dernier  médicament  a  été  prescrit  par  Viély,  par  Wachsmutz 
et  par  d'autres  médecins  à  la  dose  de  3  ou  4  grammes.  On  pourrait  aujourd'hui 
substituer  avec  avantage  à  cet  extrait  le  principe  actif  de  l'ergot  de  seigle 
découvert  en  1875  par  Tanret,  Vergotinine,  dont  on  a  obtenu  de  très-bons 
eflets  dans  les  hémorrhagies  internes  et  en  particulier  dans  les  métrorrhagies 
causées  par  les  fibromes  utérins.  Dans  ce  dernier  cas,  c'est  aux  injections  hypo- 
dermiques qu'on  a  recours,  et  le  médicament  s'emploie  à  la  dose  de  1/4;  à  1/2 
milligramme;  mais,  chez  les  hémophiliques,  la  crainte  de  provoquer  une  hémor- 
rhagie par  la  petite  piqûre  de  l'aiguille  tubulce,  doit  faire  préférer  le  sirop  de 
Tanret. 

L'acétate  de  plomb,  comme  tous  les  sels  de  ce  métal,  a  la  réputation  d'aug- 
menter la  coagulabilité  du  sang  :  on  a  par  conséquent  dû  l'employer  dans  l'hémo- 
philie et  le  docteur  Cécy,  en  l'administrant  à  la  dose  de  15  centigrammes,  est 
parvenu  à  arrêter  une  hémorrhagie  qui  dui'ait  depuis  six  jours.  C'est  toutefois 
un  agent  un  peu  suspect  et  son  administration  fait  toujours  craindre  des  acci- 
dents saturnins. 

L'utilité  des  préparations  martiales  a  été  de  tout  temps  reconnue,  dans  cette 
maladie  oîi  le  sang  est  si  rapidement  appauvri.  Slieglitz  a  fait  connaître  jadis  le 
fait  de  deux  frères  hémophiliques  guéris  par  l'emploi  de  l'eau  de  Schwalbach. 
Les  vertus  de  cette  eau  minérale  ont  été  vantées  depuis  par  lleyfelder,  Martin, 
Yiéli  et  même  par  Grandidier.  Toutefois  les  ferrugineux  sont  contre-indiqués 
pendant  la  période  congestive  et  au  début  des  hémorrhagies,  lorsque  le  sang  n'a 
encore  rien  perdu  de  sa  richesse.  Dans  le  cas  où  il  y  a  lieu  de  recourir  aux  pré- 


HÉMOPHILIE.  S05 

parations  martiales,  on  pourrait  employer  le  perclilorure  de  fer,  qui  est  en  même 
temps  reconstituant  et  hémostatique.  C'est  à  ce  dernier  titre  qu'on  a  prescrit 
l'essence  de  térébenthine.  Le  docteur  Abt  (d'Esbach)  a  rapporté  trois  cas  d'hé- 
mophilie dans  lesquels  elle  a  fait  merveille.  Il  s'agissait  de  sujets  de  neuf,  de 
dix-neuf  et  de  vini^t-trois  ans,  tombés  dans  un  état  de  mort  apparente,  par  suite 
d'héniorriiayies  répétées.  On  avait  usé  de  tous  les  moyens  internes  et  externes 
usités  en  pareil  cas.  Le  docteur  Abt  leur  administra  de  20  à  50  gouttes  d'essence 
de  térébenthine,  de  deux  en  deux  heures,  et  les  hémorrhagies  s'arrêtèrent  à  la 
fin  de  la  journée. 

Coates,  Steinmetz,  Ricken,  ont  préconisé  l'opium  à  dose  élevée;  Ileyland  a 
vanté  la  strychnine,  mais  l'efficacité  de  ces  moyens  ne  repose  pas  sur  des  obser- 
vations suffisantes. 

Lorsqu'il  s'agit  d'hémorrhagies  accessibles  aux  moyens  chirurgicaux,  les  res- 
sources de  la  thérapeutique  sont  plus  grandes,  mais  il  faut  encore  ici  faire  la 
part  de  la  diathèse.  Les  pratiques  qui  réussissent  le  mieux,  celles  qu'on  peut 
considérer  comme  infaillibles  dans  les  hémorrhagies  traumatiques  ordinaires, 
échouent  le  plus  souvent  chez  les  hémophiliques.  Ainsi,  il  ne  ftuit  pas  compter, 
dans  ce  cas,  sur  la  cautérisation  au  fer  rouge,  ni  sur  la  ligature  des  artères. 
Le  fer  rouge  arrête  le  sang  pour  un  instant,  mais  il  commence  à  filtrer,  très- 
peu  de  temps  après  son  application,  le  long  des  bords  de  l'eschare,  et  il  repaît 
tout  à  fait  quand  elle  se  détache.  Coates  y  a  eu  recours  huit  fois  sans  succès. 
11  est  inutile  de  dire  que  les  caustiques,  même  coagulants,  sont  encore  moins 
efficaces. 

La  ligature  du  tronc  artériel  qui  se  distribue  à  la  partie  blessée  n'arrête 
pas  l'écoulement  du  sang  qui  continue  à  suinter  en  bavant  par  les  capil- 
laires. Elle  ne  fait  que  lui  ouvrir  une  porte  de  plus.  Le  moyen  par  e»cccllence, 
c'est  la  compression,  lorsqu'elle  est  applicable.  Elle  nous  inspire  beaucoup 
plus  de  confiance  que  les  liqueurs  hémostatiques,  comme  l'eau  de  Pagliari 
ou  de  Léchelle,  que  la  créosote,  la  solution  d'alun,  l'eau  vinaigrée  et  sur- 
tout que  le  perchlorure  de  îev,  le  plus  détestable  de  ces  agents,  parce  qu'il 
n'arrête  pas  le  sang  et  qu'il  Ibrme  avec  lui  un  magna  noir  sous  lequel  on  ne 
voit  plus  ce  qui  se  passe.  Les  eaux  hémostatiques,  les  poudres  astringentes, 
absorbantes,  peuvent  venir  en  aide  à  la  compression,  mais  à  titre  de  simples 
adjuvants. 

Quand  la  blessure  siège  sur  un  des  membres,  l'application  d'un  morceau 
d'agaric  par  sa  face  tomenteuse,  une  compression  graduée  et  un  bandage  com- 
mençant par  les  doigts  ou  par  les  orteils,  suivant  le  cas,  constituent  la  pratique 
la  plus  sûre  et  la  meilleure.  Si  on  a  affaire  à  une  piqûre  de  sangsue,  à  une 
petite  plaie  simple  ou  à  une  érosion,  on  peut  recourir  à  une  ferre-fine,  ou  mieux 
à  une  pince  à  mors  plats  et  à  pression  continue,  parce  que  les  petites  dents 
aiguës  de  la  serre-fine  peuvent  déchirer  l'épiderme.  Dans   les  cas  où  on  se 
trouve  en  présence  d'une  épistaxis  rebelle,  que  les  moj'ens  usités  en  pareil  cas 
ont  échoué,  il  ne  faut  pas  hésiter  à  faire  le  tamponnement  des  fosses  nasales. 
Dans  les  hémorrhagies   intestinales,  les  lavements  d'eau  glacée  additionnée  de 
perchlorure  de  fer  trouvent  leur  emploi.  Dans  les  hématémèses  rebelles,  on  aura 
recours  avec  avantage  aux  applications  de  glace  sur  l'hypogastre,  et  dans  les 
métrorrliagies,  en  dehors  de   l'état  puerpéral,   au    tamponnement   du    vagin. 
Enfin,  dans   les  cas  désespérés,  on  trouvera   une   dernière  ressource  dans  la 
transfusion  du  sang.  Samuel  Lane  sauva,  par  ce  moyen  la  vie  à  un  enfant  qu'il 


504  HÉMOPTYSIE. 

avait  opéré  d'un  strabisme  convergent  et  qui  allait  mourir  à  la  suite  d'hémor- 
rhagies  répétées  se  produisant  par  l'incision  de  la  conjonctive.  M.  Roussel  dit 
avoir  obtenu  deux  guérisons  par  ce  moyen  et  il  affirme  que  les  malades  n'ont 
pas  eu  d'Iiëuiorrhagie  nouvelle  après  la  transfusion. 

Les  eccliymoses  et  les  tumeurs  sanguines  ne  réclament  pas  de  traitement  par- 
ticulier. 11  va  sans  dire  qu'il  faut  bien  se  garder  d'inciser  ces  dernières. 

Les  douleurs  articulaires  se  traitent  par  le  repos,  les  applications  calmantes 
ou  résolutives,  suivant  que  c'est  la  douleur  ou  le  gonflement  qui  domine. 

ElG.   PiOCllARD. 

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torat de  Paris,  1882.  E.  K. 

HËnoPis.     Voy.  llmuDiisÉEs. 

HÉMOPTYSIE.  Définitioîs.  Hémoplijs'ie  (de  «Ipa,  sang,  et  de  n-mi-j,  cra- 
cher) veut  dire  crachement  de  sang.  L'usage  n'a  fait  appliquer  le  mot  hémoptysie 
qu'aux  crachements  de  sang  ayant  leur  origine  dans  un  point  quelconque  des 
voies  aériennes,  et  non  point  à  ceux  qui  proviennent  des  fosses  nasales  ou  du 

pharynx. 

L'hémoptysie  n^est  qu'un  symptôme  dont  la  cause,  le  siège  et  les  caractères, 
sont  extrêmement  variables.  On  ne  saurait,  à  l'exemple  de  Ghomel  et  de  Béliicr 
et  Hardv,  la  définir  un  crachement  de  sang  provenant  de  l'hémorrhagie  de  la 
muqueuae  des  voies  aériennes,  depuis  le  larynx  jusqu'aux  dernières  bronches, 
car  cette  hémorrhagie  peut  siéger  dans  le  parenchyme  pulmonaire  aussi  bien  que 
sur  la  muqueuse  bronchique.  L'hémoptysie  n'est  pas  non  plus,  comme  le  veulent 
les  auteurs  du  Compendium,  une  éjection  de  sang  provenant  de  l'appareil  respi- 
ratoire, car  il  peut  y  avoir  hémorrhagie  pulmonaire  sans  éjection  de  sang,  et 


HÉMOPTYSIE.  505 

d'un  autre  côté  le  sang,  quoique  rejeté  par  les  voies  aériennes,  peut  avoir  sa 
source  dans  un  organe  voisin. 

Pour  ces  motifs,  nous  préférons  nous  en   tenir  à  la  définition  de  Jaccoud, 
laquelle  a  l'avantage  de  ne  rien  préjuger  quant  à  la  cause  du  crachement  de 
sang  et  de  prévenir  toute  confusion  entre  cette  cause  et  son  symptôme.  Donc, 
avec  cet  auteur,  nous  dirons  que  Vhémoptyxie  est  un  crachement  de  sang 
reconnaissant  pour  cause  soit  une  hémorrhagie  de  l'appareil  respiratoire^ 
soit  l'irruption  dans  les  voies  aériennes  du  sang  provenant  d'un  organe  voisin. 
Historique.     L'histoire   de  l'hémoptysie  se  confond  en   grande  partie  avec 
celle  de  la  phthisie  et  de  l'apoplexie  pulmonaires  {voy.  ces  mots).  Ilippocrate 
mentionne  l'hémoptysie  dans  plusieurs  de  ses  ouvrages;   il  en  est  de  même 
d'Ârétée,  de  Galien  et  de  Celse,  mais  les  médecins  de  l'antiquité  ne  se  sont 
occupés  de  ce  symptôme  qu'à  un  point  de  vue  tout  à  fait  général  et  ont  insisté 
moins  sur  sa  valeur  séméiologique  que  sur  sa  description  et  sur  son  traitement. 
Bocrhaave  et  Van  Swieten  parlent  dans  maint  endroit  de  l'hémoptysie,  mais 
leurs  idées  jetées  au  hasard  ne  se  rattachent  à  aucune  doctrine  fixe.  Hoffmann 
et  Morton,  dans  le  dernier  siècle,  montrèrent  les  premiers  le  lien  qui  rattache 
l'hémoptysie  à  la  tuberculose  pulmonaire,  mais  ce  n'est  que  de  Laennec  et  de 
son  immortelle  découverte  que  datent  les  études  plus  précises  sur  le  siège,  la 
source  et  l'importance  séméiotique  de  ce  symptôme. 

Laennec  le  premier  a  décrit  l'hémoptysie  bronchique,  tout  en  en  indiquant 
l'origine  plus  spécialement  tuberculeuse  ainsi  que  les  caractères  qui  la  séparent 
de  l'hémoptysie  consécutive  à  l'apoplexie  pulmonaire.  Contrairement  à  Hoffmann 
et  à  Morton,  il  enseigna  que  l'hémoptysie  est  l'effet  et  non  la  cause  de  la  tuber- 
culose pulmonaire  et  rejeta  la  doctrine  de  la  phthisie  ab  hemoptœ.  Cette  doctrine, 
combattue  également  par  Louis  et  Andral  et  reprise  de  nos  jours  par  Niemeyer, 
n'a  pas  fait  son  chemin  dans  la  science  et  la  plupart  des  palhologistes  se  rallient 
aujourd'hui  à  l'opinion  de  Laennec,  confirmée  d'ailleurs  par  les  expériences  de 
Perl  et  Lipmann  et  de  Sommerbrodl  (1870-1871). 

Les  travaux  de  Schrœder  Van  der  Kolk  et  de  N.  Guillot  sur  les  vaisseaux  de 
nouvelle  formation  dans  la  tuberculose  pulmonaire,  comme  les  études  cliniques 
de  Graves,  ont  montré  que  l'hémoptysie  de  la  tuberculose  crue  a  sa  source  habi- 
tuelle dans  les  artères  bronchiques.  Les  recherches  récentes  de  Rinddeisch  ont 
mis  en  lumière  le  mécanisme  qui  préside  à  la  rupture  de  ces  vaisseaux.  Enfin 
aux  travaux  de  Rokitansky  et  surtout  à  ceux  de  Rasmussen,  publiés  en  1868,  on 
doit  la  découverte  de  ces  petits  anévrysmes  de  l'artère  pulmonaire  dont  la  rupture 
détermine  les  hémoptysies  ultimes  de  la  tuberculose. 

Quant  à  l'hémoptysie  liée  à  l'apoplexie  pulmonaire,  c'est  encore  Laennec  qui 
en  a  créé  en  quelque  sorte  l'anatomie  pathologique,  bien  que  les  infarctus 
hémoptoïques  aient  été  entrevus  avant  lui  par  Ha  lier,  par  Burns  et  par  Latour, 
d'Orléans,  en  1815.  S'il  est  vrai  que  les  signes  de  l'hémoptysie  pulmonaire 
donnés  par  Laennec  sont  entachés  d'erreur  sur  plus  d'un  point,  sa  description 
magistrale  des  lésions  de  l'apoplexie  pulmonaire  n'en  est  pas  moins  restée 
intacte  et  classique.  Cruveilhier,  Andral,  Bouillaud,  complétèrent,  en  les  confir- 
mant, le«  travaux  anatomiques  de  leur  devancier. 

Virchow  ouvrit  un  horizon  nouveau  à  la  pathogénie  de  l'hémoptysie  paren- 
chymateuse  en  démontrant  dès  1846  que  certaines  hémoptysies  ne  relèvent  que 
d'une  embolie  de  l'artère  pulmonaire.  Depuis  lors  et  grâce  aux  travaux  ulté- 
rieurs de  Rokitansky,  Cohn,  Dittricb,  Bull,  Lancereaux,  Fellz,  etc.,  l'histoire 
DICT.  ESC.  i'  s.  XIIL  20 


306  HÉMOPTYSIE. 

des  infarctus  liémoptoïquos  va  se  confondant  de  plus  en  plus  avec  celle  de 
l'embolie  pulmonaire  et  la  pathouénie  de  l'hémorrhagie  parenchymateuse  s'en 
trouve  notablement  élucidée  et  simplifiée. 

Louis  et  Rufz  fuient  les  premiers  à  montrer  que  l'hémoptysie  parenchyma- 
teuse n'est  pas  exclusivement  tributaire  des  affections  du  cœur  et  qu'elle  peut 
éclater  aussi  dans  les  fièvres  graves.  Enfin,  grâce  aux  oliservalions  de  Cru- 
veilliier,  Cliarcot,  Aug.  Ollivier,  Carré,  et  aux  expériences  de  Claude  Bernard, 
Longet  et  Brown-Séquard,  ou  sait  aujourd'hui  que  certaines  hémoptysies 
pulmonaires  se  rattachent  uniquement  à  des  lésions  très-variables  du  système 
nerveux. 

Divisio.N.  Nous  nous  abstenons  de  reproduire  les  diverses  divisions  des 
hémoptysies  admises  par  les  auteurs.  La  plupart  d'entre  elles,  plus  arbitraires 
que  cliniques,  jettent  la  confusion  dans  l'esprit.  Au  lieu  de  diviser  les  hémo- 
ptysies d'après  leur  mécanisme  et  leur  cause  pi'obable,  nous  préférons  passer 
en  revue  les  diffci'cntes  affections  et  les  différentes  circonstances  où  Ihémoptysie 
se  produit  et  expliquer,  chemin  faisant,  et  autant  que  faire  se  peut,  le  méca- 
nisme qui,  dans  chaque  cas  donné,  préside  à  la  production  de  l'hémorrhagie. 
Nous  sommes  amené  de  la  sorte  à  diviser  les  hémoptysies  en  deux  grandes  classes  : 

I"  Les  hémoptysies  sijmptomntiques,  c'est-à-dire  celles  qui  se  rattachent  à 
une  affection  pnîexistante  du  poumon  ou  de  tout  autre  organe.  Telles  sont  les 
hémoptysies  de  la  tuberculose  pulmonaire  et  des  autres  afiéctions  du  poumon, 
les  hémoptysies  dues  aux  affections  du  cœur  et  des  vaisseaux,  les  hémoptysies 
liées  aux  affections  nerveuses,  à  la  grossesse,  à  l'impaludisme,  etc.  ; 

2"  Les  liémopii/si'^s  essentielles,  de  cause  purement  physique  ou  dynamique, 
et  indépendantes  d'une  affection  antérieure  du  poumon  ou  d'un  autre  organe. 
Telles  sont  les  hémoptysies  supplémentaires,  les  hémoptysies  par  suite  d'effort, 
par  suite  du  froid,  par  raréfaction  de  l'air,  et  enfin  les  hémoptysies  traumatiques. 

Étiologie  et  PATHOGÉiME.  Il  résulte  des  recherches  de  Charcot  et  de  Bouchard 
que  1rs  arlérioles  les  plus  fines  sont  susceptibles  de  présenter  des  altérations 
semblahles  à  celles  des  grosses  artères.  D'autre  part,  les  travaux  de  Robin,  de 
Vircho\v,de  Feltz,  etc.,  ont  établi  que  normalement  les  capillaires  sont  dépourvus 
de  stomates  ou  d'ouvertures  capables  de  laisser  passer  les  globules  sanguins 
sous  l'influence  d'une  forte  pression.  Il  n'est  donc  plus  permis  d'admettre 
l'hémorrhagie  par  simple  diapédèse  comme  l'ont  crue  possible  Bichat,  Laennec, 
Clioincl,  Grisolle,  Cohnheim,  etc.  L'hémorrhagie,  quel  que  soit  l'organe  où  elle 
siège,  ne  peut  s'effectuer  que  par  la  rupture  des  capillaires  sous  l'influence 
d'une  cause  quelcon([ue. 

Or  la  rupture  pathologique  de  ces  vaisseaux  reconnaît  deux  causes  princi- 
pales :  1"  une  altération  morbide  de  leurs  parois  qui  les  l'end  plus  fragiles; 
2°  un  excès  de  pression  intérieure  de  la  colonne  sanguine  qui  distend  les  vais- 
seaux et  finalement  les  rompt.  En  d'autres  termes,  dans  l'appareil  respiratoire 
comme  partout  ailleurs,  l'hémorrhagie,  si  elle  n'est  pas  traumatique,  est  dyscra- 
sique  ou  mécanique.  Très-souvent  les  deux  causes  se  réunissent  pour  se  prêter 
un  mutuel  concours.  Bien  plus,  l'une  des  deux  est,  comme  nous  le  verrons, 
susceptible  d'engendrer  l'autre. 

L'étude  pathogénique  des  diverses  sortes  d'hémoptysie  que  nous  allons  passer 
en  revue  aura  donc  pour  objet  de  déterminer  le  mécanisme  qui,  dans  chaque 
cas  spécial,  produit  la  rupture  des  vaisseaux. 

Mais,  pour  bien  faire  saisir  la  pathogénie  des  hémoptysies,   il  est  bon  de 


HÉMOPTYSIE.  307 

rappeler  sommairement  la  disposition  anatoniiqiie  des  vaisseaux  de  l'appareil 
pulmonaire. 

Le  système  circulatoire  du  poumon  comprend  trois  ordres  principaux  de  vais- 
seaux :  1°  l'artère  pulmonaire  qui  charrie  du  sang  noir  destiné  à  s'oxygéner  et  à 
devenir  rouge  dans  les  alvéoles  pulmonaires;  2»  les  artères  bronchiques  qui 
renferment  du  sang  rouge  artériel  destiné  à  la  nutrition  du  parenchyme;  3»  les 
veines  pulmonaires  et  les  veines  bronchiques. 

L'artère  pulmonaire  suit  pas  à  pas  les  divisions  des  bronches  auxquelles  elle 
€St  accolée  jusque  dans  les  alvéoles.  Ses  rameaux  se  rendent  dans  les  parois  des 
alvéoles  pulmonaires,  ils  sont  terminaux,  c'est-à-dire  que  l'artériole  qui  se 
rend  dans  chaque  lobule  pulmonaire  ne  se  lie  par  aucune  anastomose  aux 
artères  des  lobules  voisins,  et  il  en  est  ainsi  jusque  dans  les  plus  petits  vaisseaux 
des  lobules  (Litten  et  Kûtner,  Rindfleicli).  S'il  n'existe  pas  d'anastomose  arté- 
rielle entre  plusieurs  lobules  de  voisinage,  leurs  anastomoses  veineuses  sont  au 
contraire  larges  et  multiples. 

Les  artères  bronchiques  se  distribuent  dans  la  muqueuse  des  bronches  et  se 
terminent  au  niveau  des  canaux  alvéolaires  par  une  houppe  vasculaire  qui  se 
perd  dans  les  parois  bronchiques  et  sur  les  alvéoles  péribionchiques  (Kiitner). 
L'artère  bronchique  est  donc,  elle  aussi,  et  jusqu'à  un  certain  point,  une  artère 
lobulaire,  mais  elle  ne  saurait  suppléer  l'artère  pulmonaire,  car  il  n'existe 
aucune  anastomose  entre  les  deux  systèmes  (Cohnheim).  Ces  deux  systèmes, 
bien  qu'ils  s'anastomosent  avec  le  même  système  de  capillaires,  sont  distincts  et 
indépendants,  si  bien  qu'une  injection  poussée  dans  les  artères  bronchiques  ne 
passe  pas  dans  les  vaisseaux  qui  se  ramifient  sur  les  cellules  aériennes  et  vice 
versa  (Graves);  aussi  bien  l'obstruction  de  l'artère  pulmonaire  ne  produit  qu'une 
anémie  locale  en  aval  de  l'obstacle  et  ne  peut  déterminer  directement  et  à  elle 
seule  la  gangrène  pulmonaire,  parce  que  l'artère  bronchique  continue  à  nourrir 
le  poumon,  tandis  que  l'oblitération  de  l'artère  bronchique  entraine  fatalement 
le  sphacèle  du  segment  pulmonaire  correspondant. 

Les  veines  du  poumon  correspondent  aux  deux  systèmes  artériels  :  il  y  a  donc 
<les  veines  pulmonaires  et  des  veines  bronchiques  qui  s'anastomosent  entre  elles 
par  des  voies  très-multiples,  contrairement  aux  deux  systèmes  artériels.  Les 
veines  pulmonaires  naissent  dans  les  alvéoles  du  réseau  capillaire  de  l'artère 
pulmonaire;  toutes  s'anastomosent  entre  elles  et  forment  dans  chaque  poumon 
un  seul  grand  réseau.  Parmi  les  veines  bronchiques,  les  unes  naissent  dans  les 
derniers  rameaux  bronchiques  (veines  broncho-pulmonaires)  et  sont  constituées 
par  des  tubes  membraneux,  minces,  permettant  au  sang  de  l'artère  bronchique 
devenu  veineux  de  s'hématoser  au  contact  de  l'air  (Le  Fort).  Les  veines  bron- 
chiques proprement  dites  naissent  dans  les  premières  divisions  des  bronches, 
leur  sang  est  et  reste  veineux  et  s'en  retourne  au  cœur  droit  par  la  veine  azygos 
et  le  tronc  brachio-céphalique.  Ces  deux  ordres  de  vaisseaux  s'anastomosent 
entre  eux  non  par  des  capillaires,  mais  par  des  bronches  de  dérivation  assez  grosses. 

Se  basant  sur  la  disposition  anatomique  des  vaisseaux,  Graves  a  admis,  avec 
raison,  et  d'après  ses  propres  expériences,  deux  classes  d'hémoptysies  :  l'une  qui 
procède  des  artères  bronchiques,  l'autre  des  arlèies  pulmonaires.  Dans  le  pre- 
mier cas,  le  sang  s'épanche  dans  les  bronches;  dans  le  second,  il  tombe  en 
partie  dans  les  cellules  pulmonaires  et  en  partie  s'infiltre  dans  le  tissu  cellulaire 
interalvéolaire  oij  il  reste  emprisonné. 

En  résumé,  l'hémorrhagie  peut  se  faire  par  les  artères  bronchiques  ou  par  les 


308  HÉMOPTYSIE. 

artères  pulmonaires,  mais,  comme  elle  peut  provenir  à  la  fois  des  deux  ordres  de 
vaisseaux  et  même  des  veines  pulmonaires  et  des  veines  bronchiques,  il  s'ensuit 
que  la  coloration  du  sang  expulsé  n'a  aucun  caractère  fixe  et  que  dans  la  pra- 
tique il  n'est  pas  toujours  facile,  comme  nous  le  verrons,  de  discerner  la  source 
vasculaire  de  telle  ou  telle  hémoptysie. 

PREMIERE  CLASSE.  Hémoptysies  symptomatiques.  [°  Hémoptysie  dans  la 
tuberculose  pulmonaire.  Cette  hémoptysie  est  de  beaucoup  la  plus  fréquente. 
Sans  doute,  et  même  en  dehors  des  hémoptysies  liées  aux  aifections  du  cœur,  il 
en  est  un  grand  nombre,  ainsi  qu'on  le  verra,  qui  procèdent  de  causes  tout 
autres  que  la  tuberculose,  mais  ces  hémoptysies  sont  si  rares  et  si  exception- 
nelles, beaucoup  d'entre  elles  sont  elles-mêmes  si  suspectes  d'origine  néopla- 
sique,  qu'en  thèse  générale  il  est  permis  de  dire  que  la  plupart  des  hémoptysies 
tant  soit  peu  abondantes  et  durables,  se  rattachent  plus  ou  moins  immédiatement 
à  la  tuberculose.  Et  lorsque  nous  voyons  des  auteurs,  tels  que  Laennec,  Louis, 
Andral,  Pidoux,  soutenir  cette  dernière  opinion,  d'après  leurs  propres  statistiques, 
et  d'autres,  comme  Trousseau,  affirmer  que  la  moitié  au  moins  des  iiémoptysies 
sont  liées  à  une  cause  étrangère  à  la  tuberculose,  la  contradiction  entre  ces  maîtres 
autorisés  est  plus  apparente  que  réelle.  Leur  divergence  nous  paraît  tenir  à  ce 
qu'un  grand  nombre  d'hémoptysies  ne  semblent  reconnaître  une  origine  étrangère 
à  la  tuberculose  que  parce  que  (fait  très-consolant  d'ailleurs)  elles  n'aboutissent  pas 
à  la  phtilisie.  On  sait  en  effet  qu'on  peut  être  tuberculeux  sans  devenir  phthisique, 
le  tubercule,  pour  une  cause  ou  pour  une  autre,  étant  susceptible  de  s'arrêter  dans 
son  évolution.  Qui  n'a  vu  des  malades  cracher  des  flots  de  sang  à  une  certaine 
époque  de  leur  vie,  présenter  même  des  craquements  dans  le  sommet  du 
poumon,  et  retrouver  ensuite  une  santé  parfaite,  sans  plus  offrir  aucun  signe 
local  de  tuberculose?  L'autopsie  des  vieillards  ne  montre-t-elle  pas  journelle- 
ment dans  leurs  poumons  des  traces  de  cavernules,  des  tubercules  devenus 
inertes  ou  crétacés  et  qui  avaient  passé  inaperçus  pendant  la  vie?  Dès  lors,  bien 
des  hémoptysies  se  rattachant  à  des  tuberculoses  latentes  ou  abortives  ont  pu  être 
attribuées  à  des  causes  étrangères  à  cette  affection.  Quant  aux  cas,  rares  d'ail- 
leurs, où  l'autopsie  a  fait  trouver  des  poumons  intacts  chez  des  sujets  atteints 
d'hémoptysies  multiples  pendant  leur  vie,  que  prouvent-ils?  qu'il  y  a  des 
hémoplysies  indépendantes  de  la  tuberculose,  ce  que  nous  sommes  loin  de  nier. 
Mais  ces  faits  exceptionnels  n'infirment  pas  la  règle  que  nous  avons  posée. 

On  a  admis  trois  sortes  d'hémoptysies  tuberculeuses:  1"  l'hémoptysie  prodro- 
mique  ou  prémonitoire,  qui  se  produit  avant  l'apparition  des  signes  locaux  de 
la  tuberculose;  2"  l'hémoptysie  concomitante,  qui  coïncide  avec  le  tubercule 
confirmé  et  cru  ;  5"  l'hémoptysie  îdtime,  qui  s'observe  pendant  la  période  cavi- 
taire  ou  d'ulcération. 

La  pathogénie  de  cette  dernière  variété  n'est  pas  la  même  que  celle  des  deux 
premières. 

a.  Hémoptysies  prodromiques  et  concomitantes.  Les  travaux  anatomiques 
modernes  ne  permettent  plus  de  nier  le  rapport  de  cause  à  effet  qui  existe  entre 
le  développement  même  du  tubercule  et  la  production  de  l'hémoptysie  prodro- 
niique.  U  est  des  tubercules  si  petits  qu'aucun  signe  local  ne  peut  les  révéler, 
mais  ils  n'en  sont  pas  moins  susceptibles  de  provoquer  une  hémorrhagie.  U  en 
est  d'autres,  également  muets  à  l'auscultation,  qui,  après  avoir  donné  naissance 
à  une  hémoptysie,  avortent,  se  résorbent,  ou  bien  deviennent  fibreux  ou  crétacés. 


HEMOPTYSIE.  309 

L'absence  des  signes  ste'thoscopiques  au  moment  de  l'hémoptysie  n'implique 
donc  pas  l'absence  du  tubercule,  pas  plus  que  l'abondance  de  l'hémorrhagie 
n'implique  une  tuberculose  étendue,  car  aux  tubercules  les  plus  petits  peuvent 
se  rattacher  les  hémorrhagies  les  plus  considérables  et  vice  versa.  Donc,  à  vrai 
dire,  il  n'existe  pas  d'hémoptysie  prodroraique,  car,  dès  que  le  crachement  de 
sang  se  déclare,  un  tubercule  est  formé  ou  en  voie  de  formation.  Il  y  a  des 
hémoptysies  mitiales,  c'est-à-dire  qui  marquent  le  début  de  la  tuberculose, 
mais  toutes  sont  concomitantes,  en  ce  sens  qu'elles  coïncident  déjà  avec  un 
tubercule  cru  hémorrhagipare,  si  petit  soit-il. 

On  a  expliqué  l'hémoptysie  de  la  période  de  crudité  des  tubercules  par  la 
congestion  qui  accompagne  leur  formation  même,  par  l'aftlux  sanguin  que 
réclament  dès  le  début  de  la  néoplasie  les  éléments  qui  concourent  à  sa  création 
(Villemin).  Mais  cette  fluxion  active  et  purement  vitale,  qui  peut  se  propager 
sur  tout  l'appareil  respiratoire  et  jusqu'à  la  muqueuse  nasale,  n'accompagne  pas 
constamment  le  développement  du  tubercule,  ainsi  que  l'a  démontré  Cornil,  et, 
lorsqu'elle  existe,  elle  ne  nous  paraît  pas  suffire  à  elle  seule  à  la  production  de 
l'hémorrhagie,  si  déjà  les  capillaires  n'ont  subi  une  altération  propre  à  favoriser 
leur  rupture. 

Certains  auteurs,  Niemeyer  entre  autres,  ont  bien  invoqué,  pour  expliquer 
l'hémoptysie  initiale,  la  faiblesse  et  la  fragilité  natives  que  présenteraient  les 
vaisseaux  chei!  les  sujets  nés  de  parents  scrofuleux,  rachitiques,  hémophili- 
ques,  etc.,  et  par  cela  même  prédisposés  à  la  tuberculose.  Mais  celte  friabilité 
vasculaire  n'a  pas  été  anatomiqueraeiit  prouvée.  Sans  la  nier  pourtant,  car  il 
est  rationnel  de  l'admettre  chez  des  sujets  atteints  d'un  vice  général  de  la  nutri- 
tion, nous  croyons  que  de  même  que  la  congestion  elle  ne  peut  suffire  à  elle 
seule  à  déterminer  l'hémorrhagie.  Elle  peut  agir  comme  cause  prédisposante  et, 
de  ce  chef,  prédisposer  à  la  rupture  des  vaisseaux  distendus  déjà  par  la  congestion, 
c'est-à-dire  par  un  excès  de  pression.  Excès  de  pression  d'un  côté  et  altération 
morbide  des  vaisseaux  de  l'autre,  telles  sont  en  définitive  les  deux  conditions 
dont  la  réunion  paraît  nécessaire  pour  produire  l'hémorrhagie  dans  la  période  de 
crudité  du  tubercule.  Quant  à  la  cause  immédiate  de  la  rupture  vasculaire,  elle 
est  d'ordre  mécanique  et  non  d'ordre  purement  dynamique  et  fluxionnaire,  et  la 
fréquence  de  l'hémorrhagie  dès  le  début  de  la  tuberculose  s'explique  par  le 
siège  des  granulations  dans  les  parois  mêmes  des  vaisseaux.  Les  travaux  de 
Rinddeisch  rendent  bien  compte  du  mécanisme  qui  préside  à  la  rupture  [des 
vaisseaux.  Cet  observateur  a  montré  que  les  cellules  embryonnaires  dont  se 
compose  le  néoplasme  tuberculeux  envahissent  non-seulement  les  parois  des 
bronchioles  et  des  alvéoles,  mais  aussi  les  parois  mêmes  des  vaisseaux  et  plus 
spécialement  celles  des  artères  bronchiques  qui  lînissent  par  s'oblitérer  en  grande 
partie.  «  L'examen  de  ce  processus,  dit  Balzer,  fait  également  comprendre  com- 
ment l'hémoptysie  peut  se  produire  à  la  période  dite  de  congestion  prémoni- 
toire, alors  que,  l'intikration  des  cellules  embryonnaires  commençant  dans  les 
parois  vasculaires,  la  granulation  n'est  pas  encore  visible  à  l'œil  nu.  » 

Cette  infiltration  embryonnaire  des  parois  vasculaires  devient  une  double 
cause  d'hémorrhagie  ;  elle  prédispose  les  vaisseaux  à  la  rupture  et  en  les  oblité- 
rant en  grand  nombre,  elle  élève  la  pression  sanguine  dans  les  vaisseaux  restés 
perméables  et  qui  sui)portent  maintenant  toute  la  charge  répartie  auparavant 
entre  des  canaux  plus  nombreux.  Sous  l'influence  de  cette  pression  exagérée,  les 
aisseaux,  dont  les  uns  sont  de  nouvelle  formation  et  partant  plus  tendres,  ij  l 


310  IIÉMOPTISIE. 

les  autres  ont  subi  déjà  la  de'générescence  granulo-graisseuse  (Yvert),  se  dilatent, 
puis  se  l'ompent  sous  le  moindre  effort  ou  même  spontanément  et  sous  la  seule 
impulsion  de  la  systole  cardiaque.  Tel  est  le  mécanisme  de  l'he'moptysie  dans  la 
tuberculose  crue.  C'est  la  théorie  de  la  fluxion  collatérale  émise  par  N.  Guillol, 
soutenue  par  Virchow  et  confirmée  par  les  travaux  de  Rindfleisch. 

Selon  M.  Peter,  si  la  fluxion  collatérale  était  toute  mécanique,  elle  ne  devrait 
jamais  cesser,  mais  plutôt  augmenter,  et  l'hémorrhagie  devrait  être  constante 
dans  la  tuberculose.  A  cela  on  peut  répondre  que,  si  l'hémorrhagie  s'arrête  ou 
même  fait  défaut  dans  certaines  tuberculoses,  cela  tient  sans  doute  à  ce  que  la 
plupart  des  vaisseaux  du  foyer  tuberculeux  ont  été  oblitérés,  ou  encore  à  ce  que 
leurs  parois  ne  sont  pas  suffisamment  altérées  dans  tous  les  cas  pour  céder  à  la 
pression  collatérale. 

Une  fois  sorti  des  vaisseaux,  le  sang,  ne  pouvant  plus  s'écouler  vers  l'acinus, 
remonte  dans  la  trachée  par  suite  des  efforts  expirateurs  et  de  la  toux.  Son 
ascension  est  falicitée  d'ailleurs  par  la  forme  de  plus  en  plus  évasée  qu'affectent 
les  bronches  et  par  la  légèreté  spécifique  qu'il  acquiert  en  se  mêlant  à  l'air. 

Quels  sont  les  vaisseaux  qui  fournissent  le  sang  dans  la  période  de  crudité  des 
tubercules?  Selon  Graves,  l'hémorrhagie  procéderait  exclusivement  des  artères 
bronchiques,  mais,  s'il  en  est  ainsi  le  plus  souvent,  l'opinion  du  pathologiste 
anglais  n'en  est  pas  moins  trop  absolue.  Les  hémorrhagies  tuberculeuses  sont 
alvéolo-bronchiques.  Balzer  les  a  vues  externes  et  interstitielles  dans  un  certain 
nombre  d'autopsies;  Ilérard  et  Gornil  ont  observé  un  cas  de  ce  genre  dans  le 
cours  d'une  phthisie  aiguë  à  forme  typhoïde.  Damaschino  a  vu  des  hémoptysies 
précoces  procéder  d'un  anévrysme  d'une  bronche  de  l'artère  pulmonaire.  Sans 
doute,  riiémoptysie  tuberculeuse  est  due  le  plus  souvent  à  la  rupture  des  vais- 
seaux bronchiques,  mais  elle  peut  avoir  aussi  sa  source,  comme  on  vient  de  le 
voir,  dans  les  vaisseaux  pulmonaires  qui  commencent  à  ramper  à  la  surface  des 
parois  alvéolaires. 

En  résumé,  l'hémoptysie  liée  aux  tubercules  crus  dérive  de  l'oblitération  d'u» 
certain  nombre  de  vaisseaux,  et  par  suite  d'une  pression  exagérée  dans  les 
vaisseaux  collatéraux  dilatés,  et  plus  ou  moins  altérés  dans  leur  texture.  Le  sang 
extravasé  a  sa  source  le  plus  souvent  dans  les  artères  bronchiques,  très-rare- 
ment dans  les  vaisseaux  pulmonaires. 

b.  Hémoptysies  tuberculeuses  ultimes  ou  cavitaires.  Cette  hémoptysie  par- 
faitement étudiée  par  Jaccoud,  qui  lui  a  donné  le  nom  d'hémoptysie  secondaire 
ou  tardive,  est  plus  rare  que  celle  dont  il  vient  d'être  question,  mais  générale- 
ment plus  abondante  et  plus  immédiatement  dangereuse.  Elle  se  produit  dans 
la  période  de  ramollissement  du  tubercule  et  siège  dans  les  cavernes.  Jaccoud 
attribue  la  rareté  relative  de  cette  hémoptysie  à  l'oblitération  successive  des 
branches  vasculaires  au  niveau  des  parties  ulcérées,  et  cela  par  suite  d'une  sorte 
de  })neumonie  scléreuse  interstitielle  développée  autour  des  foyers  tuberculeux. 
Yvert  a  vu  lui  aussi  autour  des  cavernes  une  sorte  de  coque  fibreuse  épaisse  de 
près  de  i  centimètre  ;  de  plus,  les  rameaux  de  l'artère  pulmonaire  arrivés  à  une 
certaine  distance  de  cette  coque  étaient  oblitérés  par  un  tissu  conjonctif  infiltré 
dans  la  tunique  adventice  et  n'offraient  plus  trace  de  lumière. 

On  n'admet  plus  aujourd'hui  qu'au  moment  du  ramollissement  tuberculeux 
le  travail  ulcératif  envahit  les  branches  vasculaires  restées  perméables  et  les 
ouvre,  en  déterminant  ainsi  l'hémorrhagie.  Les  travaux  de  Rokitansky  et  surtout 
ceux  de  Rasmussen  ont  jeté  un  jour  nouveau  sur  le  mécanisme  de  l'hémoptysie 


IIÉMOPTYSIM.  511 

cavitaire.  Rokitansky  avait  fait  voir  déjà  que  rhémonliagie  provient  toujours 
(les  branches  de  l'artère  pulmonaire  plus  ou  moins  dénudées  et  saillantes,  mais 
Kasmussen  le  premier  a  décrit  en  1868  les  petits  anévrysmes  dont  la  rupture 
détermine  l'hémorrhagie  {voy.  Phthisie).  Ces  anévrysmes,  quelquefois  au  nombre 
de  trois  ou  quatre,  portent  sur  les  branches  de  bifurcation  de  troisième  et  qua- 
trième ordre,  soit  même  sur  ceux  des  ramusculcs  lobulaires;  ils  varient  de  la 
grosseur  d'un  pois  à  celle  d'une  aveline;  tantôt  saccifoi'mes  et  tantôt  cylin- 
driques, ils  font  plus  ou  moins  saillie  dans  la  caverne  et  présentent  une  fissure 
à  leur  sommet.  U  y  a  aussi  des  anévrysmes  faux,  et  dans  ces  cas  l'artère 
communique  avec  une  caverne  tuberculeuse  remplie  de  caillots  fibrineux 
(Damaschino).  La  formation  des  anévrysmes  serait  due,  suivant  Fraentzel,  à  la 
compression  exercée  sur  les  vaisseaux  par  le  néoplasme  ;  selon  Uokitansky,  à  la 
destruction  du  tissu  pulmonaire  qui  sert  d'appui  aux  vaisseaux  dont  les  parois 
sont  d'ailleurs  devenues  granulo-graisseuses  (Rasmussen)  ou  sont  le  siège  d'une 
endartérite  avec  dégénérescence  caséeuse  (Damaschino).  Quoi  qu'il  eu  soit,  ces 
anévrysmes  ont  été  observés  depuis  dans  prescjue  tous  les  poumons  à  cavernes, 
mais  leur  rupture,  pour  être  imminente,  n'est  pourtant  pas  fatale.  Jaccoud 
attribue  cette  rupture  à  l'excès  de  pression  résultant  de  l'oblitération  partielle, 
muis  constante,  des  artères  pulmonaires,  oblitération  qui  marche  de  pair  avec 
la  destruction  du  poumon.  Si  les  vaisseaux  sont  anévrysmatiques,  cette  cause 
est  d'autant  plus  efficace  et  plus  rapide,  mais  la  destruction  des  tissus  ambiants 
serait  une  condition  suffisante,  La  rareté  relative  des  hémorrhagies  secondaires 
chez  les  malades  porteurs  de  cavernes  s'expli(|uc,  d'après  le  même  auteur,  par 
l'insuffisance  de  la  valvule  tricuspide,  insuffisance  qu'il  a  constatée  dans  la 
plupart  des  phthisies  à  large  destruction,  mais  qu'on  ne  reconnaît  pas  toujours 
pendant  la  vie.  Cette  insuffisance,  en  faisant  relluer  vers  l'oreillette  une  partie 
de  l'ondée  sanguine,  a  pour  effet  d'abaisser  la  pression  dans  les  artères  pulmo- 
naires et  de  prévenir  ainsi  la  rupture  des  vaisseaux. 

L'hémorrhagie  ultime  de  la  phthisie  n'est  pas  constamment  mortelle,  ainsi 
qu'en  témoignent  les  faits  rapportés  par  Cotton  et  Fraentzel.  Souvent  l'hémo- 
ptysie se  reproduit  à  plusieurs  reprises  et  tue  par  épuisement.  L'arrêt  de  l'hémor- 
rhagie est  due  à  des  caillots  hémostatiques.  Les  observations  de  Damaschino, 
Powel,  Cotton,  Rendu,  etc.,  ont  démontré  que  ces  caillots  ne  sont  pas  toujours 
cruoriques,  mais  très-souvent  fibrineux.  Ces  caillots  rendent  compte  de  l'arrêt 
facile  des  héraoptysies,  mais  expliquent  en  même  temps  leur  facile  i-eproduction 
par  la  rétraction  du  coagulum  fibrineux. 

Les  hémoptysies,  qu'on  voit  coïncider  parfois  avec  la  dilalation  des  bronches 
paraissent,  elles  aussi,  résulter  de  la  rupture  de  petits  anévrysmes  de  l'artère 
pulmonaire.  Powel  a  observé  ces  anévrysmes  dans  4  cas  de  bronchectasie, 
Dejean,  dans  sa  thèse  inaugurale,  cite,  lui  aussi,  une  douzaine  de  cas  de  dila- 
tation bronchique  où  la  rupture  d'anévrysmes  capillaires  a  paru  être  la  cause 
de  l'hémoptysie. 

Si  l'hémoptysie  de  la  tuberculose  crue  a  presque  toujours  sa  source  dans  les 
artères  bronchiques,  les  hémoptysies  tardives  proviennent  constamment  des 
artères  pulmonaires.  Cependant,  d'après  Damaschino,  certaines  hémoptysies 
précoces  proviendraient,  elles  aussi,  d'anévrysmes  de  l'artère  pulmonaire,  ané- 
vrysmes dont  la  fissure  se  cicatriserait  pour  un  temps  plus  ou  moins  long.  On 
a  mentionné  aussi  des  hémoptysies  procédant  de  la  rupture  d'une  veine  pulmo- 
naire, de  l'effraction  d'un  vaisseau  malade  rampant  dans  la  paroi  d'une  caverne 


312  HÉMOPTYSIE. 

ou  de  la  rupture  de  l'aorte  près  de  sa  crosse,  mais  ce  sont  là  des  cas  tout  à  fait 
exceptionnels. 

En  résumé,  la  rupture  vasculaire,  dans  les  hémorrhagies  cavitaires,  paraît 
résulter,  d'une  part,  de  l'oblilération  d'un  certain  nombre  de  rameaux  de  l'artère 
pulmonaire  par  la  sclérose  interstitielle  développée  dans  les  parois  des  cavernes, 
d'autre  part,  et  conséquemment,  de  l'exagéralion  de  la  pression  sanguine  dans 
les  vaisseaux  pulmonaires  restés  perméables  et  devenus  d'autant  plus  fragiles 
qu'ils  sont  enflammés,  dégénérés,  anévrysmatiques  et  privés  de  leur  soutien 
naturel  par  la  destruction  du  parenchyme  pulmonaire. 

Phlhisis  ab  hemopke.  A  l'hémoptysie  tuberculeuse  se  rattache  la  question 
depuis  longtemps  controversée  de  la  phthisie  considérée  comme  résultat  de 
riiémorrliagie  elle-même.  Hippocrate  avait  admis  déjà  que  la  phthisie  était  la 
consé(|uence  de  l'hémorrhagie  pulmonaire.  Hoffmann,  Baumes,  Morton  surtout, 
soutinrent  la  môme  thèse.  Laennec  vint,  qui  alfirma  que  l'hémoptysie  était 
l'effet  et  non  la  cause  de  la  phlhisie.  Louis  et  Andral  abondèrent  dans  son  sens. 
De  nos  jours,  Niemeyer,  Tessier  (de  Lyon)  et  après  eux  Jaccoud,  ont  repris  et 
soutenu  la  théorie  de  Morton.  Selon  Niemeyer,  lorsqu'une  hémorrhagie  bron- 
chique laisse  séjourner  du  sang  coagulé  dans  les  bronches  et  dans  les  alvéoles, 
ce  sang  devient  un  agent  irritant  pour  les  parties  avec  lesquelles  il  est  en  con- 
tact et  il  en  lésullerait  fréquemment  une  transformation  caséeuse  du  sang  ainsi 
que  du  tissu  pulmonaire  enflammé.  Niemeyer  va  jusqu'à  qualifier  d'exceptions 
rares  les  faits  où  l'hémoptysie  n'a  pas  été  le  phénomène  primordial  et  la  phthisie 
caséeuse  le  fait  consécutif.  Jaccoud,  adoptant  une  théorie  moyenne  entre  celle 
de  Laennec  et  celle  de  Niemeyer,  croit  à  l'existence  d'un  hémoptysie  primitive, 
cause  de  l'altération  du  poumon,  et  d'une  hémoptysie  secondaire,  effet  de 
lésions  préexistantes.  11  est  acquis,  pour  lui,  que  l'hémoptysie  génératrice  de  la 
phlhisie  détermine  la  phthisie  pneumonique,  mais  pour  qu'il  en  soit  ainsi  une 
prédispositioji  préalable  du  sujet  serait  nécessaire. 

Inventée  quelque  peu  pour  le  besoin  de  la  cause  et  pour  prouver  l'existence 
de  phthisies  accidentelles  et  caséeuses,  la  théorie  de  Niemeyer  ne  lient  ni  devant 
les  données  de  la  clinique  ni  devant  les  résultats  de  l'expérimentation  directe 
sur  les  animaux. 

En  effet,  si  le  sang  pouvait  séjourner  dans  les  bronches  et  y  jouer  le  rôle  de 
corps  étranger,  on  ne  s'expliquerait  pas  l'innocuité  des  hémoptysies  trauma- 
tiques  et  des  hémoptysies  cardiaques  qui,  elles,  jamais  ne  sont  accompagnées  ni 
suivies  de  productions  caséeuses.  Dans  le  cerveau,  dans  le  rein,  dans  le  foie, 
dans  les  grandes  cavités,  on  ne  voit  jamais  le  processus  tuberculeux  naître  d'une 
hémorrhagie.  D'ailleurs,  rien  ne  prouve  qu'après  une  hémoptysie  il  reste  des 
caillots  dans  les  fines  bronches  et  dans  les  alvéoles,  car  le  plus  souvent  l'auscul- 
tation ne  révèle  rien  immédiatement  après  les  grandes  hémoptysies,  et  l'hémor- 
rhagie, loin  de  provoquer  la  suffocation,  soulage  le  plus  souvent  (Y vert).  Les 
fibres  lisses  des  bronchioles  découvertes  par  Reiseissen  n'out-elles  pas  pour  rôle 
de  se  contracter  à  la  suite  de  la  toux  réflexe  provoquée  par  les  corps  irritants 
et  d'expulser  non-seulement  les  liquides,  mais  parfois  même  de  petits  caillots 
vermicul aires,  comme  l'a  observé  Yvert?  Enfin,  si  la  phthisie  est  le  résultat  de 
l'hémoptysie,  pourquoi  cette  phthisie  ne  se  déclare-t-elle  souvent  que  deux  ou 
trois  mois  après  l'hémorrhagie  et  non  immédiatement?  Ajoutons  que  la  plupart 
des  partisans  de  la  phthisis  ab  hemoptce  admettent  qu'elle  ne  prend  naissance 
qu'en  vertu  d'une  prédisposition  spéciale  à  la  pneumonie  caséeuse.  N'est-ce  pas 


HÉMOPTYSIE.  513 

avouer  que  la  phthisie  se  serait  déclarée  tôt  ou  tard  sans  le  secours  de  l'hémoptysie  ? 
«  Pour  que  l'interprétation  de  Niemeyer  fût  acceptahle,  dit  avec  raison  M.  De- 
boves,  il  faudrait  d'abord  que  l'on  trouvât  aux  liémoptysies  prétendues  généra- 
trices de  la  plitliisie  une  cause  autre  que  la  tuberculose  elle-même.  Grâce  aux 
recherches  modernes,  il  est  permis  d'affirmer  que  l'hémoptysie  n'est  jamais  que 
le  premier  signe  de  la  maladie,  car  dans  le  sang  cxpecloré  lliller  a  reconnu  la 
présence  du  bacille  tuberculeux,  et  a  pu  conclure  de  là  que  l'Iiémoptysie  était 
l'effet  et  non  la  cause  de  la  tuberculose  ». 

Du  reste,  les  recherches  de  Perl  et  Lipmann,  faites  en  1870  sur  des  lapins  et 
des  chiens,  avaient  démontré  déjà  que  le  sang  pris  dans  la  veine  jugulaire  de 
ces  animaux  et  introduit  ensuite  dans  leur  canal  aérien  s'y  coagule,  puis  dispa- 
raît graduellement  sans  laisser  de  trace  de  travail  inflammatoire.  Sommerbrodt, 
continuant  les  expériences  de  Perl  et  de  Lipmann,  n'a  trouvé  aucune  lésion  des 
alvéoles  au  microscope,  mais  on  a  constaté  les  signes  d'une  pneumonie  catar- 
rhale  qui  disparaissait  sans  laisser  la  moindre  trace.  Bien  qu'il  ne  soit  pas 
permis  de  conclure  d'une  façon  absolue  de  l'animal  à  l'homme,  ces  expériences 
ont  leur  valeur.  Jaccoud,  pour  en  expliquer  les  résultats  négatifs,  invoque 
l'absence  de  la  fluxion  active  qui  seule,  selon  lui,  est  capable  de  produire  une 
irritation  inflammatoire.  Mais  rien  ne  prouve  la  possibilité  de  cette  fluxion 
active  en  l'absence  d'un  tubercule  préexistant,  et  tout  démontre  le  mal  fondé  de 
la  théorie  de  Niemeyer. 

2°  Hémoptysies  dans  les  affections  non  tuberculeuses  du  poumon  et  des  voies 
aériennes,     a.  Pneumonies.     Si  rien  n'est  plus  comnmn  que  les  crachats  san- 
guinolents dans  la  pneumonie,  rien  n'y  est  plus  rare  que  la  véritable  hémoptysie 
se  traduisant  par  l'expectoration  d'une  grande  quantité  de  sang  pur.  Pourtant  le 
fait  a  été  observé  quelquefois.  Laenncc,  Gendrin,  Dauvergne  père,  Jaccoud,  en  ont 
rapporté  chacun  un  ou  plusieurs  exemples.  Ces  hémoptysies  n'assombrissent  pas, 
en  général,  le  pronostic  de  la  pneumonie.  Yvert  explique  leur  production  par  la 
dilatation  vasculaire  considérable  qui  s'opérerait  dans  le  poumon  tout  comme  sur 
la  joue  et  en  général  sur  toute  la  moitié  de  la  tête  située  du  même  côté  que  la 
lésion  pulmonaire.  L'irritation  dont  le  poumon  est  le  siège  se  transmettrait  aux 
ganglions  intra-thoraciques  du  grand  sympathique  d'où  partent  les  nerfs  vaso- 
moteurs  du  poumon,  et  de  là  une  dilatation  des  capillaires  avec  diminution  de 
résistance  de  leurs  parois.  La  rupture  des  vaisseaux  serait  d'ailleurs  favorisée 
par  l'énergie  des  battements  du  cœur  surexcité  par  l'irritation  que  les  anasto- 
moses nerveuses  transmettent  aux  ganglions  cardiaques.  Le  cracbat  rouillé  ne 
serait  qu'une  hémoptysie  réduite,  mais  de  ce  crachat  à  l'hémoptysie  vraie  il 
n'y  aurait  qu'un  pas.  Celle-ci,  quand  elle  éclate,  serait  la   suite  de  l'acuité 
extrême  de  l'inilammation.  Cette  explication,  assurément  très-ingénieuse,  est 
plus  théorique  qu'anatomique.  11  nous  semble  que  la  compression  exercée  par 
l'exsudat  pneumonique  sur  les  vaisseaux  d'ailleurs  très-liyperémiés  et  plus  ou 
moins  altérés  dans  leur  texture  rend  compte  de  la  l'upture  de  ces  vaisseaux  et 
par  suite  de  la  production  des  crachats  rouilles  et  de  l'hémoptysie  dans  certains 
cas  particuliers.  Balzer  attribue  l'hémorrhagie  diffuse  qu'il  a  rencontrée  dans 
certaines  broncho-pneumonies  à  la  congestion  des  lobules  déterminée  par  l'absence 
d'air  dans  les  bronchioles  obstruées  par  les  produits  inflammatoires  et  à  l'altération 
consécutive  des  capillaires.  En  somme,  la  pathogénie  de  l'hémoptysie  pneumonique 
comme  celle  des  crachats  rouilles  présente  encore  bien  des  points  obscurs. 
b.  Cancer  du  poumon,  hydatides,  etc.     Les  néoplasmes  non  tuberculeux  du 


514  HÉMOPTYSIE. 

poumon  lels  que.  le  cancer,  le  chondrome,  le  fibrome,  les  kystes  hydatiques, 
donnent  naissance  à  des  liémoplysies  dont  la  patliogénie  ne  diffère  guère  de 
celle  de  l'hémoptysie  tuberculeuse.  Il  est  permis  d'admettre,  par  analogie,  que 
les  liémorrhagies  coïncidant  avec  le  développement  même  du  néoplasme  relèvent, 
elles  aussi,  d'une  oblitération  partielle  des  vaisseaux  par  ce  néoplasme  et  de  la 
rupture  par  fluxion  collatérale  des  vaisseaux  demeurés  perméables  ;  que  pendant 
la  période  d'ulcération  de  la  masse  néophisique  les  vaisseaux  d'ancienne  et  de  nou- 
velle formation,  d'ailleurs  d'une  mollesse,  d'une  ténuité  et  d'ime  fragilité  extrêmes, 
se  rompent  par  un  mécanisme  qui  ne  diffère  guère  de  celui  des  liémorrhagies 
de  la  période  ulcéreuse  de  la  tuberculose.  L'abondance  et  la  ténuité  des  vais- 
seaux rendent  compte  d'ailleurs  de  l'abondance  et  delà  fréquence  de  l'hémoptysie. 

Si  les  liémorrhagies  sont  beaucoup  plus  communes  à  la  suite  du  cancer  qu'à 
k  suite  des  fibromes,  des  tumeurs  ostéoïdes  et  des  tumeurs  érectiles  du  poumon, 
cela  tient  sans  doute  à  ce  que  tous  ces  derniers  produits  n'ont  pas  de  période 
de  ramollissement.  Dans  les  kystes  hydatiques  du  poumon,  l'hémoptysie  est  au 
contraire  d'une  iVéqucnce  extrême. 

Dans  ces  diverses  nfléctions  du  [)oumon,  l'hémoptysie  peut  avoir  sa  source 
aussi  souvent  et  même  plus  souvent  dans  le  système  des  vaisseaux  pulmonaires 
que  dans  celui  des  vaisseaux  bronchiques,  car  tous  deux  se  distribuent  dans 
l'épaisseur  du  lobule  (Balzer). 

c.  La  gangrène  du  poumon  s'accompagne  fréquemment  d'hémoptysie.  Ou 
sait  aujourd'hui  que  celte  gangrène  résulte  le  plus  souvent  d'une  obstruction 
d'une  branche  de  l'artère  pulmonaire  ou  de  l'artère  bronchique,  mais  l'hémo- 
ptysie qui  en  résulte  provient  presque  toujours  de  la  rupture  des  vaisseaux 
pulmonaires,  grâce  à  la  désorganisation  rapide  de  tous  les  éléments  du  paren- 
chyme. Le  petit  cracbement  de  sang  qui  marque  ordinairement  le  début  de  la- 
gangrène  paraît  procéder  de  l'hyperémie  considérable  avec  altération  des  parois 
vasculaires  qui  résulte  de  l'obstruction  même  du  vaisseau  iFernet).  Plus  tard, 
lorsque  les  parties  gangrenées  commencent  à  s'éliminer,  il  se  produit  plus  ou 
moins  rapidement  des  cavernes  en  même  temps  que  des  ulcérations  et  des 
sections  vasculaires  suivies  d'hémoptysies  abondantes  et  parfois  mortelles.  Si 
l'élimination  des  parties  sphacélées  s'opère  lentement,  comme  c'est  le  cas  le 
plus  fréquent,  la  caverne,  suivant  Yvert,  s'entourerait  d'un  tissu  scléreux  qui 
oblitère  un  grand  nombre  de  vaisseaux  et  rend  aussi  l'hémoptysie  moins  abondante. 

d.  La  laryngite  calarrliale  avec  congestion  vive  et  épaisissement  de  la  mu- 
queuse donne  lieu  parfois  à  des  crachements  de  sang  peu  abondants,  peu  ou 
point  aérés,  mêlés  le  plus  souvent  de  mucosités  et  se  reproduisant  tantôt  le 
matin,  tantôt  le  soir.  Dans  ces  cas,  le  laryngoscope  fait  constater  la  présence  de 
petits  caillots  sanguins  sur  les  replis  du  larynx  et  sur  les  cordes  vocales  ;  cer- 
tains sujets  sont  particulièrement  disposés  à  ces  laryngites  hémorrhagipares, 
indépendantes  de  toute  trace  de  tuberculose  (Stépanow,  Rethi,  Strùbing).  D'au- 
tres fois  l'hémorrhagie  laryngée  est  provoquée  mécaniquement  par  les  efforts  de 
toux  ou  de  vomissement,  mais  alors  elle  est  favorisée  par  des  altérations  vascu- 
laires se  rattachant  soit  à  quelque  état  infectieux  ou  hémophylique,  soit  à  la 
grossesse  (Fraenkel). 

La  simple  bronchite  aiguë  ou  chronique  donne  naissance  quelquefois  à  des 
crachats  sanglants  dus  soit  à  la  rupture  des  vaisseaux  bronchiques  par  les  efforts 
de  toux,  soit  à  l'état  fongueux  de  la  muqueuse  chroniquement  enllammée.  Cla- 
Yosteck  a  constaté  des  liémorrhagies  répétées  dans  la  bronchite  membrani forme. 


HÉMOPTYSIE.  515 

5"  Hemoptysies  dans  les  affecliom  de  Vappareil  circulatoire.  Ces  hémo- 
ptysies  sont  les  plus  fréquentes  après  celles  de  la  tuberculose  pulmonaire.  Elles 
peuvent  dépendre  : 

a.  D'une  obstruction  artérielle  déterminée  par  une  embolie  pulmonaire  ; 

h.  D'une  affection  organique  du  cœur  ; 

c.  D'une  altération  spéciale  et  idiopatliique  des  vaisseaux  pulmonaires. 

Les  lésions  anatomo-pathologiques  aftérentes  aux  hemoptysies  provenant  de 
l'appareil  circulatoire  ont  été  décrites  sous  le  nom  impropre  A' apoplexie  pulmo- 
naire, appellation  qui,  comme  le  dit  Jaccoud,  n'est  justiliée  ni  par  l'analyse  des 
symptômes  ni  par  celle  des  lésions.  Ces  lésions  se  présentent  sous  deux  aspects 
différents  :  tantôt  elles  constituent  les  infarctus  hémopto'iques  circonscrits  si 
bien  décrits  par  Laennec,  tantôt  des  foyers  sanguins  diffus  plus  ou  moins  vastes 
accompagnés  ou  non  de  décliirure  du  poumon.  Ces  lésions  seront  étudiées  îi 
l'article  Hémorrhagie  pulmonaire  {voy.  ce  mot).  Bornons-nous  à  quelques  consi- 
dérations sommaires. 

Les  infarctus  hémopto'iques  relèvent  généralement  de  l'obstruction  d'une 
branche  de  l'artère  pulmonaire,  mais,  comme  nous  le  verrons,  ce  sont  les  veines 
pulmonaires  qui  fournissent  le  sang  de  l'hémorrhagie.  Quant  aux  hémorrhagies 
en  foyer  diffus,  elles  tiennent  le  plus  souvent  à  la  rupture  des  vaisseaux  intra- 
lobulaires  et  surtout  des  capillaires,  qui  se  brisent  d'autant  plus  facilement 
qu'ils  sont  placés  à  l'extrémité  de  deux  courants  sanguins  et  que  leurs  parois  sont 
fort  mal  soutenues  par  le  parenchyme  du  lobule  (Duguet).  V infarctus  on  noyau 
hémoptoïque  circonscrit  est  le  plus  souvent  le  résultat  de  Vemholie  pulmonaire. 
Les  foyers  difftis  avec  ou  sans  dilacération  du  tissu  pulmonaire  paraissent  être 
plus  spécialement  la  lésion  anatomique  des  ][vmoi)l]'s'\es  par  stase  sanguine  dues 
aux  affections  du  cœur  et  des  hemoptysies  par  altération  propre  des  vaisseaux. 

a.  Mécanisme  de  Vhémoptysie  par  embolie.  L'embolie  pulmonaire,  on  le 
sait,  peut  prendre  naissance  dans  l'artère  pulmonaire  même  (phthisie,  emphy- 
sème, épanchement  pleurélique,  etc.)  ;  elle  peut  s'être  détachée  de  la  veine  d'un 
organe  éloigné  (varices,  fractures,  cachexies,  etc.)  ;  enfin,  et  ce  dernier  cas 
paraît  être  plus  commun  qu'on  ne  l'a  supposé  jusqu'ici,  elle  peut  provenir  des 
concrétions  fibrineuses  dont  l'oreillette  droite  est  si  fréquemment  le  siège  dans 
les  affections  de  la  valvule  mitrale.  La  théorie  actuellement  en  vogue  veut  même 
que  toutes  les  hémorrhagies  liées  aux  affections  du  cœur  soient  d'origine  embo- 
lique  (Gerhardt).  Cette  assertion  nous  paraît  trop  absolue.  Cependant,  si  l'on 
considère  que  sur  59  infarctus  relevés  par  Bochdaleck  38  dépendaient  d'une 
affection  du  cœur,  et  que  Wrang  a  trouvé  12  fois  des  lésions  cardiaques  dans 
17  cas  d'embolie,  il  est  permis  de  conclure  de  là  que  les  affections  du  centre 
circulatoire  sont  une  des  causes  les  plus  communes  de  l'hémoptysie  par  embolie 
pulmonaire.  Les  lésions  de  l'orifice  aortique  s'accompagnent  moins  souvent  d'em- 
bolies que  les  lésions  de  l'orifice  mitral.  L'endocardite  ulcéreuse  et  la  péricardite 
peuvent,  elles  aussi,  donner  naissance  à  des  hemoptysies  par  embolie  pulmonaire. 
L'infarctus  de  l'embolie  est  toujours  le  résultat  de  l'obstruction  d'un  rameaU' 
terminal  lobulaire  ou  acineux  de  l'artère  pulmonaire.  Par  cela  même  qu'il  est 
terminal  et  qu'il  ne  s'anastomose  avec  aucune  artériole  voisine  capable  de  four- 
nir une  circulation  collatérale,  l'obstruction  artérielle  est  suivie  tout  d'abord 
de  l'anémie  des  vaisseaux  situés  au  delà  de  l'obstacle;  mais  bientôt  cette  ané- 
mie est  remplacée  par  une  forte  congestion,  parce  que  sous  l'influence  de  la- 
tension  vasculaire  générale  le  sang  du  tronc  veineux  voisin  n'a  pas  tardé  à 


316  HEMOTTYSIE. 

refluer  dans  les  capillaires  correspondants  au  tronc  artériel  oblitéré.  Cette  stase 
sanguine,  cet  excès  de  pression  intra-vasculaire,  déterminent  dans  les  parois  des 
vaisseaux  congestionnés  des  altérations  particulières  qui  en  facilitent  la  rupture. 
Pour  Duguet  et  Ranvier,  ces  altérations  seraient  de  nature  inflammatoire,  pour 
d'autres  c'est  une  dégénérescence  granuleuse  rapide  (Bertin  et  Colmhein).  Presque 
toujours  un  certain  temps,  variant  de  quelques  heures  à  quelques  jours,  s'écoule 
entre  l'arrêt  de  l'embolie  et  la  rupture  des  vaisseaux. 

En  résumé,  l'bémoplysie  consécutive  à  l'embolie  procède  de  la  rupture  des 
capillaires  de  l'artère  pulmonaire  altérés  préalablement  sous  l'influence  de  la 
stase  sanguine  développée  en  aval  de  l'obstruction  artérielle.  Le  sang  de  cette 
hémoptysie  est  fourni  par  les  veines  pulmonaires.  La  lésion  anatomique  habi- 
tuelle de  l'embolie  est  l'infarctus  au  noyau  hémoptoïque  circonscrit. 

b.  Mécanisme  de  l'hémoptysie  dans  les  affections  du  cœur.  La  cause  pre- 
mière de  celte  hémoptysie  réside  dans  l'excès  de  tension  dont  les  capillaires  pul- 
monaires sont  le  siège.  C'est  dans  l'insuffisance  et  surtout  dans  le  rétrécissement 
de  l'orifice  mitral  que  cette  tension  atteint  sou  maximum,  et  c'est  aussi  à  la  suite 
de  ces  deux  lésions  que  les  hémorrhagies  pulmonaires  s'observent  le  plus  fréquem- 
ment. Elles  sont  très-rares  dans  l'insuffisance  et  dans  le  rétrécissement  aortiques. 

Un  obstacle  placé  à  l'orifice  mitral  amène  la  stagnation  du  sang  dans  l'oreil- 
lette gauche,  et  par  suite  une  gène  toujours  croissante  dans  la  progression  du 
sang  qui  revient  par  les  veines  pulmonaires.  De  là  excès  de  tension  dans  ces 
veines  d'abord,  puis  dans  les  capillaires  qui  les  pre'cèdent,  et  enfin  dans  les 
artères  pulmonaires.  Le  poumon  placé  à  proximité  du  cœur  reçoit  donc  par  la 
petite  circulation  le  premier  coutre-coup  de  la  gène  circulatoire  développée  dans 
le  cœur  gauche.  Le  plus  souvent  le  ventricule  droit  s'hypertrophie  et  redouble 
d'efforts  pour  faire  cheminer  le  sang  dans  l'artère  pulmonaire  et  ramener  l'équi- 
libre dans  la  circulation  du  poumon.  Mais,  à  la  longue,  le  muscle  cardiaque 
succombe  dans  sa  lutte  contre  la  stase  sanguine  ;  les  vaisseaux,  sous  l'influence 
d'une  tension  exagérée,  deviennent  variqueux,  présentent  des  dilatations  ampul- 
laires  (Biihl)  et  finalement  subissent  la  dégénérescence  granulo-graisseuse. 
Cette  déchéance  des  vaisseaux  est  favorisée  d'ailleurs  par  la  nutrition  défec- 
tueuse de  leurs  parois  imprégnées  d'un  sang  mal  oxygéné  (Peter) .  Ainsi  l'excès 
de  tension  des  vaisseaux  amène  leur  dilatation,  laquelle  engendre  l'altération 
de  leur  parois  et  par  suite  leur  rupture.  Tout,  on  le  voit,  s'enchaîne  ici  et 
s'entr'aide  pour  provoquer  l'hémorrhagie.  Mais  toutes  ces  lésions  ne  s'établis- 
sent qu'à  la  longue  et  leurs  effets  ne  se  font  sentir  que  dans  la  période  ultime 
de  l'affection  cai'diaque,  alors  que  la  gène  circulatoire  a  atteint  son  apogée. 

En  résumé,  l'hémoptysie  liée  aux  affections  du  cœur  est  le  résultat  de  la 
stase  sanguine  développée  dans  les  veines  pulmonaires  et  dans  les  artères  pul- 
monaires, sous  l'influence  d'un  obstacle  placé  le  plus  souvent  à  l'orifice  mitral. 
Cette  hémoptysie  se  traduit  habituellement,  dans  le  poumon,  par  des  foyers 
diffus  avec  ou  sans  déchirure  du  parenchyme. 

Aux  affections  du  système  circulatoire  susceptibles  de  produire  l'hémoptysie 
il  faut  ajouter  les  anévrysmes  de  l'aorte  qui  déterminent  des  hémorrhagies  fou- 
droyantes et  mortelles,  lorsqu'ils  viennent  à  s'ouvrir  dans  la  trachée,  dans 
l'une  des  bronches  ou  bien  dans  le  parenchyme  pulmonaire  même. 

Quelquefois  la  tumeur  anévrysmale  engendre  l'hémoptysie  par  la  compression 
qu'elle  exerce  sur  les  veines  pulmonaires  et  par  la  congestion  passive  du  pou- 
mon qui  en  résulte  (Fernet). 


IIKMOPTYSIK.  317 

C.  Hémoptysie  par  altération  propre  des  vaisseaux.  Ces  sortes  d'hémopty- 
sies  s'observent  dans  les  fièvres  graves  adynamiques  et  dans  les  intoxications, 
notamment  dans  la  diphlhérie,  la  fièvre  typhoïde,  le  purpura,  le  scorbut,  le 
diabète,  la  maladie  de  Bright,  l'ictère  grave,  les  empoisonnements  par  le  phos- 
phore et  l'arsenic,  etc.  Dans  tous  ces  cas,  l'hémorrbagie  est  le  résultat  de  la 
friabilité  excessive  des  vaisseaux  altérés  dans  leur  texture  et  entachés  générale- 
ment de  dégénérescence  granulo-graisseuse.  Quant  à  la  dégénérescence  athéro- 
mateuse  des  vaisseaux  pulmonaires,  elle  s'observe  rarement.  Il  en  est  de  même 
de  la  dégénérescence  amyloïde.  Cependant  Balzer  en  a  vu  un  cas  lié  à  une  sup- 
puration osseuse.  Les  hémorrhagies  par  altération  propre  des  vaisseaux  pulmo- 
naires ne  paraissent  provenir  que  des  capillaires;  elles  se  font  par  foyers  diffus, 
comme  celles  qui  résultent  des  affections  du  cœnr,  mais  sans  déchirure  du  paren- 
chyme; elles  siègent  dans  les  parties  les  plus  déclives  du  poumon.  Très-fré- 
quemment elles  n'aboutissent  pas  à  l'hémorrhagie,  parce  que  les  bronches  sont 
plus  ou  moins  encombrées  de  mucosités  qui  s'opposent  à  l'issue  du  sang  et  parce 
que  les  malades  plongés  dans  l'adynamie  n'ont  pas  la  force  d'expectorer. 

Autrefois  on  attribuait  ces  hémoptysies  à  la  diffluence  du  sang,  mais  nous 
savons  que  le  sang,  quelle  que  soit  sa  consistance,  ne  peut  passer  à  travers  les 
parois  vascnlaires.  Sa  diffluence,  de  même  que  la  friabilité  des  vaisseaux,  est  le 
résultat  de  l'intoxication  et  l'hémorrhagie  procède  uniquement  de  la  rupture 
des  capillaires  dégénérés. 

L'hémoptysie  qui  s'observe  parfois  dans  les  chloroses  anciennes  et  dans  l'ané- 
mie tient  sans  doute,  elle  aussi,  à  la  fragilité  exagérée  des  capillaires  mal 
nourris  par  un  sang  pauvre  en  globules  rouges  (Potain). 

A"  Hémoptysies  dans  la  grossesse.  Nous  plaçons  à  dessein  ces  hémoptysies  à 
la  suite  de  celles  qui  relèvent  de  l'appareil  circulatoire,  parce  que  la  plupart 
d'entre  elles  dépendent  d'une  affection  du  cœur  antérieure  à  la  gestation  et 
aggravée  par  elle.  M.  Peter,  qui  a  exposé  magistralement  l'origine  do  ces  hémo- 
ptysies, fait  remarquer  qu'elles  surviennent  presque  toujours  au  cinquième  mois 
de  la  grossesse,  alors  que  le  fœtus  devenu  plus  voluminux  a  besoin  d'une 
masse  de  sang  plus  considérable  pour  sa  nutrition.  11  s'ensuit  que  les  contractions 
du  cœur  de  la  mère  doivent  redoubler  d'énergie,  à  cette  époque,  pour  lancer  la 
masse  de  sang  devenue  nécessaire.  De  là  hypertrophie  physiologique  du  cœur 
gauche  et  par  suite  pression  plus  considérable  dans  le  système  vasculaire,  ten- 
dance à  la  congestion  et  à  la  stase.  Si  déjà  le  cœur  est  atteint  d'insuffisance  mitrale 
(et  c'est  toujours  cette  lésion  qu'a  observée  M.  Peter),  la  stase  pulmonaire  en 
sera  d'autant  plus  marquée  et  les  hémoptysies  d'autant  plus  piomptes  à  éclater. 
Quant  aux  hémoptysies  imputables  à  la  grossesse  seule  et  sans  intervention 
d'une  lésion  cardiaque  antérieure,  elles  sont  tout  à  fait  exceptionnelles.  Churchill, 
Trousseau,  Nuthe,  etc.,  les  avaient  signalées  déjà,  et  Comhy  en  a  publié  récem- 
ment un  cas  emprunté  à  la  clinique  de  Siredey.  Ces  hémoptysies  partielles  de 
la  grossesse  ne  doivent  être  acceptées  qu'avec  réserve,  car  elles  peuvent  tenir  et 
tiennent  le  plus  souvent  à  une  tuberculose  latente  dont  l'évolution  ne  se  fera 
qu'après  la  délivrance.  Les  hémoptysies  nées  de  l'aggravation  d'une  affection 
cardiaque  déjà  existante  nous  paraissent  seules  acceptables. 

5"  Hémoptysies  d'origine  nerveuse  ou  cérébrale.  Ces  hémoptysies  d'ail- 
leurs très-rares  se  rapprochent  au  point  de  vue  de  leur  anatomie  pathologique 
des  hémoptysies  par  altération  propre  des  vaisseaux  dont  il  a  été  question  plus 
haut.  Comme  celles-ci,  elles  se  traduisent  dans  le  poumon  par  des  foyers  san- 


518  I1ÉM0PTY.S1E. 

guins  diffus  sans  déchirure  pulmonaire,  mais  elles  en  diffèrent  en  ce  que  la 
cause  de  l'effraction  vasculaire  n'est  plus  placée  directement  dans  les  vaisseaux, 
mais  bien  dans  les  centres  nerveux.  Ces  liémorrhagies  restent  le  plus  souvent 
latentes  et  ne  se  manifestent  que  rarement  par  une  hémoptysie.  Elles  se  pro- 
duisent bien  plus  rapidement  que  les  liémorrhagies  d'origine  embolique. 

Carré  a  rapporté  plusieurs  cas  d'hémoptysie  dans  Vhystérie,  indépendants  de 
tout  trouble  menstruel  et  sans  signes  stéthoscopiques  du  côté  de  la  poitrine. 
Nous  avons  ol)servé  nous-même  chez  une  jeune  fille  hystérique,  et  à  la  suite 
d'un  sommeil  léthargique  prolongé ,  un  cas  d'hémoptysie  très-abondante  sans 
trouble  menstruel,  sans  signes  d'affection  pulmonaire  et  sans  explosion  tuber- 
culeuse ultérieure.  Carré  a  vu  également  l'hémoptysie  dans  la  cliorée,  dans 
l'épilepsie  et  dans  l'hypochondrie  ;  exceptionnellement,  dans  ces  cas,  elle  coïn- 
cidait avec  des  lésions  pulmonaires. 

OUivier  a  montre  que  les  liémorrhagies  cérébrales  sont  suivies  souvent  de 
véritables  infarctus  pulmonaires  siégeant  dans  le  côté  opposé  à  la  lésion  céré- 
brale, quelquefois  de  pneumonies  hypostatiques.  Les  mêmes  lésions  ont  été 
observées  dans  le  ramoHisscment  cérébral,  dans  la  méningite  tuberculeuse 
(Uilliet  et  Barthez),  dans  la  folie  et  jusque  dans  les  traumatismes  du  cj'àne. 

Carré  fait  procéder  toutes  les  hémoptysies  nerveuses  d'une  paralysie  des 
vaso-moteurs  consécutive  à  un  état  morbide  des  organes  centraux.  Cette  opinion 
est  d'accord  avec  les  expériences  des  physiologistes.  En  effet,  Rouget,  Traube, 
Cl.  Bernard  et  d'autres,  ont  démontré  que  la  section  du  pneumogastrique  sur  les 
animaux  est  suivie  de  congestion  cl  d'hémorrhagie  du  parenchyme  pulmonaire. 
Brown  Séquard  a  vu  des  liémorrhagies  du  poumon  succéder  à  la  lésion  des 
pédoncules,  de  la  protubérance  et  du  bulbe.  Selon  ce  physiologiste,  la  lésion  de 
toutes  ces  parties  produirait  une  irritation  des  vaso-moteurs  du  poumon,  par 
l'intermédiaire  du  premier  ganglion  du  sympathique  cervical.  Les  capillaires 
se  rompraient  sous  la  pression  du  sang  qu'y  ferait  affluer  la  contraction  des 
artérioles  et  des  veinules.  Selon  Schiff  et  Vulpian,  il  se  produirait  non  une  con- 
traction, mais  une  dilatation  paralytique  des  capillaires. 

Les  hémoptysies  suite  d'impressions  morales,  telles  que  la  colère,  la  frayeur, 
paraissent  se  rattacher  elles  aussi  à  une  paralysie  des  vaso-moteurs  suivie  de  la 
dilatation  de  capillaires  dont  la  rupture  est  d'ailleurs  ftivorisée  par  les  contrac- 
tions énergiques  du  cœur  qu'on  observe  en  pareil  cas.  Ce  phénomène  n'est  pas 
sans  analogie  avec  la  rougeur  de  la  face  accompagnée  de  palpitations,  qui  se 
remarque  chez  les  gens  timides  et  impressionnés  subitement. 

6°  Hémoptysies  intermittentes.  Cette  forme  d'hémoptysie  a  été  mentionnée 
dès  1815  dans  la  thèse  de  Millet  sur  les  fièvres  pernicieuses  de  Rome.  Castau, 
en  1867,  en  a  publié  un  certain  nombre  de  cas  dont  deux  lui  sont  personnels. 
Les  médecins  militaires  qui  ont  pratiqué  dans  les  pays  à  malaria,  tels  que  Rome 
et  l'Algérie,  ont  presque  tous  constaté  des  faits  du  même  genre.  Nous  avons 
observé  nous-même  plusieurs  faits  de  même  nature  pendant  notre  séjour  en 
Algérie,  mais  il  s'agissait  là  moins  d'hémoptysies  vraies  que  de  pneumonies  ou 
plutôt  de  congestions  pulmonaires  avec  crachats  sanguinolents,  se  reproduisant 
à  chaque  accès  fébrile,  s'accompagnant  de  dyspnée  et  se  caractérisant  par  des 
bouffées  de  râle  sous-crépitant  fin,  sans  matité  thoracique.  Tous  ces  phéno- 
mènes disparaissaient  complètement  avec  la  défervescence.  Pour  Grisolle,  qui  n'a 
pas  pratiqué  dans  les  pays  paludéens,  l'intermittence  de  l'hémoptysie  ne  serait 
qu'une  simple  forme  assez  commune  de  cette  hémorrhagie,  sans  lien  authen- 


HÉMOPTYSIE.  519 

tique  avec  l'intoxication  maremmatique.  L'efficacité  incontestable  du  sulfate  de 
quinine  contre  ces  hémoptysies  ne  milite  pas  en  faveur  de  cette  opinion. 

Le  mécanisme  de  l'hémoptysie  intermittente  n'est  pas  encore  bien  élucidé. 
Fourère  de  Courson,  qui  a  observé  des  hémoptysies  intermittentes  dans  une 
contrée  marécageuse,  admet  simplement  que  le  mouvement  fluxionnaire  qui 
dans  l'intoxication  paludéenne  se  dirige  le  plus  souvent  vers  la  rate  et  le  foie 
est  détourné  ici  vers  les  poumons.  C'est  expliquer  le  fait  par  le  fait  lui-même. 
Pour  Yvert,  le  mécanisme  de  l'hémoptysie  intermittente  ne  diffère  pas  de 
celui  de  l'hémoptysie  à  frigore  dont  il  sera  question  plus  loin.  L'hémorrhagie 
serait  le  résultat  d'un  afflux  trop  rapide  et  tout  mécanique  du  sang  vers  les 
capillaires  du  poumon  par  suite  de  la  contraction  des  artérioles  périphériques 
pendant  le  stade  de  froid  de  l'accès  fébrile.  La  rareté  de  ces  congestions  hémo- 
ptoïques  s'expliquerait  par  la  rareté  même  de  la  forme  larvée  pneumonique  et 
par  l'absence  des  dispositions  individuelles  à  l'hémoptysie  chez  la  plupart  des 
sujets  qui  en  sont  atteints.  L'auteur  ne  dit  pas  en  quoi  consistent  ces  disposi- 
tions individuelles.  Ne  serait-ce  pas  dans  une  fragilité  particulière  des  vaisseaux, 
née  sous  l'influence  de  l'intoxication  palustre  et  analogue  à  la  friabilité  vascu- 
laire  qui  s'observe  dans  les  fièvres  infectieuses?  Nous  serions  d'autant  plus 
porté  à  le  croire  que  nous  n'avons  observé  persoimellement  les  congestions 
hémoptoïques  intermittentes  que  chez  des  sujets  anémiés  par  un  long  séjour  en 
Algérie  et  épuisés  par  de  nombreuses  atteintes  de  fièvre  intermittente. 

7"  Hémoptysies  arthritiques.  Sous  ce  nom  M.  Uuchard  a  décrit  récemment 
des  hémoptysies  qui  seraient  le  résultat  de  l'action  congestive  exercée  par  l'arthri- 
tisme  sur  les  diflérents  organes  et  appareils.  Ces  hémoptysies  se  reconnaîtraient 
à  leur  invasion  brusque,  leur  disparition  rapide,  leurs  relations  avec  les  influences 
barométriques,  leur  alternance  avec  les  fluxions  articulaires,  leur  apparition  le 
plus  souvent  nocturne.  De  plus,  elles  ne  diminueraient  point  les  forces  ni  l'em- 
bonpoint des  malades. 

Ce  dernier  caractère  manque  de  valeur,  car  il  est  quantité  d'hémoptysies 
tuberculeuses  qui  ne  font  pas  maigrir  non  plus  les  malades  et  qui  guérissent 
temporairement  ou  même  définitivement,  parce  que  le  tubercule  qui  leur  a 
donné  naissance  a  avorté  ou  s'est  transformé  en  un  tissu  inoffensif. 

Parmi  les  observations  d'hémoptysie  arthritique  rapportées  par  M.  Huchard, 
une  seule  lui  est  personnelle,  et  c'est  la  seule  aussi  qui  ait  été  suivie  d'autopsie. 
Le  sujet  ne  fut  pas  trouvé  tuberculeux,  il  est  vrai,  mais  il  n'est  pas  prouvé  non 
plus  suffisamment  qu'il  fût  arthritique.  Dans  les  autres  observations  il  s'agit 
tantôt  de  congestions  pulmonaires  sans  hémoptysie.,  qui  ne  sauraient  entrer 
en  ligne  de  compte,  tantôt  d'hémoptysies  véritables,  mais,  ces  dernières  n'ayant 
pas  été  contrôlées  par  l'autopsie,  rien  ne  prouve  qu'elles  n'aient  pas  été  le  sym- 
ptôme initial  d'une  tuberculose  à  évolution  chronique  et  lente. 

Nous  ne  voulons  pas  nier  l'hémoptysie  d'origine  arthritique,  mais  jusqu'ici 
elle  ne  nous  paraît  pas  démontrée  suffisamment  par  les  faits. 

DEUXIEME  CLASSE.  Hémoptysies  non  symptomatiques  ou  essentielles.  Sous 
ce  titre  nous  rangeons  des  hémoptysies  pouvant  se  produire  dans  des  circonstances 
très-diverses  et  indépendamment  de  toute  affection  du  poumon,  du  cœur  ou  de 
tout  autre  organe.  Telles  sont  les  hémoptysies  par  refroidissement,  par  suite 
d'effort,  par  diminution  de  la  pression  atmosphérique,  etc.  L'hémoptysie  sup- 
plémentaire, en  tant  qu'elle  ne  relève  que  d'un  déplacement  purement  dyna- 


320  HÉMOPTYSIE. 

mique  des  règles,  peut  être  rangée,  elle  aussi,  dans  cette  catégorie.  Ces  sortes 
d'hémoptysies  ont  quelques  traits  communs:  elles  ne  relèvent  d'aucune  lésion  ou 
maladie  antérieure  ;  toutes  peuvent  s'expliquer  par  les  simples  lois  de  la  physio- 
logie ou  de  la  jihysique  ;  dans  toutes  aussi  le  sang  a  sa  source  indifféremment 
dans  les  capillaires  du  système  bronchique  ou  du  système  pulmonaire. 

4"  Héjnoptyde  supplémentaire.  On  appelle  ainsi  tout  écoulement  de  sang 
détourné  de  son  siège  habituel  et  se  faisant  jour  par  l'appareil  pulmonaire. 
L'Iiémoplysic  supplémentaire  des  règles  est  la  plus  fréquente  et  la  plus  incon- 
testable de  toutes.  Bien  moins  commune  et  d'une  authenticité  plus  douteuse  sont 
les  liémoplysies  consécutives  à  la  suppression  d'un  flux  hémorihoïdaire,  d'une 
épislaxis,  ou  à  l'omission  d'une  saignée  habituelle,  etc.  11  est  peu  de  médecins 
qui  n'aient  observé  des  hémoptysies  supplémentaires  du  flux  menstruel.  Pinel 
cite  une  femme  de  la  Salpètrière  qui  pendant  quarante-deux  an?  eut  une  hémo- 
ptysie menstruelle  abondante  à  la  suite  d'une  suppression  brusque  de  ses  règles. 
Bricude,  dans  Y  Encyclopédie  viéthodique,  parle  d'une  femme  âgée  de  soixante  ans 
qui  n'avait  eu  qu'une  seule  fois  ses  règles  par  les  voies  ordinaires.  Ce  sont  là 
les  deux  faits  les  plus  remarquables.  P.  Franck,  Brièrc  de  Boismont,  Trousseau,  etc., 
ont  cité  des  cas  plus  ou  moins  semblables  aux  précédents,  mais  moins  caracté- 
ristiques. 

Voici  comment  on  a  expliqué  la  production  des  hémoptysies  supplémentaires. 
L'excès  de  la  masse  sanguine  résultant  de  la  suppression  même  des  règles 
amène  dans  tout  l'appareil  circulatoire  une  pléthore  incompatible  avec  la  capa- 
cité de  cet  appareil.  Sous  l'influence  de  la  pression  intra-vasculaire  résultant  de 
cette  pli'thore  le  sang  se  fraie  un  chemin  à  travers  les  poumons,  et  cela  pour 
deux  raisons  :  d'abord,  parce  que  dans  l'âge  adulte  toutes  les  congestions  se 
portent  avec  prédiieclion  du  côté  de  l'appareil  respiratoire  doué,  à  cette  époque, 
d'un  surcroît  tout  particulier  de  vitalité  ;  ensuite,  parce  que  les  derniers  rameaux 
de  l'artère  pulmonaire  sont  excessivement  ténus  et  très-mal  soutenus  par  les 
parois  alvéolaires.  De  ces  deux  causes  réunies,  ténuité  extrême  des  capillaires  et 
augmentation  de  la  pression  intra-vasculaire,  résulterait  l'hémoptysie. 

Envisagée  ainsi,  l'hémoptysie  supplémentaire  peut  être  rangée  parmi  les  cra- 
chements de  sang  non  symptomatiques  et  essentiels,  mais  ces  hémoptysies  succé- 
danées des  règles  sont-elles  bien  toujours  le  résultat  d'un  simple  acte  vital,  d'un 
processus  purement  dynamique,  sans  que  l'état  antérieur  du  poumon  y  soit  pour 
quelque  chose?  Ce  n'est  pas  l'avis  de  la  plupart  des  observateurs.  Les  uns,  comme 
Trousseau,  tout  en  admettant  l'existence  d'hémoptysies  essentiellement  et  vrai- 
ment supplémentaires,  reconnaissent  que  les  tubercules  par  la  fluxion  qu'ils 
provoquent  autour  d'eux  peuvent  être  une  cause  prédisposante  à  la  déviation 
pulmonaire.  D'autres  croient  que  la  suppression  des  règles  n'est  pas  la  cause, 
mais  le  plus  souvent  l'effet  d'une  tuberculose  déjà  existante,  et  que  les  hémo- 
ptysies mensuelles  sont  le  résultat  constant  ou  presque  constant  d'une  congestiou 
plus  vive  développée  chaque  mois  autour  des  tubercules  (Andral,  Nienieyer, 
ridoux,  etc.);  que  les  femmes  atteintes  d'hémoptysies  supplémentaires  et  qu'on 
a  perdues  de  vue  ont  pu  devenir  et  sont  devenues  fréquemmeirt  tuberculeuses  à 
un  âge  déjà  avancé;  que  les  hémorrhagies  supplémentaires  siégeant  dans  les 
organes  parenchymateux  indiquent  presque  toujours  une  maladie  de  ces  organes 
mêmes  dont  les  vaisseaux  s'ouvrent  sous  l'effort  hémorrhagique  coïncidant  avec 
la  période  menstruelle  (Stoltz).  Que  conclure  de  tout  cela?  qu'il  existe  des 
hémoptysies  véritablement  supplémentaires,  mais  qu'il  n'en  faut  pas  moins  se 


HEMOPTYSIE.  521 

méfier  des  jeunes  filles  régle'es  par  le  poumon  et  n'admettre  l'hémoptysie  pure- 
ment supplémentaire  que  si  par  un  examen  minutieux  et  répété  à  de  longs 
intervalles  on  a  pu  s'assurer  de  l'intégrité  persistante  des  poumons. 

2»  Hémoptysie  «  à  frigore  ».     Le  froid  vif,  surtout  s'il  succède  à  une  chaleur 
trop  élevée,  est  susceptible,  dit-on,  de  déterminer  l'hémoptysie.  Andral  en  a 
rapporté  plusieurs  exemples  dans  sa  clinique.  Yvert  en  a  vu  deux  cas  chez  des 
militaires.  Pendant  la  retraite  de  Russie,  bien  des  soldats  rendaient  du  sang  par 
la  bouche  et  par  le  nez,  sous  l'influence  du  froid.  On  a  accusé  aussi  les  bains 
froids  qu'on  administre  aux  typhoïdiques  de  déterminer  des  hémoptysies  chez 
ces  malades.  Yoici  quel  serait,  d'après  Yvert,  le  mécanisme  de  ces  sortes  d'hémor- 
rhagies.  Le  froid  intense  et  subit  resserre  tout  d'abord  tous  les  capillaires  de  la 
peau  :  de  là  reflux  du  sang  vers  les  organes  intérieurs,  particulièrement  vers  ceux 
qui  sont  les  plus  riches  en  vaisseaux,  tel  que  le  poumon.  La  concentration  des 
artérioles  périphériques  augmente  la  tension  du  système  aortique  et  le  ventricule 
"auche  luttant  avec  peine  contre  cet  obstacle  se  contracte  moins  fréquemment 
et,  par  suite,  lance  moins  de  sang  dans  l'aorte.  De  là  stase  sanguine  dans  l'oreil- 
lette gauche,  puis  dans  les  veines  et  enfin  dans  les  capillaires  pulmonaires,  qui 
se  rompent  sous  cet  excès  de  tension.  Celte  explication,  fort  ingénieuse  d'ail- 
leurs, a  le  défaut  d'être  Ir-^jj  mécanique.  N'est-il  pas  probable  que  l'action  du 
froid  a  été  favorisée  dans  la  plupart  des   jas  et  en  particulier  chez  les  typhoï- 
diques par  une  altération  préalable  des  vaisseaux,  et  que  bien  des  hémorrhagies 
mises  exclusivement  sur  le  compte  du  froid  pouvaient  se  rattacher  aussi  bien  à 
une  tuberculose  concomitante? 

3°  Hémoptysies  suite  d'un  effort  violent.  Ces  hémoptysies  proviennent  de 
l'occlusion  plus  ou  moins  complète  de  la  glotte  au  moment  où  l'elfort  se  produit. 
L'occlusion  de  la  glotte,  en  s'opposant  à  la  sortie  de  l'air,  augmente  la  pression 
intraalvéolaire.  De  là  compression  des  rameaux  de  l'artère  pulmonaire  qui  ram- 
pent dans  les  parois  vésiciilaires,  puis  stase  sanguine  en  amont  de  l'obstacle,  en 
même  temps  qu'augmentation  de  la  pression  intra-vasculaire  du  sang  sous  l'in- 
fluence des  efforts  toujours  croissants  du  cœur  pour  lutter  contre  l'obstacle; 
finalement,  si  l'effort  se  prolonge,  rupture  des  vaisseaux.  Ainsi  s'expliquent  les 
hémoptysies  qui  surviennent  dans  les  efforts  de  la  défécation,  de  la  miction,  de 
l'accouchement,  dans  l'action  de  soulever  un  fardeau,  de  crier,  de  chanter,  etc. 
L'effort,  ainsi  que  le  froid  dont  il  a  été  question  précédemment,  peuvent  être 
et  sont  souvent  la  cause  occasionnelle  plutôt  que  la  causedéterminante  de  l'hémo- 
ptysie. «  Ces  causes,  a  dit  avec  raison  Grisolle,  sont  sans  contredit  suffisantes 
pour  provoquer  une  hémoptysie  grave,  mais  presque  toutes  ont  rarement  cet 
effet  chez  les  sujets  bien  constitués,  de  sorte  ({ue,  si  le  crachement  de  sang  sur- 
vient à  la  suite  d'une  de  ces  causes,  il  n'en  faut  pas  moins  rechercher  s'il 
n'existe  déjà  une  de  ces  lésions  graves  dont  l'hémoptysie  est  le  plus  souvent  le 
symptôme.  » 

4"  Hémoptysie  par  diminution  de  la  pression  atmosphérique.  Les  hémor- 
rhagies qu'on  observe  chez  les  personnes  qui  ont  gravi  de  hautes  montagnes  ou 
qui  se  sont  élevées  en  ballon  à  des  altitudes  considérables  trouvent  leur  explica- 
tion naturelle  dans  la  diminution  de  la  pression  atmosphérique  supportée  parV- 
corps  de  l'homme  et  dans  le  défaut  d'équilibre  entre  la  pesanteur  de  l'air  et  l\ 
force  d'impulsion  que  le  cœur  transmet  à  la  colonne  sanguine  jusqu'aux  extré- 
mités des  capillaires.  C'est  sous  cette  double  influence  que  s'opère  la  rupture 
des  parois  saines  des  capillaires. 

DIOT.  E.VC.  4=  s.  XIII.  21 


322  HÉMOPTYSIE. 

Ces  sortes  criicmorrhagies  n'apparaissent  qu'à  5  à  6000  mètres  d'altitude. 
Dans  les  altitudes  moindres  (celles  de  15  à  1900  mètres),  il  est  au  contraire 
d'observation  (jue  les  liémoptysies  font  défaut  le  plus  souvent  et  que  même  elles 
cessent  chez  ceux  qui  en  sont  atteints.  Ce  phénomène  singulier  est  dû,  d'après 
Jaccoud,  à  ce  que  dans  Ja  réparlilion  circulatoire  créée  par  les  dépressions  baro- 
métriques les  poumons  doivent  être  assimilés  non  pas  aux  organes  périphé- 
riques, lesquels  se  congestionnent  sous  l'influence  des  altitudes,  mais  aux  organes 
profonds  qui,  eux,  s'anémient  au  contraire.  Tout  porte  à  croire  que  les  choses 
doivent  se  passer  de  la  même  manière  et  même  d'une  façon  plus  accentuée  dans 
les  altitudes  extrêmes;  qu'en  conséquence  la  théorie  de  Jaccoud  est  aussi  vraie  à 
5000  mètres  de  hauteur  qu'à  2000  mètres  et  que  par  suite  les  crachemeiiU  de 
sang  observés  dans  les  altitudes  extrêmes  sont  probablement  non  pas  des 
liémoptysies  vraies,  mais  de  simples  hémorrhagies  buccales,  ou  bien  des  épistaxis 
tombées  dans  l'arrière-gorge  et  rejetées  par  la  bouche. 

5"  liémoptysies  traumatiques.  l>ans  les  hémoptysies  chirurgicales,  tout  le 
réseau  vasculaire  du  poumon  est  susceptible  d'être  atteint  par  déchirure  directe. 
La  section  des  vaisseaux  peut  résulter  d'une  plaie  pénétrante  de  poitrine  occa- 
sionnée par  instrument  tranchant,  ou  par  coup  de  feu,  d'une  fracture  de  côte 
avec  enfoncement  ou  d'une  simple  contusion  plus  ou  moins  violente  de  la  cage 
thoracique  avec  rupture  des  capillaires  sous  la  seule  influence  du  choc. 

Nous  rangerons  aussi  parmi  les  hémoptysies  traumatiques  celles  qu'on  observe 
chez  les  personnes  exposées  à  l'inhalation  de  certains  gaz  ou  de  poussières  irri- 
tantes. Ces  hémoptysies  peu  abondantes  et  ne  consistant  généralement  qu'en 
quelques  crachais  sanglants  nous  paraissent  être  le  résultat  de  l'action  trauma- 
tique  exercée  sur  la  muqueuse  des  bronches  par  les  corpuscules  irritants. 

Causes  prédisposantes  de  l hémoptysie.  Il  existe  chez  certains  sujets  une 
disposition  toute  spéciale  aux  hémorrhagies  et  aux  crachements  de  sang  en  par- 
ticulier; chez  eux  l'iiémoptysie  éclate  sous  l'influence  de  la  cause  la  plus  banale 
et  qui  serait  restée  sans  effet  sur  un  terrain  moins  bien  préparé.  C'est  l'hémo- 
philie, véritable  dialhèse  hémorrhagipare,  souvent  héréditaire  et  qui,  selon 
Rokitansky  et  Virchow,  s'accompagnerait  tantôt  d'une  ténuité  extrême,  tantôt 
d'une  dégénérescence  granulo-graisseuse  des  capillaires. 

Ouant  aux  prédispositions  liées  à  l'âge,  au  sexe,  aux  climats,  etc.,  leur  impor- 
tance est  beaucoup  moindre. 

L'hémoptysie  est  exceptionnelle  chez  les  enfants,  même  lorsqu'ils  sont  tuber- 
culeux. Rillet  et  Barthez  n'ont  recueilli  que  deux  cas  d'hémoptysie  primitive 
ehez  des  jeunes  filles  de  douze  à  quatorze  ans.  Les  crachements  de  sang  sont 
î'apanao-e  de  l'âge  adulte  comme  la  tuberculose  pulmonaire  dont  ils  relèvent  le 
plus  souvent.  Le  vieillard  est  plus  particulièrement  sujet  aux  hémoptysies  d'ori- 
gine cardio-vasculaire,  le  jeune  homme  aux  hémoptysies  de  nature  tuberculeuse. 

D'après  la  majorité  des  observateurs,  l'hémoptysie  serait  plus  commune  chez  la 
femme  que  chez  l'homme.  Pour  expliquer  sa  prédominance  dans  le  sexe  féminin, 
on  a  invoqué  les  hémoptysies  par  déviation  menstruelle,  la  compression  de  la 
poitrine  par  le  corset  (Requin),  l'érélhisme  du  système  nerveux  et  les  altérations 
vasculaires  probables  de  la  chloro -anémie. 

Les  professions  nécessitant  des  attitudes  vicieuses  du  tronc,  comme  celles  de 
cordonnier  de  tailleur,  etc.,  prédisposent,  dit-on,  à  l'hémoptysie,  mais  la  cause 
en  est  moins  dans  ces  professions  mêmes  que  dans  la  débilité  native  des  sujets, 
que  pour  cela  même,  on  destine  aux  métiers  sédentaires. 


HÉMOPTYSIE.  525 

Certains  climats,  tels  que  les  côtes  occidentales  de  l'Amcrique  du  Nord,  dis- 
poseraient, d'après  Blascke,  chirurgien  de  la  marine  russe,  à  des  hémoptysies 
sans  gravité.  On  s'explique  difficilement  cette  inlluence  climatologique.  Ce  qui 
est  certain,  c'est  que  l'hémoptysie  est  fréquente  surtout  dans  les  pays  où  la 
tuberculose  est  elle-même  plus  commune. 

Symptômes.  L'hémoptysie  peut  éclater  brusquement  et  sans  phénomènes  pro- 
dromiques,  surtout  lorsqu'elle  est  de  nature  traumatique  on  le  résultat  <le  la 
rupture  d'un  anévrysme  de  l'aorte.  Le  plus  souvent  cependant  elle  est  précédée 
de  certains  signes  précurseurs  qui  ne  sont  autres  que  ceux  de  la  congestion  pul- 
monaire, tels  que  malaise  général,  sensation  de  cbaleur  dans  la  poitrine,  parti- 
culièrement derrière  le  sternum,  ou  dans  les  épaules,  loux  sèche  accomjtagnée 
de  dyspnée  et  de  goût  métallique  dans  la  bouche  ;  parfois  refroidissement  des 
extrémités,  lassitude,  alternatives  de  rougeur  et  de  pâleur  de  la  face,  céphalalgie, 
palpitations,  accélération  et  renforcement  du  pouls.  Ces  accidents  ne  durent  en 
général  que  quelques  heures,  mais  on  les  voit  parfois  précéder  de  plusieurs  jours 
l'éruption  du  sang. 

Souvent  on  entend  dans  l'intérieur  de  la  poitrine  une  sorte  de  bruissement  ou 
de  bouillonnement  perçu  également  \)i\v  le  malade  et  produit  par  le  mélange  de 
l'air  et  du  sang  avant  l'expectoration  de  ce  liquide.  Ce  phénomène  indique  que  le 
sang  a  déjà  fait  irruption  dans  les  bronches  :  il  ne  constitue  donc  pas,  à  vrai  dire, 
un  signe  prodromique  (Cliomel  et  Reynaud). 

Le  mode  d'expulsion  du  sang  par  la  bouche  varie  suivant  l'abondance  de  l'iié- 
morrbagie.  Si  le  sang  est  en  faible  quantité,  il  remonte  petit  à  petit  dans  la 
trachée  et  dans  le  larynx  et  de  là  dans  l'arrière-gorge,  sans  provoquer  do  toux, 
puis  il  est  rejeté  de  la  bouche  par  simple  expuition.  Lorsque  la  quantité  de  sang 
est  de  moyenne  abondance  et  exbalée  lentement,  sa  présence  dans  les  voies 
aériennes  provoque  le  plus  souvent  un  chatouillement  laryngé  accompagné  de 
toux,  et  le  sang  est  rejeté  par  expectoration  sous  forme  de  crachats  plus  ou 
moins  nombreux  et  volumineux.  Le  sang  est-il  en  grande  quantité  et  exhalé 
rapidement,  il  détermine  une  anxiété  subite,  une  véritable  suffocation  avec  con- 
traction énergique  des  muscles  expirateurs  et  il  se  précipite  par  Ilots  à  travers 
la  trachée,  le  pharynx,  la  bouche  et  quelquefois  les  narines.  Cette  éruption 
brusque  ressemble  à  un  vomissement,  et  c'est  ainsi  qu'on  la  qualifie  vulgairement. 
Du  reste,  la  titillation  de  la  luette  provoquée  par  le  passage  du  sang  amène  parfois 
de  véritables  vomissements  alimentaires  dont  les  produits  se  mêlent  au  sang. 

Ces  trois  modes  d'expulsion  du  sang  ne  s'excluent  pas  l'un  l'autre.  Si  l'hémor- 
rhagie  est  peu  abondante,  le  sang  rendu  d'abord  par  expectoration  et  à  la  suite 
d'efforts  de  toux  peut  ensuite,  à  mesure  qu'il  diminue,  monter  sans  toux  dans 
le  pharynx  et  s'échapper  par  simple  expuition.  Quelquefois  on  observe  l'ordre 
inverse:  expuition,  expectoration  et  enfin  vomissements,  si  la  quantité  de  sang 
rendu  augmente  progressivement. 

Les  symptômes  généraux  qui  accompagnent  l'hémoptysie  sont  autant  d'ordre 
moral  que  d'ordre  physique.  Chacun  sait  la  terreur  piofonde  qui  s'empare  du 
malade  à  la  vue  du  sang  qui  s'échappe  de  sa  poitrine,  surtout  s'il  en  est  à  sa 
première  hémoptysie.  La  pâleur  de  sa  face,  le  tremblement  et  l'accélération  de 
son  pouls,  parfois  même  la  syncope  qui  termine  le  tout,  peuvent  être  aussi  bien 
le  résultat  d'une  imagination  alarmée  que  l'effet  de  la  perte  du  sang,  surtout 
lorsque  celte  perte  n'est  pas  considérable.  Toutefois,  si  l'hémorrhagie  est  très- 
abondante,  elle  peut  par  elle-même  provoquer  ces  mêmes  symptômes. 


524  HÉMOPTYSIE. 

Chez  certains  malades  l'hémoplysie,  sans  être  critique  dans  le  vrai  sens  du 
mot,  amène  un  véritable  soulagement  en  mettant  fin  à  la  dyspnée  et  à  l'angoisse 
qui  précèdent  l'Iiémorrliagie.  D'autres  lois  la  dyspnée  persiste  malgré  l'hémoptysie. 
La  fièvre  manque  le  plus  souvent  dans  l'hémoptysie.  Lorsqu'elle  existe,  elle 
est  tantôt  antérieure,  tantôt  consécutive  à  l'hémorrhagic  et  ne  dépend  pas  d'elle, 
mais  des  poussées  inflammatoires  qui  accompagnent  ou  qui  suivent  son  explo- 
sion. La  température,  dans  ces  cas,  dépasse  rarement  39  à  40  degrés  le  soir  et 
38  degrés  le  matin. 

La  (jnantilé  du  sang   fourni  pa.'  l'hémoptysie  varie  à  l'infini  :  elle  peut  se 
réduire  à  un  ou  plusieurs  crachats  sanglants  pesant  à  peine  quelques  grammes, 
comme  elle  peut  s'élever  à  plusieurs  livres.  Laennec  parle  d'un  jeune  homme 
qui  rejeta  5  kilogrammes  de  sang  en  vingt-quatre  heures  et  d'un  autre  malade 
qui  en  rendit  50  livres  en  quinze  jours,  mais  ce  sont  là  des  faits  exceptionnels. 
En  général,  le  sang  rejeté  par  l'hémoptysie  est  aéré,  vermeil,  spumeux,  quelque 
peu  dil'lluent.  Toutefois  ces  caractères  ne  sont  pas  toujours  aussi  tranchés.  Ainsi 
le  sang,  alors  même  qu'il  vient  des  artères  bronchiques,  peut  être  noir  d'emblée, 
s'il  est  peu  abondant  et  s'il  a  séjourne  pendant  quelque  temps  dans  les  bronches, 
sans  subir  le  contact  de  l'air.  Du  reste,  à  la  fin  de  toute  hémoptysie,  le  sang, 
qu'elle  qu'ait  été  sou  abondance  au  début,  prend  une  couleur  noirâtre  parce  que 
les  derniers  crachats  ont  séjourné  plus  ou  moins  longtemps  dans  les  bronches. 
L'état  spumeux  du  sang  ne  dépend  que  du  mélange  de  ce  liquide  avec  l'air, 
mélange  qui  s'opère  j)lusou  moins  facilement  suivant  la  quantité  de  sang  rejetée 
et  suivant  la  promptitude  avec  laquelle  s'échappe  le  liquide.  S'il  est  en  petite 
quantité,  il  n'est  pas  spumeux,  mais,  lorsqu'il  s'échappe  brusquement  et  abon- 
damment, il  se  brasse  avec  l'air  des  bronches  et  devient  spumeux  lors  même  que 
l'hémorrhagie  est  parenchymateuse  (Trousseau). 

Les  signes  slélhoscopiques  de  l'hémoptysie  tuberculeuse  sont  de  peu  d'impor- 
tance et  manquent  le  plus  souvent.  La  poitrine  reste  presque  toujours  sonore,  la 
respiration  est  parfois  voilée  ou  plus  rude  ;  assez  souvent  quelques  râles  rauqueux 
ou  sous-orépitants  s'entendent  vers  la  racine  des  bronches.  Ces  râles  peuvent  tenir 
aussi  bien  aux  tubercules  qu'à  l'hémorrhagie.  Pour  qu'ils  eussent  de  la  valeur,  dit 
avec  raison  Trousseau,  ils  devraient  s'entendre  seulement  avant  l'hémoptysie  et 
ne  plus  se  reproduire  après  sa  cessation. 

Dans  l'hémoptysie  d'origine  cardio-vasculaire  ou  parenchymateuse,  l'ausculta- 
tion ne  donne  le  plus  souvent  que  des  résultats  négatifs.  Avec  les  noyaux  liémor- 
rhagiques  disséminés  et  profonds,  la  matité  fait  défaut  et  elle  n'apparaît  qu'au 
niveau  des  infarctus  volumineux  et  superficiels.  L'absence  du  murmure  respira- 
toire signalée  par  Laennec  au  niveau  des  noyaux  peut  être  constatée  tout  au 
plus  dans  les  foyers  superficiels,  et  quant  au  râle  crépitant  du  même  auteur,  il 
manque  le  plus  souvent.  Plus  fréquemment  on  entend  des  râles  sibilants,  ron- 
flants ou  muqueux.  qui  paraissent  dépendre  plutôt  de  la  bronchite  que  d'une 
hémorrhàgie.  Gendriii,  Walshe,  etc.,  ont  constaté  parfois  du  souflle  tubaire  au 
niveau  des  noyaux  volumineux.  Nous  l'avons  rencontré  nous-nième  dans  un  cai 
d'hémoptysie  d'origine  cardiaque  concurremment  avec  des  râles  crépitants  tins  qui 
auraient  pu  faire  croire  à  une  pneumonie,  si  la  fièvre  n'avait  fait  défaut. 

Marche.  Durée.  Tkrmi.\aisoiv.  La  marche  de  l'hémoptysie  varie  avec  la 
cause  qui  la  détermine  et  avec  les  individualités.  Tel  a  des  crachats  peu  abon- 
dants, des  gorgées  de  sang  se  reproduisant  pendant  quelques  jours;  tel  autre 
qui  tout  d'abord  n'a  rendu  que  quelques  crachats  isolés  vomit  plus  taid   de 


HÉMOPTYSIE.  525 

flots  de  sang,  puis  l'hémoptysie  diminue  petit  à  petit  el  se  termine  par  des  cra- 
chements noirâtres,  plus  ou  moins  mêlés  de  mucosités  rappelant  celles  de  la 
pneumonie  ;  tel  autre  encore  a  d'emblée  une  hémoptysie  très-abondante  dont  la 
durée  ne  dépasse  pas  un  jour.  Enfin  il  arrive  parfois  que  les  crachats  sanglants 
se  prolongent  pendant  des  semaines  et  des  mois  et  se  i-eproduisent  sans  cause 
connue  ou  à  la  suite  d'un  effort,  d'une  quinte  de  toux,  etc.  Quelquefois  les 
crachements  de  sang  surviennent  pendant  plusieurs  semaines  au  moment  du 
réveil.  Ils  seraient  alors  le  résultat  d'une  hyperémie  passive  qui  s'exaspère 
pendant  le  sommeil,  mais  qui  disparaît  à  la  longue  avec  le  ralentissement  du 
processus  tuberculeux  (Sokolowski). 

Au  bout  d'un  temps  variable  l'hémoptysie  s'arrête  spontanément  ou  sous  l'in- 
fluence du  traitement.  Rarement  elle  est  incoercible,  rarement  aussi  elle  est 
unique.  Ordinairement  elle  se  reproduit  à  plusieurs  reprises,  à  intervalles  irré- 
guliers ou  bien  mensuels,  si  elle  dépend  de  la  déviation  des  règles.  Dans  la 
tuberculose,  l'hémoptysie  est  tantôt  unique,  tantôt  à  répétition.  Chez  les  hémo- 
philes elle  peut  persister  pendant  de  longues  années  jusqu'à  guérison  de  la 
dialhèse  ou  jusqu'à  épuisement  mortel  (Jaccoud). 

Du  reste,  l'hémoptysie  détermine  rarement  la  mort,  à  moins  qu'elle  ne  soit 
•excessivement  abondante  et  qu'elle  ne  provienne  de  la  rupture  d'un  aiiévrysme 
de  l'aorte  ou  d'une  déchirure  violente  du  poumon  par  un  foyer  hémorrhagique. 
Dans  ces  cas  elle  tue  par  asphyxie  plutôt  que  par  épuisement. 

La  phthisie,  nous  l'avons  dit  dtîjà,  est  l'aboutissant  ordinaire,  mais  non  fatal, 
■de  l'hémoptysie  tuberculeuse.  Les  malades  peuvent  se  rétablir  passagèrement 
ou  même  définitivement  après  une  ou  plusieurs  hémorrhagies.  Rarement  les 
signes  physiques  de  la  tuberculose  éclatent  après  une  première  hémoptysie. 

Diagnostic.  Une  hémoptysie  étant  donnée,  il  s'agit  de  savoir  :  1°  si  elle  pro- 
vient l'éellement  des  voies  aériennes  et  non  d'un  organe  voisin  ;  2»  quels  en  sont 
le  siège  et  l'origine.  En  d'autres  termes,  il  faut  faire  le  diagnostic  différentiel 
€t  le  diaguostio  de  la  cause. 

a.  Diagnostic  différentiel.  La  stomaiorrhagie  ne  peut  être  confondue  avec 
l'hémoptysie  que  si  pendant  le  décubitus  dorsal  le  sang  vient  à  tomber  dans  le 
pharynx  et  à  être  rejeté  à  travers  la  bouche  par  les  secousses  de  toux  qu'il 
provoque.  Dans  les  cas  douteux  il  suffit,  pour  éviter  l'erreur,  de  faire  pencher  en 
avant  la  tête  du  malade  :  la  toux  cessera  immédiatement.  Du  reste,  l'examen 
attentif  de  la  bouche  finit  presque  toujours  par  faire  découvrir  le  point  où  siège 
l'hcmorrhagie. 

L'épislaxis  peut  simuler  une  hémoptysie,  lorsque  le  sang  s'échappe  exclusi- 
vement par  les  fosses  nasales  postérieures  et  que,  mêlé  de  bulles  d'air,  il  est 
chassé  de  l'arrière-gorge  à  travers  la  houche  par  une  toux  continuelle,  mais,  dans 
-ce  cas,  il  est  rare  qu'on  ne  trouve  pas  un  peu  de  sang  dans  les  narines  anté- 
rieures; de  plus,  en  inclinant  Ja  tête  du  malade  en  avant,  on  fait  écouler  le 
sang  par  le  nez  et  l'inspection  de  l'arrière-gorge  laisse  voir  des  trahiées  de  sang 
descendant  des  narines  dans  le  pharynx.  D'ailleurs,  l'épistaxis,  quelle  qu'en  soit 
l'abondance,  ne  s'accompagne  ni  de  dyspnée  ni  de  bouillonnement,  et  le  sang 
qu'il  fournit  est  noirâtre  et  peu  ou  point  mêlé  d'air. 

Uhématémèse  se  distingue  en  général  sans  grande  difficulté  de  l'hémoptysie. 
Dans  celle-ci,  le  sang  est  habituellement  vermeil,  spumeux,  iluide,  rejeté  par 
expectoration  et  avec  des  secousses  de  toux;  dans  l'hématémèse  il  est  noir,  en 
partie  coagulé,  mêlé  d'aliments,  expulsé  par  des  efforts  de  vomissement,  etfré- 


326  HEMOPTYSIE. 

quemmcnt  les  selles  sont  sanglantes.  Il  y  a  néanmoins  des  exceptions  capables 
(l'obscurcir  le  diagnostic.  Ainsi,  lorsque  le  sang  de  rbématémèse  n'a  pas  séjourné 
longtemps  dans  l'estomac,  il  peut  être  vermeil  et  pur  comme  dans  l'hémoptysie 
broncliique.  D'un  autre  côté,  la  titillation  de  la  luette  par  le  sang  venant  des 
bronches  est  susceptible  de  déterminer  de  véritables  vomissements  alimentaires 
comme  dans  l'hématémèso.  Enfin,  si  le  sang  vient  à  passer  des  bronches  dans  le 
pharynx  et  dans  l'estomac,  il  peut  en  résulter  des  selles  sanglantes.  Sans  doute, 
l'hémoptysie  s'accompagne  habituellement  de  douleurs  pectorales,  de  dyspnée, 
l'hématémèse  de  douleurs  épigastriques  sans  signes  stélhoscopiques,  mais,  lorsque 
ces  symplômcs  viennent  eux-mêmes  à  l'aire  déi'ant,  le  diagnostic  ne  devient  pos- 
sible qu'autant  qu'on  a  pu  constater  d'une  manière  certaine  la  cause  généra- 
trice de  l'hémorrhagie. 

Dans  certains  pays,  il  arrive  parfois  que  de  très-petites  sangsues  avalées  avec 
l'eau  qui  les  renferme  vont  se  fixer  dans  les  profondeurs  du  pharynx  oii  elles 
grossissent  et  se  développent  lentement  en  se  gorgeant  de  sang;  leur  trop-plein 
s'échappe  alors  sous  Ibrme  d'une  hémorrhagie  intermittente  capable  de  simuler 
une  hémoptysie.  Nous  avons  observé  un  exemple  de  ce  genre  pendant  notre 
séjour  en  Algérie.  Un  militaire  presque  aphone  et  qui  avait  singulièrement 
dépéri  et  p;di  rendait  journellement  depuis  six  semaines  des  crachats  sanglants 
et  noirs  accompagnés  de  toux.  L'examen  de  la  poitrine  étant  resté  négatif,  on 
crut  à  une  phthisie  laryngée,  lorsqu'un  jour  le  malade,  après  avoir  fumé,  rendit 
dans  un  effort  de  vomissement  une  énorme  sangsue  gonflée  de  sang.  L'hémor- 
rhagie s'arrêta  dès  le  lendemain,  l'aphonie,  due  sans  doute  à  la  compression  du 
larynx  par  la  sangsue,  disparut  au  bout  de  quelques  jours.  Dans  les  hémoptysies 
d'origine  douteuse,  il  est  donc  bon,  surtout  dans  certains  cas,  d'inspecter  scru- 
puleusement l'arrière-gorge.  Si  l'on  aperçoit  la  sangsue,  on  l'extraira  avec  des 
pinces,  et,  si  elle  est  invisible,  son  expulsion  par  la  fumée  de  tabac  ou  par  des 
saraarismes  d'eau  salée  lèvera  tous  les  doutes. 

b.  Diagnostic  de  la  cause  et  du  siège.  La  tuberculose  pulmonaire  et  les 
affections  de  l'appareil  circulatoire  étant  les  deux  causes  les  plus  fréquentes  de 
l'hémoptysie,  c'est  sur  ces  causes  que  nous  nous  appesantirons  plus  spécialement. 

L'hémoptvsie  de  la  tuberculose  a  été  appelée  par  Laennec  hémoptysie  bron- 
chique, comme  ayant  sa  source  dans  les  artères  de  la  muqueuse  des  bronches. 
11  en  est  ainsi  pendant  la  période  de  crudité  des  tubercules,  mais,  dans  la  période 
caverneuse,  le  sang,  nous  l'avons  vu,  vient  de  l'artère  pulmonaire.  11  serait 
donc  plus  juste  d'appliquer  à  ces  hémoptysies  le  terme  générique  d'hémoptysie 
tuberculeuse. 

L'hémoptysie  liée  aux  affections  du  cœur  et  des  vaisseaux  pulmonaires  se 
traduit  dans  le  poumon  par  des  infarctus  et  des  foyers  hémorrhagiques,  par  une 
infiltration  du  parenchyme  appelée  à  tort  apoplexie  pulmonaire.  Nous  l'appel- 
lerons indifféremment  hémoptysie  cardio-vasculaire  d'après  ses  origines  et 
hémoptysie parenchymateuse  ou  pulmonaire  d'après  son  siège  anatomique. 

Le  sanw  de  l'hémoptysie  tuberculeuse  est  généralement  aéré,  vermeil  et 
spumeux,  celui  de  l'hémoptysie  parenchymateuse  est  presque  toujours  noirâtre, 
ocreux  ou  couleur  de  jus  de  réglisse,  peu  ou  point  spumeux,  d'une  odeur  parfois 
ai-^relette  (Guéneau  de  Mussy).  D'après  Graves,  le  sang  de  l'hémorrhagie  bron- 
chique serait  toujours  rouge,  à  moins  qu'il  n'ait  séjourné  longtemps  dans  les 
bronches;  celui  de  l'hémorrhagie  parenchymateuse  serait  constamment  noir  et 
ne  deviendrait  rouge  que  s'il  a  été  aéré  au  contact  de  l'air  dans  les  alvéoles.  Cette 


HÉMOPTYSIE.  527 

distinction  n'est  pas  réalisable   dans  la   pratique,  comme  le   dit  avec  raison 
M.  Jaccoud,  ni  suffisante  en  théorie. 

En  effet,  dans  la  période  ulcéreuse  de  la  pluliisie,  l'hémoptysie,  quoique 
tuberculeuse,  fournit  du  sang  noir  purce  qu'elle  provient  non  des  artères  bron- 
chiques, mais  de  l'artère  pulmonaire,  qui  ne  contient  que  du  sang  noir.  D'un 
autre  côté,  dans  l'hémoptysie  parenchymateuse,  la  coloration  noirâtre  du  sang 
lient  plus  à  son  séjour  prolongé  dans  les  bronches  qu'à  son  origine  vasculaire,  et 
c'est  pour  ce  motif  que  dans  le  cas  d'une  embolie  pulmonaire  le  sang  cxtravasé 
est  très-souvent  noir,  bien  qu'il  ait  alors  sa  source  dans  les  veines  pulmonaires 
qui  charrient  du  sang  rouge.  Enfin,  dans  certaines  hémoptysies,  le  sang  peut 
provenir  à  la  fois  des  artères  bronchiques  et  des  artères  pulmonaires.  De  là  des 
nuances  intermédiaires  entre  le  rouge  et  le  noir.  De  tout  cela  il  résulte  que  la 
coloration  du  sang  n'a  aucune  valeur  diagnostique,  comme  l'a  si  bien  établi 
Trousseau.  11  en  est  de  même  de  son  état  spumeux  qui,  nous  l'avons  dit,  ne 
dépend  le  plus  souvent  que  de  l'abondance  et  de  la  vitesse  plus  ou  moins  grandes 
de  l'écoulement  sanguin. 

L'hémoptysie  tuberculeuse  serait,  d'après  Laenncc,  toujours  moins  abondante 
que  l'hémoptysie  parenchymateuse  ou  cardio-vasculaire.  Cette  assertion  est  trop 
absolue,  car,  s'il  est  des  hémoptysies  tuberculeuses  peu  considérables,  il  en  est 
aussi  qui  foudroient  le  malade  par  leur  abondance.  Généralement  copieuse, 
lorsqu'elle  est  initiale  ou  prodromique,  l'hémoptysie  tuberculeuse  l'est  beaucoup 
moins  dans  la  tuberculose  confirmée  et  prend  parfois  des  proportions  énormes 
dans  la  période  ultime  ou  cavitaire.  L'hémoptysie  parenchymateuse  est  presque 
toujours  peu  abondante,  contrairement  à  l'assertion  de  l^aennec  (Duguet)  ;  elle 
est  un  symptôme  tardif  et  terminal  des  affections  cardiaques,  tandis  que  l'hémo- 
ptysie tuberculeuse  ouvre  généralement  la  scène  dans  la  maladie  dont  elle  relève. 

Dans  l'hémoptysie  tuberculeuse,  l'éruption  du  sang,  annoncée  habituellement 
par  des  signes  précurseurs,  s'opère  facilement  et  rai)idement  et  dure  en  général 
peu  longtemps.  L'hémoptysie  cardio-vasculaire,  au  contraire,  débute  généra- 
lement d'une  façon  brusque  et  sans  prodromes.  Le  crachement  est  lent  et  se 
fait  par  petites  quantités  à  la  fois,  10  à  120  grammes  dans  vingt-quatre  heures, 
et  cela  pendant  plusieurs  jours  ou  plusieurs  semaines.  Cette  persistance  de  l'hé- 
moptysie est,  d'après  Grisolle,  un  signe  des  plus  importants,  si  bien  que  du 
sang  rejeté  sans  interruption  pendant  un  septénaire  indiquerait  à  coup  sur, 
d'après  cet  auteur,  l'existence  de  noyaux  apoplectiques. 

L'hémoptysie  tuberculeuse  s'accompagne  ou  est  suivie  souvent  d'un  élat 
fébrile  lié  aux  poussées  inflammatoires  qui,  elles-mêmes,  accompagnent  ou  sui- 
vent l'hémorrhagie.  Dans  l'hémoptysie  parenchymateuse,  au  contraire,  la  fièvre 
manque  constamment  d'après  Duguet  et,  lorsqu'elle  existe,  elle  procède  non  de 
l'hémorrhagie  même,  mais  de  l'affection  qui  a  donné  naissance  à  cet  accident. 

L'hémoptysie  parenchymateuse  s'accompagne  habituellement  d'une  dys[inée 
subite  portée  parfois  jusqu'à  l'orthopnée  avec  douleurs  thoraciques  profondes 
et  obtuses.  Duguet  fait  de  cette  dyspnée  concomitante  le  meilleur  signe  de 
l'hémorrhagie  parenchymateuse. 

L'hémoptysie  qui  relève  d'une  embolie  pulmonaire  est  au  contraire  précédée 
d'un  accès  de  dyspnée  subit  avec  battements  irréguliers  et  tumultueux  du  cœur, 
cyanose  ou  pâleur  faciale,  refroidissement  des  extrémités.  Dans  les  hémoptysies 
tuberculeuses  la  dyspnée  n'est  ni  si  constante  ni  si  marquée  et  elle  disparaît 
souvent  par  le  fait  même  de  la  déplétion  sanguine. 


328  HÉMOPTYSIE. 

Tels  sont  les  caractères  différentiels  de  l'Iiémoptysie  tuberculeuse  et  de 
riiémoptysie  parencliymateuse.  Ces  caractères  peuvent  suffire  quelquefois  à  eux 
seuls  pour  faire  reconnaître  la  source  et  le  siège  anatomique  de  l'hémorrhagie, 
mais  ils  sont  tellement  variables  que,  dans  la  plupart  des  cas,  le  diagnostic  delà 
lésion  hémorrliagipare  serait  impossible,  s'il  n'était  éclairé  par  les  antécédents 
du  malade,  par  l'examen  de  l'ensemble  symptomatique  et  par  les  conditions 
organiques  de  l'appareil  cardio-pulmonaire. 

Du  reste,  aujourd'hui  le  microscope  vient  en  aide  au  diagnostic  de  l'hémo- 
ptysie tubercruleuse.  D'après  M.  G.  Sée,  la  présence  des  bacilles  de  Koch  dans 
les  crachats  sanglants  permettrait  d'affirmer  sûrement  l'origine  tuberculeuse  de 
l'hémorrhagie.  lliller,  Cramer,  Strauss,  Hugueney  et  d'autres  ont  diagnostiqué 
ainsi  chez  des  sujets  sains  en  apparence  la  nature  tuberculeuse  des  hémoptysies 
même  initiales. 

L'hémoptysie  qui  siège  dans  le  larynx  et  dans  la  trachée  ne  se  distingue  pas 
sans  peine  de  l'hémoptysie  bronchique.  On  a  dit  que  l'hémoptysie  laryngée  se 
produit  surtout  le  matin,  au  réveil,  en  donnant  issue  à  du  sang  rouge,  spumeux, 
plus  ou  moins  coagulé  (s'il  vient  des  ventricules),  tantôt  et  le  plus  souvent  à 
des  mucosités  sanguinolentes  rejetées  ordinairement  sans  toux  violente  et  par 
expuition. 

Quant  au  sang  originaire  de  la  trachée,  il  serait  généralement  en  petite 
quantité,  mêlé  de  stries  et  rejeté  sans  effort  et  par  expuition  (Double).  Ces  dis- 
tinctions plus  suhliles  que  cliniques  n'ont  pas  grande  utilité  et  le  diagnostic  de 
la  lésion  hémorrliagique  du  larynx  se  fera  plus  sûrement  à  l'aide  du  laryngo- 
scope que  d'après  l'aspect  et   le  mode  d'expulsion  du  sang. 

Pronostic.  L'hémoptysie  n'est  pas  grave  par  elle-même,  à  moins  qu'elle  ne 
soit  foudroyante  et  déterminée  par  la  rupture  d'un  gros  vaisseau  ou  d'un  ané- 
vrysme  de  l'aorte.  Elle  s'arrête  presque  toujours  spontanément  et  offre  rarement 
un  danger  immédiat.  Sa  gravité  dépend  des  lésions  dont  elle  est  le  symptôme  et 
qui,  elles,  sont  presque  toujours  sérieuses  par  elles-mêmes.  L'hémoptysie  bron- 
chique, en  effet,  se  relie  presque  constamment  à  la  tuberculose  pulmonaire, 
l'hémoptysie  parenchymateuse  aux  affections  du  cœur. 

L'hémoptysie  peut  devenir  grave  par  son  abondance,  en  ce  sens  que,  sans 
déterminer  la  mort,  elle  laisse  à  sa  suite  un  degré  de  faiblesse  et  d'anémie 
propres  à  hâter  la  terminaison  fatale. 

Le  pronostic  éloigné  de  l'hémoptysie  tuberculeuse  est  plus  grave  que  son 
pronostic  immédiat.  Lorsqu'elle  se  renouvelle  cinq  à  dix  fois  pendant  un  grand 
nombre  d'années,  sans  autre  conséquence,  elle  devient  moins  inquiétante 
(Chomel  et  Reynaud).  On  cite  des  personnages,  tels  que  Grétry  et  Gerdy,  qui, 
malgré  de  nombreuses  hémoptysies,  n'en  sont  pas  moins  arrivés  à  un  âge  avancé, 
mais  ce  sont  là  des  faits  tout  à  fait  exceptionnels  et  le  plus  souvent  les  hémo- 
ptysies répétées  aboutissent  à  la  phlhisie. 

Lorsque  la  toux  éclate  et  persiste  après  l'hémoptysie,  c'est  un  mauvais  signe. 
La  gravité  de  l'hémoptysie  parenchymateuse  n'est  pas  subordonnée  à  son 
abondance,  mais  au  nombre  et  à  l'étendue  des  foyers  hémorrhagiques.  Si 
l'hémoptysie  survient  dans  le  cours  d'une  affection  du  cœur,  elle  indique  tou- 
jours que  cette  affection  a  atteint  sa  dernière  limite  et  que  la  gène  circulatoire 
est  arrivée  à  son  comble.  Grisolle  croit  l'hémoptysie  parenchymateuse  toujours 
mortelle,  mais  c'est  plutôt  l'affection  dont  elle  dépend  qui  compromet  la  vie. 
Dauvei'gne  a  vu  deux  cas  d'hémorrhagie  pulmonaire  non  suivis  de  mort. 


HÉMOPTYSIE.  329 

L'hémoptysie  des  fièvres  graves  est  toujours  un  symptôme  fâcheux. 

L'hémoptysie  supplémentaire  n'est  elle-même  pas  inoffensive,  puisqu'elle 
peut  se  lier  à  une  tuberculose  déjà  existante  ou  la  déterminer,  en  cas  de  prédis- 
position, par  les  congestions  mensuelles  qu'elle  provoque  dans  le  poumon. 

Y  a-t-il  des  hémoptysies  critiques?  Cette  question  n'est  pas  tranchée,  et  les 
observations  cliniques  propres  à  la  résoudre  sont  aussi  rares  que  peu  probantes. 
S'il  est  des  hémoptysies  qui  n'aggravent  pas  la  maladie  dont  elles  sont  le  sym- 
ptôme, il  est  dilfieile  d'en  citer  qui  aient  amené  la  guérison  de  telle  ou  telle 
affection,  en  jouant  le  rôle  d'une  crise.  11  en  est  cependant  qui,  sans  être  vérita- 
blement critiques,  sont  salutaires,  en  ce  sens  qu'elles  amènent  un  soulagement 
incontestable  en  mettant  fin  à  la  dyspnée  congestive.  Chacun  a  pu  constater  ce 
fait  dans  la  tuberculose  pulmonaire.  On  a  cité  aussi  certains  pléthoriques  que 
soulageaient  des  hémoptysies  périodiques  et  qui  malgré  de  nombreuses  hémor- 
rhagies  ont  pu  atteindre  un  âge  très-avancé.  Nous  en  avons  vu  un  exemple  frap- 
pant chez  un  homme  de  constitution  vigoureuse  et  très-sanguine  qui  depuis  de 
longues  années  avait  une  ou  deux  fois  par  an  des  crachements  de  sang  abondants. 
Cbaque  hémoptysie  mettait  fin  chez  lui  à  une  céphalalgie  intense  accompagnée 
de  congestion  de  la  face.  Lorsqu'en  temps  utile  il  se  faisait  appliquer  des 
sangsues  à  l'anus,  il  évitait  du  même  coup  et  sa  céphalalgie  et  son  hémoptysie. 
11  mourut  à  l'âge  de  soixante-cinq  ans  d'une  congestion  cérébrale. 

Traitement.  «  L'hémoptysie,  a  dit  avec  raison  Pidoux,  fait  le  désespoir  et  la 
confusion  de  la  thérapeutique.  Le  grand  nombre  de  moyens  qu'on  a  vantés  contre 
elle  prouve  bien  qu'il  n'y  en  a  pas  qui  soit  d'une  valeur  sûre  ».  En  effet, 
tantôt  les  agents  les  plus  puissants  échouent  là  où  réussiront  ensuite  les 
remèdes  les  plus  anodins;  tantôt  on  épuise  toute  une  série  de  médications,  et 
c'est  la  dernière  employée  qui  emporte  les  honneurs  de  la  cure,  bien  qu'elle  n'y 
soit  pour  rien.  Tout  cela  parce  que  l'hémoptysie  est  extrêmement  inégale  dans 
sa  durée  et  exceptionnellement  mortelle  et  que  le  plus  souvent,  alors  même 
qu'elle  est  très-abondante,  elle  guérit  aussi  bien  abandonnée  à  elle-même  qu'at- 
taquée à  outrance  par  des  remèdes  parfois  plus  nuisibles  qu'utiles.  Est-ce  à  dire 
que  les  moyens  dont  nous  disposons  soient  tous  également  inefficaces  et  qu'il 
faille  rester  inactif  en  face  d'un  malheureux  (jui  crache  le  sang?  Non,  il  n'est 
pas  permis  de  se  croiser  les  bras  devant  un  malade  terrifié,  devant  des  parents 
inquiets  et  prêts  à  suppléer  à  l'inaction  du  médecin  par  un  empirisme  grossier 
et  quelquefois  pernicieux.  Il  appartient  dès  lors  à  la  sagacité  du  praticien  de 
choisir  parmi  les  nombreuses  médications  préconisées  contre  l'hémoptysie  celles 
dont  l'action  est  à  la  fois  la  moins  incertaine  et  la  moins  nuisible.  Examinons 
rapidement  la  valeur  de  ces  médications  dont  les  principales  sont  les  narcotiques, 
les  astringents,  les  médicaments  cardio-vasculaires,  etc. 

a.  Les  révulsifs  tels  que  les  pédiluves,  les  maniluves,  les  sinapismes,  les 
applications  de  linge  très-chaud  (Taylor),  les  ventouses,  dont  le  but  est  d'attirer 
le  sang  du  poumon  vers  la  périphérie,  peuvent  suffire,  conjointement  avec  les 
moyens  hygiéniques,  à  mettre  fin  à  une  hémoptysie  peu  abondante,  mais  ils 
seraient  impuissants  à  arrêter  à  eux  seuls  une  hémorrhagie  considérable.  La 
ventouse  Junod,  la  hgature  des  membres,  sont  des  révulsifs  puissants  appli- 
cables dans  les  hémoptysies  très-abondantes  ou  rebelles.  Le  vésicatoire  loco 
dolenti  vanté  par  Jaccoud,  ainsi  que  les  pointes  de  feu,  nous  paraissent  rarement 
utiles.  Les  pointes  de  feu,  loin  d'arrêter  l'hémoptysie,  sont  même  capables  de 
la  provoquer,  surtout  chez  les  arthritiques  et  les  nerveux  (Renault).  Ce  sont  des 


330  HÉMOPTYSIE. 

moyens  à  action  généralement  lente,  plus  efficaces  contre  le  processus  inflani- 
maloirepérituberculeux  que  contre  l'hémoptysie  elle-même. 

La  saignée  est,  elle  aussi,  un  révulsif,  en  ce  sens  que  éloignant  du  poumon  et 
(lu  système  circulatoire  général  une  partie  de  la  masse  sanguine,  elle  prévient 
ainsi  la  rupture  d'autres  vaisseaux.  A  ce  titre,  elle  est  rarement  indiquée  dans 
les  hémoptysies  tuberculeuses  qui,  elles,  s'accompagnent  plus  souvent  d'anémie 
que  de  pléthore,  mais  elle  peut  rendre  de  grands  services,  comme  nous  le 
verrons,  dans  les  hémoptysies  d'origine  cardio-vasculaire. 

b.  Les  narcotiques  et  particulièrement  l'opium  porté  à  la  dose  de  25  à  40  centi- 
grammes d'extrait,  ont  été  vantés  par  Graves,  Béhier,  Jaccoud,  Dumas  (de  Mont- 
pellier), etc.  Graves  regarde  l'opium  comme  un  styptique  puissant.  Nous  l'avons 
expérimenté  nous-même  bien  souvent  et  nous  serions  en  peine  de  mettre  un 
vrai  succès  à  son  actif.  Son  seul  et  vrai  avantage  est  de  diminuer  les  secousses 
de  toux,  partant  de  mettre  la  poitrine  au  repos  et  de  contribuer  ainsi  indirec- 
tement à  l'hémostase.  On  peut  en  dire  autant  de  la  belladone  et  du  bromure  de 
potassium. 

c.  Les  axtringenta  usités  contre  l'hcmoptysie  comprennent  particulièrement 
le  sous-acélatc  de  plomb  vanté  par  Graves,  le  ratanliia,  «  remède  aussi  classique 
qu'inefficace  »  (Peter),  le  perchlorure  de  fer,  qui  irrite  souvent  l'estomac  et  pro- 
voque des  vomissements,  etc.  Ces  agents  arrêteraient  l'hémoptysie  en  rendant  le 
sang  plus  plastique  et  plus  coagulable.  Théorie  pure  et  que  la  clinique  ne  con- 
firme pas.  Du  reste,  avant  de  se  mêler  au  sang,  ces  médicaments  ne  sont-ils  pas 
décomposés  dans  les  voies  digestives?  Mais,  quand  même  ils  conserveraient 
jusqu'au  bout  leurs  propriétés  styptiques,  il  leur  faudrait,  pour  agir  sur  le  point 
hémorrhagipare,  convertir  préalablement  la  masse  sanguine  en  un  immense 
boudin,  suivant  l'expression  spirituelle  de  M.  Peter. 

Aux  astringents  appartient  aussi  la  glace,  très-employée  par  les  Allemands  en 
application  sur  la  poitrine.  En  théorie,  la  glace  est  contre-indiquée,  car  elle 
tend  à  refouler  le  sang  des  téguments  vers  le  poumon  ;  dans  la  pratique,  si  elle 
n'est  pas  nuisible,  elle  est  loin  en  tout  cas  d'agir  avec  la  rapidité  et  l'eflicacité 
qu'on  lui  attribue  en  Allemagne.  ^Jous  ne  l'avons  pas  vue,  quant  à  nous,  réussir 
plus  souvent  que  nombre  d'autres  moyens  réputés  moins  puissants  qu'elle. 

d.  Médicaments  cardio-vasculaires.  Ils  iniluencent  directement  le  cœur 
ou  les  vaisseaux  dont  ils  provoquent  la  contraction.  Tels  sont  l'ergot  de  seigle, 
les  vomitifs,  la  digitale,  les  trois  agents  dont  l'action  anti-hémoptoïque  est  la 
moins  contestable. 

L'ergot  de  seigle  et  son  dérivé  l'ergotinc  n'ont  pas,  il  est  vrai,  sur  le  poumon, 
l'action  élective  qu'ils  exercent  sur  l'utérus,  mais  on  ne  saurait  leur  contester 
une  influence  fréquemment  heureuse,  quoique  peu  durable,  sur  l'hémoptysie. 
L'ergot,  comme  Holms  l'a  démontré  le  premier  en  1870,  contracte  les  vaisseaux, 
diminue  leur  calibre  et  les  anémie;  il  paraît  agir  directement  sur  la  fibre 
musculaire  lisse  sans  l'intermédiaire  du  système  vaso-moteur  (Peton).  L'ergot 
et  l'ergotine  sont  doués  d'une  activité  à  peu  près  identique.  L'ergotine  injectée 
sous  la  peau  nous  a  paru  en  général  agir  plus  promptement,  mais  non  plus 
sûrement,  que  lorsqu'elle  est  prise  par  la  bouche. 

Les  vomitifs  et  l'ipéca  en  particulier,  déjà  vantés  contre  l'hémoptysie  par 
Raglivi  et  Stoll  et  popularisés  par  Trousseau,  sont  doués  d'une  action  hémosta- 
tique remarquable.  Malheureusement,  ce  moyen  redouté  du  malade  et  de  son 
entourage  est  pour  cela  même  moins  utilisable  dans  la  pratique  civile  que  dans 


HÉMOPTYSIE.  531 

les  hôpitaux.  Les  vomitifs,  selon  Peter,  grâce  aux  efforts  respiratoires  qu'ils 
provoquent,  introduiraient  une  grande  quantité  d'air  dans  les  vésicules  et  ten- 
draient à  refouler  mécaniquement  le  sang  en  comprimant  la  surface  des  vésicules, 
mais,  comme  l'état  nauséeux  suffit  à  lui  seul  pour  arrêter  l'hémoptysie,  c'est 
moins  dans  une  action  purement  mécanique  qu'il  faut  placer  la  cause  de 
l'hémostase  que  dans  une  impression  spéciale  exercée  sur  la  muqueuse  gastrique, 
propagée  de  là  au  centre  nerveux  sympathique,  puis  réfléchie  par  les  ganglions 
du  système  vaso-moteur  (Gubler).  De  là  la  contraction  des  vaisseaivx,  la  petitesse 
du  pouls  et  la  pâleur  des  téguments,  de  là  aussi  l'hémostase. 

Si  l'ergot  et  les  vomitifs  influencent  les  vaisseaux,  la  digitale  influence  le 
cœur  et  peut  contribuer  à  arrêter  les  crachements  de  sang,  en  ralentissant  et 
en  régularisant  la  circulation.  Mais,  comme  nous  le  dirons  plus  loin,  son 
influence  est  plus  évidente  dans  l'hémoptysie  d'origine  cardiaque  que  dans  celle 
de  la  tuberculose.  Le  Convallaria  maialis,  la  caféine,  etc.,  sont  comme  la 
digitale  des  toniques  du  cœur  et,  à  ce  titre,  ils  peuvent,  eux  aussi,  exercer  une 
action  favorable  sur  l'hémoptysie. 

Aux  moyens  rationnels  que  nous  venons  d'énumérer  il  faut  ajouter  un  certain 
nombre  d'agents  empiriques.  Tels  sont  :  le  copahu  et  les  térébenthines,  qui 
eurent  dans  la  composition  des  eaux  de  Léchelle,  de  Tisserand,  etc.,  médication 
vantée  par  les  uns,  lejetée  par  les  autres,  au  demeurant  fort  infidèle;  la 
terpine,  dérivé  de  la  térébenthine  et  vantés  récemment  par  G.  Sée,  comme 
dessiccant  et  comme  constricteur  des  vaisseaux  de  la  muqueuse  bronchique,  le 
sel  de  cuisine,  préconisé  par  les  Anglais,  l'extrait  de  guy  de  chêne,  la  teinture 
de  chardon-marie,  employée  en  Russie  par  Lesenewich  et  d'autres,  autant  de 
médicaments  dont  la  valeur  n'est  pas  encore  sanctionnée  par  l'expérience,  etc. 

Telles  sont  les  armes  dont  nous  disposons  contre  l'hémoptysie.  En  somme, 
nos  ressources  sont  bien  restreintes,  car  seuls  l'ergot  de  seigle  et  les  vomitifs 
paraissent  susceptibles  d'influencer  directement  la  circulation  pulmonaire. 
Viennent  ensuite  sur  un  plan  inférieur  et  dans  l'ordre  de  leui'  activité  :  la 
saignée,  la  digitale  et  enfin  les  révulsifs.  Examinons  maintenant  les  indications 
et  le  mode  d'emploi  de  ces  différents  moyens  suivant  la  cause  et  suivant  la 
gravité  de  l'hémoptysie. 

Et  d'abord  il  est  un  certain  nombre  de  moyens  généraux  et  hygiéniques 
applicables  à  toute  hémoptysie,  quelle  qu'en  soit  l'origine.  Ainsi,  avant  tout 
on  cherchera  à  calmer  la  terreur  du  malade,  en  évitant  de  paraître  ému  soi- 
même,  en  l'assurant  qu'on  ne  meurt  pas  d'hémoptysie,  que  celle  dont  il  souffre 
peut  devenir  une  crise  salutaire,  etc.  Avec  un  peu  de  tact  et  d'habileté,  il  est 
rare  qu'on  ne  parvienne  pas  à  calmer  le  patient  et  son  entourage.  Le  malade 
sera  placé  dans  un  endroit  frais  et  aéré,  dans  la  position  demi-assise,  la  tête 
reposant  sur  des  oreillers  de  crin.  Il  évitera  tout  effort,  tout  mouvement  brusque, 
résistera  autant  que  possible  au  besoin  de  tousser  et  gardera  le  silence  le  plus 
absolu.  Enfin,  il  ne  prendra  que  des  boissons  glacées  et  acidulés  et  des  aliments 
froids- 

Hemophjsie  tuberculeuse.  Dans  la  période  de  crudité  ou  antécavitaire  de 
la  tuberculose,  lorsque  l'hémorrhagie  est  peu  abondante  et  ne  consiste  que  dans 
l'émission  successive  et  plus  ou  moins  durable  de  quelques  crachats  sanglants, 
les  moyens  hygiéniques  que  nous  venons  d'énumérer  joints  à  un  peu  d'opium 
pour  calmer  la  toux  suffisent  le  plus  souvent  pour  enrayer  l'hémoptysie.  Celle-ci 
se  prolonge-t-elle  ou  devient-elle  plus  abondante,  sans  être  excessive,  on  recouiTa 


532  HÉMOPTYSIE. 

aux  révulsifs  et  au  besoin  au  seigle  ergoté  (1  à  3  grammes  par  jour  jusqu'à 
apparition  de  fourmillements  dans  les  doigts  et  dans  les  orteils)  ou  à  l'ergotine, 
1  à  4  grammes  à  l'intérieur  dans  les  vingt-quatre  heures,  ou  bien  i  gramme 
en  injection  sous-cutanée  de  la  solution  suivante  : 

Ergotuie 2 

Eau I 

Glycérine i 

(Moutard-Martin.) 

L'ergotinine,  bien  plus  active  que  l'ergotine,  est,  pour  cela  même,  plus 
difficile  à  manier.  On  peut  la  donner  à  l'intérieur  à  la  dose  d'un  quart  de  milli- 
gramme à  un  milligramme  et  demi  ou  en  injection  sous-cutanée  :  3  à  10  gouttes 
d'une  solution  de  un  milligramme  pour  un  centimètre  cube  d'eau  (Tanret). 

Dans  la  période  ultime  de  la  plilliisie  pulmonaire,  l'hémoptysie  se  reproduit 
souvent  malgré  tout  et  menace  parfois  la  vie  du  malade  par  son  extrême  abon- 
dance. Comme  l'héniorrhagie,  dans  ces  cas,  provient  de  la  rupture  des  petits 
anévrysmes  de  l'artère  pulmonaire,  les  vomitifs  et  les  nauséeux  se  trouvent 
parfaitement  indiqués,  puisqu'ils  ont  pour  effet  de  ralentir  la  circulation,  de 
diminuer  les  contractions  du  cœur  et  de  favoriser  ainsi  la  formation  du  caillot 
hémostatique.  Lu  digitale,  il  est  vrai,  ralentit  elle  aussi  la  ciiculation,  mais 
comme  elle  renfozxe  en  même  temps  les  contractions  cardiaques,  son  emploi 
nous  paraît  moins  justifié  que  celui  des  nauséeux.  Quant  à  l'ergotine,  qui  se 
borne  à  contracter  les  fibres  musculaires  des  artérioles  sans  ralentir  la  circula- 
tion, elle  ne  saurait  contribuer  à  la  formation  du  caillot  obturateur  de  la  fissure 
anévrysmale  (Poupon). 

Trousseau  donnait  la  poudre  d'ipéca  à  la  dose  de  3  à  4  grammes  dans  les 
vingt-quatre  heures,  de  manière  à  produire  de  violents  vomissements.  Nous 
préférons  avec  M.  Peter  donner  l'ipéca,  le  tartre  stibié  ou  même  le  kermès  à 
doses  fractionnées  de  dix  en  dix  minutes,  de  façon  à  ne  déterminer  qu'un  état 
nauséeux,  ce  qui  suffit  pour  inlluencer  l'hémorrhagie. 

Si  l'hémoptysie  résiste  même  aux  vomitifs  et  aux  nauséeux,  ce  sera  le  cas  de 
recourir  à  la  ventouse  Junod  ou  à  la  ligature  des  membres. 

Contre  l'hémoptysie  tuberculeuse  fébrile,  M.  Jaccoud  conseille  les  vomitifs, 
tandis  que  M.  Peter  les  proscrit  d'une  manière  formelle.  Nous  estimons  que  le 
traitement  de  l'hémoptysie  fébrile  ne  doit  guère  différer  de  celui  de  l'hémoptysie 
apyrétique.  Du  reste,  l'hémorrhagie  compliquée  de  fièvre  affecte  une  marche 
cyclique  que  les  moyens  les  plus  puissants  ne  parviennent  généralement  pas  à 
enrayer.  Mieux  vaut  donc  ne  pas  fatiguer  le  malade  par  des  médications  trop 
énergiques  et  s'en  tenir  aux  moyens  hygiéniques,  aux  moyens  doux  et  même  à 
l'expectation.  Seul  le  seigle  ergoté  associé  au  sulfate  de  quinine  nous  a  rendu 
quelques  services  dans  les  hémoptysies  fébriles  d'une  certaine  abond.uice  (ergot 
de  seigle  2  grammes,  sulfate  de  quinine  1  gramme,  en  4  doses,  de  trois  en  trois 
heures).  Du  reste,  le  sulfate  de  quinine  s'adresse  lui  aussi  quelque  peu  à  la  con- 
tractilité  des  vaisseaux.  Ce^  deux  médicaments  réunis  trouvent  encore  leur 
indication  dans  ces  hémoptysies  rebelles  qui  se  reproduisent  périodiquement  et 
surtout  le  matin. 

Hémoptysies  d'origine  cardiaque  et  vascidaire.  Les  crachements  de  sang 
liés  aux  affections  du  cœur  sont  les  seuls  qui,  à  notre  avis,  justifient  l'emploi 
des  émissions  sanguines.  Celles-ci  sont  indiquées  surtout  lorsque  l'hémorrhagie 
s'accompagne  d'une  dyspnée  considérable  et  de  cyanose.  Une  saignée  faite  en 


HÉMOPTYSIE.  533 

temps  utile  suffit  pour  diminuer  la  prcLsion  inlra-vasculaire  et  pour  mettre  fm 
à  la  stase  sanguine  cause  de  l'hémoptysio. 

La  digitale,  qui  renforce  et  régularise  l'action  du  cœur,  trouve,  elle  aussi,  son 
emploi  dans  l'hémoptysie  cardiaque,  suite  d'asystolie;  mais,  lorsque  l'hémor- 
rhagie  met  la  vie  en  danger  par  son  abondance,  nous  préférons  la  saignée  à  la 
digitale,  dont  l'action  ne  se  fait  sentir  liabituellcment  qu'au  bout  de  vingt-quatre 
à  quarante-huit  heures.  Saignée  et  digitale  sont  à  rejeter,  si  déjà  la  cachexie 
cardiaque  s'est  déclarée.  Elles  seraient  dès  lors  plus  nuisibles  qu'utiles  et 
devront  céder  la  place  à  la  caféine,  aux  stimulants  et  aux  alcooliques  (vin  de 
Madère,  alcool,  etc.).  Tous  ces  moyens  n'excluent  pas  l'emploi  des  révulsifs 
puissants,  surtout  si  l'Iiémorrhagie  est  excessive  et  rebelle.  Les  vomitifs,  les 
affusions  froides  conseillées  par  Laennec,  l'application  de  la  glace  sur  la  poi- 
trine, ne  nous  paraissent  indiqués  que  dans  les  cas  très-graves  et  lorsque  les 
moyens  précités  sont  restés  sans  effet. 

L'hémoptysie  suite  d'embolie  pulmonaire  comporte  elle  aussi  l'emploi  de  la 
saignée  et  de  la  digitale  pour  combattre  la  stase  sanguine  et  régulariser  la  cir- 
culation. Du  reste,  l'hémoptysie  par  embolie  est  rarement  grave  et  inquiétante 
et  son  traitement  se  confond  avec  celui  de  l'embolie  elle-même. 

L'hémoptysie  des  fièvres  graves  adyuamiques  due  à  la  rupture  des  capillaires 
pulmonaires  altérés  réclame  l'usage  des  stimulants,  des  toniques,  des  boissons 
acidulés,  au  besoin  l'emploi  des  révulsifs  et  du  seigle  ergoté.  Le  traitement  des 
hémoptysies  liées  au  scorbut  et  au  purpura  est  celui  de  ces  affections  mêmes. 

Hémoptysie  intermittente.  Le  sulfate  de  quinine  est,  cela  va  sans  dire,  le 
remède  spécifique  et  presque  toujours  efficace  de  l'hémoptysie  d'origine  palu- 
déenne. 

Hémoptysie  supplémentaire.  Ici  l'indication  capitale  est  de  ramener  vers 
ses  voies  naturelles  le  flux  menstruel  dévié  vers  les  poumons.  Nous  ne  croyons 
pas  qu'il  faille  respecter  cette  hémoptysie,  comme  on  l'a  conseillé,  la  congestion 
mensuelle  des  poumons  étant,  nous  l'avons  vu,  susceptible  de  favoriser  l'éclo- 
sion  de  la  tuberculose  chez  les  personnes  prédisposées  à  cette  affection.  Pour 
rappeler  le  flux  menstruel  vers  l'utérus,  on  appliquera  à  l'époque  des  règles 
quelques  sangsues  au  haut  des  cuisses,  aux  genoux  ou  à  l'anus;  on  donnera  en 
même  temps  des  emménagogues  et  des  pédiluves  sinapisés;  enfin  on  traitera 
l'état  général  ou  l'affection  utérine  cause  de  la  déviation  menstruelle. 

Traitement  prophylactique.  La  prophylaxie  de  l'hémoptysie  se  confond 
avec  celle  des  différentes  affections  susceptibles  de  lui  donner  naissance.  L'hé- 
moptysie comporte  cependant  quelques  précautions  spéciales  qui  s'adressent  à 
ce  symptôme  même.  Pour  éviter  le  retour  des  crachements  de  sang,  les  per- 
sonnes qui  y  sont  sujettes  devront  mener  une  vie  calme  et  régulière,  éviter  la 
lecture  à  haute  voix,  le  chant,  les  efforts  musculaires,  les  milieux  surchauffés, 
les  excès,  les  marches  précipitées,  les  aliments  excitants  et  en  général  tout  ce 
qui  est  susceptible  d'accélérer  la  circulation  et  par  suite  de  produire  la  conges- 
tion du  poumon.  On  évitera  aussi  l'usage  des  ferrugineux  et  de  l'arsenic,  médi- 
caments congestifs,  partant  hémorrhagipares. 

Nous  avons  vu  que  l'hémoptysie  tuberculeuse  diminue  ou  même  disparaît 
sans  retour  sous  l'influence  des  altitudes,  autant  par  le  fait  même  de  la  raré- 
faction de  l'air  que  parce  que  la  tuberculose  elle-même  est  susceptible  de 
s'enrayer  par  le  séjour  sur  les  hautes  montagnes.  Nous  avons  connu  pour  notre 
part  deux  tuberculeux  tourmentés  par  de  fréquents  crachements  de  sang  et  qui 


334  IIKMOPTYSIE   (bibliographie). 

ont  vu  cesser  complolement  leurs  liémoptysies  dès  les  premiers  temps  de  leur 
séjour  dans  l'Enyadinc  suisse  que  nous  leur  avions  conseillé  d'habiter  tempo- 
rairement. Tous  deux  étaient  atteints  d'une  tuberculose  à  forme  torpide  et 
apyrétique,  la  seule  qui  paraisse  indiquer  le  séjour  des  altitudes.  Quant  à 
l'hémoptysie  de  la  phthisie  créthique  et  lebrile,  le  séjour  des  hauteurs  lui  serait 
tout  à  lait  préjudiciable  d'après  M.  .laccoud,  tandis  qu'elle  s'accommoderait 
mieux  des  réjjions  méridionales  et  chaudes.  Cependant  cette  règle  n'a  rien 
d'absolu  et  «  le  jugement  doit  être  dirigé  exclusivement  par  l'appréciation  de  la 
modalité  réactionnelle  du  malade  »  (Jaccoud).  V.  Widal. 

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I1Ê>{0RRUAGIE.  535 

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consécutiv.  à  leur  emploi  dans  le  traitent,  de  la  pkthis.  pulm.  Thèse  de  Lyon.  1886.  — 
P.  StrCbisg.  Laryngitis  hemorrh.  ^Yiesbaden,  1886.  —  Voy.  aussi  les  traités  de  pathologie 
interne  de  Niemeyeb,  Monnehet,  Grisolle,  le  Guide  du  médecin  praticien  de  Yalleix,  etc.    V.  W. 

UÉMORRUAGIE   {Mi/.ofjpocyioc,  de  aîfxa,  sang,  et  pi^Y^uai  OU  priyu,  je  romps  OU 

je  brise);  c'est  le  phénomène,  constamment  pathologique,  en  dehors  du  cas  par- 
ticulier de  la  menstruation,  en  vertu  duquel  le  sang  complet,  c'est-à-dire  con- 
stitué par  son  plasma  et  par  les  éléments  globulaires  des  doux  ordres,  louges  et 
blancs,  sort  des  vaisseau.^  sanguins  ou  du  cœur  pour  se  répandre  soit  à  la 
surface  des  membranes,  soit  dans  les  espaces  interorganiques. 

La  définition  de  l'hémorrliagie,  telle  qu'elle  vient  d'être  donnée,  est  la  seule 
qui  convienne  véritablement  à  ce  phénomène.  On  ne  peut  plus  dire  aujourd'hui 
avec  Rostan  qu'il  se  produit  une  hémorrhagie  «  toutes  les  fois  que  la  partie 
colorante  du  sang  s'échappe  des  conduits  qui  le  renferment  naturellement  » 
(Rostan,  Traité  élémentaire  de  diagnostic.  Paris,  Réchet,  1826,  t.  II,  p.  87). 
La  caractéristique  du  sang  n'est  pas  en  effet  dans  ses  seuls  globules,  non  plus 
que,  par  exemple,  celle  du  tissu  cartilagineux  ne  réside  dans  les  seules  cellules 
fixes  de  ce  tissu.  iNous  avons  vu  (voy.  Sang  [Pathologie  générale]},  en  effet,  que 
le  sang  est  un  tissu  complexe,  formé  par  l'union  d'un  plasma  qui  représente 
la  substance  fondamentale,  et  de  globules  rouges  et  blancs,  formations  proto- 
plasmiques  qui  donnent  au  sang  son  type  dans  la  série  des  tissus.  En  dehors  du 
circuit  fermé  qui  renferme  le  sang  complet,  c'est-à-dire  formé  de  son  plasma 
chargé  de  sels,  de  substances  albuminoïdes,  de  fibrinogène,  plasma  uni  aux 
globules  rouges  et  aux  cellules  lymphatiques  en  proportions  variables,  il  est 
yrai,  mais  définies  cependant  d'une  manière  générale;  comme  on  l'observe  dans 
toutes  les  parties  de  l'organisme  qui  vivent,  on  peut  voir  isolément  s'cxtravaser  : 
1°  la  portion  non  fibrineuse  du  plasma  et  les  globules  blancs  :  c'est  Vœdème 
simple;  2"  le  plasma  tout  entier  avec  les  globules  blancs  :  c'est  Vœdème  inflam- 
matoire ;  5°  l'hémoglobine  dissoute  avec  les  globules  blancs  et  le  plasma:  on 
en  a  un  exemple  dans  Vhémoglobinurie.  Mais,  quand  simultanément  le  plasma 
tout  entier,  les  globules  rouges  et  les  globules  blancs,  sortent  du  circuit  vascu- 
laire  sanguin,  il  ne  s'agit  plus,  comme  dans  le  cas  précédent,  d'une  transsu- 
dation élective  ne  renfermant  qu'un  ou  quelques-uns  des  éléments  constitutifs 
du  sang,  mais  bien  d'une  hémorrhagie  vraie  :  car  le  sang  tout  entier  est  jeté 
hors  des  vaisseaux,  soit  sur  des  surfaces  [hémorrhagies  membraneuses),  soit 
dans  les  espaces  interorganiques  qu'il  développe  [hémorrhagies  interstitielles). 
La  masse  du  sang  subit  de  ce  chef  une  spoliation,  minime  ou  grande,  dont  les 
conséquences  sont  désormais  inévitables.  L'ensemble  des  phénomènes  anormaux 
qui  précèdent  commandent,  accompagnent  et  suivent  la  perte  de  sang  jusqu'au 
moment  où  le  circuit  sanguin  est  redevenu  un  système  clos  dans  lequel  la  masse 
du  liquide  nutritif  est  régénérée,  constitue  ce  qu'en  pathologie  générale  on  nomme 
un  syndrome  :  c'est  le  syndrome  hemorrhag iqiie. 


536  HÉMORRIlAGin. 

Le  sang,  pris  dans  les  divers  points  du  circuit  circulatoire,  n'est  jamais  iden- 
tique à  lui-même,  bien  qu'il  conserve,  dans  l'association  de  ses  éléments  consti- 
tutifs divers,  une  homogénéité  générale  qui  suffit  à  le  caractériser  et  à  le  faire 
reconnaître  en  tant  que  sang.  S'il  en  était  autrement,  le  sang  serait,  comme  la 
salive,  le  suc  gastrique,  la  bile  et  l'uiine,  une  humeur  formée  à  l'état  fixe  en 
vue  de  certains  usages  mais  non  un  tissu  vivant.  Ainsi  donc  la  proportion  des 
globules,    des   cellules  lymphatiques,   des   albuminoïdes   et  de  la    fibrine  du 
plasma,  etc.,  peuvent  varier  sans  que  le  sang  ainsi  modifié  cesse  d'être  du  sano^ 
complet  et  vrai.  Dans  l'hémorrhagie  il  peut  en  être  de  même.  Ou  bien  le  sang 
s'échappe  des  vaisseaux  en  masse  et  tel  qu'il  y  était  contenu,  c'est-à-dire  avec 
ses  proportions  normales  de  globules  et  de  plasma  pour  le  point  intéressé;  ou 
bien  au  contraire,  en  sortant  des  vaisseaux,  les  proportions  des  éléments  consti- 
tutifs du  liquide  sanguin  se  trouvent  modifiées  par  une  sorte  d'élection  opérée 
par  la  paroi  à  travers  laquelle  il  prend  son   issue.  Le  sang  extravasé  peut  être 
alors  plus  ou  moins  riche  eu  globules,  en  plasma,  ce  dernier  peut  être  plus  ou 
moins  chargé  de  fibrinogène,  etc.  Nous  réserverons  aux  hémorrhagies  du  pre- 
mier genre  le  nom  d'hemorrhagieti  complèles  ou  massives,  nous  donnerons  à 
celles  du  second  genre  le  nom  d'hémorrhagles  incomplètes  ou  électives.  Si  ces 
dénominations  n'avaient  pour  but  que  d'introduire  de  nouveaux  termes  dans 
une  nomenclature  déjà  surchargée,  nous  ne  les  proposerions  pas  ;   mais  nous 
verrons  bientôt  qu'elles  ont  leur  utilité,  parce  que  la  distinction  proposée  pour 
les  termes  répond  à  la  division  pathogénique  des  hémorihagies  qui,  dans  l'état 
actuel  de  la  science,  se  présente  naturellement  et  s'impose  même  à  l'esprit. 

D'une  manière  générale,  l'hémorrhagie  est  artérielle,  vetneme  ou  capillaire, 
suivant  que  le  sang  s'échappe  d'un  vaisseau  appartenant  à  l'un  des  trois  ordres 
précités.  Lorsque  le  sang  sort  d'une  artère  ou  d'une  veine  avec  des  caractères 
qui  le  font  reconnaître  de  prime  abord  pour  du  sang  rouge  et  oxygéné,  ou  au 
contraire  noir  et  réduit,  l'hémorrhagie  est  toujours  complète  ou  massive.  Les 
hémorrhagies  électives  ont  pour  unique  origine  les  vaisseaux  capillaires,  c'est- 
à-dire  les  points  mêmes  du  circuit  vasculaire  où  le  sang  présente  normalement 
une  constitution  variable,  et  où  la  paroi  vasculaire  possède  la  propriété  d'exercer 
une  action  sur  le  liquide  coniplexe  qui  la  doit  traverser  pour  s'extravaser.  Aussi 
rien  n'est  plus  variable  que  l'apparence  du  sang  qui  s'écoule  des  vaisseaux 
interposes  aux  artères  et  aux  veines  {hémorrhagies  par  anastomose  d'Hérophile). 
Tantôt  cette  apparence  est  celle  du  sang  artériel,  tantôt  celle  du  sang  veineux; 
d'autres  fois  le  liquide  sanguin  est  pâle  et  comme  mélangé  à  de  la  sérosité  : 
aussi  Galien  insistait-il  avec  raison  sur  les  modifications  apportées  à  l'aspect  du 
sang  par  l'état  tonique  ou  atonique  des  vaisseaux  dans  les  hémorrhagies  par 
anastomose  ;  nous  reconnaîtrons  plus  loin  que  ce  grand  physiologiste  avait  véri- 
tablement pressenti  la  pathogénie  exacte  des  hémorrhagies  capillaires. 

De  tout  temps,  Ihémorrhagie  a  attiré  l'attention  des  médecins  et  des  philo- 
sophes. On  reconnut  vite  en  effet  que,  dans  de  nombreuses  circonstances,  la 
vie  s'en  allait  avec  le  sang  versé  à  flots  par  les  blessures.  Pour  Moïse,  le  sang 
est  l'âme  de  toute  chair  {Anima  omnis  carnis  in  sanguine  est,  Lévit.,  cap.  xvii, 
li);  pour  Homère,  l'àme  fuit  avec  le  sang  des  héros  frappés  par  l'épée,  et,  pour 
faire  un  instant  vivre,  respirer  et  parler  les  ombres,  il  leur  faut  faire  boire  le 
sauT  des  victimes.  La  physiologie  moderne,  en  les  précisant,  a  justifié  ces 
antiques  vues;  elle  a  montré  que  le  sang  est  l'instrument  fondamental  de  la 
respiration,   le  véhicule  des  actions  vitales  rapides  et  auxquelles  la  lymphe  ne 


IIÉMORRIIAGIE.  537 

suffit  pins.  Il  est  l'origine  de  toute  force  musculaire  chez  les  Vertébre's,  car  c'est 
lui  qui  fabrique  et  cède  aux  muscles  rélément  respiratoire  et  capital  de  leur 
mvosine  :  rhémoglobine  musculaire  (Kûhne). 

Dans  cet  ordre  d'idées  la  perte  sanguine  intense,  locale  ou  disséminée  comme 
on  le  voit  dans  les  états  hémorrhagiques  à  déterminations  multiples,  prend  une 
importance  immense.  Cette  perte  sanguine,  en  spoliant  l'organisme  de  sa  réserve 
respiratoire,  agit  à  la  façon  des  poisons  du  sang  qui  détruisent  celte  réserve  ou 
en  adultèrent  la  qualité.  De  là,  et  au  travers  des  âges,  l'instante  et  incessante 
préoccupation  des  médecins  relativement  aux  causes,  aux  effets,  à  la  signification 
do"'matique  des  divers  processus  hémorrhagiques  que  l'on  observe  en  clinique; 
de  là  les  classifications  multiples,  fondées  les  unes  exclusivement  sur  les  théories 
en  faveur,  les  autres  sur  l'observation  pure,  d'autres  enfin  sur  l'observation 
clinique  adaptée  et  comme  ployée  aux  besoins  de  la  théorie  régnante.  De  Galien 
à  Gendrin,  ces  nomenclatures  scolastiques  des  hémorrhagies  se  succèdent  sans 
éclaircir  la  question;  nous  ne  les  reproduirons   pas  et  nous  croyons  même 
inutile  de  les  discuter.  La  période  scientifique  ne  commence,  pour  les  hémor- 
rha<Ties,  qu'avec  les  recherches  de  Colmlieim  sur  la  diapédèse  en  Allemagne,  en 
France  avec  la  thèse  d'agrégation  du  professeur  Bouchard,  qui  fit  faire  à  la  ques- 
tion pathogénique  un  pas  immense  par  la  découverte  des  anévrysmes  capillaires, 
et  aux  idées  duquel,  dans  le  cours  de  cet  article,  nous  ferons  de  nombreux 
emprunts.  Aujourd'hui  encore,    bien   des  points  particuliers  restent  obscurs, 
néanmoins,  dans  l'histoire  des  hémorrhagies  ;    de  nombreux  problèmes  à  cet 
égard  ne  sont  pas  même  posés  :  force  est  donc  aujourd'liui  de  soumettre  au  lecteur 
l'état  de  la  science  sous  la  forme  d'une  synthèse  incomplète.  Quoi  qu'il  en  soit, 
au  point  de  vue  de  la  pathologie  générale,  on  doit  aujourd'hui  se  demander  : 

1»  Une  hémorrhagie  étant  donnée  et  son  origine  vasculaire  reconnue,  quel 
est  le  mécanisme  en  vertu  duquel  elle  s'est  effectuée;  en  d'autres  termes, 
quelle  est  sa  patuogénie  ? 

2°  Quels  effets  exerce  sur  l'organisme  une  hémorrhagie  dont  on  connaît  l'ori- 
gine vasculaire,  dont  on  a  aussi  la  cause  ;  quel  est,  en  un  mot,  I'effet  phïsiolo- 

GIQDE  d'oNE  perte  DE  SANG? 

5°  En  présence  de  l'hémorrhagie,  comment  l'organisme  se  défend-il  ?  Quel 
est  le  mécanisme  de  I'hémostase,  c'est-à-dire  comment  se  reconstitue  le  système 
vasculaire  à  l'état  de  circuit  fermé?  Gomment  d'autre  part  la  perte  sanguine  est 
elle  réparée  ;  quel  est  le  mode  de  régénération  du  sang  perdu  ? 

¥  Quelle  est  enfin  la  signification  clinique  du  syndrome  hémorrhagique, 
constitué  par  l'ensemble  des  circonstances  et  des  phénomènes  qui  commandent, 
accompagnent  la  perle  sanguine,  et  apparaissent  enfin  dans  sa  période  de  res- 
tauration? Que  signifie  l'hémorrhagie  au  point  de  vue  du  diagnostic,  du 
PRONOSTIC  et  du  TRAITEMENT,  considérés  en  thèse  générale? 

Nous  essayerons,  dans  les  paragraphes  qui  vont  suivre,  de  traiter  sommaire 
ment  ces  questions  diverses,  d'attaquer  certaines  des  difficultés  qu'elles  compor- 
tent, d'en  élucider  quelques-unes,  sans  avoir  la  prétention  de  pouvoir  toutes  les 
résoudre.  Malgré  les  progrès  incessants  de  la  physiologie  expérimentale  appli- 
quée à  la  médecine,  la  pathologie  générale  des  hémorrhagies  reste  encore  pleine 
d'obscurités.  Dans  nombre  de  cas  et  à  leur  propos,  le  mérite  du  pathologiste 
doit  consister  à  reconnaître  ce  que  l'on  ignore  encore,  à  signaler  des  lacunes,  à 
proposer  des  problèmes  plutôt  que  d'exposer  des  théories.  L'histoire  des  hémor- 
rhagies est  peut-être  la  mieux  faite  pour  montrer,  en  effet,  que  les  théories  les 

DICT.    ENC.    4"   S.    XIII.  22 


?58  HÉMORRHAGIE. 

plus  séduisantes  ne  font  que  passer  ;  celle  de  la  science  expérimentale  a  par 
contre  assez  montré  déjà  que  tout  problème  posé  sous  une  forme  simple  est  tôt 
ou  tard  résolu  dans  l'avenir. 

I.  Pathogénie  des  hémorrhagies.  Dès  l'origine  de  la  médecine,  on  eut  cette 
notion  fondamentale  que  le  sang  est  contenu  dans  un  système  de  canaux  fermés. 
Les  traumatismes  ouvrent  ces  vaisseaux  et  le  sang  se  répand  soit  au  dehors,  soit 
dans  les  espaces  interorganiques.  Ici  il  n'y  a  point  de  doute  sur  la  pathooénie* 
il  s'agit  des  plaies  des  vaisseaux,  des  vulnérations  de  Cœlius  Aurelianus  et  de 
Bacchius. 

Mais  en  dehors  de  tout  traumatisme  appréciable,  et  comme  spontanément 
l'hémorrliagie  se  produit  souvent  chez  les  malades.  Comment  alors  le  san" 
sort-il  de  ses  vaisseaux?  11  les  rompt  dans  tous  les  cas,  dit  l'École  asclépiadique; 
le  mot  même  d'hémorrhagie  ne  signifie  du  reste  autre  chose  (\uéruption  de 
sang,  c'est-à-dire  issue  de  ce  liquide  par  rupture  ou  par  fracture  des  canaux 
qui,  dans  l'état  normal,  sont  destinés  à  le  contenir.  En  d'autres  termes,  l'issue 
spontanée  du  sang  sur  les  surfaces  ou  dans  l'épaisseur  des  tissus  du  corps  n'a 
point  d'autre  mécanisme  qne  l'effraction  des  parois  vasculaires  :  c'est  la  théorie 
exclusive  du  rhexis  {prili-;,  rupture). 

En  face  de  cette  tliéorie  et  se  joignant  à  elle  sans  l'exclure,  s'en  éleva  bientôt 
une  autre,  diamétralement  opposée  :  elle  a  pour  auteur  Hérophile  et  parta^^era 
désormais  avec  la  première  la  faveur  ou  la  défaveur  des  écoles.  C'est  la  théorie 
de  la  diapédèse.  Hérophile  admet  en  effet  une  première  classe  d'hémorrha^ies  : 
celles  par  incisure,  c'est-à-dire  par  ouverture  matérielle  et  visible  du  vaisseau. 
Dans  une  seconde  classe  il  range  les  effusions  de  sang  qui  ne  s'accompagnent  ou 
plutôt  ne  sont  la  conséquence  d'aucune  ouverture  vasculaire  appréciable  ;  ce 
sont  les  hémorrhagies  sans  incisures  comprenant  celles  produites  :  1°  par  raré- 
faction; 2'^  par  atonie  vasculaire;  auxquelles  il  joint  les  pertes  sanguines  : 
3"  par  atonie  des  vaisseaux  et  4"  par  transsudation  de  leur  contenu,  les  parois 
restant  intactes. 

Telle  est  à  peu  près  aussi  la  théorie  de  Démétrius  d'vVpamée.  Outre  l'Iiénior- 
rhagie  par  rhexis,  ou  rupture,  par  diahrose  ou  érosion,  par  diérèse  ou  débi- 
tement  (variétés  de  la  première),  il  admet  celles  par  diapédèseou  transsudation 
et  celle  par  anastomose,  c'est-à-dire  par  élargissement  des  pores  qu'il  croyait, 
avec  ses  contemporains,  exister  à  l'extrémité  des  vaisseaux,  car  l'antiquité  igno- 
rait, comme  on  sait,  l'existence  des  capillaires. 

Jusque-là,  la  pathogénie  des  hémorrhagies  reste  exclusivement  rapportée  aux 
altérations  du  vaisseau.  Ce  dernier  est  atteint  par  le  traumatisme,  ou  modifié 
par  la  maladie  de  manière  à  devenir,  pour  des  raisons  diverses,  perméable  au 
sang  qu'il  devrait  retenir.  Avec  Cœlius  Aurelianus  et  Galien  apparaît  une  nou- 
velle notion,  celle  de  la  lésion  du  sang.  Le  premier  fait  entrer  en  effet  la 
putridiié  du  liquide  sanguin  en  ligne  de  compte  dans  ses  causes  cardinales  de 
l'hémorrhagie  ;  le  second  admet  que  l'hémorrliagie  peut  se  produire  en  vertu  : 
1»  de  l'impossibilité  où  se  trouve  la  partie  vascularisée  à  retenir  le  sang; 
2"  d'une  maladie  des  vaisseaux;  5°  d'une  altération  du  sang  qui,  ajoute-t-il, 
est  attiré  vers  les  parties  lorsqu'il  est  devenu  propre  à  éroder  les  vaisseaux 
(Galien,  De  sijmptomatum  causis,  édit.  de  Kûhne,  t.  VII,  p.  253). 

Ainsi,  à  côlé  de  la  notion  de  l'hémorrhagie  de  cause  organique  prend  nais- 
sance et  vient  se  ranger  celle  d'hémorrhagie  de  cause  dyscrasique,  et  dès  le 
début  Galien  a  spécifié  que,  dans  celte  dernière,  le  sang  malade  peut  devenir 


IIÉMORRIIAGIE.  55 

l'agent  actif  de  l'ouverture  îles  vaisseaux  ;  il  semble  èlre  appelé  sur  certains 
points  pour  y  devenir  l'instrument  de  ruptures  vasculaires.    Paracei.se  devait 
plus  tard  développer  celte  idée  et  proposer  sa  théorie  de  la  corrosion  par  les 
sels  acres  du  sang.  Avec  Van  llelmont,  une  troisième  conception  palhogénique 
va  se  faire  jour  :  celle  de  raclion  nerveuse,  qu'il  symbolise  à  sa  manière  en  lui 
donnant  le  nom  d'arcliée.  Pour  lui,  l'archée,  èlre  de  raison  présidant  aux  actions 
locales,  incommodé  par  l'àcreté  ou  la  surabondance  du  sang  dans  une  région, 
ouvre  à  ce  liquide  des  orifices  d'échappement  et  l'hémorrhagie  a  lieu.  Mais  il 
peut  arriver  que  sa  fureur  aveugle  dépasse  le  but,  et  qu'il  pratique  son  hémor- 
rhagie  ou  en  trop  grande  quantité,  ou  dans  un  organe  trop  délicat  et  indispen- 
sable à  la  vie  ;  le  médecin  doit  alors  intervenir,  calmer,  terrifier  même  l'archée 
par  sa  médication.  De  semblables  idées  ne  pouvaient  guère  exciter,  même  à 
l'époque  oiî  elles  furent  émises,  que  de  Pétonnement  parmi  les  médecins.  Elles 
ne  faisaient  cependant  que  pressentir,  sous  une  forme  excentrique,  celles  de 
Stahl  sur  le  même  sujet  et  qui  eurent  une  fortune  tout  aulre.    «  Ce  grand 
médecin,  qui  (disent  Pinel  et  Bricheleau.  In  Dicl.  des  sciences  médicales,  art. 
Hlmorrhagie)  dédaigna  toute  application   frivole   de  la   physique  aux  lois  de 
l'économie  animale  »,  pour  combaltre  les  iatro-mécaniciens  réduisant  de  sou 
temps,  avec  Borelli,  toute  question  de  circulation  à  des  problèmes  d'hydrosta- 
tique, introduisit  en  pathologie  l'action  de  l'âme.  L'àme  de  Stahl,   «  indépen- 
dante, autonome,  irresponsable,  connaît,  jusque  dans   ses   divisions  les  plus 
ténues,   la  constitution  de  l'organisme  ;  elle  a  conscience  du  moindre  change- 
ment qui  s'y  opère;  elle  sait,  de  science  certaine,  que  tel  changement  va  devenir 
nuisible  ;  elle  sait,  par  sa  nature,  quel  est  le  moyeu  d'y  remédier  »  (Bouchard, 
Palhog.  des  hémorrhagies,  p.  9).  Pour  ce  faire,  le  cas  échéant,  elle  ouvre  les 
vaisseaux  et  crée  des  hémorrhagies.  Les  effusions  sanguines  ainsi  produites  en 
vertu  de  l'activité  médicale  de  l'àme  sont  celles  que  Stahl  nomme  hémorrhagies 
actives;  celles  que  le  corps  subit  en  vertu  d'un  traumatisme  extérieur  sont  les 
hémorhagies  passives,    expressions   qui,    pour   Stahl,   n'avaient  nullement   la 
signification  qu'on  leur  attribue  aujourd'hui,  il  est  bon  de  le  faire  remarquer 
en  passant. 

Les  théories  de  Van  llelmont  et  de  Stahl  sont  maintenant  oubliées  ;  on  ne 
leur  accorde  plus  en  médecine  aucune  importance.  Elles  renfermaient  cependant 
un  germe  de  vérité.  ÎS'ous  connaissons  aujourd'hui,  grâce  aux  recherches  immor- 
telles de  Claude  Bernard,  l'agent  mystérieux  qui,  comme  l'archée  de  Van 
llelmont,  comme  l'àme  de  Stahl,  ouvre  ou  ferme  la  porle  aux  congestions  vas- 
culaires et  peut  les  laisser  aller  jusqu'à  l'hémorrhagie  :  c'est  le  système  nerveui 
vaso-moteur.  Ce  sont  ces  congestions  hémorrhagipares  souvent  subites,  ces 
raplus,  ce  moUmen  hemorrhayicum,  dont  les  anciens  observateurs  et  parm>i 
eux  Beil  avaient  constaté  l'existence,  et  qu'ils  expliquaient  comme  ils  pouvaient, 
à  l'aide  des  ressources  bien  restreintes  de  la  science  de  leur  temps.  En  résumé  : 
lésion  des  vaisseaux,  lésions  du  sang,  actions  nerveuses  sympathiques  :  tel  est 
le  trépied  palhogénique  de  l'hémoirhagie  établi  par  la  majorité  des  auteurs  qui 
se  sont  succédé;  et  si  l'on  réduit  à  ses  termes  simples  la  dogmatique,  variée 
dans  sa  forme,  des  écoles  médicales  diverses,  depuis  Érasistrate  jusqu'à  Cohn- 
heim,  on  reconnaît  qu'en  définitive  les  hémorrhagies,  quant  au  mécanisme  de 
leur  production,  ont  été  distinguées  en  hémorrhagies  par  rhexis  ou  éruplives,  et 
en  hémorrhagies  par  transsitdation  ou  diapédétiques.  Quant  à  leurs  causes,  elles 
ont  été  rangées  sous  trois  chefs  :  hémorrhagies  angiopathiques,  hémorrhagies 


340  HÉMORRHAGIE. 

neuropathiques,  hémorrliagies  hémopathiques;  division  étiologique  qui  est  au 
fond  celle  des  auteurs  du  Compendium  et  qui,  en  1873,  est  encore  pleinement 
adoptée  par  Lancercaux  {Traité  d'anatomie  pathologique,  t.  1,  p.  548). 

Comment,  à  l'aide  des  notions  actuellement  acquises,  pouvons-nous  prendre 
une  idée  générale  du  mécanisme  des  hémorrliagies  diverses?  Tel  est  le  problème 
qui  surgit  à  la  suite  de  l'historique  sommaire  qui  vient  d'être  exposé  et  qui  n'a 
d'autre  prétention  que  de  montrer  la  succession  des  idées  médicales  qui  se  sont 
produites  sur  le  sujet  :  idées  au  fonJ  peu  nombreuses  représentant  des  concep- 
tions très-simples  résultant  d'une  physiologie  riidimentaire    et  constamment 
caractérisée  par  l'à-pcu-près.  Aujourd'hui,  grâce  aux  travaux  de  Vierordt,  de 
Cliauveau  et  Marey,  de  V'ulpian  et  de  leurs  élèves,  nous  possédons  sur  la  circu- 
lation une   série  de  notions   bien   délinies.    L'anatomie   générale  normale  et 
pathologique  nous  fournit  également  des  notions  précises  sur  les  dispositions 
normales  et  les  lésions  des  trois  termes  en  présence,  et  qui  dominent  l'histoire 
tout  entière  des  hémorrhagies;  les  vaisseaiu,  le  sang,  le  système  nerveux. C'est 
à  l'aide  des  connaissances  p05,ilivês  émanant  de  ces  sources  multiples  qu'il  faut 
tenter  l'exphcatiou  des  phénomènes  palliologiques.  Avant  tout,  il  est  indispen- 
sable de  se  faire  une  idée  exacte  du  régime  circulatoire  normal,  afin  d'établir 
les  circonstances  dans  lesquelles,  un  trouble  de  ce  régime  survenant,  les  con- 
ditions essentielles  des  hémorrliagies  d'ordre  médical,  c'est-à-dire  se  produisant 
en  dehors  du  traumatisme,  arrivent  à  se  réaliser. 

Idée  générale  du  régime  circulatoire  normal.  Le  sang,  lancé  par  le  cœur 
sous  une  pression  qui  ne  dépasse  guère,  chez  l'homme,  19  centimètres  de 
mercure,  s'engage  dans  les  artères  crosses  et  de  là  dans  les  artères  de  distri- 
bution. Les  artères  crosses  ne  sont  autre  chose  que  dos  réservoirs  contractiles 
dont  la  musculature  propre  ne  peut  avoir  d'eflet  accélérateur  appréciable  sur  le 
sang  contenu,  et  dont  la  seule  action  semble  devoir  être  de  réagir  sur  le  liquide 
sanguin  en  s'opposant  à  la  distension  trop  considérable  de  la  paroi  vasculaire. 
De  plus,  ces  grands  réservoirs  sanguins  sont  élastiques  et,  ainsi  que  l'a  démontré 
Marey,  tendent  constamment  à  transformer  le  mouvement  intermittent  du  sang 
lancé  par  les  secousses  cardiaques  équidistantes  en  un  écoulement  régulier  et  • 
continu.  Dans  les  artères  de  distribution,  les  muscles  vasculaires,  de  plexi- 
formes  qu'ils  étaient  et  disposés  pour  la  résistance  à  la  dilatation,  deviennent 
exclusivement  annuhiires.  Leur  nombre,  leur  épaisseur,  s'accroissent  constam- 
ment à  mesure  que  l'on  se  rapproche  des  petites  artères.  Quand  la  vague  san- 
guine a  dépassé  ces  dernières,  elle  s'engage  dans  les  artérioles,  dont  la  structure 
est  exactement  celle  des  capillaires,  sauf  que  la  membrane  propre,  supportant 
l'endothélium,  est  doublée  d'une  couche  continue  de  fibres  musculaires  dispo- 
sées comme  des  anneaux  complets  et  dont  les  ventres  contractiles  sont  super- 
posés d'une  façon  toute  particulière.  Le  milieu  de  ces  ventres  ne  se  succède 
pas,  de  cellule  eu  cellule,  suivant  l'une  des  génératrices  du  cylindre  représenté 
par  le  vaisseau,  mais  bien  suivant  une  hélice.  De  la  sorte,  si  l'on  suppose  que, 
dans  toute  la  longueur  de  l'artéiiole,  les  fibres  musculaires  lisses  entrent  simul- 
tanément en  action,  non-seulement  le  cylindre  vasculaire  deviendra  un  cylindre 
semblable  de  moindre  section,  mais  subira  l'atténuation  de  son  diamètre  par 
une  sorte  de  torsion  brusque,  condition  éminemment  favorable  à  la  régulation 
rapide  du  cours  du  sang  dans  les  capillaires,  et  permettant  aux  artérioles 
d'ouvrir  ou  de  fermer  presque  instantanément  l'accès  du  liquide  qu'elles  char- 
rient dans  les  réseaux  vasculaires,  inertes  parce  qu'ils  ne  sont  plus  musclés. 


IIEMORRHAGIE.  541 

Dans  ces  réseaux  capillaires,  le  sang  coule  avec  une  vitesse  uniforme  variant 
d'un  1/2  millimètre  à  1  millimètre  environ  par  seconde  (Vierordl)  et  avec  une 
tension  sur  laquelle  nous  ne  possédons  malheureusement  que  des  données 
imparfaites,  puis  il  passe  de  là  dans  les  veinules.  A  l'inverse  des  artérioles,  les 
veinules  ne  possèdent  pas  de  muscles.  Ce  sont  d'énormes  capillaires  à  paroi? 
simplement  endolliéliales,  sans  dispositions  valvnlaires  aucunes,  et  dans  lesquels 
le  sang  des  réseaux  prend  librement  place  sans  que  la  paroi  veineuse  puisse 
réagir  autrement  que  par  son  élasticité.  Les  veinules,  inertes,  à  parois  exten- 
sibles, mais  d'une  extrême  minceur,  constituent  de  la  sorte  dans  l'arbre  circu- 
latoire ce  que  nous  appellerons  un  point  faible.  Elles  sont  forcées  de  recevoir 
et  de  débiter  aux  petites  veines  tout  le  sang  qu'elles  ont  reçu  des  réseaux 
capillaires,  emplis  eux-mêmes  au  gré  des  artérioles  contractiles,  plus  ou  moins 
ouvertes  ou  fermées.  Aussi  verrons-nous  la  veinule  intéressée  dans  tous  les  cas 
oij  l'œdème,  les  transsudations  colorées,  les  hémorrhagies  électives  ou  mas- 
sives, se  produisent  au  sein  des  tissus. 

Des  veinules  le  sang  passe  dans  les  petites  veines,  puis  de  là  dans  les  veines 
collectrices  et  dans  les  veines  réservoirs,  telles  que  les  caves  ou  les  jugulaires, 
par  exemple.  Là  son  cours,  secondé  par  Ja  vis  à  tergo,  favorisé  par  les  valvules 
quand  il  doit  marcher  contre  la  pesanteur,  accéléré  au  voisinage  de  la  poitrine 
par  l'aspiration  thoracique,  devient  moins  régulier  que  dans  les  capillaires  et 
les  veinules.  Les  veines  proprement  dites,  extrêmement  extensibles,  doublées  de 
muscles  longitudinaux  et  plexiformes,  parfois  aussi  bien  munies  de  muscles 
annulaires  que  les  artères  quand  elles  sont  engagées  dans  certaines  régions 
(grande  veine  du  triceps  fémoral,  par  exemple)  ne  sont  plus  des  points  faibles  de 
l'arbre  circulatoire,  aussi  ne  les  voit-on  guère  éclater  que  sous  des  pressions 
excessives,  véritables  traumatismes  dont  un  exemple  est  fourni  par  l'hémor- 
rhagie  méningée  du  produit  de  la  conception  dont  la  tête  a  été  énergiquement 
et  longtemps  comprimée  au  passage  (Virchow).  Des  grandes  veines  collectrices 
le  sang  revient  au'cœur  droit,  puis  est  lancé  dans  l'appareil  pulmonaire.  Ici  de 
nouveau  nous  trouvons  un  point  faible  dails  les  réseaux  capillaires  et  les  vei- 
nules des  alvéoles.  Les  vaisseaux  alvéolaires  commandés  par  des  artérioles  ter- 
minales, formant  des  réseaux  autonomes  par  conséquent,  sont  en  réalité  exposés, 
car  l'endothélium  qui  les  protège,  du  côté  de  l'alvéole,  n'est  qu'un  vernis 
souple  d'une  extrême  minceur.  Soumis  avec  les  parois  alvéolaires  à  des  mou- 
vements alternatifs  d'expansion  et  de  retrait,  ils  subissent  en  outre  l'action  de 
la  pression  négative  qui,  à  chaque  inspiration,  se  produit  dans  la  cavité  pleu- 
rale. C'est  là,  nous  le  verrons  plus  loin,  une  nouvelle  cause  de  vulnérabilité. 
Repris  par  les  veines  pulmonaires,  le  sang  revient  enfin  dans  le  cœur  gauche  à 
son  point  de  départ,  d'où  il  sera  de  nouveau  lancé  dans  les  artères  :  le  cycle 
circulatoire  est  alors  terminé. 

Toutes  les  actions  sanguines  importantes  ont  les  réseaux  capillaires  pour 
théâtre;  les  vaisseaux  de  distribution,  les  artères,  ceux  de  retour,  les  veines 
proprement  dites,  ne  sont  que  de  simples  trajets  sanguins;  dans  les  capillaires 
seuls  le  sang  vit  de  sa  vie  fonctionnelle,  c'est-à-dire  entre  en  jeu  à  la  fois 
comme  agent  nutritif  et  comme  agent  respirateur.  C'est  au  niveau  des  capil- 
laires, en  un  mot,  que  s'effectue  la  diapédèse  normale  qui  donne  aux  tissus  le 
plasma  nutritif,  les  éléments  mobiles  et  figurés  de  la  lymphe,  et  qui  toujours, 
et  partout  où  elle  s'exécute,  s'accompagne  d'une  déperdition  plus  ou  moins 
importante  de  globules  rouges  du  sang,  c'est-à-dire  d'une  hémorrhagie  élective 


3-i'2  IIÉMORRHAGIE. 

ca  miniature  :  hémorrhagie,  parce  que  tous  les  éléments  typiques  du  sang, 
globules  et  plasma,  font  issue  hors  des  vaisseaux  ;  hémorrhagie  éleclive,  parce 
que  les  éléments  du  liquide  nutritif  ne  sont  pas  groupés,  dans  l'exsudat,  avec 
leurs  proportions  normales. 

Je  n'ai  pas  à  décrire  ici  le  pliénomène  bien  connu  de  la  diapédèse,  établi  par 
Cohnheim  en  1867  par  des  expériences  mémorables  {Ueber  Entziindung  und 
Eiterwig,  in  Virchow's  ArcJnv,  Ud.  XL,  S.  i,  18G7),  et  dont  aujourd'hui  per- 
sonne ne  songe  même  plus  à  contester  la  réalité.  Il  me  suffira  de  préciser 
quelques-unes  des  conditions  nécessaires  à  sa  production.  Parmi  ces  conditions, 
la  plus  importante  paraît  être  le  ralentissement  du  cours  du  sang  dans  les 
réseaux  capillaires.  Dans  la  lame  natatoire  transparente  d'un  têtard  de  gre- 
nouille la  circulation  capillaire  s'effectue  avec  régularité  et  sans  que  la  diapé- 
dèse se  produise  sous  les  yeux  de  l'observateur  qui  examine  les  vaisseaux  au 
microscope.  11  n'en  est  plus  de  même  sur  le  têtard  cnrarisé,  c'est-à-dire  chez 
celui  dont  les  muscles  vasculaires  ont  été  mis  en  état  de  relâchement  au  niveau 
des  arlérioles.  Dans  un  système  de  vaisseaux  soumis  à  l'intoxication  curarique, 
en  effet,  l'afflux  sanguin  vers  les  capillaires  s'effectue  à  plein  débit;  les  vei- 
nules deviennent  insuffisantes  à  recevoir  le  sang  en  excès,  le  réseau  capillaire  se 
remplit  au  maximum  d'un  liquide  qui  ne  chemine  plus  qu'avec  une  lenteur 
extrême  et  dont  la  tension  s'élève  rapidement.  Le  plasma  sanguin  transsude 
alors  sous  forme  de  liquide  albumineux  incoagulable  spontanément  ;  il  se  fait 
un  petit  œdème  de  la  région.  En  même  temps  les  globules  blancs,  sous  l'action 
de  la  haute  pression,  de  la  stase  incomplète  et  de  l'abondante  production 
d'oxygène  au  sein  de  la  colonne  sanguine  dont  le  cours  s'est  ralenti,  adhèrent 
aux  surfaces  vasculaires,  les  perforent  par  leurs  pseudopodes  et  émigrent  dans 
les  tissus.  On  sait  en  effet  que  ce  qui  réveille  au  plus  haut  degré  les  propriétés 
locomotrices  chez  les  globules  blancs,  c'est  la  présence  de  l'oxygène  (Ranvier). 
Or,  dans  un  vaisseau  dont  la  circulation  n'est  plus  modérée  par  les  contractions 
de  l'artère  que  commande  le  système  auquel  il  appartient,  le  sang  se  comporte 
comme  il  le  ferait,  s'il  existait  en  aval  un  obstacle  à  sa  progression.  Les  globules 
rouges  s'accumulent  alors  dans  une  colonne  dont  la  hauteur  répond  à  la  zone 
même  du  ralentissement  circulatoire.  Ces  globules  accumulés  n'ont  pas  perdu 
en  s'arrètant  leur  propriété  maîtresse,  qui  est  de  rayonner  l'oxygène  autour 
d'eux.  Mais  ce  rayonnement,  au  lieu  de  se  distribuer  en  marche  et  sur  une 
grande  longueur,  s  effectue  sur  place,  de  façon  à  bientôt  saturer  l'espace  clos 
répondant  à  l'accumulation  globulaire.  Les  globules  blancs,  dans  ce  milieu  sur- 
oxygéné, sont  alors  dans  les  conditions  nécessaires  et  suffisantes  pour  enh'er  en 
activité,  et  émigrent  hors  des  vaisseaux  en  en  trouant  les  parois  par  leurs  mou- 
vements pi'opres. 

Mais  en  sortant  ainsi  brusquement  au  travers  des  capillaires  les  cellules  lym- 
phatiques déterminent  dans  la  paroi  de  ces  derniers  des  sortes  d'ouvertures 
temporaires  analogues  à  celles  que  ferait  une  aiguille  dans  un  mur  de  géla- 
tine, et  qui  se  ferment  ensuite  derrière  eux.  Cette  fermeture  ne  se  fait  néan- 
moins pas  assez  vite  pour  empêcher  un  certain  nombre  de  globules  rouges 
contenus,  sous  pression,  dans  le  vaisseau  dilaté,  de  se  précipiter  à  la  suite  des 
blancs  et  de  passer  avec  eux.  Le  phénomène  devient  surtout  sensible  dans  la 
diapédèse  qui  accompagne  les  congestions  intenses  :  alors  l'infiltration  du  point 
hyperémié  renferme  à  la  fois  de  la  sérosité,  des  globules  blancs  et  des  globules 
rouges  répandus  dans  les  espaces  interorganiques.  Ces  globules  rouges  subis- 


IIÉ.AIORRIIAGIE.  545 

sent,  dans  ce  cas,  les  mélamorphoses  régressives  du  sang  épanché.  De  là  la 
teinte  légèrement  eccliyrnolique  et  parfois  même  contusit'orme,  consécutive  à 
certaines  congestions  intenses  du  tégument  cutané,  par  exemple  {imj.  Derma- 
toses [Anatomie  pathologique  générale]). 

Or,  et  c'est  là  le  point  important  où  je  voulais  arriver,  la  diapédèse  normale 
est  une  des  fonctions  cardinales  du  système  capillaire  sanguin  ;  c'est  à  ce  point 
que  l'on  peut  affirmer  que,  tout  acte  nutritif  important  commandant  ce  phéno- 
mène, le  régime  circulatoire  normal  est,  pour  les  capillaires  sanguing,  une 
succession  d'actes  diapédéliques  variahles.  Si  en  effet  le  sang  nous  fait  respirer, 
ce  sont  les  éléments  cellulaires  de  la  lymphe  et  du  sang,  les  globules  blancs, 
qui  nous  font  vivre.  Ils  le  font  en  nourrissant  les  éléments  différenciés  de  nos 
organes  et  de  nos  tissus,  en  leur  distribuant,  entre  autres  substances,  le  glyco- 
gène,  des  graisses  et  l'oxygène  lui-même  dont  ils  se  sont  saturés  dans  le  sang. 
Les  artérioles  contractiles  et  qui  peuvent  être,  tout  d'un  coup,  ou  relâchées  ou 
resserrées,  distribuent  cette  diapédèse  au  prorata  des  besoins  de  la  respiration 
et  de  la  nutrition  interstitielles.  Les  vaso-moteurs  artériolaires  font  des  réseaux 
capillaires,  en  contractant,  ou  en  relâchant  les  sphincters  en  hélice  des  artérioles 
qui  les  conmiandent,  des  aires  de  pleine,  de  moyenne  ou  de  minime  circula- 
tion. Dans  les  premières  seulement  la  diapédèse  s'effectue,  l'écoulement  que 
l'on  pourrait  nommer  indifférent,  sans  valeur  fonctionnelle,  se  produit  seul 
dans  les  autres,  exactement  comme  il  le  fait  dans  les  canaux  de  distribution  et 
dans  les  veines,  sur  le  trajet  desquelles  il  ne  s'opère  point  d'échanges  entre  le 
sang  et  les  tissus.  Ainsi  donc  «  l'action  du  cœur,  la  tension  artérielle,  la  tension 
veineuse,  induencent  la  circulation  capillaire,  mais  elle  garde  en  quelque  sorte 
son  autonomie,  ou  plutôt  elle  est  plus  directement  placée  sous  la  dépendance 
du  système  nerveux  que  sous  celle  des  autres  parties  de  l'arbre  circulatoire. 
Cette  indépendance  que  conserve  le  système  capillaire  vis-à-vis  du  système 
artériel  dont  il  est  tributaire  et  du  système  veineux  qu'il  alimente,  il  la  doit 
aux  gardiens,  placés  à  ses  frontières,  qui  règlent  et  modèrent  l'importation  et 
l'exportation,  qui  peuvent  abaisser  tellement  les  barrières  qu'il  n'est  plus,  pour 
ainsi  dire,  qu'un  lieu  de  transit  par  l'intermédiaire  duquel  le  système  artériel 
entre  en  libre  communication  avec  le  système  veineux,  qui  les  relèvent  parfois 
au  point  de  l'isoler  complètement,  qui  tantôt,  fermant  la  sortie  et  facilitant 
l'entrée,  emmagasinent  les  produits,  tantôt,  s'opposant  à  l'entrée,  facilitent 
l'écoulement  et  réalisent  ainsi,  au  gré  du  système  nerveux,  ce  que  j'appellerai 
volontiers  une  échelle  mobile  physiologique.  Ce  rôle  modérateur  est  rempli  par 
les  éléments  musculaires  des  petits  vaisseaux  qui,  presque  aussi  délicats  que  les 
capillaires,  sont  aussi  plus  extensibles  et,  grâce  à  la  prédominance  de  leurs 
éléments  musculaires,  plus  énergiquement  contractiles  que  les  artères  et  surtout 
que  les  veines.  Leur  extensibilité  l'emporte  aussi  de  beaucoup  sur  celle  des 
capillaires  proprement  dits,  car  ces  derniers,  même  sous  les  plus  fortes  pres- 
sions, atteignent  difficilement  un  élargissement  égal  au  quart  de  leur  diamètre 
habituel.  C'est  à  la  combinaison  des  contractions  et  des  dilatations  de  ces  arté- 
rioles et  de  ces  veinules  que  sont  dues  les  particularités  du  mouvement  du  sang 
dans  les  capillaires  (Bouchard,  Pathogénie  des  hémorrhagies,  p.  15,  16).  Jointe 
à  la  notion  exacte  des  effets  de  la  diapédèse,  cette  description  magistrale,  que 
j'ai  voulu  reproduire  en  entier,  donne  l'idée  la  plus  exacte  et  la  meilleure  du 
régime  circulatoire  propre  aux  capillaires  sanguins. 

il  importe  actuellement  de  faire  remarquer  que  la  diapédèse,  partout  oià  elle 


344  IlÉMORRHAGIE. 

s'exécute  largement,  crée  un  véritable  traumatisme  des  vaisseaux  qu'elle  crible 
de  pores  temporaires.  Les  points  où  elle  s'exécute  habituellement  et  où  les 
globules  blancs  partent  par  masses  des  vaisseaux  répondent  naturellement  à  un 
ordre  nouveau  de  points  faibles.  Là,  en  effet,  les  capillaires  et  les  veinules  sont 
incessamment  traversés  p;u-  les  éléments  migrateurs  :  leur  paroi  tend  à  devenir 
poreuse  en  s'adaptant  en  quelque  sorte  à  sa  fonction  habituelle.  Sans  doute  les 
stomates  temporaires  se  referment  comme  un  carreau  de  colle  de  Flandre 
ramollie  dans  lequel  on  tirerait  un  coup  de  fusil  chargé  de  cendrée,  mais,  de 
même  que,  sur  un  tel  carreau  Tonne  saurait  multiplier  les  perforations  sans  en 
détruire  la  continuité,  de  même  les  réseaux  capillaires  qui  sont  le  siège  habi- 
tuel de  la  diapédèse  massive  d'ordre  congestif  semblent  sous  cette  influence 
devenir  plus  friables.  J'ai  fait  connaître  un  point  de  l'organisme  placé  dans  ces 
conditions  :  c'est  la  région  de  l'intestin  répondant  aux  follicules  isolés  et 
agminés.  Tout  récemment  Waldeyer  et  Stôhr  ont  reproduit  mes  observations  et 
les  ont  étendues  à  l'appareil  lymplioïde  du  pharynx.  En  décrivant  les  systèmes 
de  thèques  intra-épitliéliales,  lacunes  des  épithéliums  où  viennent  s'accumuler 
les  cellules  lymphatiques,  j'ai  aussi  fait  voir  que  les  épithéliums  sont  inces- 
samment traversés  par  les  globules  blancs  qui  viennent  ainsi  former  les  éléments 
du  mucus  des  surfaces.  Donc,  sur  tous  les  points  de  l'organisme  qui  sont  les 
voies  d'émission  des  globules  lymphatiques  du  groupe  aberrant  (je  nomme 
ainsi  l'ensemble  des  cellules  migratrices  qui  n'accomplissent  pas  leur  voyage 
cyclique  du  sang  dans  les  voies  lymphatiques  à  travers  les  tissus  et  de  ces  voies 
dans  le  sang),  les  vaisseaux  sanguins  sont  habituellement  criblés  de  pores  tem- 
poraires et  dans  un  état  continuel  de  diérèse  ou  raréfaction,  pour  emplover  un 
terme  emprunté  à  la  vieille  terminologie  de  Démetrius  d'Apamée.  Et  que  nous 
apprend  à  son  tour  la  clinique  au  sujet  de  ces  points  reconnus  faibles  anatomi- 
quement?  Qu'ils  sont  en  réalité  des  lieux  de  prédilection  pour  l'hémorrhagie.  Ce 
sont  les  muqueuses  qui  saignent  le  plus  volontiers  et,  parmi  elles  :  celle  de 
l'intestin  au  niveau  des  plaques  de  Peyer;  celle  de  l'estomac,  semée  de  points 
lymphatiques;  celle  de  l'arrière-gorge  au  niveau  de  la  glande  diffuse  lympha- 
tique de  Lacauchie  ;  celle  enfin  des  fosses  nasales,  qui  possède  une  surface  déli- 
cate et  très-analogue  à  celle  du  pharynx. 

Il  existe  un  second  mode  de  diapédèse  qu'il  convient  de  mettre  en  regard  de 
la  diapédèse  congestive,  due  à  la  pleine  circulation  commandée  par  l'ouverture 
des  artérioles  à  plein  débit,  par  suite  de  la  paralysie  vaso-motrice  de  leurs  fibres 
musculaires  hélicoïdales  :  c'est  la  diapédèse  consécutive  à  la  stase.  Cohiiheim 
[Vebcr  venose  Stannng,  in  Yirchow's  Archiv,  Bd.  XLl,  S.  220,  1867)  examine  la 
membrane  digitale  d'une  grenouille  dont  il  lie  la  veine  fémorale.  Après  quel- 
ques modifications  circulatoires,  le  cours  du  sang  se  ralentit  dans  les  capillaires, 
les  globules  rouges  se  pressent  les  uns  contre  les  autres  et  remplissent  la 
lumière  entière  du  vaisseau;  l'abondance  de  ces  globules  est  telle,  qu'ils  sem- 
blent former  une  masse  uniforme  où  l'on  ne  peut  distinguer  isolément  aucuQ 
d'eux.  Au  bout  d'environ  quarante-cinq  minutes,  sur  le  bord  externe  du  vais- 
seau l'on  voit  apparaître  une  saillie  jaune  et  de  tous  points  semblable  à  la 
substance  des  globules  rouges.  Il  s'agit  en  réalité  de  globules  sanguins  qui 
passent  un  à  un  et  tombent  dans  les  espaces  inter-organiques.  Avant  comme 
après  l'issue  de  ces  globules  on  ne  peut  constater  aucune  trace  de  déchirure. 
Ils  ont  passé,  à  la  façon  des  globules  blancs  dans  la  diapédèse  congestive,  à  travers 
la  paroi  du  vaisseau  comme  dans  une  lame  de  gélatine  ramollie,  se  frayant  une 


HÉMORRHAGIE.  545 

voie  qui,  immédiatement  après  leur  passage,  s'est  referme'e  derrière  eux  (Bou- 
chard, loc.  cit.,  p.  22). 

Les  globules  rouges  étant  inertes,  la  pression  intra-vasculaire  seule,  quand 
elle  a  dépassé  certaines  limites,  les  chasse  donc  à  travers  la  paroi  mince  des 
capillaires  ou  des  veinules  en  même  temps  que  le  liquide  de  l'œdème  par  stase, 
ou  passif,  satellite  nécessaire  et  constant  du  phénomène  au  même  titre  que 
l'œdème  actif,  ou  d'origine  congeslive.  l'est  de  la  diapédèse  par  congestion. 
Mais  l'oblitération  veineuse  a  par  elle-même  une  autre  importance  :  elle  paraît 
agir  sur  les  vaisseaux  capillaires  situés  au-dessous  d'elle,  et,  quand  elle  a  été 
maintenue  pendant  un  certain  temps,  elle  les  met  en  état  de  raréfaction  diéré- 
tique.  Le  fait  a  été  pleinement  démontré  par  mon  ami  le  professeur  Tarchanoff 
(de  Saint-Pétersbourg)  :  au  bout  de  quarante-huit  heures,  chez  la  grenouille,  les 
vaisseaux  aboutissant  aux  veines  ligaturées  ne  tiennent  plus  les  injections  pous- 
sées même  sous  faible  pression  :  leurs  parois  sont  donc  ramollies  et  le  sang  les 
traverse  aisément  pour  s'extravaser,  comme  le  prouvent  les  îlots  de  globules 
rouges  nombreux  que  l'on  trouve  alors  dans  les  espaces  interorganiques.  Nous 
aurons  l'occasion  de  revenir  sur  ces  faits  à  propos  des  hémorrhagics  consécu- 
tives à  l'oblitération  des  veines  et  dont  plusieurs  auteurs,  en  particulier  le  profes- 
seur Lépine,  ont  rapporté  des  exemples  authentiques. 

Comme  on  le  voit,  les  artères  de  distribution  et  les  veines  proprement  dites, 
à  plus  forte  raison  le  cœur,  sont  disposés  de  manière  à  n'offrir  pour  ainsi  dire 
aucun  point  faible  dans  l'état  normal.  Leur  régime  circulatoire  est  un  régime 
d'écoulement,  de  transit,  dont  les  variations  sont  incapables  de  déterminer 
l'issue  du  sang  au  travers  des  parois  vasculaires.  Le  régime  circulatoire  des  seuls 
capillaires,  par  la  diapédèse  active  dont  ces  vaisseaux  inertes  sont  le  théâtre, 
parle  retentissement  des  oblitérations  veineuses  sur  la  résistance  de  leurs  parois, 
par  certaines  particularités  de  situation,  d'exposition,  de  variations  dans  les 
modes  et  l'intensité  du  courant  qui  les  traverse,  crée  des  conditions  souvent 
favorables  à  l'issue  du  sang.  La  diapédèse  crée  dans  le  système  vasculaire  norma- 
lement clos  des  ouvertures  minuscules  et  temporaires,  mais  qui  peuvent  être  à 
un  moment  donné  assez  nombreuses  pour  transformer  le  canal  vasculaire  momen- 
tanément en  une  sorte  de  drain  poreux.  C'est  là  un  mode  d'effraction,  de 
rupture  ou  de  rhexis,  à  la  fois  microscopique  et  momentané. 

C'est  dans  ce  sens  restreint  qu'il  convient,  je  crois,  de  comprendre  l'héraor- 
rhagie  par  diapédèse.  Cette  hémorrhagie,  exagération  du  processus  normal  dans 
lequel  l'issue  des  globules  blancs  et  de  la  sérosité  s'accompagne  toujours  de 
celle  d'un  certain  nombre  de  globules  rouges,  est  le  résultat  de  ruptures  multi- 
ples et  comme  ponctuées  des  vaisseaux.  Ces  derniers  ne  laissent  pas  passer  les 
éléments  divers  du  sang  comme  le  ferait  un  filtre,  mais  bien  comme  le  ferait 
un  crible.  Toujours  aussi  l'inlluence  de  la  paroi,  restée  relativement  intacte, 
s'exerce  sur  le  sang  qui  sourd  au  travers  d'elle;  cette  paroi  ne  laisse  pas  sortir 
le  sang  en  masse,  tel  qu'il  était  dans  le  vaisseau;  elle  modifie  les  proportions  de 
ses  éléments  dans  l'exsudat.  La  nappe  hémorrhagique  est  alors  formée  par  du 
sang,  mais  dans  ce  sang  le  rapport  des  globules  rouges  an  plasma  ou  aux 
globules  blancs  a  subi  une  variation  notable  en  vertu  d'une  sorte  d'élection 
particulière.  C'est  pourquoi  j'appellerai  souvent  les  hémorrhagies  diapédétiques 
des  hémorrhagies  éleclives.  Quant  à  celles  qui  se  produisent  en  vertu  d'une 
rupture  vraie,  persistante,  appréciable  aux  investigations  anatomo-pathologiques, 
et  qui  sont  de  beaucoup  les  plus  nombreuses,  je  leur  conserverai,  à  l'exemple 


546  IIEMORRHÂGIE. 

de  Cohnlieim,  la  vieille  dénoniinalion  àliemorrhagies  par  rhexis.  Je  les  appel- 
lerai aussi  indifféremment  hémorrliagies  massives,  parce  que  d'un  vaisseau 
rompu  véritablement  le  sang  sort  en  masse  et  exactement  tel  qu'il  était  constitué 
dans  la  portion  du  circuit  circulatoire  qui  a  subi  l'effraction. 

Conditions  essentielles  des  hémorrhagies  par  rupture  vasculaire,   massives 
ou  par  rhexis.     Pour  qu'un  vaisseau  sanguin,  artériel,  veineux  ou  capillaire,  se 
rompe  et  laisse  écouler  le  sang  au  dehors,  soit  à  la  surface  des  membranes,  soit 
dans  les  espaces  interorganiques,  il  faut  et  il  suftit  que  sa  paroi  soit  ouverte, 
ou  en  vertu  d'une  action  mécanique,  telle  que  la  section,  l'écrasement,  l'arra- 
chement ou  la  divulsion.  ou  par  un  processus  ulcéra tif.  De  là  une  première  divi- 
sion des  hémorrhagies  par  rhexis  en  hémorrhagies  de  cause  mécanique  et  en 
hémorrhagies    de    cause  organique.    Toutes  les  hémorrhagies  traumatiques 
appartiennent  au  premier  genre  et  en  fournissent  les  types;  des  hémorrhagies 
telles  que  celles  que  l'on  voit  survenir  dans  l'ulcère  perforant  gastrique  ou 
duodénal  sont  des  exemples  du  second.   Enfin,  dans  certaines  circonstances, 
telles  que  celles  qui  se  trouvent  réalisées  dans  les  anévrysmes  des  divers  ordres, 
c'est  à  la  fois  à  une  maladie  du  vaisseau  déterminant  la  fragilité  de  sa  paroi,  et 
à  une  rupture  de  cette  paroi  engendrée  par  des  causes  de  nature  mécanique, 
qu'est  due  l'effraction  sanguine  interstitielle  ou  en  surface.  Ce  sont  donc  là  des 
hémorrhagies  mixtes  que  l'on  pourra  nommer,  si  l'on  tient  à  multiplier  les 
distinctions,  organo-mécaniques.  En  réalité  d'ailleurs  la  pathogénie  des  hémor- 
rhagies, sauf  le  cas  de  vulnération  proprement  dite,  est  toujours  complexe,  et  ce 
n'est  que  par  une  sorte  de  dissociation  artificielle  que  l'on  arrive  à  catégoriser, 
sous  divers  chefs  généraux  les  causes  maîtresses  des  éruptions  sanguines  de 
types  divers.  Dans  toute  hémnrrhagie  spontanée  l'on  peut  èlre  certain,  en  effet, 
qu'une  série  d'actions  physiologiques,  et  non  pas  une  seule,  ont  été  mises  enjeu 
])our  concouiir  au  résultat  final  :  la  perte  de  sang. 

A.  Hémorrhagies  de  cause  mécanique.  Nous  n'avons  pas  à  nous  occuper  ici 
des  hémorrhagies  traumatiques,  dont  l'histoire  et  la  pathogénie  toutes  particu- 
lières seront  exposées  dans  la  partie  chirurgicale  de  cet  article.  Nous  ne  devons 
chercher  que  la  pathogénie  des  ruptures  vasculaires  que  l'on  appelle  impropre- 
ment spontanées  et  qui,  pour  cette  simple  raison  qu'elles  naissent  eu  dehors  de 
tout  traumatisme  appréciable,  rentrent  dans  le  cadre  des  hémorrhagies  d'ordre 
médical.  Il  est  cependant  un  cas  où  les  vaisseaux  sanguins  capillaires,  atteints 
par  un  agent  vulnéi'ant  de  nature  toute  particulière,  donnent  naissance  à  des 
hémorrhagies  qui  échappent  entièrement  à  la  chirurgie  :  c'est  celui  où  les 
capillaires  du  poumon  sont  atteints  par  certains  gaz,  tels  que  l'acide  sulfureux, 
le  chlore,  l'acide  Ouorhydrique,  l'hypoazotide,  par  exemple.  Dans  ce  cas,  fréquem- 
ment les  réseaux  pulmonaires  deviennent  le  lieu  d'une  hémorrhagie  passagère. 
Une  anxiété  précordiale  cousidéiablo  se  produit,  une  toux  spasmodique  et  sèche 
prend  naissance,  et  le  malade  crache  avec  effroi  une  certaine  quantité  de  sang 
spumeux.  En  réalité,  il  s'agit  ici  d'une  véritable  vulnération  des  capillaires 
alvéolaires  par  des  substances  actives  qui,  même  sous  la  forme  gazeuse,  atta- 
quent vivement  et  mécaniquement  la  paroi  des  petits  vaisseaux.  Mais  le  phéno- 
mène est  complexe,  et  pour  s'en  convaincre  il  suffit  d'observer  comment  les 
mêmes  gaz  agissent  sur  la  conjonctive.  Une  sensation  de  fourmillement  et  de 
picotement  se  produit  comme  à  la  suite  de  l'introduction  d'un  corps  étranger 
dans  le  repli  conjonctival.  Bientôt  la  conjonctive  rougit;  ses  petits  vaisseaux  se 
dilatent  et,  si  l'action  des  gaz  vulnérants  est  trop  longtemps  continuée,  ils 


IIÉMORRIIAGIE.  347 

montrent  sur  leur  trajet  de  petits  points  ecchymotiques.  Il  n'y  a  donc  point, 
dans  ce  cas,  une  action  traumatiquc  simple,  mais  une  irritation  locale  intense 
qui  à  la  fois  agit  matériellement  sur  le  vaisseau,  et  d'un  autre  côté  devient  le 
point  de  départ  d'une  hyperémie  réflexe  bientôt  poussée  jusqu'à  l'effraction  des 
vaisseaux  lésés  par  le  sang  qui  les  gorge.  J'ai  insisté  à  dessein  sur  ces  faits  pour 
bien  montrer  qu'en  deliors  d'un  coup  de  couteau  qui  sectionne  une  artère,  une 
veine,  ou  une  nappe  de  capillaires,  la  patliogénie  des  liémorrbagies  survenant 
dans  des  circonstances  initiales  d'ordre  purement  mécanique  vient  toujours  se 
compliquer  de  phénomènes  étrangers  à  la  cause  maîtresse,  et  qui  sont  le  résultat 
de  la  réaction  de  l'organisme  devant  elle  :  réaction  produite  avec  toute  l'absence 
de  simplicité  qu'elle  comporte. 

Si  l'on  suppose  normale  la  paroi  d'un  vaisseau  qui,  par  hypothèse,  va  être 
intéressé  dans  le  cas  d'une  hémorrhagie  par  rhexis,  la  rupture  de  ce  vaisseau  ne 
peut  s'effectuer  qu'en  vertu  d'un  mécanisme  unique  :  l'augmentation  localisée 
de  la  pression  intra-vasculaire  devenant  égale  et  supérieure  à  la  résistance  de  la 
paroi.  Cette  augmentation  de  pression  peut  elle-même  résulter,  soit  d'une  exagé- 
ration de  la  tension  du  sang,  soit  de  la  diminution  de  la  pression  extérieure  et 
de  l'appui  que  les  parties  ambiantes  apportent  au  vaisseau.  A  l'exemple  de 
Bouchard,  nous  allons  examiner  successivement  ces  deux  grands  groupes  patlio- 
géniques. 

a.  Ruptures  vasculaires  dues  à  une  exagération  de  la  tension  du  sang  dans 
les  vaisseaux.  Lorsque,  dans  un  segment  donné  d'un  cylindre  vasculairc,  la 
tension  du  sang  s'accroît  même  progressivement,  la  pression  latérale  a^MSsant 
contre  la  paroi  subit  une  augmentation  proportionnelle  suivant  une  certaine  loi. 
Cette  paroi  vasculaire,  sollicitée  par  une  force  agissant  de  dedans  en  dehors,  se 
distend  en  s'amincissant.  Tant  que  la  pression  latérale  reste  inférieure  ou  égale 
à  l'élasticité  de  la  membrane  vasculaire,  cette  dernière  résiste.  Mais  il  arrive 
un  moment  oii,  la  pression  continuant  à  croître,  elle  dépasse  la  limite  d'élas- 
ticité de  la  membrane  du  vaisseau.  Ce  dernier  se  i-ompt  alors  et  le  sang  fait 
effraction  au  dehors  par  la  perle  de  substance  résultant  de  la  rupture.  S'il 
s'agit  d'un  vaisseau  dépourvu  de  muscles,  comme  un  capillaire  ou  une  veinule, 
le  mécanisme  général  de  la  rupture  se  trouve  réduit  aux  termes  énoncés;  s'il 
s'agit  au  contraire  d'un  vaisseau  musclé,  les  fibres  annulaires  ou  longitudinales, 
ou  encore  plexiformes,  ajoutent  leur  résistance  de  contractilité  et  d'élasticité 
propres  à  l'élasticité  des  portions  non  contractiles  de  la  paroi,  et  la  dilatation  du 
vaisseau  est  moins  facile.  Mais  bientôt,  lorsque  la  tension  intra-vasculaire  con- 
tinue à  s'accroître,  les  muscles  sont  frappés  d'atonie  permanente  par  l'effet 
même  de  la  distension  soutenue.  De  nouveau  tout  se  réduit  alors  à  une  question 
de  limite  d'élasticité  ;  quand  cette  limite  est  franchie,  la  rupture  a  lieu  connue 
pour  un  vaisseau  inerte.  Enfin,  lorsque  les  vaisseaux,  musclés  on  non,  sont 
préalablement  malades,  ou  qu'ils  sont  naturellement  friables  comme  on  les  voit 
régulièrement  dans  l'état  embryonnaire,  la  cause  que  nous  étudions  exerce  ses 
effets  avec  une  facilité  plus  grande  encore  que  dans  les  deux  cas  précédents. 
L'exagération  delà  tension  du  sang  dans  les  vaisseaux  est  donc,  suivant  la  judi- 
cieuse remarque  de  Bouchard,  la  cause  en  quelque  sorte  maîtresse  de  toute 
hémorrhagie  par  rupture  :  son  étude  analytique  constitue  par  suite  l'introduction 
naturelle  à  la  pathogénie  de  ces  dernières. 

Dans  l'état  sain,  ni  le  cœur  ni  les  artères  ne  peuvent  se  rompre  par  exagéra- 
tion de  la  tension.  En  dehors  du  traumatisme,  les  hémorrhagies  intra-péricardi- 


548  IIÉMORIUIAGÎE. 

ques  p;ir  rupture  de  la  paroi  cardiaque  ne  s'observent  que  dans  les  cas  où  cette 
paroi  a  été  profondément  modifiée  par  des  lésions  d'ordres  divers  (Le  Piez, 
Ruptures  du  cœur,  thèse  de  Paris,  1872).  En  effet,  le  cœur  n'est  soumis 
qu'aux  seuls  effets  de  la  tension  sanguine  qu'il  engendre  lui-même  et  ne  cédera 
aux  efforts  de  ce  sang  que  si  quelque  point  de  sa  paroi  a  cessé  d'être  contractile 
et  est  devenu  friable  (Douchard).  Les  artères  saines,  bien  que  subissant  passi- 
vement l'effort  du  sang,  ne  se  rompent  pas  plus  que  le  cœur  par  l'augmenta- 
tion de  la  pression  intra-vasculaire,  car  leur  limite  d'élasticité  étant  supérieure 
à  quatre  atmosphères  (Wintringham,  An  Expérimental  Inquiry  on  some  Parts  of 
the  Animal  Structure,  1740,  p.  -49)  et,  d'autre  part,  la  tension  du  sang  dans 
l'arbre  artériel  atteignant  un  quart  d'atmosphère  comme  maximum  (Volkmann, 
Hœmodijnamik),  les  conditions  de  la  rupture  par  excès  de  tension  ne  sont 
jamais  réalisées  dans  ces  vaisseaux,  à  moins  que  leurs  parois  ne  soient  modifiées 
par  la  maladie. 

Les  conditions  de  résistance  des  diverses  portions  de  l'arbre  veineux  sont, 
contrairement  à  ce  que  l'on  observe  dans  l'arbre  artériel,  éminemment  variables. 
Certaines  veines,  comme  la  veine  musculaire  du  triceps,  étant  constituées  d'une 
façon  si  semblable  à  celle  des  artères  qu'il  est  à  peine  possible  de  les  distinguer 
de  ces  vaisseaux,  se  trouvent  par  conséquent,  au  point  de  vue  de  la  solidité, 
exactement  leurs  égales.  D'autres,  telles  que  les  veines  superficielles,  la  saphène, 
par  exemple,  sont  au  contraire  des  réservoirs  extensibles,  se  prêtant  à  des  varia- 
lions  considérables  de  volume;  mais  leur  paroi,  mal  musclée  et  surtout  musclée 
d'une  façon  discontinue,  ne  présente  guère  de  résistance  active  en  dehors  de  son 
élasticité  propre.  Les  points  dépourvus  de  muscles  soit  annulaires,  soit  longitu- 
dinaux, sont  en  outre  des  points  faibles.  Il  est  vrai  que  la  tension  du  sang  dans 
les  veines  est  constamment  très-inférieure  à  celle  qui  existe  dans  les  artères 
(tension  de  la  carotide  166'"'",55;  dans  la  jugulaire  27""", 5  d'après  Yolkmann). 
Si  donc  une  veine  n'est  pas  malade  préalablement,  il  n'est  guère  possible  qu'elle 
se  rompe  sous  l'effort  latéral  dû  à  la  tension  du  sang,  sauf  duns  le  cas  où  des 
agents  extérieurs  interviennent  et,  comprimant  brusquement  la  région,  obligent 
le  sang  à  remonter  contre  son  courant  normal.  C'est  ainsi  qu'on  peut  expliquer 
les  déchirures  des  sinus  de  la  dure-mère  chez  le  nouveau-né,  à  la  suite  de 
contractions  utérines  violentes  qui  expriment  du  corps  et  chassent  vers  la  tète, 
déjà  en  partie  dégagée,  une  masse  considérable  du  sang  de  l'enfant.  C'est  égale- 
ment ainsi  que  peuvent  s'expliquer  les  éclatements  des  veines  du  cou  et  de  la 
face  chez  les  individus  dont  la  poitrine  a  été  brusquement  écrasée  (Bouchard, 
loc.  cit.,  p.  54). 

Examinons  maintenant  les  conditions  de  résistance  dans  lesquelles  se  trouvent 
placés  les  vaisseaux  inertes,  c'est-à-dire  les  réseaux  capillaires  et  les  veinules. 
Ici  nous  nous  plaçons  au  cœur  même  du  sujet,  car  c'est  par  cette  partie  de 
l'arbre  circulatoire  que  s'opèrent  presque  exclusivement  les  hémorrhagies 
spontanées. 

Les  capillaires  vrais,  réduits  à  un  vernis  endothélial  et  à  une  membrane 
propre  si  mince  qu'elle  a  été  contestée  par  Eberth,  ne  sont  extensibles  que  dans 
des  proportions  très-restreintes.  La  limite  d'élasticité  de  leur  paroi  est  rapide- 
ment atteinte  et  dépassée  par  les  injections  employées  en  anatomie,  et  l'on  voit 
les  ruptures  se  faire  à  leur  niveau;  les  veinules  sont  plus  extensibles  de  beau- 
coup :  non-seulement  parce  que  leur  paroi  propre  devient  plus  épaisse,  mais 
encore  parce  que  le  vaisseau  commence  à  s'isoler  au  sein  du  tissu  conjonctif,  au 


IIÉMORRHAGIE.  o49 

lieu  d'y  être  en  quelque  sorte  creuse  à  l'état  de  trajet.  Quant  aux  artcrioles,  elles 
participent,  nous  l'avons  vu,  à  la  solidité  des  artères;  à  cause  de  leurs  muscles 
propres  disposés  en  couche  continue.  Dans  l'état  normal,  les  réseaux  capillaires 
reçoivent  le  sang  débité  par  les  artérioles  au  prorata  des  besoins  circulatoires  de 
la  région.  Par  des  mouvements  d'ouverture  et  de  fermeture  insensibles,  les 
vaisseaux  d'apport  contractiles  distribuent  le  liquide  nourricier  de  manière  à 
établir  dans  les  réseaux  inertes  un  régime  d'écoulement  régulier  et  uniforme. 
Lorsque  la  section  transversale  des  capillaires  est  devenue  assez  réduite  pour 
que  les  lois  de  la  capillarité  viennent  modifier  le  régime  de  l'écoulement,  la 
vitesse  du  liquide  en  mouvement  est  réglée  par  une  loi  purement  physique.  Elle 
varie  proportionnellement  à  la  charge  engendrée  par  le  travail  du  cœur,  au  carré 
du  diamètre  des  capillaires  et  d'une  façon  inversement  proportionnelle  à  leur 
longueur  (Poiseuille). 

Au  moment  oià  chaque  capillaire  se  jette  dans  une  veinule,  cette  dernière, 
dont  le  diamètre  est  considérable  et  supérieur  aux  dimensions  des  capillaires  les 
plus  larges,  reçoit  le  sang  dans  sa  cavité,  et  ce  liquide  n'est  plus  soumis  aux 
modifications  particulières  imprimées  par  la  capillarité  aux  lois  ordinaires  de 
l'écoulement.  Or  on  sait  que,  lorsqu'un  liquide  en  mouvement  dans  un  système 
continu  de  canaux  passe  brusquement  d'un  tube  de  petite  section  à  un  tube  de 
section  très-large,  sa  vitesse  est  ralentie  et  sa  tension,  c'est-à-dire  l'effort  qu'il 
exerce  contre  la  paroi,  est  augmenté  pioportionnellement,  suivant  une  certaine 
loi,  à  la  diminution  delà  vitesse.  L'énergie  dont  est  doué  un  liquide  qui  s'écoule  sous 
l'influence  d'une  charge  de  valeur  quelconque  est  en  effet  décomposable  en  deux 
portions,  l'une,  employée  à  faire  mouvoir  le  liquide,  n'est  qu'une  partie  de  la 
force  motrice  nécessaire  et  suffisante  à  mettre  le  liquide  en  mouvement;  le  reste 
subsiste  sous  forme  de  pression  latérale,  égale  à  l'origine  et  de  signe  contraire 
à  la  résistance  que  le  liquide  rencontrera  dans  le  reste  de  son  parcours.  Or,  au 
point  de  raccord  d'un  tube  étroit  avec  un  tube  plus  large  et  en  vertu  de  la 
continuité  de  la  veine  fluide  établie  par  Léonard  de  Vinci,  il  se  produira  une 
diminution  soudaine  de  la  vitesse.  En  revanche,  la  pression  latérale,  ou  tension 
intra-vasculaire,  s'élèvera  à  l'endroit  où  le  tuyau  s'élargit  brusquement,  car,  en 
"vertu  de  l'inertie  de  la  matière,  le  liquide  tend  à  conserver  sa  vitesse  acquise, 
et  la  perte  d'une  certaine  quantité  de  cette  vitesse  entraîne  une  augmentation  de 
pression  des  molécules  les  unes  contre  les  autres  et  contre  les  parois  de  la 
conduite  (Wundt-Monnoyer,  Trad.  élém.  de  physique  médicale,  1884,  p.  162). 
Des  phénomènes  absolument  inverses  se  produiraient,  si  la  veine  fluide  passait 
d'un  canal  à  large  section  dans  un  autre  à  section  beaucoup  plus  petite,  ce  qui, 
soit  dit  en  passant,  montre  que  la  tension  du  sang  est  de  beaucoup  plus  élevée 
•dans  les  réseaux  capillaires  bipolaires  admirables  que  dans  leurs  vaisseaux 
efférents  :  par  exemple,  dans  les  capillaires  sanguins  du  glomérule  de  Malpighi. 

Ainsi  donc  c'est  à  l'origine  des  veinules  que  le  sang  des  vaisseaux  inertes 
acquiert  brusquement  et  dans  des  conditions  de  choc  contre  la  paroi,  très-atté- 
nuées,  il  est  vrai,  dans  l'état  normal,  mais  qui  dans  certaines  circonstances 
peuvent  s'exagérer  d'une  façon  notable,  la  tension  maxima  que  l'on  observe  dans 
le  domaine  de  l'arbre  veineux.  Aussi  sur  le  cadavre,  qui  présente  un  système 
vasculaire  dont  le  mouvement  s'est  arrêté  peu  après  la  dernière  systole  cardiaque, 
on  trouve  les  artérioles  vides,  les  réseaux  capillaires  renfermant  quelques  glo- 
bules sanguins,  et  les  veinules  ordinairement  distendues  par  le  sang.  Les  vei- 
nules sont  les  lieux  d'élection  des  distensions  sanguines,  des  hautes  pressions 


550  HKMORRllAGIE. 

veineuses  et  des  stases,  conclusions  auxquelles  était  airivé  Bouchanl  en  vertu  de 
considérations  un  peu  dillérentes.  Il  a  montré  en  outre  que  la  limite  de  la 
résistance  des  réseaux  inertes  à  la  tension  intva-vasculaire  artificiellement  déve- 
loppée à  l'aide  de  ventouses  est  de  beaucoup  abaissée  par  l'état  de  dilatation 
de  ces  réseaux.  Quand  ils  forment  des  aires  de  pleine  circulation  par  suite  de  la 
paralysie  des  muscles  des  artérioles,  comme  on  l'observe  dans  certains  états 
morbides,  une  ventouse  ordinaire  suffit,  sur  la  peau  de  l'avant-bras  ou  du  tronc, 
pour  déterminer  une  ecchymose,  tandis  que  dans  l'état  sain,  lorsque  la  circu- 
lation capillaire  est  réduite  pas  l'activité  des  vaso-constricteurs,  il  faut  faire 
supporter  parfois  une  pression  de  78  centimètres  de  mercure  aux  petits  vais- 
seaux pour  les  rompre  et  obtenir  une  suffusion  de  sang.  En  effet,  quand  les  . 
capillaires  sont  déjà  gorgés  de  sang,  la  résistance  de  la  paroi  est  diminuée  de  la 
différence  existant  entre  le  développement  maximum  que  puisse  supporter  le 
vaisseau  et  sa  dilatation  préalable.  De  plus  la  membrane  vasculaire  est  dans  ces 
conditions  énervée  en  partie  par  l'effet  mécanique  lui-même  de  la  distension 
soutenue  et  par  les  actions  vulnérantes  exercées  sur  elle  avec  une  grande  activité 
dans  de  pareilles  conditions,  par  les  globules  blancs  en  cours  de  diapédèse,  ainsi 
que  nous  l'avons  vu  plus  haut.  Dans  cet  ordre  d'idées,  Bouchard  parait  avoir 
raison  de  soutenir  que  «  l'état  de  la  dilatation  vasculaire  est,  pour  la  pathogénie 
des  bi'niorriiagies,  un   éh'ment  bien  plus  important  (pie  la  tension  du  sang  » 
(Houchanl,  toc.  cit.,  p.  53). 

Les  capillaires  sanguins  et  les  veinules  sont  donc  les  points  de  l'arbre  san- 
guin qui  constituent,  de  par  leurs  dispositions  anatomiques  et  les  conditions 
spéciales  de  leur  régime  circulatoire,  en  quelque  sorte  les  lieux  d'élection  des 
hémorrhagies.  Maintenant  il  convient  de  se  demander  sous  quelles  inlluences  la 
rupture  de  ces  capillaires  et  surtout  des  veinules,  point  faible  du  réseau,  peut 
arriver  à  s'effectuer.  Théoriquement,  trois  conditions  peuvent  déterminer  l'écla- 
tement des  vaisseaux  inertes  ;  ce  sont  :  1»  l'augmentation  de  la  tension  artérielle; 
2"  l'augmentation  de  la  tension  veineuse;  5°  l'accroissement  de  la  tension  dans 
les  réseaux  capillaires.  Ces  trois  hypothèses  les  supposent  sains. 

\°  h' auçimentaiion  de  la  tension  artérielle,  ainsi  que  le  fait  judicieusement 
remarquer  Bouchard,  ne  saurait  guère  faire  éclater  des  capillaires  sains,  bien 
gardés  par  leurs  artérioles.  puisque  cette  tension  ne  s'élève  guère  au-dessus  de 
19  centimètres  de  mercure  et  que  les  capillaires  de  l'avant-bras  résistent  à 
78  centimètres  de  pression  mercurielle.  H  est  vrai  que  les  capillaires  n'ont  pas 
tous  cette  même  résistance  et  que  dans  les  points  faibles  (alvéole  pulmonaire, 
muqueuse  utérine,  muqueuse  pharyngo-nasale)  une  tension  sanguine  beaucoup 
moindre  suffirait  sans  doute  à  déterminer  des  ruptures.   L'état  de  pléthore, 
c'est-à-dire  l'augmentation  excessive  et  contre  nature  de  la  masse  totale  du  sang, 
pourrait  être  considéré  à  priori  comme  capable  de  déterminer  la  rupture  des 
capillaires  de  ces  points  faibles,  devenant  ainsi  la  cause  d'un  genre  d'héinor- 
rhagie  que  Galien  mettait  au  premier  rang:  l'hémorrhagie  par  impossibilité  où 
est   la  partie  de  laisser  prendre  place  au   sang.  Cela  pourrait  être  vrai,  s'il 
existait  en  effet  une  pléthore  telle  que  l'entendaient  les  Anciens  :  un  état  carac- 
térisé réellement  par  une  énorme  surabondance  de  sang.  Mais  la  réalité  de  cet 
état  n'est  rien  moins  que  démontrée;   la  pléthore  semble  n'être  autre  chose 
qu'une  habitude  morbide  de  l'organisme  à  répartir  le  sang,  en  quelque  sorte  par 
llux,  dans  certaines  régions;  à  créer  dans  ces  régions,  telles  que  la  face  et  cer- 
tains points  du  tégument,  des  aires  de  pleine  circulation.-  La  pléthore  est  avant 


IIÉMORRHAGIE.  551 

tout  la  maladie  aux  mouvements  vasculaires  désordonne's  (Douchard),  c'est-à- 
dire  une  maladie  où  les  actions  nerveuses  vaso-motrices  prennent  la  part  la  plus 
large  dans  la  production  des  congestions  hemorrhagipares.  D'ailleurs  les  expé- 
riences faites  par  une  série  de  physiologistes  et  de  médecins  pour  arriver  à 
reproduire  artificiellement  les  conditions  théoriques  de  la  pléthore  n'ont  abouti 
à  aucun  résultat.  Pour  augmenter  la  tension  artérielle,  Bouchard,  après  avoir 
lié  les  quatre  jugulaires  à  un  chien,  injecte  dans  ses  veines  près  de  deux  litres 
d'eau  sans  obtenir  autre  chose  que  quelques  suffisions  sanguines  dans  le  tissu 
connectif  lâche,  la  conjonctive,  les  lobules  pulmonaires  sous-pleuraux  et  les 
glomérules  de  Malpighi.  Il  convient  de  faire  remarquer  que  cependant  l'eau 
pure  dissout  les  globules  rouges,  gonfle  et  ramollit  les  parois  des  petits  vais- 
seaux et  par  conséquent  met  le  système  des  capillaires  dans  un  véritable  état  de 
moindre  résistance.  Selon  moi,  les  quelques  traces  d'hémorrluigie  qu'on  observe 
en  pareil  cas  sont  dues  bien  plus  à  l'action  de  l'eau  qu'à  l'élévation  de  la  ten- 
sion artérielle  :  pas  une  hémorrhagie  importante  n'a  lieu.  Il  en  est  à  peu  près  de 
même  dans  les  essais  de  pléthores  locales.  Bouchard  lie  l'aorle  abdominale  dun 
lapin  à  5  centimètres  au-dessous  du  rein,  lie  la  veine  rénale  gauche,  puis  pousse 
dans  le  bout  supérieur  de  l'aorte  50  grammes  d'eau  tiède.  L'animal  meurt  sans 
avoir  présenté  d'hémorrhagio  intorstilielle  du  rein  droit  ni  d'hémiiturie.  Le  rein 
gauche  seul  présentait  des  points  hémoirhagiques  principalement  au  niveau  des 
vaisseaux  intertubulaires  ;  encore  ces  effractions  étaient  peu  abondantes,  et  l'on 
peut  dire  que  le  mécanisme  qui  les  a  fait  naître  est  irréalisable  en  pathologie 
(ligature  de  la  veine  coïncidant  avec  l'augmentation  de  la  tension  sanguine  portée 
à  son  maximum).  Cardans  de  pareilles  conditions  la  tension  dans  les  capillaires, 
le  cours  du  sang  étant  arrêté  dans  la  veine,  devient  égale  à  celle  existant  à 
l'origine  de  l'aorte,  c'est-à-dire  à  la  pression  latérale  exercée  sur  les  parois  du 
cœur,  et  cela  en  vertu  du  principe  de  l'égalité  des  pressions  dans  les  vases  com- 
municants. 

Aussi  la  pathologie  ne  fournit  guère  que  le  cas  deGendrin  (gaslrorrhagie  con- 
sécutive à  la  compression  de  l'aorte  abdominale  par  une  tumeur),  comme 
exemple  d'hémorrbagie  imputable  à  l'excès  de  la  tension  artérielle.  Quant  à 
celles  que  l'on  a  voulu  attribuer  à  l'excès  de  tension  consécutif  à  l'hypertrophie 
cardiaque,  et  parmi  elles  l'hémorrhagie  cérébrale,  on  sait  maintenant  (Charcot 
et  Bouchard)  qu'elles  ne  ressortissent  point  du  tout  exclusivement  à  cette  cause. 
Ce  sont  des  hémorrhagies  de  cause  organique,  dues  à  des  anévrysmes  capillaires 
que  Bouchard  a  le  premier,  dans  un  travail  justement  célèbre,  découverts, 
décrits,  et  auxquels  il  a  assigné  leur  véritable  valeur  dans  la  palhogénie  des 
hémorrhagies  cérébrales.  L'hypertrophie  du  cœur,  nous  loferons  voir  plus  tard, 
joue  dans  ce  cas  le  simple  rôle  de  cause  adjuvante.  En  résumé  donc  l'exagéra- 
tion de  la  tension  artérielle  est  incapable  de  rompre  des  vaisseaux  inertes  sains, 
bien  piotégés  par  le  jeu  des  artérioles  contractiles  qui  commandent  leur  régime 
circulatoire.  Il  n'y  a  point  à  proprement  parler  d'hémorrhagies  capillaires  par 
rhexis  ressortissant  à  cette  cause. 

2"  Il  en  est  tout  autrement  de  V augmentation  de  la  tension  veineutte,  soit 
agissant  seule  comme  cause  (veine  maîtresse  liée  ou  spontanément  oblitérée),  soit 
combinée  avec  l'augmentation  de  la  tension  artérielle.  Quand  Bouchard  fait  une 
pléthore  artificielle  par  l'injection  d'eau,  les  hémorrhagies  ne  se  montrent  que 
là  où  il  a  interrompu  le  cours  du  sang  en  retour  :  dans  la  tète,  les  quatre  jugus 
laires  étant  liées,  dans  le  rein  dont  la  veine  éraulgente  a  été  ligaturée.  iNou- 


552  IlÉMORRHAGIEo 

venons  de  voir  ce  qui  se  passe  dans  ce  cas  :  la  tension  intro-vasculaire,  au  lieu 
de  décroître  de  l'origine  à  la  terminaison  du  circuit  où  se  meut  le  sang,  devient 
égale  partout  et  la  rnptui'e  s'effectue  au  niveau  des  points  faibles,  c'est-à-dire  au 
voisinage  des  veinules.  Les  points  faibles  sont  tous  les  réseaux  nettement  bipo- 
laires, artériels,  veineux  ou  artério-veineux,  tels  que  ceux  des  glomérules  du 
rein,  des  alvéoles  pulmonaires,  des  coronœ  tubulorum  de  la  muqueuse  stoma- 
cale [voij.  Estomac,  Anatomie).  Sur  ce  dernier  point  on  voit  se  produire  des 
ruptures  vascnlaires  consécutives  soit  à  la  cirrhose  alrophique  poussée  à 
l'extrême  (Ânt.  Fauvel),  soit  à  lu  pyléplilébite  :  affections  agissant  sur  la  veine 
porte  à  peu  près  exactement  à  la  manière  d'une  ligature.  Bouchard  a 
constaté,  dans  le  service  de  Béhier,  des  foyers  d'apoplexie  pulmonaire  con- 
sécutifs à  des  thromboses  des  veines  aboutissant  à  l'infarctus  hémoptoïque. 
Barth  a  cité  un  cas  d'hémorrhagie  de  la  rate  par  oblitération  de  la  veine 
splénique  :  de  son  côté,  en  effet,  le  système  vasculaire  de  la  rate  est  aussi 
un  point  faible  à  cause  de  la  délicatesse  de  ses  artérioles  de  ses  veinules, 
et  des  phénomènes  incessants  de  diapédèse  dont  son  système  caverneux  est  le 
siège.  Nous  avons  vu  en  effet  que  les  réseaux  capillaires  et  les  veinules,  répon- 
dant à  une  veine  efférentc  liée  ou  oblitérée,  outre  qu'ils  sont  incessamment 
soumis  à  d'innombrables  perforations  microscopiques  de  la  part  des  globules 
blancs,  subissent  un  ramollissement  à  la  suite  duquel  ils  laissent  diffuser  même 
les  substances  colloïdes  des  masses  à  injection.  On  reconnaît  ici  que,  l'oblitéra- 
tion veineuse  s'accompagnant  régulièrement  de  lésions  de  nutrition  des  petits 
vaisseaux,  l'hémorrhagie  qui  en  résulte  procède  d'une  double  cause  au  moins  et 
rentre  dans  le  cadre  des  ruptures  sanguines  de  nature  organo-mécaniquc.  Ainsi 
s'explique  la  rapidité  avec  laquelle  les  obstructions  des  sinus  cérébraux  s'accom- 
pagnent d'extravasations  sanguines  dans  les  réseaux  merles  du  cerveau,  des 
méninges  et  même  de  la  rétine.  Ici  le  siège  veinulaire  de  l'hémorrhagie  est 
nettement  indiqué  par  ce  fait  que  les  suffiisions  ont  pour  siège  initial  les  gaines 
lymphatiques  des  capillaires  veineux  (Bouchard). 

Malgré  les  conditions  défavorables  auxquelles  est  soumis  le  sang  qui  remonte 
dans  les  veines  des  membres  contre  la  pesanteur  et  l'insuffisance  des  valvules 
de  Fabrice  d'Acquapendente  consécutive  à  la  turgescence  extrême  des  grandes 
veines,  les  oblitérations  ou  les  ligatures  veineuses  (phlébites  et  thromboses) 
s'accompagnent  rarement  de  ruptures  vasculaires.  Ce  n'est  que  dans  des  cas 
tout  à  fait  exceptionnels  (Cruveilhier-Lèpine)  que  l'on  voit  des  ecchymoses 
sous-cutanées  ou  profondes  succéder  à  la  thrombose  des  veines  d'un  membre. 
Dans  un  cas  de  pemphigus  hémorrhagique  et  gangreneux,  j'ai  vu  moi-même 
l'hémorrhagie  avoir  pour  cause  de  petites  thromboses  des  veines  de  distribution 
du  tégument.  Les  recherches  de  Banvier  sur  l'œdème  expérimental,  concourent 
à  jeter  une  certaine  lumière  sur  de  semblables  faits.  Il  a  démontré  que,  même 
pour  produire  l'œdème,  il  ne  suffit  pas  d'interrompre  totalement  la  circulation 
en  retour  sur  des  points  de  l'organisme  tels  que  les  membres,  où  le  système 
des  petits  vaisseaux  ne  présente  pas  à  proprement  parler  de  points  faibles, 
analogues  à  ceux  du  poumon,  des  glomérules  du  rein  ou  des  réseaux  super- 
ficiels de  certaines  muqueuses.  Il  faut  en  outre  que  le  système  nerveux  moteur- 
vasculaire  intervienne  pour  créer  dans  la  partie  des  aires  de  pleine  circula- 
tion et  par  conséquent  de  tension  intra-capillaire  très-haute.  Nous  reviendrohs 
du  reste  sur  ce  point  en  parlant  des  hémorrhagies  de  cause  vaso-motrice  qui 
vont  nous  occuper  dans  un  instant. 


HÉMORRIIAGIE.  553 

Mais  ce  que  ne  peut  faire  à  elle  seule  l'iaterriiption  du  cours  du  sang  veineux 
dans  les  régions  dé])ourvues  de  points  faibles,  Veffort,  joint  à  la  suspension  du 
mouvement  du  sang  dans  les  veines  collectrices  peut  arriver  à  l'effectuer.  On 
sait  que  pendant  la  mastication,  chez  le  cheval,  la  compression  des  veines  jugu- 
laires par  le  jeu  des  muscles  masticateurs  peut  faire  monter  la  tension  du 
san"  de  ce  vaisseau  de  3'^'",5  de  mercure  à  15  centimètres,  c'est-à-dire 
créer  contre  la  paroi  une  poussée  latérale  peu  différente  de  celle  qui  existe  dans 
le  système  artériel  près  de  son  origine  au  cœur.  Dans  ces  conditions,  on  voit 
s'effectuer  fréquemment  des  ruptures  veineuses.  De  cette  même  façon  s'expli- 
quent les  hémorrhagies  qui  surviennent  si  fréquemment  dans  la  coqueluche.  On 
voit  alors  le  sang  faire  irruption,  à  la  suite  de  grandes  quintes,  par  le  nez, 
l'oreille,  la  bouche,  en  même  temps  que  l'immense  effort  qui  accompagne  la 
toux  acquiert  une  puissance  mécanique  capable  de  faire  éclater  la  membrane  du 
tympan.  Des  hémorrhagies  interstitielles,  des  ecchymoses,  s'effectuent  aussi  dans 
ce  cas  sur  la  conjonctive,  dans  la  rétine  et  la  choroïde,  à  la  peau.  Des  ruptures 
vasculaires  analogues  peuvent  s'observer  dans  le  vomissement,  les  efforts  pro- 
longés et  énergiques  de  défécation,  et  d'une  manière  générale  dans  toutes  les 
grandes  convulsions.  La  contraction  des  muscles  pendant  l'effort  tend  en  effet  à 
vider  de  sang  le  système  vasculaire  abilominal  et  à  augmenter  par  suite  la 
tension  veineuse  dans  la  tête  et  dans  les  membres.  En  outre  le  cours  du  sang  est 
arrêté  dans  les  veines  et  souvent  même  l'action  musculaire  le  fait  refluer  contre 
son  cours  habituel  dans  les  régions  où,  comme  dans  la  tète  et  le  col,  les 
veines  sont  dépourvues  de  valvules.  Aussi,  cliez  les  enfants  atteints  de  coque- 
luche, les  hémorrhagies  se  produisent  lé  plus  ordinairement  à  la  face  et,  chez  près 
d'un  tiers  des  épileptiques,  on  voit  survenir,  à  la  suite  des  grandes  attaques,  un 
pointillé  hémorrhagique  de  la  tête  et  du  cou.  Cette  variété  d'hémorrhagie,  dont 
un  exemple  resté  célèbre  a  élé  donné  par  Boerhaave  (ecchymose  totale  du  tégu- 
ment), doit  être  soigneusement  distinguée  de  quelques  autres  qui  surviennent 
chez  les  épileptiques  soit  à  litre  d'aura,  soit  à  la  façon  de  phénomènes  critiques 
consécutifs  à  l'accès  et  sur  lesquelles  nous  aurons  lieu  de  revenir  dans  un 
instant.  11  s'agit  en  effet  dans  ce  cas  d'hémorrhagies  par  action  vaso-molrice. 

3"  Ruptures  vasculaires  par  augmentation  de  la  tension  du  sany  dans  les 
réseaux  inertes  ou  par  actions  vasomotrices  :  Hémorrhagies  neuropathiques 
par  rhexis.  Lorsqu'on  vertu  d'une  influence  quelconque,  soit  directe,  soit 
réflexe,  les  muscles  moteurs  vasculaires  des  artérioles  qui  commandent  la  circu- 
lation des  réseaux  inertes  sont  paralysés,  le  sang  coule  eu  liberté  du  système 
artériel  dans  ces  réseaux  et  au  bout  d'un  tenqjs  plus  ou  moins  long  les  distend 
au  maximum  en  créant  à  ce  niveau  des  aires  de  pleine  circulation.  Cette  réplé- 
tion  n'est  jamais  subite;  elle  ne  s'effectue  point  en  vertu  d'un  mécanisme  ana- 
logue au  choc  :  en  effet,  les  muscles  annulaires  des  vaisseaux  possèdent,  comme 
tous  les  muscles  lisses,  la  seule  propriété  de  se  contracter  lentement  et  d'une 
manière  prolongée,  soutenue  ;  ils  se  décontractent  de  la  même  façon.  Le  sang 
n'arrive  donc  jamais  dans  les  réseaux  inertes  à  la  façon  d'une  vague  à  mouve- 
ment rapide,  pouvant  déterminer  par  son  heurt  la  rupture  d'un  capillaire  ou 
d'une  veinule;  on  peut  aisément  en  acquérir  la  preuve  en  examinent  le  procédé 
suivi  par  la  roséole  émotive  pour  se  former  sur  la  poitrine  d'une  femme  que 
l'on  découvre  brusquement.  La  peau  est  d'abord  blanche,  puis,  au  bout  de  quel- 
ques instants,  elle  se  nuage  faiblement  de  rose  par  places.  Les  aires  roses 
s'accroissent  progressivement,  deviennent  purpurines  et  enfm  écarlates;  ensuite, 
DicT.  ENC,  4°  s.   Xin.  23 


3à4  HlhFORRIIAGIE. 

l'émotion  se  calmant,  tout  repasse  lentement  par  la  même  série  de  phases,  mais 
cette  fois  dune  manière  décroissante;  et  la  lésion  si  nette,  devenant  même  parfois 
légèrement  papuleuse  ou  ortiée  chez  certaines  hystériques,  s'évanouit  sans  laisser 
de  traces.  Les  fluxions  congeslives  dues  à  la  paralysie  des  nerfs  moteurs  vascu- 
laircs  ne  s'exécutent  pas  autrement  dans  les  réseaux  capillaires  profonds  qu'à 
la  surface  du  tégument;  il  faut  toujours  un  certain  temps  pour  les  produire. 
11   est    absoUiment   inutile   aujourd'hui    d'entrer    dans    aucune    discussion 
théorique  au  sujet  des  actions  vaso-motrices;  les  faits  établis  par  Cl.  Bernard 
ne  sont  plus  contestés  par  personne,  tant  pour  ce  qui  regarde  les  phénomènes 
de  vaso-constriction  que  pour  ce  qui  a  trait  à  ceux  de  vaso-dilatation,  c'est-a-dire 
aux  nerfs  moteurs  glandulaires  dont  le  type  peut  être  pris  dans  la  corde  du 
tympan.  C'est  par  le  mécanisme  de  la  paralysie  des  muscles  des  artérioles  ou 
des  petites  artères  commandant  la  circulation  d'une  région  soit  étendue,  soit 
répondant   à  des   cônes  vasculaires,   s'il  s'agit  des  muqueuses  ou  de  la  peau, 
groupés  en  petit  nombre  ou  même  isolés,  que  se  font  les  fluxions  sanguines 
actives.  Examinons  brièvement  les  modifications  qui  surviennent  dans  ces  par- 
ties, siège  de  la  lluxion  sanguine,  véritable  lièvre  locale  de  Heil,  et  qui  procèdent 
du  régime  nouveau  d'écoulement  du  sang  dans  les  réseaux  capillaires.  Sur  une 
certaine  longueur,   \arialiie    avec    l'intensité,    et  ce  que  l'on  pourrait  appeler 
l'étendue  de  la    paralysie  des  sphincters  nmsculaircs  hélicoïdaux,    l'artériole 
intéressée  se  dilate  et  devient  par  conséquent,  à  partir  d'un  certain  point,  une 
conduite  bien   notablement  élargie.  Un  second   élargissement  existe,  nous  le 
savons,  au  pôle  oppose  du  réseau  inerte  :  il  est  représenté  par  la  veinule.  Le 
sang  se  précipite  librement  dans  ce  système  par  la  porte  largement  ouverte  de 
l'artériole  ])aralvsée;  il  le  distend  au  maximum  et  sa  vitesse  subit  alors  un  ralen- 
tissement bien  connu.  La  résistance  à  l'écoulement  diminue  alors,  puisqu'elle 
est,  en  vertu  d'une  loi  d'hydro-dynamique  aussi  bien  connue,  proportionnelle  à 
la  fois  i!i  la  vitesse  du  liquide  en  mouvement  et  à  son  carré  (R  =  Ki^H-K'iiS 
K  et  K',  représentant  deux  coeflicients  expérimentaux  variables).  Mais  à  l'entrée 
et  à  la  sortie,  dans  l'aire  de  l'artériole  dilatée  (premier  point  élargi)  et  dans  celle 
de  la  veinule  (deuxième  point  élai'gi),  en  même  temps  que  la  vitesse  diminue 
la  tension  subit  un  accroissement  proportionnel.  Quelles  qu'aient  été  les  discus- 
sions et  les  divergences  sur  ce  point,  le  phénomène  doit  se  produire  nécessaire- 
ment dès  que  la  veine  liquide  reste,   (ce  qui  est  expérimentalement  constaté), 
continue  dans  tout  le  circuit  sanguin.   C'est  là  en  eflét  une  conséquence  du 
principe  de  la  conservation  de  l'énergie  et  absolument  nécessaire  dans  le  cas 
considéré,  puisque  la  force  vive  perdue  doit  se  retrouver,  et  qu'il  n'y  a  pas  ici  à 
invoquer  une  augmentation  de  la  chaleur  développée  par  les  frottements,  ces 
frottements  subissant,  dans  les  points  où  la  conduite  devient  plus  large,  une 
diminution  notable.  Ainsi  donc,  dans  le  cas  réalisé  par  la  pleine  circulation 
d'un  réseau  capillaire,  la  tension,  l'effort  contre  la  paroi,  s'élève  aux  deux 
pôles  du  réseau  :  dans  Vartériole  brusquement  élargie  et  au  niveau  de  la 
veinule.   C'est  aussi  sur  ces  points  que  l'hémorrhagie  se  produit,  ainsi  que  le 
démontre  pleinement  l'histologie  pathologique,  mais  beaucoup  plus  souvent  au 
niveau  de  la  veinule  que  de  l'artériole.  Ce  dernier  fait  a  son  explication  toute 
naturelle  dans  la  résistance  infiniment  supérieure  des  parois  de  l'artériole,  dont 
la  limite  d'élasticité  est  de  beaucoup  plus  considérable,  parce  qu'à  celle  de  la 
membrane  propre  vient  s'ajouter  l'élasticité  des  muscles  annulaires  spiraux. 
La  physiologie  expérimentale  nous  montre  que,  sur  ces  points  où  la  tension  du 


HÉMORRIIAGIE,  555 

sang  subit  un  accroissement  brusque,  des  ruptures  vasculaires  peuvent  se  pro- 
duire consécutivemeut  à  la  paralysie  des  nerfs  vasculaires,  dans  les  cas  où  cette 
dernière  a  déterminé  des  fluxions  sanguines  au  niveau  de  réseaux  délicats  tels 
que  ceux  de  la  pituilaire.  Cl.  Bernard  a  vu  en  effet  parfois  l'épistaxis  suivre  la 
section  du  sympathique  au  cou.  Mais  ce  fait  est  exceptionnel,  les  lésions  du 
grand  sympathique,  en   déterminant  l'atonie  des  artérioles  et  en  produisant 
dans  leurs  aires  de  distribution  des  byperémies  intenses  et  soutenues,  ne  font 
ordinairemeut  que  créer  des   conditions  favorables  à  la  production  des  liémor 
rhagies.    Ces  conditions,    nous  le   savons,   consistent  principalement  dans  la 
distension  des  vaisseaux  inertes  et  dans  le  ramollissement  de  leurs  parois  consé- 
cutifs à  l'augmentation  de  la  diapédèse.  Dans  cet  état,  les  vaisseaux  ne  suppor- 
tent plus  une  augmentation  de  tension  artérielle  qui,  dans  l'état  ordinaire,  celui 
du  réoime  normal  et  modéré  de  circulation,  aurait  été  absolument  incapable  de 
les  rompre;  le  fait  a  été  directement  démontré  par  Bouchard.  C'est  pourquoi  les 
byperémies  vaso-motrices,  telles  que,  par  exemple,  les  différents  érythèmes  que 
l'on  peut  observer  sur  la  peau,  depuis  la  roséole  émotive  jusqu'à  l'érythème 
papuleux    (pour  ne  parler  que  de   lésions  vasculaires  d'analyse  extrêmement 
simple  et  facile,  puis(iu'elles  sont  pendant  la  vie  sous  les  yeux  mêmes  de  l'obser- 
vateur), ne  s'accompagnent  ordinairement  pas  de  phénomènes  bémorrhagiques. 
Dans  certaines  conditions  cependant  à  la  congestion  simple  peut  dans  ce  cas  se 
joindre  l'œdème,  soit  léger  et  satel  lite  de  la  congestion ,  soit  intense  et  produisant  une 
inondation  séreuse  dont  le  type  est  la  papule  anémique  de  l'urticaire.  Un  pas  de 
plus,  la  lésion  devient  hémorrbagique,  et  l'étude  de  l'érythème  exsudatif  multi- 
forme, polymorphe,  d'ilébra,  montre  que  fréquemment  ce  pas  est  franchi,  A  côté 
d'une  tache  congestive  on  en  trouve  une  congestive  et  papuleuse,   plus  loin 
existe  parfois  une  plaque  d'urticaire  et  enfin,  au  centre  de  certaines  taches  papu- 
leuses,  on  voit  une  ecchymose  dilfuse  ou  même  une  véritable  petite  apoplexie 
sanguine  de  la  peau. 

J'insiste  ici  à  dessein  sur  ce  fait,  parce  qu'il  est  la  clef  des  héraorrhagies  de 
cause  nerveuse  et  qu'il  réalise  sous  les  yeux  du  médecin  une  véritable  expérience 
physiologique.  Bien  que  nous  ignorions  en  effet  à  quel  mode  d'excitation  répondent 
les  nerfs  vasculaires  pour  créer  les  lésions  multiformes  de  l'érytbèine  polymorphe, 
nous  constatons  nellement  que,  par  une  série  de  passages  insensibles,  et  en 
croissant  progressivement  d'intensité,  l'atonie  des  petits  vaisseaux  contractiles 
peut  amener  la  série  des  lésions  suivantes  :  énjlhème  simple,  œdème  congestif, 
œdème  vrai  ou  inondation  séreuse,  he'morrhagie  élective  ou  diffuse,  liémor- 
rhagie  en  foyer. 

Les  lésions  de  certains  nerfs,  mais  surtout  celles  des  centres  nerveux, 
semblent  avoir  sur  la  production  des  hémorrhagies  neuro-paralytiques  une 
influence  prépondérante.  Si  pendant  l'hiver  on  coupe  le  pneumogastriqua  d'un 
chien  et  qu'on  l'abandonne  ensuite  pendant  la  nuit  et  sans  nourriture,  il  meurt 
le  plus  ordinairement  avec  une  grande  rapidité.  L'inlluence  du  froid  vient  dans 
ce  cas  se  joindre  aux  autres  effets  de  la  section  nerveuse.  Dans  ces  conditions, 
Morat  et  Colrat  ont  constaté  qu'il  se  produit  dans  le  poumon  des  nappes 
d'apoplexie  diffuse,  de  véritables  hépaiisations  du  parenchyme  pulmonaire  par 
du  sang  pur.  J'ai  pu  voir  avec  eux  ces  noyaux  apoplectiques  qui  tombent  au  fond 
de  l'eau  comme  des  pierres  et  dans  lesquels  l'examen  histologique  montre  les 
alvéoles  entièrement  gorgés  de  sang  pur  sur  de  vastes  surfaces.  L'action  hémor- 
rhagipare  des  lésions  des  centres  myélencéphaliques  est  aussi  bien  connue,  en 


356  IIÉMORRHAGIE. 

physiologie,  depuis  les  expériences  de  Brown-Séquard  {Bull,  de  la  Soc.  de  Mol., 
t.  III,  p.  IIC).  En  sectionnant  un  corps  restiforme,  il  détermine  chez  le  cobaye 
des  hémorrhagics  sous-cutanécs  dans  l'oreille  du  côté  lésé;  en  piquant  la  moelle 
vers  la  dixième  vertèbre  dorsale,  en  n'intéressant  même  qu'une  moitié  latérale 
de  la  moelle,  il  produit  une  hémorrhagie  dans  l'une  ou  l'autre  capsule  surrénale 
ou  à  la  fois  dans  les  deux.  On  pourrait  maintenant  multiplier  les  exemples  et 
rapporter  en  détail  les  observations  de  Pincus  et  Samuel  {die  trophischen 
Nerven.  Leipzig,  18G0)  et  de  Schiff  {Lezzioni,  etc.,  p.  287,  298,  595,  595).  Il 
suffit  de  dire  ici  qu'il  est  absolument  démontré  aujourd'hui  que  des  lésions  des 
centres  nerveux,  faites  expérimentalement,  déterminent  à  distance,  dans  des 
organes  divers  et  particulièrement  dans  ceux  dont  les  roseaux  inertes  présentent 
des  conditions  de  moindre  résistance,  des  poinls  faibles  (poumon,  plèvre, 
péricarde,  glomérule  du  rein,  etc.),  des  liémorrhagies  en  nappe  ou  en  foyer,  des 
ecchymoses  ou  des  foyers  d'apoplexie. 

Ainsi,  sous  l'iullncnce  d'actions  vaso-paralytiques  ayant  leur  origine  dans  des 
mouvements  nerveux  partis  des  centres  myélencéplialiques,  ou  de  centres  péri- 
plu'ri(pies  tels  que  les  ganglions  semi-lunaires  du  grand  sympathique  (Pincus  et 
Samuel),  la  tension  intra-vasculaire  peut  s'accroître  dans  les  réseaux  inertes  au 
point  de  faire  éclater  leurs  parois  et  de  produire  une  hémorrhagie  en  foyer.  Un 
loyer  apoplectique  ne  peut,  en  effet,  résulter,  l'anatomie  pathologique  le 
démontre,  que  d'une  rupture  vasculaire.  Cette  rupture  peut  s'effectuer  sur  un 
vaisseau  volumineux  et  en  un  seul  point  ou  sur  plusieurs  petits  vaisseaux  à  la 
fois  et  à  des  intervalles  très-rapprochés.  Il  en  résulte  un  flot  de  sang.  Ce  flot 
sanguin,  s'il  est  de  petit  volume,  forme  un  foyer  apoplectique  capillaire  ou 
une  gouttelette  sanguine  qui  s'écoule,  s'il  s'agit  d'une  éruption  faite  sur  une 
surface;  s'il  est  considérable,  il  constitue  une  hémorrhagie  en  surface  importante 
ou  une  apoplexie  diffuse. 

Mais  la  rupture  peut  s'opérer  autrement,  sur  un  grand  nombre  de  poinls  à  la 
fois,  dans  tout  le  domaine  d'un  large  réseau  de  capillaires  dont  les  aires  sont 
réunies  entre  elles  par  des  anastomoses  nombreuses.  Ainsi  se  produisent, 
interstitiellcmeiit,  les  grandes  nappes  hémorrhagiques  telles  que,  par  exemple, 
celle  de  la  maladie  de  Werliioff.  Lorsqu'au  contraire  le  sang  peut  s'écouler  au 
dehors,  il  le  fait  par  une  sorte  de  ruissellement.  C'est  ce  que  l'on  observe  en 
particulier  dans  l'hématidrose  ou  dans  le  phénomène  connu  sous  le  nom  de 
larmes  de  sang.  Je  cite  encore  ici  ces  exemples  parce  qu'on  les  a  vraiment  sous 
les  yeux  et  qu'en  réalité  il  s'agit  ici  de  véritables  liémorrhagies  exposées. 
Pendant  la  durée  du  phénomène,  le  sang  coule  comme  d'une  source,  et  il  s'agit 
bien  ici  de  sang  complet,  tel  qu'il  peut  et  doit  être  épanché  par  une  série  de 
mptures  vasculnircs,  car  on  a  pu  reconnaître  ses  qualités  organoleptiques  et 
physiques,  compter  ses  globules  et  le  voir  se  coaguler  à  la  façon  de  celui  d'une 
saignée  capillaire  faite  à  l'aide  d'une  ventouse.  Dans  ce  cas  aussi,  la  glande 
émet  le  sang  comme  elle  ferait  la  sécrétion  normale,  sous  l'influence  d'un 
nerf  moteur  glandulaire,  mais,  au  lieu  d'extraire  du  liquide  nutritif  les  produits 
de  cette  sécrétion,  elle  laisse  passer  sans  choisir  le  sang  tout  entier,  nous 
essayerons  de  déterminer  un  peu  plus  loin  par  quel  mécanisme. 

Après  avoir  établi  l'existence  des  liémorrhagies  de  cause  nerveuse,  et  indiqué 
l'importance  prépondérante  que  prennent,  dans  leur  production  certains  cordons 
nerveux  tels  que  le  pneumogastrique  ou  les  nerfs  glandulaires,  et  les  centres 
nerveux  myélencéphaliques  et  périphériques,  il  convient  de  catégoriser,  au  point 


HÉMORRIIAGIE.  557 

de  vue  de  la  palhologie  générale,  ces  actions  nerveuses  diverses,  et  de  les  placer 
en  regard  des  faits  cliniques  observés.  Nous  ferons  remarquer  pourtant  aupara- 
vant que  toute  hémorrhagie  de  cause  nerveuse  peut  être  unique,  comme  celle, 
par  exemple,  qui  se  produira  à  distance  à  la  suite  d'une  excitation  trauma- 
tique  ou  spontanée  des  centres,  ou  renouvelée  d'une  façon  qui  peut  varier. 
Quand  les  conditions  déterminantes  de  l'hémorrhagie  nerveuse  se  reproduisent 
irrégulièrement,  comme  c'est  le  cas  dans  les  héniorrliagies  dues  à  ce  que  l'on 
appelle  la  pléthore,  il  s'agit  d'un  phénomène  à  retour  irrégulier;  mais  fréquem- 
ment aussi  les  fluxions  hémorrhagipares  de  cause  nerveuse  affectent  dans  leurs 
retours  un  certain  rhythme  :  ce  sont  les  hémorrhagies  à  périodes  dont  le  type 
est  la  llnxion  cataniéniale  dans  l'état  normal  et  dont  on  peut,  en  pathologie, 
citer  de  nombreux  exemples,  parmi  eux  la  fièvie  comitialehémoptoïquc  de  Torti. 
Enfin  les  hémorrhagies  peuvent  paraître  à  la  façon  de  satellites  de  certains  états 
névropathiques  :  telles  sont  celles  qui  ec  montrent  à  la  façon  d'aura,  au  début 
des  attaques  épileptiques,  ou  à  titre  de  phénomènes  critiques  à  la  suite  de  ces 
mêmes  attaques  (Raynaud  et  Rengade). 

Cela  posé,  les  hémorrhagies  qui,  en  pathologie,  reconnaissent  une  cause 
nerveuse,  peuvent  être  rangées  sous  deux  chefs  principaux  :  hémorrhagies  par 
action  nerveiise  directe  et  hémorrhagies  réflexes. 

Sous  le  premier  titre  nous  rangerons  celles  qui  sont  dues  à  une  lésion  d'un 
nerf  ou  d'un  centre  agissant  directement,  pour  produire  l'hémorrhagie,  dans 
l'aire  de  distribution  nerveuse  commandée  par  ce  centre  ou  par  ce  nerf  lui- 
même.  C'est  ainsi  que  la  névrite  ou  plutôt  la  périnévrite  (œdème  aigu)  du  nerf 
atteint  de  zoster  peut  exercer  à  la  périphérie  une  action  telle,  que  la  phlyctène 
devient  héraorrhagique  et  se  remplit  de  sang  pur  (zona  hémorrhagique).  De 
même,  dans  la  prosopalgie,  Rrown-Séquard  a  vu  dans  un  cas  la  congestion, 
satellite  du  mal,  aller  jusqu'à  la  rupture  et  donner  lieu  à  des  ecchymoses 
faciales  spontanées. 

Les  hémorrhagies  déterminées  à  distance  dans  certains  organes  par  des  lésions 
du  système  central  tiennent  le  milieu  entre  les  hémorrhagies  par  action  nerveuse 
directe  et  les  hémorrhagies  réflexes. 

Nous  venons  de  voir  qu'en  lésant  traumatiquemeut  le  pont  de  Yarole  ou  la 
moelle  épinière  Rrown-Séquard  détermine  des  hémorrhagies  à  distance.  Cette 
notion  doit  être  transportée  dans  le  domaine  pathologique.  En  1851,  Rreschet 
{Arch.  deméd.,  t.  XXV,  p.  101)  avait  déjà  observé  qu'une  hémorrhagie  de  la 
substance  grise  de  la  moelle  accompagnée  d'une  inflammation  consécutive  (?)  de 
cette  même  substance  s'était  accompagnée  aussi  d'une  hémorrhagie  de  rein. 
Andral,  dans  sa  clinique,  signalait  (t.  V,  p.  519-o25),  chez  les  apoplectiques,  la 
rougeur  persistante  de  la  muqueuse  gastrique  et  de  celle  de  l'déon,  et  dans  un 
cas  une  érosion  hémorrhagique  de  l'estomac.  Ces  observations  se  multiplient 
dans  le  travail  intéressant  d'Emile  Coutagne  {Des  hémorrhagies  gastriques  et 
intestinales  dans  les  maladies  chroniques  du  cerveau,  in  Gaz.  méd.  de  Lijon-, 
1865).  Enfin  Charcot,  en  1867  (Rouchard,  loc.  cit.,  p.  82),  insiste  sur  les 
arborisations  avec  ecchymoses  de  la  muqueuse  stomacale  et  du  péricràne  à  la 
suite  des  lésions  rapides  de  la  substance  cérébrale  par  hémorrhagie  ou  ramollis- 
sement. II  fait  observer  que  dans  un  cas  ces  ecchymoses  occupent  sous  le 
péricràne  seulement  le  côté  opposé  à  la  lésion  encéphalique  et  se  limitent 
exactement  par  la  ligne  médiane.  Cette  dernière  remarque  présente  un  intérêt 
très-grand;  elle  fait  voir  que  l'action    d'arrêt  qui  détermine  les   phénomènes 


558  IIÉMORRHAGIE. 

(i'heniiplégie  croisée,  porte  non-seulement  sur  les  muscles  striés,  mais  aussi  sur 
les  muscles  lisses  dans  le  domaine   de  la   paralysie  produite  :  c'est-à-dire  en 
réalité  sur  les  nerfs  commandant  le  mouvement  des  muscles  des  deux  ordres. 
Cet  arrêt,  il  importe  de  le  faire  remarquer,  semble  se  produire  en  vertu  d'une 
sorte  d'inhibition  faite  à  distance,  et  brusquement,   au   moment  même  où  la 
lésion  centrale  détruit  l'équilibre  nerveux  comme  par  une  sorte  de  clioc.  11  est 
difficile  ici  de  déterminer  si  ce  choc  est  imputable  plutôt  à  la  lésion  elle-même, 
circonscrite  et  limitée  à  un  foyer,  ou  plutôt  à  l'état  apoplectique,  dans  les  cas 
d'ecchymoses  multiples  cutanées  ou  viscérales,  se  produisant  du  côté  paralysé 
dans  un  très-grand  nombre  de  cas  d'apoplexie,  suite  d'hémorrhagiecérébr;deou 
de    ramollissement,    comme    l'ont    définitivement  démontré    les    observations 
d'Ang.  Ollivier,  de  Baréty  (Soc.  de  biologie,   1874).   A  mes  yeux,  l'influence 
prépondérante  de  la  lésion  agissant  par  elle-même,  et  en  dehors  du  choc  apoplec- 
tique proprement  dit,  ne  saurait  êlre  considérée  comme  douteuse.  J'ai  vu,  en 
effet,  un  phénomène  d'ordre  très-analogue   à    la  congestion  neuro-paralytique 
hémorrliagipare,  l'œdème   aigu,   envahir  un   membre  plusieurs   heures  avant 
qu'une  attaque  d'apoplexie  vînt  révéler   l'existence  d'un  ramollissement  par 
thrombose,  et  paralyser  le  bras  déjà  œdématié.  Du  reste,  les  ecchymoses  et  même 
parfois  les  noyaux  d'apoplexie  pulmonaire  que  l'on  rencontre  chez  les  animaux 
abattus,  chez  les  hommes  décapités  et  chez  les  pendus  dont  les  vertèbres  sont 
brisées,  montrent  bien   la  relation  directe  existant  entre  la  lésion  des  centres 
nerveux  et  les  hémorrhagies  faites  brusquement  à  distance  en  vertu  d'une  action 
neuro-paralytique  rapidement  portée  à  son    maximum    et   aboutissant   à  des 
ruptures  vascnlaires.  Brown-Séquaid  a  de  plus  démontré  que  celte  action  à 
dislance  s'exerce  constamment  par  l'intermédiaire  de  la  moelle  et  des  ganglions 
des  paires  rachidiennes;  elle  ne  suit  pas  la  voie  des  cordons  nerveux,  tels  que 
le  vague,  par  exemple,  pour  le  cas  particulier  des  hémorrhagies  du  poumon 
consécutives  aux  lésions  expérimentales  du  pont  de  Yarole,  car,  si  l'on  coupe  la 
moelle  en  travers  entre  la  6"  et  la  1"  vertèbre  cervicale,  ces  hémorrhagies  ne  se 
produisent   plus    sous  l'influence  d'aucune  excitation   ni    mutilation   (Brown- 
Séquard,  On   ecchymose  and  other  Effusions  of  Blood  caused  by  a  Nervous 
Influence.  In  Arch.  of.  Scientific  and  Practical  Medicine,  1875,  p   148). 

Les  lésions  de  certains  points  des  centres  nerveux  et  d'une  manière  générale 
celles  qui  rompent  net  ré([uilibre  de  ces  centres  exercent  donc,  dans  des 
régions  probablement  déterminées  suivant  le  point  lésé  (Ex.  :  corrélation  des  lésions 
du  pont  de  Varole  avec  l'hémorrhagie  pulmonaire),  une  action  neuroparalytique 
sur  les  nerfs  moteurs  vasculaires;  voilà  en  quoi  l'on  peut  ici  partiellement 
invoquer  un  effet  direct.  D'autre  part,  en  passant  par  les  ganglions  des  paires 
rachidiennes,  ces  actions  y  doivent  subir  des  modifications  comme  dans  tous  les 
cas  où  un  rideau  ganglionnaire  est  interposé  entre  une  incitation  partie  de  la 
moelle  et  le  point  de  l'économie  qui  doit  la  recevoir.  C'est  donc  avec  raison  que 
dans  l'espèce  Vulpian  propose  d'admettre  que  l'hémorrhagie  produite,  à  la 
périphérie,  en  divers'points  du  côté  hémiplégie,  est  le  résultat  d'une  paralysie 
réflexe  des  muscles  vasculaires.  Mais  il  importe  de  distinguer  cette  action 
réflexe,  partielle  et  en  quelque  sorte  secondaire,  des  grands  réflexes  qui,  dans 
la  catégorie  d'hémorrhagies  qui  va  maintenant  nous  occuper,  déterminent  ces 
dernières  en  vertu  de  mouvements  fluxionnaires  généraux  ne  ressortissant, 
du  moins,  d'une  façon  saisissable,  à  aucune  localisation  exacte  et  limitée  dans 
les  centres. 


IIÉMORRHAGIE.  559 

Les  hémorrhagies  re'/Ze.res  proprement  dites  sont  produites,  le  système  nerveux 
central  ne  pre'sentant  aucune  lésion  circonscrite,  par  le  mécanisme  d'actions 
fluxionnaires  sur  les  parties  qui  vont  en  devenir  le  siège.  Ces  actions  fluxion- 
naircs  sont  de  types  éminemment  variables  et,  si  j'essaye  ici  de  les  catégoriser, 
c'est  uniquement  en  vue  des  besoins  de  l'exposition  didactique  qui  constitue,  en 
patbologie  générale,  à  proprement  parler  la  métbode. 

A.  Flux  liémorrhagipares  réflexes  propren.ent  dits.  Tout  flux  hémorrha- 
gipare  d'origine  réflexe  est  le  résultat  d'une  brusque  variation  du  régime 
circulatoire  dans  les  réseaux  vasculaires.  A  un  moment  donné,  et  de  par  une 
action  nerveuse  prenant  son  point  de  départ  à  la  périphérie,  puis  réfléchie  par 
les  centres  sur  un  autre  point,  celui  qui  va  devenir  le  lieu  de  l'hémorrliagie,  les 
artérioles  paralysées  ouvrent  la  voie  au  sang  qui  se  précipite  dans  les  réseaux 
inertes  et,  sur  les  points  où  la  tension  est  devenue  suifîsante  pour  triompher  de 
la  résistance  de  la  paroi,  rompt  ou  divulse  cette  dernière  en  devenant  ainsi 
l'instrument  d'une  hémorrhagie  par  rhexis  ou  par  diabrose.  Parfois  aussi  la 
rupture  n'a  pas  lieu  dans  le  sens  macroscopicpic  du  mot  et  une  hémorrhagie 
incomplète  ou  élective  se  produit.  Mais  ici  nous  laissons  celte  forme  de  côté, 
tout  en  faisant  remarquer  que  les  actions  fluxionnaires  qui  le  plus  souvent  la 
déterminent  ne  sont  pas  fondamentalement  distinctes  de  celles  qui,  dans  d'autres 
cas,  occasionnent  des  ruptures.  Pour  mettre  en  train  le  mouvement  fluxionnaire 
dans  une  région,  il  faut  le  concours  de  deux  circonstances  :  un  point  doit  exister 
(pars  mandans)  qui  devient  le  point  de  départ  de  l'impression  ])erçue  par  le 
centre  nerveux  sans  intervention  du  sensorium  commune  et  réfléchie  par  ce 
-centre  sur  la  région  qui  doit  recevoir  le  mouvement  fluxionnaire  {pars  reci- 
piens);  cette  région  est  ordinairement  préparée  pathologiquement  au  phénomène 
morbide  dont  elle  va  devenir  le  théâtre  ;  c'est  un  lieu  de  moindre  résistance 
organique  ou  un  point  faible  du  réseau  circulatoire,  tel,  par  exemple,  que  le 
poumon,  le  rein,  une  membrane  ou  un  parenchyme  à  capillaires  délicats,  mal 
soutenus  ou  exposés.  Nous  comprendrons,  sous  le  terme  de  flux  hémorrhagipares 
réflexes  proprement  dits,  ceux  qui  prennent  leur  origine  dans  une  pars  man- 
dans bien  déterminée  et  non  pas  dans  un  état  du  système  nerveux  tellement 
incertain  qu'il  soit  impossible  au  pathologiste  et  au  clinicieu  de  saisir  le  fil  dont 
l'origine  est  le  point  de  départ  de  l'action  réflexe. 

Il  ne  saurait  être  question  ici  d'établir  la  liste  entière  des  hémorrhagies 
réflexes  proprement  dites,  telles  que  nous  venons  de  les  définir,  mais  il  convient 
d'en  citer  quelques  exemples  en  choisissant  les  plus  typiques.  Une  première 
cause  d'iiémorrhagies  de  cet  ordre  est  l'action  du  froid.  Le  froid  intense, 
■exerçant  son  action  sur  l'ensemble  des  réseaux  vasculaires  du  tégument,  ne 
:tarde  pas,  on  le  sait,  à  mettre  des  artérioles  en  état  de  contraction  tonique.  Il 
eu  résulte  une  variation  brusque  du  régime  circulatoire  du  corps  entier.  La 
tension  artérielle  est  augmentée  par  suite  de  l'accroissement  des  résistances 
périphériques  dû  à  l'anémie  des  réseaux  cutanés.  Dans  cet  état,  les  centres 
nerveux  ouvrent  par  action  réflexe,  largement,  les  artérioles  qui  commandent  la 
circulation  des  réseaux  capillaires  viscéraux.  Le  poumon,  Tinleslin,  les 
muqueuses,  les  centres  nerveux  encéphaliques,  deviennent  le  siège  d'aires  nom- 
breuses de  pleine  circulation,  comme  l'oreille  après  la  section  du  sympathique 
au  cou  chez  le  lapin,  et  cette  pleine  circulation  s'effectue  sous  une  tension  arté- 
rielle accrue.  En  réalité,  ces  organes  se  trouvent  dans  les  conditions  réalisées 
par  l'expérience  de  Bouchard  [loc.  cit.,  p.  80)  dans  laquelle,  à  la  suite  d'une 


Ô60  IIÉMORRllÂGIE. 

section  unilatérale  du  sympathique  du  cou,  l'on  ne  voit  d'abord  se  produire  dans 
l'oreille  du  lapin  en  expérience  que  la  congestion  habituelle,  mais  où  l'on 
constate  l'apparition  de  ruptures  vasculaires  et  d'ecchymoses,  dès  que,  par  la 
ligature  de  l'aorte  abdominale  et  l'injection  d'une  minime  quantité  d'eau  dans 
le  bout  central  du  vaisseau  lié,  on  a  sulfisamment  accru  la  pression  latérale  du 
sang  dans  les  réseaux  congestionnés. 

Les  hémorrhagies  viscérales  consécutives  à  l'action  du  froid  ne  sont  pas  rares  dans 
les  régions  polaires  quand  la  température  descend  à  — 40  degrés  Réaumur  et  qu'il 
fait  du  vent  (Bogorodsky),  elles  se  produisent  chez  les  Groenlandais,  les  Esquimaux 
ou  les  Kamschadalcs,sousfornie  d'épistaxis  fréquentes  et  plus  rarement  sous  celle 
d'hémoptysies.  On  connaît  la  statistique  d'Alison  et  d'Ileberden  (Alison,  Outlines 
of  Plujsiology  and  PatJiologij),  qui  font  voir  qu'i'n  regard  des  froids  terribles  de 
1799  on  constate  une  augmentation  considérable  dans  le  chiffre  des  apoplexies 
cérébrales.  Le  cas  de  Bamberger,  cité  par  Bouchard,  est  tout  aussi  instructif.  Un 
jeune  homme  échaulfc  par  le  travail  se  jette  dans  une  rivière,  perd  connaissance 
et  reste  hémiplégique  pendant  plusieurs  mois.  Ici  le  flux  amené  par  ce  froid  avait 
sans  doute  agi  sur  des  vaisseaux  déjà  malades,  anévrysmaliques,  constituant  une 
pars  recipiens  de  la  fluxion  mal  disposée  pour  y  résister,  mais  qui,  sans  cette 
circonstance,  auraient  encore  probablement  tenu  bien  longtemps. 

Dans  (juebjues  circonstances,  la  chaleur  excessive  peut  devenir  de  son  côté 
l'origine  d'hémorrhagies  à  la  peau.  Mais  elle  agit  d'une  façon  tout  autre  que  le 
froid,  en  frappant  d'atonie  tous  les  petits  vaisseaux  contractiles  du  tégument  et 
en  les  faisant  ainsi  devenir  le  siége'd'une circulation  d'une  intensité  extrême,  en 
même  temps  que  très-probablement  elle  ramollit  les  parois  capillaires  en  vertu 
d'une  action  purement  physique.  Quoi  qu'il  en  soit  de  cette  explication,  Cl.  Ber- 
nard a  constaté  à  plusieurs  reprises  l'existence  d'ecchymoses  sur  des  lapins 
morts  à  la  suite  dune  élévation  trop  considérable  de  la  température  de  l'air 
au  sein  duquel  il  les  confinait  afin  d'étudier  les  effets  de  l'accroissement  de  la 
chaleur  ambiante  sur  l'organisme. 

Il  est  d'observation  vulgaire  (|ue  l'excitation  de  certains  organes  détermine 
sur  place  ou  à  distance  des  fluxions  liémorrhagipares.  C'est  ainsi  qu'on  peut 
expliquer  les  hémorrhagies  utérines  ou  vésicales,  ou  encore  les  néphrorrhagies 
consécutives  à  l'abus  du  coït,  à  l'existence  de  corps  fibreux  interstitiels;  les 
épistaxis  satellites  d'altérations  viscérales  siégeant  du  même  côté,  par  exemple, 
celles  qui  se  produisent  par  la  narine  droite  dans  une  pneumonie  droite  (Bou- 
chard), ou  par  la  narine  gauche  dans  les  affections  hépatiques,  suivant  l'antique 
remarque  de  Galien.  L'irritation  nerveuse  peut  donc  se  réfléchir,  sous  forme  de 
fluxion  hémorrhagipare,  ou  sur  le  point  irrité,  ou,  suivant  l'enchainement 
anatomique  des  éléments  nerveux,  provoquer  la  congestion  et  rompre  les  vais- 
seaux dans  un  autre  organe.  C'est  ici  qu'apparaît  pleinement  le  rôle  de  la  pars 
recipiens.  L'observation  clinique  montre  que,  dans  la  majorité  des  cas,  elle 
constitue,  de  par  ses  aptitudes  pathologiques  chez  le  sujet,  un  lieu  de  moindre 
résistance. 

Cela  est  surtout  vrai  des  hémorrhagies  dites  supplémentaires,  soit  du  flux 
cataménial,  soit  de  tout  autre  flux  tel  que  l'héraorrhoïdaire.  Le  mouvement  de 
répartition  désordonnée  du  sang,  qui  a  pour  point  de  départ  les  modifications 
survenues  dans  le  régime  circulatoire  habituel  des  parties  mandantes  :  le  système 
utéro-ovarien  ou  les  réseaux  hémorrhoïdaires,  détermine  alors  de  préférence  la 
réplétion  au  maximum  des  vaisseaux  d'organes  qui  sont  le  siège  habituel  de 


IIÉMORRIIAGIE.  501 

déterminations  congestives.  C'est  ainsi  que  les  hémoptysies  supplémentaires  ou 
satellites  des  règles  s'observent  de  préférence  chez  les  femmes  dont  les  poumons 
sont,  ou  ont  été  autrefois  envahis  par  des  tubercules  ou  qui  sont,  chez  certains 
arthritiques,  le  lieu  de  prédilection  des  congestions  symptomatiques  de  la  goutte 
viscérale.  J'ai  pu,  durant  de  longues  années,  observer  cette  forme  d'hémoptysie 
chez  une  personne  issue  d'une  race  de  goutteux,  dont  les  enfants  sont  goutteux 
aussi  presque  tous  et  qui,  depuis  vingt  ans  que  je  l'ausculte,  ne  m'a  pas  fourni 
le  moindre  signe  de  la  tuberculisatiou  pulmonaire  inconnue  dans  sa  famille. 
Mais,  par  contre,  elle  est  prise  tous  les  deux  ou  trois  ans  de  congestions  pulmo- 
naires intenses,  fugaces,  accompagnées  d'intolérables  douleurs  intercostales,  se 
caractérisant  par  une  pluie  de  râles  d'œdème  dans  toute  la  hauteur  du  poumon 
intéressé,  et  s'accompagnant  de  crachats  rouilles.   De  même  la  suppression  des 
hémorrhoides  peut  donner  naissance  à  des  hémorrhagies  massives  de  l'estomac 
chez  les  anciens  alcooliques.  J'ai  eu  l'occasion  d'en  observer  un  cas  trois  jours 
après  l'enlèvement  d'un  paquet  hémorrhoïdal  volumineux  fait  à  l'aide  de  l'écra- 
seur  linéaire.  Le  vomissement  de  sang  fut  si  considérable  et  si  répété  que  la 
mort  fut  imminente  et  que  le  malade  fut,  dans  sa  convalescence   compliquée 
d'un  état  liydrémique  marqué,   emporté  par  une  pneumonie  intercurrente.  Il 
n'avait  ni  cancer,  ni  ulcère  de  l'estomac,  mais   les  lésions   ordinaires  de  la 
gastrite  atrophique  des  buveurs  (roy.  Estomac  \ Pathologie  générale]).  L'exis- 
tence des  hémorrhagies  supplémentaires  a  été  de  nos  jours  vivement  contestée; 
les  exemples  précédents,  choisis  entre  mille,  montrent  cependant  qu  on  doit  en 
admettre  la  réalité.  Mais  on  doit  toujours  soupçonner  d'un  état  morbide  anté- 
rieur les  organes  situés  à  distance  de  la  pars  mandans  et  qui   deviennent  le 
siège  de  l'écoulement  du  sang  :  car,  dans  la  majorité  des  cas,  le  système  nerveux 
semble  choisir  un  organe. malade,  prédisposé  aux  ruptures  vasculaires,  pour  y 
réfléchir  la  congestion  hémorrhagipare.  Quelle  est  maintenant  la  raison  déter- 
minante de  ce  choix?  Nous  l'ignorons.  Nous  constatons  simplement  ici  l'exacti- 
lude  du  vieil  adage  uhi  stimulus,  ihi  fluxus ;  cependant,  si  l'on  voulait  faire 
une  hypothèse,  on  pourrait  faire  intervenir  parmi  les  raisons  du  choix  fait  par 
le  réflexe  qui  détermine  l'hémorrhagie  la  Ihcorie  de  la  succion  [succion  power) 
reproduite  sous  une  forme  scientifique  et  acceptable  jusqu'à  un  certain  point 
par  Diaper,  et  étudiée  soigneusement  il  y  a  vingt  ans  déjà  par  Brown-Séquard 
{Course  of  Lectures  of  the  Physiology  and  Palhology  of  Central  Nervous  Sys- 
tem, p.   174,  et  lecture  X,  passim.   Philadelphia,   4850).  Si  dans  un  réseau 
vasculaire  existe,  de  par  une  lésion  quelconque,  un  mouvement  nutritif  exagéré, 
comme  pourrait  l'être  celui  déterminé  par  une  épine  inflammatoire,  les  actions 
chimiques  qui  se  passent  entre  le  sang  et  les  tissus  sont  aussi  exagérées,   et, 
suivant  Draper,  il  se  passe  sur  ce  point  des  phénomènes  physiques  intra-capil- 
laires  qui  ont  pour  résultat  un  appel  de  sang.  Si,  en  effet,  on  réunit  par  une 
mèche  de  coton   deux  capsules  contenant  l'une  une  base,  l'autre  un  acide, 
un  courant  s'établira  de  l'une  de  ces  capsules  dans  l'autre,  et  d'une  manière 
d'autant  plus  active  que,  les  liqueurs  étant  plus  concentrées,  les  actions  chi- 
miques acquerront  plus  d'intensité.  Je  me  borne  à  formuler  ici  cette  théorie, 
et,  à  l'exemple  de  Bouchard,  je  ne  crois  pas  avoir  à  la  juger. 

Je  prendrai  un  dernier  exemple  d'hémorrhagies  réflexes  proprement  dites 
dans  le  purpura,  local  ou  généralisé,  de  cause  traumatique,  étudié  tout  récem- 
ment par  Paul  Berne  (Étude  sur  quelques  cas  de  purpura  traumatique,  thèse 
de  Paris,  1884).  Cette  forme  dhémorrhagie  établit  en  effet  une  transition  natu- 


'362  IIÉMORRIIAGIE. 

■relie  entre  les  hémorrhagies  réflexes  dont  la  partie  mandante  est  bien  déterminée 
•et  celles  qui  sont  la  conséquence  d'une  action  directe  sur  les  centres  d'un  choc 
émotif.  Berne  a  montré  que  parfois,  à  la  suite  d'un  traumatisme,  on  voit 
apparaître  des  taches  purpuriques  plus  ou  moins  loin  de  l'endroit  directement 
atteint  par  le  traumatisme,  mais  dans  la  région  traumatisée.  11  y  a  dans  ce 
premier  cas  réaction  hémorrhagipaie  sur.  le  point  lésé  et  cette  réaction  paraît 
être  en  rapport  avec  une  lésion  circonscrite  des  filets  nerveux.  Dans  d'antres  cas 
le  purpura  se  généralise  :  il  semble  donc  que  la  lésion  nerveuse  localisée  et  le 
choc  Irauniatique  se  combinent  pour  déterminer  une  action  diffuse  sur  la  moelle, 
■congeslive  dans  l'hypothèse  de  l'auteur,  et  aboutissant  à  la  réllexion  d'actions 
hémorrhagipares  disséminées  sur  une  multitude  de  points,  c'est-à-dire  à  un 
molimen  hémorrhagique  analogue  à  celui  de  la  péliose. 

B.  Flux  hémorrhagipares  réflexes  d'origine  émotive.  Nous  avons  étudié 
en  son  lieu  la  roséole  émotive  et  nous  avons  vu  qu'elle  peut  être  poussée 
jusqu'à  la  production  d'un  érylhème  exsudalif.  Chez  quelques  sujets  elle  devient 
orliée,  l'augnicntation  de  la  tension  du  s:mg  dans  les  vaisseaux  inertes,  consé- 
cutive à  la  paralysie  des  artérioles  conmiandant  la  circulation  dans  chaque  tache, 
est  assez  considérable  pour  amener  la  transsudation  séreuse,  l'œdème  aigu  de 
l'aire  vasculaire  intéressée.  Un  pas  de  plus,  et  le  sang  sortirait  des  vaisseaux. 
Or  la  ])athologie  nous  montre  que  ce  pas  peut  être  franchi.  Connue  le  froid,  le 
choc  émotif  bouleverse  le  régime  circulatoire  normal.  Une  émotion  morale 
vive  permet  de  suivre  ces  variations  circulatoires  sur  la  face  elle-même,  qui 
•rougit  et  pâlit  tour  à  tour.  Parfois  le  spasme  émotif,  intéressant  certains  vais- 
seaux dans  l'aire  desquels  s'effectuait  une  hémorrliagie,  supprime  cette  dernière 
•d'un  coup;  c'est  ce  qui  arrive  pour  les  règles  dans  nombre  de  cas.  .Mais  les 
congestions  émotives  peuvent  par  contre  être  si  intenses  qu'elles  déterminent 
l'héniorrhagie,  font  saigner  du  nez,  ou  cracher,  ou  même  suer  (Parrot)  le  sang 
•chez  les  prédisposés  à  ces  trois  formes  d'hémorrhagies,  chez  les  chlorotiques  ou 
les  phtilisiques,  par  exemple.  D'autres  fois,  mais  plus  rarement,  le  choc  émotil 
agit  à  la  façon  du  choc  traumatiqiie  dont  nous  venons  de  signnler,  avec  Berne, 
l'inlluence  hémorrhagipare.  Il  semble  créer  d'emblée  une  diathèse  hémorrha- 
gique réalisant  le  syndrome  de  la  maladie  de  Werlhoff.  C'est  ainsi  que  se  pas- 
sèrent les  choses  dans  le  cas  célèbre  de  Gilibert.  A  Lyon,  durant  la  Terreur,  un 
homme  est  arrêté  par  méprise,  puis  bientôt  mis  en  liberté.  En  rentrant  dans  sa 
maison  il  s'aperçoit  qu'il  est  couvert  de  taches  purpuriques,  il  aune  épistaxis lé- 
gère, puis  quelques  jours  après  il  est  pris  d'un  énorme  melaîna  et  meurt  sur  sa 
chaise  percée,  tué  par  la  perte  excessive  de  sang.  Le  cas  rapporté  par  Lancereaux 
[Analomie  pathologique,  t.  I,  p.  562)  est  absolument  du  même  ordre.  Un 
ouvrier  éprouve  une  frayeur  profonde  en  manquant  de  briser  un  meuble  de 
prix;  presque  immédiatement  il  est  pris  d'épistaxis,  de  stomatorrhagies,  qui  se 
renouvellent  et  qui  Tépuisent,  puis  viennent  un  purpura,  des  épistaxis  nou- 
velles, et  le  malade  meurt  couvert  de  taches  pui'puriques,  et  présentant  des 
points  ecchymotiques  multiples  dans  les  méninges  et  dans  le  cerveau. 

Ainsi  une  émotion  morale  vive  peut  déterminer,  en  dehors  de  toute  irritation 
grave  localisée,  une  perturbation  du  système  nerveux  telle,  qu'elle  aboutit  à  des 
mouvements  fluxionnaires  assez  intenses  pour  déterminer  une  hémorrliagie,  et 
môme  pour  étabhr  à  demeure  dans  l'organisme  la  tendance  aux  hémorrhagies 
multiples,  disséminées  et  répétées,  \a.  diathèse  hémorrhagique,  en  un  mot.  Mais 
c'est  surtout  chez  les  sujets  dont  le  système  nerveux  est  déjà  doué  d'une  suscep- 


IIÉMOIIRIIAGIE.  5G5 

libilité  maladive;  chez  les  femmes,  chez  les  névropathes  du  sexe  masculin, 
chez  ceux  qu'en  un  mot  l'on  pourrait  grouper  sous  le  nom  de  nerveux,  et  qui 
deviennent  ï^i  aisément  névrosiqiies,  que  l'on  voit  le  choc  émotif  exercer  se'i'ieu- 
sement  de  préférence  la  série  de  ses  effets  nuisibles,  et  parmi  eux  les  conges- 
tions hémorrhagipares.  Cette  considération  nous  amène  à  nous  occuper  dès 
maintenant  des  hémorrhagies  qui,  à  la  façon  de  phénomènes  satellites  ou  de 
conséquences,  se  produisent  suivant  divers  modes  dans  le  cours  des  névroses 
vraies. 

C.  Flux  hémorrhagipares  réflexes  et  cVorigine   névrosique.     Nous   pren- 
drons pour  type  les  hémorrhagies  symptomatiques  de  l'épilepsie;  ces  hémor- 
rhagies peuvent  se  montrer  soit  comme  aura,   soit  au  contraire  comme  pliéno- 
mènes  critiques  à  la  suite  de  l'accès,  enfin  elles  se  produisent  parfois  pendant 
sa  durée,  en  dehors  de  tout  effet  mécanique  appréciable  que  l'on  puisse  rapporter 
à  l'effort.  Ces  phénomènes  hémorrhagiques  ont  été  surtout  étudiés  par  Rengade 
et  Raynaud  [Recherches  statistiques  sur  les   accidents  produits  par  Vaccès 
épileptiqué)    et  affectent   le   plus  ordinairement    l'apparence   de  pliénomènes 
consécutifs  à  l'accès.  On  a  cité  le  cas  d'un  épileptiqué  (jui,  à  la  suite  de  chaque 
attaque,   avait  une  hémoptysie   abondante.   Chez  d'autres,   il   se  produit  une 
hématémèse,  une  entérorrhagie  avec  mélaîna,    un   pissemcnt   de  sang  ou  un 
accès  d'hématidrose,    ou    sueur    sanglante  siégeant  de  préférence  à  la  paume 
des  mains  et  parfois  au  niveau  des  parties  génitales. 

Les  hémorrhagies  symptomatiques  de  ïhy^térie  sont  encore  plus  fréquentes 
que  celles  satellites  du  mal  comitial,  et  aucun  médecin  ne  met  aujourd'hui 
leur  existence  en  doute.  Leur  rclat'ion  avec  les  accès  est  beaucoup  moins  nette, 
ce  qui  du  reste  n'est  nullement  étonnant  dans  une  maladie  à  manifestations 
irrégulières  et  désordonnées,  et  dont  toutes  les  déterminations  symptomatiques 
sont  soumises  à  la  même  loi  d'irrégularité.  L'une  des  manifestations  hémor- 
rhagiques de  l'hystérie  les  plus  communes  est  sans  contredit  la  fausse  hémo- 
ptysie, qui  se  produit  ordinairement  au  début  ou  au  cours  de  ces  sortes  d'accès 
légèrement  fébriles,  accompagnés  d'état  saburral,  de  fétidité  prononcée  de 
l'haleine,  d'anorexie  et  d'un  peu  de  fièvre,  que  Lorain  avait  l'habitude  de 
<lésigner  sous  le  nom  de  fièvre  hystérique.  Des  congestions  plus  ou  moins  per- 
sistantes de  la  face,  de  la  poitrine,  du  tronc  à  sa  partie  supérieure  et  des 
extrémités,  se  montrent  dans  ce  cas.  La  cavité  gutturale  participe  à  cet  état 
congeslif,  analogue  à  celui  qu'on  rencontre  chez  certains  aménorrhéiques,  et 
un  stillicidium  sanguin  se  foit,  soit  dans  le  cavum  des  fosses  nasales  (point 
faible  à  cause  de  la  disposition  des  vaisseaux  au  niveau  de  la  glande  de  Lacau- 
chie),  soit  sur  la  muqueuse  de  Schneider  ou  enfin  à  la  sertissure  des  dents.  Les 
malades  rendent  du  sang  noir  mêlé  intimement  à  la  salive  et  qu'on  ne  peut 
vraiment  confondre  avec  celui  qui  résulte  d'une  hémorrhagic  bronchique.  Mais 
dans  certains  cas  des  hémoptysies  vraies  se  produisent  et  peuvent  simuler  celles 
des  tuberculeux.  Tel  est  le  cas  du  jeune  homme  hystérique  cité  par  Debove  et 
qu'il  guérit  par  la  suralimentation  associée  au  traitement  approprié  à  sa  névrose. 
Lancereaux  [lac.  cit.)  rapporte  des  cas  de  ce  genre  et  signale  aussi  des  gastror- 
rhagies,  des  épistaxis  et  des  hémorrhagies  interstitielles  principalement,  dit-il, 
du  côté  gauche  le  plus  ordinairement  ancsthésié.  Mais  de  toutes  les  hémorrhagies 
liées  à  l'état  hystérique  les  plus  remnrquables  sont  celles  des  sujets  stigmatisés. 
Ces  hémorrhagies,  dont  le  type  peut  être  fourni  par  celles  de  la  jeune  malade 
du  Bois-d'Haine,  Louise  Lateau  (Warloraont,  Bévue  scientifique,  10  avril  1875), 


364  IlÉMORRHAGIE. 

se  produisent  sur  des  points  précis  ù  la  situation  desquels  la  malade  attache 
une  importance  dogmatique.  Ce  sont,  par  exemple,  les  points  du  te'guraenl 
répondant  aux  plaies  sacrées  du  Christ.  A  des  jours  fixes,  on  voit  sourdre  du 
sang  à  la  place  désignée  comme  ayant  été  percée  de  clous,  de  coups  de  lance, 
déchirée  par  les  épines  de  la  couronne.  Le  sang  coule  de  là  comme  d'une 
source,  à  peu  près  comme  on  le  voit  dans  l'iiématidrose.  Dans  les  intervalles 
des  accès  hémorrhagiques  il  existe  à  peine  un  point  rouge  révélant  une  habi- 
tude congestive  et  une  auréole  ecchymotique  légère,  indi  |uant  qu'à  chaque 
poussée  héniorrliagipare  le  sang  s'est  épanché  en  une  petite  nappe  interstitielle. 
Les  relations  de  ces  sortes  d'héniorrhagie  avec  la  névrose  hystérique,  les  in- 
fluences psychiques  d'ordre  émotif,  et  la  sueur  de  sang  d'origine  névrosique, 
apparaissent  d'elles-mêmes  aux  yeux  du  médecin.  Mais  il  est  vrai  de  dire  que 
leur  mécanisme  intime  échappe  ahsolument  à  l'analyse  :  aussi,  dans  de  pareils 
faits,  le  vulgaire  continuera  longtemps  à  voir  des  miracles. 

La  sueur  de  sany,  les  larmes  de  sang,  sont  des  phénomènes  du  même  ordre, 
liés  égalenient  soit  avec  l'hystérie,  soit  avec  les  états  névropathiques  ou  névral- 
giques divers,  comme  mon  maître  Parrot  l'a  si  bien  montré  dans  son  travail 
justement  célèbre  sur  l'hémalidrose.  Ici,  il  s'agit  de  déterminations  hémor- 
rhagiparcs  sur  les  nerfs  moteui's  glandulaires  qui,  ainsi  que  l'ont  mis  hors  de 
doute  les  recherches  de  Navrocki,  Luchsinger  et  Yulpian,  exercent  sur  les  glandes 
sudoriparcs  la  même  influence  que  la  corde  du  tympan  sur  la  sous-maxillaire, 
ou  la  branche  lacrymale  du  rameau  de  Willis  sur  la  glande  aquipare  de  l'orbite, 
la  lacrymale,  identique  dans  sa  structure  et  son  fonctionnement  à  la  parotide. 

Le  sang  qui  sort  en  rosée  par  les  orifices  émissaires  des  glandes  sudoripares 
dans  la  sueur  de  sang  ou  dans  les  pleurs  de  sang  est  complet  et  le  plus  souvent 
spontanément  coagulable  (Parrot,  Damalix).  Il  s'agit  donc  ici  d'hémorrhagies 
véritables,  mais  l'anatomie  pathologique  ne  nous  a  pas  encore  montré  s'il  s'agit 
dans  ces  cas  de  ruptures  vascuiaires  ou  d'hémorrhagies  diapédétiques.  Ce  que 
nous  savons  de  l'état  des  glandes  animées  par  des  nerfs  moteurs  glandulaires 
au  moment  oii  elles  sont  en  pleine  activité  ne  nous  renseigne  pas  suffisamment 
sur  le  mécanisme  possible  de  l'hémorrhagie.  La  fluxion  locale  amenée  autour 
de  la  glande  par  l'inertie  des  vaisseaux  afférents  au  moment  où  elle  se  met  en 
activité  est  toujours  intense  et  se  marque  par  l'œdème  périglandulaire.  Dans 
l'état  sudoral  soutenu,  de  même  que  pendant  le  fonctionnement  de  la  glande 
lacrymale,  le  tissu  connectif  lâche  qui  entoure  la  glande  est  gorgé  de  sérosité 
et  d'innombrables  globules  blancs.  Mais  de  là  à  l'hémorrhagie  il  y  a  loin 
encore,  surtout  si  l'on  prend  soin  de  remarquer  que  les  effusions  de  larmes  les 
plus  continues,  de  même  que  la  prolongation  d'un  état  sudoral  intense  tel  que 
celui  que  l'on  observe  dans  les  deux  ou  trois  premiers  jours  de  la  variole,  ne 
donnent  jamais  lieu  ni  à  des  larmes,  ni  à  de  la  sueur  de  sang,  même  dans  les 
cas  de  variole  héraorrhagique.  La  physiologie  et  l'anatomie  pathologiques  des 
effusions  de  sang  par  voie  glandulaire  et  résultant  d'un  réflexe  localisé  sur  les 
nerfs  qui  mettent  les  glandes  en  mouvement  restent  donc  extrêmement 
obscures. 

Avant  de  passer  à  l'étude  pathogénique  des  hémorrhagies  réflexes  qui  nous 
restent  à  étudier,  et  dans  lesquelles  l'origine  du  mouvement  congestif  n'est 
plus  exclusivement  renfermée  dans  le  domaine  du  système  nerveux,  mais  paraît 
prendre  sa  source  dans  une  incitation  émanant  du  liquide  sanguin  modifié  par 
la  maladie,  nous  devons  dire  un  mot  de  cet  état  mal  défini  que  l'on  appelle  la 


HÉMORRHAGIE.  365 

pléthore  sanguine  et  qui,  pour  les  anciens  médecins,  occupait  l'un  des  premiers 
rangs  parmi  les  troubles  généraux  de  l'organisme  au  point  de  vue  de  l'influence 
hémorrhagipare.  Pour  tout  le  monde,  pendant  bien  longtemps,  la  pléthore 
caractérisée  par  la  surabondance  et  la  richesse  excessive  du  sang  considéré  en 
tant  qu'agent  et  instrument  de  la  nutrition  était  la  cause  maîtresse  des  hémor- 
rhagies,  en  vertu  même  de  cette  idée  galéniquc  que  l'éruption  du  sang  s'opère 
quand  et  toutes  les  fois  que  les  parties  destinées  à  le  recevoir  ne  peuvent  plus 
lui  permettre  de  prendre  place. 

Et  de  fait,  il  s'agit  ici  de  la  pléthore  de  Galien,  la  pléthore  af/jiasa,  dont  on 
a  beaucoup  plus  parlé  en  termes  vagues  qu'on  ne  l'a  décrite  et  définie  exacte- 
ment, même  comme  syndrome.  C'est  cet  état  que  Gendrin  {Trait,  phil.  de 
méd.  pratique,  t.  I,  p.  24)  décrivait  en  1858  sous  le  nom  de  polyaimie,  «  La 
pléthore  générale,  disait-il,  que  nous  désignons  aussi  sous  le  nom  à'étal  fluxion- 
naire  ou  de  polyaimie,  se  caractérise  par  l'apparence  d'une  surabondance  de 
sang  dans  les  vaisseaux  ou  d'une  aclion  exagérée  de  tout  l'appareil  sanguin  à 
sang  rouge.  »  Pour  lui  donc  déjà,  comme  pour  la  plupart  des  médecins  de  nos 
jours,  la  pléthore  avait  cessé  d'être  comprise  comme  un  état  résultant  de 
l'augmentation  proprement  dite  de  la  masse  ou  de  la  richesse  globulaire  du 
sang  pour  devenir  un  état  caractérisé  par  des  congestions  faciles,  répétées,  en 
un  mot,  par  des  mouvements  de  répartition  désordonnés  et  habituels  du  sang 
dans  diverses  régions.  C'est  aussi  de  cette  manière  que  la  conçoit  Bouchard.  En 
réalité,  on  sait  à  peine  très-approximativement  quelle  est  la  masse  du  sang  chez 
quelques  animaux,  grâce  aux  recherches  de  Malassez  sur  ce  point  et  aux  métliodes 
qu'il  a  établies  pour  les  effectuer  :  méthodes  qui  supposent  que  l'on  recueille 
tout  le  sang,  qu'on  lave  les  vaisseaux,  qu'on  traite  les  organes  réduits  en  hachis 
par  le  sérum  artificiel.  Cela  revient  à  dire  qu'on  est  loin  de  savoir  comment 
chez  l'homme  malade  varie  la  crase  du  sang  au  point  de  vue  de  sa  masse 
totale.  On  est  donc  réduit  à  constater  des  apparences  de  surabondance  de  sang 
dans  certaines  régions  :  congestions  de  la  lace  amenant  l'injection  des  conjonc- 
tives, la  pesanteur  de  tête,  des  bourdonnements  d'oreilles,  des  vertiges,  tumé- 
faction des  veines  périphériques,  agitation,  fourmillements,  tendance  au  sommeil 
qui  est  troublé  par  des  rêves  comme  chez  les  alcooliques;  pouls  plein  et  large 
à  diastole  artérielle  soutenue  ;  enfin  battements  énergiques  du  cœur  à  l'habitude 
et  palpitations  passagères  :  tel  est  le  tableau  de  la  pléthore  esquissé  par  les 
auteurs  classiques.  iMais  en  dehors  de  cette  sorte  de  physionomie  générale  de 
l'état  pléthorique  on  n'a  rien  approfondi.  Les  uns  font  de  la  pléthore  générale 
le  satellite  obligé  de  la  constitution  sanguine  ;  les  autres  le  rattachent  de  préfé- 
rence à  la  constitution  bilieuse.  Tous  s'accordent  à  dire  que  cet  état,  lorsqu'il 
est  entièrement  développé  cliez  un  sujet,  ne  subsiste  avec  tous  ses  caractères 
que  d'une  façon  épisodique.  «  La  terminaison  de  la  pléthore  se  fait  souvent 
d'une  manière  lente  et  sans  phénomènes  appréciables;  d'autres  fois,  cet  état 
cesse  subitement  après  une  sueur  spontanée  abondante,  ou  un  flux  d'urines,  ou 
par  des  évacuations  alvines  d'une  abondance  extraordinaire,  mais  le  plus  souvent 
c'est  la  production  d'une  hémorrhagie  qui  termine  subitement  cet  état  morbide  » 
(Gendrin,  loc.  cit.,  t.  I,  p.  25). 

Au  fur  et  à  mesure  que  la  science  médicale  progresse,  certains  états  morbides 
dans  lesquels  l'habitude  congestive  est  accusée,  venant  à  être  distingués  des 
autres  avec  lesquels  ils  étaient  restés  jusque-là  confondus,  se  détachent  du 
groupe  des  pléthores  essentielles  et  se  réduisent  à  leur  valeur,  celle  d'états 


565  UÉMOHRHAGIE. 

congeslifs  symptomatiques.  C'est  ainsi  que  la  fausse  pléthore  des  glycosuriques 
est  devenue  un  simple  attribut  du  diabète.    AcUiellement  même   l'apparence 
pléthorique  des  arthritiques  et  de  certains  herpétiques  est  très-généralement 
reconnue  comme  n'indiqu;int  nullement  chez  l'individu  la  surabondance  de  la 
masse  totale  du  sang,   mais  bien  une  tendance  diathésique  aux  mouvements 
fluxiormaires  vers  la  tête,    les   extrémités,   le  système  'vasculaire    abdominal 
(Luton).  Cela  revient  à  dire  que  les  hémorrhagies  dites  pléthoriques,  lorsqu'elles 
se  produisent,  ne  sont  autre  chose  que  le  résultat  de  mouvements  fluxionnaires 
réflexes  habituels  et  poussés  à  l'extrême.  Ce  ne  sont  point  des  hémorrhagies  de 
cause  hémopathique,  mais  d'origine  purement  nerveuse.   D'ailleurs  le  système 
nerveux  tout  entier  est  alors   nettement  touché    Les  malaises  engendrés  par 
l'habitude  congestive  de  certains  réseaux  vasculaires  se  caractérisent  par  l'an- 
goisse, la  dyspnée,  la  tension  des  hypochondres,  aboutissant  à  un  état  mélanco- 
lique et  parfois  même  à  des  vésanies.  Quoi  de  plus  semblable  à  l'état  de  tension 
générale  cl  d'équilibre  instable  du  système  nerveux  qui  précède  chez  les  femmes 
l'hémorrliagie  menstruelle  physiologique,   et  qui  s'accompagne  si  souvent  de 
congestions  extra-utérines  parfois  poussées  jusqu'à  l'ecchymose,  comme  on  le 
voit  aux  paupières  dans  certains  sujets  I  Le  tout   aboutit  à  une  épistaxis,  ou  à 
une  poussée  héuiorrhoïdaire  suivie  de  Uux  hémorrhagique.  Au  bout  d'un  certain 
temps,  parfois  à  des  époques  périodiques,  les  congestions  habituelles  s'exagèrent 
de  nouveau,  les  malaises  se  reproduisent,  une  nouvelle  hémorrhagie  s'effectue 
au  niveau  des  mêmes  points,  qui  sont  des  loci  minoris  resistenliœ.  Une  habitude 
morbide,   analogue  à  l'habitude  cataméniale  chez    la  femme,    s'établit  alors. 
Luton  me  paraît  avoir  grandement  raison  lorsqu'il  comprend  ainsi  (Dictionnaire 
de  médecine  et  de  chirurgie  pratiques,  art.  Pléthore,  p.  159)  la  pléthore, 
mais  il  me  semble  par  contre  moins  bien  inspiré  en  continuant  à  attribuer  cet 
étal  à  une  surabondance  de  la  masse  totale  du  sang  que  personne  jusqu'ici  n'a 
pu  conslaler. 

D.  Flux  hémorrhagipares  réflexe?,  d'origine  dyscrasique.  11  est  mainte- 
nant certain  que  le  sang  est  incapable  d'ouvrir  les  vaisseaux  qui  le  renferment 
par  la  simple  action  de  ses  éléments  propres  sur  les  parois  vasculaires,  à  moins 
qu'on  n'invoque  l'activité  des  globules  blancs  qui,  eux,  sont  parfaitement  aptes 
à  traverser  les  membranes  des  petits  vaisseaux  dans  le  phénomène  de  la  diapé- 
dèse.  Mais  ce  phénomène  est  si  général  dans  l'état  sain  et  dans  l'état  morbide, 
il  est  si  nettement  en  relation  avec  les  variations  de  vitesse,  du  cours  du  sang 
et  de  tension  intra-vasculaire  de  ce  même  liquide,  que  les  effets  de  la  diapédèse 
doivent  être  considérés  entièrement  à  part,  en  tant  que  favorisant,  préparant  ou 
même  créant  les  conditions  nécessaires  et  suffisantes  à  la  production  des  hémor- 
rhagies. De  plus,  quand  le  sang  se  coagule  dans  les  vaisseaux  et  est  emporté  à 
l'état  d'emboles,  ou  que  les  globules  blancs  devenus  trop  nombreux,  trop 
volumineux  ou  même  en  partie  inertes,  comme  il  arrive  dans  la  leucémie 
(OUivier  et  Ranvier),  déterminent  par  leur  arrêt  sur  un  point  des  obstructions 
vasculaires,  origine  d'hémoiThigies  réalisant  le  type  des  infarctus,  l'éruption 
de  sang,  comme  nous  le  verrons  plus  loin,  est  de  cause  à  la  fois  organique  et 
mécanique,  et  mérite  encore  dans  ce  cas  d'être  considérée  à  part.  Il  en  est  de 
même  quand  le  sang  entraîne  dans  son  cours  et  vient  bloquer  sur  des  éperons 
séparant  de  tout  petits  vaisseaux  des  colonies  parasitaires  de  mycodermes  (par 
exemple,  Actinomycose)  ou  de  schizomycètes  (par  exemple,  Pyémie,  Septicémie, 
Morve).  L'hémorrhagie,   quand   elle   se  produit,  est  alors  la   conséquence   de 


IlÉMORRHAGIE.  Ô67 

l'arrêt  du  petit  embolus,  et  non  celle  de  l'empoisonnement  du  sang  à  proprement 
parler. 

Le  sang  coule  donc  inerte  dans  les  vaisseaux,  même  lorsqu'il  est  empoi- 
sonné, comme,  par  exemple,  dans  le  cas  d'intoxication  par  l'oxyde  de  carbone  ou 
les  cyanures,  qui  ont  accaparé  l'hémoglobine  et  spolie  les  globules  rouges  de 
l'oxygène  qui  leur  donne  toute  leur  valeur.  Lorsque  des  hémonhagies  se  pro- 
duisent, conséculivement  à  un  empoisonnement  du  sang  de  cause  chimique, 
parasitaire  ou  zymotique  (sous  ce  nom  l'on  doit  encore  désigner  les  intoxications 
dont  le  principe  est  inconnu  et  n'a  pu  encore  êlre  ramené  aux  deux  formes^ 
précédentes),  le  pathologiste  est  en  droit  d'iucriminer  deux  circonstances  bémor- 
rhagipares  principales  :  1°  l'action  sur  les  petits  vaisseaux  des  particules  du 
poison  disséminées  par  le  courant  circulatoire;  2°  l'action  du  sang  empoisonné 
sur  l'ensemble  du  système  nerveux.  Le  vieil  adage  Sanguis  moderator  nervo- 
rum  reste  eu  effet  toujours  applicable,  et,  si  les  lésions  nodulaires  déterminées 
par  la  dissémination  des  agents  de  l'empoisonnement  peuvent  créer  sur  place 
des  réactions  inflammatoires,  nécrosiques  ou  hémorrhagiques,  rentrant  néces- 
sairement dans  le  cadre  des  causes  de  l'hémorrhagie  d'origine  organique,  on 
doit  d'aulre  part  mettre  en  ligne  de  compte  les  manifestations  congcslives  qui 
résultent  de  l'action  du  sang  empoisonné  sur  les  centres  nerveux.  Ce  sont  ces 
manifestations  dont  je  veux  signaler  l'existence  dans  ce  paragraphe.  Quant 
aux  actions  locales  exercées  par  les  molécules  du  poison  réparties  sur  divers 
points,  nous  nous  en  occuperons  plus  loin. 

Nous  avons  vu  que  le  choc  émotif  ou  un  traumatisme  peuvent  devenir  l'origine 
de  réflexes  congestifs  hémorrhagipares  disséminés  et  aboutissant  à  la  produc- 
tion d'un  exanthème  pétéchial,  d'un  purpura.  C'est  très-probablement  à  un 
mécanisme  analogue,  mais  dont  l'origine  est  dans  l'action  du  sang  empoisonné 
sur  les  centres  nerveux,  que  sont  dus  les  exanthèmes  hémorrhagiques  de  la 
péHose  rhumatismale  et  des  fièvres  graves  :  variole,  rougeole,  scarlatine,  dans 
leur  forme  hémorrhagique.  Nous  ne  savons  pas  encore  si  ici  le  contage  participe, 
par  son  action  locale,  à  la  production  des  ruptures  vasculaires.  Au  demeurant, 
la  cause  qui  détermine  l'hémorrhagie  paraît  surtout  résider  dans  l'intensité 
même  de  la  congestion  réflexe  au  niveau  des  points  où  elle  se  produit  normale- 
ment, disséminée  au  gré  du  système  nerveux,  qui  choisit  véritablement  les  aires 
vasculaires  à  paralyser  pour  y  distribuer  les  lésions  élémentaires  de  l'exanthème. 
C'est  ce  que  montre  bien  l'étude  de  l'érythème  polymorphe,  auquel  j'ai  si 
souvent  fait  allusion  dans  cet  article,  et  où  l'on  voit  réunies,  dans  une  même 
efflorescence  cutanée,  des  lésions  disparates  allant  de  l'érythème  à  l'hémor- 
rhagie en  passant  par  une  forme  intermédiaire,  l'œdème  aigu.  Mais,  en  dehors 
de  cette  notion  générale,  nous  devons  reconnaître  que  la  pathogénie  de  l'hémor- 
rhagie, dans  une  lésion  élémentaire  telle  qu'une  pustule  variolique,  par  exemple, 
est  encore  tout  ce  qu'il  y  a  en  physiologie  pathologique  de  plus  obscur.  Sans 
doute  beaucoup  de  causes  secondaires,  en  dehors  ou  à  coté  de  l'intensité  de  la 
fluxion  localisée,  interviennent  pour  réaliser  l'hémorrhagie  :  par  exemple,  le 
ramollissement  des  vaisseaux  peut  êlre  consécutif  à  la  diapédèse  intense  au 
niveau  de  la  pustule,  car  ce  ramollissement  est  norm;ilement  si  marqué  qu'ils 
ne  tieiineut  plus  les  injections  même  de  bleu  soluble  pratiquées  sous  faible 
pression.  Ce  simple  exemple  montre  bien  la  complexité  du  sujet  qui  nous 
occupe  et  justifie  les  réserves  que  nous  devons  faire  à  chaque  pas. 

Il  faut  néanmoins  reconnaître  que  les  congestions  réflexes  d'origine  toxique 


368  IIÉMORRHAGIE. 

prennent  une  large  part  à  la  production  des  hcmorrhagies  dans  les  intoxications, 
soit  par  des  agents  chimiques  (iodisme  —  intoxication  arsenicale,  —  intoxication 
par  les  acides  forts  et  les  dissolvants  du  sang,  gallates  alcalins  et  acides  biliaires), 
soit  par  les  poisons  zymotiques,  parasitaires  avérés  ou  non  encore  reconnus. 
L'influence  nerveuse  est  évidente  dans  les  hémorrhagies  périodiques  d'origine 
palustre  (fièvre  hémoptoïque)  ou  dans  celles  qui  se  produisent  à  titre  de  satel- 
lites des  névralgies  également  rhythmées  (Marotte),  qui  vraisemblablement  ne 
sont  autre  chose  que  des  formes  larvées  de  la  malaria.  Elle  est  moins  évidente 
dans  les  hémorrhagies  symptomatiques  du  typhus  exanthématique,  do  la  peste 
et  du  scorbut,  bien  que,  dans  ces  dernières  maladies,  la  forme  exanthématique 
même  des  lésions  hémorrhagiques  montre  qu'il  y  a  eu,  dans  l'organisme,  un 
effort  de  dislribulion,  électif  en  quelque  sorte,  dont  le  système  nerveux  semble 
seul  capable. 

Les  hémorrhagies  ducs  à  une  intoxication  du  sang  par  les  matières  putrides 
forment,  au  sein  des  hémorrhagies  de  cause  dyscrasique,  un  groupe  naturel 
sur  lequel  il  importe,  je  crois,  d'insister  un  moment.  L'exanthème  de  la  péliose, 
l'érythèmc  noueux,  l'érythème  polymorphe,  de  même  que  les  taches  ecchyrao- 
tiqucs  en  nappes  dissémincfes  à  la  surface  du  tégument  dans  la  maladie  de 
Werlhoff  et  dans  le  scorbut,  me  paraissent  être,  dans  leur  production,  sensible- 
ment influencés  par  une  série  de  circonstances  étiologiques  similaires  entre 
elles  et  qui  aboutissent  toutes  ou  presque  toutes  à  la  notion  de  putridité.  Pour 
les  formes  diverses  de  la  péliose  (et  sous  ce  nom  commun  je  renferme  les  pur- 
puras dits  rhumatismaux,  l'érythème  noueux,  l'érythèmc  polymorphe),  outre 
l'inllucnce  des  saisons  de  transition  et  de  l'humidito,  conditions  d'ailleurs  très- 
favorables  au  développement  des  fermentations  putrides,  j'ai  pu  relever  dans 
une  nombreuse  série  d'observations  l'inlhience  de  la  putridité  proprement  dite. 
Mon  maître,  Ch.  Lailler,  lait  remarquer  la  fréquence  du  purpura  chez  les  ramas-' 
seurs  de  sang  des  abattoirs,  les  garçons  de  cuisine,  les  garçons  marchands  de 
vin,  les  cuisinières,  tous  sujets  qui  vivent  incessamment  au  milieu  des  détritus 
organiques.  C'est  chez  les  laveuses  et  les  blanchisseuses,  c'est-à-dire  chez  des 
femmes  qui  manient  le  linge  souillé  et  souvent  putride,  qu'on  voit  de  préférence 
se  montrer  l'érythème  noueux.  Enfin  j'ai  pu  voir,  avec  mon  collègue  le  profes- 
seur Teissier,  un  cas  d'érythème  polymorphe  grave,  terminé  par  des  accidents 
caractéristiques  et  mortels  de  septicémie  subaiguë,  chez  un  brasseur  sans  cesse 
confiné  dans  des  caves  à  fermentation.  On  connaît  d'autre  part  les  relations  du 
scorbut  avec  l'alimentation  par  les  conserves  et  les  produits  alimentaires  avariés 
qui  redeviennent  en  usage  pendant  les  longs  voyages  de  mer,  les  sièges  et  les 
famines.  11  est  donc  hautement  probable  que  les  hémorrhagies  exanthémaliques 
ou  pseudo-exanthémaliques  du  groupe  précité  sont  surtout  la  conséquence 
d'états  morbides  engendres  par  l'introduclion  des  matières  putrides  ou  de  pto- 
maïnes  dans  l'organisme  de  sujets  d'ailleurs  préparés  à  les  recevoir  et  à  leur 
permettre  de  fermenter  (arthritiques).  Cette  introduction  fait  éclater  une  série 
d'états  morbides  dont  le  premier  terme  peut  être  pris  dans  l'érythème  poly- 
morphe et  le  dernier  peut  être  représenté  par  le  scorbut.  Dans  cette  conception, 
le  caractère  hémorrhagique  de  ces  exanthèmes  non  contagieux,  satellites  de 
maladies  dont  le  caractère  infectieux  se  marque  fréquemment  par  des  déter- 
minations cardiaques,  cérébrales  ou  rénales,  s'expliquerait  par  l'influence  hémor- 
rhagipare  de  l'élément  putride,  établie  d'une  manière  complète  par  les  expé- 
riences de  Gaspard  [Journal  de  physiologie  de  Magendie,  1822-1824,  t.  II 


HÉMORRJIAGIE.  569 

et  IV)  et  plus  tard  de  Stich  [Charité-Annalen,  t.  III,  p.  192,  1852).  La  distri- 
bution de  ces  hémorrhagies  suivant  un  exanthème  figuré,  comme  dans  le  pur- 
pura traumatique  ou  émotif,  représenterait  la  part  prise  par  l'action  réflexe  du 
système  nerveux. 

L'influence  de  l'ictère  sur  l'hémorrhagie  mérite  aussi  de  nous  occuper  un 
instant  à  pari.  Ici  le  sang,  chargé  d'une  partie  des  principes  de  la  bile,  a  subi 
un  véritalDle  empoisonnement  à  cause  très-probablement  de  l'action  dissolvante 
des  sels  biliaires  sur  les  globules  rouges  et  de  leur  action  sur  l'hémoglobine. 
Cette  action  suffit-elle  pour  motiver  les  phénomènes  hémorrliagiques  de  l'ictère 
<irave,  de  la  fièvre  jaune,  du  typhus  ictérode  d'Antoine  Fauvel?  Évidemment  non, 
si  l'on  admet  qu'une  simple  lésion  du  sang  lui-même  est  incapable  de  déter- 
miner autre  chose  qu'une  transsudation  colorée  consécutive  à  sa  dissolution. 
Mais  l'influence  sur  le  système  nerveux  s'exerce  probablement  dans  ces  cas 
comme  dans   une    série   d'autres   intoxications;    de  plus,    nous  ignorons  ici 
s'il  ne  se  produit  pas  de  lésions  d'origine  parasitaire  pouvant  devenir  çà  et  là 
l'origine  de  ruptures  vasculaires.  Ce  point  ne  sera  détermine  que  lorsque  l'étio- 
logie  des  ictères  graves  aura  été  élucidée,  et,  malgré  quelques  tentatives  faites 
dans  ce  sens,  nous  pouvons  conclure  avec  Hochard  que  la  question  est  loin  d'être 
mûre.  Mais  il  est  un  point  de  l'histoire  de  l'ictère  sur  lequel  je  veux  appeler 
ici  l'attention  du  lecteur  :  c'est  l'action  de  celte  intoxication  du  sang  sur  le 
système  musculaire.  On  sait  que  les  muscles  striés  doivent  leur  couleur  rouge 
à  une  variété  de  l'hémoglobine  (hémoglobine  mmculaire,  Kûhne).  Cette  hémo- 
globine capte  l'oxygène,  respire  comme  celle  des  globules  sanguins.   Les  sels 
biliaires  exercent  aussi  sur  elle  leur  action  nocive  :  de  là  l'asthénie  musculaire 
profonde  des  ictères  intenses,  la  paresse  des  muscles  moteurs  valvulaires  du 
cœur  et  les  souffles  ictériques  par  insuffisance  musculaire  de  Ciément-Gangolphe. 
Nous  ignorons  si  les  muscles  lisses  possèdent   une  substance  analogue  à  la 
matière  colorante  rouge  de  la  niyosine,  mais  ce  qui  paraît  certain,  c'est  qu'ils 
sont  également  influencés  par  l'ictère.  Je  viens  d'en  observer  un  exemple  sai- 
sissant. Une  femme  grosse,  atteinte  depuis  longtemps  de  coliques  hépatiques, 
prend  un  ictère  permanent  dû  à  l'enchatonnement  d'un  calcul  dans  le  canal 
cholédoque.  Dans   ces  conditions  elle  accouche.  Après   la   délivrance,   malgré 
l'ergot,  malgré  les  injections  réitérées  d'eau  phéniquée  chaude,  l'utérus  reste 
inerte  et  la  malade  meurt  en  trois  jours  d'hémorrhagies  utérines  incoercibles. 
La  matrice  était  saine,  sans  traces  d'endométrite,  sans  la  moindre  rétention 
placentaire,  mais  elle  n'avait  pour  ainsi  dire  subi  aucune  rétraction.  Voilà  donc 
une  hémorrhagie  due  à  l'inertie  de  fibres  lisses  qui,  il  est  vrai   de  le   dire, 
prennent  en  partie  pendant  la  gestation  le  caractère  de  muscles  à  contraction 
brusque  ;  mais  il  se  pourrait  que  des  actions  analogues  se  passassent  du  côté  des 
muscles  moteurs  des  artérioles  et  jouassent  le  rôle  d'adjuvants  importants  des 
actions   fluxionnaires    hémorrhagipares  réfléchies  par  les  centres  nerveux  sur 
divers  points  dans  les  formes  graves  ou  persistantes  de  l'ictère.  Ce  qui  paraît 
bien  démontrer  l'influence  hémorrhagipare  de  cet  état,  c'est  cet  autre  fait, 
précisé  par  Lancereaux  [lac.  cit.,  p.  572),  que  les  cirrhoses  de  forme  hyper- 
trophique,  c'est-à-dire  celles  qui  s'accompagnent  le  plus  ordinairement  d'ictère, 
sont  aussi  celles  dans  lesquelles  on  observe  de  préférence    les  hémorrhagies 
disséminées,  autres  que  celles  résultant  de  la  stase  excessive  du  sang  dans  les 
réseaux  capillaires  aboutissant  à  la  veine  porte. 

11  est  encore  aujourd'hui  impossible  de  dire  ou  même  de  supposer  pourquoi 

DICT.    EAC.  4'  8.    XIII,  24 


.^70  HÉMORRHAGIE. 

les  affections  spléniques,  et  en  particulier  les  hyperplasies  de  la  rate  (Lancereaux) , 
sont  parfois  accompagnées  d'épistaxis,  d'hémorrhagies  gingivales  ou  intestinales, 
enfin  d'ecchymoses  diverses.  Des  effets  analogues  s'observent  dans  les  maladies 
chroniques  et  notamment  dans  la  cirrhose  du  rein.  Mais  ici  il  y  a  lieu  de  tenir 
compte,  non-seulement  de  l'intoxication  du  sang  par  les  matières  extractives, 
mais  encore  de  l'artério-sclérose  généralisée  qui  accompagne  ordinaii'enient  le 
mal  de  Bright  chronique  aboutissant  au  petit  rein  contracté.  C'est  ainsi  que  la 
relation  manifeste  entre  la  néphrite  interstitielle  et  l'hémorrhagie  cérébrale 
repose  avant  tout  sur  la  coexistence  de  lésions  vasculaires  étendues  avec  l'état 
dyscrasique  particulier  à  cette  forme  de  néphrite,  et  qui  mérite  mieux  que 
toutes  les  autres  albuminuries  chroniques  le  nom  de  diabète  leucomùriqiie 
proposé  par  mon  maître  Guhlcr  {voy.  Albuminurie).  Mais  les  influences  dyscra- 
siques  ne  sont  pas  moins  à  considérer  dans  la  production  des  hémorrhagies  au 
cours  du  mal  de  Bright.  La  bronchite  albuminurique,  œdème  mobile  du  poumon 
que  l'on  observe  si  souvent  dans  la  néphrite  chronique  mixte,  peut  devenir  et 
devient  souvent  une  congestion  fluxionnaire  poussée  jusqu'à  l'hémorrhagie, 
élective,  il  est  vrai,  le  plus  souvent,  et  d'ordre  diapédétique.  J'ai  vu  d'autre  part, 
avec  H.  Mollière,  une  malade  que  je  suis  encore  avec  intérêt  et  qui,  atteinte 
pendant  plus  de  six  mois  d'albuminurie  intermittente,  voyait  à  chaque  attaque 
son  tégument  se  couvrir  de  purpura.  Ici  le  purpura  successif  était  nettement 
conjugué  à  l'albuminurie,  et  ce  que  nous  avons  dit  plus  haut  de  cet  exanthème 
hémorihagique  nous  permet,  je  crois,  de  le  prendre  comme  exemple  de  con- 
gestions hémorrhagipares  d'origine  nerveuse  mises  en  train  et  renouvelées  long- 
temps par  une  cause  dyscrasique  découlant  elle-même  d'une  maladie  de  reins. 

Nous  considérons  ici,  on  le  voit,  les  hémorrhagies  dyscrasiques  par  altération 
du  sang  (Compendium)  ou  hémopathiques  (Lancereaux)  à  un  point  de  vue  tout 
particulier.  Pour  nous,  les  lésions  du  sang  ne  peuvent  créer  que  des  lésions 
secondes,  devenant  hémorrhagipares,  soit  par  thrombose,  soit  par  embolie  déter- 
minée par  un  caillot  ou  un  corps  étranger — ou  bien,  en  agissant  sur  le  système 
nerveux,  elles  le  sollicitent  à  déterminer  par  son  action  propre  des  fluxions 
réflexes  aboutissant  à  l'hémorrhagie.  Dans  nombre  d'intoxications,  et  notamment 
dans  les  zymoses  et  les  maladies  infectieuses,  ces  deux  causes  se  conjuguent 
assez  ordinairement  pour  produire  les  déterminations  hémorrhagiques.  C'est  là 
en  effet  maintenant,  croyons-nous,  la  seule  manière  de  comprendre  les  hémor- 
rhagies des  dyscrasies  à  l'aide  des  données  actuelles  fournies  par  la  médecine 
expérimentale,  la  physiologie  et  l'anatomie  pathologiques.  Dans  cette  conception, 
la  maladie  du  sang  devient,  non  plus  l'agent  direct,  mais  le  primiim  movens 
de  l'hémorrhagie,  celui  qui  met  son  processus  complexe  en  action. 

Ainsi  l'augmentation  de  la  tension  veineuse,  de  la  tension  artérielle,  l'ouver- 
ture à  gueule  bée  des  artérioles  par  les  réflexes  vaso-moteurs,  le  sang  restant 
inerte,  sauf  l'action  adjuvante  exercée  parla  diapédèse  sur  le  ramollissement  des 
vaisseaux  (Cohnheim,  Tarchanoff)  :  telles  sont  les  causes  complexes  des  hémor- 
rhagies par  rhexis,  causes  que  nous  venons  d'étudier  à  l'état  de  dissociation 
pour  les  nécessités  de  l'analyse,  mais  qui,  dans  la  plupart  des  hémorrhagies, 
s'associent  entre  elles  pour  en  devenir  comme  autant  de  facteurs  multiples  que 
le  clinicien  doit  toujours  songer  à  réunir. 

Une  dernière  cause  d'hémorrhagies  de  cause  mécanique  nous  reste  à  signaler, 
c'est  la  diminution  subite  de  la  pression  intra-vasculaire  due  soit  aux  variations 
atmosphériques,  soit  aux  ascensions  sur  les  montagnes  ou  en  ballon,  soit  à  la 


IIÉMORRIIAGIE.  371 

<lécompression  brusque  après  un  séjour  dans  une  enceinte  close,  telle  que  a 
cloche  à  plongeur.  Les  Anciens  connaissaient  déjà  bien  ces  hémorrhagies  dont 
ils  ignoraient  le  mécanisme  exact,  et  Mcad  paraît  même  en  avoir  pressenti  la 
pathogénie.  Il  rapporte  qu'au  moment  où,  en  février  1687,  à  neuf  heures  du 
matin,  le  baromètre  s'était  abaisse  à  Edimbourg  de  beaucoup  au-dessous  du 
point  où  il  était  jamais  descendu,  Pitcairu  fut  pris  d'angoisse  subite  et  peu 
après  d'épistaxis.  Au  même  instant,  le  professeur  Gockburn  périssait  subitement 
d'hémoptysie,  et  cinq  ou  six  autres  malades  de  la  ville  étaient  pris  d'hémor- 
rhagies  diverses.  Les  hémorrhagies  sont  aussi  un  des  symptômes  ordinaires  du 
mal  des  montagnes;  enfin  l'accident  célèl)re  de  Crocé-Spinelli  et  Sivel  offre  un 
exemple  des  accidents  hémorrliagiques  qui  se  peuvent  produire  dans  les  liantes 
ascensions  en  ballon.  Chez  les  plongeurs,  les  hémorrhagies  ne  sont  pas  rares; 
■ce  sont  souvent  des  hématomyélies,  des  hémorrhagies  cérébrales,  des  hémo- 
ptysies,  etc.,  bref,  des  ruptures  des  points  ûiibles  ou  mal  soutenus  du  réseau 
capillaire  sanguin.  Les  recherches  de  Paul  Bert  ont  fixé  la  science  sur  le  méca- 
nisme de  ces  hémorrhagies,  formulé  d'ailleurs  déjà  depuis  longtemps  très-exac- 
tement par  Boucliard.  Quand  la  [iression  atmosphérique  croît,  le  coefficient  de 
solubilité  des  gaz  dar .-  le  sang  s'élève  et  ces  gaz  s'y  accumulent,  au  contact  de 
l'air  dans  le  poumon,  à  l'état  dissous.  Vienne  une  brusque  décompression,  le 
coefficient  de  solubilité  des  gaz  dans  le  sang  subit  une  diminution  corrélative. 
Le  sang  bout  dans  les  vaisseaux  comme  de  l'eau  aéi'ée  dans  le  vide,  les  gaz 
dissous  reprenant  subitement  l'état  aériforme.  La  force  d'expansion  des  bulles 
l'ompt  alors  purement  et  simplement  les  petits  vaisseaux  ou,  s'ils  résistent,  ces 
bulles  forment  des  chapelets  d'embolies  gazeuses  qui  ne  tardent  pas  à  inter- 
rompre la  circulation  et  à  amener  des  ruptures  en  amont  d'elles,  parce  qu'alors 
la  tension  du  sang  s'accroît  dans  le  vaisseau  oblitéré  jusqu'à  égaler,  en  vertu 
du  principe  de  Pascal,  la  tension  artérielle  à  l'origine  de  l'aorte,  et  qu'à  une 
pareille  pression  latérale  la  paroi  des  vaisseaux  inertes  ne  peut  le  plus  souvent 
pas  résister. 

Dans  d'autres  circonstances,  la  diminution  de  pression  barométrique  au  voi- 
sinage des  vaisseaux  devient  une  cause  sinon  déterminante,  du  moins  adjuvante 
de  l'hémorrhagie.  C'est  ainsi  que  les  réseaux  vasculaires  de  la  plèvre  et  du 
péricarde,  soumis  pendant  l'inspiration  (plèvre)  ou  à  chaque  systole  à  une 
pression  négative,  se  rompent  aisément  pendant  ces  deux  actes,  pourvu  que 
leurs  parois  aient  été  ramollies  par  le  fait  d'une  inflammation  ou  soient  revenues 
à  l'état  embryonnaire,  ou  enfin  soient  à  l'état  même  de  néoformation,  comme 
on  l'observe  dans  les  néomembranes  pleurétiques  ou  péricardiques  ;  et  de  fait, 
■dans  les  autopsies,  on  trouve  le  plus  ordinairement  une  série  de  petits  foyers 
■apoplectiques  dans  l'épaisseur  ou  à  la  surface  de  ces  exsudats  membraniformes. 
Des  ruptures  analogues  s'opèrent  quand  on  applique  des  ventouses  sur  le  tégu- 
ment. Mais,  ainsi  que  Bouchard  l'a  fait  observer,  si  les  vaisseaux  sont  absolument 
sains,  on  obtient  très-difficilement  l'ecchymose;  s'ils  sont  déjà  rendus  plus 
sensibles  par  un  état  morbide,  tel  que  l'état  fébrile  en  général,  les  ecchymoses 
se  produisent  déjà  plus  facilement.  Chez  les  phthisiques  fébricitants  atteints  de 
cyanose  l'ecchymose  s'obtient  de  suite  au  contraire,  même  par  l'application  du 
stéthoscope  biauriculaire  à  ventouse  de  Constantin  Paul.  Ces  différences  tiennent 
manifestement  à  l'impressionnabilité  variable  des  nerfs  moteurs  vasculaires  et 
des  muscles  eux-mêmes  en  présence  des  actions  directes.  On  sait  en  effet  que 
la  tonicité  musculaire  est  énormément  diminuée  par  l'élévation  permanente  de 


372  HÉMORUllAGIE. 

la  température.  Chez  le  fébricitant,  la  succion  d'une  ventouse  très-faible  suffit  à 
énerver  les  vaisseaux  contractiles  et  à  triompher  de  la  résistance  de  leur  paroi 
musculaire.  En  retirant  la  ventouse  à  temps,  on  constate  de  plus  un  fait  inté- 
ressant L'ecchymose  est  toujours  précédée  de  petits  nuages  bleu-noir,  qui,  si 
!a  décompression  est  suspendue,  persistent  quelques  instants  et  ensuite  s'elfacent. 
Ces  nuages  sont  formés  par  les  veinules  distendues  au  maximum,  ce  qui  montre 
bien  que,  dans  de  telles  conditions  et  conformément  à  la  théorie,  ce  sont  elles 
({ui  portent  tout  l'effort  et  qui  donnent  issue  au  sang.  Car,  si  l'on  marque  le 
nuage  de  congestion  veinulaire  passive,  et  que  l'on  réapplique  la  ventouse,  on 
le  voit  occuper  le  centre  de  la  nappe  ecchymotique  quand  l'hémorrliagie  inter- 
stitielle s'est  effectuée. 

Enfin  la  déi-ompression  brusque  d'une  région  peut  aussi  donner  lieu,  dans 
les  points  de  moindre  résistance  du  réseau  vasculaire  adjacent  au  point  com- 
primé, à  des  hémorrhagies  diverses.  On  peut  prendre  pour  type  de  ces  hémor- 
rhagies  celles  qui  se  produisent  dans  la  rétine  à  la  suite  de  la  paracentèse 
oculaire,  ou  encore  celles  consécutives  à  la  ponction  ou  mieux  encoie  à  l'éva- 
cuation large  des  kystes  très-distendus.  C'est  ainsi  que  l'ouverture  des  kystes 
du  corps  thyroïde  donne  lieu  le  plus  souvent  à  une  véritable  pluie  de  sang  qui 
parfois  peut  prendre  les  proportions  d'un  accident  inquiétant,  et  qui  a  son 
origine  dans  la  décompression  brusque  des  vaisseaux  friables  et  par  places 
embryonnaires  des  parois  du  kyste. 

B.  llÉMORUHAGiEs  DE  CAi'SE  ORGANIQUE.  Lcs  causcs  quc  uous  vcHons  d'étudicr 
ont,  dans  la  pathogénie  des  hémorrhagies,  une  importance  prépondérante  en  ce 
qu'elles  se  reproduisent,  le  plus  souvent,  même  pour  déterminer  l'effraction  par 
le  sang  et  les  ruptures  des  vaisseaux  malades.  Elles  agissent  alors  avec  une 
intensité  beaucoup  plus  considérable  que  sur  des  vaisseaux  sains,  puisque, 
capables  même  de  rompre  ces  derniers,  elles  opèrent  leuis  effets  sur  des  canaux 
dont  les  résistances  pariétales  ont,  par  le  fait  des  lésions  qu'ils  ont  subies, 
diminué  dans  des  proportions  souvent  considérables.  11  ne  saurait  entrer  dans 
le  plan  de  cet  article  de  donner  une  description  anatomique  complète  de  cha- 
cune des  lésions  vasculaires  qui  deviennent  de  la  sorte  des  circonstances 
éminemment  favorables  à  la  production  des  hémorrhagies  spontanées.  Je  me 
contenterai  donc  de  les  signaler  par  groupes  de  lésions  similaires,  et  je  n'entrerai 
dans  les  détails  qu'autant  qu'ils  me  sembleront  apporter,  dans  la  question  de 
pure  pathogénie  qui  m'occupe  ici,  des  éclaircissements  véritables.  D'une  manière 
générale,  les  lésions  des  vaisseaux  que  l'on  peut  considérer  comme  des  causes 
efficaces  d'hémorrhagies  peuvent  être  rangées  sous  trois  chefs  :  A.  lésions  en- 
traînant la  friabilité  du  vaisseau  en  diminuant  sa  résistance  pariétale  et  en 
abaissant  sa  limite  d'élasticité  :  ce  sont  là  deux  termes  absolument  corrélatifs; 
B,  lésions  consécutives  à  l'oblitération,  sur  un  point,  de  la  conduite  vasculaire, 
artérielle,  veineuse  ou  capillaire;  C,  lésions  ulcéreuses,  ouvrant  le  vaisseau 
comme  elles  feraient  un  foyer  liquide  adjacent.  Les  hémorrliagies  qui  font 
suite  à  ces  différentes  lésions  pourraient  de  leur  côté  être  groupées  sous  les 
termes  suivants  :  a.  effractions  d'origine  angiopathique  proprement  dites; 
b.  effractions  par  thrombose  et  par  embolie  ;  c.  effractions  par  lacération. 

A .  Lésions  entraînant  la  friabilité  du  vaisseau,  a.  Effractions  angiopaihiques 
proprement  dites.  L'altération  vasculaire  qui  joue  à  ce  point  de  vue  le  rôle  le 
plus  important  est  Vanéurysme,  quelle  qu'en  soit  d'ailleurs  la  cause  {voy.  Ané- 
vrysme).  On  sait  que  dans  ce  cas,  non-seulement  au  niveau  du  point  anévrysma- 


IlfiMORRlIAGIE.  375 

tique,  la  paroi  vasciilaire  a  subi  des  modifications  entraînant  la  diminution 
extrême  de  la  résistance  latérale  sous  l'elTort  du  sang  ;  par  suite  notamment  de 
la  dégénérescence  hyaline  décrite  dans  ces  dernières  années,  de  la  sorte  de  fonte 
que  subit  la  formation  élastique  (jui  donne  au  vaisseau  sa  résistance  véritable  et 
de  l'état  d'inflammation  chronique  des  tissus  péi'ivasculaires,  qui,  en  subissant 
les  effets  ordinaires  des  plilcgmasies  lentes,  deviennent  embryonnaires  et  perdent 
toute  solidarité,  mais  encore  la  poche  anévrysmale  exerce  elle-même,  ainsi  que 
Ta  montré  Marey,  une  action  très-marquée  sur  la  tension  du  sang  en  amont  d'elle, 
et  agit  à  son  voisinage  pour  l'élever  notablement.  Si  donc  le  vaisseau  est  malade 
dans  les  environs  de  la  dilatation,  ce  qui  arrive  en  effet  dans  la  majorité  des 
cas,  les  conditions  les  plus  favorables  sont  réunies  pour  prédisposer  aux  ruptures 
la  conduite  vasculaire  ainsi  modifiée.  Cela  est  surtout  vrai  quand  il  s'agit  d'ané- 
vrysmes  capillaires,  tels  que  ceux  décrits  par  Charcot  et  Bouchard  dans  les  artères 
du  cerveau  et  Liouville  à  leur  suite  dans  une  série  d'autres  organes,  mais  peut- 
être,  il  faut  l'avouer,  admis  par  ce  dernier  dans  une  mesure  un  peu  trop  large. 
En  effet,  dans  ce  cas  il  n'existe  gnère  de  dispositions  analogues  à  celles  que  l'on 
observe  dans  les  tumeurs  anévrysmales  de  grande  dimension  ;  la  défense  par  des 
caillots  actifs  est  à  peu  près  nulle,  les  petites  dimensions  du  vaisseau  lésé  ne 
permettant  pas  rédificaliou  de  cette  barrière  dans  des  proportions  élevées.  Quoi 
qu'il  en  soit,  il  est  à  peu  près  inutile  d'insister  ici  sur  le  mécanisme  des  ruptures 
vasculaires  d'origine  anévrysmale,  étudié  dans  ses  détails  à  propos  des  ané- 
vrysmes  en  général  {voy.  ce  mot).  Il  suffit  de  faire  remarquer  que,  depuis  les 
recherches  de  Rassmussen,  on  doit  admettre  que  nombre  des  hémorrhagies  ter- 
minales, chez  les  tuberculeux  excavés,  prennent  leur  origine  dans  des  anévrysmes 
des  vaisseaux  des  parois  des  cavernes  ou  des  brides  qui  les  traversent.  On  sait 
en  effet  que  les  parois  des  excavations  tuberculeuses  formées  lentement  sont 
constituées  par  un  tissu  fibreux  tout  à  fait  analogue  à  celui  des  tendons,  tissu 
pauvre  en  vaisseaux  capillaires  et  qui,  au  contact  des  produits  accumulés  dans 
la  caverne  et  par  sa  propre  évolution,  subit  incessamment  une  désintégration 
moléculaire.  Les  parois  des  vaisseaux  de  distribution  englobés  dans  le  tissu  sclé- 
reux  qui  limite  l'excavation  sont  atteintes  à  leur  tour  par  cette  désintégration  et. 
quand  par  la  fonte  du  tissu  élastique  au  point  attaqué  ils  ont  sur  ce  point 
perdu  l'élasticité  qui  leur  est  propre,  la  poussée  latérale  effectuée  par  le  sang 
qui  circule  dans  leur  intérieur  devient  le  point  de  départ  de  la  formation  de 
petits  anévrysmes  qui,  ultérieurement,  deviennent  l'origine  d'hémoptysies 
foudroyantes. 

Les  anévrysmes  capillaires  des  centres  nerveux  et  tout  spécialement  du  cer- 
veau sont  actuellement,  sans  conteste,  la  cause  à  laquelle  il  convient  de  rap- 
porter l'hémorrhagie  cérébrale.  Les  recherches  de  Bouchard  sur  ce  point  ne  lais- 
sent plus  aucun  doute  à  cet  égard,  et  l'influence  de  l'état  hypothétique  décrit 
par  Rochoux  sous  le  nom  de  ramollissement  hémorrhagipare  ne  mérite  plus 
guère  d'être  prise  en  considération.  Quant  aux  causes  prochaines  du  développe- 
ment de  ces  petits  anévrysmes  multiples  dans  certaines  régions  du  cerveau,  qui 
sont  devenues  à  proprement  parler  les  aires  vasculaires  de  l'hémorrhagie  céré- 
brale (artères  lenticulo- striées  et  lenticulo- optiques),  leur  étude  ressortit  à 
l'histoire  de  l'hémorrhagie  cérébrale  elle-même.  Nous  ferons  seulement  remarquer 
qu'ici,  comme  à  peu  près  partout  ailleurs,  les  causes  de  l'effraction  vasculaire 
sont  toujours  multiples.  C'est  ainsi  que,  dans  un  très-grand  nombre  de  cas.  la 
sénilité  artérielle  amenée  soit  par  les  progrès  de  l'âge,  soit  par  des  conditions 


374  HÉMORRHAGIE. 

dyscrasiques  telles  que  l'alcoolisme,  soit  par  un  e'tat  morbide  du  système  vascu- 
laire  entier  consécutif  aux  lésions  cardiaques  d'orifice,  crée  d'abord  la  dispo- 
sition anévrysniale  et  avec  elle  les  conditions  premières  d'une  héniorrbagie  pour 
un  terme  plus  ou  moins  éloigné.  Dans  ces  conditions  les  causes  efficientes,  telles 
que  l'hypertrophie  du  cœur,  les  efforts  exagérés,  l'aclioii  du  froid,  etc.,  c'est- 
à-dire  celles  qui  concourent  à  élever  la  tension  artérielle,  peuvent  prendre  une 
efficacité  qu'elles  n'auraient  point  acquise,  si  les  vaisseaux  eussent  été  normaux. 
Le  meilleur  exemple  que  l'on  puisse  choisir  est,  dans  cet  ordre  d'idées,  l'héinor- 
rhagie  cérébrale  que  l'on  a  si  souvent  l'occasion  d'observer  dans  le  cours  de  la 
néphrite  interstitielle  chronique  dominante.  Cette  maladie  du  rein  s'accompagne 
en  effet  d'une  arlério-sclérose  généralisée  qui  devient  elle-même  l'origine 
d'anévrysmes  capillaires  dans  le  cerveau  ;  elle  est  en  outre  le  point  de  départ 
ordinaire  d'une  hypertrophie  cardiaque.  Dans  ces  conditions  la  maladie  des  vais- 
seaux, en  présence  de  l'augmentation  de  l'énergie  cardiaque  consécutive  à 
l'hypertrophie,  suppose  presque  nécessairement,  pour  un  terme  plus  ou  moins 
éloigné,  la  rupture  des  anévrysmes  capillaires  à  l'occasion  d'une  circonstance 
quelconque  amenant  l'accroissement  brusque  et  notable  de  la  tension  intra-vas- 
culaire.  De  fait,  en  clinique,  on  reconnaît  que  les  termes  morbides  néphrite 
interstitielle,  hypertrophie  du  cœur,  he'morrhagie  cérébrale,  sont  étroitement 
conjugues  entre  eux. 

h'endcniérite  déformante,  c'est-à-dire  la  lésion  athéromateuse  des  vaisseaux 
artériels,  ne  conduit  pas  ordinairement  à  l'hémorrhagie  par  rupture  de  ces  der- 
niers; c'est  assez  exceptionnellement,  quoique  à  une  époque  rapprochée  de  nous 
on  ait  cru  le  contraire,  qu'on  voit  céder  la  paroi  artérielle  en  présence  de  cette 
maladie,  sauf  au  niveau  des  points  anévrysmatiques  quand,  dans  certaines  cir- 
constances, elle  a  concouru  à  favoriser  la  production.  C'est  cependant  à  des  lésions 
d'alhérome  que  paraît  devoir  être  rapportée  la  forme  singulière  d'hémorrhagie 
des  calices  et  du  bassinet  qu'Aug.  Ollivier  a  fait  connaître  sous  le  nom  de  pyélo- 
néphrite  hémato-fihriiieiise.  Dans  certains  points  faibles  du  système  vasculaire, 
et  en  particulier  au  niveau  de  la  muqueuse  de  la  cloison  des  fosses  nasales, 
l'athérome  des  petites  artères  de  distribution  peut  aussi  devenir  l'origine  d'hémor- 
rhagies.  Ainsi  que  l'a  fait  voir  récemment  Michel,  les  épistaxis  que  l'on  observe 
pour  ainsi  dire  à  répétition  chez  certains  malades  (parmi  lesquels  il  convient 
avant  tout  de  citer  les  aortiques  et  les  brighliques)  auraient  pour  origine  des 
sortes  de  petits  anévrysmes  cirsoïdes  minuscules  produits  par  l'athérome  des 
petits  vaisseaux.  Il  faut  alors,  pour  faire  cesser  les  épistaxis  récidivantes,  détruire 
en  masse  le  point  lésé  à  l'aide  du  cautère  actuel.  Pour  mon  compte  personnel, 
je  n'hésite  pas  à  rapprocher  ce  fait  de  l'existence  également  fréquente  de  l'ozène,. 
c'est-à-dire  des  ulcérations  atones  de  la  muqueuse  de  Schneider  et  de  celle  du 
cavum  des  fosses  nasales,  chez  les  malades  atteints  depuis  longtemps  d'insuffi- 
sance et  de  rétrécissement  aortiques,  ou  encore  de  néphrite  interstitielle  domi- 
nante avec  artério-sclérose  généralisée  et  hypertrophie  du  cœur. 

L'athérome  artériel,  s'il  n'est  pas  très-fréquemment  le  point  de  départ  d'hémor- 
rhagies  en  vertu  même  des  lésions  locales  qu'il  inflige  aux  parois  vasculaires, 
en  peut  devenir  par  contre  une  cause  adjuvante  sérieuse  par  les  modifications 
qu'il  introduit,  par  le  fait  de  la  rigidité  vasculaire,  dans  le  régime  d'écoulement 
du  sang  dans  ses  vaisseaux  de  distribution.  Le  mouvement  du  liquide  sanguin 
n'est  dès  lors  plus  rendu  continu  par  l'effet  de  l'élasticité  artérielle,  et  le  sang 
aborde  par  saccades  les  réseaux  capillaires  inertes.  Mais  ce  n'est  pas  ici  le  lieu 


HEMORRHAGIE.  575 

d'insister  davantage  sur  ce  point  de  pathogénie  qui  rentre  dans  le  cadre  des  actions 
de  cause  mécanique  :  tant  il  est  vrai  que  les  distinctions  que  l'on  a  l'habitude  de 
faire  en  pathologie  générale  sont  tout  artificielles  et  simplement  motivées  par  les 
besoins  de  la  description  didactique  ! 

Une  cause  puissante  d'hémorrhagies  d'origine  organique  qu'il  nous  fjiut  main- 
tenant aborder,  c'est  Vétat  ectasiqiie  des  vaisseaux.  Au  point  de  vue  purement  mé- 
canique, l'importance  de  cette  cause  apparaît  d'elle-même,  si  l'on  considère  qu'un 
vaisseau  distendu,  en  cédant  déjà  à  l'action  mécanique  exercée  contre  sa  paroi, 
a  naturellement  vu  s'abaisser  d'autant  la  résistance  de  celte  dernière  ;  il  est  plus 
près  d'acquérir  sa  limite  d'élasticité  qu'un  vaisseau  vide.  Mais  en  même  temps, 
dans  tout  vaisseau  ectasié,  la  paroi  a  subi  en  outre  des  modifications  organiques 
qui  changent  souvent  du  tout  au  tout  les  conditions  de  sa  résistance.  C'est  ainsi 
que  les  veines  variqueuses  ont  des  parois  en  partie  revenues  à  l'état  embryon- 
naire. Aussi,  sous  l'influence  d'efforts  qui  n'auraient  eu  aucune  action  sur  des 
vaisseaux  sains,  ou  d'augmentations  de  pression  intra-veineuse  telles  que  celles 
qui  résultent  de  l'oblitération  de  la  fémorale,  par  exemple,  on  peut  voir  se 
rompre  des  varices  ou  des  tumeurs  érecliles  congénitales  ou  acquises.  L'influence 
même  de  la  pesanteur  arrive  parfois  à  déterminer  la  rupture  des  veines  dilatées, 
chez  les  individus  porteurs  d'ulcères  variqueux  (Bouchard,  loc.  cil.,  p.  68). 
Mais  les  hémorrhagies  par  rupture  des  vaisseaux  ectasiés  sont  surtout  ordinaires 
dans  les  néoplasies  télangieclasiques,  telles  que  les  diverses  variétés  du  sarcome 
médullaire  (fongus  hématode  des  anciens  auteurs),  ou  dans  le  lipome  télangiecta- 
sique  de  Monod,  enfin  dans  les  diverses  tumeurs  érectiles;  toutes  productions  où 
l'on  rencontre  abondamment  répandus  des  vaisseaux  des  trois  ordres  à  la  fois 
ectasiques  et  peu  solides,  parce  qu'ils  sont  embryonnaires  ou  sans  cesse  en  voie 
d'extension  par  foi'mation  de  bourgeons  angioplastiques. 

L'état  embryonnaire  est  en  effet  extrêmement  favorable  à  la  production  des 
ruptures  vasculaires.  Dans  cet  état  les  vaisseaux,  même  ceux  de  distribution  de 
calibre  moyen  ou  simplement  non  capillaire,  sont  déjà  friables;  les  réseaux  capil- 
laires proprement  dits  le  sont  au  plus  haut  degré.  Tous  ceux  qui  s'occupent 
d'anatomie  fine  savent  qu'il  est  à  peu  près  impossible  de  faire  des  injections, 
chez  le  fœtus,  avec  des  masses  à  la  gélatine  ;  et  même,  en  injectant  du  bleu  de 
prusse  soluble  dans  l'eau  à  l'aide  d'un  appareil  à  boules,  il  se  produit  une  série 
de  ruptures.  La  raison  principale  en  est  que  les  vaisseaux  de  distribution  pos- 
sèdent à  ce  moment  un  endartère  et  un  endoveine  incomplets  ou  même  nuls 
(l'aorte  d'un  fœtus  de  trois  mois  et  demi  n'a  pas  d'endartère),  et  que  la  formation 
élastique,  qui  donne  toute  leur  solidité  à  leurs  parois,  n'est  pas  encore  diffé- 
renciée au  sein  de  ces  dernières.  Quant  aux  vaisseaux  capillaires  développés,  on 
le  sait,  le  plus  ordinairement  aux  dépens  de  réseaux  vasoformatifs  (Ranvier), 
leur  paroi  est  encore  jusqu'à  un  certain  degré  protoplasmiqiie. 

Ils  ne  sont  ni  extensibles  ni  résistants  :  aussi  la  moindre  augmentation  de 
la  tension  intra-vasculaire  suffit  à  les  rompre.  Chez  le  très-jeune  fœtus,  tout 
changement  brusque  du  régime  circulatoire  normal  aboutit  à  des  hémorrhagies 
interstitielles  multiples.  Aussi  je  n'ai  pas  trouvé,  depuis  dix  ans,  un  seul  fœtus 
humain  abortif  intact  au  point  de  vue, vascul aire.  Quelle  que  soit  la  cause  de 
l'avortement,  on  trouve  des  hémorrhagies  capillaires  partout,  même  aux  orteils 
et  aux  doigts. 

Si  l'on  transporte  ces  données  dans  la  pathologie,  on  a  facilement  la  clef  des 
hémorrhagies  qui  se  produisent  si  aisément,  et  en  vertu  d'augmentations  de  ten- 


576  HÉMORRHAGIE. 

sion  intra-vascnlaire  souvent  si  peu  appréciables,  dans  les  réseaux  capillaires  de 
nouvelle  formation,  dans  les  plaies  bourgeonnantes,  enfin  dans  les  fausses  mem- 
branes récemment  vascularisécs  ou  dans  les  néomembranes,  telles  que  celles  de 
la  pachyméningitc  hémorrhagiquc.  Il  suffit  d'imprégner  d'argent,  comme  je  l'ai 
fait  avec  Pierre't,  la  surface  libre  d'une  membrane  de  pachyméningite  ou  même 
des  lambeaux  de  cette  dernière  clivée  en  lames  à  l'aide  d'une  pince,  pour  déli- 
miter les  vaisseaux  et  constater  qu'ils  conservent  indéfiniment  la  constitution  des 
capillaires  en  voie  d'extension,  c'est-à-dire  leur  extrême  délicatesse,  leurs  points 
d'accroissement  et  leurs  bourgeons  latéraiix  d'anastomose  en  forme  de  larges 
culs-de-sac.  Il  n'est  donc  pas  étonnant  qu'ils  se  rompent,  à  la  manière  des  vais- 
seaux du  fœtus  abortif,  sous  l'influence  de  variations  du  régime  d'écoulement 
du  sang  qui  auraient  été  sans  aucune  influence  sur  des  réseaux  vasculaires  entiè- 
rement développés  à  l'état  adulte.  Ainsi  se  comprennent  aisément  l'héraorrhagie 
méningée  consécutive  à  la  pacbyméningite,  l'hématocèle  suite  de  pelvi-péritonite 
et,  d'une  manière  générale,  toutes  les  liémorrhagies  du  même  ordre  qu'il  est  à 
peu  près  inutile  d'énumérer  ici. 

Nous  ignorons  absolument  s-i,  chez  les  hémophiles,  les  vaisseaux  devenus 
adultes  doivent  leur  excessive  vulnérabilité  à  une  friabilité  analogue  à  celle  qui 
existe  dans  les  capillaires  embryonnaires  ou  eu  voie  de  croissance.  On  a  souvent 
cherché  dans  des  lésions  de  la  paroi  vasculaire  l'explication  de  cette  prédisposi- 
tion singulière  aux  hémorrhagies  sans  pouvoir  arriver  à  aucune  notion  anatomo- 
pathologique  positive.  L'hémophilie  est  ordinairement  héréditaire.  Hughes  (Case  of 
Heredilanj  Hemorrhagic  Tendency,  in  American  Journ.  ofMedic.  Science,  1842, 
t.  XI,  p.  542)  cite  une  famille  dans  laquelle,  pendant  quatre  ou  cinq  générations, 
tous  les  individus  mâles  étaients  sujets  à  des  hémorrhagies  survenues  en  vertu 
des  causes  occasionnelles  les  plus  futiles,  mais  qui  étaient  incoercibles  et  dont 
plusieurs  moururent.  Dubois  (de  Neuchâtel)  rapporte  un  cas  analogue  :  c'est  celui 
de  la  famille  Garube  où  trois  enfants  moururent  d'hémorrhagie  que  rien  ne  put 
arrêter:  l'un  à  la  suite  d'une  application  de  ventouses  scarifiées  autour  du  genou; 
un  second  pour  s'être  excorié  la  peau  de  la  tempe  contre  l'angle  d'une  table;  le 
troisième  à  la  suite  d'une  application  de  deux  sangsues  à  l'épaule  [Gazette  médi- 
cale, 1838,  p.  43).  Dès  1851  on  pouvait  citer  plus  de  100  exemples  de  familles 
où  existait  une  semblable  prédisposition  héréditaire  aux  hémorrhagies,  ainsi 
qu'un  grand  nombre  de  cas  isolés  (Bordmann,  De  l'hémophilie,  ou  de  la  diathèxe 
hémorrhagique  congénitale,  thèse  de  Strasbourg,  1851).  Il  est  du  reste  fait 
mention  de  l'hémophilie  dans  les  écrits  des  médecins  de  l'École  arabe  et  notam- 
ment dans  le  livre  de  la  théorie  et  de  la  pratique  d'Alsaharàve  ou  Albucasis, 
qui  vivait  vers  le  douzième  siècle  [Liber  theoricœ  nec  non  practicœ  Ahaharavii 
è  manuscr.  arab.  latine  versus  à  P.  RiciOy  1619,  fol.  114,  chap.  xv).  L'hémo- 
philie est  donc  un  état  pathologique  parfaitement  défini,  mais  dont  la  pathogénie 
n'est  guère  mieux  connue  aujourd'hui  qu'à  l'époque  des  premières  observations 
qu'on  en  a  données.  Il  est  pi'obable  que  plusieurs  facteurs  concourent,  avec  la 
friabilité  congénitale  des  vaisseaux,  à  la  production  des  pertes  de  sang  chez  les 
hémophiles.  En  dehors  du  traumatisme,  en  effet,  les  actions  émotives  et  d'une 
manière  générale  l'influence  du  système  nerveux  jouent  un  rôle  incontestable 
dans  la  genèse  des  hémorrhagies.  C'est  ainsi  que  Lancereaux  fait  observer  avec 
raison  que,  lorsqu'elles  se  produisent  spontanément,  elles  sont  mobiles,  capri- 
cieuses, intermittentes  et  même  périodiques,  à  la  façon  des  hémorrhagies  de 
cause  nerveuse;  qu'elles  apparaissent  souvent  à  la  suite  d'une  fatigue,  d'un 


HEMORRHAGIE.  377 

repas,  d'un  écart  de  régime,  toutes  conditions  dans  lesquelles  le  système  nerveux 
vaso-moteur  a  été  troublé  ;  que,  lorsqu'elles  sont  la  conséquence  d'un  trauma- 
tisme, ce  dernier  a  le  plus  souvent  mis  en  jeu  la  sensibilité  cutanée.  Les  hémor- 
rhagies  suite  de  plaies  insignifiantes  intéressant  le  tégument  saignent  en  effet 
davantage  et  s'arrêtent  moins  aisément  chez  l'hémophile  que  celles  consécutives 
à  des  plaies  profondes  (Lancereaux,  loc.  cit.,  p.  565-566).  Enfin,  dans  la  ques- 
tion de  l'hémostase,  il  convient  aussi  dans  ce  cas  de  faire  intervenir  le  sang  qui, 
dans  l'hémophilie,  paraît  quelquefois  dépourvu  de  hbrinogène,  si  bien  que  dans 
un  cas  cité  par  Tardieu  {Arch.  génér.  de  médecine,  1841,  S*"  série,  t.  XI)  il  ne 
s'était  pas  coagulé  six  heures  après  sa  sortie  des  vaisseaux,  bien  qae  maintenu 
au  repos  et  en  contact  avec  l'air.  Les  vaisseaux  par  leur  friabilité,  le  système 
nerveux  par  la  facilité  avec  laquelle  les  mouvements  hémorrhagiques  congestifs 
sont  mis  en  action,  le  sang  par  son  incoagulabilité,  concourent  donc  ensemble  à 
la  production  des  hémorrhagies,  à  leur  incoercibilité  et  partant  à  leur  gravité 
dans  la  diathèse  hémorrhagique  constitutionnelle  ou  hémophilie. 

B.  Lésions  entraînant  l'oblitération  du  vaisseau,  h.  Effractions  suite  de 
thromboses  ou  d'embolies.  Nous  avons  étudié  l'influence  de  la  thrombose  sur 
la  production  des  hémorrhagies  en  parlant  des  effractions  vasculaires  consécu- 
tives à  l'élévation  de  la  tension  du  sang  dans  les  troncs  veineux  qui  commandent 
la  circulation  en  retour;  nous  n'y  reviendrons  pas.  Il  convient  maintenant 
d'aborder  l'histoire  des  processus  hémorrhagiques  consécutifs  à  certaines  embolies. 

On  sait  que,  dans  les  artères  de  la  circulation  générale,  les  embolies,  à  moins 
d'être  très-multiples  dans  une  même  région,  n'agissent  pas  autrement  que  les 
ligatures  vasculaires:  elles  ne  déterminent  ni  arrêt  de  la  circulation,  ni  gan- 
grène, ni  hémorrhagie.  Mais,  s'il  s'agit  d'une  embolie  intéressant  une  artère  ter- 
minale, il  n'en  est  plus  ainsi,  du  moins  régulièrement.  Je  puis  citer  du  fait  un 
exemple  frappant,  pris  parmi  beaucoup  d'autres  qu'on  pourrait  donner.  Pendant 
mon  cliuicat,  dans  le  service  de  Bouillaud  suppléé  par  Lancereaux,  un  homme 
de  cinquante  sept  ans  entra  le  8  novembre  1875  à  la  Charité,  salle  Saint-Jean-de- 
Dieu,  n°  16,  pour  une  insuftisance  mitrale  large  avec  rupture  des  tendons  val- 
vulaires  antérieurs  et  endocardite  chronique,  avec  caillots  anciens  de  l'auricule 
droite.  Le  22  novembre,  dans  la  soirée,  le  malade  fut  pris  d'élancements  dans 
la  main  gauche  et  l'avant-bras,  avec  engourdissement  notable  et  refroidissement. 
La  main  ne  pouvait  plus  être  fermée  et  peu  d'heures  après  le  début  des  accidents 
elle  était  devenue  livide,  très-douloureuse,  donnant  30", 4  seulement  au  thermo- 
mètre de  surface,  tandis  que  du  côté  opposé  sa  similaire  en  donnait  36°,8.  Le 
lendemain,  plus  de  fourmillements  dans  la  main  gauche,  douleur  légère  à  la 
pression  dans  l'aisselle;  il  existe  encore  quelques  douleurs  lancinantes  dans 
le  membre  supérieur  dont  la  température  est  toujours  abaissée.  Le  29  novembre 
les  mouvements  sont  aussi  faciles,  la  température  aussi  élevée  dans  le  bras  et  la 
main  gauches  que  dans  les  droits.  Le  1^"^  décembre  le  malade  essaye  de  se  lever, 
mais  à  peine  est-il  hors  de  son  lit  qu'il  tombe  sur  le  carreau  de  la  salle  et  meurt 
en  trois  minutes  environ.  A  l'autopsie,  on  trouve  l'humérale  gauche  oblitérée  par 
un  caillot  ancien  de  2  centimètres  de  long  à  l'union  du  tiers  supérieur  et  du 
tiers  moyen;  la  radiale  renfermait  du  sang  liquide;  après  quelques  troubles 
ischémiques  la  circulation  s'était  rétablie.  Le  rein  droit  présentait  sur  sa  face 
antérieure  et  à  sa  partie  moyenne  un  gros  infarctus  ancien  ;  il  en  existait  un  tout 
semblable  dans  le  rein  gauche.  Enfin  à  partir  de  1  mètre  au-dessous  du  pylore 
l'intestin  grêle  était  plein  de  sang  et  sa  paroi  était  le  siège  d'une  infiltration 


378  HÉMORRIIAGIE. 

diffuse  de  sang  noir  intéressant  toutes  les  tuniques  et  répandue  sur  une  étendue 
de  plus  de  o  mètres.  Une  apoplexie  intestinale  diffuse  était  donc  l'origine  de 
l'hémorrhagie  terminale  qui  avait  tué  le  malade  comme  par  un  ictus.  On  trouva 
l'artère  mésentérique  supérieure  oblitérée  par  un  caillot  ancien  de  2  centimètres 
et  demi  de  long.  Chez  un  même  sujet  et  suivant  la  région  intéressée  l'embolie 
avait  donc  produit  :  a,  une  ischémie  temporaire;  b,  des  infarctus  secs,  sans 
hémorrhagie;  c,  une  énorme  hémorrhagic  en  surface. 

Ces  effets  variables  de  lésions  fondamentalement  identiques  sont  aisés  à  expli- 
quer. Dans  une  région  où  existent  de  nombreuses  anastomoses,  l'oblitération  d'un 
gros  tronc  artériel  par  l'embolus  agit  à  la  façon  d'une  simple  ligature.  11  en  est 
de  même  dans  le  poumon  quand  on  y  détermine  des  embolies  d'un  certain 
volume,  on  introduisant,  par  exemple,  dans  la  jugulaire  de  petites  boulettes  de 
cire  à  cacheter  ou  des  graines  de  diamètre  variable.  Dans  ce  cas  (Ranvier),le  vais- 
seau oblitéré  présente,  en  amont  et  en  aval  de  l'obstacle,  des  branches  anasto- 
motiques  qui  rétablissent  la  circulation.  Mais,  quand  on  injecte  des  poussières 
impalpables,  telles  que  do  la  poudre  de  lycopode  ou  du  pollen  de  sapin,  les 
embolies  minuscules  s'engagent  dans  des  artérioles  qui,  telles  que  celles  de  la 
portion  du  poumon  voisine  de  la  plèvre,  sont  absolument  terminales.  L'infarctus 
hémoptoïque  rouge  se  produit  alors,  précédé  par  l'œdème  de  l'aire  vasculaire 
anémiée  et  consiste  dans  l'envahissement  des  alvéoles  par  le  sang,  dont  la  vitesse 
est  rapidement  annulée,  dont  la  tension  s'augmente  en  proportion  tout  à  fait 
inverse  et  qui  rompt  les  capillaires  ou  passe  au  travers  d'eux  par  diapédèse  après 
quoi  il  se  coagule.  Ainsi  se  forme  Vinfardiis  hémoptoïque  de  Laennec,  mais  les 
questions  de  mécanique  circulatoire  ne  sont  pas  les  seules  qu'il  faille  faire  inter- 
venir dans  sa  production,  pas  plus  que  dans  celle  de  l'hémorrhagie  massive,  de 
l'hémoptysie  satellite  de  l'apoplexie  pulmonaire  qui  peut  se  montrer  ou  manquer, 
concurremment  à  la  formation  de  l'infarctus. 

On  est  aujourd'hui  d'accord  pour  éliminer  l'influence  de  la  fluxion  collatérale 
admise  par  Virchow  pour  expliquer  comment  une  aire  vasculaire  rendue  exsangue 
par  l'oblitération  de  l'artère  qui  la  commande  arrive  à  être  envahie  par  le  sang 
qui  s'y  extravase  sous  forme  d'hémorrhagie  interstitielle.  PourYirchow  [Handbuch 
der  speciellen  Palhol.  und  Thérapie,  1855,  t.  1,  p.  156)  de  même  que  pour 
Cohn  [die  Embolie  und  ihre  Folgen  nach  Experimenten  an  Tlneren,  etc. 
Breslau,  1850)  le  sang  ne  pouvant  pénétrer  le  cône  vasculaire  anémié  s'engage 
dans  les  voies  collatérales  et  les  gorge,  au  pourtour  de  ce  cône  exsangue,  au 
point  de  les  rompre.  Mais  c'est  là  une  vue  théorique.  Outre  que  dans  le  foie, 
dans  le  rein,  la  pression  latérale  engendrée  par  le  flux  collatéral  autour  des 
infarctus  n'arrive  point  à  rompre  les  vaisseaux  capillaires,  il  est  aisé  de  constater 
expérimentalement  que,  au  pourtour  des  aires  vasculaires  anémiées  par  des 
boulettes  de  cire  à  cacheter  hincées  dans  le  système  veineux,  le  parenchyme  pul- 
monaire ne  dessine  pas  de  marge  congestive.  La  congestion  veineuse  en  retour 
qui,  d'après  Lépine  {Physiologie  pathologique  des  lésions  produites  par  les 
embolies.  In  Gaz.  médic.  de  Paris,  1872,  p.  276-285),  se  produit  dans  l'aire  ané- 
miée jusqu'à  ce  que,  dans  cette  dernière,  le  sang  ait  acquis  la  même  pression  que 
dans  l'arbre  veineux,  est  aussi  insuffisante,  je  crois,  pour  expliquer  à  elle  seule 
l'hémorrhagie.  La  véritable  raison  de  l'effraction  vasculaire  a  en  réalité  été  indi- 
quée par  mon  maître  Ranvier  {Manuel  d'histologie  pathologique,  p.  81,  et  thèse 
d'agrégation  de  Duguet,  1872).  Elle  réside  dans  ce  fait  que  l'embole  amène  par 
sa  présence  une  irritation  de  la  paroi  vasculaire  qui  s'enflamme  à  sou  niveau, 


HÉMORRIIAGIE.  57^ 

perd  de  sa  solidité  et  finit  par  se  rompre  immédiatement  on  arrière  de  l'embolus 
sous  l'elTort  de  la  pression  sanguine  qui,  sur  ce  point,  toute  la  vitesse  du  liquide 
sanguin  étant  éteinte  par  son  arrêt,  devient  égale  à  la  tension  vasculaire  à  l'ori- 
gine de  l'aorte.  L'artère  redevenue  embryonnaire  cède  alors  d'un  coup,  ou  bien 
le  sang  s'infiltre  dans  ses  parois  en  les  lamellisant  par  une  sorte  de  diabrose; 
enfin  le  sang  gagne  la  gaîne  lymphatique  et  de  là  le  cône  vasculaire  anémié  dont 
les  vaisseaux  capillau'es,  à  la  suite  de  l'anémie  même  de  la  région,  sont  d'ail- 
leurs devenus  friables  et  peuvent  se  rompre  ou  laisser  sortir  le  sang  par 
diapédèse  sous  l'influence  de  la  haute  tension  veineuse.  Les  conclusions  de 
Ranvier,  comme  on  pouvait  d'ailleurs  s'y  attendre,  n'ont  reçu  aucune  modifica- 
tion par  les  recherches  toutes  récentes  de  Pourcelot  [Formalion  de  ïhémorrhagie 
dans  l'infarctus  emboliqiie  du  poumon.  Thèse  de  Lyon,  1884),  inspirées  par 
L.  Bard,  mais  il  a  mis  en  lumière  un  fait  important,  c'est  l'influence  de  la  sep- 
ticité ou  de  l'asepticité  de  l'embolus  sur  la  réaction  des  parois  artérielles.  Quand 
l'erabole  est  septique,  l'artériole  pulmonaire  embolisée  est  absolument  revenue 
à  l'état  embryonnaire  au  bout  de  dix-sept  heures  et  sa  lumière  est  remplie  de 
globules  blancs  au-dessus  de  l'obstacle  ;  quand  il  est  aseptique,  on  trouve  à  peine 
des  traces  d'inflammation. 

Ainsi  donc,  au  niveau  de  l'embolus  les  vaisseaux  deviennent  très-friables 
parce  qu'ils  s'enflamment,  et  il  se  crée  un  point  faible  sur  lequel  agissent  :  en 
amont  la  tension  artérielle  telle  qu'elle  est  à  l'origine  de  l'aorte,  en  aval  la  ten- 
sion veineuse  telle  qu'elle  est  dans  les  veines  réservoirs,  et  ceci  en  vertu  même 
du  principe  bien  connu  de  Pascal,  puisque  le  sang  ne  se  meut  plus  dans  les  vais- 
seaux intéressés.  De  plus,  au  voisinage  de  la  plèvre,  là  où  se  font  à  peu  près 
exclusivement  les  infarctus  hémoptoïques,  il  existe  pendant  chaque  inspiration 
une  tension  négative.  Enfin  l'on  sait  que  le  dispositif  anatomique  des  réseaux 
vasculaires  du  poumon  en  fait  aussi  des  points  faibles.  Toutes  les  conditions 
sont  donc  ici  réunies  pour  que  la  rupture  se  produise  ou  du  moins  que  les 
actions  diapédétiques  s'exercent  largement.  Cela  explique  pourquoi,  consécutive- 
ment aux  embolies  et  à  l'infarctus  qui  en  résulte,  on  observe  plus  souvent  que 
partout  ailleurs  des  hémorrhagies  massives  dans  le  parenchyme  pulmonaire. 

Mais  il  y  a  une  autre  raison  :  c'est  le  voisinage  de  l'aii*  qui,  dans  les  alvéoles 
perméables,  arrive  au  contact  de  la  marge  de  l'infarctus.  Dans  ces  conditions  le 
foyer  embolisé,  déjà  envahi  par  le  sang  qui  a  rempli  ses  alvéoles,  se  trouve 
transformé  en  une  petite  collection  sanguine  exposée.  11  se  produit  alors  à  son 
niveau  des  phénomènes  inflammatoires  sur  lesquels  a  insisté  avec  juste  raison 
Balzer  (article  Hémorrhagie  pulmonaire,  in  Nouv.  Dict.  deméd.  et  de  chir.  pra- 
tiques, t.  XXIX)  et  qui  s'accompagnent  de  ramollissement  des  vaisseaux,  prin- 
cipalement sur  les  limites  de  l'infarctus  et  des  portions  du  poumon  qui  l'envi- 
ronnent. De  là  très-vraisemblablement  les  hémorrhagies  successives  qui  se 
produisent  dans  certains  cas  d'apoplexie  pulmonaire.  Si  l'infarctus,  ce  qui  se  voit 
quelquefois  surtout  dans  les  embolies  septiques  consécutives  y  l'endocardite  ulcé- 
reuse, se  trouve  placé  dans  des  conditions  qui  le  rapprochent  de  plus  en  plus 
d'un  foyer  sanguin  exposé,  la  terminaison  par  gangrène,  accompagnée  d'érosions 
multipliées  des  vaisseaux  (d'origine  nécrosique),  peut  être  observée  et  n'est 
même  pas  rare. 

La  production  d'héraorrhagies  à  une  grande  distance  d'un  embolus,  comme 
dans  le  cas  d'oblitération  de  la  mésaraïque  que  j'ai  rapporté  plus  haut,  conduit 

nenser  que  les  réseaux  terminaux  commandés  par  l'artère  embolisée  subissent 


580  HÉMORRIIAGIE. 

plus  ou  moins  rapidement,  par  le  fait  de  l'embolie,  des  lésions  de  nutrition 
analogues  à  celles  expérimentalement  de'montrées  par  Cohnheim  et  Tarchanolï 
à  la  suite  de  la  ligature  des  veines.  Us  subissent  uu  ramollissement  qui  ne  leur 
permet  plus  de  retenir  le  sang  sous  la  pression  ordinaire.  Dans  notre  observa- 
tion, en  effet,  il  n'existait  aucune  maladie  juxtamuqueuse;  une  oblitération 
unique  de  la  grande  mésaraique  fut  seule  mise  en  lumière  par  une  dissection 
minutieuse.  Du  reste  l'bémorrhagie  s'était  faite  en  nappe  dans  tout  le  départe- 
ment commandé  par  la  grande  mésenlérique.  Dans  ces  conditions  lu  stase  existant 
dans  le  domaine  de  la  veine  porte,  du  fait  de  la  congestion  hépatique  d'origine 
asystolique,  put  arriver  à  exercer  des  effets  suffisants  pour  triompher  de  la 
résistance  des  parois  vasculaires  dans  la  zone  anémiée,  et  ne  produisit  aucune 
hémorrhagie  dans  celle  que  commandait  la  mésentérique  inférieure,  où  la  pleine 
circulation  s'était  maintenue. 

Les  exemples  qui  piécèdent  concourent  donc  ;i  démontrer  que  l'embolie  des 
petits  vaisseaux  détermine  sur  place,  au  niveau  même  du  caillot  embolisant,  le 
ramollissement  vasculaire  par  inflammation  de  la  paroi  et  à  distance  le  ramol- 
lissement des  réseaux  capillaires  inertes  par  suite  de  l'anémie,  ces  vaisseaux  ne 
vivant,  en  réalité,  de  leur  vie  propre  et  surtout  ne  respirant  que  par  le  sang 
même  qui  les  traverse  parce  qu'ils  sont  dépourvus  de  vasa  vasoriim.  Or  on  sait 
que  l'anoxémie  est  l'une  des  causes  les  plus  puissantes  de  la  désintégration 
granulo-graisseuse  des  éléments  anatomiques.  On  voit  donc  que,  par  sou  action 
directe  et  à  distance  sur  les  vaisseaux,  l'embolie  (et  ceci  pourrait  aussi  s'appliquer 
à  la  thrombose  veineuse)  exerce  une  influence  très- favorable  à  la  production  des 
hémorrhagies  par  rupture,  surtout  là  oii  les  réseaux  vasculaires  constituent  des 
points  faibles  du  circuit  parce  qu'ils  sont  exposés  sur  des  surfaces  (muqueuses) 
ou  mal  soutenus  (poumonj. 

Plus  encore  peut-être  que  les  embolies  des  artères  et  des  artérioles,  celles 
des  capillaires  vrais  deviennent  l'origine  de  processus  hémorrhagiques  surtout 
lorsqu'elles  sont  multipliées  dans  une  aire  vasculaire  donnée.  Fellz,  dans  son 
Traité  clinique  des  embolies  capillaires,  a  soigneusement  étudié  cette  cause 
d'éruption  sanguine  et  l'a  mise  hors  de  conteste.  Les  effets  des  embolus  volu- 
mineux sur  la  paroi  vasculaire,  après  ce  que  nous  venons  de  dire  des  embolies 
artérielles  et  artériolaires,  se  comprennent  pour  ainsi  dire  d'eux-mêmes.  Ln  fait 
très-intéressant,  qui  a  été  mis  en  lumière  par  Ollivier  et  Ranvier  {Mém.  de  la 
Soc.  de  biologie,  série  4,  t.  IV,  p.  246,  nouvelle  ohs.  pour  servira  l'histoire  de 
la  leucémie,  Arch.  de  physiologie,  1869,  p.  487),  c'est  que  dans  la  leucocylhémie 
ces  embolies  sont  produites  par  les  globules  blancs.  Les  cellules  lymphatiques 
peuvent  en  effet  devenir  assez  nombreuses  pour  obstruer  les  capillaires,  et  comme 
elles  adhèrent  aux  parois  des  vaisseaux  lorsqu'elles  viennent  à  les  toucher,  pour 
ne  plus  avancer  ensuite  qu'en  vertu  de  leurs  mouvements  pseudopodiques,  il 
en  résulte  que  ces  éléments,  amenés  en  grand  nombre  par  le  courant  sanguin  et 
restant  ensuite  en  retard  quand  ils  se  sont  fixés  à  la  paroi,  s'accumulent  sur 
le  point  qui  est  le  siège  de  leur  fixation  et  arrivent  à  oblitérer  la  lumière  du  capil- 
laire. En  outre  j'ai  montré  [Rech.  sur  les  éléments  cellulaires  du  sang,  in  Arch. 
de  physiologie,  1881)  que  chez  certains  leucémiques  il  existe  de  véritables  glo- 
bules blancs  géants,  mesurant  de  12  à  19  a  de  diamètre  et  à  peu  près  dépourvus 
de  mouvements  araiboïdes.  Ces  globules  énormes  et  inertes,  incapables  par  con- 
séquent de  réduire  leurs  dimensions  par  leur  action  propre,  huit  fois  plus  volu- 
mineux que  les  globules  rouges,  peuvent  donc  aisément  jouer  le  rôle  d'embolus, 


HÉMORRHAGIE.  581 

puisque  certains  capillaires  sont  à  peine  plus  larges  que  le  diamètre  des  globules 
rouges  du  sang.  Ils  pourront  donc  s'arrêter  dans  les  réseaux  capillaires  à  la  façon 
de  grains  de  pollen  et  devenir  la  source  d'hémorrhagies,  en  déterminant  autour 
d'eux  le  ramollissement  de  la  paroi  vasculaire  et  sa  rupture  ou  son  érosion  par 
diabrose  diapédotiquc  immédiatement  en  amont  de  l'obstacle  formé  par  eux. 

Aux  embolies  orijaniqnes,  cnioriqiies,  leucocijthùjues,  dont  je  viens  de  parler, 
il  fautjoindre  actuellement  celles  de  ?ia/î//"e/jrtmsz7a»-e.  La  migration  des  colonies 
de  schizomycètes  soit  sous  forme  bacillaire,  soit  sous  celle  de  zooglœas,  et  l'arrêt 
de  ces  masses  parasitaires  pour  former  des  embolies  suivies  ou  non  de  ruptures 
vasculaires  en  amont,  n'est  plus  à  démontrer.  Cbez  des  nouveau-nés  présentant 
des  bémorrbagies  multiples  en  dehors  de  tout  traumatisme,  liémorrhagies  que 
déprime  abord  on  songeait  à  mettre  sur  le  compte  d'une  diathèse  hémophilique, 
Rlebs  {Aerztl.  Correspondenzhlatt  f.  Bôhmen)  et  Weigert  (cité  par  Cohnbeim, 
Path.  génér. ,  art.  Hémorrhagie)  ont  montré  que  l'origine  des  foyers  hémorrliagiques 
consistait  en  embolies  multiples  de  nature  bactérienne.  Tout  récemment  Padrone 
a  proposé  la  même  exi)lication  pour  les  bémorrbagies  multiples  de  certaines 
péîioses  rhumatismales.  Dans  cette  conception,  le  purpura  de  la  péliose  serait 
déterminé  par  l'arrêt  d'une  série  de  colonies  parasitaires  dans  les  réseaux  vascu- 
laires du  tégument.  11  convient,  je  crois,  de  n'accepter  qu'avec  réserve,  jusqu'ici 
du  moins,  les  faits  particuliers  de  ce  genre;  mais  ce  que  nous  savons  maintenant 
des  maladies  infectieuses  permet  de  faire  entrer  du  moins  les  embolies  parasi- 
taires dans  le  cadre  des  causes  capables  de  produire  l'bémorrbagie  à  la  suite  de 
l'oblitération  embolique  des  petits  vaisseaux. 

C.  Lésions  entraînant  Fouverture  du  vaisseau,  c.  Hémorrhagies  d'origine 
ulcéreuse.  On  sait  comment  et  dans  quelles  conditions  se  produit  l'ulcération; 
ce  phénomène  suppose  toujours  la  désintégration  moléculaire  des  parties  vivantes, 
le  plus  souvent  effectuée  dans  l'aire  de  distribution  d'un  vaisseau  sanguin  oîi  la 
circul.ition  ne  s'opère  plus  avec  une  intensité  et  une  régularité  suffisantes  pour 
permettre  à  la  nutrition  des  pnrties  commandées  de  demeurer  en  activité.  C'est 
ainsi  que  l'ulcération  termine  les  processus  inllammatoires  qui  s'accompagnent 
d'endartérite  oblitérante.  A  la  peau,  les  artérioles  se  capillarisant  suivant  un 
cône  à  base  tournée  vers  l'épiderme,  toutes  les  ulcérations  élémentaires  présen- 
tent une  configuration  arrondie  suivant  un  élément  de  section  conique  ;  je 
reviens  à  cet  exemple  [voij.  Dermatoses  lAnntomie  pathologique  générale^  parce 
qu'il  fait  bien  comprendre  l'influence  des  vaisseaux  dans  le  mécanisme  intime 
de  l'ulcération.  En  dehors  de  là  les  ulcérations  peuvent  être  divisées  en  trois 
ordres  :  gangreneuses,  nécrobiotiques  ou  inflammatoires.  A  ces  trois  ordres 
ressortissent  trois  catégories  d'hémorrhagies  possibles  et  prenant  leur  origine 
dans  le  processus  ulcératif. 

1°  Hémorrhagies  ulcéreuses  d'origine  gangreneuse.  Quand  une  eschare 
renferme  un  vaisseau  dans  son  trajet,  au  moment  de  la  séparation  du  mort  et 
du  vif,  il  peut  se  faire  que  sur  ses  limites  ce  vaisseau  ne  soit  pas  oblitéré,  d'une 
façon  solide,  par  le  processus  d'endartérite  ou  d'endophlébite  ordinaire.  La  chute 
de  l'eschare  l'ouvre  alors  et  une  hémorrhagie  se  produit.  11  est  absolument 
inutile  d'insister  davantage  ici  sur  ce  point  de  pathogénie.  C'est  à  cet  ordre  de 
causes,  il  convient  cependant  de  le  faire  remarquer,  qu'est  due  dans  la  majorité 
des  cas  l'hémorrhagie  intestinale  de  la  dotliiénentérie.  La  lésion  des  plaques  de 
Payer  peut  en  effet,  on  le  sait,  conduire  à  la  production  d'une  plaque  de  gan- 
grène supei'ûcielle  intéressant  la  portion  de  la  muqueuse  intestinale  qui  les 


"382  IIÉMORRHAGIE. 

recouvre.  Celte  muqueuse,  en  effet,  est  tlisposée  en  une  lame  mince,  trouée  au 
niveau  de  chaque  saillie  ou  tête  folliculaire  pour  recevoir  le  mamelon  de  cette 
dernière  et  ne  communiquant  avec  les  parties  profondes  que  par  des  ponts 
étroits  occupant  les  intervalles  des  follicules.  C'est  par  ces  ponts  que  passent 
les  vaisseaux  sanguins  et  lymphatiques  qui  lui  donnent  sa  vitalité.  Lorsque 
l'engorgement  folliculaire  est  porté  à  l'exlrème,  les  vaisseaux  précités  sont  effacés 
mécaniquement  et  le  voile  muqueux  superficiel  qu'ils  nourrissaient  est  frappé  de 
mort.  De  là  la  possibilité  d'une  liémorrhagie  au  moment  de  la  chute  de  l'eschare 
quand  cette  dernière  a  été  formée  brusquement  et  sans  intervention  possible  de 
phénomènes  inflammatoires.  L'absence  ordinaire  d'hémorrhagies  dans  le  cas 
d'ulcérations  tuberculeuses  des  plaques  de  Peyer,  souvent  si  semblables  aux  ulcé- 
rations dothiénentériques  que  toute  destruction  à  l'œil  nu,  du  côté  de  la 
muqueuse,  ne  peut  être  faite,  tient  au  contraire  au  mécanisme  presque  exclusi- 
vement inflammatoire  et  lent  qui  a  présidé  à  la  formation  delà  lésion. 

2°  Hémorrhagies  ulcéreuses  d'origine  nécrobiotique.  Ce  sont  les  hémorrha- 
gies  satellites  des  ulcères  atones  ;  elles  ont  pour  type  celles  qui  accompagnent 
ou  compliquent  l'ulcère  perforant  de  l'estomac,  du  duodénum,  plus  rarement 
l'ulcère  perforant  du  pied,  enfin  certaines  hémorrhagies  produites  dans  les 
parois  ou  cloisons  de  certaines  cavernes  tuberculeuses,  absolument  en  dehors 
de  toute  disposition  anévrysmale  préalable.  La  désintégration  moléculaire  inces- 
sante dont  l'ulcère  est  le  siège  gagne  de  proche  en  proche  sans  qu'il  se  produise 
sur  ses  limites  la  moindre  réaction  inflammatoire  du  moins  dans  la  majorité 
des  cas.  Celte  désintégration  arrive  à  intéresser  la  paroi  d'un  vaisseau  compris 
dans  son  aire  et,  quand  elle  a  attaqué  cette  paroi  de  façon  à  la  rendre  incapable 
de  résister  aux  variations  ordinaires  du  régime  circulatoire  dans  la  région,  un 
mouvement  congestif  accidentel,  un  effort  de  toux  ou  de  défécation,  suffisent  à 
déterminer  l'effraction  vasculaire.  L'hémorrbagie  suit,  avec  le  type  réactionnel 
particulier  commandé  par  le  point  même  de  l'économie  où  elle  s'effectue. 
D'autres  fois  c'est  en  réalité  l'ulcère  qui  ouvre  le  vaisseau,  et  l'on  voit  Thémor- 
rhagie  se  produire  en  dehors  de  toute  circonstance  occasionnelle  à  laquelle  on 
puisse  imputer  une  rupture. 

Les  hémorrhagies  dont  les  ulcères  variqueux  atones  du  tégument  sont  fréquem- 
ment le  point  de  départ  et  le  siège  s'effectuent  suivant  un  mode  très-analogue. 
Mais  ici  la  cause  est  complexe:  les  vaisseaux  sont  malades,  à  parois  ectasiques 
souvent  communicantes,  comme  on  le  voit  dans  les  angiomes,  et  il  existe  une 
inflammation  clironique  des  tissus.  Aussi  les  ruptures  à  l'occasion  d'efforts,  de 
longue  station  debout,  etc.,  sont-elles  plus  fréquemment  observées  que  les 
ulcérations  véritables  par  désintégration  de  la  paroi  vasculaire.  Cette  catégorie, 
en  réalité,  établit  la  transition  naturelle  de  la  précédente  à  celle  qui  va  suivre. 

5°  Hémorrhagies  ulcéreuses  d'origine  infiammatiore.  Lorsque  l'inflamma- 
tion se  produit  au  voisinage  d'une  masse  de  vaisseaux  malades,  comme  c'est  le 
cas  dans  l'ulcère  variqueux,  ou  mieux  encore  dans  les  tumeurs  érectiles  ou 
vasculaires  quelconques,  et  qu'elle  aboutit  à  l'ulcération  de  la  peau  ou  d'une 
muqueuse,  cette  ulcération  peut  intéresser  la  paroi  des  vaisseaux  adjacents  et 
déterminer  une  hémorrhagie.  Mais  en  dehors  de  ce  cas  particulier  l'on  peut  dire 
que  l'inflammation  proprement  dite  a  peu  de  tendance  à  produire  l'ulcération 
des  vaisseaux.  Ces  derniers  en  effet,  s'ils  sont  influencés  par  elle,  y  participent 
et  s'oblitèrent  par  endartérite  ou  endophlébite;  le  plus  souvent  ils  sont  respectés. 
Le  passage  de  vaisseaux  sanguins,  surtout  artériels,  à  travers  un  foyer  phlegmo- 


HÉMORRHAGIE.  58â 

neux  qui  les  dissèque  sans  les  détruire,  est  depuis  longtemps  classique.  11  con- 
vient cependant  de  faire  remarquer  que  l'inllammation  catarrhale  de  certaines 
muqueuses  ne  respecte  pas  toujours  les  vaisseaux  sanguins  adjacents  :  elle  les 
■ouvre  par  le  mécanisme  des  ulcérations  catarrliales.  C'est  ce  qui  arrive  dans 
l'eûtérite  dysentérique  et  mieux  encore  dans  le  coryza.  L'épistaxis  du  coryza 
survient  ordinairement  vers  le  déclin  de  cette  affection,  qu'elle  qu'en  soit  d'ail- 
leurs la  cause  ;  c'est  au  moment  où  des  croûtes  molles  se  sont  étalées  à  la  surface 
■de  la  muqueuse,  recouvrant  de  petites  ulcérations  superficielles  et  ponctuées, 
qu'on  voit  l'hémorrliagie  survenir,  principalement  au  moment  des  efforts  ou 
dans  l'action  de  se  moucher.  Avec  les  croûtes  une  petite  eschare  pelliculaire 
s'enlève  de  la  surface  de  l'ulcération  et  le  sang  sort  des  capillaires  érodés.  Mais 
en  réalité  l'inflammation,  en  dehors  de  ces  cas  particuliers,  ne  saurait  être  con- 
sidérée comme  une  puissante  cause  directe  d'hémorrhagies  massives  par  rupture, 
érosion  ou  ulcération  des  vaisseaux.  Nous  allons  voir  dans  un  instant  que,  tout 
au  contraire,  elle  joje  un  rôle  des  plus  importants  dans  le  mécanisme  de  la 
production  des  hémorrhagies  diapédétiques  ou  électives,  dont  nous  allons  dès  à 
iprésent  aborder  l'étude  pathogénique. 

Rôle  de  la  diapédèse  daks  les  pfutes  de  sang  :  hémoriihagies  électives. 
Nous  avons  déjà  vu  que  le  ])hénoniène  de  la  diapédèse,  en  déterminant,  lorsqu'il 
i5 'opère  largement  dans  une  aire  vasculaire,  le  ramollissement  des  parois  des 
capillaires,  des  veinules  et  même  des  artérioles,  joue  un  rôle  important  dans  la 
production  des  hémorrhagies  par  rupture.  La  membrane  vasculaire  qui  a  été 
percée  de  stomates  temporaires  a  perdu  sa  solidité;  elle  est  facilement  éraillée 
ensuite  par  l'effort  du  sang  qui  peut,  sans  fendre.  le  vaisseau  en  long  ou  le  rompre 
net  en  travers,  exercer  une  sorte  de  divulsion  sur  sa  membrane  propre  et  réaliser 
ainsi  ce  que  Demetrius  d'A pâmée  nommait  la  diahrose,  ou  effraction  par  érail- 
lure.  Mais  actuellement  une  autre  question  se  présente;  le  sang  complet,  avec 
tous  ses  principes  :  son  plasma  entier,  ses  deux  ordres  de  globules  en  proportions 
normales  les  uns  par  rapport  aux  autres  et  par  rapport  au  plasma,  peut-il  sortir 
■des  vaisseaux  sous  l'influence  d'une  simple  action  diapcdétique? 

Dans  l'état  actuel  de  la  science,  il  est  extrêmement  difficile  de  répondre  à 
cette  question  ;  comme  le  fait  remarquer  lui-même  Cohnheim  (art.  IIémorrhagie 
de  sa  Pathologie  générale),  le  plus  souvent  le  clinicien  est  hors  d'état  de  déter- 
miner si  une  hémorrhagie  donnée  est  due  à  la  diapédèse  ou  au  rhexis.  Même 
lans  les  hémorrhagies  congestives  qui  sont  le  résultat  d'une  action  motrice 
glandulaire  excessive  ou  anormale,  telles  que  la  sueur  ou  les  larmes  de  sang, 
quand  on  voit  le  sang  complet,  coagulable,  sortir  comme  en  vertu  d'une  sorte 
de  sécrétion,  on  peut  bien  dire  que  la  diapédèse  joue  un  grand  rôle  dans  le  phé- 
nomène, et  même  le  plus  grand  dans  les  cas  où  il  n'existe  pas,  au  niveau  du 
point  qui  a  donné  issue  au  sang,  de  nappe  ecchymotique  interstitielle.  En  effet, 
l'absence  d'ecchymose  montre  que  le  liquide  sorti  des  vaisseaux  n'a  pas  fait  une 
brusque  irruption,  comme  massive,  dans  les  espaces  interorganiques.  Mais 
d'autre  part  il  serait  téméraire  d'affirmer  que,  dans  tous  ses  points,  le  réseau 
vasculaire  envahi  par  la  congestion  hémorrhagipare  a  résisté  sans  se  rompre.  Ce 
point  particulier  appelle  donc  de  nouvelles  recherches,  et  ce  n'est  nullement  par 
des  raisonnements  ou  des  inductions  qu'un  tel  })roblème  peut  être  résolu. 

Mais  il  est  des  pertes  de  sang  que  j'ai  proposé  de  nommer  électives  et  dans 
lesquelles  le  liquide  nourricier  se  présente  aux  yeux  de  l'observateur  avec  des 
caractères  anormaux,  montrant  qu'il  a  subi,  sur  son  trajet  des  vaisseaux  à 


( 


384  HÉMORRIIAGIE. 

l'extérieur  ou  dans  les  espaces  inlerorganlques,  des  changements  de  constitution 
qui  supposent  l'existence  d'un  véritable  processus  de  filtration.  Ce  sang  peut 
être,  par  exemple,  incoagulable,  comme  celui  des  menstrues  :  il  a  donc  laissé  en 
chemin  une  partie  ou  la  totalité  de  ses  éléments  fibrinogènes.  Il  peut  présenter 
une  abondance  anormale  de  globules  blancs,  un  plus  petit  nombre  de  globules 
rouges.  En  s'extravasant,  il  a  donc  subi  de  la  part  des  parois  vasculaires  une 
sorte  de  choix  dans  les  principes  constitutifs  ou  les  éléments  figurés  qui  doivent 
passer  tandis  que  d'autres  sont  retenus.  Or  la  diapédèse  seule  est  capable 
d'exercer  ce  choix,  celte  action  élective  qui  donne  à  l'exsudat  sanguin  ses  carac- 
tères distinclifs  et,  comme  nous  allons  le  voir  dans  un  instant,  sa  physionomie 
propre  au  processus  hémorrhagique. 

A  une  époque  rapprochée  de  nous,  mais  où  le  phénomène  de  la  diapédèse  était 
encore  contesté,  les  auteurs  cherchaient  à  expliquer  les  différences  existant  entre 
le  sang  des  règles  et  le  sang  normal  par  son  mélange  avec  le  mucus  vaginal, 
l'existence  d'acides,  etc.  {voij.  ME^sTRUA.Tlo^).  On  sait  aujourd'hui  que  ce  sang 
est  de  beaucoup  moins  riche  en  globules  rouges  que  le  sang  ordinaire  et  que,  s'il 
renferme  de  la  fibrine,  c'est  dans  un  état  tout  particulier,  comme  l'avait  fait  voir 
il  y  a  longtemps  Denis  (de  Commercy).  C'est  donc  un  sang  séreux,  pauciglobu- 
laire,  ne  donnant  pas  le  coagulum  fibrineux  normal,  et  en  réalité  modifié  au 
passage.  C'est  pourquoi  je  nie  ranf^c  du  cùlé  de  ceux  qui  voient  dans  l'éruption 
des  règles  un  phénomène  diapédique,  phénomène  qui  se  sépare  nettement  des 
hémorrhagies  utérines  par  rhexis  qui  donnent  du  sang  complet  et  coagulable. 
Mais  il  faut  abandonner  ici  ce  sujet,  la  menstruation  ne  rentrant  pas  à  vrai  dire 
dans  le  cath'e  des  phénomènes  morbides,  et  étudier  les  hémorrhagies  électives  sur 
un  autre  terrain. 

Au  cours  de  cet  article  j'ai  souvent  pris  pour  exemple  l'affection  cutanée 
variable  décrite  par  Hébra  sous  le  nom  d'érythème  polymorphe  parce  qu'elle 
donne  la  clef  des  congestions  hémorrhagipares  en  les  reliant  en  série  à  celles  qui 
ne  le  sont  pas.  Je  veux  encore  y  revenir  et  faire  remarquer  que,  sur  un  même 
sujet  l'on  peut  trouver,  de  par  une  même  cause  morbigène  agissant  à  des 
degrés  d'intensité  divers,  à  la  fois  des  lésions  congestives  simples,  des  lésions 
d'œdème  blanc  ou  anémique  (urticaire),  des  lésions  œdémateuses  colorées  plus 
ou  moins  par  le  sang  (œdème  hématique),  des  ecchymoses  vraies,  mais  dès  le 
début  peu  intenses,  enfin  des  aires  hémorrhagiques  véritables,  formant  dans  le 
tégument  nouùre  et  constituées  par  du  sang  complet  qui  coagule  interstitielle- 
ment.  Cette  succession  de  lésions,  croissantes  de  la  congestion  simple  à  1  lié- 
morrhagie  proprement  dite,  avec  des  hémorrhagies  incomplètes  pour  intermé- 
diaires, et  que,  dans  la  maladie  d'Ilébra,  nous  voyous  se  former  et  passer  de 
l'une  à  l'autre  sous  nos  yeux,  est  un  phénomène  tout  à  fait  fréquent  en  pathologie. 
Les  hémorrhagies  incomplètes  ou  électives  se  retrouvent,  avec  des  caractères 
analogues  à  ceux  qu'elles  affectent  dans  la  peau,  dans  une  série  d'états  morbides 
auxquels  elles  impriment  le  cachet  hémorrhagique.  Leur  étude  est  donc  de  la 
plus  haute  importance  pour  le  pathologiste  quand  bien  même,  la  plupart  du 
temps,  elles  diffèrent  des  hémorrhagies  proprement  dites  à  la  fois  par  l'origine, 
le  mécanisme,  l'évolution  et  enlin  par  la  signification  séméiotique. 

Considérons  une  phlyctène  du  zona  ;  il  s'agit  ici  d'un  œdème  aigu  congestif 
de  cause  nerveuse.  L'inondation  séreuse  a  été  brusque  et  a  soulevé  les  couches 
épidermiques  du  tégument  au  niveau  du  point  faible  de  l'ectoderme  :  la  ligne 
granuleuse.  Le  liquide  qui  remplit  la  phlyctène  est  formé  de  plasma  coagulable 


IIÉMORRIIAGIE.  385 

rempli  de  globules  blancs,  mais  constamment  aussi  on  en  rencontre  des  rouges. 
Il  n'y  a  pas  là  de  vaisseaux  rompus,  mais  issue  des  hématies  avec  les  leucocytes, 
comme  dans  toute  diapédèse  active.  Examinons  maintenant  avec  soin  toutes  les 
phlyctènes  de  l'éruption;  à  peu  près  constamment,  comme  l'a  indiqué  mon 
maître  Ch.  Lailler,  on  trouvera  une  ou  deux  plilyctènes  plus  ou  moins  nettement 
hémorrhagiques,  c'est-à-dire  contenant  assez  de  globules  rouges  du  sang  pour 
prendre  à  l'œil  nu  la  teinte  caractéristique.  Enfin,  dans  le  zoster  hémorrhagique, 
toutes  les  phlyctènes  ou  presque  toutes  contiendront  un  liquide  offrant  les  carac- 
tères extérieurs  du  sang,  mais,  si  l'on  compte  les  globules  blancs  et  les  rouges, 
on  verra  que,  dans  la  majorité  des  cas,  le  sang  est  analogue  à  du  sang  leucé- 
mique, c'est-à-dire  présente  un  globule  blanc  pour  trois  rouges,  ou  même 
nombre  égal,  eufin  et  même  plus  souvent  les  globules  blancs  l'emportent  par  le 
nombre.  Sous  cette  lésion,  point  d'ecchymose  en  nappe  dans  le  derme. 

Voilà  donc  un  exsudât  hémorrhagique  parce  qu'il  a  la  couleur,  la  coagulabi- 
lité  du  sang,  mais  qui  en  réalité  n'est  qu'un  liquide  séparé  du  sang  par  transsu- 
datiou  élective  à  travers  la  paroi  des  vaisseaux  en  diapédèse,  et  différant  abso- 
lument du  sang  circulant  pris  par  piqûre  immédiatement  en  dehors,  ou  sous  la 
phlyctène  :  sang  qui  a  gardé  ses  proportions  normales  de  globules  rouges  et  de 
blancs,  tandis  que  celui  de  la  phlyctène  les  a  perdues. 

Dans  certains  cas  de  zona  hémorrhagique  cependant,  mais  à  vrai  dire  dans 
le  plus  petit  nombre,  le  sang  est  complet  et  analogue  à  celui  des  vaisseaux.  Il 
en  est  de  même  dans  l'érythème  polymorphe.  Diverses  coupes  de  la  peau  d'une 
même  région  peuvent  en  effet  montrer,  sur  des  lésions  voisines  :  1"  la  congestion 
simple;  2"  l'œdème  séreux;  3"  l'œtlème  hémati(iue;  4°  un  foyer  ecchymotique 
parfait.  La  détermination  cutanée  peut  donc  varier  d'une  inondation  séreuse  à 
une  inondation  sanguine,  avec  tous  les  intermédiaires  qui  appartiennent  natu- 
rellement à  l'ordre  des  hémorrhagies  électives.  Dans  la  portion  où  il  n'existe 
que  de  l'œdème,  on  trouve  de  nombreux  globules  blancs  et  seulement  quelques 
rouges  tlans  les  espaces  interorganiques.  Là  où  existe  l'œdème  hématique,  terme 
le  moins  élevé  de  l'hémorrhagie  élective,  la  proportion  des  globules  rouges  peut 
augmenter  jusqu'à  donner  à  la  préparation  non  colorée  une  teinte  rouge  de 
sang,  mais  il  n'y  a  point  de  coagulation  librineuse.  Là  où  existe  une  hémorrhagic 
vraie,  le  foyer  eccliymotique  existe  avec  ses  caractères,  et  présentera  ultérieu- 
rement son  évolution  propre.  Très-vraisemblablement,  sur  ce  point,  l'effort  de 
diapédèse  a  exercé  ses  effets  et  en  même  temps  des  ruptures  musculaires  se  sont 
produites. 

Ces  hémorrhagies  par  rupture  qui  se  produisent  dans  des  aires  vasculaires 
déjà  intéressées  par  la  congestion  neuro-paralytique,  déjà  modifiées  aussi  par  la 
diapédèse,  nous  sont  déjà  connues  :  nous  les  avons  étudiées  plus  haut  sous  le 
nom  à' hémorrhagies  congestives  et  nous  ne  reviendrons  pas  sur  leur  palhogénie. 
Ce  sont  celles  des  exanthèmes  hémorrhagiques,  du  purpura,  du  scorbut,  des 
maladies  générales  à  détermination  pétéchiale.  Les  congestions  d'origine  ner- 
veuse, les  embolies  capillaires  microbiennes,  les  effets  de  la  diapédèse,  enfin  les 
modifications  éprouvées  par  le  sang  sous  l'influence  des  divers  états  dyscrasiques, 
constituent  autant  de  facteurs  de  leur  production.  Ces  facteurs,  dans  chaque 
maladie^  à  hémorrhagies,  sont  conjugués  entre  eux  diversement,  de  façon  que 
leur  produit,  la  résultante  de  leurs  actions  combinées,  la  lésion  hémorrhagique, 
en  un  mot,  est  variable  d'aspect,  d'étendue,  d'évoluliou.  Je  fais  ici  cette  remarque 
pour  faire  observer  au  lecteur,  une  fois  de  plus,  (|ue  les  actes  de  physiologie 

DICT.  ESC.  i"  s.   XIH.  "ij 


386  JJKMORRIIAGIE. 

palliologi(jiie  tiui  conimandcnl  la  production  des  hémorrliagies  sont  très-com- 
plexes, et  qu'après  les  avoir  dissociés  artificiellement  pour  en  faire  letude  en 
pathologisle  il  faut  ensuite  dans  chaque  cas  particulier  les  grouper  en  clinicien 
pour  leur  assigner  les  dilïurences  spécifiques  qui  leur  sont  propres. 

Lorsqu'au  contraire  aucune  rupture  n'a  eu  lieu,  qu'il  s'agit  seulement  d'un 
œdème  congestif  devenu  sanglant  par  le  mélange  d'une  forte  proportion  de 
globules  rouges,  on  se  trouve  en  présence  de  cette  variété  d'iiéniorrhagie  élective 
que  nous  nommerons  congestion  kémorrhagique. 

Nous  prendrons  dans  les  lésions  de  la  morve  {voy.  Morve)  le  tvpe  de  la  con- 
gestion liémorrhagique.  Toute  lésion  morveuse  nodulaire  s'accompagne  d'une 
liémorrliagie  dont  le  liquide  coagule  et  devient  le  milieu  où  va  évoluer  le  nodule 
morveux.  Mais  il  ne  s'agit  pas  ici  d'une  nappe  de  sang  vraiment  pur,  comme 
celle  d'un  noyau  apoplectique.  Dans  le  poumon,  par  exemple,  on  voit  chez  le 
cheval  certains  alvéoles  remplis  de  globules  rouges  et  n'en  renfermant  que  peu 
de  blancs,  mais  toujours  en  proportion  plus  considérable  que  dans  le  san^  cir- 
culant. Dans  d'autres  alvéoles  les  globules  blancs  sont  plus  nombreux;  dans 
d'autres  enfin  ils  sont  en  majorité.  On  ne  trouve  pas  d'ailleurs  des  caillots  intra- 
vasculaires.  Les  éléments  du  sang  sont  sortis  en  masse,  mais  non  librement;  en 
émigrant  des  vaisseaux  au  dehors,  le  sang  a  été  modifié  dans  ses  proportions,  ce 
qui  est  le  propre  des  hémorrhagies  électives.  Dans  certaines  formes  de  tubercu- 
lose, et  notamment  dans  la   pneumonie  tuberculeuse  héraorrhagique,  forme 
rai)idement  dégénérative  et  qui  rentre  dans  le  cadre  des  plithisies  aiguës  (c'est- 
à-dire  lébriles,  du  début  du  processus  pneumonique  à  la  production  de  l'ulcère 
sinueux  de  Portai  qu'on  observe  toujours  dans  ce  cas,)  on  voit  se  produire  dans 
le  poumon,  par  îlots   ou   par  nappes,  des   congestions  hémorrliagiques  très- 
analogues  à  celles  de  la  morve.  On  pourrait  multiplier  ces  exemples,  mais  les 
deux  précédents  sufliseut,  je  crois,  pour  donner  une  idée  générale  du  processus 
de  cette  variété  importante  d'hémorrhagie  élective. 

L'œdème  hématUjue,  c'est-à-dire  formé  par  un  exsudât  renfermant  assez  de 
sang  pour  devenir  coloré,  est  de  beaucoup  plus  répandu  en  pathologie  que  la 
congestion  liémorrhagique.  Nous  en  prendrons  le  type  le  plus  accusé  dans  deux 
alfections  absolument  disparates  entre  elles  :  la  pneumonie  fibrineuse  et  \'hé- 
malurie  paroxystique  des  pays  chauds. 

Dans  la  pneumonie  fibrineuse  lobaire,  pneumonie  franche  des  auteurs, 
l'exsudat  alvéolaire  est  formé  i)ar  un  œdème  inflammatoire  hématique.  Les 
alvéoles  sont  remplis  de  globules  blancs  enserres  par  un  réseau  de  fibrine,  et 
constamment  de  globules  rouges  plus  ou  moins  nombreux,  mais  qui  le  sont 
toujours  assez  pour  donner  à  la  granulation  d'Andral  sa  coloration  rouge  (indu- 
ration ou  hépalisation  rouge)  et  aux  crachats  du  début  leur  caractère  sanglant. 
Dans  les  masses  de  cet  exsudât  se  trouvent  les  sphérobactéries  des  trois  ordres 
décrites  pai"  Friedlànder,  Talamou  et  Afanassiew  (Cornil,  Acad.  de  médecine, 
juin  1884).  Dans  la  pneumonie  tuberculeuse  lobaire  à  granulations  confluentes, 
l'exsudat,  qui  est  à  la  fois  formé  par  de  la  fibrine  et  des  cellules  endothéliales 
revenues  à  la  forme  sphérique,  est  également  rendu  rosé  par  des  globules  rouges, 
mais  ces  derniers  sont  moins  nombreux  que  dans  celui  de  la  pneumonie  franche. 

Il  est  probable  que  le  rein,  chez  les  malades  atteints  d'hématurie  paroxystique 
de  l'île  de  France,  est  le  siège  d'un  œdème  analogue.  Quoi  qu'il  en  soit.  Rayer 
avait  fait  depuis  longtemps  remarquer  que,  même  dans  le  cas  où  les  urines 
semblaient  purement  laiteuses,  la  tache  du  linge  rosée  sur  ses  bords  indiquait  la 


UÉMORRHAGIE.  587 

présence  d'une  cei'taiiie  quantité  de  sang.  Si  l'on  fait  abstraction  de  certaines 

urines  purement  chyleuses,  et  dans  lesquelles  on  ne  trouve  que  de  très-iines 

;jranulations  graisseuses  divisées  et  suspendues  comme  dans  une  émulsion,  on 

trouve  dans  la  majorité  des  cas  les  urines  avec  les  caractères  suivants,  que  j'ai 

pu  constater  dans  nombre  d'échantillons  d'urine  provenant  d'une  fdle  névropathe 

qu'observait  mon  maître  Ant.  Fauvel.  Ces  urines  sont  d'un  blanc  rosé  ou  d'un 

rouge  p;ile,  elles  coagulent  s[jonlanément  et  le  caillot,  mou  et  peu  rélractile, 

est  foimé  de  magnifiques  réseaux  de  fibrine  enserrant  des  globules    blancs 

toujours  plus  nombreux  que  les  rouges.  Ici  la  nature  diapédétique  de  rhémor- 

rhagie  saute  d'elle-même  aux  yeux.  L'urine  est  ensanglantée  par  du  sang  plus 

que  leucémique,  puisque  les  globules  blancs  dominent  et  que  le  sang  circulant 

des  vaisseaux  a  sa  constitution  normale  et  sa  proportion  régulière  de  globules 

rouges  et  blancs.  Le  choix  des  éléments,  et  leur  nouvelle  répartition  dans  l'urine 

hémorrhagique  n'ont  pu  être  manifestement  faits  que  par  la  paroi  vasculaire 

non  rompue. 

On  sait  actuellement  que  la  pneumonie  fibrineuse  est  une  affection  parasitaire; 
suivant  Crevaux,  il  en  est  de  même  de  l'hématurie  paroxystique.  Nous  ignorons, 
il  est  vrai,  le  rôle  exact  joué  par  les  parasites,  ici  très-divers,  dans  le  méca- 
nisme de  riiémorrhagie  élective,  mais  ce  que  l'on  observe  dans  l'albuminurie 
semble  indiquer  qu'ici  la  constitution  propre,  la  cras.e  du  sang,  ne  saurait  être 
considérée  comme  un  élément  indittérent.  Bien  que,  comme  nous  l'avons  fait 
voir,  les  qualités  du  sang  ne  puissent,  par  leur  action  sur  les  parois  vasculaires, 
jouer  qu'un  rôle  très-accessoire  dans  le  mécanisme  des  hémorrhagies,  dans 
l'albuminurie,  par  exemple,  il  est  incontestable  que  ce  liquide  est  devenu  apte 
à  transsuder  dans  des  proportions  beaucoup  plus  larges  qu'à  l'état   normal. 
Aussi,  lorsqu'à  la  place  de  l'œdème  mobile,  commandé  par  la  pesanteur,  propre 
à  certaines  formes  (néphrite  aiguë  congestive,  néphrite  chronique  mixte)  de  la 
maladie  de  Brighl,  il  se  produit,  ce  qui  n'est  pas  rare,  des  déterminations 
congestives,  par  exemple,  dans  le  poumon  ou  l'urbi'e  bronchique,  les  œdèmes 
hématiques  ou  même  les  hémorrhagies  congestives  se  produisent  avec  la  plus 
grande  facilité.  C'est  là  un  des  caractères  connus  de  la  bronchite  albuminurique, 
et  j'observe  dans  ce  moment  même  une  malade  chez  laquelle  les  poussées  de 
bronchite,  qui  sont  depuis  deux  ans  à  répétition,  ont  débuté  par  une  hémoptysie. 
Plus  souvent  les  crachats  sont  analogues  à  du  blanc  d'œuf  battu  et  couverts 
d'une  écume  sanglante  quand  on  les  a  recueillis  dans  le  crachoir.  L'œdème  aigu 
qui  se  produit  dans  le  poumon  chez  les  albuminuriques  a  donc  une  tendance  à 
devenir  hématique  que  n'a  pas  l'œdème  ordinaire.  J'ai  constaté  en  effet  que 
dans  un  cas  d'œdème  aigu  devenu  en  quelques  heures  mortel  chez  un  individu 
porteur  d'un  épithéliome  mucoïde  du   poumon   l'exsudat  avait  été  intense  au 
point  de  rompre  les  alvéoles  sur  nombre  de  points,  sans  nulle  part  présenter  le 
caractère  hématique.  La  congestion  pulmonaire  des  goutteux  peut  au  contraire 
aboutir  à  un  œdème  tout  à  fait  semblable  à  celui  de  la  bronchite  albuminurique  ; 
j'en  puis  citer  un  cas  remarquable,  que  je  sais  depuis  plus  de  douze  ans.  Brus- 
quement, chez  la  malade,  goutteuse  héréditaire,  un  point  de  côté  névralgique 
s'établit,  crée  des  douleurs  atroces  analogues  par  leur  intensité  à  celles  de  la 
colique  néphrétique,  puis  des  râles    hullaires  apparaissent  à  la  base  et  dans  la 
région  moyenne  du  poumon;  il  survient  de  la  toux  déchirante  avec  crachats 
spumeux,  rosés  d'abord,  puis  tout  à  fait  sanglants.  Au  bout  de  quelques  heures 
tout  rentre  dans  l'ordre.  J'ai  assisté  à  six  attaques  semblables  et  je  me  suis 


588  UEMORRHAGIE. 

assuré  positivement  qu'en  dehors  de  la  diallièse  goutteuse  on  ne  peut  rapporter 
ces  poussées  d'œdème  aigu  à  aucune  cause;  les  accès  sont  absolument  apyrétiques 
et  la  malade  n'est  nullement  tuberculeuse. 

Tout  ce  que  je  \iens  de  dire  des  hémorrhagies  incomplètes  par  diapédèse,  ou 
he'morrhagies  électives,  suffira,  je  pense,  pour  montrer  le  rôle  que  joue  ce  mode 
de  perte  de  sang  dans  l'immense  série  de  lésions  de  nature  congestive  que  l'ana- 
tomie  et  la  physiologie  pathologiques  nous  font  de  jour  en  jour  mieux  connaître. 
Ces  hémorrhagies  diapédéliques,  satellites  ordinaires  de  toute  inflammation  ou 
de  toute  congestion  soutenues  ou  fréquemment  répétées,  donnent  la  clef  d'une 
série  de  lésions  que  l'on  retrouve  dans  les  tissus  et  les  organes  à  l'état  de  traces  : 
pigmentations  ponctuées,  en  traînées  ou  en  foyers,  taches  sepia  d'Andral,  bandes 
de  sclérose  semées  de  grains  noirs,  colorations  fauves  ou  brunes  diffuses,  tels 
sont  les  vestiges  ordinaires  de  ces  actes  de  diapédèse  poussés  jusqu'à  l'éniptioQ 
d'une  partie  des  éléments  constitutifs  du  sang.  Mais  le  plus  ordinairement  ces 
processus  ne  se  trahissent  guère,  en  tantqu'hémorrhagies,  aux  yeux  du  clinicien. 
Ce  n'est  que  dans  le  cas  d'expectoration   colorée  ou  d'urines  renfermant  une 
notable  (juantité  de  globules  rouges  (ju'on  est  mis  sur  la  trace  de  leur  existence. 
Les  hémorrhagies  diapédéliques  sont  notamment  les  satellites  ordinaires  des 
affections  rénales  aiguës  ou  chroniques.  L'urine  de  la  néphrite  aiguë  des  deux 
modes,  dégénérative  ou  congestive,  doit  son  reflet  rougeàtre  et  son  aspect  de 
bouillon   trouble  aux   éléments   du   sang  qu'elle   contient  ;   l'urine  pâle  des 
brightiques  renferme  toujours,  comme  l'a  autrefois  soutenu  avec  raison  Rayer, 
des  globules  rouges  du  sang  plus  ou  moins  nombreux.  Toute  inflammation, 
tout  effort  congestif  habituel  ou  permanent,  est  donc  une  cause  de  spoliation 
sanguine,  minime,  il  est  vrai,  et  ne  jouant  en  tant  qu'hémorrhagie  qu'un  l'ôle  le 
plus  souvent  négligeable  dans  le  processus,  mais  qui,  lorsqu'on  est  placé  dans 
des  conditions  convenables  pour  la  constater,  peut  souvent  concourir  à  en  fake 
reconnaître  l'existence  ou  même  le  lieu.  C'est  ainsi  que,  lorsqu'on  trouve  dans 
un  sédiment  urinaire  des  cylindres  formés  par  de  la  fibrine  englobant  des  glo- 
bules rouges,  on  peut  affirmer  que  l'hématurie,  qui  dans  ces  cas  peut  être  ou 
évidente  ou  au  contraire  difficile  à  reconnaître  à  l'œil  nu,  a  précisément  son 
siège  dans  les  tubes  droits  ou  contournés,  c'est-à-dire  s'effectue  en  plein  paren- 
chyme rénal. 

Je  n'ai  plus  maintenant  à  dire  qu'un  mot  des  transsudations  hématiques,  non 
pour  les  décrire,  mais  pour  les  définir  et  les  éliminer  du  cadre  des  hémorrhagies. 
Le  type  de  ces  transsudations  doit  être  pris  dans  Yhémogloh'murie  [voij.  ce  mot); 
le  liquide  exsudé  présente  ici  l'aspect  et  surtout  la  couleur  du  sang,  mais  n'est 
pas  constitué  par  le  sang  lui-même  ;  il  est  formé  d'une  solution  d'hémoglobine  et 
ne  renferme  point  de  globules.  Il  s'agit  donc  ici  d'une  simple  transsudation 
colorée,  opérée  par  diapédèse;  les  vaisseaux,  remplis  d'un  liquide  formé  à  la 
fois  par  du  sang  vrai  et  par  un  plasma  transformé  en  une  solution  d'hémoglo- 
bine plus  ou  moins  riche,  ont  laissé  diffuser  la  partie  séreuse  de  cette  solution; 
mais  il  n'y  a  là  rien  qui  réponde  à  la  définition  d'une  hémorrhagie  proprement 
dite.  Le  liquide  des  œdèmes,  dans  quelques  cas,  est  teint  de  cette  façon  par  la 
matière  colorante  du  sang;  c'est  ce  qui  arrive  fréquemment  à  la  suite  des 
morsures  de  serpents  et,  notamment  dans  nos  climats,  de  la  vipère.  Le  membre 
mordu  se  tuméfie  et  prend  une  coloration  bleuâtre  en  même  temps  qu'il  se 
refroidit.  Si  l'on  fait  une  incision,  l'on  voit  le  tissu  cellulaire  gorgé  d'un  liquide 
œdémateux,  présentant  la  coloration  d'une  gelée  de  groseilles,  mais  qui  n"est 


IIEMORRHAGIE.  583 

nullement  formé  par  du  sang,  ainsi  que  l'ont  montré  il  y  a  déjà  longtemps 
Chéron  et  Goujon  {Union  médicale,  16  février  1869).  La  teinte  diffuse  assez 
analogue  aux  restes  d'une  ecchymose,  et  qui  donne  souvent  au  tégument  des 
cardiaques  asystoliques  une  coloration  d'un  rouge  faible  verdàtre,  comme 
dichroique,  m'a  paru  déterminée  par  une  transsudation  analogue.  Les  espaces 
interorganiques  du  derme  et  du  tissu  cellulaire  sous-cutané  ne  renferment 
aucunement  les  éléments  du  sang,  mais  une  sérosité  peu  abondante,  teinte  dif- 
fusément et  d'une  manière  très-faible  par  de  l'hémoglobine  dissoute,  et  qui 
optiquement  se  comporte  comme  une  solution  d'hémoglobine  très-étendue, 
c'est-à-dire  laisse  passer,  non  plus  seulement  les  rayons  rouges  du  spectre,  mais 
les  rayons  orangés  et  verts.  La  teinte  rose  hortensia  que  prend  la  substance  grise 
des  centres  nerveux  dans  les  fièvres  graves  liyperpyrétiques  doit  être  aussi  rangée 
dans  le  cadre  de  Iranssudations  hématiques  dues  à  une  dissolution  partielle  de 
la  matière  colorante  des  globules  rouges  du  sang. 

Nous  voici  parvenus  à  la  fin  de  la  longue  étude  pathogénique  qui  constitue 
«n  réa-lité  le  fond  de  cet  article  et  qui  lui  donne  en  majeure  partie  son  intérêt. 
Comme  on  le  voit,  j'ai  paru  éliminer  du  cadre  des  causes  actuelles  de  l'hémor- 
rhagie  les  altérations  du  sang;  je  n'ai  pas  donné  place  à  ce  que  de  nos  jours 
encore  on  appelle  les  hémorrhagies  hémopalhiques.  Je  n'ai  cependant  pas  voulu 
indiquer  par  là  que  les  variations  de  la  crase  sanguine  n'aient  sur  la  production 
des  hémorrhagies  aucune  action.  L'inlluence  des  états  dyscrasiques  dans  Tétio- 
logie  des  pertes  de  sang  a  été  à  juste  tilre  reconnue  dès  l'origine  même  de  la 
médecine  et  reste  absolument  maintenue,  avec  toute  sa  valeur,  par  la  tradition, 
mailles  empoisonnements  des  divers  ordres  ne  paraissent  avoir  d'autre  rôle,  en 
physiologie  pathologique,  que  de  préparer  le  processus  complexe  qui  aboutit  à 
la  production  des  hémorrhagies  spontanées  symptomatiques  des  intoxications. 
Sous  leur  influence  le  sang  peut  devenir  plus  diffusible,  les  parois  vasculaires 
subir  des  modifications  de  nutrition  qui  favorisent  les  phénomènes  de  diapédèse 
ou  de  rupture  ;  le  courant  sanguin  peut  charrier  des  parasites  qui  deviennent,  à 
un  moment  donné,  en  se  multipliant  et  se  mobilisant  ensuite  dans  les  vaisseaux, 
l'origine  d'embolies  capillaires  suivies  d'hémorrhagies  consécutives.  Mais  en 
■dehors  de  là,  par  lui-même,  par  son  action  propre  sur  les  vaisseaux,  le  sang, 
lorsqu'il  circule,  paraît  incapable  de  déterminer  dos  ruptures,  des  érosions  ou 
<les  ulcérations  vasculaires:  il  ne  joue  donc  aucun  rôle  dans  le  mécanisme  direct 
des  éruptions  de  sang,  à  quelque  catégorie  d'ailleurs  que  ces  éruptions  appar- 
tiennent. Ce  n'est  qu'en  impressionnant  d'une  certaine  façon  le  système  nerveux 
anormalement  irrigué  par  lui,  en  devenant  l'origine,  de  cette  façon,  des 
congestions  hémorrhagipares,  que  le  liquide  nourricier  devenu  toxique  ou 
septique  arrive  à  déterminer,  mais  alors  par  une  voie  tout  à  fait  détournée,  des 
hémorrhagies  localisées  dans  les  réseaux  vasculaires  de  tel  ou  tel  organe  ou  au 
contraire  disséminées  sur  un  grand  nombre  de  points. 

Il  résulte  de  là  que  les  rapports  des  phénomènes  hémorrhagiques  avec  les 
intoxications  du  sang  doivent  être  étudiés,  non  pas  dans  le  chapitre  de  la  patho- 
génie réservé  à  l'analyse  du  mécanisme  de  ces  dernières,  mais  dans  le  chapitre 
de  la  séméiologie.  L'état  dyscrasique,  en  effet,  s'il  ne  modifie  pas  les  conditions 
générales  qui  commandent  l'issue  du  sang  hors  des  vaisseaux  par  diapédèse  ou 
par  rupture,  imprime  constamment,  par  contre,  au  syndrome  hémorrhagique, 
un  cachet  absolument  particulier.  Pour  prendre  un  exemple,  les  hémorrhagies 
n'ont  pas,  dans  une  variole  noire,  un  mécanisme  propre  qui  commande  l'issue 


590  HKMORRIUGIE. 

du  sang  par  un  mode  sensiblement  différent  de  celui  qu'on  observe  dans  une 
hémorrhagie  supplémentaire  ou  émotive.  Mais  les  conditions  dans  lesquelles  se 
produisent  ces  hémorrhagies,  leur  évolution,  leur  retentissement  sur  l'orga- 
nisme, enfin  leur  valeur  séméiologique  et  pronostique,  sont  tout  différents',  et  h 
physionomie  clinique  du  syndrome,  similaire  dans  toutes  les  pyrexies  hémorrha- 
giques,  est  absolument  autre  que  celle  qu'il  affecte,  avec  des  caractères  éga- 
lement communs,  dans  tout  le  groupe  des  hémorrhagies  émotives  ou  supplé- 
mentaires des  divers  ordres. 

II.  Effets  physiologiques  de  la  perte  de  s.vng.  La  masse  totale  des  globules 
du  sang  constitue  notre  richesse  respiratoire;  son  plasma  représente  la  majeure 
partie  de  notre  richesse  nutritive  en  cours  de  distribution  ;  ses  globules  blancs 
sont,  en  tant  qu'éléments  actifs  de  la  lymphe,  les  agents  par  excellence  des 
mouvements  d'échange  entre  le  liquide  sanguin  et  les  tissus.  Toute  perte  mas- 
sive et  importante  de  sang  amène  aussi  des  troubles  dans  la  respiration  et  la 
nutrition  interstitielles,  et  ces  troubles  sont  d'autant  plus  profonds  et  rapi- 
dement produits  que  l'hémorrhagie  est  plus  considérable  et  plus  rapide.  Quand 
au  contraire  les  pertes  de  sang  sont  espacées,  leurs  effets  sur  l'organisme,  les 
phénomènes  consécutifs  à  la  spoliation  sanguine,  sont  moins  marqués;  l'animal 
réagit  en  régénérant,  d'une  façon  très-aclive,  le  sang  qu'il  a  perdu;  et,  si  la 
source  de  déperdition  vient  à  cesser  d'exister,  l'équilibre  se  rétablit  lentement, 
par  le  mécanisme  d'une  l'econstitution  progressive  du  liquide  nourricier  soustrait 
aux  vaisseaux. 

Toute  hémorrhagie  qui  consiste  en  un  écoulement  sanguin  notable  en  nappe 
ou  en  jet  détermine  rapidement  la  mort,  si  elle  est  continue,  c'est-à-dire  lorsque 
l'hémostase,  spontanée  ou  provoquée,  ne  s'effectue  pas.  Les  premiers  effets 
d'une  telle  hémorrhagie  sont,  chez  l'homme,  un  sentiment  de  terreur,  puis  de 
défaillance  et  de  refroidissement,  bientôt  suivis  d'accélération  du  pouls  et  de 
ralentissement  de  la  respiration.  La  face  se  décolore,  les  sens  s'obnubilent,  les 
mouvements  volontaires  deviennent  d'abord  pénibles,  puis  impossibles  :  enfin  la 
sensibilité  se  perd,  la  nausée  survient,  les  yeux  se  voilent:  on  tombe  en  syncope. 
Si  la  perte  de  sang  s'exagère  encore,  les  battements  du  cœur  deviennent  de  plus 
en  plus  rares,  la  respiration  est  petite  et  laborieuse,  des  convulsions  réitérées 
surviennent  avec  des  déjections  alvines  et  vésicales  involontaires  ;  presque  tout 
indice  de  vie  disparait  alors  et  à  cet  état  de  mort  apparente  succède  enfin  la 
mort  elle-même.  L'ouverture  d'un  gros  vaisseau,  tel  que  la  carotide,  la  fémorale 
ou  la  jugulaire  interne,,  amène  cette  série  d'accidents  et  leur  terminaison 
fatale  en  quelques  minutes. 

Tel  est  le  tableau  sommaire  de  la  perte  de  sang  massive,  continue,  de  1  hé- 
morrhagie déperditive,  comme  on  pourrait  aussi  la  nommer  parce  qu'elle  a 
pour  résultat  une  déperdition  véritable  du  sang.  Toute  hémorrhagie  est  de  ce 
type  lorsque  les  limites  de  la  perte  compatible  avec  la  survie  sont  atteintes, 
dépassées  ou  même  simplement  rapprochées  (5'2  pour  100  des  globules,  \ierordt). 
Dans  ces  conditions,  quand  bien  même  l'hémostase  est  effectuée  avant  la  mort, 
l'animal  ou  l'homme  ne  se  rétabhssent  pas,  ou  ne  le  font  que  temporairement  ; 
laterminaison  fatale  suit  à  brève  échéance  parce  que  ce  qui  reste  d'éléments  respi- 
rateurs dans  le  sang  ne  suffit  pas  à  entretenir  les  oxydations  interstitielles.  Le 
plasma,  comme  nous  le  verrons  dans  un  instant,  est  rapidement  remplacé  par 
l'eau  des  boissons,  mais  sans  avoir  récupéré  ses  propriétés  alibiles  ordinaires, 


IIEMORRIIA.GIE.  391 

nécessaires  à  l'alimentation  interstitielle  des  éléments  spécialisés  des  organes  et 
des  tissus.  Ces  éléments  se  comportent  alors  à  peu  près  comme  dans  le  cas  où 
une  intoxication  grave  par  l'oxyde  de  carbone  est  venue  paralyser  déflnitivement, 
au  point  de  vue  respiratoire,  un  nombre  trop  considérable  de  globules  rouges  -, 
ils  subissent  sur  un  grand  nombre  de  points  la  dégénération  graisseuse,  qui 
devient  principalemeut  apparente  et  massive  dans  les  trois  grands  organes  actifs 
par  excellence,  et  dont  l'intégrité  simultanée  est  nécessaire  à  la  vie  :  le  myocarde, 
le  foie,  la  substance  corticale  des  reins. 

Lorsque,  sans  atteindre  les  limites  de  la  perte  de  sang  au  delà  de  laquelle  la 
survie  ne  peut  plus  se  maintenir,  l'hémorrhagie  a  été  néanmoins  considérable 
au  point  de  soustraire  aux  vaisseaux  une  (juantité  très-importante  du  liquide 
nourricier,  les  effets  généraux  sur  l'organisme,  immédiats  et  consécutifs,  sont 
d'un  tvpe  tout  particulier  et  elle  peut  être  distinguée  sous  le  nom  de  spolia- 
trice. Dans  une  première  période,  celle  où  s'effectue  la  perte  de  sang,  on 
observe  une  série  de  phénomènes  qui  prennent  leur  origine  dans  l'évacuation 
brusque  des  vaisseaux;  dans  une  seconde,  caractérisée  par  la  reconstitution  plus 
ou  moins  complète  de  la  masse  du  sang  considéré  en  tant  que  liquide,  reconsti- 
tution qui  s'opère  par  l'absorjition  de  l'eau  des  boissons  ou  des  liquides  intersti- 
tiels, ['état  hydiéinique  prend  naissance,  et  avec  lui  un  régime  tout  spécial  de 
la  nutrition  et  des  autres  grandes  fonctions;  enfin  dans  une  troisième  période, 
et  plus  ou  moins  lentement,  les  éléments  globulaires  se  reproduisent,  rendent  au 
sang  hydrémique,  progressivement,  ses  caractères  ordinaires;  le  plasma 
redevient  de  son  côté  normal  :  la  véritable  convalescence  de  l'hémorrhagie 
s'établit  alors. 

L'hémorrhagie  simplement  déplétive,  celle  qui  s'accompagne  d'une  perle 
notable  de  sang,  mais  trop  peu  importante  pour  exercer  sur  la  masse  du  liquide 
nourricier  une  action  spoliatrice  appréciable,  n'intéresse  au  contraire  que  tem- 
porairement l'organisme  en  faisant  varier  le  régime  circulatoire  habituel  pendant 
un  temps  ordinairement  court.  Une  perte  de  sang  telle  que  celle  déterminée  par 
la  phlébotomie,  ou  par  une  épistaxis  abondante,  et  ne  dépassant  pas  500  ou 
400  grammes  de  sang  chez  l'homme,  peut  être  prise  pour  type  de  cette  variété 
d'hémorrhagie.  Elle  ne  détermine  dans  la  circulation,  la  répartition  du  sang 
dans  les  différentes  aires  vasculaires,  et  dans  les  fonctions,  que  des  variations 
temporaires  dont  l'influence  est  à  peu  près  nulle  sur  la  nutrition. 

Mais  il  n'en  est  plus  de  même  lorsque  la  perte  de  sang,  à  dose  déplétive,  est 
répétée  un  certain  nombre  de  fois  à  intervalles  rapprochés,  comme  il  arrive 
dans  les  hémorrhagies  réitérées  ou  dans  les  saignées  faites  d'après  la  formule  de 
Bouillaud  :  coup  sur  coup.  L'influence  sur  les  fonctions  et  sur  l'organisme 
entier  est  alors  profonde;  les  phénomènes  réactionnels  acquièrent  une  physiono- 
mie propre.  Cependant  les  effets  des  hémorrhagies  réitérées  ne  sont  pas  identiques 
à  ceux  d'une  hémorrbagie  spoliatrice  qui  aurait  soustrait  à  la  circulation  la 
même  somme  de  sang.  La  raison  en  est  que,  dans  les  intervalles  des  hémorrhagies, 
la  régénération  du  sang  s'opère  avec  une  activité  très-grande,  de  telle  sorte  que 
des  pertes  sanguines  abondantes  et  renouvelées,  qui  dans  un  certain  laps  de 
temps  ont  amené  la  soustraction  d'une  quantité  de  liquide  nourricier  supérieure 
même  à  celle  qui  existait  dans  l'organisme  à  un  moment  donné  quelconque,  ont 
pu  être  observées  sans  entraîner  la  mort.  Tels  sont  des  cas  cités  par  Ilaller 
[Elemenla  physioligiœ,  t.  11,  p.  5)  parmi  lesquels  j'en  retiendrai  seulement 
trois.  Dans  le  premier,  il  s'agit  d'un  jeune  homme  qui,  dans  l'espace  de  dix 


592  IlÉMORRHAGIE. 

jours,  perdit  75  livres  de  sang,  quantité  dépassant  la  moitié  du  poids  de  son 
corps  et  correspondant  pour  le  moins  à  trois  ou  quatre  fois  celle  de  la  masse 
entière  du  liquide  en  circulation  dans  ses  vaisseaux.  Dans  le  second,  un  malade 
hémorrhoïdaire  évacua  pendant  deux  mois  5  livres  de  sang  par  jour,  en  tout 
510  livres,  à  peu  près  deux  fois  le  poids  total  de  son  corps.  Entiu,  dans  le  troi- 
sième cas,  une  jeune  fille,  pendant  quatorze  mois,  fut  saignée  de  deux  jours 
l'un  et  perdit  en  outre,  par  la  menstruation,  125  onces  de  sang  par  mois;  en 
résumé,  la  somme  du  sang  soustrait  atteignit  environ  100  kilogrammes.  De 
pareils  exemples  n'étaient  pas  rares  à  l'époque  où  les  saignées  étaient,  comme 
méthode  de  traitement,  à  leur  apogée,  et  l'on  peut  citer  à  ce  propos  l'histoire 
de  cette  femme  qui,  en  vingt-huit  ans,  avait  été  saignée  5500  fois  (Omodei- 
Cavalli,  Storia  ragionata  di  straordinaria  malaltia  dur.  da  venColto  anni; 
Milan,  1854  [voy.  Ayinali  univermli  di  medicina,  1855,  t.  XVI,  p.  495]). 
Les  hémorrhagies  déperditivcs  elles-mêmes,  lorsqu'elles  sont  arrêtées  sur  la 
limite  de  la  perle  compatible  avec  la  survie,  peuvent  être  suivies  d'une  prompte 
régénération  du  sang.  C'est  ce  qui  ressort  nettement  des  expériences  de  Piorry 
[Note  sur  les  émissions  sanguines.  In  Arch.  ge'n.  de  médecine,  1826,  t.  X, 
p.  158),  qui,  ayant  arrêté  une  première  saignée  au  moment  où  l'hémorrhagie 
allait  devenir  mortelle,  a  pu,  tout  en  maintenant  l'animal  à  la  diète,  en  obtenir 
le  lendemain  encore  10  et  18  onces  de  sang,  et  le  saigner  de  nouveau  sans  qu'il 
niouràt  après  un  ou  deux  jours  de  repos. 

Les  petites  hémorrhagies  disséminées,  telles  que  celles  des  exanthèmes  pété- 
chiaux  dont  le  purpura  est  lo  type,  n'exercent  sur  l'organisme,  en  tant  que  pertes 
de  sang,  qu'une  induence  négligeable.  Mais  les  conditions  dans  lesquelles  elles 
se  produisent  ont,  elles  aussi,  une  physionomie  toute  spéciale,  et  donnent  au 
syndrome  hémorrhagique  un  cachet  particulier.  Au  point  de  vue  séméiotique, 
le  syndrome  hémorrhagique  devra  donc  être  étudié  cliniquement  pics  loin  dans 
les  cas  spéciaux  :  a,  d'hémorrhagies  déperdilives  ;  h,  d'hémorrhagies  spoliatrices; 
c,  d'hémorrhagie  déplétive  isolée  ou  réitérée;  d,  d'hémorrhagies  disséminées. 
Mais  c'est  là  une  étude  de  synthèse,  et  qui  doit  être  nécessairement  précédée 
d'un  travail  d'analyse  qui,  seul,  peut  mettre  en  lumière  l'effet  de  la  perte  de 
sang  sur  chacune  des  grandes  fonctions.  Ce  travail  a  été  fait  surtout,  dans  ces 
derniers  temps,  par  Vinay,  avec  la  collaboration,  pour  certains  points,  du 
professeur  S.  Arloing;  et  il  a  servi  de  base  à  l'intéressante  thèse  d'agré- 
gation du  premier  de  ces  deux  auteurs  {Des  émissions  sanguines  dans  les  mala- 
dies aiguës,  Paris,  1880),  à  laquelle  je  vais  emprunter  la  majorité  des  détails 
suivants  : 

L'influence  de  la  perte  de  sang  par  la  saignée  sur  les  grandes  fonctions  doit 
être,  au  point  de  vue  analytique  où  nous  nous  plaçons,  étudiée  successivement  en 
tant  qu'elle  agit  :  1°  sur  la  circulation  elle-même  et  sur  le  régime  circulatoire; 
2"  sur  l'absorption  générale;  5"  sur  la  crase  sanguine;  4"  sur  la  respiration; 
5°  sur  le  système  musculaire;  6°  sur  la  chaleur  animale;  7"  sur  la  nutrition; 
8"  enfin  sur  l'innervation  générale  et  le  système  nerveux.  Nous  allons  voir,  dans 
chaque  paragraphe  répondant  à  cette  division,  qu'il  se  produit  du  chef  de  la 
spoliation  sanguine  une  ou  plusieurs  modifications  importantes  dans  chacune 
des  fonctions  précitées,  ce  qui  revient  à  dire  que  l'économie  tout  entière  est 
alors  mise  dans  des  conditions  nouvelles,  dont  l'ensemhle  constitue  Yétat 
hémorrhagique,  qui  se  révèle  au  clinicien  sous  forme  d'un  syndrome  parti- 
culier, le  syndrome  hémorrhagique  auquel  nous  avons  déjà  fait  allusion. 


HÉMORRHAGIE.  395 

1"  Modifications  de  la  circulation  sur  les  pertes  de  sang.  Ces  modifications 
sont,  sans  contredit,  de  toutes  les  plus  éclatantes,  puisque  le  régime  circulatoire 
est  directement  intéressé  et  changé  par  l'issue  au  dehors  du  liquide  nourricier. 
Étudiées  autrefois  par  Ilales,  et  de  nos  jours  par  Marey,  Chauveau,  Buisson,  et 
cliniquement  par  Lorain,  elles  ont  été  l'ohjet  de  recherches  nouvelles  et  Irès- 
intéressantes  de  la  part  de  Viuay  et  Ârloing. 

a.  Pression  artérielle.  Si  l'on  ouvre  et  ferme  alternativement  une  veine  un 
peu  importante,  le  système  vasculaire  se  vide  peu  à  peu  et  la  pression  baisse 
dans  l'arbre  veineux,  puis  dans  l'arbre  artériel.  Pendant  chaque  saignée  et  un 
instant  après,  la  pression  manométrique  s'abaisse,  puis,  quand  la  veine  est 
fermée,  remonte  lentement  et  se  fixe  à  un  niveau  inlérieur  à  celui  qu'elle  attei- 
gnait avant  l'ouverture  du  vaisseau.  «  Si  l'on  évacue  plus  du  quart  de  la 
quantité  de  sang  qu'un  animal  perd  avant  de  mourir,  la  pression  artérielle  offre 
des  oscillations  profondes  qui  s'accentuent  de  plus  en  plus,  et  se  rattachent  à 
des  modifications  alternatives  et  réciproques  des  capillaires  et  du  cœur  »  (Vinav, 
loco  citato,  p.  21-22).  Il  résulte  de  cette  observation  que  la  saignée  simplement 
déplétive  n  exerce  sur  la  pression  artérielle  quune  influence  tout  à  fait  tem- 
poraire, tandis  que  les  saignées  abondantes  et  réitérées,  donnant  lieu  à  des 
pertes  de  sang  déperditives  ou  largement  spoliatrices,  en  entraînant  de  grandes 
oscillations  dans  la  pression  artérielle,  introduisent  dans  la  circulation  sanguine 
un  régime  tout  particulier  comparable  à  celui  qui  résulte  des  grandes  actions 
vasomotrices,  soit  émotives,  soit,  suivant  la  comparaison  de  Vinay,  analogues 
aux  effets  de  la  réfrigération  du  corps  et  de  la  période  de  réaction  qui  lui  fait 
suite. 

Un  second  fait  intéressant  mis  en  lumière  par  Vinay  et  Arloing,  c'est  que  les 
diminutions  que  subit  la  pression  artérielle  par  les  saignées  réitérées  ne  sont 
pas  proportionnelles  à  la  quantité  de  sang  extraite  des  vaisseaux.  Les  premières 
saignées  produisent  une  dépression  moins  considérable  que  les  saignées  ulté- 
rieures ;  pour  obtenir  une  chute  de  pression  égale  au  1/5  ou  au  1/6  de  la  pression 
normale,  il  faut  en  outre  évacuer  un  tiers  environ  de  la  masse  totale  du  sang. 
Ainsi  donc  le  système  cardio-vasculaire  réagit  contre  les  causes  de  dépression 
artérielle  engendrées  par  l'hémorrhagie  même  dans  l'hémorrhagie  spohatrice, 
mais  cette  réaction  est  d'autant  moins  efficace  que  la  perte  de  sang  se  rapproche 
•davantage  du  type  déperditif,  notion  de  toute  importance  pour  le  clinicien,  au 
point  de  vue  de  la  valeur  des  hémorrhagies  larges  et  réitérées  quant  à  leur  action 
pathogénique  ou  même  thérapeutique  sur  l'organisme,  et  quant  à  leur  pronostic 
(Vinay,  loc.  cit.,  p,  25-24). 

b.  Modifications  de  la  fréquence  du  pouls,  de  sa  force  et  de  sa  forme. 
Marey  pensait  que  l'accélération  du  pouls  après  la  saignée  déplétive  était  un  fait 
constant;  Lorain  avait  constaté  que  cette  accélération  est  seulement  fréquente. 
Vinay  et  Arloing  ont  déterminé  les  conditions  dans  lesquelles  cette  fréquence 
€xiste  et  celles  dans  lesquelles  au  contraire  on  ne  l'observe  pas.  Pendant  les 
hémorrhagies  graduées,  poursuivies  jusqu'à  la  mort  des  animaux,  ils  ont 
■en  effet  observé  que  :  a,  la  fréquence  du  pouls  augmente  tant  que  la  diminution 
de  la  pression  artérielle  ne  dépasse  pas  le  tiers  de  la  normale;  b,  elle  revient  à 
peu  près  à  son  chiffre  initial  pendant  que  la  pression  demeure  comprise  entre 
le  tiers  et  le  cinquième  de  cette  même  normale  ;  c,  enfin  elle  augmente  de 
nouveau  quand  la  pression  tombe  au-dessous  de  la  limite  (I/o)  précitée.  Il 
résulte  de  là  que  dans  l'hémorrhagie  déplétive  la  fréquence  du  pouls  est  la 


594  IIKMORRIIAGIK. 

l'ègle,  et  que  le  ralentissement  relatif  de  ce  même  pouls,  ou  les  alternatives 
(l'accélération  et  de  lenteur,  indices  des  grandes  oscillations  de  pression  carac- 
téristiques de  l'hémorrhagie  spoliatrice  sur  le  point  de  devenir  déperditive, 
c'est-à-dire  mortelle,  sont  un  signe  réactionnel  appartenant  aux  formes  graves 
de  l'hémorrhagie,  et  acquérant,  de  ce  chef,  une  importance  de  haute  valeur 
pour  le  clinicien. 

C'est  une  idée  traditionnelle  en  médecine  que  celle  en  vertu  de  laquelle  on 
admet  que  VampUlmle  du  pouls  s'accroît  sous  l'influence  des  saignées  et  des 
hémorrhagies  larges  amenant  une  déplétion  un  peu  notable  du  système  circula- 
toire. Maximilien  StoU,  tout  en  indiquant  ce  relèvement  du  pouls  comme  pos- 
sible, ne  semblait  pas  cependant  croire,  comme  on  le  fit  généralement  après  les 
travaux  de  Haies,  que  le  phénomène  se  produisît  en  règle  après  toute  évacuation 
sanguine  abondante  ;  il  se  bornait  à  dire  :  «  Pulsus  nonnunquàm  debilis,  venœ 
sectionne  faclâ,  fit  fortior  »,  ce  qui  est  bien  loin  d'indiquer  la  constance  du 
relèvement.  Les  expériences  de  Vinay  et  Arloing  plaident  exactement  dans  le 
même  sens  que  l'aphorisme  de  StoU  que  je  viens  de  rappeler.  Us  ont  observé  les 
modifications  de  l'amplitude  du  pouls  de  la  carotide  de  l'àne,  soumis  à  la  saignée 
déperditive  par  la  jugulaire.  Les  indications  étaient  fournies  à  l'aide  d'un  tube 
brancht''  latéralement  et  mis  en  communication  avec  l'artère.  Ce  tube  se  rendait 
à  la  fois  dans  un  manomètre  inscriplenr  et  dans  un  sphygmoscope,  disposition 
qui  permettait  d'enregistrer  simultanément  les  variations  de  la  pression  arté- 
rielle et  de  la  force  du  pouls.  Dans  ces  conditions,  pendant  que  le  sang  s'écoule 
de  la  jugulaire  et  que  la  pression  baisse  dans  la  carotide,  V amplitude  des  pul- 
sations diminue.  Après  la  saignée,  la  pression  se  relève  graduellement,  et  l'am- 
plitude des  pulsations  augmente  légèrement  tout  en  restant  avi-dessous  de  l'am- 
plitude normale.  Ces  modifications  vont  en  s'accusant  de  plus  en  plus  au  fur  et  à 
mesure  que  le  sang  s'écoule  au  dehors  ;  en  même  temps  l'accélération  des  mou- 
vements cardiaques  s'effectue  d'une  manière  progressive.  Parfois,  au  cours 
d'une  basse  pression,  l'amplitude  du  pouls  subit  un  accroissement  momentané, 
mais  ce  résultat  s'observe  toujours  simultanément  avec  une  période  de  ralentis- 
sement des  mouvements  du  cœur.  11  résulte  de  là  qu'à  l'état  physiologique  : 
1°  la  force  du  pouls  diminue,  si  le  cœur  s'accélère  (ce  qui  est  la  règle  sous  l'in- 
fluence des  petites  saignées  et  des  saignées  moyenne)  ;  2°  la  force  du  pouls 
augmente,  si  le  cœur  se  ralentit,  ce  qui  est  une  exception,  toujours  passagère, 
dans  le  cours  d'une  expérience. 

En  présence  des  assertions  contraires  de  Lorain,  et  de  ce  fait  démontré  par 
Marey  que,  dans  la  majorité  des  cas,  l'augmentation  de  l'amplitude  du  pouls  est 
produite  par  l'abaissement  de  la  pression  artérielle,  les  conclusions  de  Vinay  et 
Arloing  pourraient  sembler  paradoxales  :  mais  il  importe  de  rappeler  ici  que 
l'amplitude  du  pouls  est  mesurée  par  la  différence  entre  la  tension  (c'est-à-dire  la 
pression  latérale  qui  meut  la  paroi)  pendant  la  diastole  et  pendant  la  systole.  Si 
l'on  suppose,  par  la  pensée,  le  vaisseau  artériel  coupé  en  travers  au  point  de  la 
pulsation,  la  hauteur  de  celte  dernière  est  donnée  par  la  différence  entre  le 
rayon  du  cercle  de  coupe  du  vaisseau  distendu  au  maximum  pendant  la  systole, 
et  le  rayon  du  cercle  de  coupe  de  ce  même  vaisseau  incomplètement  rempli  dans 
les  intervalles  diastoliques.  Il  est  certain  que  si,  sur  un  schéma  de  la  circu- 
lation, on  évacue  une  portion  du  liquide  sans  faire  varier  la  vitesse  et  l'énergie 
de  la  contraction  du  cœur  artificiel,  le  pouls  deviendra  plus  ample,  puisque,  dans 
les  intervalles  des  systoles,  les  artères  sont  relativement  vides,  et  que  leur  cercle 


HKMORRHAGIE.  595 

de  coupe  est  de  plus  petit  rayon.  La  différence  R  —  r  (R  représentant  le  rayon 
de  dilatation  systoliquc  et  ?■  le  rayon  de  dilatation  diastoliqiie)  qui  représente 
l'amplitude  du  pouls  prend  en  effet  une  valeur  plus  grande,  puisque  /■  diminue. 
Mais  d'autre  part  on  sait  que  R  et  r  sont  chacun  proportionnels  à  la  tension, 
c'est-à-dire  à  la  pression  latérale  contre  la  paroi,  et  que  cette  tension,  égale  et 
de  signe  contraire,  en  un  point  donné  du  circuit  vasculaire,  à  la  résistance  que 
le  liquide  en  mouvement  a  à  surmonter  en  aval,  est  elle-même  mesurée  par  la 
différence  entre  l'énergie  développée  par  le  cœur  et  la  force  vive  du  sang  en 
mouvement  au  point  considéré,  force  vive  qui  est  fonction  de  la  vitesse  du  sang 
au  même  point,  at  qui  croit  ou  décroit  avec  elle. 

De  la  sorte,  si  la  vitesse  du  cours  du  sang  s'accroît,  la  pression  latérale  qui 
commande  l'amplituile  du  pouls  en  mettant  la  paroi  artérielle  en  mouvement 
diminue  et  conséquemment  la  hauteur  de  la  pulsation  diminue  aussi  propor- 
tionnellement. Le  problème  est  donc  ramené,  pour  l'explication  des  faits  qui 
ici  sont  positifs  et  manifestés  par  les  tracés,  à  l'étude  des  variations  de  la  vitesse 
du  cours  du  sang  pendant  et  à  la  suite  de  la  saignée.  Cette  étude  a  été  faite  par 
Vinay  et  Arloing  chez  les  grands  animaux  à  l'aide  de  l'héniodromographe  de 
Chauveau,  concurremment  avec  celle  des  variations  de  la  pression  artéiielle  et 
du  pouls,  au  cours  d'hémorrhagies  veineuses  ou  artérielles  graduellement  pour- 
suivies jusqu'à  la  mort.  «  Pendant  une  piemière  période  qui  répond  à  l'évacuation 
du  premier  tiers  environ  de  la  masse  sanguine,  la  vitesse  diastolique  augmente 
et  la  vitesse  systolique  diminue.  La  seconde  péi'iode,  qui  correspond  à  l'éva- 
cuation du  second  tiers  de  la  masse  du  sang,  est  caractérisée  par  le  retour  de  la 
vitesse  diastolique  à  l'élat  normal  et  par  V augmentation  de  la  vitesse  systolique; 
enfin  la  troisième  période  est  caractérisée  par  la  diminution  de  la  vitesse  dia- 
stolique, qui  peu  à  peu  devient  nulle,  et  par  une  vi'esse  diastolique  forte,  mais 
brève,  excepté  dans  les  derniers  moments  de  la  vie  de  l'animal,  où  elle  s'affaiblit  » 
(Vinay,  loc.  cit.,  p.  29).  La  tension  latérale  variant  en  raison  inverse  de  la  vitesse 
et  R  et  r  lui  étant  proporlionnels,  il  est  aisé  de  déduire  ce  que  deviendrait  l'am- 
plitude du  pouls  (R  —  r),  pendant  les  trois  périodes  précitées,  dans  le  cas 
particidier  cii  l'énergie  cardiaque  ne  subirait  aucune  variation.  Soient  Nd  la 
vitesse  diastolique,  Ys  la  vitesse  systolique,  T  la  tension  systolique  et  t  la  tension 
diastolique;  marquons  par  les  indices  -h  et  —  l'augmentation  et  la  diminution 
de  valeur  de  ces  termes,  et  nous  verrons  que  l'on  a  : 

A.  Dans  la  première  période,  qui  représente  une  hémorrhagie  fortement  déplé- 
tive  : 

l  Vs \d. 

M,       )     -t-  + 

*  ''    ■>    T t  ramplituJe  du  pouls  iR —  r)  croil. 

■+■  — 

r. r. 

Ceci  explique  les  observations  des  Anciens,  de  Stoll,  de  Haies,  et  celles  de 
Lorain,  et  l'on  doit  admettre  que,  dans  certaines  circonstances  oii,  consécutivement 
à  la  saignée,  on  a  observé  le  relèvement  du  pouls,  le  cœur  n'avait  varié  ni  en 
vitesse  ni  en  énergie,  condition  qui  peut  très-bien  se  réaliser  dans  l'état  patho- 
logique, mais  qui,  nous  le  verrons  dans  un  instant,  ne  s'observe  pas  chez  les 
animaux  saignés  dans  l'état  sain. 

R.  Dans  la  deuxième  période,  qui  représente  une  hémorrhagie  largement 
spoliatrice,  on  aura  : 


396  HÉMORRUAGIE. 

Vs Vrf. 

(  '     1   T /la  valeur  (H  —  r)  mesurant  l'amplitude  du  pouls  décroil, 

R 7. 

C.  Enfin,  dans  la  troisième  période  réalisant  le  type  de  l'iiémorrhagie  déperdi- 
tive,  les  mêmes  conside'rations  montrent  que  (R  —  r)  croît  de  nouveau  ;  c'est  là 
aussi  ce  que  montrent  les  tracés  du  pouls.  Immédiatement  avant  la  chute  défini- 
tive de  la  pression  les  pulsations  ont  une  grande  amplitude,  et  prennent  ensuite, 
après  cette  chute,  la  forme  caractéristique  des  pulsations  du  rétrécissement 
aortique. 

Mais  en  dehors  de  1  état  pathologique  les  hémorrhagies  déplétives  ne  s'accom- 
pagnent pas  de  relèvement  du  pouls.  C'est  que,  dans  ces  circonstances,  comme 
l'ont  bien  montré  Vinay  et  Arloing,  le  cœur  change  son  rhylhme,  et  que  ce 
dernier  s'accélère,  probablement  sous  l'influence  d'une  dilatation  des  arlérioles 
périphériques.  Les  résistances  diminuant  alors,  l'énergie  systolique  s'amoindrit 
proportionnellement,  et  R  diminue,  d'où  aussi  diminution  'de  l'amplitude  du 
pouls.  Donc  en  dehors  de  l'état  fébrile,  et  par  le  fait  même  de  l'hémorrhagie  de 
moyenne  intensité,  l'amplitude  du  pouls  ne  doit  pas  augmenter,  mais  au 
contraire  diminuer,  comme  l'indique  en  effet  l'expérience,  à  moins  qu'une 
action  nerveuse  particulière  ne  vienne  à  se  produire  :  sur  le  pneumogastrique, 
pour  ralentir  les  battements  du  cœur,  ou  pour  anémier  par  vaso-constriction  de 
grands  territoires  capillaires,  comme  on  l'observe  parfois  à  titre  d'accident  sous 
rinfluenee  de  l'émotion;  dans  ces  conditions  seulement  le  pouls  subit  un  relè- 
vement passager,  comme  le  montre  aussi  l'observation  clinique  de  quelques  cas. 

2°  Influence  de  la  perte  de  sang  sur  l'absorption.  Comme  toute  perte  de 
liquide,  celle  du  sang  doit  être  réparée,  et  le  premier  effet  réactionnel  qu'elle 
produit,  c'est  d'activer  l'absorption  par  les  vaisseaux  des  divers  ordres.  Cette 
suractivité  a  été  mise  hors  de  doute  par  Magendie,  qui  a  montré  que  les  pliéno- 
mènes  d'intoxication  consécutifs  à  l'inlroduction  de  poison  dans  les  séreuses 
se  développent  beaucoup  plus  hâtivement  après  une  hémorrhagie  que  dans  l'état 
normal.  De  leur  côté  les  cliniciens  ont  observé  que  les  résorptions  purulentes 
ou  putrides  sont  favorisées  par  les  saignées,  que  Lisfranc,  pour  cette  raison, 
rejetait  au  moment  oîi  les  plaies  suppurent  [Méd.  opérât.,  1. 1,  p.  159),  et  que, 
dans  le  même  ordre  d'idées,  Leroy  (de  Bélhune),  cité  par  Vinay,  excluait  de  la 
thérapeutique  de  la  dothiénentérie  au  moment  où  les  plaques  de  Peyer  étaient 
considérées  par  lui  comme  en  suppuration. 

A  la  suite  d'une  hémorrhagie  déplétive  peu  intense,  l'activité  de  l'absorption 
interstitielle  augmentée  et  quelques  boissons  suffisent  à  ramener  la  masse  du 
sang,  considérée,  en  tant  que  volume  total  duliquide  nourricier,  à  ses  propor- 
tions normales;  mais,  dans  les  hémorrhagies  spoliatrices,  c'est  à  de  grandes 
masses  de  boissons  que  l'organisme  emprunte  les  matériaux  liquides  du  nou- 
veau plasma.  C'est  alors  que  l'on  voit,  comme  le  remarquait  Lorain,  le  malade 
boire  infiniment  plus  qu'il  ne  rend  de  liquide  par  les  urines,  qui  restent  peu 
abondantes  ou  mêmes  rares.  En  même  temps  se  développe  l'état  que  l'on  a 
appelé  hydrémique,  avec  la  pléthore  séreuse,  les  souffles  cardio-vasculaires,  et 
tout  le  cortège  des  phénomènes  qui  lui  donnent  son  type,  que  nous  décrirons 
au  chapitre  de  la  séméiologie. 

ô"  Influence  de  Vhémorrhagie  sur  la  crase  sanguine.     Dans  une  moyenne 


IIKMORRH.VGIE.  397 

faite  à  l'aide  de  trois  observations,  Vinay  a  établi  que  l'influence  d'une  bémor- 
rhagie  déple'tive  telle  qu'une  saignée  d'environ  500  centimètres  cubes  est  déjà 
très-appréciable  sur  la  ricbesse  globulaire  du  sang  circuhint  dans  les  capillaires 
généraux.  Si,  par  exemple,  il  existait  4  980  000  globules  rouges  par  millimètre 
cubes  (procédé  deHayem),  on  n'en  trouve  plus  que  5  880  000.  Du  fait  seul  de 
l'opération,  la  perte  globulaire  dans  les  réseanx  répartiteurs  du  liquide  nour- 
ricier a  dépassé  i  000  000  par  millimètre  cube  de  sang  circulant.  Quand  l'hé- 
raorrliagie  se  poursuit  jusqu'à  devenir  spoliatrice  ou  dépcrditive,  la  proportion 
des  globules  s'abaisse  d'une  manière  continue;  le  sang  qui  s'écoule  en  dernier 
lieu  est  plus  ricbe  en  eau  et  plus  pauvre  en  globules  que  celui  qui  est  sorti  tout 
d'abord  de  la  veine,  ce  qui  montre  que,  durant  l'iiémorrhagie  elle-même,  l'ab- 
sorption séreuse  s'effectue  activement.  Mais  en  outre  Tolmatscheff,  qui  a  flùt 
cette  observation  {Hoppe-Seylers  med.  chem.  Unters.,  1867,  p.  296-404).  a 
constaté  en  outre  un  fait  extrêmement  important.  Le  sang  est,  à  volume  égal, 
notablement  appauvri  en  hémoglobine  à  la  fin  de  la  saignée.  Il  semblerait  donc 
que,  sous  l'influence  même  de  la  perte  de  sang,  les  globules  rouges  subsistants 
eussent  une  tendance  à  se  décharger  d'une  portion  de  leur  substance  active, 
l'hémoglobine,  qui  leur  donne  toute  leur  valeur  en  tant  que  monnaie  respira- 
toire distribuée  aux  éléments  fixes  des  tissus.  Un  pareil  fait,  dont  on  sent  toute 
l'importance  au  point  de  vue  des  effets  ultérieurs  de  l'hémorrhagie,  mériterait 
d'être  dégagé  positivement  chez  les  animaux  supérieurs  ;  mais  chez  les  animaux 
à  sang  froid,  à  globules  cellulaires,  tels  que  la  grenouille,  il  est  extrêmement 
facile  de  le  mettre  en  évidence,  comme  je  l'ai  démontré  il  y  a  déjà  plusieurs 
années.  Lorsque  l'on  a  saigné  une  grenouille  à  blanc  en  lui  ouvrant  le  cœur,  et 
qu'on  dispose  ensuite  un  système  convenable  de  sutures,  l'animal  survit  plu- 
sieurs jours  et  l'on  peut  observer  les  effets  de  l'hémorrh.igie  sur  les  globules 
rouges  instantanément  fixés  par  l'acide  osmique  en  solution  à  1  pour  100. 
On  voit  alors  que  les  2/5  au  moins  de  ces  globules  ont  subi  une  altération  pro- 
fonde. 

Ils  se  déchargent  en  effet  de   leur  hémoglobine,  mais   d'une  façon  très- 
variable.  Les  globules  jeunes,  à  noyaux   aisément  colorables  et   à   dimensions 
réduites,  perdent  leur  hémoglobine,  sauf  au  pourtour  du  noyau,  qui  se  déve- 
loppe et  revient  à  la  forme   ronde.  Les  globules  avancés  en  âge,  de  grande 
dimension  et  à  noyau  desséché,  non  colorable  par  les  réactifs,  se   comportent 
delà  même  façon.  Seuls  les  globules  adultes  restent  inaltérés;  ils  gardent  à 
peu  près  tous  leur  hémoglobine,  et  leurs  noyaux,  teints  faiblement  par  la  pur- 
purine et  le  carmm,  restent  mùriformes  et  ne  se  développent  pas.  Ces  globules 
restés  intacts  forment  environ  le  tiers  du  nombre  total.  Je   crois  pouvoir  con- 
clure de  là  avec  quelque  vraisemblance  que  les  globules  lésés  par  l'hémorrhagie 
sont  principalement  d'une  part  les  globules  encore  jeunes  et  dont   le  noyau 
acquiert  une  nouvelle  vitalité  sous  l'influence  de  l'irritation,  et  d'autre  part  les 
globules  déjà  anciennement  formés,  et  dont  la  vitalité  est  près  d'être    épuisée. 
Dans  cette  conception,  l'hémorrhagie  léserait  les  globules  faibles,  en  voie  de 
développement  ou   arrivés  au  ternie  de  leur  évolution  vitale;  il  n'y  aurait  de 
respectés  entièrement  que  les  éléments  en  pleine  activité  fonctionnelle.  Mais 
jusqu'ici  nous  ne  sommes  autorisés  à  transporter  les  notions  précédentes  dans 
la  pathologie  humaine  qu'à   litre  d'hypothèses  peut-être  vraisemblables,    mais 
manquant  absolument  encore  de  démonstration.   Nous   savons  en    effet  que, 
parmi  les  globules  rouges,  il  en  est  un  certain  nombre  qui  sont  plus  vulné- 


59S  UÉMORRIIAGIE. 

râbles  ;  mais  les  raisons  de  celte  vulnérabilité,  les  caractères  précis  des  globules 
jeunes  ot  de  ceux  qui  sont  arrivés  au  terme  de  leur  évolution  vitale,  nous 
échappent  encore  absolument,  malgré  les  recherches  de  Hayem,  de  Lépine  et 
enfin  du  professeur  Mayel. 

La  production  d'une  leucocytose  post-liémorrbagique,  admise  comme  la  règle 
par  0.  Weber  [in  Pitha  et  Billiolh)  et  plusieurs  autres  auteurs  parmi  lesquels 
il  convient  de  citer  Erb  et  Manassein,  paraît  moins,  d'après  les  recherches 
récentes  de  Malassez  (Soc.  de  biologie,  15  novembre  1879),  le  fait  de  l'hémor- 
rbagie  elle-même,  agissant  sur  la  crase  du  sang,  que  du  traumatisme  qui  l'ac- 
compagne dans  la  saignée  expérimentale.  Ce  point  particulier  appelle  donc  de 
nouvelles  recherches. 

Inversement,  le  fait  positivement  acquis  de  la  déglobulisation  momentanée 
du  sang  sous  l'induence  même  de  simples  hémorrhagies  déplétives  semble  com» 
mander,  comme  conséquence  immédiate  et  nécessaire,  une  modification  assez 
grande  de  la  proportion  absolue  et  relative  des  gaz  du  sang.  Pour  Mathieu  et 
Urbain  [Arch.  de  physiologie,  1872),  cette  modification  s'eiï'ectue  même  pour 
les  très-petites  perles  de  sang;   il  suffirait  d'extraire   à   un  chien  20  centi- 
mètres cubes  de  sang  artériel  ])Our  trouver,  dans  une  saignée  ultérieure  égale- 
ment de  20  centimètres  cubes,  notablement  moins  d'acide  carbonique  et  d'oxy- 
gène que  dans  l'échantillon  précédent.  La  valeur  moyenne  de  cette  diminution 
a  même  été  indiquée  par  eux  :  elle  serait  de  2'^^So  après  une  saignée  de  60  cen- 
timètres cubes  et  de  3", 9  après  une  émission  sanguine  de  150  centimètres 
cubes.  Paul  Berl  [Pression  barométrique ,  p.  625)  n'a  par  contre  jamais  observé 
une  variation   aussi  considérable  entre  la  teneur  gazeuse  des  échantillons  de 
sang  successivement  tirés  des  vaisseaux.  11  cite  un  exemple  dans  lequel  la  pro- 
portion des  gaz  avait  à  peine  chungé  dans  trois  prises  de  sang  artériel,  faites  en 
l'espace  d'une  heure  et  demie.  Mais  Jûrgensen  et  Ilùfner  ont  constaté  que  dans 
l'hémorrhagie  spoliatrice  qui  résulte  de  l'extraction  du  quart  de  la  masse  totale 
du  sang  chez  un  chien  la  quantité  d'oxygène  contenue  dans    100  volumes  de 
sang  avait  diminué  de  moitié  (plus  exactement  dans  le  rapport  de  24/12,8).  De 
leur  côté  Vinay  et  Arloing  [loc.  cit.,  p.  58-40)  ont  essayé  d'indiquer  le  rapport 
qui  peut  exister  entre  la  modilication  du  chiffre  des  gaz,  la  quantité  de  sang 
évacuée  et  le  poids  du  corps;  ce  qui  est  en  réalité  le  seul  moyen  de  faire  servir 
l'observation  aux  indications  des  saignées  et  d'éclairer  la  pathologie  des  hémor- 
rhagies au  point  de   vue  de  leurs  effets   sur  la  capacité  respiratoire  du  sang 
subsistant,  notion  qui,  on  le  comprend,  est,  dans  l'espèce,  de  toute  importance. 
De  trois  expériences  faites  à  ce  point  de  vue  sur  le  chien  Yinay  et  Arloing  ont 
conclu  «  que  les  émissions  sanguines  produisent  une  diminution  de  la  propor- 
tion absolue  de  l'acide  carbonique  et  de  l'oxygène  du  sang  artériel.  En  outre,  la 
proportion  relative  des  deux  gaz  est  modifiée  :  aussi  l'oyxgène  subit  une  dimi- 
nution proportionnellement  plus  considérable   que  l'acide  carbonique.  De  plus, 
l'influence  d'une  saignée  sur  les  gaz  du   sang  se  fait  sentir  non-seulement 
immédiatement  après  l'évacuation  sanguine,  mais  se  poursuit  encore  le  lende- 
main et  probablement  les  jours  suivants  »   (exp.  II).  D'autre  part,  «  des  émis- 
sions égales  au  quart  ou  au  tiers   de  la  masse  du  sang,    c'est-à-dire  dans  des 
conditions  de  volume  comparables   avec  les  exigences  de  la  pratique  médicale 
(et  j'ajouterai  qui  représentent  des  hémorrhagies  spoliatrices),  diminuent  l'oxy- 
génation du  sang,  ralentissent  les  combustions  qui  aboutissent  à   la  formation 
de  l'acide  carbonique,  et  déterminent  des  phénomènes  de  sédation  qu'il  ne  faut 


IIÉMORRIIAGIE.  599: 

pas  confondre  avec  un  simple  effet  de  déplétion  de  l'appareil  circulatoire.  » 
Enfin,  aux  changements  observés  dans  la  richesse  gazeuse  du  sang  répondent 
des  variations  absolument  parallèles  de  la  proportion  des  gaz  expirés.  Chez  un 
premier  chien,  Vinay  et  Arloing  trouvent  4,1  d'acide  carbonique  pour  100  volumes 
de  gaz  expirés;  une  heure  après  une  saignée  égale  au  quart  de  la  masse  totale 
du  sang  100  volumes  de  gaz  expirés  ne  renferment  plus  que  2,4  de  C0-.  Chez 
un  second  chien,  avant  l'extraction  du  tiers  de  la  masse  sanguine,  l'analyse 
révèle  pour  100  volumes  de  gaz  expirés  : 

CD' =3,6 

0 =  16,8 

Après  l'hémorrhagie  on  obtient  : 

CD'' =2,7 

0 =  17,7 

Donc  la  saignée,  les  hémorrhagies  spoliatrices,  déglobulisent  le  sang  et  abais- 
sent la  capacité  respiratoire  du  sang  subsistant,  puisqu'après  la  perte  sanguine 
l'absorption  de  l'oxygène  est  diminuée  et  que  l'excrétion  du  produit  des  com- 
bustions organiques  d'ordre  gazeux,  l'acide  carbonique,  représentant  pour  une 
grande  part  la  réduction  de  l'oxygène  dans  les  tissus,  est  également  diminuée.  La 
large  perte  de  sang  spolie  donc  l'organisme,  abaisse  le  titre  respiratoire  des  glo- 
bules subsistants;  c'est  là  une  preuve  indirecte  en  faveur  de  l'hypothèse  que  nous 
avons  formulée,  à  savoir  que  l'hémorrhagie,  agissant  par  elle-même,  lèse  les 
globules  demeurés  en  circulation  en  les  dépouillant  d'une  partie  de  leur  hémo- 
globine. 

Lésions  du  plasma.  Nous  avons  vu  que,  consécutivement  à  la  perle  de  sang, 
l'absorption  interstitielle  subit  un  accroissement  notable.  Le  courant  dialytique 
se  renverse  en  partie  et  les  vaisseaux  semblent  momentanément  drainer  les 
tissus  pour  reconstituer  la  partie  liquide  du  sang.  C'est  vraisemblablement  à 
cette  nouvelle  direction  du  courant  qu'est  due  l'augmentation  considérable  de  la 
proportion  des  peptones  dans  le  liquide  nourricier  après  une  hémorrhagie  abon- 
dante. D'Arsonval,  qui  a  découvert  ce  fait  et  l'a  communiqué  à  Vinay  (thèse 
citée,  p.  42-45),  a  constaté  que,  dans  le  sang  du  chien,  on  trouve  à  l'étal  normal 
très-peu  de  peptones,  tandis  qu'après  l'hémorrhagie  il  arrive  un  moment  oii  le 
sang  est  chargé  et  ne  contient  plus  de  fibrine.  Le  sérum  d'un  tel  sang  change 
l'albumine  en  peptone,  intervertit  le  sucre  de  canne,  transforme  l'amidon  en 
glycose  «  exactement  comme  le  ferait  une  infusion  de  pancréas  ».  Il  semble  donc 
que  les  tissus  aient  alors  laissé  passer  dans  le  sang  une  jiartle  des  ferments 
solubles  qu'ils  possèdent,  et  qui,  comme  l'a  constaté  Ranvier,  excercent  sur  les 
éléments  anatomiques  eux-mêmes  qui  en  sont  chargés  leur  action  autodigestive 
dans  de  pareilles  conditions.  Si  l'on  joint  à  cette  notion  la  dilution  du  plasma 
subsistant  par  l'absorption  des  boissons,  phénomène  qui  s'opère  à  la  suite  des 
hémorrhagies  abondantes  et  devient  l'origine  de  l'état  hydrémique,  on  s'explique 
plus  facilement  l'altération  des  globules  rouges  restants,  et  le  départ  d'une 
portion  de  leur  matière  colorante.  On  sait  en  effet  [voy.  Sang  [Pathologie 
générale])  que  l'abaissement  de  la  densité  du  plasma  détermine  ce  départ  et 
que,  d'un  autre  côté,  quand  dans  une  préparation  de  sang  maintenu  dans  la 
chambre  humide  et  à  air  l'autodigeslion  des  globules  blancs,  très-chargés  de 
ferment,  commence  à  s'effectuer,  le  plasma  se  colore  par  l'hémoglobine  dont  se 
déchargent  les  globules  rouges.  Le  sang  subsistant  après  une  hémorrhagie  se 


400  UÉMORRHAGIE. 

trouve  en  réalilé,  comme  nous  venons  do  le  voir,  ilans  des  conditions  analogues; 
et  ces  conditions  ne  sauraient  être  considérées  sans  preuve  contraire  comme  ne 
jouant  aucun  rôle  dans  l'abaissement  du  titre  hémoglobique  des  globules 
demeurés  en  circulation. 

Ce  que  l'on  sait  de  la  fibrine  de  la  lymphe  montre  que  ce  produit  est  le 
résultat  terminal  d'une  portion  de  l'activité  de  ce  liquide  nourricier,  puisque  la 
lymphe  des  espaces  intérorganiques  n'en  contient  pas  et  qu'elle  apparaît  au 
contraire  dans  les  lymphatiques  collecteurs,  alors  qne  le  rôle  de  la  lymphe,  au 
point  de  vue  des  actions  vitales,  semble  momentanément  terminé.  Si  l'on 
transporte  ces  notions  au  sang,  on  peut  prévoir  à  priori  que  l'hémorrhagie, 
abaissant  la  proportion  des  échanges  respiratoires  et  nutritifs  propres  au  sang, 
et  ce  au  prorata  de  son  abondance,  doit  aussi  abaisser  proportionnellement  le 
taux  de  la  fibrine  dans  le  sang  subsistant.  On  a  cru  longtemps  le  contraire 
(Andral  et  Gavarret  —  P.  Schiitzemberger) .  mais  les  pesées  de  Brûcke  ont  clos  défi- 
nitivement le  débat  et  confirmé  l'opinion  ancienne  de  Magendie.  Les  chirurgiens 
n'ont  d'ailleurs  jamais  ignoré  que  les  pertes  sanguines  diminuent  la  plasticité  du 
sang  et  rendent  presque  impossible  la  formation  d'un  coagulum  parla  méthode 
de  Valsalva  (Vinay).  Aujourd'hui  donc  nous  savons  positivement  que  la  pro- 
portion de  fibrine  (hi  sang,  bien  loin  d'augmenter,  diminue  constamment  après 
les  hémorihagies.  Dans  ces  conditions,  le  sang  devient,  il  est  vrai,  plus  couenneux, 
mais  simplement  parce  que,  la  coagulation  étant  très-retardée,  la  précipitation 
des  globules  rouges  au  fond  du  vase  a  mieux  le  temps  de  s'efl'ectuer,  et  que  le 
caillot  en  est  complètement  dégagé  dans  une  grande  hauteur,  comme  il  arrive 
normalemont  chez  le  cheval,  uniquement  parce  que  le  sang  de  cet  animal  se 
coagule  avec  une  lenteur  extrême. 

4"  Influence  de  l'hémorrhagie  sur  les  mouvements  musculaires.  Chez  les 
animaux  supérieurs  et  chez  l'homme,  la  substance  propre  des  muscles  à  con- 
traction brusque,  et  plus  précisément  la  partie  contractile  de  cotte  substance 
(disques  épais)  est  chargée  de  myosine  qui  elle-même  emprunte  au  sang  la 
majeure  partie  d'un  de  ses  éléments  constitutifs  les  plus  importants  :  Vhe'mo- 
(jtobine  musculaire,  découverte  par  Kûhne.  Si  l'expérience  montre  qu'une 
hémorrhagie  déplétive  isolée  n'exerce  sur  la  molilité  qu'une  influence  si  peu 
appréciable  qu'on  la  peut  considérer  à  bon  droit  comme  nulle,  il  n'en  est  plus 
de  même  lorsque  la  perte  de  sang  est  réitérée  ou  qu'elle  est  effectuée  d'emblée 
à  la  dose  spoliatrice.  Dans  ces  conditions  le  sang  évacué  est  soustrait  au  sys- 
tème musculaire  en  tant  qu'élément  de  son  activité  et  que  réserve  d'hémoglo- 
bine, et  le  sang  subsistant,  ayant  de  son  côté  une  moindre  teneur  eu  hémoglo- 
bine, il  en  résulte  qu'au  delà  d'une  certaine  limite  la  fonction  musculaire  du 
mode  brusque  se  trouve  compromise.  Tous  les  cliniciens  ont  constaté  dans  ces 
cas  l'insuffisance  musculaire,  l'excitabilité  et  l'amoindrissement  de  la  tonicité 
des  muscles  soumis  à  la  volonté;  ce  sont  là  même  les  phénomènes  bien  connus 
de  l'anémie  musculaire  :  ceux  qu'on  observe  aussi  à  la  suite  des  intoxications 
oxycarboniques  et  dans  l'ictère  persistant,  c'est-à-dire  dans  les  cas  où  l'hémo- 
globine de  l'organisme  est  rendue  inerte  ou  directement  attaquée  par  un  poison. 
Et  s'il  ne  fallait  pas  craindre  d'imprimer  à  l'expression  du  fait  un  caractère 
paradoxal,  on  pourrait  presque  dire  que  l'hémorrhagie  spoliatrice  agit  à  la  façon 
d'un  poison  des  muscles.  Il  convient  aussi  de  faire  remarquer  que  le  cœur, 
muscle  rouge  par  excellence,  subit  nécessairement  une  part  de  l'action,  spolia- 
trice de  l'hémoglobine,  créée  par  le  fait  même  de  l'hémorrhagie.  La  faiblesse 


IIÉMORRIIAGIE.  401 

des  baUemenls  cardiaques,  les  palpitations,  l'aihylliraie  que  l'on  observe  fré- 
quemment, peuvent  être,  je  crois,  en  partie  considérées  comme  imputables  à  cette 
cause.  De  plus,  l'inertie  partielle  des  muscles  moteurs  valvulaires  est  ici  vrai- 
semblablement, de  même  que  dans  l'ictère  (Clénient-Gantiolplie),  un  facteur 
important  de  la  production  des  souffles  de  la  pointe,  que  l'on  voit  parfois  se 
développer  au  cours  de  l'état  hydrémique  post-hémorrhagique,  c'est-à-dire  au 
moment  même  où  la  dilution  du  plasma  par  les  liquides  absorbés  est  portée  au 
maximum,  et  oii  elle  a  déjà  pu  exercer  son  action  sur  les  globules,  en  détermi- 
nant chez  les  plus  vulnérables  d'entre  eux  le  départ  de  l'hémoglobine.  11  serait 
intéressant  de  savoir  si,  dans  ce  cas,  les  globules  incolores  (invisibles  de  Norris) 
sont  plus  abondants  qu'à  l'état  normal  dans  le  sang  subsistant,  et  je  regette  de 
ne  pouvoir  faire  ici  qu'indiquer  cette  expérience,  qui  pourrait  apporter  une  cer- 
taine clarté  dans  la  question  de  la  déglobulisation  post-hémorrhagique. 

5°  Influence  de  la  perte  du  sang  sur  larespiratioti.  En  étudiant  l'influence 
de  l'héniorrhagie  sur  le  sang  lui-même,  sur  la  proportion  des  gaz  qu'il  contient 
et  sur  le  système  musculaire,  nous  avons  suffisamment  montré  son  action  sur 
la  respiration  interstitielle  et  nous  avons  vu  qu'elle  en  réduit  l'activité.  Il  con- 
vient maintenant  de  dire  un  mot  de  ses  effets  sur  la  mécanique  respiratoire. 

En  réalité,  ces  effets  sont  le  résultat  de  l'anémie  des  centres  nerveux,  dont 
le  jeu  plus  ou  moins  modifié  commande  les  mouvements  respiratoires  associés 
et  leur  donne  leur  type.  Dans  les  hémorrhagies  déperdilives,  les  convulsions 
générales  qui  précèdent  la  mort  sont  dues  à  cette  anémie  cérébro-bulbaire 
[Kxxssmsiui  et! ennev,  Moleschotl' s  Untersucliungen,  111,  1857).  Dans  les  hémor- 
rhagies de  moyenne  intensité,  du  type  largement  déplétif,  0.  Weber,  Leich- 
tenstern  [Zeilschrift  fur  Biologie,  Bd.  VII,  "2  Heft)  et  Bauer  {Geschichte  der 
Aderlàsse,  Munich,  1870)  ont  constaté  que  les  mouvements  respiratoires  dimi- 
nuent d'amplitude  et  de  nombre,  mais  les  modifications  sont  temporaires  et 
peuvent  être  suivies  d'une  accélération  de  la  respiration  temporaire  aussi. 
Les  hémorrhagies  proprement  dites,  celles  qui  surviennent  en  dehors  de  la 
fièvre,  n'ont  donc  par  elles-mêmes  qu'une  influence  peu  considérable  sur  la 
mécanique  respiratoire.  Mais  dans  l'état  fébrile  il  semble  qu'il  n'en  soit  plus 
de  même,  principalement  dans  les  cas  oii  la  fièvre  est  commandée  par  une  affec- 
tion pulmonaire  d'ordre  congestif.  Dans  ces  conditions,  la  saignée  déplétive 
coupe  souvent  court  à  la  dyspnée  en  abaissant  considérablement  le  nombre  des 
mouvements  respiratoires  à  la  minute.  C'est  ainsi  que  Vinay  {loc.  cit.,  p.  44) 
cite  un  malade  de  Peter,  atteint  de  pneumonie,  et  chez  lequel  la  respiration,  qui 
donnait  soixante-huit  à  la  minute,  fut  ramenée  à  quarante-huit  après  une 
saignée.  Une  pareille  notion  est  de  tout  intérêt  et  doit  être  soigneusement 
retenue,  et  l'on  ne  doit  pas  oublier  que  l'hémorrhagie  exerce  sur  l'organisme 
du  fébricitant  dyspnéique  une  action  toute  particulière.  Je  pourrais  ajouter 
qu'en  dehors  de  la  fièvre,  satellite  de  la  pneumonie  ou  de  la  bronchite  capil- 
laire, et  de  ce  chef  s'accompagnant  de  dyspnée,  il  est  d'autres  circonstances  où 
l'émission  sanguine  exerce  sur  la  respiration  de  l'apyrétique  la  même  action 
sédative.  Chez  les  cardiaques  dyspnéiques  et  chez  les  malades  atteints  de  dyspnée 
uréraique,  la  saignée  ramène  presque  constamment  le  nombre  des  respirations 
à  un  chiffre  inférieur  à  celui  qu'on  peut  observer  immédiatement  avant  l'ou- 
verture de  la  veine.  Il  résulte  de  là,  tout  naturellement,  que  l'action  des  pertes 
de  sang  sur  les  grandes  fonctions  et  en  particulier  sur  la  respiration  ne  peut 
être  entièrement  transportée  du  domaine  de  la  physiologie  expérimentale  dans 
DICT.  ENC.  -4"  s.  Xlll.'  26 


402  IIEMORRHÂGIE. 

celui  de  la  clinique.  C'est  dire  que  l'hémorihagie,  considérée  en  tant  que  mé- 
thode thérapeutique  et  en  lant  qu'accident  des  maladies  exerçant  des  effets 
variables  avec  les  états  morbides  divers,  doit  être  étudiée  à  ce  point  de  vue 
beaucoup  plus  au  lit  des  malades,  et  empiriquement,  que  par  des  expériences 
ordinaires  de  laboratoire  {l'oy.  Saignée). 

6"  Influence  de  la  perte  de  sang  sur  la  chaleur  animale  et  la  nutrition. 

En  abaissant  le  taux  des  actes  respiratoires  interstitiels  par  la  déglobulisation 
de  la  masse  sanguine  et  l'altération  du  titre  respiratoire  des  globules  rouges 
subsistants,  en  agissant  d'une  manière  analogue  sur  l'hémoglobine  musculaire 
de  manière  à  diminuer  la  puissance  des  agents  actifs  du  mouvement,  l'hémor- 
rhagie  peut  être  considérée  à  priori  comme  une  cause  d'abaissement  de  la  cha- 
leur animale,  puisqu'elle  en  compromet  les  deux  principales  sources  :  les  actions 
chimiques  interstitielles  et  les  mouvements  musculaires.  Depuis  les  premières 
observations  de  Marshall-IIall,  qui  constata  que  la  température  subit  un  abaisse- 
ment après  les  grandes  saignées,  la  plupart  des  observateurs  et  expérimenta- 
teurs qui  se  sont  succédé  ont  confirmé  la  réalité  de  ce  mouvement  hypother- 
niique  consécutif  à  l'hémorrhagie.  Mais  il  s'agit  d'un  abaissement  passager 
(Traube,  Gex.  Beitr.,  Bd.  II,  p.  27)6)  qui,  chez  les  fébricitants,  supprime  la 
recrudescence  vespérale,  par  exemple;  après  quoi,  si  l'on  ne  réitère  pas  l'émis- 
sion sanguine,  on  observe  un  notable  relèvement  de  la  courbe  thermique 
(Maurice,  Des  modifications  morbides  de  la  température  animale  dans  les 
affections  fébriles,  thèse  de  Paris,  1855;  Billet,  thèse  de  Strasbourg,  1869). 
Nous  reviendrons  dans  un  instant  sur  ce  fait  particulier  de  relèvement.  Quant 
à  l'étendue  de  l'abaissement,  elle  varie  de  quelques  dixièmes  de  degré  à  1  et 
même  2  degrés  (Galzucy,  Centralblalt  f.  medic.  Wiss.,  1871,  p.  53).  Dans  de 
pareilles  limites,  mon  maître  Lorain  avait  raison  de  quahfier  la  satisfaction  que 
l'on  peut  tirer  d'une  émission  sanguine  comme  éminemment  passagère,  mais 
il  avait  peut-être  moins  de  raisons  d'ajouter  qu'elle  est  absolument  illusoire 
(Lorain,  Journ.  de  l'anat.  et  de  laphysiol.,  1870). 

Chez  l'homme  et  dans  l'état  sain,  la  perte  sanguine  abaissse  plus  facilement 
et  plus  constamment  la  chaleur  centrale  que  dans  l'état  de  maladie  (Lorain- 
Bauer).  Chez  les  animaux  également  sains  Bicrensprung  [Millier  s  Archiv,  1851, 
p.  126)  a  vu  la  température  s'élever,  au  moment  de  la  saignée,  de  quelques 
dixièmes  de  degré,  puis  s'abaisser  notablement  dans  le  nycthémère  suivant  en 
atteignant  le  minimum  six  à  huit  heures  après  l'émission  pour  s'élever  de  nou- 
veau et  regagner  lentement  la  normale.  Cette  ascension  lente  est  coupée  d'ime 
augmentation  brusque  de  la  température  qui  indique  que  le  traumatisme 
effectué  lors  de  l'ouverture  du  vaisseau  fait  sentir  ses  effets  généraux,  mais  cette 
augmentation  thermique  épiphénoménale  est  éminemment  transitoire,  et  la  tem- 
pérature retombe  ensuite  au-dessous  de  la  normale  pendant  un  temps  qui  n'a 
pas  encore  été  exactement  déterminé. 

Ce  sont  là  les  effets  propres  de  l'hémorrhagie  sur  l'organisme,  en  tant  qu'a- 
gissant sur  la  calorification.  Bien  que,  durant  la  fièvre,  il  se  produise  après  la 
perte  de  sang  un  abaissement  de  température  analogue  à  celui  qui  se  montre 
dans  l'état  sain,  on  voit  que  cet  abaissement  n'est  ni  aussi  intense,  ni  surtout 
aussi  durable  chez  le  fébricitant  que  chez  l'homme  ou  l'animal  en  état  de  santé 
ou  du  moins  d'apyrexie.  On  a  cessé  en  effet  actuellement  de  croire,  avec  Lorain, 
que  le  sang  soit  le  véhicule  exclusif  de  la  chaleur;  on  sait  que  la  fièvre  [voy.  ce 
mot)  est  surtout  commandée,  dans  ses  effets  calorifiques,  par  une  action  ner- 


UÉMORRHAGIE.  405 

veuse  centrale,  exagérée  sous  l'influence  de  la  cause  morbigène  dont  l'état 
fébrile  est  l'une  des  expressions.  Conformément  à  la  théorie,  chez  l'homme  ou 
l'animal  sain,  nous  voyons  l'abaissement  thermique  post-hémorrhagique  se  pro- 
duire avec  constance  et  régularité;  dans  la  fièvre,  cet  abaissement  se  produit 
encore,  mais  il  a  à  lutter  contre  une  cause  thermogène  puissante,  qui  résulte 
de  l'état  fébrile  lui-même,  et  qui  souvent  l'emporte  avec  une  plus  ou  moins 
•rrande  rapidité,  de  manière  à  effacer  les  effets  anticalorifiques  de  l'hémoriiiagle 
au  bout  de  peu  de  temps,  à  moins  que,  comme  le  fait  remarquer  Maurice,  cette 
dernière  ne  soit  réitérée  ;  et  cela  uniquement  parce  que  la  spoliation  sanguine 
n"a  sur  la  production  de  la  chaleur  centrale  qu'un  effet  de  durée  limitée,  taudis 
que  la  thermogénie  fébrile  exerce  une  action  incessamment  renouvelée.  C'est 
dans  ces  conditions  que  l'axiome  de  Lorain,  en  vertu  duquel  ce  maître  a 
déclaré  les  effets  des  saignées  éminemment  passagers  et  illusoires,  reprend 
absolument  sa  valeur. 

Mais  ici,  comme  dans  tout  ce  qui  est  d'ordre  pathologique,  c'est-à-dire  émi- 
nemment complexe,  nous  allons  tomber  dans  un  cercle  vicieux.  Si  la  grande 
liémorrhagie,  que  nous  supposerons  spontanée  pour  n'avoir  pas  à  tenir  compte 
des  effets  réactionnels  dépendant  du  traumatisme,  abaisse  parfois  la  tempéra- 
ture jusqu'à  produire  le  coUapsus,  il  est  de  règle  de  voir,  au  bout  de  quelques 
jours,  la  lièvre  se  rallumer  et  devenir  plus  intense  qu'avant  la  perte  de  sang. 
C'est  ce  qui  arrive,  au  cours  de  la  dothiénentérie,  à  la  suite  des  hémorrhagies 
intestinales  ;  un  semblable  effet  se  produit  aussi  très-souvent  à  la  suite  de 
grandes  pertes  de  sang  par  la  muqueuse  interne,  puerpérales  ou  autres.  En 
dehors  de  toute  septicémie  puerpérale,  j'ai  vu  souvent  et  surtout  à  la  suite 
d'avortements  au  deuxième  ou  troisième  mois  des  hémorrhagies  formidables  se 
produire,  puis  au  bout  de  trois,  quatre  ou  cinq  jours  d'hypothermie,  le  ther- 
momètre indiquant  56°, 5  ou  57  degrés  seulement  dans  le  rectum,  la  fièvre 
naître  et  durer  plusieurs  jours,  au  milieu  du  complexus  ordinaire  de  l'état 
hydrémique  consécutif  à  l'hémorrhagie  spoliatrice.  C'est  que,  dans  ces  cas,  la 
déglobulisalion  rapide  détermine,  en  outre  de  ses  effets  immédiats,  une  série  de 
réactions  d'ordre  nutritif  de  la  part  de  l'organisme  spolié.  Et  ces  réactions 
semblent  être  la  règle  dans  les  cas  oîi  la  déglobulisation  se  combine  avec 
l'abaissement  excessif  du  titre  hémoglobine  des  globules  rouges.  Dans  la  chlo- 
rose vraie,  on  observe  en  effet  un  mouvement  fébrile  quotidien  assez  léger, 
mais  qui  n'a  pas  échappé  aux  investigateurs  contemporains  (Humbert  Mollière 
et  Leclerc).  Aucun  autre  état  morbide  ne  reproduit,  au  même  titre  que  la  chlo- 
rose, la  dyscrasie  sanguine  consécutive  à  l'hémorrhagie  spoliatrice,  c'est  pourquoi 
j'ai  choisi  cet  exemple  qui  nous  conduit  directement  à  étudier  l'influence  des 
pertes  de  sang  sur  la  nutrition  générale  et  sur  le  système  nerveux. 

Après  une  hémorrhagie  large,  exerçant  sur  la  masse  du  sang  une  action 
spoliatrice,  nous  avons  vu  le  sang,  privé  par  la  perte  d'une  partie  de  sa  puis- 
sance respiratoire,  subir  une  perte  secondaire  en  hémoglobine  qui  amoindrit 
encore  sa  valeur.  Les  combinaisons  interstitielles  deviennent  moins  intenses, 
l'acide  carbonique  exhalé  diminue  de  quantité,  la  chaleur,  dans  l'organisme 
sain  spolié,  devient  pour  un  temps  hyponormale.  En  présence  de  pareils  effets, 
tout  indique  que  la  nutrition  s'amoindrit,  devient  retardante,  suivant  l'heu- 
reuse et  exacte  expression  de  Ch.  Bouchard.  Mais  en  même  temps  l'organisme 
réagit;  certains  organes,  rais  en  activité  par  la  nécessité  de  réaction  créée  par 
la  perte,  vont  exercer  une  action  vicariante  :  les  uns  pour  régénérer  le  sang 


404  HÉMORRHAGIE. 

dans  ses  éléments  plasmatiques  et  globulaires,  les  autres  pour  faire  face  à  ce 
que  l'on  pourrait  appeler  le  bilan  provisoire  de  l'organisme.  Ces  deux  courants 
se  mêlent  et  se  confondent  dans  la  période  post-hémorrhagique,  et  l'état  actuel  de 
nos  connaissances  ne  permet  guère  de  les  séparer. 

Cependant,  au  point  de  vue  do  la  nutrition  et  des  effets  de  ses  variations 
brusques  sur  les  éléments  anatomiqucs,  il  convient  de  distinguer  ces  derniers 
les  uns  des  autres  et  de  former  deux  catégories.  Certains  éléments  très-haute- 
ment différenciés  :  les  cellules  nerveuses,  musculaires  striées,  musculaires  car- 
diaques, glandulaires,  ont  besoin  pour  vivre  el  fonctionner  régulièrement  du 
secours  d'éléments  moins  exclusivement  spécialisés,  tels  que  les  globules  blancs 
du  sang  et  de  la  lynijilie,  los  globules  rouges  du  sang,  les  éléments  cellulaires 
fixes  du  tissu  connectif  lâche,  qui  leur  apportent  les  matériaux  de  leur  nutri- 
tion tout  préparés  ou  emmagasinent  des  matériaux  transformables  dans  leur 
intérieur,  à  la  façon  de  réserves  placées  pour  ainsi  dire  à  proximité  et  aisément 
distribuables,  ultérieurement,  par  les  agents  répartiteurs  mobiles,  tels  que  les 
globules  blancs  ou  le  plasma  sanguin  et  lymphatique.  Chez  les  animaux  supé- 
rieurs et  chez  l'homme,  le  sang  domine  tout  ce  système  de  nutrition  à  double 
jeu.  Il  fournit  le  nutriment  respiratoire  ou  alibile;  il  fournit  aussi  l'agent 
répartiteur.  Si  le  sang  est  lésé,  réduit  dans  ses  qualités  nourricières  par  la 
perte  sanguine  et  par  ses  effets  consécutifs  réfléchis  sur  le  sang  lui-même,  la 
matière  à  distribuer  est  moins  abondante,  les  agents  répartiteurs  actifs,  les 
globules  blancs,  voient  leur  vitalité,  leur  mobilité,  leur  reproductibilité  même, 
atténuées  par  l'anoxémie,  car  ils  respirent,  vivent  eux-mêmes,  avant  de  faire 
vivre  et  respirer  les  autres  éléments.  Ces  derniers,  qui  ne  savent  plus  que  faire 
du  mouvement,  de  l'influx  nerveux,  des  opérations  sécrétoires,  etc.,  et  qui 
sont  incapables  de  se  nourrir  par  eux-mêmes,  souffrent  ou  fonctionnent  irrégu- 
lièrement ou  même  meurent.  L'anoxémie  générale  du  système  musculaire,  par 
exemple,  dans  les  cas  d'intoxication  par  l'oxyde  de  carbone,  entraîne  parfois  à 
terme,  ainsi  que  je  crois  l'avoir  démontré,  la  dégénération  graisseuse  de  la 
substance  contractile  du  myocarde,  et  le  même  effet  s'observe  dans  le  foie  et 
dans  le  rein.  De  même,  pour  l'hémorrhagie,  Perl  {Ueber  den  Einflitss  der  Anœmie 
aitf  die  Errtœhrung  des  Herzmmkeh.  In  Virchoiv's  Archiv,  1873,  p.  59-51) 
a  montré  expérimentalement  que  la  dégénération  graisseuse  du  cœur  peut  être 
provoquée  par  des  saignées  abondantes,  dans  lesquelles  la  quantité  de  sang 
soustraite  à  l'économie  s'élève  à  3  ou  5,5  pour  100  du  poids  du  corps,  et 
qu'on  répète  tous  les  cinq  ou  sept  jours  chez  le  chien.  Au  bout  de  cinq  à  onze 
émissions  sanguines  de  ce  taux,  le  marasme  survient,  et  l'on  trouve  à  l'autopsia 
les  fibres  musculaires  cardiaques  dégénérées.  Voici  donc  des  éléments  qui 
meurent  et,  avant  de  mourir,  en  vertu  de  la  nutrition  incomplète  et  retardante 
à  laquelle  ils  sont  soumis,  font  évoluer  en  graisse  une  partie  de  leurs  matériaux 
constitutifs.  Sans  que  les  effets  soient  aussi  éclatants,  dans  une  série  de  tissus 
la  même  évolution  s'opère  :  aussi  To!matcheffa-t-il  constaté  directement  que,  à  la 
suite  des  hémorrhagies  expérimentales  répétées,  le  sang  et  les  tissus  renîérment 
une  proportion  exagérée  de  matières  grasses. 

La  proportion  delà  substance  glycogène  augmente  également.  Claude  Bernard, 
qui  a  constaté  ce  fait  [Leçons  sin-  le  diabète),  l'attribue  à  l'effort  régénérateur 
de  l'organisme.  Mais  il  est  aussi  naturel  d'admettre  que  le  glycogène  produit, 
peut-être,  ta  la  vérité,  en  quantité  exagérée,  ne  peut  plus  être  brûlé  dans  un 
organisme  dont  la  nutrition  retarde  et  où  l'anoxémie  règne  en  maîtresse.  11  est 


HÉMORRHAGIE.  405 

surabondant  et  très-probablement  aussi  évolue  partiellement  en  graisse  dans  les 
tissus,  comme  on  le  voit  faire  dans  les  globules  blancs  du  sang  leucémique  où 
l'on  peut  saisir  la  série  de  transitions  suivantes  :  globules  liyalins  chargés  de 
glycogène,  globules  semés  de  grains  viteliinoïdes  au  sein  du  glycogène  moins 
abondant,  globules  à  grains  graisseux.  Les  grains  viteliinoïdes,  qui  se  teignent 
en  brun  par  l'iode  à  la  façon  du  glycogène,  en  rouge  brique  par  l'éosine  à  la 
façon  des  graisses  du  tissu  adipeux  des  poissons,  et  que  l'osmium  laisse  inco- 
lores comme  il  le  fait  pour  certaines  vésicules  adipeuses  de  ces  mêmes  Vertébrés, 
semblent  en  effet  n'être  rien  autre  chose  que  de  la  graisse  en  train  de  se  former 
aux  dépens  de  la  substance  glycogène  dont  les  globules  blancs  hyalins  sont 
chargés. 

D'un  autre  côté,  le  professeur  Lépine  {Compte  rendu  de  la  Soc.  de  biologie, 
1880)  a  montré  que,  chez  les  chiens  à  l'inanition,  après  les  saignées,  l'excrétion 
de  l'acide  phospliorique  et  de  l'azote  des  urines  augmente  disproportionnelle- 
ment  avec  l'urée,  qui  est  du  reste  également  augmentée  (Bauer).  Les  éléments 
spécialisés  désassimilent  donc  activement;  leur  vitalité  tend  à  s'annuler  même  : 
c'est  ce  qui  résulte,  en  particulier  pour  le  tissu  osseux,  des  expériences  de 
Gabetin  [Cenlralblatt  fiir  Chirurgie,  1874,  n"  2),  qui  a  montré  que  l'état 
hydrémique,  engendré  par  des  saignées  successives  chez  des  chiens  et  des  pou- 
lets, ralentit  d'une  façon  tout  à  fait  notable  la  formation  du  cal  et  la  consolida- 
tion des  fractures. 

Ainsi  donc  la  spoliation  hémorrhagique,  en  faisant  évoluer  en  graisses  les 
matières  extractives  autres  que  l'urée,  c'est-à-dire  une  notable  portion  des  maté- 
riaux organiques  transformables,  et  d'un  autre  côté  en  activant  la  désassimi- 
lation,  en  atténuant  les  propriétés  formalives  des  éléments  des  tissus  très- 
différenciés  (Gabetin),  paraît  bien  introduire  daus  l'organisme  le  complexus  de 
la  nutrition  retardante. 

Cependant,  d'un  autre  côté,  malgré  la  diminution  de  la  quantité  des  urines 
émises  et  l'augmentation  parallèle  de  leur  densité  la  proportion  d'urée  s  accroît 
à  la  suite  des  hémorrhagies  (Bauer),  ce  qui  semble  indiquer  une  activité  plus 
considérable  des  combustions  oiganiques  dans  le  domaine  d'une  certaine  caté- 
gorie d'éléments  anatomiques  et  de  tissus.  En  même  temps  que,  de  par  l'ab- 
sorption accrue,  le  sang  draine  les  parties  liquides  des  tissus  pour  reconstituer 
sa  propre  masse  fluide,  et  que  des  produits  nombreux  de  désassimilation,  des 
ferments  solubles,  des  chromogènes  résultant  de  la  destruction  des  substances 
capables  de  fournir  des  pigments,  l'hémoglobine,  par  exemple,  passent  dans  le 
sang  et  sont  rejetés  par  les  émonctoires,  un  certain  nombre  d'éléments,  ceux 
qui  ne  sont  pas  hautement  différenciés  et  absolument  fixés  pour  une  fonction 
exclusive,  et  aussi  ceux  qui  ont  pour  rôle  la  reproduction  des  globules  san- 
guins, entrent  en  activité.  Très-probablement  alors  les  globules  blancs  du  sang 
et  de  la  lymphe,  les  éléments  cellulaires  de  la  moelle  rouge  des  os,  dont  les 
propriétés  hémopoétiques  ont  été  mises  hors  de  doute  par  les  recherches  de 
Bizzozero,  de  Foa  et  Salvioli,  et  enfin  de  Malassez,  les  cellules  conjonctives  des 
réseaux  capillaires,  qui  ne  cessent  pas  de  jouer  pendant  toute  la  vie  un  rôle  vaso- 
formatif,  tous  ces  éléments  et  d'autres  travaillent  à  reproduire  les  éléments 
figurés  du  liquide  nourricier,  soustraits  par  la  perte  elle-même  ou  modifiés  en 
vertu  de  l'action  altérante  consécutive  à  cette  dernière  et  s'exerçant  sur  l'hé- 
moglobine du  sang  subsistant.  Les  éléments  anatomiques  que  je  viens  de  signaler 
ont  en  effet,  en  vertu  de  leurs  différenciations  toujours  rudimentaires,  la  pro- 


406  IIEMORRIIAGIE. 

priété  de  réagir  activement  contre  les  causes  morbigènes  par  des  actes  de 
nutrition  accrue,  de  réparation  et  de  développement.  Eux  seuls  ont  conservé  la 
propriété  de  construire  des  formations  complexes,  tandis  que  les  éléments  très- 
difiérenciés  ne  savent  réagir  contre  les  troubles  de  nutrition  qui  les  atteignent 
qu'eu  se  désassimilant,  en  entrant  en  décbéance  fonctionnelle  d'abord,  organique 
ensuite,  et  enfin  en  mourant.  On  comprend  dès  maintenant  que,  dans  le  com- 
plexus  post-Iiémorrbagique,  aux  phénomènes  qui  sont  l'indice  de  l'abaissement 
de  la  nutrition  interstitielle,  de  la  déchéance  des  tissus  musculaire,  glandu- 
laire et  nerveux,  de  leur  mort  partielle  même,  viennent  s'en  mêler  d'autres 
révélant  l'existence,  dans  certaines  régions  de  l'organisme  atteint,  d'un  pro- 
cédé nutritif  tout  contraire  supposant  des  opérations  très-activées,  qui  tou- 
jours s'accompagnent  de  combustions  organiques  complètes,  aboutissant,  en 
ce  qui  regarde  particulièrement  les  molécules  quaternaires,  à  la  formation  do 
l'urée. 

7"  Influence  sur  le  système  nerveux.  L'espèce  de  paradoxe  que  présente  à 
l'observateur  l'étude  analytique  de  la  nutrition  dans  la  période  consécutive  aux 
iiémorrhagies  déperditives  larges  ou  aux  pertes  de  sang  exerçant  un  elfet  spo- 
lialif  véritable,  étant  de  la  sorte  expliqué,  autant  du  moins  que  le  pathologiste 
le  peut  faire  en  utilisant,  pour  son  raisonnement,  les  données  scientifiques  posi- 
tives que  nous  possédons,  il  convient  d'insister  un  instant  sur  les  troubles 
apportés  par  l'iiémorrliagie  dans  le  fonctionnement  du  système  nerveux.  Ces 
troubles  paraissent  être  de  deux  ordres:  les  uns  sont  commandés  par  l'anoxémie, 
dont  les  conditions  sont  réalisées  par  la  perte  d'une  portion  notable  ou  consi- 
dérable de  la  masse  sanguine  ;  les  autres  sont  le  résultat  de  la  nutrition  irré- 
gulière des  éléments  nerveux.  Les  premiers  sont  donc  surtout  les  satellites  de 
la  période  de  perte  ;  les  seconds  sont  plus  particulièrement  liés  à  la  période 
d'bydrémie  post-bémorrbagique. 

Les  expériences  déjà  ancieimes  de  Kussmaul  et  Tenner  [MoleschotCs  Untersu- 
chungen,  1857)  ont  montré  que  l'interruption  subite  et  totale  du  cours  du  sang 
dans  l'encéphale  entier  détermine  des  convulsions  épileptiforraes.  Des  effets 
très-semblables  sont  obtenus  lorsque,  permettant  à  l'irrigation  sanguine  intra- 
encépbalique  de  s'effectuer,  on  limite  la  quantité  d'oxygène  i^espiré  par  l'animal 
et  qu'on  détermine  aussi  l'asphyxie.  Enfin  les  expériences  bien  connues  et  déci- 
sives de  Brown-Séquard  et  de  Vulpian  ont  montré  depuis  que  le  sang  oxygéné 
ou  rouge  entretient  seul  l'activité  normale  des  centres  nerveux,  et  que  le  sang 
noir  privé  d'oxygène  joue  le  rôle  d'un  excitant  avant  de  tuer  les  éléments  des 
tissus  encéphaliques  par  défaut  de  respiration  interstitielle.  Ici  le  sang  veineux 
n'agit  nullement  (P.  Bert,  Pfliiger)  par  l'acide  carbonique  qu'il  renferme,  mais 
bien  par  l'absence  d'oxygène,  et  Luchsinger  [Pflûgers  Archiv,  XVI,  p.  510), 
étudiant  méthodiquement  les  effets  de  l'asphyxie  et  de  l'anémie  sur  les  centres 
nerveux,  arrive  à  celte  même  conclusion,  formulée  déjà  antérieurement  par  Vul- 
pian, que  la  soustraction  du  sang  ou  celle  de  l'oxygène  de  ce  liquide  détermi- 
nent dans  les  centres  moteurs  un  état  particulier  d'excitation  dont  la  syncope, 
par  arrêt  consécutif  à  la  suractivité  du  vague,  et  les  phénomènes  convulsifs, 
la  contraction  des  réservoirs  à  parois  musculaires  (vessie,  gros  intestin,  etc.), 
qu'on  observe  dans  les  grandes  hémorrhagies,  sont  l'expression  réactionnelle. 
C'est  aussi  à  cette  excitabilité  qu'il  convient  de  rapporter  avec  Vinay  les  sueurs 
ubites  et  profuses,  la  nausée,  les  vomissements  et  enfin  les  modifications  de 
pression  vasculaire,  de  vitesse  du  sang,  de  rhythme  cardiaque,  que  l'on  observe 


IIÉMORRHAGIE.  407 

au  moment  même  où  s'effectue  la  perte  de  sang  du  mode  largement  spoliateur 
ou  mieux  encore  du  mode  déperditif. 

Quant  aux  pliénoniènes  ressortissant  à  la  malnutrition  post-hémorrhagique,  ils 
sont  loin  d'avoir,  en  t^nt  que  réactions  observables,  le  même  éclat  que  les  pré- 
cédentes. Il  est  rare  d'observer,  à  la  suite  des  grandes  hémorrhagies,  des  para- 
lysies transitoires  analogues  à  celles  que  l'on  a  signalées  à  la  suite  de  l'intoxi- 
cation par  l'oxyde  de  carbone.  Cependant  l'affaiblissement  de  la  vue,  de  l'ouïe, 
les  phénomènes  auditifs  d'ordre  subjectif,  tels  que  les  tintements  d'oreille, 
montrent  que  l'innervation  reste  pendant  un  certain  temps  profondément 
troublée.  Les  névralgies  et  parmi  elles  la  céphalalgie  avec  sensation  de  vacuité 
et  tendance  à  la  nausée,  l'atténuation  souvent  considérable  des  fonctions  céré- 
brales, l'émotivité  extrême,  les  sueurs  su])ites,  profuses,  variables,  les  œdèmes, 
tous  phénomènes  sur  lesquels  nous  reviendrons  en  faisant  l'étude  clinique  du 
syndrome  post-hémorrhagique,  doivent  être  rapportés  à  la  nutrition  incomplète, 
retardante,  du  système  nerveux  tout  entier  dans  cette  période,  nutrition  retar- 
dante dont  l'émission  exagérée  du  phosphore  (acide  phospliorique,  Lépine) 
indique  suffisamment  la  tendance  à  la  désassimilation,  à  la  déchéance  immi- 
nente, s'exerçant  dans  le  domaine  des  éléments  anatomiques  caractéristiques 
des  centres  et  des  cordons  conducteurs  nerveux.  Dans  ces  conditions  le  vieil 
axiome  san(juis  moderator  nervoritm  rend  encore  le  mieux  compte  aux  clini- 
ciens actuels  des  troubles  moteurs  et  sensitifs  dont  le  système  nerveux  devient 
ordinairement  le  théâtre  dans  la  période  consécutive  aux  larges  hémorrhagies. 

Ainsi  la  perte  de  sang,  même  unique  et  effectuée  à  dose  simplement  déplé- 
tive,  est,  suivant  l'expression  très-exacte  de  Ilirtz,  un  altérant  aigu  retentissant 
sur  l'organisme  entier  à  la  fois  par  le  choc,  la  lupture  brusque  du  régime  cir- 
culatoire habituel,  par  l'anoxémie  relative  qui  en  est  la  suite  et  par  un  retard 
dans  l'activité  de  la  nutrition  de  tous  les  tissus  qui  succède  régulièrement  à 
l'anoxémie  et  est  pour  ainsi  dire  engendré  ou  induit  par  elle.  En  même  temps 
l'organisme  désassimile  largement,  en  rejetant  par  masses  et  par  la  voie  des 
émonctoires,  les  produits  des  actions  chimiques  devenues  incomplètes,  hâtives, 
et  en  vertu  desquelles,  par  exemple,  la  molécule  quaternaire,  au  lieu  de  donner 
de  l'urée  évolue  en  acide  urique,  la  molécule  hydrocarbonée  évolue  en  graisse, 
la  substance  glycogène  ne  subit  plus  sa  combustion  complète.  Si  l'hémorrhagie 
même  large  ne  se  répèle  pas,  ce  mouvement  nutritif  retardant  qui  en  est  la 
conséquence  n'a  qu'une  existence  transitoire;  la  dyscrasie  post-hémorrhagique  n'est 
qu'un  épisode.  Mais,  si  la  perte  de  sang  est  d'emblée  spoliatrice,  ou  si  elle  le 
devient  par  suite  de  la  répétition  de  l'hémorrhagie  à  brefs  intervalles,  l'état  di- 
hydrémique  s'établit  et  avec  lui  un  mode  de  nutrition,  de  respiration  inter- 
stitielle, de  réactions  musculaires,  glandulaires,  nerveuses  et  trophiques,  tout 
particulier,  qui  réalise  les  conditions  d'un  véritable  état  cachectique,  et  qui  en 
fournit  au  clinicien  le  tableau  frappant.  Le  mouvement  désassimilateur  prédo- 
mine, du  moins  en  apparence,  pendant  un  certain  temps.  L'homme  ou  l'animal, 
incapables  de  mouvements  musculaires  soutenus,  exposé  à  des  syncopes  réité- 
rées, élaborant  incomplètement  les  agents  de  ses  sécrétions  récrémentitielles, 
perdant  l'appétit,  digère  incomplètement  aussi  et  difficilement.  Des  névralgies 
mobiles  ou  au  contraire  localisées  et  tenaces  se  produisent;  des  actions  neuro- 
vasculaires  exagérées  deviennent  l'origine  de  l'œdème  des  extrémités;  la  mort 
dans  le  marasme  ou  par  suite  dune  affection  intercurrente  peut  terminer  la 
scène.  Cependant  le  plus  ordinairement,  et  à  moins  que  la  limite  de  la  perte 


408  HKMORRHA.GIE. 

sanguine  compatible  avec  la  survie  ne  soit  très-approche'e,  l'organisme  se  défend; 
au  début  par  l'hémostase  spontanée,  s'il  s'agit  d'une  hémorrhagie  capable  d'arrêt; 
dans  la  suite  par  la  régénération  active  des  éléments  du  sang.  Il  convient  donc 
de  passer  maintenant  à  l'étude  de  l'hémostase  et  de  dire  ensuite  quelques  mots 
de  la  poussée  sanguiformative  post-hémorrhagique. 

III.  L'hkmostase  et  la  réparation  du  sang.  Dans  les  hémorrhagies  par 
diapédèse  ou  électives,  l'issue  du  sang  ne  s'effectue,  nous  l'avons  vu,  que  par 
l'exagération  même  des  conditions  ordinaires  de  la  Iranssudation.  La  paroi 
vasculaire  n'est  pas  rompue;  le  liquide  épanché,  bien  que  renfermant  tous  les 
éléments  du  sang,  les  réunit  dans  des  proportions  anormales,  qui  ne  sont  plus 
celles  existant  dans  le  liquide  charrié  par  les  vaisseaux.  Un  tel  mode  d'hémor- 
rhagie  ne  peut  être  longtemps  soutenu  ;  de  deux  choses  l'une  :  ou  la  lésion  se 
poursuit  jusqu'à  la  rupture,  ou  au  contraire,  les  conditions  anormales  de  stase 
incomplète  et  de  haute  pression  cessant  d'exister,  la  diapédèse  excessive  ne 
s'effectue  plus  et  tout  rentre  dans  l'ordre.  Mais  dans  ces  conditions  mêmes  la 
paroi  lésée  par  la  diapédèse  excessive  doit  subir  une  réparation.  On  sait,  par  les 
expériences  de  Tarchanoff,  que  la  stase  soutenue  dans  un  vaisseau  est  bientôt 
suivie  d'un  ramollissement  tel  de  sa  paroi  qu'il  ne  tient  plus  les  injections  les 
plus  ménagées.  D'un  autre  côté  Zahn  a  montré  que  les  lésions  les  plus  minimes 
des  vaisseaux  mésenlériques  de  la  grenouille,  par  exemple,  lésions  telles  que 
celles  résultant  d'un  léger  choc  sur  le  vaisseau  ou  de  l'application  d'une  goutte 
de  collodion  à  sa  surface  externe,  lèsent  l'endothélium  qui  forme  la  paroi 
propre,  en  contact  avec  le  sang  circulant  (W.  Zahn,  Untersuchimgen  iiber 
Thrombose,  Bildung  der  Thrombose.  In  Virchow's  Archiv,  Bd.  LXll,  p.  81- 
124,  1873).  On  voit  alors  les  lignes  de  ciment  devenir  plus  larges  entre  les 
cellules  endothéliales,  ou  même  l'endothélium  desquamer  et  disparaître  au 
point  lésé.  Les  imprégnations  d'argent  montrent  nettement  la  solution  de  conti- 
nuité. L'argent  est  réduit  en  brun  et  forme  une  large  tache,  irrégulière  et 
diffuse,  en  se  fixant  sur  la  membrane  propre  du  vaisseau  dont  l'endothélium  a 
desquamé.  Or,  un  fait  d'une  extrême  importance  découvert  par  Zahn  et  qui 
doit  être  soigneusement  retenu,  c'est  que  des  globules  blancs  plus  ou  moins 
nombreux  sont  dans  ce  cas  venus  se  fixer  sur  la  partie  dénudée,  y  former  un 
petit  amas  de  cellules  indifférentes  agglutinées,  rappelant  l'aspect  des  plaques  à 
noyaux  multiples.  C'est  cet  amas  qui,  par  sa  présence,  concourt  mécaniquement 
à  arrêter  la  transsudation  hématique,  et  qui,  d'un  autre  côté,  constitue  le 
matériel  de  la  reconstitution,  de  la  réparation  de  la  paroi  intéressée.  II  répond 
donc  à  une  double  fonction,  hémostatique  d'abord,  cicatricielle  ensuite.  Il  est 
probable,  mais  non  démontré,  que  c'est  en  effet  aux  dépens  des  globules  blancs 
fixés  contre  la  paroi  au  point  dénudé  que  l'endothélium  du  vaisseau  se  restaure. 
Ce  que  l'on  sait  du  moins  de  la  réparation  de  l'endothélium  des  tr.vvées  du 
grand  épiploon  vient  à  l'appui  de  cette  hypothèse.  En  effet,  dans  la  péritonite 
expérimentale,  produite  par  injection  de  nitrate  d'argent  dans  le  péritoine  du 
cobaye  ou  du  rat,  on  voit  l'endothélium  des  travées  revenir  à  l'état  embryon- 
naire, reprendre  des  mouvements  amiboïdes,  desquamer,  laisser  des  travées 
connectives  nues.  Puis,  quand  l'inflammation  se  calme,  des  cellules  embryon- 
naires quelconques,  globules  blancs  de  la  lymphe  ou  cellules  endothéliales 
ramenées  à  l'état  indifférent,  viennent  de  nouveau  se  fixer  sur  les  travées  et 
contribuent  les  uns  comme  les  autres  à  reconstituer  le  revêtement  eudothélial 


HEMORRIIAGIE.  409 

[voy.  Épithélial  [Tissu]).  Toute  lésion,  si  légère  qu'elle  soit,  et  pourvu  qu'elle 
ait  amené  en  un  lieu  donné  la  chute  de  Tendothélium  vasculaire,  doit  être  ainsi 
réparée  par  un  véritable  processus  de  cicatrisation.  Même  dans  les  cas  d'effrac- 
tion de  la  paroi  ce  processus  cicatriciel  joue  le  rôle  principal  dans  l'hémostase 
définitive,  comme  je  vais  le  montrer  tout  a  l'heure. 

Quand  un  vaisseau  est  divisé  ou  que  ses  parois  sont  divulsées  par  diatrose,  le 
sang  complet  et  avec  ses  proportions  normales  d'éléments  constitutifs  s'écoule  au 
dehors;  l'hémorrhagie  est  complète  et  massive.  Au  bout  d'un  certain  temps,  à 
moins  que  le  vaisseau  ne  soit  trop  gros  ou  que  des  conditions  particulières  (par 
exemple,  plaies  de  la  paume  de  la  main)  ne  le  maintiennent  béant  quand  il  s'agit 
d'une  artère,  l'hémorrhagie  s'arrête  spontanément,  parfois  à  la  suite  de  la  pre- 
mière syncope  de  position,  souvent  aussi  avant  l'apparition  de  cette  dernière. 
Dans  une  plaie  exposée,  le  plus  souvent  la  compression  aidant,  le  sang  épanché 
exposé  à  l'air  se  coagule  autour  du  vaisseau;  dans  les  espaces  interorganiques, 
une  collection  sanguine  interstitielle  se  forme,  etc.  Quel  est  maintenant  le  méca- 
nisme de  cette  hémostase  et  quel  processus  la  rendra  définitive?  C'est  là  un 
problème  dont,  depuis  le  milieu  du  dix-huitième  siècle,  les  médecins  et  les 
expérimentateurs  ont  incessamment  cherché  la  solution. 

En  1731,  J.-L.  Petit  montra  d'abord  que  l'agent  immédiat  de  l'hémostase  est 
un  coagulum  sanguin  en  forme  de  clou,  dont  la  tête,  ou  «  couvercle  »,  aveugle 
antérieurement  la  voie  ouverte  dans  la  paroi,  et  dont  la  tige,  ou  «  bouchon  », 
est  engagée  dans  l'intérieur  du  vaisseau  ouvert.  Pour  J.-L.  Petit,  un  tel  caillot 
serait  la  cause  de  l'hémostase  immédiate,  qui  deviendrait  définitive  parce  que 
le  caillot  contracterait  des  adhérences  solides  avec  la  paroi  et  finirait  par  la 
réédifier  par  une  sorte  d'organisation  qui  lui  serait  propre.  Mais  cette  théorie  si 
simple  rencontra  des  contradicteurs.  Mojaud  (1736),  tout  en  admettant  l'exis- 
tence du  caillot  interne,  considérait  la  rétractilité  des  vaisseaux  comme  l'agent 
vraiment  actif  de  l'hémostase.  Pouteau  (17G0)  faisait  tout  consister  dans  le 
gonflement  des  tissus  avoisinants  et  niait  l'existence  du  caillot.  Les  idées  de 
J.-L.  Petit  ne  furent  pas  moins  combattues  par  Kirkland,  White,  J.  Bell,  tout 
admises  qu'elles  étaient  par  la  majorité  des  contemporains.  Enfin,  au  commen- 
cement de  ce  siècle,  J.-F.-D.  Jones  attaqua  directement  le  problème  par  l'expéri- 
mentation, et  fit  faire  à  la  question  un  pas  capital.  Il  fit  voir  en  effet  que  con- 
stamment il  existe,  sur  les  bords  mêmes  de  la  plaie  vasculaire  et  indépendamment 
des  caillots  de  sang  vrai,  un  épanchement  de  lymphe  plastique  qui  devient 
l'organe  même  de  la  cicatrisation  vasculaire. 

«  La  suppression  permanente  de  l'hémorrhagie,  dit-il,  dépend  principalement 
de  ce  caillot  de  lymphe  ».  Il  le  faisait,  il  est  vrai,  venir  d'une  transsudation  des 
vasa  vasorwn  opérée  consécutivement  à  l'inflammation  traumatique  de  la 
paroi  vasculaire. 

Aujourd'hui  nous  savons  que  J.-L.  Petit  d'une  part,  J.-F.-D.  Jones  de  l'autre, 
avaient  à  la  fois  tort  et  raison.  11  existe  deux  modes  d'hémostases  souvent  com- 
binés entre  eux,  mais  ayant  chacun  pour  agent  actif  un  caillot  ou  thrombus 
très-différents  l'un  de  l'autre.  L'un  de  ces  caillots,  le  thromhus  lymphatique  ou 
blanc,  répond  à  l'aveuglement  actif  de  la  voie  de  perte  et  à  la  cicatrisation  de  la 
paroi.  C'est  le  thromhus  de  cicatrisation  ;  l'autre,  le  thromhus  hématique  ou 
rouge,  répond  à  l'oblitération  de  la  lumière  du  vaisseau  sur  une  certaine  éten- 
due. Les  conditions  dans  lesquelles  se  développent  ces  deux  sortes  de  caillots 
sont  toutes  différentes  et  il  importe  de  les  préciser. 


410  UEMORRIIAGIE. 

A.  Thrombus  de  cicatrisation.  Tltrombus  blanc  ou  hjmphaliqiie.  C'est  au 
professeur  N.  Zahn  (de  Genève)  que  revient  l'honneur  d'avoir  ramené  la  question 
dans  l'ordre  d'ide'es  ouvert  par  les  premières  observations  de  Jones  et  d'avoir 
établi  sur  des  bases  solides  le  processus  de  l'Iiémostase  en  le  rapportant  à  sa 
véritable  cause  :  l'activité  des  cellules  lymphatiques.  En  1871,  Zahn  [Central- 
blatl  f.  d.  med.  Wisse7îschaflen,  n"  9, 1872)  montra  d'abord  chez  la  grenouille, 
ensuite  chez  les  divers  Mammileres,  que  l'arrêt  du  sang  dans  un  vaisseau  ouvert 
par  piqûre,  fissure  ou  section,  s'opère  toujours  par  le  même  mécanisme  et  de 
la  façon  suivante  : 

Une  veine  du  mésentère  de  la  grenouille  est  ouverte  latéralement  :  le  sang  fait 
irruption  au  dehors  par  la  perte  de  substance  en  formant  une  véritable  veine 
lluide  en  mince  paroi  ;  dans  le  vaisseau  lésé  se  produisent  alors  deux  courants 
convergeant  vers  l'orifice,    l'un  suivant  la  direction  normale  du  sang  de  la  péri- 
phérie vers  le  cœur,  l'autre  venant  en  sens  inverse  et  retournant  vers  la  péri- 
phérie. Au  niveau  de  la  plaie,  ces  courants  se  précipitent  l'un  sur  l'autre  et 
après  leur  réunion  forment  le  jet  éruplif.  Le  sang  extravasé  se  coagule  peu  à 
peu  à  une  certaine  distance  du  vaisseau  ouvert  ;  en  même  temps  de  nombreux 
globules  blancs  se  rassemblent  dans  l'intérieur  de  la  veine,  le  long  de  la  paroi 
et  des  deux  côtés,  les  uns  roulant  avec  lenteur  le  long  de  cette  paroi,  les  autres 
s'y  attachant  momentanément  pour  en  être  de  nouveau  arrachés  par  le  mou- 
vement du  sang.  Arrivés  au  niveau  de  la  déchirure,  ces  globules  blancs  y  adhèrent 
fortement;  d'autres  venus  ensuite  se  fixent  sur  les  premiers,  et,  petit  à  petit, 
les  globules  blancs  continuant  à  s'accumuler  les  uns  sur  les  autres  et  à  adhérer 
entre  eux,  il   se  forme  de  la  sorte  une  espèce  de  rempart  annulaire  partant 
des  bords  de  la  déchirure  et  faisant  fortement  saillie  en  dehors,  à  la  façon  d'un 
champignon  ou  d'une  tête  de  clou.   Ce  rempart  est   exclusivement  formé  par 
des  globules  blancs  et  bientôt  il  constitue  un  obstacle  à  l'effusion  du  sang  suffi- 
sant pour  arrêter  momentanément  l'hémorrhagie.  A  ce  moment  la  masse  de 
globules  lymphatiques  adhérents  les  uns  aux  autres  affecte  exactement  la  con- 
figuration d'un  bouton  de  manchelte  ou  jumelle,  dont  la  tête  répond  au  cham- 
pignon extérieur,  le  col  à  la  perte  de  substance  du  vaisseau,  le  pied  à  la  por- 
tion intra-vasculaire  du  thrombus,  qui  s'étale  le  long  de  la  membrane  interne 
à  la   façon  d'un   disque,  de   chaque  côté  de  l'ouverture,  en  faisant  sa  saillie 
maxima  dans  la  lumière  vasculaire  au  niveau  de  la  perte  de  substance. 

Avec  l'arrêt   de  l'hémorrhagie    coincïde    la  disparition  du  courant  sanguin 
rétrograde  qui  formait  l'une  des  branches  de  la  veine  fluide.  Le  cours  normal 
du  sang  reprend  alors  lentement,  puis  s'accroît,  et  il  arrive  un  instant  où  la 
tension  latérale  reprend  assez  de   force  pour  triompher  de  la  résistance  au 
thrombus.  Ce  dernier  peut  être  arraché  d'un  bloc  et  l'hémorrhagie  se  repro- 
duit, le  sang  coulant  dans  une  sorte  d'entonnoir  de  globules  blancs,  formé  par 
les  cellules  lymphatiques  adhéi  entes  à  la  membrane  interne  et  aux  lèvres  de  la 
plaie.  D'autres  fois  le  sang  pénètre  le  thrombus  comme  le  fait  l'eau  d'un  tor- 
rent d'une  digue  de  terre  molle;  il  se  crée  dans  la  masse  de  globules  agglutinés 
une  sorte  de  trajet  poreux.  Peu  à  peu  le  thrombus   se  reforme,  l'hémorrhagie 
cesse  une  seconde  fois.  Enfin,  après  une  série  d'hémostases  temporaires  et  d'hé- 
morrhagies  secondaires  réitérées,  à  un  moment  donné,  la  tension  intra-vascu- 
laire, affaiblie  par  les  hémorrhagies  successives,  ne  peut  plus  récupérer  la  force 
nécessaire  pour  éloigner  de  nouveau  le  caillot  lymphatique  obturateur.  Dès 
lors  l'oblitération  devient  définitive,  la  voie  du  sang  est  aveuglée;  le  processus 


HEMORRHAGIE.  4H 

de  l'hémostase  lymphatique  est  terminé,  celui  de  la  réparation  de  la  paroi  vas- 
culaire  commence. 

Dans  les  sections  en  travers  des  petits  vaisseaux,  le  même  phénomène  est 
observé,  à  cela  près  que  le  caillot  lymphatique  ai'fecte  la  forme  d'un  clou  de 
tapissier  dont  la  tige  est  intra-vasculaire  et  oblitère  la  lumière  du  vaisseau,  et 
dont  la  tète  coiffe  à  la  façon  d'un  chapeau  ou  d'un  champignon  l'aire  de  section 
qu'elle  recouvre  comme  le  ferait  un  couvercle.  Toute  proportion  gardée,  les  cail- 
lots lymphatiques  obturateurs  des  plaies  artérielles  sont  plus  volumineux  que 
ceux  des  veines  (Pitres),  vraisemblablement  parce  que  les  artères  restent  béantes 
au  lieu  de  subir,  comme  les  veines  après  leur  ouverture,  un  affaissement  qui 
diminue  considérablement  l'aire  de  la  section.  Lorsqu'il  s'agit  de  vaisseaux  trop 
volumineux,  tels  que  les  artères  crosses  ou  les  grosses  artères  de  distribution, 
le  caillot  lymphatique,  ayant  à  recouvrir  une  aire  immense,  se  forme  trop  len- 
tement pour  aveugler  la  lumière  du  vaisseau  en  temps  utile,  et  d'autre  part,  quand 
bien  même  il  se  formerait,  il  serait  incapable  de  résister  au  choc  du  courant 
sanguin.  Dans  ces  conditions,  à  moins  que  la  compression  soutenue  ou  la  liga- 
ture ne  viennent  en  aide  au  processus  d'hémostase,  l'iiémorrhagie  continue  et 
devient  fatalement  déperditive  et  mortelle,  (juand  l'orifice  de  section  de  l'ar- 
tère est  artificiellement  rétréci,  le  processus  indiqué  par  Jones  se  reproduit  exac- 
tement, et  l'on  trouve  toujours  entre  le  caillot  sanguin  extérieur  [couvercle  de 
J.-L.  Petit)  et  le  caillot  intérieur  [bouchon  de  J.-L.  Petit),  sur  lequel  nous 
reviendrons  plus  loin,  un  caillot  blanc  formé  par  les  éléments  mêmes  de  la 
lymphe. 

Le  caillot  lymphatique  de  Jones  et  de  Zahn  a  donc,  dans  la  question  de  l'hé- 
mostase, une  importance  tout  à  fait  prépondérante,  puisqu'il  en  paraît  bien  être 
le  véritable  agent  actif.  De  plus,  il  a  pour  le  médecin  une  valeur  d'autant  plus 
considérable  qu'il  est  exclusivement,  ou  à  peu  près,  la  condition  nécessaire  de 
l'arrêt  spontané  des  hémorrhagies  avec  continuation  du  cours  du  sang  dans  les 
aires  vasculaires  qui  en  ont  été  le  théâtre.  Zahn  a  en  effet  démontré  que,  pour 
que  ce  caillot  se  forme,  il  est  absolument  nécessaire  que  le  cours  du  sang  ne 
soit  pas  interrompu  dans  le  vaisseau  lésé.  Enfin  il  a  été  également  mis  hois  de 
doute  ce  fait  d'une  extrême  importance  en  la  matière  :  à  savoir  que  l'arrêt  des 
globules  blancs  et  leur  accumulation  en  un  point  pour  former  un  caillot  lym- 
phatique sont  commandés  directement  par  la  lésion  de  l'endothélium  vasculaire. 
Que  ce  soit  par  piqûre,  plaie,  élongation  du  vaisseau  ou  irritation  de  sa  surface 
interne  par  le  nitrate  d'argent  que  la  desquamation,  la  solution  de  continuité 
ou  la  mobilisation  des  éléments  du  vernis  endothélial,  aient  été  provoquées,  le 
résultat  est  le  même  :  il  se  forme  un  caillot  lymphatique  au  point  lésé  (Z;ilm, 
De  la  formation  des  thrombus.  In  Revue  médicale  de  la  Suisse  romande,  1881, 
p.  27),  pourvu  que  la  vitesse  du  cours  du  sang  soit  en  même  temps  ralentie. 

Au  bout  de  très-peu  de  temps,  les  globules  agglomérés  pour  former  le  caillot 
lymphatique  sont  comme  fondus  les  uns  avec  les  autres  en  une  seule  masse  ; 
on  ne  parvient  plus  à  les  dissocier  en  éléments  cellulaires  distincts,  ayant  une 
limite  et  une  individualité  propres  à  la  façon  des  globules  blancs  de  la  lymphe 
et  du  sang.  Ils  sont  noyés  dans  une  sorte  de  gangue  granuleuse  dont  les  grains 
sont  animés  d'un  vif  mouvement  brownien.  Pitres  [Sur  les  caillots  qui  déter- 
minent T  hémostase.  In  Arch.  de  phijsioL,  1876,  p.  245)  considère  de  telles 
granulations  comme  le  produit  d'une  désintégration  des  cellules  lymphatiques 
et  s'efibrce  d'autre  part  de  montrer  que  la  iibrine  ne  prend  aucune  part  à  la 


412  IlÉMORRHAGIE. 

constitution  du  thrombus  blanc  {loc.  cit.,  p.    245-246).   Zahn  croit  au  con- 
traire {CentraWlatt,  loc.  cit.,  p.  88-89)  que  dans  les  thromboses  lymphatiques 
«  des  niasses  cellulaires  évidentes  peuvent  prendre  en  peu  de  temps  le  caractère 
de  la  fdjrine  »,  et  Bizzozero  pense  expliquer  la  présence  de  la  fibrine  dans  le 
thrombus  blanc  par  l'action  particulière  des  plaquettes,  identiques  d'ailleurs 
aux  prétendus  hématoblastes   de  Hayem  et  aux  granulations  élémentaires  de 
Donné,  qu'il  a  récemment  décrites  dans  le  sang  circulant  des  Mammifères  {Arch, 
italiennes  de  biologie,  t.  I).  Ces  plaquettes  formeraient  nécessairement  partie 
intégrante  des  thrombus  blancs  et  mixtes,  et  leur  dissolution  dans  le  plasma 
chargé  de  fibrinogène  aurait  pour  conséquence  la  production  de  la  fibrine.  En 
réalité,  je  pense  que  la  formation  de  la  fibrine  au  niveau  des  thrombus  lym- 
phatiques est,  quand  elle  s'effectue,  un  fait  absolument  secondaire,  et  que  dans 
le  caillot  hémostatique  les  globules  blancs  se  sont  fondus  en  une  seule  masse, 
de  manière  à  simuler  une  immense  cellule  à  noyaux  multiples,  comme  il  arrive 
dans  les  pièges  de  Ziegler  introduits  dans  la  cavité  péritonéale.  On  sait  que 
dans  ces  pièges,  formés  de  deux  lamelles  couvre-objet  accolées  et  interceptant 
un    espace   capillaire,  les  cellules  migratrices  s'introduisent,  s'agglutinent  les 
unes  aux  autres,  prolifèrent  même  dans  cet  état,  et  finissent  par  former  d'im- 
menses celhiles  à  noyaux  multiples  ou  cellules  géantes. 

Quel  est  maintenant  le  sort  ultérieur  du  caillot  lymphatique?  Au  bout  d'un 
ten)[»s  variable,  on  constate  que  la  plaie  vasculaire  est  définitivement  fermée  et 
que  l'cudothélium  a  repris  ses  caractères  normaux.  Très-probablement  cet 
endothélium  est  reformé  aux  dépens  des  cellules  embryonnaires  du  thrombus; 
de  même  les  diverses  formations  entrant  dans  la  constitution  du  vaisseau, 
quand  il  s'agit  d'une  artère  ou  d'une  veine,  se  reconstituent  par  le  procédé 
habituel  de  réparation  des  pertes  de  substance  des  divers  tissus.  Mais,  dans  ses 
détails,  le  processus  n'a  pas  été  analysé  jusqu'ici.  Les  notions  qui  se  dégagent 
de  l'étude  du  thrombus  lymphatique  sont  donc  seulement  les  suivantes  : 

Le  caillot  lymphatique  est  le  résultat  de  la  lésion  de  l'endothélium  vascu- 
laire inséparable  de  la  rupture  du  vaisseau  et  du  ralentissement  du  cours  du 
sang  consécutif  à  la  perte  sanguine.  Ainsi  deux  circonstances,  qui  initialement 
favorisaient  l'hémorrhagie  ou  en  étaient  la  conséquence  immédiate,  deviennent 
Jes  conditions  principales  de  l'hémostase  faite  dans  les  conditions  les  meilleures 
pour  le  retour  à  l'état  normul,  puisqu'on  même  temps  que  la  blessure  vascu- 
laire se  restaure  la  circulation  se  rétablit  avec  son  régime  de  plus  en  plus 
régulier  dans  les  aires  vasculaires  intéressées.  Il  n'en  est  plus  de  même  lorsque 
le  cours  du  sang  est  suspendu  dans  le  segment  vasculaire  dont  la  paroi  a  été 
ouverte  et  que  ce  segment  possède  une  longueur  suffisante,  à  partir  de  la  pre- 
mière voie  collatérale,  pour  constituer  un  diverticule  d'une  certaine  impor- 
tance. Dans  ces  dernières  conditions,  en  effet,  le  processus  est  tout  autre  :  il 
aboutit  à  la  formation  d'un  caillot  formé  par  le  sang  lui-même,  globules  blancs, 
rouges  et  plasma  subissant  la  coagulation  pour  former  un  thrombus  hématique 
qui  déterminera  fatalement,  dans  ses  limites,  l'oblitération  de  la  lumière  du 
vaisseau. 

B.  Thrombus  d'oblitération,  thrombus  rouge  ou  hématique.  Un  vaisseau 
dans  lequel  le  sang  ne  circule  plus  s'enflamme  rapidement  et  fatalement;  nous 
en  avons  trouvé  la  preuve  dans  les  lésions  de  la  paroi  consécutives  à  l'oblitéra- 
tion par  embolie.  L'inflammation  est  subaiguë,  l'endothélium  est  ramené  à 
l'état  embryonnaire  et  desquame.  Dans  ces  conditions  le  plasma  sanguin  est 


HÉMORRHAGIE.  415 

frappé  de  mort,  la  fibrine  s'y  développe  à  l'ctat  fibrilliiire  et  le  sang  se  prend 
en  caillot  rouge.  D'une  manière  générale,  celle  lésion  de  l'endolhélium  est  la 
cause  toujours  prochaine  de  la  coagulalion  du  sang  en  masse,  qu'il  s'agisse 
d'ailleurs  d'une  thrombose  raaraslique  ou  d'une  autre  consécutive  à  la  section, 
la  rupture  ou  la  ligature  du  vaisseau.  Nous  n'avons  pas  à  discuter  ici  le  mode 
de  formation  des  thrombus  oblitérants  à  développement  spontané  {voy.  Throm- 
bose PiiLEGMATiA  ALBA.  DOLE.Ns),  mais  bien  à  montrer  ce  qui  arrive  lorsque,  un 
vaisseau  avant  été  divisé,  et  l'hémostase  s'étant  ensuite  opérée  soit  spontané- 
ment, par  un  thrombus  blanc,  soit  artificiellement  par  une  ligature,  tout  un 
segment  vasculaire  est  devenu  un  cul-de-sac  à  l'intérieur  duquel  le  sang  ne 
se  meut  plus. 

Le  caillot  rouge,  formé  par  le  sang  pris  en  gelée  comme  dans  un  vase  de  verre, 
constitue  le  bouchon  classique  de  J.-L.  Petit,  bouchon  qui  remonte  ordinaire- 
ment jusqu'au  voisinage  de  la  première  collatérale.  L'existence  de  ce  bouchon, 
formé  de  sang  coagulé,  est  tout  à  fait  éphémère  :  le  thrombus  va  rapidement 
s'organiser  par  la  substitution  ordinaire  en  pareil  cas.  A  la  place  du  moule  de 
fibrine  englobant  les  éléments  figurés  du  ?ang  va  se  développer,  en  effet,  une 
végétation  connective  et  vasculaire,  déterminant  en  fin  de  compte  une  oblitéra- 
tion plus  ou  moins  exacte  de  la  lumière  des  vaisseaux;  processus  absolument 
parallèle  de  celui  qui,  dans  une  séreuse  enflammée,  transforme  les  pseudo- 
membranes en  néomembranes,  et  aboutit  à  la  formation  d'une  symphyse  soudant 
les  parois  à  l'aide  de  tractus  conjonctifs  vascularisés,  en  effaçant  la  cavité  de  la 
séreuse  intéressée  dans  les  limites  de  l'inflammalion  fibrineuse. 

Dans  les  limites  du  segment  oblitéré,  la  ligne  endothéliale  a  disparu;  je  n'ai 
jamais  rencontré,  comme  Ziegler  {loc.  cit.,  vol.  I,  p.  M),  de  thrombus  rouge 
recouvert  d'un  endotbélium  continu  dans  sa  portion  libre,  confinant  au  sang 
circulant;  mais  comme  lui  j'ai  toujours  constaté  que  là  où  le  caillot  est 
adhérent  aux  parois  l'endothéliura  de  l'endoveine  ou  de  l'endartère  n'existe 
plus.  Le  tissu  connectif  particulier  de  ces  deux  membranes  et  le  tissu  cellu- 
laire lâche  de  l'adventice  sont  alors  le  siège  d'une  infiltration  lymphatique. 
Tout  à  fait  au  début  du  processus  oblitérant,  on  voit  partir  de  la  membrane 
interne,  et  s'engager  dans  le  caillot,  de  grandes  cellules  rameuses  présentant  tout 
à  fait  le  caraclère  des  éléments  vasculaires  vaso-formatifs.  Ces  cellules  sont 
d'abord  entourées  de  globules  blancs  actifs  de  la  lymphe  et  du  sang;  plus  tard, 
on  reconnaît  qu'elles  sont  le  centre  de  bourgeons  de  tissu  conjonctif  qui  prend 
très-rapidement  la  constitution  du  tissu  fibreux,  et  qui  végèle  dans  le  caillot 
hématique  stratifié  en  zones  concentriques  en  coupant  ces  dernières  dans  divers 
sens,  c'est-à-dire  en  se  comportant  à  l'égard  du  thrombus  comme  envers  un 
corps  inerte.  Dans  les  veines,  c'est  ordinairement  d'un  seul  côté  de  la  paroi  que 
part  le  bourgeon  fibreux  oblitérateur,  du  moins  il  paraît  en  être  ainsi  dans  les 
coupes  transversales.  Mais  l'étude  des  coupes  parallèles  à  l'axe  du  vaisseau 
montre  que  d'une  série  de  points  des  bourgeons  semblables  prennent  naissance 
sur  la  paroi,  qui  se  trouve  bientôt  hérissée  d'une  série  d'élevurcs  dont  les  extré- 
mités libres  s'engrènent  les  unes  dans  les  autres,  à  distance  d'abord  et  restant 
séparées  par  des  bandes  du  caillot  primitif,  puis  qui  ne  tardent  pas  à  se  rejoindre. 
Elles  s'accèdent,  se  déforment  par  pression  réciproque,  ou  se  soudent  les  unes 
aux  autres  de  manière  à  former  des  ponts  continus.  Au  bout  d'un  certain  temps 
la  lumière  du  vaisseau  est  de  la  sorte  solidement  oblitérée  par  une  néo- 
formation  fibreuse,  solide  comme  un  tendon  et  présentant  une  structure  histo- 


414  HÉMORRIUGIE. 

logique  très-semblable  à  celle  des  tendons  eux-mêmes.  Les  vaisseaux  formant 
primitivement  l'axe  de  pareils  bourgeons,  et  anastomosés  les  uns  avec  les  autres 
en  réseaux  irréguliers,  se  comportent  ensuite  exactement  à  la  façon  de  ceux 
développés  dans  les  fongosités  d'une  tendinite  végétante  non  tuberculeuse.  Pris 
dans  le  tissu  fibreux  de  cicatrice,  ils  subissent  les  eflets  de  la  rétraction  dont  Je 
tissu  qui  les  environne  est  le  siège,  ils  dimiiuient  de  volume  et  souvent  dispa- 
raissent, le  sang  ne  circulant  plus  dans  leurs  voies  devenues  étroites.  Souvent 
même  (endophlébilc  oblitérante)   certaines  portions  des  bourgeons  fibreux  deve- 
nus exsangues   par  oblitération  de  leurs   axes  vasculaires,  non-seulement  ne 
vivent  plus  de  la  vie  obscure  du  tissu  tendineux,  mais  encore  subissent  une 
sorte  de  ramollissement  colloïde.  En  résumé,  la  lumière  du  vaisseau  est  défini- 
tivement effacée,  le  segment  primitivement  occupé  par  le  thrombus  rouge  est 
transformé  en  un  cordon  fibreux.  L'iiémoslase  est  ainsi  rendue  définitive.  Un 
tissu  cicatriciel  analogue  se  développe,  surtout  dans  les  artères,  du  côté  de  l'ad- 
ventice et  à  l'exlrémilé  sectionnée  ou  rompue  du  vaisseau,   sous  le  thrombus 
blanc  hémoslatiiiuc  ou  la  ligature  {voy.,  pour  l'organisation  du  thrombus  héma- 
tique  :  SchuUz,  Dcnlsche  Zeitschrift.  f.  Chirurgie,  M.  IX.  — Raab,  Archiv  f. 
Uin.  Chiriirg.,  Bd.  XXlll,  et  Virclioiv's  Arcliiv,  Bd.  LXXV.  — Vi\eàe[,  Deutsche 
Zeitschrift  f.  Chir.,  1877.  —  Baumgarten  :  Die  sogenannte  Organisation  des 
Thrombus.  Leipzig,  1877. — Durante,  Wiener  med.  Jahrbiicher,  Bd.  Ilf,  Th.  IV. 
—  Scnflleben,   V irchow' s  Archiv,  Bd.  LXXVII.  —  Tillmanns.  Virchow' s  Archiv, 
Bd.  LXXVIII.  —  Auerbach,  Ueber  die  Oblitération  der  Arlerien  nach  Ligatur. 
Dissert,  inaug.  Bonn,  1877). 

En  réalité  donc,  et  comme  le  soutient  avec  raison  Ziegler,  le  processus  de 
l'hémostase  définitive  par  organisation  du  caillot  n'est  nullement  un  processus 
spécial,  il  ressemble  aux  conséquences  ordinaires  de  l'inflammation  des  surfaces 
séreuses.  11  a  pour  étapes  :  1°  la  chute  de  l'endothélium  et  l'inflammation  de 
la  paroi  ;  2'^  la  coagulation  du  liquide  de  la  cavité  ;  3"  la  végétation  de  la  paroi 
dans  le  coagulum  et  l'effacement  de  la  cavité  par  symphyse,  le  caillot  jouant, 
comme  l'exsudat  fibrineux,  le  rôle  d'un  corps  inerte  qui  n'est  que  le  conduc- 
teur de  la  végétation  vasculaire  et  connective.  Une  éponge  préparée  fixée  à 
demeure  dans  une  plaie  est  envahie  de  la  même  manière  par  les  bourgeons 
charnus.  Quant  au  rôle  de  l'endothélium  vasculaire  ramené  par  l'inflammation 
à  l'état  indifférent,  et  à  celui  des  globules  blancs  du  sang  emprisonné  dans  le 
caillot  hématique,  il  semble  tout  à  fait  secondaire;  la  végétation  oblitérante 
part  de  la  paroi  vasculaire,  de  l'endartère  et  des  vaisseaux  sanguins  {vasa  vaso- 
rum  suhjacents),  dont  les  pointes  d'accroissement  sontl'origine  des  vaisseaux  qui 
forment  l'axe  des  bourgeons  fibreux. 

Le  processus  d'oblitération  que  nous  venons  de  décrire  ne  s'effectue  pleine- 
ment que  si  la  paroi  vasculaire  qui  doit  en  être  l'origine  est  saine  et  apte  à 
réagir.  Si  au  contraire  cette  paroi  est  mise  en  état  de  moindre  vitalité  ou  privée 
de  vie  par  la  contusion,  l'attrition  des  parties  au  delà  du  traumatisme  apparent, 
ou  par  un  état  d'intoxication  zymotique  quelconque  (septicémie,  pyémie,  gan- 
grènes extensives),  le  bouchon  sanguin  de  J.-L.  Petit  se  forme,  il  est  vrai,  en 
amont  de  la  ligature,  mais  il  n'est  pas  envahi  par  la  néoformation  fibreuse.  11 
se  ramollit  au  bout  d'un  certain  temps,  et  l'on  voit  alors  s'effectuer  des  héraor- 
rhagies  secondaires,  dont  les  conditions  d'apparition  ont  été  étudiées  en  parti- 
culier par  les  chirurgiens. 
Los  plaies  latérales,  par  incision  ou  piqûres,  des  vaisseaux  de  distribution, 


HÉMORRIIAGIlî.  415 

artériels  ou  veineux,  se  cicatrisent  par  un  mécanisme  très-analogue  à  celui  qui 
est  mis  en  jeu  par  les  solutions  transversales  et  complètes  de  continuité.  L'hé- 
morrhagie,  quand  elle  peut  s'arrêter,  c'est-à-dire  quand  il  ne  s'agit  pas  d'une 
très-grosse  artère,  prend  fin  par  la  formation  d'un  thrombus  blanc  qui  oblitère 
les  lèvres  de  la  pluie  (Schultz)  et  ensuite  s'organise  en  tissu  conjonctif.  En  arrière 
de  ce  thrombus  blanc  il   s'en  forme  parfois  un  rouge  affectant  également  le 
caractère  pariétal  :  c'est  ce  qui,  par  exemple,  peut  se  produire  dans  l'aorte  et  les 
autres  vaisseaux  artériels  de  très-gros  calibre.  Ces  caillots  rouges  s'organisent 
alors  avec  une  extrême  lenteur  (Ziegler),  ou  même  ne  subissent  que  des  rudi- 
ments d'organisation  dans  les  parties  immédiatement  adjacentes  à  la  paroi  inté- 
ressée; c'est  aussi  de  celte  façon  que  se  comportent  les  caillots  très-actifs  des 
poches  anévrysmales.  Il  résulte  de  là  un  amoindrissement  considérable  de  la 
solidité  de  la  cicatrice  et  la  possibilité  d'hémorrhagies  secondaires  qu'en  réalité 
l'on  observe  presque  en  règle  dans  ces  cas.  Si  l'on  cherche  la  raison  du  fait,  on 
la  trouve  naturellement  dans  l'application  de  la  loi  même  de   formation  des 
caillots  hématiques.  Pour  que  ces  caillots  se  forment  régulièrement,  il  faut,  en 
effet,  que  le  cours  du  sang  soit  suspendu  dans  le  segment  vasculaire  considéré, 
condition  qui  ne  se  réalise  pas  dans  les  plaies  latérales  des  grosses  artères.  Au 
contraire,  le  thrombus  blanc,  s'édifiant  dans  des  conditions  tout  à  fait  inverses, 
arrive  à  se  produire,  à  moins  que  la  pression  intra- vasculaire  ne  reste  constam- 
ment suffisante  pour  le  désagréger  au  fur  et  à  mesure  de  sa  formation.  C'est  ce 
qui  arrive  dans  les  très-grosses  artères  ou  les  artères  crosses,  telles  que  la  pul- 
monaire et  l'aorte.  Dans  les  artères  de  petit  calibre,  au  contraire,  l'action  muscu- 
laire mise  enjeu  tend  à  restreindre  le  débit  sanguin,  la  pression  latérale  n'est 
pas  aussi  forte  ;  le  thrombus  de  cicatrisation  peut  se  produire  et,  dans  la  plupart 
des  cas,  suffit  pour  amener  l'hémostase  définitive.  Après  quoi  la  paroi  vasculaire 
subit  la  restauration  sans  qu'il  se  produise  de  caillot  rouge  latéral.  Dans  ce  cas, 
la  cicatrice  se  présente  comme  un  simple  épaississement  des  parois  sur  le  trajet 
du  vaisseau.  D'autres  fois  on  trouve  la  lumière  vasculaire  traversée  par  des  fila- 
ments connectifs  disposés  en  trabécules,  à  la  façon  des  adhérences  filamenteuses 
des  membranes  séreuses  (Ziegler)   :  il  est  dès  lors  probable  que  derrière   le 
thrombus  blanc  il  s'en  est  formé  un  rouge,  et  qu'au  travers  de  ce  dernier  les 
parois  vasculaires  ont  poussé  des  bourgeons  filiformes  qui,  en  fin  de  compte, 
après  la  résorption  du  sang  coagulé,  cloisonnent  la  cavité  du  vaisseau  comme 
d'une  dentelle  à  larges  mailles  sans  nullement  entraver  la  circulation. 

Telle  est  l'histoire  sommaire  de  l'hémostase  post-hémorrhagique  ;  il  nous  reste 
maintenant  à  savoir  ce  que  devient,  dans  le  cas  d'une  hémorrhagie  interstitielle, 
le  sang  épanché  dans  les  espaces  interorganiques,  et  comment  après  toute 
perte  sanguine  compatible  avec  la  survie  les  éléments  anatomiques  du  sang 
arrivent  à  se  régénérer  ? 

Nous  n'entrerons  dans  aucun  nouveau  détail  important  à  propos  de  la  pre- 
mière question,  qui  a  été  traitée  à  l'article  Sa.ng  dans  le  paragraphe  consacré  à 
l'histoire  et  à  l'évolution  des  ecchymoses.  11  convient  cependant  de  dire  un  mot 
de  la  pigmentation  des  organes  consécutive  à  la  résorption  des  grandes  masses 
de  sang  extravasé,  pigmentation  dont  l'observation  de  Hidenlang  {Virchoiv's 
Archiv,  Bd  LXXIX)  fournit  un  exemple  typique  et  remarquable.  Il  s'agissait 
d'un  malade  mort  de  purpura  hémorrhagique,  avec  de  grandes  taches  ecchymo- 
tiques  du  type  de  Werlhof.  Les  parenchymes  du  foie,  de  la  rate,  du  pancréas,  des 
reins,  et  ceux  d'une  série  d'autres  organes,  présentaient  des  cellules  infiltrées 


416  HÉMORRIIAGIE. 

de  pigment  noir  ou  brun  jaunâtre,  et  des  granulations  ou  des  masses  noires, 
brunes  ou  jaunes  libres  dans  les  espaces  interorganiques.  Quand  le  sang  e'panché 
interstitiellement  est  abondant,  et  que  les  extravasations  se  repètent  à  inter- 
valles suffisamment  rapprochés,  il  peut  donc  en  résulter  une  pigmentation 
abondante  et  disséminée  dans  les  divers  organes  et  dans  les  tissus  connectils  du 
type  modelé.  Le  pigment  résultant,  comme  on  sait,  de  la  destruction  des  glo- 
bules rouges  captés,  morcelés  et  transformés  par  les  globules  blancs  migrateurs, 
présente  d'ailleurs  des  variations  intéressantes  dans  sa  constitution.  Dans  les 
pigmentations  toutes  récentes,  il  est  formé  par  des  produits  véritablement 
hématiqiies,  tels  que  l'hématoïdineou  la  bilirubine,  par  exemple,  substances  qui 
dérivent  directement  de  l'hémoglobine  ;  mais  il  peut  acquérir  plus  tard  une 
constitution  plus  simple,  et  l'on  peut  voir  les  granulations  pigmentaires  formées 
par  des  albuminatcs  de  fer  dont  les  uns  sont  incolores,  les  autres  colorés 
(Quincke,  Deutsches  Archiv  f.  klinische  Med.,  Bd.  XXVII),  ou  même  par  un  oxyde 
de  fer  hydraté  particulier  (Kunkel,  Virchow's  Archir,  Bd.  LXXXl),  de  telle 
sorte  que  les  résidus  de  la  transformation  globulaire  semblent  se  dépouiller  par 
degrés  de  leur  nature  organique  complexe  et  tendent  progressivement  à  repro- 
duire dos  composés  purement  métalliques,  peut-être  pour  être  ultérieurement 
en  partie  résorbés  sous  cette  forme,  comme  certains  le  pensent  (Ziegler,  loc. 
cit.,  p.  o3,  vol.  I,  disp.  I),  enfui  de  concourir  à  la  métallisation  d'une  nouvelle 
hémoglobine  et  rentrer  de  la  sorte  dans  la  crase  sanguine  en  vertu  d'un  mou- 
vement cyclique  intérieur. 

Mais  il  est  une  portion  du  sang  extravasé  qui  sort  de  l'organisme  par  les 
c'monctoires  également  à  l'état  de  pigment.  Soit  que  ce  pigment  soit  emporté 
par  les  cellules  lymphatiques  du  groupe  aberrant  et  rejeté  à  la  surface  des 
muqueuses,  ce  qui  est  un  mode  d'élimination  général  des  substances  étrangères 
pulvérulentes  assez  répandu,  soitque,  résorbés  par  les  vaisseaux  sanguins,  ils  soient 
éliminés  par  les  sécrétions  excrémentitielles  et  notamment  par  les  urines  sous 
forme d'urobiline,  ainsi  que  l'a  constaté  Kunkel  [Virchow's  Archiv,  Bd.  LXXIX). 
Dans  ces  conditions,  si  l'élimination  s'effectue  très-largement  par  la  voie  rénale, 
le  rein  devient  lui-même  le  siège  d'une  pigmentation  souvent  abondante,  et 
l'on  trouve  les  grains  de  pigment  partie  dans  les  glomérules,  partie  dans  les 
canalicules  urinifères,  partie  enlin  dans  les  espaces  interlobulaires  qui  jouent 
ici  le  rôle  d'espaces  connectifs.  Ponfick  (Berliner  klinische  Wochenschrift,  1877) 
a  démontré  que  dans  certains  cas  cette  infiltration  pigmentaire  des  reins  s'ac- 
compagne de  notables  altérations  de  structure  et  de  troubles  fonctionnels  carac- 
térisés par  la  formation  de  cylindres  et  de  dégénération  graisseuse  de  l'épithé- 
lium  sécréteur.  Ainsi  donc  le  sang  extravasé  interstitiellement  et  réduit  en 
pigment  par  les  cellules  migratices,  est  ou  éliminé  comme  un  corps  étranger, 
ou  fixé  dans  les  tissus  à  l'état  de  grains  disséminés  qui,  prenant  peu  à  peu  la 
constitution  des  composés  ferreux  inorganiques,  deviennent  en  fin  de  compte 
l'origine  d'une  sorte  de  sidérose  interstitielle  (Quincke)  qui  peut-être  constitue 
une  réserve  de  fer  assimilable.  Dans  cette  conception,  le  sang  épanché  ne  serait 
pas  perdu  dans  toutes  ses  parties  et  fournirait  à  l'organisme,  pour  sa  part,  un 
élément  de  régénération  de  la  substance  respiratoire,  de  l'hémoglobine  du  sang 
qui  doit  se  régénérer  après  chaque  perte. 

Poussée  sanguiformative  post-hémorrhagiqite.  Nous  avons  déjà  vu  combien 
la  régénéralion  du  sang  s'effectue  rapidement  après  chaque  perte  ;  un  dernier 
exemple  de  l'activité  reproductrice  qui  s'exerce  alors  peut  être  encore  utilement 


IIKMORRIIÂGIE.  417 

fourni  au  lecteur.  «  Girard,  ayant  tiré  à  une  jument  de  taille  moyenne  10  kilo- 
grammes de  sang  le  premier  jour,  10  le  deuxième,  8  le  troisième,  8  le  qua- 
trième, 7  le  cinquième,  9  le  sixième,  recueillit  encore  à  l'ouverture  du  cadavre, 
après  celte  dernière  saignée,  5  kilogrammes  de  liquide  :  en  tout  57  kilogram- 
mes. Comme  celle  dernière  qiiaïUilé  représente  environ  deux  fois  celle  qui  devait 
être  contenue  dans  les  vaisseaux  au  début  de  l'expérience,  il  en  résulte  qu'en 
six  ou  sept  jours  il  s'est  formé  une  masse  de  sang  équivalente  à  celle  existant  au 
début  ))  (Colin,  Physiologie  comp.  des  animaux  domestiques,  t.  Il,  p.  561). 
Il  était  intéressant  de  rechercher  si  les  éléments  figurés  du  sang,  et  en  particu- 
lier les  globules  rouges,  se  régénèrent  avec  la  même  rapidité.  Dans  ce  but,  Lau- 
lanié  (thèse  deVinay,  p.  51,  'ô'I)  lit  trois  expériences  en  se  servant  dcsmétliodes 
de  Malassez,  c'est-à-dire,  selon  moi,  des  procédés  les  plus  parfaits  de  numéra- 
tion des  éléments  figurés  du  sang.  La  piemière  de  ces  expériences  montre  avec 
quelle  surprenante  rapidité  le  nombre  des  globules  revient  à  la  normale  après 
une  saignée  unique  spoliatrice,  dans  laquelle  on  avait  enlevé  à  un  mouton 
200  grammes  de  sang  sur  une  n\asse  totale  d'environ  735  grammes,  c'est-à- 
dire  près  du  tiers  de  cette  masse  elle-même  : 

Nombre  des  globules 
avant  la  saignée. 

i,  heures  soir,  i  février N  =  4,973,300 

10  heures  malin,  5  février IN  ==  2,856,500  (après  saignée) 

—  6  février N  =  -1,132,300 

—  7  février .N  =  i,lU,400 

—  8  février N  =  4,072,400 

La  régénération  fut  donc  très-brusque  au  début,  en  dix-huit  heures  le  nombre 
des  globules  s'était  sensiblement  rapproché  de  la  normale  ;  elle  s'eifectua 
ensuite  progressivement,  mais  lentement,  en  quatre  jours,  chez  un  animal  très- 
avancé  en  âge.  Dans  une  seconde  expérience,  faite  sur  le  chien,  le  retour  à  la 
normale  n'était  pas  eflectué  encore  au  bout  de  huit  jours,  et  là  régénération  subit 
des  oscillations  négatives.  En  réalité,  on  peut  conclure  de  ces  expériences  qu'une 
perle  de  sang  unique  et  massive  se  restaure  avec  une  rapidité  considérable. 

La  troisième  expérience  de  Laulanié  est  encore  plus  instructive  ;  elle  montre 
que  la  régénération  s'opère  avec  activité  malgré  des  pertes  réitérées  :  elle  jette 
donc  un  très-grand  jour  sur  la  marche  de  lu  réparation  dans  les  hémorrhagies 
successives,  telles  qu'on  les  observe  si  souvent  en  clinique. 

Exp.  m.  9  février,  jument  de  quinze  ans,  vigoureuse.  IN  =  4  414  408. 
On  pratique  une  saignée  de  6  kilogi  animes  : 

10  février N  =  3,384,000 

Nouvelle  saignée  de  5  kilogrammes. 

11  février N  =  3,087,220 

-Nouvelle  saignée  de  6  kilogrammes. 

12  féviicr N  =  2,827,200 

13  lévrier I\'  =  2,889,200 

13  février M  =  3,410.000 

17  février N  =  3,936,000 

Ainsi  donc,  en  cinq  jours  le  rétablissement  de  la  crase  du  sang  au  point  de 
vue  du  nombre  des  globules  rouges  est  presque  complet. 

Plus  récemment,  le  professeur  Hayem  a  poursuivi  la  question  dans  ses  détails 
et,  à  la  suite  d'un  grand  nombre  d'expériences  dont  on  trouvera  le  détail  dans 
ses  Leçons  sur  les  modifications  du  sang  (p.  243  à  259),  il  est  arrivé  à  consi- 
dérer comme  acquis  les  résultats  généraux  suivants  [lac.  cit.,  p.  259)  : 
DICT.   ENC.  4'  s.  XIII.  27 


418  hkmorhiiagie. 

A.  «  Une  perte  de  sang  unique,  fuilile,  ne  dépassant  pas  (pour  le  chien) 
i,57  ou  1,75  pour  100  du  poids  du  corps,  ne  produit  qu'une  anémie  le'gère. 
Cependant,  lorsqu'elle  atteint  ce  chiffre,  elle  cause  un  abaissement  du  nombre 
des  globules  qui  persiste  pendant  dix-huit  à  vingt  jours  »  (chilTre  notablement 
supérieur  à  celui  qui  résulterait  de  la  généralisation  des  expériences  de  Laulanié). 

«  Les  fortes  hémoirhagies  sont  suivies  d'une  diminution  dans  le  nombre  des 
globules,  qui  n'arrive  pas  immédintement  à  son  maximum.  Le  sang  semble  se 
diluer  peu  à  peu,  et  le  chiffre  le  pins  bas  est  atteint  au  bout  d'un  nombre  de 
jours  qui  varie  avec  l'importance  de  l'hémorrhagie  et  s'élève  à  huit  ou  dix  jours 
pour  une  peite  d'environ  5  pour  100  du  poids  du  corps.  Puis  la  ligne  d'ascen- 
sion s'établit  d'une  manière  irrégulière,  assez  lentement  ;  la  durée  de  la  répa- 
ration varie  d'ailleurs  nécessairement  avec  l'abondance  de  la  perte  et  les 
conditions  dans  lesquelles  se  trouve  le  sujet  en  expérience.  » 

B.  (I  Lessai(/rtees  multiples,  faites  à  courts  intervalles,  produisent  des  effets 
analogues  à  une  saignée  unique  abondante.  Plus  les  saignées  sont  rapprochées, 
plus  les  effets  qu'on  en  obtient  resomblent  à  ceux  d'une  saignée  unique  et  forte, 
la  masse  du  sang  mettant  plusieurs  jours  à  se  reformer,  et  plus  aussi,  par 
conséquent j  l'anémie  produile  est  intense.  C'est  ce  qu'on  voit  dans  les  saignées 
coup  sur  coup.  Dans  l'expérience  XXXVIll  de  Ilayem,  une  séi'ic  de  saignées,  ne 
s'élevant  qu'au  vingt-unième  du  poids  du  corps,  détermine  une  anémie  aussi 
grande  que  les  saignées  un  peu  plus  espacées  s'élevant  jusqu'au  quatorzième  de 
ce  poids.  )i  Toutes  ces  conclusions  ne  s'appli(juent,  bien  entendu,  qu'aux  hémor- 
rhagies  traumaliques,  les  seules  comparables  aux  hémorrliagies  expérimen- 
tales, et  nullement  à  celles  de  sétats  morbides.  Le  minimum  des  globules  subsis- 
tant par  unité  de  volume  du  sang  circulant,  le  temps  de  réparation,  la 
physionomie  générale  de  l'anémie  post-hémorrhagique,  sont  alors  tout  particu- 
liers dans  chaque  série  de  circonstances  morbides  variables  où  peuvent  se  pro- 
duire les  pertes  de  sang,  uniques  ou  réitérées.  La  physiologie  pathologique  expé- 
rimentale ne  constitue  donc  qu'une  sorte  de  limite,  autour  de  laquelle  oscillent 
les  cas  observés  en  clinique  sans  jamais  ordinairement  confondre  la  couibe  de 
leur  propre  processus  avec  celle  des  expériences;  uniquement  parce  que  la 
maladie  crée  des  conditions  que  les  expériences  ne  peuvent  pas  reproduire, 
soit  parce  qu'elles  ne  sont  pas  déterminées,  soit  parce  que,  le  fussent-elles,  on 
ne  saurait  les  reproduire  dans  l'expérimentation. 

Ainsi  la  portion  liquide  du  sang,  après  chaque  perte,  revient  à  flots  dans  les 
vaisseaux  sanguins  par  suite  de  l'ingestion  exagérée  des  boissons  et  de  la 
suractivité  de  l'absorption  veineuse,  et  eu  même  temps  les  globules  rouges  se 
régénèrent  avec  une  énorme  rapidité.  Le  fait  constaté,  peut-on  aller  plus  loin 
et  se  demander  d'où  viennent  ces  nouveaux  globules  ? 

Cette  question  n'est  autre,  au  fond,  que  celle  de  l'origine  des  éléments  non 
cellulaires  du  sang  des  Mammifères  ;  ici  nous  abordons,  il  faut  bien  le  recon- 
naître, un  problème  qui  n'est  résolu  que  pour  quelques  cas  particuliers,  et 
dont  la  solution  nous  échappe  absolument  dans  sa  formule  générale. 

Le  sang  des  Mammifères,  considéré  chez  l'embryon  et  le  fœtus,  se  déve- 
loppe sous  deux  formes  et  par  deux  poussées  très-différentes.  La  première  pous- 
sée sanguiformative,  celle  des  îlots  de  Wolf  et  de  Pander  de  l'aire  vasculaire, 
aboutit  à  la  formation,  aux  dépens  de  cellules  indifférentes  qui  se  chargent 
d'hémoglobine  dans  leur  portion  protoplasmique,  de  globules  disccides  ou 
elliptiques  munis  d'un  noyau.  Le  sang  du  Mammifère  est  à  celte  période  mor- 


IIÉMORRHAGIE  419 

phologiquement  identique  au  sang  d'ovipai-e.    Ce  mode  sanguiformateur,  qui 
donne  naissance  à  ce  que  j'appelle  le  sang  primordial,  n'a   qu'une  existence 
éphémère.  Chez  le  mouton,  dans  la  troisième  semaine  à  partir  de  la  féconda- 
tion de  l'œuf,  on  voit  circuler  à  côté  des  globules  à  noyau  des  globules  sanguins 
qui  n'en  possèdent  pas,  et  qui  sont-d'abord  spbériques  :  ce  sont  les  globules  du 
sang  défiiiitif.  A  ce  moment  globules  à  noyau  et  globules  non  nucléés  circulent 
côte  à  côte  dans  les  vaisseaux  et  exercent  dans  l'organisme  embryonnaire  des 
fonctions  équivalentes  :  le  sang  est  mixte  ou  fœtal.  Mais  peu  à  peu  tous  les 
globules  nucléés  disparaissent,  et  le  sang  est  à  peu  près  exclusivement  composé, 
à  la  naissance,  de  globules  rouges  dépourvus  de  noyau  et  qui  ont  pris  la  confi- 
guration connue  de  disques  biconcaves.  A  ce  moment,    et  à  partir  même   du 
troisième  mois  de  la  vie  intra-utérine  chez  l'homme,  on  peut  saisir  le  mode  de 
formation  des  globules  définitifs  dans  un  grand  nombre  de  points  de  l'orga- 
nisme; il  suffit  pour  cela  d'étudier  les  réseaux  vaso-formatifs.  Les  réseaux  de 
capillaires  du  tissu  connectif  lâche  et  des  membranes  séreuses  se  développent 
«n  elfet  à  distance  des  fusées  vasculaires  artério-veineuses  de  distribution  par- 
ties du  système  cardiaque  et,  avant  que  ces  réseaux  aient  été  atteints  par  les 
fusées,  alors  qu'ils  sont  encore  isolés  de  toute  relation  avec  les  expansions  par- 
ties du  cœui',  on  voit  les  globules   rouges   discoïdes  du  sang  définitif  se  déve- 
lopper in  situ  dans  leurs  branches  pleines,  au  sein  du  protoplasma  des  éléments 
cellulaires  vaso-formateurs  ramifiés  (Ranvier).  Et  ce  sont  là  de  vrais  globules, 
de  petit  volume,  il  est  vrai,  mais  chargés  d'hémoglobine  et  se  montrant  tels  en 
présence  des  réactifs  histochimiques  :  le  liquide  de   Miiller,  l'iode,  ou  l'éosine 
qui  les  feint  en  rouge  de  brique.  11  ne  s'agit  pas,  comme  le  croit  Hayem  {loc.  cit., 
p.  524),  de  granulations  éosinophjles  ou  de   globulins  de  Donné,  auxquels  il 
donne    improprement  le  nom  d'hématoblastes,  mais  de  globules  rouges  véri- 
tables, et  reconnaissables  en  sette  qualité  par  tout  hislologiste  un  peu  exercé. 
Donc,  au  moment  de  la  grande  poussée  vasculaire  qui  tend  à  substituer  au  sang 
primordial  le  sang  définitif,  sur  une  multitude  de  points  le  sang  à  globules  non 
cellulaires  se  développe  en  même  temps  que  les  vaisseaux  capillaires  par  une 
différenciation  remarquable,  la  cellule  vaso-formative  dessine  un  réseau  par  sa 
végétation  et  devient  une  cellule  rameuse  à  noyaux  multiples,  puis,  tandis  qu'au 
centre  du  boyau  profoplasmique  plein  et  ramifié,  des  globules  rouges  non  cellu- 
laires sont  élaborés  par  le  protoplasma  (qui  leur  construit  leur  stroma  et  leur 
-distribue  l'hémoglobine  comme  par  une  sorte  de  sécrétion) ,  à  la  périphérie  chacun 
des  noyaux  émanés  des  bipartitions  successives  du  noyau  primitif  de  la  cellule 
indifférente,  origine  de  tout  le  système,  individualise  autour  de  lui  une  portion 
du  protoplasma  pariétal  et  devient  une  cellule  endolhéliale.  La  double  fusée 
bourgeonnant  du  système  cardiaque,  atteignant  enfin  les  pointes  d'accroissement 
du  réseau  vaso-formatif,  les  creuse,  les  canalise  vraisemblablement  par  l'activité 
propre  des  globules  blancs  du  sang  déjà  circulant,  et  en  même  temps  un  nou- 
veau dépSitement  vasculaire,  une  nouvelle  aire  capillaire,  sont  ouverts,  et  une 
parcelle  de  sang  nouveau  se  trouve  mobilisée  et  jetée  dans  la  circulation.  Voilà 
pour  la  poussée  secondaire  ou  hémovasculaire. 

Sans  aucun  doute,  jusqu'au  terme  de  la  croissance  de  l'individu,  il  se  forme 
de  nouveaux  réseaux  vasculaires.  Il  s'en  forme  même  toujours,  quoique  bien 
moins  activement,  dans  l'état  adulte  et  pendant  toute  la  durée  de  l'existence. 
C'est  là  une  source  iniportante  de  rénovation  du  sang,  mais  elle  ne  l'est  pas 
assez  pour  rendre  compte  de  la  régénération  rapide  du  liquide  nourricier,  soit 


420  HÉMORRIIAGIE. 

après  une  hémorrliagie  spoliatrice,  que  les  jeunes  supportent  même  moins  bien 
que  les  individus  vieux,  soit  après  une  maladie  générale  quelconque  s'accompa- 
gnant  (et  ces  états  morbides  sont  nombreux)  de  destructions  globulaires  mas- 
sives. Quand  la  grande  poussée  liémovasculaire  est  terminée,  ou  plutôt  quand 
son  activité  a  été  atténuée  au  point  de  ne  plus  permettre  de  supposer  qu'elle 
est  incapable  de  l'aire  les  frais  des  restaurations  sanguines,  d'oii  viennent  les 
globules  du  ;:aiig? 

Les  globules  sanguins  de  l'bomme  et  des  Mammifères,  éléments  non  cellu- 
laires et  en  outre  très-spécialisés  pour  la  respiration,  paraissent  s'user  assez 
rapidement  dans  l'organisme.  Quincke  {Deutsches  Archiv  f.  klin.  Med., 
Bd.  XXVII)  évalue  seulement  à  deux  ou  trois  semaines  la  durée  de  leur  existence 
dans  le  sang  circulant;  entraînés  liors  de  ce  sang  par  la  diapédèse  qui  s'exécute 
incessamment  dans  les  aires  capillaires,  ils  sont  perdus  pour  la  masse  sanguine, 
voués  à  une  destruction  certaine  par  les  globules  blancs  migrateurs.  11  faut  donc 
que  cbez  l'adulte  il  y  ait  des  sources  incessantes  de  rénovation  des  globules 
rouges.  Les  recherches  de  Bizzozero,  de  Foa  et  Salvioli  et  de  Malassez,  ont  mis 
hors  de  doute  ce  fait  cpi'une  de  ces  sources  réside  dans  la  moelle  rouge  des  os. 

Dans  la  moelle  rouge  existent  des  éléments  cellulaires  imprégnés  d'hémoglo- 
bine :  les  cellules  rouges,  qui  incessamment  donnent  des  bourgeons  sans  noyaux, 
d'aspect,  de  réactions,  de  résistance  et  de  dimension  identiques  aux  jeunes 
globules  encore  non  discoïdes  des  espèces  animales  correspondantes.  Chez  le  che- 
vreau ces  gemmes  ont  le  diamètre  exact  des  plus  petits  globules  du  chevreau; 
il  en  est  de  même  chez  le  lapin,  etc.  La  seule  question  qui  subsiste  à  leur  égard, 
c'est  (le  savoir  comment  ils  se  mobilisent  et  entrent  dans  les  vaisseaux  sanguins 
autour  desquels  ils  sont  nés  (Malassez,  Archives  de  physiologie,  1882).  Les 
expériences  de  Malassez  et  de  Picard,  bien  connues,  en  montrant  que  la  rate 
purgée  de  sang  renferme  de  fortes  proportions  d'hémoglobine,  et  les  observations 
ultérieures  de  Malassez,  qui  a  retrouvé  dans  ce  même  organe  des  cellules 
rouges  bourgeonnantes,  semblent  bien  indiquer  que  cette  sorte  de  ganglion  san- 
guin joue  aussi  un  rôle  important  dans  la  régénération  du  sang  ;  mais  ce  sont 
là  malheureusement  des  points  particuliers.  .Nous  savons  que  dans  l'orga- 
nisme adulte  il  est  deux  tissus,  celui  de  la  rate  et  celui  de  la  moelle  osseuse 
rouge,  où  prennent  naissance,  et  en  grand  nombre,  des  globules  rouges  du  sang 
définitif.  Ces  deux  milieux  sanguiformateurs  paraissent,  d'autre  part,  insuffi- 
sants pour  rendre  compte,  par  leur  activité  unique,  de  la  régénération  rapide 
du  sang  consécutive  aux  pertes  massives  de  ce  liquide  nourricier. 

Dans  la  période  post-hémorrhagique,  au  moment  où  le  sang  se  régénère,  la 
rate  subit  une  hypertrophie  sur  laquelle  Lediberder  et  Fauvel  ont  les  premiers, 
appelé  l'attention  {De  Ihématémèse.  In  Recueil  des  frav.  de  la  Sociélé  médi- 
cale d'observation,  1858).  Ce  phénomène  a  été  depuis  étudié  avec  plus  de  pré- 
cision par  Vulpian  et  Dechambre  [Gazelle  hebd.  de  méd.  et  de  chir.,  p.  lUo, 
1866),  qui  ont  montré  que  chez  les  chiens  non  saignés  le  rapport  du  poids  de 
la  rate  à  celui  du  corps  est  J/o88,59  en  moyenne,  tandis  qu&  chez  ceux  qu'on  a 
saignés  il  est  de  1/267,75  et  de  1/255,56,  si  l'on  considère  le  poids  inullime  de 
l'animal,  celui  que  l'on  constate  au  terme  des  expériences.  Ilayem  [lac.  cit., 
p.  318)  a  de  son  côté  retrouvé  cette  augmentation  de  volume  de  la  rate  et  des 
cellules  rouges  dans  son  parenchyme.  Pour  ce  qui  regarde  la  moelle  osseuse, 
divers  auteurs  ont  constaté,  à  la  suite  des  grandes  pertes- de  sang,  son  retour  à 
l'état  fœtal,  c'est-à-dire  à  celui   de  moelle  rouge  dans  des  points  où  normale- 


HEMORïïHAGIE.  421 

ment  elle  prend  chez  l'adulte  le  caractère  adipeux.  Litten  et  Orth  [l'eber 
Verànderunçjen  des  Markes  in  Rôhrenknochen  nnler  verschiedenen  patho- 
logischen  Verhàllnissm.  In  Berliner  klin.  Wochenschr.,  S.  745,  1877)  ont 
même  dans  ces  conditions  trouvé  des  cellules  rouges  dans  le  sang  circuhmt 
du  chien  soumis  à  de  copieuses  saignées,  assertion  qui,  de  même  que  le  retour 
de  la  moelle  adipeuse  à  l'état  fœtal,  est  catégoriquement  contestée  par  le  pro- 
fesseur Hayem. 

Quoi  qu'il  en  soit,  il  me  paraît  incontestable  que  ni  l'activité  de  la  rate  ni 
celle  de  la  moelle  osseuse  ne  peuvent  expliquer  à  elles  seules  la  rapide  régéné- 
ration du  sang  à  la  suite  d'une  perte  massive  et  telle,  par  exemple,  que  la  montre 
la  première  expérience  de  Laulanié.  Pour  expliquer  les  phénomènes  observes  il 
est  absolument  nécessaire  d'admettre  que  les  nouveaux  globules  du  sang  se 
reforment  sur  une  multitude  de  points  en  dehors  de  la  moelle  osseuse  rouge  et 
du  parencbyme  de  la  rate.  A  partir  de  cette  notion,  en  vertu  de  laquelle  on  est 
amené  à  considérer  les  foyers  sanguiformateurs  comme  extrêmement  multiples, 
et  le  sang  comme  se  formant  partout  où  pénètrent  les  vaisseaux  sanguins,  on 
entre  dans  le  domaine  des  hypothèses.  Parmi  ces  hypothèses,  il  y  en  a  quelques- 
unes  de  plausibles  et  qu'on  fera  bien  de  poursuivre  pour  les  confirmer  ou  les 
infirmer;  il  en  est  d'autres  qui,  au  contraire,  sont  absolument  gratuites  et  ne 
soutiennent  pas  l'examen. 

Remak,  probablement  guidé  par  des  idées  embryologiques  d'ailleurs  très- 
justes,  n'était  pas  éloigné  de  considérer  les  éléments  globulaires  discoïdes  du 
sang  comme  résultant  d'une  élaboration  particulière  des  cellules  endothéliales 
des  petits  vaisseaux.  Nous  avons  vu  que  dans  les  réseaux  vaso-formatifs  il  en 
est  bien  ainsi  à  l'origine  :  le  sang  et  la  paroi  vasculaire  sont  le  résultat  des 
différenciations  partielles  d'un  seul  et  môme  élément  cellulaire,  primitive- 
ment indifférent  au  sein  d'une  plaque  ou  tache  laiteuse.  Mais  il  s'agit  ici  d'un 
phénomène  initial,  transitoire,  et  qui  ne  se  peut  reproduire  que  s'il  se  fait 
dans  l'organisme  adulte  de  nouveaux  réseaux  capillaires.  A  ma  connaissance, 
personne  n'a  constaté,  à  la  suite  des  hémorrhagies,  un  retour  à  l'activité  initiale 
dansl'endothélium  des  peiits  vaisseaux;  cet  endothélium  reste  avec  ses  caractères 
ordinaires,  et  formé  d'une  mince  lame  protoplasmique  transparente.  On  n'a 
pas  vu  non  plus  les  pointes  d'accroissement,  qui  subsistent  toujours  à  l'état  plus 
ou  moins  grêle  dans  les  intervalles  des  capillaires  là  où  les  vésicules  adipeuses 
ne  se  sont  pas  développées,  revenir  de  l'état  fœtal  et  édifier  des  globules 
rouges.  De  nouvelles  recherches  seraient  cependant  nécessaires  au  sujet  des 
modifications  de  ce  que  l'on  a^ppelte  le  périthélium,  c'est-à-dire  l'ensemble  des 
cellules  fixes  provenant  des  éléments  non  transformés  de  la  tache  laiteuse  ini- 
tiale. Ces  éléments,  restes  d'un  milieu  initialement  sanguiformateur,  subissent 
des  modifications  très-semblables  à  celles  de  la  moelle  osseuse  ;  ils  se  trans- 
forment aussi  en  vésicules  adipeuses.  Or  nous  avons  vu  quelles  relations  histo- 
chimiquos  existent  entre  la  substance  glycogène,  les  granulations  éosinophiles, 
certaines  graisses  offrant  les  réactions  colorées  de  l'hémoglobine  en  présence  de 
l'éosnie,  et  l'hémoglobine  elle-même. 

Il  se  pourrait  donc  que  ces  éléments,  à  la  façon  des  éléments  sanguiforma- 
teurs avérés,  fussent  aptes  à  prendre  une  double  voie  dans  leur  évolution,  et 
tantôt  à  concourir  à  la  formation  de  nouveaux  globules,  tantôt  à  former  des 
graisses  au  lieu  et  place  de  l'hémoglobine.  Cependant  j'ai  hâte  de  dire  que  je 
n'ai  jamais  trouvé,  excepté  chez  des  fœtus  ou  les  jeunes,  d'éléments  périthé- 


4-22  HÉMORRIIAGIE. 

liaux  renfermant  des  globales  rouges  inclus  dans  leur  masse  protoplasmique, 
ou  colorés  diffusément  en  rouge  caractéristique  par  l'hémoglobine. 

Comme  d'autre  part  rien  jusqu'ici  n'est  venu  à  l'appui  de  l'hypothèse  d'une 
multi|ilication  des  globules  rouges  discoïdes  du  sang  circulant  par  division  ou 
bipartition,  et  que  ces  mêmes  globules  rouges  ne  donnent  naissance  à  des 
bourgeons  que  lorsqu'ils  sont  frappés  de  mort,  auquel  cas  le  pseudo-bour- 
geonnement répond  simplement  au  phénomène  bien  connu  de  l'émission  des 
boules  sarcodiques,  la  question  de  la  rénovation  des  globules  rouges,  en  dehors 
de  la  moelle  osseuse  et  de  la  rate,  demeure  environnée  d'une  obscurité  com- 
plète, et  cela,  on  est  forcé  de  l'avouer,  même  après  la  tentative  d'explication 
fournie  par  Ilayem,  c'est-à-dire  par  la  notion  de  ce  qu'il  appelle  des  héma- 
toblasles. 

Les  hématoblastes  de  Ilayem,  petits  corpuscules  de  1  à  4  millièmes  de 
millimètres  de  diamètre,  souvent  discoïdes  et  biconcaves  comme  les  globules 
rouges,  et  présentant  une  coloration  nulle,  jaune,  rose  pâle  ou  rose  verdâtre, 
sont  des  éléments  très-altérables  cl  depuis  longtemps  décrits  par  Donné  sous 
le  nom  de  (jlobulins,  par  Zimmernian  sous  celui  de  granulations  élémentaires. 
Bizzozero  a  démontré  d'une  façon  définitive  que  ce  sont  bien  là  des  éléments 
normaux  du  sang  circulant,  car  il  les  a  vus  dans  les  vaisseaux  chez  l'animal 
vivant;  il  donne  à  ces  corpuscules  le  nom  de  plarpteltes  ou  de  piastrines 
(BlutpliUlchen)  et,  à  l'exemple  de  tous  les  histologistes  sans  exception,  il  leur 
refuse  absolument  la  qualité  d'hématoblastes,  c'est-à-dire  d'éléments  sangui- 
formaleurs.  Par  contre,  avec  Ilayem,  il  leur  fait  jouer  un  rôle  important  dans 
le  phénomène  de  la  coagulation.  Ces  plaquettes,  lorsquelles  se  dissolvent  ou 
difliisent  dans  le  plasma  chargé  de  fibrinogène,  mettraient  alors  en  train  la 
formation  de  la  fibrine.  A  ce  titre  elles  entreraient  pour  une  part  essentielle 
dans  le  procédé  de  formation  des  thrombus  blancs  ou  mixtes  (Dizzozero  : 
Centralblatt  f.  med.  Wissensch.,  1882,  et  Archives  italiennes  de  biol.,  t.  I, 
n"  1),  opinion  qu'il  est  intéressant  de  rapprocher  de  celle  de  Ranvier,  qui  tend 
à  considérer  les  granulations  élémentaires  comme  des  particules  de  fibrine  à 
l'état  non  fibrillaire. 

Si  l'on  admet  avec  Uayem  que  ces  petits  corpuscules  ne  sont  autre  chose 
que  des  embryons  de  globules  rouges  qui  vont  continuer  à  croître  dans  le 
sang,  en  se  chargeant  progressivement  aussi  d'hémoglobine,  le  problème  de 
l'origine  des  globules  rouges  est  reculé,  mais  non  résolu,  car  d'où  viennent  les 
hématoblastes?  Quels  éléments  anatoraiques  les  forment  ?  en  effet,  aujourd'hui 
l'on  a  cessé  de  croire  à  la  génération  des  éléments  figurés  au  sein  des  blastèmas, 
ainsi  que  Ch.  Robin  nommait  le  procédé  de  genèse.  Personne  jusqu'ici  n'a  pu 
répondre  à  cette  question,  y  compris  Hayem  [loc.  cit.,  p.  324).  D'autre  part, 
nous  savons,  par  les  mensurations  de  Malassez,  que  les  globules  rouges  foraiés- 
par  le  bourgeonnement  des  cellules  médullaires  ont  à  peu  près  exactement,  dès 
l'origine,  les  dimensions  des  plus  petits  globules  rouges  légitimes  du  sang 
circulant,  et  non  pas  les  dimensions  réduites  des  hématoblastes  ou  plaquettes 
du  sang.  Dans  un  même  organisme,  à  un  même  moment  (car  la  formation  du 
sang  dans  la  moelle  restée  rouge  est  continue),  il  y  aurait  donc  deux  procédés 
distincts  pour  engendrer  un  seul  et  même  élément  ;  ici  se  formeraient  des  bour- 
geons globulaires  mûrs,  jetant  dans  la  circulation  les  éléments  respiratoires 
avec  leur  diamètre,  leur  charge  hémoglobique,  voisins  de  l'état  normal  ;  là  au 
contiaire  les  jeunes  globules  seraient  lancés  dans  le  sang  à  l'état  de  germes 


IIEMORRHAGIE.  425 

ruJimentaircs  par  leurs  dimensions,  au  début  non  chargés  d'hémoglobine,  vul- 
nérables à  un  haut  degré  et  tout  à  fait  disproportionnellement  à  leurs  similaires 
créés  par  les  coliulcs  rouges  de  la  moelle.  Il  est  bien  dillicile  d'accepter  une 
telle  conception. 

Ces  réserves  faites,  nous  devons  signaler  les  recherches,  très-intéressantes 
d'ailleurs,  poursuivies  par  une  série  d'observateurs  et  surtout  par  llavem,  se 
rapportant  à  la  constitution  anatomique  du  sang  duns  la  période  de  restauration 
post-hémorrbagique. 

Le  premier,  Ilayem  constata  qu'à  la  suite  des  grandes  destructions  sanguines, 
et  alors  que  le  sang  est  en  rénovation,  le  nombre  des  globules  rouges  de  pelite 
taille  (5  à  4  u)  qu'il  nomma  globules  nains  devient  de  beaucoup  supérieur 
à  C3  qu'il  était  dans  l'étal  normal.  Cette  observation  fut  contirmée  par  les 
recherches  de  Lépine  et  Germont,  (jui  retrouvèrent  ces  mêmes  globules  nains 
dans  les  premières  heures  qui  suivent  les  larges  saignées  {Jsote  relative  à 
l'influence  des  saignées  dans  l'apparition  dans  le  sang  humain  de  petits 
globules  rouges,  Société  de  biolog.  In  Gaz.  méd.  de  [^aris,  p.  296,  1877).  J'ai 
moi-même  constamment  vérifié  le  fait  dans  une  série  de  circonstances  hémor- 
rhagiques  diverses  :  hémorrhagies  spontanées,  ménorrliagies,  saignées  géné- 
rales. Ces  petits  globules  mesurant  4,  5,  ou  6  fx,  sont  ordinairement  sphériques, 
vivement  colorés  par  l'hémoglobine,  et  se  tournent  en  calottes  comme  les  grands 
et  en  même  temps  qu'eux.  Ce  sont  bien  là  des  globules  du  sang,  et  non, 
comme  le  croit  Ilayem  {lac.  cit.,  p.  2C7)  des  produits  de  préparation,  car  dans 
mes  examens  de  sang,  sans  aucune  exception,  j'opère  sur  une  goutte  fixée  par 
la  chute  dans  une  solution  d'acide  osmique  à  1  pour  100,  procédé  qui  fixe  net 
tous  les  éléments  figurés  de  ce  liquide  dans  leur  l'orme  exacte,  et  définitive- 
ment. Dès  que  le  sang  entre  en  rénovation,  de  petits  globu'es  jeunes,  compa- 
rables aux  bourgeons  globulaires  des  cellules  rouges  de  la  moelle  osseuse,  font 
donc  leur  apparition  et  circulent  avec  le  sang  subsistant. 

Ce  sont  ces  nouveaux  globules  qui  viennent  réparer  la  perte.  Leur  pelit 
volume,  leur  saturation  encore  incomplète  au  point  de  vue  de  l'hémoglobine, 
supposent  mécessairement  aussi  une  capacité  respiratoire  individuelle  faible. 
D'autre  part,  comme  on  sait,  le  sang  subsistant  est  lésé  dans  les  hémorrhagies 
répétées  expérimentalement,  ses  globules  prennent  des  caractères  analogues  à 
ceux  du  sang  chlorotique  (Ilayem).  H  résulte  de  là  qu'en  pleine  réparation,  si 
l'on  divise  la  quantité  d'hémoglobine  contenue,  par  exemple,  dans  l'unité  de 
volume  du  sang  circulant,  par  le  chiffre  des  globules,  normaux  ou  nains  conte- 
nus dans  celte  même  unité,  le  rapport,  qui  représente  la  valeur  respiratoire 
individuelle  moyenne  de  chaque  globule,  subit  un  abaissement  qui  peut 
atteindre  0,50  de  sa  valeur  normale  (Ilayem,  loc.  cit.,  p.  280).  En  un  mot,  au 
début  de  la  période  réparatrice,  l'organisme  jette  dans  la  circulation  de  nou- 
veaux éléments  globulaires  très-nombreux,  mais  hâtivement  élaborés  et  qui, 
si  l'on  considère  l'hémoglobine  du  sang  comme  l'analogue  du  métal  précieux 
des  monnaies,  sont  de  titre  respiratoire  inférieur.  Il  convient  cependant  que 
leur  petit  diamètre  et  leur  multiplicité  sont  des  conditions  favorables  à  l'activité 
des  échanges  par  les  surfaces  libres,  ces  échanges  étant  manifestement  plus 
favorisés  dans  deux  petits  globules  dont  la  somme  des  volumes  est  égale  au 
volume  d'un  grand  ;  mais  nous  ignorons  si  cette  activité  plus  grande  des 
échanges  suffit  pour  compenser  l'abaissement  du  titre  en  hémoglobine.  Cet 
abaissement,  peu  important  dans  les  pertes  sanguines  faibles,  peut  d'ailleurs, 


424  HÉMORRIIAGIE. 

d'après  Ilayeni  {loc.  cit.,  p.  292),  atteindre  de  5  à  10  pour  100  dans  les  hémor- 
rhagies  uniques  et  massives,  et  il  arrive  à  son  mnximun\  au  moment  où  le 
chiffre  des  globules  rouges  commence  à  se  relever;  il  en  est  de  même  dans  les 
saignées  réitérées  coup  sur  coup,  qui  au  fond  agissent  à  la  façon  d'une  liémor- 
rhagie  spoliatrice  unique.  Quant  aux  saignées  lentement  espacées,  de  façon  que 
les  nouvelles  perles  soient  el'fccluées  lorsque  la  régénération  commandée  par  la 
perle  précédente  a  déjà  commencé,  elles  s'accompagnent  d'un  abaissement  du 
titre  globulaire  autrement  marqué  et  persistant  (Hayem)  et,  quand  on  a  réitéré 
plusieurs  fois  les  hémorrhagies  dans  ces  conditions,  le  sang  du  chien,  par 
exemple,  prend  absolument  les  caractères  de  celui  des  anémies  chroniques  : 
globules  volumineux,  pâles,  nombreux  globules  nains,  proportion  considérable 
de  granulations  élémentaires,  instabilité  très-grande  du  nombre  des  globules  du 
sang  circulant  dans  les  capillaires  à  des  époques  très-rapprochées  et  même  d'un 
jour  à  l'autre  (Ilayem,  loc.  cit.,  p.  293). 

Nous  devons  maintenant  signaler  ici  le  point  le  plus  nouveau  des  recherches 
de  Ilayem,  point  intéressant,  bien  que  nous  ne  puissions  lui  accorder  toute 
l'importance  que  lui  attribue  l'aulem-  qui,  il  faut  le  reconnaître,  poursuit  ses 
recherches  et  soutient  ses  théories  avec  une  persévérence  et  un  talent  considé- 
rables depuis  déjà  plusieurs  années.  Les  granulations  élémentaires,  les  héniato- 
blastes  de  Ilayem  ou  plaquettes  de  Bizzozero,  subissent,  pendant  la  durée  de  ce 
que  Hayem  nomme  avec  raison  la  crise  hématique  post-hémorrhagique,  des 
variations  de  nombre  parfaitement  régulières.  Après  toute  perte  de  sang,  le 
nombre  des  hématoblastes  s'accroît  dans  le  sang  circulant  ;  après  avoir  baissé 
sous  le  coup  immédiat  de  la  perte,  il  augmente  considérablement  au  nionienl  où 
commence  la  réparation  sanguine.  Puis,  à  mesure  que  le  sang  redevient  plus 
riche  en  globules  rouges,  le  nombre  des  hématoblastes  se  rapproche  de  la 
normale.  Lorsqu'on  soumet  un  animal  à  des  saignées  uniques  ou  coup  sur 
coup,  on  assiste  toujours  à  une  crise  hématoblastique  qui  accompagne  ou  suit  de 
près  le  minimum  des  globules  rouges,  et  l'on  voit  alors  le  nombre  de  ces  cor- 
puscules doubler  ou  tripler.  Dans  les  hémorrhagies  expérimentales  espacées, 
chaque  nouvelle  perte  de  sang  fait  baisser  d'une  manière  plus  ou  moins  sensible 
le  nombre  des  hématoblastes;  après  quoi,  lorsque  l'anémie  post-hémonhagique 
a  atteint  son  plus  haut  degré,  le  nombre  de  ces  corpuscules  s'accroît  rapide- 
ment, se  triple  parfois,  et  cette  poussée  tout  à  fait  brusque  et  éphémère  est  le 
signal  de  la  réparation  définitive.  La  courbe  des  hématoblastes  tombe  brusque- 
ment et  celle  du  nombre  des  globules  rouge  se  relève  (Hayem,  loc.  cit.,  p.  269, 
275). 

Cette  marche  du  phénomène  n'est  pas,  il  faut  bien  le  reconnaître,  favorable  à 
l'hypothèse  si  brillamment  soutenue  par  Hayem,  mais  plutôt  par  des  arguments 
que  par  des  faits.  La  poussée  hématoblastique  ou,  pour  ne  rien  préjuger,  corpuscu- 
laire, si  elle  jetait  d'un  coup  dans  le  sang  une  multitude  de  globules  rouges 
embryonnaires  rapidement  transformables,  serait  nécessairement  suivie  d'une 
augmentation  également  I  rusque  du  nombre  des  globules  sanguins  avérés.  Il 
n'en  est  rien,  la  réparation  sanguine  se  poursuit  lentement  après  le  signal  donne 
par  la  crue  hématoblastique  qui  coïncide  avec  le  maximum  de  l'anémie.  Si  l'on 
considère  avec  Bizzozero  les  piastrines  comme  liées  étroitement  à  l'acte  de 
coagulation  du  plasma  ;  si  l'on  y  voit  comme  Banvier,  Gubler  et  moi,  des  parti- 
cules d'un  albuminoïde  à  l'état  corpusculaire  et  apte  à  donner  naissance  à  de  la 
iibrine,  à  la  suite  de  la  plus  minime  vulnération  du  sang,  si,  en  un  mot,  on 


IIEMORRHAGIE.  425 

considère  les  plaquettes,  piastrines,  granulations  élémentaires  ou  hématoblastes, 
comme  on  les  voudra  appeler,  comme  un  produit  de  déchet  du  sang  circulant 
analogue  à  la  fibrine  qui  en  est  un  véritable,  l'accroissement  de  ces  corpuscules 
dans  le  sang,  lors  de  l'acmé  ou  summum  de  l'anémie  consécutive  aux  pertes  de 
sang,  hémorrhagiques  ou  autres,  se  comprendrait  de  lui-même  sans  qu'il  fût 
besoin  d'invoquer  entre  ces  corpuscules  et  les  globules  sanguins  véritables 
une  parenté,  une  filiation  qui,  quelque  séduisante  qu'elle  puisse  paraître  de 
prime  abord,  n'est  justifiée  par  aucun  fait  positif,  tandis  que  d'autres  faits, 
parfaitement  acquis  et  certains,  la  rendent  entièrement  inadmissible  pour  tous 
ceux  qui  ont  fait  de  la  morphologie  et  du  développement  connus  du  sang  une 
étude  sérieuse  en  écartant  toute  conception  à  priori. 

IV.  Le  syndrome  hémourhagique.  Au  point  de  vue  symptomatique  direct  les 
diverses  hémorrhagies  ne  se  ressemblent  pas.  Une  saignée  de  100  grammes, 
faite  chez  un  individu,  même  malade,  ne  détermine  aucun  trouble  important  et 
la  perte  est  vite  réparée.  La  même  quantité  de  sang,  émise  au  dehors  en  vertu 
d'une  hémoptysie,  s'accompagne  d'un  complexus  morbide  tout  autre  et  qui 
appelle  l'attention.  Enlin,  si  ces  100  grammes  de  sang  se  sont  extravascs  dans 
la  substance  cérébrale,  les  réactions  symptomatiques  n'ont  avec  la  perte  de  sang 
aucune  relation,  et  ce  sont  celles  commandées  par  les  lésions  nerveuses  qui 
prennent  le  pas  et  dominent  tout.  Quelques  gouttes  de  sang  extravasées  dans  le 
tissu  du  hulbe  amènent  la  mort  ou  tout  au  moins  des  troubles  graves,  tandis 
que  la  perte  égale  faite  par  la  peau  n'est  pas  même  un  accident.  11  suit  de  là 
que  chaque  hémorrhagie  reconnue  en  clinique  comme  espèce  distincte  :  hémo- 
ptysie, hématémèse,  llux  hémorrhoïdal,  etc.  {voy.  ces  mots),  doit  être  décrite 
à  part;  son  histoire  forme  un  chapitre  spécial  de  pathologie  desciiptive.  Ce  n'est 
pas  à  dire  pour  cela  que  l'hémorrhagie,  considérée  au  point  de  vue  élevé  de  la 
pathologie  générale,  n'ait  pas  d'histoire  symptomatique  propre,  et  que,  dans 
cet  ordre  d'idées,  tout  doive  se  borner  à  l'étude  des  causes,  du  mécanisme, 
des  effets  sur  l'organisme  et  de  l'évolution  des  lésions.  Cette  élude,  que  nous 
venons  de  faire  longuement,  parce  que  son  importance  est  de  premier  ordre, 
doit  être  complétée,  au  point  de  vue  des  symptômes  et  de  la  séméiologie,  par 
celle  du  complexus  réactionnel,  ce  que  je  propose  d'appeler  le  syndrome  hémor- 
rhagique. 

Considérons  l'hémorrhagie  en  tant  que  perte  de  sang,  abstraction  faite  de  sou 
irvOuence  prochaine,  mécanique,  sur  les  organes  au  niveau  desquels  elle  s'est 
effectuée.  Nous  voyons  que  suivant  que  cette  hémorrhagie  est  déperd idve,  spo- 
liatrice, déplétive  ou  disséminée,  suivant  le  mode  exanthématique  dont  le  type 
est  le  purpura,  sous  chacune  de  ces  formes  elle  s'accompagne  d'un  cortège  de 
phénomènes  réactionnels  communs,  d'un  cortège  de  conséquences  communes 
aussi  dans  les  pertes  de  sang  de  même  type.  La  physionomie  clinique  de  l'hémor- 
rhagie prend  alors  un  caractère  particulier,  commandé  par  son  mode  et  jusqu'à 
un  certain  point  indépendant  de  la  cause  qui  la  fait  naître,  de  l'état  sain  ou 
préalablement  morbide  de  l'organisme  affecté.  Dans  ces  conditions,  on  n'a  plus 
seulement  affaire  à  un  symptôme,  la  perle  de  sang  par  rupture  ou  diapédèse, 
mais  à  une  série  de  symptômes  seconds,  commandés  par  l'effusion  sanguine,  en 
dépendant,  et  groupés  autour  d'elle  avec  une  physionomie  individuelle.  Et  les 
conséquences  suivent,  également  commandées  par  le  mode  hémorrhagique  et 
unies  à  ce  dernier  par  une  relation  de  cause  à  effet.  C'est  dans  ce  sens  que  je 


426  HÉMORRIIÂGIE. 

comprends  le  lermc  de  syndrome  hémorrh civique,  et  je  vais  essayer,  ces  pré- 
misses posées,  d'en  donner  la  descriplion. 

Hémorrhagie  du  type  déperditif.  Il  s'agit  ici  d'une  hémorrhagie  mortelle, 
dans  laquelle  le  système  vasculaire  se  vide  par  la  plaie,  le  point  de  rupture  ou 
l'ulcère  qui  se  sont  produits.  La  rupture  d'un  anévrysme  de  l'aorte,  l'ouverture 
d'un  yros  vaisseau  tel  que  la  fémorale,  l' hémorrhagie  souvent  incoercible 
satellite  des  plaies  de  la  paume  de  la  main,  peuvent  être  avantageusement  prises 
pour  exemples  de  cette  variété  d'iiémorrliagie. 

Quand  le  vaisseau  intéressé  est  trop  volumineux,  comme  il  arrive  dans  les 
plaies  de  l'artère  fémorale  ou  de  la  veine  jugulaire  interne,  le  sang  fuit  et 
s'écoule  à  flots  avec  une  telle  rapidité  que  la  mort  arrive  au  bout  de  quelques 
minutes,  précédée  des  phénomènes  convulsifs  que  nous  avons  signales  plus 
haut.  L'homme  est  alors  véritablement  saigné  comme  un  animal  à  l'abattoir; 
mais,  quand  il  s'agit  de  vaisseaux  moins  volumineux,  tels  que  les  branches  de 
l'arcade  palmaire,  ou  de  vaisseaux  capillaires  donnant  uue  pluie  de  sang,  comme 
il  arrive  dans  les  liémorrhagies  dues  à  une  implantation  vicieuse  du  placenta 
sur  le  col,  le  tableau  clinique  est  tout  autre.  La  déperdition  s'effectue  lente- 
ment, mais  avec  régularité,  et,  lorsque  la  perte  a  dépassé  la  limite  compatible 
avec  la  survie,  bien  qu'il  reste  encore  dans  le  système  vasculaire  une  grande 
quantité  de  sang,  la  mort  est  inévitable. 

Si  en  effet  on  s'en  rapporte  aux  anciennes  évaluations  de  Welcker  faites  chez 
trois  suppliciés,  et  à  celles  plus  récentes  de  Tarchanoff  {Die  Beslimmting  der 
Bhdsnieuge  am  lebenden  Menxchen.  In  Arch.  f.  die  gesammte.  Physiologie, 
Bd.  XXIII,  Bd.  XXIV,  1880),  on  peut  évaluer  la  masse  totale  du  sang  à  1/15, 
J/15,G  ou  1/14  du  poids  du  corps,  chiffre  qui  d'ailleurs  paraît  trop  faible,  si 
on  le  compare  au  même  rapport  établi  avec  plus  de  précision  che^  divers  Mammi- 
fères supérieurs  (Hayem,  loc.  cit.,  p.  85).  Or  une  saignée  de  2  kilogrammes 
à  2''«,5U0  chez  l'homme  entraîne  ordinairement  la  mort  ou  la  rend  imminente 
et,  si  l'on  rapporte  ce  chiffre  au  poids  moyen  de  l'homme  qui  est  d'environ 
60  kilogrammes,  on  voit  que  la  perte  compatible  avec  la  survie  est  inférieure 
à  5/120  =  1/24  du  poids  du  corps;  chiffre  très-sensiblement  comparable  à  ceux 
établis  anciennement  par  Ilerbst  chez  le  chien  (de  1/10  à  1/20),  le  mouton  (1/22), 
l'àne  (1/25),  le  lapin  (1/24  [Herbst,  Commenlar.  hist.,  crit.  et  anat.  phys.  de 
sanguinis  (juantitate.  Goeltingen,  1822j),  et  que  les  recherches  ultérieures  de 
Wanner  [Journ.  de  chinirg.,  1844,  p.  232)  et  de  Kirmisson  (th.  d'agrégation, 
1880)  ont  à  très-peu  près  confirmés.  Mais  il  convient  de  faire  remarquer,  avec 
llay^m,  que  cette  limite  e^t  variable  avec  l'étal  des  individus  soumis  à  la  perte 
sanguine,  et  que  l'état  de  maladie  ou  d'anémie  préalable  la  modifie  plus  ou 
moins  sensiblement.  Quoi  qu'il  en  soit,  lorsque  l'hémorrhagie  est  continue, 
incoercible,  et  qu'elle  s'effectue  avec  une  certaine  lenteur,  comme  dans  le  cas 
que  j'ai  pris  pour  exemple,  celui  d'une  plaie  de  la  paume  de  la  main,  le 
tableau  symptomatique  de  l'hémonhagie  déperditive  se  déroule  avec  les  carac- 
tères suivants  : 

L'homme  a  été  blessé  par  un  couteau  ou  un  bris  de  verre;  il  est  debout  et, 
aussitôt  qu'il  voit  le  sang  couler  à  flots,  il  cherche  à  l'arrêter  et  n'y  parvient  pas, 
ceux  qui  l'assistent  n'y  parviennent  pas  davantage.  Pendant  que  l'on  essaye 
d'arrêter  le  sang,  que  l'on  court  à  la  recherche  d'un  médecin,  le  sang  continue 
à  couler  et  la  perte  prend  déjà  les  proportions  d'une  large  saignée.  Le  cœur  bat 
vite,  les  respirations  sont  larges  et  ample*.  Souvent  alors,  à  la  vue  du   sang 


llKMOIiUllAGIE.  427 

qu'il  perd  et  de  l'inanité  des  efforts  que  l'on  fait  pour  l'arrêter,  le  blessé  est 
frappé  d'une  terreur  subite.  II  pâlit,  ses  yeux  se  voilent,  la  nausée  survient,  un 
nuage  neir  couvre  la  vue;  il  demande  à  s'asseoir,  à  peine  assis  il  est  pris  d'une 
sueur  froide  ou  visqueuse,  il  perd  l'équilibre  et  tombe  en  syncope. 

Cette  syncope  n'est  pas  une  syncope  vraie,  c'est  une  défaillance,  une  lypo- 
thymie  émotive,  due  à  la  terreur  inspirée  par  la  blessure  et  la  vue  du  sang.  Le 
cœur  continue  à  battre,  faiblement,  il  est  vrai,  le  sang  coule  moins  rapidement 
par  la  blessure.  Bientôt  la  position  borizontale,  un  cordial,  raniment  le  malade, 
I  hémorrhagie  alors  reprend  son  cours  et  son  débit  normaux.  Dans  cette  cir- 
constance la  lypolhyraie,  qui  n'est  nullement  en  rapport  avec  la  quantité  de 
sang  déjà  perdu,  et  qui  peut  survenir  tout  à  fait  au  début,  quanti  l'écoulement 
est  insignifiant  encore,  n'est  autre  chose  qu'un  épiphénomène  émotif  et  nulle- 
ment un  symptôme  de  la  perte  elle-même.  Si  le  mabide  est  ferme  et  inaccessible 
à  la  peur,  la  lypolhymie,  en  effet,  ne  se  produit  pas. 

Le  sang  continue  à  couler,  la  perte  et  déjà  considérable,  un  affaiblissement 
progressif  se  produit  en  même  temps  qu'une  sensation  impérieuse  de  soif.  Si  le 
blessé  est  debout  ou  assis,  mais  toujours  après  un  temps  relativement  long  à 
partir  de  l'ouverture  du  vaisseau,  brusquement  et  sans  prodiome  aucun,  une 
défaillance  d'un  genre  tout  à  fait  différent  de  celle  que  nous  venons  de  décrire 
se  produit.  Celte  syncope  brusque,  syncope  de  position  de  Mnrsh  ill-IIall  [An 
Expérimental  Investigation  on  tlie  Effects  of  Loss  of  Blood.  In  Medico-Chir^ 
Transact.,  t.XYILp.  250;  1852),  est  due  à  ce  que  le  sang  est  déjà  suffisamment 
diminué  dans  la  masse  pour  ne  plus  suffire  à  la  pleine  circulation  des  organes 
tels  que  les  centres  nerveux  intra-encéphaliques,  qu'il  n'aborde  qu'en  sens  con- 
traire de  la  pesanteur.  Le  cœur,  dans  cet  état  syncopal  vrai,  ne  bat  plus  qu'à 
intervalles  extrêmement  éloignés,  le  pouls  est  filiforme  ;  l'bémorrhagie  s'arrête 
presque,  le  sang  ne  coulant  plus  qu'en  bavant.  La  respiration  est  atténuée, 
presque  suspendue.  A  ce  moment,  s'il  s'agit  de  petits  vaisseaux  artéiiels  ou  de 
veines  de  moyen  calibre,  r!iémosta>e  provisoire  peut  s'effectuer,  car  ici  sont 
réalisées  les  conditions  mêmes  de  formation  de  l'agent  actif  de  l'Iiémostase,  du 
tbrombus  blanc.  Mais,  si  l'on  couche  le  malade,  la  syncope  cesse  vite,  les  batte- 
ments du  cœur  reprennent  leur  force,  les  battements  des  artères  périphériques 
leur  énergie,  et  au  bout  d'un  instant  l'hémorrhagie  reparaît  avec  ses  caractères, 
soit  parce  qu'il  ne  s'est  pas  formé  de  caillots  cicatrisateui  s  à  cause  de  la  brève 
durée  de  l'état  de  syncope,  soit  parce  que  ces  caillots,  à  peine  édifiés  et  encore 
peu  solides,  ont  été  balayés  par  le  jet  sanguin  lors  du  retour  du  cœur  à  son 
rhythme  et  à  sou  énergie  ordkiaires. 

Plusieurs  fois,  si  l'on  maintient  le  malade  assis,  la  syncope  de  position  peut 
.  se  répéter,  mais  il  arrive  un  moment  où,  l'affaiblissement  progressif  croissant,  la 
résolution  des  membres  s'opère;  le  blessé  s'affaisse  et  ne  se  relèvera  plus.  La  soif 
s'accuse;  la  face,  toutes  les  parties  du  tégument,  se  décolorent  et  prennent  cette 
teinte  blafarde  et  un  peu  jaunâtre,  comme  cireuse,  qu'il  est  difficile  de  décrire, 
mais  que  reconnaissent  bien  ceux  qui  ont  vu  de  près  le  cadavre  d'un  guillotiné. 
En  même  temps  le  corps  se  refroidit,  surtout  aux  extrémités  :  les  mains  et  les 
pieds  se  glacent.  Sur  le  front,  la  paume  des  mains  et  la  plante  des  pieds, 
l'épigastre,  apparaît  une  sueur  visqueuse  analogue  à  celle  des  animaux  (cheval, 
âne)  soumis  à  une  longue  et  douloureuse  vivisection.  Les  idées,  intactes  jusque- 
là,  se  troublent  alors  ;  il  semble  au  patient  que  sa  tête  soit  vide,  et  une  céphalée 
intense,  qui  s'exagère  au  moindre  mouvement  spontané  ou  provoqué,  ou  même 


428  HÉMORRIIAGIE. 

dans  les  inspirations  larges,  se  produit  et  augmente  encore  l'anxiété.  Le  tableau 
clinique  est  alors  très-exactement  celui  que  Sanson  a  tracé  magistralement  sous 
le  nom  d'anémie  irawnatique  aiguë  {Des  hémorrhagies  tinnmatiqites.  Thèse  de 
concours.  1856).  Bientôt  des  vertiges,  des  nausées,  se  produisent  ;  le  pouls  devient 
petit,  irrégulier,  avec  des  intermittences  fausses,  prenant  ainsi  les  caractères 
du  pouls  de  l'asyslolie,  tandis  que  le  cœur  bat  avec  une  extrême  vitesse,  en 
donnant  au  malade  la  sensation  et  l'angoisse  dyspnéique  d'une  palpitation  vio- 
lente. L'anémie,  qui  était  nulle  en  réalité  au  premier  stade,  celui  de  la  lypo- 
thymie  émotive,  qui  n'était  que  relative  au  second,  marqué  par  la  syncope  de 
position,  va  maintenant  devenir  absolue  et  commander  la  syncope  terminale, 
celle  qu'aucune  position,  aucune  excitation  ni  aucun  secours,  ne  font  cesser,  et 
qui  n'est  elle-même  qu'un  des  incidents,  mais  le  plus  frappant  de  tous,  de  ce 
que  Marsliall-lJall  nommait  la  résolution  immédiate  des  forces;  mode  particulier 
à  l'iiémorrhagic  de  la  production  de  la  mort  instantanée,  et  qui  coupe  court 
aux  manifestations  de  la  vie  d'ensemble  de  l'organisme,  qui  n'a  plus  assez  de 
sang  pour  satisfaire  au  minimum  de  circulation  compatible  avec  l'activité  du 
système  nerveux. 

A  l'inverse  de  la  syncope  émotive  et  de  la  syncope  déposition  qui  surviennent 
brust|uemcnt  sans  aucun  prodrome,  celte  syncope  est  annoncée  par  des  phéno- 
mènes préliminaires  dont  l'importance  diagnostique  et  pronostique  est  très- 
grande.  L'anémie  qui  précède  la  période  terminale  n'est  plus,  comme  précé- 
demment, relative;  elle  est  absolue  :  le  cœur  bat  sur  une  masse  de  sang 
insuffisante  et  sur  laquelle  il  ne  peut  plus  prendre  un  point  d'appui  pour  sa 
contraction  ventriculaire.  Ses  pulsations  déterminent  alors  de  minimes  soulève- 
ments des  artères  péiiphériques;  ce  n'est  que  par  intervalles,  et  seulement 
lorsque  les  mouvements  respiratoires  plus  amples  ont  déterminé  un  afflux  plus 
considérable  de  sang  dans  le  cœur,  qu'il  se  produit  un  battement  efficace.  De  là 
le  pouls  d'apparence  mitrale,  qui  est  un  des  premiers  signes  du  danger  immi- 
nent. Le  rliylhme  respiiatoire  se  modifie  en  effet  alors  et  prend  plus  ou  moins  le 
rhythme  de  Cheyne-Stokes,  c'est-à-dire  qu'il  se  produit  des  séries  d'inspirations 
profondes,  répétées  suivant  un  mode  subintrant,  séparées  par  des  périodes  d'apnée. 
On  peut  alors  être  certain  que  le  sang  ne  circule  plus  en  quantité  suffisante  dans 
le  cerveau  et  dans  le  bulbe,  et  que  les  centres  nerveux  vont  être  excités  par  anémie. 
C'est  alors  que  se  produisent  des  phénomènes  convulsifs  sur  lesquels  les  auteurs 
ont  tant  insisté  et  auxquels  .Marshall-Hall  attribue  la  signification  de  phénomènes 
agoniques. 

Ces  phénomènes  coHvuIsifs  se  montrent  en  effet  au  moment  où  l'état  syncopal 
s'établit,  et  nous  avons  vu  que  cette  syncope  est  définitive,  bien  que  le  cœur 
batte  encore  à  intervalles  éloignés  quelque  temps  après  que  l'état  de  mort  appa- 
rente s'est  produit.  Ils  consistent  dans  une  série  de  mouvements  pupillaires, 
l'exagération  de  la  respiration  du  type  de  Cheyne  et  la  production, d'une  manière, 
il  est  vrai,  inconstante  (Hayem),  de  selles  et  d'émissions  d'urines  involontaires. 
Les  convulsions  tétaniques,  brèves  et  répétées,  se  montrent  aussi  parfois,  comme 
il  arrive  chez  les  animaux  saignés  dans  la  position  couchée  oii  Paul  Bert  leur  a 
reconnu  la  signification  absolue  de  phénomènes  agoniques.  Bientôt  après  les 
pupilles  se  dilatent,  la  respiration  cesse  de  s'effectuer  totalement.  La  déperdition 
a  été  complète  et  la  mort  a  lieu  par  le  cerveau  et  le  bulbe.  Bien  que  le  cœur 
batte  encore  (Marshall-Hall),  tout  retour  à  la  vie  est  impossible,  à  moins  qu'on 
n'introduise  dans  le  système  circulatoire  du  sang  nouveau  vivant  et  complet;  nous 


HÉMORRIIAGIE.  429 

verrons  plus  loin  d'ailleurs  jusqu'à  quel  point  on  peut  compter  sur  ce  moyen 
extrême  de  faire  revivre  l'organisme  quand  la  limite  de  la  perle  de  sang  com- 
patible avec  la  survie  a  été  atteinte  et  dépassée. 

Cependant,  dans  ces  coadilions,  et  ainsi  que  l'ont  montré  les  expériences 
célèbres  de  Brown-Séquard,  les  tissus  vivent  encore  pendant  un  certain  temps. 
Les  nerfs  sont  excitables,  les  muscles  et  les  organes  glandulaires  gardent  pen- 
dant beaucoup  plus  longtemps  (jue  les  nerfs  et  les  centres  leur  intégrité  vitale. 
Le  cœur  cependant  perd  rapidement  toute  excitabilité.  Vingt  minutes  après  la 
décollation,  cbez  l'bomme  (le  supplicié  Gonnacbon,  octobre  1885)  il  est  inerte, 
tandis  que  les  muscles  ordinaires,  tels  que  le  biceps,  resteront  excitables  méca- 
niquement pendant  encore  plusieurs  beures;  son  myocarde  est  souple  tout  aussi 
bien  dans  la  portion  ventriculaire  que  dans  la  région  auriculaire.  Le  cœur,  dans 
la  mort  par  hémorrhagie  consécutive  à  la  décollation,  s'arrête  dans  la  diastole 
après  s'êlre  complètement  vidé.  Une  lieure  environ  après  la  mort  il  présente  un 
aspect  tout  difféient.  La  rigidité  cadavérique  le  met  en  état  de  systole  appa- 
rente; les  ventricules  sont  durs,  la  cavité  du  gauche  est  presque  entièrement 
effacée.  Sur  une  coupe  transversale,  on  croirait  être  en  présence  d'un  cœur 
atteint  d'hypertrophie  concentrique  telle  que  la  décrivait  Bertin.  J'insiste  à 
dessein  sur  ces  faits,  qui  ont  en  médecine  légale  une  grande  importance  et  que 
j'ai  pu  constater  déjà  cbez  deux  supplioiés.  Si  maintenant  on  ouvre  le  cadavre 
de  l'individu  mort  d'Iiémorrhagie,  on  trouve  ses  muqueuses  pâles,  celle  de 
l'estomac  et  de  l'intestin  avec  la  coloration  exacte  de  la  substance  grise  des 
circonvolutions  cérébrales,  et  entièrement  exsangues  en  apparence.  Mais  en 
réalité  les  vaisseaux  veineux  tels  (|ue  les  caves,  les  veines  pulmonaires,  les 
azygos  et  les  sinus  oâniens,  renferment  encore  beaucoup  de  sang.  Les  réseaux 
capillaires  des  divers  organes,  et  même  des  lames  du  tissu  conjonclif  lâche» 
sont  encore  faiblement  injectés  partout.  La  mort  est  survenue  parce  que  le  sang 
n'était  plus  en  ({uantité  suffisante  dans  l'arbre  vasculaire  pour  y  circuler,  e,t  ce 
qui  précède  permet  de  comprendre  comment  une  injection  de  sérum  peut 
momentanément  ranimer  un  Mammifère  en  état  de  nioit  apparente  à  la  suite 
de  saignée  à  blanc.  Dans  ces  conditions  en  effet  le  cœur,  remis  en  présence 
d'une  masse  liquide  suffisante,  reprend  ses  mouvements  efficaces,  et  le  sang 
dilué  peut  encore  pendant  un  certain  temps  circuler  dans  les  tissus,  dans  les- 
centres  nerveux,  et  y  entretenir  la  vie. 

En  résumé,  le  syndrome  hémorrhagique,  dans  la  perte  de  sang  excessive 
et  mortelle,  est  la  reproduction  de  l'état  décrit  par  Sanson  sous  le  nom 
d'anémie  traumalique  aiguë.  Il  constitue  Vétat  de  perte  et  aboutit  en  fin  de 
compte  à  l'anémie  à  vacuo  des  Anciens.  Le  malade  marche  à  la  mort  en  traver- 
sant trois  périodes  :  la  première,  période  déplétive,  est  ou  non  signalée  par  la 
lypotbymie  purement  nerveuse  due  à  la  terreur  ou  même  à  la  simple  émotion 
engendrée  par  la  vue  du  sang;  la  seconde  période,  spoliative,  aboutit  à  la  syn- 
cope de  position,  brusque  et  sans  prodromes  et  qu'on  peut  faire  cesser  toujours; 
la  troisième,  période  déperditive,  est  marquée  par  l'anémie  progressive,  les 
troubles  nerveux  commandés  par  cette  dernière,  et  aboutit  à  la  résolution  immé- 
diate des  forces,  ou  mort  instantanée  par  excitation  anémique  du  bulbe  et  du 
cerveau. 

Si  donc  une  hémorrhagie  est  arrêtée  avant  que  la  limite  de  la  perte  compa- 
tible avec  la  survie  soit  dépassée,  c'est-à-dire  avant  que  les  phénomènes  pré- 
curseurs de  la  syncope  terminale  et  irréparable  aient  fuit  leur  apparition,  le 


430  IIÉ.MOIIRHAGIK. 

processus  liémon-liagique  ne  parcourt  que  ses  deux  premières  e'tapes,  et  la  vie 
^e  maiutionl,  vui  cerluiu  temps  du  moins.  Examinons  maintenant  les  modifica- 
tions apportées  au  syndrome  lorsque  l'hémorrhagie  est  de  la  sorte  ramenée  au 
type  que  nous  avons  désigné  sous  le  nom  d'hémorrhagie  spoliatrice. 

Hémorrhagie  du  type  spoUatif.  Supposons  en  premier  lieu  une  perte 
unique  et  excessive  de  sang,  mais  qui  a  pu  être  arrêtée  avant  que  la  syncope 
irrép.irable  ait  pu  se  produire.  La  mort  ne  s'ensuivra  pas  moins,  non  plus 
immédiatement,  mais  dans  un  terme  plus  ou  moins  rapproché.  Quand  la  perte 
est  extrême,  et  que  la  limite  de  la  déperdition  compatible  avec  la  survie  a  été' 
presque  atteinte,  le  tableau  clinique  est  Irès-peii  différent  de  celui  que  présente 
une  liémorrliagie  immédiatement  mortelle  ;  au  lieu  de  la  résolution  immédiate 
des  forces,  on  observe  un  état  lypotbymique  particulier  qui  en  réalité  constitue 
une  imminence  continuelle  de  mort. 

Les  synco|ies  incomplètes  se  succèdent  à  intervalles  brefs,  au  milieu  des 
symptômes  ordinaires  de  l'anémie  aiguë  et  de  l'affaissement  des  forces  or^a- 
niqiies.  Les  pupilles  sont  dilatées,  une  nausée  continuelle  tourmente  le  malade 
et  n'a  pas  d'issue  par  le  vomissement  ;  les  efforts  musculaires  intenses  néces- 
saires à  cet  acte  étant  impossibles  ;  ou  bien  encore  les  vomissements  se  pro- 
duisent, interrompant  la  prostration  extrême  et  déterminant  de  cruelles  exacer- 
bations  dans  la  céphalalgie  qui  est  intense,  diffuse,  et  qui  souvent  constitue  le 
principal  symptôme  dont  se  plaigne  le  malade  malgré  son  affaiblissement.  Cet 
état  se  maintient  parfois,  à  la  suite,  par  exemple,  des  grandes  hémorrhagies 
utérines,  pomlant  douze,  vingt-quatre,  quarante-huit  heures  et  même  davan- 
tage. Le  délire  survient  alors,  souvent  accompagné  d'hallucinations  terrifiantes; 
des  mouvements  convulsifs  partiels  se  produisent.  Enfin  le  malade  tombe  dans 
un  état  semi-comateux,  puis  dans  le  coma,  et  la  mort  survient  au  milieu  des 
phénomènes  de  la  résolution  générale.  Elle  est  alors  produite  par  un  mode 
tout  particulier  que  Marsliall-llall  nomme  la  défaillance  graduelle,  terme 
excellent  et  (jui  fait  image  en  rappelant  l'état  subsyncopal,  ou  de  lypolhymie 
continue,  qui  dans  cette  circonstance  constitue  à  propre^nent  parler  le  symptôme 
saillant  du  syndrome. 

Lorsque  la  perle  unique  et  massive  est  encore  énorme,  mais  notablement 
inférieure  cependant  à  la  limite  compatible  avec  la  survie,  de  deux  choses  l'une  : 
ou  la  mort  peut  suivre,  mais  à  long  terme  et  par  im  mécanisme  tout  autre  que 
dans  le  cas  précédent,  ou  la  guérison  peut  avoir  lieu.  Le  plus  souvent  en  pareil 
cas  tout  dépend  des  circonstances  accidentelles  qui  interviennent  après  l'arrêt 
de  l'écoulement  du  sang,  des  soins  p;irticuliers  plus  ou  moins  opportuns  donnés 
au  malade,  de  sa  résistance  individuelle  qui  est  variable.  Telle  perte  large  qui 
ne  tuera  pas  un  individu  vigoureux  simplement  blessé  par  un  instrument  tran- 
chant touchant  un  gros  vaisseau  sans  grand  traumatisme  amènera  la  mort,  si 
l'hémorrhiigie  s'accompagne,  chez  un  individu  d'égale  résistance,  d'un  choc 
traumatique  considérable  ou  d'influences  démoralisantes  telles  qu'on  les  observe 
«n  temps  de  guerre  chez  les  blessés  du  parti  vaincu,  ou  enfin  s'il  s'agit  d'un 
malade  fébricitant,  comme  un  dothiénentérique.  Après  l'arrêt  de  l'hémorrhjPgi», 
on  peut  alors  observer  quelques-uns  des  phénomènes  de  la  défaillance  gra- 
duelle, tels  que,  par  exemple,  la  tendance  aux  lypothymies  subintrantes  dans  les 
premières  heures  après  (|ue  le  sang  a  cessé  de  couler,  mais  bientôt  on  constate 
un  amendement.  Le  malade  pâle,  abattu,  sans  force,  presque  incapable  de  se 
mouvoir  ou  couvert  de  sueur  au  moindre  effort,  est  tourmenté  par  la  céphalée 


UEMOURIIAGIE.  431 

continuelle,  la  nausée,  qui  s'exaspèrent  à  chaque  cliangement  de  position.  La 
soif  est  vive,  inextinguible,  l'appétit  nul.  Une  faiblesse  extrême,  que  l'inappé- 
tence absolue  ne  permet  pas  de  combattre  par  l'alimentation,  met  le  malade 
dans  un  état  véritable  d'équilibre  instable.  Il  a  constamment  froid,  et  le  moindre 
refroidissement  hâte  en  réalité  la  terminaison  fatale.  Ses  téguments  sont  déco- 
lorés, souvent  d'une  couleur  jaune  subictérique,  sans  ictère  biliaire  aucun  ;  les 
traits  sont  tirés,  les  yeux  brillants;  le  sommeil  vrai  reste  nul.  taudis  que  la 
somnolence,  effet  de  la  prostration  générale,  est  continuelle.  Le  patient  reste 
dans  le  décubitus  dorsal,  immobile,  inerte,  les  yeux  brillants  et  les  conjonc- 
tives légèrement  injectées,  les  pupilles  dilatées.  Souvent  il  a  conscience  de  son 
état-,  il  se  sent  perdu,  il  le  dit.  La  mort  survient  alors  dans  une  sorte  de  ma- 
rasme aigu  au  bout  de  cinq  ou  six  jours,  d'un  septénaire  et  parfois  davantage. 
A  l'autopsie  on  trouve  le  cœur,  le  foie,  le  rein,  avec  les  caractères  de  l'anémie 
aiguë  des  tissus  et  de  la  dégénération  graisseuse.  La  graisse  est  en  fines  parti- 
cules extrêmement  nombreuses,  au  sein  des  épitbéliums  rénal  et  hépatique, 
semant  le  protoplasma  comme  si  ce  dernier  eût  subi  une  dégénération  grais- 
seuse in  situ.  Et  de  fait  la  terminaison  fatale  s'est  effectuée  par  jture  insuf- 
fisance des  combustions,  par  défaut  de  l'hémalose  interstitielle,  et  non  plus 
par  arrêt  anémique  du  fonctionnement  du  système  nerveux  central,  comme 
dans  les  deux  modes  d'hémorrhagie  précédents.  Là,  l'inertie  d'un  seul  système 
anatoniique,  celui  qui  commande  tous  les  autres,  avait  amené  la  mort,  tandis 
que  les  muscles,  les  glandes,  les  tissus  et  organes  du  groupe  connectif,  restaient 
vivants  encore  pour  un  certain  temps.  Ici  ce  sont  les  tissus  eux-mêmes  qui 
meurent  et  avant  de  mourir  subissent  des  dédoublements  préalables  de  leurs 
albuminoïdes  constitutifs,  comme  on  l'observe  dans  l'anémie  essentielle  pro- 
gressive et  dans  les  intoxications  mortelles  à  terme  par  l'oxyde  de  carbone. 

Mais,  quand  la  résistance  du  sujet,  les  bonnes  conditions  de  milieu,  d'hygiène 
et  de  traitement,  consécutives  à  l'hémorrhagie,  entrent  en  ligne  d'une  manière 
suffisante  pour  combattre  cette  tendance  à  l'anoxémie  interstitielle  et  à  ses  effets 
nuisibles,  l'organisme  peut  triompher  et  la  survie  se  maintenir  soit  pendant  un 
temps  fort  long,  soit  d'une  manière  absolue.  Que  la  mort  survienne  ou  non 
d'ailleurs,  la  terminaison  fatale  n'est  plus,  quand  elle  se  produit,  sous  la  dépen- 
dance immédiate  de  la  perte  sanguine.  On  voit  alors  disparaître  progressive- 
ment la  tendance  à  la  nausée  et  au  vomissement;  la  langue  qui  était  sèche 
redevient  humide.  Le  pouls  se  relève,  et  tout  en  restant  vite,  mou,  dicrote,  il 
reprend  une  amplitude  normale.  Le  tracé  sphygmographique  ne  donne  plus  une 
ascension  oblique  terminée  par  une  pointe  mousse,  mais  une  ascension  droite 
qui  parfois,  sous  les  fortes  pressions  de  la  vis  (Lorain),  dessine  un  crochet  ana- 
logue à  celui  de  la  maladie  de  (]orrigan.  Les  palpitations  sont  plus  rares,  la 
céphalée  continuelle  s'atténue.  Enfin  l'on  voit  naître,  puis  se  développer  de 
jour  en  jour  du  côté  des  vaisseaux,  de  nouveaux  phénomènes  :  les  soufiles  et 
les  murmures  anémiques.  L'appétit  rehaît  et  bientôt  à  l'état  d'anémie  aiguë 
ex  vacuo  immédiatement  consécutive  à  l'hémorrhagie  succède  un  autre  état 
pathologique  moins  grave,  Vétat  hydrémique  dont  nous  allons  nous  occuper  en 
détail  un  peu  plus  loin  et  qui,  s'il  n'est  pas  troublé  et  aggravé  par  de  nou- 
velles pertes,  servira  d'intermédiaire  entre  l'état  d'anémie  grave  initial  et  l'état 
de  santé,  tandis  que  dans  le  cas  contraire  il  ne  sera  qu'une  simple  étape  entre 
cet  état  d'anémie  et  la  mort  amenée  par  la  cachexie  séreuse. 

Considérons  maintenant  l'ensemble  des  symptômes  qui  constituent  le  syn- 


432  IIÉMORRHAGIE. 

drome  hémorrliagique  dans  les  pertes  de  sang  réitérées,  c'esl-à-dire  dans  la 
variété  d'iiémorrhagies  spolialricos   qui  intéressent  le  médecin   au  plus  haut 
degré,  comme  le  fuit  avec  raison  remarquer  le  professeur  Hayem,  qui  a  eu  Je 
mérite  très-grand   d'attirer  sur  ce  point  l'attention   des   patholopstes.   Sans 
parler  en  effet  des  saignées  coup  sur  coup,  d'après  la  formule  de  Bouillaud,  et 
qui  sont  justement  proscrites  de  la  pratique  actuelle,  combien  sont  fréquentes 
en  clinique  ces  liémorrliagies  répétées  :  hémoptysies  à  répétition,  métrorrliagies 
satellites  de  l'épitliélioma  du  col  et  des  fibromes  de  l'utérus,  et  enfin,  en  chi- 
rurgie, hémorihagies  traumatiques  secondaires  (Hayem,  loc.  cit.,  p.  154)!  Il 
est  de  toute  importance  d'insister  ici  avec  détails  sur  ces  perles  de  sang  qui,  se 
succédant  à  intervalles  rappiochés,   se  l'épèlent  avant  que  la  réparation  corré- 
lative à  l'effusion  précédente  ait  eu  le*  temps  de  s'effectuer,  et  superposent  par 
suite  les  effets  immédiats  des  hémorrhagics  à  leurs  effets  consécutifs. 

Le  plus  ordinairement  les  premières  perles  ne  produisent  qu'un  effet  général 
déplétif;  si  l'on  met  à  part  les  phénomènes  d'origine  purement  émotive  qui 
accompagnent  une  eflusion  insolite  de  sang,  surtout  quand  il  s'agit  d'une 
hémorrliagie  interne  et  tout  particulièrement  de  celles  qui  se  font  avec  un 
appareil  symplomaliquc  mouvementé,  telles  que  l'hémoptysie  ou  l'hématémèse, 
l'organisme  supporte  sans  grande  réaction  apparente  des  lién)orrliagies  même 
rapprochées,  pourvu  que  chaque  émission  ne  dépasse  pas  200,  500  ou  même 
400  grammes  (Hayem),  quantités  qui  du  reste  sont  rarement  atteintes  dans  les 
liémorrliagies  spontanées  dont  on  s'occupe  en  médecine.  Il  importe  cependant  de 
leniarquer  qu'il  n'en  est  plus  du  tout  ainsi  quand  il  existe  un  éiat  morbide 
préalable,  tel  qu'une  fièvre  typhoïde,  par  exemple.  Là  une  perte  unique  peut 
déjà  déterminer  une  notable  oppression  des  forces  et  jiarfois  même  un  collapsiis 
temporaire.  J'ai  même  vu  une  hémoptysie  donner  lieu,  chez  un  malade  qui 
n'est  pas  devenu  phthisique  ultérieurement,  à  une  syncope  de  position  après  la 
seconde  perte  de  sang.  Mais  en  réalité  l'on  n'observe  ordinairement  dans  ces  cas 
qu'une  anémie  passagère,  ou  bien,  si  les  pertes  de  sang  modérées  se  sont 
répétées  à  des  intervalles  d'un  jour,  par  exemple,  pendant  huit  ou  dix  jours,  une 
sorte  d'état  de  pseudo-chlorose  sur  lequel  Hayem  a  appelé  justement  l'attention 
et  dans  lequel  il  a  même  fait  voir  que  le  sang  prend  jusqu'à  un  certain  point  les 
caractères  particuliers  à  celui  des  cliloroliques  véritables  {voy.  Sa>g  [Pathologie 
générale]).  C'est  notamment  ce  qui  arrivait  aux  malades  de  Bouillaud  et  de  ses 
imitateurs  à  la  suite  des  saignées  coup  sur  coup. 

Mais  il  importe  de  faire  remarquer  que  les  liémorrliagies  répétées,  lorsqu'elles 
ont  une  signification  diathésique,  comme  c'est  le  cas  pour  l'hémoplv^ie  d'ori- 
gine tubeiculeuse  et  pour  les  hémorihagies  gastro-intestinales  syraptomaliiiues 
du  cancer  de  l'estomac  ou  de  l'intestin,  sont  ordinairement  le  signal  dune 
recrudescence  dans  la  rapidité  d'évoluiion  des  lésions  spéciliques  qui  les  provo- 
quent. A  l'anémie  temporaire  consécutive  à  l'hémorrhagie  elle-même,  et  placée 
sous  sa  dépendance  directe,  vient  alors  s'ajouter  l'augment  de  l'anémie  diathé- 
sique, déterminé  lui-même  par  l'atténuation  de  la  résistance  organique  à  la 
cause  morbigène.  On  tombe  ainsi  dans  un  cercle  vicieux  qu'il  suffit  de  signaler 
ici,  et  dont  l'élude  particulière  de  chaque  variété  d'hémorrhagie  permet  seule  de 
déterminer  l'importance  dans  les  cas  particuhers  {voy.  Hémoptysie,  Hématémèse, 
Métrorrhagie,  etc.). 

Mais,  quand  les  pertes  sont  larges  à  chaque  émission  et  se  répètent  fréquem- 
rnent.  il  n'en  est  plus  de  même.  Si  la  réj-élition  s'effectue  à  brève  échéance,  de 


IIÉMORRIIAGIE.  453 

façon  à  déterminer  des  hémorrhagies  subiiUrantes,  le  syndrome  reproduit  alors 
le  type  de  rhémorrbagle  déperditive,  à  symptômes  simplement  échelonnés  sur 
un  plus  long  espace  de  temps.  La  résistance  de  l'organisme  aux  saignées  abon- 
dantes et  très-rapprochées  est  en  effet  sensiblement  la  même  que  pour  une  perte 
unique  représentant  la  somme  de  toutes  les  pertes  fractionnaires  ;  le  fait  a  été 
constaté  positivement  pour  le  chien  par  le  professeur  llayem.  Si  la  répétition 
est  plus  espacée,  la  régénération  du  sang  déjà  commencée  entre  les  pertes 
vient  davantage  au  secours  de  l'organisme;  la  spoliation  est  plus  lente  à  s'effec- 
tuer, mais  aussi,  pour  toute  perte  ultérieure  d'abondance  excessive,  la  limite 
de  la  résistance  s'abaisse.  Et  l'on  comprend  qu'il  en  soit  ainsi,  puisque  le  sang 
nouveau  est  incomplètement  formé,  et  le  sang  subsistant  également  de  faible 
valeur  respiratoire,  lésé  comme  nous  l'avons  fait  voir  plus  haut.  Dans  ces 
conditions  l'anémie  ex  vaciio  s'accuse  rapidement  après  chaque  perte.  La  pâleur 
cendrée  des  téguments  s'accuse.  Les  muqueuses  deviennent  exsangues,  l'éUt 
lypothjmique  est  imminent  dès  qu'on  fait  retourner  ou  asseoir  le  malade  dans 
son  lit.  Le  moindre  mouvement  amène  une  inexprimable  fatigue,  la  sueur  du 
front,  des  extrémités,  l'exaspération  de  la  céphalée.  Dans  les  hémoptysies  abon- 
dantes et  répétées  cet  effet  est  surtout  marqué.  Quand  la  toux  revient,  rame- 
nant l'expuition  sanguine,  le  malade  se  dresse  sur  son  lit,  couvert  de  sueur,  en 
proie  à  la  fois  à  la  toux  douloureuse,  à  la  nausée,  à  une  douleur  de  tète  atroce 
qu'exaspère  chaque  secousse  de  toux  et,  l'hémorrhagie  arrêtée,  il  retombe 
inerte,  dans  un  étal  de  syncope  imminente  en  apparence  disproportionnée  avec 
la  perte  qui  souvent  est  minime.  Je  choisis  à  dessein  cet  exemple  parce 
qu'il  est  le  plus  saisissant  de  tous  et  que  le  médecin  l'a  trop  souvent  sous  les 
yeux  pour  ne  pas  s'y  reporter  aisément,  mais  les  phénomènes  sont  très-ana- 
logues dans  les  autres  hémorrhagies  abondantes  et  réitérées.  En  réalité,  si  l'on 
voulait  caractériser  en  une  phrase  la  physionomie  symptomatique  de  la  période 
de  pertes  sanguines  répétées,  on  pourrait  lui  donner  le  nom  de  période  d'anémie 
aiguë  douloureuse.  Le  malade  en  effet  souffre  de  tout.  Le  moindre  bruit,  le 
moindre  mouvement,  exaspèrent  sa  céphalée,  et  il  lui  semble  recevoir  des 
coups  de  marteau  à  la  nuque  ou  sur  le  front.  Il  éprouve  des  vertiges,  des 
bourdonnements  d'oreilles  ;  des  névralgies  excessivement  douloureuses  de  la 
face,  des  espaces  intercostaux,  des  sciatiques  dans  les  pertes  utérines  renou- 
velées, naissent  souvent  et  demeurent  fixes  ou  attestent  un  caractère  ambulant. 
L'anorexie  est  complète,  la  langue  sèche,  la  soif  vive,  et  par  surcroît,  le  plus 
ordinairement,  une  constipation  opiniâtre  vient  apporter  au  malade  un  nouveau 
tourment. 

C'est  ordinairement  dans  cette  période  que  l'on  observe  quelquefois,  mais 
non  constamment,  ce  complexus  particuher,  prémonitoire  de  la  reproduction  de 
l'hémorrhagie,  que  les  Anciens  appelaient  le  molimen  hémorrhagiqiie,  et  qu'ils 
ne  définissaient  du  reste  que  très-vaguement  (voy.  Geudrin,  Trait,  phit.  de 
méd.  prat.,  t.  I,  p.  30,  51].  Ils  le  considéraient  comme  indiquant  sa  venue  au 
malade,  c'est-à-dire  la  mise  en  train  du  mouvement  fluxionnaire  hémorrha- 
gique,  par  des  sensations  vagues  d'anxiété,  de  chaleur  intérieure  prédominant 
au  futur;  le  siège  de  l'éruption  du  sang  de  plénitude,  accompagnée  d'une 
douleur gravative  obtuse,  et  d'un  pouls  dur,  serré,  dicrote,  la  diastole  artérielle 
étant  courte  et  brusque.  «  En  même  temps  ou  peu  après,  dit  Gendrin,  les 
symptômes  d'hémorrhagie  se  manifestent.  » 

Sans  vouloir  discuter  ici  longuement  l'importance  et  la  réalité  de  ce  molimen 
DicT.  E.NC.  4'  s.  XIII.  28 


434  HÉMORRHAGIE. 

hémorrhagiquc  des  Anciens  et  de  son  expression  symptomatique  considérée  en 
tant  que  prodrome  de  la  récidive  hémorrhagique  imminente,  je  dois  faire 
remarquer  que  chez  certains  sujets,  et  principalement  dans  le  cas  où  les  pertes 
de  sang  sont  à  la  fois  peu  copieuses  et  assez  espacées,  il  se  produit  parfois, 
mais  dans  des  conditions  qui  sont  encore  tout  à  fait  indéterminées,  un  complexus 
qui  rappelle  absolument  la  symptomatologie  du  molimen  hémorrhagique  :  c'est 
Vétat  de  réaction  excessive  de  Marshall-Hall. 

Ce  mode  particulier  de  réaction  a  été  surtout  bien  décrit  par  Hayem  :  «  C'est 
un  état  d'éréthisme  vasculairc.  Le  cœur  bat  avec  violence;   les  pulsations  fré- 
quentes de  100  à  120,  pleines,  larges,  se  font  sentir  dans  les  petites  artères  où 
habituellement  on  no  peut  les  percevoir  ;  les  inspirations  sont  précipitées,  entre- 
coupées par  des  soupirs  et  des  pandiculations.  Les  tempes  battent;  il  se  produit 
des  sifllements  dans  les  oreilles,  des  sensations  lumineuses  comparables  à  des 
phospliènes,  la  tête  est  comme  étreinte  dans  un  cercle  de  fer.  Le  malade,  en 
proie  à  une  exaltation  et  à  une  inquiétude  continuelles,  présente  une  extrême 
irritabilité  ;  enfin  la  température  s'élève  légèrement  au-dessus  de  la  normale  » 
(comme  dans  la  chlorose  [llaycni,  loc.  cit.,  p.  156]).  11  s'agit  ici  d'une  série  de 
phénomènes  comparables  à  ceux  qui  se  produisent  si  fréquemment  dans  les 
névroses  vaso-motrices,  et  tout  particulièrement  chez  certains  sujets  atteinis  de 
la  maladie  de  Basedow.  Réduite  à  des  périodes  passagères  satellites  de  la  période 
fluxionnaire  qui  précède  chaque  récidive  dans  les  hémorrhagies  spontanées  réci- 
divantes, la  réaction  excessive,  devenue  en  quelque  sorte  un  épiphénomène  pré- 
curseur, rend  de  la  sorte  compte  des  prodromes  vagues  et  mal  définis  observés 
par  les  Anciens,  et  mis  par  eux  sur  le  compte  du  molimen  hémorrhagique.  Et, 
comme  le  molimen  hémorrhagique,  la  réaction  excessive  s'observe  tantôt  dans 
un  cas,  tantôt  manque  dans  un  autre,  en  présence  d'un  organisme  similaire  et 
de  pertes  comparables,  sans  que  l'on  sache  aucunement  la  raison  de  sa  produc- 
tion ou  de  son  absence  dans  le  complexus. 

Lorsque  les  hémorrhagies  continuent  à  se  reproduire  par  intervalles  trop 
courts  pour  que  la  régénération  se  soit  opérée  complètement  entre  deux  pertes 
successives,  la  réaction  exagérée,  lorsqu'elle  existe,  fait  place  à  un  état  d'anémie 
particulier  dont  nous  avons  souvent  parlé  déj\  et  qu'il  faut  maintenant  décrire. 
L'état  à'hydrémie  post -hémorrhagique  se  produit. 

L'eau  des  boissons  et  les  liquides  interstitiels  hâtivement  résorbés  ont  recon- 
stitué la  masse  du  sang  considéré  en  tant  que  masse  fluide  ;  mais  ce  n'est  plus 
le  sang,  c'est  une  dilution  de  globules  sanguins  qui,  pendant  du  moins  un 
certain  temps,  circule  dans  les  vaisseaux.  \]ne  femme  avorte  à  deux  mois  et 
demi  ou  accouche  avec  une  implantation  vicieuse  du  placenta  sur  le  col  ;  le 
sang  coule  en  une  seule  hëmorrhagie  spoliatrice  d'emblée,  ou  bien  les  pertes 
se  répètent  jusqu'à  effet  spoliateur.  Pendant  la  période  d'anémie  aiguë,  avant 
la  reconstitution  du  plasma,  il  n'existe  à  la  base  du  cœur,  dans  la  région  indi- 
quée par  Skoda  et  Traube,  aucun  murmure  anémique.  Pendant  l'état  de  perte 
continue  ou  subcontinue,  il  ne  se  produit  pas  de  bruit  anormal.  Si  à  partir  de 
là  on  ausculte  chaque  jour,  on  voit  le  début  de  la  période  hydrémique  se 
marquer  par  la  naissance  des  souffles  au  point  d'élection  ;  ces  souffles  sont 
systoliques,  doux,  identiques  à  ceux  de  la  chlorose;  faibles  d'abord,  ils  se  ren- 
forcent rapidement  et  peuvent,  lorsque  l'état  de  réaction  excessive  se  produit, 
acquérir  le  timbre  rude  et  l'intensité  des  bruits  de  scie  ou  de  lime,  décrits 
chez  les  animaux  rendus  artificiellement  hydrémiques  par  Marshall-Hall.  Dans 


HÉMORRHAGIE.  455 

ces  conditions,  en  effet,  raccélération  des  battements  du  cœur  et  l'énergie  des 
systoles  renforcées  par  l'état  d'érélliisme  cardiaque  créent  les  conditions  néces- 
saires et  suffisantes  pour  la  production  des  souffles  de  vitesse,  analosues  à  ceux 
qui  naissent  dans  la  fièvre  intense.  Et  d'un  autre  côté  la  dilution  du  sang,  en 
rendant  ce  liquide  plus  facilement  vibrant  sous   un  même  effort,  favorise  la 
production  des  bruits  anormaux,    des  souffles  que  j'appelle,   avec  Potain   et 
Malassez,  souffles  de  faible  densité.  Le  pouls  est  dicrote,  mou,  vite,  souvent 
à  grande  amplitude  sous  les  fortes  pressions  de  la  vis  au  spbygmographe  ;  le 
sang  dilué,  vibrant  dans  les  vaisseaux  avec  facilité,  chante  spontanément  et 
sans  pression  dans  les  artères  :  on  peut  s'en  convaincre  en  appliquant  le  sté- 
thoscope à  ventouse  de  Constantin  Paul  sur  les  gros  vaisseaux.  Cet  instrument 
précieux,  qui,  loin  de  déterminer  un  rétrécissement  artificiel,  fait  légèrement 
le  vide  au-dessous  de  lui,  permet  d'entendre  un  souffle  doux,  systoiique,  qui 
se  prolonge  jusque  sur  la  crurale.  Au  cou,  le  bruit  de  diable  naît,  le  sang  qui 
coule  dans  les  artères  produisant  un  murmure.   Je  n'insiste  pas  sur  la  théorie 
de  ces   bruits  qui   trouve  ailleurs  son   explication    {l'oy.    AiXÉjjie,    Chlorose, 
ArscuLTATioN).  Leur  naissance  indique   sûrement,    quelques  jours  après  une 
large  perte  de  sang,  l'établissement  de  l'état  hydrcmique,  et  souvent  même 
ils  sont  perçus  du  malade  sous  forme  de  sifflements  rhythmiques  dans  la  tète, 
surtout  lorsqu'elle  repose  latéralement  sur  l'oreiller.  Souvent  alors,  en  auscul- 
tant l'œil  ou  la  tempe,  on  perçoit  le  souffle  céphalique,  sur  lequel  le  professeur 
R.  Tripier  a  justement  insisté,  dans  ces  dernières  années,  comme  symptôme 
des  anémies  intenses  avec  hydiémie. 

En  Idéalité,  la  première  période  de  l'état  hydrémique  post-hémorrhagique  est 
marquée  par  un  véritable  état  de  pléthore  aqueuse.  Il  n'y  a  point  d'amaigi'is- 
sement  ;  les  téguments  pâles  et  d'aspect  exsangue  recouvrent  des  masses  adi- 
peuses conservées.  A  part  la  céphalalgie  qui,  sans  être  continue  comme  dans 
l'anémie  aiguë,  reparaît  dans  des  circonstances  qui  dans  l'état  normal  ne  l'au- 
raient nullement  fait  naître,  par  exemple,  à  la  suite  d'une  très-vive  émotion, 
d'une  course  ou  d'une  ascension  laborieuse,  d'un  choc,  à  part  un  état  habituel 
d'anxiété  précordiale  qui  ne  manque  jamais,  un  malaise  général  et  une  ten- 
dance à  la  nausée  assez  habituelle,  avec  constipation  à  peu  près  constante  et 
opiniâtre,  l'aspect  général  est  satisfaisant  comme  dans  la  chlorose  au  début. 

Mais  l'organisme  est  éminemment  vulnérable;  si  les  pertes  se  reproduisent 
fortement  au  milieu  de  l'état  hydrémique,  ou  si  l'alimentation  est  mauvaise,  si 
elle  se  fait  mal  par  suite  de  l'inappétence  et  des  perversions  du  goût  que  l'on 
observe  quelquefois  comme  dans  tout  état  d'anémie  prononcée,  le  malade  entre 
dans  une  période  nouvelle,  celle  de  la  pseudo-chlorose.  Son  état  reproduit  alors 
à  peu  près  exactement  le  tableau  de  la  maladie  de  Varandal,  même  au  point 
de  vue  de  l'état  anatoraique  du  sang,  comme  l'a  fait  voir  le  premier  llayem. 
Tout  l'organisme  languit,  la  fébricule  chlorotique,  décrite  si  exactement  par 
mes  amis  II.  Mollière  et  Leclerc  {Elévation  de  la  temp.  centr.  chez  les  chloro- 
iiqiies,  par  H.  Mollière.  Soc.  des  sciences  médicales  de  Lyon,  1884),  se  déve- 
loppe soit  sous  le  type  subcontinu,  soit  sous  le  type  exacerbant.  Parfois  la  régu- 
larité des  époques  cataméniales  se  trouble.  Enfin,  après  un  temps  très-long  et 
sous  l'influence  d'une  médication  ferrugineuse  appropriée  ou  au  contraire  spon- 
tanément, la  santé  se  rétablit  ad  integrum.  Mais  dans  d'autres  cas,  malheureu- 
sement assez  fréquents,  surtout  chez  les  individus  mal  nourris  et  do  condition 
misérable  qui  forment  la  population  des  hôpitaux,  l'état  pseudo-chlcrotique 


436  HfiMORRHAGlE. 

aboutit,  comme  dans  la  chlorose  grave,  à  la  cachexie  avec  inappétence  absolue, 
torpeur  physique  et  intellectuelle.  Les  œdèmes  marastiques  des  membres  infé- 
rieurs apparaissent  alors  et  la  mort  survient,  soit  par  affaiblissement  progressif, 
soit  par  le  mécanisme  de  l'aiiasarque  généralisée  :  c'est  la  cachexie  séreuse 
analogue  à  celle  qu'on  rencontre  dans  une  série  d'étals  graves.  La  convalescence 
ne  se  fait  pas;  la  mort  est  alors  la  conséquence,  ici  encore,  de  l'hématose 
insuffisante,  devenue  définitive  après  une  lutte  longue  et  douloureuse  dans 
laquelle  la  réparation  du  sang  est  rendue  impossible  par  le  défaut  de  résistance 
de  l'organisme  éprouvé  par  la  spoliation. 

llémorrhagies  déplélives.  A  l'inverse  des  deux  formes  précédentes,  les  hémor- 
rhagics  déplélives,  qui  se  limitent  chez  l'homme  à  des  pertes  de  100  grammes 
à  un  domi-kilogramme  de  sang  circulant,  ne  déterminent  jamais  la  mort  chez 
l'individu  sain  ou  peu  malade,  du  moins  par  elles-mêmes  et  agissant  en  temps 
que  pertes  de  sang.  Leurs  effets  sont  absolument  transitoires.  Les  grandes 
pertes  déplélives  peuvent  cependant  (Marshall-Hall)  s'accompagner  d'une  pé- 
riode de  réaction  prononcée  aboutissant  à  un  état  d'affaiblissement  général 
durable  avec  pâleur,  oppression  dos  forces,  sensation  continue  de  constriction 
prcslernale  et  souffles  anémiques  transitoires.  Les  petites  pertes  n'exercent  au 
contraire  point  d'effets  apparents.  Après  l'hémorrhagie,  la  langue  est  sèche,  la 
soif  vive,  la  cérébration  peut  être  transitoii'ement  incertaine,  et  il  survient  des 
sueurs  profuses.  Mais  l'appétit  est  conservé,  le  sommeil  bon,  et  la  réparation 
sanguine  se  poursuit  régulièrement  sans  encombre,  souvent  avec  une  rapidité 
extraordinaire  et  dont  les  expériences  de  Laulanié  rendent  cependant  bien  compte. 
C'est  qu'alors  rien  ne  vient  entraver  le  processus  régulier  de  la  restauration  du 
liquide  nourricier.  La  perte  sanguine  a  été,  dans  ces  circonstances,  un  épiphé- 
nomène  passager  et  sans  aucune  import;mc\ 

Mais  dans  l'état  de  maladie  il  n'en  (>st  plus  ainsi.  La  perte  sanguine  de 
500  grammes,  qui,  cliez  un  adulte  sain  et  opéré  traumaliquement  par  ouverture 
simiile  du  vaisseau,  n'aurait  eu  aucune  conséquence  grave,  devient  le  point  de 
départ  de  complications  souvent  formidables  cliez  un  individu  de  même  force 
initiale,  mais  en  puissance  actuelle  de  dotbiénentérie  ou  de  tuberculose,  pour 
citer  deux  cas  que  la  plupart  des  cliniciens  ont  eu  souvent  l'occasion  d'observer 
à  ce  point  de  vue.  Je  n'insisterai  pas  sur  l'importance  de  la  moindre  hémor- 
rhagie  intestinale  chez  le  typlioïijue,  mais  je  citerai  un  cas  d'hémorrhagie  à  dose 
déplélive  ayant  amené,  dans  le  cours  d'une  tuberculose  chronique,  la  mort 
rapide  et  à  échéance  brève,  de  façon  que  la  relation  de  cause  à  effet  ne  puisse 
faire  un  doute  pour  le  clinicien.  Un  jeune  homme  prend  une  pleurésie  sèche, 
puis  des  indurations  des  deux  sommets,  il  sort  au  bord  de  la  Méditerranée  par 
un  temps  de  mistral  et  peu  après  est  pris  d'une  épistaxis  abondante,  difficile  à 
réprimer,  mais  non  de  nature  à  inspiier  de  prime  abord  de  grandes  craintes. 
La  fièvre  survient  et,  moins  d'un  septénaire  après,  le  malade  meurt  avec  tous 
les  signes  d'une  généralisation  de  sa  tuberculose  à  la  muqueuse  des  bronches, 
du  larynx  et  de  la  trachée.  C'est  dans  le  même  ordre  d'idées  que  Yinay  a  dû 
avouer  que  jusqu'ici  l'on  ne  sait  à  peu  près  rien  de  la  physiologie  patholo- 
gique générale  des  saignées  faites  dans  un  but  thérapeutique,  uniquement 
parce  qu'elles  sont  toujours  effectuées  de  nos  jours  sur  les  individus  atteints 
de  maladies  diverses  dont  l'action  propre  vient  profondément  modifier  les  effets 
que  la  perle  sanguine  aurait  opérés  sur  l'organisme  demeuré  sain.  Dans  le 
paragraphe  suivant  nous  allons  voir  que  des  hémorrhagies  encore  moins  impor- 


IIÉMORRll.VGIE.  437 

tantes  que  les  plus  discrètes  émissions  sanguines  de  type  déplétif  acquièrent 
une  importance  et  une  valeur  séméiologique  encore  plus  grandes.  Le  purpura, 
les  éruplions  hémorrhagiques  et  les  alTections  scorbutiques,  sont  les  types  du 
genre. 

Hémorrhagies  disséminées,  exanthèmes  hémorrhagiques.  Nous  arrivons  ici 
à  la  forme  la  plus  saisissante,  mais  aussi  lu  [ilus  variable,  la  moins  connue 
dans  ses  causes  et  dans  son  essence,  du  syndrome  bémorrhagique. 

Dans  cette  forme  il  ne  s'agit  plus  de  pertes  sanguines  à  sources  uniques, 
agissant  suivant  un  des  trois  modes  précités,  mais  d'iiémorrhagies  multiples  ayant 
par  leurs  déterminations  cutanées  ou  muqueuses  pris  le  masque  des  exanlbèmes 
et  des  énanlbèmes.  Une  efflorescencc  bémorrhagique  se  montre  à  la  peau,  tandis 
que  fréquemment,  par  les  surfaces  muqueuses  ou  plus  généralement  épilbéliales 
diverses,  des  fluxions  hémorrhagipares  mettent  en  train  des  hémorrhagies  de 
mode  successif,  comme  elles  le  sont  du  reste  à  la  peau.  C'est  à  la  fois  la  diathèse 
-péiéchyzante  et  hémorrhagique  des  Anciens,  et  l'état  bémorrhagique  marqué 
par  des  déperditions  multiples,  s'opérant  par  toutes  les  voies,  et  dont  Lucain 
traçait  un  sombre  tableau,  poussé  à  outrance,  lorsqu'il  décrivait  les  effets  de  la 
morsure  du  serpent  Iiœmorrhoïs  sur  les  soldats  de  Caton,  atteints  bien  plus 
vraisemblablement  de  scorbut  : 

Sic  omnia  membra 

Emisere  simul  rutitatum  sanguine  virus. 
Sanguis  ei'ant  tacryraœ,  qua-cumque  foramina  norit 
IIuiDor,  ab  his  largns  manat  cruor;  ora  ledundant 
Et  pjtnl;o  nares,  sudor  rubet;  omnia  plenis 
Membra  fluunt  venis,  totum  est  pro  vulnere  corpus. 

Luc.  Pharsal.,  IX,  806. 

Ce  tableau  formé  par  le  poêle  dépeint  en  réalité,  très-collectivement,  il  faut 
le  dire,  l'état  de  perte  par  toutes  les  voies  qu'on  observe  parfois  dans  les  pur- 
puras hémorrhagiques,  à  l'exception  peut-être  des  sueurs  et  des  pleurs  de  sang, 
qui  ne  font  guère  partie  du  syndrome  de  ce  mode.  Le  syndrome  des  hémorrha- 
gies disséminées  et  multiples  est  eu  effet  des  plus  variables,  et  il  est  rare  de 
voir  tous  les  modes  de  perte  réalisés  chez  un  même  sujet.  Nous  allons,  dans  la 
description  symptomatique  qui  va  suivre,  procéder  du  simple  au  composé  et, 
prenant  les  hémorrhagies  multiples  dans  ce  qu'elles  ont  de  plus  réduit,  con- 
duire le  lecteur  pas  à  pas  aux  formes  que  l'on  pourrait  appeler  supérieures,  si 
l'on  place  au  point  culminant  de  la  description  l'état  bémorrhagique  satellite 
des  fièvres  exanthématiques  malignes,  telles  que  la  variole,  la  scarlatine,  la  rou- 
geole ou  la  suette  miliaiie,  s'accompagnaut  d'effusions  sanguines  par  toutes  les 
voies  et  de  pétéchies  cutanées. 

Ainsi  que  nous  l'avons  vu  déjà  au  cbai)ilre  de  la  pathogénie,  dans  les  hémor- 
rhagies disséminées  du  mode  exanthématiqiie,  la  source  de  déperdition  n'est 
plus  unique;  elle  est  multiple  et  un  grand  nombre  de  réseaux  capillaires 
sanguins  sont  en  même  temps,  et  ordinairement  dans  des  systèmes  anatomiques 
identiques  ou  similaires,  le  siège  d'un  effort  hémorrhagipare  cpi,  en  réalité, 
s'opère  en  vertu  d'une  poussée  congestive  hors  de  proportion  avec  la  résistance 
des  vaisseaux.  Ces  termes  traduisent  du  reste  exactement  celui  de  molimen 
hemorrhagicum  familier  aux  anciens  auteurs,  et  qu'on  a  cliangé  récemment 
pour  celui  à'angionévrose,  qui  n'est  pas  lui  même  beaucoup  jdus  clair  que  la 
force    catalylique    des    chimistes.    Un  effort   congestif  disséminé,   de   nature 


438  HÉMORRHAGIE. 

évidemment  fluxionnaire,  puisque  sur  nombre  de  points  il  aboutit  seulement  à 
l'œdème,  se  produit  alors  à  la  manière  du  rheitma  d'Alexandre  de  Tralles. 
Flux  vers  les  surfaces  épithéliales  (peau,  muqueuses,  cavités  articulaires);  flux 
vers  les  espaces  interorgarniques  (tissu  cellulaire  sous-cutané  ou  intermuscu- 
laire); enfin  et  plus  rarement  flux  vers  les  membranes  séreuses  vraies,  dépen- 
dantes de  la  cavité  pleuro-péritonéale  ou  de  ses  cloisonnements  :  telle  est  la 
répartition  ordinaire  de  cet  ordre  de  mouvements  hémorrhagiques  aboutissant, 
sur  les  points  vascularisés,  à  des  effusions  sanguines  distantes  les  unes  des 
autres,  sur  les  points  qui  ne  le  sont  pas,  comme  l'endocarde,  à  des  lésions 
forniatives  consécutives  à  l'œdème  congestif  et  analogues  à  celles  du  rhuma- 
tisme vrai,  de  la  fièvre  rhumatismale. 

Mais  à  cette  similitude  de  distribution  des  localisations  s'arrête  l'analogie  du 
processus  que  nous  décrivons  avec  le  rhumatisme  vrai,  celui  qui  cloue  au  lit 
avec  une  fièvre  ardente  d'abord,  ensuite  sudorale,  avec  des  manifestations 
articulaires  ou  viscérales,  les  malades  prédestinés  par  leur  constitution  et  qui 
auront  fatalement  des  récidives  du  même  mal,  agissant  chroniquement  à  la  fois 
sur  les  articles  et  sur  l'endocarde  pour  y  former  des  lésions  persistantes.  A  vrai 
dire,  le  rhumatisme  légitime  n'est  qu'un  cas  particulier  des  affections  à  mani- 
festations fluxionnaircs  disséminées  et  multiples;  il  fait  partie  d'un  groupe  de 
maladies  à  tendances  similaires,  rien  de  plus.  Il  n'est  pas  la  scarlatine  qui  a 
ses  manifestations  cardiaques,  séreuses  et  articulaires,  pouvant  aboutir  aux 
mêmes  conséquences  chroniques;  il  n'est  pas  la  blennorrhagie,  affection  rhuma- 
togène  à  titre  égal;  il  n'est  pas  la  septicémie  légère,  qui  détermine  aussi  des 
localisations  fluxionnaircs  sur  les  séreuses  articulaires,  les  séreuses  splanchniques. 
Le  poi^on  n'est  pas  le  même,  et  la  preuve  est  faite  pour  la  septicémie  et  la 
chaudepisse,  dont  on  connaît  les  contages  figurés,  spécifiques  l'un  et  l'autre; 
les  effets  sont  analogues,  si  on  les  prend  en  masse,  mais  différents,  si  on  les 
analyse.  Le  rhumatisme  aigu  et  la  septicémie  sont  tous  deux  capables  do  créer 
des  lésions  cardiaques,  soit  l'insuffisance  mitrale  par  endocardite  déformante. 
J'ai  suivi  déjà  bien  des  rhumatisants,  je  n'en  connais  aucun  dont  l'endocardite 
n'ait  été  progressive,  ne  soit  devenue  lésion  d'orifice  prenant  à  un  moment 
donné  le  pas  en  tant  que  maladie  du  cœur.  Je  connais  depuis  vingt  ans  des 
septicémiques  guéris  et  porteurs  d'énormes  lésions  mitrales  qui  ne  donnent  lieu 
à  aucun  accident.  L'un  d'eux  fut  mon  camarade  d'internat,  le  plus  infatigable 
gymnaste  que  j'aie  connu,  malgré  uu  souffle  mitral  perceptible  à  distance,  et 
qu'il  porte  encore  sans  accident  aucun  imputable  à  une  maladie  du  cœur.  Toute 
cette  discussion  était  nécessaire,  car  en  abordant  l'histoire  clinique  des  liémor- 
rhagies  disséminées  et  de  forme  exanthématique  nous  entrons  ipso  facto  dans 
la  question  de  leurs  relations  avec  ce  que  l'on  a  nommé  la  diathése  rhumatis- 
male, mot  qui  suppose  une  sorte  de  grand  souffle  morbide  régnant  sur  une 
série  de  manifestations  disparates,  et  les  reliant  dans  une  seule  et  même  expres- 
sion diathésique  dont  nous  allons  sous  peu  avoir  à  discuter  la  réalité. 

Les  hémorrhagies  multiples  que  nous  décrivons  ont  toutes  leur  expression  à 
la  peau  par  des  lésions  pétéchiales  disséminées.  On  entend  par  pétéchies  des 
taches  hémorrhagiques,  ne  s'effaçant  pas  sous  le  doigt  ni  par  la  tension  forte 
de  la  peau  entre  deux  doigts  exerçant  leur  traction  en  sens  opposé,  petites  ;  les 
pétéchies  sont  rondes,  ou  légèrement  ovalaircs,  festonnées  sur  leur  marge  à  la 
coupe.  Elles  siègent  ordinairement  concentriquement  au  point  d'insertion  d'un  poil 
follet.  Elles  passent  par  toutes  les  phases  de  l'hémorrhagie,  sanglantes  d'abord 


HÉMORRHAGIE.  439 

€l  purpurines,  elles  virent  au  bleu  pourpré,  puis  entrent  dans  la  phase  éphé- 
lidienne  on  eWes  sont  semblables  aux  macules  pigmentaires  d'origine  solaire; 
enfin,  elles  s'effacent  après  s'être  réduites  à  des  traces  fauves  à  peine  percep- 
tibles. Parfois  elles  s'accompagnent  d'une  légère  papulation  souvent  prurigineuse 
[lichen  hémorrhagiqiie).  Les  dimensions  maxima  des  pétcchies  sont  l'aire  de 
l'ongle  de  l'index  ;  au  delà  de  ces  dimensions  elles  deviennent,  en  terminologie 
cutanée,  des  ecchymoses  ;  quand  elles  sont  étendues  en  traînées  ou  en  vergetures, 
elles  prennent  le  nom  de  vibices,  et  enfin,  quand  sous  une  ecchymose  existe  une 
collection  sous-cutanée  ou  sous-muqueuse  de  sang  épanché  dans  le  tissu  con- 
nectif  lâche,  on  lui  donne  le  nom  à.' ecchymome .  Dans  certaines  circonstances, 
une  pétéchie  ou  une  hémorrhagie  diffuse  de  la  membrane,  qui  toujours  alors 
est  du  type  malpighien  (peau-muqueuse  bucco-œsophagienne,  etc.),  est  sur- 
montée d'une  bulle  à  contenu  hémorrhagique.  Les  pustules  vraies  elles-mêmes 
peuvent  être  envahies  par  le  sang.  Telles  sont  les  diiférentes  modalités  qu'on 
observe  dans  les  exanthèmes  hémorrhagiques,  la  forme  huileuse  ou  pustuleuse 
appartenant  exclusivement  à  l'ecloderme  et  à  ses  dérivés  demeurés  épithéliaux. 

1°  Exanthèmes  hémorrhagiques  d'origine  cachectique.  Un  exanthème 
hémorrhagique  à  petites  macules  discrètes  siégeant  sur  les  membres  surtout 
inférieurs  apparaît  souvent  au  cours  des  états  cachectiques.  Les  macules 
naissent  par  poussées  discrètes,  sans  fluxions  prémonitoires  du  cou,  des  articula- 
tions, ordinairement  du  moins.  Le  purpura  senilis,  celui  des  tuberculeux 
cachectiques  sans  albuminurie,  des  cancéreux,  des  individus  minés  par  les 
affections  intestinales  chroniques  (Hénoch),  ne  s'accompagnent  guère  de  sym- 
ptômes qui  leur  soient  propres.  Ils  ne  constituent,  en  tant  qu'hémorrhagie, 
qu'une  déperdition  tout  à  fait  négligeable,  sans  effet  aucun  sur  le  fonctionne- 
ment général  de  la  circulation.  Ils  sont  bornés  à  la  peau  de  certaines  régions  et 
n'ont  qu'une  importance  purement  pronostique.  Leur  apparition,  au  milieu 
d'un  état  d'asthénie  commandée  par  d'autres  causes,  et  qu'ils  n'influencent  pas 
sensiblement,  indique  à  peu  près  constamment  un  état  grave,  et  c'est  là,  en 
réalité,  ce  à  quoi  se  réduit  leur  histoire. 

2"  Hémorrhagies  disséminées  de  cause  toxique.  Là  encore  le  syndrome 
hémorrhagique  est  borné  à  son  expression  cutanée  Le  purpura  iodique  (Four- 
nier,  Auspitz),  satellite  de  l'ergotisme  (Lailler),  de  l'intoxication  par  les  vapeurs 
benzoïnées  (T.  Fox),  se  limite  aux  membres  et  ne  s'accompagne  ordinairement 
d'aucun  phénomène  particulier.  Il  indique  seulement  un  degré  d'imprégnation 
de  léconomie  par  le  poison  arrivé  au  voisinage  de  son  apogée,  et  sa  constatation 
doit  dans  la  majorité  des  cas  servir  d'indication  formelle  soit  à  la  modération 
dans  l'administration  de  l'agent  thérapeutique,  soit  à  l'introduction  des  mesures 
d'hygiène  préventive,  s'il  s'agit  d'une  intoxication  professionnelle. 

La  tendance  aux  hémorrhagies  disséminées  que  l'on  observe  à  la  suite  de  la 
morsure  de  certains  serpents  est  encore  d'origine  toxique,  mais  ici  il  s'agit  d'un 
venin,  d'une  substance  animale  peut-être  de  l'ordre  des  plomaïnes  et  qui,  dans 
certaines  circonstances,  paraît  agir  en  mettant  en  train  la  tendance  aux  mouve- 
ments fluxionnaires  à  déterminations  multiples  aboutissant  à  l'hémorrhagie. 
Ces  manifestations  établissent  un  lien  naturel  entre  les  hémorrhagies  multiples 
développées  par  les  cachexies  et  les  toxémies,  et  celles  qui  ressortissent  aux 
états  morbides  qui  vont  maintenant  nous  occuper. 

0"  Hémorrhagies  disséminées  du  type  rhumatiforme.  Manifestations 
hémorrhagiques  liées  à  la  péliose.     Nous  n'avons  pas  à  faire  ici  l'histoire  du 


440  IIÉMORRIIAGIE. 

purpura  successif,  mais  à  insister  sur  son  allure  générale  clinique  considérée 
dans  son  ensemble  et  dans  ses  variétés  les  plus  importantes.  Lorsque  l'iiémor- 
rhagie  cutanée  va  se  produire,  elle  est  annoncée  par  une  série  de  symptômes. 
Ordinairement  un  mouvement  fébrile  léger,  ou  simplement  un  état  général  de 
lassitude  extrême,  d'inertie  musculaire,  d'inappétence  et  d'insomnie,  accom- 
pagnées d'une  tendance  extrême  à  la  tristesse;  bref,  les  signes  plus  ou  moins 
majjifestes  d'une  dépression  physique  et  morale  (Lewin)  :  tels  sont  les  prolégo- 
gcmènes  les  moins  inconstants  du  mal.  A  ce  moment,  la  période  de  fluxion 
douloureuse  préhémorrbngique  prend  naissance.  Des  douleurs  parfois  légères, 
parfois  aussi  vives  que  celles  du  rhumatisme  aigu,  se  font  sentir  dans  les  princi- 
pales jointures  et  plus  communément  dans  les  genoux,  les  articulations  tibio- 
tarsicnne  ou  médio-tarsienne,  le  long  des  gaines  tendineuses,  du  fascia  lala, 
ou  enfin,  mais  plus  rarement,  dans  toutes  les  jointures.  Ces  dernières  se  gonflent 
souvent  comme  dans  le  rhumatisme,  mais  pas  d'une  manière  constante;  la 
peau  qui  les  recouvre  n'est  pas  envahie  par  l'érythème  lisse.  Bref,  il  existe  un 
état  de  fluxion  douloureuse  dans  les  régions  qui  vont  devenir  le  siège  des 
hémorihagies  disséminées  sur  la  peau,  mais  qui  ne  reproduit  qu'exceptionnel- 
lement les  caractères  de  la  fluxion  rhumatismale  légitime,  comme  l'ont  montré 
H.  MoUière  et  Perroud.  Au  bout  de  douze  à  vingt-quatre  heures,  la  période 
hémorrhagique  commence,  et  l'exanthème  pétéchial  se  distribue  sous  forme  de 
macules  de  dimensions  variables,  avec  prédilection  pour  les  jambes,  les  cuisses, 
la  région  fessière,  l'abdomen,  plus  rarement  les  bras.  La  paume  des  mains 
et  la  plante  des  pieds  sont  ordinairement  respectées,  ainsi  que  la  face;  il  existe 
cependant  des  cas  de  purpura  absolument  généralisé.  Cette  distribution,  on  le 
voit  tout  de  suite,  leproduit  à  très-peu  près  celle  de  l'érythème  polymorphe 
d'Hébra,  qui,  à  bien  des  points  de  vue,  offre  avec  la  péliose  des  points  de  connexion 
et  d'ordre  tel,  que  certains  dermatologistes,  parmi  lesquels  Kaposi  [Leçons  sur  les 
jïialadies  de  la  peau,  édit.  française),  font  des  deux  dermatoses  de  simples 
variétés  d'un  mal  identique.  Quoi  qu'il  en  soit,  avec  l'éruption  se  termine  la 
poussée,  formée  des  trois  termes  successifs  que  nous  venons  d'indiquer  :  dépres- 
sion initiale,  période  arthralgique,  période  pétéchiale.  A  moins  qu'il  ne 
s'agisse  de  cas  graves,  la  fièvre  tombe  alors  ;  les  douleurs  articulaires  s'atténuent, 
puis  disparaissent  ;  l'exanthème  hémorrhagique  subit  les  phases  de  l'ecchymose 
et  prend  le  caractère  éphélidien.  Mais  ordinairement  aussi  chaque  atteinte  se 
compose  de  poussées  successives  semblables  entre  elles  et  séparées  par  des  inter- 
valles rarement  rapprochés  à  la  distance  d'un  ou  deux  jours,  plus  souvent 
espacés  d'un  demi-septenaire  ou  d'un  septénaire  entier.  C'est  ainsi  que  le 
purpura  successif,  le  plus  ordinaire,  évolue  dans  l'espace  de  trois  à  six  semaines. 
De  telle  façon  que,  sur  un  même  sujet,  on  voit  réunies  les  unes  à  côté  des 
autres  des  ecchymoses  évoluées  et  devenues  éphélidiennes,  des  ecchymoses 
bleuâtres  ou  rouge  foncé,  des  pétéchies  récentes  enfin,  qui  chacune,  par  le 
degré  de  transformation  qui  leur  est  propre,  marquent  l'époque  de  chaque 
poussée  d'âge  différent  auxquelles  elles  appartiennent. 

Souvent,  sous  cette  forme,  si  semblable  à  l'érythème  polymorphe,  récidivant 
comme  lui,  chez  le  même  individu,  au  printemps  et  à  l'automne,  et  qui  comme 
lui  reconnaît  pour  principaux  facteurs  étiologiques  :  le  froid  humide,  le  séjour 
et  surtout  le  confinement  dans  des  milieux  putrides,  la  fluxion  articulaire,  dont 
j'ai  eu  l'occasion  de  constater  la  nature  en  tant  qu'hémorrhagie  élective,  et 
l'exanthème  pétéchial,  ne  sont  pas  les  seules  expressions  du  mal.  Des  hémor- 


llÉMORUllAGIt:.  441 

rhagies  multiples  se  produisent,  principalement  du  côté  du  rein,  également 
sous  la  forme  incomplète  ou  élective,  comme  dans  les  articulations.  L'urine 
devient  albumineuse  et  doit  celle  réaction  à  des  globules  sanguins  plus  ou 
moins  nombreux.  Des  purpuras  successifs  d'une  longueur  extrême,  durant  des 
mois  ou  des  années,  sont  de  la  sorte  marqués  par  l'alternance  des  poussées  pété- 
chiales  avec  les  poussées  d'albuminurie  (Kaposi),  ou  les  hémorrhagies  électives 
par  voie  rénale  coïncident  avec  chaque  manifestation  arthralgique  et  exanthé- 
matique  (H.  Mollière). 

Chez  certains  malades,  l'habitude  hémorrhagique  s'établit  à  partir  d'un 
certain  moment,  parfois  chez  les  femmes  à  l'époque  de  la  puberté  :  dès  lors, 
plusieurs  fois  par  année  ou  même  régulièrement  à  chaque  époque  cataméniale, 
une  poussée  purpurique  avec  arthralgie  s'établit,  et  les  règles  coulent  d'une 
façon  démesurée;  il  y  a  à  la  fois  ménorrhagie  et  hémorrhagie  disséminée  sur  le 
tégument.  Dans  un  cas  que  j'observe  en  ce  moment  dans  mon  service,  cette 
habitude  des  poussées  purpuriques  cataméniales  s'établit  à  l'âge  de  douze  ans, 
et  les  éruptions  de  pétéchies  confliientes  se  succédèrent,  entées  les  unes  sur  les 
autres,  jusqu'à  quatorze  ans,  de  façon  à  constituer  un  étal  de  purpura  permanent. 
Chaque  échéance  mensuelle  était  alors  marquée  par  une  épislaxis  abondante  à 
l'excès,  et  qui  laissait  après  elle  une  anémie  pseudo-chlorolicjue  marquée.  La 
malade  ne  fut  cependant  réglée  qu'à  quinze  ans.  Restée  sujette  aux  épistaxis 
jusqu'à  vingt-trois  ans,  à  partir  de  là  jusqu'à  trente  et  un  ans,  elle  n'eut  plus 
ni  purpura,  ni  hémorrhagies.  Mais  depuis  lors  les  éruptions  purpuriques  repa- 
rurent, redevinrent  subintrantes  et  n'ont  presque  pas  cessé  depuis.  Celle  femme 
a  maintenant  trente-neuf  ans,  ses  époques  se  sont  progressivement  rapprochées, 
s'accompagnent  d'épistaxis  répétées,  sont  excessivement  abondantes;  il  se  produit 
parfois  de  véritables  métrorrhagies  sans  rapport  avec  les  époques  menstruelles. 
Elle  est  entrée  à  l'hôpital  en  pleine  éruption  purpurique  et  peu  après  a  été  prise 
d'épistaxis  répétées,  véritablement  spoliatrices,  qui,  après  s'être  accompagnées 
des  phénomènes  ordinaires  de  l'anémie  aiguë  par  perte  de  sang,  et  si  graves 
que  sa  vie  a  été  tenue  en  suspens  durant  plusieurs  semaines,  ont  déterminé  un 
état  permanent  de  pseudo-chlorose  dont  la  convalescence,  coupée  de  petites 
reprises  de  purpura,  dure  encore. 

Ce  fait,  auquel  il  ne  serait  pas  difficile  de  trouver  des  similaires  dans  la 
pratique  de  chacun,  devait  être  cité  pour  servir  de  type  à  cette  forme  de  péliose 
que  l'on  pourrait  appeler  le  purpura  hémorrhagique  chronique  et  successif. 
Dans  d'autres  cas  non  moins  fréquents,  le  caractère  hémorrhagique  de  la  péliose 
accusé  par  des  pertes  multiples  et  par  toutes  les  voies,  par  de  grandes  ecchy- 
moses, par  des  épanchements  sanguins  intra-musculaires,  parfois  par  l'endo- 
cardite, indique  l'existence  de  ce  que  l'on  a  nommé  le  purpura  hémorrhagique 
aigu  avec  arthralgies  :  le  rhumatisme  hémorrhagique  de  Humbert  Mollière  et 
de  Perroud,  de  Constantin  Paul. 

Enfin,  et  c'est  là  principalement  sur  quoi  les  auteurs  qui  font  rentrer  la 
péliose  dans  le  cadre  des  maladies  rhumatismales  au  point  d'en  faire  un  cas 
particulier  du  rhumatisme  vrai,  du  rhumatisme  articulaire  aigu,  c'est  que 
.parfois  le  purpura  se  monire  chez  des  rhumatisants  avérés,  soit  pendant  le 
cours,  soit  dans  les  intervalles  des  poussées  rhumatismales  aiguës,  soit  enfin 
chez  d'anciens  rhumatisants  porteurs  de  lésions  cardiaques.  Mais  avec  E.  Besnier 
{voy.  art.  Rhumatisme,  p.  612)  je  suis  d'avis  qu'il  y  a  lieu  de  repousser  éner- 
giquement  cette  manière  de  voir,  et  je  pense  qu'il  y  a  abus   à  rattacher  au 


442  UÊMORUHAGIE. 

rhumatisme  primitif  une  affection  uniquement  parce  qu'elle  présente  dans 
son  cours  quelque  localisation  articulaire  ou  même  cardiaque.  Assurément  cer- 
tains individus,  les  arthritiques,  sont  constitués  de  telle  façon  que  des  causes 
multiples,  qui  chez  d'autres  n'auraient  pas  eu  la  même  action,  deviennent  chez 
eux  capables  de  mettre  en  train  une  série  de  mouvements  fluxionnaires  ana- 
logues à  ceux  qui  forment  le  caractère  majeur  de  l'entité  morbide  à  laquelle 
on  devrait  réserver  le  nom  de  fièvre  rhumatismale,  de  rhumatisme  aigu,  mais 
à  part  cela,  dans  les  soi-disant  rhumatismes  scarlatineux,  puerpéral,  blennor- 
rhagique,  hémorrhagique,  l'analyse  clinique  et  anatomo-pathologique,  l'étiologie, 
permettent  de  trouver  des  différences  au  moins  de  même  ordre  que  celles  qui 
séparent  les  différentes  variétés  de  roséole  les  unes  des  autres,  l'exanthème  de 
la  scarlatine,  de  la  variole,  de  l'érysipèle  et  de  la  brûlure  entre  eux.  Non-seule- 
ment, dans  le  purpura  arthralgique,  existent  les  hémorrhagies  entièrement 
•étrangères  au  processus  du  rhumatisme  aigu,  mais  je  puis  dire  que  l'épanche- 
ment  des  articulations  et  des  bourses  séreuses  est,  lui  aussi,  tout  différent  de 
l'épanchement  rhumatismal ,  il  est  hémorrhagique  toujours  à  nn  certain  degré. 
Le  liquide  renferme  une  quantité  plus  ou  moins  grande  de  globules  rouges.  La 
congestion  fluxionnaire  qui,  dans  le  rhumatisme  aigu,  aboutit  à  un  épancheraent 
de  sérosité  citrine,  détermine  ici  une  hémorrhagie  élective,  analogue  à  celle 
qui  crée  l'albuminurie,  analogue  aux  suintements  sanguins  des  muqueuses.  J'en 
ai  eu  en  particulier  la  preuve  dans  un  cas  oîi,  une  bourse  séreuse  sous-cutanée 
ayant  fortuitement  suppuré  au  cours  d'un  érythème  noueux  à  caractère  pélé- 
•chial,  le  contenu  anormal  de  cette  poche  fut  trouvé  formé  par  un  véritable 
abcès  sanguin.  De  plus,  les  lésions  cardiaques  sont  rares  et  elles  ne  donnent 
guère  naissance  à  des  maladies  d'orifices  progressives.  Les  arthropathies  sont 
elles-mêmes  mobiles,  fugaces,  ne  reproduisant  par  aucun  trait,  comme  le  fait 
judicieusement  remarquer  Besnier,  les  caractères  bien  connus  des  arthropathies 
du  rhumatisme  aigu  proprement  dit. 

S'il  est  un  état  morbide  dont  il  faille  au  contraire  rapprocher  les  pélioses, 
au  point  de  les  identifier  souvent  avec  lui  sur  nombre  de  points  d'éliologie,  de 
symptomatologie  et  d'évolution,  c'est  le  scorbut  {voy.  ce  mot).  Le  syndrome 
clinique  des  hémorrhagies  du  scorbut  et  celui  de  la  péliose  présentent  en  effet 
•des  lignes  générales  semblables.  Ici  la  période  initiale  de  dépression  physique 
et  morale  et  celle  d'arthralgie  ne  manquent  jamais  et  semblent  portées  à  leur 
maximum.  «  L'inactivité,  dit  Lind  {Traité  du  scorbut,  in-12.  Paris,  1756, 
p.  207),  l'amour  du  repos,  se  montrent  dès  le  début;  les  malades  ne  peuvent 
surmonter  la  répugnance  qu'ils  ont  à  se  mouvoir,  ils  ressentent  des  douleurs 
générales  dans  tous  les  os,  mais  surtout  dans  les  jointures  des  membres  infé- 
rieurs, dans  les  genoux  et  dans  les  lombes;  les  douleurs  scorbutiques,  en 
général,  sont  très-sujettes  à  changer  de  place,  et  toute  espèce  de  mouvements 
les  augmentent  toujours.  »  La  raideur  douloureuse  des  tendons,  le  gonflement 
des  genoux,  sont  toujours,  d'après  Lind,  des  symptômes  prématurés;  après  quoi 
la  période  héraorrhogique  commence. 

Comme  dans  la  péliose,  mais  plus  largement,  la  fluxion  hémorrhagipare 
distribue  sur  le  tégument  des  pétéchies,  des  eccliymoses.  Les  hémorrhagies 
interstitielles  se  font  même  dans  les  masses  musculaires,  qu'elles  solidifient  et 
enraidissent  à  la  façon  d'injections  interstitielles  de  gélatine.  Ces  pétéchies  se 
succèdent  par  poussées.  Enfin,  comme  dans  les  cas  graves,  aigus  ou  chroniques 
de  la  péliose,  surviennent  les   hémorrhagies   par  toutes  les  voies  :  celles  que 


HÉMORRIIAGIK.  445 

signalait  Boerhaave  (Co?iiment.  In  Aphorism.,  in-4».  Paris,  1771),  «  il  survient 
des  hémorrhagies  souvent  mortelles  par  la  peau  môme,  sans  apparence  de 
plaies,  par  les  lèvres,  les  gencives,  la  bouche,  le  nez,  les  poumons,  l'estomac, 
le  foie,  la  rate,  le  pancréas,  les  intestins,  les  reins,  etc.  »  Dans  des  formes 
moins  graves,  toutes  les  conséquences  ordinaires  des  hémorrhagies  répétées  se 
produisent  alors.  La  pâleur,  la  faiblesse,  sont  extrêmes;  l'état  de  lipothymie 
imminente  devient  permanent  et  tout  mouvement  brusque  peut  déterminer  la 
syncope  de  position.  «  S'il  arrive  aux  scorbutiques,  dit  Forestus  (t.  Il,  lib.  XX, 
obs.  2,  p.  418)  d'essayer  de  s'asseoir,  aussitôt  ils  défaillent  et  tombent  en  syn- 
cope, comme  si  la  respiration  leur  manquait,  et  dès  qu'ils  se  recouchent  ils 
reviennent  à  eux  et  respirent  plus  librement.  »  L'anxiété  précordiale,  si  carac- 
téristique de  l'état  post-hémorrhagique  après  les  pertes  devenues  spoliatrices 
par  leur  répétition,  est  constant  chez  les  malades  et  empêche  tout  mouvement. 
Cette  dyspnée  du  mouvement  avait  frappé  Doerhaave  qui  disait  :  Difftcitis,  anhe- 
losa,  ad  motus  vel  parvos,  ferè  deficiens  respiratio  {lac.  cit.,  p.  602).  Enfin, 
les  souflles  anémiques  naissent  à  la  région  précordiale  et  dans  les  vaisseaux  du 
cou  (Andral).  Cet  état,  s'il  se  prolonge,  aboutit  au  marasme  et  à  la  cachexie 
séreuse,  avec  œdème  ;  anasarque  et  mort  par  les  progrès  des  œdèmes,  ou  par  la 
production  d'épanchements  pleuraux  passifs,  ou  enfin  par  l'exagération  de  la 
diarrhée  coUiquative  qui  survient  alors. 

En  réalité  donc,  le  syndrome  hémorrhagique,  dans  le  purpura,  n'est-ce  que 
le  diminutif  de  celui  du  scorbut;  et  encore  est-il  des  cas  graves,  comme  celui 
■({ue  cite  Kaposi  {loc.  cit.,  t.  II,  p.  72)  où  dans  le  purpura  la  mort  survient  au 
milieu  de  phénomènes  scorbutiques.  Au  point  de  vue  de  la  pathologie  générale, 
nous  sommes  donc  pleinement  autorisés  à  rapprocher  les  deux  affections,  engen- 
drées l'une  et  l'autre  la  plupart  du  temps  par  des  causes  analogues  :  le  froid 
humide,  le  confinement,  l'action  des  matières  organiques  putrides,  se  dévelop- 
pant avec  un  complexus  similaire,  marqué  par  des  processus  hémorrhagiques 
du  même  ordre,  des  arthralgies  de  mode  presque  identique.  Dans  cet  ordre 
d'idées,  le  purpura  arthralgique  successif,  le  purpura  hémorrhagique  et  le 
scorbut,  forment  les  termes  d'une  série  ascendante  dans  laquelle  les  hémor- 
rhagies disséminées  et  multiples  prennent  un  développement  progressif,  arrivant 
au  maximum  dans  l'état  scorbutique,  véritable  type  clinique  des  hémorrhagies 
d'origine  fluxionnaire  et  s'accompagnant  d'arthralgies. 

4°  Pseudo-exanthèmes  hémorrhagiques.  Dans  le  complexus  réalisé  par  les 
affections  ressortissant  à  la  péliose  et  au  scorbut,  les  hémorrhagies,  on  vient  de 
le  voir,  tiennent  une  place  considérable,  aussi  bien  comme  symptôme  que  par 
les  conséquences  qui  en  résultent,  puisque  dans  certains  cas  elles  peuvent 
devenir  spoliatrices  et  déperditives,  menacer  directement  le  malade  de  mort  ou 
le  tuer  par  leur  action  propre.  Dans  les  pseudo-exanthèmes  de  Bazin,  justement 
réunis  en  une  commune  entité,  variable  seulement  dans  ses  expressions,  et  dé- 
signée par  Hébra  sous  le  nom  coUecii[ d'érythème polymorphe,  les  manifestations 
hémorrhagiques  cessent  de  jouer  un  rôle  important.  En  tant  que  pertes  de  sang, 
elles  n'ont  plus  la  même  valeur;  le  syndrome  hémorrhagique  est  en  effet  nul 
■dans  ce  cas.  Le  caractère  hémorrhagique  des  efflorescences  papuleuses  ou  hui- 
leuses, disposées  en  forme  de  taches  disséminées  ou  de  lésions  figurées  en 
cocardes  ou  en  anneaux,  et  toujours  sur  des  portions  restreintes  du  tégument 
(dos  des  pieds,  des  mains,  plus  rarement  tronc  et  face),  n'est  jamais  assez  con- 
sidérable pour  supposer  une  extravasation  capable  de  retentir  sur  la  conslitu- 


444  HÉMORRHAGIK. 

lion  générale  du  système  sanguin.  L'érytlième  papuleux,  noueux,  les  divers 
hydroas,  les  éryllièmes  niarginés,  Jes  éruptions  pcmphigoïdes  hémorrhagiques 
développées  avec  fièvre,  avec  localisations  extra-cutanées,  s'accompagnant  d'ar- 
thralgies  comme  le  purpura  successif,  et  affectant  comme  lui  un  caractère 
saisonnier,  sont  des  affections  très-voisines  des  pélioses,  affectant  avec  elles 
des  liens  de  parenté  reconnue  certaine  aujourd'hui  :  ce  sont  des  affections  ap- 
partenant manifestement  à  un  même  groupe  morbide.  Le  seul  côté  par  lequel 
l'érythème  polymorphe  se  rattache  aux  hémorrhagies  est  la  forme  que  prend 
quelquefois  la  détermination  rénale  qui  lui  est  propre.  J'ai  pu  observer  fré- 
quemment l'albuminurie  au  cours  de  l'érytlième  exsudatif,  quel  que  soit  son 
mode,  excepté  peut-être  l'érythème  noueux  contusiforme.  Pourvu  que  la  fièvre 
soit  intense,  que  l'exanthème  faux,  non  contagieux  et  récidivant,  imite  dans 
ses  allures  une  fièvre  exanthématique  grave,  telle  que  la  scarlatine  ou  la  rou- 
geole, on  est  exposé  à  \oir  se  développer  une  néphrite  avec  urines  troubles, 
couleur  de  bouillon  de  bœuf  aigri,  et  donnant  naissance  à  un  précipité  d'albu- 
mine rétractile.  I/examen  des  sédiments  montre  le  plus  souvent  alors  que 
l'intlammatlon  rénale  est  accompagnée  d'une  bémorrhagie  élective;  les  globules 
rouges  sont  nombreux.  Comme  la  fluxion  cutanée,  la  fluxion  rénale  est  poussée 
jusqu'à  l'exsudation  sanguine  par  diapédèse.  Dans  quelques  cas,  tels  que  ceux 
cités  par  Kaposi  {loc.  cit.,  t.  I,  p.  375),  il  se  fait  un  écoulement  sanguin 
véritable,  abondant,  et  qui  peut  devenir  grave.  Selon  cet  auteur,  le  même 
fait  aurait  été  observé  au  cours  de  l'érytlième  noueux  contusiforme,  affection 
qui,  d'après  lui,  devrait  toujours  conduire  le  médecin  à  se  méfier  d'une  bémor- 
rhagie par  le  rein. 

Ainsi,  jusqu'à  présent,  nous  avons  constaté  l'existence  des  hémorrhagies  dis- 
séminées dans  les  états  morbides  qui,  en  cela,  mais  en  cela  seulement  semblables 
au  rhumatisme  vrai,  ont  pour  caractère  particulier  de  s'accompagner  de  mou- 
vements fluxionnaires  mobiles  frappant  à  la  fois  les  surfaces  revêtues  d'épithé- 
lium,  les  séreuses  articulaires  dont  la  constitution  anatomique  est  analogue,  et 
certaines  séreuses.  Le  premier  groupe  est  celui  des  pélioses  arlhralgiques;  le 
second,  celui  des  pseudo-exanthèmes  non  transmissibles  d'individu  à  individu, 
infectieux  peut-être,  mais  certainement  non  contagieux.  Dans  ce  second  cas  le 
syndrome  hémorrhagique  est  en  réalité  annulé  la  plupart  du  temps,  sauf  dans 
son  expression  extérieure  et  pour  ainsi  dire  optique,  celle  qui  fait  constater  la 
nature  hémorrhagique  des  lésions  élémentaires  des  divers  ordres.  11  n'en  est 
plus  de  même  dans  lespyrexies  exanthémaliques  véritablement  contagieuses,  dont 
les  types  sont  fournis  par  la  variole,  la  rougeole  et  la  scarlatine.  Les  formes 
hémorrhagiques  de  ces  fièvres  ont  au  contraire,  et  au  plus  haut  degré,  un  carac- 
tère spécial  que  les  cliniciens  ont  tous,  et  depuis  bien  longtemps,  considéré 
comme  étroitement  lié  à  la  gravité,  à  la  malignité  de  la  maladie. 

5"  Exanthèmes  hémorrhagiques.  Fièvres  e'ruptives  hémorrhagiques  mali- 
gnes. Dans  certaines  circonstances  dont  la  détermination  exacte  nous  échappe 
absolument,  mais  qui  coïncident  toujours  avec  un  état  d'intoxication  de  la  plus 
haute  gravité,  les  exanthèmes  fébriles  contagieux:  la  variole,  la  scarlatine,  la 
rougeole  et  aussi  la  suttte  miliaire  (Morlon),  s'accompagnent  d'un  complexus 
hémorrhagique.  Ces  maladies  prennent  le  t]'^e  pétéchysant  (Compendium).  On 
voit  alors  les  eftlorescences  qui  leur  sont  propres  devenir  hémorrhagiques,  ou 
être  précédées  ou  suivies  d'hémorrhagies  par  diverses  voies.  La  variole  hémor- 
rhagique, variole  maligne  sanglante  (variolse  snnguinex),  peut  être  prise  à  bon 


HÉMORRHAGIK.  445 

droit  pour  type  et  mérite  d'attirer  l'altentioa  [voy.  Variole)  à  ce  point  de  vue. 

Lorsque  les  manifestations  cutanées  diverses  de  la  variole  prennent  le  carac- 
tère hémorrhagique,  et  que  se  produisent  des  perles  de  sang  par  les  surfaces 
muqueuses,  le  médecin  peut  élre  assuré  qu'il  est  on  présence  d'un  état  grave. 
Cette  règle  de  clinique  demeure  même  vraie  quand  il  s'agit  de  l'exantlième  pré- 
curseur de  l'éruption  variolique  auquel  on  a  donné  le  nom  de  rash  {roy.  ce 
mot).  Le  caractère  de  l'exanthème  prodromique  est  d'être  polymorphe;  il  est 
constitué  par  des  érythèmes  ou  lisses  ou  figurés,  parfois  orties  et  même  vési- 
culeux  par  places.  Souvent,  et  surtout  chez  la  femme,  il  est  mélangé  de  pétéchies 
et  la  tendance  hémorrhagique  s'accuse  en  même  temps  assez  fréquemment  par 
l'apparition  des  règles,  qui  avancent  sur  leur  époque  et  sont  rendues  plus  abon- 
dantes par  le  fait  de  la  maladie  :  phénomène  que  Gubler  comparait  à  l'épistaxis 
prodromique  des  fièvres  graves.  Lorsque  ces  pertes  sont  très-abondantes  et  que 
l'éruption  pétéchiale  se  fait  par  poussées  réitérées,  le  rasli,  au  dire  d'ilébra, 
constitue  un  prolégomène  de  variole  grave,  mais  cette  assertion  ne  peut  être 
prise  dans  un  sens  absolu,  car,  le  polymorphisme  de  l'éruption  prodromique  de 
la  variole  étant  connu,  l'apparition  de  lésions  hémorrhagiques  parmi  les  autres, 
à  moins  que  ce  phénomène  ne  soit  en  effet  très-intense,  ne  me  paraît  pas  devoir 
comporter  un  pronostic  sensiblement  plus  grave  que  ne  l'est  celui  que  fournit, 
dans  l'érythème  polymorphe  d'Hébra,  l'apparition  de  l'élément  hémorrhagique 
dans  les  lésions  élémentaires  si  variables  de  cette  affection.  Cela  dit,  nous  avons 
maintenant  à  considérer  les  caractères  particuliers  au  syndrome  hémorrhagique 
du  mode  disséminé:  1"  dans  les  varioles  hémorrhagiques  ;  2"  dans  les  hémor- 
rhagies  liées  aux  varioles  autres  que  la  variole  maligne  et  que  l'on  pourrait 
appeler  hémorrhngies  varioleuses. 

a.  Les  varioles  hémorrhagiques  sont  celles  dans  lesquelles  les  hémorrhagies 
disséminées,  exanthématiques  ou  produites  par  des  localisations  sur  les  muqueuses 
(exanthèmes)  ou  les  parenchymes  divers,  tiennent  le  premier  rang  parmi  les 
symptômes  et  dominent  la  scène  morbide  tout  entière.  La  tendance  aux  hémor- 
rhagies prime  tout  et  a  fait  admettre  par  la  majorité  des  auteurs  classiques 
l'existence,  dans  ce  cas,  d'une  sorte  de  décomposition  du  sang,  notion  à  laquelle, 
depuis  les  travaux  de  Weigert,  on  a  substitué  la  notion  de  l'intoxication  du  sang 
par  des  schizophytes,  en  même  temps  qu'on  faisait  intervenir  dans  la  formation 
de  toutes  les  lésions  éruptives  ou  autres  la  présence  de  colonies  parasitaires 
constituant  des  embolies  infectieuses.  Bfen  que  jusqu'à  présent,  il  faut  le  dire, 
on  soit  encore  très-peu  avancé  dans  la  connaissance  du  mécanisme  intime  des 
lésions  et  qu'à  vrai  dire  on  ignore  pourquoi  ici  elles  restent  pustuleuses,  tandis 
que  là  elles  deviendront  hémorrhagiques,  il  n'en  est  pas  moins  vrai  que,  clini- 
quement,  la  tendance  aux  hémorrhagies  multiples  indique  à  n'en  pas  douter  une 
infection  totale,  profonde,  et  contre  laquelle  l'organisme  est  d'ores  et  déjà  inca- 
pable de  lutter. 

Le  synJrome  hémorrhagique,  dans  cette  forme  de  variole,  maligne  entre  toutes, 
se  présente  à  l'observateur  avec  trois  modalités  dont  les  deux  premières  sont 
excessivement  rares  :  le  purpura  variolique,  qui  paraît  le  mieux  répondre  à  la 
variole  éiysipélateuse  de  Morton,  à  la  variole  morbilleuse  de  Borsieri,  occupe  dans 
celle  triade  le  premier  rang  en  tant  qu'état  hémorrhagique  grave.  C'est  aussi,  et 
heureusement,  la  moins  fréquente  des  formes  hémorrhagiques  de  la  variole.  A 
peu  près  aussi  peu  fréquente,  mais  presque  aussi  grave,  est  la  forme  pustuleuse 
hémorrhagique  confluenle.  Enfin  la  fornie  pustuleuse  hémorrhagique  semi-con- 


446  IIEMORRHAGIE. 

fluenteou  discrète,  la  confluente  putride  de  Ilaller,  occupe  le  troisième  rang  dans 
l'ordre  de  la  gravité,  le  premier  dans  l'ordre  de  fréquence. 

1"  Le  purpura  variolique,  bien  décrit  par  Kaposi  [loc.  cit.,  t.  I,  p.  320), 
apparaît  ordinairement  au  quatrième  jour,  à  partir  du  début  de  la  maladie,  au 
milieu  des  symptômes  ordinaires  d'une  variole  grave  et  au  cours  d'une  fièvre 
intense.  Le  tégument  se  couvre  alors  d'une  efflorescence  d'un  pourpre  foncé, 
accompagnée  d'œdème  congeslif,  tout  comme  dans  l'érysipèle  {variole  érysipé- 
lateuse,  Morton)  ou  la  rougeole  confluente  (F.  morbilleuse,  Morton,  Borsieri). 
La  rougeur  est  cependant  diffuse  et  occupe  le  visage,  ce  qui,  avec  les  phéno- 
mènes généraux  et  la  douleur  lombaire,  devenue  exacerbative,  déchirante,  et  qui 
absorbe  à  elle  seule  toute  l'attention  du  patient,  ne  permet  pas  de  rapporter 
l'exanthème  pourpré  à  un  érysipèlc  ou  à  une  rougeole.  Bientôt  et  très-rapide- 
ment les  hémorrhagies  cutanées  paraissent,  comme  si  sur  une  multitude  de 
points  la  congestion,  devenue  excessive,  triomphait  de  la  résistance  des  petits  vais- 
seaux. La  conjonctive,  de  la  cornée  à  l'angle  interne  ou  externe  de  l'œil,  est  tra- 
versée par  une  ecchymose  en  forme  de  triangle  ou  de  sablier.  Sur  le  tronc,  le 
bas-ventre,  les  membres,  apparaissent  des  pétéchies  lenticulaires  ou  ponctuées, 
d'un  pourpre  violet  et  ne  s'effaçant  pas  sous  le  doigt,  tandis  que  la  rougeur 
congestive  qu'elles  couvrent  de  mouchetures  s'efface  par  la  tension  de  la  peau. 
Rapidement  ces  taches  deviennent  extensives  comme  des  gouttes  d'huile  semées 
sur  un  papier  à  filtrer  (Kaposi)  ;  en  quelques  heures  elles  s'étalent,  se  confon- 
dent, confluent  en  grandes  plaques  ecchymotiques  lisses  analogues  aux  ecchy- 
moses de  position  des  cadavres.  En  même  temps  de  nouvelles  macules  hémor- 
rluigiques  naissent  dans  les  intervalles  des  premières,  s'étendent  à  leur  tour.  Les 
muqueuses  du  type  malpighien  deviennent  le  siège  d'une  série  d'éruptions 
hémorrhagiques  analogues.  Parfois  la  conjonctivite  devient  entièrement  sanglante 
et  la  cornée  semble  entourée  d'un  chémosis  hémorrhagique.  La  muqueuse 
buccale,  celle  de  la  gorge,  celle  de  la  vessie,  deviennent  aussi  le  lieu  de  poussées 
hémorrhagiques  analogues.  Le  malade  rend  du  sang  par  les  narines,  par  les 
urines,  il  a  la  bouche  sèche,  fuligineuse  et  sanglante,  crache  le  sang  en  pelotons 
fétides  ou  tout  pur.  Des  selles  sanguinolentes  ou  véritablement  mélaeniques,  des 
pertes  utérines  chez  les  femmes,  surviennent  alors.  Et  signa  in  pejus  ruunt, 
donec  anima  deficiat,  comme  le  disait  Arétée  des  symptômes  du  croup.  En  peu 
d'heures,  douze,  vingt-quatre,  trente-six  heures  au  plus  après  l'apparition  de  la 
rougeur  diffuse,  en  même  temps  que  l'extravasation  du  sang  se  fait  partout  à  la 
peau,  dans  les  parenchymes,  jusque  dans  les  gaines  lamelleuses  des  nerfs 
(Neumann,  Zuelzer,  Kaposi)  et  par  les  surfaces  épilhéliales  du  tractus  digestif 
ou  des  voies  urinaires,  on  voit  succéder  à  l'anxiété  douloureuse,  à  l'énorme 
dyspnée  du  début,  un  état  d'obnubilation  intellectuelle,  de  stupeur.  La  respiration 
devient  irrégulière,  le  pouls  petit,  filiforme,  la  sterteur  survient  et  le  malade 
meurt  couvert  de  vergetures  hémorrhagiques  comme  un  cadavre,  l'écume  san- 
glante à  la  bouche.  Telle  est  l'évolution  pour  ainsi  dire  foudroyante  du  mal.  Le 
syndrome  hémorrhagique  est  ici  marqué  par  une  sorte  de  fuite  du  sang  en  des 
points  et  par  des  voies  multiples,  mettant  pour  ainsi  dire  en  instance  continuelle 
d'ecchymose  l'organisme  entier.  Avant  que  l'exanthème  pustuleux  caractéristique 
ait  apparu  sous  sa  forme  prépustuleuse,  la  terminaison  fatale  est  arrivée.  D'autres 
fois,  dans  les  dernières  heures  de  la  vie  et  tandis  qu'encore  «  une  efflorescence 
érysipélateuse  se  manifeste  sur  différentes  parties  du  corps,  la  face  se  couvre  tout 
à  coup  d'un  nombre  prodigieux  de  pustules  qui  naissent  tumultueusement  en 


HÉMORKHAGIE.  44T 

uneseulefois  »  (P.Frank,  Traité  de  méd.  pratique,  1. 1,  p.  285,  in-4»,  Paris,  1842). 

Dans  des  cas  encore  plus  rares,  puisque  dans  toute  ma  pratique  je  n'en  ai 
observé  qu'un  seul,  dans  le  service  de  mon  maître  Cii.  Lailler  (salle  Saint- 
Louis,  1870,  à  riiôpilal  Saint-Louis),  le  purpura  variolique  affecte  les  allures  d'une 
pélipse  rhumatismale  ordinaire.  Dans  le  cas  que  j'ai  observé  il  s'agissait  d'un 
homme  de  quarante-cinq  ans,  alcoolique,  dont  les  membres  et  une  partie  du 
tronc  se  couvrirent  en  une  seule  poussée  de  pétéchies  de  la  largeur  de  l'ongle, 
nombreuses,  mais  non  conflucntes.  Le  quatrième  jour  après  cette  éruption 
l'homme,  qui  souffrait  des  jointures,  mais  surtout  des  lombes,  avec  une  fièvre 
modérée,  est  pris  dans  la  nuit  d'une  rougeur  diffuse  de  tout  le  corps,  avec  vomis- 
sements, température  de  4i», 5  et  anxiété  précordiale  et  dyspnée  terribles.  Auzias 
Turenne,  qui  assistait  à  la  visite,  diagnostique  une  rougeole  maligne.  Le  malade 
meurt  à  midi,  et  dans  la  soirée,  en  visitant  son  cadavre  au  dépôt  des  morts,  je 
constate  l'existence  sur  la  face  et  sur  toute  la  peau  de  la  papulation  serrée 
caractéristique  de  l'éruption  variolique  à  son  début.  Voici  donc  une  variété  de 
variole  maligne  tuant  en  moins  de  douze  heures  et  où  le  purpura,  qui  d'ailleurs 
n'avait  rien  de  commun  avec  un  raxh  ordinaire,  a  affecté  le  caractère  d'exan- 
thème hémorrhagique  précurseur:  de  purpura  prévariolique  malin. 

2"  La  variole  confluente  hémorrhagique  a  des  allures  tout  autres.  Dans  le 
purpura  variolique,  les  héniorrhagies  exanthématiques  et  disséminées  appar- 
tiennent à  la  période  du  mal  antérieure  à  l'éruption  varioleuse,  à  l'apparition 
des  pustules  et  de  la  papulation  qui  les  précède.  Le  syndrome  se  résout  en  un 
effort  congestif  intense  et  général,  semant  partout  les  héniorrhagies  ponctuées. 
Dans  la  variole  confluente  hémorrhagique,  la  fluxion  hémorrhagique  ne  précède 
plus,  elle  accompagne  l'éruption  typique  ;  elle  introduit  dans  sa  lésion  élémentaire 
l'élément  hémorrhagie.  Dans  cette  forme,  précédée  ou  non  d'un  rash  qui  peut 
être  congestif  ou  partiellement  hémorrhagique,  et  au  milieu  de  symptômes  géné- 
raux graves,  au  troisième  ou  au  quatrième  jour  de  l'éruption,  cette  dernière  est 
annoncée  par  des  douleurs  lombaires  plus  aiguës  et  par  des  douleurs  dans  la 
continuité  des  membres  inférieurs.  Un  œdème  dur  donnant  au  tégument  des 
jambes,  des  cuisses,  de  l'hypogastre,  la  dureté  de  la  cire  ou  du  bois,  se  produit 
alors,  et  le  premier  indice  de  papulation  apparaît  par  un  état  chagriné  de  la  peau, 
que  le  doigt  superflciellement  promené  sur  le  tégument  fait  aisément  sentir. 
Les  élevures  qui  donnent  cette  sensation  chagrinée  sont  innombrables,  confluentes, 
forment  chacune  une  petite  nouûre  dans  le  derme,  nouùre  empâtée  dans  l'œdème 
dur  étendu  en  nappe.  Au  second  jour  de  l'éruption,  chaque  nouùre  minuscule 
apparaît  avec  un  caractère  hémorrhagique  comme  une  pétéchie  noueuse  pro- 
fonde, d'un  bleu  noir,  vue  par  transparence  à  travers  les  couches  supertîcielles 
translucides  du  tégument  cutané.  En  même  temps  que  les  pustules  lèvent,  ces 
hémorrhagies  s'agrandissent,  confluent,  forment  des  nappes  ecchymotiques  à  relief 
chagriné  et  à  grains  de  plus  en  plus  gros.  Sur  d'autres  points  où  les  pustules 
hémorrhagiques  sont  moins  confluentes,  des  pétéchies  intercalaires,  extra-pustu- 
leuses, des  taches  de  purpura  vrai,  extensives  comme  celles  du  purpura  vario- 
lique, prennent  naissance  et  s'étendent  rapidement.  C'est  évidemment  là  la  pre- 
mière variété  de  variole  hémorrhagique  décrite  par  Mead  en  ces  termes  :  «  Vidi 
«  enim  cum  in  ipso  morbi  principio  tubercula  minuta,  sanguine  atro  turgida, 
«  reprsesentarent,  qualia  in  cute  forcipe  compressa  evenire  soient.  Has  autem 
«  macula;  purpureaîque  interspersse,  cujusmodi  in  vera  peste  describunt  medici, 
«  mox  exceperunt.  Saepius  autem  accedit  ut  pustulse   confertim  erumpentes 


4i8  IIÉMORRIIAGIE. 

«  tertio  vel  quarto  post  die,  cum  jam  maturescere  deberent,  lividaî  et  subcruentae 
«  évadant,  maculis  nigris  per  totum  corpus  sparsis;  quaî  intra  diem  unum,  aut 
«  alterum,  morteni  adventantem  prœnunliant.  Ha;  enitn  verœ  sunt  grangrenae. 
«  Sœpissime  hoc  teinpore  sanguis  tenuis  non  ex  ore  tantum,  naribus  et  oculis 
«  émanât,  sed  per  cunctos  etiam  corporis  meatus,  maxiineque  urinœ  itijiere 
«  perfluit,  quo  etiam  primis  a^gritudinis  diebus  nonnunquam  egreditur.  De 
«  génère  confluentium  bas  esse  variolas  ipsis  oculis  patescit  »  (Mead,  Opéra 
medica,  t.  I,  lib.  de  varlolis  et  morbiUis,  p.  18-19.  GcettingiE,  1848).  Le 
nom  de  variole  confluente  hémorrhaç/ique  de  Mead  doit  donc  être  réservé  à 
cette  forme,  dont  la  terminaison  s'effectue  avec  les  mêmes  pbénoraènes  réaclion- 
nels  que  dans  la  précédente,  mais  où  le  syndrome  hémorrbagique  est  différent 
parce  qu'il  est  le  salcllite  de  l'éruption  conduenle,  qu'il  marque  de  son  cachet  et 
qu'il  accompagne,  au  lieu  de  se  manifester  prématurément  et  d'empêcher  la  pro- 
duction de  l'ellloresccnce  typique  en  prenant  sa  place,  et  en  amenant  la  mort 
avant  que  l'éruption  variolique  ait  eu  le  temps  de  se  manifester  ni  même  le  plus 
souvent  de  s'indiquer  par  une  ébauche  de  papulation. 

5°  Variole  hémorrhagique  semi-confluente .  Confluente  hémorrhagique 
putride  de  IJaller.  Dans  celle  troisième  forme,  le  mouvement  hémorrhagique 
est  non  plus  isochrone,  mais  postérieur  à  l'éruption  pustuleuse.  C'est  vers  le 
second  ou  le  troisième  jour  de  celte  dernière,  lorsqu'elle  est  formée,  que  les  pré- 
pustules  ou  les  pustules  déjà  parfaites  se  remplissent  de  sang,  et  que  les  nou- 
velles pustules  (jui  naissent  au  fur  et  à  mesure  que  l'éruption  se  poursuit  sur 
le  corps  prennent  le  caractère  hémorrhagique,  en  même  temps  que  des  taches 
de  purpura  ou  des  exanthèmes  miliaires  prennent  place  dans  les  intervalles  des 
pustules.  Les  cracliements  de  sang,  les  hématuries,  etc.,  naissent  alors,  et  la 
mort  survient  en  vingt-quatre  ou  quarar.te-huit  heures.  Parfois  même  la  ten- 
dance hémorrhagique  se  manifeste  à  cette  époque  de  l'éruption  dans  des  varioles 
en  réalité  peu  coniluentes  et  en  apparence  peu  graves.  Sans  exacerbation  des 
douleurs  lombaires  ni  de  l'anxiété  générale,  les  hématuries  ou  des  épistaxis  se 
produisent,  l'intelligence  restant  nelle  et  la  fièvre  modérée.  Mais  les  pustules 
hémorrhagiques  se  llétrissent  au  lieu  de  su[qiurer,  elles  sont  sèches  et  siliqueuses, 
et  eu  peu  d'heures  un  état  typhoïde  survient  qui  tue  le  malade.  A  la  rapidité 
près,  les  trois  formes  de  variole  hémorrhagique  amènent  donc  la  mort,  les  deux 
premières  fatalement,  la  forme  purpurique  tuant  avant  le  quatrième  jour,  la 
forme  confluente  du  quatrième  au  cinquième,  la  semi-confluente  avant  la  période 
de  suppuration.  Au  point  de  vue  séméiolique,  le  syndrome  hémorrhagique  dans 
ce  cas  reste  donc  en  réalité  identique  à  lui-même.  Il  est  la  marque  d'une  intoxi- 
cation sans  remède,  maligne,  comme  le  disaient  les  Anciens. 

b.  Les  hémorrhagies  varioliques  doivent  être  soigneusement  distinguées  des 
varioles  hémorrhagiques  dont  nous  venons  de  donner,  au  point  de  vue  de  l'impor- 
tance prise  en  particulier  par  les  effusions  sanguines  dans  le  complexus  morbide 
général,  une  description  sommaire  que  le  lecteur  devra  compléter  en  consultant 
l'article  Variole  {voy.  ce  mot).  Le  syndrome  est  en  effet  alors  tout  autre.  Sou- 
vent des  varioles  graves,  mais  non  malignes,  quelquefois  même  des  varioles  de 
moyenne  intensité,  s'accompagnent  d'hémorrhagies.  Le  malade  est-il  atteint  de 
varices  ou  porte-t-il  l'empreinte  encore  maculeuse  d'un  Aésicatoire  récent,  les 
pustules  de  ces  régions,  présentant  des  lieux  de  moindre  résistance  à  l'effort 
éruplif,  pourront  devenir  hémorrhagiques,  intercalées  de  péléchies,  sans  pour  cela 
que  cet  accident  hémorrhagique  soit  l'indice  d'une  particulière  malignité.  De 


IIÉMORRIIAGIE.  449 

même,  chez  les  enfants  atteints  de  coryza  scrot'uleux,  la  période  de  l'éruplion 
amène  des  épistaxis;  chez  les  femmes  souvent,  au  milieu  de  la  variole,  les  règles 
surviennent  en  avance  et  sous  forme  ménorrhagique.  Enfin  chez  les  alcooliques, 
les  cachectiques,  les  vieillards,  l'éruption  variolique  peut  prendre  le  caractère 
hémorrhagique  par  places.   Dans  ces  cas   les  pertes  de  sang  massives  n'ont 
d'autre  importance  que  d'agir  avec  une  intensité  disproportionnée  avec  leur 
quantité,  comme  dans  la  fièvre  typhoïde,  par  exemple;  les  liémorrhagies  dissé- 
minées n'ont  d'importance  qu'en  ce  qu'elles  révèlent  un  mauvais  état  antérieur 
de  l'organisme.  Mais  l'association  seule  des  hémorrhagies  exanthémaliques  et 
des  pertes  par  toutes  les  voies,  avec  un  état  fébrile  hyperpyrétique  et  une  série 
de  symptômes  réactionnels  immédiatement  graves  et  intéressant  simultanément 
les  principaux  appareils  organiques,  voilà  ce  qui  caractérise  le  syndrome  hémor- 
rhagique des  fièvres  malignes.  Nous  pourrions  répéter,  avec  les  variantes  sympto- 
matiques  qui  leur  sont  propres,  les  descriptions  de  ce  syndrome  dans  la  scarla- 
tine, la  rougeole  etlasuette  maligne  hémorrhagiques,  mais  nous  pensons  que  ce 
que  nous  venons  de  dire  de  la  variole  hémorrhagique,  type  véritable  du  genre  et 
le  plus  fréquemment  réalisé,  suffit  pour  bien  établir  la  valeur  nosologique  et 
séméiotique  des  hémorrhagies  du  même  mode,  soit  exanthèmes  hémorrhagiques, 
soit  hémorrhagies  exanlhémaliques  dans  les  autres  fièvres  éruptives  [voy.  Scar- 
latine, Rougeole,  Suette  miliaire,  Dengue,  etc.). 

Si  maintenant  nous  jetons  un  coup  d'œil  d'ensemble  sur  les  hémorrhagies 
disséminées  suivant  un  mode  éruptif,  nous  pouvons  reconnaître  que  dans  ce 
mode  le  syndrome  hémorriiagique  reste,  sa  gravité  pronostique  variable  suivant 
les  cas  mise  à  part,  sinon  absolument  identique,  du  moins  comparable  à  lui-même, 
si  on  le  considère  dans  ses  lignes.  Certes,  rien  n'est  moins  comparable  qu'un 
purpura  arthralgique  successif  et  qu'un  purpura  variolique,  mais  tous  les  deux 
naissant  en  vertu  de  mouvements  (luxionnaires  à  déterminations  disséminées 
touchant  toutes  les  surfaces  épilhéliales,  ou  les  pouvant  toucher  toutes  et  ayant 
une  prédilection  pour  celles  des  jointures,  oîi  elles  déterminent  des  gonflements 
douloureux,  mobiles  et  transitoires.  L'atroce  douleur  des  jointures  et  de  la  con- 
tinuité des  membres  dans  les  deux  premières  formes  de  la  variole  hémorrha- 
gique en  est  bien  la  preuve.  Si  cependant  on  voulait  faire  une  coupure  dans  le 
groupe  éminemment  naturel  des  homorrhagies  exanthémaliques,  il  conviendrait 
peut-être  de  l'opérer  en  fiiveur  des  éruptions  aptes  seulement  à  devenir  hémor- 
rhagiques et  à  les  séparer  des  éruptions  hémorrhagiques  cVemhlée.  L'érythème 
polymorphe  poussé  jusqu'à  l'hémorrhagie,  le  rash  variolique  devenu  pétéchial 
à  cause  même  de  l'intensité  de  l'effort  congestif  qui  commande  l'éruption,  les 
exanthèmes  spécifiques  devenant  par  places,  comme  certaines  varioles,  hémorrha- 
giques par  une  sorte  d'accident  inhérent  non  à  la  nature  de  la  maladie,  mais  à 
la  violence  du  mouvement  fluxionnairc  engeufîrant  les  lésions  cutané'îs  ou 
muqueuses  élémentaires,  n'ont  en  effet  ni  la  même  gravité,  ni  les  mêmes  allures 
que  les  éruptions  hémorrhagiques  d'emblée  et  qui,  par  leur  essence  même,  doivent 
s'accompagner  de  l'extravasation  disséminée  du  sang,  sous  peine  de  perdre  leur 
type  propre  et  de  n'exister  pas. 

Ce  caractère  congestif  à  déterminations  multiples  n'existe  plus  aussi  régulière- 
ment dans  les  hémorrhagies  multiples  et  disséminées  des  pyrexies  non  exanthé- 
matiques,  c'est-à-dire  qui  ne  s'accompagnent  pas  d'efflorescences  typiques  à  la 
peau  comme  la  variole,  la  scarlatine  et  la  rougeole.  Dans  la  fièvre  jaune,  dans 
l'ictère  grave,  quelle  qu'en  soit  la  cause,  les  tendances  hémorrhagiques  font 
DICT.  ENC.  x"  s.  XUI.  29 


450  HÉMORRIIAGIE. 

partie  intégrante  de  la  maladie  et,  pourvu  que  cette  dernière  atteigne  un  certain 
degré  de  gravité,  elles  apparaissent  comme  des  éléments  réguliers  du  complexus 
morbide  dans  son  mode  intense.  Ce  sont  là  des  éléments  hémorrhagiques  des 
pyrexies  non  exanthématiques  bien  différents  des  accidents  hémorrhagiqties  de 
certaines  autres  pyrexies.  Dans  la  fièvre  typhoïde,  par  exemple,  à  part  les  épistaxis 
du  début  qui  ne  sont  pas  constantes,  le  processus  morbide  régulier  de  la  maladie, 
quelque   grave  qu'elle   soit,   n'exige  pour  être   rendu   complet,  porté  à   son 
summum  même,  l'existence  nécessaire  d'aucune  hémorrhagie.  L'héraorrhagie 
intestinale,  dont  les  conditions  productrices  et  déterminantes  nous  sont  encore 
inconnues,  peut  en  effet  ou  ne  pas  se  produire  ou  se  produire  dans  des  cas  en 
apparence  légers  aussi  bien  que  dans  des  cas  graves  :  elle  constitue  donc  un 
simple  accident,  une  complication,  et  non  en  réalité  im  membre  essentiel  de  la 
symptomatologie  dotliiénentérique.   Nous  ne  pouvons  ici  {voy.  Fièvre  jaune, 
Ictère  [grave],  Fièvre  typhoïde,  etc.)  entrer  dans  les  détails  absolument  spéciaux 
au  sujet  de  la  physionomie  propre  au  syndrome  hémorrhagique  dans  ces  diverses 
maladies  fébriles.  Nous  devons  faire  seulement  remarquer  que,  si  l'on  compare 
les  pertes  sanguines  effectives  avec  leurs  effets  réactionnels  sur  l'organisme 
infecté  qui  en  est  le  théâtre,  an  constate   toujours   entre  les  deux  une  dispro- 
portion évidente.  Des  hémorrhagies  qui  n'auraient  pas  même  été  déplétives  chez 
un  individu  sain  deviennent  spoliatrices  ou  même  déperditives  chez  un  malade 
atteint  de  dothiénentérie,  de  dysenterie,  d'hépatite  diffuse  avec  ictère.  II  n'existe 
en  effet  plus  alors  de  proportionnalité  entre  la  perte  et  la  résistance  possible. 
De  là  les  effets  de  collapsus  subit  qu'on  observe  parfois   pour  des  perles  peu 
massives  dans  la  lièvre  typhoïde;  de  là  dans  les  pyrexies  analogues  le  danger  des 
saignées  larges  ou  répétées  coup  sur  coup  ;  de  là  ce  fait  bien  connu  des  médecins 
des  hôpitaux  d'enfants  que  dans  la  diphthérie  accompagnée  de  bronchite  capil- 
laire une  ventouse  scarifiée  crée  parfois  une  déperdition  sanguine  véritable  et 
hâte  la  mort  subite  quand  cette  même  ventouse  aidée  par  l'action  de  l'ipéca  fait 
tomber  souvent  net  la  suffocation  d'une  bronchite  capillaire  non  symptomatique 
d'un  état  infectieux  ou  d'une  fièvre  éruptive. 

Nous  venons  de  passer  en  revue  les  modalités  principales  du  syndrome  hémor- 
rhagique, c'est-à-dire  de  l'hcmorrhagie  considérée  dans  ses  modes  d'expression 
divers,  dans  les  réactions  qu'elle  commande  sous  ses  formes  diverses,  et  consi- 
dérée en  tant  que  perte,  en  tant  qu'effusion  sanguine  unique  ou  multiple.  Il 
résulte  de  cette  étude  que,  pour  agir  en  tant  qu' hémorrhagie  et  autrement  que 
comme  un  pur  symptôme  de  valeur  variable,  la  perte  de  sang  doit  être  de 
quelque  importance.  11  résulte  encore  de  là  que  les  hémorrhagies  incomplètes 
ou  électives,  qiii  en  réalité  ne  soustraient  qu'infiniment  peu  de  chose  à  la  masse 
totale  du  sang,  n'ont  aucune  valeur  en  tant  que  perles,  et  que  leur  importance 
reste  entièrement  symptomatique  :  tel  est  le  cas,  par  exemple,  du  crachat  rouillé 
de  la  pneumonie. 

Y.  Diagnostic  général  des  hémorrhagies.  Dans  toute  hémorrhagie,  le 
médecin  peut  avoir  à  se  poser  ce  triple  problème  :  Le  liquide  extravasé  est-il 
du  sang?  D'où  vient  ce  sang;  de  quel  vaisseau,  de  quel  tissu  ou  de  quel  organe? 
Quelle  est  la  cause  de  l'hémorrhagie  reconnue  comme  telle  et  avérée? 

a.  Le  sang.  Une  plaie,  une  solution  de  continuité  traumatique  ou  de  causa 
ulcéreuse  quelconque  donne  naissance  à  un  écoulement  sanguin.  Le  sang  artériel 
aillit  par  un   mouvement  continu,   avec   des  redoublements  isochrones  aux 


IIÉMORRHAGIE.  4M 

systoles  cardiaques;  le  liquide  est  rouge  de  brique  clair,  animé;  le  sang  colle 
aux  doigts,  aux  vêtements,  à  la  manière  des  substances  gommeuses.  Une  tache 
d'un  pareil  sang  sur  une  élorfe  fait  épaisseur,  la  brosse  ne  la  désagrège  pas  après 
dessèchement.  Ce  sont  là  des  caractères  connus  de  tous  les  chirurgiens  et  de 
tous  les  physiologistes  opérateurs  et  qui  rendraient  puéril  un  examen  spectro- 
scopique,  montrant  les  deux  bandes  caractéristiques  du  sang  oxygéné.  Un  pareil 
sang  est  évidemment  d'origine  artérielle.  Le  sang  est  noir,  couleur  de  vin  rouge 
avec  nue  nuance  de  pourpre  violette,  il  coule  en  jet  continu,  il  imbibe  les 
étoffes  en  s'élendant  et  colle  peu  à  la  peau.  Desséché  sur  une  pièce  de  vêtement, 
il  se  désagrège  sous  la  brosse,  il  s'écaille  sur  la  peau  sans  adhérer.  C'est  du 
sang  veineux  qui  montrerait  la  bande  unique  et  large  de  l'hcmogiobine  réduite. 
Un  sang  à  caractères  intermédiaires,  coulant  en  pluie,  ou  qui  sourd  en  rosée  des 
tissus  traumatisés,  ou  spontanément  par  les  surfaces  libres,  sera  reconnu  aisé- 
ment pour  du  sang  des  capillaires.  Dans  ces  trois  cas,  il  n'y  a  pas  d'erreur 
possible,  sauf  lorsqu'il  s'agit  d'un  pissement  de  sang.  Le  sang,  mêlé  à  l'urine  ou 
excrété  par  l'urèthre  de  façon  à  paraître  pur,  doit  être  examiné  au  microscope, 
seul  juge  dans  ce  cas  en  dernier  ressort.  Il  est  en  effet  des  hcmoglobinuries 
massives  et  très-colorées  qui  simulent  l'écoulement  vrai  du  liquide  sanguin.  Le 
spectroscope  serait  insuffisant  :  il  montrerait    les   raies  de  l'hémoglobine.  Le 
microscope  montre  ou  ne  montre  pas  les  globules  rouges,  et  indique  qu'il  y  a 
une  hémorrhagie  véritable  ou  une  hémorrhagie  fausse.  Jamais  en  effet,  si  elle 
altère  les  globules  rouges  jusqu'à  un  certain  point,  l'urine,  quelque  modifiée 
qu'elle  soit,  ne  les  fait  tous  disparaître. 

De  plus,  s'il  s'agit  d'une  iiémorrhagie  vraie,  complète  ou  massive,  renfermant 
tous  les  éléments  du  sang,  une  goutte  du  liquide  rouge,  placée  sur  la  lame  de 
verre,  recouverte  d'une  lamelle  et  abandonnée  un  quart  d'heure  dans  la  chambre 
humide,  coagule  et  donne  naissance  à  un  réseau  fibrineux.  Rien  n'est  alors  plus 
facile  que  de  mettre  en  évidence  ce  réseau  en  faisant  passer  par  capillarité  un 
courant  d'eau  distillée  sous  la  lamelle.  Les  globules  sont  dissous,  et,  si  l'on 
introduit,  également  par  capillarité,  de  l'eau  iodée  ou  de  riodsérum,leréliculum 
fibrineux  apparaît  comme  une  dentelle,  avec  les  globules  blancs  et  les  granula- 
tions élémentaires  (hématoblastes  de  Ilayem)  à  ses  points  nodaux. 

11  n'en  est  plus  de  même  lorsqu'il  s'agit  d'une  hémorrhagie  élective,  ou 
dans  laquelle  le  sang  est  mêlé  à  des  substances  qui  ont  pu  l'altérer.  Le  sang 
alors  ne  coagule  plus  entre  la  lame  et  la  lamelle,  mais  il  montre  les  globules 
rouges  ou  intacts,  ou  déformés.  En  chauffant  une  goutte  du  liquide  suspect 
avec  du  sel  marin  et  une  goutte  d'acide  acétique  sur  la  flamme  d'une  lampe 
à  alcool,  on  voit  apparaître  les  petits  cristaux  noirs,  caractéristiques,  en  forme 
de  losanges  équilatéraux,  qui  indiquent  l'existence  du  chlorhydrate  dliématine 
ou  he'mine,  que  les  globules  rouges  du  sang,  en  de  telles  conditions,  peuvent 
seuls  fournir. 

Un  pigment  noir  déposé  interstiliellemcnt,  et  soupçonné  d'être  d'origine 
hématique,  se  révélera  comme  tel  par  la  présence  des  cristaux  d'hémine,  qui 
souvent  existent  sans  aucune  manipulation,  et  qui  apparaissent  toujours  par  la 
manœuvre  précédemment  indiquée  quand  la  masse  pignientaire  formée  par  le 
sang  modifié  n'est  pas  trop  ancienne.  Dans  le  cas  contraire,  l'anatomo-patholo- 
giste  aurait  encore  la  ressource  des  réactions  histochimiques  indiquées  par 
Quincke  [loc.  cit.)  pour  déceler  dans  un  pigment  quelconque  la  présence  des 
albuminales  ou  des  oxydes  de  fer,  pieuves  de  l'origine  hématique  de  ce  pigment. 


452  IIÉMORRIIAGIK. 

L'hûmorrhagie  est  interstitielle,  inaccessible.  Sur  la  itoau  lu  niarclie  bien 
connue  tle  l'eccliymose  :  la  coloration  d'abord  vermeille,  puis  rouge  sombre, 
puis  verdâlre  ou  jaune,  l'existence  de  ces  teintes  se  succédant  en  cocarde  de  la 
partie  centrale  de  la  lésion  à  la  périphérie,  l'ont  reconnaître  sur  la  peau  l'existence 
d'une  liémorrhagie  subjacente.  Très-ancienne,  cette  liémoriliagie  ne  se  marque 
plus  que  par  une  éplicliile  jaune,  diflicilement  différenciable  d'une  tacbe  solaire, 
mais  que  sa  position  et  souvent  le  voisinage  de  lésions  héraorrhagiques  plus 
récentes  et  moins  évoluées  permettent  la  plupart  du  temps  de  reconnaître. 
Quant  à  l'ecchymose  des  muqueuses  du  type  malpighien,  telles  que  celles  de  la 
bouche,  du  pharynx,  du  vagin,  elle  est  si  semblable  à  la  fuliginosité  qu'il  est 
nécessaire  d'attendre  qu'elle  desquame,  de  prendre  alors  les  lambeaux  isolés 
devenus  libres  spontanément,  puis  de  les  dissocier  dans  un  sérum  artificiel  pour 
mettre  en  évidence  les  globules  rouges  ou  leur  débris,  et  faire  le  diagnostic  au 
microscope  ou  par  les  réactions  de  l'héminc.  A  vrai  dire,  dans  la  majorité  des 
cas,  cette  recherche  ne  présente  pas  en  clinique  un  grand  intérêt. 

Le  lieu  de  l'hcmorrhagie,  le  point  lésé,  l'exsudat,  sont  non-seulement  inacces- 
sibles, mais  pour  le  moment  hors  de  vue.  Tel  est  le  cas  de  l'hémorrhagie  intes- 
tinale au  premier  moment  de  l'observation;  si  l'on  assiste  au  début  du  processus, 
en  attendant  le  méitcna,  l'on  aura  les  signes  présomptifs  de  riiémorrliagie  que 
viendra  plus  tard  affirmer  indiscutablement  l'excrétion  du  sang.  Le  malade 
pâlit,  prend  une  tendance  aux  lypothymies  de  position  ;  si  la  fièvre  existe,  il  se 
produit  un  coup  de  collapsus.  Les  extrémités  se  refroidissent;  le  tableau  bien 
connu  de  l'état  de  perte,  de  déperdition  sanguine,  est  réalisé;  et  l'on  peut 
supposer  rationnellement  alors  que  le  sang  fuit  en  masse  sur  un  point  de  l'orga- 
nisme que  l'état  antérieur  du  patient  fait  d'ailleurs  la  plupart  du  temps  aisément 
soupçonner.  11  en  est  de  même  dans  les  traumatismes,  quand  un  vaisseau 
inaccessible  est  ouvert  et  épanche  son  contenu  dans  les  cavités  naturelles  quel- 
conques. Le  tableau  clinique  des  héraorrhagies  internes  est  d'ailleurs  bien 
connu;  il  est  saisissant  et,  quand  il  se  idéalise,  il  met  ordinairement  le  médecin 
très-rapidement  sur  la  voie  du  diagnostic.  Nous  ne  parlons  pas  ici,  bien  entendu, 
des  hémorrhagies  intéressant  le  jeu  des  centres  nerveux.  Une  hémorrhagie 
ménino-ée,  cérébrale,  médullaire,  s'indiquent,  en  effet,  par  des  symptômes  tout 
spéciaux  dans  la  production  desquels  la  perte  sanguine,  considérée  en  elle-même, 
joue  un  rôle  absolument  effacé,  tandis  que  les  effets  mécaniques  de  l'effusion 
de  sang,  agissant  sur  des  parties  qui  commandent  des  réactions  symptomatiques 
de  premier  ordre,  prennent  alors  le  pas  et  conduisent  directement  au  diagnostic 
{votj.  Cerveau,  Miînixces,  Encéphale,  etc.). 

b.  Origine  du  sang.  Dans  les  hémorrhagies  traumatiques,  la  situation  de  la 
lésion,  rex[>loration,  la  compression  des  vaisseaux  commandant  la  circulation 
du  point  lésé,  peuvent  souvent  donner  un  renseignement  positif  sur  l'origine  de 
l'hémorrhagie,  en  tant  qu'elle  est  le  lésultat  de  l'ouverture  do  telle  ou  telle 
artère.  En  pathologie  interne,  il  n'y  a  guère  que  les  hémorrhagies  foudroyantes 
dues  à  la  rupture  des  anévrysmes  ou  aux  lésions  ulcéreuses  gastro-intestinales 
qui,  dans  certaines  circonstances,  puissent  fournir  des  notions  d'origine  absolu- 
ment positives.  Néanmoins,  il  est  des  cas  où,  en  dehors  de  la  notion  plus  ou 
moins  générale  qui  ressort  de  la  voie  que  prend  le  sang  pour  s'écouler,  on  est 
mis  à  même,  par  l'examen  attentif  du  produit  de  l'effusion,  d'en  indiquer 
l'origine  viscérale  précise;  nous  allons  donner  comme  exemples  quelques-uns 
de  ces  cas. 


IIÉMORRIIAGIE.  453 

1»  Le  sang  sort  par  la  bouclis;  il  peut  venir  de  la  bouche  même,  des  fosses 
nasales,  des  voies  aériennes,  de  la  portion  sus-pylorique  du  tube  digestif. 

Il  s'agit,  bien  entendu,  d'un  liquide  ayant  le  caractère  du  sang  à  l'état  massif 
et  non  de  stries  sanguines.  Le  sang  venu  de  la  bouclie  est  incoagulable,  mêlé 
de  salive,  les  narines  tamponnées,  la  toux  et  la  respiration  suspendues;  son 
écoulement  est  exagéré  par  la  succion.  Si  l'on  examine  la  cavité  buccale  après 
l'avoir  lavée  à  l'eau  froide,  on  voit  la  source  du  sang  au  niveau  d'une  ulcération 
quelconque,  le  plus  souvent  à  la  serti'^,sure  des  dents.  Telles  sont  les  principales 
conditions  diagnostiques  de  la  stomatorrkagie. 

Le  sang  sort  par  la  bouche  intacte,  la  respiration  et  la  toux  suspendues.  Le 
tamponnement  du  cavum  des  fosses  nasales  (tamponnement  postérieur)  l'arrête; 
il  vient  du  nez.  Un  gros  pinceau  porté  au  fond  de  la  gorge  arrête  l'écoulement, 
le  nez  étant  mis  hors  de  cause  par  l'examen  rhinoscopique  après  nettoiement;  le 
sang  vient  du  cavum  des  fosses  nasales,  de  la  glande  de  Lacauchie  (amygdale 
pharyngienne),  si  souvent  l'origine  des  épistaxis  du  début  et  des  fuliginosités 
sanglantes  du  cours  de  la  fièvre  typhoïde,  et  véritable  plaque  de  Peyer  occu- 
pant la  partie  supérieure  du  piiarynx. 

Dans  l'hémoptysie  violente,  le  sang  sort  à  la  fois  Jpar  la  bouche  et  par  le  nez, 
et  la  nausée  naît  en  même  temps.  La  plupart  du  temps  le  malade  croit  si 
bien  i'ohuV  le  sang  que  tous  les  hémoptoïques  interrogés  à  Ihôpital  accusent 
le  vomissement  de  sang  comme  correspondant  à  leur  accident,  le  crachement  de 
sang  répondant  pour  eux  simplement  à  l'expulsion  de  crachats  marqués  de  stries 
sanglantes.  Outre  les  caractères  bien  connus  de  l'expulsion  :  sang  spumeux, 
vermeil,  battu  avec  l'air,  éclaboussant  le  crachoir  et  les  vêtements,  le  médecin 
possède,  pour  faire  son  diagnostic,  deux  autres  points  de  repère  d'égale  impor- 
tance. 

Le  premier  est  l'existence  dans  un  point  du  poumon,  celui  qui  correspond  à 
riiémorrhagie,  des  râles  hémoptoïques.  Ces  râles  sont  de  petits  craquements 
fins,  venant  en  bouffées  humides,  et  reproduisant  en  une  sorte  d'écho  le  i^ediix 
pneumonique.  Très-limités,  se  réduisant  de  jour  en  jour,  les  râles  hémoploïques 
disparaissent  peu  après  le  retour  de  l'expectoration  à  l'état  exsangue,  et  font 
place  ou  non  aux  bruits  anormaux  fixes  symptomaliques  des  lésions  bémorrha- 
gipares  quand,  au  moment  de  l'hémorrhagie,  ces  lésions  existent,  ce  qui  n'a  pas 
toujours  lieu,  à  l'état  déjà  distinct. 

En  second  lieu,  après  toute  hémorrhagie  d'origine  pulmonaire,  pendant 
plusieurs  jours,  le  malade  expectore  des  crachats  colorés,  d'abords  sanglants  et 
vermeils,  puis  bruns,  enfin  jaune  verdàlre.  Une  parcelle  de  ces  crachats  examinée 
au  microscope  montre  alors  les  globules  rouges  englobes  dans  du  mucus  et 
rangés  en  files,  et  d'énormes  cellules  embryonnaires  répondant  à  l'endothélium 
alvéolaire  desquamé,  cellules  faciles  à  reconnaître  des  globules  lymphatiques 
par  leurs  dimensions  et  renfermant  des  globules  inclus  ou  des  globules  déjà 
morcelés,  enfin  des  grains  de  pigment,  ou  diffusément  colorés  par  l'hémoglobine, 
et  prenant  alors  une  teinte  rouge  brique  caractéristique,  si  on  traite  la  prépara- 
tion par  une  solution  faible  d'éosine. 

D'emblée  les  crachats  sanglants  de  l'apoplexie  pulmonaire,  les  crachats 
rouilles  de  la  pneumonie  fibrineuse,  présentent  ce  caractère,  qui  permet  d'affirmer 
d'une  manière  certaine  que  le  sang  expectoré  a  pris  son  origine  en  plein  paren- 
chyme du  poumon. 

Au  contraire,  le  sang  de  l'hématémèse,  noir  et  disposé  en  stries  de  place  en 


454  IIÉMORRHAGIE. 

place  dans  une  sorte  de  glaire  (cancer  stomacal  à  forme  vulgaire)  ou  rejeté  en 
masse,  avec  l'aspect  des  sauces  de  civet,  est  acide  et  présente  des  globules 
déformés,  crénelés,  morcelés,  avec  une  absence  complète  de  ces  grandes  cellules 
endothélialcs  alvéolaires  ramenées  à  l'état  granuleux,  et  à  la  forme  ovale  ou 
ronde,  par  le  processus  à  la  fois  desquamatif  et  irritatif  qui  prend  naissance 
lorsque  le  sang  s'exlravase  dans  le  parenchyme  pulmonaire  et  y  joue  le  rôle  d'un 
corps  étranger.  Il  est  à  peine  besoin  de  dire  que,  depuis  qu'on  a  pris  l'habitude 
de  faire  l'examen  microscopique  des  matières  rejetées,  il  est  impossible  de 
confondre  les  vomissements  noirs  d'origine  hématique  avec  ceux  qui  doivent 
cette  coloration  aux  sarcines. 

2"  Le  sang  est  expulsé  par  l'anus;  il  peut  être  le  résultat  d'une  hémorrhagie 
ayant  son  origine  dans  des  hémorrhoïdes  ;  ce  sera  alors  du  sang  pur,  coagulable, 
émis  ordinairement  lors  des  efforts  de  défécation,  souillant  les  fèces  rejetées. 
L'examen  par  le  toucher  montrera  l'existence  d'une  production  hémorrhoïdaire. 
Il  n'existe  pas  d'hémorrhoïdes,  le  sang  est  mêlé  de  mucus  analogue  au  blanc 
d'oeuf,  il  existe  des  signes  de  rétrécissement  rectal;  on  sera  mis  sur  la  voie 
d'une  tumeur  du  rectum,  d'un  adénome  ou  d'un  carcinome  colloïdes,  ou  d'un 
épitliélioma  :  néoplasmes  le  plus  souvent  accessibles  au  toucher  et  dont  fréquem- 
ment des  fragments  enlrauiés  par  les  efforts  de  défécation  toujours  laljorieux 
pourront,  si  l'on  prend  le  soin  de  les  soumettre  à  l'examen  microscopique,  lever 
tous  les  doutes  sur  la  variété  de   tumeur  cancéreuse  à  laquelle  on  a  affaire.  On 
connaît  depuis  longtemps  le  caractère  à  la  fois  muqueux  et  sanglant,  l'aspect 
de  lavure  de  chair  des  selles  dysentériques  {voij.  Dysejxterie),  nous  n'y  insiste- 
rons donc  pas.  D'une  manière  générale,  on  peut  faire  remarquer  que,  le  plus 
ordinairement,  le  sang  qui  provient  des  portions  de  l'intestin  situées  au-dessous 
de  la  valvule  de  Bauhin,  c'est-à-dire  le  sang  qui  est  le  signe  d'héniorrhagies  por- 
tant sur  le  gros  intestin,  l'S  iliaque  et  le  rectum,  est  émis  sans  avoir  éprouvé  les 
effets  de  la  digestion  intestinale.  Le  mélœna,  c'est-à-dire  le  sang  noir,  couleur  de 
sauce  de  civet  et  présentant  des  giobides  altérés,  déformés,  agglomérés  en  masses 
mijriformes,  comme  dans  l'hématémèse  d'origine  stomacale,  prend  au  contraire 
son  origine  dans  le  petit  intestin,  le  duodénum,  ou  n'est  sorti  par  l'anus  que 
par  suite  du  passage  du  contenu  hémori'hagique   de  l'estomac  dans  1  intestin 
grêle.  Il  importe  seulement  de  faire  remarquer  que,  même  en  dehors  des  cas  où 
une  hémorrhagie  très-abondante  s'est  effectuée  dans  le  canal  alimentaire,  et  où  le 
sang,  rejeté  très-rapidement  par  l'anus,  n'a  pas  eu  le  temps  de  subir  de  notables 
altérations  et  reste  rouge,   avec  la  plupart  de  ses  propriétés  organoleptiques 
ordinaires,   des  pertes  de  sang  modérées,  retenues  pendant  un  temps  parfois 
assez  long  dans  le  petit  intestin,  donnent  lieu  "à   l'émission  par  l'anus  d'un 
produit  peu  différent  par  son  aspect  du  sang  pur  lorsque  les  fonctions  digestives 
de  l'inleslin  sont  momentanément  entravées.  C'est  ainsi  que  j'ai  pu  voir,  dans 
la  fièvre  typhoïde,    le  sang  des  hémorrhagies  intestinales  ne  point  du  tout 
présenter  les  caractères  du  mélœna.  Il  est  vrai  que  dans  un  de  ces  cas  l'autopsie 
a  permis  de  constater  à  l'union  de  l'S  iliaque  et  du  rectum  une  série  d'ulcéra- 
tions à  l'emporte-pièce,  les  unes  guéries,  les  autres  encore  en  activité,  et  qui,  ne 
siégeant  sur  aucun  organe  lymphoïde  analogue  aux  plaques  de  Peyer,  pouvaient 
être  considérées  comme  des  ulcérations  ectopiques.  Il  faudrait  donc  songer  à  de 
pareilles  ulcérations  lorsque,   dans  le  cours  d'une  fièvre  typhoïde,  on  voit  des 
hémorrhagies  intestinales  réitérées  et  peu  abondantes  se  produire,  souillant  les 
inges  de  corps  exactement  à  la  façon  du  sang  des  menstrues. 


HÉMORRHAGIE.  455 

5"  Lorsque  le  sang  sort  par  la  vulve,  il  peut  prendre  sou  origine  dans  une 
rupture  de  l'hymen,  ce  dont  il  est  aisé  de  s'apercevoir  de  suite;  autrement,  dans 
la  grande  majorité  des  cas,  il  provient  de  l'utérus,  car  les  affections  hémorrhagi- 
pares  du  vagin  sont  de  véritables  exceptions.  11  convient  alors  de  faire  le  diagnostic 
de  la  cause,  de  déterminer  la  lésion  ou  le  trouble  fonctionnel  hémorrhagipares 
[voy.  Menstruation,  Ménorrhagie,  Utérus,  Accouchement,  Avortement,  Métror- 
rhagie).  Je  ferai  seulement  remarquer  à  ce  propos  que,  pendant  la  pliase  géni- 
tale de  la  vie  de  la  femme,  la  métrorrhagie  est  le  plus  souvent  due  à  l'avorte- 
ment,  tandis  qu'avant  la  puberté  elle  est  le  plus  souvent  déterminée  par  l'action 
de  maladies  générales,  et  après  la  ménopause  par  les  diverses  néoplasies  de 
l'appareil  utéro-ovarien.  En  cas  de  soupçon  d'avortement,  les  parties  solides  du 
sang  rejeté,  les  caillots,  les  apparences  de  membranes,  doivent  être  soigneuse- 
ment recueillis,  dissociés  par  l'agitation  dans  un  verre  d'eau  et  soumis  à  l'examen 
microscopique.  L'Iiémorrliagie  abortive  est  en  effet  caractérisée  d'une  façon 
indiscutable  par  la  présence,  au  sein  du  liquide  rejeté,  des  villosifés  choriales 
ou  des  débris  de  membranes  ou  de  placenta.  Dans  plusieurs  examens  médico- 
légaux,  j'ai  pu  de  cette  façon  établir,  d'une  manière  incontestaljle,  l'origine 
abortive  du  sang  expulsé  par  la  vulve  et  qui,  sans  celte  preuve  décisive,  pouvait 
être  tout  aussi  bien  rapporté  à  une  métrorrhagie  de  cause  quelconque,  étrangère 
à  l'avortement,  ou  encore  à  une  dysménorrhée  pseudo-membraneuse  (Rames, 
Soc.  méd.  des  hôpitaux,  1873). 

4°  Le  sang  sort  par  le  méat  urinaire  :  il  y  a  hématurie.  Pas  plus  que  dans  les 
trois  alinéas  précédents  je  ne  chercherai  à  faire  ici  la  séméiotique  complète  de 
riiémorrhagie  s'exerçant  par  cette  voie  {voy.  Hématurie).  Je  veux  seulement 
indiquer  les  circonstances  dans  lesquelles  l'examen  du  sang  lui-même  donne  un 
renseignement  immédiat  et  positif  sur  la  partie  des  voies  urinaires  qui  l'a 
fourni. 

Lorsque  le  sang  mêlé  aux  urines  a  son  origine  dans  une  hémoi'rhagie  rénale 
intra-canaliculaire,  ce  qui  souvent  a  lieu  dans  la  gravelle  microscopique  en 
particulier,  le  sédiment  renferme  non-seulement  des  globules  rouges  libres,  mais 
encore  de  nombreux  cylindres  tout  à  fait  particuliers  et  sur  lesquels  j'insiste  à 
dessein  parce  que,  bien  que  connus,  ils  ne  me  paraissent  pas  avoir  suffisam- 
ment attiré  l'attention  des  cliniciens  :  ce  sont  les  cylindres  fibrineux  hémor- 
rhagiqiies,  véritables  caillots  minuscules  ayant  la  forme  des  tubes  droits  ou 
contournés,  plus  fréquemment  celle  des  premiers  que  celle  des  seconds.  Ils  sont 
formés  de  fibrine  fihrillaire  enserrant  des  globules  rouges  comme  dans  un 
coagulum  ordinaire.  Toutes  les  fois  qu'on  les  rencontrera,  l'on  pourra  dire 
qu'une  hémorrhagie  s'est  effectuée  en  plein  parenchyme  rénal,  et  que  le  sang 
s'est  épanché  dans  les  tubuli.  Les  cylindres  hyalins,  colloïdes,  granulo-graisseux 
ou  hyalins  épithéliaux,  sont  ordinairement  accompagnés,  dans  les  néphrites  des 
divers  ordres,  de  globules  rouges  indiquant  la  probabilité  d'une  hémorrhagie 
rénale,  mais  non  une  certitude  absolue  de  l'existence  de  cette  dernière. 

Lorsque  par  l'urèthre  sont  expulsés  des  caillots  ayant  la  forme  des  uretères, 
parfois  celles  des  papilles,  des  bassinets,  on  est  en  présence  du  inictus  vernii- 
formis  cruentus  des  anciens  auteurs,  indiquant  une  pyélite  hémato-fibreuse 
(Ollivier)  ou  un  trauma  des  uretères  ayant  déterminé  leur  réplétion  avec  coagu- 
lation sur  place  :  bref,  on  a  affaire  à  une  effusion  de  sang  de  l'uretère  ou  du 
bassinet. 

Enfin,  quand  les  urines  rouges,  ou  lactescentes  et  rosées,  ou  d'un  blanc  de 


456  IIÉMORRIIAGIE. 

luit,  coagulent  et  donnent  un  caillot  mou,  caséiforme,  constitué  par  un  réseau 
de  fibrine  élégant,  enserrant  dans  ses  mailles  des  globules  rouges  et  des  glo- 
bules blancs,  les  derniers  en  nombre  considérable  que  les  premiers,  on  est  en 
présence  d'une  hémorrhngie  élective  du  rein,  d'un  cas  d'hématurie  analogue 
à  celle  des  pays  chauds  et  de  l'ile  de  France,  mais  qui  ne  reconnaît  pas  tou- 
jours cette  cause  exotique,  car  j'ai  eu  l'occasion  d'observer,  avec  mon  maître 
Ant.  Fauvel,  une  hémorrliagie  de  cet  ordre  chez  une  hystérique. 

En  dehors  de  ces  trois  cas,  l'examen  du  sang  sorti  par  l'urèthre  n'apprend 
rien  de  positif  sur  le  siège  de  l'hémorrhagie,  et  l'on  est  obligé  d'avoir  recours 
au  groupement  des  symptômes  qui  accompagnent  l'émission  sanguine  pour 
établir  sa  valeur  séméiologique. 

c.  Diagnostic  de  la  cause.  11  conviendrait  maintenant,  une  héraorrhagie 
étant  donnée,  son  siège  étant  déterminé,  de  faire  le  diagnostic  de  la  cause. 
Mais  ce  diagnostic  ne  peut,  on  le  conçoit,  être  développé  autrement  que  pour 
chaque  cas  particulier.  C'est  donc  dans  les  articles  Stomatoruhagie,  Épistaxis, 

IIÉMATÉMKSE,     HÉMOPTYSIE,    EiSTÉnORRHAGIE,    MÉTRORRHAGIE,     HÉMATURIE,      llÉMATI- 

DRosE,  Plupur.v,  ctc,  ctc,  quc  le  lecteur  devra  naturellement  aller  chercher  les 
éléments  de  son  instruction  à  cet  égard. 

Yl.  Pronostic  et  traitement  des  hémorrhagies.  Dans  toute  perte  de  sang,  le 
pronostic  immédiat  est  fourni,  quelle  que  soit  la  nature  causale  de  la  perte, 
par  l'iutensilé  de  cette  dernière  et  par  la  façon  dont  elle  menace  ou  ne  menace 
pas,  en  tant  qu'effusion  sanguine,  la  vie  de  l'individu.  Chez  un  individu  sain, 
une  hémorrhagie  déplétive  est  sans  importance  ;  elle  en  acquiert  une  variable 
suivant  les  cas  chez  un  sujet  atteint  par  une  maladie  générale. 

Dans  une  perte  de  sang  d'abord  déplétive,  puis  qui  se  poursuit,  l'apparition 
de  la  syncope  de  position  a  une  valeur  pronostique  précise  :  elle  indique  que 
très-prochainement  la  perte  sanguine  va  revêtir  le  type  spoliatif. 

Enfin  les  prodromes  de  la  syncope  irrémédiable,  celle  qui  annonce  la  résolu- 
tion immédiate  des  forces,  c'est-à-dire  la  mort  imminente,  indiquent  que  l'hémor- 
rhagie va  devenir  prochainement  déperditive  et  que.  môme  après  l'arrêt  du 
sang,  s'il  est  effectué  à  ce  moment  même,  la  vie  du  malade  est  grandement  en 
danger  parce  qu'il  ne  se  rétablira  peut-être  pas.  Dans  ces  conditions  qui  sont 
celles  de  l'anémie  aiguë,  l'existence  d'un  état  subsyncopal  persistant,  le  main- 
tien de  l'hypothermie,  les  irrégularités  des  mouvements  respiratoires  et  car- 
diaques, le  délire,  sont  autant  de  signes  pronostiques  défavorables,  tandis  que 
l'atténuation  rapide  de  l'état  syncopal,  le  réchauffement  progressif,  l'absence 
de  délire,  d'hallucinations  ou  de  douleurs  névralgiques  atroces,  le  retour  de 
l'appétit,  l'apparition  des  sueurs  profuses  et  chaudes,  sont  ordinairement  les 
phénomènes  avant-coureurs  de  la  convalescence,  ou  du  moins  rendent  plus  vrai- 
semblable le  triomphe  définitif  de  l'organisme  contre  la  perle  de  sang  poussée 
à  l'extrême. 

Dans  la  convalescence  de  forme  si  hautement  anémique  qui  suit  les  hémor- 
rhagies largement  spoliatrices  d'emblée,  ou  qui  le  sont  devenues  par  suite  de 
la  répétition  des  pertes  de  sang,  la  persistance  de  l'état-pseudo-chlorotique 
malgré  le  régime  analeptique,  les  troubles  digestifs,  enfin  la  production  des 
œdèmes,  constituent  des  signes  de  très-mauvais  augure,  car  ils  sont  les  avant- 
coureurs  du  marasme  dans  lequel  succombent  souvent,  et  parfois  après  un  long 
temps  à  partir  de  la  dernière  perte  sanguine,  les  malades  soumis   aux  héinor 


IIÉMORRIIAGIE. 


40  < 


rhagies  du  lype  spoliateur.  Tel  est,  par  exemple,  le  cas  des  femmes  épuisées  par 
une  série  de  métrorrhagies  symptomatiques  de  myomes  utérins,  et  qui  meurent 
en  proie  à  la  cachexie  séreuse  alors  que  depuis  plusieurs  semaines  elles  ont  cessé 
de  perdre  du  sang. 

D'une  manière  générale,  le  pronostic  des  hémorrhagies  spontanément  réité- 
rées et  s'eftectuant  par  une  seule  et  même  voie  est  toujours  plus  sérieux  que 
celui  des  pertes  uniques  ;  et  plus  les  pertes  se  réitèrent,  plus  on  doit,  comme 
nous  l'avons  déjà  souvent  répété  dans  cet  article,  leur  accorder  d'importance 
au  point  de  vue  de  la  gravité  pronostique  propre  à  chacune  d'elles  prise  en  par- 
ticulier. En  effet,  après  les  hémorrhagies  du  début,  celles  qui  suivent  ont  une 
action  de  plus  en  plus  spoliatrice  sur  l'organisme,  si  bien  qu'une  effusion  qui, 
sur  un  individu  sain,  et  constituant  une  première  saignée,  n'aurait  eu  aucune 
influence  appréciable,  devient  mortelle  chez  un  autre  d'égale  force  en  puissance 
d'anémie  grave  post-hémorrhagique. 

Ainsi  les  hémorrhagies  réitérées  par  une  voie  unique  sont  ordinairement  plus 
graves  que  les  hémorrhagies  qui  ne  se  réitèrent  pas  ;  celles  qui  se  font  simulta- 
nément en  un  seul  temps,  en  une  môme  poussée,  par  diverses  voies,  le  plus 
ordinairement  à  la  peau  et  sur  les  muqueuses,  ont  une  signification  pronostique 
toujours  sérieuse,  bien  qu'à  un  autre  point  de  vue.  Ces  hémorrhagies  s'eftectuant 
d'après  un  mode  exanthématique,  même  quand  il  s'agit  du  plus  simple  purpura 
artlu'algique,  indiquent  toujours  un  mauvais  état  de  l'organisme,  une  dyscrasie 
sanguine  d'origine  toxique,  infectieuse  ou  cachecliqne,  ou  une  sldération  du 
système  nerveux,  comme  on  le  voit  dans  le  purpura  émotif.  Quant  à  l'état 
observé  dans  les  fièvres  malignes,  dans  le  scorbut  grave,  dans  l'ictère  grave  et 
la  fièvre  jaune,  c'est-à-dire  la  dyscrasie  liémorrhagit|ue  en  vertu  de  laquelle  le 
sang  fuit  par  toutes  les  surfaces,  exposées  ou  profondes,  et  s'épanche  même 
dans  les  espaces  interorganiques  du  tissu  connectif,  il  constitue  un  véritable 
état  d'instance  de  perte,  par  tous  les  modes  et  par  toutes  les  voies,  dont,  en 
général,  la  signification  pronosti(|ue  est  des  plus  graves,  soit  immédiatement, 
soit  à  terme.  En  effet  l'hémophilie  et  la  diatlièse  hémorrhagique  non  congéni- 
tale et  chronique,  dont  j'ai  rapporté  dans  cet  article  plusieurs  exemples,  abou- 
tissent dans  la  majorité  des  cas  à  une  terminaison  fatale  du  lait  de  l'hémor- 
rhagie,  bien  qu'on  soit  loin,  dans  cette  forme,  de  la  gravité  presque  sans  pardon 
des  hémorrhagies  mulliples  et  disséminées  satellites  des  fièvres,  telles  que  la 
variole  noire. 

11  convient  enfin  de  faire  remarquer  que  le  tout  petit  enfant,  le  grand  vieil- 
lard, le  cachectique  à  un  degré  quelconque,  l'individu  en  puissance  de  l'une 
quelconque  des  maladies  développées  sous  l'influence  de  la  nutrition  retardante, 
pour  employer  l'expression  compréhensive  et  pittoresque  de  Bouchard,  se  com- 
porte jusqu'à  un  certain  point,  devant  l'hémorrliagie,  à  la  façon  de  celui  dont 
l'organisme  est  affaibli  par  un  état  fébrile  grave.  L'hémorrhagie  prend  alors  un 
caractère  spoliatif  ou  même  déperditif,  en  apparence  peu  en  rapport  avec  sa 
masse.  Je  ne  développerai  pas  davantage  cette  notion,  d'ailleurs  tout  à  fait  tra- 
ditionnelle et  acceptée  aujourd'hui  par  tous,  bien  qu'il  fût  aisé  de  l'étayer  par 
de  nombreux  exemples  ;  ce  serait  franchir  les  bornes  de  cet  article,  déjà  étendu, 
pour  entrer  nécessairement  dans  le  domaine  de  la  pathologie  descriptive. 

Je  viens  d'essayer  d'esquisser,  dans  les  lignes  qui  précèdent,  la  prognose 
générale  des  hémorrhagies  des  quatre  principaux  types  considérées  exclusive- 
ment en  tant  que  pertes  de  sang.  C'est  là  en  effet  ce  que  l'on  pourrait  nommer 


458  UÉMORRHAGIE. 

le  pronostic  fixe  de  l'hémorrliagie,  parce  que  jusqu'à'  un  certain  point  il  est 
directement  commandé  par  ce  phénomène,  par  son  mode,  par  sa  mosse  ou  sa 
répétition,  enfin  par  les  qualités  réactionnelles  communes  à  tous  les  organismes 
qui  en  peuvent  devenir  le  théâtre.  Mais  dans  chaque  cas  particulier  dhémor- 
rhagie  il  est  une  prognose  d'un  caractère  tout  à  fait  différent,  et  qui  se  déduit, 
non  plus  de  la  perte  de  sang  elle-même,  considérée  comme  phénomène  patho- 
logique isolé,  mais  bien  des  causes  et  de  la  nature  changeantes,  pour  chaque 
variété,  des  conditions  hémorrhagipares  introduites  dans  l'organisme  par  tel  ou 
tel  état  morbide.  Ceci  revient  à  dire  que  le  premier  genre  de  pronostic  fixe,  parce 
qu'il  est  fondé  sur  le  symptôme  considéré  exclusivement  et  en  lui-même,  et 
toujours  à  ce  point  de  vue  comparable  à  lui-même,'est  purement  symptomatique, 
tandis  que  le  second  genre,  éminemment  variable,  est  en  réalité  pathogéniqite 
et  emprunte  toutes  ses  notions  aux  circonstances  spéciales  dans  lesquelles  s'est 
produite  l'hémorrhagie,  et  qui  en  ont  déterminé  l'apparition,  réglé  l'évolution 
suivant  un  certain  type.  En  tant  que  pertes  de  sang,  deux  hémoptysies  peuvent 
être  identiques,  ainsi  que  par  leur  action  immédiate  sur  la  circulation  et  la 
nutrition.  Cependant,  si  l'une  est  le  résultat  de  l'inhalation  de  gaz  irritant,  tels 
que  l'acide  sulfureux  ou  l'hypoazotide,  et  si  l'autre  montre  son  origine  tubercu- 
leuse par  les  parasites  que  renferme  le  sang  expulsé,  il  n'y  aura  aucune  res- 
semblance entre  le  pronostic  pathogénique  des  deux.  Un  exemple  aussi  frappant 
est  fourni  par  la  métrorrhagie.  Là  une  perte  identique  comme  forme  et  qui 
peut  être  indifféremment  ou  déplétive,  ou  spoliatrice,  ou  même  dans  quelques 
cas  déperditive  et  mortelle,  peut  être  la  conséquence  ou  d'un  flux  menstruel 
exagéré,  ou  de  la  présence  d'un  corps  fibreux,  ou  de  l'existence  d'un  cancer, 
ou  encore  de  la  production  d'un  avortement  ;  conditions  si  différentes  et  dispa- 
rates entre  elles  d'une  hémorrhagie  du  même  mode  qu'il  suffit  d'énoncer  la 
similitude  du  symptôme  et  la  diversité  de  ses  causes  productrices  pour  faire 
bien  comprendre  que  la  prognose  pathogénique  ne  peut  être  exposée  qu'à  propos 
de  chaque  variété  d'hémorrhagie  [voy.  Hémoptysie,  Hkjiatémèse,  Métrorrha- 
gie, etc.)  et  non  pas  dans  un  chapitre  de  pathologie  générale  consacré  à  l'étude 
de  l'hémorrhagie  considérée  également  en  général. 

C0NSTBÉRATI0>S    GÉNÉRALES    SUR    LE    TRAITEMENT    DES   IlÉMORRHAGTES,      LeS    trois 

indications  qui  dominent  la  thérapeutique  des  hémorrhagies,  quelles  qu'elles 
soient,  sont  les  suivantes:  1" arrêter  Técoulement  du  sang;  2" prévenir  le  retour 
de  l'hémorrhagie  arrêtée  ;  o°  favoriser  la  régénération  du  sang  soustrait  au 
système  circulatoire. 

1°  Arrêt  du  sang,  hémostase  ihérapeulique.  Au  dire  de  certains  cliniciens 
l'indication  de  l'arrêt  du  sang  n'est  pas  fournie  par  toutes  les  hémorrhagies 
sans  distinction.  Il  en  est,  dit  Fonssagrives  [Traité  de  thérapeutique  appliquée, 
t.  I,  p.  358),  qui  doivent  être  ou  respectées,  ou  qui  doivent  être  simplement 
l'objet  d'une  expectation  armée.  Cette  restriction,  que  faisaient  très-fréquem- 
ment les  médecins  anciens  préoccupés  de  la  répercussion,  s'applique  surtout 
aux  flux  habituels  tels  que  les  hémorrhoïdes  ;  en  parlant  des  hémorrhagies 
supplémentaires  j'ai  moi-même  cité  un  cas  de  gastrorrhagie  développée  mani- 
festement sous  l'influence  de  l'ablation  d'un  volumineux  paquet  hcmorrhoïdaire. 
Nélaton  (cité  par  Fonssagrives)  avait  même  constaté  que  la  suppression  des 
hémorrhagies  habituelles,  même  chez  les  anémiques,  devait  être  effectuée  avec 
précaution  et  une  certaine  lenteur;  il  avait  vu,  à  la  suite  d'ablation  de  polypes 


HÉMORRHAGIE.  459 

utérins,  naître  du  côté  des  poumons  ou  de  la  tête  des  dispositions  congestives 
parfois  redoutables.  Il  en  serait  de  même  de  certaines  hémoptysies  tuberculeuses 
de  nature  congestive  «  favorables,  dit  Fonssagrives,  en  ce  sens  qu'elles  détrui- 
sent la  congestion  qui  les  a  provoquées,  et  enlèvent  ainsi  au  poumon  une  cause 
d'inflammation  ou  de  dépôt  de  nouveaux  tubercules  ».  Ce  n'est  pas  ici,  je 
crois,  le  lieu  de  discuter  le  bien-fondé  de  semblables  opinions  {voy.  Hémor- 
RHOÏDES,  Métrorrhagie,  Hémoi'tysie) .  A  notre  avis,  lorsqu'on  se  trouve  en  pré- 
sence d'une  bémorrhagie,  il  est  toujours  un  moment  où  l'expectation  armée 
motivée  par  la  crainte  des  congestions  supplémentaires  cesse  d'avoir  la  raison 
d'être  :  c'est  quand  la  perte  de  sang,  par  sa  masse  et  sa  prolongation,  si  elle 
s'effectue  en  une  fois,  par  sa  répétition,  s'il  s'agit  d'une  bémorrbagie  à  retours, 
cesse  d'être  simplement  une  bémorrhagie  déplétive  pour  passer  au  type  spo- 
liatif.  L'bémorrbagie  spoliatrice  peut  en  effet,  si  elle  se  poursuit,  amener  à 
terme  une  issue  fatale  par  l'anémie  aiguë  ou  la  pseudo-chlorose  post-hémorrha- 
giques,  quand  bien  même  elle  ne  passerait  pas  immédiatement  à  l'état  d'hémor- 
rhagie  déperditive  et  rapidement  mortelle  en  cette  qualité. 

Dans  ces  conditions,  l'Iiémoxtaite  artificielle  provoquée  s'impose  comme 
thérapeutique  et  doit  être  effectuée  dans  le  plus  bref  délai.  Si  les  vaisseaux  sont 
accessibles,  la  ligature,  la  torsion,  procédés  chirurgicaux  dont  nous  n'avons 
pas  à  parler,  la  compression  des  surfaces  saignantes  (tamponnement  vagino- 
utérin,  des  fosses  nasales,  etc.),  l'application  des  poudresstyptiques  (tannin,  alun, 
perchlorure  de  fer,  etc.),  trouveront  leur  emploi,  leurs  indications  et  contre- 
indications  qui,  dans  certaines  variétés  d'hémorrhagies  chirurgicales,  sont  for- 
melles. En  médecine,  le  problème  de  l'hémostase  est  ordinairement  beaucoup 
plus  difficile  à  résoudre,  parce  qu'il  est  ramené  à  ce  cas  particulier  :  arrêter 
îine  effusion  sanguine  dont  la  source  est  inaccessible,  c'est-à-dire  encore  faire 
l'hémostase  à  dislance. 

Nous  connaissons  les  conditions  de  cette  hémostase  :  il  ne  suffit  plus,  comme 
dans  la  plaie  exposée,  de  lier  ou  de  tordre  un  vaisseau  isolable  ou  d'arrêter  la 
rosée  sanguine  d'une  aire  capillaire  intéressée  par  l'application  de  substances 
coagulantes  ou  d'agents  appropriés  de  compression.  La  barrière  provisoire 
dressée  contre  l'effusion  sanguine,  soit  par  la  coagulation  extérieure  du  sang 
répandu  autour  du  vaisseau  lésé,  soit  par  la  compression  qui  permet  au  pro- 
cessus de  cicatrisation  pariétale  de  s'effectuer  et'  d'opposer  un  obstacle  que  la 
pression  sanguine  atténuée  ne  peut  plus  rompre,  cette  barrière  n'existe  plus  et 
il  est  impossible  de  l'élever  par  des  moyens  indirects.  Tout  se  réduit  alors  à 
favoriser  l édification  du  thrombus  de  cicatrisation  formé  par  les  globules 
blancs.  Pour  cela,  il  est  nécessaire  de  mettre  l'aire  hémorrbagique  et  plus 
généralement  le  champ  circulatoire  dans  les  conditions  nécessaires  et  suffisant<îs 
précisément  pour  la  réalisation  de  ce  mode  d'hémostase.  Ceci  revient  à  dire 
qu'il  faut  que  la  circulation  du  champ  hémorrbagique,  tout  en  n'étant  pas  arrê- 
tée net  comme  dans  le  cas  précédent,  soit  très-raientie  et  s'effectue  sous  une 
pression  faible,  engendrant  une  composante  latérale  minima,  condition  par 
excellence  du  maintien  en  place  du  caillot  cicatrisateur. 

1"  Mode  d'action.  Compression  artérielle  à  distance.  Ce  moyen  est  néces- 
sairement restreint  aux  cas  oiî  l'artère  qui  commande  le  champ  héraorrhagique 
est  accessible  à  la  compression,  que  l'on  opère  alors  d'une  manière  prolongée 
et  soutenue.  Le  champ  hémorrbagique  est  dorénavant  mis  dans  les  meilleures 
conditions  pour  la  formation  d'un  caillot.  De  plus,  comme  le  fait  avec  raison 


460  IIÉMORRIIAGIE. 

remarquer  le  professeur  Fonssagrivcs  [loc  cit.,  p.  564),  la  compression,  en 
dilatant  les  coUatérales,  crée  des  courants  dérive's  qui,  eu  changeant  profondé- 
ment le  régime  circulatoire  de  la  région,  contribuent  à  tarir  le  courant  sanguin 
commandant  la  perte,  comme  on  le  verra  faire  un  peu  plus  loin  à  la  dérivation 
par  les  grandes  ventouses.  On  peut  citer  comme  applications  de  ce  moyen 
d'iiémostase  la  compression  de  la  carotide  dans  le  cas  d'épistaxis  rebelle,  celle 
de  Taortc  dans  les  métrorrliagies  incoercibles,  telles  que  celles  dues  à  la  vi- 
cieuse implantation  du  placenta  sur  le  col. 

2»  Mode  d'action.  Dérivation.  Dans  les  hémorrhagies  qui  vont  devenir 
spoliatrices  et  qui  intéressent  assez  la  masse  du  sang  pour  en  modifier  la  répar- 
tition en  la  faisant  devenir  insuffisante  pour  certaines  parties,  la  nature  emploie 
pour  ainsi  dire  comme  un  remède  la  lypolhymic  ou  syncope  de  position.  Pen- 
dant cette  syncope,  le  cœur  ne  bat  plus  qu'à  intervalles  très-éloignés;  un  spasme 
général  s'empare  des  petits  vaisseaux.  Le  sang  ne  coule  plus  que  goutte  à 
goutte  par  la  plaie  exposée,  origine  de  la  perte,  et  parfois'mème  comme  dans 
la  saignée  faite  dans  un  but  tliérapeulique  et  poussée  jusqu'à  la  syncope, 
l'écoulement  du  sang  s'arrête  définitivement. 

La  mélliodc  déiivative,  en  réalité,  excite  ce  mécanisme  naturel;  elle  com- 
prend :  a,  la  i^aignée;  b,  la  conlre-fliixion  sanguine;  c,  h  dérivation  par  les 
ventouses  ;  d,  la  ligature  des  membres.  Chacun  de  ces  moyens,  dont  l'emploi  et 
surtout  le  clioix  ne  peuvent  être  indiqués  qu'à  propos  de  chaque  cas  particulier 
d'hémorrhagie,  repose  en  réalité  sur  une  seule  et  même  notion  physiologique  : 
la  rupture  momentanée  du  régime  circulatoire  dans  la  région  qui  est  le  siège 
de  la  perte  de  sang.  Brusquement  alors,  et  comme  par  l'effet  d'une  sorte  de 
choc,  le  sang,  sollicité  dans  le  sens  où  s'opère  la  dérivation,  tend  à  affluer  vers 
Je  point  d'application  de  cette  dernière,  de  telle  façon  que,  si  la  dérivation  a 
été  bien  faite  et  son  point  d'application  bien  choisi,  le  champ  hémorrhagique 
devient  une  aire  de  circulation  minima,  condition  essentielle  de  la  formation 
du  caillot  cicatrisatcur. 

a.  Saignée  dérivatire.  «  Pratiquer  une  saignée  dans  une  hémorrhagie 
abondante,  dit  Fonssagrives,  c'est  faire  souvent  de  la  thérapeutique  très-correcte 
et  économiser  le  sang  des  malades.  La  quantité  de  ce  fluide  que  leur  enlève  la 
saignée  est,  en  effet,  bien  moindre  que  celle  qu'ils  auraient  perdue  par  la  per- 
sistance de  l'hémorrhagie;  seulement  ce  n'est  pas  un  moyen  qu'on  puisse 
employer  dans  tous  les  cas  et  d'une  façon  banale.  On  en  abusait  autrefois;  il 
faut  bien  reconnaître  qu'on  n'en  use  pas  assez  aujourd'hui  et  qu'on  se  prive  sans 
motifs  d'une  ressource  souvent  précieuse  »  [loc.  cit.,  p.  565),  et  il  ajoute  :  «  .\ 
quel  praticien  n'est-il  pas  arrivé  de  voir  150  à  200  grammes  de  sang  retirés 
par  la  saignée  du  bras  arrêter  brusquement  une  hémorrhagie?  » 

En  réalité,  l'usage  de  la  saignée  dérivative  est  à  peu  près  complètement  aban- 
donné aujourd'iiui  par  tous  les  médecins.  L'exemple  indiqué  par  Fonssagrives 
montre  du  reste  que  c'est  principalement  pour  arrêter  les  hémorrhagies  pulmo- 
naires qu'on  l'a  employée.  Comnie  ces  hémorrhagies,  sauf  celles  qui  sont  la 
conséquence  de  la  rupture  d'un  gros  vaisseau  dans  une  caverne,  le  plus  sou- 
vent sont  rarement  incoercibles  d'emblée,  et  conséquemment  ne  réclament 
pas  une  médication  tout  à  fait  en  dehors  des  méthodes  ordinaires  d'hémostase, 
on  se  trouvera,  je  crois,  rarement  amené  à  faire  usage  de  ce  moyen  qui  agit  sur- 
tout par  le  choc  cardio-vasculaire  qu'il  produit,  mais  dont  l'efficacité  n'est  après 
tout  nullement  incontestable.  La  saignée  agit  ici  comme  elle  le  fait  sur  les  con- 


IIÉMORRIIAGIE.  401 

"estions  viscérales,  c'est-à-dire  comme  un  très-puissant,  sinon  toujours  très-sùr 
moyen  de  dérivation. 

b.  La  contre-fluxion  sanguine  (Fonssagrives)  exerce  une  action  encore  plus 
visiblement  dérivntive  :  elle  consiste  à  faire  naître  une  congestion  artificielle  en 
un  point  du  circuit  vasculaire  tout  différent  et  le  plus  souvent  éloigné  du  champ 
hémorrhagique,  afin  de  changer  brusquement  le  régime  circulatoire  au  profit  du 
champ  irrité  qui  devient,  suivant  le  vieil  aphorisme  ubi  stimulus,  ibi  fluxus,  le 
lieu  de  prédilection  des  actions  congestives,  et  peut  par  suite  les  absorber  au 
point  d'entraîner  la  transformation  du  lieu  de  l'hémorrhagie  en  une  aire  de 
circulation  rainima  ou  même  insuffisante.  Tels  sont  les  pédiluves  chauds  et 
irritants,  les  sinapismes,  l'urtication,  les  purgatifs  résineux  (Fonssagrives), 
employés  d'une  manière  soutenue.  En  réalité,  dans  cette  classe  d'agents  médi- 
camenteux nous  trouvons  des  adjuvants  de  l'hémostase,  spontanée  ou  provoquée, 
dont  l'emploi  est  souvent  d'une  grande  utilité,  bien  que  la  plupart  du  temps 
ils  ne  jouent  dans  la  thérapeutique  des  hémorrhagies  que  le  rôle  de  simples 
auxiliaires. 

c.  Dérivation  par  les  ventouses.  Appliquées  en  petit  nombre  ou  même  au 
nombre  de  15  à  20,  les  ventouses  sèches  ordinaires  rendent  souvent  de  grands 
services  dans  l'arrêt  provoqué  des  hémorrhagies.  Dans  ce  cas  elles  rentrent 
d'ailleurs  dans  le  cadre  des  agents  de  contre -lluxion  sanguine.  Mais  il  n'en  est 
plus  ainsi  quand  on  couvre  les  membres  de  ventouses  appliquées  très-rapide- 
ment, ou  qu'on  met  en  usage  les  énormes  ventouses  imaginées  par  Junod.  On 
sait  que  dans  ce  cas,  non-seulement  on  fait  affiner  dans  les  membres  une  énorme 
quantité  de  sang,  mais  encore  que  l'on  exerce  une  action  générale.  Le  cœur 
est  parfois  mis,  si  la  masse  sanguine  attirée  et  immobilisée  dans  la  ventouse 
est  suffisante,  dans  des  conditions  très-semblables  à  celles  qui,  dans  les  hémor- 
rhagies, déterminent  la  syncope  de  position.  Brusquement  le  sang  fait  défaut 
au  cœur  ou  du  moins  la  masse  sur  laquelle  il  s'appuie  pour  battre  subit  un  tel 
changement,  qu'il  se  produit  des  faux  pas  cardiaques  et  souvent  même  une 
syncope,  commandée  par  la  variation  subite  du  régime  hydrodynamique  de 
circulation  du  sang.  La  ventousation  large  par  la  méthode  de  Junod  agit  en 
outre  puissamment  par  effet  de  choc,  il  y  a  pâleur  subite,  frissonnement,  et  en 
réalité  spasme  sinon  général,  du  moins  très-étendu  des  capillaires.  Voilà  donc 
un  moyen  puissant  d'hémostase,  et  qui  a  fait  ses  preuves  depuis  longtemps, 
mais  qui  doit  être  manié  avec  soin  et  une  grande  prudence,  si  l'on  réfléchit  aux 
dangers  de  la  syncope  dans  les  hémorrhagies,  principalement  dans  celles  à  retours. 

d.  La  ligature  des  membres,  vieux  moyen  indiqué  par  Fernel,  agit  abso- 
lument à  la  façon  des  grandes  ventouses,  dont  elle  n'a  du  reste  aucun  des 
inconvénients.  Piorry  [Courrier  médical,  janvier  1865,  et  Bulletin  de  théra- 
peutique, t.  LXIV,  p.  27G),  qui  a  vivement  et  à  juste  titre  insisté  sur  cette 
pratique,  en  a  réglé  l'emploi;  il  lie  fortement  les  quatre  membres,  les  place 
dans  une  situation  déclive,  et  l'ecommande  en  même  temps  aux  malades  de 
respirer  fréquemment  et  largement.  J'ai  vu  la  ligature  des  membres  ari'èter  en 
quelques  minutes  une  gastrorrhagie  qui  menaçait  de  devenir  mortelle,  cas  qui 
peut  faire  pendant  à  celui  de  Piorry,  dans  lequel  une  hémoptysie,  qui  allait 
devenir  déperditive  et  résistait  aux  autres  moyens,  céda  net  à  celui-là  en  moins 
de  soixante  secondes. 

Troisième  mode  d'action.  Modificateurs  cardio-vasculaires.  Médication  vaso- 
constrictive.     La  plupart  du  temps  les  hémorrhagies  viscérales  que  le  médecin 


46-2  UÉMORRHAGIE. 

est  appelé  à  combattre  s'accompagnent  d'un  mouvement  congestif  intense.  Le 
champ  de  l'iiémorrliagie  est  placé  au  centre  d'une  aire  de  pleine  circulation  ou 
même  d'une  aire  de  circulation  maxima,  puisqu'elle  a  donné  lieu  à  des  effrac- 
tions vasculaires  ou  à  des  divulsions  ou  diabroses.  Si,  dans  ces  conditions,  on 
arrive  à  mettre  en  état  de  constriction  les  musles  vasculaires  qui  commandent  ce 
mouvement  congestionnel  excessif,  et  qui  l'entretiennent  par  leur  inertie,  on 
pourra  obtenir  l'iiémostase  par  formation  d'un  caillot  lymphatique.  Telle  est  la 
théorie  d'une  médication  aujourd'hui  solidement  établie,  mais  que  la  phvsiologie 
actuelle  ne  fait  qu'expliquer  dans  son  action,  car  ici  il  nous  faut  avouer  que 
nous  devons  tout  à  l'empirisme  des  anciens  et  même  des  modernes. 

C'est  ainsi  que  le  froid  a  été  de  tout  temps,  pour  ainsi  dire,  appliqué  pour 
arrêter  les  hémorrhagies.  L'application  de  compresses  froides  sur  le  frout,  ou  la 
vulgaire  pratique  de  l'apposition  d'un  objet  métallique,  à'îine  clef,  entre  les 
deux  épaules,  pour  arrêter  une  épistaxis,  sont  des  moyens  hémostatiques  de  con- 
naissance vulgaire.  Or  l'application  de  la  clef  dans  le  dos  ou  de  tout  autre  objet 
très-froid  donne  immédiatement  naissance  à  un  léger  frisson.  A'oii-seulement 
donc  le  froid  ajipliqué  directement  sur  le  champ  hémorrhagique  fait  contracter 
les  vaisseaux  de  cette  aire,  et  conséquemment  restreint  l'activité  circulatoire  sur 
ce  point,  mais  encore  agit  sur  les  petits  vaisseaux  en  général.  Le  phénomène 
de  ['onglée,  la  tache  anémique  persistante  qui  se  fait  à  la  peau  sur  le  point 
d'application  d'un  morceau  de  glace  ou  de  la  pulvérisation  de  l'éther  par  un 
appareil  de  Richardson,  montrent  d'ailleurs  que  l'effet  vaso-constricteur  du  froid 
est  à  la  fois  très-énergique  et  d'assez  longue  durée.  Théoriquement  du  reste,  on 
sait  que  la  réfrigération  augmente  la  tonicité  musculaire. 

Certaines  hémorrhagies  étrangères  au  domaine  chirurgical  et  que  l'on  pourrait 
nommer  semi-accessibles,  parce  qu'elles  s'effectuent  sur  des  points  de  l'orga- 
nisme auxquels  on  peut  faire  arriver  certains  agents  médicamenteux,  devien- 
nent fréquemment  justiciables  de  l'action  hémostatique  du  froid  considéré  en 
tant  que  topique.  Telles  sont,  par  exemple,  les  épistaxis,  les  hématémèses,  les 
hématuries  d'origine  vésicale,  certaines  métrorrhagies.  Les  injections  d'eau 
froide  ou  glacée  dans  les  fosses  nasales,  le  vagin,  la  cavité  de  l'utérus  (hémor- 
rhagies puerpérales.  Roper),  le  gros  intestin,  la  vessie,  déterminent  souvent 
l'hémostase  en  cas  d'hémorrhagies  de  ces  cavités.  On  connaît  l'observation  [Bidl. 
de  thérapeutique,  t.  LX,  p.  157)  d'hématémèse  menaçant  directement  l'exis- 
tence, et  qui  céda  à  l'ingestion  de  morceaux  de  glace  saupoudrés  d'alun.  Dans 
les  hémoptysies  massives,  et  qui  ne  cèdent  pas  aux  moyens  ordinaires,  Fonssa- 
grives  propose  l'emploi  de  pulvérisations  d'eau  glacée  que  l'outillage  médical 
actuel  rend  en  effet  très  aisément  praticables,  et  qui  du  reste  en  pareil  cas, 
quelle  que  soit  leur  action  directe  sur  le  foyer  de  l'hémorrbagie,  serviront  tou- 
jours utilement  pour  rendre  fraîche  l'atmosphère  de  l'hémoptoïque  :  condition 
traditionnelle  de  milieu  imposée  à  ces  malades,  et  qu'actuellement  il  sera  facile 
de  réaliser  en  tout  local  et  en  toute  saison. 

L'action  topique  du  froid  peut  être  encore  utilisée,  bien  que  moins  directe- 
ment, dans  le  traitement  des  hémorrhagies,  en  l'exerçant  sur  toute  une  région 
voisine  ou  adjacente.  C'est  ainsi  que  Valleix  {Guide  du  médecin  praticien,  1845, 
t.  Il,  p.  49)  conseille  de  placer  sur  la  poitrine  des  hémoptoïques  des  compresses 
arrosées  d'éther,  moyen  auquel  ou  peut  substituer  avec  avantage  la  pulvérisation 
de  ce  même  liquide.  De  même  le  maintien  de  vessies  pleines  de  glace  pilée  sur 
le  front,  dans  le  cas  d'épistaxis  incoercibles,  ou  sur  l'iiypogastre,  dans  celui  de 


e 


HÉMORRUAGIE.  465 

métrorihagies  menaçantes,  est  parfois  d'une  incontestable  utilité.  A  l'action  semi- 
topique  (lu  réfrigérant  s'ajoute,  dans  ce  cas,  son  action  vaso-conslrictive  géné- 
rale, déterminée  sur  l'ensemble  des  vaisseaux  contractiles  par  le  mécanisme 
d'un  réflexe. 

L'action  topique  de  la  chaleur,  entre  40  et  50  degrés,  est  tout  à  fait  compa- 
rable à  celle  du  froid  et  peut  être  utilisée  comme  hémostalique  dans  certaines 
circonstances  déterminées.  Fonssagrives  fait  remarquer  que  Trousseau,  llemet, 
Windelband,  Jœtz,  ont  cité  des  cas  d'épistaxis,  de  métrorrhagie,  arrêtées  loca- 
lement par  des  injections  d'eau  à  40  degrés.  Actuellement,  dans  plusieurs 
services  d'accouchement,  à  Lyon,  les  injections  intra-utérines  d'eau  à  50  degrés, 
d'après  la  méthode  de  Ricord,  sont  communément  employées  avec  avantage  dans 
le  traitement  des  hémorrhagies  post-puerpérales.  La  brusque  élévation  de  tem- 
pérature agit  en  effet  sur  les  muscles  de  façon  à  les  faire  contracter  par  excita- 
tion directe,  mais  cette  contraction  a  le  défaut  d'être  très-passagère  et  de  faire 
bientôt  place  à  un  état  paralytique  marqué.  En  augmentant  la  contractiUté 
musculaire,  la  chaleur  diminue  en  effet  sensiblement  la  tonicité;  ce  mode 
d'action  est  bien  mis  d'ailleurs  en  lumière  par  la  rapide  production  des  éry- 
thèmes  des  brûlures,  après  une  courte  période  d'anémie  parfois  même  extrê- 
mement diflicile  à  saisir. 

Pour  terminer  la  revue  des  agents  hémostatiques  physiques,  nous  devons  dire 
un  mot  de  l'électricité.  L'électricité  n'a  guère  été  appliquée  comme  hémostatique 
qu'aux  pertes  utérines  soit  déterminées  par  l'inertie  dans  l'état  puerpéral,  soit 
dues  à  d'autres  causes  (Thomas  Radford).  On  emploie  dans  ce  cas  la  faradisation 
[voy.  Métrorrhagie).  Disons  tout  de  suite  qu'il  s'agit  ici  d'une  méthode  d'exception, 
car  ici  l'action  tétanisante  des  secousses  faradiques  s'exerce  principalement  sur 
le  muscle  utérin,  et  c'est  par  le  retrait  de  ce  dernier,  c'est-à-dire  en  réalité  par 
compression,  que  le  plus  souvent  on  arrive  à  obtenir  un  effet  hémostatique. 

INous  arrivons  maintenant  aux  acjenls  hémostatiques  médicamenteux  :  au 
premier  rang  l'on  doit  placer  les  médicaments  vaso-constricteurs  qui  ont  pour 
type  le  seigle  ergoté. 

L'ergot  de  seigle  n'est  autre  chose  que  le  mycélium  du  Claviceps  piirpurea, 
parasite  de  l'ovaire,  puis  des  caryopses  du  seigle,  du  blé,  et  de  plusieurs  autres 
graminées.  Ce  que  l'on  appelle  l'ergotine  (Bonjean,  Wiggers)  n'est  nullement  un 
alcaloïde,  c'est  un  extrait  du  médicament,  préparé  de  diverses  manières  et  auquel 
il  me  paraît,  ainsi  qu'à  beaucoup  d'autres  thérapeutistes,  le  plus  souvent  avan- 
tageux de  préférer  l'ergot  lui-même,  qui  contient  tous  les  principes  du  médi- 
cament et  qui,  sauf  dans  le  cas  d'injections  sous-cutanées  d'après  la  méthode 
d'Yvon,  n'est  pas  d'une  administration  plus  difficile. 

Administrée  à  la  dose  de  1  à  4  grammes,  par  exemple,  à  l'état  de  suspension 
dans  un  julep  que  l'on  administre  par  cuillerées  plus  ou  moins  rapprochées 
suivant  que  les  indications  hémostatiques  sont  plus  ou  moins  pressantes,  la 
poudre  d'ergot  exerce  le  plus  ordinairement,  sur  toutes  les  hémorrhagies  inac- 
cessibles qui  n'ont  pas  pour  origine  un  lésion  étendue  d'un  gros  vaisseau,  une 
influence  des  plus  manifestes  et  souvent  des  plus  rapides.  C'est  le  médicament 
hémostatique  par  excellence  des  métiorrhagies  puerpéiales,  des  ménorrhagies, 
et  même  on  l'a  vu  souvent  agir  efficacement  sur  l'utérus  atteint  par  la  dégéné- 
rescence cancéreuse,  ou  devenu  le  siège  de  corps  fibreux.  Les  hémoptysies,  les 
épistaxis,  les  gastrorrhagies  mêmes,  sont  souvent  arrêtées,  quoique  moins  sûre- 
ment que  les  pertes  utérines,  par  l'administration  de  l'ergot.  La  valeur  hémo- 


4(J4  IIEMORRIIAGIE. 

statique  de  cette  drogue,  aflirme'e  par  l'empirisme  des  Anciens  et  aujourd'hui 
devenue  traditionnelle,  est  d'ailleurs  pleinement  justifiée  par  ce  que  l'on  sait  de 
l'action  physiologique  du  médicament.  L'ergot  de  seigle  en  effet,  même  employé 
comme  topique,  agit  énergiquement  et  iii  silu  sur  les  muscles  lisses  moteurs 
vasculaires.  «  Lorsque  le  sang  s'écoule  en  nappe  d'une  surface  externe,  l'appli- 
cation topique  d'une  infusion  d'ergot  l'arrête  bientôt  »  (Uabuteau,  Élém.  de 
thérapeiit.,  1875,  p.  744).  Introduit  dans  la  circulation  par  absorption  sur  les 
muqueuses,  ou  consécutivement  à  l'injection  hypodermique,  il  provoque  uiie 
contraction  sensible  et  soutenue  des  artérioles  que  Holmes  (1869)  a  constatée 
directement  sous  le  microscope  chez  les  animaux  inférieurs  tels  que  la  gre- 
nouille. Chez  les  Mammifères  et  chez  l'homme,  les  effets  de  l'ergot  ne  sont  pas 
moins  manifestes.  Un  spasme  général  de  tous  les  petits  vaisseaux  contractiles 
fait  pâlir  la  peau,  la  pupille  se  dilate,  les  battements  du  cœur  se  ralentissent; 
la  pression  vasculaire  augmente  sous  l'influence  de  l'obstacle  opposé  au  débit 
sanguin  par  le  spasme  des  artérioles  qui  commandent  les  aires  vasculaires; 
corrélativement,  la  diurèse  se  trouve  activée.  Le  sang  s'accumule  dans  les  veines, 
et,  ce  qui  montre  bien  qu'il  s'agit  ici  d'une  contraction  efficace  des  vaisseaux, 
rétrécissant  leur  lumière  au  point  de  mettre  les  champs  hémorrhagiques  dans 
les  meilleures  conditions  pour  l'iiémostase,  souvent  chez  les  animaux  en  expé- 
rience ou  chez  les  malades  soumis  à  des  doses  massives  l'ouverture  des  veines 
est  suivie  d'un  écoulement  sanguin  difficile,  incomplet,  et  non  plus  du  jet  ordi- 
naire. Les  sphacèles  des  extrémités  observés  dans  l'ergotisme  viennent  encore  à 
l'appui  de  la  démonstration.  Aussi  depuis  Courhaut  (1828)  admet-on  que  le 
seigle  ergoté  est  un  agent  puissant  de  constriction  vasculaire,  et  les  recherches 
de  G.  Sée  (1846),  de  Sovet  (1848),  de  Brown-Séquard  etdeHolmes  (1809),  ont 
donné  depuis  une  démonstration  complète  de  l'action  musculaire  et  vaso- 
constriclive  du  médicament. 

Il  résulte  de  là  que,  dans  les  liémorrhagies  viscérales  que  le  médecin  est 
appelé  à  combattre,  le  seigle  ergoté  doit  être  considéré  comme  l'hémostatique  le 
plus  puissant.  A  la  dose  que  nous  avons  indiquée  (4  grammes  par  jour)  il  peut 
être  administré  sans  aucun  danger  d'ergotisme,  ni  gangreneux,  ni  convulsif, 
pendant  quatre  ou  cinq  jours.  L'hémoptysie,  les  épistaxis  rebelles  et  récidi- 
vantes, les  hcmorrhagies  utérines  sont  souvent  rapidement  arrêtées  par  l'ergot. 
Mais,  pour  faire  une  médication  hémostatique  rationnelle  et  efficace,  il  convient 
souvent  de  l'associer  à  des  adjuvants  eux-mêmes  puissants,  agissant  de  leur  côté 
sur  la  circulation  ou  les  muscles  moteurs  vasculaires  périphériques.  C'est  pour- 
quoi, d'une  manière  générale,  j'ai  dans  ma  pratique  l'habitude  de  combattre 
les  hémorrhagies  à  la  fois  par  la  poudre  d'ergot,  la  digitale,  les  astringents  et 
aussi  très-souvent  par  l'ipéca. 

Depuis  longtemps  classique  en  Angleterre,  le  traitement  des  hémorrhagies  par 
la  digitale  a  été  formulée  de  la  manière  suivante,  en  1855,  par  Péreira  [Materia 
medica  and  Therapeiitics,  t.  Il,  p.  555,  cité  par  Fonssagrives).  «  Dans  les 
hémorrhagies  actives  des  organes  internes  accompagnées  d'un  pouls  vif  et  fort 
la  digitale  est  souvent  utile  comme  sédative  ;  l'épistaxis,  l'hémorrhagie  pulmo- 
naire et  la  métrorrhagie,  sont  les  formes  d'hémorrhagies  dans  lesquelles,  le  plus 
fréquemment,  l'emploi  de  ce  médicament  est  avantageux  ».  Plus  tard  Dicken- 
son  (1856),  puis  Trousseau  (1861),  constatèrent  l'efficacité  de  la  digitale  à  haute 
dose  (8  grammes  en  infusion  dans  500  grammes  d'eau)  dansj  les  métrorrhagies, 
et  depuis  lors  ce  médicament  a  pris  un  rang  important  dans  la  pratique.  Je 


IIKMORRIIAGIE.  /,0o 

crois,  avec  Fonssagrives,  que  les  proprie'tés  hémostatiques  de  la  digitale  ont  leur 
raison  d'être  non  pas  dans  une  action  énergique  sur  les  muscles  moteurs  vascu- 
laires,  mais  bien  dans  l'action  sédative  et  surtout  régulatrice  qu'elle  exerce  sur 
le  mouvement  circulatoire  général.  Dans  la  production  des  ruptures  vasculaires, 
les  congestions  intenses,  brusques,  les  coups  fluxionnaires,  comme  on  les  pour- 
rait nommer,  jouent  un  rôle  d'une  extrême  importance  et  que  nous  avons  essayé, 
au  chapitre  de  la  pathogénie,  de  mettre  en  lumière  comme  il  convient,  ha  régu- 
lation forcée  des  mouvements  du  cœur,   le  ralentissement   des   systoles  qui 
deviennent  espacées  artificiellement  et  d'égale  puissance,  l'impossibilité  où  se 
trouve  alors  l'organe  central  d'entrer  en  suractivité  momentanée,  bref,  la  suspen- 
sion de  toute  tachycardie,  de  toute  palpitation  pendant  une  longue  période,  tout 
cela  concourt  certainement  à  créer  une  uniformité  constante  du  régime  circula- 
toire, condition  adjuvante  par  excellence  de  la  production  de  l'hémostase  sponta- 
née. Il  sera  donc  prudent  d'associer,  dans  la  majorité  des  cas,  la  digitale  à  l'ergot 
soit  en  la  donnant  arec  lui  (15  à  20  gouttes  de  teinture  alcoolique  ou  40  grammes 
lie  sirop)  dans  la  même  potion,  soit  en  l'administrant  isolément  en  macération. 
Ici,  comme  dans  les  affections  cardiaques  accompagnées  d'arijythmie,  la  dose  de 
25  à  20  centigrammes  de  poudre  de  feuilles  suffit  pour  obtenir  une  action  séda- 
tive marquée  :  il  est  donc  la  plupart  du  temps   inutile  d'employer  les  fortes 
doses  à  la  façon  de  Trousseau  (8  gr;immcs  jiour  500  d'eau)  et  en  tout  cas  il 
serait  dangereux  d'adopter  la  pratique  de  Ilowship-Dickenson,  qui  donnait  la 
dose  énorme  de  15  à  45  grammes  de  feuilles,  en  infusion  dans  un  1/2  litre 
de  véhicule  à  prendre  dans  les  vingt-quatre  heures. 

On  peut  rattacher  le  plomb  à  la  série  des  médicaments  hémostatiques  par 
action  musculaire.  L'influence  du  plomb  sur  les  muscles  est  assez  connue,  celle 
qu'il  exerce  sur  les  fibres  hsses  des  artérioles  l'est  beaucoup  moins;  cependant, 
dans  l'intoxication  saturnine,  ces  vaisseaux  semblent  être  dans  un  état  de  demi- 
contracture.  Malassez  a  constaté  que  les  parois  vasculaires  sont  alors  plus  rigides, 
Hitzig  a  même  vu  les  veines  collectrices  d'un  certain  volume,  telles  que  celles 
du  dos  de  la  main,  présenter  sous  l'influence  du  plomb  des  zones  de  contracture 
annulaire.  Enfin  mon  maître  Gubler  admettait  que  la  pùleur  des  saturnins  était 
en  grande  partie  due  à  un  spasme  des  vaisseaux  cutanés  ;  il  en  trouvait  la  preuve 
dans  ce  fait  que  les  frictions  énergiques,  en  paralysant  les  artérioles  par  un 
mécanisme  bien  connu,  font  souvent  disparaître  l'anesthésie  saturnine.  La  dimi- 
nution du  volume  du  foie  pendant  l'accès  de  colique-arlhralgie,  bien  mise  en 
lumière  par  le  professeur  Potain,  plaide  dans  le  même  sens,  car  le  paren- 
chyme hépatique  ne  renferme  d'autres  muscles  que  ceux  des  vaisseaux  et  ne 
peut  en  conséquence  diminuer  de  volume  que  par  la  contraction  de  ces  der- 
niers. Toutes  ces  raisons  justifient  théoriquement  l'emploi  des  préparations  de 
plomb  comme  adjuvants  de  l'hémostase  (Sirus-Pirondi,  Union  médic.  de  Pro- 
vence, aoiît  et  sept.,  1868)  dans  certaines  hémorrhagies  telles  que  l'hémoptysie 
que  d'autres  moyens  n'ont  pu  parvenir  à  maîtriser.  Mais,  comme  le  lait  remar- 
quer Fonssagrives,  en  pareil  cas  l'administration  des  sels  de  plomb  tel  que 
Vacétate  plomhiqiie  à  la  dose  de  50  ou  40  centigrammes  par  jour  doit  consti- 
tuer une  pratique  éminemment  transitoire,  sans  quoi  les  accidents  d'intoxication 
saturnine  ne  tarderaient  pas  à  se  produire,  comme  dans  les  essais  de  Beau 
dirigés  contre  la  tuberculose. 

Enfin  l'ipe'ca,  administré  surtout  à  dose  fractionnée  de  manière  à  produire  un 
état  nauséeux,  a  donné  fréquemment  des  résultats  remarquables  comme  hémo- 


466  IIÉMORRIIAGIE. 

statique  interne,  surtout  dans  les  liémoptysies  des  tuberculeux  que  l'on  arrête 
le  plus  souvent  par  ce  moyen  et  d'une  manière  rapide  (50  centigrammes  d'iprca 
en  10  doses,  prises  d'heure  en  heure).  Son  action  est  moins  certaine,  mais 
cependant  utile,  dans  les  cpistaxis  et  les  niétrorrliagies  ;  elle  est  très-ancienne- 
ment connue,  et  Baglivi  pouvait  déjà  vanter  l'ipécacuanha  comme  un  infailUbile 
remedium  in  fluxibus  dysentericis  aliisque  hœmorrhagiis.  Bien  que  l'ipéca, 
de  même  que  le  tartre  stibié,  doive  être  considéré,  quant  à  son  action  physiolo- 
gique, comme  un  médicament  diminuant  la  contractilité  musculaire,  il  ne  paraît 
pas  avoir  cette  propriété  sédative  pour  les  muscles  lisses  de  toutes  les  régions. 
Outre  en  effet  qu'il  diminue  le  nombre  et  la  fréquence  des  mouvements  car- 
diaques, et  agit  en  cette  qualité  comme  un  sédatif  de  la  circulation,  Pécholier 
(cité  par  Rabuteau)  a  trouvé  les  poumons  exsangues  chez  les  animaux  empoi- 
sonnés par  l'émétinc.  L'action  qu'il  exerce  sur  l'hémorrhagie  pulmonaire  en 
particulier  est  donc  bien  justifiée  par  ses  propriétés  physiologiques.  De  plus,  en 
créant  l'état  nauséeux,  avec  l'imminence  continuelle  de  défaillance  ou  de  lypo- 
thymie  qui  l'accompagne,  sorte  d'état  subsyncopal  continu  accompagné  de  pâleur 
et  de  refroidissement  de  la  peau,  l'ipéca  agit  en  réalité  de  façons  très-diverses, 
mais  en  grande  partie  par  l'imitation  de  l'état  syncopal  si  favorable  à  l'hémo- 
stase. 11  doit  donc  être  considéré  comme  un  remède  des  plus  importants  des 
hémorrhagies  d'ordre  médical,  et  souvent  son  action  vient  heureusement  s'ajouter 
à  celle  des  autres  hémostatiques  alors  qu'il  n'est  pas,  comme  dans  l'hémorrhagie 
bronchique,  l'agent  hémostatique  pour  ainsi  dire  de  choix. 

Nous  devons  maintenant  aborder  brièvement  l'iiisloire  des  hémostatiques 
a&tringents  comprenant  :  l"  le  perchlorure  de  fer;  2°  le  groupe  des  tanniques; 
5"  V alcool;  4"  les  acides;  6°  les  balsamiques  et  similaires.  Disons  tout  de  suite 
que,  dans  l'hémostase  à  distance  et  effectuée  par  voie  médicamenteuse,  il  ne 
s'agit  plus  ici  en  réalité  que  de  simples  adjuvants. 

Perchlorure  de  fer.  Employé  autrement  que  comme  topique  sur  une  sur- 
face cruentée  ou  à  l'état  d'injection  dans  les  tissus  ou  dans  un  vaisseau,  c'est- 
à-dire  introduit  dans  les  voies  digestives  par  la  bouche,  le  perchlorure  de  fer 
cesse  absolument  d'agir  comme  coagulant.  Rabuteau  a  suffisamment  démontré 
que  dans  l'estomac  les  sels  ferriques  sont  ramenés  à  l'état  de  sels  au  minimum, 
et  qu'en  particulier  le  perchlorure  n'est  absorbé  qu'à  l'état  de  protochlorure. 
C'est  donc  en  réalité  ce  dernier  sel,  qui  n'exerce  aucune  action  coagulante  sur 
le  sang,  qui  est  absorbé.  Et  du  reste  il  ne  saurait  en  être  autrement,  car  on  peut 
se  demander  à  bon  droit  pourquoi  le  perchlorure,  en  admettant  qu'il  fût 
absorbé  comme  tel  et  passât  ensuite  dans  la  circulation,  attendrait,  pour  exercer 
son  action  coagulante,  le  moment  précis  oîi  le  mouvement  circulatoire  l'amè- 
nerait dans  l'aire  Iiémorrhagique.  Ce  n'est  que  dans  le  cas  où  l'on  aurait  affaire 
à  une  hémorrhagie  accessible  par  le  médicament,  et  telle,  par  exemple,  qu'une 
gastrorrhagie,  une  hénioirhagie  du  gros  intestin,  etc.,  que  l'on  pourrait  compter 
sur  l'action  topique.  On  ferait  ingérer  alors,  comme  le  conseille  Fonssagrives 
[loc.  cit.,  p.  54o),  10  gouttes  de  perchlorure  de  fer  dans  une  demi-verrée  d'eau 
glacée,  de  demi-heure  en  demi-heure,  jusqu'à  concurrence  de  40  gouttes.  En 
lavements,  la  dose  peut-être  sans  inconvénient  beaucoup  augmentée,  tout  en 
ayant  soin  d'éviter  de  la  porter  jusqu'à  la  possibilité  d'une  action  caustique 
directe.  De  même,  dans  les  hémoptysies,  la  pulvérisation  d'eau  chargée  de  per- 
chlorure de  fer  a  réussi  dans  un  cas  dont  Fonssagrives  fut  témoin.  Mais  le 
médicament  employé  à  l'intérieur,  c'est-à-dire  modifié  par  l'absorption  stomacale, 


s 


HKMORRHAGIE.  4ô7 

devient  absolument  infidèle  ;  non  pas  que  dans  certaines  circonstances  il  n'ait 
donné  de  bons  résultats;  mais  alors  il  agit  simplement  comme  astringent,  à  la 
façon  de  la  ratanliia  et  du  tannin,  qui  ont,  à  un  dci^fé  infiniment  moindre  que 
l'ergot,  il  est  vrai,  une  action  cependant  très-évidenle  sur  la  circulation  géné- 
rale en  ralentissant  les  mouvements  cardiaques,  et  sur  les  muscles  lisses  des 
vaisseaux  dont  ils  déterminent  le  spasme. 

De  plus,  le  perclilorure  de  fer  dans  une  série  d'hémorrliagics  de  cause  dyscra' 
sique,  et  principalement  dans  les  hémorrliagies  dont  les  purpuras  peuvent  être 
pris  comme  les  types,  exerce  son  action  médicamenteuse  avec  une  réelle  activité 
(Humbert  Mollière)  non-seulement  parce  que  le  sel  de  fer  agit  comme  styplique 
sur  les  muscles  vasculaires,  mais  encore  qu'il  excerce  l'action  commune  des 
ferrugineux  et  combat  les  lésions  du  sang  qui  sont  alors  presque  toujours  graves 
et  jouent  dans  la  production  des  pertes  sanguines  le  rôle  détourné,  mais  très- 
actif,  que  nous  avons  essayé  de  mettre  en  lumière  au  chapitre  de  la  pathogénie. 
Le  sel  de  fer  est  alors  à  la  fois  un  tonique  des  vaisseaux  et  un  élément  de  répa- 
ration pour  le  sang. 

En  dehors  de  leur  action  topique,  les  tannirjnes  ne  gardent  de  celte  double 
action  que  l'élément  styplique  qui  les  rend  toniques  des  vaisseaux  et  sédatif; 
du  muscle  cardiaque.  Le  tannin  en  effet  précipilc  l'ulhumine,  se  fixe  sur  les 
malièies  animales  et,  mis  en  contact  avec  le  s^ang,  forme  avec  les  matières 
protéiques  de  ce  liquide  des  combinaisons  insolubles.  C'est  pourquoi  il  arrête 
l'effusion  du  sang  lorsqu'on  le  dépose  sur  les  surfaces  vulnciées.  Mais  pi'is  à 
l'intérieur  il  n'exerce  plus  que  ses  effets  généraux.  Les  substances  tanno'i- 
diques  (cachou,  sang-dragon,  tormentille,  ratanhia,  bistorte],  et  enfin  l'alun, 
agissent  de  la  même  manière,  mais  on  doit  les  considérer  comme  de  simples 
adjuvants  d'une  médication  plus  active,  par  l'ergot,  la  digitale  ou  l'ipéca. 

L'action  des  acides  est  encore  plus  faible.  Les  boissons  froides  acidulés  telles 
que  l'eau  de  seltz  ou  mieux  de  la  limonade  sulfurique  sont  néanmoins  restées 
dans  la  pratique.  On  les  donne  conmie  tisanes  aux  malades  atteints  d'hémor- 
rhagies  viscérales,  principalement  dans  le  cas  d'hémoptysie,  de  métrorrhagie  ou 
d'hématurie,  et  moins  communément  dans  le  purpura. 

L'alcool  à  hautes  doses  semble  exercer  une  action  qui  tient  le  milieu  entre 
celle  des  astringents  et  celle  des  acides.  Il  semble  jouir  réellement  de  propriétés 
hémostatiques  remarquables,  surtout  dans  le  cas  de  pertes  utérines  abondantes  ; 
les  observations  de  Campbell  (Union  médicale,  1860),  de  Béhicr  {l'oy.  Alcool, 
Alcoolisme),  de  Debout  [Bullet.  de  thérap.,  1859,  t.  LVl),  ne  laissent  aucun 
doute  à  cet  égard.  La  teinture  de  cannelle  (Tanner)  doit  probablement  une 
partie  de  ses  propriétés,  qui  la  faisaient  considérer  par  Van  Swieten  comme  une 
sorte  de  quinqui7ia  des  métrorrhagies,  à  l'alcool  qu'elle  contient.  L'alcool, 
lorsqu'il  passe  dans  le  sang,  ralentit  la  circulation  non-seulement  en  vertu  d'ime 
action  sur  les  centres  nerveux  et  le  cœur,  mais  en  réalité,  comme  l'a  démonlié 
Poiseuille,  parce  qu'il  ralentit  notablement  le  cours  des  liquides  dans  les 
canaux  capillaires,  toutes  choses  égales  d'ailleurs  (Cl,  Bernard,  Subst.  toxiques 
et  médicam.,  p.  81).  En  agissant  ainsi,  il  réalise  l'une  des  conditions  cardi- 
nales de  l'hémostase,  puisqu'il  rend  le  cours  du  sang  très-sensiblement  plus 
lent  dans  l'aire  vasculaire  de  l'hémorrhagie. 

Les  balsamiques,  et  parmi  eux  au  premier  rang  la  teinture  de  benjoin,  ej^er- 
cent  dans  quelques  circonstances  et  surtout  comme  topiques  une  action 
hémostatique  parfois  marquée.   Veau  de  Pagliari  doit  son  efficacité  eu  partie 


468  HÉMORUHâGIE. 

à  l'alun  qui  entre  en  même  temps  dans  sa  composition.  L'eau  de  Tisserand  es[ 
préparée  avec  du  sang-dragon  et  de  la  térébenthine  des  Vosges;  celle  de  Broc- 
chieri  est  purement  balsamique,  c'est  une  macération  de  copeaux  de  sapin 
distillée  ensuite.  Nous  ne  citons  ces  préparations  que  pour  mémoire,  car  elles 
sont  presque  exclusivement  réservées  à  l'usage  externe  et  en  conséquence  ressor- 
tissent  à  l'hémostase  chirurgicale. 

Après  cette  longue  énuméiation  de  médicaments,  nous  voudrions  poser,  dans 
leur  généralité,  les  principes  fondamentaux  qui  doivent  guider  le  médecin  dans  les 
tentatives  d'hémostase  indirecte  ou  à  distance  qu'il  est  si  souvent  appelé  à  faire 
ou  du  moins  à  entreprendre  dans  les  diverses  hémorrhagies  viscérales,  inacces- 
sibles à  l'action  chirurgicale  ou  à  celle  des  topiques.  Mais,  en  réalité,  cette  étude 
d'ensemble  ne  peut  être  faite  ici  avec  quelque  fruit.  (Ihaque  Viiriété  d'hémor- 
rhagie  fournit  en  etfet  des  indications  spéciales,  et  qui  le  plus  souvent  lui 
appartiennent  en  propre.  Il  ne  nous  reste  donc  maintenant  qu'à  aborder  une 
dernière  question,  et  qui  est  d'une  importance  extrême  parce  qu'elle  s'adresse 
indistinctement  à  toutes  les  licmorrhagies  incoercibles  :  c'est  la  question  des 
indications  de  la  transfusion. 

Une  hémorrhagie  quelconque  ne  peut  être  arrêtée,  ou  bien  elle  ne  l'a  élé 
que  sur  les  limites  précises  de  la  déperdition.  Dans  le  premier  cas  le  malade 
va  mourir  en  état  de  perte,  la  syncope  définitive  s'annonoe  par  ses  prodromes 
bien  connus;  dans  le  second  cas,  il  est  dans  l'état  d'anémie  traumatique  aiguë, 
menacé  de  mort  à  chaque  instant  par  le  moindre  accident.  11  faut  donc  ou 
gagner  du  temps  pour  l'hémostase  en  restituant  à  l'orgiinismc  assez  de  sang 
pour  maintenir  la  survie  pendant  que  l'on  continue  à  chercher  à  aveugler  la 
voie  de  déperdition,  ou  bien  il  faut  venir  au  secours  de  la  réparation  qui 
menace  d'être  insuffisante  en  rendant  cette  fois-ci  encore  à  la  circulation  une 
masse  de  sang  satisfaisant  aux  besoins  de  la  vie,  dût  celte  masse  introduite 
n'être  qu'un  sang  d'attente,  un  sang  provisoire.  C'est  alors  que  se  pose  le 
problème  de  la  transfusion. 

Nous  avons  dit  (art.  Sang  [Pathologie  géne'rale])  il  y  a  quelques  années  déjà 
ce  que  nous  pensons  en  principe  de  la  transfusion.  Nous  avons  fait  voir  que 
toute  modification  dans  les  qualités  et  la  densité  du  liquide  nourricier  d'un 
animal  détermine,  lorsque  ce  liquide  a  été  introduit  dans  les  veines  d'un  autre 
de  la  même  espèce,  des  lésions  du  sang  subsistant  et  la  mort  sinon  immédiate, 
du  moins  à  terme  bref,  des  éléments  globulaires  introduits  dans  une  circulation 
étrangère.  Théoriquement  donc  la  transfusion  était  considérée  alors,  par  mon 
éminent  maître  Gubler  et  par  moi,  comme  ne  pouvant  devenir  une  opération 
utile  qu'autant  qu'elle  consisterait  dans  la  substitution  au  sang  perdu  d'un 
sang  identique  dans  toutes  ses  parties,  moiphologiqucment  et  fonctionnellemenf, 
c'est-à-dire  du  sang  complet  et  vivant  d'un  antre  animal  sain  de  la  même 
espèce;  et  encore,  au  point  de  vue  de  l'anatomie  et  de  la  physiologie  générales, 
cette  proposition  nous  avait  paru  comporter  des  réserves.  Le  sang  est  éminem- 
ment vulnérable;  son  issue  hors  des  vaisseaux  et  son  trajet,  si  court  qu'il  soit, 
à  travers  un  appareil,  indispensable  dans  tous  les  cas  de  transfusion  {voij. 
Transflsio.n),  ne  peut  s'effectuer  sans  altération;  quand  bien  même  cette  alté- 
ration n'est  pas  saisissable  par  nos  méthodes  actuelles  d'investigation,  elle  n'en 
existe  pas  moins.  Aucun  physiologiste  ne  pourrait  répondre  d'éviter  tout  accident 
en  réunissant  par  un  système  quelconque  de  canaux,  si  court  qu'il  soit,  la  veine 
juaulaire  droite  d'un   chien   avec  sa  jugulaire  gauche.  Si  l'on  transporte  une 


IlEMORRHAGIE.  469 

pareille  notion  dans  la  pratique  de  la  transfusion,  l'on  reconnaît  tout  de  suite 
qu'il  ne  peut  s'agir  que  d'une  méthode  de  pure  exception  et  que,  en  thérapeu- 
tique, on  ne  doit  jamais  employer  que  comme  une  sorte  de  pis-aller,  lorsque 
toutes  les  autres  méthodes  ont  échoué  et  que  véritablement  on  est  forcé  de  recon- 
naître que,  la  vie  s'en  allant  avec  le  sang,  comme  le  disaient  les  Anciens,  il 
ne  reste  plus  de  chance  de  salut  que  dans  une  tentative  périlleuse. 

C'est  avec  une  vive  satisfaction  que  j'ai  vu  Hayem  adopter  ces  vues,  que  de 
mon  côté  je  défends  depuis  plus  de  dix  ans.  Son  étude  sur  la  transfusion  et 
tout  spécialement  le  chapitre  consacré  à  Vutilité  de  cette  opération  constituent 
en  vérité  un  modèle  de  saine  thérapeutique  et  de  critique  physiologique  appliquée 
à  la  médecine  qui  aurait  dû  faire  considérer  d'ores  et  déjà  la  question  de  la 
transfusion  comme  jugée,  par  tous  ceux  du  moins  qui  ont  fait  une  étude  un 
peu  attentive  de  la  constitution  du  sang  (Ilayem,  loc.  cil.,  p.  457-489). 
Admettant  avec  raison  que  les  prodromes  positifs  de  la  syncope  irrémédiable, 
par  exemple,  chez  le  chien  les  convulsions  générales  (P.  Bert),  constituent  un 
signe  certain  d'hémorrhagie  déperditive,  mortelle,  quand  bien  même  on  arrêterait 
l'effusion  sanguine  en  fermant  les  vaisseaux,  Hayem  a  cherché,  avec  une  piéci- 
sioii  à  laquelle  n'avait  songé  aucun  de  ses  devanciers,  à  savoir  si,  dans  cet  état 
véritablement  désespéré,  la  transfusion,  sans  laquelle  la  mort  eût  été  non  pas 
possible  et  probable,  comme  dans  la  plupart  des  observations  existant  dans  la 
science,  mais  inévitable,  pouvait  ou  non  déterminer  la  survie.  Dans  ces  condi- 
tions, il  a  vu  que  le  sang  dé  fibrine,  injecté  dans  les  vaisseaux  de  l'iinimal 
convulsé,  qui  va  mourir  dans  quelques  minutes,  si  l'on  s'en  tient  à  l'expeclation, 
ranime  la  vie  pour  un  temps  variable  entre  dix  et  vingt-quatre  heures.  Une 
véritable  résurrection  s'opère  d'abord,  puis  les  animaux  meurent,  comme  l'avait 
affirmé  Magendie,  de  telle  sorte  que,  «  quand  on  remplace  par  du  sang  déti- 
briné  une  quantité  de  sang  dont  la  perte  serait  immédiatement  mortelle,  on  ne 
fiiit  que  retarder  la  mort  »  (p.  470).  La  survie  après  l'injection  d'un  pareil 
sang  n'est  jamais  observée  que  lorsque  la  limite  de  la  perte  compatible  avec 
l'existence  na  pas  été  atteinte,  circonstance  qui  doit  être  retenue  et  qui  est  la 
clef  même  du  mode  d'action  de  ces  transfusions  non  restitutrices  que  l'on 
pourrait  nommer  transfusions  de  secours,  ou  transfusions  récrémentitielles,  dont 
nous  parlerons  un  peu  plus  loin. 

Comme  l'avait  fait  déjà  remarquer  Magendie,  les  animaux,  après  la  transfusion 
de  sang  défibriné,  périssent  dans  une  sorte  d'état  d'asphyxie  après  avoir  été 
ranimés  temporairement.  Cependant,  comme  l'a  démontré  Hayem,  les  globules 
rouges  du  sang  transfusé  n'ont  pas  perdu  la  propriété  de  se  charger  d'oxygène 
dans  le  poumon.  Le  sang  transfusé  est  à  peu  de  chose  près  aussi  chargé  d'hémo- 
globine que  le  sang  complet;  sa  valeur  chromométrique  varie  peu,  le  sang  après 
la  transfusion  (six  heures) 'montre  à  peu  près  la  même  teneur  en  gaz  principaux: 
acide  carbonique,  azote  et  oxygène  {loc.  cit.,  p.  474).  Mais  un  fait  important, 
c'est  que  le  sang  transfusé  après  défibrination  est  en  instance  continuelle  de 
destruction,  tout  aussi  bien  dans  la  transfusion  de  chien  à  chien  que  dans  celle 
de  cobaye  à  grenouille,  comme  Gubler  et  moi  l'avions  indiqué  en  1878  (art. 
Sasg).  Après  la  transfusion  de  sang  défibriné,  le  liquide  nourricier  laisse  cristal- 
liser sur  le  porte-objet  du  microscope  son  hémoglobine  comme  si  on  l'avait 
traité  par  l'éther.  Les  autopsies  montrent  un  état  analogue  à  celui  connu  des 
pathologistes  sous  le  nom  de  sang  laqué  ou  dissous,  bien  que  sans  hémoglobi- 
nurie  (Hayem,  toc.  cit.,  p,  475).  En  réalité  donc,  à  l'état  exsangue  produit  par 


'.70  11  KM  OH  RUA  (.11'. 

I;i  jiL'ilc  de  sung  ou  a  substitué,  pai  la  transfusion  de  sang  détibriné,  une 
maladie  du  sang  excessivement  grave,  et  qui  prend  le  pas,  entraînant  la  mort  à 
brève  échéance  après  une  résurrection  temporaire,  à  moins  que  le  sang  altéré 
introduit  par  la  transfusion  ne  soit  sensiblement  négligeable  par  rapport  à  la 
masse  du  sang  tout  entier,  c'est-à-dire  «  mélangé  avec  une  dose  de  sang  qui 
pourrait  à  elle  seule  suffire,  ou  peu  s'en  faut,  à  l'entretien  de  la  vie  (Hayera). 

11  résulte  de  là  que  la  transfusion  faite  avec  du  sang  défibriné  doit  être  rejetée 
comme  méthode  de  restitution  sanguine  dans  l'hémorrhagie  vraiment  déper- 
dilivc,  c'est-à-dire  qui,  par  l'étendue,  la  masse  de  la  perte,  condamne  vrai- 
ment à  mort  le  patient.  Les  prodromes  de  la  syncope  définitive,  les  mouve- 
ments convulsifs  généraux,  n'ont  reçu  que  par  des  expériences  toutes  récentes 
de  Bcrt  leur  signification  pronostique  précise,  et  qui  indique  la  mort  nécessaire 
]  ar  insuffisance  absolue  du  sang.  Les  anciennes  observations  de  transfusion 
avec  le  sang  défibriné,  dans  les  hémorrhagies  graves,  perdent  donc  toute  lem- 
valeur  et  ne  doivent  plus  entrer  en  ligne  de  compte,  comme  le  fait  remarquer 
Ilayeni. 

Il  en  est  tout  autrement  de  la  transfusion  opérée  avec  le  sang  complet,  comme 
l'avait  déjà  vu  Moncoq  {Transfusion  instantanée  du  sang,  1874);  chez  le 
chien  condamné  à  mort  par  la  perte  de  J/14''  de  son  poids  (la  limite  admise 
pour  lui  étant  de  i/18'')  et  qui  présentait  des  convulsions  indicatrices  de  la 
syncope  irrémédiable,  250  grammes  de  sang  emprunté  à  la  veine  crurale  d'un 
autre  chien  suffirent  pour  déterminer  la  survie  et  l'animal  se  rétablit.  Les 
expériences  récentes  de  llajem  ont  confirmé  de  peint  en  point  ce  résultat,  et  il  a 
vu  que  la  quantité  de  liquide  à  introduire  pour  déterminer  la  survie  peut  être 
réduite  à  un  peu  plus  de  la  moitié  du  sang  perdu  (170  grammes,  par  exemple, 
pour  une  perte  de  405  grammes).  Hayera  s'est  servi  de  l'appareil  très-ingénieux 
de  Roussel,  qui  depuis  {Progrès  médical,  octobre  1884)  a  donné  la  consécration 
au  principe  en  opérant  chez  l'homme  avec  succès,  lorsque  les  phénomènes 
positifs  de  la  syncope  mortelle  s'étaient  accusés  déjà  par  les  convulsions  géné- 
rales. La  question  théorique  est  donc  jugée,  et,  en  cas  d'hémorrhagie  déperdi- 
tive,  la  transfusion  du  sang  complet  constitue  la  seule  méthode  capable  de 
sauver  les  malades. 

Reste  maintenant  à  trancher  une  dernière  question  :  celle  de  l'utihte  des 
injections  intra- veineuses  de  sérum  naturel  ou  artificiel. 

Nous  avons  vu  que,  chez  un  Mammifère  ou  un  homme  mourant  d'hémorrhagie 
déperditive,  le  système  vasculaire  est  loin  d'être  vide  de  sang  au  moment  oiî  la 
mort  a  lieu.  Le  jeu  du  cœur  cesse  de  pouvoir  s'effectuer  (Goltz)  surtout  parce 
que  ïappui  du  sang  manque  à  sa  contraction  ventriculaire,  de  telle  sorte  que 
la  syncope  irrémédiable  se  produit  à  un  moment  où  les  vaisseaux  contiennent 
encore  une  quantité  de  liquide  respiratoire  suffisante  (si  elle  était  mobilisée  et 
si  le  mécanisme  hydrodynamique  de  la  circulation  n'était  pas  compromis  par 
insuffisance  de  la  masse  liquide  à  mouvoir)  pour  faire  face  temporairement  aux 
besoins  de  la  respiration  interstitielle.  Mobiliser  cette  masse  de  sang  subsistant, 
en  la  diluant  par  un  liquide  qui  n'altère  pas  les  globules  rouges,  rendre  ainsi 
le  jeu  du  cœur  possible  jusqu'à  ce  que  la  régénération  ait  commencé  à  réparer 
la  perte,  tel  est  le  principe  des  injections  intra-veineuses  de  sérum.  Quant  aux 
injections  d'eau  faites  par  la  vieille  méthode  de  Golson,  reprise  par  Lorain  avec 
succès  dans  un  cas  unique  (choléra),  elles  sont  définitivement  jugées  théorique- 
ment et  pratiquement,  puisque  leur  premier  effet  est  de  détruire  les  globules 


HEMORRIIAGIE.  471 

rouges  déjà  lésés  et  trop  rares  du  sang  qui  subsiste,  et  que  l'on  veut  répartir 
en  le  diluant. 

Avec  le  sérum  naturel,  Eulemburg  et  Landois,  ainsi  que  Brown-Séquard, 
n'avaient  pas  réussi  à  déterminer  le  retour  à  la  vie  chez  le  chien  soumis  à  la 
saignée  déperditive;  Hayem  {loc.  cit.,  p.  477)  a  au  contraire  fait  la  même 
expérience,  dans  des  conditions  bien  déterminées  et  où  la  mort  par  hémorrhagie 
allait  sûrement  suivre  la  perte  sanguine.  11  a  montré  que  l'injection  de  sérum 
naturel,  faite  à  un  animal  qui  mourrait  sûrement  de  l'hémorrhagie  poussée  à 
l'extrême,  peut  lui  sauver  positivement  la  vie;  mais  il  n'en  est  plus  de  même 
quand  cet  animal  est  tout  à  fait  sur  le  point  de  mourir.  Quant  aux  injections 
des  divers  sérums  artificiels  et  notamment  d'eau  salée,  préconisées  par  Kroneckcr 
et  Sander  (6  grammes  ou  78'",  50  de  sel  marin  et  5  centigrammes  d'hydrate  de 
sodium  par  litre),  elles  ont  déterminé  les  résultats  ordinaires  des  injections 
salines.  Une  résurrection  momentanée  s'opère,  mais  les  animaux  meurent  ensuite 
beaucoup  plus  vite  que  si  l'on  eût  pratiqué  chez  eux  l'injection  intra-veineuse 
de  sang  délibriné.  Comme  llayem  a  toujours  opéré  chez  des  animaux  présentant 
les  convulsions  indicatrices  de  la  mort  certaine,  les  résultats  qu'il  indique 
doivent  être  seuls  pris  en  considération.  Les  expériences  plus  récentes  de  Schwartz 
montrent  néanmoins  que  le  problème  reste  ouvert.  Pour  le  moment,  en  tout 
cas,  la  question  de  la  transfusion  comme  remède  de  l'hémorrliagie  déperditive 
se  réduit  à  ceci  :  l°la  transfusion  du  sang  défibriné  est  inutile;  2'^  l'injection 
intra-veineuse  du  sérum  naturel  a  au  contraire  son  utilité,  mais  n'est  pas  effi- 
cace d'une  manière  constante,  ni  lorsque  le  transfusé  est  trop  près  de  la  mort; 
0°  l'injection  d'eau  salée  constitue  une  méthode  téméraire,  et  que  l'on  doit 
absolument  rejeter  en  tant  que  méthode  exclusive  (nous  verrons  pourquoi  tout 
à  l'heure)  ;  4"  enfin  la  seule  transfusion  vraiment  efficace  est  celle  du  sang  pur, 
vivant,  d'un  animal  de  la  même  espèce. 

Brown-Séquard  (cité  par  Landois  in  Transfusion  des  Blutes,  p.  98)  avait  fait 
remarquer  il  y  a  longtemps  déjà  que  l'on  peut  arriver  à  ranimer  des  animaux 
sur  le  point  de  mourir  d'hémorrhagie  en  leur  injectant  un  sérum  additionné 
de  sang  vivant  dans  les  proportions  d'au  moins  3  à  4  volumes  pour  10  de 
sérum.  C'est  là  en  réalité  le  principe  de  ce  que  l'on  pourrait  appeler  :  principe  de 
la  transfusion  mixte.  Il  ne  faut  pas  en  effet  conserver  d'illusion  sur  le  rôle  que 
joue,  chez  le  transfusé,  le  sang  du  transfuseur.  11  est  toujours  introduit  vulnéré 
par  son  passage  au  travers  des  appareils;  la  vie  ultérieure  des  globules  rouges 
devient  de  la  sorte  très-courte  :  un  pareil  sang  ne  peut  donc  être  considéré  que 
comme  essentiellement  provisoire.  Si  donc  on  l'introduit  avec  un  mélange  arti- 
ficiel d'eau  et  de  sels  ne  tuant  pas  traumatiquement  les  globules  rouges,  comme 
le  fait  l'eau,  on  peut  espérer  de  la  sorte  économiser  le  sang  du  sujet  transfu- 
seur et,  par  le  liquide  privé  de  globules,  satisfaire  à  la  mobilisation  et  à  la 
répartition  du  sang  qui  reste  encore  dans  les  vaisseaux.  D'ailleurs,  sans  entrer 
ici  {voy.  TRA^'SFUSI0-^)  dans  les  détails  techniques  de  la  transfusion,  ni  prétendre 
faire  un  choix  parmi  les  appareils  proposés,  je  ferai  simplement  observer  qu'il 
en  est  un,  celui  de  Bousscl,  dont  l'organisme  principal,  la  ventouse  à  scarifi- 
cateur, est  d'un  maniement  très-délicat  qui  donne  souvent  lieu  à  des  mécomptes  ; 
il  en  est  un  autre,  celui  de  Dieulafoy,  qui,  supposant  l'introduction  d'une 
canule  dans  la  veine  de  l'individu  qui  donne  le  sang,  constitue  un  véritable 
danger  pour  ce  dernier.  L'appareil  très-simple,  proposé  dernièrement  par 
Bouveret,  et  qui  peut  à  la  fois  servir  aux  injections  intra-veineuses  de  sérum 


472  IlÉMORililAtilE. 

et  à  la  transfusion,  nie  i)araU  au  contraire  réunir  tous  les  avantages.  Que  l'on 
veuille  tenter  une  transfusion  de  sang  complet  ou  une  transfusion  mixte,  on 
opère  alors  avec  une  égale  facilité  et  d'après  le  choix  du  moment,  qui,  dans  ce 
cas,  s'impose  avec  une  brièveté  de  discussion  dont  chacun  se  rend  bien  compte, 
puisqu'on  agit  en  face  d'un  individu  en  imminence  continuelle  de  mort. 

En  résumé,  lorsque  à  la  suite  de  larges  pertes  de  sang  les  animaux  ou  l'homme 
sont  dans  un  état  de  faiblesse  et  de  résolution  qui  parfois  simulent  la  mort 
imminente,  mais  qui  n'entraîneraient  pas  cerlainemenl  Ja  moit,  les  méthodes  de 
mobilisation  du  sang,  pourvu  qu'elles  aient  pour  agents  des  liquides  n'exerçant 
sur  les  globules  rouges  subsistants  aucune  influence  destructive,  rappellent  les 
sujets  à  la  vie  très-rapidement  :  qu'il  s'agisse  d'ailleurs  d'injections  de  sérum 
artificiel,  de  sang  défibriné  ou  encore  d'une  transfusion  mixte.  Lorsque  l'hémor- 
rhagie  est  vraiment  déperditive,  au  contraire,  il  n'y  a  plus  qu'un  remède  sérieux, 
c'est  la  transfusion  de  sang  complet,  et  comme  dans  la  pratique,  ainsi  que  le  fait 
avec  raison  remarquer  H;iyem  [loc.  cit.,  p.  486),  le  plus  ordinairement  une  telle 
transfusion  est  irréalisable  en  tant  qu'opération  d'urgence,  puisque  dans  uii 
laboratoire  convenablement  agencé  elle  est  toujours  délicate  et  donne  souvent 
lieu  à  des  mécomptes,  on  est  forcé  de  conclure  que  la  transfusion  in  extremis 
est  en  clinique  une  méthode  d'exception  toujours  incertaine,  toujours  périlleuse 
pour  le  sujet  transfuseur,  et  à  laquelle  il  ne  convient  de  s'adresser  que  dans  des 
cas  très-rares,  sous  peine  de  faire  une  thérapeutique  téméraire.  A  plus  forlc 
raison  doit-on  la  condamner  comme  remède  de  l'hydrémie  post-hémorrhagiquc 
grave,  du  moins  jusqu'au  moment  où  l'inslrumentalion  aura  été  perfectionnée 
et  où  certains  appareils  dont  le  principe  semble  excellent,  tels  que  celui  deBou- 
veret,  auront  fait  détinitivement  leurs  })reuves. 

2°  Thérapeutique  générale  des  liémorrhagies  à  retours.  L'héraorrhagie  qui 
menaçait  d'être  déperditive  est  arrêtée,  le  malade  est  néanmoins,  comme  nous 
l'avons  fait  voir,  dans  un  état  grave  oii  chaque  perte  nouvelle  de  sang  qu'il 
éprouvera  exercera  des  effets  spoliateurs  croissant,  pour  ainsi  dire,  en  progression 
géométrique  avec  le  nombre  des  liémorrhagies  secondaires.  Il  importe  donc  au 
plus  haut  point  d'éviter  les  retours  de  ces  hémorrhagies  s'effectuant  soit  par  la 
même  voie  que  précédemment,  soit  par  d'autres.  La  thérapeutique  pour  cet  objet 
ne  dispose,  il  faut  le  reconnaître,  que  de  moyens  limités  dont  aucun  n'est  d'ail- 
leurs certain. 

Tout  malade  qui  vient  de  subir  une  perte  grave  et  dont  on  redoute  la  récidive 
doit  être  tenu  au  repos  absolu.  L'influence  des  mouvements  généraux  actifs,  des 
efforts,  etc.,  sur  la  destruction  des  caillots  hémostatiques,  est  trop  évidente,  et 
d'ailleurs  nous  en  avons  assez  parlé  pour  que  cette  condition  du  repos  apparaisse 
aux  yeux  du  lecteur  avec  toute  son  importance.  C'est  pourquoi  dans  certaines 
circonstances,  et  afin  d'assurer  un  repos  absolu,  il  convient  d'employer  largement 
l'opium.  Max  Simon  {Bulletin  de  thérapeutique,  t.  XV,  p.  521,  1845)  dans  la 
métrorrhagie,  Béhier  [Soc.  méd.  des  hôpitaux,  1859)  après  Forget  (1844)  dans 
l'hémoptysie,  ont  montré  les  avantages  positifs  de  la  médication  opiacée  très- 
anciennement  préconisée  par  Frank.  En  réalité,  cette  méthode  assure  surtout  le 
repos  avec  un  calme  sommeil,  et  pour  arriver  à  ce  résultat  l'opium  brut  paraît 
l'agent  le  plus  convenable.  En  pareil  cas,  c'est  à  ce  médicament  que  je  m'adresse 
et  aussi  à  la  narcéine,  dont  les  effets  congestionnants  sont  moins  considérables 
que  ceux  du  médicament  complet.  Dans  les  métrorrhagies  graves  dont  il  redoutait 
la  récidive,  mon  maître  Loraiu  opérait  comme  Max  Simon  et  en  outre  badi- 


IIÉMORRIIÂGIE.  475 

geonnail  le  ventre  au  collodion  en  prévenant  la  patiente  que  le  fendillement 
de  cet  enduit  annoncerait  le  retour  de  la  perte;  la  malade  e'vitait  alors  tout 
mouvement  par  crainte  d'une  hémorrhagie  nouvelle. 

Un  second  agent  très-prëcieux  est  le  froid.  Une  vessie  de  glace  en  permanence 
sur  le  front  et  maintenue  pendant  trois  nycthémères  me  permit  cette  année 
d'éviter  la  récidive  d'épistaxis  qui  allaient  devenir  déperd itives  chez  une  malade 
atteinte  de  diathèse  hémorrhagique  acquise,  avec  purpura  successif  presque 
permanent.  En  thèse  générale,  le  patient  doit  être  maintenu  dans  un  endroit  frais, 
absorber  des  boissons  froides  ou  même  glacées.  11  est  inutile  d'insister  sur  celte 
pratique  que  la  théorie  justifie  pleinement  et  qui  est  consacrée  par  la  tradition. 

En  même  temps  que  l'on  agit  par  le  repos  et  le  froid,  il  convient  à  la  fois  de 
régulariser  la  circulation  par  la  digitale,  afin  d'éviter,  tandis  qu'elle  est  ainsi 
dominée,  les  mouvements  fluxionnaires  brusques  qui  ont  une  si  grande  impor- 
tance, nous  l'avons  vu,  en  tant  qu'agents  liémorrhagipares.  Il  faut  aussi  agir  sur 
les  petits  vaisseaux  par  l'ergot  de  seigle  donné  à  dose  soutenue.  En  réalité,  de  la 
sorte  on  ferme  la  plupart  des  portes  des  aires  capillaires  qui  pourraient  devenir 
le  siège  d'une  trop  pleine  circulation.  Les  vaisseaux  de  distribution  ne  peuvent 
plus  verser  que  le  minimum  de  sang  par  des  artérioles  dont  le  débit  a  diminué 
nécessairement  par  suite  de  la  demi-contraction  de  leurs  muscles  annulaires. 
Dans  certaines  circonstances  il  est  avantageux  d'adjoindre  à  ces  effets  ceux  de 
l'ipéca  que  l'on  donne  à  dose  fractionnée  (50  centigrammes  en  iO  pa([uets  pen- 
dant vingt-quatre  lieures),  ou  des  dérivatifs  tels  que  les  pédiluves  sinapisés,  les 
ventouses,  etc. 

Telle  est  la  ligne  générale  que  Ton  doit  suivre  pendant  les  premières  périodes 
de  l'état  d'hydrémie  post-héiuorrhagique  dans  les  cas  où  l'on  redoute  la  repro- 
duction des  pertes  de  sang.  En  dehors  de  là,  chaque  espèce  particulière  d'hémor- 
rhagie  donne  lieu  à  des  indications  spéciales  qui  ne  sauraient  être  indiquées  ici. 
Nous  devons  dire  toutefois  que  certaines  hémorrhagies  récidivantes  s'effectuent 
rhythmiquement  à  la  façon  d'accès  de  fièvre  comitiale.  La  fièvre  intermittente 
hémoptoïque  est  le  type  du  genre.  Dans  les  pays  soumis  à  rinfluence  maremma- 
lique,  il  n'est  pas  jusqu'aux  hémorrhagies  traumatiques  qui  ne  soient  influencées 
par  la  périodicité  (Modone,  1850,  Gaz.  méiL,  4  juillet.  —  Bouisson,  Bullet.  de 
lhci'.,t.  XLVI,  1854,  p.  i2  et  102).  Ces  sortes  de  fièvres  palustres  anomales  sont 
accompagnées  alors  d'un  flux  hémorrhagiparequi  s'effectue  dans  la  période  ordi- 
nairement dévolue  à  la  sudation,  c'est-à-dire  dans  le  stade  terminal  de  l'accès. 
Elles  sont  de  ce  chef  justiciables  du  sulfate  de  quinine  donné  suivant  la  formule 
bien  connue  de  Bretonneau. 

Un  dernier  cas  particulier  qui  donne  lieu  à  des  considérations  thérapeutiques 
générales,  c'est  celui  de  l'hémorrhagie  récidivante  et  manifestement  hémor- 
rhagie supplémentaire.  Outre  les  moyens  ordinaires,  on  conseille  alors  d'essayer 
de  rétablir  le  flux  sanguin  supprimé,  par  exemple,  l'écoulement  hémorrhoïdaire. 
Celte  pratique,  justifiée  par  la  tradition,  n'est  d'ailleurs  nullement  en  désaccord 
avec  la  théorie  actuelle,  qui  à  la  vague  notion  de  la  pléthore  locale  a  fait  suc- 
céder celle  des  mouvements  fluxionnaires  brusques  à  déterminations  diverses 
engendrés  sous  l'influence  du  système  nerveux  central.  En  vertu  des  mêmes  con- 
sidérations les  phénomènes  du  moliraen  hémorrhagique  peuvent,  dans  certaines 
conditions,  être  heureusement  influencés  par  la  saignée,  les  dérivations  larges 
du  côté  du  tube  digestif  ou  de  l'appareil  urinaire,  etc.,  car  il  ne  s'agit  là  que  de 
mouvements  neuroparalytiques  tumultueux  qu'une  action  dépressive  sur  le  sys- 


474  HÉMORRIIAGIE. 

lème  vasculaire,  telle  qu'est  la  saignée,  fait  souvent  cesser,  comme  le  montre 
l'observation  clinique  déjà  Irès-ancieime. 

Tout  ce  qui  vient  d'être  dit  s'applique  surtout,  on  le  conçoit,  aux  hémorrhagies 
larges  et  récidivantes  qui  compromettent  immédiatement  l'existence  par  la  perte 
de  sang  qu'elles  déterminent.  Il  est  maintenant  un  autre  cas  dont  il  importe  de 
parler  brièvement,  les  bémorrhagics  récidivantes  sous  la  forme  déplélive  et 
créant  des  pertes  minimes  à  chaque  fois,  mais  se  composant  de  façon  à  créer 
en  fin  de  compte  un  état  d'anémie  grave  qui  peut  aboutir  au  marasme  et  à  la 
mort.  Dans  ce  cas  on  doit  à  la  fois  essayer  d'agir  sur  l'origine  des  hémorrhagies 
et  de  déterminer  l'hcmostase  définitive  et  en  même  temps  de  relever  l'orga- 
nisme par  un  traitement  tonique  dont  la  base  consiste  dans  l'emploi  du  fer, 
des  médicaments  tanniques,  de  l'hydrothérapie,  etc.  Tel  est  le  cas  de  l'iiémor- 
rhagie  récidivante  de  la  chlorose  :  hémorrhagie  qui  le  plus  souvent  s'effectue  sous 
la  forme  de  ménorrhagies,  spoliatrices  parfois,  à  chaque  époque  ou  plusieurs  fois 
par  an,  La  leucémie  constitue  un  état  encore  plus  grave.  Dans  ces  cas  il  convient 
d'employer  le  perchlorure  de  fer,  qui  agit  à  la  fois  comme  ferrugineux  recon- 
stituant et  comme  styptique,  tonique  des  vaisseaux.  Il  convient  seulement  de 
faire  remarquer  que  ce  tniitement,  qui  convient  à  la  chlorose  et  même  rend  d'in- 
contestables services  dans  l'iiémophilie  congénitale  ou  acquise,  n'exerce  qu'une 
influence  très-restreinte  sur  les  hémorrhagies  de  cause  leucémique,  dues  avant 
tout  à  des  embolies  de  globules  blancs. 

Quant  à  Vélat  hémorrhacjujue,  celui  dans  lequel  le  sang  a  tendance  à  faire 
effusion  par  toutes  les  voies  et  à  s'extravaser  en  exanthèmes  ou  en  exanthèmes 
pétéchiaux,  il  constitue,  comme  on  l'a  vu,  un  danger  d'intensité  très-variable. 
L'érythènie  noueux  étant,  au  point  de  vue  de  la  perte  du  sang,  un  accident  négli- 
geable, le  purpura  successif  peut  au  contraire  revêtir  un  caractère  de  gravité  très- 
grand,  dont  l'état  scorbutique  complètement  développé  fournit  le  type  majeur. 
Dans  ces  états  presque  constamment  déterminés  par  l'action  synergique  du  froid 
humide  et  des  intoxications  par  les  matières  putrides  s'exerçant  toutes  les  deux 
sur  des  organismes  prédisposés  comme  le  sont  ceux  des  arthritiques,  l'alimen- 
tation tonique,  analeptique,  l'emploi  du  fer  et  surtout  du  perchlorure,  comme 
l'a  judicieusement  fait  observer  Humbert  MoUièrc,  occupent  sans  contredit  le 
premier  rang;  et  l'on  trouve  alors  de  puissants  adjuvants  dans  la  série  des  médi- 
caments antiscorbutiques.  Mais,  si  jusqu'à  un  certain  point  la  thérapeutique  est 
puissante  à  l'égard  des  liémorrhagies  disséminées  de  cet  ordre,  elle  reste  com- 
plètement désarmée  en  présence  des  états  hémorrhagiques  sateUites  et  sympto- 
matiques  des  fièvres  graves  :  variole  hémorrhagique,  ictère  grave,  typhus  ictérode 
ou  amaril.  Dans  ces  conditions  les  hémorrhagies  multiples  sont  l'indice  d'un 
envahissement  total  et  suraigu  de  l'organisme  par  le  contage  le  plus  ordinaire- 
ment animé  et  parasite;  ce  n'est  plus  l'hémorrhagie  qu'il  faudrait  combattre, 
c'est  sa  cause.  Aussi  les  styptiques,  les  toniques,  l'ergot,  arriveraient-ils  dans  ces 
cas  à  maîtriser  l'effusion  du  sang  sur  les  points  multiples  oii  elle  s'opère,  que 
le  médecin  n'y  aurait  gagné  (ce  à  quoi  il  est  même  douteux  qu'il  réussisse)  que 
la  suppression  d'un  symptôme  particulièrement  émouvant.  La  malignité,  sui- 
vant l'expression  de  l'École  à  laquelle  du  reste  il  est  encore  impossible  de 
substituer  une  autre  notion,  la  malignité  subsiste,  et  c'est  elle  et  non  quelques 
exanthèmes  pétéchiaux  qui  tuent  alors  le  malade. 

5"  Thérapeutique  générale  de  l'hémorrhagie  pendant  le  stade  de  régéné- 
ration du  sang.     Nous  avons  vu  que,  tandis  que  l'hémorrhagie  simplement 


lli;\IOi;iU10Ïl).\I.KS.  473 

(léplétive  constitue  eu  tant  que  perle  pure  et  simple  un  épisode  insignifiant  au 
point  de  vue  de  la  santé  générale,  le  malade  frappé  d'hémorrhagie  spoliatrice 
est,  après  l'arrêt  de  cette  perte,  un  convalescent  d'une  maladie  grave.  Dans  les 
premiers  temps  et  contrairement  à  ce  que  l'on  est  forcé  de  faire  au  moment  où 
subsiste  encore  l'indication  de  l'hémostase,  un  tel  malade  doit  être  soigneuse- 
ment garanti  contre  le  froid  qui  parfois  exerce  sur  lui  une  action  vraiment  vul- 
nérante  ou  même  le  tue.  A  ce  moment  la  nutrition  est  au  plus  haut  point  l'etar- 
dante;  l'alimentation  très-analeptique  et  progressivement  augmentée  est  donc 
indiquée  :  le  lait,  le  vin  et  l'alcool  doivent  être  utilisés  largement.  La  respiration 
interstitielle,  à  laquelle  suffisent  à  peine  les  anciens  globules  lésés  par  l'hémor- 
rliagie  et  les  nouveaux  jetés  dans  la  circulation  hâtivement  et  à  peine  formés, 
est  également  incomplète  :  d'où  les  stéatoses  viscérales  possibles  et  qui  souvent 
créent  secondairement  le  danger  dominant,  comme  dans  les  cas  d'anémie  perni- 
cieuse de  Perl.  C'est  alors  que,  comme  dans  la  chlorose,  on  retire  des  avantages 
incontestables  soit  des  bains  d'air  comprimé,  soit  des  inhalations  d'oxygène. 
Enfin  et  avant  tout,  lorsque  la  période  première  que  l'on  pourrait  appeler  jjeVzWe 
de  indnération  a  été  dépassée  sans  incident,  une  indication  de  premier  ordre  se 
pose  :  c'est  la  médication  ferrugineuse.  Il  faut  en  effet  fournir  à  la  poussée 
sanguiformative,  et  en  abondance,  le  métal  nécessaire  à  la  formation  de  la  nou- 
velle hémoglobine.  L'observation  a  du  reste  montré  à  llayem  que  le  sang  pré- 
sente alors  les  lésions  matérielles  caractéristiques  de  la  chlorose  ;  les  globules 
ont  un  gros  stroma,  peu  d'hémoglobine;  ils  représentent  une  monnaie  de  titre 
inférieur,  tenant  plus  de  place  dans  les  vaisseaux  qu'elle  n'a  d'action.  Sans  doute 
dans  les  pertes  uniques  ou  réitérées  par  petites  masses,  ou  enfin  répétées  large- 
ment chez  un  individu  d'ailleurs  sain,  le  fer  introduit  par  l'alimentation  suffit  à 
la  réparation  globulaire.  Il  n'en  est  plus  de  même  dans  les  grandes  pertes  spo- 
liatrices, surtout  faites  en  plusieurs  temps  ou  s'exerçant  sur  des  accouchées,  sur 
des  convalescents  de  fièvres  graves,  etc.  Dans  ces  conditions  les  indications  du 
fer  deviennent  au  moins  aussi  impérieuses  que  dans  la  chlorose;  le  médica- 
ment se  doit  administrer  à  peu  près  de  la  même  façon,  sauf  modilications 
introduites  par  les  circonstances  particulières.  Il  est  même  avantageux  de 
commencer  l'administration  très-près  de  l'hémorrhagie,  en  ayant  alors  seule- 
ment soin  de  s'adresser  au  perchlorure  de  fer,  qui  agit  à  la  fois  comme 
styptique,  satisfaisant  aux  dernières  indications  du  maintien  de  l'hémostase 
déjà  acquise  et  comme  apportant  aux  nouveaux  globules  le  métal  précieux  sans 
lequel  ils  ne  peuvent  devenir  parfaits,  ni  acquérir  le  maximum  si  désirable  de 
leur  activité  respiratoire.  J.  Rehaut. 

HÉMORRHOiO.VL    (NeRF).       VoiJ.   SaCRÉ  (PlcxUs). 

HÉmoRRiioiDiL   (Plexus).      Voij.   Sympathique  {Grand)  et  HémokrhoÏ- 

DALES,  p.  477. 

HÉ.nORRaoÎDAïvES  (ARTÈRES  ET  VEi.NEs).  A.  Artères.  Jusqu'à  Haller 
(1775),  on  n'admettait  que  deux  ordres  d'artères  rectales,  les  internes  fournies 
par  la  mésentérique  inférieure,  les  externes  fournies  indirectement  par  l'hypo- 
gastrique.  Depuis  Ihdler,  on  décrit  une  troisième  artère,  dite  moyenne,  pro- 
venant de  l'hypogastrique  directement.  Les  hémonhoidales  internes  sont  appe- 
lées aussi  supérieures,  les  externes  intérieures. 


476  JIÉMORRHOÏDALES. 

1°  Artères  hémorrho'idales  supérieures  ou  inlernes.  Elles  viennent  de 
l'aorte  abdominale  par  la  mésentérique  inl'érieure,  dont  elles  sont  les  branches 
terminales.  Elles  se  comportent  d'une  façon  différente  dans  les  divers  segments 
du  rectum.  —  Dans  \a  première  portion  du  rectum,  les  artères  liémorrboïdales 
supérieures,  situées  tout  d'abord  dans  le  mésorectum  avecle  tronc  artériel  dont 
elles  émanent,  se  portent  bientôt  vers  le  bord  postérieur  du  rectum  et  s'y 
divisent  en  deux  groupes  de  rameaux  qui  contournent,  dans  une  direction  plus 
ou  moins  perpeutliculaire  à  l'organe,  les  faces  latérales  de  celui-ci,  et  vont  s'é- 
panouir à  la  surface  de  sa  tunique  musculeuse  en  arcades  arboriformes  à  la 
manière  des  coliques  gauches  et  droites.  —  Dans  la  seconde  portion  du  rectum, 
la  mésentéiique  inférieure,  qui  a  suivi  jusque-là  un  trajet  plus  ou  moins  parallèle 
à  Taxe  de  l'intestin,  se  divise,  après  qu'elle  a  atteint  le  bord  intérieur  du  méso- 
rectum,  en  deux  branches  principales.  Celles-ci,  s'écartant  aussitôt  l'une  de 
l'autre,  abordent  les  faces  latérales  du  rectum  et  les  longent  •ensuite  jusqu'à 
l'anus  par  im  trajet  qui,  de  postérieures,  les  rend  antérieures  au  voisinage  du 
tiers  inférieur.  Sur  leur  trajet  spiroïde  ou  oblique,  ces  deux  branches  émettent 
des  rameaux  qui  se  répandent  sur  les  faces  antérieures  et  postérieures.  Le  pro- 
l'esseur  Sappey,  que  nous  suivons,  dit  que  la  portion  de  la  mésentérique  qui 
fournit  aux  deux  tiers  inférieurs  du  rectum  se  divise  quelquefois  en  trois 
branches  ;  dans  ce  cas,  il  y  en  a  une  qui  longe  la  face  postérieure  du  rectum, 
pendant  que  les  deux  autres  côtoient  ses  faces  latérales.  Cette  troisième  branche 
([)ostérieure)  est  quelquefois  fournie  par  l'une  des  deux  terminales  précitées.  — 
Dans  la  troisième  portion  du  rectum,  les  deux  ou  trois  terminales  ci-dessus  se 
prolongent  sous  la  forme  de  deux  ou  trois  rameaux  terminaux  qui  vont  traverser 
la  tunique  musculeuse  et  ramper  ensuite  sous  la  muqueuse  jusqu'à  l'anus.  Ces 
rameaux  terminaux  de  la  troisième  portion  se  comportent  comme  ceux  de  la 
seconde  :  après  avoir  traversé  la  tunique  musculeuse,  ils  se  ramifient  encore  eu 
artérioles  qui  jaillissent  en  rayons  d'étoile  d'un  même  point,  puis  s'anasto- 
mosent et  s'épuisent  dans  la  muqueuse. 

2'^  Artères  hémorrhoïdales  moyennes.  Cette  artère  vient  habituellement  du 
tronc  de  l'hypogastrique  ;  si  elle  varie  dans  son  origine,  elle  varie  aussi  dans  son 
calibre,  qui  est  grêle  en  général.  Lorsqu'elle  manque,  elle  est  remplacée  par  des 
branches  de  diverses  sources,  et  plus  particulièrement  par  des  branches  de 
l'ischiatique  et  de  la  honteuse  interne  (Cruveilbier).  Chez  Yhomme.  son  trajet 
est  situé  entre  le  rectum  et  le  bas-fond  de  la  vessie.  Longeant  en  dehors  les 
vésicules  séminales,  puis  s'appliquant  sur  les  parties  latérales  et  inférieures  de 
la  prostate,  l'hémorrhoïdale  moyenne  distribue  la  plupart  de  ses  rameaux  aux 
vésicules  séminales,  à  la  prostate  et  à  la  paroi  postérieure  de  la  vessie.  Des 
rameaux  grêles  et  peu  nombreux  se  perdent  dans  les  tuniques  du  rectum  où  ils 
s'anastomosent  avec  les  artérioles  terminales  des  hémorrhoïdales  supérieures, 
ultime  épanouissement  de  l'artère  mésentérique  inférieure,  et  avec  ks  hémor- 
rhoïdales inférieures,  collatérales  de  la  honteuse  interne.  Quelquefois  l'artère 
hémorrhoïdale  moyenne  fournit  l'artère  déférentielle  chez  l'homme,  et  l'artère 
vaginale  chez  la  femme.  Chez  la  femme,  elle  descend  entre  le  rectum  et  le 
vagin  et  distribue  ses  rameaux  en  plus  grande  abondance  au  vagin  qu'au  rectum. 

3°  Artères  hémorrhoïdales  inférieures.  Au  nombre  d'une  à  trois  ou  quatre 
de  chaque  côté,  elles  naissent  de  la  honteuse  interne  et  parlant  de  l'hypo- 
gastrique. Sur  le  trajet  qu'elles  parcourent  de  l'espace  ischiatique  à  la  branche 
ischio-pubienne  eu  convergeant  vers  l'anus,  elles  serpentent  au  sein  du  tissu 


HKMORRHOÏUALES.  477 

cellulo-adipeux  qui  remplit  la  fosse  ischio-rectale.  Elles  se  distribuent  au 
sphincter  externe  de  l'anus,  à  la  peau  et  à  la  couche  graisseuse  sous-jacente. 
Elles  appartiennent  donc  plutôt  à  la  région  anale  qu'au  rectum. 

En  résumé,  les  véritables  artères  hémorrhoïdales  sont  les  supérieures,  qui 
fournissent  à  toutes  les  parties  du  rectum.  Les  hémorrhoïdales  moyennes,  qui 
s'anastomosent  avec  les  supérieures  et  les  inférieures,  ont  surtout  pour  rôle 
d'établir  une  communication  entre  l'aorte  abdominale  par  la  mésentérique  in- 
férieure et  les  artères  iliaques  primitives,  branches  terminales  du  même  tronc, 
par  les  honteuses  internes  et  les  hypogastriques.  Le  même  but  est  rempli  par 
les  hémorrhoïdales  inférieures.  La  circulation  artérielle  dans  le  rectum  se  trouve 
ainsi  assurée  par  trois  sources  capables  de  se  suppléer  au  besoin. 

B.  Veixes  hémorrhoïdales.  Le  sang  veineux  du  rectum  est  collecté  en 
majeure  partie  par  la  veine  mésentérique  inférieure  ou  petite  mésaraïque,  c'est- 
à-dire  par  la  veine  porte.  On  décrit  des  veines  hémorrhoïdales  :  1"  supérieures, 
'2"  moyennes,  o"  inférieures.  Toutes  les  veines  du  rectum  sont  anastomosées 
entre  elles  et  forment  deux  réseaux  ou  plexus,  l'un  sous-muqueux,  l'autre  sous- 
musculaire,  enveloppant  le  rectum  dans  toule  sa  hauteur  comme  d'un  double 
manchon,  ou  plutôt  d'un  double  filet  vasculaire.  De  ces  plexus  hémorrhoïdaux 
partent  les  trois  ordres  de  veines  signalées  et  si  différentes  d'importance. 

1°  Lq  plexus  sous-musculaire  est  le  moins  important;  il  repose  en  bas  sur 
le  sphincter  externe  de  l'anus.  Il  communique  par  de  nombreuses  anastomoses 
avec  le  plexus  vésical  chez  l'homme  et  le  plexus  vaginal  chez  la  femme,  et  se 
jette  dans  les  veines  hémorrhoïdales  moyennes  et  inférieures,  branches  de  la 
veine  hypogastrique.  Disons  un  mot  de  ces  dernières.  Les  veines  hémorrhoï- 
dales moyennes  sont  au  nombre  de  quatre  (Sappey)  ;  elles  peuvent  manquer. 
Lorsque  les  artères  hémorrhoïdales  moyennes  se  terminent  exclusivement  dans 
le  rectum,  elles  n'ont  pas  de  veines  qui  leur  correspondent.  Si  ces  artères  se 
terminent  en  partie  dans  le  rectum,  en  partie  dans  les  vésicules  séminales  et  la 
prostate  ou  le  vagin,  alors  elles  sont  accompagnées  d'une  veine  qui  prend  son 
origine  non  dans  le  rectum  même,  mais  dans  les  autres  organes  énumérés. 
Elles  se  rendent  à  l'hypogastrique.  —  Les  reines  hémorrhoïdales  inférieures. 
au  nombre  de  quatre  ou  six,  se  voient  au  pourtour  de  l'anus;  elles  sont  peu 
volumineuses  et  se  rendent  aux  veines  honteuses  internes,  branches  de  la  veine 
hypogastrique.  Leur  importance  vient  de  ce  (ju'elles  relient  d'une  façon  plus 
constante  que  les  moyennes  le  système  veineux  général  au  système  porte  en 
s'anastomosanl  avec  les  veines  hémorrhoïdales  supérieures  par  leurs  radicules 
plexiformes.  Cette  communication  est  démontrée  par  le  scalpel  et  les  injections 
pénétrantes.  Celles-ci  passent  de  la  veine  porte  aux  veines  hémorrhoïdales  sup{''- 
rienres,  puis  aux  veines  hémorrhoïdales  inférieures,  et  de  ces  dernières  elles 
passent  dans  les  veines  honteuses  internes,  et  finalement  parviennent  au  tronc 
des  veines  hypogastriques  et  iliaques  primitives,  origine  de  la  veine  cave  infé- 
rieure (Sappey).  Ces  injections  pénétrantes  poussées  par  la  veine  cave  remplissent, 
on  le  comprend,  non-seulement  les  canaux  du  plexus  sous-musculaire,  mais  aussi 
et  surtout  ceux  du  plexus  sous-muqueux,  d'où  naissent  les  reines  hémorrhoï- 
dales supérieures.  Comme  les  artères  hémorrhoïdales  supérieures,  les  veines 
hémorrhoïdales  supérieures  sont  les  vrais  canaux  de  la  circulation  rectale  plus 
riche  que  celle  des  autres  parties  du  tube  intestinal.  Autant  les  moyennes  et  les 
inférieures  sont  grêles  et  variables  de  nombre,  autant  les  supérieures  sont  remar- 
quables par  leur  nombre  et  leur  volume.  Il  en  résulte  (|ue  le  rectum  est  plus 


478  HKMORRHOIDES. 

immédiatement,  à  l'e'tat  anatomique  et  normal  comme  à  l'état  pathologique, 
sous  la  dépendance  du  système  porte  que  du  système  général  de  la  circulation. 
2"  Le  plexus  som-muqueux  est  formé  par  les  radicules  venant  de  la  muqueuse. 
Ces  veinules  forment  dans  l'épaisseur  de  la  tunique  celluleuse  le  réseau  sous- 
muqueux  qui  est  surtout  développé  et  riche  dans  le  tiers  inférieur  du  rectum, 
au  niveau  de  l'anus,  particulièrement  au  niveau  des  replis  semi-lunaires.  C'est 
cette  portion  inférieure  du  réseau  sous-muqueux  qui  est  le  siège  fréquent  des 
tumeurs  hémorrhoïdales  et  qu'on  désigne  communément  sous  le  nom  de  plexus 
hémorrho'idal.  —  Lorsqu'on  relève  et  renverse  la  muqueuse  d'un  rectum  dé- 
taché, étalé  et  fixé  sur  une  planche  de  liège,  on  voit,  citez  tous  les  sujets,  les 
veinules  présenter  des  dilatations  ampullaircs,  parfois  très-multipliées,  dont  les 
dimensions  varient  du  volume  d'un    grain  de  millet  à  celui  d'une   lentille 
(Cruveilhier,  Sappey  et  les  auteurs).  Ce  sont  ces  dilatations  qu'on  trouve  même 
assez  souvent  chez  les  enfants,  et  qu'on  décèle  à  l'aide  des  injections  coagulantes 
ou  hydriques,  qui  peuvent  devenir  le  point  de  départ  des  tumeurs  hénionhoï- 
dales.  De  ce  plexus  sous-muqueux  émanent  une  dizaine  de  branches  veineuses, 
d'un  volume  toujours  notable,    qui  montent  sous  la  muqueuse  jusqu'à  une 
hauteur  de  10  à  12  centimètres,  puis  perforent  la  tunique  musculaire  du  rectum, 
les  unes  obliquement,  les   autres  perpendiculairement,  pour  s'engager  dans  le 
mésorectum,  en  suivant  le  trajet  des  artères  hémorrhoïdales  supérieures,  et  se 
jeter  dans  la  petite  mésaraïque.  Parmi  ces  branches,  les  plus  remarquables  sont 
celles  qui  répondent  au  sphincter  interne  de  l'anus  auquel  elles  donnent  parfois 
un  aspect  caverneux,  même  chez  les  sujets  qui  n'ont  jamais  été  affectes  d'hémor- 
rhoïdes.  D'après  M.  Duret  {Archiv.  ge'n.  de  médecine,  déc.  1879  et  janv.  188G), 
ces  mêmes  branches  émanant  du  plexus  sous-muqueux  et  formant  les  veines 
hémorrhoïdales  supérieures  se  terminent  chacune  à  leur  partie  inférieure  par 
une  petite  ampoule  ovalnire,  de  la  grosseur  d'un  grain  de  blé  à  celle  d'un  pois, 
])lacée  à  un  peu  plus  de  1  centimètre  au-dessus  de  l'anus,  c'est-à-dire  au  niveau 
des  valvules  de  Morgagni.  De  chacune  de  ces  ampoules  part  une  veinule  qui, 
traversant  les  fibres  musculaires  inférieures  du  sphincter  interne  et  supérieures 
du  sphincter  externe,  va  se  jeter  dans  un  des  rameaux  d'origine  des  veines 
hémorrhoïdales  moyennes  et  inférieures,  reliant  ainsi  la  circulation  porte  à  la 
circulation  cave  et  constituant  pour  cette  dernière  autant  de  canaux  de  dériva- 
tion. Les  dilatations  ampullaires  étaient  connues  de  tous  les  auteurs;  on  les 
voyait  sur  le  trajet,  M.  Duret  les  voit  à  la  terminaison  des  veines,  mais  il  en  fait 
partir  une  veinule;  c'est  une  interprétation  différente.  E.  Yi.ncext. 

OÉMORRIIOÏDES.  Déflmtion.  Si  l'on  s'en  tient  à  l'étymologie,  hémor- 
rho'ide  (de  aTu.«,  sang,  et  piw,  je  coule)  signifie  écoulement  de  sang  et,  par 
suite,  est  synonyme  d'hémorrhagio.  La  perte  de  sang  est  le  symptôme  qui  a 
le  plus  l'rappé  l'attention,  et  c'est  elle  qu'on  a  voulu  rappeler  en  donnant  son 
nom  à  la  maladie  que  nous  avons  à  décrire.  Cette  appellation  fut  ensuite 
appliquée  à  des  flux  sanguins  ayant  un  autre  siège  que  la  région  anale.  Ou 
rencontie  dans  les  auteurs  anciens  les  expressions  àliémorrhoïdes  vésicales, 
àliémorrho'ides  buccales,  nasales,  utérines,  stomacales,  etc.,  par  lesquelles  sont 
désignées  certaines  hémorrhagies  provenant  de  la  vessie,  de  la  bouche,  du 
nez,  etc.,  et  paraissant  se  distinguer,  comme  les  hémorrhagies  ano-rectales,  par 
leur  passivité,  leur  origine  veineuse,  et  surtout  par  une  sorte  de  périodicité. 
Aujourd'hui,  l'acception  du  terme  hémorrhdide  est  plus  restreinte. 


HÉMORRIIOÏDES.  479 

Hémorrhoïde  désigne  une  affeclion  morbide  particulière  de  la  re'gion  ano- 
rectale  qui  se  caractérise  par  un  écoulement  de  sang  et  des  tumeurs  vasculaires. 

Les  héraorrhoïdes,  dit  M.  Gosselin,  sont  des  tumeurs  variqueuses  de  la  région 
anale  susceptibles  de  fournir  du  sang  à  certains  moments. 

D'après  M.  Duplay  {Traité  élémentaire  de  pathologie  externe,  par  Follin  et 
Duplay,  t.  VI,  p.  144),  «  on  désigne  aujourd'hui  sous  le  nom  d'hémorrhoïdes 
la  dilatation  variqueuse  des  veines  de  l'anus  et  de  l'extrémité  inférieure  du 
rectum.  » 

Quant  à  M.  Lannelongue,  dans  son  article  Hémoruhoïdes  du  Nouveau  diction- 
naire de  médecine  et  de  chirurgie  pratiques,  page  404  ,il  constate  que  «  l'usage, 
de  nos  jours  a  voulu  qu'il  (le  mot  hémorrhoïde)  ne  soit  plus  consacré  qu'à 
désigner  la  dilatation  variqueuse  des  veines  de  l'extrémité  inférieure  du  rectum 
et  de  l'anus,  ou  les  flux  sanguins  qui  se  font  dans  la  dernière  portion  du  canal 
intestinal.  »  Mais,  dit-il,  l'origine  du  flux  sanguin  est  loin  de  ne  prêter  à  aucune 
espèce  d'équivoque.  Emane-t-il  de  varices  déjà  formées,  ou  les  précède-t-il,  et 
dans  quelle  mesure  contribue-t-il  à  les  produire? 

Nul  doute,  cette  questiou  n'est  pas  résolue,  et  il  est  probable  qu'elle  ne  le 
sera  pas  de  longtemps,  parce  que  les  malades  ne  réclament  nos  soins  que  lorsque 
la  maladie  est  constituée.  Ce  n'est  point  à  la  période  préparatoire  que  l'on  consulte 
et  surtout  qu'on  demande  ou  accepte  un  examen  local.  Nous  ne  pouvons  donc 
savoir  si  la  iluxion  sanguine  a  servi  de  prélude  à  la  tumeur  ou  si  cette  dernière 
en  est  la  cause  première  et  incitaliice.  Mais  ce  que  nous  savons  bien,  c'est  que 
la  maladie  dite  hémorrhoïdaire  se  présente  habituellement  à  nous  avec  les 
traits  cliniques  suivants  :  tumeurs  sanguines  dans  la  région  ano-rectale,  écou- 
lement de  sang  actuel  ou  passé.  Une  définition,  en  médecine  comme  ailleurs, 
pour  être  adéquate  à  son  objet,  n'a  qu'à  reproduire  ses  traits  principaux  indis- 
cutés. Elle  doit  indiquer  la  nature,  le  siège  du  mal  et  son  caractère  le  plus 
typique.  C'est  pourquoi  je  définirai  les  hémorrhoïdes  : 

Des  tumeurs  vasculaires  sanguines,  le  plus  souvent  veineuses,  siégeant  à 
ïextrémité  inférieure  du  rectum  ou  au  niveau  de  l'anus  et  donnant  lieu 
habituellement  à  des  hémorrhagies  spontanées  spéciales.  Je  dis  tumeurs, 
parce  que  nous  ne  comprenons  pas  aujourd'hui  les  hémorrhoïdes  sans  des  dila- 
tations vasculaires  faisant  relief,  formant  tumeur.  Je  dis  vasculaires  sanguines 
pour  écarter  toute  confusion  avec  des  tumeurs  lymphatiques  ou  autres;  je  dis 
le  plus  souvent  veineuses  et  non  toujours  veineuses  pour  tenir  compte  de  cer- 
taines hémorrhoïdes  à  sang  artériel.  Je  dis  donnant  lieu  habituellement  et  non 
toujours  à  des  hémorrhagies,  parce  que,  si  l'écoulement  sanguin  est  un  des 
traits  les  plus  caractéristiques  des  hémorrhoïdes,  ce  n'est  cependant  point  un 
symptôme  indispensable  à  leur  détermination  nosologique;  la  tumeur  vascu- 
laire  peut  exister  sans  hémorrhagie.  Je  dis  enfin  hémorrhagies  spontanées  et 
spéciales,  parce  que  les  pertes  de  sang  liées  à  l'existence  de  ces  tumeurs  vascu- 
laires sanguines  de  la  région  ano-rectale  se  produisent  sans  l'intervention  d'un 
traumatisme,  par  un  mécanisme  spécial  dans  son  jeu,  ses  effets  et  ses  retours 
plus  ou  moins  périodiques,  ainsi  qu'on  le  verra  plus  loin. 

Division  et  anatomie  pathologique  des  hémorrhoïdes.  On  a  toujours  dis- 
tingué depuis  Avicenne  (Avicenna,  Canon  medicinœ,  lib.  111,  t.  I,  p.  855, 
Venet.  1595)  deux  grandes  classes  d'hémorrhoïdes  :  les  hémorrhoïdes  internes 
{profùndœ)  et  les  hémorrlioïdes  externes  {exterius  natœ),  différentes  par  leur 
siège,  par  leur  étiologie,  leur  origine  anatomique  et  leur  traitement.  Les  hémor- 


480  HÊMORRllOÏDES. 

rhoïdes  externes  occupent  la  marge  de  l'anus,  les  internes  l'intérieur  du  rectum 
jusqu'à  une  hauteur  qui  n'excède  pas  10  centimètres  ;  les  premières  au-dessous 
du  sphincter  externe,  les  secondes  au-dessus,  les  unes  sous-cutanées,  les  autres 
sous-muqueu$es.  Entre  ces  deux  classes  il  s'en  place  une  intermédiaire  qui 
résulte  de  l'empiétement  de  l'une  des  deux  premières  sur  le  territoire  de  sa 
voisine  :  ce  sont  les  hémorrhoïdes  cutanéo-miiqueuses  ou  muco-culanées.  Celle 
classification  topographique  est  admise  de  tout  le  monde.  Mais  l'accord  cesse 
d'exister  pour  la  classification  des  espèces  anatomiques  de  ces  tumeurs  ano- 
rectales  vasculaires. 

Si  l'on  lient  compte  des  apparences  et  de  la  plupart  des  opinions  émises, 
on  peut  distinguer  :  pour  les  Hémorrhoïdes  externes,  les  types  suivants  :  — 
a.  varices  simples;  —  b.  varices  ampidlaires;  c.  varices  capillaires  simples; 

—  d.  varices  capillaires  érectiles;  —  e.  varices  avec  thromboses  et  ktjstes;  — 
ï.  varices  desséchées  ou  marisques  ;  —  g.  hémorrhoïdes  artérielles.  Ces  types 
ne  se  présentent  pas  le  plus  souvent  isolés,  ils  se  combinent  :  de  là  des  variétés 
infinies  de  nature  complexe  et  d'aspect  variable.  Les  Hémorrhoïdes  internes  se 
présentent  à  des  péiiodes  diverses  de  formation  pour  quelques  auteurs,  ou  sous 
des  types  particuliers  d'après  d'autres  :  —  a.  hémorrhoïdes  internes  capillaires; 

—  b.  Iiémorrituïdea  inlernes-artérielles;  —  d.  hémorrhoïdes  internes  veineuses. 
Allingham  [Maladies  du  rectum,  1877)  distingue  deux  sortes  d'hémorrhoïdes 

externes  :  la  première  n'est  qu'une  hypertrophie  ou  excroissance  de  la  peau  ;  la 
seconde  est  une  tumeur  sanguine  veineuse.  Cette  seconde  forme  est  la  véritable 
hémorrhoïde.  Quelques-uns  y  voient,  dit-il,  le  résultat  de  coagulations  sanguines 
dans  des  veines  variqueuses,  d'autres  les  expliquent  par  des  cxtiavasations  dans  le 
lissu  conjoncliL  «  Je  crois  que  ces  deux  manières  de  voir  sont  exactes;  j'ai  trouvé 
un  caillot  dans  un  sac  formé  de  tissu  cellulaire  enflammé  et  condensé,  et  j'ai  aussi 
pu  chasser  le  sang  dans  la  veine.  »  Quant  aux  hémorrhoïdes  internes,  Allingham 
dit  qu'elles  peuvent  être  si  petites,  qu'elles  ressemblent  à  un  amas  de  vaisseaux 
capillaires  dilatés  avec  épaississement  du  tissu  ambiant,  ou  atteindre  le  volume 
d'un  œuf  de  poule.  Il  en  dislingue  trois  espèces  bien  tranchées  qui  se  succèdent  : 

1°  Hémorrhoïdes  capillaires.  Elles  sont  petites,  framboisées,  à  surface  gra- 
nuleuse, spongieuses;  elles  saignent  au  moindre  contact;  souvent  situées  assez 
haut  dans  rinteslin,  elles  peuvent  saigner  beaucoup;  elles  sont  formées  par  des 
capillaires  hypertrophiés  et.  du  tissu  conjonctif  spongieux  et  ressemblent,  en 
somme,  à  des  nœvi  maternels; 

2°  Hémorrhoïdes  artérielles.  De  volume  variable,  quehfuefois  considérable, 
elles  sont  luisantes  et  douces  au  toucher  ou  dures,  vasculaires,  elles  saignent 
dès  qu'on  les  gratte,  en  répandant  en  abondance  un  sang  très-rouge  qui  s'échappe 
en  jet  d'artère;  une  artère  y  aboutit,  on  la  sent  battre  avec  autant  de  force  que 
la  radiale,  dont  elle  atteint  quelquefois  le  volume;  cette  hémorrhoïde  est  com- 
posée d'un  amas  d'artères  et  de  veines  largement  anastomosées  et  tortueuses  et 
dun  stroma  de  grandes  cellules  et  de  lissu  conjonctif; 

3°  Hémorrhoïdes  veineuses.  Les  veines  prédominent  dans  ce  type  qui  atteint 
souvent  le  volume  d'un  œuf  de  poule;  l'hémorrhoïde  est  bleuâtre,  elle  sort 
facilement  et  souvent  reste  toujours  dehors;  elle  saigne  peu,  mais,  si  on  la  pique, 
il  s'en  écoule  du  sang  veineux  ou  artériel.  Ce  genre  d'hémorrhoïdes  se  rencontre 
particulièrement  chez  les  multipares  à  gros  utérus  rétroversé,  à  l'âge  critique, 
ou  chez  les  hommes  atteints  d'hypertrophie  ou  d'induration  du  foie,  chez  les 
buveurs  d'alcool.  L'auteur  anglais  admet  donc,  comme  Raige-Delorme  et  d'autres, 


HÉMORRHOÏDES.  481 

des  hémorrhoïdes  formées  par  les  capillaires  et  les  artères,  soit  des  hémorrhoïdes 
érectiles.  Ce  n'est  point  là  une  idée  neuve,  mais  ce  que  la  manière  de  voir 
d'AUingham  offre  de  particulier,  c'est  la  succession  de  l'hémorrhoide  veineuse 
aux  hémorrhoïdes  capillaires  et  artérielles. 

D'après  Allingham,  d'après  M.  Mollière,  qui  l'interprète  et  le  complète,  les 
varices  rectales  commencent  par  des  dilatations  capillaires  analogues  à  celles 
qui  se  voient  sur  les  membres.  L'une  des  aigrettes,  des  houppes  du  réseau 
rectal,  se  dilate,  se  transforme  en  tumeur  qui  s'isole  et  se  pédiculise  quelquefois 
comme  un  véritable  polype.  Au  bout  d'un  certain  temps,  l'inflammation  déter- 
mine l'oblitération  des  capillaires.  Mais  au-dessous  d'eux  et  en  raison  même  de 
cette  oblitération  les  veines  se  dilatent  et  se  tiansforment  en  de  véritables 
varices.  Ces  varices,  très-superficielles  et  très-fines  au  début,  disent-ils,  sont  dif- 
ficilement appréciables  à  l'examen  direct,  mais  elles  ne  tarderont  pas  à  se 
tuméfier.  L'inflatumation,  avant  de  provoquer  l'état  variqueux  proprement  dit, 
fait  passer  les  hémorrhoïdes  de  l'état  capillaire  à  l'état  artériel;  l'hémorrhoide 
est  alors  plus  volumineuje  qu'au  début.  L'hémorrhoide  artérielle  est  composée 
d'un  nombre  considérable  d'artères  et  de  veines  qui  semblent  s'anastomoser 
directement  entre  elles,  qui  sont  entrelacées  si  étroitement  et  si  intimement 
entre  elles,  unies  par  du  tissu  conjonctif,  qu'il  est  à  peu  près  impossible  d'en 
déterminer  les  rapports.  Ces  tumeurs,  qui  s'ulcèrent,  s'enflamment  avec  une 
grande  facilité,  ne  restent  pas  cachées  longtemps  dans  le  rectum,  provoquent 
des  sécrétions  de  mucosités  irritantes,  ensuite  des  érosions,  des  ulcérations  au 
pourtour  de  l'anus  avec  des  végétations  analogues  à  celles  des  organes  génitaux 
des  prostituées.  Les  mêmes  auteurs  prétendent  que  la  transformation  des  hémor- 
rhoïdes capillaires  et  des  hémorrhoïdes  artérielles  en  hémorrhoïdes  veineuses  ne 
peut  se  nier.  Us  admettent  toutefois  que  l'hémorrhoïde  veineuse  jieut  apparaître 
d'emblée,  mais  alors  elle  est  surtout  symptomatique.  Ils  font  remarq\ier  que 
les  veines  qui  constituent  les  hémorrhoïdes  internes  sont  les  veines  de  la  mu- 
queuse rectale  ;  que  celles  des  autres  tuniques  intestinales  restent  indemnes; 
que  la  muqueuse  n'adhère  que  tardivement  à  l'hémorrhoïde,  lorsque  les  périodes 
artérielle  et  capillaire  ont  précédé  la  période  veineuse,  et  que,  lorsque  la  phléb- 
ectasie  envahit  d'emblée  les  veines  d'un  certain  calibre,  il  se  forme  entre  elles 
et  la  muqueuse  de  petites  bourses  séreuses  accidentelles  que  Verneuil  a  signalées 
le  premier.  L'hyperthrophie  du  tissu  cellulaire  sous-muqueux  et  périvasculaire 
ne  survient  par  phlébite  et  cellulite  que  lorsque  les  hémorrhoïdes  sont  devenues 
procidentes.  Ces  trois  types  ne  sont  pas  d'ordinaire  isolés  et  il  n'est  pas  impos- 
sible qu'une  phlébectasie  primitive  et  poussée  très-loin  se  propage  des  veines 
aux  capillaires  et  aux  artérioles.  C'est  donc  une  succession  de  phénomènes 
inverse  de  ce  que  nos  auteurs  regardent  comme  la  règle.  L'hémorrhoïde  interne 
est  donc  pour  eux  initialement  une  tumeur  érectile.  Cependant  M.  Mollière  fait 
la  réflexion  suivante  «  :  Ces  hémorrhoïdes  érectiles  ont-elles  le  tissu  des  tumeurs 
érectiles?  Non,  car  ces  tumeurs  veineuses  ne  sont  aussi  que  des  varices;  ce  sont 
des  varices  capillaires,  comme  les  a  appelées  Cruveilliier,  varices  analogues  à 
celles  que  l'on  trouve  parfois  sur  les  membres  en  même  temps  que  les  dilata- 
tions siégeant  sur  des  vaisseaux  plus  volumineux.  Elles  ont  peut-être  pour  siège 
les  capillaires  veineux,  c'est-à-dire  le  réseau  qui  précède  immédiatement  les 
capillaires  vrais;  mais  il  existe  aussi  des  dilatations  variqueuses,  des  ramifica- 
tions ultimes  des  troncs  veineux  formant  des  tumeurs  qui,  suivant  Cruveilhier, 
ne  sont  pas  érectiles,  et  par  là  l'illustre  professeur  entendait  dire  qu'elles  ne 

DICT.   ENC.   4°  s.   XIII.  31 


482  HÉMORRHOÏDES. 

contiennent  pas  des  vacuoles  communiquant  entre  elles  pour  former  un  système 
de  lacunes,  mais  sont  constituées  par  une  série  de  veinules  dilatées  marchant 
parallèlement  les  unes  aux  autres  entourées  de  tissu  cellulaire  abondant.  ') 
M.  Mollière  reconnaît  ailleurs  que  la  phlébectasie  peut  précéder  les  dilatations 
artérielles,  et  nous  notons  ce  passage,  parce  que  nous  ne  croyons  pas,  pour 
notre  part,  à  l'origine  capillaire  ou  artérielle  soit  des  liémorrhoïdes  internes,  soit 
des  hémorrhoïdes  externes,  n'ayant  rien  observé  en  faveur  de  cette  idée.  «  Ce 
qu'il  faut  savoir,  dit-il,  c'est  que  dans  ces  hémorrhoïdes  sèches  ou  veineuses, 
peu  importe,  il  se  développe  parfois,  sous  l'influence  de  l'inflammation,  des  arté- 
rioles  volumineuses  qui  deviennent  à  certains  moments  la  source  d'hémorrhagies 
abondantes.  » 

Il  nous  semble  qu'on  a  pris  les  accidents  pour  la  cause  et  que  l'hémorrhoïde 
est  originellement  une  phlébectasie  cylindrique,  fusiforme  ou  sacciforme,  et  que 
les  dilatations  capillaires  ou  artérielles,  soit  de  la  muqueuse,  soit  de  la  peau, 
ne  sont  que  des  accidents  consécutifs  dus  à  l'action  de  présence  de  l'ectasie 
veineuse  primordiale,  à  la  pression,  à  l'élranglement,  à  l'inflammation. 

Rindfleisch  (p.  236  et  suiv.,  Traité  d'hht.  pathoL,  trad.  de  Gross)  classe  les 
liémorrhoïdes  dans  les  phlébectasies  et  considère  le  plexus  hémorrhoïdal  comme 
le  mieux  disposé  pour  la  formation  des  tumeurs  variqueuses.  Cela  tient,  dit-il, 
à  la  communication  de  ce  plexus  avec  la  veine  porte  (veines  hémorrhoïdales 
internes),  d'où  il  résulte  que  la  circulation  du  sang  dans  ces  veines  se  trouve 
soumise  aux  mêmes  conditions  défavorables  que  dans  la  veine  porte,  sans  pro- 
fiter des  effets  bienfaisants  de  la  contraction  des  muscles  abdominaux  qui  favo- 
rise le  cours  du  sang  dans  la  veine  porte;  en  second  lieu,  la  prédisposition  de 
ces  plexus  à  la  phlébectasie  s'explique  par  les  hyperémies  prolongées  et  souvent 
répétées  qu'y  provoque  l'exercice  des  fonctions  sexuelles.  L'ectasie  du  plexus 
hémorrhoïdal  (la  véritable  affection  hémorrhoïdale)  commence  par  une  injection 
des  veines  de  transition  qui  sont  situées  dans  le  tissu  conjoncl if  lâche  sous- 
muqueux  du  rectum  tout  près  de  l'ouverture  anale.  Il  s'y  joint  bientôt  un 
catarrhe  avec  légère  hyperplasie  des  glandes  muqueuses.  Plus  tard,  ces  altéra- 
tions passent  au  second  plan,  la  phlébectasie  détermine  la  formation  de  gros 
paquets  variqueux  qui  soulèvent  la  muqueuse  et  forment  une  couronne  de  replis 
transversaux  autour  de  l'anus.  Enfin,  l'ectasie  se  concentre  sur  un  ou  plusieurs 
points  de  ces  replis,  y  produit  des  nodosités  arrondies  et  plus  tard  des  tumeurs 
fongueuses  d'un  volume  assez  considérable.  La  coupe  d'un  nodule  hémorrhoïdal 
un  peu  gros  montre  déjà  à  l'œil  nu  que  la  masse  principale  de  son  tissu  est 
de  nature  spongieuse.  Les  pores  sont  formés  par  la  section  des  vaisseaux,  les 
cloisons  par  la  fusion  des  parois  des  veines  dilatées  et  variqueuses.  On  peut  se 
tendre  compte  de  cette  structure  en  admettant  que,  sous  l'influence  de  l'aug- 
mentation prolongée  de  la  pression  sanguine,  l'ectasie  des  veines  détermine 
l'atrophie  du  tissu  conjonclif  interposé,  et  que  finalement  il  ne  reste  plus  que 
les  parois  vasculaires.  11  n'est  pas  rare  de  voir  une  induration  inflammatoire 
survenir  dans  le  voisinage  de  ces  nodules  veineux,  et,  dans  leur  intérieur,  il  se 
forme  par-ci,  par-là,  des  coagulations  sanguines  qui  déterminent  des  gangrènes 
partielles.  Ces  gangrènes  partielles  font  communiquer  ensemble  les  replis  vei- 
neux adossés  ou  causent  des  ulcérations  plus  ou  moins  fongueuses,  suppurantes 
ou  saignantes  des  bourrelets.  Dans  sa  simplicité,  la  tumeur  hémorrhoïdale  est 
donc  formée  uniquement  par  la  dilatation  d'une  veine.  Cette  vérité  a  été  mise 
en  évidence  par  les  dissections  de  Blandin  et  de  Jobeit,  par  les  injections  de 


HÉMOKRHUIUES.  485 

Brodie,  de  Smith,  de  Verneuil,  de  Gosselin  (voy.  {Artères  et  Veineu]  Hémor- 
RHOÏDALES  de  06  Dicl.).  Une  injection  poussée  par  la  veine  porte  rem[)lit  toujours 
la  totalité  des  bosselures  variqueuses,   quand  celles-ci  sont  encore  perméables, 
quand  elles  ne  renferment  pas  de  sang  coagulé,  quand  l'inflanimation  n'a  pas  obli- 
téré les  vaisseaux  variqueux.  L'injection  poussée  par  les  artères  mésentériques 
et  par  les  vaisseaux  hémorrhoïdaiix  moyen  et  inférieur  ne  gonfle  pas  les  hérnor- 
rhoïdes.  Sur  la  muqueuse  saine  et  dans  les  cas  d'iiémorrlioides  peu  développées, 
l'injection  poussée  par  la  veine  porte  ne  passe  jamais  dans  les  veines  hémor- 
rhoïdales  moyenne  et  inférieure,  et  M.  Verneuil  {voy.  thèse  Germain)  en  conclut 
que  l'existence  des  anastomoses  admises  par  les  auteurs  entre  toutes  les  veines 
héraorrhoïdales  est  tout  au  moins  douteuse;  mais,  dit  M.  Mollière,  il  ne  faut 
pas  oublier  que  les  injections  de  M.  Verneuil  par  la  veine  porte  ont  été  poussées 
du  centre  à  la  périphérie;  les  résultats  ne  seraient  probablement  pas  les  mêmes, 
si  l'on  avait  pu  les  pousser  en  sens  inverse,  c'est-à-dire  des  capillaires  vers  le 
cœur.  Le  professeur  Gosselin  a  fait  remarquer  avec  raison  que,  pour  tirer  une 
preuve  irréfragable  de  l'expérience  des  injections  en  faveur  de  la  nature  veineuse 
des  hémorrhoïdes,  il  fallait  être  sur  que  les  veines  dont  on  faisait  l'injection  et 
la  préparation  avaient  bien  appartenu  à  un  sujet  hémorrhoïdaire.  Gosselin  put 
faire  des  expériences  en  1864  sur  le  cadavre  d'un  homme  âgé  de  soixante-deux 
ans  et  qui  avait  eu  des  hémorrhoïdes  internes  pendant  vingt-cinq  ans.  Ses  hémor- 
rhoïdes, constatées  pendant  la  vie,  avaient  disparu  après  la  mort,   comme  il 
arrive  le  plus  souvent  pour  les  hémorrhoïdes  internes  rentrées  ou  qui  n'ont  pas 
été  longtemps  procidentes;  sur   le  cadavre,  elles  contiennent  une  très-petite 
quantité  de  sang  et  dans  les  autopsies  on  ne  les  remarque  même  pas.  Gosselin 
pratiqua  sur  ce  sujet  l'hydrotomie  dans  la  veine  mésentérique  inférieure.  L'in- 
jection d'eau  passa  dans  les  tumeurs  et  en  fit  reparaître  tous  les  reliefs,  plus  sur 
les  bourrelets  internes  que  sur  les  externes.  Une  injection  de  suif  coloré  en  bleu 
par  le  tronc  de  la  mésentérique  inférieure  et  par  la  veine  dorsale  de  la  verge, 
branche  de  la  honteuse  interne  qui  fournit  les  veines  hémorrhoïdales  inférieures, 
procura  les  résultats  suivants  :  réseau  veineux  bien  injecté  entre  la  muqueuse 
et  la  couche  musculaire  de  l'intestin,  réseau  à  mailles  de  plus  en  plus  serrées 
de  haut  en  bas,  dessinant  des  lignes  courbes  à  convexité  inférieure  correspon- 
dant aux  valvules  semi-lunaires  de  Morgagni.  M.   Gosselin  s'est  assuré  que  ces 
veines,  au  lieu  de  former  des  réseaux  inextricables,  se  terminaient  presque  toutes 
en  culs-de-sac  disposés  à  la  façon  des  fils  d'une  aigrette,  suivant  l'expression  de 
M.  Verneuil.  Ces  culs-de  sac  ne  sont  pas  ou  ne  sont  que  peu  anastomosés.  Les 
varices  n'arrivaient  pas  jusqu'aux  hémorrhoïdes   externes;   celles-ci   se  conti- 
nuaient avec  les  hémorrhoïdales  inférieures  qui   n'avaient  pas  d'anastomoses 
avec  les  ampliations  en  aigrettes  des  veines  hémorrhoïdales  supérieures.  Il  est 
douteux,  dit-il,  qu'on  voie  jamais  les  hémorrhoïdes  externes  formées  par  les 
veines  hémorrhoïdales  supérieures.  Le  professeur  Gosselin  conclut  de  ses  expé- 
riences cadavériques  sur  un  hémorrhoïdaire  que  les  hémorrhoïdes  internes  sont 
à  leur  début  et  dans  toute  la  durée  de  leur  existence  constituées  par  des  varices 
remarquablement  abondantes,  sans  hypertrophie  ni  de  la  muqueuse  rectale,  ni 
du  tissu  cellulaire  sous-jacent;  le  prolapsus,  quand  il  se  produit,  s'explique  par 
la  distension  et  l'amincissement  que  font  éprouver  à  la  muqueuse  l'accumula- 
tion énorme  du  sang  dans  des  varices  éminemment  dilatables  et  la  laxité  devenue 
plus  grande   du  tissu  cellulaire  sous-jacent.  Les  varices  dépendent,  pour  les 
hémorrhoïdes  externes,  des  veines  hémorrhoïdales  inférieures,  pour  les  hémor- 


484  HEMORRHOÏDES. 

rhoïdes  internes,  des  veines  hémorrhoïdales  supérieures,  sans  qu'il  y  ait  de  com- 
munication directe,  ou  du  moins  très-large,  entre  les  premières  et  les  secondes. 
Si  l'on  dissèque  la  région  ano-rectale  d'une  femme  morte  de  suites  de  couches 
avec  des  hémorrhoïdes  externes  commençantes,  on  trouve  une  ou  deux  veines 
dilatées  se  continuant  en  haut  avec  les  hémorrhoïdales  supérieures,  branches 
terminales  de  la  petite  mésaraïque,  en  bas  avec  les  hémorrhoïdales  inférieures, 
branches  de  la  honteuse  interne.  Tel  est  le  début.  Après  un  certain  temps,  les 
hémorrhoïdes  externes  sont  formées  tout  à  la  fois  par  les  varices  et  par  le  tissu 
conjonclif  qui  s'est  hypertrophié.  Ces  varices  se  transforment  comme  les  varices 
d'autres  régions  du  corps;  la  pression  et  l'irritation  incessantes  résultant  de  la 
défécation  et  de  la  station  assise  enflamment  les  varices,  et  les  phlébites  récidi- 
vantes causent  :  la  coagulation  du  sang,  l'oblitération  de  la  veine  en  deçà  et  au 
delà  de  la  coagulation,  à  la  longue,  une  résorption  du  caillot,  l'inflammation 
par  voisinage  du  tissu  cellulaire  ambiant.  Au  contraire,  avec  le  temps,  les 
hémorrhoïdes  internes  s'accroissent  par  l'addition  de  nouvelles  varices,  sans 
qu'il  s'y  ajoute  des  modifications  du  tissu  cellulaire.  L'origine  est  identique 
pour  les  deux  espèces  d'hémorrhoïdes,  la  différence  de  siège  explique  seule  la 
différence  de  structure,  les  hémorrhoïdes  externes  étant  par  leur  situation 
beaucoup  plus  exposées  à  la  plilébile  et  le  tissu  cellulaire  de  la  région  anale 
ayant  une  tendance  à  l'épaississement  qui  n'existe  pas  dans  les  points  plus 
élevés  du  rectum.  Les  kystes  de  Récamier  et  de  Cullen  ne  sont  que  le  résultat 
de  l'extravasation  du  sang  dans  le  tissu  cellulaire  à  la  suite  d'une  phlébite  qui  a 
déterminé  la  perforation  d'une  paroi  veineuse  ectasiée;  l'inflammation  a  pu 
déterminer  la  sclérose  du  paquet  veineux  et  ne  laisser  subsister  que  le  kyste 
sanguin  secondaire.  L'aspect  caverneux,  éreclile,  d'un  nodule  hémorrhoïdal, 
résulte  de  l'union,  de  la  soudure  des  veines  dilatées  d'un  ou  de  plusieurs  bour- 
relets, de  la  perforation  des  parois  veineuses  adossées. 

Pour  terminer  cette  étude  anatomo-pathologique  nous  dirons  que  Froriep  a 
démontré  que  la  couche  interne  des  loges  appartient  bien  aux  veines.  La  dissec- 
tion a  encore  démontré  que  sur  les  tumeurs  hémorrhoïdales  il  existe  souvent 
une  expansion  des  fibres  musculaires  des  sphincters,  dont  les  unes  sont  amin- 
cies, les  autres  hypertrophiées.  On  y  trouve  encore  un  réseau  artériel  considé- 
rable et  des  filets  nerveux.  La  présence  de  ces  derniers  rend  compte  de  la 
sensibilité  parfois  extrême  des  bourrelets  hémorrhoïdaux.  Enfin,  on  a  trouvé 
(J.-L.  Petit)  dans  quelques  dissections  que  les  troncs  veineux  partant  des  plexus 
hémorrhoïdaux  ectasiés  et  rampant  sous  la  muqueuse  présentaient  un  calibre 
très-augmenté  dans  une  étendue  de  21  à  24  centimètres. 

En  résumé,  les  tumeurs  hémorrhoïdales  sont,  du  début  à  la  fin,  des  dilatations 
veineuses,  des  varices,  et  les  additions  anatomiques  qui  s'ajoutent  à  la  phlébec- 
tasie  initiale  sont  des  accidents  secondaires,  propres  surtout  aux  hémorrhoïdes 
externes.  Cette  doctrine  est  conforme  à  l'exposé  de  Virchow  et  de  Ranvier,  dans 
les  ouvrages  desquels  on  trouvera  les  notions  historiques  et  histologiques  néces- 
saires pour  compléter  cette  partie  de  noire  article. 

Étiologie.  Pathogéme.  L'affection  hémorrhoïdaire  est  des  plus  communes; 
les  causes  en  sont  variées  et  disparates.  Au  point  de  vue  de  l'étiologie,  on  doit 
distinguer  les  hémorrhoïdes  qui  tiennent  à  une  affection  purement  locale  d'avec 
celles  qui  dépendent  d'une  autre  maladie  et  en  sont  un  des  symptômes.  On  doit 
donc  admettre  des  hémorrhoïdes  idiopathiques  et  des  hémorrhoïdes  sympto- 
nw  tiques. 


HÉMORRHOÏDES.  485 

Étiologie  et  pathogénie  des  hémorrhoïdes  idiopathiques.  Ces  hémorrhoides 
sont  l'apanage  de  l'âge  mûr  et  de  la  vieillesse.  On  les  rencontre  quelquefois 
chez  les  enfants.  Delarroque,  Klein,  Trnka,  Lanuelongue  et  d'autres,  en  ont  cité 
des  exemples.  Elles  paraissent  plus  fréquentes  chez  les  femmes,  mais,  si  l'on 
retranche  du  calcul  les  hémorrhoides  symptomatiques  de  la  grossesse  ou  d'une 
tumeur  abdominale,  on  est  amené  à  reconnaître  que  les  hémorrhoïdes  idiopa- 
thiques sont  plus  fréquentes  chez  les  hommes  que  chez  les  femmes.  Tous  les 
tempéraments,  toutes  les  constitutions,  peuvent  présenter  l'affection  hémor- 
rhoidaire;  néanmoins  il  est  d'observation  qu'elle  se  montre  de  préférence  chez 
les  sujets  sanguins,  pléthoriques  ou  bilieux,  chez  les  herpétiques  et  les  goutteux, 
et  qu'on  voit  quelquefois  une  attaque  de  goutte  remplacée  par  une  crise  d'hémor- 
rhoïde  et  vice  versa.  L'hérédité  transmettant  le  tempérament  transmet  la  dispo- 
sition aux  hémorrhoïdes  et  non  l'affection  hémorrhoïdaire,  comme  on  l'a  dit; 
ime  vie  oisive,  sédentaire,  une  alimentation  trop  succulente,  certaines  professions 
qui  exigent  la  station  assise  ou  debout  prolongée,  sont  des  conditions  favorables 
à  la  naissance  des  hémorrhoïdes,  la  constitution  prédisposante  existant. 

Pathogénie.  Deux  théories  sont  en  présence  :  1"  celle  du  bol  fécal,  si  j'ose  ainsi 
parler,  du  bol  fécal  compresseur,  agissant  sur  les  veines  rectales  à  la  façon  du  doigt 
et  de  la  bande  appliqués  sur  le  trajet  de  la  veine  humérale  pour  la  saignée  au  pli 
du  coude,  à  la  façon  de  la  jarretière  qui  favorise  les  varices  de  la  jambe;  2°  celle 
de  la  fluxion,  théorie  ancienne  qui  assimile  l'hémorrhoïde  à  la  menstruation  et 
en  fait  le  produit  d'une  sorte  d'érection  rectale  plus  ou  moins  périodique. 

Théorie  de  la  stase  mécanique.  Cette  théorie  s'appuie  sur  les  considéra- 
tions anatomiques  et  physiologiques  ci-après  :  déclivité  des  veines  du  rectum, 
absence  de  valvules  dans  le  système  porte.  Verneuil  et  Gosselin  ajoutent  à  ces 
causes  ce  fait  que  les  veines  hémorrhoïdales  traversent  les  parois  musculaires  du 
rectum  et  sont  étranglées  à  ce  niveau.  Pour  eux  c'est  là  la  cause  la  plus  active 
de  la  formation  des  tumeurs  hémorrhoïdales.  Nous  n'avons  pas  à  décrire  ici  la 
circulation  ano-rectale  (voy.  Hémorrhoïdales  [Artères  et  Veines]  de  ce  Dict.). 
Nous  rappellerons  seulement  que  les  veines  rectales  s'étalent  en  deux  réseaux, 
l'un  sous-musculaire,  l'autre  sous-muqueux  et  que  ces  vaissexiux  s'envoient  des 
anastomoses  au  travers  des  tuniques  du  rectum.  Le  réseau  sous-musculaire  qui 
entoure  le  sphincter  externe  se  jette  dans  les  veines  hémorrhoïdales  moyennes 
et  inférieures,  branches  de  l'hypogastrique;  le  réseau  sous-muqueux  a  été  bien 
étudié  par  M.  Duret;  très-riche  au  niveau  de  l'anus,  ce  réseau  se  concrète  en 
une  dizaine  de  branches  veineuses  qui  montent  en  rampant  sous  la  muqueuse 
jusqu'à  une  hauteur  de  10  à  12  centimètres.  A  ce  niveau,  ces  veines  perforent 
la  paroi  musculaire  du  rectum,  cheminent  ensuite  dans  le  mésorectum  et  vont 
enfin  se  jeter  dans  la  petite  mésaraïque,  l'une  des  origines  de  la  veine  porte. 
D'après  M.  Duret,  qui  a  enrichi  de  détails  intéressants  les  travaux  de  Verneuil 
et  de  Gosselin,  ces  mêmes  branches  se  terminent  chacune  à  leur  partie  inférieure 
par  une  ampoule  ovalaire  de  la  grosseur  d'un  grain  de  blé  à  celui  d'un  pois, 
placée  à  un  peu  plus  de  1  centimètre  au-dessus  de  l'anus,  c'est-à-dire  au  niveau 
des  valvules  de  Morgagni.  De  chacune  de  ces  petites  ampoules  part  une  veinule 
qui,  traversant  les  fibres  musculaires  inférieures  du  sphincter  externe,  vont  se 
jeter  dans  un  des  rameaux  d'origine  des  veines  hémorrhoïdales  moyennes  et 
inférieures,  reliant  ainsi  la  circulation  porte  à  la  circulation  cave  et  constituant 
pour  la  première  autant  de  canaux  de  dérivation.  Lorsque  les  sphincters  se  con- 
tractent, ces  canaux  sont  oblitérés  et  le  sang  ne  peut  plus  se  dériver,  s'échapper 


486  IIÉMORRHOÏDES. 

du  côté  des  veines  hémorrhoïdales  externes  et  moyennes,  ni  de  celles-ci  vers 
les  veines  hémorrhoïdales  supérieures.  Dans  tous  les  efforts,  il  y  a  tension,  |)ar 
presse  abdominale,  dans  le  système  porte,  et  dans  les  efforts  de  la  défécation 
la  compression  du  bol  fécal  induré  exerce,  d'autre  part,  un  refoulement  de  haut 
en  bas  du  sang  des  veines  liémorrhoïdales  supérieures.  La  constipation  est  habi- 
tuelle chez  les  hémorrhoïdaires.  Gosselin,  Yerneuil,  Esmarch  et  la  plupart  des 
auteurs,  insistent  beaucoup  sur  celte  circonstance.  Les  causes  mécaniques  énu- 
mérées,  en  se  répétant,  peuvent  rendre  permanente  la  distension  des  veines  rec- 
tales. On  ne  peut  le  nier,  les  conditions  anatomiques  et  les  efforts  de  la  défé- 
cation expliquent  d'une  manière  assez  satisfaisante  la  formation  des  hémorrhoïdes 
internes.  Mais  cette  théorie  mécanique  reste  impuissante,  dit  M.  Duplay,  pour 
expliquer  le  mode  de  production  des  hémorrhoïdes  externes.  «  Aussi,  tout  en 
admettant  l'influence  incontestable  des  conditions  anatomiques  signalées  précé- 
demment, influence  qui  trouve  à  s'exercer  dans  les  efforts,  on  est  toujours  con- 
traint d'en  revenir  à  la  vieille  idée  de  la  fluxion  hémorrhoïdaire  admise  au  dix- 
huitième  siècle  par  Stahl  et  son  école  et  qui,  tout  obscure  qu'elle  soit  encore, 
s'explique  jusqu'à  un  certain  point  par  les  troubles  vaso-moteurs.  » 

Théorie  de  la  fluxion  hémorrhoidaire.  Elle  objecte  à  celle  de  la  stase 
mécanique  exclusive  que,  si  les  hémorrhoïdes  étaient  toujours  dues  à  des  obstacles 
circulatoires,  elles  devraient,  une  fois  formées,  être  persistantes  et  ne  pas  être 
sujettes  à  disparaître  et  à  reparaître  alternativement  sans  cause  mécanique  appré- 
ciable. On  lait  remarquer  que,  dans  certains  cas  d'hémorrhoïdes  procideiites, 
bien  que  le  bourrelet  hémorrhoïdal  soit  resté  mou  et  dépressible,  il  est  impos- 
sible de  le  maintenir  réduit,  même  à  l'aide  d'appareils  appropriés  et  après 
réduction  parfaite.  Ce  n'est  plus  la  contraction  du  sphincter  qui  s'oppose  alors 
à  la  déplétion  de  la  tumeur.  «  Il  existe  donc  une  influence  morbide  active 
capable  d'accroître  et  de  maintenir  le  développement  de  la  tumeur.  C'est  cette 
influence  que  nous  désignons  sous  le  nom  de  congestion  ou  de  fluxion  »  (Duplay). 
On  nous  permettra  de  demander  si  l'auteur  est  bien  sûr  de  tenir  suffisamment 
compte  de  l'élément  spasme  qui  naît  de  l'existence  des  fissures  dont  s'accom- 
pagnent si  souvent  les  hémorrhoïdes,  et  de  la  part  du  sphincter  interne  et  peut- 
être  aussi  des  fibres  musculaires  du  rectum  entre  lesquelles  passent  les  veines 
hémorrhoïdales  en  cause.  On  réduit  l'hémorrhoïde  au-dessus  du  sphincter 
externe  et  non  au-dessus  du  sphincter  interne,  ce  qui  serait  parfois  nécessaire, 
et  l'on  ne  peut  rien  contre  l'étranglement  transpariétal.  Cette  réflexion  faite,  je 
poursuis  l'exposé  de  la  théorie  de  la  fluxion.  On  la  compare  à  l'effort  périodique 
de  la  menstruation,  on  la  compare  aux  afflux  sanguins  qui  semblent  se  produire 
d'une  manière  plus  ou  moins  passagère  du  côté  des  articulations  atteintes  de 
goutte  aiguë.  On  dit  encore,  ce  qui  est  vrai,  que  les  érections  prolongées,  les 
excès  de  coït,  les  plaisirs  de  la  table,  l'abus  des  boissons  alcooliques,  l'équita- 
tion,  l'usage  des  purgatifs  drastiques,  et  notamment  de  l'aloès,  rappellent  une 
congestion  douloureuse  de  leurs  varices  rectales  chez  les  hémorrhoïdaires.  Cer- 
taines femmes  éprouvent  une  fluxion  rectale  au  moment  de  leurs  règles,  même 
la  procidence  de  bourrelets  hémorrhoïdaux.  Quelques-unes  ont  des  règles  supplé- 
mentaires par  l'anus.  Des  individus  pléthoriques  sont  soulagés  par  la  perte  de 
sang  qui  se  fait  plus  ou  moins  périodiquement  au  niveau  de  leurs  hémorrhoïdes  ; 
ils  souffrent  de  malaises,  de  plénitude  dans  le  bassin  et  le  rectum,  tant  que 
leur  flux  hémorrhoïdal  n'a  pas  paru.  On  fait  remarquer  enfin  que  les  hémor- 
rhoïdaires sont  généralement  des  goutteux  et  des  rhumatisants,  et  que  souvent 


UEMORRHOÏDE.S.  -485 

on  voit  une  crise  de  goutte  éclater  à  la  suite  de  la  cessation  d'une  crise  hémor- 
rhoïdale  et  inversement.  Personne  ne  peut  nier  cette  association  de  l'affection 
hémorrhoïdaire  avec  la  constitution  rhumatismale  et  goutteuse,  personne  ne 
peut  niei-  non  plus  que  la  suppression  du  flux  rectal  n'amène,  chez  certains  dia- 
thésiques,  une  altération  de  de  la  santé  et  môme  parfois  des  accidents  graves. 
Il  est  diflîcile  de  savoir  si  c'est  la  fluxion  hémorrhoidale  qui  commence  ou  si 
c'est  la  stase  mécanique.  Il  y  a  tant  de  gens  constipés  qui  ne  souffrent  pas 
d'hémorrhoïdes,  et  il  y  a  tant  de  gens  qui  ont  des  fluxions  hémorrhoïdaires  et 
qui  ne  sont  pas  goutteux  !  Si  l'on  admet  que  la  stase  commence,  on  pourra  dire 
que  les  inflammations,  les  érosions  des  bourrelets,  provoquent  du  spasme  des 
sphincters,  des  fibres  musculaires  de  la  région,  lequel  a  pour  effet  de  chasser 
les  hémorrhoïdes,  de  les  faire  gonfler,  de  les  étrangler  et  de  mettre  en  scène  ce 
qu'on  appelle  la  congestion  ou  fluxion.  Si  l'on  admet  que  la  fluxion  est  initiale, 
on  dira  avec  Duplay  et  l'école  stahlienne  que  les  hémorrhoïdes  internes  déter- 
minées et  rendues  turgescentes  par  la  fluxion  peuvent  par  leur  présence  irriter 
les  fibres  musculaires  qui  se  contracteront  par  action  réflexe,  chasseront  les 
bourrelets  et  les  étrangleront.  M.  Duplay  ne  croit  pas  cependant  que  le  jeu  des 
sphincters  soit  nécessaire  à  la  production  de  la  procidence.  »  Quoique  le  mouve- 
ment fluxionnaire  puisse,  suivant  nous,  être  quelquefois  assez  énergique  pour 
chasser  les  dilatations  variqueuses  en  dehors  de  l'anus,  nous  pensons  que  les 
efforts  du  malade  pour  aller  à  la  selle,  la  pression  d'un  bol  fécal  volumineux 
sur  les  tumeurs  hémorrhoidales  toutes  formées,  doivent  avoir  une  influence 
marquée  sur  leur  entraînement  au  dehors  de  l'anus.  Nous  croyons  aussi  qu'une 
fois  procidentes  le  sphincter  les  étreiut  et  en  augmente  encore  le  volume  en 
gênant  la  circulation.  «  Pour  nous,  la  théorie  de  la  stase  mécanique  nous  paraît 
plus  physiologique  et  les  retours  fluxionnaires  exacerbants  nous  paraîtraient 
dépendre  de  spasmes  portant  non-seulement  sur  les  sphincters,  mais  sur  toutes 
les  fibres  musculaires  du  rectum  dans  la  région  intéressée  ;  spasmes  causés  soit 
par  des  excitations  diverses,  telles  que,  par  exemple,  celles  des  fonctions  géné- 
siques,  soit  par  des  érosions  et  des  fissures  ù  la  surface  ou  dans  les  intervalles 
des  bourrelets.  On  sait  que  la  dilatation  forcée  des  sphincters  guérit  les  spasmes 
de  ces  fissures  et  partant  la  fluxion  hémorrhoïdaire.  Ce  fait  donne  à  réfléchir. 
Nous  nous  abstiendrons  de  formuler  des  conclusions  absolues  dans  ce  débat 
éternel,  où  chaque  camp  possède  sans  doute  une  part  de  vérité. 

Étiologie  et  pathogénie  des  hémorrhoïdes  symplomaliques.  Ces  hémor- 
rhoïdes sont  dites  passives  par  opposition  aux  précédentes  qui  sont  dites  actives 
dans  le  langage  des  partisans  de  la  fluxion.  Elles  accompagnent  une  jnaladie  ou 
un  état  dont  elles  sont  un  symptôme.  M.  Mollière  a  exposé  mieux  que  personne 
avant  lui  cette  catégorie  d'hémorrhoïdes.  Celles-ci  se  présentent  comme  sym- 
ptômes dans  :  a,  maladies  des  organes  pelviens;  b,  maladies  ou  états  des 
organes  abdominaux;  c,  maladies  des  organes  thoraciques. 

a.  Organes  pelviens.  On  voit  des  hémorrhoïdes  survenir  dans  les  maladies 
du  rectum,  de  la  vessie,  de  la  prostate,  de  l'urèthre,  de  l'utérus.  Dans  le  rétré- 
cissement du  rectum,  l'hémorrhoïde  se  forme  au-dessous  du  point  coarcté  par 
suite  de  l'étranglement  des  veines  par  le  tissu  cicatriciel,  au  niveau  du  point 
où  elles  perforent  les  tuniques  intestinales  pour  entrer  dans  le  méso-rectum. 
Les  inflammations  chroniques  du  rectum,  la  dysenterie,  donnent  lieu  à  des 
hémorrhoïdes  par  le  même  mécanisme,  les  polypes  par  le  spasme  incessant 
qu'ils  causent,  le  cancer  par  l'étranglement  des  veines,  mais  tardivement.  La 


488  HÉMORRHOiDES. 

plupart  des  affections  vésicales  chez  l'homme  s'accompagnent  de  dilatations 
dans  les  plexus  veineux  du  petit  bassin,  plexus  qui  sont  anastomosés  avec  les 
veines  hémorrhoïdales.  Il  est  très-fre'quent  de  voir  atteints  d'he'morrhoïdes  ceux 
qui  soufflent  de  cystite  chronique  ou  calculeuse;  le  te'nesme  qui  accompagne 
particulièrement  celle-ci  favorise  la  formation  des  hémorrhoïdes.  Les  hypertro- 
phies de  la  prostate  déterminent  la  formation  d'hémorrhoidos,  plutôt,  probable- 
ment, à  cause  des  efforts  de  la  miction  laborieuse,  que  par  les  modifications  de 
la  circulation  dans  les  plexus  vésico-prostatiques.  M.  Mollière,  dont  on  sait  la 
théorie,  dit  que  ces  hémorrhoïdes  symptomatiques  se  produisent  en  quelque 
sorte  d'emblée  sans  passer  par  les  périodes  capillaire  et  artérielle.  Les  rétrécis- 
sements anciens  et  serrés  de  l'urèlhre  provoquent  les  hémorrhoïdes  par  les 
efforts  de  la  miction  assez  rarement.  Presque  toutes  les  maladies  de  la  matrice 
peuvent  s'accompagner  d'hémorrhoïdes,  par  le  fait  de  la  congestion  ou  de  la 
stase  sanguine.  On  peut  ranger  dans  cette  catégorie  ou  dans  la  suivante  les 
hémorrhoïdes  symptomatiques  de  la  grossesse;  elles  ne  se  présentent  quelquefois 
qu'au  moment  de  l'accouchement  et  seulement  dans  les  suites  de  couches. 

h.  Organes  abdominaux.  Relativement  aux  hémorrhoïdes  symptomatiques 
des  maladies  des  organes  abdominaux,  nous  signalerons  celles  qui  dépendent 
de  l'hypertrophie  des  ganglions  méseiitériques  ou  prévertébraux,  des  maladies 
du  foie,  des  tumeurs  liquides  ou  solides  des  reins,  de  la  rate,  des  ovaires,  de 
l'utérus.  On  insistait  beaucoup  jadis  sur  l'étiologie  des  hémorrhoïdes  dans  les 
maladies  du  foie.  J.-L.  Petit  avait  dit  :  «  L'obstruction  du  foie  est  par  rapport 
aux  veines  liémorrhoïdales  ce  que  les  jarretières  trop  serrées  sont  aux  veines  des 
jambes  et  ce  que  la  ligature  est  à  la  saignée.  »  Cependant  les  hémorrhoïdes  ne 
sont  pas  très-fréquentes  chez  les  malades  atteints  de  cirrhose  hépatique.  Est-ce 
la  constipation,  est-ce  l'ascite  qui  les  explique?  Peut-être  les  deux.  11  ne  faudrait 
pas  confondre  le  flux  hémorrhoïdal  avec  le  mélsena  et  surtout  avec  ce  qu'on 
appelle  le  flux  hépatique. 

c.  Organes  thoraciques.  Les  maladies  des  organes  thoraciques  qui  entravent 
la  circulation  générale  en  retour  donnent  lieu  à  des  hémorrhoïdes  symptoma- 
tiques chez  les  cardiaques;  ces  bourrelets  saignent  facilement  et  sont  des  sou- 
papes de  sûreté  qu'il  faut  respecter  dans  une  certaine  mesure.  Les  hémorrhoïdes 
symptomatiques  des  asthmatiques,  des  emphysémateux,  sont  moins  à  respecter, 
mais  celles  des  phthisiques  ne  doivent  pas  être  supprimées,  si  elles  ne  spolient 
pas  trop  de  sang;  il  faut  même  les  rappeler,  si  elles  ont  cessé  de  couler  (Trous- 
seau). En  résumé,  on  range  dans  la  catégorie  des  hémorrhoïdes  symptomatiques 
toutes  celles  qui  sont  dues  à  un  obstacle,  local  ou  éloigné,  et  plus  ou  moins  per- 
manent, à  la  circulation  en  retour  par  la  veine  hypogastrique  ou  par  la  veine 
porte,  ou  même  par  les  veines  caves. 

SïMPTOMATOLOGiE.  Nous  décrirons  les  caractères  communs  aux  diverses  formes 
d'hémorrhoïdes  et  les  caractères  particuliers  aux  principales  variétés. 

Prodromes  et  symplomatologie  générale.  Il  s'agit  ici  des  symptômes  de  la 
CRISE  HÉMORRHoÏDAiRE.  Scs  prodronies  consistent  en  sensations  gravatives  du  côté 
du  petit  bassin,  du  rectum,  de  l'anus.  Le  malade  éprouve  une  sensation  de 
chaleur  et  de  prurit  à  l'anus,  ses  selles  sont  difficiles,  douloureuses,  quelquefois 
un  petit  suintement  séreux,  blanchâtre  ou  muqueux,  apparaît  à  l'anus.  Ces 
symptômes  accompagnés  fi^équemraent  de  lombago,  de  dysurie,  de  douleurs 
abdominales  vagues,  de  perte  d'appétit,  de  nausées  et  d'un  malaise  général,  peu- 
vent ne  durer  que  quelques  heures,  mais  ils  persistent  habituellement  deux  ou 


HÉMORRHOÏDES.  489 

trois  jours,  quelquefois  un  septénaire.  Ils  se  jugent  tantôt  par  un  suintement 
sanc^uin,  au  moment  d'une  garde-robe,  qui  apparaît  recouverte  de  stries  d'un 
sanf'  plus  ou  moins  vermeil,  ou  par  une  véritable  hémorrhagie  ;  d'autres  fois  ils 
s'évanouissent  sans  qu'on  observe  aucune  évacuation  sanguine  ;  enfin  ils  lais- 
sent après  leur  disparition  une  ou  plusieurs  tumeurs  hémorrhoïdales,  ou  pas  du 
tout.  Le  plus  souvent  l'établissement  des  bourrelets  veineux  ne  se  fait  qu'à  la 
suite  de  congestions  répétées.  D'autres  ibis  les  tumeurs  bémorrhoïdales  sem- 
blent s'installer  lentement  et  sourdement  et  préexister  manifestement  à  ce 
qu'on  est  convenu  d'appeler  la  congestion  hémorrhoïdaire  et  en  être  la  cause 
provocatrice  ou  exarcerbante.  L'affection  hémorrhoïdaire  se  révèle  souvent  pour  la 
première  fois,  à  la  suite  d'un  écart  de  régime,  d'une  marche  forcée,  d'un  long 
voyage  en  chemin  de  fer,  d'un  exercice  à  cheval  excessif,  d'excès  alcooliques 
ou  vénériens.  Lorsqu'elle  est  constituée,  les  crises  plus  ou  moins  périodiques 
retiennent  sous  l'influence  des  causes  précitées  et  quelquefois  de  causes  bien 
légères  en  elles-mêmes,  et,  à  un  degré  variable,  avec  leur  cortège  de  malaise 
o-énéral,  de  sensations  gravatives  rectales,  de  pesanteur  de  tète,  de  vertiges  même, 
de  mouvement  fébrile  quelquefois,  de  gastralgie,  de  flatuosités,  d'envies  fré- 
quentes d'aller  à  la  selle,  d'eflbrts  inutiles  de  défécation,  —  lorsqu'il  y  a,  comme 
c'est  la  règle,  constipation  opiniâtre,  —  ou  de  selles  douloureuses,  déchirantes  — 
surtout  s'il  existe  des  fissures,  —  d'écoulement  de  sang  plus  ou  moins  abondants, 
ou  d'écoulement  de  mucosités  irritantes  et  prurigineuses  (leucorrhée,  hémor- 
rhoïdes  blanches  des  auteurs),  de  douleurs  ano-périnéales  s'irradiant  au  sacrum, 
aux  cuisses,  au  lombes,  à  l'urèthre,  au  col  de  la  vessie,  au  vagin,  à  l'utérus, 
de  sensations  de  chaleur  et  de  plénitude  dans  la  sphère  pelvienne,  d'excitations 
génitales  insolites  et  parfois  d'apparitions  ou  d'issue  de  bourrelets  veineux 
d'une  sensibilité  extrême  qui  rend  la  station  debout  ou  assise  pénible  comme 
le  moindre  mouvement  au  lit,  surtout  lorsque  l'inflammation  ou  l'étranglement 
de  ces  bourrelets  surviennent  pour  aboutir  soit  au  phlegmon  résorbable,  soit  à 
la  gangrène.  Les  crises  légères  laissent  le  malade  dans  un  état  de  bien-être 
relatif,  surtout  si  le  sujet  est  pléthorique  et  si  les  hémorrhoïdes  saignent  modé- 
rément. Les  crises  graves  laissent  le  patient  dans  un  état  de  prostration  très- 
prononcé  et  son  faciès  trahit  les  souffrances  qu'il  a  endurées  et  les  pertes  de  sang 
qu'il  a  éprouvées.  Voici  le  portrait  de  l 'hémorrhoïdaire  tracé  par  M.  de  Montègre  : 
«  11  est  grand,  plutôt  maigre  que  gras,  il  a  le  teint  plombé  et  jaunâtre,  de 
grosses  veines  serpentent  sur  ses  bras,  ses  mains,  ses  jambes  et  ses  pieds;  il  a 
les  cheveux  noirs,  un  feu  sombre  anime  ses  regards,  il  est  brusque,  emporté, 
ses  passions  sont  violentes,  ses  résolutions  tenaces  ;  il  est  gros  mangeur,  mais 
indifférent  sur  le  choix  des  aliments,  souvent  tourmenté  de  flatuosités  et  presque 
toujours  constipé.  Ce  portrait  ressemble  beaucoup  à  celui  du  bilieux  mélanco- 
lique, ce  qui  est  conforme  à  l'opinion  de  l'illustre  Stahl,  qui  déclare  que  les 
hommes  de  cette  espèce  sont  plus  exposés  que  les  autres  aux  hémorrhoïdes  : 
Subjectis  accidere  solet  facilius  hic  fluxus  sanguineo-cholericis  et  sanguineo- 
melancholicls  plethora  affectis  »  [Dus.  de  hœmorrh.  intern.  collet,  [de  Mon- 
tègre, p.  47,  Traité  des  hémorrhoïdes.  Paris,  1817]). 

Symptomatologie particulière  aux  diverses  formes.  Hémorrhoïdes  externes. 
Les  hémorrhoïdes  externes  se  montrent  flasques  ou.  turgescentes  ou  enflammées. 
Leur  aspect  extérieur  varie  suivant  ces  états  et  suivant  qu'elles  sont  cutanées, 
muqueuses  on  cutanéo-muqueuses.  Elles  sont  solitaires  ou  multiples;  leur  siège 
habituel  est  sur  les  côtés  de  l'anus,  rarement  en  avant  ou  en  arrière,  à  moins 


490  HEMORRHOÏDES. 

qu'elles  ne  forment  un  bourrelet  circulaire  complet,  lequel  bourrelet  est  mame- 
lonné. Elles  se  distinguent  des  hémorrhoïdes  internes  en  ce  qu'elles  siègent 
au-dessous  du  sphincter  et  qu'elles  ont  toujours  été  au  dehors;  elles  ne  saignent 
pas  en  général  et  sont  dites  fermées  ;  elles  sont  plus  sujettes  à  s'enflammer  et  à 
fournir  un  suintement  prurigineux.  Leur  volume  varie  de  celui  d'un  haricot, 
d'une  noisette,  à  celui  d'une  noix.  Les  hémorrhoïdes  externes  peuvent  se  pré- 
senter, avons-nous  dit,  sous  trois  états  ;  de  flaccidité,  de  turgescence,  ou  d'in- 
flammation. A  l'état  de  flaccidité,  c'est-à-dire,  dans  l'intervalle  des  crises  con- 
gestives,  elles  se  présentent  sous  la  forme  de  prolongements  ou  de  bosselures 
cutanées;  elles  sont  flasques,  souples,  indolentes,  à  surface  plissée;  lorsqu'il  y 
a  plusieurs  bourrelets,  ceux-ci  sont  séparés  les  uns  des  autres  par  des  sillons 
plus  ou  moins  profonds  et  sanieux.  S'il  y  a  eu  des  inflammations  antérieures, 
ces  bourrelets  offrent  une  consistance  variable  qu'on  qualifie  avec  raison  de 
condylomateuse.  Il  ne  faut  pas  confondre  les  hémorrhoïdes  externes  flasques  avec 
des  plis  radiés  de  l'anus  plus  développés  que  normalement  chez  certains  sujets. 
Nous  avons  trouvé  bien  souvent  des  enfants  qui  avaient  les  plis  saillants  au 
moment  de  la  naissance.  Virchow  fait  aussi  cette  remarque  :  que  l'on  trouve 
souvent  au  pourtour  de  l'anus  toutes  sortes  de  replis  et  de  saillies  (carunculae) 
qui  ne  sont  rien  autre  chose  que  des  duplicatures  simples  ou  œdémateuses  de 
la  peau  et  qui  sont  quelquefois  très-peu  vasculaires.  Ce  ne  sont  pas  là  non  plus 
des  marisques  ;  celles-ci  sont  d'anciens  bourrelets  veineux  plus  ou  moins  sclé- 
rosés qui  ont  perdu  toute  connexion  avec  la  veine  ectasiée  et  qui  ont  cessé  de 
subir  les  fluctuationsde  turgescence  et  de  flaccidité. — A  l'état  de  turgescence,  la 
surface  des  bourrelets  devient  lisse,  tendue,  dure  ;  la  forme  devient  plus  arrondie, 
la  coloration  rosée  dans  la  portion  cutanée  de  leur  sac,  violacée  dans  la  portion 
muqueuse,  ou  violacée  dans  la  totalité  de  leur  enveloppe  ou  la  presque  totalité, 
lorsque  la  muqueuse  rectale  procidente,  relâchée,  a  glissé  au  dehors  et  recou- 
vert petit  à  petit  le  bourrelet  sous-sphinctérien.  C'est  par  les  auaranestiques 
qu'on  distinguera  cette  dernière  forme  externe  muqueuse  d'avec  les  hémorrhoïdes 
internes  procidentes,  mais  qui  ont  été  primitivement  et  toujours  sous-muqueuses. 
La  turgescence  critique  n'empêche  pas  toujours  de  pouvoir  exprimer  le  sang 
des  bourrelets  variqueux  par  une  étreinte  soutenue  entre  les  doigts,  ce  qui 
prouve  leur  dépendance  dun  vaisseau  ectasié  et  ce  qui  élimine  l'hypothèse  d'un 
kyste  ou  d'un  polype.  Le  soulagement  procuré  par  cette  manœuvre  ne  dure  pas 
longtemps,  car  la  turgescence  ne  tarde  pas  à  reparaître.  Cet  état  de  turgescence 
dure  autant  que  la  crise  hémorrhoïdale  dont  elle  manifeste  l'existence  et  tout  rentre 
à  peu  près  dans  l'ordre.  La  fréquence  et  l'intensité  de  ses  retours  déterminent 
quelquefois  un  écoulement  sanguin  peu  important,  et  plus  souvent  un  degi'é 
variable  d'inflammation  dans  les  bourrelets  et  à  leur  périphérie.  — Lorsque  la 
crise  se  complique  d'inflammation  locale,  le  bourrelet  garde  les  caractères  de 
l'état  turgescent  et  en  acquiert  de  nouveaux  propres  à  cette  complication  ;  la  région 
ano-périnéale  est  plus  douloureuse,  il  y  a  de  l'œdème,  du  gonflement,  des  batte- 
ments au  niveau  et  au  pourtour  des  bourrelets.  Le  ténesme  anal  et  vésical  est 
plus  marqué,  et  il  y  a  de  la  fièvre.  L'inflammation  se  termine  le  plus  souvent 
par  résolution  ;  mais  sa  répétition  peut  amener  l'isolement  des  origines  vascu- 
laires de  la  tumeur  par  l'organisation  d'un  caillot  oblitérateur,  par  la  transfor- 
mation scléreuse  du  tissu  veineux  et  du  tissu  cellulaire  ambiant.  Le  bourrelet  se 
transforme  alors  en  une  excroissance  œdémateuse,  indolente,  rosée.  Cette  termi- 
naison n'est  pas  cependanttoujours  aussi  heureuse  qu'elle  peut  le  paraître,  car 


HEMORRHOÏDKS.  491 

ces  bourrelets  sclérosés  subissant  des  frottements  continuels  peuvent  s'excorier,  se 
gercer,  sur  leurs  saillies  ou  dans  leurs  sillons  intercalaires,  et  devenir  ainsi  le 
point  de  départ  d'une  fissure  à  l'anus.  Ces  bourrelets  indurés  se  distinguent  des 
marisqiies  en  ce  que  celles-ci  sont  des  bourrelets  qui  ont  abouti  par  résolution 
intégrale  à  la  formation  de  prolongements  cutanés,  flétris,  tandis  que  les  bourrelets 
indurés  dont  nous  parlons  ici  ont  le  volume  et  la  forme  d'un  bourrelet  turgescent  ; 
ils  n'ont  pas  encore  atteint  la  résolution  complète  comme  les  marisques,  qui  ne 
sont  plus,  en  quelque  sorte,  que  les  sacs  herniaires  vides  de  varices  liémorrhoï- 
dales  disparues.  11  est  rare  que  l'inflammation  aboutisse  à  la  suppuration  des  bour- 
relets ;  il  est  aussi  peu  fréquent  que  le  tissu  cellulaire  voisin  enflammé  secondaire- 
ment suppure.  Dans  ce  cas,  l'abcès  peut  donner  naissance  à  des  fistules  pénétrant 
dans  les  bourrelets  mêmes  ou  à  des  fistules  anales  sous-cutanées,  indépendantes 
ou  eu  relation  avec  les  précédentes.  Les  diverses  formes  et  les  divers  états  des 
hémorrhoïdes  externes  peuvent  s'accompagner  d'érythèmes,  d'eczémas  dans  les 
régions  anale,  périnéale,  fessière,  à  des  degrés  variables  suivant  le  tempérament, 
les  habitudes  de  propreté  et  le  genre  de  vie  des  sujets.  C'est  une  source  de 
démangeaisons,  de  gênes  et  quelquefois  de  souffrances  intolérables. 

Hémorbhoïdes  iiNTERKES.  L'épillièle  le  dit,  le  caractère  dislinctif  de  ces 
hémorrhoïdes  est  de  siéger  à  l'intérieur  du  rectum,  de  n'être  point  visibles. 
Cependant  cette  latence  n'est  pas  permanente.  On  parle  même  d'hémorroïdes 
internes  qui  sortent  au  dehors  à  la  première  crise.  Il  serait  donc  plus  exact  de 
les  appeler  sous-muqueuses,  ce  caractère  ne  subissant  pas  d'exception.  Négligeant 
les  cas  exceptionnels,  nous  continuerons  à  les  appeler  internes  suivant  l'usage. 
Elles  peuvent  remonter  plus  ou  moins  haut  jusqu'à  l'S  iliaque  du  côlon 
(J.-L.  Petit).  Comme  ces  hémorrhoïdes  originellement  cachées  arrivent  au 
dehors  après  un  certain  nombre  de  poussées  congeslives  ou  par  le  fait  du  relâ- 
chement de  la  muqueuse  rectale  et  des  sphincters,  il  y  a  lieu  de  distinguer  des 
hémorrhoïdes  internes  non  procidentes,  c'est  le  début,  et  des  hémorrhoïdes 
internes  procidentes,  c'est  la  suile  possible.  La  procidence  est  réductible  ou 
irréductible.  Les  hémorrhoïdes  internes  subissent  aussi  les  fluctuations  de  flac- 
cidité et  de  turgescence  (la  crise)  et  quelquefois  d'inflammation,  comme  les 
hémorrhoïdes  externes,  mais  leurs  complications  particulières  sont  les  hémor- 
rhagies  plus  ou  moins  abondantes  et  l'étranglement. 

Hémorrhoïdes  internes  non  procidentes.  Elles  se  révèlent  par  les  phéno- 
mènes de  la  fluxion,  de  la  crise  hémorrhoïdaire  que  nous  avons  décrite  et  sur 
laquelle  nous  ne  reviendrons  pas.  Quelquefois  tout  est  subjectif  ou  il  n'apparaît 
qu'une  striation  sanguine  sur  le  bol  fécal  expulsé  avec  peine  et  douleur,  après 
quelques  jours  de  constipation  et  de  malaise.  D'autres  fois  l'hémorrhagie  est 
plus  abondante.  Le  sang  n'est  pas  digéré  comme  celui  qui  provient  des  parties 
plus  élevées  du  tube  intestinal,  il  n'est  pas  sanieux  et  d'odeur  infecte  comme 
celui  du  cancer  ulcéré;  il  est  naturel,  comme  au  sortir  d'un  vaisseau.  Il  ne 
coule  pas  toujours  d'une  façon  continue  pendant  la  crise;  il  se  collecte  quelque- 
fois dans  l'ampoule  rectale  et  est  expulsé  en  masse  comme  un  bol  fécal.  La 
quantité  de  sang  perdu  d'un  coup  ou  dans  les  jours  de  la  crise  est  quelquefois 
très-considérable.  M.  de  Montègre  [loc.  cit.)  rapporte  l'observation  de  gens  qui 
ont  été  trouvés  au  lit  baignant  dans  leur  sang  à  leur  première  crise.  Il  mentionne 
aussi  des  pertes  de  sang  atteignant  des  proportions  phénoménales  et  qui  parais- 
sent appartenir  au  domaine  de  la  fable.  11  n'est  pas  douteux  cependant  que  cer- 
taines hémorrhoïdes  internes  saignent  beaucoup  et  que  la  spoliation  qu'elles 


492  HÉMORRHOÏDES. 

causent  amène,  en  se  répétant,  les  malades  à  un  degré  d'anémie  qui  exige  abso- 
lument une  intervention  chirurgicale  sous  peine  de  mort. 

D'où  vient  le  sang?  Il  paraît  bien  naturel  de  répondre  ([u'il  vient  des  veines 
ectasiées,  soit  par  suite  de  la  rupture,  par  excès  de  tension  et  de  distension,  soit 
par  suite  de  l'usure  ulcérative  de  leur  paroi  et  des  tissus  ambiants.  Quelques- 
uns,  partisans  de  l'origine  artérielle  de  ces  tumeurs,  objectent  que  le  sang  est 
quelquefois  rouge  comme  du  sang  artériel,  que,  si  l'on  peut  attirer  au  dehors 
le  paquet  hémorrhoïdal ,  on  voit  quelquefois  le  sang  jaillir  en  jet  saccadé; 
d'autres,  partisans  de  l'exhalation  au  traver  s  des  tissus,  disent  que  le  toucher  et 
la  vue  ne  parviennent  pas  toujours  à  découvrir  l'orifice  qui  donne  le  sang.  Ces 
objections  ne  sont  pas  sérieuses.  Le  toucher  rectal,  que  la  douleur  et  le  spasme 
anal  rendent  souvent  impraticaljle,  ne  peut  pas  même  constater  les  bourrelets 
hémorrhoïdaires,  à  moins  qu'ils  ne  soient  pédicules  et  indurés,  ce  qui  esl  rare; 
à  plus  forte  raison  ne  peut-on  lui  demander  de  sentir  un  orifice  souvent  imper- 
ceptible à  la  vue.  Il  n'est  pas  non  plus  surprenant  que  la  vue  ne  renseigne  pas 
toujours  exactement  On  peut  bien,  avec  les  doigts  recourbés  en  crochet  ou  avec 
un  ballon  introduit  vide,  puis  gonflé,  dans  l'ampoule  rectale,  ou  en  faisant 
exécuter  au  sujet  des  efforts  de  défécation,  attirer  au  dehors  la  muqueuse  et  les 
paquets  variqueux  qu'elle  recouvre,  mais,  si  l'on  ne  voit  pas  d'orifice  sur  les 
parties  ainsi  herniées,  peut-on  en  conclure  qu'il  n'en  existe  pas  et  que  le  sang 
transsude  au  travers  des  tissus?  On  ne  peut  affirmer  que  tous  les  bourrelets 
sont  sortis  et  il  est  impossible  d'étaler  et  d'explorer  complètement  les  plis  et 
replis  de  la  muqueuse.  Le  sang,  en  coulant  incessamment,  peut  cacher  l'orifice, 
et  enfin  ce  mécanisme  hémorrhagique  est  irrationnel  dans  l'espèce.  On  répond 
aux  partisans  de  l'origine  artérielle  que  le  sang  du  système  porte  est  plus  ruti- 
lant que  celui  du  reste  de  l'arbre  veineux  ;  que  le  sang  des  anémiques,  et  les 
hémorrhoïdaires  le  sont  ou  le  deviennent,  est  rutilant  dans  la  veine,  enfin  que 
le  sang  de  toute  veine  étranglée  en  amont  de  la  solution  de  continuité  peut 
s'échapper  en  jet  saccadé.  Nous  admettons  cependant  que  des  artérioles  dévelop- 
pées secondairement  sur  la  muqueuse  ou  dans  le  tissu  cellulaire  entourant  un 
bourrelet  variqueux  et  plus  ou  moins  enflammé  puissent  à  l'occasion  constituer 
riiémorrhagie  ou  y  contribuer.  En  somme,  pour  les  hémorrhagies  des  hémor- 
rhoïdes  en  général,  nous  dirons  que  la  source  artérielle  est  l'exception,  l'accident  — 
l'exhalation  sanguine  une  hypothèse  gratuite  ou  une  exception,  — l'hémorrhagie 
par  rupture  ou  usure  d'un  point  du  paquet  veineux  la  règle  pour  les  pertes  de 
sang  hémorrhoïdales  importantes.  Les  suintements  sanguins  qui  ne  donnent  que 
des  stries  marbrant  le  bol  fécal  ne  proviennent  probablement  que  d'excoriations 
fissuraires  des  sillons  intercalaires,  ou  d'exulcérations  de  la  surface  des  bourrelets. 

Hémorrhoides  internes  procidentes.  Ce  sont  des  expulsées  ;  elles  sont  restées 
plus  ou  moins  longtemps  cachées  dans  le  rectum,  ne  se  révélant  que  par  les 
symptômes  de  la  fluxion.  Une  débâcle  fécale  ou  une  crise  plus  intense  les  a 
entraînées  au  delà  de  la  barrière  sphinctérienne,  où  elles  se  montrent  recouvertes 
d'un  sac  muqueux  violacé,  mou,  lisse,  arrondi  et  d'un  volume  variable.  La 
pression  avec  les  doigts  y  constate  de  la  fluctuation  ou  de  la  rénitence,  de  la 
réductibilité  plus  ou  moins  totale  par  expression  du  contenu  sanguin  comme 
et  mieux  que  dans  les  hémorrhoides  externes  turgescentes.  Le  plus  souvent  ces 
bourrelets  ne  sont  que  momentanément  expulsés,  pendant  une  crise;  ils  ren- 
trent d'eux-mêmes  après  une  garde-robe,  ou  une  légère  pression  suffit  pour  les 
rapatrier.  D'autres  fois  leur  volume  ou  la  laxité  de  la  muqueuse  prolabée  ou  les 


HÉMORRHOÏDES.  495 

contractions  spasmodiques  des  sphincters  qu'elles  ont  franchis  les  empêchent 
de  réintégrer  leur  domicile.  Il  y  a  donc  des  hémorrhoïdes  internes  procidentes 
qui  sont  les  unes  réduclibles,  les  autres  irréductibles. 

Eémorrhoïdes  internes  procidentes  réductibles.  La  procidence  ne  tient  pas 
à  une  pédiculisation  proprement  dite  des  bourrelets  internes  ;  le  plus  souvent 
elle  est  la  conséquence  d'un  glissement,  d'un  relâchement  de  la  muqueuse. 
Si  les  bourrelets  sont  nombreux,  on  voit  un  segment  annulaire  ou  semi-annu- 
laire festonné  faire  hernie.  Le  prolapsus  de  la  muqueuse  présente  générale- 
ment une  teinte  violacée  dans  les  parties  saillantes  en  ronde  bosse  qui  recou- 
vrent les  bourrelets  variqueux.  On  ne  peut  nier  cependant  que  des  bourrelets 
arrivent  à  se  pédiculiser  à  la  longue,  mais  leur  pédicule  muqueux  est  toujours 
large.  Comme  il  est  très-fréquent  de  voir  les  personnes  qui  ont  des  hémorrhoïdes 
internes  affligées  en  même  temps  d'hémorrhoïdes  externes,  il  est  très-fréquent 
aussi  d'observer  simultanément  la  congestion  des  deux  espèces  d'hémorroïdes, 
les  externes  avec  leurs  bourrelets  rosés,  les  internes  avec  leurs  bourrelets  viola- 
cés. On  peut  même  observer  trois  et  quatre  étages  de  bourrelets  à  teinte  variable, 
suivant  leur  niveau  et  leur  revêtement  sacculaire.  Les  hémorrhoïdes  internes 
procidentes  et  réductibles  sont  les  unes  facilement  réductibles,  d'autres  diftici- 
lement  réductibles  ;  les  unes  procidentes  d'une  manière  continue  ou  presque 
continue,  les  autres  procidentes  seulement  au  moment  des  crises.  La  première 
catégorie  appartient  aux  sphincters  fatigués  par  l'âge  ou  paralysés  par  une  mala- 
die des  centres.  Les  hémorrhoïdaires  vieillis  ou  à  sphincters  naturellement 
lâches  ont  cette  infirmité  désagréable  de  ne  pouvoir  aller  à  la  selle,  défaire  une 
marche,  un  effort,  sans  que  leurs  bourrelets  internes  s'expulsent.  Il  est  vrai 
que  de  légères  pressions  suffisent  pour  faire  rentrer  leurs  hémorrhoïdes  et 
qu'en  général  les  pertes  de  sang  qu'elles  causent  ne  sont  pas  considérables. 
Chez  des  hémorroïdaires  jeunes  non  affaiblis  par  des  hémorrhagies  ou  chez  les 
hémorrhoïdaires  de  tout  âge  à  sphincters  vigoureux  la  réduction  possible  peut 
être  très-difficile,  et  l'étranglement  passager  que  subissent  les  bourrelets  her- 
nies peut  entraîner  les  phénomènes  de  douleurs  multiples  que  nous  avons  déjà 
énumérés.  La  réduction  sjiontanée  ou  provoquée  n'est  quelquefois  précédée 
d'aucune  déplétion  sanguine,  mais  le  plus  habituellement  les  efforts  de  déféca- 
tions provoquent  une  hémorrhagie  à  la  suite  de  laquelle  les  bourrelets  amoin- 
dris peuvent  rentrer.  Nous  avons  dit  que  la  perte  du  sang  varie  beaucoup  et 
nous  en  avons  indiqué  le  mécanisme  à  propos  des  hémori  hoïdes  externes.  La 
rupture  des  varices  rectales  paraît  bien  s'expliquer  ici  par  la  conslriction  des 
bourrelets.  Le  ténesme  anal  et  ses  irradiations  seront  d'autant  plus  énergiques 
que  des  tissures  compliqueront  la  situation. 

Hémorrhoïdes  internes  procidentes  irréductibles.  L'irréductibilité  des  bour- 
relets est  probablement  toujours  sous  la  dépendance  du  ténesme  inhérent  aux 
fissures  ano-rectales  qui  accompagnent  les  hémorrhoïdes.  L'irréductibilité  est  un 
accident  rare,  si  l'on  n'envisage  cet  accident  que  dans  sa  forme  active  et  non  dans 
sa  forme  paralytique  ;  la  forme  active  de  l'irréductibilité  est  liée  à  un  spasme 
incoercible  des  sphincters  ;  ceux-ci  ne  cèdent  pas  et  la  crise  ne  prend  fin  qu'avec 
la  diminution  de  volume  des  bourrelets  ou  l'emploi  de  la  dilatation  forcée  ou  de 
l'un  des  moyens  de  diérèse  ou  d'exérèse  que  nous  verrons  plus  loin.  Les  bourrelets 
irréductibles  extrêmement  tendus,  violacés,  noirâtres,  présentent  quelquefois 
des  points  grisâtres  qui  annoncent  un  sphacèle  imminent.  La  région  ano- 
périnéale  est  également  tendue,  rouge,  œdémateuse  et  douloureuse.  On  s'efforce 


41U  HÉMOHRHOÏDES. 

en  vain  de  réduire  les  hémorrhoïdes  au  prix  de  douleurs  excessives,  le  sphincter 
qui  les  étreint  se  laisse  refouler,  mais  non  franchir.  Les  applications  chaudes 
ne  réussissent  pas  mieux  que  les  froides  à  calmer  le  ténesme,  les  besoins  inces- 
sants d'aller  à  la  garde-robe  et  les  besoins  d'uriner.  Les  moindres  mouvements 
exaspèrent  la  douleur,  le  ventre  se  ballonne,  devient  sensible  ;  l'exaltation  ner- 
veuse est  quelquefois  très-grande,  mais  il  n'y  a  pas  généralement  de  fièvre 
marquée.  Celte  crise  d'irréductibilité  active  qui  éclate  parfois  au  premier  pro- 
lapsus ne  peut  durer  indéfiniment.  Au  bout  d'un  temps  variable,  elle  se  juge 
soit  par  l'éclatement  des  bourrelets  et  l'issue  d'une  quantité  de  sang  variable,  soit 
par  leur  spliacèle  partiel  ou  total.  La  teiminai^on  par  gangrène  peut  être  un  mode 
de  guérisou  définitive.  On  cite  des  cas  où  le  sphacèle  de  toutes  les  portions 
herniées  et  étranglées,  en  guérissant  des  hémorrhoïdes,  a  constitué  ultérieure- 
ment une  autre  affection,  celle  du  rétrécissement  cicatriciel  de  l'anus.  La  déplé- 
lion  hémorrhagique  et  le  sphacèle  ne  sont  pas  les  seules  terminaisons  de  l'irré- 
ductibilité. On  peut  voir  exceptionnellement  une  terminaison  par  suppuration, 
et  alors  on  a  vu  quelquefois  la  phlébite  suppurative  engendrer  l'infection  puru- 
lente et  fatale.  Cet  accident  n'a  pas  été  signalé  pour  les  hémorrhoïdes  externes, 
(jue  nous  sachions.  Comme  suite  de  la  suppuration,  on  peut  voiries  décollements 
laisser  des  fistules  à  l'anus.  Cette  inflammation  des  bourrelets  hernies  n'aboutit 
pas  toujours  à  la  gangrène  ou  à  la  suppuration;  dans  les  étranglements  de 
moyenne  intensité,  il  peut  ne  se  produire  qu'une  endo-mé.<ophlébite  scléro- 
sante. Alors  les  bourrelets  réintégrés,  après  leur  diminution  ou  la  cessation  du 
spasme  anal,  entretiennent  une  redite  catarrhale  qui  se  manifeste  par  diverses 
sensations  et  un  écoulement  de  mucosités  irritantes  et  prurigineuses  (hémorrhoïdes 
blanches  internes).  En  résumé,  l'irréductibilité  se  juge  à  la  suite  d'une  diminu- 
tion de  volume  des  bourrelets  par  évacuation  sanguine,  destruction  gangreneuse 
ou  suppuration,  ou  sclérose.  Elle  peut  se  juger  aussi  par  la  cessation  du  spasme 
sphinctérien  sous  Tinfluence  d'une  narcose  thérapeutique,  ou  mieux  d'une  dila- 
tation brusque,  mais  ici  l'on  intervient  et  nous  entrons  dans  le  domaine  du 
traitement. 

DiAG.NosTic.  L'anatomie  pathologique  et  la  symptomatologie  étant  connues, 
il  suffit  d'énumérer  les  affections  ano-rectales  avec  lesquelles  on  pourrait  con- 
fondre les  hémorrhoïdes  pour  ne  point  s'égarer  sur  leur  diagnostic.  Les  fistules 
et  les  fissures  à  l'anus  simples  ne  sont  pas  accompagnées  de  bourrelets,  mais 
ceux-ci  peuvent  s'accompagner  de  ces  deux  affections  qui  compliquent  et  aggra- 
vent la  situation  de  l'hémorrhoïdaire.  Les  tumeurs  autres  que  les  hémorrhoïdes 
de  la  région  sont  des  cancers,  des  polypes  muqueu\  ou  des  condjlomes.  Les 
tumeurs  épithéliales  non  ulcérées,  qu'on  pourrait  prendre  pour  des  bourrelets 
variqueux  externes,  s'en  distinguent  par  leur  dureté  spéciale,  et,  si  elles  sont 
ulcérées,  par  leur  suintement  sanieux,  fétide,  roussâtre,  par  les  douleurs  con- 
stantes qu'elles  causent  et  par  la  cachexie  dont  elles  ne  tardent  pas  à  s'accom- 
pagner. Les  polypes  de  l'anus  ou  plutôt  du  rectum,  qu'on  pourrait  confondre 
avec  des  hémorrhoïdes  internes,  sont  plus  particulièrement  l'apanage  de  l'enfance  ; 
ils  sont  vraiment  pédicules,  blanchâtres  ou  rosés  et  peu  dépressibles.  Sur  2000  à 
5000  enfants  observés  dans  notre  service  de  chirurgie  nous  n'avons  rencontré 
que  deux  fois  des  hémorrhoïdes.  Les  condylomes,  qu'on  pourrait  confondre  avec 
(les  hémorrhoïdes  externes  flasques  ou  des  marisques,  siègent  de  préférence  au 
niveau  de  la  commissure  postérieure  de  l'anus  ;  ils  représentent  une  hypertro- 
phie du  derme  cutané,  ils  sont  plats  ou  rugueux.  Les  végétations  n'offrent  pas 


HÉMORRHOÏDES.  495 

non  plus  de  difiiculté.  Il  importe,  lorsqu'on  a  reconnu,  ce  qui  est  toujours  facile, 
la  présence  des  héniorrhoïdes,  d'établir  si  elles  sont  idiopathiques  ou  syniptoma- 
tiques.  La  conduite  à  tenir  devant  différer,  on  examinera  donc  avec  soin  l'état  du 
cœur,  des  poumons,  de  la  rate,  des  reins,  de  l'abdomen,  de  la  région  prostatique 
et  vésicale  chez  l'homme,  de  la  sphère  utéro-ovarionne  chez  la  femme. 

Pronostic.  Les  hémorrhoïdes  ne  constituent  pas  en  général  une  affection 
sérieuse.  Les  hémorrhagies,  les  phénomènes  d'étranglement,  de  sphacèle,  d'in- 
llammation,  liés  à  de  violentes  crises  de  spasme  sphinctérien,  en  font  très-rare- 
ment une  maladie  grave,  qui  expose  le  malade  à  de  vives  souffrances  et  à  des 
dangers  pour  sa  vie.  On  sait  que  les  Anciens  les  considéraient  comme  un  émonc- 
toire  salutaire  pour  le  trop-plein  de  la  bile  et  de  la  pituite  et  qu'aujourd'hui, 
si  l'on  est  plus  éloigné  d'y  voir  un  bienfait  de  la  nature  prévoyante,  on  admet 
encore  que  les  goutteux,  les  asthmatiques,  les  em[)hysémateux,  les  cardiopathes, 
les  phthisiques,  les  pléthoriques,  retirent  un  bénéfice  si  incontestable  de  leur 
llux  héniorrhoïdal,  qu'il  est  d'usage  thérapeutique  de  le  rappeler  quand  il  s'est 
arrêté,  et  même  de  provoquer  la  naissance  d'hémorrhoïdes,  si  le  sujet  n'en  a 
pas  eu  jusqu'alors. 

Traitement.  Avant  de  parler  du  traitement  proprement  dit,  disons  un  mot 
de  Vliygiène  des  hémorrlioïdaires,  qui  est,  en  général,  plus  importante  que  les 
opérations,  pour  le  plus  grand  nombre.  Elle  se  résume  presque  dans  la  formule 
ancienne  :  Qui  hene  purgat  benêt  sanat.  Jusqu'à  présent  M.  Després,  qui 
traite  les  hémorrhoïdes  internes  par  la  constipation  provoquée,  ne  paraît  pas 
avoir  fait  beaucoup  de  prosélytes.  La  stase  veineuse  est  causée  ou  augmentée  par 
la  constipation  si  fréquente  chez  les  hémorrhoidaires.  On  combat  la  constipation 
par  la  combinaison  ou  l'emploi  alternatif  des  purgatifs  doux  et  des  lavements 
d'eau  froide.  En  rendant  les  selles  liquides,  les  purgatifs  atténuent  ou  suppri- 
ment la  principale  cause  des  phlébeclasies  rectales  et  de  leurs  complications.  Il 
faut  rejeter  les  drastiques,  qui  sont  réputés  augmenter  la  congestion  des  organes 
du  bassin.  L'huile  de  ricin,  la  magnésie,  la  rhubarbe,  les  eaux  minérales 
magnésiennes,  sodiques,  les  poudres  de  sels  de  soude  et  de  magnésie,  etc., 
sont  les  agents  purgatifs  à  préférer.  On  prescrira  surtout  les  lavements  froids 
lorsque  les  hémorrhoïdes  s'accompagneront  de  rectite  avec  écoulement  mucoïde 
prurigineux  ou  de  sang  en  trop  grande  abondance.  L'addition  d'une  substance 
astringente,  ratanhia,  alun,  eau  de  Pagliari,  etc.,  augmente  l'efficacité  du  lave- 
ment froid  localement  sans  préjudice  de  son  action  déplélive.  Il  est  très-utile  d'ob  • 
tenir  que  le  sujet  se  présente  à  heure  fixe  chaque  jour  à  la  garde-robe,  le  matin, 
après  le  premier  déjeuner,  lequel  aura  été  précédé  de  l'ingestion  d'une  prise 
laxative  ou  d'une  verrée  d'eau  minérale  purgative.  C'est  le  soir  que  cette  pré- 
caution devrait  être  prise,  dans  le  cas  de  facilité  de  procidence  à  l'occasion  des 
selles.  Le  lavement  froid  ou  tiède  sera  pris  aussi  dans  le  cas  d'inefficacité  du 
laxatif  matutinal,  à  une  même  heure  déterminée.  L'ordre  et  la  discipline  régnant 
dans  le  tube  instestinal,  il  faut  que  le  sujet  mène  une  vie  exempte  de  toute  intem- 
pérance :  modération  dans  le  boire,  le  manger  et  les  jouissances  génésiques.  Il 
lui  faut  de  l'exercice  en  plein  air  ;  une  heure  ou  deux  de  promenade  sont  néces- 
saires à  ceux  que  leur  profession  retient  assis  la  majeure  partie  de  la  journée  ; 
proscription  pour  eux  du  rond  de  cuir  classique.  Les  bureaucrates  devraient 
avoir  leur  appartement  dans  la  banlieue  des  villes,  afin  d'être  obligés  de  marcher 
un  peu  chaque  jour. 

La  pharmacopée  actuelle  offre  avec  recommandation  les  remèdes  suivant? 


496  HÉMORRHOÏDES. 

contre  la  congestion  hémorrhoïdale  :  l'extrait  decapsicum  à  la  dose  de  5  pilules 
de  0,20  à  prendre  chaque  jour  aux  repas;  l'extrait  fluide  d'hammamclis  virgi- 
nica,  30  à  60  gouttes,  3  fois  par  jour,  ou  l'hammaméline  en  pilules  de  2  à 
1 0  centigrammes. 

Doit-on  opérer,  doit-on  supprimer  les  he'morrhoïdes?  Chez  les  maniaques, 
l'apparition  des  varices  ou  d'Iiémorrhoides  fait  cesser  la  manie  (Aph.  Yl).  Ceux 
qui  ont  des  hémorrhoïdes  ne  sont  sujets  ni  à  la  pleurésie,  ni  à  la  péripneumo- 
nie,  ni  à  la  phagédénie,  ni  aux  furoncles,  ni  aux  pustules,  ni  peut-être  à  la 
lèpre  et  non  plus  peut-être  à  l'alplios  ;  il  est  de  fait  que  guéris  intempestive- 
raent  plusieurs  n'ont  pas  tardé  à  être  pris  de  ces  maladies  et  cela  d'une  manière 
funeste  [De  hum.  Hipp.).  Ces  apliorismes  d'Hippocrate  ont  fait  loi  dans  l'anti- 
quité, comme  on  le  voit  dans  le  passage  suivant  de  Rufus  qui  peut  leur  servir 
de  commentaire  :  «  Les  sécrétions  de  sang  qui  se  font  par  les  hémorrhoïdes  gué- 
rissent la  mélancolie  et  toute  espèce  de  manie,  elles  guérissent  aussi  l'épilepsie, 
le  vertige  qui  vient  de  la  tète  et  le  crachement  de  sang;  il  ne  surviendra  non 
plus  ni  pleurésie,  ni  péripneumonie,  ni  fièvre  ardente  (causus),  ni  aucune 
antre  maladie  suraiguë,  quand  on  a  des  hémorrhoïdes  ;  il  ne  se  formera  pas 
même  d'ulcère  malin  ni  aucune  de  ces  efflorescences  morbides  qui  se  portent 
à  l'extérieur,  comme  les  lèpres,  les  lichens  et  autres  aspérités  semblables.  Mais 
pourquoi  énumérer  un  à  un  les  faits,  tandis  qu'il  m'est  possible  de  dire  en  général 
que  les  hémorrhoïdes  sont  un  grand  obstacle  à  la  formation  des  maladies  et  une 
solution  pour  celles  qui  existent  déjà?  »  [Oribase,  XLV,  50'  édit.  gr.  format. 
Busemaker  et  Daremberg.  1 862) .  —  On  ne  considère  plus  aujourd'hui  les  hémor- 
rhoïdes comme  des  paratonnerres  providentiels  et  des  noli  me  tangere.  On 
n'hésite  pas  à  les  traiter,  à  les  diminuer,  à  les  supprimer,  lorsqu'elles  donnent 
lieu  à  des  hémorrhagies  abondantes  et  fréquentes,  lorsqu'elles  s'étranglent,  lors- 
qu'elles s'enflamment,  lorsqu'elles  sont  trop  volumineuses  et  gênent  l'exercice  de 
certaines  fonctions.  Il  est  certain  que  le  Père  de  la  médecine  avait  en  vue  les 
hémorrlioïdes  symptomatiques  ou  les  hémorrhoïdes  idiopathiques  bénignes  des 
goutteux  et  d'autres  diathésiques,  lorsqu'il  défendait  d'y  toucher,  et  non  les 
hémorrhoïdes  idiopathiques  à  complications  graves,  puisqu'il  enseignait  avec  tant 
d'énergie  à  les  brûler  et  à  les  détruire.  C'est  une  distinction  capitale  qu'il  faisait 
sans  doute  mentalement  dans  ses  aphorismes  contradictoires  et  peut-être  mutilés. 

A.  Traitement  des  hémorrhoïdes  symptomatiques,  des  hémorrhoïdes  idio- 
pathiques inopérables,  des  hémorrhoïdes  chez  les  femmes  en  état  de  puerpéra- 
lité.  Dans  les  cas  d'hémorrhoïdes  symptomatiques  on  ne  doit  pas  faire  d'opéra- 
tion ayant  pour  but  la  destruction  des  bourrelets.  La  médication  doit  s'adresser  à 
la  cause  palhogénique  :  rétrécissement  du  rectum  cicatriciel  ou  néoplasique, 
maladies  de  la  prostate,  de  l'urèthre,  de  la  vessie,  etc.,  maladies  de  l'abdomen, 
du  foie,  de  la  rate,  du  cœur,  des  poumons,  de  l'utérus,  des  ovaires.  Améliorer 
l'état  du  sujet  dans  ces  diverses  maladies  sera  le  moyen  le  plus  sur  d'améliorer 
son  état  au  point  de  vue  des  hémorrhoïdes.  Les  affections  viscérales  sont  une 
contre-indication  à  toute  opération.  Nous  ferions  cependant  exception  pour  la 
dilatation  dans  le  cas  de  vive  souffrance.  On  doit  se  borner  à  rendre  par  des  pal- 
liatifs l'infirmité  moins  pénible  [voy.  ci-dessus  Hygiène).  La  même  conduite 
sera  observée  à  l'égard  des  hémorrhoïdes  idiopathiques  qui ,  sans  déterminer 
d'hémonhagie,  sont  toujours  ou  presque  toujours  procidentes  par  paralysie  ou 
défaut  de  tonicité  du  sphincter.  En  pareil  cas,  oiî  la  réduction  est  facile,  on  la 
maintient  à  l'aide  de  ce  bandage  hémorrhoïdal,  qui  a  été  surtout  fait  pour  les 


HÉMORRIIOÏDES.  497 

liémorrhoïdes  externes  et  la  chute  du  rectum.  L'oljturateur  de  Bérenger-Féraud 
sert  à  contenir  les  bourrelets  et  la  muqueuse  prolabée  et  eu  même  temps  à 
employer  des  médicaments  modificateurs.  Winternitz  a  fait  un  appareil  réfri- 
gérant pour  calmer  les  douleurs  hémorrhoïdales  qu'on  ne  veut  pas  opérer. 
F.  Arzberg  a  proposé  un  appareil  réfrigérant  dans  le  but  de  guérir  les  hémor- 
rboïdes  en  réveillant  la  tonicité  des  vaisseaux  octasiés.  Les  hémorrhoïdes  des 
femmes  enceintes  sont  assez  fréquentes,  6  à  10  pour  100.  C'est  surtout  pendant 
les  suites  de  couches  qu'elles  deviennent  turgescentes.  Nous  croyons  que  cela 
est  dû  aux  fissures  anales  qui  accompagnent  la  distension  de  l'anus  pendant 
le  travail.  Pendant  la  grossesse  on  doit  s'abstenir  de  toute  intervention  opéra- 
toire; les  purgatifs,  les  lavements  froids,  les  cataplasmes  froids,  suffisent  en 
général.  Dans  le  cas  d'étranglements  invincibles  par  les  palliatifs  et  les  nar- 
cotiques, on  pourrait  recourir  à  la  dilatation  brusque  ;  ce  trauma  n'est  rien  en 
comparaison  des  douleurs  et  de  l'ébranlement  général  causés  par  l'étranTJoment 
de  bourrelets  hémorrhoïdaux.  Pendant  le  travail,  on  pourrait  faire  le  débri- 
dement  latéral  de  Tarnier  pour  éviter  aux  bourrelets  d'être  compromis  dans 
une  rupture  du  périnée.  Pendant  les  suites  de  couches,  ne  pas  se  presser  d'in- 
tervenir; les  hémorrhoïdes  de  la  grossesse  guérissent  d'elles-mêmes  le  plus  sou- 
vent. S'il  est  besoin,  on  en  aidera  la  réduction  à  l'aide  d'un  morceau  de  lint 
enduit  d'une  pommade  au  sublimé  1  pour  1000;  celte  pommade  sera  aussi 
efticace  que  l'onguent  populeiim  et  la  poudre  de  rue  et  de  sabine,  et  ce  sera  plus 
dans  l'esprit  de  l'antisepsie.  En  dehors  de  la  puerpéralité,  on  fera  ce  que  la  néces- 
sité réclamera,  lorsque  les  hémorrhoïdes  ne  subiront  pas  l'involution  po^-t 
partum. 

B.  Traitement  des  hémorrhoïdes  idiopathiqiies  externes.  Lorsqu'elles 
sont  flasques,  indolentes,  molles,  c'est  une  légère  incommodité  pnur  laquelle 
il  n'y  a  pas  de  traitement  à  instituer  :  hygiène  et  propreté.  Rien  à  faire  non  plus 
lorsqu'elles  sont  sèches,  verruqueuses  ;  les  enlever  d'un  coup  de  ciseaux  ou 
avec  le  thermocautère,  si  elles  devenaient  gênantes.  Lorsqu'elles  sont  légèrement 
gonflées,  pendant  les  crises,  on  obtient  un  apaisement  dans  la  douleur,  les 
démangeaisons,  la  gène,  par  le  repos,  par  un  régime  frugal,  par  l'hygiène,  les 
purgatifs  salins  et  les  lavements  froids.  Même  volumineuses,  elles  peuvent  dispa- 
raître sans  laisser  de  trace  lorsque  le  malade  s'applique  à  supprimer  la  cause  de 
la  stase,  c'est-à-dire  la  constipation.  La  plupart  du  temps,  il  suffit  de  les  tenir 
propres  en  les  lavant  matin  et  soir  avec  une  éponge  froide.  Si  elles  suintent, 
on  peut  y  appliquer,  au  lit,  des  compresses  d'eau  blanche  ou  d'une  solution  de 
sulfate  de  zinc.  AUingham  conseille  la  glycérine  à  l'acide  tannique.  Les  Anglais 
font  encore  volontiers  usage  de  compound  gall  ointement,  mélange  d'acétate  de 
plomb,  de  graisse  et  de  poudre  de  noix^de  galle,  ou  encore  d'une  pommade  au 
calomel.  Lorsque  les  bourrelets  externes  s'enflamment,  la  première  chose  à 
faire  est  de  rester  au  lit  ;  une  simple  application  de  compresses  d'eau  froide  ou 
d'une  vessie  de  glace  suffit  pour  tempérer  l'inflammation,  surtout  si  le  sujet 
se  tient  couché  sur  le  ventre.  La  vessie  de  glace  réussit  mieux  que  le  cataplasme 
chaud  ou  le  bain  de  siège  chaud.  Les  cataplasmes  froids,  les  bains  de  siège 
froids,  sont  quelquefois  mal  supportés  par  certains  sujets.  Récaraier  avait  alors 
conseillé  la  mise  d'une  sangsue  sur  les  bourrelets  tuméfiés.  Les  inflammations 
érysipélateuses  et  suppuratives  provoquées  par  la  piqûre  de  sangsue  loco  dolenti 
ont  déterminé  les  praticiens  à  les  faire  placer  au  pourtour  de  l'anus.  Quand 
les  sangsues  sont  tombées,  on  entretient  l'écoulement  de  sang  à  l'aide  de  cata- 

DICT    E\C.  i"  s.  Xllf.  52 


-498  IIÉMORRIIOÏDES. 

plasmes  chauds.  Ces  moyens  ne  réussissent  pas  toujours;  les  bourrelets  restent 
jjleuâtres,  tendus  et  sensibles,  remplis  qu'ils  sont  de  caillots  qui  ne  sortent  pas 
par  les  piqûres  des  sangsues,  ni  par  les  mouchetures  punctiformes  que  font 
quelques  médecins.  En  ouvrant  à  ces  caillots  une  issue  au  moyen  d'une  grande 
incision  on  soulage  si!irement  et  l'on  guérit  l'adicalement,  surtout  lorsque  cette 
transfixion  est  suivie  de  l'excision  du  bourrelet.  Esmarch  n'a  pas  vu  d'hémor- 
rhagie  survenir  ainsi.  Dans  tous  les  cas,  une  ou  deux  pinces  hémoslaliques  en 
viendraient  aisément  à  bout.  L'excision  des  bourrelets  tlasques  n'offre  pas  de 
danger  non  plus.  Lorsque  des  bourrelets  externes  anciens,  indurés  ou  flasques, 
et  des  marisques,  entourent  l'anus  comme  d'un  cercle  de  haillons  cutanés  qui 
suintent,  s'ulcèrent,  s'enflamment,  ou  rétrécissent,  le  passage  des  matières,  ou 
gênent  la  station  assise  et  la  marche,  on  est  autorisé  à  les  enlever  par  le  procédé 
d'exérèse  qu'on  voudra.  Nous  donnons  la  préférence  au  thermocautère  employé 
au  rouge  cerise;  avec  lui,  pas  d'héniorrhagie  à  craindre  ni  de  septo-pyobémie. 
Tout  le  monde  s'accorde  à  dire,  depuis  Ilippocrate,  qu'il  faut  être  ménager  de 
la  peau,  ne  pas  abraser  toutes  les  saillies  de  la  région  anale,  afm  de  ne  pas  avoir 
plus  tard  un  rétrécissement  à  l'anus. 

C.  Traitement  des  hémorrhdides  idlopathiqiies  ikteio'ES.  Comme  le  dit 
très-bien  M.  Mollière  dans  sou  excellent  Traité  des  maladies  du  rectum,  il  ne 
peut  être  question  ici,  habituellement,  d'uneguérison  radicale;  l'ectasie  veineuse 
récidive  ou  continue  dans  les  parties  profondes,  lorsque  les  varices  superficielles 
ont  été  oblitérées  ou  retranchées.  «  Toute  notre  attention  doit  se  borner  à  faire 
disparaître  les  symptômes  pénibles  auxquels  l'affection  donne  lieu.  »  On  aura 
rendu  grand  service,  cependant,  en  rendant  l'infirmité  supportable  et  en  en  pré- 
venant ou  guérissant  les  complications  graves.  Les  hémorrhoïdes  internes  qui  ne 
sortent  pas,  ou  qui  sorties  rentrent  d'elles-mêmes  après  la  défécation,  n'exigent 
aucun  traitement;  il  siiflit,  à  leur  égard,  d'observer  les  règles  hygiéniques  pré- 
citées et  qui  ont  pour  but  :  la  liberté  du  ventre,  la  propreté  de  l'ampoule  rectale 
et  de  la  région  anale.  Les  hémorrhoïdes  internes,  qui  ne  donnent  lieu  qu'à  nu 
flux  de  sang  peu  abondant,  doivent  être  respectées  :  c'est  un  régulateur  de  la 
circulation,  une  soupape  de  sûreté  pour  bien  des  gens.  Les  deux  complications 
qui  appellent  l'attention  et  réclament  le  secours  du  chirurgien  sont  Vhémor- 
rhagie  et  V étranglement. 

Traitement  des  hémorrhoïdes  internes  fliienies.  L'hémorrhagie  abondante 
par  des  bourrelets  internes  hernies  ou  non  doit  être  combattue  par  des  boissons 
froides,  des  lavements  froids  (eau  boriquée  et  pagliarisée),  des  bains  de  siège 
froids.  Nous  avons  retiré  grand  avantage  de  lavements  d'eau  boriquée  4  pour  10(1, 
additionnés  d'une  ou  deux  cuillerées  à  soupe  d'eau  de  Pagliari  par  litre.  On  a 
conseillé  aussi  le  perchlorure  de  fer  dilué  dans  de  l'eau  froide;  des  glaçons 
polis  ou  enveloppés  de  baudruche  ou  de  soie  proteclive  rendent  service  comme 
suppositoires  hémostatiques  et  analgésiques.  Erichscu  recommande  des  injec- 
tions d'essence  de  térébenthine  ou  le  tamponnement  avec  de  la  charpie  impré- 
gnée du  même  liquide.  En  Angleterre,  on  prescrit  souvent  un  électuairc  de 
poivre  noir  et  de  séné.  Nous  conseillerions,  dans  le  cas  d'hémorrhagie  réfractaire 
à  l'eau  glacée  pagliarisée,  le  tamponnement  à  l'aide  de  bourdonnets  de  coton 
salicvlique  saupoudrés  d'iodoforrae.  Ces  bourdonnets  réunis  en  quene  de  cerf- 
volant  devraient  être  introduits  au  spéculum,  comme  on  procède  pour  le  tam- 
ponnement du  vagin.  Pour  user  du  fer  rouge  en  pareil  cas,  il  faudrait  savoir  le 
siège  exact  de  la  source  hémorrhagique  et  pouvoir  limiter  les  dangereuses  irra- 


jIEMORRHOÏDES.  499 

(liations  du  cautère  actuel.  Tels  sont  les  moyens  de  combattre  le  flux  hcmnr- 
rlioïdal  excessif.  Mais  on  peut  être  amené  à  intervenir  en  sens  inverse.  Il  s'agit 
d'un  artlnitique,  son  flux  hémorrhoïdal  s'est  tari  et  il  est  pris  subitement  d'hé- 
moptysie, de  douleurs  articulaires,  d'éruptions  diverses,  de  malaises  et  de  souf- 
frances multiples.  Dans  ce  cas,  il  faut  rappeler  les  pertes  sanguines  babituelles 
par  les  veines  rectales  suivant  le  conseil  des  praticiens  les  plus  autorisés,  cela 
n'est  pas  douteux.  On  y  parvient  en  faisant  prendre  des  bains  de  siège,  des  lave- 
ments chauds,  en  soumettant  la  région  périnéale  à  des  fomentations  chaudes, 
en  y  mettant  des  ventouses,  des  sangsues,  en  irritant  l'anus  et  le  rectum  par  des 
suppositoires  stibiés  ou  aloétiques,  en  faisant  ingérer  50  centigrammes  d'aloès 
par  jour  (Trousseau). 

Traitement  des  hémorrJw'ides  internes  procidentes.  Si  elles  sont  réduc- 
tibles, peu  douloureuses,  et  saignent  peu,  les  soins  habituels  suffisent  et  le 
malade  n'a  qu'à  pratiquer  le  taxis  avec  les  doigts  enduits  d'un  corps  gras  ou 
mieux  avec  une  compresse  ou  une  éponge  imbibée  d'eau  froide.  Bransby  Cooper 
recommande  de  faire  contracter  l'habitude  d'aller  chaque  soir  à  la  garde-robe, 
le  repos  au  lit  qui  suit  permettant  au  rectum  de  se  remettre  en  place,  tandis 
que,  si  le  sujet  va  à  la  selle  le  matin  après  le  déjeuner,  les  affaires  lui  interdisent 
le  repos;  le  sphincter  et  le  releveur  de  l'anus  doivent  alors  suffire  seuls,  sans  le 
concours  et  malgré  la  pesanteur,  à  la  tâche  de  remonter  le  rectum  et  les  bour- 
relets veineux  ectasiés.  Lorsque  la  procidence  s'accentue,  le  sujet  arrive  à  ne 
pouvoir  réduire  ses  bourrelets  qu'au  lit  dans  la  position  horizontale  et  abdomino- 
pectorale.  Les  accidents  de  procidence,  en  se  répétant,  entraînent  des  accidents 
d'inflammation,  de  spasmes,  de  douleurs,  à' étranglement,  en  \in  mot,  qui  ren- 
dent la  situation  du  malade  bien  pénible.  On  le  fera  coucher  sur  le  ventre,  on 
appliquera  une  vessie  de  glace  sur  les  bourrelets  enduits  de  vaseline,  au  proto- 
chlorure ou  aubichlorure  d'hydargyre,  de  cold-cream,  de  pommade  belladonée, 
à  même,  ou  étendus  sur  un  linge  fin.  Il  peut  être  utile  de  mettre  quelques 
sangsues  sur  le  périnée,  et  de  faire  une  injection  hypodermique  de  morphine  et 
d'atropine.  Ces  moyens  conjurent  ou  tempèrent  habituellement  la  crise  d'étran- 
glement et  préviennent  le  sphacèle.  Tout  le  monde  convient  qu'il  est  inopportun 
de  faire  une  opération  de  diérèse  ou  d'exérèse  pendant  ime  crise  et  de  chercher 
à  réduire  les  bourrelets  menacés  ou  frappés  de  gangrène.  Quelques-uns  préten- 
dent obtenir  du  soulagement  en  ponctionnant  avec  une  aiguille  les  bourrelets 
turgescents.  On  peut  faire  cette  concession,  à  la  condition  que  l'aiguille  soit 
rendue  aseptique  par  la  flamme.  Nous  croyons  qu'il  n'est  pas  imprudent  et  qu'il 
vaut  mieux  pendant  une  crise  grave,  lorsque  les  moyens  précités  ont  échoué, 
endormir  le  malade  et  lui  pratiquer  la  dilatation  forcée  du  sphincter,  car  c'est 
la  contracture  du  sphincter  anal  qui  joue  le  principal  rôle  dans  les  accidents 
d'étranglement,  d'irréductibilité,  d'hémorrhagie,  de  gangrène.  On  profite  habi- 
tuellement d'une  accalmie  pour  la  pratiquer.  Nous  croyons  qu'elle  doit  être  mise 
en  œuvre  dès  que  l'impuissance  des  autres  moyens  non  opératoires  est  évidente. 

Actions  opératoires  dirigées  contre  les  hémorrhoïdes  internes  idiopathiques. 
1.  Dilatation  forcée  du  sphincter.  C'est  à  M.  Gayet  (de  Lyon)  qu'est  dû  ce 
procédé  si  fécond  en  résultats;  son  élève,  le  docteur  Fontan,  a  tiré  des  idées  et 
des  faits  de  son  maître  le  sujet  de  mémoires  intéressants.  Presque  en  même 
temps  le  professeur  Yerneuil  ariivait  à  la  même  conception  et  ii  la  même  pra- 
tique {roi/,  les  thèses  de  Cristoforis,  Wannebrouq,  Monod,  Pouzot).  La  dilata- 
lion  du  sjdiiiiclcr  se  fait  au  mieux,  dit-on,  avec  les  doigts  et  sans  aneslhésie, 


500  HÉMORRHOÏDES. 

comme  dans  le  procédé  de  Nélaton  pour  la  fissure  à  l'anus,  car  c'est  bien  ici 
une  fissure  à  l'anus  qu'il  faut  combattie.  Celte  façon  d'agir  nous  paraît  barbare 
et  imprudente.  Nous  aimons  mieux  endormir  le  malade  et  nous  servir  d'un 
instrument  au  lieu  des  pouces.  Le  vieux  spéculum  d'Ambroise  Parré  fait  mer- 
veille; le  spéculum  de  Weiss  ou  celui  de  Nicaise,  de  Larrey  et  Demarquay,  d'A- 
mussat,  sont  plus  élégants  et  suffisent.  Le  spéculum  uteri  convient  moins;  il 
est  trop  gros  pour  l'introduction,  et  l'écartement  de  ses  brancbes  ne  rompt  pas  le 
sphincter.  Il  y  a  peu  de  douleurs  dysuriques  après  cette  opération  inoffensive 
et  le  sphincter  forcé  ne  tarde  pas  à  reprendre  sa  tonicité  et  ses  fonctions.  Il  est 
bien  certain  que  les  liémorrhoïdes  ne  sont  pas  supprimées,  mais  la  procidence 
se  passe  ensuite  d'une  façon  tolérable  comme  dans  les  cas  de  sphincter  para- 
lysé. La  congestion  hémorrhoïdale  disparaît  peu  à  peu  et  les  bourrelets  rentrent. 
Lue  seule  séance  suffit  quelquefois  pour  empêcher  le  retour  de  la  contracture  et 
partant  de  l'étranglement,  de  l'irréductibilité,  des  hémorrhagie  graves,  do  la 
gangrène.  La  dilatation  forcée  ne  s'applique  qu'aux  cas  oii  il  y  a  contracture, 
et  c'est  le  plus  souvent.  Lorsqu'il  y  a  procidence  avec  parésie  ou  paralysie,  il 
n'y  a  pas  lieu  de  dilater,  ot,  comme  il  n'y  a  pas  d'étranglement,  il  suffit  d'em- 
ployer les  moyens  indiqués  contre  la  douleur  et  l'hémorrhagic  et,  dans  l'habitude 
de  la  vie,  de  soutenir  ces  bourrelets  avec  le  bandage  spécial,  ou  simplement  à 
l'aide  d'une  serviette,  comme  font  les  femmes  au  moment  de  leurs  règles.  Lorsque 
la  dilatation  échoue,  lorsque  les  bourrelets,  soit  hernies,  soit  intra-rectaux,  sai- 
gnent abondamment  ou  sont  enflammés,  il  faut  en  venir  à  de  véritables  opéra- 
tions ;  t'est  ce  qui  nous  reste  à  exposer. 

II.  Excision.  «  Apres  avoir  fait  sortir  le  fondement  le  plus  possible,  on  le 
lotionnera  avec  de  l'eau  chaude,  puis  on  excisera  le  sommet  des  hémorrhoides 
et,  pour  l'appliquer  sur  l'incision,  on  préparera  d'avance  le  médicament  suivant  : 
urinez  dans  un  vase  de  cuivre  et  répandez  dans  l'urine  de  la  fleur  de  cuivre 
calcinée  et  linement  pulvérisée,  puis  laissez  dissoudre  et  agitez  le  vase,  faites 
dessécher  au  soleil.  Une  fois  la  dessiccation  accomplie,  raclez  et  pilez  tin. 
Appliquez  ce  médicament  à  l'anus,  recouvert  d'une  compresse  imbibée  d'huile 
et  par-dessus  fixez  une  éponge  avec  un  bandage  »  (Hippocrate).  L'excision  est 
le  procédé  le  plus  simple  et  le  plus  expcditif  :  une  pince,  des  ciseaux  et  de  la 
témérité.  Discute  en  Angleterre  par  sir  Astley  Cooper,  Ashton,  Brodie,  Everod 
Homes,  Cline,  Syme,  etc.,  ce  procédé  doit  être  rejeté,  parceque,  malgré  le  tam- 
ponnement et  la  cautérisation  hémostatique,  il  expose  à  des  hémorrhagies  graves, 
mortelles,  et  à  des  infections  purulentes  fatales.  L'antisepsie  ne  pouvant  être 
entièrement  réalisée  dans  cette  région,  par  le  tamponnement,  même  composé  des 
objets  les  plus  aseptiques,  il  ne  faudrait  pas  se  laisser  entraîner  à  un  retour 
vers  un  passé  condamné.  L'excision  sanglante  ne  doit  être  admise  que  pour 
les  bourrelets  externes. 

m.  Écrasement  linéaire  (Chassaignac).  Dans  le  fallacieux  espoir  de  prévenir 
la  pyohémie,  les  hémorrhagies  primitives  et  secondaires  et  la  douleur,  Chas- 
saignac appliqua  sa  méthode  de  l'écrasement  linéaire,  annulaire  ou  latéral,  aux 
bourrelets  liémorrhoïdaux.  Mais  les  assertions  si  encourageantes  de  l'auteur 
[Opérât,  chirurgicales,  t.  Il,  p.  755  et  suiv.)  ne  se  sont  pas  vérifiées.  L'écrase- 
ment linéaire  est  aujourd'hui  rejeté,  parce  qu'il  expose  à  des  hémorrhagies 
secondaires  mortelles,  à  linfection  purulente  et  au  rétrécissement  de  l'anus.  Li 
chaîne  de  l'écraseur  enlève  plus  de  tissus  qu'on  n'en  a  saisi  au  début  de  la  con- 
slriction.  Teserano  (1879)    aurait  inventé   un  écraseur  linéaire  spécial  pour 


IIÉMORRHOÏDES.  501 

enlever  les  bourrelets  en  trente-six  heures  ;  c'est  prolonger  le  supplice  avec  les 
mêmes  dangers. 

lY.  Ligature.     Après  plusieurs  faits  malheureux  d'excision,  Âstley  Cooper 
proposa  la   ligature  des   bourrelets.    «   Les  chirurgiens   timides  enlèvent   ces 
tumeurs  par  la  ligature  »,  a  dit  Cline.  Malgré  cette  appréciation  témérairement 
dédaigneuse,  la  ligature  est  devenue  et  est  restée  la  méthode  la  plus  usuelle 
en  Angleterre.  Le  procédé  consiste  à  entourer  successivement  la  base  des  bour- 
relets avec  un  fil  fort  et  à  le  serrer  vigoureusement  avant  de  les  refouler  dans 
le  rectum.  On  a  écrit  qu'Hippocrate  liait  les  hémorrlioides  avec  un  fil  de  laine. 
Nous  ne  trouvons  aucune  indication  de  ce  genre  dans  la  Chirurgie  cVllippo- 
crate   de   Pétrequin.  Celse  (premier  siècle),  Aétius   (cinquième   siècle),  Pau 
d'Égine   (septième  siècle),  pratiquaient   la  ligature   en  plusieurs  séances.    Si 
plura,  non  omnia  simid,  ne  tempore  eodeni  undique  cicatrices  tenerx  sinl 
(Celse).  J.-L.  Petit  la  pratiqua  après  les  insuccès  que  lui  donna  l'excision,  mais 
il  échoua.  Ses  malades  moururent  comme  s'ils  avaient  eu  un  étranglement  her- 
niaire.   On  reproche  à  ce  procédé  de  déterminer  une   vive  inflammation,   la 
pyohémie,  le  tétanos,  des  douleurs  atroces.  En  France,  le  professeur  Gosseliii 
a  déclaré  qu'il  rejetait  la  ligature,  malgré  la  préférence  que  Curling  et  Holmes 
lui  accordent.  Les  chirurgiens  anglais  disent  avec  raison  que  les  accidents  signa- 
lés sont  dus  uniquement  à  la  mauvaise  exécution  du  procédé.  Si  on  ne  lie  pas 
très-énergiquement  la  base  du  bourrelet,  celui-ci  ne  meurt  pas  complètement 
ni  son  pédicule  non  plus,  et  il  se  fait   une  résorption  putride  par  l'intermé- 
diaire des  vaisseaux  qui  ont  échappé  à  la  constriction  (Syme).  Les   éléments 
nerveux  serrés,  mais  non  étouffés,  traduisent  leur  état  sous  la  ligature  par  des 
douleurs  atroces.  Syme,  Lane,Gowland,  Curling,  Holmes,  Fergusson,  Âllingham, 
et  tous  les  chirurgiens  anglais,  ont  apporté  à  l'actif  de  la  défense  de  la  ligature 
des  milliers  de  succès.  Tous  les  chirurgiens  qui  suivent  leur  méthode  en  ont 
obtenu  les  mêmes  résultats.  On  a  cité,  et  même  en  Angleterre,  il  est  vrai, 
5  ou  6  cas  de  tétanos,  mais  c'était  dans  une  année  où  le  tétanos  régnait  épidé- 
niiqucment.   Le  procédé  suivi  est   celui  que  Salmon  régla  dès  le  début.   Le 
voici  en  quelques  lignes.  Le  malade  étant  purgé  la  veille,  le  rectum  rendu  libre 
et  propre  par  un  lavement  deux  heures  avant  l'opération,  on  procède  à  l'anes- 
thésie.  On  se  donne  du  jour,  s'il  est  besoin,  avec  le  spéculum  univalvc  de 
Syme,  ou  avec  l'un  des  spécula  ani  dérivés  de  celui  d'Ambroise  Paré.  On  sai- 
sit les  uns  après  les  autres  les  bourrelets  avec  un  crochet  ou  avec  une  pince 
longue  semblable  aux  pinces  de  Nélaton  ou  de  Péan  (pince  de  Ashton)  pour 
l'ovariotomie.  11  vaut  mieux  se  servir  de  ces  pinces  à  cuillères  en  forme  d'anneau 
mousse  que  de  pinces  à  griffes  comme  celles  de  Museux,  de  Lûer,  de  Bryant,  etc 
Ensuite  on  abaisse  le  bourrelet.  Il  ne  faut  pas  placer  la  ligature  telle  quelle  sur  le 
pédicule.  La  mortification  du  pédicule  ne  serait  pas  obtenue  et  les  douleurs 
seraient  vives.  11  faut,  au  préalable,  avec  des  ciseaux  courbés  sur  le  plat,  inciser 
la  muqueuse  à  son  point  de  fusion  avec  la  peau  et  la  disséquer  de  la  tunique 
musculeuse,  de  bas  en  haut,  jusqu'au  quart  supérieur  de  la  base  du  bourrelet, 
niveau  où  se  trouvent  les  vaisseaux  nourriciers  de  la  tumeur.  Cette  dissection 
n'entraîne  qu'un  écoulement  de  sang  insignifiant,  qu'on  modère  avec  un  jet 
d'eau  boriquéc  froide.  Cela  fait,  on  place  le  fil  constricteur.  Allingham  et  les 
Anglais  se  servent  d'un  cordonnet  de  soie  très-résistant.  Je  crois  qu'on  peut 
substituer  avantageusement  au  cordonnet  de  soie  un  cordonnet  de  caoutchouc. 
Telle  est  la  pratique  que  nous  suivons.  Il  ne  faut  pas  nouer  le  fil  de  caoutchouc, 


b02  11ÉM0I\R110ÏI)ES. 

le  nœud  se  relâcherait;  il  faut,  quand  l'anse  est  mise  à  cheval  sur  le  pédi- 
cule prépare,  passer  ses  deux  chefs  dans  un  anneau  de  plomb.  On  fait  glisser 
contre  le  pédicule  cet  anneau  en  tirant  sur  les  chefs  très-vigoureusement.  Lors- 
qu'on est,  arrivé  au  maximum  de  tension,  on  écrase  avec  une  pince  ad  hoc 
l'anneau  de  plomb  sur  les  fils  qui  se  trouvent  fixés  plus  sûrement  ainsi  que  par 
le  nœud  le  plus  ingénieux.  L'opération  est  finie.  On  enduit  le  bourrelet  d'un 
corps  gras.  Nous  donnons  la  préférence  à  la  vaseline  sublimée  et  iodoforniée. 
Ensuite  on  réduit.  Quelques-uns  retranchent  la  partie  la  plus  saillante  du  bour- 
relet. Nous  croyons  qu'il  faut  s'en  abstenir,  pour  que  la  ligature  ne  glisse  pas. 
Allingham  complète  l'opération  des  bourrelets  internes  par  l'excision  des  niaris- 
ques  et  des  hémorrhoïdes  externes  qui  coexistent  souvent  avec  les  hémonhoïdes 
internes.  On  donne  après  l'opération  un  lavement  laudanisé  et  l'on  place  sur  le 
périnée  une  masse  d'ouate  qu'on  fixe  à  l'aide  d'un  bandage  en  T.  Les  ligatures 
tombent  au  bout  de  six  à  sept  jours.  11  est  bon  de  constiper  le  sujet  jusqu'à  ce 
moment.  L'auteur  anglais  exige  quinze  jours  de  repos  au  lit  après  l'opéralioii. 
La  ligature  est  le  procédé  le  plus  inoffensif  et  le  plus  sûr,  il  doit  rester;  il 
doit  être  prél'éré  lorsque  les  bourrelets  sont  pédicules  ou  facilement  pédiculi- 
saljles  et  haut  placés.  Ce  n'est  pas  à  dire  qu'il  soit  toujours  exempt  de  douleur, 
même  bien  correcicment  exécuté.  11  faut  compter  avec  l'état  névropathique  des 
sujets  et  savoir  en  prendre  son  parti.  Bodenhamer  [New-ïork  Med.  Record, 
1880)  fait  la  ligature  en  plusieurs  séances;  il  ne  lie  jamais  plus  d'un  bourrelet 
chaque  fois;  il  se  sert  d'un  fil  de  soie  serré  juste  pour  suspendre  la  circulation; 
il  ne  comprend  pas  tout  le  nodule  dans  la  ligature  et  il  en  laisse  une  partie  qui 
s'élimine  d'elle-même.  Les  gros  nodules  sont  liés  en  plusieurs  fois.  On  passe 
une  aiguille  courbe  munie  d'un  fil  double  un  peu  au-dessus  de  la  base  de  la 
tumeur  et  chaque  fil  est  serré  séparément.  Il  faut  inciser  la  peau  ou  le  tissu 
mucoso-cutané  dans  le  point  où  la  ligature  doit  être  placée  afin  de  la  rendre 
moins  douloureuse.  Dans  bien  des  cas,  lorsque  les  malades  ne  consentent  pas  à 
laisser  inciser  la  peau,  Bodenhamer  a  fait  la  ligature  sous-cutanée.  Pour  les  nodules 
intei'nes,  pour  les  tissus  mous  et  succulents,  Bodenhamer  a  quelquefois  recours  à 
la  ligature  temporaire  qu'il  laisse  quinze  à  vingt  minutes  en  place;  au  bout  de 
cinq  à  huit  jours,  la  tumeur  a  disparu.  Quant  aux  nodules  irrités  et  enflammés, 
il  faut  d'abord  combattre  l'inflammation. 

V.  Cautérisation.  Elle  est  actuelle  ou  potentielle,  c'est-à-dire  qu'elle  s'ob- 
tient, soit  avec  le  fer  rouge,  avec  l'anse  galvanique,  soit  avec  des  caustiques, 
les  uns  liquides,  les  autres  solides. 

1.  Cautérisation  avec  le  fer  rouge.  Hippocrate  la  pratiquait  avec  une  audace 
étonnante.  «  Vos  fers  étant  chauffés  à  blanc,  vous  aurez  soin  de  cautériser 
jusqu'à  dessiccation  et  de  ne  pas  les  appliquer  mollement  comme  si  l'on  faisait 
une  onction  avec  une  spatule;  il  importe  de  ne  laisser  aucune  hémorrhoïde  sans 
la  toucher  au  fer  rouge  ;  toutes  doivent  être  cautérisées.  »  Quand  il  pratiquait 
l'excision,  il  arrêtait  l'hémorrhagic  en  faj^^nt  agir  objectivement  le  fer  rouge 
introduit  dans  le  rectum  à  la  faveur  d'un  spéculum  ani  et  plaçait  ensuite  sa 
fleur  de  cuivre  macérée  dans  l'urine.  11  ne  craignait  pas  d'aller  dessécher  les 
bourrelets  héraorrhoïdaux  dans  le  rectum  avec  le  fer  rouge  en  se  frayant  la  voie 
avec  sa  canule  de  cuivre  semblable  au  roseau  phragmatite  {Arundo  vallatoria, 
Dioscoride).  La  cautérisation  liippocratique,  pratiquée  avec  enthousiame,  puis 
abandonnée  pendant  des  siècles  ou  employée  seulement  comme  moyen  hémosta- 
fique  après  l'excision,  fut  remise  en  honneur  par  Bégin,  Phil.  Boycr,  Yclpeau, 


IIÉMORRIIOÏDES.  50") 

Nélaton;  Denonvilliers,  Gosselin,  Richet,  etc.  La  cautérisation  ignée  s'exécute  de 
plusieurs  manières.  Nous  la  résumons  sous  les  chefs  suivants  :  «,  cautérisation, 
destruction  totale  ;  è,  cautérisation  radicale  combinée  avec  l'excision  sanglante 
ou  l'excision  ignée  et  l'écrasement  du  pédicule  à  l'aide  d'un  clanip;  c,  superfi- 
cielle; cl,  galvanique. 

a.  Cautérisation  ignée  totale  et  destructive.  Ce  procédé,  suivi  surtout  dans 
les  temps  modernes  par  Boyer,  détruisait  à  grands  coups  de  fer  rouge  tous  les 
bourrelets;  tout  le  segment  inférieur  du  rectum  s'en  allait  en  escliares  et  la  cure 
était  radicale,  mais  incurable  aussi  était  le  rétrécissement  qui  suivait.  A  ce 
défaut  grave  il  faut  joindre  riiémorrbagie  secondaire  et  la  pyohémic,  et  l'on 
comprendra  l'abandon  de  ce  procédé  brutal. 

b.  Emploi  du  fer  rouge  combiné  avec  les  excisions  et  l' étranglement  par  un 
clamp.  Pour  prévenir  l'hémorrhagie  en  écrasant  les  vaisseaux  et  les  rétré- 
cissements ultérieurs,  on  s'applique  dans  ce  procédé  mixte  à  n'enlever  que  les 
bourrelets  saillants,  à  ménager  la  muqueuse  intermédiaire.  On  se  sert  dans  ce 
but  d'un  clamp,  d'une  pince  qui  limite  l'action  du  feu  en  écrasant  les  vaisseaux 
et  tous  les  tissus  en  amont.  On  attire  au  dehors  les  bourrelets  au  moyen  d'une 
pince  à  mors  fenèlrée  (forceps  hémorrhoïdal  d'Ashton  et  ses  similaires)  qui 
ne  blesse  pas  les  tissus.  On  se  fraie  la  voie  avec  un  spéculum  dilatateur  de 
l'anus.  La  tumeur  saisie  et  attirée  au  dehors,  on  la  tord  pour  en  pédiculiser  la 
base,  puis  on  saisit  celle-ci  entre  les  mors  de  l'un  des  clamps  de  Smiih,  de  Lee, 
d'Allingliam,  de  Gowland,  bien  supérieurs  à  la  pince  de  Langenbeck.  Ces  clamps 
anglais,  par  les  plaques  en  ivoire  qui  recouvrent  leurs  mors,  remplissent  le  rôle 
d'isolateurs  en  même  temps  qu'ils  maintiennent  le  bourrelet  au  dehors  et  inter- 
rompent toute  circulation  dans  le  pédicule.  On  excise  au  bistouri  ou  aux 
ciseaux  le  bourrelet,  et  avec  un  fer  rouge  cerise  on  dessèche  la  surface  d'exci- 
sion jusqu'à  ce  qu'aucune  goutte  de  sang  ne  sourde,  lorsqu'on  relâche  la 
striction  du  clamp.  Ce  procédé  est  excellent  dans  son  but  et  son  instrumentation. 
Mais  on  peut  le  réaliser  plus  simplement.  Guersant  le  faisait  avec  ses  pinces-cau- 
tères en  forme  de  tenailles  de  menuisier  ou  de  tenailles  casse-sucre  ;  Piichet,  avec 
son  cautère-écraseur  à  anneaux  de  bois  ;  mais  on  ne  peut  avoir  la  même  sécurité 
avec  ces  cautères  qu'avec  l'écraseur-clamp.  Desgranges  le  réalise  mieux  avec 
l'entérotome  de  Dupuytren,  et  d'autres  avec  la  pince  à  phimosis.  On  protège 
les  tissus  voisins  contre  l'irradiation  calorique  en  les  recouvrant  de  la  capsule 
de  Jobert,  et  mieux  de  compresses,  de  planchettes,  de  morceaux  de  cartons 
mouillés.  Pour  nous,  nous  nous  servons  en  guise  de  clamp  de  la  pince  à  phi- 
mosis de  Collin.  Le  malade  endormi,  nous  faisons,  avant  de  procéder  à  la  cau- 
térisation comme  avant  de  procéder  à  la  ligature,  une  dilatation  extrême  du 
sphincter  à  l'aide  du  dilatateur  anal,  nous  nous  donnons  ainsi  du  jour  pour  voir 
et  saisir  les  bourrelets  et  nous  prévenons  le  spasme  énergique  qui  suivrait 
l'opération  sans  cette  dilatation  paralysante.  Avec  des  pinces  de  Nélaton  ou  de 
Péan,  ou  de  simples  pinces  à  pansement  de  l'utérus,  nous  saisissons  successive- 
ment les  bourrelets  saillants;  nous  enlevons  le  spéculum  et  nous  amenons  au 
dehors  les  tètes  des  bourrelets  en  tirant  graduellement  sur  les  pinces  ;  la  pince 
à  phimosis  est  placée  à  la  distance  de  1  ou  2  centimètres  au-dessus  des  pinces 
fixatrices  et  avec  le  thermocautère  cultellaire  nous  faisons  l'excision  du  bour- 
relet et  le  dessèchement  lent  du  pédicule.  Le  lavage  à  l'eau  boriquée  glacée 
fait,  les  surfaces  sont  enduites  de  vaseline  sublimée  et  iodoformée;  on  réduit. 
On  reproche  à  la  cautérisation  ignée  la  dysurie  post-opératoire,  des  pyohémies, 


504  lIEMORRIIOiDES. 

des  érysipèlcs,  des  douleurs,  des  liémorrliagies  consécutives,  des  rétrécisse- 
ments rectaux.  C'est  le  cliché  de  la  cautérisation  hippocratique,  laquelle  ne  res- 
semble en  rien  à  celle  que  nous  venons  d'exposer.  M.  Mollière  dit  qu'il  ne  faut 
pas  l'employer  lorsque  les  bourrelets  sont  haut  placés  et  à  large  base;  nous  ne 
sommes  pas  tout  à  fait  de  son  avis,  car  nous  pensons  que  la  contre-indication 
n'existe  que  lorsqu'ils  ne  sont  pas  pédiculisables  par  une  torsion  légère  et  lorsque 
de  gi'os  vaisseaux  battent  dans  le  pédicule.  Dans  ce  cas,  la  ligature  serait  préfé- 
rable peut-être,  ou  un  autre  procédé  de  cautérisation.  M.  Mollière  croit  aussi 
que  la  cautérisation  ignée  destructive  est  à  laisser,  lorsqu'il  y  a  complication 
d'hémorrhoïdcs  externes,  l'expérience  ayant  démontré  que  l'opération  n'est  pas 
innocente  en  pareil  cas.  Nous  ne  partageons  pas  entièrement  cette  restriction; 
l'antisepsie,  même  imparfaite,  permet  aujourd'hui  de  tenter  ce  qui  eût  été 
téméraire  jadis. 

c.  Cautérisation  ignée  superficielle.  Demarqnay  avait  pensé  éviter  tous  les 
reproclies  adressés  au  fer  ronge  en  limitant  l'action  du  feu  à  la  surface  des 
bourrelets.  Ce  procédé  douloureux  qui  rappelle  la  spatule  d'ilippocratc  est  inef- 
ficace. 

d.  Cautérisation  ignée  interstitielle.  Elle  consiste  à  porter  des  pointes  de 
fou  de  thermocautère  dans  l'épaisseur  des  bourrelets,  comme  on  le  fait  pour  les 
tumeurs  érectilcs.  Ce  procédé  n'a  chance  de  réussir  qu'avec  des  tumeurs 
hémorrhoïdalcs  petites.  Gosselin  et  Verneuil  le  recommandent.  Il  mérite  donc 
d'être  pris  en  sérieuse  considération. 

e.  Cautérisation  galvanique.  On  peut  avec  le  galvano-cautère  opérer  l'abla- 
tion des  bourrelets  en  plaçant  une  anse  de  fil  de  platine  autour  du  pédicule  et 
en  le  chauffant  peu.  C'est  ainsi  que  procède  Esmarch,  avec  succès,  dit-il.  A  priori 
cette  section  galvano-caustique  paraît  devoir  exposer  à  l'hémorrhagie  comme  une 
excision  sanglante.  On  peut  obtenir,  comme  avec  les  pointes  de  feu,  la  sclérose 
atrophique  des  bourrelets  en  les  pénétrant  de  pointes  galvano-caustiques.  On  fait 
ainsi  de  la  cautérisation  interstitielle.  Les  thèses  de  Calmeille  et  de  Lartiscn 
inspirées  par  Verneuil  sont  favorables  à  cette  pratique  du  maître. 

2.  Cautérisation  potentielle.     «  Si  vous  ne  voulez  pratiquer  ni  cautérisation 
ni  incision,  commencez  par  d'abondantes  fomentations  d'eau  chaude,  puis  ren- 
versez le  fondement  et  appliquez  de  la  myrrhe  et  de  la  noix  de  galle  finement 
pulvérisée,  de  l'alun  d'Egypte  calciné,  une  partie  et  demie  relativement  au  reste 
et  autant  de  noir  de  cordonnier,  le  tout  employé  à  sec.  L'hémorrhoïde,  par 
l'action  de  ces  médicaments,  sera  éliminée  comme  un  morceau  de  peau  cauté- 
risée. On  renouvelle  le  pansement  jusqu'à  ce  qu'on  ait  fait  disparaître  toutes  les 
hémorrhoïdes.  On  peut  opérer  de  même  avec  une  demi-partie  de  chalcitis  calci- 
née. Si  vous  voulez  traiter  avec  des  suppositoires,  prenez  un  os  de  sèche,  un 
tiers  de  molybdène  (massicot),  de  l'asphalte,  de  l'alun,  un  peu  de  fleur  (de 
cuivre),  de  la  noix  de  galle,  un  peu  de  vert-de-gris;  incorporez  le  tout  avec  du 
miel  cuit  et  faites-en  un  suppositoire  allongé  que  vous  appliquerez  jusqu'à  ce 
que  les  hémorrhoïdes   aient  disparu  »  (Hippocrate).  Les  caustiques  employés, 
solides  ou   liquides,  se  proposent  de  réaliser   une  cautérisation  superficielle 
capable  de  provoquer  un  retrait  cicatriciel  qui  diminuera  la  tumeur,  ou  une 
cautérisation  profonde  destructive,  ou  encore,  étant  portés  dans  le  sein  d'un 
bourrelet,  d'y  déterminer  un  travail  inflammatoire  aboutissant  à  la  sclérose  atro- 
phiante ou  à  la  gangrène  destructive. 
a.  La   cautérisatiou  potentielle  superficielle   s'obtient  à  l'aide  de  liquides 


IIEMORRllOiDES.  505 

corrosifs  et  de  poudres  ou  pâtes  escharoliqucs  :  acide  sulfurique,  nitrate  acide 
de  mercure,  acide  chromique,  acide  nitrique,  beurre  d'antimoine,  pâte  de  Can- 
quoin,  caustique  de  Filhos,  caustique  de  Vienne,  etc.  Parmi  les  caustiques 
employés  superficiellement,  Vacide  nitrique  a  eu,  il  y  a  quelques  années,  une 
faveur  très-grande.  La  cautérisation  avec  l'acide  azotique  proposée  par  Houston 
en  1845,  puis  par  Lee,  Fergusson,  Dowel,  Curling,  Smith,  a  conquis  pendant 
quelque  temps  toutes  les  faveurs  en  France  sous  le  patronage  de  Gosselin,  eu 
Allemagne  sous  celui  de  Billroth.  Les  régions  ano-périnéale  et  fessière  étant 
enduites  d'un  corps  gras  protecteur,  les  bourrelets  étaient  tirés  au  dehors  et  tou- 
chés avec  un  pinceau  d'amiante  imprégné  d'acide  nitrique,  et,  lorsque  leur 
surface  blanchissait,  on  enlevait  l'excès  d'acide  par  un  lavage.  On  séchait,  on 
enduisait  d'Imile  et  l'on  réduisait.  Ce  que  nous  mettons  au  passé  est  encore  le 
présent  pour  d'autres.  L'expérience  semble  cependant  avoir  prouvé  qu'Ashtou 
avait  raison  de  dire  que  ce  procédé  ménageait  autant  de  déceptions  à  l'opérateur 
qu'à  l'opéré.  En  effet,  il  y  aie  plus  souvent  récidive,  les  eschares  dures  causent 
de  grandes  douleurs  avant  leur  élimination,  et  ce  travail  se  fait  en  exposant  à 
tous  les  dangers  d'hémorrhagie  secondaire  et  de  pyohémie.  On  cite  plus  tard  des 
rétrécissements  et  des  fissures. 

b.  La  cautérisation /;o<eM//e//e  destructive  profonde  s'obtient  surtout  à  l'aide 
de  la  potasse,  du  caustique  de  Filhos,  de  la  pâte  de  Canquoin  au  chlorure  de 
zinc  ou  de  la  pâte  de  Vienne.  Amussat,  avec  ses  pinces,  employait  la  pâte  de 
Vienne  ef ,  afin  de  préserver  le  rectum  du  coulage  de  l'escharotique,  il  était  oblige 
de  retenir  le  bourrelet  au  dehors  jusqu'à  la  fin,  ce  qui  était  horriblement  dou- 
loureux et  n'était  pas  dans  l'intérêt  de  la  peau.  Jobert  se  servait  de  sa  capsule 
protectrice  pour  isoler  les  bourrelets,  les  tenir  dehors  et  appliquer  le  caustique 
de  Filiios.  Valette  (de  Lyon)  mettait  du  Canquoin  avec  ses  ingénieuses  pinces  à 
rainure;  la  nature  du  caustique  et  la  sécurité  donnée  par  les  pinces  permet- 
taient de  réintégrer  le  bourrelet;  c'était  un  petit  soulagement.  Ces  procédés  de 
cautérisation  nous  paraissent  devoir  être  rejetés;  ils  causent,  durant  de  longues 
heures  et  de  longs  jours,  des  douleurs  atroces;  l'élimination  plus  ou  moins  lente 
des  eschares  expose  à  la  pyohémie,  auxhémorrhagies  secondaires,  et  la  rétraction 
cicatricielle  consécutive  amène  des  rétrécissements  de  l'anus. 

c.  Le  rétrécissement  voulu  de  l'anus  a  été  recherché  par  Voillemier  et 
d'autres  comme  moyen  palliatif,  soit  en  faisant  des  traînées  de  pâte  de  Vienne,  ou 
de  canquoin,  soit  eu  faisant  des  raies  de  feu  à  la  marge  de  l'anus.  Cette  cauté- 
risation radiée  a  pour  but  d'empêcher  la  procidence  et  partant  l'étranglement 
de  se  produire,  en  rendant  l'orifice  infranchissable.  Le  remède  est  pire  que 
le  mal. 

d.  Injections  caustiques  parenchymateuses.  On  appelle  ce  procédé  améri- 
cain. Il  consiste  à  injecter  avec  une  seringue  de  Pravaz  dans  les  tumeurs 
hémorrboïdales  un  mélange  à  parties  égales  de  glycérine  et  d'acide  phénique 
(Blackwood) ,  de  l'alcool,  une  solution  de  chlorure  de  zinc.  Les  charlatans  amé- 
ricains et  leurs  similaires  prétendent  avoir  vu  disparaître  des  hémorrhoïdes  de 
la  grosseur  d'un  petit  œuf  de  poule  sans  laisser  la  moindre  trace  en  vi?igt-quatre 
heures  (voy.  Journal  de  Bruxelles,  1880).  Éverète,  ayant  cru  remarquer  que, 
dans  les  veines  hémorrboïdales,  la  tunique  moyenne  conserve  un  caractère  muscu- 
leux,  surtout  dans  le  cas  d'hémorrhoïdes  chroniques,  a  imaginé  d'instituer  un 
traitement,  qu'il  qualifie  de  physiologique,  par  les  injections  d'ergotine.  «  L'in- 
jection d'ergotine  est  suivie  d'une  douleur  intense  qui  fait  bientôt  place  à  un 


50G  IIÉMORRIIOIDE^. 

sentiment  de  rétraction  (!).  Les  tumeurs  se  ratatinent  sans  que  rien  s  élimine 
dans  la  plupart  des  cas.  La  guérison  est  acheve'e  en  quelques  jours  (!).  »  Les 
solutions  d'ergotine  sont  acides  et  agissent,  si  elles  agissent,  comme  caustiques. 
Bodenhamer  reconnaît  qu'entre  ses  mains  le  procédé  des  cliarlatans  américains 
a  donné  des  abcès,  des  fistules,  des  fissures,  et  il  le  repousse  comme  manquant 
de  sûreté  et  d'innocuité. 

VI.  Torsion  et  émicléation.  Rappelons,  pour  mémoire,  qu'Hipocra te  enlevait 
quelquefois  les  hémorrhoïdes  par  torsion,  énucléation  et  extirpation.  «  Cela 
n'est  pas  plus  difficile  que  de  faire  cheminer  le  doigt  entre  la  peau  et  la  cliair 
du  mouton  qu'on  écorche;  opérez  tout  en  causant  et  sans  prévenir  de  ce  que 
vous  faites.  »  11  n'y  a  bien  ici  de  mouton  que  le  patient.  Ce  procédé  barbare  se 
juge  de  lui-même. 

Cumplicalions  des  opérations  portant  sur  les  hémorrhuides.  Soins  antisep- 
tiques à  prendre  dans  ces  opérations.  M.  Mollière  a  parfaitement  raison  de  dire 
que  tous  les  procédés  sont  sujets  à  des  complications,  ont  de  mauvais  côtés. 
La  ligature  la  plus  méthodique  peut  causer  des  douleurs  violentes  chez  certains 
sujets  névropathes  ;  les  cautérisations  ignées  et  les  injections  caustiques  parcn- 
clijmatcuses  les  plus  bénignes  en  apparence  sont  parfois  suivies  de  douleurs 
intenses.  En  général,  les  caustiques  causent  plus  de  douleur  le  jour  de  l'opé- 
ration et  les  semaines  qui  suivent,  tandis  que  la  ligature  élastique  bien  faite  ne 
donne  lieu  qu'à  des  douleurs  passagères.  Les  complications  post-opératoires 
iont  :  i°  des  ténesmes  violents,  des  contractures  horribles  des  sphincters  anaux. 
On  préviendra  cette  complication,  si  l'on  a  soin  de  faire  précéder  l'opération, 
coamie  nous  l'avons  dit,  d'une  dilatation  forcée  avec  le  spéculum  d'Ambroise 
Paré.  Si  cette  précaution  n'a  pas  été  prise,  on  modérera  le  ténesme  par  un 
bandage  compressif  fait  de  masses  de  coton  salicylique  et  d'un  bandage  en  T. 
La  compression  doit  être  aidée  de  l'administration  de  narcotiques  larrji  manu. 
Avant  de  placer  le  bandage  compressif,  on  aura  soin  d'introduire  dans  le  rectum 
un  suppositoire  composé  comme  suit  :  beurre  de  cacao,  2  grammes,  extrait 
tliébaïque,  5  centigrammes;  iodoforme,  5U  centigrammes.  Le  chloral,  le  bro- 
mure de  potassium,  seront  donnés  à  haute  dose.  On  fera  surtout  des  injections 
hypodermiques  de  la  solution  de  morphine  1  centigramme,  atropine  1  milli- 
gramme, par  gramme.  Les  douleurs,  les  se7isations  de  bmlure,  obligent  quel- 
quefois à  ne  laisser  que  peu  d'heures  la  compression  périnéale.  On  alterne  alors 
par  la  voie  rectale  l'action  des  suppositoires  opiacés  et  des  lavements  glaces,  de 
la  glace  en  fragments,  ou  de  la  réfrigération  avec  l'appareil  d'Arzberg,  ou  à 
l'aide  de  l'ampoule  de  Bérenger-Féraud,  laquelle  permet  l'introduction  de 
pommades  calmantes.  Le  froid  non-seulement  calme  le  ténesme,  calme  la 
douleur,  calme  la  cuisson,  mais  il  arrête  les  hémorrhagies. 

Quand  on  pratiquait  l'excision  sanglante,  on  avait  souvent  des  hémorrhagies 
graves,  immédiates  ou  secondaires,  contre  lesquelles  on  employait  le  fer  rouge  et 
pour  lesquelles  on  pourrait  employer  aujourd'hui  de  longues  pinces  hémostatiques 
à  demeure  comme  dans  l'hystérectomie  vaginale,  si  les  vaisseaux  pouvaient  êlie 
saisis  à  la  faveur  du  spéculum.  Les  hémorrhagies  des  autres  procédés  sont 
secondaires  et  rares,  à  moins  qu'il  ne  s'agisse  d'un  hémophyle  ou  d'un  vieillard 
atone.  On  essaierait  d'abord  les  lavements  froids  d'eau  boriquée  additionnée 
d'eau  dePagliari  et  de  morceaux  de  glace  et,  si  la  perte  était  sérieuse  et  persis- 
tante, on  procéderait  au  tamponnement  coinposé  et  fait  conmie  nous  l'avons 
indiqué.  Surveiller  le  malade;  une  hémorrhagie  interne  peut  se  produire,  si  le 


IIÉMORRIIUÏDKS.  b07 

tamponnement  ne  remonte  pas  assez  haut  et  n'est  pas  assez  compressif.  Une 
troisième  complication  très-fréquente  à  Ja  suite  des  opérations  anales  est  la 
rétention  d'urine.  Le  choc  opératoire  peut  même  arrêter  momentanément  les 
ibnction  des  reins.  11  détermine  la  rétention  d'urine  par  spasme  de  l'urèlhrc, 
par  spasme  du  col  ou  par  compression  mécanique  de  la  vessie  lorsqu'on  a  tam- 
ponné. Pour  l'anurie,  il  faut  donner,  dès  qu'il  est  possible,  des  boissons  en 
abondance,  et  détendre  la  puissance  réflexe  en  administrant  les  antispasmo- 
diques. Pour  la  rétention  spasmodique,  il  faut  donner  les  antispasmodiques 
encore,  mais  il  faut  vider  aussi  la  vessie  par  le  cathétérisrac  avec  une  petite 
sonde.  .Nous  ne  serions  pas  bien  partisan,  en  général,  de  faire  la  ponction  vé;i- 
cale  capillaire  qui  a  été  proposée  dans  la  rétention  mécanique,  elle  cessera  avec 
le  tamponnement  et  il  suflit  de  sonder  en  attendant  avec  une  petite  sonde,  ce 
qui  est  possible.  La  pijohémie,  la  septo-pyohémie,  qui  trouvent  les  plexus  veineux 
ouverts  par  les  opérations  sur  les  héraorrhoides,  emportaient  jadis  beaucoup  de 
patients.  La  gravité  de  ces  opérations  a  diminué  sous  ce  rapport  comme  sous  les 
autres.  Les  dangers  de  la  région  exigent  l'emploi  de  précautions  antiseptiques 
avant,  pendant  et  après  les  o[)érations  sur  les  hémorrhoïdes.  Nous  recommandons 
beaucoup  riodoforme  soit  pour  les  pièces  qui  servent  au  tamponnement,  soit 
pour  les  suppositoires.  Avant,  pendant  et  après  l'opération,  les  lavages  et  les 
lavements  à  l'eau  boriquée  sont  utiles,  nécessaires  et  inoffensifs.  Jusqu'à  la  com- 
plète cicatrisation  (dix  à  quinze  jours),  nous  faisons  donner  des  lavements  bori- 
ques 5  ou  4  fois  par  jour. 

Quel  procédé  opératoire  mérite  la  préférence?  Aucun  procédé  ne  peut  être 
préconisé  à  l'exclusion  des  autres.  Si  l'on  pouvait  exprimer  une  préférence, 
nous  dirions  :  pour  les  hémorrhoïdes  externes,  excision  au  thermocautère,  si 
leur  volume  est  peu  considérable;  sinon,  cautérisation,  ignipuncture  parenchyma- 
teuse  au  thermocautère  ou  au  galvano-cautère  ;  —  pour  les  hémorrhoïdes  internes, 
ligature  élastique,  si  elles  sont  pédiculées  ou  si  elles  siègent  haut  et  sont  pédi- 
culisables;  cautérisation  ou  ablation  ignée,  si  elles  ont  une  base  large  pouvant 
être  pédiculisée  à  l'aide  d'un  clamp  et  si  elles  ne  siègent  pas  trop  haut;  cauté- 
risation parenchymaleuse  ignée,  si  elles  ne  sont  pas  pédiculisables.  Nous  le  répé- 
tons, ces  opérations  ne  doivent  être  pratiquées  que  lorsqu'on  a  vainement  essayé 
plusieurs  fois  l'action  de  la  dilatation  forcée  du  sphincter,  opération  non  sanglante 
qui  suffit  très -souvent  àconjurer,  et  définitivement,  tous  les  accidents,  etprocure 
une  guérison  relative.  Quand  on  est  décidé  à  opérer  et  qu'on  a  fait  choix 
d'un  procédé,  doit-on  enlever  tous  les  bourrelets?  Oa  est  à  peu  près  unanime 
à  dire  qu'il  ne  faut  pas  abraser  tout  ce  qui  fait  saillie  à  la  surface  de  la  muqueuse 
rectale.  On  doit  se  borner  à  supprimer  les  bourrelets  les  plus  saillants  et 
attendre,  s'il  n'y  a  pas  d'indication  pour  la  vie.  La  contradiction  signalée,  à 
cet  égard,  dans  les  livres  hippocratiques,  entre  les  aphorismes  qui  disent  de 
conserver  au  moins  une  hémorrhoïde,  et  le  Traité  des  hémorrhoïdes  qui 
dit  de  les  retrancher  toutes,  n'est  qu'apparente.  Pétrequin  nous  fournit,  avec 
sa  grande  autorité  d'érudit  et  de  praticien,  la  réponse  à  la  question  posée  : 
«  Une  longue  pratique  de  la  chirurgie  m'a  conduit  a  faire  une  distinction 
que  je  retrouve  dans  Ambroise  Paré  et  Ravaton  {Chir.  moderne,  1776,  t.  II, 
]).  245).  ■  Quand  le  malade  est  profondément  épuisé  par  des  hémorrhoïdes 
fluentes,  il  faut  les  opérer  toutes,  si  l'on  veut  sauver  la  vie  ;  mais,  quand  il 
n'est  pas  dans  un  état  aussi  grave,  on  peut  en  conserver  une.  Le  livre  des 
hémorrhoïdes  répond  au  premier  cas  et  les  aphorismes  au  deuxième.  11  est  bicu 


i)08  IIEMOSPASIE. 

entendu  qu'il  faut  toujours  un  traitement  approprié  pour  suppléer  au  flux 
supprimé,  et  même  avec  ce  moyen  on  peut  toujours  enlever  toutes  les  tu- 
meurs »  (Pétrequin,  Aperçu  historique  sur  la  chirurgie  des  hémnrrhoides  et 
des  fistules  à  l'anus).  E.  ViiNcem. 

UËMOSPASIE  (de  ati:;i.a,  sang,  et  (77râw,  j'attire).  Nom  donné  à  une  méthode 
thérapeutique  attractive  ou  révulsive,  qui  consiste  à  déplacer  et  attirer  sur  une 
surface  plus  ou  moins  étendue  du  corps  une  masse  de  sang  que  l'on  soustrait 
ainsi  momentanément  de  la  circulation,  dans  le  but  de  décongestionner  un 
organe  ou  un  point  quelconque  de  l'économie.  C'est  une  application  en  grand 
et  sur  une  surface  plus  étendue  de  l'ancienne  méthode  des  ventouses.  Aussi  l'a- 
t-on  désignée  quelquefois  sous  le  nom  de  grandes  ventouses  ou  de  ventouses 
monstres  de  Junod,  du  nom  de  son  inventeur. 

L'hémospasie,  en  effet,  a  été  instituée  et  formulée  par  Junod  à  la  suite  d'un 
grvind  nombre  d'expériences,  d'applications  cliniques  et  de  publications  qui 
embrassent  une  ])ériode  d'une  trentaine  d'années  environ,  de  1853,  époque  de 
la  soutenance  de  sa  llièsc  inaugurale  sur  ce  sujet  et  de  ses  ])reniières  communi- 
cations à  l'Académie  des  sciences,  jusqu'en  1875,  date  de  son  dernier  ouvrage. 
Elle  est  fondée  sur  ce  double  principe  de  physique  et  de  physiologie,  savoir  : 
que  toute  partie  de  la  surface  du  corps  qui  est  momentanément  soustraite  à  la 
pression  atmosphérique,  sous  l'influence  des  pressions  internes  rendues  prédomi- 
nantes par  défaut  d'équilibration,  devient  le  siège  d'un  al'llux  des  liquides  ou 
congestion  artificielle.  La  visée  de  Junod  s'était  d'abord  élevée  plus  haut.  H 
avait  embrassé  dans  ses  premières  études  le  problème  beaucoup  plus  général 
de  l'influence  sur  la  surface  du  corps  des  modifications  introduites  dans  la 
pression  atmosphérique,  soit  augmentée,  soit  diminuée  :  d'où  il  se  propo- 
sait de  déduire  tout  un  système  de  traitement  aérothérapique  par  les  bains 
d'air  comprimé,  les  bains  d'air  raréfié  et  l'hémospasie,  c'est-à-dire  la  raréfac- 
tion partielle.  Il  a  été  question  ailleurs  des  effets  des  bains  d'air  comprimé 
et  des  bains  d'air  raréfié  {voij.  les  mots  Bains,  âtmosphèue  et  Paelmothk- 
iupie).  Nous  ne  nous  occuperons  ici  que  de  l'hémospasie  ou  révulsion  par  la 
raréfaction  localisée. 

L'hémospasie  ou  congestion  artificielle  locale  plus  ou  moins  étendue,  provoquée 
dans  un  but  thérapeutique,  s'obtient  au  moyen  d'appareils  qui,  bien  que  basés 
sur  le  même  principe  que  la  ventouse,  sont  un  peu  })lus  compliqués  à  raison 
des  effets  beaucoup  plus  intenses  qu'on  se  propose  d'en  obtenir  et  nécessitent 
par  conséquent  une  description  spéciale. 

Appareils  Jiémospasiques.  Ces  appareils  ont  été  conçus  et  confectionnés  en 
vue  de  soustraire  à  l'action  de  la  pression  atmosphérique,  non  plus  une  petite 
surface  de  la  peau,  comme  on  le  fait  avec  les  ventouses  communes,  mais  une 
étendue  plus  ou  moins  considérable,  telle  qu'un  membre,  un  bras,  une  jambe 
ou  même  les  deux  jambes  ou  les  deux  bras  simultanément,  le  bassin,  etc.  Us 
consistent  :  l''  en  des  récipients  en  métal  ou  eu  cristal,  de  dimensions  et  de 
formes  variées  suivant  les  parties  qu'ils  doivent  embrasser  ;  2°  en  manchons  de 
métal  s'adaptant  au  récipient  par  un  système  d'emboîtement,  lesquels  sont 
recouverts  de  manchons  de  soie  et  de  caoutchouc  superposés  dépassant  les  limites 
des  premiers;  o"  en  une  bande  de  caoutchouc  s'appliquant  sur  les  bords  de 
chacune  des  extrémités  de  ce  triple  manchon  imperméable,  de  manière  à  les 
maintenir  et  à  intercepter  hermétiquement  le  passage  de  l'air;  i"  une  pompe 


HÉMOSPASIE.  509 

aspirante  munie  d'un  tube  flexible  est  adaptée  à  frottement  au  récipient  pour 
y  faire  le  vide. 

L'appareil  destiné  à  faire  l'hémospase  de  la  jambe,  la  plus  usuelle,  a  reçu  de 
l'inventeur  le  nom  d'appareil  scélique  (de  (tzé^oç,  jambe).  Un  appareil  analogue 
est  destiné  à  faire  l'hémospase  du  bras.  Divers  appareils  sons  les  noms  de  réci- 
pient pelvien  ou  hémisomatique,  de  récipient  abdominal,  de  récipient  latéro- 
thoracique,  de  récipient  précordial,  scapulo-thoracique,  vertébral,  cervical, 
enfin  de  récipient  somatique,  permettant  d'hémospasier  tout  le  corps,  la  tête 
exceptée,  répondent  aux  indications  multiples  et  variées  de  l'hémospasie. 

Le  but  qu'on  se  propose  par  l'application  de  l'hémospase,  son  mode  d'action, 
ses  effets  physiologiques  et  thérapeutiques,  demandent  quelques  développements. 
Voici  d'abord  quels  sont  les  effets  physiologiques  de  l'hémospase,  d'après  des 
expériences  faites  sur  l'homme  sain.  Ces  expériences  ont  été  faites  sur  un  jeune 
étudiant  en  médecine  qui  a  bien  voulu  s'y  prêter.  On  a  expérimenté  sur  lui 
successivement  ies  trois  degrés  d'hémospase,  l'hémospase  simple,  celle  qui 
consiste  à  ne  soumettre  au  vide  qu'un  segment  de  membre,  une  jambe,  par 
exemple,  ou  un  avant-bras  ;  l'hyperhémospase,  embrassant  une  surface  beaucoup 
plus  étendue,  les  deux  extrémités  inférieures  simultanément,  par  exemple,  et 
l'hémospase  poussée  jusqu'à  la  lipothymie,  consistant  à  faire  le  vide  sur  de  plus 
larges  surfaces  encore  au  moyen  d'une  double  dérivation  méroscélique  associée, 
cest-à-dire  portant  sur  les  deux  membres  inférieurs  simultanément  soumis  au 
vide  dans  les  4/5  de  leur  longueur,  ou  bien  par  l'emploi  de  ce  que  Junod  a 
appelé  le  décliveur,  lit  mobile  sur  lequel  on  place  le  malade  ou  le  sujet  en 
expérimentation,  après  lui  avoir  donné  une  inclinaison  approchant  presque  de 
la  verticale,  de  manière  à  faciliter  la  dérivation  et  à  lui  imprimer  une  action 
énergique  et  rapide.  11  est  bien  entendu  que  le  vide  est  plus  ou  moins  complet, 
selon  l'intensité  d'effet  que  l'on  veut  obtenir. 

He'inospase  simple.  M.  X....  étant  à  jeun,  ayant  le  pouls  à  71,  la  tempé- 
rature axillaire  à  57  degrés,  respiration  If^,  on  place  l'une  de  ses  jambes  dans 
un  récipient  en  cristal,  permettant  de  suivre  de  l'œil  les  effets  de  la  dérivation 
(il  est  huit  heures).  Dès  qu'une  large  portion  des  téguments  de  la  jambe  est 
soustraite  à  la  pression  atmosphérique,  les  vaisseaux  capillaires  se  gonflent, 
la  jambe  rougit  et  il  se  produit  une  sensation  de  chaleur  locale  et  un  léger 
prurit,  le  pouls  s'élève  et  devient  fréquent,  mais  pour  diminuer  de  force 
presque  aussitôt. 

Au  bout  de  quarante-cinq  minutes,  la  face  commence  à  pâlir,  la  température 
des  téguments  s'abaisse,  surtout  dans  les  régions  supérieures,  les  inspirations 
sont  plus  profondes,  la  voix  moins  forte. 

Dix  minutes  plus  tard  (à  huit  heures  cinquante-cinq  minutes)  le  pouls  est  à 
82,  son  volume  est  diminué  de  plus  de  moitié,  la  température  axillaire  est 
descendue  à  56  degrés,  respiration  17.  La  jambe  mesurait  10  centimètres  en 
plus  de  son  périmètre  normal  dans  sa  plus  grande  surface  hémospasiée. 

Hypérhémospase.  M.  X — ,  ayant  les  deux  extrémités  inférieures  emboîtées 
dans  un  récipient  de  cristal,  est  placé  sur  le  décliveur  dans  un  position  presque 
verticale.  On  fait  le  vide.  L'expérience  est  commencée  à  neuf  heures;  à  neuf  heures 
quinze  minutes  son  pouls  était  à  84  et  devenait  fdiforme,  la  température  axil- 
laire était  à  56°. 5,  ses  inspirations  16;  affaiblissement  marque  de  la  voix; 
il  survient  des  bâillements  fréquents.  Cinq  minutes  après,  à  neuf  heures  vingt 
minutes,  le  pouls  tombait  à  40.  A  ce  moment,  une  douce  chaleur  s'élevait  de 


510  IIÉMOSPASIE, 

l'épigaslre  pour  so  porter  au  Iront  qui  se  couvre  d'une  légère  sueur.  A  neuf 
heuresvingt-cinq  la  pupille  tHait  dilatée,  la  vue  voilée,  l'odorat  et  le  goiit  presque 
éteints,  le  tact  obtus,  tintements  d'oreille;  température  axillaire  56  degrés; 
15  inspirations.  A  neuf  heures  trente,  abaissement  de  la  température  devenue 
incommode  aux  oreilles,  la  température  de  la  langue  elle-même  est  abaissée.  A 
l'aisselle  le  thermomètre  donne  SS^ô.  Les  forces  se  trouvent  réduites  au  point 
de  pouvoir  à  peine  soulever  le  bras.  Les  objets  ne  sont  plus  vus  qu'à  travers  un 
brouillard,  les  facultés  intellectuelles  demeurant  d'ailleurs  intactes.  A  neuf  heures 
trente-cinq,  le  pouls  était  devenu  insensible  à  la  radiale,  mais  il  était  encore 
perceptible  à  la  temporale;  température  axillaire  55  degrés,  inspirations  14. 
A  neuf  heures  quarante  minutes  pulsations  devenues  imperceptibles  à  la  tempo- 
lale;  l'anesthésie  était  devenue  graduellement  complète;  syncope. 

On  en  était  arrivé  ainsi  graduellement  à  l'hémospase  lipolhymique. 

La  rentrée  de  l'air  dans  les  récipients  et  l'abaissement  du  décliveur  sufflrent 
pour  obtenir  presque  instantanément  le  rétablissement  de  la  circulation,  ainsi 
que  de  toutes  les  autres  fonctions.  Les  téguments  hémospasiés  étaient  parsemés 
de  points  pourprés.  La  circonférence  des  extrémités  était  considérablement 
augmenti'c,  tandis  que  les  régions  supérieures  du  corps  avaient  subi  une  dimi- 
nution sensible.  Le  lendemain  les  extrémités  hémospasiées  conservaient  encore  une 
augmentation  de  2  centimètres.  Dès  le  troisième  jour,  toute  trace  avait  disparu. 

L'idée  première  qui  a  présidé  à  la  conception  de  l'hémospasie  comme  méthode 
thérapeutique  a  été  de  substituer,  pour  un  certain  ordre  d'indications,  aux  émis- 
sions sanguines  générales  ou  locales,  qui  entraînent  nécessairement  une  déper- 
dition dans  la  masse  du  sang  en  circulation,  toujours  préjudiciable  au  maintien 
des  forces  et  à  l'équilibre  des  fonctions,  un  simple  déplacement  momentané 
d'une  masse  équivalente,  avec  possibilité  de  restitution.  C'est  donc  une  véritable 
dérivation  du  iluide  sanguin  opérée  sans  déperdition,  sur  un  point  déterminé 
du  corps,  au  profit  de  la  partie  fiuxionnée  ou  congestionnée.  Grâce  à  cette  condi- 
tion de  simple  déplacement,  l'hémospase  peut  être  plus  ou  moins  prolongée,  on 
répétée  à  des  intervalles  plus  ou  moins  rapprochés,  suivant  les  nécessitsés,  sans 
qu'il  en  résulte  de  danger  ni  d'accidents  notables. 

Quelles  sont  les  indications  de  l'hémospasie,  ou,  en  d'autres  termes,  quels 
sont  les  éléments  pathologiques  qu'elle  est  le  plus  directement  susceptible  de 
combattre? 

On  peut  placer  en  première  ligne  les  congestions  ou  hyperémies.  L'action 
manifestement  révulsive  de  l'hémospasie  lui  assigne,  en  effet,  à  côté  de  la 
saignée  et  de  préférence  à  elle,  dans  certaines  circonstances,  une  place  légitime. 
Mais  dans  quelles  conditions  des  hyperémies  est-elle  plus  particulièrement  indi- 
quée et  en  quels  lieux  et  par  quels  modes  doit-elle  être  employée? 

Pour  l'inventeur  de  la  méthode,  de  quelque  nature  que  soit  la  congestion, 
quelle  qu'en  soit  la  cause  et  quels  que  soient  les  organes  qui  en  sont  le  siège, 
il  ne  saurait  exister  aucune  dissidence  sur  la  nécessité  de  détourner  au  plus 
tôt  le  cours  du  sang  par  les  révulsifs.  S'agil-il  d'une  congestion  prélude  ou 
début  d'une  plilegmasie  menaçant  soit  la  tète,  soit  la  poitrine  ou  les  organes 
abdominaux,  une  prompte  hémospase  simple  ou  double  sur  les  extrémités 
inférieures  pourra  non-seulement,  dans  le  cas  de  congestion  cérébrale,  par 
exemple,  prévenir  une  apoplexie  et  ses  suites,  mais  celle-ci  même  déjà  réalisée 
pourra  être  enrayée  ou  très  atténuée  dans  ses  effets.  La  dérivation  est-elle  indi- 
quée par  des  congestions  dans  les  régions  hypogastriques,  il  y  aura  lieu  de 


IIÉMOSPASIE.  5U 

recourir  à  une  liémospase  de  l'une  ou  l'autre  dos  extrémités  supérieures  ou  de 
ces  deux  extrémités  simultanément,  à  laquelle  on  peut  joindre  le  dérivateur 
abdominal.  Pour  les  congestions  du  tube  intestinal,  de  son  enveloppe  séreuse, 
des  glandes  mésentériques,  l'hémospase  devra  être  également  appliquée  aux 
extrémités  supérieures  et  on  l'étendra  aux  extrémités  inférieures,  s'il  est  néces- 
saire d'augmenter  la  puissance  de  l'action  révulsive. 

En  faisant  cesser  les  congestions  on  prévient  les  accidents  qui  en  pourraient 
résulter,  hémorrliagies,  inflammations,  hyperémies,  névroses.  Le  médecin  n'est- 
il  appelé  qu'après  que  ces  accidents  ont  éclaté,  la  révulsion  hémospasique  n'en 
sera  pas  encore  moins  utile,  surtout  pour  les  cas  d'hémorrhagies  internes  ou 
externes. 

Dans  les  mflammations,  l'action  de  l'hémospasie,  moins  rapide  que  dans  les 
hémorrliagies,  n'en  a  pas  moins  pour  résultat  de  diminuer  l'intensité  des  phéno- 
mènes locaux. 

L'hémospasie,  dont  un  des  effets  est  de  diminuer  les  sécrétions,  trouve  aussi 
ses  indications  dans  les  cas  de  suffusions  séreuses  qui  suivent  la  méningite, 
la  péricardite,  la  pleurésie  et  la  péritonite. 

Dans  les  névroses,  l'hémospasie  est  d'autant  plus  efficace  que  la  maladie  se 
rattache  plus  directement  à  la  congestion  d'un  organe.  Enhn  l'hémospasie  trouve 
encore  ses  indications  dans  le  cours  du  traitement  des  maladies  générales  (lièvres 
typhoïdes,  ciioléra,  fièvres  éruptives),  pour  combattre  les  congestions  secondaires 
ou  passives  dont  elles  sont  souvent  accompagnées. 

La  pratique  chirurgicale  peut  aussi  utiliser  la  révulsion  hémospasique,  soit 
dans  les  cas  de  commotion  du  cerveau  résultant  d'un  coup  ou  d'une  chute, 
soit  dans  les  contusions  du  thorax  ou  de  l'abdomen,  dans  le  traitement  des  plaies 
ou  des  fractures  ou  à  la  suite  de  certaines  opérations. 

Les  principales  contre-indications  du  traitement  hémospasique  seraient  la 
période  cataméniale,  la  gestation  au  moins  jusqu'au  sixième  mois,  l'existence 
sur  les  parties  à  hémospasier  de  varices,  de  phlébite,  de  lésions  physiques  telles 
que  celles  qui  résultent  de  l'application  récente  d'un  vésicatoire,  d'un  séton, 
une  contusion,  etc.  Encore  moyennant  certaines  précautions  et  une  graduation 
convenablement  réglée  dans  l'application  les  inconvénients  qui  en  pourraient 
résulter  peuvent-ils  être  facilement  évités.  L'hémospasie,  d'ailleurs,  doit  tou- 
jours être  proportionnée  dans  son  énergie  aux  forces  du  sujet  et  à  l'état  des 
principaux  organes  de  la  circulation. 

Tout  en  acceptant,  pour  la  plupart,  ces  indications  appuyées  d'ailleurs  par 
un  assez  grand  nombre  d'observations  justihcalives,  nous  ferons  quelques  réserves 
à  l'égard  de  ce  que  nous  paraît  avoir  d'un  peu  trop  absolu  la  première  proposi- 
tion de  Junod  lorsqu'il  dit,  par  exemple  :  «  De  quelque  nature  que  soit  la  con- 
gestion et  quelle  qu'en  soit  la  cause,  il  ne  saurait  exister  de  dissidence  sur  la 
nécessité  de  détourner  au  plus  tôt  le  cours  du  sang.  »  Autant  cette  proposition 
nous  semble  juste,  en  tant  qu'elle  s'applique  aux  congestions  ou  hyperémies 
actives,  aux  fluxions  proprement  dites,  autant  nous  croyons  qu'elle  demande  de 
réserve  et  de  restrictions  pour  les  congestions  ou  hyperémies  passives,  c'est-à- 
dire  celles  qui  consistent  en  une  stase  sanguine  avec  ralentissement  du  cours  du 
sang,  due  soit  à  une  compression  pu  à  tout  autre  obstacle  direct  au  cours  du 
sang,  soit  à  des  altérations  des  parois  vasculaires,  sclérose,  dégénérescence 
graisseuse,  athéromateuse  ou  calcaire,  soit  à  une  diminution  de  la  force  impul- 
sive du  cœur,  l'indication  causale  étant  dans  tous  ces  cas  la  plus  impérative  et 


512  HÉMOSPASIE. 

la  première  à  satisfaire.  Nous  ferons  aussi  quelques  réserves  relativement  au  fait 
de  la  réintégration  dans  la  circulation  générale  du  sang  déplacé,  réintégration 
qui  n'est  jamais  absolument  complète,  une  partie  de  ce  sang  s'élant  extravasée 
à  travers  les  capillaires  à  l'état  eccliymotique. 

Yoici,  quant  à  l'application  de  la  mélliode,  quelques-unes  des  règles  formu- 
lées par  son  auteur. 

Dans  le  traitement  des  maladies  chroniques,  dit  Junod,  la  durée  des  hémo- 
spases  est  ordinairement  d'une  heure  en  moyenne,  mais  cette  durée  peut  et  doit 
varier  suivant  l'étendue  de  la  surface  à  hémospasier,  la  force  du  sujet  et  sur- 
tout suivant  la  nature  et  l'intensité  de  l'état  fluxionnaire  que  l'on  se  propose  de 
combattre.  11  est  tel  cas  où,  dans  la  mesure  de  ce  que  comporte  la  conslitulion 
du  sujet  d'une  part  et  de  l'autre  l'intensité  du  mal  à  conjurer,  la  durée  de 
la  séance  d'hémospasie  devra  être  de  plusieurs  heures  et  être  renouvelée  do 
\ingt-quotre  en  vingt-quatre  heures.  Lorsqu'il  s'agit  d'une  congestion  ou  d'une 
jililegmasie  aiguë  d'une  certaine  intensité,  il  peut  être  nécessaire  de  la  renou- 
veler à  des  intervalles  beaucoup  plus  rapprochés. 

L'énergie  des  hémospases  dépendant  de  leur  durée,  du  degré  de  vide  obtenu 
et  de  l'étendue  de  la  surface  sur  laquelle  on  opère,  doit  naturellement  être  cal- 
culée d'après  les  indications  fournies  par  chaque  cas  particuher.  Il  y  a,  en  outre, 
à  tenir  compte  de  la  diversité  des  effets  dérivatifs  de  l'hémospase  selon  qu'elle 
s'applique  aux  membres  supérieurs,  aux  membres  inférieurs,  sur  telle  ou  telle 
autre  portion  plus  ou  moins  étendue  on  sur  la  totalité  du  corps.  Le  lieu  d'élec- 
tion pour  l'application  dans  un  cas  donné  n'est  pas  indifférent  ;  il  est  indiqué 
par  la  nature  des  troubles  circulatoires,  par  le  siège,  l'étendue  et  l'intensité  des 
états  lluxiounaires  ou  phlegmasiques  auxquels  on  a  affaire. 

En  général,  les  dérivations  méroscélique  (de  y:r,p6;,  cuisse,  et  rr/.û.o:,  jambe) 
et  scélique,  doubles  ou  simples,  sont  celles  auxquelles  on  doit  avoir  le  plus 
souvent  recours.  Dans  le  traitement  de  l'aménorrhée,  les  dérivateurs  mérique, 
pelvien  on  méroscélique,  paraissent  avoir  souvent  réussi. 

Pour  les  hémorrhagies  utérines,  c'est  l'hémospase  sur  les  bras  qui  est  le 
mieux  indiquée.  Ce  mode  de  dérivation  s'est  montré  également  efficace  dans  le 
traitement  de  certaines  affections  du  cœur  et  des  organes  pulmonaires. 

L'emploi  du  dérivaleur  abdominal  est  indiqué  dans  le  traitement  de  plusieurs 
des  affections  aiguës  et  chroniques  des  organes  abdominaux. 

L'appareil  qui  s'applique  autour  du  cou  est  spécialement  destine  à  combattre 
les  inllammations  des  organes  sous-jacents. 

Enfin,  quant  au  récipient  somatique,  qui  en  raison  de  la  grande  surface  sur 
laquelle  il  agit  dépasse  beaucoup  en  puissance  tous  les  autres,  il  ne  produit  en 
revanche  qu'un  déplacement  moins  persistant.  On  n'a  d'ailleurs  que  rarement 
l'occasion  d'y  recourir  et  dans  les  cas  seulement  qui  ne  demandent  qu'un  effet 
rapide  et  passager. 

Nous  ne  saurions  trop  recommander,  en  terminant,  une  grande  prudence 
et  surtout  une  active  surveillance  dans  l'usage  de  ces  appareils,  dont  les 
effets  peuvent  n'être  pas  toujours  aussi  simples  et  aussi  inoffensifs  que  cela 
semblerait  ressortir  des  expériences  et  des  observations  rapportées  dans  les 
diverses  publications  de  leur  inventeur.  Ce  ne  serait  sans  doute  pas  tou- 
jours impunément  qu'on  pousserait  l'hémospase  jusqu'à  la  syncope  et  qu'on 
déplacerait  brusquement  une  aussi  considérable  masse  de  sang  que  celle  qu'en- 
traînerait, par  exemple,  l'application  du  récipient  somatique.  Ces  appréhensions. 


HEMOSTASE.  515 

autant  peut-être  que  la  difficulté  d'avoir  toujours  sous  la  main  une  série 
d'appareils  qui  ne  laissent  pas  que  d'être  assez  compliqués  et  de  nécessiter  un 
certain  entretien,  expliquent  pourquoi  l'emploi  de  cette  méthode  paraît  être 
resté  confiné  jusqu'à  présent  dans  d'assez  étroites  limites  {voy.  les  articles 
Congestion,  Fluxion,  Dérivation  et  Révulsion).  Brochin. 

HÉMOSTASE.  Arrêt  du  sang.  L'hémostase  peut  être  spontanée  ou  arti^ 
ficielle,  survenir  sans  ouverture  de  vaisseaux  ou  après  hémorrhagie. 

Vhémostase  spontanée  se  produit  sans  ouverture  vasculairc  dans  les  coagu- 
lations du  sang  qui  surviennent  en  cas  de  phlébite,  d'artérite,  d'anévrysnies,  de 
phlegmasia  alha  dolens,  de  thrombose  {voij.  ces  différents  mots)  ;  à  la  suite 
d'ouvertures  vasculaires,  elle  a  lieu  par  un  mécanisme  qui  a  été  décrit  suffi- 
samment à  propos  des  plaies  artérielles  et  veineuses  {voy.  les  articles  Artère, 
Veine  et  Hémorrhagie). 

Vliémostase  artificielle,  ou  chirurgicale,  doit  être  examinée  à  divers  points 
de  vue,  suivant  qu'elle  est  pratiquée  avant,  pendant  ou  après  une  opération,  ou 
à  la  suite  d'une  blessure,  ou  pour  une  hémorrhagie  pathologique,  ou  pour  des 
affections  vasculaires. 

Les  moyens  employés  pour  pratiquer  l'hémostase  chirurgicale  rentrent  dans 
plusieurs  catégories  : 

1°  Effacement  du  calibre  des  vaisseaux  sans  destruction  des  parois  :  com- 
pression médiate  par  acupressure,unciprcssion;  compression  digitale;  compres- 
sion par  divers  instruments  plus  ou  moins  compliqués  :  garrots,  tourniquets; 
compression  par  la  bande  élastique;  compression  par  la  position  donnée  aux 
membres  :  flexion  ou  extension  forcées  ;  tamponnement. 

2"  Destruction  partielle  des  parois  avec  coagulation  consécutive  du  sang 
dans  les  vaisseaux  :  ligature,  torsion,  forcipressure. 

3"  Destruction  complète  des  parois  avec  coagulation  du  sang  et  hémostase 
définitive  d'emblée  :  opérations  avec  l'écraseur,  le  thermo-  ou  le  galvano-cautère, 
la  ligature  élastique;  applications  de  fer  rouge. 

i°  Action  directe  on  indirecte  de  moyens  agissant  siir  le  sang  plutôt  que 
sur  les  vaisseaux  :  cautérisations  diverses  dans  les  varices,  les  tumeurs  érec- 
tiles;  galvano-puncture,  injections  coagulantes,  application  du  froid  dans  les 
anévrysmes;  applications  de  styptiques  sur  les  plaies,  etc. 

5°  Médication  interne  :  iodure  de  potassium;  régime  débilitant;  ergotine; 
sulfate  de  quinine;  digitale,  etc. 

Un  certain  nombre  de  ces  moyens  ont  déjà  été  exposés  suffisamment  dans 
d'autres  articles  de  ce  Dictionnaire;  nous  y  renvoyons  le  lecteur  {voy.  Acupressure, 
Amputation,  Anévrysme, Artère, Cautérisation, Compression; Ecrasement  linéaire; 
Galvano-puncture;  Ligature,  etc.).  Nous  insisterons  seulement  sur  quelques- 
uns  d'entre  eux  qui  n'ont  pu  être  décrits  au  moment  de  la  rédaction  de  ces 
articles. 

Hémostase  par  ia  compression  élastique.      Ce  moyen  a  été  appliqué  daUS  Ics 

amputations,  résections,  ablations  de  tumeurs,  etc.,  au  traitement  des  ané- 
vrysmes des  membres,  des  hémorrhagies  traumatiques,  etc. 

I.  Amputations.  Divers  chirurgiens  avaient  déjà  songé  à  rendre  et  à  conserver 
le  membre  exsangue  pendant  l'opération,  en  s'opposant  à  l'afflux  du  sang  au 
moyen  de  la  compression  avec  une  bande  roulée  sur  tout  le  membre  ou  un  lien 

DICT.  ENfi.  i°  s    Yiii  53 


514  HEMOSTASE. 

appliqué  à  sa  racine  ;  cette  dernière  idée  remonte  même  à  Ambroise  Paré  ; 
Chassaignac  en  1856,  Grandesso  Silvestri  en  1862,  A.  Richard  en  1863,  avaient 
remplacé  la  simple  corde  par  le  lien  de  caoutchouc.  Le  refoulement  du  sang  de 
l'extrémité  du  membre  vers  la  racine  est  moins  ancien  ;  d'après  Reclus,  Brun- 
ningliausen  a  conseillé,  chez  les  personnes  faibles  et  ayant  peu  de  sang  à  perdre, 
d'envelopper  le  membre  d'une  bande  de  flanelle  jusqu'au  point  oii  l'incision 
doit  être  faite,  et  cela  dans  le  but  de  diminuer  la  perte  du  sang  veineux.  C'est 
dans  le  même  but  d'économiser  le  sang  artériel  ou  veineux  qu'ont  été  faites 
plus  récemment  toutes  les  applications  de  l'hémostase  préventive  dans  les  opéra- 
tions. En  1852,  Clover.  ayant  à  pratiquer  une  amputation  de  cuisse,  fit  élever  le 
membre,  l'entoura  depuis  les  orteils  jusqu'au  périnée  avec  une  bande  étroite  en 
serrant  fortement,  et  appliqua  le  tourniquet  par-dessus  ce  bandage.  C'est  à  peine 
s'il  y  eut  du  sang  perdu.  Esmarch  lui-même  employait  ce  moyen  d'expulsion  du 
sang  veineux  dès  1855;  M.  Félix  Guyon,  en  1872,  pratiqua,  dans  quatre  grandes 
amputations,  l'élévation  du  membre  avec  la  compression  de  l'artère  principale 
à  la  racine;  enfin,  en  1875,  M.  Lannelongue  pratiqua  la  désarticulation  de  la 
hanche  après  avoir  lié  l'artère  fémorale  et  entouré  le  membre  d'une  bande  serrée 
depuis  les  orteils  jusqu'au  tronc  (Reclus,  Des  mesures  propres  à  ménager  le  sang 
pendant  les  opérations  chirurgicales.  Thèse  d'agrég.  en  chir.,  1880,  p.  85). 

C'est  en  1875,  au  Congrès  des  chirurgiens  allemands  réunis  à  Berlin, 
qu'Esmarch  communiqua  le  manuel  opératoire  et  les  premiers  résultats  fournis 
par  l'ischémie  préalable  au  moyen  de  la  compression  par  un  bandage  élastique 
dans  les  amputations.  C'est  pourquoi  on  a  donné  à  la  nouvelle  méthode  le  nom 
d'Esmarch,  bien  que  la  priorité  appartienne  aux  chirurgiens  nommés  plus  haut, 
en  particulier  à  Silvestri  {voy.  la  discussion  sur  ce  sujet  à  la  Société  de  chirur- 
gie en  1875). 

La  plupart  des  chirurgiens  ne  tardèrent  pas  à  appliquer  la  compression  élas- 
tique, à  en  étudier  les  avantages  et  les  inconvénients,  à  l'employer  dans  d'autres 
cas  oià  l'ischémie  des  tissus  ou  l'hémostase  dans  les  gros  vaisseaux  paraissait 
utile,  et  aujourd'hui  elle  est  presque  universellement  adoptée. 

Son  mode  d'apphcation  est  des  plus  simples  :  on  enroule  autour  du  membre, 
depuis  son  extrémité  jusqu'à  sa  racine,  une  bande  en  caoutchouc  de  6  centi- 
mètres de  large  et  suffisamment  longue,  en  ayant  sDin  de  ne  pas  recouvrir  les 
tours  de  bande  les  uns  par  les  autres  ;  en  serrant  assez  fort  et  en  allant  lente- 
ment, on  refoule  progressivement  le  sang  et  on  arrête  le  bandage  soit  à  la  racine 
du  membre  quand  il  s'agit  d'une  amputation  de  la  cuisse  ou  du  bras,  soit  un 
peu  au-dessus  du  siège  présumé  de  la  base  des  lambeaux  lorsqu'il  s'agit  d'une 
amputation  de  l'avant-bras  ou  de  la  jambe.  La  bande  une  fois  roulée  autour  du 
membre,  on  attend  un  peu  pour  que  la  compression  élastique  chasse  complète- 
ment le  sang  des  tissus,  puis  on  applique  sur  le  dernier  tour  de  bande  un  lien 
constricteur  également  en  caoutchouc,  de  la  grosseur  du  doigt,  terminé  à  une 
de  ses  extrémités  par  une  barrette  ou  crochet,  et  à  l'autre  par  une  chaînette;  on 
fixe  ce  lien  en  faisant  entrer  la  barrette  ou  le  crochet  dans  un  des  anneaux  de  la 
chaînette.  On  déroule  alors  la  bande  comme  on  la  roulée,  c'est-à-dire  de  l'ex- 
trémité à  la  racine.  La  pression  exercée  n'a  pas  besoin  d'être  très-forte,  puisque 
Houzé  de  l'Aulnoit  a  calculé  qu'il  fallait  une  traction  d'environ  12  kilogrammes 
pour  le  bras  et  de  15  kilogrammes  pour  la  cuisse. 

La  bande  est  généralement  appliquée  à  nu  sur  la  peau,  en  ayant  soin  toute- 
fois de  remplir  d'ouate  les  dépressions  (creux  poplité)  pour  que  la  compression 


HEMOSTASE.  515 

soit  égale,  mais,  lorsqu'il  existe  des  plaies  ou  autres  lésions,  certaines  précau- 
tions sont  à  prendre. 

En  cas  de  plaie  simple,  on  se  borne  à  la  recouvrir  de  taffetas  gomme';  lors- 
qu'il existe  des  plaies  enflammées,  phlegmoneuses,  des  arthrites  suppurées, 
fongueuses,  causes  de  l'amputation,  il  est  prudent  de  n'exercer  aucune  com- 
pression à  leur  niveau  pour  ne  pas  détacher  des  caillots  sepliques  qui,  entraînés 
dans  l'appareil  circulatoire,  iraient  provoquer  par  embolie  des  accidents  "raves 
dans  d'autres  régions. 

On  a  reproché  à  la  compression  élastique  divers  inconvénients  que  nous  allons 
examiner  {voy.  la  thèse  de  M.  de  Lagorce,  Paris,  1879.  —  Bibliographie), 

Douleur.  Dans  les  opérations  pratiquées  pendant  l'anesthésie,  comme  les 
amputations,  la  douleur  n'est  pas  perçue,  mais  dans  les  opérations  sans  anesthé- 
sie,  comme  les  ligatures  d'artères  blessées,  la  cure  des  anévrysmes,  les  malades 
accusent  d'abord  une  sensation  de  gêne,  d'engourdissement,  des  fourmillements, 
et  au  bout  d'un  certain  temps  des  douleurs  qui,  dans  plusieurs  cas,  ont  été  assez 
vives  pour  qu'on  fût  obligé  d'avoir  recours  au  chloroforme. 

Anesthésie.  Dans  plusieurs  cas,  au  contraire,  on  a  constaté  une  anesthésie 
facile  à  expliquer  soit  par  l'anémie  du  membre,  soit  par  la  compression  des 
nerfs  (Krishaber,  Chauvel,  Nicaise)  ;  il  existe  en  même  temps  un  abaissement  de 
température  de  plusieurs  degrés  (Laborde,  Morel  d'Arleux).  Cette  anesthésie 
permit  à  Esmarch  de  pratiquer  l'ablation  d'ongles  incarnés,  des  amputations  de 
phalanges,  mais  on  ne  pourrait  pratiquer  d'opérations  importantes,  car  Nicaise 
a  trouvé  que  l'anesthésie  n'existait  pas  dans  la  profondeur  des  tissus. 

Paralysies.  On  a  observé  chez  beaucoup  de  sujets,  à  la  suite  de  la  com- 
pression prolongée  pendant  une  demi-heure  environ,  des  troubles  passaoers  de 
l'innervation,  mais  plusieurs  auteurs,  Langenbeck,  Nicaise,  etc.,  ont  signalé 
des  cas  de  paralysie  persistante  des  muscles  innervés  par  le  médian  et  le  cubital. 
Rarement  on  a  observé  ces  phénomènes  de  paralysie  au  membre  inférieur. 

Les  douleurs  et  les  paralysies  dont  nous  venons  de  parler  ont  été  attribuées 
au  lien  élastique  de  petit  volume  (tube)  auquel  on  reproche  encore  de  se  briser 
parfois  quand  il  est  soumis  à  une  forte  traction,  et  d'être  difficile  à  placer  et  à 
enlever,  à  cause  de  la  disposition  du  crochet  et  de  la  chaînette  (Chauvel). 

Pour  remédier  à  ces  inconvénients,  M.  Nicaise  imagina  de  se  servir  d'une  bande 
moins  étroite  et  moins  dure,  en  tissu  élastique,  portant  dix  anneaux  sur  une 
de  ses  faces,  et  terminée  à  l'une  de  ses  extrémités  par  un  crochet  et  un  anneau 
de  préhension.  Les  anneaux  permettent  d'exercer  une  constriction  suifisante,  à  la 
volonté  de  l'opérateur.  L'opération  étant  terminée  et  les  artères  visibles  liées, 
on  desserre  progressivement  la  bande  anneau  par  anneau  ;  au  moment  où  le 
sang  sort  des  artérioles,  on  applique  rapidement  sur  elles  des  pinces  à  forci- 
pressure,  puis  la  bande  est  resserrée;  on  fait  de  nouvelles  ligatures;  celles-ci 
terminées,  la  bande  est  desserrée  de  nouveau  ;  il  ne  reste  que  quelques  petites 
artérioles  à  lier,  et  l'écoulement  de  sang  est  insignifiant. 

Pâleur  des  tissus.  La  décoloration  des  tissus  due  à  l'ischémie  peut  devenir 
une  source  de  difficultés  pour  le  chirurgien;  on  ne  peut  distinguer  les  artères 
des  nerfs;  la  limite  de  l'os  sain  d'avec  l'os  malade  (Nicaise)  ;  les  extrémités  séparées 
d'un  tendon  qu'on  veut  réunir  (D.  MoUière);  les  artérioles  et  les  veines  qui 
seront  la  caus^;  d'une  hémorrhagie  ultérieure.  D.  Mollière  a  proposé,  pour  pré- 
venir ces  difficultés,  de  ne  commencer  l'application  de  la  bande  qu'au-dessus  du 
point  où  doit  être  pratiquée  l'opération;  de  celte  manière,  le  segment   du 


516  HEMOSTASE. 

membre  situé  au-dessous  renferme  encore  une  certaine  quantité  de  sang  qui 
colore  assez  les  tissus  pour  permettre  de  les  reconnaître. 

Infiltration  sanguine  interstitielle.  Cet  accident  a  été  signalé  par  M.  Augier; 
à  la  suite  d'une  application  trop  brusque  ou  trop  rapide  de  la  bande,  il  se  fit 
dans  les  muscles  une  infiltration  sanguine  due  à  la  rupture  de  quelques  vaisseaux 
de  petit  volume.  Il  convient  donc  de  rouler  lentement  la  bande  sans  trop  serrer, 
pour  éviter  cette  rupture  (thèse  de  doct.,  Paris,  1874). 

Ile'morrhagies  consécutives.  Cet  accident  a  été  le  plus  fréquent  et  celui 
contre  lequel  s'est  le  plus  exercée  la  sagacité  des  chirurgiens.  Les  liémorrhagies 
consécutives  aux  amputations  (rarement  on  les  observe  après  les  autres  opéra- 
tions, sauf  les  résections,  où  elles  surviennent  bien  moins  souvent  toutefois) 
peuvent  être  rangées  en  trois  groupes  :  1°  hémorrhagies  immédiates,  survenant 
sous  forme  de  pluie  veineuse  et  artérielle  au  moment  où  l'on  enlève  la  bande 
élastique;  2°  hémorrhagies  précoces,  survenant  24  ou  56  heures  au  plus  tard 
après  l'opération,  ordinairement  de  o  i\  Q  heures  après  l'enlèvement  des  liens 
constricteurs  :  c'est  un  suintement  général  rutilant,  sans  tendance  à  s'arrêter 
spontanément,  et  dû  à  la  béance  de  quelques  petites  artcrioles  qui  n'ont  pu  être 
liées.  Ces  deux  variétés  d'hémorrhagics,  surtout  la  première,  ont  pour  cause 
une  paralysie  des  vaso-moteurs,  due  à  la  constriclion  prolongée  du  membre,  et  qui 
se  fait  sentir  à  toute  son  épaisseur;  les  capillaires  et  les  petits  vaisseaux  restent 
paralysés  pendant  un  certain  temps,  et  le  sang  s'écoule  de  leurs  orifices  pendant 
tout  le  temps  qu'ils  restent  sans  se  contracter.  La  peau,  d'abord  d'une  pâleur 
livide,  se  congestionne  et  acquiert  peu  à  peu  une  rougeur  érysipélateuse  sous  l'in- 
fluence de  cette  congestion  passive  ;  o»  hémorrhagies  tardives,  apparaissant  au 
bout  de  plusieurs  jours,  communes  à  toutes  les  opérations  et  déterminées  par 
une  ligature  mal  faite,  l'indocilité  du  malade,  l'athérome  artériel,  un  mauvais 
état  général  de  l'opéré  (Outrait,  Lyon  médical,  1875,  t.  XYIll,  p.  555,  598). 

M.  de  Lagorce,  qui  a  étudié  particulièrement  cette  complication  (thèse  de 
doct.,  Paris,  1879),  dit  que  beaucoup  de  chirurgiens  ont  renoncé  à  cette  ischémie 
préalable  à  cause  de  la  grande  quantité  de  sang  perdue  après  l'opération.  La 
compression  en  est  bien  la  cause,  comme  l'ont  démontré  certains  cas  :  par 
exemple,  Létiévant  ampute  à  un  blessé  les  deux  cuisses  écrasées  par  un  wagon; 
d'un  côté  il  applique  la  bande  élastique  et  il  survient  une  hémorrhagic  con- 
sécutive considérable;  de  l'autre  on  ne  l'applique  pas,  et  on  n'a  qu'un  suinte- 
ment sanguin  insignifiant. 

Divers  procédés  ont  été  employés  pour  remédier  aux  hémorrhagies  consécutives. 

M.  D.  MoUière  laisse  au-dessous  de  la  compression,  comme  nous  l'avons  dit, 
une  certaine  quantité  de  sang  qui  s'écoule  pendant  l'opération  et  suffit  pour 
indiquer  le  siège  des  petits  vaisseaux  qu'il  faut  lier  avant  d'enlever  la  bande 
élastique. 

M.  Nicaise,  après  avoir  fait  la  ligature  de  tous  les  vaisseaux  visibles,  applique 
à  la  surface  de  la  plaie  une  grosse  éponge  imbibée  d'une  solution  phéniquée  à 
2,5  pour  100;  la  paume  de  la  main  appuie  sur  celte  éponge  et  exerce  une 
certaine  compression  à  la  surface  de  la  plaie.  On  enlève  alors  le  lien  constric- 
teur; la  peau  se  congestionne  d'abord,  puis  la  congestion  disparaît  peu  à  peu 
et  alors  seulement  on  retire  l'éponge;  les  capillaires  sont  rétractés,  et,  s'il  reste 
encore  quelques  arlérioles  ouvertes,  on  les  saisit  avec  des  pinces  à  forcipressurc 
et  ou  les  lie  ensuite.  On  procède  enfin  au  pansement. 

Houzé  de  l'Aulnoit,  comme  nous  le  verrons  plus  loin,  arrête  celte  hémor- 


HÉMOSTASE.  517 

rliagle  primitive  en  tenant  le  membre  dans  une  situation  verticale  jusqu'à  ce 
que  tout  écoulement  sanguin  ait  cessé. 

Riedinger  fit  cesser  la  paralysie  des  vaso-moteurs  à  l'aide  d'un  appareil 
d'induction  dont  un  des  pôles  était  placé  au  voisinage  immédiat  de  la  plaie  et 
l'autre  directement  sur  celle-ci;  dans  bien  des  cas  les  deux  pôles  furent  appli- 
qués sur  la  plaie  {Centralbl.  f.  Chir.,  1870,  p.  705). 

Esmarch  donne  une  douche  glacée  sur  la  plaie  au  moyen  d'un  irrigateur 
chargé  d'une  solution  phéniquée  faible,  au  moment  oîi  se  fait  la  congestion,  et 
où  le  sang  commence  à  jaillir  de  toute  la  surface  cruentée. 

M.  Verneuil  a  employé  avec  avantage  la  pulvérisation  phéniquée,  aussitôt 
après  l'opération;  il  excite  ainsi  les  libres  contractiles  des  capillaires  et  Thémor- 
rhagie  s'arrête.  Il  fut  amené  à  agir  ainsi  à  la  suite  d'accidents  de  septicémie 
survenus  chez  un  sujet  amputé  de  la  cuisse  et  auquel  il  avait  appliqué  le  panse- 
ment ouaté;  le  sang  qui  avait  suinté  après  l'application  du  pansement  s'était 
putréfié,  et  l'ascension  de  la  température,  sans  complication  appréciable  pouvant 
l'expliquer,  conduisit  le  chirurgien  à  enlever  l'ouate  et  à  découvrir  la  cause  de 
l'accident  (Mém.  de  chir.,  t.  11,  p.  280). 

Gangrène  des  lambeaux.  Bien  que  cet  accident  paraisse  devoir  survenir  par 
suite  des  troubles  circulatoires  qui  se  manifestent  sous  l'influence  de  la  com- 
pression, il  n'a  été  signalé  que  par  Bruns,  dans  deux  cas,  et  encore  n'y  en  a-t-il 
qu'un  seul  où  l'on  doive  l'attribuer  à  cette  compression. 

Phlébite  variqueuse.  La  présence  de  varices  aux  membres  inférieurs  paraît 
constituer  une  contre-indication  à  l'emploi  de  la  compression  élastique  dans  les 
opérations  sur  le  pied.  En  effet,  dans  un  cas  cité  par  M.  Augier,  il  survint  une 
phlébite  de  la  saphène  externe  suivie  de  deux  abcès  au  niveau  même  du  point 
comprimé  par  le  lien. 

II.  Autres  opérations.  La  compression  élastique  a  été  pratiquée  sans  modi- 
fications du  manuel  opératoire  exposé  précédemment  dans  les  résections  arti- 
culaires, l'amputation  de  la  verge,  des  ablations  de  tumeurs  des  membres^ 
des  extractions  de  séquestres,  la  recherche  de  bouts  artériels  dans  une  plaie. 
DeLagorce  rapporte  plusieurs  faits  de  ce  genre  dus  àNicaisc,  LeDeutu,  Le  Fort. 

En  pareil  cas,  la  compression  élastique  peut  être  quelquefois  plus  nuisible 
qu'utile;  chez  un  blessé  atteint  de  plaie  de  l'artère  cubitale,  M.  Verneuil  n'a  pu 
trouver  ce  vaisseau,  qui  présentait  une  anomalie  de  siège;  il  fallut  enlever  la 
bande  et  laisser  jaillir  le  sang  pour  découvrir  et  fermer  la  source  de  l'hémor- 
rhagie  [Bull,  de  la  Soc.  de  chir.,  1877,  p.  678). 

Signalons  encore  l'application  que  B.  Cohn  a  faite  de  la  compression  élastique 
au  traitement  des  phlegmons  des  membi'es;  grâce  à  l'ischémie,  il  obtint  une 
diminution  immédiate  et  durable  du  gonflement  et  de  la  douleur,  dans  deux  cas 
de  phlegmon  et  dans  un  cas  de  tumeur  blanche  du  genou  il  y  eut  une  amélio- 
ration très-marquée  [Berliner  klinische  Wochenschr.,  1877,  p.  647). 

III.  A>ÉVRYSMES  DES  MEMBRES.  L'appUcation  de  la  compression  élastique  au 
traitement  de  ces  affections  a  été  proposée  presque  à  la  même  époque  (1875)  en 
Italie  par  G.  démenti,  de  Padoue,  et  en  Angleterre  par  Walter  Reid,  chirurgien 
de  la  marine.  On  trouvera  les  documents  relatifs  à  cette  question  aux  sources 
suivantes  :  Waquet,  thèse  de  doct.,  Paris,  1877;  —  L.-H.  Petit,  Bull.  gén.  de 
thérap.,  mai  et  juin  1878;  —  G.  Poinsot,  Bull,  et  mém.  de  la  Soc.  de  chir., 
1880,  p.  570,  et  1881,  p.  42;  —  Titans,  of  the  internat,  med.  Congress, 
London,  1881,t,  II. 


518  HÉMOSTASE. 

Le  mode  d'application  de  la  bande  élastique  dans  le  traitement  des  anévrysmes 
ne  diffère  pas  sensiblement  de  celui  auquel  on  a  recours  dans  l'amputation. 
Le  but  que  s'est  proposé  la  grande  majorité  des  cbirurgiens  a  été  l'arrêt  total 
du  sang  dans  tout  le  membre  :  aussi  la  compression  a-t  elle  toujours  été  assez 
forte,  mais  en  même  temps,  comme  on  voulait  éviter  de  briser  ks  caillots  qui 
auraient  pu  se  trouver  dans  le  sac,  on  a  cessé  de  comprimer  depuis  la  limite 
inférieure  de  l'anévrysme  jusqu'à  sa  partie  supérieure.  Dans  ce  but,  la  bande 
étant  roulée  avec  soin  depuis  les  orteils  jusqu'à  la  limite  inférieure  de  l'ané- 
vrysme, on  l'a  arrêtée  en  ce  point  et  on  en  a  pris  une  autre  pour  la  partie  située 
au-dessus  de  la  tumeur,  ou  bien,  on  a  simplement  fait  passer,  sans  serrer,  la 
bande  sur  l'anévrysme  pour  recommencer  la  pression  au-dessus.  Les  uns  ont  mis 
une  coucbe  d'ouate  sur  la  tumeur;  les  autres  ont  laissé  celle-ci  à  découvert; 
quelques  chirurgiens,  avant  d'appli(iuer  la  bande  élastique,  ont  roulé  sur  le 
membre  une  bande  de  flanelle  en  s'arrètant  aussi  au  niveau  de  l'anévrysme,  etc. 
Une  précaution  importante  consiste  à  faire  tenir  le  malade  debout  dès  que  la 
bande  élastique  est  arrivée  à  la  limite  inférieure  du  sac,  afin  de  remplir  celui-ci 
de  sang.  On  termine  ensuite  le  bandage  et  on  replace  le  malade  dans  son  lit, 
la  jambe  étendue  horizontalement  ou  un  peu  élevée  sur  des  coussins. 

On  a  proposé,  pour  activer  la  formation  des  caillots  dans  le  sac,  de  faire, 
après  l'application  do  la  bande  claslitiue,  des  injections  coagulantes  (Reid),  ou 
la  galvano-puncturc  (C.ampbcU),  ou  enfin  d'exercer  de  légères  manipulations 
non  pour  détacher  les  caillots  déjà  formés,  mais  pour  favoriser  le  dépôt  de 
nouvelles  couches  de  fibrine  sur  les  caillots  existants  déjà. 

La  durée  moyenne  de  la  compression  est  d'une  heure  ;  dans  quelques  cas  on 
l'a  prolongée  deux  heures,  deux  heures  et  demie  et  une  fois  six  heures,  quoique 
sans  succès  ;  une  autre  fois  sept  heures  vingt  minutes  (Weir),  mais  avec  des 
accidents  consécutifs  graves  {voy.  plus  loin). 

Après  l'ablation  du  bandage,  la  coagulation  du  sang  dans  le  sac  n'étant  pas 
complète,  on  a  comprimé  l'artère  au-dessus  soit  avec  un  tourniquet,  ou  un  sac  de 
plomb,  soit  avec  le  doigt.  Cette  compression  adjuvante  peut  être  faite  pendant 
quatre  ou  cinq  heures,  puis  on  explorera  le  sac  et,  si  les  battements  s'y  font 
encore  sentir,  on  la  continuera  quelque  temps  encore  pour  recommencer  ensuite 
le  même  examen.  On  ne  la  cessera  qu'après  la  disparition  complète  des  batte- 
ments et  la  solidiijcation  du  contenu  du  sac.  Si  néanmoins  les  battements  per- 
sistaient plusieurs  jours,  il  ne  faudrait  pas  en  conclure  à  un  insuccès  définitif 
de  la  compression  élastique;  on  pourrait  encore  faire  une  nouvelle  application 
de  la  bande,  comme  Sydney  Jones,  Manifold,  etc.,  et  obtenir,  comme  eux,  un 
bon  résultat. 

Les  succès  fournis  par  ce  mode  de  traitement  plaident  beaucoup  en  sa  faveur, 
puisque  sur  57  cas  recueillis  par  Poinsot  il  y  eut  27  guérisons,  soit  72,97 
pour  100  de  succès,  sans  aucun  accident  grave  directement  imputable  à  la  com- 
pression élastique.  Cette  méthode  a  réussi  d'ailleurs  dans  plusieurs  cas  où  les 
autres  moyens  de  compression  avaient  échoué;  elle  ne  nécessite  aucune  habileté 
spéciale,  aucun  appareil  particulier,  est  d'une  application  facile  et  amène  rapi- 
ment  la  guérison  :  il  paraît  donc  indiqué  d'y  avoir  recours  avant  d'essayer  une 
autre  méthode  ou  un  autre  procédé,  son  emploi  n'empêchant  point  la  mise  en 
œuvre  ultérieure  de  ces  procédés  ou  méthodes. 

Les  anévrysmes  poplités,  les  plus  fréquents  de  tous,  ont  été  le  plus  souvent 
traités  par  la  compression  élastique;  celle-ci  convient  également  aux  anévrysmes 


HÉMOSTASE.  519 

de  la  partie  inférieure  de  l'artère  fémorale,  de  la  tibiale  antérieure  et  postérieure, 
aux  anévrysmes  du  membre  supérieur,  mais  non  à  ceux  de  la  racine  du  bras 
ou  de  la  cuisse.  Les  anévrysmes  traumaliques  paraissent  guérir  mieux  que  les 
anévrysmes  spontanés,  et  les  circonscrits  que  les  diffus,  bien  que  Gersuny  et 
Raab  aient  cité  deux  beaux  cas  de  guérison  de  ce  dernier  genre.  L'insuccès  dans 
la  cure  des  anévrysmes  spontanés,  d'origine  le  plus  souvent  atliéromateuse, 
paraît  tenir  à  ce  que  l'athérome  artériel  s'oppose  à  l'effacement  du  calibre  du 
vaisseau  par  la  compression  médiate  et  par  suite  n'empêche  pas  l'afflux  du  sang 
dans  le  sac  anévrysmal. 

Les  accidents  consécutifs  à  la  compression  élastique  dans  le  traitement  des 
anévrysmes  des  membi'es  paraissent  très-rares,  bien  que  plusieurs  malades  fussent 
débilités,  alcooliques,  ou  atteints  de  syphilis,  d'albuminurie,  etc. 

Cependant  on  s'est  demandé  si  la  quantité  de  sang  refoulée  dans  le  système 
circulatoire  d'individus  atteints  d'anévrysmes,  et  par  cela  même  d'une  altération 
assez  profonde  et  plus  ou  moins  étendue  des  parois  vasculaires,  n'exercerait  pas 
une  influence  nocive  sur  d'autres  points  de  ce  système. 

D'après  de  Lagorce,  «  Bruns  a  essayé  de  reclierclier  la  quantité  de  sang  que  la 
compression  élastique  pouvait  refouler  du  membre  ischémie  vers  le  tronc;  les 
expériences  qu'il  a  instituées  à  ce  sujet  lui  font  admettre  que  le  pied  et  la  jambe, 
par  exemple,  ne  renferment  que  144  centimètres  cubes  de  sang,  dont  70  centièmes 
seulement  sont  refoulés  vers  le  tronc  par  la  bande  élastique.  La  pléthore  relative 
qui  succède  à  l'application  de  la  bande  se  manifeste  à  peine  du  côté  de  la  circulation. 
Suivant  MM.  Chauvel  et  Leroy,  le  pouls  serait  très-légèrement  ralenti  de  quelques 
pulsations  et  quelquefois  resterait  normal.  Le  tracé  sphygmographique  présen- 
terait des  caractères  opposés  à  ceux  que  Marey  donne  comm.e  caractéristiques  de 
l'augmentation  dépression;  la  ligne  d'ascension  serait  plus  longue  et  plus  droite 
qu'à  l'état  normal,  à  sommet  très-aigu,  avec  un  dicrotisme  plus  accentué;  les 
bruits  du  cœur  seraient  momentanément  mieux  frappés.  La  température  subit 
des  modifications  insignifiantes,  la  respiration  est  normale  ;  on  a  signalé  seulement 
quelques  cas  de  syncope  et  de  malaise  qui  ont  nécessité  la  levée  de  l'appareil.  » 

Dans  un  cas  deWagstaffe,  le  malade,  atteint  d'anévrysme  poplité,  guérit  par- 
faitement par  la  compression  élastique,  mais  cinq  mois  après  il  mourut  subite- 
ment de  rupture  d'un  anévrysme  de  l'aorte  dans  le  péricarde.  On  peut  admettre 
que  le  refoulement  du  sang  par  la  compression  élastique  a  exercé  sur  le  dévelop- 
pement de  l'anévrysme  secondaire  une  certaine  influence,  car  chez  un  malade 
de  Weir,  atteint  de  dégénérescence  graisseuse  du  cœur,  la  mort  survint  vingt- 
sept  heures  après  la  cessation  de  la  compression  faite  pour  un  anévrysme  poplité. 
M.  Verneuil,  qui  rapporte  ce  fait,  pense  que  la  mort  doit  être  attribuée  à  l'état 
morbide  antérieur  du  cœur,  et  peut-être  des  poumons  atteints  de  tuberculose. 
La  compression  avait  été  prolongée,  dans  deux  séances  successives,  quatre  heures 
trente-cinq  miimtes  et  sept  heures  vingt  minutes,  ce  qui  est  excessif:  aussi  dès 
le  lendemain  y  eut-il  sphacèle  des  orteils. 

Dans  un  autre  cas,  de  Rivington,  il  existait  de  l'œdème  du  membre;  on 
appliqua  néanmoins  la  compression  élastique,  qui  fut  suivie  également  de  spha- 
cèle. La  compression  élastique  prolongée  paraît  donc  contre-indiquée  dans  les 
cas  où  il  existe  en  même  temps  une  affection  du  système  circulatoire  {Bull,  de 
la  Soc.  de  chir.,  1880,  p.  577). 

La  douleur  constatée  dans  la  plupart  des  observations  a  été  assez  vive  dans 
quelques  cas  pour  forcer  le  chirurgien  à  enlever  la  bande  et  à  renoncer  à  la 


5-20  HÉMOSTASE. 

méthode;  cette  douleur  n'est  pas  particulière  à  la  compression  élastique,  car 
elle  a  été  notée  de  même  lorsqu'on  a  employé  les  divers  autres  modes  de  com- 
pression mécanique  et  la  compression  digitale.  Néanmoins  la  compression  exercée 
avec  le  lien  constricteur  ayant  paru  insupportable,  on  a  cru  devoir  l'alténuev  à 
l'aide  de  l'anesthésie,  soit  locale,  par  les  injections  hypodermiques  de  morphine, 
soit  générale,  par  les  inhalations  d'éther  ou  de  chloroforme.  On  a  pu  ainsi  prolonger 
suffisamment  la  compression  pour  obtenir  la  solidification  du  sang  dans  le  sac. 
lY.  Signalons  encore  une  belle  application  de  la  bande  élastique  pour  remédier 
aux  hémorrhagies  puerpérales  graves.  Dans  un  cas  de  ce  genre,  M.  le  docteur 
Prouff,  de  Plouescat  (Finistère),  appelé  auprès  d'une  femme  presque  exsangue, 
appliqua  d'abord  une  bande  élastique  sur  tout  le  membre  inférieur  droit;  un 
mieux  sensible  survint;  des  douleurs  se  manifestant  dans  le  membre,  on  enleva 
la  bande,  mais  après  en  avoir  appliqué  une  seconde  sur  le  membre  gauche.  Au 
bout  de  deux  heures  de  celle  auto-transfusion  (Guéniot).  On  enleva  définitive- 
ment la  bande.  La  guérison  eut  lieu  sans  encombre  {Bull,  et  mém.  de  la  Soc, 
de  chir.,  1879,  p.  500). 

Forcipressure.  Ce  mot,  Créé  par  M.  Verneuil,  sert  à  désigner  l'emploi  des 
pinces  comme  moyen  d'hémostase  par  compression  d'un  vaisseau  entre  les  mors 
de  ces  pinces  laissées  à  demeure  pendant  un  temps  plus  ou  moins  long,  variant 
de  quelques  minutes  à  plusieurs  heures. 

Ce  moyen  a  déjà  été  pratiqué  à  la  fin  du  siècle  dernier  par  Desault  et  Percy. 
Sans  vouloir  insister  ici  sur  l'historique  de  la  forcipressure,  qui  a  été  traité 
avec  tous  ses  détails  par  M.  Yerneuil  dans  le  mémoire  qu'il  a  lu  à  la  Société  de 
chirurgie  en  1875,  nous  pouvons  dire  que  divers  chirurgiens  ont  eu  recours 
pendant  les  opérations  à  l'hémostase  temporaire  au  moyen  de  pinces  à  verrous, 
de  serres-fines  (Vidal  de  Cassis,  Ancelet),  de  serres-fortes  (Sédillot),  jusqu'au  jour 
où,  en  1865,  M.  Kœberlé  modifia  la  pince  à  anneaux  de  Charrière  en  y  ajoutant 
un  cran  d'arrêt,  et  songea  à  l'utiliser  comme  agent  d'hémostase  en  chirurgie 
courante;  cette  pince  figurait  à  l'Exposition  universelle  de  1867;  les  pinces 
hémostatiques,  proposées  de  nouveau  en  1867  par  ÎNunneley  (de  Leeds),  furent 
modifiées  en  1868  par  M.  Péan,  qui  en  fit  construire  de  divers  modèles  dans  le 
but  de  les  employer  d'une  manière  exclusive  dans  les  opérations. 

Les  documents  relatifs  à  celte  question  ont  été  communiqués  en  1874  à  la 
Société  de  chiruigie  par  M.  Kœberlé,  puis  par  M.  Yerneuil  eu  novembre  1874  et 
le  4  janvier  1875,  etc.  :  c'est  le  premier  travail  complet  sur  la  question;  le  16  et 
le  23  janvier  1875  parurent  dans  la  Gazette  médicale  de  Paris  les  leçons  de 
M.  Péan,  professées  l'année  précédente  et  recueillies  par  MM.  Deny  et  Exchaquet. 
M.  Kœberlé  fit  connaître  qu'il  employait  ses  pinces  comme  moyen  d'hémostase 
définitive  sur  les  petits  vaisseaux,  et  seulement  comme  moyen  temporaire  sur 
les  artères  de  gros  calibre.  Sur  celles-ci  il  appliquait  un  fil  à  ligature  à  la  fin 
de  l'opération.  M.  Péan  voulait  supprimer  complètement  la  ligature  et  employer 
les  pinces  d'une  manière  méthodique,  raisonnée,  pour  obtenir  l'hémostase  tem- 
poraire, définitive  et  préventive,  pour  toutes  les  artères  et  dans  les  opérations 
de  longue  durée  [voy.  la  thèse  de  Delage,  Paris,  1878).  La  publication  de  ces 
travaux  a  contribué  pour  une  large  part  à  vulgariser  d'une  manière  définitive  la 
forcipressure  en  chirurgie  opératoire. 

Les  premières  applications  de  la  forcipressure  ont  été  faites  dans  des  circon- 
stances imprévues  où  le  chirurgien  s'est  trouvé  dans  l'impossibilité  absolue  d'ar- 


HEMOSTASE.  521 

rèter  l'hémorrhagie  d'une  autre  manière;  ayant  une  pince  sous  la  main,  il  l'a 
placée  sur  le  vaisseau  et  l'a  laissée  jusqu'à  ce  qu'il  pensât  que  l'hémostase  était 
assurée. 

Cette  forcipressure  de  nécessité,  comme  l'a  appelée  M.  Verneuil,  a  été  prati- 
quée avec  des  pinces  diverses,  soit  la  pince  à  pansement,  soit  la  pince  à  liga- 
ture, la  serre-fine,  etc.  Les  bons  résultats  obtenus  dans  ces  cas,  qui  paraissaient 
désespérés,  ont  attiré  peu  à  peu  l'attention  des  chirurgiens  sur  cette  méthode, 
jusqu'au  jour  où  la  réunion  par  M.  Verneuil  des  faits  publiés  mit  en  lumière 
d'une  manière  définitive  tous  les  services  qu'on  en  pouvait  attendre. 

La  fabrication  de  pinces  pouvant  répondre  à  tous  les  besoins  permit  alors 
d'employer  la  forcipressure  dans  presque  toutes  les  opérations  sanglantes.  M.  Ver- 
neuil avait  en  effet  démontré  :  que  la  forcipressure  était  d'une  exécution  facile 
et  rapide,  peu  douloureuse,  permettant  aux  chirurgiens  d'opérer  presque  sans 
aides;  que  le  séjour  des  pinces  au  milieu  des  tissus  était  absolument  inoffensif 
et  ne  donnait  lieu  à  aucun  travail  inflammatoire.  Mais,  bien  qu'il  eiit  ajouté 
qu'elle  n'exigeait  aucun  instrument  spécial,  on  ne  pouvait  cependant,  pour  les 
opérations  dans  les  cavités,  s'en  tenir  à  la  pince  à  pansement  ou  à  polypes  ; 
aussi  les  varia-t-on  de  mille  manières. 

Les  instruments  dont  on  s'est  servi  sont  en  effet  de  divers  modèles  comme 
longueur,  épaisseur  et  disposition  des  branches,  et  des  mors,  qui  sont  droits, 
courbés  en  T,  triangulaires,  losangiques,  etc.  Leur  mode  d'application  diffère 
suivant  l'organe  opéré,  et  nous  devons  renvoyer  aux  opérations  pratiquées  sur 
les  divers  organes  {langue,  utérus,  amputatio7is,  ablations  de  tumeurs,  etc.). 
Dans  les  opérations  sur  la  surface  externe  du  corps  on  applique  facilement  les 
pinces  sur  tous  les  vaisseaux,  au  fur  et  à  mesure  de  leur  division,  et  on  ne  fait 
la  ligature  qu'à  la  fin  ou  lorsque  le  nombre  des  pinces  dans  le  champ  opéra- 
toire devient  gênant  pour  le  chirurgien.  Cette  application  successive  des  pinces 
au  cours  d'une  opération  diminue  beaucoup  la  durée  de  celle-ci.  Lorsque  par 
suite  de  la  situation  profonde  du  vaisseau  la  ligature  est  trop  difficile  ou  parfois 
impossible,  on  peut  laisser  la  pince  en  place  vingt -quatre  ou  quarante-huit 
heures  jusqu'à  ce  que  la  formation  du  caillot  ait  assuré  l'hémostase. 

Celle-ci  se  produit  par  l'écrasement  des  tuniques  interne  et  moyenne  de  l'ar- 
tère et  par  la  formation  d'un  caillot;  dans  les  petites  artères,  l'écrasement  suffit 
à  lui  seul  pour  assurer  l'hémostase;  on  peut  alors  retirer  les  pinces  au  bout 
d'un  quart  d'heure,  d'une  demi-heure,  c'est-à-dire  après  l'opération,  avant  le 
pansement;  pour  les  artères  de  moyen  calibre,  du  volume  de  la  l'adialc  ou  des 
artères  utérines,  par  exemple,  il  faut  laisser  les  pinces  en  place  de  vingt-quatre  à 
quarante-huit  heures.  Les  tuniques  artérielles  adhèrent  alors  entre  elles,  et, 
avec  l'aide  du  caillot,  cet  accolement  des  parois  constitue  l'hémostase  tempo- 
raire; il  se  développe  ensuite  une  endartérite,  localisée  à  l'extrémité  des  vaisseaux, 
dont  les  végétations  forment  une  cicatrice  qui  détermine  l'hémostase  définitive. 

Ces  termes  d'hémostase  préventive,  temporaire  et  définitive,  ont  encore  été 
employés  dans  un  autre  sens  par  M.  Péan. 

L'hémostase  préventive  se  pratique  dans  certaines  régions  où  les  pinces  peu- 
vent être  appliquées  sur  les  vaisseaux  importants  qui  s'y  rendent  et  empêcher 
ainsi  l'hémorrhagie  pendant  l'opération  :  telles  sont  les  ablations  de  tumeurs 
pédiculées,  les  opérations  sur  les  lèvres,  les  joues,  le  nez,  la  langue;  sur  les 
lèvres  du  bec-de-lièvre  pendant  l'avivement  pour  empêcher  Thémorrhagie  par 
les  coronaii'es  labiales;  sur  le  scrotum  pendant  la  castration;  sur  les  ligamentii 


522  HÉMOSTASE. 

larges  de  l'utérus  pendant  l'hystérectoraie  vaginale  (Richelot).  Les  pinces  peuvent 
rester  jusqu'à  ce  qu'on  pense  que  le  caillot  est  forme',  comme  dans  la  castration 
et  l'hystérectomie,  ou  être  enlevées  après  l'application  des  épingles  ou  des  sutures, 
comme  dans  le  bec-de-lièvre. 

V hémostase  temporaire  consiste  dans  l'application  des  pinces  sur  les  vais- 
seaux divisés  dans  une  opération,  ou  après  celle-ci  quand  on  enlève  la  bande 
élastique,  par  exemple,  après  les  amputations  suivies  d'hémorrhagies  en  nappe. 
Lorsque  tons  les  vaisseaux  sont  saisis  et  l'bémorrhagie  arrêtée,  on  jette  un  fil 
sur  les  plus  gros,  on  tord  les  plus  petits,  et  on  enlève  les  pinces  au  fur  et  à  mesure 
pour  procéder  au  pansement  ou  aux  sutures,  comme  dans  l'ovariotomie,  ou  dans 
les  opérations  oià  il  est  nécessaire  de  ne  pas  laisser  de  corps  étranger  dans  la  plaie. 

V  hémostase  définit  ire  consiste  à  laisser  les  pinces  sur  les  vaisseaux  depuis 
le  moment  de  l'opéralion  jusqu'à  celui  où  on  pense  que  le  caillot  est  assez 
résistant  pour  former  une  barrière  efficace  au  sang.  Elle  remplace  alors  la  liga- 
ture, mais  ne  peut  s'appliquer  aux  artères  d'un  gros  calibre,  à  la  fémorale,  par 
exemple.  Dans  les  amputations  pratiquées  de  cette  manière,  les  pinces  sont 
ramenées  dans  les  angles  de  la  plaie,  qu'on  réunit  et  qu'on  panse  comme  à  l'or- 
dinauc,  les  pinces  servant  en  quelque  sorte  de  drain.  On  les  entoure  d'ouate 
antiseptique,  de  gaze  iodoformée,  etc.,  pour  qu'elles  n'irritent  pas  les  tissus.  On 
agit  de  même  pour  les  pinces  laissées  dans  le  vagin  après  l'hystérectomie.  On 
peut  remplacer  les  pinces  par  un  drain  après  leur  ablation. 

La  forcipressure  a  été  aussi  employée  à  la  cure  des  anévrysmes,  en  appliquant 
une  pince  au  lieu  de  la  ligature  sur  l'artère  mise  à  nu  au-dessus  de  la  tumeur, 
mais  cette  manière  de  faire  est  restée  à  l'état  d'exception. 

Uncipresslon.  Ce  moyen,  imaginé  par  Vanzetli  (de  Padoue)  pour  arrêter  les 
hémorrbagies  artérielles,  consiste  à  appliquer  dans  une  plaie  profonde,  dont  on 
ne  peut  pratiquer  l'hémostase  par  les  moyens  ordinaires,  des  crochets  portés 
dans  le  fond  de  la  plaie  ;  ces  crochets  maintiennent  les  bords  de  la  plaie  écartés, 
et,  par  suite  de  leur  pression  sur  le  vaisseau,  ou  du  changement  de  direction 
qu'ils  lui  impriment,  arrêtent  l'hémorrhagie.  Comme  ces  crochets  doivent  rester 
assez  longtemps  en  place,  vingt-quatre  à  quarante-huit  heures,  et  qu'il  faut 
obtenir  une  tension  continue,  on  les  fixe  à  un  gros  fil  et  l'autre  extrémité  de 
celui-ci  à  im  point  immobile,  le  bois  du  lit,  un  bâton,  ou  mieux  l'appareil  des- 
tiné à  immobiliser  le  membre.  La  douleur  causée  par  les  crochets  est,  en  général, 
passagère  et  moindre  que  celle  que  produirait  une  pince. 

M.  Verneuil,  qui  fit  un  rapport  sur  le  mémoire  de  Yanzetti  à  la  Société  de 
chirurgie,  dit  que  l'uncipression  est  passible  d'un  certain  nombre  des  objections 
justement  adressées  à  l'acupressure,  dont  elle  se  rapproche  d'ailleurs  sous  plus 
d'un  rapport  (Bull,  de  la  Soc.  de  chir.,  1874,  p.  562). 

Quoi  qu'il  en  soit,  la  grande  vogue  obtenue  par  la  forcipressure  depuis  cette 
époque  a  fait  oublier  l'uncipression. 

Hémostase  par  attitude  du  membre.  La  flexion  OU  l'extension  forcées  de 
l'avant-bras  sur  le  bras  déterminent  l'arrêt  du  pouls  radial;  dans  la  demi- 
flexion  du  membre,  on  obtient  le  même  résultat  par  une  contraction  volontaire 
et  énergique  du  biceps;  c'est  sur  la  circulation  artérielle  qu'on  a  prise  par  ces 
moyens,  qui  ont  déjà  été  appliqués  plus  d'une  fois;  l'hémorrhagie  de  la  main 
s'arrête  en  pareil  cas  par  suspension  de  l'abord  du  sang,  et  l'hémostase  exige 


HÉMOSTASE.  525 

une  tension  violente  du  tendon  aponévrotique  du  biceps.  La  même  attitude  du 
membre,  sans  contraction  volontaire  du  muscle,  peut  ne  pas  modifier  l'apport 
du  sang  artériel,  mais  gêner  seulement  le  retour  veineux,  parce  qu'alors  l'ex- 
pansion fibreuse  du  biceps  n'est  pas  suffisamment  tendue  pour  effacer  le  calibre 
des  deux  ordres  de  vaisseaux. 

Dans  un  cas  d  h-imorrhagie  provenant  de  l'incision  d'un  panaris  du  pouce, 
mais  incoercible  parce  que  le  membre  était  dans  celte  atiitude,  M.  Yerneuil 
ordonna  au  malade  de  laisser  retomber  son  bras  et  fit  cesser  toute  contraction 
musculaire;  l'hémorrhagie  s'arrêta  aussitôt  {Gaz.  hehd.,  1862,  p.  645). 

Dans  une  intéressante  thèse  soutenue  en  1867  sur  les  mouvements  forcés  et 
leur  emploi  thérapeutique,  M.  Merlateau  a  démontré  que  l'extension  forcée 
pouvait  diminuer  et  même  arrêter  complètement  la  circulation  du  sang  dans  les 
artères  en  déterminant  l'aplatissement  des  vaisseaux,  et  que  la  flexion  forcée 
pouvait  obtenir  le  même  résultat  en  produisant  un  angle  aigu  du  vaisseau  au 
niveau  de  la  flexion.  On  trouvera  dans  cette  thèse  tous  les  documents  relatifs  à 
la  question  et  en  particulier  ceux  qui  ont  été  fournis  à  l'auteur  par  M.  Verneuil 
sur  les  modifications  de  la  circulation  du  membre  supérieur  pendant  la  flexion 
forcée  de  l'avant-bras  sur  le  bras  {Juiirn.  de  physioL,  1858,  t.  1,  p.  506). 

La  thèse  de  iM.  Stopin  (Paris,  1869)  renferme  encore,  sur  le  traitement  de 
l'anévrysme  poplité  par  la  flexion  de  la  jambe  sur  la  cuisse,  des  documents 
nombreux  qui  n'ont  pu  être  insérés  dans  l'article  Axévrysme. 

Élévation  verticale  du  membre.  Ce  procédé  d'hémostase  a  été  imaginé  et 
érigé  en  précepte  par  Houzé  de  l'Aulnoit  en  1876. 11  consiste,  après  une  blessure 
vasculaire  ou  une  opération  (amputation  de  parties  des  membres),  à  maintenir  le 
membre  entier  ou  le  moignon  dans  la  position  verticale  pendant  un  temps  qui 
varie  de  deux  à  huit  heures,  lorsqu'on  ne  peut  faire  la  ligature. 

En  1849,  Malgaigne  avait  tenté  d'obtenir  l'hémostase  en  fléchissant  à  angle 
droit  l'avant-bras  sur  le  bras  et  en  maintenant  l'avant-bras  dans  une  position 
verticale  à  l'aide  de  coussins,  mais  celte  idée  était  tombée  dans  l'oubli. 

Houzé  de  l'Aulnoit  recommandait  d'avoir  recours  à  l'élévation  verticale  du 
membre  après  avoir  enlevé  le  bande  élastique.  Si  les  vaisseaux  principaux  du 
membre  donnent,  on  en  fait  la  ligature,  sans  s'occuper  des  petits  vaisseaux,  qui 
se  ferment  par  la  position  verticale. 

Lorsque  l'hémorrhagie  est  arrêtée  et  la  plaie  exsangue,  on  peut  appliquer  le 
pansement,  qui  est  toujours  antiseptique.  Eu  1881,  au  moment  de  la  commu- 
nication de  ce  procédé  au  Congrès  de  l'Association  française  pour  l'avancement 
des  sciences,  à  Alger,  Houzé  de  l'Aulnoit  l'avait  employé  avec  succès  dans  vingt 
cas  :  quatre  grandes  amputations,  dont  une  de  l'avant-bras  au  tiers  moyen,  une 
désarticulation  du  poignet  chez  un  adulte  et  une  de  jambe  au  tiers  supérieur 
chez  un  enfant,  et  une  autre  chez  un  adulte,  avec  ligature  seulement  des  gros 
troncs;  —  se[jt  amputations  de  doigts;  — six  cas  d'hémorrhagie  de  la  main  ou 
de  l'avant-bras  ;  — deux  résections  très-étendues  du  tibia  (vo(/.  Comptes  rendus 
du  Congrès  d'Alger,  p.  812,  et  aussi  la  thèse  de  Prévost,  Lille,  1881). 

Ce  procédé  fut  aussi  l'objet  d'une  communication  de  Lister  à  l'Académie  de 
médecine  de  Paris  en  1878;  il  démontra  les  effets  physiologiques  de  l'élévation 
verticale  du  membre  sur  la  circulation,  qui  est  très-ralentie  et  même  suspendue 
dans  les  artères,  et  la  reconnut  comme  moyen  puissant  d'hémostase.  U  l'avait 
employée  avec  succès  dans  une  désarticulation  du  poignet  où  il  n'avait  pu  trouver 
l'artère  cubitale  qui  continuait  à  donner  du  sang. 


524  HÉMOSTASE. 

M.  Gosselin,  en  1878,  et  M.  Desprës,  en  1879,  y  eurent  également  recours 
avec  succès  dans  plusieurs  cas  d'hémorrhagie  de  la  paume  de  la  main  [voy. 
la  thèse  de  Zigliara,  Paris,  1879). 

En  1880,  Esraarcli,  sans  citer  les  travaux  antérieurs,  fit  au  Congrès  de  Berlin 
une  communication  sur  le  même  sujet. 

Houzé  de  l'Aulnoit  recommande  de  se  mettre  en  garde  contre  quelques  causes 
d'insuccès;  l'hémorrhagie  peut  survenir  après  le  pansement,  si  celui-ci  exerce 
une  compression  trop  forte  au-dessus  du  foyer  traumatique  :  il  faut  donc  avoir 
soin  que  la  compression  soit  exactement  répartie,  ou  plus  forte  à  l'extrémité  du 
moignon  que  dans  le  reste  du  pansement;  elle  peut  encore  avoir  lieu  par  suite 
d'un  épanchement  de  sang  sous  la  peau  ou  sous  l'aponévrose  par  le  fait  du 
pansement  et  comprimant  les  veines  au-dessus  de  la  plaie;  enfin,  par  l'étran- 
glement des  parties  molles,  dû  à  l'inflammation  des  tissus  situés  entre  les 
vaisseaux  divisés  et  la  partie  supérieure  du  membre. 

De  rhémostase  dans  les  amputations  sans  compression  préalable»      M.  \orneiul 

a  préconisé  en  1870  une  mélliode  opératoire  consistant  à  faire  l'amputation  des 
membres  comme  s'il  s'agissait  d'enlever  une  tumeur,  c'ost-à-dire  de  sectionner 
les  tissus  à  petits  coups,  tout  en  donnant  aux  lambeaux  la  forme  voulue,  et  de 
lier  les  vaisseaux  au  fur  et  à  mesure  de  leur  division.  Xolre  maître  avait  été 
conduit  à  cliercher  les  procédés  de  celte  méthode  à  la  suite  de  quelques  cas  de 
phlébite  survenue  après  la  compression  digitale  au  pli  de  l'ahie  dans  les  ampu- 
tations de  la  cuisse  et  de  la  jambe;  les  malades  étant  morts  de  pyohémie,  on 
avait  pensé  que  cette  complication  pouvait  être  attribuée  jusqu'à  un  certain 
point  à  la  pénétration  de  fragments  de  caillots  septiques  dans  le  torrent  circu- 
latoire et  provenant  de  la  phlébite  ingumale.  J'ai  moi-même  contribué  à  établir 
l'importance  de  ces  accidents  [Gaz.  hebd.,  1870,  p.  456)  et  un  autre  élève  de 
M.  Yerneuil,  M.  Pillet,  a  décrit  dans  sa  thèse  (1872)  tous  les  procédés  appli- 
cables aux  différentes  amputations  sans  compression  préalable  de  l'artère 
principale  du  membre.  Voici  comment  il  résume  les  préceptes  généraux  à  suivre 
dans  ces  opérations  : 

Les  temps  de  l'amputation  sont  exécutés  de  façon  que  l'hémostase  des  gros 
vaisseaux  se  fasse  au  début,  dans  le  cours  ou  à  la  fin  de  l'opération. 

La  ligature  des  petites  artères  se  fera  absolument  comme  dans  l'ablation  d'un 
cancer  du  sein,  par  exemple,  c'ost-à-dire  à  mesure  que  les  vaisseaux  seront 
coupés.  Si  le  chirurgien  trouve  gênant  de  quitter  à  ce  moment  le  couteau  pour 
la  pince,  il  pourra  toujours  utiliser  un  procédé  employé  déjà  par  M.  Maisonneuve 
et  d'autres  chirurgiens  et  qui  consiste  à  saisir  les  vaisseaux  avec  des  pinces  à 
verrou  de  petites  dimensions,  qui  ne  gênent  en  rien  les  mouvements  de  l'opéra- 
teur (l'emploi  des  pinces  hémostatiques,  qui  n'était  pas  encore  vulgarisé  à 
cette  époque,  trouverait  aujourd'hui  son  application  tout  indiquée  dans  ce  genre 
d'opérations,  et  y  rendrait  de  grands  services). 

Les  instruments  tranchants  à  employer  se  réduisent  à  un  simple  petit  couteau 
solidement  emmanché,  à  tranchant  droit  ou  convexe,  à  lame  robuste,  longue  de 
12  à  15  centimètres.  A  la  rigueur  un  simple  bistouri  à  lame  fixe  pourrait  suffire. 

On  se  servira  de  préférence  du  procédé  à  lambeaux  :  antérieur  et  postérieur. 
Dans  le  premier  temps,  le  chirurgien  trace  avec  la  pointe  du  couteau  les  lam- 
beaux au  moyen  d'une  incision  comprenant  la  peau  et  le  tissu  cellulaire  sous- 
cutané.  11  procède  alors  à  la  recherche  de  l'artère  principale,  si  elle  est  super- 


HEMOSTASE.  523 

ficielle,  sinon  il  cherchera  à  la  découvrir  en  se  servant  des  donne'es  anatomiques 
connues.  Il  suffira  la  plupart  du  temps  de  couper  un  ou  deux  muscles  recouvrant 
l'artère  et  les  veines  et  nerfs  qui  l'accompagnent. 

Cela  fait,  la  rétraction  des  fibres  musculaires  coupées  laisse  libre  un  vaste 
espace  dans  lequel  le  chirurgien  peut  introduire  son  doigt  et,  en  écartant  ou 
même  déchirant  les  parties  situées  au-dessus  du  point  où  doit  se  faire  l'ampu- 
tation, chercher  sans  craindre  de  causer  des  accidents  dans  ces  parties,  puis- 
qu'elles doivent  être  sacrifiées. 

La  position  de  l'artère  bien  établie  par  le  toucher  et  la  vue,  il  ne  reste  plus 
qu'à  l'isoler  au  moyen  d'une  sonde  cannelée,  à  la  soulever  avec  une  aiguille  de  Des- 
champs munie  d'un  fil,  et  à  la  lier.  Dans  certains  régions,  où  les  artères  présenlent 
de  larges  anastomoses,  comme  à  l'avant-bras  et  à  la  jambe,  il  est  bon  de  mettre 
une  double  ligature  et  de  couper  le  vaisseau  entre  les  deux  fils  :  on  évite  ainsi 
i"af(]ux  du  sang  par  le  bout  inférieur,  qui  donne  presque  autant  que  le  supérieur. 
M.  Yerneuil  recommande  aussi  de  lier  les  grosses  veines,  car  chez  certains 
sujets  le  reflux  physiologique  ou  pouls  veineux  s'étend  souvent  très-loin  et,  si  les 
valvules  de  la  veine  étaient  insuffisantes,  on  pourrait  avoir  à  craindre  des  hémor- 
rhagies  veineuses.  Ces  ligatures  ne  présentent,  du  reste,  aucun  inconvénient,  et 
de  nombreux  chirurgiens  y  ont  recours  sans  scrupule  dans  les  amputations. 

Les  vaisseaux  liés,  on  achève  le  lambeau  jusqu'à  l'os,  en  taillant  les  chairs 

en  biseau  et  de  dehors  en  dedans.  On  dénude  l'os  et  on  fait  avec  la  pointe  du 

bistouri  une  incision  circulaire  du  périoste,  au  point  où  doit  se  faire  la  section. 

Le  premier  lambeau  ainsi  terminé,  on  procède  de  la  même  manière  pour  le 

second,  et  on  sectionne  l'os  selon  la  méthode  habituelle. 

M.  Yerneuil  s'est  aussi  servi  d'un  second  procédé  aussi  facile  que  celui  que 
nous  venons  de  décrire,  quoique  au  premier  abord  il  semble  présenter  de  grandes 
difficultés.  11  achève  d'abord  son  premier  lambeau  (antérieur)  de  la  façon  indi- 
quée précédemment,  puis  il  dénude  l'os  en  avant  et  un  peu  sur  les  côtés,  passe 
un  instrument  quelconque,  une  paire  de  ciseaux  courbes  de  préférence,  entre 
l'os  et  les  parties  molles  sous-jacentes,  en  ayant  soin  de  le  raser  le  plus  près 
possible,  et  il  le  sectionne  avant  de  s'occuper  du  lambeau  postérieur.  L'os  scié,  il 
taille  ce  lambeau  de  dehors  en  dedans,  ou  de  dedans  en  dehors,  selon  qu'il  le 
trouve  plus  commode. 

Comme  M.  Yerneuil  le  disait  plus  récemment,  ces  essais  ont  perdu  beaucoup 
de  leur  valeur  depuis  les  belles  applications  de  l'ischémie  artificielle  à  la  chirurgie 
opératoire  des  membres  ;  on  trouvera  plus  aisé  de  rouler  une  bande  de  caoutchouc 
que  d'aller  à  la  recherche  des  vaisseaux,  ce  qui  exige  sans  contredit  des  connais- 
sances anatomiques  précises.  Mais  il  peut  se  trouver  encore  certains  cas  parti- 
culiers où  ces  procédés  seront  utiles  et  les  chirurgiens  feront  bien  de  s'y  exercer. 
En  effet,  outre  qu'on  pourrait  bien  n'avoir  à  sa  disposition  ni  aide  habile  pour 
faire  la  compression,  ni  bande  de  caoutchouc,  il  ne  faut  pas  oublier  que  l'ischémie 
artificielle  n'est  pas  exempte  d'inconvénients  :  aussi  pour  certaines  opérations, 
telles  que  la  désarticulation  de  l'épaule  et  de  la  hanche,  l'amputation  du  bras 
et  de  l'avant-bras,  ces  procédés  sont-ils  aussi  bons  que  possible  (Yerneuil,  Mém. 
dechir.,  t.  II,  p.  12,  1878). 

Hémostase  chirurgicale  par  médication  interne.      Lorsque    l'Ilémorrhagie    qui 

survient  à  la  suite  de  plaies  accidentelles  ou  chirurgicales  est  sous  la  dépendance 
de  l'état  constitutionnel  du  sujet,  par  exemple,  chez  les  cardiaques,  les  liépa- 


526  HEMOSTASE. 

tiques,  les  paludiques,  la  médication  interne  a  été  employée  avec  succès  pour 
arrêter  l'écoulement  du  sang.  Chez  les  cardiaques,  la  digitale,  chez  les  palu- 
diques, le  sulfate  de  quinine,  administrés  comme  d'ordinaire,  ont  déterminé 
ce  résultat  (Verneuil,  Mém.  de  chir.,  t.  III). 

Un  des  plus  beaux  succès  obtenus  par  l'emploi  du  sulfate  de  quinine  a  été 
relaté  par  M.  llémard.  A  la  suite  de  l'extraction  d'une  dent  survint  une  hémor- 
rhagie  que  ne  purent  arrêter  ni  les  tamponnements  de  l'alvéole,  ni  les  cautéri- 
sations au  fer  rouge,  ni  la  ligature  de  la  carotide  primitive.  11  survint  même 
des  héraorrhagies  par  la  plaie  de  la  ligature.  Les  pertes  sanguines  ne  cessèrent 
qu'après  l'administration  du  sulfate  de  quinine.  Le  malade  était  albuminurique, 
et  c'est  à  cette  dyscrasie  que  M.  Yerneuil  a  attribué  la  persistance  de  l'écoule- 
ment sanguin  [Bull,  et  mém.  de  la  Soc.  de  chir.,  1879,  p.  552),  On  trouvera 
d'autres  faits  du  même  genre  dans  la  thèse  de  M.  Luigi  :  Contribution  à  l'his- 
toire de  Vhémorrhagie  comécutive  à  V extraction  des  dents,  Paris,  1876. 

Chez  les  sujets  atteints  d'une  affection  du  foie,  on  observe  souvent,  entre  autres 
liémoriliagies,  des  épistaxis  rebelles  à  tous  les  traitements.  M.  Verneuil,  se  fon- 
dant sur  la  relation  qui  existe  entre  l'affection  du  foie  et  l'épistaxis,  a  fait  appli- 
quer, dans  plusieurs  cas  où  cette  affection  était  manifeste,  un  vésicatoire  sur 
la  région  hépatique,  et  arrêté  définitivement  l'hémorrhagie.  L'emploi  de  ce  moyen 
révulsif  n'est  pas  nouveau,  puisque  Galien  recommandait  d'appliquer  des  ven- 
touses sur  le  foie  lorsque  le  sang  coulait  par  la  narine  droite  et  sur  la  rate 
quand  il  coulait  par  la  narine  gauche,  mais  il  était  resté  dans  le  domaine  de 
l'empirisme,  puisqu'on  ignorait  la  relation  pathogénique  qui  existe  entre  les 
affections  du  foie  et  les  hémorrhagies,  et  était  d'ailleurs  tombé  dans  l'oubli  le 
plus  profond  {Congrès  de  l'Association  française,  à  Reiras,  1880,  p.  990,  et 
Acad.  de  méd.,  séance  du  26  avril  1887). 

M.  Alex.  Harkin,  de  Belfast,  a  aussi  employé  avec  succès  l'application  des 
vésicatoires  sur  la  région  hépatique  dans  des  cas  d'héraorrhagies  nasales,  buc- 
cales, hémorrhoïdales,  survenues  chez  des  sujets  présentant  une  affection  du  foie 
{the  Lancet,  30  octobre  1886,  t.  II,  p.  815). 

Association  des  différents  procédés  d'hémostase-      Dans  une  grande  opération, 

il  est  rare  qu'on  n'ait  recours  qu'à  un  seul  des  moyens  énumérés  précédemment. 
Le  plus  souvent  on  fait  appel  successivement  ou  simultanément  à  plusieurs 
d'entre  eux. 

Dans  une  amputation  de  membre,  par  exemple,  on  applique  d'abord  soit  la 
bande  élastique,  soit  le  tourniquet,  soit  la  compression  digitale  de  l'artère  prin- 
cipale à  la  racine  du  membre,  ou  bien  on  pratique  la  ligature  de  cette  artère  au 
niveau  de  la  base  des  lambeaux,  etc.  Pendant  l'opération,  quelques  vaisseaux 
venant  à  donner,  on  les  oblitère  par  la  forcipressure  ou  par  la  compression 
digitale.  Après  la  section  du  membre,  on  fait  la  ligature  des  vaisseaux  princi- 
paux, on  applique  encore  des  pinces  sur  les  artérioles  béantes,  ou  une  éponge 
imbibée  d'une  solution  antiseptique  froide,  etc. 

Dans  les  ablations  de  tumeurs,  on  exécute  la  section  des  tissus  avec  l'écraseur 
linéaire,  ou  le  galvano-cautère,  ou  le  thermocautère,  ou  la  ligature  élastique, 
tous  procédés  qui  réalisent  l'hémostase  en  même  temps  que  la  diérèse  ;  ou  bien 
on  applique  des  pinces  sur  les  vaisseaux  avant  ou  après  leur  section,  ou  bien 
encore  on  en  fait  la  ligature  double,  et  on  coupe  les  tissus  entre  les  deux  ligatures. 

Après  les  opérations,  on  a  recours  à  divers  moyens  destinés  à  favoriser  l'hémo- 


HEMPEL.  527 

stase  définitive  dans  les  vaisseaux,  ou  à  prévenir  les  hémorrhagies  secondaires  : 
pansements  antiseptiques,  qui  provoquent  le  resserrement  des  vaisseaux,  ou 
évitent  l'inflammation  de  la  plaie,  la  destruction  des  extrémite's  ou  de  la  conti- 
nuité des  vaisseaux  dénudés,  le  ramollissement  des  caillots,  ramollissement  qui 
se  produit  si  souvent  chez  les  opérés  atteints  de  fièvre  septique;  —  médication 
interne  à  l'aide  de  médicaments  au  premier  rang  desquels  se  place  le  sulfate  de 
quinine,  puis  l'ergotine,  etc. 

C'est  surtout  dans  l'ablation  des  tumeurs  sanguines,  des  angiomes,  que  l'asso- 
ciation de  moyens  hémostatiques  nombreux  est  nécessaire.  Un  fait  communiqué 
à  la  Société  de  chirurgie  par  M.  Richelot  en  est  un  exemple  remarquable. 

Dans  un  cas  de  tumeur  érectile  volumineuse  du  front,  dont  les  vaisseaux 
afférents  et  efférents  étaient  très-augmentés  de  volume,  M.  Verneuil  applique 
d'abord  une  bande  élastique  autour  de  la  tête  pour  emprisonner  le  sang  dans  la 
tumeur  et  empêcher  l'accès  du  sang  par  la  périphérie.  Mais  le  sang  abonde  de 
la  profondeur  par  les  artères  dilatées  des  os  du  crâne,  et  une  double  hémor- 
rhagie  a  lieu  par  la  petite  plaie  d'une  ponction  évacuatrice  et  par  une  ulcération 
de  la  tumeur  :  on  en  fait  l'hémostase  avec  la  forcipressure.  On  trace  alors  une 
incision  autour  de  la  tumeur  avec  le  galvano-cautère,  mais  le  sang  jaillit  des 
deux  lèvres  de  l'incision  et  on  applique  des  pinces  à  pression  continue  ;  chaque 
fois  qu'on  approche  d'une  grosse  veine,  on  fait  à  droite  et  à  gauche  du  vaisseau 
une  ponction  profonde  et  on  passe  au-dessous  de  lui  une  sonde  cannelée  qui 
sert  à  glisser  un  stylet  muni  d'un  fil  ;  on  cherche  alors  à  couper  la  veine  entre 
les  deux  ligatures,  mais  les  fils  sont  tropVapprochés  ou  les  vaisseaux  mal  étreints  : 
un  flot  de  sang  jaillit  sous  le  couteau,  on  l'arrête  par  la  forcipressure.  Le  pour- 
tour de  la  tumeur  est  ainsi  séparé  avec  le  galvano-cautère,  les  ligatures  succes- 
sives et  la  forcipressure;  enfin  la  tumeur  ne  lient  plus  que  par  le  milieu  de  sa 
base;  on  la  détache  rapidement  du  crâne;  trois  ou  quatre  jets  de  sang  rutilant 
s'élèvent  de  la  voûte  osseuse;  impossible  de  placer  des  pinces  sur  les  orifices 
des  vaisseaux  crâniens  dilatés  ;  la  compression  digitale  aussitôt  exercée  par  les 
aides  permet  au  chirurgien  d'abattre  en  quelques  instants  les  dernières  adhé- 
rences de  la  tumeur;  il  reste  une  vaste  surface  de  la  voûte  crânienne  dénudée, 
sur  laquelle  le  fer  rouge  est  appliqué  sans  que  l'hémorrhagie  s'arrête.  Des  ron- 
delles d'amadou  maintenues  avec  les  doigts  triomphent  enfin  de  l'écoulement 
et  l'opération  est  terminée.  Au  cinquième  jour,  la  température  ayant  monté  à 
39  degrés,  on  fit  des  pulvérisations  phéniquées  sur  la  plaie  et  on  administra  le 
sulfate  de  quinine.  La  guérison  fut  assez  rapide. 

Ainsi  dans  ce  cas  on  a  employé  la  bande  élastique,  le  galvano-cautère, 
la  forcipressure,  la  ligature,  la  compression  digitale,  la  cautérisation,  la  com- 
pression avec  des  rondelles  d'amadou,  et  enfin  le  sulfate  de  quinine.  C'était  un 
cas  compliqué  nécessitant  des  moyens  complexes.  Dans  une  autre  région  (Tillaux) 
on  aurait  pu  encore  combiner  l'écraseur  pour  pédiculiser  la  tumeur  et  l'anse 
galvanique  pour  la  disséquer  [Bulletins  et  mémoires  de  la  Société  de  chirurgie, 
1881,  p.  637).  L.-H.  Petit. 

HÉIU0TACH09IËTRE.      Foî/.  CIRCULATION,  p    419. 

HEMPEL  (Adolph-Friedr.-Heinr.).  Médecin  allemand,  né  à  Neustrelitz,  le 
5  août  1767,  mort  a  Gottingue,  le  28  février  1834.  Il  fut  nommé  privat-docent 
dans  cette  ville  en  1789,  professeur  extraordinaire  en  18U8,  enfin  professeur 


528  HENKE. 

ordinaire  en  1819,  et  enseigna  l'anatomie  avec  un  grand  succès.  Ses  principaux 
ouvrages  sont:  Anfangsgriinde  der  Anatomie.  Gôttingen,  1801,  in-8'',  et  nom- 
breuses éditions  ;  Einleitung  in  die  Physiologie  and  Pathologie,  Gôttingen, 
1818,  in-8°;  plusieurs  éditions.  L.  Hn. 

HEX'CKEL  00  nEKKEL  (Joachim-Friedrich).  Chirurgien  et  accoucheur 
allemand,  né  à  HoUand,  le  4  mars  1712,  mort  à  Berlin  le  l*"""  juillet  1779,  Il 
étudia  à  Konigsberg,  à  Berlin  et  à  Paris,  servit  dans  l'armée,  fut  reçu  docteur 
à  Francfort-sur-l'Oder  en  17  45,  puis  enseigna  la  chirurgie  à  Berlin  et  à  la  mort 
de  Meckcl  fut  nommé  directeur  de  la  clinique  d'accouchements.  Henkel  con- 
tribua à  propager  en  Allemagne  les  principes  de  Rœderer  et  de  Fried.  Il  était 
membre  correspondant  de  l'Académie  royale  de  cliirurgie.  11  a  publié  à  Berhn 
un  grand  nombre  de  monographies  et  de  recueils  d'observations  chirurgicales  et 
obstétricales  qui  renferment  des  faits  intéressants.  L.  Hn. 

IIEXDRICKSZ  (PiETEiî).  Né  en  1779  à  Enkhuizen  dans  les  Pays-Bas.  II  fit 
partie  du  corps  de  santé  militaire  de  son  pays.  Chirurgien  de  5"  classe  en  1791, 
attaché  à  divers  hôpitaux,  il  devint  professeur  exlraordinaire  en  1818  à  Gro- 
ninguc  etprofesseur  ordinaire  à  Amsterdam  en  1828.  Il  s'occupa  surtout  d'ophthal- 
mologic  et  fut  le  fondateur  d'un  institut  spécial  qu'il  dirigea  jusqu'à  sa  mort  en 
1845.  Nous  citerons  de  lui: 

I.  BIjdragen  tôt  den  tegcnwoordigen  staat  van  het  animalisch  magnelismus  in  ans 
vaderland.  Groningue,  1814,  1818,  in-8°,  édition  allemande  par  Fr.  Berd.  Halle,  1818,  in-8°. 
—  W.Ordeelkundigebesclirijvtng  vaneenige  de?-  voornaamste  Itcelkundige  operatiën  verrigt 
id  het  iiosQcomium  academicum  te  Groningen,  années  1810  à  1815.  Groningue,  1816,  in-S"; 
année  1816-1817,  Amsterdam,  1822.  —  III.  Oratio  de  chirurgorum  nostratium  laudibus 
optimis  excolendœ  artis'chirurgiœ  incitamenlis.  Groningue,  1810.  — IV.  Over  de  aanwending 
van  de  herooking  van  Morveau  en  van  het  chlorutetuni  sodae  in  het  %iektenhuis  te 
Groningen.  Groningue,  1827,  in-8°.  —  V.  Kort  ovenicht  vegcns  de  behandelde  lijders  en 
ven'ichte  operatiën  in  het  nosocomiumte  Groningen,  1826-1827.  Groningen,  1828,  in-8°.— 
VI.  Oratio  de  medicina  et  chirurgia  non  sine  utriusque  damna  separandis.  Amsterdam, 
1829,  in-S».  A.  D. 

UEXDY  (James).  Médecin  anglais,  reçu  docteur  à  Edimbourg  en  177-4, 
médecin  général  de  la  milice,  l'un  des  médecins  du  dispensaire  général  de  la 
Barbade,  s'occupa  spécialement  de  recherches  sur  le  système  lymphatique 
(Edimbourg,  1774;  Londres,  1775)  et  chercha  à  démontrer  que  la  maladie  dite 
des  Barbades  a  son  siège  dans  ce  système  {Treat.  on  the  Glandular  Disease 
of  the  Barbadoes,  London,  1784,  in-8°;  trad.  en  fr.  in  Mém.  Soc.  méd. 
d'émul.  de  Paris,  t.  IV.  Un  nouvel  opuscule  sur  ce  sujet  parut  à  Londres  en 
1789).  L.  Hn. 

nErvKE  (Adolph-Christ.-Heinr.).  Médecin  allemand,  né  à  Brunswick,  le 
12  avril  1775,  mort  à  Erlangen,  le  8  août  1843.  Nommé  professeur  extraordi- 
naire dans  cette  ville  en  1806,  il  obtint  en  1816  la  chaire  de  clinique  et  de 
médecine  légale  et  la  direction  de  l'Institut  clinique  de  l'Université. 

L'ouvrage  le  plus  important  de  Henke  est  :  Lehrbuch  der  gerichtl.  Medicin, 
Berlin,  1812,  in-8'';  12«édit.  par  Bergmann,  ibid.,  1851,  in-8».  Citons  encore: 
Handhuch  der  allgem.  u.  spec.  Pathologie,  Berlin,  1806-1808,  5  vol.  in-8°; 
Darstell.  u.  Kritik  der  Lehre  von  den  Krisen,  Kûrnberg,  1806,  in-8'';  Handb. 
zur  Erkemi.  u.  Heilung  der  Kinderkrankheiten,  Frankf.  a.  M.  1809,  in-S"; 


HENNÉ.  52 

plusieurs  éditions;  enfin  Abhandl.  ans  dem  Gebiete  der  gerichtl.  Médicin , 
Bamberg,  1815-1820,  4  vol.  in-8°.  Henke  publia  depuis  1821  une  importante 
collection,  le  Zeîïsc/tn/i!  fiir  Staalsarzneikunde,  et  collabora  à  plusieurs  autres 
recueils.  L.  Hn. 

HEIVKEL.     Fo//.Henckel. 

HE\XE  (Friedr.-Gust.-Jakob).  Célèbre  anatoralste  et  physiologiste  alle- 
mand, né  à  Fûrth,  le  9  juillet  1809,  mort  à  Gotlingue,  le  13  mai  1885. 
Nommé  prosecleur  à  Berlin  en  1854,  il  à&y'xni  privat-docenl  en  1857,  fut  pro- 
fesseur d'anatomie  à  Zurich  de  1840  à  1844,  puis  passa  à  Heidelberg  avec  le 
même  titre,  obtint,  en  1849,  la  direction  de  l'Institut  anatomique  de  cette  ville 
et  fit  des  cours  suivis  sur  l'anatomie,  la  physiologie,  l'anthropologie  et  même  la 
pathologie.  En  185*2,  Henle  passa  à  Goltingue,  où  il  dirigea  l'Institut  anato- 
mique et  enseigna  jusqu'à  sa  mort. 

Henle  est  le  fondateur  de  l'École  rationaliste  allemande  ;  il  remit  en  honneur 
la  névropathologie  et  chercha  à  fonder  la  pathologie  et  la  thérapeutique  entière- 
ment sur  la  physiologie;  c'était  une  tentative  prématurée.  Citons  à  cet  égard  son 
Handbuch  der  l'alionellen  Pathologie,  Braunschweig,  1846-1852,  in-8».  On 
sait  que  Henle  a  opposé  au  système  cellulaire  de  Virchow  une  théorie  des 
blastèmes  assez  analogue  à  celle  de  Robin;  il  a  publié  plusieurs  monographies 
touchant  à  ce  sujet.  Son  œuvre  capitale  est  néanmoins  le  Handbuch  der  syste- 
mat.  Anatomie  der  Menschen,  Braunschweig,  1855-1864,  2  vol,  in-8°,  par 
lequel  il  se  plaça  au  premier  rang  des  anatomistes.  Mentionnons  encore  la  part 
prise  par  Henle  à  la  rédaction  du  Zeitschr.  f.  ration.  Medicin,  du  Mûller's  Archiv, 
du  Cansiatt's  Jahresbericht,  etc.  L.  Hn. 

HEIXXÉ.  Nom  français  (par  corruption  de  l'arabe  al  hanneh)  du  Laivsonia 
alba  Lamk  (L.  spinosa  L.  —  L.  inermis  Roxb.  —  L.  purpurea  Lamk),  de  la 
famille  des  Lythrariacées,  série  des  Salicaires,  arbuste  africain  et  indien,  cultivé 
dans  tout  l'Orient,  observé  aussi  à  Chypre,  célèbre  de  temps  immémorial  pour  le 
suc  jaune-rougeàtre  de  ses  feuilles  qui  sert  à  colorer  les  ongles,  les  cheveux,  etc. 
Les  Egyptiens  en  teignaient  certaines  parties  du  corps  de  leurs  momies.  Les  per- 
sonnes de  haute  naissance  avaient  seules  d'abord  le  droit  d'en  faire  usage.  Belon 
rapporte  que  la  culture  de  cette  plante  en  Egypte  était  réservée  aux  pachas  qui  en 
tiraient  de  grands  revenus  et  l'expédiaient  à  Constantinople.  Les  fleurs,  qui  ont 
4-mères,  8-andres,  avec  un  ovaire  4-Ioculaire,  ont  une  odeur  forte,  hircine. 
Les  femmes  d'Orient  en  placent  dans  leurs  appartements,  et  l'on  en  prépare  une 
eau  distillée  qui  sert  comme  cosmétique.  De  notre  temps,  les  femmes  d'Europe 
ont  teint  leurs  cheveux  avec  le  Henné  en  roux  ou  en  rouge.  Cette  teinture  paraît 
inoffensive,  mais  elle  est  peu  durable.  En  Orient,  on  a  teint  avec  le  Henné  les 
crins  des  chevaux,  les  peaux,  la  laine.  Il  contient,  suivant  Berthollet,  de  l'acide 
gallique,  et  forme  de  l'encre  avec  les  sels  de  fer.  Dans  l'Inde,  d'après  Ainslie 
(Mat.  med.  ind.,  II,  190),  la  plante  sert  au  traitement  des  affections  cutanées, 
principalement  de  la  lèpre,  soit  topiquement,  soit  en  extrait  préparé  avec  les 
feuilles.  Voy.  Poulaletsje.  H.  Bn. 

BiBLioGRAPHiK.  —  L.,  Gen.,  n.  482.  —  DC.  Prodr.,  III,  90.  —  Mér.  et  de  L.,  Dicl.  Mat.  méd., 
IV,  78.  —  RosENTH.,  Syn.  pi.  diaphor.,  912.  —  Clke,  in  Hook.  f.  FI.  Brit.  Ind.,  II,  575.  — 
H.  Bx,  Hist.  des  pL,  VI,  433,  445,  453,  lig.  407-409.  H.  Bx. 

DICT.  ENC.   i'  S.  XIII.  34 


550  HENNINGS. 

DEI\KEBA\'E.       Voy.   JusQDIVME. 

BENXEBOni  (Station  marise).  Dans  le  département  du  Morbihan,  dans 
l'arrondissement  et  à  16  kilomètres  de  Lorient,  chef-lieu  de  canton,  est  une 
jolie  ville  maritime  peuplée  de  5600  habitants,  à  l'embouchure  du  Blavet,  avec 
un  petit  port  pouvant  recevoir  des  navires  de  tonnage  moyen  (chemin  de  fer  de 
Lorient,  d'où  une  voiture  conduit  en  une  heure  et  demie  ou  deux  heures).  La 
ville  n'est  remarquable  que  par  un  beau  pont  suspendu,  et  par  une  église 
gothique  bien  conservée.  Hennebon  était  place  forte  au  quatorzième  siècle,  et 
Charles  de  Blois  y  assiégea  vainement  Jeanne  de  Montfort.  La  plage  est  unie  et 
dépourvue  de  galets,  mais  les  baigneurs  doivent  aller  assez  loin  pour  trouver 
la  haute  mer  et  prendre  des  bains,  où  l'eau  salée  ne  soit  pas  mêlée  à  l'eau  du 
Blavet.  La  station  marine  d'Hennebon  est  fréquentée  seulement  par  les  popula- 
tions voisines  des  départements  de  l'Ouest.  Elles  y  trouvent  une  vie  confortable 
et  à  bon  marché.  A.  R. 

IIElWEIS'  (John).  Médecin  militaire  anglais,  né  à  Castlebar  (Mayo),  en 
Irlande,  le  21  avril  1779,  mort  à  Gibraltar,  de  la  fièvre  jaune,  le  5  no- 
vembre 1828.  11  servit  avec  distinction  dans  la  campagne  d'Espagne,  puis  à 
Waterloo.  11  fut  nommé,  en  1815,  Depittu  Impector  des  hôpitaux,  et  en  1817 
premier  officier  médical  pour  l'Ecosse,  en  1820  pour  la  Méditerranée,  etc.  11  est 
l'auteur  d'un  ouvrage  capital  :  Principles  of  the  Military  Surgery,  etc.,  5«  édit., 
London,  1829,  in-8",  et  d'une  esquisse  de  topographie  médicale  de  la  Méditer- 
ranée (London,  1830,  in-8'').  L.  llx. 

HEKXIXGER   (Les  DEUx). 

Iienninger  (Johann-Sigismc.nd).  Médecin  allemand,  mort  en  1719,  était, 
depuis  1704  professeur  d'anatomie  à  l'Université  de  Strasbourg.  Il  a  laissé  un 
grand  nombre  de  dissertations  anatomiques  et  une  nouvelle  édition  de  la  Matière 
médicale  de  Paul  Hermann.  L.  His'. 

Henninger  (Arthur).  Né  en  1850,  à  Obernssel,  près  "Wiesbaden  (Nassau), 
fit  ses  études  à  Paris  et  devint  en  1872  le  préparateur  de  M'urtz;  peu  après  il 
obtint  les  lettres  de  grande  naturalisation.  Reçu  docteur  en  médecine  en  1878, 
après  une  thèse  remarquable  Sur  les  peplones,  il  fut  aussitôt  après  nommé 
professeur  agrégé  à  la  Faculté  de  Paris,  après  un  brillant  concours,  et  suppléa 
son  maître.  Son  enseignement  à  la  faculté  et  ses  travaux  scientifiques  attirèrent 
l'attention  sur  lui  et,  lors  de  la  création  de  l'école  de  chimie  industrielle,  on 
lui  confia  la  place  de  professeur  malgré  son  jeune  âge.  Il  rédigeait  la  partie 
physiologique  du  Bulletin  de  la  Soc.  chimique  et  de  grands  articles  pour  le 
Dict.  de  chimie,  dont  il  était  le  sous-directeur.  Le  travail  le  plus  important 
dont  il  se  soit  occupé  est  relatif  à  la  réduction  par  l'acide  formique  des  alcools 
polyatomiques  et  spécialement  de  l'érythrite  ;  il  découvrit  un  grand  nombre  de 
corps  nouveaux  dans  le  cours  de  ses  recherches.  Henninger  mourut  jeune,  en 
novembre  1884.  L.  Hn. 

HEX\'L\GS  (Wilhelm).  Né  à  Gluckstadt  le  27  juillet  1716.  Il  alla  se  fixer 
à  Copenhague,  où  il  devint  successivement  professeur  d'anatomie  et  de  clii- 


HENSCHEL   (Les  deux).  551 

rurgie  à  l'Université,  directeur  de  l'Académie  de  chirurgie  et  membre  du  Conseil 
royal  de  justice.  Il  est  mort  le  26  janvier  1794.  On  connaît  de  lui  : 


Beschreibung  von  den  Keiimeichen  und  der  Kur  der  Entsûndung  des  Magens  und  der 
edârme.  Copenhague,  1777,  in-S";  ibid.,  1795;  édit.  danoise.  Wiborg,  1778,  in-8».      A.  D. 


HENRI  DE   MON'DEVILLE.       Voy.  Heruondaville. 

DEKBIQIJES  (Jorge-Henriquë).  Était,  au  seizième  siècle,  premier  profes- 
seur de  philosophie  à  Salaraanque  et  de  médecine  à  Coïmbre  ;  il  développait  les 
doctrines  d'Avicenne.  Entre  autres  ouvrages  on  a  de  lui  :  De  regimine  cibi  ac 
potus,  Salamanque,  1594,  in-4°,  et  Tractado  delperfeito  medico,  Salamanque, 
1595,  in4».  L.  Hn. 

HEIVRT  (Les). 

Henry  (Noël-Étienne).  Pharmacien  et  chimiste,  né  à  Beauvais,  le  26  no- 
vembre 1769,  mort  à  Paris,  du  choléra,  le  50  juillet  1832.  Nommé  en  1797 
sous-chef  de  la  pharmacie  centrale  des  hôpitaux,  directeur  en  1805,  puis  en  18(14 
professeur  à  l'École  de  pharmacie.  11  était  chargé  par  le  conseil  général  des 
hospices  de  la  surveillance  du  service  pharmaceutique  dans  les  hôpitaux  et  les 
bureaux  de  bienfaisance.  L'Académie  de  médecine  lui  ouvrit  ses  portes  en  1820, 
Henry  a  pubhé,  avec  son  fds  :  Manuel  d'analyse  chimique  des  eaux  miné- 
rates^elc,  Paris,  1825,  in-S",  et  avec  Guibourt,  Pharmacopée  raisonnée,  etc.  ; 
il  a  coopéré  à  la  rédaction  du  Codex  et  écrit  une  foule  d'articles  pour  les 
recueils  de  chimie,  de  pharmacie,  etc.  L.  Hn. 

Henry  (Étiense-Ossian).  Fils  du  précédent,  né  à  Paris,  le  27  no- 
vembre 1798,  était  agrégé  à  l'École  de  pharmacie,  sous-chef  à  la  pharmacie 
centrale  des  hôpitaux,  puis  directeur  d\\  laboratoire  de  l'Académie  de  médecine, 
dont  il  était  membre.  Il  a  publié  une  foule  de  travaux  sur  les  principes  actifs 
des  végétaux,  sur  les  eaux  minérales;  il  a  donné  entre  autres  un  procédé  pour 
obtenir  en  grand  le  sulfate  de  quinine,  qui  lui  a  valu  le  prix  Montyon.     L.  Hn. 

Henry  (William).  Médecin  et  chimiste  anglais,  né  à  Manchester,  le  12  dé- 
cembre 1774,  mort  à  Pendlebury,  près  Manchester,  le  2  septembre  1836.  Son 
père,  Thomas-Henry  (1754-1816),  était  lui-même  médecin  et  pharmacien  dis- 
tingué et  entre  autres  travaux  avait  donné  la  traduction  des  Mémoires  de  Lavoi- 
sier  Swr  l'air  atmosphérique. 

William  Henry,  reçu  docteur  à  Edimbourg  en  1807,  exerça  son  art  dans  sa 
ville  natale,  puis  prit  la  direction  de  l'établissement  chimique  de  son  père.  Ses 
Eléments  of  Expérimental  Chemistry  (London,  1799,  2  vol.  in-S";  11*  édit., 
London,  1829,  2  vol.  in-8'')  sont  populaires  en  Angleterre.  On  trouve  de  lui  un 
grand  nombre  de  m.émoires  sur  la  chimie  dans  les  recueils  de  la  Société  royale  et  de 
la  Société  philosophique  de  Manchester;  plusieurs  ont  été  couronnés.         L.  Hn. 

H£]VSCHEL  (Les  deux). 

Henschel  (Elias).  Né  à  Breslau,  le  4  avril  1755,  mort  dans  cette  ville  le 
20  août  1859.  Reçu  docteur  à  Halle  en  1787,  il  se  livra  spécialement  aux 
accouchements,  propagea  la  vaccination  et  dirigea  plusieurs  hospices.  L'un  des 
premiers  il  décrivit  la  phlegmatia  alha  dolens  comme  une  affection  distincte. 


53-2  HÉPATIQUE. 

On  a  de  lui  un  grand  nombre  de  monographies  et  beaucoup  d'articles  insérés 
dans  les  journaux  d'accouchements.  L.  Hi\. 

Henschel  (Aug.-Wilh.-Edu.-Theod.).  Fils  du  précédent,  né  à  Breslau  le 
20  décembre  1790,  mort  dans  cette  ville  le  24  juillet  1856.  Il  étudia  à  plu- 
sieurs Universités  d'Allemagne,  fut  reçu  docteur  à  Breslau  en  1812  et  passa 
l'examen  d'état  à  Berlin,  en  1814.  En  1816,  il  fut  nommé  privat-docent, 
en  1821  professeur  extraordinaire,  en  1852  professeur  ordinaire  à  l'Univer- 
sité. Il  s'occupa  surtout  de  pathologie  générale,  d'histoire  de  la  médecine  et 
de  botanique.  11  publia  de  1846  à  18oo  Janiis,  Zeitschr.  f.  Geschichte  u. 
Litteratiir  der  Medicin,  5  vol.  in-8";  la  plupart  de  ses  écrits  sont  insérés  dans 
ce  recueil.  L.  Hn. 

HEIVSLER  (Phimpp-Gabriel).  Médecin  danois,  né  à  Oldensworth,  le  H  dé- 
cembre 1733,  mort  à  Kiel,  le  31  décembre  1805.  D'abord  pensionné  à  Altona, 
il  exerça,  depuis  1775,  les  fonctions  de  médecin  particulier  du  roi  de  Dane- 
mark, puis  en  1780  devint  professeur  de  médecine  à  Kiel. 

llensler  contribua  à  l'établissement  de  l'iiôpital  d'Altona,  à  la  rédaction  de  la 
pharmacopée  dimoise,  etc.  On  lui  doit  un  grand  nombre  de  bons  ouvrages; 
mentionnons  seulement  :  Geschichte  der  Lustseuche,  die  znEnde  des  XV.Jahr- 
hunderts  in  Europa  Ausbrach,  Altona,  1785-1781),  2  vol.  in-S",  ouvrage 
d'une  très-grande  importance  pour  l'histoire  de  la  médecine  au  moyen  âge; 
l'ouvrage  intitulé  :  Vom  ahendlàndlichen  Aussatze  im  Mittelaller,  etc.,  Ham- 
burg,  1790,  in-8",  est  tout  aussi  important.  L.  Hn. 

nEKSLER  OU  nEXSSLER  (Philipp-Ic.naz).  Physiologiste  allemand,  né  à 
Uothenburg  en  1795,  exerça  d'abord  la  médecine  à  Wurtzbourg,  puis  en  1825 
fut  privat-docent  à  Munich,  en  1829  à  Wurtzbourg,  oij  il  fut  nommé  professeur 
ordinaire  de  physiologie  peu  après.  Son  ouvrage  le  plus  important  est  relatif 
aux  fonctions  du  système  nerveux  :  Neue  Lehren  im  Gebiete  der  physiol.  Ana- 
tomie  und  der  Physiologie  des  Menschen.  Niirnberg,  1824-1826,  in-S".  Il  a 
publié  en  outre  des  ouvrages  sur  le  magnétisme  animal.  L.  Hx. 

nÉPATALGiE.     Voy.  Foie. 

nÉPATiQL'E.  Ce  nom  a  été  donné,  dans  le  langage  vulgaire,  à  plusieurs 
plantes  qui  étaient  préconisées  jadis  comme  remèdes  contre  les  maladies  du 
foie.  Ainsi  on  appelle  : 

Hépatique  blanche  ou  Hépatique  noble,  le  Parnassia  pahistris  L.,  qui  est 
VHepatica  alba  de  Cordus  et  des  pharmacopées  allemandes  {voy.  Parnassie)  ; 

Hépatique  étoilée  ou  Hépatique  des  bois,  VAsperula  odorata  L.  ou  Hepatica 
stellata  de  Tabernsemontanus  {voy.  Aspép.ule)  ; 

Hépatique  des  fontaines,  le  Marchantia  polymorpha  L.  [Hepatica  fontana 
de  Bauhin)  et  le  Fegatella  offtcinalis  Raddi  {Marchantia  conica  L.),  qui  est 
YHerba  Hepaticœ  fontinalis  des  anciennes  pharmacopées  [voy.  MauchaiMie)  ; 

Hépatique  des  jardins,  V Anémone  hepatica  L.,  qui  est  V Herbe  à  la  Trinité 
des  Français,  le  Fegatella  nobile  des  Italiens,  VHepatica  trifolia  de  Clusius, 
VHepatica  triloba  de  Chaix  et  VHepatica  nobilis  des  Officines  {voy.  Anémone); 


HÉPATIQUES.  555 

Hépatique  des  marais  ou  Hépatique  dorée,  le  Chrysosplenium  allernifo- 
lium  L.  ouHepatica  aurea  des  anciennes  pharmacopées  {voy.  Dorine). 

Ed.  Lef. 

HÉPATIQUE  (Artère).  Branche  de  hifurcation  droite  du  tronc  cœliaque 
[voy.  ce  mot). 

HÉPATIQUE  (Canal).     Voy.  Biliaires  {Voies). 
HÉPATIQUE  (Plexus).     Voy.  Sympathique. 
HÉPATIQUES  (Veines  sus-).     Voy.  Foie. 

HÉPATIQUES  {Hepaticx  kddLïis,.).  Les  végétaux  connus  sous  la  dénomi- 
nation d' Hépatiques  appartiennent  à  la  grande  division  des  Cryptogames  cellu- 
laires et  constituent,  dans  leur  ensemble,  uu  groupe  de  même  importance  que 
celui  des  Mousses.  Ce  sont  de  petites  plantes  verdàtres,  très-délicates,  qui  n'at- 
tirent pas  ratteulion,  mais  qui,  vues  à  la  loupe,  sont  extrêmement  élégantes  de 
formes  et  très-variées.  Elles  se  rencontrent  un  peu  partout,  principalement  sur 
le  tronc  des  vieux  arbres,  sur  la  terre,  dans  les  endroits  ombragés  et  humides, 
sur  les  talus  des  chemins  creux,  sur  le  bord  des  fontaines,  au  pied  des  murs,  sur 
les  rochers  humides,  dans  les  puits,  quelques-unes  même  à  la  surface  des  eaux 
dormantes.  La  plupart  sont  en  pleine  végétation  dès  les  premières  journées 
humides  et  chaudes  du  printemps. 

Les  organes  de  la  végétation  consistent  soit  dans  une  tige  cylindrique,  simple 
ou  ramifiée,  couverte  de  feuilles,  de  formes  variables,  placées  de  chaque  côté 
sur  deux  lignes  parallèles  {Hépatiques  caulescentes  ou  musco'ides),  soit  dans 
une  expansion  foliacée  membraneuse  plus  ou  moins  considérable  (fronde  ou 
thalle),  qui  rampe  à  la  surface  du  sol,  auquel  elle  se  fixe  par  de  nombreux  poils 
radiculaires  naissant  de  sa  face  inférieure  {Hépatiques  foliacées,  membraneuses 
ou  lichénoïdes) . 

Dans  les  Hépatiques  muscoïdes,  les  feuilles  sont  toujours  dépourvues  de  ner- 
vures et  réduites  à  un  seul  rang  de  cellules.  Leur  tige,  dénuée  d'épiderme,  est 
constituée  par  un  parenchyme  homogène.  Les  feuilles  sont  fréquemment  imbri- 
quées les  unes  sur  les  autres  comme  les  tuiles  d'un  toit  et  présentent, -à  la  base, 
des  lobes  très» diversement  conformés  appelés  Auricules.  Elles  sont,  dans  certains 
cas,  entre-mêlées  de  feuilles  accessoires,  analogues  à  des  stipules,  auxquelles  on 
donne  le  nom  d' Amphigastres  et  qui  sont  disposées  tantôt  sur  un  seul  rang 
{Amphig astres  monastiques),  tantôt  sur  deux  rangs  {Amphigastres  distiques). 

Dans  les  Hépatiques  lichénoïdes,  la  face  supérieure  des  frondes  est  marquée 
parfois  de  lignes  verdàtres  qui  se  croisent  en  biais  et  la  divisent  régulièrement 
en  une  foule  de  petits  losanges  d'un  vert  foncé,  dont  le  centre  est  occupé  par 
un  stomate;  c'est  ce  qui  a  lieu  notamment  chez  les  Marchantia  et  les  Riccia. 

Les  Hépatiques  sont  monoïques  ou  dioïques,  c'est-à-dire  que  les  Anthéridies 
ou  organes  mâles  ne  sont  pas  portées  sur  les  mêmes  rameaux  ou  sur  les  mêmes 
individus  que  les  Archégones  ou  organes  femelles.  Ces  organes  reproducteurs 
{Anthéridies  et  Archégones)  se  développent  tantôt  à  l'aisselle  des  feuilles  ou  à 
l'extrémité  de  la  tige  et  des  rameaux,  tantôt  directement  sur  les  frondes,  soit  sur 
eurs  bords,   soit  sur  le  milieu  de  leur  surface.   Ces  organes  reproducteurs 


554  HÉPATIQUES   {COLIQUES). 

peuvent  être  sessiles  ou  pédicellés.  Les  Anthéridies  ou  organes  mâles  sont  des 
vésicules  sphériques  ou  oblongues,  remplies  d'une  substance  mucilagineuse 
qui  se  coagule  et  se  divise  en  plusieurs  cellules  discoïdes  de  très-petite  dimen- 
sion ;  de  ces  cellules  sortent,  à  la  maturité,  des  anthérozoïdes  filiformes, 
roulés  en  spirale  et  munis  chacun  de  deux  longs  cils  vibratiles  au  moyen  des- 
quels ils  exécutent  des  mouvements  très-actifs.  Fréquemment,  les  anthe'ridies 
sont  pourvues  d'un  périgone  formé,  dans  les  Hépatiques  muscdides,  de 
feuilles  florales  plus  ou  moins  modifiées,  devenues  membraneuses  et  semblables 
à  des  écailles. 

he.'i  Archégones  on  organes  femelles  sont,  en  général, réunies  par  groupes  dans 
un  involucre  commun,  formé  par  des  expansions  foliacées  et  auquel  on  a  donné 
le  nom  de  périchèse.  Mais  le  plus  ordinairement  un  seul  de  ces  archégones  se 
développe,  tandis  que  les  autres  se  présentent  sous  la  forme  de  filaments  cloi- 
sonnés stériles  appelés  paraphyses.  Après  la  fécondation,  cet  Archégone  devient 
un  sporange,  sorte  de  capsule  qui  tantôt  se  flétrit  et  se  rompt,  tantôt  s'ouvre  par 
des  dents  ou  des  valves,  au  nombre  de  deux  ou  de  quatre.  Ce  sporange  contient, 
outre  des  cellules-mères  sphéroïdes,  au  sein  de  chacune  desquelles  se  déve- 
loppent quatre  spores  sphériques,  des  cellules  fusiformes  très-allongées,  appli- 
(juées  à  la  paroi  interne  du  sporange  et  qui  se  divisent  chacune  en  deux  lanières 
spirales,  très-hygrométri(|ues,  nommées  Élatères,  dont  les  mouvements  de 
torsion  aident  puissamment  à  la  dissémination  des  spores  disposées  autour 
d'elles.  Celles-ci  germent  à  la  surface  de  la  terre  humide  et  produisent  des 
filaments  cellulaires,  constituant  un  protonéma,  s\it  lequel  se  développent  ulté- 
rieurement les  tii.'^es  ou  les  frondes. 

Le  mode  de  reproduction  dont  nous  venons  de  parler  n'est  pas  le  seul  qu'on 
observe  dans  les  Hépatiques.  Ces  plantes,  en  effet,  se  multiplient  fréquemment 
et  abondamment  au  moyen  de  bourgeons  ou  innovations  qui  se  développent  soit 
sur  les  frondes,  soit  à  l'aisselle  des  feuilles,  s'allongent  et  ne  tardent  pas  à  se 
séparer  de  la  plante-mère  pour  former  de  nouvelles  plantes.  Très-souvent  encore, 
surtout  dans  les  Hépatiques  lichénoïdes,  se  développent,  sur  la  face  supérieure 
des  frondes,  des  appareils  gemmipares,  constitués  par  des  conceptacles  parti- 
culiers (en  forme  des  bouteilles  dans  les  Blasia,  de  corbeilles  dans  les  Marchan- 
da), contenant  des  sporules  vertes  ou  propagules,  qui,  devenues  libres,  germent 
sur  le  sol  humide  et  donnent  naissance  à  de  nouveaux  individus. 

A  l'exception  du  Marchantia  polynwrpha  L.  et  du  Fegatella  officinalis  Raddi 
{Marchantia  conica  L.),  que  l'on  a  préconisés  jadis  contre  les  affections  du  foie 
(t'O^.MARCHANTiE),Ies  Hépatiqucs  n'offrent  aucun  intérêt  au  point  de  vue  médical. 
Elles  comprennent  les  quatre  familles  suivantes  :  l"  Jdagermaxmacées  (genres  : 
Jungermannia  L.,  Frullania  Radd.,  Scapania  Dum.,  Plagiochila  Dum., etc.); 
2"  A.MHOCÉROTÉES  (genre  :  Anthoceros  Mich.)  ;  5"  Ricciées  (genres  :  Riccia  Mich., 
Sphœrocarpus  Mich.,  etc.);  4°  Marchantiées  (genres  :  Marchantia  Mich.,  Fega- 
tella Radd.,  L^inularia  Mich.,  etc.).  Ed.  Lef. 

nÉPATiQL'ES  (Coliques).  On  désigne  sous  le  nom  de  colique  hépatique, 
colique  du  foie,  un  ensemble  de  phénomènes  douloureux,  paroxystiques,  de 
nature  spéciale,  d'intensité  variable,  souvent  accompagnés  ou  suivis  d'ictère  et 
ayant  leur  siège  ou  leur  point  de  départ  dans  l'appareil  hépatique. 

L'expérience  a  montré  que  dans  l'immense  majorité  des  cas  ces  phénomènes 
douloureux  sont  dus  à  la  présence  ou  à  la  progression  de  calculs  dans  les  voies 


HEPATIQUES  (COLIOUES).  •  555 

biliaires.  D'où  une  tendance  assez  justifiée  à  regarder  la  colique  hépatique 
comme  une  crise  douloureuse  caractéristique  de  l'existence  et  surtout  de  la 
migration  des  calculs  du  foie.  Mais,  ainsi  que  le  font  très-judicieusement  remar- 
quer Barth  et  Besnier  [Affection  cakuleuse  des  voies  biliaires,  t.  IX  de  ce  Dic- 
tionnaire, p.  416),  «  si  les  calculs  sont  incontestablement  la  cause  la  plus 
commune  de  la  colique  hépatique,  ils  n'en  sont  pas  la  cause  exclusive,  et  il  faut 
prendre  garde  dans  la  pratique  de  considérer  le  diagnostic  de  colique  hépa- 
tique comme  équivalent  toujours  au  diagnostic  de  colique  calculeuse.  »  Des 
parasites  du  foie,  de  l'intestin  (hydatides,  douves,  ascarides),  divers  corps  étran- 
gers de  petit  volume,  peuvent,  en  pénétrant  dans  les  voies  biliaires,  donner  nais- 
sance au  complexus  syraptomatique  qui  constitue  la  colique  hépatique  (voij. 
article  Foie  [Kystes  hydatiqiies]  dans  ce  Dictionnaire;  voi/.  aussi  Bonfils,  Des 
lésions  et  phénomènes  pathologiques  déterminés  par  la  présence  des  vers  asca- 
rides lombricoïdes  dans  les  voies  biliaires,  in  Archives  gén.  de  méd.,  1858, 
vol.  1,  p.  661).  Enfin,  on  peut  encore  admettre  une  colique  hépatique  simplement 
d'origine  nerveuse  due  à  la  névralgie  du  plexus  hépatique.  Bien  que  celte  der- 
nière variété  soit  assurément  fort  rare,  nous  ne  nous  croyons  pas  autorisé  à 
repousser  l'existence  d'une  hépatalgie  analogue  aux  affections  douloureuses  dési- 
gnées sous  les  noms  de  gastralgie,  entéralgie. 

Ces  réserves  posées,  afin  d'établir  dès  le  début  une  division  étiologique  dans 
l'histoire  du  syndrome  dont  nous  avons  à  nous  occuper,  nous  prendrons  comme 
type  la  colique  hépatique  d'origine  calculeuse.  Au  chapitre  Diagnostic,  nous 
chercherons  à  savoir  si,  une  fois  la  nature  de  la  crise  reconnue,  il  est  encore 
possible  d'en  préciser  la  cause. 

Nous  n'avons  pas  à  tracer  ici  l'historique  de  la  cholélithiase  dont  les  lignes 
principales  ont  été  déjà  indiquées  dans  le  remarquable  article  de  MM.  Barth  et 
Besnier.  Depuis  sa  publication  (1869),  de  nombreux  travaux  sont  venus  faire 
mieux  connaître  les  diverses  manifestations  cliniques  et  la  pathogénie  de  la 
colique  hépatique,  les  conséquences  prochaines  ou  éloignées  qu'elle  peut 
entraîner,  le  traitement  qu'il  faut  lui  opposer.  Parmi  les  médecins  qui,  dans 
cette  période,  ont  apporté  leur  contribution  à  cette  étude,  dont  nous  nous  sommes 
occupé  dans  un  précédent  travail  [Accidents  de  la  lithiase  biliaire.  Paris,  1880), 
nous  devons  citer  surtout  Charcot  et  ses  élèves  Mégnin,  Hanot,  Begnard,  Gom- 
bault,  Vulpian,  Potain,  Bouchard,  Dujardin-Beaumetz,  Fabre,  Laborde,  Peter, 
Bendu,  Sénac,  Durand-Fardel,  Willemin,  Cornillon,  J.  Cyr,  en  France;  Frerichs, 
Wolff,  Simanowsky,  en  Allemagne;  Murchison,  W.  Legg,  G.  Harley,  en  Angle- 
terre; Both  en  Suisse;  Foa  et  Salvioli  en  Italie.  Nous  renvoyons  le  lecteur 
désireux  de  connaître  de  plus  amples  détails  sur  cet  historique  à  la  thèse  de 
Muleur  [Essai  historique  sur  Vaffection  calculeuse  du  foie  depuis  Hippocrate 
jusqu'à  Pujol.  Paris,  1884,  n"  320),  qui  se  termine  par  les  lignes  suivantes 
destinées  à  donner  une  vue  d'ensemble  des  progrès  réalisés  sur  ce  sujet  pendant 
la  période  contemporaine  :  «  Nous  sommes  parvenu  au  terme  de  notre  étude, 
laissant  la  question  en  bon  chemin.  La  clinique,  l'histologie,  la  chimie  biolo- 
gique, vont  continuer  les  efforts  des  siècles  précédents.  Les  Pujol,  les  Portai, 
les  Fauconneau-Dufresne,  les  Trousseau  et  la  phalange  des  cliniciens  contempo- 
rains, vont  étudier  encore,  vulgariser  surtout  une  maladie  longtemps  méconnue. 
Les  uns,  suivant  la  route  marquée  par  Trousseau,  élargiront  le  champ  de  l'ob- 
servation en  découvrant  les  formes  frustes  ;  M.  Sénac  insistera  sur  les  gastralgies 


536  •  UÉtÂTIQUES   (COLIQUES). 

prémonitoires  ;  Frerichs,  Charcot  —  ajoutons  Pemberton,  Budd,  Mouneret  — 
appuieront  sur  le  frisson  révélateur  du  passage  des  concrétions  et  les  fièvres 
hépataigiques;  M.  Potain  étudiera  les  affections  cardiaques  que  les  coliques 
hépatiques  peuvent  déterminer  par  dilatation  secondaire  du  ventricule  droit; 
M.  Bouchard,  en  reliant  la  lithiase  hépatique  au  vaste  gi'oupe  des  maladies  par 
ralentissement  de  la  nutrition,  élargira  son  cadre  et  lui  donnera  le  caractère 
d'une  maladie  générale  de  toute  la  substance.  Mais  il  serait  injuste  d'oublier 
ce  que  l'affection  calculeuse  doit  aux  savantes  recherches  des  Thénard,  des 
Bouisson,  des  Robin,  des  Frerichs,  des  Lulon,  qui  ont  largement  contribué  par 
leurs  savantes  recherches  à  asseoir  les  bases  sur  lesquelles  repose  la  doctrine 
médicale  de  la  lithiase  biliaire.  » 

Étiologie.  Au  commencement  du  siècle,  Pujol  (de  Castres),  qui  a  décrit  la 
colique  hépatique  avec  un  grand  sens  clinique  {Mémoire  très-récemment  composé 
sur  la  colique  hépatique  de  cause  calculeuse.  In  Œuvres  de  médecine  pra- 
tique, t.  IV,  1825),  déclarait  que  sur  40  malades  atteints  de  cette  affection 
c'est  à  peine  s'il  s'en  trouve  un  dont  la  maladie  reconnaisse  une  autre  cause 
que  les  concrétions  biliaires.  En  1851  Beau,  appuyé  sur  l'opinion  de  Chomel, 
retournant  celte  proposition,  soutenait  que  sur  50  à  40  cas  de  colique  hépatique 
c'est  à  peine  s'il  s'en  trouve  un  dans  lequel  l'examen  des  selles  permette  de 
.reconnaître  l'existence  des  cholélithes,  et,  malgré  les  ouvrages  de  Bouisson  et 
Fauconneau-Dufresne,  ébranlait  les  idées  reçues  sur  la  fréquence  de  la  colique 
hépatique  d'origine  calculeuse.  L'observation  s'est  prononcée  en  faveur  de 
Pujol  ;  on  peut  même  avancer  que  la  proportion  indiquée  par  ce  médecin  est 
au-dessous  de  la  réalité. 

La  colique  non  calculeuse  peut  être  due,  comme  nous  l'avons  dit  en  com- 
mençant, soit  à  la  pénétration  de  parasites  ou  de  corps  étrangers  dans  les  voies 
biliaires,  soit  à  une  névralgie  du  plexus  hépatique. 

Les  documents  sont  bien  rares  qui  permettent  d'établir  la  réalité  d'une  hépa- 
falgie  par  simple  irritation  nerveuse,  déterminée  par  les  causes  générales 
entraînant  les  autres  névralgies  viscérales.  On  a  cité  cependant  comme  causes 
prédisposantes  les  grandes  névroses  (hystérie,  épilepsie),  le  tempérament  ner- 
veux, et  comme  causes  occasionnelles  une  mauvaise  hygiène  alimentaire,  l'abus 
des  aliments  épicés  (Beau),  les  émotions  morales.  Frerichs  rapporte,  dans  son 
Traité  des  maladies  du  foie  (p.  869,  4'^  édition),  une  observation  où  par  ex- 
clusion, il  semble  bien  qu'on  doive  admettre  le  diagnostic  d'hépatalgie  simple. 
D'autre  part,  afin  de  montrer  combien  cette  affection  est  peu  fréquente,  Mur- 
chison  a  publié,  dans  la  deuxième  édition  de  son  Traité,  l'observation  d'un 
malade  cité  dans  la  première  édition  comme  atteint  d'hépatalgie  simple  et  chez 
lequel  l'autopsie  vint  prouver  l'existence  de  calculs. 

Les  coliques  d'origine  calculeuse,  comme  leur  nom  l'indique,  sont  produites 
par  des  concrétions  biliaires  plus  ou  moins  volumineuses  :  calculs,  gravelle, 
sables,  bile  épaissie,  etc.  Nous  n'entreprendrons  pas  ici  l'exposé  des  conditions 
étiologiques  et  pathogéniques  de  l'affection  calculeuse  du  foie  (diathèse  arthi'i- 
tique,  hérédité,  tempérament,  âge,  sexe,  alimentation,  genre  de  vie,  émotions 
morales,  etc.),  déjà  passées  en  revue  dans  une  autre  partie  de  ce  Recueil. 
Rappelons  cependant  que,  dans  ces  derniers  temps,  la  lithiase  biliaire  a  pu  être 
logiquement  considérée  comme  une  maladie  par  ralentissement  de  la  nutrition. 
Ses  relations  avec  divers  états  diathésiques,  signalées  par  plusieurs  auteurs,  ont 
été  analysées  dans  un  esprit  nouveau,  et  soigneusement  mises  en  lumière  par 


IIÉPATIQUKS  (COLIQUES).  '  ÔÔ7 

M.  le  professeur  Bouchard,  dont  les  leçons  ont  établi  que  c'est  cette  modification 
constitutionnelle  héréditaire  ou  acquise  qui  entraîne  la  formation  des  calculs 
{Maladies par  ralentissement  delà  nutrition.  Paris,  1882;  voy.  aussi  Boinet, 
Les  parentés  7norb ides.  Thèse  d'agrég.,  1886).  Mais,  si  nous  tenons  pour  con- 
nue la  palhogéniô  de  la  lithiase  biliaire,  nous  devons  examiner  du  moins  les 
diverses  circonstances  qui,  une  fois  les  cholélithes  formés,  facilitent  ou  déter- 
minent l'explosion  des  accidents  douloureux,  c'est-à-dire  les  causes  prédispo- 
santes et  occasionnelles  de  la  colique  hépatique. 

Causes  prédisposantes.  Age.  Les  coliques  hépatiques  présentent  leur 
maximum  de  fréquence  de  vingt-cinq  à  quarante-cinq  ans,  c'est-à-dire  à  la 
période  moyenne  de  la  vie.  D'après  divers  auteurs,  il  y  aurait  une  remarque 
importante  à  faire  à  ce  sujet.  Chez  la  femme,  les  accès  seraient  le  plus  souvent 
observés  pendant  la  période  active  de  la  vie  sexuelle,  de  vingt  à  quarante  ans. 
Chez  l'homme,  ce  serait  à  une  période  plus  avancée.  Les  statistiques  sur  les- 
quelles reposent  ces  assertions,  dues  pour  la  plupart  à  des  médecins  de  stations 
thermales  où  l'on  envoie  de  toutes  parts  les  cholélithiasiques,  sont  passibles 
d'une  objection  :  elles  relatent  généralement  l'âge  des  malades  au  moment  de 
l'observation,  et  non  celui  auquel  le  sujet  a  été  primitivement  frappé.  MM.  Sénac 
et  Cyr  ont  noté  cette  période  de  début  dans  un  nombre  de  cas  assez  considérable; 
nous  reproduisons  ici  leurs  statistiques  : 

SÉNAC.       CÏR. 

De  1  à  10  ans 3       2       5 

il  à  20  an» i 

20  à  50  ans 28 

30  à  iO  ans 28 

40  à  50  ans 19 

50  à  60  ans 21 

60  à  80  ans 6 


18 

22 

208 

236 

185 

213 

91 

110 

48 

69 

6 

12 

Total 109      558      667 

Les  résultats  concordants  obtenus  par  ces  deux  auteurs  établissent  que  c'est 
de  vingt  à  quarante  ans  que  les  crises  douloureuses  se  montrent  pour  la  pre- 
mière fois,  et  qu'il  est  très-rare  de  les  voir  paraître  après  soixante  ou  soixante- 
cinq  ans,  si  elles  n'existaient  déjà  auparavant. 

Et  cependant  la  lithiase  biliaire  est  très-fréquente  précisément  dans  la  période 
avancée  de  la  vie.  On  sait  qu'il  est  assez  commun  de  trouver  des  cholélithes 
à  l'autopsie  des  vieillards.  Harley  {Diseases  of  hiver.  London,  1883),  d'après 
les  résultats  publiés  par  les  auteurs  européens  qui  se  sont  occupés  de  l'affection 
calculeuse  du  foie,  donne  les  chiffres  suivants  comme  indiquant  approximative- 
ment la  proportion  des  concrétions  biliaires  aux  diflérents  âges.  Sur  1000  cas  on 
en  trouverait  : 

Chez  des  personnes  au  delà  de  40  ans 750 

—  entre  30  et  40  ans 200 

—  —  20  et  50  ans 40 

—  au-dessous  de  20  ans 20 

En  étudiant  la  physiologie  pathologique  de  l'accès,  nous  donnerons  les  raisons 
qui  servent  à  expliquer  la  rareté  relative  des  coliques  hépatiques  franches  à 
l'époque  où  la  lithiase  biliaire  offre  son  maximum  de  fréquence. 

Sexe.     Les  coliques  du  foie  s'observent  plus  souvent  chez  la  femme  que  chez 


5.58  HEPATIQUES  (CULKJUES). 

l'homme.   Bien  qu"il  soit  difficile  d'établir    une  proportion    exacte,    on   peut 
admettre  le  rapport  de  2  à  1  ;  celui  de  3  à  2  a  été  souvent  indiqué. 

Malades.  Femmes.  Hoinnics. 

Flein  (cité  pnr  Froriclis)  a  compté  sur.   .        620  577                   215 

Durand-Fa  idcl 250  li2                    88 

Sénac 467  268                   199 

Willemin 2559  1559                  780 

5636  2546  lôOO 

La  lithiase  biliaire,  cause  habituelle  des  coliques  hépatiques,  est  plus  fré- 
quente chez  la  femme.  On  trouve  beaucoup  plus  de  cholélithes  aux  autopsies  de 
la  Salpètrière  qu'à  celles  de  Bicêtre.  Sur  2038  autopsies  pratiquées  à  Bàle  en 
huit  ans  et  demi,  Roth  a  trouvé  106  fois  des  calculs  biliaires,  soit  une  propor- 
tion de  H,\S  pour  100.  Le  chiffre  d'autopsies  d'hommes  et  de  femmes  étant 
sensiblement  le  même,  la  fréquence  des  calculs  biliaires  chez  les  premiers  est 
de  4,7  pour  100  et  de  11,7  chez  les  femmes  {Beobachtungen  ither  die  Gallen- 
sleinkolik;  in  Corr.  Bl.  fur  Scim.  Aerzte,  1881,  et  Rev.  se.  méd.,  juillet  1885). 
Ces  chiffres  concordent  très-bien  avec  ceux  de  F'iedlcv  {Jahresher.  der  Gesellsch. 
f.  Naliir-  und  lledk.  zit  Dresden,  1879),  7  pour  100  sur  l'ensemble  des  autop- 
sies, 4  pour  100  chez  les  hommes,  9  pour  100  chez  les  femmes. 

D'un  autre  côté,  les  crises  douloureuses  non  calculeuses,  sont  probablement 
aussi  plus  communes  chez  le  sexe  féminin.  La  menstruation,  la  grossesse,  les 
maladies  de  l'utérus,  la  vie  sédentaire,  l'abus  du  corset  (?),  ont  été  invoqués 
conmie  causes  de  cette  plus  grande  fréquence  dont  les  chiffres  rapportés  plus 
haut  ne  donneraient,  d'après  quelques  auteurs,  qu'une  idée  insuffisante.  D'après 
les  statistiques  de  Bouchard,  Cyr,  plus  restreintes  il  est  vrai,  le  rapport  serait 
de  4  à  1. 

Toutes  ces  causes,  comme  l'a  montré  M.  Bouchard,  ont  un  effet  commun. 

Les  maladies  utérines,  par  le  repos  forcé  qu'elles  imposent,  par  les  préoccu- 
pations morales  qu'elles  provoquent,  paraissent  agir  surtout  en  entraînant  un 
retard  dans  la  nutrition,  et  c'est  probablement  par  ce  même  mécanisme  qu'agit 
la  grossesse.  De  plus,  encore  dans  ce  dernier  cas  —  sans  parler  des  modifications 
qui  se  produisent  dans  le  foie  pendant  la  gestation  —  la  dimension  de  l'utérus, 
gênant  par  son  volume  progressivement  croissant  le  libre  jeu  des  organes 
abdominaux,  peut  bien  aussi  intervenir  en  favorisant  mécaniquement  la  stagna- 
tion de  la  bile. 

Tempérament.  Les  tempéraments  nerveux  et  bilieux  sembleraient  être  des 
causes  prédisposantes  des  coliques  hépatiques,  mais  celles-ci  ont  été  bien  sou- 
vent observées  chez  des  individus  à  tempérament  sanguin  ou  congestif. 

Causes  occasionnelles.  Dans  la  grande  majorité  des  cas,  la  crise  doulou- 
reuse se  montre  lorsque  «  la  vésicule  chargée  de  concrétions,  venant  à  se  con- 
tracter efficacement  sur  elles,  les  pousse  dans  le  conduit  cystique  et  tend  à  les 
faire  marcher  vers  le  tube  intestinal.  Le  chemin  est  long  et  étroit  et  ce  travail 
ne  peut  se  faire  qu'avec  du  temps  et  beaucoup  de  souffrance]  »  (Pujol).  Donc 
toutes  les  circonstances  qui  auront  pour  effet  de  solliciter  la  contraction  des 
voies  biliaires  chez  un  sujet  atteint  de  cholélilhiase  peuvent  jouer  le  rôle  de 
causes  occasionnelles. 

Au  premier  rang  de  celles-ci  il  convient  de  placer  la  digestion.  C'est  en 
général  trois  ou  quatre  heures  après  le  repas,  au  moment  où  la  vésicule  se  con- 
tracte pour  projeter  vers  l'intestin  par  «  une  sorte  d'éjaculation  »  la  bile  accu- 


e 


e 


HEPATIQUES  (COLKJUES).  559 

mulée  dans  sa  cavité  que  l'on  voit  éclater  les  coliques  hépatiques.  Parfois, 
lorsque  la  vésicule  est  déjà  distendue,  il  suffit  de  l'arrivée  des  aliments  dans 
l'estomac  pour  exciter  cette  contraction.  La  colique  se  montre  alors  immédiate- 
ment après  le  repas,  ou  même  pendant  celui-ci.  Les  excitations  du  tube  digestif, 
quelle  qu'en  soit  la  nature,  repas  trop  copieux,  indigestions,  purgatifs,  peuvent 
encore  amener  ce  même  résultat  par  voie  réflexe  ou  directement  quand  l'esto- 
mac dilaté  vient  restreindre  la  place  occupée  par  la  vésicule  augmentée  de 
volume.  Dans  plusieurs  cas,  en  effet,  on  a  pu  noter  la  distension  de  cet  organe 
précédant  de  quelques  jours  ou  quelques  semaines  l'apparition  des  coliques 
(Willemin,  Charcot). 

A  côté  de  ces  causes  nous  l'angerons  ensuite  les  traumatismes  portant  sur 
l'épigastre  ou  l'iiypochondre,  les  mouvements  spontanés  ou  provoqués  (saut, 
effort  violent,  courses  à  pied  ou  à  cheval,  le  cahot  d'une  voiture,  etc.).  Il  n'est 
pas  rare  non  plus  de  voir  les  émotions  morales  vives  déterminer  l'apparition 
d'une  crise. 

Toutes  les  manifestations  de  la  vie  sexuelle  de  la  femme,  la  menstruation, 
l'avorteraent,  la  grossesse,  l'accouchement  et  les  suites  de  couches,  méritent 
d'être  regardées  comme  causes  occasionnelles  très-fréquentes  de  la  colique  hépa- 
tique. La  grossesse  a  parfois  déterminé  l'apparition  de  crises  hépatiques  qui 
sont  ensuite  revenues  régulièrement  à  chaque  grossesse,  soit  pendant  la  gesta- 
tion, soit  pendant  la  période  puerpérale.  Par  contre,  chez  certaines  femmes 
sujettes  à  ces  accidents,  on  a  pu  les  voir  cesser  pendant  le  cours  de  la  gestation. 

La  menstruation  peut  amener  le  retour  presque  périodique  dos  crises.  Ce 
fait  a  depuis  longtemps  frappé  les  observateurs.  Nous  avons,  pour  notre  compte, 
l'occasion  de  suivre  depuis  plus  de  cinq  ans  un  exemple  de  ce  genre,  et  dans 
lequel  les  phénomènes  ont  varié  depuis  la  crampe  d'estomac  jusqu'à  la  crise 
atrocement  douloureuse  amenant  la  syncope. 

Le  traitement  thermal  est  souvent  la  cause  de  l'apparition  des  coliques  chez 
les  individus  qui  n'ont  encore  que  des  troubles  mal  définis  dus  à  la  cholélithiase. 

Nous  citerons  enfin  parmi  les  causes  déterminantes  plus  rarement  observées 
la  ménopause,  la  suppression  d'un  flux  habituel  (hémorrhoïdes),  de  manifesta- 
tions arthritiques,  eczéma,  etc. 

Symptômes.  Qu'elle  survienne  spontanément  ou  qu'elle  ait  été  déterminée 
par  les  causes  que  nous  venons  d'énumérer  rapidement,  la  colique  hépatique 
ne  se  présente  pas  toujours  avec  les  mêmes  caractères.  Tantôt  ceux-ci  sont  nets, 
bien  tranchés;  tantôt,  au  contraire,  les  symptômes  ne  paraissent  offrir  rien  qui 
attire  immédiatement  l'attention  du  côté  du  foie.  La  colique  est  alors  constituée 
par  des  manifestations  de  la  crise  ordinaire  très-atténuées  dans  leur  intensité, 
ou  bien  par  un  seul  des  symptômes  du  syndrome  classique.  Ce  sont  dans  ces 
cas  de  simples  crampes  d'estomac  sans  ictère  ou  suivies  le  lendemain  d'une 
teinte  foncée  des  urines;  des  troubles  dyspeptiques;  un  ictère  plus  ou  moins 
marqué;  des  frissons  répétés,  parfois  même  de  vrais  accès  de  fièvre  hépatal- 
gique;  autant  de  signes  dont  la  signification  échappe  complètement  ou  ne 
devient  sensible  que  si  l'attention  est  déjà  sollicitée  par  les  antécédents.  A  côté 
de  ces  deux  variétés  cliniques  auxquelles  on  peut  réserver  le  nom  d'accès  franc 
dans  le  premier  cas,  d'accès  à  forme  fruste  dans  le  second,  il  existe  encore  des 
accès  à  forme  larvée  dont  le  diagnostic  offre  les  plus  grandes  chances  d'erreur, 
à  moins  qu'on  ne  soit  prévenu,  ou  qu'un  ictère  survenant  après  les  névralgies 


^iO  HÉPATIQUES   (COLIQUES). 

diverses  par  lesquelles  se  traduit  alors  la  crise  hépatiqiie  n'éveille  les  soupçons 
du  médecin.  Les  accès  frustes,  à  forme  pseudo-gastralgique,  sont,  au  contraire, 
aujourd'hui  assez  bien  connus,  grâce  aux  travaux  ou  aux  leçons  de  Fauconneau- 
Dufresne,  Scuac,  Cornillon,  Trousseau,  Murchison  [voy.  aussi  sur  ce  sujet  deux 
thèses  de  Paris  :  Lefranc,  De  quelques  phénomènes  initiaux  de  la  lithiase 
biliaire  envisagés  au  point  de  vue  du  diagnostic,  i8Si,n°^Q^;  0\i\e,  Formes 
cliniques  de  la  colique  hépatique,  1885,  n°  94). 

Accès  franc  II  est  très-rare  que  l'accès  franc  de  colique  hépatique  éclate 
brusquement  chez  uu  individu  jusque  là  en  pleine  santé.  D'habitude,  il  sur- 
vient chez  des  sujets  ayant  déjà  présenté  divers  troubles  fonctionnels  attribués 
au  tempérament  arthritique  :  migraines,  dyspepsie,  crampes  d'estomac,  tension 
plus  ou  moins  vive  dans  Thypochondre  droit,  etc.  Cette  période  prodromale  a, 
comme  nous  le  verrons  plus  bas,  une  valeur  séraéiologique  spéciale.  Ses  mani- 
festations doivent  être  séparées  des  phénomènes  avant-coureurs  immédiats  de  la 
crise  auxquels  nous  réservons  le  nom  de  prodromes  et  sur  la  nature  desquels 
le  patient  ne  se  trompe  guère  dès  qu'il  les  a  une  fois  éprouvés. 

Les  prodromes  de  la  crise  sont  constitués  chez  les  uns  par  une  sorte  de 
malaise,  une  excitation  nerveuse  plus  grande,  des  bâillements,  des  pandicula- 
tions,  une  migraine;  chez  d'autres,  au  contraire,  par  un  sentiment  de  mieux 
être  (Durand- Fardel).  Parfois  il  existe  un  certain  degré  d'anxiété,  un  état 
d'oppression,  des  frissonnements,  souvent  enfin  une  douleur  sourde  dans  le 
côté  droit,  qui,  d'abord  peu  marquée,  se  prononce  ensuite  davantage  et  arrive  à 
acquérir  une  grande  intensité.  Au  lieu  d'une  douleur,  le  malade  n'accuse  dans 
quelques  circonstances  qu'un  sentiment  de  gêne,  de  tension  dans  l'hypochondre, 
«  il  sent  son  foie.  »  Il  est  probable  que  l'examen  direct  de  la  région  endolorie 
pratiqué  à  ce  moment  permettrait  de  constater  soit  une  augmentation  de  volume 
de  cet  organe,  soit  la  distension  de  la  vésicule  biliaire,  mais  on  n'a  que  rare- 
ment l'occasion  de  le  faire  dans  la  période  prodromique  de  l'accès. 

Que  la  crise  aiguë  soit  précédée  de  prodromes,  ou  qu'elle  fasse  explosion 
d'emblée,  la  douleur  en  est  le  phénomène  prédominant,  capital,  autour  duquel 
évolue  toute  la  scène  pathologique.  Vive,  intense,  elle  éclate  d'ordinaire  quel- 
ques heures  après  les  repas,  siège  surtout  à  l'épigastre  (point  épigastrique), 
dans  la  région  du  foie  et  de  la  vésicule  (point  cystique);  par  exception,  elle 
occupe  l'hypochondre  gauche.  Elle  s'irradie  souvent  en  arrière  vers  le  miheude  la 
colonne  dorsale  (point  dorsal),  plus  en  dehors  vers  l'angle  inférieur  de  l'onio- 
j)late  droite,  l'épine  de  cet  os  (point  scapulaire)  et  dans  tout  le  bras  correspon- 
dant. Elle  peut  encore  rayonner  en  haut  vers  le  sein  et  la  clavicule.  Plus 
rarement  les  irradiations  douloureuses  ont  lieu  par  en  bas  vers  les  fosses 
iliaques,  l'hypogastre,  et  jusque  vers  les  testicules.  Trousseau,  Barth  etBesnier, 
Lange  et  quelques  autres  auteurs,  ont  observé  ces  irradiations  descendantes  dont 
l'existence  est  contestée  par  Murchison  {voy.  aussi  Cornillon,  Caractères  géné- 
raux des  localisations  douloureuses  dans  les  coliques  hépatique  et  néphrétique, 
in  Mélanges  de  médecine.  Vichy,  1884).  Cette  douleur  s'accompagne  souvent 
de  frissons,  d'angoisse.  Par  son  caractère  exacerbant,  elle  ne  tarde  pas  à  pro- 
voquer les  nausées  et  les  vomissements. 

Des  frissons  plus  ou  moins  violents  peuvent  se  montrer  dès  le  début,  avec  ou 
sans  élévation  de  température;  parfois  ils  constituent  le  phénomène  initial  et 
précèdent  la  douleur.  Le  thermomètre  peut  atteindre  39,  40  degrés  ou  plus,  il 
y  a  alors  un  véritable  accès  fébrile. 


HÉPATIQUES  (COLIQUES).  541 

Les  vomissements,  quand  la  colique  survient  pendant  la  pe'riode  de  digestion, 
sont  d'abord  alimentaires  ;  puis,  quand  l'estomac  s'est  débarrasse'  de  son  contenu, 
ils  deviennent  glaireux,  se  produisent  au  milieu  d'efforts  qui  brisent  les  forces; 
enfin  ils  peuvent  être  bilieux  ou  même  constitués  par  un  flot  de  bile.  Un  sou- 
lagement momentané  succède  souvent  à  cette  évacuation  de  bile,  qui  a  pour 
effet  de  diminuer  la  distension  douloureuse  des  réservoirs  et  canaux  biliaires. 
Dans  quelques  cas,  l'intolérance  de  l'estomac  est  telle,  qu'on  voit  les  nausées  et 
les  efforts  de  vomissements  se  reproduire  dès  que  l'on  tente  de  faire  prendre  un 
médicament  ou  la  moindre  boisson  au  malade. 

D'ordinaire,  pendant  la  crise,  les  garde-robes  sont  rares  ou  supprimées;  quel- 
quefois, au  contraire,  il  existe  de  la  diarrhée. 

Pendant  ces  paroxysmes  le  ventre  est  tendu,  douloureux,  surtout  dans  la 
région  de  la  vésicule,  où  la  moindre  pression  augmente  les  souffrances,  de 
manière  à  rendre  la  plupart  du  temps  toute  exploration  directe  impossible.  Pen- 
dant l'accalmie,  en  procédant  doucement,  avec  beaucoup  de  prudence,  après 
avoir  pris  soin  de  mettre  dans  le  relâchement  ks  muscles  de  l'abdomen,  on 
peut  arriver  à  constater  l'état  du  foie  et  de  la  vésicule  souvent  augmentés  de 
volume.  Pujol  attachait  une  grande  valeur  diagnostique  à  cette  augmentation 
de  volume,  ainsi  qu'à  la  douleur  réveillée  par  la  simple  pression  au  niveau  de 
la  vésicule.  Quelquefois  la  palpation  permet  d'obtenir  une  sensation  spéciale  due 
à  la  collision  des  calculs.  Le  bruit  ainsi  provoqué  a  été  comparé  à  celui  que 
produiraient  des  noix  dans  un  sac  à  moitié  vide  (J.-L.  Petit).  Comme  ce  bruisse- 
ment, peu  marqué  quand  il  existe,  est  plus  nettement  perceptible  à  la  main 
qu'à  l'oreille,  quelques  médecins  ont  conseillé  de  le  rechercher  avec  le  stétho- 
scope. Il  est  inutile  de  dire  que  ce  moyen  ne  saurait  être  employé  pendant  les 
paroxysmes,  car  alors  la  moindre  pression  peut  être  absolument  intolérable. 
Il  n'est  pas  rare,  en  effet,  de  voir  à  ce  moment  les  malades  rejeter  leurs  couver- 
tures et  même  ne  pouvoir  supporter  le  contact  de  leurs  vêtements. 

D'après  les  investigations  de  M.  Peter,  il  ressort  que  la  température  de 
l'hypochondre  droit  au  moment  de  la  crise  surpasse  de  quelques  dixièmes  de 
degré  celle  du  côté  opposé.  Quelquefois  même,  comme  cela  résulte  d'observations 
communiquées  par  ce  professeur  et  reproduites  par  nous  dans  un  précédent 
travail,  la  température  morbide  locale  est  plus  élevée  que  la  température  axil- 
laire  prise  au  même  moment.  Dans  ces  derniers  cas,  il  est  probable  qu'il  ne 
s'agit  pas  seulement  d'une  hyperémie  réflexe  consécutive  à  la  douleur  et  qu'il 
y  a  une  lésion  inflammatoire  locale  profonde  déjà  constituée  {voy.  Thebmo- 
MÉTRiE  MÉDICALE  daus  cc  Dictionnairc). 

Les  phénomènes  généraux  ainsi  que  Vaspect  du  malade  diffèrent  pendant 
les  crises  suivant  l'intensité  et  la  durée  des  paroxysmes,  suivant  encore  que 
ceux-ci  sont  plus  ou  moins  rapprochés.  De  là  une  grande  variété  de  formes 
cliniques.  Dans  les  cas  ordinaires,  quand  la  crise  est  franche,  de  moyenne  inten- 
sité, la  température  centrale  ne  varie  pas.  L'apyrexie  est  la  règle.  Nous  avons 
vu  cependant  que  parfois  il  survient  un  grand  frisson  avec  élévation  de  la 
chaleur  à  40  degrés  et  même  au  delà,  mais  souvent  alors  il  existe  déjà  à  ce 
moment  des  lésions  inflammatoires  du  foie  ou  des  canaux  biliaires. 

Le  pouls  est  d'ordinaire  petit,  serré,  stomacal,  sans  augmentation  de  fréquence. 
Le  nombre  des  pulsations  serait  même,  d'après  quelques  auteurs,  sensiblement 
diminué  (5  à  10  de  moins  par  minute,  Wolff).  Cet  état  du  pouls,  auquel  il  con- 
vient d'ajouter  une  grande  importance  pour  le  diagnostic,  n'est  pas  toujours  le 


542  HÉPATIQUES  (COLIQUES). 

même  :  en  effet,  le  pouls  peut  être  fréquent  (Fauconneau-Dufresne),  présenter 
des  irrégularités.  Ces  dernières  s'expliquent  facilement  par  le  trouble  nerveux 
dans  lequel  les  coliques  même  de  moyenne  intensité  jettent  les  patients. 

Pendant  la  crise  la  face  est  pâle,  tirée,  les  traits  souvent  décomposés,  les 
extrémités  froides.  La  sueur  couvre  le  front,  des  frissonnements  nerveux,  des 
secousses  musculaires  d'origine  réflexe,  parcourent  et  agitent  le  corps.  Chez  les 
sujets  très-excitables,  chez  les  femmes  nerveuses  particulièrement,  chez  les 
individus  déjà  atteints  d'hysléiie  ou  d'épilepsie,  la  crise  douloureuse  peut 
amener  des  convulsions  généralisées  hystéri formes  ou  épileptiformes.  Parmi  les 
autres  troubles  généraux  qui  accompagnent  l'attaque,  on  voit  survenir  quelquefois 
une  sorte  d'hyperesthésie  généralisée,  qui  trouve  son  explication,  tant  qu'elle 
reste  modérée  et  transitoire,  dans  l'éréthisme  du  système  nerveux  causé  par  la 
douleur. 

Quand  la  crise  est  plus  violente,  quand  les  accès  se  suivent  presque  sans 
laisser  de  répit,  le  tableau  change  et  devient  plus  grave.  La  douleur  arrive 
parfois  alors  à  être  atroce.  Elle  étreint  les  malheureux  patients  qui  ne  trouvent 
plus  de  termes  pour  exprimer  les  horribles  souffrances  qu'ils  endurent;  elle 
arrache  des  larmes  aux  hommes  les  plus  courageux  et  peut  les  pousser  jusqu'à 
leur  faire  chercher  dans  une  tentative  de  suicide  le  soulagement  de  leurs  tor- 
tures. Elle  jette  tout  l'organisme,  principalement  le  système  nerveux,  dans  un 
trouble  si  profond,  que  l'on  voit  alors  survenir  du  délire,  des  convulsions,  des 
lipothymies,  des  syncopes  et  la  mort  subite  même,  à  l'acmé  du  paroxysme 
douloureux. 

Heureusement,  ce  n'est  que  dans  des  cas  assez  rares  que  la  douleur  atteint  ce 
summum  d'intensité  capable  d'entraîner  ces  redoutables  complications  dont 
nous  chercherons  plus  loin  à  pénétrer  le  mécanisme  et'  la  production.  Dans 
beaucoup  de  cas  cependant  la  douleur,  sans  s'élever  à  cette  hauteur,  ne  laisse 
pas  que  d'être  très-pénible  et  de  donner  à  l'accès  une  physionomie  différente, 
il  est  vrai,  suivant  l'individualité  morbide  du  sujet,  mais  s' éloignant  déjà  un 
peu  du  type  que  nous  avons  pris  plus  haut  comme  représentant  une  crise  de 
moyenne  intensité.  Les  malades  se  plaignent  alors  que  «  quelque  chose  leur 
tord,  leur  déchire,  leur  brûle  les  entrailles  »  ;  les  uns  font  entendre  de  dou- 
loureux gémissements,  les  autres  se  raidissent  contre  la  souffrance  la  face  et 
les  membres  convulsés  dans  un  effort  qu'ils  croient  utile  pour  hâter  leur  déli- 
vrance. Les  femmes  qui  ont  eu  des  enfants  comparent  Jes  douleurs  de  la  crise 
à  celles  de  l'accouchement,  et  comme  d'autres  médecins  nous  en  avons  entendu 
répéter  que  les  douleurs  de  l'enfantement  «  ne  sont  rien  »  auprès  des  souf- 
frances qu'elles  subissent  en  ce  moment. 

C'est  dans  ces  cas  que  l'on  voit  les  pauvres  calculeux  prendre  les  positions 
les  plus  diverses  pour  chercher  à  atténuer  la  douleur  qui  les  tord.  Tantôt  assis 
sur  le  lit,  le  tronc  fléchi  en  avant,  ils  appuient  la  main  sur  la  région  meurtrie; 
d'autres  fois,  accroupis  ou  couchés  sur  le  côté,  ils  gardent  l'immobilité  de  peur 
de  réveiller  la  souffrance  dès  que  celle-ci  leur  laisse  le  moindre  répit.  Tantôt 
au  contraire,  dans  une  agitation  continuelle,  ils  se  jettent  à  droite,  à  gauche, 
se  roulent  sur  le  lit,  se  lèvent,  marchent  dans  la  chambre,  et  ne  s'an'êtent 
que  si  une  sensation  plus  aiguë  épuise  leurs  forces,  ou  si  la  crise  tend  à  se 
calmer. 

Par  contre,  dans  certains  accès  la  douleur  ne  revêt  pas  une  acuité  aussi 
grande  que  celle  dont  nous  avons  parlé  au  début.  Ce   sont  des  crampes,  des 


HEPATIQUES  (COLIQUES).  545 

tiraillements  d'estomac  alternant  avec  une  douleur  sourde,  tormineuse,  suscep- 
tible de  provoquer  les  nausées  et  le  vomissement,  ou  bien  encore  la  douleur 
vive,  intense,  détermine  la  plupart  des  symptômes  de  l'attaque  franche,  mais  elle 
est  de  peu  de  durée  et,  dès  qu'elle  a  cessé,  il  ne  se  produit  pas  de  nouvelles  exa- 
cerbations.  Ces  formes  légères  tiennent  le  milieu  entre  les  accès  d'intensité 
moyenne  et  les  formes  frustes  constituées  par  de  simples  crampes  d'estomac 
ou  par  les  divers  troubles  observés  pendant  la  période  dite  prodromale,  latente, 
et  qui  sont  en  réalité  de  vrais  accès  atténués.  Nous  ne  faisons  que  les  signaler 
en  ce  moment,  pour  ne  pas  interrompre  l'histoire  de  la  colique  hépatique  telle 
qu'on  la  voit  évoluer  dans  ses  formes  franches. 

Victère,  et  par  là  on  entendait  l'ictère  bien  visible,  a  été  pendant  longtemps 
regardé,  avec  la  douleur  et  son  cortège  de  troubles  gastriques,  comme  le  signe 
pathognomonique  de  la  colique  hépatique.  En  réalité  il  s'en  faut  de  beaucoup 
qu'il  en  soit  toujours  ainsi.  La  jaunisse  peut  faire  complètement  défaut  dans 
des  cas  de  colique  hépatique  avérée.  Pujol  avait  déjà  insisté  sur  ce  point,  cepen- 
dant cette  opinion  pleinement  confirmée  par  les  observations  ultérieures  n'a 
fait  que  lentement  son  chemin  :  «  Combien  de  cas  de  colique  hépatique  passent 
inaperçus,  disait  encore  M.  le  professeur  Vulpian  dans  son  cours  de  la  Faculté 
(1874),  parce  que  l'on  s'imagine  trop  facilement  que  la  production  d'un  ictère 
plus  ou  moins  prononcé  est  nécessaire  au  diagnostic  !  »  On  peut  se  faire  approxi- 
mativement une  idée  de  la  proportion  considérable  des  cas  dans  lesquels  la  jaunisse 
fait  défaut,  si  on  se  rapporte  à  la  statistique,  partout  citée,  du  docteur  Wolff. 
Ce  praticien  ayant  eu  la  patience  de  chercher  les  concrétions  biliaires  dans  les 
selles  de  tous  ses  malades  atteints  de  colique  du  foie  et  en  ayant  constamment 
trouvé,  a  cependant  noté  25  fois  l'absence  d'ictère  sur  45  observations,  c'est- 
à-dire  dans  un  peu  plus  de  la  moitié  des  cas.  A  ce  sujet,  faisons  remarquer  dès 
maintenant  que,  d'après  les  faits  rapportés  par  Wolff  et  par  d'autres  médecins, 
ce  n'est  point  uniquement  du  volume  ou  de  la  forme  des  calculs  que  dépend 
l'apparition  de  l'ictère.  Nous  reviendrons  sur  ce  sujet  en  étudiant  la  physiologie 
pathologique  de  l'accès. 

Quand  l'ictère  survient,  son  époque  d'apparition  par  rapport  à  la  douleur, 
son  étendue,  son  degré,  sont  essentiellement  variables.  Il  se  montre  quelquefois 
pendant  l'accès  ou  le  suit  de  près  au  point  d'être  assez  prononcé  six  à  douze  heures 
après  le  début  d'une  colique;  habituellement  il  ne  se  développe  que  le  lende- 
main ou  le  surlendemain  de  l'attaque.  11  peut  se  généraliser  à  toute  l'étendue 
du  tégument  et  même  prendre  une  teinte  foncée  dans  les  cas  d'enclavement  du 
calcul.  D'ordinaire,  il  est  léger,  passager;  souvent  il  ne  se  traduit  que  par  une 
teinte  subictérique  de  la  cornée,  du  pourtour  des  ailes  du  nez,  et  par  la  couleur 
spéciale  de  l'urine. 

Les  urines  rendues  pendant  et  après  l'accès  doivent  être  examinées  avec  soin. 
Généralement  claires,  nerveuses,  au  début,  elles  deviennent  plus  denses  et  hautes 
en  couleur  vers  la  fin  ou  après  la  crise.  Elles  se  troublent  alors  facilement  par 
le  refroidissement  et  laissent  déposer  une  certaine  quantité  de  sédiments  ura- 
tiques  capables  de  masquer  leur  teinte  ictérique,  si  celle-ci  est  peu  prononcée. 
Il  importe  d'être  prévenu  de  ce  fait,  afin  que  ce  dépôt  d'urates  ne  fasse  pas 
croire  que  la  colique  était  d'origine  néphrétique,  ainsi  que  l'erreur  a  été  quel- 
quefois commise.  D'ailleurs,  même  dans  ce  cas,  en  agitant  l'urine  dans  le  vase, 
on  peut  voir  sur  les  bords  des  retlets  verts  qui  trahissent  l'élimination  d'une 
quantité  anormale  de  pigment  biliaire  par  le  rein.  Après  la  crise  les  urines 


su  HÉPATIQUES  (COLIQUES). 

gardent  souvent  pendant  plusieurs  jours  une  couleur  verte  ou  acajou  foncé  dont 
la  teinte  diminue  progressivement  au  fur  et  à  mesure  que  diminuent  ou  se 
transforment  les  pigments  biliaires  {voy.  Ictère). 

L'urine  filtrée  traitée  par  l'acide  nitrique  nitreux  offre  d'ordinaire  une  teinte 
verte  caractéristique  de  ce  pigment  avant  que  l'ictéritie  soit  visible  sur  les  tégu- 
ments ou  dans  les  culs-de-sac  de  la  conjonctive.  Cette  réaction  s'observerait 
d'après  Durand-Fardel  dans  tous  les  cas  de  colique  calculeuse.  Nous  regardons, 
pour  nous,  comme  très-probable  que,  si,  au  lieu  de  chercher  uniquement  la  teinte 
ictérique  sur  les  muqueuses  ou  sur  les  téguments,  on  cherchait  à  déceler  l'ic- 
tère par  la  réaction  de  Gmelin,  on  reconnaîtrait  bientôt  que  ce  symptôme 
accompagne  la  colique  hépatique  bien  plus  souvent  qu'on  ne  le  pense  aujourd'hui. 

A  la  suite  de  la  colique  hépatique,  MM.  Lépine  et  Guérin  ont  trouvé  la  quan- 
tité de  soufre  incomplètement  oxydé  augmentée  dans  les  urines  {Revue  de  mé- 
decine, 1881,  p.  918).  D'autres  auteurs  ont  signalé  dans  cette  affection  une 
diminution  de  l'excrétion  d'urée,  comme  cela  arrive  dans  les  troubles  fonctionnels 
ou  organiques  duloie(roi/.  Brouardel,  Vitrée  et  le  foie;  in  Arch.  de  ph.,  1876). 
Dans  l'observation  présentée  par  Regnard  à  la  Société  de  biologie  en  1873,  les 
crises  de  colique  s'accompagnaient  d'accès  de  fièvre  :  or,  contrairement  à  ce  qu'on 


JUILLET   1S73                                                                 AOUT      1S73 

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09    1  ILL^  ^___..__^^^_-_-^iL_^.__..  ^L 

.  Température 


vjrée        i™  Jours  d  accès  fébriles 


pouvait  attendre,  l'urée  diminuait  le  jour  de  l'attaque  et  augmentait  les  jours 
suivants  pendant  l'apyrexie.  La  figure  ci-contre  traduit  d'une  manière  évidente 
cette  opposition  entre  l'augmentation  de  température  et  la  diminution  de  l'urée 
régulièrement  constatée  pendant  plusieurs  accès  et  mise  en  courbe  par 
M.  Regnard.  Malheureusement  cette  remarquable  observation  est  restée,  croyons- 
nous,  jusqu'à  ce  jour,  unique  dans  la  science.  Les  relations  qui  existent  entre  les 
maladies  du  foie  et  la  diminution  de  l'urée  urinaire  ne  sont  pas  encore  aujour- 
d'hui entièrement  élucidées.  Les  recherches  de  Debove  (juin  1884)  sembleraient 
faire  admettre,  contrairement  à  la  thèse  de  l'uréogénie  hépatique  que  nous  avons 
défendue  à  la  suite  de  maîtres  éminents,  qu'il  y  a,  dans  quelques  cas,  plutôt  un 
trouble  dans  l'excrétion  qu'un  défaut  de  production.  Lécorché  et  Talamon. 
dans  quelques  observations  de  lithiase  biliaire  avec  fièvre,  ont  trouvé  l'urée  diini- 


HEPATIQUES  (COLIQUES).  Ô45 

nuée  les  jours  où  se  montrait  l'élévation  de  la  température  ;  dans  d'autres  ils 
ont  —  comme  cela  est  aussi  noté  dans  un  cas  de  Brouardel  —  plutôt  trou-vé  le 
contraire.  Mais  l'analyse  quantitative  des  autres  éléments  de  l'urine  montrait 
qu'il  y  avait  diminution  générale  de  ces  éléments  (acide  urique,  acide  phospho- 
rique)  en  même  temps  que  diminution  de  la  quantité  d'urée  quand  celle-ci 
coïncidait  avec  un  accès.  De  plus,  ces  auteurs  mentionnent  que  cette  diminution 
de  l'urée  a  pu  être  observée,  même  dans  certains  cas  d'accès  palustres  fiancs, 
contrairement  à  ce  qui  a  lieu  ordinairement  {Études  médicales  faites  à  la 
Maison  municipale  de  santé,  Paris,  1881).  Il  y  a  donc  dans  cette  question 
des  inconnues  à  dégager  ;  nous  ne  pouvons  que  signaler  ici  la  difficulté,  insister 
davantage  nous  entraînerait  d'ailleurs  hors  de  notre  sujet. 

Marche.  Durée.  Terminaison.  La  durée  d'une  crise  aiguë  de  colique 
hépatique  échappe  à  toute  appréciation  exacte.  Le  mode  de  début  plus  ou  moins 
violent  ne  permet  pas  de  préjuger  ce  que  va  être  l'attaque.  Elle  peut  disparaître 
après  un  temps  assez  court  une,  deux  heures,  ou  même  moins  ;  elle  peut  se 
prolonger  pendant  plusieurs  jours  et  même  plusieurs  semaines.  11  y  a  alors  des 
périodes  d'exacerbation  et  dapaiseraent  relatif  dans  lesquelles  la  douleur  ne  se 
fait  plus  sentir  que  d'une  manière  sourde,  annonçant  au  malade  que  tout  n'est 
pas  fini,  qu'il  reste  sous  le  coup  d'une  recrudescence.  Celles-ci  peuvent  être  plus 
ou  moins  éloignées  les  unes  des  autres.  Willemin  a  cité  une  observation  dans 
laquelle  pendant  quatre  mois  les  accès  furent  presque  subintrants. 

Quelques  auteurs  pensent  que  le  calcul,  après  s'être  engagé  dans  le  canal  cho- 
lédoque, plus  large  que  le  cystique,  occasionne  moins  de  douleur  et  qu'il  est  la 
cause  de  nouvelles  souffrances  au  moment  oii  il  franchit  l'orifice  duodénal. 
Théoriquement  cette  supposition  est  plausible;  en  fait,  elle  se  trouve  plus  d'une 
fois  vérifiée,  mais  la  douleur  est  surtout  en  rapport  avec  la  configuration  exté- 
rieure des  calculs  et  le  spasme  des  canaux.  Les  cholélithes  anguleux,  les  mûri- 
formes,  qui  irritent  la  muqueuse  et  peuvent  l'ulcérer  en  s'accrochant  à  ses  plis 
par  leur  aspérités,  sont  bien  plus  à  craindre  que  les  concrétions  lisses,  arrondies, 

La  terminaison  est  souvent  brusque.  On  la  compare  à  celle  de  la  parturition. 
Parfois  la  crise  offre  une  marche  assez  régulière  :  la  douleur  débute  progressive- 
ment, acquiert  son  summum  d'intensité,  reste  à  son  apogée  un  temps  variable, 
puis  diminue  et  enfin,  après  une  exacerbation  qui  serait  produite  par  le  passage 
du  calcul  dans  le  détroit  de  l'ampoule  de  Water,  cesse  u  comme  par  enchante- 
ment »  quand  le  cholélithe  est  chassé  dans  le  duodénum.  Une  sensation  particu- 
lière accompagne  quelquefois  cette  disparition  presque  soudaine  de  la  douleur. 
Les  malades  la  comparent  à  un  corps  étranger  qui  tombe  dans  l'intestin,  à  un 
ressort  qui  se  détend  dans  le  côté  (Macquart,  in  thèse  de  Guilbert,  1838). 

En  général  un  grand  soulagement  et  un  sentiment  de  bien-être  succèdent  à 
cet  heureux  dénoùment.  Souvent  aussi  le  malade  conserve  quelque  temps  encore 
une  tension  pénible  à  l'épigastre  ou  à  l'hypocliondre,  une  courbature  générale; 
d'autres  fois,  c'est  un  engourdissement  persistant  de  l'épaule,  du  bras  droit, 
quand  les  douleurs  ont  été  très-vives  dans  cette  région. 

La  terminaison  favorable  presque  soudaine  peut  s'observer  même  dans  les  cas 
où  le  malade  semble  exposé  aux  plus  grands  dangers.  Chez  un  homme  de  qua- 
rante-cinq ans,  d'une  constitution  vigoureuse,  en  proie  à  une  crise  extrêmement 
douloureuse,  on  craignait  une  mort  prochaine.  Les  médecins  étaient  en  consul- 
tation dans  une  salle  voisine  quand  on  vint  leur  annoncer  que  les  douleurs  avaient 
subitement  cessé  et  le  malade  reprit  sa  sécurité  accoutumée.  Le  lendemain 
DicT.  KNc.  4°  s.  XIII,  51 


546  HEPATIQUES  (COLIQUES). 

expulsion  d'une  quarantaine  de  calculs  du  volume  d'un   petit  pois  (obs.  de 
Ségalas,  in  Fauconneau-Dufresne). 

Des  phénomènes  qui  ressemblent  aux  phénomènes  critiques  ont  quelquefois 
marqué  la  fin  de  l'accès.  On  a  pu  noter  une  sorte  de  débâcle  bilieuse  se  répétant 
après  chaque  colique,  comme  cela  avait  lieu  chez  une  malade  d'Andral  ;  d'autres 
fois  ce  serait  une  sueur  abondante,  d'une  odeur  désagréable  et  pouvant  teindre 
le  linge  en  jaune,  bien  qu'il  n'y  ait  pas  d'ictère  prononcé  (Fauconneau-Dufresne). 
La  fin  de  la  crise  n'indique  pas  toujours  l'arrivée  du  calcul  dans  l'intestin. 
Celui-ci  peut  s'arrêter  dans  le  canal  cystique,  tomber  dans  la  vésicule.  Dans  les 
cas  où  il  est  éliminé  régulièrement,  par  les  voies  naturelles,  il  ne  tarde  pas  à 
être  chassé  avec  les  selles,  le  lendemain  ou  le  surlendemain  de  l'accès.  Il  ne 
faut  pas  oublier  pourtant  que  «  le  corps  du  délit  »  peut  n'être  expulsé  au  dehors 
qu'après  plusieurs  jours.  C'est  ce  qui  arrivait  à  une  malade  de  Trousseau  qui  ne 
rendait  les  calculs  que  du  troisième  au  cinquième  jour  après  l'attaque. 

Les  concrétions  parvenues  dans  l'intestin,  à  moins  que  leur  volume  ne  soit 
très-considérable,  sont  généralement  évacuées  sans  donner  lieu  à  de  nouveaux 
symptômes.  L'expulsion  de  très-gros  calculs  aurait  pu  faire  naître  a  des  dou- 
leurs analogues  à  celles  de  l'accouchement.  »  Celle  d'une  quantité  considérable 
de  graviers  a  pu  aussi  produire  de  nouvelles  souffrances,  au  moment  des  garde- 
robes  (Trousseau), 

L'examen  des  matières  fécales  doit  être  fait  avec  le  plus  grand  soin,  et  pen- 
dant plusieurs  jours,  si  l'on  veut  être  certain  d'y  trouver  les  concrétions  biliaires 
qu'elles  peuvent  entraîner.  Malgré  le  côté  répugnant,  le  meilleur  moyen  est  de 
les  faire  passer  sous  un  courant  d'eau  à  travers  un  tamis,  après  les  avoir  préa- 
lablement désinfectées  au  moyen  d'une  solution  de  permanganate  de  potasse 
(un  dé  à  coudre  pour  un  litre  d'eau,  comme  le  recommande  Cyr).  11  faut  se  sou- 
venir que.  si  on  se  contente  de  jeter  les  matières  fécales  dans  l'eau,  les  choléhtlies 
ne  surnagent  pas.  Enfin  cette  méthode  a  l'avantage  de  permettre  de  recueillir 
tout  ce  qui  est  expulsé  et  de  constater,  dans  quelques  cas,  la  fragmentation  d'un 
calcul  plus  ou  moins  gros  qu'il  est  possible  de  reconstituer  avec  ces  débris, 
comme  M.  Charcot  en  a  montré  des  exemples.  Van  Swieten  avait  déjà  observé 
cette  particularité  chez  sa  belle-mère.  Celte  fragmentation,  qu'elle  soit  spontanée 
ou  provoquée  par  les  contractions  de  la  vésicule,  explique  comment  de  volu- 
mineux calculs  peuvent  déterminer  indirectement  la  colique  hépatique  quand 
ils  sont  trop  gros  pour  s'engager  eux-mêmes  dans  les  voies  bihaires. 

Le  nombre  des  calculs  et  concrétions  expulsés  avec  les  garde-robes  peut  être 
Irès-considérable,  surtout  quand  il  s'agit  de  gravelle  ou  de  petits  graviers.  On 
a  cité  des  exemples  où  il  constituaient  une  sorte  de  grappe.  Trousseau  rapporte 
le  cas  d'un  malade  qui  expulsa  une  quantité  de  graviers  assez  abondante  pour 
remplir  le  volume  des  deux  mains.  M.  le  professeur  Combal  nous  a  parlé  d'une 
de  ses  clientes  qui  en  rendit  une  quantité  bien  plus  considérable.  Dans  ces  cas 
l'éYacuation  se  fait  en  plusieurs  fois,  soit  le  jour  de  l'accès,  soit  les  jours  suivants. 

Arrivées  dans  l'intestin,  au  lieu  d'être  éliminées  naturellement,  les  concrétions 
biliaires  peuvent  pénétrant  dans  le  csecum.  l'appendice  vermiculaire  et  devenir 
l'origine  d'une  typhlite,  d'une  pérityphlite  ;  si  elles  sont  volumineuses  ou  nom- 
breuses, elles  peuvent  être  entravées  dans  leur  marche  et  donner  lieu  à  des  phé- 
nomènes d'obstruction.  Nous  ne  faisons  que  mentionner  ici  ces  accidents,  qui 
paraissent  d'ailleurs  plus  fréquonts  lorsque  de  gros  calculs  sont  passés  dans  l'iu- 


HÉPATKJUES   (COLIQUES).  547 

lestin  à  travers  une  fistule  biliaire  que  quand  il  s'agit  de  cholélitlies  ayant  donné 
lieu  aux  phénomènes  douloureux  de  la  migration  par  les  voies  normales  {voy. 
Obstruction  intestinale). 

Dans  quelques  cas  exceptionnels,  au  lieu  d'être  chassés  avec  les  garde-robes, 
les  calculs  sont  rejetés  par  les  vomissements.  Fauconncau-Dufresne  n'avait  pu 
réunir  que  huit  exemples  de  cette  terminaison  anormale,  nous  en  avons  réuni 
une  quinzaine  dans  notre  thèse  d'agrégation.  Récemment  J.  Cyr  [Traité  cité 
p,  255)  en  faisait  connaître  deux  nouveaux  cas  personnels,  auxquels  nous  pou- 
vons ajouter  un  cas  inédit  dont  nous  devons  communication  à  M.  le  professeur 
Dubrueil  (de  Montpellier).  Les  calculs  recueillis,  soumis  à  l'analyse  de  notre 
collègue Hamelin,  étaient  constitués  presque  complètement  par  de  la  cholcstérine. 

Pour  expliquer  la  présence  de  ces  concrétions  dans  l'estomac  on  ne  saurait 
admettre  aujourd'hui  l'opinion  de  Morgagni  d'après  laquelle  celles-ci  se  for- 
meraient aux  dépens  de  la  bile  ayant  séjourné  dans  l'estomac.  Le  mécanisme 
paraît  être  le  suivant  :  tantôt  les  cholélitlies  remontent  sous  l'influence  de  mou- 
vement antipéristaltiques  et  forcent  le  pylore;  tantôt  ils  pénètrent  dans  l'estomac 
à  travers  une  fistule  établie  entre  la  vésicule  biliaire  et  les  parois  de  cet  organe. 
Celte  dernière  hypothèse  semble  la  seule  admissible  quand  leur  volume  est  con- 
sidérable ou  bien  quand  d'autres  calculs  sont  rejetés  ultérieurement  par  la 
même  voie  après  de  nouvelles  coliques  et  surtout  si  ce  phénomène  se  reproduit 
sans  être  précédé  de  phénomènes  douloureux  (obs.  du  docteur  C.  Piion,  in 
Fauconneau-Dufresne  ;  de  Pujol,  mémoire  cité,  p.  379  ;  de  Bouisson,  La  bile  et 
ses  maladies,  p.  205,  du  docteur  Jeaffreson,  in  Murchison,  p.  498).  11  est  d'ailleurs 
à  remarquer  que  dans  la  plupart  des  cas  le  rejet  des  calculs  ne  coïncide  pas  avec 
une  amélioration  de  l'état  du  patient.  Les  douleurs  et  les  vomissements  persistent 
souvent  et  peuvent  même  subir  une  recrudescence.  Dans  ces  conditions  on  doit 
fortement  soupçonner  qu'il  y  a  eu  production  d'une  fistule  gastro-biliaire. 

Lacolique  hépatique  ne  se  termine  pas  toujours  d'une  manière  simple.  Si 
dans  les  cas  les  plus  heureux  on  la  voit  cesser  presque  soudainement  au  moment 
où  le  cholélithe  arrive  dans  l'intestin  ou  tombe  dans  la  vésicule,  si  la  même 
chose  peut  se  produire  quand  la  crise  douloureuse  est  due  à  des  hydatides  et 
surtout  quand  elle  est  de  nature  névralgique,  cependant  il  s'en  faut  que  l'issue 
soit  toujours  heureuse.  Non-seulement,  comme  on  l'a  vu  plus  haut,  dans  les 
cas  de  lithiase  biliaire,  il  est  possible  que  les  paroxymes  se  produisent  à  des 
périodes  assez  rapprochées  pendant  plusieurs  jours  et  laissent  le  malade  dans 
un  profond  état  d'accablement,  mais  encore  l'excès  de  la  douleur  peut  provoquer 
de  redoutables  complications  qui,  au  point  de  vue  pathogénique  et  clinique, 
doivent  être  séparées  des  complications  dues  aux  lésions  anatomiques  secon- 
dairement développées  sous  l'influence  d'un  corps  étranger  enclavé  dans  les  voies 
biliaires  et  des  troubles  de  nutrition  qui  accompagnent  les  ictères  chroniques. 

D'un  autre  côté  la  crise  douloureuse  est  loin  d'offrir  toujours  l'intensité  de 
l'accès  paroxystique  dont  nous  avons  cherché  ù  rendre  les  traits  essentiels.  L'ex- 
périence montre  que  les  accès  aigus  sont  généralement  précédés  (85  fois  sur  100, 
Sénac)  pendant  une  période  plus  ou  moins  longue  de  troubles  divers  auxquels 
les  auteurs  avaient  donné  le  nom  de  prodromes  éloignés  de  la  colique  hépatique. 
Nous  allons  décrire  maintenant  les  troubles  de  cette  période  prodromale,  nous 
verrons  ensuite  en  étudiant  la  physiologie  pathologique  de  l'accès  qu'ils  ne 
sont  autre  chose  que  l'atténuation  des  phénomènes  ordmaires  de  la  crise,  tandis 


548  HÉPATIQUES  (COLIQUES). 

que  l'exagération  de  ces  mêmes  phénomènes  constitue  les  coniplicatiom  men- 
tionnées plus  haut  comme  terminaison  possible  de  l'accès  franc,  suraigu  ;  c'est 
ainsi  que  nous  serons  ramené  à  l'étude  des  complications. 

FoBMEs  FRUSTES.  On  doit  en  distinguer  plusieurs  variétés  selon  la  prédomi- 
nance de  tel  ou  tel  symptôme  de  la  crise  hépatique  franche  :  douleur  d'estomac, 
troubles  dyspeptiques,  ictère,  phénomènes  généraux,  frissons,  fièvre  hépatique. 

Les  troubles  déïignés  sous  le  nom  de  prodromes  éloignés  de  la  colique  hépa- 
tique peuvent  à  eux  seuls  constituer  toute  la  maladie  ou  exister  pendant  plu- 
sieurs années  avant  que  se  montre  une  crise  aiguë.  Dans  la  statistique  de  Sénac 
citée  plus  haut,  65  malades  sur  100  ont  accusé  des  prodromes  gastriques; 
quelques-uns  avaient  été  traités  longtemps  pour  une  gastralgie,  (20),  pour  une 
dyspepsie  (19),  d'autres  ne  désignaient  leurs  souffrances  que  sous  le  terme  vague 
de  crampes  d'estomac  (26).  11  paraît  bien  évident  que  ces  accidents  constituent 
de  vraies  attaques  légères  de  coliques  hépatiques,  surtout  quand  il  s'y  joint  des 
vomissements  et  plus  tard  «  une  légère  teinte  ictérique  de  la  conjonctive  et  des 
côtés  du  nez.  » 

Dans  d'autres  cas,  les  faits  ont  un  caractère  moins  net.  Tantôt  ce  sont  de 
simples  indigestions  ayant  une  grande  facilité  à  se  produire,  tantôt  des  tiraille- 
menls  d'estomac,  des  digestions  pénibles.  L'attention  dès  le  début  est  parfois 
attirée  sur  le  foie  par  des  douleurs  vagues  sourdes  tensives,  occupant  l'hypo- 
chondre  droit,  l'épigastre,  et  se  reproduisant  par  accès,  mais  en  général  leur 
cause  échappe  au  médecin.  D'ailleurs  ce  mode  de  début  est  bien  plus  rare  que 
le  précédent  (7  pour  100,  Sénac)  et,  comme  il  s'accompagne  assez  souvent  d'un 
léger  degré  de  congestion  réflexe  du  foie,  on  prend  l'effet  pour  la  cause  et  on 
ne  songe  pas  à  la  lithiase  biliaire.  11  est  fréquent  en  effet  de  trouver  chez  un 
malade  avant  la  première  attaque  de  colique  hépatique  à  caractères  nettement 
tranchés  le  foie  augmenté  de  volume  et  douloureux  à  la  pression. 

On  admet  généralement  aujourd'hui  que  tous  ces  phénomènes  constituent  de 
vraies  attaques  de  coliques  frustes  dont  les  traits  principaux  sont  mal  accen- 
tués, dont  plusieurs  manquent,  mais  il  est  facile  de  reconnaître  que  l'accès  aigii 
franc,  quand  il  survient,  ne  diffère  des  accès  atténués  qui  l'ont  précédé  que  par 
sa  plus  grande  intensité.  On  n'hésite  pas  à  faire  ce  diagnostic,  si,  comme  cela  arrive 
fréquemment,  on  constate  ces  symptômes  chez  un  malade  ayant  déjà  souffert 
d'une  attaque  bien  caractérisée,  et  en  effet  bien  souvent  alors,  si  on  examine 
avec  soin  les  matières  fécales,  on  y  trouve  de  petits  calculs.  Quelques  auteurs 
admettent  que  dans  ces  dernières  conditions  les  cholélilhes  plus  petits  ou  moias 
rugueux  passent  plus  facilement  à  travers  une  voie  déjà  frayée. 

Celte  explication  peut  être  vraie  dans  un  certain  nombre  de  cas,  mais  il  n  en 
demeure  pas  moins  établi  que,  toutes  les  fois  qu'on  verra  un  malade  se  plaindre 
de  gastralgies,  de  crampes  d'estomac,  si  les  douleurs  surviennent  deux,  trois 
ou  quatre  heures  après  les  repas  et  semblent  affecter  une  sorte  d'intermittence, 
si  elles  disparaissent  assez  rapidement  pour  ne  se  montrer  qu'après  un  espace 
de  temps  plus  ou  moins  long,  ou  bien  si  chez  les  femmes  qui  en  sont  prin- 
cipalement atteintes  on  les  voit  coïncider  avec  le  retour  des  règles,  avec  une 
grossesse,  le  médecin  doit  chercher  avec  soin  si  les  urines  ne  présentent  pas  la 
réaction  de  la  bile,  il  doit  recommander  aux  malades  d'examiner  pendant  plu- 
sieurs jours  leurs  garde-robes,  enfin  il  doit  encore  porter  son  attention  sur 
toutes  les  conditions  étiologiques  qui  favorisent  la  production  ou  le  retour  des 


HEPATIQUES   (COLIQUES).  549 

coliques  hépatiques.  Ces  recherches  pourront  le  plus  souvent  fournir  les  élé- 
ments d'un  diagnostic  d'autant  plus  utile  à  porter  que  l'intervention  thérapeu- 
tique aura  beaucoup  plus  de  chances  de  succès  à  ce  moment  qu'elle  n'en  aura 
plus  tard. 

Parfois,  mais  le  fait  est  relativement  peu  fréquent,  les  crampes  d'estomac,  les 
troubles  dyspeptiques,  sont  à  peine  marqués,  et  c'est  h  jaunisse  qn'\  constitue  à 
peu  près  le  seul  phénomène  de  la  colique  du  foie.  On  est  porté  dans  ces  cas 
à  attribuer  l'ictère  à  une  angiocholite  catarrhale  ou  à  toute  autr*  cause  de 
rétention  biliaire.  Il  faut  cependant  être  prévenu  que  la  cholélithiase  peut  dans 
quelques  cas,  contrairement  à  ce  qui  a  lieu  d'habitude,  donner  naissance  à  un 
ictère  évident,  sans  que  celui-ci  soit  précédé  d'une  crise  douloureuse  très -nette. 
On  doit  donc,  en  présence  d'un  malade  devenu  ictérique,  sans  cause  facile  à 
saisir,  se  rappeler  qu'il  peut  s'agir  d'une  colique  hépatique  fruste  et  diriger 
dans  ce  sens  l'examen  et  l'interrogatoire.  Le  même  fait,  on  le  comprend,  peut 
aussi  se  produire  quand  des  corps  étrangers  autres  que  des  calculs  ont  pénétré 
dans  les  canaux  biliaires. 

L'attaque  de  colique  franche,  bien  qu'elle  soit  ordinairement  apyrétique,  peut 
s'accompagner,  nous  l'avons  vu  plus  haut,  de  frissons  avec  élévation  de  tempé- 
rature et  même  d'un  véritable  accès  de  fièvre.  Pemberton,  Budd,  Monneret, 
Frerichs.  avaient  déjà  signalé  ces  phénomènes  fébriles  dans  la  colique  hépatique. 
Budd  avait  même  comparé  ces  frissons  à  ceux  déterminés  par  le  cathétérisme  de 
l'urèthre.  Mais  ce  sont  les  travaux  de  M.  Charcot  et  de  ses  élèves  qui  ont  mis 
en  relief  toute  la  valeur  séméiologique  des  accidents  fébriles  qui  peuvent  soit 
accompagner  les  coliques  caractérisées,  soit  constituer  seuls  une  des  formes 
frustes  les  plus  importantes  de  la  hthiase  biliaire  {voy.  Charcot,  loc.  cit., 
p.  159,  et  th.  de  Magnin,  1869,  Accidents  de  la  lithiase  biliaire).  Pour  ce 
professeur,  il  faudrait  distinguer  les  accès  de  fièvre  hépatalgique,  satellites  de 
la  migration  d'un  calcul,  irréguliers  dans  leur  apparition  comme  la  colique 
hépatique,  prenant  fin  dès  que  lacholélithea  été  expulsée  et  la  vraie  fièvre  inter- 
mittente hépatique  ou  biliaire,  dans  laquelle  les  accès  de  fièvre  se  reproduisent 
suivant  un  type  plus  ou  moins  régulier,  rappelant  par  leurs  caractères  aussi 
bien  que  par  leur  retour  réglé,  les  accès  de  l'impaludisme.  Cette  fièvre  inter- 
mittente syniptomatique  se  montre  surtout  dans  l'occlusion  et  la  suppuration 
des  voies  biliaires,  quelle  qu'en  soit  la  cause.  Elle  semble  donc  mériter  d'être 
regardée  comme  une  complication  :  nous  en  reparlerons,  en  effet,  quand  nous 
étudierons  celles-ci,  mais  nous  devons  mentionner  ici  que,  si  ces  accès  de  fièvn 
intermittente  surviennent  habituellement  chez  des  individus  ayant  déjà  eu  dei 
coliques  hépatiques,  ou  bien  au  cours  d'un  ictère  chronique,  ils  peuvent  aussi 
se  montrer  sans  qu'il  y  ait  jamais  eu  de  coliques  bien  évidentes.  Ce  serait  le 
cas  des  calculs  intra-hépatiques  et  des  sables  biliaires  dont  ces  accès  constituent 
la  principale  et  souvent  la  seule  manifestation  clinique.  Chez  un  même  individu, 
il  est  possible  de  voir  le  passage  des  calculs  être  marqué  par  des  coliques  hépa- 
tiques sans  frisson,  par  des  coliques  avec  frisson,  et  par  des  accès  fébriles  sans 
accompagnement  de  douleur  (Charcot).  Le  médecin  doit  donc  être  prévenu  que 
les  phénomènes  fébriles  peuvent  constituer  une  des  formes  frustes  de  la  colique 
hépatique.  Chez  le  vieillard  en  particulier  un  frisson  plus  ou  moins  intense, 
même  sans  douleur,  surtout  s'il  se  reproduit  plusieurs  fois,  vers  le  soir,  doit 
attirer  l'attention  du  médecin  vers  le  foie.  Il  n'est  pas  rare  alors  de  découvrir 
dans  les  antécédents  du  malade  quelques  signes  qui  viennent  ajouter  da  sérieuses 


550.  HÉPATIQUES  (COLIQUES). 

présonii)lions  à  ce  diagnostic.  La  piésence  du  pigment  biliaire  dans  l'urine,  uu 
ictère  plus  ou  moins  caractérisé,  changent  ces  présomptions  en  certitude. 

Formes  larvées.  Dans  quelques  cas,  la  présence  dans  les  voies  biliaires  de 
calculs,  de  sables,  au  lieu  de  donner  lieu  à  ces  formes  frustes  de  la  colique  hépa- 
tique, donne  simplement  naissance  à  des  phénomènes  nerveux  dont  l'interpré- 
tation reste  obscure  ou  erronée  jusqu'au  jour  où,  soit  un  léger  ictère,  soit  une 
expulsion  de  cholélithes,  vient  mettre  sur  la  voie  du  diagnostic  et  permet  d'in- 
stituer un  traitement  approprié  qui  fait  disparaître  ou  améliore  très-notablement 
ces  désordres.  Parmi  ces  accidents  auxquels  le  nom  de  fowies  larvées  convient 
mieux  que  celui  de  formes  frustes,  il  faut  signaler  en  première  ligne  les  mi- 
(/rames  signalées  par  M.  Potain  (Des  synergies  morbides,  1879)  et  Potain,  certains 
troubles  hystériques  accompagnant  des  troubles  digestifs,  comme  M.  Yulpianena 
rapporté  un  bel  exemple  dans  ses  Leçons  cliniques  de  la  Charité  (1879),  une  né- 
vralgie de  l'épaule  (Sénac),  une  névralgie  sus-oi'bitaire  (Potain),  des  accès  d'angine 
de  poitrine  (Buc(|uoy,  Iluchard,  Gairdner,  Esbach),  des  accès  d'asthme  (Broabdent). 

Si  la  présence  des  calculs  ou  d'autres  corps  étrangers  dans  les  voies  biliaires 
détermine  des  troubles  d'intensité  si  variables,  nous  ne  saurions  terminer  ce 
chapitre  sans  rappeler  que  chez  certains  individus  elle  peut  ne  produire  aucune 
espèce  d'accidents.  Tantôt  alors  elle  reste  absolument  latente  et  l'existence  de 
ces  corps  étrangers  n'est  révélée  qu'à  l'autopsie,  comme  cela  arrive  assez  souvent 
pour  la  lithiase  biliaire.  Tantôt,  et  cela  se  voit  de  préférence  chez  les  gens  âgés, 
on  constate  la  présence  de  calculs  dans  les  garde-robes  sans  que  le  sujet  ait 
éprouvé  des  troubles  fonctionnels  capables  de  donner  l'éveil  sur  cette  migration. 

Quelles  sont  les  raisons  qui  rendent  le  tableau  clinique  si  variable  suivant  les 
individus,  les  sexes,  les  âges?  Comment  agissent  les  causes  qui  déterminent  lu 
production  ou  le  retour  des  accès?  Telles  sont  les  questions  que  nous  devons 
aborder  maintenant.  .1  priori,  on  comprend  qu'elles  ne  sont  pas  susceptibles 
d'une  explication  simple.  Les  différences  individuelles  de  tempérament,  le  mode 
de  réaction  particulière  de  chaque  malade  ainsi  que  l'état  organique  spécial 
dans  lequel  il  se  trouve  au  moment  de  l'accès,  voilà  autant  de  facteurs  dont  il 
faut  tenir  compte.  Toutefois  l'étude  de  la  physiologie  pathologique  de  ces 
coliques  à  caractères  différents  permet  de  proposer  une  explication  générale 
qui,  si  elle  ne  s'applique  point  à  tous  les  cas,  donne  du  moins  une  idée  synthé- 
tique suffisante.  Elle  montre  d'abord  que  l'accès  normal  est  la  résultante  de 
phénomènes  réflexes  ayant  pour  origine  l'irritation  des  conduits  biliaires  et  que 
les  causes  déterminant  plus  spécialement  la  production  ou  le  retour  de  ces 
accès  doivent  leur  influence  à  ce  qu'elles  entraînent  soit  directement,  soit  indi- 
rectement, cette  irritation.  Ce  premier  point  admis,  il  devient  plus  facile  de 
chercher  dans  l'atténuation  ou  l'exagération  de  ces  réflexes,  dans  leurs  irradia- 
tions peu  habituelles,  l'explication  des  formes  atténuées  ou  larvées,  et  celle  des 
complications  fréquentes  ou  rares  de  la  colique  hépatique. 

Physiologie  pathologiqoe  de  l'accès.  En  I87o,Muron,  introduisant  un  stylet 
de  trousse  dans  le  canal  cholédoque  d'un  chien,  vit  l'animal  manifester  une  vive 
douleur,  en  même  temps  le  stylet  était  serré  par  une  constriction  soudaine, 
spasraodique.  du  conduit,  de  sorte  qu'un  léger  effort  fut  nécessaire  pour  retirer 
l'instrument  introduit  sans  difficulté.  Cette  expérience  réalisée  accidentellement 
devait  être  l'origine  de  l'étude  expérimentale  du  spasme  douloureux  des  voies 
biliaires  bientôt  entreprise   et  heureusement  poursuivie    par  MM.    Dujardin- 


HÉPATIQUES   (COLIQUES).  551 

Beâumetz  {Bull,  àe  thér.,  1875),  Laborde  {ihid.,  1874),  Audigé  (th.  de  Paris, 
1874),  etc.  A  la  suite  de  leurs  expériences  faites  sur  des  chiens  et  dans  lesquelles 
ils  avaient  déterminé  des  excitations  électriques,  mécaniques  et  chimiques,  de 
la  muqueuse  des  voies  biliaires,  ces  auteurs  avaient  conclu  que  la  vésicule,  le 
canal  cystique  et  le  cholédoque,  possèdent  des  parois  très-nettement  contractiles 
et  une  muqueuse  très-sensible.  Dans  une  de  ses  expériences,  Laborde  avait  même 
produit  les  phénomènes  de  la  colique  hépatique  en  introduisant  de  petits  calculs 
de  cholestérine  dans  le  cholédoque.  A  la  suite  de  cette  introduction,  l'animal 
fut  pris  de  douleurs,  de  vomissements,  les  urines  devinrent  rapidement  icté- 
riques  et,  fait  intéressant,  à  l'autopsie  on  put  constater  que  deux  de  ces  calculs 
étaient  remontés  jusque  dans  la  vésicule  biliaire,  tandis  que  quatre  autres  étaient 
retombés  dans  l'intestin.  Ces  faits  intéressants,  mais  trop  peu  nombreux,  n'en- 
traînèrent pas  immédiatement  la  conviction  générale.  M.  le  professeur  Vulpian 
disait  (Cours  de  l'Ecole  de  médecine,  1874)  que  ses  expériences  maintes  fois 
répétées  sur  le  chien,  bien  qu'elles  lui  eussent  démontré  la  contractilité  des 
voies  biliaires,  ne  lui  permettaient  pas  d'adopter  sans  réserves  les  conclusions 
de  M.  Laborde.  La  question  a  été  récemment  reprise  par  Simanowsky  [Zur  Frage 
iiber  die  Gallensteinkolik.  In  Zeit.  kl.  Med.,  Bd.,  V,  p.  501).  Cet  auteur  dans  le 
but  d'élucider  divers  points  de  la  physiologie  de  la  colique  hépatique,  a  établi 
des  fistules  biliaires  chez  les  chiens  et  soumis  la  vésicule  à  diverses  excitations. 
11  a  vu  d'abord  que  l'introduction  des  électrodes  ou  de  tout  autre  corps  étranger 
dans  la  vésicule  provoquait  une  vive  douleur  et  une  contracture  cessant  après 
quelques  instants,  mais  pouvant  se  reproduire.  De  plus  cette  excitation  détermi- 
nait parfois  des  vomissements.  Douleur  due  à  la  présence  d'un  corps  étranger 
dans  les  voies  cholédoques,  contraction  réflexe  douloureuse  de  ces  conduits, 
vomissements,  possibilité  de  la  production  d'un  ictère,  n'a-t-on  pas  ainsi  fait  naître 
expérimentalement  chez  le  chien  les  symptômes  principaux  de  la  colique  hépa- 
tique chez  l'homme?  Cependant,  pour  que  la  comparaison  ait  toute  sa  valeur, 
une  condition  est  indispensable  :  il  fout  que  chez  l'homme  et  chez  le  chien  les 
voies  biliaires  possèdent  une  structure  très-analogue,  sinon  identique. 

L'existence  de  nerfs  dans  la  muqueuse  de  ces  conduits  chez  l'honmie  est 
admise  par  tous  les  auteurs  et  décrite  dans  tous  les  traités  classiques  d'anatomie. 
La  distribution  des  nerfs  dans  les  voies  biliaires  extra-hépatiques  vient  d'être 
récemment  bien  étudiée  en  France  par  Variot  {Journal  d'anatomie  de 
Robin,  1882,  p.  600).  Cet  anatomiste  a  montré  que  les  nerfs  émanés  du  plexus 
solaire  forment  des  réseaux  nerveux  à  larges  mailles  auxquels  sont  sui'ajoutés 
en  certains  points,  principalement  autour  de  l'embouchure  du  cholédoque  dans 
l'ampoule  de  Water,  de  petits  ganglions  nerveux  formés  d'un  nombre  variable 
de  cellules  arrondies  ou  polyédriques  pressées  les  unes  contre  les  autres  (10  à 
20).  Chez  les  animaux  dont  les  conduits  biliaires  offrent  une  musculature  consi- 
dérable cette  disposition,  qui  rappelle  celle  des  plexus  d'Auerbach,  entre  les 
deux  lames  de  l'intestin,  est  très-apparente  {voy.  aussi  Léo  Gerlach,  Central- 
blatt,  1873,  cité  par  Variot).  Elle  paraît  évidemment  en  rapport  avec  la  pré- 
sence des  fibres  musculaires,  lisses  dans  ces  organes.  Bien  que  cette  disposition 
n'ait  pu  être  directement  constatée  chez  l'homme,  il  est  probable  à  priori  qu'il 
existe  aussi  chez  lui  dans  les  régions  les  mieux  pourvues  de  fibres  musculaires 
(vésicule,  canal  cholédoque,  voisinage  de  l'ampoule  de  Water)  des  plexus 
ganglionnaires  émettant  des  filets  destinés,  les  uns  à  ces  fibres  lisses,  les  autres 
sensitifs  allant  vers  la  surface  libre  de  la  muqueuse.  Gliniquement  et  physiolo- 


552  HÉPATIQDES  (COLIQUES). 

giqtiemenl  l'existence  de  ces  filets  sensitifs  n'est  que  trop  prouvée  par  la  douleur 
dont  l'irritation  des  conduits  biliaires  devient  la  cause. 

Quant  aux  éléments  musculaires  nettement  constatés  chez  le  chien  et  qui 
chez  les  grands  animaux  peuvent  arriver  à  constituer  une  vraie  couche  muscu- 
laire, existent-ils  chez  l'homme  en  quantité  suffisante  pour  que  leur  conlractilité 
joue  un  rôle  efficace  dans  la  pathogénie  de  la  colique  hépatique?  L'électrisation 
de  ces  conduits  faite  immédiatement  après  la  mort  a  donné  des  résultats  contra- 
dictoires à  Henle  d'une  part,  àDittrich,  Gerlach,  Hertz,  d'autre  part  (cités  par 
Charcot).  Si  l'occasion  se  présente  rarement  de  constater  dans  les  mêmes 
circonstances  les  faits  avancés  par  ces  auteurs,  il  n'en  est  plus  de  même  pour  la 
vérification  anatomique  de  la  structure  des  conduits  biliaires  pouvant  nous 
amener  au  même  résultat.  En  effet,  la  contractilité  ne  peut  exister  nettement 
sans  qu'il  y  ait  une  musculature  capable  de  la  produire  et  d'être  nettement 
reconnue  au  moins  par  l'examen  histologique.  D'après  les  recherches  de  Gran- 
cher,  Renaut,  Legros,  Charcot,  Pitres,  Variot,  ces  fibres  ne  formeraient  qu'une 
couche  longitudinale  plus  ou  moins  épaisse  souvent  discontinue,  et  il  faudrait 
adopter  une  opinion  intermédiaire  entre  l'avis  de  quelques  anatomistes  qui 
admettent  une  couche  musculaire  assez  complexe  (Sappey)  et  l'avis  des  auteurs 
portés  à  regarder  l'existence  de  fibres  musculaires  comme  très-problématique  au 
delà  de  la  vésicule  et  du  canal  cystique  (Robin,  Henle,  Kôlliker,  Frey,  Virchow). 

Il  existe  des  différences  individuelles  au  point  de  vue  de  la  musculature  des 
canaux  biliaires  ;  de  plus,  celle-ci  a  paru  généralement  plus  faible  et  moins 
marquée  chez  les  vieillards  que  chez  les  adultes  et  les  enfants.  Charcot  et  Pitres 
ont  trouvé  les  fibres  lisses  plus  abondantes  chez  un  sujet  de  dix  ans  et  chez  un 
autre  de  trente  ans  que  chez  des  vieillards  où  il  n'était  plus  guère  possible  de 
les  reconnaître.  I)ans  les  recherches  que  nous  avons  faites  avec  Hippolyte  Martin 
sur  la  musculature  des  gros  canaux  biliaires  chez  l'enfant,  nous  avons  trouvé 
de  rares  fibres  dans  le  canal  cystique,  des  fibres  plus  nombreuses  dans  le  canal 
cholédoque.  La  disposition  des  faisceaux  musculaires  n'était  pas  toujours  la 
même;  les  faisceaux  longitudinaux  prédominaient  de  beaucoup.  Chez  un  enfant 
de  trois  mois  il  existait  une  vraie  tunique  musculaire  dans  laquelle  on  pouvait 
distinguer  deux  plans,  l'un  interne  formé  de  fibres  longitudinales  sous-muqueuses, 
l'autre  externe  circulaire  plus  épais  que  le  précédent.  Cette  dernière  disposition 
n'est  sans  doute  pas  fréquente,  mais  l'examen  des  préparations  éloigne  la  sup- 
position émise  par  M.  Dujardin-Beaumetz  qu'il  existait  chez  ce  dernier  sujet 
une  disposition  morbide. 

Le  résultat  de  ces  recherches  nous  sert  à  comprendre  pourquoi  dans  les  faits 
pathologiques  c'est  principalement  sur  le  cholédoque  que  l'on  trouve  les  fibres 
musculaires  hypertrophiées  (Bouisson,  liaynaud  et  Sabourin,  etc.). 

Au  point  de  vue  théorique  et  pratique,  ces  notions  d'anatomie  normale  sont 
importantes  à  connaître,  pour  comprendre  la  série  d'accidents  déterminés  par 
un  corps  étranger  développé  ou  introduit  accidentellement  dans  les  canaux 
biliaires.  Ce  corps  étranger,  un  calcul,  pour  prendre  l'exemple  le  plus  fréquent 
et  qui  nous  convient  le  mieux,  pourra  être  toléré  pendant  un  temps  plus  ou  moins 
long,  mais  il  vient  d'ordinaire  un  moment  où  l'organisme  fait  effort  pour  se 
débarrasser  de  cet  irritant  et  l'expulser.  La  migration  ainsi  provoquée  amène 
le  cholélithe  au  contact  de  parties  qui  n'y  étant  point  habituées  réagissent  et 
entraînent  des  phénomènes  complexes  dont  le  mécanisme  peut  être  exposé  de 
la  façon  suivante  : 


HEPATIQUES   (COLIQUES).  553 

1»  L'irritation  des  nerfs  de  la  muqueuse  provoque  une  douleur  locale  plus 
ou  moins  vive  suivant  la  richesse  du  plexus  nerveux  et  l'excitabilité  propre  du 
sujet.  Cette  douleur  devient  le  point  de  départ  d'un  spasme  réflexe  d'autant  plus 
énergique  que  la  couche  musculaire  est  plus  nettement  dessinée.  La  contracture 
ainsi  déterminée  peut,  si  elle  est  très-forte,  diminuer  assez  le  calibre  du  canal 
pour  empêcher  la  progression  du  calcul  et  augmenter  la  souffrance  en  appli- 
quant fortement  la  muqueuse  contre  celui-ci.  Au  contraire,  si  les  parois  sont 
pauvres  en  éléments  musculaires,  leur  contraction  incapable  de  s'élever  jusqu'au 
spasme  laisse  progresser  le  calcul  vers  l'intestin  et  la  douleur  est  moins  mar- 
quée. La  vis  à  tergo  due  à  la  bile,  diminuée  ou  annihilée  dans  le  cas  précédent 
par  l'effet  du  spasme,  vient  ajouter  ici  son  effet  utile  à  celui  de  la  contraction 
musculaire.  Les  concrétions  offrant  des  aspérités  irrégulières  (calculs  miiriformes) 
capables  d'accrocher  ou  d'érailler  la  muqueuse  déterminent  la  douleur  plus 
facilement  que  les  calculs  lisses  et  arrondis  :  aussi  l'intensité  de  la  douleur  ne 
saurait-elle  fournir  une  indication  sur  le  volume  du  calcul. 

L'irritation  des  filets  nerveux  peut  retentir  à  distance  directement  ou  indi- 
rectement sur  des  organes  en  connexion  immédiate  ou  éloignée  avec  le  point 
lésé.  C'est  ainsi  que  les  douleurs  s'irradient  plus  ou  moins  loin  et  (\\ig  par 
l'intermédiaire  des  nerfs  du  bulbe,  de  la  moelle  et  du  grand  sympathique,  les 
autres  viscères  et  même  le  système  musculaire  général  peuvent  devenir  le  siège 
de  troubles  morbides  d'ordre  réflexe. 

2"  L'irritation  locale  et  la  douleur  déterminent  une  fluxion  irritative,  localisée 
et  passagère,  si  la  cause  qui  la  produit  cesse  bientôt.  Les  désordres  vont  plus 
loin,  si  la  colique  hépatique  dure  longtemps  (formes  chroniques,  prolongées).  Il 
se  développe  dans  ces  cas  une  congestion  chronique  ou,  à  un  degré  plus  élevé, 
une  inflammation  qui,  limitée  d'abord  aux  canaux,  gagne  ensuite  le  parenchyme 
iiépatique. 

5°  L'obstruction  du  conduit  biliaire,  causée  par  la  présence  du  corps  étranger 
et  secondairement  par  la  contraction  spasmodique  du  canal,  détermine  un  ictère 
plus  ou  moins  net,  selon  que  l'entrave  à  la  circulation  de  la  bile  a  été  plus  ou 
moins  complète.  Celui-ci  est  souvent  à  peine  marqué  et  décelé  seulement  par 
la  présence  du  pigment  biliaire  dans  les  urines  quand  l'écoulement  n'a  été 
gêné  que  d'une  manière  incomplète  et  transitoire.  Si  le  calcul,  au  lieu  de  pro- 
gresser vers  l'intestin,  s'enclave  dans  le  cholédoque,  alors  surviennent  les  lésions 
anatomiques  et  les  troubles  progressifs  de  la  nutrition  générale  entraînés  par 
l'obstruction  du  canal  cholédoque  {voy.  ce  mot  et  Ictère  chromque).  Mais  nous 
n'avons  à  nous  occuper  ici  que  de  la  colique  hépatique. 

Ce  que  nous  venons  de  voir  laisse  comprendre  que,  si  l'excitabilité  du  sujet 
est  peu  considérable  ou  l'excitation  peu  vive,  le  syndrome  qui  constitue  l'accès 
sera  peu  marqué.  Chez  le  vieillard  nous  trouvons  réunies  les  deux  conditions 
qui  rendent,  chacune  isolément,  la  colique  hépatique  plus  rare  ou  moins  dou- 
loureuse :  diminution  de  l'excitabilité,  atrophie  des  éléments  musculaires.  Chez 
la  femme,  qui  tient  de  différentes  conditions  inhérentes  à  son  sexe  une  fâcheuse 
prédisposition  à  la  lithiase  biliaire,  l'excitabilité  plus  grande  du  système  ner- 
veux rend  les  crises  plus  fréquentes. 

La  même  théorie  permet  d'interpréter  d'une  façon  rationnelle  l'action  de  cer- 
taines causes  qui  paraissent  avoir  une  influence  très-nette  sur  la  production  ou 
le  retour  des  crises,  ainsi  que  l'influence  de  l'âge  sur  l'époque  d'apparition  des 
coliques  hépatiques.  Ces  causes  agissent  les  unes  sans  doute  en  augmentant 


o54  HÉPATIQUES  (COLIQUES). 

rirritabililé  générale  du  sujet  (menstruation,  début  de  la  grossesse,  émotions 
morales),  les  autres  en  entraînant  soit  directement,  soit  indirectement,  la  contrac- 
tion de  la  vésicule  (efforts,  traumatismes,  heures  de  la  digestion,  repas,  purga- 
tifs, hypersécrétion  biliaire,  médication  thermale  alcaline,  etc.),  d'autres  enfin 
par  l'effet  combiné  de  ces  deux  causes  (grossesse,  accouchement).  Remarquons 
encore  que  la  lithiase  biliaire,  cause  la  plus  fréquente  des  coliques  hépatiques, 
s'observe  surtout  chez  les  arthritiques,  gens  ordinairement  à  système  nerveux 
facilement  excitable. 

La  colique  hépatique  comme  l'affection  calculeuse  du  foie  est  extrêmement 
rare  chez  l'enfant;  la  plupart  des  Traités  des  maladies  de  l'enfance  ne  la  men- 
tionnent même  pas.  Chez  le  nouveau-né,  contrairement  à  Valleix,  Parrot  n'a 
presque  jamais  trouvé  ni  sables,  ni  calculs  biliaires.  On  trouve  dans  les  auteurs 
7  cas  d'ictère  calculeux  observés  très-peu  de  temps  après  la  naissance  (Lieutaud, 
Portai,  2;  Cruveilhier,  2;  Bouisson,  Cuffer).  A  cette  période,  en  général,  il  n'y 
a  pas  de  colique  hépatique  et  rapidement  on  voit  paraître  d'ordinaire  les  symp- 
tômes d'un  ictère  grave  par  obstruction.  Dunbar  Walker  a  pu  cependant  con- 
stater l'expulsion  de  trois  petits  calculs  hépatiques  coïncidant  avec  la  fin  d'une 
crise  douloureuse  aiguë  chez  un  enfant  âgé  de  trois  mois  {Brit.  Med.  Joiirn., 
avril,  mai,  1882,  p.  575-804).  M.  Mercat  a  publié  dans  sa  thèse  {Fréquence 
relative  de  la  colique  hépatique  chez  Venfant.  Paris,  1882,  n"  52)  avec  les 
faits  que  nous  avions  déjà  réunis  deux  nouveaux  cas  de  colique  hépatique 
observés  chez  des  enfants  de  dix  et  onze  ans,  dans  le  service  de  M.  Cadet  de 
Gassicourt.  Nous  en  ajouterons  un  autre  inédit  dont  nous  devons  communication 
à  31.  le  docteur  Bellissent  (de  Fitou).  Une  fillette  de  douze  ans  environ,  après  une 
attaque  de  colique  hépatique  aiguë,  mais  non  suivie  d'ictère,  rendit  plusieurs 
calculs  dont  la  présence  fut  constatée  dans  les  garde-robes. 

La  lithiase  biliaire  se  développe  à  la  période  moyenne  de  la  vie,  et  c'est  aussi 
à  cette  époque,  que  se  trouvent  réalisées  les  conditions  les  plus  favorables  à  l'ap- 
parition de  la  colique  iiépatique.  Au  début,  pendant  la  période  de  formation 
des  calculs,  quand  il  n'y  a  encore  que  des  sables  ou  de  la  boue  biliaire,  les 
phénomènes  sont  atténués  (formes  frustes,  crampes  d'estomac,  frissons,  fièvre 
hépatalgique).  Ce  n'est  que  plus  tard,  quand  les  cholélithes  ont  déjà  certaines 
dimensions,  ou  quand  la  gravelle  est  assez  abondante,  que  les  vraies  coliques 
éclatent.  Rappelons  toutefois  que  celle-ci  peut  être  la  première  manifestation 
clinique  de  la  lithiase. 

Dans  tout  ce  qui  précède  nous  avons  eu  spécialement  en  vue  le  spasme  dou- 
loureux et  les  phénomènes  habituels  de  la  colique  du  foie,  mais,  comme  l'a  dit 
J.  Frank  :  «  Les  calculs  biliaires,  qui  distendent  violemment  les  voies  de  la  bile, 
mettent  enjeu  toutes  les  sympathies  ».  La  douleur  qui  entraîne  par  voie  réflexe 
la  congestion  du  foie,  les  crises  gastriques,  les  vomissements,  fait  aussi  sentir 
ses  effets  sur  le  cœur,  sur  les  vaisseaux  et  sur  le  système  nerveux. 

Si  ces  réflexes  prennent  une  grande  intensité,  ou  s'ils  déterminent  l'appari- 
tion de  phénomènes  anormaux  graves,  on  voit  alors  survenir  des  complications 
à  l'élude  desquelles  nous  arrivons  maintenant.  Quelques-unes  de  ces  complica- 
tions ont  été  réalisées  expérimentalement  par  Morel  et  Arloing  (th.  de  Lyon, 
1879,  n"  27)  et  par  Simanowsky,  après  l'excitation  de  la  vésicule  biliaire  (trav. 
cité.  Anal,  in  Bev.  se.  méd.,  juillet  1885).  Les  premiers  auteurs,  en  excitant  le 
foie  ou  pinçant  la  vésicule  biliaire,  sont  parvenus  à  déterminer  une  augmenta- 
tion de  la  tension  dans  le  système  cardio-pulmonaire,  d'où  l'explication  des 


HEPATIOUKS   (COLIQUES).  55o 

troubles  pulmonaiies  et  cardiaques  que  l'on  trouve  dans  la  colique  hépatique. 
Le  second  a  vu  les  excitations  expérimentales  déterminer  l'accélération  des  mou- 
vements respiratoires,  20  à  70  par  minute,  l'animal  devenir  raide  pendant  les 
excitations,  et  parfois  à  la  fin  de  l'expérience  il  a  noté  une  parésie  des  mem- 
bres postérieurs  persistant  pendant  longtemps. 

Voyons  maintenant  comment  ces  complications  se  présentent  en  clinique.  Au 
point  de  vue  pathogénique,  nous  venons  dr  voir  comment  elles  se  rattachent 
toutes  à  la  même  cause.  Au  point  de  vue  clinique  on  peut  les  diviser  en  deux 
groupes:  les  unes  ne  sont  que  l'exagération  des  phénomènes  habituellement 
observés  prenant  une  importance  symptomatique  ou  une  gravité  immédiate 
exceptionnelle  (lipothymie,  syncope,  algidité,  vomissements  incoercibles,  pliéno- 
niènes  d'étranglement  interne,  ou  de  choc,  convulsions,  etc.)  ;  les  autres,  moins 
bruyantes  et  par  suite  paraissant  moins  dangereuses,  frappent  moins  l'attention 
au  moment  de  l'attaque,  mais  offrent  cependant  une  grande  importance  (troubles 
et  altérations  cardio-pulmonaires). 

CoMPLiCATio.NS.  Lipothymie.  Syncope.  Shoch.  Mort  subite.  En  décri- 
vant les  symptômes  de  la  colique  hépatique,  nous  avons  dit  qu'elle  pouvait  dans 
les  cas  de  douleurs  très-intenses  être  aggravée  par  une  lipotliymie  ou  une  syn- 
cope. Ces  deux  états  s'observent  assez  souvent  chez  les  sujets  à  tempérament 
nerveux  très-développé.  Cette  défaillance  et  cet  arrêt  du  cœur  sont  souvent 
précédés  de  frissons,  et  surtout  de  refroidissonent  des  extrémités.  L'algiditt' 
peut  même  s'étendre  davantage  et,  quand  le  patient  tombe  en  lipothymie  ou  en 
syncope,  son  état  peut  être  rapproché  de  celui  des  blessés  en  état  de  choc 
traumatique  ou  plus  exactement  des  malades  dont  les  organes  innervés  par  le 
grand  sympathique  abdominal  (intestin,  péritoine,  testicule)  viennent  de  subir 
.  une  grave  attomte.  Pour  cxpliquei'  phvsiologiquement  ces  accidents,  nous  rap- 
pellerons avec  M.  (^harcol  «  les  expériences  de  Brown-Séquard  dans  lesquelles 
ce  physiologiste  déterminait  une  irritation  des  ganglions  semi-lunaires,  qui  con- 
courent à  l'innervation  des  voies  biliaires.  L'excitation  morbide  partie  du  point 
irrité  arrive  par  la  moelle  épinière  jusqu'au  bulbe  où  elle  se  réfléchit  sur  les 
nerfs  pneumogastriques  et  occasionne  finalement,  si  l'irritation  est  intense,  un 
arrêt  du  cœur  en  diastole,  c'est-à  dire  une  syncope  :  portée  moins  loin  l'irrita- 
tion déterminerait  une  diminution  plus  ou  moins  durable  de  la  force  du  cœur 
qui  se  traduit  alors  par  une  lipothymie  ».  D'après  M.  Charcot  {loc.  cit.,  p.  155j, 
ce  serait  un  tort  d'attribuer  ces  complications  à  l'intensité  des  douleurs,  puis- 
qu'elles surviennent  dans  des  cas  où  celles-ci  n'offrent  rien  d'exceptionnel  ou 
même  sont  peu  accentuées.  Le  fait  est  réel,  mais  il  est  permis  de  penser  que, 
plus  la  douleur  est  forte,  plus  le  réflexe  qu'elle  provoque  sera  puissant  pour 
arrêter  le  cœur  en  diastole  et  entraîner  la  mort  subite.  Ainsi  s'expliquerait  pour 
nous,  lasyncope  qui  survient  au  début  d'une  attaque  après  une  douleur  atroce, 
comme  cela  arriva  à  «  l'un  des  ministres  les  plus  éloquents  du  roi  Louis-Philippe 
(jui  l'avait  éprouvée  si  subitement  et  si  violemment  qu'une  syncope  en  avait  été 
la  conséquence  ».  Et  encore  l'observation  de  celte  malade  du  docteur  Curry  qui, 
après  avoir  passé  une  bonne  nuit,  se  plaint  au  réveil  d'une  vive  douleur  à  l'esto- 
mac et  de  nausées.  Elle  demande  une  infusion  de  mélisse  et  meurt  en  la  buvant. 
A  l'autopsie,  on  trouve  tout  le  corps  en  bon  état,  excepté  le  conduit  cholédoque 
qui  était  fort  enflammé  et  plusieurs  calculs  dans  la  vésicule  »  {in  Fauconneau- 
Dufresne,  p.  186). 

Le  plus  souvent  lasyncope  ne  survient  qu'après  des  attaques  successives  etrap- 


556  HÉPATIQUES   (COLIQUES). 

prochées,  quand  le  malade  est  dans  un  état  d'accablement  général  et  d'éréthisme 
nerveux  facile  à  comprendre.  La  douleur  est  alors  ressentie  avec  une  intensité 
extrême;  dans- ces  conditions,  si  le  calcul  en  se  déplaçant  détermine  une  nou- 
velle souffrance  aiguë,  celle-ci  peut  amener  un  réflexe  fatal  (obs.  de  Cornillon, 
Vichy  médical,  1878;  de  Leigh,  Médical  Times,  1867,  cités  parCyr).  C'est  que 
maintenant  la  résistance  du  sujet  est  épuisée,  et  on  peut  admettre  qu'il  se  passe 
quelque  chose  d'analogue  à  ce  que  nous  voyons  dans  le  tétanos,  où  la  moindre 
excitation  entraîne  des  convulsions  réflexes  formidables. 

Mort  rapide.  La  mort  subite  est  cependant  extrêmement  rare  dans  la  colique 
hépatique.  Dans  la  grande  majorité  des  cas  les  lipothymies  et  les  syncopes  n'en- 
traînent pas  immédiatement  un  dénoùment  fatal.  Quand  celui-ci  se  produit,  il 
est  le  résultat  de  la  gravité  progressivement  croissante  des  symptômes  observés 
chez  un  individu  sujet  aux  coliques.  A  l'autopsie,  il  n'est  point  rare  alors  de 
trouver  quelque  lésion  du  foie,  du  rein  (obs.  de  Pujol,  Durand-Fardel,  Bogros, 
Jacques  et  Anselme,  Compaignac,  Delaunay,  Wood,  Maschka,  Murchison,  etc.),  ou 
une  maladie  du  cœur,  ou  bien  encore  une  pleurésie  suppurée  et  une  anémie 
profonde  (Ruelle  et  Quinquaud,  Bull,  de  la  Soc.  de  clin,  de  Paris,  1882). 
L'existence  de  l'albuminurie,  celle  du  diabète,  facilitent  aussi  la  production  des 
complications.  On  comprend  que  la  mort  rapide  survenue  dans  ces  conditions 
ne  puisse  être  imputée  uniquement  au  réflexe  douloureux  et  qu'on  doive  tenir 
compte  des  lésions  préexistantes.  Dans  quelques  cas,  la  mort  survenue  assez 
rapidement  a  été  précédée  de  coma  (Murchison,  Cjr),  d'algidité  centrale  (Fabre 
[de  Marseille]). 

Dans  quelques  circontances,  la  mort  rapide,  dans  le  cours  d'une  attaque,  est 
produite  par  des  lésions  préparées  sourdement  déjà  depuis  longtemps,  au  moment 
où  une  crise  aiguë  leur  fournit  l'occasion  de  se  révéler.  C'est  ce  qui  a  lieu,  par 
exemple,  dans  les  cas  de  péritonite  par  propagation,  de  perforation,  de  rupture 
de  la  vésicule  ou  des  gros  canaux  biliaires,  d'hémorrhagie  par  ulcération  d'un 
vaisseau,  particulièrement  de  la  veine  porte,  etc.  {voy.  Voies  biliaires  :  Patho- 
logie). Ces  dernières  complications  sont  d'ordinaire  fatales  à  bref  délai.  Dans 
l'étude  des  complications  de  la  lithiase  biliaire,  on  les  rattache  à  la  migration 
des  calculs  hors  des  voies  naturelles,  mais  nous  ne  devons  pas  oublier  qu'elles 
peuvent  terminer  brutalement  une  colique  hépatique  au  moment  où  rien  ne 
fait  redouter  un  pareil  danger. 

Parfois  encore  la  mort  peut  être  entraînée  ou  précédée  par  des  vomissements 
incoercibles,  par  un  ensemble  clinique  rappelant  V étranglement  herniaire. 
Tels  sont  les  cas  de  Durand-Fardel  {Arch.  méd.,  1840,  et  Union  méd.,  1870); 
ceux  de  llabershones,  de  Williamson  (the  Lancet,  1879,  cités  par  J.  Cyr),  celui 
très-intéressant  communiqué  par  Brouardel  à  la  Société  de  médecine  légale  (Ann. 
d'hyg.  et  de  méd.  piibl.,  1882,  p.  270).  Dans  ce  dernier,  il  s'agissait  d'une 
femme  de  trente  ans  prise  brusquement  en  chemin  de  fer  de  douleurs  intenses 
et  de  vomissements,  quelques  instants  après  avoir  pris  une  boisson  froide.  Le 
médecin  appelé  en  toute  hâte  diagnostiqua  bien  une  colique  hépatique,  mais  les 
phénomènes  sétant  rapidement  terminés  par  la  mort  on  soupçonna  un  empoi- 
sonnement. Une  autopsie  médico-légale  fut  ordonnée.  L'examen  du  cadavre  permit 
de  constater  l'existence  de  71  calculs  dans  la  vésicule  et  d'un  petit  cholélithe  à 
facettes  arrêté  au  niveau  de  l'ampoule  de  Water  et  faisant  déjà  saillie  dans  la 
cavité  intestinale. 

Dans  la  plupart  des  cas  de  mort  rapide  précédemment  rapportés,  on  a  trouvé 


HEPATIQUES   (COLIQUES).  557 

à  l'autopsie  un  calcul  arrêté  en  ce  même  point.  Il  y  a  là  assurément  plus  qu'une 
simple  coïncidence.  Le  lecteur  peut  se  souvenir  que,  d'après  les  recherches  de 
Variot,  il  existe  précisément  à  ce  niveau,  chez  les  animaux,  un  riche  collier 
composé  de  nombreux  ganglions  nerveux.  Il  en  est  probablement  de  même  chez 
l'homme,  d'oii  probablement  aussi  des  réflexes  plus  intenses  dont  la  gravité 
devient  rapidement  sérieuse,  quand  un  calcul  est  arrêté  en  cet  endroit,  surtout 
dans  les  cas  où  la  vitalité  du  malade  est  déjà  atténuée  par  l'existence  d'une 
lésion  organique  du  cœur  ou  du  poumon. 

Le  syndrome  douloureux  de  l'étranglement  herniaire  qui  vient  compliquer  la 
colique  hépatique  ne  se  termine  pas  toujours  d'une  manière  aussi  grave.  Il 
peut  cesser  brusquement  et  bientôt  après  ov  consta  te  l'expulsion  du  calcul  dans 
les  garde-robes,  comme  cela  est  arrivé  dans  les  cas  de  Mayo  [Gaz.  méd.  de 
Paris,  1843)  et  de  Marotte  (Soc.  méd.  des  hop.,  1856).  Dans  ces  deux  cas,  les 
accidents  cessèrent  tout  d'un  coup  après  l'exploration  de  la  paroi.  Béhier  au 
sujet  du  malade  de  M.  Marotte  émettait  déjà  l'hypothèse  que  l'on  avait  pu  avoir 
affaire  à  des  phénomènes  nerveux  analogues  à  ceux  que  l'on  observe  lors  du 
pincement  d'une  anse  intestinale,  et  produits  par  la  présence  du  calcul  arrêté  à 
l'orifice  de  l'ampoule  de  Water. 

Dans  quelques  cas  enfin  les  vomissements  sont  assez  fréquents  pour  laisser 
craindre  qu'ils  seront  incoercibles,  puis  progressivement  les  phénomènes  se 
calment.  Les  choses  se  sont  ainsi  passées  dans  l'observation  du  docteur  Petit  que 
nous  avons  mentiv/imée  parmi  les  rares  exemples  de  calculs  rejetés  par  l'estomac. 
Les  vomissements  avaient  duré  onze  jours  consécutifs  et,  au  dire  de  l'entourage 
du  malade,  on  eut  à  jeter  «  58  cuvettes  plus  ou  moins  remplies  de  déjections 
gastriques  ». 

Troubles  nerveux.  Convulsions.  Paralysies.  Les  complications  de  la 
colique  hépatique  semblent  dans  d'autres  circonstances  retentir  plus  spécia- 
lement sur  le  système  nerveux  de  la  vie  de  relation. 

Les  phénomènes  nerveux  peuvent  par  leur  exagération  dominer  immédiate- 
ment la  scène  morbide,  ou  bien  constituer  des  complications  dont  l'effet  se 
prolonge  après  la  terminaison  de  la  crise.  Parmi  les  premiers,  citons  les  convul- 
sions généralisées  à  tout  le  corps,  qui  chez  les  sujets  très-excitables  peuvent 
remplacer  les  simples  mouvements  réflexes  se  faisant  sentir  habituellement  dans 
diverses  parties  du  corps.  Ces  convulsions  revêtent  la  forme  de  crises  convul- 
sives  d'hystérie,  plus  rarement  celle  de  ïéclampne  (Bax  de  Gorbie),  de  la 
catalepsie  (Bouisson,  p,  205),  Elles  ont  pu  être  limitées  à  une  moitié  du  corps 
{hémiconvulsions  de  Duparcque)  ;  ces  dernières  cependant  doivent  être  assez 
rares,  car  depuis  le  mémoire  de  Duparcque  [Hevue  médicale,  1844),  nous  ne 
croyons  pas  qu'il  ait  été  publié  de  nouveaux  cas  de  cette  nature.  Une  malade 
de  Sénac  a  présenté  une  épilepsie  partielle  limitée  à  la  moitié  droite  de  la  face 
(p.  125).  ^ 

Quand  l'ébranlement  de  l'organisme  produit  par  la  colique  hépatique  est  pro- 
fond, on  peut  observer  des  troubles  de  la  parole,  des  troubles  de  l'intelligence, 
une  perte  de  la  mémoire;  M,  le  docteur  Cyr  a  vu  l'aphasie  survenir  pendant 
une  colique  hépatique  et  être  suivie  d'une  hémiplégie  droite  qui  disparut  après 
quatre  ou  cinq  jours. 

Divers  troubles  de  la  motilité  ont  été  observés  à  la  suite  des  attaques  de  coliques 
hépatiques  violentes.  Dans  leur  degré  le  plus  léger,  ces  troubles  assez  fréquents 
sont  constitués  par  un  engourdissement,   une  parésie  passagère  du  bras  droit 


558  HÉPATIQUES   (COLIQUES). 

que  nous  avons  déjà  signalée,  mais  on  peut  voir  survenir  une  yrstie  paraplégie 
(Ti'ousseau  et  Peter) .  De  Gennes  a  rapporté  deux  observations  de  monoplégie 
brachiale  droite,  avec  anesthésie  [Bull,  de  la  Soc.  clin,  de  Paris,  1885,  p.  91). 
Le  docteur  Bourdichon  (thèse  inaugur.  Paris,  1884,  n°  559,  Des  paralysies 
dans  le  cours  de  la  colique  hépatique)  a  étudié  ces  faits  d'ailleurs  assez  rares. 
Trousseau  avait  rapproché  au  point  de  vue  pathogénique  la  paraplégie  qu'il 
avait  observée  des  paraplégies  réflexes  compliquant  les  affections  des  voies  uri- 
naires.  C'esl  en  effet  aux  paralysies  réflexes  que  doivent  être  rapportées  les 
paralysies  se  montrant  sur  des  régions  dont  les  nerfs  ne  sont  pas  en  connexion 
anatomique  avec  les  nerfs  du  foie.  De  Gennes  et  Bourdichon,  suivant  l'exemple 
de  Peter,  ont  admis  que  dans  les  nionoplégics  ou  parésies  brachiales  qui  suc- 
cèdent aux  névralgies  du  membre  supérieur  satellites  de  la  colique  hépatique 
le  phrénique  sert  d'intermédiaire  entre  les  nerfs  du  foie  et  ceux  du  bras. 

La  colique  hépatique  peut  aussi  déterminer  des  troubles  divers  de  la  sensibi- 
lité, par  exemple,  de  Vhyperesthésie  généralisée  à  tout  le  corps  avec  maximum 
dans  le  tronc  et  les  membres  supérieurs  (Trousseau,  Peter).  Les  troubles  de  la 
sensibilité  dans  un  cas  rapporté  par  Fabre  avaient  fait  diagnostiquer  une  affec- 
tion de  la  moelle.  L'analyse  des  urines,  la  teinte  subictérique,  la  sensibilité  de 
la  vésicule  à  la  pression,  permirent  de  rectifier  ce  diagnostic. 

Enfin  Vhéméralopie  a  été  rencontrée  d'une  manière  peu  fréquente  il  est 
vrai,  chez  des  cholélithiasiques,  comme  chez  d'autres  malades  atteints  d'affec- 
tions du  foie  (Gornillon). 

Nous  avons  signalé  plus  haut,  en  parlant  des  manifestations  frustes  de  la 
colique  hépatique,  que  celle-ci  pouvait  se  manifester  par  des  phénomènes  fébriles, 
fièvre  hépatalgique  et  fièvre  intermittente   hépatique.  La  fièvre  hépatique  n'ap- 
partient pas  en  propre  à  l'histoire  des  coliques  du  foie.  Elle  peut  en  être  une 
manifestation  larvée,  ou  bien  exister  à  titre  de  complication  résultant  d'une 
angiocholite  suppurée,  d'une  obstruction  biliaire.  Elle  ne  diffère  pas,  dans  ces 
cas,  des   accès  produits  par  l'angiocholile  ou  l'obstruction  des  canaux  cholé- 
doques, quelle  qu'en  soit  la  cause.  Cette  fièvre  intermittente,  bien  qu'elle  soit 
surtout  fréquente  dans  la  lithiase  biliaire,  ainsi  que  l'avait  déjà  indiqué  Monneret, 
se  rattache  donc  à  la  pathologie  générale  du  foie.  Comme  elle  a  déjà  été  traitée 
en  partie  dans  ce  recueil,  nous  n'avons  pas  à   insister  ici  longuement  sur  son 
histoire  [voy   les  articles  Foie  et  Voies  bilures  [Pathologie]).  Rappelons  cepen- 
dant que,  pour  expliquer  ces  phénomènes  fébriles,  M.  Charcot  admettait  l'exis- 
tence d'un  ferment,  d'un  micro-organisme  de  nature  particulière  se  développant 
dans  les  voies  biliaires  au  contact  de  la  bile  altérée.  Les  récentes  recherches  de 
Netter  et  Martha  viennent  de  laisser  entrevoir  que  cette  hypothèse  pourrait  se 
trouver  confirmée  dans  un  avenir  peu  éloigné,  en  même  temps  qu'elles  ont  étabU 
que  ïendocardite  végétante  îdcéreuse  doit  être  rangée  parmi  les  complications 
possibles  de  la  lithiase  biliaire.  Ces   auteurs  ont  pu  réunir  cinq  observations 
d'endocardite  végétante  consécutive  soit  à  des  coliques  hépatiques,  soit  à  la 
Intention  biliaire. 

Comment  expliquer  la  pathogénie  de  cette  nouvelle  complication  jusqu'ici 
peu  soupçonnée  et  qui  intéresse  doublement  le  médecin  et  par  sa  gravité  et 
par  sou  mode  de  développement?  On  sait  que  l'endocardite  végétante  ufcé- 
reuse  a  pu  être  considérée  comme  constituant  plutôt  un  syndrome  anatomique 
et  clinique  accompagnant  des   aflections  trè.-;-(li verses  qu'une  véritable  entité 


HEPATIQUES  (COLIQUES).  559 

morbide.  Or,  dans  les  cas  d'endocardite  végétante  ulcéreuse  étudiée  par  Nelter 
et  Martha,  ces  médecins  ont  trouvé  des  organismes  allongés  bacillaires  dont 
l'habitat  normal  est  le  tube  digestif.  Ils  ont  admis  que  ces  organismes,  qui  se 
trouvent  habituellement  dans  l'intestin  grêle  et  remontent  à  une  faible  hauteur 
dans  les  gros  conduits  qui  s'ouvrent  dans  cet  organe,  se  répandent  dans  les 
conduits  biliaires  dilatés,  lorsqu'il  existe  de  la  rétention  biliaire.  Ces  germes 
passeraient  alors  des  petits  foyers  d'angiocholite  dans  le  sang  et,  en  se  fixant  et 
se  multipliant  sur  les  valvules,  amèneraient  l'endocardite  végétante  ulcéreuse. 
La  similitude  des  micro-organismes  trouvés  dans  le  foie  et  sur  la  valvule  mitrale 
plaiderait  en  faveur  de  cette  hypothèse.  De  plus,  la  courbe  de  la  température 
annexée  à  l'observation  montre  que  chez  le  malade  de  Nelter  et  Martha  la  crise 
hépatique  s'était  compliquée  d'accès  de  fièvre  intermittente  irrégulière  [Endo- 
cardite végétante  ulcéreuse  dans  les  affections  des  voies  biliaires.  In  Arch. 
de  physioL,  juillet  1886). 

Complications  cardiaques  et  pulmonaires.  Elles  sont  constituées  soit  par 
l'exagération  des  troubles  fonctionnels  cardiaques  ou  pulmonaires  qui  accom- 
pagnent ordinairement  la  colique  hépatique,  soit  par  des  altérations  anatomiques 
plus  ou  moins  marquées.  Dans  le  premier  groupe  nous  rangerons  la  dyspnée, 
V oppression  très-pénible,  qui  dans  quelques  cas  semblent  primer  l'impor- 
tance de  la  douleur,  une  toux  fatigante  répétée,  de  violentes  palpitations, 
Varhythmie  cardiaque.  Ces  phénomènes  peuvent  survivre  à  l'attaque  de  colique 
hépatique;  quelquefois  ils  existent  seuls  et  constituent  des  formes  frustes  de 
la  maladie. 

Les  palpitations  et  l'arliythmie  sont  des  troubles  fréquemment  observés,  au 
cours  de  la  lithiase  biliaire,  en  l'absence  de  crise  douloureuse  aiguë.  Stokes  les 
signalait  déjà  dans  son  Traité  des  maladies  du  cœur,  et,  depuis  cette  époque, 
elles  ont  été  bien  souvent  constatées.  Les  troubles  pulmonaires,  quoique  plus 
rares,  s'observent  cependant  aussi.  C'est  ainsi  que  nous  interpréterions  les 
attaques  de  colique  se  présentant  sous  forme  d'accès  d'asthme  dont  Broabdent 
a  parlé  au  Congrès  médical  de  Londres  (1886).  Chez  un  malade  de  M.  Potain 
la  crise  commençait  d'habitude  par  une  dyspnée  extrême. 

Les  altérations  fonctionnelles  produites  sous  l'influence  de  la  colique  hépa- 
tique peuvent  être  transitoires,  tout  comme  la  crise  aiguë  qui  les  provoque.  Mais, 
si  les  crises  se  renouvellent  très-souvent,  si  elles  sont  très-rapprochées,  surtout 
enfin  si  l'inùtation  qui  leur  sert  de  point  de  départ  devient  permanente  comme 
cela  a  lieu  dans  les  cas  où  le  corps  étranger  cause  de  la  colique  du  foie  s'enclave, 
obstrue  les  voies  biliaires,  les  altérations  anatomiques  prennent  alors  naissance 
et  deviennent  parfois  définitives.  L'étude  clinique  et  pathogéniqne  de  ces  com- 
plications a  été  faite  essentiellement  dans  ces  dix  dernières  années.  Elle  est  due 
presque  exclusivement  aux  travaux  des  médecins  français.  Nous  allons  en  exposer 
rapidement  l'histoire. 

A.  Poumon.  Noël  Guéneau  de  Mussy,  un  des  premiers,  a  indiqué  l'exis- 
tence de  la  congestion  pulmonaire  dans  la  colique  hépatique  :  «  Avec  la  con- 
gestion qui  accompagne  très-souvent  les  coliques  j'ai  plusieurs  fois  observé  une 
complication  qui  mérite  d'être  signalée,  c'est  un  état  congestif  de  la  base  du 
poumon  droit,  attesté  par  des  râles  crépitants  fins  et  nombreux,  de  la  toux,  de 
la  fièvre,  une  expectoration  visqueuse.  Cette  congestion  limitée  à  la  base  dis- 
paraît en  deux  ou  trois  jours  sous  l'action  de  ventouses  scarifiées  et  de  vésica- 
toircs.  Ce  n'était  pas  une  combinaison  fortuite  de,,  pneumonie  et  de  coliques 


560  HÉPATIQUES  (ËOLIQUESl 

hépatiques,  c'était  une  congestion  limitée  passagère,  connexe  à  l'irritation  et  à  la 
congestion  hépatique  et  disparaissant  avec  elle,  exprimant  cette  solidarité  entre 
le  foie  et  le  poumon  dont  témoigne  l'extrême  fréquence  des  congestions  hépa- 
tiques dans  les  pneumonies  »  {Cl.  méd.,  t.  Il,  p.  75). 

Si  la  congestion  pulmonaire  limitée  à  la  base  reconnaît  pour  cause  dans  quel- 
ques cas  le  voisinage  du  foie  hyperémié,  plus  souvent  peut-être  elle  est  d'origine 
réflexe,  par  exemple,  quand  elle  s'étend  à  tout  le  poumon  droit.  On  peut 
admettre  dans  ces  cas  que  le  réflexe  douloureux  qui  détermine  la  congestion 
hépatique  ne  se  limite  pas  exactement  au  foie,  mais  s'étend  aux  organes  voisins 
(diaphragme,  nerf  phrénique,  poumons).  M.  Peter  admet  que  les  irradiations 
douloureuses  dans  l'épaule  et  le  bras  droits  reconnaissent  souvent  pour  cause  la 
congestion  du  névrilème  du  phrénique.  Les  anastomoses  et  la  distribution  de 
ce  nerf  ont  fait  naître  cette  hypothèse  qui,  on  le  voit,  pourrait  se  trouver  véri- 
fiée dans  quelque  cas. 

Fabre  (de  Marseille)  a  signalé  aussi  les  congestions  pulmonaires  et  les  consi- 
dère également  comme  d'origine  réflexe.  «  Ces  congestions,  dit-il,  ont  quelquefois, 
mais  non  toujours,  les  allures  et  la  marche  rapide  des  congestions  accidentelles  : 
elles  sont  à  répétition.  Telles  vous  les  avez  vues  chez  un  malade  qui  a  suc- 
combé à  la  gravelle  biliaire  l'été  dernier  »  {Relations  pathogéniques  des  centres 
nerveux.  Paris,  1880,  p.  17).  Orda  signalé  des  faits  du  même  genre  au  Congrès 
médical  de  Londres  (1886). 

Ces  congestions  pulmonaires  peuvent  s'accompagner  d'un  certain  degré  de 
pleurésie,  et  il  n'est  pas  rare  de  constater  un  peu  de  frottement  à  la  base  chez 
les  malades  atteints  de  colique  hépatique. 

Au  lieu  de  déterminer  une  congestion,  l'excitation  douloureuse  réfléchie  sur 
le  grand  sympathique  peut  déterminer  au  contraire  de  l'ischémie.  Cette  anémie 
pulmonaire  retentit,  à  son  tour,  sur  la  circulation  cardiaque  :  alors  on  peut 
entendre  un  souffle  au  cœur,  et  nous  allons  voir  maintenant  comment  se  pro- 
duisent les  altérations  fonctionnelles  et  les  lésions  d'orifice  que  ces  souffles  tra- 
duisent. 

B.  Troubles  et  lésions  cardiaques.  Stokes  avait  déjà  entrevu  {Traité  des 
maladies  du  cœur,  p.  165,  251,  502,  traduction  de  Senac.  Paris,  1864)  que 
les  palpitations  et  l'irrégularité  du  cœur  peuvent  constituer  des  accidents  car- 
diaques sympathiques  de  l'état  de  l'estomac  ou  du  foie.  A  propos  de  l'obser- 
vation célèbre  de  Colles,  il  montre  que  le  foie  et  le  cœur  offrent  des  relations 
pathologiques  que  le  médecin  ne  doit  pas  méconnaître.  Au  sujet  des  palpita- 
tions nerveuses  liées  à  un  trouble  des  fonctions  gastriques  ou  hépatiques,  il 
s'exprime  de  la  façon  suivante  :  «  Elles  paraissent  dépendre  de  quelque  sympa- 
thie organique  ou  locale.  Que  ce  soit  à  l'estomac  ou  au  foie  qu'on  doive  les 
attribuer,  ces  palpitations  peuvent  persister  pendant  longtemps  ;  si  c'est  le  foie 
qui  est  atteint,  elles  offrent  parfois  des  périodes  de  rémission  remarquables.  Tôt 
ou  tard  il  se  produit  une  altération  organique  du  cœur,  cet  organe  s'affaiblit, 
se  dilate  et  peut  passer  à  l'état  d'hypertrophie  »  (p.  502). 

Après  cet  aperçu  clinique  si  juste,  Stokes  ne  cherche  pas  à  pénétrer  le  méca- 
nisme des  relations  pathogéniques  qu'il  vient  de  faire  ressortir.  Le  fait  lui- 
même  est  négligé  ou  du  moins  n'attire  pas  l'attention  des  médecins  qui  écrivent 
sur  les  maladies  du  foie  ou  du  cœur  après  l'auteur  anglais.  Murchison  signal» 
cependant  les  palpitations  et  les  irrégularités  cardiaques  dans  ses  leçons  sur  les 
maladies  du  foie;  pour  lui,  ce  serait  l'altération  du  sang  qui  agirait  principa- 


HÉPATIQUES  (COLIQUES).  5G1 

lement  dans  ces  cas.  En  France,  Gangolphe  (Ihèse  de  Paris,  1875)  étudie  le 
bruit  de  souffle  qui  accompagne  Victère.  Il  est  à  remarquer  que  sur  9  obser- 
vations contenues  dans  son  mémoire  quatre  sont  des  exemples  de  coliques 
hépatiques.  Gangolphe  localise  ce  souffle  à  la  pointe  et  le  regarde  comme  sym- 
ptomatique  d'une  lésion  mitrale  passagère  due  à  la  parésie  des  muscles  papil- 
laires  consécutive  probablement  ù  la  présence  du  pigment  biliaire  dans  le  sang. 
Ces  idées  sont  acceptées  par  Fabre  [Gaz.  des  hôp.,  1877).  La  question  de  ces 
souffles  cardiaques  devait  être  bientôt  abordée  par  notre  excellent  maître  M.  le 
professeur  Potain.  La  manière  dont  il  a  envisagé  la  production  et  la  localisation 
des  cardiopathies  secondaires  consécutives  aux  altérations  gastro-hépatiques  diffère 
de  celle  admise  par  les  auteurs  précédents.  Les  faits  et  les  idées  exposés  par 
lui  au  Congrès  pour  l'avancement  des  sciences  à  Paris  [Noie  sur  un  point  de  la 
pathogénie  des  dilatations  cardiaques  d'origine  gastro -hépatique,  1878)  con- 
stituaient à  ce  moment,  on  peut  le  dire,  un  sujet  absolument  neuf;  ils  sont 
devenus  le  point  de  départ  d'une  série  de  travaux  qui  ont  confirmé  les  vues  du 
savant  professeur  de  Necker  en  les  modiliant  seulement  sur  un  point  de  détail. 
Nous  ne  pouvons  étudier  ici  dans  son  ensemble  cette  question,  quoiqu'elle  soit 
toute  récente  encore.  Nous  devons  nous  borner  aux  cardiopathies  qui  se  montrent 
comme  complications  de  la  colique  hépatique,  mais  non  sans  faire  remarquer 
que  la  colique  du  foie  est  la  principale,  sinon  l'unique  cause  de  ces  lésions 
cardiaques,  comme  le  voudrait  M.  Lancereaux.  Nous  renvoyons  pour  plus  de 
détails  aux  travaux  où  cette  question  a  été  traitée  à  un  \  oint  de  vue  plus 
général  (Morel,  thèse  de  Lyon,  1879,  déjà  citée.  — Destureaux,  De  la  dilatation 
du  cœur  droit  d'origine  gastrique.  Th.  de  Paris,  1879.  —  Teissier,  Congrès 
de  Montpellier,  1878.  —  Franck,  Gaz.  hehd.  de  méd.  et  de  chirurgie,  1879. 
—  Mossé,  thèse  de  concours,  1880.  —  Rendu,  De  l'influence  des  maladies  du 
cœur  sur  les  maladies  du  foie  et  réciproquement,  mémoire  couronné  en  1881 
par  l'Académie  de  médecine,  qui  mérite  une  mention  spéciale.  — F nhve,  Nouveaux 
fragments  de  clinique  médicale,  1883.  —  Barié,  Revue  de  médecine,  1883). 

En  quoi  consistent  ces  cardiopathies  secondaires  consécutives  aux  coliques  hépa- 
tiques et  déterminées  par  elles  ?  Ce  n'est  pas  en  une  insuffisance  mitrale,  comme 
l'avaient  pensé  les  premiers  observateurs.  Le  souffle  perçu  dans  la  région  de  la 
pointe,  près  du  bord  droit  du  sternum,  est  un  souffle  tricuspidien.  Il  s'agit 
d'une  dilatation  du  cœur  droit,  portant  exclusivement  sur  cette  portion  de 
l'organe  ou  s'y  produisant  du  moins  d'une  façon  prédominante,  ainsi  que  l'a 
établi  M.  Potain.  L'extension  de  la  malité  précordiale,  la  déviation  en  dehors  de 
la  pointe  non  abaissée,  l'exagération  des  bruits  dans  la  région  des  cavités  droites, 
semblent  localiser  suffisamment  le  diagnostic  alors  que  la  résistance  du  cœur 
faiblit,  mais  n'est  pas  encore  vaincue.  Dans  les  cas  extrêmes,  c'est  une  insuffi- 
sance tricuspide  qui  s'établit  d'emblée  d'une  façon  aiguë  avec  tous  ses  caractères 
ordinaires.  On  trouve  dans  la  thèse  de  Mahot,  interne  de  iM.  Potain,  une  très- 
belle  observation  de  ce  genre  qui  a  été  le  point  de  départ  des  recherches  de  ce 
professeur  {Sur  les  battements  du  foie.  Paris,  1859). 

Comment  expliquer  le  mécanisme  de  cette  dilatation  cardiaque  consécutive  à 
la  colique  hépatique?  Elle  ne  saurait  être  attribuée  à  l'action  parésianle  exercée 
sur  les  parois  du  ventricule  droit  par  les  acides  biliaires  passés  dans  le  sang, 
puisqu'on  la  voit  se  produire  dans  des  cas  où  l'ictère  fait  défaut,  et  aussi  dans  les 
affections  douloureuses  de  l'estomac  et  de  l'intestin.  En  auscultant  soigneuse- 
ment le  cœur  droit,  M.  Potain  remarqua  que  le  second  bruit  dans  l'artère 
DICT.  ENC.  i"  s.  XIII.  50 


o62  HÉPATIQUES  (COLIQUES). 

pulmonaire  était  toujours  exagéré  et  plus  éclatant  que  de  coutume,  traduisant 
ainsi  une  augmentation  de  pression  dans  l'artère  pulmonaire.  Puisque  le  ven- 
tricule droit  se  laissait  distendre,  il  fallait  donc  chercher  la  cause  de  l'excès  de 
pression  dans  l'artère  pulmonaire  et  celle  de  l'exagération  du  second  bruit  qui  en 
est  la  conséquence  dans  un  obstacle  inaccoutumé  apporté  à  la  circulation  arté- 
rielle dans  les  capillaires  du  poumon  :  or  dans  ces  cas  la  sonorité  thoracique 
était  augmentée.  On  ne  pouvait  donc  supposer  qu'il  y  avait  de  la  congestion 
pulmonaire,  comme  cela  se  produit  parfois,  nous  l'avons  vu  plus  haut,  et  il 
ne  restait  plus,  pour  expliquer  l'obstacle  exagéré  éprouvé  par  la  circulation  du 
sang  dans  le  poumon,  que  l'hypothèse  d'un  excès  de  tonicité  vasculaire.  Telle 
fut  la  conclusion  à  laquelle  l'analyse  rigoureusement  déduite  des   symptômes 
chniques  exactement  observés  conduisit  M.  Potain.  Cette  exagération  de  tonicité 
ne  pouvant  être  le  fait  de  l'excitation  des  capillaires  du  poumon  par  les  acides 
biliaires  (par  les  raisons  déjà  données  plus  haut),  le  savant  clinicien  de  Necker 
admit  que  l'excitation  portée  sur  la  muqueuse  des  canaux  hépatiques  stimule 
par  voie  réflexe  la  vaso-motricité  pulmonaire  et  augmente  la  tonicité  vasculaire 
dans  cet  organe.  Tous  ces  faits  cliniques  et  leur  explication  générale  ont  été 
confirmés  par  les  expériences  et  les  recherches  ultérieures  de  Morel  et  Arloing, 
Teissier,  etc.,  etc.  Il  est  aujourd'hui  admis  que  cette  élévation  de  pression  vascu- 
laire pulmonaire,  sous  laquelle  fléchit  le  cœur  droit,  est  le  résultat  d'une  action 
réflexe   dont   le  point  de   départ  est  l'excitation  douloureuse  de  la  muqueuse 
biliaire.   Seulement  cette  excitation,  au  lieu  de  cheminer,  à  l'aller  comme  au 
retour,  à  travers  le  pneumogastrique,  ainsi  que  l'avait  pensé  M.  Potain,  «  (*st  con- 
duite par  les  filets  sympathiques  jusqu'au  bulbe  et  réfléchie  de  là   vers  les 
organes  cardio-pulmonaires  par  la  moelle  et  les  filets  sympathiques  »  (Morel  et 
Arloing).  La  contraction  exagérée  des  capillaires  du  poumon  provoquée  par  voie 
réflexe  détermine  une  ischémie  pulmonaire.  Cette  ischémie,  intermittente,  comme 
le  spasme  douloureux  des  voies  biliaires  suscité  par  le  passage  du  calcul,  peut 
avoir  une  durée  plus  ou  moins  longue.  Elle  nous  aide  à  comprendre  l'anxiété 
respiratoire  qui  accompagne  la  colique  hépatique,  par  laquelle  elle  débute  par- 
fois (Potain)  ou  même  qu'elle  peut  contribuer  à  masquer,  ainsi  que  nous  l'avons 
dit  plus  haut. 

Les  troubles  cardiaques  liés  à  la  colique  hépatique,  ordinairement  passagers 
comme  la  crise  douloureuse  elle-même,  peuvent  aussi  persister  quand  celle-ci 
se  prolonge,  surtout  dans  les  cas  d'obstruction.  L'obstacle  persistant,  le  cœur 
droit  s'hypertrophie  peu  à  peu  pour  lutter  contre  lui,  ainsi  que  cela  a  lieu  du 
reste  dans  tous  les  cas  d'obstacle  à  la  circulation  pulmonaire.  Il  finit  même  par 
céder  et  alors,  au  lieu  d'un  simple  trouble  fonctionnel,  c'est  une  véritable  maladie 
du  cœur  qui  se  trouve  réalisée  par  la  dilatation  et  l'hypertrophie  du  ventricule 
droit  et  finalement  l'asystolie.  Ce  fait  s'est  produit  dans  un  cas  d'ictère  chronique 
que  M.  Potain  eut  l'occasion  d'observer  avec  le  docteur  Augier  et  dans  lequel  la 
dilatation  cardiaque  droite,  s'exagérant  progressivement,  au  fur  et  à  mesure  que 
persistaient  et  s'aggravaient  les  accidents  déterminés  par  un  calcul  engagé  dans 
le  canal  cholédoque,  finit  par  amener  au  bout  de  plusieurs  mois  les  conséquences 
les  plus  graves  de  l'insuffisance  tricuspide  et  de  l'asystolie.  Dans  le  mémoire  de 
Rendu  quelques  observations,  sans  avoir  la  gravité  de  celle-ci,  nous  présentent 
cependant  le  souffle  tricuspidien  et  les  symptômes  qui  l'accompagnent  persistant 
pendant  un  temps  plus  ou  moins  long. 

Nous  avons  insisté  sur  les  complications  cardio-pulmonairos,  car  elles  con- 


HÉPATIQUES  (COLIQUES).  5fiô 

stiluent  un  chapitre  encore  peu  connu  des  complications  de  la  colique  hépatique 
et  sur  lequel  les  classiques  ne  contiennent  que  peu  de  détails.  Leur  étude  a 
conduit  M.  Potain  à  cette  conclusion  clinique  intéressante  et  nouvelle  :  «  Il  existe 
un  bruit  de  galop  du  bord  droit  du  cœur  lié  à  la  dilatation  droite  d'origine 
aastro-hépatique  comme  le  bruit  de  galop  gauche  est  lié  à  l'hypertrophie  d'ori- 
fjine  brightique.  Il  permet,  sans  être  plus  pathognomonique  que  ce  dernier, 
d'arriver  au  diagnostic  étiologique,  à  la  condition  qu'il  n'existe  pas  d'affection 
pulmonaire  ancienne  susceptible  d'entraîner  pour  sa  part  la  dilatation  du  cœur 

droit  ». 

En  résumé,  une  attaque  de  colique  hépatique  aiguë  peut  entraîner  une  dila- 
tation cardiaque  :  celle-ci  est  temporaire  et  disparaît  avec  la  cause  qui  l'a  fait 
naître,  mais,  si  la  cause  persiste,  l'effet  persiste  également  et  une  maladie  du 
cœur  se  trouve  ainsi  constituée  qui  peut  avoir  pour  terminaison  l'asystolie  et 
toutes  ses  conséquences.  Cette  dernière  est  fort  rare. 

Est-il  possible  à  priori  de  savoir  si  l'intensité  de  la  colique  hépatique  déter- 
minera telle  ou  telle  complication?  Si  les  complications  cardiaques  en  parti- 
culier affecteront  telle  ou  telle  forme?  La  physiologie  pathologique  ne  nous  a 
rien  appiis  encore  de  positif  à  ce  sujet.  A  l'exemple  de  M.  Rendu,  nous  sommes 
encore  obligé,  pour  expliquer  ces  formes  cliniques  variables  (palpitations,  arhyth- 
niie,  dilatation),  d'invoquer  les  dispositions  particulières  individuelles  et  peut- 
être  une  plus  grande  susceptibilité  héréditaire  ou  acquise  de  cet  organe. 

Diagnostic.  Il  présente  deux  points  à  résoudre  :  i"  établir  le  diagnosticdif- 
férentiel,  c'est-à-dire  éliminer  les  diverses  affections  pouvant  être  confondues 
avec  la  colique  du  foie;  2°  celle-ci  reconnue,  faire  \e  diagnostic  de  la  cause, 
c'est-à-dire,  grouper  les  différents  symptômes  permettant  de  penser  que  l'on  a 
affaire  à  une  colique  du  foie  simple  (hépatalgie)  ou  à  une  colique  hépatique 
due  à  la  présence  de  corps  étrangers  (calculs,  hydatides,  etc.). 

Le  diagnostic  différentiel  parfois  très-facile  peut  souvent  donner  lieu  à  quelques 
difficultés,  surtout  quand  il  s'agit  des  formes  frustes  et  des  formes  larvées. 

En  présence  de  l'ensemble  clinique  suivant  :  douleur  spontanée  dans  l'épi- 
gastre  et  l'hypochondre  droit,  irradiée  vers  l'épaule,  exagérée  par  la  pression 
ou  la  palpation,  tension  douloureuse  dans  la  région  de  la  vésicule,  nausées, 
vomissements,  légère  teinte  ictérique,  le  médecin  pense  bientôt  à  une  colique 
hépatique.  Pour  compléter  le  diagnostic,  il  est  très-utile  d'interroger  le  malade, 
de  savoir  s'il  a  déjà  présenté  des  crises  douloureuses  de  cette  nature,  ou  des 
crampes  survenant  deux,  trois  heures  après  les  repas;  il  faut  ensuite  recom- 
mander de  conserver  les  urines  et  chercher  la  réaction  caractéristique  du  pigment 
biliaire.  Nous  savons  en  effet  que  sa  présence  peut  y  être  décelée  même  quand  il 
n'y  a  pas  suffusion  ictérique  de  la  conjonctive. 

Mais  les  choses  ne  se  présentent  pas  toujours  avec  cette  netteté  et  dans  quelques 
circonstances  le  diagnostic  doit  être  attentivement  discuté.  Dans  les  conditions 
ordinaires  les  principales  affections  qui  pourraient  être  confondues  avec  la  colique 
du  foie  sont:  la  colique  néphrétique,  la  gastralgie,  la  colique  d'entrailles,  plus 
rarement  la  colique  de  plomb,  l'étranglement  interne,  ou  enfin  la  pleurésie  sèche 
et  la  pleurodynie  du  côté  droit.  Pendant  la  grossesse  et  après  l'accouchement  la 
colique  hépatique  peut  être  confondue  avec  les  troubles  gastriques  déterminés 
par  la  gestation  et  avec  la  péritonite  puerpérale. 

i"  La  colique  néphrétique  quand  elle  siège  à  droite  pourrait  donner  lieu  à 
quelque  difficulté,  surtout  pendant  l'attaque;  toutefois,  on  doit  avoir  égard  aux 


564  HÉPATIQUES  (COLIQUES). 

circonstances  suivantes  qui  peuvent  même  durant  la  crise  permettre  le  diagnostic. 
Le  foie  n'est  pas  tuméfié,  douloureux,  la  région  de  la  vésicule  n'offre  pas,  lors- 
qu'on la  déprime  légèrement,  cette  douleur  presque  patliognomonique  sur  laquelle 
nous  avons  insisté.  Les  irradiations  douloureuses  se  font  plus  nettement  et  plus 
franchement  suivant  le  trajet  de  l'uretère,  le  testicule  est  rétracté  vers  l'anneau. 
Ces  deux  derniers  signes,  bien  qu'ils  y  soient  rares,  peuvent  exister  cependant 
dans  la  colique  hépatique,  mais  en  règle  générale  on  peut  dire  que  les  irra- 
diations douloureuses  ont  lieu  dans  celle-ci  surtout  par  en  haut  vers  l'épaule, 
qu'elles  se  font  au  contraire  par  en  bas  vers  l'hypogastre  dans  la  colique  néphré- 
tique. Les  vomissements,  très-fréquents  dans  la  première,  peuvent  m.anquer  dans 
la  seconde.  Après  la  crise,  l'examen  des  urines  principalement  et  celui  des 
garde-robes  rendent  le  diagnostic  plus  facile.  On  ne  rencontre  à  ce  moment  de 
"vraies  difficultés  que  si,  par  hasard,  les  deux  lithiases  coexistent  chez  le  même 
individu,  ainsi  que  cela  arrive  chez  quelques  goutteux. 

La  gastralgie  peut  dans  certains  cas  être  confondue  avec  la  colique  hépatique  ; 
elle  débute  alors  brusquement  par  une  douleur  vive,  violente,  à  l'épigastre. 
s'irradiant  vers  diverses  parties  du  ventre,  dans  le  dos,  vers  les  épaules  et  les 
parois  thoraciques,  puis  surviennent  les  nausées  et  les  vomissements  de  matières 
alimentaires  et  de  bile;  le  pouls  cependant  reste  petit.  Après  une  heure  ou  deux 
en  général,  tout  rentre  progressivement  dans  l'ordre,  la  crise  est  passée,  le  calme 
renaît  jusqu'au  prochain  accès.  Ce  tableau  se  retrouve  en  partie  dans  la  colique 
hépatique,  mais  ce  qu'on  ne  voit  pas  dans  la  gastralgie,  c'est  la  douleur  plus 
spécialement  limitée  à  l'hypochondre  droit  exaspérée  par  la  pression  de  la  vési- 
cule biliaire,  c'est  l'apparition  d'un  ictère  plus  ou  moins  marqué  généralement 
quelques  heures  après  la  crise  douloureuse,  c'est  la  présence  du  calcul  incriminé 
dans  les  selles  rendues  par  le  malade.  Il  existe  encore  un  point  de  dissemblance 
entre  ces  deux  coliques,  c'est  le  caractère  de  la  douleur  :  calmée  le  plus  souvent 
par  une  pression  exercée  méthodiquement,  sans  secousses,  avec  la  paume  de  la 
main,  sur  l'épigastre,  dans  la  gastralgie,  elle  est  exaspérée  par  la  pression  dans 
l'affection  calculeuse;  cette  douleur  enfin,  cessant  complètement  ou  diminuant 
beaucoup  d'intensité  par  instant  pour  reparaître  avec  violence  dans  la  première, 
offre  en  général  des  intermissions  moins  marquées  dans  la  seconde,  qui  cesse 
souvent  tout  d'un  coup  au  moment  oii  le  corps  étranger  arrive  dans  l'intestin. 
11  faut  de  plus  tenir  compte  de  l'état  particulier  ou  constitutionnel  du  gastral- 
giquc  chez  qui  les  antécédents  diathésiqucs,  les  symptômes  concomitants  de 
chlorose,  de  nervosisme  ou  d'hystérie,  apportent  un  nouvel  élément  pour  le 
diagnostic. 

Quant  aux  fausses  gastralgies,  qui  ne  sont  que  les  formes  fmstes  deh  colique 
hépatique,  nous  renvoyons  à  ce  que  nous  avons  dit  quand  nous  nous  sommes 
occupe  des  crampes  d'estomac  et  des  troubles  dyspeptiques,  sjTnptomatiques  de 
la  lithiase  biliaire.  Fauconneau-Dufresne  les  avait  déjà  signalées  ;  Trousseau, 
Sénac  surtout,  Daraaschino,  Cornillon.  ont  aussi  montré  la  signification  de  ces 
pseudo-gastralgies.  Nous  avons  à  notre  tour  cherché  à  en  faire  ressortir  toute  la 
valeur  séméiologique.  Le  praticien  ne  saurait  trop  se  souvenir  que  les  crampes 
d'estomac  et  les  divers  troubles  qui  s'y  rapportent,  survenant  deux  ou  trois  heures 
après  les  repas  d'une  façon  intermittente,  sous  l'influence  des  causes  qui  déter- 
minent habituellement  l'apparition  de  la  colique  hépatique,  offrent  de  grandes 
chances  pour  n'être  autre  chose  que  des  formes  atténuées  de  cette  dernière, 

La  colique  nerveuse,  V enterai yie,  offre  quelquefois  de  nombreux  points  de 


HÉPATIQUES  (COLIQUES).  5CÔ 

ressemblance  avec  la  colique  hépatique.  Toutes  deux  peuvent  se  manifester  par 
des  douleurs  vives  et  irradiées,  des  phénomènes  sympathiques,  au  milieu  d'un 
état  général  resté  satisfaisant,  mais  dans  l'entéralgie  la  douleur  siège  au  pour- 
tour de  l'ombilic,  ou  dans  le  sens  du  trajet  des  intestins,  s'accompagne  de  météo- 
risme,  rarement  de  vomissements.  La  douleur  est  beaucoup  plus  vive  dans  la 
colique  hépatique,  elle  a  son  maximum  dans  l'hypociiondre  droit,  les  vomisse- 
ments sont  presque  constants;  les  urines  indiquent  la  présence  du  pigment 
biliaire. 

Nous  ne  faisons  que  mentionner  en'^'passant  la  colique  de  plomb  et  l'étran- 
glement interne,  qui  n'ont  pas  besoin  d'être  différenciés  longuement  de  la  colique 
hépatique.  Un  examen  superficiel  seul  pourrait  expliipier  celte  erreur,  bien 
entendu,  exception  faite  pour  les  cas  où  la  colique  hépatique  détermine  des  acci- 
dents analogues  à  ceux  de  Télranglement  herniaire  et  ceux  plus  rares  où  les 
efforts  entraînent  l'étranglement  d'une  hernie  pendant  les  paroxysmes  doulou- 
reux (Trousseau,  CL  me'd.,  p.  2-49).  Esbach  a  rapporté  aussi  une  observation 
de  colique  saturnine  dans  laquelle  l'origine  de  l'intoxication  (injections  d'eau 
blanche  depuis  quinze  ans)  était  assez  diflicile  à  soupçonner  et  pouvait  laisser 
croire  à  l'existence  d'une  colique  hépatique  {Les  calculs  urinaires  et  biliaires, 
Paris,  188j,  p.  226).  L'odeur  de  l'haleine  et  l'existence  du  liseré  permirent  de 
reconnaître  la  nature  des  accidents. 

Parmi  les  circonstances  qui  peuvent  rendre  hésitant  le  diagnostic  de  la  colique 
hépatique  nous  citerons  encore  l'existence  d'une  diarrhée  coïncidant  avec  le 
refroidissement  des  extrémités  dont  nous  avons  parlé  en  étudiant  les  symptômes 
de  l'attaque.  Dans  ces  cas,  on  comprend  que  dans  certaines  conditions  le  malade 
et  son  entourage  aient  pu  redouter  une  invasion  de  choléra  (obs.  1  et  2,  th.  de 
Magnin).  La  méprise  peut  être  rendue  plus  facile  encore  en  temps  d'épidémie, 
niais  elle  n'est  pas  de  longue  durée. 

Chez  quelques  sujets  la  colique  hépatique  est  accompagnée  de  frissons  et 
d'élévation  de  la  température.  Chez  les  gens  âgés  en  particulier  nous  savons  que 
ces  accès  peuvent  être  la  seule  manifestation  de  la  migration  des  calculs  ;  nous 
avons  dit  plus  haut  que  l'existence  d'accès  de  fièvre  intermittente  chez  le  vieil- 
lard doit  appeler  l'attention  vers  le  foie  et  faire  scruter  les  antécédents  du 
malade.  C'est  ainsi  que  nous  avons  pu  reconnaître  la  nature  de  cette  fièvre  sym- 
ptomatique  chez  une  dame  de  quatre-vingt-deux  ans.  L'apparition  d'un  ictère  vint 
confirmer  le  diagnostic  quelques  jours  plus  tard.  Ilapiielons  de  plus  que  les  accès 
de  fièvre  palustre  surviennent  de  préférence  le  matin  —  quoique  ceci  soit  loin 
d'être  une  règle  absolue  —  et  que,  contrairement  à  ce  qui  a  été  constate  dans 
quelques  cas  de  fièvre  intermittente  hépatique,  l'urée  est  augmentée  dans  l'urine 
excrétée  après  les  accès  de  fièvres  intermittentes  légitimes.  Le  sulfate  de  quinine, 
qui  d'ordinaire  coupe  les  accès  palustres,  échoue  souvent  contre  la  fièvre  inter- 
mittente hépatique,  mais  souvent  aussi  il  réussit  à  faire  disparaître  les  accès 
fébriles  liés  à  une  affection  du  foie. 

Dans  quelques  cas  où  la  douleur  due  aux  calculs  revêt  les  apparences  d'un 
point  de  côté  sans  grande  acuité,  à  marche  irrégulière,  sa  véritable  cause  peut 
demeurer  entièrement  méconnue,  et  on  l'attribue  à  un  léger  degré  de  pleuro- 
dynie  droite  ou  de  pleurésie  sèche.  L'auscultation  méthodique,  les  antécédents 
du  malade,  l'état  du  foie,  mais  surtout  l'état  des  fonctions  digeslives,  le  retour 
des  douleurs  sous  forme  irrégulière,  parfois  suivies  d'une  teinte  subictérique  des 
conjonctives  ou  des  urines,  doivent  empêcher  l'erreur,   en  attirant  vivement 


566  HÉPATIQUES  (COLIOUES). 

l'altention  du  coté  du  foie  alors  même  qu'il  existe  à  la  base  quelques  frottements. 
La  névralgie  intercostale  pourrait  dans  quelques  cas  laisser  place  au  doute 
quand  elle  siège  au  niveau  de  la  région  hépatique.  L'existence  des  points  doulou- 
reux, les  irradiations  douloureuses,  les  symptômes  morbides  concomitants,  les 
antécédents  morbides,  le  tempérament  de  la  malade,  examinés  attentivement, 
permettront  en  général  de  faire  le  diagnostic.  Celui-ci  peut  être  malaisé,  si  les 
deux  affections  coexistent,  comme  cela  peut  arriver  chez  les  femmes. 

Pendant  la  grossesse,  les  crises  frustes  sont  souvent  méconnues,  car  on  ne 
soupçonne  pas  leur  existence  et  l'on  attribue  les  crampes  d'estomac  et  les  vomis- 
sements qui  les  accompagnent  parfois  à  l'état  dans  lequel  se  trouve  la  femme.  On 
ne  doit  pas  oublier  que  la  gestation  et  l'accouchement  sont  non-seulement  des 
causes  qui  favorisent  beaucoup  la  production  de  la  lithiase,  mais  encore  constituent 
des  causes  occasionnelles  fréquentes  de  colique  hépatique.  Pendant  la  grossesse, 
les  formes  frustes  paraissent  proportionnellement  plus  fréquentes  ;  après  l'accou- 
chement et  pendant  les  suites  des  couches  ce  serait  jilutôt  l'attaque  aiguë  que 
l'on  voit  paraître.  Le  jiraticien  ne  doit  pas  oublier  ces  faits  déj'a  connus  en  partie 
depuis  un  certain  temps  et  sur  l'importance  desquels  l'atlenlion  a  été  récem- 
ment attirée  à  juste  titre  par  les  travaux  de  Iluchard,  Cyr,  Hailey,  Bcrline-Hering 
(thèse  de  Paris,  1883),  Dreyfus-Crisac.  Après  l'accouchement,  il  n'est  pas  rare  de 
voir  la  colique  hépatique  se  montrer  sous  forme  d'une  vive  douleur  accompagnée 
d'un  frisson,  pail'ois  d'un  acceès  de  lièvre.  On  comprend  facilement  qu'à  ce 
moment  de  tels  symptômes  aient  pu  faire  croire  plus  d'une  fois  à  une  péritonite 
(Huchard,  Harley,  etc.).  Il  est  inutile  d'insister  sur  l'intérêt  qu'il  y  a  à  avoir 
reconnu  dans  ces  cas  l'existence  de  la  lithiase  pendant  la  grossesse,  si  celle-ci 
s'est  déjà  manifestée.  Dans  tous  les  cas,  le  médecin  prévenu  de  la  possibilité  de 
ces  accidents  doit  se  tenir  sur  ses  gardes.  Le  siège  du  maximum  de  la  douleur 
(épigastre,  hypochondrc,  point  dorsal,  irradiation  vers  l'épaule),  l'aspect  de  la 
malade,  le  soulagement  relatif  qui  survient  parfois  après  les  vomissements,  la 
couleur  des  urines,  leur  composition  ainsi  que  celle  des  garde-robes,  la  nature 
des  lochies,  l'indolence  relative  de  l'iiypogastre  à  la  pression,  comparée  à  l'extrême 
sensibilité  des  régions  sus-ombilicales,  sont  autant  de  symptômes  qui  peuvent 
mettre  sur  la  voie  du  diagnostic.  Toutefois  celui-ci  ne  laisse  pas  que  d'être  par- 
fois assez  difficile  et  quelques  médecins  très-habiles  ont  pu  s'y  tromper. 

Quant  aux  formes  larvées,  il  faut  en  avoir  l'intuition  pour  faire  le  diagnostic. 
Aussi,  quand  il  se  trouve  en  présence  de  névralgies  ou  de  névroses  (migraines. 
asthme,  angine  de  poitrine,  etc.)  à  allures  irrégulières,  intermittentes,  coïnci- 
dant ou  alternant  avec  des  troubles  de  l'appareil  digestif,  et  dont  l'étiologie  lui 
échappe,  le  médecin  doit  fixer  son  attention  sur  toutes  les  circonstances  qui  peu- 
vent éclairer  son  diagnostic.  II  doit  chercher  attentivement  si  un  léger  ictère 
succède  à  ces  crises,  surveiller  la  manière  dont  s'effectuent  les  fonctions  de  l'es- 
tomac et  du  foie,  analyser  les  urines,  et  recommander  au  malade  de  s'assurer  si 
les  garde-robes  ne  renferment  pas  de  concrétions  biliaires.  C'est  en  procédant  de 
cette  manière  que  nous  sommes  arrivé  au  diagnostic,  chez  une  malade  dont  les 
crises  de  douleur  ovarienne  alternant  ou  coïncidant  avec  des  migraines  nous 
avaient  laissé  un  certain  temps  hésitant  sur  la  nature  de  l'affection. 

Après  avoir  dans  ce  qui  précède  établi  le  diagnostic  différentiel  de  la  colique 
hépatique,  il  nous  reste  maintenant  à  examiner  le  second  point  du  problème  que 
nous  nous  sommes  proposé,  c'est-à-dire  à  grouper  les  symptômes  qui  permettent 
de  faire  le  diagnostic  étiologiquc  de  la  colique  hépatique. 


HÉPATIQUES  (COLIQUES).  567 

Existe-t-il  une  névralgie  du  foie  ou  des  voies  biliaires,  capable  de  revêtir  les 
caractères  du  syndrome  douloureux  dont  nous'  avons  donné  la  desci'iption?  Si 
oui,  corament  la  reconnaître?  Dans  le  cas  où  la  colique  hépatique  est  due  à 
un  corps  étranger,  est-il  possible  d'en  reconnaître  la  nature,  d'en  préciser  le 
siège?  Telles  sont  les  questions  que  nous  allons  rapidement  chercher  à  ré- 
soudre. 

Vhépatatgie,  c'est-à-dire  la  névralgie  idiopathique  du  foie,  sans  l'existence 
de  corps  étrangers  dans  les  voies  biliaires,  est  assurément  bien  rare  ;  aujour- 
d'hui plusieurs  médecins  ne  sont  pas  très-éloignés  d'en  regarder  l'existence 
comme  hypothétique.  Cependant,  si  elle  doit  être  considérée,  et  à  très-bon  droit, 
comme  exceptionnelle,  les  exemples  rapportés  dans  la  clinique  d'Andral  et  le 
traité  de  Frerichs  doivent  en  faire  admettre  l'existence.  Aussi,  quand  l'examen  des 
garde-robes  et  des  urines  régulièrement  continué  est  resté  sans  résultat,  si  l'on  a 
affaire  à  une  jeune  fille  névropathique  sujette  aux  névralgies,  chez  laquelle  les 
douleurs  du  foie  alternent  ou  coexistent  avec  d'autres  névralgies,  ou  bien  encore 
dans  les  mêmes  conditions  à  un  sujet  goutteux,  rhumatisant,  on  peut  j)ar  exclu- 
sion songer  à  l'hépatalgie,  mais,  nous  le  répétons,  ces  faits  sont  rares.  Dans  les 
cas  douteux  on  ne  doit  pas  s'en  rapporter  aux  malades  pour  l'examen  des  garde- 
robes,  la  présence  de  concrétions  biliaires  a  été  en  effet  plusieurs  fois  constatée 
par  le  médecin  alors  que  l'examen  fait  par  le  malade  avait  été  regardé  comme 
douteux  [votj.  obs.  de  Murchison,  p.  490,  dans  laquelle  l'existence  d'une  hépa- 
talgie  calculeuse  fut  reconnue  à  l'autopsie  chez  un  sujet  d'abord  regardé  comme 
atteint  simplement  de  névralgie  du  foie  par  ce  médecin  dont  la  compétence  ne 
saurait  être  mise  en  doute) . 

Si  la  réunion  des  signes  précédemment  décrits  permet  par  exclusion  de  recon- 
naître une  attaque  de  colique  hépatique,  si  l'extrême  fréquence  de  la  lithiase 
biliaire,  comme  cause  de  ce  genre  de  colique,  permet  de  supposer  avec  grande 
probabilité  que  l'on  est  en  présence  d'une  affection  calculeuse  du  foie,  il  n'existe 
cependant  qu'un  signe  réellement  pathognonomique  de  la  colique  calculeuse  :  c'est 
la  présence  du  cholélithe  ou  des  sables  biliaires  dans  les  garde-robes. 

Nous  avons  vu  que  des  corps  étrangers,  des  vers  intestinaux,  des  douves  ou 
des  hydatides  introduits  accidentellement  dans  le  cholédoque,  ou  par  rupture 
dans  les  canaux  hépatiques,  peuvent  donner  lieu  à  tous  les  symptômes  de  la 
colique  hépatique.  Le  diagnostic  étiologique  dans  tous  ces  cas  est  très-difficile, 
sinon  impossible,  si  l'on  en  excepte  les  circonstances  peu  fréquentes  où  l'on  a 
pu,  avant  l'attaque,  soupçonner  l'existence  d'un  kyste  hydatique,  et  celles  dans 
lesquelles  le  malade  rend  par  les  garde-robes  des  hydatides  soit  isolées,  soit 
mêlées  à  des  calculs  biliaires,  comme  dans  l'exemple  du  docteur  Perrin  (m 
Fauconneau-Dufresne,  p.  292). 

On  no  doit  pas  oublier  d'ailleurs  que  la  bile  tue  les  hydatides  et  que,  si  celles- 
ci  peuvent  pénétrer  par  rupture  dans  les  voies  biliaires  à  une  époque  où  le  kyste 
est  déjà  volumineux,  le  développement  d'hydatides  dans  leur  intérieur  doit  être 
tout  à  fait  exceptionnel. 

L'examen  des  garde-robes  du  malade,  fait  avec  les  précautions  que  nous  avons 
indiquées  et  continué,  s'il  est  nécessaire,  pendant  plusieurs  jours,  à  l'exemple  du 
docteur  Wolff,  permettra  presque  toujours  de  trouver  «  le  corps  du  délit  »  dans 
le  cas  de  colique  calculeuse.  Son  absence  ne  suffirait  pas  d'ailleurs  à  prouver 
qu'il  n'existe  point  de  lithiase  biliaire.  Nous  savons  que  non-seulement  les 
calculs  engagés  dans  le  canal  cystique,  mais  même  ceux  introduits  expérimeB- 


508  HEPATIQUES  (COLIQUES). 

talement  dans  le  canal  cholédoque,  peuvent  remonter  jusque  dans  la  vésicule, 
au  lieu  de  tomber  dans  l'intestin. 

Les  concrétions  biliaires  qu'on  peut  retrouver  dans  les  garde-robes  sont  très- 
variables  de  forme,  de  nombre,  de  volume  et  même  de  composition.  Nous  ne 
dirons  ici  qu'un  mot  de  ce  qui  peut  servir  pour  le  diagnostic  clinique  immédiat 
{voij.  pour  plus  de  détails  l'art,  de  MM.  Barth  et  Besnier). 

Leur  volume  va  depuis  celui  de  petits  grains  de  sable  (gravelle,  sables,  boue 
biliaire)  jusqu'à  celui  d'un  œuf  de  pigeon,  d'un  œuf  de  poule  (Pujol,  Imbert 
de  Montpellier,  J.-L.  Petit,  etc.  Vogland  [Annales  des  Curieux  de  la  Nature, 
cité  par  Pnjol)  aurait  môme  vu  un  calcul  atteignant  le  volume  d'une  orange. 
Quoique  les  canaux  biliaires  se  laissent  facilement  dilater,  on  pense  que,  quand 
son  volume  atteint  ou  dépasse  celui  d'une  noix,  le  cbolélitbe  expulsé  n'a  pu 
parvenir  dans  l'intestin  qu'à  travers  une  fistule  sourdement  établie. 

Le  sable  et  les  petites  concrétions  sont  d'ordinaire  brun-noiràtre  (Fauconneau- 
Dufresne,  gravelle  mélanique  de  Willemin).  La  loupe  ou  le  microscope,  quand 
leur  couleur  laisse  quelque  doute,  permettent  facilement  de  les  distinguer  des 
corpuscules  durs  provenant  de  l'ingestion  de  certains  fruits  et  qui  ont  traversé 
le  tube  digestif  sans  subir  de  grandes  modificalions  (pulpe  de  certaines  poires, 
akènes  de  fraises,  pépins,  etc.).  Les  concrétions  plus  volumineuses  sont  au  con- 
traire généralement  blanc-jaunàtre  quand  elles  ont  été  lavées  et  desséchées 
(calculs  de  cholcstérine).  Quand  elles  sont  petites  elles  peuvent  être  à  demi 
transparentes,  présenter  une  forme  arrondie  analogue  à  de  petites  perles. 

L'existence  de  facettes  plus  ou  moins  régulières  à  la  surface  des  choléhthes 
est  attribuée  à  la  pression  exercée  dans  les  voies  biliaires  par  d'autres  concré- 
tions semblables  :  aussi  cette  disposition  a-t-elle  une  valeur  séméiologique  que 
le  médecin  ne  doit  pas  ignorer. 

Les  calculs  de  cholcstérine  présentent  à  la  coupe  une  cassure  brillante,  et 
laissent  voir  souvent  de  petites  paillettes  cristallines  analogues  à  du  mica;  ils 
brûlent  à  la  lumière  en  donnant  une  flamme  blanche  et  ne  laissent  que  peu  de 
résidu. 

Pendant  les  attaques  de  colique  hépatique  les  symptômes  permettent-ils  de 
porter  un  diagnostic  précis  relativement  au  siège,  au  volume  des  calculs?  Quelques 
auteurs  (Fauconneau-Dufresne,  Frerichs)  ont  décrit  isolément  la  symptomato- 
logie  des  calculs  engagés  dans  les  diverses  parties  des  voies  biliaires,  mais  il  est 
facile  de  voir  que  ces  descriptions  n'ont  pas  de  caractères  tranchés.  Trousseau 
d'ailleurs  renonçait  à  cette  précision.  Tout  au  plus  pourrait-on  relever  dans  la 
description  de  la  colique  hépatique  quelques  symptômes  qui  permettent  de 
reconnaître  (bruit  de  collision  dans  la  vésicule)  ou  de  soupçonner  le  siège  d'un 
calcul  dans  le  canal  cystique,  le  cholédoque,  l'ampoule  deWater.  Mais  la  valeur 
de  ces  signes  est  relative  et  bien  souvent  ils  font  défaut. 

Quant  au  volume  et  à  la  forme  des  calculs,  nous  avons  vu  que  la  douleur  est 
loin  d'être  proportionnelle  aux  dimensions  des  cholélithes,  que  leurs  rugosités 
sont  plus  importantes  à  ce  point  de  vue,  mais  encore  n'est-il  permis  de  rien  con- 
clure à  -priori  sur  ce  sujet.  Tout  ce  que  l'on  peut  dire,  d'une  façon  générale  et 
avec  quelques  réserves,  c'est  que  les  formes  frustes  et  les  formes  larvées,  au 
début  du  moins,  paraissent  être  en  rapport  avec  l'existence  de  petites  concrétions 
(gravelle  biliaire,  boue  biliaire,  bile  épaissie),  et  que  l'attaque  franche  se  montre 
quand  celles-ci  sont  devenues  un  peu  plus  volumineuses.  Il  ne  faut  pas  oublier 
cependant  que  les  phénomènes  de  la  colique  nettement  caractérisée  peuvent  être 


IlÉPATIQUliS  (COLIQUES).  5C9 

produits  soit  par  la  gravelle  biliaire,  soit  par  la  bouc  biliaire  intra-hépatiquc. 
Dans  une  récente  communication  à  l'Académie  de  médecine  M,  Merle  a  appelé 
l'attention  sur  la  valeur  séméiologique  d'une  variété  de  coliques  intestinales  coïn- 
cidant avec  un  changement  de  caractère  du  malade,  et  qui,  bientôt  suivies  de 
selles  diarrhéiques,  seraient  pathognomoniques  de  l'expulsion  du  sable  biliaire. 
Ce  qui  serait  caractéristique  de  la  présence  du  sable  dans  les  selles,  c'est  que  le 
malade  ne  peut  résister  au  besoin  impérieux  d'aller  à  la  garde-robe  qu'il  éprouve 
à  ce  moment,  tandis  que  le  besoin  est  beaucoup  moins  pressant  tant  que  les 
selles  ne  contiennent  pas  encore  le  sable  hépatique.  Dans  le  rapport  fait  sur  la 
communication  du  docteur  Merle,  M.  G.  Paul  dit  que  plusieurs  de  ses  clients 
sujets  aux  coliques  hépatiques,  et  interrogés  à  cet  égard,  auraient  plusieurs  fois 
présenté  ce  symptôme  (Merle,  De  la  coniose  biliaire.  Acad.  de  méd.,  1885). 
M.  llutinel  (cité  dans  la  thèse  de  Lange,  1884)  avait  déjà  attribué  une  grande 
importance  pour  le  diagnostic  de  la  gravelle  biliaire  à  ces  diarrhées  bilieuses  qui 
déterminent  un  besoin  impérieux  d'aller  à  la  selle,  une  assez  vive  douleur  au 
moment  de  l'évacuation,  et  dans  lesquelles  les  phénomènes  douloureux  dispa- 
raissent dès  que  le  rectum  est  débarrassé.  L'examen  des  matières  doit  donc  être 
fait,  quand  ces  diarrhées  se  reproduisent,  afin  d'établir  si  elles  ne  sont  pas  des 
formes  frustes  de  la  colique  calculeuse  du  foie. 

Pronostic.  Il  est  sérieux  comme  celui  de  la  maladie  dont  la  colique  hépa- 
tique traduit  l'exislence.  En  effet,  bien  que  la  crise  douloureuse  se  termine 
d'ordinaire  par  le  retour  à  la  santé,  on  doit  toujours  craindre  après  une  pre- 
mière attaque  un  retour  agressif  de  la  maladie.  Par  lui-même,  indépendamment 
de  tous  les  dangers  ultérieurs  que  la  lithiase  biliaire  peut  faire  redouter  soit 
directement,  soit  indirectement,  l'accès  de  colique  hépatique  peut  donner  nais- 
sance à  de  graves  complications. 

Les  éléments  du  pronostic,  comme  ou  a  pu  le  voir  dans  l'étude  que  nous 
avons  faite  des  complications,  se  tirent  soit  de  l'intensité  et  de  la  durée  de  la 
crise  considérée  en  elle-même,  soit  du  tempérament,  de  la  constitution,  de 
Tàge  du  malade,  de  l'intégrité  ou  de  l'altération  de  ses  organes.  C'est  ainsi  que 
les  lésions  préexistantes  du  foie  et  celles  qui  résultent  de  la  lithiase  déjà 
ancienne,  les  affections  du  rein,  du  cœur,  doivent  éveiller  la  sérieuse  sollicitude 
du  médecin.  L'existence  du  diabète  qui  coexiste  assez  souvent  avec  les  coliques 
hépatiques  constitue  aussi  un  élément  dont  il  faut  tenir  compte  dans  le  pro- 
nostic. D'après  certains  médecins,  ce  trouble  de  nutrition,  dont  les  parentés 
morbides  avec  la  lithiase  ont  été  mises  en  évidence  surtout  par  Murchison  et 
Bouchard,  faciliterait  la  production  d'accidents  ulcératifs  dans  le  cours  de 
l'affection  calculeuse  du  foie,  perforations,  fistules,  etc.  D'ailleurs  cette  variété 
d'accidents  ne  constitue  pas  toujours  un  danger,  et  souvent,  si  des  adhérences 
ont  eu  le  temps  de  s'établir,  les  perforations  et  fistules  s'établissent,  sans  être 
trahies  par  aucun  symptôme.  C'est  ainsi  que  de  volumineux  calculs  biliaires 
ont  pu  passer  dans  l'intestin  et  même  devenir  la  cause  d'obstruction  intestinale 
sans  que  l'existence  de  la  lithiase  biliaire  ait  été  soupçonnée. 

La  colique  hépatique,  quand  elle  éclate  pendant  la  gestation,  n'exerce  pas 
d'habitude  grande  influence  sur  la  marche  de  la  grossesse.  Par  contre,  en  raison 
sans  doute  de  l'état  dans  lequel  se  trouvent  le  foie  et  le  rein  chez  la  femme 
gravide,  et  de  son  éréthisme  nerveux  facilement  mis  en  jeu,  la  colique  hépa- 
tique peut  revêtir  durant  la  gestation  et  la  puerpéralité  une  gravité  plus  grande 


L'70  IIÉPATKJUES  (COLIQUES). 

que  dans  les  circonstances  ordinaires.  Plus  rarement  on  a  vu  (Willemin  et  quel- 
ques autres  auteurs)  les  coliques  hépatiques  existant  anti'rieurement  disparaître 
pendant  le  cours  d'une  grossesse. 

Mais,  si  le  pronostic  de  la  colique  hépatique  calculeuse  est  sérieux,  il  offre  du 
moins  celte  espérance  qu'un  traitement  approprié  entrave  souvent  la  marche 
de  la  maladie  et  amène  même  la  guérison,  comme  les  médecins  de  Yicliy  en 
ont  rapporté  de  nombreux  exemples.  Si  on  l'envisage  à  un  autre  point  de  vue, 
on  peut  encore  dire  que  la  colique  hépatique  est  utile,  puisqu'elle  débarrasse 
l'organisme  de  corps  étrangers  capables  d'entraîner  de  sérieuses  complications. 

Quant  aux  autres  variétés  de  colique  hépatique  elles  comportent  le  j)ronostic 
de  l'affection  générale  ou  locale,  qui  les  provoque  {kijfites  hydatiques  du  foie, 
névralgiex,  etc.). 

Traitement.  Il  doit  être  curatif  et  prophylactique.  Pendant  la  crise  aiguë, 
il  faut  d'abord  calmer  la  douleur.  Ce  premier  point  obtenu,  on  doit,  si  la  colique 
est  d'origine  calculeuse,  chercher  à  favoriser  l'expulsion  des  concrétions  déjà 
formées,  et  par  un  traitement  ultérieur  approprié  empêcher,  s'il  est  possible, 
qu'il  s'en  forme  de  nouvelles. 

Pour  calmer  les  douleurs  deux  moyens  doivent  être  préconisés  :  les  grands 
bains  tièdes  et  les  injections  de  morphine.  Les  injections  hypodermiques  ont. 
en  tbèse  générale,  l'avantage  de  produire  une  action  rapide  sans  exciter  l'into- 
lérance gastrique.  Depuis  les  discussions  à  la  Société  de  thérapeutique  de  Paris 
(1875)  et  les  nombreux  travaux  qu'elles  ont  fait  naître,  on  s'est  tellement  fami- 
liarisé avec  ce  mode  de  traitement  qu'il  a  pris  une  place  prépondérante,  sinon 
exclusive,  et  que  le  patient  le  réclame  instamment.  Suivant  la  tolérance,  2,  5, 
10,  i'i  milligrammes  de  morphine  injectés  dans  le  tissu  cellulaire  sous-culané 
calment  immédiatement  la  douleur  et  font  presque  cesser  la  crise.  Dans  la  majo- 
rité des  cas,  lorsque  la  crise  est  franche,  aiguë,  on  peut  avoir  recours  d'emblée  à 
ce  traitement,  sans  le  réserver,  comme  le  voudraient  certains  auteurs,  pour  les 
douleurs  vives  et  prolongées. 

Ce  n'est  pas  à  dire  cependant  que  l'on  doive  accéder  au  désir  de  tout  malade 
qui,  connaissant  les  bons  effets  de  la  morphine,  demande  à  «  être  débarrassé 
immédiatement  »  dès  qu'il  éprouve  la  moindre  douleur.  Le  médecin  doit  se 
souvenir  qu'il  y  a  des  malades  extrêmement  susceptibles  à  l'action  de  cet  alca- 
loïde, que  chez  les  sujets  atteints  d'une  altération  du  rein  ou  du  cœur  la  plus 
grande  prudence  est  de  rigueur,  et  par  suite  ne  s'avancer  qu'avec  une  grande 
circonspection,  après  avoir  tâté  préalablement  le  terrain.  Dans  les  cas  de  ce 
genre,  pour  calmer  l'impatience  du  malade,  qui  réclame  à  grands  cris  l'injec- 
tion, nous  conseillerons,  comme  nous  l'avons  fait  une  fois,  de  se  servir  d'une 
solution  très-étendue  dans  l'eau  de  laurier-cerise  ou  même  d'eau  pure.  Sous 
cette  réserve,  le  médecin  peut  ne  pas  hésiter  trop  longtemps  à  intervenir 
activement  et  directement  contre  la  douleur.  Celle-ci  a  longtemps  été  regardée 
comme  un  mal  nécessaire,  puisqu'elle  traduit  les~efforts  «  de  la  bonne  nature 
pour  expulser  le  calcul.  »  Pujol  le  premier  s'était  fait  l'interprète  de  cette 
défiance  contre  les  narcotiques  qu'il  accusait  de  paralyser  les  tuyaux  excréteurs 
et  «  d'enfermer  le  loup  dans  la  bergerie.  »  Aujourd'hui  l'on  est  bien  revenu 
de  ces  appréhensions  théoriques,  et  c'est  plutôt  d'un  excès  en  sens  contraire 
qu'il  faudrait  se  méfier. 

Si  l'on  se  reporte  à  ce  que  nous  avons  dit  au  sujet  de  la  palhogénie  de  l'accès, 
on  comprend  que  les  narcotiques,  loin  d'entraver  la  progression  du  calcul  vers 


HÉPATIQUES  (COLIQUES).  571 

l'intestin,  la  favorisent  en  diminuant  la  douleur  et  en  faisant  disparaître  secon- 
dairement son  effet,  h  spasme.  Sénac,  après  avoir  rapporté  un  remarquable  succès 
dû  à  l'usage  de  la  morphine  en  injection  hypodermique,  qu'il  est  le  premier  à 
avoir  employée  (186i),  indiquait  ce  remède  comme  unmoyen  exceptionnel  dont 
l'action  demandait  à  être  mieux  étudiée.  M.  Bourdon,  dans  une  communication 
devenue  l'origine  de  la  discussion  de  cette  méthode  à  la  Société  de  thérapeu- 
tique, posait  la  question  de  savoir  si  l'effet  de  la  morphine  sur  les  vaso-moleurs 
n'a  pas  son  analogue  dans  son  action  sur  les  canaux  biliaires,  d'où  résulterait  le 
passage  plus  facile  du  calcul.  Cette  opinion  fut  défendue  par  MM.  Constantin 
Paul,  Bordier,  par  MM.  Dujardin-Beaumetz  et  Laborde,  dont  nous  avons  déjà 
cité  les  intéressantes  expériences  à  ce  sujet.  Toutefois  ces  auteurs  nous  paraissent 
attribuer  une  trop  grande  importance  à  l'action  directe  de  la  morphine  sur  les 
fibres  musculaires.  A  la  faible  dose  sous  laquelle  elle  est  administrée,  il  est 
peu  probable  qu'elle  agisse  sur  les  fibres  musculaires  lisses  (Cf.  Yulpian,  cours 
de  la  Faculté,  1874),  il  nous  semble  probable  qu'elle  agit  comme  anesthé- 
sique  ;  elle  fait  cesser  ou  diminuer  la  douleur,  et  secondairement  le  spasme 
rédexe.  Mais  la  contiaction  utile  des  fibres  musculaires  persiste  probablement 
encore  et  contribue  sans  doute  à  chasser  le  cholélithe.  Il  ne  serait  pas  à  désirer 
que  ces  fibres  fussent  paralysées,  car  le  calcul  ne  serait  plus  poussé  que  par  la 
vis  à  terrjo  due  à  la  bile  :  or  ce  liquide  tend  plutôt,  on  le  sait,  à  s'accumuler 
dans  la  vésicule  qu'à  couler  directement  vers  l'intestin. 

En  général  une  injection  hypodermique  suffit  pour  calmer  la  douleur;  quelque- 
fois même,  si  le  malade  n'y  est  pas  accoutumé,  le  sommeil  peut  se  montrer  et 
la  crise  est  terminée.  Il  n'est  pas  rare  cependant  que  la  douleur  vienne  inter- 
rompre ce  sommeil  ou  qu'elle  reparaisse  peu  après  le  réveil.  Suivant  les  indi- 
cations et  suivant  la  quantité  qui  a  déjà  été  absorbée,  on  peut  injecter  de 
nouveau  sous  la  peau  une  nouvelle  dose  de  solution  morphinée. 

Chez  quelques  malades,  l'injection  de  morphine  détermine  très-facilement 
des  vomissements,  qui  ajoutent  leur  effet  déprimant  aux  fatigues  de  la  crise.  Il 
faut  être  prévenu  de  ce  fait.  C'est  dans  le  but  d'obvier  à  cet  accident  possible 
que  quelques  médecins,  au  lieu  d'employer  la  morphine  seule,  l'associent  d'ha- 
bitude à  l'atropine.  Une  formule  très-usitée  dans  ce  cas  est  la  suivante  : 

Chlorhydrate  de  morphine 10  centigrammes. 

Sulfate  d'atropine 1  — 

Eau  distillée  de  laurier-cerise 20  grammes. 

1  centimètre  cube  ou  la  seringue  pleine  de  cette  solution  renferme  un 
1/2  centigramme  de  morphine  et  1/2  milligramme  d'atropine  (Dujardin-Beau- 
metz. Leçons  de  clinique  iliérapeutiqiie,  t.  II,  p,  59,  1882). 

Les  grands  bains  tièdes  étaient,  avant  la  méthode  hypodermique,  un  des 
meilleurs  moyens  recommandés  pour  calmer  le  malade,  mais  aujourd'hui  leur 
action  est  considérée  comme  trop  lente  et  on  ne  les  prescrit  que  rarement. 
Toutefois  nous  croyons  que  c'est  là  un  bon  moyen  qu'il  ne  faut  pas  négliger, 
surtout  si  la  douleur  n'est  pas  trop  vive  et  si  le  malade  a  la  patience  d'attendre. 
On  peut  d'ailleurs  utilement  les  prescrire,  quand  la  souffrance  est  moins  aiguë 
et  quand  il  persiste  encore  après  l'administration  de  la  morphine  une  douleur 
sourde,  gravative. 

Bien  que  leurs  indications  se  soient  de  beaucoup  restreintes  depuis  l'adoption 
de  la  méthode  hypodermique,  nous  devons  ici  mentionner  les  divers  anesllié« 


572  HÉPATIQUES  (COLIQUES). 

siques  dont  l'emploi  était  préconisé  il  y  a  peu  d'années  dans  le  traitement  de  la 
crise,  et  qui  aujourd'hui  encore  peuvent  rendre  quelques  services  pendant  l'at- 
taque :  ce  sont  l'opium,  la  belladone,  Téther  et  le  chloroforme  (Coilieu,  1850, 
Trousseau,  Bouchut),  soit  en  potions,  soit  en  inhalations. 

Le  chloroforme  administré  en  potion  aurait  une  action  lithonlriptique,  mais 
il  est  peu  probable  que  pendant  l'attaque  son  action  dissolvante  puisse  s'exercer 
sur  la  cholestérine,  comme  elle  s'exerce  en  vase  clos,  hors  de  l'organisme.  La 
sensibilité  revient  en  général  plus  vile  après  les  «  inhalations  à  la  reine  )^  qu'après 
les  injections  morphinées.  Aussi,  sans  compter  les  autres  inconvénients  de  cet 
agent  anesthésique,  le  chloroforme  nous  paraît-il  ne  devoir  être  employé  que  rare- 
ment. Gubler,  dans  un  cas  où  tous  les  remèdes  avaient  échoué,  prescrivit 
5  grammes  de  chloroforme  dans  50  grammes  de  sirop  simple  avec  mucilage  de 
gomme  adragante.  Après  trois  cudlerées  à  café,  la  malade  fut  calmée.  Chez  une 
de  nos  malades,  l'éther  sous  forme  de  perles  ou  étendu  dans  l'eau  est  le  seul 
médicament  qui  jjuisse  être  toléré  et  amener  un  léger  soulagement.  L'opium,  la 
morphine  et  la  belladone,  ont  été  administrés  en  potion,  pendant  l'attaque,  mais 
la  susceptibilité  de  l'estomac  est  généraloraont  si  grande  à  ce  moment,  que  les 
potions  sont  souvent  rejetces  avant  d'avoir  pu  produire  un  effet  ut'le. 

L'hydrate  de  chloral  associé  à  la  morphine  a  fourni  aussi  d'excellents  résul- 
tats (Pichler,  Laborde).  meilleurs  même  d'après  quelques  auteurs  que  ceux  de 
l'injection  hypodermique  isolée;  mais  on  ne  peut  songer  à  donner  l'hydrate  de 
chloial  par  les  voies  supérieures  quand  l'intolérance  de  l'estomac  est  trop  pro- 
noncée. On  peut  alors  l'administrer  sous  forme  de  lavements.  Quand  les  injec- 
tions hypodermiques  n'ont  pas  produit  un  résultat  complet,  si  les  douleurs 
persistent  encore,  nous  conseillerions  les  grands  bains  et  le  chloral  avant  d'avoir 
recours  aux  inhalations  de  chloroforme. 

L'opium  est  souvent  administré  sous  forme  de  lavements  laudanisés  ou  en 
frictions.  Pendant  l'accès,  la  belladone  peut  être  prescrite  en  frictions  sur  l'hypo- 
chondre  et  mieux  sous  forme  de  suppositoire.  Sénac  et  Charrier  ont  employé  avec 
succès  la  formule  suivante  : 

Extrait  de  belladone I    ^   c, 

r  ._  ■.  j.     •  J  âa  2  centigrammes. 

Extrait  d  opium )  ■"  ° 

Beurre  de  cacao 2  grammes. 

Pour  un  supposi'.oire. 

Parmi  les  moyens  adjuvants  capables  de  calmer  la  douleur,  moyens  dont 
l'action  est  peu  énergique,  mais  par  lesquels  il  est  toujours  prudent  de  com- 
mencer pour  calmer  le  malade  et  voir  la  tendance  naturelle  de  l'accès,  quand  la 
douleur  n'est  pas  très-vive,  citons  les  fomentations  chaudes,  les  cataplasmes 
laudanisés,  les  frictions  avec  le  baume  tranquille  chloroformé,  et  dans  quelques 
cas  au  contraire  les  dérivatifs  appliqués  sur  l'hypochondre,  ou  même  une  petite 
saignée  locale  (ventouses  scarifiées,  sangsues).  Chez  un  de  nos  malades  à  tem- 
pérament pléthorique  une  application  de  sangsues  à  l'anus  nous  a  paru  donner 
de  bons  résultats.  Bricheteau  a  quelquefois  obtenu  de  bons  effets  de  l'application 
d'une  vessie  de  glace  sur  la  région  du  foie.  Pujol  avait  recommandé  le  massage 
de  la  région  hépatique  ;  pratiqué  méthodiquement  et  avec  douceur,  il  soulage 
parfois  le  malade  et  a  donné  un'succès  à  Willemin. 

Hall  (de  Philadelphie)  avait  préconisé  l'électrisation  de  la  vésicule  (1821) 
pour  faciliter  la  progression  du  calcul  :  on  a  tenté  en  vain  il  y  a  quelques 
années  de  remettre  en  honneur  ce  procédé  qui  peut  entraîner  des  inconvénients. 


HÉPATIQUES  (COLIQUES).  575 

Les  anciens  auteurs  conseillaient  les  purgatifs  au  moment  de  l'accès.  Cette 
pratique  est  aujourd'hui  abandonnée.  On  les  donne  plutôt  après  l'accès,  afin  de 
balayer  «  la  lie  de  la  maladie  ». 

Pendant  la  crise,  surtout  s'il  y  a  des  vomissements,  on  doit  donner  de  pre'- 
férence  des  boissons  froides,  de  petits  morceaux  de  glace,  des  boissons  gazeuses, 
l'eau  de  seltz,  etc. 

Tels  sont  les  principaux  moyens  qui  servent  à  combattre  la  douleur  :  en  en 
diminuant  l'intensité,  ils  peuvent  empêcher  les  complications  de  se  produire. 
Quand  celles-ci  se  montrent  on  les  combat  par  les  procédés  ordinaires.  Le  trai- 
tement de  l'asytolie  aiguë  due  à  la  colique  hépatique  n'entraîne  pas  d'indications 
spéciales.  Elle  cesse  en  même  temps  que  la  crise.  Contre  les  anesthésies  et  les 
paralysies  qui  peuvent  succéder  à  l'attaque,  les  frictions,  le  massage  et  l'élec- 
tricité seront  recommandés.  L'électricité  a  donné  de  bons  résultats  dans  le  cas 
de  paralysie  observé  par  Trousseau  et  Peter.  Le  sulfate  de  quinine  pouvant  être 
efficace  dans  la  fièvre  hépatique  doit  toujours  être  essayé,  mais  il  faut  surtout 
recourir  au  traitement  étiologique. 

Quand  l'accès  a  disparu,  il  faut  encore  surveiller  le  malade  pendant  quelques 
jours.  Les  bains,  un  léger  purgatif,  trouvent  à  ce  moment  leur  indication.  Si 
le  malade  est  nerveux,  impressionnable,  si  l'on  craint  que  le  purgatif  puisse 
réveiller  de  nouveau  la  douleur,  il  vaut  mieux  ne  pas  le  prescrire  le  lende- 
main ou  le  surlendemain  de  l'attaque  et  attendre  quelques  jours.  Les  purgatifs 
employés  de  préférence  dans  ce  cas  sont  le  sulfate  de  soude,  l'eau  de  Pullna, 
l'eau  d'Hunyadi-Janos,  le  calomel,  l'huile  de  ricin. 

Il  resterait  maintenant  à  parler  du  traitement  après  l'accès,  car  presque  tou- 
jours, nous  l'avons  dit,  la  colique  hépatique  est  symptomatique  de  la  lithiase 
biliaire,  et  le  médecin  doit,  l'accès  passé,  se  préoccuper  des  deux  indications 
suivantes  :  1"  favoriser  la  désagrégation  et  l'expulsion  des  concrétions  biliaires; 
2"  empêcher  qu'il  s'en  forme  de  nouvelles.  Ce  traitement  ayant  déjà  été  men- 
tionné en  grande  partie  dans  l'article  où  a  été  étudiée  l'affection  calculeuse  du 
foie,  nous  ne  ferons  qu'en  indiquer  brièvement  les  lignes  principales. 

1"  Lilhonlviptiques.  Existe-t-il  [des  substances  qui  méritent  réellement  ce 
nom?  La  question  est  débattue.  Quoi  qu'il  en  soit,  le  remède  de  Durande 
ne  semble  pas  devoir  perdre  sa  place  dans  la  thérapeutique  de  la  lithiase 
biliaire.  11  contient  2  parties  d'essence  de  térébenthine  et  5  d'éther  sulfurique. 
L'éther  joue  dans  ce  mélange  probablement  le  rôle  d'anesthésique  et  la  téré- 
benthine celui  de  modificateur  de  la  sécrétion  biliaire.  Au  lieu  d'administrer 
le  remède  de  Durande,  on  peut  continuer  pendant  plusieurs  jours  après  l'accès 
l'administration  de  perles  d'éther  et  de  capsules  de  térébenthine,  qui  ont  le 
réel  avantage  de  masquer  le  mauvais  goût  du  remède.  Euchler  a  conseillé  dans 
le  même  but  le  chloroforme  et  le  succinate  de  fer. 

On  a  préconisé  récemment  l'éther  amylvalérianique,  encore  désigné  sous  le 
nom  de  valérianate  d'amyle,  comme  possédant  à  un  haut  degré  les  propriétés  du 
remède  de  Durande  et  possédant  sur  celui-ci  l'avantage  de  pouvoir  être  donné 
pendant  l'accès  comme  anesthésique.  Hors  de  l'organisme  cette  substance  agit 
très-activement  sur  les  calculs  biliaires  pour  en  amener  la  désagrégation.  4s%50 
d'éther  amylvalérianique  suffisent  à  dissoudre  1  gramme  de  cholestérine  pure 
à  37  degrés.  Il  semble  donc  rationnel  d'essayer  ce  médicament  ;  mais  jusqu'à 
aujourd'hui  il  n'a  été  que  rarement  prescrit  dans  la  pratique,  et  nous  ne  saurions 
nous  prononcer  sur  sa  valeur  thérapeutioue  réelle.  D'après  la  Semaine  médicale 


57-1  HÉPATIQUES  (COLIQUES). 

{Revue  de  pharmacie,  188ô,  p.  261),  le  meilleur  mode  d'atlministrafion  est  la 
forme  capsulaire.  Les  capsules  contiennent  chacune  15  centigrammes;  elles  se 
donnent  à  la  dose  de  deux  pour  procurer  le  sommeil,  et  de  six  en  5  fois,  à  une 
heure  d'intervalle  pour  calmer  les  coliques  hépatiques. 

La  médication  alcaline  en  ge'néral,  et  en  particulier  la  cure  hydrominérale 
dans  les  stations  qui  ont  depuis  longtemps  une  réputation  légitime  dans  le 
traitement  de  la  lithiase  biliaire,  sont  indiquées  non-seulement  comme  moyeu 
prophylactique  des  crises  douloureuses,  mais  encore  comme  moyen  curatif  de 
nombreux  accidents  de  la  lithiase.  11  ne  faut  pas  oublier  que  l'action  de  ces 
eaux  n'est  pas  toujours  immédiate.  Si  elles  réveillent  parfois  rapidement  les 
coliques  hépatiques,  leur  effet  peut  ne  se  faire  sentir  qu'un  temps  plus  ou 
moins  long  après  le  début  du  traitement.  En  France,  Vichy  répond  à  peu  près  à 
toutes  les  indications  que  le  médecin  peut  désirer  remplir.  Vais,  Royat,  Fou- 
gues, Le  Boulou,  Contrexé ville,  Yittel,  méritent  d'être  citées  après  Vichy  quand 
cette  dernière  station  semble  trop  active  ou  ne  peut  être  emplovée.  En  Alle- 
magne les  eaux,  de  Carlshad  donnent  aussi  d'excellents  résultats.  Elles  pos- 
sèdent, en  outre  de  leurs  qualités  alcalines,  des  propriétés  laxatives,  et  parais- 
sent convenir  aux  malades  pour  lesquels  on  recherche  une  action  altérante  en 
même  temps  que  les  effets  de  la  médication  alcaline. 

La  médication  hydrominérale  a  cependant  ses  contre-indications  [voy.  les 
Traités  spéciaux  de  Durand-Fardel,  ^^illcmin,  Sénac,  Cyr,  etc.);  nous  ne  pou- 
vons y  insister  ;  disons  cependant  que  les  maladies  du  cœur  principalement 
(Sénac),  puis  les  affections  cérébrales,  les  affections  cancéreuses  et  la  scrofule 
intense,  contre-indiquent  le  traitement,  à  Vichy.  La  grossesse,  sans  être  une 
contre-indication  à  ce  traitement,  doit  inspirer  la  plus  grande  prudence  dans  la 
manière  dont  il  sera  prescrit. 

La  médication  alcaline  en  dehors  de  ses  effets  généraux  agit  sur  la  bile  en 
en  modifiant  la  composition  chimique  et  en  la  rendant  plus  fluide.  Elle  facilite 
donc  indirectement  l'écoulement  de  ce  liquide  et  favorise  son  arrivée  dans 
l'intestin., C'est  encore  une  indication  capitale,  en  effet,  pour  prévenir  le  retour  des 
coliques  hépatiques,  de  s'opposer  autant  que  possible  à  l'épaississementet  à  la  sta- 
gnation de  la  bile,  qui  amènent  la  précipitation  des  matériaux  contenus  dans  ce 
liquide  et  la  formation  des  cholélithes.  11  convient  donc  de  régulariser  autant  que 
possible  cette  sécrétion  et  d'entretenir  la  liberté  du  ventre  :  d'où  l'utilité  des  pur- 
gatifs dans  la  cholélithiase  pour  combattre  la  constipation  habituelle  et  plus  spé- 
cialement des  purgatifs  cholagogues.  Bien  que  l'action  physiologique  spéciale  de  la 
plupart  des  médicaments  réunis  sous  ce  nom  ait  été  vivement  contestée  après  les 
expériences  de  Rohrig,  Rutterford  et  Vignal,  l'utilité  du  calomel,  du  podophyllin 
(à  la  dose  de  2  à  4  ou  6  centigrammes  associés  au  savon  médicinal,  eu  pilules 
dans  la  journée),  de  l'aloès,  du  sel  de  Seignette,  du  sulfate  de  soude,  comme  pur- 
gatifs ou  laxatifs,  paraît  cliniquement  bien  établie,  dans  les  affections  où  l'on  se 
propose  d'agir  sur  le  foie  et  en  particulier  dans  la  lithiase  biliaire.  A  cette  liste 
il  conviendrait  d'ajouter  encore,  comme  médicament  agissant  sur  la  sécrétion 
biliaire,  le  saUcylate  de  soude.  De  nouveaux  médicaments  ont  été  récemment  pré- 
conisés comme  possédant  les  mêmes  propriétés;  ceux  qui  ont  attiré  surtout  l'at- 
tention dans  ces  derniers  temps  sont  le  boido  (?)  et  l'évonymin. 

L'hygiène  alimentaire  et  générale  du  malade  doit  être  surveillée  de  façon 
à  combattre  les  causes  d«  formation  des  concrétions  biliaires,  de  Tépaississement, 
de  la  stagnation  de  la  bile,  et  surtout  à  modifier,  si  possible,  la  diathèse  dont 


HEPATIQUES  (COLIQUES)   (bibliogr4Piue).  575 

procède  l'affection  calculeuse.  L'exercice  au  grand  air,  la  marche,  la  diminution 
du  régime  azoté,  l'usage  des  alcalins,  des  boissons  aqueuses  abondantes,  une 
alimentation  végétale  ou  mixte,  de  laquelle  on  aura  le  soin  d'éliminer  les  bois- 
sons et  les  aliments  qui  pourraient  favoriser  l'excès  de  chaux  (eaux  séléni- 
teuses),  de  cholestérine  ou  de  graisse  dans  l'organisme,  devront  être  recom- 
mandés aux  sujets  souffrant,  de  colique  hépatique.  Ces  prescriptions  hygiéniques 
trouvent  leur  utilité  immédiate  dès  que  la  lithiase  biliaire  a  été  reconnue,  alors 
même  qu'il  n'y  a  pas  eu  d'accès  francs,  et  que  l'on  n'a  eu  affaire  qu'à  des 
formes  atténuées  frustes  ou  larvées. 

De  nouvelles  indications  se  montrent,  au  point  de  vue  qui  nous  occupe,  quand  les 
coliques  hépatiques  à  forme  prolongée  ou  chronique  sont  accompagnées  ou  suivies 
d'un  ictère  chronique.  Il  faut  alors  régler  l'alimentation  du  malade  de  manière  à 
s'opposer  à  la  cachexie  d'origine  biliaire  qui  fait  chaque  jour  des  progrès  {voij. 
Bouchard,  Traité  àié,  p.  107  ;  voy.  aussi  Ictère  chronique,  dans  ce  Dictionnaire). 

Quand  les  coliques  hépatiques  ou  plus  exactement  quand  les  concrétions 
biliaires  déterminent  l'inflammation  et  l'ulcération  des  conduits  qui  les  ren- 
ferment, c'est  du  traitement  chirurgical  que  relèvent  les  complications  ainsi 
produites  (tumeurs  et  abcès  de  la  vésicule  biliaire,  fistules,  etc.,  roi/,  ces 
mots).  Cependant  tout  récemment,  giàce  aux  progrès  que  les  méthodes  anti- 
septiques ont  permis  de  réaliser  dans  la  chirurgie  de  l'abdomen,  on  a  pré- 
conisé la  cholécystotomie  et  même  la  cholécystectomie  (cette  dernière  en  s'ap- 
puyant  sur  des  raisons  d'anatomie  comparée)  dans  les  cas  de  coliques  intenses, 
prolongées,  rebelles  au  traitement  médical,  et  cela  avant  que  se  soient  produites 
les  complications  regardées  autrefois  comme  nécessitant  l'intervention  chirur- 
gicale. Malgré  les  observations  plus  ou  moins  retentissantes  publiées  à  ce  sujel, 
les  travaux  de  Lawson  Tait,  les  discussions  qui  viennent  d'avoir  lieu  dans  les 
sociétés  savantes,  particulièrement  à  l'Académie  royale  de  Belgique  (1885),  enfin 
les  résultats  publiés  dans  la  thèse  d'agrégation  de  Denucé  (1880),  nous  paraissent 
ini]ioser  de  grandes  réserves  et  la  plus  grande  prudence  sur  ce  point.  Sans  penser 
qu'il  fadle  proscrire  ces  opérations  et  ne  pas  faire  profiter  les  malades  des  pro- 
grès si  considérables  qui  autorisent  aujourd'hui  le  chirurgien  à  se  montrer 
entreprenant,  nous  croyons  pouvoir  citer  encore  maintenant  les  sages  paroles 
de  J.-L.  Petit  au  sujet  des  opérations  que  peuvent  nécessiter  les  affections  des 
voies  biliaires  :  «  Ce  que  j'en  ai  dit  est  suffisant  pour  modérer  l'ardeur  de  ces 
jeunes  gens  qui  veulent  toujours  couper,  mais  aussi  ne  faut-il  pas  qu'une  timi- 
dité mal  entendue  leur  fasse  manquer  l'occasion  d'opérer.  » 

Et  maintenant  indiquerons-nous  un  traitement  pour  les  coliques  du  foie  qui 
ne  sont  pas  d'origine  calculeuse?  Si  l'on  parvient  à  faire  le  diagnostic  de  la 
colique  hépatique  due  à  d'autres  corps  étrangers  que  les  calculs,  ou  bien  si 
l'ensemble  des  caractères  que  nous  avons  indiqués  au  chapitre  Diagnostic  arrive 
à  faire  admettre  l'existence  d'une  hépatalgie  simple,  le  traitement  se  résume 
toujours  dans  les  deux  indications  suivantes  :  1"  traitement  symptomatique  au 
moment  de  l'accès;  2"  traitement  étiologique  et  pathogénique,  c'est-à-dire 
traitement  de  la  maladie  générale  ou  locale  qui  tient  ces  accès  sous  sa  dépen- 
dance, après  que  la  crise  douloureuse  est  calmée.  A.  Mossé. 

BiBLioGUAPHiE.  —  Voy.  jusqu'à  l'année  1869  les  indications  bibliographiques  parues  avec 
rarticle  Voies  biiuires  [Pathologie].  Voy.  aussi  celles  de  l'article  Fore.  îsous  ne  saurions  don- 
ner l'indicaliou  de  tous  les  travaux  parus  sur  la  colique  hépatique  depuis  1869  jusqu'à  au- 


576  HÉPATIQUES  (COLIQUES)  (bibliographie). 

jourd'hui.  Quelques-unes  de  celles  qui  suivent,  sui-tout  parmi  les  plus  récentes,  sont  tirées 
de  la  Revue  des  sciences  médicales  en  France  et  à  l'étranger  et  de  la  Semaine  médicale.  — 
Magmn  (J.)'  ^''  gtielques  accidents  de  la  colique  hépatique,  thèse  de  Paris,  4869. — Mahot. 
Des  battements  du  foie.  Thèse  de  Paris,  18C9.  —  Sénac.  Du  traitement  des  coliques  hépa- 
tiques, 1870.  —  LuTON.  Art.  Entozoaires.  In  Dictionnaire  de  méd.  et  chir.  pratiques,  1870. 

Dcjardin-Beaumetz.   Élude  sur  le  spasme  des  voies  biliaires  à  propos  du  traitement  de 

la  colique  hépatique.  In  Bull.  gén.  de  thcrap.,  1875,  p.  585.  —  Durand-Fardel.  Traité  des 
vialadies  des  vieillards,  1°  édit.,  18(5.  —  Thoosseau.  Leçons  de  clinique  ynédicale,  ¥  édit., 
4875.  —  Regnard.  Lithiase  biliaire.  Obstruction  incomplète  du  canal  cholédoque.  Fièvre 
intermittente  hépatique,  autopsie.  In  Bull,  de  la  Soc.  de  bioL,  1875.  —  Audigé.  Recherches 
expérimentales  sur  le  spasme  des  voies  biliaires  à  propos  du  traitement  de  la  colique 
hépatique  et  sur  l'ictère  mécanique.  Thèsc;de  Paris,  n"  60,  1874.  —  Charcot.  Leçons 
cliniques  sur  les  maladies  des  vieillards,  1874.  —  Guéneau  de  Mussï.  Clinique  médicale. 
Paris  1874.  —  Jip.ou-Kajou.  Aperçu  symptomatologique  de  la  lithiase  biliaire.  Thèse  de 
Paris,  1874,  n"  155.  —  Labûrde.  Sur  la  contractilitê,  le  spasme  et  la  sensibilité  des  canaux 
biliaires.  In  Bullet.  de  thérapeutique,  1874.  —  Tiiocvexi.n.  De  quelques  accidents  de  la 
lithiase  biliaire.  Tiièse  de  Paris,  1874,  n°  2G0.  —  Vulpiw.  Cours  de  l'Ecole  de  médecine. 
Paris,  1874.  —  Gangolphe.  Du  bruit  de  souffle  mitral  dans  l'ictère.  Thèse  de  Paris,  1875. 

Rutherford  et  Vignal.  Expériences  sur  l'action  des  médicaments  cholagogues.  In  Bntish 

Med.  Journ.,  1875,  anal,  par  Guéneau  de  Mussy  in  Bull,  de  Ihérap.,  t.  XCYIII.  —  Beouardel. 
L'urée  et  le  foie.  In  Arch.  de  physiol.,  1876.  —  Charcot  et  Gombault.  JWe  sur  les  altéra- 
tions du  foie  consécutives  à  la  ligature  du  canal  cholédoque,  1876.  —  Dujardin-Beaumetz  et 
Verse.  Étude  sur  le  Boldo.  \\\  Bull,  général  de  thérapeutique,  1876.  —  Hakot.  Étude  sur 
une  forme  de  cirrhose  hypertrophique  du  foie.  Thèse  de  Paris,  1876.  —  Charcot.  Leçons 
sur  les  maladies  du  foie  et  des  reins,  recueillies  par  Bourneville  et  Sevestre.  Paris.  Delahaye, 
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4878.  —  MuRCHisoN.  Leçons  cliniques  sur  les  maladies  du  foie,  suivies  des  leçons  sur  les 
troubles  fonctionnels  du  foie,  trad.  sur  la  2*  èdit.  par  J.  Cyr.  Paris,  Delahaye,  1878.  — 
l'OTAiN.  f^ote  sur  un  point  de  la  pathogénie  des  dilatations  cardiaques  d'origine  gastro- 
hépatique. In  Congrès  pour  l'avancement  des  sciences.  Paris,  1878.  Le  titreseul  du  mémoire 
a  paru  dans  les  Comptes  rendus.  Le  manuscrit  encore  inédit  a  été  mis  à  notre  disposition 
par  notre  savant  maître  et  ses  idées  exposées  dans  notre  thèse  de  concours.  —  Strauss.  Des 
ictères  chroniques.  Thèse  d'agrégat.  Paris,  1878.  —  Buckler.  Dissolution  et  extraction  des 
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lésions  du  cœur  droit  consécutives  et  certaines  maladies  et  principalement  aux  maladies 
douloureuses  de  l'appareil   hépatique   et  gastro-intestinal.    Thèse  de  Lyon,  1879,   n°  27. 

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UÉPATIQUES   (COLIQUES)   (biblioghapiue).  577 

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578  HEPTANES. 

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DÉPATISATIOIV.  État  (l'un  tissu  permi'able  qui',  sous  l'influence  d'un 
état  inflammatoire  délerniinant  la  roplétion  des  alvéoles  ou  des  cavités  qui  le 
constituent  par  un  exsudât  séio-fibrineux  ou  liémorrhagique,  devient  plus  com- 
pacte et  prend  l'aspect  du  tissu  hépatique.  Les  caractères  histologiques  et  cli- 
niques de  riicpatisalion  rouge  et  de  l'iiépatisation  grise  du  poumon  seront  indi- 
qués au  mot  Pneumonie.  L.  L. 

HÉPATITE.      Voy.  Foie, 

nÉPATOSCOPIE.     Voij.  Divination. 

HEPTAIVES.  Les  lieptanes  répondent  à  la  formule  ClI'^  Sur  les  neuf 
heptanes  isoméi  iques  prévus  par  la  théorie,  on  n'en  connaît  que  quatre,  dont  le 
plus  important  est  l'heptane  normal  ou  hydrure  d'heptyle  : 

C'HiMl=ClP-ClP-ClP-CFP-aP-CH^-CIP. 

Ce  composé  n'est  autre  chose  que  l'essence  du  Pinus  Sabiniana.  Il  existe 
dans  les  pétroles  américains,  où  il  paraît  mélangé  à  un  heptylène  particuHer; 
on  le  retire  de  ces  pétroles  rectifiés  par  la  distillation  fractionnée.  Pour  le 
séparer  de  l'heptylène,  il  suffit  de  le  traiter  en  tubes  scellés  par  l'acide  azo- 
tique de  densité  1,58  qui  n'attaque  pas  l'heptane. 

On  extrait  encore  l'heptane  du  mélange  d'huiles  obtenu  par  la  distillation  du 
cannel-coal  de  Wigan  (Lancashire)  et  abandonné  au  contact  de  l'acide  sulfuriqu 
à  une  basse  température  pendant  plusieurs  jours.  La  liqueur  distillée  est  traitée 
à  plusieurs  reprises  par  l'acide  nitrique;  Ihuile  est  lavée  à  l'eau,  puis  scchée, 
enfin  soumise  à  la  distillation  fractionnée  ;  on  recueille  l'hydrure  passant  à 
98-99  degrés. 

On  obtient  encore  l'heptane  normal  dans  la  décomposition  de  la  paraffine  par 
la  chaleur  et  dans  la  distillation  des  acides  gras  élevés  dans  la  série  sous  lin- 
fluence  de  la  vapeur  d'eau. 

L'heptane  normal  est  un  liquide  mobile,  d'odeur  fade,  mais  agréable,  rappe- 
lant pins  ou  moins  l'essence  d'orange;  il  a  une  densité  de  0,6967  à  19  degrés  et 
bout  vers  99  degrés.  Il  brûle  avec  une  flamme  légèrement  fuligineuse.  Le  chlore 
et  plu*  rapidement  le  chlorure  d'iode  le  transforment  en  chlorure  d'heptyle. 
T  c  brome  et  les  acides  sulfurique  et  nitrique  ne  l'attaquent  pas. 

U  existe  en  outre  trois  isomères  de  l'hydrure  d'heptyle,  ce  sont  : 

jo  ]Jéthyle- aminé  ou  Dimélhylbutybne'lhane,  qu'on  obtient  en  traitant  un 
élance  d'ioduie  d'éthyle  et  d'amyle  par  le  sodium;  il  bout  à  90  degrés  et  a 


UEPTYLiDÈNE.  57^ 

pour  densité  0,6853  à  18", 4.  Scliorlemmer  a  Irouvé  dans  un  pétrole  de  Pennsyl- 
vanie, mélan2,é  avec  l'iieptane  normal,  un  lieplane  bouillant  à  90  degrés,  proba- 
blement identique  avec  l'élhyle-amyle. 

2°  Le  triéthylniéthane,  obtenu  en  soumettant  l'éther  orlhoformique  à  l'action 
du  sodium  et  du  zinc-élhyle.  Ce  carbure  bout  à  96  degrés  et  a  pour  densité 
0,689  à  27  degrés;  son  odeur  rappelle  celle  du  pétrole; 

3"  Le  diéllujlineïhylmétliane,  qui  se  forme  en  traitant  le  métliylclilora- 
cétol  par  le  zinc-élhyle.  Il  bout  vers  87  degrés  et  a  pour  densité  0,6958  à 
20  degrés.  L.  Hn. 

HEPTIXACÉTIQL'E   (Acide).     CH'^O".     Se   forme  aux  dépens  de  l'acide 
heptylmalonique  chauffé  au  bain  d'huile  à  160  degrés.  Purifié  [)ar  distillation, 
il  constitue  un  liquide  incolore,  bouillant  à  232  degrés,  insoluble  dans  l'eau, 
très-soluble  dans  l'alcool  et  l'éther.  Son  sel  de  baryum  est  amorphe,  son  se 
d'argent  cristalHn.  L.  Un. 

IIEPTYLAMIXE.  C^ll'^.H^.Az.  On  obtient  ce  corps  en  saturant  l'iodure 
d'heplyle  avec  de  l'ammoniaque  et  en  chauffant  la  solution  au  bain  d'huile;  on 
enlève  ensuite  l'iode  au  moyen  de  l'oxyde  d'argent.  Ou  bien  on  chauffe  le  chlo- 
rure d'heptyle  avec  de  l'ammoniaque  en  tube  scellé  pendant  plusieurs  jours;  le 
produit  est  distillé  avec  de  la  potasse  caustique. 

L'heptylamine  forme  un  liquide  léger,  huileux,  d'une  odeur  ammoniacale 
aromatique,  d'une  saveur  brûlante,  bouillant  à  145-147  degrés,  assez  soluble 
dans  l'eau.  L.  Ih. 

IIEPTI'LE.  CIP*.  Radical  hypothétique  de  l'alcool  heplylique  et  de  ses 
dérivés.  L.  Un. 

HEPTïLE  (HvDRCRE  d').     Voy.  Heptakes. 

HEPTTLÉIVE.  CfP'*.  Hydrocarbure  homologue  de  l'éthylène,  s'obtient 
avec  des  hydrocarbures  de  plusieurs  séries  dans  la  distillation  du  boghead.  La 
portion  d'huile  de  boghead  bouillant  de  82  à  88  degrés  donne  de  l'hcptylène 
bouillant  à  99  degrés  et  de  densité  0,718  à  18  degrés  (Williams). 

Le  chlorure  d'heptyle,  traité  par  le  sodium  à  une  douce  chaleur,  fournit  de 
l'heplylène  bouillant  à  95  degrés  (Limpricht). 

L'heptylène  est  un  liquide  très-mobile,  très-léger,  d'odeur  alliacée,  insoluble 
dans  l'eau,  soluble  dans  l'alcool. 

On  connaît  l'heptylène  chloré,  CfP^Gl,  et  des  dérivés  tels  que  le  bromure, 
CIP^Br-,  et  le  chlorure,  CH'^Cl^  ;  nous  n'insisterons  pas  sur  ces  composés.  11 
nous  suffira  aussi  de  dire  que  l'heptylène  présente  de  nombreux  isomères  dont  le 
point  d'ébuUition  est  très-variable.  L.  Hk. 

HEPT¥JLIDË\E.     CE^^.     Pour  préparer  cet  hydrocarbure,  on  transfoi-nie 

l'œnanthol   eu  chlorure  ClP^Gl-  au  moyen  du  perchlorure  de  phosphore,  puis 

par  l'action  de  la  potasse  alcoolique   en  heplylène  chloré  CH'^'Cl  ;   ce  dernier, 

-soumis  en  vase  clos,  à  140  degrés,  à  l'action  de  la  potasse  alcoolique,  donne 

l'hepVylidène. 

C'est  un   liquide  léger,   très-fluide,  d'odeur   alliacée,    bouillant   vers  106- 


5S0  IIEPTYLMALONIOUE. 

108  degrés;  il  brûle  avec  une  flamme  fuligineuse  et  se  dissout  aisément  dans 
l'alcool,  l'étlier  et  la  benzine.  Il  a  une  grande  affinité  pour  le  brome  et  donne 
deux  composés  G^H'^Br^  et  C^H"Br*.  L.  Hn. 

DEPTYLIQUE  (Alcool).  CII^^O  =  C^H's.OH.  11  se  trouve  associé  à  d'au- 
tres alcools  dans  l'huile  de  marc  de  résine;  on  l'extrait  par  distillation  frac- 
tionnée ;  la  portion  bouillant  de  155  à  160  degrés  constitue  l'alcool  heptylique. 
On  l'obtient  encore  par  hydrogénation  de  l'œnanthol  par  le  zinc  et  l'acide 
acétique  crislallisable  ou  par  l'amalgame  de  sodium  ;  l'acétate  d'hept\  le  formé 
dans  le  premier  cas  est  décomposé  par  la  potasse.  11  se  produit  aussi  dans  la 
distillation  du  ricinolate  de  potasse  ou  de  soude  avec  un  excès  d'alcali.  On  peut 
enfin  se  servir  do  l'iiydrure  d'heptyle  qu'on  transforme  d'abord  en  chlorure,  puis 
en  acétate;  par  distillation  avec  la  potasse  on  obtient  l'alcool,  mais  celui-ci 
paraît  être  un  isomère  de  l'alcool  heptylique  normal.  On  obtient  d'autres  iso- 
mères dans  une  série  de  réactions  que  nous  ne  pouvons  faire  connaître  ici. 

L'alcool  heptylique  est  huileux,  incolore,  insoluble  dans  l'eau,  soluble  dans 
l'alcool  et  dans  l'éther  ;  il  a  pour  densité  0,819  à  23  degrés  (Slaedeler).  Il  bout 
à  170-172  degrés  d'après  Scliorlemmer,  175", 5  d'après  Cross.  Le  chlorure  de 
zinc  le  décopipose  en  eau  et  en  heptylène.  A  chaud  en  présence  de  la  chaux 
potassée  il  dégage  de  l'hydrogène  et  se  transforme  en  acide  œnanlhvlique.  Avec 
le  pontachlorure  de  phosphore  il  donne  du  chlorure  d'heptyle.  L'iode  et  le 
phosphore  le  changent  en  iodure  d'heptyle,  l'acide  sulfurique  en  acide  heptyl- 
sulfui'ique.  L.  Un. 

OEPTYLIQUES  (Êtheîis).     On  connaît  : 

1°  Le  chlorure  d'heptyle,  CH'^.Cl,  obtenu  par  action  du  perchlorure  de 
phosphore  sur  l'alcool  heptylique  ;  c'est  un  liquide  incolore,  d'une  odeur  de 
fruits  agréable,  insoluble  dans  l'eau,  soluble  dans  l'alcool  et  l'éther;  le  point 
d'ébullition  est  incertain; 

2"  Le  bromure  dlieptyle,  C'H^^.Br,  qui  se  forme  en  ajoutant  lentement  du 
brome  à  l'hydrure  d'heptyle,  peu  étudié; 

5"  l.'iodure  d'heptyle,  CH'^.l,  qu'on  prépare  en  traitant  l'alcool  heptylique 
par  l'iode  et  le  phosphore.  11  forme  un  liquide  plus  dense  que  l'eau,  bouillant 
à  190  degrés,  instable; 

4»  Divers  oxydes  mixtes,  tels  que  Voxyde  amylheptylique,  G'H'^.C^II'SO; 
\ oxyde  éthylheptylique,  C''I1»\C-H\0  ;  l'oxyde  mélhlyhepiylique,  C'H^'.CH'.O, 
dont  nous  ne  dirons  rien  ici  ; 

5°  Un  acétate  d'heptyle,  un  acide  heptyl-sulfuriqne  {voy.  ce  mot),  etc. 

L.  Hn. 

nEPTYL9i4.LO!ViQUE  (Acide).  C"H*»0^  On  l'obtient  en  traitant  par  la 
potasse  alcoolique  l'heptylraalonate  d'élhyle  obtenu  lui-même  par  action  du 
bromure  d'heptyle  sur  l'éther  malonique,  puis  soumettant  le  produit  de  la 
réaction  à  l'action  de  l'éther  après  acidulation  par  l'acide  chlorhydrique.  Par 
évaporation,  on  a  l'acide  impur;  on  le  lave  à  l'éther  de  pétrole. 

L'acide  heptylmalonique  forme  une  masse  cristalline  blanche,  fusible  à 
97-98  degrés,  peu  soluble  dans  l'eau,  très-soluble  dans  l'alcool,  le  chloro- 
forme et  l'éther.  On  connaît  les  sels  d'argent  et  de  baryum  blancs,  insolubles 
dans  l'eau  et  dans  l'alcool.  L.  Hx. 


HERACLITE.  581 

nEPTTLSL'l-FIJBlftUE  (Acide).  CIl'^.H.SO*.  Encore  appelé  acide  suif- 
heptylique,  se  prépare  par  l'action  d'une  partie  d'acide  sulfurique  concentré 
sur  deux  parties  d'alcool  lieptylique,  à  froid.  On  sature  par  le  carbonate  de 
baryum  et  par  l'hydrate  de  baryte  et  on  évapore.  L'heptylsulfate  de  baryte 
est  en  petites  écailles  nacrées,  de  saveur  amère,  très-solubles  dans  l'eau.  Il  a 
pour  composition  :  2(G''H'^.SÛ'')Ba4-H^0,  d'après  Petersen.  L'acide  n'a  pas 
été  isolé.  L.  Hn. 

nÉBACLÉL'iu.     Voy.  Berce. 

HÉRACLIDE   (Les). 

néraciide  (de  Cos).  Le  père  d'IIippocratc  II,  est  probabemcnt  l'auteur  de 
quelques-uns  des  ouvrages  de  la  collection  bippocratique.  L.  Hn. 

néraciide  (d'Iléraciée).  Dans  le  Pont,  vivait  au  commencement  du  quatrième 
siècle  avant  Jésus-Christ.  Il  suivit  les  leçons  de  Platon,  de  Speusippo,  d'Aristote, 
et  étudia  le  système  de  Pythagore.  11  modilla  la  doctrine  des  atomes  de  Démocrite 
(d'après  lui,  la  nature  entière  s'expliquait  par  la  combinaison  de  corpuscules 
sans  forme,  variables  et  non  similaires),  et  c'est  telle  qu'elle  sortit  de  sa  main 
qu'elle  fut  adoptée  par  Asclépiade  (de  Bilhynie).  11  ne  nous  appartient  pas  de 
nous  étendre  sur  la  vie  et  les  œuvres  de  ce  philosophe.  L.  Hn. 

Héraclide  (de  Tarente).  Était  médecin.  Il  vivait  dans  le  troisième  ou  le 
second  siècle  avant  Jésus-Christ.  Il  était  élève  de  Mantias  l'ilérophilien  et  appar- 
tenait à  la  secle  des  empiriques  dont  il  fut  le  plus  illustre  représentant.  Il  a  écrit 
des  commentaires  sur  llippocrate  et  des  ouvrages  sur  le  traitement  des  maladies 
internes,  sur  la  matière  médicale,  le  pouls,  etc.  Galien  vante  l'exactitude  de  ses 
observations.  Celse  et  Ca^iius  Aurelianus  le  citent  souvent.  Tous  les  ouvrages 
d'HéracIide  sont  perdus,  à  l'exception  de  quelques  fragments.  L.  Hn. 

Héraclide  (d'Erythrée).  Vivait  vers  230  ans  avant  Jésus-Christ.  Galien  le 
désigne  comme  le  meilleur  élève  de  Chi-yserme  et  cite  de  lui  un  grand  ouvrage 
intitulé  :  Uipi  t/;;  'tipooilou  Aîpio-ew;  (de  la  secte  d'Ilérophile)  ;  il  écrivit  en  outre 
sur  le  pouls  et  commenta  llippocrate.  L.  Ih. 

HERACLITE.  Philosophe  grec,  florissait  vers  l'an  500  avant  Jésus-(>hrist; 
les  uns  le  rattachent  à  l'école  ionienne,  les  auti'es  en  font  un  disciple  de  Xéno- 
phane;  il  se  prétend  lui-même  autodidacte.  Les  résultats  de  ses  recherches  sur 
la  nature  des  choses  sont  réunis  dans  un  ouvrage  intitulé  Musse,  écrit  dans  un 
style  imagé,  mais  plein  d'obscurités,  dont  les  fragments,  réunis  jadis  par  Schleier- 
macher,  Bernays,  etc.,  ont  été  publiés  récemment  dans  les  Acta  Societatis  philo- 
logicœ  Lipsiensis,  t.  111,  Lipsiœ,  1873.  Dans  le  système  d'Heraclite,  le  feu  est  le 
principe  de  tout,  de  l'eau,  de  l'air,  de  la  terre  ;  tout  dans  l'univers  est  une  trans- 
formation de  cet  élément  primordial  et  y  retourne,  d'où  une  sorte  de  flux  per- 
pétuel dominé  par  la  nécessité  ou  le  destin;  de  ce  flux  résultent  la  vie  et  la 
mort,  ou  plutôt  la  vie  et  la  mort  n'existent  pas,  le  feu  étant  à  la  l'ois  l'agent  vivi- 
fiant et  destructeur.  Nous  n'insisterons  pas  voy.  Lassalle,  Die  Philosophie 
Ueracleitos  des  Dunkeln,  Berlin,  1858,  2  vol.  in-S").  L.  Hn. 


582  HERBE. 

OERAMBASEXA.  Médecin  indien  appartenant  à  l'âge  moderne,  ayant. vécu 
probablement  dans  le  siècle  précédent;  il  est  l'auteur  d'un  livre  qui  a  pour  titre 
Gûdahodhaka.  Ce  petit  traité,  assez  connu,  ne  se  trouve  jusqu'ici  qu'a  l'élat 
de  manuscrit.  Il  en  existe  un  exemplaire  à  Londres,  provenant  de  la  colle:tion 
de  l'ancienne  Compagnie  des  Indes.  Un  autre  exemplaire  a  été  signalé  dans  les 
Notices  of  Sanscr.  Manuscripts  de  Ràjendralâla  Milra.  11  comprend  145  pages 
de  10  lignes.  Tous  deux  sont  en  caractères  bengalis.  Le  livre  débute  par  un 
éloge  de  la  médecine  avec  allusions  à  plusieurs  ouvrages  assez  modernes,  clioi- 
sis  parmi  les  plus  répandus  ;  divers  chapitres  sont  consacrés  à  l'emploi  de  l'eau 
considérée  comme  agent  thérapeutique  puissant,  à  l'étude  des  fièvres  périodiques 
et  à  leur  traitement,  aux  maladies  des  enfants,  etc.  Il  se  termine  par  un  cha- 
pitre sur  les  remèdes  aphrodisiaques.  C'est  un  livre  de  thérapeulique  plutôt 
que  de  pathologie. 

Ràjendralâla  Mitra.  Notices  of  Sanscr.  Manuscripts,  published  under'  Orders  of  the 
Government  of  Bengal,  t.  I,  p.  110,  cod.  200. —  Dietz.  Analecta  medica,  etc.  Leipzifr,  1853, 
in-8",  p.  158,  cod.  XXX.  G.  L.  D. 

IIÉRA9.  Médecin  grec,  né  en  Cappadoce,  vivait  vers  l'an  50  avant  Jésus- 
Christ.  Galien  cite  de  lui  plusieurs  ouvrages  sur  la  matière  médicale,  dont  il 
ne  reste  que  des  fragments.  L.  ILn. 

HÉRAT.     Voy.  Iran. 

HERBE.  On  désigne  sous  ce  nom,  en  botanique,  les  plantes  dont  la  tige 
périt  au  bout  de  quelques  mois  de  végétation.  Ces  plantes  peuvent  èlre  an- 
nuelles, hisanmielles  ou  vivaces,  selon  que  leurs  racines  ou  leurs  souches  per- 
sistent une,  deux  ou  plusieurs  années. 

A  l'époque  où  la  botanique  était  peu  avancée  et  oiî  les  plantes  n'étaient 
souvent  connues  que  i)ar  leurs  vertus,  on  appelait  mauvaises  herbes  les 
plantes  qui  étaient  considérées  comme  sans  utilité  ou  qui  étaient  reconnues  nui- 
sibles à  l'agriculture.  Par  contre,  les  plantes  employées  soit  en  médecine,  soit 
dans  l'économie  domestique,  étaient  désignées  par  le  mot  herbe,  suivi  d'une 
épilhèle  rappelant  en  général  leurs  propriétés  ou  bien  la  station,  l'apparence 
ou  quelque  particularité  de  la  plante.  Parmi  ces  appellations  anciennes,  qui  sont 
fort  nombreuses  et  dont  quelques-unes  sont  tout  au  moins  singulières,  quelques- 
unes  sont  encore  usitées  de  nos  jours  dans  le  langage  vulgaire.  Ainsi  on  appelle 
notamment  : 

Herbe  aux  abeilles,  la  Reine-des-prés  {Spirœa  ulmaria  L.). 

Herbe  à  l'ambassadeur,  le  Tabac  {ISicotiana  Tabacum  L.). 

Herbe  d'amour,  le  Driia  média  L.  et  le  Reseda  odorata  L. 

Herbe  aux  ânes,  l'Onagre  {Œnothera  biennis  L.)  et  le  Cirsium  lanceolatum 
Scop. 

Herbe  à  l'asthme,  à  la  Guyane,  le  Nonatelia  officinalis  Aubl.,  de  la  famille 
des  Rubiacées. 

Herbe  à  l'ail,  le  Sisymbrium  Alliaria  Scop. 

Herbe  à  balais,  en  France,  VErica  scoparia  L.  ;  à  Gayenne,  le  Sida  rhombifo- 
lia  L.  ;  aux  Antilles,  le  Scoparia  dulcis  L. 

Herbe  aux  brûlures,  à  Cayenne,  le  Bacopa  aquatica  Aubl.,  de  la  famille  des 
Scrofulariacées  ; 


HERBE.  583 

Herbe  à  cailler,  le  Galium  verian  h. 

Herbe  an  cancer,  le  Plumbago  europœa  L. 

Herbe  au  centaure,  VEnjllirœa  centauriam  L.  ou  Petite  centaurée. 

Herbe  à  cent  goûts,  l'Armoise  {Artemisia  vulgaris  L.). 

Herbe  aux  cent  maux  ou  aux  cent  maladies,  le  Lysimachia  nummularia  L. 

Herbe  à  cent  nœuds  ou  Centinode,  le  Pohjgonum  aviculare  L. 

Herbe  aux  chancres,  l'Héliotrope  sauvnge  {Heliotropium  europœum  L.). 

Herbe  aux  chantres,  le  Sisymbrium  officinale  Scop. 

Herbe  aux  charpentiers,  VAchillœa  millefolium  L. 

Herbe  aux  chats,  le  Nepeta  cataria  L-  et  le  Valeriana  officinalis  L  = 

Herbe  à  Chiron,  la  Petite  centaurée. 

Herbe  à  cloques,  le  Coqueret  {Physalis  alkekengi  L.). 

Herbe  de  Clytie,  le  Tournefortia  tinctoria  H.  Bn. 

Herbe  à  cochon,  le  Polygonum  aviculare  L. 

Herbe  aux  cors,  la  Joubarbe  des  toits. 

Herbe  à  coton,  les  diverses  espèces  du  genre  Gnaphalium. 

Herbe  à  la  coupure,  VAchillœa  ptarmica  L.  et  le  Sedum  telephium  L. 

Herbe  aux  cuillers,  le  Cochlearia  officinalis  L.  » 

Herbe  aux  cure-dents,  VAnimi  visnaga  Lamk. 

Herbe  à  dartres,  dans  l'Inde,  le  Cassia  alala  L. 

Herbe  à  l'éclairé,  la  Chélidoine. 

Herbe  aux  écrouelles,  la  Lampourde  {Xanthium  strumarium  L.)  et  le  Scrofu- 
laria  nodosa  L. 

Herbe  à  écurer,  les  Chara  fœtida  h.  et  Ch.  vulgaris  L. 

Herbe  aux  écus,  le  Lysimachia  nummularia  L.  et  le  Tldaspi  arvense  L. 

Herbe  aux  engelures,  V Hyoscyamus  niger  L. 

Herbeà  l'épurge,  VEuphorbia  Lathyris  L. 

Herbe  à  reiquinancie,  VAsperula  cynanchica  L. 

Herbe  à  éternuer,  V Artemisia  ptarmica  L. 

Herbe  étoilée,  VAsperula  odorala  L. 

Herbe  aux  femmes  battues,  le  Tanius  communis  L. 

Herbe  h  la  fièvre,  la  Petite  centaurée. 

Herbe  du  foie,  le  Marchantia  pot ymorplia  L.  et  V Anémone  hepatica  L. 

Herbe  aux  goutteux,  V JEqopodium  podagraria  L. 

Herbe  à  la  gravelle,  le  Saxifraga  granulata  L. 

Herbe  aux  gueux,  la  Clématite  sauvage  [Cleniatis  vitalba  L.). 

Herbe  aux  hémorrhoïdes,  le  Cirsium  arvense  Lamk. 

Herbe  aux  hernies,  les  Herniara  glabra  L.  et  H.  hirsuta  L. 

Herbe  à  la  laque,  le  Phytolacca  decandra  L. 

Herbe  au  loup,  VAconitum  lycoctonum  L. 

Herbe  aux  magiciens,  le  Datura  stramonium  L.  et  la  Mandragore. 

Herbe  aux  magiciennes,  la  Circée  (Circœa  lutetiana  L.). 

Herbe  au  mal  de  ventre,  le  Jatropha  gossypifolia  L.,  de  la  famille  des 
Euphorbiacées. 

Herbe  à  mille  trous,  le  Millepertuis  {Hypericum  perforatum  L.). 

Herbe  aux  mites,  le  Verbascum  blattaria  L. 

Herbe  du  musc,  VAdoxa  moschatellina  L. 

Herbe  du  nombril,  VOmplialodes  verna  Mœnch,  de  la  famille  des  Borragi- 
nacées. 


584  HERBE. 

Herbe  aux  oies,  le  Potenlilla  anserina  L. 

Herbe  à  l'ophthalmie,  V Eiiphrasia  officinalis  L. 

Herbe  à  la  ouate,  ÏAsclepias  syriaca  L. 

Herbe  à  pain,  VArum  maculatum  L. 

Herbe  atix  panaris,  le  Paronychia  verticillata  L. 

Herbe  aux  panthères,  le  Doronicum  Pardalianches  L. 

Herbe  à  la  paralysie,  le  Coucou  [Primula  officinalis  L.). 

Herbe  an  pauvre  homme,  la  Graliole. 

Herbe  aux  perles,  le  Lithospermum  officinale  L. 

Herbe  à  la  pcf^te,  le  Tufsilayv  petasites  L. 

Herbe  à  pisser,  le  Pirola  vnihellala  L. 

Herbe  à  la  pituite,  la  Slapliisaigre. 

Herbe  aux  pouilleux,  le  Delphinium  staphisagria  L. 

Herbe  aux  poumons,  le  Pulnwnaria  officinalis  L.,  le  Marchantia  polymor- 
pha  L.  et  un  Lichen,  le  Siic/rt  pulmonacea  Ach. 

//er/>e  «wr  ;;o;/j:,  le  Pedicularis paluslris  L.  et  le  Delphinium  staphisagria  L. 

//erie  a»x  puces,  le  Mentha  puleyium  L.,  le  Plantayo  arenaria  L.  et  le 
Plantago  Psyllium  L. 

Herbe  aux  punaises,  le  Conyza  squarrosa  L. 

Herbe  à  la  piirgation,  au  Pérou,  le  Boerhaavia  tuberosa  Lamk,  de  la  famille 
des  Nyctuginacces. 

Herbe  à  Robert,  le  Géranium  Bobertiamim  L. 

Herbe  sacrée,  le  Verbena  officinalis  L.  et  le  Melittis  melissophylliim  L. 

Herbe  de  Saint-Benoît,  la  Benoîte  (Geum  urbanum  L.). 

Herbe  de  Saint-Christophe,  VActeea  spicata  L. 

Herbe  de  Saint-Fiacre,  VHeliolropium  europœum  L. 

Herbe  de  Saint-Jacques,  le  Senecio  Jacobœa  L. 

Herbe  de  Saint-Jeaii,  le  Glechoma  hederacea  L.  eiVHypericuni perforatum  L. 

Herbe  de  Saint-Joseph,  le  Scabiosa  succisa  L. 

Herbe  de  Saint-Julien,  l6  Barbarea  vulgaris  DG. 

Herbe  de  Saint-Rock,  VInula  dysenterica  L. 

/lerfce  f/e  Sainte-Barbe,  le  Barbarea  vidgaris  DC. 

Herbe  sang-dragon,  le  Rnmex  sanguincus  L. 

Herbe  sans  couture,  VOphioglossun  vulgalum  L. 

Herbe  au  scorbut,  le  Cochlearia  officinalis  L. 

Herbe  aux  serpents,  V Aristolochia  serpentaria  L.,  et  le  Dorstenia  con- 
trayerva  L. 

Herbe  à  sétons,  YHelleborus  viridis  L. 

Herbe  du  soldat,  le  P/per  angustifolium  R.  et  Pav. 

Herbe  aux  sorciers,  le  Datura  stramonium  L, 

Herbe  aux  tanneurs,  le  Coriaria  myrlifolia  L. 

Herbe  aux  teigneux,  le  Tussilage  petasites  L.  et  la  Bardane  (i)C/tM?n 
happa  L.). 

//erèe  ai/.r  teinturiers,  le  Genista  tinctoria  L. 

//eri^  À  /o»s  /es  maux,  VAnamirta  cocculus Colehr. elle Lysimachia  excelsah. 

Herbe  de  la  Trinité,  Y  Anémone  hepatica  L. 

Herbe  aux  varices,  le  Cirsium  arvense  Scop. 

fferèe  oîa  ^;ew^  la  Pulsatille  (anémone  Puhatilla  L.). 

^erte  om^  verrues,  la  Chélidoine. 


HERBES.  585 

Herbe  à  vers,  le  Tanacehim  vulgare  L. 

Herbe  de  vie,  ï'Asperiila  cynanchica  L. 

Herbe  aux  vipères,  VEchium  vulgare  L. 

Herbe  vulnéraire,  YAnthyllis  vulneraria  L.  Ed.  Lef. 


HERBES  (Sucs  d').  Sous  ce  nom  et  sous  celui  plus  vulgaire  de  jus  d'herbes 
on  emploie  et  surtout  autrefois  on  prescrivait  les  parties  vertes  des  plantes 
herbacées,  feuilles  ou  tiges  fraîches,  contuses  et  pilées  au  mortier.  Le  suc 
obtenu  par  expression  était  filtré  et  administré  aux  malades  soit  pur,  soit 
additionné  d'eau. 

L'usage  des  sucs  d'herbes  a  été  populaire  dans  l'ancienne  médecine,  et  il 
conserve  encore  aujourd'hui  une  partie  de  cette  popularité.  Parmi  eux  nous 
citerons  les  suivants  : 

Le  SMC  d' armoise  (\u  on  administrait  à  la  dose  quotidienne  de  2  à  4  grammes, 
à  titre  d'emménagogue  et  que  Cazin  conseille  aux  femmes  dysménorrliéiques  à 
l'approche  (le  la  période  menstruelle  et  au  moment  du  molimen  hemorrhagiciim. 

Le  suc  de  bette,  que  Simon  Paulis  employait  à  l'extérieur  contre  les  ophthal- 
mieset  auquel  Olaiis  Borrichius  attribuait  des  propriétés  sternutntoires  en  vertu 
d'une  prétendue  action  irritante  sur  la  muqueuse  pituitaire. 

Le  suc  de  bourrache,  qui  possède  des  propriétés  miicilagineuses  et  une  con- 
sistance sirupeuse  et  que,  mélangé  à  un  1/16  de  poids  d'eau,  on  administrait 
en  boisson  pour  provoquer  la  diurèse. 

Le  suc  decotylet,  extrait  du  Cotylum  umbilicus,  plante  communément  dési- 
gnée sous  le  nom  de  nombril  de  Vénus,  a  été  recommandé  par  Salter  et  BuUac, 
et  depuis  par  Foiissagrives,  pour  combattre  l'épi lepsie.  Ce  dernier  observateur  le 
faisait  ingérer  à  la  dose  quotidienne  d'une  cuillerée  à  bouche  et  prétendait  en 
obtenir  quelques  favorables  effets. 

Le  suc  de  chausselrape  [Centaurea  calcitrapa)  est  amer.  On  en  a  fait  un 
fébrifuge  indigène.  Berlin,  de  Montpellier,  et  M.  Cazin,  en  prescrivaient  100  à 
150  grammes  par  jour  contre  les  fièvres  intermittentes. 

Le  suc  de  chélidoine  possède  des  propriétés  caustiques  bien  connues  que  la 
médecine  populaire  utilise  pour  la  destruction  des  verrues. 

Le  suc  d'iris  posséderait  des  vertus  purgatives  et  hydragogues  et,  à  la  dose 
de  5  à  50  grammes,  a  été  prescrit  contre  les  hydropisies.  On  comptait  ainsi  tirer 
parti  de  son  action  drastique  sur  l'intestin. 

Le  suc  de  la  grande  joubarbe  passait  pour  faiblement  astringent.  On  en 
faisait  ingérer  quotidiennement  une  à  deux  cuillerées  à  café  comme  dépuratif 
aux  individus  atteints  d'affections  cutanées. 

Le  suc  de  lierre  terrestre  était  administré  à  la  dose  d'une  à  deux  cuillerées 
à  bouche  comme  béchique,  expectorant  et  tonique.  C'était,  paraît-il,  un  remède 
tout-puissant  pour  soulager  les  asthmatiques  et  guérir  les  bronchites  chronii]ues. 

Le  suc  de  la  petite  joubarbe  possédait  une  certaine  réputation  contre  l'épi- 
lepsie,  par  prises  quotidiennes  de  deux  à  quatre  cuillei'ées  à  bouche.  On  le  con- 
sidérait encore  comme  un  médicament  désobstruant  et  incisif. 

Le  suc  de  l'ortie  brûlante  s'obtenait  en  pilant  les  feuilles  de  ce  végétal  après 
les  avoir  humectées  d'eau.  A  la  dose  de  30  à  120  grammes,  on  le  considérait 
comme  un  hémostatique  actif.  En  1844,  Ginestet  l'a  recommandé  et  récemment 
on  en  a  signalé  l'utilité  contre  des  hémoptysies. 


586  HERBORISTE. 

Le  suc  fie  pulmonaire  était  pirscrit  comme  un  médicament  béchique.  Il  avait 
même  une  sorte  de  réputation  contre  les  catarrhes  bronchiques. 

Le  suc  de  la  pariétaire  possède  encore  aujourd'hui  la  renommée  d'êlre  un 
diurétique  actif  à  la  dose  de  50  à  500  grammes.  Sa  richesse  en  nitrates  alcalins 
donne  la  raison  de  cette  \erlu. 

Le  SMC  de  pissenlit  était  conseillé  comme  antiscorbuliquc  incisif  et  désob- 
struant. Il  eritrc  dans  la  composition  du  suc  d"herbes  officinal  en  sa  qualité  de 
stimulant,  de  stomachique  et  d"amer  contre  l'atonie  des  voies  digestives.  On  le 
prend  à  la  dose  de  60  à  120  grammes. 

Le  suc  de  beccahunga  [Veronica  beccahunga)  entrait  encore  dans  la  compo- 
sition des  sucs  d'herbes  comme  anliscorhutiLjiie,  rafraîchissant  et  dépuratif. 

Le  suc  de  cresson  possédait  les  mêmes  propriétés.  Dans  un  temps  rnôme  on 
en  a  fait  un  des  médicaments  de  la  phthisie  pulmonaire  et  des  catarrhes  re- 
belles. 

Les  seuls  sucs  d'herbes  qui  figurent  dans  les  pharmacopées  contemporaines 
sont  le  suc  dlierbes  ordinaires  ou  jus  d'herbes  et  le  suc  antisvorbutique.  Ou 
les  prescrit  comme  amers,  dépuratifs  et  toniques. 

Ce  suc  d'herbes  est  retiré  des  feuilles  Innches  de  chicorée,  de  fumelerre  et 
de  laitue,  mélangées  par  parties  égales  et  pilées.  Le  suc  anliscorbulique  se  pré- 
pare de  môme  avec  les  feuilles  de  cochléaria,  de  cresson  et  de  menyantlie. 

Ch.  Eloy. 

Bibliographie.  —  Genestel.  Bulletin  de  l'Académie  de  niérf.,  1844.  —  Geoffroy.  Matière 
méd.,  t.  V,  p.  511.  —  FoNs?AGRivES.  Traité  de  matière  médicale,  1885,  pas>iin.  —  Cazin. 
Traité  des  plantes  médicinales  indigènes,  1808,  passiin.  —  Gubler  et  Labbé.  Commentaires 
thérapeutiques  du  Codex,  1885,  p.  56  et  Ô97.  Gh.  E. 

HERBI\'I4UX.  Chirurgien,  accoucheur  et  lithotomiste  (de  Bruxelles),  né 
vers  1740,  est  connu  par  sa  piédilection  pour  l'usage  du  levier  dans  les  accou- 
chements et  par  les  vives  discussions  qu'il  eut  à  ce  sujet  avec  Biiudelocqiie.  Son 
plus  important  ouvrage  a  pour  titre  :  Traités  sur  divers  accouchemens  labo- 
rieux, et  sur  les  polypes  de  la  matrice,  Bruxelles,  1782,  2  vol.  in-8°  ;  nouv. 
édit.  augm.  des  réfutations,  des  critiques  d'A.  Leroy  et  Baudelocque,  ibid., 
1792,  2  vol.  in-8».  L.  Hs. 

IIERBIVORES.  Le  nom  d'Herbivores  a  été  donné  parfois,  en  raison  de  leur 
régime  particulier,  aux  Hippiens,  aux  Ruminants  et  aux  Probosciiliens  (voij.  ces 
mois),  Mammifères  qui  constituent  trois  ordres  distincts.  E.  0. 

HERBORISTE.  La  profession  d'herboriste,  dont  les  récents  projets  relatifs 
à  l'exercice  de  la  pharmacie  réclament  la  suppression,  se  trouve,  jusqu'à  ce  jour, 
régie  parles  dispositions  législatives  suivantes:  La  loi  du  21  gei  minai  an  XI 
(art.  57)  dit  que  :  «  Nul  ne  pourra  vendre,  à  l'avenir,  des  plantes  ou  des  par- 
ties de  plantes  médicales  indigènes,  fraîches  ou  sèches,  ni  exercer  la  profession 
d'herboriste,  sans  avoir  subi  auparavant  dans  une  des  écoles  de  pharmacie,  ou 
par  devant  un  jury  de  médecine,  un  examen  qui  prouve  qu'il  connaît  exacte- 
ment les  pl.intes  médicinales,  et  sans  avoir  payé  une  rétribution  qui  ne  pourra 
excéder  50  francs  à  Paris  et  50  francs  dans  les  autres  départements  pour  les 
frais  de  cet  examen.  Il  sera  délivré  aux  herboristes  un  certificat  d'examen  par 


HERBORISTE.  587 

l'école  ou  le  jury  par  lesquels  ils  seront  examinés;  et  ce  certificat  devra  être 
em■e"i^lrc  à  la  miinicipalilé  du  lieu  où  ils  s'établiront.  » 

L'anèté  du  25  tliermidor  an  XI  détermine  comme  il  suit  les  conditions  dans 
lesquelles  doit  se  faire  cet  examen  : 

Art.  ■43.  —  Dans  les  départements  où  seront  établies  des  écoles  de  pharmacie,  l'examen 
des  herlioristes  ?ei  a  fait  par  le  directeur,  le  professeur  de  botanique  et  l'un  des  professeurs 
de  mcJeciiie.  Cet  examen  aura  pour  objet  la  connaissance  des  plantes  médicinales,  les  pré- 
cautions nécessaires  pour  leur  dessiccation  et  leur  conservation.  Les  ftais  de  cet  examen, 
lixés  à  50  francs  à  Paris  et  à  30  francs  dans  les  autres  écoles,  ainsi  que  dans  les  jurys, 
seront  parla^rés  également  entre  les  examinateurs  des  écoles  ou  des  jurys. 

Art.  44.  —  Dans  les  jurys,  l'examen  sera  fait  par  l'un  des  docteurs  en  médecine  ou  en 
chirurgie  et  deux  pharmaciens  adjoints  au  jury;  la  rétribution  sera  la  même  pour  chacun 
des  examinateurs. 

Art.  45.  —  Il  sira  délivré  à  l'herboriste  reçu  dans  les  écoles  un  certificat  d'oxamen  signé 
de  trois  examinateurs,  lequel  sera  enregistré  ainsi  qu'il  est  prescrit  par  la  loi.  Dans  les 
jurys  ce  ceitilicat  sera  signé  par  fous  les  Fnembres  du  jury. 

Art.  40  —  Il  sera  fait  annuellement  des  visites  chez  les  herboristes  par  le  directeur  et 
le  professeur  de  botanique  et  deux  des  professeurs  de  l'École  de  médecine  dans  les  formes 
voulues  par  l'article  29  delà  loi.  Dans  les  communes  où  ne  seront  pas  situées  les  écoles,  ces 
visites  seront  fuites  conformément  à  l'article  51  de  la  loi. 

Ainsi  donc  les  herboristes  ont  leur  position  déterminée.  Ils  subissent  des  exa- 
mens. Ils  sont  comme  les  pharmaciens  soumis  à  une  visite  régulière;  enfin  ils 
sont  divisés  en  deux  classes  comme  les  pharmaciens  eux-mêmes.  En  eifet,  le 
décret  du  22  août  1856  déclare  que  : 

Art.  14.  —  Les  écoles  de  pharmacie  coofèrent  le  certificat  d'aptitude  à  la  profession 
d'iierboriste  de  première  cla-se,  et  qu'elles  délivrent  en  outre,  mais  seulement  pour  les  dépar- 
tements compris  dans  leur  ressort,  les  certificats  d'aptitude  pour  la  profession  d'herboriste 
de  deuxième  classe. 

Alt.  17.  —  ...  A  partir  du  18  janvier  1853  les  certificats  d'aptitude  pour  les  professions 
de  pharmacien  et  d'iierboriste  de  deuxième  classe  seront  délivrés  soit  par  les  éci  les  supé- 
l'ieuri^s  de  pharmacie,  soit  par  les  écoles  préparatoires  de  médecine  et  de  pharmacie  sous  la 
présidence  d'un  professeur  de  l'une  des  écoles  supérieures  de  piiarmacie. 

An.  19.  —  ...  les  ...  herboristes  de  deuxième  classe  pourvus  des  diplômes  ou  certificats 
d'apiituile  délivrés  soit  par  les  anciens  jurys  médicaux,  soit  d'après  les  i  ègles  déterminées 
par  les  articles  17  et  19  ci-dessus,  ne  peuvent,  comme  par  le  passé,  exircer  leur  profession 
que  dans  le  département  pour  lequel  ils  ont  été  rc(,us;  s'ils  veulent  exercer  dans  un  autre 
département,  ils  doivent  subir  de  nouveaux  examens  et  obtenir  un  nouveau  certificat 
d'aptitude. 

Ces  dispositions  législatives  seront  sans  doute  prochainement  modifiées,  si, 
comme  on  le  prétend,  le  diplôme  d'herboriste  doit  être  suppritiié.  Elles  ont 
cependant  leur  raison  d'être.  La  vente  au  détail  des  drogues  simples  est  inter- 
dite aux  épiciers  et  aux  droguistes  non  pourvus  du  diplôme  de  pharmacien.  La 
vente  des  plantes  médicinales  doit  être  également  défendue  à  ceux  qui  n'ont  pas 
acquis  par  des  études  spéciales  les  connaissances  nécessaires  pour  ne  pas  les  con- 
fondre les  unes  avec  les  autres  et  pour  ne  pas  commettre  par  suite  des  erreurs 
très-préjudiciables  à  la  saule  publique.  Ueste  à  savoir  si  les  gnranlies  offertes 
par  le  diplôme  d'herboriste  sont  suiïîsanles  et  s'il  ne  serait  pas  utile  de  révi- 
ser la  législation  à  cet  égard.  Au  moins  conviendrait-il  de  modilier  la  nomen- 
clature des  substances  que  le  tableau  annexé  à  l'ordonnance  du  20  septembre 
1820  a  énuméiées  et  à  propos  desquelles  il  soumet  les  droguistes,  épiciers  et 
herboristes,  à  la  visite  des  mspecteiirs  en  pharmacie.  Peut-être  seiail-il  non 
moins  opportun  d'examiner  s'il  ne  serait  pas  nécessaire  d'autoriser  les  herbo- 
ristes à  vendre  les  plantes  exotiques  aussi  bien  que  les  plantes  médicinales  in- 


588  HÉRÉDITÉ. 

digènes,  sèches  ou  fraîches,  ou  les  parties  usuelles  (racines,  feuilles,  tiges, 
fleurs)  de  ces  plantes.  On  comprend  que  Ton  interdise  aux  hei  boristes  de  pré- 
parer eux-mêmes,  pour  les  vendre  ensuite,  des  décoctions,  tisanes,  emplâtres, 
ce  qui  serait  empiéter  sur  le  domaine  de  la  pharmacie.  On  comprend  plus 
difficilement  qu'il  ne  leur  soit  permis  que  de  vendre  les  plantes  indigènes. 
Ajoutons  que  l'herboriste  ne  peut,  à  Paiis  du  moins,  cumuler  aucun  autre 
commerce  que  celui  de  grainetier  (Ordonn.  du  14  nov.  an  Xll,  art.  7).  Cette 
restriction  est-elle  observée  dans  l'espèce?  Il  est  permis  d'en  douter.  Aussi 
convient-il  d'attendre  que  la  révision  des  lois  qui  régissent  la  médecine  et  la 
pharmacie  vienne  mieux  définir  les  attributions  de  tous  ceux  qui,  en  vendant 
des  pioduits  parfois  nuisibles,  sont  exposés  par  ignorance  à  commettre  de  dan- 
gereuses erreurs.  L.  Lereboullet. 

IIERCLXES  (Bains  d').      Voy .   UEUADIA. 

nEREDiA  (Les  deux). 

lleredia  (Gaspar-Caldera  de).  Médecin  espagnol,  né  vers  la  fin  du  dix- 
septième  siècle.  Sa  famille  était  originaire  du  Portugal.  Reçu  docteur  à  Sala- 
manijuc,  il  a  publié  :  Tribunal  Apollini  sacrum,  medicum,  magicuin  et  politl- 
cum,  etc.  Leyde,  1G58,  in-fol.  —  Tribunalis  medici  illustrationes  praclicœ, 
hoc  est,  fehrium  et  symptomatum  exactissima  curatio,  etc.,  avec  le  précédent, 
Anvers,  16G3,  in-fol.  L.  Hs. 

Heredia  (Pecro-Micuel  de).  Professeur  de  l'Université  d'Alcala  de  Henares, 
médecin  du  roi  Philippe  IV,  mort  vers  1662.  Sa  réputation  s'était  répandue 
dans  toute  l'Europe.  Après  sa  mort  fut  publié  à  Leyde,  en  1665,  in-ful.,  un 
ouvrage  considérable  de  sa  façon,  s'occupant  des  fièvres,  des  maladies  aiguës, 
des  maladies  épidémiques,  de  celles  des  femmes,  avec  un  appendice  sur  le 
sommeil,  les  veilles  et  la  nature  et  les  causes  du  délire.  L.  Il-\. 

BÉRÉDITÉ.     «  Quel  monstre  est-ce  que  ceste  goutte  de   semence,  dequoy 
«  nous  sommes  produits,  porte  en  soy  les  impressions,  non  de  la  forme  corpo- 
«  relie  seulement,  mais  des  pcnsements  et  des  inclinations  de  nos  pères?  Ceste 
«  goutte  d'eau,  où  loge  elle  ce  nombre  infini  de  formes?  et  comme  portent  elles 
«  ces  ressemblances  d'un  progrès  si  téméraire  et  si  desréglé  que  l'arrière  fils 
«  respondra  à  son  bisaïeul,  le  nepveu  à  l'oncle?  »  Cet  émerveillement  qu'inspi- 
raient au  vieux  Montaigne  les  curieux  phénomènes  de  l'hérédité,  il  faut,  pour  ne 
pas  l'éprouver,  avoir  bien  présentes  à  l'esprit  les  phases  diverses  de  lu  repro- 
duction dans  le  monde  organique.  11  ne  sera  pas  inutile  d'en  faire  ici  l'énumé- 
ration  :  1"  Reproduction  par  division,  scissiparité;   l'organisme  se  segmente 
simplement  et  dans  ce  cas  rien  de  plus  naturel  que  la  ressemblance  des  Irag- 
ments  au   tout   dont  ils   proviennent;  2"  Reproduction  par  gemmation;  ici 
l'organisme  produit  n'est  pas  du  même  âge  que  l'organisme  producteur;  c'est 
une  scissiparité  atténuée,  mais  enfin  l'engendré  est  toujours  un  fragment  de 
l'engendreur  ;  5»  Reproduction  par  bourgeons  germinatifs  ;  un  petit  groupe  de 
cellules  s'isole,  grandit,  et  devient  un  individu  analogue  à  l'organisme  géné- 
rateur (Tréaiatodes)  ;  4°  Reproduction  par  cellules  germinales)  sporogome)  ; 
une  cellule  unique  se  sépare  de  ses  voisines,  s'en  détache  et  devient  le  point  de 


HÉRÉDITÉ.  589 

départ  d'un  individu  nouveau;  cette  cellule  a  reçu  le  nom  de  spore;  5°  Repro- 
duction sexuée;  la  cellule  reproductrice,  ou  femelle,  a  besoin  d'être  imprégnée, 
fécondée  par  une  cellule  mâle. 

Comme  on  le  voit,  de  la  scissiparité  à  la  reproduction  sexuée  il  y  a  toute  une 
échelle  de  transitions  graduée?:,  mais,  en  définitive,  quel  que  soit  le  mode  de 
reproiluction,  le  produit  est  toujours  une  partie  détachée  du  ou  des  producteurs  : 
il  est  donc  fort  naturel  qu'il  leur  ressemble.  Sans  doute,  dans  la  reproduction 
bisexuée  des.  organismes  supérieurs,  les  éléments  qui  s'imprègnent  mutuelle- 
ment dans  l'acte  de  la  généi-ation  sont  d'un  volume  extrêmement  réduit  rela- 
tivement aux  générateurs,  mais  cela  n'entrave  nullement  l'iiérédilé.  En  effet, 
ce  qui  se  transmet  des  progéniteurs  aux  descendants,  c'est  essenlieliement  un 
mode  spécial  de  mouvement  moléculaire  ;  la  quantité  de  matière  transmise  im- 
porte fort  peu. 

Ctlte  vue  fondamentale  n'empêche  point  les  phénomènes  de  l'hérédité  d'être 
infiniment  com|ile\es  et  extrêmement  curieux.  Notre  tâche  est  maintenant  de 
les  résumer  succinctement. 

I.  Les  êtres  vivants  sont  éminemment  périssables;  tout  ce  qui  est  organisé 
est  éphémère.  A  chaque  seconde,  dans  le  vaste  domaine  des  règnes  végétal  et 
animal,  des  milliers  d'organismes  succombent,  cédant  la  place  à  des  milliers 
d'autres  organismes  qui  surgissent  dans  la  vie.  Pourtant,  en  n'y  regard;mt  pas  de 
très-près,  il  semble  que  l'aspect  général  de  l'univers  vivant  soit  invariable;  la 
forme  qui  succède  est  en  apparence  la  leproduction  de  celle  qui  l'a  précédée. 
Pour  découvrir  des  différences,  il  faut,  d'une  part,  scruter  de  très- près  les  indi- 
vidus, les  confronter  l'un  à  l'autre  ;  d'autre  part,  il  est  nécessaire  d'étudier 
l'évolution  du  monde  organisé  dans  le  temps  et  dans  l'espace.  Le  fait  qui  frappe, 
si  l'on  n'élargit  pas  le  champ  de  l'observation,  c'est  la  grande  ressemblance  des 
descendants  aux  ascendants,  et  lun  est  tout  d'aboid  conduit  à  regarder  l'héré- 
dité comme  la  règle  et  le  défaut  d'iiérédité  comme  une  rare  exception. 

C'est  qu'en  effet  la  tendance  à  la  régulière  transmission  des  caractères  est 
pui^sante,  car  elle  résulte  d'un  less  transmis  plus  on  moins  fidèlement  à  travers 
la  chaîne  infiniment  longue  des  générations.  Les  grands  types  organiques,  ceux 
des  classes,  par  exemple,  sont  bien  rarement  troublés  par  d'importantes  pertur- 
bations dans  leur  transmission  héréditaire.  Jamais  un  mammifère  n'engendre 
un  reptile;  jamais  un  oiseau  ne  [iroduit  un  poisson,  etc.  Les  genres,  les  espèces 
même,  se  reproduisent  dans  leur  descendants  avec  une  suffisante  régularité: 
c'est  ce  qui  rend  possible  la  taxinomie  des  êtres  organisés.  Pourtant  celte  régu- 
larité exemplaire  est  entacliée  d'irrégularité.  Sans  doute  le  descendant  est 
l'image  des  jjarents,  mais  cette  image  n'est  jamais  un  portrait.  Parfois  même 
"de  violents  écarts,  dénommés  monstruosités,  surgissent  comme  des  faits  révo- 
lutionnaires; et,  si  l'on  étudie  attentivement  l'histoire  du  monde  vivant,  on 
découvre  vite  qu'en  fait  la  fixité  est  seulement  apparente,  qu'elle  se  résume  en 
une  variabilité  lente  et  constante,  ayant  pour  résultat  dei'uier  le  perfectionne- 
ment ou  la  décadence  des  types  soi-disant  fixés. 

Comme  l'avait  déjà  remarqué  Lucas  et  comme  l'ont  signalé  après  lui  Darwin 
et  Ilœckel,  deux  tendances  rivales  luttent  au  sein  de  chaque  être  organisé  :  une 
loi  û'nérédité,  par  laquelle  la  nature  s'imite,  se  répèle,  et  une  loi,  que  Lucas 
appelle  d'innéité,  par  laquelle  elle  crée,  elle  invente.  La  grande  doctrine  trans- 
formiste nous  a  appris  que  cette  dernière  loi  se  résume  en  un  effort  de  l'indi- 
vidu pour  s'adapter  aux  conditions  de  son  existence  et  en  une  sélection  néces- 


590  HÉRÉDITÉ. 

saire  ayant  pour  résultat  final  la  survivance  du  plus  apte,  de  l'organisme  qui  se 
plie  avec  le  plus  de  souplesse  aux  exigences  du  milieu  naturel  ou  artificiel.  De 
là  une  perpétuelle  et  lente  évolution  morpliologi(pie  et  dynamique,  une  évolu- 
tion qui  est  loin  d'être  toujours  progressive,  car  il  s'agit,  pour  durer,  persister, 
de  se  soumettre  aux  fatalités  du  milieu,  quel  qu'il  soit,  cela  aveuglément  et 
sans  but,  sans  fin  dernière. 

Si,  dans  la  presque  totalité  des  cas,  le  descendant  reproduit  servilement 
l'ascendant,  c'est  qu'il  en  est  simplement  la  continuation.  Dans  les  modes  infé- 
rieurs de  génération,  par  scissiparité,  gemmation,  l'engendré  est,  comme  nous 
l'avons  vu,  littéralement  un  fragment  du  générateur.  Si  l'on  regarde  au  fond 
des  choses,  il  n'en  va  pas  différemment  dans  le  mode  beaucoup  plus  compliqué 
de  la  génération  ovulaire.  Mais  alors,  dans  chaque  ovule,  sommeille  tout  un 
enchaînement  de  virtualités,  de  représentations  anceslrales,  tout  le  résumé  des 
impressions  subies,  de  l'expérience  lentement  acquise  par  d'innombrables  géné- 
rations, d'oîi  tendance  impérieuse  pour  l'individu  organisé,  provenant  de  l'ovule, 
à  revêtir  telle  ou  telle  forme,  à  sentir  et  à  agir  de  telle  ou  telle  manière. 

De  ces  tendances  les  unes  sont  puissantes,  presque  irrésistibles  ;  les  autres 
sont  débiles  encore.  Ces  dernières  sont  ou  les  plus  récemment  acquises,  les  moins 
consolidées  par  l'habitude  ancestrale,  ou  au  contraire  celles  qui  remontent  à 
une  époque  extraordinairement  lointaine,  où  les  ancêtres  ayant  une  forme,  une 
organisation  notablement  différentes,  devaient  s'adapter  à  des  conditions  d'exis- 
tence disparues  :  sur  ces  tendances  archaïques  l'oubli  organique  se  fait;  et  pour- 
tant, même  alors,  la  force  de  transmission  héréditaire  se  révèle  encore  de 
temps  à  autre  par  des  poussées  inattendues  qui,  pour  un  moment,  ressuscitent 
le  passé,  et  dont  nous  aurons  à  dire  quelques  mots  en  traitant  de  l'atavisme. 
Mais  auparavant  nous  étudiei'ons  la  tendance  antagoniste,  le  penchant  à  la  varia- 
bilité dans  ses  effets  et  dans  ses  causes. 

II.  Tout  être  organisé,  avons-nous  dit,  est  constamment  en  évolution.  Son 
invariabilité  n'est  qu'apparente;  c'est  une  illusion  résultant  de  la  biièvelé  de 
notre  vie  individuelle  et  même  de  la  courte  durée  de  l'expérience  consciente  du 
genre  humain  en  regard  des  énormes  périodes  géologiques.  Ainsi  E.  Larlet,  en 
comparant  les  crânes  des  Mammifères  tertiaires  à  ceux  des  Mammifères  actuels, 
a  constaté  que  chez  les  derniers  le  crâne  est  plus  volumineux  et  que  les  cir- 
convolutions cérébrales  sont  plus  complexes,  dans  les  mêmes  espèces.  La  trans- 
mission héréditaire  s'est  régulièrement  effectuée,  mais  les  acquisitions  des 
descendants  ont  peu  à  peu  grossi  le  patrimoine.  C'est  là  un  bel  exemple  de 
modification  progressive.  Les  organes  rudimentaires,  si  nombreux,  chez  les 
végétaux,  les  animaux  et  chez  l'homme,  attestent  que  parfois  l'évolution  est 
régressive.  Nous  ne  pouvons  que  rappeler  les  plus  connus  de  ces  organes  dégé- 
nérés, par  exemple,  les  muscles  inutiles  du  pavillon  de  l'oreille  humaine,  la 
caroncule  lacrymale  de  l'homme,  vestige  d'une  troisième  paupière  existant 
encore  chez  les  Reptiles,  chez  les  Oiseaux,  chez  certains  Mammifères.  Citons 
encore  les  yeux  atrophiés  de  la  taupe,  des  animaux  vivant  dans  les  cavernes, 
l'inutile  épaule  osseuse  de  nos  orvets,  le  poumon  amoindri  des  serpents,  etc.,  etc. 

C'est  que,  en  dépit  de  l'hérédité,  tout  organe  inutile  ou  nuisible  tend,  par  la 
force  des  choses,  à  s'étioler  et  à  disparaître.  En  même  temps  d'autres  organes, 
mieux  adaptés  aux  exigences  de  la  lutte  pour  vivre,  se  développent.  Cette  alter- 
nance a  été  appelée  loi  de  compensation  ou  de  balancement  de  croissance  (E.  G. 
Saint-Hilaire),  et  elle  signifie  que  dans  chaque  être  organisé,  les  ressources  du 


HÉRÉDITÉ.  591 

budget  biologique  étant  limiléos,  toute  dépense  exagérée  nécessite,  d'autre  part, 
des  annulations  de  crédit. 

Rien  de  plus  naturel  que  ces  modifications  organiques  par  compensation. 
Mais,  dans  d'autres  cas,  nous  ne  pouvons  que  constater  la  corrélation  des  chan- 
gements de  forme  ou  de  volume  de  tels  ou  tels  organes  :  le  lien  logique  nous 
échappe.  Pourquoi  les  cluiis  blancs  sont-ils  habituellement  sourds?  Pourquoi, 
chez  nos  Mamniileres  domestiques,  les  membres  et  la  tète  s'allongent-ils  en 
même  temps,  etc.,  etc.? 

D'autres  observations  générales  ont  été  faites,  au  sujet  de  la  variation  des 
organes.  On  les  a  décorées  un  peu  prémahnéincnt  du  beau  nom  de  lois.  Tout 
d'abord,  une  fois  la  fixité  héréditaire  ébranlée,  on  voit  la  tendance  à  la  variation 
s'accentuer  de  plus  en  plus;  le  nouveau  triomphe  de  plus  en  plus  de  l'ancien, 
et  cette  règle  est  aussi  vraie  en  sociologie  qu'en  biologie. 

Autre  loi  :  quand  un  organe  esl  extrêmement  développé  dans  une  espèce,  il 
est  très-sujet  à  varialioD  ;  c'est  qu'il  esl  dans  l'organisme  un  nouveau-venu,  un 
usurpateur,  que  la  tradition  héréditaire  n'a  pas  encore  suffisamment  consolide. 

Enfin,  dans  les  organismes  supérieurs,  se  reproduisant  par  génération  sexuée, 
toute  variation,  quelle  qu'en  soit  la  cause,  apparaissant  pour  la  première  fois 
chez  un  individu  de  l'un  ou  de  l'antre  sexe  à  une  époque  tardive  de  la  vie,  tend 
à  ne  se  transmettre  que  chez  les  individus  de  même  sexe. 

Ce  fait  général  est  à  rapprocher  des  lois  d'hérédité  dans  les  mêmes  régions 
et  aux  mêmes  âges,  de  l'hérédité  homotopique  ou  bomochronique.  Mais  ces 
soi-disant  lois  sont  sujettes  à  nombre  d'exceptions. 

Bien  des  causes  en  effet  peuvent  altérer  plus  ou  moins  rapidement  la  régu- 
larité de  la  transmission  héréditaire.  Les  plus  simples,  les  plus  facilement 
observables,  sont  les  changements  dans  les  conditions  de  l'existence,  soit  dans 
l'alimentation,  soit  dans  les  milieux  extérieurs.  Fussent-ils  même  légers,  ces 
changements  ont  parfois  une  grande  influence,  pourvu  que  l'être  organisé  soit 
soumis  pendant  longtemps  à  leur  action.  Alors  les  effets  s'accumulent;  peu  à 
peu  la  résistance  organique  est  vaincue  et,  au  bout  de  quelques  générations, 
l'hérédité  est  sérieusement  battue  en  brèche! 

En  vertu  d'une  loi  précédemment  citée,  nos  animaux  domestiques,  dont  la 
fixité  morphologique  est  déjà  ébranlée,  sont  plus  dociles  aux  influences  modifi- 
catrices. Parmi  ces  agents  perturbateurs  de  l'hérédité,  il  en  est  un  dont  les 
éleveurs  signalent  particulièrement  la  puissance,  c'est  l'alimentation  surabon- 
dante. Fréquemment  les  animaux  trop  noiirris,  les  plantes  transportées  d'un 
sol  pauvre  dans  un  sol  riche,  deviennent  stériles.  Comme  le  remarque  Darwin, 
on  ne  peut  guère  attribuer  qu'à  l'excès  de  nourriture  les  nombreuses  et  impor- 
tantes variations  subies  par  nos  pigeons  domestiques  et  nos  volailles.  D'habiles 
horticulteurs,  Hardy  and  Son,  disaient  à  Darwin  que  pour  conserver  une  souche 
intacte  ils  avaient  soin  de  la  cultiver  dans  un  sol  maigre  et  non  fumé.  En 
résumé,  la  fantaisie  novatrice  semble  bannie  de  l'organisme,  quand  l'alimenta- 
tion suffit  strictement  à  l'entretien  de  ce  qui  existe. 

Citons  en  second  lieu  parmi  les  causes  modificatrices  dont  l'homme  peut  se 
servir  le  plus  aisément  pour  combattre  l'hérédité  l'exercice,  l'usage  ou  le  défaut 
d'usage  des  organes,  entraînant  d'ordinaire  plus  ou  moins  l'hypertrophie  ou 
l'atrophie.  On  le  sait,  c'était  là,  aux  yeux  de  Lamarck,  la  grande  cause  de  la 
transformation  des  êtres  organisés. 

Le  brusque  changement  de  climat  est  aussi  une  cause  active  de  modification 


,592  HÉRÉDITÉ. 

organique.  D'intéressantes  observations  ont  été  faites  à  ce  sujet  sur  nos  plantes 
et  nos  animaux  domestiques.  Les  changements  ainsi  provoqués  ont  été  tantôt 
anatomiques,  tantôt  physiologiques.  Les  exemples  abondent  : 

Les  cucbons  d'Europe,  transportés  par  les  Espagnols,  en  1509,  dans  l'île  de 
Cubagna,  ont  dégénéré  en  une  race  ayant  des  pinces  d'une  demi-palme  de  lon- 
gueur. En  Colombie,  les  vaches,  que  l'abondance  du  bétail  ne  permettait  plus 
de  traire,  ont  subi  une  atrophie  relative  des  glandes  mammaires  ;  leurs  mamelles 
ont  cessé  de  se  remplir  de  lait  en  dehors  du  temps  nécessaire  à  l'allaitement  de 
leur  veau.  Sous  les  tropiques,  nos  moutons  perdent  leur  toison  abondante  après 
quelques  générations.  De  même  le  maïs  perd,  en  Europe,  ses  caractères  après 
trois  ou  (pialre  générations. 

Rappelons  enfin  l'apparition  de  races  nouvelles  eu  Amérique,  les  moutons- 
loulreset  les  bœufs  natos,  dont  nous  aurons  à  reparler. 

Les  modifications  physiologiques  ne  sont  pas  moins  intéressantes.  On  sait, 
par  exemple,  que  nos  chiens,  devenus  sauvages,  perdent  la  faculté  d'aboyer; 
que,  dans  l'Amérique  du  Sud,  les  brebis  et  les  chèvres  ont  deux  portées  par 
an,  etc.,  etc.  Ces  faits  prouvent  donc  à  l'évidence  que  le  pouvoir  de  l'hérédité  a 
ses  limilcs. 

111.  Comme  il  ressort  déjà  des  pages  précédentes,  la  grande  question  de  l'hé- 
rédilé  est  loin  d'être  élucidée.  Le  jour  où  ses  lois  seront  suffisamment  connues, 
la  biologie  entrera  dans  la  phase  glorieuse,  rêvée  par  CI.  Bernard;  alors  l'héré- 
dité pourra  être  scientifiquement  dirigée,  maîtrisée,  et  elle  permettra,  dans  une 
plus  ou  moins  large  mesure,  de  modeler  les  organismes  vivants.  Pour  le  pré- 
sent, nous  n'en  sommes  encore  qu'à  la  période  inchoative,  celle  qui  consiste  à 
rassembler  des  faits  souvent  contradictoires.  De  ces  faits  ceux  qui  ont  trait  à  la 
transmission,  à  la  production  des  sexes,  à  l'influence  du  sexe  sur  l'hérédité, 
sont  intéressants  à  étudier. 

Tout  d'abord  nous  devons  signaler  un  phénomène  sur  lequel  nous  aurons  à 
revenir  en  parlant  de  l'atavisme,  savoir  la  transmission  par  la  mère  des  carac- 
tères sexuels  paternels,  primaires  et  secondaires  (cornes,  crêtes,  etc.),  que 
pourtant  elle  ne  possède  pas.  Les  particularités  sexuelles  de  l'autre  sexe  existent 
donc  chez  la  femelle  à  l'état  en  quelque  sorte  virtuel,  et  cette  virtualité  peut 
d'ailleurs  se  réaliser  dans  une  certaine  mesure,  chez  la  femelle  elle-même, 
quand  elle  perd  plus  ou  moins  les  attributs  de  son  sc\e,  dans  la  vieillesse,  par 
exemple,  ou  après  l'ablation  des  ovaires  nombre  de  femelles  d'oiseaux  (paons, 
canes)  révèlent  partiellement  les  caractères  secondaires  mâles  de  leur  espèce,  et 
des  piiénomènes  analogues  s'observent  chez  l'homme  après  la  castration,  chez 
la  femme  après  la  ménopause. 

Rien  d'ailleurs  de  plus  obscur  encore  que  l'influence  du  sexe  dans  l'hérédité. 
Ainsi  parmi  les  chevaux  de  course  anglais  on  voit  certaines  juments  ou  certains 
mâles  transmettre  fréquemment  leurs  caractères  à  leurs  produits,  certains  autres 
non.  Le  fameux  cheval  de  course  Éclipse  procréa  3 j4  chevaux  vainqueurs;  une 
autre  gloire  chevaline,  King  Ilerold,  eut  497  descendants  victorieux;  mais  le 
plus  souvent  pourtant  les  deux  procréateurs  ont  une  influence  sensiblement 
égale  sur  leur  progéniture.  Ainsi  les  chameaux  accouplés  aux  dromadaires  ont 
un  pouvoir  de  transmission  équivalent,  et  ils  produisent  en  nombre  égal  des 
petits  pourvus  les  uns  d'une  bosse,  les  autres  de  deux.  D'un  récent  travail  de 
Fr.  Gallon  il  résulte  que,  dans  l'espèce  humaine,  la  taille  d'un  individu  est 
d'ordinaire  intermédiaire  non-seulement   à  celle  de  ses  progéniteurs  directs, 


HEREDITE.  595 

mais  à  la  taille  moyenne  de  leurs  races,  s'ils  sont  de  races  diverses.  La  loi  se 
formulerait  ainsi  :  la  stature  du  produit  est  égale  en  moyenne  au  tiers  de  la 
somme  de  la  taille  du  père,  de  la  taille  de  la  mère  et  de  la  taille  moyenne  de 

la  race. 

Les  résultats,  peuvent  varier  avec  le  type  zoologique  :  ainsi  chez  les  abeilles 
on  voit  des  individus  ayant  sur  une  des  moitiés  latérales  du  corps  la  forme  mâle, 
tandis  que  l'autre  est  femelle. 

Pourtant,  quand  les  deux  progéniteurs  possèdent  congénitalement  une  même 
particularité,  il  y  a  grande  probabilité  qu'elle  se  transmettra  au  moins  à  une 
partie  de  leurs  descendants;  mais  ce  n'est  qu'une  probabilité.  En  effet  pourquoi 
le  frêne  pleureur  lègue-t-il  rarement  son  faciès  spécial  à  ses  rejetons,  et  pour- 
quoi au  contraire  le  chêne  pleureur  le  rétrocède-t-il  à  la  plupart  d'entre  eux? 

En  ce  qui  coneerno  la  production  du  sexe  lui-même,  nous  ne  sommes  guère 
mieux  renseignés,  car  il  semble  bien  qu'il  faille  renoncer  à  la  théorie,  si  simple 
et  si  séduisante,  de  M.  Thury  (de  Genève),  qui  rattachait  la  production  du  sexe 
mâle  uniquement  à  un  plus  grand  degré  de  maturité  de  l'ovule  au  moment  de 
la  fécondation.  Rappelons  que  déj;i  llippocrate  avait  indiqué,  comme  favorable 
îi  la  production  du  sexe  mâle,  le  moment  de  la  complète  cessation  des  règles, 
tandis  qu'au  contraire,  disait-il,  on  obtenait  le  sexe  féminin,  si  la  conception 
avait  lieu  un  peu  avant  la  fin  des  règles,  mais  quand  elles  avaient  abondam- 
ment coulé  {De  la  super fétation). 

Dans  l'hypothèse  que  nous  venons  de  rappeler,  on  ne  s'est  occupé  que  de 
l'ovule,  mais  la  qualité  du  sperme  a  sûrement  une  importance  équivalente  et 
cette  influence  est  même  mieux  établie. 

En  effet  des  faits  nombreux  attestent  que  la  débilité  du  mâle  est  favorable  à 
la  procréation  des  femelles.  De  plus,  au  dire  de  Lafont-Pouloli,  tout  cheval  7ja?'es- 
seux  à  la  monte  ne  procrée  que  des  individus  faibles  et  mal  constitués.  Enfin, 
les  produits  d'un  vieux  mâle  et  d'une  jeune  femelle  ressemblent  plus  à  leur  mère 
et  d'autant  plus  que  le  père  est  plus  décrépit.  Notons  encore  que  dans  l'Aveyron 
les  brebis  turgos,  c'est-à-diie  ayant  été  tenues  une  année  éloignées  du  mâle, 
produisent  l'année  suivante  plus  de  femelles  que  de  mâles. 

Pourtant,  comme  en  matière  d'hérédité  les  faits  contradictoires  abondent,  la 
polygamie  et  les  abus  sexuels  des  étalons  de  nos  haras  semblent  sans  effet  sur 
la  natalité  sexuelle,  car  leurs  descendants  mâles  et  femelles  sont  en  nombre 
sensiblement  égal. 

Cependant  les  variations  de  la  natalité  sexuelle,  chez  l'homme,  non-seulement 
suivant  les  races,  mais  même  suivant  les  classes,  suivant  la  profession,  semblent 
bien  prouver  que  la  détermination  du  sexe  dépend  de  circonstances  secondaires. 
11  vaut  la  peine  de  rappeler  ces  faits  si  curieux. 

En  Europe,  les  naissances  mâles,  prises  en  bloc,  sont  de  1055  contre  1000  nais- 
sance féminines.  Mais  c'est  là  un  fait  et  non  pas  une  loi,  puisque  la  natalité 
masculine  est  notablement  plus  forte  chez  les  Juifs  et,  exception  plus  curieuse 
encore,  chez  les  clergymen  anglais. 

En  Europe,  avons-nous  dit,  la  proportion  de  la  natalité  masculine  à  la  natalité 
féminine  est  représentée  à  peu  près  par  1055  :  1000,  mais  d'après  Quételet,  de 
1815  à  1820,  il  naquit  au  cap  de  Bonne-Espérance,  chez  les  Européens,  6780  filles 
et  seulement  6604  garçons,  tandis  que,  durant  le  même  laps  de  temps,  il  était 
né,  chez  les  esclaves,  29Ô6  garçons  et  2826  filles. 
Nous  ne  pouvons  que  citer  ces  faits  contradictoires,  mais  ils  ne  sont  pas  de 
mcT.  ENC.  4^  s.  XIII.  58 


b9i  HÉRÉDITÉ. 

nature  à  faire  regarder  comme  insoluble  le  problème  de  la  procréation  des  sexes 
à  volonté. 

Chaque  individu,  dans  une  espèce  donnée,  ayant  sa  puissance  héréditaire 
propre,  indépendamment  de  la  force  anceslrale  commune  qui  détermine  le  tvpe 
spécifique,  on  peut  dire  que,  chez  les  espèces  bisexuées,  tout  individu  est  le 
résultat  d'un  croisement.  Mais,  la  puissance  héréditaire  étant  inégale  cliez  les 
deux  progénitcurs,  le  produit  est  assez  rarement  la  moyenne  de  ses  parents; 
presque  toujours,  tout  en  ayant  hérité  de  caractères  partiels  appartenant  à  l'un 
ou  à  l'autre  de  ses  auteurs,  il  incline  manifestement  vers  l'un  ou  l'autre.  Par- 
fois cependant  l'un  des  progénileurs  semble  annihilé;  la  prépondérance  dans 
la  transmission  est  toute  d'un  côté.  Pareille  chose  arrive  aussi  dans  les  croise- 
ments hybrides  des  végétaux  et  des  animaux,  où  le  conflit  des  influences  est 
amplifié  et  donne  des  résultats  plus  frappant  :  ainsi  l'hybride  du  chacal  et  du 
chien  se  rapproche  manifestement  du  chacal,  tandis  que  l'hybride  du  chien  et 
du  loup  ressemble  tantôt  à  l'un,  tantôt  à  l'autre. 

Dans  le  métissage  du  blanc  et  du  nègre,  le  produit,  le  plus  souvent  intermé- 
diaire, incline  cependant  tantôt  d'un  côté,  tantôt  de  l'autre;  parfois  l'influence 
de  l'un  des  parents  éclipse  totalement  celle  de  l'autre.  Ainsi  Bégon  a  vu  aux 
Antilles  des  jumeaux  d'une  négresse  qui  étaient,  l'un  blanc  à  cheveux  longs, 
l'autre  noir  et  à  cheveux  crépus  (Lucas,  II,  46).  De  même  un  nègre  de  Berlin  eut, 
d'une  femme  blanche,  sept  filles  mulâtresses  et  quatre  filsblancs  (Lucas,  I,  212). 

Les  cas  d'hérédité  croisée,  de  la  mère  au  fils  ou  du  père  à  la  fille,  sont  assez 
communs  chez  l'homme,  et  des  faits  analogues  s'observent  aussi  dans  le  mélis- 
sase  des  animaux. 

Il  arrive  encore  que  l'un  des  parents  transmette  exactement  un  caractère 
isolé  :  cela  se  voit  aussi  chez  l'homme  dans  le  métissage. 

De  tous  ces  faits  si  variés,  si  contradictoires  parfois,  on  peut  conclure  que  ce 
qui  domine  habituellement  dans  l'hérédité,  aussi  bien  au  sein  d'une  même  espèce 
que  dans  les  croisements  hybrides  et  métis,  ce  n'est  pas  l'influence  sexuelle, 
mais  bien  les  degrés  divers  de  consolidation  soit  du  type,  soit  de  tel  ou  tel  carac- 
tère chez  l'un  des  progéniteurs.  Celui  des  deux  auteurs  qui  appartiendra  à  la 
race  la  plus  ancienne,  la  moins  mélangée,  aura,  quel  que  soit  son  sexe,  la  vic- 
toire dans  le  conflit.  C'est  sûrement  pour  cette  raison  qu'en  se  croisant  avec  les 
autres  races  humaines  les  Chinois  l'emportent  d'ordinaire  dans  la  transmission 
héréditaire  du  type. 

Une  observation  intéressante  et  sûrement  applicable  à  l'humanité  a  été  faite 
sur  les  métis  des  animaux  domestiques  :  le  mélange  de  deux  types  distincts, 
divers,  a  parfois  pour  résultat  de  donner  des  produits  fort  sauvages  :  il  semble 
alors  que  les  habitudes  sociables  des  parents  se  contrarient,  se  neutrahsent,  et 
laissent  par  suite  libre  essor  au  fonds  commun  plus  ancien,  à  la  sauvagerie  pre- 
mière. On  a  affirmé  souvent  qu'il  en  est  de  même  chez  les  métis  humains. 
Mais,  dans  ce  dernier  cas,  le  fait  serait  à  retenir,  car  il  serait  gros  d'applications 
pratiques. 

IV.  Une  variation,  quelle  qu'en  soit  la  cause,  étant  produite,  il  y  a  évidem- 
ment bien  des  chances  pour  qu'elle  ne  se  transmette  point.  Tout  d'abord,  chez 
les  espèces  bisexuées,  l'influence  de  l'un  des  progéniteurs  contrarie  d'ordinaire 
celle  de  l'autre  :  la  routine  iait  échec  aux  tendances  novatrices.  Mais,  dans  le  cas 
même  où  les  deux  parents  seraient  dotés  de  la  même  particularité  nouvelle, 
chacun  d'eux  porte  en  soi  la  puissante  influence  de  l'hérédité  ancestrale,  qui  par 


HÉRÉDITÉ.  595 

essence  travaille,  le  plus  souvent  victorieusement,  à  réprimer  les  écarts  mor- 
phologiques ou  physiologiques. 

Mais  contre  cette  despotique  tradition  organique,  ennemie  de  tout  change- 
ment, lutte  une  intUience  révolutionnaire,  la  sélection,  si  admirablement  étu- 
diée par  Darwin,  et  que  nous  ne  pouvons  ici  que  mentionner  en  passant.  Toute 
la  doctrine  de  la  sélection  se  résume  d'ailleurs  en  une  observation  des  plus 
simples,  savoir  que  toute  particularité  nouvelle  a  quelque  chance  d'être  con- 
servée et  transmise,  si  elle  donne  à  l'organisme  qui  en  est  doté  un  avantage 
quelconque  dans  l'universelle  concurrence  vitale. 

Bien  avant  que  Darwin  eût  exposé  la  théorie  de  la  sélection  naturelle  l'homme 
la  pratiquait  artificiellement,  afin  de  fixer  chez  nos  plantes  et  nos  animaux 
domestiques  les  particularités  utiles  pour  lui.  Par  ce  procédé,  et  en  emprun- 
tant à  l'hérédité  elle-même  des  armes  pour  la  combattre,  on  a  formé  jadis  toutes 
nos  races  d'animaux  et  de  plantes  domestiques,  et  de  nos  jours  cette  sélection 
artificielle  est  devenue  un  art  véritable.  IN'ous  nous  bornerons  ici  à  en  citer 
quelques  cas  célèbres.  Par  une  sélection  rigoureuse,  en  croisant  entre  eux  autant 
que  possible  des  individus  analogues,  on  a  créé  la  variété  des  moutons  mérinos 
et  on  est  arrivé  à  porter  progressivement  la  laine  des  brebis  à  une  longueur  de 
22  pouces. 

La  race  des  moutons  ancons,  des  moutons-loutres,  provient  aussi,  par  sélec- 
tion artificielle,  d'im  individu  né  en  1791  et  ayant  sans  cause  connue  un  corps 
plus  long  et  des  pattes  crochues  plus  courtes  que  celles  de  son  espèce. 

Les  bœufs  îiatos  d'Amérique  ont  une  origine  analogue,  ainsi  que  la  plupart 
de  nos  races  chevalines,  bovines,  ovines,  porcines,  et  de  nos  plantes  domes- 
tiques. 

Veut-on  fixer  les  variétés  animales  utiles  à  l'homme,  c'est  forcément  aux 
croisements  consanguins  que  l'on  a  recours.  Mais  la  consanguinité,  si  largement 
pratiquée  par  les  éleveurs,  a  été  souvent  signalée  comme  dangereuse  chez  l'homme. 
Dans  ce  dernier  cas,  il  semble  bien  en  effet  qu'elle  favorise  la  production  de  la 
surdi-mutité,  mais  pourtant,  d'une  manière  générale  et  quand  les  progéniteurs 
sont  bien  organisés,  elle  a  assez  rarement  des  résultats  fâcheux  ;  son  rôle  alors 
est  simplement  d'élever  l'hérédité  à  sa  plus  haute  puissance  et  de  favoriser 
entièrement  la  reproduction  des  particularités  morphologiques  et  physiologiques, 
quelles  qu'elles  soient.  Mais  par  corrélation  de  croissance  ces  caractères  eux- 
mêmes  peuvent  provoquer  diverses  modifications  organiques,  parfois  nuisibles. 
Amsil  escocnons  anglais,  arrivés  par  sélection  consanguine  à  un  énorme  déve- 
opoement  adipeux,  sont  souvent  monorchides  ou  cryptorchides,  tandis  que  les 
truies  perdent  l'instinct  génésique  ou  deviennent  stériles  ;  mais  il  y  a  là,  au 
moins  pour  une  part,  un  effet  de  l'alimentation  surabondante  provoquant  la 
régression  graisseuse. 

De  même  on  a  remarqué  qu'en  raison  de  la  fréquence  des  mariages  consan- 
guins il  y  avait  chez  les  juifs  une  énorme  quantité  de  sourds-muets. 

Chez  nos  animaux  domestiques,  la  sélection  artificielle  parvient  assez  vite  à 
fixer  tel  ou  tel  caractère  donné.  Si  les  deux  progéniteurs,  le  plus  souvent  con- 
sanguins, possèdent  la  particularité  à  fixer,  la  variété  est  créée  après  un  très- 
petit  nombre  de  générations.  Ce  nombre  varie  d'ailleurs  avec  la  natuie  du  carac- 
tère. Selon  Autenrieth  et  Ammon,  deux  générations  suffisent  pour  obtenir  des 
poulains  d'une  couleur  uniforme.  Si  le  caractère  est  plus  important,  les  éleveurs 
demandent  six  à  huit  générations  pour  le  fixer  et  le  mettre  à  peu  près  à  l'abri 


596  HÉRÉDITÉ. 

des  chances  d'hérédité  en  retour,  de  l'atavisme,  de  Va  tenace  inÛuence  ances- 
trale,  dont  nous  allons  maintenant  nous  occuper. 

V.  Elle  est  hien  puissante  cette  tendance  au  retour  vers  les  formes  ancestrales 
disparues;  c'est  qu'elle  représente  une  habitude  organique,  que  se  sont  trans- 
mise jadis  d'innombrables  générations.  Grâce  à  elle,  il  existe  dans  chaque  orga- 
nisme individuel,  à  l'état  latent,  tout  un  passé  disparu,  mais  qui  peut  toujours 
revivre.  Les  générations^alternantes,  celles  des  biphores,  par  exemple,  pourraient 
bien  n'être  que  de  l'atavisme  régularisé. 

Chez  nos  races  végétales  ou  animales  domestiquées,  la  tendance  au  retour  est 
immanente  et  elle  se  manifeste  fréquemment,  bien  plus  que  chez  les  types  sau- 
vages :  c'est  que  la  fixation  des  caractères  domestiques  est  de  date  relativement 
récente.  Ainsi  sur  des  plantes,  levées  de  graine,  Vilmorin  a  vu  souvent  des  fleurs 
revenir  aux  couleurs  primitives  par  des  taches  ou  des  raies,  spécialement  chez 
les  variétés  blanches  ou  pâles,  quoique,  précisément  chez  les  variétés  de  cette 
couleur,  la  teinte  se  transmette  assez  fidèlement. 

De  même  chez  les  Scrofulariées,  sauvages  ou  non,  on  rencontre  assez  souvent 
des  fleurs  à  cinq  pétales  réguliers  (pélorisme),  attestant  que  le  type  personne 
descend  d'ancêtres  à  corolles  régulières. 

Chez  les  animaux  domestiques  et  chez  l'homme,  ces.  revendications  ataviques 
sont  fréquentes,  curieuses  et  suggestives.  Comme  le  remarque  Darwin,  cette 
persistance,  avec  laquelle  un  passé  énormément  lointain  tend  à  ressusciter,  con- 
traste avec  l'infiniment  petite  part  matérielle  attribuable  aux  ancêtres  dans  la 
constitution  des  organismes.  Après  seulement  douze  générations,  celte  propor- 
tion du  sang  ancestral  n'est  plus  que  de  1/2048,  et  pourtant  elle  suffit,  même 
quand  elle  est  bien  plus  atténuée  encore,  à  déterminer  le  retour. 

Quelle  est  l'infime  proportion  du  sang  de  la  Colomba  livia  chez  nos  pigeons 
domestiques?  Cependant  la  réapparition  de  la  couleur  bleue,  propre  à  cet  ancêtre 
si  lointain,  se  constate  fréquemment  dans  nos  colombiers. 

Dans  la  généalogie  de  nos  équidés  domestiques,  l'ancêtre  commun,  à  pelage 
zébré,  est  bien  loin  dans  le  passé,  et  néanmoins  il  n'est  pas  rare  de  voir  nos 
juments  accoucher  de  poulains  zébrés,  ce  qui  même  a  donné  lieu  à  la  fable  de 
l'imprégnation  perpétuelle  de  la  femelle  par  le  premier  mâle  qui  la  féconde. 

De  même,  et  cela  est  moins  extraordinaire,  les  moutons  Southdowns  sans 
cornes  ont  souvent  des  agneaux  mâles  pourvus  de  petites  cornes  et  ayant  un 
pelage  noir. 

Chez  l'homme,  l'atavisme  reproduit  parfois  certains  caractères  qui  semblent 
bien  rappeler  les  plus  lointains  ancêtres  animaux,  ceux  que  les  transformistes 
nous  donnent  pour  de  très- anciens  aïeux  et  dont  notre  évolution  embryologique 
nous  retrace  en  abrégé  la  série.  Citons  d'abord  les  hommes  munis  d'un  appen- 
dice caudal  ayant  parfois  6  à  8  centimètres  de  longueur  et  pourvu  de  vertèbres. 
Les  mamelles  surnuméraires  viennent  aussi  de  temps  en  temps,  chez  la 
femme,  nous  rappeler  la  bassesse  de  notre  origine.  On  en  a  vu  jusqu'à  cinq,  et 
il  en  est  parfois  d'inguinales.  De  même  les  cas  si  fréquents  de  sexdigitatiou 
sont  vraisemblablement  ataviques;  ils  font  revivre  le  souvenir  d'ancêtres  qui 
n'étaient  même  pas  mammifères,  puisqu'aucun  mammifère,  bien  plus,  aucun 
oiseau,  aucun  reptile  actuel,  n'a  normalement  plus  de  cinq  doigts;  ces  anoma- 
lies nous  ramènent  jusqu'à  certains  reptiles  éteints  [Ichthyopterygin). 

L'homme  porc-épic,  dont  le  fameux  Lambert  est  le  type,  a  sans  doute  aussi 
une  origine  atavique. 


HÉRÉDITÉ.  597 

Ces  monstruosités  par  retour  ont  un  caractère  commun,  celui  de  se  transmettre 
ensuite  avec  une  grande  fidélité.  Il  semble  qu'en  ressuscitant  le  passé  recouvre 
une  grande  portion  de  son  ancienne  énergie.  Ainsi  on  a  vu  la  sexdigitation  se 
transmettre  pendant  quatre  générations  consécutives,  tantôt  en  s'atténuant, 
comme  il  arriva  dans  la  famille  Colburn,  tantôt  en  s'exagérant.  Bien  plus,  les 
doigts  surnuméraires  repoussent  parfois  plus  ou  moins  après  amputation.  Or  le 
fait  de  la  régénération  est  aussi,  comme  on  le  sait,  propre  à  l'animalité  infé- 
rieure, et  à  elle  seule. 

Cette  même  puissance  d'hérédité  spéciale  s'observe  encore  chez  les  moutons 
ancons,  chez  les  bœufs  halos  et  vraisemblablement  pour  la  même  cause. 

Si  certaines  irrégularités  morphologiques  sont  attrdjuables  à  l'atavisme,  il 
en  est  d'autres  qui  semblent  plutôt  se  rattacher  aux  tendances  novatrices,  à 
l'action  des  milieux,  à  certains  accidents. 

En  effet,  durant  la  vie  embryonnaire  et  fœtale,  plus  encore  durant  l'ovulation, 
des  causes  fort  légères  peuvent  provoquer  des  monstruosités  diverses.  Ainsi, 
pour  avoir  des  poulets  monstrueux,  il  suffit  de  dresser  les  œufs  de  poule  sur  la 
pointe,  d'en  chauffer  un  peu  plus  que  le  reste  telle  ou  telle  partie,  etc.  (fcleof- 
froySaint-Hilaire,  Dareste). 

J.  G.  Saint-Ililaire  a  constaté  que  les  femmes  pauvres,  obligées  de  travailler 
durement  pendant  leur  grossesse,  ou  hier»  encore  les  filles-mères  contraintes  de 
dissimuler  leur  état,  donnent  plus  souvent  que  les  autres  femmes  naissance  à 
des  monstres.  C'est  que,  durant  l'incubation  ou  la  grossesse,  le  germe  ou  le 
fœtus  sont  en  état  de  rapide  évolution  ;  en  ce  moment  leurs  métamorphoses  se 
succèdent  fiévreusement  et,  si  l'une  d'elles  vient  à  être  troublée,  la  perturbation 
réagit  sur  les  suivantes  :  toute  la  concaténation  peut  être  perturbée. 

L'influence  de  l'atavisme  dans  les  croisements  métis  ou  hybrides  n'est  pas 
moins  intéressante  à  noter.  D'habitude,  les  premières  générations  croisées  sont 
plus  ou  moins  intermédiaires  aux  parents,  mais  peu  à  peu  la  descendance  fait 
le  plus  souvent  retour  à  l'un  des  premiers  progéniteurs,  parfois  à  un  antique 
ancêtre  commun  au  deux  types  croisés.  Ainsi  par  le  croisement  de  pigeons  tota- 
lement dépourvus  de  coloration  bleue  on  obtient  toujours,  parmi  les  descendants, 
des  oiseaux  colorés  en  bleu  ardoisé.  De  même  le  croisement  de  vieilles  et  pures 
races  gallines  sans  trace  de  rouge  a  donné  plusieurs  métis  dont  le  plumage 
était  semblable  à  celui  du  G.  bankiva  (Darwin).  N'oublions  pas  que  des  faits 
analogues  ont  été  observés  pour  l'hérédité  psychitjue. 

Faut-il  aussi  rapporter  à  l'atavisme,  mais  à  uu  atavisme  des  plus  lointains, 
les  modifications  brusques  que  fait  surgir  quelquefois  l'hybridation  des  plantes 
et  qui  ont  été  constatées  par  tant  de  bons  observateurs? 

L'explication  semble,  comme  nous  l'avons  vu,  admissible  pour  certaines 
anomalies  humaines,  mais  chez  les  végétaux  l'analogie  ancestrale  est  moins 
facile  à  constater.  Peut-être  ces  apparitions  soudaines  de  formes  nouvelles  tien- 
nent-elles seulement  à  ce  que  les  hérédités  contraires  des  progéniteurs  se  neu- 
tralisent et  laissent  le  champ  libre  à  la  production  de  types  originaux,  aussi 
bien  qu"a  la  résurrection  de  caractères  disparus. 

Vil.  La  transmission  héréditaire  des  particularités  physiologiques  ou  patho- 
logiques offre  un  intérêt  tout  spécial;  elle  est  peut-être  plus  propre  que  les 
faits  d'hérédité  générale  ou  totale  à  jeter  quelque  jour  sur  les  conditions  et  les 
modes,  si  mal  connus  encore,  de  l'hérédité.  Citons-en  quelques  exemples  : 

La  longévité  est  souvent  héréditaire.  Les  centenaires  ne  s'observent  guère  que 


598  HEREDITE. 

dans  certaines  familles.  Rappelons  le  célèbre  Thomas  Parr,  qui  mourut  à  cent- 
cinquante-trois  ans  et  dont  le  fils  vécut  jusqu'à  cent-vingt-sept  ans. 

Le  tempérament  est  fréquemment  transmis  et  avec  lui  la  couleur  de  la  peau, 
des  cheveux,  des  yeux,  qui  en  est  le  signe  le  plus  apparent. 

On  en  peut  dire  autant  de  la  taille,  mais  la  stature,  le  tempérament,  la  cou- 
leur, doivent  être  souvent  considérés  comme  des  caractères  de  race  ;  leur  trans- 
mission est  donc  toute  naturelle. 

L'hérédité  de  telle  ou  telle  conformation  toute  spéciale  est  plus  curieuse, 
par  exemple,  celle  du  timbre  de  la  voix,  qui  est  si  fréquente  et  parfois  si 
complète. 

Plus  intéressante  encore  est  l'hérédité  de  certains  caractères  acquis,  les  uns 
anatomiques,  les  autres  physiologiques.  Ainsi  Walker  a  constaté  qu'en  Angle- 
terre les  ouviiers  ont,  dès  leur  naissance,  les  mains  plus  grandes  que  celles 
des  classes  aisées.  De  même  la  myopie  est  infiniment  plus  commune  dans  les 
villes  que  dans  les  campagnes,  chez  les  riches  que  chez  les  pauvres. 

D'inlimes  particularités  acquises,  par  exemple,  des  gestes,  des  attitudes, 
même  le  genre  d'écriture,  etc.,  se  transmettent  des  parents  aux  enfants.  Elles 
attestent  que  l'homme  est  variable,  modifiable  dans  une  certaine  mesure;  que 
l'éducation  a  prise  sur  lui  et  qu'à  travers  l'individu  elle  peut  agir  même  sur 
les  descendants. 

VIll.  Puisque  certains  caractères  physiologiques,  innés  ou  acquis,  se  peuvent 
transmettre  à  la  postérité,  l'hérédité  des  aptitudes  pathologiques  n'a  rien  de 
surprenant,  car  la  pathologie  n'est  qu'une  déviation  de  la  physiologie,  mais 
cette  transmission  est  bien  autrement  utile  à  connaître.  Constatons  tout  d'abord 
que  les  difformations  ou  mutilations  accidentelles  ne  sont  pas  d'ordinaire  léguées 
à  la  descendance.  Les  mutilations  ethniques  suffisent  sûrement  à  bien  prouver 
la  fausseté  de  certaines  légendes  qui  ont  cours  au  sujet  de  la  transmission  héré- 
ditaire des  mutilations.  Ainsi  l'avulsion  de  certaines  dents,  l'amputation  de 
certaines  phalanges,  la  circoncision  judaïque,  les  déformations  crâniennes,  pra- 
tiquées durant  des  siècles,  ne  sont  jamais  héritées.  De  même  les  mutilations 
auxquelles  nous  soumettons  nos  animaux  domestiques  semblent  sans  influence 
sur  la  descendance.  Quoique,  comme  le  remarque  Nathusius  [Vortràge  ûher 
Viehzucht  und  Rassenkenntniss,  p.  140),  on  raccourcisse  la  queue  des  moutons 
mérinos,  en  France  et  en  Allemagne,  depuis  plus  d'un  siècle,  l'opération  ne 
cesse  pas  d'être  nécessaire. 

Si  les  mutilations  ne  sont  pas  héréditaires,  et  cela  est  naturel,  puisqu'elles 
ne  résultent  ni  de  la  constitution,  ni  du  tempérament,  etc.,  de  l'être  vivant,  il 
en  est  tout  autrement  des  maladies  ou  des  infirmités  liées  à  un  vice  de  confor- 
mation naturelle. 

La  surdi-mutité  n'est  pas  toujours  héréditaire,  puisque  sur  47  mariages  entre 
sourds-muets  deux  enfants  seulement  étaient  atteints  de  l'infirmité  des  parents; 
mais  elle  l'est  fréquemment,  comme  le  prouvent  d'autres  statistiques.  C'est 
que,  encore  une  fois,  l'hérédité  est  fort  capricieuse  ou  plutôt  c'est  que  nous  en 
ii^aorons  les  lois. 

Parfois  la  transmission  s'effectue  au  contraire  avec  une  extrême  régularité. 
Dans  une  famille  dont  85  membres  sur  600  avaient  été  atteints  de  cécité  noc- 
turne, pas  un  seul  cas  chez  les  enfants  dont  les  parents  étaient  indemnes  (Darwin, 
Variation,  II,  38). 

Dans  la  famille  Lecompte,  la  cécité  fut  héréditaire  pendant  trois  générations 


HÉRÉDITÉ.  599 

et  37  enfants  et  pstits-enfants  devinrent  tous  aveugles  entre  dix-sept  et  dix- 
liuit  ans  :  frappant  exemple  d'hérédité  homoclironique  {ibid.,  II,  83). 

Les  médecins  savent  trop  que  la  plithisie  est  héréditaire,  surtout  chez  les 
enfants  puînés,  procréés  après  l'apparition  de  la  maladie  chez  les  parents,  et 
qu'il  en  est  de  même  pour  bien  d'autres  affections,  spécialement  pour  le  cancer. 
D'après  le  docteur  Garrod,  50  pour  100  des  cas  de  goutte  observés  dans  les  hôpi- 
taux sont  héréditaires. 

Il  est  une  particularité  importante  ta  noter,  c'est  que  fréquemment  l'enfant 
né  avant  l'explosion  de  la  maladie  chez  ses  progéniteurs  échappe  à  l'hérédité 
pathologique. 

Mais  il  est  tout  un  groupe  de  maladies  plus  fatalement  héréditaires  que  les 
autres  :  ce  sont  les  névropathies  de  tout  genre,  et  rien  n'est  moins  étonnant, 
puisque  les  cellules  nerveuses  sont,  par  excellence,  aptes  à  conserver  les  em- 
preintes. 

Bien  plus,  les  maladies  des  centres  nerveux  peuvent  être  héréditairement 
transmissibles,  même  quand  elles  ont  été  artificiellement  provoquées,  puisque 
les  femelles  de  Cobayes,  rendues  épileptiques  par  Brown-Séquard  au  moyen 
d'hémisections  de  la  moelle  épinière,  ont  parfois  des  petits  pourvus  de  zones 
épileptogènes. 

Tous  les  genres  de  vésanies,  manies  et  monomanies,  sont  très-souvent  héré- 
ditaires, et  fréquemment  la  maladie  éclate  chez  le  descendant  au  même  âge  que 
chez  l'ascendant.  Esquirol  a  vu  une  famille  dont  tous  les  membres  furent 
atteints  de  folie  à  l'âge  de  quarante  ans.  Si  la  maladie  se  transmet  à  plusieurs 
générations,  on  la  voit  souvent  devenir  plus  précoce,  apparaître  de  plus  en 
plus  tôt. 

Sur  372  cas  de  folie,  Esquirol  a  noté  l'influence  héréditaire  165  fois. 

Pour  la  folie,  l'hérédité  du  côté  maternel  serait  plus  fréquente.  C'était 
l'opinion  d'Esquirol  (I,  53),  et  Baillarger  a  vu,  sur  455  faits  d'hérédité,  l'in- 
lluence  maternelle  prédominer  dans  les  deux  tiers  des  cas  [Ann.  méd.-psych.y 
mai  1844,  p.  530,  etc.). 

La  grande  puissance  de  transmission  héréditaire  que  possède  le  système  ner- 
veux a  m.ême  permis  d'étudier  la  genèse  de  la  folie,  de  suivre  l'évolution  patho- 
logique des  désordres  nerveux  à  travers  une  série  de  générations.  Cette  enquête 
a  montré  que  très-souvent  la  folie  confirmée  n'est  que  le  chaînon  terminal  d'une 
longue  succession  d'anomalies  psychiques,  débutant  parfois  par  de  simples 
bizarreries  du  caractère  (P.  Jacobi.  La  sélection,  104).  Dans  tout  ce  lent  travail 
de  genèse  pathologique,  les  habitudes  vicieuses,  la  mauvaise  hygiène  mentale 
des  ascendants,  sont  souvent  la  cause  originelle  de  telle  monomanie  suicide,  de 
telle  manie  aiguë,  etc.,  qui  éclatera  chez  les  descendants,  après  trois  ou  quatre 
générations. 

Chacun  de  nous  dispose  donc,  dans  une  assez  large  mesure,  de  la  santé  psy- 
chique de  sa  postérité. 

IX.  Si  obscures  que  soient  encore  les  lois  de  cette  hérédité  mentale,  on  en  peut 
déjà  constater  les  effets  extrêmement  intéressants  et  fort  utiles  à  connaître.  C'est 
souvent  à  son  intluence  qu'il  faut  rapporter,  spécialement  au  moment  de  la 
puberté,  tel  ou  tel  développement  remarquable,  que  l'on  attribue  à  tort  à  l'édu- 
cation. 

Sans  doute  il  éclôt  subitement  dans  certaines  familles  des  talents,  des  dispo- 
sitions extraordinaires,  bonnes  ou  mauvaises,  qu'il  n'est  pas  toujours  possible 


600  HÉRÉDITÉ. 

de  rattacher  à  l'hérédité.  Parfois  ces  anomalies  sont  de  simples  variations  dont 
les  causes  nous  échappent  ;  souvent  aussi  elles  résultent  d'un  atavisme  plus  ou 
moins  lointain. 

Beaucoup  de  grands  hommes  semblent  n'avoir  pas  eu  d'ancêtres  et  trop  sou- 
vent ils  ne  font  point  souche.  Mais  ce  qui  est  hors  de  doute,  c'est  que  toute 
aptitude  extraordinaire  correspond  à  une  organisation  cérébrale  extraordinaire 
aussi,  et  que  l'éducation  ne  donne  pas.  On  peut  affirmer  que  tout  développe- 
ment intellectuel  hors  ligne  suppose  un  cerveau  souvent  d'un  volume  considé- 
rable, toujours  ayant  des  circonvolutions  nombreuses,  complexes,  recouvertes 
d'une  épaisse  couche  de  substance  grise.  A  quelle  conformation  cérébrale  parti- 
culière doit-on  d'être  poète,  musicien,  orateur,  philosophe,  etc.?  Nous  ne  le 
savons  pas  encore,  mais  ce  qui  est  certain,  c'est  que  ces  aptitudes  sont  spon- 
tanées, innées,  qu'on  ne  les  acquiert  point.  Déjà  llelmholtz  a  montré  que  l'inap- 
titude à  percevoir  les  sons  musicaux  provient  d'une  anomalie  des  nerfs  du 
limaçon.  Le  talent  musical  a  sûrement  pour  raison  anatomiquc  une  conforma- 
tion inverse  et  aussi  un  développement  particulier  du  noyau  de  substance  grise, 
correspondant  dans  les  hémisphères  cérébraux  au  sens  de  l'ouïe:  de  là  l'in- 
lluonce  si  manifeste  de  l'hérédité  dans  la  généalome  de  nombre  de  musiciens 
célèbres  (Bach,  Mozart,  etc.).  Si  trop  souvent  nous  sommes  impuissants  à  ratta- 
cher à  une  cause  héréditaire  telle  particularité  singulière  des  instincts,  du  carac- 
tère, de  l'intelligence,  il  n'en  est  pas  toujours  ainsi.  Dans  nombre  de  cas,  la 
chaîne  des  effets  et  des  causes  est  visible  et  nous  pouvons  même  suivre  pas  à 
pas  la  genèse  de  tel  ou  tel  mode  particulier  d'activité  cérébrale. 

A  vrai  dire  tout  être  organisé,  végétal,  animal  ou  homme,  est  dans  toute  sa 
personnalité  le  résultat  de  l'hérédité.  Chez  l'animal  et  chez  l'homme,  il  n'est  pas 
un  organe,  pas  une  fonction,  qui  ne  résume  une  énorme  série  d'impressions 
subies  par  les  ancêtres,  d'habitudes  contractées  par  eux  dans  leur  lutte  pour 
vivre.  Ainsi  tout  le  travail  physiologique,  si  complexe,  de  la  digestion,  chez 
l'homme  et  les  animaux  supérieurs,  s'effectue  en  vertu  d'une  tendance  orga- 
nique héréditaire,  si  complètement  organisée  que  les  centres  nerveux  n'en  ont 
même  plus  conscience.  11  en  est  de  même  pour  quantité  de  mouvements  coor- 
donnés s'accomplissant  sans  aucmie  intervention  de  la  volonté  consciente  et 
aussi  pour  certains  actes  des  sens  spéciaux,  par  exemple,  pour  l'extérioration 
des  sons  et  des  images,  pour  les  principaux  phénomènes  de  l'expression  :  con- 
tractions des  muscles  faciaux,  haussement  d'épaules,  etc.  (Darwin). 

Chacun  de  nous  d'ailleurs  peut,  dans  une  certaine  mesure,  se  créer  des  in- 
stincts qui  parfois  deviennent  héréditaires.  A  force  de  répéter  un  acte,  nous 
parvenons  à  l'exécuter  mécaniquement,  inconsciemment;  alors  l'habitude  ne 
se  distingue  plus  de  l'instinct,  qui,  à  vrai  dire,  comme  l'a  dit  Darwin,  n'est 
qu'une  habitude  héréditaire. 

C'est  en  vertu  d'une  de  ces  habitudes  ancestrales  et  devenues  transmissibles  par 
la  génération  que  nombre  de  jeunes  chiens  couchants  tombent  en  arrêt,  la  pre- 
mière fois  qu'on  les  mène  à  lâchasse;  qu'en  Amérique  les  descendants  de  chiens 
dressés  de  longue  date  à  la  périlleuse  chasse  au  pécari  savent  d'instinct  la  tac- 
tique à  suivre,  tandis  que  les  chiens  ordinaires  se  font  dévorer.  Il  suffit  d'un 
morceau  de  peau  de  loup  pour  inspirer  à  certains  chiens  une  terreur  convul- 
sive,  et  la  paille  de  la  litière  des  lions  et  des  tigres  produit  le  même  effet  sur 
les  chevaux.  C'est  encore  instinctivement  et  en  vertu  d'une  habitude  héritée  que 
nos  chiens  domestiques  enfouissent  leurs  aliments,   et,  avant  de  se  coucher. 


HEREDITE.  601 

tournent  pour  fouler  une  herbe  absente.  De  même,  c'est  en  vertu  d'une  faculté 
acquise  et  devenue  héréditaire  qu'ils  aboient,  puisque  l'aboiement  est  une  sorte 
de  langage  inconnu  des  chiens  sauvages. 

De  même  que  les  instincts  nutritifs  et  les  associations  de  mouvements  dont 
nous  venons  de  parler,  les  pench;ints  moraux,  les  désirs,  etc.,  se  transmettent 
fréquemment  par  hérédité.  Exactement  comme  la  beauté  et  la  laideur  physique, 
les  penchants  vertueux  ou  vicieux  sont  le  plus  souvent  innés,  hérités.  Lucas  cite 
une  famille  écossaise  où  le  penchant  à  l'anthropophagie  fut  héréditaire  pendant 
plusieurs  générations.  Or,  quoique  saint  Jérôme  déclare  avoir  vu  dans  la  Gaule 
des  Écossais  anthropophages,  il  est  siir  cependant  que  l'anthropophagie  habituelle 
est  de  temps  inmiémorial  abolie  chez  tous  les  peuples  de  race  celtique  :  il  s'agit 
donc  ici  d'un  atavisme  des  plus  lointains.  Le  penchant  au  meurtre,  au  vol,  au 
viol,  la  pyromanie,  l'ivrognerie,  sont  souvent  héréditaires  :  c'est  un  fait  d'obser- 
vation banale.  Dans  une  seule  famille,  on  a  compté  80  descendants  pervers 
de  différentes  manière  :  un  quart  d'entre  eux  fut  frappé  par  la  justice  et  les 
trois  autres  quarts  étaient  composés  d'ivrognes,  de  fous,  d'idiots,  de  men- 
diants [Kihol,  Hérédité  psychique,  99).  Là,  comme  partout  d'ailleurs,  l'hérédité 
est  capricieuse  :  ainsi  sur  trois  enfants  dressés  au  vol  par  leurs  parents  deux 
résistent,  tandis  que  l'autre,  une  tille,  vole  d'instinct  (Lucas,  I,  476). 

Les  nécessités  sociales,  le  genre  de  vie,  les  mœurs  nationales,  créent  aussi  des 
caractères  typiques,  des  tendances  héréditaires.  Beaucoup  de  Français  ont  encore 
le  Ciractère  attribué  aux  Gaulois  par  César  {De  hello  gallico,  IV,  5);  les  Bohé- 
miens sont,  pour  la  plupart,  incivilisables.  Nombre  de  sauvages  élevés  à  l'eu- 
ropéenne ont  secoué  lu  civilisation  comme  un  fardeau,  en  atteignant  l'âge 
viril.  On  a  vu,  entre  autres,  un  Botocudo,  reçu  médecin  par  l'Université  de 
Bahia,  s'en  retourner  errer  tout  nu  dans  ses  forêts  natales,  etc.,  etc. 

Si  restreint  qu'il  soit,  le  milieu  familial,  secondé  par  l'hérédité,  suffit  parfois 
à  créer  des  caractères,  des  types  transmissibles.  On  a  cité  bien  des  fois  la  vertu 
des  Lamoignon,  l'exubérance,  la  violence  et  l'intelligence  des  Mirabeau,  etc. 

Fréquemment  aussi  les  aptitudes  artistiques  sont  héréditaires.  Mozart  avait 
une  sœur  douée  comme  lui  d'une  grande  précocité  musicale,  et  son  père  était 
violoniste.  Beethoven  était  le  fils  d'un  ténor.  Dans  la  célèbre  famille  de  J.  Sébas- 
tien Bach  on  compte  huit  générations  de  musiciens.  Tout  en  étant  moins  fré- 
quente chez  les  peintres  et  les  sculpteurs,  l'influence  héréditaire  est  pourtant 
commune  :  Germain  Pilon  était  fils  d'un  sculpteur  distingué;  le  père  de  Thor- 
waldsen  était  aussi  sculpteur;  celui  de  Baphaël  était  peintre;  Van  Loo  était 
frère,  petit-fils  et  arrière-petit-fils  de  peintres.  Titien  était  d'une  famille  de 
peintres,  etc.  Qu'on  n'objecte  point  qu'il  y  a  là  un  simple  effet  de  l'éducation. 
En  aucun  genre  l'éducation  ne  réussit  à  créer  des  talents  hors  ligne  ;  souvent 
même  elle  ne  parvient  pas  à  les  étouffer. 

Si  l'on  en  croit  Gallon  (Hereditary  Genius),  les  aptitudes  intellectuelles 
seraient  héréditaires' plus  souvent  qu'on  ne  l'admet  d'habitude,  et  A.  de  (]andolle 
est  aussi  du  même  avis.  L'anthropologie  l'affirme  d'ailleurs  d'une  manière  géné- 
rale, puisqu'elle  peut  sérier  les  races  humaines  d'après  leur  degré  de  dévelop- 
pement cérébral.  Suivant  Galton,  la  chance  qu'un  homme  remarquable  ait  des 
parents  remarquables  aussi  est  de  51  pour  100  pour  le  père,  de  41  pour  100 
pour  les  frères,  de  48  pour  100  pour  les  fils;  cette  chance  varierait  selon  le 
sexe.  Elle  serait  plus  forte  pour  les  hommes  que  pour  les  femmes.  Toujours 
d'après  Galton,  la  probabilité  qu'un  juge  anglais  ait  dans  sa  famille  un   ou 


t)02  HÉRÉDITÉ. 

plusieurs  parents  illustres  dépasserait  le  rapport  de  un  à  trois.  Le  même  auteur 
nous  apprend  que  le  mode  d'intelligence,  le  développement  exceptionnel  de 
telle  ou  telle  faculté,  se  peuvent  léguer  aux  descendants  :  sur  une  liste  de  cin- 
quante-six poètes,  il  constate  la  proportion  de  l'intluence  héréditaire  chez  la 
moitié  d'entre  eux;  dans  la  famille  de  Richard  Porson,  helléniste  anglais,  la 
bonté  de  la  mémoire  était  célèbre,  proverbiale;  ou  disait  «  la  mémoire  d'un 
Porson  » . 

Les  caractères  dits  psychiques,  résultant  simplement  du  fonctionnement  phy- 
siologique des  organes  et  spécialement  des  centres  nerveux,  obéissent  naturelle- 
ment aux  lois  générales  de  l'hérédité  telles  qu'elles  ressortent  des  paragraphes 
précédents.  Comme  l'hérédité  physique,  l'hérédité  psychique  est  souvent  croisée. 
Nombre  de  femmes  célèbres  ont,  comme  la  célèbre  Hypathie,  hérité  de  l'àme  de 
leur  père.  L'inverse  e^t  tout  aussi  fréquent:  Buffon,  Bacon,  Condorcet,  Guvier, 
Forbes,  Watt,  Jussicu,  etc.,  ont  eu  pour  mères  ou  grand-mères  des  femmes 
remarquables.  Le  hls  naturel  de  mademoiselle  de  ïencin,  d'Alembert,  était 
surtout  lils  de  sa  mère.  Parfois  l'un  des  auteurs  lègue  à  l'enfant  les  formes 
extérieures,  l'autre  la  constitution  mentale.  Le  seul  correspondant  noir  qu'ait 
eu  l'Académie  des  sciences,  Lislet  (Geoffroy),  de  l'Ile  de  France,  était  un  métis 
absolument  noir,  comme  sa  mère. 

D'où  qu'elle  vienne,  l'hérédité  psycliique  s'éteint  d'ailleurs  assez  vite.  On  ne 
la  voit  pas  d'ordinaire  se  manifester  au  delà  de  trois  ou  quatre  générations.  Mais 
cette  brièveté  de  la  transmission  est  sûrement  pour  la  plus  large  part  impu- 
table aux  croisements  perturbateurs.  Jamais  encore  on  n'a  pratiqué  la  sélection 
psychique.  Ce  sont  de  tout  autres  considérations,  nullement  scientiliques,  qui 
déterminent  lu  plupart  des  mariages.  Bien  d'étonnant  dès  lois  que  l'étincelle 
géniale  s'éteigne  aussitôt  qu'elle  brille.  S'écarter  de  la  moyenne  en  bien  ou  en 
mal,  c'est  être  en  état  d'insurrection  et  contre  sa  propre  lignée  ancestrale  et 
contre  l'humanité  tout  entière.  Aussi  les  écarts  sont  vite  réprimés.  Nul  doute 
cependant  que,  si  l'on  voulait  appliquer  à  l'homme  la  rigoureuse  sélection  pra- 
tiquée par  les  éleveurs  et  les  horticulteurs,  on  arrivât  aussi  à  créer  des  races 
humaines  spéciales.  C'est  ainsi  qu'une  i^ace  de  musiciens  s'était  formée  dans  la 
famille  Bach  ;  c'est  ainsi  qu'à  Sparte  on  était  parvenu  à  créer  un  type  humain, 
moralement  distinct  de  tous  les  autres.  Sans  doute  dans  toute  société  humaine 
il  se  fait  un  perpétuel  travail  de  sélection.  Les  mieux  adaptés  triomphent;  les 
autres  disparaissent,  mais  il  s'en  faut  que  ces  derniers  soient  toujours  les  pires 
et  les  moins  intelligents.  Jusqu'ici  en  effet  les  sociétés  humaines  se  sont  agitées 
dans  un  furieux  conllit  d'appétits  grossiers,  de  passions  basses.  Trop  souvent  la 
sélection  sociale,  dont  nous  avons  maintenant  à  nous  occuper,  est  régressive. 
Mais  ce  résultat  est-il  fatal,  comme  on  l'a  prétendu?  C'est  ce  que  nous  allons 
essayer  de  déterminer. 

X.  Qui  l'aurait  cru?  Après  s'être  tant  moqué  des  corsi  et  des  ricorsi  du  vieux 
Vico,  on  devrait  y  revenir,  si  l'on  s'en  rapportait  à  nos  modernes  pessimistes. 
«  Par  le  fait  de  la  sélection  et  de  la  loi  fatale  de  l'extinction  des  races  privilé- 
giées les  peuples  se  civihsent  d'abord,  montent  au  faîte  de  la  grandeur,  puis 
déclinent  rapidement  et  disparaissent  épuisés,  surmenés,  anéantis,  retombent 
dans  la  barbarie  et  sont  remplacés  par  des  peuples  plus  jeunes,  c'est-à-dire 
chez  lesquels  la  sélection  des  talents  et  des  énergies  s'établit  à  peine  et  qu'elle 
n'a  pas  encore  épuisés  »  (docteur  Jacobi,  Sélection,  p.  555). 

Voilà  la  formule  :  elle  est  faite  pour  réjouir  le  cœur  des  disciples  de  Scho- 


HEREDITE.  605 

penhauer  et  de  Hartmann.  Or  elle  a  un  semblant  de  vérité,  si  l'on  s'obstine  à 
ne  voir  que  les  mauvais  côtés  de  la  civilisation,  si  l'on  ferme  les  yeux,  afin  de 
pouvoir  nier  le  progrès  général,  qui  pourtant  se  réalise  quand  même;  si  l'on 
croit  que  les  sociétés  de  l'avenir  seront  éternellement  de  serviles  copies  des 
sociétés  du  passé  et  du  présent.  Enumérons  les  faits  : 

Tout  d'abord,  comme  nous  l'avons  dit  à  l'article  Civn.isATio.\,  le  contact  des 
nations  européennes,  soi-disant  civilisées,  est  funeste  aux  races  inférieures.  iXotre 
brutalité,  surtout  nos  maladies  et  nos  vices,  détruisent  rapidement  les  types 
humains  attardés.  Mais  l'exemple  des  Cherokees,  des  Chickassaws,  etc.  {voy. 
Civilisation),  prouve  cependant  que  le  fait  n'a  rien  de  fatal.  C'est  une  question 
de  mesure,  de  tempérament.  Nulle  race  ne  saurait  franchir  en  quelques  années 
l'espace  que  les  types  humains  les  mieux  doués  ont  mis  des  milliers  d'années 
à  parcourir.  Pour  ne  pas  détruire  les  races  mineures,  il  suffirait  de  s'y  inté- 
resser. 

On  nous  cite  surtout,  comme  exemple  de  dégénérescence  héréditaire  dérivant 
fatalement  de  la  sélection  sociale,  l'histoire  lamentable  des  dynasties  princières. 
L'exemple  typique  serait  la  descendance  d'Auguste  :  toute  une  série  de  débau- 
chés, d'hjstériques,  d'épileptiques,  de  scrofuleux,  de  phthisiques,  etc.,  s'étei- 
gnant  par  stérilité.  La  plupart  des  dynasties  européennes  ont  subi  la  même 
dégénérescence,  qui  se  reproduirait  d'une  manière  analogue  dans  toutes  les 
familles  aristocratiques  ou  privilégiées,  dans  tous  les  corps  fermés.  Point  de 
famille  noble,  dit  Uenoiston  de  Chàteauneuf,  dont  la  durée  réelle  dépasse  trois 
cents  ans  {Mémoire  statistique  sur  la  durée  des  familles  nobles  en  France).  A 
Piome  il  fallait  recourir  à  des  anoblissements  en  masse  pour  prévenir  l'extinc- 
tion des  patriciens,  etc.  Soit.  Mais  ce  qui  énerve  et  détruit  les  princes  et  les 
nobles,  ce  n'est  pas  la  situation  privilégiée,  c'est  le  déplorable  usage  qu'ils  en 
font.  C'est  que  la  sélection  sociale  a,  dans  ces  cas,  été  régressive  ;  c'est  qu'elle 
a  donné  le  pas  aux  natures  brutales,  vicieuses,  qui,  une  fois  le  frein  social 
secoué,  se  sont  abandonnées  sans  contrainte  à  leurs  instincts  inférieurs.  Si,  en 
Angleterre,  les  familles  de  pairs  disparaissent,  il  n'en  faut  pas  accuser  la  pairie, 
mais  l'avidité  d'aristocrates  moralement  dégénérés,  qui  épousent  des  héritières 
stériles. 

Autant  en  peut-on  dire  de  nos  familles  bourgeoises,  enrichies  par  le  commerce, 
l'industrie,  par  de  gros  héritages.  Là  aussi  on  pourchasse  les  héritières.  Et  il 
faut,  surtout  dans  ce  dernier  cas,  invoquer  en  outre  une  cause  de?  plus  simples, 
la  surabondance  alimentaire,  qui  sûrement  doit  stériliser  l'homme,  comme  elle 
stérilise  les  animaux.  Je  ne  parle  encore  que  de  la  stérilité  involontaire.  Mais, 
encore  une  fois,  rien  de  tout  cela  n'est  inhérent  à  la  position  sociale  elle-même, 
mais  bien  au  mauvais  usage  qu'en  font  des  natures  inférieures. 

En  trente-trois  ans,  nous  dit-on,  la  population  de  la  France  ayant  augmenté 
de  11,25  pour  100,  celle  des  asiles  d'aliénés  a  augmenté  de  249,55  pour  100 
(Lunier,  Anti.  »ieV/.-;jsî/c/i.,  janvier  1870),  et  des  résultats  analogues  s'observent 
dans  les  autres  contrées  de  l'Europe.  Au  contraire  la  folie  serait  très-rare  chez 
les  races  non  civilisées.  Humboldt  l'a  cherchée  en  vain  chez  les  indigènes  de 
rAmérique.  Selon  Moreau  (de  Tours),  il  y  aurait  très-peu  d'aliénés  en  Egypte 
et  en  Nubie.  On  pourrait  se  borner  à  répondre  que,  comme  toute  chose,  le  cer- 
veau s'use  d'autant  plus  qu'il  travaille  davantage.  Mais  les  tristes  résultats 
de  la  civilisation  tiennent  sûrement,  pour  la  plus  grande  part,  à  notre  vicieuse 
organisation  économique,  imposant  à  un  grand  nombre  d'individus  des  souf- 


G04  HÉRÉDITÉ, 

frances  pliysiques  et  morales  nullement  nécessaires  à  nn  bon  fonctionnement 
social.  A  coup  sur  la  Chine  est  une  nation  civilisée,  et  pourtant  le  docteur  Wil- 
liams, après  y  avoir  résidé  douze  ans,  nous  dit  que  l'aliénation  mentale  est  très- 
rare  dans  le  Céleste  empire. 

«  La  civilisation,  nous  assure  le  docteur  P.  Jacobi,  est  le  résultat  de  l'accu- 
mulation des  habitants  sur  im  territoire  plus  ou  moins  restreint  »  {Sélection, 
p.  535);  et,  d'autre  part,  les  docteurs  Lagneau,  Stark,  etc.,  nous  démontrent, 
chiffres  en  mains,  que  les  familles  s'éteignent  dans  les  villes.  D'après  le  docteur 
Starck,  la  mortalité  urbaine  serait  le  double  de  la  mortalité  rurale.  Mais  là  non 
plus  il  n'y  a  rien  qui  résulte  d'une  inexorable  loi.  Si  la  population  s'entasse  dans 
les  villes,  c'est  que  l'industrie  capitaliste  a  besoin  de  bras  et  draine  les  cam- 
pagnes. La  vie  urbaine  elle-même  n'est  pas  nécessairement  homicide;  elle  l'est 
seulement  pour  les  malheureux,  les  salariés,  exploités  à  outrance  et  dans  de 
lamentables  conditions  hygiéniques.  A  Paris,  la  mortalité  des  quartiers  riches 
est  fort  inférieure  à  celle  des  quartiers  pauvi'es  et  les  épidémies  frappent  bien 
plus  durement  les  seconds  que  les  premiers.  On  ne  saurait  trop  le  répéter  :  les 
faits  sociaux  sont  essentiellement  modifiables;  ils  n'ont  en  aucune  façon  la 
rigueur  des  lois  cosmiques  ou  physiques.  Que  signifient  tous  ces  exemples 
lamentables  et  bien  d'autres  encore  qu'on  y  pourrait  ajouter?  Sim]tlement  que 
notre  civilisation  moderne  suit  une  mauvaise  route  :  mais  qui  peut  nous  em- 
pêcher de  rebrousser  chemin? 

Le  sacrifice  des  populations  au  Moloch  moderne,  au  dieu  Mammon,  à  l'in- 
dustrie, n'est  pas  plus  nécessaire  que  ne  l'était,  en  Espagne,  la  sélection  inqui- 
siloriale,  qui,  nous  dilGalton,  a  sacrifié,  bon  ou  mal  an,  mille  individus  choisis 
parmi  les  plus  intelligents,  les  meilleurs.  Comme  les  particuliers,  les  nations 
îbnt  souvent  fausse  route  et,  si  elles  s'y  acharnent,  elles  déclinent  et  disparais- 
sent, cela  pour  le  plus  grand  bien  de  l'humanité.  Telle  a  été  la  tragique  destinée 
des  anciens  empires  sémitiques,  de  l'Egypte,  de  Rome,  etc.  Cette  fin  lamentable, 
tous  l'avaient  méritée,  mais  tous  auraient  pu  durer  et  vivre,  s'ils  n'avaient 
dévié  du  droit  chemin.  D'ailleurs  aucune  de  leurs  découvertes,  de  leurs  con- 
quêtes utiles,  n'a  été  perdue  pour  leurs  successeurs. 

i\os  l'^tats  modernes  doivent-ils  périr  comme  les  grandes  nations  primitives? 
Cela  dépendra  de  leur  degré  de  moralité.  Toutes  les  dégénérescences,  fausse- 
ment attribuées  à  la  civilisation  elle-même,  tiennent  presque  uniquement  au 
mammonisme,  à  l'amour  extrême  de  l'argent,  qui  aveugle  la  majeure  partie  de 
l'humanité  dite  civilisée.  Piien  de  plus  impartial  que  l'hérédité;  elle  transmet 
fidèlement  ce  qu'on  lui  donne.  Maudsiey  a  mis  le  doigt  sur  la  plaie  de  nos  civi- 
lisations mercantiles,  quand  il  a  constaté  que  «  l'extrême  passion  pour  la 
richesse,  absorbant  toutes  les  forces  de  la  vie,  prédispose  à  une  décadence  morale 
et  intellectuelle  »,  que  la  descendance  de  l'homme,  qui  a  beaucoup  travaillé  pour 
s'enrichir,  est  dégénérée  physiquement  et  mentalement,  quelle  est  égoïste,  sans 
moralité,  instinctivement  fourbe,  etc.  Mais  le  mot  civilisation  ne  veut  pas  dire 
«  fureur  d'accumuler  » .  Or  de  cette  fureur  dérivent  toutes  les  maladies  sociales, 
que  l'on  s'efforce  de  considérer  comme  essentielles  à  la  civilisation.  Qui  dit  civi- 
lisation dit  développement  moral  et  intellectuel.  Donc,  si  nos  sociétés  sont  ma- 
lades, c'est  qu'elles  manquent  d'intelligence  et  de  moralité. 

Prenons  un  exemple  :  la  natalité  française  va  décroissant  toujours  et  produi- 
rait, dans  un  temps  que  l'on  peut  évaluer,  l'extinction  de  la  nation.  Est-ce  là 
un  résultat  fatal?  Nullement.  Il  tient,  pour  la  plus  grande  part,  à  une  large 


■      HERHOLDT  (Les  deux).  605 

pratique  de  ce  que  Mallhus  a  appelé  Moral  Restraint.  Mais  le  mallhusianisme 
n'a  d'autre  raison  d'être  que  le  mode  actuel  de  répartition  du  capital  :  de  bonnes 
lois  y  remédieront,  quand  on  le  voudra. 

Or  il  en  est  de  même  de  toutes  les  fatalités  soi-disant  inéluctables,  com- 
plaisamment  énumérées  pas  nos  amateurs  de  pessimisme. 

Si  mal  connues  que  soient  encore  les  lois  de  l'hérédité,  elles  peuvent  s'utiliser 
aussi  bien  pour  le  progrès  continu  que  pour  la  décadence.  La  civilisation  n'est 
pas  une  roue  de  manège.  Le  progrès  incessant  est  la  condition  de  la  durée,  et  une 
nation  peut  vivre  indéliniment,  à  la  seule  condition  d'en  être  digne. 

Gh.  Letourneau. 

BiBuoGiîAPiiiE.  —  Benoistjn  DE  CiiÂTEAtNEuF.  MéiHoire  sur  la  durée  des  familles  nobles  en 
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RiBOT  (Th.).  L'hérédité,  1875.  —  Candolle  (Alph.  de).  Histoire  de  la  science  et  des  savants 
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dies mentales. —  Wu-ndt  (W.)-  Die  Menschen-  uncl  Thierseele.  Leipzig,  1863.  Ch.  L. 

UERDOLOT  (Les  deux). 

Herhoidt  (.JoH.\>' Da.mel).  Né  le  10  juillet  1764  à  Apenrade,  dans  le  Sles- 
vig,  lils  d'un  chirurgien  qui  dirigea  ses  pemières  études,  il  fut  reçu  praticien 
de  bonne  heure  et  attaché  au  corps  de  santé  de  la  marine.  11  a  occupé  les  postes 
les  plus  importants  de  la  carrière  médicale  civile  et  militaire.  Reçu  docteur  en 
1802,  sa  thèse  ayant  pour  titre  :  Devita  imprimis  fœtus  hiimani  ejusque  morte 
sub  parlu,  il  devient  professeur  de  médecine  à  l'Université  de  Copenhague  en 
1805,  médecin  en  chef  de  l'hôpital  Frederick  eu  1819,  plusieurs  fois  doyen  du 
Collège  de  santé,  recteur  de  l'Université,  médecin  d'État,  directeur  des  hôpi- 
taux maritimes,  etc.  11  a  publié  un  grand  nombre  d'ouvrages  sur  la  cause  de  la 
cécité,  les  monstruosités,  la  matière  médicale,  etc.  Il  s'est  beaucoup  occupe 
comme  doyen  et  recteur  des  réformes  à  apporter  dans  l'enseignement  de  la 
médecine,  l'hygiène  hospitalière,  etc.  Il  a  perfectionné  certains  procédés  opéra- 
toires, est  l'inventeur  d'une  pince  hémostatique,  etc.  ;  a  tra'duit  en  danois,  avec 
Rafn,  divers  ouvrages  français,  entre  autres  :  la  Vie  et  la  mort,  de  Bichat.  11 
s'est  occupé  d'électricité  médicale  et  n'a  cessé  de  donner  jusqu'à  sa  mort,  arrivée 
le  18  février  1836,  les  preuves  d'une  grande  activité.  Nous  citerons  parmi  les 
ouvrages  de  Herholdt  : 

I.  Uebersicht  der  vornehmsten  Ursachen  der  Blindheil.  Copenhague,  1787,  ia-8''.  — 
II.  Afhandling  om  et  nyi  bîoodstillcnde  Instrument.  Copenhague,  1790,  in-S".  —  III-  Obser- 
vatio  de  affeclibus  morbosis  virginis  hafniensis.  cui  plurinue  acus  e  variis  corporis  par- 
tibus  excisœ  et  extradée  sunt.  Copenhague,  1822,  in-8°.  — IV.  Arkiv  for  Làgevidenskabens 
Historié  i  Daninark.  Copenhague,  1823,  in-8°.  —  V.  lieskrivelse  over  et  menneskeligt  Mis- 
foster.  Copenhague,  1828,  1829,  in-4°.  —  YI.  Samlinger  til  den  danskc  Medicinalhisforie. 
Copenhague,  1833-1855,  in-S".  A.  D. 


606  HÉRISSANT   (Les  deux). 

Ilerholdt  (Johan-Frederik-Wilhelji).  Né  à  Apenrade  le  21  janvier  1778, 
frère  du  précédent,  a  fait  comme  lui  ses  études  à  Copenhague,  est  devenu  chi- 
rurgien militaire,  a  passé  son  examen  devant  l'Académie  de  chirurgie  en  1800, 
ce  qui  lui  pei^mit  d'être  nommé  chirurgien  en  chef  de  la  flotte.  Il  est  mort  à 
Copenhague,  le  18  août  1834.  A.  D. 

UKRUO\DAViLLU  OU  ino:vDEVii.K>E  (Henri  de).  Chirurgien  français 
du  quatorzième  siècle,  fut  disciple  de  Jean  Pitard,  premier  chirurgien  de  Saint- 
Louis,  de  Théodoric  et  de  Lanfranc.  Il  enseigna  à  Montpellier,  où  il  eut  pour 
élève  Guy  de  Chauliac,  puis  vint  à  Paris  où  Philippe  le  Bel  l'admit,  vers  1285, 
au  nomhrc  de  ses  archiâtres;  il  enseigna  également  à  Paris.  Il  composa  en  1306 
cinq  traités  sous  le  titre  de  Chirurgia  et  AntUlotarium;  la  Sorbonne  en  possède 
un  manuscrit  dont  l'écriture  est  du  quinzième  siècle.  L.  Hn. 

DEUICIUIU.  Genre  de  Champignons-Basidiomycètes,  du  groupe  desHydnacés, 
établi  par  Persoon  pour  quelques  espèces  àllydnum  chez  lesquelles  le  récep- 
tacle charnu  est  pourvu  de  longs  aiguillons  hyménophores,  placés  sur  le  sommet 
du  cliapcau  ou  du  stipe  quand  le  chapeau  manque. 

Les  llericùwi  font  le  passage  des  llydnum  aux  CInvaria.  Des  quatre  espèces 
connues,  les  plus  intéressantes  sont  VU.  eruiaceum  Bull,  et  17/.  coralloides 
Scop.  Le  premier  est  V Hérisson  ou  Barbe  des  arbres  de  Paulet  {Traité  des 
champ.,  2,  p.  -424,  pi.  193).  Son  chapeau,  très-grand,  convexe,  cordiforme, 
d'abord  blanc,  puis  jaunâtre,  est  tantôt  sessile,  tantôt  supporté  par  un  pédicule 
court,  simple  et  latéral  ;  il  est  garni  à  son  sommet  d'aiguillons  minces,  pendants 
et  étages,  longs  de  2  à  5  centimètres.  VU.erinaceum  croit  dans  les  grands  bois 
sur  les  vieux  troncs  de  chênes  et  de  hêtres.  Il  est  comestible.  On  l'accommode 
comme  le  champignon  de  couche,  dont  il  a  le  goût.  L'//.  coralloides  est  éga- 
lement comestible,  mais  il  est  moins  estimé.  C'est  la  Corne  de  cerfoa  la  cheve- 
lure des  arbres  couleur  de  chair,  de  Paulet  {loc.  cit.,  2,  p.  427,  pi.  195, 
fig.  34).  On  le  trouve  dans  les  forêts  sur  les  vieux  arbres,  surtout  sur  les  chênes. 
Il  est  dépourvu  de  chapeau.  Son  stipe,  d'abord  blanc,  puis  jaunâtre,  est  ramifié 
en  broussaille  et  les  rameaux  sont  garnis,  à  leur  extrémité,  de  longs  piquants 
charnus  en  forme  de  poinçons  et  très-fragiles.  Ed.  Lef. 

llERl^VG  (Eduard  von).  Physiologiste  allemand,  né  à  Stuttgard  le  20  mars 
1799,  mort  dans  cette  ville  le  28  mars  1881.  Il  fut  professeur  depuis  1822  à 
l'École  de  médecine  vétérinaire  de  Stuttgard  dont  il  devint  le  dn-ecteur  par  la 
suite.  Il  s'occupa  beaucoup  des  parasites,  publia  plusieurs  ouvrages  de  méde- 
cine vétérinaire,  collabora  au  Canstatl's  Jahresbericht ,  etc.  Il  a  fait  des 
recherches  remarquables  sur  le  pouls  :  Versuche  ilber  das  Verhàltniss  zwischen 
der  Zahl  der  Puise  und  der  Schnelliglceit  des  Blutumlaufs  {Tiedemann's  u. 
Treviranus"  Zeitschrift,  1828,  1833;  Griesingers  Archiv  f.  physiol.  Heilk., 
1850,  1855).  L.  Hn. 

HÉRISSANT  (Les  deux). 

Hérissant  (François-David).  Savant  anatomiste  du  dernier  siècle,  a  publié 
des  travaux  importants.  L'un  de  ses  plus  intéressants  mémoires  est  celui  qui 
traite  de  la  respiration  et  des  mouvements  propres  du  poumon  ;  ses  recherches 


HÉRISSON.  607 

sur  ies  mouvements  du  bec  des  Oiseaux,  sur  les  organes  de  la  voix  dans  les 
Quadrupèdes  et  les  Oiseaux,  sur  la  formation  de  l'émail,  sur  la  structure  des 
os,  sont  non  moins  remarquables.  11  naquit  à  Rouen,  le  29  septembre  1714, 
et  fut  reçu  maître  es  arts  (25  décembre  1758),  puis  docteur  en  médecine  de 
Turin;  le  26  octobre  1742,  il  devint  professeur  de  chirurgie  et  de  pharmacie 
dans  les  écoles  de  la  Bûcherie;  il  entra  à  l'Académie  des  sciences  en  1758.  Héris- 
sant mourut  le  21  août  1775,  âgé  de  cinquante-neuf  ans,  et  fut  enterré  dans 
l'église  de  Saint-Merry. 

Hérissant  (Louis-Aistoi>'e-Prosper).  Cousin  de  François-David,  naquit  à 
Paris,  le  26  juillet  1745.  11  fit  marcher  de  front  l'étude  de  la  littérature  avec 
celle  de  la  médecine,  mais  une  mort  prématurée  l'enleva  à  la  science,  le 
11  août  1769.  On  lui  doit  les  ouvrages  suivants  : 

I.  Typographia,  Carmen.  Paris,  1764,  in-4°.  —  II.  Éloge  de  Gonthier  d'Andernach.  Paris, 
1765,  in  8°.  —  Kl.  An  a  terrœ  sttbstantia  intra  poros  carlilaginum  appidsa  ossium  duri- 
ties?  Paris,  1768,  in^".  —  IV.  Jardin  des  plantes,  on  catalogue  raisonne  des  plantes  les 
plus  belles  et  les  plus  rares.  Paris,  1771,  in-12°.  —  V.  Bibliulhiquc  physique  de  la 
France,  ou  liste  de  tous  les  ouvrages,  tant  imprimés  que  manuscrits,  qui  traitent  de  l'his- 
toire naturelle  de  ce  royaume.  Paris,  1771,  in-8".  A.  C. 

HÉRlSSOl^l.  Les  Hérissons  Œrlnaceug  L.),  qui  constituent  le  type  de  la 
famille  des  Érinacéidés,  dans  l'ordre  des  Insectivores,  sont  des  Mammifères  trop 
connus  pour  que  nous  ayons  besoin  d'en  donner  une  description  détaillée.  Chacun 
sait  qu'ils  ont  la  tête  pointue,  terminée  en  avant  par  une  sorte  de  groin,  les  oreilles 
largement  épanouies,  les  yeux  très-petits,  la  bouche  largement  fendue,  le  corps 
renflé  et  couvert  de  piquants,  la  queue  rudimentaire  et  les  pattes  pentadactyles. 
Leur  dentition  se  compose  à  la  mâchoire  supérieure  de  trois  paires  d'incisives, 
de  trois  paires  de  dents  uniradiculées,  d'une  paire  de  grosses  dents  carnassières 
et  de  trois  paires  d'arrière-molaires  tuberculeuses,  et  à  la  mâchoire  inférieure  de 
quatre  paires  de  dents  uniradiculées,  d'une  paire  de  carnassières  et  de  trois 
paires  d'arrière-molaires,  ce  qui  donne  un  total  de  trente-six  dents. 

Ces  animaux,  qui  étaient  déjà  représentés  sur  notre  sol  pendant  la  période 
miocène,  se  ré|)artissent,  dans  la  nature  actuelle,  en  une  vingtaine  d'espèces  qui 
vivent  en  Europe,  en  Asie  et  en  Afrique.  L'espèce  la  plus  anciennement  connue 
est  le  Hérisson  vulgaire  [Erinaceus  europœus  L.),  que  les  Grecs  désignaient  sous 
le  nom  d'è^"»?  ^t  qui  est  appelé  dans  certaines  provinces  de  la  France  Urson, 
Ourson,  Hirson,  Ens,  Erisso,  etc.  Il  mesure,  à  l'âge  adulte,  de  2  à  5  décimètres 
de  long,  et  présente  une  coloration  jaune  ou  brunâtre.  Sa  face,  à  partir  du  front, 
est  entièrement  dégarnie  de  piquants  et  revêtue,  de  même  que  le  dessous  du 
corps,  la  queue  et  les  membres,  de  poils  soyeux,  d'une  teinte  blanchâtre  ou 
ocracée,  passant  au  brunâtre  sur  certains  points.  Les  oreilles  sont  nues,  sauf  à 
la  base,  et  la  lèvre  est  ornée  de  moustaches  peu  fournies;  enfin  la  majeure  partie 
du  corps  est  hérissée  de  piquants  tricolores,  blancs,  noirâtres  et  jaunâtres,  qui 
sont  marqués  extérieurement  de  sillons  longitudinaux  et  creusés  intérieurement 
de  grandes  cellules. 

Le  Hérisson  vulgaire  se  rencontre  dans  toute  l'Europe,  et  remonte  dans  les 
Alpes  jusqu'à  1500  mètres  et  dans  le  Caucase  jusqu'à  2600  mètres  d'altitude. 
Pendant  la  belle  saison,  il  se  tient  durant  toute  la  journée  tapi  dans  les  haies  ou 
dans  les  buissons  et,  à  la  tombée  de  la  nuit,  il  s'en  va  chercher  dans  les  jardins 
et  dans  les  champs  des  herbes,  des  Insectes,  des  Reptiles,  des  Oiseaux  et  de  petits 


SOS  IIERITIERA. 

Mammifères.  Les  chasseurs  l'accusent,  non  sans  quelque  raison,  de  faire  la  guerre 
aux  Perdrix,  aux  Faisans,  aux  Lièvres  et  aux  Lapins;  mais,  pour  compenser  ces 
méfaits,  il  rend  à  l'agriculture  de  réels  services  en  détruisant  une  foule  d'animaux 
nuisibles. 

A  l'approche  de  l'hiver,  il  se  retire  dans  une  crevasse  de  rocher  ou  dans  un 
terrier  abandonné,  au  fond  duquel  il  entasse  des  feuilles  et  de  la  mousse,  et  il 
ne  tarde  pas  à  tomber  dans  un  état  léthargique  qui  se  prolonge  pendant  plusieurs 
mois,  avec  quelques  interruptions. 

Comme  beaucoup  d'Insectivores,  le  Hérisson  est  la  victime  du  préjugé  popu- 
laire ;  on  le  qualifie  de  bête  -puante,  et  on  lui  fait  partout  une  chasse  active.  Les 
chiens  eux-mêmes  semblent  avoir  pour  le  Hérisson  une  haine  instinctive  et 
l'attaquent  non  sans  se  blesser  cruellement  aux  piquants  dont  l'animal  se  fait 
un  rempart,  en  se  roulant  en  boule  à  la  manière  d'un  Cloporte.  Aussi  cette 
espèce  d'Insectivore  devient-elle  de  plus  en  plus  rare  dans  nos  campagnes.  Jadis 
la  guerre  qui  lui  était  faite  avait  au  moins  une  excuse,  car  le  sang,  les  entrailles 
et  même  les  restes  incinérés  du  corps  du  Hérisson  passaient  pour  avoir  des  vertus 
médicinales;  sa  graisse  était  employée  comme  pommade  pour  faire  pousser  les 
cheveux  ou  comme  onguent  contre  les  douleurs  rhumatismales,  et  son  fiel  servait, 
dit-on,  à  préparer  une  liqueur  odoriférante  destinée  à  remplacer  le  musc.  On  sait 
aussi  que  les  dépouilles  du  Hérisson  étaient  employées  en  guise  de  cardes  pour 
peigner  la  laine  par  les  anciens  Romains  et  qu'elles  constituaient  un  article  de 
conmierce  assez  important;  mais  aujourd'hui  c'est  à  peine  si  l'on  pourrait  citer 
deux  ou  trois  usages  des  piquants  de  ce  petit  animal.  Disons  toutefois  que  ces 
piquants  convenablement  emmanchés  remplacent  avec  avantage,  diins  certains 
cas,  les  aiguilles  à  dissection  en  acier,  et  qu'ils  ont  sur  celles-ei  l'avantage  de  ne 
pas  s'altéier  au  contact  de  l'alcool  dans  lequel  on  a  fait  macérer  les  préparations. 

En  terminant  nous  rappellerons  encore  que  l'on  attribue  au  Hérisson  la  faculté 
de  résister  au  venin  de  la  Vipère,  et  que  diverses  expériences,  qui  du  reste 
demandent  à  être  reprises  et  contrôlées,  semblent  confirmer  sur  ce  point  la 
croyance  populaire.  E.  Oustalet. 

BiDLioGKAPHiE.  —  Geevais  (P.).  Histoirc  naturelle  des  Mammifères,  1854,  t.  I,  p.  225.  — 
Brehm.  Vie  des  animaux;  Mammifères,  édition  franc,  de  Z.  Gerbe,  t.  I,  p.  716.        E.  0. 

UERITIERA.  (.4iT.).  Genre  de  Malvacées,  série  des  Sterculiées,  dont  les 
fleurs  sont  analogues  à  celles  des  Sierculia.  Les  feuilles  sont  indivises,  et  les 
anthères,  en  petit  nombre,  forment  un  anneau  sur  le  support  comnuui  de  l'an- 
drocée.  Les  sexes  sont  sur  des  fleurs  séparées,  et  dans  les  femelles  il  y  a 
quelques  (souvent  5)  carpelles,  à  1  ou  rarement  2  ovules.  Le  fruit  indéhiscent 
est  un  achaine  subéro-ligneux,  caréné  sur  le  dos.  On  admet  2  Heriiiera,  arbres 
des  régions  chaudes  de  l'Asie,  de  l'Océanie  et  des  îles  orientales  de  l'Afrique. 
h'H.  littoralis  Lamk  a  des  graines  que  Stadmann  dit  comestibles.  Cependant 
Rhecde  les  indique  comme  amères,  astringentes.  Elles  sont  toniques.  L'écorce  de 
l'arbue  s'emploie  en  teinture.  Aux  Moluques  et  aux  Philippines  les  semences 
de  VH.  niinor  Lamk  (Balanopteris  minor  G^ertn.)  servent  aux  mêmes  usages. 

•    H.  Bn. 

Bibliographie.— Ait.,  H.  Kew.,  éd.  1,  111,546.—  Schott  et  Ekdl.,  Melet.,  52.  — Endl.,  Gen., 
n  5119.  —  Mer.  et  deL.,  Dict.  Mat  méd.,  III,  485.  —  Rosenth.,  Syn.  pi.  diaphor.,  722.  — 
H.  BxN,  in  Adansonia,  X,  164  ;  llist.  des  pL,  lY,  61,  116,  122,  fig.  88-94.  II.  En. 


HERMAPHRODISME    (tératologie).  609 

HERLITZ  (David).  Médecin  allemand,  connu  sous  le  nom  de  HerUchis, 
est  né  à  Zeits,  dans  l'Étal  deMisnie,  le  28  décembre  1557.  Il  fit  ses  études  plii- 
losophiques  et  médicales  à  Wittemberg,  à  Leipzig  et  à  Uostock,  et  fut  quelque 
temps  principal  du  collège  de  Gustrow.  Nommé  en  1582  médecin  pensionné 
à  Prentzlau,  il  alla  en  1583  s'établir  à  Anclam.  11  s'occupa  beaucoup  d'astro- 
logie et  il  est  l'auteur,  paraît-il,  des  premiers  recueils  populaires  consacrés  à 
la  prévision  du  temps.  Ses  Éphémérides,  publiées  pour  la  première  fois  en 
1584,  eurent  un  grand  succès  et  furent  traduites  dans  les  principales  langues 
de  l'Europe.  En  1585,  il  passa  professeur  de  mathématiques  à  l'Université  de 
Greifswald,  fut  médecin  ])ensionné  à  Stargard,  de  1598  à  1606,  puis  à  Lubeck 
jusqu'en  1614,  et  retourna  habitera  Stargard,  où  il  mourut,  le  15  août  1056. 
De  ses  nombreux  ouvrages  nous  citerons  seulement  : 

I.  De  curationibus  gravidarum^  puetperarum  et  infanlium.  Anclam,  1584,  iii-8°;  autres 
t'dit.  1G02,  in-4°;  Slettin,  1618,  in-8°.  —  II.  Exercilationes  pfiilosophicœ  de  lacrymis, 
risu,  saliva,  siidore  et  sternutatione.  Tireifswald,  1584,  in-8°.  A.  D. 

nER9i.%!%'r«  (Les). 

Hermann  (Paul).  Médecin  et  botaniste  allemand,  né  à  Halle  le  50  juin 
1646,  mort  à  Leyde  le  29  janvier  1095.  Reçu  docteur  à  Padoue  en  1670,  il 
partit  pour  Batavia  en  qualité  de  médecin  dans  la  Compagnie  hollandaise,  et 
après  sou  retour  fut  nommé,  en  1679,  professeur  de  botanique  à  l'Université  de 
Leyde.  Nombreuses  sunt  les  plantes  nouvelles  décrites  par  Hermann.  Outre  le 
catalogue  des  plantes  du  jardin  de  Leyde  (1687),  il  a  publié  : 

I.  Lapis  lydiiis  malerine  mrdicae.  Lugd.  Datav.,  1705.  — IL  Cynosura  maleriae  medicae, 
etc.  Argent.,  1710.  —  111.  Florae  lugd.  Bat.  flores.  Lugd.  Batav.,  1690.  L.  Un. 

Hermann  (Jean).  Médecin  et  naturaliste  français,  né  à  Barr  (Alsace),  le 
51  décembre  1758,  mort  le  8  octobre  1800.  Reçu  docteur  à  Strasbourg  en  1762, 
il  fut  nommé  en  1769  professeur  extraordinaire  de  médecine,  en  1778  profes- 
seur de  philosophie,  enfin,  en  1784,  succéda  à  Spielmann  dans  la  chaire  d'his- 
toire naturelle  médicale.  En  l'an  111,  il  devint  professeur  de  botanique  et  de 
matière  médicale  à  l'École  de  médecine  nouvellement  créée.  Le  musée  réuni 
par  Hermann  a  été  le  point  de  départ  du  riche  musée  d'histoire  naturelle  de 
Strasbourg.  Ce  savant  était  en  outre  directeur  du  jardin  botanique.  Ses  travaux 
sont  nombreux,  mais  le  plus  important  a  pour  litre  :  Tabula  affinilatum  ani- 
vialhim...  cum  annotationibus  ad  historiam  naturalem  animalium  avgendam 
facienlibus,  Argent.,  1785,  in^".  — Son  fils,  Jean  Frédéric,  né  en  1768,  mort 
en  1795,  médecin  militaire,  était  lui-même  un  naturaliste  distingué.  Il  avait 
été  reçu  docteur  à  Strasbourg  en  1 792  avec  une  bonne  thèse  sur  l'ostéologie 
comparée.  L.  Hk. 

UER3IAPUR0D1S1ME.  §  1.  Tératologie.  L'hermaphrodisme  (ou  plus 
exactement  hermaphroditisme) ,  au  sens  strict  du  mot,  est  la  réunion  des  deux 
sexes  sur  un  même  individu.  Cet  état  se  trouve  normalement  chez  la  plupart  des 
végétaux  et  dans  certains  groupes  d'Invertébrés;  il  est  dit  suffisant  lorsque 
l'hermaphrodite  est  capable  de  se  féconder  lui-même,  insuffisant  lorsque  la 
fécondation  exige  l'accouplement  réciproque  de  deux  individus. 

Parmi  les  Vertébrés,  l'hermaphrodisme  normal  n'existe  que  chez   quelques 

DICT.    E.NC.    i°    S.    XIII,  ôd 


610  IIERMAPURODISME   (tératologie). 

Poissons  {voy.  plus  bas)  ;  on  n'en  comiait  aucun  exemple  authentique  chez  les 
Vertébrés  supérieurs  ;  par  contre,  il  arrive  assez  fréquemment  chez  ces  derniers 
qu'un  même  animal  présente,  par  suite  d'une  anomalie  du  développement, 
quelques-uns  des  caractères  distinctifs  des  deux  sexes.  Cet  hetinaphrodUme 
anormal  est  toujours  très-imparfait  ;  l'étude  des  formes  variées  qu'il  alfecte 
chez  l'homme  et  les  Mammifères  les  plus  voisins  fait  l'objet  du  présent  article. 
S'il  est  un  chapitre  de  tératologie  qui  soit  propre  à  nous  montrer  de  la  façon 
la  plus  évidente  combien  cette  science  est  étroitement  subordonnée  à  l'embryolo- 
gie normale,  c'est  à  coup  sûr  celui  qui  se  rapporte  aux  vices  de  conformation 
des  organes  génitaux.  Aussi  nous  paraît-il  indispensable,  avant  d'aborder  la 
description  des  différents  cas  d'hermaphrodisme  constatés  dans  l'espèce  humaine 
et  chez  quelques  Mammifères,  de  rappeler  brièvement  l'évolution  normale  de 
l'appareil  reproducteur  chez  l'embryon. 

Vers  la  fin  du  deuxième  mois  de  la  vie  intra-utérine  l'ébauche  des  organes 

de  la  génération  est  représentée 
par  les  glandes  génitales  primi- 
tives [leslicules  on  ovaires),  ^av 
le  corps  de  Wollf  et  son  canal 
excréteur  {voies  génitales  mâles] 
et  par  les  conduits  de  Mûller 
[voies  génitales  femelles).  Tous 
ces  conduits  débouchent  dans  le 
cloaque  par  l'intermédiaire  du 
sinus  uro-génital  ;  c'est  à  l'ex- 
trémité antérieure  de  la  fente 
cloacale  qu'apparaissent  ulté- 
rieurement les  rudiments  des 
organes  génitaux  externes,  à  sa- 
voir Véminence  génitale  (pénis 
ou  clitoris),  le  sillon  génital 
(portion  terminale  de  l'urèthre 
ou  petites  lèvres)  et  les  replis 
génitaux  (scrotum  ou  grandes 
lèvres  [î;oy.  la  figure]).  Chez  le 
mâle  les  glandes  génitales  de- 
viennent les  testicules,  et  les 
canaux  de  Wolff  les  canaux  dé- 
férents. Les  conduits  de  Jlûller 
disparaissent,  à  l'exception  de 
leurs  extrémités  (utérus  mâle  et 
hydatides  non  pédiculées).  Les  corps  de  Wolff  aussi  s'atrophient,  sauf  en  ce  qui 
concerne  la  partie  moyenne  qui  s'accole  de  chaque  côté  au  testicule  et  se  trans- 
forme en  épididyme.  Le  tubercule  génital  se  change  en  pénis.  Le  sillon  génital 
se  ferme,  constituant  un  canal  (portion  spongieuse  de  l'urèthre)  qui  fait  suite 
au  sinus,  uro-génital  (portion  membraneuse).  Les  replis  génitaux  se  soudent 
sur  la  ligne  médiane  et  doiment  ainsi  naissance  au  scrotum. 

Cheï  la  femelle  les  glandes  génitales  développées  représentent  les  ovaires.  Les 
conduits  de  Mûller  confondus  dans  leur  partie  inférieure  fournissent  les  trompes, 
l'utérus  et  le  vagin.  Les  canaux  et  les  corps  de  Wolff  disparaissent,  à  l'exception 


Figure  schématique  indiquant  la  disposition  des  organes  et 
^   des  conduits  génilo-uiinaires  sur  un  jeune  embryon  de 
mamuiilère. 

cw,  corps  de  Wolff.  —  og,  glande  ou  organe  génital.  — 
m,m,  conduits  de  Mûller.  —  v),w,  canaux  de  Wolfl".  — 
cg,  cordon  génital.  —  u,u,  uretères.  —  v,  vessie.  —  su,  si- 
nus uro-génital.  —  i,  intestin  poslérieur.  —  et,  cloaque. — 
tg,  tubercule  génital. 


I 


X 


HERMAPHRODISME  (tératologie).  6H 

de  laportionqui  correspond  à  l  epididyme  et  qui  forme  l'organe  de  Rosenmûller 
ou  parovarium  du  ligament  large.  Le  tubercule  génital,  beaucoup  moins  déve- 
loppé que  chez  le  mâle,  devient  le  clitoris.  Enfin  la  gouttière  génitale  reste 
ouverte  et  ses  bords  (petites  lèvres)  limitent  l'entrée  du  sinus  uro-Ténital  qui 
reste  très-court  (vestibule).  Les  replis  génitaux  restent  séparés  et  se  renflent 
pour  constituer  les  grandes  lèvres. 

Le  tableau  ci-contre  qui  résume  la  destinée  ultérieure  des  différentes  parties 
de  l'appareil  génital  embryonnaire  nous  permettra  de  nous  en  tenir  à  cet  exposé 
sommaire  des  faits  (nous  renvoyons,  pour  plus  de  détails,  aux   articles  Ovaire 
Testicule,  Uro-génital  [Sinus],  Péms,  Utérus,  Wolff  [Corps  de]). 

Embryon.  Femme,                                      Bomme. 
1  Segment 

I  PROFOND.    Glande  génitale Ovaire Testicule. 

I  t  Partie  géni- 

l      taie. .   .   .  Canalicules  efférents  du  !   Cônes  efférents. 

Corps  de    1  corps  de  Rosenmullci-  j  Vasa  aberrantia. 

Wolff..  j  (époopliore) (  l'.ele  teslis. 

/  Partie    uri- 

l      naire.  .   .  Grains    du    parovarium 

(paroophoro) Corps  de  Giraldès  (paradidyme). 

i   ^rr'  1  Conduit  de  Gartuer.         (  [i°"f,"'i -f l'"^"',^'^"^- 

g;   /MOiEN.   -  \„      ,..,,,,  ,„,  \„       ,  j     n  1.  )  Canal  di;lcrent. 

g  /  Conduit  de  Wolff.   ...     Canal  de  Rosenraullcr. .    >   (-^^^i  ^^  j.,;  i^jj      e. 

g\  /  fHydatidepediculce.  (  Hydalide  pédiculée. 

!  Partie  supé-  i  Trompe, 
rieure.   .  {Pavillon Hydatide  non  pédiculée. 
(  Pavillons  accessoires. 
Partie  infc- 1  Ulérus. 
rieure.  .(  Vagin Ulricule  prostaticpte. 

[  Partie  supé-  \  Trigone  vésical \  ^''S""'^  ^^*'.<==>'-       ,    „     .  , 

Sinus  uro-  \     rieure  .   .  (  Tout  l'urèthre.  i  ^  "';"'"  ^^°^^^^m^  de  1  urelhre  et 

,  .,  ,      <  I  s  landes  annexes, 

génilal..  J  rv    .■     •  r-  I  o 
°              I  Partie  infe- 

(     rieure.    .     Vestibule Portion  membraneuse  de  l'urèthre 

'"'^"^^' )  Tubercule  génilal.  .    .    .     Clitoris Pénis. 

Sillon  génital Petites  lèvres Portion  spongieuse  de  l'urèthre. 

Replis  géuitaux Grandes  lèvres Scrotum. 

Ce  tableau  montre  au  premier  coup  d'œil  qu'au  point  de  vue  de  leur  dériva- 
tion embryogénique  et  de  leurs  usages  les  organes  de  la  génération  peuvent  être 
divisés  en  trois  segments  superposés  :  un  segment  profond  comprenant  les 
glandes  génitales  ;  un  moyen  représenté  par  les  corps  et  les  conduits  de  WolfC 
et  les  conduits  de  Mûller  ;  un  externe  répondant  aux  organes  génitaux  externes. 
Il  est  \rai  que  vers  le  moment  de  la  naissance  les  testicules  avec  leurs  annexes 
descendent  à  travers  les  canaux  inguinaux  et  vont  se  loger  en  dehors  de  l'ab- 
domen dans  les  bourses;  mais  cette  migration  ne  modifie  en  rien  leur  signifi- 
cation morphologique.  Chacun  de  ces  segments  étant  composé  de  deux  parties 
équivalentes  symétriquement  disposées  de  chaque  côté  de  la  ligne  médiane,  le 
nombre  de  segments  ou  subdivisions  anatomiques  se  trouve,  en  dernier  ressort, 
porté  à  six.  I.  Geoffroy  Saint-Hilaire,  s'appuyant  surtout  sur  ce  fait  que  chaque 
partie  est  alimentée  par  des  troncs  vasculaires  différents,  a  introduit  le  premier 
dans  la  science  celte  «  division  de  l'appareil  générateur  en  six  segments  princi- 
paux, correspondant  a  autant  de  centres  distincts  de  formation,  et  par  suite  pouvant 
se  montrer,  dans  certaines  circonstances,  indépendants  les  uns  des  autres.  » 

L'ébauche  embryonnaire  telle  qu'elle  vient  d'être  décrite  est  nettement  bisexuelle 
en  ce  qui  concerne  le  segment  moyen  oii  coexistent  les  corps  et  conduits  de 
Wolff  (organes  mâles)  avec  les  conduits  de  Miiller  (organes  femelles).  Au  con- 


Segment 


612  HERMAPHRODISME    (tératologie). 

traire,  les  deux  autres  segments  paraissent  unisexués;on  leur  applique  fréquem- 
ment l'épithèle  d'indifférents,  pour  exprimer  qu'ils  sont  susceptibles  d'évoluer 
soit  vers  le  type  mule,  soit  vers  le  type  femelle.  Cependant  les  reclierches 
modernes  ont  prouvé,  ainsi  qu'on  le  verra  plus  loin,  que  cette  indifférence  n'est 
qu'iipparente  pour  les  glandes  génitales  primitives.  Ces  organes  présentent  au 
contraire  des  caractères  de  bisexualité  plus  ou  moins  évidents  suivant  les 
espèces  animales,  caractères  qui  paraissent  se  reproduire,  dans  certains  cas  téra- 
tologiques,  cliez  les  Mammifères  et  chez  l'homme.  En  ce  qui  concerne  lesen^ment 
externe,  l'ébauche  est  réellement  simple  :  elle  ne  saurait  donc  donner  naissance 
simultanément  à  un  appareil  mâle  et  à  un  appareil  femelle  bien  conformés. 

On  peut  dire  en  résumé  que  le  jeune  embryon  a  tout  ce  qu'il  faut  pour  deve- 
nir à  la  fois  i7iâle  et  femelle  dans  le  segment  profond  et  Je  segment  intermé- 
diaire (dont  lu  réunion  répond  à  peu  près  à  ce  qu'on  décrit  en  analomie  sous 
le  nom  d'organes  génitaux  internes),  mâle  ou  femelle  seulement  dans  le  se"-- 
ment  externe. 

Partant  de  ce  stade  très-jeune  on  voit  les  sexes  se  différencier  progressivement 
par  la  suite  d'après  un  plan  général  parfaitement  établi.  Le  diraorphisme  sexuel 
ne  porte  pas  seulement  sur  les  organes  génitaux,  mais  aussi  sur  l'habitus  géné- 
ral du  corps  :  port,  barbe,  voix,  mamelles,  conformation  du  squelette,  du  bassin 
en  particulier,  etc.  La  différenciation  physiologique  est  complète  après  la 
puberté,  une  fois  que  la  sécrétion  du  sperme  d'une  part,  l'civulalion  et  les  mens- 
trues de  l'autre,  se  montrent  régulièrement.  Il  se  fait  en  même  temps  dans  la 
personnalité  morale  eles  individus  une  différenciation,  qui  se  manifeste  aussi 
bien  par  l'orientation  générale  des  idées,  des  goûts  et  des  habitudes,  que  par  les 
penchants  sexuels  proprement  dits. 

Or  il  n'est  aucun  de  ces  caractères  soit  matériels,  soit  psychiques,  qui  ne  puisse 
se  trouver  modifié  accidentellement  de  telle  sorte  qu'il  paraisse  être  en  désaccord 
avec  le  type  sexuel  de  l'individu  sur  lequel  on  l'observe.  De  là  la  possibilité  de 
certaines  déviations  du  développement  se  traduisant  par  un  mélange  en  propor- 
tions variables  de  caractères  mâle  et  femelle  sur  un  même  individu. 

Classification.     Alors  que  les  Anciens  réservaient  le  nom  d'hermaphrodites 
pour  les  individus  auxquels  ils  attribuaient  la  possession  sin)ultan«e  d'organes 
mâles  et  d'organes  femelles,  avec  la  facuté  de  remplir  tour  à  tour  les  fonctions 
de  l'un  et  de  l'autre  sexe,  ce  ternie  a  pris  peu  à  peu  une  plus  grande  extension. 
C'est  ainsi  que  I.  Geoffroy  Saiiit-llilaire  définit  l'hermaphrodisme  la  réunion 
chez  le  même  individu  des  deux  sexes  ou  de  quelques-uns  de  leurs  caractères. 
En  prenant  le  mot  dans  une  acception  aussi  vaste  on  arriverait  à  conjprendre 
sous  cette  rubrique  toute  aberi'ation  physique  ou  morale  du  type  sexuel,  depuis 
les  modifications  morphologiques  et  anatomiqnes  de  telle  ou  telle  partie  du 
corps  jusqu'aux  perversions  si  curieuses  de  l'instinct  sexuel  sur  lesquelles  l'at- 
tention a  été  attirée  dans  ces  dernières  années  {vojj.  Gley,  Les  aberrations  de 
r instinct  sexuel.  In  Bévue  philosophique,  1884).  Mais  dans  le  langage  térato- 
logique  usuel  la  dénomination  d'hermaphrodisme  s'applique  à  une  catégorie  de 
faits  beaucoup  plus  restreinte.  Aussi  longtemps  que  l'appareil  reproducteur  est 
bien  conformé  et  que  l'anomalie  sexuelle  ne  porte  que  sur  les  caractères  secon- 
daires de  Ihabitus  extérieur,  de  la  voix,  des   penchants  moraux,  cet  état  ne 
constitue  pas  à  proprement  parler  un  hermaplirodisme.  Gomme  le  dit  Ahlfeld, 
un  homme  à  seins  développés,   présentant  les  apparences  du  féminisme,  une 
femme  à  barbe,  une  virago,  ne  sont  pas  encore  des  hermaphrodites.  On  ne  leur 


HERMAPHRODISME    (tiîratologie).'  613 

donne  ce  nom  que  si  les  organes  de  la  génération  sont  affectés  en  même  temps 
de  quelque  vice  de  développement  pouvant  faii-e  naître  des  doutes  sur  la  sexua- 
lité réelle  de  l'organisme. 

Ambroise  Paré  avait  divisé  les  hermaphrodites  en  quatre  groupes,  suivant 
qu'ils  étaient  mâles,  femelles,  neutres  ou  bisexués,  et  Pierquin  (Montpellier,  i  825) 
a  encore  suivi  le  même  procédé  eu  établissant  les  trois  sections  :  monogames 
androgynes  et  gynanthropes,  agames  et  digames.  Depuis  Meckel  {De  duplicitate 
monstrosa  commenlalio.  Halse,  1815.  —  Anat  path.  et  Anat.  générale)  on  avait 
adopté  généralement  la  division  des  hermaphrodismcs  en  deux  grandes  classes  : 
1"  hermaphrodisme  vrai,  réel,  double  ou  composé;  hermaphrodisme  avec  aug- 
mentation du  nombre  normal  des  parties  ;  2"  hermaphrodisme  faux,  apparent, 
pseudo-hermaphrodisme;  heraiaphrodisme  simple,  ou  avec  conservation  du 
nombre  normal  des  parties.  Ce  principe,  admis  avec  diverses  variantes  dans  les 
ouvrages  de  Metzger  (Z)ws.  de  monstris.  Regensburg,  1793),  Blum^nbach  (Com- 
ment.  Soc.  se.  Gœlting,  1813.  —  Hamlb.  d.  ^aturgerch.,  1825),  Dugès  [Mém.  sur 
l'hermaphrod.  Éphém.  méd.  Montpellier,  1827),  Gurlt  [Hamlb.  d.  path.  Anat. 
d.  Haitssdiigethiere,  Berlin,  1852),  a  servi  également  de  base  pour  la  classifi- 
cation de  1. -Geoffroy  Saint-liilairc  (Âc.  des  se,  1853.  —  Traité  des  anomalies 
de  l'organisation  chez  l'homme  et  les  animaux,  II,  Paris,  1830),  la  plus  com- 
plète à  tous  égards  qui  ait  jamais  été  donnée.  Appliquant  aux  monstruosilés  la 
méthode  usitée  en  histoire  naturelle,  Geoffroy  Saint-llilaire  établit  comme  il 
suit  sept  ordres  d'hermaphrodismes  répartis  en  deux  classes  : 

!,„„  ,  '  1  essenUellcment  niùle I.  Hermaphrodisme  masciitiii. 

llERMArHRODiSMES   SIMPLES,        \  ..    ,,  .    ,.  ,.  ,,      ,t  ,         ,■  y-        ■     • 

1  osentiellemeiu  kmeJle Jl.  llermdijiirodisme  fenuiiiii. 

ou   SANS  EXCES  {  .    .  ....  .,         .  „  ,,  ,,i      „  ,  ,. 

„    „  i  intermeiliiure,  ni  inale  ni  leraelle..       \\l.  Hermaphrodisme  veut re. 

DANS   I.E    NOMBIIE    DES   PAnTIES.      /  .  ...  ...  ,,  i,.       ,,  , 

,  1  ,  [  ea  partie  iiialo  et  en  partie  icmelle.       IV.  Hermaphrodisme  nnx/e. 

Appareil  sexuel  l 

II' CLAUSE  [      .,  ,  f       ,,  •      ,.  V     ir 

n^„,..„ „  l  maleavecpart  femellessuraioulees.  y .  nerm.  masculin  com:>lcxe. 

Uermapiirodijmes  complexes,    \  „       ,,       "^  .,  .       .  ,T,    „  ^.    •    .  , 

1  lemelleavecpart.  malessurajoulees.  M.  Herm.  femiiitii  com;:icxe. 
ou  avec  EXCES                     \                             '^  '  1    ■  f  ■ 

DANS  LE  NOMURK  DES  PARTIES.    /  double  :  un  mâlc  ct  Une  femelle.   .       VU.  Herm.  bisexuel      '"  '':"'  •^'  • 
Appareil  sexuel  \  '   pa.iait. 

Chaque  ordre  est  lui-même  subdivisé  en  genres,  et  la  nomenclature  s'apjjlique 
à  tous  les  cas  possibles  d'hermaphrodisme,  soit  normal,  soit  tératologique. 

On  reconnaît  sans  peine  dans  l'œuvre  du  grand  tératologiste  les  préoccupa- 
tions d'ordre  physiologique  dont  s'étaient  inspirés  ses  prédécesseurs  depuis 
A.  Paré.  Nous  retrouvons  les  mêmes  tendances,  encore  plus  accentuées,  dans 
l'école  allemande  contemporaine.  Jean  Mùller  [Entwickelungsgeschichte  der 
Genitalien.  Dùsseldorf,  1850),  considérant  que  la  caractéristique  essentielle  du 
sexe  est  fournie  par  la  glande  génitale,  distingua  trois  catégories  d'hermaphro- 
dites: 1°  conformation  indécise  des  organes  génitaux  externes,  avec  des  organes 
internes  complélement  mâles  ou  femelles  ;  2"  conformation  indécise  des  organes 
génitaux  externes  avec  duplicité  partielle  des  organes  internes;  5"  organes 
internes  mâles  d'un  côté,  femelles  de  l'autre,  hermaphrodisme  latéral.  ^iûUer 
insistait  en  outre  sur  la  nécessité  de  pratiquer  l'examen  microscopiquu  des 
organes  et  de  n'admettre  comme  testicules  ou  ovaires  que  les  glandes  pourvues 
soit  de  canalicules  spermatiques,  soit  de  follicules  de  de  Graaf. 

C'est  sur  ces  préceptes  qu'ont  été  édifiées  depuis  lors  les  classifications  des 
divers  auteurs.  Voici,  par  exemple,  celle  àQ\i[Qhi,{Handb.  d.  path.  Anat.,  1875), 
qui  est  généralement  usitée  aujourd'hui  : 


614  HERMAPHRODISME   (tératologie) 

,    „  ...  .  (1°  Hermaphrodisme  vrai  bilatéral. 

I.  Hermaphrodisme  vrai  U,  Hermapli.odisme  vrai  unilatéral, 

(coexistence  d  ova.res  et  de  testicules).  .  ^  50  Hermaphrodisme  vrai  latéral  (ou  alterne,  Péris). 

II.  Pseudo-hermaphrodisme  \  1°  Masculin, 

(glaudes  génitales  d'un  seul  sexe)  .  .   .   (  2°  Féminin. 

Suivant  que  l'anomalie  porte  sur  les  organes  externes,  sur  les  internes  (seg- 
ment moyen),  ou  sur  les  deux  à  la  fois,  le  pseudo-hermaphrodisme  dans  chaque 
sexe  est  subdivisé  en  pseudo-hermophrodisme  externe,  interne  ou  complet. 

AhlfelJ  [Missbildungen  des  Menschen,  Leipzig,  1882)  met  en  doute  l'existence 
de  l'hermaphrodisme  vrai  ;  il  trouve  le  système  de  Klebs  trop  compHqué  et  n'est 
pas  éloigné  de  vouloirVayer  le  terme  hermaphrodisme  du  langage  tératologique. 
11  décrit  les  pseudo-hermaphrodismes  de  Klebs  en  chapitres  séparés  :  Utérus 
mâle.  Fissures  génitales  externes  (Epispadias  et  Hypospadias),  Hypertrophie  du 
clitoris. 

Fœrster  avait  du  reste  déjà  procédé  d'une  façon  à  peu  près  analogue  [Missbil- 
dungen, 1865). 

Sans  méconnaître  ce  qu'ont  d'artificiel  toutes  ces   classifications,   forcément 
compliquées,  puisqu'il  s'agit  de  décrire  des  anomalies  Irès-complexes  et  variées, 
nous  ne  croyons  pas  que  l'on  doive  supprimer  la  dénomination  hermaphrodisme 
et  dissocier  en  quelque  sorte  le  groupe  d'anomalies  désigné  sous  ce  nom  en  trois 
ou  quatre  malformations  simples  des  organes  génitaux.  C'est  en  se  fondant  sur 
les   données  de  l'embryogénie  et  de  l'anatomie  comparées  que  la  tératologie 
descriptive  est  arrivée  à  prendre  rang  parmi  les  sciences  biologiques.  Or,  si  nous 
continuons  d'appliquer  cette  règle  et  d'étudier  le  développement  anormal  en  le 
comparant  au  développement  normal,  il  nous  suffira  de  quelques  considérations 
très-simples  pourvoir  que  la  conception  de  l'hermaphrodisme  tératologique  n'a 
nullement  perdu  son  droit  de  cité.  C'est  elle  seule  qui  nous  permet  d'embras- 
ser dans  une  vue  d'ensemble  et  de  relier  entre  eux  des  vices  de  développement 
multiples,  très-variés  quant  à  leur  morpliologie.  Loin  de  la  restreindre  ou  de 
l'infirmer,  les   acquisitions  récentes  de  l'embryologie  nous  paraissent  au  con- 
traire devoir  donner  plus  d'extension  à  son  domaine  en  y  rattachant  des  mal- 
formations de  moindre  importance  qu'on  avait  l'habitude  de  décrire  séparément 
jusqu'à  ce  jour. 

En  nous  reportant  à  l'esquisse  embryogénique  donnée  plus  haut  nous  consta- 
tons facilement  que  le  dimorphisme  sexuel  s'établit  par  deux  procédés  bien 
distincts,  suivant  que  l'on  envisage  les  organes  génitaux  internes  (segment 
profond  et  segment  moyen)  ou  les  organes  externes  (segment  externe).  L'ébauche 
interne  est  double;  elle  acquiert  son  caractère  unisexuel  grâce  à  ce  fait  que 
l'une  de  ses  parties  composantes  (soit  le  testicule  avec  le  canal  de  \\Wf,  soit 
l'ovaire  avec  le  conduit  de  Mûller)  se  développe  seule,  tandis  que  l'autre  reste 
à  l'état  rudimentaire.  L'ébauche  externe  au  contraire  est  unique,  et  évolue  vers 
le  type  mâle  ou  vers  le  type  femelle. 

La  connaissance  de  ces  faits  nous  permet  de  voir  nettement  la  limite  des 
malformations  possibles  dans  la  catégorie  qui  nous  occupe.  Si  l'on  entend  par 
hermaphrodisme  vrai  la  réunion  chez  le  même  individu  des  deux  appareils 
sexuels  complets  et  capables  de  fonctionner,  la  production  d'une  pareille  ano- 
malie ne  saurait  en  effet  se  concevoir,  et  l'on  retombe  dans  les  monstruosités 
imaginaires  des  auteurs  du  seizième  siècle. 

Mais  rien  ne  s'oppose  à  priori  à  ce  que  l'ébauche  embryonnaire  des  deux 


iiEUMAPHRODlSME  (téhxtologie).  615 

sef^ments  profond  et  moyan  se  développe  entièrement,  donnant  ainsi  naissance  à 
des  glandes  et  à  des  conduits  des  deux  sexes.  Quant  aux  organes  externes,  ils 
pourront  conserver  plus  ou  moins  la  forme  primitive  que  nous  voyons  chez  le 
jeune  embryon  et  chez  les  ovipares.  Celte  forme,  qui  n'aurait  rien  d'absolument 
extraordinaire  ni  de  surnaturel,  n'a  jamais  été  constatée  jusqu'ici,  il  est  vrai, 
mais  on  connaît  des  cas  qui  s'en  rapprochent  sensiblement,  même  dans  l'espèce 
humaine  (voy.  plus  loin  le  cas  de  Ueppner).  Eu  tous  cas  elle  nous  représente 
théoriquement  le  type  d'hermaphrodisme  vrai  le  plus  complet  que  l'on  puisse 
concevoir  chez  les  animaux  supérieurs  ;  la  suite  de  cette  étude  nous  montrera 
dans  quelle  mesure  il  s'est  trouvé  réalisé  jusqu'à  ce  jour,  et  comment  il  peut 
être  pris  comme  point  de  départ  pour  arriver  à  l'interprétation  des  formes 
moins  complexes. 

Il  y  a  donc  lieu  de  distinguer  :  1»  les  hermaphrodismes  bisexiiels,  herraa- 
phrodismes  vrais  de  Klebs,  et  parfaitement  désignés  par  I. -Geoffroy  Saint-Hilaire 
sous  le  nom  d' Hermaphrodismes  bisexuels  imparfaits  ;  2°  les  hermaphrodismes 
unisexuels,  hermaphrodismes  apparents,  pseudo-hermaphrodismes.  Ces  derniers 
nous  présentent  des  formes  en  quelque  sorte  intermédiaires  entre  les  deux  types 
sexuels  ;  on  pourrait  les  diviser,  suivant  l'état  des  deux  segments  internes,  en 
mascidiris,  féminins  et  neutres.  Mais  il  suffira  de  mentionner  la  dernière  variété 
qui  résulte  de  l'avortement  des  glandes  génitales  ;  il  en  sera  de  même  des 
hermaphrodismes  transverses  (Eschricht)  ou  superposés  {Geoi^voy  Sainl-Milaire). 

Nous  étudierons  successivement  l'hermaphrodisme  dans  les  trois  segments  de 
l'appareil  de  la  génération,  et  nous  suivions,  pour  notre  description,  une 
marche  analogue  à  celle  qui  est  indiquée  dans  l'ouvrage  déjà  cité  de  Klebs. 

I.  Conformation  bisexitelle  du  segment  profond  {coexistence  de  l'ovaire  et 
du  testicide  chez  un  même  individu).  Hermaphrodisme  vrai,  hermaphrodisme 
bisexuel  imparfait.  C'est  la  forme  qui  se  rapproche  le  plus  de  l'hermaphrodisme 
normal.  Suivant  le  nombre  et  la  disposition  des  glandes  génitales,  l'hermaphro- 
disme du  segment  profond  se  subdivise  en  :  I'^  hermaphrodisme  vrai  bilatéral 
(un  testicule  et  un  ovaire  de  chaque  côté)  ;  2»  hei'maphrodisme  vrai  uni- 
latéral (un  testicule  et  un  ovaire  d'un  seul  côté,  le  côté  opposé  ne  présentant 
qu'une  glande  génitale  ou  en  étant  complètement  dépourvu)  ;  5"  hermaphro- 
disme vrai  latéral  ou  alterne  (un  testicule  d'un  côté,  un  ovaire  de  l'autre). 

i"  et  2»  Hermaphrodismes  vrais  bilatéral  et  unilatéral.  Les  malformations 
appartenant  à  cette  catégorie  sont  bien  plus  rares  que  celles  du  troisième  groupe, 
et  d'autre  part  il  reste  un  point  obscur  dans  les  données  embryogéniques  que  nous 
devons  invoquer  pour  en  comprendre  la  genèse.  En  effet,  nous  ne  trouvons  norma- 
lement qu'une  glande  génitale  primitive  de  chaque  côté  de  la  colonne  vertébrale, 
et  cette  forme  d'hermaphrodisme  est  caractérisée  par  la  présence  simultanée  d'un 
ovaire  et  d'un  testicule,  soit  d'un  seul  côté  (hermaphrodisme  unilatéral),  soit  des 
deux  côtés  (hermaphrodisme  bilatéral)  de  l'abdomen.  Pour  s'expliquer  l'origine 
de  cette  dispositiou  anormale  il  est  nécessaire  de  se  reporter  aux  phénomènes 
histologiques  qui  président  aux  premiers  développements  des  glandes  génitales. 
L'éminence  génitale  primitive  est  constituée  au  moment  de  son  apparition  par 
un  simple  amas  de  tissu  conjonctif  embryonnaire  à  la  surface  duquel  l'épilhélium 
du  péritoine  s'épaissit  pour  former  V épithélium  germinatif  de  Waldeyer.  De 
bonne  heure  on  aperçoit  parmi  les  cellules  prismatiques  de  cet  épithélium  des 
éléments  sphériques  plus  volumineux,  les  ovides  primordiaux,  et  bientôt  il  se 
produit  des  involutions  épilhéliales  qui  pénètrent  dans  le  stroma  mésodermique- 


616  HERMAPHRODISME    (tératolog  te  ). 

de  la  glande  génitale,  entraînant  avec  elles  les  ovules  primordiaux.  Pour  les  Ver- 
tébrés inférieurs  {Plagiostomes,  Semper,  Balfour;  Ba/rac/e«s,  Gœtte;  liepliles, 
Braun)  on  admet  généralement  que  les  ovules  femelles  et  les  spermatogonies 
{ovules  mâles)  proviennent  également  des  cellules  génitales  primitives  incluses 
dans  l'éi  ithélium  germinatif.  Mais  celte  homologie  complète  entre  les  éléments 
reproducteurs  des  deux  sexes,  telle  que  l'a  formulée  Cli.  Uobin,  est  loin  d'être 
démontrée  en  ce  qui  concerne  les  Vertébrés  supérieurs.  Alors  que  tous  les  obser- 
vateurs s'accordent  pour  considérer  les  ovules  femelles  comme  des  descendants 
directs  des  ovules  primordiaux,  on  a  émis  au  contraire  les  vues  les  plus  diver- 
gentes au  sujet  de  l'origine  des  éléments  testiculaires.  Waldeyer,  notamment, 
ainsi  que  Schenk  et  Willich,  fait  provenir  ces  derniers  d'mi  bourgeonnement  des 
canalicules  du  corps  de  WoUf.  Mais,  que  l'on  se  rallie  à  la  théorie  de  l'homologie 
parfaite  (comme  le  font  Bornliaupt,  Egli,  Janosik  et  Kdlliker)  ou  qu'on  regarde  les 
spermutogonies,  les  cellules  mères  de  spermatozoïdes,  comme  représentant  une 
formation  woll'fienne  absolument  distincte  des  ovules  primordiaux  de  l'épitbélium 
germinatif,  dans  l'un  et  l'autre  cas  il  est  également  difficile  de  considérer  ces 
glandes  génitales  primitives  comme  des  organes  indifférents,  et  neutres  en  quelque 
sorte.  Suivant  la  remarque  de  Reuter  cité  plus  bas,  le  testicule  et  l'ovaire  sont  des 
organes  trop  différents  pour  qu'on  puisse  se  résoudre  facilement  à  les  faire  dériver 
d'une  ébauclie  primitive  unique,  alors  qu'on  ne  répugne  nullement  à  admettre 
semblable  communauté  d'origine  pour  les  organes  génitaux  externes  dont  toutes 
les  parties  sont  équivalentes  d'un  sexe  à  l'autre  au  point  de  vue  morphologique. 
Si  l'on  aào|)tc  la  manière  de  voir  de  Waldeyer,  la  glande  génitale  embryonnaire 
possède  tout  à  la  fois  les  rudiments  de  l'ovaire  et  du  testicule;  normalement  l'un 
des  deux  seulement  se  développe  et  l'autre  s'atrophie;  mais  on  peut  supposer  que 
la  formation  wolfiienne  (mâle)  et  la  formation  germinative  (femelle)  se  sont  déve- 
loppées simultanément,  et  se  sont  séparées  plus  tard  l'une  de  l'autre,  de  façon  à 
donner  naissance  à  un  testicule  et  à  un  ovaire  situés  du  même  côté.  Suivant  que 
cette  anomalie  se  sera  produite  à  droite  et  à  gauche,  ou  d'un  seul  côté,  l'her- 
maphrodisme sera  bilatéral  ou  unilatéral.  De  son  côté,  l'anatomie  comparée  nous 
fournit  un  point  d'appui  solide  en  faveur  de  la  bisexualité  primitive  de  la  glande 
génitale  de  l'embryon.  Parmi  les  Vertébrés  inférieurs,  où  les  ovules  tant  nicàles 
que   femelles  prennent  également  naissance  dans  l'épi thélium  germinatif,  il 
existe  des  exemples  d'hermaphrodisme  normal  chez  quelques  Téléostéens  :  tels 
sont  les  genres  Ghrysophrys  et  Serranus  (où  Aristote  déjà  l'avait  indiqué).  Dans  le 
testicule  des  Plagiostomes  il  n'est  pas  rare  de  trouver  quehpies  ovules  femelles 
(Balbiani,  Génération  des  Vertébrés.  —  Swaen  et  Masquelin,  Arch.  de  biol. 
belges,  1883).  On  sait  que  dans  le  genre  Bufo  il  se  développe  à  côté  du  testicule 
un  ovaire  rudimentaire.  L'hermaphrodisme  vrai  peut  se  montrer  exceptionnelle- 
ment sur  la  carpe  et  sur  le  hareng  (Garl  Vogt,  Sur  un  hareng  hermaphrodite. 
—  V .  k.  %m\i\., Description  d'un  hareng  hermaphrodite.  In  Arch  debiol.  belges, 
1882).  Voici  comment  s'exprime  Smitt  :  «  A  son  origine,  l'épilhélium  germinatif 
est  indifférent,  et  la  différenciation  des  sexes  est  un  processus  secondaire  qui, 
chez  les  Poissons,  peut  se  produire  très-lentement.  Chez  beaucoup  de  Poissons, 
tels  que  les  Serrans,  la  différenciation  se  fait  en  partie  double  ;  une  partie  des 
cellules  de  cet  épithélium  se  transforme  en  éléments  mâles,  l'autre  partie  se 
transforme  en  ovules  femelles.  »  Pour  les  Vertébrés  supérieurs,  Waldeyer  [Eier- 
stock  u.  Ei.,  1870)  a  signalé  la  présence  d'ovules  primordiaux  dans  l'épilhélium 
recouvrant  la  surface  du  testicule,  et  depuis  lors  des  faits  analogues  ont  été  con- 


HERMAPHRODISME   (tératologie).  617 

statés  pai'  divers  observateurs.  Laulanié  notamment  (Acad.  des  se,  o  août  1885. 
—  Soc.  de  Biol.,  1887)  a  décrit  des  formations  biscxuelles  aussi  bien  sur  l'ovaire 
que  sur  le  testicule  chez  les  Oiseaux  et  les  Mammifères. 

11  est  donc  possible  que  l'iiiterprétatioa  proposée  par  Smitt  s'applique  égale- 
ment à  la  bisexualité  anormale  des  glandes  génitales  chez  les  Vertébrés  supérieurs. 
Tous  ces  faits  tendent  à  faire  admettre,  ainsi  i|u'il  a  été  dit  plus  haut,  que  l'ébauche 
embryonnaire  de  l'appareil  reproducteur  est  biscxuelle  aussi  bien  pour  le  segment 
profond  que  pour  le  segment  moyeu.  D'une  façon  générale,  cet  hermaphrodisme 
est  moins  nettement  marqué  pour  le  premier  de  ces  segaients;  il  semble  même 
qu'à  l'état  adulte  il  n'en  reste  aucune  trace  normalement  chez  les  Vertébrés  vivi- 
pares. Mais,  chez  ces  derniers  et  jusque  chez  l'homme  on  rencontre  des  ano- 
malies qu"on  peut  considérer  comme  des  manife>lations  lointaines  de  la  bisexualité 
originelle.  11  faut  remarquer  cependant  qu'on  n'a  jamais  trouvé  jusqu'ici  chez 
l'hommede  glande  hermaphrodite  contenant  simultanément  des  canalicules  sper- 
matiquos  et  des  follicules  de  de  Graaf.  Mais  celle  objection  perd  beaucoup  de  sa 
valeur  si  l'on  considère  combien  est  minime  le  nombre  des  cas  qui  ont  été  sou- 
mis à  un  examen  microscopique  un  peu  appiofondi. 

Nous  relatons  ci-après  les  principales  observations  actuellement  connues  se 
rapportant  à  ce  dédoublement  des  glandes  génitales  dans  l'espèce  humaine. 

Hermaphrodisme  rrai  bilatéral.  Constaté  à  plusieurs  reprises  chez  les  ani- 
maux, ce  type,  qui  est  le  plus  complet  de  la  série,  n'est  représenté  chez  l'homme 
que  par  un  petit  nombre  de  cas  méritant  quelque  créance. 

Sclirell  [Med.  chir.  Pract.  v.  Schenlc.  I,  i8U-i.  —  Anal,  in  Geoffroy  Saint-llilaire. 
Tératologie,  II,  p.  165)  parle  d'un  enfant  de  neuf  mois  qui  présentait,  outre  un 
véritable  pénis  en  rapport  avec  des  organes  génitaux  mâles  complets,  une  petite 
vulve,  avec  grandes  et  petites  lèvres,  conduisant,  par  l'intermédiaire  d'un  vagin, 
à  un  utérus  rudimentaire  pourvu  de  trompes;  les  deux  ovaires  étaient  impar- 
faitement développés. 

Vrolik  {Tabiilae  ad  illnstr.  embryogeii.,  tab.  94  et  95.  Lipsiœ,  1854)  décrit 
les  organes  d'un  hypospade  mort  à  cinquante-huit  ans.  Conduit  utéro-vaginal  sur- 
monté de  deux  trompes  terminées  en  caecums;  à  gauche,  un  ovaire  et  un  testicule 
rudimentaires  demeurés  dans  l'abdomen;  à  dioile  les  deux  glandes  se  trouvent 
placées  dans  une  hernie  inguinale.  Le  testicule  ne  présente  point  de  cauiilicules, 
mais  seulement  des  kystes  remplis  d'un  liquide  dont  l'aspect  rappelle  celui  du 
sperme;  l'ovaire  ne  montre  que  du  tissu  conjonclif,  sans  trace  de  follicules. 

H.  Millier  [ïnCannstatts  JahresbM.  IV., p.  r2,185-i)résume,  d'après  un  dessin, 
une  observation  de  Blachmann  (1855)  relative  à  uncryptorchide  de  trente-six  ans: 
vagin  et  utérus  avec  des  trompes  perméables,  deux  ovaiies  et  dt^ux  testicules; 
prostate  normale.  Cet  individu  aurait  piéseiitédes  hémorrhagics  mensuelles  par 
le  pénis  et  aurait  toujours  manifesté  de  la  lépiilsion  pour  les  femmes. 

Arthur  Durham  (Gui/ s  liosp.  Reports,  o"  s.,  t.  VI,  p.  454,  1860)  a  examiné 
les  organes  d'un  hypospade  de  vingt-cinq  ans.  Ilabitus  général  féminin.  Le  scro- 
tum est  court  et  renferme  de  chaque  côté  un  testicule  normal  avec  épididyme  et 
cordon  spermatique.  Au-dessus  de  chaque  testicule  se  trouve  un  corps  lobule, 
de  forme  conique,  composé  de  tissu  conjonctif  avec  des  cellules  adipeuses. 
Durham  considère  ces  corps  comme  des  ovaires  ayant  subi  la  dégénéretcence 
graisseuse. 

Heppner  [Reichert's  Arch.  fiir  Anat.,  1870,  p.  702)  décrit  un  hypospade  de 
deux  mois  dont  les  parties  génitales  externes  se  rapprochent  du  type  masculin. 


618  HERMAPHUODISME  (tératologie). 

Le  sinus  uro-génital  s'ouvre  au-dessous  d'un  pénis  imperforé;  il  se  continue 
directement  avec  Turèthre  et  sur  sa  face  postérieure  vient  déboucher,  par  un 
orifice  en  forme  de  fente,  un  vagin  long  de  2  centimètres.  La  prostate  entoure 
l'urèthre  et  le  vagin.  L'utérus,  à  forme  infantile,  possède  deux  trompes  per- 
méables avec  pavillons  ;  de  chaque  côté  se  trouvent  un  ovaire  et  un  testicule  situé 
au-dessous  et  un  peu  en  dehors  de  celui-ci;  entre  eux  se  voit  le  parovarium.  Au 
microscope  l'ovaire  présente  des  follicules  dedeGraaf  et  des  ovules,  le  testicule 
des  conduits  se  réunissant  vers  le  hile  de  l'organe  et  remplis  de  cellules  et  de 
noyaux. 

Ce  cas  a  une  importance  considérable,  bien  que  l'on  doive  s'associer  dans  une 
certaine  mesure  aux  réserves  formulées  par  Ahlfeld  [loc.  cil.,  p.  249)  au  sujet 
de  l'examen  histologique  un  peu  trop  sommaire  des  testicules.  La  description 
anatomique  est  faite  avec  beaucoup  de  soin,  contrairement  aux  quatre  observa- 
tions qui  précèdent,  et  les  figures  données  par  Ileppner  ne  laissent  guère  sub- 
sister de  doutes  sur  la  bisexualilé  réelle  de  cet  hermaphrodite. 

Heniiapinudisme  vrai  unilatéral.  On  trouve  dans  Lilienfeld  (Beitr.  zur  Mor- 
phologie II.  Entwickelungsqe^ch.  der  Geschlechtsorgane.  Inaug.  Diss.  Marburg, 
i  856j  la  relation  de  l'autopsie  d'une  femme  de  vingt-deux  ans  morte  à  Vienne  le 
17  novembre  1850.  Près  de  l'orifice  du  canal  inguinal  gauche  on  voyait  un  testi- 
cule bien  développé,  avec  épididyme  et  canal  déférent;  la  trompe  ulérinedu  même 
côté  semblait  normale;  le  ligament  large  contenait  un  organe  de  Rosenmûller  et 
un  renflement  correspondant  à  l'ovaire,  mais  dans  lequel  ou  n'a  pas  pu  constater 
d'ovules.  Les  organes  génitaux  internes  du  côté  droit  faisaient  défaut  (la  de- 
scription a  été  faite  d'après  un  dessin,  et  ce  cas  doit  être  considéré  comme  fort 
douteux). 

Le  seul  exemple  probant  a  été  rapporté  par  P.  Gast  [Beitrag  zur  Lehre  von 
der  Bauch  Blasen-Genitalspalte  u.  vondem  Hermaphroditismus  verus.  Inaug. 
Dissert.  Berlin-Greifswald,  1884).  11  se  rapporte  à  un  fœtus  monstrueux  mort- 
né,  venu  à  peu  près  à  terme,  et  affecté  d'éventration,  d'exstrophie  vésicale 
complète  avec  anus  contre  nature,  d'atrésie  anale  et  de  spina  biûda.  Les  organes 
génitaux  externes  se  composaient  d'un  pénis  avec  un  canal  uréthral;  le  scro- 
tum était  indiqué  par  deux  replis.  Dans  l'abdomen  existait  un  utérus  double  dans 
toute  sa  longueur  (utérus  didelphe).  L'utérus  gauche  présentait  une  trompe 
courte  terminée  par  un  pavillon  ;  près  de  ce  dernier  se  trouvait  un  ovaire,  et,  à 
peu  de  distance,  un  testicule  avec  son  gubernaculum.  L'utérus  droit,  inséré  sur 
un  vagin,  avait  une  trompe  très-longue  avec  ligament  large,  sans  trace  de 
glande  génitale.  L'examen  microscopique  de  l'ovaire  montra  des  follicules  de 
de  Graaf  et  des  ovules  en  abondance,  celui  du  testicule  des  canalicules  avec  un 
épithélium  mal  conservé, 

5°  Hermaphrodisme  alterne  (Péris)  ou  opposé  {hermaphrodisme  latéral 
des  auteurs).  11  existe  un  testicule  d'un  côté,  un  ovaire  de  l'autre,  l'une  des 
glandes  embryonnaires  ayant  évolué  vers  le  type  mâle,  l'autre  vers  le  type 
femelle.  C'est  la  forme  d'hermaphrodisme  vrai  dont  on  possède  le  plus  grand 
nombre  d'observations;  nous  mentionnerons  les  suivantes  choisies  parmi  les 
mieux  connues  et  les  plus  authentiques. 

Sue  et  Morand  (1746)  ont  trouvé  à  l'autopsie  d'un  hypospade  avec  fissure 
scrotale  âgé  de  quatorze  ans  :  un  vagin  et  un  utérus;  à  droite  une  trompe  munie 
d'un  pavillon,  un  ovaire  et  un  ligament  rond;  à  gauche,  dans  le  canal  inguinal, 
un  testicule  coiffé  de  son  épididyme  d'où  partaient  deux  conduits  (canaux  défé- 


IIEKMAPIIRODISME  (tkkatologie).  619 

rents?)  allant  s'insérer  sur  l'utérus  (Morand,  De  hemiaphrodilis.  Th.  de  Paris, 
1749.  —  Arnaud,  Stir  les  hermaphrodites.  In  Mém.  de  chirurgie,  I.  1768). 

Yarocler  (1754)  fit  à  l'Hôtel-Dieu  l'autopsie  d'un  hypospade  âgé  de  dix-huit  ans 
présentant  un  développement  notable  des  mamelles.  La  moitié  droite  du  scrotum 
renfermait  un  testicule  dont  le  canal  déférent  aboutissait  à  une  vésicule  sémi- 
nale communiquant  avec  l'urètlire  et  d'autre  part  avec  une  petite  matrice 
dépourvue  de  col.  Celle-ci  se  prolongeait  à  gàuche  en  une  trompe  normale  avec 
pavillon  surmontant  un  ovaire  et  un  ligament  rond  (Pincl,  Mém.  de  la  Soc. 
viéd.  d'émulation,  t.  IV,  p.  542,  Paris,  1801). 

Maret  [Mém.  de  VAcad.  de  Dijon,  t.  II,  p.  157,  1767)  a  donné  une  de- 
scription anatomique  très-complète  de  sorganes  génitaux  d'un  hypospade  de  dix- 
sept  ans  mort  à  l'hôpital  de  Dijon.  Les  mamelles  étaient  développées  et  l'habitus 
général  offrait  des  caractères  de  féminisme  assez  prononcés  ;  au-dessous  du  pénis 
imperforé  s'ouvrait  la  fente  vulvaire,  présentant  à  sa  partie  supérieure  l'orifice 
de  l'urèthre,  et  plus  bas  l'ouverture  d'un  conduit  vaginal  rétréci  par  un  hymen. 
La  lèvre  vulvaire  gauche  contenait  un  testicule  bien  conformé  dont  le  canal  défé- 
rent débouchait  dans  une  vésicule  séminale  renfermant  du  sperme;  à  droite 
existait  une  matrice  rudimentaire  avec  une  trompe  dont  le  pavillon  allait 
embrasser  un  ovaire  d'apparence  normale. 

Rudolphi  [Abh.  der  k.  Ahad.  d.  Wissensch.  zu  Berlin,  1825)  a  examiné  un 
enfant  hypospade  âgé  de  deux  à  trois  mois.  Fissure  sci'otale  donnant  accès 
dans  le  sinus  uvo-génital.  Utérus  avec  trompe  et  pavillon  à  gauche;  le  ligament 
large  du  même  côté  enveloppe  un  ovaire,  un  corps  de  Rosenmûller  et  un  liga- 
ment rond.  Dans  la  moitié  droite  du  scrotum  un  testicule  avec  épididyme  et 
canal  déférent,  sans  vésicule  séminale  ;  ce  canal  chemine  dans  l'épaisseur  de  la 
paroi  droite  du  conduit  utéro-vaginal  et  vient  s'ouvrir  dans  le  sinus  uro-génital. 
Prostate  rudimentaire. 

Berthold  en  1834  {Abh.  der  k.  Gesellsch.  d.  Wisseyisch.  zu  Gôttingen,  Bd.  Il, 
p.  104.  1845)  a  trouvé  les  dispositions  suivantes  sur  le  corps  d'un  enfant  mort 
peu  de  joui's  après  la  naissance.  Petit  pénis  imperforé  surmontant  une  fissure 
uro-génitale.  Pas  de' petites  lèvres.  Vagin  débouchant  dans  le  sinus  uro-génital. 
L'térus  unicorne  ;  à  gauche  trompe,  pavillon ,  ovaire  et  ligament  rond.  Dans  la  grande 
lèvredroite  un  testicule  avec  épididyme  et  canal  déférent  se  comportant  comme  dans 
le  cas  précédent.  Ni  vésicules  séminales,  ni  prostate.  Le  testicule  avait  la  struc- 
ture histologique  normale.  L'ovaire,  «  en  forme  de  rate,  était  formé  d'une  masse 
grenue,  avec  quelques  corpuscules  épars  qui  ne  présentaient  pas  fort  nettement 
le  caractère  d'ovules  ». 

Marie  Doroth.  Derrier,  Dôrge,  Dûrrge,  etc.,  appelé  plus  tard  Charles  D...,  hypo- 
spade né  à  Potsdam  en  1780,  fut  examiné  de  son  vivant  par  une  série  de  mé- 
decins -.  Hufeland,  Mursinna,  Feiler,  Slark.  Ce  dernier,  qui  le  vit  à  l'âge  de  vingt- 
trois  ans,  lui  trouva  un  habitus  masculin,  quoique  délicat.  Le  scrotum,  divisé, 
était  vide;  l'individu  présentait  les  penchants  sexuels  d'un  homme,  des  érec- 
tions et  des  pollutions.  Mayer,  qui  fit  l'autopsie  deD...  à  Bonn,  en  1835,  constata 
qu'au-dessus  du  vagin  terminé  en  cul-de-sac  se  trouvait  un  utérus  plein  avec 
deux  trompes;  à  l'extrémité  de  la  trompe  droite  se  trouvait  un  testicule  avec  des 
canalicules  spermatiques  évidents;  à  gauche,  au  contraire,  se  voyait  une  glande 
ressemblant  à  un  ovaire,  complètement  tapissée  par  le  péritoine  et  composée  de 
petits  corpuscules  agglomérés;  la  prostate  existait  également  (Mayer,  Casper'$ 
Wochenschr.,  1855,  n"  50.  —  Heppner,  Reichert's  Arch.  1870,  p.  687). 


620  HERMAPHRODISME  (tlk  atologie). 

Barkow  {Anat.  Abh.  Breslau,  1851,  p.  60)  a  trouvé  chez  un  liypospade  mort 
à  l'ùgc  de  cinquante-quatre  ans  la  prostate  perforée  par  le  vagin.  Les  organes 
génitaux  internes,  entièrement  contenus  dans  une  hernie  inguinale  droite,  com- 
prenaient :  un  utérus,  un  testicule  renfermant  de  longs  canalicules  déliés,  et  un 
ovaire  composé  de  tissu  conjonctif  avec  de  la  graisse  et  des  vaisseaux,  rattaché 
par  un  ligament  à  la  matrice. 

Banon  (Dublin  Journal,  t.  XIV,  p.  73,  1852):  Autopsie  d'un  hypospade  â<ré 
de  vingt-six  ans  qui  avait  présenté  pendant  ia  vie  l'iiabitus,  la  voix  et  les  pen- 
chants sexuels  du  mâle,  bien  que  le  développement  des  seins  et  la  forme  du 
bassin  fussent  plutôt  ceux  d'une  femme.  Pénis  imperforé,  grandes  et  petites 
lèvres,  vagin  avec  hymen.  Utérus  petit  avec  une  trompe  gauche  seulement,  ter- 
minée par  un  pavillon  surmontant  un  ovaire;  à  droite  un  testicule  muni  de  sor 
épididynie  et  d'un  canal  déférent  qui  perforait  à  sa  terminaison  la  paroi  du  coi 
utérin.  La  prostate  fait  entièrement  défaut,  de  même  que  les  vésicules  séminales 
et  les  glandes  de  Cooper.  A  l'examen  histologique  l'ovaire  ne  montre  qu'un  stroma 
fibreux  sans  follicules  de  de  Graaf,  le  testicule  présente  des  canalicules  bien 
conformés,  mais  sans  trace  de  spermatozoïdes. 

Lacas  suivant  a  été  rapporté  successivement  par  Cramer  (EuiFallvonHerma- 
phroditixmus  lateralix.  Zuricli,  1857),  Meyer  (Virch.  Arch.,  Bd.  XI,  p.  450, 1857) 
et  Klebs  [llandb.  d.  patliol.  Anat.  IV,  Lief.  Geschlechtsorgane],  p.  728,  1873). 
Il  s'agit  d'un  nouveau-né  affecté  d'hypospadias;  le  sinus  uro-génital  qui  se  con- 
tinue avec  l'urclhre  est  entouré  par  la  prostate  et  présente  à  ce  niveau  un  veru- 
montanum  sur  lequel  débouclie  le  vagin.  L'utérus  normalement  conformé  est 
muni  de  deux  trompes;  à  gauche  un  testicule  descendu  dans  la  moitié  corres- 
pondante du  scrotum;  à  djoite  un  ovaire.  Le  corps  de  Ilosenmùller  existe  des 
deux  côtés.  L'examen  microscopique  n'a  fourni  que  des  résultats  peu  concluants. 

Gruber  [Mém.  de  l'Acad.  impériale  des  se.  de  Saint-Pétersbourg,  1859)  signale 
chez  un  hypospade  mort  à  vingt-deux  ans  d'un  cancer  abdominal  la  présence 
d'une  prostate,  d'un  vagin  long  de  8  centimètres  et  d'une  matrice  peu  déve- 
loppée, à  gaucho  d'une  trompe  avec  organe  de  Hosenmiiller  et  ovaire  entière- 
ment Iransfoimé  en  une  masse  carcinomateuse,  à  droite  d'un  testicule  (contenant 
des  canalicules  spermatiques)  avec  épididyme  et  canal  déférent  finissant  en  cul- 
de-sac. 

Klotz  [Cenlralbl.fûr.  Chir.,  1880)  rapporte  l'histoire  d'un  hypospade  opéré  à  la 
clinique  de  Billroth  d'un  kyste  situé  dans  la  moitié  droite  du  scrotum.  Comme 
ce  kyste  était  en  rapport  avec  une  trompe  aboutissant  à  un  utérus  unicorne,  il  fut 
considéré  comme  étant  de  nature  ovarique.  Le  scrotum  gauche  renfermait  un 
testicule  avec  épididyme  et  canal  délércnt  allant  s'insérer  sur  la  partie  cervicale 
de  l'utéius. 

Parmi  les  cas  qui  viennent  d'être  énumérés  il  s'en  trouve  cà  la  vérité  un  cer- 
tain nombre  qui  ont  été  l'objet  d'une  description  anatomique  très-consciencieuse, 
mais  il  n'en  est  aucun  où  la  nature  des  glandes  génitales  en  tant  qu'ovaires  ou 
testicules  ait  été  contrôlée  par  une  analyse  histologique  rigoureuse.  Or  ce  con- 
trôle est  absolument  indispensable  et,  si  l'on  voulait  s'en  tenir  strictement  à  ce 
qui  été  observé  jusqu'ici  chez  l'homme,  l'hermaphrodisme  vrai  alterne  devrait 
être  considéré  comme  douteux  dans  l'espèce  humaine. 

Mais  la  tératologie  comparée  nous  offre  des  exemples  bien  constatés  de  cette 
forme  d'hermaphrodisme  chez  les  Mammifères  domestiques.  Sans  nous  étendre 
sur  les  observations  plus  anciennes,  nous  rapporterons  seulement  la  suivante, 


HERMAPHRODISME    (tératologie).  621 

récemment  faite  sur  le  porc,  et  ne  laissant  rien  à  désirer  au  point  de  vue  de  la 
netteté  dans  la  description. 

J.  Reuter  {Ein  Beitrag  zur  Lehre  vom  Hermaphrodisrmis.  In  Verhand.  d. 
phys.  med.  Gesellsch.  zu  Wrnzburg,  1885)  a  eu  Toccasioa  d'examiner  trois 
jeunes  porcs  affectés  d'hypospadias  avec  malformation  des  organes  génitaux 
internes,  et  provenant  tous  trois  de  la  même  mère.  Chez  l'un  deux,  âgé  de 
deux  mois,  on  voit  un  conduit  utéro-v;iginal  recliligne  s'abouclier  dans  le  sinus 
uro-génital  largement  ouvert  à  l'extérieur  au-dessous  d'un  pénis  rudimentaire. 
La  partie  supérieure  de  l'utérus  donne  insertion  à  deux  cornes  sinueuses  bien 
développées  se  terminant  par  des  trompes.  La  trompe  gauche  préscnle  un  ori- 
fice abdominal  bien  distinct  près  duquel  se  trouve  fixé  par  un  repli  péritonéal 
un  petit  corps  réniforme,  l'ovaire.  Du  hile  de  ce  dei'uier  part  un  canalicule 
qui  se  perd  dans  l'épaisseur  du  ligament  large  après  un  trajet  fort  irrégulier, 
le  parovarium.  Du  côté  droit  on  trouve  dans  le  ligament  large  un  testicule  bien 
conformé  avec  son  épididyme;  la  trompe  droite  rudimentaire  parcourt  de  haut 
en  bas  le  sillon  existant  au  niveau  de  la  jonction  de  ces  deux  organes  et  se  ter- 
mine par  un  petit  renflement  piriforme  vers  la  queue  de  l'épididyme.  La  tète 
de  celui-ci  donne  naissance  à  un  canal  déférent  qui  traverse  le  ligament  large 
parallèlement  au  bord  inférieur  de  la  corne  utérine  dont  il  suit  les  ilexuosités, 
s'accole  ensuite  à  la  paroi  du  conduit  utéro-vaginal  et  vient  déboucher  à  la 
partie  supérieure  du  sinus  uro-géuital.  11  n'y  a  ni  prostate,  ni  vésicules  sémi- 
nales, et  rien  n'indique  lu  division  des  voies  femelles  en  vagin  et  en  utérus. 
Un  examen  microscopique  complet  se  trouve  relaté  à  la  fin  de  l'observation  :  la 
structure  du  testicule  est  identique  à  celle  que  présente  cet  organe  chez  un 
individu  normal  du  même  âge,  sauf  quelques  différences  portant  sur  l'épithé- 
lium  de  revêtement  des  canalicules;  l'ovaire  renferme  de  nombreux  follicules  de 
deGraaf  à  divers  stades  d'évolution;  enfin,  un  corps  placé  au-dessous  de  l'organe 
de  RosenmûUer,  non  loin  de  l'ovaire,  a  été  reconnu  comme  étant  un  ganglion 
lymphatique.  Ce  dernier  fait  montre  suffisamment  avec  quelle  réserve  il  con- 
vient d'accueillir  les  indications  concernant  des  ovaires  ou  des  testicules  rudi- 
mentaires  déterminés  comme  tels  d'après  la  simple  inspection  à  l'œil  nu. 

Il  est  à  peine  nécessaire  de  faire  resortir  l'analogie  très-grande  des  disposi- 
tions anatomiques  décrites  par  Reuter  avec  celles  qu'oa  a  trouvées  chez  l'homme, 
A  défaut  d'une  observation  bien  complète  faite  sur  celui-ci,  les  animaux  nous 
offrent  des  exemples  indiscutables  d'hermaphrodisme  alterne.  Il  est  donc  fort 
probable  que  la  lacune  qui  existe  encore  à  cet  égard  en  tératologie  humaine  ne 
tardera  pas  à  être  comblée. 

Nous  ferons  remarquer,  en  terminant  ce  paragraphe,  que  l'hermaphrodisme 
du  segment  profond  s'accompagne  régulièrement  d'anomalies  dans  le  dévelop- 
pement du  segment  moyen  ou  du  segment  externe,  et  souvent  des  deux  à  la 
fois.  Ce  n'est  donc  que  d'une  manière  tout  artificielle  et  pour  la  clarté  de^notre 
exposé  que  nous  l'avons  étudié  séparément. 

II.  Conformation  bisexiielle  du  segment  moyen  {conduits  génitaux);  pseudo- 
hermaphrodisme interne  de  Klebs.  Ce  vice  de  développement  est  beaucoup 
plus  fréquent  que  le  précédent  et  l'on  peut  utiliser,  pour  en  faire  l'histoire,  les 
observations  anciennes,  car  l'examen  histologique  est  ici  moins  indispensable 
que  lorsqu'il  s'agit  de  déterminer  si  l'on  a  affaire  à  un  ovaire  ou  à  un  testicule, 
dans  des  cas  douteux. 

Ainsi  qu'il  a  été  dit  plus  haut,  l'hermaphrodisrae  des  voies  génitales  est  com- 


622  HERMAPHRODISME  (tératologie). 

plet  chez  l'embryon  et  Ton  en  trouve  toujours  des  vestiges  parfaitement  recon- 
naissables  chez  l'adulte.  Le  développement  simultané  des  conduits  de  Mûller  et 
du  corps  de  Wolff  avec  son  canal  {leut  se  rencontrer  à  tous  les  degrés,  de  sorte 
que  les  anomalies  dont  nous  avons  à  traiter  ici  se  relient  par  une  gradation 
insensible  à  l'état  normal,  ce  dernier  représentant  lui-même  un  hermaphro- 
disme rudimentaire.  Suivant  qu'il  s'agit  d'un  individu  mâle  avec  persistance 
des  conduits  de  Mùller,  ou  d'un  individu  femelle  avec  persistance  des  canaux 
de  Wolff,  Klebs  distingue  un  pseudo-hermaphrodisme  masculin  et  un  pseudo- 
hermaphrodisme féminin.  De  même  que  pour  le  segment  profond  on  peut 
distinguer  pour  le  segment  moyen  des  hermaphrodismes  bilatéraux,  unilatéraux, 
alternes,  etc.  Mais  ces  divisions  théoriques  n'offrent  ici  aucun  intérêt  immédiat. 

i"  Développement  anormal  des  conduits  de  Muller  chez  le  mâle.  a.  Sans 
anomalie  notable  des  organes  génitaux  externes.  Les  degrés  les  moins  pro- 
noncés de  cette  anomalie  se  rencontrent  fréquemment  ;  iis  consistent  en  un 
simple  agrandissement  de  la  vésicule  prostatique,  en  place  de  laquelle  on  trouve 
une  poche  plus  ou  moins  spacieuse  débouchant  sur  le  verumonlanum.  Cette 
poche  est  formée  par  les  extrémités  inférieures  fusionnées  des  conduits  de  Mùller 
et  représente,  comme  l'utricule  prostatique  lui-même,  un  vagin  rudimen- 
taire. E.-H.  Weber  [Ziisiltze  zur  Lehre  vont  Datte  u.  den  Verricht.  d.  Ge- 
schlechtsorgane.  Leipzig,  1846)  a  reconnu  le  premier  la  nature  féminine  de  ces 
formations,  grâce  à  ses  recherches  d'anatomie  comparée  ;  pourtant  son  inter- 
prétation n'était  pas  tout  à  fait  exacte,  puisqu'il  a  donné  à  la  vésicule  le  nom 
A'utérns  mâle.  Il  considérait  alors  le  vagin,  conformément  aux  vues  de  Ralhke 
[Beilr.  z.  Geschichte  der  Thienvelt,  1827.  — Ahhandl.  z.  Bildungs.  u.  Ëntw. 
Gesch.,  1,  1852),  comme  formé  aux  dépens  d'undiverticule  du  sinus  uro-génital, 
et  cette  manière  de  voir  a  encore  cours  dans  quelques  travaux  modernes.  Mala- 
carne  {Mem.  délia  Soc.  ital.,  IX,  1802)  et  Sleglehner  {de  Hennaphroditorum 
natura.  Lips.,  1817)  ont  fait  ressortir  la  ressemblance  qu'offrait  dans  certains 
cas  la  vésicule  prostatique  agrandie  avec  un  vagin.  Le  développement  de  tout 
le  conduit  utéro-vaginal  aux  dépens  des  conduits  de  Mùller  fusionnés  a  été  mis 
en  évidence  par  Mockel  {Reil's  Arch.,  II,  1802),  Leukart  [Illuslr.  med.  Zeit., 
1, 1852),  Thiersch  {ibid.)  et  Dohrn(Gese//.  zur  Befôrd.  d.  Naturw.  Marburg.,  IX). 
Pourtant  la  dénomination  d'utérus  màle  continue  d'être  employée  couramment 
en  anatomie. 

Lorsque  l'anomalie  est  plus  accentuée,  \a  poche  vaginale  peut  présenter  des 
rides  transversales  rappelant  celles  du  vagin;  au  lieu  de  se  terminer  en  cul- 
de-sac,  elle  peut  être  surmontée  d'un  utérus,  tantôt  rudimentaire,  tantôt  nette- 
ment divisé  en  corps  et  en  col.  Ce  dernier  est  relativement  allongé,  comme  chez 
le  foetus,  et  il  possède  une  paroi  musculeuse  plus  épaisse  que  le  reste  du  con- 
duit utéro-vaginal.  Le  corps  est  souvent  bifide  à  son  extrémité. 

Enfin,  chez  certains  sujets,  on  trouve  une  ou  deux  trompes  pouvant  s'ouvrir 
dans  le  péritoine  par  des  pavillons  frangés;  le  ligament  large  et  les  diverses 
annexes  de  l'utérus  présentent  alors  une  conformation  qui  se  rapproche  plus  ou 
moins  complètement  des  dispositions  normales  du  sexe  féminin,  et  en  même 
temps  la  muqueuse  du  col  montre  les  plis  caractéristiques  de  l'arbre  de  vie. 

On  peut  citer  comme  représentant  ce  genre  d'anomalies  les   cas  suivants  : 

Vagin  mâle  sans  utérus.  Leukart  {loc.  cit.).  Un  enfant  nouveau-né,  du  sexe 
masculin,  présentait  une  verge  petite,  un  scrotum  indiqué  seulement  par  deux 
replis  cutanés.  Les  testicules  retenus  dans  l'aine  étaient  normaux,  ainsi  que  les 


HERMAPURODISME  (tératologie),  625 

épididymes,  les  canaux  déférents  et  les  vésicules  séminales.  La  prostate  était 
rudimentaire  et  sur  le  verumontanum  s'ouvrait  par  un  orifice  plus  large  que  de 
coutume  une  grande  vésicule  dont  la  muqueuse  offrait  des  rides  transversales; 
les  conduits  éjaculateurs  se  voyaient  sur  la  face  antérieure  de  la  vésicule. 

Vagin  et  utérus  miicorne.  Betz  {MiiUers  Archiv,  1850)  a  trouvé  chez  un 
enfant  mort-né  du  sexe  masculin,  à  organes  génitaux  externes  bien  conformés  : 
un  utérirs  mâle  s'ouvrant  par  un  vagin  sur  le  verumontanum  et  se  terminant 
du  côté  droit  par  une  corne  avec  un  rudiment  de  trompe.  Absence  de  vésicules 
séminales;  le  canal  déférent  droit  est  perméable  et  chemine  dans  la  paroi  de 
l'utérus,  le  gauche  se  comporte  de  même,  mais  se  trouve  réduit  à  son  extrémité 
antérieure  à  un  cordon  solide.  Le  testicule  gauche  seul  est  descendu.  Eppinger 
(Prager  Vierteljahresschrlft,  B.  CXXV)  a  décrit  un  cas  de  ce  genre  chez 
l'adulte. 

Vagin  avec  utérus  double  bicorne.  Petit  (de  Namur)  communiqua  en 
1720  à  l'Académie  des  sciences  l'observation  d'un  soldat  mort  des  suites  d'une 
blessure  à  l'âge  de  vingt-deux  ans.  Les  parties  externes  offraient  des  caractères 
masculins  bien  accusés,  mais  le  scrotum  était  vide.  Les  testicules  petits,  mous 
et  occupant  la  position  des  ovaires,  étaient  munis  d'épididymes  et  de  canaux  défé- 
rents qui  ne  permettaient  pas  de  les  méconnaître.  La  prostate  et  les  vésicules 
séminales  existaient  également.  Celles-ci  allaient  s'ouvrir,  comme  à  l'ordinaire, 
dans  l'urèthre,  qui  recevait  en  outre  dans  sa  portion  prostatique  l'orifice  d'une 
matrice  attachée  au  col  de  la  vessie.  De  cette  matrice  naissaient  à  droite  et  à 
gauche  deux  trompes  se  portant  aux  épididymes  et  dépourvues  de  pavillons. 

Mayer  [Icônes  selectse.  Bonn,  1851).  Fœtus  de  quatre  mois;  parties  génitales 
externes  normales,  ainsi  que  les  testicules,  les  voies  spermatiques  et  la  prostate. 
Utérus  mâle  nettement  bicorne  ;  les  deux  conduits  utérins  sont  complètement 
séparés  par  une  cloison  médiane  jusqu'à  leur  extrémité  inférieure.  En  ce  point 
ils  se  terminent  en  cul-de-sac  et  font  saillie  dans  l'intérieur  du  vagin.  Ce 
dernier  s'ouvre,  non  sur  le  verumontanum,  mais  dans  la  vessie. 

Hyrll  {(Esterr.  med.  Wochenschr.,  1851).  Conduit  utéro-vaginal  à  deux 
cornes  développées  se  fusionnant  en  un  canal  unique  qui  débouche  sur  le  veru- 
monlanum;  la  muqueuse  est  plissée  transversalement.  La  prostate  existe;  les 
vésicules  séminales  font  défaut  ;  testicules  et  épididymes  normaux  descendus 
dans  les  bourses  ;  les  canaux  déférents  s'ouvTent  dans  l'utricule. 

Vagin  avec  utérus  développé  et  trompes.  Franqué  {Scanzoni's  Beitràge, 
IV,  1859).  Homme  adulte,  cryptorchide;  les  testicules  retenus  dans  le  canal 
inguinal  ;  épididymes  et  canaux  déférents,  le  gauche  oblitéré.  Absence  de  con- 
duits éjaculateurs.  Prostate  petite;  deux  vésicules  séminales.  Le  vagin  mâle  est 
fermé  par  un  repli  au  niveau  du  verumontanum.  11  se  continue  avec  un  utérus 
bien  conformé,  divisé  en  col  et  en  corps,  et  surmonté  de  deux  trompes,  la 
gauche  complète,  la  droite  en  grande  partie  oblitérée. 

Tels  sont  les  rares  exemples  oii  les  organes  génitaux  externes  ont  conservé 
un  type  mâle  à  peu  près  normal.  Le  pseudo-hermaphrodisme  mâle  limité  au 
segment  moyen  est,  en  effet,  une  grande  exception,  à  moins  qu'on  ne  veuille 
faire  rentrer  dans  cette  catégorie  tous  les  sujets  sur  lesquels  on  trouve  une 
vésicule  prostatique  un  peu  plus  volumineuse  que  d'habitude,  sans  aucune 
apparence  rappelant  le  vagin  ou  l'utérus. 

11  faut  remarquer  qu'un  développement  notable  de  l'utérus  mâle  se  rencontre 
normalement  chez  certains  ruminants  (bœuf  du  Cambodge,  antilopes),  ainsi  que 


624  IIERMAPIIHODISME    (tératologie). 

chez  les  rongeurs:  l'utricule  de  ces  derniers  présente  deux  cornes  flexueuses  et 
constitue  ce  qu'on  appelle  l'organe  de  Weber. 

p.  Avec  mal  for  ma  Lion  concomitante  des  organes  génitaux  externes  [pseudo- 
hermaphrodisme  masculin  complet  de  Klebs).  Dans  la  presque  totalité  des 
cas  où  le  conduit  génital  femelle  persiste  sur  une  certaine  étendue,  on  observe 
en  même  temps  à  divers  degrés  l'hypospadias,  la  fissure  scrotale  avec  cryptorclii- 
die,  etc.,  ce  qui  constitue  le  pseudo-hermaphrodisme  complet  (c'est-à-dire  por- 
tant à  la  fois  sur  le  segment  moyen  et  sur  le  segment  externe). 

Suivant  la  remarque  d'Alilfeld,  le  développement  des  organes  génitaux 
externes  est  en  proportion  à  ])eu  près  inverse  de  celui  des  conduits  de  Mùller. 
Pour  peu  qu'il  existe  un  vagin  avec  utérus  mâle,  le  tubercule  génital  et  les 
l'eplis  qui  le  bordent  se  trouvent  arrêtés  dans  leur  évolution.  Le  vagin  vient 
déboucher  dans  un  sinus  uro-génital  persistant  ouvert  à  l'extérieur  par  une 
tissure  scrotale  que  surmonte  un  pénis  court  et  hypospade.  Souvent  les  testi- 
cules sont  retenus  dans  l'abdomen. 

C'est  donc  dans  ce  groupe  des  pseudo-hermaphrodismes  mâles  complets  de 
Klebs  que  nous  trouvons  les  cas  les  plus  prononcés  de  développement  des  con- 
duits de  MiJlltr  chez  l'homme. 

Ackerniann  [Infantis  androgijni  Instoria  et  iconographia.  lena,  1805)  a 
décrit  un  enfant  de  six  semaines,  hypospade,  à  fissure  scrotale  ayant  l'aspect 
d'une  vulve  avec  grandes  et  petites  lèvres;  le  vagin  était  surmonté  d'un  utérus 
dilaté  en  forme  de  kyste.  Les  testicules,  placés  devant  I  anneau  inguinal  de 
chaque  côté,  étaient  normaux,  ainsi  que  les  voies  spermatiques. 

Giinlher  [Comm.  de  Ilermaphr.  Lipsia-,  1846)  a  examiné  le  corps  d'un  homme 
de  trente-quatre  ans,  qui  n'avait  jamais  manifesté  de  penchants  sexuels  d'au- 
cune sorte.  Le  pénis  et  le  scrotum  avaient  le  même  aspect  que  dans  le  cas  pré- 
cédent. Le  vagin  aboutissait  à  un  utérus  tiès-petit  se  prolongeant  eu  trois  cornes  : 
une  médiane  se  perdant  sur  la  vessie,  et  deux  latérales  se  continuant  avec  les 
canaux  déférents  réduits  à  deux  cordons  pleins.  Les  testicules  étaient  descendus 
dans  le  scrotum. 

Dans  CCS  deux  observations,  suivant  la  remarque  de  Klebs,  la  matrice  était 
fort  rudimentaire,  si  tant  est  qu'elle  ait  réellement  existé. 

Godard  {Rech.  tératol.  sur  V appareil  séminal  de  l'homme.  Paris,  1860)  a 
trouvé  sur  un  hypospade  adulte  un  utérus  de  forme  et  de  dimensions  normales. 
De  chacun  des  angles  supérieurs  partait  un  tractus  solide  se  rendant  dans  le 
canal  inguinal  du  côté  correspondant  ;  à  gauche  feulement  existait  un  testicule 
avec  épididyme  rudimentaire  cl  canal  déférent  oblitéré.  Les  deux  cordons  parais- 
sent répondre  aux  ligaments  ronds  plutôt  qu'aux  trompes  de  Fallope. 

G.  Mayer  (/cônes  seleclœ,  1851).  Enfant  de  six  mois  avec  hypospodias  et 
tissure  scrotale;  organes  externes  d'aspect  féminin,  sauf  l'absence  des  petites 
lèvres.  Les  testicules  avec  leur  épididyme  placés  devant  l'anneau  inguinal 
externe;  les  conduits  déférents  s'accolent  latéralement  à  la  paroi  de  l'utérus, 
présentent  chacun  un  renllement  ampullaire  (vésicules  sémiales?)  et  débouchent 
dans  le  vagin.  Chaque  testicule  est  hxé  en  outre  par  un  ligament  à  l'extrémité 
de  la  corue  utérine  correspondante.  L'utérus  bicorne  se  termine  par  deux  trompes 
perméables  dilatées  en  kystes  à  leur  extrémité  et  descendues  dans  les  aines  avec 
les  testicules.  Le  col  utérin  présente  des  plis  très-apparents  ;  son  orifice  montre 
les  deux  lèvres  du  museau  de  tanche. 

FoUin  {Gaz,  des  hôp.,  1851)  a  rapporté  un  cas  intéressant,  rangé  à  tort  par 


HERMAPHRODISME   (tératologie).  625 

plusieurs  auteurs  parmi  les  liermaplirotlismes  vrais  alternes.  Chez  un  hypospadc 
avec  fissure  scrotale,  à  vagin  et  utérus  développés,  la  trompe  utérine  gauche  se 
trouvait  dans  le  scrotum  avec  un  testicule  (déterminé  histologiquement  par 
Robin).  Adroite,  on  voyait  partir  de  l'utérus,  outre  la  trompe,  un  cordon  qui  se 
rendait  à  la  région  inguinale  où  il  se  terminait  par  un  kyste  séreux  (considéré, 
sans  raison  suffisante  comme  représentant  un  ovaire).  Un  autre  cordon  aboutis- 
sait à  un  groupe  de  canalicules  flexueux  (canal  et  organe  de  Rosenmùller). 

Hesselbach  {Beitràge  zur  Natiir  u.  Heilkunde,  von  Friedreich  w.  Hesselbach. 
Wùrzburg,  1825)  signale  aussi  chez  un  hermaphrodite  mâle  adulte  la  présence 
de  deux  troiapes  de  Fallope  bien  perméables  et  terminées  par  des  pavillons 
frangés. 

hmger  (Zeitschr.  d.  k.  Gesellsch.  d.  JErztezu  Wien,  1855)  et  Arânyi  [Vngar. 
Zeitschr.,  1853)  ont  relaté  l'observation  d'un  hypospade  avec  fissure  scrotale, 
mort  à  soixante-trois  ans.  Le  testicule  gauche  seul  était  descendu;  les  vésicules 
séminales  manquaient  et  les  canaux  déférents  se  jetaient,  l'un  dans  l'urèthre, 
l'autre  dans  la  vésicule  prostatique  agrandie  (vagin  mâle)  se  terminant  en  cul- 
de-sac.  Au-dessus  de  ce  vagin  imperforé  on  voyait  un  utérus  bicorne  bien  déve- 
loppé avec  deux  trompes  de  Fallope  très- allongées. 

Reuter  [loc.  cit.)  décrit  un  cas  typique  observe  chez  le  porc. 
2"  Développement  anormal  des  conduits  de  Wolff  chez  la  femelle,  a.  Sans 
anomalie  des  organes  génitaux  externes.  La  persistance  anormale  des  corps 
et  des  conduits  de  Wolff  chez  la  femme  est  beaucoup  plus  rare  et  beaucoup 
moins  importante  au  point  de  vue  tératologique  que  celle  des  conduits  de  Mùller 
chez  l'homme.  Habituellement  les  vestiges  des  formations  wolftîennes  de  l'embryon 
ne  sont  représentés  chez  l'adulte  que  par  l'hydatide  pédiculée,  les  grains  du 
parovarium  {paroophore,  Waldeyer),  les  canalicules  de  l'organe  de  Rosen- 
miiller  {époophore,  Waldeyer)  correspondant  à  l'épididyme  du  mâle,  et  le  canal 
de  Rosenmùller  répondant  à  l'origine  du  canal  déférent.  Chez  plusieurs  espèces 
de  Mammifères  la  portion  terminale  du  conduit  de  Wolff  persiste  également; 
déjà  signalés  chez  la  vache  par  Malpighi  (1631),  ces  canaux  ont  été  décrits  en 
1822  par  Gartner,  qui  leur  a  laissé  son  nom.  Par  des  injections  au  mercure  cet 
observateur  put  les  suivre  dans  le  ligament  large  jusqu'auprès  de  l'ovaire 
(conduits  de  lîosenmùller),  et  les  vit  se  perdre  par  leur  extrémité  inférieure  dans 
le  tissu  musculaire  du  col  utérin.  Chez  la  truie  il  constata  qu'ils  se  prolon- 
geaient dans  l'épaisseur  de  la  paroi  du  vagin  pour  venir  déboucher  à  l'extérieur 
de  part  et  d'autre  de  l'urèthre.  Des  observations  analogues  furent  faites  par 
Jacobson  (1830).  Kobelt  montra  ces  canaux  chez  la  chèvre  et  le  chevreuil 
(1847)   et  von  Preuschen  (1877)  chez  le  chat. 

En  ce  qui  concerne  l'espèce  humaine,  la  manière  dont  se  comportent  les  restes 
du  canal  de  Wolff  n'est  pas  encore  fort  bien  élucidée.  D'après  Kobelt  et  Follin, 
la  portion  terminale  disparaîtrait  sans  laisser  de  traces.  Beigel  [Centralhl. 
med.,  1878)  dit  au  contraire  qu'on  peut  la  poursuivre  depuis  le  fond  de  la 
matrice  jusque  dans  le  col  et  même  dans  la  paroi  du  vagin  ;  Freund  et  Kochs 
ont  même  cru  retrouver  les  embouchures  des  canaux  de  Gartner  sur  les  côtés 
de  l'orifice  urélhral.  Ces  données  sont  contestées  par  Dohrn,  qui  dit  que  dès  la 
seconde  moitié  de  la  vie  intra-utérine  on  ne  trouve  plus  qu'exceptionnellement 
les  canaux  mâles  ;  ils  pénètrent  alors  dans  la  musculeuse  utérine  au  niveau  de 
l'isthme  et  se  prolongent  à  une  petite  distance  dans  la  paroi  supérieure  du  vagin. 
Le  conduit  gauche  s'atrophie  plus  rapidement  que  le  droit  (ce  qui  tient  peut- 
DICT.  ESC.  4*  s.    XIII.  40 


62G  HERMAPHRODISME  (tératologie). 

être  à  la  compression  exercée  par  l'intestin).  Rieder  [Virch.  Arch.,  Bd.  96, 
1884)  exprime  une  opinion  à  peu  près  semblable;  il  a  retrouvé  des  vestio-es 
des  canaux  de  Gartner  chez  un  tiers  environ  des  femmes  examinées  [votj.  Wolfp 
[Corps  de]). 

Le  premier  cas  de  persistance  anormale  de  ces  conduits  chez  la  femme  est 
indiqué  par  Realdus  Golumbus  {De  re  anatomica,  1559),  qui  a  vu  deux  canali- 
cules  partant  des  ovaires  traverser  le  ligament  large  parallèlement  aux  trompes 
et  s'étendre  jusqu'à  la   racine  du  clitoris  très-volumineux  ;  il  les  considère  à 
juste  titre  comme  représentant  les  canaux  déférents  de  l'homme.  Veit  {Handb. 
d.  iveihl.  Geschlechtsorg.,  1867),  Freund  [Ber.  d.  Natiirforscherversammlung 
zu  Kassel,  1 878),  de  Graaf  {Zeitschr.  f.  Geburtsh.  u.  Gynak.,  1 882),  Kochs  {Arch. 
f.  Gynàk.,  1883)  et  Bôhm  {ibid.),  décrivent  des  kystes  de  la  paroi  du  vagin  et 
des  enfoncements  pci'i-uréthraux  qu'ils   considèrent  comme  des  vestiges  des 
canaux  de  AYoiff.  Mais  il  est  probable  que,  pour  une  partie  de  ces  cas,  il  y  a  eu 
confusion  avec  les  glandules  et  les  sinus  muqueux  qui  débouchent  dans  le  ves- 
tibule  au   pourtour  de   l'urèthre  et  qui  doivent  être  considérés  comme  des 
prostates  rudimentaires  (Virchow,  Arch.  f.  path.  Anat.,  V.  —  Voy.  Tourneux, 
article  SiiNUS  uiio-gémtal). 

KôLerlé  a  trouvé,  dans  un  cas  d'utérus  cloisonné,  avec  prolongement  de  la 
cloison  dans  la  partie  supérieure  du  vagin,  un  canalicule  situé  dans  l'épaisseur 
de  la  paroi  de  droite  des  voies  génitales  et  se  recourbant  au  niveau  du  bord 
libre  de  la  cloison  pour  remontei'  jusqu'au  col  utérin. 

p.  Avec  anomalie  concomitante  des  organes  génitaux  externes.  Le  déve- 
loppement plus  ou  moins  notable  des  voies  séminales  mâles,  coïncidant  avec  une 
conformation  masculine  des  organes  génitaux  externes  chez  la  femme,  est  égale- 
ment une  forme  peu  décrite.  On  ne  peut  guère  citer  conme  exemple  que  le  cas 
bien  connu  de  Luigi  de  Crecchio  {Sopra  un  cazo  di  appareff^  virili  in  wia 
donna.  In  il  Morgagni,  1865).  Giuseppe  Marzo,  né  en  1820,  fut  baptisé 
comme  fille,  puis  considéré  comme  mâle  cryptorchide  par  un  chirurgien  qui  le 
vit  à  l'âge  de  quatre  ans.  Élevé  comme  garçon,  il  en  manifesta  les  penchants  lors 
de  la  puberté,  bien  qu'il  n'eût  jamais  d'excrétions  spermatiques  ;  les  menstrues 
faisaient  également  défaut.  Il  vécut  toujours  comme  homme,  eut  une  série 
(l'aventures  galantes  et  contracta  même  des  blennorrhagies  à  deux  reprises. 
L'habitus  général  était  nettement  masculin  :  épaules  larges,  barbe  assez  abon- 
dante, seins  non  développés  ;  pourtant  les  extrémités  étaient  fines  et  le  bassin 
un  peu  large.  Mort  à  l'âge  de  quarante-cinq  ans,  G...  fut  l'objet  d'un  examen 
anatomique  détaillé  qui  montra  à  l'évidence  qu'il  s'agissait  d'une  femme  : 
pénis  long  de  6  centimètres,  à  gland  volumineux,  urèthre  s'ouvrant  à  côté  du 
frein;  pénil  proéminent  et  velu,  scrotum  représenté  par  des  plis  longitudinaux 
dont  les  plus  internes,  dégarnis  de  poils  (petites  lèvres),  forment  une  sorte  de 
collerette  autour  du  membre.  Un  repli  cutané  médian  maintient  ce  dernier 
incurvé  inférieurement.  Sur  le  verumontanum  vient  s'ouvrir  un  vagin  avec 
utérus  bien  conformé,  les  trompes  de  Fallope  sont  complètes,  à  chaque  pavillon 
répond  un  ovaire.  Absence  de  ligaments  ronds  et  de  ligaments  utéro-sacrés.  Le 
va^dn  traverse  dans  sa  partie  inférieure  une  prostate  bien  développée  haute  de 
55  millimètres.  De  chaque  côté  de  l'orifice  vaginal  débouchent  sur  le  mni- 
montanum  les  canaux  éjaculateurs,  le  gauche  finit  en  caecum  après  un  trajet  de 
12  millimètres,  le  droit  très-court  va  s'ouvrir  dans  le  vagin  dont  il  représente 
une  sorte  de  bifurcation.  Sur  la  face  interne  du  vagin,  un  peu  au-dessous  du 


HERMAPHRODISME   (tératologie).  627 

col  de  l'utérus,  s'abouche  une  sorte  de  kyste  qui  paraît  répondre  à  la  vésicule 
séminale;  du  côte  droit,  mais  plus  bas,  se  trouve  un  petit  corps  qui  a  peut-être 
une  signification  analogue.  Les  ovaires,  examinés  au  microscope  par  Schrôn,  ne 
présentèrent  que  de  rares  follicules  de  de  Graaf  en  voie  d'atrophie  (Klebs,  loc. 
cit.,  p.  746). 

Klebs  place  encore  ici  le  cas  de  Manec  et  Bouillaud  [Journal  unlv.  de  méd. 
et  de  chir.  prat.  Paris,  1835),  relatii'  a.  un  chapelier  mort  du  choléra  à  l'àoe 
de  soixante-deux  ans.  Pénis  hypospade,  urèthre  s'ouvrant  à  la  base  du  oknd, 
scrotum  représenté  par  des  sortes  de  bourrelets  cutanés  assez  lâches.  Organes 
génitaux  internes  entièrement  femelles  ;  vagin  s'ouvrant  dans  la  portion  mem- 
braneuse de  l'urèthre.  Prostate  développée.  Mais  la  simple  présence  d'une  prostate 
n'a  rien  à  voir  avec  une  conformation  masculine  du  segment  moyen.  On  sait  en 
effet  que  cet  organe  se  forme  dans  les  deux  sexes  aux  dépens  de  bouroeons  épi- 
théliaux  issus  du  sinus  uro-génital.  Il  s'agit  simplement  d'un  développement 
exagéré,  suivant  le  type  masculin,  des  glandules  prostatiques  rudimentaires  de 
la  femme.  C'est  un  cas  de  pseudo-hermaphrodisme  féminin  {voy.  p.  628). 

Dans  la  constitution  bisexuelle  du  segment  moyen  chez  les  deux  sexes,  il  y  a 
quelques  particularités  à  relever.  Alors  que  la  persistance  des  canaux  de  Gartner 
ne  semble  guère  influer  sur  la  conformation  de  l'utérus  ni  du  vao-in  chez  la 
femme,  il  n'en  est  phis  de  même  chez  le  mâle  où  le  développement  exa<^éré  des 
voies  femelles,  beaucoup  plus  volumineuses  que  les  voies  spermatiques,  entrave 
presque  toujours  l'évolution  de  ces  dernières  et  de  leurs  annexes.  Fréquemment 
les  vésicules  séminales  sont  rudimentaires  ou  font  même  complètement  défaut, 
les  canaux  déférents  n'existent  que  sur  une  partie  de  leur  trajet,  etc.  La  portion 
terminale  de  ces  canaux  s'accole  généralement  au  tube  utéro-vaginal  et  se 
trouve  même  souvent  incluse  dans  l'épaisseur  de  la  paroi  de  ce  conduit,  rappe- 
lant ainsi  les  connexions  étroites  qu'affectent  entre  eux  les  canaux  de  Wolff  et  de 
Mùller  dans  le  cordon  génital  de  l'embryon.  C'est  également  par  la  fusion 
intime  des  quatre  conduits  sexuels  à  leur  terminaison  qu'on  peut  expliquer 
l'abouchement  anormal  des  voies  spermatiques  dans  le  vagin  ou  l'utérus  mâle. 
Suivant  une  remarque  de  Lilienfeld  et  de  Reuter,  dans  les  cas  d'hermaphrodisme 
alterne  des  glandes  ou  des  voies  génitales,  les  organes  femelles  sont  placés  de 
préférence  à  gauche. 

m.  Anomalies  de  développement  du  segment  externe.  Hermaphrodisme 
apparent,  pseudo-hermaphrodisme  externe.  En  vertu  de  la  définition  donnée 
plus  haut  nous  ne  devrions  avoir  à  décrire  ici  que  des  anomalies  des  orcranes 
génitaux  externes.  Pourtant,  dans  un  grand  nombre  de  cas,  le  segment  moyen 
participe  encore  à  la  déviation  du  développement  normal.  Mais  il  n'est  plus  inté- 
ressé que  dans  une  faible  mesure  et  l'anomalie  est  surtout  prononcée  dans  le 
segment  externe.  En  réalité,  le  groupe  des  pseudo-hermaphrodismes  externes 
comprend  des  formes  qui  confinent  à  celles  qui  viennent  d'être  décrites,  et  on 
arrive  par  une  gradation  insensible  à  des  malformations  si  peu  accusées  qu'on 
a  l'habitude  de  ne  pas  les  étudier  avec  les  hermaphrodismes  et  de  les  décrire 
séparément.  Comme  nous  accordons  ici  à  l'état  des  organes  génitaux  externes  une 
importance  prédominante  et  que  ces  organes  sont  représentés  par  une  ébauche 
embryonnaire  unique  (partie  inférieure  du  sinus  uro-génital,  tubercule  génital 
et  plis  génitaux),  il  s'ensuit  que  tous  les  hermaphrodismes  de  cette  catégorie  sont 
forcément  unisexués).  Nous  décrirons  donc  l'hermaphrodisme  apparent  successi- 
vement chez  le  mâle  et  chez  la  femelle. 


628  HERMAPHRODISME    (tératologie). 

1"  Hermaphrodisme  apparent  chez  le  mâle.  Une  des  formes  les  plus  fré- 
quentes est  celle  oîi  l'hypospadias  se  complique  seulement  d'un  développement 
anormal  de  la  portion  inférieure  (vaginale)  des  conduits  de  MûUer,  en  même 
temps  qu'il  se  forme  un  sinus  uro-génital  très-court.  On  voit  alors  déboucher 
dons  la  fissure  scrotale  un  vagin  mâle  parfois  assez  spacieux,  terminé  en  cul- 
de-sac  sans  trace  d'utérus  et  bordé  de  replis  qui  peuvent  simuler  à  s'y  méprendre 
les  nymphes  de  la  femme.  Ce  sont  ces  cas  surtout  qui  ont  donné  lieu  à  des 
erreurs  sur  le  sexe. 

Steglehner  {De  hermaphrodit.  natura.  Bamberp;  u.  Leipzig,  1817):  Jeune 
fille  de  vingt-trois  ans,  organes  géiuLaux  externes  entièrement  féminins  ainsi  que 
i'iiabitus  du  corps,  sauf  cependant  le  timbre  de  la  voix  et  une  saillie  assez  pro- 
noncée du  larynx.  A  l'autopsie  on  constata  qu'il  n'y  avait  ni  utérus,  ni  trompes, 
ni  ovaires;  le  vagin  était  fort  étroit.  Dans  la  région  de  l'aîne,  des  testicules  avec 
voies  séminales  complètes;  les  deux  conduits  éjaculateurs  s'ouvraient  dans  le 
fond  du  vagin. 

Schneider,  Sômmerring  [Kopp's  Jahrb.  f.  Staatsarzneik.,  X.  —  Leuckart, 
llluxtr.  med.  Zeit.,  I,  1817),  ont  trouvé  la  même  disposition  sur  une  paysanne 
morte  à  soixante-quatorze  ans  et  qui  avait  dû  divorcer  peu  après  son  mariage. 
Seulement  ici  le  conduit  vaginal,  uni  également  par  deux  canaux  aux  vésicules 
séminales,  était  très-court  et  ne  réprésentait  guère  qu'un  rudiment  de  vagin. 

Les  observations  de  Gùnther  {Comm.  de  hermaphroditimio.  Leipzig,  1846) 
et  Pech  {Auswahl  einiger  seltener  u.  lehrreicher  Fàllc.  Dresden,  1858),  et  de 
Otto  {ISeue  seltene  Beobacht.,  1824),  appartiennent  à  la  même  catégorie. 

Dans  les  cas  rapportés  par  Giraud  [Recueil  périodique  de  la  Soc.  de  méd.  de 
Paris,  II.  —  Todd's  Cyclop.,  11),  Ricco  {Cenno  storico  di  un  neutro-uomo. 
—  Todd's  Cyclop.),  les  individus  avaient  été  mariés  comme  femmes  durant  de 
longues  années.  Des  erreurs  de  ce  genre  se  présentent  également  de  nos  jours  : 
témoin  le  sujet  présenté  ta  la  Société  d'anthropologie  par  M.  Magitot  en  1881,  et 
celui  dont  parle  Martini  (Vierteljahresschr.  fiir  gerichtl.  Med.,  Bd.  XIX).  Il 
s'agit  d'une  sage-femme  traduite  en  justice  sur  la  plainte  d'une  de  ses  clientes, 
à  laquelle  elle  avait  tenté  de  faire  violence.  L'examen  médico-légal  montra  qu'on 
avait  simplement  affaire  à  un  hypospade,  avec  pénis  court  et  imperforé. 

Une  observation  type  est  celle  qui  se  rapporte  à  Alexina  B...,  élevée  comme 
fille  jusqu'à  l'âge  de  vingt-deux  ans,  déclarée  homme  ensuite  par  un  jugement  du 
tribunal  de  La  Boclielle  et  qui  fut  l'objet,  après  son  suicide,  d'un  examen  ana- 
tomique  complet  delà  part  de  E.  Goujon.  Au-dessous  d'un  pénis  dont  le  volume 
n'excédait  pas  celui  d'un  gros  clitoris  s'ouvrait  l'urèthre,  comme  chez  la  femme, 
et  un  peu  plus  loin  se  voyait  un  orifice  vaginal  bordé  de  replis  cutanés  simulant 
parfaitement  les  grandes  et  les  petites  lèvres.  Le  vagin  terminé  en  cul-de-sac 
avait  6  centimètres  1/2  de  profondeur.  Le  lobe  droit  du  scrotum  divisé, 
plus  volumineux  que  le  gauche,  renfermait  un  testicule  bien  reconnaissable  à  la 
palpation.  Le  vagin  finissait  en  cul-de-sac  sans  trace  d'utérus  ni  d'ovaires.  Le 
testicule  gauche,  engagé  dans  l'anneau,  paraît  être  en  dégénérescence  graisseuse, 
mais,  sauf  cette  particularité,  l'appareil  génital  mâle  est  complet  ;  les  conduits 
éjaculateurs  rampant  sous  la  muqueuse  vaginale  débouchent  sur  la  vulve  un 
reu  au-dessus  des  glandes  vulvo-vaginales  normalement  conformées  et  situées. 
Les  vésicules  séminales  étaient  distendues  par  du  sperme  ayant  la  couleur  et  la 
consistance  normales,  mais  dépourvu  de  spermatozoïdes.  Goujon  signale  encore 
au  voisinage  du  col  de  la  vessie  une  petite  glande  qu'il  considère  comme  une 


HERMAPHRODISME    (TÉr.ATOLor.iE).  629 

prostate   rudimentaire   (Goujon,  Étude  d'un  cas  d'hermaphrodisme  bisexuel 
imparfait  chezVhomme.  In  Jouni.  de  Vanat.,  1869). 

Les  cas  de  ce  genre  consistant  essentiellement  en  un  hypopadias  avec  fissure 
scrotale  simulant  une  vulve  et  un  vagin  mâle  plus  ou  moins  développé,  se  trou- 
vent relatés  en  assez  grand  nombre.  J.  Arnold  [Virch.  Arch.,  1869;  en  a  réuni 
27.  Parmi  les  observations  plus  récentes,  nous  citerons  encore  celles  de  Avery 
(Philadelph.  med.  ami  surg.  rep.  XIV);  de  Wood  {Trans.  of  Anat.  amlPathoL, 
1872);  de  Czarda  {Wiener  med.  Wocheuschr.,  1876);  de  Dohrn  {Arch.  fur 
Gi/mekoL,  1877);  de  Marchand  {Virch.  Arch.  Bd.  XGII)  et  Zinsser  {Diss.  Gies- 
sen,  1883);  de  Schœneberg  {Berl.  klin.  Wochenschr.,  1875)  ;  de.Léopold  (irc/i. 
filr  Gijnàk.,  1873  et  1877);  de  Sippel  [ibid.,  1879);  de  Gérin-Roze  [Gaz.  des 
hôp.,  1884);  de  Pozzi  (Soc.  de  biol.,  1884  et  1885  [deux  cas]);  de  Wermann 
[Pseudo-hermaphr.  masculinus  compleius.  In  Virch.  Arch.,  1886);  de  Max 
Simon  {Inaug.  Diss.  Erlangen,  1886). 

Un  fait  assez  singulier  se  trouve  consigné  dans  le  Med.  Times,  1885. 
G.  Buchanan  trouva  chez  un  enfant  de  neuf  ans,  à  organes  génitaux  externes 
femelles  et  bien  conformés,  les  grandes  lèvres  tuméfiées  par  suite  de  la  ]:résence 
de  deux  corps  que  l'on  reconnut  être  des  testicules.  Pour  des  raisons  difficiles  à 
comprendre  on  extirpa  les  deux  glandes,  ce  qui  permit  de  vérifier  le  diagnostic. 
De  chaque  côté  de  l'entrée  du  vagin  terminé  en  cul-de-sac  on  voyait  un  petit 
orifice  en  forme  de  fente  répondant  probablement  aux  conduits  éjaculateurs. 

On  comprend  que  dans  des  cas  lemblables  la  détermination  du  sexe  faite  sur 
le  vivant  puisse  offrir  parfois  de  sérieuses  difficultés.  Il  est  vrai  que  le  pénis  se 
distinguera  presque  toujours  du  clitoris,  si  développé  que  puisse  être  ce  dernier, 
par  le  volume  du  gland  et  la  saillie  de  la  couronne,  par  sa  situation  plus  élevée 
au  devant  du  pubis  ;  le  pénil  est  moins  saillant  que  chez  la  i'emme  et  les  replis 
bordant  la  fissure  du  scrotum  ne  simulent  qu'imparfaitement  la  vulve  (Geoflroy 
Saint-Hilaire).  Klebs  considère  comme  caractéristiques  pour  le  sexe  féminin  les 
petits  replis  cutanés  qui  parlent  de  l'orifice  uréthral  rudimentaire  et  se  prolon- 
gent en  bas  et  en  arrière  de  chaque  côté  du  pénis,  affectant  un  trajet  extrê- 
mement sinueux  à  leur  terminaison.  Mais  aucun  de  ces  signes  n'a  une  valeur 
absolue. 

L'excrétion  de  sperme  contenant  des  spermatozoïdes  lève  naturellement  tous 
les  doutes;  il  n'en  est  pas  de  même  de  l'écoulement  menstruel,  car  non-seule 
ment  on  peut  observer  des  hémorrhagies  i)ériodiques  chez  le  mâle,  mais  il  faut 
songer  toujours  à  la  possibilité  d'une  simulation. 

Nous  rappellerons  à  ce  sujet  l'histoire  de  Catherine  Ilohmann,  née  à  Mell 
richstadt  en    1824,    et   qui  a    été  l'objet   d'une   série   d'examens    minutieux 
(B.  Schultze,   Virchoivs  Arch.,  Bd.  XLIII,  1868.  —  0.  von  Kranqué,  Scanzoni's 
Beitràge,  1868.  —  Bokitansky,    Wiener  med.  Wochenschr.,  1868.  —  Frie- 
dreich,  Virchow's  Arch.,  Bd.  XLV,  1869). 

Cet  individu  présentait  l'habitus  général  masculin,  sauf  les  cheveux  et  le  déve- 
loppement notable  des  seins.  Il  possédait  un  pénis  bien  développé  avec  hypospa- 
dias  simple,  l'urèthre  venant  déboucher  à  la  face  inférieure  du  membre,  à  quel- 
ques millimètres  en  avant  de  la  racine.  La  moitié  droite  du  scrotum  existait 
seule  et  renfermait  un  testicule.  A  gauche,  on  pouvait  sentir  en  arrière  du 
pubis  un  corps  arrondi,  relié  par  un  cordon  à  un  petit  organe  situé  derrière 
l'urèthre.  Schultze  croit  à  l'existence  d'un  utérus  rudimentaire  avec  trompe 
et  ovaire.  Il  y  avait  des  pollutions  bien  constatées  avec  spermatozoïdes  et  des 


6S0  HERMAPHRODISME  (tératologie). 

liémorrhagies  menstruelles  admises  par  von  Franqiié  et  par  Friedreich,  mais 
niées  par  Ahlfeld  [loc.  cit.),  qui  prétend  que  ces  règles  étaient  purement  simulées 
et  que  le  sang  provenait  en  réalité  d'épistaxis  périodiques  dont  Catherine  était 
affectée.  Quoi  qu'il  en  soit,  l'écoulement  menstruel  ne  put  plus  être  constaté  à 
partir  de  l'année  1869.  Catherine  mourut  dans  sa  ville  natale,  sous  le  nom  de 
Charles,  en  1881,  sans  que  l'autopsie,  dont  on  pouvait  attendre  des  éclaircis- 
sements du  plus  haut  intérêt,  eijt  été  faite  (Reuter,  loc.  cit.,  p.  40).  On  ne  peut 
donc  savoir  s'il  s'agissait  simplement  d'hypospadias  avec  rétention  du  testicule 
gauche  et  état  rudimentaire  de  la  moitié  correspondante  du  scrotum,  ou  s'il 
existait  un  hermaphrodisme  vrai  alterne. 

11  ne  serait  pas  possible  de  rappeler  ici  toutes  les  causes  d'erreur  sur  la 
sexualité  qui  résultent  des  diverses  formes  d'hermaphrodisme  masculin.  C'est  à 
cette  catégorie  qu'appartiennent  les  cas  oîi  une  fille,  à  l'occasion  d"uu  effort  (en 
sautant  un  fossé,  par  exemple)  devient  garçon  par  suite  de  la  descente  des  testi- 
cules jusque-là  retenus  dans  l'aîne,  etc. 

Ce  qui  est  remarquable,,  c'est  le  retentissement  qu'exercent  sur  l'ensemble  de 
l'économie  du  mâle  non-seulement  les  hermaphrodismes  proprement  dits,  mais 
même  la  cryptorchidie  simple.  C'est  une  influence  fort  analogue  à  celle  qu'en- 
traîne l'ablation  des  testicules  et  se  traduisant  par  un  habitus  extérieur  qu'on 
caractérise  ordinairement  par  la  dénomination  de  féminisme.  «  En  même  temps 
que  les  organes  sexuels  prennent  une  ressemblance  plus  ou  moins  marquée  avec 
ceux  de  la  femme,  l'organisation  tout  entière  se  modifie  dans  le  même  sens  et 
s'empreint  véritablement  d'un  caractère  féminin.  Ainsi  le  larynx  est  peu  saillant 
et  la  voix  peu  grave.  La  barbe  est  rare  et  quelquefois  manque  presque  entière- 
ment. Une  peau  douce,  délicate,  portant  à  peine  quelques  poils  et  soutenue  par 
un  tissu  adipeux  bien  développé,  recouvre  des  muscles  peu  saillants.  La  poitrine 
étroite,  le  bassin  élargi,  les  membres  petits,  rappellent  par  leurs  proportions 
ceux  de  la  femme.  Entin,  des  n:amelles  arrondies,  plus  ou  moins  volumineuses, 
pourvues  de  mamelons  bien  prononcés,  viennent  compléter  une  ressemblance 
qui  souvent  s'étend  jusqu'au  moral  «  (Geoffroy  Saint-llilaire).  ^'ous  aurons  à 
revenir  plus  loin  sur  ces  curieuses  modifications  des  caractères  sexuels  secon- 
daires. 

2"  Hermaphrodisme  apparent  chez  la  femelle.  Ici  viendraient  se  placer  en 
première  ligue  les  cag  à' hermaphrodisme  féminin  transverse,  dont  l'observa- 
tion précédente,  au  développement  de  la  prostate  près,  constituerait  un  exemple 
approchant.  Suivant  la  remarque  de  Geoffroy  Saint-Hilaire,  les  modifications 
évolutives  qui  tendent  à  donner  aux  organes  génitaux  externes  de  la  femme  un 
aspect  qui  rappelle  celui  des  organes  mâles  représentent  une  sorte  à'excès  de 
développement;  c'est  un  phénomène  exactement  inverse  de  celui  qui  se  passe 
dans  l'hermaphrodisme  apparent  du  mâle,  où  les  parties  sexuelles  extérieures 
subissent  au  contraire  dans  leur  développement  un  arrêt  qui  les  amène  à  res- 
sembler à  celles  de  la  femme.  Que  chez  un  individu  nettement  femelle  par  la 
constitution  des  segments  profond  et  moyen  de  l'appareil  générateur  les  bords 
du  sillon  génital  viennent  à  se  souder  de  manière  à  former  un  canal  urétliral 
étendu  à  la  partie  inférieure  d'un  clitoris  présentant  de  son  côté  des  proportions 
inusitées  ;  que  la  réunion  des  plis  génitaux  sur  la  ligne  médiane  vienne  donner 
aux  grandes  lèvres  l'aspect  d'un  sac  scrotal,  le  vagin  venant  déboucher  profondé- 
ment dans  l'urèthre  (sinus  uro-génital),  on  aura  de  la  sorte  toutes  les  apparences 
extérieures  des  organes  mâles,  surtout  si  les  ovaires  logés  dans  des  diverticules 


HERMAPHRODISME    (tératologie).  631 

péritoiiéaux  intra-vulvaircs  (canaux  de  Nuck)  anormalement  développés  com- 
plètent l'illusion  en  simulant  les  testicules  descendus  dans  le  scrotum. 

Mais  dans  aucun  des  exemples  actuellement  connus  on  ne  trouve  une  réunion 
aussi  complète  des  caractères  extérieurs  des  organes  mâles.  L'hermaphrodisme 
féminin  transverse  à  proprement  parler  n'exisle  guère  qu'en  théorie  et,  dans  les 
observations  que  nous  allousj'apporter,  quelques-unes  seulement  des  conditions 
précitées  se  trouvent  réalisées.  GeolTroy-Saint-Hilaire  a  distingué  dans  cet  ordre 
d'hermaphrodisme  quatre  genres,  qui  ne  sont  à  vrai  dire  que  des  degrés  diffé- 
rents de  la  même  anomalie  ;  on  arrive  ainsi  par  une  gradation  descendante  insen- 
sible aux  simples  vices  de  conformation  dus  à  l'atrésie  vulvaire  et  à  l'hypertrophie 
du  clitoris.  Il  est  d'autant  plus  impossible  d'établir  une  ligne  de  démarcation 
bien  tranchée  entre  ces  deux  catégories  de  malformations  qu'il  faut  faire  aussi 
entrer  en  ligne  de  compte  les  modifications  que  peuvent  présenter  l'habitus  gé- 
néral du  corps  et  les  penchants  moraux.  Ainsi  chez  des  individus  ayant  des 
goûts  virils  et  l'aspect  extérieur  dit  de  virago  on  a  vu  la  simple  hypertrophie 
du  clitoris  donner  lieu  à  des  méprises  et  à  des  anomalies  dans  les  rapports 
sexuels.  Les  exemples  qui  suivent  donnent  une  idée  des  formes  variées  que  peut 
revêtir  l'hermaphrodisme  apparent  de  la  femme  à  ses  divers  degrés. 

Béclard  {Bull,  de  la  Faculté,  1815)  examina  Marie  Lefort,  alors  âgée  de 
seize  ans;  cette  femme,  qui  était  réglée  depuis  l'âge  de  huit  ans,  présentait  un 
clitoris  long  de  27  millimètres,  dont  le  gland  imperforé  était  recouvert,  dans  les 
trois  quarts  de  sa  circonférence,  d'un  prépuce  mobile.  A  la  face  inférieure  du 
membre  s'étendait  un  canal  uréthral  peu  saillant  communiquant  au  dehors  par 
cinq  petits  trous  régulièrement  placés  sur  la  ligue  médiane.  Au-dessous  se  trou- 
vait une  fente  vulvaire  garnie  de  deux  lèvres  étroites  et  courtes  garnies  de  poils 
qui  s'étendaient  depuis  le  clitoris  jusqu'au  delà  de  l'anus.  Vers  la  partie  supérieure 
de  la  fente,  à  la  racine  du  clitoris,  était  un  orilîce  arrondi  admettant  facilement 
une  sonde  d'un  calibre  moyen.  L'émission  de  l'urine  et  l'écoulement  du  sang 
menstruel  se  faisaient  par  l'ouverture  principale  ainsi  que  par  les  pertuis  dont 
l'urèthre  était  criblé.  Marie  Lefort  éprouvait  des  penchants  féminins  et  les 
mamelles  étaient  bien  développées,  mais  l'habitus  général  du  corps  était  celui 
d'un  adolescent  de  même  âge  :  larynx  saillant,  voix  forte,  barbe  naissante,  peau 
des  membres  velue. 

Geolfroy  Saint-Hilaire,  qui  la  revit  quinze  ans  plus  tard,  confirme  la  de- 
scription de  Béclard;  la  barbe  était  alors  très-fournie;  les  menstrues  conti- 
nuaient à  se  montrer  régulièrement.  L'autopsie  faite  à  l'Hôtel-Dieu  par  Daca- 
rogna  en  1864  montra  que  cette  femme  ne  présentait  d'autre  anomalie  qu'un 
développement  exagéré  du  clitoris  et  une  atrésie  du  vagin.  Celle-ci  était  due  à 
la  présence  d'une  cloison  peu  épaisse  qu'il  aurait  suffi  d'inciser  (comme  l'avait 
proposé  Béclard)  pour  rendre  le  sujet  à  son  sexe. 

Schneider  [Jahrb.  d.  8taatsarz7ieik.  von  Kopp,  1809)  parle  d'un  enfant  dont 
la  vulve  était  presque  imperforée,  et  dont  le  vagin  et  l'urèthre  se  réunissaient 
en  un  étroit  canal  (sinus  uro-génital)  débouchant  à  la  racine  d'un  clitoris  assez 
gros  et  muni  d'un  prépuce. 

Virchow  {Wûrzburger  Verhandl.,  III.  —  Ges.  Abh.  p.  770)  décrit  une  dispo- 
sition semblable  chez  une  femme  de  soixante-dix-sept  ans,  mariée,  mais  sans 
enfants.  Cette  personne  n'avait  été  menstruée  que  très-incomplétement. 

A  cette  même  catégorie  appartiennent,  avec  quelques  variantes,  les  cas  d'E- 
schricht(i¥M//er'sircAiî;,  1836), Burdach(inaL  [/wiers., Leipzig,  1814),  Hofmanu 


652  HERMAPURODISME   (tératologie). 

{Med.  Jahrb.von  Slricker,  1877),  Schauta  (PFzraer  med.  Wochenschr.,  1877), 
Stcimann  {Deutsche  med.  Wochenschr  if t,  1881),  Litten  et  Virchow  [Virch. 
Arch.,h\\\). 

L'intervention  chirurgicale  dont  Béclard  avait  eu  l'idée  au  sujet  de  Marie  Lefort 
a  été  tentée  avec  succès  depuis  par  lluguier  sur  une  jeune  fille  de  vingt  ans  qui 
présentait,  outre  l'atrosie  de  la  vulve  et  la  longueur  anormale  du  clitoris,  une 
hernie  inguinale  de  l'ovaire  gauche  simulant  un  testicule  descendu  (m  Le  Fort, 
Vices  de  conformation  de  Vutérus  et  du  vagin.  Th.  d'agrég.,  1863).  Un  cas  du 
même  genre  a  été  opéré  par  Sonnenburg  à  l'hôpital  Israélite  de  Berlin  sur  une 
jeune  fille  de  vingt-deux  ans  en  188i  (R.  Jacoby,  Zwei  Fàlle  von  Hermaphro- 
ditenbildung.  Diss.  Berlin,  1885). 

Nous  ne  nous  arrêterons  pas  à  relater  ici  les  observations  relatives  à  l'hyper- 
trophie simple  du  clitoris  (c'est  une  anomalie  assez  fréquente,  elle  est  même  de 
règle  chez  certains  peuples  où  l'excision  du  clitoris  est  d'un  usage  courant, 
en  Abyssinie,  par  exemple),  ou  encore  à  des  descentes  de  matrice  où  la  saillie 
du  museau  de  tanche  avait  fait  croire  à  l'existence  d'un  pénis.  Ce  sont  des  faits 
qui  n'ont  que  des  rapports  fort  éloignés  avec  l'hermaphrodisme  considéré  au 
point  de  vue  tératologi(pie. 

L'iiermapliroilisnie  chez  la  femme  peut  s'accompagner  également  de  modifica- 
tions de  riiabilus  extérieur,  qui  se  rapproche  de  celui  du  mâle  et  donne  aux 
sujets  qui  en  sont  affectés  l'aspect  dit  de  virago.  Mais  cette  influence  est  ici 
moins  constante  et  moins  prononcée  que  dans  l'hermaphrodisme  masculin. 

Dans  la  description  qui  précède  nous  avons  cité  des  exemples  de  la  plupart  des 
formes  d'hermaphrodisme  actuellement  connues.  C'est  une  élude  surtout  mor- 
phologique qui  n'embrasse  qu'une  partie  déterminée  des  troubles  vaiiés  pou- 
vant survenir  dans  la  sphère  de  la  différenciation  des  sexes.  Pourtant  la  question 
de  l'hermaphrodisme  offre  également  un  intérêt  de  premier  ordre  au  point  de 
vue  de  la  physiologie. 

D'une  façon  générale,  il  faut  remarquer  d'abord  que  ces  malformations  tendent 
toutes  à  entraver  les  fonctions  reproductrices,  et  que  les  hermaphrodites,  loin  de 
jouir  d'une  double  puissance  génératrice,  sont  en  général  inféconds.  Dans  les 
cas  qui  se  rapprochent  le  plus  de  l'hermaphrodisme  normal,  ceux  où  il  existe  à 
la  fois  des  ovaires  et  des  testicules,  on  a  toujours  trouvé  l'une  au  moins  des 
deux  sortes  de  glandes  atrophiée  ou  altérée.  Fréquemment  on  observe  en  même 
temps  d'autres  vices  de  développement  qui  font  que  les  individus  ne  sont  pas 
viables.  Lors  même  qu'il  existerait  des  glandes  normalement  constituées,  les 
malformations  des  voies  génitales  internes  et  externes  s'opposeraient  plus  ou 
moins  complètement  à  l'acte  de  la  fécondation.  Il  n'y  a  donc  jusqu'ici  aucune 
observation  authentique  d'un  hermaphrodite  humain  au  sujet  duquel  on  doive 
se  poser  la  question  de  la  possibilité  d'une  autofécondation,  bien  que  la  chose 
ne  soit  pas  absolument  impossible  à  priori. 

Au  point  de  vue  de  leur  genèse  les  hermaplirodismes  nous  présentent  deux 
processus  bien  distincts  :  d'une  part  le  développement  anormal  de  toute  l'é- 
bauche embryonnaire  des  organes  génitaux  internes,  phénomène  qui  représente 
une  sorte  de  retour  vers  la  bisexualité  primitive.  D'autre  part,  un  arrêt  dans  l'é- 
volution des  organes  génitaux  externes,  qui  se  maintiennent  dans  un  état  rappe- 
lant les  premiers  stades  embryonnaires  et  trouvant  son  analogie  dans  le  cloaque  des 
Vertébrés  ovipares. 

Tous  les  cas  qui  rentrent  dans  cette  catégorie  forment  en  réalité  une  série 


HERMAPHRODISME   (tératologie).  633 

continue,  et  les  divisions  que  l'on  peut  établir  pour  la  facilité  de  l'étude  sont 
tout  artificielles  et  n'ont  qu'une  valeur  de  convention.  C'est  ainsi  que  les  herma- 
phrodites à  segment  profond  bisexuel  se  relient  insensiblement  ù  ceux  dont  la 
bisexualité  ne  se  manifeste  que  dans  le  segment  moyen  par  des  intermédiaires 
à  glandes  mal  développées  pour  lesquels  il  est  parfois  impossible  de  dire  si  l'on 
est  en  présence  d'un  mâle  ou  d'une  femelle  et  auxquels  s'applique  de  plein  droit 
la  dénomination  d'hermaphrodites  neutres  de  Geoffroy  Saint-Hihiire.  Nous  avons 
pu  passer  ensuite  par  une  transition  graduelle  des  hermaphrodismes  du  premier 
groupe,  hermaphrodismes  bisexiiels,  à  ceux  qui  n'intéressent'plus  que  les  or- 
ganes génitaux  externes.  Cette  relation  intime  avait  déjà  frappé  les  anciens 
tératologistes;  Geoffroy  Saint-Hilaire  notamment  y  revient  plusieurs  fois,  et  s'at- 
tache en  toute  circonstance  à  signaler  les  types  de  passage  qui  unissent  entre 
eux  les  dilféients  groupes.  S'il  a  sacrifié  aux  tendances  de  son  époque  et  aux 
nécessités  réelles  de  la  science  d'alors  en  établissant  une  classification  systéma- 
tique des  anomalies  d'après  la  méthode  usitée  en  zoologie  et  en  botanique,  son 
esprit  philosophique  ne  s'est  pas  mépris  un  instant  sur  la  véritable  portée  de 
cette  division  en  classes,  ordres,  genres,  etc. 

Plus  récemment  nous  trouvons  l'idée  uniciste  énoncée  de  la  manière  la  plus 
catégorique  par  Rindfleisch  :  «  Une  petite  fissure  prolongeant  en  arrière  le  méat 
urinaire  nous  donne  la  première  indication  de  l'hermaphrodisme.  Puis  le  méat 
se  trouve  reculé  jusqu'à  la  racine  du  pénis  qui  s'incurve  à  la  façon  d'un  clitoris, 
en  même  temps  que  le  prépuce  se  perd  de  chaque  côté  du  membre  en  une  sorte 
de  pli  longitudinal.  Ces  deux  replis  prennent  progressivement  l'aspect  de[ietitcs 
lèvres,  à  mesure  que  l'aspect  du  pénis  atrophié  se  rapproche  davantage  de  celui 
d'un  véritable  clitoris.  Plus  profondément  l'utricule  prostatique  s'est  développé 
et  forme  uu  sac  allongé  dont  le  fond  dépasse  de  beaucoup  la  prostate  demeurée 
rudimentaire;  on  aperçoit  les  ligaments  larges  logeant  les  glandes  génitales.  En 
place  d'un  scrotum  unique  se  voient  deux  replis  séparés  ayant  l'apparence  de 
grandes  lèvres  ;  en  général  ils  sont  vides,  mais  il  y  a  aussi  des  cas  où  l'un  des 
testicules  au  moins  est  descendu;  d'ailleurs  il  arrive  fréquemment  que  l'herma- 
phrodisme acquiert  uu  degré  plus  prononcé  d'un  côté  que  de  l'autre...  »  {Éle'm. 
de  Pathologie,  p.  555.  1885). 

Bien  que  formulée  d'une  m;inière  un  peu  schématique,  l'opinion  de  Rindfleisch 
répond,  en  somme,  à  la  réalité  des  faits  :  les  différentes  parties  de  l'appareil 
reproducteur,  quelle  que  soit  leur  diversité  d'origine  (épithélium  germinatif, 
sinus  uro-génital,  tégument  externe),  sont  unis,  par  des  liens  de  solidarité  orga- 
nique de  façon  à  constituer  un  tout  bien  caractérisé  ;  à  travers  les  anomalies  les 
plus  disparates  en  apparence  il  est  presque  toujours  possible  de  retrouver  le  plan 
qui  préside  à  leur  évolution.  A  cet  égard  la  théorie  nous  permet  même,  dans 
certains  cas,  de  prévoir  en  quelque  sorte  des  formes  non  encore  décrites;  nous 
n'en  voulons  citer  comme  exemple  i[[\eV hermaphrodisme  vrai  unilatéral,  rejeté 
par  Ahlfeld  malgré  les  données  de  la  tératologie  comparée,  et  dont  l'existence  a 
été  démontrée  définitivement  par  le  cas  de  P.  Gast. 

Il  est  à  noter  que  l'hérédité  paraît  influer  sur  la  production  des  hermaphro- 
dismes :  il  existe  plusieurs  exemples  de  frères  ou  de  sœurs  affectés  d'un  même 
vice  de  développement  des  organes  génitaux,  et  l'on  a  vu  un  père  hypospade 
transmettre  son  infirmité  à  ses  descendants  mâles. 

L'embryologie  nous  fournit  donc  ici  une  base  solide  lorsqu'il  s'agit  d'appré- 
cier les  hermaphrodismes  depuis  les  cas  les  plus  compliqués  jusqu'aux  simples 


654  IltRMAPHRUDISME   (tératologii::). 

malformations  des  organes  copulateurs.  Par  l'arrêt  ou  l'excès  de  développement 
on  arrive  à  se  rendre  compte  de  toutes  les  anomalies  des  caractères  sexuels  prin- 
cipaux portant  sur  les  organes  génitaux  eux-mêmes. 

Mais,  lorsque  de  simples  vices  de  conformation,  tels  que  l'hypospadias  {voy.  ce 
mot),  la  fissure  scrotale,  la  crvptorchidie  {voy.  ce  mot),  etc.,  existent  seuls,  on 
n'a  pas  l'habitude  de  les  considérer  comme  des  hermaphrodismes.  On  ne  doit 
leur  appliquer  ce  nom,  suivant  Klcbs,  que  lorsqu'ils  se  compliquent  de  modifi- 
cations dans  l'habitus  général  du  corps  telles  que  le  type  sexuel  s'en  trouve 
altéré  d'une  façon  notable.  Or  nous  entrons  ici  sur  un  terraiu  qui  nous  est 
beaucoup  moins  connu  que  le  précédent,  et  nous  manquons  encore  absolument 
de  tout  critérium  lorsqu'il  s'agit  d'apprécier  les  modifications  de  ce  qu'on  appelle 
]es  caraclères  sexuels  secondaires,  ^ous  avons  vu  que  l'hermaphrodisme  consiste 
pouries  organes  génitaux  internes  en  un  mélange  de  parties  les  unes  mâles,  les 
autres  femelles,  pour  les  organes  externes  en  des  formations  intermédiaires  entre 
les  deux  types  (on  ne  conçoit  pas  plus,  par  exemple,  la  possibilité  d'un  conduit 
tenant  le  milieu  entre  l'oviducte  et  le  canal  déférent,  que  celle  de  la  coexistence 
d'un  pénis  et  d'un  clitoris.  Mais,  du  moment  qu'on  s'adresse  aux  caractères  secon- 
daires, on  trouve  un  tel  mélange  des  qualités  des  deux  sexes,  une  telle  variété 
dans  les  formes,  (]ue  toutes  les  théories  que  l'on  a  essayé  d'édifier  jusqu'ici  se 
trouvent  en  défaut  à  chaque  instant.  C'est  ainsi  qu'on  voit  des  auteurs,  après  avoir 
posé  en  principe  que  c'est  l'ovaire  ou  le  testicule  qui  détermine  essentiellement 
le  sexe,  admettre  ensuite  que  l'habitus  général  du  corps  dépend  ordinairement 
do  la  coidbimation  des  organes  externes  de  la  génération  beaucoup  plus  que 
de  la  nature  des  glandes  génératrices.  Ou  rencontre  des  individus  mâles  par  la 
barbe,  la  voix,  l'ossature  du  tronc  et  des  membres  supérieurs,  etc.,  femelles 
par  le  développement  des  seins,  la  conformation  du  bassin  et  des  membres 
inférieurs,  hermaphrodites  pour  les  organes  génitaux.  Et  combien  sommes-nous 
plus  embarrassés  encore,  si  nous  tentons  une  analyse  des  caractères  sexuels  psy- 
chiques avec  leurs  perversions  d'autant  plus  étranges  quelles  peuvent  se  déve- 
lopper chez  des  sujets  qui  ne  sont  affectés  d'aucune  anomalie  anatomiqueraeut 
constatable. 

Les  faits  de  cet  ordre  sortent  complètement  du  domaine  de  l'embryologie 
proprement  dite,  vu  que  ces  caractères  ne  se  montrent  pour  la  plupart  que  vers 
la  puberté.  Par  contre  on  peut  attendre  ici  quelque  lumière  de  l'expérimentation 
physiologique.  On  a  signalé  depuis  longtemps  l'analogie  que  présente  l'orga- 
nisme des  castrats  avec  celui  des  cryptorchides  et  de  beaucoup  d'hermaphrodites, 
êtres  dépourvus  en  réalité  de  sexe  et  auxijuels  le  nom  de  neutres  convient  mieux 
que  tout  autre.  On  sait  que  chez  les  mâles  privés  de  leurs  testicules  les  carac- 
tères masculins  ne  se  développent  pas,  de  sorte  qu'ils  ressemblent  plus  ou 
moins  aux  femelles  :  les  chapons  n'acquièrent  ni  le  plumage,  ni  le  chant  du 
coq  ;  ou  en  a  vu  prendre  des  instincts  féminins,  imiter  le  gloussement  de  la 
poule  et  prendre  soin  de  la  couvée.  Le  même  phénomène  peut  se  produire  chez 
les  hybrides  mâles  stériles  de  deux  espèces  voisines,  et  même,  chez  le  mâle  bien 
conformé,  à  la  suite  d'un  emprisonnement  prolongé.  Chez  les  Cervidés  soumis  à 
la  castration  les  bois  restent  atrophiés  et  ne  subissent  plus  la  mue  périodique. 
Ce  genre  de  modifications  est  trop  connu  pour  qu'jl  y  ait  lieu  de  multiplier  da- 
vantage les  exemples.  3]ais  ce  qui  est  plus  surprenant,  c'est  que  par  un  phéno- 
mène inverse  on  voit  des  femelles  prendre,  après  l'ablation  des  ovaires  ou  la  ces- 
sation de  l'ovulation,  des  caractères  masculins  parfaitement  accusés  :  la  vieille 


HERMAPHRODISME  (médecine  légale).  655 

poule  présenter  un  plumage  brillant,  des  ergots  développés,  jusqu'aux  instincts 
belliqueux  et  sexuels  du  coq,  les  biches  et  les  chèvres  très-àgt'es  acquérir  des 
bois  pareils  h  ceux  du  cerf  ou  du  brocard.  Quelques  traits  d'une  pareille  transfor- 
mation masculine  se  voient  fréquemment  chez  la  femme  après  la  ménopauses 

Darwin  explique  ces  faits  par  ce  qu'il  appelle  les  caractères  sexuels  latents, 
lesquels  existeraient  indistinctement  chez  le  mâle  comme  chez  la  femelle,  et  se 
montreraient  après  ta  cessation  des  fonctions  sexuelles  qui  en  entravent  le  déve- 
loppement. On  trouvera  sur  cette  question  des  observations  curieuses  et  des 
considérations  générales  du  plus  haut  intérêt  dans  un  récent  mémoire  de 
M.  Giard  &ur  la  castration  parasitaire  et  son  influence  sur  les  caractères  exté- 
rieurs du  sexe  mâle  chez  les  Crustacés  décapodes  {Bulletin  scientifique  du 
Nord,  1887). 

La  solution  de  ces  problèmes,  qui  aboutissent  en  dernier  ressort  à  rechercher 
le  mécanisme  et  la  cause  même  de  la  différenciation  sexuelle,  nous  paraît  res- 
sortir essentiellement  de  la  physiologie  comparée,  et  particulièrement  de  celle 
des  Invertébrés,  oii  l'accomplissement  des  fonctions  reproductrices  s'effectue  par 
des  procédés  variés  à  l'infini  et  qui  présentent  à  l'expérimentation  un  terrain  pro- 
pice, quoique  encore  bien  peu  exploré  (rappelons  simplement  ici  ce  qui  se 
passe  pour  les  abeilles  dont  les  larves  deviennent  ouvrières  ou  femelles  suivant 
le  régime  d'alimentation  auquel  elles  se  trouvent  soumises,  etc.).  I\ous  estimons 
en  effet  que,  si  l'on  ne  doit  recourir  qu'aux  animaux  supérieurs  lorsqu'il  s'agit 
de  trouver  l'analogue  de  telle  ou  telle  disposition  anatomique  se  produisant 
comme  anomalie  chez  l'homme,  il  en  est  tout  autrement  lorsqu'on  aborde  les 
questions  générales  en  biologie  :  celles-ci  doivent  toujours  être  envisagées  au 
point  de  vue  delà  série  organique  tout  entière,  animaux  et  végétaux,  et,  s'il  est 
une  étude  pour  laquelle  cette  façon  de  procéder  s'impose  à  première  vue,  c'est 
celle  qui  a  pour  objet  les  manifestations  variées  de  la  sexualité  chez  les  êtres 
vivants.  G.  Herrmanx. 

§  II.  médecine  légale.  Réunion  des  deux  sexes  sur  le  même  individu,  vice 
de  conformation  qui  donne  à  un  sexe  l'apparence  de  l'autre.  L'hermaphrodisme, 
sous  ces  deux  points  de  vue,  a  une  grande  importance  en  médecine  légale. 
C'est  une  question  grave  pour  l'individu  de  déterminer  à  quelle  catégorie  sociale 
il  appartient,  et  cette  question  se  pose  au  moment  de  sa  naissance,  devant 
influer  sur  toute  la  direction  de  la  vie,  sur  la  nature  des  rapports  de  famille, 
sur  les  droits  et  les  devoirs  sociaux.  L'erreur  initiale  a  ici  les  plus  fatales  con- 
séquences, elle  détermine  l'éducation,  les  habitudes,  le  milieu  où  l'enfant  sera 
élevé.  Le  médecin  intervient  pour  empêcher  cette  erreur,  pour  la  redresser 
ensuite,  souvent  trop  tard,  quand  elle  a  produit  ses  tristes  effets.  L'influence 
de  ces  vices  de  conformation  sur  la  puissance  génitale  est  aussi  à  apprécier,  et 
la  médecine  légale  est  en  présence  des  problèmes  les  plus  graves  qui  se  raji- 
portent  à  la  génération;  ces  problèmes  sont  introduits  ici  d'une  manière  qui  frappe 
l'imagination,  ils  ont  donné  lieu  à  des  procès  retentissants.  On  ne  s'étonnera 
pas  du  nombre  des  travaux  et  des  observations  qui  se  rapportent  à  ce  sujet,  un 
de  ceux  qui  ont  le  plus  exercé  la  sagacité  des  médecins. 

La  question  de  l'hermaphrodisme,  au  point  de  vue  médico-légal,  sera  exa- 
minée dans  les  divisions  suivantes  :  I  Définition  et  historique.  —  II.  Questions 
médico-légales,  identité,  puissance  génitale,  problèmes  accessoires.  — 111.  Dia- 
gnostic, caractères  et  variétés'.  —  IV.  Visite,  rapport,  conclusions. 


656  HERMAPHRODISME  (médecine  légale). 

I.  Définition.  L'étymologie  grecque  de  l'hermaphrodisme  indique  son  ori- 
gine :  'Ep/^t/jç,  'AypoJtT/j,  d'oîi  'Epu.oc'f poSiroç,  et,  comme  terme  spécifiant  la  réunion 
des  deux  sexes,  àvSpoyvvnç,  yùyavJpo;.  Ces  mots  passent  dans  les  autres  langues. 
Hermaphrodisia,  hermaphrodismus,  hermaphroditus,  androçjynus,  androgyne, 
hermaphrodisme,  liermaphroditisme,  hermaphrodite,  androgynie,  androgvne, 
gynandrie,  gynandre;  ermafrodkmo,  ermaphrodito  (italien);  hermaphrodmno, 
hermaphrodito  (espagnol)  ;  hermaphrodite  (anglais)  ;  en  allemand,  Zwitter- 
bildung,  Zwitter. 

La  définition  de  l'hermaphrodisme  n'est  pas  la  même  en  histoire  naturelle,  en 
tératologie,  en  médecine  légale.  En  histoire  naturelle,  c'est  la  réunion  des  deux 
sexes  sur  le  même  individu,  état  normal  dans  une  partie  du  règne  végétal  et 
chez  certains  animaux  des  classes  inférieures.  En  tératologie,  c'est  la  réunion 
apparente  ou  réelle  des  deux  sexes  sur  le  même  individu  :  chez  l'homme,  elle 
est  le  plus  souvent  apparente;  quand  elle  est  réelle,  elle  est  incomplète.  Geof- 
froy-Saint-Ililaire  caractérise  ainsi  l'hermaphrodisme  anormal  :  réunion  appa- 
rente ou  réelle,  complète  ou  incomplète,  des  deux  sexes  sur  le  même  individu. 
L'Académie  (édit.  de  1878)  précise  ainsi  ces  définitions  :  hermaphrodisme,  «  réu- 
nion de  certains  caractères  des  deux  sexes  dans  un  seul  individu  )*.  11  se  dit  de  la 
reunion  des  deux  sexes  chez  certains  animaux  des  classes  inférieures  «  dans  cer- 
taines plantes  ».  D'après  Littré,  terme  de  tératologie:  «  réunion  de  quelques- 
uns  des  caractères  des  deux  sexes  sur  un  même  individu.  » 

Au  point  de  vue  de  la  médecine  légale,  on  comprend  sous  le  nom  d'herma- 
phrodisme tous  les  vices  de  conformation  des  organes  génitaux  qui  peuvent 
occasionner  une  erreur  sur  le  sexe,  ceux  qui  donnent  à  un  sexe  l'apparence  de 
l'autre,  ou  qui  font  croire  à  la  réunion  des  deux  sexes  sur  le  même  individu,  les 
cas  enfin  où  le  mélange  d'organes  appartenant  aux  deux  sexes  existe  en  réalité, 
Zacchias  donnait  à  cet  égard  une  définition  pratique  qui  mérite  d'être  rapportée  : 
«  Dicuntur  hermaphroditi  qui  sexu  sunt  indistincti,  nempe  qui  neutrura  vel 
«  utrumque  habere  videntur,  et  hoc  nomine  comprehendi  volo  quoscumque  qui 
«  aliquomodoinsexusqualitatedubiumexcitarepossunt))(lib.  VII,  tit.  i,quaest.7). 
Il  ajoute  ailleurs  (lib.  III,  et  quœst.  18):  Dici  eos  hermaphroditos  qui  partim 
hahent  memhra  viri,  partim  mulieris.  C'était  loin' de  la  définition  absolue 
d'un  canoniste  :  l'hermaphrodite  est  celui  qui  peut,  tanquam  mas,  generare  ex 
alio,  et,  tanquam  fœmina,  generare  ex  se  ipso. 

Les  éléments  de  la  définition  sont  complexes;  elle  correspond  à  deux  faits 
principaux,  aux  vices  de  conformation  qui  altèrent  l'apparence  du  sexe  et  qui 
donnent  lieu  à  des  erreurs,  au  mélange  réel  d'organes  appartenant  aux  deux  sexes 
et  qui  rendent  le  diagnostic  plus  difficile,  parfois  même  impossible.  Ces  dilfé- 
rences  sont  exprimées  par  les  mots  d'hermaphrodisme  vrai  ou  faux,  mas- 
culin ou  féminin,  neutre  ou  mixte,  simple  ou  complexe,  avec  ou  sans  excès,  qui 
correspondent  aux  diverses  formes  sous  lesquelles  se  présentent  ces  vices  de  con- 
formation et  aux  divers  degrés  d'influence  qu'ils  exercent  sur  les  fonctions  géni- 
tales et  sur  l'ensemble  de  l'organisme. 

II.  Historique.  La  connaissance  de  l'hermaphrodisme  remonte  à  la  plus  haute 
antiquité;  cet  état  a  ému  l'imagination  des  poètes  avant  d'appeler  l'attention  des 
savants.  Son  historique  présente  quatre  périodes  :  l'antiquité  et  ses  fables,  le 
droit  romain  avec  quelques  applications  juridiques,  le  moyen  âge,  qui  soulève 
diverses  questions  religieuses,  les  recherches  modernes,  qui^déterminent  la  ques- 
tion au  point  de  vue  scientifique  et  légal. 


HERMAPHRODISME   (médecine  légale).  637 

Il  est  difficile  de  ne  pas  rappeler  les  fables  qui  constatent  l'ancienneté  connue 
de  ce  vice  de  conformation,  l'intérêt  qu'il  excitait  au  point  de  vue  poétique,  licen- 
cieux même,  comme  exprimant  dans  l'amour  l'union  la  plus  intime.  Cette  union 
allait  jusqu'à  la  fusion  des  deux  êtres  en  un  seul  qui  gardait  la  nature  de  l'un 
et  de  l'autre.  En  Egypte,  on  considérait  la  déesse  de  la  lune,  Astarté,  comme 
étant  à  la  fois  màleet  femelle.  Ovide  {Metcunorph., Vih.  IV  et  II),  Ausone  {Épigr.  Lîtix, 
c  et  ci),  fournissent  à  cet  égard  les  indications  les  plus  complètes;  Hésiode, 
Lucrèce,  Virgile,  Horace,  Martial,  Prudence,  présentent  aussi  quelques  passages 
qui  se  rapportent  à  cette  histoire.  HermaphrodiLus,  comme  son  nom  l'exprime, 
était  fds  d'Hermès  (Mercure)  et  d'Aphrodite  (Vénus),  offrant  déjà  quelques  traits 
de  l'un  et  de  l'autre  :  Cujiis  eral  faciès  in  qua  paterqne  materque  cognosci 
possint,  noynen  Iraxit  ah  illis  (Ausone,  c.  de  llermaphr.).  La  nymphe  Salmacis 
demande  à  s'unir  à  lui  d'une  manière  indissoluble  :  Nidladies  a  me  nec  medi- 
ducat  ab  illo  (Ovide).  Les  vœux  sont  exaucés;  ils  ne  forment  plus  qu'un  seul 
être  :  Vota  suos  habuere  Deos,  nam  mixla  duorum  corpora  jungunliir,  facies- 
que  inducitur  illis.  Le  bonheur  de  cette  union  est  constaté  :  Salmacis  oplato 
cunjuncta  est  nympha  marilo;  felix  virgo  sibi,  si  scit  inesse  viriim.  II  est  le 
mê.'ne  pour  l'homme  :  Et  tu,  fonnoscejiwenis  pennixle  puellce,  bis  felix,  nnum 
si  licet  esse  duos  (Ausone).  Mais  comment  caractériser  ces  êtres?  Nec  duo  sunt, 
sed  forma  duplex,  nec  fœmina  dici  nec  puer  ut  possinl,  neutrumque  et  utrum- 
que  videntur;  ces  deux  vers  d'Ovide  expriment  encore  aujourd'hui  les  difficultés  du 
diagnostic.  On  conteste  même  à  l'hermaphrodite  cette  prérogative  si  enviée  d'une 
double  puissance  génitale.  Ausone,  qui  était,  dit-on,  médecin,  arte  medicus,  le 
caractérise  ainsi  :  Concretus  sexu,  sednonperfectus  utroque,  amhiguœ  Veneris, 
neutro  potiundus  amore.  Lucrèce  [de  Naturâ  rerum,  V)  avait  déjà  fait  remar- 
quer cette  impuissance  de  l'hermaphrodite  :  Androgxjnum  neutrum,  inter  utrum- 
que  ab  utroque  remotum.  On  s'était  aussi  occupé  du  mariage  des  hermaphro- 
dites :  Vidit  nuhentem  Plinius  androggnum  (Ausone). 

Le  changement  et  l'alternance  des  sexes  avaient  été  signalés;  c'est  le  symbole 
des  erreurs  qu'entraîne  encore  aujourd'hui  ce  vice  de  conformation.  Tiresias  avait 
marché  sur  des  serpents  accouplés  ;  il  tue  la  femelle  et  il  devient  femme.  Sept  ans 
après,  à  la  suite  d'une  même  rencontre,  il  tue  le  mâle  et  il  redevient  homme. 
Hésiode,  Ovide,  rapportent  son  histoire  :  Venus  huic  erat  utraque  nota  [Metam., 
lib.  XI).  Pris  pour  juge,  dans  une  contestation  entre  Jupiter  et  Junon  sur  les 
avantages  respectifs  des  deux  sexes  dont  il  avait  eu  la  jouissance,  il  se  prononce 
pour  le  sexe  masculin,  tout  en  avouant  que  les  femmes  sont  plus  sensibles.  Ovide 
cite  un  autre  changement  :  Quid  loquar,  ut  quondam  naturœ  jure  remoto, 
ambiguus  modo  vir  fuerit,  modo  fœmina  Schython  {Met.  IV,  v.  280).  La  même, 
alternance  de  sexe  est  indiquée  par  Virgile  {jEn.\ï,  640)  :  Et  juvenis  quondam 
nunc  fœmina  Cœneus,rursus  et  in  veterem  fato  revoluta  figuram.  Ausone  dans 
VÉpigramme  lxix,  Quœ  sexum  mutarint,  exprime  des  faits  semblables,  c'est  un 
oiseau  mâle  qui  devient  tout  à  coup  femelle  :  Pavaque  de  pava  constitit  ante 
oculos.  Il  cite  un  fait  qui  se  passa  en  Campanie  :  Unus  epheborum  virgo  re- 
pente fait,  mais  sa  conviction  médicale  ne  semble  pas  absolue  :  Nova  res,  dit-il, 
et  vix  credenda  poetis. 

La  naissance  d'un  hermaphrodite  était  considérée  comme  un  mauvais  présage 
qu'on  faisait  retomber  sur  ceux  qui  présentaient  ce  vice  de  conformation;  à 
Athènes,  ils  étaient,  dit-on,  précipités  dans  la  mer  ;  à  Rome,  dans  le  Tibre.  D'après 
l'avis  des  aruspices,  un  hermaphrodite  est  mis  à  mort,  en  Ombrie,  sous  le  con- 


658  IIEUMAIUIKODISAIE  (médecine  légale). 

sulat  de  Messalus  et  Licinius  ;  un  autre  à  Lune,  en  Étrurie,  Metellus  et  Fabius 
Maximus  étant  consuls.  Le  fait  est  constaté  par  un  passage  de  TiteLive  qui  se 
rapporte  aussi  aux  autres  monstruosités.  Une  dialion  de  Cicéron  {De  Divinatione, 
lib.  I)  témoigne  des  opinions  qui  régnaient  à  cet  égard.  Après  avoir  énuméréles 
divers  prodiges  qu'il  considère  comme  ayant  annoncé  des  calamités  publiques, 
il  ajoute  :  Quid  ortits  androgyni,  nonne  fatale  quoddam  monstrum  fuit  ?  Ces 
naissances  sont  placées  avec  les  pluies  de  pierres  et  de  sang  parmi  les  signes  de 
malheur.  Lucrèce  a  signalé  les  mêmes  prodiges  :  Multaque  tune  tellus  etian 
jmrtenia  creare  conata  est;  parmi  eux  se  trouvait  l'apparition  d'un  andro^yne. 

Quelques  notions  scientifiques  avaient  été  fournies  par  l'histoire  naturelle. 
Aristote  avait  remarqué  que  l'hermaphrodisme  était  fréquent  chez  les  chèvres 
[De  générât,  anim.,  lib.  IV,  c.  4),  mais,  ayant  établi  comme  définition  que  ce  qui 
manque  ou  est  en  excès  est  monstrueux,  il  a  contribué  à  faire  prévaloir  la  théorie 
que  les  hermaphrodites  sont  des  monstres,  et  même  pendant  le  moyen  âge  il 
a  ainsi  influé  sur  leur  soir  Strabon  dans  sa  Géographie  (lib.  IV)  constate  l'exis- 
tence d'hermaphrodites.  Pline  {Histor.mundi,  lib.  VII,  c.  5)  fournit  à  cet  égard 
plus  de  renseignements.  11  admet  l'existence  des  hermaphrodites  :  Gignuntur  et 
utriusque  sexus  quos  hermaphrodites  vocamus,  olini  androgynos  vocatos,  et  in 
prodigiis  habitas,  nunc  veroin  deliciis.  11  admet  les  changements  de  sexe;  il  en 
a  lui-même  été  témoin  :  Ex  fœminis  mutari  in  mares  non  est  fabulosiim.  Inve- 
nimus  in  annalibus,  Licinio  Crasso  et  C.  Cassio  Lopino  consulibus,  Casini 
puerum  factum  ex  virgine;  par  l'ordre  des  aruspices  il  fut  déporté  dans  une 
île  déserte.  Pline  rapporte  qu'un  hermaphrodite,  à  Argos,  marié  comme  femme, 
eut  ensuite  de  la  barbe  et  tous  les  signes  de  la  virihté,  qu'il  prit  alors  une  épouse. 
Un  cas  semblable  se  présente  à  Smyrne,  puis  vient  le  fait  dont  Pline  à  été  le 
témoin  :  Ipse  in  Africa  vidi  mutatam  in  marem  nuptiarum  die  L.  Cossicium, 
civem  thyrdritamim;  c'est  le  jour  de  son  mariage  que  cette  transformation 
s'opéra. 

L'hermaphrodisme  a  été  considéré  comme  une  allégorie  correspondant  aux  deux 
grands  vices  des  sociétés  antiques,  l'usage  contre  nature  des  deux  sexes.  N'était- 
ce  pas,  dit  Laugier,  un  emblème  divinisant  sous  les  formes  les  plus  séduisantes 
les  deux  vices  honteux  que  nous  ont  légués  les  civilisations  antiques,  la  pédérastie 
et  l'amour  lesbien,  qui  dans  une  double  perversion  du  sens  génésique  font 
jouer  à  l'homme  et  à  la  femme  un  rôle  contre  nature?  On  n'a  pas  à  compter  les 
passages  dans  lesquels  les  poètes  anciens  font  allusion  à  des  rapports  de  ce  genre. 
Ils  se  rencontrent  dans  Virgile  {Égl.  ii),  comme  dans  Horace,  l'allusion  à  mascula 
Sapho  [Épist.  XIX,  lib.  I)  ;  l'indécision  du  sexe  [Ode  v,  lib.  II).  Martial  s'adresse 
ad  Bassam  trihadem  [Épigr.  xci,  lib.  I)  ;  il  la  dépeint  au  milieu  de  personnes 
de  son  sexe  :  Omne  vel  officium  circa  te  semper  obibal  turha  lui  sexus,  non 
adente  viro;  et  api'ès  des  vers  dont  le  texte  latin  ne  peut  même  être  cité,  il 
exprime  cette  formule  caractéristique  de  l'hermaphrodisme  féminin  :  Mentitur- 
que  virum  prodigiosa  Venus.  Le  mot  de  Pline  :  Androgynos  mine  in  deliciis 
habitas  est  à  noter.  Ostentahat  JSera  hermaphroditas  submixtas  equas.  Ces 
vices  sont  réprouvés  dès  les  premiers  temps  du  christianisme.  Fodéré  fait 
remarquer  que  TertuUien  a  écrit  contre  les  hermaphrodites.  Saint  Paul  [Épître 
aux  Romains,  ch.  i,  v.  26  et  27)  signale  ces  vices  contre  nature  :  Feminœ 
eorum  immutaveriint  naturalem  usum  in  eum  usum  qui  est  contra  naturani. 
Masculi,  relicto  naturali  usu  fœmince,  exarserunt  in  desideriis  suis  in  invi- 
cem,  masculi  in  masculos  turpitudinem opérantes.  On  cite  encore  un  passage 


HERMAPHRODISME  (médecine  légale).  639 

de  saint  Augustin,  dans    la    Cité  de  Dieu,  où  il  est  question  des  androgynes. 

Le  droit  romain  présente  quelques  applications  intéressantes  en  ce  qui  con- 
cerne l'hermaphrodisme.  Ce  mot  se  retrouve  trois  fois  dans  le  Digesle.  Un  premier 
passage,  liber  I,  titre  v,i)esfaf?</iominî<m(lib.  X,  Ulpianus,  lib.  I,  AdSabinum), 
pose  la  règle  générale  :  Qiiaeritur  hermaphroditum  cui  comparamus  ?  et  magis 
puto  ejus  sexvs  aestimandinn  qui  in  eo  praevalet.  Cette  doctrine,  suivant  la 
remarque  d'Hoffmann,  est  encore  celle  que  nous  appliquons  aujourd'hui;  tant  que 
l'individu  est  vivant  nous  le  rapportons  au  sexe  qui  prévaut  en  lui.  Le  second 
passage  se  trouve  dans  le  titre  ii,  liber  XXVIII,  de  Liberis  posthumis  institnendis 
et  exhœrandis.  La  loi  6,  §  "2,  s'applique  à  la  matière  d'institution  d'héritier. 
L'homme  seul  a  la  puissance  paternelle  et  le  droit  d'instituer  ou  d'exhéréder  le 
posthume  :  ce  droit  appartient-il  à  l'hermaphrodite,  est-il  capable  de  la  puis- 
sance paternelle?  Ulpien  admet  l'affirmative,  si  les  organes  masculins  prévalent: 
Uermaphroditus  plane,  si  in  eo  virilia  prœvalehunl,  posthumum  hœredem 
instituere  poterit.  Le  troisième  passage  est  au  titre  v  de  Testibus.  La  capacité 
d'être  témoin  d'un  testament  n'appartient  qu'au  mâle  :  ce  droit  peut-il  être 
accordé  à  l'hermaphrodite?  La  question  se  résout  encore  par  la  considération  du 
sexe  qui  prédomine  (Paulus,  lib.  YI,  15,  Sententiarum)  :  hermaphroditusanad 
testamentum  adhiberi  possit  qualitas  sexus  incalescentis  ostendit.  On  ne  trouve 
pas  ici  les  traces  du  préjugé  qui  condamnait  les  êtres  ambigus. 

Pendant  la  période  du  moyen  âge,  l'idée  de  la  sexualité  double  prédomine,  et 
des  questions  religieuses  et  civiles,  intimement  mêlées,  se  rattachent  aux  devoirs 
et  aux  droits  des  hermaphrodites  avec  une  sévérité  excessive  dans  les  applica- 
tions pénales. 

Une  hérésie  a  eu  cours  au  sujet  de  l'hermaphrodisme  :  s'appuyant  sur  le 
verset  26  du  chapitre  i^''  de  la  Genèse  :  Faciamus  hominem  ad  similitudinem 
nostram,  on  en  avait  conclu  qu'Adam  avait  été  d'abord  créé  sans  sexe  :  Neque 
deiim,  feminam  aut  mareni  esse.  Mais  une  opinion  plus  répandue  s'était  établie 
d'après  le  verset  27  :  Masculum  et  feminam  creavit  eos,  Adam  était  donc  her- 
maphrodite. Des  théologiens  ont  réfuté  cette  hérésie  :  Omnino  falsum,  imo 
ridicidum  esse,  assever are  Adamum  fuisse  androgynum,  mas  simid  et  femina, 
utinseseet  ex  se  generare posset.  Menochius,  dans  son  commentaire  sur  la  Bible, 
ajoute:  Mascidum  et  feminam  creavit  eos,  non  simul,sed  successive  mon  ergo 
Adam  hermaphroditus,  quod  quidam  hœreticus  ausus  est  dicere.  Voltaire,  dans 
le  Dictionnaire  philosophique  (art.  Adam,  sect.  2)  a  relevé  cette  opinion  :  Une 
pieuse  dame,  dit-il,  «  était  sûre  qu'Adam  avait  été  hermaphrodite,  comme  les 
premiers  hommes  du  divin  Platon.  »  Geoffroy  Saint-Hilaire,  à  l'occasion  de  ces 
discussions,  s'exprime  ainsi  :  «  On  pourrait  sans  doute  trouver  dans  ce  verset,  à 
plusieurs  égards  remarquables,  un  emblème  de  l'état  primitivement  indécis  ou, 
si  l'on  veut,  hermaphrodite,  de  l'appareil  sexuel.  » 

Les  hermaphrodites  sont-ils  des  monstres?  Cette  question  était  agitée. et  la 
solution  pouvait  être  fatale  à  l'individu  qui  en  était  l'objet.  Bauhin  avait  dit  à  la 
tin  du  seizième  siècle  :  «  Quant  à  l'être  qui,  moitié  homme  et  moitié  femme,  fait 
injure  à  la  nature,  il  doit  être  mis  à  mort.  »  11  est  vrai  que  le  même  auteur,  en 
1614,  a  déclaré  qu'il  ne  croyait  pas  aux  hermaphrodites.  Teichmeyer  reconnaît 
qu'on  les  avait  fait  périr  :  Tamquam  prodigii  et  sinistri  ominis  aliquid  signi- 
ficantes.  Il  cite  à  cet  égard  Schenckins,  Zaunschleifer  [De  jure  monstrorum) , 
Mollerius  [de  Hermaphroditis) .  On  attribuait  l'origine  de  cette  sévérité  à  des  lois 
anciennes,  notamment  à  un  édit  de  l'empereur  Constantin  qui  aurait  ordonné 


640  HERMAPHRODISME   (médecine  légale). 

(le  faire  périr  ce  troisième  genre  d'homme  :  Hoc  tertium  hominis  geniis  e  vita 
tolli  elauferri  constituii.  Licetus  ne  les  considère  pas  tous  comme  des  monstres- 
il  n'attribue  ce  caractère  qu'à  ceux  chez  lesquels  on  ne  découvre  aucun  sexe. 
Zacchias  termine  ces  discussions  du  moyen  âge  par  une  négation  :  Hermaphro- 
diti  monstra  non  suni,  nec  pro  monstris  a  legibiis  habentur,  sed  in  midierum 
aut  virorwn  sentit  reputaniur ,  a  quibus  non  habent  peciiliare. 

Les  hermaphrodites  sont-ils  irrégulieis?  Cette  question  concernait  leurs  droits 
religieux  et  civils.  Zacchias,  tout  en  constatant  qu'en  principe  cette  difformité 
n'entraîne  pas  plus  l'irrégularité  que  toute  autre,  quand  l'un  des  deux  sexes 
est  prédominant  et  actif,  l'autre  indécis  et  borné  à  quelques  apparences,  admet 
qu'à  cause  de  la  nature  de  cette  imperfection  les  hermaphrodites  sont  souvent 
irréguliers,  11  en  est  ainsi  quand  ils  ont  les  deux  sexes  :  Ob  scandalum  irregu- 
lares  esse  manifestum  est.  Peuvent-ils  se  marier,  être  admis  dans  les  ordres, 
entrer  dans  un  couvent,  déposer  comme  témoins,  hériter  d'un  fief?  Ces  questions, 
discutées  par  les  théologiens  et  les  jurisconsultes,  sont  presque  toujours  résolues 
négativement.  Anmuneribus  publicis,  civilibiis,  ecclesiasticis,  fungi  queat,  an 
succédât  in  fendis?  (Teichmeyr).  Ce  serait  un  scandale,  s'il  jouissait  des  préro- 
gatives, s'il  héritait  dos  fiefs  qui  exigent  le  sexe  masculin.  Si  le  sexe  était  abso- 
lument douteux,  rhermaphiodite  n'avait  que  les  droits  de  la  femme.  On  peut 
baptiser  un  hermaphrodile  parce  qu'il  n'est  pas  un  monstre,  mais,  si  l'on  s'est 
trompé  sur  le  sexe,  si  l'homme  a  été  pris  pour  une  femme,  faut-il  réitérer  le 
baplème?  Baptismus  non  reiteratur,sed  nonien  tantiun  mutatur.  Mollerus  con- 
seille, dans  le  cas  de  sexe  douteux,  de  donner  un  nom  d'homme,  parce  que  la 
nature,  dit-il,  incline  toujours  vers  ce  qu'il  y  a  de  meilleur  et  de  plus  parfait: 
Quoniani  nalura  semper  ad  meliora  et  perfectiora  inclinât.  Bauhin  passe  en 
revue  les  différentes  positions  de  la  vie  sociale,  discutant  gravement  si  elles 
peuvent  être  occupées  par  des  hermaphrodites  :  An  potest  esse  medicus,  ad- 
vocatus,  rector  universitatis?  La  conclusion  est  presque  toujours  négative  et 
la  sanction  aux  infractions  est  sévère,  bien  que  Zacchias  ait  dit  :  eorum  mise- 
ratio  habenda  est. 

L'hermaphrodisme  a  surtout  été  discuté  au  point  de  vue  du  mariage  et  de 
l'abus  des  fonctions  génitales.  Si  aucun  sexe  n'était  distinct,  le  mariage  n'était 
pas  permis;  si  l'un  des  sexes  prévalait,  le  mariage  avait  lieu  suivant  ce  sexe. 
Dans  le  doute,  on  laissait  le  choix  du  sexe  à  l'hermaphrodite,  mais  en  lui  fai- 
sant jurer  de  s'en  tenir  au  sexe  choisi  (Baldi).  Dans  le  cas,  admis  alors,  d'organes 
parfaits  des  deux  sexes,  il  n'avait  pas  le  droit  de  se  servir  de  l'un  et  de  l'autre; 
le  choix  devait  être  fait  et  la  peine  capitale  atteignait  celui  qui  transgressait 
cette  loi.  «  Et  à  ceux-ci,  dit  A.  Paré,  qui  ont  les  deux  sexes  bien  formés  et  s'en 
peuvent  aider  et  servir  pour  la  génération,  les  lois  anciennes  et  modernes  ont 
fait  et  font  encore  élire  de  quel  sexe  ils  veulent  user,  avec  défense,  sous  peine 
de  perdre  la  vie,  de  ne  se  servir  que  de  celui  duquel  ils  auront  fait  élection.  » 
11  ajoute  :  «  Et  aucuns  en  ont  abusé  de  telle  sorte  que  par  un  usage  mutuel  et 
réciproque  paillardaient  de  l'un  et  de  l'autre  sexe,  tantôt  d'homme,  tantôt  de 
femme,  à  cause  qu'ils  avaient  nature  d'homme  et  de  femme  proportionnée  à 
tel  acte.  »  Des  organes  même  imparfaits  peuvent  servir  à  cet  usage  alternatif,  les 
cas  de  ce  genre  ne  sont  pas  rares.  Les  erreurs  sur  le  sexe  donnaient  lieu  à  ces 
redoutables  accusations  de  rapports  contre  nature.  Zacchias  relate  des  faits  de 
ce  genre  :  «  Habes  historias  nonnuUas  hermaphroditorum  qui  et  pro  viris  habe- 
«  bantur  et  uxorem  duxerunt,  vel  monasticam  vitam  cura  monachis,  tanquam 


HERMAPHRODISME  (médecine  légale).  641 

«  vin  vivebant,  qui  tamcn  in  feminas  post  modum  abierunt,  filios  pepererunt  et 
«  in  posterum  pro  feminis  habiti  sunt.  »  Montaigne  parle  dans  le  premier 
volume  de  ses  Mémoires  d'une  femme  des  environs  de  Plombières,  mariée  comme 
telle  et  qui,  son  véritable  sexe  ayant  été  reconnu,  fut  pendue  parce  qu'elle  avait 
fait  un  mauvais  usage  de  ses  organes.  Le  même  rapporte  l'histoire  du  moine 
d'Issoire  qui  accoucha  dans  son  couvent. 

Les  mutations  subites  du  sexe  étaient  autrefois  admises;  A.  Paré  en  a  réuni 
les  histoires  mémorables;  il  cite  le  fait  d'Amatus  Lusitanus  (59*  hist.,  2*  cen- 
turie) :  à  l'époque  des  fleurs,  il  sortit  à  une  fille  le  membre  viril,  lequel  était 
caché  auparavant,  et  ainsi  de  femelle  devint  mâle.  Au  Logis  du  Cygne,  à  Reims, 
chez  une  jeune  fille  de  quatorze  ans  qui  couchait  avec  une  chambrière,  des 
parties  génitales  d'homme  vinrent  tout  à  coup  à  se  développer.  Ces  transforma- 
tions parfois  étaient  subites;  Paré  rapporte  avec  détails  l'histoire  de  Germain, 
à  Vitiy-le-François,  tenu  pour  tille  jusqu'à  quinze  ans.  «  Or  ayant  atteint  cet 
âge,  comme  il  étoit  au  champ,  traverse  un  fossé,  le  voulut  affranchir,  et  l'ayant 
sauté,  à  l'instant  viennent  à  lui  développer  les  génitoires  et  la  verge  virile,  et 
s'en  retourna  larmoyant  à  la  maison,  disant  que  les  tripes  lui  étoient  sorties  du 
ventre.  »  Les  médecins  et  chirurgiens  virent  alors  qu'il  était  homme  et  non 
fille,  et  par  l'autorité  ecclésiastique  il  reçut  un  nom  d'homme.  Paré  remarque 
que  «  nous  ne  trouvons  jamais,  en  histoire  véritable,  que  (^.'horarae  aucun  soit 
devenu  femme,  parce  que  la  nature  tend  toujours  à  ce  qu'il  y  a  de  plus  parfait.  » 

Parmi  les  procès  qui  sont  restés  dans  l'histoire  de  l'hermaphrodisme,  on  peut 
citer  celui  de  Marin  le  Marcis,  dont  Duval,  en  1612,  a  donné  à  Rouen  la  relation 
détaillée.  L'hermaphrodite  qui  s'était  marié  fut  condamné  à  mort  pour  avoir 
abusé  de  son  sexe;  il  devait  être  brûlé  et  ses  cendres  dispersées  au  vent.  Des 
chirurgiens,  des  sages-femmes,  avaient  constaté  l'abus  du  sexe.  Duval,  assisté 
d'autres  experts,  fit  revenir  sur  ce  jugement;  un  changement  de  religion, 
effectué  à  propos,  contribua  à  sauver  l'hermaphrodite.  L'attention  a  aussi  été 
appelée  sur  le  fait  de  Marguerite  Makure.  Cette  hermaphrodite  arrive  à  Paris, 
en  1695,  portant  des  habits  d'homme;  elle  avait,  disait-elle,  les  parties  naturelles 
des  deux  sexes,  et  elle  pouvait  se  servir  des  unes  et  des  autres.  Elle  se  produisit 
dans  diverses  réunions  pour  être  examinée,  et  des  médecins  de  renom  attestèrent 
son  double  sexe.  Saviard,  incrédule,  fit  instantanément  cesser  le  prodige  en 
réduisant  une  descente  de  matrice  dont  le  col  qui  faisait  saillie  avait  été  pris 
pour  le  membre  viril.  L'hermaphrodite  guérie  présenta  sa  requête  au  Roi  pour 
reprendre  les  habits  de  femme,  malgré  la  sentence  des  Capitouls  de  Toulouse 
qui  lui  enjoignait  de  porter  l'habit  d'homme. 

Le  dernier  procès  de  ce  genre  où  la  question  pénale  se  mêlait  au  droit  civil 
et  religieux  est  celui  d'Anne  Grandjean,  prétendue  hermaphrodite,  dont  le 
mariage  fut  annulé  en  1765  parle  Parlement  de  Paris,  après  une  longue  déten- 
tion. Baptisée  comme  fille  à  Grenoble  en  1742,  elle  éprouva  plus  tard  des 
instincts  qui  n'appartenaient  pas  au  sexe  qui  lui  avait  été  donné  ;  elle  se  maria 
comme  garçon  à  Chambéry  en  1761.  Ce  fait  étant  dénoncé,  les  magistrats  de 
Lyon  décrétèrent  de  prise  de  corps  la  prétendue  hermaphrodite  :  «  On  la  mit 
dans  un  cachot,  les  fers  aux  pieds,  et  on  finit  par  la  condamner  à  être  attachée 
au  carcan,  avec  un  écriteau  portant  ces  mots  :  «  Profanateur  du  sacrement  du 
mariage,  »  à  être  ensuite  fouettée  par  l'exécuteur  de  la  haute  justice,  et  à  un 
bannissement  perpétuel.  »  Sur  l'appel  de  la  sentence,  Anne  Grandjean  fut  trans- 
férée à  Paris.  Ses  organes  furent  examinés  ;  «  Mentule  qui  sortait  des  grandes 
DICT,  BNC.  4*  s.  XIII.  41 


642  HERMAPHRODISME   (médecine  légale). 

lèvres,  au-dessus  du  méat  urinaire,  gland  imperfore',  deux  espèces  de  testicules 
vers  l'orifice,  point  de  barbe.  L'organe  distinctif  du  sexe  féminin  était  mêlé  avec 
plusieurs  signes  trompeurs  de  la  virilité.  »  Le  Parlement,  considérant  l'état  de 
l'accusé  et  sa  bonne  foi,  n'aperçut  en  lui  qu'un  individu  que  la  nature  elle- 
même  avait  trompé,  et  par  arrêt  du  10  janvier  1765  la  sentence  de  la  séné- 
chaussée de  Lyon  fut  infirmée,  quant  aux  peines  prononcées  contre  Grandjean  ; 
le  mariage  fut  déclaré  nul  et  abusif,  et  il  lui  fut  enjoint  de  reprendre  l'habit  de 
femme. 

Le  mouvement  scientifique  se  produit,  en  même  temps  que  se  discutent  ces 
questions  théologiques  et  légales.  A.  Paré  pose  les  bases  d'une  division  ration- 
nelle, qui  s'ouvre  à  tous  les  cas  observés.  Les  médecins  et  chirurgiens,  bien 
experts  et  avisés,  dit-il,  déterm.inent  ceux  qui  «  sont  plus  aptes  à  tenir  et  à 
user  de  l'un  que  de  l'autre  sexe,  ou  des  deux,  ou  du  tout  rien.  »  II  est  peu  de 
déviations  organiques  qui  dans  les  temps  modernes  aient  plus  appelé  l'attenlion 
que  celle  des  organes  génitaux;  les  travaux  qui  les  concernent  sont  nombreux, 
et  les  noms  de  médecins  illustres  se  rattachent  à  cette  histoire.  Une  longue 
liste  de  ces  noms  a  été  dressée  :  A.  P.ué,  Zacchlas,  Bauhin,  Duval,  Riolan, 
Saviard,  Âlberti,  Teichmeyer,  Licetus,  Méry,  Morand,  Ferrein,  Vallisnieri,  Petit 
(de  Namur),  J.-L.  Petit,  Parson,  Arnoud  deRonsil,  Lepéchin,  Reyerus,  Mathieu, 
Hoin,  Mœller,  Woljart,  Burckard,  Bodinelli,  llunter,  Ilaller,  Maret,  Ruysch, 
Gentili,  Everard  Home,  Ackermann,  Seiler,  Wrisberg,  Pinel,  llufeland,  Moreau, 
Mursina,  Rudolphi,  Mcckel,  Blumenbach,  Chevreul,  Desgenetles,  Renauldin, 
Wrisberg,  Meckel,  Marc,  Hento,  Béclard,  Worbe,  Pierquin,  Dugès,  Castel, 
Bouillaud,  Larrey,  Tourtual,  Martini,  Follin,  Ricci,  Simpson,  Homes,  Luigi  de 
Crccchio,  Laugier,  Ambroise  Tardieu,  qui  a  ajouté  une  page  si  intéressante  à 
l'histoire  de  l'hermaphrodisme.  D'autres  noms,  ceux  des  auteurs  d'observations 
plus  récentes,  seront  indiqués  dans  le  détail  des  espèces  et  à  l'article  Biblio- 
graphie. Une  mention  spéciale  doit  être  faite  des  travaux  d'Isidore  Geoffroy- 
Saint-llilaire,  qui  a  ajouté  ses  propres  recherches  aux  travaux  anciens  ;  il  a 
établi  la  théorie  de  l'hermaphrodisme  sur  des  bases  rationnelles,  en  constatant 
l'analogie  dans  les  deux  sexes  des  six  segments  parallèles  qui  constituent  les 
organes  de  la  génération,  et  dans  une  certaine  mesure  Pindépendance  de  leur 
développement. 

Les  faits  se  multiplient,  une  statistique  concluante  détermine  la  fréquence 
relative  des  diverses  formes  de  cette  anomalie,  dont  la  plus  commune  est  l'her- 
maphrodisme masculin.  Des  indications  précises  sont  données  pour  le  diagnostic 
et  permettent  d'arriver  dans  la  plupart  des  cas  à  la  constatation  du  sexe.  La 
théorie  explique  comment,  pour  certains  faits  exceptionnels,  la  solution  reste 
indécise  par  suite  de  l'imperfection  des  organes  ou  de  la  direction  sexuelle  dif- 
férente d'un  certain  nombre  de  segments.  L'embryologie,  l'anatomie  comparée, 
ont  renouvelé  l'histoire  physiologique  de  l'hermaphrodisme  ;  ce  vice  de  confor- 
mation devient  une  des  parties  importantes  de  la  tératologie;  l'histologie  ajoute 
de  précieuses  ressources  au  diagnostic,  en  permettant  de  préciser  la  nature  des 
or^^anes.  Les  applications  médico-légales  sont  approfondies  et  mises  en  rapport 
avec  le  droit  moderne.  L'indication  de  ces  progrès  se  trouve  dans  l'étude  spé- 
ciale des  diverses  parties  dont  se  compose  l'histoire  de  l'hermaphrodisme. 

III.  Questions  médico-légales.  Ces  questions  sont  de  deux  ordres  :  elles  se 
rapportent  les  unes  à  la  constatation  du  sexe,  les  autres  à  la  puissance  génitale. 
L'hermaphrodisme  peut  rendre  douteux  le  sexe  lui-même  ou  l'aptitude  à  en 


11ERMAFI1R0DIS3IE  (médecine  légale).  eiS 

remplir  les  fonctions.  La  différence  des  sexes  e'taljlit  dans  toute  société  deux 
catégories  de  personnes  ayant  une  situation,  des  droits  et  des  devoirs  différents, 
à  cet  égard,  point  d'intermédiaire  ;  nos  lois  n'en  admettent  pas  l'existence,  n'en 
prévoient  pas  la  possibilité.  Le  sexe  détermine  l'état  civil  et  la  direction  de  la 
vie  tout  entière. 

L'hermaphrodisme  est  une  occasion  d'erreur  fatale  à  celui  qui  en  est  l'objet, 
et  qui  peut  aussi  préjudicier  aux  intérêts  des  tiers.  L'homme  réputé  femme 
subit  une  diminution  notable  dans  ses  droits,  qui  peut  encore  être  exprimée 
comme  dans  le  droit  romain  :  In  miiltis  jiiris  noslri  articulis  deterior  est 
conditio  feminarumquammasculorum  {Digeste,  lib.  1,  tit,  v,  Papinianus).  Une 
jeune  fille  est  appelée  au  service  militaire  par  suite  d'une  erreur  commise  au 
moment  de  la  déclaration  de  la  naissance.  On  conteste  les  droits  électoraux  d'un 
hermaphrodite.  Un  testament  est  fait  en  faveur  d'un  mâle  que  l'on  découvre 
ensuite  appartenir  au  sexe  féminin.  Le  mariage  réunit  deux  individus  da 
même  sexe,  il  est  annulé  pour  erreur  dans  la  personne,  il  est  contesté  pour 
absence  de  sexe.  La  question  d'impuissance  se  pose  à  l'occasion  d'une  imputa- 
tion de  viol,  d'une  reconnaissance  d'enfant  naturel.  Des  attentats  à  la  pudeur 
sont  commis  par  une  personne  qui  porte  les  habits  d'un  sexe  qui  n'est  pas  le 
sien.  L'hermaphrodisme  est  simulé.  Une  rectification  de  l'acte  de  l'état  civil  est 
demandée  pour  des  motifs  divers.  L'intérêt  de  ces  questions  est  manifeste  et  la 
médecine  légale  intervient  pour  les  résoudre. 

Les  occasions  des  expertises  se  présentent  dans  les  cas  suivants  :  déclaration 
Je  naissance,  rectification  des  actes  de  l'élat  civil,  recrutement,  droits  réservés 
au  sexe  masculin,  hérédité  des  litres,  majorais,  droits  électoraux,  testaments 
avec  condition  de  sexe,  question  d'identité,  simulation,  le  choix  (hi  sexe  dans 
les  cas  douteux,  mariage,  impuissance,  fécondation  artificielle,  opérations  chi- 
rurgicales ,  attentats  au  mœurs,  imputation  injurieuse,  suicide,  hermaphro- 
disme après  la  mort.  Ces  questions  ne  peuvent  être  résolues  qu'au  moyen  d'une 
expertise  que  les  tribunaux  n'hésitent  pas  à  ordonner.  Ces  expertises  se  rap- 
portent à  la  détermination  du  sexe  et  à  l'appréciation  de  la  puissance  génitale; 
si  le  plus  souvent  elles  aboutissent  à  des  conclusions  positives,  elles  présentent 
parfois  de  grandes  difficultés  et  peuvent  même  laisser  dans  le  doute.  La  vraisem- 
blance est  alors  donnée  au  lieu  de  la  vérité  absolue,  et  l'arbitraire  dans  le  choix 
du  sexe  est  encore  soumis  à  quelques  règles  qu'il  est  utile  de  préciser. 

1°  Déclaration  de  naissance.  L'article  55  du  Code  civil  exige  que  la  décla- 
ration de  naissance  soit  faite  dans  les  ^rois  jours  à  l'officier  de  l'état  civil  du 
lieu  et  que  Venfant  lui  soit  présenté.  La  naissance  de  l'enfant,  d'après  l'ar- 
ticle 56,  est  déclarée  par  le  père  ou,  à  son  défaut,  par  les  docteurs  en  médecine 
ou  en  chirurgie,  sages-femmes,  officiers  de  santé,  ou  autres  personnes  qui  auront 
assisté  à  l'accouchement.  «  L'acte  de  naissance  sera  rédigé  de  suite,  en  présence 
de  deux  témoins.  »  Cet  acte  de  naissance,  conformément  à  l'article  57,  énoncera 
le  jour,  l'heure  de  la  naissance,  le  sexe  de  l'enfant  et  les  prénoms  qui  lui 
seront  donnés.  La  détermination  du  sexe  doit  donc  être  immédiate,  c'est  dans 
les  trois  jours  que  la  question  est  décidée  et,  suivant  l'expression  de  Geoffroy 
Saint-Hilaire  :  «  La  destinée  de  chaque  enfant  nouveau-né,  du  moment  où  son 
sexe  est  connu  ou  déclaré  connu,  se  trouve  donc  réglée  à  l'avance  pour  les  prin- 
cipales circonstances  de  sa  vie;  il  est  rangé  dans  l'une  ou  l'autre  de  ces  deux 
grandes  classes  à  laquelle  appartiennent  des  fonctions,  non-seulement  diffé- 
rentes, mais  presque  inverses,  dans  la  famille  aussi  bien  que  dans  la  société,  y- 


644  HERMAPHRODISME    (médecine  li'gale). 

Dans  ce  délai  de  trois  jours  quelles  sont  les  garanties  d'une  détermination  exacte? 
L'enfant  est  présenté  à  l'officier  de  l'état  civil,  qui  est  appelé  ainsi  à  constater 
le  sexe.  La  déclaration  de  naissance  peut  être  faite  par  un  docteur  en  médecine, 
un  ofiicier  de  santé  ou  une  sage-femme,  mais  elle  appartient  aussi  au  père  ou 
aux  autres  personnes  qui  ont  assisté  à  l'accouchement.  L'acte  de  naissance,  qui 
indique  le  sexe  de  l'enfant,  est  rédigé  en  présence  de  deux  témoins  qui  attestent 
le  sexe  aussi  bien  que  les  autres  faits  mentionnés  dans  l'acte.  La  détermination 
du  sexe  peut  donc  être  abandonnée  à  des  personnes  étrangères  aux  connaissances 
médicales,  dans  les  cas  où  le  médecin  n'intervient  pas  comme  déclarant  ou 
comme  témoin.  Sans  doute  l'erreur  n'est  possible  que  dans  les  cas  bien  excep- 
tionnels de  difformité  des  organes  de  la  génération,  mais  ces  cas  se  présentent 
et  alors  l'erreur  est  facile;  elle  a  été  plus  fréquente  qu'on  ne  le  supposait.  M.  Gar- 
nier,  dans  les  Amiales  d'hygiène  (1885),  donne  quelques  détails  statististiques 
sur  le  nombre  de  ces  erreurs.  11  a  réuni  à  cet  égard  vingt  observations  anciennes, 
auxquelles  s'ajoutent  dix  autres  faits  récemment  recueillis.  L'état  civil  de  cer- 
tains individus,  dit  Tardieu,  faussé  dès  sa  naissance,  a  maintenu  les  uns  pen- 
dant de  longues  années  dans  une  situation  étrangère  à  leur  sexe,  jusqu'au  jour 
où,  l'erreur  étant  connue,  ils  ont  repris  les  habits  et  le  genre  de  vie  qui  leur 
appartenaient.  Ces  malheureux  sont  placés  hors  de  leur  sphère,  condamnés  à 
une  éducation  et  à  des  habitudes  contraires  à  leur  nature,  mais  celle-ci  reprend 
le  dessus  et  les  abus  les  plus  graves  en  résultent.  Faut-il  rappeler  ici  l'anecdote 
du  moine  d'Issoire,  qui  accouche  dans  sa  cellule  {mas,  millier,  monachus, 
mundi  mirabile  monstrum,  Bauhin)  ;  celle  du  soldat  hongrois  dont  la  mater- 
nité se  déclare  au  milieu  d'un  camp?  Chez  beaucoup  une  occasion  fait  connaître 
l'erreur,  chez  d'autres  elle  se  prolonge,  elle  peut  même  n'être  démontrée  qu'à 
l'autopsie.  M.  Garnier  fait  remarquer  que  la  durée  des  erreurs  est  en  général 
plus  longue  chez  les  filles  déclarées  garçons  que  dans  le  cas  inverse;  elles 
hésitent,  elles  ignorent,  la  pudeur  les  retient  ;  elles  restent  filles  toute  leur  vie 
sous  leurs  habits  d'hommes.  Ainsi,  dans  le  cas  de  Bouillaud  et  Manec,  Valmont, 
marié  comme  homme ,  ne  fut  reconnu  femme  qu  a  l'autopsie,  à  l'âge  de 
soixante-deux  ans.  L'individu  observé  par  Luidgi  Crecchio  portait  encore  à  cin- 
quante ans  les  habits  d'homme,  bien  que  le  sexe  féminin  ne  fût  l'objet  d'aucun 
doute.  C'est  dans  les  cas  où  les  instincts  génitaux  sont  peu  développés  que  l'on 
voit  se  prolonger  ces  erreurs.  Elevés,  instruits,  habitués  à  travailler,  à  agir,  à 
passer  leur  vie,  sous  les  habits  d'un  sexe  qui  n'est  pas  le  leur,  ces  individus  sont 
dans  l'ignorance  de  la  vérité,  ou  hésitent  à  la  faire  connaître,  lorsque  surtout 
chez  eux  l'imperfection  notable  des  organes  s'ajoute  à  une  faible  impulsion 
sexuelle. 

Les  conséquences  de  ces  erreurs  sont  trop  souvent  la  démoralisation  et  le 
malheur  des  individus  qui  en  sont  l'objet;  elles  nuisent  aux  autres,  et  l'erreur 
est  surtout  fâcheuse  lorsque  l'homme  est  pris  pour  une  femme,  ce  qui  est  le 
cas  le  plus  fréquent.  Le  jeune  garçon  est  introduit  dans  un  pensionnat  de  jeunes 
filles,  dans  un  couvent,  il  a  des  relations  habituelles  et  intimes  avec  des  jeunes 
filles  de  son  âge.  Le  mariage  vient  soulever  les  questions  les  plus  graves  et 
empoisonner  deux  existences.  Des  rapports  contre  nature  résultent  de  ces  méprises 
et  le  scandale  s'ajoute  aux  malheurs  privés. 

Plusieurs  mesures  ont  été  proposées  pour  empêcher  de  semblables  erreurs  : 
la  vérification  du  sexe  par  un  médecin  au  moment  de  la  déclaration  de  nais- 
sance, la  nomination  d'experts  pour  les  cas  douteux,  et,  pour  les  cas  où  une  solu- 


HERMAPHRODISME    (médecine  légale).  645 

lion  immédiate  serait  impossible,  la  mention  de  ce  fait,  en  marge  de  l'acte,  en 
réservant  la  détermination  du  sexe  à  une  époque  ultérieure. 

La  loi  exige  (Code  civil  55),  que  l'enfant  iiouveau-né  soit  présenté  à  l'officier  de 
l'état  civil,  c'est  l'occasion  de  la  constatation  du  sexe.  L'officier  de  l'état  civil, 
comme  pour  la  vérification  des  décès,  délègue  sa  mission  à  un  homme  compétent 
et  le  sexe  est  inscrit  sous  cette  garantie.  Sans  doute  cette  déterminntion  du  sexe 
n'offre  aucune  difficulté  pour  l'immence  majorité  des  cas,  mais  l'exception  peut 
se  rencontrer.  «  Aujourd'hui,  dit  Tardieu,  où  le  service  de  la  constatation  des 
naissances  est  exclusivement  confié  à  des  médecins,  quelques-uns  se  contentent 
de  la  déclaration  des  parents,  sans  vérifier  et  constater  par  eux-mêmes  »  ;  c'est  là 
sans  doute  l'origine  d'erreurs  qu'une  première  constatation  faite  régulièrement 
rendrait  impossible. 

Si  le  cas  présente  des  difficultés,  et  il  en  est  souvent  ainsi  pour  les  diffor- 
mités de  ce  genre,  l'officier  de  l'état  civil  ou  le  tribunal  nommerait  des  experts 
chargés  de  résoudre  la  question  avec  le  soin  et  la  maturité  convenables,  et  le 
sexe  serait  ensuite  inscrit  dans  l'acte  conformément  à  l'avis  de  ces  experts. 

Mais  la  question  peut  être  actuellement  insoluble;  les  experts  déclarent  qu'ils 
n'ont  point  les  éléments  suffisants  d'une  conviction  ;  le  sexe  est  actuellement 
douteux  ;  le  développement  des  organes  permettra  peut-être  de  le  déterminer 
plus  tard.  On  a  proposé  de  mentionner  ce  doute  dans  l'acte  de  naissance,  et  de 
réserver  cette  détermination  du  sexe  à  une  exploration  ultérieure.  C'est  une 
mesure  à  peu  près  analogue  à  ce  qui  d'après  Mahon  se  passait  dans  l'ancien 
régime.  S'il  y  a  un  doute  sur  le  sexe,  au  moment  du  baptême,  le  médecin  en 
fait  part  au  prêtre,  qui  dans  l'acte  de  baptême  indique  cette  circonstance,  afin 
que  plus  tard,  au  moment  du  mariage,  une  contre-expertise  puisse  être  faite  au 
point  de  vue  du  sexe  et  de  la  puissance  génitale.  Sans  doute  une  mention  de  ce 
genre,  ajoutée  à  l'acte  de  l'état  civil,  porterait  un  préjudice  sérieux  à  l'individu 
qui  en  serait  l'objet,  mais  le  préjudice  ne  serail-ii  pas  bien  plus  considérable,  si 
une  décision  précipitée  entraînait  une  erreur  dans  le  sexe.  Le  sursis  accordé 
pour  la  détermination  du  sexe  rendrait  l'expertise  plus  fucile  et  plus  sûre. 

Les  caractères  indécis  que  présente  le  nouveau-né  s'accentuent  par  le  déve- 
loppement des  organes,  les  fonctions  s'éveillent,  les  testicules  paraissent,  la 
menstruation  s'établit.  Dans  les  nombreuses  observations  d'hermaphrodisme 
oîi  le  sexe  était  d'abord  incertain,  on  voit  souvent  cette  évolution  génitale,  qui 
peu  à  peu  lève  tous  les  doutes.  L'influence  de  la  puberté  peut  être  décisive,  et 
même  avant  cette  époque  le  développement  des  organes  rend  la  question  bien 
plus  facile  à  résoudre  qu'au  moment  de  la  n  ii>sance. 

On  a  proposé  d'introduire  dans  la  loi  des  dispositions  qui  permettraient  de 
suspendre  la  déclaration  du  sexe,  dans  les  cas  douteux,  et  qui  n'appliqueraient 
plus  à  ces  cas  exceptionnels  l'obligation  de  constater  le  sexe  dans  les  trois  jours. 
M.  Debierre,  dans  sa  monographie  sur  l'hermaphrodisme,  indique  la  modifica- 
tion suivante  qui  pourrait  être  introduite  dans  l'article  57  du  Code  civil  :  «  Tout 
nouveau-né  sera  soumis  à  l'examen  médical-  l'acte  de  naissance  énoncera  le 
sexe,  mais  seulement  quand  il  sera  de  toute  évidence.  »  Un  article  additionnel 
ainsi  conçu  s'appliquerait  aux  cas  douteux  ;  «  dans  le  cas  de  doute  sur  le  sexe, 
il  sera  sursis  jusqu'à  la  puberté,  quinze  à  dix-huit  ans,  époque  à  laquelle  le 
sujet  sera  soumis  à  une  commission  médico-judiciaire  qui  statuera  sur  son  sexe 
et  sur  son  inscription  comme  homme,  femme  ou  neutre;  sur  les  registres  de 
l'état  civil,  mais  en  attendant,  l'acte  de  naissance  portera  en  marge  :  sexe  dou- 


646  HERMAPHRODISME    (médecine  légale). 

teux  »,  Joerg,  d'après  Siebold,  avait  aussi  proposé,  pour  les  cas  où  le  sexe  ne 
peut  être  déterminé  avec  précision,  de  mentiouoer  le  fait  sur  le  registre,  afin 
que,  si  plus  tard  un  certificat  e^t  demandé,  celte  mention  conduise  à  une  vérifi- 
cation nouvelle  qui  éviterait  bien  des  difficultés.  Oifila  formule  à  cet  égard  les 
conclusions  suivantes  :  Lorsqu'il  y  a  le  moindre  doute  sur  le  véritable  sexe,  il 
est  convenable  d'en  avertir  l'autorité,  et  d'employer,  s'il  le  faut,  des  années  à 
observer  le  développement  progressif  du  physique  et  du  moral,  plutôt  que  de 
hasarder  sur  le  sexe  un  jui^ement  que  des  phénomènes  subséquents  pourront 
démentir.  Si  le  médecin  a  un  doute,  il  devra  l'exprimer,  et  il  serait  utile  que 
i'officier  de  l'état  civil,  en  présence  de  ce  doute,  put  subvenir  à  l'indication  du 
sexe  sur  les  registres  de  l'état  civil,  au  lieu  d'être  obligé  à  rédiger  dans  les 
trois  jours  l'acte  qui  constate  ce  sexe.  M.  Laciissagne  exprime  ainsi  ces  réserves  : 
«  Tout  nouveau-né  sera  soumis  à  un  examen  médical;  s'il  y  a  doute  sur  le  sexe, 
il  sera  suisis  à  sa  détermination  jusqu'à  l'époque  de  la  puberté;  à  ce  moment, 
après  l'avis  d'expert,  le  tribunal  ordonnerait  l'inscription  comme  homme, 
femme  ou  neutre,  sur  les  registres  de  l'état  civil.   » 

A  la  mesure  de  l'expertise  différée,  qui  peut  rendre  d'incontestables  services, 
on  propose  d'ajouter  une  disposition  légale  qui  admettrait  une  troisième  divi- 
sion de  l'espèce  humaine,  formant  la  classe  des  neutres,  à  côté  de  celle  des 
hommes  et  des  femmes.  Il  y  a  des  cas  où  le  diagnostic  n'est  absolument  certain 
qu'à  l'autopsie;  on  en  a  même  rencontré  où  l'examen  anatomique  laissait  dans 
le  doute,  lorsqu'il  portait  sur  des  organes  non  caractérisés  ou  présentant  le 
mélange  de  parties  appartenant  aux  deux  sexes.  Mais  les  cas  de  ce  genre  sont 
de  hien  rares  exceptions  qui  ne  justifient  pas  l'admission  étrange  d'une  troi- 
sième catégories  d'être  humains,  avec  toutes  les  conséquences  qu'il  faudrait  en 
déduire  pour  le  droit  civil.  Lorsqu'un  cas  de  ce  genre  se  pré>ente,  il  est  résolu 
individuellement  d'après  les  conditions  du  fait  et  la  plus  grande  somme  de  vrai- 
semblance. Si  le  sexe  est  absolument  impossible  à  déterminer,  cette  conclusion 
négative  a  déjà  son  importance  légale.  C'est  à  ces  cas  douteux  que  se  rattache 
la  question  du  choix  du  sexe,  qui  est  d'un  si  grand  intérêt  d'abord  pour  1  édu- 
cation de  l'enfant  et  qui  doit  être  ici  l'objet  de  quelques  remarques. 

2°  Choix  du  sexe.  Ce  choix,  pour  les  cas  douteux,  avait  déjà  préoccupé 
dans  l'ancienne  jurisprudence.  Pour  le  baptême,  dit  Mahon,  dans  le  cas  d'égalité 
de  sexe,  on  exigea  que  l'hermaphrodite  fût  toujours  supposé  apjiartenir  au  sexe 
le  plus  noble,  à  moins  qu'il  ne  parût  par  l'examen  qu'un  sexe  prévalût  sensible- 
ment sur  l'autre.  C'était  aux  parents  d'abord,  puis  à  l'individu  qui  avait  atteint 
l'âge  de  raison,  qu'il  appartenait  de  choisir  le  sexe.  On  établit  pour  le  mariage, 
ajoute  Mahon,  que,  dans  les  cas  de  parfaite  égalité  des  deux  sexes,  l'herma- 
phrodite stjrait  lui-même  son  maître  de  choisir  entre  le  rôle  d'homme  et  celui 
de  femme,  son  appétit  particulier  devait  en  décider,  et  les  lois  lui  imposèrent 
par  serment  l'obligation  de  se  borner  à  celui  qu'il  aurait  choisi.  A.  Paré  témoigne 
de  cette  latitude,  en  rappelant  que  sous  peine  de  mort  on  devait  se  borner  à 
l'usage  du  sexe  dont  on  avait  fait  élection.  Zacchias  constate  la  même  latitude 
sous  la  réserve  de  peines  :  Si  quando  proprise  selectioni  non  steterint.  Teich- 
meyer  indiquait  les  mêmes  conditions  de  ne  se  servir  dans  le  mariage  que  du  sexe 
que  l'on  avait  choisi. 

La  loi  civile  allemande  s'occupe  de  l'hermaphrodisme,  au  point  de  vue  sur- 
tout de  la  transmission  des  biens  et  des  titres  qui  appartiennent  aux  mâles.  Le 
choix  du  sexe  est  assujetti  à  des  règles  précises  [Allgem.  Landrechl   Theil,  \, 


HERMAPHRODISME    (médecine   légale).  647 

tit.  II).  Quand  un  hermaphrodite  vient  ù  naître,  les  parents  déterminent  le  sexe 
dans  lequel  il  doit  être  élevé,  mais,  lorsqu'il  a  atteint  l'âge  de  dix-huit  ans,  l'her- 
maphrodite a  le  droit  de  choisir  le  sexe  auquel  il  veut  appartenir  (§§  19  et  20)  ; 
c'est  d'après  ce  choix  que  ses  droits  seront  réglés  à  l'avenir  (§  21),  mais,  si  les 
droits  d'un  tiers  dépendent  du  sexe  de  l'hermaphrodite  présumé,  ce  tiers  peut 
demander  l'examen  du  sujet  par  des  experts.  La  constatation  des  experts  décide 
la  question,  même  contre  le  choix  de  l'hermaphi  odite  et  de  ses  parents  (§§  22  et  2S). 
Cette  disposition,  dit  Hoffmann,  suppose  que  les  experts  sont  toujours  capables 
de  reconnaître  le  sexe  de  l'Iierraaphrodite  ;  certes  il  en  est  le  plus  souvent  ainsi, 
et  l'expertise  est  le  seul  moyen  de  résoudre  de  pareilles  questions;  si  le  sexe 
mâle  n'est  pas  démontré,  on  n'accordera  pas  au  sujet  les  prérogatives  qui  appar- 
tiennent à  ce  sexe;  l'expert  d'ailleurs  a  le  droit  d'indiquer  la  plus  grande 
somme  de  vraisemblance. 

En  France,  ce  sont  les  personnes  chargées  de  déclarer  la  naissance  ou  les 
témoins  de  l'acte  (§§  55  et  57)  qui  font  connaître  le  sexe  de  l'enfant,  qui  d'ail- 
leurs doit  être  présenté  à  l'officier  de  l'état  civil  (55).  Dans  une  circulaire  de 
1816,  à  l'occasion  d'une  erreur  sur  le  sexe,  le  garde  des  sceaux  déclare  que 
«  les  erreurs  de  la  nature,  rares  heureusement,  ne  doivent  pas  être  trop  appro- 
fondies lorsqu'elles  se  présentent,  et  que  c'est  aux  individus  qui  les  présentent  ou 
à  leurs  parents  à  choisir  le  sexe  qui  paraît  leur  convenir  ;)  (Lagardière,  Guide  de 
ïofficier  de  Vétat  civil,  etBriand  et  Chaude,  p.  179).  Ce  sont  les  parents  et  les 
témoins  qui  déclarent  le  sexe,  mais  l'oflicier  de  l'état  civil  à  qui  l'enfant  est 
présenté  peut  y  ajouter  la  garantie  d'un  examen  médical.  L'expertise  d'ailleurs 
sera  de  droit  plus  tard,  si  une  vérification  de  l'acte  de  naissance  est  demandée. 

Pour  les  hermaphrodites  masculins  et  féminins,  chez  lesquels  les  organes 
mâles  ou  femelles  présentent  seulement  un  vice  de  conformation  plus  ou  moins 
notable,  la  question  est  résolue  d'une  manière  positive,  mais  dans  les  cas  d'her- 
maphrodisme mixte  et  complexe,  lorsqu'il  se  rencontre  à  la  fois  des  parties 
mâles  et  femelles,  le  sexe,  suivant  l'expression  de  Geoffroy  Saint-IIilaire,  n'est 
plus  déterminé  que  par  approximation;  on  recherchera  quelles  sont  les  parties 
qui  prédominent  et  une  détermination  vraisemblable  pourra  être  établie,  car 
«  de  tels  êtres,  s'ils  ne  sont  complètement  mâles,  ni  complètement  femelles, 
tendent  avec  une  prédominance  marquée  vers  l'un  ou  l'autre  sexe,  au  point 
qu'ils  peuvent  même  dans  quelques  cas  en  remplir  les  fonctions.  »  Mais,  si  la 
complexité  des  organes  dont  aucun  ne  ])rédomine  j)lace  l'individu  jiour  ainsi 
dire  «  au  milieu  de  l'intervalle  qui  sépare  les  deux  sexes,  sans  que  l'on  puisse 
trouver  aucune  raison  de  le  rapporter  à  l'un  plutôt  qu'à  l'autre  »,  si  l'imperfec- 
tion des  organes  est  telle  qu'elle  constitue  ce  qu'on  appelle  l'hermaphrodisme 
neutre,  la  détermination  positive  du  sexe  devient  impossible,  et  la  solution 
n'est  plus  qu'approximative.  11  faut  cependant  savoir  si  l'enfant  sera  élevé  sous 
les  habits  d'une  fille  ou  sous  ceux  d'un  garçon,  et  l'acte  de  naissance  doit  être 
établi  dans  son  intégrité. 

Le  choix  du  sexe  devient  ici  arbitraire,  fondé  sur  des  vraisemblances  et  sur 
des  considérations  générales  d'une  réelle  valeur.  Cet  être  indécis  sera-t-il  déclaré 
fille  ou  garçon?  De  ce  qu'un  individu  n'est  pas  femme,  dit  Tardieu,  on  doit 
inférer  qu'il  appartient  au  sexe  masculin.  L'erreur  la  plus  commune  porte  sur 
des  hommes  réputés  femmes  ;  les  cas  judiciaires,  pour  la  plupart,  appartiennent 
à  cette  catégorie.  La  statistique  nous  montre  que  les  hermaphrodismes  mascu- 
lins sont  beaucoup  plus  nombreux  que  les  féminins.  On  risque  moins  de  se 


648  HERMAPHRODISME    (médecine  légale). 

tromper  en  déclarant  l'enfant  du  sexe  mâle.  Marc  conseillait  de  déclarer  homme 
les  hermaphrodites  neutres,  parce  qu'il  n'existait  en  eux  aucune  trace  de  parties 
féminines.  «  Dans  les  cas  d'hermaphrodisme  neutre  avec  absence  de  sexe,  les 
individus  doivent  être  regardés  comme  étant  du  sexe  masc\ilin ,  puisqu'on 
n'observe  pas  chez  eux  de  parties  génitales  féminines  et  que  l'absence  des  carac- 
tères de  la  virilité  ne  dépend  alors  que  de  l'absence  ou  de  l'atrophie  des  testi- 
cules »  (Briand  et  Chaude).  Le  plus  souvent,  dans  les  cas  douteux,  il  s'agit 
d'hommes  mal  conformés,  atteints  d'hypospadias  et  de  cryptorchidie,  avec  une 
apparence  générale  féminine.  C'est  cette  apparence  qui  a  conduit  quelques 
auteurs  à  ranger  plutôt  parmi  les  femmes  les  hermaphrodites  chez  lesquels  on 
ne  découvre  aucun  caractère  sexuel  déterminé.  Le  genre  de  vie  et  les  occupa- 
tions de  la  femme  semblent  mieux  convenir  à  ces  êtres  chez  lesquels  on  n'a 
découvert  aucune  trace  de  virilité,  et  être  plus  conformes  à  leurs  goûts;  mais 
les  inconvénients  de  ce  choix  sont  manifeste,  si  vers  l'époque  de  la  puberté  des 
instincts  de  virilité  s'éveillent  chez  ces  individus  qui  vivent  dans  un  commerce 
habituel  avec  les  femmes.  Un  chirurgien  américain  a  poussé  la  logiiiue  jusqu'à 
des  conséquences  étranges,  pour  prévenir  des  inconvénients  de  ce  genre.  Consi- 
dérant que  les  testicules  étaient  inutiles  quand  la  verge  manquait,  il  enleva  ces 
deux  organes  placés  dans  les  grandes  lèvres  sur  les  bords  d'un  pseudo-vagin, 
chez  un  enfant  de  trois  ans  élevé  comme  fille,  afin  de  mieux  garantir  l'avenir 
et  le  bonh(3ur  de  cet  enfant,  en  développant  chez  lui  la  sexualité  féminine,  dont 
il  portait  les  caractères  extérieurs.  11  est  inutile  de  discuter  celte  sanction  hardie 
donnée  au  choix  du  sexe,  l'opéralcur  s'arrogeant  le  droit  de  supprimer,  pour 
une  idée  spéculative,  l'organe  essentiel  de  la  virilité.  Un  procédé  plus  innocent, 
conseillé  par  quelques  auteurs,  consiste  à  donner  deux  noms,  l'un  masculin, 
l'autre  féminin,  à  l'enfant  dont  le  sexe  est  indécis  au  moment  de  la  déclaration 
de  naissance. 

Il  est  évident  que,  s'il  se  rencontre  un  indice  delà  prédominance  d'un  sexe, 
c'est  de  ce  côté  que  sera  portée  la  décision  ;  cette  conclusion  est  celle  du  droit 
romain  :  Ejus  sexus  aestimandum  qui  in  eo  prœvalet,  mais  dans  les  cas  où 
la  solution  est  actuellement  impossible,  choisir  le  sexe  masculin  est  encore 
le  parti  le  plus  sîir,  celui  qui  olfre  le  moins  de  chances  d'erreur  et  d'incon- 
vénient. C'est  aussi  l'avantage  du  sujet  d'être  classé  dans  le  sexe  masculin;  on 
a  vu  les  suites  Limenlables  des  erreurs  commises  dans  l'autre  sens.  Le  préju- 
dice causé  aux  autres  est  moins  grave  en  ce  qui  concerne,  par  exemple,  les  jeunes 
filles  au  milieu  desquelles  l'hermaphrodite  serait  élevé.  Arrivé  à  l'âge  adulte, 
l'individu  adopte  souvent  le  sexe  masculin  :  il  en  fut  ainsi  dans  le  cas  de  Marie 
Derrier,  où  le  mélange  des  caractères  des  deux  sexes  se  trouvait  dans  une  telle 
proportion  que  le  diagnostic  resté  douteux  pendant  la  vie  le  fut  encore  après 
la  mort.  La  considération  qui  résulte  d'inconvénients  moindres,  et  d'une  pro- 
babilité plus  grande  dans  le  diagnostic,  a  conduit  la  plupart  des  auteurs  à  pré- 
férer pour  les  cas  douteux  le  choix  du  sexe  masculin. 

3°  Rectification  des  actes  de  Vétat  civil.  Toute  personne  intéressée  peut 
demander  la  rectification  d'un  acie  de  l'état  civil,  les  parents  d'abord,  lorsqu'ils 
s'aperçoivent  de  l'erreur,  l'hei'maphrodite  lui-même,  lorsqu'il  a  l'âge  de  paraître 
en  justice,  ou  avec  les  autorisations  nécessaires.  Une  personne  qui  a  intérêt  à 
faire  rectifier  le  sexe,  comme  dans  le  cas  de  demande  en  nullité  de  mariage 
fondé  sur  l'erreur  dans  la  personne,  ou  pour  faire  annuler  un  testament  sous 
condition  de  mascuHnité,  peut  intenter  une  action  ù  cet  égard.   «  Celui  qui 


UERMAPIIRODISME    (médecine  légale).  64) 

voudra  faire  ordonner  la  rectification  d'un  acte  de  l'état  civil  pre'sentera  sa 
requête  au  tribunal  de  première  instance  »  (Code  de  procédure  civile,  855). 
Lorsque  la  rectification  sera  demandée,  il  y  sera  statué,  sauf  appel,  par  le  tri- 
bunal compétent,  et  les  parties  intéressées  sont  appelées,  s'il  y  a  lieu  (Code 
civil,  99).  Les  jugements  de  rectification  ne  peuvent  être  opposés  aux  parties 
intéressées  qui  ne  les  auraient  point  requis,  ou  qui  n'y  auraient  point  été  appe- 
lées (100).  Il  y  a  donc  ici  matière  à  expertises  et  à  visites  qui  peuvent  être 
ordonnées  par  le  tribunal  pour  constater  la  réalité  des  faits  sur  lesquels  se 
fonde  la  demande  en  rectification. 

L'occasion  la  plus  fréquente  de  ces  demandes  en  rectification  est  l'appel  au 
service  militaire.  On  a  des  exemples  de  jeunes  filles  appelées  tout  à  coup  au 
tirage  au  sort,  ou  le  cas  inverse  de  jeunes  gtns  dont  le  sexe  douteux  devient  une 
occasion  d'exemption  ou  de  réforme.  Fodéré  cite  un  cas  de  ce  genre  :  en  1799, 
à  l'hôpital  militaire  de  Toulon,  un  soldat  âgé  de  vingt  ans  fut  reconnu  comme 
hermaphrodite  et  réformé  ;  c'étaient  les  lésions  ordinaires,  le  scrotum  fendu, 
le  pénis  imparfait,  les  deux  testicules  dans  les  replis  latéraux  du  cul-de-sac  qui 
simulait  le  vagin.  L'hermaphrodisme  apparent,  quand  même  le  sexe  peut  être 
reconnu,  est  un  cas  d'exemption  du  service  militaire  dont  les  motifs  sont  faciles 
à  comprendre.  L'instruction  du  7  gei  minai  an  VU  classait  déjà  parmi  les  états 
qui  donnent  lieu  à  l'invalidité  la  rétraction  permanente  d'nn  testicule,  son 
engagement  dans  l'anneau.  L'instiuction  du  27  février  1877,  sur  les  maladies, 
infirmités  ou  vices  de  conformation  qui  rendent  impropre  au  service  militaire, 
classe  parmi  ces  états  (n°  284)  l'hermaphrodisme  et  l'absence  du  pénis. 

Certains  droits  qui  ne  peuvent  tomber  en  quenouille,  les  titres  nobiliaires,  les 
majorats,  les  substitutions,  l'héritage  de  terres  en  ligne  masculine,  en  Alle- 
magne, en  Angleterre  surtout,  ont  été  l'occasion  de  discussions  relatives  à 
l'hermaphrodisme.  Si  le  sexe  féminin  est  exclu  de  ces  transmissions,  n'en  sera- 
l-il  pas  de  même  de  ceux  dont  le  sexe  est  douteux  ou  qui  n'ont  aucun  sexe  ?  Si 
l'hermaphrodite  est  masculin,  la  solution  en  sa  faveur  ne  sera  pas  douteuse,  et 
cependant  on  s'est  demandé  si  la  portion  d'organes  sexuels  femelles  que  ren- 
ferme MU  hermapiirodile  masculin  complexe  n'était  pas  de  nature  à  affaiblir  ou 
à  annuler  son  droit.  Taylor  a  posé  cette  question  :  Deux  jumeaux  naissent,  l'aîné 
hermaphrodite  mâle,  le  second  mâle  sans  mélange  :  à  qui  appartiendra  l'héri- 
tage qui  se  transmet  en  vertu  du  droit  d'aînesse?  Ces  questions  subtiles  n'ont 
plus  d'intérêt  eu  Fiance.  Le  sexe  d'un  hermaphrodite  pourrait  encore  être 
recherclié  à  l'occasion  d'une  donation  ou  d'un  testament  sous  condition  de  sexe 
masculin. 

D'autres  droits  encore  sont  réservés  au  sexe  mâle,  notamment  les  droits  poli- 
tiques. L'n  hermaphrodite  peut-il  être  électeur,  peut-il  être  investi  d'un  mandat 
électif?  Sans  aucun  doute,  s'il  est  démontré  qu'il  appartient  au  sexe  mâle,  et  à 
la  condition  qu'il  aura  fait  préalablement  rectifier  son  acte  de  naissance,  quand 
par  cet  acte  il  a  été  déclaré  fille.  JNous  ne  croyons  pas  que  la  question  ait  été 
soulevée  en  France,  mais  en  Amérique  elle  a  été  mêlée  à  une  violente  lutte 
élector.'le.  En  mars  1843,  dans  le  Conneclicut,  à  Salisbury,  une  élection  est  con- 
testée parce  que  le  parti  whig  avait  introduit  une  femme  parmi  les  électeurs.  Le 
docteur  Bary  est  chargé  de  l'examen,  il  dit  que  le  pénis  est  imperforé,  mais  qu'il 
a  trouvé  un  testicule  :  c'est  un  homme,  avec  tous  les  droits  de  son  sexe.  Le  lende- 
main, au  moment  où  l'électeur  s'approche  de  l'urne,  le  docteur  Triknor  s'oppose 
au  vote  en  affirmant  que  c'est  une  femme.  Les  deux  docteurs  sont  invités  à  une 


650  HERMAPHRODISME  (médecine  légale). 

consultation  immédiate;  le  premier  montre  le  testicule  au  second;  celui-ci  se 
désiste,  le  vote  est  déposO.  Quelques  jours  après  on  apprend  que  cet  individu 
est  marié  à  un  liomme,  qu'il  a  les  goûts  féminins  ;  on  constate  des  règles,  le 
docteur  Bary  finit  par  trouver  l'utérus,  et  le  testicule  n'est  plus  qu'un  ovaire 
hernie:  c'est  un  hermaphrodite  féminin  qui  a  indûment  usé  du  droit  de  suffrage. 

¥  Mariage.  C'est  à  l'occasion  du  mariage  que  la  question  de  l'herma- 
phrodisme a  été  le  plus  souvent  discutée.  Les  faits  constatent  les  tristes  consé- 
quences de  ces  alliances  entre  des  individus  dont  le  sexe  a  été  méconnu,  et 
leurs  efforts  souvent  inutiles  pour  se  dégager  d'une  union  contre  nature.  Le 
droit  canon  s'était  occupé  du  mariage  des  hermaphrodites  :  il  est  valable  dans  le 
sens  du  sexe  qui  prédomine  ;  si  les  deux  sexes  sont  égaux,  l'ojjtion  est  accordée, 
mais  à  la  condition  de  s'y  tenir.  Dans  le  droit  actuel,  les  questions  relatives  à 
l'hermaphrodisme,  en  ce  qui  concerne  le  mariage,  se  rapportent  aux  quatre 
points  suivants  :  l'identité  de  sexe,  l'absence  de  sexe,  le  mélange  des  deux  sexes, 
l'impuissance. 

C'est  la  question  à' identité  du  sexe  qui  se  présente  le  plus  habituellement. 
L'erreur  est  surtout  commise  à  l'occasion  d'hommes  réputés  femme  par  suite 
d'un  vice  de  conformation.  La  condition  essentielle  du  mariage  est  que  les  deux 
individus  soient  de  sexe  diflérent  ;  l'union  entre  deux  personnes  du  même  sexe 
ne  constitue  pas  un  mariage,  dans  ce  cas,  il  y  a  plus  qu'une  nullité,  c'est  une 
non-existence  du  mariage.  L'individu  est-il  homme  ou  femme,  telle  est  la 
question  posée  à  l'expert.  Si  les  deux  individus  sont  du  même  sexe,  c'est  un  cas 
d'erreur  dans  la  [)ersonne  qui  rentre  dans  ceux  qu'a  prévus  l'article  180  du  Code 
civil  et  qui  entraînent  la  nullité  du  mariage.  La  jurisprudence  a  été  établie  à  cet 
égard  par  un  jugement  du  tribunal  de  la  Seine  du  18  avril  1854  :  la  demoi- 
selle L...,  épouse  Beaumonl,  après  quelques  années  d'ignorance,  invoquait  la 
nullité  de  son  mariage,  non  pour  cause  d'impuissance,  mais  par  le  motif  qu'il 
y  avait  eu  erreur  de  sexe  et  que  son  mari  n'était  pas  un  homme.  Le  tribunal, 
«  attendu  qu'il  ne  peut  y  avoir  de  mariage  valable  aux  yeux  de  la  loi  entre  deux 
personnes  du  même  sexe;  que  la  demanderesse  prétend  que  la  personne  qui  a 
contracté  mariage  avec  elle  sous  le  nom  de  Beaumont  aj)partient  au  sexe  fémi- 
nin ;  qu'elle  allègue  que,  loin  d'avoir  aucun  des  signes  qui  constituent  la  virilité, 
il  n'y  a  au  contraire  que  les  signes  qui  constatent  le  sexe  féminin,  que  ce  sexe 
est  révélé  notamment  par  un  écoulement  auquel  les  femmes  seules  sont  sujettes; 
avant  de  faire  droit,  ordonne  la  preuve  des  faits  par  elle  articulés,  et  ce  tant 
par  litres  que  par  témoins,  et  s'il  y  a  lieu  par  la  visite  de  Beaumont,  laquelle 
visite  sera  faite  par  M.  Dubois,  doyen  de  la  Faculté  de  Paris.  »  La  visite  fut  faite 
par  le  célèbre  accoucheur  :  il  constata  que  le  mari  défendeur  était  du  sexe 
masculin,  mais  que  d'ailleurs  chez  lui  l'impuissance  était  absolue  et  irrémé- 
diable. Le  tribunal,  par  jugement  du  2  décembre  1854,  refusa  d'annuler  le 
mariage,  par  le  motif  que  l'individu  était  un  homme  [Gazette  des  tribunaux, 
26  avril  et  19  décembre  1854). 

Tourlual  rapporte  l'exemple  d'un  mariage,  annulé  en  1856  par  une  cour 
ecclésiastique,  par  le  motif  d'une  erreur  de  sexe.  Un  homme,  veuf,  père  de 
quatre  enfants,  se  marie  avec  une  fille  âgée  de  trente-sept  ans  :  le  coït  est 
impossible,  bientôt  après  il  croit  reconnaître  des  organes  du  sexe  masculin. 
Trois  ans  plus  tard,  il  demande  le  divorce,  des  experts  sont  appelés,  les  premiers 
restent  dans  le  doute;  c'est  un  androgyne,  il  y  a  un  vagin  et  des  grandes  lèvres. 
Tourtual  constate  la  présence  des  testicules.   Le  sexe  mfde  est  reconnu,  avec 


HERMAPHRODISME    (médecine  légale).  651 

une  impuissance  absolne.  Le  mariage  est  déclaré  nul,  autorisation  est  donnée 
au  demandeur  de  se  remarier.  D'autres  fois  l'erreur  n'a  été  reconnue  qu'après 
la  mort,  comme  dans  le  cas  d'Adélaïde  Préville.  Dans  l'observation  d'Ernestine 
Quériot,  citée  par  M.  Garnier,  cette  [)rétendue  lille,  mariée  à  dix-sept  ans,  a  des 
maîtresses  pendant  son  mariage,  devient  veuve,  et  c'est  alors  seulement  qu'elle 
demande  la  constatation  de  son  sexe.  Sous  le  titre  d'un  hermaphrodite  marié, 
Dolir,  en  1885,  rapporte  le  fait  d'une  prétendue  femme,  mariée  depuis  dix  ans, 
et  qui  présentait  un  scrotum  fendu  et  deux  testicules  dans  les  grandes  lèvres 
avec  un  pénis  imparfait;  avertie  de  ces  indices  masculins,  elle  se  refusa  à  con- 
tester son  mariage  et  voulut  rester  femme.  Dans  le  fait  de  Worbe,  en  1815,  une 
fille  de  vingt-deux  ans,  après  deux  propositions  de  mariage,  est  rendue  au  sexe 
masculin,  lorsque  les  testicules  apparaissent.  El  vers,  en  1876,  rapporte  qu'une 
fille,  déjà  fiancée,  se  reconnaît  du  sexe  masculin  et  demande  une  visite  pour 
changer  son  état  civil.  En  août  1886,  M.  Terrillon  publie  le  fait  d'une  pension- 
naire, inscrite  comme  femme  à  la  Salpètrière,  mariée  comme  telle  depuis  onze 
ans,  et  qui  présentait  un  testicule  jilacé  dans  chacune  des  grandes  lèvres 
formées  par  la  fissure  du  scrotum.  Un  médecin  de  province,  dit  le  même  obser- 
vateur, a  lies  doutes  sur  le  sexe  de  sa  fille,  demandée  en  mariage  à  l'âge  de 
vingt  ans  ;  les  deux  testicules  atrophiés  sont  reconnus,  le  sexe  est  certain,  le 
mariage  n'a  pas  lieu,  mais  l'apparence  féminine  était  trop  caractérisée  pour  que 
l'on  crût  utile  de  faire  constater  légalement  le  sexe  masculin.  L'erreur  inverse, 
celle  de  femmes  mariées  comme  hommes,  est  un  fait  absolument  exceptionnel. 
Bouillaud  et  Manet  en  citent  un  exemple  :  le  nommé  Valmont  avait  été  marié 
comme  homme;  en  1882,  il  meurt  à  l'hôpital  de  la  Pitié,  à  l'âge  de  soixante- 
deux  ans;  l'autopsie  fait  reconnaître,  avec  un  clitoris  semblable  à  une  verge,  un 
utérus  bien  conformé,  deux  ovaires  et  une  trompe. 

L'absence  de  sexe,  ou  l'hermaphrodisme  neutre,  a  été  considéré  comme  une 
cause  d'erreur  dans  la  personne,  entraînant  la  nullité  du  mariage.  C'est  un 
progrès  récent  dans  la  jurisprudence,  et  auquel  se  rattache  une  importante 
application  médico-légale.  Le  mariage  est  l'union  de  l'homme  et  de  la  femme, 
mais,  si  l'un  des  conjoints  n'a  aucun  sexe,  il  n'est  ni  homme  ni  femme  :  est-il 
apte  à  contracter  cette  union?  Il  ne  s'agit  pas  ici  de  la  puissance  génitale,  mais 
de  la  réalité  même  du  sexe.  On  a  cru  épouser  un  homme  ou  une  femme,  l'indi- 
vidu n'a  point  de  sexe.  Cette  situation  vicie  l'essence  même  du  contrat.  Telle  est 
la  conclusion  qui  résulte  du  jugement  rendu  par  le  tribunal  d'Alais,  le  28  jan- 
vier 1875,  et  qui  a  donné  lieu  à  des  discussions  scientifiques  d'un  grand  intérêt. 
L'absence  de  sexe  est  ainsi  placée  parmi  les  causes  de  nullité  du  mariage. 

Mélange  des  deux  sexes.  L'hermaphrodisme  mixte  ou  complexe  est-il  une 
cause  de  nullité?  La  question  était  résolue  par  le  droit  canon,  qui  admettait  la 
validité  du  mariage,  si  l'un  des  deux  sexes  prédominait  et  était  doué  de  la  puis- 
sance génitale  :  Valide  contrahunt  liermaphroditi,  quia  vere  sunt  patentes  ad 
iisum  matrimonii,  et  quidem,  si  aller  sexus  emineat,  ad  illum  tantutn  valebit 
(Liguorio,  Theologia  moralis).  La  question  d'impuissance  se  liait  donc  à  celle 
de  la  coexistence  des  deux  sexes.  La  condition  du  mariage  est  la  différence  des 
sexes  et,  dans  les  cas  de  ce  genre,  il  y  aura  toujours  identité  de  sexe,  partielle 
au  moins,  entre  les  deux  époux  ;  c'est  un  homme  ou  une  femme  que  l'on  a 
voulu  épouser,  et  non  un  demi-homme  et  une  demi-femme  en  même  temps. 
Tardieu  disait  que  l'individu  qui  a  les  attributs  des  deux  sexes  «  est  en  tout 
cas  incapable  de   se  marier  valablement,   puisque,  quel  que  soit  le  sexe  de  la 


652  HERMAPHRODISME    (méoecine  légale). 

personne  à  laquelle  il  serait  uni,,  il  y  aurait  toujours  entre  les  deux  identité  de 
sexe.  »  La  même  remarque  est  faite  par  M.  Bronardel  (Annotât.  d'Hoffmann)  : 
«  Si  l'un  des  conjoints  a  les  attributs  des  deux  sexes,  le  mariage  est  nul,  car 
c'est  un  cas  d'identité  de  sexe  entre  les  deux  époux.  »  L'identité  n'est  que 
partielle,  et  il  importe  de  déterminer  la  proportion  dans  laquelle  les  organes 
des  deux  sexes  sont  mélangés.  Si  l'un  des  deux  domine  d'une  manière  évidente, 
s'il  est  apte  à  fonctionner,  pourquoi  l'exclure  du  mariage  dont  il  peut  atteindre 
le, but?  Un  appareil  sexuel  peut  remplir  ses  fonctions  malgré  la  pre'sence  de 
quelques  organes  de  l'autre  sexe.  Dans  ces  cas  douteux,  ex  mixtione  sexus, 
l'expert  caractérise  les  organes  qui  appartiennent  à  l'un  et  à  l'autre  sexe,  il  en 
mesure  l'importance  et  le  degré  de  développement;  c'est  le  tribunal,  juge  du 
fait,  qui  détermine  si  le  mélange  d'organes  plus  ou  moins  imparfaits  altère  la 
condition  essentielle  du  mariage,  la  différence  des  sexes  entre  les  contractants. 

On  peut  encore  se  demander  si  le  fait  d'avoir  caché  à  son  conjoint  l'existence 
d'une  difformité  de  ce  genre,  contraire  au  but  même  du  mariage,  n'est  pas  une 
injure  grave  constituant  un  cas  de  divorce. 

5°  La  (jiieUion  d'impuissance  s'ajoute  souvent  à  celle  de  la  détermination 
du  sexe.  Les  organes  indécis  et  mélangés  sont  trop  imparfaits  pour  que  dans  l'un 
ou  dans  l'autre  sens  les  fonctions  génitales  soient  possibles,  et  cette  considé- 
ration est  un  argument  de  plus  en  faveur  de  la  nullité  du  mariage,  mais  seule 
elle  ne  suffit  pas  pour  l'établir.  La  jnris|)rudence  s'était  d'abord  prononcée  dans 
ce  sens,  qu'un  vice  congénital,  empêchant  d'une  manière  absolue  et  irrémé- 
diable les  rapports  sexuels,  pouvait  être  une  cause  d'erreur  dans  la  personne. 
Le  jugement  du  tribunal  de  Trêves,  du  1"  juillet  1808,  annulant  un  mariage, 
s'appuyait  sur  ce  fait  que  le  vagin  et  le  rectum  ne  formaient  qu'une  seule 
cavité,  sans  qu'on  prit  arriver  au  col  de  la  matrice,  et  que  ce  vice  congénital, 
antérieur  au  mariage,  était  irrémédiable  et  rendait  impossible  d'atteindre  le  but 
de  la  nature,  (^ettc  jurisprudence  n'a  pas  prévalu;  l'impuissance  seule,  congé- 
nitale ou  acquise,  n'est  point  admise  comme  cause  de  nullité.  Cet  argument  a 
cependant  reparu  d'une  manière  accessoire,  mais  avec  une  juste  influence, 
dans  les  procès  soulevés  à  l'occasion  de  l'hermaphrodisme.  Si,  dans  un  arrêt  de 
la  cour  de  Caen  en  1882,  l'absence  de  vagin  n'a  pas  été  considérée  comme  con- 
stituant une  cause  de  nullité,  à  la  même  époque,  dans  l'affaire  Martinez  de 
Campo,  le  tribunal  de  la  Seine  a  admis  l'enquête  ayant  pour  but  de  rechercher 
si  le  défendeur  était  pourvu  des  organes  nécessaires  au  mariage.  La  Société  de 
médecine  légale,  dans  sa  séance  du  8  juin  1885,  a  émis  le  vœu  que  la  loi  sur 
les  causes  de  nullité  du  mariage,  actuellement  en  préparation  au  Sénat,  plaçât 
parmi  ces  causes  les  vices  congénitaux  qui  s'opposent  d'une  manière  absolue  au 
but  du  mariage.  MM.  Lacassagne  et  Debierre  proposent  d'ajouter  à  l'article  180 
du  Code  civil  une  disposition  qui  classerait  parmi  les  cas  d'erreur  dans  la  per- 
sonne les  vices  de  conformation  qui  s'opposent  mauifestemcnl  à  l'accomplisse- 
ment fructueux  de  l'acte  sexuel.  Ces  dispositions  s'appliqueraient,  après  expertise, 
aux  différentes  formes  de  l'hermaphrodisme. 

L'impuissance  peut  encore  être  invoquée  comme  moyen  d'opposition  à  la 
reconnaissance  d'un  enfant  n^iturel  par  un  hermaphrodite.  Un  individu,  atteint 
de  ce  vice  de  conformation,  a  intérêt  à  connaître  sou  degi'é  d'impuissance  ou  de 
stérilité,  à  l'occasion  d'un  projet  de  mariage.  L'impuissance  se  détermine,  comme 
dans  les  cas  ordinaires,  par  les  conditions  de  structure  des  organes  extérieurs. 
L'impuissance  est  ici  le  cas  le  plus  ordinaire  :  Impotentia  coeundi  seii  pariendi 


HERMAPHRODISME    (médecine  lkgale).  655 

in  his  ex  sexus  exilitale  facile  internoscituv  (Zaccliias).  Pour  les  liommes, 
c'est  la  question  de  stérilité  des  cryptorchides  et  des  hypospades,  les  deux  faits 
caractéristiques  dans  l'hermaprodismc  masculin.  Si  les  recherches  de  Godard, 
les  observations  de  Curling,  Follin,  Gosselin,  attestent  la  stérilité  habituelle  des 
cryptorchides,  d'autres  laits  ont  constaté  la  présence  des  spernialozoaires  dans 
des  cas  de  ce  genre.  On  connaît  l'observation  d'un  cryptorcliide  condamné  pour 
viol.  La  présence  du  sperme  a  été  reconnue  à  l'aulopsie  d'Alexina,  longtemps 
cryptorchide  et  qui  avait  été  considéré  comme  femme  une  partie  de  sa  vie. 
Beigel  rapporte  l'exemple  d'un  cryptorchide  double,  âgé  de  vingt-deux  ans,  dont 
l'éjaculation  présenta  de  nombreux  zoospermes.  L'hypospadias,  autre  caractère 
de  l'hermaphrodisme  masculin,  peut  aussi  rendre  la  fécondation  impossible, 
suivant  qu'il  est  périnéal,  scrotal  ou  pénicn,  complet  ou  incomplet.  Lorsque  le 
sperme  peut  être  projeté  dans  le  vagin,  la  fécondation  est  possible.  On  possède 
des  observations  authentiques  de  la  propngation  héréditaire  de  ce  vice  de  con- 
formation {voy.  article  Patermté).  Nous  avons  recueilli  l'observation  d'un  père 
hypospade  dont  les  deux  fils  présentaient  le  même  vice  de  conformation.  Mais, 
si  le  sperme  ne  sort  qu'en  bavant,  humectant  l'entrée  du  pseudo-vagin,  entre 
les  deux  petites  lèvres,  il  est  possible  de  recueillir  ce  sperme,  et  la  fécondation 
artiticiellc  donnera  le  bénéfice  de  la  paternité  à  l'hermaphrodite  hypospade.  Le 
fait  de  Huuter,  le  premier  exemple  bien  avéré  de  fécondation  artificielle,  se 
rapporte  à  un  cas  d'hypospadias  sous  le  gland.  A  l'occasion  de  l'hermaphrodite 
Joséphine  Badré,  observée  par  Dugès  et  Toussaint,  et  qui  présentait  une  fente 
périnéale  par  laquelle  s'échappait  le  sperme,  Geoffroy  Sainl-Hilaire  rapporte 
«  qu'un  savant  de  Strasbourg,  M.  Fodéié,  à  qui  on  avait  présenté  Joséphine 
Badré,  pensait  que  par  le  moyen  d'un  appareil  mécanique  on  pourrait  sujipléer 
à  celle  imperfection.  »  Le  fait  d'une  éjaculalion  par  l'orifice  sous-pénien  étant 
reconnu,  c'est  dans  des  cas  de  ce  genre,  dit  M.  Terrillon,  que  la  fécondation 
artificielle  offre  le  plus  de  chances  de  succès.  «  Il  y  a  six  ans,  dit-il,  j'ai  obtenu 
avec  le  sperme  d'un  individu  affecté  d'hypospadias  pénien  un  magnifique 
enfant  »  [le  Praticien,  p.  391,  août  1886).  En  ce  qui  concerne  l'hermaphro- 
disme féminin,  les  preuves  de  la  stérilité  se  déduisent  de  l'absence  des  règles  et 
de  l'imperméabilité  des  voies  génitales. 

6"  Des  opérations  chirurgicales  ont  été  pratiquées  sur  des  hermaphrodites 
pour  remédier  aux  inconvénients  que  présentent  ces  vices  de  conformation;  elles 
ont  eu  pour  but  soit  de  retrancher  des  parties  exubérantes,  soit  de  rendre  leur 
perméabilité  aux  voies  génitales  ou  de  rectifier  la  direction  des  conduits.  Duval 
rapporte  qu'un  mari,  se  plaignant  de  l'existence  d'une  verge  chez  sa  femme, 
demanda  qu'on  retranchât  cet  organe  ou  que  la  nullité  du  mariage  fût  pro- 
noncée. La  femme  s'y  refusa  et,  du  consentement  des  deux  parties,  le  mariage 
avait  été  déclaré  nul.  Mahon  cite  la  résection  du  clitoris  comme  une  opération 
dont  la  religion  faisait  un  précepte  aux  habitants  de  l'Egypte  et  de  l'Abyssinie. 
Columbo  rapporte  l'observation  d'une  bohémienne  qui  lui  demanda  de  couper 
cet  organe  trop  grand,  puis  d'élargir  le  conduit  de  la  pudeur,  afin  qu'elle  piit 
recevoir  les  embrassements  d'un  homme  qu'elle  aimait.  On  a  cité  une  opération 
semblable,  pratiquée  à  Londres  sur  une  hermaphrodite  nègre  d'Angola.  La  chi- 
rurgie est  encore  intervenue  pour  remédier  à  des  imperforations  vaginales.  Des 
opérations  ont  aussi  été  faites  pour  rétablir  la  partie  supérieure  du  canal  dans 
les  cas  d'épispadias  qui  entraînent  une  impuissance  absolue. 

On  a  cherché  à  rendre  l'hypospade  fécond  en  rétablissant  à  un  point  plus 


654  HERMAPHRODISME    (médecine  légale). 

élevé  de  la  verge  le  méat  urinaire  placé  à  sa  base.  La  sonde  introduite  par  cette 
ouverture  a  pu  pénétrer  jusqu'au  gland  et  y  reporter  la  sortie  normale  du  sperme 
et  de  l'urine.  Dans  le  cas  de  Sentex  {Annales,  août  1886),  hermaphrodisme 
masculin,  avec  cryptorchidie  et  absence  de  méat  urinaire,  l'ouverture  devait  être 
rétablie  pour  sauver  la  vie  du  nouveau-né.  L'hypospadias  élait-il  balanique, 
pénien  ou  scrotal?  Des  ponctions  successives  à  la  base  du  gland  et  à  l'extrémité 
du  raphé  au  niveau  de  la  fissure  scrotale  démontrèrent  l'imperméabilité  du 
canal  jusqu'à  l'extrémité  antérieure  du  raphé,  oii  se  présentèrent  les  goutte- 
lettes d'urine.  La  viabilité  de  l'hermaphrodite  dépendait  de  ce  vict  de  confor- 
mation auquel  l'art  a  lemédié. 

Des  opérations  chirurgicales  sont  intervenues,  par  suite  d'erreur,  chez  des 
hermaphrodites.  On  a  pris  pour  des  abcès,  pour  des  hernies,  les  tumeurs  formées 
]iar  la  descente  tardive  des  testicules.  Dans  le  cas  de  Marie  Marguerite,  relaté 
par  Worbe,  deux  tumeurs  successives  à  l'aine  furent  jtrises  pour  des  hernies,  un 
bandage  double  fut  appliqué,  causant  de  vives  douleurs;  c'est  à  l'âge  de  vingt- 
trois  ans  que  le  sexe  fut  l'econnu,  les  deux  testicules  étaient  descendus  dans  les 
replis  de  la  fissure  scrotale,  et  le  méat  urinaire  se  trouvait  à  la  racine  d'une 
vergo  imparfaite,  avec  un  gland  imperibré.  Faut-il  citer  parmi  les  opérations 
chirurgicales  auxquelles  l'hermaphrodisme  a  donné  lieu  le  cas  du  docteur 
américain  qui,  en  1849,  juatiqua  l'extirpation  des  testicules  sur  un  enfant  de 
trois  ans,  privé  de  verge,  avec  un  clitoris  derrière  lequel  s'ouvrait  le  méat  uri- 
naire, à  l'entrée  d'une  fente  scrotale?  Le  médecin  ajoute  que  trois  ans  après 
l'opération  l'enfant  avait  perdu  tous  les  goûts  masculins  et  se  développait 
comme  fille  avec  les  inclinations  de  ce  sexe;  l'auteur  se  félicitait  d'avoir  dé- 
truit un  instinct  que  l'état  d'imperfection  des  organes  n'aurait  jamais  permis 
de  satisfaire.  Cette  excentricité  téméraire  doit  être  signalée  dans  l'histoire,  d'ail- 
leurs si  dramatique,  de  l'hermaphrodisme. 

1°  Des  attentats  aux  mœurs,  de  diverse  nature,  sont  commis  par  des  indi- 
vidus atteints  de  ce  vice  de  conformation;  ils  peuvent  aussi  en  être  victimes. 
L'instinct  génital  persiste  et  parfois  se  développe  avec  violence  ;  malgré  l'imper- 
fection des  organes  extéi  ieurs,  les  testicules  ont  conservé  toute  leur  activité.  Les 
occasions  de  commettre  ces  actes  sont  d'ailleurs  faciles  ;  l'hermaphrodite  masculin, 
par  suite  de  l'erreur  sur  son  sexe,  vil  avec  des  jeunes  filles,  parfois  il  partage 
leur  couche  ;  il  est  élevé  comme  Alexina  dans  une  pension  de  jeunes  filles. 
Tardieu  parle  d'individus  conduits  dans  des  prisons  de  femmes  pour  des  actes 
de  prostitution,  ot  dont  la  visite  constata  le  sexe  masculin.  Nous  avons  recueilli, 
en  1867,  avec  le  docteur  E.  Levy,  l'observation  suivante  :  Deux  prétendues  sœurs, 
à  Geispolsheim  (Bas-Rhin),  l'une  âgée  de  quarante-six  ans,  l'autre  de  soixante, 
étaient  depuis  longtemps  connues  par  leur  lubricité  et  leurs  rapports  avec  des 
femmes  ;  nous  avons  constaté  chez  l'une  et  chez  l'autre  le  sexe  masculin  dé- 
montré par  la  présence  des  testicules  dans  la  fissure  scrotale  ;  le  méat  s'ouvrait  à 
la  base  d'un  pénis  imparfait.  Dans  le  cas  cité  par  Gerhard,  en  4877,  l'herma- 
phrodite, âgé  de  quarante-six  ans,  accusé  d'attentats  à  la  pudeur  sur  une  jeune 
fille,  avait  un  pénis  long  de  6  centimètres,  avec  le  méat  à  sa  base  et  deux  tes- 
ticules, dont  l'un  atrophié,  dans  les  grandes  lèvres.  Martini  rapporte  qu'une 
sage-femme  qui  depuis  longtemps  exerçait  ce  métier  avait  attenté  à  la  pudeur 
d'un  grand  nombre  d'accouchées  et  d'autres  femmes,  jusqu'au  moment  où  il 
fut  reconnu  que  c'était  un  homme,  hermaphrodite  masculin  bien  caractérisé.  H 
était  hypospade,  avec  une  petite  ouverture  à  la  base  d'un  pénis  peu  développé  ; 


HERMAPHRODISME    (MÉDECiMi  lkg.vle).  655 

l'apparence  générale  était  féminine,  mais  dans  chacune  des  grandes  lèvres,  for- 
mées par  la  fente  du  scrotum,  se  trouvait  un  testicule  avec  l'épididyme.  On  a  i-e- 
marqué  que  le  penchant  génital  se  révèle  plus  vite  et  plus  énergiquement  chez 
les  herma|ihrodites  masculins  habillés  en  fille  et  vivant  avec  elles  ;  cette  lascivité 
précoce  n'existerait  pas  au  même  degré  chez  les  hermaphrodites  féminins. 

L'hermaphrodisme  peut  être  le  point  de  départ  d'actes  contre  nature  :  c'est 
une  femme  qui  abuse  d'un  clitoris  développé,  comme  les  tribades,  pour  avoir 
des  rapports  avec  d'autres  femmes.  La  fissure  scrotale  devient  un  vagin  qui  se 
prête  au  coït,  les  exemples  de  ce  genre  ne  sont  pas  rares  ;  le  penchant  génital 
est  altéré  et  perverti  comme  l'organisation  physique.  Dans  certains  cas.  la 
preuve  d'un  sexe  déterminé  est  nécessaire  pour  caractériser  le  délit.  Ainsi  le 
Code  pénal  allemand  (§  175)  punit  les  actes  contre  nature.  Il  faut  démontrer  le 
sexe  mâle,  chez  l'auteur  de  l'acte  comme  sur  la  victime,  pour  avoir  la  preuve 
de  la  pédérastie.  L'identité  de  sexe  est  la  condition  des  délits  de  ce  genre  et 
l'expert  doit  la  démontrer. 

L'imputation  d'hermaphrodisme  peut-elle  être  considérée  comme  une  injure 
grave,  donnant  lieu  à  une  réparation  civile?  Taylor  cite  un  cas  dans  lequel  cette 
question  a  été  soulevée  et  résolue  négativement.  Un  maître  à  danser  intenta  un 
procès  à  un  individu  qui  l'avait  appelé  hermaphrodite.  On  jugea  que  le  procès 
n'était  pas  soutenable  par  deux  motifs  :  parce  qu'il  n'existe  pas  d'hermaphrodite 
et  que,  l'assertion  étant  sans  base  ne  pouvait  porter  préjudice;  parce  qu'en 
admettant  même  qu'il  en  existât  le  plaignant  serait  aussi  bon  maître  à  danser 
et  même  meilleur  que  s'il  n'avait  qu'un  sexe,  et  qu'ainsi  on  ne  lui  faisait  pas 
tort  dans  sa  profession.  Les  hermaphrodites  étaient  autrefois  considérés  comme 
des  êtres  méprisables  et  privés  de  certains  droits;  cette  imputation  peut  aussi 
soulever  des  doutes  au  point  de  vue  de  la  moralité,  en  faisant  allusion  à  des 
rapports  contre  nature. 

8°  La  simulation  de  l'hermaphrodisme  a  eu  lieu  pour  exploiter  la  crédulité 
publique.  Le  cas  le  plus  connu  de  ce  genre  est  celui  de  Marguerite  Malaure,  si 
facilement  dévoilé  par  Saviard;  le  col  de  l'utérus  faisant  saillie  hors  du  vagin 
avait  été  pris  pour  un  pénis.  Les  erreurs  de  ce  genre  ont  été  signalées  par 
Zacchias  :  In  (pnbïisdam  penem  mdhnn  apparere,  sed  uterm  potins  prohipswn 
fieri.  Home  cite  un  cas  de  ce  genre.  Une  femme  à  Londres  était  regardée  comme 
un  phénomène  extraordinaire  et  se  montrait  en  public  ;  elle  présentait,  à  la  sortie 
du  vagin,  un  corps  long  de  plusieurs  pouces,  formé  par  le  col  de  UutéruS  dont 
la  surface  par  suite  de  l'action  de  l'air  avait  perdu  sa  coloration  naturelle  et  pris 
celle  des  téguments  du  pénis.  Le  journal  de  Hufeland  cite  un  cas  où  ce  pro- 
lapsus irréductible  n'empêcha  pas  la  fécondation.  On  voit  parfois  des  hommes 
avec  fissures  scrotale  et  pénis  imparfait  se  présenter  au  public,  affirmant  leur 
hermaphrodisme  et  leurs  doubles  impulsions  sexuelles  ;  nous  avons  recueilli 
le  moule  en  plâtre  de  l'un  d'eux,  mettant  en  évidence  le  vice  de  conformation. 
Dodeuil  et  Blache  rapportent  l'observation  d'un  marchand  de  fleurs  âgé  de 
soixante-six  ans,  qui  s'était  marié  comme  homme  et  dont  l'autopsie'constata  le 
sexe  féminin,  qui  avait  aussi  été  considéré  comme  hermaphrodite.  L'exstrophie 
de  la  vessie  a  donné  lieu  à  une  erreur  de  ce  genre.  Orfila  cite  un  cas,  d'après 
les  mémoires  de  l'Académie  de  Pétersbourg,  en  1818,  où  une  portion  d'intestin 
grêle,  sortant  de  la  ca^^té  pelvienne,  au-dessus  du  pubis,  simulait  le  pénis.  On 
a  tiré  parti  de  diverses  dilTormités  pour  faire  croire  à  l'hermaphrodisme  ;  la 
fraude  ou  l'erreur  sont  faciles  à  reconnaître.  Il  faut  noter  ici  l'aliénation  men- 


65G  HERMAPHRODISME    (médecine  légale). 

taie,  qui  a  parfois  donné  à  certains  individus  la  conviction  qu'ils  étaient  herma- 
phrodites. 

9°  Le  suicide  a  été  la  conséquence  des  tristes  déceptions  et  du  désordre  moral 
qu'entraînent  l'altération  des  organes  et  des  fonctions  de  la  génération.  L'obser- 
vation d'Alexina,  retracée  par  Chesnet  et  Tardieu,  montre  d'une  manière  émou- 
vante par  quelle  série  de  doutes,  de  combats,  d'impressions  douloureuses,  cet 
être  indécis  a  passé  pour  arriver  au  suicide,  atteint  par  la  misère,  déclassé  par 
le  fait  même  de  cette  situation  étrange  ou  se  mêlaient  les  souvenirs  et  les  habi- 
tudes des  deux  sexes.  Un  autre  cas  de  suicide  a  été  rapporté  par  Goujon  en 
1869.  Un  individu  avait  été  élevé  comme  femme;  des  doutes  surgissent,  une 
visite  fait  reconnaître  les  caractères  d'un  hermaphrodisme  bisexuel  imparfait, 
maiis  avec  la  prédominance  du  sexe  masculin  ;  ce  malheureux  quitte  les  habits 
(le  femme,  et  quelques  années  après  il  se  tue  par  chagrin  de  ce  changement 
d'état. 

10°  L'hermaphrodisme,  constaté  après  la  mort,  peut  aussi  donner  lieu  à  des 
questions  médico-légales.  Dans  les  cas,  dit  Hoffmann,  où  des  droits  importants 
dépendent  du  sexe  d'un  hermaphrodite,  on  peut  ordonner  de  constater  ce  sexe 
par  une  autopsie,  qui  sera  concluante  quand  il  s'agit  de  reconnaître  des  testi- 
cules, fussent-ils  atrophiés.  L'existence  de  l'ovaire  pourra  aussi  bien  être  carac- 
térisée. Dans  la  pièce  conservée  d'un  hermaphrodite  féminin,  nous  avons  constaté 
la  présence  des  vésicules  de  deGraaf  et  des  ovules.  Si  l'on  reconnaît  à  l'autopsie 
l'identité  de  sexe  du  décédé  et  du  conjoint  survivant,  le  mariage  ne  doit-il  pas 
être  considéré  comme  n'ayant  pas  existé,  et  par  suite  les  dispositions  du  contrat 
ne  sont-elles  pas  frappées  de  nullité?  Taylor  cite  un  cas  de  ce  genre  qui  a  eu  lieu 
en  Angleterre  en  1868  :  un  homme  réclame  les  biens  de  sa  femme  décédée  sans 
testament;  les  héritiers  aftirment  que  le  mariage  était  nul  pour  cause  d'incapa- 
cité physique,  n'ayant  jamais  été  consommé  ;  le  juge  rejette  cette  demande,  en 
déclarant  que  les  procès  en  nullité  étant  des  procès  de  personne  et  que  celui-ci 
n'ayant  pas  été  intenté  pendant  la  vie  de  la  femme,  la  validité  du  mariage  ne 
pouvait  plus  être  contestée.  On  peut  supposer  le  cas  où.  la  mort  étant  survenue 
pendant  une  action  de  ce  genre,  l'autopsie  fournirait  un  utile  complément  de 
preuves.  L'hermaphrodisme  constaté  après  la  mort  pourrait  servir  de  moyen  de 
contester  une  reconnaissance  d'enfant  naturel. 

IV.  Diagnostic  médico-légal.  Ce  diagnostic  comprend  les  règles  de  la  visite, 
les  caractères  du  sexe,  l'indication  des  variétés  de  l'hermaphrodisme. 

1"  La  visite  peut  être  accidentelle,  spontanée,  officieuse  ou  requise.  C'est  un 
hasard  qui,  dans  une  exploration  pour  un  autre  motif,  a  fait  découvrir  un  sexe 
incertain  ou  différent  de  celui  qui  était  attribué  à  la  personne.  Ici  se  présente  la 
question  du  secret  médical,  qui  est  résolue  suivant  les  circonstances  d'âge  et  de 
situation  de  la  personne.  D'autres  fois  c'e^-t  à  la  demande  de  la  personne  intéressée, 
qui  elle-même  a  conçu  un  doute,  que  le  médecin  procédé  à  l'examen;  pour  les 
nouveau-nés,  il  remplit  son  devoir  de  préposé  à  la  vérification  des  naissances. 
Viennent  ensuite  les  cas  judiciaires,  où  la  visite  est  faite  en  vertu  d'une  réqui- 
sition. On  a  demandé  que  cette  mission  ne  fût  confiée  qu'à  des  docteurs  en 
médecine;  Joerg  et  Siebold  excluaient  les  sages-femmes  des  vérifications  de  ce 
genre. 

Le  consentement  de  la  personne  est  nécessaire  pour  que  le  médecin  puisse 
procéder  à  cette  visite  ;  si  le  refus  est  absolu,  le  médecin  ne  passera  pas  outre. 
Sans  doute,  il  doit  employer  tous  les  moyens  de  persuasion  nécessaires  pour  faire 


HERMxVPHRODISME    (médecine  légale).  657 

fléchir  la  résistance,  mais  il  ne  procédera  pas  à  une  visite  do  vive  force,  quelque 
précis  que  soient  les  termes  de  la  réquisition.  Les  jurisconsultes  ont  discuté  celte 
question.  Demolombe,  dans  son  Traite  du  mariage  et  de  la  séparation  de  corps, 
ne  repousse  pas  absolument  la  doctrine  de  cette  visite  forcée,  notamment  en 
matière  criminelle.  «  Il  ne  s'agit  pas,  dit-il,  d'un  fait  actif  à  l'égard  duquel  la 
contrainte  n'est  pas  possible  :  il  s'agit  d'un  acte  passif,  d'un  acte  de  soumission, 
de  résignation.  Est-ce  qu'en  matière  criminelle  ces  sortes  de  visites  no  sont  pas 
quelquefois  ordonnées,  par  exemple,  contre  des  individus  accusés  de  viol,  dont 
il  est  nécessaire  de  reconnaître  l'état,  parce  qu'une  maladie  a  été  communiquée 
à  la  victime?  Est-ce  que  ces  visites  n'ont  pas  lieu  forcément  pour  l'exécution  des 
lois  sur  le  recrutement  de  l'armée  ou  sur  les  douanes?  Pourquoi  en  serait-il 
autrement  dans  notre  hypothèse  ?  En  vertu  de  quel  privilège  le  défendeur  pour- 
rait-il arrêter  l'exécution  d'un  ordre  de  la   justice  et  rendre  l'instruction  d'un 
procès  et  par  suite  l'administration  de  la  justice  impossibles?  »  Ce  moyen  est 
d'ailleurs  repoussé  par  nos  mœurs  et  le  médecin  ne  s'y  prêterait  pas.  Taylor 
traite  aussi  celte  question  du  refus  de  se  laisser  visiter  et   déclare  qu'un  tel 
examen  doit  être  volontaire  de  la  part  de  l'homme  et  de  la  femme  :  mais,  s'il  y  a 
refus  obstiné,  il  admet  que  cette  circonstance  doit  être  interprétée  contre  celui 
qui  n'a  pas  voulu  se  soumettre  à  une  visite  légalement  ordonnée.  Il  cite  un  cas 
où  la  nullité  du  mariage  fut  prononcée  en  faveur  du  mari  qui,  bien  conformé, 
alléguait  l'impossibilité  du  coït,  la  femme  s'étant  refusée  à  laisser  vérifier  son 
état.  Dans  l'affaire  d'Alais,  en  1873,  on  a  vu  que  le  refus  de  se  laisser  visiter  a 
été  interprété  comme  donnant  une  nouvelle  force  aux  probabilités  qui  résultaient 
des  autres  faits  de  la  cause,  parce  que  «  le  refus  ne  semblait  avoir  été  calculé 
qu'afin  d'éviter  de  fournir  de  nouvelles  armes  contre  son  adversaire.  »  Le  devoir 
du  médecin  est  de  ne  pas  passer  outre;  l'exploration  serait  d'ailleurs  difficile 
dans  le  cas  de  résistance  :  on  n'accepte  pas  le  conseil  qui  a  été  donné  de 
recourir  à  l'emploi  forcé  du  chloroforme.  Renonçant  à  l'examen  local,  l'expert 
réunira  tous  les  indices  qui  résultent  de  l'examen  extérieur,  de  l'enquête,  de 
l'interrogatoire,  des  divers  témoignages,  constatant  dans  son  rapport  l'impossi- 
bilité d'examiner  l'état  local,  et  le  fait  de  la  résistance  qui  combiné  à  d'autres 
preuves  peut  parfois  être  considéré  comme  un  aveu. 

L'individu  est  examiné  couché,  puis  debout,  les  parties  génitales  découvertes  ; 
l'inspection  sera  méthodique  et  complète  :  les  mensurations,  la  palpatiou 
abdominale,  l'emploi  de  la  sonde,  le  toucher  vaginal  et  rectal,  l'examen  des 
liquides,  du  sang,  du  sperme,  constatent  l'état  local.  A  ces  signes  s'ajoutent  les 
caractères  généraux  fournis  par  l'observation  et  par  l'enquête.  Une  seule  visite 
peut  suffire;  d'autres  fois  l'exploration  doit  être  répétée,  ajournée  à  un  moment 
plus  favorable,  dans  les  cas,  par  exemple,  oii  l'on  soupçonne  une  évacuation  san- 
guine périodique,  dont  il  faut  constater  l'existence  et  l'origine.  L'observation 
prolongée  permet  aussi  de  mieux  apprécier  le  caractère  et  les  tendances  des 
individus. 

2°  Les  signes  locaux,  génitaux  externes,  sont  d'abord  fournis  par  Vexamen 
du  pénis  et  du  clitorù.  Est-ce  un  pénis  atrophié  ou  un  clitoris  hypertrophié? 
Mentida  déficiente,  deest  virilitas.  On  mesure  l'organe,  8  à  10  centimètres 
laissent  peu  de  doute  sur  le  caractère  viril  ;  quelques  centimètres  comptent 
comme  signe  certain  de  virilité  (Gallard).  Un  pénis  imparfait  est  habituellement 
plus  volumineux  qu'un  clitoris  même  hypertrophié;  on  a  vu  l'organe  féminin 
atteindre  4  à  6  centimètres;  Roemer  a  observé  un  clitoris  long  de  5  centimètres 
DicT.  ENC.  A'  s.  Xin.  4 1 


658  HERMAPHRODISME   (médeciae  légale). 

sur  une  jeune  fille  de  sept  ans  ;  Home  de  2  pouces  sur  une  négresse  de  vingt- 
quatre  ans;  Arnaud,  en  1777,  à  Strasbourg,  note  un  clitoris  de  3  pouces  perforé 
au  sommet  du  gland.  On  prend  en  même  temps  les  dimensions  de  Torgane  en 
largeur  et  sa  circonférence  à  divers  points  de  sa  hauteur.  L'examen  porte  sur 
Je  gland,  sur  le  prépuce  et  le  frein,  sur  le  corps  caverneux.  Parfois  pendant 
la  visite  l'érection  s'est  produite;  l'expert  remarque  sous  quelle  influence, 
masculine  ou  féminine,  elle  a  eu  lieu.  Le  doute  existe,  si  la  mentule  est  très- 
petite,  0  ou  4  centimètres,  recourbée  avec  un  frein  volumineux  et  un  »land 
atrophié.  L'organe  peut  consister  en  un  tubercule  encapuchonné  d'un  prépuce. 
Le  point  important  est  de  lechercher  si  l'organe  contient  un  canal  et  si  le 
gland  est  perforé.  On  recherche  le  méat  urinaire,  son  siège,  le  degré  de  l'hypo- 
spadias,  pénien  ou  scrolal  ;  c'est  dans  ce  dernier  cas  que  le  diagnostic  offre 
le  plus  de  difficultés  :  «  En  présence  d'un  clitoris,  d'un  orifice  vulvaire  et 
d'un  anus,  dit  M.  Terrillon,  recherchez  toujours  l'orifice  de  l'urèthre  :  s'il  est 
en  devant  de  vous,  c'est  une  fille;  s'il  est  en  biseau,  méfiez-vous!  »  La  forme, 
comme  le  siège  du  méat,  est  à  prendre  en  considération.  On  détermine  les 
rapports  de  cet  orifice  avec  la  fente  vulvaire  ou  «crotale.  Le  méat  peut  con- 
sister en  deux  ou  trois  ouvertures  distinctes.  On  sonde  le  méat  pour  reconnaître 
la  direction  du  canal  et  s'il  aboutit  à  la  vessie  ;  on  constate  la  nature  du  liquide 
qui  en  sort.  Si  les  dimensions  de  l'organe,  sa  situation  plus  élevée  à  l'entrée  du 
faux  vagin,  et  un  hypospadias  borné  au  gland,  laissent  en  général  peu  de  doute 
sur  le  sexe,  il  est  des  cas  oîi  l'atrophie,  l'imperforation  totale,  l'irrégularité  du 
méat  à  l'entrée  de  la  fente,  ne  permettent  pas  un  diagnostic  certain.  La  bifur- 
cation de  la  verge  n'a  été  indiquée  que  dans  deux  cas  peu  authentiques;  elle 
paraît  correspondre  à  l'exstrophie  de  la  vessie  accompagnée  de  la  séparation  des 
deux  corps  caverneux,  avec  réduction  de  l'urèthre  à  un  court  canal.  Les  deux 
bourgeons  du  corps  caverneux  ne  se  sont  pas  réunis  à  leur  partie  dorsale. 

La  distinction  de  la  fhïte  scrotale  et  du  vagin  repose  sur  les  caractères 
suivants  :  la  fente  scrotale  présente  sur  les  côtés  deux  replis  qui  simulent  les 
grandes  lèvres,  mais  dans  lesquelles  on  rencontre  fréquemment  une  ou  deux 
tumeurs  formées  par  les  testicules.  Les  petites  lèvres  manquent  ou  sont  à  peine 
développées.  On  a  considéré  l'existence  des  nymphes,  bien  accusées,  comme  un 
des  meilleurs  indices  du  sexe  féminin;  un  hymen  plus  ou  moins  formé  augmente 
la  valeur  de  ce  caractère.  Les  grandes  lèvres  du  repli  scrotal  sont  sépaijées  par 
une  dépression  qui  simule  un  vagin  et  qui  a  parfois  été  dilatée  et  renmae  plus 
profonde  par  les  efforts  répétés  du  coït.  Le  vagin  se  distinguera  par  une  profon- 
deur peu  notable,  8  ou  10  centimètres  et  moins,  par  ses  replis  et  sa  dilatabilité. 
S'il  est  atrésié,  réduit  à  un  faible  canal,  la  distinction  devient  difficile.  C'est  ici 
que  l'on  fait  usage  du  toucher,  de  la  sonde  et  des  injections,  pour  déterminer 
l'étendue  et  les  communications  de  cette  cavité.  Zacchias  avait  déjà  indiqué 
l'utilité  de  la  sonde  et  des  injections  :  Pevvhts  erat  meatus  valde  exilis...  per 
siplionem  vino  midso  aiit  quovis  alio  liquore  conspicuus  fîebat. 

Les  signes  fournis  par  la  sphère  moyenne  des  organes  génitaux  sont  la  pré- 
sence de  l'utérus  ou  celle  de  la  prostate.  Par  la  palpalion  abdominale,  par  le 
toucher  vaginal  seul  ou  combiné  avec  le  toucher  anal  et  la  sonde  vésicale,  on 
est  arrivé  à  reconnaître  l'existence  de  l'utérus  ou  à  constater  qu'aucun  organe 
de  ce  genre  ne  se  trouvait  entre  le  rectum  et  la  vessie.  Dans  un  cas  cité  par 
M.  Garnier,  le  toucher  rectal  permit  de  reconnaître  la  prostate  chez  un  individu 
élevé  comme  fille  et  qui  présentait  d'autres  signes  évidents  de  masculinité. 


HERMAPHRODISME   (médecine  légale),  650 

Pour  les  expertises  délicates,  difficiles  et  parfois  douloureuses,  on  a  proposé 
l'emploi  du  chloroforme,  accepté  d'ailleurs  par  la  personne  que  l'on  visite,  et 
qui  permet  d'arriver  à  un  diagnostic  plus  précis. 

S**  La  présence  des  testicules  ou  des  ovaires  fournit  les  signes  caractéristiques. 
Dans  des  cas  nombreux  d'hermaphrodisme  masculin,  l'existence  des  testicules 
ne  peut  être  l'objet  d'aucun  doute;  on  les  retrouve  dans  les  replis  de  la  fissure 
scrotale.  L'épididyme,  le  cordon  spermatique,  faciles  à  reconnaître,  démontrent 
la  nature  de  la  tumeur.  On  assiste  parfois  îi  leur  apparition  successive  dans 
chacune  des  prétendues  grandes  lèvres.  Les  accidents  qui  ont  été  occasionnés 
par  la  descente  tardive  des  testicules,  les  méprises  auxquelles  elle  a  donné  lieu, 
ont  attiré  l'attention.  Dans  d'autres  cas,  la  cryptorchidie  est  permanente  et,  si 
le  toucher  ne  découvre  pas  les  oryanes  dans  le  canal  inguinal  ou  près  de  son 
origine  interne,  c'est  à  des  signes  fonctionnels  qu'il  faut  recourir  pour  en  pré- 
sumer l'existence. 

La  cryptorchidie  accompagne  fréquemment  l'hermaphrodisme  masculin,  simple 
ou  double,  temporaire  ou  permanent.  La  descente  des  testicules  peut  être  subite 
ou  graduelle.  On  les  a  vus  paraître  tout  à  coup  après  un  violent  effort.  Ainsi, 
dans  le  cas  d'Ambroise  Paré,  chez  une  prétendue  fille,  la  virilité  se  manifesta 
tout  à  coup,  après  qu'elle  eut  sauté  i^n  fossé.  Dans  un  fait  cité  par  Landouzy,  les 
testicules  paraissent  à  la  suite  des  rapports  que  l'hermaphrodite  a  eus  avec  un 
homme.  D'autres  fois  c'est  avec  lenteur  que  ces  organes  descendent  ;  la  palpation 
inguinale,  abdominale,  suspubienne,  le  toucher  rectal,  fournissent  des  indices. 
La  tumeur  peut  être  méconnue  dans  sa  nature;  elle  a  été  prise,  comme  dans  le 
cas  de  W'orbe,  pour  une  tumeur  herniaire,  et  l'erreur  s'est  répétée  à  la  descente 
de  chaque  testicule.  L'étranglement  à  l'anneau,  la  pression  sur  ces  organes,  déve- 
loppent une  sensation  particulière.  L'erreur  a  été  jusqu'à  ouvrir  l'abcès  prétendu 
et  à  opérer  la  tumeur;  dans  le  cas  d'Avery  le  testicule  a  été  mis  à  nu  et  l'on  a 
reconnu  des  zoospermes.  L'organe  ainsi  retardé  dans  son  évolution  est  le  plus 
souvent  flétri,  atrophié  et  graisseux.  Home  a  vu  sur  un  enfant  de  treize  ans 
les  deux  testicules  ayant  le  volume  de  ceux  d'un  fœtus.  La  sécrétion  sperma- 
tique manque,  les  observations  de  Curling,  Godard  et  d'autres  observateurs  éta- 
blissent la  stérilité  habituelle  des  cryptorchides,  mais  il  est  des  cas  avérés  oîi  une 
éjaculation  spermatique  bien  caractérisée  a  révélé  la  présence  et  l'activité  de  ces 
testicules  intra-abdominaux.  Dans  le  fait  de  Beigel,  cryptorchidie  double  chez 
un  individu  de  vingt-deux  ans,  l'éjaculation  contenait  une  quantité  notable  de 
zoospermes.  Scliultze  trouve  des  zoospermes  dans  le  mucus  adhérent  à  une  sonde 
qui  avait  servi  à  explorer  l'urètbre  d'un  hermaphrodite.  Quand  on  découvre  du 
sperme  chez  un  hermaphrodite,  il  faut  bien  constater  que  ce  n'est  pas  le  coït 
récent  avec  un  autre  homme  qui  en  est  l'origine  et  que  la  liqueur  spermatique 
a  été  réellement  fournie  par  le  sujet.  On  a  cité  des  exemples  de  monorchidie 
héréditaire,  ce  qui  confirme  la  possibilité  de  la  puissance  génitale,  compatible 
avec  ce  vice  de  conformation.  Vallisnieri  rapporte  qu'un  individu  devint  père, 
malgré  l'absence  apparente  de  testicules.  Quand  le  sperme  est  reconnu  par 
l'examen  microscopique,  on  ne  peut  guère  attacher  d'importance  à  la  coexistence 
d'autres  parties  appartenant  au  sexe  féminin  ;  le  sexe  mâle  est  démontré.  Mais 
l'existence  du  testicule  ne  prouve  pas  la  sécrétion  et  encore  moins  l'excrétion 
possible  du  sperme.  Le  canal  déférent  peut  manquer,  être  oblitéré,  se  terminer 
en  cul-de-sac.  Le  testicule  lui-même,  chargé  de  graisse  et  de  tissu  counectif, 
peut  ne  présenter  qu'une  faible  proportion  de  tubes  séminifères. 


6G0  IIERMAI'IIRObISME   (médecine  légale). 

La  présence  de  l'ovaire  ne  peut  guère  être  reconnue  directement  que  dans  les 
cas  bien  exceptionnels  de  hernie  ovarique  ;  on  a  signalé  dans  les  grandes  lèvres 
la  présence  d'une  tumeur  sans  épididyme,  constituée  par  cet  organe.  C'est  par 
la  menstruation  que  l'on  a  la  preuve  de  l'existence  de  l'ovaire;  mais  ici  la 
démonstration  n'est  pas  aussi  absolue  qu'elle  l'est  pour  l'homme,  quand  on  a 
reconnu  les  zoospermes.  Les  règles  ne  sont  pas  toujours  liées  à  l'ovulation,  on 
les  a  vues  se  reproduire  après  une  ovariotomie  double.  L'absence  d'écoulement 
périodique  n'indique  pas  le  défaut  d'ovaires,  l'ovulation  peut  se  produire  sans 
hémorrhagie.  L'absence  ou  l'imperforation  de  l'utérus,  malgré  la  présence  de 
l'ovaire,  empêchent  cet  écoulement.  On  déterminera  le  point  par  où  le  san"^ 
s'échappe,  et  une  observation  répétée  devra  établir  la  périodicité  de  l'hémor- 
rhagie.  L'examen  histologique  du  sang  servira  à  caractériser  par  les  formes  de 
l'épithélium  la  région  qui  le  fournit.  Ce  signe  a  sa  valeur  décisive,  quand  il  s'y 
ajoute  la  preuve  directe  de  l'existence  de  l'utérus.  Le  vagin  peut  s'ouvrir  dans 
la  partie  inférieure  de  l'urèthre,  qui  donne  alors  passage  au  sang  et  à  l'urine.  Des 
hémorrhagies  périodiques  ont  coexisté  avec  certains  caractères  du  sexe  masculin. 
Dans  le  cas  de  Schauta,  publié  en  1877,  l'individu,  âgé  de  vingt-quatre  ans,  qui 
avait  eu  des  règles  et  chez  qui  on  avait  reconnu  l'utérus,  aurait  aussi  présenté 
des  spermatozoïdes.  La  menstruation  a  coïncidé  avec  l'existence  des  testicules 
dans  le  cas  de  Cecherelli  ;  les  règles  avaient  duré  jusqu'à  trente-huit  ans,  Virchow 
constata  l'existence  du  sperme.  Dans  le  cas  de  la  sage-femme  reconnue  homme 
par  Tortual,  dans  celui  de  Schultze,  dans  l'observation  de  Rosina  Gottlieb,  dont 
le  sexe  masculin  fut  constaté  à  l'autopsie,  il  y  avait  eu  des  éruptions  menstruelles. 
L'expert  doit  tenir  compte  de  la  possibilité  d'une  simulation.  La  coïncidence  de 
testicules  et  d'ovaires,  avec  ou  sans  menstruation,  a  été  indiquée  dans  trois  ou 
quatre  cas  d'hermaphrodisme  mixte  ou  complexe,  sans  que  la  preuve  absolue 
en  ait  été  donnée  pour  tous.  On  n'a  jamais  vu  la  double  fécondité  se  produire. 
On  peut  conclure  de  ces  faits  que  les  spermatozoïdes  d'une  part,  la  menstruation 
avec  la  présence  d'un  utérus  de  l'autre,  sont  les  signes  décisifs  du  sexe  qu'on 
doit  attribuer  à  l'individu,  malgré  la  présence  de  quelques  organes  accessoires 
de  l'autre  sexe.  La  grossesse  et  l'accouchement  dans  certains  cas  ont  complété 
la  démonstration. 

L'autopsie  lève  tous  les  doutes  en  permettant  de  reconnaître  la  nature  et  les 
caractères  des  organes  profonds.  L'histologie  doit  ici  intervenir  avec  une  étude 
minutieuse,  qui  fait  défaut  dans  quelques  observations;  la  détermination  de 
l'ovaire  et  du  testicule  n'y  est  pas  suffisamment  justifiée.  11  existe  cependant 
des  cas  où  l'examen  anatomique  a  constaté  un  état  mixte,  un  mélange  d'organes 
qui  rend  les  conclusions  difficiles;  elles  se  fondent  alors  sur  la  proportion  et 
l'importance  relative  des  organes  réunis.  D'anciens  auteurs  ont  prétendu  que 
c'était  aux  parties  situées  à  droite  qu'appartenait  la  prédominance.  On  recherche 
la  présence  de  la  prostate,  des  vésicules  séminales,  du  canal  déférent,  comme 
celle  de  l'utérus,  des  trompes  et  de  leur  pavillon.  Pour  expliquer  les  menstrua- 
tions coïncidant  avec  des  organes  mâles,  on  a  supposé  qu'un  ovaire  s'ajoutait  à 
un  testicule,  ou  que  la  glande  contenait  à  la  fois  des  vésicules  de  de  Graaf  et  des 
tubes  séminifères,  et  qu'ainsi  la  même  glande  donnait  lieu  à  des  impulsions 
sexuelles  diverses. 

4°  Les  signes  généraux  sont  physiques  et  physiologiques.  Parmi  les  premiers, 
l'aspect  général  est  à  prendre  en  considération,  sans  conduire  à  des  conclu- 
sions certaines.  L'arrêt  de  développement  a  pour  conséquence  d'affaiblir  chez 


HtRMAPllRODISME   (médecine  légale).  661 

l'homme  les  caractères  de  la  virilité  ;  l'inverse  s'est  produit  chez  la  femme 
devenue  virago.  Les  modiûcations  qui  résultent  de  l'altération  des  testicules  et 
des  ovaires  sont  manifestes,  mais  un  examen  attentif  décèle  bientôt  quelques- 
uns  des  caractères  du  sexe.  L'homme  ^a  conservé  sa  structure  générale  plus 
solide,  ses  formes  plus  accentuées,  sa  voix  plus  màie,  sa  poitrine  large,  le 
svstème  pileux  qui  lui  appartient.  La  femme  a  ses  apparences  spéciales,  déjà 
décrites  par  Zaccl)ias  :  «  Ilabitus  corporis  muliebris  mollis  et  delicatus  ;  vox 
«  exilis,  aniraus  demissus  et  passionibus  muliere  dignis  implicitus  ;  pili  in 
«  mento,  inano,  in  perinaeo  nuUi,  mammiE  tumidaî  et  pectus  carnosum,  capilli 
«  capitis  promixti,  tenues,  molles.  »  Dans  l'homme  efféminé,  dans  la  femme 
trop  virile,  l'attention  se  portera  sur  certains  signes  caractéristiques. 

La  structure  est  plus  soHde,  le  corps  plus  grand,  plus  musclé  chez  l'homme, 
la  tête  plus  forte  et  plus  ronde,  on  en  prendra  les  diverses  mesures.  Le  bassin 
de  l'homme  l'emporte  par  des  diamètres  verticaux,  celui  de  la  femme  par  des 
dimensions  horizontales.  La  pelvimétrie  sera  employée  pour  mettre  en  évidence 
les  caractères,  ainsi  que  la  conformation  du  pubis  et  du  sacrum.  Dans  les  cas 
indécis,  l'état  du  bassin  a  été  variable.  Les  hermoplu'odiles  féminins  de  Creccliio 
et  d'Hoffmann  avaient  un  bassin  d'homme;  l'hermaphrodite  'mâle  de  Leopold 
avait  un  bassin  de  femme.  L'attention  se  porte  sur  les  dimensions  du  thorax, 
sur  sa  forme,  sur  celle  des  clavicules  et  des  côtes,  sur  l'épaisseur  du  sternum, 
sur  la  largeur  des  hanches  comparée  à  celles  des  épaules  et  plus  considérable 
chez  la  femme,  sur  la  forme  des  cuisses,  la  direction  des  genoux,  la  marche 
et  l'altitude.  Les  dimensions  du  larynx,  la  saillie  du  cartilage  thyroïde,  le  timbre 
et  la  force  de  la  voix,  fournissent  des  indices  auxquels  s'ajoutent  l'état  des 
mamelles,  leur  volume  et  notamment  la  petitesse  du  mamelon  chez  l'iiomme, 
sans  oublier  les  exemples  de  développement  inverse  de  ces  parties  dans  les  deux 
sexes. 

Le  système  pileux  a  été  l'objet  d'une  attention  particulière  :  la  barbe,  attri- 
but du  sexe  masculin,  est  un  signe  d'une  grande  valeur,  mais  elle  peut  manquer 
dans  les  cas  d'atrophie  de  testicules,  et  par  contre  se  développer  chez  la  femme 
par  suite  de  l'atrophie  des  ovaires  ;  ces  cas  se  sont  rencontrés  dans  l'herma- 
phrodisme féminin,  et  même  sans  altération  des  organes  sexuels  ;  Chowne 
rapporte  qu'au  moment  d'un  mariage  un  doute  survint  sur  le  sexe  de  la  femme 
parce  qu'elle  portait  au  menton  une  barbe  épaisse.  La  visite  constata  la  réalité 
du  sexe  féminin  ;  on  apprit  que  depuis  l'âge  de  huit  ans  celle  barbe  s'était 
développée,  sans  s'étendre  à  la  lèvre  supérieure.  L'abondance  et  la  longueur  de 
la  chevelure  ne  donnent  qu'un  signe  douteux,  mais  une  importance  plus  grande 
a  été  attribuée  aux  poils  du  pubis  et  de  l'anus.  Les  poils  du  pubis,  dit  Casper, 
forment  un  cercle  nettement  circonscrit  chez  la  femme,  tandis  que  chez  l'homme 
ils  se  prolongent  jusqu'au  nombril,  Schullze  signale  des  exceptions  à  cette  règle. 
Sur  100  jeunes  femmes,  il  en  a  vu  5  dont  les  poils  s'étendaient  jusqu'à  l'ombilic 
et  il  a  constaté  sur  140  hommes  de  dix-neuf  à  vingt-deux  ans  que  les  poils  dans 
54  cas  formaient  un  cercle  qui  se  bornait  au  pubis.  Hoffmann,  sur  une  femme 
très-brune,  a  vu  les  poils  remonter  jusque  entre  les  seins.  Ruggicri  cite  un  cas 
où  l'abondance  des  poils  sur  le  ventre  motiva  une  demande  de  séparation. 
La  poitrine  velue  appartient  au  sexe  mâle,  mais  avec  des  exceptions.  La  pré- 
sence de  poils  autour  de  l'anus  est  plus  caractéristique  du  sexe  mâle,  sans  que 
le  signe  soit  absolu  ;  chez  l'hermaphrodite  Mazzo,  reconnu  femme  à  l'autopsie 
l'orifice  de  l'anus  était  entouré  de  poils  touffus. 


l 

6G2  HERMAPHRODISME  (médecine  légale). 

Nous  avons  vu  dans  un  cas  d'hermaphrodisme  féminin  les  poils  touffus 
remonter  jusqu'à  l'ombilic  et  quelques  poils  aussi  autour  de  l'anus.  L'âge 
influe  sur  le  développement  de  tous  ces  signes,  et  ils  deviennent  moins  caracté- 
ristiques. Les  femmes,  en  vieillissant,  prennent  l'aspect  masculin,  les  seins 
disparaissent,  la  barbe  pousse,  la  voix  devient  rauque,  et  au  lit,  suivant  Casper, 
on  peut  facilement  les  prendre  pour  des  hommes;  l'erreur  inverse  est  aussi 
possible. 

Les  signes  physiologiques  et  moraux  n'ont  pas  une  moindre  importance, 
,  Divers  renseignements  sont  à  prendre  en  considération.  L'hérédité  peut  fournir 
un  signe  ;  la  même  famille  présente  plusieurs  exemples  de  ces  difformités,  dans 
un  sens  analogue.  Naegele  a  observé  deux  jumeaux  hermaphrodites.  Deux  frères 
atteints  de  ce  vice  de  conformation  et  en  même  temps  sextidigitaires,  observés 
par  Home,  ont  été  classés  par  Geoffroy- Saint-Hilaire  dans  son  premier  genre 
d'hermaphrodisme  masculin.  Lepechin  a  aussi  constaté  l'hermaphrodisme 
masculin  sur  deux  frères  ;  nous  avons  vu  deux  sœurs  hermaphrodites,  l'une  de 
quarante-six  ans,  l'autre  de  soixante,  considérées  comme  filles,  mais  qui  en 
réalité  appartenaient  à  l'iiermaphrodisme  masculin,  avec  une  conformation  iden- 
tique, la  lésion  du  scrotum  formant  un  pseudo-vagin,  le  pénis  hvpos|)ade  et 
arrêté  dans  son  développement,  les  testicules  dans  les  grandes  lèvres.  Xous  avons 
également  rencontré  deux  frères  hypospades  et  deux  sœurs  hermaphrodites. 

L'enquête  porte  sur  les  antécédents,  l'âge,  l'éducation,  le  genre  de  vie,  les 
goûts,  les  habitudes,  les  relations,  les  penchants,  les  maladies,  les  accidents, 
leur  périodicité,  les  modifications  qui  se  sont  produites  aux  différentes  époques 
de  la  vie,  notamment  à  la  puberté.  On  tire  parti  avec  réserve  des  déclarations 
de  l'hermaphrodite,  de  ses  confidences,  des  témoignages  de  ses  parents,  des 
personnes  qui  ont  eu  des  rapports  avec  lui,  en  tenant  compte  des  motifs  d'in- 
térêt qui  ont  pu  inspirer  ces  déclarations.  Les  habitudes  dépendent  trop  du 
genre  de  vie  que  l'erreur  a  imposé  pour  qu'on  puisse  en  tirer  des  conclusions 
bien  positives.  «  Elevé  comme  une  bile,  l'hermaphrodite  mâle  en  a  pris  et  con- 
servé la  vaine  apparence,  la  timidité,  la  douceur,  le  caractère  :  l'habitude  ne 
devient-elle  pas  presque  une  seconde  nature?  »  (Legrand  du  Saule.)  On  cher- 
chera à  distinguer  les  penchants  innés  de  ceux  qui  résultent  de  la  position  sociale 
et  du  genre  de  vie. 

Les  facultés,  les  affections,  les  dispositions  morales,  subissent  l'influence  du 
genre  de  vie  :  «  11  est  juste  de  faire  une  large  part,  dit  Tardieu,  à  l'influence  des 
habitudes  et  des  occupations  qu'impose  à  ces  individus  l'erreur  commise  sur 
leur  sexe  réel.  Élevés  dès  l'origine,  vêtus,  placés,  parfois  même  mariés,  comme 
des  femmes,  ils  conservent  les  pensées,  les  habitudes,  les  manières  d'agir  fémi- 
nines, et  ce  n'est  ni  sans  difficulté,  ni  sans  troubles,  ni  sans  péril,  qu'ils  ren 
trent  dans  leur  sexe  véritable,  quand  leur  état  civil  vient  à  être  vérifié.  » 
Le  penchant  vers  les  hommes  ou  vers  les  femmes,  le  goût  pour  les  occupations 
masculines  ou  féminines,  sont  à  prendre  en  considération,  sans  oublier  les 
modifications  qu'y  apportent  les  progrès  de  l'âge  et  les  habitudes  de  la  vie. 

L'instinct  sexuel  fournit  des  signes  importants,  bien  qu'il  soit  souvent  alle'ré 
et  indécis  comme  le  sont  les  organes  eux-mêmes.  L'inclination  vers  un  sexe 
peut  révéler  le  sexe  différent.  Cet  instinct  existe,  malgré  l'atrophie  des  testi- 
cules ou  des  ovaires,  de  même  qu'il  peut  précéder  chez  les  enfants  le  dévelop- 
pement de  ces  glandes.  Chez  des  individus  réputés  filles,  la  fréquentation  habi- 
tuelle des  personnes  de  ce  sexe,  le  fait  de  coucher  dans  le  même  lit,  réveillent 


IIERMBSTADT.  665 

prématurément  l'instinct  mâle  et  lui  donne  toute  son  activité,  à  l'âge  de  la 
puberté  surtout  et  parfois  au  moment  où  la  cryptorclndie  cesse.  L'instinct  n'in- 
dique pas  toujours  le  sexe,  surtout  si  les  glandes  génitales  sont  peu  développées; 
un  état  indifférent  peut  exister,  aussi  peu  caractérisé  que  les  organes,  et  des 
circonstances  particulières  le  dirigent  dans  un  sens  ou  dans  un  autre.  Les  con- 
versations, la  manière  d'agir,  des  rêves  erotiques,  des  pollutions  nocturnes,  les 
érections  du  clitoris  ou  de  la  verge,  déterminées  par  la  présence  d'individus  de 
tel  ou  tel  sexe,  fournissent  des  indices.  Mais  la  nature  masculine  ou  féminine 
ne  se  révèle  pas  toujours  par  un  penchant  spécial.  Certains  hermaphrodites  se 
sont  livrés  avec  entraînement  aux  deux  genres  de  coït,  ayant  alternativement 
eu  le  rôle  d'homme  ou  de  femme  ;  plusieurs  ont  accepté  des  relations  contraires 
à  leur  sexe  réel.  Rosine  Gœttlich,  dont  l'autopsie  a  caractérisé  le  sexe  masculin, 
déclarait  «  qu'elle  avait  exercé  le  coït  comme  homme  et  comme  femme,  mais 
qu'elle  préférait  la  dernière  façon  à  la  première.  »  On  a  des  exemples  de  ce 
bonheur  sexuel  contraire  à  la  nature;  des  hermaplirodites,  mariés  avec  des  indi- 
vidus de  leur  sexe,  ont  été  cependant  heureux  en  ménage.  L'idée  d'une  sexua- 
lité différente  a  suffi  pour  exciter  l'instinct  génital  :  «  non-seulement  la  nature 
vraie  de  la  femme,  mais  la  supposition  de  cet  état,  peut  attirer  et  exciter 
l'homme.  »  Maria  Arsano,  décédé  à  quatre-vingt-quatre  ans,  et  reconnu  homme 
à  l'autopsie,  avait  été  marié  comme  femme.  Clara  Meyer,  hypospade  et  homme 
bien  caractérisé,  avait  tenu  le  rôle  de  femme  et  ne  se  soumettait  qu'avec  une 
pudeur  effarouchée  à  la  visite  qui  dévoila  son  véritable  sexe.  Sophie  D...,  élevée 
comme  femme,  avait  subi  et  exercé  le  coït  dans  les  deux  sens.  Marzo,  dans 
l'observation  de  Crecchio,  avait  toutes  les  habitudes  du  sexe  masculin,  son  goût 
le  poussait  vers  les  femmes;  il  avait  contracté  deux  blennorrhagies  dans  ses  rap- 
ports avec  des  personnes  de  ce  se.^e,  et  cependant  ses  organes  internes  ont 
démontré  qu'il  appartenait  au  sexe  féminin.  Une  jalousie  sexuelle  peut  exister 
malgré  l'identité  de  sexe  :  dans  le  cas  cité  par  Torlual,  la  femme  prétendue, 
dont  le  mariage  fut  cassé  parce  qu'en  réalité  elle  était  un  homme,  était  jalouse 
de  son  mari  parce  qu'il  recherchait  les  autres  lemmes.  Bien  des  tendances  fémi- 
nines subsistent  chez  les  hermaphrodites  masculins,  lien  était  ainsi  dans  le  fait 
d'Alexina,  élevée  comme  fille;  elle  ne  changea  de  sexe  qu'avec  peine  et  ne  put  se 
soutenir  comme  homme.  Souvent  l'individu  ne  sait  s'il  est  homme  ou  femme, 
il  veut  un  sexe  et  il  pense  et  agit  en  conséquence;  l'amour-propie  peut  le  con- 
duire à  affirmer  le  sexe  masculin.  L'état  moral  est  altéré  chez  ces  individus; 
quelques-uns  sont  devenus  pédérastes,  incubes  et  succubes;  l'homme  dégénéré 
et  la  virago  prennent  des  rôles  inverses.  Dans  les  recherches  sur  la  secte  des 
Scoptzys,  en  Russie,  on  a  noté  les  excès  effrénés  de  ces  hommes  mutilés.  La 
perversion  de  l'instinct  génital  devient  comme  un  symptôme  psychico-patho- 
logique;  le  sens  moral  manque,  et,  suivant  la  remarque  d'Hoffmann,  il  faut 
tenir  compte  de  cet  état,  lorsqu'un  individu  de  ce  genre  commet  un  attentat 
contre  les  mœurs  :  la  responsabilité  peut  en  être  atténuée.  G.  Tourdes. 

HERMBSTÂDT  (Sigismund-Friedrich).  Médecin  et  chimiste  allemand,  né 
à  Erfurt  en  1760,  mort  à  Berlin  le  22  octobre  1855.  Il  fut  professeur  de  chimie 
au  Collège  médico-chirurgical  de  Berlin,  à  l'Université  de  cette  ville,  à  l'Ecole 
militaire,  à  l'Académie  médico-chirurgicale,  etc.,  membre  de  la  Commission 
supérieure  des  affaires  médicales,  conseiller  intime  du  roi  (1820)  et  conseiller 
supérieur  de  médecine.  Les  ouvrages  de  Hermbstàdt  sont  très-nombreux.   L.  Hn. 


664  IIERMODACTES. 

HERMIlVf:.  L'Hermine  de  Buffon  est  une  espèce  de  Putois  {voy.  ce  mot)  qui 
porte  dans  les  catalogues  zoologiques  le  nom  latin  de  Putorius  erminea  et  qui  se 
trouve  dans  diverses  contrées  de  l'Europe  et  même  dans  notre  pays.  C'est  un 
animal  de  petite  taille,  mesurant  environ  55  centimètres  de  long  et  portant  en 
été  une  livrée  d'un  beau  marron  clair  avec  le  bout  de  la  queue  noir  et  en  hiver  une 
livrée  d'un  blanc  pur  avec  le  bout  de  la  queue  toujours  coloré  comme  dans  la 
belle  saison.  Sous  ce  dernier  pelage  les  Hermines  sont  particulièrement  recher- 
chées, surtout  dans  le  nord  de  la  Russie,  en  Suède  et  en  Norvège,  et  leurs  dépouilles 
sont  l'objet  d'un  commerce  important.  Ces  fourrures,  juxtaposées  de  manière  à 
Tornier  des  bandes  sur  lesquelles  on  pique  régulièrement  des  bouts  de  queue 
d'Heimine,  servaient  naguère  encore  à  doubler  des  manteaux  ou  à  orner  des 
robes  de  professeurs  et  des  magistrats;  depuis  quelques  années  elles  sont  deve- 
nues très-rares,  et  l'on  y  substitue  des  fourrures  plus  communes,  et  notamment 
des  dépouilles  de  lapins  blancs  et  noirs.  E.  Olstalet. 

nERmioXE.  Les  eaux  minérales  d'Hermione,  en  Argolide  (Péloponnèse), 
très-efficaces  contre  la  gravelle,  s'emploient  aussi  comme  remède  purgatif.  Elles 
suintent  des  parois  d'un  puits  situé  à  50  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la  mer, 
et  à  la  porte  de  l'église  Saint-Anargyros,  près  d'Hermione  (Coytri);  ce  puits, 
d'une  profondeur  de  8  mètres,  est  creusé  dans  le  calcaire  et  dans  les  serpen- 
tines qui  renferment  des  gîtes  irréguliers  de  magnésite.  Comme,  d'après  le 
témoignage  de  Pausanias,  le  temple  d'Esculape  d'Haliké,  s'élevait  près  de  cette 
source  minérale  à  l'est  de  Masita  (actuellement  Cranidi),  on  suppose  que  l'église 
actuelle  est  construite  sur  l'emplacement  même  de  ce  temple. 

Ainsi,  il  y  a  2000  ans  cette  eau  faisait  partie  des  moyens  thérapeutiques 
d'Esculape  ;  de  même  plus  tard  leurs  propriétés  thérapeutiques  contribuèrent 
aux  guérisons  miraculeuses  opérées  par  les  saints  Anargyres  ;  dans  l'église,  il  y 
a,  en  effet,  un  ancien  tableau  qui  représente  des  malades  puisant  de  l'eau  du 
puits,  et  au-dessus  les  deux  saints  faisant  des  miracles.  De  plusieurs  parties 
de  la  Grèce  les  particuliers  et  les  établissements  publics  se  procurent  de  cette 
eau  pour  l'usage  interne. 

ASALYSE  DE  LANDERER 

Carbonate  de  .«onde 2,544 

—           cli.iux I,9ô5 

Clitorure  de  sodium 17,577 

Carbonate  de  magnésium 3,385 

Sulfate  de  soude -4,166 

Gaz  acide  carbonique 5T6",75 

Stephanos. 

IIERMODACTES.  Sous  le  nom  d'IIermodactex  les  Anciens  employaient 
beaucoup  comme  médicament  les  tubercules  d'une  plante  qui  est  restée  inconnue 
jusqu'à  présent.  Ces  tubercules  étaient  importés  du  Levant.  Ils  avaient,  paraît- 
il,  la  forme  et  la  grosseur  des  châtaignes.  On  les  recommandait  surtout  comme 
purgatifs  dans  le  traitement  de  la  goutte  et  des  douleurs  articulaires.  En  Egypte, 
au  dire  de  Prosper  Alpin,  les  femmes  les  mangent  au  nombre  de  quinze  à 
seize  par  jour  pour  acquérir  de  l'embonpoint  et  sans  en  être  incommodées,  ce 
qui  semblerait  indiquer  que  l'action  de  ces  tubercules  si  vantée  par  les  Anciens 
n'était  due  qu'aux  purgatifs  qu'ils  avaient  la  coutume  de  leur  associer. 

M.  J.-E.  Planchon  a  attribué  la  production  des  Hermodactes  des  Anciens  au 


HERNANDEZ  (Les).  665 

ColcUcum  vanegalum  L.,qui  croît  dans  la  région  méditerranéenne,  notamment 
dans  les  îles  de  la  Grèce  (Chio,  Cos,  la  Crête).  Mais  D.  Hanbury  considère  cette 
opinion  comme  inadmissible.  Quoi  qu'il  en  soit,  il  existe  encore  aujourd'hui 
dans  les  bazars  de  l'Inde  une  sorte  d'Her)nodacte,  qui  est  apporté  du  Kashmir, 
mais  on  ne  connaît  pas  la  plante  qui  la  fournit. 

Dans  le  midi  de  la  France,  on  appelle  vulgairement  Faiix-Hennodacte  le  rhi- 
zome de  Vlris  tuherosa  L.,  espèce  du  sud  de  l'Europe,  pour  laquelle  Adanson 
[Famille  des  pL,  II,  60)  a  créé  le  gemu  Uermodaclylus,  adopte  encore  par  beau- 
coup d'auteurs.  Ed.  Lef. 

Bibliographie.  —  Plawchon  (J.-E.).  Des  Iiermodactes  au  point  de  vue  botanique  et  pharma- 
ceutique. Thèse  de  Paris,  1856.  —  Hanbury  (D.).  Pharmacogr.,  638.  —  Bâillon.  Traité  de 
botanique  médicale,  1884,  p.  1405.  Ed.  Lef. 

llER>io\DAVlLLE.     Placé  par  suite  d'une  erreur  typographique  à  Her- 

HOXDAviLLE  {voy.  cc  mot). 

HERiV'Al>iDEZ  (Les). 

Hernandez  (Francesco).  Médecin  naturaliste  espagnol  du  dix-septième  siè- 
cle. 11  l'ut  médecin  du  roi  Philippe  11  et  envoyé  par  lui  aux  Indes  Occidentales 
pour  y  étudier  la  flore,  la  faune  et  la  minéralogie  du  pays.  La  Bibliothèque  de 
l'Escurial,  à  Madrid,  possède  le  manuscrit  du  travail  d'Hernandez,  et  ce  ma- 
nuscrit forme,  paraît-il,  dix-sept  volumes  in-folio  avec  dessins.  Ilparuten  1615 
à  Mexico  un  abrégé  en  espagnol  du  manuscrit  de  Heranndez,  abrégé  dû  au 
P.  Francesco  Ximenez,  qui  sans  doute  avait  eu  l'original  entre  les  mains.  Cette 
édition  a  pour  titre  :  Quatro  libros  de  la  natiira  leza  y  virtudes  de  las  arbo- 
les,  plantas  y  animales  de  la  nueva  Espaîia,  en  especial  de  la  provincia  de 
Mexico,  que  se  aprovecha  la  medicina.  Mexico,  1615,  in-4".  Le  manuscrit  ori- 
ginal ayant  été  acheté  par  F.  Cesi,  fondateur  de  l'Académie  des  Lyncei  de 
Rome,  fut  publié  par  ses  soins  de  1648  à  1651,  2  volumes  in-folio,  avec  figures. 
Une  autre  édition,  augmentée  de  pièces  inédites,  a  été  publiée  par  J.-B.  Munoz 
Casimire  Ortega  sous  le  titre  :  Opéra  cum  édita,  tum  inedita.  Madrid,  1790, 
5  vol.  in-fol.  Cet  ouvrage  fit  connaître  pour  la  première  fois  les  plantes  peu 
connues  du  Nouveau  Monde.  A.  D. 

Hernandez  (Francesco-Mateo-Baxaxa.no).  Médecin  naturaliste  espagnol,  né 
à  Parenxia,  province  de  i'Estramadure,  vivait  dans  le  milieu  du  dix-septième 
siècle.  On  lui  attribue  :  La  noticia  intuiliva  de  todas  las  actes  y  Ciencias.  Pla- 
cencia,  1625.  —  Desputationes  medicse  et  philosophiez,  Grenade,  1619,  in-4°. 

A.  D. 

Hernandez  (Jeax-Frakçois).  Médecin  français,  né  le  26  mai  1769  à  Tou- 
lon. 11  prit  de  bonne  heure  du  service  dans  le  corps  de  santé  de  la  marine,  par- 
vint au  grade  de  médecin  en  chef  et  fut  professeur  de  physiologie  médicale  et  de 
clinique  interne,  tant  à  Piochefort  qu'à  Toulon.  Il  avait  été  reçu  docteur  en 
médecine  à  Montpellier  en  1814,  et  mourutretraité  à  Toulon  le  12  juillet  1835. 
La  plupart  de  ses  ouvrages  ont  eu,  dans  leur  temps,  un  certain  succès.  Nous 
citerons  les  principaux  : 

I.  Mémoire  sur  l'apoplexie.  In  Annales  de  la  Soc.  de  me'd.  prat.  de  Montpellier,  1811, 
t.  XXIV,  p.  395.  —  II.   Essai   analytique  &ur  la  non-identité  des  virus  gonorrhéique  et 


COG  HERNIAIRE. 

syphiUiirjuc.  Ouvrafre  couronné  Je  3  juillet  1.S10  par  la  Soc  de  méd.  de  Besançon.  Toulon, 
1812,  in-8°.  —  III.  Doutes  contre  l'opinion  qui  attribue  à  la  compression  du  cerveau  la 
cause  prochaine  de  V apoplexie.  Montpellier,  1814,  thèse  in-4''.  — IV.  Essai  sur  le  typhus 
ousur  les  fièvres  malignes  et  putrides,  bilieuses,  muqueuses,  jaunes,  la  peste.  Paris,  1816, 
in-8°.  A.  D. 

IIERI\A.]\DIA  (Plum.).  Genre  de  plantes,  rapporté  à  plusieurs  familles  diffé- 
rentes et  qui  a  donné  son  nom  ù  un  groupe  des  Hernandiacées,  mais  que  nous 
avons  signalé  en  1864  comme  représentant  un  type  amoindri,  dicline,  des ///i- 
gera,  c'est-à-dire  des  Lauracces.  Les  fleurs  sont  monoïques,  à  double  périantlie. 
Les  mâles  ont  5,  4  élamines,  et  les  femelles  un  ovaire  infère  à  un  seul  ovule 
descendant.  Le  fruit,  sec,  entouré  du  réceptacle  ligneux,  renferme  une  grosse 
graine  à  cotylédons  ruminés.  Les  Uernandia  sont  des  arbres  de  l'Amérique,  de 
l'Asie  et  de  l'Océanie  tropicales,  à  feuilles  alternes,  coriaces,  à  fleurs  eu  grappes 
terminales,  composées  et  cymigères,  involucrées  et  involuccllées.  Aublet  a  fait 
connaître,  en  1775,  que  VH.  guianensis  a  des  embryons  purgatifs  qui  s'adminis- 
trent en  émulsion.  L'H.  sonora  L.  doit  son  nom  au  bruit  que  fait  le  vent  en  glissant 
contre  l'enveloppe  coriace  de  ses  fruits.  On  le  cultive  dans  nos  serres.  Ses  graines 
sont  purgatives,  non-seulement  en  Amérique,  mais  à  Java  où  l'arbie  a  été  intro- 
duit. Les  fruits  ont,  comme  tant  d'autres,  reçu  le  nom  de  Myrobalans.  Aux  Antilles 
on  prépare  avec  leur  cbair  sapide  et  d'odeur  suave,  dit-on,  une  liqueur  nommée 
Mirobalanti.  VH.  ovigera  L.  a  les  mêmes  propriétés.  H.  B\. 

BiBLioGnAPiiiE.  —  Plum.,  Gen.,  6,  t.  40.  —  L.,  Gen.,  n.  925.  —  Lamk,  lll.,  t.  755.  —  Ekdl.' 
Gen.,  n.  2108.  —  Meissn.,  in  DC-  Prodr.,  XV,  p.  I,  262.  —  Descoubt.,  FI.  mrdic.  AntilL,  II, 
309.  —  Méb.  et  DE  L.,  Dict.  Mat.  méd.,  III,  487.  —  Uosesth.,  Syn.  pi.  diaphor.,  245.  — 
II.  Bn,  in  Adansouia,  V,  188;  Hist.  des  pi.,  H,  449,  458,  486,  lig.  273-278.  H.  B.s. 

HERNIAIRE  [Herniaria  T.).  Genre  de  Caryophyllacées-Paronychiées,  qui 
ne  devrait  peut-être  pas  être  distingué  des  Paronychia,  dont  il  a  la  fleur.  Le 
calice,  à  peu  près  nu,  est  formé  de  5  folioles  mutiques.  L'androcée  périgyne  est 
formé  de  3-5  étamines  dans  les  intervalles  desquelles  se  voient  tout  autant  de 
petites  baguettes,  parfois  nulles.  L'ovaire  uniloculaire  et  uniovulé  est  surmonté 
d'un  style  court,  dont  le  sommet  est  2-fide  ou  2-partite.  L'ovule  est  supporté 
par  un  court  funicule  basilaire.  Les  Herniaires  sont  des  herbes  annuelles  ou 
vivaces,  très-rameuses  et  couchées  sur  le  sol.  Leurs  feuilles  sont  opposée?^ 
alternes  ou  fasciculées,  de  petite  taille.  Leurs  stipules  sont  variables  de  forme, 
scarieuses.  Les  fleurs,  petites  et  verdàlres,  sont  axillaires,  en  gloraérules,  avec 
des  bractées  généralement  minimes.  11  y  a  7,  8  Herniaires,  dans  l'Europe 
moyenne  et  méridionale,  d;ins  l'Asie  centrale  et  occidentale,  dans  l'Afrique  tro- 
picale et  australe. 

La  plus  connue  est  la  TurqueUe  ou  Herniole  {Herniaria  glahra  L.,  Spec,  517) , 
petite  herbe  commune  dans  les  champs  arides  de  toute  la  France  et  à  laquelle 
on  substitue  aussi  VH.  hirsuta  L.,  presque  aussi  comtnun.  C'était  un  médica- 
ment très-réputé  contre  les  maladies  des  reins,  de  la  vessie,  la  pierre,  les 
catarrhes  vésicaux  et  uréthraux.  Matthiole  croyait  encore  qu'appliquée  sur  les 
hernies  elle  les  faisait  disparaître.  On  la  prescrivait  aussi  dans  le  même  but 
en  poudre  et  en  infusion.  Il  y  a  des  médecins  qui  ordonnent  encore  la  tisane 
d'Herniaire  dans  tous  les  cas  d'affections  des  voies  urinaires.  C'est  peut-être 
cependant  une  plante  presque  totalement  inerte,  et  ce  dernier  avis  est  celui  de 
Bergius,  .Spieiraann,  Murray,  Peyrilhe,  etc.  llerpin  est  d'un  avis  tout  contraire  : 
pour  lui,  c'est  un  médicament  précieux,  un  diurétique  sûr  et  puissant,  dont  les 


IIER.MES.  667 

effets  se  manifestent  au  bout  de  trente  à  soixante  minutes,  sans  inconvénient. 
Cazin  en  vante  aussi  les  effets  merveilleux  «  à  la  dose  de  50  grammes  pour 
une  pinte  d'eau  »  ;  il  la  recommande  comme  hydrayogue  dans  les  cas  d'ascite, 
d'anasarque.  C'est  une  plante  que,  d'après  lui,  «  les  modernes  ont  trop  légère- 
ment exclue  »  {Tr.  prat.  pi.  médic.  indig.,  éd.  3,  509).  Au  Chili,  d'après 
.Molina  {Chil.,  ^20),  VUerniaria  Piiyes  Mol.  s'emploie  comme  stomachique  et 
antipleurétique.  H.  Bn. 

Bibliographie.  —  T.,  Insl.,  507,  t.  288.  —  L.,  Gen.,  n.  308.  —  Lamk,  Illustr.,  t.  180.  — 
DC.,.W/K.  Paronych.,  t.  ô;  Prodr.,  III,  367.  —  Endl.,  Gen.,  n.  5198.  —Pater,  Leç.  Fam. 
nat.,  16.  —  Benth.  et  Hook.  f.,  Gen.,  III,  16.  —  MÉn.  et  ne  L.,  Dkl.  Mat.  viéd.,  III,  488.  — 
RosENTH.,  Syn.  plant,  diaphor.,  696.  —  H.  B.n,  Tr.  Bot.  méd.  phanér.,  1177;  Hist,  des  pi., 
IX,  95,  106,  121.  H.  Dm. 

HERI\IES  EX  G£.\ÉRAL.  Sï.xoxYMiE.  Vieux  auteurs  français  :  descentes, 
rompures,  grevures,  hergnes,  hargnes,  ruptures,  efforts  (vulgaire)  ;  italien, 
ernia;  espagnol,  hernia;  anglais,  Rupture  ou  Hernia;  allemand,  Bruche. 

Dfkmtio.\.  En  prenant  le  mot  hernie  dans  son  acception  la  plus  large,  on 
peut  dire  avec  J.  Cruveilhier  qu'  «  une  hernie  est  le  déplacement  d'un  organe 
à  travers  une  membrane  (pdlui  sert  d' enveloppe  ou  de  moyen  de  contention. 

Cette  définition,  dans  des  termes  aussi  généraux,  comprend  tout  aussi  bien 
l'issue  des  intestins  hors  de  la  cavité  abdominale  que  la  hernie  du  cerveau  ou 
de  la  moelle  hors  de  leurs  cavités  osseuses,  la  hernie  du  cœur  ou  du  poumon 
hors  de  la  cage  thoracique,  celles  des  muscles  à  travers  leurs  aponévroses  d'en- 
veloppe. Elle  peut  désigner  aussi  toute  une  série  de  déplacements  que  Cruveilhier 
a  rangés  parmi  les  hernies  sous  le  nom  de  hernies  tuniquaires,  c'est-à-dire  le 
déplacement  d'une  membrane  ou  tunique  à  travers  une  autre  tunique  qui  la 
recouvre.  Ce  sont  les  hernies  tuniquaires  de  la  vessie,  du  tube  digestif,  des 
séreuses  et  des  synoviales,  celles  des  veines,  des  membranes  de  l'œil  (hernies  de 
l'iris,  de  la  choroïde). 

Comme  on  le  voit,  en  s'en  tenant  à  la  caractéristique  anatomique,  on  réunirait 
dans  une  description  commune  toute  une  série  de  lésions  essentiellement  diffé- 
rentes par  leur  nature,  leur  mécanisme  et  leurs  symptômes,  et  qui  n'ont  entre 
elles  qu'un  seul  lien  commun  :  le  déplacement  à  travers  une  membrane  limi- 
tante. Aussi  est-il  de  beaucoup  préférable  de  renvoyer  le  lecteur  aux  différents 
articles  ayant  trait  à  la  description  des  maladies  particulières  à  chaque  organe, 
nous  réservant  de  traiter  seulement  ici  les  hernies  abdominales. 

lien  sera,  du  reste,  de  même  pour  un  autre  groupe  d'affections  dont  Cruveilhier 
a  fait  la  seconde  classe  de  hernies  :  je  veux  parler  des  hernies  aqueuses,  tumeurs 
formées  par  une  poche  séreuse  ou  sac  herniaire  appendice  d'une  cavité  splanch- 
nique,  laquelle  poche  est  remplie  d'eau  au  lieu  de  Vêtre  par  un  viscère 
déplacé.  Ce  sont  :  l'hydrocèle  crânienne,  le  spina  bifida  simple,  les  hernies 
aqueuses  abdominales  et  l'hydrocèle  congénitale.  Quant  aux  hernies  abdominales, 
qui,  ainsi  que  nous  venons  de  le  dire  précédemment,  forment  uniquement 
l'objet  de  notre  étude,  elles  doivent  être  définies  de  la  manière  suivante. 

On  donne  le  nomde/ier?u'esn&f/o?Jima/es  aux  tumeurs  que  forment  les  viscères 
contenus  dans  l'abdomen  en  s'échappant  au  travers  des  parois  de  cette  cavité. 

Cette  définition  que  nous  empruntons  au  professeur  Duplay  {Traité  de  patho- 
logie) est  encore  trop  compréhensive,  car  elle  désigne  aussi  bien  les  hernies 
traumatiques  que  les  autres  :  or  il  est  un  grand  nombre  de  ces  dernières  que 


6G8  HERNIES. 

nous  devons  distraire  de  notre  travail  :  ce  sont  celles  qui  se  font  à  travers  une 
plaie  récente  des  parois  abdominales.  Dans  ce  cas  la  hernie  n'est  que  la  compli- 
cation la  plus  importante  de  la  plaie  qui  lui  a  donné  naissance,  et  non  une  affec- 
tion spéciale  :  aussi  est-il  naturel  de  renvoyer  le  lecteur  à  l'article  Plaies  de  l'ab- 
domen oii  ce  sujet  est  plus  spécialement  traité. 

Pour  bien  limiter  le  terrain  qui  doit  nous  appartenir  en  propre,  il  nous  res- 
terait encore  à  savoir  si  nous  devons  ranger  les  évenlrations.  parmi  les  hernies. 

La  définition  même  de  l'évenlration  montre  la  nature  différente  de  cette 
lésion.  Cruveilhier  la  définit  ainsi  :  les  déplacements  qui  résultent  du  relâche- 
ment ou  de  la  dilatation  avec  amincissement  des  parois  abdominales.  Il  n'y 
a  donc  pas  véritablement  hernie,  c'est-à-dire  issue  des  viscères  hors  de  la  cavité 
qui  les  contient  normalement,  à  travers  un  orifice  accidentel  ou  naturel.  C'est 
la  paroi  elle-même  qui  s'amincit,  qui  cède  et  se  laisse  déprimer  sur  une  certaine 
étendue;  le  viscère  est  toujours  contenu  dans  sa  cavité  ordinaire,  c'est  celte 
cavité  seule  qui  change  de  forme,  il  n'y  a  ni  anneau  ni  issue.  Cette  seule  défi- 
nition suffirait  à  trancher  la  difficulté,  si  Cruveilhier  lui-même  ne  rangeait  parmi 
les  éventrations  congénitales  un  certain  nombre  de  hernies  de  l'ombilic  décrites 
par  les  autres  auteurs  comme  de  véritables  hernies.  Quoi  qu'il  en  soit,  et  en 
faisant  peut-être  une  réserve  à  propos  de  certaines  hernies  congénitales,  nous 
devons  d'une  façon  générale  séparer  les  hernies  des  éventrations. 

Nous  nous  bornerons  donc  ici  à  étudier  seulement  les  hernies  abdominales, 
si  nombreuses  et  si  diverses  d'aspect,  mais  qui  cependant  méritent  d'être  réunies 
dans  une  étude  générale,  tant  leur  mécanisme,  l'ensemble  de  leurs  symptômes, 
la  nature  et  la  maiche  de  leurs  accidents,  ont  des  points  communs.  Cette  étude 
des  hernies  en  général  ne  fera  du  reste  que  préparer  le  lecteur  à  la  lecture  des 
articles  spéciaux  consacrés  à  chaque  hernie  en  particulier. 

Classification  des  heiîmes.  11  existe  un  grand  nombre  de  hernies  abdomi- 
nales différentes,  je  dirais  même  de  classification  des  hernies.  Elles  sont  variables 
suivant  leur  contenu,  suivant  leur  cause,  suivant  leur  siège.  C'est  surtout  cette 
dernière  classification  qui  est  universellement  adoptée,  et  avec  juste  raison,  car 
c'est  d'elle  que  peuvent  se  déduire,  pour  le  chirurgien,  une  description  métho- 
dique et  des  indications  thérapeutiques  spéciales. 

Toutes  les  hernies  en  effet  ont  un  contenu  à  peu  près  analogue  :  le  plus  sou- 
vent elles  renferment  de  l'intestin  et'de  l'épiploon,  quelquefois  de  l'intestin  seul, 
quelquefois  au  contraire  seulement  de  l'épiploon.  Les  premières  sont  désignées 
sous  le  nom  à" entéro-épiplocèles,  les  secondes  d'enlérocèles,  les  dernières  à'épi- 
plocèles  pures  ou  hernies  épiploiques.  Dans  d'autres  cas,  la  hernie  peut  conte- 
nir un  organe,  dont  l'issue  est  pour  ainsi  dire  exceptionnelle  :  delà,  les  hernies 
de  Vest077iac,  de  la  vessie,  du  csecum,  de  la  rate,  de  V ovaire,  etc. 

Quant  à  la  division  étiologique  des  hernies,  elle  comprend  trois  grands  groupes 
dont  nous  aurons  à  parler,  qui  diffèrent  par  le  mécanisme  de  leur  cause  pre- 
mière :  ce  sont  les  hernies  traumatiques,  les  hernies  congénitales  et  les 
hernies  spontanées  o\i  ordinaires.  Cependant,  comme  nous  l'avons  dit  plus  haut 
nous  devons  rejeter  de  notre  description  une  partie  des  hernies  traumatiques, 
celles  qui  sont  constituées  par  l'issue  d'un  organe  viscéral  à  travers  une  plaie 
récente. 

La  division  des  hernies  suivant  leur  siège  nous  montre,  par  leur  nombre 
même,  que  l'issue  des  viscères  à  travers  les  parois  de  l'abdomen  peut  se  faire 
par  un  nombre  relativement  considérable  de  points  différents.  Comme  ces  parois 


HERNIES.  669 

abdominales  présentent  un  certain  nombre  d'orifices  naturels  ou  de  points 
faibles,  il  est  tout  naturel  que  ce  soit  par  ces  orifices  pre'existants  que  les  viscères 
cherchent  surtout  à  s'échapper  de  la  cavité  destinée  à  les  contenir  :  de  là  les 
hernies  inguinales,  crurales,  ombilicales,  obturatrices,  pour  celles  qui  ont  lieu 
à  travers  la  paroi  antérieure  de  l'abdomen.  La  paroi  postérieure,  plus  résistante, 
ne  présente  qu'un  seul  point  faible,  le  triangle  décrit  par  J.-L.  Petit,  entre  le 
grand  dorsal,  le  carré  des  lombes  :  il  donne  naissance  à  la  hernie  lombaire  ou 
hernie  de  J.-L.  Petit.  La  paroi  supérieure,  formée  par  un  seul  muscle,  le  dia- 
phragme, peut  par  certains  points  laisser  passer  les  viscères,  ce  seront  les  hernies 
diaphragmatiques.  Enfin  la  paroi  inférieure  de  la  grande  cavité  abdomino-pel- 
vienne,  formée  par  une  sorte  de  plancher  musculaire,  le  périnée,  qui  est  traversé 
par  la  fin  du  tube  digestif  et  les  organes  génitaux,  permet  aussi  la  formation 
de  quelques  hernies  :  la  hernie  périnéale,  qui  passe  chez  l'homme  entre  le 
rectum  et  la  vessie,  chez  la  femme  entre  le  rectum  et  l'utérus  ;  la  hernie  vagi- 
nale qui  vient  faire  saillie  chez  la  femme  dans  l'intérieur  du  vagin,  et  enfin  la 
hernie  ischiaiique  lorsque  les  viscères  s'échappant  du  bassin  à  travers  l'échan- 
crure  sciatique,  en  suivant  le  trajet  même  du  grand  nerf  sciatique,  viennent 
apparaître  au  niveau  de  la  fesse. 

A  côté  de  ces  variétés  il  en  est  un  certain  nombre  d'autres  qui  se  produisent 
surtout  à  travers  des  orifice*  accidentels.  Ceux-ci  sont  d'abord  des  trajets 
vasculaires  trop  petits  à  l'état  normal  pour  laisser  les  viscères  s'engager  dans  leur 
intérieur,  comme  dans  les  hernies  épigastriqiies,  les  hernies  de  la  ligne  blanche 
ou  les  hernies  latérales,  dénommées  encore  hernies  de  la  ligne  semi-lunaire 
d'Astley  Cooper,  hernies  ventrales,  laparocèles.  Cette  dernière  variété  désigne 
l'issue  des  intestins  au  niveau  de  la  ligne  courbe,  formée  par  l'insertion  anté- 
rieure des  fibres  du  muscle  transverse  sur  son  aponévrose.  Il  faut  encore,  et  à 
plus  juste  titre,  ranger  parmi  les  orifices  accidentels  ceux  qui,  succédant  à  des 
traumatismes,  sont  dus  à  l'éraillement  des  cicatrices  plus  ou  moins  anciennes. 
Ils  peuvent  alors  siéger  sur  n'importe  quel  point  des  parois  abdominales.  Ce  sont 
les  hernies  traumatiques.  Quelquefois  même  ces  orifices  peuvent  se  trouver  en 
dehors  des  limites  de  l'abdomen.  Telles  sont  les  hernies  intercostales  abdomi- 
nales de  Cruveilhier,  dont  il  n'existe  que  quelques  rares  observations. 

Enfin  il  peut  y  avoir  aussi  des  hernies  internes,  c'est-à-dire  des  hernies  qui  se 
forment  par  l'issue  de  l'intestin  en  dehors  de  la  grande  cavité  séreuse  périto- 
néale,  tout  en  restant  contenues  à  l'intérieur  de  l'abdomen.  Telles  sont  :  la  hernie 
mésente'rique  d'Astley  Cooper,  dont  nous  ne  connaissons  que  deux  observations, 
et  qui  désigne  le  passage  des  viscères  entre  les  deux  feuillets  péritonéaux  du 
mésentère,  et  la  hernie  mésocolique,  dont  le  même  auteur  a  rapporté  une  obser- 
vation dans  laquelle  l'intestin  grêle  était  contenu  en  entier  dans  une  poche 
formée  par  la  séparation  des  deux  feuillets  du  mésocôlon.  Telle  est  encore  la 
hernie  intr a-iliaque,  dans  laquelle  les  viscères  s'engagent  au-dessous  du  fascia 
iliaca  dans  l'intérieur  de  la  fosse  iliaque  interne. 

Mais  ce  sont  là  de  véritables  curiosités  pathologiques  dont  on  ne  connaît 
qu'un  très-petit  nombre  d'exemples,  des  trouvailles  d'autopsie  dont  il  faut  con- 
naître l'existence,  mais  qui  ne  doivent  pas  autrement  nous  arrêter.  D'ailleurs,  de 
toutes  ces  variétés  de  hernies  trois  seulement  sont  fréquentes  et  constituent  les 
hernies  communes  :  ce  sont  les  ombilicales,  les  crurales  et  les  inguinales.  Ce 
sont  surtout  celles  que  nous  aurons  en  vue  en  décrivant  les  hernies  en  général. 
Les  autres,  telles  que  les  hernies  diaphragmatiques,  les  hernies  obturatrices,  les 


«70  HERNIES. 

hernies  ventrales,  etc.,  constituent  des  espèces  rares  dont  on  trouvera  surtout 
la  description  aux  articles  qui  leur  sont  destinés  (voy.  Hernies  diaphragma- 
tiques.  Hernies  obturatrices.  Hernies  ventrales)  et  dont  nous  aurons  peu  à 
nous  occuper  ici. 

Êtiologie.  a.  Causes  prédisposantes.  Les  hernies  constituent  une  des  affec- 
tions les  plus  communes  et  les  plus  re'pandues,  et  leur  production  tient  à  un 
certain  nombre  de  circonstances  prédisposantes  qui  méritent  d'être  étudiées 
avec  quelque  détail. 

Fréquence.  Leur  fréquence  est  telle  que  l'on  a  cherché  à  plusieurs  reprises 
à  établir  quel  était  le  rapport  des  sujets  hernieux  avec  la  population.  Les  pre- 
mières recherches  sur  ce  sujet  remontent  au  siècle  dernier.  Elles  sont  dues  à 
<i.  Arnaud  qui,  examinant  1000  soldats  de  l'armée  anglaise  de  seize  à  quarante 
ans,  en  trouva  90  affectés  de  hernies.  En  prenant  ce  chiffre  pour  base  de  ses 
calculs,  il  crut  pouvoir  affirmer  que  le  i/8  de  la  population  était  atteint.  En 
France,  l'Académie  de  chirurgie  trouva  ce  chiffre  trop  élevé  et  mit  ce  sujet  à 
l'étude.  Deux  de  ses  membres,  Bordenave  et  Louis,  entreprirent  des  recherches 
sur  ce  point.  Bordenave  établit  qu'il  n'existait  guère  que  1  hernie  sur  100  habi- 
tants. Louis  trouva  à  peu  près  la  même  proportion  sur  les  pensionnaires  de 
Bicêlre,  de  la  Salpètrière,  les  hivalides  et  les  enfants  qui  étaient  alors  à  l'hôpital 
de  la  Pilié.  Si  la  proportion  établie  par  Arnaud  était  trop  forte,  les  chiffres  de 
Louis  et  de  Bordenave  paraissent  trop  faibles  :  d'ailleurs,  leurs  recherches  ne 
portant  que  sur  des  âges  extrêmes  étaient,  par  cela  même,  entachées  d'erreur.  De 
Juville  quelques  années  plus  tard  adopte  de  nouveaux  chiffres.  Pour  lui  la 
proportion  varie  suivant  les  différents  pays.  En  Allemagne  et  dans  le  nord  de 
l'Europe  les  sujets  porteurs  de  hernie  formeraient  le  d/50  de  la  population, 
le  1/15  en  Italie  et  en  Espagne,  le  1/20  en  France  et  en  Angleterre.  Turnbull 
•et  Scheldrake  en  Angleterre  adoptent  les  chiffres  de  1/15  et  l/IO,  et  l'ancieune 
Société  des  bandages  de  Londres  déclare  à  la  même  époque  que  le  1/15  de  la 
population  environ  est  atteint  de  hernie.  Les  recherches  de  Malgaigne  lui  per- 
mettent d'affirmer  que  ces  chiffres  sont  exagérés  :  pour  lui,  en  France,  il  y 
aurait  un  rapport  de  1/20,5.  Enfin,  les  derniers  chiffres  que  nous  ayons  à  citer, 
à  cet  égard,  sont  ceux  de  Boudin,  qui  sont  fournis  par  les  statistiques  du  recru- 
tement militaire.  11  a  fait  le  relevé  des  exemptions  pour  hernie,  depuis  1851 
jusqu'en  1855.  Sur  100  000  examinés  chaque  année  il  a  trouvé  une  moyenne  de 
2104  hernieux  par  an.  Mais  ce  chiffre  n'est  qu'une  moyenne,  et  il  peut  y  avoir 
des  écarts  très-considérables  entre  les  différentes  années,  puisqu'on  en  constate 
2527  en  1855  et  1616  en  1852. 

Ces  recherches  d'ensemble,  portant  tantôt  sur  une  seule  classe  de  la  popula- 
tion, tantôt  sur  des  sujets  d'un  âge  déterminé,  et  d'un  seul  sexe,  ne  peuvent 
donner  que  des  résultats  erronés,  car  toutes  les  conditions  de  sexe,  d'âge,  d'état 
social,  etc.,  sont  autant  de  causes  prédisposantes  dont  il  faut  examiner  la 
valeur,  l'importance  et  la  signification. 

Sexe.  Les  deux  sexes  ne  sont  pas  également  disposés  aux  hernies.  Celles-ci 
sont  beaucoup  plus  fréquentes  chez  les  hommes  que  chez  les  femmes,  mais  les 
auteurs  ne  sont  pas  tous  d'accord  sur  la  proportion  qui  existe  entre  les  deux  sexes. 

Louis  avait  établi  qu'il  y  a  deux  hommes  hernieux  pour  une  femme.  Pour 
Monnikeff  (d'Amsterdam),  la  proportion  serait  de  3  hommes  pour  1  femme,  et 
pour  Mathey  (d'Anvers),  de  4  hommes  pour  une  femme.  Jules  Cloquet,  qui  pen- 
dant ses  fonctions  de  prosecteur  à  l'École  pratique  a  disséqué  457  hernies,  en  a 


HERNIES.  671 

trouvé  507  chez  des  hommes  et  150  chez  des  femmes,  ce  qui  donnerait  à  peu 
près  la  proportion  de  deux  hommes  pour  une  femme.  Malgaigne,  qui  avait 
examiné  environ  500  hernieux,  conclut  à  une  prédominance  plus  marquée  du 
sexe  masculin.  II  croit  qu'il  y  a  environ  4  hommes  pour  1  femme.  La  statistique 
la  plus  étendue  est  celle  qui  a  été  publiée  par  la  Société  des  bandages  de 
Londres  en  1865.  Sur  96,886  bandages  que  cette  société  a  distribués  78,591  ont 
été  donnés  à  des  hommes,  18,492  à  des  femmes.  Ces  chiffres  indiqueraient  une 
proportion  de  5  hommes  pour  1  femme.  Pour  Kingdon,  ils  ne  sont  pas  aussi 
rigoureusement  exacts  qu'ils  le  semblent  à  première  vue.  Il  croit  que  les 
hommes,  exposés  par  leurs  travaux  à  user  davantage  et  à  casser  leurs  bandages, 
peuvent  se  représenter  plus  souvent  devant  la  Société,  tandis  que  les  femmes  au 
contraire  ont  moins  de  tendance  à  revenir  changer  le  leur  :  aussi  la  statistique 
établie  seulement  sur  le  chiffre  des  bandages  distribués  ne  correspond  pas  exac- 
tement au  nombre  vrai  des  hernies.  II  serait  porté  à  croire  que  la  proportion  de 
2  hommes  pour  I  femme,  établie  par  Louis  et  par  Cloquet,  se  rapproche  davan- 
tage de  la  vérité.  Du  reste,  ainsi  que  le  fait  remarquer  le  professeur  Gosselin,  ce 
ne  sont  pas  les  statistiques  des  hernies  étranglées  qui  peuvent  donner  des  rensei- 
gnements bien  précis,  car  l'étranglement  s'observe  à  peu  près  aussi  souvent 
chez  les  femmes  que  chez  les  hommes.  Seules  les  recherches  sur  les  hernies 
réductibles  peuvent  donner  des  résultats  satisfaisants. 

Age.  Les  hernies  peuvent  se  montrer  à  toutes  les  époques  de  l'existence, 
cependant  leur  fréquence  est  variable  aux  divers  âges,  à  cause  des  conditions 
liées  précisément  à  la  période  de  vie  où  elles  paraissent.  L'influence  de  l'âge  sur 
la  production  des  hernies  a  été  surtout  bien  étudiée  par  Malgaigne. 

C'est  surtout  au  voisinage  de  la  naissance,  pendant  la  première  année,  que  les 
hernies  se  montrent  le  plus  souvent.  Chez  beaucoup  d'enfants  la  lésion  existe  au 
moment  de  la  naissance,  chez  d'autres  elle  se  produit  pendant  les  premiers 
mois.  D'après  Malgaigne,  il  y  aurait  chez  les  enfants  au-dessous  d'un  an  une 
proportion  de  1  hernie  sur  52  enfants.  Cette  fréquence  considérable  s'explique 
par  ce  fait  que,  chez  beaucoup  de  ces  petils  sujets,  la  hernie  est  hée  à  une  sorte 
de  vice  congénital,  de  retard  dans  l'achèvement  des  parois  abdominales.  Les 
anneaux  ne  sont  pas  encore  suffisamment  développés  ni  comme  dimension,  ni 
comme  résistance,  aussi  les  premiers  efforts,  les  premiers  cris,  provoquent  la 
sortie  des  viscères,  et  cela  surtout  chez  les  enfants  nés  avant  terme.  J'ajouterai 
que  dans  cette  première  période  la  proportion  est  beaucoup  plus  considérable 
chez  les  garçons  que  chez  les  filles.  D'après  Malgaigne  il  y  aurait  chez  les  pre- 
miers 1/58  d'enfants  atteints,  et  seulement  1/62  pour  les  secondes.  Cette  prédo- 
minance si  marquée  du  sexe  mâle  est  incontestablement  duc  aux  phénomènes 
qui  accompagnent  la  migration  du  testicule,  puisque  souvent  la  glande  génitale 
ne  descend  dans  les  bourses  qu'après  la  naissance,  et  l'oblitération  du  conduit 
péritonéo-vaginal  ne  se  produit  qu'au  bout  de  quelques  mois. 

Du  reste,  à  mesure  que  l'on  s'éloigne  du  début  de  la  vie,  la  proportion  décroît 
assez  rapidement.  Elle  diminue  déjà  entre  un  et  deux  ans,  elle  baisse  bien  plus 
rapidement  encore  entre  deux  et  cinq  ans.  Cette  diminution  des  hernies  à 
mesure  que  l'enfant  augmente  en  Tige  s'accentue  progressivement  jusque  vers 
la  treizième  année.  C'est  vers  cette  période  que  se  trouve  la  proportion  minima 
des  hernies  de  toute  la  vie.  C'est  l'époque  comprise  entre  huit  et  neuf  ans  qui, 
au  dire  de  Malgaigne,  fournit  le  moindre  nombre  des  hernies;  pour  Gosselin,  au 
contraire,  c'est  l'espace  compris  entre  dix  et  treize  ans.  En  effet,  en  ce  moment 


67-2  HERNIES. 

les  hernies  du  premier  âge  semblent  no  plus  pouYoir  se  produire,  car  le  déve- 
loppement des  parois  abdominales  est  terminé,  et  l'enfant  ne  se  livre  pas  encore 
aux  jeux  qui  s'accompagnent  d'efforts  violents  et  qui,  par  cela  même,  peuvent 
engendrer  de  nouvelles  hernies.  11  faut  en  outre  savoir  que  ces  hernies  du  pre- 
mier âge  guérissent  facilement  par  la  simple  application  d'un  bandage  et  que 
d'autre  part  la  mortalité,  liée  à  d'autres  causes  et  si  considérable  dans  les  pre- 
mières années,  concorde  encore  à  diminuer  le  nombre  des  petits  malades. 

A  partir  de  ce  moment  la  proportion  se  relève,  et  les  hernies  deviennent  plus 
fréquentes  à  mesure  que  le  nombre  des  années  augmente.  Aux  environs  de  la 
vingtième  année,  la  proportion  varie  suivant  les  sexes,  la  prédominance  devient 
plus  marquée  chez  la  femme,  ce  qui  peut  tenir  aux  modifications  dues  à  la 
puberté,  au  travail  de  la  grossesse  et  de  l'accouchement,  qui  créent  des  condi- 
tions propices  à  la  sortie  des  viscères. 

L'âge  adulte  est  plus  disposé  à  voir  survenir  les  hernies  que  la  seconde 
enfance  et  l'adolescence,  et  la  proportion  semble  plus  forte  en  faveur  des 
hommes  que  des  femmes  dans  cette  période.  Le  nombre  augmente  et  s'accroît 
proportionnellement  à  l'âge  ;  ce  qui  s'explique  par  l'existence  des  travaux  de 
force,  des  métiers  pénibles  exigeant  des  efforts  considérables  et  répétés.  La 
marche  de  cette  proportion  semble  indiquée  d'une  façon  assez  précise  par  la 
statistique  suivante  que  nous  empruntons  à  Malgaigne.  Sur  300  malades  atteints 
de  hernie,  examinés  aux  différentes  périodes  de  la  vie,  il  en  a  rencontré  : 

De  10  à  20  ans 24 

20  à  30  ans io 

50  à  40  ans 66 

40  à  80  ans 163 

On  voit  donc  que  le  nombre  des  hernies  augmente  à  mesure  que  les  sujets 
avancent  en  âge.  Cet  accroissement  tient  à  plusieurs  causes.  D'abord,  comme  la 
hernie  survenue  dans  l'âge  adulte  est  difficile  à  guérir,  beaucoup  de  vieillards 
atteints  de  l'affection  la  portent  depuis  un  grand  nombre  d'années  ;  ensuite  l'âge 
mùr  et  trop  souvent  le  début  de  la  vieillesse  sont  soumis  aux  mêmes  rudes  tra- 
vaux, aux  mêmes  métiers  de  force  que  l'âge  adulte,  partant  aux  mêmes  causes. 
Mais  elles  deviennent  plus  efficaces  encore,  car  leur  action  est  facilitée  par  l'amai- 
grissement, le  relâchement,  l'affaiblissement  des  parois  abdominales,  qui  sont  les 
apanages  de  la  vieillesse.  Enfui  les  vieillards  sont,  plus  que  les  autres  hommes, 
sujets  à  certaines  affections  de  la  poitrine,  comme  la  bronchite  chronique,  par 
exemple,  ou  à  certaines  maladies  des  voies  urinaires,  comme  l'hypertrophie  delà 
prostate,  qui  provoquent  des  efforts  constants  et  répétés,  soit  de  toux,  soit  de 
miction,  facilitant  encore  l'issue  des  viscères  hors  de  la  cavité  abdominale. 

D'ailleurs  la  proportion  des  hernies  chez  les  vieillards  est  encore  plus  consi- 
dérable que  ne  l'indiquent  les  chiffres  que  nous  avons  cités  précédemment.  Si 
l'on  réfléchit,  en  elfet,  que,  à  mesure  que  l'on  avance  en  âge,  la  mortalité  pro- 
gresse d'une  manière  très-rapide,  le  nombre  des  hernieux;  par  rapport  à  l'effectif 
de  la  population  à  chaque  âge  augmente  considérablement.  Aussi,  tandis  que 
de  cinq  à  treize  ans  la  proportion  des  hernieux  était  de  1/17  de  la  population, 
elle  devient  entre  soixante-dix  et  soixante-quinze  ans  de  1/3  environ  pour  la 
population  mâle,  suivant  les  recherches  de  Malgaigne.  Kingdon,  qui  a  contrôlé, 
d'après  les  rapports  de  la  Société  des  bandages  de  Londres,  les  chiffres  précé- 
dents, conteste  certains  résultats  :  il  soutient  que  le  plus  grand  nombre  des 
hernies  existe  avant  l'âge  de  trente-cinq  ans,  mais  il  établit,  lui  aussi,  que  le 


HERNIES.  6Td 

rapport  des  hernies  avec  l'effectif  de  la  population  augmente  d'autant  plus  que 
l'on  s'avance  davantage  dans  la  vieillesse. 

Conditions  sociales.  Pauvreté.  Misère.  La  condition  sociale  du  sujet 
paraît  avoir  une  certaine  influence  sur  la  production  de  la  liernie.  11  est  prouvé 
que,  dans  l'âge  adulte,  elles  sont  plus  fréquentes  dans  les  classes  pauvres  que 
parmi  les  gens  riclies.  C'est  encore  à  Malgaigne  que  nous  devons  cette  notion. 
Pour  éclaircir  ce  fait,  il  a  recherché  les  relevés  du  recrutement  à  Paris  de 
1816  à  1829.  lia  pu  voir  ainsi  que  dans  les  arrondissements  habités  par  la 
population  riche  il  y  avait  environ  1  hernie  sur  38  conscrits,  tandis  qu'au 
contraire,  dans  les  arrondissements  pauvres,  la  proportion  est  de  1  sur  28.  Du 
reste,  cette  fréquence  plus  grande  des  hernies  dans  les  populations  ouvrières 
n'est  pas  spéciale  à  Paris  et  aux  grandes  villes.  Le  même  auteur  a  fait  les  mêmes 
recherches  sur  les  habitants  de  la  campagne,  sur  les  paysans  des  environs  de 
Paris,  et  il  a  trouvé  chez  eux  1  hernie  sur  50  conscrits,  proportion  à  peu  près 
semblable. 

Pour  expliquer  celte  prédominance  des  hernies  parmi  les  gens  pauvres,  le 
docteur  Amen,  dans  sa  thèse  parue  en  1856,  invoque  surtout  la  nourriture 
presque  absolument  végétale  qu'ils  ont  l'habitude  de  prendre.  Il  croit  que 
l'usage  à  peu  près  exclusif  des  légumes  et  la  privation  habituelle  de  la  viande 
peut  produire,  chez  ceux  qui  suivent  ce  régime,  une  ampliation  du  tube  intes- 
tinal et  principalement  de  l'intestin  grêle  analogue  à  celle  qui  existe  normale- 
ment chez  les  animaux  herbivores.  Par  suite  cet  intestin,  plus  long  que  de 
coutume,  aurait  une  plus  grande  tendance  à  sortir  de  l'abdomen  à  travers  les 
oriflces  naturels.  Ce  n'est  là  qu'une  hypothèse,  ingénieuse,  à  la  vérité,  mais 
qui  ne  s'appuie  sur  aucun  fait  précis,  qui  n'est  vérifiée  par  aucun  examen  ana- 
tomique.  Nous  ne  l'avons  rapportée  que  par  curiosité. 

L'influence  de  la  misère  et  des  privations  sur  la  production  des  hernies  doit 
s'expliquer  autrement.  Elle  paraît  due  à  la  débilité  des  muscles  des  parois 
abdominales,  à  la  maigreur  de  ces  parois  et  par  suite  à  l'absence  de  graisse 
entre  les  trousseaux  fibreux  de  leurs  plans  aponévrotiques.  Il  est  probable  enfin 
que  l'exagération  des  travaux  corporels  pénibles,  surtout  dévolus  aux  gens  peu 
fortunés,  est  une  des  principales  causes  de  la  production  des  hernies  chez  les 
pauvres. 

Professions.  Aussi,  c'est  par  l'étude  de  l'influence  des  professions  que 
doivent  naturellement  se  compléter  les  notions  que  nous  venons  d'acquérir.  Il 
est  depuis  longtemps  reconnu  que  les  professions  pénibles,  les  métiers  qui 
exigent  des  efforts  constants  et  répétés,  ont  une  influence  considérable  sur  la 
formation  des  hernies.  Nous  verrons  plus  loin  quel  rôle  considérable  joue  l'effort 
dans  le  mécanisme  de  la  hernie;  il  est  donc  tout  naturel  que  l'exercice  d'une 
profession  nécessitant  des  efforts  fréquents  constitue  une  des  plus  importantes 
parmi  les  causes  [irédisposantes.  Malgaigne  avait  conclu  de  ses  recherches  que 
c'étaient  surtout  les  professions  que  l'on  pratique  dans  la  station  debout  qui 
disposaient  aux  hernies.  On  devait  donc  principalement  les  rencontrer  chez  les 
journaliers,  les  portefaix,  les  maçons,  etc.  Mais  il  est  difficile  de  déterminera  ce 
sujet  des  chiffres  exacts,  car  ils  devraient  être  complétés  par  une  statistique 
complète  du  nombre  des  membres  de  chaque  profession  pour  avoir  une  véritable 
signification.  Or  nous  ne  possédons  pas  cette  sorte  de  recensement  professionnel. 
Le  travail  le  plus  complet  qui  existe  sur  ce  point  particulier  est  celui  de  Kingdon, 
qui  a  relevé  sur  les  registres  de  la  Société  des  bandages  de  Londres  pour  les 
BICT.  E«c.  4*  s.  XIU.  45 


674  [HERNIES. 

années  1859,  1860,  18C1,  la  profession  de  tous  les  malades  auxquels  la  Société 
a  délivré  des  appareils.  Ces  recherches  sont  résumées  dans  le  tableau  suivant  : 

TABLEAU    DE    KINGDON    (tRUSS    SOCIETY) 
Ordre  DD  RECENSEMENT   DE  1851.  1859.  18$0.  1861. 

Garçons  de  ferme >  171  175 

Fermiers 776  553  754 

Cordonniers  et  bottiers 38  53  12 

Charpentiers  et  menuisiers 173  178  99 

Tailleurs 20  33  28 

Domestiques  (hommes) 101  176  151 

Ouvriers  en  soie 63  71  58 

Forf;crons 48  51  63 

Maçons  et  paveurs »  18  > 

Commissionnaires 178  410  351 

•lardlniers 65  119  114 

liriquetiers »  »  49 

noudiers..   . 53  52  52 

Peintres  et  plombiers 33  45  50 

Coulansers 33  69  52 

Cliarreliers 75  87  82 

Courtiers  de  commerce.  ...  ...  29  30  65 

Employés  de  bureau »  1  4 

Bateliers •  44  35 

Scieurs-de-long 35  34  29 

Colporteurs 53  57  37 

Charrons 10  »  1 

Ingénieurs 56  51  42 

Tonneliers., 20  32  23 

En  examinant  ce  tableau,  on  volt  que  les  catégories  les  plus  chargées  sont, 
par  ordre  décroissant,  les  fermiers  (ou  travailleurs  de  la  campagne),  les  commis- 
sionnaires, les  charpentiers  et  menuisiers,  les  domestiques  mâles,  les  jardi- 
niers, les  charretiers,  les  forgerons,  les  ouvriers  en  soie,  les  bouchers,  les  col- 
porteurs, les  scieurs-de-long,  etc.  Il  en  résulte  donc  que  la  plupart  de  ces 
professions,  à  part  peut-être  celle  des  ouvriers  en  soie,  demandent  un  dévelop- 
pement de  force  musculaire  considérable.  On  pourrait  aller  plus  loin  dans  ces 
recherches  et  examiner  l'influence  de  l'attitude  pendant  le  travail;  cette  question 
a  été  surtout  débattue  à  propos  des  hernies  inguinales.  D'après  Malgaigne,  les 
déplacements  de  viscères  seraient  surtout  facilités  par  les  efforts  faits  dans  une 
position  telle  que  les  membres  inférieurs  soient  dans  l'abduction,  les  cuisses 
étant  à  demi  fléchies  par  rapport  au  bassin.  D'après  Thompson  et  Richet,  ce 
serait  surtout  l'adduction  qui  relâcherait  l'anneau  externe,  et  aucune  position, 
suivant  Richet,  n'aurait  d'influence  sur  les  dimensions  de  l'anneau  inguinal 
profond.  «  S'il  eu  est  ainsi  réellement,  ajoute  M.  Ledentu,  l'influence  des  attitudes 
sur  la  production  des  hernies  serait  nulle  ;  elles  n'agiraient  que  sur  les  hernies 
ayant  déjà  dépassé  cet  orifice  profond  et  déjà  engagées  dans  le  canal.  » 

Climats  et  pays.  On  a  prétendu  que  les  hernies  se  rencontraient  plus  nom- 
breuses dans  certains  climats  que  dans  d'autres.  Elles  seraient  plus  fréquentes 
dans  les  pays  chauds.  L'Egypte,  Malte  et  surtout  le  cap  de  Bonne-Espérance, 
sont  cités  parmi  les  pays  oià  l'on  observe  le  plus  souvent  cette  maladie.  D'après 
le  chirurgien  anglais  Knox,  les  hernies  se  produisent  si  fréquemment  parmi  les 
habitants  du  Cap  que  l'on  est  obligé  de  ne  pas  considérer  cette  affection  comme 
une  cause  d'exemption  du  service  militaire  pour  ne  pas  rendre  le  recrutement 
trop  difficile.  Cependant  cette  action  particulière  des  pays  chauds  n'est  pas 
aussi  absolument  prouvée  qu'il  le  semble  au  premier  abord  :  ainsi  les  hernies 
sont  plus  nombreuses  en  Hollande  et  en  Angleterre  qu'en  France  ;  elles  sont  très- 


HERNIES.  675 

fréquentes  aussi  en  Suisse.  Du  reste,  sans  sortir  de  notre  propre  pays,  elles 
paraissent  inégalement  distribuées  sur  tous  les  points  du  territoire.  D'après 
Malgaigne,  qui  s'appuie  surtout  sur  les  "résultats  du  recrutement  militaire,  on 
rencontrerait  le  plus  grand  nombre  de  conscrits  atteints  de  bernie  dans  les  dépar- 
tements du  centre  ;  au  contraire,  elles  seraient  plus  rares  dans  les  départements 
qui  avoisinent  la  frontière  et  dans  ceux  du  littoral  ;  c'est  en  Bretagne  qu'existe 
le  minimum  observé.  Les  mêmes  recherches  faites  par  Boudin  en  1857  ont 
donné  des  résultats  un  peu  différents  de  ceux  de  Malgaigne.  Gomme  lui,  Boudin 
avait  observé  la  rareté  des  hernies  chez  les  Bretons,  mais  à  l'encontre  de  Mal- 
gaigne il  a  trouvé  qu'elles  sont  presque  aussi  rares  parmi  les  habitants  du 
plateau  central.  Au  contraire,  il  y  aurait  le  long  du  littoral  de  l'Océun  deux 
zones  où  se  trouvent  les  maxima  des  conscrits  hernieux,  l'une  qui  peut  être 
placée  entre  la  Dordogne  et  la  Loire,  et  la  seconde  au  nord  de  la  Loire,  entre  ce 
dernier  fleuve  et  la  Seine. 

On  a  essayé  d'expliquer  cette  inégale  distribution  des  hernies  suivant  les  pays; 
on  a  tour  à  tour  invoqué  les  différences  de  configuration  du  sol,  suivant  qu'il  est 
plat  ou  montagneux,  et  les  habitudes  des  habitants.  11  n'y  a  là  rien  de  bien 
précis.  Pour  les  uns,  les  pays  de  montagnes  verraient  se  produire  un  plus  grand 
nombre  de  hernies  :  c'est  jiourquoi  celles-ci  s'observeraient  surtout  en  Ecosse  et 
dans  le  pays  de  Galles  pour  l'Angleterre,  et  dans  les  cantons  alpins  de  la  Suisse, 
d'après  Richter  et  Blumenbach.  D'un  autre  côté,  Malgaigne  affirmait  que  cette 
affection  se  montrait  davantage  dans  les  pays  plats,  dans  les  plaines  du  centre 
de  la  France,  dans  celles  de  l'Artois  et  des  Flandres.  Il  attribue  du  reste  plus 
d'influence  aux  habitudes,  à  l'alimentation,  à  la  manière  de  vivre.  Ainsi,  pour  les 
Flamands,  l'absence  d'exercice,  la  nourriture  forte  et  l'usage  de  la  bière  amenant 
un  embonpoint  exagéré  et  des  chairs  molles,  devraient  être  plus  incriminés 
que  les  conditions  du  climat  ou  la  disposition  du  sol. 

Race.  Ce  serait  surtout  par  les  différences  de  races  que  devrait,  au  diz*e  de 
Malgaigne,  s'expliquer  cette  inégale  répartition  des  hernies  suivant  les  pavs.  Ainsi, 
pour  ce  qui  regarde  seulement  la  France,  ce  serait  surtout  la  race  celtique  qui 
«erait  sujette  aux  hernies;  les  races  normande,  kymrique,  ibère,  et  surtout  la 
race  bretonne,  y  seraient  beaucoup  moins  prédisposées.  Il  est  difficile  de  vérifier 
ces  affirmations.  En  effet,  il  faudrait  pour  cela  savoir  si  ces  races  diverses  pré- 
sentaient des  difterences  dans  la  configuration  de  leur  parois  abdominales,  le 
degré  d'ouverture  de  leurs  anneaux  ou  la  résistance  de  leurs  muscles,  et  nous 
n'avons  aucune  donnée  à  ce  sujet.  De  plus,  si  primitivement  les  races  énumé- 
rées  ci-dessus  ont  habité  des  parties  différentes  de  notre  pays,  il  v  a  eu,  depuis 
cette  époque,  un  tel  mélange  et  de  si  nombreux  croisements,  qu'on  ne  saurait 
rencontrer  nulle  part  chez  nous  les  descendants  d'une  race  pure,  puisque  ces 
croisements  ont  fait  disparaître,  si  elle  a  jamais  existé,  l'influence  prédisposante 
de  telle  ou  telle  origine. 

Cette  question  de  race  ne  pourrait  être  utilement  étudiée  qu'à  propos  de  la 
fréquence  comparée  des  hernies  chez  les  nègres  et  chez  les  blancs.  Mais  nous 
manquons  à  ce  sujet  de  documents  précis,  et  les  auteurs  qui  se  sont  occupés 
de  la  question  sont  divisés.  Ainsi,  d'après  Knox,  les  hernies  seraient  moins 
fréquentes  dans  la  race  nègre  que  dans  la  blanche;  pour  Marshall,  ce  serait  le 
contraire.  Cependant  nous  savons  que  la  fréquence  des  exomphales  chez  les 
enfants  nègres  paraît  aujourd'hui  prouvée  par  les  travaux  de  Marshall  et  par 
•ceux  de  Fortineau  (de  la  Louisiane)  et  de  Lesniei-  (de  File  Bourbon). 


670  HERNIES. 

Avant  d'arriver  à  étudier  les  causes  prédisposantes  individuelles  et  sans  sortir 
de  réliologie  générale,  nous  devons  rechercher  si  toutes  les  variétés  de  hernie 
sont  également  fréquentes,  et  quel  est  le  côté  du  corps  qui  est  le  siège  préféré 
de  cette  lésion. 

Fréquence  suivant  les  variétés.  Les  hernies  ne  sont  pas  toutes  également 
fréquentes.  Dans  l'énumération  que  nous  avons  faite  précédemment,  nous  avons 
vu  que  certaines  d'entre  elles  constituaient  de  véritables  raretés  pathologiques, 
comme  la  hernie  mésocolique,  la  hernie  mésentérique  et  même  la  hernie  péri- 
néale,  et  les  ischiatiques  ;  que  d'autres,  tout  en  en  étant  mieux  connues,  étaient 
cependant  assez  rares,  comme,  par  exemple,  les  hernies  lombaires,  diaphragma- 
tiques  et  obturatrices  ;  et  qu'enfin,  on  désignait  seulement  sous  le  nom  de  hernies 
communes  celles  qui  se  font  par  l'anneau  ombilical,  le  trajet  inguinal  ou  le 
canal  crural.  Même  parmi  ces  trois  espèces  on  trouve  d'assez  grandes  difie- 
rences. 

La  hernie  ombilicale  est  celle  qui  se  rencontre  le  moins  souvent  des  trois, 
elle  paraît  un  peu  plus  fréquente  chez  la  femme  adulte  que  chez  l'homme, 
mais  on  l'observe  beaucoup  moins  que  les  hernies  crurales  ou  inguinales.  C'est 
à  propos  de  ces  deux  dernières  variétés  que  des  recherches  comparatives  ont 
été  faites.  La  statistique  la  plus  complète  est  celle  qui  a  été  publiée  en  Angle- 
terre en  1(S55  par  Bryant,  et  qui  a  été  rapportée  par  Le  Dentu  dans  son  excel- 
lent article  Hernie  du  Nouveau  Dictionnaire  de  médecine  et  de  chirurgie  pra- 
tiques. 

Sur  95  355  cas  formant  l'ensemble  de  cette  statistique  on  en  trouve  46  551  ingui- 
nales simples  ou  unilatérales  pour  7452  crurales,  soit  1  crurale  pour  624  ingui- 
nales. Sur  50  575  hernies  doubles,  il  y  en  a  28  505  d'inguioales  et  1992  de 
crurales,  ce  qui  donne  le  rapport  de  1  cas  de  hernie  crurale  double  pour 
1425  d'inguinales  doubles.  L'addition  des  deux  groupes  de  chiffres  donne 
75  054  inguinales  simples  ou  doubles  pour  10  425  crurales  doubles  ou  simples, 
le  rapport  est  de  1  cas  de  hernie  crurale  simple  ou  double  pour  7,19  d'in- 
guinales. 

«  Nous  n'oserions  donner  ces  chiffres  comme  absolus,  dit  Le  Dentu,  mais  les 

résultats  d'une  statistique  de  93  555  cas  doivent  être  bien  prés  de  la  vérité.  » 

D'ailleurs,  il  est  plus  intéressant  de  pousser  plus  loin  cette  étude  et  de 

recliercher  quelle  est  la  fréquence  de  chaque  variété  pour  l'un  et  l'autre  sexe. 

Alors  les  proportions  deviennent  fort  différentes. 

Ainsi,  d'après  les  relevés  de  la  Société  des  bandages  de  Londres  en  1855,  il  y 
aurait  chez  l'homme  1  hernie  crurale  pour  75  inguinales,  et  chez  la  femme  au 
contraire  1  inguinale  pour  46  crurales.  Ces  chiffres,  qu'il  ne  faudrait  pas  prendre 
comme  des  résultats  absolus,  puisque  la  proportion  peut  être,  comme  nous 
allons  le  voir,  modifiée  beaucoup  pour  une  autre  période  d'une  année,  ne  sont 
pas  d'accord  avec  les  affirmations  de  tous  les  auteurs.  Il  est  certain  que  chez 
l'homme  la  hernie  crurale  est  rare  par  rapport  à  la  hernie  inguinale  ;  il  est 
tout  aussi  prouvé  que  chez  la  femme  la  hernie  inguinale  est  beaucoup  moms 
fréquente  que  la  crurale.  Malgaigne  seul  est  de  l'avis  contraire,  au  moins  pour 
ce  qui  concerne  la  femme;  il  croit  que  dans  le  sexe  féminin  les  hernies  ingui- 
nales seraient  encore  plus  nombreuses  que  les  crurales,  tout  eu  étant  néanmoins 
beaucoup  moins  fréquentes  que  chez  l'homme.  Cependaut  on  peut  opposer  a 
cettte  affirmation  non-seulement  les  chiffres  cités  plus  haut,  mais  encore  ceux 
qui  sont  donnés  par  Kingdon,  dont  ^on  connaît  la  compétence  et  les  qualités 


HERNIES.  677 

d'observation.  Voici  les  résultats  basés  sur  les  relevés  de  la  Truss  Society  (1865). 
Chez  les  hommes,  il  a  trouvé  4950  inguinales  pour  150  crurales,  soit  1  crurale 
pour  ô2  inguinales. 

Chez  les  femmes,  401  inguinales  pour  416  crurales,  soit  à  peu  près  autant 
des  deux  variétés.  Ce  serait  là,  au  dire  de  Le  Dentu,  la  proportion  qui  paraît  la 
plus  vraisemblable,  bien  qu'il  soit  difficile  d'accepter  ces  résultats  comme 
rigoureusement  exacts. 

Côté  atteint.  Depuis  longtemps,  tous  les  auteurs  ont  admis  que  les  hernies 
étaient  beaucoup  plus  souvent  observées  du  côté  droit  que  du  côté  gauche.  11 
est  bien  entendu  que  les  recherches  à  ce  sujet  ne  portent  que  sur  les  hernies 
inguinales  et  crurales.  Par  leur  siège  même  les  hernies  ombilicales  se  trouvent 
en  dehors  de  cette  discussion.  Les  hernies  droites  sont  plus  fréquentes  que  les 
autres  dans  la  proportion  de  7  à  4  ou  5. 

La  cause  de  celte  prédilection  pour  le  côté  droit  est  diversement  expliquée. 
Pour  Schenkius,  elle  tiendrait  à  la  présence  du  foie  à  droite;  pour  Martin,  à  l'in- 
clinaison vers  ce  même  côté  de  l'insertion  du  mésentère.  J.  Cloquet  a  donné  de 
celte  prédilection  pour  le  côté  droit  une  théorie  fort  originale,  et  qui  est  basée 
sur  la  prédominance  des  droitiers  sur  les  gauchers.  L'homme  qui  fait  un  effort 
avec  le  bras  droit  incline  son  corps  à  gauche  :  alors  le  diaphragme  en  se  con- 
tractant, au  lieu  de  pousser  la  masse  intestinale,  sur  laquelle  il  s'appuie,  en 
bas  et  en  avant,  la  rejette  en  bas,  en  avant  et  latéralement  à  droite.  De  là  la 
tendance  des  viscères  à  sortir  par  les  anneaux  du  côté  droit.  Celte  théorie  si 
ingénieuse  a  été  renversée  par  les  recherches  de  Malgaigne,  qui  a  découvert  que 
bon  nombre  de  hernies  se  forment  à  gauche  chez  des  droitiers.  De  plus  le  nombre 
relativement  élevé  des  hernies  doubles  vient  encore  combattre  l'explication  de 
Cloquet.  Ainsi,  d'après  Malgaigne,  sur  515  hernies  inguinales  observées  40 
étaient  doubles;  sur  les  275  restantes  il  yen  avait  171  à  droite  et  102  à  gauche. 
Il  faudrait  donc  supposer,  d'après  Cloquet,  que  le  nombre  de  gauchers  était 
Irès-coiisidérable.  Or,  sur  185  sujets  chez  lesquels  l'examen  a  été  pratiqué,  il  y 
avait  1  seul  gaucher  sur  11  droitiers.  Donc,  si  la  théorie  de  Cloquet  est  vraie 
pour  un  certain  nombre  de  cas,  elle  ne  peut  pas  être  généralisée. 

Les  causes  }«rédisposantes  qu'il  nous  reste  à  examiner  pourraient  être  dites 
individuelles,  car  elles  constituent  des  conditions  inhérentes  à  l'individu  exa- 
miné :  ce  sont  l'hérédité,  certaines  dispositions  anatomiques,  quelques  états 
pathologiques. 

Hérédité.  Le  rôle  que  joue  l'hérédité  dans  l'éliologie  des  hernies  a  depuis 
longtemps  été  rais  en  lumière  ;  il  ne  consiste  pas  seulement  dans  les  transmis- 
sion à  l'enfant  de  hernies  au  moment  de  la  naissance,  mais  encore  et  surtout 
dans  la  transmission  de  certaines  dispositions  anatomiques,  de  certaines  anoma- 
lies de  développement  qui  amènent  la  formation  des  hernies. 

Dès  le  siècle  dernier  l'influence  de  cette  cause  était  connue.  Mauchart  cite, 
au  dire  de  Richter,  un  père  hernieux  qui  eut  trois  enfants  atteints  de  hernie. 
Bâillon,  Frédéric  Hoffmann,  Fabrice  de  Hilden,  Freytag,  Halles,  avaient  déjà 
publié  de  nombreuses  observations  de  hernies  héréditaires.  Cependant  Sanson 
semble  croire  que  l'hérédité  consiste  surtout  ici  dans  la  transmission  de  cer- 
taines habitudes  capables  de  faciliter  la  production  des  hernies.  L'existence  des 
hernies  héréditaires  se  montrant  dès  la  naissance,  ou  survenant  dans  les  pre- 
miers mois  de  l'existence,  suffit  à  prouver  le  contraire.  Malgaigne  avait  étudié 
ce   point  avec  beaucoup  de  soin,   et  sur  516  hernies  il  a  rencontré  86   cas 


678  HERNIES. 

où  rhérédité  pouvait  se  retrouver,  soit  1  cas  sur  3  1/2.  D'après  lui,  celte 
influence  se  manifesterait  surtout  sur  de  jeunes  sujets.  Les  recherches  plus  re'- 
centes  de  Kingdon  confirment  pleinement,  et  avec  plus  de  détails  encore,  les 
résultats  de  Malgaigne.  Sur  5976  hernieux  examinés,  en  1863,  par  la  Truss 
Society  de  Londres,  il  y  en  avait  1851  qui  pouvaient  mentionner  des  lésions 
semblables  chez  leurs  ascendants,  descendants  ou  collatéraux:  soit  1  sur  5,86. 
Ce  chilfre  se  rapproche  tout  à  fitit  de  celui  de  Malgaigne. 

M.  Le  Dentu,  analysant  et  détaillant  les  résultats  fournis  par  Kingdon,  est 
allé  plus  loin  que  ses  devanciers.  11  a  voulu  savoir  si,  dans  cette  question  d'hé- 
rédité, l'inlluence  d'un  des  deux  ascendants  était  prédominante.  «  Le  chiffre 
de  1851  hernieux  héréditaires  cité  par  Kingdon  se  décompose  ainsi,  dit-d,  au 
point  de  vue  des  sexes:  1558  hommes  et  275  femmes;  la  transmission  venait 
du  père  pour  892  hommes  et  141  femmes;  de  la  mère  pour  220  hommes  et 
60  femmes;  du  père  et  de  la  mère  pour  35  hommes  et  12  femmes.  Enfin,  pour 
562  hommes  et  46  femmes,  il  existait  des  hernies  chez  les  collatéraux  ;  pour 
49  hommes  et  14  femmes  cliez  leurs  enfants,  » 

En  étudiant  avec  soin  ces  chiffres  on  voit,  avec  Le  Dentu,  d'abord  que  l'héré- 
dité s'exerce  un  peu  plus  chez  l'homme.  Le  rapport  des  cas  d'hérédité  pater- 
nelles (1053)  à  ceux  d'hérédité  maternelle  (280)  est  de  5,6.  Mais,  comme  le 
nombre  des  hernies  chez  la  femme  est  bien  moins  considérable  que  celui  que 
l'on  constate  cliez  les  hommes,  il  s'ensuit,  si  on  calcule  aussi  exactement  que 
possible  la  proportion,  que  l'hérédité  se  transmet  à  peu  près  également  par 
l'homme  et  par  la  femme. 

Il  resterait  encore  un  point  à  rechercher,  c'est  l'hérédité  de  la  variété,  c'est- 
à-dire,  si  des  parents  atteints  de  hernies  inguinales  engendraient  des  enfants 
atteints  à  leur  tour  de  la  même  hernie,  ou  bien  si  la  prédisposition  herniaire 
seule  se  transmet  sans  localisation  identique.  Nous  avouons  que  les  documents 
nous  manquent  pour  éclaircir  suffisamment  cette  question.  De  quelques  obser- 
vations particulières  et  inédites  que  nous  possédons  il  semble  ressortir  que,  si 
dans  certains  cas  l'enfant  reproduit  la  même  variété  de  hernie  que  ses  parents, 
il  arrive  souvent  le  contraire  :  ainsi,  par  exemple,  une  mère  atteinte  de  hernie 
ombilicale  peut  voir  chez  ses  enfants  une  hernie  inguinale,  et  réciproquement. 

Dispositions  anatomiques.  Certaines  dispositions  anatomiques  ont  une 
inlluence  manifeste  sur  la  production  des  hernies. 

Ainsi,  une  taille  élevée  favoriserait  l'issue  des  viscères;  les  hommes  de  grande 
taille  y  seraient  plus  particulièrement  sujets  que  les  hommes  petits,  et  cela 
surtout  dans  la  vieillesse. 

La  forme  du  ventre  paraît  avoir  aussi  une  certaine  influence.  On  constate,  il 
est  vrai,  des  hernies  sur  les  gens  de  toute  taille  et  de  toute  forme  ;  cependant 
on  les  trouve  surtout  chez  des  individus  à  ventre  plat  et  chez  ceux  qui  présen- 
tent cette  forme  particulière  que  Malgaigne  a  décrite  sous  le  nom  de  ventre  à 
ii'iple  saillie. 

Celui-ci,  qui  d'ailleurs  peut  être  plat  ou  bosselé,  est  caractérisé  par  une 
saillie  moyenne  répondant  à  la  ligne  blanche  et  aux  muscles  droits  de  l'abdo- 
men et  par  deux  saillies  latérales  répondant  aux  muscles  larges.  Ceux-ci  semblent 
avoir  fléchi,  s'être  relâchés  de  manière  à  former  près  des  crêtes  iliaques  une 
sorte  de  cul-de-sac  ou  poche  que  reçoit  la  masse  intestinale. 

L'amaigrissement  rapide,  par  la  flaccidité  des  parois  abdominales  qu'il 
engendre,  et  par  la  dispaiition  plus  ou  moins  complète  des  pelotons  adipeux 


HERNIES.  67tJ 

qui  pouvaient  occuper  les  anneaux  naturels,  après  les  avoir  distendus,  facilite 
aussi  la  sortie  des  viscères  hors  de  l'abdomen. 

Dispositions  pathologiques.  Certaines  maladies,  surtout  celles  qui  sif'gent 
dans  la  région  abdominale,  peuvent  avoir  aussi  quelque  rapport  avec  la  sur- 
venance  des  hernies. 

En  première  ligne  il  faut  placer  les  affections  qui  amènent  une  distension 
considérable  de  l'abdomen.  Tantôt  les  hernies  se  montrent  pendant  la  période 
où  le  ventre  augmente  de  volume,  et  cela  probablement  par  suite  de  l'exagé- 
ration de  pression  dans  la  cavité;  tantôt,  au  contraire,  une  fois  que  cette  dis- 
tension diminue,  parce  que  les  parois,  ayant  subi  une  tension  qui  surmonte 
leur  degré  de  résistance,  restent  affaiblies  et  par  suite  les  orifices  fibreux 
demeurent  élargis.  Parmi  les  affections  agissant  ainsi  il  faut  citer  toutes  les 
tumeurs  abdominales,  les  corps  fibreux  de  l'utérus  et  les  kystes  de  l'ovaire  en 
première  ligne,  puis  les  épanchemenls  liquides  tels  que  l'ascite.  La  grossesse 
paraît  agir  de  la  même  façon.  A  côté  de  ce  premier  groupe  se  placent  les  mala- 
dies qui  amènent  un  affaiblissement  des  parois  abdominales,  soit  en  produisant 
un  amaigrissement  rapide  comme  certaines  maladies  générales,  ou  bien  encore 
en  causant  une  débilité  marquée  de  toute  l'économie.  Enfin,  quelques  circon- 
stances, comme  les  plaies  larges  ou  les  suppurations  locaUsées,  peuvent  laisser 
après  elles  un  affaiblissement  partiel  et  limité  de  la  paroi  du  ventre  et  faciliter 
la  hernie.  C'est  la  cause  incriminée  par  M.  Hahn  de  Langeriveti  en  1873 
{Allgemeine  Medicin.  Central-Zeilung]  pour  un  cas  de  hernie  ayant  succédé  à 
la  suppuration  prolongée  d'un  bubon.  L'auteur  pense  que  celte  suppuration 
aurait  amené  un  affaiblissement  de  la  paroi  en  ce  point,  et  par  suite  une  dimi- 
nution de  résistance  à  la  pression  des  viscères. 

D'un  autre  côté,  on  considère  encore  comme  exposés  davantage  à  voir  sur- 
venir des  hernies  les  malades  en  possession  des  affections  i|ui  provoquent 
des  efforts  violents  et  répétés.  Ce  sont  les  maladies  chroniques  des  voies  respira- 
toires amenant  une  toux  incessante,  dont  les  accès  répétés  impriment  des 
secousses  considérables  aux  parois  de  l'abdomen,  chez  des  gens  vieux  et  déjà 
faibles  :  de  là  la  fréquence  de  la  hernie  chez  les  vieux  tousseurs.  Ce  sont 
encore  certaines  affections  des  voies  urinaires,  comme  le  rétrécissement  de 
l'urèthre  et  l'hypertrophie  prostatique  où  la  miction  nécessite  à  chaque  instant 
des  efforts  exagérés.  On  a  rapproché  de  ce  groupe,  et  en  se  plaçant  uniquement 
au  point  de  vue  de  l'effort  répété,  le  phimosis  congénital.  Certains  auteurs 
anglais,  M.  Arthur  Kempe  [Lancet,  1878)  et  M.  Samuel  Osborn,  cité  par  Warren 
dans  la  2'  édition  de  son  Traité  des  hernies  (Londres,  1884,  p.  17),  ont  prin- 
cipalement insisté  sur  ce  point.  Arthur  Kempe  a  été  frappé  de  la  fréquence  de 
la  coexistence  de  ces  deux  affections  chez  les  nouveau-nés.  11  a  examiné  50  enfants 
atteints  de  phimosis  congénital,  et  il  en  a  trouvé  51  affectés  de  hernie;  dans 
5  de  ces  cas  le  petit  sujet  était  porteur  d'une  hernie  inguinale  double.  Dans 
quelques  cas  il  y  avait  une  hernie  inguinale  et  une  hernie  ombilicale.  11  voit 
dans  les  efforts  nécessités  par  la  miction  chez  ces  enfants  une  cause  prédispo- 
sante des  hernies,  alors  surtout  que  les  parois  abdominales  n'ont  pas  encore 
acquis  une  résistance  suffisante,  par  suite  de  leur  développement  incomplet. 
C'est  aussi  la  conclusion  de  M.  Osborn. 

EnGn  il  faudrait,  pour  être  complet,  ajouter,  d'après  Warren,  les  affections  de 
l'anus  et  du  rectum,  qui  entraînent  une  constipation  opiniâtre  et  obligent  les 
malades  à  des  efforts  de  défécation  considérables. 


680  UERNIES. 

B.  Cmises  efficientes.  Les  paragraphes  qui  précèdent  nous  font  comprendre 
que  les  causes  efficientes  principales  des  hernies  sont  toutes  les  actions  qui  néces- 
sitent le  déploiement  d'une  grande  quantité  de  force,  ou  plutôt  d'efforts 
violents. 

Ainsi,  l'action  de  soulever  des  fardeaux,  de  transporter  ou  de  pousser  des 
charges  pesantes,  la  lutte,  l'escrime,  l'équitation,  etc.,  peuvent  donner  naissance 
à  des  hernies.  Mais  ces  efforts  produisent  leur  effet  de  deux  façons  :  tantôt  parce 
qu'il  sont  fréquents,  répétés,  habituels,  comme  ceux  qui  sont,  par  exemple, 
nécessités  par  un  grand  nombre  de  professions  pénibles  ;  tantôt,  au  contraire,  le 
malade  fait  un  effort  extrêmement  considérable,  dépassant,  dit  Duplay,  la  limite 
qu'impose  la  physiologie  au  fonctionnement  des  organes.  La  résistance  normale 
des  parois  abdominales  est  alors  brusquement  dépassée  ;  elles  cèdent  et  les 
viscères  font  irruption  à  travers  les  points  que  leur  faiblesse  naturelle  a  parti- 
culièrement désignés. 

C'est  ce  qui  se  passe  dans  certains  actes  soudainement  exagérés,  comme  les 
violentes  quintes  de  toux,  les  efforts  exagérés  de  la  miction  ou  de  la  défécation, 
ou  ceux  presque  involontaires  de  l'accouchement. 

Quant  aux  autres  causes  qui  exagèrent  passivement  la  pression  de  l'intestin 
contre  les  parois  abdominales,  comme  les  coups,  les  chutes,  les  compressions 
brusques  ou  prolongées  sur  le  ventre,  elles  entraînent  quelquefois  la  sortie  des 
viscères,  mais  beaucoup  moins  souvent  que  les  efforts  musculaires. 

MtCA.MSME     ET     PHYSIOLOGIE     PATHOLOGIQUE     DES     HERNIES.       Ouand     OU    réfléchit 

au  mécanisme  qui  préside  à  la  formation  des  hernies  intestinales,  deux  condi- 
tions paraissent  absolument  indispensables  pour  leur  production.  Il  faut,  d'une 
part,  qu'une  force  quelconque  vienne  exagérer  la  pression  des  viscères  contre 
les  parois  de  la  cavité,  à  l'intérieur  de  laquelle  ils  sont  contenus;  d'autre  part, 
il  semble  aussi  nécessaire  que  la  résistance  normale  de  ces  parois  soit  suffisam- 
ment affaiblie  pour  livrer  passage  aux  viscères  sur  un  point  quelconque. 

Ces  deux  conditions  se  rencontrent-elles  dans  toutes  les  hernies?  Quel  est  le 
degré  d'importance  de  chacune  d'elles?  Une  seule  d'entre  elles  peut-elle  être 
suffisante?  Voilà  tout  autant  de  questions  que  nous  devons  examiner. 

L'exagération  de  pression  de  l'intestin  sur  les  parois  se  rencontre  surtout 
dans  Veffort,  et  il  est  tout  naturel  de  rechercher  l'influence  de  cet  acte,  lorsque 
nous  avons  vu,  dans  l'étude  des  causes,  combien  son  action  avait  été  souvent 
invoquée  par  tous  les  observateurs. 

Que  se  passe-t-il  en  effet  dans  l'effort?  Au  moment  de  l'immobilisation  du 
thorax  et  de  la  contraction  à  peu  près  simultanée  des  principaux  muscles,  les 
dimensions  de  la  cavité  abdominale  sont  brusquement  modifiées.  Le  diaphragme 
se  contracte,  il  s'abaisse  ;  les  muscles  larges  des  parois  antérieures  et  latérales 
se  contractent  en  même  temps  ;  tous  les  diamètres  de  la  cavité  abdominale  sont 
diminués  à  la  fois,  et  les  viscères  refoulés  de  tous  les  côtés,  mais  principalement 
en  bas  et  en  avant,  sont  soumis  à  une  pression  beaucoup  plus  con-idérable  : 
aussi  la  tendance  qu'ils  ont  à  s'échapper  de  leur  cavité  naturelle  est-elle 
accrue  au  maximum  pendant  le  phénomène  de  l'effort.  Si  cette  pression  exercée 
à  la  face  intérieure  des  parois  abdominales  vient  à  surmonter  le  degré  de 
résistance  de  ces  dernières,  la  hernie  se  produit.  On  peut  objecter  à  cette 
théorie  que  tout  le  monde  répète  souvent  ce  mécanisme  de  l'effort,  que  tous  les 
hommes  toussent,  crient,  défèquent,  etc.,  que  tous  les  ouvriers  exécutent 
journellement  des  efforts  violents,  répétés,  souvent  même  exagérés,  et  que, 


HERNIES.  681 

si  vraiment  l'acte  en  lui-même  était  suffisant  pour  surmonter  la  résistance  des 
parois  abdominales,  les  hernies  devraient  être  absolument  constantes  ou  à  peu 
près  dans  l'âge  adulte.  C'est  qu'en  effet  ordinairement  l'effort  n'est  pas  suffisant 
pour  vaincre  la  résistance  normale  des  parois  de  l'abdomen,  et  il  est  presque 
toujours  nécessaire  que  celles-ci  aient  subi,  soit  sur  un  point  particulier,  soit 
d'une  façon  générale,  un  certain  degré  d'affaiblissement  qui  les  rend  moins 
solides.  C'est  donc  la  diminution  de  résistance  qui  constitue  la  seconde  condi- 
tion nécessaire  à  la  production  des  heinies. 

Ces  considérations  générales  étaient  indispensables  avant  d'aller  plus  loin  et 
d'étudier  ce  qui  se  passe  dans  les  différentes  classes  des  hernies.  Le  mécanisme 
est  en  effet  légèrement  variable  suivant  qu'il  s'agit  des  hernies  congénitales, 
traumadques  ou  acquises,  dites  encore  spontanées. 

Hernies  co.ngékitales.  On  désigne  sous  le  nom  de  hernies  congénitales  celles 
qui  sont  dues  à  un  vice  de  conformation  des  parois  abdominales  et  par  suite  à 
l'existence  d'une  ouverture  anormale,  ou  bien  normale,  mais  ayant  un  dévelop- 
pement exagéré.  Cette  variété  peut  comprendre  des  cas  tout  à  fait  dissemblables. 
Ces  hernies  peuvent  se  montrer  tantôt  au  moment  même  de  la  naissance,  tantôt 
au  contraire  à  une  période  plus  ou  moins  avancée  de  l'existence. 

Quand  pour  une  raison  quelconque  les  parois  abdominales  antérieures  ne  se  sont 
pas  complètement  formées,  et  qu'à  la  place  de  l'anneau  ombilical  il  existe  une 
vaste  ouverture  laissant  passer  la  plupart  des  viscères  intestinaux  recouverts 
d'une  enveloppe  transparente,  ou  se  trouve  en  présence  d'une  éventration  ombi- 
licale qui  peut  être  considérée  comme  le  type  des  hernies  congénitales  du 
premier  genre.  C'est  ce  que  l'on  rencontre  encore  dans  une  catégorie  de  hernies 
diapliragmatiques,  dans  lesquelles,  par  suite  de  l'absence  d'une  portion  plus 
ou  moins  considérable  du  diaphragme,  une  certaine  quantité  des  viscères  abdo- 
minaux est  passée  dans  la  poitrine.  Souvent  ces  lésions  sont  incouipatibles 
avec  l'existence,  les  enfants  meurent  après  quelques  inspirations,  quehjuefois 
même  ils  sont  mort-nés.  Il  n'y  a  donc  pas  de  doute  possible  sur  la  présence  de 
la  lésion  au  moment  de  la  naissance.  D'un  autre  côté,  comme  dans  les  deux  cas 
les  enfants  n'ont  pas  respiré,  on  ne  peut  invoquer  le  mécanisme  de  l'effort  pour 
expliquer  la  production  de  la  hernie;  elle  est  entièrement  due  au  défaut  de 
résistance  ou  à  l'absence  des  parois  abdominales  au  niveau  du  passage  des  viscères. 
Il  est  vrai  que  pour  ce  qui  touche  à  l'omphalocèle  congénitale  plusieurs  théories 
se  sont  fait  jour  et  que  quelques  auteurs,  à  l'exemple  de  Gruveilhier,  invoquant 
même  pour  ce  cas  des  causes  mécaniques,  ont  attribué  la  lésion  à  la  compres- 
sion du  ventre  du  fœtus.  Au  contraire,  la  plupart  des  modernes  l'expliquent 
simplement  par  l'arrêt  de  développement  des  parois  abdominales  et  la  perma- 
nence d'un  état  embryonnaire  ordinairement  transitoire. 

La  seconde  variété  des  hernies  congénitales  est  constituée  par  celles  qui  se 
montrent  après  la  naissance,  soit  dans  les  premiers  temps  de  l'existence,  comme 
les  hernies  ombilicales  et  inguinales  des  nouveau-nés  et  des  enfants  du  premier 
âge,  soit  même  plus  tard,  comme  dans  les  hernies  inguinales  congénitales  des 
adultes.  Ici  le  mécanisme  est  quelque  peu  différent.  En  première  ligne  il  faut 
placer,  comme  précédemment,  un  retard  de  développement,  ou  une  anomalie  qui 
fait  persister  trop  longtemps  une  disposition  fœtale,  comme,  par  exemple,  la  per- 
manence du  conduit  péritonéo-vaginal  pour  la  hernie  inguinale  des  enfants.  En 
effet,  l'anatomie  pathologique  nous  a  démontré  que  c'est  par  ce  canal  resté 
anormalement  ouvert  que  l'intestin  se  glisse  alois  en  dehors.  Mais  il  est  encore 


682  ^IlERNlESj 

nécessaire,  pour  que  cette  issue  ait  lieu,  qu'il  intervienne  un  certain  degré  d'effort 
pour  précipiter  l'intestin  dans  un  passage  ainsi  préparé.  Le  même  mécanisme 
existe  aussi  pour  les  hernies  ombilicales  de  l'enfant  [voy.  Heunie  ombilicale, 
Hernie  inguinale). 

Quant  aux  hernies  d'origine  congénitale  qui  se  montrent  à  un  moment  plus 
avancé  de  l'existence,  à  la  fin  de  l'adolescence  ou  dans  l'àgc  adulte,  elles  ont 
exactement  la  même  pathogénie. 

En  effet,  chez  certains  sujets,  le  conduit  péritonéo-vaginal  peut  rester  ouvert 
d'une  façon  définitive,  et  cette  disposition  peut  être  reliée  à  quelque  anomalie 
de  la  migration  testiculaire,  tantôt  au  contraire  elle  existe  seule.  Ces  faits  seront 
étudiés  avec  le  soin  ([u'ils  méritent  à  propos  de  la  hernie  inguinale,  mais  nous 
pouvons  ici  rappeler  seulement  que,  en  dehors  des  hernies  vaginales  d'Astley 
Cooper  et  de  Malgaigne,  Uamoiièdo  a  démontré  récemment,  dans  sa  thèse,  que 
chez  un  nombre  relativement  assez  grand  de  sujets  le  canal  péritonéo-vaginal, 
au  lieu  de  disparaître  complètement,  pouvait  rester  ouvert  soit  en  totalité,  soit 
en  partie.  Dans  ce  dernier  cas,  il  persiste  soit  un  canal  péritonéo-funiculaire, 
c'est-à-dire  un  canal  séreux  occupant  exactement  tout  le  canal  inguinal,  soit  un 
simple  diverticule  en  doigt  de  gant  pénétrant  dans  l'anneau  inguinal  profond. 
On  comprend  donc  que  bon  nombre  de  hernies  inguinales  puissent  être  alors 
d'origine  congénitale.  Mais  ici,  encore  plus  que  chez  les  enfants,  l'effort,  et 
souvent  l'effort  répété,  est  nécessaire  pour  engager  l'intestin  dans  ce  trajet  irré- 
gulièrement développé. 

II  résulte  donc  de  ces  quelques  remarques  que  toutes  les  hernies  d'origine 
congénitale  qui  surviennent  après  la  naissance  nécessitent  l'intervention  de 
l'effort,  et  cela  tout  aussi  bien  pour  celles  qui  paraissent  au  moment  des  pre- 
miers cris,  de  la  première  respiration,  que  pour  celles  qui  se  produisent  plus  tard. 

Hermès  traumatiql'es.  Les  hernies  Iraumatiques,  appelées  encore  par  Cru- 
veilhier  hernies  par  solution  de  continuité,  se  montrent  dans  deux  circonstances 
différentes  :  au  moment  de  la  production  de  la  plaie  ou  de  la  déchirure,  ou  bien 
tardivement  par  suite  de  l'éraïUeraent  de  la  cicatrice  qui  a  fermé  l'ouverture. 

Dans  le  premier  cas,  l'issue  des  viscères  est,  pour  ainsi  dire,  la  conséquence 
obligée  de  toutes  les  blessures  qui  traversent  l'épaisseur  entière  des  parois,  à 
moins  toutefois  que  l'ouverture  soit  trop  étroite.  C'est  ainsi  que  se  forment 
toutes  les  hernies  qui  se  font  au  moment  de  la  production  des  plaies  de 
l'abdomen,  et  dont  nous  avons  déjà  renvoyé  l'étude  à  l'article  Plaies  de  l'ae- 
domen.  C'est  encore  à  cette  classe  qu'appartiennent  toutes  les  hernies  qui  suc- 
cèdent à  une  rupture  ou  à  une  plaie  ayant  intéressé  le  diaphragme;  et  les  her- 
nies diaphragmatiques  traumatiques  constituent  un  groupe  important  parmi  celles 
qui  se  montrent  chez  l'adulte  [voy.  Hernie  diaphragmatique). 

La  rupture  d'une  éventration  ombilicale  fait  de  l'omphalocèle  congénitale 
une  hernie  traumatique.  De  même  dans  toute  opération  de  kélotomie  on  trans- 
forme une  hernie  ordinaire  avec  sac  herniaire  en  une  hernie  traumatique. 

Dans  ces  cas  le  mécanisme  est  bien  simple;  il  n'y  a  pour  ainsi  dire  pas  d'effort 
à  invoquer,  l'ouverture  de  la  paroi  abdominale  existant,  la  pression  positive  que 
subissent  les  viscères  dans  la  cavité  abdominale  et  ses  variations  pendant  les 
divers  temps  de  la  respiration  suffisent  à  rendre  compte  de  leur  sortie. 

Cruveilhier  range  encore  parmi  les  hernies  traumatiques  «  les  déplacements 
qui  sont  la  suite  d'une  contusion  qui  a  notablement  affaibli  la  force  de  résistance 
des  parois  abdominales  ou  d'une  cicatrice.  »  Il  fait  rentrer  dans  cette  catégorie 


IIER.MES.  685 

la  hernie  lombaire  de  J.-L.  Petit,  et  aussi  celte  variété  particulière  qu'il  a  dé- 
signée sous  le  nom  de  intercostale  abdominale  et  dont  il  a  publié  une  observa- 
tion. Dans  celle-ci  la  hernie  avait  été  causée  par  un  coup  d'épée  qui  avait  pénétré 
dans  la  cavité  abdominale  à  travers  le  8*=  espace  intercostal.  Il  y  avait  un 
véritable  sac  herniaire,  ne  contenant  que  de  l'épiploon,  mais  qui  était  parl'aite- 
ment  constitué.  Nous  ne  connaissons  que  deux  autres  observations  semblables, 
une  due  à  J.  Cloquet  et  qui  a  été  rapportée  dans  son  Mémoire  sur  l'effort,  l'autre 
plus  récente,  due  à  0.  hiesel,  et  publiée  en  1875  dans  le  Deutsche  Zeitschrift 
fiir  Chirurgie.  Dans  ce  dernier  cas,  la  hernie  était  causée  par  un  coup  de  couteau 
dans  le  7'^  espace  intercostal  en  dehors  delà  ligne  mammaire.  Elle  paraissait  con- 
tenir une  anse  intestinale,  puisque  la  réduction,  très-facile  du  reste,  s'accompa- 
gnait de  gargouillement. 

A  cette  catégorie  s'ajoutent  les  hernies  qui  se  font  à  travers  une  cicatrice  des 
parois  abdominales.  «  Lorsque  ces  cicatrices  ont  une  certaine  largeur  dit  Cru- 
veilhier,  leur  résistance  passive  est  bientôt  surmontée  par  la  résistance  active 
des  couches  musculaires  qui  les  avoisinent,  de  telle  sorte  qu'elles  ne  tardent  pas 
à  subir  des  éraillements  à  travers  lesquels  se  produisent  des  hernies.  »  Comme 
on  le  voit,  la  cicatrice  ne  fait  que  préparer  ou  pcimettie  la  production  d'un 
anneau  accideulel,  et  le  mécanisme  de  l'issue  des  viscères  se  rapproche  alors 
beaucoup  de  celui  des  hernies  spontanées  qu'il  nous  reste  à  examiner. 

Hermès  spoma^ées.  On  désigne  sous  ce  nom  toutes  les  hernies  qui  ne  sont 
dues  ni  à  un  vice  congénital,  ni  à  un  traumatisme.  Le  mot  de  spontané  est 
mauvais,  et  elles  seraient  mieux  dénommées  acquises,  puisqu'elles  surviennent 
en  vertu  de  causes  parfois  multiples,  mais  qui  peuvent  exercer  leur  action  de 
façon  différente. 

Ces  hernies  ne  se  forment  pas  toutes  de  la  même  manière,  et  suivant  leur 
mode  d'apparition  elles  ont  été  divisées  en  deux  grandes  classes  par  Astley 
Cooper,  et  après  lui  par  Malgaigne,  sous  le  nom  de  hernies  de  faiblesse  et  de 
hernies  de  force. 

Les  premières  comprennent  toutes  celles  qui  se  forment  lentement  et  succes- 
sivement, par  degrés,  pour  ainsi  dire,  les  efforts  fréquents  et  répétés  surmontant 
peu  à  peu  la  résistance  des  parois  abdominales  déjà  affaiblies  et  relâchées.  On 
comprend  sous  ce  nom  les  hernies  qui  se  montrent  chez  les  vieillards,  chez  les 
sujets  porteurs,  par  exemple,  du  ventre  à  triple  saillie,  chez  les  femmes  qui  ont 
déjà  eu  de  nombreux  enfants,  chez  les  misérables,  les  vieux  alcooliques,  chez 
tous  ceux,  en  un  mot,  qui  présentent  une  telle  diminution  de  résistance  et 
d'énergie  des  couches  musculaires,  que  c'est  la  faiblesse  de  ces  parois  qui  semble 
être  la  cause  principale  de  la  maladie.  Les  hernies  de  force  au  contraire  sont 
celles  qui  surviennent  brusquement  chez  des  sujets  ordinairement  jeunes  et 
robustes,  dont  la  paroi  abdominale  semble  absolument  saine  et  résistante.  Elles 
se  produisent  ou  du  moins  s'accroissent  si  rapidement  qu'on  peut  croire  à  une 
apparition  rapide  sous  l'influence  d'un  effort  violent  et  exagéré. 

Il  est  bien  évident  qu'il  y  a  entre  ces  deux  lésions,  à  marche  si  opposée,  une 
différence  dans  le  mécanisme  même  de  la  sortie  des  viscères.  Or,  dans  le  pre- 
mier cas,  il  est  facile  de  comprendre  comment  la  débilité  préexistante  de  la 
paroi  abdominale  a  pu  constituer  du  côté  des  anneaux  une  faiblesse  et  une  laxité 
telles  que  des  efforts  ordinaires,  pour  peu  qu'ils  soient  répétés  ou  qu'ils  dépas- 
sent légèrement  un  certain  degré  d'énergie,  engageront  peu  à  peu  les  viscères 
qui  dilateront  à  leur  tour  la  voie  qu'ils  doivent  parcourir.  Cela  existe  aussi  bien 


684  HERNIKS. 

pour  la  hernie  inguinale  que  pour  la  hernie  crurale,  peut-être  même  aussi  à  la 
région  ombilicale  chez  les  vieillards,  sans  vouloir  admettre  avec  M.  Richard 
(Dm  mode  de  formation  des  hernies  ombilicales.  Tlièse  de  Paris,  1856)  que 
toutes  les  hernies  ombilicales  des  vieillards  doivent  être  considérées  comme  des 
éventralions  véritables.  Mais  il  n'est  pas  aussi  facile  de  se  rendre  compte  du 
mécanisme  des  hernies  de  force,  et  de  comprendre  pourquoi,  à  tel  moment, 
l'effort  qui  a  toujours,  jusque-là,  pu  s'exercer  sans  difficulté,  physiologiquement, 
pour  ainsi  dire,  surmontera  brusquement  la  résistance  des  parois  abdominales 
absolument  saines.  Diverses  théories  ont  été  imaginées  pour  expliquer  ce  fait. 

Les  Anciens  avaient  bien  remarqué  les  deux  modes  de  développement  que 
nous  venons  d'indiquer,  et  ils  croyaient  généralement  que  les  hernies  brusques 
ne  pouvaient  se  montrer  que  grâce  à  une  déchirure  de  la  séreuse  pariétale  :  ils 
pensaient  donc  qu'il  n'y  avait  pas  de  sac  herniaire  dans  cette  variété.  De  là 
le  nom  de  riipture  donné  autrefois  communément  aux  hernies.  Mais,  quand  Méry 
eut  démontré,  au  début  du  siècle  dernier,  que  la  présence  du  sac  était  constante 
dans  toutes  les  variétés  de  hernie,  il  fallut  chercher  une  explication  nouvelle. 
C'est  alors  que  naquit  la  théorie  mécanique  qui  domine  toute  l'histoire  des 
hernies.  Le  premier  qui  l'a  formulée  est  un  chirurgien  français,  Reneaulme  de 
Lagaranne,  qui,  dans  un  Essai  de  trailé  des  hernies  paru  en  1721,  soutint 
que  les  viscères  poussés  par  la  contraction  des  muscles  de  l'abdomen  passaient  à 
travers  les  points  faibles  de  la  paroi  abdominale  en  refoulant  devant  eux  la  sé- 
reuse péritonéale.  Quelques  années  plus  tard  Garengeot,  en  1751,  dans  son 
Traité  des  opérations,  reprit  cette  théorie.  11  étudia  plus  en  détail  l'action  de 
l'effort,  l'exagération  de  la  pression  intra-abdominale  sous  son  iniluence,  il 
démontra  que  c'était  surtout  au  niveau  des  orifices  naturels  capables  de  livrer 
passage  aux  intestins  que  se  concentrait  cette  poussée  des  viscères.  Cette  théorie 
fut  encore  formulée  et  défendue  par  Scarpa  qui,  dans  son  Traité  des  hernies, 
1810,  la  soutint  de  sa  grande  autorité.  Boyer  et  Malgaigne  s'en  déclarèrent  les 
partisans,  et  c'est  à  elle  que  se  rattachent  le  plus  grand  nombre  des  auteurs  les 
plus  récents  :  Gosselin,  Ledeiitu,  dans  le  Nouveau  Dictionnaire  de  médecine  et 
de  chirurgie  pratiques;  Simon  Duplay,  dans  son  Traité  élémentaire  de  patho- 
logie externe;  Picque,  dans  V Encyclopédie  internationale  de  chirurgie,  et  enfin 
"Wherner  en  Allemagne  en  1875. 

Cependant  elle  n'avait  pas  été  acceptée  par  tous  les  chirurgiens  même  au 
moment  où  elle  avait  été  émise.  Dès  l'année  1750,  en  effet,  nous  voyons  un 
chirurgien  allemand,  Rust,  donner  de  la  formation  des  hernies  une  tout  autre 
explication.  Pour  lui,  la  pression  des  viscères  contre  les  points  faibles  de  la 
paroi  sous  l'inlluence  des  efforts  n'est  jamais  suffisante  pour  permeltre  à  l'in- 
testin de  franchir  les  anneaux  naturels  en  refoulant  le  péritoine,  si  cet  intestin 
n'est  pas  rendu  plus  mobile  par  une  sorte  de  relâchement  de  ses  attaches  natu- 
relles; ce  relâchement  est  produit  par  l'allongement  pathologique  du  mésentère. 
Cette  théorie  de  Vallongement  mésentériqiie  est  soutenue  par  Brendel,  Rostius, 
Riedlin,  Denevoli  Antonio,  1797,  et  enfin  par  Richter.  Mais  le  plus  illustre  de 
ses  adhérents  fut  Morgagni,  qui  ne  l'accepta,  cependant,  qu'avec  certaines 
réserves. 

Celte  théorie  était  basée  sur  l'observiilion  de  certains  faits.  Il  est  exact  que, 
lorsqu'on  dissèque  des  hernies  anciennes,  on  constate  dans  nombre  de  cas  un 
certain  degré  d'allongement  du  mésentère.  Reste  à  savoir  si  cette  élongation  est 
primitive  ou  si  elle  est  secondaire,  c'est-à-dire  si  elle  ne  serait  pas  simplement 


HERiMES.  685 

le  résultat  des  tiraillements  produits  par  un  intestin  déplacé  depuis  longtemps. 
Morgagni,  tout  en  acceptant  le  fait  comme  réel,  s'était  en  effet  demandé  si,  dans 
quelques  cas,  il  ne  pouvait  pas  avoir  suivi  et  non  précédé  la  hernie. 

Quoi  qu'il  en  soit,  cette  théorie  fut  combattue  et  renversée  par  Scarpa.  Pour 
lui,  si  cet  allongement  existe,  il  se  produit  en  même  temps  que  le  déplacement 
de  l'intestin,  et  les  deux  phénomènes  dépendent  d'une  même  cause.  Mal^ai^ne 
à  son  tour  démontra  l'inutilité  de  l'allongement  du  mésentère.  «  Il  n'est  aucun 
de  vous,  dit-il,  qui,  ayant  fait  une  autopsie,  n'ait  renversé  endehois  les  intestins 
et  qui  n'ait  constaté  que  le  mésentère  leur  permet  très-bien  de  dépasser  les 
limites  des  parois  abdominales.  J'ai  d'ailleurs  vérifié  le  fait  par  des  expériences 
directes,  en  sorte  que  les  hernies  peuvent  se  faire  sans  aucun  allongement  du 
mésentère.  »  Il  semblait  prouvé  aujourd'hui  que  cette  théorie  était  inexacte,  et 
elle  était  à  peu  près  complètement  oubliée  quand  elle  a  été  reprise  et  quelque 
peu  modifiée  il  y  a  quelques  années  par  M.  Kingdon  [Medico  Chirurgical  Trans- 
actions, 1864).  «  Pour  ce  chirurgien,  dit  S.  Ôuplay,  la  production  des  hernies 
spontanées  dépend  toujours  d'une  maladie  véritable  résidant  à  la  fois  dans  le 
mésentère  et  dans  la  séreuse  pariétale.  Tandis  que  le  premier  s'allonge,  les  con- 
nexions de  la  seconde  avec  les  plans  qui  la  supportent  se  relâchent  et  facilitent 
sa  locomotion,  o  Cette  explication  a  surtout  pour  but  de  rendre  compte  de  la 
formation  du  sac,  et  de  donner  la  raison  de  la  fréquence  des  hernies  multiples 
chez  un  même  sujet.  Mai?  ce  relâchement  du  péritoine  sur  les  parois  abdominales 
invoqué  par  Kingdon  n'est  nullement  prouvé  et  ce  n'est  qu'une  simple  hypothèse. 

D'ailleurs,  il  existe  une  troisième  théorie,  qui  a  pris  naissance  en  France, 
et  qu'il  nous  reste  maintenant  à  exposer,  c'est  celle  de  la  préformation  du 
sac.  Elle  a  été  entrevue  à  la  fin  du  siècle  dernier  par  Pelletan,  mais  formulée 
surtout  par  Jules  Cloquet.  Voici  en  quoi  elle  consiste.  Pour  que  la  hernie  puisse 
se  former  et  que  le  péritoine  cède  à  la  pression  des  viscères,  dans  quelques 
circonstances  à  la  force  de  pression  ou  d'impulsion  des  viscères  se  joignent 
d'autres  causes  qui,  agissant  dans  la  même  direction,  concourent  aussi  à  la  for- 
mation du  sac  herniaire.  Le  péritoine  poussé  d'ordinaire  par  la  face  profonde 
peut  au  contraire  être  attiré  par  sa  face  externe.  Parmi  ces  causes  capables 
d'attirer  le  péritoine  à  travers  les  anneaux  J.  Cloquet  place  les  appendices 
graisseux  que  l'on  trouve  développés  à  l'extérieur  du  péritoine.  Ces  petits 
lipomes  «  peuvent,  dit-il,  s'engager  par  des  ouvertures  naturelles  ou  acciden- 
telles des  parois  abdominales,  prendre  un  accroissement  souvent  considérable 
et  entraîner  le  péritoine  pour  en  former  un  véritable  sac  prêt  à  recevoir  les 
viscères.  »  On  trouve  même,  dans  les  planches  qui  accompagnent  son  travail,  un 
lipome  herniaire  de  la  grosseur  d'un  œuf,  qui  avait  attiré  dans  le  canal  crural 
une  poche  péritonéale  capable  de  contenir  le  petit  doigt. 

Ce  mécanisme  n'était  pas  absolument  nouveau,  car  c'était  ainsi  que  Scarpa 
avait  expliqué  une  partie  des  hernies  par  éraillement  de  la  ligne  blanche. 
Cloquet  avait  attribué  ce  mode  de  formation  à  un  certain  nombre  de  hernies 
crurales  ;  Yelpeau  à  son  tour  montra  qu'on  pouvait  le  rencontrer  aussi  dans 
quelques  cas  de  hernies  inguinales  directes.  Cependant  la  présence  des  lipomes 
herniaires  avait  été  difiéremment  interprétée.  Ambroise  Paré,  qui  en  avait  con- 
staté l'existence,  regardait  leur  présence  au  contraire  comme  un  mode  de 
guérison.  Cette  théorie  a  été  reprise  par  Bernutz,  qui  considère  la  cavité  sé- 
reuse à  laquelle  est  appcndue  la  petite  masse  graisseuse  comme  un  sac  désha- 
bité,  et  les  restes  d'une  hernie  en  voie  de  guérison.  Malgré  cette  interprétation 


686  HERNIES. 

opposée,  la  lliéorie  de  Cloquet  paraissait  exacte  pour  un  certain  nombre  de  cas, 
assez  limités,  lorsqu'elle  a  été  reprise  en  Allemagne  par  Uoser  et  absolument 
généralisée.  Ce  chirurgien  voulut  expliquer  toutes  les  hernies  par  la  préforma- 
tion du  sac.  D'après  lui,  les  hernies  crurales  seraient  toujours  développées  à  la 
suite  d'une  attraction  du  péritoine  au  dehors.  Quant  aux  hernies  inguinales, 
pour  lesquelles  l'existence  du  lipome  herniaire  est  à  coup  sijr  très-rare,  il 
attribua  la  préformation  du  sac  à  l'existence  constante  du  conduit  péritonéo- 
vaginal.  Les  hernies  inguinales  seraient  donc  toutes  congénitales.  Les  recherches 
de  Ramonède,  dont  nous  avons  déjà  parlé  précédemment,  ont  bien  démontré 
que  cette  disposition  était  beaucoup  plus  fréquente  qu'on  ne  l'avait  cru  jusqu'à 
lui,  mais  il  s'en  faut  de  beaucoup  que  les  conclusions  de  Roser  soient  justifiées. 
Du  reste,  Roser  alla  encore  plus  loin  et  il  admit  avec  Kerby,  pour  expliquer 
l'agrandissement  graduel  du  sac,  que  celui-ci  subissait  une  sorte  d'hypertrophie 
excentrique  indépendante  de  la  pression  intestinale  qui,  pour  tous  les  auteurs, 
produit  son  agrandissement  par  la  distension. 

La  généralisation  de  la  théorie  de  la  préformation  du  sac  fut  acceptée  en 
Allemagne  par  Linhart,  Scherpenhuysen  et  Zuin,  mais,  d'un  autre  côté,  elle  fut 
combattue  dans  le  même  pays  par  Streubel,  Emmert,  Dantzell,  Ilorn  et  E.  Richter, 
et  en  France  par  tous  les  aiUeurs  qui  se  sont  occupés  de  la  question. 

Avant  de  quitter  celte  théorie,  nous  devons  ajouter  que  certains  auteurs  l'ont 
adoptée  en  l'expliquant  d'une  façon  différente.  Pour  eux,  le  sac  se  produirait 
dans  des  diverticules  péritonéaux  dont  on  a,  à  plusieurs  reprises,  constaté 
l'existence  au  voisinage  des  orifices  herniaires.  Linhart,  Rokitansky,  Hartung, 
Baer,  auraient,  d'après  S.  Duplay,  décrit  ces  prolongements  séreux  et  cherché 
dans  leur  existence  l'explication  de  la  formation  du  sac.  «  Quelque  séduisant, 
ajoute  Duplay,  qu'il  puisse  paraître  de  chercher  dans  cette  disposition  l'explica- 
tion du  mécanisme  et  de  l'évolution  des  hernies,  ces  faits  ne  restent  qu'à  l'état 
<le  rares  exceptions,  et  leur  petit  nombre  fait  contraste  avec  la  fréquence  extrême 
ûes  hernies  et  notamment  des  hernies  inguinales.  » 

Que  devons-nous  conclure  en  face  de  ces  diverses  théories?  Tout  d'abord  la 
théorie  de  l'allongement  du  mésentère  nous  semble,  malgré  les  efforts  de  King- 
don,  devoir  être  complètement  rejetée.  Les  lésions  mésentériques  sont  loin  d'être 
constantes  et,  quand  elles  existent,  elles  paraissent  beaucoup  plus  sûrement 
consécutives  que  primitives. 

La  théorie  de  la  préformation  du  sac  semble  au  contraire  plus  certaine, 
mais  à  condition  que  l'on  repousse  la  généralisation  de  Roser  et  qu'on  la  limite 
à  quelques  cas.  Elle  peut  expliquer,  par  la  persistance  d'un  état  fœtal,  certains 
faits  de  hernie  congénitale.  L'existence  des  diverticules  péritonéaux  peut  aussi 
rendre  compte  de  certains  cas  exceptionnels.  Enfin  la  formation  du  sac  par  le 
lipome  herniaire  s'applique  à  quelques  faits  de  hernie  crurale,  de  hernie  de  la 
ligne  blanche,  et  à  quelques  inguinales  directes.  Mais,  même  limitée  à  quelques 
rares  cas,  elle  ne  satisfait  pas  complètement  l'esprit,  car  elle  ne  fait  que  reculer 
la  difficulté,  puisque,  ainsi  que  le  dit  iM.  Duplay,  il  resterait  à  déterminer  quelle 
est  la  force  qui  produit  la  migration  de  la  graisse  sous-péritonéale  à  travers  les 
anneaux. 

Aussi  pour  le  plus  grand  nombre  des  hernies  nous  sommes  obligés  de  revenir 
à  la  théorie  mécanique  et  de  conclure  avec  Reneaulme  de  Lagaranne,  Scarpa, 
Malgaigne,  S.  Duplay,  que  la  hernie  est  la  conséquence  des  pressions  exagérées 
ou  répétées  des  viscères  contre  les  points  faibles  de  la  paroi  abdominale,  tout 


HERMES.  687 

en  admellant  que  dans  un  grand  nombre  de  cas  la  résistance  de  celte  paroi 
peut  avoir  été  préalablement  affaiblie. 

Cependant,  même  avec  cette  explication,  un  certain  nombre  de  points  restent 
obscurs  :  par  exemple,  la  brusque  formation  d'un  sac.  Gosselin  pense  en  effet 
que,  dans  bien  des  cas,  la  bernie  ne  s'est  pas  produite  aussi  brusquement  que  le 
croit  le  malade,  et  qu'il  existait  une  légère  pointe  de  bernie  passée  totalement 
inaperçue  et  qu'un  effort  violent  aura  soudainement  développée. 

Enfin  aucune  des  tbéories  ne  rend  compte  de  la  formation  des  bernies  mul- 
tiples. En  effet,  Hesselbach  le  premier,  puis  après  lui  Malgaigne,  ont  attiré 
l'attention  sur  ce  fait,  que  les  malades  atteints  d'une  bernie  sont  par  cela  même 
plus  exposés  à  en  voir  se  produire  une  seconde  et  même  une  troisième.  Sur 
274  bernieux  examinés  par  Malgaigne,  H4,  soit  près  de  la  moitié,  portaient 
des  bernies  multiples.  On  a  prononcé  le  mot  de  diathèse  berniaire.  Malgaigne  a 
dit  «  une  bernie  en  appelle  une  autre.  »  Mais  nous  ne  trouvons  nulle  part  une 
explication  suffisante  ni  même  sérieuse  de  ces  bernies  multiples. 

Anatomie  PATHOLOGIQ0E.  Maintenant  que  nous  connaissons  le  mécanisme  et 
le  mode  de  formation  des  hernies,  nous  devons  entreprendre  la  description  de 
la  tumeur  berniaire  constituée  et  des  lésions  qu'elle  entraîne. 

Nous  avons  successivement  à  examiner  le  trajet  herniaire,  puis  la  bernie  elle- 
même,  qui  comprend  deux  parties  essentielles,  les  enveloppes  et  le  contenu. 

A.  Trajet  herniaire.  On  désigne  sous  ce  nom  le  chemin  parcouru  par  les 
viscères  dans  l'épaisseur  des  parois  abdominales,  pour  venir  faire  saillie  au 
dehors.  Nous  n'avons  pas  la  prétention  de  faire  en  détail  la  description  anato- 
mique  de  chacun  des  orifices  capables  de  livrer  passage  aux  viscères;  c'est  une 
étude  qui  sera  mieux  placée  en  tête  de  l'histoire  de  chaque  bernie  en  particulier. 
Chacune  présente,  en  effet,  des  caractères  spéciaux  et  des  dispositions  qui  con- 
tribuent à  donner  à  chaque  variété  sa  physionomie  propre.  Mais,  en  debors  de 
ces  faits,  il  est  un  certain  nombre  de  caractères  généraux  communs  à  tous  les 
trajets  herniaires  qui  doivent  trouver  leur  place  ici. 

11  est  tout  d'abord  à  remarquer  que  la  plupart  des  bernies  sortent  de  l'ab- 
domen à  travers  des  ouvertures  qui  sont  normalement  des  orifices  vasculaires, 
c'est-à-dire  des  trajets  fournis  par  les  parois  du  ventre  aux  vaisseaux  ou  aux 
organes  qui  les  traversent  pour  aller  se  porter  en  d'autres  régions.  C'est  la 
nature  de  tous  les  orifices  dits  anneaux  naturels  et  principalement  des  anneaux 
ombilicaux,  cruraux  et  inguinaux.  Ce  sont  les  vaisseaux  du  cordon  qui  tra- 
versent l'anneau  ombilical  ;  l'anneau  crural  est  le  passage  normal  des  vaisseaux 
cruraux  du  bassin  vers  la  cuisse,  et  le  canal  inguinal  contient  les  éléments  du 
cordon  spermatique  chez  l'homme  et  du  ligament  rond  chez  la  femme.  Ce  sont 
aussi  des  orifices  vasculaires  que  traversent  les  bernies  par  éraillement,  dont  les 
hernies  épigastriques  et  celles  de  la  ligne  blanche  peuvent  être  considérées 
comme  des  types.  Seulement  ici  les  canaux  vasculaires,  appropriés  seulement 
aux  vaisseaux  qui  traversent  la  paroi  pour  s'épuiser  dans  les  couches  super- 
ficielles, sont  insuffisants,  à  l'état  normal,  pour  permettre  l'engagement  des 
viscères,  et  doivent  être,  au  préalable,  dilatés  et  agrandis,  soit  par  le  tissu  grais- 
seux, soit  par  toute  autre  cause. 

D'autres  fois  la  hernie  s'engage  par  un  interstice  musculaire  qui  constitue 
un  point  faible  susceptible  de  se  laisser  déprimer  et  dilater,  comme  le  triangle 
xle  J.-L.  Petit,  par  exemple,  et  certaines  bernies  diaphragmatiques.  Enfin  il 
peut  y  avoir  une  simple  dilatation,  ou  l'érailleraent  d'un  point  faible  naturel, 


688  UEUNIES. 

comme  cela  se  passe  dans  le  laparocèle,  soit  d'un  point  de  la  paroi  affaibli  par 
une  circonstance  accidentelle,  ainsi  que  cela  se  rencontre  au  niveau  des  cica- 
trices minces  et  larges,  dans  les  hernies  traumatiques  par  cicatrice. 

Du  reste,  ce  trajet  herniaire  n'est,  même  pour  les  orifices  naturels,  un  véri- 
table canal,  que  lorsqu'il  est  rempli  et  dilaté  par  les  viscères  déplacés.  On  peut 
dire  à  ce  sujet,  avec  tous  les  auteurs  classiques,  que  la  hernie,  par  sa  présence, 
transforme  un  trajet  virtuel  en  un  canal  réel.  Il  n'y  a,  en  effet,  jamais  de  véri- 
table canal  préformé  avec  une  cavité  réelle  existant  avant  le  passage  de  la  hernie. 

Quelle  que  soit  d'ailleurs  la  nature  de  ce  trajet,  il  présente  à  étudier  deux 
orifices  séparés  par  un  canal  intermédiaire.  L'orifice  interne  ou  profond  est 
celui  que  l'on  constate  sur  la  face  interne  de  la  paroi  abdominale  :  il  est  recouvert 
par  le  péritoine  pariétal.  L'orifice  externe  ou  superficiel  se  voit,  au  contraire, 
à  la  portion  extérieure  ou  sous-cutanée.  Ce  sont  là  les  portes  d'entrée  et  de 
sortie  que  sépare  un  trajet  intermédiaire  plus  ou  moins  long,  creusé  dans 
l'épaisseur  même  de  la  paroi.  La  hernie  inguinale  oblique  externe  est  le  type 
des  hernies  ayant  un  canal  ainsi  constitué.  Il  est  à  remarquer  que  la  partie 
intermédiaire  du  trajet,  qui  se  trouve  en  contact  avec  le  tissu  cellulaire  lâche 
de  la  paroi,  se  laisse  plus  facilement  distendre  et  acquiert  des  dimensions  plus 
considérables  que  les  deux  orifices.  Ceux-ci,  en  effet,  formés  surtout  par  des 
anneaux  fibreux,  sont  plus  rigides,  moins  extensibles,  et  constituent  ordinaire- 
ment, et  surtout  dans  les  hernies  récentes,  des  points  rétrécis. 

Mais  il  n'est  pas  toujours  possible  de  retrouver  sur  chaque  trajet  herniaire 
tous  ces  éléments  nettement  distincts  :  dans  un  certain  nombre  de  cas  ils 
semblent  pour  ainsi  dire  fusionnés,  et  le  trajet  tout  entier  se  réduit  alors  à 
un  orifice  unique,  à  un  simple  anneau  de  passage.  Cette  disposition  se  rencontre, 
d'après  le  professeur  Gosselin,  dans  les  circonstances  suivantes  :  «  1»  lorque  la 
hernie  s'échappe  à  travers  un  point  faible  de  la  paroi  oîi  il  ne  se  trouve  pas  de 
canal,  comme  l'ombilic  chez  la  plupart  des  sujets;  2"  lorsqu'elle  s'échappe  à 
travers  un  canal  si  court  que  les  deux  orifices  se  confondent  en  un  seul,  par 
suite  de  l'effacement  du  moins  résistant  des  deux  ou  du  rapprochement  que 
les  efforts  ont  déterminé  entre  eux;  3"  lorsque  deux  orifices  se  sont,  avec  le 
temps,  progressivement  approchés  et  confondus  sous  cette  même  influence  des 
efforts  successifs  signalée  tout  à  l'heure.  »  Les  grosses  et  anciennes  hernies 
inguinales  obliques  réalisent,  par  suite  des  altérations  de  leur  trajet  primitif, 
cette  dernière  circonstance. 

Ces  variétés  dans  la  disposition  du  trajet  herniaire  ont  fait  diviser  les  hernies 
en  deux  grandes  classes  au  point  de  vue  de  leur  trajet  :  elles  sont  directes  ou 
obliques.  Les  hernies  directes  sont  celles  qui  traversent  direetement  ou  perpen- 
diculairement la  paroi,  et  dans  lesquelles  le  trajet  est  réduit  à  son  minimum; 
elles  parviennent  directement  au  dehors.  Les  hernies  obliques,  au  contraire,  sont 
celles  qui  jouissent  d'un  trajet  herniaire  complet  avec  ses  deux  orifices,  et  elles 
sont  ainsi  nommées  parce  que  la  constitution  d'un  tel  trajet  nécessite  toujours 
un  parcours  plus  ou  moins  oblique  à  travers  les  parois  de  l'abdomen  et  constitué 
de  telle  façon  que  l'orifice  interne  et  l'orifice  externe  ne  sont  pas  en  face  l'un 
de  l'autre. 

Au  point  de  vue  du  trajet  parcouru  par  les  viscères,  les  hernies  peuvent 
encore  être  dites  complètes  ou  incomplètes.  On  désigne  sous  le  nom  de  hernies 
complètes  celles  qui  ont  complètement  traversé  toute  l'épaisseur  de  la  paroi  et 
sont  devenues  sous-cutanées.   On  appelle,  au  contraire,  hernies  incomplètes. 


HERNIES  689 

celles  qui  sont  contenues  dans  l'épaisseur  de  cette  paroi,  et  qui  n'ont  pas 
encore  franchi  l'orifice  externe  du  trajet.  Il  résulte  de  ces  définitions  que 
toute  hernie  directe  est  forcément  complète,  tandis  que  les  hernies  obliques 
peuvent  être  complètes  ou  incomplètes,  suivant  qu'elles  ont,  ou  non,  parcouru 
tout  leur  trajet.  Les  hernies  incomplètes  peuvent  être,  à  leur  tour,  divisées  en 
deux  classes,  suivant  le  degré  de  leur  engagement.  Si  la  hernie  a  à  peine 
franchi  l'anneau  interne  et  tout  juste  pénétré  dans  le  trajet,  on  la  désigne 
sous  le  nom  de  pointe  de  hernie.  Si,  au  contraire,  elle  remplit  tout  le  trajet 
herniaire  et  s'arrête  seulement  au  niveau  de  l'orifice  externe  qu'elle  n'a  pas 
traversé,  on  a  affaire  à  une  liernie  interstitielle  ou  intra-pariétale.  On  trouve 
un  exemple  de  cette  position  dans  la  variété  décrite  par  Goyrand  (d'Aixj  sous 
le  nom  de  hernie  inguino-interslilicUe. 

Il  ne  faut  pas  croire  que  les  anneaux  naturels  ou  autres  supportent  pendant 
longtemps  la  présence  d'une  hernie  sans  subir  des  modifications  plus  ou  moins 
importantes.  Celles-ci  ne  se  rencontrent  que  dans  les  cas  oij  les  viscères  sont 
habituellement  sortis  et  ne  sont  maintenus  réduits  par  aucun  appareil.  Dans 
les  hernies  contenues,  l'anneau  qui  a  pu,  à  un  moment  donné,  livrer  passage 
aux  viscères,  mais  qui,  ceux-ci  rentrés,  revient  à  son  état  normal,  garde  sa  con- 
figuration et  sa  constitution  ordinaire.  Il  n'en  est  pas  de  même  dans  les  cas  où 
la  hernie  est  mal  contenue  et  reste  au  dehors.  Mais  les  altérations  sont  sensi- 
blement différentes,  suivant  qu'on  les  étudie  dans  les  anneaux  naturels  et  au 
niveau  des  orifices  accidentels. 

Les  anneaux  naturels,  quand  ils  sont  le  siège  de  hernies  mal  maintenues  et 
anciennes,  offrent  des  altérations  dans  leur  forme  et  dans  leur  structure.  Ces 
anneaux,  qui  sont  de  nature  fibreuse,  subissent  d'abord  une  déformation  notable  : 
ils  changent  quelquefois  de  forme,  suivant  que  les  organes  hernies  exercent  une 
pression  plus  marquée  sur  tel  ou  tel  point  de  leur  pourtour,  mais  ils  se  laissent 
surtout  notablement  agrandir  et  dilater.  Cependant  cette  tendance  à  l'élargisse- 
ment est  variable  pour  chacun  d'entre  eux.  Cette  dilatabilité  des  anneaux  est 
surtout  portée  à  son  maximum  au  niveau  de  la  région  ombilicale.  Cruveilhier 
rapporte  dans  son  Traité  d'anatomie  pathologique  un  cas  de  hernie  ombilicale 
dans  laquelle  l'anneau  était  assez  dilaté  pour  admettre  la  main.  L'anneau  ingui- 
nal externe  est  celui  qui  vient  ensuite  et  peut,  dans  les  cas  de  hernies  volumi- 
neuses, prendre  des  dimensions  très-considérables.  L'anneau  crural,  au  contraire, 
semble  plus  résistant  :  du  reste,  il  est  beaucoup  plus  rare  de  trouver  au  niveau 
de  cet  orifice  des  tumeurs  volumineuses.  La  hernie  crurale  est  ordinairement 
petite,  quelquefois  moyenne,  rarement  grosse.  En  même  temps,  les  orifices 
changent  de  forme,  les  angles  s'élargissent,  ils  s'arrondissent;  les  arêtes  fibreuses 
tranchantes  s'émoussent,  le  contour  semble  se  ramollir,  car  cette  déformation 
des  anneaux  s'accompagne  toujours  d'une  diminution  très-marquée  de  leur 
résistance,  et  cet  affaiblissement  progressif  peut  aller  jusqu'à  l'atropbie.  Sous 
l'influence  de  ces  altérations  les  hernies  obliques  ont  de  la  tendance  à  devenir 
directes.  C'est  ce  que  l'on  observe  dans  les  vieilles  hernies  inguinales  volumi- 
neuses; les  anneaux  inguinaux  externes  et  internes  se  laissant  dilater,  le  trajet 
inguinal  devient  de  plus  en  plus  court,  et  il  arrive  un  moment  oiî,  les  deux  ori- 
fices se  trouvant  presque  l'un  à  côté  de  l'autre,  le  canal  inguinal,  oblique  primi- 
tivement, a  à  peu  près  complètement  disparu. 

Lorsque  les  lésions  en  sont  arrivées  à  ce  point,  on  n'est  plus  en  droit  de 
compter,  même  avec  une  contention  exacte  de  la  hernie,  sur  une  guérison  com- 
DicT.  ESC.  i'  s.  XIII.  4i 


690  HERNIES. 

plètc.  La  restitution  intégrale  des  anneaux  n'est  plus  possible;  la  hernie  est 
devenue  incurable.  Il  n'en  est  pas  de  même  lorsque  les  anneaux  n'ont  subi 
qu'une  dilatation  et  une  déformation  peu  accentuées.  La  guérison  peut  encore 
survenir.  «  Lorsque,  dit  Cruveilhier,  la  dilatation  de  l'anneau  ne  dépasse  pas  une 
certaine  mesure,  lorsque  l'élasticité  du  tissu  fibreux  n'a  pas  été  vaincue,  on  peut 
espérer  que  la  contention  des  parties  déplacées,  en  supprimant  toute  cause  de 
dilatation,  permettra  à  l'anneau  de  revenir  sur  lui-même,  de  recouvrer  sa  résis- 
tance et,  par  conséquent,  de  suflire  à  la  contention.  » 

Ce  qui  explique  ces  différences  d'évolution  suivant  la  dilatation,  c'est  que  les 
changements  notables  dans  la  forme  des  anneaux  s'accompagnent  ordinairement 
d'altérations  importantes  de  leur  structure.  Ces  altérations  sont  variables  au 
niveau  des  anneaux  naturels  fibreux,  ou  bien  au  niveau  des  orifices  celluleux. 

Les  anneaux  fibreux  offrent,  en  même  temps  que  l'émoussement  de  leurs 
arêtes,  que  nous  avons  déjà  signalé,  une  perte  de  résistance  accentuée.  Leur 
rigidité,  leur  inextensibilité,  ont,  pour  ainsi  dire,  complètement  disparu.  En 
résumé,  le  tissu  fibreux  qui  les  compose  a  perdu  tous  ses  caractères  physiques, 
tout  en  ayant  gardé  cependant  sa  structure  anatomique.  Les  Hdsceaux  qui  les 
forment  sont  toujours  des  faisceaux  fibreux,  le  tissu  en  lui-même  est  conservé, 
mais  il  semble  qu'il  a  subi  un  certain  degré  d'atrophie.  Cruveilhier  avait  par- 
faitement indiqué  celte  altération,  sur  laquelle  Gosselin  insiste  à  son  tour,  et 
ils  font  remarquer,  tous  les  deux,  que  cette  modification  des  anneaux  fibreux 
les  rend  impropres  à  devenir  des  agents  d'étranglement,  conséquence  très- 
importante  et  dont  il  faut  se  souvenir. 

Quant  aux  orifices,  constitués  au  contraire,  en  totalité  ou  pour  la  plus  grande 
partie,  par  du  tissu  conjonctif,  comme  l'anneau  interne  du  trajet  inguinal,  ou 
les  orifices  du  fascia  cribriformis,  par  lesquels  se  produisent  les  hernies  cru- 
rales, ils  présentent  des  modifications  différentes.  Dans  certains  cas  ils  con- 
servent tous  leurs  caractères,  c'est-à-dire  leur  souplesse  et  leur  extensibilité. 
D'autres  fois,  cédant  sous  la  pression  constante  des  viscères,  ils  se  laissent  pro- 
gressivement élargir,  d'une  manière  presque  indéfinie,  et  disparaissent  presque, 
en  tant  qu'orifices  constitués;  on  trouve  simplement  autour  de  la  hernie  un 
tissu  souple  et  extensible  qui  n'a  plus  l'aspect  d'un  anneau.  Mais,  le  plus  sou- 
vent, ils  su»l)issent  une  transformation  beaucoup  plus  remarquable.  Sous  l'in- 
fluence de  l'irritation  que  peuvent  produire  à  leur  niveau  les  mouvements  inces- 
sants des  viscères,  le  tissu  cellulaire  se  transforme  peu  à  peu  en  tissu  fibreux 
et  perd  ses  caractères  primitifs.  L'orifice,  d'abord  souple,  se  transforme  en  un 
anneau  dur,  rigide,  inextensible,  sa  dilatabilité  disparaît,  il  devient  résistant  et 
peut,  si  la  hernie  continue  à  se  développer,  jouer  un  rôle  actif  dans  les  phéno- 
mènes de  l'étranglement.  «  Nous  verrons,  dit  Gosselin,  qui  insiste  sur  ce  point, 
que  c'est  là  tout  le  secret  non  dévoilé,  jusqu'à  présent,  de  l'anneau  fibreux  de 
la  hernie  crurale  qui  a  tant  embarrassé  les  anatomistes.  » 

Tumeur  herniaire.  La  tumeur  herniaire  comprend  deux  parties  impor- 
tantes qui  demandent  à  être  étudiées  séparément  :  ce  sont  les  enveloppes 
et  le  contenu  de  la  hernie. 

Les  enveloppes  sont  formées  par  une  série  de  couches  superposées  qui  sont, 
en  allant  de  la  superficie  vers  la  profondeur,  la  peau,  le  tissu  cellulaire  sous- 
cutané,  des  fascia  lamelleux  et  aponévrotiques  en  nombre  variable,  suivant  le 
siège  et  la  variété  de  la  hernie,  et  enfin  le  sac  herniaire  ou  enveloppe  péritonéale. 
Pour  ne  pas  nous  répéter  inutilement,  nous  allons  décrire  d'aboi'd  le  sac,  qui 


HERNIES.  691 

conslitue  la  plus  intéressante  et  la  plus  utile  à  connaître  de  toutes  ces  enve- 
loppes, et  l'élude  des  rapports  de  sa  face  externe  nous  amènera  à  nous  occuper 
plus  utilement  de  toutes  les  couches  qui  lui  sont  extérieures. 

Sac  heimiaire.  L'existence  du  sac  herniaire  est  constante,  à  part  quelque: 
très-rares  exceptions  que  nous  examinerons  plus  loin.  La  connaissance  de  cettt 
disposition  n'est  pas  très  ancienne  :  l'existence  du  sac  n'a  pas  été  toujours 
admise,  ni  surtout  acceptée  pour  toutes  les  hernies.  Les  Anciens  croyaient  eu 
effet  que,  dans  la  plupart  des  hernies  et  surtout  dans  celles  qui  se  produisent 
brusquement,  l'issue  des  viscères  ne  pouvait  se  produire  qu'au  prix  de  la  rupture 
du  feuillet  pariétal  du  péritoine.  Du  temps  de  Celse,  on  pensait  que  le  péritoine 
était  toujours  rompu.  Ce  n'est  que  quehiues  siècles  plus  lard  que  l.éonidès 
d'Alexandrie  établit  pour  la  première  fois  l'existence  de  deux  sortes  de  hernies  : 
les  unes  brusques,  par  rupture  du  péritoine,  les  autres  plus  lentes,  par  relâche- 
ment de  cette  membrane.  Tout  le  inoyen  âge  et  même  le  commencement  de  la 
Renaissance  acceptèrent  cette  division  que  l'on  retrouve  dans  les  œuvres  de 
Franco  et  d'Ambroise  Paré.  Ce  n'est  qu'au  dix-huitième  siècle  que  la  présence 
du  sac  herniaire  fut  démontrée  et  acceptée.  Ce  serait,  au  dire  deDroca,  Verduc, 
à  la  fin  du  dix-septième  siècle,  dans  sa  Pathologie  de  chirurgie,  parue  à  Paris 
en  1694,  qui  aurait  le  premier  décrit  le  sac  herniaire,  indiqué  son  origine  et 
son  trajet.  Quelques  années  plus  tard,  en  1701,  Méry,  auquel  ou  a  attribué  cette 
première  description,  communiqua  à  l'Académie  des  sciences  ses  recherches  sur 
les  hernies.  Il  y  décrivait,  avec  une  plus  grande  précision  que  ses  devanciers,  h 
sac  et  les  autres  enveloppes  herniaires.  A  partir  de  ce  moment,  l'existence  du 
sac  devint  de  plus  en  plus  incontestée,  et  cela  surtout  grâce  aux  travaux  des 
chirurgiens  du  dix-huitième  siècle,  et  principalement  de  J.-L.  Petit,  Pott, 
Hichter,  Arnaud,  Ledran.  Puis,  bientôt  après,  Scarpa  et  Dupuytren  ont  mis  hors 
de  conteste  la  disposition  qu'a  le  péritoine  à  se  laisser  eniraîner  par  les  viscères 
pour  leur  former  une  enveloppe  immédiate.  Cependant,  si  le  sac  était  mieux 
connu  et  mieux  étudié,  son  existenv:e  ne  fut  pas  encore  admise  pour  toutes  les 
hernies.  La  plupart  des  chirurgiens  que  nous  venons  de  citer  niaient  sa  présence 
dans  la  hernie  ombilicale.  Méry,  Ruysh,  Dionis  (1714),  de  la  Faye  (1714), 
Garengeot,  J.-L.  Petit  lui-même  (1783),  croyaient  que  la  hernie  ombilicale  était 
toujours  dépourvue  de  sac.  Il  a  fallu  les  travaux  plus  récents  de  Richter,  1788, 
Sabatier,  1800,  Sœmmerring,  Scarpa,  Boyer,  Astley  Cooper,  1827,  pour  arriver 
à  démontrer  que  la  hernie  ombilicale  était,  aussi  bien  que  les  autres,  munie  d'une 
enveloppe  séreuse. 

Cependant  il  existe  quelques  rares  exceptions  sur  lesquelles  nous  aurons  à 
revenir,  concernant  des  hernies  traumatiques  et  congénitales  dans  lesquelles  le 
sac  fait  défaut;  dans  d'autres  cas  enfin  il  peut  être  incomplet. 

Quoi  qu'il  en  soit,  dans  l'immense  majorité  des  faits,  le  sac  se  présente  sous  la 
forme  d'une  membrane  assez  résistante,  mince,  sur  laquelle  on  arrive  bientôt 
lorsque  l'on  incise,  peu  à  peu  et  couche  par  couche,  la  peau,  le  tissu  sous- 
cutané  et  les  feuillets  celluleux  et  aponévrotiques  qui  recouvrent  la  hernie. 
Cette  membrane  est  ordinairement  assez  lâchement  adhérente  aux  couches 
extérieures.  Sa  forme  et  son  volume  reproduisent  ceux  de  la  tumeur  herniaire. 
En  suivant  le  sac  vers  les  parties  profondes,  on  arrive  bientôt  à  une  portion 
plus  ou  moins  rétrécie  qui  semble  s'enfoncer  dans  l'orifice  qui  livre  passage  aux 
viscères.  Son  épaisseur  est  variable  suivant  les  cas,  ainsi  que  l'on  peut  s'en  rendre 
compte  quand  on  l'incise.  Une  fois  qu'il  est  ouvert,  le  doigt  qui  pénètre  dans  son 


C92  HERNIES. 

intérieur  s'introduit  dans  une  cavité  fermée  dont  la  face  interne  est  ordinaire- 
mant  très-lisse  et  polie,  qui  contient  une  petite  quantité  de  térosité  et  présente 
tous  les  caractères  d'une  surface  séreuse.  Si,  après  avoir  refoulé  les  organes 
qu'il  peut  contenir,  le  doigt  remonte  vers  la  portion  rétrécie  que  nous  avons 
déjà  vue  s'engager  dans  l'orifice  herniaire,  il  pénètre  dans  une  sorte  de  goulot 
plus  ou  moins  étroit  et  allongé.  Là,  continuant  sa  route,  le  doigt  franchit  alors 
ce  point  rétréci  qui  constitue  un  véritable  orifice  et  pénètre  dans  la  cavité  ab- 
dominale, et  l'on  peut  alors  se  convaincre  que  la  face  interne  du  sac  se  con- 
tinue directement  avec  la  cavité  péritonéale.  Cet  orifice  établit  une  communication 
entre  l'abdomen  et  le  sac  herniaire,  dont  cet  organe  n'est  bien  manifestement 
qu'un  diverticule. 

Pour  mieux  étudier  les  détails  de  la  disposition  du  sac  herniaire,  on  l'a 
divisé  en  trois  portions  :  le  collet,  le  corps  et  le  fond.  On  désigne  sous  le  nom 
de  collet  toute  la  portion  rétrécie  qui  fait  comnmniquer  sa  cavité  avec  l'abdomen, 
c'est-à-dire  la  partie  du  sac  qui  correspond  à  l'orifice  par  lequel  se  sont  engagés 
les  viscères.  Le  corps  du  sac  est  la  partie  de  cette  poche  qui  s'épanouit  à  l'exté- 
rieur (les  anneaux  et  qui  se  trouve  en  l'apport  avec  les  couches  extérieures. 
Enfin  le  fond  est,  ainsi  que  son  nom  l'indique,  la  portion  terminale  de  la  poche 
séreuses  elle  est  ordjnairement  tournée  vers  la  peau  et  forme  dans  un  très-grand 
Jiombre  de  cas  la  partie  du  sac  la  plus  superficielle. 

Les  sacs  herniaires  n'ont  pas  tous  la  même  forme,  ainsi  qu'il  est  facile  de 
s'en  apercevoir  lorsque  l'on  voit  les  dimensions  et  les  formes  diverses  des 
".ernies.  Cette  configuration  est  extrêmement  variable  :  il  y  a  presque  une  con- 
figuration spéciale  à  chaque  cas.  J.  Cloquet,  dans  sa  thèse  de  concours,  Sur  les 
causes  et  Vanaiomie  des  hernies  abdominales  (1819),  est  l'auteur  qui  a  cer- 
tainement le  mieux  étudié  le  sac  herniaire,  et  aux  recherches  duquel  on  a  bien 
peu  ajouté  depuis  ;  il  a  décrit  un  certain  nombre  de  types  réguliers  primitifs. 
Ceux-ci  combinés  les  uns  avec  les  autres  de  différentes  manières  peuvent  donner 
naissance  aux  nombreuses  variétés  secondaires  qu'on  rencontre.  Ces  types  sont  : 

1"  Le  sac  cylindroide  (fig.  1),  qui  représente  une  sorte  de  cylindre  creux  dont 


Fig.  2.  Fig.  5.  fis-  i- 

l'axe  varie  de  longueur,  mais  dont  le  diamètre  transversal  est  sensiblement 
le  même  au  niveau  du  corps,  du  fond  et  du  col  ; 

2"  Le  sac  sphe'roïdal  (fig.  2),  qui  a  une  forme  globuleuse,  marronnée,  dont 
tous  les  diamètres  sont  sensiblement  égaux,  avec  un  collet  ordinairement  très- 
court  et  très-étroit; 

5"  Le  sac  conoïde  (fig,  5),  qui  a  la  forme  d'un  cône  creux  dont  la  base  large 
répond  à  l'abdomen  et  dont  le  sommet  plus  ou  moins  obtus  cozistitue  le  fond; 

4°  Le  sac  conoïde  renversé  ou  piriforme  (fig.  4).  11  présente  un  collet  ordi- 


HERNIES.  695 

nairement  long  et  étroit,  et,  à  mesure  qu'il  s'éloigne  de  l'anneau,  il  s'élargit 
insensiblement  et  se  termine  par  un  fond  hémisphérique.  Ce  dernier  type  pour- 
rait d'ailleurs,  suivant  J.  Cloquet,  être,  jusqu'à  un  certain  point,  considéré 
comme  secondaire  :  il  paraît  provenir,  soit  d'un  sac  cylindrique  dont  le  fond  se 
serait  dilaté,  soit  d'un  sac  sphéroïdal  dont  le  col  se  serait  très-allongé. 

Ces  variétés  dans  la  forme  du  sac  herniaire  ne  sont  pas  des  dispositions  for- 
tuites et  de  hasard.  Elles  sont  dues  à  certaines  conditions  et  déjiendent  de  la 
forme  et  de  la  constitution  des  anneaux  herniaires  qui  règlent  la  configuration 
du  collet,  de  la  résistance  inégale  des  couches  extérieures  qui  permettent  tel 
ou  tel  développement  du  corps  et  du  fond.  C'est  dire  par  là  que  le  sac  affecte 
telle  ou  telle  forme  suivant  la  région  herniaire.  C'est  ainsi  que  le  sac  cylindroïde 
se  rencontre  souvent  dans  les  hernies  inguinales,  très-rarement  dans  les  autres 
espèces.  Le  sac  globuleux  s'observe  dans  les  hernies  ombilicales,  crurales,  obtu- 
ratrices, dans  celles  de  la  ligne  blanche,  et  enfin  dans  les  hernies  inguinales 
obliques  internes.  Les  sacs  conoïdes  se  trouvent  dans  une  espèce  particulière 
de  hernie  oblique  interne  et  certaines  variétés  crurales.  Enfin,  les  sacs  piri- 
formes  sont  plus  spécialement  réservés  aux  hernies  inguinales  volumineuses, 
obliques  externes,  et  même  obliques  internes,  et  à  quelques  cas  de  hernie 
crurale. 

Quelle  que  soit,  du  reste,  la  configuration  du  sac  herniaire,  elle  n'a  aucune 
espèce  d'influence  sur  le  mécanisme  de  sa  production. 

Voici  comment  on  peut  comprendre  la  formation  du  sac.  Lorsque,  au  niveau 
d'un  orifice  herniaire,  le  péritoine  est  lâchement  adhérent  aux  couches  sous- 
jacentes;  lorsqu'il  existe,  au-dessous  de  lui,  un  fascia  propria  lamelleux,  peu 
serré,  la  pression  des  viscères  sur  la  portion  du  péritoine  qui  recouvre  l'orifice 
refoule,  dans  le  trajet,  une  portion  plus  ou  moins  étendue  de  la  séreuse  qui, 
glissant  sur  les  plans  profonds,  se  laisse  déplacer,  entraîner,  repousser  par  les 
viscères.  Il  se  forme  alors  une  dépression  plus  ou  moins  profonde,  communi- 
quant par  un  orifice  rétréci,  le  collet,  avec  la  cavité  du  ventre.  Ce  mode  de 
formation  est  désigné  sous  le  nom  de  sac  par  glissement  ou  par  locomotion  du 
péritoine. 

Tout  autre  est  le  mécanisme,  si  le  péritoine  est  relié  à  l'anneau  ou  aux  parties 
voisines  par  des  adhérences  assez  serrées,  inextensibles,  et  ne  permettant  pas  le 
glissement  de  cette  membrane.  Il  est  bien  encore  déprimé  et  refoulé  par  la  pression 
des  viscères,  mais  retenu  par  des  adhérences,  au  lieu  d'être  entraîné,  il  n'est 
que  distendu,  et  le  développement  du  sac  est  alors  limité  par  le  degré  d'extensi- 
bilité de  la  séreuse.  Le  sac  se  produit  alors  par  distension.  Djns  ce  cas  la 
séreuse  est  naturellement  étendue,  amincie,  et  à  un  degré  tel  que  le  sac  a  pu 
passer  quelquefois  inaperçu.  Ce  mécanisme  est  constant  dans  les  hernies  ombi- 
licales où  le  péritoine  adhère  intimement  à  l'anneau.  Aussi  le  sac  herniaire 
ombilical,  pour  peu  que  la  tumeur  soit  développée,  atteint  une  minceur  extrême, 
ce  qui  explique  pourquoi,  pendant  si  longtemps,  les  chirurgiens  ont  pu  en 
méconnaître  l'existence  dans  cette  variété. 

Du  reste,  ces  deux  mécanismes  de  la  formation  du  sac  ne  sont  pas  toujours 
aussi  nettement  séparés  qu'il  le  semble  à  première  vue.  Les  auteurs  modernes 
pensent  qu'ils  sont  associés  à  des  degrés  divers  dans  les  hernies  volumineuses 
et  anciennes.  En  effet,  à  mesure  que  les  viscères  hernies  s'engagent  de  plus  en 
plus  dans  le  sac  et  forment  une  saillie  plus  considérable,  la  limite  de  la  loco- 
motion est  bientôt  atteinte,  les  adhérences  normales  du  péritoine  empêchent 


694  HERNIES. 

une  portion  plus  considérable  de  la  séreuse  d'être  entraînée  au  dehors,  et  le  sac 
ne  peut  plus  s'accroître  que  par  la  distension  de  la  portion  déjà  sortie.  C'est  ce 
qui  explique  pourquoi  l'on  rencontre  souvent  un  amincissement  marqué  du  fond 
de  certains  sacs  et  des  parties  qui  l'avoisinent.  On  peut  quelquefois  y  observer, 
ainsi  que  l'a  fait  remarquer  J.  Cloquet,  quelques  petites  éraillures  partielles 
qui  sont  la  preuve  de  la  distension  subie. 

Le  sac,  ainsi  formé,  mérite  d'être  étudié  dans  ses  différentes  parties,  qui 
peuvent  être  le  siège  de  modifications  importantes.  11  faut  successivement  exa- 
miner son  orifice,  son  collet  et  son  corps. 

L'orifice  de  communication  du  sac  ne  doit  pas  être  confondu  avec  le  collet. 
Celui-ci  n'existe  que  dans  les  hernies  assez  anciennes  pour  que  leur  sac  ait  subi 
à  ce  niveau  des  transformations  dont  le  résultat  est  de  constituer  véritablement 
une  sorte  d'élément  nouveau  qui  est  le  collet  herniaire. 

L'orifice  du  sac  a  une  forme  extrêmement  variable,  et  qui  est  souvent  en 
rapport  avec  la  forme  de  l'ouverture  de  la  paroi  abdominale  qui  est  le  siège  de 
la  hernie.  11  est  souvent  arrondi,  quelquefois  allongé  en  forme  de  fente  plus 
ou  moins  oblongue.  Il  se  présente,  dans  quelques  cas,  sous  l'aspect  d'un  trou 
triangulaire,  comme  dans  certaines  hernies  crurales.  Enfin,  au  lieu  de  se  trouver 
exactement  situé  sur  le  plan  même  du  feuillet  pariétal  du  péritoine,  l'orifice 
du  sac  est  quelquefois  au  centre  d'une  dépression  plus  ou  moins  marquée,  et 
même  à\m  véritable  entonnoir  membraneux,  comme  dans  les  hernies  inguinales 
obliques  internes,  au  fond  de  la  fossette  vésico-pubienne. 

Les  dimensions  de  cet  orifice  sont  aussi  variables  que  le  degré  de  dilatabilité 
des  anneaux,  qui  peuvent  aller  depuis  le  calibre  d'un  tuyau  de  plume  d'oie 
jusqu'à  dépasser  le  diamètre  du  poing  et  même  davantage. 

Mais,  quelle  que  soit  sa  largeur,  il  présente  presque  toujours  la  même 
direction,  et  son  axe  est  ordinairement  dirigé  vers  le  centre  de  l'abdomen. 
Cependant,  dans  quelques  cas,  et  dans  les  hernies  à  direction  très-obliques, 
comme  dans  certaines  inguinales  obliques  externes  récentes,  il  peut  être  même 
en  partie  masqué  par  une  sorte  de  repli  valvulaire. 

Collet  du  sac.  Lorsqu'une  hernie  est  récente,  et  que  pour  la  former  une 
portion  plus  ou  moins  grande  du  péritoine  s'engage  dans  un  orifice  relative- 
ment étroit,  la  séreuse  est  obligée  de  se  froncer,  de  se  plisser  comme  l'orifice 
d'une  bourse  dont  on  aurait  serré  les  cordons.  Plus  elle  s'engage,  plus  les  plis  se 
multiplient.  On  peut  donc  dire,  avec  Le  Dentu,  que  «  les  plis  doivent  manquer 
quand  le  sac  se  forme  par  distension,  qu'ils  doivent  être  au  contraire  d'autant 
plus  nombreux  qu'il  s'engage  par  glissement  une  portion  plus  étendue  de  la 
séreuse.  » 

Ces  plis  sont  d'abord  simplement  en  contact  les  uns  avec  les  autres. 

Bientôt,  si  la  hernie  est  ancienne,  si  rien  ne  vient  distendre  l'orifice  et  per- 
mettre le  déplissement  et  l'effacement  de  ces  plis,  on  voit  survenir  des  modi- 
fications importantes  signalées  d'abord  par  Arnaud  et  Scarpa,  bien  étudiées 
depuis  par  J.  Cloquet,  Deraeaux  (1842)  etRoustan  (1843). 

En  effet,  à  une  époque  plus  avancée,  les  plis  d'abord  simplement  juxtaposés 
arrivent  à  contracter  entre  eux  des  adhérences,  par  le  contact  prolongé  des  sur- 
faces séreuses,  le  collet  est  alors  constitué.  Les  plis  primitifs  se  trouvent  rem- 
placés par  une  série  de  lignes  et  de  plaques  blanchâtres  disposées  ordinairement, 
comme  les  plis,  de  manière  à  former  une  sorte  d'étoile  à  plis  rayonnants.  Ces 
lignes  sont  tantôt  à  peine  visibles,  tantôt  forment  des  petites  crêtes  saillantes, 


HERNIES.  C9j 

parfois  de  véritables  colonnes  fibreuses  séparées  par  des  sillons  et  des  dépres- 
sions peu  profondes. 

Ce  sont  toutes  ces  dispositions  que  J.  Cloquet  a  désignées  sous  le  nom  de  stig- 
mates du  sac  herniaire,  «  parce  qu'elles  offrent,  dit-il,  beaucoup  de  ressemblance 
avec  les  vraies  cicatrices  du  péritoine  et  des  autres  membranes  séreuses.  »  En 
même  temps,  on  trouve  d'autres  modifications  du  côté  de  la  surface  externe  du 
collet,  modifications  étudiées  pour  la  première  fois  par  Demeaux  [Recherches 
sur  révolution  du  sac  herniaire,  1842).  11  paraît  plus  adhérent  aux  organes 
voisins.  De  plus,  le  tissu  cellulo-adipeux  qui  le  tapisse  se  transforme  en  une 
touche  nouvelle  qui  renferme  une  grande  quantité  de  vaisseaux  sanguins.  Cette 
vascularisation  converge  de  toutes  parts  vers  le  collet  et  s'irradie  ensuite  sur  la 
partie  supérieure  du  sac  pour  se  perdre  dans  la  couche  cellulaire  avec  laquelle 
•elle  se  continue. 

A  ce  moment  le  collet  forme  une  sorte  d'anneau  fibroïde,  ordinairement  plus 
épais  que  le  reste  du  sac,  et  qui  est  dur,  rigide,  inextensible.  Demeaux  croyait 
que  toute  cette  vascularisation  extérieure,  avec  formation  d'un  tissu  épais  et 
rougeâtre,  aboutissait  à  la  création  d'un  véritable  tissu  dartoique  :  lîoustan  a 
démontré  l'erreur  de  Demeaux  sur  ce  point,  et  Gosselin  et  Malgaigne  après  lui 
ont  fait  voir,  à  leur  tour,  qu'il  se  faisait  là  tout  simplement  un  tissu  conjonctif 
de  nouvelle  formation  qui  aboutit,  en  suivant  les  lois  d'évolution  ordinaire  des 
cicatrices,  à  la  constitution  d'un  anneau  fibreux  cicatriciel.  C'est  la  rétraction 
propre  à  ce  tissu  nouveau  qui  explique  la  tendance  ordinaire  de  ce  collet  à  se 
former,  à  se  rétrécir,  à  se  rétracter,  et  même  à  s'oblitérer  dès  que  les  organes 
cessent  d'agir  sur  lui.  C'est  là,  d'après  Demeaux,  la  période  de  resserrement,  qui 
€st  le  mécanisme  réel  de  la  guérison  spontanée  des  liernies. 

D'ailleurs,  Demeaux  et  Cloquet  avaient  parfaitement  compris,  malgré  l'erreur 
de  détail  de  Demeaux  sur  l'existence  du  tissu  dartoique,  que  la  formation  et 
l'évolution  du  collet  herniaire  sont  le  résultat  d'un  travail  de  phlegmasie  chro- 
nique. Du  côté  de  la  séreuse,  ce  travail  se  traduit  par  une  sorte  de  péritonite 
plastique  et  adhésive  qui  entraîne  l'adhésion  des  plis  péritonéaux  et  la  formation 
de  produits  exsudatifs  qui  forment  plus  tard  les  stigmates.  A  la  partie  externe, 
«  l'inflammation  lente  entraîne,  dit  Duplay,  la  transformation  fibreuse,  l'épais- 
sissement,  la  vascularisation  et  la  rétraction  du  tissu  cellulo-adipeux.  » 

Parmi  les  causes  auxquelles  il  faut  attribuer  ce  travail  d'organisation  du  collet 
du  sac,  Gosselin  place  en  première  ligne  l'irritation  créée  par  la  présence  con- 
stante du  bandage  dans  les  hernies  bien  contenues  et  principalement  dans  les 
petites  hernies.  Cependant  cette  étiologie  n'est  pas  absolue,  puisqu'on  rencontre 
des  collets  bien  constitués  dans  les  hernies  mal  contenues,  et  même  quelquefois 
dans  certaines  grosses  hernies.  11  faudrait  joindre  à  cette  cause,  d'après  S.  Duplay, 
«  l'influence  si  manifeste  que  le  déplacement  pathologique  d'un  organe  exerce 
sur  la  transformation  du  tissu  celluleux  en  tissu  fibieux,  et  dont  on  trouve  des 
preuves  dans  l'histoire  des  luxations  traumatiques  ou  spontanées  des  fractures 
avec  déplacenient,  des  anévrysmes,  des  tumeurs  et  d'autres  lésions  patholo- 
giques des  plus  variées.  » 

Le  collet,  d'ailleurs,  ne  se  présente  pas  toujours  avec  le  même  aspect.  Quand 
il  est  bien  constitué,  qu'on  l'examine  sur  une  hernie  petite,  ancienne  et 
habituellement  bien  contenue,  il  a  la  forme  d'un  anneau  plus  ou  moins  serré, 
mais  rigide,  dur,  complélement  fibreux  et  formant  un  cercle  ferme,  souvent 
assez  étroit   :  c'est  le   collet  complet.    Si,   au  contraire,   la   hernie  est  mal 


696  HERNIES. 

maintenue  ou  que,  pour  une  raison  quelconque  son  volume  s'accroisse  brusque- 
ment et  à  plusieurs  reprises,  l'organisalion  du  collet  reste  incomplète.  Tantôt 
alors,  le  collet  ne  forme  que  Ja  moitié  ou  les  deux  tiers  d'un  anneau,  le  reste 
de  l'ouverture  étant  llexible  et  dilatable.  D'autres  fois,  il  est  spiroïde,  par 
suite  de  son  déplacement  partiel  au  moment  de  son  évolution.  11  peut  encore 
former  un  cercle  complet,  mais  ce  cercle  est  large,  peu  épais,  peu  résistant. 
Enfin,  dans  certaines  consistances  et  principalement  dans  les  hernies  très-volu- 
mineuses passant  à  travers  un  anneau  dilaté  outre  mesure,  le  collet  peut  man- 
quer entièrement.  Il  existe  quelquefois  sous  la  forme  d'un  simple  anneau  très- 
peu  épais,  presque  tranchant,  et  constitue  aussi  un  véritable  canal  ayant 
plusieurs  centimètres  de  longueur.  Demeaux  cite  même,  comme  absolument 
exceptionnelle,  une  hernie  congénitale  qui  possédait  un  collet  long  de  40  cen- 
timètres. 

Ce  collet,  qui  se  forme  toujours  au  niveau  des  orifices  de  passage,  se  trouve 
en  rapport  avec  leur  contour  fibreux  ou  fibro-celluleux.  Il  est  ordinairement 
relié  à  ces  anneaux  par  l'intermédiaire  d'un  tissu  cellulaire  plus  ou  moins 
abondant,  et  qui  crée  entre  ces  deux  organes  des  adhérences  plus  ou  moins 
serrées.  On  croyait,  au  siècle  dernier,  qu'il  y  avait  toujours  entre  le  collet  et 
l'anneau  des  adhérences  absolument  intimes  :  aussi,  lorsque  Ledran  publia  le 
premier  fait  de  réduction  en  masse  d'une  hernie  étranglée  par  le  collet,  arrivé 
entre  les  mains  de  G.  Arnaud,  Louis,  à  l'Académie  de  chirurgie,  se  refusa  à 
admettre  que  le  fait  fût  exact.  Arnaud  est  donc  le  premier  qui  ait  soutenu  que 
les  adhérences  étaient  moins  intimes  qu'on  ne  l'avait  cru.  Les  recherches  des 
auteurs  qui  ont  suivi,  et  en  particulier  celles  de  Demeaux,  ont  démontré  que 
souvent  il  n'y  a  entre  le  collet  et  les  anneaux  fibreux  que  des  adhérences  assez, 
lâches  formées  par  un  tissu  cellulaire  lamelleux.  L'adhérence  étroite  entre  ces 
deux  organes  peut  donc  exister,  mais  non  pas  d'une  manière  constante. 

Du  reste,  comme  les  anneaux  naturels  livrent  tous  passage  à  des  vaisseaux 
assez  importants,  il  resterait  ù  étudier  quels  sont  les  rapports  du  collet  du  sac 
avec  les  gros  vaisseaux,  car  il  faut  savoir  exactement  où  sont  situés  ces  troncs 
vasculaires,  dont  il  importe  d'éviter  la  blessure  dans  les  opérations  de  kélolomie. 
Seulement,  comme  ces  rapports  varient  à  chaque  orifice,  il  est  plus  utile,  à 
notre  avis,  de  les  étudier  en  détail  en  faisant  l'histoire  particulière  de  chaque 
hernie. 

Quant  au  sac  lui-même,  en  dehors  du  collet  il  subit  beaucoup  moins  de  modi- 
fications, et  celles-ci  sont  d'ailleurs  bien  moins  importantes.  Dans  la  plupart 
des  hernies  simples,  surtout  lorsqu'elles  sont  petites  et  moyennes,  le  feuillet 
péritonéal  ne  subit  aucune  altération  et  garde  ses  caractères  normaux  d'épaisseur 
et  de  consistance.  Dans  d'autres  cas,  au  contraire,  le  sac  peut  être  tantôt  aminci, 
tantôt  épaissi. 

L'ammcissement  du  sac  ne  se  rencontre  guère  que  dans  les  hernies  volumi- 
neuses, et  presque  toujours  il  es!  le  résultat  de  la  distension  du  feuillet  séreux. 
Dans  ce  cas,  c'est  surtout  au  niveau  du  fond  que  l'on  observe  une  portion 
amincie,  quelquefois  même  l'amincissement  peut  aller  jusqu'à  la  production  de 
très-légères  éraillures,  de  petites  verget\ires  signalées  surtout  par  J.  Gloquet. 
D'autres  fois,  au  contraire,  c'est  une  portion  isolée  du  sac  qui  cède  plus 
que  les  autres  à  la  distension  et  amène  la  formation  de  bosselures  plus  ou 
moins  accentuées,  capables  parfois  d'en  modifier  la  forme  primitive.  De  plus, 
dans  certains  cas,  d'après  J.  Gloquet,  le  péritoine  paraît  avoir  subi  un  certain 


HERNIES.  697 

travail  d'absorption,  une  sorte  d'atrophie  qui  réduit  le  sac  à  une  toile  transpa- 
rente excessivement  mince. 

L'épaississement  du  sac  herniaire  peut  être,  lui  aussi,  soit  géne'ral,  soit  par- 
tiel. 11  peut  tenir  à  plusieurs  causes.  Il  est  quelquefois  du  à  une  sorte  d'aug- 
mentation de  densité  de  ses  lames  les  plus  extérieures  qui  deviennent  blan- 
châtres et  fibreuses.  D'autres  fois  il  se  fait  dans  son  épaisseur  un  dépôt  de  tissu 
graisseux,  qui  va  jusqu'à  le  transformer  en  une  tunique  presque  aussi  épaisse 
que  la  paroi  intestinale.  On  peut  aussi  constater,  dans  son  intérieur,  une  sorte  de 
dépôt  de  lymphe  plastique,  qui  est  toujours  le  résultat  d'un  travail  inllamma- 
toire  et  aboutit  à  la  formation  de  néomembranes  plus  ou  moins  organisées  et 
souvent  absolument  adhérentes  à  sa  surface  interne.  Ajoutons  enfm  qu'il  peut 
être  le  sujet  d'altérations  aboutissant  à  des  dépôts  partiels  de  substance  calcaire, 
à  aspect  ostéoïde,  signalés  par  tous  les  auteurs  et  dont  Demeaux  a  publié  un 
exemple  remarquable  dans  une  observation  présentée  en  18-42  à  la  Société 
anatomique  de  Paris. 

Enveloppes  extérieures  du  sac.  En  dehors  du  sac  herniaire,  on  trouve  des 
lamelles  aponévroliques  en  nombre  variable,  du  tissu  cellulaire  et  la  peau.  Ces 
parties  ne  présentent  quelques  modifications  que  dans  les  hernies  anciennes. 

En  effet,  dans  les  hernies  récentes  il  n'y  a  pas  encore  de  modifications 
importantes,  le  sac  n'a  contracté  que  des  rapports  de  voisinage  avec  les  parties 
environnantes.  D'ailleurs,  la  peau  n'est  pour  ainsi  dire  jamais  modifiée,  elle  est 
plus  ou  moins  distendue  au  niveau  de  la  tumeur  herniaire  suivant  le  volume 
de  cette  dernière.  A  part  quelques  érythèmes  et  quelques  excoriations  qui  sont 
toujours  le  résultat  de  la  pression  du  bandage,  elle  est  ordinairement  saine. 

Les  rapports  du  sac  avec  les  couclics  sous-cutanées  sont  plus  intéressants  à 
connaître.  Conimenousle  disions  précédemment,  dans  les  hernies  récentes  le  sac 
n'a  que  des  rapports  de  contact  avec  le  tissu  cellulaire  voisin,  il  le  refoule  suffi- 
samment pour  se  faire  sa  place.  Mais,  à  mesure  que  la  hernie  est  plus  ancienne, 
sous  l'inlluence  des  mouvements  et  des  frottements,  il  s'établit  entre  la  face 
extérieure  de  la  séreuse  et  le  tissu  cellulaire  environnant  des  adhérences  qui, 
d'abord  molles,  glulineuses  et  assez  lâches,  s'organisent  peu  à  peu  et  devien- 
nent progressivement  plus  intimes  et  plus  solides.  L'étude  de  ces  adhérences  est 
importante  pour  établir  nettement  ce  que  devient  le  sac  herniaire  dans  le  taxis, 
et  pour  savoir  s'il  est  possible  de  réduire  le  sac  en  mèuie  temps  que  l'on  fait 
rentrer  son  contenu.  D'ordinaire  le  taxis  n'opère  que  la  réduction  du  contenu 
de  la  hernie,  et  le  sac  reste  en  dehors.  Scarpa  prétendait  que  dans  les  hernies 
récentes,  et  alors  qu'un  sac  est  peu  volumineux,  il  est  facile  de  le  réduire. 
Cloquet  admet  aussi  cette  possibilité,  dans  les  cas  où  le  collet  n'est  pas  encore 
fibreux  et  résistant.  Demeaux,  au  contraire,  adopte  une  opinion  complètement 
opposée,  et  dans  les  nombreuses  expériences  qu'il  a  tentées  sur  le  cadavre  pour 
opérer  la  réduction  de  sacs  des  hernies  peu  anciennes  il  n'a  jamais  pu  y  par- 
venir complètement.  Nous  serions  disposés  à  nous  ranger  à  l'avis  de  Demeaux, 
et  à  croire  avec  lui  que  les  adhérences  que  contracte  si  facilement  et  si  rapi- 
dement le  sac  avec  le  tissu  conjonctif  environnant  doivent  être  la  principale 
raison  de  cette  irréductibilité  du  sac. 

D'ailleurs,  en  outre  des  adhérences,  ces  enveloppes  extérieures  du  sac  subis- 
sent une  série  de  transformations  assez  notables.  Quelquefois,  et  surtout  à  cause 
de  l'établissement  des  adhA-ences,  ce  tissu  cellulaire  s'épaissit  et  s'indure.  Mais, 
le  plus  souvent,  les  couches  cellulaires  s'amincissent,  se  multiplient,  les  lames 


•6?8  HERNIES. 

cclluleuses  et  aponévrotiques  se  décomposent  en  un  nombre  souvent  assez  con- 
sidérable de  feuillets  secondaires  concentriques  au  sac  herniaire  et  reliés  entre 
eux  par  des  adhérences  lâches.  Aussi,  lorsque  l'on  dissèque  une  hernie,  trouve- 
t-on  ordinairement,  entre  la  peau  et  le  sac  herniaire  un  nombre  de  lames 
cellulo-fibreuses  beaucoup  plus  grand  que  l'anatomie  normale  n'en  montre  dans 
la  même  région,  à  l'état  sain. 

En  outre,  souvent  ces  tissus  s'inlillrent  de  graisse.  Le  dépôt  du  tissu  grais- 
seux se  fait  souvent  entre  les  différentes  couches  du  tissu  conjonclif,  quelque- 
fois môme  entre  les  différentes  couches  des  parois  du  sac.  D'autres  fois,  au  con- 
traire, le  tissu  graisseux  se  produit  en  masse,  adhère  au  fond  ou  à  la  partie 
externe  du  sac  herniaire,  formant  un  véritable  lipome  dont,  nous  l'avons  déjà 
vu,  la  signification  a  été  diversement  interprétée,  et  qui  a  été  regardé  d'une 
,part  comme  une  des  causes  de  la  formation  du  sac,  et  d'autre  part  comme  un 
des  mécanismes  de  la  guérison  spontanée  de  la  hernie.  Il  se  présente  alors 
sous  la  forme  d'une  masse  adipeuse,  plus  ou  moins  lobulée,  ou  de  petits  pelo- 
tons graisseux  séparés,  mais  toujours  adhérents  à  la  face  externe  de  la  séreuse. 

Enfin  on  rencontre  quelquefois,  entre  le  sac  herniaire  et  la  peau,  au  sein  du 
tissu  conjonclif,  des  petites  cavités  séreuses  plus  ou  moins  complètes  dont  la 
<ionnaissance  est  importante  pour  le  chirurgien,  afin  d'en  empêcher  la  confusion 
avec  la  cavité  même  du  sac  pendant  la  kélotomie. 

En  tête  de  ces  poches  séreuses  se  placent  les  kystes  et  pseudo-kystes  saccu- 
laires  bien  étudiés  par  S.  Duplay  dans  sa  thèse  de  doctorat  {Collections  séreuses 
et  hydatiques  de  l'aine.  Paris,  1865).  Dans  les  deux  cas  il  s'agit  de  sacs  her- 
niaires déshabités  dans  l'intérieur  desquels  se  serait  fait  une  exhalation  de 
liquide  séreux  et  qui,  suivant  qu'ils  communiquent  ou  non  avecle  péritoine,  for- 
ment des  pseudo  kystes  ou  des  kystes  sacculaires. 

Voici  comment  Duplay  lui-même,  dans  son  Traité  de  pathologie,  résume 
le  mécanisme  de  leur  formation  :  «  Lorsque  la  hernie  est  habituellement  con- 
tenue, le  collet  du  sac,  obéissant  à  un  travail  de  rétraction  fibreuse  comparable 
au  processus  cicatriciel,  se  rétrécit  et  perd  sou  extensibilité.  On  conçoit  que  ce 
travail  puisse  aller  jusqu'à  ne  laisser  substituer,  au  niveau  du  collet,  qu'un  canal 
tout  à  fait  insuffisant  pour  permettre  le  passage  de  l'intestin  ou  même  presque 
l'oblitération  complète  du  collet.  La  hernie  serait  alors  guérie,  si  les  portions  du 
péritoine  situées  au-dessus  du  pédicule  de  la  hernie,  cédant  à  leur  tour  à  la 
pression  des  viscères,  ne  s'introduisaient  dans  le  trajet  herniaire  constituant 
ainsi  un  nouveau  sac  derrière  le  premier  qu'elles  refoulent  en  avant.  »  Dans  les 
pseudo-kystes  sacculaires,  l'orifice  de  communication  est  très- variable;  tantôt 
assez  large,  il  est  souvent  assez  réduit  pour  admettre  à  peine  l'introduction 
d'une  sonde  cannelée  (observations  de  Sanson,  Chassaignac  et  Nivet).  L'épais- 
seur des  parois  de  ces  pseudo-kystes  est  variable  et  présente  autant  de  variétés 
que  le  sac  lui-même.  Lu  surface  interne,  ordinairement  lisse  et  polie,  montre 
parfois  des  traces  d'inflammation  plus  ou  moins  violente.  Le  liquide  est  tantôt 
séreux  et  citrin,  tantôt  sombre,  tantôt  rougeàlre. 

Les  kystes  sacculaires  présentent  à  peu  près  les  mêmes  caractères,  avec  cette 
différence  que  la  communication  avec  la  cavité  du  sac  n'existe  plus.  Le  kyste 
peut  être  refoulé  par  le  nouveau  sac  qui  s'en  coiffe,  pai'lbis  il  est  déplacé,  écarté 
sur  l'un  des  côtés  de  la  nouvelle  tumeur  herniaire.  Mais,  d'après  Cloquet,  qui 
le  premier  a  bien  étudié  ces  faits,  repris  plus  tard  par  Kuhn  (de  Niederbronn, 
1859)  et  par  S.  Duplay,  dans  l'un  et  l'autre  cas  il  serait  possible  de  retrouver 


HERNJES.  liO? 

sur  l'une  des  parois  du  nouveau  sac  des  stigmates,  indices  de  l'ancien  collet. 

On  peut  aussi  rencontrer  au  pourtour  des  hernies  d'autres  cavités  séreuses 
qui  ont  des  origines  purement  accidentelles,  qui  n'ont  aucune  relation  avec  le 
sac  et  qui  ne  peuvent  être  rattachées  à  d'anciens  sacs  oblitérés.  Ce  sont  de 
véritables  hygromas  développés  dans  le  tissu  cellulaire  lamelleux.  Pour  Bérard, 
ils  seraient  dus  à  un  taxis  prolongé  et  pratiiiué  avec  trop  de  violence.  Cette 
explication,  d'après  S.  Diiplay,  ne  pourrait  convenir  qu'à  quelques  héma- 
tomes, à  des  épanchements  de  sérosité  sanguinolente.  Pour  Bioca,  au  con- 
traire, ces  kystes  herniaires  ont  leur  siège  dans  de  véritables  bourses  séreuses 
accidentelles,  produites  par  raction  prolongée  d'un  brayer  sur  les  couches 
sous-cutanées.  Le  fait  est  souvent  exact,  mais  on  peut  trouver  de  ces  liygromas 
chez  des  malades  dont  la  hernie  n'a  jamais  été  contenue,  ce  qui  démontre  qu'il 
peut  se  former  autour  des  hernies  comme  de  toutes  les  autres  tumeurs  des 
bourses  séreuses  accidentelles.  «  La  condition  la  plus  favorable  de  leur  forma- 
tion, dit  Duplay,  c'est  qu'il  existe  une  saillie  anormale  ou  pathologique  qui 
soulève  la  peau  de  dedans  en  dehors  et  l'expose  ainsi  à  des  frottements  répétés   » 

Du  reste,  quel  que  soit  Je  mode  de  formation  du  kyste  herniaire,  il  se  pré- 
sente sous  deux  formes  principales.  Tantôt,  semblable  à  une  bourse  sous  cutanée, 
il  est  situé  en  avant  de  la  hernie  entre  la  peau  et  la  face  antérieure  du  sac,  il 
est  alors  anti-herniaire  ou  pré-herniaire;  tantôt  il  entoure  et  coiffe  plus  ou 
moins  complètement  le  sac  de  tous  les  côtés,  remontant  plus  ou  moins  haut  vers 
son  collet  :  on  le  dit  alors  péri-herniaire. 

Avant  de  terminer  l'étude  anatomique  des  enveloppes  de  la  hernie,  il  nous 
reste  à  décrire  un  certain  nombre  de  variétés  intéressantes  du  sac,  mais  assez 
rares,  que  nous  réunirons  sous  le  nom  d'anomalies  du  sac  herniaire. 

Anomalies  du  sac.  Ce  sont  des  dispositions  irrégulières,  des  variétés  excep- 
tionnelles du  sac,  tenant  soit  à  sa  forme,  soit  à  sa  disposition. 

i"  Sacs  absents  ou  incomplets.  «.  Exceptionnellement  ce  sac  herniaire 
peut  faire  complètement  défaut.  On  ne  rencontre  guère  cette  disposition  que 
dans  certaines  hernies  congénitales  ou  traumatiques.  Dans  les  hernies  congéni- 
tales, et  ce  sont  surtout  des  hernies  ombilicales  et  des  hernies  diapliragmati(jues, 
le  sac  manque  par  suite  d'un  arrêt  de  développement  du  péritoine  pariétal  qui 
ne  s'est  pas  encore  formé  quand  la  hernie  se  produit.  Dans  les  hernies  trauma- 
tiques, le  péritoine  ayant  été  déchiré  en  même  temps  que  le  reste  des  parois, 
les  viscères  passent  au  travers  de  la  déchirure  (hernies  viscérales  à  travers  une 
plaie  récente,  hernies  diapliragmatiques  traumatiques).  Il  en  est  de  même  dans 
les  hernies  traumatiques  par  cicatrice. 

Enfin  le  sac  peut  exceptionnellement  faire  défaut  quand  la  hernie  renferme 
seulement  un  organe  qui  est  à  l'état  normal  incomplètement  revêtu  par  la 
séreuse  péritonéale.  Le  fait  a  été  observé  surtout  dans  les  hernies  du  caecum.  Le 
professeur  Dichet  en  rapporte  dans  son  Anatomie  chirurgicale  une  observation 
demeurée  célèbre.  Cette  disposition,  que  l'on  ne  peut  reconnaître  qu'au  cours 
d'une  kélotomic  sur  le  vivant,  est  importante  à  prévoir,  afin  d'éviter  la  blessure 
de  l'intestin.  De  plus,  à  côté  du  fait  de  Richet,  on  pourrait,  d'après  Picqué, 
«iter  les  faits  analogues  de  Malherbe,  Cabaret  (de  Saint-Malo),  Heulard,  Sleiger, 
Sernix,  etc. 

p.  Cependant,  le  plus  souvent,  dans  les  hernies  du  cœcum  et  dans  celles  de 
la  vessie,  le  sac  n'est  pas  complètement  absent,  il  est  ordinairement  incomplet. 
Alors  en  effet,  comme  l'organe  hernie  ne  possède  pas  un  revêtement  péritonéal 


700  HERNIES. 

complet,  la  portion  qui  en  est  dépourvue  peut  glisser  entre  le  péritoine  parie'tal 
et  la  paroi  abdominale  jusqu'au  niveau  d'un  orifice  herniaire  dans  lequel  elle 
s'engage,  entraînant  seulement  une  portion  de  séreuse  qui  les  recouvre  incom- 
plètement. Le  péritoine,  au  lieu  d'être  refoulé  par  le  viscère,  est  attire  à  leur 
suite;  il  se  place  soit  en  arrière,  soit  sur  les  parties  latérales,  formant  pour  ainsi 
dire  une  sorte  de  poche  séreuse  collatérale  partiellement  indépendante.  C'est 
une  sorte  de  sac  préformé  dans  lequel  peut  s'engager  secondairement  une  anse 
intestinale  plus  ou  moins  grande.  Cette  disposition  du  sac  herniaire  se  rencontre 
quelquefois  dans  les  hernies  du  cœcum  et  plus  souvent  encore  dans  les  hernies 
de  la  vessie  où  elle  est  pour  ainsi  dire  ordinaire.  Mérigot  de  Tregny  cite  dans 
sa  thèse  (1887)  un  certain  nombre  de  hernies  du  caecum  et  de  l'S  iliaque  avec 
sacs  incomplets. 

2"  Sacs  à  résistance  inégale.  Ce  sont  des  sacs  qui  ont  un  aspect  bosselé 
avec  un  seul  et  unique  collet.  Cette  forme  anormale  tient 
ordinairement,  soit  à  l'épaisseur  variable  des  parois  sui- 
vant les  différents  points,  soit  aux  rapports  du  sac,  avec 
quelque  bride  fibreuse  ou  quelque  lamelle  aponévrotique 
qui  aura  limité  son  dévclo[)pement  dans  tel  ou  tel  sens. 
La  distension  du  sac  arrive  alors  à  dilater  seulement  les 
parties  amincies  et  isolées,  et  ces  dilatations  partielles  se 
montrent  sous  la  forme  de  bosselures  plus  ou  moins 
accentuées  constituant  une  série  de  petites  cavités  se- 
condaires surajoutées  à  la  cavité  principale.  Le  sac  est 
bi,  tri  ou  multilobé  {voy.  fig.  5). 

3"  Des  sacs  à  collets  multiples.     Le  sac  à  collet  mul- 
5  pj„  tiple  peut  se  présenter  sous   des  aspects  divers  et  être 

dû  à  des  mécanismes  très-différents. 
En  premier  lieu,  la  hernie  peut  traverser  un  trajet  plus  ou  moins  long, 
pourvu  de  deux  anneaux  fibreux  qui  résistent  à  la  dilatation.  En  ces  deux 
points  rétrécis  du  trajet  il  peut  se  faire  deux  collets  complets  séparés  par  un 
espace  plus  ou  moins  dilaté  qui  correspond  à  la  portion  interstitielle  du  trajet. 
On  rencontre  cette  disposition  dans  certains  cas  de  hernie  oblique  externe  com- 
plète. Le  sac  comprend  alors  une  portion  extérieure  à  l'anneau  superficiel 
descendant  plus  ou  moins  complètement  dans  les  bourses,  un  premier  collet  au 
niveau  de  l'anneau  externe,  une  portion  interstitielle  assez  dilatée  et  enfin  un 
second  collet  au  niveau  de  l'orifice  inguinal  profond.  Souvent  alors  le  collet 
profond  est  celui  qui  est  le  plus  serré,  et  c'est  à  son  niveau  qu'il  faut  aller 
chercher  l'obstacle  en  présence  de  phénomènes  d'étranglement. 

Souvent  au  contraire  on  trouve  dans  un  même  sac  herniaire  une  série  de 
collets  superposés  les  uns  au-dessus  des  autres  et  séparés  par  autant  de  petites 
cavités  dont  chacune  constitue  un  sac  véritable.  On  les  a  désignés  sous  le  nom 
de  sacs  superjjosés  ou  sacs  en  chapelet.  Chaque  renflement  présente  tous  les 
caractères  du  sac  véritable,  et  chaque  rétrécissement  est  manifestement  un 
collet,  plus  ou  moins  complet,  fibreux,  épais,  dur,  sur  les  deux  faces  duquel 
on  rencontre  ordinairement  des  stigmates  qui  eu  révèlent  la  nature.  Ordinaire- 
ment, lorsqu'il  y  a  deux  ou  trois  renflements  successifs,  le  dernier,  c'est-à-dire 
celui  qui  est  le  plus  éloigné  de  l'anneau,  est  vide,  ou  bien  il  contient  soit  une 
petite  portion  d'épiploon,  ordinairement  adhérent,  soit  un  peu  de  sérosité.  On 
rencontre  surtout  ces  sacs  en   chapelet  dans   les   hernies  inguinales.   Scarpa 


HERNIES. 


TOI 


semblait  croire  que  c'était  seulement  dans  les  hernies  congénitales,  mais  il  est 
aujourd'hui  prouvé  qu'on  les  observe  aussi  dans  les  accidentelles.  Cette  dispo- 
sition a  été  signalée  pour  la  première  fois  par  G.  Arnauld.  Après  lui,  Reiley, 
Hoin,  Sandifort,  Gaulmin,  l'ont  rencontrée.  J.  Cloquet  en  a  cité  plusieurs 
exemples,  ainsi  que  Demeaux,  qui  l'a  observée  une  fois  sur  une  hernie  crurale. 
Leur  mode  de  formation  a  été  diversement  interprété,  mais  tous  les  chirurgiens 
«e  rattachent  aujourd'hui  à  l'explication  donnée  par  Arnauld  et  qui,  malgré  les 
objections  de  Scarpa,  a  été  admise  par  Cloquet,  Demeaux,  Gosselin  et  tous  les 
chirurgiens  contemporains.  C'est  la  théorie  du  refoulement  du  collet.  Voici  en 
quoi  elle  consiste  :  lorsque  le  collet  est  complètement  organisé,  il  est  suflisam- 
ment  rétracté  et  resserré  pour  empêcher  de  nouvelles  portions  d'intestin  de 
pénétrer  dans  la  hernie.  Si  alors  de  nouvelles  poussées  tendent  à  chasser  de 
nouveau  les  viscères  au  dehors,  cette  pression  repousse  en  avant  le  collet  ainsi 
formé,  qui  se  déplace  en  entraînant  après  lui  de  nouvelles  portions  du  péritoine, 
et  celles-ci  vont  former  un  sac  nouveau,  lequel  communiquera  avec  le  premier  par 
le  collet  intei'médiaire.  Ce  nouveau  sac  verra  se  former  au  niveau  de  l'orilice 
herniaire  un  second  collet  qui,  à  son  tour,  pourra  être  plus  lard  refoulé  par 
le  même  mécanisme  et  ainsi  de  suite.  On  aura  alors  une  série  de  sacs  super- 
posés les  uns  au-dessus  des  autres  et  communiquant  chacun  par  un  collet  plus 
ou  moins  étroit,  avec  celui  qui  le  suit  et  celui  qui  le  précède  (fig.  6). 

Sac  à  appendice  renversé.     C'est  encoi'e  parmi  les  sacs  à  collets  multiples 


\ 


Fis.  6. 


KiK    7. 


que  l'on  peut  placer  la  variété  décrite  par  J.  Cloquet  sous  le  nom  de  sac  à 
appendice  renversé,  et  dont  il  n'a  rencontré  que  trois  exemples.  Voici  comment 
il  le  décrit  :  «  Au  fond  de  la  partie  postérieure  du  sac,  on  voit  une  ouverture 
arrondie  garnie  d'un  collet  fibreux;  elle  conduit  dans  un  appendice  ou  cavité 
séreuse  vide,  conique,  très-allongée,  qui  remonte  verticalement  à  la  partie  posté- 
rieure du  sac.  Le  fond  ou  pointe  de  cet  appendice  qui  en  forme  la  partie  la 
plus  élevée  adhère  très-intimement  à  la  face  antérieure  des  vaisseaux  testicu- 
laires  à  une  distance  variable  de  l'anneau.  »  Cette  variété  a  toujours  été  ren- 
contrée chez  l'homme,  sur  des  hernies  inguinales  obliques  externes.  Il  s'agit 
encore  ici  du  refoulement  du  collet  d'un  ancien  sac,  et  l'appendice  n'est  reu; 
versé  qu'à  cause  des  adhérences  du  fond  du  sac  primitif  avec  un  point  assez 
voisin  de  l'anneau,  aussi  le  collet  refoulé  devient  alors,  par  suite  du  développe- 
ment du  sac  nouveau,  le  point  le  plus  déclive  de  l'ancien  (fig.  7). 

3°  Des  sacs  doubles.     Les  sacs  doubles  comprennent  plusieurs  variétés  : 


702 


HERNIES. 


1"  Le  sac  double  peut  être  le  résultat  d'une  distension  partielle.  Une  bosse- 
lure latérale  peut,  par  suite  d'une  distension  exage'rée,  former  une  cavité 
secondaire  aussi  considérable  que  la  première.  Dans  ce  cas,  le  sac  est  véritable- 
ment bilobé  et  présenle  deux  corps  et  deux  fonds,  bien  que  n'ayant  qu'un  collet 
unique. 

2"  Cette  disposition  peut  encore  être  produite  par  la  présence  d'une  bride 
fibreuse  ou  vasculaire  qui,  gênant  le  développement  normal  du  sac,  déprime  sa 
paroi  sur  un  point  et  lui  donne  un  aspect  bilobé  (lig.  8).  C'est  ce  qui  se  passe 
dans  la  variété  de  hernie  crurale  décrite  par  Legendre  sous  le  nom  de  hernie 
de  Hesselbach.  C'est  une  hernie  qui,  après  s'être  produite  par  le  trajet  ordinaire 
des  hernies  crurales,  voit,  à  mesure  qu'elle  se  développe,  le  fond  du  sac  s'engager 
par  plusieurs  orifices  du  fascia  cribriformis  et  former  des  appendices  sacci- 
formes.  «  La  hernie,  dit  Legendre,  dans  l'observation  qui  lui  est  propre,  se 
présente  sous  la  forme  de  deux  petites  tumeurs  arrondies,  tout  à  fait  isolées  et 
distinctes  à  l'extérieur  où  elles  étaient  recouvertes  par  le  fascia  super  fie  lai  is. 
Profondément,  au  contraire,  ces  deux  loges  communiquent  ensemble  au  niveau 
du  collet  de  la  hernie  avant  de  traverser  le  fascia  cribriformis.  » 

5°  Enfin  deux  hernies  peuvent  sortir  par  le  même  orifice,  constituant  ainsi  une 


Fis.  8. 


Fin.  9. 


hernie  double,  mais  non  plus  véritablement  un  sac  double,  car  chacune  d'elles 
possède  un  sac  complet  et  un  collet  indépendant.  ,1.  Cloquet  a  publié  dans  sa 
thèse  une  observation  de  sacs  herniaires  multiples  dans  la  région  crurale,  chaque 
sac  ayant  une  ouverture  péritonéale  séparée.  Demeaux  a  vu,  lui  aussi,  deux 
hernies  crurales  complètes  sortant  par  le  même  orifice  et  séparées  par  l'artère 
épigastrique.  Ledentu  cite  un  cas  de  Farabeuf  dans  lequel  une  hernie  crurale 
était  accompagnée  d'une  hernie  à  travers  le  ligament  de  Gimbernat.  Enfin 
P.  Berger  a  signalé  la  coexistence  du  même  côté  d'une  hernie  inguinale  externe 
et  d'une  hernie  inguinale  directe.  Les  deux  collets  n'étaient  séparés  que  par 
l'artère  épigastrique  (fig.  9). 

4°  La  variété  la  plus  rare  des  sacs  doubles  est  celle  qui  est  décrite  aujourd'hui 
sous  le  nom  de  hernie  propéritonéale.  Cette  variété  a  reçu  des  appellations 
diverses.  Elle  a  tour  à  tour  été  appelée  hernie  inguinale  et  intra-iliaque 
(Parise),  hernie  inguinale,  intra-pariétale  (Birkett),  hernie  inguino-intersti- 
tielle  (Goyrand),  hernie  rétro-péritonéo-pariélale  (Linhart),  hernie  para-ingui- 
nale (Bruggiser),  hernie  en  hissac  (Baer)  et  enfin  hernie  diverticulaire  ou 
propéritonéale  (Kronlein).  Cette  variété  n'est  pas  de  connaissance  très-ancienne. 


HERMIES.  705 

Elle  a  été  d'abord  signalée  par  Froriep,  puis  Parise  en  1852  en  a  réuni  trois  cas 
dans  un  mémoire  présenté  à  la  Société  de  chirurgie,  qui  a  été  l'objet  d'un 
rapport  de  Gosselin.  Depuis,  elle  a  été  étudiée  par  un  certain  nombre  de 
chirurgiens  étrangers  tels  queDittel,  Baer,  Fischer,  Mosetig,  G.  Richter,  Streubci 
et  Kronlein,  qui  a  écrit  une  véritable  monographie  de  celte  affection  {Arcli.  fi'ir 
KUnishe  Chirurgie,  1880).  Depuis  ce  dernier  travail,  Bolling,  Matiakovvski  et 
Wiesraann,  ont  publié  à  leur  tour  sur  ce  sujet  des  observations  et  des  considé- 
rations très-intéressantes. 

Voici  en  quoi  elle  consiste  :  La  hernie  présente  deux  sacs  herniaires,  un  sac 
extérieur  ordinairement  contenu  dans  le  canal  inguinal  et  descendant  plus  ou 
moins  loin  le  long  du  cordon;  l'antre  intérieur  situé  en  arrière  de  la  paroi 
abdominale  entre  le  péritoine  et  cette  paroi,  c'est-à-dire  dans  le  tissu  cellulaire 
sous-péritonéal.  Ce  second  sac,  qui  communique  avec  le  premier  par  son  collet, 
s'ouvre  dans  la  cavité  péritonéale  par  un  orifice  interne,  souvent  fort  étroit  et 
qui  constitue  le  véritable  collet  de  la  hernie  :  c'est  le  sac  propéritonéal. 

Cette  disposition  existe  surtout  au  niveau  de  l'orifice  inguinal,  mais  on  peut 
là  rencontrer  aussi  dans  d'autres  régions  herniaires.  Kronlein  en  1 880  avait 
trouvé  23  cas  de  hernie  inguino-propéritonéale  et  1  cas  dû  à  Tcssicr  de  hernie 
cruro-propéritonéale.  Wiesmann  eniS85[Correspon(L  Blatt  fi' r Schweizer  Aerzte , 
1"  septembre)  a  pu  réunir  42  observations  de  sacs  propéritonéaux  ;  sur  ces 
42  cas,  59  étaient  inguinaux,  3  étaient  à  l'orifice  crural,  et  ces  derniers  tous 
chez  des  femmes.  Enfin,  il  existe  à  notre  connaissance  une  observation  de 
hernie  propéritonéale  de  l'ombilic  qui  a  été  présentée  par  M.  Terrier  à  la 
Société  de  chirurgie,  en  janvier  1881. 

Quel  que  soit  le  siège  de  la  hernie,  le  sac  propéritonéal  est  situé  entre  le 
fascia  transversalis  et  le  péritoine,  et  il  existe  ordinairement  des  adhérences 
entre  le  sac,  la  paroi  abdominale  et  le  péritoine.  Ses  dimensions  varient  entre 
le  volume  d'une  noisette  et  celui  d'une  tète  d'adulte.  L'orifice  abdominal,  ordi- 
nairement très-étroit,  laisse  quelquefois  pénétrer  deux  ou  trois  doigts;  les 
contours  formés  par  le  péritoine  pariétal  sont  presque  toujours  fibreux,  tran- 
chants, inextensibles.  Les  axes  des  deux  sacs  peuvent  être  situés  dans  le  prolon- 
gement l'un  de  l'autre,  mais  ils  peuvent  aussi  faire  entre  eux  un  angle  plus  ou 
moins  obtus,  quelquefois  un  angle  droit.  Dans  le  premier  cas,  l'ensemble  de  la 
hernie  a  la  forme  d'un  sablier;  dans  le  second,  les  deux  sacs  sont  inclinés  l'un, 
sur  l'autre  et  contribuent  tous  les  deux  à  la  formation  de  l'orifice  abdominal. 

Ces  sacs  propéritonéaux  n'ont  été  en  général  trouvés  que  dans  des  cas  d'étran- 
glement et  même  le  plus  souvent  ils  n'ont  pas  été  reconnus  sur  le  vivant. 
Kronlein  prétend  avoir,  dans  un  cas,  diagnostiqué  une  hernie  inguino-propéri- 
tonéale, mais,  comme  il  n'y  a  eu  ni  opération  ni  autopsie,  le  fait  peut  rester 
douteux.  BoUing  a  publié  le  26  juin  1882  un  cas  de  hernie  propéritonéale 
in"-uinale,  diagnostiquée,  reconnue  par  la  kélotomie  et  guérie.  Les  guérisons  de 
faits  de  ce  genre  sont  du  reste  peu  nombreuses;  avant  ce  fait  de  Bolling,  on  ne 
connaissait  guère  que  le  cas  de  Rossander  (de  Stockholm,  1880)  et  celui  de  Tren- 
delenburiT,  publié  en  1881  au  dixième  Congrès  de  chirurgie  allemand.  Nous 
pouvons  y  ajouter  une  observation  de  Matlakowski  publiée  en  1883  dans  le 
Jaresberichtf.  gesammte  Medicin,  et  celui  de  Hurlimann  paru  dans  la  Corresp. 
BJatt  fiir  schiveizer  Aerste,  le  15  décembre  1885.  Dans  ce  dernier  cas,  le 
malade  avait  subi  une  laparotomie,  car  les  accidents  d'étranglement  dus  au  sac 
propéritonéal  avaient  reparu  le  troisième  jour  après  une  kélotomie  primitive. 


704  HER.MKS. 

Quoi  qu'il  en  soil,  plusieurs  explications  ont  été  mises  en  avant  pour  rendre 
compte  de  la  formation  de  ce  sac  propéiitonéal.  Sa  présence,  surtout  dans  les 
jjernies  étranglées,  avait  fait  penser  qu'il  s'agissait  là  d'une  sorte  de  réduction 
en  masse  d'une  partie  du  sac  entraînant  le  collet  de  la  hernie,  une  portion  du 
sac  primitif  restant  au  dehors.  Cette  théorie  due  à  Tessier  est  reconnue  fausse 
aujourd'hui,  car  les  adhérences  qui  existent  entre  le  sac  propéritonéal  et  la 
paroi  démontrent  l'ancienneté  de  cette  disposition. 

11  faut  aussi  rejeter  la  théorie  de  Mosetig,  qui  pense  que  le  diverticule  péri- 
tonéalest  formé  par  suite  du  rétrécissement  de  l'orifice  externe  du  canal  inguinal 
ou  crural,  et  que  la  hernie,  ne  pouvant  que  difficilement  le  franchir,  se  développe 
en  décollant  le  péritoine  pariétal.  Comme  ordinairement  ces  anneaux  sont  très- 
larges,  la  théorie  n'est  pas  soutenable. 

Plus  sérieuse  est  la  théorie  diverticulaire.  Certains  auteurs  ayant  remarqué 
que  beaucoup  de  ces  hernies  propéritonéales  étaient  d'origine  congénitale,  et 
qu'elles  s'observent  le  plus  souvent  à  la  région  inguinale,  sont  portés  à  en  attri- 
buer la  formation  à  un  vice  de  conformation.  11  existe  quelquefois,  autour  de 
l'orifice  inguinal,  des  diverticules  péritonéaux  dont  la  présence  a  été  signalée 
par  Rokitansky,  Gruber,  Liidiard,  llarlung.  Si  une  hernie  en  se  produisant 
envoie  un  prolongement  dans  un  de  ces  diverticules,  la  hernie  propéritonéale  est 
constituée.  Cette  théorie  a  été  soutenue  surtout  par  Linhart,  Baer,  Kronlein, 
mais  elle  a  le  défaut  de  ne  pouvoir  rendre  compte  que  des  faits  d'origine  con- 
génitale, et  ne  peut  être  applicable  aux  hernies  propéritonéales  de  l'orifice 
crural  et  de  l'anneau  ombilical. 

Reste  enfin  la  théorie  que  l'on  pourrait  appeler  théorie  du  refoulement  pro- 
gressif et  qui  a  été  admise  par  Gosselin  et  par  Streubel.  Voici  comment  elle  est 
exposée  par  S.  Duplay  qui  s'y  rattache  :  «  Sous  l'influence  de  pressions  répétées 
exercées  en  masse  sur  la  tumeur,  soit  avec  la  main,  soit  au  moyen  d'un  ban- 
dage, le  collet  du  sac  lâchement  adhérent  au  trajet  herniaire  l'abandonne  peu 
à  peu  et  regagne  l'intérieur  du  ventre,  entraînant  derrière  lui  la  partie  supé- 
rieure du  sac  dont  une  portion  peut  encore  rester  comprise  dans  le  trajet,  dont 
l'autre  vient  se  loger  entre  le  péritoine  pariétal  qu'elle  refoule  et  la  paroi 
abdominale,  puis  le  sac  est  bientôt  fixé  dans  cette  position  anormale  par  des 
adhérences  qui  l'unissent  à  la  paroi  abdominale  et  au  péritoine.  » 

Autres  variétés.  Enfin  on  peut  rencontrer  sur  le  cadavre  des  sacs  herniaires, 
petits,  étroits,  déshabités.  Ce  sont  ordinairement  de  petites  cavités  séreuses, 
étroites  et  minces,  plus  ou  moins  allongées,  admettant  à  peine  l'extrémité  du  petit 
doigt,  qui  se  continuent  avec  la  cavité  péritonéale  par  un  des  orifices  herniaires 
ordinaires,  mais  surtout  avec  l'anneau  crural  et  le  trajet  inguinal.  De  plus,  ce 
diverticule  séreux  est  ordinairement  plongé  au  sein  d'une  masse  graisseuse  de 
volume  variable,  mais  suffisante  pour  l'entourer  complètement  et  qui  lui 
adhère  absolument;  c'est  là  véritablement  le  lipome  herniiare. 

Sans  vouloir  insister  outre  mesure  sur  cette  disposition  que  nous  avons  déjà 
signalée  en  étudiant  le  mécanisme  de  la  fornration  du  sac,  nous  rappellerons 
que  l'interprétation  de  ce  fait  a  partagé  les  chirurgiens  en  deux  groupes.  Les 
uns,  avec  Scarpa,  Gloquet,  Velpeau,  etc.,  ont  vu  dans  ce  petit  lipome  entourant 
un  diverticule  péntonéal  un  premier  degré  de  hernie  ;  le  lipome  entraînerait 
au  dehors  un  sac  péritonéal  tout  préparé  pour  recevoir  les  viscères. 

Pour  d'autres,  au  contraire,  à  la  suite  d'Ambroise  Paré,  ce  seraient  là  des 
sacs  vides,  déshabités,  refoulés  par  la  graisse,  et  l'accumulation  du  tissu  adipeux 


HERNIES.  705 

serait  le  mécanisme  de  la  guérison  de  la  hernie.  Bigot,  dans  sa  thèse  en  1822, 
refoule  cette  théorie  qui  a  été  adoptée  par  Bernutz  en  1846,  mais  avec  une 
légère  variante.  La  graisse,  pour  Bernulz,  ne  serait  pas  l'agent  de  la  guérison, 
mais  elle  serait  produite  pour  combler  le  vide  résultant  de  la  rétraction  et  de 
la  diminution  de  volume  du  sac. 

Aucune  de  ces  explications  ne  s'applique  à  l'universalité  des  cas,  et,  si  dans 
la  plupart  des  faits  la  théorie  de  la  préformation  du  sac  paraît  véritable,  il 
existe  certaines  observations  publiées  par  Bernutz  oîi  l'nmas  graisseux  se  trouve 
chez  des  sujets  anciennement  porteurs  de  hernies  guéries  depuis  longtemps  au 
moment  de  l'examen,  et  dans  lesquelles  ce  sac  doublé  de  graisse  jiaraît  bien 
véritablement  être  le  vestige  d'une  lésion  disparue.  Il  est  donc  impossible 
d'admettre  exclusivement  l'une  ou  l'autre  de   ces  théories. 

Avant  de  terminer  l'histoire  des  sacs  herniaires,  nous  devons  y  signaler  la 
possibilité  des  lésions  pathologiques  et  des  dégénérescences  susceptibles  de  se 
développer  sur  le  péritoine.  Le  sac  peut  présenter  des  tubercules  ;  on  voit 
se  produire  dans  son  épaisseur  des  néoplasmes  cancéreux,  mais  ces  lésions 
n'y  sont  pour  ainsi  dire  jamais  primitives.  Ainsi  Hanot  a  relaté  dans  sa  thèse 
d'agrégation  (188,")  deux  cas  de  tuberculose  du  sac  herniaire  chez  des  malades 
atteints  de  péritonite  tuberculeuse,  et  Chauffard  a  publié  à  la  Société  ana- 
lomique  (1882)  une  observation  de  hernie  inguinale  de  l'S  iliaque  dans 
laquelle  un  cancer  développé  sur  l'anse  herniée  s'était  propagé  au  sac  ;  le 
malade  était  mort  de  péritonite  généralisée. 

Contenu  de  la  hernie.  Les  hernies  abdominales  n'ont  pas  toutes  un  contenu 
semblable  :  nous  avons  déjà  vu  que,  suivant  la  nature  même  des  organes 
hernies,  on  les  avait  divisées  en  trois  groupes.  On  a  appelé  entérocèles  celles  qui 
ne  renferment  que  de  l'intestin,  entéro-épiplocèles  celles  qui  contiennent  à  la 
fois  de  l'intestin  et  de  l'épiploon,  et  épiplocèles  enfin  les  tumeurs  constituées 
seulement  par  une  portion  du  tablier  épiploïque. 

Mais  cette  division  élémentaire  est  insuffisante  pour  nous  renseigner  exac- 
tement sur  la  constitution  de  la  tumeur  herniaire.  Nous  devons  rechercher 
d'une  façon  plus  précise  quels  sont  les  organes  abdominaux  que  nous  sommes 
exposés  à  rencontrer  dans  les  hernies. 

Au  dire  de  Cruveilhier,  tous  les  viscères  de  l'abdomen,  sauf  le  rein  et  le  pan- 
créas, seraient  susceptibles  de  s'y  trouver.  En  ne  considérant  que  les  hernies 
communes,  l'assertion  de  Cruveilhier  est  exacte  :  mais,  si  l'on  veut  com- 
prendre dans  la  description  toutes  les  hernies  abdominales,  même  celles  qui 
sont  exceptionnelles,  la  restriction  portant  sur  les  reins  et  le  pancréas  est  peu 
justifiée.  En  effet,  dans  les  hernies  diaphragmatiques  congénitales,  qui  sont 
souvent  plutôt  des  cas  tératologiques  que  pathologiques,  tous  les  organes  abdo- 
minaux sans  exception  ont  été  rencontrés.  Ainsi,  la  présence  de  tous  les  organes 
uriaaires  est  signalée  dans  une  observation  empruntée  au  Philosophical  Trans- 
actions de  Leipzig  en  1802;  les  reins  ont  fait  partie  de  la  tumeur  herniaire 
dans  les  observations  de  Autenrieth,  de  Lâcher  (3*  observ.)  et  de  Leibler.  Quant 
au  pancréas,  nous  avons  pu  réunir  17  cas  de  hernies  diaphragmatiques  dans 
lesquels  le  pancréas  était  au  nombre  des  viscères  déplacés. 

Mais  ce  sont  là,  il  faut  le  dire,  des  exceptions  véritables,  et  d'une  façon 
générale  l'aftirmatioa  de  Cruveilhier  reste,  en  dehors  de  ces  cas,  parfaitement 
exacte. 

D'ailleurs,  si  tous  les  viscères  abdominaux  se  rencontrent  dans  les  hernies, 
DICT.  EXC.  i"  s.  XUl.  45 


706  HERNIES. 

ils  ne  s'y  montrent  pas  tous  également,  et  il  est  nécessaire  d'établir  entre  eux 
de  véritables  catégories.  D'après  Griiveilliier,  et  ses  conclusions  à  ce  sujet  ont 
été  reproduites  par  tous  les  auteurs,  les  viscères  déplacés  sont  par  ordre  de 
fré({uence  : 

i"  Épiploou  et  intestin  grêle; 

2"  L'S  iliaque,  le  côlon  transverse,  le  caecum  et  son  appendice  ; 

5°  L'ovaire  et  les  trompes; 

4"  La  vessie  et  l'utérus; 

5°  L'estomac,  le  foie  et  le  duodénum. 

Les  deux  premières  classes  comprennent  à  elles  seules  les  hernies  communes, 
ordinaires;  toutes  les  autres  constituent  les  hernies  rares.  D'ailleurs,  au  point 
de  vue  du  contenu,  on  peut  les  diviser  en  hernies  primitives  et  hernies  consé- 
cutives, suivant  que  le  déplacement  du  viscère  se  fait  primitivement  et  d'emblée, 
ou  bien  consécutivement  au  déplacement  d'un  autre  viscère  qui  entraîne  le 
second  à  sa  suite.  Comme  l'intestin  et  l'épiploon  sont  les  plus  fréquemment 
déplacés,  c'est  par  eux  que  nous  allons  commencer  l'étude  des  organes  hernies. 

La  quantité  d'intestin  contenu  dans  une  hernie  peut  varier  depuis  quelques 
centimètres  jusqu'à  une  longueur  qui  équivaut  à  la  plus  grande  partie  du 
tube  intestinal.  Dans  les  vieilles  hernies  très-grosses  on  rencontre  quelquefois 
presque  tout  l'intestin  grêle  et  une  portion  du  gros  intestin  :  c'est  véritable- 
ment dans  ces  cas  extrêmes  que  la  hernie  a,  comme  on  dit,  perdu  droit  de 
domicile  dans  l'abdomen. 

Toutes  les  parties  du  tube  intestinal  peuvent  se  trouver  dans  les  hernies. 
Cependant  c'est  l'intestin  grêle  qui  forme,  presque  à  lui  seul,  le  plus  grand 
nombre  de  ces  déplacements.  La  présence  du  gros  intestin  est  moins  fré- 
quente, mais  elle  a  été  constatée  aussi  dans  presque  toutes  les  variétés.  Plus 
habituelle  dans  les  hernies  ombilicales  et  dans  les  diaphragmatismes,  elle  a  été 
signalée  aussi,  ainsi  que  le  démontre  Mérigot  de  Treigny  dans  sa  récente  thèse 
[Étude  sur  les  hernies  du  gros  intestin.  Paris,  1887),  dans  les  hernies  lom- 
baires, obturatrices,  ventrales,  vaginales,  ischiatiques,  crurales  et  inguinales. 
Seulement  les  difféi'entes  parties  de  cet  intestin  sont  plus  ou  moins  fréquemment 
déplacées.  Ainsi,  tandis  que  c'est  le  côlon  transverse  qui  s'observe  surtout  dans 
les  hernies  ombilicales  et  dans  les  diaphragmatiques,  il  n'en  est  plus  de  même 
]iour  les  hernies  crurales  et  inguinales.  Ce  sont  ici  surtout  le  csecum  et  l'S 
iliaque  dont  on  constate  la  présence,  ainsi  qu'il  résulte  des  statistiques  de 
M.  Mérigot  de  Treigny.  De  plus,  c'est  dans  ces  cas  qu'il  y  a  des  sacs  incomplets 
ou  même  des  absences  de  sacs,  et  des  dispositions  anatomiques  intéressantes 
sur  lesquelles  nous  aurons  à  revenir  {voy.  Her.me  inguinale,  Hernie  crurale). 

Du  reste,  on  peut  à  ce  point  de  vue  diviser  les  tumeurs  herniaires  en  trois 
classes  suivant  qu'elles  contiennent  plusieurs  anses  intestinales,  une  anse  com- 
plète, mais  unique,  et  enfin  une  anse  incomplète.  Dans  ce  dernier  cas,  la  portion 
d'intestin  contenue  dans  le  sac  est  assez  petite  pour  qu'il  n'y  ait  qu'une  partie 
de  l'épaisseur  du  tube  intestinal  déplacée,  une  seule  paroi  et  non  pas  un  segment 
de  tube  :  l'intestin  est  dit  pincé. 

Le  pincement  herniaire  n'est  pas  connu  depuis  une  époque  très-reculée.  Ren- 
contré pour  la  première  fois  par  Morgagni,  ce  fut  au  début  une  surprise 
d'autopsie.  Bientôt  Littre  en  169'J,  Ruysh,  en  publièrent  des  observations. 
G.  Arnaud  en  parle  dans  son  Traité  des  hernies  en  1749,  et  Louis,  dans  son 
travail  Sur  la  cure  des  hernies  intestinales  avec  gangrène,  paru  en  1757  dans  les 


HERNIES.  707 

Mémoires  de  l'Académie  de  chirurgie,  ex;imliie  les  symptômes  capables  d'en 
révéler  l'existence.  A  partir  de  ce  moment  tous  les  auteurs  qui  se  sont  occupés 
des  hernies  ont  parlé  du  pincement  herniaire  :  les  observations  se  sont  multi- 
pliées et  dans  ces  dernières  années  cette  question  a  été  l'objet  d'un  certain 
nombre  de  thèses  inaugurales,  parmi  lesquelles  nous  citerous  surtout  celle  de 
Loviot  [Du  jnncemenl  herniaire  de  l'intestin.  Paris,  1879);  celle  de  Défaut  {Du 
pincement  latéral  de  l'intestin  avec  persistance  du  cours  des  matières.  Paris, 
1879,  et  enfin  celles  de  J.  Ferrier  [De  l'occlusion  intestinale  dans  le  pince- 
ment herniaire.  Bordeaux,  1884),  qui  a  pu  en  rassembler  plus  de  3U  obser- 
vations. 

Cette  disposition  particulière  ne  se  rencontre  guère,  et  on  le  comprend  facile- 
nienl,  que  dans  les  hernies  étranglées,  rarement  dans  les  hernies  réductibles.  La 
portion  pincée  est  toujours  la  même,  c'est  le  bord  intestinal  opposé  à  l'insertion 
mcsentérique.  Enfin  la  quantité  engagée  est  très-variable,  depuis  la  simple 
épaisseur  de  la  paroi  intestinale  jusqu'à  la  majeure  portion  du  calibre  de  l'anse 
saisie.  Le  pincement  herniaire  peut  se  rencontrer  à  tous  les  orifices,  mais  il  est 
plus  fréquent  à  l'anneau  crural  et  à  l'épigastre  que  dans  les  autres  variétés;  on 
l'a  noté  cependant  à  l'anneau  inguinal. 

Du  reste,  au  lieu  d'une  simple  portion  d'anse  intestinale,  la  hernie  ne  peut 
quelquefois  comprendre  qu'un  appendice,  une  sorte  de  diverticule  inséré  à  la 
paroi  et  qui  semble  indépendant  du  tube  intestinal  lui-même.  Pour  Malgaigne, 
ces  diverticules  ne  seraient  souvent  qu'une  simple  élongation  de  la  paroi  pincée 
latéralement  et  allongée  mécaniquement.  Ce  diverticule  faux  ou  acquis  peut  être 
dû  encore,  comme  dans  le  fait  observé  par  Monro,  à  l'anneau  crural,  à  une  hernie 
de  la  muqueuse  à  travers  les  fibres  musculaires  de  l'intestin. 

Le  plus  souvent  au  contraire  il  s'agit  de  diverticules  vrais  ou  congénitaux.  Ils 
sont  presque  tous  insérés  sur  l'iléon  et  résultent,  d'après  Broca,  de  la  persis- 
tance anormale  du  pédicule  de  la  vésicule  ombilicale.  Ils  s'insèrent  d'une  part 
à  l'intestin  pour  llotter  par  leur  extrémité  libre  dans  la  cavité  abdominale.  Ils 
sont  creusés  d'une  cavité  qui  communique  avec  celle  de  l'intestin  et  dans  laquelle 
peuvent  s'engager  des  corps  étrangers  ou  des  parcelles  de  matières  fécales. 

L'existence  de  ces  anomalies  fut  découverte  par  Ruysh  en  1698,  et  bientôt 
après,  dans  son  Thésaurus  anatomicus,  il  en  donna  une  planche  gravée.  11  pensa 
que  ces  diverticules  pouvaient  s'engager  dans  les  hernies.  «  Cette  fois  du  moins, 
dit  Broca,  le  raisonnement  avait  rencontré  juste.  En  1700,  Littre  communiqua 
à  l'Académie  des  sciences  deux  observations  de  hernies  formées  par  ce  diverti- 
culuni,  et  l'année  suivante  Méry  produisit  un  fait  dans  lequel  une  semblable 
hernie  avait  donné  lieu  à  des  accidents.  »  Scarpa,  Piichter,  à  leur  tour,  en  ont 
cité  des  exemples,  les  observations  se  sont  multipliées  rapidement  et  tous  les 
auteurs  modernes  en  ont  parlé.  Cazin,  dans  sa  thèse  de  doctorat  en  1852 
{Étude  anat.  et  path.  sur  les  diverticules  de  l'intestin),  a  étudié  avec  le  plus 
grand  soin  ces  anomalies  et  a  rapporté  plusieurs  cas  de  hernies  diverliculaires 
dus  à  Martin,  Taignon,  Telling,  Kiecko,  Hosenhorhl.  Ceux-ci  et  quelques  autres 
ont  été  repris  par  Loviot  et  Ferrier  dans  leurs  thèses.  L'un  des  plus  intéressants 
est  celui  de  Martin  (de  Bordeaux)  en  1765,  dans  lequel  l'appendice  iléal  hernie 
contenait  plusieurs  vers  intestinaux. 

Mais  ces  hernies  diverliculaires  vrais,  et  même  les  pincements  herniaires,  sont 
des  dispositions  rares,  et  le  plus  souvent  les  hernies  intestinales  contiennent  une 
ou  plusieurs  anses  intestinales  complètes,  accompagnées  ou  non  d'épiploon.  Nous 


708  HERNIES. 

nous  occupons  seulement  ici  de  ce  qui  concerne  l'intestin,  nous  réservant  d'étu- 
dier ensuite  ce  qui  touche  à  l'épiploon. 

Dans  les  hernies  intestinales  réductibles  une  première  question  se  pose  :  c'est 
de  savoir  si,  lorsque  la  hernie  se  reproduit,  c'est  toujours  la  même  portion 
d'intestin  qui  se  glisse  dans  le  sac.  La  réponse  à  cette  question  est  facile  à 
faire  :  il  est  à  peu  près  certain  que  c'est  toujours  la  même  anse  intesti- 
nale qui  est  projetée  hors  de  l'abdomen.  En  effet,  lorsque  l'on  a  l'occasion  de 
faire  l'autopsie  d'un  malade  après  la  réduction  soit  simple,  soit  opératoire 
d'une  hernie  étranglée,  on  trouve  ordinairement  l'anse  herniée  tout  au  voisinage 
de  l'anneau.  Il  est  donc  à  peu  près  sûr  que  la  même  anse  est  toute  disposée  à 
sortir  de  nouveau,  si  la  hernie  se  reproduit.  D'ailleurs,  en  dehors  de  toute  com- 
plication, sur  les  hernies  un  peu  ;mciennes  on  rencontre  soit  du  côté  du  mésen- 
tère, soit  du  côté  de  l'intestin,  des  lésions  limitées  qui  démontrent  que  c'est 
toujours  la  même  portion  du  tube  intestinal  qui  s'engage  dans  l'anneau. 

Les  lésions  du  mésentère  ont  été  décrites  depuis  longtemps,  puisque  nous 
savons  déjà  qu'au  siècle  dernier  Rust,  Benevoli  et  Richter,  croyaient  que  ces 
lésions  étaient  préexistantes,  primitives,  et  devaient  être  considérées  comme 
l'une  des  causes  de  la  production  de  la  hernie.  On  trouve,  en  effet,  souvent  la 
portion  du  mésentère  qui  s'insère  à  l'anse  herniée  épaissie,  allongée,  surtout 
dans  les  hernies  anciennes  et  mal  maintenues.  Mais  ces  lésions  ont  été  étudiées 
en  détail  dans  un  mémoire  publié  en  1873  par  M.  L.  Dupuy  dans  le  Progrès 
médical.  Cet  auteur  a  décrit  les  lésions  mésentériques  ordinaires  et  celles  qui 
peuvent  être  attribuées  à  l'étranglement.  Ce  sont  les  premières  seules  qui  doi- 
vent nous  occuper  ici. 

Le  plus  souvent,  dans  les  vieilles  hernies,  le  mésentère  est  épaissi,  hyper- 
trophié ;  en  même  temps  on  observerait  une  augmentation  du  volume  des  gan- 
«lions,  ainsi  qu'une  dilatation  variqueuse  des  veines.  Cette  lé5ion  vasculaire  est 
quelquefois  assez  marquée.  M.  Dupuy  indique  même  la  possibilité  de  la  rupture 
de  ces  veines  variqueuses,  qui  donne  lieu  à  des  hémorrhagies  soit  dans  le  sac, 
soit  dans  le  péritoine,  quelquefois  même  à  des  épanchements  de  sang  intersti- 
tiels et  de  petits  kystes  sanguins. 

L'intestin  peut  être  lui  aussi  le  siège  de  certaines  altérations.  D'ordinaire, 
dans  les  hernies  simples  et  réductibles  les  fonctions  intestinales  sont  absolu- 
ment conservées,  les  matières  et  les  liquides  parcourent  facilement  et  sans  aucune 
gêne  l'anse  intestinale.  Presque  toujours  les  anses  herniaires  sont  aplaties, 
affaissées,  et  glissent  parfaitement  les  unes  sur  les  autres.  L'épaississenient  de  la 
paroi  intestinale,  les  adhérences  que  Ion  peut  rencontrer,  sont  des  lésions  de 
nature  inflammatoire,  traces  d'accidents  anciens  :  aussi  devons-nous  rejeter  à 
l'étude  des  accidents  des  hernies  la  description  de  ces  diverses  lésions. 

U  en  est  de  même  du  rétrécissement  du  calibre  de  l'intestin  signalé  depuis 
longtemps  et  bien  étudié  par  M.  Guignai'd  dans  sa  thèse  de  doctorat  (1846). 
Mais,  comme  ce  rétrécissement  est  ordinairement  consécutif  à  l'étranglement, 
c'est  à  l'étude  de  cet  accident  que  nous  en  renvoyons  la  description. 

L'épiploon  peut  accompagner  l'intestin  dans  la  hernie,  parfois  même  la  consti- 
tuer à  lui  seul  :  on  a  alors  affaire  à  une  épiplocèle.  Nous  réunirons  dans  la  même 
description  ces  deux  variétés,  car  dans  les  deux  cas  l'épiploon  se  présente  avec 
les  mêmes  caractères.  Seulement,  quand  il  accompagne  l'intestin,  il  est  presque 
toujours  situé  en  avant  de  l'anse  herniée,  ce  qui  est  facile  à  prévoir,  puisque 
normalement,  dans  l'abdomen,  le  tablier  épiploïque  recouvre  la  masse  intestinale. 


HERNIES.  709 

Cependant,  dans  certains  cas,  il  peut  être  refoulé  latéralement  soit  d'un  côté,  soit 
de  l'autre;  il  est  du  reste  exceptionnel  de  le  trouver,  dans  le  sac  herniaire,  en 
arrière  de  l'intestin. 

De  plus,  on  ne  rencontre  pas  d'épiploon  dans  les  hernies  congénitales  exis- 
tant à  la  naissance,  non  plus  que  dans  les  hernies  du  premier  âge,  parce  que 
l'épiploon  ne  se  développe  guère  que  dans  la  première  année  de  l'existence. 
Ch.  Féré,  dans  ses  études  sur  les  orifices  herniaires  et  les  hernies  abdominales 
des  nouveau-nés  et  des  enfants  ù  la  mamelle  {Revue  mensuelle  de  médecine  et 
de  chirurgie,  1879),  paraît  avoir  fixé  l'opinion  sur  ce  point,  «  On  admet  géné- 
ralement, dit-il,  que  l'épiploon  ne  peut  pas  se  rencontrer  dans  les  hernies  ombi- 
licales des  enfants,  mais  il  faut  distinguer  :  l'épiploon  est  toujours  rudimentaire 
à  la  naissance,  mais  chez  des  enfants  de  six  mois  on  le  voit  quelquefois  descendre 
bien  au-dessous  de  l'ombilic  :  par  conséquent  il  n'est  pas  impossible  qu'il 
pénètre  avec  l'intestin  ;  après  un  an  on  trouve  quelquefois  l'épiploon  descendant 
jusqu'au  pubis.  »  Et  à  propos  des  hernies  inguinales  il  ajoute  :  «  11  n'est  pas 
très-rare  de  voir,  chez  des  enfants  de  un  an  et  quinze  mois,  l'épiploon  descendre 
jusqu'au  pubis,  par  conséquent,  à  partir  de  cet  âge,  les  épiplocèles  inguinales 
sont  possibles.  Si  elles  sont  très-rares,  même  chez  les  enfants  plus  âgés,  c'est 
que  l'épiploon  ne  se  charge  de  graisse  que  beaucoup  plus  tard  et  par 
conséquent  n'est  pas  entraîné  aussi  facilement  par  son  poids  dans  le  sac  her- 
niaire. Nous  avons  cependant  observé  une  liernie  épiplo'ique  chez  un  enfant  de 
quatre  ans.  » 

Ordinairement,  lorsque  la  hernie  est  un  peu  ancienne,  l'épiploon  qui  y  est 
contenu  a  subi  quelques  modifications.  11  n'a  plus  sa  souplesse  ordinaire. 
Comme,  pour  pénétrer  dans  le  sac  herniaire  il  a  dû  se  replier  sur  lui-même, 
soit  par  suite  d'adhérences  de  ses  plis  entre  eux,  soit  par  suite  de  l'épaississe- 
ment  dont  il  est  le  siège,  il  devient  impossible  de  le  déplisser  :  il  a  perdu  ses 
caractères  de  membrane  mince  et  étalée.  Cet  aspect  est  dû  à  des  dépôts  de 
graisse  qui  se  font  dans  son  épaisseur,  ou  bien  à  des  petites  plaques  indurées, 
libreuses,  qui  sont  le  résultat  d'un  travail  phlegmasique  à  forme  lente,  dont  il 
est  presque  constamment  le  siège  :  aussi,  la  partie  contenue  dans  le  sac  forme 
souvent  une  soi'te  de  bouchon  plus  ou  moins  dur,  épais  et  consistant  au  tou- 
cher, lobule  parfois,  mais  constituant  une  masse  unique  plus  volumineuse  que  le 
calibre  du  collet  et  par  suite  irréductible.  Très-souvent  aussi,  celte  irréductibilité 
est  due  à  des  adhérences  que  certaines  parties  de  l'épiploon  contractent  soit  avec 
l'intestin  qui  l'avoisine,  soit  avec  la  l'ace  interne  du  sac.  Nous  étudierons  ces 
adhérences  en  parlant  des  hernies  irréductibles. 

Souvent  cet  épiploon  devient  extrêmement  vasculaire,  ses  vaisseaux  se  dila- 
tent, se  multiplient,  et  les  froissements  inévitables  de  la  tumeur  herniaire  don- 
nent naissance  à  des  ecchymoses,  à  de  véritables  hémorrhagies  interstitielles.  De 
plus,  soit  par  suite  de  ces  hémorrhagies,  soit  à  cause  des  adhérences  partielles 
de  divers  points  de  l'épiplocèle,  il  peut  se  former  de  véritables  kystes,  qui 
tantôt  communiquent  avec  le  collet  du  sac,  tantôt  au  contraire  constituent  des 
cavités  closes  de  toutes  parts.  Cette  disposition  existait  dans  une  observation 
publiée  par  E.  Kermisson  à  la  Société  analomique  en  1874  [Bull.  Soc.  anat., 
1874,  p.  443). 

L'épiploon  peut  encore  affecter  avec  l'intestin  des  rapports  variables,  et 
prendre  une  situation  différente  de  celle  que  nous  avons  précédemment  indi- 
quée. Il  peut,  ainsi  que  l'indique  Broca,  former  une  sorte  de  corde  enroulée 


710  .HERNIES. 

autour  de  l'anse  inleslinale  et  se  fixer  au  sac  par  des  adhérences.  Ce  fait  est  très- 
rare. 

Il  peut  aussi  envelopper  complètement  l'anse  herniée,  lui  fournissant  un 
véritable  sac  complet,  concentrique  au  sac  herniaire  dont  il  double  la  face 
interne.  L'existence  de  ces  sacs  épiploïques,  dont  il  n'est  pas  toujours  facile 
d'expliquer  la  formation,  est  parfaitement  démontrée  aujourd'hui  et  connue 
depuis  longtemps.  Ledran  le  premiur  en  a  cité  un  exemple  resté  célèbre. 
Après  lui  Ricliter,  Hey,  Astley  Cooper  et  Lawrence,  ont  rencontré  à  leur  tour 
des  sacs  épiploïques,  mais  leur  histoire  est  surtout  due  à  Prescott  Hewett,  qui 
en  1845,  dans  le  Medico -chirurgical  Transactions  of  London  (t.  XXVII, 
p.  184),  en  a  publié  4  observations  sur  5i  cas  de  hernies  étranglées  soignées  à 
l'hôpital  Saint-Georges  de  Londres  eu  18i2  et  1845.  Depuis,  différents  auteurs 
l'ont  observé  à  leur  tour  et  en  ont  signalé  quelques  cas,  ce  qui  prouve  que  celte 
disposition  n'est  pas  absolument  rare. 

Ces  sacs  épiploïques  peuvent  être  considérables  et  entourer  plusieurs  anses 
intestinales.  La  face  externe  de  l'épiploon  est  le  plus  souvent  adhérente  au  sac 
péritonéal  :  sur  les  4  cas  qu'il  rapporte,  Prescott  Hewet  trouva  une  fois  le 
sac  libre  d'adhérences,  deux  fois  les  deux  sacs  soudés  entre  eux  par  des  adhé- 
rences absolument  intimes.  Une  fois,  enfin,  les  deux  membranes  étaient  reliées 
seulement  par  des  tractus  celluleux  lâches. 

Il  a  invoqué  plusieurs  mécanismes  pour  expliquer  leur  formation.  Tantôt  le 
feuillet  épiploïque  peut  se  laisser  refouler  par  l'intestin,  il  s'engage  dans  la 
hernie,  devient  bientôt  adhérent  au  collet,  et  l'intestin  alors  pour  descendre  dans 
le  sac  refoule  ce  feuillet  membraneux,  le  déprime  et  le  dilate  pour  s'en  coiffer 
et  s'en  former  un  véritable  sac.  Tantôt,  au  contraire,  l'épiploon  se  plisse  au 
niveau  du  collet,  ses  plis  se  soudent  entre  eux,  formant  une  sorte  de  poche  dans 
laquelle  vient  ultérieurement  s'engager  l'intestin.  Enfin  Prescott  Hewet  a  tendance 
a  accepter  l'hypothèse  émise  à  ce  sujet  par  Richter,  d'après  laquelle  les  bords  de 
l'épiploon  étalé  au  devant  des  viscères  se  recourberaient  en  arrière  pour  arriver 
au  contact  et  se  souder  entre  eux  en  leur  formant  une  enveloppe  complète.  Ce 
mécanisme  paraît  cependant  moins  probable  que  les  précédents. 

Nous  avons  dit  que  les  autres  viscères  abdominaux  ne  se  rencontraient  que 
plus  rarement  dans  les  hernies;  nous  devons  cependant  en  dire  quelques  mots, 
bien  que  1  histoire  détaillée  de  ces  hernies  doive  être  faite  plus  complètement 
aux  articles  qui  traitent  de  la  pathologie  de  chaque  organe  en  particulier. 

Les  ovaires  et  les  trompes,  qui  peuvent  se  trouver  quelquefois  dans  les 
hernies,  se  rencontrent  principalement  à  l'orifice  inguinal,  à  l'orifice  crural  et 
dans  la  hernie  ovalaire.  Nous  réunissons  ces  deux  organes,  car,  d'ordinaire, 
l'ovaire  hernie  s'accompagne  de  sa  trompe.  Cruveilhier  n'aurait  rencontré  que 
deux  cas  dans  lesquels  la  trompe  aurait  seule  fait  partie  de  la  tumeur  herniaire, 
et  jamais  il  n'a  vu  l'ovaire  sortir  sans  la  trompe  de  Fallope.  Sans  vouloir  faire 
l'histoire  de  celte  lésion,  déjà  décrite  dans  ce  Dictionnaire  à  l'article  Ovaire,  je 
me  bornerai  à  rappeler  que  l'ovarioncie  inguinale  parait  être  la  plus  fréquente, 
qu'elle  est  souvent  congénitale  et  qu'elle  se  voit  plus  souvent  du  côté  droit. 
Souvent  aussi  l'ovaire  hernie  est  atteint  de  certaines  altérations  {voy.  Ovaire 
[Pathologie],  '2^  série,  t.  XVII,  p.  759). 

L'utérus  peut  être,  cà  son  tour,  entraîné  dans  les  hernies;  on  connaît  quelques 
observations  de  hernies  inguinales  contenant  l'utérus,  et  alors  il  est,  le  plus 
souvent,  entraîné  par  la  trompe  de  Fallope.  Cette  lésion  a  été  encore  observée  au 


HERNIES.  7H 

niveau  de  l'anneau  crural  et  dans  les  hernies  ventrales.  11  existe,  en  outre,  qiiel- 
<jues  rares  observations  d'iiyslérocèles  ombilicales,  mais  celles-ci  ne  comprennent 
guère  que  des  utérus  gravides.  Nous  en  pouvons  citer  deux  :  celle  de  Le'otaud 
de  La  Trinidad  en  1855  et  celle  de  Murray  en  18G1  {voij.  Utérus  [Patho- 
logie], in  Dictionnaire  encyclopédique,  a"  série,  t.  II,  p.  48). 

La  vessie  peut  encore  faire  partie  de  la  tumeur  herniaire  et  sort  ordinaire- 
ment soit  par  le  canal  inguinal,  soit  par  l'orifice  crural.  Elle  est  dans  la  plupart 
des  cas  partiellement  déplacée  et,  comme  nous  l'avons  vu  précédemment,  elle 
s'accompagne  souvent  d'un  sac  herniaire  incomplet.  Elle  est  tantôt  «aine,  tantôt 
altérée,  car  on  a  souvent  constaté  de  nombreux  calculs  dans  la  portion  déplacée, 
•qui  est  très-fréquemment  le  sommet  de  l'organe  {voy.  Vessie  [Palhologieï). 

La  présence  du  foie  ne  se  constate  guère  que  dans  les  hernies  diaphagmati- 
ques,  épigastriques  et  ombilicales.  11  ne  se  rencontre  que  très-exceptionnellement 
et  sa  hernie  n'est  que  partielle  dans  les  hernies  acquises.  Au  contraire,  la  pré- 
sence du  foie  est  plus  fréquente  dans  les  hernies  congénitales  ombilicales,  sur- 
tout dans  les  hernies  diaphragmatiques  congénitales.  Dans  ces  dernières  l'hépa- 
tocèle  peut  être  totale  ou  partielle  ;  seulement,  ainsi  qu'il  résulte  des  études  de 
Lanibron  (1859),  de  Fauconneau  Dufresne  et  de  Dnguet,  lorsque  le  foie  n'est 
que  partiellement  déplacé,  on  trouve  sur  la  portion  de  l'organe  qui  est  en 
rapport  avec  l'orifice  herniaire  un  sillon  plus  ou  moins  profond,  très-marqué 
d'ordinaire  et  qui  semble  séparer  nettement  la  partie  herniée  du  reste  du 
viscère.  La  vésicule  hépatique,  les  ligaments  suspenseurs  du  foie  et  surtout  le 
ligament  de  la  veine  ombilicale,  ont  pu  quelquefois  être  isolément  déplacés. 

L'estomac  et  la  rate  ont  aussi  été  quelquefois  entraînés  dans  les  hernies. 
Autrefois  on  désignait  sous  le  nom  de  hernies  de  l'estomac  toutes  celles  qui  se 
faisaient  dans  la  région  épigastrique.  Nous  savons  aujourd'hui  que  la  présence 
de  l'estomac  dans  les  hernies  est  très-rare,  en  dehors  des  hernies  diaphragma- 
tiques.  On  constate  cependant,  quelquefois,  la  présence  de  cet  organe,  ou  plutôt 
d'une  partie  du  viscère,  dans  certaines  hernies  ombilicales  et  épigastriques.  Enfin, 
en  dehors  des  hernies  diaphragmatiques,  le  déplacement  de  la  rate,  total  ou 
partiel,  est  absolument  exceptionnel. 

Symptômes  des  hermes.  Les  hernies  présentent  des  symptômes  physiques  et 
des  symptômes  fonctionnels. 

a.  Symptômes  physiques.  Toute  hernie  constitue  une  véritable  tumeur  : 
c'est  dire  que  les  symptômes  physiques  sont  constants.  Cependant  ils  peuvent 
faire  défaut  dans  certains  cas  particuliers.  Hans  les  hernies  internes,  en  effet,  la 
tumeur  herniaire  est  située  trop  profondément  pour  que  sa  présence  se  mani- 
feste par  ses  caractères  physiques  ordinaii*es;  elle  peut  alors  ne  donner  nais- 
sance qu'à  des  signes  fonctionnels.  Dans  les  hernies  diaphragmatiques  cependant 
il  peut  y  avoir  aussi  des  signes  physiques,  mais  différents  de  ceux  des  hernies 
ordinaires  :  ce  sont  des  modifications  dans  la  percussion  et  l'auscultation  des 
organes  intra-thoraciques. 

Dans  tous  les  autres  cas,  la  hernie  forme  une  véritable  tumeur  externe  dont 
les  caractères  sont  appréciables  à  la  vue  et  au  toucher.  Cette  tumeur  est  ordi- 
nairement visible  et  reconnaissable  pour  tout  le  monde  :  d'autres  fois,  au  con- 
traire, elle  n'est  perceptible  qu'au  toucher,  et  alors  ne  peut  être  découverte  que 
par  le  médecin.  Cela  peut  tenir,  soit  à  l'existence  d'une  hernie  peu  développée, 
d'une  simple  pointe  de  hernie  difficile  à  reconnaître,  soit  au  siège  profond  de  la 


712  HERNIES. 

lésion,  dissimulée  alors  par  l'épaisseur  des  couches  musculaires  ou  des  tissus 
qui  la  recouvrent.  Cette  disposition  se  rencontre  notamment  dans  les  hernies 
obturatrices  et  les  ischiatiques  qui,  peu  volumineuses  et  profondes,  demandent 
pour  être  reconnues  un  examen  très-attentif. 

La  tumeur  herniaire  offre  de  très-grandes  variétés  de  forme  et  de  volume. 
Sa  forme  peut  être  extrêmement  variable,  et  on  rencontre  des  hernies  coniques, 
globuleuses,  sphéroïdales,  cylindroïdes,  etc.  Ces  différences  paraissent  surtout 
dépendre  de  l'orifice  par  lequel  elles  se  produisent  et  de  la  région  qu'elles 
occupent.  Ainsi,  sans  que  cela  soit  absolument  sans  exception,  ou  rencontre 
surtout  les  hernies  coniques  ou  globuleuses  à  la  région  ombilicale  chez  les 
enfants,  tandis  que  chez  l'adulte  la  hernie  ombilicale  est  le  plus  souvent 
sphéroïdale.  Les  hernies  crurales  sont  ordinairement  globuleuses.  Les  formes 
oblongues  ou  ovalaires  sont  fréquemment  observées  dans  les  hernies  inguinales 
interstitielles,  tandis  que  la  hernie  scrotale  forme  plutôt  une  tumeur  piriforme 
à  grosse  extrémité  inférieure. 

La  surface  de  la  hernie  est  tantôt  lisse,  unie,  constituant  une  masse  unique; 
tantôt,  au  contraire,  elle  offre  des  bosselures,  comme  si  la  tumeur  était  multi- 
lobée  ou  recouverte  de  bosselures  secondaires.  D'ailleurs,  la  peau  qui  la  recouvre 
est  saine  et  ne  présente  aucun  changement  de  couleur  ni  d'aspect.  Quelquefois 
cependant  elle  se  recouvre  de  quelques  érythèmes  plus  ou  moins  accentués  et 
d'étendue  variable.  Ils  sont  toujours  dus  à  la  pression  trop  énergique  d'un 
bandage  ou  aux  frottements  exercées  par  la  pelote  d'un  brayer. 

La  base  de  la  tumeur  est  ordinairement  large,  rarement  la  hernie  paraît 
appendue  par  un  pédicule  étroit  :  celte  base  se  continue  sans  limitation  bien 
tranchée  avec  les  parties  voisines. 

Le  volume  des  hernies  est  aussi  variable  que  leur  forme.  Suivant  leur  volume, 
on  les  a  arbitrairement  divisées  en  petites,  moyennes  et  grosses,  sans  qu'il  y  ait 
de  démarcation  bien  marquée  entre  chaque  catégorie  :  mais  cette  division  peut 
avoir  une  certaine  utilité  dans  la  pratique. 

A  la  palpation,  la  tumeur  est  molle,  dépressible,  peu  tendue.  La  tension 
et  l'élasticité  varient  suivant  le  contenu  et  le  moment  de  l'examen.  Ainsi, 
les  hernies  qui  contiennent  seulement  de  l'intestin  donnent  une  consistance 
plus  élastique  et  plus  tendue  que  celles  qui  sont  uniquement  formées  par  de 
î'épiploon.  Dans  celles  qui  renferment  à  la  fois  l'épiploon  et  de  l'intestin  les 
résultats  de  la  palpation  sont  variables,  suivant  que  l'un  ou  l'autre  de  ces 
organes  s'offre  seul  à  l'examen,  et,  quand  ils  sont  placés  à  côté  l'un  de  l'autre, 
les  caractères  physiques  varient  suivant  le  point  qui  est  soumis  à  la  main  de 
l'explorateur.  D'ailleurs,  la  consistance  varie  encore  suivant  les  moments  :  ainsi, 
pendant  l'effort,  et  principalement  pendant  la  toux,  la  tumeur  est  plus  tendue, 
plus  résistante,  plus  élastique  qu'au  moment  du  repos  complet.  Quand  la  hernie 
est  incomplète,  quand  l'intestin  ne  fait  que  s'engager  dans  l'orifice  herniaire 
sans  former  encore  une  véritable  saillie  au  dehors,  c'est-à-dire  quand  il  n'existe 
qu'une  pointe  de  hernie,  il  faut  pour  en  reconnaître  l'existence  introduire  un 
doigt  dans  le  trajet  herniaire;  ce  doigt  ressent  alors,  pendant  la  toux,  un  choc 
qui  tend  à  le  repousser  au  dehors,  et  qui  est  produit  par  l'intestin  refoulé  qui 
cherche  à  ressortir.  Dans  les  cas  ordinaires,  si,  une  fois  la  hernie  réduite,  on 
pratique  la  même  manœuvre,  la  sensation  est  identique.  Si  la  palpation  est 
continue,  plus  attentive  et  plus  profonde,  il  est  ordinairement  facile  d'isoler 
la  hernie  et  de  la  distinguer  des  parties  environnantes.  En  se  rapprochant  de 


HERNIES.  713 

l'orifice  par  lequel  sortent  les  viscères  la  tumeur  se  réduit  à  une  partie  plus 
dure,  plus  étroite,  allongée,  sous  la  forme  d'un  cordon  épais  et  résistant, 
qui  traverse  l'anneau  herniaire  pour  se  perdre  dans  la  cavité  abdominale.  C'est 
le  pédicule  de  la  hernie,  dont  la  consistance  est  variable  suivant  qu'il  est  con- 
stitué par  de  l'intestin  seul  ou  de  l'intestin  et  de  l'épiploon,  et  aussi  suivant  son 
épaisseur,  par  rapport  aux  dimensions  de  l'anneau  qui  lui  livre  passage. 

A  la  percussion,  la  tumeur  est  ordinairement  sonore.  Pour  percevoir  la 
sonorité  propre  à  la  hernie,  il  faut  avoir  recours  à  une  percussion  légère  et 
douce.  En  elTet,  si  la  percussion  était  vigoureuse,  on  percevrait  seulement  la 
sonorité  abdominale  transmise  à  travers  la  tumeur  herniaire,  dans  les  cas  de 
bubonocèle  ou  de  hernie  ombilicale,  ou  au  contraire  la  matilé  fémorale,  s'il 
s'agissait  d'une  hernie  crurale.  De  plus,  tous  les  points  accessibles  de  la  tumeur 
doivent  être  successivement  examinés,  car  la  sonorité  est  variable  suivant  la 
composition  même  du  contenu  de  la  hernie. 

Dans  les  cas  d'entérocèle  pure  et  superficielle,  elle  est  totale  et  complète; 
elle  revêt  les  caractères  que  nous  venons  d'examiner,  le  son  est  clair  et  rap- 
pelle celui  que  donne  la  percussion  de  l'abdomen.  Si,  au  contraire,  l'intestin 
hernie  est  recouvert  par  une  couche  éjiiploïque  épaisse,  ou  bien  si  les  parties 
molles  qui  recouvrent  la  hernie  sont  surchargées  de  graisse  et  très-épaissies,  on 
peut  ne  trouver,  à  l'exploration,  qu'une  submatité  plus  ou  moins  manifeste  et 
qui  réclame  quelquefois,  pour  être  perçue,  la  plus  grande  attention.  Enfin,  dans 
certains  cas,  la  tumeur  herniaire  est  absolument  mate.  Le  plus  souvent  cette 
matité  est  due  à  ce  que  la  hernie  est  constituée  par  de  l'épiploon  seul,  ou  bien 
à  ce  que  le  sac  renferme  une  couche  de  liquide  assez  épaisse  pour  que  la  sono- 
rité intestinale,  si  l'intestin  est  situé  au-dessous,  ne  puisse  se  transmettre  à 
travers  la  nappe  liquide. 

Enfin  la  tumeur  herniaire  est  réductible,  et  cette  réductibilité  est  presque  un 
signe  palhognomonique.  Les  viscères  hernies  rentrent  complètement  dans  la 
cavité  abdominale  soit  simplement,  quand  le  malade  se  place  dans  certaines 
positions  et  surtout  dans  le  décubitus  dorsal,  soit  au  contraire  lorsque  la  hernie 
est  le  siège  de  certaines  pressions  méthodiques  dont  l'ensemble  constitue  la 
manœuvre  appelée  taxis.  Dans  les  hernies  simples  la  réduction  est  d'ordinaire 
très-facile,  et  les  pressions  les  plus  élémentaires  suffisent  souvent  pour  les  faire 
rentrer.  Du  reste,  quand  on  réduit  un  intestin  hernie,  il  rentre  dans  le  ventre 
en  faisant  entendre  un  bruit  particulier,  bruit  hydro-aérique,  à  grosses  bulles, 
désigné  sous  le  nom  de  gargouillement,  et  dont  la  production  est  le  signe  palho- 
gnomonique de  la  réduction  d'une  anse  intestinale. 

Une  fois  rentrée,  la  hernie  se  reproduit  et  l'essort  avec  une  facilité  variable 
suivant  les  cas.  Cette  reproduction  est  quelquefois  spontanée,  dès  que  la  pres- 
sion réductrice  disparaît,  ou  bien,  lorsque  le  malade,  qui  voit  sa  hernie 
rentrer  dans  le  décubitus  dorsal,  se  place  dans  la  situation  debout.  Quelquefois, 
au  contraire,  la  hernie  ne  ressort  que  sous  l'intluence  d'un  effort,  tel  qu'un  cri, 
un  effort  de  toux,  etc.  C'est  dans  ce  dernier  cas  que,  la  hernie  réduite,  le  doigt 
introduit  dans  l'anneau  perçoit  un  choc  en  retour  au  moment  de  l'effort. 
D'ailleurs,  la  facilité  de  la  réduction  de  la  tumeur  herniaire  et  de  sa  reproduction 
après  qu'elle  a  été  réduite  sont  à  peu  près  parallèles  et  ont  permis  à  Gosselin 
de  diviser  les  hernies  réductibles  en  quatre  groupes  qui  correspondent  à  peu 
près  aux  différents  volumes.  Voici  cette  classification  : 

«  1°  La  hernie  ne  sort  pas  quand  le  malade  est  dans  la  position  horizontale, 


714  HERNIES. 

même  quand  on  le  fait  tousser;  elle  ne  sort  pas  non  plus  toutes  les  fois  qu'il  est 
debout  :  elle  ne  paraît  que  de  temps  à  autre,  et  seulement  sous  l'influence  d'un 
effort  considérable  dans  la  station  debout  ou  dans  la  station  accroupie.  En 
général,  ces  hernies  qui  sortent  rarement  et  difficilement  sont  peu  volumi- 
neuses, se  voient  sur  des  sujets  qui  font  habituellement  peu  d'efforts,  on  qui  ont 
longtemps  portés  de  bons  bandages.  On  les  observe  plus  souveait  chez  les  indi- 
vidus de  la  classe  aisée  que  chez  ceux  de  la  classe  pauvre. 

«  2°  La  hernie  rentre  facilement  et  d'elle-même  quand  le  malade  est  dans  la 
position  horizontale,  et  elle  sort  difficilement  tant  qu'il  reste  au  lit.  Mais,  s'il 
vient  à  se  mettre  debout,  elle  se  reproduit  sans  effort  ou  à  la  suite  d'un  effort 
modéré.  Telles  sont  les  hernies  de  beaucoup  d'enfants,  d'un  certain  nombre  de 
femmes,  et  chez  tous  les  sujets  celles  qui  sont  peu  volumineuses  et  sortent  par 
des  anneaux  peu  dilatés. 

«  3"  La  hernie  rentre  encore  facilement,  mais  on  la  fait  reparaître  avec  rapi- 
dité, même  dans  la  position  horizontale,  aussitôt  qu'on  fait  tousser  le  malade. 

«  A"  La  hernie  est  continuellement  dehors.  Si  on  la  fait  rentrer,  elle  sort  sans 
aucun  effort,  même  au  lit.  Lorsque  le  malade  est  levé  et  veut  mettre  un  ban- 
dage, elle  s'échappe  aussitôt  sous  la  pelote.  A  cette  catégorie  se  rattachent  la 
plupart  des  hernies  volumineuses  qui  sortent  à  travers  des  ouvertures  extrê- 
mement élargies,  celles  aussi  que  l'on  nomme  incoercibles.   » 

Les  signes  physiques  que  nous  venons  d'étudier  peuvent  donc  varier  dans  les 
hernies  simples,  réductibles,  suivant  certaines  conditions  que  nous  venons  d'énu- 
mérer,  mais  ils  peuvent  aussi  éprouver  certaines  modifications  suivant  la  nature 
des  organes  contenus  dans  le  sac. 

Ainsi,  par  exemple,  dans  les  hernies  épigastriques  ou  ombilicales  qui  con- 
tiennent une  portion  de  l'estomac,  l'ingestion  des  boissons  augmente  nota- 
blement leur  volume,  par  suite  du  gonflement  de  la  gastrocèle,  qui  devient  en 
même  temps  mate  à  cause  de  la  présence  du  liquide.  Les  hernies  hépatiques 
présentent  à  la  fois  de  la  matité  et  une  consistance  solide.  Les  hernies  vésicales 
augmentent  de  volume  par  suite  de  la  réplétion  naturelle  de  l'organe,  et  dimi- 
nuent notablement  lors  de  son  évacuation  naturelle  ou  provoquée  par  le  cathé- 
térisme.  Celles  qui  contiennent  le  testicule  ou  l'ovaire  révèlent,  à  la  pal- 
pation  la  présence  dans  leur  intérieur  d'un  corps  arrondi  ou  ovoïde,  lisse, 
mobile  et  de  la  dimension  d'une  noisette  environ.  Mais  ce  sont  là  des  cas  parti- 
culiers et  rares  qu'il  suffit  de  signaler  en  passant. 

Plus  importante  est  l'étude  des  caractères  physiques  des  épiplocèles  pures. 
Nous  avons  déjà  vu  qu'à  la  percussion  la  hernie  épiploïque  donnait  une  matité 
absolue,  au  lieu  de  la  sonorité  qui  révèle  la  présence  de  l'intestin.  Là  ne  se 
bornent  pas  les  différences.  L'épiplocèle  forme  une  tumeur  moins  réguliè- 
rement arrondie,  le  plus  souvent  lobulée  et  irrégulière.  Elle  est  molle,  pâteuse, 
dépressible,  sans  élasticité,  tout  à  fait  indolente,  et  se  réduit  d'une  façon  diffé- 
rente. Au  lieu  de  glisser  entre  les  doigts  et  de  s'échapper,  pour  ainsi  dire,  sous 
la  main  du  chirurgien,  l'épiplocèle  demande  à  être  réduite  par  une  pression 
soutenue,  continue,  détaillée,  et  elle  rentre  dans  l'abdomen  sans  produire  le 
gargouillement  que  nous  avons  signalé  dans  l'entérocèle.  De  plus,  lorsque  l'épi- 
plocèle est  ancienne,  elle  est  souvent  le  siège  de  poussées  inflammatoires  qui 
produisent  des  indurations,  des  augmentations  partielles  de  volume,  lesquelles, 
même  sans  adhérences  de  l'épiploon  au  sac  peuvent  rendre  la  réduction  diffi- 
cile. En  explorant  l'abdomen,  on  pourra  sentir  souvent  une  sorte  de  pédicule 


HERNIES.  715 

allonge,  résistant,  une  corde  tendue  qui  semble  relier  la  portion  herniaire  à  la 
partie  intra-abdoniinale  de  l'épiploon.  C'est  ce  prolongement  plus  ou  moins 
rigide  qui  a  été  désigné  par  Yclpeau  sous  le  nom  de  corde  épiploïqiie.  Cette 
sensation  manque,  à  la  vérité,  souvent  dans  les  épiplocèles  récentes,  petites  et 
parfaitement  réductibles. 

Lorsqu'une  hernie  est  formée  à  la  fois  par  de  l'épiploon  et  de  l'intestin,  nous 
savons  qu'il  est  souvent  possible  de  difiérencier  ces  deux  organes  dans  la  hernie 
par  une  percussion  attentive,  l'épiploon  étant  mat  et  l'intestin  sonore.  Mais  la 
réduction  de  ces  tumeurs  mixtes  permet  encore  d'en  reconnaître  la  composition 
exacte.  Le  plus  souvent,  en  effet,  la  hernie  se  réduit  alors  en  deux  temps  :  l'in- 
testin rentre  le  premier,  très-rapidement,  glissant  d'un  seul  coup  sous  le  doigt 
explorateur,  et  il  retourne  dans  l'abdomen  en  produisant  son  gargouillement ,  la 
tumeur  herniaire  se  trouve  alors  réduite  à  une  masse  qui  a  la  mollesse  caracté- 
ristique de  l'épiploon,  et  qui  ne  se  réduit  que  lentement,  peu  à  peu  et  sous  une 
pression  méthodique  et  continue.  D'autres  fois,  et  cela  arrive  assez  souvent,  la 
portion  épiploïque  n'est  qu'incom])létement  réductible. 

Tous  les  signes  physiques  que  nous  venons  de  passer  en  revue  peuvent  pré- 
senter des  différences  nombreuses  suivant  les  régions,  et  cela  à  cause  du  siège 
exact  des  hernies,  de  l'épaisseur  des  couches  qui  les  recouvrent,  de  leur  com- 
position ou  de  la  disposition  du  trajet  herniaire.  Mais,  toutes  ces  différences 
seront  plus  utilement  étudiées  à  propos  de  chaque  variété  en  particulier. 

p.  Signes  fonctionnels.  Les  signes  fonctionnels  peuvent  quelquefois  faire  abso- 
lument défaut  :  la  hernie  se  réduit  alors  aux  signes  physiques,  et  même  dans 
certains  cas,  surtout  quand  il  s'agit  de  hernies  petites  et  profondes,  ces  signes 
physiques  sont  peu  faciles  à  percevoir,  et  la  hernie  peut  longtemps  rester  ina- 
perçue. 

Souvent  elle  donne  naissance  à  un  peu  de  douleur.  Celle-ci  n'est  pas  constante 
et  elle  est  surtout  marquée  quand  le  malade  tousse  ou  fait  quelque  effort.  Alors 
la  tumeur  herniaire  se  tend,  devient  plus  dure;  elle  est  le  siège  de  douleurs  plus 
ou  moins  accentuées.  D'autres  fois,  au  contraire,  la  douleur  ne  se  montre  que 
lorsque  la  hernie  reste  longtemps  au  dehors.  D'ailleurs,  quelque  soit  le  moment 
oii  elle  apparaît,  elle  peut  affecter  des  formes  variables.  Elle  est  quelquefois 
très-légère  :  c'est  une  simple  gêne,  un  tiraillement  plus  ou  moins  fort,  existant 
surtout  pendant  la  marche.  Dans  quelques  cas  le  malade  ressent  des  tractions 
énergiques,  un  poids  plus  ou  moins  considérable  pendant  les  mouvements.  Ces 
phénomènes  s'observent  principalement  dans  les  hernies  inguinales  volumi- 
neuses. Enfin,  d'autres  fois,  la  hernie  peut  être  le  siège  de  douleurs  vives, 
extrêmement  intenses,  plus  ou  moins  continues  et  capables  de  rendre  l'existence 
très-pénible  au  malade. 

Du  reste,  quelle  que  soit  l'intensité  de  ces  douleurs,  le  siège  en  est  variable.  Elles 
sont  souvent  localisées  à  la  peau  qui  recouvre  la  hernie  :  elles  sont  alors  tout  à 
fait  superficielles,  plus  ou  moins  vrves,  et  ressemblent  à  une  névralgie  légère. 
D'autres  fois  cette  douleur  peut  être  due  à  un  bandage,  et,  dans  ce  cas,  comme 
elle  est  causée  par  la  simple  pression  de  la  pelote,  elle  s'accentue  surtout  dans 
les  mouvements.  Elle  peut  aussi  trouver  son  explication  dans  les  contusions 
légères  et  les  excoriations  que  peut  causer  un  brayer  trop  serré  ou  une  pelote 
trop  dure.  Le  repos,  l'enlèvement  momentané  de  l'appareil,  suffisent  alors  à  la 
calmer.  Enfin,  tout  en  restant  encore  limitée  à  la  région  herniaire,  elle  est  quel- 
quefois profonde,  très-pénible,  très-intense,  sans  qu'il  soit  possible  au  malade 


7lfi  HERNIES. 

de  la  localiser  très-exactement,  mais  elle  paraît  siéger  dans  la  profondeur  de 
l'abdomen,  au  niveau  des  viscères. 

Au  contraire,  la  souffrance  peut  être  beaucoup  plus  étendue  et  s'irradier  à  la 
plus  grande  partie  de  l'abdomen.  Toute  la  paroi  abdominale  est  absolument 
sensible,  l'intestin  paraît  douloureux,  et  souvent  cette  sensation  est  si  pénible  que 
la  marche  devient  à  peu  près  impossible  à  cause  des  exaspérations  causées  par 
le  mouvement.  Ces  cas  sont  très-rares  et  généralement  la  douleur  est,  comme 
nous  venons  de  le  dire,  assez  localisée. 

Certaines  hernies  peuvent  donner  naissance  à  de  véritables  névralgies,  par  la 
compression  des  filets  ou  des  troncs  nerveux  qui  sont  au  voisinage  du  trajet 
herniaire.  Le  fait  a  été  surtout  signalé  à  propos  des  hernies  crurales,  dans  les- 
quelles, lorsqu'elles  ont  acquis  un  certain  volume,  il  peut  exister  une  com- 
pression de  plusieurs  branches  du  nerf  crural  ou  du  tronc  lui-même.  Quelquefois 
il  peut  y  avoir  en  outre  des  troubles  de  compression  vasculaire.  Ainsi  Heuermann, 
cité  par  Arm.  Després,  rapporte  qu'il  reconnut  une  petite  hernie  crurale  chez 
une  femme  en  cherchant  la  cause  d'un  œdème  persistant  du  pied.  Dans  d'autres 
cas,  dit  Picqué,  c'est  une  sensation  pénible  de  battement  artériel  dans  le  pli 
inguinal  et  même  un  bruit  de  soufle.  Ces  cas  sont  du  reste  absolument  excep- 
tionnels. 

Enfin,  parmi  les  troubles  fonctionnels  bizarres  qui  accompagnent  les  hernies, 
on  peut  citer  le  fuit  suivant  rapporté  par  le  docteur  Borel  dans  la  Revue  médicale 
de  la  Suisse  romande  pour  1883  (p.  568).  Une  fille  de  vingt-neuf  ans,  domes- 
tique, présentait  un  ensemble  de  phénomènes  hystériques  très-nets,  boule  hys- 
térique, points  de  côté  fugaces,  nausées  sans  vomissements,  troubles  mens- 
truels, etc.  A  l'examen,  le  médecin  décrouvrit  une  pointe  de  hernie  crurale;  en 
la  réduisant  et  en  la  maintenant  réduite  par  un  bandage,  on  fit  disparaître  tous 
les  phénomènes  nerveux. 

A  côté  de  ces  douleurs  on  peut  trouver  chez  les  hernicux  des  troubles  intes- 
tinaux assez  marqués.  Ils  sont  souvent  nuls  et,  il  faut  le  reconnaître,  la  plupart 
des  petites  hernies  ne  retentissent  nullement  sur  le  tube  digestif.  Cependant 
quelquefois  on  a  noté  des  troubles  gastriques,  des  dyspepsies  véritables,  ou  bien 
encore  des  tiraillements  intestinaux,  des  tranchées,  des  coliques,  des  diarrhées 
fréquentes.  On  a  observé  aussi,  chez  certains  malades  porteurs  de  hernies  une 
tendance  marquée  aux  indigestions  sitôt  qu'ils  se  permettent  un  repas  un  peu 
copieux  :  c'est  là  une  source  fréquente  d'accidents,  surtout  dans  les  hernies 
diaphragmatiques.  D'ailleurs  ces  troubles  digestifs  et  intestinaux  sont  presque 
constants  et  beaucoup  plus  accusés  chez  des  malades  porteurs  de  hernies 
anciennes  volumineuses  et  difficilement  coercibles.  Quand  elles  sont  très-volu- 
mineuses et  presque  incoercibles,  quand  elles  ont  pour  ainsi  dire  perdu  droit 
de  domicile,  c'est  surtout  lorsque  l'on  essaye  de  les  maintenir  réduites  que  les 
troubles  fonctionnels  sont  accentués.  Dans  la  plupart  des  autres  cas,  il  n'y  a 
ordinairement  ni  constipation  ni  diarrhée;  mais,  chez  ces  malades,  toutes  les 
fatigues  engendrent  facilement  des  troubles  de  la  digestion. 

Certains  auteurs  anciens,  pour  expliquer  l'irrégularité  et  l'inconstance  de  ces 
troubles  fonctionnels,  ont  invoqué  une  action  particulière  de  l'état  atmosphé- 
rique sur  les  hernies.  Toutes  les  douleurs  et  les  signes  fonctionnels  seraient 
plus  accentués  dans  les  temps  humides  que  quand  la  température  est  sèche. 
Cela  tiendrait  à  une  hygrométricité  particulière  de  l'intestin.  Nous  ne  citons  cette 
explication  qu'à  titre  de  simple  curiosité. 


HERNIES.  717 

Enfin  la  présence  dans  la  hernie  de  certains  organes  particuliers  peut  donner 
naissance  à  des  troubles  fonctionnels  spéciaux.  Ainsi,  dans  les  épiplocèles  pures, 
on  a  noté  la  possibilité  de  douleurs  très-vives,  s'exaspérant  au  toucher  et  à  la 
pression,  et  s'accompagnant  quelquefois  de  troubles  généraux.  Mais  alors  l'épi- 
plocèle  n'est  plus  simple,  ces  douleurs  indiquent  un  état  inflammatoire  plus  ou 
moins  aigu  de  la  hernie  et  doivent  être  étudiées  avec  les  complications.  Certaines 
hernies  vésicales  peuvent  entraîner  une  gêne  plus  ou  moins  grande  de  la  miction. 
Les  hernies  épigastriques  et  diaphragmatiques,  surtout  quand  elles  contiennent 
une  portion  de  l'estomac,  donnent  naissance  à  des  troubles  gastriques  très- 
intenses  et  très-variés.  Les  hernies  ischialiques  s'accompagnent  souvent  de 
névralgie  sciatique.  On  observe  un  gonflement  périodique  et  douloureux  sur- 
venant mensuellement,  dans  les  hernies  de  l'ovaire.  Enfin  Lambron  a  décrit,  dans 
les  hépatocèles  des  hépatalgies  ayant  tout  à  fait  l'aspect  de  coliques  hépatiques, 
et  parfois  même  suivies  de  l'expulsion  de  calculs  biliaires.  Ces  troubles  fonction- 
nels, dus  à  l'altération  des  organes  hernies,  peuvent  éclairer  le  médecin  au  point 
de  vue  du  diagnostic  du  contenu  de  la  hernie. 

Diagnostic.  Le  diagnostic  des  hernies  est  ordinairement  Hicile,  surtout  lors- 
qu'elles se  présentent  avec  un  tableau  symptomatique  complet.  Les  signes  qui 
permettent  de  l'établir  sont  les  suivants  :  la  présence,  surtout  dans  une  des 
régions  herniaires,  d'une  tumeur  souple,  élastique,  et  ordinairement  sonore 
à  la  percussion  ;  sa  réduclibilité  parfaite,  souvent  en  produisant  un  bruit  hydro- 
aérique  spécial,  le  gargouillement.  Enfin  si,  la  hernie  rentrée,  on  introduit  le 
doigt  dans  le  trajet  herniaire,  on  perçoit,  pendant  la  toux  ou  l'effort,  un  choc 
caractéristique  sur  le  bout  du  doigt. 

Si  tous  ces  signes  existaient  toujours  et  dans  tous  les  cas,  le  diagnostic  serait 
extrêmement  facile.  Mais  il  n'en  est  pas  toujours  ainsi.  C'est  surtout  lorsque  le.^ 
signes  sont  incomplets  que  les  difficultés  commencent. 

Ainsi,  certaines  tumeurs  herniaires  sont  absolument  mates.  Nous  avons  vu  que 
cette  malité  peut  tenir  à  diverses  dispositions  particulières  qu'il  n'est  pas  tou- 
jours aisé  de  reconnaître.  Tantôt  elle  est  due  à  la  présence  d'une  assez  grande 
quantité  de  liquide  dans  le  sac.  Le  plus  souvent  alors,  ce  liquide  est  facilement 
réductible;  il  peut  laisser  en  arrière  de  lui  les  viscères  au  dehors,  ou  quel- 
quefois les  entraîner  en  rentrant  dans  l'abdomen.  La  hernie  a  une  consistance 
fluctuante  ou  même  rénitente.  D'autres  fois ,  la  matité  est  due  à  un  sac 
infiltré  de  graisse,  ou  bien  à  la  présence  d'un  sac  épiploïque  à  l'intérieur  du 
véritable  sac  herniaire.  Dans  ce  dernier  cas  le  sac  épiploïque  est  presque  toujours 
adhérent,  au  moins  très-difficilement  réductible,  et  on  peut  presque  toujours 
réduire  l'intestin  en  produisant  le  gargouillement.  11  reste  alors  au  dehors  une 
petite  tumeur  très-souple  et  mate.  La  présence  d'une  épiplocèle,  qui  donne  lieu 
aussi  à  la  matité  herniaire,  est  souvent  reconnaissable  à  l'induration  partielle 
de  l'épiploon,  à  son  état  plus  ou  moins  lobule,  à  sa  consistance  pâteuse;  la 
réduction,  quand  elle  est  entièrement  possible,  en  est  silencieuse  et  lente,  et  enfin 
on  constate  souvent  la  présence  de  la  corde  épiploïque.  Mais,  quand  ce  dernier 
signe  manque,  que  la  tumeur  entièrement  réductible  reste  absolument  souple 
et  molle,  il  peut  être  presque  impossible,  et  en  tout  cas  toujours  fort  difficile, 
de  différencier  une  épiplocèle  pure  d'avec  un  lipome  herniaire  qui  présente 
les  mêmes  caractères  et  la  même  matité. 

Si,  au  contraire,  c'est  la  réduclibilité  qui  fait  défaut  ou  qui  du  moins  est 
incomplète,  comme  cela  se  rencontre  souvent  dans  les  hernies  adhérentes,  le 


718  HERNIES. 

diagnostic  peut  devenir  très-épineux  :  mais  dans  ce  cas  cette  irréductibilité  est 
due  il  l'existence  ancienne  ou  récente  des  accidents  herniaires,  et  nous  croyons 
préférable  de  rejeter  l'étude  de  ces  faits  au  chapitre  des  hernies  irréductibles. 

Lorsque  les  tumeurs  herniaires  sont  incomplètes,  ou  si  petites  et  si  profondes 
que  la  constatation  de  tous  leurs  caractères  soit  très-difficile,  on  peut  ne  pas  les 
reconnaître,  et  le  chirurgien  aura  à  les  différencier  d'un  certain  nombre  de 
tumeurs  de  nature  différente,  et  variables  suivant  la  région  sur  laquelle  porte 
l'examen. 

Ce  diagnostic  différentiel  s'adresse  surtout  aux  tumeurs  réductibles,  que  la 
réduction  soit  véritable  ou  bien  qu'il  n'y  ait  que  des  phénomènes  de  fausse 
réduction.  Les  tumeurs  irréductibles  ne  peuvent  être  confondues  avec  les  her- 
nies que  lorsque  celles-ci  sont  elles-mêmes  irréductibles,  et  nous  étudierons  ce 
point  du  diagnostic  plus  tard. 

A  l'ombilic,  la  hernie  ne  peut  guère  être  confondue,  qu'avec  une  hernie 
aqueuse  de  l'ombilic.  Mais  cette  dernière  est  mate,  fluctuante,  souvent  transpa- 
rente, et  elle  coïncide  toujours  avec  une  ascite  très-considérable.  Ces  caractères 
permettent  facilement  la  distinction. 

Dans  l'aine,  des  tumeurs  réductibles  sont  fréquentes,  et  souvent  le  diagnostic 
est  entouré  de  certaines  difficultés.  Les  tumeurs  qui  peuvent  être  confondues 
avec  une  hernie  sont  véritablement  réductibles,  ou  bien  sont  susceptibles  d'une 
fausse  réduction  capable  de  tromper  un  observateur  superficiel. 

Parmi  les  premières,  et  au  premier  ran:;,  il  faut  citer  l'abcès  froiJ,  qui  peut 
laire  saillie  aussi  bien  au  niveau  de  l'anneau  crural  que  du  trajet  inguinal.  Il 
est  absolument  mat  et  facilement  réductible  :  il  se  distingue  de  la  hernie  par 
sa  réduclibilité  silencieuseet  lente,  l'absence  de  choc  sur  ledoigt  introduit  dans 
rorifice  après  sa  réduction,  et  son  retour  progressif  et  immédiat,  sans  effort, 
sans  toux,  par  le  fait  seul  de  la  pesanteur.  Du  reste,  le  chirurgien  trouve  en 
outre,  souvent,  les  auties  signes  du  mal  de  Pott  qui  lui  a  donné  naissance, 
pour  aider  au  diagnostic  dans  les  cas  embarrassants. 

Certaines  tumeurs  veineuses,  comme  le  varicocèle  à  la  région  inguinale  chez 
l'homme,  les  varices  de  la  saphène  interne  à  l'anneau  crural,  peuvent  aussi  être 
confondues  avec  une  hernie.  Mais,  en  outre  de  leurs  autres  signes,  le  chirurgien 
qui  les  réduit  et  qui  les  maintient  réduites  les  voit  se  reproduire  au-dessous 
du  doigt  réducteur,  sans  effort  et  de  bas  en  haut  ;  de  plus  la  toux  et  les  efforts 
ne  produisent  pas  le  choc  caractéristique. 

L'hvdrocèle  congénitale,  que  l'on  observe  surtout  chez  les  jeunes  enfants,  se 
distinguera  de  la  hernie  par  sa  rénitence  et  sa  consistance  liquide,  sa  réduction 
silencieuse,  l'absence  de  choc  au  doigt  pendant  la  toux  et  surtout  par  sa  trans- 
parence. Le  plus  souvent  aussi  elle  a  une  forme  régulière  spéciale  qui  aide  à  la 
reconnaître.  Enfin,  dans  certains  cas,  on  a  pu  confondre  avec  les  hernies  cer- 
tains kystes  du  cordon  spermatiquc  situés,  soit  à  l'orifice  externe  du  conduit 
inguinal,  soit  même  dans  l'intérieur  du  trajet  :  ils  ont  pu  en  imposer  pour  des 
pointes  de  hernie  ou  des  hernies  interstitielles.  Ils  s'en  distinguent  cependant 
par  certains  caractères.  En  effet,  ils  ne  sont  pas  continués  par  un  pédicule 
s'enfonçant  dans  l'abdomen,  ils  se  réduisent  sans  produire  de  gargouillement, 
et  leur  réduction  ne  peut  se  pratiquer  sans  entraîner  le  testicule  vers  l'abdomen, 
phénomène  que  nous  verrons  exister  aussi  dans  un  certain  nombre  de  hernies 
inguinales  congénitales.  Ce  diagnostic  peut  donc  être,  dans  certains  cas,  fort 
délicat. 


HERMES.  719 

Parmi  Jes  tumeurs  douées  de  fausse  réduction,  je  dois  citer  surtout  l'hydrocèle 
avec  cryptorchidie,  l'hydrocèle  en  bissac,  certains  kystes  ganglionnaires  et  les 
kystes  sacculaires  et  pseudo-sacculaires,  qui  sont  souvent  partiellement  réduc- 
tibles. En  outre,  pendant  les  efforts  ces  tumeurs  donnent  à  la  main  qui  les 
coraprime  un  certain  choc,  une  impulsion,  et  quelquefois  même  subissent  une  sorte 
de  distension.  L'examen  dél aillé  des  symptômes,  l'absence  de  pédicule  her- 
niaire, la  transparence  parfois,  la  fluctuation  ou  la  rénitence,  sufhront  ordi- 
nairement à  établir  la  distinction  qui,  dans  presque  tous  les  cas,  nécessitera  un 
examen  très-minutieux  et  très-mélhodique. 

Une  autre  difliculté  du  diagnostic  jieut  tenir  à  ce  que,  dans  certaines  circon- 
stances, la  tumeur  herniaire  est  complètement  méconnue.  Au  lieu  de  la  con- 
fondre avec  des  affections  capables  d'iiiduiie  en  erreur,  le  chirurgien  peut  ne 
pas  en  soupçonner  l'existence.  Celte  ignorance  de  la  tumeur  tient  à  des  causes 
diverses. 

En  premier  lieu,  la  hernie  peut  être  assez  petite  pour  que  sa  présence  passe 
inaperçue  :  c'est  ce  qui  se  produit  dans  certaines  pointes  de  hernies  inguinales 
et  crurales  où  la  tumeur,  ne  donnant  lieu  à  aucun  signe  fonctionnel,  est  assez 
peu  volumineuse  pour  échapper  à  un  examen  superliciel.  Cela  se  produit,  à 
plus  forte  raison,  lorsque  à  sa  petitesse  se  joint  sa  présence  à  un  orifice  très- 
profond,  comme  pour  les  hernies  ovalaires  ou  ischiatiques.  L'épaisseur  des  par- 
ties molles  qui  recouvrent,  soit  le  trou  ovale,  soit  l'échancrure  ischiatique,  suffit 
souvent,  pour  peu  que  le  malade  ait  de  l'embonpoint,  à  dissimuler  une  tumeur 
herniaire  de  petit  volume.  Enfin  une  hernie  interne  peut  être  parfaitement 
ignorée  du  chirurgien  malgré  l'attention  la  plus  grande.  En  effet,  prenons  une 
hernie  diaphragmatique,  par  exemple  :  ici,  pas  de  tumeur  appréciable  à  l'exté- 
rieur, la  hernie  ne  peut  être  diagnostiquée  qu'a  l'aide  de  signes  fonctionnels  très- 
variables  et  très-peu  caractéristiques,  ou  de  signes  physiques  perçus  à  l'aide 
de  la  percussion  et  de  l'auscultation  de  la  poitrine  ou  de  la  partie  supérieure 
de  l'abdomen,  souvent  difficiles  à  trouver,  et  que  l'on  peut  quelquefois  attribuer 
à  d'autres  affections  qu'à  une  hernie. 

Enfin  certaines  hernies  à  réduction  facile,  mais  qui  sortent  rarement  et  diffi- 
cilement, peuvent  aussi  être  méconnues  parce  que  la  tumeur  herniaire  n'est  pas 
au  dehors  quand  le  chirurgien  examine  le  malade.  On  est  alors  obligé  de  porter 
un  diagnostic  de  probabilité  basé  uniquement  sur  les  signes  anamnesti({ues. 
Mais,  dans  ce  cas,  Gosselin  conseille  de  multiplier  les  examens,  de  chercher 
clwque  fois  à  en  varier  les  conditions,  à  provocjuer  la  sortie  des  viscères,  et  l'on  a 
chance,  un  jour  ou  l'autre,  de  rencontrer  la  hernie  au  dehors  ou  bien  de  réussir 
à  la  faire  sortir. 

Le  diagnostic  n'est  pas  terminé  quand  on  a  reconnu  la  présence  d'une  hernie, 
il  taut  encore  en  reconnaître  le  contenu.  Or.  nous  le  savons,  les  hernies  com- 
munes sont  des  entérocèles,  des  entéro-épi[tlocèles,  ou  des  épiplocèles  pures. 

Les  hernies  formées  seulement  par  de  l'intestin  se  reconnaîtront  aux  signes 
suivants  :  la  tumeur  présente  une  souplesse  et  une  élasticité  spéciales  ;  elle  est 
entièrement  sonore  à  la  percussion  ;  sa  réduction  est  brusque,  rapide  ;  elle  file 
entre  les  doigts  qui  la  pressent,  et  en  rentrant  l'intestin  produit  un  gargouille- 
ment caractéristique. 

Les  entéro-épiplocèles  se  distinguent  parce  que  la  tumeur  herniaire  est  partie 
mate,  partie  sonore;  la  portion  sonore  est  élastique  et  souple,  la  portion  mate  est 
molle,  et  présente  parfois  quelques  indurations,  quelques  nodosités.  De  plus,  la 


720  UERNIES. 

réduction  se  fait  en  deux  temps  le  plus  souvent  :  l'intestin  rentre  le  premier, 
brusquement  et  rapidement,  avec  son  bruit  de  gargouillement  spécial,  puis 
ensuite  l'épiploon  rentre  lentement  et  sans  bruit  sous  l'influence  de  pressions 
douces,  répétées,  plus  ou  moins  soutenues.  Très-souvent,  du  reste,  la  portion 
épiploique  n'est  qu'incomplètement  réductible. 

Enfin  l'épiplocèle  pure  se  distingue  par  les  caractères  suivants  :  elle  est  molle, 
pâteuse  sous  le  doigt,  et  souvent  l'on  sent,  dans  son  intérieur,  de  petites  nodosités, 
des  indurations  partielles  plus  ou  moins  résistantes  et  étendues,  traces  de  pous- 
sées inflammatoires  anciennes.  Elle  est  absolument  mate.  Elle  se  réduit  très-lente- 
ment, et  presque  toujours  il  faut  untaxis  méthodique  et  assez  prolongé  poury  par- 
venir ;  enfin  la  réductibilité  est  fréquemment  incomplète.  De  plus,  dans  l'intérieur 
du  ventre,  on  perçoit  souvent  une  sorte  de  pédicule  tendu  de  la  hernie  vers  le 
fond  de  l'abdomen  :  c'est  la  corde  épiidoïque  de  Yelpeau,  qui  peut  manquer 
dans  beaucoup  de  cas,  mais  dont  la  présence  a  une  réelle  valeur  diagnostique. 

Du  reste,  cette  épiplocèle  pure  est  quelquefois,  surtout  dans  les  cas  où  la 
corde  épiploique  fait  défaut,  et  où  la  réductibilité  totale  n'existe  pas,  très-difficile 
à  distinguer  d'un  lipome  herniaire.  L'analyse  détaillée  de  la  palpation,  l'exis- 
tence d'un  pédicule  résistant,  permettront  de  faire  une  distinction  toujours 
délicate,   mais  qui  peut  à  la  rigueur  devenir  impossible. 

Quant  à  l'existence  dans  la  hernie  de  ces  viscères  qui  ne  s'y  trouvent  qu'anor- 
malement, le  diagnostic  est  souvent  facile. 

Ainsi,  la  présence  de  l'ovaire  ou  du  testicule  se  reconnaîtra  non-seulement  aux 
caractères  de  forme  et  de  volume  de  ces  glandes,  mais  aussi  à  leur  sensibilité 
particulière  à  la  pression.  De  plus,  l'ovaire  peut  être  le  siège  de  fluxions  men- 
suelles caractéristiques.  La  vessie  se  diagnostiquera  par  les  changements  de 
volume  de  la  hernie,  suivant  qu'elle  sera  pleine  ou  vide.  Le  brusque  affaisse- 
ment de  la  tumeur  par  le  cathétérisme,  l'envie  d'uriner  que  donnera  la  com- 
pression sur  la  tumeur  tendue,  mettront  ordinairement  le  chirurgien  sur  la  voie 
du  diagnostic.  L'estomac  révélera  lui  aussi  sa  présence  par  des  signes  spéciaux 
qui  sont  :  une  tendance  au  gonflement  de  la  hernie  à  mesure  que  le  malade 
avalera,  un  bruit  de  glouglou  perceptible  quelquefois  à  distance,  toujours  par 
l'auscultation  pendant  la  déglutition  des  boissons,  enfin  le  développement  de  la 
tumeur  herniaire  avec  tympanisme  spécial,  si  on  fait  ingurgiter  au  malade  des 
poudres  gazogènes  (Bouilly). 

Le  diagnostic  comprend  encore,  outre  la  connaissance  du  contenu,  la  recherche 
du  trajet  herniaire.  Je  ne  m'attarderai  pas  à  faire  ici  le  diagnostic  différentiel  de 
la  hernie  crurale  avec  la  hernie  inguinale,  de  l'ombilicale  avec  l'épigastrique,  etc., 
ces  points  particuliers  doivent  être  étudiés  avec  les  hernies  de  chaque  variété. 

Mais  en  présence  d'une  hernie  quelconque  le  chirurgien  a  le  devoir  de  faire 
le  diagnostic  de  la  nature  du  trajet  herniaire.  11  faut  rechercher  si  la  hernie  est 
oblique  ou  directe,  et,  en  outre,  si  elle  se  fait  par  un  orifice  naturel  ou  une 
ouverture  accidentelle.  Ce  dernier  point  a  une  certaine  importance,  à  cause 
de  la  constitution  souvent  différente  de  ces  deux  sortes  d'orifices.  Or  autour 
des  orifices  naturels  il  existe  souvent  des  hernies  voisines  par  éraillement,  qui 

produisent,  ainsi  que  le  décrit  Cruvelhier,  par  des  anneaux  juxta-inguinaux, 
sjuxta-cruraux,  juxta-ombilicaux,  etc.  Comme  le  pronostic,  ainsi  que  nous  l'avons 
vu,  est  différent,  au  point  de  vue  des  accidents,  suivant  la  nature  des  anneaux 
herniaires,  il  est  important  de  connaître  exactement  le  trajet  de  la  hernie. 

11  est  encore  utile  de  faire  un  diagnostic  complet  des  variétés,  c'est-à-dire  de 


HERMES  72! 

savoir  reconnaître  si  la  hernie  est  complète  ou  incomplète,  si  elle  est  congéni- 
tale ou  acquise,  si  c'est  une  hernie  commune  ou  une  variété  anormale.  Toute- 
fois ces  derniers  points  ne  pourront  être  élucidés  que  lorsque  nous  aurons 
étudié  les  différentes  hernies  en  particulier  :  aussi  en  renvoyons-nous  la  solu- 
tion au  chapitre  traitant  de  chaque  variété. 

Marche  et  évolution  de  la  herme.  Une  fois  formée,  la  hernie  ne  reste  pas 
slalionnaire  ;  elle  tend  au  contraire  toujours  à  s'accroître  quand  elle  n'est  pas 
maintenue.  Cependant  cette  marche  constante  des  hernies  est  variable  et  leur 
développement  est  plus  ou  moins  rapide,  suivant  certaines  circonstances,  au 
premier  rang  desquelles  il  faut  mettre  leur  mode  d'apparition. 

Ainsi,  les  hernies  à  formation  brusque,  qui  se  produisent  d'un  seul  coup  à  la 
suite  d'un  effort,  celles  qui  se  font  dans  un  sac  préformé,  ont  un  développe- 
ment ultérieur  peu  accentué.  Le  plus  souvent,  elles  restent  stationnaires,  ou 
s'accroissent  fort  peu,  d'une  manière  presque  insensible. 

11  en  est  tout  autrement  des  hernies  qui  se  forment  lentement,  qui,  loin  d'ap- 
paraître brusquement,  passent  silencieusement  par  tous  les  degrés  divers,  et 
qui  sont  ordinairement  des  hernies  de  faiblesse.  On  les  voit  apparaître  d'abord 
comme  pointe  de  hernies,  devenir  peu  à  peu  interstitielles,  et  se  transformer  en 
hernies  complètes.  A  partir  de  ce  moment,  leur  accroissement  se  fait  de  deux 
façons  :  tantôt  d'une  manière  insensible  et  constamment  progressive  ;  tantôt,  au 
contraire,  par  brusque  secousses,  à  la  suite  d'efforts  ou  de  mouvements  exa- 
gérés, et  ce  second  mode  de  développement  donne  plus  souvent  lieu  à  la  pro- 
duction d'accidents  sérieux. 

Quel  que  soit  du  reste  son  mode  de  croissance,  la  tumeur  herniaire,  entière- 
ment livrée  à  elle-même,  et  qui  n'est  nullement  contenue,  atteint  un  volume 
véritablement  considérable.  Elle  peut  devenir  grosse  comme  une  tête  de  fœtus 
à  terme  et  quelquefois  plus  ;  la  plus  grande  partie  de  la  masse  intestinale  peut 
passer  au  dehors.  Lorsque  la  hernie  a  atteint  des  dimensions  véritablement 
exagérées,  il  devient  impossible  de  la  réduire  entièrement  :  soit  par  suite 
d'adhérence  des  parties  herniaires  entre  elles  ou  avec  le  sac  herniaire;  soit 
parce  que,  l'abdomen  ayant  perdu  l'habitude  de  contenir  les  intestins,  le  malade 
arrive  à  souffrir  beaucoup  plus  quand  la  hernie  est  réduite  que  lorsque  les 
viscères  sont  contenus  dans  ce  sac  énorme,  véritable  appendice  abdominal. 
On  dit  alors  que  les  hernies  ont  perdu  droit  de  domicile  dans  la  cavité  abdo- 
minale. De  plus,  surtout  dans  ces  cas,  aucun  bandage  herniaire  n'est  capable  de 
maintenir  la  hernie  réduite  :  ils  deviennent  tous  insuffisants,  la  hernie  est  dite 
ulors  incoercible. 

Telle  est  la  marche  ordinaire  de  la  tumeur  herniaire.  Dans  certains  cas 
cependant  ce  développement  progressif  qui  est  la  règle  dans  les  hernies,  ne  se 
produit  pas.  On  peut  voir  survenir  une  évolution  absolument  contraire,  et 
la  hernie  peut  tendre  vers  la  guérison.  Mais  cette  nouvelle  tendance  ne  se 
montre  que  dans  certaines  conditions  aujourd'hui  bien  déterminées  qui  méritent 
d'être  étudiées  avec  soin.  Ces  circonstances  sont  :  la  condition  sociale  du  sujet,  le 
volume  de  la  hernie,  l'époque  de  son  apparition  et  enfin  le  mode  de  contention. 

a.  Condition  sociale.  Les  hernies  guérissent  plus  facilement  chez  les  sujets 
qui  appartiennent  aux  classes  aisées.  En  effet,  les  gens  riches  peuvent  adopter 
un  genre  d'existence  qui  les  dispense  d'efforts  musculaires  violents  capables  de 
développer  une  hernie  au  début;  de  plus,  ordinairement  ils  se  soignent  mieux, 
et  peuvent  mieux  se  soigner. 

Dicr.  ENC.  i"  s.  XIII.  46 


722  HERNIES. 

Tandis  qu'au  contraire,  et  particulièrement  dans  les  classes  ouvrières,  il 
existe  des  professions  absolument  pénibles,  que  l'on  pourrait  appeler  des  pro- 
fessions berniaires,  où  la  nécessité  d'efforts  musculaires  ordinairement  exagérés 
et  constamment  répétés  constitue  une  tendance  forcée  à  la  l'eproduction  et  à 
l'accroissement  de  labernie,  dont  elle  rend  souvent  la  contention  illusoire. 

b.  Volume  de  la  hernie.  Le  volume  de  la  beniie  est  un  point  très-impor- 
tant à  considérer  au  point  de  vue  de  sa  guérison  possible.  En  effet,  ce  sont 
surtout  les  liernies  petites,  peu  volummeuses,  qui  sont  susceptibles  de  rétrocéder. 
On  peut  même  aller  plus  loin  et  établir,  d'après  les  faits,  que,  parmi  les  petites 
hernies,  celles  qui  sont  incomplètes  sont  plus  faciles  à  guérir  que  les  complètes. 

Les  hernies  volumineuses,  au  contraire,  présentent  une  série  de  conditions 
qui  tendent  à  en  faire  des  infirmités  incurables  :  ce  sont  les  modifications  con- 
sidérables des  orifices  herniaires,  dilatation  et  atrophie  des  anneaux  fibreux; 
les  modifications  qui  se  passent  dans  le  sac,  adhérences  des  viscères  sur  quel- 
ques points  de  l'enveloppe  séreuse,  adliérences  extérieures  du  sac  à  l'anneau  et 
aux  tissus  voisins;  enfin  les  difficultés  de  contention  des  grosses  hernies,  ce  qui 
en  exagère  encore  le  volume  jusi^u'à  ce  qu'elles  arrivent  à  perdre  droit  de  domi- 
cile dans  l'abdomen. 

c.  Époque  (T apparition  dans  la  hernie.  L'époque  d'apparition  de  la  hernie 
ou  plutôt  l'âge  du  malade  au  moment  de  son  début  a  une  importance  plus 
grande. 

Ainsi  les  hernies  congénitales,  qui  se'  montrent  dès  la  naissance,  sont  de 
toutes  les  hernies  celles  qui  ont  le  plus  de  tendance  à  guérir  spontanément.  Ce 
sont  des  hernies  ombilicales  ou  inguinales.  Cela  lient  à  ce  qu'elles  sont  unique- 
ment dues  à  un  retard  dans  le  développement  des  anneaux,  qui  vont,  après  la 
naissance,  et  surtout  si  la  hernie  est  maintenue,  terminer  leur  évolution 
propre.  Aussi,  une  fois  que  ces  anneaux  auront  achevé  de  se  fermer,  qu'ils 
seront  assez  développés  pour  avoir  une  consistance  fibreuse,  la  hernie,  par  le  fait 
même  de  leur  résistance,  ne  pourra  plus  se  reproduire,  et  sa  guérison  sera 
achevée. 

Il  en  est  du  reste  à  peu  près  de  même  pour  les  hernies  qui  se  montrent  dans 
le  premier  âge,  et  pour  lesquelles  l'incomplet  développement  des  anneaux 
fibreux  est  encore  la  principale  condition  étiologique.  Elles  peuvent  être,  au 
point  de  vue  de  la  curabilité,  tout  à  fait  rapprochées  des  précédentes,  et  l'on 
peut  dire  qu'ici  encore  la  guérison  est  la  règle,  à  condition  toutefois  que  la 
tumeur  herniaire  soit  bien  maintenue.  Cette  contention  constante,  qui  sera 
exercée  par  un  bandage  porté  nuit  et  jour  et  pendant  le  temps  nécessaire,  suf- 
fira à  assurer  la  guérison  dans  la  grande  majorité  des  cas.  S.  Duplay,  d.uis 
son  Traité  de  pathologie,  dit  que,  chez  ces  malades,  «  le  fait  est  beaucoup  plus 
rare,  et  la  guérison  d'une  hernie  non  congénitale  doit  compter  parmi  les 
exceptions.  »  Cette  assertion  nous  paraît  un  peu  exagérée.  En  effet,  ces  liernies 
du  premier  âge  guérissent  beaucoup  plus  souvent  que  ne  l'accorde  cet  auteur, 
et  la  statistique  de  Malgaigne  montrant  la  décroissance  considérable  du  nombre 
des  hernies,  depuis  deux  ans  jusqu'à  neuf  ans,  nous  semble  une  démonstration 
suffisante  de  la  facilité  de  leur  guérisori. 

Si,  au  contraire,  la  hernie  apparaît  chez  un  adulte,  ou  pendant  la  seconde 
enfance  et  l'adolescence,  les  choses  changent  complètement.  La  guérison  est 
encore  possible,  mais  elle  devient  très  rare.  Cette  terminaison  favorable  ne  se 
montre  plus  que  dans  les  cas  de  hernies  petites  et  parfaitement  maintenues. 


HERNIES.  725 

Ici  l'influence  du  traitement  est  absolument  manifeste  et  même  prédominante. 
Cependant,  avec  une  contention  scrupuleusement  faite,  la  guérison  de  la 
hernie  peut  être  considérée  comme  une  exception.  Le  plus  souvent,  le  succès 
du  traitement  par  le  bandage  est  de  conserver  la  hernie  dans  un  état  station- 
naire,  d'en  empêcher  le  développement  naturel.  En  effet,  chez  l'adulte,  la  répéti- 
tion fréquente  des  causes  occasionnelles  due  soit  à  des  habitudes,  soit  à  des 
mouvements  professionnels  ;  la  diminution  de  résistance  des  parois  abdominales 
il  mesure  que  le  malade  avance  en  âge  ;  la  dilatation  progressive  des  anneaux 
herniaires,  constituent  autant  de  conditions  d'accroissement  de  la  maladie, 
contre  lesquelles  le  bandage  a  de  la  peine  à  prévaloir. 

Enfin,  lorsque  la  hernie  se  montre  chez  un  vieillard  ou  chez  un  homme  vieilli 
avant  l'âge,  elle  peut  être  considérée  comme  incurable.  Cela  est  vrai  surtout 
des  hernies  de  faiblesse  qui  surviennent  principalement  chez  les  gens  âgés.  Les 
conditions  mêmes  de  la  production  de  ces  hernies,  dues  à  l'affaiblissement  consi- 
dérable de  leurs  parois  abdominales,  suffisent  à  faire  comprendre  qu'il  est 
impossible  d'espérer  que  leurs  anneaux  puissent  acquérir  une  résistance  suffi- 
sante pour  s'opposer  à  la  sortie  des  viscères.  D'ailleurs  ces  hernies  de  faiblesse 
deviennent  très-rapidement  volumineuses,  les  anneaux  se  dilatent  outre  mesure; 
c'est  dans  ces  cas  qu«  la  hernie  doit  être  regardée  comme  une  véritable  infir- 
mité dont  il  faut  seulement  chercher  à  diminuer  le  développement. 

d.  Contention.  Enfin  la  manière  dont  les  hernies  sont  maintenues  par  les 
bandages  peut  constituer  un  facteur  important  de  leur  tendance  ï.  la  guérison. 
Sous  ce  rapport,  Gosselin  divise  les  hernies  en  trois  groupes  :  celles  qui  ne  sont 
pas  maintenues  du  tout,  celles  qui  sont  mal  maintenues,  et  enfin  celles  qui  sont 
bien  maintenues.  Aous  allons  successivement  examiner  ces  trois  cas. 

Lorsque  la  hernie  n'est  pas  maintenue  ou  qu'elle  est  complètement  aban- 
donnée à  elle-même,  deux  alternatives  peuvent  se  présenter.  Tantôt,  en  effet, 
la  hernie  reste  toujours  au  dehors,  tantôt  au  contraire  on  a  affaire  à  une  tumeur 
qui  ne  sort  de  l'abdomen  que  rarement.  Dans  le  premier  cas,  la  tumeur  herniaire, 
■constamment  sortie,  tend  à  s'accroître  d'une  façon  continue,  et  ce  dévelop- 
pement ne  peut  être  limité  que  par  l'existence  d'une  des  deux  circonstances 
suivantes  :  la  première,  c'est  la  présence  d'un  sac  assez  épais  et  assez  consistant 
pour  résister  à  la  distension  produite  par  la  sortie  progressive  des  viscères  ; 
la  seconde,  c'est  l'existence  d'un  lipome  herniaire  qui,  soutenant  au  dehors 
l'enveloppe  séreuse,  l'empêche  de  céder  davantage  à  la  pression  viscérale.  Mais 
souvent  ces  obstacles  eux-mêmes  sont  insuffisants  et  la  hernie  atteint  un  volume 
considérable.  Inutile  de  dire  que,  dans  ces  cas,  elle  n'est  jamais  susceptible  de 
guérir.  Dans  le  second  cas  la  hernie,  quoique  privée  de  tout  moyen  de  conten- 
tion, ne  sort  que  rarement  et  seulement  quand  le  malade  se  livre  à  des  efforts 
considérables.  De  plus,  quand  elle  sort,  elle  est  très-rapidement  réduite;  on 
la  voit  alors,  pendant  très-longtemps,  rester  stationnaire,  très-petite,  et  c'est 
son  peu  de  volume  qui  cause  lu  négligence  du  malade.  Sitôt  qu'elle  augmente, 
on  a  recours  à  un  bandage,  et  la  hernie  serait  alors  maintenue.  Il  s'agit  sur- 
tout ici  des  hernies  des  jeunes  enfants,  qui  ne  sont  pas  jugées  dignes  d'un 
bandage  :  or,  nous  le  savons  déjà,  ce  sont  des  hernies  qui,  en  vertu  de  leurs 
conditions  étiologiques,  doivent  être  rangées  parmi  celles  qui  ont  le  plus  de 
tendance  à  la  guérison. 

Le  second  groupe  comprend  les  hernies  qui  sont  ordinairement  mal  mainte- 
nues. Cette  mauvaise  contention  peut  tenir  à  plusieurs  causes.  Ou  bien  il  s'agit 


724  IlER?yIES. 

de  hernies  pour  lesquelles  tout  bandage  devient  rapidement  insuffisant  et  qui 
se  reproduisent  facilement  en  présence  d'une  pelote  qui  ne  leur  fournit  qu'une 
barrière  absolument  incomplète.  Ce  sont  ordinairement  de  grosses  tumeurs, 
qui  se  montrent  chez  des  malades  soumis  à  des  efforts  continuels,  ou  bien,  au 
contraire,  chez  des  sujets  qui  se  soignent  et  s'observent  mal,  et  qui  se  con- 
tentent d'un  bandage  souvent  purement  nominal  et  absolument  inefficace  pour 
eux.  Ce  sont  ces  malades  qui  portent  des  appareils  mal  appliqués  et  qu'ils 
placent  sur  l'orifice  herniaire,  sans  avoir  eu  la  précaution  préalable  de  réduire 
les  viscères.  Dans  le  plus  grand  nombre  de  cas,  les  hernies  ainsi  soignées 
causent  peu  de  troubles  à  ceux  qui  en  sont  porteurs,  et  cette  indolence  relative 
explique  la  négligence  des  malades.  D'un  autre  côté,  on  comprend  que  des  her- 
nies ainsi  traitées  ne  soient  jamais  susceptibles  de  guérison.  Cependant  elles 
sont  généralement  moins  volumineuses  que  celles  qui  sont  entièrement  aban- 
données à  elles-mêmes  ;  cette  contention,  tout  imparfaite  qu'elle  soit,  paraît  néan- 
moins limiter  leur  accroissement  dans  une  certaine  mesure. 

Nous  arrivons  maintenant  au  troisième  groupe  tracé  par  le  professeur  Gosselin, 
qui  comprend  les  hernies  bien  maintenues.  Le  bandage  peut,  dans  certains  cas, 
être  porté  d'une  façon  continue,  c'est-à-dire  la  nuit  aussi  bien  que  le  jour,  ou, 
au  contraire,  le  malade  se  débarrasse  de  son  brayer  pendant  la  nuit  parce  que, 
dans  la  position  couchée,  la  hernie  n'a  aucune  tendance  à  ressortir.  Au  point 
de  vue  de  la  curabilité,  ces  hernies  se  divisent  en  deux  variétés.  Les  unes  n'ont 
aucune  propension  à  la  guérison;  elles  persistent,  sans  s'accroître,  restent  station- 
naires  et  peu  volumineuses,  et  ne  demeurent  réduites  que  grâce  à  la  présence 
du  bandage  :  si  le  malade  sort  son  appareil,  la  hernie  ressort  immédiatement. 
Les  autres,  au  contraire,  arrivent,  grâce  à  cette  contention  régulièrement  faite, 
à  ne  plus  ressortir,  et  guérissent  complètement  à  la  longue.  Cette  marche  s'observe 
dans  les  hernies  congénitales  du  premier  âge,  dans  celles  qui  surviennent  chez 
les  jeunes  enfants,  et  dans  un  petit  nombre  de  hernies  peu  volumineuses,  se 
montrant  chez  des  adultes  appartenant  pour  la  plupart  aux  classes  aisées  de  la 
population.  D'ailleurs,  la  durée  de  la  contention  nécessaire  pour  arriver  à  la 
guérison  complète  est  toujours,  même  dans  ces  cas  favorables,  assez  longue. 
La  cure  d'une  hernie  par  le  bandage  demande  plusieurs  mois,  pour  les  hernies 
des  très-jeunes  enfants;  pour  les  autres,  quelques  années,  trois  ou  quatre  ans 
environ,  et  encore  quand  on  l'obtient,  ce  qui  est  assez  rare,  surtout  chez  l'adulte. 

Mécanisme  de  la  guérison  des  hernies.  Maintenant  que  nous  avons  essayé 
de  fixer  dans  quelles  conditions  il  est  permis  d'espérer  la  cure  naturelle  d'une 
hernie,  il  nous  reste  à  étudier  quel  est  le  mécanisme  de  cette  guérison.  Pour 
nous  en  rendre  compte,  deux  points  doivent  être  successivement  examinés  ;  ce 
sont  les  modifications  qui  surviennent  du  côté  des  anneaux  herniaires,  et  celles 
qui  se  produisent  au  niveau  du  sac. 

1»  Modification  du  côté  des  anneaux.  Du  côté  des  anneaux  fibreux,  il  est 
nécessaire  de  considérer  ce  qui  se  passe  à  chaque  orifice  en  particulier,  car  les 
modifications  possibles  sont  variables  suivant  la  constitution  anatomique  de 
chacun  des  trajets  herniaires.  Sans  vouloir  empiéter  sur  l'histoire  particuUère  de  ■ 
chaque  variété,  nous  pouvons  l'indiquer  en  quelques  mots  ici,  du  moins  pour 
les  espèces  communes. 

L'anneau  crural  n'est  susceptible  d'aucune  modification  :  il  ne  revient  pas 
sur  lui-même  et  n'a  aucune  tendance  à  évoluer  dans  le  sens  de  la  guérison  de 
la  hernie.  11  présente,  en  effet,  un  pourtour  complètement  fibreux  et  rigide,  et  il 


HERNIES.  725 

est  incapable  de  revenir  sur  lui-même  après  avoir  subi  une  dilatation  quel- 
conque. 

Il  en  est  de  même,  ou  à  peu  près,  de  l'anneau  ombilical  qui  est,  lui  aussi,  un 
orifice  complètement  fibreux,  à  moins  cependant  que  la  hernie  n'ait  e'té  produite 
avant  le  développement  complet  de  la  cicatrice  ombilicale.  C'est  dire  que  les 
hernies  ombilicales  congénitales,  ou  de  la  première  enfance,  si  elles  sont  bien 
maintenues,  ne  gênent  pas  l'évolution  primitive  de  la  cicatrice  ombilicale,  qui 
aboutit  à  la  formation  d'un  anneau  assez  serré  et  assez  résistant  pour  empêcher 
ultérieurement  l'issue  des  viscères  (voy.  Hernie  ombilicale).  Si,  au  contraire,  la 
hernie  se  montre  chez  l'adulte,  l'anneau,  dilaté  après  son  complet  développe- 
ment, n'a  pas  de  tendance  à  revenir  sur  lui-même  et  à  subir  la  rétraction 
nécessaire  pour  aboutir  à  la  guérison. 

Le  canal  inguinal  mérite,  au  point  de  vue  spécial  qui  nous  occupe,  de  nous 
arrêter  un  peu.  Nous  devons  rappeler  qu'il  est  formé,  pour  ainsi  dire,  par  le 
travail  de  migration  du  testicule,  et  que,  dans  le  plus  grand  nombre  des  cas,  le 
processus  péritonéo-vaginal,  ayant  accompli  sa  fonction ,  s'oblitère  vers  le 
septième  mois  de  la  vie  intra-utérine.  Cependant  très-souvent,  ainsi  que  Zuker- 
kandl  et  Ramonède  l'ont  démontré,  cette  oblitération  n'est  pas  complète  à  la 
naissance,  et  souvent  aussi  les  orifices  qui  le  limitent  sont  assez  ouverts,  même 
en  présence  d'une  oblitération  péritonéale,  pour  permettre  une  hernie  oblique 
externe.  11  résulte  de  ce  mode  de  formation  et  de  celte  disposition  que  le  canal 
inguinal  garde,  toute  la  vie,  une  situation  assez  oblique  pour  que  la  pression 
du  bandage  herniaire  sur  l'orifice  externe  permette  l'application  des  deux  parois 
de  ce  canal  l'une  sur  l'autre.  Donc,  à  mesure  que  se  développera  le  trajet  ingui- 
nal, c'est-à-dire  pendant  l'enfance  et  la  jeunesse,  l'obliquité  du  trajet  et  le 
développement  des  deux  anneaux  qui  le  limitent  faciliteront,  en  même  temps 
que  l'occlusion  du  processus  péritonéo-vaginal,  la  cure  des  hernies  de  ce 
canal.  Les  adhérences  qui  réuniront  les  deux  parois  du  canal  joueront  donc  un 
rôle  important  dans  la  guérison  de  la  hernie  ;  elles  seront  totales  ou  partielles, 
et  plutôt  partielles,  mais  l'application  du  bandage,  en  produisant  une  irritation 
capable  de  leur  donner  naissance,  constituera  une  condition  thérapeutique 
importante. 

2°  Modifications  du  côté  du  sac.  C'est  du  côté  du  sac  que  se  produiront 
dans  la  guérison  des  hernies  les  modifications  les  plus  importantes.  Deux  alter- 
natives peuvent  se  montrer  :  le  sac  rentre  dans  l'intérieur  de  l'abdomen,  ou 
bien,  au  contraire,  il  reste  au  dehors.  Nous  allons  examiner  successivement  ce 
qui  se  passe  dans  les  deux  cas. 

a.  Guérison  par  rentrée  du  sac.  Les  cas  où  le  sac  rentre  dans  l'abdomen 
doivent  être  à  leur  tour  divisés  en  deux  classes  :  ceux  où  le  sac  disparaît,  est 
détruit,  effacé,  ou  bien  ceux  dans  lesquels  il  est  simplement  refoulé  dans  la 
cavité  abdominale,  en  conservant  tous  ses  caractères. 

La  disparition  du  sac  se  rencontre  surtout  dans  les  hernies  congénitales,  qui 
ont  une  tendance  naturelle  vers  la  guérison  (hernies  inguinales  et  ombilicales 
qui  existent  dès  la  naissance),  et  de  plus  dans  les  hernies  petites  et  récentes. 
Dans  ces  cas,  en  effet,  le  sac  n'a  pas  encore  acquis  son  organisation  définitive, 
il  n'a  pas  de  collet,  ou  celui-ci  est  rudimentaire  et  incomplètement  développé. 
Le  sac  peut  être  alors  complètement  ramené  dans  l'abdomen,  ce  n'est  qu'un 
feuillet  péritonéal  refoulé  par  la  hernie,  qui,  renti'ant  avec  elle,  reprend  la 
situation  qu'il   occupait  avant  la  sortie  des  viscères.  S'il  y  avait  un  début  de 


7-6  HERNIES. 

collet,  les  plis  peuvent  encore  s'effacer,  se  déplisser,  et  ce  qui  démontre  ce  méca- 
nisme, c'est  l'existence,  prouvée  par  Cloquet,  d'un  cercle  élargi  des  stigmates 
autour  de  l'orifice  qui  avait  laissé  passer  la  hernie,  et  aune  certaine  distance  de 
cette  ouverture.  Cette  disparition  et  cette  destruction  complète  du  sac  peuvent 
être  occasionnées  par  certaines  cii'constances.  Dans  certains  cas  il  se  fait  une  sorte 
de  rentrée  spontanée  du  sac,  principalement  dans  les  hernies  congénitales  et  du 
premier  âge.  D'autres  fois  il  se  produit  une  locomotion  du  feuillet  pariétal  du 
péritoine  en  sens  inverse  de  celle  qui  avait  permis  la  formation  du  sac.  Les 
circonstances  qui  favorisent  ce  déplacement  en  arrière  de  la  séreuse  peuvent  être 
assez  nombreuses.  Ce  sont  :  tantôt  le  développement  de  tumeurs  abdominales 
volumineuses,  telles  que  les  corps  fibreux  de  l'utérus,  les  kystes  de  l'ovaire,  ou 
bien  simplement  l'accroissement  physiologique  de  l'utérus  pendant  la  grossesse; 
tantôt  l'existence  d'adhérences  épiploïques  ou  intestinales  qui  retirent  la  séreuse 
à  elles,  à  mesure  que  les  organes  rentrent  eux-même  dans  le  ventre.  Ce  résultat 
peut  être  produit  aussi  par  l'accumulation  de  la  graisse  entre  le  péritoine  et  les 
couches  musculaires  de  l'abdomen,  ou  bien  encore  la  réduction  de  la  hernie  par 
traction  est  due  à  la  formation  d'une  nouvelle  hernie  dans  le  voisinage  de  la 
première.  Le  nouveau  sac  semble  alors  en  partie  formé  aux  dépens  du  premier 
attiré  en  dedans  par  une  nouvelle  locomotion  de  la  séreuse. 

Enfin  certaines  circonstances  particulières,  comme  un  décubitus  prolongé,  par 
exemple,  peuvent  amener  une  disparition  complète  du  sac  herniaire.  Les  Anciens, 
et  Richter  surtout,  avaient  signalé  l'influence  du  décubitus  pour  la  guérison  des 
hernies.  Seulement  il  faut  bien  avouer  que  ce  n'est  là  souvent  qu'une  influence 
passagère,  et  que  la  reprise  de  la  marche  ou  de  la  station  debout  ramène,  dans 
certains  cas,  l'apparition  de  la  hernie.  Quanta  la  cause  intime  de  cette  dispari- 
lion  et  de  cette  destruction  du  sac  herniaire,  elle  est  peu  connue.  Cloquet 
invoque  une  sorte  de  resserrement  spontané  du  tissu  cellulaire  extérieur  au  sac, 
ou  bien  dans  les  hernies  inguinales  l'influence  des  contractions  du  crémaster. 
Ce  ne  sont  probablement  là  que  des  hypothèses. 

Dans  les  circonstances  que  nous  venons  d'énumérer  plus  haut,  il  y  aurait 
plutôt  à  invoquer  une  simple  action  mécanique,  une  traction  qui  s'exerce  sur 
le  péritoine  pariétal  en  sens  inverse  de  celle  qui  l'avait  entrahaé  au  dehors. 

Dans  le  second  groupe  de  faits,  le  sac  disparaît  encore  dans  l'abdomen,  mais,, 
comme  il  était  déjà  complètement  développé  et  qu'il  était  pourvu  d'uu  collet 
complet  et  inextensible,  il  ne  se  déplisse  pas.  Il  est  alors  simplement  refoulé 
dans  la  cavité  abdominale  et  il  y  demeure  vide,  mais  intact.  Le  plus  souvent,  il 
se  place  sous  le  péritoine  pariétal  entre  cette  séreuse  et  les  parois  abdominales 
proprement  dites.  Il  reste  là  à  l'état  de  cavité  accessoire,  c'est  une  sorte  de 
sac  prélbrmé  dans  lequel,  ainsi  que  le  fait  remarquer  Gosselin,  les  viscères  peu- 
vent toujours  s'engager  ultérieurement.  Dans  cette  nouvelle  situation  il  peut  con- 
tracter des  adhérences  avec  les  parties  voisines  et,  si  à  côté  de  lui  ou  aux  dépens 
d'une  partie  de  ses  parois  il  se  forme  un  nouveau  sac  herniaire,  il  est  possible 
que  ce  mode  de  guérison  ne  soit  que  le  prélude  de  la  formation  de  ces  hernies 
propéritonéales  sur  lesquelles  nous  avons  précédemment  insisté. 

p.  Guérison  avec  persistance  du  sac  au  dehors.  La  guérison  de  la  hernie  peut 
aussi  s'effectuer  avec  persistance  du  sac  à  l'extérieur,  et  alors  les  modifications 
qui  se  passent  du  côté  de  cet  organe  sont  tout  à  fait  différentes.  Dans  ces  cas, 
en  effet,  le  sac  reste  au  dehors,  se  rétrécit  dans  tous  ses  diamètres,  sa  cavité  est 
très-notablement  diminuée,  son  orifice  se  rétracte  de  plus  en  plus,  et  il  n'est 


HERNIES.  727 

plus  capable  d'admettre  dans  son  intérieur  les  viscères  qu'il  avait  précédemment 
contenus. 

Ces  changements  peuvent  être  dus  à  plusieurs  causes.  En  premier  lieu  se 
place  la  coarctation  du  collet  du  sac.  Ce  travail  normal  de  resserrement  pro- 
giessif  du  collet  avait  été  décrit  par  J.  Cloquet,  et  après  lui,  plus  complètement, 
par  Démeaux,  qui  a  démontré  qu'il  pouvait,  dans  quelques  rares  cas,  aller 
jusqu'à  l'oblitération  complète.  Cette  terminaison,  dit  Demeaux,  la  plus  heu- 
reuse de  toutes,  n'arrive  pas  constamment.  Uoustan,  Malgaigne,  l'ont  décrite  à 
leur  tour,  et  c'est  à  ce  travail  d'oblitération  que  sont  dus  les  kystes  pseudo- 
sacculaires  ou  sacculaires,  vestiges  de  hernies  guéries  par  ce  mécanisme.  De 
plus,  dans  le  sac  à  collets  multiples  par  refoulement,  on  observe  aussi  des 
exemples  de  ce  mode  de  guérison. 

D'autres  fois  la  cavité  du  sac,  et  non  plus  le  collet,  s'oblitère  par  adhérence 
de  ses  parois  entre  elles,  et  celles-ci,  le  plus  souvent,  sont  produites  par  l'action 
irrilalive  du  bandage.  On  les  rencontre  surtout  dans  les  hernies  inguinales 
obliques,  dans  lesquelles  la  pelote  peut  agir  perpendiculairement  à  l'axe  du 
sac.  Mais  elles  ne  sont  pas  toujours  définitives  et,  dans  certains  cas,  il  n'y  a  là 
qu'une  guéridon  temporaire,  car,  ù  la  longue,  au  bout  d'un  nombre  d'années 
parfois  considérable,  les  adhérences  se  résorbent  et  la  hernie  se  reproduit. 
P.  Segond  publie  dans  sa  thèse  d'agrégation  un  certain  nombre  de  faits  de  ce 
genre  qui  lui  ont  été  communiqués  par  Berger  et  sur  lesquels  nous  aurons  à 
revenir. 

Enfin  quelquefois  le  sac  herniaire  se  rétrécit,  se  rapetisse  et  s'entoure  d'une 
certaine  quantité  de  graisse  qui  adhèie  à  sa  paroi  extérieure.  C'est  le  lipome 
herniaire,  dont  nous  avons  déjà  parlé  et  qui,  avons-nous  dit,  a  été  interprété 
tantôt  comme  le  mécanisme  de  la  guérison  avec  Ambroise  Paré  et  Bernutz, 
tantôt  comme  un  agent  [)roductcur  du  sac  herniaire.  Dans  certaines  obser- 
vations il  y  a  bien  véritablement  un  lipome  herniaire  autour  des  vieux  sacs 
désliabités,  que  cet  amas  graisseux  intervienne  ou  non  dans  le  mécanisme  de  la 


guérison. 


Du  reste,  en  terminant  cette  étude  de  l'évolution  herniaire,  nous  devons  dire 
que  c'est  surtout  chez  les  hernies  traitées  que  l'on  observe  ces  terminaisons 
heureuses,  et  l'influence  de  l'application  constante  du  bandage  pour  la  guérison 
est  aujourd'hui  nettement  admise,  surtout  depuis  les  travaux  de  Gosselin. 

Pronostic  des  her>'ies.  Nous  venons  de  voir  que  la  guérison  des  hernies 
ne  peut  être  espérée  que  dans  des  conditions  tout  à  fuit  déterminées,  et  que 
cette  terminaison  est  véritablement  rare,  eu  égard  au  grand  nombre  de  ces 
accidents. 

Aussi  le  pronostic  des  hernies  est  toujours  en  lui-même  sérieux.  La  hernie 
dans  l'immense  majorité  des  cas  constitue  une  incommodité  fâcheuse,  et  sou- 
vent même  une  véritable  infirmité.  De  plus,  ce  pronostic  est  encore  aggravé  par 
la  possibilité  constante  d'accidents  toujours  assez  sérieux  et  quelquefois  très- 
graves,  comme  l'étranglement.  En  outre,  la  présence  d'une  hernie  exerce  une 
influence  délétère  sur  la  santé  du  sujet  qui  en  est  porteur;  car  elle  peut  être 
considérée  comme  une  cause  prédisposante  de  certaines  maladies.  Enfin,  soit 
à  cause  des  accidents  propres  à  la  hernie,  soit  à  cause  d'autres  circonstances,  les 
hernieux  meurent  plus  que  les  autres  individus.  La  proportion  de  léthalité 
de  ces  malades  varie  du  reste  beaucoup  suivant  l'âge  du  sujet,  ainsi  qu'il 
résulte  des  recherches  statistiques  de  Malgaigne.  11  a,  en  effet,  démontré  que 


728  HERNIES. 

chez  les  enfants  il  y  avait  deux  fois  plus  de  morts  parmi  les  hernieux  que  chez 
les  autres.  Chez  les  vieillards,  les  chiffres  augmentent,  et  entre  soixante- 
quinze  et  cent  ans  il  meurt  9  fois  plus  de  hernieux  que  de  personnes  non 
atteintes  par  cette  affection.  Il  est  vrai  de  dire  aussi  que,  à  cet  âge,  la  hernie 
arrive  à  une  fréquence  proportionnelle  beaucoup  plus  grande  qu'à  aucune  autre 
époque  de  l'existence. 

Du  reste,  le  pronostic  varie  suivant  certaines  conditions,  au  premier  rang  des- 
quelles il  faut  placer  la  possibilité  et  le  degré  de  la  contention. 

Ainsi  les  hernies  non  maintenues  sont  beaucoup  plus  graves  que  les  autres, 
car  elles  constituent  toujours  une  incommodité  persistante  ;  elles  sont  souvent 
extrêmement  gênantes  par  leur  volume  même;  enfin  elles  restent,  à  tous  les 
moments  de  leur  existence,  exposées  à  la  production  de  tout  le  cortège  des  acci- 
dents herniaires.  Celles  qui  sont  bien  maintenues,  au  contraire,  n'entraînent  que 
les  incommodités  lices  au  port  du  bandage  ;  car  la  présence  de  l'appareil,  s'il 
est  bien  supporté  et  suffisant,  les  défend  contre  les  complications  ordinaires. 
Aussi,  au  point  de  vue  clinique,  les  hernies  peuvent  être  avantageusement  divi- 
sées, avec  le  professeur  Gosselin,  en  hernies  incoercibles  et  hernies  coercibles, 
suivant  qu'elles  sont  ou  non  susceptibles  d'être  maintenues  complètement  réduites 
par  un  brayer.  Ce  caractère  peut  être,  comme  nous  le  verrons,  la  source  de  cer- 
taines indications  thérapeutiques.  11  est  à  peine  nécessaire  d'ajouter  que  les 
hernies  coercibles  sont  moins  fâcheuses  que  les  autres  et  ont  une  plus  grande 
tendance  à  la  guérison. 

D'ailleurs,  le  pronostic  est  différent  suivant  que  l'on  examine  l'affection  her- 
niaire au  point  de  vue  de  la  guérison  possible,  ou  bien  au  sujet  de  la  facihté 
de  production  des  accidents. 

Au  point  de  vue  de  la  curabilité,  les  hernies  congénitales,  surtout  celles  du 
premier  âge,  sont  plus  favorables  que  les  hernies  acquises  ;  celles  des  adultes 
et  des  adolescents  bien  plus  curables  que  celles  des  vieillards,  toujours  incurables. 
Les  hernies  de  force  sont  plus  susceptibles  de  guérison  que  les  hernies  de  fai- 
blesse, les  petites  et  les  moyennes  moins  graves  que  les  grosses,  celles  qui 
sont  profondes  et  interstitielles  plus  faciles  à  guérir  que  celles  qui  sont  com- 
plètes et  superficielles.  Enfin,  dans  les  professions  aisées,  une  hernie  est  plus 
sujette  à  atteindre  la  guérison  que  dans  les  métiers  pénibles  corporellement,  et 
une  contention  facile  et  complète  entraîne  un  pronostic  plus  avantageux  que 
l'absence  de  bandage  ou  l'incoercibilité. 

Mais,  si  l'on  ne  recherche  que  la  fréquence  et  la  prédisposition  aux  accidents 
herniaires,  les  conditions  du  pronostic  sont  toutes  différentes.  Ainsi,  les  hernies 
petites  et  moyennes  sont  bien  plus  exposées  à  l'étranglement  que  les  hernies 
volumineuses,  et  le  même  accident  se  rencontre  beaucoup  plus  souvent  dans 
les  tumeurs  habituellement  bien  maintenues,  et  tout  à  coup  privées  de  leur  ban- 
dage, que  dans  celles  qui  en  sont,  habituellement  et  totalement,  dépourvues. 

Traitement  des  hernies  rédoctibles.  Une  indication  spéciale  domine  toute 
la  thérapeutique  des  hernies  :  c'est  la  nécessité  de  les  maintenir  constamment 
réduites.  Cette  contention  complète  a  plusieurs  avantages  :  elle  empêche  l'accrois- 
sement de  la  hernie,  diminue  la  gêne  et  les  phénomènes  fonctionnels  et  prévient 
toutes  les  complications. 

Cette  contention  peut  être  parfois  assurée  d'une  façon  définitive  :  alors  la 
guérison  est  obtenue;  soit,  au  contraire,  seulement  d'une  manière  momentanée 


HERNIES.  729 

par  la  présence  crun  appareil  contenlif.  Nous  aurons  donc  à  étudier  un  traite- 
ment palliatif  et  un  traitement  curatif. 

Le  premier  se  fait  au  moyen  des  bandages  herniaires.  Son  histoire  comprend 
celle  de  tous  les  appareils  de  contention  des  hernies,  connus  sous  le  nom  de 
bandages,  brayers,  ceintures,  etc.  Le  second  consiste,  dans  la  majorité  des  cas, 
en  opérations  destinées  à  fermer  définitivement  le  trajet  herniaire. 

Aussi  l'histoire  du  traitement  des  hernies  peut  se  diviser  en  deux  grandes 
périodes  :  la  premièie,  qui  s'étend  depuis  les  temps  les  plus  reculés  jusqu'à  la 
fin  du  dix-septième  siècle,  et  dans  laquelle  on  s'occupe  beaucoup  plus  des  opé- 
rations pratiquées  contre  les  hernies  que  des  appareils  herniaires  ;  une  seconde, 
qui  va  du  début  du  dix-huitième  siècle  jusqu'à  ces  dernières  années,  où  les 
chirurgiens  ont  une  tendance  presque  universelle  à  préférer  l'application  des 
bandages  à  lu  cure  opératoire.  Depuis  quelques  années  seulement,  grâce  à  la 
méthode  antiseptique,  nous  revenons  à  la  cure  opératoire  pour  certains  cas 
déterminés. 

Traitement  palliatif.  Histoire  des  bandages.  Les  Anciens,  qui  ne  connais- 
saient que  la  hernie  inguinale  et  l'ombilicale,  n'appliquaient,  jusqu'à  Galien  et 
Celse,  des  bandages  qu'aux  hernies  de  l'enfance,  et  c'étaient  de  simples  ceintures 
de  toile.  Comme  ils  croyaient  que  toutes  les  hernies  étaient  ducs  à  une  rupture 
du  péritoine,  ils  ne  pensaient  pas  la  lésion  médicalement  curable  et  ne  s'en  occu- 
paient que  pour  l'opérer.  Oribase,  au  quatrième  siècle,  ne  parle  pas  de  bandages 
herniaires  :  pour  lui,  toutes  les  hernies  sont  justiciables  de  l'instrument 
tranchant. 

Au  siècle  suivant,  Aétius  décrit  une  espèce  de  bandage,  complètement  mou, 
dans  lequel  la  hernie  est  maintenue  à  l'aide  d'une  pelote  spéciale  faite  soit  de 
chiffon,  de  soie,  ou  de  papyrus,  car  le  papier  n'existait  pas,  bien  que  les 
modernes  aient  traduit  le  mot  c/iaria  par  papier.  Pour  trouver  de  nouvelles  indi- 
cations sur  les  appareils  herniaires,  il  faut  arriver  jusqu'aux  Arabes  et  aux  ara- 
bistes.  Ali-Abbas  décrit  une  sorte  de  ceinture  plus  résistante  où  le  cuir  est 
substitué  à  la  toile. 

Au  dixième  siècle,  Avicenne  donne  la  description  d'un  nouvel  appareil  dans 
lequel  une  pelote  plane  est  appliquée  sur  l'oritice  herniaire,  et  celle-ci  est 
soutenue  par  une  plaque  de  fer  pour  assurer  la  contention.  C'est  la  première 
apparition  du  métal  dans  la  fabrication  des  bandages,  et  à  ce  point  de  vue  cette 
date  a  une  importance  véritable.  Au  siècle  suivant,  onzième  siècle,  Constantin 
l'Africain  emploie  une  pelote  de  plomb  concave.  Au  treizième  siècle,  Lanfranc 
de  Milan,  qui  vint  à  Paris,  se  servait  d'une  pelote  supportée  par  un  écusson 
métallique.  Mais,  jusqu'à  ce  moment,  le  métal  entrait  seulement  dans  la  compo- 
sition de  la  pelote,  et  la  ceinture  destinée  à  la  soutenir  était  toujours  molle, 
soit  en  cuir,  soit  en  toile. 

Bientôt,  au  quatorzième  siècle,  un  chirurgien  de  Montpellier,  Gordon,  fit 
faire  un  nouvel  et  important  progrès  à  l'art  des  bandages.  11  en  employa  un 
en  fer,  non  point  une  lame  élastique,  mais  au  contraire  en  fer  rigide,  qui 
devait  mieux  soutenir  la  pelote,  quelle  qu'elle  fût,  que  les  ceintures  molles 
employées  jusque-là.  D'ailleurs,  cette  nouvelle  pratique  de  Gordon  paraît  n'avoir 
pas  été  imitée  par  ses  contemporains,  car  Guy  de  Chauliac  n'en  parle  pas  et,  pour 
lui  comme  pour  beaucoup  de  ses  contemporains,  le  bandage  herniaire  devient 
un  appareil  destiné  surtout  à  appliquer  des  topiques  à  la  surface  de  la  tumeur. 

A  ce  moment,  du  reste,  les  topiques  et  les  onguents  les  plus  bizarres  et  les 


7Ô0  HERMES. 

plus  complexes  sont  constamment  employés  contre  les  hernies.  Le  plus  souvent 
ce  sont  des  substances  astriuL^entes  :  noix  de  galle,  alun,  antimoine,  écorce  de 
chêne,  amhre  jaune,  céruse,  etc.,  qui  forment  la  base  de  ces  préparations.  On 
croit  qu'elles  agissent  en  faisant  rélracter  la  tumeur  herniaire. 

Mais,  presque  toujours,  ces  remèdes  sont  composés  d'un  grand  nombre  de 
substances  des  plus  étranges,  comme  presque  toutes  les  productions  de  l'an- 
cienne pharmacopée.  Ainsi,  nous  trouvons  un  onguent  contre  les  hernies  qui 
contenait  en  même  temps  «  de  la  litharge,  de  la  térébenthine,  des  vers  de  terre, 
la  peau  d'une  anguille  fraîche,  du  sang  humain,  de  la  peau  de  bélier  cuite, 
de  l'eau  de  pluie  et  du  vinaigre.  »  C'est  de  cette  époque  que  date  aussi  le 
IraitemetU  siimpathique,  qui  consistait  à  faire  avaler  au  malade  de  la  poudre 
d'aimant  pendant  que  l'on  recouvrait  la  hernie  de  limaille  de  fer.  On  espérait  que 
l'aimant  contenu  dans  l'intestin  attirant  la  poudre  de  fer  placée  à  l'extérieur 
aurait  la  puissance  de  faire  rentrer  la  tumeur.  Plus  tard,  ces  topiques  devien- 
dront des  remèdes  secrets,  comme  le  remède  du  roi,  que  Louis  XIV  acheta  du 
prieur  des  Gabrières  et  qui  était  composé  d'esprit  de  sel  dissous  dans  du  vin, 
et  certains  autres.  Ces  remèdes  secrets  et  ces  topiques,  tout  aussi  inutiles  les 
uns  que  les  autres,  ont  été  peu  à  peu  justement  oubliés  et  sont  tombés  dans  le 
domaine  des  cliarlalans.  Ils  ont  tout  à  fait  cédé  la  place,  comme  ils  le  devaient, 
aux  ajtpareils  mécaniques,  qui  seuls  ont  une  action  raisonnée  et  incontestable. 
Nous  n'en  parlerons  donc  plus  et  nous  revenons  à  l'histoire  des  bandages. 

Le  bandage  mélalli()ue  de  Gordon  ne  fut  pas  accepté  par  ses  contemporains. 
Cependant  quelques  chirurgiens  italiens  tentèrent  de  le  faire  revivre  au  début 
de  quinzième  siècle.  Ainsi  Arculanus  décrit  un  bandage  métallique,  mal  fait 
à  la  vérité,  mais  dont  il  s'est  servi.  Mathieu  de  Gradi  emploie  un  brayer  com- 
posé des  pelotes  pleines  d'Avicenne,  maintenues  par  une  ceinture  armée  de 
lames  de  fer.  A  la  même  époque,  Barthélémy  de  Montegnana,  rival  des  précé- 
dents, proscrivait  impitoyablement  tous  les  banda:^es  métalliques  pour  revenir 
aux  ceintures  molles.  Mais  en  1480  Marcus  Gatenaria,  auquel  certains  auteurs 
ont  attribué,  par  erreur,  la  découverte  des  bandages  métalliques,  revient  à  celui 
de  Gordon,  qu'il  fabrique  avec  du  fer  malléable,  s'aidant  en  même  temps  des 
topiques  et  du  repos.  11  connaît,  dit-il,  un  artisan  à  Saint-Jean-le-Bourg,  qui 
fabrique  très-bien  ses  appareils. 

Les  grands  chirurgiens  de  celte  époque,  Franco,  Ambroise  Paré,  parlent  peu 
du  bandage  herniaire,  occupés  qu'ils  sont  à  perfectionner  les  procédés  de  cure 
radicale.  Fabrice  d'Aquapendente,  1537,  décrit  une  pelote  faite  à  demi  de  bois 
et  de  métal,  qu'il  soutient  avec  une  ceinture  molle,  mais  il  préconise  aussi  un 
appareil  herniaire  qu'il  appelle  Ô7r),ou6/>iov,  composé  d'une  ceinture  métallique 
rigide  qui  s'unit,  à  angle  droit,  avec  une  pelote. 

A  mesure  que  nous  approchons  de  l'époque  moderne,  tous  ou  presque  tous 
les  bandages  nouveaux  sont  fabriqués  à  l'aide  de  pièces  métalliques.  Amsi,  au 
commencement  du  dix-septième  siècle,  Fabrice  de  Ililden  fait  lui-même,  pour 
ses  malades,  un  brayer  en  fer  mou  très-flexible,  et  ce  bandage  est  adopté  par 
Malachias  Geiger  qui,  en  1650,  en  publie  la  description  dans  son  livre.  Pour  en 
rendre  l'application  plus  efûcace  on  en  fixait  la  pelote  à  l'aide  d'une  vis  de 
pression. 

A  peu  près  à  la  même  époque  vivait  à  Paris  un  bandagiste  de  mérite,  homme 
intelligent  et  instruit,  qui  a  exercé  son  art  de  W2^  à  1665  et  qui  avait  succes- 
sivement visité  l'Italie,  l'Allemagne,   la  France,  vu  et  apprécié  les  bandages 


HERiNlES.  751 

usités  dans  ces  divers  pays  et  qui  allait  avoir  la  gloire  d'inventer  le  bandage 
français.  Il  se  nommait  Nicolas  Lequin.  Après  avoir  employé  un  bandage  en  fil 
de  fer,  copié  sur  celui  de  Fabrice  de  Ililden,  il  eut  cette  idée,  que  Malgaigne 
qualifia  d'idée  de  génie,  d'assujettir  la  pelote  à  l'aide  de  la  pression  d'un  ressort 
d'acier,  se  modelant  sur  le  corps  et  maintenu  en  place  par  sa  propre  élasticité. 
C'était  à  peu  de  chose  près  l'appareil  encore  usité  de  nos  jours. 

L'invention  de  Lequin  n'eut  pas  tout  d'abord  une  fortune  rapide,  car  ses  ban- 
dages furent  peu  répandus.  Ainsi  en  1676  un  certain  bandagiste,  le  chevalier  de 
Blegny,  que  Dionis  qualifie  de  charlatan,  comprit  la  valeurdu  bandage  de  Lequin, 
puisqu'il  le  vulgarisa  et  même  s'en  attribua  la  paternité.  Seulement  le  ressort 
qu'il  employait  était  plus  long  que  celui  de  Lequin  et  faisait  presque  le  tour  du 
corps. 

Cependant  ces  appareils  ne  se  répandirent  pas  bien  vite,  car  Platner  et  Ileister, 
en  Allemagne,  ne  les  connaissaient  pas  encore  en  1083.  Quoi  qu'il  en  soit,  le 
véritable  bandage  herniaire  était  trouvé,  et,  à  partir  de  ce  moment,  les  nouveaux 
appareils  qu'il  nous  reste  à  décrire  sont  le  résultat  de  modifications  de  détails 
portant  tantôt  sur  la  pelote,  tantôt  sur  le  ressort,  tantôt  sur  l'articulation  de  ces 
deux  parties. 

Ainsi,  au  début  du  dix-huitième  siècle,  on  voit  bien  un  chirurgien  herniaiie 
CL'lèbre,  Georges  Arnauld,  inventer  un  bandage  à  ressoi  t  brisé,  mais  cet  appareil 
tombe  rapidement  dans  l'oubli.  D'ailleurs  le  bandage  à  ressort  métallique 
constitue  un  tel  progrès,  qu'à  la  fin  de  ce  siècle,  en  1761,  Richter  affirme  dans 
ses  écrits  la  prédominance  absolue  du  bandage  sur  les  traitements  opératoires. 
Ceux-ci  sont  bientôt  proscrits  par  l'Académie  de  chirurgie,  comme  dangereux  et 
inutiles. 

A  la  même  époque,  1761,  Typhaine  étend  encore  l'emploi  du  bandage  en 
inventant  le  bandage  double,  composé  de  deux  pelotes  ayant  chacune  un  ressort 
particulier  et  indépendant,  pour  les  cas  de  hernies  doubles.  Camper,  en  Angle- 
terre, modifia  la  disposition  du  ressort  métallique,  en  adoptant  une  lame  d'acier 
qui  enserrait  les  10/12  de  la  circonférence  de  la  taille,  pour  avoir  une  application 
plus  parfaite.  Du  reste,  jusqu'à  ce  moment-là,  le  bandage  de  Lequin,  dit  ban- 
dage français,  existait  seul.  Le  ressort  était  une  lame  d'acier  tordu  en  spirale 
embrassant  le  côté  du  tronc  où  siégeait  la  hernie  et  faisant  corps  avec  la  pelote, 
à  la  plaque  métallique  de  laquelle  il  était  soudé. 

Mais,  à  la  fin  du  siècle  dernier,  un  mécanicien  anglais  inventa  un  nouveau 
bandage  qui,  tout  en  utilisant  l'élasticité  d'une  lame  métallique  pour  composer 
la  ceinture,  constituait  un  appareil  tout  à  fait  différent  et  dans  son  principe  et 
dans  son  application.  En  effet,  il  embrassait  le  côté  du  corps  opposé  à  la  hernie, 
il  ne  se  collait  pas  à  la  peau  et  ne  suivait  aucunement  les  contours  du  bassin; 
la  pelote  était  mobile  en  tous  sens,  et  le  bandage  tenait  parla  seule  élasticité  du 
ressort  sans  courroies  ni  sous-cuisse.  Ce  bandage  fut  importé  en  France  en 
1816  par  M'ickhara,  qui  perfectionna  l'articulation  delà  pelote  avec  le  ressort. 
Il  a  été  depuis  modifié  par  plusieurs  auteurs,  entre  autres  par  Valérius  et  par 
Burat,  mais  leurs  améliorations  n'ont  pas  été  acceptées  et  l'on  en  est  revenu 
aujourd'hui  à  l'appareil  de  Wickham. 

A  partir  de  ce  moment,  les  nouveaux  appareils  se  ressemblent  à  peu  près 
tous  :  nous  aurions  à  citer,  pour  être  complet,  une  série  de  modifications  portant 
tour  à  tour  sur  les  diverses  parties  du  bandage  ou  dues  à  l'adjonction  de  pièces 
accessoires.  Mais  nous  ne  ferions  là  qu'une  énumération  fastidieuse  de  bandages 


752  HERNIES. 

très-nombreux,  qui  sont  à  peu  près  tous  tombés  dans  l'oubli,  et  qui  n'ont  eu 
la  plupart  qu'une  existence  éphémère. 

Tels  sont,  par  exemple,  lesappareils  de  Jalade-Lafon,  qui  inventa,  en  1822,  le 
bandage  rénixigrade,  dans  lequel  la  pression  de  la  pelote  était  aidée  par  une  série 
de  ressorts  accessoires  surajoutés  à  l'appareil  primitif;  les  bandages  de  Cresson  et 
Sanson,  dans  lesquels  les  modifications  portent  surtout  sur  les  pelotes,  qui  sont 
tantôt  pleines  et  en  gomme  élastique,  tantôt  en  caoutchouc  et  remplies  d'air. 
Elles  sont  dites  pelotes  éoliennes  à  air  fixe,  ou  à  air  mobile,  suivant  qu'à  l'aide 
d'un  mécanisme  spécial  on  peut  ou  non  faire  varier  la  pression  de  l'air  dans 
l'intérieur  de  la  pelote.  Du  reste,  l'emploi  de  l'air  dans  les  bandages  herniaires 
revient  à  Chastelet,  médecin  militaire,  chirurgien  en  chef  de  l'armée  du  Nord  en 
1795.  Ce  chirurgien  fabriqua  pour  le  représentant  du  peuple  M.  Chasles,  eu 
mission  à  l'armée  du  Nord,  un  bandage  formé  d'un  intestin  d'animal  rempli 
d'air  maintenu  par  une  bande,  destiné  à  une  hernie  assez  douloureuse  pour  ne 
pouvoir  supporter  aucun  brayer  métallique.  Cette  tentative  fut,  du  reste,  cou- 
ronnée de  succès.  Nous  pourrions  ajouter  aussi  à  cette  liste  la  pelote  en  bois  en 
forme  de  champignon,  inventée  en  1840  par  Malgaigne  pour  une  hernie  dilTici- 
lemenl  coercible  et  qui  du  reste  ne  put  être  supportée  par  le  malade  ;  le  bandage 
de  Ferron,  présenté  à  la  Société  de  chirurgie  en  1858  par  Follin  et  muni 
d'une  plaque  métallique  appliquée  sur  le  ventre  laquelle  pendant  l'effort  repous- 
sait la  pelote  en  en  augmentant  la  pression  sur  l'anneau  herniaire.  C'était  tout 
simplement  une  modification  des  pelotes  à  bascule,  usitées  depuis  longtemps  et 
avec  un  succès  très-inconstant  :  elles  sont  aujourd'hui  complètement  tombées 
en  désuétude.  Signalons  encore  le  bandage  volviforme  de  Falgas  en  1863,  qui 
eut  le  même  sort.  De  toute  cette  série  nous  ne  retiendrons  que  deux  appareils, 
celui  de  Bourjeaud,  en  1852,  bandage  élastique  dont  nous  reparlerons,  et  le 
bandage  rigide  de  Dupré,  présenté  à  la  Société  de  chirurgie  de  Paris  en  1861 
par  Broca,  et  qui  peut  rendre  de  réels  services  dans  les  hernies  volumineuses  et 
difficilement  coercibles. 

Description  des  bandages.  Il  résulte  de  ce  qui  précède  que  la  prééminence 
du  bandage  sur  les  opérations  date  réellement  de  l'invention  de  Lequin,  c'est-à- 
dire  de  l'introduction  du  ressort  d'acier  élastique  dans  la  confection  des  appareils 
herniaires.  Aussi  ce  genre  de  bandages  est-il  aujourd'hui  le  plus  employé  et  c'est 
par  lui  que  nous  devons  débuter.  Les  autres  variétés  d'appareils  que  nous  serons 
obligé  de  décrire  ne  s'adressent  qu'à  certaines  exceptions;  le  bandage  à  ressort 
élastique  est  au  contraire  d'un  usage  courant  et  généralement  employé. 

Les  bandages  à  ressort  élastique  se  réduisent  à  deux  types  :  le  bandage  français 
et  le  bandage  anglais. 

Le  bandage  françaises!  de  beaucoup  le  plus  usité  dans  notre  pays.  Il  se  compose 
essentiellement  d'une  pelote  et  d'un  ressort  d'acier  qui  la  maintient  appliquée. 

La  pelote  a  subi  des  transformations  nombreuses.  Elle  est  formée  ordinaire- 
ment aujourd'hui  d'une  masse  de  crin  ou  de  laine,  en  tampon  serré,  soutenue  du 
côté  de  sa  face  extérieure  par  une  lame  d'acier  très-mince  à  peu  près  plane,  qui 
en  recouvre  toute  la  surface,  et  revêtue  du  côté  de  la  peau  par  une  enveloppe  en 
peau  de  chamois  ordinaire,  ou  bien  en  peau  plus  fine,  parfois  en  peau  de 
gant  glacée.  Dans  certains  cas  même,  la  pelote  est  entourée  d'un  linge  fin  pour 
certaines  peaux  facilement  irritables.  On  a  fait  autrefois  des  pelotes  dures, 
en  bois  poli  (Martin),  en  plomb,  en  ivoire,  en  caoutchouc,  mais  elles  ne  sont 
plus  usitées  maintenant.  Il  en  est  de  même  des  pelotes  métalliques  creuses, 


HERNIES. 


753 


contenant  certaines  substances  médicamenteuses,  comme  celles  de  Jalade-Lafon, 
1822.  Les  pelotes  à  air,  dont  le  principal  type  a  été  la  pelote  éolienne  de 
Cresson  et  Sanson,  soit  à  pression  fixe,  soit  à  pression  variable,  sont,  elles  aussi, 
abandonnées,  à  l'exception  des  pelotes  en  caoutchouc  vulcanisé  de  Gariel,  qui 
peuvent  obéir  à  certaines  indications  exceptionnelles  et  qui,  contrairement  aux 
précédentes,  ne  changent  pas  de  consistance  avec  le  temps. 

Le  volume  de  la  pelote  est  extrêmement  variable.  11  doit  augmenter  en  raison 
du  volume  de  la  hernie  et  de  la  largeur  de  l'orifice  herniaire.  11  en  est  de  même 
de  sa  convexité,  qui  doit  aussi  varier  suivant  la  faiblesse  de  la  paroi  et  la  tendance 
des  viscères  à  ressortir  ;  il  en  est  de  presque  planes,  d'autres  absolument 
convexes,  cependant  il  ne  faut  pas  exagérer  celte  convexité,  car  alors  h  pelote 
agirait  sur  un  point  trop  limité  et  serait  facilement  déplacée.  Enfin  il  en  existe 
de  concaves  qui  sont  surtout  destinées  à  maintenir  des  hernies  irréductibles. 
Elles  ont  alors  pour  but  non  plus  d'oblitérer  l'orifice  de  sortie,  mais  de  limiter 
l'issue  des  viscères. 

La  forme  de  la  pelote  est  en  général  oblongue  ou  plus  exactement  elliptique, 
cependant  elle  doit  s'adapter  à  la  forme  et  à  la  dimension  de  l'orifice  her- 
niaire :  aussi  il  existe  des  pelotes  triangulaires,  ovalaires,  arrondies,  surtout  pour 
les  hernies  ombilicales,  des  pelotes  à  bec  de  corbin,  c'est-à-dire  recourbées  en 
forme  de  croissant,  de  manière  à  embrasser  le  pubis  pour  certaines  hernies 
inguinales.  Dans  certains  cas  de  hernies  congénitales  avec  ectopie  du  testicule 
à  l'anneau  on  a  fait  aussi  des  pelotes  échancrées  ou  bifurquées  (FoUin).  Nous  les 
étudierons  en  décrivant  la  hernie  inguinale  (fig.  10). 


t'ig.    10. 


Enfin  certains  auteurs  ont  fait  fabriquer  des  pelotes  contenant  une  plaque 
mobile  mise  en  mouvement  par  un  levier,  une  crémaillère  ou  une  vis  de 
pression,  et  qui  ont  pour  but  de  faire  varier  la  position  ou  la  pression  de  la 
pelote  sur  l'anneau,  tout  en  en  maintenant  la  fixité  par  rapport  au  ressort. 

Celui-ci  se  compose  d'un  ruban  d'acier  élastique  de  1  à  2  millimètres 
d'épaisseur,  large  de  1  centimètre  1/2  environ.  Il  est  en  spirale,  courbe  à  la 
fois  suivant  ses  faces  et  suivant  ses  bords,  comme  si,  dit  Duplay,  on  avait 
exercé  sur  ses  extrémités  une  torsion  en  sens  inverse. 

Comme  longueur,  ce  bandage  s'étend  depuis  la  hernie  jusqu'à  quelques  travers 
de  doigt  au  delà  de  l'épine  dorsale,  eji  embrassant  le  coté  du  bassin  correspon- 
dant à  la  hernie,  sur  lequel  il  s'applique  aussi  étroitement  que  possible  par  sa 
concavité.  Ce  mode  d'application,  en  multipliant  les  points  de  contact,  multiplie 
aussi  les  causes  de  déplacement  dans  les  divers  mouvements  et  les  différentes 
attitudes  du  corps. 

La  force  du  ressort  est  proportionnelle  à  la  longueur  du  ruban  d'acier,  et 
aussi  à  l'effort  des  viscères.  On  les  divise  ordinairement  à  ce  point  de  vue  en 


75i  HERNIES. 

trois  catégories  :  ressorts  d'adulte,  d'une  force  de  1500  à  2000  grammes; 
ressorts  de  cadets,  de  1000  à  1500  grammes;  ressorts  d'enfants,  de  800  à 
1000  grammes.  Mais  ces  degrés  n'ont  rien  d'absolu,  car  chaque  bandage  doit 
être  spécialement  accommodé,  comme  courbure,  comme  force  et  comme  incli- 
naison, à  la  conformation  exacte  du  malade  auquel  il  est  destiné.  Aussi,  lorsque 
Carsten  Hollouse  exprimait  dans  le  journal  ihe  Lancet,  en  1875,  le  désir  qu'il 
y  ait  pour  les  bandages  une  sorte  de  filière  analogue  à  celle  qui  existe  pour  les 
bougies  uréthrales,  suivant  la  force  d'élasticité,  le  degré  de  courbure,  l'épais- 
seur du  ressort,  etc.,  afin  de  permettre  au  chirurgien  de  désigner  exacte- 
ment au  bandagiste  l'appareil  qu'il  choisissait  pour  son  malade,  il  désirait  à 
peu  près  l'impossible.  En  effet  les  qualités  de  l'acier,  et  surtout  sa  trempe, 
sont  très-variables;  de  plus  la  nécessité  de  changer  les  courbures  suivant 
chaque  malade  empêche  les  bandagistes  d'obéir  à  des  indications  absolument 
précises. 

D'ailleurs  la  longueur  nécessaire  du  ressort  est  différente  suivant  les  auteurs. 
Ainsi  Camper,  trouvant  insuffisantes  les  dimensions  que  nous  avons  précédem- 
ment indiquées,  a  fabriqué  des  ressorts  d'une  longueur  égaie  aux  5/6  de  la 
circonférence  du  bassin.  Jalade-Lafon,  exagérant  encore,  adopte  un  ressort  cir- 
conscrivant les  51/52  du  pourtour  du  bassin.  Ces  longueurs  exagérées  sont  à 
peu  près  complètement  abandonnées  de  nos  jours. 

Le  point  d'articulation  du  ressort  et  de  la  pelote  porte  le  nom  de  collet.  Dans 
le  bandage  français  cette  articulation  est  iixe;  elle  se  fait  tantôt  au  bord  même 
de  la  pelote,  tantôt,  et  plus  souvent,  suivant  la  modification  introduite  par 
Charrière,  le  ressort  est  continué  jusqu'à  la  partie  moyenne  de  celle-ci.  D'ailleurs 
l'enroulement  du  ressort  est  tel  que  le  collet  est  toujours  plus  bas  que  l'extrémité 
libre  et  que  la  pelote  regarde  en  arrière  et  en  haut.  Celle-ci  ne  continue  pas 
exactement  le  ressort,  elle  est  plus  ou  moins  inclinée  sur  lui,  et  cette  inclinaison 
est  variable  suivant  le  siège  exact  de  la  hernie.  .4insi  dans  la  liernie  crurale  la 
pelote  est  presque  à  angle  droit  sur  le  ressort;  les  bandages  inguinaux  ont 
aussi  des  inclinaisons  variables.  Pour  obéir  à  cette  indication,  certains  ban- 
dages, peu  usités  de  nos  jours,  étaient  ornés  d'une  crémaillère  permettant  de 
l'aire  varier  la  direction  de  la  pelote  par  rapport  au  l'essort  :  ils  sont  justement 
délaissés,  car  le  peu  de  solidité  du  mécanisme  rendait  la  pression  illusoire 
dans  les  différents  mouvements. 

Tous  les  bandages,  dont  nous  venons  de  décrire  les  parties  essentielles, 
sont  enveloppés  d'une  peau  de  chamois  fortement  rembourrée  sur  la  surface 
interne.  «  Du  côté  opposé  à  la  pelote,  disent  Gaujot  et  Spillmann  dans  l'Arsenal 
de  la  chirurgie  contemporaine  (t.  II,  p.  618),  la  garniture  de  peau  se  continue 
par  une  lanière  de  cuir  qui,  traversant  un  petit  anneau,  vient  se  fixer  sur  un 
bouton  placé  sur  la  face  libre  de  la  pelote.  Pour  prévenir  le  déplacement  du 
bandage  dans  les  divers  mouvements  du  corps,  il  est  presque  indispensable 
de  recourir  au  sous-cuisse.  Cette  lanière  de  cuir  rembourrée  descend  de  la  partie 
postérieure  du  ressort,  contourne  le  pli  de  la  cuisse  et  vient  s'attacher  à  un 
bouton  placé  sur  la  face  externe  de  la  pelote.  » 

Quand  on  a  affaire  à  une  hernie  double,  on  se  sert,  depuis  l'invention  de 
Typhaine,  du  bandage  double,  dont  chaque  pelote  est  maintenue  par  un  ressort 
particulier.  Cet  appareil  est  composé  d'une  pièce  centrale,  coussin  rembourré, 
appuyée  sur  le  sacrum,  et  de  cette  pièce  partent  deux  ressorts  se  dirigeant  vers 
les  hernies.  Les  deux  pelotes  sont  réunies  par  une  courroie  de  cuir  allant  de 


HERNIES.  755 

l'une  à  l'autre  et  se  fixant  sur  des  boutons  placés  à  leur  face  libre.  Un  double 
sous-cuisse  sert  à  maintenir  la  fixité  de  cet  appareil. 

Tel  est  le  bandage  français,  qui  a  été  l'objet  de  diverses  modifications 
destinées  à  en  augmenter  la  fixité  ou  la  force  de  contention.  Nous  en  avons 
examiné  quelques-unes  chemin  faisant,  il  nous  en  reste  d'autres  à  faire  con- 
naître. 

Certaines  d'entre  elles  ont  pour  but  d'augmenter  la  force  de  pression  dans  les 
divers  mouvements.  Tel  était  le  bandage  rénixigrade  de  Jalade-Lafon,  1822. 
C'était  un  bandage  ordinaire,  auquel  on  appliquait  un  ou  plusieurs  petits  ressorts 
supplémentaires,  de  longueur  et  de  force  variées,  articulés  et  adossés  l'un  à  l'autre 
par  leur  convexité.  Il  paracheva  son  appareil  par  une  pelote  elliptique  bombée 
■et  creu>e,  dans  laquelle  on  introduisait  des  substances  médicamenteuses  :  il  est 
complètement  abandonné  aujourd'hui,  surtout  à  cause  de  son  poids.  11  en  est  de 
même  du  bandage  volviforme  de  Falgas,  1863.  Mentionnons  encore  le  bandage 
de  Féron  présenté  à  la  Société  de  chirurgie  en  1858  par  Follin,  construit,  à 
l'imitation  du  bandage  de  Tesale,  avec  une  spirale  entre  la  pelote  et  le  ressort,  et 
destiné  à  produire  son  maximum  de  force  au  moment  des  efforts. 

La  spirale  est  placée  entre  la  plaque  et  le  ressort.  «  Pendant  les  efforts  la 
pelote  appuyé  contre  la  branche  d'acier  élastique,  presse  la  spirale  enroulée 
elle-même  autour  de  la  tige  avant  d'atteindre  le  ressort;  la  force  de  conten- 
tion de  celle-ci  est  donc  augmentée  en  raison  directe  de  l'effort  exercé  sur  la 
spirale.  Féron  a  encore  imaginé  de  relier  la  pelote  par  une  tige  inflexible  à 
une  plaque  appliquée  contre  l'abdomen  :  le  but  de  cette  modification  est 
d'empêcher  le  bord  inférieur  de  la  pelote  de  se  soulever  quand  le  malade  s'in- 
cline en  avant.  »  Cet  appareil  est  difficilement  supporté. 

Enfin  Ravoth  a  publié,  dans  le  Berli7ier  klinische  Wochenschrift,  en  1876,  la 
description  d'un  bandage  destiné  aux  hernies  ombilicales  et  épigastriques,  où 
la  pelote  contient  à  son  centre  un  ressort  en  spirale  dont  l'ouverture  est  calculée 
sur  l'orifice  de  l'anneau  et  la  résistance  de  la  hernie  :  ce  ressort  entre  presque 
dans  l'anneau,  et  la  pelote  est  maintenue  par  une  double  ceinture  de  cuir  inex- 
tensible. 

Guillot  et  Lebelleguic  ont  encore  inventé  certaines  modifications  de  détail 
abandonnées,  et  dont  la  description  nous  entrauierait  trop  loin. 

Avant  de  décrire  les  avantages  et  les  inconvénients  du  bandage  français  nous 
devons  faire  connaître  le  bandage  anglais. 

Inventé  par  Salmon  à  la  fin  du  siècle  dernier,  il  fut  introduit  dans  notre 
pays  par  les  frères  AYickham  en  1816,  et  ceux-ci  ont  perfectionné  le  mode  d'arti- 
culation de  la  pelote  avec  le  ressort.  Ce  bandage  se  compose  d'un  ressort 
elliptique  terminé  à  chaque  extrémité  par  une  pelote. 

Le  ressort  du  bandage  anglais  est  mieux  trempé  que  celui  du  bandage  fran- 
çais. 11  représente  un  arc  elliptique,  ou  plutôt  un  cercle  de  tonneau  incomplet  : 
il  n'est  courbe  que  sur  ses  faces.  Au  lieu  de  suivre  les  contours  du  bassin,  il 
embrasse  la  demi-circonférence  du  corps  du  côté  opposé  à  celui  où  siège  la 
hernie  et  se  trouve  plus  long  en  avant,  où  il  dépasse  la  ligne  médiane  pour 
atteindre  l'orifice  herniaire,  qu'en  arrière,  où  il  repose  sur  la  colonne  vertébrale. 
Libre  dans  toute  son  étendue,  il  n'est  fixé  que  par  ses  deux  extrémités  qui  seules 
prennent  un  point  d'appui  sur  le  corps  :  aussi  les  mouvements  n'ont  aucune 
influence  sur  la  position  de  la  pelote,  et  la  pression  des  vêtements  le  fait  bas- 
culer sans  modifier  la  fixité  de  celle-ci. 


735 


HERNIES. 


Quanta  ses  deux  pelotes,  la  postérieure,  large,  arrondie  et  bien  rembourre'e, 
prend  un  point  d'appui  sur  le  sacrum;  l'antérieure,  destinée  à  presser  sur  l'an- 
neau, est  ordinairement  ovalaire,  mais  peut  aussi  bien  varier  dans  ses  formes 
et  ses  dimensions  que  celle  du  bandage  français.  De  plus,  l'articulation  du 
bandage  avec  les  pelotes  est  mobile,  de  telle  façon  que  ses  oscillations  n'en- 
traînent  pas  de  cbangement  de  situation  de  celles-ci  (fig.  H). 


Fis-  11. 

D'ailleurs  cette  mobilité  de  l'articulation  de  la  pclole  avec  le  ressort  est  une 
des  principales  différences  entre  les  bandages  anglais  et  français.  «  L'extrême 
mobilité  que  le  ressort  du  bandage  anglais  doit  posséder,  dit  S.  Duplay,  pour 
s'accorder  avec  la  position  fixe  que  doit  garder  la  pelote,  nécessite  une  articu- 
lation spéciale  qui  a  été  très-perfectionnée  par  Wickham  frères.  Cette  modifica- 
tion s'opère  par  la  compression  de  la  boule  I  entre  les  deux  plaques  concaves 

A  et  B  qui  constituent  la  noix  dans  la- 
quelle elle  est  logée.  Cette  compres- 
sion se  fait  en  serrant  la  vis  X,  Par  ce 
système  on  peut  donner  à  la  pelote  l'in- 
clinaison nécessaire  pour  la  contention 
de  la  hernie.  Pour  que  le  bandage  con- 
serve les  avantages  de  celui  de  Salmon, 
c'est-à-dire  la  mobilité  du  ressort, 
Wickham  frères  ont  fait  établir  sur  la 
tige  de  la  coulisse  une  petite  rainure 
destinée  à  laisser  mouvoir  la  goupille  E  qui  retient  la  coulisse  D.  On  obtient 
alors  une  inclinaison  pei'manente  avec  persistance  de  la  mobilité  du  ressort  » 

(fig-  12). 

Du  reste,  ce  mécanisme  un  peu  compliqué  a  été  simplifié  par  Charriere,  qui  a 
fait  un  bandage  mixte  intermédiaire  entre  le  bandage  anglais  et  le  français. 
Dans  cet  appareil,  le  ressort  ne  se  continue  pas  avec  l'écusson  de  la  pelote;  il  lui 
est  uni  par  une  articulation  légèrement  mobile  qui  permet  un  va-et-vient  plus 
ou  moins  étendu.  L'extrémité  postérieure  du  ressort  porte  une  pelote  qui 
repose  sur  la  colonne  vertébrale,  comme  dans  le  bandage  anglais  ;  le  ressort  est 
analogue  au  ressort  anglais,  la  ceinture  est  terminée  par  une  courroie  de  cuir 


Fis.  12. 


HERNIES.  '/57 

ui  se  fixe  à  un  bouton  placé  sur  la  pelote  antérieure,  et  le  bandage  est  main- 
enu  par  un  ou  deux  sous-cuisses.  Enfin,  il  y  a  des  bandages  anglais  doubles,  la 
lelote  dorsale  servant  de  point  de  départ  à  deux  ressorts  isolés  aboutissant  cba- 
;un  à  une  pelote  antérieure.  Elles  sont  réunies  par  une  courroie  de  cuir,  comme 
lans  le  bandage  français  double.  Le  bandage  anglais  tel  que  nous  l'avons  décrit 
)lus  baut  a  été  l"-ii  aussi  l'objet  de  plusieurs  modifications  dont  les  plus  con- 
lues  sont  celles  de  Valérius  et  de  Burat.  Yalérius  avait  imaginé  de  tordre  en  sens 
nverse  les  deux  extrémités  du  ressort  anglais,  et  Burat  avait  adapté  au  collet 
ie  la  pelote  une  sorte  de  brisure  qui  permettait  d'incliner  vers  la  peau  la  pelote 
intérieure.  Ces  deux  modifications,  critiquées  avec  raison  par  Malgaigne, 
îffaiblissaient  considérablement  l'action  de  ce  bandage  et  ont  été  abandonnées 
depuis. 

Nous  devons  maintenant  comparer  entre  eux  les  appareils  anglais  et  français. 
Le  bandage  français  est  de  beaucoup  le  plus  employé  dans  notre  pays,  et  il  est 
juste  de  dire  qu'il  est  très-suffisant  et  excellent  dans  le  plus  grand  nombre 
des  cas,  Malgaigne,  qui  lui  préférait  le  bandage  anglais,  lui  a  adressé  une  série 
de  reproches  que  l'on  peut  résumer  ainsi  : 

1°  Le  bandage  français  exige  l'emploi  d'un  sous-cuisse  qui  est  gênant,  et 
peut  provoquer  des  érythèmes  et  des  excoriations  ; 

2"  Le  ressort  perd  une  grande  partie  de  sa  force,  parce  qu'il  est  contourné 
en  spirale,  et  surtout  parce  qu'il  presse  le  bassin  en  tous  points  ; 

'ù°  Le  bandage  est  très-sujet  à  se  déplacer;  la  pelote  est  exposée  à  glisser 
vers  l'épine  iliaque  antérieure  et  supérieure;  dans  la  situation  accroupie,  le 
bord  supérieur  de  la  pelote  appuie  contre  l'abdomen,  tandis  que  le  bord  infé- 
rieur s'écarte  et  livre  passage  à  la  hernie; 

A"  Quand  le  malade,  dans  un  grand  mouvement,  écarte  les  jambes,  il  déroule 
le  ressort  avec  le  grand  trochanter  et  le  lait  remonter  ; 

5°  La  pression  du  ressort  exerce  une  force  constante,  tandis  que  l'effort  que 
font  les  intestins  pour  sortir  varie  à  chaque  instant  avec  la  situation  du 
malade. 

Malgré  tous  ces  reproches,  le  bandage  français  est  le  plus  usité  de  tous  et  il 
réussit  dans  le  plus  grand  nombre  des  cas,  qui  sont  à  la  vérité  simples  et  faciles. 
Il  est  ordinairement  suffisant  comme  appareil  de  contention,  et  de  plus  il  est 
généralement  bien  supporté  par  les  malades,  parce  que  son  pomt  d'appui  est 
réparti  sur  tout  le  pourtour  du  corps  avec  lequel  son  ressort  est  en  contact.  Ce 
n'est,  du  reste,  que  dans  les  cas  difficiles  qu'il  est  passible  de  la  plupart  des 
inconvénients,  que  nous  avons  énumérés  plus  haut,  et  qui  sont  d'ailleurs 
exagérés. 

Dans  le  cas  où  le  bandage  français  est  insuffisant,  on  a  alors  recours  au 
bandage  anglais  auquel  on  attribue  les  avantages  suivants  : 

1°  11  n'a  pas  de  tendance  à  se  déplacer  latéralement,  parce  que  la  pelote  anté- 
rieure est  au  delà  de  la  ligne  médiane  qui  constitue  la  partie  la  plus  saillante 
de  l'abdomen; 

2°  Les  grands  mouvements  de  corps,  en  particulier  les  mouvements  d'abduc- 
tion du  membre  inférieur,  ne  dérangent  pas  la  pression,  puisque  le  ressort  est 
mobile  sur  la  pelote; 

5°  Si  le  ressort  s'émousse  par  l'usage,  on  peut  lui  rendre  sa  force  par 
l'addition  d'un  ressort  supplémentaire  glissé  dans  la  gaîne  de  peau;  en  pareil 
cas,  le  bandage  français  est  absolument  perdu  ; 

DicT.  ENc.  i"  s.  Xin.  ^^ 


738  HERNIES. 

A'>  Le  bandage  anglais  agit  avec  plus  de  puissance  que  le  français,  puisque 
le  ressort  n'épuise  pas  une  partie  de  sa  force  sur  le  contour  du  bassin. 

Cependant  cet  appareil,  qui  peut  être  préféré  au  précédent  lorsqu'une  pres- 
sion plus  forte  est  nécessaire,  est  quelquefois  insuffisant  même  dans  ces  cas  ; 
de  plus,  il  lui  arrive,  lui  aussi,  de  se  déplacer  dans  les  grands  mouvements, 
bien  qu'on  le  préfère  en  général  pour  les  hernies  difficiles  à  contenir  chez  les 
malades  qui  écartent  fortement  les  jambes  comme  les  cavaliers.  Du  reste,  dans 
certains  cas,  l'exagération  de  pression  de  la  pelote  peut  être  un  inconvénient 
surtout  dans  la  hernie  inguinale.  Car,  ainsi  que  le  font  remarquer  Gaujot  et 
Spillmann,  «  la  pelote  du  bandage  anglais  tend  à  s'enfoncer  dans  le  bassin  en 
écartant  les  piliers  de  l'anneau  inguinal  externe.  Elle  augmente  donc  l'élément 
pathologique.  »  En  outre,  il  est  moins  facile  à  dissimuler  sous  les  vêtements, 
condition  assez  importante  pour  beaucoup  de  malades.  Enfin  ce  bandage  paraît 
réussir  moins  bien  chez  les  malades  appartenant  au  midi  de  l'Europe,  que  chez 
les  gens  du  Nord.  Peut-être  ya-t-il,  suivant  les  races,  des  différences  de  confor- 
mation  du  bassin  et  de  l'abdomen  qui  rendraient  le  bandage  français  plus 
facilement  supportable  pour  les  sujets  de  race  latine,   et  le  bandage  anglais 
préférable  au  contraire  pour  les   races  saxonne  et  germanique.   Mais  ce  fait, 
pour  être  rigoureusement  démontré,  demanderait  à  être  vérifié  par  des  obser- 
vations nombreuses  et  très- précises.  D'ailleurs,  dans  les  hernies  très-difficiles  à 
contenir,  où  une  forte  pression  est  nécessaire,  et  dans  lesquelles  le  ressort  anglais 
est,  lui-même,  insuffisant,  surtout  si  la  tumeur  est  volumineuse,  on  peut  se 
servir  avantageusement  du  bandage  rigide  de  Dupré,  présenté  à  l'Académie  de 
médecine  en  1869,  et  dont  Broca  a  résumé  dans  son  rapport  tous  les  avantages, 
qui  sont  réels. 

«  Ce  bandage  se  compose,  dit  Ledentu,  d'une  tige  rigide  métallique  qui,  pour 
une  hernie  inguinale  double,  par  exemple,  offre  trois  arcades,  l'une  médiane  à 
concavité  inférieure,  les  deux  autres  latérales  à  concavité  supérieure.  La  tige  se 
prolonge  ensuite  latéralement  de  manière  à  contourner  la  hanche  sans  s'y 
appliquer  et  se  termine  par  une  sorte  de  crochet  auquel  s'adapte  l'extrémité 
d'une  demi-ceinture  de  cuir  qui  se  boucle  en  arrière.  Deux  pelotes  triangulaires 
s'adaptent  aux  deux  arcades  latérales,  au  moyen  d'une  vis  engagée  dans  la 
fenêtre  transversale  intermédiaire  aux  tiges  plates  et  qu'on  peut  serrer  au 
point  qui  paraît  le  plus  convenable.  Pour  le  bandage  unilatéralj  il  n'y  a  qu'une 
arcade  à  concavité  supérieure  correspondant  à  la  hernie;  la  tige  est  plus 
longue  du  côté  opposé.  La  construction  ne  s'écarte  point,  pour  le  reste,  du  ban- 
dage double.  » 

Ce  bandage  réussit  le  mieux  dans  les  cas  les  plus  difficiles.  La  tige  rigide  a 
l'avantage  de  résister  à  tout  effort  venant  de  la  hernie,  par  une  véritable  force 
d'inertie  qu'elle  doit  à  sa  solide  fixation,  et  sans  exercer  de  pression  active  exa- 
gérée et  constante  sur  le  ventre,  comme  le  font  les  ressorts  élastiques.  Cette 
pression,  presque  nulle  au  repos,  et  qui  augmente  proportionnellement  aux 
efforts  que  font  les  viscères  pour  s'échapper,  mérite  donc  d'être  employée  dans 
les  cas  oii  les  hernies  sont  volumineuses  et  ont  une  grande  tendance  à  sortir  de 
l'abdomen. 

Dupré  a  essayé  un  second  modèle,  oii  la  tige  rigide  prolongée  en  arrière  fait 
presque  le  tour  du  bassin;  la  courroie  qui  en  rapproche  les  extrémités  est  plus 
courte,  et  la  striction  en  est  encore  plus  énergique.  Il  faut  observer  que  ces 
l»a;i.!.i_es  de  Dupré  ne  doivent  être  appliqués  que  dans  les  cas  de  réduction 


HERNIES.  7J9 

complète,  car  sur  une  hernie  partiellement  irréductible  cette  pression  considé- 
rable pourrait  être  absolument  nuisible. 

Enfin,  pour  les  hernies  ombilicales  et  autres,  la  situation  même  de  la  hernie 
à  forcé  les  chirurgiens  à  fabriquer  des  appareils  différents,  au  moins  par  la 
forme,  de  ceux  que  nous  venons  d'examiner,  et  qui  seront  plus  utilement  décrits 
aux  articles  concernant  ces  variétés  particulières. 

U  nous  reste  maintenant  à  parler  d'une  série  d'appareils  dissemblables  des 
précédents,  où  la  contention  est  assurée  à  l'aide  de  ceintures  molles  diver- 
sement agencées,  mais  qui  ne  contiennent  pas  de  ressort  élastique.   Dans  la 
plupart  des  cas,  ces  bandages  sans  ressort  élastique  sont  destinés  à  des  hernies 
concfénitales  ou  à  celles  de  la  première  enfance.  Les  jeunes  enfants  ne  sup- 
portent pas  les  ressorts  métalliques  même  les   plus  doux,  et  il  est  d'usage  de 
ne  pas  les  employer,  pour  leurs  bandages,  avant  un  an  et  même  plus  tard.  Ainsi, 
pour  les  hernies  ombilicales,  les  appareils  sont  très-nombreux  :  compresse  en 
plusieurs  doubles  maintenue  par  une  bande   de  diachylon  (Trousseau)  ;  une 
simple  bande  large  de  diachylon  fixant  une  pelote  formée  par  l'enroulement 
d'une  de  ses  extrémités  sur  elle-même  en  laissant  le  côté  emplastique  à  l'exté- 
rieur (Guéniot)  ;  la  pelote  de  caoutchouc  pleine  d'air,  maintenue  par  une  bande 
de  diachylon  ou  de  caoutchouc  (Demarquay)  ;  une  large  bande  de  calicot  lacée 
en  arrière  et  pouvant  admettre  dans  une  poche  située  à  sa  partie  antérieure 
une  plaque  de  gutta-percha  (J.  Thompson),  etc.  Tous  ces  appareils  ont   du 
reste  le  même  inconvénient,  ils  sont  sujets  à  se  déplacer. 

Pour  les  hernies  inguinales  de  ce  premier  âge,  on  a  aussi  préconisé  des 
modèles  divers  ;  ce  sont  ordinairement  des  pelotes  molles,  maintenues  par  une 
ceinture  molle  ou  élastique  avec  sous-cuisse.  Gendron  (de  Bordeaux)  fabrique 
un  bandage  composé  d'une  pelote  d'ouate  revêtue  de  toile,  appendue  à  une 
ceinture  en  toile,  sur  laquelle  est  fixée  une  sorte  de  bande  élastique  qui  exerce 
une  pression  suffisante  pour  que  le  bandage  ne  se  déplace  pas,  car  la  pelote 
est  fixée,  intérieurement,  par  un  sous-cuisse  en  toile  très-bien  supporté,  à  con- 
dition que  l'appareil  soit  tenu  très-propre. 

Galante  construit  un  petit  appareil  composé  d'un  coussin  échancré  sur  son 
bord  inférieur  pour  embrasser  la  verge,  qui  s'applique  sur  le  pubis  et  les 
trajets  inguinaiix.  Une  ceinture  molle  et  des  sous-cuisses  le  mainti^^nnent  en 

place. 

Enfin,  en  1885,  Ward  Cousin  a  décrit,  en  Angleterre,  un  appareil,  inspiré  du 
précédent,  composé  de  deux  petites  poires  en  caoutchouc,  reliées  à  leur  partie 
supérieure  par  un  coussin  à  air,  muni,  par  en  haut,  d'un  tube  à  insufflation 
destiné  à  le  remplir  d'air  à  une  pression  convenable.  Le  tout  est  fixé  par  une 
ceinture  souple  et  par  deux  sous-cuisses.  Cet  appareil  serait  très-simple  à 
placer,  à  enlever  et  à  nettoyer.  Mais,  sans  insister  sur  ces  bandages  dont  nous 
n'avons  donné  ici  que  quelques  types,  nous  devons  dire  qu'on  emploie  encore, 
en  dehors  de  ces  cas  particuliers,  quelques  autres  bandages  sans  ressort  élas- 
tique. D'abord,  toutes  les  ceintures  molles  en  cuir  et  en  toile,  pour  hernies  volu- 
mineuses et  irréductibles,  qui  sont  plutôt  de  simples  suspensoirs  que  de  véri- 
tables appareils  herniaires,  et  quelques  autres  bandages  plus  ou  moins  délaissés 
de  nos  jours.  Mais,  nous  devons  cependant  parler  de  la  ceinture  élastique  de 
Bourjeaud,  où  l'on  a  utilisé  uniquement  l'élasticité  du  caoutchouc.  Voici,  d'après 
Duplay,  la  description  de  cet  appareil  :  «  Une  sorte  de  ceinture  très-haute 
embrasse  l'abdomen  et  le  bassin  à  la  manière  d'un  caleçon.  Elle  est  formée  de 


■•iO 


HERNIES. 


tissu  de  caoutchouc  mélangé  à  de  la  soie,  et  exerce  une  pression  égale  et  très- 
forte  sur  toute  la  surface  qu'elle  enveloppe.  Elle  recouvre  et  applique  contre  les 
orifices  herniaires  deux  ampoules  de  caoutchouc  que  Ton  peut  distendre  en  y 
injectant  de  l'air  au  moyen  d'un  petit  réservoir  que  le  malade  comprime  et  vide 
en  s'asseyant  (fig.  lo). 

Ce  bandage  est  peu  usité;  car,  malgré  tout,  il  maintient  mal  les  hernies,  les 
pelotes  se  déplacent  facilement,  la  pression  y  est  peu  énergique,  et  il  est  pas- 
sible des  inconvénients  communs  à  tous  les  bandages  en  caoutchouc  qui  irritent 


Fig.  15. 

et  souvent  excorient  la  peau,  à  cause  du  sulfure  de  carbone  qu'ils  renlerment. 
Pour  éviter  ces  légers  accidents,  il  faut  avoir  la  précaution,  dit  Ledentn,  défaire 
bouillir  le  caoutchouc,  pendant  une  heure  dans  une  solution  de  potasse  d'Amé- 
rique (potasse  1  partie,  eau  4  parties)  pour  le  débarrasser  de  son  sulfure  de 
carbone. 

Du  mode  d'application  du  bandage.  Quel  que  soit  le  bandage  qui  ait  été 
choisi,  la  première  précaution  pour  l'appliquer  est  de  bien  réduire  la  hernie. 
Celle-ci,  dans  certains  cas,  rentre  d'elle-même,  et  simplement  par  la  position 
quand  le  malade  se  place  dans  le  décubitus  dorsal;  d'autres  fois  la  plus  simple 
pression  suffit  à  faire  revenir  les  viscères  dans  l'abdomen.  Lorsqu'au  contraire 
la  réduction  exige  de  la  part  du  chirurgien  une  manœuvre  régulière,  elle  prend 
le  nom  de  taxis. 

Pour  pratiquer  le  taxis,  le  malade  doit  se  placer  dans  le  décubitus  dorsal, 
les  cuisses  légèrement  écartées  et  à  demi  fléchies  sur  le  bassin,  les  jambes  à 
demi  fléchies  sur  les  cuisses.  Le  chirurgien  placé  alors,  le  plus  souvent,  à  la  droite 
du  malade,  saisit  de  la  main  gauche  le  pédicule  de  la  hernie,  pendant  qu'il 
comprime  la  tumeur  de  la  main  droite  pour  la  réduire.  Celle-ci  doit  agir  non 
par  la  paume,  mais  par  l'extrémité  des  doigts  appliqués  autour  de  la  tumeur, 
et  la  pression  doit  être  dirigée  de  telle  façon  que  les  viscères  rentrent  dans  un 
ordre  inverse  à  celui  de  leur  sortie,  les  derniers  expulsés  se  réduisant  les  pre- 
miers. Le  sens  de  la  pression  est  variable  suivant  la  variété  de  hernie;  elle  doit 
être  dirigée  en  haut  et  en  dehors  pour  les  inguinales  communes,  en  haut  et 
<en  arrière  pour  les  crurales,  en  arrière  pour  les  ombilicales  et  les  inguinales 


HERNIES.  741 

directes.  Dans  les  cas  de  hernie  très-volumineuse,  on  doit  s'y  reprendre  à  plu- 
sieurs fois  pour  effectuer  la  réduction,  en  ayant  soin  de  maintenir  avec  la  main 
gauche  les  résultats  partiels  de  chaque  reprise. 

Cette  réduction  complète  préalable  est  absolument  nécessaire  pour  l'applica- 
tion des  bandages  à  pelote  convexe  :  en  effet,  la  pression  de  la  pelote  sur  un 
viscère  incomplètement  réduit  peut  amener  des  coliques,  un  malaise  général, 
des  douleurs  locales  et  même  des  vomissements,  en  résumé,  une  série  d'acci- 
dents qui  peuvent  rappeler  le  début  des  étranglements. 

Le  chirurgien  doit,  du  i-este,  apprendre  au  malade  à  effectuer  lui-même  la 
réduction  totale  de  sa  tumeur,  opération  qu'il  doit  toujours  accomplir  dans  la 
position  couchée.  Enfin,  si  la  hernie  est  partiellement  irréductible,  il  faut  rem- 
placer la  pelote  convexe  par  une  concave,  destinée  à  contenir  la  hernie  et  à 
empêcher  tout  accroissement  ultérieur,  sans  blesser  les  parties  qui  sont  déli- 
nitivement  fixées  au  dehors. 

Lorsque  la  léduclion  est  complètement  faite,  les  doigis  de  la  main  gauche 
restent  fixés  sur  l'anneau;  la  main  droite  saisit  la  pelote  et  la  place  directement 
sur  l'orifice  herniaire  en  appuyant  un  peu  fortement.  La  main  gauclie,  devenue 
libre  fait  passer  alors  le  ressort  autour  du  corps  et  le  met  exactement  dans 
la  situation  qu'il  doit  occuper  définitivement.  On  le  fixe  à  l'aide  de  la  courroie 
antérieure  que  l'on  attacbe  à  la  pelote,  et  du  sous-cuisse  que  l'on  place  de  façon 
qu'il  consolide  le  bandage  sans  blesser  le  malade. 

Cela  fait,  on  examine  le  sujet  avec  son  appareil  dans  diverses  positions, 
debout,  couché,  assis,  en  lui  faisant,  dans  toutes  ces  positions,  exécuter  des 
efforts  et  particulièrement  en  le  priant  de  tousser.  Enfin,  on  provoque  des 
efforts  dans  la  position  accroupie,  et  si,  dans  toutes  ces  situations,  le  bandage 
exerce  une  contention  complète,  même  pendant  l'effort,  il  peut-être  considéré 
comme  excellent.  Il  est  rare,  cependant,  que,  dans  cette  dernière  position,  un 
bandage,  même  suffisant,  exerce  une  contention  absolument  parfaite. 

On  peut  donc  considérer  comme  un  bon  bandage  celui  qui  réalise  les  condi- 
tions suivantes  :  1"  la  hernie  reste  réduite,  et  bien  réduite,  par  la  présence  du 
bandage;  2°  la  pelote  demeure  exactement  sur  l'orifice  et  le  trajet  herniaires; 
3*  elle  est  bien  fixée  et  ne  se  déplace  dans  aucun  mouvement;  4»  la  pression  est 
suffisante  pour  résister  à  la  poussée  des  viscères  même  pendant  l'effort;  5"  la 
pression  du  ressort  est  bien  supportée  par  le  malade  et  par  la  peau  de  la  région 
herniaire. 

Aussi,  pour  assurer  l'ensemble  de  ces  conditions,  il  fiut  très  souvent  faire 
subir  à  l'appareil  quelques  modifications.  Le  médecin  doit  savoir  changer  de 
modèle,  et  choisir  celui  qui,  dans  chaque  cas  particulier,  obéit  aux  indications 
spéciales  ;  et  le  bandagiste  doit  savoir  apporter  à  chaque  appareil  des  modifica- 
tions partielles  de  construction  répondant  exactement  à  ces  indications. 

Le  bandage  bien  choisi,  suivant  ces  règles,  peut  être  porté  soit  d'une  façon 
absolue,  c'est-à-dire  nuit  et  jour,  soit  seulement  pendant  la  journée.  Ce  dernier 
mode  est  de  beaucoup  le  plus  fréquent.  Dans  la  plupart  des  cas,  en  effet,  on 
autorise  les  malades  à  quitter  leur  brayer  pendant  la  nuit,  alors  qu'ils  sont 
couchés.  Cette  règle  doit,  au  dire  de  Duplay,  souffrir  deux  exceptions.  Chez  les 
jeunes  sujets,  dans  les  hernies  récentes  dont  on  peut  espérer  la  guérison  par  le 
bandage,  il  est  avantageux  d'en  continuer  l'application  même  pendant  le  repos 
au  lit.  D'autre  part,  si  un  hernieux  est  sujet  à  des  efforts  de  toux  violents  et 
fréquents,  il  sera  prudent  de  se  prémunir,  même  pendant  la  nuit,  contre  l'issue 


742  HERNIES. 

d'une  portion  de  viscères  plus  considérable  que  celle  qui  constitue  ordinau'ement 
la  hernie.  11  faut  reconnaître  cependant  que  le  bandage  n'est  pas  toujours  bien 
supporté  et  les  causes  de  cette  intolérance  sont  diverses.  Quelquefois,  malgré  la 
réduction  complète  de  la  hernie  et  le  choix  le  plus  minutieux  du  bandage,  sa 
pression  détermine  des  douleurs  telles  que  le  malade  ne  peut  supporter  sou 
appareil.  Il  faut  alors  choisir,  pour  commencer,  un  ressort  très-faible,  même 
en  partie  insuffisant  au  début,  pour  arriver,  peu  à  peu,  à  mesure  que  la  tolé- 
rance s'établit,  à  prendre  un  braver  plus  résistant  et  suffisant.  Cependant,  malgré 
ces  précautions,  il  arrive  que  certains  malades  ne  peuvent  jamais  s'habituer  au 
bandage.  Gosselin  cite,  à  ce  sujet,  le  cas  d'un  malade  qui,  après  avoir  vainement 
essayé  tous  les  appareils  possibles,  en  était  réduit  à  maintenir,  tant  bien  que 
mal,  la  tumeur  au  moyen  de  la  main  placée  sans  cesse  dans  la  poche  de  son 
pantalon.  Mais,  heureusement,  ces  faits  sont  exceptionnels,  et  ordinairement, 
même  dans  les  cas  difficiles,  on  peut  réussir,  après  certains  tâtonnements,  à 
découvrir  l'appareil  bien  supporté. 

D'autres  fois,  le  bandage  devient  intolérable,  parce  que  la  pression  de  la 
pelote  amène  des  irritations  cutanées  qui  en  rendent  l'application  extrêmement 
douloureuse.  Ces  accidents  se  présentent  tantôt  sous  l'aspect  d'érythèmes  plus 
ou  moins  étendus  et  même  de  véritables  excoriations,  parfois  aussi  sous  forme 
de  poussées  d'eczéma.  On  peut  alors  interposer  entre  la  pelote  et  la  peau,  jusqu'à 
disparition  de  ces  irritations  une  légère  feuille  d'ouate,  une  flanelle,  un  linge 
fin,  etc.  Quelquefois  aussi  la  simple  précaution  de  saupoudrer  la  région  herniaire 
de  poudre  de  riz,  de  poudre  de  lycopode  ou  d'amidon,  suffit  à  permettre  au 
malade  de  garder  son  bandage.  Si  ces  moyens  faciles  et  simples  ne  réussissent 
pas  à  prévenir  ou  à  guérir  ces  complications  légères,  il  faudra,  pour  quelques 
jours,  retirer  le  bandage,  mais  alors  faire  garder  le  lit  au  malade.  In  repos 
absolu  et  les  pansements  les  plus  élémentaires,  permettront,  au  bout  de  peu  de 
temps,  la  reprise  simultanée  du  bandage  et  des  occupations. 

Mais  en  dehors  de  ces  petits  accidents,  et  même  si  le  bandage  est  constam- 
ment bien  toléré  par  le  malade,  il  est  cependant  nécessaire  d'en  surveiller 
l'application.  En  effet,  l'appareille  meilleur  se  détériore,  s'use,  et  arrive  insen- 
siblement à  ne  plus  remplir  convenablement  sou  office.  De  plus,  en  dehors  des 
réparations  nécessitées  par  l'usure,  il  est  des  changements  survenant  chez  le 
malade  qui  obligent  à  modifier  ou  à  changer  le  bandage.  Ainsi,  chez  les  tous 
petits  enfants,  à  cause  de  leur  accroissement  physiologique,  il  sera  nécessaire  de 
changer  d'appareil  tous  les  deux  ou  trois  mois  environ  ;  de  même,  chez  les  enfants 
du  second  âge  et  les  adolescents,  il  faut  veiller  aux  changements  de  forme  et  de 
taille  amenés  par  la  croissance.  Les  embonpoints  ou  amaigrissements  rapides, 
les  changements  de  volume  du  ventre,  dans  les  grossesses,  ou  bien  dans  les  cas 
de  développement  d'une  tumeur  abdominale,  par  exemple,  doivent  naturelle- 
ment entraîner  le  choix  d'un  nouveau  bandage. 

Traitement  cdratif  des  HER^•IEs.  Nous  avons  jusqu'à  présent  examiné  les 
bandages  au  point  de  vue  palliatif  :  il  nous  reste  une  question  à  résoudre 
avant  d'étudier  la  cure  radicale  par  les  méthodes  opératoires.  Cette  question 
est  la  suivante  :  Le  bandage  herniaire  peut-il  suffire  à  amener  la  guérison 
immédiate? 

La  chose  n'est  pas  douteuse,  et  il  existe,  depuis  longtemps,  des  observations 
ncontestables  de  guérison  par  des  bandages.  Richter,  Camper,  Fournier  de 


HERNIES.  745 

Lempiles,  Astley  Cooper,  Sabatier,  Gosselin  et  d'autres  'encore,  en  ont  rassemble' 
et  publié  un  certain  nombre,  suffisant  à  démontrer  que,  sans  être  la  règle,  cette 
guérison  pouvait  être  espérée  et  recherchée  dans  quelques  cas.  D'ailleurs,  presque 
tous  les  médecins  et  surtout  les  bandagistes  ont  vu  guérir  des  malades  qui 
n'ont  traité  leur  hernie  que  par  le  port  assidu  d'un  bandage  bien  fait.  La 
question,  posée  en  Angleterre  en  187'i  dans  le  journal  the  Lancet  par  une 
société  savante,  amena  la  publication  de  plusieurs  réponses  signées  de  MM.  J.  La^v- 
rence,  Carsten  Iloltouse,  Carnochan,  rapportant,  eux  aussi,  des  cas  multiples 
de  guérison  par  des  bandages. 

D'ailleurs,  pour  que  celui-ci  puisse  assurer  la  guérison  de  la  hernie,  il  est 
nécessaire  qu'il  obéisse  aux  conditions  suivantes  :  il  faut  que  la  hernie  soit 
constamment  bien  contenue  le  jour  dans  tous  les  mouvements,  et  que  le  malade 
garde  l'appareil  la  nuit,  si  la  hernie  a  tendance  à  ressortir  dans  la  position  cou- 
diée  :  il  pourra  cependant  le  quitter,  si  la  hernie  ne  sort  jamais  et  n'a  aucune 
tendance  à  s'échapper  dans  cette  situation. 

D'ailleurs  nous  avons  déjà  vu,  en  étudiant  la  marche  naturelle  des  hernies,  que 
la  guérison  définitive  ne  pouvait  guère  être  obtenue  que  dans  certaines  conditions. 
Celles-ci  sont  de  quatre  ordres:  le  volume  de  la  hernie,  qui  doit  être  petit;  la 
position  sociale  du  sujet,  qui  doit  être  aisée,  afin  de  pouvoir  éviter  les  efforts 
■exaaérés  et  les  travaux  de  force;  le  de^ré  de  contention,  c'est-à-dire  la  nécessité 
<run  bon  bandage;  enfin  l'âge  du  sujet,  les  hernies  des  malades  jeunes  étant,  de 
beaucoup,  les  plus  susceptibles  de  guérison. 

Il  nous  paraît  utile  de  revenir  sur  ce  dernier  point.  Tout  le  monde  admet  aujour- 
d'hui la  guérison  ordinaire  des  hernies  congénitales  du  premier  âge.  Malgaigne 
a  démontré  la  curabilité  de  celles  de  la  seconde  enfance  et  il  cite  des  exemples 
indiscutables  de  guérison  chez  les  adolescents.  Mais  certains  auteurs  nient  abso- 
lument la  possibilité  de  la  cure  de  la  hernie,  parles  bandages,  chez  l'adulte.  Or, 
ces  faits  sont  plus  rares,  mais  ils  existent.  Ainsi  Segond,  dans  sa  thèse,  rappelle 
que  le  professeur  Le  Fort  lui  a  affirmé  avoir  vu  des  cas  de  guérison  clu-z  des 
hommes  de  trente-cinq  ans.  Du  reste,  après  cet  âge,  celle-ci  n'existe  plus  pour 
ainsi  dire,  car  il  est  impossible  de  tracer  au  point  de  vue  de  l'âge  une  limite 
absolue.  En  effet,  comme  le  dit  Malgaigne,  il  y  a  des  hommes  qui  sont  jeunes  et 
•vigoureux  à  cinquante  ans,  comme  il  yen  a  qui  sont  vieux  à  trente;  et  ceux-ci 
ne  sauraient  obtenir  une  cure  radicale  que  les  autres  pourraient  à  la  rigueur 
•espérer. 

Ceci  revient  à  dire  que,  tant  que  les  hernies  sont  des  hernies  de  force,  on  pont 
en  obtenir  la  guérison  à  l'aide  de  bandages,  tandis  qu'au  contraire  les  hernies 
de  faiblesse,  à  quelque  âge  qu'elles  se  produisent,  doivent  être  considérées  comme 
incurables  par  ce  moyen. 

Cette  guérison  chez  l'adulte,  aussi  complète  qu'elle  paraisse,  n'est  pas  toujours 
définitive.  Segond,  dans  son  excellente  thèse,  rapporte  un  tableau,  qui  lui  a  été 
communiqué  par  Paul  Berger,  comprenant  56  observations  dans  lesquelles  la 
récidive  de  la  hernie  a  eu  lieu  après  un  temps  assez  long  pour  que  la  guérison 
ait  pu  être  considérée  comme  définitive.  11  s'agit,  en  effet,  de  cas  où  la  guérison 
s'est  maintenue  dix,  vingt,  trente  ans  et  même  davantage,  et  où  néanmoins  la 
hernie  s'est  reproduite,  car  la  disposition  auatomique  que  l'on  croit  transformée 
persiste  en  réalité  d'une  manière  plus  ou  moins  complète.  Ainsi  le  malade  n"  l 
du  tableau  de  Segond  a  vu  se  reproduire,  après  soixante  ans  de  guérison,  la  réci- 
dive d'une  hernie  inguinale  gauche  interstitielle;  le  malade  n"  2  a  vu  revenir. 


744  HERNIES. 

après  cinquante-sept  ans  de  disparition,  une  hernie  inguino-pubienne  bilatérale. 
Dans  ces  cas,  le  plus  souvent  les  adhérences  qui  avaient  amené  l'oblitération  du 
trajet  herniaire,  qu'elles  eussent  porté  sur  la  cavité  du  sac,  ou  sur  un  autre 
point,  se  résorbent  peu  à  peu  ou  s'affaiblissent,  et  la  poussée  des  viscères  arrive 
de  nouveau  à  triompher  des  résistances  qu'elles  avaient  créées.  En  effet,  c'est 
presque  toujours  à  l'aide  d'une  péritonite  adhésive  qu'elle  provoque  que  la 
compression  du  bandage  arrive  à  produire  la  guérison. 

D'ailleurs,  les  chances  de  cette  cure  par  le  bandage  varient  beaucoup  suivant 
la  variété  de  hernies.  Elles  sont  au  maximum  dans  les  inguinales,  à  condition  que 
la  hernie  soit  inguino-pubienne  ou  interstitielle,  ou  bien  scrolale  fort  peu  volu- 
mineuse, que  le  bandage  soit  excellent,  gardé  continuellement,  et  que  le  malade 
évite  les  efforts  violents  et  les  grands  mouvements  susceptibles  de  le  déplacer. 
Dans  les  hernies  ombilicales,  on  ne  peut  espérer  de  guérison  définitive  que 
chez  l'enfant  :  avec  les  meilleures  conditions  de  choix  et  de  port  du  bandage  il 
n'y  a  pas  à  compter  sur  la  cure  radicale  chez  l'adulte.  Quant  aux  hernies  cru- 
rales, Malgaigne  a  pu  dire,  à  cause  des  difficultés  presque  insurmontables  de 
la  contention  exacte  dans  cette  variété  :  «  Ce  serait  folie  de  vouloir  les  guérir  par 
un  bandage.  » 

Tous  tes  faits  démontrent  donc  que,  si  le  bandage  peut  arriver  à  amener  la 
cure  radicale  de  la  hernie,  ce  qui  est  aujourd'hui  incontestable  et  incontesté, 
cette  guérison  ne  peut  survenir  que  dans  certaines  conditions  spéciales  bien  déter- 
minées, et  que,  dans  la  plupart  des  cas,  le  traitement  par  le  bandage  ne  peut 
être  que  palliatif. 

Le  plus  souvent,  en  effet,  c'est  à  l'aide  des  tentatives  opératoires  que  les  chi- 
rurgiens ont  cherché  à  pratiquer  la  cure  radicale  des  hernies,  et  ces  opérations 
ont  été  tour  à  tour  préconisées  ou  repoussées  depuis  l'antiquité  jusqu'à  nos  jours. 
On  peut  même  dire  que  la  cure  opératoire  des  hernies  a  été  fort  en  honneur 
presque  jusqu'au  dix-huitième  siècle,  c'est-à-dire  jusqu'au  moment  de  l'invention 
des  bandages  élastiques.  Depuis,  elle  est  presque  complètement  tombée  dans 
l'oubli,  jusqu'au  moment  où  l'apparition  de  la  méthode  antiseptique  a  permis, 
avec  une  plus  grande  sécurité,  de  nouvelles  tentatives  opératoires  plus  efficaces 
et  moins  dangereuses. 

Historique  des  opérations  de  cure  radicale.  Les  Anciens,  on  le  sait,  ne 
connaissaient  que  la  hernie  ombilicale  et  la  hernie  inguinale,  et  leur  manière 
de  procéder  était  différente  dans  les  deux  cas.  Ainsi,  Celse  préconisait,  dans  les 
hernies  ombilicales,  la  cure  par  la  ligature,  tout  en  admettant  plusieurs  procédés. 
Quant  à  la  hernie  inguinale,  il  incisait  et  réséquait  le  sac,  avec  une  portion  de 
la  peau,  afin  d'obtenir  une  cicatrice  solide.  Mais,  chose  à  remarquer,  dans  ses 
procédés  opératoires,  il  respectait  toujours  le  testicule.  Oribase,  imitant  la 
manière  d'opérer  de  Celse,  dissèque  et  tord  le  sac,  puis  le  résèque  sans  toucher 
au  testicule.  Aétius,  au  cinquième  siècle,  préconise  la  même  pratique. 

Avec  Paul  d'Égine  les  procédés  changent.  Pour  les  hernies  ombilicales  il  emploie 
les  mêmes  opérations  que  Celse,  mais,  pour  les  hernies  inguinales,  il  n'hésite  pas 
sectionner  le  cordon  et  le  sac  herniaire,  et  il  sacrifie  le  testicule  sans  scrupule. 
Ce  n'est  que  dans  le  bubonocèle  qu'il  se  contente  de  réséquer  le  sac  sans  détrun^e 
la  glande  séminale.  Cette  castration  dans  l'opération  de  la  hernie,  qui  entre 
dès  cette  époque  dans  la  pratique  chirurgicale,  constitue  un  des  reproches 
les  plus  graves  que  l'on  puisse  adresser  aux  anciennes  méthodes  de  cure 
radicale. 


HKRNIES.  745 

Ce  détestable  procédé  devait  durer  plusieurs  siècles.  En  effet,  nous  voyons 
les  chirurgiens  arabes,  au  dixième  siècle,  Avicenne,  Albucasis,  Ali-llabbas,  ne  pas 
hésiter  à  enlever  le  testicule  en  réséquant  le  sac  herniaire.  Les  arabistes,  c'est- 
à-dire  l'École  de  Bologne,  au  douzième  siècle  représentée  par  Gérard  de  Crémone, 
Hugues  Lucques,  l'évêque  Théodoric  et  Guillaume  de  Salicet,  imitent  cette  con- 
duite. Il  en  est  de  même  de  l'École  de  Salerne  (treizième  siècle),  avec  Roland  et 
Roger  de  Parme;  de  l'École  de  Paris  avec  Hugues  et  Lanfranc.  Les  procédés 
varient  cependant  :  les  uns  opèrent  aux  bistouris,  les  autres  avec  les  caustiques, 
soit  avec  le  cautère  actuel,  soit,  comme  Théodoric,  avec  les  caustiques  potentiels. 
Souvent  aussi  l'opérateur  liait  en  masse  le  sac  herniaire  et  le  cordon,  sans  s'in- 
quiéter du  testicule.  Néanmoins,  c'est  surtout  la  cautérisation  qui  est  en  honneur. 
Enfin,  même  au  quatorzième  siècle,  à  Montpellier,  Guy  de  Chauliac  n'hésite  pas  à 
supprimer  le  testicule,  et  déclare  les  procédés  de  cure  radicale  sans  castration 
incomplets  et  avec  fallace. 

Cependant,  à  la  même  époque,  fut  inventé  un  procédé  nouveau  qui  avait  pour 
but  d'oblitérer  le  sac  herniaire,  tout  en  respectant  le  testicule.  Ce  procédé,  c'est 
le  point  doré  imaginé  par  maître  Béraud  Méthis,  que  Franco  appelle  Bernard 
Methis.  Nous  ne  connaissons  ni  l'époque  précise  de  son  existence,  ni  sa  natio- 
nalité. Il  est  probable,  dit  Segond,  qu'il  vivait  au  treizième  siècle,  en  tout  cas 
avant  Guy  de  Chauliac.  Voici  comment  se  pratiquait  le  point  doré  :  la  peau 
incisée,  on  enserrait  le  cordon  et  le  canal  péritonéo-vaginal  avec  un  /?/  d'or  du 
calibre  d'une  grosse  épingle,  et  on  serrait  assez  étroitement  pour  oblitérer  la  voie 
péritonéale,  pas  assez  pour  que  les  vaisseaux  spermatiques  et  déférents  fussent 
étranglés.  Il  est  bien  évident  que  ce  procédé  devait  faire  beaucoup  de  victimes, 
car,  pour  oblitérer  sûrement  le  collet  herniaire,  bien  des  opérateurs  devaient 
étrangler  les  vaisseaux  du  cordon. 

Nous  arrivons  ainsi  au  quinzième  siècle,  et  à  cette  époque  ce  sont  les  écoles 
italiennes  qui  tiennent  le  sceptre  de  la  chirurgie.  Parmi  ceux  qui  s'occupent 
spécialement  des  hernies  nous  pouvons  citer  Arculanus,  Mathieu  de  Gradi,  Mar- 
cus  Gatenaria,  etc.  A  la  vérité,  la  cure  radicale  est  toujours  eh  honneur,  mais  les 
chirurgiens  commencent  à  se  préoccuper  davantage  des  bandages,  et  à  chercher 
souvent  la  guérison  à  l'aide  de  ces  appareils.  Alors  la  cure  opératoire  appartient 
à  ces  voyageurs  herniaires,  charlatans  pour  la  })lupart,  qui  parcourent  les  pays, 
tels  que  toute  la  dynastie  des  Norsia,  qui  opéraient  toutes  les  hernies  en  prati- 
quant la  castration.  Segond  raconte  qu'il  existait  au  seizième  siècle  un  certain 
Horace  de  Norsia,  cité  par  Fabrice  d'Aquapendente,  qui,  bon  an  mal  an,  ne  châ- 
trait pas  moins  de  200  individus. 

Cependant,  avec  la  Renaissance,  les  études  médicales  reprirent  en  France  une 
nouvelle  ardeur,  et  nous  voyons  les  grands  chirurgiens  de  celte  époque,  et 
surtout  Ambroise  Paré  et  Franco,  s'occuper  de  la  question.  Ils  n'opèrent  pas 
toutes  les  hernies,  et  quand  ils  opèrent  ils  s'ingénient  à  respecter  le  testicule. 
Ils  essayent,  de  même  que  Fabrice  d'Aquapendente,  de  perfectionner  le  point 
doré,  en  ne  comprenant  dans  leur  ligature  que  le  conduit  péritonéo-vaginal,  et 
en  respectant  les  éléments  du  cordon.  Mais,  malgré  toutes  leurs  précautions, 
cet  isolement  des  organes  funiculaires  ne  devait  pas  être  toujours  aisé.  Ainsi 
Ambroise  Paré  invente  la  suture  royale  ou,  du  moins,  imagine,  après  la  kéloto- 
mie,  une  suture  du  sac  lierniaire  qui  paraît,  au  dire  de  Segond,  être  «  l'ori- 
gine de  cette  suture  royale  dont  tout  le  monde  parle  et  qui  cependant  n'a  pas 
d'histoire.   » 


746  HERNIES. 

Le  mot  (le  suture  royale  ne  fut  prononcé  pour  la  première  fois  que  par  Dionis. 
Du  reste,  pendant  tout  le  dix-septième  siècle  les  tentatives  de  cure  radicale  con- 
tinuèrent, mais  à  côté  grandissait  l'importance  des  bandages,  et  l'on  tentait  en 
même  temps  le  traitement  par  des  onguents  et  des  remèdes  secrets,  dont  le  plus 
connu  était  le  ronède  du  Boy  acheté  p;ir  Louis  XIV  au  prieur  des  Cabrières.  La 
suture  royale,  dont  nous  venons  de  parlei-,  consistait  en  une  double  suture  en 
surjet,  parallèle  à  l'axe  du  sac  et  destinée,  après  la  réduction  de  l'intestin,  à 
rétrécir  assez  le  sac  herniaire  pour  que  celui-ci  ne  pût  plus  s'y  engager.  Du 
reste,  Dionis,  qui  l'a  décrite,  s'élève  fortement  contre  toute  tentative  opératoire  et 
surtout  contre  la  castration.  Le  dix-huitième  siècle,  caractérisé  surtout  par  l'étude 
anatomique  et  clinique  des  hernies,  continua  celte  réaction  contre  la  cure  radi- 
cale et,  armé  du  bandage  à  ressort  élastique  de  Lequin,  put  traiter  scientifique- 
ment et  convenablement  les  hernies.  Aussi,  malgré  quelques  tentatives  de  retour 
à  la  cure  radicale,  comme  celle  de  Gauthier  et  Mayet  en  1774  par  cautérisation 
directe  de  l'anneau  herniaire,  qui  coûta  la  vie  au  célèbre  voyageur  La  Condamine, 
celle-ci  était  de  plus  en  plus  abandonnée.  Elle  fut,  à  cause  de  ses  résultats  déplo- 
rables et  de  ses  dangers,  formellement  condamnée  à  l'Académie  de  chirurgie 
par  Louis  et  Dordcnave.  Desault  cependant,  au  commencement  du  dix-neuvième 
siècle,  est  encore  pai  ti^an  de  la  cure  radicale  par  la  ligature  pour  la  hernie  ombi- 
licale, mais  pour  celle-là  seulement. 

A  partir  de  ce  moment,  nul  ne  parle  plus  d'opération,  jusqu'au  moment  où 
Gerdy  en  1855  invente  son  procédé  par  invagination.  Autour  de  cette  invention 
se  groupent,  tant  en  France  qu'à  l'étranger,  une  série  de  modifications  au  pro- 
cédé de  Gerdy,  mais,  avec  la  mort  de  l'inventeur,  ils  tombent  bientôt  complè- 
tement dans  l'oubli,  les  résultats  n'ayant  pas  répondu  aux  espérances  des  chirur- 
giens. A  peine  devons-nous  signaler,  à  l'étranger,  quelques  tentatives  opératoires, 
basées  sur  des  méthodes  diverses,  celles  de  Wutzer,  Sotteau,  Rothmund,  Wood, 
1868,  etc. 

Néanmoins  la  cure  des  hernies  paraissait  absolument  abandonnée  de  tous, 
quand  l'apparition  de  la  méthode  antiseptique,  en  rendant  plus  familière  et 
beaucoup  moins  périlleuse  la  chirurgie  abdominale,  est  venue  encore  une  fois 
remettre  en  honneur  la  cure  radicale  opératoire. 

Seulement,  ce  sont  des  méthodes  nouvelles,  une  opération  nouvelle,  qui  sont 
essayées  avecSchede,  Nussbaum,  Czerny,  Riezel,  Socin,  en  Allemagne;  Reverdin 
et  Dupont,  en  Suisse;  Lucas  Championnière,  Segond,  etc.,  en  France;  et  ce  sont 
surtout  ces  procédés  que  nous  devons  étudier  ici. 

Des  procédés  de  cure  radicale.  On  peut  et  on  doit  diviser  les  procédés 
de  cure  radicale  des  hernies  en  deux  grandes  classes  :  les  méthodes  lentes 
ou  anciennes,  qui  s'adressent  spécialement  aux  hernies  réductibles,  et  les 
méthodes  directes  ou  modernes,  qui  peuvent  également  être  employées  pour 
les  hernies  irréductibles  et  les  réductibles. 

Les  premières,  qui  comprennent  de  très-nombreux  procédés,  ont  été  rangées 
par  Paul  Segond  en  quatre  groupes  : 

«  Le  premier  groupe  comprend  les  procédés  dans  lesquels  on  mortifie  les  enve- 
loppes de  la  hernie  par  la  ligature  ; 

«  Le  deuxième  comprend  les  procédés  qui  cherchent  à  provoquer  dans  le  trajet 
herniaire  un  travail  inflammatoire  adhésif  ou  cicatriciel  et  s'adressant  plus  par- 
ticulièrement soit  au  sac,  soit  au  tissu  cellulaire  qui  l'entoure,  soit  aux  orifices 
fibreux  ; 


HERNIES.  747 

«  Le  troisième  comprend  les  procédés  dans  lesquels  on  combine  la  provocation 
d'un  travail  inflammatoire  avec  l'oblitération  par  un  bouchon  organique; 

«  Le  quatrième  comprend  enfin  les  procédés  dans  lesquels  on  ajoute  la  suture 
des  orifices  à  leur  oblitération  par  un  bouchon  organicjue.  » 

Sans  vouloir  entrer  dans  le  détail  de  tous  ces  innombrables  procédés,  que  l'on 
trouvera  décrits  complètement  dans  le  travail  de  Segond,  nous  devons  cependant 
indiquer  en  quelques  mots  l'essence  même  des  différentes  méthodes,  bien  qu'elles 
soient,  du  reste,  aujourd'hui  presque  complètement  abandonnées. 

Les  procédés  de  mortification  des  enveloppes  par  la  ligature,  qui  compren- 
nent :  la  ligature  simple  de  Desault,  la  ligature  multiple  de  Martin  jeune  et  de 
Bouchacourt,  la  ligature  avec  torsion  du  pédicule  de  Thierry  et  la  ligature  par 
les  tasseaux  de  Ghicoyne,  ont  été  spécialement  appliqués  au  traitement  de  la 
hernie  ombilicale,  et  leur  histoire  se  trouve  faite  à  l'article  qui  traite  de  cette 
variété  {voy.  Herme  ombilicale);  ils  ne  sont  du  reste  plus  employés. 

Le  second  groupe,  qui  réunit  les  procédés  ayant  pour  but  d'oblitérer  le  trajet 
herniaire  à  l'aide  d'un  travail  inflammatoire  adhésif  ou  cicatriciel,  comprend 
surtout  des  injections  d'un  liquide  irritant  faites,  soit  dans  le  trajet  herniaire, 
comme  les  injections  iodées  de  Velpeau,  soit  dans  le  tissu  périherniaire,  comme 
celles  de  Luton,  Schvvalbe,  etc. 

Il  existe  bien  d'autres  procédés  poursuivant  le  même  but,  comme  l'acupunc- 
ture de  Bonnet  et  de  Mayor,  l'introduction  d'un  corps  étranger  résorbable  dans 
le  sac  (baudruche  ou  filaments  de  gélatine),  de  Belmas,  le  passage  d'un  séton 
à  travers  le  sac  herniaire  de  Môsner,  les  scarifications  du  trajet,  opération 
ancienne  de  Freytng  reprise  par  J.  Guérin.  Mais  tous  ces  procédés  n'ont  donné 
aucun  résultat  et  ont  été  très-rapidement  laissés  de  côté  :  nous  n'y  insisterons 
donc  pas. 

Les  injections  irritantes  dans  le  sac  que  Velpeau  faisait  avec  de  l'iode, 
Schreyer  avec  du  vin  rouge,  Pancoast  avec  de  la  teinture  de  cantharides,  n'ont 
pas  donné  lieu  à  des  résultats  définitifs.  Les  récidives  ont  été  nombreuses,  on 
ne  constate  aucun  cas  de  cure  définitive,  et  en  outre  elles  ont  engendré  des 
accidents  graves  :  péritonites,  inflammations  phlegmoneuses  des  bourses  et  des 
parois  abdominales,  dont  quelques-uns  ont  été  suivis  de  mort.  C'est  donc  une 
méthode  justement  délaissée.  Les  injections  pcriherniaires  constituent  une 
opération  récente.  Luton,  qui  Ta,  le  premier,  préconisée,  en  1875,  cherchait  à 
provoquer  une  inflammation  irritative  et  non  suppurative,  qui  aboutit  à  une 
rétraction  du  tissu  cellulaire  périherniaire  suffisante  pour  oblitérer  le  trajet. 
11  emploie  une  solution  saturée  de  sel  marin,  mais  il  n'a  pratiqué  cette  opération 
que  sur  des  hernies  congénitales  de  l'enfance,  qui,  nous  le  savons,  guérissent 
facilement  avec  le  bandage,  et  d'ailleurs  les  malades  n'ont  pas  été  suffisamment 
suivis  pour  que  les  guérisons  qu'il  a  obtenues  puissent  être  considérées  comme 
définitives.  Cette  méthode  a  trouvé  des  imitateurs  à  l'étranger,  mais  avec  des 
liquides  différents.  Ainsi  Schwalbe,  en  Allemagne,  emploie  l'alcool  à  70/100'=% 
Heaton  et  Warren,  en  Angleterre,  se  servent  de  l'extrait  d'écorce  de  chêne.  Ces 
auteurs  ont  publié  de  nombreux  cas  de  succès,  avec  des  accidents  minimes, 
mais,  comme  pour  les  observations  de  Luton,  on  peut  leur  objecter  que  leurs 
malades  ont  été  suivis  pendant  trop  peu  de  temps.  En  outre,  l'application  de 
ces  injections  est  difficile  et  assez  incertaine.  Aussi,  avant  de  juger  définitive- 
ment cette  méthode,  est-on  en  droit  de  demander  des  résultats  plus  anciens  et 
sans  récidive,  ce  qui  n'a  pas  encore  été  fourni. 


7/t8  HERiMES. 

Le  troisième  groupe  renferme  tous  les  procédés  qui  ont  pour  but  d'obturer 
le  trajet  herniaire  à  l'aide  d'un  bouchon  organique.  H  réunit  des  opérations  fort 
dissemblables.  Citons  d'abord  l'idée  de  fermer  le  canal  par  refoulement  du  tes- 
ticule, opération  ancienne  et  bizarre,  décrite  par  Henri  Moinichen,  médecin  du 
roi  de  Danemark  au  dix-septième  siècle,  et  le  pelotonnement  du  sac  dans 
l'anneau,  sans  incision  du  tégument,  imaginé  par  Garengeot.  On  peut  encore  y 
joindre  l'obturation  du  canal  par  nn  lambeau  cutané  autoplastique  employé  par 
Jameson  (de  Baltimore)  dans  une  hernie  crurale,  et  conseillé  en  1874  par 
Langenbeck.  Ce  sont  des  procédés  sans  grande  valeur  que  nous  nous  bornerons 
seulement  à  rap[)eler.  Beaucoup  plus  importants  sont  ceux  dont  l'ensemble 
constitue  la  méthode  de  l'invagination  dont  Gerdy  fut  le  promoteur  et  l'inventeur. 
Ils  ont  tous  un  principe  commun  :  c'est  la  recherche  de  l'oblitération  du  canal 
herniaire  à  l'aide  de  la  peau  scrotale  invaginée.  Ce  résultat  est  cherché  à  la  fois 
par  le  maintien  de  la  peau  invaginée  et  par  les  divers  processus  inflamma- 
toires ainsi  déterminés.  Les  opérations  basées  sur  l'invagination  sont  fort  nom- 
breuses, et,  sans  vouloir  toutes  les  passer  en  revue,  nous  pouvons,  avec  Broca, 
les  diviser  en  trois  groupes  :  les  unes  procèdent  de  l'opération  de  Gerdy,  les 
autres  dérivent  du  procédé  de  Wutzer,  et  les  dernières  de  celui  de  Sotteau. 

Dans  la  méthode  de  Gerdy,  l'invagination  du  scrotum  est  maintenue  à  l'aide 
de  points  de  suture.  Dans  le  procédé  de  Wutzer,  elle  est  assurée  à  l'aide  d'un 
instrument  laissé  en  place  dans  l'axe  du  doigt  de  gant  dii  au  refoulement  de 
la  peau;  il  en  est  de  même  dans  ceux  de  Rothmund,  de  Valette,  de  Le  Roy 
d'Étiolles,  de  Langenbeck,  de  Wathman,  de  Christophe  lleat,  de  Kiuloch,  de 
Syme,  de  Davies,  de  Fayrer  et  d'Egea,  dans  lesquels  l'instrument  invaginateur 
seul  est  changé,  le  principe  restant  le  même.  Enfin  la  troisième  catégorie  de 
ces  procédés  comprend  ceux  dans  lesquels  «  l'invagination  du  scrotum  est  main- 
tenue à  l'aide  d'instruments  qui,  transfixant  transversalement  le  tégument 
externe  et  la  portion  de  la  peau  invaginée,  traversent  en  même  temps  les  bords 
de  l'orifice  de  sortie  de  la  hernie  et  tendent  à  les  rapprocher.  »  C'est  la  méthode 
de  Sotteau,  qui  laisse  en  place  une  aiguille  sur  laquelle  on  comprime  trans- 
versalement les  parois  du  trajet  herniaire,  et  celle  de  Deroubaix,  qui  n'en  est 
qu'une  imitation.  Tous  ces  procédés  sont  détaillés  et  figurés  dans  la  thèse  de 
Segond.  Comme  ils  sont  aujourd'hui  tombés  en  désuétude,  nous  nous  borne- 
rons à  en  apprécier  les  résultats. 

Un  piemier  fait  doit  nous  arrêter  :  l'invagination  ne  guérit  pas  par  le  méca- 
nisme invoqué  par  ses  inventeurs.  La  peau  ne  reste  pas  invaginée  et  l'obturation 
du  trajet  herniaire  se  fait  par  l'inflammation  rétractive  des  tissus  cellulaires  et 
fibreux  du  canal  et  des  anneaux;  presque  toujours  il  y  a  en  même  temps  de  la 
péritonite  adhésive,  ainsi  que  l'ont  démontré  trois  autopsies  de  Rothmund. 
En  second  lieu,  cette  méthode  a  occasionné  des  accidents,  peu  nombreux,  il 
est  vrai,  mais  dont  quelques-uns  ont  été  suivis  de  mort.  Cette  terminaison 
fatale  a  été  quelquefois  causée  par  la  péritonite,  bien  que  le  fait  soit  à  la  vérité 
exceptionnel;  bien  plus  souvent  ce  sont  des  inflammations  diffuses  des  parois 
abdominales  qui  ont  tué  les  malades.  Pour  les  cas  oi!i  les  nombreuses  statistiques 
parlent  de  guérisons,  des  distinctions  doivent  être  établies.  Dans  tous  ces  faits 
les  malades  sortent  guéris  de  l'hôpital,  mais,  comme  le  fait  remarquer  Thierry, 
à  propos  des  observations  de  Sotteau,  «  rien  n'atteste  qu'après  s'être  livrés  à 
leurs  occupations  ils  n'aient  vu  plus  tard  se  reproduire  leur  maladie.  »  La 
principale  objection  que  l'on  peut  faire,  en  effet,  à  ces  procédés,  c'est  que  la  cure 


HERNIES.  749 

n'est  pas  définitive  et  que  les  récidives  ont  été  nombreuses.  D'ailleurs  c'est 
pour  cela  qu'ils  ne  sont  plus  employés  maintenant. 

Le  quatrième  groupe,  enfin,  comprend  les  procédés  dans  lesquels  on  ajoute  la 
suture  des  orifices  à  leur  oblitération  par  un  bouchon  organique.  Cette  méthode 
pourrait  être  appelée  la  méthode  anglaise,  car  elle  a  été  imaginée  par  Wood, 
en  1858,  et  par  Dowell  en  Amérique,  et  elle  a  été  surtout  pratiquée  dans  ces 
deux  pays.  Leurs  procédés  ont  pour  but  «  de  fermer  le  trajet  herniaire  en  com- 
binant à  l'obturation  par  invagination  le  rétrécissement  par  la  suture  des  piliers. 
Ils  ont  en  outre  pour  trait  caractéristique  d'être  toujours  des  opérations  sous- 
cutanées.  »  Ils  sont  du  reste  d'une  exécution  assez  délicate,  aussi  les  modes  opé- 
ratoires sont  nombreux.  Celui  de  Wood  a  été  modifié  par  un  certain  nombre 
de  chirurgiens,  et  surtout  par  Agnew,  Cbisholm,  Van  Best  et  Jesset,  Georges 
Whyte,  Field,  Thompson,  Spanton,  etc.  Les  modifications  portent  tantôt  sur  la 
manière  de  placer  le  fil  de  suture,  comme  celles  de  Cbisholm  et  Georges  Whyte, 
tantôt  sur  la  présence  d'instruments  iuvaginateurs,  permettant  en  même  temps 
la  suture,  comme  l'appareil  d'Agnevv  ou  le  tire-bouchon  de  Spanton. 

Sans  insister  sur  les  détails  opéi'atoires,  nous  pouvons  dire  que  les  statistiques 
publiées,  et  principalement  celles  de  M.  Wood,  sont  excellentes  :  la  méthode 
paraît  théoriquement  avantageuse,  cependant  nous  pouvons,  avec  Segond, 
résumer  ainsi  les  résultats  publiés  :  «  L'opération  peut  tuer,  elle  ne  garantit 
pas  sûrement  l'absence  de  récidive,  elle  a  parfois  procuré  des  cures  radicales  ; 
elle  a  souvent  permis  la  bonne  contention  de  hernies  auparavant  incoer 
cibles.  » 

Ainsi,  nous  voyons  qu'aucune  des  méthodes  lentes,  que  nous  venons  de  passer 
successivement  et  rapidement  en  revue  n'est  exempte  de  reproches,  et  qu'aucune 
surtout  ne  peut  être  considérée  comme  donnant  des  guérisons  certaines  et 
constantes.  Il  nous  reste  maintenant  à  examiner  les  méthodes  modernes  ou 
directes  que  l'antisepsie  a  rendues  possibles  et  qui  possèdent,  sur  les  précédentes 
l'avantage  de  pouvoir  être  aussi  bien  employées  contre  les  hernies  irréductibles 
ou  étranglées  que  contre  les  hernies  simples,  tandis  que  les  auti'es  supposent 
toujours  la  réduction  préalable  des  viscères.  Nous  devrions  peut-être,  pour  être 
plus  logique,  les  étudier  seulement  à  propos  des  hernies  irréductibles  auxquelles 
elles  paraissent  plus  spécialement  destinées,  mais,  pour  ne  pas  scinder  l'histoire 
de  la  cure  radicale,  il  nous  a  paru  plus  intéressant  de  les  réunir  toutes  dans  un 
même  chapitre. 

Opérations  directes  de  cure  radicale.  Les  méthodes  directes  ou  modernes 
sont  des  opérations  qui  se  font  à  l'aide  de  la  section  des  téguments  et  qui  res- 
semblent tout  à  fait,  du  moins  dans  leurs  premiers  temps,  à  l'opération  de  la 
kélotomie.  Elles  comprennent,  comme  cette  dernière,  l'incision  large  des  tégu- 
ments, la  découverte  du  sac  herniaire  et  des  anneaux.  Le  reste  de  l'opération 
consiste  dans  une  série  de  manœuvres  ayant  pour  but  de  supprimer  la  cavité 
du  sac  et  d'oblitérer  les  anneaux  fibreux. 

On  a  appelé  à  tort  cette  opération  cure  radicale  des  hernies  par  la  méthode 
antiseptique.  Cela  veut  simplement  dire  que  l'emploi  de  la  méthode  antiseptique 
comme  pansement  a  permis  des  tentatives  opéi'atoires  nouvelles  sans  trop  de 
danger. 

La  première  opération  de  cure  radicale  directe  a  été  faite  par  un  chirurgien 
anglais,  Ch.  Steele,  en  1874.  Depuis,  elles  se  sont  multipliées  en  Angleterre  et 
en  Allemagne,  car  dans  ce  dernier  pays,  dès  1876,  Nussbaum  et  Riesel  la  pra- 


750  HERNIES. 

tiquent.  En  1877,  Czerny  à  Fribourg,  Schede  à  Berlin,  Socin  à  Bàle,  commen- 
cent la  série  de  leurs  opérations. 

On  peut  avec  Reverdin  diviser  les  procédés  en  trois  groupes  : 

1"  Ligature  ou  suture  du  collet  avec  ou  sans  extirpation  du  sac  (procédé  de 
Nussbauni  et  Uiesel); 

2°  Ligature  ou  suture  du  collet  avec  suture  de  la  porte  herniaire  avec  ou 
sans  extirpation  du  sac  (procédé  de  Czerny)  ; 

3°  Ouverture  du  sac,  drainage  du  collet  sans  ligature  du  sac,  sans  suture  de 
l'anneau  (procédé  de  Scliede).  Comme  le  fait  remarquer  Segond,  ce  procédé 
n'est  en  somme  qu'une  opération  de  kélotomie  sans  dcbridement. 

Nous  ne  pouvons  décrire  en  détail  tous  ces  procédés;  nous  allons,  chemin 
faisant,  indiquer  ce  qu'ils  ont  de  particulier  ou  de  personnel. 

Incàion.  Les  premiers  temps  de  l'opération  sont  semblables  à  ceux  de  la 
kélotomie.  Le  malade  préalablement  préparé,  purgé,  la  région  herniaire  est 
rasée,  s'il  est  nécessaire,  et  lavée  avec  un  liquide  antiseptique.  Les  tégument? 
sont  coupés  comme  dans  la  kélotomie,  puis  les  tissus  sous-cutanés  sont  incisés 
couche  par  couche  jusqu'au  sac  lui-même. 

Réduction  des  intestins.  Le  sac  isolé  est  incisé  et  le  chirurgien  doit  d'abord 
réduire  les  viscères.  Dans  certains  cas  cette  réduction  est  très-facile,  nous  n'y 
insisterons  pas. 

Mais  d'autres  fois,  surtout  quand  il  y  a  des  adhérences  soit  de  l'épiploon, 
soit  de  l'intestin,  ce  temps  de  l'opération  peut  être  plus  difficile. 

D'une  manière  générale,  l'épiploon  adhérent  est  réséqué  après  ligature  simple 
ou  multiple,  suivant  le  volume  de  la  masse  herniée;  le  pédicule  est  alors 
réduit  dans  l'abdomen.  Certains  auteurs  avaient  pensé  à  se  servir  d'un  bouchon 
épiploïque  fixé  dans  l'orifice  pour  l'oblitérer.  Lucas  Championnière  {Cure  radi- 
cale des  hernies.  Paris,  1887)  s'élève,  avec  raison,  contre  cette  pratique,  qu'il 
considère  comme  une  cause  de  récidive,  et  insiste  pour  la  résection  complète  de 
l'épiploon. 

Dans  les  cas  d'adhérences  intestinales  soit  à  l'épiploon,  soit  au  sac,  il  faut 
essayer  de  les  disséquer  avec  soin,  pour  permettre  la  réduction  complète  de  l'anse 
herniée.  Si  la  dissection  totale  est  impossible,  il  faut  laisser  adhérer  à  la  paroi 
intestinale  la  portion  de  sac  ou  d'épiploon  que  l'on  n'a  pu  en  détacher, 
réséquer  tout  le  reste  et  réduire  tout  de  même  l'intestin  emportant  avec  lui  les 
parties  que  l'on  n'a  pu  enlever.  Cette  manière  de  faire  a  été  employée  avec 
succès  par  Schede  et  pac  Lucas  Cliampionnière  en  certains  cas. 

Ligature  du  collet  du  sac.  Les  viscères  réduits,  il  faut  oblitérer  le  collet 
du  sac.  C'est  là  un  des  points  les  plus  importants  de  l'opération,  et  quelquefois 
même  toute  l'opération,  comme  dans  les  procédés  de  Nussbaum  et  de  Riesel. 

Cette  oblitération  se  fait  de  plusieurs  façons.  Il  est  d'abord  nécessaire  de  bien 
isoler  le  pédicule  par  une  dissection  minutieuse,  afin  d'oblitérer  le  collet  lui-même 
et  non  pas  le  sac  au-dessous  de  lui.  La  manière  la  plus  simple  d'y  arriver  est  de 
l'étreindre  fortement  avec  une  anse  de  catgut  assez  gros.  Quelques-uns  trans- 
percent le  collet  avec  un  fil  double  et  en  lient  les  deux  moitiés  séparément. 
Nussbaum  pratique  la  suture  du  collet  en  surjet;  enfin  Czerny  en  fait  la 
suture  intérieure;  après  avoir  incisé  largement  le  sac,  «  il  le  fait,  dit  Segond, 
attirer  au  dehors  pour  voir  le  plus  haut  possible  dans  l'intérieur  du  collet, 
puis,  à  l'aide  d'une  aiguille  très-recourbée,  enfilée  d'un  fil  de  catgut  suffisam- 
ment long,  il  fait  une  sorte  de  suture  à  faufil  dont  chaque  point  attaque  le 


HERNIES.  75J 

collet  par  sa  face  interne,  et  qui  permet,  eu  tirant  sur  les  extrémités  libres  du 
fil,  d'obtenir  l'adossement  des  surfaces  séreuses.  »  Ce  procédé  paraît,  en  tous  cas, 
bien  plus  efficace  que  celui  de  D.  Mollière,  qui  a  conseillé  la  lig;tture  élastique 
du  collet  du  sac,  soutenue  aussi  par  son  élève  Galland,  dans  sa  thèse  (1878), 
laquelle  ne  contient  que  quatre  observations  trop  récentes  pour  pouvoir  être 
considérées  comme  des  exemples  de  cure  définitive. 

Avant  de  terminer  l'oblitération  du  collet,  nous  désirons  parler  du  procédé 
de  Lucas  Championnière.  Tous  les  auteurs  ont  insisté  sur  la  nécessité  de  lier 
le  collet  du  sac  le  plus  haut  possible,  mais  M.  Lucas  Championnière  l'a  fait 
plus  que  personne.  «  Il  ne  s'agit  pas  seulement,  dit-il,  d'extirper  le  sac  plus 
ou  moins  complètement.  Il  faudrait  pour  approcher  le  plus  de  la  perfection 
extirper  la  totalité  de  la  séreuse  constituant  le  sac,  le  collet,  et  au-dessus  de 
celui-ci  un  peu  de  péritoine  abdominal  au  voisinage  de  la  hernie.  La  suture  qui 
comprend  le  péritoine  et  les  parties  sous-jacentes  donnerait  alors  une  réunion 
sans  infundibulum,  par  conséquent  des  conditions  peu  favorables  au  dévelop- 
pement ultérieur  de  la  hernie  » .  Pour  y  parvenir,  il  laut  faire  à  la  peau  une  inci- 
sion assez  grande,  disséquer  très-minutieusement  le  collet  du  sac  et,  à  mesure 
que  l'on  arrive  à  l'isoler,  abaisser  à  l'aide  de  tractions  méthodiques  la  séreuse 
en  forme  de  canal,  et  on  peut  placer  alors  sa  ligature  sur  cette  portion  du  péri- 
toine. La  ligature  achevée  est  entraînée  en  haut  par  l'élasticité  des  tissus, 
et  elle  rentre  spontanément  dans  le  ventre,  pour  aller  se  placer  au-dessus  de 
l'anneau. 

La  ligature  de  M.  Lucas  Championnière,  qu'il  pratique  avec  du  catgut  de 
grosseur  moyenne  préparé  par  lui  et  très-solide,  lui  est  personnelle.  Il  étreint 
le  pédicule  à  l'aide  de  plusieurs  fils  entrc-lacés,  deux,  trois,  cinq,  suivant  le 
volume  des  parties  à  saisir.  Ces  fils,  croisés  et  enchevêtrés,  établissent  une 
suture  très-solide;  de  plus,  cette  disposition  a  pour  but  de  rendre  l'union  des 
fils,  une  fois  serrés,  aussi  intime  que  possible,  et  d'éviter  la  formation  d'un 
godet  supérieur.  Son  travail  est  accompagné  de  dix  observations  dans  lesquelles 
ce  mode  d'occlusion  lui  a  donné  de  très-bons  résultats. 

Manœuvres  portant  sur  le  corps  du  sac.  L'extirpation  du  sac  herniaire, 
après  la  ligature  du  collet,  se  fait  d'ordinaire;  cependant  certains  auteurs  ont 
cru  devoir  soit  le  laisser  en  place,  soit  le  suturer,  soit  le  pelotonner. 

Le  pelotonnement  du  sac  a  été  repris  par  Riesel,  après  avoir  été  autrefois 
conseillé  par  Garengeot.  Dans  ce  cas,  Riesel  se  garde  de  l'ouvrir  et,  après  l'avoir 
disséqué,  une  fois  les  viscères  réduits,  il  invagine  le  fond  du  sac  dans  le  collet 
et  le  fixe  dans  cette  position  en  passant  à  travers  le  collet  et  le  sac  refoulé  un 
fil  double,  puis  il  lie  isolément  les  deux  moitiés  du  pédicule.  Félizet  combine 
le  tassement  du  fond  du  sac  avec  la  toi'sion  du  pédicule.  Mac  Corniac  a  adopté 
un  procédé  qui  se  rapproche  un  peu  de  celui-ci  :  après  avoir  disséqué  le  sac,  il 
en  résèque  un  segment  en  forme  d'anneau  au-dessous  du  collet,  pais  il  inva- 
gine dans  celui-ci  les  bords  incisés  et  les  fixe  à  l'aide  de  quelques  points  de 
suture. 

Quelques  chirurgiens  se  sont  quelquefois  bornés,  après  avoir  fait  la  ligature 
du  collet,  à  abandonner  le  sac  au  fond  de  la  plaie,  se  contentant  seulement 
d'en  réséquer  les  parties  flottantes. 

Mais  le  plus  souvent,  lorsque  le  sac  est  laissé  dans  la  plaie,  on  le  ferme  à 
l'aide  de  sutures,  afin  d'en  oblitérer  complètement  la  cavité.  Tantôt  alors,  comme 
Schcdo,  on  peut  s'^turer  les  lèvres  de  l'incision  du  sac  avec  celles  de  l'incision 


752  IIEIJNIES. 

des  téguments.  Tantôt,  au  contraire,  suivant  la  méthode  de  Julliard  (de  Genève), 
après  avoir  cousu  le  bord  de  l'incision  on  fait  la  suture  en  piqué  de  ses  parois. 
Dans  ce  procédé,  en  effet,  les  bords  de  l'incision  du  sac  sont  réunis  par  des 
points  de  suture  séparés,  et  les  parois  sont  adossées  l'une  à  l'autre  par  une 
série  de  points  en  capiton  assez  multipliés.  Enfin  quelques  chirurgiens  laissent 
le  sac  dans  la  plaie,  après  avoir  pris  la  simple  précaution  de  réunir  les  bords 
de  son  incision  par  des  points  isolés,  ou  bien  par  une  suture  en  surjet  au  catgut. 

Cependant,  dans  le  plus  grand  nombre  des  opérations  de  cure  radicale,  le 
sac  est  complètement  extirpé,  mais  cette  résection  totale  suppose  une  dissection 
préalable  et  entière  du  sac  herniaire.  Il  est  évident  que  la  résection  est  une 
excellente  manœuvre  et  complète  fort  heureusement  la  fermeture  du  collet. 
Cependant  cette  dissection  du  sac  nécessaire  pour  l'extirpation  totale,  recommandée 
par  la  plupart  des  chirurgiens  qui  pratiquent  la  cure  radicale,  et  eu  particulier 
par  Lucas  Championuière,  n'est  pas  toujours  facile.  Aisée  souvent,  dans  les 
liernies  ombilicales  et  crurales,  elle  peut  être  très-difficile  dans  les  hernies  ingui- 
nales, surtout  dans  celles  qui  sont  volumineuses,  à  cause  des  adhérences  fré- 
quentes de  la  séreuse  aux  couches  extérieures  et  aux  éléments  du  cordon  sper- 
matique.  La  conduite  à  tenir,  dans  ces  opérations,  vis-à-vis  du  testicule  dans 
les  cas  de  hernie  inguinale  congénitale,  méritera  de  nous  arrêter  quand  nous 
étudierons  spécialement  la  hernie  inguinale  [voy.  Hernie  inguinale)  ;  il  en  sera 
de  même  du  procédé  de  Buchanan,  qui  a  essayé  de  refaire  une  séreuse  vaginale 
avec  les  débris  du  sac  herniaire. 

Pour  le  moment,  et  pour  nous  en  tenir  à  l'étude  générale  de  la  cure  des 
liernies,  nous  devons  ajouter  que,  dans  les  cas  oîi  les  adhérences  sont  étroites 
et  la  dissection  difficile  et  longue,  on  doit  se  contenter  d'une  résection  partielle 
du  sac.  Ainsi  Chatard  rapporte  dans  sa  thèse  [Cure  radicale  des  hernies  par 
les  méthodes  directes.  Paris  1885)  que,  dans  un  cas  où  le  sac  était  très-adhé- 
rent, Doulrelepont  se  borna  à  en  réséquer  seulement  la  partie  antérieure,  et 
termina  l'opération  en  suturant  les  restes  du  sac  avec  la  peau.  Dans  un  cas 
analogue,  Bouilly  réséqua  les  parties  antérieures  et  latérales  du  sac  et  pratiqua 
la  réunion  des  restes  de  l'enveloppe  séreuse,  à  l'aide  de  plusieurs  points  séparés 
de  suture  au  crin  de  Florence.  Ces  tentatives  ont  été  couronnées  de  succès.  11 
est,  sans  doute,  préférable  d'enlever  le  sac  tout  entier,  mais  les  résultats  que 
nous  venons  de  signaler  démontrent  qu'il  n'est  pas  aussi  nécessaire  que  l'avaient 
soutenu  Riesel  et  certains  autres  chirurgiens  d'enlever  minutieusement  tous  les 
petits  débris  de  tissu  cellulaire  et  adipeux  qui  pendent  à  la  surface  de  la  plaie. 

Suture  des  orifices.  Pour  beaucoup  de  chirurgiens,  la  cure  radicale  se 
borne  aux  manœuvres  que  nous  venons  de  signaler,  et  ils  n'estiment  pas  néces- 
saire d'ajouter  encore  la  suture  de  la  jjorte  herniaire,  c'est-à-dire  la  fermeture 
par  une  suture  de  l'orifice  fibreux  par  lequel  ont  passé  les  viscères.  Us  ne 
croient  pas  en  effet  que  cette  suture  puisse  être  efficace  et  fermer  réellement 
l'oritice.  Il  est  en  effet  fort  difficile,  pour  ne  pas  dire  impossible,  d'accoler  les 
bords  de  l'anneau  crural,  mais,  au  contraire,  il  peut  être  aisé  de  sulurer  les 
anneaux  accidentels  si  fréquents  dans  cette  région.  L'oblitération  de  l'anneau 
ombilical,  de  ceux  de  la  ligne  blanche,  reste  possible,  mais  c'est  surtout  au 
niveau  de  la  région  inguinale  que  les  opérateurs  ont  le  plus  souvent  cherché 
l'obturation  de  l'orifice  fibreux.  Quand  même  celte  suture  serait  facile  et  com- 
plète, doit-elle  réussir?  Les  chirurgiens  auxquels  je  viens  de  faire  allusion  ne  le 
croient  pas.  Lucas  Championnière  dit  à  ce  sujet  :  «  Y  a-t-il  moyen  de  donner 


HERNIES.  7Ô5 

quelque  force  à  la  paroi  par  la  suture  des  piliers?  Je  ne  le  pense  pas.  Les  fibres 
aponévrotiques  qui  constituent  les  piliers  n'ont  par  elle-mêmes  aucune  tendance 
•i  la  coalescence.  Que  sert  donc  de  les  rapprocher?  Il  faut  de  préfe'rence  chercher 
les  parties  sanglantes  qui  s'accoleront  et  vont  les  noyer  dans  une  puissante 
cicatrice.  » 

Quoi  qu'il  en  soit,  dans  le  cas  où  cette  suture  est  pratiquée,  on  peut  la  faire 
de  plusieurs  manières.  Les  uns,  imitant  la  conduite  de  Czerny,  suturent  les 
piliers  sans  les  avoir  au  préalable  avivés.  Czerny  fait  la  suture  à  points  séparés 
avec  de  la  soie  phéniquée.  Kendal,  Franks,  Mitcliel  Banks,  Barton,  Polaillon, 
emploient  de  préférence  du  fil  d'argent.  Bail,  après  avoir  lié  le  pédicule  du 
sac,  le  tord  et  réunit  les  piliers  par  un  point  de  suture  qui  traverse  en  même 
temps  le  pédicule  tordu.  D'autres  fixent  ainsi  un  bouchon  épiploïque,  pratique 
contre  laquelle  nous  avons  rapporté  les  protestations  de  Lucas  Championnièrc. 

Beaucoup  de  chirurgiens,  pour  mieux  assurer  cette  réunion  des  bords  de 
l'orifice,  prennent  la  précaution  d'aviver  les  anneaux  fibreux.  C'est  la  pra- 
tique de  Riesel,  qui  à  l'orifice  inguinal,  après  avoir  incisé  largement  l'apo- 
névrose, avive  les  bords  des  piliers  qu'il  réunit  par  des  points  séparés  faits  au 
catgut.  Warren  agit  de  même  et  réunit  les  piliers  par  huit  points  au  fil  d'ar- 
gent. Cette  suture  des  piliers,  après  avivement,  avait  du  reste  déjà  été  faite,  en 
1 874,  par  Ch.  Steele,  dans  la  première  opération  publiée  de  cure  radicale  moderne. 

Mais,  malgré  toutes  ces  précautions,  il  est  quelquefois  difficile  d'amener  au 
contact  les  bords  opposés  d'un  anneau  rigide.  Aussi  Reverdin  avait-il  imaginé, 
pour  en  faciliter  l'accolement,  de  pratiquer  des  incisions  libératrices  multiples, 
de  l  centimètre  à  1  centimètre  1/2  de  long,  intéressant  uniquement  l'aponé- 
vrose du  grand  oblique  (elles  avaient  été  faites  pour  l'anneau  inguinal),  et  super- 
posées en  deux  séries,  les  incisions  de  l'une  alternant  avec  celles  de  l'autre. 
Cette  modification  n'a  pas  rempli  complètement  le  but  cherché  par  son  auteur  : 
aussi  l'a-t-il  déjà  lui-même  abandonnée. 

D'ailleurs,  quel  que  soit  le  mode  opératoire  choisi,  on  ne  saurait  trop  insister 
sur  la  nécessité  de  procéder  à  l'opération  et  surtout  au  pansement,  en  observant 
toutes  les  précautions  de  l'antisepsie  la  plus  minutieuse.  Les  mains  des  opéra- 
teurs et  les  instruments  doivent  être  très-soigneusement  désinfectés.  Le  panse- 
ment antiseptique  doit  être  fait  avec  le  plus  grand  soin  et  strictement  suivant 
les  règles.  Il  ne  faut  pas  oublier,  en  effet,  que  le  chirurgien  doit  avoir  pour 
but  d'obtenir  une  réunion  immédiate  complète  et,  s'il  n'y  réussit  pas,  ce  qui 
arrive  encore  trop  fréquemment,  il  est  nécessaire  d'éviter  les  accidents  inflam- 
matoires et  sepliques  qui  seraient  inévitablement  la  conséquence  de  pansements 
incomplets  ou  mal  faits. 

Maintenant  que  nous  connaissons  les  différents  procédés  de  cure  radicale  par 
les  méthodes  directes,  il  nous  reste  à  en  étudier  et  à  en  apprécier  les  résultats. 
Sans  vouloir  examiner  la  valeur  comparative  de  chacun  d'entre  eux,  nous 
devons  rechercher  si  ces  opérations  ont  donné  des  succès,  et  quels  ont  été  leurs 
accidents.  Tous  les  procédés  d'ailleurs  ont  eu  des  résultats  à  peu  près  ana- 
logues; ils  sont  du  reste  presque  semblables  au  point  de  vue  chirurgical.  Tous 
ils  constituent  des  opérations  sanglantes,  nécessitant  une  dissection  délicate, 
longue  et  étendue;  ils  se  compliquent  tous  de  l'ouverture  de  la  séreuse  péri- 
tonéale.  Ce  sont  donc  des  opérations  sérieuses  et  capables  de  donner  naissance 
à  des  accidents  nombreux.  Aussi  toutes  les  statistiques  comportent-elles  une 
certaine  proportion  de  mortalité. 

DICT.    EXC.    i°    S.    XIII.  48 


754  HERNIES. 

Ainsi  la  statistique  de  Benno  Sclimidt  donne  sur  55  opérations  11  morts; 
soit  une  lélhalilé  de  20  pour  100.  Celle  de  Leisrink,  publiée  à  Leipzig  en  1885, 
porte  sur  un  ensemble  de  202  opérations  avec  15  morts  :  soit  un  peu  plus  de 
7  pour  100.  La  statistique  de  Segond,  publiée  la  même  année,  relate  219  opéra- 
tions avec  15  morts  seulement,  c'est-à-dire  une  mortalité  de  7  pour  100  environ. 
Enfin  Chatard,  dans  sa  llièse,  a  pu  réunir  49  cas  nouveaux  de  cure  radicale 
n'ayant  pas  figuré  dans  les  statistiques  précédentes  et  n'ayant  donné  lieu  qu'à 
une  seule  mort.  La  proportiou  actuelle  serait  donc  de  2  pour  100  environ. 
Comme  toutes  les  opérations,  celle-ci  se  perfectionne  à  mesure  qu'elle  est  mieux 
connue  et  ses  résultats  deviennent  meilleurs. 

Les  causes  de  la  mort  sont  diverses.  La  péritonite  septique  paraît  en  être  la 
plus  fréquente  :  elle  a  causé  à  elle  seule  la  moitié  des  morts  de  la  statistique  de 
Benno  Schmidt;  5  de  celles  rapportées  par  Segond,  et  le  cas  fatal  de  Chatard. 
La  septicémie  semble  avoir  causé  deux  des  morts  de  la  statistique  de  Leisrink. 
D'autres  fois  la  terminaison  fatale  a  été  due  à  des  pblegmons  gangreneux  des 
bourses,  à  des  embolies  pulmonaires,  au  sbok  traumatique,  à  des  hémorrhagies 
internes  (2  cas),  à  une  perforation  intestinale  (1  cas  dû  à  Socin);  enfin,  il  y  a 
2  cas  de  mort  par  intoxication  pliéniquée  (?)  (^^ahl  et  Langeiibeck). 

Mais,  à  côté  de  ces  com[)lications  ayant  entraîné  la  mort,  les  opérations  de 
cure  radicale  ont  donné  lieu  à  d'antres  accidents  moins  graves,  mais  qu'il  est 
utile  de  connaître.  Les  uns  sont  opératoires,  les  autres  sont  des  incidents  qui 
ont  seulement  retardé  la  gucrison. 

Parmi  les  premiers,  nous  pouvons  citer  une  ligature  du  cordon  spermatique 
(Geissel)  dans  un  cas  de  dissection  difficile;  la  possibilité  de  saisir  un  appen- 
dice en  fitisant  la  ligature  du  collet  sans  ouvrir  le  sac.  Ainsi  Czerny,  a  lié  une 
fois  l'appendice  vermiforme.  Dans  un  cas,  Lucas  Cliampionnière  a  sectionné 
le  canal  déférent.  Certains  chirurgiens  ont  décliiré  des  veines  du  cordon.  Enfin, 
quand  il  existe  des  adhérences  intestinales,  leur  dissection  a  pu  être  la  source 
d'accidents  nombreux.  On  sait,  en  effet,  que  ce  temps  opératoire  est  fort  souvent 
très-difficile,  pour  peu  qu'elles  soient  serrées  et  fibreuses.  Certains  opérateurs, 
même  parmi  les  plus  habiles,  n'ont  pu  toujours  terminer  avec  succès  cette 
dissection.  Aussi,  dans  un  cas,  Banks,  croyant  détruire  ces  adhérences,  a-t-il 
dénudé  l'intestin  de  son  enveloppe  séreuse;  souvent  aussi  la  paroi  intestinale  a 
été  perforée. 

La  réunion  primitive  cherchée  par  tous  les  opérateurs  n'a  pas  été  toujours 
facilement  obtenue:  ainsi,  sur  les  49  observations  rapportées  par  Chatard,  alors 
qu'il  y  a  48  guérisons,  la  réunion  immédiate  n'a  été  obtenue  que  7  fois.  La 
suppuration  et  nombre  d'accidents  ont  été  notés  qui  ont  retardé  la  guérison, 
entre  autres  des  abcès  du  scrotum  (Bouilly,  Bail),  des  hématocèles  avec  suppu- 
ration (Benkal  Frank),  des  érythèmes  phéniqués  et  des  accidents  dus  au  panse- 
ment. Enfin  signalons  la  fixation  imparfaite  de  la  ligature  qui  peut  abandonner 
le  collet  du  sac.  Cet  accident  est  arrivé  à  Riesel,  sans  qu'il  en  soit  résulté  de 
suites  fâcheuses. 

La  connaissance  de  ces  complications  ne  suffit  pas  pour  nous  permettre 
d'établir  complètement  le  pronostic  de  la  cure  radicale.  Il  faut  encore  que  nous 
recherchions  les  résultats  définitifs  de  cette  opération  ;  que  nous  voyons  si  les 
guérisons  constatées  restent  définitives,  et  dans  quelle  proportion  la  récidive 
s'est  produite. 
Les  résultats  publiés  indiquent,  en  effet,  que,  dans  un  nombre  de  cas  relati- 


HERNIES.  755 

voment  considérable,  le  succès  opératoire  n'a  pas  toujours  été  suivi  du  succès 
thérapeutique  ;  en  d'autres  ternies,  les  récidives  sont  assez  nombreuses.  D'ailleurs, 
on  ne  peut  faire  entrer  en  ligne  de  compte,  à  ce  point  de  vue,  que  les  malades 
qui  ont  été  revus  longtemps  après  leur  opération,  c'est-à-dire  plusieurs  mois  au 
moins.  Les  succès  constatés  plusieurs  années  après  l'acte  opératoire  sont  encore 
plus  significatifs  et,  à  la  rigueur,  sont  presque  seuls  à  l'abri  de  toute  contestation. 

H.  Braun  a  publié,  en  janvier  1881,  une  statistique  de  Czerny  comprenant 
19  opérations  faites  sur  1 6  malades  et,  à  la  fois,  sur  des  adultes  et  sur  des  enfants. 
Chez  tous  les  adultes  il  y  a  toujours  eu  récidive,  sauf  dans  deux  cas,  où  la  cure 
radicale  a  été  appliquée  à  des  hernies  graisseuses.  Les  résultats  ont  été  un  peu 
meilleurs  sur  les  en(;mts. 

Guénod,  la  même  année,  dans  sa  thèse  inaugurale  publiée  à  Bàle,  a  rapporté 
les  résultats  du  service  de  Socin.  Son  travail  comprend  un  ensemble  de  44  opé- 
rations. Sur  ce  cbifire,  54  opérés  seulement  ont  pu  être  retrouvés  et  examinés 
à  des  époques  différentes,  mais  assez  éloignées  du  moment  de  l'intervention.  Dans 
12  cas  il  y  a  eu  récidive  :  les  22  autres  étaient  complètement  guéris.  L'auteur, 
après  examen  de  ces  chiffres,  conclut  que  le  résultat  peut  être  considéré  comme 
définitif  deux  ans  après  l'opération.  Sur  les  22  cas  de  guérison,  8  seulement  se 
rapportaient  à  des  cures  tentées  sur  des  hernies  non  étranglées.  La  statistique 
de  Leisrinck  relate  des  récidives  dans  la  proportion  de  35  pour  100  des  opérés. 
Cependant,  il  ajoute  que  80  pour  100  des  récidives  constituaient  une  amélio- 
ration réelle  sur  l'état  primitif. 

La  statistique  de  Segond  est  importante,  car  elle  est  plus  détaillée.  Dans 
1 15  cas,  les  malades  opérés  ont  été  revus  à  des  intervalles  de  temps  assez  éloi- 
gnés de  l'opération.  On  a  constaté  44  récidives,  et  toujours  elles  ont  été  immé- 
diates, c'est-à-dire  se  sont  produites  dans  le  premier  mois  qui  a  suivi  l'opération. 
Sur  les  69  cas  qui  restent,  et  qui  sont  considérés  comme  des  succès,  quelques- 
uns,  peu  nombieux  à  la  vérité,  ont  été  revus  seulement  deux  ans  après,  mais 
un  certain  nombre  d'autres  après  un  intervalle  de  quelques  mois  seulement. 
Aussi  quelques-uns  de  ces  succès  peuvent-ils  être  discutables. 

La  statistique  de  Gliatard,  qui,  comme  nous  l'avons  dit,  porte  sur  des  opéra- 
tions plus  récentes,  paraît  plus  favorable.  Sur  49  opérations,  57  sont  restées 
sans  récidives.  Dans  8  cas,  au  contraire  (7  inguinales,  1  ombilicale),  les  hernies 
ont  reparu.  Les  succès  ont  été  constatés,  5  mois,  7  mois.  11  mois,  21  mois  e 
2  ans  après  l'opération.  Eu  somme,  les  résultats  publiés  par  Chalard  peuvent 
être  ainsi  résumés.  Sur  49  opérations  : 

8  récidives,  soit 21  pour  100. 

2  amélioiaUons,  soit 3,4      — 

1  mort,  soit 2  — 

57  fiuérison;,  soit 75         — 

La  guérison  aurait  donc  été  obtenue  75  fois  pour  100.  C'est  la  meilleure  des 
statistiques  que  nous  ayons  rencontrée,  mais  certaines  guérisons  constatées 
seulement  après  o  et  7  mois,  par  exemple,  peuvent  paraître  contestables,  et 
mériteraient  d'être  acceptées  seulement  sous  bénéfice  d'inventaire.  Enfin  disons 
en  terminant  que  la  statistique  de  Lucas  Cbampionnière  est  encore  plus  favorable, 
mais  ne  comprend  que  ses  opérés  personnels  et  avec  sa  méthode  propre,  que 
nous  avons  précédemment  décrite.  Son  livre  contient  un  tableau  de  10  opérations 
avant  donné  9  guérisons  et  1  seule  récidive.  Ses  dernières  opérations  donnent 
une  statistique  encore  plus  favorable. 


750  IIEBNIES. 

Avant  tle  quitter  la  question  de  la  cure  radicale,  nous  devons  rechercher 
quelles  sont  les  indications  et  les  contre-indications  de  la  méthode.  Ce  chapitre 
devrait  peut-être  être  rejeté  après  l'étude  de  certains  accidents  herniaires  qui 
constituent  des  indications  opératoires;  cependant,  nous  avons  cru  devoir  le  placer 
immédiatement  après  l'étude  des  procédés,  nous  réservant  d'y  renvoyer  le  lec- 
teur, lorsque  nous  aurons  besoin  d'y  revenir  ultérieurement.  Au  lieu  d'appliquer 
la  cure  radicale  à  toutes  les  hernies  indistinctement,  les  chirurgiens  contempo- 
rains la  réservent  à  certains  cas  spéciaux,  et  les  indications  paraissent  assez 
nettes.  Tandis  que  les  premiers  opérateurs,  surtout  à  l'étranger,  étaient  portés 
à  généraliser  outre  mesure  l'emploi  de  cette  méthode,  on  est  unanimement 
d'accord  ou  à  peu  près  aujourd'hui  pour  en  limiter  l'emploi  d'une  façon  très- 
nette. 

Ainsi  Segond,  Michel  Canks  et  Chatard,  nous  paraissent  avoir  absolument  établi 
qu'il  fallait  repousser  toute  opération  pour  les  hernies  coercibles  et  réductibles, 
tîhatard  fait  à  la  vérité  quelques  réserves,  mais  bien  timides. 

Pour  Segond,  il  n'y  aurait  que  deux  indications  formelles,  Vincoercibilité  et 
V irréductibilité.  Et  encore,  pour  les  hernies  incoercibles,  il  ne  reconnaît  la  légi- 
timité de  la  cure  radicale  que  chez  les  adultes,  et  la  refuse  chez  les  enfants. 
Quant  à  l'irréductibilité,  il  insiste  sur  la  nécessité  de  bien  la  démontrer,  avant 
de  prendre  le  parti  d'ojiérer.  Nous  verrons  en  effet,  à  propos  de  l'irréductibilité 
simple,  que  bien  des  hernies  paraissent,  au  premier  abord,  irréductibles,  dont 
on  vient  à  bout  à  l'aide  de  compressions  prolongées  et  de  tentatives  réitérées 
de  réduction.  Pour  Chatard,  ce  sont  aussi  les  hernies  incoercibles  et  les  hernies 
irréductibles  qui  seules  sont  susceptibles  d'être  traitées  par  la  cure  radicale, 
et,  parmi  les  causes  d'incoercibilité,  il  reconnaît  le  volume  exagéré  delà  tumeur, 
les  douleurs  constantes  et  l'ectopie  testiculaire  empêchant  le  port  d'un  bandage. 
Comme  cette  dernière  cause  ne  se  rencontre  que  dans  le  trajet  inguinal,  nous  en 
reparlerons  en  traitant  de  la  hernie  inguinale.  Enfin,  pour  les  hernies  irréduc- 
tibles, il  admet  qu'il  faut  opérer  surtout  celles  qui  s'accompagnent  de  dou- 
leurs, ou  bien  celles  qui  sont  menacées  d'accidents.  Dans  tous  les  cas,  il  fait  les 
mêmes  réserves  que  Segond  à  propos  de  cette  irréductibilité  vraie  qu'il  ne  faut 
admettre  qu'après  avoir  essayé  de  tous  les  moyens  propres  à  obtenir  la  réduc- 
tion. 

M.  Lucas  Championnière  à  son  tour,  bien  que  reconnaissant  que  la  cure 
radicale  ne  doit  s'appliquer  qu'à  des  cas  parfaitement  bien  déterminés,  étend, 
peut-être  un  peu  trop,  le  champ  des  indications  de  cette  opération.  Ainsi  aux 
lésions  précédentes,  irréductibilité,  incoercibilité  et  hernies  congénitales  avec 
ectopie  testiculaire,  il  ajoute  parmi  les  indications  :  les  hernies  douloureuses, 
les  hernieux  atteints  de  certaines  affections  exposant  aux  complications  de  la 
hernie,  certaines  convenances  sociales  pouvant  faire  préférer  une  cure  radicale 
aux  palliatifs,  enfin  les  accidents  herniaires  qui  ne  sont  pas  des  accidents  d'étran- 
glement et  auxquels  on  oppose  ordinairement  les  émollients  et  les  palliatifs.  Les 
hernies  douloureuses  au  point  de  ne  pas  pouvoir  supporter  un  bandage  se  rap- 
prochent beaucoup  des  hernies  incoercibles.  L'indication  tirée  de  la  présence  de 
certaines  maladies  exposant  aux  complications  herniaires,  c'est-à-dire  de  mala- 
dies chroniques  des  organes  respiratoires,  et  surtout  celle  qui  provient  de 
simples  convenances  sociales,  pourraient  déterminer  le  chirurgien,  qui  ne  serait 
pas  extrêmement  réservé,  à  faire  des  opérations  de  complaisance,  condamnables 
en  ce  sens  que  l'opération  est  trop  dangereuse  pour  qu'il  nous  semble  permis  de 


HERNIES.  757 

risquer  la  vie  d'un  malade,  sans  indications  plus  se'rieuses.  En  tous  cas,  ces  der- 
nières doivent  être  considérées  comme  absolument  exceptionnelles.  Enfin,  con- 
seiller la  cure  radicale  pour  les  accidents  aigus  qui  ne  sont  pas  l'étranglement 
revient  à  préconiser  la  kélotomie  pour  tous  les  accidents  herniaires.  C'est  là  un 
côté  de  la  question  que  nous  examinerons  en  traitant  de  ces  accidents. 

En  résumé,  la  cure  radicale,  légitimée  par  ses  succès  nombreux,  mais  qui 
a  aussi  causé  des  décès,  est  une  oj)ération  dont  la  statistique  nous  paraît  avoir 
tendance  à  s'améliorer.  Elle  doit,  pour  être  acceptée,  être  pratiquée  en  obéissant 
à  des  indications  particulières  et  très-nettes.  Le  malade  doit  être  averti  qu'on  ne 
peut  pas,  même  avec  la  guérison  opératoire  la  plus  parfaite,  toujours  lui  garantir 
une  cure  définitive  de  sa  hernie.  Les  récidives  encore  nombreuses  sont  là  pour 
le  démontrer,  et  pour  juger  définitivement  cette  opération  on  peut  répéter  les 
paroles  de  Lucas  Championnière  {Semaine  médicale,  17  août  1887)  :  «  La  cure 
radicale  de  la  hernie  est  une  véritable  conquête  de  la  chirurgie  moderne,  mais 
seulement  lorsqu'elle  sera  faite  dans  des  conditions  déterminées  d'expérience, 
de  matériel,  de  soins  réguliers  qui  sont  absohmient  indispensables  au  succès.  » 

Quant  à  la  cure  radicale  consécutive  à  la  kélotomie  pour  étranglement,  nous 
en  parlerons  en  décrivant  cette  opération. 

Accidents  des  hernies.  Au  poiut  de  vuc  clinique  noiis  avous  vu  qu'un 
symptùme  constant  et  caractéristique  domine  toute  l'histoire  symptomatologique 
des  hernies  simples  :  ce  symptôme,  c'est  la  réductibilite'.  Tous  les  autres  signes 
peuvent  varier,  aspect,  forme,  consistance,  élasticité,  sonorité;  leur  importance 
est  secondaire.  Tant  que  la  hernie  reste  complètement  réductible,  c'est  une 
hernie  simple  ;  si  au  contraire  ce  signe  disparaît,  si  la  hernie  devient  irréduc- 
tible, cette  irréductibilité  constitue,  à  elle  seule,  une  complication.  Le  tableau 
symptomatique  de  l'affection  est  changé,  le  pronostic  est  modifié,  le  traitement 
par  les  bandages  n'est  souvent  plus  applicable,  la  hernie  n'est  plus  simple  : 
par  le  seul  fait  qu'elle  est  irréductible,  elle  est  compliquée.  Tant  que  cette  irré- 
dactibilité  ne  s'accompagne  d'aucun  autre  changement,  elle  est,  à  la  vérité,  peu 
grave,  ou  du  moins  elle  ne  fait  courir  au  malade  aucun  danger  immédiat.  C'est 
plutôt  un  inconvénient,  une  source  possible  de  complications  qu'un  véritable 
accident. 

Mais  souvent  les  choses  vont  plus  loin.  L'irréductibilité  s'accompagne  de 
symptômes  graves,  survenant  d'une  manière  tout  à  fait  inattendue,  brusques,  à 
marche  rapide,  et  capables  d'entraîner  la  mort  en  peu  de  jours,  si  le  chirur- 
gien ne  sait  pas  intervenir  à  temps.  «  Ces  symptômes  se  rattachent,  dit  Le  Dentu, 
à  des  changements  d'état  qu'il  convient  de  désigner  sous  le  nom  d'accidents  des 
hernies,  ce  mot  d'accident  rappelant  ici  l'apparition  fortuite  de  phénomènes 
morbides  et  le  caractère  de  gravité  qu'ils  affectent  dans  beaucoup  de  cas.  »  Peu 
de  questions  chirurgicales  sont  aussi  dilficiles  à  élucider  que  celles  des  accidents 
des  hernies  que  l'on  a  groupés  sous  trois  formes  cliniques  :  étranglement, 
engouement,  inflammation,  sans  que  l'on  soit  encore  parvenu  à  tracer  à  chacun 
de  ces  termes  une  signification  nette,  un  domaine  absolument  séparé.  Les  dif- 
ficultés sont  ici  tout  à  la  fois  théoriques  et  pratiques. 

Les  théories  sont  nombreuses,  depuis  que  la  première  hypothèse  s'est  fait 
jour  jusqu'à  notre  époque;  elles  ont  été  toutes  tour  à  tour  soutenues,  aban- 
données, reprises,  suivant  que  tel  ou  tel  caractère  a  paru  prédominant,  tel  ou  tel 
symptôme  le  plus  important,  et  cela,  sans  que  l'étude  anatomo-pathologique  des 


758  HERNIES. 

lésions,   ou  l'expérimentation,  aient  pu,  d'une  manière  définitive,  préciser  la 
physiologie  pathologique  de  ces  accidents. 

Les  difficultés  pratiques  tiennent  en  grande  partie  à  la  grande  similitude  Ée 
tous  ces  accidents  au  point  de  vue  clinique.  La  marche  est  souvent  différente, 
l'intensité  des  phénomènes  est  variable  suivant  les  cas;  il  y  a  plutôt  des 
nuances  de  détail  que  de  véritables  différences  entre  les  divers  tableaux  sympto- 
matiques.  Le  début  de  chaque  variété  d'accidents  est  souvent  le  même,  un  cer- 
tain nombre  de  symptômes  importants  se  retrouvent  partout.  Dans  toutes  les 
variétés  nous  retrouvons  trois  signes  de  premier  ordre  :  l'irréductibilité  de  la 
tumeur,  la  suppression  des  selles,  et  les  douleurs  abdominales,  accompagnées  ou 
non,  de  nausées  et  de  vomissements.  Quelques  autres  phénomènes  du  côté  du 
système  nerveux  et  des  organes  circulatoires  viennent  ordinairement  s'y  ajouter. 
La  différenciation  se  fait  plutôt  par  l'ensemble  et  le  groupement  des  symptômes 
que  par  l'analyse  détaillée  de  chacun  d'entre  eux. 

Aussi,  pour  essayer  de  jeter  du  jour  sur  un  sujet  si  délicat,  il  est  indis- 
pensable de  rappeler,  dans  un  rapide  historique,  les  différentes  doctrines  qui 
ont  successivement  régné,  et  de  suivre  peu  à  peu  l'évolution  des  principales 
théories. 

Ilislorùiiie  des  accidenis  herniaive».     Le  premier  auteur  qui  ait  parlé  des 
accidents  des  hernies  est  Proxagoras,  le  dernier  descendant  de  la  famille  des 
Asclépiades,  (|ui  vivait  environ  quatre  siècles  avant  Jésus-Christ,  dont  les  œuvres 
ont  été  perdues,  mais  dont  le  passage  concernant  les  accidents  des  hernies  nous 
a  été  transmis  par  Caîlius  Aurelianus.  Il  explique  les  accidents  par  la  chute 
dans  le  scrotum  d'un  inlestiu  rempli  de  matières  fécales.  C'es^t  la  théorie  qui 
sera  caractérisée  plus  tard  du  nom  à' engouement,  dans  laquelle  l'irréductibilité 
et  tous   les  accidents  découlent  de  l'obstruction  intestinale  causée  par  l'accu- 
mulation, dans  l'anse  herniée,  des  matières  excrémentitielles.  Cette  théorie  fut 
acceptée  par  Celse,  mais,  au  dire  de  Broca,  celui-ci  distingua  certaines  formes 
cliniques,  car  à  côté  de  l'engouement  il  aurait  vaguement  indiqué  rinllammalion 
et  même  l'étranglement.  Quoi  qu'il  en  soit,  il  avait,  comme  tous  les  chirurgiens 
anciens,  adopte  la  théorie  de  l'engouement.  Archigène,  Aetius  répétèrent,  eux 
aussi,   la  même  explication.  Leonides  d'Alexandrie  joignit  à  l'idée   d'engoue- 
ment celle  de  l'inflammation,  dont  il  parie  le  premier  d'une  façon  nette,  mais^ 
pour  lui,  les  deux  lésions  sont  la  cause  l'une  de  l'autre,  l'inflammation  étant 
occasionnée  par  l'engouement.  Paul  d'Égine  revient  complètement  et  sans  distinc- 
tion à  la  théorie  de  l'engouement.  Cette  doctrine  règne  sans  conteste  et  sans 
discussion  pendant  tout  le  moyen  âge.  Les  Arabes,  les  arabisles,  n'ont  rien  écrit 
d'important  et  de  nouveau  sur  le  sujet,  et  il  faut  arriver  jusqu'à  la  Renaissance 
}iour  voir  surgir  une  doctrine  nouvelle.  Signalons  seulement  qu'au  quinzième 
siècle  un  chirurgien  italien,  Barthélémy  Montagnana,  eut  l'idée  que  les  malades 
devaient  succomber  à  la  putréfaction  des  matières  fécales  dans  l'anse  herniée. 

Le  livre  de  Franco  apporta  des  notions  nouvelles.  C'est  lui  qui,  le  premier,  a 
pratiqué  la  kélotomie  pour  les  accidents  d'étranglement.  Il  décrit  donc  ce  qu'il 
a  vu,  et  sa  description  est  bien  différente  de  celle  des  Anciens.  Au  lieu  de  ren- 
contrer une  anse  intestinale  gonflée  par  des  matières  fécales  dures  et  solides,  il 
voit  que  les  intestins  ne  se  pouvoyent  réduire  en  leur  lieu  à  cause  de  quelque 
matière  fécale  et  flaluosités  et  autre  chose  venteuse.  Ainsi  donc,  ce  serait  là  le 
début  de  l'engouement  gazeux,  mais  il  y  a  plus,  cette  description,  où  il  ne 
signale  que  la  présence  de  quelque  matière  fécale,  au  singulier,  est  loin  de 


HERNIES.  759 

répondre  à  la  théoiie  de  rengouemcnt  solide.  «  Ainsi,  dit  Broca,  la  the'orie 
s'e'croulait  devant  la  première  observation.  Pendant  dix-neuf  siècles  on  avait 
admis  ou  plutôt  supposé  l'existence  d'une  accumulation  de  matières  fécales 
dans  la  hernie  et,  lorsqu'on  voulut  y  regarder,  il  se  trouva  que  cette  accumula- 
tion n'existait  pas.  » 

Le  mot  d'engouement  n'est  pas  encore  renversé,  mais  l'ancienne  théorie  est 
détruite  de  fait.  Ainsi  Bonnet,  dans  son  llijstérotomotocie.  publiée  en  1590  et 
traduite  en  1392  par  Gaspard  Bauhin,  rapporte  plusieurs  observations  de  kéloto- 
mie  faites  à  l'occasion  d'étranglements,  oîi,  sans  donner  aucune  théorie,  il  décrit 
fidèlement  les  faits  observés.  Dans  la  traduction  de  G.  Bauhin  les  accidents 
prennent  un  nom  nouveau,  et  il  y  est  dit  que  les  chirurgiens  herniaires  les  dési- 
gnent sous  le  nom  d'incarcération.  Voici  donc  l'idée  et  pres(|ue  le  nom  de 
l'étranglement  qui  se  font  jour.  Quelques  années  plus  tard  (1612),  Pigray  nous 
apporte  un  élément  nouveau;  il  avait  reconnu,  lui  aussi,  que  l'intestin  est 
distendu  par  des  gaz  et  dit  que,  «  s'il  était  plein  de  vents  et  que  cela  empêchait 
l'opération,  on  le  pourrait  percer  avec  une  aiguille  pour  les  faire  sortir  sans 
aucun  péril.  »  Déplus,  il  cherche  ailleurs  que  dans  la  cavité  du  tube  intestinal 
la  cause  de  l'incarcération  et  l'attribue  ;i  ce  que  «  le  boyau  est  tourné  dans  la 
hernie.  » 

Cependant,  malgré  tous  ces  progrès  partiels,  l'engouement  reste  la  théorie 
officielle.  A.  Paré  l'adopte  en  lui  donnant  pour  cause  des  matières  et  des  ven- 
tosités  accumulées.  Joseph  Covillard  (1640j  la  soutient  à  son  tour  tout  en  décri- 
vant séparément  l'engouement  solide  et  l'engouement  gazeux.  Mais  bientôt 
l'élude  scientifique  et  anatomique  des  régions  herniaires  allait  amener  la  décou- 
verte dt'S  anneaux,  et  la  théorie  de  l'incarcération  allait  trouver  là  un  argument 
solide  et  irréfutable. 

Franco  avait,  le  premier,  cru  que  «  l'intestin  était  élreint  par  la  portion  du 
péritoine  qui  est  trop  petit  en  comparaison  des  intestins.  »  Mais  cela  sans 
preuve  :  rappelons-nous,  en  effet,  que  Franco  ci  oyait  encore,  avec  la  plupart  de 
ses  contemporains,  que  presque  toutes  les  hernies  se  faisaient  à  travers  une  rup- 
ture de  la  séreuse  péritonéale.  Bonnet  avait  écrit  le  mot  de  captivité  du  boyau, 
Ambroise  Paré  avait  employé  le  terme  de  stricture  du  boyau.  L'idée  de  l'étran- 
glement était  dans  les  esprits,  mais  personne  navait  encore  cherché  à  découvrir 
l'agent  qui  le  produisait.  Les  recherches  anatoiniques  allaient  éclairer  la  question. 
Galien  avait  vaguement  indiqué  autrefois  la  bifurcation  du  tendon  du  muscle 
oblique  externe,  mais  cette  description  était  bien  oubliée  quand  Fallope  découvrit 
l'anneau  inguinal  externe  qu'il  appela  foramen  chordœ.  Riolan,  qui  se  lefuse 
d'abord,  en  1628,  à  accepter  cette  description,  revint  sur  son  erreur  quelques 
années  plus  tard  et  désigna,  en  1648,  dans  son  Enchiridium  anatomicum, 
l'ouverture  du  muscle  grand  oblique  sous  le  nom  d'anneau.  11  trouva  même 
un  second  et  un  troisième  anneau,  qu'il  attribua,  le  second  au  petit  oblique  et 
le  troisième  au  transverse;  d'après  Broca,  ce  serait  l'orifice  inguinal  interne 
qu'il  décrivit  probablement  sous  le  nom  d'anneau  du  transverse. 

Les  anneaux  découverts,  la  théorie  de  l'étranglement  se  complétait  d'elle- 
même  :  c'étaient  eux  naturellement  qui  devaient  étieindre  l'intestin  dans  l'incar- 
cération. Riolan  indiqua  même  qu'il  fallait  les  débrider  pour  réduire  les  vis- 
cères. Cependant  le  nom  d'étranglement  n'était  pas  encore  trouvé.  11  fut  écrit, 
pour  la  première  fois,  par  JNicolas  Lequin  dans  son  livre,  en  1663. 
A  partir  de  ce  moment,  c'est  l'étranglement  qui  prend  la  place  de  l'engoué- 


760  HERNIES. 

ment  dont  de  Clégny  parle  encore,  mais  pour  le  reléguer  au  second  plan  :  ce 
n'était  plus  que  le  moyen  d'expliquer  l'étranglement.  Bientôt  même  on  n'en 
parle  plus.  Verduc,  Liltré,  Méry,  Saviard,  Arnaud,  ne  le  nomment  pas.  Sharp 
alla  plus  loin  encore  et  lit  observer  que,  l'intestin  grêle  formant  la  majeure 
partie  des  hernies,  son  contenu,  qui  est  liquide,  ne  pouvait  former  aucune 
obstruction. 

C'est  donc  la  substitution  d'une  théorie  unique  à  une  autre  pour  faire  com- 
prendre la  formation  de  tous  les  accidents  herniaires.  Mais,  on  ne  tarda  pas  à 
penser  qu'une  seule  explication  ne  pouvait  pas  rendre  compte  de  toutes  les  formes 
cliniques  observées,  et  le  mémoire  de  Goursaud,  publié  à  l'Académie  de  chi- 
rurgie en  1768,  allait  marquer  le  début  d'une  époque  nouvelle  dans  l'histoire 
des  hernies.  Dans  ce  travail  intitulé  :  Remarques  sur  les  différentes  causes  de 
l'élranglemenl  dans  les  hernies,  l'auteur  établit  cliniquement  qu'il  existe  au 
moins  deux  formes  qu'il  appelle  :  étranglement  par  inflammation  et  étran- 
glement par  engouement.  «  Cette  distinction  correspondait,  dit  S.  Duplay,  à 
celle  que  l'on  lit  plus  tard  entre  les  étranglements  aigus  et  les  étranglements 
chroniques,  entre  les  étranglements  vrais  et  les  pseudo-étianglements,  entre 
l'étranglement  herniaire  et  rinrtammalion  des  hernies,  m  Mais,  sous  le  nom 
d'étranglement  par  inflammation,  Goursaud  ne  désigne  nulieuicnt  ce  que  Mal- 
gaigne  a  déciit  plus  tard  sous  le  nom  d'inflammation  herniaire;  il  a  en  vue,  au 
contraire,  les  étranglements  primitifs  vrais,  aigus  et  à  marche  rapide.  Sa  des- 
cription ne  laisse  aucun  doute,  il  a  même  écrit  :  «  l'étranglement  produit  l'in- 
flammation. )) 

Dans  son  second  type,  les  étranglements  par  engouement,  il  range  des  acci- 
dents à  forme  plus  lente  et  moins  grave,  à  terminaison  souvent  bénigne,  et 
qui  réclament  un  autre  traitement  qu'une  intervention  rapide.  «  L'indication 
pour  l'opération  n'est  pas  urgente,  dit-il.  »  Ce  sont  les  accidents  qui  sur- 
viennent surtout  dans  les  vieilles  hernies  volumineuses;  ce  sont  principalement 
ceux-là  qui  répondront  davantage  îi  l'inflammation  de  Malgaigne. 

La  doctrine  de  Goursaud  eut  l'heureuse  fortune  d'être  immédiatement  adoptée, 
et  la  description  des  deux  formes  cliniques  qu'il  avait  décrites  se  retrouve 
encore  dans  la  pathologie  de  Boyer  (1822).  Pendant  ce  temps  les  chirurgiens, 
continuant  les  recherches  d'Arnaud,  de  Ledran,  de  J.-L.  Petit,  étudiaient  plus  eu 
détail  la  pathologie  des  hernies.  Au  début  du  dix-neuvième  siècle,  les  travaux 
de  Richter,  de  Scarpa,  puis  ceux  de  A.  Cooper,  de  Dupuytren,  ceux  de  J.  Cloquet, 
Gruveilhier,  Velpeau,  précisèrent  peu  à  peu  les  phénomènes,  les  formes,  et  le 
mécanisme  de  l'étranglement,  eu  indiquant  tuur  à  tour  le  rôle  des  anneaux 
naturels  et  des  anneaux  accidentels,  ainsi  que  celui  du  collet  du  sac,  dans  la 
production  de  la  stricture  intestinale. 

C'était  donc  la  théorie  de  l'étranglement  qui  dominait  toute  l'histoire  des 
accidents  herniaires;  l'engouement,  encore  accepté,  était  justement  réduit  à  un 
rôle  très-limité,  lorsque  en  1840  Malgaigne  lut  à  l'Académie  de  médecine  son 
mémoire  intitule  :  Examen  des  doctrines  sur  l'étranglement  des  hernies.  Dans 
ce  travail,  il  démontra  d'une  manière  irréfutable  que  l'engouement,  tel  que  le 
comprenait  l'ancienne  doctrine,  c'est-à-dire  l'oblitération  de  l'intestin  par  des 
matières  solides  et  compactes,  n'existait  pour  ainsi  dire  jamais. 

L'année  suivante,  le  savant  chirurgien  lut  à  l'Académie  des  sciences  un  nou- 
veau tiavail  qui  avait  pour  titre  :  Mémoire  sur  les  étranglements  herniaires. 
Des  pseudo-étranglements  ou  de  l inflammation  simple  dans  les  hernies.  Dans 


HERNIES.  76i 

cette  nouvelle  communication,  il  reproduit,  à  son  point  de  vue,  l'ancienne  divi- 
sion de  Goursaud,  mais  en  cherchant  à  réduite  le  rôle  de  l'étranglement.  II 
soutint  que,  dazis  un  grand  nombre  de  cas,  celui-ci  n'existait  pas,  et  que  ce  que 
Goursaud  avait  décrit  sous  le  nom  d'étranglement  par  engouement  devait  être 
considéré  comme  étant  simplement  de  l'indammation  de  la  hernie  et  de  la  péri- 
tonite herniaire.  C'était,  en  somme,  une  réaction  violente  et  brusque  contre 
l'explication  mécanique  de  l'étranglement,  et  cette  nouvelle  théorie  fut  reprise 
avec  éclat  et  exagérée  encore  par  P.  Broca  dans  sa  savante  thèse  d'agrégation  : 
De  V étranglement  dans  les  hernies  abdominales  et  des  affections  qui  peuvent 
le  simuler  [X^ho) .  «  Pour  lui,  dit  S.  Duplay,  les  pseudo-étranglements,  admis  et  rap- 
portés à  l'inQammatioii  herniaire  par  Malgaigiie,  existent,  mais  l'inflammation 
est  la  cause  déterminante  de  tous  les  étranglements.  »  Cette  doctrine,  dont,  la 
conséquence  pratique  regrettable  fut  d'arrêter  souvent  le  chirurgien  et  d'empê- 
cher, dans  bien  des  cas,  des  interventions  qui  eussent  pu  être  salutaires  pour 
les  malades,  devait  susciter  des  adversaires  convaincus. 

Nous  verrons,  en  effet,  que,  tandis  qu'elle  rendait  compte  de  certaines  formes 
particulières  d'accidents  dans  les  hernies  volumineuses  et  anciennes,  et  surtout 
dans  les  hernies  adhérentes,  son  exagération  même  devenait  absolument  nuisible. 
«  La  réalité  et  les  effets  de  la  constriction,  dit  S.  Duplay,  étaient  trop  prouvés 
par  les  recherches  anatomiques  de  Jobert,  de  Labbé,  par  celles  plus  récentes  de 
Nicaise,  la  nécessité  de  lever  l'étranglement  et  d'opérer  la  réduction  le  plus  tôt 
possible,  l'impossibilité  de  distinguer  dans  la  majorité  des  cas  l'étranglement 
vrai  des  faux  étranglements,  furent  démontrées  avec  trop  d'éclat  par  Gosselin, 
pour  que  la  théorie  de  l'mflammation  herniaire,  telle  qu'elle  était  sortie  de  la 
plume  de  Malgaigne,  put  se  relever  du  démenti  que  vinrent  lui  infliger  les 
faits.  »  Les  récentes  études  du  professeur  Trélat  et  de  ses  élèves  Barette  et 
A.  Boiftin  sur  les  hernies  adhérentes  et  leurs  accidents,  sont  encore  venues 
diminuer  le  domaine  de  l'inflammation.  Mais  nous  touchons  ici  absolument  aux 
idées  de  nos  jours,  et  toutes  ces  discussions  devront  être  examinées  et  reprises 
en  décrivant  en  détail  les  accidents  herniaires. 

Aussi,  pour  tenir  compte  de  tous  les  faits  et  tâcher  de  mettre  à  profit  toutes 
les  notions  acquises  sur  ce  sujet  controversé,  nous  devons  diviser  en  trois  classes 
principales  tous  les  accidents  des  hernies  :  I"  Y  étranglement  herniaire;  2°  les 
pseudo-étranglements  comprenant  surtout  ïinjlanunalion  herniaire  et  Ven- 
gouement;  5"  Vin'éductibilité  simple,  soit  par  excès  de  volume,  soit  par  adhé- 
rences, en  insistant  sur  les  hernies  adhérentes. 

I.  DtL'ÉTRANGLEME.NT  HERMAiRE.  Définition,  On  pcut,  avec  Gosseliu,  définir 
l'étranglement  comme  suit  :  L étranglement  des  entérocèles  et  des  entéro- 
épiplocèles  est  la  constriction  plus  ou  moins  forte  de  l'intestin,  dans  un  trajet 
herniaire,  constriction  qui  gêne  la  circulation  sanguine,  arrête  le  cours  des 
matières  intestinales,  apporte  un  obstacle  invincible  ou  passager  à  la  réduc- 
tion et  semble  menacer,  si  elle  persiste,  de  se  terminer  par  une  perforation  ou 
une  gangrène.  Cette  longue  définition  est  destinée  à  faire  voir  que,  au  point  de 
vue  clinique,  il  est  à  peu  près  impossible  de  distinguer  et  de  traiter  différem- 
ment à  leur  début  les  vrais  et  les  faux  étranglements,  et  qu'il  faut  laisser  en 
dehors  de  l'étranglement  véritable  les  accidents  qui  concernent  l'épiplocèle  pure. 
D'ailleurs,  pour  exprimer  sa  pensée  au  point  de  vue  thérapeutique,  Gosselin 
propose  la  seconde  définition  qui  suit  :  L'étranglement  est  la  constriction  plus 
ou  moins  dangereuse  d'une  anse  intestinale,  constriction  dont  les  effets  fâcheux 


762  HERISIES. 

sont  évités  par  une  réduction  immédiate,  lorsque  le  chirurgien  est  appelé  en 
temps  opportun. 

Anatomie  ■pathologique.  L'étude  anatomique  de  l'étranglement  herniaire 
doit  successivement  comprendre  :  1»  l'agent  d'étranglement;  2"  l'état  des  enve- 
loppes et  du  sac  herniaire  ;  5"  les  lésions  du  contenu  du  sac  et  des  viscères 
étranglés;  ¥  celles  qui  existent  du  côté  de  la  cavité  abdominale;  o"  enfm  les 
lésions  plus  ou  moins  éloignées  du  siège  de  la  hernie. 

1"  De  l'agent  d'étranglement.  On  désigne  sons  le  nom  d'agent  d'étrangle- 
ment l'aimeau  constricteur,  quel  qu'il  soit,  qui  empêche  la  réduction  des  viscères 
dans  l'abdomen.  Cet  agent  se  présente  sous  les  aspects  les  plus  divers.  Le  plus 
souvent,  surtout  si  on  l'examine  par  l'intérieur  du  sac  herniaire,  c'est  un  point 
particulièrement  étroit  et  rétréci,  qui  siège  vers  la  partie  la  plus  habituellement 
resserrée  de  ce  sac,  c'est-à-dire  au  niveau  de  son  pédicule.  Quelquefois  aussi 
on  trouve  un  orifice,  une  bride  tranchante  dans  l'intérieur  du  sac,  dont  la 
saillie  vient  oblitérer,  par  pression  latérale,  la  lumière  du  tube  intestinal.  La 
forme  de  cet  agent  peut  donc  être  éminemment  variable.  Tantôt,  et  le  plus  sou- 
vent, c'est  un  simple  anneau,  complet,  à  contour  circulaire,  dur,  inextensible; 
tantôt,  au  contraire,  c'est  une  sorte  de  canal  étroit  à  parois  presque  rigides  et  qui 
j)eul  avoir  une  certaine  longueur.  Enfin,  dans  d'autres  cas,  l'obstacle,  au  lieu 
d'être  complet,  ne  présente  qu'un  segment  de  cercle,  mais  alois  à  bord  très- 
trancluint  et  formant  une  vive  arête,  oblitérant  à  la  façon  d'un  diaphragme  la 
presque  totalité  du  pédicule  de  la  hernie. 

D'ailleurs,  quelles  que  soient  sa  forme  et  sa  consistance,  d'ordinaire,  les 
viscères  étranglés  sont  si  fortement  appliqués  contre  lui,  qu'on  peut  avoir 
quelque  difficulté  à  le  découvrir.  Néanmoins,  dans  d'autres  cas,  et  principalement 
dans  les  étranglements  dits  par  vive  arête,  Chassaignac  a  montré  que  ce  contact 
pouvait  ne  pas  être  circulaire,  et,  qu'aux  points  opposés  à  l'arête,  on  pouvait 
introduire  facilement  une  sonde  entre  les  viscères  et  l'orifice  de  la  hernie. 

Quel  qu'il  soit  d'ailleurs,  cet  agent  joue  dans  l'étranglement  un  rôle  toujours 
passif:  c'est  l'intesliu  qui  vient  s'étrangler  de  lui-même  sur  lui. 

La  connaissance  de  la  nature  de  cet  agent  d'étranglement  a  soulevé  autrefois 
des  discussions  passionnées  :  cela  tient  surtout  à  ce  que,  au  niveau  du  pédicule 
de  la  hernie,  le  collet,  les  anneaux,  les  viscères,  sont  étroitement  en  rapport,  et 
que,  lorsque  l'agent  d'étranglement  n'est  étudié  que  pendant  l'opération,  il  est 
fort  difficile  de  faire  la  part  de  chacune  de  ces  parties  et  de  savoir  au  juste  celle 
quia  nécessité,  à  l'exclusion  des  autres,  des  incisions  de  débridemenl.  La  dissec- 
tion, et  souvent  une  dissection  minutieuse,  peut  seule  permettre  de  se  rendre 
un  compte  exact  du  rôle  joué  par  chacun  de  ces  éléments. 

Quoi  qu'il  en  soit,  cet  agent  d'étranglement  siège  le  plus  souvent  au  niveau  du 
pédicule  de  la  hernie:  quelquefois,  mais  plus  rarement,  dans  l'intérieur  du  sac. 
a..  Quand  l'étranglement  siège  au  niveau  du  pédicule,  il  peut  être  causé  soit 
par  les  anneaux  naturels  ou  accidentels,  soit  parle  collet  du  sac. 

Depuis  le  moment  où  Fallope  et  surtout  Riolan  découvrirent  les  anneaux 
fibreux  naturels,  tous  les  chirurgiens  attribuèrent  à  ces  anneaux  le  rôle  principal 
dans  les  accidents.  Cette  doctrine  de  l'étranglement  par  les  anneaux  naturels 
durajusqu'au  moment  où  Arnaud  et  Ledran  démontrèrent,  au  dix-huitième  siècle, 
la  possibilité  de  l'étranglement  pai-  le  collet  du  sac.  Celte  nouvelle  notion  était 
consécutive  à  une  réduction  en  masse  de  hernie  étranglée,  avec  persistance  des 
accidents  d'étranglement.  Ce  fut  un  chirurgien  nommé  Ricot  qui,  le  premier. 


HERNIES.  7G5 

découvrit  en  1725,  dans  une  autopsie,  l'étranglement  parle  collet  du  sac.  Ledran 
avait,  la  même  année,  débridé  une  fois  le  collet,  quand,  l'année  suivante,  arriva  le 
premier  cas  connu  de  réduction  en  masse,  auquel  je  viens  de  faire  allusion. 

Cet  étranglement  par  le  collet,  qui  fut  primitivement  discuté,  constitua  bientôt 
la  théorie  courante,  malgré  l'opposition  de  J.-L.  Petit  et  de  Louis  et  celle  de 
Gimbernat,  Sabatier,  Lassus,  Boyer  et  Manec.  11  est  vrai  que,  pour  arriver  à 
triompher,  elle  fut  soutenue  par  Deschamps  en  1791,  et  surtout  par  Scarpa,  Pott 
et  Dupuytren.  Ce  dernier  croyait  même  que  ce  mécanisme  était  de  beaucoup  le 
plus  fréquent;  il  existait,  à  son  avis,  six  fois  sur  neuf.  C'étaient  donc  le  collet 
et  les  anneaux  fibreux  naturels  qui  étaient  seuls  en  cause. 

Cependiint  au  milieu  du  dix-huitième  siècle,  en  1740,  Arnaud  avait  entrevu 
la  possibilité  de  l'étranglement  par  les  anneaux  fibreux  accidentels.  Ce  méca- 
nisme fut  surtout  repris  à  propos  de  la  hernie  crurale  par  Ch.  Bell,  Iley,  Cooper, 
puis  par  Scarpa,  Jnles  Cloquet  et  Breschet.  Ces  derniers  avaient  presque  com- 
plètement substitué  les  anneaux  accidentels  aux  naturels  comme  agents  de  l'é- 
tranglement crural. 

Les  choses  en  étaient  là  lorsque  Malgaigne,  examinant  à  son  tour  la  question,, 
affirma  que  l'étranglement  par  les  anneaux  n'existait  pas.  11  déclara  soutenir 
et  avoir  soutenu  qu'il  n'y  avait  pas  un  seul  fait  d'étranglement  authentique 
par  l'anneau  même.  11  croyait  que  cet  accident  était  toujours  causé  par  le 
collet  du  sac,  à  l'exclusion  de  certains  cas,  et  on  particulier  de  certaines  hernies 
crurales  pour  lesquelles  il  admettait  la  possibilité  de  l'étranglement  par  les 
anneaux  accidentels.  L'opinion  de  Malgaigne,  beaucoup  trop  exclusive,  fut  com- 
battue par  Laugier,  Sédillot,  Diday,  Yelpeau,  Marchai  de  Calvi.  Au  contraire, 
Demeaux,  Deville.Droca,  Jarjavay  et  Uouel,  soutinrent  sa  doctrine.  Enlîii  Gosselin 
et  Bichet  se  rangèrent  à  son  avis,  quoique  avec  certaines  réserves.  Sans  repousser 
absolument  les  étranglements  parles  anneaux  naturels,  ils  les  croient  beaucoup 
plus  rares  que  ceux  qui  sont  dus  aux  anneaux  accidentels. 

Gosselin  appuie  cette  opinion  sur  les  transformations  opposées  sibies,  dan& 
les  hernies,  par  ces  deux  espèces  dorifices  :  les  anneaux  naturels,  ayant  tendance 
à  se  dilater  et  à  se  déformer  sous  l'inlluence  de  la  pression  constante  des 
viscères  ;  les  accidentels,  au  contraire,  subissant,  par  cela  même,  une  sorte  d'irri- 
tation chronique  qui  tend  à  les  transformer  en  véritables  anneaux  fibreux  et 
résistants. 

Du  reste,  il  est  bien  évident  que,  dans  un  certain  nombre  de  cas,  l'étrangle- 
ment par  les  anneaux  naturels  ne  peut  pas  être  nié.  Il  existe  notamment  dans 
'es  hernies  récentes  qui  s'étranglent  à  leur  première  sortie  et  oii  il  n'y  a  pas 
encore  de  collet;  dans  les  hernies  sans  sac;  dans  celles,  exceptionnelles  du  reste, 
qui  sont  analogues  au  cas  célèbre  de  Diday,  lequel  constata  l'augmentation  du 
volume  d'une  hernie  ingumale  et  Pampliation  du  collet  à  mesure  qu'il  débri- 
dait l'anneau  aponévrotique;  enfin,  dans  les  hernies  dans  lesquelles  l'étrangle- 
ment a  été  levé  par  l'opération  de  J.-L.  Petit,  reprise  par  Colson  et  Affre,  c'est- 
à-dire  par  la  kélotomie  sans  ouverture  du  sac.  Ce  mode  d'étranglement,  bien 
que  relativement  rare,  est  donc  absolument  démontré. 

D'ailleurs  cet  étranglement  par  les  anneaux  fibreux  a  été  repris  et  rajeuni 
principalement  par  Chassaignac,  dans  un  mémoire  sur  l'étranglement  par  vive 
arête.  11  soutint  que,  dans  la  hernie  crurale,  l'étranglement  pouvait  être  produit 
parla  coudure,  Vencodiurede  l'inteslinsur  l'arête  formée  par  lebord  externe  du 
ligament  de  Gimbernat.  Il  prouva  son  assertion  par  ce  fait  que  les  lésions  intes- 


764  HERNIES. 

tinales  sont  plus  accusées  et  quelquefois  même  limitées  aux  points  en  contact 
avec  ce  rebord  fibreux.  En  outre,  dans  bien  des  cas  d'étranglement  irréductible, 
il  avait  constaté  qu'il  n'y  avait  pas  de  striction  circulaire,  et  que,  sur  le  point 
opposé  au  ligament  de  Gimbernat,  il  pouvait  glisser  une  sonde  entre  les 
viscères  et  l'orifice  herniaire. 

Ce  mécanisme,  qui  sûrement  doit  rester  fort  rare,  paraît  probable  dans  cer- 
tains cas.  Enfin  plus  récemment  Bax,  dans  sa  thèse  de  doctorat  en  1869,  tenta 
de  faire  revivre  la  doctrine  ancienne  de  l'étranglement  par  les  anneaux  fibreux, 
mais  spécialement  pour  la  hernie  crurale.  Les  preuves  sur  lesquelles  il  appuie 
son  argumentation  paraissent  peu  concluantes. 

Quant  à  l'étranglement  par  les  anneaux  accidentels,  il  est  absolument  prouve 
pour  les  hernies  crurales  (à  travers  le  fascia  cribi-iformis) ,  pour  les  hernies  à 
travers  le  ligament  de  Gimbernat,  les  ventrales,  les  diaphragraatiques  à  travers 
une  déchirure  accidentelle  et  les  hernies  para-inguinales.  Resterait  à  savoir 
quelle  est  la  fréquence  relative  de  ces  divers  mécanismes,  mais  cette  proportion 
est  très-difficile  à  établir.  Richet  et  Gosselin  paraissent  avoir,  à  peu  près, 
approché  de  la  vérité,  quand  ils  ont  établi  comme  fait  général  l'étranglement 
par  le  collet  du  sac,  et  plus  rarement  l'étranglement  par  les  anneaux  naturels 
et  accidentels. 

D'ailleurs,  ce  qui  rend  la  conclusion  encore  plus  difficile,  c'est  que  bien  sou- 
vent il  y  a  des  adhérences  nombreuses  entre  le  collet  et  les  anneaux,  une  sorte 
de  fusion  entre  les  différents  éléments  qui  existent  au  niveau  du  pédicule 
herniaire.  «  Il  faut  alors,  dit  Duplay,  avoir  recours  à  une  théorie  mixte  suivant 
laquelle  les  parties  qui  environnent  le  pédicule  de  la  hernie  contribuent  cha- 
cune pour  une  part  plus  ou  moins  large  à  l'irréductibilité.  » 

p.  Dans  d'autres  cas,  beaucoup  plus  rares,  à  la  vérité,  c'est  dans  le  sac  même 
qu'il  faut  rechercher  l'agent  constricteur,  et  alors  il  peut  être  assez  variable: 

1°  L'intestin  peut  s'étrangler  sur  des  brides  cellulo-fibreuses,  exsudais  orga- 
nisés d'inflammation  ancienne,  implantées  par  leurs  deux  extrémités  sur  les  parois 
du  sac.  Desault,  Astley  Cooper,  Fiaux,  en  ont  rapporté  des  exemples.  Une  des 
observations  les  plus  célèbres  est  celle  de  Gaulmin  de  la  Tronçai,  dans  laquelle 
il  existait  cinq  brides  qui,  de  dislance  en  distance,  étranglaient  l'intestin,  et  qui 
durent  être  incisées,  l'une  après  l'autre,  pour  permettre  la  réduction.  Pasturaud 
en  a  publié  un  cas  analogue  à  la  Société  analomique  en  1875.  Il  s'agissait  d'une 
grosse  hernie  scrotale,  dans  laquelle  l'intestin  était  étranglé  et  retenu  au  fond  du 
sac  par  une  bride  fibreuse  très-forte  dont  les  deux  extrémités  adhéraient  à  la 
paroi  de  l'enveloppe  séreuse. 

2"  Quelquefois  c'est  l'épiploon  qui  accompagne  l'intestin,  qui  devient  lui 
aussi  un  agent  d'étranglement.  Tantôt  cet  organe  forme,  dans  l'intérieur  du 
sac,  une  bride  analogue  à  celles  que  nous  venons  de  décrire,  quelquefois  il 
constitue  une  sorte  de  corde  quis'enroule  autour  de  l'anse  intestinale.  Quand  cet 
épiploon  fournit  une  enveloppe  complète  à  la  hernie,  un  sac  épiploïque  comme 
Scarpa  et  Prescott  Hervett  en  ont  décrit,  le  collet  de  ce  nouveau  sac  peut  agir 
comme  un  collet  véritable  et  étrangler  l'intestin.  Enfin  l'épiploon  peut  présenter 
un  orifice  dans  lequel  vient  s'engager  et  s'étreindre  l'anse  herniée.  Scarpa  aurait, 
d'après  Broca,  vu,  dans  un  cas,  l'épiploon  adhérent  aux  deux  points  opposés  de  la 
paroi  du  sac  constituer  dans  son  intérieur  une  sorte  de  diaphragme  incomplet 
sous  le  bord  inférieur  duquel  l'intestin  s'était  engagé,  puis  étranglé.  Le  même 
accident  peut  se  produire  quand  l'épiploon  se  perfore  et  que  l'inteslin  pénètre 


lIEUJilES.  765 

dans  le  trou  formé  par  la  déchirure.  Marcano  en  a  publié  une  observation  sou- 
vent citée.  Le  Fort,  en  pratiquant  dans  ce  cas  la  kélotomie,  trouva  l'intestin 
serré  par  les  bords  d'une  déchirure  de  l'cpiploon  ayant  le  forme  d'un  triangle 
à  base  inférieure. 

3»  Le  sac  lui-mèrac  peut  devenir  pour  l'intestin,  en  dehors  du  collet,  un  agent 
d'étranglement.  Cela  se  voit  surtout  lorsqu'il  est  le  siège  d'une  rupture  trauma- 
tique.  11  peut  arriver  alors  que  l'intestin  vienne  s'étrangler  entre  les  lèvres  de  la 
plaie;  cependant  les  observations  en  sont  rares.  Broca,  tout  en  discutant 
certains  faits  connus,  admet  comme  indiscutables  ceux  de  Reynand  et  de 
Dupuylren.  On  pourrait  en  trouver  d'autres  exemples,  entre  autres  celui  de  Frev 
[Corresp.-Blatt  fur  Schweizer  Aerzte,  1857),  dans  lequel  après  une  rupture 
presque  spontanée  du  sac  et  des  enveloppes  l'intestin  grêle  et  le  csecum  firent 
issue  au  deliors.  Il  fallut  faire  un  taxis  en  règle,  surtout  pour  le  caecum,  fort 
difflcile  à  réduire. 

On  a  voulu  rapprocher  de  ces  faits  l'étranglement  de  la  hernie  vaginale 
d'Astley  Cooper,  quand  l'intestin  est  comprimé  au  niveau  de  l'orifice  faisant  com- 
muniquer la  cavité  vaginale  avec  le  processus  péritonéo-vaginal.  Nous  pourrions 
aussi  parler  de  l'étranglemenl  possible  au  niveau  des  divers  diaphragmes  de  ce 
conduit,  si  bien  décrits  par  Ramonède  dans  sa  thèse.  Le  professeur  Trélat  en 
a  publié  un  exemple  à  la  Société  de  chirurgie  en  1885.  Ces  faits,  particuliers 
à  la  hernie  inguinale  congénitale,  seront  repris  à  l'étude  de  cette  variété. 

4"  L'intestin  lui-même  peut  s'enrouler,  se  tordre  et  s'oblitérer  par  torsion 
dans  l'intérieur  du  sac.  Nous  savons  que  Pigray  le  premier  avait  invoqué  ce 
mécanisme  possible  pour  expliquer  l'incarcération.  D'après  Broca,  cette  disposi- 
tion, dont  Scarpa  a  produit  des  exemples,  ne  cause  véritablement  un  étrangle- 
ment que  lorsqu'une  bride  épiploïque  ou  fibreuse  vient  s'ajouter  à  celte  torsion, 
trest  ce  qui  existait  dans  une  observation  deMaunoury. 

Mais  on  peut  rapprocher  de  ces  divers  mécanismes  un  autre  mode  d'occlusion 
dont  le  professeur  Bichet  a  fourni  un  exemple.  Il  a  trouvé  une  fois,  d'après 
Le  Dentu,  l'intestin  enroulé  sur  lui-même  dans  le  sens  de  son  axe  et  de  telle 
façon  qu'il  était  enveloppé  de  la  partie  correspondante  du  mésentère. 

5°  Enfin  l'étranglement  peut  être  produit  encore  dans  l'intérieur  du  sac  par 
des  adhérences  unissant  les  deux  parties  de  l'anse  herniée.  Au  dire  de  Boiffm,  ce 
serait  une  cause  d'étranglement  assez  fréquente  pour  les  hernies  adhérentes,  bien 
qu'encoie  mal  connue.  Il  y  aurait  une  adhérence  par  adossement  des  deux  por- 
tions d'une  anse  intestinale,  décrivant  un  U  dont  les  deux  branches  unies  inti- 
mement entre  elles  forment  au  fond  du  sac  un  angle  aigu,  une  coudure  oblitérant 
la  cavité  de  l'intestin.  Cette  disposition  a  été  connue  des  auteurs  du  siècle  der- 
nier; Arnaud  recommande  bien  de  ne  point  réduire  l'intestin  dans  cette  situation, 
et  A.  Cooper  rapporte  un  cas  de  mort  dû  à  cette  cause.  M.  Trélat  a  fait  connaître, 
en  1871,  à  la  Société  de  chirurgie,  un  fait  de  ce  genre  dans  lequel  des  accidents 
prolongés,  mais  s'aggravant  progressivement,  l'avaient  forcé  à  l'intervention.  U 
n'hésita  pas  à  déclarer  que  c'était  la  déformation  qu'avait  subie  l'intestin  qui 
avait  déterminé  une  véritable  occlusion  intestinale  dans  la  hernie.  Labbé 
accepta  cette  explication  et  présenta  à  son  tour  une  pièce  anatomique  qui  démon- 
trait la  réalité  de  la  théorie.  Mougeot,  en  1874,  réunit  quatre  cas  analogues 
dans  sa  thèse  inaugurale  faite  sous  l'inspiration  du  professeur  Trélat.  Nicaise 
publia  sur  le  mécanisme  particulier  de  l'étranglement  dans  les  hernies  avec 
adhérences  de  l'intestin  un  article  doctrinal  important,  enfin  Barette  en  1885  et 


166  HERNIES. 

Boiffin  en  1887  ont  à  leur  tour,  dans  deux  excellentes  thèses,  attiré  l'attention 
«ur  ce  mécanisme  peu  connu  et  démontré  la  fréquence  relative  des  étrangle- 
ments intestinaux  par  adliérences  dans  les  vieilles  hernies'. 

5°  État  des  enveloppes  et  du  sac.  «.  Les  enveloppes  extérieures  de  la  hernie 
ne  sont  pas  toujours  altérées  dans  rétranglement.  Elles  ne  présentent  souvent 
aucune  lésion  appréciable,  si  ce  n'est  celte  multiplication  déjà  connue  des  feuil- 
lets celluleux  et  aponévrotiques  de  la  région  herniaire.  Signalons  cependnnt  la 
présence  possible  de  ces  kystes  séreux  pré-herniaires,  qui  peuvent  être  une  cause 
d'erreur  pendant  la  kclotomie.  On  trouve  donc  surtout  des  enveloppes  distendues 
€l  amincies.  Quelquefois  cependant,  on  peut  y  observer  des  phénomènes  inflam- 
matoires :  un  état  œdémateux  delà  couche  sous-cutanée  ou  une  congestion  intense 
(le  tous  les  tissus,  une  adhérence  plus  intime  du  sac  avec  les  couches  exté- 
licures.  Enfin  on  a  pu,  excej)tionnellement,  y  constater  la  formation  d'un  véri- 
table abcès. 

Lorsque  la  hernie  étranglée  a  été  le  siège  d'efforts  de  taxis  un  peu  énergiques, 
on  peut  trouver  dos  ecchymoses  sous-cutanées,  de  l'œdème  passif,  des  infiltrations 
sanguines,  et  même  un  véritable  épanchement  de  sang,  comme  dans  l'obser- 
vation de  Séchaud,  citée  par  Broca. 

Enfin,  si  le  contenu  de  la  hernie  est  gangrené,  et  qu'il  y  ait  menace  de  perfora- 
tion, les  enveloppes  extérieures  sont  très-enflammées,  suppurent  et  peuvent  même 
être  atteintes  elles-mêmes  de  gangrène  partielle,  ainsi  que  Malherbe  en  a  publié 
un  exemple  {Bullet.  de  la  Soc.  anat.  de  Paris,  1872,  p.  265).  On  voit  alors  des 
fistules  stercorales  et  des  anus  contre  nature. 

p.  Sac.  Les  lésions  du  sac  sont  beaucoup  plus  importantes  que  les  précé- 
dentes. Examiné  par  sa  face  externe,  il  est  quelquefois  plus  difficile  à  isoler  des 
couches  externes,  et,  suivant  qu'il  est  plus  ou  moins  épais,  il  peut  prendre  une 
couleur  plus  foncée,  ce  qui  tient  ordinairement  à  la  teinte  du  liquide  qu'il 
contient  et  ({u'on  peut  apercevoir  par  transparence.  Souvent,  cette  face  externe 
du  sac  a  un  aspect  bosselé  et  présente  une  vascularisation  assez  accusée  ;  mais  les 
arborisations  vasculaires  sont  beaucoup  moins  régulières  que  celles  que  l'on 
peut  observer  sur  l'intestin. 

Si  l'on  ouvre  le  sac  et  qu'on  l'examine  par  sa  face  interne,  on  s'aperçoit  que 
les  lésions  sont  ordinairement  plus  accusées  au  niveau  du  collet  que  sur  le 
corps  du  sac.  Quelquefois  au  contraire  la  disposition  inverse  peut  se  }U'ésenter; 
il  est  probable  qu'alors  on  observe  ce  que  Ion  a  appelé  un  élrancjlement  consé- 
cutif, c'est-à-dire  survenu  à  la  suite  de  phénomènes  inflammatoires  ayant  pris 
naissance  dans  l'intérieur  de  la  hernie.  Dans  les  étranglements  communs,  pri- 
mitifs, le  collet  ordinairement  très-serré  peut  présenter  des  adhérences  avec  les 
viscères.  Quand  elles  existent,  elles  ne  commencent  seulement,  d'après  Gosselin, 
que  le  troisième  ou  le  quatrième  jour,  et  restent  assez  molles  pour  céder  facile- 
ment aux  tractions.  Quelquefois  cependant,  à  part  la  constriclion  exercée  sur  les 
viscères,  le  collet  ne  présente  aucune  lésion. 

11  arrive  aussi,  assez  fréquemment,  que  le  corps  du   sac   ne  montre   rien 

1  Tous  ces  cas,  dans  lesquels  l'agent  d'étranglement  siège  dans  l'intérieur  du  sac  her- 
niaire, au  lieu  de  se  trouver  comme  à  l'ordinaire  au  niveau  du  pédicule,  ont  été  décrits 
par  quelques  auteurs  et  notamment  par  S.  Duplay  sous  le  nom  d'occlusions  intestinales  sur- 
venant dans  un  sac  herniaiie.  Mais,  comme  le  mécanisme  et  le  tableau  clinique  des  acci- 
dents qu'ils  provoquent  sont  absolument  identiques  à  ceux  des  aulres  étranglements,  nous 
n'avons  pas  cru  devoir  les  en  séparer. 


HERNIES.  707 

d'anormal  :  sa  face  interne  reste  absolument  saine.  D'autres  fois  on  y  voit  quel- 
ques traces  d'inflammation.  Celle-ci  se  révèle  d'abord  par  une  vascularisatiou 
assez  abondante;  la  face  interne  du  sac  devient  rouge;  elle  est  poisseuse  au 
toucher,  et  à  la  vue  elle  montre  un  dépoli  manifestement  inflammatoire.  Enfin 
on  y  rencontre  aussi,  si  les  lésions  vont  plus  loin,  des  exsudats  fibrineux 
qui  arrivent  bientôt  à  former  des  fausses  membranes,  molles,  glulineuses, 
capables  d'aboutir,  si  elles  s'organisent  davantage,  à  des  adhérences  véritables, 
celluleuses  d'abord,  puis  bientôt  fibreuses,  plus  ou  moins  étendues  et  sus- 
ceptibles d'oblitérer  en  partie  la  cavité  du  sac.  Nous  examinerons  la  distri- 
bution et  la  structure  de  ces  adhérences  en  étudiant  les  hernies  simplement 
irréductibles. 

Le  sac  peut  contenir  du  liquide,  c'est  même  le  cas  ordinaire.  Cependant  quel- 
quefois, et  d'après  Malgaigne  et  Broca  cette  disposition  serait  rare,  la  hernie 
étranglée  ne  contient  aucun  liquide.  On  est  alors  en  présence  d'une  hernie 
sèche.  Cette  sécheresse  se  rencontre  souvent  dans  les  hernies  adhérentes,  dans 
lesquelles  de  nombreuses  adhérences  anciennes  oblitèrent  une  grande  partie  du 
sac.  Quelquefois  aussi,  et  le  fait  a  été  signalé  par  Broca,  il  y  a  un  accolement 
intime  et  sans  adhérence  du  sac  avec  les  viscères  contenus,  et  cette  application 
exacte  du  feuillet  séreux  sur  l'intestin  peut  constituer  une  source  de  diffi- 
cultés pour  l'opérateur. 

Dans  la  majorité  des  cas,  le  sac  contient  une  certaine  quantité  de  liquide  pou- 
vant varier  de  quelques  gouttes  à  quelques  centaines  de  grammes.  C'est  le  cheva- 
lier de  Blegny,  qui,  d'après  Broca,  aurait  le  premier  signalé  la  présence  de  ce 
liquide.  Il  est  souvent  clair,  citrin,  comparable  à  celui  de  Thydrocèle;  d'autres 
fois  il  est  légèrement  louche,  contient  des  flocons  albumineux,  et  même  des 
débris  d'exsudats  solides.  11  peut  aussi  être  rougeàtre,  sanguinolent,  quel- 
quefois tout  à  fait  sanglant  (observation  de  Piedvache).  Ordinairement  alors  cet 
épanclieraent  de  sang  est  dû  à  des  tentatives  exagérées  de  taxis.  Il  se  rencontre 
aussi  des  liquides  bruns,  noirâtres,  mêlés  de  détritus  et  de  gaz,  et  même  de 
parcelles  de  matière  fécale.  Ces  qualités  du  liquide,  auxquelles  se  joint  ordinai- 
rement une  odeur  caractéristique,  dénotent  l'existence  de  lésions  gangreneuses  de 
l'anse  herniée.  Enfin  on  a  constaté  aussi  la  présence  de  liquides  séro-purulents, 
et  même  de  véritable  pus.  Celui-ci  se  rencontre  aussi  dans  les  cas  de  sphacèle 
intestinal,  et  pour  Gosselin  n'existerait  pas  en  dehors  de  cette  lésion.  Il  s'appuie 
même  sur  cette  absence  de  pus,  qui  est  la  règle  dans  l'étranglement,  pour  dis- 
tinguer cet  accident  de  la  péritonite  herniaire. 

En  outre,  ce  liquide  contient  aussi  des  microbes,  ainsi  qu'il  résulte  des  recherches 
de  Nepveu  [Mémoires  de  la  Soc.  de  biologie,  1883),  qui  a  trouvé  des  bactéries 
dans  la  sérosité  péritonéale  :  ces  micro-organismes,  qui  proviennent  probablement 
de  la  cavité  intestinale  par  transsudation,  sont  de  plusieurs  sortes.  Nepveu  a 
constaté,  entre  autres,  la  présence  du  Cercomonas  intestinalis. 

La  fréquence  des  diverses  lésions  que  nous  venons  de  passer  en  revue  a  été 
évaluée  par  Bryant,  dont  nous  citons  la  statistique  suivante  reproduite  par 
S.  Duplay.  Bryant  a  rassemblé,  à  ce  point  de  vue,  ses  cas  personnels  de  kélotoniie. 
«  11  a  trouvé  le  sac  absolument  sain  10  fuis,  graisseux  dans  10  autres  cas, 
congestionné  10  fois;  57  fois  il  était  recouvert  de  couches  plastiques,  10  fois 
seulement  on  y  trouva  du  sérum  sanguinolent,  5  fois  des  exsudats  fétides, 
4  fois  des  matières  fécales  et  2  fois  de  la  sérosité  putride.   » 

0°  Lésions  du  contenu  du  sac  et  des  viscères  étranglés.     Le  contenu  du  sac 


768  HERNIES. 

herniaire  n'est  pas  toujours  identique.  11  peut  être  formé  p<ir  une  anse  com- 
plète ou  incomplète,  une  portion  du  mésentère  ou  de  l'épiploon.  Tous  ces  organes 
étant  altérés  dans  l'étranglement,  nous  allons  les  examiner,  en  commençant 
par  l'intestin,  qui  est  le  plus  important.  Nous  en  étudierons  successivement  les 
lésions  pariétales  et  le  contenu. 

A.  Lésions  de  l'intestin.  Aujourd'hui  assez  bien  connues,  ces  lésions  ont  été 
l'objet  de  travaux  fort  importants  d'A.  Cooper,  de  J.  Cloquet,  de  Lawrence.  Mais 
ce  sont  surtout  les  expériences  de  Jobert  en  1839,  les  études  cliniques  de  Gos- 
selin  1865,  qui  les  firent  mieux  connaître.  L'année  suivante,  Nicaise  consacrait 
à  leur  étude  sa  thèse  inaugurale,  qui  constitue  le  travail  le  plus  complet  sur  la 
question  et  qui  ra])porte  les  résultats  des  expériences  de  L.  Labbé.  Enfin  un 
mémoire  plus  récent  de  M.  Motte,  couronné  par  la  Société  de  chirurgie,  termine 
riiistorique  de  la  question. 

Lorsqu'une  anse  intestinale  herniée  est  atteinte  d'étranglement,  son  aspect 
varie  suivant  le  degré  de  constriction  et  l'ancienneté  des  lésions.  Tout  d'abord, 
il  y  a  simplement  de  la  congestion,  les  vaisseaux  sont  pleins  et  plus  visibles, 
puis  ils  deviennent  moins  distincts,  les  capillaires  s'engorgent  à  leur  tour  : 
l'intestin  prend  une  teinte  rouge  uniforme,  avec  léger  œdème,  tension  et  épais- 
sissement.  Si  les  lésions  continuent,  les  vaisseaux  sont  gorgés  de  sang,  la  circula- 
lion  est  suspendue,  l'intestin  devient  rouge  plus  foncé,  vineux,  violet  et  même 
tout  à  fait  noir,  sans  que  cette  couleur  signifie,  comme  on  l'a  cru  longtemps, 
qu'il  y  a  mortification  de  l'anse  herniée.  Cette  coloration  foncée  n'est  pas  toujours 
uniforme,  elle  est  quelquefois  plus  sombre  par  places,  la  paroi  a  un  aspect 
marbré  particulier;  il  se  fait  en  même  temps  des  infiltrations  sanguines  et  des 
ecchymoses  dans  l'épaisseur  de  ses  tuniques. 

Au  moment  de  la  congestion  intense  des  parois,  et  avant  qu'il  y  ait  encore 
dans  leur  tissu  des  lésions  plus  accentuées,  on  trouve  l'anse  intestinale  tendue, 
rénitente,  élastique  ;  elle  résiste  à  la  pression  et  paraît  distendue  par  des  gaz. 
En  général,  les  parois,  très-congestionnées  et  un  peu  œdématiées,  sont  épaisses, 
et  leur  épaisseur,  qui  parfois  n'est  pas  uniforme,  est  ordinairement  plus  marquée 
dans  le  corps  de  l'anse  qu'au  niveau  de  ses  extrémités.  D'autres  fois,  au  con- 
traire, celle-ci  est  molle,  flasque,  ridée,  plissée,  mais  cet  état  indique  la  présence 
de  la  gangrène  ou  tout  au  moins  d'une  perforation.  Goyrand,  cependant,  rapporte 
un  cas  où  il  y  avait  une  anse  intestinale  affaissée  sans  perforation  ni  gangrène; 
le  fait  est  exceptionnel.  On  considère  avec  raison  cet  état  comme  un  signe  de 

sphacèle. 

En  même  temps  la  température  de  l'anse  étranglée  paraît  légèrement  abaissée, 
mais  ce  fait,  signalé  par  Nicaise,  ne  lui  paraît  pas  absolument  certain.  Jobert  a 
aussi  trouvé,  dans  ses  expériences  sur  les  animaux,  une  augmentation  de  la  sen- 
sibilité au  début  de  l'étranglement:  ce  qui  paraît  probable  chez  l'homme,  au 
dire  de  M.  Nicaise.  On  a  de  plus  indiqué  la  possibilité  de  l'odeur  fétide  de  1  anse 
étranglée.  Ce  fait,  qui  est  ordinairement  le  résultat  de  la  gangrène  et  qui,  dans 
la  plupart  des  cas  d'étranglement  sans  gangrène,  n'existe  pas,  aurait  été  signalé 
une  fois  au  moins  par  A.  Cooper.  Cependant  d'ordinaire,  quand  l'intestin  n'est 
pas  mortifié,  l'anse  herniée  n'a  aucune  odeur. 

Enfin,  au  moment  où  l'intestin  est  fortement  congestionné  et  par  suite  œdéma- 
teux, il  existe,  au  point  où  il  est  saisi  par  l'agent  constricteur,  un  sillon  circu- 
laire qui  porte  sur  le  bout  inférieur  et  le  bout  supérieur  à  leur  point  de  réunion 
avec  l'anse  incarcérée.  Ce  sillon  d'étranglement,  qui  peut  paraître  dès  les  pre- 


HERNIES.  769 

mières  heures,  et  dont  la  rapidité  de  production  semble  proportionnelle  au  degré' 
de  constriclion,  devient  de  plus  en  plus  marqué  et  profond  à  mesure  que 
rétranglement  est  plus  ancien.  Il  limite  ce  que  Gossclin  appelle  le  contour  de 
la  portion  serrée.  \\  ne  disparaît  pas  sitôt  que  l'on  a  levé  l'étranglement,  il  peut 
même  persister  quelques  jours  et  il  est  capable,  ainsi  que  Verneuil  en  a  cité  un 
exemple,  d'apporter  un  obstacle  persistant  à  la  circulation  des  matières  après  la 
réduction. 

Mais  bientôt,  si  l'étranglement  continue,  les  altérations  deviennent  plus  pro- 
fondes et  plus  sérieuses,  elles  attaquent  toutes  les  parties  de  l'intestin.  Elles 
doivent  alors  être  étudiées  séparément,  au  niveau  du  sillon  d'étranglement  et 
sur  l'anse  elle-même  ;  mais  elles  progressent  bien  plus  rapidement  au  premier 
point. 

Au  niveau  du  sillon  d'étranglement  on  observe  un  amincissement  pro- 
gressif de  la  paroi  intestinale,  qui  bientôt  aboutit  à  la  production  de  perforations. 
Celles-ci,  qui  sont  quelquefois  annoncées  par  la  présence  d'un  exsudât  grisâtre 
occupant  le  fond  du  sillon,  sont  ordinairement,  au  début,  très-petites,  linéaires, 
poncliformes  presque  et  si  peu  perceptibles,  que  l'on  ne  peut  quelquefois  les 
reconnaître  que  par  l'insufflation  sous  l'eau.  Puis  plîisieurs  d'entre  elles  se 
réunissent,  forment  des  déchirures  linéaires,  circulaires,  occupant  une  étendue 
plus  ou  moins  grande  du  sillon,  plus  précoces  et  plus  longues  au  point  où  l'agent 
d'étranglement  est  plus  rigide  et  plus  aigu.  Quelquefois  même  on  a  constaté 
une  section  complète  de  la  circonférence  intestinale.  On  les  a  souvent  comparées, 
comme  aspect,  à  la  lésion  que  produirait  une  chaîne  d'écraseur.  Dans  la  pro- 
duction de  ces  perforations,  la  section  des  différentes  tuniques-  de  l'intestin 
se  fait  presque  toujours  dans  un  ordre  constant,  c'est  à  M.  Nicaise  que  l'on  doit 
la  connaissance  des  lésions  intimes  et  du  mécanisme  de  ces  décbirures. 

La  rupture  débute  d'ordinaire  par  la  muqueuse,  dont  l'épitliélium,  les  glandes 
tubuleuses  et  les  follicules  disparaissent  de  bonne  heure,  mais  dont  la  couche 
fibreuse,  c'est-à-dire  le  chorion,  persiste  longtemps.  Voici,  d'après  M.  Nicaise, 
l'ordre  dans  lequel  se  détruisent  d'ordinaire  les  différentes  tuniques  de  l'intestin  : 
1*  la  couche  superficielle  de  la  muqueuse  ;  1"  les  fibres  circulaires  de  la  couche 
musculaire;  5°  l'enveloppe  de  la  couche  musculaire;  4"  les  fibres  musculaires 
longitudinales;  5*  la  couche  fibreuse,  celluleuse,  et  le  chorion  muqueux;  6»  enfin 
la  séreuse.  Nous  venons  d'indiquer  comment  se  sectionne  la  couche  muqueuse. 
La  tunique  musculaire  présente,  avant  de  se  rompre,  une  série  de  lésions 
intéressantes.  La  couche  de  fibres  circulaires  qui  cède  la  première  est  peu 
altérée  au  niveau  du  bord  mésentérique,  puis  elle  s'amincit,  se  ramollit,  ses 
faisceaux  deviennent  moins  nombreux,  ils  sont  coupés,  détruits  dans  une  cer- 
taine étendue,  et  enfin  disparaissent.  La  couche  longitudinale  résiste  plus  long- 
temps, mais  ses  altérations  deviennent  identiques;  ses  faisceaux  sont  coupés  à 
des  hauteurs  différentes  et,  si  l'étranglement  persiste,  ils  disparaissent  comme 
ceux  de  la  circulaire.  De  sorte,  ajoute  M.  Nicaise,  qu'au  niveau  du  point  oiî  une 
perforation  tend  à  se  faire  on  finit  par  ne  plus  trouver  trace  de  la  tunique  mus 
culeuse.  Quant  à  la  couche  sous-séreuse  ou  celluleuse,  elle  a,  dès  le  début,  une 
minceur  considérable  au  niveau  du  sillon,  et  ses  fibres  disparaissent  avant  que  la 
séreuse  soit  perforée.  La  tunique  séreuse  est  ordinairement  amincie  en  ce  même 
point  dès  le  début  des  accidents,  mais  elle  résiste  à  la  perforation  ;  c'est  la 
dernière  tunique  qui  cède,  et  il  y  a  même  des  cas  où  elle  constitue  seule  la 
continuité  du  tube  intestinal,  les  autres  tuniques  étant  détruites. 

WCT.   ENC.   4°   S.   XIII.  49 


770  HERNIES. 

Dans  quelques  cas,  cependant,  l'ordre  de  rupture  des  tuniques  intestinales 
n'est  pas  celui  que  nous  venons  d'indiquer.  Ainsi,  J.  Cloquet  et  Huguieront  vu  la 
séreuse  se  couper  la  première,  alors  que  les  autres  tuniques  restaient  saines,  Motte 
a  trouvé  la  séreuse  et  la  musculaire  rompues,  la  muqueuse  demeurant  intacte. 
Mais  ce  sont  là  des  faits  exceptionnels. 

Vanse  hemiée  présente  des  lésions  analogues,  quoique  ordinairement  moins 
accentuées.  La  séreuse  est  souvent  saine,  mais  elle  peut  aussi  présenter  des 
taches  ecchymoti(jues  et  des  Iractus  blanchâtres.  Elle  est  distendue,  amincie,  et 
parfois  même,  surtout  après  un  temps  un  peu  prolongé,  on  y  observe  des  érail- 
lures,  signalées  par  J.  Cloquet  pour  la  première  fois,  et  que  M.  Nicaise  croit  être 
simplement,  dans  quelques  cas,  le  résultat  de  la  distension.  Le  tissu  sous-séreux 
est  ordinairement  le  siège  d'un  œdème  assez  prononcé  :  il  *peut  présenter  aussi 
des  taches  jaunâtres.  Enfin,  on  y  constate  des  ecchymoses  et  de  légers  épan- 
chements  sanguins.  Quant  à  la  tunique  musculeuse,  elle  est  parfois  pâle  et 
amincie.  Cependant,  le  plus  souvent,  elle  est  épaissie  par  une  infiltration  de  séro- 
sité ou  de  sang;  enfin,  dans  un  étranglement  prolongé,  elle  se  ramollit  et  se 
déchire  facilement. 

Les  lésions  de  la  nmipieuse  sont  ordinairement  plus  marquées  au  voisinage 
de  l'union  de  l'anse  herniée  avec  le  bout  supérieur.  Elle  est  boursouflée,  épaisâie 
par  l'infiltration  de  sérosité  et  de  sang,  ramollie.  Sa  coloration  devient  rouge 
foncé,  vineuse,  parfois  noirâtre,  et  tranche  violemment  avec  celle  du  reste  de 
l'intestin.  Les  villosités  sont  souvent  saines,  mais  parfois  leur  volume  augmente, 
leurs  vaisseaux  sont  dilates  et  elles  s'écrasent  aisément;  les  follicules  clos  sont 
ramollis,  friables,  comme  pulpeux,  quelquefois  même  ils  s'exulcèrent.  Les 
plaques  de  Peyer  sont  souvent  épaissies,  rouges,  pointillées  et  plus  veloutées  que 
celles  des  régions  voisines.  Enfin  on  peut  constater  à  la  surface  de  la  muqueuse, 
soit  des  ulcérations,  soit  des  fausses  membranes.  Les  ulcérations  sont  très-super- 
ficielles, de  simples  érosions,  et  paraissent  rares  ;  Nicaise  n'a  rencontré  cette 
lésion  que  deux  fois.  Cependant  elles  peuvent  être  profondes  et  étendues  (obs.  de 
Bernadet).  Les  fausses  membranes  sont  d'aspect  variable.  «  Les  unes,  dit 
Nicaise,  sont  minces,  blanchâtres,  transparentes  ;  les  autres  molles,  sans  con- 
sistance, grisâtres,  adhérant  plus  ou  moins  à  la  muqueuse.  Leur  épaisseur  est 
variable,  mais  généralement  peu  considérable  ;  leur  consistance  est  variable 
aussi  ».  11  croit  que  ce  sont  là  des  exsudais  de  nature  inflammatoire. 

Enfin  du  côté  des  vaisseaux  de  l'intestin  il  existe  aussi  des  lésions  :  nous 
avons  vu  que  le  premier  effet  de  l'étranglement  est  d'amener  une  congestion 
intense  ;  les  vaisseaux  dans  lesquels  la  circulation  se  ralentit  d'abord,  puis 
s'arrête,  ne  tardent  pas  à  être  très-dilatés  et  remplis  par  des  caillots  qui  se 
produisent  sur  place,  au  moins  dans  les  plus  volumineux.  Ces  coagulations 
expliquent,  dans  certains  cas,  les  accidents  d'embolie,  survenus  à  la  suite  de 
l'étranglement,  et  dont  nous  aurons  à  parler  plus  loin. 

Les  phénomènes  nerveux  qui  accompagnent  les  symptômes  de  l'étranglement, 
et  sont  parfois  si  graves,  nous  ont  fait  penser  que  les  nerfs  devaient  à  leur  tour 
être  le  siège  de  lésions  intéressantes.  Dans  une  série  d'expériences  entreprises 
avec  M.  le  docteur  Canac,  à  l'occasion  de  sa  thèse  (Contribution  à  l'étude  de  la 
physiologie  pathologique  de  la  mort  dans  l'étranglement  herniaire.  Bordeaux, 
1886),  nous  avons  pu,  à  plusieurs  reprises,  faire  des  ligatures  d'anses  complètes 
de  l'intestin  grêle  sur  des  lapins  avec  un  fil  de  caoutchouc  double  moyennement 
serré.  Lorsque  l'animal  a  succombé  à  la  suite  de  cet  étranglement,  nous  avons 


IIERNIKS.  771 

fait  examiner  les  nerls  de  l'anse  liée  par  M.  Rochon  Duvignean,  [iréparateur  du. 
aboratoire  d'histologie  de  la  Faculté  de  Bordeaux.  Cet  examen  a  été  pratiqué 
trois  ibis  seulement,  mais,  dans  tous  ces  cas.  lesnoiTs  ont  été  trouvés  absolument 
sains.  Ces  rtsullats  négatifs  sont  encore  trop  peu  nombreux  pour  être  considérés 
comme  définitifs,  d'autant  plus  que,  dans  un  examen  fait  par  M.  Paquet  (de  Rou- 
baix),  des  nerfs  d'une  hernie  crurale  étranglée,  cet  auteur  aurait  constaté  dans 
certains  (ilels  nerveux  de  la  congestion  et  même  de  rindammalion. 

Toutes  ces  lésions,  si  l'étranglement  n'est  pas  bientôt  levé,  ne  tardent  pas  à 
aboutir  à  une  perforation  et  à  la  gangrène  de  l'intestin. 

Les  perforations  se  produisent  suivant  plusieurs  mécanismes.  Quelquefois, 
mais  rarement,  l'ulcération  de  la  muqueuse  peut  gagner  en  profondeur,  atteindre 
successivement  toutes  les  couches  de  la  paroi  et  amener  une  perforation.  Cet 
accident  peut  encore  succéder  à  de  petits  abcès  développés  dans  l'épaisseur  des 
tuniques,  autour  des  taches  ecchymotiques  que  nous  avons  signalées  plus  haut. 
Enfin  M.  Gostelin  a  signalé  un  mode  particulier  de  cette  lésion  :  «  Des  saillies 
sont  formées,  dit-il,  par  une  petite  hernie  delà  muqueuse  à  travers  les  couches 
musculaire  et  séreuse  qui  ont  été  détruites  soit  par  un  travail  d'ulcération, 
soit  par  la  rupture  d'un  de  ces  petits  épancbemenls  sanguins  signalés  jiar  Jobert. 
On  comprend  qu'il  n'y  a  pas  loin  des  deux  lésions  qui  précèdent  à  une  perfo- 
ration » . 

Le  plus  souvent  cependant  celles-ci  succèdent  à  la  gangrène  de  l'anse  her- 
niée.  Celte  lésion,  qui  est  connue  depuis  longtemps,  et  qui  a  été  bien  étudiée 
tour  à  tour  par  Louis,  Royer,  Velpeau,  Nélaton,  Nicaise,  etc.,  se  présente  encore 
avec  des  caractères  mal  définis. 

C'est  une  des  terminaisons  normales  de  l'étranglement  :  elle  n'est  cependant 
pas  très-fréquente,  au  dire  de  Nicaise. 

Ses  causes  ne  sont  pas  toujours  très-faciles  à  déterminer.  Sa  production  peut 
être  facilitée  par  certaines  conditions  prédisposantes  qui  seraient,  d'après  Jobert, 
l'épaississement  de  l'intestin  à  la  suite  de  l'entérite,  l'étroitesse  plus  considérable 
des  anneaux,  leur  rigidité.  On  sait,  de  plus,  qu'elle  est  plus  facile  dans  les  hernies 
qui  ne  contiennent  que  de  l'intestin,  et  dans  lesquelles  ni  le  mésentère,  ni  l'épi- 
ploon  ne  viennent  jouer  le  rôle  de  coussin  élastique  capable  de  diminuer  le 
degré  de  striction.  D'ailleurs,  elle  se  montre  de  deux  laçons  différentes.  Elle 
peut,  ainsi  que  l'a  fait  observer  Jobert,  survenir  par  suite  de  la  suppression  totale 
de  la  circulation  sanguine  et  de  l'innervation  qui  résulte  de  la  constriction  des 
vaisseaux  et  des  nerfs  et  de  l'arrêt  brusque  de  la  circulation.  C'est  la  gangrène 
primitive.  Au  contraire,  elle  peut  provenir  de  l'affaiblissement  graduel  de  la 
nutrition  qui  résulte  de  l'inflammation  et  de  la  gêne  progressive  de  la  circu- 
lation. C'est  la  gangrène  consécutive. 

L'intestin  gangrené  est  profondément  altéré  dans  sa  couleur,  sa  consistance 
et  sa  structure. 

La  coloration  est  tantôt  régulière,  tantôt  irrégulière  :  l'intestin  paraît  marbré. 
Les  eschares  sont  grisâtres,  noirâtres,  couleur  chocolat,  ou  mieux  couleur 
feuille  morte,  et  Cooper  en  a  vu  de  couleur  jaune  verdàtre.  Pour  Nélaton,  elles 
auraient  la  couleur  de  la  matière  intestmale  elle-même.  Pour  Rigal  (de  Gaillac), 
elles  sont  cendrées.  Quoi  qu'il  en  soit,  la  couleur  noire  de  l'intestin  est  loin 
d'être  toujours  le  signe  de  l'existence  de  la  gangrène.  De  plus,  l'intestin  sur  les 
points  mortifiés  a  perdu  son  lustre,  il  est  dépoli  et  souvent  revêtu  de  fausses 
membranes. 


772  IIERJJIES. 

En  même  temps  la  gangrène  exhale  une  odeur  fétide,  cadavéreuse  (Lawrence), 
mais,  celle  félidité  ne  se  montre  pas  au  début  de  la  production  du  spliacèle, 
elle  est  relativement  tardive.  Elle  diffère  de  l'odeur  stercorale  et  serait  diffé- 
rente aussi  de  la  frtidilc  que  dégage  quelquefois  l'anse  herniée  sans  qu'il  y  ait 
la  moindre  mortification. 

Au  niveau  des  plaques  de  gangrène  l'intestin  a  perdu  son  aspect  tendu  et 
son  élasticité  :  il  est  flétri,  affaissé,  flasque,  mollasse  sous  le  doigt,  et  se  déchire 
à  la  moindre  traction  comme  du  papier  mouillé.  Ses  tuniques  sont  complètement 
désorganisés.  Cette  lésion  peut  exister  sur  une  étendue  variable.  Elle  peut  n'at- 
taquer parfois  que  quelques  petits  points  isolés.  Généralement  elle  se  montre 
sous  forme  de  plaques  séparées,  d'étendue  variable  et  disséminées  sur  le  corps 
de  l'anse  herniée.  Quelquefois,  elle  peut  occuper  la  circonférence  totale  de  l'in- 
testin et  même  une  circonvolution  intestinale  entière  (Jobert). 

Bientôt  les  eschares  se  ramollissent,  se  perforent,  et  souvent  alors  les  per- 
forations sout  petites  et  siègent  soit  au  centre  de  l'eschare,  soit  au  contraire 
dans  le  sillon  d'élimination  delà  partie  mortifiée.  Quand  les  plaques  gangrenées 
se  détachent  et  sont  éliminées,  l'intestin  présente  des  perforations  larges,  à  bord 
déchiquetés  et  auxquels  adhèrent  encore  souvent  des  débris  mortifiés.  Le  contenu 
de  l'intestin  communique  alors  avec  celui  du  sac.  Bientôt  celui-ci  se  perfore  à 
son  tour;  les  enveloppes  extérieures  s'enflamment,  s"abcèdenl,  s'ulcèrent,  et  la 
cavité  intestinale  vient  communiquer  avec  l'extérieur  par  la  formation  d'une 
simple  fistule  stercorale,  ou  bien  d'un  anus  contre  nature. 

Toutefois,  dans  quelques  cas  absolument  exceptionnels,  la  réparation  de  ces 
lésions  peut  se  faiie  sans  lésions  autres  que  celles  de  l'intestin.  Ainsi,  Nicaise  cite 
l'assertion  de  Cayol,  qui  dit  qu'une  poition  d'intestin  gangrené  peut  être  rejeté 
au  dehors,  et  les  deux  extrémités  du  canal  se  réunir  en  contractant  des  adhérences 
intimes  avec  le  sac,  sans  qu'il  y  ait  eu  d'abcès  ni  de  plaie  à  l'extérieur.  Un  cas 
semblable  a  été  présenté  par  Martin  à  la  Société  anatomique  de  Paris  en  1873. 
M.  Grancher,  qui  fit  un  rapport  sur  celte  présentation,  put  réunir  quelques  faits 
analogues.  Il  cite,  notamment,  deux  observations  de  Cayol,  une  de  Bourrienne, 
une  de  Scarpa,  une  de  Cruveilhier  (Société  anatomique,  1850).  Cette  heureuse 
terminaison,  qu'il  faut  continuer  à  considérer  comme  absolument  exceptionnelle, 
a  été  observée  plutôt  à  la  région  inguinale  qu'à  l'anneau  crural.  Une  des  obser- 
vations de  Cayol  concerne  une  hernie  ombilicale. 

Du  reste,  tout  en  laissant  de  côté  les  faits  précédents  que  nous  n'avons  cités 
que  pour  être  complet,  nous  devons  ajouter  que,  lorsque  la  gangrène  intestinale 
se  présente  avec  tous  ses  caractères,  elle  est  ordinairement  facile  à  reconnaître. 
Mais  il  existe  bien  des  cas  où  le  chirurgien  se  trouvera  embarrassé.  C'est  surtout 
lorsqu'il  se  trouvera  en  face  d'une  anse  intestinale  profondément  altérée,  mais 
qui  ne  présente  pas  encore  les  caractères  de  la  gangrène.  Il  est  alors  très-difficile 
d'apprécier  le  degré  atteint  par  les  lésions  que  l'on  constate,  la  profondeur  des 
altérations.  En  face  d'une  anse  encore  tendue,  mais  ramollie  légèrement  et  noire 
ou  presque  noire,  on  peut  se  demander  si  l'on  est  en  présence  d'une  gangrène 
en  voie  d'évolution,  ou  d'une  anse  intestinale  susceptible  de  revenir  à  l'état  normal. 
On  sait  aujourd'hui,  et  nous  l'avons  déjà  dit,  que  la  couleur  noire  de  l'intestin 
n'indique  pas  siàrement  qu'il  va  se  mortifier.  Quelquefois,  alors  l'anse  n'est 
que  congestionnée,  on  peut,  après  avoir  levé  l'étranglement,  voir  l'intestin 
changer  de  couleur;  la  teinte  noire  se  modifie  peu  à  peu,  et  la  coloration 
devient  plus  rouge,  ce  qui  indique  le  retour  de  la  circulation.  C'est  ce  qui  arriva 


HERNIES.  77^ 

dans  une  observation  présentée  par  le  professeur  Trélat  à  la  Société  de  chi- 
rurgie en  1883,  mais  les  choses  sont  souvent  difficiles  à  apprécier.  On  a  bien 
indiqué,  pour  ces  cas  douteux,  le  défaut  de  sensibilité  des  points  mortifiés, 
l'absence  d'écoulement  sanguin  lorsqu'on  y  pratique  une  incision  superficielle. 
Mais  le  premier  de  ces  signes  est  d'une  constatation  douteuse,  dit  S.  Duplay, 
et  il  serait  imprudent  d'avoir  recours  à  l'autre.  On  peut  alors  laver  avec 
de  l'eau  chaude  l'anse  herniée,  et,  si  elle  n'est  que  congestionnée,  on  verra, 
sous  l'influence  de  la  chaleur,  se  produire  quelques  mouvements  vermiculaires 
qui  suffiront  à  indiquer  que  l'on  n'est  pas  en  présence  d'un  sphacèle  com- 
mençant. Malgré  toutes  ces  précautions,  les  chirurgiens,  môme  les  plus  expéri- 
mentés, peuvent  se  tromper,  et  l'on  a  vu  survenir  ([uelquefois  des  perforations 
tardives  à  la  suite  de  la  réduction  d'anses  altérées.  Barette,  dans  sou  excellente 
thèse,  en  rappoile  plusieurs  exemples.  Bacrs,  en  1874,  cite  un  cas  de  perforation 
consécutive  à  la  réduction  au  septième  jour  de  l'étranglement  d'une  hernie  dans 
laquelle  s'était  cependant  produit  le  létablissement  de  la  circulation  dos  matières. 
Fouillaron  publie,  dans  sa  thèse  (1881),  un  cas  de  réduction  d'une  anse  relative- 
ment peu  altérée  et  présentant  seulement  une  petite  érosion  superficielle  de  la 
séreuse.  Douze  jours  après  se  produisit  une  fistule  stercorale.  A.  Dcs[)rés,  enfin, 
a  fait  connaître,  dans  la  Gaz.,  des  hôpil.  (1881),  un  cas  dans  lequel  il  crut  pou- 
voir réduire,  sans  danger,  une  anse  étranglée,  qui  ne  présentait  que  quelques 
ecchymoses,  mais  qui  avait  subi  avant  l'opération  des  tentatives  exagérées  de 
taxis.  Trente-cinq  jours  après  la  réduction,  une  fistule  stercorale  apparut. 

Les  faits  analogues  sont  nombreux  et  nous  pourrions  les  multiplier;  on  y 
verrait  des  accidents,  les  uns  rapides,  d'autres  tardifs  comme  ceux  (jui  pré- 
cèdent. Ce  qui  contribue  encore  à  faciliter  les  erreurs,  c'est  qu'il  n'y  a  rien  de 
constant  dans  le  temps  que  mettent  à  se  produire  les  lésions  gangreneuses. 

La  gangrène  est  plus  rapide  quand  la  constriction  est  plus  forte  et  peut  même 
se  montrer  en  (juelques  heures,  quatre,  huit  heures,  etc.,  selon  Ledran,  van 
Swieten,  Richter,,  Oupuytren.  Pourtant,  d'après  Gosselin,  rien  n'est  plus  variable. 
«  En  général  cependant,  ajoute-t-il,  on  peut  dire  que  les  perforations  et  les  eschares 
n'existent  pas  encore  dans  les  quarante-huit  premières  heures  de  l'étranglement 
sur  les  anses  complètes,  et  que  même  elles  arrivent  rarement  avant  la  fin  du 
troisième  jour.  Mais  je  ne  veux  poser  aucime  règle  absolue  à  ce  sujet.  J'ai 
cité,  dans  mon  travail  de  1861,  l'observation  d'une  malade  que  j'ai  opérée  d'une 
hernie  crurale  le  vingt- cinquième  jour  de  l'étranglement  et  chez  laquelle  l'anse 
intestinale  était  à  peine  rouge  et  n'offrait  ni  perforation  ni  gangrène,  quoique 
l'étranglement  fût  assez  serré  pour  permettre  très-difficilement  le  passage  du 
bistouri  destiné  au  débiùdement.  En  revanche,  j'ai  trouvé  des  perforations  et  des 
eschares  sur  des  anses  complètes,  sans  épiploon,  au  deuxième  et  au  troisième 
jour  de  la  maladie  ».  Nous  pouvons  ajouter,  en  outre,  qu'il  est  établi  que  la 
rapidité  de  production  de  la  gangrène  varie  suivant  l'espèce  de  hernies.  Elle  est 
plus  précoce  d'ordinaire  dans  les  hernies  ombilicales  et  crurales  que  dans  les 
inguinales,  et  parmi  ces  dernières  celles  qui  sont  congénitales  s'altèrent  plus 
rapidement  que  les  autres.  Mais  cette  règle  souffre  souvent  des  exceptions. 

Avant  d'aborder  l'étude  du  contenu  de  l'intestin,  nous  devons  signaler  la 
marche  un  peu  différente  des  lésions  (juaud  l'intestin  n'est  que  partiellement 
étreint,  c'est-à-dire  dans  les  cas  de  pincement  herniaire.  Nous  avons  déjà  suffi- 
samment insisté  sur  cette  lésion  à  VAnatomie  ■pathologique  des  hernies  réduc- 
tibles, bien  que  cette  disposition  s'observe  plus  souvent  dans  les  hernies  étranglées 


774  HERNIES. 

que  dans  les  autres.  Les  lésions  y  sont  exactement  semblables  à  celles  que  nous 
avons  décrites,  elles  ne  sont  remarquables  que  par  la  rapidité  avec  laquelle  sur- 
vient la  gangrène,  ce  qui  paraît  dû  à  ce  que  la  constriction  s'exerce  unique- 
ment sur  la  paroi  intestinale. 

Contenu  de  l'anse  lier  niée.  U  a  été  surtout  étudié  à  l'aide  des  expériences 
faites  sur  les  animaux  par  Jobert  et  Labbé,  mais  il  est  permis  de  conclure  de 
ces  ligatures  intestinales  à  ce  qui  se  passe  chez  l'homme  dans  un  étranglement. 

Ce  contenu  diffère  de  celui  du  reste  de  l'intestin.  Oii  n'y  constate  qu'exception- 
nellement des  matières  intestinales  dures  ou  de  véritables  fèces.  De  plus,  l'anse 
étranglée  est  rarement  sonore,  à  moins  que  l'on  n'ait  affaire  à  une  hernie  très-volu- 
mineuse :  il  va  donc  très-peu  de  gaz  (Nélaton).  L'intestin  renferme  un  liquideassez 
épais,  muqueux,  sanguinolent,  possédant  une  odeur  fécaloïde  très-prononcée.  Ce 
liquide,  toujours  mélangé  de  matières  intestinales,  est  trouble,  grisâtre  ou  rouge 
brun  tirant  sur  le  rouge.  La  quantité  de  sang  qui  y  est  mêlé  est  variable,  mais  peut 
aussi  devenir  assez  considérable,  lise  fait  même  parfois  de  véritables  hémorrha- 
gies,  et  l'on  peut  trouver  dans  l'anse  étranglée  un  épancbement  de  sang  noirâtre 
et  des  caillots.  Ce  sang  provient  de  la  mu(|ueuse  par  exhalation  ou  par  déchirure. 

Etal  du  mésentère  de  l'épiploon.  Les  lésions  que  nous  avons  étudiées  sont 
celles  qui  se  jtroduisent  dans  l'entérocèle  pure,  mais,  quand  avec  l'intestin  on 
trouve  dans  la  hernie  une  portion  plus  ou  moins  étendue  du  mésentère  ou  de 
l'épiploon,  ces  parties,  qui  elles  aussi  présentent  des  altérations  importantes, 
semblent  jouer,  vis-à-vis  de  l'intestin  qu'elles  accompagnent,  un  rôle  protecteur. 
En  effet,  dans  ce  cas,  les  altérations  intestinales  sont  moins  profondes  et  surtout 
se  produisent  moins  rapidement. 

Le  mésentère,  dont,  au  dire  de  S.  Duplay,  les  lésions  n'ont  pas  suffisamment 
attiré  l'attention  des  pathologistes,  participe  aux  altérations  de  l'intestin  quand  il 
est  contenu  dans  la  hernie.  Souvent  il  est  épaissi,  congestionné,  infiltré  de  sang 
et  ecL'hymotique.  Il  est  recouvert  d'exsudats  et  de  fausses  membranes,  et  «  ses 
adhérences,  qui  recouvrent  pai  fois  l'anse  étranglée,  se  produisent  de  préférence 
au  niveau  de  ses  insertions  mésentériques  et  sur  le  mésentère  lui-même.  Dans  un 
cas  rapporté  par  Piedvacbe,  il  est  expressément  noté  que  le  mésentère  épais^i 
avait  été  pris  pour  de  l'épiploon,  et  qu'il  devait  apporter  un  obstacle  invin- 
cible à  la  réduction  malgré  la  largeur  de  l'anneau.  »  Les  vaisseaux  sont  du  reste 
thromboses  et  même  quelquefois  remplis  de  pus. 

Ëpiploon.  Quand  l'épiploon  est  serré  à  son  tour  par  l'agent  d'étranglement, 
les  altérations  sont  les  mêmes  dans  l'entéro-épiplocèle  que  dans  l'épiplocèle 
pure.  Ces  lésions  sont  elles  d'ordre  purement  inflammatoire,  faut-il  y  voir  h 
possibilité  d'un  véritable  étranglement?  La  chose  est  discutable.  Quoi  quil 
en  soit,  d'ordinaire,  il  est  un  peu  plus  rouge  qu'à  l'état  normal,  il  prend  une 
teinte  bleuâtre  par  suite  de  la  congestion  veineuse  souvent  intense  que  l'on  y 
constate.  On  peut  y  observer  un  œdème  assez  marqué  et  une  thrombose  vascu- 
laire  assez  étendue,  surtout  dans  les  veines.  Il  s'y  joint,  parfois,  un  gonflement 
en  masse,  résultat  du  travail  inflammatoire  et  des  adhérences  qui,  d'abord  molles 
et  glutineuses  comme  celles  que  l'on  trouve  dans  le  sac,  peuvent  devenir  plus 
consistantes,  accoler  les  replis  et  arriver  à  l'état  de  brides  fibreuses.  On  ne 
trouve  que  rarement  du  pus,  soit  à  sa  surface,  soit  dans  son  épaisseur.  Enfin, 
dans  certains  cas  où  la  constriction  est  très-énergique,  on  a  pu  voir  survenir  la 
gangrène  de  l'épiploon.  Gosselin  n'a  jamais  rencontré  cette  lésion,  même  dans  les 
cas  où  les  altérations  intestinales  étaient  avancées.  Il  peut  assurer  que  ces  lésions 


HERNIES.  775 

sont  rares  et  auraient  besoin  pour  se  produire  d'une  constriction  plus  prononcée 
■|ue  celle  qui  a  lieu  d'ordinaire  dans  l'étranglement  herniaire.  Broca,  au  contraire, 
croit  cette  gangrène  assez  fréquente,  mais  il  en  fait  surtout  une  altération  d'ordre 
inflammatoire.  Pour  S.  Duplay,  la  suppuration  et  la  gangrène  seraient  fort  rares, 
et  ne  seproduiraient  guère  que  lorsque  le  sac  a  été  ouvert  et  son  contenu  laissé, 
en  quelque  sorte,  à  ciel  ouvert.  Cette  assertion  est  exagérée,  la  gangrène  de  l'épi- 
ploon  est  rare,  mais  elle  existe,  ainsi  que  le  démontre  l'observation  de  Walther 
{France  médic,  1882),  dans  laquelle  une  épiploccle  sphacélée  donna  lien  à  des 
phénomènes  d'étranglement.  Enfin,  dans  quelques  cas,  on  a  observé  un  certain 
degré  d'épaississemcnt  et  d'induration,  mais  ces  lésions  doivent,  d'après  Gos- 
selin,  être  le  résultat  d'une  inflammation  chronique,  ainsi  que  le  sillon  que  l'é- 
piploon  présente  au  niveau  du  collet  du  sac. 

4"  Lésions  qui  erislent  du  côté  de  la  cavité  abdominale.  Les  lésions  qui 
existent  dans  la  cavité  abdominale  sont  différentes  suivant  que  Tintestin  a  été 
réduit  ou  qu'il  ne  l'a  pas  été. 

a.  Qu  ind  l'intestin  n'a  pas  été  réduit,  c'est-à-dire  quand  l'étranglement  per- 
siste encore  et  que  l'anse  herniée  est  encore  contenue  dans  le  sac  Iierniaire,  on 
trouve  à  examiner  des  lésions  de  deux  ordres  :  celles  qui  existent  sur  le  tube  intes- 
tinal au-dessus  et  au-dessous  de  la  hernie,  et  celles  que  l'on  peut  observer  sur 
la  séreuse  pt'ritonéale. 

Du  côté  de  l'intestin,  nous  trouvons  un  aspect  variable  suivant  que  nous  exa- 
minons le  bout  supérieur  ou  l'inférieur. 

Les  lésions  sont  en  général  plus  accusées  au  niveau  du  bout  supérieur.  Celui- 
ci  est  très-dilaté,  distendu  par  des  matières  intestinales  et  surtout  par  des  gaz, 
et  il  masque  extérieurement  la  portion  inférieure  de  l'intestin.  Ses  parois  sont 
légèrement  épaissies  ou  amincies.  La  coloration  de  l'anse  herniée  se  prolonge 
plus  ou  moins  loin.  La  séreuse  qui  recouvre  ce  bout  supérieur  s'enflamme  plus 
facilement  ([ue  celle  du  bout  inférieur  (J.  Cloquet)  ;  elle  présente  des  points 
blanchâtres  et  des  arborisations  vasculaires.  La  muqueuse  est  injectée,  conges- 
tionnée, et  montre  parfois  de  petites  érosions. 

Le  bout  inférieur  est  diniinué  de  volume,  d'un  diamètre  moins  considérable, 
il  est  resserré.  Il  est  injecté,  et  quelquefois  plus  que  le  bout  supérieur.  Sa 
séreuse  est  parfois  épaissie,  la  muqueuse  en  est  dans  certains  cas  recouverte  de 
plaques  grisâtres,  de  fausses  membranes.  Mcaisel'a  vue,  une  fois,  épaissie,  noire, 
congestionnée,  et  contenant  des  épanchements  sanguins.  Les  lésions  sont  ordi- 
nairement moins  accusées  qu'au  niveau  du  bout  supérieur,  mais  elles  existent 
toujours,  et  Micaise  insiste  particulièrement  sur  la  congestion  qui  siège  au-des- 
sous de  l'anse  herniée. 

Quelquefois,  on  trouve  sur  le  bout  supérieur,  une  petite  perforation  au-dessus 
du  sillon  d'étranglement  :  dans  ce  cas,  il  est  alors  flasque,  ramolli,  affaissé,  et 
ne  présente  pas  son  état  de  distension  habituel. 

Du  côté  de  la  séreuse  abdominale  les  altérations  sont  très-variables.  Le  péri- 
toine peut  être  absolument  sain,  même  au  voisinage  de  l'orifice  herniaire.  Sou- 
vent, au  contraire,  on  y  observe  des  traces  de  péritonite  tantôt  localisée,  tantôt 
généralisée. 

La  péritonite  localisée  existe  surtout  au  voisinage  de  l'orifice  herniaire.  Elle 
se  monlre  sous  la  forme  d'adhérences  qui  peuvent  atteindre  une  grande  épais- 
seur et  unissent  les  deux  bouts  de  l'intestin  avec  le  pourtour  de  l'anneau  her- 
niaire;  elles  peuvent  s'étendre  aux  anses  voisines.  Cette  masse  d'adhérences 


776  HERNIES. 

peut  protéger  la  cavité  abdominale,  lorsque  la  perforation  du  bout  supérieur,  qui 
se  produit  si  souvent  quand  l'élraiiglement  suit  son  cours,  va  amener  un  épan- 
cliement  de  matières  stercorales,  11  se  lait  alors  un  véritable  phlegmon  slercoral 
qui  aboutit  à  un  abcès,  et  celui-ci  s'ouvre  au  dehors,  en  passant  par  l'anneau 
herniaire,  ou  bien  pénètre  à  travers  les  adhérences,  quand  l'inflammation  ga^ne 
peu  à  peu,  et  donne  lieu  à  une  péritonite  généralisée.  Celle-ci  peut  exister  aussi 
en  dehors  de  tout  épanchement  de  matières  intestinales,  par  propagation  de 
l'inflammation.  Enfin,  quelquefois  il  y  a  épanchement  rapide  de  matières  dans 
le  ventre  et  péritonite  généralisée  d'emblée  avant  que  les  adhérences  aient  eu  le 
temps  de  se  former.  Nous  voyons  donc  qu'il  peut  y  avoir  une  péritonite  géné- 
ralisée par  propagation  de  l'inflammation,  à  côté  de  celle  qui  succède  à  la  perfcw 
ration  intestinale. 

p.  Quand,  au  contraire,  l'intestin  a  été  réduit,  que  cette  réduction  ait  été  pro- 
duite par  le  taxis  ou  bien  par  la  kélotoniie,  l'aspect  est  différent. 

L'anse  étranglée,  qui  se  reconnaît  facilement  à  sa  coloration  spéciale  plus  foncée 
<[ue  celle  des  autres  parties  de  l'intestin,  ainsi  qu'au  sillon  permanent  qu'elle 
présente  à  ses  extrémités  pendant  un  temps  relativement  assez  long,  se  trouve 
presque  toujours  au  voisinage  de  l'orifice  herniaire.  Elle  est  là,  quehjuefois  libre^ 
le  plus  souvent  retenue  par  des  adhérences  récentes,  molles.  L'épiploon,  quand  il 
a  été  réduit,  est  rarement  complètement  revenu  dans  la  cavitéabdomiuale.  Presque 
toujours  on  a|»erçoit  une  bride  épiploi(jue  plus  ou  moins  grêle  et  allongée,  qui 
reste  fixée  à  la  face  interne  du  sac,  auquel  elle  adhère.  Quelquefois,  au  contraire, 
l'anse  herniée  peut  être  plus  ou  moins  éloignée  de  l'orifice  herniaire,  et  con- 
tracter (les  adliérences  et  des  rapports  anormaux,  qui  font  persister  les  phéno- 
mènes de  l'étranglement.  }jous  étudierons  ces  accidents,  en  passant  en  revue  ceux 
du  taxis  et  les  fausses  réductions. 

On  trouve  souvent,  du  côté  de  la  séreuse  abdominale,  de  la  péritonite  adhésive 
localisée  au  pourtour  de  l'anneau.  Si  l'intestin  réduit  s'est  retiré  plus  loin,  ces 
adhérences  peuvent  former  une  masse  circonscrite  à  l'anse  herniée  et  à  celles 
qui  l'environnent.  Souvent  aussi  on  constate  les  lésions  d'une  péritonite  généra- 
lisée plus  ou  moins  intense,  parfois  suppurée,  qui  est  une  des  principales  causes. 
de  la  mort  après  l'étranglement. 

Cependant  quelquefois,  et  surtout  quand  la  hernie  a  été  opérée,  on  peut  reo- 
contrer  certaines  formes  particulières  de  péritonite,  dont  les  caractères  anato- 
miques  paraissent  trop  peu  accusés  pour  qu'on  puisse  leur  imputer  la  terminaison 
fatale,  et  qui  néanmoins,  grâce  à  l'absorption  d'éléments  septiques,  sont  les  plus 
graves  de  toutes  et  peuvent  se  montrer  après  toutes  les  opérations  qui  ouvrent  1» 
séreuse  péritonéale.  Cette  péritonite  septique,  qui  commence  à  être  bien  connue 
aujourd'hui,  avait  été  vue  cliniquement  par  Gosselin,  qui  l'avait  soupçonnée  plutôt 
que  décrite.  Depuis,  elle  a  été  l'objet  de  bon  nombre  de  travaux  parmi  lesjuels- 
nous  rappellerons  la  thèse  de  notre  collègue  de  la  Faculté  de  Lyon,  Levrat  (th.  de 
Paris,  1880)  et  celle  de  Mormon  {De  la  septicémie  péritonéale  à  la  suite  de  la 
kélotomie.  Paris,  1882). 

Cette  forme  particulière  se  révèle  par  une  injection  et  une  vascularisatioo 
relativement  légères  de  la  séreuse,  et  n'existant  que  par  places.  De  plus,  l'abdomen 
contient  une  certaine  quantité  de  liquide,  depuis  un  verre  environ  jusqu'à  1 
ou  2  litres.  Celui-ci  est  ordinairement  séreux,  rougeâtre  ou  rouge  brun;  parfois 
clair,  d'autres  fois  louche,  et  contenant  des  filaments  et  des  débris  de  néomem- 
branes  récentes.  Enfin,  dans  un  cas,  l'examen  Je  ce  liquide  fait  par  M.  Marie  a 


HERNIES.  777 

(lémonlré  qu'il  était  rempli  de  bactéries  de  différentes  formes  :  les  unes  étaient 
de  simples  granulations,  disposées  par  groupes  et  en  chapelet,  animées  de  mou- 
vements de  rotation;  les  autres  des  petits  filaments  de  peu  de  longueur,  doués 
de  mouvements  oscillatoires. 

Avant  de  quitter  l'étude  des  lésions  qu'offre  à  considérer  la  cavité  abdominale, 
nous  voudrions  parler  des  altérations  tardives  qui  peuvent  persister  sur  l'anse 
herniée.  On  a  plusieurs  fois  observé  un  rétrécissement  de  l'intestin  à  la  suite 
de  la  réduction  de  hernies  étranglées.  Cet  accident,  connu  depuis  longtemps,  a 
été  étudié  par  Ritsch  dans  les  Mémoires  de  l'Académie  de  chirurgie  par 
J.-P.  Tessier  [Archives  générales  de  médecine,  1838),  par  Guignard  (thèse  de 
Paris,  1846),  par  Gliopel  (thèse  de  Paris,  1847),  Allaux  (thèse  de  Paris,  1860), 
Duchaussoy  {Arch.  de  méd.,  1860).  Ce  sont  des  rétrécissements  portant  sur  le 
sillon  d'étranglement  ou  sur  le  corps  de  l'anse.  «  11  existe  alors  une  rigidité 
circulaire  de  la  paroi  intestinale,  dit  Gosselin,  avec  une  perte  presque  complète 
de  son  extensibilité.  »  Guignard  a  même  signale  des  cas  où  le  rétrécissement 
allait  jusqu'à  l'oblitération  complète.  Ces  sténoses  succèdent  à  la  cicatrisation 
d'ulcération  de  la  nmqueuse  ou  de  lésions  de  la  séreuse.  Parfois  ce  sont  des  dimi- 
nutions simples  du  calibre  de  l'anse  herniée  avec  épaississement  de  ses  parois. 
La  nature  intime  et  le  mécanisme  de  ce  rétrécissement  sont  encore  mal  connus. 

Mais  à  côte  de  cette  forme  de  sténose  il  peut  en  exister  une  autre  signalée 
par  M.  INicaise  [Revue  de  chirurgie,  1881)  et  qui  paraît  consécutive  à  l'adhé- 
rence en  forme  d'U  des  deux  moitiés  de  l'anse  herniée.  Si  celte  anse  est  réduite 
sans  que  les  adtiérences  aient  été  détruites,  il  peut  se  faire  alors  une  dilatation 
marquée  de  la  branche  supérieure  de  l'U,  à  la  partie  inférieure  de  laquelle  se 
produit  une  véritable  ampoule.  La  branche  inférieure  aplatie,  refoulée,  et  dans 
laquelle  les  matières  pénètrent  fort  di.Ticilement,  arrive  bientôt  à  se  rétrécir  sur 
une  étendue  plus  ou  moins  considérable,  et  ce  rétrécissement  peut  être  la  source 
de  nouveaux  accidents.  M.  INicaise  en  a  publié  un  exemple  fort  remarquable. 

5"  Lésions  éloignées.  Dans  certains  cas  où  la  mort  s'est  produite,  soit 
pendant  l'étranglement,  soit  après  la  réduction  opératoire  ou  spontanée  de 
l'intestin,  on  n'a  rencontré  ni  du  côté  de  cet  organe,  ni  même  du  côté  de  l'ab- 
domen, des  lésions  suflîsanles  pour  rendre  compte  de  la  terminaison  fatale.  Il  a 
fallu  alors  chercher  dans  d'autres  appareils,  dans  des  organes  plus  ou  moins 
éloignés,  si  l'on  ne  trouvait  pas  de  lésions  susceptibles  d'expliquer  la  mort. 
M.  Verneuil  a  le  premier  signalé  l'appariiion,  à  la  suite  de  l'étranglement,  des 
congestions  viscérales  principalement  du  côté  du  poumon  et  des  reins. 

La  congestion  pulmonaire  à  la  suite  de  l'étranglement  a  été  observée  par 
M.  Verneuil,  qui  d'abord  a  cru  à  une  simple  coïncidence  et  qui,  plus  tard,  a  vu 
une  relation  de  cause  à  effet  entre  ces  lésions  et  l'étranglement  (1869).  Dès  cette 
même  année,  le  savant  professeur  fil  faire  à  un  de  ses  élèves,  M.  Carret,  une 
thèse  sur  ce  sujet.  En  1871  il  en  mentionna  de  nouveaux  exemples  à  la  Société 
de  chirurgie  et  indiqua  la  relation  de  ces  congestions  avec  les  phénomènes  d'al  - 
gidité.  Dès  1873,  Ledoux,  dans  une  bonne  thèse,  reprit  l'étude  de  cette  lésion 
et  en  donna  une  théorie  sur  laquelle  nous  aurons  à  revenir.  Seuvre,  Berger,  la 
même  année,  en  publièrent  de  nouvelles  observations  à  la  Société  analomique. 
En  1877  Berger  fit  à  la  Société  de  chirurgie  une  importante  communication 
sur  les  congestions  pulmonaires  qui  existent  dans  l'étranglement,  surtout  lorsque 
celui-ci  a  revêtu  la  forme  de  choléra  herniaire.  En  1877  Verneuil  apporte  de 
nouveau  la  question  devant  la  Société  de  chirurgie.  A  partir  de  ce  moment,  les 


778  HERNIES. 

travaux  sur  ce  sujet  se  multiplient,  et  pour  ne  citer  que  les  plus  importants, 
nous  avons  encore  à  signaler  deux  thèses  :  celle  de  Mullois  {Contribution  à 
[élude  de  la  congestion  pulmonaire  et  rénale  dans  l' étranglement  herniaire 
avec  algidité.  Paris,  1881)  et  celle  de  Roux  {Des  complications  pulmonaires 
(le  la  hernie  étranglée.  Montpellier,  1886). 

Cette  congestion  pulmonaire  peut  exister  à  des  degrés  très-divers.  Tantôt 
limitée  aux  bases  ou  aux  bords  antérieurs  du  poumon,  elle  peut  quelquefois 
envahir  une  grande  portion  de  l'appareil  respiratoire.  Partois  légère,  elle  est  sou- 
vent susceptible  de  devenir  très-intense.  Ainsi,  dans  plusieurs  des  observations  de 
la  thèse  de  Ledoux  et  de  celle  de  Mullois,  on  la  voit  produire  des  apoplexies  inter- 
stitielles et  même  des  foyers  liémorrhagiques.  On  peut  même  voir  apparaître  des 
lésions  de  pneumonie,  et  dans  une  observation  du  mémoire  de  Berger  à  la  So- 
ciété de  chirurgie,  1877,  les  altérations  sont  ainsi  décrites  :  «  Le  poumon 
gauche  est  hépalisé  dans  la  porlion  moyenne  de  sa  face  postérieure,  cavnilîé 
partout,  sauf  ati  niveau  de  la  lamelle  antérieure  qui  présente  de  remphysème. 
Le  poumon  droit  est  splénisé  dans  toute  sa  moitié  postérieure  ».  Roux,  dans  sa 
thèse,  a  publié  plusieurs  faits  de  lésions  aussi  avancées;  il  a  rencontré,  dans 
certains  cas.  de  la  bro;:clio-pnctmionie  et  même  delà  pneumonie  véritable.  Ainsi 
qu'il  résulle  do  bon  nombre  d'observations,  ces  lésions,  sur  l'interprétation  et 
le  mécanisme  desquelles  nous  aurons  à  revenir,  se  montrent  surtout  chez  les 
malades  ayant  antérieurement  des  affections  anciennes  des  organes  respiratoires, 
telles  que  de  l'emphysème  et  de  la  bronchite  chronique,  et  aussi  chez  ceux 
qui  ont  des  altérations  du  foie  ou  des  reins.  Cependant,  dans  quelques  cas, 
elles  ont  apparu  chez  des  sujets  absolument  sains  et  sans  tare  organique. 

Dans  ces  cas  de  congestion  pulmonaire  après  l'étranglement  on  trouve  aussi 
d'autres  congestions  viscérales,  elles  siègent  dans  le  foie  et  dans  li  s  reins,  ainsi 
que  Mullois  l'a  signalé. 

On  a  encore  rencontre,  dans  quelques  cas,  des  lésions  intéressantes  du  côté  de 
l'appareil  circulatoire.  Ce  sont  surtout  des  thromboses  et  des  embolies  qui  sem- 
blent être  survenues  à  la  suite  de  l'étranglement. 

Ainsi,  Le  Teinturier  a  rapporté  à  la  Société  anatomique,  en  187Ô,  un  cas  de 
thrombose  des  artères  crurales  et  poplitées  à  la  suite  de  la  compression  de  la 
fémorale  par  une  hernie  crurale  étranglée.  Le  malade  avait,  au  moment  de  sa 
mort,  un  début  de  gangrène  de  la  jambe.  11.  Leroux  a  publié  à  la  même  Société, 
en  1877,  un  cas  d'oblitération  complète  des  veines  iliaques  primitives  et  de  la 
veine  cave  inférieure,  chez  un  sujet  mort  à  la  suite  d'une  kéiotomie  nécessitée 
par  l'étranglement  d'une  hernie  inguinale.  Ce  malade  avait,  en  même  temps, 
une  congestion  pulmonaire  double. 

Ces  coagulations  vasculaires,  dont  on  pourrait  trouver  d'autres  exemples, 
paraissent  expliquer  certains  faits  curieux  de  lésions  cérébrales  survenues  à  la 
suite  de  l'étranglement  herniaire,  et  sur  lesquelles  M.  Nicaise  a  attiré  l'attention 
dans  une  communication  à  la  Société  de  chirurgie  en  1876.  Cet  auteur  rapporte 
l'histoire  de  deux  malades  qui,  avec  une  hernie  étranglée  à  droite  à  la  région 
crurale,  virent  tous  les  deux,  l'un  pendant  son  étranglement  (deuxième  jour), 
l'autre  après  son  opération,  survenir  des  phénomènes  d'hémiplégie  incomplète 
gauche,  portant  surtout  sur  la  motilité  avec  paralysie  faciale  incomplète  du 
même  côté,  sans  perle  de  connaissance  ni  troubles  de  l'intelligence.  La  com- 
plication a  persisté  avec  les  mêmes  caractères  qu'à  son  début.  L'un  a  guéri, 
l'autre  est  mort,  mais  il  n'y  a  pas  eu  d'autopsie. 


HERMES.  779 

On  pourrait  rapprocher  de  ces  faits  une  observation  publiée  en  1868  par 
M.  Dieulafoy,  à  la  Société  anatomique,  concernant  une  femme  de  soixante  ans 
(jui,  pendant  un  étranglement  herniaire,  succomba,  avant  qu'on  ait  pu  l'opérer, 
à  une  héraorrhagie  cérébrale.  Nous  voudrions  encore  rappeler  le  cas  de  M.  Mignot 
(de  Chantelle)  présenté  à  l'Académie  de  médecine.  C'est  un  fait  d'étranglement 
herniaire  avec  production  d'un  anus  contre  nature  chez  un  garçon  de  douze 
ans.  Trois  jours  après  le  début  des  accidents,  syncope  avec  refroidissement 
général  et  contracture  de  la  mâchoire;  en  même  temps,  aphasie  sans  perte  de 
rintelligence,  avec  déviation  de  la  bouche  à  gauche.  Les  jours  suivants  appa- 
rurent sur  le  pied  et  le  mollet  gauche  des  phénomènes  de  gangrène  qui  for- 
cèrent à  sacrifier  le  membre.  La  paralysie  faciale  disparut  en  quelques  mois, 
l'aphasie  ne  guérit  tout  à  fait  qu'au  bout  de  quatre  ans. 

Si,  dans  quelques-uns  de  ces  cas,  on  peut  croire  à  une  simple  coïncidence 
■entre  l'étranglement  et  les  accidents  cérébraux,  comme  dans  l'observation  de 
Dieulafoy,  par  exemple,  il  est  difficile  de  ne  pas  voir  dans  les  autres  une  relation 
de  causalité  entre  les  deux  ordres  de  lésions. 

Doit-on  voir  là  des  accidents  de  nature  réllexe,  comme  paraît  incliner  à  le 
<:roire  M.  Nicaise,  dans  sa  communication  à  la  Société  de  chirurgie?  Existe-t-il 
au  contraire,  des  lésions  matérielles,  des  embolies,  provenant  de  coagulations 
vasculaires,  existant  soit  au  niveau  de  l'anse,  soit  dans  certains  gros  vaisseaux, 
comme  nous  en  avons  cité  quel|ues  exemples?  Nous  pencherions  davantage  vers 
cette  dernière  hypothèse.  L'étude  de  ces  com()lications  éloignées  de  l'étrangle- 
ment  herniaire  est  à  peine  commencée,  suivant  l'expression  de  S.  Duplay,  et  de 
nouvelles  recherches  sont  absolument  nécessaires  pour  en  éclaircir  les  nombreux 
points  obscurs. 

SvsiPTÔJiES  DE  l'étranglement.  Lcs  sigues  de  l'étranglement  ne  sont  pas 
toujours  absolument  les  mêmes.  11  existe  à  la  vérité  un  certain  nombre  de 
symptômes  constants,  presque  immuables,  que  l'on  rencontre  dans  tous  les 
étranglements,  et  dont  l'absence  absolument  exceptionnelle  caractérise  des 
formes  ou  des  variétés  insolites.  A  côté  de  ceux-là  il  peut  apparaître  un  cer- 
tain nombre  d'autres  signes  inconstants,  qui  sont  peu  fréquents  ou  même 
rares,  et  dont  la  présence  imprime  à  l'étranglement  une  forme,  un  aspect 
particulier.  Enfin,  en  outre  de  ces  changements  tenant  à  l'existence  de  tel  ou 
tel  symptôme,  les  signes  peuvent  aussi  varier  suivant  le  mode  ou  le  moment 
de  leur  apparition,  leur  succession,  leur  forme  ou  leur  intensité.  De  là  peuvent 
résulter,  pour  les  étranglement'!,  des  changements  dans  l'aspect,  la  marche  et 
la  terminaison,  qui  ont  fait  distinguer  un  certain  nombre  de  types  cliniques 
■différents. 

Les  symptômes  de  l'étranglement  se  divisent  en  signes  physiques  et  signes 
fonctionnels  et  ils  doivent  successivemeut  être  examinés  du  côté  de  la  tumeur, 
du  côté  de  l'abdomen  et  du  reste  du  tube  digestif,  du  côté  des  autres  parties  de 
l'organisme,  qu'ils  affectent  des  organes  éloignés  ou  touchent  à  l'état  général 
du  sujet. 

A.  Symptômes  du  côté  de  la  tumeur.  Les  symptômes  qui  existent  du  côté 
de  la  tumeur  ne  sont  pas  toujours  perceptibles,  et  leur  défaut  peut  tenir  à  la 
situation  profonde  et  au  peu  de  volume  de  la  hernie.  En  effet,  dans  certains  cas 
de  hernies  profondes,  et  principalement  dans  les  hernies  obturatrices  ou  les 
ischiatiques,  la  tumeur  peut  être  difticile  à  retrouver;  et  même,  si  on  arrive  à  la 


180  HERNIES. 

découvrir,  être  si  malaisée  à  examiner,  que  la  plupart  des  signes  physiques 
échappent  complètement  à  l'observateur. 

Dans  presque  tous  les  cas  cependant  la  tumeur  herniaire  est  d'un  examen 
facile.  A  la  vue,  la  hernie  étranglée  paraît  souvent  légèrement  augmentée  de 
volume,  ce  qui  tient  soit  à  la  distension  gazeuse  de  l'intestin,  soit  à  la  quantité 
de  liquide  qui  se  produit  dans  le  sac.  Enfin,  dans  certains  cas,  cet  accroissement 
est  dû  à  la  présence,  dans  la  hernie,  d'une  anse  intestinale  plus  grande  que 
d'habitude,  ou  bien  d'une  portion  d'épiploon  plus  considérable  que  de  coutume. 
Les  enveloppes  extérieures  du  sac  paraissent  ordinairement  saines  et  ont  leur 
aspect  normal.  Cependant  souvent  le  tissu  sous-cutané  peut  être  légèrement 
épaissi  et  œdématié.  La  peau  paraît  saine,  un  peu  distendue  et  amincie;  elle 
j)eut  être  un  peu  plus  rouge,  s'il  y  a  un  certain  degré  d'inflammalion  ou  si  les 
lésions  de  l'étranglement  sont  assez  avancées  pour  qu'il  y  ait  une  perforation 
et  un  épanchement  stercoral  dans  le  sac. 

A  la  palpation,  la  tumeur  herniaire  est  manifestement  plus  consistante.  Elle 
est  dure,  tendue,  et  celte  dureté  peut  aller  jusqu'à  donnera  la  main  une  sensa- 
tion qui  rappelle  celle  d'un  corps  solide.  Celte  consistance  exagérée  est  due  à  la 
tension  particulière  de  l'anse  herniéc,  à  laquelle  se  joint  ordinairement  l'épan- 
chement  liquide  abondant  qui  existe  dans  le  sac.  Quelquefois,  cependant,  cette 
tension  n'est  pas  aussi  grossie,  et  la  hernie  présente  alors  une  certaine  réni- 
tence  et  même  une  véritable  fluctuation.  Enfin,  dans  certains  cas,  on  peut  perce- 
voir à  la  main  un  gargouillement  manifeste,  et  cela  sans  qu'il  y  ait  le  moindre 
phénomène  de  réduction.  Mais  celte  sensation  n'existe,  au  dire  de  Gosselin,  que 
lorsque  l'anse  intestinale  contenue  est  très-longue.  On  provoque  rarement  le  gar- 
gouillement dans  les  petites  hernies. 

Cette  exagération  de  consistance,  qui  est  la  règle  dans  l'étranglement,  peut 
être,  dans  certains  cas,  modifiée  ou  du  moins  lendue  plus  difficile  à  percevoir. 
Elle  est  alors  masquée  par  l'état  des  enveloppes,  quand  h  hernie  est  recouverte 
d'une  certaine  quantité  de  graisse,  ou  bien  aussi  par  la  présence  dans  le  sac 
d'une  niasse  volumineuse  d'épiploon.  Cependant,  dit  S.  Duplay,  il  est  toujours 
possible  de  la  constater  par  une  palpation  attentive. 

La  percussion  révèle,  d'ordinaire,  une  diminution  assez  marquée  de  la  sonorité. 
On  constate  même,  au  moins  au  niveau  du  corps  de  la  hernie,  une  matité  plus 
ou  moins  absolue,  tandis  que  la  sonorité  persiste  au  voisinage  du  pédicule, 
mais  très-alfaiblie.  Ce  phénomène  est  assez  facile  à  expliquer,  si  l'on  se  souvient 
que  le  sac  et  (|uel(|ucfois  l'anse  lierniée  elle-même  sont  le  siège  d'exhalations 
séro-sanguines  assez  abondantes.  Cependant  ce  caractère  n'est  pas  absolu  :  dans 
certaines  hernies  volumineuses,  surtout  dans  les  vieilles  hernies  adhérentes, 
dans  lesquelles  il  y  a  peu  de  liquide  dans  le  sac  et  une  assez  grande  quantité 
de  gaz  dans  l'inlestin,  ou  observe  une  sonorité  très-manifeste. 

A  tous  ces  caractères  se  joint  un  symptôme  qui  devient  fondamental  et  pour 
ainsi  dire  pathognomonique  :  c'est  l'irréductibilité.  D'habitude  c'est  lui  qui 
ouvre  la  scène,  le  malade  brusquement,  à  la  suite  d'un  effort  ou  souvent  même 
sans  cause  appréciable,  s'aperçoit  que  sa  hernie  ne  peut  rentrer.  Cette  irréduc- 
tibilité n'a  évidemment  son  caractère  presque  pathognomonique  que  pour  les 
hernies  qui  étaient  primitivement  réductibles;  il  perd  toute  sa  valeur  pour 
celles  qui  sont  habituellement  irréductibles.  De  plus,  elle  est  ordinairement 
absolue,  c'est-à-dire  qu'elle  résiste  aux  pressions  méthodiques,  qui  suffisent, 
la  plupart  de  temps,  pour  refouler  Tintestin  dans  le  ventre  et  faire  disparaître  la 


IJElliMES.  781 

tumeur.  Dans  les  premières  heures  de  l'étranglement  cette  irréductibilité  n'est 
pas  absolument  invincible.  «  11  n'est  pas  nécessaire,  dit  Le  Dentu,  que  la  hernie 
résiste  à  toutes  les  tentatives  ayant  pour  objet  la  rentrée  de  l'intestin,  pour  qu'on 
se  croie  en  présence  d'un  véritable  étranglement.  Il  y  a  des  hernies  étranglées 
réductibles  ;  il  s'agit  d'arriver  à  temps  pour  les  réduire.  »  Malgré  cela,  l'irré- 
ductibilité reste  un  des  signes  fondamentaux  de  l'étranglemeut. 

Enfin  tous  ces  phénomènes  s'accompagnent  d'une  douleur  ordinairement  très- 
intense,  qui  est  spontanée,  et  qui  existe  quand  même  le  malade  ne  remue  pas  et 
n'est  soumis  à  aucune  pression.  Siégeant  dans  la  hernie  elle-même,  et  plus 
accentuée  peut-être  au  niveau  de  son  pédicule,  cette  douleur  s'accompagne 
d'irradiations  douloureuses  vers  l'abdomen,  mais  celles-ci  sont  soumises  à  de 
très-grandes  variétés  et  même  à  des  intermittences  très-marquées.  L'intensité  en 
est  très-variable  :  certains  malades  souffrent  peu,  tandis  que  d'autres  éprouvent 
des  douleurs  véritablement  atroces. 

Enlînces  sensations  douloureuses  sont  exagérées  parla  moindre  palpation,  et 
la  pression  est  souvent  insupportable,  principalement  au  niveau  du  pédicule. 
«  Le  degré,  la  continuité  et  les  autres  caractères  de  la  douleur,  varient,  dit 
S.  Duplay,  suivant  l'intensité  de  la  constriction,  l'ancienneté  de  l'étranglement, 
mais  surtout  suivant  les  individus  et  le  siège  de  la  hernie.  » 

B.  Symptômes  du  côté  de  l'abdomen.  Du  côté  de  l'abdomen  et  du  tube 
digestif  on  observe  des  symptômes  qui  ne  font  pour  ainsi  dire  jamais  défaut  :  ce 
sont  surtout  des  vomissements  et  de  la  constipation. 

Les  vomissements  sont  ordinairement  précédés  de  nausées  qui  existent  seules 
dans  les  premiers  moments  de  l'étranglement.  Bientôt  les  vomissements  s'éta- 
blissent et  leur  marche  peut  être  très-variable.  C'est,  au  dire  de  Le  Dentu,  le 
symptôme  le  plus  capricieux.  Le  plus  souvent  il  apparaît  dès  le  début  de 
l'étranglement,  mais  il  peut  aussi  ne  se  montrer,  pour  la  première  fois,  que  beau- 
coup plus  tard.  Quand  à  sa  marche,  il  est  tantôt  tellement  fréquent  et  continu, 
que  le  malade  ne  cesse  pour  ainsi  dire  pas  de  vomir.  D'autres  fois,  après  avoir 
existé  dès  le  début  des  accidents,  il  diminue  peu  à  peu,  arrive  même  à  cesser 
tout  à  fait,  pour  reparaître  au  bout  d'un  ou  plusieurs  jours,  et  alors  il  reprend 
avec  une  grande  intensité  et  des  caractères  nouveaux.  Enfin,  dans  certains  cas, 
son  apparition  primitive  est  tardive  et  il  revêt  en  quelques  heures  le  caractère 
le  plus  grave.  Quelquefois  même,  mais  la  chose  est  exceptionnelle,  dans  cer- 
taines hernies  crurales,  même  quand  la  constriction  de  l'intestin  est  extrême, 
les  malades  ne  présentent  aucun  vomissement  (Picque,  D.  Mollière). 

Les  matières  vomies  sont  variables  suivant  la  période  de  la  maladie.  Au 
début  elles  sont  d'abord  purement  alimentaires,  l'estomac  rejette  les  matières 
qu'il  contient.  Certains  malades,  d'après  Gosselin,  ne  vomissent  que  les  boissons, 
et  peu  d'instants  après  les  avoir  ingérées.  Ils  ne  rendent  de  nouveau  que 
s'ils  boivent  de  nouveau.  D'autres  vomissent  en  outre  des  matières  muqueuses 
et  bilieuses.  Tous  ont  une  répugnance  absolue  pour  les  aliments.  Ces  vomisse- 
ments muqueux  et  bilieux,  qui  viennent  constamment  après  le  rejet  des  aliments, 
ne  durent  en  général  que  jusqu'au  troisième  ou  au  cinquième  jour.  A  partir  de 
ce  moment,  suivant  Gosselin,  les  matières  vomies  changent  de  caractère.  Elles 
deviennent  jaunâtres,  forment  un  liquide  épais,  mal  lié,  dans  lequel  on  trouve 
en  suspension  des  débris  alimentaires  et  des  flocons  verdâtres  colorés  par  la 
bile.  Il  y  a  aussi  des  mucosités  et  de  la  bile  pure.  Ces  parcelles  se  précipitent 
au  fond  du  vase,  quand  le  liquide  reste  en  repos  un  certain  temps,  et  on  les 


782  HERNIES. 

retrouve  en  le  transviisant  avec  précaution.  Quelquefois  elles  sont  beaucoup  plus, 
foncées,  jaunâtres,  et  prennent  la  couleur  des  excréments. 

Ces  matières  ont  une  odeur  fade,  repoussante,  qui  rappelle  celle  des  boyaux 
d'animaux  et  qui  a  été  comparée  par  Gosselin  à  celle  qu'exhale  l'intestin  grêle 
dans  nos  grands  amphithéâtres  ;  enfin  elle  peut  aussi  parfois  se  rapprocher  de 
l'odeur  des  matières  fécales.  En  même  temps,  elles  ont  uu  goût  horrible,  que 
les  malades  com|)areat  à  celui  de  la  viande  pourrie  et  qui  constitue  im  des; 
symptômes  les  plus  pénibles  de  l'élranglemenl. 

Enlin,  pou  à  peu,  ces  matières  deviennent  plus  foncées  en  couleur  et  d'une 
odeur  plus  repoussante,  mais  jamais  elles  ne  sont  absolument  comparables  à 
des  matièies  fécales,  dont  elles  n'ont  ni  la  solidité  ni  la  fétidité  complète.  Aussi 
Malgaigne  a-t-il  donné  à  ces  évacuations  le  nom  de  vomissements  fécaloïdeSy 
substituant  celte  appellation  beaucoup  plus  exacte  à  celle  de  vomissements 
stercoraux  que  lui  attribuent  les  anciens  chirurgiens.  En  effet,  la  substance 
vomie  provient  toujours  de  l'intestin  grêle  et  non  du  gros  intestin,  dans  lequel 
seul  existent  les  matières  fécales  proprement  dites. 

En  même  temps  que  ces  vomissements,  les  malades  ont  des  éructations  plus 
ou  moins  désagréables;  souvent  aussi  ils  sont  tourmentés  par  un  hoquet,  qui 
n'ap[iaraît  guère  que  le  troisième  ou  le  quatrième  jour,  mais  ([ui,  dans  certains 
cas,  est  très-persistant  et  les  fatigue  beaucoup.  Enfin,  à  la  période  ultime,  les 
vomissements  fout  place  à  des  régurgitations  sans  efforts,  qui  annoncent  d'ordi-. 
naire  la  terminaison  prochaine. 

11  existe  encore  du  côté  du  système  digestif  un  autre  symptôme  aussi  impor- 
tant que  le  vomissement  :  c'est  la  constipation.  Irréductibilité,  vomissement  et 
constipation,  constituent  une  triade  symptomatique  qui  suffit  à  caractériser 
l'étranglement.  Mais  cette  constipation  est,  dans  certains  cas,  assez  délicate  h 
interpréter.  Elle  ne  s'établit  pas  toujours  d'emblée.  En  effet,  dès  le  début  des 
accidents  les  malades  éprouvent  très-souvent  un  impérieux  besoin  d'aller  à  la 
garde-robe,  et  alors  ils  ont  une  ou  plusieurs  évacuations.  Les  matières  rejetées 
sont  celles  qui  existaient  dans  l'intestin  grêle,  au-dessous  du  point  serré,  et  dans 
le  gros  intestin  au  moment  oîi  l'étranglement  s'est  produit.  Suivant  l'expres- 
sion consacrée,  les  malades  vident  leur  bout  inférieur.  Puis,  comme  ces  éva- 
cuations ne  suffisent  pas  à  les  soulager  et  que,  suivant  Gosselin,  il  persiste  une 
sensation  douloureuse  qui  ressemble  au  besoin  d'aller,  ils  s'administrent  un  ou 
plusieurs  lavements,  qu'ils  rejettent  ensuite  sous  forme  de  liquides  plus  ou 
moins  colorés  par  les  quelques  matières  qui  peuvent  encore  rester  dans  l'intestin. 
Bien  souvent  alors  les  malades  prennent  ces  déjections  pour  de  véritables 
selles. 

Aussi,  ainsi  que  le  recommande  S.  Duplay,  il  faut  les  interroger  avec  la  plus 
grande  attention,  rechercher  l'époque  à  laquelle  les  évacuations  ont  eu  lieu,  la 
nature  et  la  consistance  des  matières,  et  s'informer  avec  soin  si  quelque  lave- 
ment n'a  point  été  administré.  Enfin,  dans  certains  cas,  au  contraire,  si  les 
malades,  et  ce  sont  surtout  des  femmes,  sont  sujets  à  des  constipations  habituelles 
de  deux  ou  plusieurs  jours,  l'apparition  de  ce  symptôme  a  une  importance  difficile 
à  apprécier  exactement,  mais  il  n'a  pas  la  même  valeur,  au  point  de  vue  de 
l'étranglement,  que  dans  d'autres  cas.  Daniel  Mollière  a  insisté  à  son  tour  [Lyon 
médical,  1885)  sur  la  nécessité  de  subordonner  l'interprétation  de  la  constipa- 
tion à  la  connaissance  des  habitudes  du  malade. 

Cependant,  à  part  ces  cas  particuliers,  on  peut  dire  que  normalement  au  bout 


lltHx^lKb.  78o 

de  vingt-qna(re  heures  d'e'lronglement,  la  constipation  est  complète  et  qu'il  n'y 
a  plus,  au  bout  de  ce  temps,  aucune  évacuation  alvine  et  aucune  émission  de  gaz 
par  l'anus. 

Cependant  ces  deux  symptômes  ne  sont  pas  toujours  aussi  absolus  que  nous 
venons  de  l'affirmer.  Dans  certains  cas.  en  effet,  la  constipation  ne  s'établit 
jamais  complètement;  au  contraire  les  malades  voient  survenir  des  selles  assez 
Iréquentes  et  une  véritable  diarrhée.  Celle-ci,  qui  se  produit  surtout  dans  cer- 
taines formes  cliniques  de  l'étranglement,  a  été  diversement  interprétée.  On  a 
cru  que  son  existence  pouvait  être  considérée  comme  le  signe  d'un  étranglement 
partiel,  d'un  pincement  herniaire.  Le  Dentu  en  rapporte  une  observation  et  fait 
observer  que  même  dans  ce  cas  l'existence  de  la  diarrhée  ne  signifie  nullement 
qu'il  y  avait  perméabilité  du  tube  intestinal;  d'un  autre  côté  Ferrier  a  démontré, 
dans  sa  thèse,  que  la  constipation  est,  dans  la  plupart  des  cas,  aussi  complète 
dans  le  pincement  latéral  que  dans  l'étranglement  complet.  11  faut  donc  voir 
seulement  dans  les  diarrhées  insolites  de  l'étranglement  des  phénomènes  d'irri- 
tation. Il  se  fait  l"i  une  hypersécrétion  muco-séreuse  qui  est  évidemment  le 
résultat  des  lésions  congestives  si  développées,  comme  intensité  et  comme 
étendue,  dans  le  bout  inférieur,  ainsi  que  nous  l'avons  signalé  d'après  Nicaise. 

L'absence  d'émission  de  gaz  par  l'anus  est  peut-être  encore  plus  importante,  au 
point  de  vue  de  l'étranglement,  que  la  constipation.  Beaucoup  de  chirurgiens 
n'hésitent  pas  à  la  considérer  comme  pathognomonique.  Ce  symptôme  est,  en 
effet,  peut-être  encore  plus  constant  que  la  constipation,  mais,  pas  plus  que  les 
autres  signes,  il  n'aune  valeur  véritablement  absolue.  Picqué  rapporte,  en  effet, 
l'observation  d'une  femme  de  soixante-neuf  ans,  qui  vint  à  l'hôpital  de  la  Charité 
pour  une  hernie  étranglée  à  caractères  douteux.  «  Au  moment  de  l'opération, 
dit-il,  la  malade  eut  plusieurs  émissions  gazeuses  qui  ne  manquèrent  pas  de 
nous  inspirer  de  sérieux  doutes  sur  la  réalité  du  diagnostic,  et  cependant  l'opéra- 
tion vint  démontrer  l'existence  d'un  étranglement  total  des  plus  manifestes.  » 

Les  parois  abdominales  offrent,  au  moins  au  début,  leur  aspect  habituel. 
Cependant  elles  sont  quelquefois  dures  et  contracturées  sous  les  téguments. 
Guyton  et  Bertholle  ont  décrit  une  dureté  particulière  avec  saillie  des  muscles 
droits.  Gosselin  prétend  n'avoir  jamais  observé  cette  disposition. 

Au  bout  de  quelques  jours,  la  paroi  abdominale  est  soulevée,  plus  bombée, 
plus  résistante,  à  cause  de  l'accumulation  des  gaz  dans  la  partie  de  l'intestin  qui 
est  au-dessus  de  l'étranglement.  Il  y  a  alors  du  ballonnement.  Ce  phénomène 
ne  se  montre  guère  que  le  troisième  ou  le  quatrième  jour.  Le  ventre  se  déve- 
loppe d'une  manière  inégale,  les  anses  intestinales  se  dessinent  sous  la  peau, 
et  cette  inégalité  d'accroissement  a  été  considérée  comme  un  signe  différentiel 
de  l'étranglement  et  de  la  péritonite.  La  distension  du  ventre  n'est  égale  et  géné- 
rale que  s'il  survient  une  péritonite,  ou  bien  si  l'étranglement  porte  sur  la  partie 
inférieure  du  canal  intestinal  (Le  Dentu).  llàtons-nous  d'ajouter,  d'ailleurs,  que 
cette  interprétation  est  très-trompeuse  et  que,  dans  bien  des  cas,  le  ballonnement 
se  généralise  très-rapidement. 

Enfin,  on  constate  encore  une  certaine  raatité  à  la  percussion  au  voisinage  du 
pédicule.  Cette  région  est,  dès  le  début  des  accidents,  le  siège  d'une  douleur 
sourde,  exagérée  par  la  moindre  pression,  qui  devient  le  point  de  départ  d  irra- 
diations douloureuses,  parfois  très-intenses,  ne  tardant  pas  à  envahir  toute  la 
région  abdominale,  sous  la  forme  de  coliques,  et  dont  nous  avons  déjà  parlé  à 
propos  des  signes  fournis  par  la  tumeur. 


784  HERMES. 

C.  Symptômes  généraux.  Le  tableau  clinique  des  symptômes  généraux  de 
rélranglemcnt  est  très-difficile  à  tracer  à  cause  des  différences  nombreuses  de 
leur  forme  et  de  leur  degré,  de  l'irrégularité  et  de  l'inconstance  de  certains 
signes  importants.  Aussi,  croyons-nous  devoir  éloigner  d'abord  de  notre 
description  certains  symptômes  rares  dont  l'apparition  suffit  à  caractériser  des 
formes  particulières  et  heureusement  peu  fréquentes  de  l'étranglement. 

Il  existe  néanmoins  un  certain  nombre  de  signes  que  l'on  retrouve  dans  la 
grande  majorité,  des  cas,  et  sur  lesquels  nous  devons  attirer  l'atlenlion.  Quel- 
quefois cependant  l'étranglement  peut  exister  sans  troubles  marqués  du  côté 
des  principales  fonctions,  et  il  existe  des  formes  lentes  et  torpides  sur  lesquelles 
nous  aurons  à  revenir.  Chez  certains  autres  malades,  les  symptômes  ordinaires 
font  presque  totalement  défaut  et  les  lésions  suivent  toute  leur  évolution  sans 
réaction  générale  :  il  n'y  a  du  reste  pas  une  relation  absolument  constante  entre 
le  degré  de  conslriclion  et  l'intensité  des  troubles  généraux. 

Néanmoins,  en  général  dès  le  début  de  l'étranglement,  le  malade  ressent  une 
anxiété  spéciale,  un  malaise  indéiinissable  qui  coïncide  avec  les  premières  dou- 
leurs. Quelquefois,  et  c'est  Gosselin  qui  signale  ce  fait,  on  constate,  à  ce  moment, 
un  mouvement  fébrile,  de  la  chaleur  à  la  peau,  et  de  la  rougeur  du  visage; 
mais  cela  est  rare.  Nous  verrons,  au  contraire,  que  l'étranglement  herniaire 
parcourt,  d'ordinaire,  toutes  ses  périodes  sans  fièvre. 

Quoi  qu'il  en  soit,  généralement,  ce  n'est  pas  dans  les  premières  heures  que  les 
phénomènes  généraux  se  montrent.  Pendant  un  temps  qui  peut  s'étendre 
jusqu'au  second  et  au  troisième  jour,  tous  les  symptômes  se  bornent  aux  signes 
fournis  par  la  tumeur  et  par  la  cavité  abdominale.  Mais,  au  bout  de  trois  ou 
quatre  jours,  lespiiénomènes  généraux  s'accusent. 

Le  visage  s'altère  profondément,  il  devient  grippé  et  prend  cet  aspect  parti- 
culier qui  a  été  décrit  sous  le  nom  de  faciès  abdominal.  Les  yeux  semblent 
excavés,  les  pommettes  deviennent  saillantes,  le  nez  s'effile,  les  sillons  naso- 
labiaux  et  palpébraux  se  creusent  ;  les  lèvres  et  le  bout  du  nez  sont  souvent 
cyanoses,  la  peau  a  une  teinte  grisâtre  et  terreuse;  en  un  mot.  la  face  entièrt 
porte  l'expression  d'une  souffrance  profonde. 

Du  reste,  la  peau  prend  un  aspect  particulier  non-seulement  à  la  face,  mais  sur 
tout  le  corps,  elle  est  gris-jaunâtre.  Quand  on  la  pince,  le  pli  formé  persiste  pen- 
dant quelques  instants  (peau  de  grenouille),  enfin  elle  est  souvent  recouverte  par 
une  sueur  froide  et  visqueuse  qui  laisse  déposer  des  cristaux  de  sels  calcaires. 

En  même  temps  presque  toutes  les  grandes  fonctions  subissent  des  modifica- 
tions importantes. 

Du  côté  de  la  circulation  on  constate  un  abaissement  appréciable  de  la  ten- 
sion artérielle  qui  se  produit  progressivement,  qu'il  y  ait  eu  ou  non,  au  début,  ce 
léger  mouvement  fébrile  dont  nous  avons  fait  mention.  Aussi  le  pouls,  qui  reste 
d'abord  calme,  à  moins  que  les  douleurs  ne  soient  très-vives,  s'accélère  et  perd 
de  sa  force  pendant  les  crises  douloureuses.  Puis,  peu  à  peu,  il  se  ralentit  et, 
lorsque  les  phénomènes  généraux  deviennent  graves,  on  observe  un  pouls  tout  à 
fait  petit,  dépressible,  mais  assez  précipité. 

En  même  temps  il  existe  des  troubles  marqués  de  la  calorification  qui 
consistent  en  un  refroidissement  plus  ou  moins  intense.  Tout  d'abord  le  refroi- 
dissement porte  sur  les  extrémités,  qui  sont,  manifestement  à  la  main,  moins 
chaudes  que  le  reste  du  corps.  Le  bout  du  nez  devient  froid  lui  aussi.  Cette 
hypothermie,  que  nous  envisageons  ici  en  dehors  de  la  péritonite,  peut  apparaître 


HERNIES:  7.^5 

très-vite,  dès  le  début  de  l'étranglement;  mais,  ordinairement,  elle  ne  se  montre 
que  plus  tard  et  peut  persister  après  la  kélotomie.  Elle  coïncide  presque  toujours 
avec  un  certain  nombre  de  troubles  nerveux,  et  s'accompagne  d'un  affaiblisse- 
ment marqué  des  battements  du  cœur  et  d'un  certain  degré  de  cyanose. 

Tous  ces  phénomènes  sont  portés  au  maximum  dans  la  forme  clinique  dési- 
gnée par  Malgaigne  du  nom  de  choléra  herniaire.  On  ne  peut  pas  encore, 
d'une  façon  générale,  tracer  la  courbe  thermique  de  l'étranglement.  Nous  savons 
cependant,  d'après  les  travaux  de  Redard,  qu'il  y  aurait  à  tenir  compte  du  refroi- 
dissement central  et  du  refroidissement  périphérique.  Aussi  les  températures  prises 
à  la  fois  dans  l'aisselle  et  dans  le  rectum  indiquent  ordinairement,  un  écart  assez 
sensible.  Dans  un  cas,  cité  par  Muliois,  dans  sa  thèse,  chez  un  malade  porteur 
d'une  hernie  inguinale  de  moyen  volume,  étranglée  depuis  trente-six  heures,  le 
thermomètre  marquait  36  degrés  dans  l'aisselle  et  37», 2  dans  le  rectum.  L'algi- 
dité,  quand  elle  existe,  commence  donc  par  être  périphérique.  Elle  est  plus  ou 
moins  accusée,  et  nous  verrons  que  la  température  peut  descendre  fort  bas.  Dans 
quelques  cas  même  l'hjpothermie  a  persisté  quelque  temps  après  que  l'étran- 
glement a  été  levé. 

La  respiration  est  aussi  profondément  troublée,  mais  ses  altérations  sont 
plus  tardives  encore  que  celles  de  la  circulation.  D'abord  calme,  elle  subit  une 
modification  de  son  rhythme  ;  elle  devient,  peu  à  peu,  anxieuse,  petite,  précipitée, 
les  inspirations  atteignent  le  chiffre  de  30  et  40  par  minute,  quelquefois  plus. 
Enfin,  dans  certains  cas,  ainsi  que  M.  Verneuil  et  ses  élèves  l'ont  démontré,  il 
se  produit  des  altérations  pulmonaires  importantes.  Celles-ci  débutent  par  une 
congestion  d'abord  légère  et  localisée  aux  bases,  mais  qui  peut  s'étendre  à  tout 
l'appareil  respiratoire,  et  prendre  une  intensité  telle  que  l'on  voit  survenir  tantôt 
des  noyaux  apoplectiques,  tantôt  de  véritables  phénomènes  inflammatoires, 
ce  sont  alors  des  broncho-pneumonies  et  même  des  pneumonies  fibrineuses  (thèse 
de  Roux,  1886).  On  peut  alors,  par  l'auscultation,  retrouver  tous  les  signes 
physiques  ordinaires  de  ces  altérations. 

D'autres  appareils  sont  aussi  très-profondément  influencés  par  l'étranglement, 
et  l'on  observe  souvent  des  troubles  urinaires  et  des  phénomènes  nerveux  très- 
accusés.  Ces  symptômes  sont  moins  constants  que  ceux  qui  précèdent. 

La  sécrétion  urinaire  est  ordinairement  diminuée  dans  l'étranglement  et  le 
fait  est  signalé  par  tous  les  classiques.  Mais  cette  diminution  de  quantité  est 
très-variable.  Parfois  à  peine  sensible,  elle  peut  aussi  atteindre  un  degré  très- 
considérable,  il  y  a  véritablement  oligurie  ;  dans  certains  cas  même  on  a 
signalé  de  l'anurie  complète  (English).  Les  recherches  à  ce  sujet  ont  été,  du 
reste,  assez  incomplètes,  et  rarement,  dans  les  observations,  la  quantité  exacte 
d'urine  se  trouve  signalée.  M.  Canac,  dans  sa  thèse  déjà  citée,  rapporte  qu'il  a 
mesuré  soigneusement  les  urines  rendues,  dans  sept  cas  d'étranglement  her- 
niaire qu'il  a  pu  observer  à  l'hôpital  Saint-André  de  Bordeaux  du  10  novembre 
1885  au  15  juin  1886.  La  quantité  rendue  a  varié  de  800  à  100  grammes  par 
vingt-quatre  heures.  Dans  ses  expériences  sur  les  animaux  (ligature  d'anses 
intestinales),  il  a  souvent  constaté  une  anurie  absolue.  En  outre  de  ces  modifi- 
cations dans  la  quantité,  on  a  signalé  des  altérations  du  liquide  urinaire  et  prin- 
cipalement de  l'albuminurie  et  de  la  glycosurie. 

L'albuminurie  dans  l'étranglement  herniaire  a  été  surtout  étudiée  par  un 
chirurgien  allemand,  English.  Cet  auteur,  qui  a  publié  un  important  mémoire 
sur  le  sujet  en  1884  [Wiener  medicin.  Jaresbericht,  p.  356.  Analyse  dans  la 
DicT.  ENC.  4*  s.  Xm,  50 


786  HERNIES. 

Revue  des  sciences  médicales,  t.  XVI,  p.  247),  a  examiné,  à  ce  point  de  vue, 
tous  les  cas  d'étranglement  herniaire  qu'il  a  observés  depuis  1879.  Voici  les  résul- 
tats qu'il  a  obtenus  :  sur  29  hernies  étranglées  (inguinales,  crurales  et  ombili- 
cales), traitées  par  le  taxis,  l'albuminurie  existait  10 fois;  sur  25  hernies  étran- 
glées opérées,  elle  est  notée  22  fois.  Enfin,  dans  15  hernies  enflammées, 
2  seulement  s'accompagnaient  d'albuminurie.  Il  y  aurait  donc  dans  les  hernies 
étranglées  une  proportion  de  85  pour  100.  Cette  albuminurie  paraît  presque 
avec  l'étranglement  et  augmente  d'une  façon  progressive,  jusqu'au  moment  de 
l'opération  ;  elle  persisterait,  même  après  la  kélotomie,  jusqu'à  quatre  jours  au 
plus.  Le  phénomène  serait  indépendant  de  l'âge  des  sujets,  de  la  variété  de 
hernie,  de  l'ancienneté  et  du  degré  d'étranglement.  11  augmente  quand  les  phé- 
nomènes généraux  s'aggravent  et  que  la  mort  approche.  Cette  albuminurie,  qui 
serait  pour  ainsi  dire  constante  quand  le  sac  contient  une  anse  intestinale 
complète,  serait  particulièrement  abondante  quand  celte  anse  se  gangrène.  Elle 
deviendrait  donc  un  signe  important  d'étranglement. 

M.  Canac,  qui,  sur  notre  conseil,  a  cherché  à  vérifier  les  faits  signalés  par 
English,  est  loin  d'être  arrivé  aux  mêmes  résultats.  Il  a  analysé,  à  ce  point 
de  vue,  les  urines  des  sept  malades  qu'il  a  pu  observer,  et  jamais,  chez  aucun, 
il  n'a  constaté  la  présence  de  l'albumine.  Ses  recherches  portent  sur  un  nombre 
trop  restreint  d'observations  pour  infirmer  absolument  les  conclusions  d'Englisb, 
mais  elles  suffisent,  jusqu'à  plus  ample  information,  à  démontrer  que  les 
chiffres  cités  par  l'auteur  allemand  sont  probablement  exagérés. 

Enfin,  d'autres  recherches  sur  ce  sujet,  entreprises  par  un  interne  des  hôpi- 
taux de  Bordeaux,  M.  Vincent,  ont  révélé  qu'il  pouvait  y  avoir  aussi  de  la 
glycosurie  sous  l'influence  de  l'étranglement.  Cet  auteur  a  publié,  à  ce  sujet, 
un  mémoire  intéressant  à  la  Société  d'anatomie  et  de  physiologie  de  Bordeaux 
(2  novembre  1886).  Depuis,  il  a  continué  ces  recherches,  et  voici  les  résultats 
complets  auxquels  il  est  arrivé  aujourd'hui  (27  octobre  1887)  et  qu'il  a  bien 
voulu  me  communiquer  dans  une  note  inédite.  «  L'examen  des  urines  a  été 
pratiqué  dans  13  cas  d'étranglement,  et  toujours,  sauf  un  cas  de  réduction 
sous  le  chloroforme,  avant  l'intervention  chirurgicale.  Les  13  cas  se  décompo- 
sent comme  suit  :  dans  4  cas,  pas  de  glycosurie;  dans  8  cas,  glycosurie  pouvant 
atteindre  de  ls^50  à  3  grammes  par  litre  d'urine;  la  glycose  est  dosée  à  l'aide  du 
saccharimètre  d'Yvon.  Enfin,  dans  un  cas  oii  il  n'y  avait  pas  de  sucre,  il  existait 
une  phosphaturie  abondante.  La  glycosurie  a  cessé  de  quatre  à  huit  jours 
après  la  kélotomie,  quand  celle-ci  a  été  suivie  de  guérison.  La  phosphaturie, 
dans  le  seul  cas  où  elle  a  été  observée,  persistait  encore  douze  jours  après  l'opé- 
ration. » 

Sans  vouloir  attribuer  à  ces  notions  nouvelles  plus  d'importance  qu'elles 
n'en  comportent,  eu  égard  surtout  au  nombre  encore  trop  restreint  d'observations, 
nous  pouvons  conclure  que  l'albuminurie  et  la  glycosurie  peuvent  prendre, 
dans  les  symptômes  de  l'étranglement,  une  place  réelle,  mais  dont  l'importance 
et  la  véritable  signification  restent  encore  à  déterminer. 

On  a  souvent  observé,  aussi,  des  troubles  nerveux  très-nombreux  et  très- 
variables,  qu'il  nous  reste  à  examiner.  Ces  phénomènes  connus,  au  moins  en 
partie,  depuis  longtemps,  signalés  par  Richter,  ont  été,  il  y  a  quelques  années, 
bien  étudiés  par  Paul  Berger  [Bullet.  de  la  Soc.  de  chirurgie,  1869)  et  par 
Lapeyre  dans  sa  thèse  {Des  accidents  nerveux  que  Von  observe  dans  létran- 
glement  herniaire.  Paris,  1880).  Quelques-uns,  dont  nous  avons  déjà  parlé,  se 


HERNIES.  787 

retrouvent  dans  tous  les  étranglements,  mais  d'autres,  dont  il  nous  reste  à  faire 
mention,  se  rencontrent  surtout  dans  les  formes  particulièrement  graves.  L'algi- 
dité,  la  cyanose,  lesoliguries  et  l'anurie,  peuvent  être  rangées  parmi  ces  signes; 
îious  en  avons  déjà  parlé,  nous  n'y  reviendrons  pas.  Les  autres,  qui  restent  à 
décrire,  sont  des  crampes,  des  contractures,  des  accidents  convulsifs,  du  coma 
et  même  du  délire.  Ce  sont  ces  symptômes  que  Gosselin  a  réunis  dans  ses  cli- 
niques sous  le  nom  de  signes  insolites  de  l'étranglement. 

Les  crampes  siègent  surtout  au  membre  inférieur,  la  contracture,  qui  se 
produit,  au  contraire,  surtout  sur  les  membres  supérieurs,  ne  s'observe  que 
<lans  les  cas  de  choléra  herniaire.  Il  en  est  de  même  de  certains  accidents 
convulsifs,  comme  les  accès  éclampliques ,  dont  il  existe  une  observation 
{mémoire  de  Berger).  Quelquefois  on  voit  survenir  un  délire  plus  ou  moins 
violent  (observation  dcNicaise),  et,  chez  un  malade,  ce  délire  s'accompagnait  de 
fièvre  et  d'une  agitation  au  milieu  de  laquelle  le  malade  tenta  de  se  suicider. 
Enfin,  dans  deux  cas,  on  a  signalé  la  production,  sous  l'influence  de  l'étrangle- 
ment,  de  convulsions  généralisées  très-graves.  Mais,  il  faut  ajouter  que  ces 
phénomènes  se  sont  montres  chez  des  enfants,  et  l'on  sait  combien  il  y  a 
<i'états  pathologiques  divers  capables  de  causer  des  convulsions  à  cet  âge.  Aussi, 
l'importance  de  ces  accidents  est,  peut-être,  plutôt  liée  à  l'âge  du  malade  qu'à  la 
nature  de  la  lésion.  On  peut  cependant  ajouter,  avec  Berger,  qu'il  paraît  résulter 
de  ces  faits  que  le  point  de  départ  des  accidents  nerveux  est  toujours  un 
étranglement  très-serré.  Ajoutons  enfin,  pour  terminer,  qu'il  existe  toujours  un 
affaissement  moral  plus  ou  moins  marque,  suivant  les  malades,  avec  l'appré- 
hension d'une  fin  prochaine. 

Variétés  et  types  cliniques  de  V étranglement.  Nous  nous  sommes  jusqu'ici 
contentés  de  passer  en  revue  tous  les  symptômes  que  l'on  peut  rencontrer  dans 
l'étranglement.  Mais  la  plupart  d'entre  eux  sont  très-inconstants;  tous,  chacun 
à  leur  tour,  peuvent,  dans  certains  cas,  faire  défaut,  et  de  plus  le  moment  de  leur 
apparition  et  leur  groupement  sont  variables.  Aussi,  pour  essayer  de  rendre  compte 
des  différents  aspects  cliniques  que  peut  revêtir  l'étranglement,  nous  sommes 
obligé  de  revenir  un  peu  sur  ces  symptômes  et  de  décrire  quelques-unes  des 
formes  différentes  qu'ils  peuvent  revêtir 

Les  variations  de  chaque  symptôme  pris  en  particulier  sont  connues  de  tous 
les  chirurgiens.  Gosselin  a  attiré  l'attention  sur  quelques-unes  de  leurs  irrégu- 
larités. 

Ainsi,  la  douleur  spontanée  peut  manquer  quelquefois,  et  d'autres  fois  elle 
est  assez  peu  marquée  pour  que  les  malades  ne  s'en  plaignent  pas,  et  que 
l'attention  ne  soit  pas  attirée  vers  les  régions  herniaires.  Nous  avons  vu  que  le 
vomissement  se  montrait  tantôt  dès  les  premières  heures,  tantôt  n'apparaissait 
que  le  troisième  ou  le  quatrième  jour.  Dans  certains  cas,  il  dure  quelques 
heures,  puis  il  cesse  pour  ne  plus  reparaître,  ou  bien  il  ne  se  montre  que  quand 
les  malades  boivent.  Enfin  il  existe  un  certain  nombre  d'observations  où  les 
vomissements  fécaloïdes,  que  l'on  a  quelquefois  considérés  comme  uu  signe 
pathognomonique,  ont  fait  défaut  pendant  toute  la  durée  des  accidents.  D'autres 
fois,  au  contraire,  ils  surviennent  au  bout  de  vingt-quatre  heures.  Le  ballonne- 
ment, la  constipation,  présentent  aussi  des  différences  notables  suivant  les  cas. 
Mais  il  faut  ajouter  cependant,  avec  Gosselin,  «  que  les  différences  individuelles 
portent  principalement  sur  le  faciès  et  sur  l'état  général,  et  qu'au  milieu  d'elles 
on  découvre  toujours  les  phénomènes  les  plus  caractéristiques  de  l'étrangle- 


788  HERNIES. 

ment  :  l'irréductibilité,  la  douleur  à  la  pression  du  col  du  pédicule,  les  nausées, 
l'absence  de  garde-robes  et  d'émissions  gazeuses  par  l'anus.  » 

D'ailleurs,  pour  apprécier  exactement  la  valeur  de  ces  symptômes,   il  faut 
examiner  l'ensemble  de  leur  marche,  leur  groupement  chez  un  même  malade, 
et  de  ces  variations  vient  la   création  d'un  certain  nombre  de  types  cliniques 
différents.   Parmi  ceux-ci  nous  décrirons  Vélranglement  aigu,  V étranglement 
chronique,  Y  étranglement  spasmodique  de  Richter,  enfin  le  choléra  herniaire. 
L'étranglement   dit  aigu  est  celui  dans   lequel  les  phénomènes  sont  frès- 
intenses.  La  douleur   est   ordinairement  très-vive,    en   quelques  heures,   elle 
s'irradie  de  la  tumeur  à  tout  l'abdomen.  L'irréductibilité  apparaît  très-rapide- 
ment, les  vomissements  sont  précoces  et  d'une  fréquence  croissante;  les  matières 
sont  rapidement  transformées,  elles  vomissements  fécaloïdes  se  montrent  souvent 
dès  le  deuxième  jour,  ou  du  moins  avant  le  quatrième.  Il  y  a,  en  même  temps, 
du  hoquet  et  des  éructations  fréquentes.   Le  ballonnement  du  ventre  est  très- 
marqué;   enfin  on  constate,   très-vite,  l'apparition  du  faciès  grippé  abdominal. 
Tous  ces  phénomènes  se  montrent  de  trente-six  à  soixante  heures  après   le 
début  des  accidents.  Cette  forme  clinique  est  assez  fréquente  ;  elle  se  rencontre, 
assez  ordinairement,  dans  les  petites  hernies,  et  principalement  dans  les  hernies 
à  issue  brusque  et  réceutc,  et  qui  s'étranglent  au  moment  de  leur  sortie;  on  a 
remarqué  qu'elle  succède  presque  toujours  à  un  effort  violent.  C'est  surtout  dans 
cette  forme  particulière  que  l'étranglement  débute  par  un  état  fébrile  assez 
accusé.  Toute  autre  est  la  marche  des  accidents,  dans  les  cas  qui  ont  été 
décrits  sous  le  nom  à' étranglement  chronique.  Ici,  l'évolution  est  lente  et  les 
symptômes  sont  peu  accusés,  aussi  Picqué  préfère  Vâppclev  étranglement  latent, 
pour  indiquer  que  les  lésions  se  produisent  souvent  au  milieu  d'un  silence 
symptomatique  relatif. 

Dans  cette  forme,  le  début  est  ordinairement  tout  à  fait  insidieux;  l'étrangle- 
ment survient  on  ne  sait  pourquoi,  sans  qu'on  puisse  préciser  bien  exactement 
le  début  et  la  cause  de  l'irréductibilité.  Il  se  montre,  souvent,  dans  des  hernies 
qui  sont  sorties  depuis  plusieurs  jours.  C'est  dans  ces  cas  qu'on  l'a  attribué 
longtemps,  par  erreur,  à  un  engouement  solide;  nous  savons  aujourd'hui  qu'il 
n'en  est  rien.  C'est  surtout  cette  variété  qui  a  été  décrite  sous  le  nom  d'étrangle- 
ment consécutif. 

Au  début,  la  douleur  n'existe  pour  ainsi  dire  pas,  les  phénomènes  fonction- 
nels font  défaut,  il  y  a  quelques  nausées,  pas  de  vomissements,  on  peut  observer 
quelquefois  un  ou  deux  vomissements  alimentaires,  après  le  repas,  et  l'on  est 
tenté  de  les  attribuer  à  une  indigestion.  En  tous  cas  ils  sont  rarement  bilieux 
et  ne  deviennent  fécaloïdes  qu'au  bout  de  quelques  jours;  parfois  même  les 
vomissements  fécaloïdes  font  totalement  défaut.  Les  phénomènes  généraux  et 
sympathiques  manquent.  Il  n'y  a  ni  altération  des  traits,  ni  dépression  des 
forces.  Les  fonctions  respiratoires  et  circulatoires  sont  intactes.  Tous  les  signes 
généraux  de  l'étranglement  ne  s'accusent,  quand  ils  arrivent,  qu'au  bout  de 
quatre  ou  cinq  jours  ;  et,  cependant,  les  lésions  peuvent,  malgré  ce  calme  apparent, 
évoluer  complétenient  et  aboutir  à  une  gangrène  intestinale  que  rien  n'annonce. 
Dans  certains  cas,  en  effet,  tous  les  symptômes  peuvent  se  réduire  à  un  simple 
état  saburral,  avec  de  l'inappétence,  quelques  nausées,  quelques  vomissements, 
une  constipation  plus  ou  moins  absolue.  En  même  temps,  le  malade  est  porteur 
d'une  hernie  un  peu  douloureuse  et  qui  paraît  irréductible,  mais  souvent  on 
ne  sait  si  cotte   irréductibilité  est  ancienne  ou   récente.  A  ce  sujet,  Picqué 


HERNIES.  780 

rapporte  l'observation  d'un  liomme  de  soixante-dix  ans  qui  se  présenta  à 
M.  Berger  à  la  Charité',  après  avoir  traversé  Paris  à  pied,  pour  venir  le  consulter. 
On  reconnut  l'existence  d'une  hernie  crurale  irréductible,  et  la  kélotomie  fit 
découvrir  une  gangrène  assez  étendue  de  l'anse  herniée.  Nous  pourrions  rap- 
procher de  cet  exemple  un  fait  personnel  analogue.  Une  femme  qui  portait  une 
hernie  crurale,  devenue  irréductible  depuis  trois  jours  nous  fut  adressée  à 
l'hôpital  Saint- André  de  Bordeaux  par  un  confrère  des  environs.  Elle  avait  eu 
quelques  nausées,  un  ou  deux  vomissements  alimentaires,  de  la  constipation, 
mais  celle-ci  n'était  pas  absolue;  aucun  phénomène  général,  aucune  altération 
des  traits,  ])eu  de  douleur  du  côté  de  la  hernie,  ni  ballonnement  du  ventre,  ni 
colique.  Celte  malade  était  soumise  depuis  deux  jours  à  notre  observation,  et 
nous  doutions  de  l'existence  d'un  étranglement,  quand  survint,  tout  d'un  coup, 
un  vomissement  fécaioïde.  La  kélotomie  fut  aussitôt  pratiquée  et  nous  mit  en 
présence  d'une  gangrène  intestinale  assez  avancée  pour  avoir  déjà  amené  une 
large  perforation. 

Cette  forme  chronique  s'observe  le  plus  souvent,  mais  sans  que  cela  ait  rien 
d'absolu,  sur  des  hernies  moyennes  et  volumineuses,  qui  sont  au  dehors  depuis 
quelques  jours,  mais  il  est  bien  difficile,  dans  la  plupart  des  cas,  pour  ne  pas  dire 
impossible,  de  préciser  le  moment  où  ont  débuté  les  phénomènes  d'étranglement. 

Il  est  tout  aussi  difficile  de  donner  la  raison  de  la  différence  qui  existe  entre 
ces  deux  formes  opposées  de  marche  clinique.  On  a  voulu  établir  une  relation 
entre  la  rapidité  de  production  des  symptômes  et  le  degré  de  constriction,  mais 
cette  hypothèse  n'est  pas  exacte,  il  n'y  a,  du  moins,  rien  de  constant.  Ainsi,  cer- 
tains cas  d'étranglement  aigu  cèdent  facilement  au  taxis  pratiqué  avec  le 
chloroforme,  tandis  qu'au  contraire,  chez  des  malades  dont  l'étranglement  est 
presque  complètement  latent,  la  hernie  résiste  à  tous  les  efforts  de  réduction  et 
aux  tentatives  les  plus  variées.  De  plus,  dans  certains  cas  chroniques,  la  kélo- 
tomie a  démontré  l'existence  d'un  étranglement  des  plus  étroits  et  des  plus 
serrés.  Gosselin  en  a  signalé  un  exemple  des  plus  nets.  D'ailleurs,  l'irréductibi- 
lité ne  tient  pas  toujours,  dans  ces  cas,  au  degré  de  constriction,  car  elle  peut, 
avec  un  étranglement  d'intensité  moyenne,  être  due  à  toute  autre  circonstance, 
comme,  par  exemple,  à  la  façon  dont  l'intestin  se  présente  à  l'anneau  pendant  les 
tentatives  de  réduction.  Enfin,  pour  expliquer  ces  différences  cliniques,  «  il  y  a,  dit 
Le  Dentu,  un  élément  dont  il  faut  tenir  compte  :  c'est  le  tempérament  du  sujet.  Il 
me  paraît  difficile  que  les  symptômes  de  l'étranglement  n'acquièrent  pas  une  plus 
grande  intensité  chez  les  individus  dont  le  système  nerveux  est  très-irritable.  » 

h' élranglement  spasmodiqiie,  dont  le  nom  a  été  créé  par  Richter,  désigne 
plus  exactement  un  étranglement  à  forme  rémittente,  pour  l'explication  duquel 
il  avait  imaginé  une  théorie  reconnue  fausse  aujourd'hui.  Mais,  si  la  théorie 
est  erronée,  la  description  clinique  est  exacte.  Il  existe,  en  effet,  des  cas  où  les 
«ymptômes  paraissent,  comme  marche,  tenir  le  milieu  entre  les  deux  types 
précédents. 

Après  une  période  de  début,  dans  laquelle  tous  les  signes  de  l'étranglement 
se  montrent  rapidement  et  avec  une  très-grande  intensité,  il  survient  tout  à 
coup  une  rémission  marquée.  La  douleur  s'apaise  et  devient  moins  vive,  les 
nausées  sont  moins  fréquentes,  les  vomissements  cessent,  le  ballonnement 
diminue,  la  respiration  se  calme,  le  pouls  reprend  son  caractère  normal;  tous 
les  phénomènes  disparaissent,  et,  sauf  la  réduction  de  la  tumeur,  tous  les 
accidents   semblent  terminés.   Puis  alors,    brusquement,  sans  aucune   cause 


790  HERNIES. 

occasionnelle,  ou  simplement  après  une  ingestion  nouvelle  de  boisson,  tous  les 
symptômes  reparaissent,  se  reproduisent  avec  une  intensité  considérable,  et 
quelquefois  pendant  l'accès  les  circonvolutions  intestinales  sont  le  siège  de  con- 
tractions vermiculaires  qui,  d'après  S.  Duplay  et  Gosselin,  se  voient  à  travers 
la  paroi  abdominale.  Après  un  ceitain  temps  le  calme  se  rétablit  de  nouveau. 
Ces  alternatives  d'aggravation  et  de  rémission  se  montrent  à  plusieurs  reprises, 
et  peuvent  être  une  source  d'erreur  pour  le  chirurgien. 

Ces  rémissions,  d'après  Gosselin,  se  verraient  aussi,  quoique  moins  accentuées, 
dans  presque  tous  les  étranglements  aigus.  «  Si  l'on  étudiait,  dit-il,  attentive- 
ment heure  par  heure,  les  sujets  atteints  d'étranglement,  on  verrait  que 
beaucoup  d'entre  eux  ont  de  ces  rémissions  et  présentent  des  phénomènes 
nerveux  pendant  les  crises,  et  l'on  pourrait,  si  l'on  voulait,  considérer  l'étran- 
glemtiHt  comme  spasmodique,  mais  cela  n'indiquerait  rien  de  spécial.  »  Cependant,, 
en  général,  dans  l'étranglement  ordinaire,  ces  rémissions,  quand  elles  se  pro- 
duisent, sont  beaucoup  plus  courtes.  Quoi  qu'il  en  soit,  cette  variété,  d'après 
Duplay,  mériterait  mieux  le  nom  d'étranglement  à  marche  rémittente  que  celui 
d'étranglement  spasmodique. 

II  existe  aussi  quelques  formes  d'étranglement  caractérisées  par  l'exagération 
de  quelques-uns  des  symptômes  ordinaires  ou  par  l'apparition  de  phénomènes 
relativement  rares.  Parmi  ces  formes  insolites  il  faut  faire  une  place  à  part  à 
celle  qui  a  été  décrite  sous  le  nom  de  choléra  herniaire,  par  Malgaigne. 

Il  n'est  pas  très-rare,  en  effet,  surtout  dans  certains  étranglements  très-serres, 
de  voir  les  phénomènes  généraux  revêtir  un  aspect  cholériforme.  Le  malade 
présente,  d'après  S.  Duplay,  l'aspect  suivant  :  «  L'algidité  se  prononçant  et 
s'accompagnant  d'un  certain  degré  de  cyanose,  la  température  peut  baisser  de 
plusieurs  degrés,  les  téguments  perdent  leur  élasticité  et  conservent  l'empreinte 
du  pli  qu'on  y  détermine  par  la  pression  des  doigts,  la  voix  est  éteinte,  et  les 
urines  sont  rares  ou  elles  se  suppriment.  Si  ces  phénomènes  sont  très-accusés,, 
l'aspect  du  malade  peut  ressembler  à  un  cholérique,  à  tel  point  que  la  confusion 
entre  deux  affections  de  nature  différente  a  été  parfois  possible.  Mais  c'est 
principalement  quand  à  ces  phénomènes  se  joignent  des  crampes  et  delà  diarrhée 
que  l'analogie  devient  extrême.  » 

Il  faut  ajouter  aussi  que  ces  phénomènes  ont  été  observés  plusieurs  fois  alors 
que  régnait  une  épidémie  de  choléra  :  en  1832,  par  Boinet  et  Briquet;  en  1854,. 
par  Malgaigne,  etc.  Aussi  Vidal  (de  Cassis)  se  demandait  si  la  constitution  médi- 
cale régnante  ne  pouvait  pas  avoir  quelque  influence  sur  la  forme  clinique 
revêtue  par  l'étranglement.  Depuis,  l'étude  plus  détaillée  de  cas  plus  nombreux 
a  démontré  que  ce  choléra  herniaire  ne  touchait  en  rien  au  choléra  véritable,  et 
que  cet  aspect  particulier  pouvait  s'expliquer  par  la  prédominance  absolue  de 
nous  tous  les  phénomènes  nerveux  de  l'éfranglement. 

Ce  sont  ces  phénomènes,  et  principalement  l'algidité,  les  crampes  et  les  con- 
trxctures,  et  non  les  autres  accidents  nerveux,  qui  dominent  la  scène  et  que 
devons  décrire  avec  quelques  détails. 

Nous  ne  nous  arrêterons  pas  longtemps  à  la  diarrhée  qui  existe  quelquefois. 
Nous  l'avons  déjà  suffisamment  étudiée  en  décrivant  les  symptômes  de  l'étran- 
glement. Nous  avons  vu  qu'elle  est  surtout  due  à  une  hypersécrétion  muqueuse 
du  bout  inférieur.  D'ailleurs,  les  matières  rendues  sont  différentes  comme 
coloration  et  comme  consisîance  de  celles  qui  sont  contenues  dans  le  bout  supé- 
rieur. Elles  sont  décolorées,    séreuses,  et  leur  quantité  même  indique,  dit 


HERNIES.  791 

S.  Duplay,  qu'elles  procèdent  d'une  abondante  transsudation  de  liquides  dans 
l'intestin. 

L'abaissement  de  la  température  débute,  dans  bon  nombre  de  cas,  avec  l'étran- 
glement lui-même,  puis  le  thermomètre  remonte  un  peu,  et  l'hypothermie 
apparaît  de  nouveau  le  quatrième  ou  le  cinquième  jour.  «  Le  thermomètre  peut 
descendre  alors  de  plusieurs  degrés  au-dessous  de  la  normale.  Généralement, 
l'algidité  va  en  augmentant  pour  atteindre  la  plus  basse  limite  au  terme  même 
de  la  maladie  «  (Humbert).  La  température  est  le  plus  souvent  entre  36  et 
37  degrés.  Quelquefois  même  elle  descend  au-dessous  de  56.  Aussi  chez  un 
malade  cité  par  Redard  le  thermomètre  indiquait  35°,5.  Le  Dentu  a  trouvé 
35", 2  chez  une  malade  de  la  Salpètrière  qui  succomba  peu  de  temps  après  la 
kélotomie.  Enfin  le  professeur  Rocher  (de  Berne)  a  vu  la  température  tomber 
à  55  degrés  dans  un  cas  d'étranglement.  Quand  le  thermomètre  descend  au- 
dessous  de  35  degrés,  la  terminaison  fatale  est  inévitable  et  prochaine. 

Dans  quelques  cas  cette  hypothermie  peut  encore  s'accuser  après  que  l'étran- 
glement a  été  levé.  Ainsi,  Redard  a  publié  plusieurs  cas  où  elle  s'est  accentuée 
après  la  kélotomie.  Dans  un  cas,  la  température  était  à  56°, 7  avant  l'opération, 
elle  tomba  après  à  56°, 4  pour  se  relever  plus  tard.  Chez  un  autre  malade,  elle 
était  de  36°, 7,  elle  devint  de  56", 4  après  une  tentative  de  taxis;  puis,  après  la 
kélotomie,  qui  avait  nécessité  une  anesthésie  prolongée,  elle  descendit  à  56°, 2. 
Enfin,  dans  le  cas  cité  plus  haut,  oii  la  température  avant  l'opération  était  de 
55°, 5,  elle  atteignit  55°, 5  après  l'opération.  Cette  algidité  coïncide  très-souvent 
avec  ces  accidents  de  congestion  pulmonaire  signalés  par  M.  Yerneuil  et  ses 
élèves,  et,  d'après  Mullois,  pourrait  être  causée  par  eux. 

Les  phénomènes  nerveux,  qui  nous  restent  à  examiner  et  qui  ne  se  rencontrent 
que  dans  les  cas  de  choléra  herniaire,  bien  qu'ils  y  soient  inconstants,  sont 
surtout  des  crampes  et  des  contractures.  Nous  avons  déjà  vu  qu'ils  ont  été 
principalement  étudiés  par  M.  Paul  Berger  (Société  de  chirurgie,  1876)  et  par 
M.  Lapeyre  (thèse  inaugurale,  1880). 

Les  crampes  sont  des  accidents  rares.  Elles  ont  été  notées,  par  M.  Berger, 
dl  fois  dans  l'étranglement  herniaire.  Dans  quatre  cas,  elles  siégeaient  seule- 
ment aux  membres  inférieurs,  et  principalement  dans  les  muscles  gaslro-cnémiens. 
Trois  fois,  elles  ont  été  observées,  à  la  fois,  aux  bras  et  aux  jambes,  ou  aux  doigts 
et  aux  jambes.  Dans  un  cas,  elles  occupaient  les  poignets  et  les  doigts.  Enfin, 
dans  trois  observations,  leur  siège  n'était  pas  indiqué.  Toujours  très-doulou- 
reuses, elles  étaient  le  plus  souvent  continues,  parfois  rémittentes.  Elles  se  sont 
montrées  souvent  dès  le  début  des  accidents  cholériformes,  d'autres  fois  le 
deuxième,  le  troisième  et  même  le  cinquième  jour  après  leur  apparition.  On  les 
a  rencontrées  dans  les  hernies  crurales,  inguinales,  et  dans  un  cas  d'exomphale. 
Toujours,  sauf  dans  une  observation  de  Ghassaignac,  elles  ont  disparu  après 
l'opération;  quand,  au  contraire,  la  kélotomie  n'a  pas  pu  être  pratiquée,  elles 
ont  persisté. jusqu'à  la  mort. 

Les  contractures,  dont  on  trouve  deux  observations  dans  le  troisième  volume 
des  cliniques  de  la  Charité  de  Gosselin,  se  sont  montrées  dans  les  deux  cas 
sous  la  forme  de  contractions  toniques  des  muscles  fléchisseurs,  siégeant  sur- 
tout aux  deux  membres  supérieurs,  continues  et  atrocement  douloureuses. 
Dans  le  premier  cas,  les  jambes  étaient  aussi  le  siège  de  contractures  portant 
sur  les  muscles  fléchisseurs.  Tous  ces  phénomènes  disparurent  après  la  kélo- 
tomie. En  outre,  on  peut  observer,  exceptionnellement,  des  accidents  nerveux 


792  HERNIES. 

plus  généraux  :  du  délire,  de  l'agitation,  une  sorte  d'aberration  mentale,  la 
syncope  (obs.  de  Long,  de  Liverpool).  De  plus,  nous  avons  vu  que  Berger  a 
signalé  chez  des  enfants  des  accidents  encore  plus  graves,  des  convulsions  épi- 
lepliformes,  un  état  comateux,  de  la  contraction  pupillaire,  du  strabisme,  qui 
disparurent  aussi  après  l'opération.  Enfin,  dans  une  observation  de  Th.  Anger, 
citée  dans  le  mémoire  de  Berger,  un  malade  atteint  d'étranglement  choléri- 
forme  fut  brusquement  emporté,  pendant  la  kélotomie  faite  sans  anesthésie,  par 
une  attaque  d'éclampsie. 

Le  clioléra  herniaire,  et  surtout  l'existence,  dans  cette  forme,  des  phénomènes 
nerveux  graves  que  nous  venons  d'étudier,  semblent  indiquer  presque  toujours 
un  étranglement  très-serré.  Berger,  dans  son  mémoire,  est  très-aftirmatif  à  cet 
égard.  II  faut  en  effet  toujours  redouter,  dans  ces  cas,  une  évolution  très-rapide 
des  accidents  pouvant  amener  la  gangrène,  ou  tout  au  moins  la  perforation  de 
l'intestin  dans  un  très-bref  déhii  (trente-six  à  quarante-huit  heures).  Cette  forme 
clinique  est  toujours  de  la  plus  haute  gravité  et  révèle  un  état  général  particu- 
lièrement mauvais.  Mais  il  n'y  a  pas  toujours  une  relation  directe  entre  son 
existence  et  le  degré  de  la  constriction.  En  effet,  S.  Duplay  cite  un  cas  inédit 
qui  lui  a  été  communiqué  par  Berger,  dans  lequel  une  hernie  avec  étranglement 
cholériforme  et  crampes  a  été  facilement  réduite,  au  bout  de  quelques  minutes 
de  taxis.  D'ailleurs,  nous  sommes  revenus,  au  sujet  de  cette  forme  clinique,  de 
l'opinion  trop  pessimiste  de  Malgaigne,  qui  croyait  que  le  choléra  herniaire 
était  absolument  fatal,  même  avec  la  kélotomie.  Maunoir  (1852)  prouva,  dit 
S.  Duplay,  par  une  observation  à  laquelle  sont  venues  s'ajouter  bon  nombre 
d'autres,  ce  que  cette  manière  de  voir  avait  d'exaçéré. 

Des  terminaisons  de  l'étranglement.  L'étranglement  herniaire  abandonné 
à  lui-même  peut  quelquefois  se  terminer  par  la  guérison,  mais,  dans  le  plus 
grand  nombre  des  cas,  il  occasionne  la  mort  du  malade. 

La  guérison  peut  se  produire  de  deux  façons  différentes  :  soit  par  la  réduc- 
tion spontanée  de  la  hernie  et  la  cessation  graduelle  des  phénomènes,  soit  par 
la  formation  d'un  anus  contre  nature  ou  d'une  fistule  stercorale. 

La  guérison  spontanée  est  absolument  exceptionnelle.  Dans  certains  cas 
cependant,  et  tous  les  auteurs  ont  signalé  la  possibilité  de  ces  faits,  on  la  voit 
survenir.  «  Il  n'est  pas  sans  exemple,  dit  Gossehn,  que  la  hernie  étranglée 
abandonnée  à  elle-même  se  termine  par  une  réduction  spontanée  qui  étonne 
le  malade  et  les  médecins.  »  Ou  voit  alors,  peu  à  peu,  se  calmer  les  phénomènes 
alarmants  qui  caractérisaient  l'étranglement;  il  se  produit  une  sorte  de  rémis- 
sion prolongée,  de  détente  générale,  qui,  au  lieu  d'être  suivie  d'une  reprise  des 
accidents  comme  dans  l'étranglement  rémittent,  s'accompagne  de  la  diminution 
et  de  la  réduction  de  la  tumeur  herniaire.  Cette  rentrée  est  tantôt  complètement 
spontanée,  tantôt  au  contraire  produite  sous  l'influence  de  pressions  très- 
modérées  exercées  par  le  malade  lui-même.  Richter,  qui  a  rapporté  plusieurs 
exemples  de  cette  terminaison,  l'attribuait  à  l'étranglement  spasmodique.  Si 
nous  ne  pouvons  admettre  son  explication,  il  faut  bien  reconnaître  du  moins 
l'existence  de  ce  mode  de  guérison .  On  pourrait  rapprocher  de  ces  cas  sponta- 
nément favorables,  ceux  dans  lesquels  une  gangrène  partielle  de  l'anse  herniée 
a  pu  se  produire  sans  qu'il  y  ait  de  lésions  du  sac  et  des  enveloppes  exté- 
lieures.  Les  parties  sphacélées  ont  été,  alors,  éliminées  par  le  bout  inférieur 
et  la  guérison  est  survenue  peu  à  peu.  Ces  faits  sont  encore  plus  exception- 
nels que  les  précédents;   nous  en  avons  cité  quelques  exemples  en  étudiant 


HERNIES.  795 

les  lésions  de  l'étranglement;  nous  ne  les  rappelons  ici  qu'à  titre  de  simple 
curiosité. 

D'autres  fois,  la  guérison  arrive  par  l'intermédiaire  de  la  production  d'un 
anus  contre  nature  ou  d'une  fistule  stercorale.  Cette  terminaison  relativement 
heureuse  de  l'étranglement  ne  peut  exister  que  dans  certaines  conditions.  Il 
faut  en  effet  que,  au  moment  où  l'anse  herniée  se  perfore  ou  se  gangrène,  il  y 
ait  déjà  entre  le  pédicule  et  le  péritoine  pariétal  des  adhérences  inflammatoires 
assez  solides,  assez  bien  organisées,  pour  que  l'épanchement  stercoral  puisse 
être  limité  par  ces  néomembranes,  qui  en  empêchent  la  pénétration  dans  la 
cavité  abdominale.  Alors,  les  enveloppes  extérieures  s'irritent,  s'enflamment, 
s'abcèdent  et  finissent  par  se  perforer,  laissant  écouler  au  dehors  le  pus  et  les 
matières  épanchées. 

Voici  les  phénomènes  qui  annoncent  et  accompagnent  cette  terminaison  : 
du  troisième  au  cinquième  jour,  quelquefois  plus  tôt,  la  peau  qui  recouvre  la 
tumeur  herniaire  devient  plus  rouge  et,  en  même  temps,  plus  chaude.  Elle  est 
souvent  le  siège  d'un  empâtement  œdémateux.  La  tuméfaction  augmente  et 
s'étend  un  peu  dans  le  tissu  cellulaire  qui  environne  les  régions  herniaires.  La 
douleur  locale  n'augmente  pas;  quelquefois  même  elle  diminue,  probablement, 
d'après  Gosselin,  parce  que  le  passage  des  matières  de  l'anse  dans  le  sac  diminue 
la  constriction  et  par  conséquent  la  souffrance.  La  hernie  paraît  souvent  moins 
tendue;  à  la  palpation  elle  donne  au  doigt  et  souvent  à  l'oreille  une  sorte  de 
bruit  de  clapotement,  de  gargouillement,  qui  indique  dans  son  intérieur  un 
mélange  de  gaz  et  de  liquide.  Ce  symptôme  a  été  signalé,  en  1851,  par  Laugier 
{Gazette  des  hôpitaux),  qui  regarde  ce  bruit  hydroaérique  comme  un  signe 
important  de  gangrène  avec  perforation.  A  la  percussion,  on  trouve  ordinairement 
une  sonorité  exagérée,  parfois  même  tympanique,  surtout  dans  les  cas  où  il 
existe,  dans  le  tissu  cellulaire  sous-cutané,  un  certain  degré  d'emphysème, 
produit  par  l'infiltration  des  gaz.  Bientôt  la  peau  paraît  s'amincir,  la  fluctuation 
devient  manifeste,  l'abcès  stercoral  est  formé. 

Si,  à  ce  moment-là,  une  incision  n'est  pas  faite,  on  voit  rapidement,  sur  les 
points  où  le  tégument  est  le  plus  aminci,  apparaître  quelques  phlyctènes  et 
des  taches  de  gangrène  plus  ou  moins  e'tendues.  Bientôt,  à  celte  place,  la  peau 
cède,  se  perfore  et  donne  issue  à  un  flot  de  liquide  composé  de  pus  fétide 
mélangé  à  des  gaz  et  à  des  matières  intestinales,  à  des  lambeaux  d'intestin  et 
de  tissu  cellulaire  mortifié.  L'élimination  de  ces  eschares,  qui  se  montrent  sous 
la  forme  de  lambeaux  noirs  ou  grisâtres,  dure  quelques  jours;  puis,  peu  à  peu, 
elles  disparaissent,  la  suppuration  diminue,  la  plaie  se  délerge  et  elle  ne  donne 
plus  issue  qu'à  une  quantité  modérée  de  pus  et  à  un  écoulement  plus  ou  moins 
abondant  et  continu  de  matières  intestinales.  Celles-ci  sont  très-différentes 
d'aspect,  selon  le  point  du  tube  intestinal  sur  lequel  a  porté  la  perforation,  et 
très-variables  comme  quantité,  suivant  la  grandeur  et  la  disposition  de  l'ouver- 
ture, c'est-à-dire  selon  que  la  totalité  ou  seulement  une  partie  du  contenu  de 
l'intestin  passe  par  l'orifice  cutané.  Dans  le  premier  cas  on  se  trouve  en  pré- 
sence d'un  anus  contre  nature,  et  dans  le  second  d'une  fistule  stercorale. 
Presque  aussitôt  que  la  perforation  est  établie,  on  voit  diminuer  et  disparaître, 
dans  la  plupart  des  cas,  les  phénomènes  de  l'étranglement;  et  l'amélioration 
survient  petit  à  petit,  pour  devenir  le  plus  souvent  définitive.  D'autres  fois,  cepen- 
*dant,  le  mieux  n'est  que  passager,  les  adhérences  peuvent  céder  et  l'inflammation 
envahir  secondairement   la  cavité   abdominale  et  déterminer  une  péritonite 


794  HERNIES. 

mortelle,  ou  bien  encore  le  malade  succombe  à  l'affaiblissement  progressif 
causé  par  une  alimentation  incomplète.  Mais  tous  ces  phénomènes  constituent 
l'histoire  de  Yanus  contre  nature,  qui  a  été  traitée  dans  ce  Dictionnaire  et 
à  laquelle  nous  nous  bornons  à  renvoyer  le  lecteur  (voxj.  Anus  contre  natcre). 

Quoi  qu'il  en  soit,  que  la  guérison  survienne  par  ce  mécanisme,  ou  bien  se 
produise  spontanément  comme  nous  l'avons  indiqué  précédemment,  elle  doit 
être  considérée  comme  un  fait  rare  dans  l'étranglement. 

Il  est  impossible  de  donner,  à  ce  point  de  vue,  une  statistique  indiquant  la  pro- 
portion exacte  des  guérisons  dans  les  cas  d'étranglement  laissés  sans  traitement; 
car,  heureusement,  la  plupart  sont  soumis  à  une  thérapeutique  plus  ou  moins 
suivie  de  succès.  Cependant  Gosselin  pense,  «  en  raisonnant  par  analogie  avec 
ce  qui  se  passe  dans  l'étranglement  interne,  qu'il  est  permis  de  croire  qu'un 
grand  nombre  de  sujets  non  traités  succomberaient  »,  et  il  se  trouve  modéré  en 
portant  leur  nombre  à  la  moitié  au  moins.  Nous  croyons,  avec  S.  Duplay,  que 
cette  proportion  est  encore  très-au-dessous  de  la  vérité,  et  que  le  nombre  de 
morts  serait  beaucoup  plus  considérable.  11  est,  au  contraire,  absolument  néces- 
saire que  tous  les  chirurgiens  considèrent  que  l'étranglement  abandonné  à  lui- 
même  est  toujours  une  lésion  fatale,  aGn  de  n'être  pas  portés  à  une  temporisa- 
tion exagérée,  qui  no  peut  qu'être  funeste  aux  malades. 

11  nous  reste  maintenant  h  examiner  comment  et  par  quel  mécanisme  la  mort 
survient  dans  l'étranglement.  Peu  de  questions  sont  aussi  difficiles  à  résoudre, 
et  il  existe  un  nombre  de  théories  relativement  considérable  pour  expliquer  le 
mécanisme  de  la  mort  dans  cette  affection.  Il  est  probable  même,  étant  donné 
les  aspects  cliniques  différents  des  accidents  terminaux,  qu'il  serait,  au  moins 
en  l'état  actuel  de  la  science,  prématuré  et  même  inexact  de  vouloir  expliquer 
toutes  les  morts  par  une  théorie  unique.  A  notre  avis,  la  mort  peut  survenir 
de  plusieurs  manières,  et  presque  toutes  les  opinions  ont  en  leur  faveur  un 
certain  degré  d'exactitude. 

Il  faut  d'abord  mettre  à  l'écart  de  toute  contestation  la  mort  t^^y  péritonite 
généralisée.  Cette  complication  est  peut-être  la  terminaison  la  plus  rapidement 
fâcheuse  et  la  plus  commune  de  l'étranglement.  Elle  peut  se  produire  de  deux 
façons  :  soit  par  propagation  de  l'inflammation,  soit  par  perforation  intestinale. 

Dans  le  premier  cas,  les  adhérences  produites  au  niveau  du  pédicule  et  qui 
semblent  destinées  à  limiter  les  lésions  à  la  région  herniaire  n'ont  pas  établi 
une  barrière  suffisante,  et  l'inflammation,  soit  avant,  soit  après  la  gangrène  d& 
l'anse,  s'est  propagée  de  proche  en  proche  et  a  envahi  toute  la  cavité  abdomi- 
nale. Cette  péritonite  peut  être  aussi  produite  par  la  réduction  d'un  intestin  déjà 
très-altéré,  mais  sans  perforation,  et  qui  a  été,  à  son  tour,  le  point  de  départ 
d'une  péritonite  généralisée.  Dans  ce  cas,  on  trouve,  à  l'autopsie,  les  lésions  de 
l'inflammation  du  péritoine,  congestion  intense  des  intestins  et  du  feuillet 
pariétal,  néomembranes  glutineuses  et  molles  réunissant  les  anses  intestinales» 
épanchement  liquide,  etc.,  mais  rarement  un  épancliement  purulent. 

Dans  le  second  groupe  de  faits,  la  péritonite  est  consécutive  à  la  perforation  de 
l'intestin  et  à  l'épanchement  de  matières  stercorales.  Cette  perforation  a  lieu,  le 
plus  souvent,  immédiatement  au  niveau  du  contour  de  la  portion  serrée,  et 
assez  rapidement  pour  que  les  adhérences  protectrices  n'aient  pas  eu  le  temps 
de  se  produire  ou  n'aient  pas  acquis  une  solidité  sufiisiinte  pour  limiter  la 
pénétration  du  contenu  de  l'intestin.  Quelquefois  aussi  elle  est  le  résultat  de* 
la  perforation  secondaire  de  l'anse  réduite,  quand  celle-ci  a  été  rentrée  dans 


HERNIES.  795 

l'abdomen  dans  un  tel  état  d'altération  que  le  cours  des  matières  ne  peut  se 
re'tablir.  Cet  accident  se  produit  alors  plus  ou  moins  longtemps  après  la  réduc- 
tion. Nous  en  avons  cité  quelques  exemples.  Dans  cette  classe  de  péritonite, 
la  marche  des  accidents  est  ordinairement  très-rapide,  elle  dure  quelquefois 
quelques  heures  h  peine.  11  est  probable  que  cette  évolution  est  due  à  l'absorp- 
tion par  le  péritoine  des  matières  septiques  contenues  en  si  grand  nombre 
dans  les  fèces  et  dans  les  tissus  frappés  de  mortification.  Elle  pourrait 
être  une  des  formes  de  la  septicémie  pcritonéale  sur  laquelle  nous  aurons  à 
revenir. 

Dans  le  cas  de  péritonite  généralisée,  tous  les  chirurgiens  sont  unanimes  à 
admettre  que  cette  lésion  est  suffisante  pour  expliquer  la  mort.  Mais  où  les 
divergences  commencent  à  s'accuser,  c'est  lorsqu'il  s'agit  d'expliquer  la  termi- 
naison fatale  dans  les  cas  où  l'autopsie  n'a  pas  révélé  l'existence  de  lésions 
positives  de  la  séreuse  péritonéale. 

Dans  de  nombreux  cas,  en  effet,  les  malades  paraissent  avoir  succombé  à 
l'aggravation  lente  et  graduelle  des  symptômes  généraux.  «  Le  ballonnement 
du  ventre  s'est  accru,  dit  S,  Duplay,  il  a  pris  d'énormes  proportions  ;  la  respi- 
ration est  devenue  de  plus  en  plus  courte  et  fréquente  ;  l'asphyxie  a  fait  des 
progrès  constants  qui  se  sont  traduits  par  un  abaissement  progressif  de  la  tem- 
pérature, la  faiblesse,  la  fréquence,  l'irrégularité  du  pouls  ». 

Diverses  interprétations  ont  été  données  pour  expliquer  ce  genre  de  mort,  et 
nous  devons  les  passer  en  revue. 

Nous  ne  nous  attarderons  pas  à  l'explication,  aujourd'hui  ancienne,  de  la  mort 
par  épuisement  nerveux.  Celte  hypotlièse  qui  n'a  jamais  été  démontrée  ne 
saurait  être  suffisamment  précise  pour  être  acceptée.  Nous  verrons  plus  tard 
quel  rôle  on  doit  faire  jouer  au  système  nerveux  dans  le  mécanisme  de  la  mort. 

Il  y  a  quelques  années,  en  1875,  llumbert,  dans  sa  thèse  intitulée:  Étude 
sur  la  septicémie  intestinale,  Atlrihu-à  la  mort  à  un  empoisonnement  causé  par 
l'absorption  des  produits  septiques  contenus  dans  les  matières  intestinales. 
11  ne  faisait,  en  la  développant  et  en  l'expliquant,  que  reprendre  la  théorie  de 
Barthélémy  Montagnana,  qui,  au  quinzième  siècle,  avait  |émis  ^hypo'lhè^e  de 
l'empoisonnement  par  les  matières  fécales  qui  pourrissaient  dans  les  anses 
intestinales  étranglées.  Humbert  a  essayé  de  démontrer  que  la  mort  était  due, 
dans  l'étranglement,  à  une  septicémie  particulière  causée  par  l'absorption  à  la 
surface  de  l'intestin  de  produits  septiques  qui  tantôt  proviennent  du  dehors 
avec  les  substances  alimentaires,  tantôt  au  contraire  se  forment  dans  l'inté- 
rieur du  tube  digestif,  par  décomposition  des  matières  contenues  dans  l'intestin. 
Ces  substances,  qui,  dans  les  cas  ordinaires,  traversent  impunément  l'appareil 
digestif,  seraient,  au  contraire,  absorbées  sous  l'influence  de  l'étranglement  qui 
produit,  en  même  temps  que  leur  rétention,  des  lésions  des  parois  intestinales, 
susceptibles  de  faciliter  leur  absorption.  Ce  serait  surtout,  outre  les  matières  ali- 
mentaires putréfiées,  l'absorption  d'un  produit  particulier  de  désassimilation,  la 
séroline  de  Boudet,  1855,  mieux  connue  et  ml^lA  étudiée  par  Âustin  Flint,  en 
1868,  sous  le  nom  de  stercorine,  et  qui  est  du  reste  la  même  chose  que  V excré- 
tine de  Marcet  (1857).  Canac,  qui,  lui  aussi,  est  tenté  d'admettre,  comme  cause 
de  la  mort  dans  l'étranglement,  une  sorte  d'intoxication  par  les  produits  septiques 
des  matières  fécales,  qu'il  désigne  sous  le  nom  de  coprohémie  (de  zoV/jo;,  excré- 
ment, aOp.a  sang),  ajoute  aux  produits  précédents  l'absorption  possible  des  pto- 
maïnes  et  des  leucoraaïnes,  qui  existent,  en  si  grande  abondance,  dans  le  tube 


796  HERNIES. 

digestif,  et  sur  la  nature  desquelles  nous  n'avons  pas  à  insister  ici.   Il  trouve 
une  preuve  de  cette  intoxication  dans  ce  fait  que,  dans  les  cas  oîi  l'étranglement 
amène  un  anus  contre  nature,  le  simple  écoulement  libre  des  matières  fécales 
suflit  à  produire  la  fin  des  accidents,  alors  que  cependant  la  constriction  existe 
encore.  On  peut  objectera  cotte  opinion  qu'il  est  difficile  de  s'expliquer  com- 
ment les  accidents  se  montrent  en  trois  ou  quatre  jours  dans  l'étranglement, 
tandis  que  certaines  constipations  ou  obstructions  intestinales  peuvent  durer 
un  temps  triple  ou  quadruple  sans  déterminer  les  mêmes  symptômes.  Cepen- 
dant, il  est  certain  que  la  rétention  des  produits  de  décomposition  que  peut 
renfermer  l'intestin,   et  les  microbes  nombreux  qu'il  contient,  peuvent  déter- 
miner des  phénomènes  graves.  De  plus,  l'altération  des  parois  intestinales  peut 
faciliter  cette  absorption,  ainsi  que  le  prouve  la  découverte,  par  ÎS'epveu,  dans  le 
liquide  du  sac  herniaire  et  même  dans  la  sérosité  abdominale,  de  microbes 
évidemment  transsudés  à  travers  la  paroi  de  l'intestin,  comme  le  cercomonas 
inteslinalis,  par  exemple.  Néanmoins  cette  hypothèse  manque  de  preuves  posi- 
tives et  ne  rend  pas  complètement  compte  de  ce  qui  se  passe  dans  tous  les  cas. 
On  peut  rapprocher  de  cette  théorie  celle  qui  attribue  la  mort  à  la  production 
d'un  péritonite  seplique,  ou  plus  exactement  d'une  septicémie  péritonéale.  On 
sait,  depuis  longtemps,  la  facilité  qu'ont  les  séreuses,  et  le  péritoine  en  particulier, 
pour  l'absorption  des  matières  sepliques.  Gaillardon  avait  signalé  dans  sa  thèse 
en  1805  une  sorte   d'infection   péritonéale  qu'il  avait  décrite  sous  le  nom  de 
péritonite  latente.   Nous  avons  vu  que  Gosselin  l'avait  soupçonnée  et  presque 
admise,  dans  certains  cas  où  la  kélotomie  avait  été  suivie  de  mort.  Armand 
Després,  en  1871,  à  la  Société  de  chirurgie,  avait  repris  l'opinion  de  Bretonneau 
de  Tours,    qui  prétendait   que,  dans  l'étranglement,  les  tuniques  intestinales 
laissent  transsuder  le  liquide  stercoral,  qui  s'introduit  dans  le  péritoine  où  il 
est  promptement  absorbé  et,   dans  ces  cas,  la  mort  serait  aussi  rapide  qu'après 
une  perforation  intestinale.  Cette  explication  avait  du  reste  été  déjà  soutenue 
par  son  père,  Llesprés,  le  chirurgien  de  Bicètre,  à  la  Société  anatomique  (1845). 
Celui-ci  croyait  que  la  péritonite  provient  dans  l'étranglement  «  du  passage  par 
osmose  à  travers  les  tuniques  intestinales  des  liquides  contenus  dans  l'anse  ». 
Il  est  évident  qu'il  y  a  là  une  erreur,   et  que  le  liquide  stercoral  ne  transsude 
pas  en  nature   de  l'intestin  dans  le  péritoine  ;  mais  il  peut  y  avoir  une  absorp- 
tion de  matières  septiques  par  la  séreuse.  Cette  septicémie  péritonéale,  aujour- 
d'hui bien  connue,  qui  se  rencontre  à  la  suite  de  toutes  les  opérations  ouvrant  la 
cavité  abdominale  et  que  Levrat  a  bien  étudiée  dans  sa  thèse  de  doctorat  (1880), 
a  été  aussi  décrite  par  Momon,  qui  l'a  observée  dans  deux  cas  de  hernie  étran- 
glée, mais  seulement  après  la  kélotomie  (thèse  de  Paris,  1882).   Or,  si  son 
existence  est  bien  prouvée  après  l'opération,  ne  peut-on  admettre  qu'elle  existe 
aussi  dans  l'état  d'intégrité  du  tégument?  Momon  croit  que  les  germes  septiques 
ont  été  apportés  pendant  l'opération  par  l'air  extérieur,  mais  les  travaux  de 
Nepveu  ont  démontré  qu'il  n'était  nul  besoin  que  le  péritoine  ait  été  ouvert 
pour  qu'on  rencontre  des  bactériens  nombreux  dans  la  sérosité  péritonéale. 
Aussi,  nous  serions  tenté  de  croire  que  cette  absorption  particulière,  par  le 
péritoine,  des  produits  septiques  provenant  de  l'intestin,  peut,  dans  certains 
cas,  expliquer  la  mort. 

D'autres  auteurs  ont,  au  contraire,  cherché  dans  des  lésions  plus  localisées, 
et  portant  sur  des  viscères  importants,  la  raison  de  la  terminaison  fatale.  Au 
premier  rang  il  faut  compter  le  professeur  Verneuil,  qui,  avec  ses  élèves  Ledoux 


HERNIES.  797 

(1873),  Mullois  (1881)  et  Roux  (Montpellier,  1886),  a  cru  pouvoir  afiîrmer 
que,  dans  bon  nombre  de  faits,  la  mort  était  due  à  la  production  de  congestions 
pulmonaires  plus  ou  moins  intenses  et  généralisées,  pouvant  même  aller  jusqu'à 
la  production  de  véritables  inflammations  pulmonaires  et  broncho-pulmonaires 
(Roux).  Il  est  certain  que,  dans  plusieurs  observations,  et  surtout  dans  celles  où 
les  phénomènes  nerveux  sont  le  plus  accusés,  et  s'accompagnent  d'algidité,  on 
a  trouvé,  à  l'autopsie,  les  lésions  pulmonaires  qui  ont  été  décrites  et  rattachées 
justement  à  l'étranglement  par  M.  Yerneuil.  Quand  elles  existent,  elles  amène- 
raient la  mort,  d'après  ce  maître,  par  l'obstacle  qu'elles  apporteraient  à  l'héma- 
tose. Enfm  elles  seraient  dues  à  l'irritation  des  plexus  nerveux  de  l'intestin, 
qui  causerait,  par  irritation  réflexe  du  grand  sympathique,  la  vaso-dilatation  et 
la  congestion  des  vaisseaux  du  poumon.  Cette  théorie  s'appuie  encore  sur  les 
expériences  de  Carvile,  qui  aurait,  en  liant  chez  des  animaux  une  anse  intes- 
tinale, produit  de  la  congestion  pulmonaire.  Tous  les  chirurgiens  admettent 
aujourd'hui  que  le  mécanisme  invoqué  par  M.  Yerneuil,  et  que  nous  avons 
déjà  étudié,  doit  entrer  en  ligne  de  compte  parmi  les  causes  de  la  mort; 
que  ces  lésions  pulmonaires  contribuent  à  produire  l'algidité,  la  cyanose,  dont 
l'apparition  coïncide  avec  celle  de  l'invasion  pulmonaire,  laquelle  disparaît  le 
plus  souvent  quand  l'étranglement  a  été  levé,  tout  en  lui  survivant  dans  certains 
cas  pendant  un  certain  temps.  Nous  verrons,  du  reste,  que  le  système  nerveux 
paraît  jouer  un  rôle  important  dans  leur  production. 

Dans  certains  cas,  au  contraire,  c'est  aux  troubles  constatés  dans  la  sécrétion 
urinaire  qu'on  a  rapporté  les  causes  de  la  mort.  Sans  vouloir  revenir  sur  la 
pathogénie  de  l'albuminurie  et  de  la  glycosurie  dans  l'étranglement,  qui 
réclament  encore  des  recherches  plus  nombreuses,  il  est  absolument  prouvé 
aujourd'hui  que,  chez  certains  malades,  on  constate  une  diminution  souvent 
considérable  de  la  quantité  d'urine,  pouvant  même  aller  jusqu'à  l'anurie  com- 
plète. Or  celte  oligurie  a  été  diversement  expliquée.  Pour  Barlow,  elle  tiendrait 
au  siège  de  l'obstacle  près  de  l'estomac  et  à  ce  que  les  liquides,  par  ce  fait,  ne 
peuvent  être  absorbés  en  quantité  suffisante.  Pour  Habersohn  elle  serait  due  à 
la  spoliation  des  liquides  que  fait  sans  cesse  subir  à  l'organisme  chaque  vomis- 
sement. Canac,  à  son  tour,  rappelle,  pour  l'expliquer,  que  d'après  les  expériences 
de  Claude  Bernard,  d'Eckhard,  de  Vu!  pian,  l'excitation  du  bout  périphérique 
du  grand  splanchnique  arrête  la  sécrétion  urinaire,  et  fait  pâlir  les  vaisseaux 
du  rein.  Il  est  donc  probable,  que,  si  l'urine  ne  se  sécrète  pas,  il  peut  et  il 
doit  y  avoir  de  l'urémie.  D'ailleurs  cette  cause  de  la  mort  a  été  quelquefois 
invoquée,  par  exemple,  dans  l'observation  n"  9  de  la  thèse  de  Mullois,  dans 
laquelle,  une  lésion  des  reins  étant  constatée,  le  professeur  Yerneuil  n'a  pas 
hésité  à  attribuer  la  mort  à  l'urémie.  C'est  aussi  l'opinion  émise  par  Ch.  Monod 
à  la  Société  de  chirurgie,  à  propos  d'une  observation  d'étranglement  suivi  de 
mort,  présentée  dans  la  séance  du  .17  mars  1886.  11  paraît  très-acceptable 
d'ailleurs  que,  dans  les  cas  où,  avec  un  étranglement,  il  y  a  eu  suppression  plus 
ou  moins  totale  des  urines  et  congestion  violente  des  reins  constatée  à  l'autopsie, 
l'urémie  puisse  être  regardée,  avec  raison,  comme  la  cause  de  la  mort. 

Enfin,  pour  en  terminer  avec  cette  question,  il  nous  reste  à  faire  connaître  le 
rôle  attribué  au  système  nerveux  par  un  assez  grand  nombre  de  chirurgiens. 
Nous  n'avons  pas  à  revenir  ici  sur  les  symptômes  multiples,  qui  sont  impu- 
tables au  système  nerveux  dans  l'étranglement.  Nous  y  avons  suffisamment 
insisté  déjà,  nous  voulons  seulement  rappeler  que,  lorsque  ces  signes  existent, 


798  HERNIES. 

c'est  à  un  trouble  profond  du  système  nerveux  que  beaucoup  d'auteurs  attri- 
buent la  mort,  dans  les  cas  où  l'autopsie  ne  révèle  pas  de  désordres  matériels 
suffisants  pour  en  rendre  compte.  C'est  certainement  ainsi  qu'il  faut  com- 
prendre l'épuisement  nerveux  des  anciens  auteurs. 

A  propos  de  ces  cas,  Gubler  écrivait  en  1846  :  «  On  ne  peut  douter  que 
l'ébranlement  excessif,  communiqué  au  grand  sympathique  tout  entier,  soit 
désormais  incompatible  avec  l'exercice  régulier  des  grandes  fonctions,  et 
devienne  la  condition  prochaine  et  la  cause  véritable  de  la  cessation  de  la  vie  ». 
Duplay,  à  la  Société  de  chirurgie,  1881,  pense  que  la  mort  peut  être  due  à 
l'étranglement  seul,  sans  s'expliquer  autrement  sur  ce  qu'il  entend  par  le  mot 
étranglement.  Dans  la  même  séance.  Le  Fort  admettait  que  le  système  nerveux, 
surtout  le  grand  sympathique,  a  une  part  incontestable  dans  la  mort.  Le  Dentu 
a  soutenu  [Journal  de  thérapeutique,  16  aoîit  1876)  que  :  «L'irritation  de 
l'intestin  inhérente  à  la  constriction  est  ici  la  cause  de  la  mort  la  plus  effi- 
cace, la  plus  rapide,  la  plus  ordinaire  ».  Enfin  G.  Richelot  a  dit,  dans  une  cli- 
nique publiée  dans  V  Union  médicale,  1885  :  «  L'hypothermie,  la  dépression  des 
forces  n'est  pas  liée  à  la  souffrance  du  péritoine  ;  elle  n'est  pas,  comme  le  vou- 
drait M.  Verneuil,  le  symptôme  d'une  congestion  rénale  ou  pulmonaire;  elle  est 
en  relation  directe  avec  la  compression  nerveuse  de  l'intestin,  qui  agit  sur  les 
centres  et  suspend  ainsi  tous  les  actes  nutritifs.  On  meurt  souvent  de  périto- 
nite, mais  on  meurt  d'étranglement;  l'algidité,  c'est  l'étranglement  ».  Et  il 
répète  ailleurs  :  «  Ce  qui  est  trop  souvent  irrémédiable .  . . ,  c'est  la  dépression 
nerveuse  qui  est  l'effet  direct  et  le  phénomène  essentiel  de  l'étranglement,  qui 
arrive  toujours,  si  la  compression  des  nerfs  de  l'intestin  se  prolonge,  et  qui  fait 
échouer  presque  latalement  les  opérations  tardives,  alors  même  que  l'anse 
intestinale  et  tous  les  viscères  sont  indemnes  de  lésions  ».  On  le  voit  donc,  pour 
certains  auteurs,  c'est  l'altération  profonde  du  système  nerveux,  causée  par  la 
compression  prolongée  des  nerfs  de  l'intestin,  qui  suffirait  seule  à  amener  des 
désordres  nutritifs  incompatibles  avec  l'existence,  et  qui  donnerait  la  clef  de 
tous  les  désordres  viscéraux,  autres  que  les  intoxications  septiques.  Quanta  indi- 
quer le  mécanisme  intime  de  cette  altération  fonctionnelle,  puisque,  jusqu'à 
présent,  les  altérations  matérielles  des  nerfs  intestinaux  n'ont,  pour  ainsi  dire, 
jamais  été  observées,  nous  ne  pouvons  pas  encore  le  faire  d'une  manière  absolu- 
ment certaine.  11  est  probable  que  l'excitation  portée  sur  le  grand  sympathique 
et  le  pneumogastrique,  qui  se  partagent  l'innervation  intestinale,  est  transmise 
jusqu'au  bulbe,  et  que  de  là,  par  voie  réflexe,  elle  réagit  sur  les  principaux 
organes.  Mais  ce  n'est  là  qu'une  hypothèse  encore  incomplètement  démontrée,  et, 
cepoint,commebien  d'autres  encore,  nécessite  de  nouvelles  et  sérieuses  recherches. 

Causes  et  pathogéme  de  l'étua.\gi.ement.  A.  Étiologie.  Avant  d'aborder 
directement  l'étude  des  causes  de  l'étranglement,  nous  devons  faire  observer 
que  cet  accident  peut  apparaître  dans  des  conditions  très- variables.  On  peut 
avec  S.  Duplay  distinguer  quatre  ordres  de  faits  : 

1»  La  hernie  s'étrangle  au  moment  où  elle  se  produit.  Malgaigne  et  Gosselin 
ont  démontré  que  cet  étranglement  d'emblée  ne  s'observe  guère  que  dans  cer- 
taines hernies  inguinales  congénitales. 

2»  Fréquemment,  une  hernie  qui  existe  depuis  plus  ou  moins  longtemps, 
mais  qui  est  habituellement  bien  maintenue,  sort  brusquement,  et  l'intestin  qui 
descend  dans  le  sac  s'y  étrangle  aussitôt. 

Z"  Tout  aussi  souvent,  des  hernies  réductibles,  mais  habituellement  mal 


HERNIES.  799 

réduites  et  mal  maintenues,  par  ignorance,  ne'gligence,  ou  bien  parce  que  la 
contention  en  est  difficile,  peuvent  subitement  augmenter  de  volume,  et  bientôt 
apparaissent  les  accidents  de  l'étranglement.  Souvent,  les  pliénomènes  qui  ont 
précédé  l'apparition  des  symptômes  de  l'étranglement  ont  passé  inaperçus  pour 
le  malade. 

4»  Enfin,  quelquefois,  la  hernie  est  depuis  longtemps  irréductible.  Elle  déter- 
mine à  peine  quelques  troubles  locaux,  tels  que  de  la  gêne,  des  douleurs,  des 
coliques,  puis,  peu  à  peu,  surviennent  progressivement  tous  les  signes  d'un 
étranglement. 

Les  deux  premiers  groupes  de  faits  constituent  ce  que  l'on  désigne  sous  le 
nom  à.' étranglement  primitif;  les  autres  forment  la  variété  dénommée  étran- 
glement consécutif.  Cette  distinction  a  beaucoup  perdu  de  son  importance. 

Les  causes  de  l'étranglement  se  divisent  en  prédisposantes  et  occasionnelles  : 

a.  Prédisposantes.  Il  faut  compter  au  premier  rang  Yâge  et  le  sexe.  Les  her- 
nies paraissent  s'étrangler  beaucoup  plus  fréquemment  à  l'âge  adulte  que  chez 
les  enfants  et  les  vieillards.  On  observe,  cependant,  l'étranglement  chez  les 
enfants,  mais  il  est  tout  à  fait  exceptionnel.  Dans  la  vieillesse,  il  se  produit 
rarement,  ce  qui  paraît  tenir  à  la  laxité  habituelle  des  anneaux  et  des  collets 
dans  les  hernies  de  cet  âge,  mais  il  se  rencontre  plus  fréquemment  que  dans 
l'enfance. 

Quant  au  sexe,  il  paraît  résulter  des  relevés  de  Textor  et  de  Gosselin  que 
l'étranglement  est  plus  fréquent  chez  la  femme.  Ces  deux  auteurs  ont,  à  la 
vérité,  constaté  cet  accident  en  nombre  à  peu  près  égal  dans  chacun  des  sexes, 
mais,  comme,  d'autre  part,  nous  savons  que  les  hernies  sont  beaucoup  plus  fré- 
quentes chez  l'homme  que  chez  la  femme,  il  s'ensuit  que  le  sexe  féminin  est 
plus  sujet  y  l'étranglement.  Cela  tient,  probablement,  à  la  grande  proportion  chez 
la  femme  de  la  variété  crurale  dont  l'étranglement  est  très-fréquent. 

Malgaigne  a  placé  au  nombre  des  causes  prédisposantes  l'humidité  de  l'at- 
mosphère. D'autres  auteurs  ont  invoqué  les  affections  chroniques  du  tube 
digestif.  Mais  rien,  dans  les  faits  observés,  n'a  confirmé  la  réalité  de  ces  influences. 
Il  en  est  à  peu  près  de  même  des  écarts  de  régime,  repas  copieux,  ingestion 
exagérée  de  boissons,  etc.  Cependant,  dans  un  certain  nombre  d'observations,  et 
principalement  dans  les  hernies  diapbragmatiques,  les  ombilicales  et  les  épigas- 
triques,  où  la  tumeur  peut  contenir  une  partie  de  l'estomac,  ou  une  portion 
élevée  du  tube  intestinal,  cette  cause  a  été  signalée  parmi  les  circonstances  qui 
ont  produit  les  phénomènes  d'étranglement. 

Les  causes  prédisposantes  anatomiques  paraissent  avoir  plus  d'importance. 
Elles  comprennent  les  modifications  subies  par  les  anneaux  et  le  collet  du  sac. 
Il  est  bien  évident  que  dans  les  hernies  bien  maintenues,  où  les  anneaux  restent 
et  deviennent  épais,  rigides,  peu  extensibles;  quand,  en  même  temps,  le  collet 
a  subi  ce  travail  de  resserrement  naturel  si  bien  décrit  par  J.  Cloquet  et  Demeaux, 
ces  conditions  constituent  une  prédisposition  sérieuse,  pour  l'étranglement  des 
viscères  qui  sortiront  avec  une  certaine  violence.  Il  résulte,  d'ailleurs,  de  ces 
dispositions  anatomiques,  que  les  hernies  petites  sont  plus  sujettes  à  l'étrangle- 
ment que  les  moyennes,  et  les  moyennes  que  les  grosses.  Néanmoins,  les  plus 
volumineuses  peuvent  elles  aussi  être  atteintes  par  cet  accident,  et  il  serait  dan- 
gereux de  croire  qu'on  ne  doit  pas  le  redouter,  lorsqu'on  se  trouve  en  présence 
d'une  très-grosse  hernie.  Les  variétés  congénitales  y  sont  plus  prédisposées  que 
les  acquises.  Il  faut  se  rappeler  que  le  petit  volume  et  la  contention  parfaite  sont 


•800  HERNIES. 

des  circonstances  qui  favorisent  l'étranglement,  mais  il  faut  se  souvenir  aussi 
que  toutes  les  hernies,  même  les  irréductibles  par  adhérence,  sont  susceptibles 
de  devenir  étranglées. 

Ajoutons  enfin,  en  terminant,  que  les  causes  qui  prédisposent  le  plus  à  l'étran- 
glement favorisent  en  même  temps  une  constriction  plus  grande.  Ainsi  ordi- 
nairement, plus  la  hernie  sera  petite,  plus  l'étranglement  sera  serré,  mieux  elle 
sera  maintenue,  plus  la  stricture  sera  énergique. 

p.  Causes  occasionnelles.  Sous  ce  nom,  on  peut  désigner  certaines  circon- 
stances qui  paraissent  avoir  souvent  précédé  et  amené  l'issue  brusque  de  la 
hernie  et  son  étranglement.  Ce  sont  ordinairement  des  efforts,  quelquefois 
brusques  et  exagérés,  d'autres  fois  habituels  et  répétés,  comme  une  marche  trop 
prolongée,  une  course,  une  position  forcée,  une  chute,  un  coup.  En  général,  ces 
causes  sont  les  mêmes  que  celles  qui  produisent  les  hernies,  c'est-à-dire  toutes 
les  circonstances  qui,  en  amenant  une  exagération  brusque  et  rapide  de  la  pres- 
sion abdominale,  facilitent  l'issue  d'une  notable  quantité  d'intestin  au  dehors  de 
l'abdomen. 

Mécanisme  de  l' étranglement.  Maintenant  que  nous  avons  étudié  l'étran- 
glement dans  tous  ses  détails,  que  nous  avons  vu  les  agents  qui  le  causent,  les 
lésions  qu'il  détermine,  ses  symptômes,  son  évolution  et  les  circonstances  qui  le 
produisent,  il  nous  reste  à  rechercher  les  phénomènes  intimes  de  son  méca- 
nisme, c'est-à-dire  à  savoir  pourquoi  l'anse  herniée  devient  subitement  irréduc- 
tible et  si  les  lésions  observées  peuvent  être  considérées  comme  le  résultat  ou 
la  cause  de  cette  irréductibilité. 

Nous  avons  vu  que  l'étranglement  a  été  longtemps  méconnu,  et  que  ce  n'est 
guère  que  depuis  la  fin  du  dix-septième  siècle  que  cet  accident  a  pris  parmi 
les  complications  des  hernies  la  place  prépondérante  qu'il  mérite  d'occuper.  Dès 
que  son  existence  a  été  acceptée,  les  chirurgiens  se  sont  efforcés  d'expliquer  sa 
pathogénie.  La  première  théorie  est  celle  de  Goursaud,  qui  a  cru  que  les  deux 
formes  cliniques  qu'il  avait  décrites,  devaient  tenir  à  une  différence  étiologique. 
De  là,  sa  division  en  étranglement  par  inflammation  et  étranglement  par  engoue- 
ment. Dans  le  premier  cas,  il  admettait  le  gonflement  inflammatoire  de  l'anse  her- 
niée; dans  le  second,  l'obstruction  causée  par  l'accumulation  des  matières  fécales. 

Richler,  le  premier,  chercha  à  expliquer  l'étranglement  par  des  phénomènes 
purement  mécaniques,  et  ceux-ci  pouvaient  être  légèrement  différents.  Dans  un 
premier  ordre  de  faits,  il  croyait  que  l'intestin  était  serré  par  l'anneau  herniaire 
qui,  s'étant  laissé  distendre  par  le  passage  d'une  trop  grande  quantité  de  vis- 
cères, revenait  sur  lui-même  en  vertu  de  son  élasticité  :  c'était  ['étranglement 
élastique.  Dans  un  second  groupe  de  cas,  l'incarcération  était  due  à  la  dimi- 
nution du  calibre  de  l'orifice  par  les  contractions  spasmodiques  des  fibres  du 
muscle  grand  oblique  qui  se  continuent  avec  ses  piliers  :  c'était  Yétrangleme:}it 
spasmodique.  Dans  les  deux  variétés,  l'anneau  seul  jouait  un  rôle  actif. 

Or  cette  action  propre  des  anneaux  est  aujourd'hui  à  peu  près  complètement 
rejetée,  du  moins  en  ce  qui  touche  à  Y  étranglement  spasmodique,  qui  a  été  seu- 
lement défendu  par  Richter  et  dont  on  a  bien  vite  démontré  l'inexactitude.  De 
plus,  un  nouvel  élément  a  été  ajouté  à  la  question  par  la  découverte  de  l'étran- 
glement par  le  collet  qui  fit  voir  que,  dans  certains  cas,  aucune  part  d'action  ne 
peut  être  laissée  aux  anneaux.  D'ailleurs  Scarpa  avait  déjà  fait  jouer  un  certain  rôle 
à  la  disposition  particulière  des  viscères  et  il  croyait  que  souvent  l'étranglement 
pouvait  être  expliqué  par  la  torsion  de  l'anse  au  niveau  du  pédicule,  théorie 


HERNIES.  8)1 

renouvelée  de  Pigray,  et  aussi  par  la  conclure  brusque  de  cette  anse.  Puis 
bientôt  les  recherches  de  J.  Cloquet  et  Cruveilhier  démontrèrent  que  les  anneaux 
fibreux  ne  possédaient  aucune  contractilité.  Le  seul  rôle  actif  laissé  à  ces  orifices 
est  celui  qui  a  été  assigné  par  Gerdy  surtout  aux  anneaux  accidentels,  c'est-à- 
dire  la  possibilité  d'un  certain  degré  de  rétraction,  propriété  commune  à  tous 
les  tissus  fibreux  en  voie  d'évolution.  Enfui,  les  viscères,  le  mésentère,  les  gaz 
contenus  dans  l'anse  herniée,  ont  été  aussi,  tour  à  tour,  regardés  comme  jouant 
un  rôle  important  dans  la  production  de  l'étranglement  :  de  là  une  série  de 
théories  mécaniques  de  Roser,  Lossen,  Busch,  Berger,  Korteweg,  etc.,  que  nous 
aurons  à  passer  en  revue. 

Mais,  à  côté  de  cet  obstacle  mécanique,  seul  indiscutable,  il  existe  un  certain 
nombre  de  faits  d'un  autre  ordre,  que  Broca  a  opposés  aux  précédents  sous  le 
nom  de  phénomènes  dynamiques,  et  qui  peuvent  être  considérés  tantôt  comme 
la  réaction  de  l'anse  herniée  contre  l'obstacle,  tantôt,  au  contraire,  comme  la  cause 
des  cbangements  de  volume  qui  expliquent  l'incarcération  en  face  de  la  passi- 
vité des  anneaux.  Ce  sont  les  lésions  inflammatoires,  dont  nous  avons  constaté 
l'existence,  aussi  bien  dans  le  sac  que  dans  l'intestin,  dans  tous  les  cas  d'étrangle- 
ment. Malgaigne,  donnant  à  ces  phénomènes  une  part  prépondérante,  crut  que,  dans 
a  plupart  des  cas,  les  faits  les   plus  importants  étaient  ces  lésions  inflamma- 
toires; il  pensait  que  l'étranglement   mécanique  devait  être  rejeté,  et  que  les 
pseudo  -  étranglements ,  c'est-à-dire   l'inflammation  et   la   péritonite  herniaire, 
étaient  les  causes  de  tous  les  accidents.  Broca,  qui  poussa  à  l'excès  cette  théorie, 
alla  même  jusqu'à  admettre  que  l'inflammation  était  la  cause  déterminante  de 
tous  les  étranglements. 

Aussi,  cette  exagération  fut  vivement  combattue  par  Gosselin,  qui,  voulant 
redonner  la  première  place  aux  phénomènes  mécaniques,  restreignit,  peut-être 
un  peu  trop,  à  son  tour,  la  doctrine  des  pseudo-étranglements  et  l'influence  des 
lésions  inflammatoires. 

Aussi,  à  notre  tour,  pour  tâcher  de  rendre  compte  de  tous  les  détails  patho- 
géniques,  et  de  faire  la  part  équitable  des  phénomènes  mécaniques  et  dyna- 
miques dans  cet  accident,  nous  décrirons,  à  l'exemple  de  S.  Duplay  :  A,  les 
conditions  mécaniques  de  l'étranglement;  B,  les  phénomènes  dynamiques  qui 
concourent  à  déterminer  l'étranglement  ou  à  l'exagérer. 

A.  Conditions  mécaniques  de  l étranglement.  Les  théories  que  nous  allons 
successivement  examiner  sont  toutes  nées  de  ce  fait  qu'il  est  difficile  d'ad- 
mettre toujours  la  réalité  de  V étr anglement  élastique  de  Richter.  L'explication 
donnée  par  cet  auteur  est  séduisante  :  l'intestin  descend  en  plus  grande  abon- 
dance, par  suite  il  force  l'anneau,  et  l'élasticité  de  celui-ci,  quand  il  revient 
sur  lui-même,  étranglera  fatalement  un  pédicule  devenu  plus  gros.  Malheu- 
reusement, elle  repose  sur  l'élasticité  des  anneaux,  et  celle-ci,  si  elle  existe,  est 
si  limitée,  que  l'on  est  presque  en  droit  de  les  considérer  comme  complètement 
ric^ides.  Alors  comment  s'expliquer  que  l'on  trouve  dans  le  sac  un  contenu  si 
volumineux  par  rapport  à  l'étroitesse  de  l'orifice?  De  là,  plusieurs  théories, 
ayant  toutes,  du  reste,  une  origine  expérimentale,  et  qui  ont  été  l'objet  d'une 
excellente  étude  critique  de  la  part  de  M.  Paul  Berger  dans  les  Archives  gêné' 
raies  de  médecine  (1876),  à  laquelle  nous  allons  faire  de  nombreux  emprunts. 
La  première  de  ces  théories  mécanique,  est  celle  de  0.  Beirne  (de  Dublin) 
(1858).  On  pourrait  l'appeler  la  théorie  de  l'étranglement  gazeux  :  elle  repose 
sur  l'expérience  suivante,  si  bien  décrite  par  M.  Gosselin  :  «  On  fera  dans  un  carton 

DICT.   KNC.   i°   S.    XIII.  51 


8(2  HERNIES. 

épais  de  o  millimètres  environ  un  trou  de  la  longueur  d'une  pièce  de  50  centimes, 
et  l'on  engage  dans  ce  trou  une  anse  intestinale  de  manière  à  avoir  la  convexité  d'un 
côté  du  trou  et  les  deux  bouts  du  côté  opposé.  On  engage  une  sonde  dans  un 
de  ces  bouts,  on  la  maintient  avec  une  ligature  et  on  pratique  l'insufflation. 
Tant  qu'on  souffle  lentement  l'air  passe  du  bout  supérieur  dans  l'inférieur  et 
l'anse  n'est  pas  incarcérée  :  mais,  si  l'on  vient  à  soufller  fort  et  à  établir  ainsi  un 
courant  rapide,  l'anse  se  distend  [tromptement  au  delà  du  trou,  l'air  ne  peut 
plus  passer  par  le  bout  inférieur  et  ne  peut  pas  même  regagner  celui  par  lequel 
il  est  entré  au  moyen  d'une  pression  forte  et  prolongée.  Par  le  fait  même  de  la 
distension,  l'anse  intestinale  vient  s'appliquer^sur  le  contour  de  l'ouverture  et 
s'y  trouve  étranglée.  » 

Celle  expérience  bien  connue,  et  qui  est  la  base  de  toutes  les  théories,  indique 
un  fait  vrai,  le  volume  exagéré  de  l'intestin  par  suite  de  l'accumulation  gazeuse. 
L'étranglement  serait  alors  produit  par  l'accumulation  brusque  des  gaz  dans 
l'anse  berniée,  et  qui  par  le  fait  même  de  sa  distension  deviendrait  irréduc- 
tible. Cependant  c'est  plutôt  là  un  fait  q.u'une  explication.  Comment  comprendre 
l'irréductibilité  de  l'anse  passée  au  travers  d'un  anneau  inextensible  lorsqu'en 
l'insufllant  on  la  distend  brusquement?  La  première  explication  se  trouve  dans 
la  théorie  d'un  chirurgien  allemand,  Roser,  parue  en  1856,  Il  attribua  l'irréduc- 
tibilité à  un  mécanisme  de  valvules  faisant  soupapes  et  fermant  la  route  au  con- 
tenu de  l'intestin.  Quand  une  anse  passe  au  travers  d'un  orifice  étroit,  ses  deux 
bouts  subissent  une  coarctation  qui  réduit  leur  cavité  à  un  trop  faible  calibre. 
Les  valvules  conniventes,  situées  au  voisinage  des  orifices  d'entrée  et  de  sortie 
dans  l'anse,  se  rabattent  sur  eux.  Les  matières,  qui  cherchent  à  pénétrer  dans 
la  partie  herniée  soulèvent  facilement  les  valvules  et  s'y  introduisent  aisément, 
mais  celles  qui  sont  contenues  dans  l'intérieur  de  cette  anse  tendent,  par  leur 
pression,  à  appliquer  plus  exactement  les  valvules  sur  les  orifices  et  ne  peuvent 
forcer  le  passage. 

Cette  théorie  est  passible  de  certaines  objections  :  d'abord,  dans  les  expériences, 
on  injecte  le  liquide  par  la  convexité  de  l'anse  herniée,  ce  qui  est  loin  de 
reproduire  les  conditions  de  l'étranglement  ;  de  plus,  on  n'a  pas  démontré  suf- 
fisamment le  degré  de  résistance  de  ces  valvules.  Enfin,  on  a  fait  des  expériences 
avec  des  intestins  d'animaux  dépoiu'vus  de  valvules,  et  des  tubes  de  caoutchouc 
lisse,  et  on  a  produit  tout  de  même  l'occlusion.  Certaines  préparations  anato- 
miques  démontrent  bien,  à  la  vérité,  que  les  valvules  peuvent  prendre  la  dispo- 
sition indiquée  par  Roser,  mais  d'autres  font  voir  que  souvent  cette  disposition 
n'existe  pas  :  il  faut  donc  chercher  ailleurs  une  théorie  exacte;  celle-ci,  du 
reste, 'ne  rend  pas  compte  de  l'étranglement  du  gros  intestin. 

Ces  diverses  objections  ont  poussé  certains  chirurgiens  à  chercher  une  autre 
explication  de  l'étranglement.  Aussi  M.  Rush  a-t-il  émis  bientôt  une  nouvelle 
théorie.  Comme  il  avait  remarqué  que,  dans  l'expérience  de  0.  Beirne,  à  la  suite 
de  la  distension  de  l'anse  herniée,  il  se  formait  une  coudure  à  angle  plus  ou 
moins  aigu  du  bout  inférieur  au  sortir  du  pédicule  formé  par  l'anneau  constric- 
teur, il  crut  que  cette  coudure  causait  seule  l'occlusion  intestinale.  L'idée 
d'ailleurs  n'était  pas  nouvelle.  Scarpa,  dans  l'édition  de  1813  de  son  Traité 
des  hernies,  avait  fait  jouer,  dans  le  mécanisme  de  l'étranglement,  un 
rôle  considérable  à  la  flexion  de  l'intestin.  Après  avoir  dit  que  l'anse  herniée 
est  ordinairement  remplie  par  des  gaz  et  des  flatuosités,  il  ajoute  :  «  L'anse 
distendue  fait,  de  part  et  d'autre  du  sac  et  de  son  collet,  un  angle  aigu,  parfois 


IlERiNIES.  a05 

même  très-aigu,  avec  l'intestin  contenu  dans  le  ventre  :  la  cause  véritable  de 
l'étranglement  réside  dans  la  production  de  cette  courbure  angulaire.  »  De  plus, 
ce  mécanisme  est  encore  invoqué  par  Chassaignac  dans  cette  forme  d'étrangle- 
ment par  vive  arête,  dans  lequel  il  admet  une  coudure  brusque  de  l'intestin  sur 
une  arête,  siégeant  au  niveau  de  l'orifice  herniaire,  sur  le  ligament  de  Gim- 
bernat,  par  exemple. 

Bush,  à  son  tour,  explique  la  production  de  la  courbure  par  le  mécanisme 
suivant  :  une  anse  herniée  se  continue  au  dehors  du  sac  avec  le  reste  de  l'in- 
testin par  des  courbures  régulières  ;  si    on  augmente  brusquement,  par  une 
injection  faite  par  le  bout  supérieur,  la  pression  dans  cette  anse,  elle  tendi  ài 
redresser  sa  courbure  et  à  devenir  rectiligne.  «   L'anse,  en  se  redressant,  dit 
Berger,  et   en  s'allongeant   par  le  fait  de  ce  redressement,  tire  sur  le  bout 
inférieur  engagé  dans  l'anneau  et  en  détermine  la  brusque  coudure  en  l'appli- 
quant contre  le  contour  de  l'orifice  herniaire.  Les  matières  ne  peuvent  traverser 
la  partie  coudée  pour  ressortir  par  le  bord  inférieur  ;  l'occlusion  est  produite.  » 
Mais  cette  théorie  ne  rend  nullement  compte,  en  admettant  qu'elle  soit  exacte, 
de  l'occlusion  du  bout  supérieur.  Bush  a  Lien  essayé  une  explication  assez  em- 
barrassée, une  diminution  subite,  mais  un  peu  vague,  de  la  tension  dans-  le 
bout  supérieur,  et  grâce  à  laquelle  l'excès  de  pression,  qui  existe  dans  l'anse 
herniée,  produirait  à  ce  moment  une  courbure  de  ce  bout  supérieur  analogue 
à  celle  qu'il  admet  déjà  pour  l'inférieur.  Les  expériences  de  Bush,  faites  surtout 
avec  des   tubes  en  caoutchouc,  n'entraînèrent  pas  la  conviction.  Aussi  une  nou- 
velle théorie  se   montra  bientôt.  Elle  est  due  à   Hermann  Lossen  et  résulte, 
comme  la  précédente,  d'une  interprétation  nouvelle  de  l'expérience  de  0.  Beirn, 
mais,  d'après  Berger,  d'une  interprétation  plus  attentive.  Lossen,  en  la  répétant^ 
distend  l'anse  herniée  avec  de  l'air  ou  une  injection  solidifiable  au  suif,  et  il5 
laisse  sécher  la  préparation  pour  l'étudier.  On  s'aperçoit  alors  que  l'anneauîesfct 
rempli  en  totalité  par  le  bout  supérieur  distendu  qui  écrase,  pour  ainsi  dire, 
contre  lui  le  bout  inférieur  et  le  mésentère.  De  là,  il  conclut  que  le  bout  sapé- 
rieur  dilaté  comprime  le  bout  inférieur  dans  l'anneau  et  détermine  l'occlusion,, 
l'accroissement  de  volume  de   la  hernie  et  l'irréductibilité.    Malheureusement 
cette  théorie  ne  rend  pas  compte,  elle  non  plus,  de  la  manière  dont  se   ferme, 
à  son  tour,  le  bout  supérieur.  Lossen  suppose  alors  que  les  pressions  extérieures- 
exercées  sur  l'anse  herniée  attirent  une  nouvelle  portion  d'intestin  dans  le  sac 
avec   son  mésentère.  Celle-ci,  s'introduisant  dans  la  poche  herniaire  en  [)ropor- 
tion  plus  considérable,  finirait  par  la  boucher  à  la  manière  d'un  coin,  et  oblité- 
rerait en  même  temps  le  bout  supérieur.  Le  défaut  de  cette  théorie  est  de  faiiet^ 
intervenir  la  nécessité  de  pressions  extérieures  alors  que  l'étranglement  se  pro- 
duit rapidement  et  spontanément  de  toutes  pièces.  Roser  et  Bidder  l'attaquèrent 
vivement,  en  soutenant  contre  elle  la  théorie  valvulaire.  Bush  et  le  professeur 
Kocher   (de  Berne)   se  prononcèrent  énergiquement   pour    l'étranglement  par 
brusque  coudure.  Berger  objecte  que,  si  ce  bouchon  mésentérique  qui  achevée 
l'étranglement  a  la  forme  d'un  coin  à  base  tournée  vers  l'abdomen,  «  la  moindiiee 
traction  exercée  sur  le  mésentère  dans  le  ventre  devra,  grâce  à  la  forme  de  cee 
bouchon,  le  dégager  de  l'orifice  où  il  est  enclavé  par  la  pointe,  le  faire  rentrer 
dans  le  ventre  et  rendre  libres  l'un  ou  les  deux  bouts  de  l'anse  herniée.  » 

Aussi  Berger,  à  la  suite  de  ses  expéiiences  personnelles,  qui  sont  des  répéti- 
tions avec  modifications  diverses  de  celle  de  0.  Beirne,  a-t-il  imaginé,  à  son 
tour,  une  nouvelle  théorie,  dans  laquelle  le  mésentère  joue  le  rôie  prmcipal, 


804  HERNIES. 

mais  d'une  manière  différente  que  ne  l'avait  cru  Lossen.  Pour  lui,  dans  la  hernie 
il  s'introduit  une  certaine  quantité  de  mésentère  accompagnant  l'intestin,  mais 
qui  pénètre  peu  à  peu  et  sans  trop  rétrécir  l'anse  herniée;  le  mésentère  se  plisse 
et  constitue  comme  une  sorte  de  coin  à  base  tournée  vers  la  hernie  à  sommet 
pénétrant  dans  l'anneau.  «  Ce  coin  comprime  les  bouts  de  l'intestin  engagé 
dans  l'oritice  herniaire  et  en  détermine  l'affaissement  :  l'occlusion  est  alors 
complète,  car  la  traction  exercée  par  le  mésentère  ne  peut  faire  repasser  la  porte 
à  l'intestin  gonflé  par  les  gaz,  et  celui-ci  ne  peut  s'échapper  par  les  extrémités 
de  l'anse  qui  éprouvent  de  la  part  du  mésentère  une  compression  proportion- 
nelle à  la  traction  qu'il  subit.  »  Cette  traction  s'exerce  sur  la  partie  moyenne 
de  l'anse  qu'elle  tend  à  rapprocher  violemment  de  l'orifice  herniaire,  aussi 
détermine-t-elle  peut-être  cette  coudure  brusque  des  deux  extrémités  signalée 
par  Bush. 

Berger  résume  donc  comme  suit  ce  qui  se  passe  dans  l'étranglement,  dont  il 
croit  le  mécanisme  très-complexe.  La  compression  du  bout  supérieur  sur  l'infé- 
rieur détermine  l'affaissement  de  celui-ci  et  produit  l'occlusion.  Alors  l'exagé- 
ration de  tension  dans  l'anse  herniée  attire  du  côté  du  bout  supérieur,  resté  en 
communication  avec  le  reste  de  l'intestin,  des  portions  de  plus  en  plus  considé- 
rables d'intestin  suivies  du  mésentère  qui  s'y  insère  et  qui  rétrécit  la  lumière 
de  ce  bout  supérieur,  mais  sans  l'oblitérer  complètement.  Au  moment  où  la 
tension  diminue  dans  le  bout  supérieur,  le  mésentère  qui,  en  vertu  de  son  élasticité 
propre,  tend  à  revenir  dans  l'abdomen,  exerce  des  tractions  sur  le  bord  concave 
de  l'anse  et  tend  à  la  réduire  en  masse.  Mais,  en  cherchant  à  forcer  le  passage,  il 
s'introduit  par  le  sommet  du  coin  qu'il  représente  dans  la  porte  herniaire,  et 
détermine  l'occlusion  complète  du  bord  supérieur  et  de  l'inférieur.  Alors  peut- 
être  se  fait-il  des  coudures  comme  Bush  l'a  décrit;  peut-être  aussi  les  valvules 
conniventes  jouent-elles  le  rôle  que  leur  a  attribué  Roser,  mais  ce  sont  là  des 
faits  secondaires. 

Cette  théorie  de  Berger,  qui  est  adoptée  par  S.  Duplay,  a  été  suivie  de  celle  de 
J.-Â.  Korteweg,  qui  n'en  est  du  reste  qu'une  modification.  Ce  dernier  auteur 
croit  que,  dans  les  hernies,  le  bord  mésentérique  de  l'intestin  se  laisse  moins 
entraîner  que  le  bord  convexe,  et  que  les  tractions  exercées  sur  l'anse  par  le 
mésentère  produisent  un  certain  défaut  de  parallélisme  des  parties  contenues 
dans  l'anneau.  De  là  une  sorte  de  repli  de  la  paroi  intestinale  formant  une 
bride  saillante  qui  jouerait  le  rôle  de  soupape,  de  valvule,  comme  dans  la  théorie 
de  Roser.  Au  dire  de  Berger,  cette  nouvelle  théorie  confirmerait  ses  propres 
recherches,  en  démontrant  que  le  mésentère  joue  un  rôle  important  dans  la 
production  de  l'étranglement. 

En  admettant  l'exactitude  de  la  théorie  mécanique  de  Berger,  avec  ou  sans 
la  modification  de  Korteweg,  il  est  bien  évident  qu'elle  ne  peut  rendre  compte 
de  tous  les  cas,  et  en  particulier  des  faits  de  pincement  latéral,  dans  lesquels 
une  portion  seule  de  la  paroi  est  étranglée  et  où  il  n'y  a  pas  de  mésentère  dans 
la  hernie.  Aussi,  pour  ces  faits.  Berger  admettrait  avec  Lossen,  le  mécanisme 
de  l'étranglement  élastique  de  Richter.  Il  pense  en  même  temps  que  cette  expli- 
cation peut  convenir  aux  hernies  qui  s'étranglent  d'emblée  au  moment  où  elles 
se  produisent,  comme  certaines  hernies  congénitales,  par  exemple,  et  à  celles 
qui,  maintenues  ordinairement  réduites,  sortent  un  jour  et  deviennent  étran- 
glées. C'est,  en  effet,  la  seule  explication  qui  rende  compte  de  l'incarcération 
dans  les  cas  que  nous  venons  de  citer,  et  on  n'a  même  jusqu'à  présent  trouvé 


HERNIES.  8C5 

aucune  théorie  meilleure  pour  les  hernies  avec  pincement  late'ral  où  l'énergie 
de  la  constriction,  malgré  le  petit  volume  de  la  portion  serrée,  a  permis  de  sup- 
poser une  sorte  de  pénétration  de  vive  force. 

Ajoutons  enfin  que,  dans  certains  cas,  on  a  réellement  constaté  l'existence 
d'une  torsion  de  l'anse  sur  elle-même,  comme  Pigray  et  Scarpa,  après  lui, 
l'avaient  imaginé  sans  en  avoir  donné  de  preuves  réelles.  Cependant  o  Maunoury, 
Laugier,  plus  récemment  de  Roubaix,  dans  des  autopsies,  Molle  dans  quelques 
expériences,  trouvèrent  la  confirmation  de  ces  vues.  Mais  il  s'agissait  évidem- 
ment dans  ces  cas  d'étranglements  survenus  par  un  mécanisme  exceptionnel  » 
(S.  Duplay). 

B.  Phénomènes  dynamiques  qui  concourent  à  déterminer  l'étranglement 
ou  à  l'exagérer.  Dès  que  l'obstacle  matériel  existe,  quel  que  soit  le  mécanisme 
qui  l'ait  produit,  il  survient,  par  suite  de  la  situation  anormale  de  l'intestin  et 
de  la  constriction  qu'il  subil,  un  certain  nombre  de  phénomènes  qui  sont 
comme  la  réaction  physiologique  de  l'organe  saisi  et  qui  concourent  certaine- 
ment à  assurer  l'irréductibilité  et  même  à  exagérer  le  degré  de  stricture. 

Les  premiers  effets  de  la  constriction  intestinale  sont  traduits  par  une  série 
de  phénomènes  dits  spasmodiques,  et  que  l'on  pourrait  appeler  mieux  des 
réactions  fonctionnelles,  parce  qu'ils  sont  d'ordre  réflexe.  Ce  sont  une  douleur 
vive,  des  vomissements,  du  hoquet,  et  la  tension  et  la  dureté  des  parois  abdo- 
minales. Les  vomissements,  le  hoquet,  la  gêne  respiratoire,  paraissent  dus  en 
grande  partie  à  des  contractions  spasmodiques  et  involontaires  du  diaphragme. 
Quant  à  la  tension  des  parois  de  l'abdomen,  à  leur  dureté,  elle  tient  bien  évi- 
demment à  des  contractions  réflexes  des  muscles  de  ces  parois,  sous  l'influence 
de  la  douleur.  11  résulte  naturellement  de  toutes  ces  contractions  musculaires 
une  augmentation  manifeste  de  la  pression  inlra-abdominale.  Son  importance 
a  été  mise  en  lumière  par  M.  Guyton,  puis  par  3L  Bertliolle  (1858).  Elle  peut 
augmenter  l'irréductibilité  de  deux  manières.  En  premier  lieu  elle  résiste  effi- 
cacement contre  les  tentatives  de  réduction.  Broca  a,  en  effet,  rapporté  des  cas 
où  les  parois  de  l'abdomen  étaient  dures  et  tendues,  et  dans  lesquels,  en  pro- 
duisant le  relâchement  de  ces  parois  par  l'anesthésie,  on  voyait  la  hernie  se 
réduire  sous  le  moindre  effort. 

D'un  autre  côté,  si,  ce  qui  esl  très-probable,  le  bout  supérieur  de  l'anse 
herniée  n'est  pas  absolument  oblitéré  au  début  de  l'étranglement,  elle  empêche 
les  gaz  de  l'anse  étranglée  de  revenir  dans  ce  bout  supérieur,  et  même  elle  les 
pousse  en  plus  grande  quantité  dans  la  partie  herniée,  augmentant  ainsi  gra- 
duellement le  volume  de  la  tumeur.  C'est  aussi,  dans  le  même  sens,  que  doit 
agir  l'exagération  des  mouvements  péristalliques  du  bout  supérieur  constatés 
expérimentalement  chez  les  animaux  sur  lesquels  on  a  fait  une  ligature  d'une 
anse  intestinale. 

Cette  contracture  des  muscles  abdominaux  n'est  pas  constante,  ainsi  que  nous 
l'avons  déjà  vu;  quoi  qu'il  en  soit,  quand  elle  existe,  elle  est  remplacée  au 
bout  de  quelques  jours  par  du  ballonnement  et,  à  ce  moment,  il  n'y  a  aucune 
diminution  de  ki  pression  extra-abdominale. 

D'ailleurs,  à  ces  premiers  phénomènes  s'ajoutent  bientôt  des  lésions  anato- 
miques  qui  portent  sur  l'intestin,  le  mésentère  et  l'épiploon,  et  qui  rendent  la 
réduction  encore  plus  difficile.  Ces  lésions  ont  été  quelquefois  considérées 
comme  la  véritable  cause  de  l'irréductibihté,  d'autres  fois  comme  n'ayant  à  ce 
sujet  aucune  influence- 


800  HERNIES. 

Du  côté  de  l'inteslin,  ces  lésions  portent  sur  les  parois,  le  contenu  et  la 
surface.  Nous  allons  rapidement  les  e'numérer.  Les  parois  présentent  une  con- 
gestion qui  se  complique  bientôt  de  gonfiement  œdémateux,  d'infiltration 
saTîgnine,  et  quelquefois  de  petits  points  de  suppuration.  Le  résultat  de  ces 
lésions  est  de  produire  un  épaississement  manifeste,  et  par  suite  une  augmen- 
tation de  volume  de  la  hernie  qui  rend  [ilus  difficile  encore  la  réduction.  Broca 
a  insisté  beaucoup  sur  ce  facteur,  qui  est  presque  nié  par  Gosselin,  lequel 
n'accorde  à  peu  près  aucune  importance  à  cet  épaississement  des  parois  intesti- 
nales qu'il  croit  très-peu  considérable.  Berger,  qui  a  fait  des  recherches  à  ce 
sujet,  en  conclut  qu'il  existe,  au  bout  de  quelques  jours,  une  tuméfaction  très- 
marquée  des  tuniques  musculaire  et  muqueuse  qui  peut  doubler  l'épaisseur  de 
la  paroi  intestinale.  Seulement,  cet  épaississement  n'est  pas,  pour  lui,  le 
résultat  de  l'œdème  des  'diverses  couches,  mais,  comme  il  est  plus  accusé  au 
voisinage  de  l'insertion  mésentérique,  il  est  d'avis  qu'il  est  en  partie  causé  par 
linfiltratiou  inflammatoire  du  mésentère  et  le  dépôt  de  fausses  membranes  à  sa 
surface.  Cependant  quelquefois  il  peut  y  avoir  œdème  et  inflammation  de  l'intes- 
tin en  dehors  de  la  constriction  par  l'anneau,  comme  dans  l'observalion  déjà 
citée  de  Trélat,  de  coudure  à  angle  aigu  de  l'anse  dans  le  sac,  avec  accoleraent 
des  deux  branches  du  V  par  des  fausses  membranes.  Quoi  qu'il  en  soit,  ce 
gonflement  est  impuissant  à  causer  à  lui  seul  l'irréductibilité,  mais  il  peut 
contribuer  à  l'augmenter. 

On  en  trouve  la  preuve  dans  l'existence  presque  constante  du  sillon  d'étran- 
glement que  l'on  observe,  dans  tous  les  cas  de  constriction  assez  étroite,  sous 
la  forme  d'un  sillon  circulaire  déprimé,  le  plus  souvent  ecchymose,  noirâtre, 
quelquefois  très-profond.  «  Il  décèle,  dit  Duplay,  un  rétrécissement  du  canal 
intestinal,  augmente  l'obstacle  au  cours  des  matières  et  s'oppose  même  d'une 
façon  plus  directe  à  la  réduction,  en  transformant  la  surface  intestinale  souple 
et  lisse  en  une  surface  anfractuense,  qui  vient  s'emboîter  en  quelque  sorte  avec 
l'agent  d'étranglement.  »  Les  lésions  que  l'on  constate  à  la  surface  de  l'intestin 
sont  peut-être  plus  importantes  au  point  de  vue  du  mécanisme  de  l'irréductibihté. 
Elles  sont  de  nature  inflammatoire,  débutent  par  une  chute  de  l'épithélium  de 
la  séreuse  viscérale  qui  se  reconnaît  à  un  dépoli  de  sa  surlace,  pour  aboutir 
rapidement  à  la  formation  de  fausses  membranes.  Celles-ci  sont  d'abord  ghiti- 
neuses,  molles,  puis  deviennent  de  plus  en  plus  organisées.  Elles  forment  des 
adhérences  parfois  résistantes  entre  les  différentes  parties  contenues  dans  les 
lieniies  et  quelquefois  aussi  entre  le  contenu  et  le  sac.  On  comprend,  sans  qu'il 
soit  utile  d'y  insister,  l'obstacle  qu'elles  peuvent  créer  à  la  réduction  de  la 
hernie,  non-seulement  pendant  le  taxis,  mais  encore  par  la  kélotoraie.  Elles  ont 
en  effet  quelquefois  nécessité  des  dissections  longues,  laborieuses  et  difficiles; 
dans  un  cas  même  l'intestin  dut  être  laissé  au  dehors. 

Enfin,  le  contenu  de  cet  organe  est  le  siège  de  phénomènes  qui  se  produisent 
très-rapidement  et  apportent  de  nouveaux  obstacles  à  la  réduction.  Nous  savons 
déjà  que  souvent  l'anse  étranglée  est  distendue  par  des  gaz  ;  néanmoins  dans 
certains  cas  ils  sont  très-peu  abondants.  Mais  presque  toujours  on  y  constate 
une  quantité  assez  notable  de  liquide  dont  la  production  est  facile  à  expliquer. 
Celui-ci  est  quelquefois  rougeâtre,  sanguinolent,  parfois  noirâtre,  et  peut  être 
considéré  en  partie  comme  le  produit  d'une  transsudation  abondante.  Au  mo- 
ment de  la  constriction  intestinale,  les  vaisseaux  sont  comprimés  et  la  circula- 
tion se  trouve  bientôt  arrêtée  dans  les  veines,  tandis  que  les  artères  envoient 


HERNIES.  807 

encore  quelque  temps  du  sang  dans  cette  anse  dont  les  vaisseaux  de  retour  sont 
oblitérés.  Il  en  résulte  une  congestion  intense,  et  la  pression  vasculaire  devient 
si  forte  qu'il  se  fait,  soit  par  les  glandes,  soit  surtout  à  travers  les  muqueuses, 
une  exhalation  abondante  de  liquide  formé  pour  la  plus  petite  partie  par  la 
sécrétion  glandulaire,  et  composé  principalement  de  sérum  sorti  des  vaisseaux. 
Ce  liquide  devient  bientôt  assez  abondant  pour  remplir  et  dilater  l'anse  licrniée, 
et  cela  d'autant  plus  aisément  que,  dès  le  début  des  lésions,  celle-ci  est  atone  et 
paralysée.  Celte  production  de  liquide  peut  accroître  le  degré  de  constriction  en 
augmentant  le  volume  et  la  longueur  de  la  portion  d'intestin  comprise  dans 
l'étranglement. 

Quant  au  mésentère  et  à  l'épiploon,  ils  sont  surtout  le  siège  de  lésions 
inflammatoires. 

Le  mésentère,  qui  subit  souvent  moins  directement  la  constriction  que  les 
bouts  de  l'intestin,  peut  être  relativement  indemne;  cependant,  en  général,  il  est 
augmenté  de  volume,  il  a  perdu  son  élasticité,  est  congestionné  et  souvent  revêtu 
de  néomembranes  au  niveau  de  son  insertion  sur  l'intestin.  Quant  à  l'épiploon, 
il  est  ordinairement  congestiouné,  gonflé,  épaissi,  et,  «  de  l'avis  de  tous  les 
auteurs,  dit  Berger,  son  gonflement  peut  devenir  le  point  de  départ  de  ce  qu'on 
a  nommé  étranglement  consécutif,  étranglement  dans  lequel  l'éjiiploon  tumélîé 
écrase  contre  le  contour  de  l'orifice  herniaire  les  deux  bouts  de  l'anse  comprise 
dans  la  hernie.  » 

Maintenant  on  pourrait  encore  rechercher  s'il  n'y  a  pas  du  côlé  des  anneaux 
et  du  collet  quelques  modifications  qui  augmentent  encore  leur  résistance  et  leur 
inextensibilité.  Les  adhérences  nombreuses  et  l'espèce  de  fusion  qui  existent 
souvent  entre  ces  deux  parties  semblent  indiquer  tout  au  moins  la  présence  de 
lésions  inllaramatoires  encore  mal  décrites  et  probablement  secondaires  que 
nous  ne  pouvons  qu'indiquer  en  passant. 

Nous  venons  de  voir  que  l'étranglement  se  traduit,  au  bout  de  peu  de  temps, 
par  des  phénomènes  et  des  lésions  qui  sont  absolument  constants,  et  dont  l'en- 
semble constitue  ces  phénomènes  dynamiques  que  certains  auteurs  ont  opposés 
aux  phénomènes  mécaniques  dont  nous  avons  jusqu'ici  étudié  l'action.  Il  nous 
reste  maintenant  à  rechercher  si  ces  lésions  localisées  doivent  toujours  être  con- 
sidérées comme  la  conséquence  de  la  stricture,  ou  bien  si,  dans  certains  cas, 
elles  n'en  seraient  pas  uniquement  la  cause.  Ceci  revient  à  rechercher  quelle 
part  doit  être  attribuée,  dans  l'étranglement,  à  cliaque  ordre  de  phénomènes, 
aux  mécaniques  ou  aux  dynamiques. 

Nous  devons  dire,  dès  le  début,  qu'il  nous  paraît  absolument  impossible  de 
eonsidérer  les  lésions  inflammatoires  observées  au  niveau  du  pédicule  et  de 
l'anse  herniée  comme  la  seule  cause  de  l'étranglement.  Cette  notion  paraît 
aujourd'hui  hors  de  doute,  mais  cependant  l'opinion  contraire  a  été  soutenue 
par  des  chirurgiens  de  haute  valeur  :  nous  devons  donc  l'examiner.  Droca,  en 
elfet,  a  avancé  dans  sa  thèse,  exagérant  sur  ce  point  la  doctrine  de  Malgaigne, 
que  l'inflammation  était  la  cause  de  tous  les  étranglements.  Birkctt,  dans  le 
System  of  Surgenj  de  Holmes,  a  attribué  l'étranglement  à  une  inflammation 
ancienne  de  l'intestin,  jouant  le  rôle  de  cause  prédisposante. 

Au  point  de  vue  de  la  cause  réelle  et  de  la  pathogénie  de  l'irréductibilité,  les 
faits  d'étranglement  peuvent  être  divisés  en  plusieurs  groupes. 

Dans  une  première  catégorie,  la  prédominance  absolue  des  phénomènes  pure- 
ment mécaniques  est  indiscutable.  Dans  les  étranglements  avec  pincement  latéral, 


808  HERNIES. 

dans  ceux  qui  se  produisent  en  même  temps  que  la  première  apparition  de  la 
hernie,  ou  qui  se  montrent  au  moment  de  l'issue  d'une  hernie  depuis  longtemps 
bien  réduite  et  bien  maintenue,  il  n'est  possible  de  penser  qu'à  une  constriction 
purement  mécanique  :  c'est  l'étranglement  élastique.  11  est  soudain,  immédiat, 
et  il  est  bien  évident  que,  dans  ces  cas,  les  phénomènes  inflammatoires,  quand 
ils  existent,  ne  peuvent  être  que  secondaires. 

Dans  un  second  groupe  de  faits,  l'étranglement  se  produit  aussi  d'emblée  ;  ce 
sont  les  cas  oîi  survient  ce  que  Berger  appelle  l'étranglement  par  engouement, 
en  donnant  à  ce  mot  un  sens  bien  différent  de  celui  qu'il  avait  autrefois. 
«  L'intestin,  dit-il,  contenu  dans  la  hernie,  gêné  par  des  anneaux  ou  par  un 
collet  très-serré,  reçoit  tout  à  coup,  dans  sa  cavité,  les  gaz  ou  les  matières  que  la 
pression  abdominale  croissant  subitement  expulse  du  bout  supérieur;  immédia- 
tement on  voit  survenir  le  gonflement  de  l'anse,  l'irruption  dans  la  hernie  de 
nouvelles  quantités  d'intestin  et  de  mésentère  qui  réduisent  encore  par  leur 
volume  le  passage  étroit  laissé  à  la  réduction.  Le  bout  supérieur  comprime  le 
bout  inférieur  et  empêche  l'issue  des  matières  et  des  gaz  par  ce  bout  inférieur; 
le  mésentère  se  tend,  la  traction  qu'il  exerce  applique  plus  intimement  les  deux 
bouts  de  l'anse  herniée  contre  l'orifice  herniaire  et  elle  peut  déterminer  l'incar- 
cération complète,  soit  en  produisant  la  brusque  coudure  du  bout  supérieur, 
soit  en  effaçant  sa  tumeur  par  la  pression  que  le  coin  mésentérique  contenu 
dans  le  sac  exerce  sur  les  deux  bouts  de  l'anse  herniée.  A  ces  faits  il  faut 
joindre  ceux  d'étranglement  par  vive  arête  où,  primitivement  au  moins,  Ja 
constriction  ne  paraît  s'effectuer  que  sur  le  bout  inférieur.  »  Ici  aussi  les  phé- 
nomènes mécaniques  sont  primitifs,  et,  s'ils  sont  nombreux  et  complexes,  ils 
suffisent  seuls  à  expliquer  l'incarcération  et  l'irréductibilité. 

Dans  un  troisième  groupe,  se  rangent  les  cas  qui  ont  été  désignés  sous  le  nom 
d'étranglements  consécutifs.  Ils  désignent  ordinairement  des  accidents  survenant 
d'une  façon  lente  et  insidieuse,  dans  des  hernies  le  plus  souvent  volumineuses  et 
mal  maintenues.  Il  est  impossible  de  délimiter  exactement  le  moment  où  ils 
ont  débuté,  et  c'est  pour  ces  cas  que  Malgaigne  a  supposé  que  les  phénomènes 
inflammatoires  jouaient  le  principal  rôle.  11  y  aurait  alors  des  troubles  graduels 
et  insensibles,  un  gonflement  inflammatoire  de  plus  en  plus  accusé,  et  par  ce 
mécanisme  l'intestin  viendrait  lui-même,  et  secondairement,  s'étrangler  contre 
un  anneau  ou  un  collet  primitivement  suffisant.  Mais,  même  dans  ces  cas,  où 
l'élément  inflammatoire  est  indéniable,  pour  expliquer  le  début  des  accidents 
il  a  fallu  faire  intervenir  une  cause  mécanique,  un  obstacle  incomplet  probable- 
ment, mais  primitif.  Broca,  qui  plus  que  tout  autre  a  étendu  le  rôle  de  l'in- 
flammation dans  l'étranglement,  a  écrit  à  ce  sujet  :  «  Le  premier  élément,  c'est 
l'arrivée  d'une  anse  d'intestin  dans  une  cavité  dont  l'orifice  est  notablement 
plus  étroit  que  le  fond  et  est  en  même  temps  pourvu  d'une  certaine  rigidité. 
L'intestin  se  dilate  plus  ou  moins  tlans  la  cavité  du  sac;  l'expansion  des  gai 
qu'il  renferme  joue  sans  doute  un  rôle  important  dans  cette  dilatation.  Le 
pédicule  de  la  hernie  n'est  pas  encore  étranglé,  mais  il  est  du  moins  com- 
primé à  un  degré  variable  :  dès  lors  sa  circulation  en  retour  est  un  peu  gênée 
et  l'anse  intestinale  se  congestionne.  Le  volume  s'accroît  un  peu  sous  l'influence 
de  cet  afflux.  C'est  alors  qu'apparaît  le  deuxième  élément,  l'élément  dynamique, 
l'inflammation.  » 

Donc,  même  dans  ces  cas  où  le  début  des  accidents  échappe  à  l'observateur, 
et  où  la  part  à  faire  à  l'inflammation  est  beaucoup  plus  considérable  que  dans 


HERNIES.  809 

les  groupes  précédents,  la  nécessité  d'un  obstacle  mécanique  primitif  est 
reconnue.  On  peut  donc  conclure  en  réalité  que,  dans  tous  les  étranglements, 
avec  des  degrés  suivant  les  cas,  la  nature,  l'ordre  et  la  gradation  des  accidents 
sont  toujours  les  mêmes. 

Du  reste,  il  est  facile  de  faire  la  part  des  phénomènes  mécaniques  et  des 
faits  dynamiques,  dans  les  lésions  et  dans  les  symptômes  observés. 

Ainsi  les  lésions  graves  de  l'intestin  sont  manifestement  le  résultat  de  la 
constriclion  et  de  l'innammation  qu'elle  y  détermine.  A  la  conslriction  appar- 
tiennent :  la  congestion,  l'arrêt  de  la  circulation  sanguine,  l'œdème,  les  ecchy- 
moses, la  transsudation  des  liquides  dans  l'épaisseur  des  tuniques  et  dans  la 
cavité  de  l'anse,  et  enfin  la  gangrène.  De  l'inflammation  relèvent  :  la  chute  de 
l'épilhclium  péritonéal,  l'exagération  du  liquide  dans  le  sac,  les  néomembranes 
et  les  adhérences.  C'est  à  ce  même  ordre  de  lésions  que  l'on  peut  rattacher  la 
vascularisation,  l'épaississement  et  les  indurations  que  l'on  constate  sur  le 
mésentère  et  sur  l'épiploon.  Ces  organes  servent  de  coussin  élastique  pour 
protéger  l'intestin  contre  la  stricture,  tout  en  augmentant  le  volume  du  pédicule 
herniaire  et  en  facilitant  l'occlusion  du  calibre  intestinal. 

Enfin,  les  troubles  généraux,  les  désordres  d'origine  nerveuse,  tels  que 
l'algidité,  la  cyanose,  l'aphonie,  les  crampes  et  les  vomissements,  ne  s'expliquent 
pas  par  des  phénomènes  inflammatoires.  Ce  sont  les  résultats  directs  de  la  con- 
striction  mécanique  de  l'intestin.  «  Celle-ci  produit,  dit  Duplay,  l'arrêt  des 
matières  et  des  gaz,  elle  détermine  et  explique  la  douleur  et  l'anxiété,  la  tension 
du  ventre,  puis  l'excitation  de  l'intestin,  les  mouvements  antipérislaltiques  et 
le  rejet  par  vomissement  des  matières  intestinales,  plus  tard  encore  la  paralysie 
de  l'intestin,  la  paralysie  des  territoires  vasculaires  éloignés  et  les  congestions 
viscérales  qui  en  dépendent  et  amènent  la  terminaison  fatale,  que  celle-ci  soit 
due  à  l'asphyxie,  à  la  syncope  ou  à  un  affaissement  graduel  des  forces  ». 
Il  est  probable,  en  outre,  que  tous  ces  phénomènes  sont  d'ordre  réflexe,  qu'ils 
résultent  de  l'irritation  mécanique  des  riches  plexus  nerveux  de  l'intestin  et  que 
«  leur  apparition  est  régie  par  les  lois  qui  président  à  la  diffusion,  par  voie 
réflexe,  des  excitations  continues  et  violentes  portées  sur  des  nerfs  sensitifs.  » 

Des  PSEUDO-ÉTRANGLEMEJiTS.  Malgaiguc  a  réuni  sous  le  nom  de  pseudo-étran- 
glements une  série  d'iiccidents  herniaires  dont  les  symptômes  diffèrent  fort  peu 
par  eux-mêmes  de  ceux  de  l'étranglement,  mais  dans  lesquels  ces  signes  affectent 
une  marche  lente  et  insidieuse.  Aujourd'hui,  surtout  après  ce  que  nous  venons 
de  dire  dans  les  chapitres  précédents,  on  peut  se  convaincre  que  la  plupart  de 
ces  accidents  proviennent  de  l'étranglement,  et  que  le  domaine  des  pseudo- 
étranglements va  se  restreignant  de  jour  en  jour  à  mesure  que  les  observations 
cliniques  et  anatomo-pathologiques  se  multiplient  et  deviennent  plus  précises. 
Ces  accidents  ont  été  désignés  sous  le  nom  d'engouement  et  d'inflammation 
herniaire. 

1°  Engouement.  On  doit  entendre  par  ce  mot  l'obstruction  de  l'intestin  par 
des  matières  solides. 

Nous  avons  vu,  par  le  court  historique  que  nous  avons  tracé  des  doctrines  qui 
ont  successivement  régné  dans  la  science  au  sujet  des  accidents  herniaires,  que 
Franco  avait  démontré  que  l'intestin  dans  les  hernies  douloureuses,  irréductibles, 
et  accompagnées  d'accidents  graves,  était  vide  et  ne  contenait  guère  que  des  fla- 
tuosités  et  autres  choses  venteuses.  Jusque-là,  tous  les  phénomènes  étaient  attri- 
bués à  l'accumulation  de  matières  solides.  Cependant  la  théorie  de  l'engoué- 


810  HERNIES. 

ment  vrai  pour  expliquer  ces  faits  persista  longtemps.  Goursaiid  lui-même 
l'admettait  encore  comme  élément  principal  de  l'une  de  ses  formes  de  l'étran- 
glement, et  la  doctrine  de  l'engouement,  quoique  limitée  à  certains  cas  particu- 
liers, durait  encore  quand  Malgaigne  vint  lui  porter  un  dernier  coup.  Il  démon- 
tra, en  effet,  en  s'appuyant  sur  des  recherches  anatomiques  et  cliniques,  que 
cet  engouement  n'existe  que  d'une  manière  exceptionelle  et  que,  quand  on  le 
constate,  il  est  plutôt  le  résultat  que  la  cause  des  accidents.  D'ailleurs,  l'analyse 
minutieuse  des  faits  indique  combien  il  est  exceptionnel  de  rencontrer  cette 
accumulation  de  matières  dans  les  hernies.  Broca,  dans  sa  thèse,  n'avait  pu'en 
réunir  que  5  cas.  Mais,  après  analyse  des  observations,  il  ne  croit  plus  à  la  réalité 
de  l'engouement  que  dans  un  seul  cas,  celui  de  Goyrand  (d'Aix).  On  considère 
encore ,  comme  un  autre  exemple  de  cette  lésion,  le  fait  qui  a  été  publié  par 
Nicaise  dans  sa  thèse  et  qui  appartient  à  Bouchard.  Enfin,  la  question  a  été 
reprise  en  1878  dans  une  thèse  de  la  Faculté  de  Paris,  par  M.  Audoucet  [Sur 
ïine  observation  cV engouement  herniaire)  et  l'auteur  n'admet  comme  faits  réels 
d'engouement  que  celui  qu'il  publie  et  qui  provient  de  la  pratique  de  M.  Marsoo 
d'Orlhcz  et  les  doux  cas  que  nous  venons  de  citer.  Dans  tous  les  autres  Gosselin, 
qui  a  contribué  avec  Malgaigne  à  renverser  la  doctrine  de  l'engoument  solide, 
a  démontre  que  l'on  avait  réuni  sous  ce  nom,  soit  dos  accidents  survenant  dans 
des  entéro-épiplocèlos  irréductibles,  que  les  recherches  récentes  de  Boiffin 
rattachent  à  l'étranglement,  soit  des  épiplocèles  enfiammées,  soit  des  étran- 
glements à  marche  lente  survenant  chez  les  grosses  entéio- épiplocèles  des 
vieillards. 

Dans  l'opération  de  Goyrand,  la  réduction  ne  put  se  faire  qu'après  un  débri- 
dcment  de  l'anneau  :  c'était  donc  un  étranglement  à  marche  lente,  puisque  les 
accidents  duraient  depuis  huit  jours,  chez  un  petit  enfant,  mais  il  y  avait  un 
obstacle  autre  que  l'accumulation  des  fèces.  L'observation  de  Bouchard  et  celle 
d'Andoucet  peuvent  aussi  être  regardées  comme  des  exemples  d'étranglement 
peu  serrés  avec  accumulation  de  matières  fécales  dans  l'anse  herniée,  chose  que 
nous  savons  très-rare,  mais  non  comme  des  cas  d'engouement.  Ainsi,  dans  le 
f.iit  de  ^'icaise,  il  y  avait  un  rétrécissement  des  deux  bouts  de  l'anse  herniée.  En 
un  mot,  nous  ne  pouvons  nier  l'accumulation  de  matières  solides  dans  une  anse 
herniée.  Le  fait  existe  surtout  dans  les  hernies  du  gros  intestin;  et,  dans  presque 
toutes  les  observations,  c'est  le  gros  intestin  qui  est  contenu  dans  le  sac.  Mais 
son  existence  ne  démontre  nullement  que  les  matières  soient  par  elles-mêmes  la 
cause  de  l'obstruction.  Les  anneaux  et  le  collet  quelquefois,  et  dans  les  hernies 
adhérentes  les  changements  de  forme  et  de  direction,  jouent  le  principal  rôle 
(Boiffin). 

Ainsi  donc,  que  l'engouement  ait  été  la  conséquence  ou  même  exceptionnelle- 
ment la  cause  d'un  étranglement  herniaire,  la  chose  paraît  prouvée,  mais  ce  sont 
alors  des  particularités  de  l'étranglement,  et  il  n'y  a  pas  lieu  de  décrire  à  part 
l'engouement  comme  une  affection  distincte  et  indépendante. 

Cependant,  on  a  placé,  à  côté  de  cet  engouement  fécal  simple,  des  cas  dans  les- 
quels l'accumulation  de  corps  étrangers  de  nature  diverse  a  pu  causer  dans  une 
hernie  des  accidents  d'obstruction  et  même  des  lésions  intlammatoires  graves. 

Ces  corps  étrangers  sont  de  nature  très-variée.  Hévin,  dans  un  travail  resté 
célèbre  et  publié  dans  les  Bulletins  de  V Académie  de  chirurgie,  en  a  réuni  un 
certain  nombre  d'observations.  Ainsi  il  rapporte  le  fait  de  J.-L.  Petit  trouvant 
dans  une  hernie  inguinale  chez  un  rôtisseur  «  un  pied  d'alouette  tout  entier 


HERNIES.  811 

que  le  malade  avait  avalé  par  gloutonnerie  >>  ;  celui  de  Boismorticr  rencontrant 
dans  un  exomphale  un  épi  d'orge  de  la  longueur  du  petit  doigt  et  encore  garni 
de  tous  ses  calices;  celui  de  Farcy  (de  La  Flèche,  1720),  où  on  note  16  os  de 
pied  de  mouton;  une  deuxième  observation  de  J.-L.  Petit,  oîi  il  y  en  avait  15; 
celle  de  Winkler,  qui  renfermait  plusieurs  os  de  poulet  arrêtes  au-dessus  de  la 
valvule  iléocaîcale.  Nous  pouvons  ajouter  à  ceux-là  un  fait  de  Broca  (Société 
anatomique,  1856)  dans  lequel,  à  travers  une  hernie  perforée,  il  put  extraire 
une  clavicule  d'oiseau  longue  de  plus  de  4  centimètres,  et  celui  de  Robert  Law 
{tlie  Lancet,  1880),  qui  retira  d'une  hernie,  qu'il  opérait  chez  un  vieillard,  un 
fragment  d'os  de  5  centimètres  de  long.  On  a  observé  aussi  la  présence  de  corps 
étrangers  d'autre  nature.  Ainsi,  Mercier,  Muralto,  Broca  père,  ont  rencontré 
dans  des  hernies  des  amas  de  lombrics  ;  J.-L.  Petit  et  Igonnet  ont  pu,  dit  Duplay, 
réduire  des  hei'nies  obstruées  par  des  amas  de  noyaux  de  cerise  et  faire  cesser 
les  accidents.  Ceux-ci  du  reste,  paraissent  avoir  été  de  nature  inflammatoire, 
car,  dans  la  plupart  de  ces  cas,  l'intestin  avait  été  perforé  ou  sphacélé  par  ces 
corps  étrangers.  Souvent  ils  n'ont  été  constatés  que  dans  l'intérieur  d'un  phleg- 
mon stercoral  ou  sont  sortis  à  travers  un  orifice  fistuleux.  Enfiu,  dans  certains 
cas,  comme  dans  celui  de  Robert  Law,  le  ciiirurgien  a  indiqué  nettement  l'exis- 
tence des  accidents  de  l'étranglement.  Mais,  avec  ces  corps  étrangers,  et  grâce 
à  l'obstacle  qu'ils  fournissent  aux  matières  fécales  qui  peuvent  s'accumuler 
derrière  eux,  on  a  quelquefois  vu  les  accidents  exister  par  le  fait  seul  de  cet 
arrêt  des  matières.  C'est  du  moins  l'opinion  de  Duplay,  qui  admet  la  possibilité 
de  l'engouement  limité  à  ces  cas-l<i.  Pour  d'autres,  au  contraire,  l'existence 
de  ces  corps  étrangers  ne  suffirait  pas  à  produire  une  obstruction  intestinale, 
s'il  n'y  a  pas  d'autre  obstacle.  «  Ce  ne  sont  même  pas,  dit  Boiffin,  des  faits 
d'obstruction  bien  caractérisés.  Des  corps  irréguliers  ont  pu  cheminer  tant  que 
le  calibre  de  l'intestin  était  normal;  ils  viennent  s'échouer  sur  une  courbure 
trop  rapide,  où  une  déformation  angulaire  déterminée  par  l'adhérence  d'une  anse 
enfermée  dans  une  cavité  très-limitée,  et  les  accidents  qu'ils  ont  alors  occa- 
sio  mes  se  terminent  le  plus  souvent  par  un  abcès  stercoral  leur  donnant  issue.  » 
11  faut  donc,  pour  cet  auteur,  un  agent  d'étranglement  siégeant  dans  l'intestin 
et  qui  serait  tantôt  une  courbure  trop  rapide  de  l'asne,  tantôt  une  coudure 
en  V  avec  immobilisation  des  branches  par  des  adhérences. 

Quoi  qu'il  en  soit  donc,  et  en  faisant  peut-être  quelques  réserves  pour  les  cas 
do  corps  étrangers,  on  peut  dire  que  l'engouement  comme  cause  primitive  des 
accidents  n'existe  pas.  Tout  au  plus  peut-il  aider  à  expliquer  le  mécanisme  de 
certains  étranglements.  Brasdor  avait  déjà,  précédant  Malgaigne  et  les  modernes, 
déclaré  tout  haut  à  la  Société  de  médecine  de  Paris,  le  27  thermidor  au  IX,  que 
l'engouement  n'est  qu'une  abstraction  théorique,  une  supposition.  Gosselin, 
arrivant  aux  mêmes  conclusions,  a  déclaré  à  son  tour  qu'il  n'y  avait  pas  lieu 
de  décrire  l'engouement. 

2°  Inflammation  herniaire.  On  désigne  sous  le  nom  d'inflammation  her- 
niaire ou  de  péritonite  herniaire  l'inflammation  aiguë  de  la  cavité  du  sac  et  des 
viscères  qui  y  sont  contenus. 

L'existence  de  lésions  inflammatoires  dans  les  hernies  est  absolument  hors 
de  doute  et  démontrée,  surtout  depuis  les  recherches  modernes,  d'une  façon  incon- 
testable. Mais,  lorsqu'il  s'agit  de  décrire  cliniquement  l'inflammation  des  hernies, 
la  difficulté  commence  ;  le  vague  et  le  manque  de  précision  dans  les  descriptions 
des  symptômes,  les  différences  d'interprétation  des  divers  auteurs,  montrent 


812  HERNIES. 

que  ce  terme  ne  répond  pas,  dans  l'esprit  des  chirurgiens,  à  quelque  chose  de 
parfaitement  caractérisé. 

11  est  donc  absolument  nécessaire  de  reprendre  un  peu  à  ce  sujet  les  notions 
historiques  et  de  voir  ce  que  l'on  a  tour  à  tour  compris  sous  ce  nom,  ce  qu'il 
faut  véritablement  entendre  aujourd'hui  quand  on  parle  de  l'inflammation  des 
hernies. 

Les  Anciens  avaient  bien  pensé  qu'il  pouvait  y  avoir  un  certain  degré  d'inflam- 
mation dans  les  accidents  herniaires.  Goursaud  croyait  que,  dans  les  étrangle- 
ments vrais,  primitifs,  à  marche  rapide,  il  existait  un  certain  degré  d'inflam- 
mation, puisqu'il  les  appelait  des  étranglements  par  inflammation.  Cependant, 
c'est  seulement  à  Malgaigne  qu'il  faut  remonter  en  faisant  l'histoire  de  l'inflam- 
mation des  hernies,  car  sa  conception  de  la  péritonite  herniaire  est  absolument 
différente  de  toutes  les  idées  de  ses  devanciers.  Frappé  de  ce  que  les  accidents 
herniaires  se  présentaient  à  l'observateur  avec  des  formes  cliniques  très-diverses 
et  affectaient,  en  certains  cas,  une  marche  très- insidieuse,  il  crut  devoir 
chercher  dans  une  nouvelle  interprétation  pathogénique  la  raison  de  ces  varia- 
tions. Pour  lui,  dans  ces  cas,  les  accidents  n'étaient  pas  dus  à  de  l'étrangle- 
ment, mais  seulement,  malgré  une  similitude  assez  grande  de  symptômes,  à 
l'inflammation  de  la  hernie.  Ce  n'était  qu'un  pseudo-étranglement.  De  l'analyse 
d'un  certain  nombre  d'observations  il  concluait  qu'il  y  avait  dans  les  accidents 
herniaires  : 

«  1"  L'étranglement  pur  et  simple,  qui  est  rare,  quia  lieu  sans  inflammation, 
qui  produit  la  gangrène  en  quelques  heures  ; 

«  2"  L'inflammation  pure  et  simple,  très-commune,  et  qui  presque  toujours 
est  limitée  à  la  séreuse  de  la  hernie; 

«  5°  Enfin  l'inflammation  en  masse  des  viscères  contenus  dans  la  hernie  de 
l'épiploon  avec  son  tissu  adipeux,  de  l'intestin  avec  toutes  ses  tuniques  :  ce  troi- 
sième élément  ne  vient  guère  qu'à  la  suite  des  deux  autres,  soit  par  l'effet  propre 
de  l'étranglement  quand  celui-ci  n'est  pas  assez  fort  pour  produire  immédiate- 
ment la  gangrène,  soit  par  les  manœuvres  irrationnelles  du  taxis  dans  les  cas  de 
simple  péritonite  herniaire.  « 

Plus  loin,  dans  ce  même  mémoire  communiqué  à  l'Académie  des  sciences  en 
1841,  il  ajoute:  «  Dans  toutes  les  hernies  intestinales  anciennes  volumineuses 
qui  n'ont  jamais  été  contenues  par  un  bandage  ou  pour  lesquelles  le  bandage  a 
été  longtemps  délaissé,  il  n'y  pas  d'étranglement  réel,  l'anneau  ou  les  anneaux 
étant  beaucoup  plus  larges  que  ne  le  requiert  le  volume  du  pédicule  de  la  hernie. 

Dans  les  épiplocèles  pures,  de  quelque  volume  qu'elles  soient,  le  plus  souvent 
c'est  une  péritonite  adhésive  ou  suppurative  qui  a^  lieu,  et  la  réahté  de  l'étran- 
glement que  je  ne  veux  point  nier,  quant  à  présent,  d'une  manière  absolue,  reste 
cependant  tout  entière  à  démontrer. 

Malheureusement,  en  présence  des  mauvais  résultats  que  donnait  à  cette  époque 
la  kélotomie,  cette  nouvelle  doctrine,  amenait  Malgaigne  à  préconiser  l'absten- 
tion opératoire,  car,  disait-il  :  «  Dans  ces  cas  l'opération  est  irrationnelle  et  doit 
être  abandonnée  des  chirurgiens.  »  Broca  dans  sa  thèse  défend  ces  nouvelles 
idées.  11  fait  comme  Malgaigne  la  part  large  à  l'inflammation  herniaire.  «  Tous 
les  accidents,  dit-il,  qui  se  produisent  dans  les  hernies  anciennes  et  volumi- 
neuses, et  tous  ceux  qui  se  manifestent  dans  les  hernies  qui  n'ont  jamais  été 
maintenues  par  un  bandage,  tous  ceux  enfin  qui  ont  leur  point  de  départ  dans 
les  épiplocèles,  sont  dus  exclusivement  à  l'inflammation.  C'est-à-dire  que  la 


HERNIES.  813 

plupart  des  affections   décrites  sous  le  nom  d'étranglement  ne  sont  en  réalité 
que  des  pseudo-étranglements.  » 

De  plus,  dans  le  chapitre  de  sa  thèse  consacré  à  l'inflammation,  il  ne  mentionne 
même  pas  la  possibilité  de  la  kélotomie,  et  se  borne  à  discuter  l'opportunité  du 
taxis  et  à  conseiller  le  traitement  antiphlogistiquc  local. 

Du  reste,  pour  Broca  comme  pour  Malgalgne,  le  tableau  clinique  des  symptômes 
de  l'inflammation  rappelle  tout  à  fait  celui  des  signes  de  l'étranglement.  Quand 
il  cherche  à  tracer  le  diagnostic  différentiel  entre  ces  deux  formes,  il  ne  peut  net-  • 
tement  et  absolument  les  séparer,  et  il  est  obligé  de  terminer  par  ces  mots  : 
«  Un  diagnostic  didactique  serait  d'une  grande  importance.  Je  n'entreprendrai 
pas  une  pareille  tâche,  n'ayant  pu  trouver  dans  la  science  un  nombre  suffisant  de 
(mis.  Je  ne  veux  pas  m'exposcr  à  présenter  comme  des  choses  réelles  les  suppo- 
sitions auxquelles  j'aurai  pu  me  livrer.  » 

Ainsi  donc  cette  nouvelle  forme  d'accidents,  la  péritonite  herniaire,  est  à  peu 
près  impossible,  de  l'aveu  même  de  ses  partisans,  à  distinguer  de  l'étranglement. 
Aussi  la  temporisation  qu'elle  entraîne  avait  dans  beaucoup  de  cas  amené  le  chi- 
rurgien à  une  inaction  funeste,  en  face  de  certains  cas  d'étranglements  à  marche 
fliente,  à  signes  incertains  et  incomplets,  mais  qui,  néanmoins,  font  courir  au 
malade  les  plus  grands  dangers.  C'est  ce  qui  arriva,  et  cette  pratique  défectueuse 
«e  tarda  pas  à  provoquer  une  réaction.  La  protestation  contre  la  nouvelle  doc- 
trine fut  en  effet  énergiquement  formulée  parGosselin,  qui,  dans  ses  Leçons  sur 
les  hernies  abdominales,  après  avoir  discuté  en  détail  les  faits  et  les  assertions 
de  Malgaigne  et  de  Broca,  ajoute  :  «  Il  est  donc  avéré  (p.  94)  que  ceux  qui  ont 
écrit  sur  la  péritonite  herniaire  n'ont  pas  pu  donner  aux  praticiens  une  démonstra- 
tion applicable  à  la  clinique,  et  pour  moi  qui  cherche  depuis  vingt  années  la 
preuve  de  cette  péritonite  herniaire,  je  ne  l'ai  pas  encore  trouvée.  J'ai  bien  vu 
des  épiplocèles  que  j'ai  pu  considérer  comme  enflammées  et  que  j'ai  abandonnées 
à  elles-mêmes  sans  inconvénient.   J'ai  trouvé  quelques  hernies  irréductibles  de 
'longue  date,  j'ai  vu  aussi  quelques  vieillards  et  même  des  adultes  qui  ont  mis  un 
peu  plus  de  temps  que  d'ordinaire  à  réduire  eux-mêmes  leurs  hernies  devenues 
depuis  quelques  instants  douloureuses.  Je  veux  bien  que  ces  hcrnies-là  aient  été 
tout  simplement  enflammées  :  mais  je  répète  encore  qu'elles  n'appartenaient  pas  à 
la  catégorie  des  entéro-épiplocèles  irréductibles.  Quant  à  ces  dernières,  toutes  les 
fois  qu'elles  m'ont  présenté  les  conditions  de  volume,  d'ancienneté  et  d'accidents 
que  l'on  rapporte  à  l'inflammation,  je  les  ai  réduites  par  le  taxis,  les  malades 
ont  été  promptement  guéris  et  j'ai  toujours  cru  que  j'avais  fait  céder  un  étraugle- 
iment.  »  11  ne  cache  pas  que,  pour  lui,  le  meilleur  traitement  contre  les  entéro- 
épiplocèles  irréductibles  depuis  peu  de  temps  est  de  les  faire  rentrer  le  plus 
tôt  possible.  «  Or,  ajoute-t-il,  cette  idée  thérapeutique  est  invinciblement  attachée 
au  mot  étranglement,  tandis  que  l'idée  d'inflammation,  de  péritonite  herniaire, 
entraîne  celle  de  temporisation  qui  parfois,  sans  doute,  serait  sans  inconvénient, 
mais  qui  dans  certains  cas  pourrait  devenir  dangereuse,  parce  qu'on  aurait  laissé 
passer  à  l'état  d'étranglement  invincible  ce  qui  au  début  avait  paru  n'être 
qoi'une  inflammation  et  était  sans  doute  un  étranglement  facile  à  surmonter 
par  une  main  exercée  au  taxis  ».  Cependant  il  accepte  la  théorie  de  Malgaigne 
et  la  temporisation  qui  en  découle  pour  les  hernies  adhérentes  et  les  épiplo- 
cèles pures.  Il  admet  aussi  que  dans  ces  cas  il  peut  y  avoir  sous  une  influence 
quelconque  des  phénomènes  inflammatoires  qui  modifient  l'intestin  au  point 
d'entraîner  une  irréductibilité  passagère   avec  des  symptômes  se  rapprochant 


814  HERNIES. 

de  ceux  de  l'étranglement  et  qui  semblent  devoir  céder  à  un  traitement  anli- 
phlogistique.  Mais  on  peut  cependant  croire  que  ce  sont  les  mauvais  résultats 
des  essais  de  réduction  et  des  tentatives  de  kélotomie,  qui  lui  arrachent  cette 
concession. 

Quelques  années  plus  tard,  les  doctrines  de  Gosselin  s'affirment  de  plus  en 
plus.  Les  lésions  inflammatoires  des  hernies  sont  reconnues  et  étudiées  avec  soin, 
ainsi  que  les  expériences  de  Jobert  et  de  Labbé,  et  surtout  la  thèse  de  Nicaise, 
•en  font  foi;  tous  les  auteurs  admettent  qu'elles  prennent  une  part  active  à  la 
formation  d'un  grand  nombre  d'étranglements  et  principalement  dans  les  étran- 
glements consécutifs.  On  reconnaît  aussi  qu'elles  peuvent  exister  seules  dans  les 
épiploccles  et  dans  les  hernies  adhérentes,  mais  on  arrive  à  démontrer  qu'en 
dehors  de  ces  cas  l'inflammation,  quand  elle  est  isolée,  est  impuissante  à 
simuler  l'étranglement.  En  un  mot,  l'existence  de  la  péritonite  herniaire  est 
démontrée;  mais  le  pseudo-étranglement  de  Malgaigne  n'existe  pas.  C'est  la 
doctrine  qui  est  nettement  soutenue  dans  la  thèse  de  G.  Richelot  {De  la  péri- 
tonite herniaire  et  de  ses  rapports  avec  V étranglement.  Paris,  1873),  qui 
formule  les  rapports  que  peuvent  avoir  entre  eux  l'inflammation  et  l'étrangle- 
ment dans  les  quatre  propositions  suivantes  : 

1"  II  y  a  des  étranglements  avec  péritonite  herniaire; 

2"  11  y  a  des  péritonites  herniaires  avec  étranglement  consécutif; 

5"  11  y  a  des  péritonites  herniaires  sans  étranglement  ; 

4"  Il  n'v  a  pas  de  pscudo-étranglemcnls. 

Cette  doctrine,  qui  est  à  peu  de  chose  près  celle  de  Le  Dentu,  est  aussi  adoptée 
par  S.  Duplay  dans  son  Traité  de  pathologie.  Après  avoir  admis  que  la  péritonite 
herniaire  peut  compliquer  l'étranglement,  et  parfois  même  le  déterminer  ou 
l'exagérer,  il  ajoute  :  «  Elle  peut  se  développer  en  l'absence  de  tout  étrangle- 
ment sous  l'influence  de  causes  accidentelles.  Elle  ne  s'accompagne  alors  d'aucune 
des  apparences  de  l'étranglement  herniaiie,  et  ses  caractères  cliniques  très-variés 
et  très-incertains  ne  ]:ermetlent  pas  de  la  décrire  en  dehors  de  la  cause  qui  l'a 
produite  et  des  complications  qu'elle  entraîne.  11  existe  certaines  hernies  volu- 
mineuses qui  sont  probablement  le  siège  d'un  étranglement  peu  serré,  et  que 
l'on  dit  volontiers  enflammées  pour  marquer  la  différence  qui  les  sépare,  au  point 
de  vue  du  diagnostic,  du  pronostic  et  du  traitement,  des  hernies  positivement 
étranglées.  »  Tous  les  autres  faits  rentrent  pour  lui  dans  l'étranglement.  Quant 
à  cette  dernière  catégorie  de  hernies  qu'il  appelle  enflammées,  on  voit  qu'il 
hésite  à  les  considérer  aussi  comme  des  cas  d'étranglement,  puisqu'il  avoue 
qu'elles  sont  probablement  le  siège  d'un  étranglement  peu  serré.  On  retrouve 
là,  les  hésitations  que  Gosselin  avait  manifestées  en  présence  des  hernies  volumi- 
neuses irréductibles  et  adhérentes.  Ce  sont  les  seuls  cas,  en  dehors  de  l'épiplocèle, 
où  la  doctrine  de  l'inflammation  persiste  encore  pour  ces  auteurs,  et  pour  les- 
quels ils  admettent  encore  un  pseudo-étranglement.  Le  tableau  clinique  de  leurs 
accidents  l'appelle,  en  effet,  celui  des  étranglements;  mais  la  marche  est  diffé- 
rente et  la  terminaison  est  ordinairement  favorable.  Ils  guérissent  par  le  repos 
et  les  cataplasmes  sans  avoir  produit  les  lésions  graves  de  l'incarcération 
complète. 

Naturellement,  ces  points  encore  incertains  devaient  provoquer  de  nouvelles 
recherches.  Or,  depuis  quelques  années,  l'attention  des  chirurgiens  s'est  portée 
surtout  sur  ces  vieilles  hernies  irréductibles  et  adhérentes.  Avec  la  méthode 
antiseptique,  la  chirurgie  herniaire  s'est  transformée,  la  kélotomie  a  cessé  de 


HERNIES.  815 

donner  les  résultats  désastreux  sigualés  par  Malgaigne,  la  cure  radicale  favorisée 
par  les  nouvelles  méthodes,  a  permis  d'aborder  des  cas  qui  paraissaient  au- 
dessus  des  ressources  de  l'art.  On  n'a  pas  hésité  à  opérer  les  hernies  où  l'étran- 
glement était  soupçonné,  à  disséquer  les  adhérences,  et  à  pratiquer  même 
l'entérotomie  et  l'entérectomie,  quand  il  était  impossible  de  libérer  complètement 
les  anses  herniées.  Aussi,  a-t-on  mieux  étudié  et  mieux  connu  les  cas  qui  res- 
taient encore  douteux,  et  la  tendance  actuelle  est  de  faire  rentrer  dans  l'étran- 
glement les  accidents  de  ces  hernies  adhérentes  pour  lesquelles  Gosselin 
acceptait  encore  la  doctrine  de  l'inflammation.  Un  élève  distingué  du  professeur 
Trélat,  Boiffin,  a  démontré,  dans  une  thèse  récente  et  excellente  {Hernies 
adhérentes  au  sac,  accidents  thérapeutiqiies.  Paris,  1887),  que,  dans  ces 
hernies  adhérentes  anciennes,  mal  contenues  ou  abandonnées  depuis  longtemps 
à  elles-mêmes,  l'inflammation  était  impuissante  à  expliquer  les  accidents  et 
qu'il  fallait  ici  aussi  invoquer,  pour  s'en  rendre  compte,  un  obstacle  mécanique 
au  cours  des  matières.  Seulement,  ce  n'est  pas  au  niveau  du  pédicule  qu'il 
faut  chercher  cet  obstacle  :  le  collet  n'existe  que  rarement,  les  anneaux  sont 
trop  dilatés  pour  causer  l'étranglement,  au  moins  dans  Je  plus  grand  nombre 
de  cas.  C'est  dans  l'intérieur  même  du  sac  herniaire  qu'il  faut  le  plus  souvent 
chercher  l'agent  de  l'occlusion  intestinale,  et  l'auteur  arrive  aux  conclusions 
suivantes  : 

((  1°  On  attribue  encore  actuellement  les  accidents  des  hernies  adhérentes  à 
la  péritonite  herniaire  ;  c'est  une  erreur. 

((  2°  Les  causes  de  ces  accidents  sont  multiples,  ce  sont  :  l'étranglement  vrai 
par  l'anneau  et  le  collet,  et  les  différentes  causes  d'occlusion  intestinale  :  corps 
étrangers  obstruant  la  cavité  de  l'intestin,  compression  par  brides,  constriction 
par  un  orifice  accidentel  siégeant  dans  l'épiploon  adhérent,  ou  dans  une  néo- 
membrane, rétrécissement  par  irritation  chronique  des  parois  intestinales  ou 
par  rétraction  d'adhérences  serrées,  enfin  déformation  par  coudure  brusque 
constituant  une  sorte  d'éperon,  de  valvule  oblitérant  l'intestin.  » 

En  conséquence,  la  déduction  naturelle  au  point  de  vue  thérapeutique,  est 
l'intervention  opératoire  précoce  dans  tous  les  accidents  simulant  de  près  ou  de 
loin  l'étranglement.  C'est  du  reste  à  la  même  conclusion  qu'arrive  Lucas  Cham- 
pionnière  quand  il  préconise  la  cure  radicale  «  chez  les  individus  atteints 
d'accidents  qui  ne  constituent  pas  l'étranglement.  » 

Les  considérations  précédentes  nous  ont  paru  indispensables  pour  établir  net- 
tement ce  qu'il  fallait  aujourd'hui  comprendre  sous  le  nom  d'inflammation  des 
hernies.  Il  nous  reste  maintenant  à  décrire  cette  lésion,  dont  l'étiologie  et  l'ana- 
tomie  pathologique  sont  bien  décrites,  et  dont  le  tableau  clinique  a  longtemps 
compris  les  formes  irrégulières  et  incomplètes  de  l'étranglement. 

Étiologie.  En  première  ligne  il  faut  placer  les  traumatismes  qui  peuvent 
exercer  leur  action  sur  les  viscères  contenus  dans  une  hernie.  Ce  sont  tantôt  des 
contusions,  coups,  chutes,  projectiles,  etc.  Mais  il  faut  aussi  noter,  comme  une 
cause  fréquente  de  lésions  inflammatoires,  les  pressions  des  bandages  plus  ou 
moins  bien  appliqués,  cela  surtout  dans  les  hernies  irréductibles  ou  mal  réduites. 
Enfin  Duplay  signale  encore  «  les  frottements  répétés  que  l'anse  herniée  éprouve 
dans  le  sac  et  dans  le  trajet  herniuire.  »  Toutes  ces  causes  se  produisent  surtout, 
on  le  comprendra  facilement,  dans  les  hernies  volumineuses,  dans  lesquelles  les 
viscères  sont  toujours  au  dehors,  et  principalement  dans  celles  qui  sont  irré- 
ductibles et  adhérentes. 


816  HERNIES. 

Il  faut  ensuite  ranger  parmi  les  causes  d'inflammation  les  corps  étrangers  qui 
peuvent  se  trouver  dans  l'intestin,  ainsi  que  nous  l'avons  vu  au  chapitre  de 
l'engouement.  Ils  irritent  mécaniquement  l'intestin,  produisent  l'ulcération,  la 
perforation  de  ses  parois,  et  consécutivement,  au  moins  dans  les  cas  favorables, 
de  la  péritonite  adhésive  et  un  abcès  stercoral. 

On  a  aussi  invoqué  les  écarts  de  régime,  un  effort,  une  marche  fatigante, 
et  même  l'influence  hygrométrique  de  l'atmosphère  (Malgaigne).  Mais  ce  sont  là 
plutôt  les  causes  vraies  ou  fausses  invoquées  pour  l'étranglement. 

Anatomie  pathologique.  Nous  ne  reviendrons  que  fort  brièvement  sur  les 
lésions  que  l'inflammation  peut  déterminer  dans  les  hernies.  Elles  se  retrouvent 
toutes  dans  l'étranglement  et  nous  les  avons  suffisamment  décrites  en  faisant 
l'anatomie  pathologique  de  cet  accident  :  ce  sont  la  rougeur,  la  vascularisation 
intestinale,  l'épanchement  liquide  d;ins  le  sac  et  les  lésions  de  la  séreuse.  On 
peut  encore  attribuer  à  l'inflammation  les  épanchements  sanguins  produits  par 
les  violences  extérieures,  la  rupture  directe  de  l'intestin,  celle  du  sac,  enfin  les 
perforations  qui  laissent  passer  les  corps  étrangers  et  les  phlegmons  stercoraux 
qui  en  sont  la  conséquence. 

Quant  à  la  gangrène,  qui  pourrait,  au  dire  de  certains  auteurs,  résulter  d'une 
inflammation  intense,  elle  nous  paraît  devoir  toujours  être  due  à  l'étrangle- 
ment :  nous  n'y  reviendrons  pas.  Mais  il  est  une  lésion  qui  est  purement  et 
simplement  inflammatoire;  ce  sont  les  adhérences,  et  comme  leur  existence 
prouve  toujours  une  péritonite  herniaire  soit  récente,  soit  ancienne,  nous  devons 
ici  insister  sur  leur  description. 

II  est  bien  évident  qu'il  faut  d'abord  éliminer  ce  qui  a  été  décrit  et  désigné 
sous  le  nom  d'adhérence  par  glissement.  C'est,  tout  simplement,  une  dispo- 
sition spéciale  du  sac  dans  les  cas  de  hernie  du  cœcum  ou  de  l'S  iliaque,  qui 
résulte  d'un  rapport  spécial  du  court  méso  de  ces  organes.  Ces  faits,  connus  et 
signalés  par  Scarpa,  ont  été  bien  étudiés  par  Trêves  en  Angleterre  et  récemment 
par  Tuffier  en  France. 

Les  adhérences  inflammatoires  doivent  seules  nous  occuper.  Richter,  Scarpa, 
Cruveilhier,  les  ont  tour  à  tour  décrites  avec  soin,  et  les  ont  divisées  en  plusieurs 
classes,  suivant  leurs  caractères  physiques  et  leur  degré  d'organisation.  Gosselin 
a  fait  une  courte  étude  de  leurs  caractères  anatomiques.  Enfin  Nicaise,  qui 
insiste  avec  soin  sur  leur  description,  les  divise  en  quatre  classes  :  1°  les 
adhérences  molles,  gélatinetises  -pseudo-membraneuses ;  2"  les  adhérences  for- 
mées par  un  iissu  celluleux  mince  et  flexible;  Z"  les  adhérences  filamenteuses 
ou  membraneuses  allongées;  4*  les  adhérences  intimes  épaisses  étendues. 
Barette,  dans  son  importante  thèse  [De  l'intervention  chirurgicale  dans  les  her- 
nies étranglées  compliquées  d'adhérences  ou  de  gangrène.  Paris,  1883)  adopte 
presque  complètement  la  classification  de  Nicaise.  Boiffin,  qui  les  étudie  à  son 
tour,  établit  aussi  sa  classification  sur  le  degré  d'organisation  qu'elles  peuvent 
présenter  et  décrit,  suivant  la  résistance  qu'elles  opposent  aux  moyens  opéra- 
toires, des  fausses  adhérences  et  des  adhérences  vraies.  Les  premières  désignent 
surtout  les  adhésions  formées  par  l'exsudat  fibrineux;  les  secondes  des  mem- 
branes organisées  et  résistantes  présentant  deux  caractères  fondamentaux  ;  la 
présence  de  vaisseaux  à  parois  propres,  la  formation  des  éléments  du  tissu 
conjonctif. 

Les  adhérences  fausses  représentent  le  premier  degré  de  l'organisation  del'ex 
sudat  fibrineux  qui  peut  se  produire  dans  le  sac  herniaire  sous  l'influence  du 


HERNIES.  817 

travail  inflammatoire.  Ce  sont  les  adlie'rences  molles,  gélatineuses,  pseudo- mem- 
braneuses, par  agglutination,  des  anciens  auteurs.  Cet  exsudât,  d'abord  mince, 
s'épaissit  par  adjonctions  de  nouvelles  couches;  il  est  mou  et  friable,  et  sa  couleur 
varie  du  gris  jaunâtre  au  rouge  brun.  «  Arnaud,  dit  Boiffin,  le  comparait  à  de  la 
colle  ou  à  de  la  glu  ;  le  doigt  sépare  aisément  les  surfaces  qu'il  réunit  et  qui 
gardent  alors  un  aspect  irrégulier,  tomenteux.  11  est  constitué  par  de  la  fibrine 
sous  forme  de  fibrilles  ou  de  lames;  plus  tard,  des  capillaires  sanguins  de  nou- 
velle formation  pénètrent  par  la  face  profonde  de  ces  lames  ;  ils  sont  munis  d'une 
paroi  embryonnaire  et  s'entourent  de  tissu  embryonnaire  qui  envahit  progressive- 
ment toute  l'épaisseur  de  l'exsudat.  » 

Puis,  peu  à  peu,  le  tissu  nouveau  s'organise  de  plus  en  plus;  les  vaisseaux 
finissent  de  se  développer  et  acquièrent  une  paroi  propre;  les  éléments  con- 
jonctJfs  deviennent  plus  consistants  et  arrivent  bientôt  à  constituer  un  tissu 
cellulaire  jeune,  ayant  toutes  les  propriétés  du  tissu  de  cicatrice.  Puis,  enfin, 
l'évolution  aboutit  à  la  création  définitive  de  brides  ou  membranes  parfai- 
tement organisées  et  formant,  à  mesure  que  ce  tissu  vieillit,  des  adhérences 
dont  la  structure  se  rapproche  chaque  jour  davantage  de  celle  du  tissu  fibreux 
cicatriciel.  On  a  alors  des  adhérences  vraies  qui  peuvent,  successivement,  unir  les 
anses  intestinales  entre  elles,  l'intestin  avec  l'épiploon  ou  le  sac,  et  surtout 
l'épiploon  avec  le  sac  herniaire.  Au  point  de  vue  de  l'intervention  chirurgicale, 
il  faut  tenir  compte  de  leur  degré  d'organisation,  et  nous  venons  d'essayer  de 
montrer  les  différentes  étapes  de  leur  évolution.  Mais  Boiffin  insiste  aussi  sur 
l'importance  de  leurs  dimensions,  car  elles  immobilisent  et  déforment  d'autant 
plus  les  parties  qu'elles  unissent  que  leur  longueur  est  moindre.  Elles  sont  donc, 
à  ce  point  de  vue,  lâches  ou  longues  et  serrées  ou  courtes. 

Les  premières  sont  tantôt  de  véritables  membranes  présentant  une  surface 
plus  ou  moins  étendue,  tantôt  de  simples  brides  cylindroides  quelquefois  assez 
irrégulières,  et  qui  vont  en  s'élargissant  vers  les  points  d'implantation.  Elles 
contiennent  presque  toujours  quelque  vaisseau  assez  important. 

Les  adhérences  courtes  présentent  ordinairement  un  aspect  compliqué;  elles 
maintiennent  les  parties  en  un  contact  presque  immédiat.  Elles  peuvent  réunir 
en  bloc,  en  masse,  tous  les  viscères  contenus  dans  une  hernie  en  les  agglomé- 
rant de  telle  façon  que  «  la  cavité  intestinale  paraît  creusée  dans  l'épaisseur 
d'une  masse  cellulo-fibreuse  limitée  par  la  paroi  du  sac  »  (Boiffin).  C'est  là  leur 
disposition  la  plus  complexe;  souvent  aussi  elles  sont  limitées  à  de  simples 
points  de  la  paroi  intestinale  qu'elles  unissent  soit  avec  l'épiploon,  soit  avec  le 
sac,  soit  avec  le  pédicule. 

Toutes  les  dispositions  qu'elles  peuvent  prendre  sont  décrites,  avec  soin,  dans 
la  thèse  de  Boiffin  à  laquelle  nous  empruntons  ces  détails,  depuis  les  plus 
simples  jusqu'aux  plus  compliqués.  U  ne  faut  pas  oublier  la  disposition  en  V 
d'une  anse  herniée,  dont  les  deux  branches  sont  maintenues  en  contact,  à 
l'aide  d'adhérences  très-intimes,  le  sommet  du  V  formant  un  éperon  qui  peut 
à  lui  seul  être  la  cause  d'une  obstruction  intestinale.  Arnaud  et  Richter  les 
connaissaient  déjà,  et  le  professeur  Trélat  a  rappelé  l'attention  sur  cette  situation 

particulière. 

Symptômes.     De  l'exposé  historique  que  nous  avons  tracé  au  début  de  ce 
chapitre  il  résulte  que,  sous  le  nom  d'inflammation  herniaire,  nous  ne  pouvons 
plus  accepter  que  les  lésions  consécutives  à  un  traumatisme  ou  bien  à  la  pré- 
sence d'un  corps  étranger,  d'une  part;  et  d'autre  part,  celles  qui  résultent  de  la 
DICT.  ESC.  4"  s.  XIII.  *  52 


818  IIKRNIES. 

constriction  d'une  épiplocèle  pure.  Tout  ce  qui,  jusqu'à  ces  dernières  années, 
avait  été  décrit  comme  pseudo-étranglement  ne  doit  pas  nous  arrêter.  Il  y  a 
toujours,  au  début  des  accidents,  un  obstacle  mécanique,  qui  est  suffisant  pour 
faire  rentrer  les  faits  observés  dans  le  domaine  de  l'étranglement.  Ils  consti- 
tuent les  formes  irrégulières,  anormales,  lentes  et  incomplètes,  de  cet  accident, 
mais  ils  ne  doivent  plus  être  décrits  sous  le  nom  de  péritonite  herniaire.  Les 
lésions  inflammatoires  qui  existent  alors  sont  toujours  la  cause  ou  le  résultat  de 
l'étranglement,  mais  ne  peuvent  plus  être  séparées  de  lui. 

Quand  on  a  affaire  à  une  épiploïle,  c'est-à-dire  à  une  inflammation  aiguë  ou 
subaiguë  tenant  à  la  constriction  d'une  épiplocèle  par  un  anneau  ou  un  collet 
trop  étroit,  les  symptômes  sont  ordinairement  assez  nets.  La  hernie  jusqu'alors 
réductible  devient  irréductible  :  en  même  temps,  elle  paraît  un  peu  plus  volu- 
mineuse; elle  est  spontanément  douloureuse,  et  les  douleurs  s'exaspèrent  par 
les  mouvements  et  surtout  par  la  moindre  pression.  Peu  après,  la  hernie  est 
chaude,  puis  la  peau  rougit,  et  le  tissu  cellulaire  sous-cutané  devient  le  siège 
d'une  infiltration  cellulaire  qui  rend  la  tumeur  plus  dure  et  plus  tendue.  Sa  con- 
sistance est  variable;  elle  est  parfois  très-dure,  d'autres  fois  pâteuse  et  presque 
molle,  toujours  complètement  mate  à  la  ])ercussion.  L'état  du  ventre  n'est  que 
très-légèrement  modifié  ;  en  tous  cas,  il  n'est  pas  en  rapport  avec  l'intensité  des 
phénomènes  locaux  et  de  la  douleur.  Cependant  il  y  a  ordinairement  de  la  con- 
stipation, du  ballonnement,  des  nausées. et  des  vomissements.  Mais,  ainsi  que  le 
fait  remarquer  S.  Duplay,  ces  différents  troubles  peuvent  manquer,  et,  lors 
même  qu'ils  existent,  ils  ne  présentent  guère  de  caractères  alarmants. 

La  constipation  est  un  des  phénomènes  les  plus  constants  :  elle  est  beaucoup 
moins  absolue  que  dans  l'étranglement  et  ne  s'accompagne  d'ordinaire  pas  de 
l'absence  d'émission  de  gaz  par  l'anus.  Le  ballonnement  du  ventre  manque  dans 
un  grand  nombre  de  cas  ;  il  est,  le  plus  souvent,  peu  marqué.  Enfin  les  vomis- 
sements sont  ordinairement  alimentaires,  muqueux  ou  bilieux;  il  n'y  aurait 
jamais  de  vomissements  fécaloïdes  (S.  Duplayj. 

L'état  général  est  d'habitude  indemne  :  il  ne  présente  pas  les  symptômes 
graves  de  l'étranglement,  quelquefois  cependant  il  y  a  un  peu  de  fièvre. 

La  marche  de  ces  accidents  est,  d'ordinaire,  bien  différente  aussi.  Ils  aug- 
mentent pendant  deux  ou  trois  jours,  puis  au  bout  de  ce  temps  ils  commencent 
à  diminuer,  les  douleurs  locales,  les  coliques,  les  nausées  et  les  vomissements 
disparaissent,  et  le  troisième  ou  le  quatrième  jour,  d'après  Gosselin,  il  y  a  des 
garde-robes.  Enfin  peu  à  peu  la  tumeur  diminue  de  volume  et  rentre  petit  à 
petit  au  bout  de  douze  à  quinze  jours.  Souvent  aussi  la  tumeur,  après  la  dispari- 
tion des  phénomènes  fonctionnels,  subit  un  certain  retrait,  puis  reste  station- 
naire,  mais  elle  ne  rentre  plus  et  devient  désormais  irréductible,  parce  qu'il 
s'est  formé  des  adliérences  entre  le  sac  et  l'épiploon,  au  cours  des  accidents  que 
ïious  venons  de  décrire. 

Quelquefois  la  terminaison  est  moins  favorable.  La  peau  rougit  vivement,  le 
tissu  cellulaire  devient  compacte,  et,  au  bout  de  quatre  ou  cinq  jours,  on 
remarque  une  fluctuation  manifeste,  due  à  un  épanchement  produit  dans  le  sac. 
Puis  les  tuniques  externes  de  la  hernie  s'enflamment,  suppurent  à  leur  tour,  et 
l'abcès  ainsi  formé  s'ouvre  bientôt  au  dehors,  au  bout  d'une  quinzaine  de  jours, 
quelquefois  plus  vite.  Enfin  certains  auteurs  ont  admis  la  gangrène  possible  de 
l'épiploon  ainsi  enflammé.  Broca  croit  que  cette  terminaison  est  assez  fréquente. 
Gosselin,  qui  parle  de  cette  gangrène  acceptée  et  décrite  par  les  anciens  auteurs. 


HERNIES.  819 

déclare  qu'il  n'en  a  jamais  vu.  Duplay,  plus  affirmatif,  déclare  qu'on  ne  l'a 
jamais  observée,  quelle  qu'ait  été  l'intensité  de  l'inflammation. 

Celle-ci  est  ordinairement  limitée  à  la  cavité  du  sac  et  ne  se  propage  pas  à 
l'abdomen,  à  cause  de  la  péritonite  adhésive  qui  existe  ordinairement  autour  du 
pédicule  de  la  hernie.  Cependant,  la  généralisation  de  la  péritonite,  quoique 
exceptionnelle,  est  regardée  comme  possible.  Une  de  ses  principales  causes  serait, 
d'api'ès  Duplay,  la  réduction  intempestive  d'une  épiplocèle  ainsi  enflammée. 

Quant  à  l'inllammation  qui  peut  atteindre  une  entérocèle  ou  une  entéro-épi- 
plocèle  à  la  suite  de  traumatismes  divers,  de  contusions,  ou  de  froissements  par 
un  bandage,  elle  est  beaucoup  plus  difficile  à  décrire.  Quelquefois  il  se  fait  un 
travail  inflammatoire  lent  et  torpide,  qui  aboutit  à  la  formation  d'adhérences, 
sans  se  révéler  au  chirurgien  par  des  phénomènes  accusés.  Malgaigne,  qui  a 
décrit  quatre  degrés  de  l'inflammation  herniaire,  donne,  comme  premier  degré, 
le  travail  phlegmasique  léger  non  perçu  ou  à  peine  perçu  par  le  malade. 

D'autres  fois,  la  tumeur  herniaire  devient  douloureuse,  un  peu  tendue,  un  peu 
plus  volumineuse.  La  hernie  résiste  à  des  efforts  très-modérés  de  réduction, 
mais  un  taxis  un  peu  énergique  la  fait  presque  toujours  céder,  à  moins  que  des 
adhérences  partielles  ne  se  soient  établies  et  ne  permettent  qu'une  réduction 
partielle,  un  peu  de  constipation,  quelques  cohques,  parfois  quelques  vomisse- 
ments, complètent  ce  tableau  :  mais  on  a  si  souvent  confondu  ces  accidents  avec 
les  pseudo-étranglements,  que  la  description  exacte  en  est  encore  très-confuse  et 
très-difficile  à  tracer. 

Des   HERMES   INTESTINALES  OU  ENTÉRO-ÉPIPLOÏQUES   SIMPLEMENT  IRRÉDUCTIBLES.       Uu 

des  premiers  symptômes  des  accidents  à  marche  rapide  et  souvent  menaçante 
que  nous  venons  d'étudier  est  ï irréductibilité.  Mais  ce  signe  peut  exister  aussi, 
en  dehors  des  cas  que  nous  avons  passés  en  revue,  dans  certaines  hernies  qui 
depuis  longtemps  et  peu  u  peu  ont  perdu  la  faculté  de  rentrer  dans  l'abdomen. 
C'est  l'irréductibililé  simple,  qui  ne  s'accompagne  d'aucune  espèce  d'accidents  : 
cependant  il  faut  considérer  ce  signe  comme  une  complication,  et  sous  l'influence 
de  certaines  circonstances  il  peut  à  son  tour  être  une  source  d'accidents.  | 

Cette  irréductibilité  peut  tenir  à  deux  causes  :  un  excès  de  volume  des  parties 
herniées  ou  l'existence  d'adhérences  anciennes. 

L'excès  de  volume  s'observe  surtout  dans  une  catégorie  de  tumeurs  herniaires 
qui  ont  acquis  peu  à  peu  des  dimensions  énormes,  dilaté  les  anneaux  outre 
mesure  et  dans  lesquelles  une  portion  considérable  des  viscères  intestinaux  ont 
passé  dans  le  sac  herniaire,  qui  devient  alors  un  véritable  diverticule  de  la 
■cavité  abdominale.  Ces  hernies  ne  sont  pas  en  général  absolument  irréductibles. 
On  peut,  dans  certains  cas,  les  faire  rentrer  complètement  à  l'aide  d'un  taxis 
long  et  difficile  ;  mais  elles  ne  peuvent  rester  réduites  et  ressortent  immédiate- 
ment. C'est  pour  cette  variété,  que  Gosselin  à  créé  le  mot  de  hernies  incoercibles. 
On  dit  aussi  qu'elles  ont  perdu  droit  de  domicile  dans  l'abdomen,  puisque  on 
ne  peut  les  faire  rentrer,  et,  à  mesure  que  l'on  cherche  à  refouler  les  viscères  à 
travers  des  anneaux  extrêmement  dilatés,  d'autres  portions  de  l'intestin  se 
précipitent  au  dehors,  comme  si  l'abdomen  était  déjà  rempli  par  celles  qui  y 
rentrent.  D'ailleurs,  dans  ce  cas,  la  cavité  abdominale,  devant  la  diminution  per- 
manente de  son  contenu,  s'est  peu  à  peu  rétractée  de  façon  à  ne  plus  permettre 
la  rentrée  des  viscères.  L'excès  de  volume  des  parties  herniées  peut  être  dii 
aussi  à  la  présence  dans  le  sac  de  certaines  portions  d'organes  qui  ont  acquis 
après  leur  sortie  un  accroissement  qui  les  rend  incapables  de  repasser  par  l'orifice 


820  HERNIES. 

herniaire.  Ainsi,  par  exemple,  l'hypertrophie  due  à  la  phlegraasie  chronique  d'un 
houclion  épiploïque;  et,  dans  certaines  exomphales  congénitales,  la  présence 
d'une  portion  du  foie,  qui  a  pris  dans  le  sac  un  volume  tel  que  la  réduction 
devient  ahsolument  impossible.  Enfin,  dans  une  observation  très-curieuse  publiée 
par  Malassez  à  la  Société  anatomique  (1872),  une  anse  intestinale  atteinte 
d'inflammation  chronique  ancienne  devint  absolument  irréductible  par  suite  du 
volume  considérable  qu'avaient  atteint  les  parois  de  l'intestin. 

Mais,  dans  la  majorité  des  cas,  l'irréductibilité  est  le  résultat  d'adhérences.  Le 
plus  souvent  elles  sont  de  nature  inflammatoire.  Cependant,  dans  quelques  rares 
cas,  on  se  trouve  en  présence  de  ce  que  Scarpa  a  décrit  sous  le  nom  d'adhérence 
naturelle.  Tuffier,  qui  a  dernièrement  étudié  cette  disposition,  la  désigne  sous 
le  nom  à' adhérence  par  glissement.  Voici  en  quoi  elle  consiste  :  dans  certaines 
hernies  du  gros  intestin  le  sac,  formé  par  glissement,  entrahie  avec  lui  une 
portion  du  méso-côlon,  qui  devient  partie  intégrante  du  sac  ;  si  ce  méso  est  assez 
long,  la  hernie  peut  encore  se  réduire;  dans  le  cas  contraire,  elle  est  incoercible. 

Quant  aux  adhérences  d'origine  inflammatoire,  nous  les  avons  suffisamment 
décrites  au  chapitre  de  l'inflammation  pour  ne  pas  y  revenir  ici.  Quelques  points 
cependant  méritent  d'être  rappelés.  Ces  adhérences  peuvent  se  trouver  plus  fré- 
quemment sur  l'épiploon  et  sur  le  gros  intestin  que  sur  l'intestin  grêle.  L'épi- 
ploon  est  l'organe  qui  devient  le  plus  facilement  adhérent  ;  il  peut  être  uni  à 
l'intestin  et  surtout  au  gros  intestin  et  ses  adhérences  prennent  toutes  les  formes. 
Quand  il  est  interposé  à  l'intestin,  et  au  sac,  il  peut  être  adhérent  par  ses  deux 
faces  et,  comme  dit  Boiffin,  servir  de  ciment  aux  deux  organes.  L'intestin  peut 
être  aussi  fixé  au  sac,  plus  rarement  qu'à  l'épiploon,  mais  cette  adhésion,  qui  a 
été  quelquefois  contestée,  est  aujourd'hui  absolument  prouvée.  On  peut  noter,  en 
outre,  que  c'est  le  gros  intestin  qui,  plus  souvent  que  l'intestin  grêle,  contracte 
ces  adhérences. 

(]elles-ci  siègent  tantôt  dans  la  cavité  du  sac,  tantôt  au  niveau  du  collet.  De 
jiius,  dans  certains  cas  rares  de  hernie  inguinale  congénitale,  l'intestin  a  pu 
adhérer  au  testicule  et  devenir  par  là  irréductible.  Ledouble  a  prétendu  que 
cette  adhésion  était  souvent  consécutive  à  l'épididyraite  blennorrhagique  chez  les 
sujets  porteurs  de  cette  variété  de  hernie. 

Notons  enfin  les  adhérences  en  Y  des  deux  portions  d'une  anse  intestinale 
herniée  ;  nous  les  avons  citées  à  plusieurs  reprises  dans  cet  article,  il  nous  suffit 
de  les  rappeler. 

D'ailleurs,  à  côté  de  ces  adhérences,  il  existe  dans  le  reste  de  la  hernie  des 
altérations  notables.  Le  sac  est  ordinairement  épaissi  et  plus  résistant  qu'à  l'état 
normal.  L'intestin  est  aussi  le  siège  de  lésions  :  il  est  déformé,  présente  des 
inflexions  anormales,  depuis  la  coudure  brusque  formant  une  sorte  d'éperon 
valvulaire  jusqu'aux  replis  irréguliers  et  aux  torsions  partielles.  Les  parois  intes- 
tinales sont  souvent  profondément  altérées,  elles  sont  modifiées  dans  leur 
structure  soit  par  le  fait  d'exsudats  interstitiels  qui  en  augmentent  l'épaisseur, 
soit  par  suite  de  la  rétraction  consécutive  à  la  résorption  de  ces  produits 
inflammatoires.  La  muqueuse  est  rouge,  boursouflée,  ses  valvules  conniventes 
forment  de  gros  replis.  Il  peut  y  avoir  des  rétrécissements  partiels  plus  ou 
moins  étendus,  plus  ou  moins  étroits.  Enfin,  en  outre,  on  observe  souvent  sur 
le  gros  intestin  un  développement  considérable  des  appendices  épiploïques 
presque  toujours  adhérents  entre  eux,  mais  pouvant  présenter  aussi  des  disposi- 
tions très-diverses. 


HERNIES.  821 

En  général,  dit  Duplay,  ces  adhérences  ne  se  montrent  que  chez  des  sujets  peu 
soigneux  de  leur  personne;-,  et,  comme  le  travail  pathologique  qui  les  a  produites 
affecte  souvent  une  marche  chronique  et  ne  s'accompagne  que  de  peu  de 
douleur  et  de  réaction  générale,  il  passe  inaperçu  des  malades,  qui  souvent 
ne  peuvent  renseigner  utilement  le  chirurgien  sur  l'époque  à  laquelle  remonte 
l'irréductibilité. 

Symptômes.  Lorsque  l'on  examine  un  malade  porteur  d'une  hernie  irréduc- 
tible, on  est  ordinairement  frappé  du  volume  considérable  qu'elle  présente  :  sa 
forme  n'est  pas  toujours  absolument  régulière,  elle  paraît  habituellement  bosselée 
et  même  parfois  multilobée. 

Au  toucher,  ces  hernies  sont  peu  tendues,  élastiques,  même  rénitentes  et  le 
plus  souvent  peu  douloureuses  à  la  pression.  Cependant,  leur  consistance  est 
variable  suivant  les  cas,  et  aussi  suivant  la  proportion  d'épiploon  qu'elles  peuvent 
contenir.  Quand  il  y  a  beaucoup  d'épiploon,  la  consistance  est  pâteuse,  la  hernie 
est  lobulée  et  on  y  découvre  des  noyaux  durs,  de  volume  et  d'épaisseur  variables. 
Si  l'on  explore  alors  l'anneau  herniaire,  on  le  trouve,  dans  la  majorité  des  cas, 
dilaté,  élargi,  et  le  doigt  refoulant  la  peau  pénètre  assez  facilement  dans  son 
intérieur.  Lorsque  l'on  saisit  la  tumeur  à  pleine  main  et  qu'on  fait  tousser  le 
malade,  on  sent  une  impulsion  et  une  tension  manifestes,  analogue  à  celles  que 
fait  éprouver  une  hernie  réductible,  mais,  si  l'on  essaye  de  réduire  la  hernie, 
on  s'aperçoit  qu'elle  résiste  aux  efforts  de  taxis,  soit  d'une  manière  complète, 
soit  partiellement.  Dans  celles  qui  ne  sont  qu'incoercibles,  et  qui  ont  perdu 
droit  de  domicile,  la  réduction  est  possible,  mais  on  ne  peut  la  maintenir,  l'in- 
testin ressortant  au  fur  et  à  mesure  qu'on  le  rentre. 

Si  l'on  se  trouve  en  présence,  ce  qui  est  beaucoup  plus  fréquent,  d'une  hernie 
adhérente,  la  réduction  de  l'intestin  est  quelquefois  possible  et  il  rentre  en  pro- 
duisant le  gargouillement  caractéristique.  Le  reste  de  la  tumeur  présente  alors 
tous  les  caractères  de  l'épiplocèle  avec  cette  particularité  qu'il  est  irréductible. 

Dans  certains  cas  cependant,  qui  sont  à  la  vérité  les  plus  rares,  rien  ne  se 
réduit  et  les  efforts  de  taxis  les  plus  méthodiques  et  les  mieux  conduits  ne  pro- 
duisent aucun  résultat.  11  faut  néanmoins  faire  à  ce  sujet  quelques  réserves, 
et  savoir  qu'à  l'aide  de  la  compression  soutenue  et  bien  faite,  du  repos  au  lit 
et  de  la  répétition  fréquente  et  patiente  de  séances  de  taxis  un  peu  prolongées, 
on  peut  arriver  à  faire  rentrer  des  hernies  adhérentes  qui,  au  premier  examen, 
paraissaient  absolument  incoercibles.  Ainsi,  Arnaud  a  cité  une  observation  dans 
laquelle  il  obtint,  après  un  traitement  soutenu  pendant  trente-six  jours,  la  réduc- 
tion d'une  hernie  scrotale  regardée  comme  irréductible.  Nous  pourrions  citer 
plusieurs  exemples  analogues,  et  le  professeur  Trélat,  qui  insiste  particulière- 
ment, dans  son  enseignement,  sur  cette  nécessité  de  répéter  le  taxis  et  la  com- 
pression dans  les  hernies  adhérentes  réputées  incoercibles  et  qui  va  même, 
dans  ces  cas,  jusqu'à  pratiquer  le  taxis  anesthésique  à  plusieurs  reprises,  a 
publié  des  cas  de  succès  après  vingt-neuf  jours  et  même  deux  mois  de  traite- 
ment {Gazette  des  hôpitaux,  1884).  Le  cas  le  plus  remarquable,  à  ce  sujet, 
nous  paraît  être  celui  qu'a  fait  connaître  M.  Thiry  dans  les  Bulletins  de  l'Aca- 
démie médicale  de  Belgique  en  1881.  Il  s'agissait  d'une  volumineuse  hernie 
inguinale  droite  que  ce  chirurgien  a  réussi  à  faire  rentrer  après  quatre  mois 
d'un  traitement  composé  d'une  compression  bien  faite  et  de  séances  répétées 

de  taxis. 

Quoiqu'il  en  soit,  d'ailleurs,  ces  hernies  volumineuses  provoquent  souvent  des 


8-25  HERNIES. 

troubles  fonctionnels.  Ceux-ci  ne  sont  pas  constants  et,  quand  ils  existent,  ils  peu- 
vent être  très-variés.  Ces  troubles  se  résument  en  une  gène  constante,  résultant 
du  poids  et  du  volume  de  la  tumeur,  et  des  tiraillements  qui  peuvent  être  assez 
forts  pour  gêner  considérablement  la  marche.  De  plus,  il  peut  exister  aussi  des 
douleurs  sourdes,  des  coliques  tantôt  localisées  à  la  tumeur  et  parfois  s'irradiant 
à  tout  l'abdomen;  quelquefois  même,  il  y  a  quelques  troubles  digestifs. 

Mais  ces  hernies  adhérentes  sont  sujettes  à  des  accidents  sur  lesquels  tous  les 
chirurgiens  ont  insisté  ;  jusqu'à  ces  derniers  temps,  on  les  regardait  comme  le 
résultat  de  la  péritonite  herniaire,  nous  savons  aujourd'hui  qu'ils  sont  toujours 
dus  à  un  obstacle  intestinal,  mais  qui  le  plus  souvent  siège  dans  le  sac  et  non  à 
l'orifice.  Ce  sont  ces  accidents  ayant  une  physionomie  particulière,  qui  ont  fait 
l'objet  de  la  thèse  de  Boiffm,  c'est  d'après  lui  que  nous  allons  les  résumer. 

Ils  peuvent  se  présenter  sous  des  aspects  différents,  mais  ils  constituent  deux 
catégories  principales  :  des  accidents  légers  et  des  accidents  graves.  Les  acci- 
dents légers  se  montrent  à  intervalles  plus  ou  moins  rapprochés.  Ce  sont  :  des 
douleurs  avec  gonflement  de  la  hernie,  des  nausées  et  même  des  vomisse- 
ments. Ils  disparaissent  d'ordinaire  assez  facilement;  cependant,  à  chacune  de 
ces  attaques  l'état  de  la  hernie  se  complique  fatalement.  Les  accidents  graves 
peuvent  revêtir,  à  leur  tour,  deux  formes  bien  distinctes  :  une  forme  aiguë,  qui 
corrcs]iond  à  l'étranglement  vrai  cl  qui  en  présente  tous  les  symptômes.  Ea 
outre,  il  existe  une  forme  subaiguë,  plus  lente,  qui  est  due  à  certaines  occlu- 
sions par  brides  ou  orifices  accidentels,  et  qui  a  été  décrite  sous  le  non* 
d'obstruction  intestinale  :  c'était  le  pseudo-étranglement  par  inflammation  de 
Malgaigne.  Lepronostic  de  ces  accidents  graves  est  très-sombre  ;  tôt  ou  tard, 
la  terminaison  fatale  en  est  la  conséquence  et,  quand  le  malade  parvient  à  en 
guérir,  il  tombe  souvent  dans  un  véritable  marasme.  C'est,  d'après  Boiffin,  une 
sorte  dephthisie  herniaire  due  à  une  absorption  intestinale  insuffisante. 

Tous  ces  accidents,  légers  ou  graves,  quelle  qu'en  doive  être  la  terminaison 
immédiate,  sont  des  avertissements  qui  indiquent,  d'ordinaire,  des  altéra- 
tions matérielles  profondes  du  côte  de  la  hernie,  des  menaces  de  complications- 
rapides  à  terminaison  fatale,  et  ils  indiquent  tous  la  nécessité  d'une  inter- 
vention hâtive. 

Aussi,  sans  vouloir  insister  ici  sur  le  traitement  des  accidents  herniaires,  qui 
doit  faire  l'objet  d'une  étude  spéciale,  nous  pouvons  rappeler  ce  que  nous  avons 
déjà  dit  en  faisant  l'histoire  de  la  cure  radicale,  c'est  que  tous  les  chirurgiens 
qui  sont  partisans  des  opérations  directes  et  des  méthodes  modernes  regardent 
l'irréductibilité  ancienne  et  confirmée  de  la  hernie,  comme  une  indication  absolue 
de  pratiquer  celte  opération. 

Diagnostic  des  accidents  des  hernies.  Le  diagnostic  des  accidents  her- 
niaires est  parfois  très-simple  quand  ils  se  présentent  avec  leurs  symptômes 
orninaires  et  un  tableau  clinique  à  peu  près  complet;  parfois,  au  contraire,  il 
est  très-difficile,  et  nécessite  l'examen  le  plus  minutieux. 

Il  est  ordinairement  très-facile  de  reconnaître  l'irréductibilité  simple.  Souvent 
les  commémoratifs,  la  forme  et  l'aspect  de  la  hernie,  son  volume  exagéré,  et 
surtout  la  résistance  qu'elle  oppose  aux  efforts  de  taxis,  même  lorsque  celui-ci 
est  pratiqué  méthodiquement  et  suivant  les  règles,  permettront  au  chirurgien 
de  reconnaître  qu'il  a  affaire  à  une  hernie  irréductible.  Mais,  même  en  l'ab- 
sence d'accidents  sérieux  et  de  troubles  fonctionnels  importants,  le  diagnostic 


HERNIES.  825 

doit  être  poussé  plus  loin.  Il  faut  recliercher  si  l'on  se  trouve  en  pre'sence 
d  une  épiplocèle  ou  d'une  entéro-épiplocèle,  et  reconnaître  si,  dans  ce  dernier 
cas,  l'intestin  est  partiellement  ou  complètement  réductible.  La  palpation  atten- 
tive de  la  tumeur,  les  résultats  de  la  percussion,  la  production  de  gargouillements, 
l'existence  de  noyaux  indurés,  renseigneront  le  chirurgien  sur  la  nature  du 
contenu  de  la  hernie.  Une  tentative  de  taxis  faite  avec  soin  indiquera  si  la 
tumeur  rentre  en  partie.  Si  cette  réduction  s'accompagne  de  gargouillement,  la 
réductibilité,  au  moins  partielle,  de  l'mteslin  sera  hors  de  doute,  Enlin,  nous 
le  savons  déjà,  une  compression  soutenue,  aidée  de  plusieurs  essais  de  réduction, 
permettra  souvent  d'augmenter  ou  de  produire  la  réductibilité  dans  les  vieilles 
hernies  adhérentes. 

Mais  le  diagnostic  peut  être  beaucoup  plus  difficile  quand  à  cette  irréducti- 
bïliié  se  joignent  des  phénomènes  fonctionnels,  tels  que  des  nausées,  des  vomis- 
sements, de  la  constipation,  du  ballonnement  du  ventre,  susceptibles  de  faire 
penser  à  la  possibilité  d'un  étranglement.  Deux  alternatives  peuvent  alors  se 
produire,  qui  ont  été  parfaitement  mises  en  lumière  par  Gosselin.  On  peut, 
d'une  part,  croire  à  un  étranglement  qui  n'existe  pas;  d'autre  part,  ce  qui  est 
plus  grave,  méconnaître  cet  accident  quand  il  existe. 

Lorsque  l'on  se  trouve  en  présence  d'un  malade  qui  porte,  dans  une  région 
où  apparaissent  ordinairement  les  hernies,  une  tumeur  irréductible,  et  qui  en 
même  temps  présente  un  certain  nombre  de  signes  fonctionnels,  tels  que  des 
vomissements,  du  ballonnement  du  ventre,  de  la  constipation,  qui  sont  des  signes 
d'étranglement,  on  peut  croire,  par  erreur,  à  l'existence  de  cette  lésion,  parce 
que  l'on  est  porté  à  établir  une  relation  entre  la  tumeur  irréductible  et  les  acci- 
dents que  l'on  observe. 

11  faut  alors  examiner  avec  soin  chacun  des  symptômes,  et  surtout  rechercher, 
au  niveau  de  la  tumeur,  tous  les  signes,  autres  que  l'irréductibilité,  qui  se 
montrent  dans  les  hernies  étranglées.  Si  cet  examen  est  pratiqué  attentivement, 
ordinairement  le  diagnostic  exact  se  fera  assez  facilement. 

Cependant,  on  peut  commettre  des  erreurs,  car  il  existe  des  affections  qui 
produisent  du  côté  de  l'abdomen  des  symptômes  qui  simulent  ceux  de  l'étran- 
glement; ce  sont:  la  péritonite  et  l'étranglement  interne.  La  péritonite  s'accom- 
pagne de  ballonnement,  de  douleurs  abdominales,  de  vomissements,  de  consti- 
pation, A  la  rigueur,  la  douleur  de  la  péritonite  peut  se  faire  ressentir  jusqu'au 
voisinage  du  pédicule  d'une  hernie,  mais  ordinairement  elle  est  plus  vive  et 
plus  vite  généralisée  que  celle  des  étranglements. 

Le  ballonnement  est  peut-être  moins  excessif;  cependant,  s'il  s'agissait  d'un 
étranglement  récent,  il  y  a  peu  de  différence.  Mais  la  constipation  est  loin 
d'être  aussi  absolue,  et  de  plus  les  vomissements  de  la  péritonite  ont  un  carac- 
tère très-tranché;  ils  sont  très-rapidement  verdàtres,  porracés,  et  gardent  tout 
le  temps  cet  aspect.  Enfin,  souvent  il  y  a  de  la  fièvre,  quelle  que  soit  la  marche 
de  la  température.  Dans  les  cas  douteux,  certains  auteurs  ont  conseillé  pour 
éclairer  leur  diagnostic  d'avoir  recours  à  ce  que  l'on  a  appelé  un  purgatif  d'essai 
dont  le  résultat  montrera  la  nature  de  la  lésion.  S.  Duplay  repousse  ce  moyen, 
qui  peut  avoir,  sur  la  marche  de  l'inflammation  péritonéaie,  une  influence 
désastreuse. 

On  peut  aussi  reconnaître  l'existence  de  la  péritonite  et  croire  qu'elle  est 
consécutive  à  un  étranglement.  Mais,  en  dehors  des  caractères  fournis  par  la 
tumeur,    «  si  la  péritonite   était  symptomatique  d'un  étranglement,  il   serait 


824  HERNIES. 

extraordinaire,  dit  Le  Dentu,  que  la  maladie  en  fiât  arrivée  à  ce  point  sans  qu'à 
un  certain  moment,  la  douleur  eût  été  plus  intense  du  côté  de  la  tumeur,  excepté 
pourtant  dans  les  cas  de  pincement  de  l'intestin  dans  une  étendue  très-res- 
treinte.  » 

Lorsqu'un  étranglement  interne  coïncide  avec  une  tumeur  irréductible  des 
régions  herniaires,  les  difficultés  de  diagnostic  peuvent  être  encore  plus  consi- 
dérables, car  les  symptômes  généraux  ou  fonctionnels  sont  les  mêmes.  Cepen- 
dant, dans  ce  cas,  il  existe,  le  plus  souvent,  un  point  douloureux  maximum  sur 
une  partie  quelconque  du  ventre,  souvent  éloignée  des  régions  herniaires,  et 
surtout  de  la  tumeur  irréductible,  et  dont  l'apparition  a  coïncidé  avec  le  début 
des  accidents.  Le  ventre  présente,  en  outre,  dit  Picqué,  une  forme  spéciale  déjà 
signalée  par  Laugier;  enfin,  il  n'est  pas  rare,  par  Texamen  attentif  de  la  région, 
de  retrouver  la  nature  de  l'étranglement  interne. 

Cependant,  dans  ce  cas  comme  dans  le  précédent,  pour  éviter  toute  erreur, 
il  faut  examiner  avec  soin  la  tumeur;  et  c'est  par  l'étude  de  ses  caractères 
propres  qu'il  faut  élucider  la  question  de  savoir  s'il. peut  y  avoir  quelque  cor- 
relation  à  établir  entre  elle  et  les  phénomènes  fonctionnels  qui  rappellent  l'étran- 
glement. Quand  cette  tumeur  est  une  hernie  réductible,  le  doute  ne  peut  même 
pas  subsister,  à  moins  qu'il  n'y  ait  sur  un  autre  point  une  autre  hernie  irréduc- 
tible. Biais,  quand  on  se  trouve  en  présence  d'une  tumeur  irréductible,  il  faut 
alors  en  rechercher  avec  soin  la  nature  et  en  examiner,  en  détail,  tous  les 
caractères,  car  un  certain  nombre  de  tumeurs  peuvent  siéger  au  niveau  des 
régions  herniaires  et  être  irréductibles  sans  être,  pour  cela,  des  hernies  étranglées. 

Dans  un  premier  groupe  de  faits  la  tumeur  est  ancienne  et  ne  présente 
aucune  douleur,  même  à  la  pression.  On  peut  alors  avoir  affaire  à  une  hernie 
anciennement  irréductible,  à  un  sac  herniaire  déshabité,  à  un  lipome  herniaire, 
enfin  à  une  épiplocèle  irréductible.  Dans  les  cas  de  hernie  irréductible  les 
renseignements  fournis  par  le  malade  que  sa  tumeur  est  ancienne,  que  depuis 
longtemps  elle  ne  rentre  plus,  qu'elle  n'est  plus  ou  n'a  jamais  été  soumise  à 
aucun  bandage,  ont  une  grande  valeur.  Un  des  points  les  plus  importants  à 
établir,  en  effet,  est  que  l'irréductibilité  est  ancienne  et  qu'elle  n'a  point 
coïncidé  avec  le  début  des  accidents.  Mais,  en  même  temps,  après  avoir  constaté, 
dans  ces  différents  cas,  que  la  tumeur  est  munie  d'un  pédicule  qui  pénètre  à 
travers  un  anneau,  dans  l'intérieur  de  l'abdomen,  ce  qui  suffit  à  établir  son 
origine  herniaire,  il  faudra  en  étudier  avec  soin  les  caractères  physiques.  On 
devra  rechercher  s'il  existe  à  son  niveau  des  douleurs  spontanées,  et  surtout  une 
sensibilité  à  la  pression  plus  marquée  souvent  au  voisinage  de  son  pédicule.  Il 
faut,  Je  plus,  voir  si  elle  est  tendue,  rénitente,  et  si  elle  ne  présente  aucune 
impulsion  pendant  l'effort  ou  pendant  la  toux.  Si  tous  ces  signes  font  défaut,  il 
est  bien  évident  que  la  tumeur  ne  sera  pour  rien  dans  les  signes  fonctionnels 
qui  en  auront  motivé  l'examen.  D'ailleurs,  s'il  restait  quelques  doutes,  il  fau- 
drait rechercher  si  l'on  ne  peut  trouver  une  autre  cause  à  la  péritonite  ou  à 
l'occlusion  intestinale,  et  on  analysera  avec  soin  le  début,  les  caractères,  la 
marche  et  la  durée  de  chaque  symptôme;  d'habitude,  un  examen  aussi  détaillé 
permettra  d'éditer  toute  erreur.  Cependant,  il  faut  savoir  que  celle-ci  a  été  com- 
mise. Chapsal,  dans  sa  thèse  {De  V étranglement  dans  les  hernies,  Paris,  1848), 
rapporte  deux  cas,  dont  l'un  appartient  à  Robert,  et  l'autre  a  été  publié  dans  la 
Gazette  médicale  (1829),  dans  lesquels  la  coïncidence  d'une  hernie  irréductible 
avec  un  étranglement  interne  fit  croire  à  une  hernie  étranglée.  Dans  le  cas  de 


UERNIES.  825 

Robert,  la  kélotomie  fut  pratiquée.  Ghapsal  attribue  le  diagnostic  erroné  à  ce 
que  le  chirurgien  n'avait  pas  fait  assez  d'attention  à  la  manière  dont  la  douleur 
était  survenue  dans  la  tumeur.  En  effet,  ou  bien  elle  n'était  pas  douloureuse, 
ou  elle  ne  l'était  devenue  qu'après  le  développement  des  accidents  généraux. 

Cependant  il  peut  exister  des  cas  où  la  tumeur  irréductible  n'est  nullement 
d'origine  herniaire,  où  elle  est  douloureuse,  et  où  il  est  plus  difficile  de  distin- 
guer ce  qui  peut  lui  appartenir  parmi  les  phénomènes  que  l'on  observe.  Souvent 
aussi,  dans  ces  cas,  surtout  quand  il  s'agit  de  tuméfactions  inflammatoires  d'or- 
ganes ou  de  produits  pathologiques  bridés  par  les  plans  fibreux  des  parois  de 
l'abdomen,  on  voit  survenir  sous  l'influence  de  cette  lésion  locale  des  phéno- 
mènes qui  peuvent  faire  croire  à  un  étranglement.  C'est  presque  toujours  au 
niveau  de  la  région  inguinale  que  l'on  constate  ces  causes  d'erreur.  Une  orchite 
siégeant  dans  un  testicule  en  ectopie  inguinale,  certains  kystes  enflammés  du 
cordon  spermatique,  certaines  formes  de  funiculite,  une  adénite  développée  dans 
un  ganglion  profond  de  l'aine,  ont  pu  en  imposer  aux  chirurgiens.  Ces  dia- 
gnostics mériteront  d'être  étudiés  en  détail,  quand  nous  nous  occuperons  des 
hernies  inguinales  et  crurales,  mais  nous  pouvons  dès  à  présent  en  citer  quel- 
ques exemples. 

Ainsi  Maisonneuve,  en  1841,  observa  chez  un  malade  atteint  d'un  phlegmon 
suppuré  du  cordon,  reconnu  seulement  à  l'opération,  tous  les  signes  de  l'étran- 
glement herniaire.  Des  observations  de  testicule  enflammé  et  retenu  à  l'anneau, 
et  donnant  lieu  aux  symptômes  de  l'incarcération,  ont  été  publiées  par  Dela- 
siauve  (mars  1840)  et  par  Rendu  (Soc.  anat.,  1841). 

D'autres  fois  ce  sont  de  véritables  néoplasmes  des  mêmes  régions  qui  peuvent 
être  en  cause.  Ainsi  Bryant  a  publié  dans  le  Médical  Times  and  Gazette  (1878) 
un  fait  dans  lequel  l'altération  casécuse  du  canal  déférent  simulait  une  hernie 
étranglée  :  le  malade  mourut  de  tuberculose  généralisée,  et  il  fut  facile  de 
constater  à  l'autopsie  qu'il  n'y  avait  pas  de  hernie.  Nous  trouvons  encore  dans 
la  Revue  des  sciences  médicales  de  1874  une  observation  de  Majewski,  pré- 
sentée à  la  Société  médicale  de  Yilna,  où  l'erreur  était  encore  plus  explicable.  Le 
malade  portait  dans  l'aine  une  tumeur  anciennement  réductible,  devenue  peu  à 
peu  irréductible.  Bientôt  apparurent  des  douleurs,  de  la  constipation.  On  crut 
à  un  étranglement,  et  la  kélotomie  démontra  qu'il  s'agissait  d'un  kyste  plein  de 
pus  ichoreux  développé  dans  un  cancer  du  cordon.  L'examen  nécroscopique 
démontra  l'absence  complète  de  hernie. 

Dans  la  plupart  de  ces  cas,  d'ailleurs,  on  peut,  avec  l'examen  des  signes  com- 
municatifs,  des  antécédents,  des  lésions  concomitantes,  et  surtout  par  une 
analyse  détaillée  des  symptômes  du  côté  delà  tumeur,  rejeter  l'idée  d'un  étran- 
glement. Souvent,  en  effet,  les  phénomènes  locaux  offrent  un  caractère  inflam- 
matoire plus  marqué  dès  le  début.  «  Du  côté  du  ventre,  dit  Duplay,  manquent  le 
plus  souvent  une  partie  des  symptômes  de  l'étranglement  herniaire,  et  ceux  qui 
existent  se  font  remarquer  par  une  moindre  intensité,  ou  bien  encore  c'est  une 
péritonite  qui  se  développe  presque  d'emblée  à  une  époque  où  l'étranglement 
ne  peut  pas  avoir  encore  déterminé  cette  complication.  »  C'est  donc  par  suite 
d'une  sorte  de  défaut  d'harmonie  entre  les  divers  symptômes  et  l'ordre  de  l'évo- 
lution, et  aussi  à  cause  de  l'absence  presque  complète  parfois  de  certains  signes 
importants,  que  l'on  arrivera  à  la  vérité.  Cependant,  dans  certains  faits  excep- 
tionnels, les  phénomènes  morbides  sont  tellement  complexes  qu'il  est  bien  diffi- 
cile de  ne  pas  commettre  d'erreur.  Comme  exemple  de  difficultés  véritablement 


826  HERNIES. 

considérables,  nous  pouvons  citer  l'observation  publiée  par  le  professeur  Verneuil 
dans  la  France  médicale  (juillet  1874).  Il  s'agit  d'un  malade  porteur  d'une 
hernie  inguinale  congénitale  et  qui  avait  en  même  temps  un  kyste  du  cordon 
enflammé  et  une  obstruction  intestinale.  Les  symptômes  locaux  et  généraux 
étaient  absolument  ceux  de  l'étranglement,  et  cependant  la  hernie  n'était  le 
siège  d'aucun  accident.  Dans  les  cas  douteux  il  est  permis  de  donner  un  purgatif 
destiné  à  éclairer  le  chirurgien  sur  la  perméabilité  du  tube  intestinal. 

Du  reste,  quel  que  soit  l'embarras  que  le  chirurgien  puisse  éprouver,  il  faut 
toujours  se  souvenir  qu'il  y  a  bien  moins  d'inconvénient  à  croire  à  un  étrangle- 
ment qui  n'existe  pas  qu'à  le  méconnaître  quand  il  existe.  La  conséquence  de 
la  première  interprétation  est  de  faire  pratiquer  quelquefois  une  kélotomie 
inutile  :  mais,  surtout  depuis  l'emploi  de  la  méthode  antiseptique,  cette  opéra- 
tion a  tellement  purdu  par  elle-même  de  son  ancienne  gravité,  qu'elle  constitue 
une  lésion  sans  importance  en  comparaison  de  l'état  grave  dans  lequel  se  trouve 
le  patient. 

On  peut  quelquefois  ne  pas  reconnaître  que  l'on  a  affaire  à  un  étranglement,. 
et  celle  erreur  peut  se  conimeltre  de  deux  façons.  Le  chirurgien,  après  avoir 
constaté  et  reconnu  la  présence  d'un  certain  nombre  désignes  de  l'étranglement, 
méconnaît  chez  son  malade  la  présence  d'une  hernie  et  attribue  alors  les  sym- 
ptômes observés  à  une  antre  cause,  à  une  entérite,  une  indigestion,  une  obstruc- 
tion intestinale,  etc.  D'autres  fois,  au  contraire,  il  a  établi  la  corrélation  qui 
existe  entre  les  symptômes  généraux  et  fonctionnels  et  une  hernie-irréductible, 
mais  il  croit  avoir  affaire  à  autre  chose  qu'à  un  étranglement.  Examinons 
successivement  ces  deux  cas. 

Dans  le  premier  groupe  de  faits,  l'erreur,  qui  peut  paraître  considérable,  peut 
tenir  à  un  examen  trop  superficiel  et  incomplet.  Cependant,  lorsque  l'on  est 
appelé  auprès  d'un  malade  dans  les  premières  heures  d'un  étranglement,  c'est- 
à-dire  moins  de  vingt-quatre  ou  de  trente-six  heures  après  le  début  des  acci- 
dents, alors  souvent  que  les  symptômes  sont  incomplets  et  mal  caractérisés, 
cette  faute  est  facile  à  comprendre.  11  existe,  en  effet,  des  malades  qui  possèdent 
des  hernies  sans  le  savoir,  et  qui,  par  conséquent,  non-seulement  n'en  parlent 
pas,  mais  encore  répondent  négativement,  de  bonne  foi,  aux  questions  posées  à 
ce  sujet.  Ce  sont  ordinairement  des  femmes  atteintes  de  hernies  crurales  peu 
volumineuses,  dissimulées  souvent  sous  un  embonpoint  plus  ou  moins  consi- 
dérable. Mais  il  peut  arriver  aussi  qu'on  se  trouve  en  présence  de  certaines 
variétés  rares  de  Iiernie  siégeant  dans  des  régions  où  le  malade  ignore  la  pos- 
sibilité de  cette  affection,  et  qui  n'ont,  par  suite,  jamais  attiré  son  attention.  Nous 
voulons  parler  ici  des  hernies,  telles  que  les  obturatrices  ou  ischiatiques,  dont 
l'existence  ne  peut  souvent  être  révélée  que  par  un  examen  médical  des  plus 
minutieux,  et  qui  échappent  même  parfois  à  toute  recherche. 

Nous  pouvons  à  ce  sujet  citer  de  souvenir  un  cas  qu'il  nous  a  été  donné 
d'observer  en  1878  à  l'Hôtel-Dieu  dans  le  service  de  Fauvel.  Une  femme  entra 
dans  les  salles  avec  tous  les  signes  d'une  obstruction  intestinale.  Malgré  des 
examens  plusieurs  fois  renouvelés,  nous  n'avions  pu  constater  la  présence  d'au- 
cune tumeur  herniaire;  elle  succomba,  et  à  l'autopsie  nous  avons  trouvé  un 
étranglement  herniaire  produit  par  un  pincement  latéral  de  l'iléon  au  niveau  du 
trou  sous-pubien. 

Il  est  d'autres  malades  qui  savent  bien  qu'ils  portent  une  petite  tumeur 
irréductible  dans  une  région  herniaire,  et  surtout  dans  l'aine,  mais  qui  ignorent 


HERNIES.  82T 

que  c'est  une  hernie.  Elles  en  ont  été  si  peu  incommodées,  qu'elles  n'en  parlent 
pas  et  même,  si  on  les  interroge,  ne  donnent  aucun  renseignement  à  ce  sujet 
et  n'attirent  pas  l'attention  de  ce  côté.  11  s'agit  ici,  le  plus  souvent,  de  petites 
hernies  crurales,  ou  de  hernies  de  la  ligne  blanche.  Il  en  est  d'autres  encore, 
et  ce  sont,  ainsi  que  dans  le  cas  précédent,  surtout  des  femmes,  qui  savent  bien 
qu'elles  portent  une  hernie,  mais  qui,  ne  lui  attribuant  aucune  part  dans  les 
accidents  dont  elles  souffrent,  n'en  parlent  pas,  à  moins  que  des  questions  pres- 
santes ne  les  obligent  à  rendre  compte  de  toutes  les  particularités  de  leur  état. 
Enfin  Gosselin  parle  encore  de  certaines  femmes  qui,  «  retenues  par  une  fausse 
honte  et  ne  voulant  se  soumettre  à  aucune  exploration,  non-seulement  ne  décla- 
rent pas  spontanément  l'existence  de  la  tumeur,  mais  répondent  négativement 
aux  questions  qui  leur  sont  faites  à  ce  sujet.  » 

D'autres  fois  la  hernie  peut  être  méconnue  parce  que  l'irrégularité  des  sym- 
ptômes fonctionnels,  leur  marche  insolite,  ou  les  erreurs  d'appréciation  résultant 
de  renseignements  incomplets  ou  erronés,  détournent  l'attention  du  chirurgien. 
Ainsi  les  vomissements  se  présentent,  surtout  dans  les  premiers  jours,  avec 
une  irrégularité  si  grande  que  l'on  peut  se  tromper.  Chez  certains  malades,  les 
nausées  et  les  vomissements  apparaissent  très-vite,  puis  ils  disparaissent  pendant 
quelques  heures,  quelquefois  mên)c  pendant  plusieurs  jours.  Si  le  chirurgien 
arrive  avant  leur  retour,  comme  ce  sont  le  plus  souvent  des  matières  alimen- 
taires ou  bilieuses  qui  ont  été  rejetées,  il  peut  croire  à  une  simple  indigestion. 
Dans  certains  cas  douteux,  c'est  l'apparition  seule  des  vomissements  fécaloïdes 
qui  a  mis  le  médecin  sur  la  trace  d'un  étranglement,  alors  que  jusque-là  la 
nature  des  matières  expulsées  avait  pu  faire  penser  à  une  péritonite. 

D'ordinaire,  le  rejet  de  liquides  fécaloïdes  est  considéré  comme  pathogno- 
raonique,  mais  c'est  là  une  opinion  peut-être  un  peu  exagérée,  et  en  outre,  dans 
certains  cas  rares,  ces  vomissements  se  montrent  si  tard  qu'il  est  utile  d'avoir 
avant  leur  apparition  reconnu  la  nature  des  accidents.  Il  en  est  de  même  de  la 
constipation.  C'est  souvent  un  symptôme  difficile  à  constater,  et  cela  pour  plu- 
sieurs raisons.  Il  faut  se  souvenir,  en  premier  lieu,  que  ce  signe  n'acquiert  toute 
sa  valeur  qu'au  bout  de  deux  ou  trois  jours.  Il  y  a  en  effet  bon  nombre  de 
malades,  et  le  fait  s'observe  encore  surtout  chez  les  femmes,  qui  sont  habituel- 
lement très-constipés  et  ne  vont  à  la  selle  que  tous  les  trois  ou  quatre  jours. 
Chez  ces  malades,  la  constipation  ne  prend  une  certaine  valeur  que  lorsque  la 
durée  a  dépassé  le  délai  normal.  Daniel  Mollière  a  insisté  il  y  a  quelques  années 
sur  ce  point  et  a  indiqué  combien  il  était  important  pour  le  chirurgien  d'être 
bien  renseigné  à  ce  sujet  sur  les  habitudes  du  malade.  D'un  autre  côté,  celui-ci 
peut  de  bonne  foi  vous  fournir  des  renseignements  erronés  :  il  peut  avoir  pris 
un  ou  plusieurs  lavements,  considéré  comme  des  garde-robes  le  résultat  de  leur 
expulsion  et,  sans  les  mentionner,  affirmer  qu'il  y  a  eu  une  ou  plusieurs  selles 
depuis  le  début  des  accidents.  D'autres  fois  il  avoue  qu'il  a  pris  des  lavements, 
et  il  faut  toujours  faire  porter  exactement  son  interrogatoire  sur  ce  point,  mais, 
trompé  par  la  couleur  et  l'odeur  des  substances  rendues,  il  croit  avoir  évacué 
des  matières  fécales,  alors  qu'il  n'a  fait  que  rendre  le  liquide  du  lavement.  11  est 
absolument  nécessaire,  dans  ce  cas,  que  le  chirurgien,  s'il  conserve  le  moindre 
doute,  examine  lui-même  le  résultat  des  évacuations. 

Enfin,  en  l'absence  de  tout  remède,  d'autres  erreurs  peuvent  être  commises. 
Nous  savons,  en  effet,  que  souvent  le  début  de  l'étranglement  est  suivi  d'une  ou 
plusieurs  garde-robes  qui  sont  uniquement  constituées  par  l'évacuation  au  bout 


828  HERMES. 

inférieur  de  l'intestin.  Or,  si  celles-ci  surviennent  à  un  moment  déjà  éloigné 
de  celui  où  s'est  produite  la  constriction  de  l'intestin,  le  chirurgien  peut  croire 
à  une  véritable  garde-robe  et  à  la  continuation  de  la  perméabilité  du  tube  intes- 
tinal. L'erreur  est  facile  à  commettre  :  il  faut  se  souvenir  cependant  qu'il  est 
très-rare  de  voir  l'évacuation  du  bout  inférieur  se  faire  au  delà  des  premières 
douze  heures. 

Enfin  il  ne  faut  pas  oublier  que,  dans  certains  cas,  avec  un  étranglement  par- 
faitement constitué,  on  a  observé  une  véritable  diarrhée,  causée  par  une  hyper- 
sécrétion muqueuse  du  bout  inférieur.  D'ordinaire  ce  symptôme  coïncide  avec  de 
l'algidité,  de  la  cyanose,  des  crampes,  et  fait  partie  de  cette  variété  clinique 
connue  sous  le  nom  de  choléra  herniaire.  La  ressemblance  peut  être  si  parfaite 
entre  cet  aspect  et  le  véritable  choléra,  qu'en  temps  d'épidémie,  en  vertu  de  la 
préoccupation  qui  domine  tous  les  esprits,  on  a  vu  la  confusion  entre  ces  deux 
affections  se  produire,  et  cela  parce  que  la  hernie,  cause  de  tous  les  accidents, 
avait  échappé  à  l'examen. 

Pour  éviter  toutes  les  erreurs  que  nous  venons  de  passer  en  revue,  il  est  abso- 
lument nécessaire,  lorsqu'un  malade  présente  des  symptômes  fonctionnels  ou 
un  état  général  qui  rappelle  l'étranglement,  c'est-à-dire  des  nausées,  des  vomis- 
sements, des  coliques  sans  diarrhée  évidente,  etc.,  d'explorer  minutieusement 
toutes  les  régions  herniaires  et  de  se  rendre  bien  compte  par  soi-même  si  les 
symptômes  observés  ne  coïncident  pas  avec  la  présence  d'une  tumeur  irréduc- 
tible capable  de  faire  penser  à  une  hernie  étranglée. 

Lorsque  cette  tumeur  aura  été  constatée,  il  faut  interroger  le  malade  pour 
savoir  si  elle  a  toujours  été  irréductible;  dans  le  cas  contraire,  savoir  bien 
exactement  à  quel  moment  elle  l'est  devenue,  et  si  elle  rentrait  facilement.  11 
est  utile  aussi  de  s'enquérir  si  elle  a  jamais  été  maintenue  par  un  bandage.  Ce 
dernier  renseignement  est  ordinairement  facile  à  obtenir.  De  plus,  si  l'irréducti- 
bilité constatée  est  déjà  ancienne,  il  faut  s'informer  si,  depuis  quelque  temps, 
la  tumeur  n'a  pas  pris  brusquement  un  volume  plus  considérable  que  celui 
qu'elle  avait  avant;  si  elle  n'est  pas  plus  dure,  plus  tendue,  ou  même  doulou- 
reuse. Enfin,  si  le  malade,  ce  qui  n'arrive  pas  toujours,  est  assez  observateur 
de  lui-même  pour  pouvoir  répondre  à  ces  dernièies  questions,  il  serait  avan- 
tageux de  savoir  encore  si  les  changements  constatés  dans  sa  tumeur  ont  à  peu 
près  co'incidé  avec  le  début  des  accidents. 

Lorsque  l'on  a  pu,  à  l'aide  de  tous  ces  renseignements,  lever  tous  doutes, 
l'examen  de  la  tumeur  doit  montrer  si  on  peut  établir  un  corrélation  entre  elle 
et  les  symptômes  observés.  Quand  une  hernie  dont  l'irréductibilité  a  été  con- 
statée est  le  siège  d'accidents,  elle  présente  localement  une  série  de  signes  qu'il 
est  bon  de  rechercher.  Elle  est  ordinairement  dure,  tendue,  plus  ou  moins  élas- 
tique, douloureuse  spontanément  et  au  toucher,  et  cette  sensibilité,  dans  la 
majorité  des  cas,  est  plus  marquée  au  niveau  du  pédicule.  Mais,  en  outre,  l'étude 
attentive  de  ses  caractères  physiques  doit  permettre  au  chirurgien  de  se  rendre 
compte  de  son  contenu. 

11  faut,  en  effet,  chercher  à  reconnaître  si  l'on  se  trouve  en  présence  d'une 
entérocèle,  d'une  entéro-épiplocèle  ou  d'une  épiplocèle  pure.  La  connaissance 
exacte  de  ce  contenu  peut  avoir  une  certaine  importance  pour  le  diagnostic  des 
accidents.  Cependant  cette  notion  est  quelquefois  malaisée  à  acquérir. 

La  sonorité,  les  gargouillements  à  la  pression,  indiquent  sûrement  la  présence 
de  l'intestin;  de  plus,  d'après  Duplay,  la  résistance  et  la  tension,  le  petit  volume 


HERNIES.  829 

de  la  tumeur,  peuvent  supple'er  à  l'existence  de  ces  signes.  Mais  les  deux 
premiers  sont  souvent  difficiles  à  percevoir  :  la  sonorité  peut  être  masquée  par 
l'abondance  du  liquide  dans  le  sac,  ou  bien  parce  que  l'anse  étranglée  ne 
contient  pas  de  gaz.  Enfin,  certains  sacs  très-épais,  graisseux,  la  présence  d'un 
lipome  herniaire  ou  d'un  kyste  pré-herniaire,  peuvent  empêcher  le  chirurgien 
de  la  constater. 

Quand  l'épiploon  fait  partie  de  la  hernie,  on  se  trouve  ordinairement  en  pré- 
sence d'une  tumeur  plus  volumineuse  que  dans  le  cas  précédent,  et  son  aspect 
irrégulier,  sa  consistance  lobulée,  permettent  d'en  reconnaître  la  nature.  La  pré- 
sence de  la  corde  épiploïque  de  Velpeau  est  aussi  un  bon  signe  diagnostique.  Dans 
les  épiplocèles  pures,  ces  symptômes  sont  ordinairement  assez  facilement  perçus, 
bien  que  le  diagnostic  soit  très-difficile  entre  l'épiplocèle  simple  et  le  lipome 
herniaire.  Cependant,  si  la  tumeur  est  très-serrée,  le  pédicule  de  l'épiplocèle  sera 
plus  dur  que  celui  du  lipome,  et  dans  certains  cas  la  présence  de  la  corde 
épiploïque  lèvera  tous  les  doutes. 

Dans  les  cas  d'entéro-épiplocèle,  la  disproportion  parfois  considérable  entre  la 
quantité  d'épiploon  et  l'anse  contenue  rend  souvent  le  diagnostic  de  cette  der- 
nière presque  impossible  par  l'examen  physique  seul,  surtout  si  elle  est  cachée 
derrière  la  masse  épiploïque. 

Il  faut  alors  examiner  les  symptômes  fonctionnels  pour  élucider  la  question. 
Si  ceux-ci  sont  groupés  en  nombre  assez  considérable  pour  que  le  tableau  de 
l'étranglement  soit  à  peu  près  complet,  il  n'y  a  aucun  doute  possible.  Dans  le  cas 
contraire,  et  surtout  lorsque  les  accidents  sont  assez  récents  pour  que  certains 
signes,  tels  que  les  vomissements  fécaloïdes,  n'aient  pas  encore  eu  le  temps  de  se 
montrer,  il  est  difficile  d'affirmer  l'incarcération  intestinale. 

C'est  surtout  dans  les  cas  d'étranglement  peu  serrés,  alors  que  le  ballonnement 
du  ventre  est  peu  marqué,  qu'il  n'y  a  que  peu  ou  pas  de  symptômes  généraux, 
que  le  malade  n'a  pas  le  faciès  abdominal  caractéristique,  et  que  tous  les  phéno- 
mènes se  bornent  presque  à  de  la  constipation,  des  vomissements  et  de  la  dou- 
leur, que  le  chirurgien  a  le  droit  d'hésiter.  Dans  ces  cas  douteux,  Malgaigne  con- 
seillait la  tempox'isation  jusqu'à  l'apparition  de  signes  nouveaux  capables  de 
confirmer  l'étranglement  intestinal.  Aujourd'hui,  au  contraire,  en  présence  de  la 
bénignité  relative  de  la  kélotomie  pratiquée  suivant  les  règles  de  la  méthode 
antiseptique,  surtout  lorsque  les  lésions  intestinales  ne  sont  pas  encore  très- 
avancées,  la  ligne  de  conduite  adoptée  est  toute  différente.  Il  est  de  règle,  en  effet, 
malgré  l'absence  de  certitude  complète  de  la  présence  de  l'intestin  dans  la  hernie, 
de  se  conduire  comme  dans  l'hypothèse  la  plus  grave,  et  d'agir  comme  si  l'on 
était  certain  de  l'existence  d'un  étranglement  confirmé.  Duplay  accorde  cepen- 
dant que,  dans  ces  cas,  surtout  si  les  accidents  sont  de  date  récente,  c'est-à-dire 
ne  remontent  pas  à  plus  de  vingt-quatre  heures,  il  sera  permis  de  faire  usage  d'un 
purgatif  d'exploration  avant  d'en  arriver  à  une  décision  définitive.  L'insuccès  du 
purgatif  sera  alors  la  preuve  de  l'occlusion  intestinale. 

Certains  auteurs  ont  cru  pouvoir  inférer,  de  ce  que  certains  signes  manquaient, 
que  l'on  avait  affaire  à  un  pincement  herniaire  au  lieu  d'un  étranglement  com- 
plet. On  a  pensé  que,  dans  ces  hernies  partielles,  l'occlusion  du  tube  intestinal 
ne  devait  pas  être  absolue,  et  qu'il  restait  une  certaine  perméabilité  de  l'intestin 
se  traduisant,  soit  par  la  persistance  du  cours  des  matières,  soit  par  la  possibilité 
du  passage  des  gaz  par  l'anus.  Berger,  dans  une  intéressante  leçon  clinique 
publiée  dans  la  Semaine  médicale  (11  octobre  1883),  conclut  d'un  cas  qu'il 


850  HERNIES. 

rapporte  que  la  persistance  des  matières  est  un  signe  patliognomonique  du 
pincement.  Nous  voulons  bien  croire  que  la  persistance  du  cours  des  matières 
et  des  gaz  a  une  réelle  valeur  pour  ce  diagnostic,  mais  il  y  a  de  nombreux  cas 
d'occlusion  intestinale  complète  dans  les  hernies  latérales.  Ferrier,  dans  sa  thèse 
déjà  citée  (Bordeaux,  1884)  sur  les  30  observations  qu'il  a  pu  rassembler,  n'a 
constaté  que  6  fois  l'existence  de  ce  symptôme.  Cette  rareté  en  diminue  certaine- 
ment la  valeur  et  nous  montre  qu'il  est  presque  impossible  d'établir  siirement  les 
signes  diagnostiques  du  pincement  latéral. 

Nous  arrivons  maintenant  à  un  point  particulier  du  diagnostic  des  accidents 
herniaires.  Le  chirurgien  sait  qu'il  a  affaire  à  une  hernie  irréductible,  doulou- 
reuse, et  qui  a  donné  naissance  à  des  accidents.  11  reste  à  déterminer  leur  nature. 
Se  trouve-t-on  en  présence  d'une  hernie  étranglée  ou  d'une  inflammation  her- 
niaire? Le  diagnostic  des  hernies  enflammées  a  aujourd'hui  beaucoup  perdu  de 
son  importance,  tant  au  pomt  de  vue  dogmatique  qu'au  point  de  vue  pratique. 
Nous  avons  déjà  vu,  dans  le  cours  de  cet  article,  que  le  pseudo-étranglement  de 
Malgaigne  n'existait  pas;  que  les  accidents  à  forme  lente  et  incomplète,  qu'il  avait 
vus  quelquefois  se  terminer  par  laguérison,  devaient  être  cozisidérés  comme  des 
cas  d'étranglement  souvent  peu  serrés.  Gosselin  a  démontré  que  le  diagnostic 
entre  l'inflammation,  telle  que  Malgaigne  la  comprenait,  et  l'étranglement,  était 
théoriquement  et  pratiquement  impossible,  et  que  se  laisser  prendre  à  la  béni- 
gnité apparente  des  symptômes  dans  certains  cas  pouvait  conduire  à  des  désastres. 
Boiftîn  a  fait  voir  à  son  tour  que,  même  dans  les  hernies  volumineuses  et  adhé- 
rentes, il  falluit  penser  à  la  constriction  mécanique  de  l'intestin,  et  que  le  signe 
invoque  par  Malgaigne,  la  possibilité  d'introduire  le  doigt  entre  l'anneau  et  le 
pédicule  de  la  hernie,  au  lieu  d'écarter  toute  idée  d'étranglement,  devait  amener 
le  chirurgien  à  songer  à  une  autre  forme  d'obstacle  et  à  un  étranglement  dans 
le  sac.  Aussi  nous  ne  nous  attarderons  pas  davantage  à  cette  question,  qui  a  fait 
l'objet  de  tant  de  controverses. 

Cependant  il  faut  diagnostiquer  certaines  formes  d'inflammations  herniaires 
d'origine  traumatique,  et  surtout  les  épiploites  enflammées,  qui  peuvent  souvent 
en  imposer  pour  un  étranglement  intestinal. 

L'inflammation  herniaire  due  à  la  contusion  et  au  froissement  de  la  tumeur 
herniaire,  ou  bien  à  l'arrêt  d'un  corps  étranger  dans  l'anse  herniée,  est  ordi- 
nairement facile  à  distinguer.  Outre  les  ananinestiques  qui  pourront  mettre  sur 
la  voie,  l'aspect  clinique  est  le  plus  souvent  bien  différent  de  celui  de  l'étrangle- 
ment. «  Sans  revenir  sur  la  description  des  accidents  qu'elle  entrame,  dit 
S.Duplay,  il  suffira  de  rappeler  que,  si  la  hernie  n'est  pas  toujours  réductible, 
quoique  enflammée,  elle  ne  présente  ni  tension  ni  résistance;  que  les  phéno- 
mènes locaux,  de  même  que  la  réaction  générale  qui  les  accompagne,  sont  plutôt 
ceux  d'une  inflammation  que  ceux  de  l'étranglement.  »  Enfin,  dans  les  cas  où 
cette  inflammation  aboutit  à  la  formation  d'un  phlegmon  stercoral,  tous  les 
signes  locaux  de  cette  terminaison  seront  facilement  reconnaissables. 

Le  diagnostic  entre  l'épiploïte  enflammée  et  l'étranglement  est  plus  malaisé 
dans  certains  cas.  Le  plus  souvent  cependant  l'épiplocèle  enflammée  se  recon- 
naîtra aux  caractères  suivants  :  les  phénomènes  abdominaux  et  l'état  général 
sont  moins  accentués  que  dans  l'étranglement;  la  constipation  est  moins  absolue, 
et  presque  toujours,  quand  elle  existe,  l'évacuation  des  gaz  reste  possible,  les 
vomissements  sont  plus  rares  et  ne  présentent  jamais  l'aspect  caractéristique  des 
matières  fécalo'ides.  De  plus,  la  marche  et  la  terminaison  sont  différentes,  car 


HERNIES.  831 

tous  ces  phénomènes  persistent  deux  ou  trois  jours,  puis,  peu  à  peu,  les  vomisse- 
ments et  les  autres  signes  disparaissent  et  les  garde-robes  se  montrent  de  nou- 
veau. D'ailleurs,  les  signes  locaux  ont  aussi  leur  importance  :  la  douleur  locale 
est  peut-être  plus  accusée  et  plus  vive  que  dans  l'étranglement,  mais,  au  lieu 
d'être  comme  celle-ci  limitée  au  pédicule,  elle  s'étend  sur  toute  la  tumeur. 
Cette  dernière  n'est  ni  tendue,  ni  rénitente  comme  dans  une  hernie  étranglée, 
mais  plus  chaude  et  plus  manifestement  enflammée.  Enfin  le  plus  souvent  on 
peut  reconnaître  la  consistance  épiploïque,  la  hernie  est  mate  et  on  n'y  constate 
jamais  de  gargouillement. 

Cependant,  malgré  tous  les  signes  que  nous  venons  de  passer  en  revue,  on  peut 
rester  hésit;mt,  surtout  quand  la  tumeur  est  volumineuse,  sur  la  possibilité  de 
l'existence  d'une  anse  intestinale  cachée  derrière  l'épiploon.  Dans  certains  cas, 
en  effet,  les  épiploïtes  enflammées  peuvent  revêtir  tous  les  signes  d'un  étrangle- 
ment vrai  et  même  provoquer  des  vomissements  fécaloïdes.  Aussi,  dasis  les  cas 
douteux,  il  faudra,  ici  aussi,  adopter  l'hypothèse  la  plus  grave  et  agir  comme 
s'il  s'agissait  d'un  étranglement  confirmé. 

On  a,  de  plus,  indiqué  comme  moyen  de  diagnostic,  quand  les  symptômes  des 
accidents  herniaires  ne  sont  pas  suffisamment  manifestes,  un  taxis  court  et 
modéré.  Alors,  si,  sous  l'influence  de  cette  tentative,  la  hernie  venait  à  se 
réduire,  on  admet  que  l'on  n'avait  pas  affaire  à  un  véritable  étranglement.  Cette 
conclusion  est  erronée;  le  taxis  couronné  de  succès  mettra,  dins  ces  cas,  fin  aux 
accidents,  s'il  est  pratiqué  avant  que  l'intestin  soit  atteint  d'une  façon  irrémé- 
diable, mais  il  n'indiquera  nullement  quelle  était  la  cause  de  l'irréductibilité. 

L'étranglement  reconnu,  la  tâche  du  chirurgien  n'est  point  terminée  :  il  devra 
s'efforcer  de  diagnostiquer  quel  est  l'état  de  l'intestin  liernié,  s'il  est  sain,  ou 
gangrené  et  perforé.  Il  sera,  en  outre,  nécessaire  de  cherchfr  s'il  n'y  a  pas  de 
complications  graves  du  côté  du  péritoine  et  du  côté  des  autres  viscères,  notam- 
ment dans  les  poumons  et  les  reins. 

La  gangrène  intestinale  peut  facilement  être  reconnue,  quand  on  rencontre, 
dans  une  hernie  étranglée,  la  sonorité  tympanique  de  la  tumeur;  la  présence  de 
gaz  dans  le  sac,  donnant  lieu  à  la  pression,  à  un  bruit  hydro-aérique  manifeste; 
la  rougeur  diffuse,  livide,  l'empâtement  des  téguments,  et  enfin  surtout  l'amin- 
cissement de  la  peau,  sa  mortification  limitée  avec  tous  les  signes  d'un  phlegmon 
stercoral.  Mais  souvent  on  est  appelé  auprès  du  malade  avant  que  les  lésions 
aient  atteint  un  degré  aussi  avancé.  De  plus,  les  ecchymoses,  la  rougeur,  l'œdème 
inflammatoire  des  téguments,  peuvent  être  dus,  d'après  Duplay,  à  des  tenta- 
tives de  taxis,  à  des  malaxations,  à  l'application  de  cataplasmes  chauds  ou  de 

la  glace. 

Souvent  ces  signes  font  défaut,  et  le  diagnostic  ne  repose  que  sur  des  proba- 
bilités :  tels  que  la  durée  de  l'étranglement,  le  degré  supposé  de  constriction, 
la  présence  ou  l'absence  d'épiploon,  l'âge  du   sujet  et  enfin  la  variété  de  la 

hernie. 

On  sait,  du  reste,  que  dans  les  entérocèles  la  gangrène  se  produit  bien  plus 
rapidement  que  dans  les  épiplocèles,  qu'elle  est  plus  rapide  aussi  dans  les  hernies 
petites  et  les  pincements  latéraux  que  dans  les  hernies  volumineuses.  Dans  les 
entéro-épiplocèles  volumineuses,  il  est  rare,  dit  Gosselin,  que  les  perforations  se 
produisent  avant  la  fin  du  troisième  jour.  Dans  les  petites  entérocèles  on  l'a  vu 
survenir,  au  contraire,  avant  quarante-huit  et  même  trente-six  heures. 

Enfin  elle  serait  aussi  plutôt  à  redouter  dans  les  hernies  crurales  que  dans  les 


832  HERNIES. 

inguinales  ordinaires,  et  dans  les  omphalocèles  que  dans  ces  dernières.  Ce  côté 
de  la  question  sera  étudié  en  détail  aux  articles  concernant  chaque  variété 
{voy.  Herîjier  crurales,  inguinales,  ombilicales,  etc.). 

En  résumé,  ce  sont  là  des  présomptions,  et,  dans  la  plupart  des  cas,  le 
chirurgien  sera  obligé  de  se  contenter  de  ces  notions  peu  précises  :  ropératioii 
seule  lui  permettra  de  se  rendre  un  compte  exact  de  l'état  de  l'intestin. 

Il  sera  nécessaire  d'explorer  avec  le  plus  grand  soin  le  ventre  du  malade 
atteint  d'étranglement  herniaire,  pour  savoir  s'il  n'existe  pas  des  comphcations 
graves  du  côté  du  péritoine.  Le  ballonnement  peut  être  quelquefois  produit  par 
une  péritonite  :  cette  lésion,  quand  elle  existe,  se  révèle  par  ses  signes  ordinaires, 
(jue  nous  n'avons  pas  besoin  de  rappeler  ici.  Si  Ion  constate  sa  présence,  il 
l'audra  tâcher  d'en  reconnaître  la  variété,  et  savoir  si  l'on  se  trouve  en  face  d'une 
péritonite  par  perforation  ou  par  propagation  :  car  le  mode  de  développement 
de  cet  accident  peut  entraîner  une  conduite  différente  au  point  de  vue  de  l'inter- 
vention chirurgicale. 

Enlin  l'examen  attentif  des  phénomènes  généraux  graves  de  l'étranglement, 
l'exploration  minutieuse  des  grands  appareils  et  surtout  des  poumons,  s'imposent 
absolument:  nous  savons  en  effet  aujourd'hui  toute  l'importance  de  ces  lésions 
sur  le  pronostic  de  l'élranglement.  Quelquefois,  si  ces  complications  nerveuses 
ou  pulmonaires  sont  très-accentuées,  elles  pourront  retenir  la  main  du  chirur- 
gien et  empêcher  ane  opération  vouée  d'avance  à  un  insuccès  certain. 

Traitement  des  accidents  herniaires.  Lorsqu'un  chirurgien  se  trouve  en 
présence  d'une  hernie  irréductible,  deux  cas  peuvent  se  présenter  :  ou  bien 
cette  irréductibilité  est  ancienne  et  ne  cause,  au  moment  de  l'examen,  aucun 
autre  accident  ;  ou  bien,  au  contraire,  elle  s'accompagne  de  symptômes  locaux 
et  généraux  donnant  l'idée  d'un  étranglement.  Dans  les  deux  cas  la  conduite 
à  tenir  est  différente. 

En  présence  d'une  irréductibilité  simple,  surtout  quand  celle-ci  est  due  à 
des  adhérences  anciennes,  on  peut  espérer  en  triompher  par  un  traitement 
approprié.  Pour  y  arriver  il  faut,  à  l'exemple  du  professeur  Trélal,  mettre  en 
œuvre  le  traitement  suivant,  qu'il  a  vu  pratiquer  par  Malgaigne.  Le  malade  est 
soumis  à  un  séjour  prolongé  au  lit;  il  prendra  des  purgatifs  répétés  tous  les 
quatre  ou  cinq  jours,  il  se  nourrira  d'une  façon  modérée.  Enfm  on  fera  des 
tentatives  quotidiennes  de  réduction  par  compression,  avec  une  bande  main- 
tenue en  place  continuellement,  ou  bien  avec  la  bande  élastique  de  Maisonneuve, 
sans  trop  serrer  et  pendant  trois  heures  tous  les  jours  seulement.  A  cette 
méthode  le  professeur  Trélat  ajoute,  tous  les  quatre,  six,  ou  huit  jours,  une 
forte  tentative  de  réduction,  quelquefois  même  avec  chloroforme. 

Ce  traitement  doit  être  continué  longtemps,  sans  que  le  malade  ni  le 
chirurgien  perdent  patience.  Ainsi  M.  Trélat,  comme  nous  l'avons  déjà  vu,  rap- 
porte des  guérisons  par  ces  moyens  au  bout  de  vingt-neuf  jours  dans  un  cas, 
au  bout  de  deux  mois  dans  un  autre.  Thiry  (de  Bruxelles)  aurait  obtenu  la 
guérison  au  bout  de  quatre  mois.  Si,  malgré  ce  traitement  pratiqué  avec  soin  et 
pendant  un  temps  assez  long,  la  hernie  demeure  irréductible,  on  sera  autorisé 
à  pratiquer  la  cure  radicale  par  les  méthodes  directes.  Nous  avons  vu,  en  effet, 
quand  nous  avons  parlé  de  cette  opération,  que  l'irréductibilité  était  regardée 
par  tous  ses  partisans  comme  une  indication  suffisante  et  universellement 
acceptée  de  ce  mode  d'intervention.  Nous  n'y  reviendrons  pas  ici  :  seulement  il  y 


HERNIES.  855 

aura  souvent  avantage  'de  ne  la  pratiquer,  s'il  n'y  a  pas  d'autres  indications, 
qu'après  l'échec  du  traitement  indiqué  ci-dessus. 

Quand,  au  contraire,  on  se  trouve  en  présence  d'une  tumeur  dont  l'irréducti- 
bilité récente  paraît  due  à  un  étranglement,  c'est-à-dire  s'accompagne  d'acci- 
dents graves  à  marche  rapide,  la  seule  indication  à  laquelle  doive  obéir  le  traite- 
ment à  instituer,  c'est  la  nécessité  absolue  d'une  réduction  totale,  à  moins 
cependant  que  l'on  soupçonne  dans  l'intestin  des  lésions  trop  avancées  pour 
que  celle-ci  puisse  se  pratiquer  sans  danger.  Cette  réduction  ne  peut  s'obtenir 
que  de  deux  façons  :  par  le  taxis,  que  celui-ci  soit  simple  ou  facilité  par  une  série 
de  moyens  adjuvants  que  nous  aurons  à  examiner,  ou  bien  par  la  kélotomie. 

La  temporisation  ne  sera  permise  que  dans  un  seul  cas,  c'est  lorsque  le  chi- 
rurgien aura  diagnostiqué  l'existence  d'une  épiplocèle  enflammée.  Alors  seule- 
ment on  sera  autorisé  à  traiter  la  tumeur  herniaire  par  des  bains,  le  repos  au 
lit  et  des  cataplasmes,  et,  sous  l'influence  de  ce  traitement,  on  verra  les  acci- 
dents diminuer  et  disparaître  au  bout  de  quelques  jours.  Cependant  souvent 
aussi  la  tumeur  reste  irréductible,  car  l'inflammation  que  l'on  vient  de  combattre 
aura  donné  lieu  à  des  adhérences  plus  ou  moins  étendues,  mais  suffisantes  pour 
empêcher  la  réduction  totale.  11  sera  nécessaire  alors  d'employer,  pour  cette 
hernie,  le  traitement  indiqué  ci-dessus  pour  l'irréductibilité  simple. 

Do  TAXIS.  On  désigne  sous  le  nom  de  taxis  cette  opération  manuelle  qui  a 
pour  but  de  refouler  la  hernie  et  de  la  faire  rentrer  dans  le  ventre  (Gosselin). 
La  pratique  du  taxis  paraît  fort  ancienne,  mais  cette  manœuvre,  appliquée 
indistinctement  à  toutes  les  hernies  étranglées,  et  à  tous  les  moments  de  l'étran- 
"lement,  a  dû  faire  autrefois  de  nombreuses  victimes.  Comme  toutes  les  méthodes, 
elle  s'est  perfectionnée  peu  à  peu  et,  à  mesure  que  les  accidents  à  combattre 
ont  été  mieux  connus,  on  s'est  efforcé  d'en  mieux  préciser  l'emploi  et  d'en  fixer 
les  règles. 

C'est  à  peine  si  l'on  trouve  dans  les  auteurs  anciens  quelques  mots  qui 
indiquent  qu'ils  connaissaient  le  taxis.  Ainsi,  d'après  Broca,  cette  opération  est 
sio^nalée  dans  Praxagoras  (de  Cos)  en  ces  termes  :  Manïbus  premens  intestina 
magna  qvassatione  vexavit.  Il  faut  arriver  jusqu'à  la  Renaissance  pour  voir 
décrire  le  taxis  comme  une  manœuvre  raisonnée.  Ambroise  Paré  indique  en 
détail  la  position  à  donner  au  malade.  Ce  n'est  guère  qu'au  dix-huitième  siècle 
que  les  chirurgiens,  qui  le  pratiquent  couramment,  en  reconnaissent  les  incon- 
vénients et  les  dangers.  J.-L.  Petit  s'élève  contre  le  taxis  violent  et  forcé  et  blâme 
les  gens  qui  veulent  réduire  toutes  (les  hernies  étranglées),  mêine  celles  qxd 
résistent  à  une  force  modérée.  Saviard,  Pott,  Sabatier,  Desault,  signalent  à  leur 
tour  les  dangers  de  la  violence  et  de  la  force.  Richter,  tout  en  recommandant 
un  taxis  quelquefois  très-prolongé,  déclare  cependant  qu'il  réussit  rarement  et 
qu'il  n'a  pas  grande  confiance  dans  ce  moyen.  Scarpa  croyait  que  son  exagé- 
ration était  souvent  la  cause  de  la  gangrène  des  hernies  étranglées.  Astley 
Cooper,  à  son  tour,  était  l'adversaire  du  taxis  forcé  et  a  conseillé  de  le  con- 
tinuer seulement  pendant  un  quart  d'heure  ou  une  demi-heure,  sans  violence 
Enfin  Boyer  se  prononce  à  son  tour  contre  l'exagération  du  taxis  et  en  signale 

les  périls. 

A  ce  moment  s'ouvre  une  nouvelle  période  dans  l'histoire  de  cette  opération. 
Âmussat,  contrairement  à  tous  les  auteurs  qui  précèdent,  se  déclare  le  partisan  du 
taxis  forcé  et  prolongé  {Gaz.  médicale,  1851,  n°  52).  II  le  pratiquait  hardiment 
résolument,  quelle  que  fût  l'ancienneté  de  l'étranglement,  à  moins  qu'il  n'y 

DICT.    ENC.    4°    s.    XIII.  ^5 


834  HERNIES. 

eût  sphacèle  évident  de  la  hernie.  Outre  certains  moyens  adjuvants  ayant  pour 
but  d'utiliser  plus  complètement  la  pression  des  mains,  Amussat  se  fait  assister 
de  plusieurs  aides  desquels  il  réclame  des  forces  inteUigenles .  Lisfranc,  à  peu 
près  à  la  même  époque,  se  déclare  lui  aussi  partisan  du  taxis  forcé.  En  1843, 
Amussat  préconisait  de  nouveau  la  méthode  dans  un  mémoire  à  l'Académie  des 
sciences.  Quelques  années  auparavant,  en  1838,  M.  Nivet  avait  publié  plusieurs 
cas  de  succès  dus  à  des  taxis  de  trois  quarts  d'heure  à  une  heure,  faits  successi- 
vement par  plusieurs  personnes.  En  outre,  en  1848  M.  le  docteur  Yignolo,  élève 
d'Amussat,  publia  sur  cette  question  un  nouveau  travail  dans  la  Revue  médicale, 
et  il  insiste  sur  les  détails  de  ce  taxis  forcé  dans  lequel  intervient  la  force 
combinée  de  plusieurs  aides.  Cette  méthode,  d'ailleurs,  donnant  lieu  à  de  nom- 
breux accidents,  ne  se  vulgarisa  pas  rapidement. 

Aussi,  quand  Gosselin,  dans  sa  thèse  de  1844,  et  dans  un  mémoire  publié  en 
1859  {Du  taxis  forcé  et  prolongé  dans  l'étranglement  herniaire),  se  déclara  à 
son  tour  partisan  de  ce  mode  de  traitement,  il  ne  le  fit  qu'avec  des  réserves. 
A  mesure,  du  reste,  que  ce  maître  avançait  dans  sa  carrière,  il  devenait  moins 
partisan  du  taxis  forcé.  Dans  ses  Leçons  sur  les  hernies  abdominales,  il  en  limite 
encore  l'emploi,  en  essayant  d'en  préciser  les  indications  et  les  contre-indica- 
tions; de  plus,  il  insiste  sur  l'importance  des  moyens  adjuvants,  au  premier  rang 
desquels  il  faut  placer  l'anesthésie.  D'ailleurs,  à  la  même  époque,  en  1861, 
Streubel,  en  Allemagne,  s'était,  lui  aussi,  déclaré  partisan  du  taxis  prolongé 
avec  anestliésie.  Si  Gosselin  a  eu  le  mérite  de  préciser  mieux  que  ses  devan- 
ciers les  indications  du  taxis  ancsthésique,  il  n'en  est  pas  l'inventeur.  Mayor 
(de  Lausanne)  avait  publié,  dans  la  Gazette  médicale  du  20  février  1847,  une 
observation  de  hernie  étranglée  réduite  sous  l'influence  de  l'éthérisation.  La 
thèse  de  M.  Lach  (Paris,  1817)  Sur  les  inhalations  éthérées  renkrme  dix  obser- 
vations de  hernies  étranglées  réduites  à  l'aide  de  l'anesthésie  par  l'éther.  Enfin 
Gnyton  (de  Nuits)  avait  fait  paraître,  dans  les  Archives  générales  de  médecine 
(1848),  un  travail  dans  lequel  il  avait  cherché  à  tracer  les  indications  et  les 
contre-indications  à  l'emploi  des  anesthésiques  dans  le  taxis. 

La  doctrine  de  Gosselin,  qui  a  pendant  longtemps  régné  en  France  presque 
sans  conteste,  à  part  quelques  rares  protestations  dans  les  sociétés  savantes 
sur  les  accidents  dus  à  des  tentatives  trop  énergiques  de  réduction,  ne  saurait 
plus  être  absolument  admise  aujourd'hui.  D'ailleurs,  quelques  chirurgiens  lui 
ont  toujours  été  opposés  et  nous  nous  borncions  à  citer  l'opinion  de  Philippe 
Coyer,  qui  était  réputé  pour  ses  succès  dans  la  kélotomie  à  une  époque  où  les 
statistiques  de  cette  opération  était  désastreuses.  Ce  chirurgien  n'admettait  qu'un 
taxis  extrêmement  léger,  suivi,  en  cas  d'insuccès,  d'une  opération  immédiate. 
JVélaton,  suivant  en  cela  la  pratique  de  Dupuytren,  se  déclare  partisan  d'un  taxis 
énergique,  mais  peu  prolongé,  ne  dépassant  pas  une  dizaine  de  minutes,  tandis 
que  les  partisans  du  taxis  forcé,  et  Amussat  en  particulier,  le  prolongeaient  trois 
quarts  d'heure,  une  heure  et  même  deux.  En  1867,  M.  Comoz,  sous  l'inspira- 
tion du  professeur  Jarjavay,  écrivait  sa  thèse  sur  les  Inconvénients  du  taxis 
forcé.  D'ailleurs,  le  taxis  prolongé  et  forcé  a  perdu  peu  à  peu  du  terrain,  et 
Gosselin  lui-même,  tout  en  restant  justement  partisan  du  taxis  anesthésique, 
ne  le  prolongeait  plus  au  déclin  de  sa  carrière  autant  qu'autrefois,  malgré 
l'appui  que  lui  avaient  apporté  Schede  en  1874  {Centralhlatt  fur  Chirurgie), 
qui  préconisait  hautement  un  taxis  prolongé  et  très-énergique,  A.  Thirifahy  qui, 
dans  le  Bulletin  de  l'Académie  chirurgicale  de  Belgique  (1877),  a  insisté  tout 


HERMES.  855 

particulièrement  sur  la  nécessité  d'un  taxis  doux,  continu,  persévérant  et 
progressif.  Le  chirurgien  de  la  Charité  redoutait  de  plus  en  plus  les  lésions 
traumatiques  intestinales  et  les  autres  accidents  qui  pouvaient  résulter  des 
pressions  trop  considérables  et  trop  prolongées. 

Aussi,  dans  les  Cliniques  delà  Charité  {vol.  III,  p.  443)  il  a  écrit  sur  ce  sujet 
les  lignes  suivantes  :  «  Mais,  à  cette  époque,  nous  n'avions  pas  la  ressource  du 
chloroforme,  et  j'ai  reconnu,  une  fois  que  cet  adjuvant  a  été  à  ma  disposition, 
qu'il  ne  fallait  pas  tant  de  temps  pour  réduire  une  hernie  inguinale  quand  elle 
peut  l'être.  Après  dix  à  douze  minutes  pour  les  petites  ou  vingt  pour  les  grosses 
la  question  est  jugée.  Si  la  réduction  n'a  pas  été  obtenue,  c'est  qu'elle  est  impos- 
sible, et  il  faut  procéder  le  plus  promptement  possible  au  débridement.  » 

C'est  donc  vers  un  taxis  énergique  et  court  que  tend  aujourd'hui  la  doctrine 
chirurgicale,  bien  qu'il  y  ait  encore  des  chirurgiens,  comme  Sonrier  {Gaz.  des 
hôpitaux,  21  mai  1835)  et  Paris  {ib.,  2  juin  1885),  qui  publient  des  succès 
dus  au  taxis  progressif  et  prolongé.  D'ailleurs,  la  généralisation  de  la  méthode 
antiseptique,  en  rendant  les  chirurgiens  plus  confiants  et  les  opérations  beau- 
coup moins  dangereuses,  a  amené  un  commencement  de  réaction  en  faveur 
de  la  kélotomie.  Le  champ  de  ses  indications  s'est  agrandi,  et  une  des  condi- 
tions de  succès  les  plus  certaines,  c'est  d'agir  rapidement,  sur  un  intestin  rela- 
tivement sain.  Aussi,  en  dehors  des  lésions  dues  à  l'étranglement,  le  chirurgien 
a  avantage  à  ne  pas  pratiquer,  avant  son  opération,  des  manœuvres  de  taxis 
qui  pourraient  être  assez  énergiques  pour  contondre  et  meurtrir  une  anse  intes- 
tinale déjà  au  moins  œdémateuse,  mais  qui  souvent  risqueraient  de  ne  pas  être 
assez  efficaces  pour  en  obtenir  la  réduction. 

Certains  chirurgiens  vont  même  trop  loin  peut-être  dans  ce  sens  et  sont  dis- 
posés à  repousser  presque  complètement  le  taxis.  Ainsi  Balestrié,  dans  sa  thèse 
de  doctorat  {Contribution  à  l'étude  du  taxis  et  de  la  kélotomie.  Montpellier, 
1882],  faite  à  l'instigation  du  professeur  Tédenat,  se  déclare  partisan  presque 
exclusif  de  la  kélotomie.  Tout  au  plus,  et  presque  à  titre  de  concession,  il 
accorde  qu'il  sera  permis  de  faire,  dans  les  dix  premières  heures  de  l'étrangk- 
ment,  une  légère  tentative  de  taxis  avant  de  recourir  au  couteau.  Il  y  a  là 
croyons -nous,  une  certaine  exagération,  car  c'est  surtout  en  présence  d'un 
étranglement  récent,  à  lésions  encore  peu  accentuées,  qu'un  taxis  bien  fait  a 
des  chances  d'être  couronné  de  succès.  Si  l'on  se  souvient  que  Gosselin  a  publié, 
dans  sa  Clinique  de  la  Charité,  une  statistique  personnelle  de  1 1 3  cas  de  hernies 
étranglées  dans  lesquelles  il  a  pu  67  fois  obtenir  la  réduction  par  le  taxis,  avec 
5  morts  seulements  et  64  guérisons,  nul  n'hésitera  à  user  d'une  méthode  qui 
a  donné  de  si  beaux  résultats.  Il  faudra  néanmoins  pour  l'employer  obéir  absolu- 
ment aux  indications  exactes  et  la  pratiquer  avec  toutes  les  précautions  adoptées 
aujourd'hui. 

Indication  et  contre-indication  du  taxis.  Avant  de  décrire  le  manuel  opé- 
ratoire, il  nous  paraît  utile  de  préciser  les  indications  de  l'opération.  iNous 
avons  vu  qu'Amussat  pratiquait  toujours  le  taxis,  sauf  dans  les  cas  où  il  y  avait 
un  sphacèle  évident  de  la  hernie.  Lisfranc,  frappé  des  accidents  de  la  méthode, 
essaya  de  la  réoler  :  il  rejette  le  taxis  dans  les  hernies  à  collet  très-étroit  qui 
ont  un  pédicule  mince,  et  dans  lesquelles  la  tumeur  est  très-dure.  De  plus,  il 
ne  voulait  pas  qu'on  le  tentât  après  le  quatrième  jour,  alors  même  que  les 
symptômes  locaux  et  généraux  de  la  gangrène  ne  se  seraient  point  encore  montrés. 

Le  taxis  est  naturellement  défendu  lorsque  l'on  a  des  raisons  pour  croire 


836  HERNIES. 

l'intestin  perforé,  et  surtout  lorsque  l'on  constate  les  signes  d'un  phlegmon  ster- 
coral.  «  11  est  encore  contre-indiqué,  dit  Gosselin,  lorsque  les  signes  précédents 
manquent;  l'âge  de  l'étranglement  et  le  petit  volume  de  la  hernie  autorisent 
à  craindre  une  perforation  commencée  ou  confirmée.  Dans  le  chapitre  du  dia- 
gtiostlcje  n'ai  pas  dissimulé  les  desiderata  qui  existaient  à  ce  sujet.  » 

Quant  aux  indications,  elles  peuvent,  d'après  le  même  chirurgien,  être  ainsi 
résumées  :  Le  taxis  est  indiqué  pour  les  hernies  dans  les  vingt-quatre  premières 
heures  de  l'étranglement.  Jusqu'à  quarante-huit  heures,  à  moins  que  l'on  ne 
constate  quelqu'une  des  contre-indications  formulées  ci-dessus,  il  est  encore 
indiqué  pour  les  grosses,  les  moyennes  et  quelques-unes  des  petites  hernies. 
Après  trente-six  heures,  il  faut  cependant  s'ahstenir  dans  les  cas  d'entérocèle  pures 
de  petit  volume.  Jusqu'à  soixante-douze  heures,  il  est  applicable  pour  les  grosses 
et  les  moyennes  hernies.  A  partir  du  quatrième  jour,  à  moins  que  la  hernie  ne 
soit  très-volumineuse,  ou  que  l'opération  soit  impraticable  par  suite  de  circon- 
stances particulières  ou  du  refus  du  malade,  il  ne  faut  pas  tenter  le  taxis.  Ainsi, 
cette  opération  est  d'autant  plus  indiquée  que  l'on  est  plus  rapproché  du  début 
des  accidents.  Les  règles  de  Gosselin,  adoptées  dans  l'ensemble,  ont  été  cepen- 
dant légèrement  modifiées  par  les  auteurs  qui  ont  suivi. 

Ainsi,  pour  Le  Dentu,  les  délais  varient  suivant  les  variétés  et  le  volume  des 
hernies.  11  admet  que,  pour  les  très-petites,  le  taxis  est  dangereux  dès  le  pre- 
mier jour.  De  plus,  pour  les  hernies  inguinales,  souvent  plus  volumineuses  que 
les  crurales,  le  taxis  est  permis  plus  longtemps. 

S.  Duplay,  dans  son  Traité  de  Pathologie  externe,  est  plus  affirmatif  et  plus 
précis.  Pour  lui,  le  taxis  est  de  règle  pour  toutes  les  hernies  dans  les  premières 
vingt-quatre  heures  de  l'étranglement.  Après  trente-six  heures,  pour  les  hernies 
petites,  il  sera  sage  de  s'en  tenir  seulement  à  quelques  tentatives  de  taxis  avant 
d'en  venir  à  l'opération.  Après  quarante-huit  heures,  pour  ces  mêmes  cas,  il 
sera  prudent,  dans  la  crainte  de  rentrer  un  intestin  perforé  ou  gangrené,  de 
pratiquer  immédiatement  l'opération,  sans  taxis  préalable. 

Dans  les  hernies  moyennes,  Duplay  accorde  encore  la  possibilité  des  taxis,  si 
les  accidents  ne  remontent  pas  à  plus  de  quarante-huit  heures  :  mais,  dans  ce 
cas  «  on  peut,  dit-il,  avoir  recours  au  purgatif  d'exploration,  à  la  condition 
expresse  de  surveiller  de  près  ses  effets  et  de  recourir  au  taxis,  puis  à  l'opéra- 
tion, si  au  bout  de  cinq  à  six  heures  au  plus  le  purgatif  n'a  amené  aucun 
effet.  »  Enfin,  pour  les  grosses  hernies,  considérant  le  résultat  souvent  fatal  de 
l'opération,  il  conseille  de  revenir  plusieurs  fois  à  un  taxis  modéré  aidé  des 
moyens  adjuvants  de  toutes  sortes. 

En  résumé,  nous  le  voyons,  les  règles  établies  par  Gosselin  ont  été  modifiées 
surtout  dans  le  sens  de  la  diminution  des  délais,  dans  le  respect  plus  considé- 
i-able  de  l'intestin  au  point  de  vue  des  malaxations.  Le  champ  de  la  kélotomie 
a  été  beaucoup  augmenté,  et  les  récents  travaux  sur  les  hernies  volumineuses 
et  adhérentes  rétendent  encore,  au  détriment  du  taxis,  et  surtout  du  taxis  violent 
et  forcé,  aujourd'hui  à  peu  près  universellement  repoussé. 

Manuel  opératoire  du  taxis.  Le  taxis  se  pratique  avec  ou  sans  anesthésie. 
Toutes  les  fois  qu'il  le  pourra,  le  cliirurgien  devra  préférer  le  taxis  anesthésique, 
qui  est  le  seul  véritablement  efficace.  Gosselin  a,  en  effet,  démontré  que  les  chances 
de  succès  sont  notablement  augmentées  par  l'emploi  de  l'anesthésie.  «  Je  vois 
encore,  a-t-il  écrit  dans  les  Cliniques  de  la  Charité,  bien  des  cas  dans  lesquels 
on  le  fait  sans  anesthésie;  quand  on  réussit,  tant  mieux!  mais,  quand  on  ne 


HERNIES.  837 

réussit  pas,  rien  n'est  fait.  On  doit  recommencer  avec  l'anesthésie,  et  alors  on  a 
perdu  du  temps  et  l'on  a  soumis,  sans  profit,  Jes  viscères  hernies  à  la  contu- 
sion qui  est  l'effet  de  la  compression  prolongée.  » 

L'emploi  du  chloroforme  pour  le  taxis  a  plusieurs  avantages.  En  premier  lieu, 
la  suppression  de  la  douleur  permet  au  chirurgien  de  pousser  la  pression  plus 
loin  qu'il  ne  le  ferait,  si  la  souffrance  du  malade  devenait  intolérable.  En  outre, 
le  malade  ne  remue  pas,  ce  qui  fait  que  toute  la  force  déployée  est  mieux  et 
plus  complètement  utilisée.  Enfin  le  relâchement  de  la  paroi  abdominale,  qui 
est  la  conséquence  naturelle  de  l'anesthésie,  facilite  la  réduction,  d'après  Guyton 
et  Gosselin.  Nul  doute,  en  effet,  dit  ce  dernier,  que  ce  soit  un  avantage  «  do 
n'avoir  plus  à  lutter  contre  celte  contraction  qui  a  pour  résultat,  en  diminuant 
la  capacité  de  l'abdomen,  de  s'opposer  à  la  rentrée  des  viscères.  » 

Pour  pratiquer  le  taxis,  le  malade  doit  être  placé  dans  le  décubitiis  dorsal, 
l'anesthésie  étant  poussée  jusqu'à  la  production,  non-seulement  de  l'insensi- 
bilité, mais  encore  de  la  résolution  musculaire.  De  plus,  pour  obtenir  le  relâ- 
chement des  parois  abdominales,  la  tête  sera  légèrement  fléchie  sur  la  poitrine 
et  soulevée  par  un  oreiller;  les  cuisses  seront  légèrement  fléchies,  ainsi  que  les 
jambes.  Quant  à  la  direction  exacte  à  leur  donner,  il  est  d'usage  de  les  placer 
dans  une  légère  abduction.  Malgaigne,  à  propos  de  la  hernie  crurale,  dit  bien 
que  celte  position,  en  tendant  les  adducteurs  et  par  conséquent  le  fascia  cribri- 
formis,  peut  avoir  certains  désavantages,  et  que  l'adduction  serait  préférable. 
Mais  l'incommodité  qui  en  résulterait  pour  le  chirurgien  fait  que  d'ordinaire 
on  préfère  l'abduction.  Le  vrai  précepte  est  de  mettre  le  malade  dans  la  position 
qui  facilite  le  plus  les  manœuvres  pour  le  cas  parliculier. 

Le  chirurgien  se  place  ensuite  à  côté  du  malade  et  de  préférence  du  côté 
droit,  du  moins  si  la  hernie  est  à  droite  ou  à  peu  près  médiane.  Mais  là  encore 
il  n'y  a  pas  de  règle  absolue. 

«  Alors,  la  tumeur  herniaire  et  ses  environs  ayant  été  préalablement  rasés, 
dit  S.  Duplay,  puis  essuyés  avec  soin,  le  chirurgien,  que  nous  supposons  placé 
à  droite,  saisit  entre  le  pouce  et  les  premiers  doigts  de  la  main  gauche  le 
pédicule  de  la  hernie,  de  manière  à  l'entourer  le  plus  complètement  possible, 
à  l'effiler  eu  quelque  sorte,  et  à  l'éloigner  légèrement  de  l'anneau,  comme  s'il 
voulait  faire  sortir  davantage  la  hernie;  puis  il  saisit  de  la  main  droite,  à 
pleine  main,  le  corps  de  la  hernie,  sans  presser  sur  le  fond  du  sac,  et,  avec  les 
doigts  qui  embrassent  la  tumeur,  principalement  avec  le  pouce  et  l'indicateur 
de  la  main  droite,  il  cherche  à  saisir  le  contenu  de  la  hernie,  à  l'entraîner  vers 
l'anneau  et  à  l'y  faire  pénétrer  par  une  pression  méthodique.  Cependant  les 
doigts  de  la  main  gauche,  entourant  le  pédicule,  s'opposent  à  ce  que  le  corps 
du  sac  ou  les  viscères  que  refoule  la  main  droite  viennent  s'étaler  et  s'aplatir  en 
quelque  sorte  autour  de  l'orifice  herniaire,  en  maintenant  par  la  pression  qu'ils 
exercent  la  forme  pédiculée  de  la  hernie.  On  commence  par  exercer  une  pression 
assez  modérée,  puis  on  l'angmente  progressivement  en  ayant  toujours  soin  de 
déplorer  une  force  moindre  au  moyen  des  doigts  qui  étreignent  le  pédicule  de 
la  hernie  qu'avec  ceux  (jui  l'embrassent  et  cherchent  à  le  refouler  vers  l'orifice 
herniaire.  On  doit  également  se  garder  de  presser  sur  le  fond  du  sac,  mais  il 
faut  varier  avec  la  position  des  doigts  la  direction  des  pressions,  afin  de  chercher 
si  les  efforts,  infructueux  lorsqu'ils  sont  dirigés  dans  un  sens  déterminé,  ne 
seraient  pas  couronnés  de  succès  lorsqu'on  les  fait  porter  sur  un  autre  point.  » 
Quant  au  temps  que  doivent  durer  les  séances  de  taxis  et  au  degré  de  force 


858  HERNIES. 

qu'il  convient  de  déployer,  l'historique  que  nous  avons  fait  précédemment  du 
taxis  nous  permettra  d'être  bref  à  ce  sujet.  Nous  avons  vu  que  tout  le  monde 
aujourd'hui  est  d'avis  de  repousser  ce  taxis  forcé  d'Amussat  et  de  Lisfranc,  qui 
était  en  même  temps  un  taxis  prolongé.  Gosselin  a  indiqué,  et  nous  y  revien- 
drons, que  le  temps  des  séances  devait  varier  suivant  la  variété  de  chaque 
hernie  et  l'âge  de  l'étranglement.  D'ordinaire,  le  taxis  ne  doit  pas  être  prolongé, 
surtout  lorsi|u'il  est  fait  avec  l'aide  du  chloroforme,  au  delà  de  quinze  à  vingt 
minutes  pour  les  petites  hernies,  et  au  delà  d'une  demi-heure  pour  les  grosses 
hernies.  Souvent  même,  si,  au  bout  de  dix  minutes,  une  petite  hernie  ne  rentre 
pas,  il  faudra  recourir  au  bistouri.  Le  taxis  sans  anesthésie  pourra  être  pro- 
longé quelques  minutes  de  plus.  Le  chirurgien  doit  se  souvenir  qu'il  est  néces- 
saire que  ses  manœuvres  ne  portent  aucune  atteinte  à  la  vitalité  d'un  intestin 
déjà  altéré  par  les  lésions  ducs  à  l'étranglement,  et  que,  si  le  taxis  doit  échouer 
et  l'opération  être  pratiquée,  celle-ci  aura  d'autant  plus  de  chances  de  réussir 
que  l'anse  herniée  sera  plus  saine  et  moins  contuse. 

Quoi  qu'il  en  soit,  le  taxis,  quand  on  le  tente,  doit  être  suffisant,  c'est-à-dire 
remplir  toutes  les  conditions  qui  permettent  de  faire  rentrer  la  hernie  ou  d'af- 
firmer, en  cas  d'échec,  que  l'opération  seule  est  capable  d'y  arriver.  De  plus,  il 
doit  être  continu  et  non  intermittent,  c'est-à-dire,  une  fois  qu'il  est  reconnu 
nécessaire,  il  faut  autant  que  possible  le  pousser  jusqu'au  bout,  et  bien  se 
convaincre  du  premier  coup  que  l'irréductibilité  est  invincible,  si  on  n'a  pas  le 
bonheur  d'obtenir  la  réduction.  En  effet,  les  séances  successives,  quand  une  pre- 
mière tentative  bien  faite  a  échoué,  ont  ordinairement  le  même  résultat,  et  con- 
stituent une  perte  de  temps  regrettable  au  point  de  vue  de  la  kélotomie. 

Enfin,  au  point  de  vue  de  la  force  déployée,  Gosselin  a  conseillé  de  faire  un 
taxis  progressif,  c'est-à-dire  de  débuter  par  une  pression  toujours  modérée,  pui> 
de  l'augmenter  peu  à  peu,  selon  la  résistance  que  l'on  rencontre  et  suivant  le 
temps  qui  s'est  écoulé.  En  d'autres  termes,  le  taxis  doit  être  d'autant  plus  forcé 
qu'il  est  plus  }irolongé.  Quant  aux  limites  dans  lesquelles  doit  être  maintenue 
cette  force,  il  est  difficile  de  les  indiquer  d'une  façon  précise.  Si  la  pression  est 
pratiquée  d'une  manière  véritablement  continue,  sans  secousses  ni  efforts, 
brusques,  comme  cela  doit  se  faire,  on  pourra  aller,  ainsi  que  le  recommande 
Gosselin,  jusqu'à  la  fatigue  des  mains  du  chirurgien.  Quelquefois  même,  et 
surtout  s'il  s'agit  d'une  hernie  volumineuse,  difficilement  embrassée  par  les 
doigts  de  l'opérateur,  celui-ci  se  fatigue  vite;  il  pourra  alors  se  l'aire  aider  par 
un  ou  deux  aides  qui  viennent  successivement  le  remplacer.  Mais  tout  le  monde 
s'accorde  aujourd'hui  pour  ne  plus  admettre  le  taxis  que  Gosselin  a  appelé  le 
taxis  à  quatre  ou  six  mains,  c'est-à-dire  celui  dans  lequel  les  pressions  exercées 
par  un  aide  ou  deux,  venaient  s'ajouter  à  l'effort  produit  par  l'opérateur  et 
pendant  qu'il  pratiquait  lui-même  le  taxis.  C'était  là  ce  qu'Amassât  appelait 
réclamer  les  forces  intelligentes  de  ses  aides.  En  résumé,  et  tout  en  restant 
dans  de  prudentes  limites,  la  pression  doit  être  toujours  progressive  et  soutenue, 
s'exercer  sur  une  surface  large,  ne  jamais  porter  sur  le  fond  du  sac  et  être 
toujours  plus  énergique  de  la  part  de  la  main  qui  refoule  la  hernie  que  de 
celle  qui  étreint  le  pédicule  (S.  Uuplay). 

Le  manuel  opératoire  que  nous  venons  de  décrire  n'a  pas  toujours  été  adopté 
dans  toutes  ses  parties.  11  a  été  modifié  par  certains  auteurs.  Ainsi  Richter 
prescrivait  de  placer  un  ou  deux  doigts  très-près  de  l'anneau,  à  côté  du  pédicule 
herniaire,  et  de  pousser  cette  portion  d'abord  avec  douceur,  puis  progressive- 


HERNIES.  859 

ment  avoc  beaucoup  de  force  dans  l'orifice.  Streubel  eu  1861,  Max  Schede 
{Centralblatt  fur  Chirurgie,  1874),  ont  repris  ce  procédé  en  le  transformant 
en  un  véritable  taxis  forcé.  «  Ce  dernier,  dit  S.  Duplay,  conseille  de  placer  les 
deux  ponces  de  part  et  d'autre  du  pédicule  de  la  hernie,  et  d'appuyer  alterna- 
tivement de  l'un  et  de  l'autre  avec  toute  la  force  de  l'opérateur,  comme  si  l'on 
voulait  fourrer  dans  le  trajet  herniaire  les  parties  qui  sont  placées  immédiate- 
ment au-dessous  de  lui.  »  Il  aurait  ainsi  obtenu  un  grand  nombre  de  succès. 
Cependant,  dans  un  cas,  il  fit  une  réduction  en  masse,  et,  dans  quatre  autres 
cas,  la  réduction  fut  suivie^le  phénomènes  de  péritonite,  peu  intenses,  il  est 
vrai.  De  plus,  quand  les  tentatives  ont  été  infructueuses  et  la  kélotomie  prati- 
quée, il  y  a  eu  5  décès  sur  10  opérations.  Dans  un  cas  suivi  de  mort,  il  existait 
une  gangrène  étendue  de  l'épiploon.  Quant  aux  5  cas  de  succès,  le  chirurgien 
constata  dans  trois  d'entre  eux  une  gangrène  de  l'intestin  ou  de  l'épiploon.  Ces 
résultats  nous  paraissent  suffisants  pour  montrer  tout  le  danger  de  ce  procédé 
d'une  énergie  aveugle  et  par  trop  violente. 

Lossen  a  décrit,  à  son  tour,  un  nouveau  procédé,  basé  sur  sa  théorie  de  l'étran- 
glement. On  se  souvient,  en  effet,  que,  pour  cet  auteur,  l'occlusion  de  l'intestin 
serait  uniquement  due  à  la  compression  exercée  par  le  bout  supérieur  de  l'intes- 
tin sur  l'inférieur  dans  l'anneau  herniaire.  Aussi,  il  croit  qu'il  faut  chercher 
d'abord  à  dégager  ce  bout  inférieur.  Pour  arriver  à  ce  but,  il  conseille  d'exercer 
sur  le  pédicule  de  la  hernie  des  pressions  latérales,  «  qui  doivent,  dit  S.  Duplay, 
à  un  moment  donné,  attirer  le  bout  supérieur  contre  l'orifice  herniaire  et 
dégager  le  bout  inférieur;  celui-ci,  n'étant  plus  aplati  par  la  pression  du  bout 
supérieur,  peut  dès  lors  s'ouvrir  et  donner  passage  aux  matières  contenues 
dans  l'anse  herniée.  »  Cette  pratique  des  pressions  latérales  dans  le  taxis,  qui 
a  été  décrite  en  Allemagne  sous  le  nom  de  méthode  de  Lossen,  n'est  pas  nou- 
velle. Gosselin  y  avait  aussi  recours  dans  quelques  cas,  surtout  dans  les  hernies 
assez  volumineuses  et  proéminentes.  Il  ajoute,  en  effet,  à  la  pression  ordi- 
naire «  des  mouvements  en  masse  de  latéralité  ou  d'avant  en  arrière.  11  m'a 
iicmblé,  dit-il,  que  ces  mouvements  avaient  été  utiles  en  amenant  dans  les 
portions  herniées  des  changements  de  position  qui  pouvaient  faciliter  la 
réduction.  » 

D'ailleurs,  si  le  moyen  employé  par  Lossen  est  souvent  avantageux,  son 
mécanisme  n'est  pas  admis  par  tous  les  chirurgiens.  Ainsi,  pour  Busch,  qui  croit 
que  l'étranglement  est  dû  à  la  brusque  coudure  de  l'intestin,  les  pressions 
latérales  n'agissent  qu'en  redressant  simplement  cette  coudure,  et  en  plaçant 
l'un  des  deux  bouts  de  l'anse  dans  le  prolongement  du  bout  intestinal  avec 
lequel  il  se  continue  :  de  là  la  réduction  plus  facile. 

Enfin  certains  auteurs,  entre  autres  Streubel,  Linhart,  Ileller,  ont  remis  en 
honneur  une  manœuvre  déjà  indiquée  par  Richter,  et  suivie  par  plusieurs 
chirurgiens  français.  Elle  consiste  à  exercer  une  traction  sur  le  pédicule  de  la 
hernie,  comme  si  l'on  voulait  amener  au  dehors  une  plus  grande  quantité  de 
viscères.  Pour  se  rendre  compte  de  l'efficacité  de  ce  moyen,  il  faut  se  souvenir 
que  c'est  au  niveau  du  point  serré  que  l'intestin  offre  le  maximum  de  ses  alté- 
rations. «  Sillon  d'étranglement  dépoli,  adhérences,  dit  Berger,  tout  s'oppose  à 
ce  qu'un  des  deux  bouts  de  l'anse  herniée  glisse  sur  le  bout  opposé,  qui  présente 
des  lésions  analogues  aux  siennes.  Attirez  au  dehors  une  portion  saine  du  tube 
intestinal,  la  surface  polie  permettra  le  glissement  plus  facile  de  l'anse  étranglée  ; 
celte  traction  aura  détruit  les  adhérences  récentes,  les  obstacles  seront  diminués 


840  HERNIES. 

d'autant.  »  Berger  croit  en  outre  que  par  cette  traction,  on  dégage  aussi  le  coin 
mésentérique,  auquel  il  fait  jouer  un  rôle  si  considérable  dans  les  phénomènes 
de  l'étranglement,  ce  qui  facilite  d'autant  la  réduction. 

On  a  essayé  aussi,  dans  certains  cas,  de  dégager  l'anse  heniiée  en  pratiquant 
des  tractions  de  dedans  en  dehors  au  lieu  de  pressions  de  dehors  en  dedans. 
L'idée  théorique  est  juste,  et  on  sait  combien  il  est  facile,  dans  une  autopsie 
de  hernie  étranglée,  de  réduire  l'étranglement  en  tirant  sur  un  des  deux  bouts 
de  l'anse  herniée.  Le  difficile  était  d'arriver  sur  le  vivant  à  pratiquer  cette 
traction.  Simon  (de  Heidelberg)  avait  bien  proposé  d'introduire  la  main  dans 
le  rectum,  d'aller  à  la  recherche  de  l'anse  herniée  et  de  la  dégager  directe- 
ment; les  dangers  inévitables  de  ces  tentatives,  et  la  difficulté  presque  insur- 
montable de  réussir  à  trouver  un  des  bouts  de  l'anse  herniée,  ont  empêché 
jusqu'à  présent  de  tenter  la  réduction  par  ce  moyen.  Il  en  est  de  même,  du  reste, 
des  injections  forcées  d'eau  dans  le  rectum  pour  distendre  tout  le  bout  infé- 
rieur et  amener,  par  cette  distension,  une  traction  intérieure  de  cette  extrémité. 
On  voit  toutes  les  difficultés  et  les  dangers  de  ces  procédés  que  nous  ne  citons 
ici  que  pour  mémoire  et  que  nous  repoussons  complètement. 

Enfin  quelquefois  les  chirurgiens  ont  pensé  à  faciliter  la  réduction  pai- 
certaines  positions  données  au  malade;  nous  voulons  parler  de  l'inversion, 
préconisée  en  1842,  par  un  chirurgien  américain,  D.  Leasure,  qui  lui  a  dû  un 
certain  nombre  de  succès  et  qui  croit  que  cette  méthode,  anciennement  connue, 
mérite  d'être  tirée  de  l'oubli.  Morand,  Sharp  et  lleuermann,  auraient,  d'après 
Richter,  réussi  à  faire  rentrer  des  hernies  par  ce  procédé,  et  Louis  cite  un  cas 
de  réduction  spontanée  d'une  hernie  qu'on  était  sur  le  point  d'opérer  en  pra- 
tiquant le  renversement  du  malade.  Voici  comment  Leasure  a  décrit  ce  procédé 
qu'il  a  appelé  Méthode  tractive  de  réduction  de  hernie  étranglée  [The  Ame- 
rican of  Journal  Science,  1874.  Analyse  in  Revue  des  sciences  médicales  de 
Haijem,  t.  IV,  p.  588).  Le  malade  est  d'abord  mis  en  travers  sur  le  bord 
du  lit,  puis  un  aide  lui  tournant  le  dos  se  place  entre  ses  jambes  de  manière 
que  les  jarrets  du  malade  reposent  sur  les  épaules  de  l'aide  qui  les  y  main- 
tient avec  ses  mains.  Puis  celui-ci,  se  relevant  peu  à  peu,  soulève  le  malade 
jusqu'à  ce  qu'il  ne  repose  plus  sur  le  lit  que  par  la  tête  et  le  haut  des 
épaules. 

Le  chirurgien  saisit  alors  la  hernie,  pratique  un  taxis  léger,  presque  toujours 
suivi  d'un  succès  rapide,  la  masse  intestinale  entraînant  par  son  poids  les 
parties  herniées  vers  la  cavité  abdominale.  Dans  cette  position,  ainsi  que  le 
fait  remarquer  Ch,  Périer,  qui  a  publié  un  succès  remarquable  obtenu  par  ce 
moyen  {Gaz.  hebd.,  p.  356,  1875),  l'abdomen  devient  concave,  et  ses  parois 
sont  relâchées  par  suite  de  la  forte  flexion  imposée  à  la  colonne  vertébrale.  Ce 
procédé  a,  d'ailleurs,  subi  aussi  quelques  modifications  n'altérant  du  reste  en 
rien  son  principe,  qui  est  de  faciliter  la  réduction  de  la  hernie  à  l'aide  de  la 
traction  exercée  sur  l'anse  herniée  par  le  déplacement  de  la  masse  intestinale. 
Thornton  a  publié  dans  the  Lancet,  de  1875,  un  cas  de  réduction  d'une  hernie 
étranglée  par  le  moyen  suivant  :  Le  malade  couché  dans  le  décubitus  dorsal, 
le  pied  du  lit  est  élevé  de  manière  à  former  un  angle  de  45  degrés  avec  l'horizon. 
Au  bout  de  vingt-cinq  minutes,  réduction  spontanée.  Enfin  Karl  Nicolaus  a 
inséré  dans  le  Centralblatt  fiir  Chirurgie,  1886  (numéro  6),  un  travail  sur 
une  nouvelle  méthode  de  réduction  des  hernies.  Il  préconise,  lui  aussi,  la 
réduction  par  traction,  au  lieu  du  taxis  par  pression.  Il  rappelle  que  Covillard 


HERNIES.  841 

avait  proposé  au  seizième  siècle  de  suspendre  le  patient  par  les  jambes,  que 
Renéaulme  de  Lagaranne  le  faisait  mettre  à  quatre  pattes  sur  les  genoux  et  les 
coudes.  Nicolaus  propose,  lui,  la  position  à  quatre  pattes  sur  les  genoux  et  les 
épaules.  Il  admet  encore  le  décubitus  latéral  avec  élévation  du  bassin.  Il  affirme 
que,  dans  cette  position,  l'abaissement  delà  pression  abdominale  est  le  plus 
considérable,  surtout  si  l'on  prend  soin  d'élever  les  genoux  sur  un  coussin  et 
de  vider  l'estomac,  la  vessie  et  le  rectum.  Dans  plusieurs  cas  où  le  taxis  ordi- 
naire avait  été  infructueux,  l'auteur  a  pu,  par  ce  moyen,  obtenir  une  rentrée 
spontanée  de  hernies  étranglées.  La  position  a  été  gardée  par  les.  malades  de 
vingt  minutes  à  trois  quarts  d'heure.  Quelquefois  on  a  fait  deux  séances  de 
trois  quarts  d'heure. 

Dans  tous  ces  procédés  le  mécanisme  est  le  même.  Les  muscles  du  ventre 
sont  relâchés,  les  viscères  tombent  sur  la  paroi  abdominale  antéro-supérieure  et 
sur  le  diaphragme.  L'intestin,  attiré  par  son  propre  poids,  n'est  plus  suspendu, 
dit  Duplay,  que  par  la  partie  étranglée  sur  laquelle  il  exerce  une  traction 
douce  et  continue  qui  suffit  à  le  dégager  et  à  assurer  sa  réduction;  si  celle-ci 
tarde  à  se  produire,  on  n"a  qu'à  saisir  le  pédicule  et  à  le  soulever  comme  pour 
attirer  les  portions  saines  de  l'intestin  dans  le  sac;  la  réduction  suit  bientôt  ces 
manœuvres,  si  l'intestin  n'est  pas  encore  trop  altéré.  Il  faut,  en  effet,  ne  se 
servir  de  cette  méthode  que  lorsque  l'intégrité  de  l'intestin  est  certaine;  témoin 
le  cas  souvent  rapporté,  et  raconté-  par  Leasure,  de  ce  charlatan  qui,  voulant 
appliquer  le  procédé  de  l'inversion,  dans  un  cas  où  l'étranglement  datait  de 
plusieurs  jours,  plaça  sur  ses  épaules  les  jambes  du  malade  et  le  traîna  dans 
la  chambre  en  le  secouant  si  fortement,  que  l'anse  herniée  se  détacha  au  niveau 
du  collet,  et  que  le  malade  mourut  dans  la  journée. 

Je  ne  citerai  ensuite  qu'en  passant  le  procédé  inauguré  par  Richter  et 
rapporté  par  Duplay,  qui  consiste  à  renverser  le  corps  du  malade  en  arrière  et 
à  le  faire  plier  du  côté  opposé  à  la  hernie  pour  pratiquer  le  taxis.  Les  muscles 
du  ventre  tendus  écarteraient  ainsi  les  piliers  de  l'anneau  et  faciliteraient  la 
réduction. 

Enfin,  avant  de  terminer  l'histoire  des  divers  procédés  du  taxis,  il  nous  reste 
à  parler  de  deux  modifications  ayant  pour  but  de  faire  rentrer  la  hernie  en 
substituant  une  force  mécanique  à  la  pression  de  la  main  :  ce  sont  la  bande 
élastique  de  Maisonneuve  et  le  sac  de  plomh  de  Lannelongue.  C'est  en  1863, 
à  l'Académie  des  sciences,  que  Maisonneuve  publia  son  travail  sur  la  réduction 
des  hernies  irréductibles  et  étranglées  par  la  puissance  élastique  des  bandes 
de  caoutchouc.  Il  avait  inventé  deux  procédés,  un  enroulement  de  la  hernie  par 
une  bande  de  caoutchouc,  lorsqu'elle  est  volumineuse,  facile  à  .saisir  et  bien* 
pédiculisée,  et  dans  les  cas  de  hernies  petites  et  peu  saisissables  il  exerçait  la 
pression  à  l'aide  d'une  pelote  à  compression,  maintenue  et  appliquée  à  l'aide 
de  bandes  élastiques.  Le  premier  de  ces  procédés  est  seul  resté  dans  la  pra- 
tique. Voici  comment  Maisonneuve  le  décrit  :  «  Le  chirurgien  s'étant   muni 
d'une  bande  de  caoutchouc,  longue  de  4  à  5  mètres,  large  de  7  centimètres, 
commence  par  former  un  pédicule  à  la  tumeur  en  appliquant  à  son  collet  trois 
à  quatre  tours  de  bande,  roulés  en  corde  et  fortement  serrés,  puis,  rendant  à  la 
bande  toute  sa  largeur,  il  embrasse  dans  ses  doloires  la  superficie  entière  de  la 
tumeur,  de  manière  à  exercer  sur  elle  une  pression  régulière  et  puissante.  » 
La  constriction  énergique  de  la  bande  autour  du  collet  aurait,  entre  autres 
avantages,  celui  de   préparer  les  organes  hernies  à  franchir  l'anneau  en  les 


842  HERNIES. 

forçant  à  passer  préalablement  par  cette  sorte  d'orifice  élastique  où  ils  com- 
mencent à  s'effiler  et  à  s'amoindrir.  Souvent,  à  mesure  que  l'on  termine  le 
placement  de  l'appareil,  on  voit  brusquement  la  hernie  diminuer  de  volume  et 
la  réduction  s'opérer.  Mais,  dans  les  cas  où  cette  réduction  se  tait  attendre,  et  où 
la  bande  reste  en  place  une  heure  ou  deux  sans  produire  le  résultat  cherché, 
on  peut,  pendant  qu'elle  est  appliquée,  pratiquer  le  taxis  manuel.  Cette  manière 
de  faire  est  recommandée  par  Gosselin.  Delaunay,  dans  sa  thèse  {Du  taxis.  Paris, 
1877),  rapporte  un  cas  de  succès,  dû  à  ce  double  moyen,  tiré  de  la  pratique 
de  Benj.  Anger.  Ordinairement  le  z'ésultat  est  plus  rapidement  obtenu,  ainsi 
que  le  démontrent  des  observations  contenues  dans  les  thèses  de  Moynac  (Traiie- 
ment  des  hernies  par  le  caoutchouc.  Tlièse  de  Paris,  1875)  et  de  Morel  (De  la 
hernie  étranglée.  Diagnostic  et  traitement.  Paris,  1859). 

Ce  procédé  est  avantageux  et  d'une  application  facile  pour  les  hernies  volu- 
mineuses inguino-scrotales,  et  certaines  ombilicales  énormes  qui  peuvent  être 
bien  entourées  par  la  bande  et  comprimées  circulairement.  11  est  difficile  à 
utiliser,  d'après  Gossolin,  pour  la  plupart  des  hernies  inguinales  interslilielles, 
crurales,  ombilicales.  Enfin  cet  auteur  recommande  aussi  de  ne  pas  l'appliquer 
dans  les  cas  de  tumeurs  très-douloureuses,  car  la  constriction  opérée  par  la 
bande  est  difficile  à  supporter  sans  anesthésie.  Ajoutons  enfin  que,  de  même 
que  tous  les  procédés  de  taxis,  et  plus  que  les  autres  peut-être,  il  ne  doit  être 
usité  que  dans  les  cas  où  le  chirurgien  se  -croit  assuré  de  l'intégrité  complète 
de  l'anse  herniée,  car  sa  force  considérable  et  aveugle  le  rend  particulièrement 
dangereux  dans  les  cas  de  lésions  graves  de  l'intestin.  On  peut  l'employer  aussi 
bien  avec  le  chloroforme  que  sans  anesthésie. 

Enfin  rappelons  ici  que  ce  procédé  est  très-avantageux  pour  les  grosses 
hernies  simplement  irréductibles  et  adhérentes.  Des  séances  renouvelées,  mais 
prudemment  surveillées,  pourront  être  très-utiles  pour  obtenir  des  réductions 
souvent  inespérées. 

M.  Lannelongue  a  imaginé  d'exercer,  au  niveau  du  pédicule  de  la  hernie,  une 
compression  continue  à  l'aide  d'w«  sac  de  plomb.  Ce  procédé  a  été  présenté 
par  lui  à  la  Société  de  chirurgie  en  1870,  appuyé  sur  deux  observations  où  il 
avait  permis  de  réduire  des  hernies  étranglées  qui  avaient  résisté  au  taxis.  Pour 
l'appliquer,  on  prend  un  sac  de  cuir  en  forme  d'entonnoir,  dont  la  petite  extré- 
mité est  fermée  et  n'a  pas  plus  de  o  centimètres  de  diamètre.  On  met  dedans 
environ  2500  à  5000  grammes  de  grenaille  de  plomb.  On  attache  ce  sac  à  un 
cerceau,  de  façon  que  sa  petite  extrémité  repose  sur  la  paroi  abdominale  au- 
dessus  du  pédicule  de  la  hernie  et  y  pèse  de  tout  son  poids.  Dans  la  première 
observation  de  M.  Lannelongue  le  sac  resta  en  place  trois  quarts  d'heure  ;  dans 
la  seconde,  au  bout  de  cinq  minutes,  on  put  faire  rentrer  la  hernie  à  l'aide  d'un 
taxis  léger.  D'habitude,  l'application  doit  durer  une  quinzaine  de  minutes.  Plu- 
sieurs chirurgiens  ont  employé  cette  méthode  avec  succès,  entre  autres  MM.  Colson 
père  et  Bourgeois  (de  Beauvais);  seulement,  ils  ont  laissé  le  sac  de  plomb  beau- 
coup plus  longtemps  que  ne  l'avait  recommandé  M.  Lannelongue.  Il  est  probable, 
d'après  son  inventeur,  que  son  mode  d'action  est  le  suivant  :  il  fatigue  la  paroi 
abdominale  au  point  d'amener  le  relâchement  musculaire,  et  probablement 
aussi  il  exerce  un  tiraillement  en  sens  inverse  sur  l'intestin  engagé.  Berger 
croit,  en  outre,  que  la  pression  du  sac  de  plomb  peut  refouler  les  liquides  et 
affaisser  le  bout  supérieur  dont  l'évacuation  laisse  plus  de  liberté  au  bout 
inférieur. 


HERNIES.  845 

Ce  procédé  du  sac  de  plomb  a  été  étendu  aussi  aux  hernies  irréductibles,  et 
ce  mode  d'emploi  a  été  étudié  par  Dupin  dans  sa  thèse  {De  la  compression  par 
le  sac  de  plomb  dans  les  hernies  irréductibles  simples.  Paris,  1879).  Ce  traite- 
ment serait  plus  rapide  que  celui  de  Trélat,  car,  dans  les  observations  citées 
par  l'auteur,  les  hernies  auraient  été  réduites  après  une  application  du  sac, 
pendant  deux,  sept  et  onze  jours,  La  réduction  ainsi  obtenue,  la  hernie  doit 
€tre  maintenue  par  un  bandage  ;  si  elle  est  incoercible,  il  faudra  recourir  à  la 
cure  radicale.  La  pression  continuée  est  ordinairement  bien  supportée  et  n'a 
pas  causé  d'accidents.  Dupin  a  réuni  dans  sa  thèse  7  observations,  dans  lesquelles 
le  succès  a  été  constamment  obtenu. 

Quel  que  soit  le  mode  de  taxis  adopté,  le  chirurgien  sera  averti  du  succès  de 
«es  efforts  par  les  phénomènes  suivants.  Au  moment  de  la  réduction  de  la 
hernie,  il  éprouvera  la  sensation  brusque  d'une  résistance  vaincue;  en  même 
temps,  la  tumeur  diminue  très-rapidement  entre  les  doigts,  et  souvent  même 
disparaît,  en  produisant  presque  toujours  un  gargouillement  très-appréciable 
au  doigt  et  à  l'oreille.  Le  malade  éprouve  très-rapidement  une  sorte  de  détente, 
un  soulagement  très-manifeste.  Les  douleurs  disparaissent  très-vite  et,  dans  la 
plupart  des  cas,  on  constate,  au  bout  de  quelques  heures,  une  évacuation  alvine 
plus  ou  moins  abondante.  Quelquefois  les  selles  se  font  attendre  pendant  plu- 
sieurs heures,  quoique  la  réduction  soit  complète,  mais  il  sort  par  l'anus  des 
gaz  en  abondance  variable  qui  sulfisent  pour  indiquer  que  l'étranglement  est 
levé  et  le  cours  des  matières  rétabli. 

Dans  quelques  cas  cependant  les  phénomènes  de  réduction  ne  sont  pas  aussi 
faciles  à  constater  que  nous  venons  de  le  dire  et  le  chirurgien  peut  méconnaître 
le  succès  de  ses  tentatives. 

Quand  il  existe,  dans  une  petite  hernie,  un  sac  graisseux  très-épais,  la  tumeur 
extérieure  reste  assez  volumineuse  pour  que  le  chirurgien  puisse  croire  à  une 
réduction  incomplète  alors  que  tout  l'intestin  est  rentré.  Cependant,  si  l'on  a 
constaté  une  diminution  brusque  de  sou  volume,  accompagnée  de  gargouille- 
ment, on  peut  croire  à  une  réduction  intestinale,  et  le  rétablissement  des  fonc- 
tions donne  quelques  heures  après  la  preuve  de  la  réduction. 

Lorsqu'on  essaye  de  réduire  une  entéro-épiplocèle  volumineuse,  que  l'intestin 
•seul  est  réductible  et  l'épiploon  depuis  longtemps  adhérent,  l'anse,  parfois 
petite,  rentre  sans  que  la  diminution  de  volume  soit  appréciable,  sans  produire 
ni  gargouillement,  ni  sensation  de  résistance  vaincue.  Alors  on  peut  recon- 
naître la  réduction  au  changement  de  consistance  de  la  tumeur,  qui  est  moins 
tendue,  plus  pâteuse,  plus  molle;  souvent  on  trouve  aussi  que  le  doigt  peut 
pénétrer  plus  facilement  dans  l'anneau.  Dans  certains  cas,  cependant,  ces  signes 
peuvent  faire  défaut  et  le  chirurgien  reste  dans  le  doute,  jusqu'à  ce  que  les 
résultats  de  l'observation  ultérieure  viennent  démontrer  la  fin  des  accidents. 
On  sera  alors  en  droit,  d'après  Gosselin,  de  donner  un  purgatif  d'exploration, 
pour  être  fixé  sur  le  rétablissement  du  cours  des  matières. 

Enfin  quelquefois  l'opérateur  ne  perçoit  ni  gargouillement,  ni  sensation  de 
résistance  vaincue,  mais  il  semble  que  la  tumeur  sans  avoir  notablement  dimi- 
nué est  un  peu  moins  consistante.  Si  l'on  continue  alors  le  taxis  on  voit  la 
hernie  s'amoindrir  peu  à  peu  sous  la  pression  et  rentrer  progressivement  par  le 
moindre  effort.  Ces  phénomènes  se  produisent  dans  les  entéro-épiplocèles  volu- 
mineuses, et  il  est  probabloque  le  taxis  a  réduit  d'abord  les  gaz  contenus  dans 
l'intestin,  puis  l'anse  elle-même,  et  finalement  la  masse  épiploïque. 


844  HERNIES. 

Dans  certains  cas,  au  contraire,  le  cliirurgien  peut,  en  dehors  de  tout  accident, 
croire  à  une  réduction  qui  n'existe  pas,  car  il  peut  arriver  que  celle-ci  n'est 
qu'apparente,  ce  qui  tient  au  refoulement  simultané  de  la  tumeur  et  des  plans 
musculaires  sur  lesquels  elle  repose. 

Enfin  cette  opération  peut  donner  lieu  à  de  nombreux  accidents,  dont  les  plus 
graves  sont  les  fausses  réductions. 

AcciDE.NTS  DU  TAXIS.  Ces  accideuts  peuvent  être  divisés  en  deux  catégories. 
La  première  comprend  ceux  qui  succèdent  à  un  taxis  complet  et  couronné  de 
succès  ;  ils  sont  consécutifs  à  la  réduction.  La  seconde,  au  contraire,  comprend 
tous  les  cas  de  fausse  réduction  dans  lesquels  les  phénomènes  de  l'étranglement 
persistent  après  la  rentrée  de  la  tumeur. 

1"  Accidents  consécutifs  à  la  réduction  vraie.  Un  des  premiers  inconvénients 
du  taxis  est  la  contusion  des  parties  contenues  dans  la  hernie.  Il  n'est  pas  rare 
d'observer,  chez  un  malade  qui  vient  de  le  supporter,  de  la  rougeur  de  la  peau, 
do  l'œdème  et  môme  des  ecchymoses  des  téguments.  On  a  noté  quelquefois  des 
infiltrations  sanguines  dans  l'épaisseur  des  enveloppes.  Tous  ces  accideuts  sont 
souvent  le  résultat  de  violences  exagérées. 

Les  mêmes  lésions  peuvent  se  retrouver  aussi  sur  les  parties  contenues,  l'épi- 
ploon  et  l'intestin,  dans  les  cas  où  la  force  déployée  a  été  exagérée.  Nous  ne  nous 
arrêterons  pas  à  l'objection,  faite  par  Scarpa  au  taxis,  de  produire  souvent  la 
gangrène  de  l'intestin.  11  est  aujourd'hui  reconnu  que,  quand  le  taxis  a  été  fait 
avec  la  modération  convenable  et  surtout  à  un  moment  où  les  lésions  intestinales 
ne  sont  pas  encore  avancées,  il  est  incapable  d'exagérur  les  lésions  et  de  dimi- 
nuer la  vitalité  des  tissus.  Cependant  quand  l'intestin  est  fortement  conges- 
tionné, que  dans  ses  vaisseaux  et  ceux  de  l'épiploon,  la  stase  sanguine  est  à  peu 
près  complète,  il  peut  y  avoir,  par  suite  des  pressions,  des  ruptures  vasculaires 
qui  expliquent  la  coloration   rougeàtre  du  liquide  du  sac  et  les  ecchymoses 
que  l'on  peut  observer  sur  tous  ces  organes.  C'est  de  la  même  façon,  à  notre 
avis,  qu'il  faut  interpréter  les  hémorrhagies  intestinales  qui  peuvent  succéder 
aux  tentatives  de  réduction.  Ces  faits  sont  rares,  mais  nous  en  connaissons 
quelques  exenq}lcs  :  ainsi,  dans  une  observation  de  Piedvache,  communiquée 
en   1861  à  la   Société  anatomique   de  Paris,  deux  tentatives  de  taxis  et  des 
manœuvres  pratiquées  par  le  malade  furent  suivies  d'une  hémorrhagie  intesti- 
nale assez  considérable  pour  avoir  été  l'une  des  causes  principales  de  la  mort. 
De  même  dans  l'observation  d'Eustache,  lue  à  la  Société  de  chirurgie  en   1879, 
une  courte  séance  de  sept  minutes  sous  le  chloroforme,  aidée  de  l'inversion, 
a  été  suivie  le  lendemain  de  deux  selles  sanglantes,  de  la  quantité  de  1/2  htre 
à  peu  près.  Il  est  vrai  que,  dans  ce  dernier  cas,  il  y  avait  une  gangrène  pré- 
coce de  l'anse  herniée.  Mais  cet  accident  ne  se  présente  pas  toujours  avec  la 
même  gravité.  En  effet,   Barthélémy  a  publié,  dans  la  France  médicale,  une 
observation  d'héraorrhagie  intestinale  consécutive  au  taxis,  et  dans^laquelle  la 
guérison  survint  sans  autre  accident.  Nous  avons  été  témoin  d'un  fait  analogue, 
dans  le  service  du  professeur  Démons  (de  Bordeaux),  en  1881.  Dans  ce  cas, 
l'hémorrhagie  fut  peu  abondante,  consécutive  à  la  réduction,  et  la  guérison  se 
produisit  très-aisément. 

Enfin,  si  le  taxis,  mal  appliqué,  réduit  dans  l'abdomen  un  intestin  fortement 
compromis  et  menacé  de  perforations,  on  peut  voir  survenir  une  péritonite  par 
perforation  qui  emporte  le  malade  en  quelques  heures.  La  déchirure  peut  se 
produire  au  moment  même  de  la  réduction,  et  les  accidents  sont  alors  immé- 


HERNIES.  845 

(liais  :  la  rentrée  de  l'intestin,  nu  lieu  d'être  suivie  de  la  sensation  de  sou- 
lagement habituelle,  provoque,  au  contraire,  de  suite,  les  douleurs  rapide- 
ment atroces  de  la  péritonite  suraigiië.  D'autres  fois  la  perforation  est  relative- 
ment tardive;  elle  ne  survient  qu'au  bout  de  quelques  heures  et  même  de 
quelques  jours.  Nous  en  avons  signalé  plusieurs  exemples  en  parlant  de  la 
gangrène  dans  l'étranglement. 

2°  Persistance  des  phénomènes  de  l'étranglement  après  la  réduction.  Dans 
un  certain  nombre  de  cas,  le  taxis  a  fait  disparaître  la  tumeur  herniaire,  et 
cependant  les  accidents  d'étranglement  au  lieu  de  prendre  fin,  persistent  avec 
la  même  intensité,  la  constipation  est  aussi  absolue,  les  douleurs  sont  tout  aussi 
violentes  qu'auparavant,  et  les  vomissements  se  montrent  encore  avec  tous  leurs 
caractères  spéciaux. 

Ces  faits,  qui  sont  heureusement  peu  fréquents,  mais  qu'il  faut  bien  connaître 
à  cause  de  leur  gravité  tout  exceptionnelle,  avaient  déjà  été  observés  par  les 
chirurgiens  du  siècle  dernier.  Saviard,  Ledran,  Arnaud,  Lafaye,  en  avaient 
signalé  plusieurs  exemples  que  l'on  trouve  relatés  dans  les  Mémoires  de  l'Aca- 
démie de  chirurgie,  et  nous  avons  déjà  indiqué  les  discussions  auxquelles  ils 
avaient  donné  lieu,  puisque  Louis  se  refusait  à  en  admettre  la  réalité,  en  contes- 
tant la  possibilité  de  la  réduction  en  masse. 

Richter  avait  divisé  en  6  classes  les  causes  de  la  persistance  des  accidents 
d'étranglement  après  la  réduction  apparente  :  sa  description  n'a  pas  été  con- 
servée et  la  question  a  fait  l'objet  d'un  certain  nombre  de  travaux  que  nous 
allons  énumérer  rapidement.  Un  des  plus  importants  est  le  mémoire  d'un  chirur- 
gien anglais,  Lucke,  publié  en  1844  dans  le  Journal  de  chirurgie  de  Malgaigne; 
puis  vient  le  travail  de  Parise,  communiqué  en  1851  à  la  Société  de  chirurgie 
et  suivi  d'un  rapport  très-savant  de  Gosselin.  Ensuite  nous  devons  signaler 
une  communication  de  Streubel  à  la  Société  médicale  de  Leipzig  en  1864. 
Depuis,  de  nouveaux  faits  ont  été  l'occasion  de  mémoires  fort  intéressants  sur  ce 
sujet  :  ce  sont  ceux  de  Bourguet  (d'Aix),  publié  en  1876  dans  les  Archives 
générales  de  médecine,  et  de  Kronlein  (de  Berlin),  inséré  dans  les  Archiv  fur 
klinische  Chirurgie.  Enfin,  pendant  ces  dernières  années,  ce  sujet  a  été  traité 
plus  ou  moins  complètement  dans  un  certain  nombre  de  thèses  inaugurales,  parmi 
lesquelles  nous  citerons  celles  :  de  Coutagne  {Persistance  de  l'étranglement  ou 
des  symptômes  de  l'étranglement  dans  les  hernies  après  leur  réduction. 
Paris,  1855),  de  Plantié  {Des  causes  qui  maintiennent  ou  simulent  V étrangle- 
ment après  la  réduction  des  hernies.  Paris,  1879),  de  J.  Perret  {Contribution 
à  l'étude  des  accidents  consécutifs  à  la  réduction  de  l'entérocèle  étranglée  et 
en  particulier  des  vomissements  fécaloïdes  et  de  l'entérite.  Paris,  1879)  et  de 
J.  Osorio  {Considération  sur  la  réduction  en  masse  de  la  hernie  étranglée. 

Paris,  1879). 
A  l'exemple  de  S.  Duyplav  {Traité  élémentaire  de  pathologie  externe),  nous 

diviserons  tous  ces  faits  en  quatre  groupes  : 

A.  Dans  une  première  catégorie  nous  placerons  les  fausses  réductions,  c'est- 
à-dire  les  cas  où,  malgré  les  apparences,  le  taxis  n'a  pas  réussi  à  faire  rentrer 
l'intestin  dans  la  cavité  péritonéale.  Ces  fausses  réductions  peuvent  tenir:  1"  à 
mie  réduction  incomplète;  2"  à  une  réduction  en  masse;  5»  à  la  réduction  de 
l'intestin  dans  un  sac  préexistant  ;  4»  à  la  réduction  dans  le  tissu  cellulaire 
sous-péritonéal  à  travers  une  déchirure  du  sac. 

B.  Une  seconde  classe  comprendra  les  cas  où  l'anse  étranglée  a  bien  été 


840  IIERiNlES. 

réduite,  mais  où  elle  a  entraîné  avec  elle  l'agent  de  l'étranglement,  substituant 
un  étrani'lemcnt  interne  à  un  étranglement  externe. 

G.  Dans  un  troisième  groupe  nous  rangerons  les  cas  où  la  hernie  a  bien  été 
réduite,  mais  où  il  existait  à  côté  une  autre  hernie  véritablement  étranglée, 
cause  de  tous  les  accidents  et  méconnue. 

D.  Enfin  la  réduction  a  i  éussi,  mais  des  lésions  intestinales  persistantes  peu- 
vent produire  la  permanence  des  ;iccidcnts. 

A.  Persistance  des  acciâenls  due  h  une  fausse  réduction.  On  désigne  sous 
le  nom  de  fausse  réduction  les  cas  dans  lestjuels  le  Iaxis  a  réussi  à  faire  dispa- 
raître la  (umeur  herniaire  sans  dégager  l'intestin  de  l'agent  de  l'étranglemeat 
et  sans  le  replacer  convenablement  dans  la  cavité  [érilonéale.  Il  peut  y  avoir 
plusieurs  variétés. 

1»  Réductions  incomplètes.  La  réduction  incomplète  ne  s'observe  guère 
(ju'à  l'armeau  inguinal  et  à  cause  de  la  longueur  du  trajet  interstitiel.  Elle  peut 
se  produire  de  deux  manières.  Dans  certaines  hernies  obliques  externes,  dans 
les(juelles  le  sac  possède  un  double  collet,  la  réduction  peut  simplement  faire 
rentrer  l'intestin  en  dedans  de  l'anneau  externe,  mais  sans  lui  faire  franchir 
l'anneau  interne  où  siège  le  véritable  agent  de  l'étranglement.  Celui-ci  continue 
alors  malgré  la  disparition  de  la  tumeur  extérieure.  Dans  d'autres  cas,  au  con- 
traire, la  réduction  incomplète  peut  tenir  à  ce  (jue  le  chirurgien  n'a  pas  poussé 
assez  loin  les  manoeuvres  et  que  l'intestin,  au  lieu  d'être  complètement  retourné 
dans  le  ventre,  reste  en  partie  engagé  au  niveau  de  l'anneau  constricteur.  Cette 
dernière  variété  est  très-rare,  car  d'ordinaire,  nous  le  savons,  l'intestin  rentre 
d'un  seul  coup,  presque  brusquement,  en  produisant  le  gargouillement  carac- 
téristique. 

Ces  deux  accidents  sont  d'ailleurs  faciles  à  éviter,  si  le  chirurgien  prend  la  pré- 
caution, qu'il  faut  toujours  observer,  d'explorer  avec  le  doigt  le  trajet  herniaire 
une  fois  la  hernie  rentrée.  Si  la  réduction  était  incomplète,  cette  simple  ii  spec- 
tion  suftlrait  à  l'avertir  de  la  nécessité  de  continuer  ses  manœuvres. 

B.  De  la  réduction  en  masse.  On  désigne  sous  le  nom  de  réduction  en 
masse  la  rentrée  en  bloc,  dans  la  cavité  abdominale,  de  l'intestin  et  du  sac  qui 
lui  sert  d'enveloppe,  l'étranglement  étant  uniijuement  causé  par  le  collet  du  sac. 

C'est  la  plus  fréquente  des  fausses  réductions  et  elle  est  connue  déjà  depuis 
longtemps.  La  première  observation  publiée  est  due  à  Saviard,  en  1695,  et  se 
trouve  dans  son  Nouveau  recueil  d'observations  chirurgicales  (Paris,  170!2), 
obs.  XIX).  En  1727,  Ledran  en  fit  connaître  une  seconde.  Un  homme  était  por- 
teur d'une  hernie  crurale  étranglée  ;  le  chirurgien  qui  la  réduisit  remarqua 
qu'il  n'v  avait  pas  eu  de  gargouillement  et  que  les  parties  avaient  passé  sous 
le  ligament  en  bloc,  comme  aurait  pu  le  faire  une  balle  de  paume.  Sept  jours 
après  il  mourut,  sans  que  les  accidents  eussent  cessé.  A  l'autopsie,  on  trouva 
dans  le  ventre  le  sac,  qui  avait  8  centimètres  de  haut  sur  o  centimètres  de  cir- 
conférence, et  dans  ce  sac  était  encore  une  portion  considérable  du  jéjunum.  II 
fallut  inciser  le  collet  avec  des  ciseaux  pour  pouvoir  dégager  l'intestin.  Arnaud 
a  rapporté  à  son  tour,  en  1749,  dans  son  Traité  des  hernies,  plusieurs  cas  de 
réduction  en  masse.  En  1765,  Lafaye  en  relata  deux  nouveaux  faits.  Dans  l'un 
d'eux,  les  acci  .^eEts  persistant  après  la  réduction,  le  malade  se  leva,  toussa,  la 
tumeur  reparut,  on  opéra  et  le  malade  guérit.  Ces  cas  nouveaux,  qui  furent 
considérés  d'abord  comme  la  preuve  de  la  possibilité  de  l'étranglement  par  le 
collet  du  sac,  n'ont  pas  été  admis  sans  conteste,  Louis,  à  l'Académie  de  chi- 


HERNIES.  84Î 

rurgie,  se  refusa  à  les  accepter  et  s'éleva  avec  force  contre  la  possibilité  physique 
de  la  réduction  du  sac.  Cependant  la  réalité  de  la  réduction  en  masse  fut  bientôt 
mise  hors  de  doute  par  les  travaux  de  Uichter,  puis  par  ceux  de  Descamps,  de 
Scarpa.  Enfin,  dans  sa  thèse  de  1819,  J.  Cloquet  vient  démontrer  d'une  fa'çon 
définitive  la  possibilité  de  l'accident,  en  s'appuyant  sur  des  faits  cliniques  et  sur 
des  expériences  cadavériques.  Dupuytren,  à  son  tour,  étudia  la  question  dans 
ses  leçons  orales.  En  Angleterre,  la  première  observation  publiée  appartient  à 
Bel  (1828),  puis  bientôt  surviennent  les  travaux  de  Banner,  James  Luke,  Teale. 
En  1846,  ce  dernier  publia  la  première  statistique  comprenant  26  réductions  en 
masse;  Scribe,  dans  sa  thèse  de  Giessen  (1855),  Dieulafoy,  à  Toulouse  (1858), 
en  font  connaître  de  nouveaux  cas,  et  Streubel  (de  Leipzig)  a  pu,  dans  son 
mémoire  de  1864,  en  réunir  76  observations.  Elles  se  sont  multipliées  depuis, 
et,  sans  vouloir  ici  les  énumérer,  ce  qui  nous  entraînerait  trop  loin,  rappelons  que 
Gosselm  a  parlé  de  cet  accident  dans  ses  Leçons  sur  les  hernies  abdominales 
(1865),  et  que  plusieurs  thèses  de  la  Faculté  de  Paris  ont  été  publiées  sur  ce 
sujet,  depuis  celle  de  Perrichon  {Contribution  à  Vétude  de  la  réduction  en 
masse  dans  la  hernie  étranglée,  Paris,  1873)  jusqu'à  celles  plus  récentes  et 
déjà  citées  de  Perret,  Plantié  et  Osorio,  en  1879.  Cette  dernière  comprend 
un  tableau  de  102  observations.  11  ne  fimt  pas  prendre  ce  chiffre  pour  le  total 
exact  des  cas  connus,  puisque  M.  Bourguet  (d'Aix),  dans  un  excellent  mémoire 
publié  en  1876  dans  les  Archives  générales  de  médecine,  avait  pu  en  réunir 
112  cas. 

Ce  court  exposé  historique  suffit  à  faire  comprendre  l'importance  de  cet  acci- 
dent et  la  nécessité  de  son  étude. 

Bourguet  (d'Aix)  a  indiqué,  pour  cet  accident,  les  causes  déterminantes 
suivantes  :  1"  l'étranglement  par  le  collet  du  sac  ;  2"  la  variété  inguinale  oblique 
externe;  3°  le  petit  volnme  de  la  hernie;  4"  la  largeur  considérable  des  orifices 
herniaires  ;  5°  enfin  la  laxité  des  adhérences  unissant  le  sac  et  son  collet  aux 
parties  voisines,  lia  soin  de  faire  remarquer  qu'il  n'est  pas  nécessaire  que  toutes 
ces  circonstances  se  trouvent  réunies  chez  un  même  sujet.  De  plus,  la  localisation 
expresse  de  la  réduction  en  masse  à  la  variété  inguinale  oblique  externe  est  à 
coup  sur  exagérée,  puisque  sur  les  112  observations  réunies  par  Bourguet  il  v 
a  9  crurales  et  que,  dans  les  tableaux  de  J.  Osorio,  il  y  a  quelques  hernies 
obliques  internes  et  10  crurales. 

A  propos  des  causes  déterminantes,  on  a  noté  avant  Bourguet,  et  c'était  l'opi- 
nion de  Gosselin,  que  les  réductions  en  masse  étaient  surtout  le  résultat  du 
taxis  opéié  par  le  malade.  C'est  là  une  erreur,  car,  sur  les  112  cas  cités,  50  fois 
la  réduction  en  masse  a  été  faite  par  le  chirurgien,  51  fois  par  le  malade,. 
5  fois  par  le  malade  et  le  chirurgien,  2  fois  elle  s'est  faite  spontanément.;  enfin 
23  cas  manquent  de  renseignements  à  ce  sujet.  D'ailleurs,  il  faut  bien  savoir  que 
cet  accident  s'est  produit  entre  les  mains  les  plus  exercées  et  que  des  chirur- 
giens tels  que  Ledran,  Arnaud,  Lafaye,  Sabalier,  Roux,  Dupuytren,  Richet, 
Gosselin,  etc.,  ont  eu  ce  malheur  à  déplorer. 

Pour  l'éviter,  il  faut  avoir  bien  soin  d'obéir  au  précepte,  établi  par  Gosselin  à 
ce  sujet,  de  ne  pas  exercer,  pendant  le  taxis,  des  pressions  sur  le  fond  du  sac, 
mais  d'agir  au  contraire  sur  les  parties  voisines  du  collet.  Bourguet  ajoute  les 
recommandations  suivantes  :  ne  pas  déployer  trop  de  force,  agir  sans  brusquerie, 
sans  précipitation,  procéder  avec  lenteur  et  ménagement,  en  un  mot,  ne  pas 
escamoter  une  réduction  de  hernie  étranglée. 


848  HERNIES. 

Quant  aux  lésions  qui  accompagnent  la  réduction  en  masse,  Bourguet  fait 
remarquer,  avec  raison,  qu'elles  changent  avec  chaque  variété.  Cependant,  d'une 
manière  générale,  le  péritoine  pariétal  est  décollé  et  soulevé,  au  pourtour  de 
l'orifice  herniaire,  par  le  sac  qui  le  refoule  pour  se  placer  entre  lui  et  la  face 
profonde  de  la  paroi  abdominale.  Le  sac  fait  une  saillie;  il  est  distendu  par 
l'anse  herniée  et  les  deux  bouts,  supérieur  et  inférieur,  de  l'intestin-y  pénètrent 
par  un  orifice  qui  n'est  autre  que  le  collet.  Celui-ci,  qui  a  perdu  toutes  ses 
adhérences  avec  les  parties  qui  l'entcurent,  présente  une  mobilité  extrême  et 
peut  se  déplacer  dans  tous  les  sens.  De  plus,  il  est  forcément  très-remonté, 
puisque  la  réduction  en  masse  a  eu  pour  résultat  de  faire  subir  au  sac  un 
déplacement  d'ensemble,  qui  lui  a  permis  d'aller  se  loger  dans  la  cavité  abdo- 
minale (fosse  iliaque,  paroi  abdominale,  intérieur  du  bassin,  etc.). 

Les  symptômes  qui  annoncent  la  réduction  en  masse  peuvent  être  ainsi  résu- 
més. La  réduction  s'est  produite  sans  être  accompagnée  du  bruit  de  gargouil- 
lement ordinaire  :  de  plus,  elle  n'est  pas  suivie  de  la  disparition  des  phénomènes 
de  l'étranglement;  on  observe,  au  contraire,  la  persistance  des  douleurs  abdomi- 
nales, des  coliques,  des  vomissements,  et  Tabsence  de  ce  sentiment  de  bien-être 
et  de  soulagement  qui  suit  ordinairement  la  réduction  de  la  hernie  étranglée. 
En  même  temps,  l'exploration  permet  de  reconnaître  une  dilatation  extrême  des 
anneaux,  et,  le  plus  souvent,  la  présence  d'une  tumeur  circonscrite,  rénitente, 
douloureuse  à  la  pression,  située  dans  la  partie  inférieure  de  l'abdomen,  au  voi- 
sinage de  l'orifice  herniaire.  De  plus,  le  doigt,  introduit  dans  le  trajet  de  la 
hernie,  pourra  ordinairement,  surtout  si  l'on  fait  tousser  le  malade  (Dupuytren), 
sentir  une  saillie  cylindroïde  ou  ovoïde  présentant  les  mêmes  caractères.  Ce  signe 
n'est  pas  toujours  perceptible,  à  cause  de  l'embonpoint  du  sujet,  du  ballonne- 
ment extrême  de  l'abdomen,  de  l'absence  du  liquide  dans  le  sac,  ou  même  de 
la  tuméfaction  produite  par  le  bout  supérieur  de  l'intestin  rempli  de  matières 
fécales.  Ce  dernier  symptôme  a  été  indiqué,  pour  la  première  fois,  par  Bourguet; 
il  peut  être,  pour  le  chirurgien,  une  cause  d'erreurs  dans  le  diagnostic  de  la 
nouvelle  position  du  sac  et  le  porter,  comme  dans  l'observation  qu'il  raconte, 
à  diriger  à  son  niveau  le  bistouri,  espérant  trouver,  en  ce  point,  le  sac  anorma- 
lement déplacé. 

Du  reste,  tous  ces  signes  de  la  réduction  en  masse  peuvent  faire  défaut  et  en 
rendre  souvent  le  diagnostic  fort  difficile  :  cependant  la  persistance  de  la  consti- 
pation, des  vomissements  fécaloïdes,  l'exagération  du  ballonnement  et  l'aggra- 
vation de  l'état  général,  permettront  de  reconnaître  que  l'étranglement  n'est 
pas  levé. 

D'ordinaire,  la  réduction  en  masse,  si  elle  persiste,  est  suivie  de  mort. 
Cependant,  dans  quelques  observations,  le  résultat  a  été  plus  heureux,  mais 
elles  sont  en  fort  petit  nombre.  Nous  avons  rapporté  le  cas  de  Lafaye  oii,  sous 
l'influence  de  la  toux,  la  hernie  ressortit  et  put  être  guérie  par  la  kélotomie. 
Dans  le  cas,  jusqu'ici  unique,  observé  par  Bourguet,  l'intestin  retenu  dans  le  sac 
resté  à  l'intérieur  se  dégagea  sous  l'influence  de  moyens  médicaux  (bains,  pur- 
gatifs, belladone),  et  le  malade  guérit.  Dans  un  cas  de  Dupuytren,  une  hernie 
crurale  réduite  en  masse  donna  lieu,  au  bout  de  quinze  jours,  à  un  abcès  ster- 
coral  suivi  d'un  anus  contre  nature.  Ce  sont  là  des  faits  exceptionnels,  car,  si 
l'on  n'intervient  pas,  la  mort  est  la  règle.  Enfin,  parmi  les  phénomènes  insoHtes 
de  la  réduction,  notons,  dans  le  cas  de  Bourguet,  une  telle  mobilité  du  sac 
que  la  réduction  en  masse  s'était  produite  spontanément.  La  gravité  exception- 


HERNIES.  849 

nelle  (le  l'accident  justifie,  pour  le  combattre,  les  tentatives  les  plus  hardies, 
soit  la  kélotomie  faite  au  niveau  de  la  tumeur  constatée,  ou  bien  même  la 
laparotomie  pour  aller  à  la  recherche  du  sac  réduit  et  avec  l'étranglement. 
Nous  aurons  l'occasion  d'y  revenir. 

1°  Réduction  de  l'intestin  dans  un  sac  intérieur  préexistant.  Cette  variété 
avait  été  signalée  par  Gruveilhier,  puis  étudiée  dans  le  mémoire  de  Paris.  Nous 
avons  déjà  mentionné  cette  disposition  en  faisant,  à  l'étude  des  anomalies  du  sac 
herniaire,  l'histoire  des  hernies  propéritonéales.  C'est,  en  effet,  de  cette  variété 
de  hernies  très-complètement  décrite  dans  le  mémoire  de  Kronlein,  que  nous 
avons  cité,  qu'il  s'agit  ici. 

Dans  ces  cas,  nous  le  savons,  la  hernie  comprend  deux  parties  :  un  sac  exté- 
rieur, qui  communique  avec  un  sac  intérieur  situé  en  arrière  de  la  paroi  abdo- 
minale, entre  cette  paroi  et  le  péritoine  pariétal.  Un  étranglement  survient: 
le  chirurgien  pratique  le  taxis  avec  plus  ou  moins  d'efforts,  la  hernie  rentre, 
quelquefois  même  le  malade  la  fait  rentrer  lui-même  ;  mais  les  accidents  persis- 
tent. On  croit  à  une  réduction  en  masse,  on  opère,  le  chirurgien  ouvre  le  sac 
herniaire  qu'il  trouve  vide,  le  doigt  pénètre,  à  travers  le  collet,  dans  une  cavité 
séreuse  qui  semble  être  l'intérieur  même  de  l'abdomen,  mais  les  phénomènes 
s'aggravent  et  le  malade  meurt,  si  le  chirurgien  n'a  pas  l'idée  de  la  possibilité 
d'un  sac  propéritonéal  et  ne  s'en  assure  pas,  en  prolongeant  son  incision  et  en 
allant  chercher  le  collet  profond  qui  est  ordinairement  le  siège  et  l'agent  véri- 
table de  l'étranglement.  Presque  toujours  cette  disposition  n'est  reconnue  qu'à 
l'autopsie.  Cependant,  depuis  que  ce  genre  de  hernies  est  mieux  étudié,  il  y  a 
eu  quelques  cas  de  guérisons  dus  à  des  interventions  chirurgicales.  Nous 
reviendrons  sur  ce  sujet  en  étudiant  la  kélotomie. 

Mais  le  sac  intérieur  préexistant  n'est  pas  toujours  un  sac  propéritonéal. 
Quelquefois  il  peut  être  inclus  dans  l'épaisseur  de  la  paroi  abdominale,  entrv 
le  muscle  petit  oblique  et  le  transverse,  entre  le  transversc  et  le  fascia  transver- 
salis.  «  Dans  ces  deux  derniers  cas,  dit  S.  Duplay,  il  s'agit  de  hernies  intra- 
pariétales,  congénitales  le  plus  souvent,  et  qui  doivent  être  étudiées  avec  les 
hernies  inguinales  dont  elles  constituent  une  variété.  Quand  le  diverticule  pro- 
fond est  situé  entre  le  péritoine  et  les  plans  fibreux  sous-péritonéaux,  on  le 
trouve  le  plus  souvent  en  dehors  vers  la  fosse  iliaque,  quelquefois  il  s'incline  en 
dedans  vers  la  vessie,  ou  même  il  vient  se  cacher  dans  la  cavité  du  petit  bassin 
en  arrière  de  la  branche  horizontale  du  pubis.  » 

D'ailleurs,  comme  nous  le  verrons,  ces  dispositions  coexistent  souvent  avec 
une  ectopie  testiculaire  inguinale  {voy.  Herme  inguinale). 

Bien  que  ces  sacs  propéritonéaux  aient  été  déjà  diagnostiqués,  notamment  par 
BôUing,  les  cas  où  ils  ont  été  reconnus  sont  si  peu  nombreux  que  l'on  ne  peut 
encore  formuler  aucune  règle  pour  ce  diagnostic,  du  moins  en  dehors  de  la 

kélotomie. 

2°  Réduction  de  ïinlestin  dans  le  tissu  cellulaire  sous-péntonéal  à  travers 
une  solution  de  continuité  du  sac  herniaire.  Cet  accident  peut  se  produire, 
quand  il  se  fait,  sous  l'influence  des  efforts,  une  déchirure  du  sac  herniaire. 
Celle-ci  a  lieu,  ordinairement,  vers  sa  partie  postérieure,  dans  un  point  où  il 
est  moins  résistant.  Le  fait  arrive  rarement  dans  le  taxis.  Cependant  Girou  en 
a  publié  un  cas  à  la  Société  anatomique  en  1879.  Il  a  été  observé  surtout  après 
la  kélotomie,  à  la  suite  d'un  débridement  ayant  porté  sur  le  collet  du  sac. 
M.  Farabeuf  a  communiqué  deux  cas  de  ce  genre  à  la  Société  de  chirurgie. 
DICT.  EI^C,  4«  s.  Xllf.  ^^ 


850  HERISIIlS. 

B.  Persistance  des  accidents  due  à  la  réduction  d'une  hernie  étranglée  avec 
Vagenl  de  V étranglement.  C'est  une  variété  de  réduction  en  masse,  puisque 
l'intestin  rentre  dans  l'abdomen  sans  que  l'étranglement  soit  levé,  emportant 
avec  lui  l'agent  même  de  l'occlusion  intestinale.  Cependant  ces  cas  méritent 
d'être  séparés  de  la  réduction  en  masse  par  ce  fait  que  le  sac  lui-même  n'est 
pas  entièrement  réduit  avec  l'intestin. 

Dans  le  plus  grand  nombre  des  faits  de  cette  catégorie,  il  s'agit  d'étrangle- 
ments qui  se  sont  produits  en  dehors  du  collet  et  des  anneaux.  Les  deux  pre- 
mières observations  connues  sont  celles  de  La  Peyronie  et  de  Louis.  Le  premier, 
ayant  réduit  une  hernie  étranglée,  vit  persister  les  accidents,  malgré  l'état  de 
liberté  de  l'anneau,  et  sans  qu'aucun  symptôme  piit  lui  indiquer  la  cause  de 
cette  persistance.  Le  malade  mourut,  et,  à  l'autopsie,  on  trouva  l'épiploon 
adhérent  derrière  l'anneau  et  formant  une  anse  qui  étranglait  l'intestin.  Louis, 
dans  un  cas  semblable,  trouva  le  mésentère  adhérent  à  la  partie  supérieure  du 
sac  herniaire,  et  l'intestin  enveloppé  et  étranglé  par  ces  adhérences. 

Eu  outre,  dans  d'autres  cas,  où  l'agent  de  l'étranglement  est  intra-sacculaire, 
c'est-à-dire  formé  par  une  perforation  épiploïquc  ou  mésentérique,  par  un  sac 
épiploïque,  ou  encore  par  des  torsions  de  l'anse  et  des  coudures  maintenues 
par  des  adhérences,  il  est  très-possible  que  le  taxis  réduise  dans  le  ventre  l'anse 
herniée,  sans  détruire  ou  déplacer  l'obstacle,  qui  accompagne  alors  l'intestin 
dans  l'abdomen.  Enfin  il  peut  exister  une  autre  disposition  qui  paraît  repro- 
duite dans  l'observation  de  Lapeyronie  citée  ci-dessus.  «  11  peut  se  faire,  dit 
S.  Duplay.que,  lors  de  la  réduction  d'une  anse  intestinale  étranglée,  s'il  existe  de 
l'épiploon  irréductible,  l'intestin  en  rentrant  dans  le  ventre  prenne,  par  rapport  à 
la  corde  épiploïque,  une  position  telle  que  celle-ci  comprime  son  caHbre  et  y 
intercepte  le  cours  des  matières  :  on  a  substitué  de  la  sorte  un  étranglement 
interne  à  un  étranglement  externe,  » 

Enfin,  il  existe  dans  la  science  deux  exemples  de  variétés  très-rares  de  réduc- 
tions avec  l'agent  de  l'étranglement,  et  nous  devons  faire  connaître  ces  deux  faits 
exceptionnels.  Le  premier  est  an  à  Laugier,  et  a  été  publié  dans  le  Bulletin 
chirurgical.  11  s'agit  d'une  hernie  congénitale  dans  laquelle  le  tiixis  avait  pro- 
duit la  réduction  en  provoquant  la  déchirure  circulaire  de  la  portion  du  péri- 
toine qui  étranglait  l'intestin.  Cette  embouchure  péritonéale  du  sac  avait  la 
forme  d'une  valvule  circulaire  large  d'environ  4  millimètres;  elle  avait  été 
déchirée  du  péritoine  adjacent  qui  présentait  une  lésion  de  continuité  récente. 
Malgré  sa  minceur,  elle  avait  suffi  pour  entretenir  l'étranglement  et  amener  la 
mort.  Le  second  fait,  qui  ressemble  à  celui-ci,  appartient  au  professeur  Piichel 
et  a  été  communiqué  par  lui  à  la  Société  de  chirurgie  en  1862.  Il  s'agissait 
d'une  hernie  inguinale  étranglée,  qui  fut  réduite,  sans  trop  de  peine,  à  l'aide 
d'un  taxis  aneslhésique.  Les  accidents  d'étranglement  persistèrent,  le  profes- 
seur Richet,  croyant  à  une  réduction  en  masse,  pratiqua  la  kélotomie  au 
niveau  de  la  partie  supérieure  du  canal  inguinal.  L'anse  était  gangrenée,  et, 
malgré  l'établissement  d'un  anus  contre  nature,  le  malade  mourut.  A  l'au- 
topsie, on  découvrit  que  le  contour  fibreux  de  l'anneau  inguinal  profond  s'était 
détaché  en  même  temps  que  le  collet  du  sac,  et  avait  été  réduit  avec  l'anse 
qu'il  étranglait. 

Au  point  de  vue  des  symptômes,  tous  ces  faits  se  rapprochent  beaucoup  de  la 
réduction  en  masse,  et  il  serait  bien  difficile,  cliniquement,  de  les  en  distinguer. 
Cependant,  d'après  Duplay,  il  manquerait  dans  ces  cas  certains  symptômes  qui 


IlERNIi'S.  851 

caractérisent  la  réduction  totale,  entre  autres  l'absence  de  sac  herniaire  et  la 
flaccidité  particulière  des  parties  où  siégeait  la  tumeur  lorsqu'on  les  examine 
après  la  réduction.  Nous  doutons  néanmoins  que  ces  seules  différences  suffisent 
à  permettre  un  diagnostic. 

C.  Continuation  des  accidents  due  à  la  persistance  des  lésions  intestinales 
après  la  réduction.  Les  lésions  intestinales  qui  peuvent,  après  le  taxis,  per- 
sister et  permettre  la  continuation  des  phénomènes  d'étranglement,  sont  de 
plusieurs  ordres.  Elles  peuvent  tenir,  soit  à  la  continuation  d'une  inflexion  anor- 
male dans  l'anse  réduite,  soit  à  un  rétrécissement  cicatriciel,  soit  à  une  para- 
lysie de  l'intestin,  l'immobilisant  et  empêchant  le  rétablissement  du  cours  des 
matières. 

Dans  le  premier  cas,  il  peut  arriver  qu'en  rentrant  dans  l'abdomen  l'intestin 
subisse  une  torsion  ou  une  involution  qui  le  place  dans  une  position  défavorable, 
■et  alors  c'est  pour  ainsi  dire  un  volvulus  qui  succède  à  l'étranglement  herniaire. 
Mais,  le  plus  souvent,  la  position  défectueuse  de  l'anse  réduite  est  maintenue 
par  des  adhérences  anciennes  ou  récentes  qui  avaient  pu  déjà  jouer  le  rôle 
principal  dans  la  production  des  accidents  avant  la  réduction.  Ce  sont  les  cou- 
dures  brusques,  les  rétrécissements  par  adhérences,  etc.,  dont  nous  avons  décrit 
déjà  les  dispositions  en  étudiant  les  hernies  adhérentes.  On  a  donc  simplement 
réduit  la  hei'nie  avec  l'agent  de  l'étranglement.  D'autres  fois,  au  contraire,  il  peut 
exister  un  rétrécissement  réel  du  calibre  de  l'intestin,  qui  peut  être  poussé  assez 
loin  pour  ne  plus  permettre  le  passage  des  matières.  11  faut  reconnaître  que 
■d'ordinaire  ces  rétrécissements  permanents  de  l'intestin,  à  la  suite  des  lésions 
de  l'étranglement,  ne  s'établissent  que  peu  à  peu  et  sont,  au  moment  de  la 
réduction,  trop  peu  marqués  pour  produire  la  continuation  des  phénomènes  de 
l'étranglement.  Ainsi,   l'élimination   d'une  eschare  superficielle  des  tuniques 
internes  et  la  cicatrisation  d'une  perforation  masquée  par  des  adhérences  deman- 
dent un  temps  souvent  assez  long  pour  arriver  à  causer  des  phénomènes  d'occlu- 
sion intestinale.  Cependant,  dans  certains  cas,  les  accidents  prennent  une  autre 
marche.  Nous  avons  cité  déjà  les  divers  rétrécissements  causés  par  l'étrangle- 
ment ;  nous  nous  bornerons   ici   à  rapporter  l'observation  célèbre  de  Ritsch. 
Après  trois  jours  d'étranglement,  cet  auteur  réduisit,  par  la  kélotomie,  une 
hernie  inguinale  droite  :  les  accidents  cessent  d'abord,  puis  reparaissent,  et  le 
malade  meurt  douze  heures  après  l'opéi'ation.   A  l'autopsie,  on  trouva  l'iléon 
aussi  rétréci,  dans  les  deux  points  où  avait  porté  la  constriction,  que  si  on  l'eût 
fortement  serré  avec  une   ficelle.  Il  y  avait  comme  une  adhérence  des  parois 
internes  de  l'intestin;  aucune  communication  n'était  possible  et  le  passage  des 
matières  était  interrompu.  Enfin  Richter  admet,  sans  en  donner  de  preuves,  que 
dans  les  anciennes  hernies  la  portion  d'intestin  placée  depuis  longtemps  dans 
i'anneau  peut  se  rétrécir  à  la  longue,  et  si,  à  la  suite  d'un  étranglement,  cet 
intestin  est  réduit,  le  passage  des  matières  peut  éprouver  une  telle  difficulté 
que   les   accidents  d'iléus  persistent.    Mais  ces    faits,   comme   les  précédents, 
demanderaient  à  être  établis  sur  des  preuves  plus  sérieuses. 

Enfin  nous  arrivons  à  ces  phénomènes  que  l'on  a  attribués  à  de  la  paralysie 
intestinale  consécutive  à  l'étranglement.  Nous  savons,  depuis  longtemps,  que  le 
sillon  d'étranglement,  quand  il  est  produit  par  à  une  constriction  énergique  et 
longtemps  prolongée,  peut  quelquefois  persister  plusieurs  jours  après  la  réduc- 
tion. C'est  peut-être  à  cette  disposition  qu'est  dià  le  retard  souvent  observé  dans 
le  rétablissement  des  cours  des  matières  alors  que  tous  les  autres  phénomènes 


852  HERNIES. 

ont  déjà  disparu.  Nous  n'avons  nulle   ])art  trouvé  d'observations  certaines  de 
prolongation  de  l'étranglement  due  à  cette  seule  cause. 

Quand,  après  la  réduction  bien  faite,  les  phénomènes  persistent  jusqu'à  causer 
la  mort  du  malade,  et  qu'on  trouve  à  l'autopsie  un  certain  degré  de  péri- 
tonite et  des  fausses  membranes  récentes  immobilisant  les  anses  intestinales 
il  est  permis  d'attribuer  à  cette  lésion  la  terminaison  fatale  et  la  continuation 
des  phénomènes  d'obstruction.  Mais,  quand  on  ne  constate  pas  de  péritonite,  ni 
avant  ni  après  le  taxis,  et  que  l'autopsie  ne  révèle  aucune  lésion  suffisante  pour 
justifier  la  terminaison  fatale,  comment  peut-on  expliquer  la  mort?  Dans  ces 
cas,  rares,  à  la  vérité,  on  est  tenté,  de  nos  jours,  de  croire  à  une  paralysie  intes- 
tinale. L'idée  n'est  pas  nouvelle  :  elle  a  été  anciennement  émise  par  Teissier,  et 
Coutagne  dans  sa  thèse  (De  la  persistance  de  V étranglement  dans  les  hernies 
après  leur  réduction.  Paris,  1855)  la  reproduit  et  l'adopte.  Mais  cette  doctrine 
(les  pseudo-étranglements  paralytiques  a  surtout  été  développée  dans  une  impor- 
tante thèse  de  Ilenrot  {Des  pseudo-étranglements  que  Von  peut  rapporter  à  la 
paralysie  de  l'intestin.  Paris,  1865).  Ils  sont  caractérisés  par  la  persistance  des 
accidents  d'étranglement  et  provoqués  par  une  distension  paralytique  de  l'in- 
testin. Ce  pseudo-étranglement  serait  d'origine  réllexe  et  succéderait  à  la  con- 
striction  exercée  sur  l'anse  herniée  par  l'agent  de  l'étranglement.  Il  y  aurait 
seulement  parésie  de  quelques  heiu'es  dans  les  cas  légers,  et  paralysie  complète 
dans  les  cas  graves.  Ces  faits,  quoique  généralement  admis,  ne  reposent  sur 
aucune  preuve  certaine.  La  théorie  d'IIcnrot  n'est  qu'une  hypothèse  pour  expli- 
quer cette  persistance  plus  ou  moins  prolongée  des  accidents,  lorsque  l'examen 
microscopique  ne  démontre  aucune  lésion  suffisante,  mécanique  ou  autre,  soit 
du  côté  de  l'intestin,  soit  du  côté  du  péritoine. 

D.  Persistance  des  accidents  due  à  l'existence  concomittante  d'une  autre 
hernie  étranglée  ou  d'un  étranglement  interne  méconnus  II  s'agit  ici  plutôt 
d'une  eneur  de  diagnostic,  quelquefois  due  à  un  examen  incomplet  du  malade, 
que  d'un  véritable  accident  du  taxis.  Quoi  qu'il  en  soit,  toutes  les  fois  que  les 
phénomènes  d'étranglement  persistent  après  la  réduction  d'une  hernie  à  laquelle 
on  a  cru  devoir  les  attribuer,  il  est  absolument  du  devoir  du  chirurgien,  avant 
de  songer  aux  autres  accidents  que  nous  avons  précédemment  passés  en  revue, 
de  s'assurer,  par  un  examen  des  plus  minutieux,  qu'il  n'existe  nulle  part,  à 
aucun  orifice,  même  au  niveau  de  ceux  où  les  hernies  sont  le  plus  rares,  une 
seconde  tumeur  capable  d'expliquer  les  phénomènes  observés.  II  sera  tout  aussi 
indiqué  de  rechercher  avec  le  plus  grand  soin  s'il  n'existe  aucune  cause  d'étran- 
glement interne  chez  le  malade  atteint  des  accidents  :  nous  avons,  il  nous 
semble,  suffisamment  insisté  sur  ces  points  au  chapitre  du  Diagnostic. 

Des  autres  traitements  employés  en  même  temps  que  le  taxis.  Concurrem- 
ment avec  le  taxis,  et  même  indépendamment  de  lui,  on  a  autrefois  préconisé 
contre  l'étranglement  une  série  de  moyens  que  nous  devons  rappeler,  bien  que 
la  plupart  d'entre  eux  soient  aujourd'hui  tombés  en  désuétude.  Ils  se  divisent 
en  médicaments  externes  et  intei'nes  dont  l'ensemble  constituait  ce  que  l'on  a 
appelé  le  traitement  médical  de  l'étranglement,  et  en  certaines  manœuvres 
destinées  à  faciliter  le  taxis. 

Le  traitement  médical  de  la  hernie  est  aujourd'hui  justement  rejeté.  Inefficace 
dans  la  plupart  des  cas,  souvent  dangereux,  il  comprend  une  série  de  moyens 
longuement  discutés  dans  les  autaurs  anciens  et  qu'il  nous  paraît  nécessaire  de 
rejeter.  Ainsi  les  vomitifs,  la  strychnine,  le  café,  la  belladone,  les  lavements 


HERNIES.  855 

(le  tabac  et  surtout  les  émissions  sanguines  générales,  doivent  être,  à  notre  avis, 
complètement  proscrits.  Leur  emploi  a  souvent  été  absolument  nuisible  pour  le 
malade,  et,  dans  les  cas  où  il  a  été  simplement  inutile,  il  a  eu  le  tort  considé- 
rable d'occasionner  une  perte  de  temps  parfois  énorme,  et  le  chirurgien  a  laissé, 
grâce  à  eux,  évoluer  des  lésions  que  l'on  aurait  peut-être  pu  enrayer  par  un 
taxis  bien  fait  au  début  des  accidents. 

Deux  d'entre  eux  cependant  méritent  encore  d'être  étudiés  :  nous  voulons 
parler  de  l'opium  et  des  purgatifs. 

L'opium,  qui  est  souvent  extrêmement  utile  après  la  réduction  et  surtout 
après  la  kélotomie,  ainsi  que  nous  aurons  l'occasion  de  le  voir,  est  inutile 
auparavant.  Il  ne  peut  servir  qu'à  calmer  les  douleurs,  mais  il  n'empêche  pas 
l'évolution  des  lésions,  et  ne  favorise  nullement  la  réduction.  Son  usage  doit 
donc  être  rejeté. 

Il  en  està^peu  près  de  même  des  purgatifs,  qui,  répétés  trop  souvent,  peuvent 
présenter  certains  dangers.  Ils  ont,  en  premier  lieu,  l'inconvénient  de  demander 
pour  agir  un  temps  très-long  et  pendant  lequel  les  lésions  s'accentuent  et  les 
phénomènes  s'exagèrent  :  de  plus,  leur  efficacité  n'a  jamais  été  absolument 
démontrée,  tandis  que,  dans  certains  cas,  ils  ont  pu  augmenter  la  gravité  des 
accidents.  Inutiles  et  souvent  nuisibles,  en  face  d'un  étranglement  confirmé,  ils 
doivent  être  rejetés.  Leur  emploi  n'est  légitime  que  pour  vérifier  l'occlusion  de 
l'intestin  dans  les  cas  douteux  d'étranglement  et  seulement  pendant  les  pre- 
mières heures  des  accidents.  En  résumé,  le  purgatif  est,  dans  ces  cas,  plutôt  un 
moyen  de  diagnostic  qu'un  véritable  agent  thérapeutique.  Nous  avons,  chemin 
faisant,  et  surtout  à  propos  du  diagnostic  des  accidents  herniaires,  indiqué  les 
circonstances  oii  l'on  pouvait  avoir  i-ecours  au  purgatif  d'exploration,  c'est  à  ces 
cas  seulement  que  leur  emploi  paraît  devoir  être  limité. 

Quant  aux  topiques  appliqués  à  la  surface  de  la  tumeur  herniaire,  on  ne  doit 
encore  les  accepter  qu'à  titre  d'adjuvants  du  taxis,  et  encore  leur  efficacité  a  été 
souvent  contestée.  Tous  ces  moyens  ne  doivent  jamais  avoir  qu'un  but  :  c'est  de 
permettre  au  chirurgien  de  hâter  le  moment  de  la  rentrée  de  l'intestin  dans 
le  ventre.  Ils  ne  doivent  jamais  faire  perdre  de  temps,  car,  en  admettant  que  le 
taxis,  même  avec  leur  aide,  soit  destiné  à  échouer  et  que  l'opération  devienne 
nécessaire,  agir  vite  est  urgent  pour  opérer  avant  que  l'intestin  soit  altéré  :  la 
rapidité  est  ici  la  meilleure  condition  de  succès.  Ainsi,  les  cataplasmes  émollients, 
les  pommades  belladonées,  opiacées,  etc.,  qui  agissent  en  calmant  la  douleur 
locale,  ne  doivent  être  employés  que  pour  permettre  un  taxis  plus  efficace  et 
fait  plus  énergiquernent.  Cependant  on  peut  ranger  dans  ce  groupe  deux  ordres 
de  moyens  qui,  à  titre  d'adjuvant  du  taxis,  ont  souvent  une  réelle  importance. 
Je  veux  parler  des  bains  prolongés  et  des  applications  réfrigérantes. 

Les  bains  prolongés  ont  souvent  été  employés.  Le  malade  éprouve  dans  le  bain 
un  soulagement  manifeste,  et  la  sensibilité  s'y  émousse  assez  pour  que  la  pres- 
sion nécessaire  au  taxis  devienne  plus  facile  à  supporter.  Il  exerce  aussi  un 
certain  degré  de  relâchement  musculaire  qui  facilite  la  réduction. 

Dans  un  certain  nombre  de  cas,  le  taxis  pratiqué  dans  le  bain  ou  immédia- 
tement après  a  réussi  alors  qu'il  avait  échoué  auparavant  :  c'est  donc  un  adju- 
vant réel,  mais  seulement  quand  le  chirurgien  n'a  pas  de  chloroforme  à  sa  dis- 
position, ou  bien  ne  peut  pas  l'employer  à  cause  de  lésions  préexistantes  qui  le 
contre-indiquent. 

En  nous  occupant  des  réfrigérants,  nous  ne  parlerons  pas  de  la  douche  froide 


^54  HERNIES. 

qui,  au  dire  de  J.-L.  Petit,  aurait  causé  une  réduction  spontanée.  L'application 
ordinaire  de  ce  moyen  se  fait  à  l'aide  de  glace  pilée,  enfermée  dans  une  vessie 
et  maintenue  sur  la  tumeur.  Peut-être  la  glace  n'agit-elle  qu'en  produisant  une 
anesthésie  locale  qui  favorise  le  taxis  ?  En  tous  cas,  ce  n'est  et  ce  ne  peut  être 
qu'un  adjuvant  de  cette  méthode;  mais  son  application  ne  doit  pas  être  main- 
tenue longtemps,  car,  outre  les  dangers  résultant  de  la  temporisation  exagérée,^ 
il  faut  se  souvenir  que  son  emploi  n'a  pas  été  toujours  exempt  d'accidents. 
Boyer  et  Gosselin  redoutent  la  réaction  et  la  gangrène  consécutives,  et  Astler 
Cooper  a  cité  un  fait  où  la  peau  s'était  couverte  d'eschares  à  la  suite  de  l'appli- 
<  ation  de  la  glace.  On  pourrait  rapprocher  de  la  glace  un  moyen  préconisé  en 
Allemagne  dans  ces  derniers  temps,  je  veux  parler  des  affusions  d'éther.  Finkel- 
stein  a  puhlié  eu  1882  dans  le  Berliner  Idinische  Wochenschrift  un  travail 
dans  lequel  il  préconise  l'emploi  de  l'élher  vaporisé.  Voici  son  procédé^:  le 
malade  est  placé  dans  le  décuhitus  dorsal,  les  jamhes  relevées.  En  un  quart 
d'heure,  le  chirurgien  verse,  goutte  à  goutte,  sur  la  hernie,  la  valeur  de  trois 
à  quatre  cuillerées  d'éther,  puis  il  la  recouvre  avec  une  serviette  ployée  en 
plusieurs  douhles.  L'anse  herniée  devient  mobile  et  se  réduit  d'ordinaire  d'elle- 
même,  sinon  il  suffit  de  manipulations  insignifiantes.  En  onze  ans  l'auteur  » 
soigné  63  hernies  étranglées  :  5  ont  été  réduites  par  le  taxis  ;  pour  les  58  autres 
l'éthérisation  locale  a  réussi  54  fois.  Il  explique  l'action  topique  de  l'éther  par 
sa  double  propriété  d'antispasmodique  et  de  réfrigérant.  Il  amènerait  la  conden- 
sation des  gaz  et  l'excitation  des  mouvements  péristaltiques.  Enfin  Krassowski 
a  rapporté,  dans  le  Vratsch,  1883,  n"  29,  deux  cas  de  succès  par  les  affusions 
d'éther.  Ces  deux  dernières  observations  paraissent  peu  concluantes;  quant  au 
procédé  de  Finkelslein,  nous  ne  verrions  nul  inconvénient  à  l'essayer,  après 
l'échec  du  taxis  simple,  anesthésique,  avant  de  recourir  à  l'opération,  à  con- 
dition d'être  prêt  à  agir  immédiatement  après.  On  pourrait  même  le  tenter 
pendant  l'aneslhésie. 

A  côté  des  topiques  se  rangent  les  manœuvres  qui  doivent  favoriser  le  taxis 
et  l'aider  :  nous  ne  nous  arrêterons  ni  aux  injeclions  forcées,  ni  à  \ introduction 
d'une  canule  dans  le  rectum  préconisée  par  0.  Beirn.  Mais  nous  devons  insister 
sur  trois  moyens  récents;  ce  sont  les  injections  de  morphine,  l'électricité  et  la 
ponction  aspiratrice  de  l'anse  herniée. 

L'usage  des  injections  sous-cutanées  de  morphine  pour  aider  à  la  réduction 
des  hernies  étranglées  n'est  pas  absolument  nouveau.  Elles  paraissent  avoir  été 
employées  pour  la  première  fois  par  un  médecin  anglais,  Donnan,en  1851.  En 
Allemagne,  Kœstner  (deBordesholm) ,  publie  en  1875,  dans  le  Deutsche  Klinik,  un 
cas  de  succès  par  ce  moyen.  En  France,  le  docteur  Philippe  (de  Saint  Mandé), 
sans  connaître  les  travaux  précédents,  eut  l'idée  de  s'en  servir  comme  adjuvant 
du  taxis  en  1877  [Gazette  des  hôpitaux).  Depuis,  elles  ont  été  plusieurs  fois 
essayées,  et  nous  pouvons  citer  les  observations  de  MM.  Pujos,  Dupont  et  Fleury 
publiées  dans  la  Gazette  des  hôpitaux  de  1885,  et  dans  lesquelles  la  réduc- 
tion est  attribuée  à  ce  moyen.  Certains  de  ces  faits  paraissent  discutables. 
M.  Eoussenot  a  choisi  ce  point  particulier  pour  sujet  de  sa  thèse  inaugurale 
[Traitement  des  hernies  irréductibles  par  les  injections  som-cutanées  de  mor- 
phine. Paris,  1881).  Il  croit  que  les  injections  de  morphine  agissent  en  faisant 
cesser  la  contraction  musculaire  et  le  spasme  intestinal  qui  s'opposent  à  la 
réduction  des  hernies.  11  est  à  remarquer  que  tous  les  cas  de  succès  cités  par 
M.  Boussenot  sont  des  étranglements  ne  datant  que  de  quelques  heures.  Aussi 


HERNIES.  855 

M.  Le  Dentu,  dans  un  rapport  fait  sur  celle  question  à  la  Société  de  chirurgie, 
accepte  les  injections  de  morphine  comme  un  moyen  de  la  première  heure.  Pour 
Picqué,  elles  peuvent  rendre  des  services  en  insensibilisant  la  région  herniaire, 
quand  la  chloroformisation  est  impossible. 

Enfin  l'électricité  a  été  diversement  employée  pour  combattre  l'étranglement. 
Leroy  d'Etiolles  avait,  en  1855,  proposé  rélectro-])uncture,qui  a  été  abandonnée 
depuis.  On  a,  dans  ces  dernières  années,  préconisé  l'usage  des  courants  fara- 
diques.  Nous  trouvons  dans  la  Revue  des  sciences  médicales  des  observations 
de  succès  par  l'électrisation,  dues  à  MM.  Lew,  Vololsckewitsch  et  Koltschewski 
et  extraites  du  Vratsch  pour  1883.  Ces  auteurs  ont  obtenu  la  réduction  de 
hernies  étranglées  par  un  léger  taxis,  après  une  laradisation  variant  de  cinq 
minutes  à  un  quart  d'heure,  une  électrode  étant  jippliquée  sur  la  tumeur,  l'autre 
sur  l'anneau  herniaire.  «  Ces  exemples  prouvent,  dit  M.  Berger  après  avoir 
analysé  ces  observations,  que  la  faradisation  peut  donner  quelques  réussites  dans 
la  réduction  d'étranglements  peut-être  assez  serrés,  mais,  dans  tous  les  cas, 
récents,  et  à  une  époque  où  l'on  peut  être  assuré  de  réussir  par  le  taxis  avec  le 
chloroforme.  » 

La  ponction  de  l'anse  herniée  n'est  pas  une  opération  récente.  Étant  donné 
l'accumulation  fréquente  des  gaz  dans  l'anse  herniée,  il  était  tout  naturel  de 
cherchera  favoriser  la  réduction  par  la  soustraction  de  ces  gaz.  Aussi,  bien  des 
chirurgiens,  déjà  depuis  longtemps,  avaient  pensé  à  ponctionner  les  hernies 
étranglées.  Pigray  avait,  en  1612,  parlé  de  la  possibilité  de  la  ponction  intesti- 
nale. Roussel,  contemporain  d'Ambroise  Paré,  nous  apprend  que  l'acupuncture 
a  été  employée.  Au  dire  de  Mérat  {Dict.  des  se.  médicales,  1819),  Ambroise 
Paré  aurait  lui-même  plusieurs  lois  piqué  les  intestins  avec  des  aiguilles.  Pierre 
Low,  Garengeot,  Scharp,  van  Swieten,  conseillaient  aussi  l'acupuncture,  à  con- 
dition qu'on  la  fasse  avec  une  aiguille  ronde  et  non  une  aiguille  coupante,  pour 
ménager  les  fibres  musculaires.  Dans  tous  ces  cas,  d'ailleurs,  la  ponction  était 
pratiquée  à  nu  sur  l'intestin.  Ce  fut  en  1854  que,  pour  la  première  fois,  Long 
(de  Toulon),  suivant  les  conseils  de  Mérat  et  de  Levrat  (1825),  substitua  un 
trocart  fin  à  l'aiguille  simple.  Cette  pratique  fut  suivie  par  Lenoir  et  préconisée, 
dans  certains  cas,  par  d'autres  chirurgiens,  parmi  lesquels  Nélaton,  Gosselin  et 
de  Roubaix.  Mais  ce  n'est  qu'après  la  découverte  de  l'aspirateur  Dieiilafoy  (1869) 
que  la  ponction  aspiratrice  fut  employée  dans  les  hernies  étranglées.  Duplouy 
(de  Rochefort)  et  Dolbeau  la  mirent  Jes  premiers  en  pratique  pour  évacuer  les 
gaz  et  les  liquides  contenus  dans  l'anse  herniée.  En  1871,  cette  manière  de  pro- 
céder fit  l'objet  d'une  discussion  à  la  Société  de  chirurgie,  et  depuis  elle  a  été 
étudiée  dans  un  certain  nombre  de  thèses  parmi  lesquelles  nous  citerons  celles  de 
MM.  Autun  (1871),  Brun  Buisson  (1872)  et  Bouisson  (1874).  Enfin  Motte,  dans 
son  mémoire,  en  réunit  un  certain  nombre  de  cas  dont  quejques-uns  proviennent 
de  l'étranger.  Les  observations  publiées  s'élèvent  à  une  trentaine. 

Cette  ponction  aspiratrice  a  été  diversement  appliquée.  Les  chirurgiens  se 
sont  quelquefois  bornés  à  évacuer  le  liquide  du  sac  (10  fois  sur  26)  ;  dans  les 
autres  cas,  au  nombre  de  16,  c'est  l'anse  herniée  elle-même  qui  a  été  ponc- 
tionnée. Plusieurs  fois  les  ponctions  ont  été  réitérées,  soit  dans  la  même  séance, 
soit  à  plusieurs  heures  d'intervalle. 

Cette  méthode  est  basée  sur  l'innocuité  des  simples  piqûres  faites  à  travers 
une  paroi  intestinale.  Cependant  les  auteurs  ne  partagent  pas  tous  celte  opinion. 
Ainsi  Schuh,  dans  un  travail  publié  à  Vienne  en  1869,  croit  que  les  piqûres 


856  HERNIES. 

peuvent  favoriser  le  passage  des  matières  dans  la  cavité  péritonéale.  Bouisson, 
dans  sa  thèse,  publiée  sous  l'inspiration  de  Verneuil,  relate  un  cas  de  mort  sur- 
venu vingt-quatre  heures  après  la  ponction  :  il  croit,  avec  son  maître,  que  cette 
manœuvre,  absolument  innocente  sur  un  intestin  sain,  peut  être,  au  contraire, 
dangereuse  sur  une  paroi  altérée.  Vogt,  dans  un  travail  publié  en  1881,  arrive 
à  peu  près  aux  mêmes  conclusions.  Enfin  le  professeur  Le  Fort  considère  la 
ponction  aspiratrice  comme  une  méthode  dangereuse  et  croit  «  qu'il  ne  peut  être 
que  périlleux  de  faire  à  l'intestin  sur  lequel  on  devra  exercer  le  taxis  une  plaie, 
quelque  petite  qu'elle  foit.  »  Cependant,  dans  la  grande  majorité  des  cas,  il  n'y  a 
pas  d'accidents,  et  lajrace  de  la  piqûre  est  difficilement  retrouvée  sur  l'intestin 
qui  l'a  subie  :  l'occlusion  de  l'orifice  se  fait  d'après  un  mécanisme  variable  sui- 
vant les  auteurs.  Pour  Bouisson,  elle  serait  produite  par  la  muqueuse  qui,  en 
se  déplaçant,  détruirait  le  parallélisme  des  bords,  et  s'interposerait  entre  les 
lèvres  de  la  plaie  en  formant  une  sorte  de  hernie.  Il  attribue,  en  outre,  l'inno- 
cuité de  la  ponction  à  l'action  permanente  de  la  couche  musculaire  interne. 
Cette  opinion,  appuyée  sur  certaines  expériences,  est  contraire  à  celle  de  Nuss- 
baum,  qui  admet  que  la  tunique  musculaire  agrandit  l'ouverture  en  se  con- 
tractant, et  fait  jouer,  au  contraire,  le  rôle  prépondérant  à  la'muqueuse. 

Quel  ipic  suit,  du  reste,  ce  mécanisme  encore  controversé,  les  résultats  de  la 
méthode  ont  été  ainsi  appréciés  par  S.  Duplay  :  «  La  ponction,  dans  la  plupart 
des  cas,  ne  fut  pratiquée  qu'après  des  efforts  infructueux  de  taxis,  et,  sauf  dans 
un  cas,  on  dut  coiiqiléler  la  réduction  par  le  taxis;  dans  cette  observation 
unique  l'intestin  rentra  spontanément  aussitôt  après  l'évacuation  de  son  con- 
tenu. La  réduction  elle-même,  facile  dans  quelques  cas  rares,  fut  parfois  difficile 
et  nécessita  des  efforts  prolongés.  Dans  dix  cas  au  moins  l'intestin  fut  rebelle 
au  taxis  malgré  la  ponction,  les  accidents  persistèrent  et  il  fallut  avoir  recours 
à  l'opération.  Enfin,  malgré  la  réduction,  dans  plusieurs  cas  il  se  déclara  une 
péritonite  qui  se  termina  par  la  mort.   » 

Ces  résultats  doivent  inspirer  une  certaine  réserve,  et  cependant,  malgré  les 
dangers  réels  de  cette  petite  plaie  intestinale,  la  ponction  nous  paraît  devoir, 
dans  certains  cas  particuliers  d'étranglement  récent  et  pour  des  grosses  hernies, 
constituer  un  adjuvant  utile  au  taxis.  Elle  peut  donc  être  quelquefois  employée. 

Avant  d'aborder  l'étude  de  la  kélotomie,  pour  résumer  notre  opinion  sur  les 
différents  moyens  thérapeutiques  que  nous  venons  de  passer  en  revue,  nous 
croyons  qu'ils  peuvent  être  tous  indiqués,  dans  certains  cas  particuliers,  mais  à 
condition  qu'on  ne  les  considère  que  comme  des  moyens  adjuvants  du  taxis,  et 
qu'on  ne  les  emploie  que  dans  les  limites  précises  où  cette  manœnvre  est  indi- 
quée et  légitime.  Ils  ne  doivent  jamais  être  continués  assez  longtemps  pour 
constituer  une  perte  de  temps  dans  le  traitement  de  la  hernie  étranglée,  ni  dans 
aucun  cas  retarder  une  opération  nécessaire,  puisque,  ainsi  que  nous  l'avons 
déjà  plusieurs  fois  répété,  la  rapidité  de  l'intervention  opératoire  est  une  des 
principales  conditions  de  son  succès. 

De  la  kélotomie.  L'opération  du  débridement  de  la  hernie,  ou  kélotomie, 
consiste  à  mettre  à  nu  l'anneau,  quel  qu'il  soit,  qui  opère  l'étranglement,  et  à 
le  diviser  pour  taire  rentrer  ensuite  la  hernie. 

Cette  opération  est  indiquée  lorsque  l'on  aura  reconnu,  après  l'emploi  métho- 
dique du  taxis  avec  chloroforme,  aidé  ou  non  des  moyens  adjuvants,  que  la 
hernie  ne  peut  pas  rentrer,  ou  bien  lorsqu'il  s'est  écoulé  depuis  le  début  des 


HERNIES.  857 

accidents  trop  de  temps  pour  que  le  taxis  soit  légitimement  employé.  En  un 
mot,  l'opération  s'impose  toutes  les  fois  que  le  taxis  est  contre-indiqué;  ses 
indications  sont  toutes  les  contre-indications  du  taxis.  Du  reste,  il  faut,  tout  en 
obéissant  aux  règles  que  nous  avons  rappelées,  avoir  toujours  présent  à  l'esprit 
le  précepte  donné  en  1876  par  le  professeur  Trélat  dans  son  cours  de  pathologie 
externe,  et  qui  domine  toutes  les  indications.  «  Tout  intestin  sorti  de  l'abdomen 
doit  y  rentrer;  le  chirurgien  en  présence  d'un  étranglement  herniaire  ne  doit 
point  quitter  le  malade  avant  que  les  parties  qui  forment  la  hernie  n'aient 
repris  leur  place  par  n'importe  quel  moyen.  » 

Nous  avons,  chemin  faisant,  essayé  de  faire  comprendre  tous  les  dangers  d'une 
temporisation  exagérée,  et  cherché  à  préciser  les  limites  des  périodes  dans  les- 
quelles le  taxis  est  permis.  Au  point  de  vue  opératoire,  il  est  extrêmement 
avantageux  d'agir  sur  un  intestin  aussi  sain  que  possible.  Nous  n'hésitons  donc 
pas  à  préconiser,  d'une  manière  toute  particulière,  la  kélotomie  hâtive,  persua- 
dés que  cette  rapidité  d'exécution,  aidée  des  bienfaits  de  la  méthode  antiseptique, 
doit  assurer  de  nombreux  succès  et  faire  de  la  kélotomie,  si  redoutée  et  si 
dangereuse  il  y  a  encore  peu  d'années,  une  opération  moins  périlleuse  et  qui  doit 
être  suivie  de  guérison  dans  le  plus  grand  nombre  de  cas.  Cette  nécessité  d'agir 
vite  a,  du  reste,  déjà  été  indiquée  par  beaucoup  de  chirurgiens  et  en  particu- 
lier par  Gosselin.  a  Elle  doit-ètre  exécutée,  dit-il  en  parlant  de  la  kélotomie, 
aussitôt  que  l'indication  existe,  et,  différente  en  cela  de  bien  d'autres  opéra- 
tions, elle  ne  peut  pas  être  ajournée  sans  préjudice  pour  le  malade.  »  Et  il 
ajoute  un  peu  plus  loin  :  «  Agir  de  suite  est  un  devoir  impérieux,  et  je  vou- 
drais que  tous  les  praticiens  fussent  assez  préparés  à  la  herniotomie  pour  être 
en  mesure  de  la  faire,  même  sans  l'aide  d'un  confrère,  en  tout  temps  et  en  tous 
lieux.  )) 

Enfin  aucune  forme  clinique,  même  les  plus  graves,  ne  peut  être  considérée 
comme  une  contre-indication.  Certains  chirurgiens  ont  cru  que  l'opération  ne 
devait  pas  être  pratiquée  dans  les  cas  de  choléra  herniaire,  ou  en  préjence  de 
symptômes  généraux  graves  et  de  lésions  pulmonaires  étendues.  Il  est  bien  évi- 
dent que  ces  cas  sont  peu  favorables,  et  que  la  gravité  de  l'état  général  assombrit 
le  pronostic  opératoire.  Cependant  il  y  a  même  alors  des  guérisons,  souvent 
inespérées;  et,  à  moins  que  le  malade  soit  tellement  affaibli  que  la  mort  soit 
imminente,  nous  croyons  que,  dans  tous  les  étranglements,  le  chirurgien  est 
autorisé  à  tenter  le  débridement,  et  qu'il  ne  doit  pas  refuser  au  malade  les 
chances  d'une  opération,  aussi  minimes  qu'elles  soient. 

Quant  aux  contre-indications  que  l'on  a  tirées  de  la  présence  de  certaines 
variétés  de  hernies,  elles  seront  examinées  à  propos  des  hernies  en  particulier 
(voy.  Hernies  ingidnales,  crurales,  ombilicales,  etc.). 

Manuel  opératoire.  L'opération  de  la  kélotomie  est  souvent  longue  et  diffi- 
cile. D'après  la  plupart  des  auteurs,  elle  serait  peu  douloureuse  et  ne  nécessi- 
terait pas  l'emploi  du  chloroforme.  Nous  estimons,  au  contraire,  que,  toutes  les 
fois  que  le  chloroforme  n'est  pas  empêché  par  les  contre-indications  générales 
de  l'emploi  des  anesthésiques,  telles  que  l'existence  d'affections  antérieures 
graves  du  cœur  ou  des  poumons,  une  débilité  exagérée  du  sujet,  etc.,  il  est 
indiqué  d'y  avoir  recours.  Duplay  concède  que,  «  quand  le  malade  vient  d'être 
endormi  pour  subir  le  taxis,  il  y  a  avantage  à  prolonger  quelques  instants 
l'anesthésie.  »  Nous  n'hésitons  pas  à  endormir  le  malade  toutes  les  fois  que 
cela  nous  est  possible. 


853  HERNIES, 

Les  instruments  nécessaires  pour  la  kélotoniie  sont  les  suivants  :  un  bistouri 
droit,  un  bistouri  boutonné  ou  mieux  un  ténotome  mousse,  ou  plutôt  encore  le 
bistouri  herniaire  d'Astley  Cooper,  une  sonde  cannelée,  des  ciseaux  mousses 
droits  et  courbes,  un  tenaculum,  des  pinces  hémostatiques,  une  pince  à  dissé- 
quer, des  fils  à  ligature  et  de  préférence  du  catgut,  ce  qu'il  faut  pour  faire  des 
sutures,  un  drain,  une  sonde  de  femme  ou  de  grosses  sondes  en  gomme. 

Premier  temps.  Incisions  de  la  peau  et  des  couches  sous-cutanées.  Le 
malade  est  placé  dans  le  dccubitus  dorsal,  le  bassin  légèrement  élevé  sur  un 
coussin.  Le  lit  ou  la  table  d'opération  doivent  être  situés  de  façon  que  le  champ 
opératoire  soit  aussi  fortement  éclairé  que  possible.  La  région,  étant  au  préa- 
lable rasée  avec  soin,  c>t  lavée  tout  entière  avec  une  solution  antiseptique 
forte  (solution  phéniquée,  ou  sublimée,  etc.).  Toute  l'opération  doit  être  faite, 
d'ailleurs,  avec  toutes  les  précautions  antiseptiques  les  plus  minutieuses. 

La  peau  est  incisée  en  un  seul  temps.  La  direction  de  l'incision  est  variable 
suivant  le  siège  et  la  forme  de  la  hernie  :  cependant,  dans  la  plupart  des  cas, 
elle  est  dirigée  suivant  le  grand  axe  de  la  tumeur,  verticale  ou  oblique,  et  elle 
doit  être  faite  de  telle  façon  qu'elle  atteigne  par  en  bas  l'extrémité  inférieure 
de  la  hernie,  et  qu'elle  dépasse  par  en  haut  le  point  ou  siège  l'étranglement. 
L'étendue  de  l'incision  an-dessus  de  l'anneau  constricteur  devrait  être  pour 
certains  chirurgiens  do  5  centimètres  (Malgaigne),  mais  il  n'y  a  rien  d'absolu  à 
ce  sujet. 

Cette  section  de  la  peau  doit  se  faire  soit  avec  un  bistouri  droit,  soit  avec 
une  lame  convexe.  Une  lame  courte  donne,  d'après  Le  Dentu,  plus  de  sécurité  à 
l'opérateur.  On  peut  la  prati(picr  de  deux  façons  :  on  incise  directement,  en 
dédulant,  avec  le  tranchant  de  rinslrument  tenu  comme  un  archet  de  violon;  on 
peut  aussi  faire  à  la  peau  un  pli  perpendiculaire  à  la  direction  que  l'on  devra 
donner  à  lincision.  Un  aide  lient  une  extrémité  de  ce  pli,  tandis  que  le  chirur- 
gien, saisissant  l'autre  avec  la  main  gauche,  en  sectionne  la  partie  moyenne 
jusqu'à  sa  base.  L'ouverture  est  ensuite  agrandie  autant  qu'il  est  nécessaire.  Quel 
que  soit  le  procédé  choisi,  on  ne  doit  jamais  agir  par  ponction  :  car,  dans  les 
hernies  volumineuses  oii  les  couches  extérieures  sont  très-amincies,  et  dans 
certaines  variétés  comme  les  hernies  ombilicales,  oii  le  sac,  ordinairement 
très-mince,  est  directement  en  contact  avec  des  téguments  amincis  eux  aussi, 
on  risquerait  de  pénétrer  du  premier  coup  jusque  sur  l'intestin  et  de  le 
perforer. 

La  peau  sectionnée,  on  divisera  le  tissu  cellulaire,  couche  par  couche,  lamelle 
par  lamelle,  sans  se  presser,  tantôt  directement,  tantôt  à  l'aide  de  la  sonde 
cannelée,  en  ayant  soin  de  saisir  immédiatement,  avec  des  pinces  à  forcipressure, 
les  deux  extrémités  de  chaque  vaisseau  divisé.  En  agissant  ainsi,  ce  qui  est  plus 
prudent,  on  arrive  souvent  sur  un  amas  de  tissu  graisseux,  qu'il  faut  diviser 
tout  doucement  et  avec  la  plus  grande  attention,  car  on  est  à  peu  près  certain 
de  trouver  le  sac  herniaire  immédiatement  derrière  lui.  Le  plus  souvent,  que 
cette  disposition  existe  ou  non,  le  chirurgien  rencontre  sous  son  bistouri  des 
feuillets  lamelleux  et  fibreux  en  très-grand  nombre.  11  devra  les  inciser  un  à 
un,  et  dans  toute  leur  étendue,  en  les  chargeant  successivement  sur  la  sonde 
cannelée,  en  se  souvenant  que  presque  toujours  leur  nombre  est  beaucoup  plus 
considérable  que  l'anatomie  normale  ne  l'enseigne  pour  la  région. 

Deuxième  temps.  Becherche  et  ouverture  du  sac.  A  mesure  que  l'on 
approche  du  sac,  il  faut  redoubler  de  précautions  pour  ne  pas  l'ouvrir  sans 


HERNIES.  85» 

s'en  apercevoir  et  s'exposer  à  blesser  l'intestin.  D'ordinaire  on  reconnaît  que 
l'on  arrive  à  la  face  externe  du  sac  quand  on  se  trouve  en  présence  d'une  mem- 
brane fibreuse  dépourvue  de  graisse  et  présentant  une  coloration  foncée,  grise, 
vineuse  ou  noirâtre.  Cependant,  quand  on  hésite,  on  peut  pincer  entre  les  doigts 
le  feuillet  lanielleux  que  l'on  a  sous  les  yeux  et,  si  ce  n'est  pas  le  sac,  on  sent 
qu'il  y  a,  plus  profondément,  une  couche  résistante  et  tendue,  une  tumeur  glo- 
bulaire, et  l'on  peut  continuer  ainsi  à  inciser,  doucement,  couche  par  couche, 
et  chaque  feuillet,  sur  la  sonde  cannelée,  jusqu'à  ce  que  le  pincement  laisse  au- 
dessous  des  doigts  une  sensation  de  vide. 

Lorsque  l'on  est  arrivé  an  niveau  du  sac,  on  le  saisit  avec  une  pince  à  dissé- 
quer, ou  avec  un  tenaculum.  On  y  fait  au  bistouri,  avec  beaucoup  de  précau- 
cautjons  et  en  dédolant,  une  petite  incision  par  laquelle  on  glisse  une  sonde 
cannelée,  et  on  l'incise  dans  toute  sa  longueur.  Quelquefois,  dans  les  sacs  épais 
et  lanielleux,  il  faut  plusieurs  fois  répéter  cette  manœuvre  pour  pénétrer  dans 
la  cavité.  Si,  au  contraire,  le  sac  est  très-mince,  on  peut  l'ouvrir  sans  l'avoir 
reconnu  auparavant.  Le  chirurgien  sera  ordinairement  averti  de  l'ouverture  du 
sac  herniaire  par  l'écoulement  d'un  flot  de  liquide  séreux  citrin,  parfois  aussi 
brunâtre  foncé,  ou  l'ougeâtre,  et  quelquefois  dégageant  une  odeur  fétide  rappe- 
lant celle  des  matières  intestinales.  On  peut  alors  introduire  hardiment  la  sonde 
cannelée  par  l'ouverture  qui  livre  passage  à  ce  liquide,  on  est  certain  d'être  dans 
le  sac.  En  même  temps  le  doigt  pénètre  dans  une  cavité  dont  la  face  interne 
présente  un  aspect  lisse  caractéristique,  ou  bien  qui  est  revêtue  par  places  de 
fausses  membranes  récentes,  molles,  qui  se  déchirent  sous  la  moindre  pression. 

On  reconnaît  alors  à  la  vue  le  contenu  de  la  hernie,  qui,  dans  la  plupart  des 
cas,  est  constitué  par  de  l'épiploon  et  de  l'intestin.  L'intestin  se  montre  sous  la 
forme  d'une  anse  plus  ou  moins  volumineuse,  arrondie,  tendue,  élastique,  d'une 
coloration  ordinairement  foncée,  rouge  ou  rouge  brun,  quelquefois  noirâtre,  à 
surface  lisse,  qui  tantôt  occupe  la  plus  grande  partie  du  sac,  tantôt,  au  contraire, 
est  ramassée  au  voisinage  du  pédicule,  et  plus  ou  moins  masquée  par  l'épi- 
ploon. Celui-ci  est  quelquefois  absolument  normal  ;  d'autres  fois  il  est  plus  ou 
moins  enflammé,  rougeâtre,  tuméfié  et  infiltré  de  sang  et  de  produits  plastiques. 
Dans  certains  cas  d'intérocèle  pure,  oii  le  liquide  est  particulièrement  abon- 
dant, on  peut  être  véritablement  surpris  par  la  petitesse  de  l'anse  hei-niée,  par 
rapport  au  volume  du  sac  rempli  de  liquide. 

Troisième  temps.  Recherche  de  l'agent  d'étranglement  et  débridemenl.  Le 
sac  incisé  et  les  organes  qu'il  renferme  reconnus,  le  chirurgien  doit  rechercher 
quel  est  l'agent  d'étranglement.  Il  siège,  nous  le  savons,  dans  l'immense  majo- 
rité des  cas,  au  niveau  du  collet. 

Une  fois  le  sac  ouvert,  le  chirurgien  saisit  les  deux  lèvres  de  l'incision  avec 
des  pinces  à  forcipressure  qu'il  confie  à  deux  aides,  et  leur  fait  exercer  une 
traction  assez  forte  pour  tendre  le  sac,  essayer  d'attirer,  le  plus  possible, 
l'obstacle  à  l'extérieur,  afin  de  le  rendre  plus  perceptible,  et  aussi  pour  empêcher 
qu'il  soit  refoulé  vers  l'abdomen  à  la  simple  pression.  On  introduit  alors  le  doigt 
dans  le  sac,  en  refoulant  l'intestin  et  en  glissant  entre  celui-ci  et  la  paroi  interne 
du  sac,  jusqu'à  ce  qu'il  soit  arrêté  par  un  obstacle  rigide  fibreux  qui  se  présente 
sous  la  forme  d'un  anneau  enserrant  les  viscères. 

On  désigne  sous  le  nom  de  débridement  l'opération  qui  a  pour  but  d'inciser 
cet  obstacle,  en  introduisant  un  instrument  tranchant  entre  son  contour  et  les 
parties  qui  forment  le  pédicule  herniaire. 


860 


HERNIES. 


La  constriction  exercée  par  l'agent  d'étranglement  est  quelquefois  si  étroite 
et  si  serrée,  que  l'introduction  d'une  lame  de  bistouri  devient  très-difficile  et 
risque  d'être  fort  dangereuse.  Aussi,  pour  agir  avec  sécurité,  on  a  inventé  une 
série  d'instruments  destinés  à  éviter  les  lésions  intestinales,  tout  en  facilitant  la 
section  de  l'anneau  constricteur. 

On  a  essayé  souvent  d'introduire  sous  cet  anneau  une  sonde  cannelée  ordi- 
naire :  mais  cet  instrument  est  fort  étroit  ;  la  paroi  intestinale,  déprimée  au 
niveau  de  son  passage,  se  relève  par-dessus  chacun  de  ses  bords  et  risque  de  se 
présenter  au  bistouri.  Aussi  certains  chirurgiens  ont-ils  modifié  de  plusieurs 
manières  cet  instrument,  pour  éviter  cet  inconvénient  :  de  là  la  sonde  ailée  de 
Méry,  la  sonde  en  bateau  de  Huguier,  beaucoup  plus  large  et  plus  profonde  que 
celle  de  nos  trousses,  la  spatule  de  Vidal,  creusée  dans  sa  partie  évasée  d'une 
rainure  médiane.  Tous  ces  instruments  sont  peu  à  peu  tombés  en  désuétude, 
car  ils  sont  presque  tous  trop  volumineux  pour  être  utiles,  quand  l'étrangle- 
ment est  très-serré  et  que,  de  plus,  on  n'est  pas  toujours  sûr  de  leur  action. 
On  peut  craindre,  avec  Gosselin,  que  la  sonde  ne  pénètre  pas  assez  profondé- 
ment ou  qu'elle  aille  trop  loin.  «  Si  elle  ne  va  pas  assez  profondément,  dit-il, 
elle  ne  protège  pas  l'intestin;  si  elle  va  trop  loin,  elle  peut  l'accrocher,  le 
tirailler  du  côté  du  ventre,  augmenter  ainsi  une  perforation  commencée,  favo- 
riser un  épanchement  de  matières   intestinales  dans  le  péritoine.   »  Presque 

toujours,  au  contraire,  le  doigt,  introduit  avec  les  pré- 
cautions que  nous  indiquerons  plus  loin,  suffit  comme 
conducteur. 

L'instrument  tranchant  employé  pour  le  débridement 
a,  lui  aussi,  été  le  sujet  de  modifications  nombreuses. 
La  plupart  de  ces  couteaux  spéciaux  ne  sont  plus  usités 
de  nos  jours,  et  nous  ne  citerons  que  pour  mémoire  : 
le  bistouri  de  J.-L.  Petit  à  tranchant  usé  à  la  lime; 
les  bistouris  à  lame  cachée  de  Bienaise,  de  Blandin, 
de  Cljaumas,  celui  de  Thompson,  etc.  Pott  avait  inventé 
un  bistouri  courbe,  coupant  par  sa  concavité.  A.  Cooper 
modifia  l'instrument  de  Pott  en  réduisant  le  tranchant 


Fig,  a. 


Fis.  13. 


à  2  centimètres.  Cette  partie  tranchante  ne  commence  qu'à  5  millimètres 
environ  de  l'extrémité  de  la  lame;  celle-ci  est  mousse,  arrondie  et  aplatie 
sur  ses  faces  (fig.  14).  Bien  que  cet  instrument  soit  très-généralement  employé, 
cependant  quelques  chirurgiens  se  servent  du  bistouri  boutonné  ordinaire;  la 
lame  qui  convient  le  mieux,  d'après  Le  Dentu,  doit  être  courte  et  étroite.  Enfin, 
on  peut  aussi  se  servir  d'un  ténotome  mousse,  dont  la  lame  petite  et  mince 
glisse  facilement  sous  le  collet. 


HERMES.  861 

Pour  pratiquer  le  débridement,  on  porte  l'index  gauche  au  niveau  de  l'obstacle, 
le  plus  haut  possible  ;  on  refoule  l'anse  intestinale  avec  la  pulpe  du  doigt,  en 
cherchant  à  engager  l'ongle  sous  l'anneau.  Après  quelques  efforts  et  un  peu  de 
patience,  il  est  rare  que  l'on  n'y  parvienne  pas,  et  dans  cette  manœuvre  l'in- 
testin se  trouve  suffisamment  protégé  pour  que  l'on  puisse  agir  avec  sécurité. 
On  insinue  ensuite  sur  le  doigt  et  avec  la  plus  grande  précaution  la  lame  du 
bistouri,  conduite  à  plat.  On  la  fait  pénétrer  peu  à  peu  et,  dès  que  la  portion 
coupante  se  trouve  au  niveau  de  l'anneau  constricteur,  on  retourne  la  lame 
de  façon  à  présenter  le  tranchant  à  l'extérieur,  et  on  sectionne  l'obstacle  à 
l'aide  de  petits  mouvements  de  va-et-vient  (fig.  15).  Dans  certains  cas,  surtout 
si  l'étranglement  est  très-serré,  une  simple  pression  de  la  lame  contre  l'anneau 
suffit  à  opérer  le  débridement,  et  l'on  est  certain  de  son  action  par  la  percep- 
tion d'un  craquement  fibreux  caractéristique. 

Nous  n'insisterons  pas  ici  pour  savoir  au  juste  sur  quel  point  doit  porter  le 
couteau  pour  éviter  la  blessure  des  troncs  vasculaires  importants  voisins  des 
anneaux  fibreux.  Autrefois,  en  effet,  les  chirurgiens  n'hésitaient  pas  à  pratiquer 
des  incisions  de  1  ou  2  centimètres,  et  il  était  absolument  nécessaire  d'agir 
sur  certains  points  déterminés  où  la  blessure  des  vaisseaux  n'était  pas  à  redouter. 
Aujourd'hui  que  les  débridements  sont  beaucoup  plus  limités,  ces  accidents 
sont  moins  à  craindre,  mais  nous  ne  discuterons  pas  ici  cette  question  des  lieux 
d'élection,  variables  pour  chaque  orifice;  c'est  un  point  de  pratique  qui  se 
trouvera  mieux  à  sa  place  à  l'histoire  de  chaque  hernie  en  particulier. 

D'une  façon  générale,  nous  dirons  seulement  que  tous  les  chirurgiens  de 
notre  époque  sont  d'accord  pour  proscrire  les  grands  débridements.  Une  inci- 
sion de  quelques  millimètres  (4  ou  5)  est  toujours  suffisante  et  permet  presque 
toujours  d'introduire  le  doigt  à  travers  l'anneau.  Si  cette  profondeur  ne  suffi- 
sait pas,  on  pourrait,  à  la  rigueur,  repasser  la  lame  du  bistouri,  toujours  avec 
les  mêmes  précautions,  et  l'approfondir  légèrement.  Cependant,  à  notre  avis,  i'i 
est  préférable  d'avoir  recours  à  la  méthode  des  débridements  multiples,  préco- 
nisée par  Vidal  de  Cassis.  «  Elle  se  fonde  sur  ce  fait,  dit  S.  Duplay,  que  plusieurs 
petites  incisions  risquent  moins  d'aller  blesser  les  vaisseaux  importants  situés 
au  voisinage  du  pédicule  de  la  hernie  qu'un  seul  débridement  lorsqu'on  lui 
donne  certaine  étendue  ».  Elle  consiste,  comme  son  nom  l'indique,  à  faire  deux 
ou  trois  petites  incisions  sur  le  pourtour  de  l'anneau,  au  lieu  de  se  borner  à 
une  seule,  et  on  peut  alors  les  faire  très-peu  profondes.  Enfin  on  pourra  très- 
avantageusement  imiter  la  pratique  du  professeur  Le  Fort,  qui,  après  avoir  fait 
une  toute  petite  incision  unique,  introduit  sous  l'anneau  un  instrument 
mousse,  spatule,  ciseaux  courbes  fermés,  etc.,  et,  en  exerçant  sur  son  pourtour 
une  traction  plus  ou  moins  énergique,  élargit  l'anneau  par  déchirure  ou  par 
éraillement.  11  obtient  ainsi  une  dilatation  beaucoup  plus  considérable  et  suffi- 
sante dans  la  plupart  des  cas. 

Quatrième  temps.  Examen  de  l'intestin.  Réduction.  Une  fois  l'étrangle- 
ment levé,  il  reste,  pour  terminer  l'opération,  à  réduire  l'intestin.  Mais,  avant 
de  le  faire  rentrer,  il  faut  examiner  avec  soin  s'il  est  sain,  s'il  ne  présente 
aucune  lésion  grave,  afin  de  ne  pas  causer,  par  la  réduction  d'une  anse  trop 
compromise,  une  péritonite  par  épanchement. 

La  plupart  des  chirurgiens  sont  d'avis,  pour  explorer  en  détail  l'intestin, 
d'attirer  légèrement  au  dehors  l'anse  herniée,  afin  de  mettre  sous  les  yeux  le 
sillon  d'étranglement  et  de  voir  s'il  n'y  a  pas  à  ce  niveau  de  lésions  plus  avan- 


«62  HERNIES. 

<;ées  que  sur  le  corps  même  de  l'anse.  Certains  auteurs  ont  déconseillé  cette 
manœuvre,  craignant  que  les  tractions  n'aient  pour  résultat  d'agrandir  une  per- 
foration très-petite  ou  même  d'en  produire  une.  11  est  certain  que  ces  tractions 
doivent  être  faites  très-doucement,  aveclcs  plus  grands  ménagements  et  seule- 
ment après  le  débridement,  et  non  pas  avant,  comme  quelques  chirurgiens  les 
ont  pratiquées.  Mais,  dans  ces  conditions,  c'est  une  excellente  précaution  que 
nous  ne  saurions  trop  recommander.  Il  vaut  mieux  risquer  d'agrandir  une  petite 
perforation  déjà  existante  que  de  la  méconnaître,  et  de  réduire  un  intestin  per- 
foré qui  certainement  occasionnerait  immédiatement  une  péritonite.  Il  faut  donc 
examiner  avec  soin  le  contour  de  la  portion  serrée,  sa  coloration,  sa  consistance 
et  son  odeur. 

Quant  à  l'anse  elle-même,  elle  doit  être  lisse,  tendue,  rouge  plus  ou  moins 
foncé,  d'une  consistance  égale  sur  tous  points,  et  présenter  une  colorification 
normale.  Nous  avons  déjà  indiqué,  en  étudiant  l'étranglement,  les  caractères 
qui  montrent  que  l'intestin  est  le  siège  des  lésions  graves.  Ce  n'est  pas  seule- 
ment l'existence  de  la  gangrène  confirmée  et  les  jierforations  grandes  ou  petites 
qui  suffisent  à  contre-indiqner  la  réduction  de  l'anse  herniée.  «  Non-seulement, 
en  effet,  dit  S.  Duplay,  l'existence  d'une  perforation  avec  présence  de  gaz  et  de 
matière  intestinale  dans  la  cavité  du  sac  lierniaire,  non-seulement  l'afUtissement, 
la  coloration  livide  de  l'intestin,  contre-indiquent  absolument  les  réductions, 
mais  encore  les  taches  rougeâtres  ou  grises,  qui  révèlent  une  infiltration  plas- 
tique ou  purulente  de  la  paroi  intestinale ,  et  même  l'existence  de  phlyctènes 
remplies  de  sérosité  sanguinolente  ou  la  présence  de  perforations  en  apparence 
superficielles,  sont  des  raisons  suffisantes  pour  différer  la  réduction  et  pour 
recourir  à  une  pratique  que  nous  aurons  à  discuter  tout  à  l'heure.  »  La  colora- 
tion foncée  et  noire  de  l'anse  intestinale  ne  doit  pas  empêcher  de  la  réduire,  si 
elle  est  tendue,  lisse,  chaude,  et  surtout  si,  à  l'aide  de  lavages  à  l'eau  chaude, 
on  produit  sur  ces  parties  foncées  des  mouvements  péristaltiques. 

Lorsque  le  chirurgien  se  sera  assuré,  par  un  examen  approfondi,  que  l'intestin 
est  assez  sain  pour  être  réduit  sans  danger,  il  devra,  avant  de  procéder  à  la 
réduction,  faire  minutieusement  la  toilette  de  l'anse  herniée.  Celle-ci,  débarrassée 
du  sang  qui  peut  la  souiller,  sera  lavée,  ainsi  que  le  sac,  avec  une  solution 
antiseptique  chaude  (acide  phénique  au  1/20,  sublimé  au  2/1000,  acide  bori- 
que, etc.).  Puis  le  chirurgien  devra  se  nettoyer  soigneusement  les  mains  avec  la 
même  solution,  avant  de  refouler  l'intestin  dans  l'abdomen,  afin  de  ne  pas  le 
salir  de  nouveau. 

Pour  opérer  la  réduction,  on  fait  relâcher  légèrement  les  parois  de  l'abdomen, 
puis  on  saisit  l'anse  herniée,  on  la  comprime  doucement,  afin  de  réduire  d'abord 
son  contenu,  gaz  et  liquides,  puis  on  la  fait  rentrer  en  commençant  indistincte- 
ment par  le  bout  supérieur  ou  l'inférieur.  Il  faut  avoir  soin  de  refouler  douce- 
ment, et  peu  à  peu,  les  parties  les  plus  voisines  de  l'anneau  les  premières.  Si 
l'on  se  trouve  en  présence  d'une  anse  volumineuse,  la  réduction  devra  se  faire 
avec  les  deux  mains,  en  plusieurs  fois,  en  maintenant  à  chaque  reprise  le 
refoulement  obtenu  avec  les  doigts  de  la  main  gauche.  Ordinairement,  quel  que 
soit  le  volume  de  l'anse  herniée,  le  début  de  la  rentrée  s'effectue  très-lentement, 
avec  une  certaine  difficulté,  car  la  pénétration  d'une  portion  d'intestin  provoque 
souvent  la  sortie  d'une  portion  voisine,  puis,  à  mesure  que  la  réduction  s'avance, 
elle  devient  plus  aisée,  plus  rapide,  et,  à  un  certain  moment,  l'intestin,  qui 
jusque-là  avait  résisté  aux  pressions,  s'échappe  brusquement,  file  sous  les  doigts. 


IIERxNlES.  865 

est  pour  ainsi  dire  avalé  par  l'orifice,  comme  s'il  était  attiré  dans  l'abdomen  par 
quelque  force  cachée. 

Quand  cette  réduction  a  été  facile  et  que  l'intestin  a  cédé  à  de  légers  efforts, 
rapidement  et  presque  spontanément,  le  chirurgien  peut  être  certain  que  la 
rentrée  de  l'intestin  est  complète  et  il  n'a  plus  qu'à  terminer  l'opération.  Si,  au 
contraire,  le  l'etour  de  l'anse  dans  l'abdomen  a  été  laborieux  et  lent  jusqu'à  la 
fin,  comme  l'intestin  peut  être  pincé  par  un  orifice  profond,  ou  réduit  dans  un 
second  sac,  comme  dans  les  cas  de  hernies  propéritonéales,  par  exemple,  il  sera 
prudent  d'introduire  un  doigt,  préalablement  lavé  de  nouveau  dans  une  solution 
antiseptique,  dans  l'intérieur  du  trajet  herniaire,  pour  s'assurer  que  l'intestin 
€st  bien  réellement  rentré  dans  la  cavité  abdominale.  11  suffira,  pour  en  être 
convaincu,  que  le  doigt  explorateur  trouve  le  trajet  herniaire  libre  dans  toute 
son  étendue. 

Nous  avons  supposé  jusqu'à  présent  que  nous  n'avions  trouvé  dans  le  sac  que 
de  l'intestin  :  cependant,  dans  le  plus  grand  nombre  de  cas,  le  chirurgien  ren- 
contrera eu  outre  une  masse  épiploïque  plus  ou  moins  volumineuse.  Si  Vépi- 
ploon  est  en  proportion  très-minime  et  absolument  sain,  on  pourra  le  réduire 
eu  même  temps  que  l'intestin.  Mais,  dans  tous  les  autres  cas,  tous  les  chirur- 
giens sont  aujourd'hui  d'accord  pour  ne  point  le  réduire.  En  effet,  Malgaigne 
a  démontré  que,  lorsque  cet  épiploon  est  altéré,  et  même  dans  certains  cas 
où  il  était  absolument  sain,  sa  réduction  présentait  des  dangers  nombreux,  au 
premier  rang  desquels  il  faut  placer  la  production  d'une  péritonite.  Ces  faits 
sont  aujourd'hui  admis  par  tout  le  monde. 

Mais,  si  l'épiploon  ne  doit  pas  être  réduit,  que  faut-il  en  faire? 

Il  y  a  quelques  années  encore,  ce  traitement  de  l'épiploon  dans  la  kélotomie 
était  des  plus  controversés.  Pour  beaucoup  de  chirurgiens,  il  convenait  pure- 
ment et  simplement  de  le  laisser  au  dehors  sans  s'en  inquiéter.  Alors,  tantôt  on 
le  voyait  se  flétrir,  se  dessécher  et  se  détacher  complètement,  ou  bien  il  s'en- 
flammait, bourgeonnait,  suppurait,  puis  arrivait  peu  à  peu  à  se  rétracter  et  à  se 
réduire  de  plus  en  plus.  Ce  traitement  ne  s'appliquait,  du  reste,  que  lorsque  la 
portion  d'épiploon  était  peu  volumineuse.  Mais,  sitôt  que  la  portion  herniée 
était  plus  considérable  et  plus  susceptible  de  retarder  notablement  la  guérison 
ou  de  causer  des  accidents  inflammatoires,  on  se  décidait  à  la  supprimer.  Ici 
plusieurs  procédés  étaient  en  présence.  Tantôt  on  en  faisait  la  ligature  en  masse 
sur  place,  procédé  ancien  attaqué  avec  force  par  Louis  et  Pipelet  à  l'Académie 
de  chirurgie,  et  qui  cependant  aurait  donné  à  Velpeau  un  certain  nombre  de 
succès;  tantôt  on  le  détruisait  par  des  caustiques,  et  cette  cautérisation  a  été 
surtout  préconisée  par  les  chirurgiens  lyonnais.  Bonnet  et  Philippeaux  recou- 
vraient avec  de  la  pâte  de  Canquoin  toute  la  surface  de  l'épiploon  hernie,  tan- 
dis que  Valette  et  Desgranges  saisissaient  le  pédicule  épiploïque  avec  leur  pince 
caustique  dont  la  branche  femelle  était  chargée  de  chlorure  de  zinc.  D'autres 
encore  détruisaient  l'épiploon  avec  le  cautère  actuel,  ou  le  sectionnaient  à  l'aide 
de  l'écraseur  linéaire.  Enfin  quelques  chirurgiens  en  pratiquaient  l'excision, 
soit  sans  ligature  préalable,  en  liant  isolément  chacune  des  artères  qui  pou- 
vaient être  coupées  pendant  la  section,  soit  en  faisant  au-dessus  du  point  où  le 
pédicule  devait  être  tranché  une  ou  plusieurs  ligatures  en  masse. 

C'est  cette  pratique  qui  seule  doit  survivre,  depuis  que  les  opérations  doivent 
être  laites  en  suivant  les  préceptes  de  la  méthode  antiseptique.  11  faut  toujours 
réséquer  l'épiploon,  après  avoir,  suivant  le  volume  du  pédicule  de  la  portion 


864  HERNIES. 

herniéc,  fait  une  ou  plusieurs  ligatures  énergiquement  serrées  avec  un  catgut 
fort.  Puis  on  sectionne  l'épiploon  au-dessus  des  ligatures  et  on  réduit  le  pédicule, 
afin  de  pouvoir  fermer  complètement  la  plaie  après  l'opération.  C'est  la  pra- 
tique universellement  adoptée  aujourd'hui,  quel  que  soit  l'état  de  cet  épiploon, 
qu'il  soit  sain  ou  enflammé,  et  les  résultats  obtenus  par  cette  méthode  sont  de 
beaucoup  supérieurs  aux  anciens. 

Enfin,  une  fois  que  l'intestin  et  le  pédicule  épiploïque  ont  été  réduits,  on 
voit  quslquef ois  s'écouler  de  la  cavité  péritonéale  une  notable  quantité  de  liquide. 
S'il  est  clair,  transparent,  séreux,  c'est  un  signe  qui  peut  être  considéré  comme 
favorable  à  la  guérison  ;  en  tous  cas,  il  n'en  résulte  jamais  aucun  inconvénient. 
Arrivée  à  ce  point,  c'est-à-dire  l'étranglement  levé  et  la  hernie  réduite,  l'opé- 
ration peut  être  considérée  comme  terminée,  au  moins  dans  ses  parties  essen- 
tielles. Cependant  une  question  se  pose  actuellement,  celle  de  savoir  s'il  n'est 
pas  indiqué  de  finir  la  kélotomie  en  pratiquant  la  cure  radicale. 

CiiNQUiÈME  TEMPS.  De  la  cure  radicale  après  la  kélotomie.  Ce  n'est  pas 
uniquement  de  nos  jours  que  les  chirurgiens  ont  pensé  à  profiter  de  la  kélo- 
tomie pour  tenter  la  cuve  radicale.  Ainsi,  Ambroise  Paré,  qui  faisait  cette  opé- 
ration à  la  suite  de  Franco,  rétrécissait  le  sac  et  le  collet  au  moyen  de  la  suture 
royale.  Tlievenin,  le  siècle  suivant,  imitait  cette  conduite  et  pratiquait  sur  les 
deux  lèvres  du  sac  une  suture  en  surjet,  afin  que  la  voie  fût  rétrécie  d'autant. 

Au  dix-huitième  siècle,  au  dire  de  Segond,  les  essais  de  cure  radicale  furent 
multiples.  J.-L.  Petit  et  Garengeot  réduisaient  le  sac  ou  le  pelotonnaient  à 
l'ouverture  du  canal  inguinal;  Gauthier  et  Maget  cautérisaient  l'anneau  et  le 
collet  pour  en  amener  l'oblitération  ;  Lacharrière  et  Mauchart  poursuivaient  le 
même  but,  à  l'aide  de  scarification  de  l'anneau.  Leblanc,  en  1765,  préconise  la 
dilatation  de  l'orifice  herniaire,  à  l'aide  de  son  dilatatoire;  Freytng  et  Schniiicker 
ont  proposé  la  dissection  du  sac  herniaire,  son  extirpation  et  la  ligature  du 
collet.  J.-L.  Petit  a  combattu  cette  opération,  sous  prétexte  que  la  ligature  du 
collet  est  une  cause  fréquente  de  péritonite,  et  Richter  regarde  la  dissection  du  sac 
comme  une  manœvre  difficile  et  périlleuse.  Avec  le  dix-neuvième  siècle  naît  une 
période  de  réaction  contre  ces  tentatives,  Boyer  et  A.  Cooper  repoussent  toutes 
les  manœuvres  dirigées  contre  le  sac  et  contre  l'anneau  ;  ils  craignent  qu'elles 
ne  produisent  plutôt  la  récidive  que  la  guérison.  Aussi,  jusqu'à  ces  dernières 
années,  la  cure  radicale  après  la  kélotomie  était  complètement  délaissée,  on 
pansait  la  hernie  à  plat;  quelques-uns  seulement  cherchaient  la  réunion  immé- 
diate tout  en  assurant  par  le  drainage  l'écoulement  facile  des  liquides.  Mais, 
depuis  que,  grâce  à  l'antisepsie,  la  cure  radicale  est  revenue  en  faveur,  les 
chirurgiens  ont  essayé  en  grand  nombre,  surtout  à  l'étranger,  de  la  pratiquer 
après  la  kélotomie.  Cependant  cette  méthode  ne  s'est  pas,  tout  d'abord,  géné- 
ralisée. Ainsi  Segond,  dans  sa  thèse,  en  1885,  n'est  pas  partisan  sans  réserves 
de  cette  terminaison  de  l'opération  ;  après  avoir  publié  les  résultats  obtenus 
jusqu'à  lui  par  ces  méthodes  nouvelles,  dans  les  hernies  inguinales,  crurales  et 
ombilicales,  il  conclut  ainsi  :  «  Rationnelles  dans  l'opération  de  la  hernie  cru-, 
raie,  nettement  indiquées  dans  celles  de  la  hernie  ombilicale,  elles  ne  doivent 
pas  être  risquées  lorsqu'on  opère  une  hernie  inguinale.  » 

Chatard,  dans  sa  thèse,  est  beaucoup  plus  net  en  faveur  de  la  cure  radicale. 
Après  avoir  examiné  et  analysé  les  résultats  fournis  par  Segond,  il  arrive  à  des 
conclusions  très-affirmatives.  «  L'impression  qui  nous  est  restée,  dit-il,  de  la 
lecture  des  auteurs,  est  que  l'opération  de  la  cure  radicale  après  la  kélotomie 


HERNIES.  865 

doit  toujours  être  tentée.  »  Il  n'y  a  pas  là,  pour  lui,  de  complications  delà  kélo- 
tomie,  et  il  croit  seulement  qu'il  faut  s'abstenir  de  toute  tentative  en  ce  sens 
chez  les  malades  atteints  de  coUapsus.  D'ailleurs,  son  opinion  s'appuie  sur 
45  observations  qui  se  de'coraposent  comme  suit  :  la  cure  radicale  après  la  kélo- 
tomie  a  été  faite  dans  vingt-six  hernies  inguinales,  les  malades  ont  tous  guéri  ; 
dans  12  hernies  crurales  avec  5  décès  ;  dans  5  ombilicales  avec  1  seul  cas  de 
mort;  et  encore  la  terminaison  fatale  n'a  jamais  été  due  aux  tentatives  de  cure 
radicale. 

Lucas  Ghampionnière  s'en  déclare  hautement  le  partisan  {Cure  radicale  des 
hernies,  1887).  a  II  y  a  longtemps,  dit-il,  que  systématiquement  j'ai  fait  la 
cure  radicale  dans  tous  les  cas  de  hernie  étranglée.  »  Il  n'en  excepte  guère 
que  les  cas  oîi  la  dépression  résultant  de  la  maladie  ou  de  l'âge  sont  tels  que 
les  malade?  paraissent  hors  d'état  de  supporter  cette  manœuvre,  qui  allonge  e 
complique  l'opération. 

C'est  là,  croyons-nous,  à  peu  près  exactement  la  ligne  de  conduite  qui  doit 
être  adoptée,  car,  ainsi  que  le  dit  Lucas  Ghampionnière,  il  n'a  pas  vu  d'accidents 
imputables  à  cette  cure  radicale,  et,  dans  bien  des  cas,  il  a  constaté  des  résul- 
tats favorables.  Quant  à  nous,  nous  n'avons  jamais  hésité,  depuis  plusieurs  années, 
toutes  les  fois  que  nous  avons  pratiqué  la  kélotomie,  à  essayer  la  dissection 
complète  du  sac,  et  sa  résection  après  ligature  du  collet,  et  nous  n'avons 
jamais  constaté  d'accidents  dus  à  cette  pratique. 

Nous  ne  reviendrons  pas  ici  sur  les  procédés  opératoires  que  nous  avons  assez 
longuement  exposés  précédemment.  Nous  devons  simplement  indiquer  que,  dans 
certains  cas  de  débridement  multiple,  on  peut,  suivant  Ghampionnière,  être 
exposé  à  faire  incomplètement  l'extirpation  du  sac  séreux  sectionné  au  niveau 
du  collet.  «  La  paroi  du  sac,  ajoute-t-il,  est  plus  friable  que  dans  les  opéra- 
tions faites  sans  étranglement,  il  faut  donc  redoubler  de  surveillance  pour  n'en 
point  laisser  échapper  les  débris.  Le  fait  de  la  congestion  périherniaire  rend 
aussi  la  chose  un  peu  plus  difficile,  les  vaisseaux  sont  très-saignants,  et,  tandis 
que  la  kélotomie  simple  se  fait  souvent  à  blanc,  la  ké.'otomie  avec  cure  radicale 
nécessite  souvent  l'application  de  pinces  hémostatiques.  » 

Nous  pensons  donc  qu'il  faut  conseiller  d'une  façon  générale  la  cure  radicale, 
comme  terminaison  de  la  kélotomie,  mais  il  ne  nous  paraît  pas  utile  d'insister 
ici  sur  les  résultats  de  ces  tentatives,  au  point  de  vue  des  récidives,  car  leurs 
différences,  suivant  qu'il  s'agit  de  telle  ou  telle  variété  de  hernie,  nous  font 
penser  que  la  discussion  de  ce  point  particulier  sera  mieux  placée  aux  articles 
traitant  de  chaque  variété  (voy.  Hernie  inguinale,  crurale,  etc.). 

Il  ne  restera  plus  maintenant,  pour  terminer  l'opération,  qu'à  panser  la  plaie 
ainsi  produite.  Lue  fois  donc  les  manœuvres  que  nous  venons  de  décrire  termi- 
nées, la  plaie  sera  soigneusement  lavée  avec  une  solution  antiseptique,  l'hémo- 
stase faite  aussi  parfaitement  que  possible,  puis,  après  avoir  placé  dans  sa  partie 
profonde  un  drain  destiné  à  assurer  l'écoulement  des  liquides,  les  lèvres  de  la 
plaie  seront  suturées  dans  toute  leur  étendue,  sauf  au  niveau  du  passage  du  drain. 

Gela  fait,  on  appliquera  sur  la  plaie  et  sur  toute  la  région  opératoire  un  pan- 
sement antiseptique  fait  suivant  les  règles.  Nous  insistons  particulièrement  sur 
la  minutie  des  précautions  antiseptiques  et  sur  l'étendue  du  pansement,  parce 
que  ces  deux  conditions  facilitent  la  réunion  par  première  intention  qui  doit 
être  recherchée  et  qui  sera  doublement  avantageuse.  En  premier  lieu,  elle 
soustrait  plus  rapidement  le  malade  aux  compHcations  possibles  de  l'opération, 

DICT.  ESC.   4'  s.  XIII.  55 


866  HERNIES. 

et  ensuite  la  cicatrice  ainsi  obtenue  est  plus  solide  et  diminue  les  chances 
de  la  récidive.  Ce  pansement  est  maintenu  en  place  par  un  bandage,  variable 
suivant  la  région,  et  dans  l'aine  de  préférence  un  spica,  mais  qui  sera,  quel 
qu'il  soit,  toujours  légèrement  compressif.  Il  sera  i)référable  aussi,  s'iL  n'y  a 
aucune  indication  contraire,  de  faire  des  pansements  rares. 

Nous  avons  jusqu'à  présent  décrit  la  kélotomie  comme  elle  se  jtrésente  dans 
les  cas  simples  ;  c'est  en  quelque  sorte  un  type  que  nous  avons  cherché  à  étabhr, 
mais  il  n'en  est  pas  toujours  ainsi,  et  on  peut,  à  chaque  temps  de  l'opération,, 
voir  surgir  des  difficultés  spéciales  qu'il  nous  reste  maintenant  à  examiner. 

Difficultés  inhérentes  à  l'opération  de  la  hernie  étranglée.  Le  premier 
temps  de  l'oijération  peut  présenter  plusieurs  points  délicats. 

1"  En  incisant  les  couches  sous-cutanées,  le  chirurgien  peut  arriver  sur  une 
masse  de  tissu  graisseux  lobule,  un  véritable  lipome  herniaire.  On  peut,  dans 
certains  cas,  croire  que  l'on  est  en  face  d'une  hernie  épiploïque  et  se  figurer 
que  l'on  a  incisé  le  sac  sans  l'avoir  reconnu.  Ou  évitera  cette  erreur,  si  l'on  se 
souvient  que  l'on  n'a  incisé  aucun  ftuillet  membraneux  qui  ait  les  caractères 
du  sac  herniaire,  et  qu'à  aucun  moment  de  l'opération  on  n'a  constaté  un  écou- 
lement de  liquide  comparable  à  celui  qui  sort  ordinairement  de  ce  sac.  Si  les 
doutes  periistent,  on  explore  avec  soin  le  li|iome  que  l'on  a  sous  les  yeux;  il 
diffère  le  plus  souvent  de  l'épiploon  par  sa  forme,  sa  consistance  moins  ferme, 
son  peu  de  vascularité  et  son  adhérence  plus  intime  à  tous  les  tissus  qui  l'en- 
tourent. Enfin,  dans  les  cas  douteux,  on  r2marquera,  dit  S.  Duplay,  que  la 
tumeur  n'a  rien  perdu  de  sa  résistance  et  qu'elle  est  encore  fluctuante,  si  elle 
l'était  auparavant.  Tous  les  doutes  levés,  on  prendra  soin  d'inciser  celte  masse 
graisseuse  couche  par  couche  et  avec  beaucoup  de  précautions,  car  le  plus  sou- 
vent, après  l'avoir  traversée,  on  tombera  immédiatement  sur  le  sac. 

2"  D'autres  fois,  en  incisant  les  couches  lamclleuses  qui  séparent  les  téguments 
de  la  tumeur  herniaire  proprement  dite,  le  bistouri  pénètre  dans  une  cavité  d'où 
s'écoule  une  certaine  quantité  de  liquide  et  que  le  chirurgien  pourrait  prendre 
pour  le  sac.  Ce  sont  les  cavités  kystiques  (hygromas,  kystes  sacculaires,  kystes 
du  cordon,  etc.),  que  l'on  Irouv»  souvent  au  devant  des  hernies.  11  sera  facile 
de  reconnaître  que  l'on  avait  bien  affaire  à  une  de  ces  cavités  closes  aux  signes 
suivants  :  le  doigt  introduit  dans  cette  poche  constate  facilement  qu'elle  est 
fermée  de  tous  côtés  et  qu'elle  se  termine  en  cul-de-sac,  aussi  bien  du  côté  de 
l'anneau  herniaire  que  dans  d'autres  directions  ;  de  plus,  le  liquide  qui  s'en 
écoule  est  ordinairement  ambré,  citrin,  rarement  sanguinolent;  sa  cavité  est  lu 
plus  souvent  aplatie  ;  enfin,  signe  indiqué  par  S.  Duplay,  sa  paroi  profonde  est 
bombée,  résistante,  soulevée  par  une  tumeur  qui  est  le  sac  herniaire  distendu 
par  le  liquide  et  les  viscères  qu'il  renferme.  11  faudra  largement  inciser  cette 
poche  dans  toute  son  étendue  en  évitant  les  vaisseaux  qui  rampent  souvent  sur 
sa  face  profonde,  et  aller  très-doucement  au  delà,  car  le  sac  est  habituellement 
tout  à  fait  voisin. 

La  recherche  du  sac  herniaire,  ou  second  temps  de  l'opération,  peut  aussi 
offrir  un  certain  nombre  de  difficultés.  La  première  peut  résulter  de  son  absence  ; 
il  existe,  en  effet,  nous  l'avons  vu,  un  certain  nombre  de  cas  où  la  hernie  est 
partiellement  ou  complètement  dépourvue  du  sac.  On  a  coutume  de  citer  à  ce 
sujet  l'observation  célèbre  du  professeur  Richet,  dans  laquelle,  la  peau  à  peine 
incisée,  le  chirurgien  se  trouva  en  présence  du  cœcum  déjà  perforé  par  le  bistouri. 
C'est,  du  reste,  ordinairement  dans  les  hernies  de  cet  organe  et  dans  celles  de  la 


HERNIES.  867 

vessie,  que  l'on  est  le  plus  exposé  à  rencontrer  cette  absence  de  sac.  II  est,  pour 
iiinsi  dire,   impossible  de  prévoir  des  faits  aussi  insolites,  mais  leur  existence 
suffit  à  engager  le  chirurgien  à  ne  jamais  avancer  qu'avec  les  plus  grandes  pré- 
cautions, et  à  toujours  reconnaître  la  nature  des  parties  soumises  à  son  bistouri. 
Parfois  on  peut  arriver  jusque  dans  l'intérieur  de  la  cavité  du  sac  sans  s'en 
être  aperçu,   et  on  est  alors  exposé  à  blesser  l'intestin,  si  on  ne  cherche  pas 
à  reconnaître  très-exactement  les  tissus  a  mesure  qu'ils  se  présentent  sous  le 
bistouri.  Cette  erreur  ne  peut  se  rencontrer  que  dans  les  hernies  sèches,  dispo- 
sition si  rare  qu'on  peut  la  regarder  comme  exceptionnelle.  Dans  ces  cas,  presque 
toujours  l'épiploon  ou  l'intestin  sont  adhérents  à  la  face  interne  du  sac,  et  cette 
adhérence,  jilus  ou  moins  intime,  empêche  la  présence  du  liquide.  Si  c'est  l'épi - 
[iloon  qui  est  uni  au  sac,  on  le  reconnaîtra  ordinairement  à   ses  caractères 
propres,  et  souvent,   en  l'écartant,  on  fait  écouler  une  certaine  quantité  de 
sérosité.  Si  c'est,  au  contraire,  l'intestin  qui  adhère  au  sac,  souvent  ses  adhé- 
rences sont  récentes  et  molles  et  se  déchirent  facilement.  Si   elles  sont  plus 
anciennes,  il  faudra  plus  d'attention  encore  pour  reconnaître  la  démarcation 
qui  sépare  la  face  interne  du  sac  de  la  surface  de  l'intestin.  Celui-ci  sera  plus 
injecté  et  présentera  une  arborisation  vasculairc  plus  riche  que  celle  du  sac. 
Enfin,  dans  les  cas  de  doute,  une  incision  superficielle  y  détermine  une  hémor- 
rhagie  en  nappe,  tandis  que  l'incision  du  sac  sera  à  peu  près  complètement  sèche. 

D'ailleurs,  toutes  les  fois  que  l'on  a  des  doutes  sur  la  nature  de  l'organe  que 
l'on  a  sous  les  yeux,  on  peut  être  sîir  qu'il  ne  s'agit  pas  de  l'intestin,  ce  qui 
revient  à  dire  que  celui-ci  a  un  aspect  caractéristique. 

Le  débridement  ne  présente  que  des  difficultés  d'exécution  que  l'on  |)ourra 
éviter  avec  un  peu  d'attention  et  beaucoup  de  patience.  Elles  tiennent  le  plus 
souvent  au  siège  profond  de  l'agent  d'étranglement  et  à  son  étroitesse, 

La  réduction  peut  offrir  des  embarras  plus  sérieux,  surtout  à  cause  des 
lésions  dont  l'intestin  est  le  siège  et  qui  peuvent  arrêter  le  chirurgien.  Ce  sont 
tantôt  des  adhérences  de  l'intestin,  soit  avec  l'épiploon,  soit  avec  le  sac;  tantôt 
des  altérations  profondes  de  la  paroi  intestinale. 

A.  Des  adhérences.  Les  adhérences  de  l'intestin  sont  tantôt  récentes,  tantôt 
anciennes.  Les  premières,  molles  et  glutineuses,  se  laissent  facilement  déchirer 
et  détruire,  et  il  faut  avoir  bien  soin  de  libérer  complètement  tous  les  points  de 
l'anse  herniée,  afin  d'éviter  la  rentrée  d'une  anse  dont  les  bouts  supérieurs  et 
inférieurs  seraient  accollés  en  forme  d'U,  de  manière  à  constituer,  au  sommet  de 
la  courbe,  un  éperon  qui  établirait  un  obstacle  invincible  au  cours  des  matières. 

Dans  les  cas  d'adhérences  anciennes  et  serrées,  la  conduite  à  tenir  est  quel- 
quefois difficile  à  préciser,  et  doit  varier  suivant  les  cas  :  ces  adhérences  peuvent 
être  la  source  des  plus  grosses  difficultés  susceptibles  de  se  présenter  dans  la 
kélotomie.  D'ailleurs,  la  doctrine  a  varié  à  ce  sujet  suivant  les  époques. 

Scarpa,  qui  a  si  bien  étudié  les  adhérences,  conseillait  de  lever  l'étranglement 
et  d'abandonner  ensuite  l'intestin  au  dehors  sans  réduction.  Ârnauld,  J.-L.  Petit, 
Astley  Cooper,  Taunton,  se  bornèrent,  dans  des  cas  analogues,  à  suivre  la  même 
conduite.  Aélaton,  dans  son  livre,  donne  des  indications^  plus  complètes,  il 
insiste  sur  la  dissection  des  adhérences,  quand  elle  est  possible  et  facile.  Si  elles 
sont  solides,  il  regarde  cette  dissection  comme  dangereuse,  car  on  s'expose  à 
blesser  l'intestin.  11  se  range  alors  à  la  méthode  préconisée  par  Scarpa  :  lever 
l'étranglement  et  laisser  l'intestin  au  dehors.  En  1871,  le  professeur  Trélat 
présenta  à  la  Société  de  chirurgie    deux  observations  très-importantes  dans 


868  HERNIES. 

lesquelles  il  avait  pratiqué  une  dissection  minutieuse  des  adhérences  et  réduit 
l'anse  incarcérée  dans  l'abdomen.  Duplay  se  borne  à  rapporter  les  observa- 
tions de  Trélat,  en  insistant  sur  l'écoulement  sanguin  assez  considérable  qui 
accompagne  cette  dissection,  et  sur  les  dangers  d'un  épanchement  de  sang 
intra-périlonéal  après  la  réduction.  En  1880,  la  question  fut  de  nouveau  portée 
à  la  Société  de  chirurgie  par  Bourguet  (d'Aix),  et  cet  auteur  se  montra  disposé 
à  abandonner  aux  efforts  de  la  nature  les  anses  herniaires  maintenues  par  des 
adhérences  trôs-consistantes.  Le  professeur  Yerneuil  appuya  cette  pratique, 
tandis  que  M.  Terrier  se  montrait  partisan  de  la  dissection  suivie  de  réduction, 
comme  dans  les  cas  de  Trélat.  Celui-ci,  du  reste,  publia,  en  1882,  une  nouvelle 
observation,  et  sa  dissection  ayant  amené  une  déchirure  de  la  paroi  intestinale, 
il  fit  la  suture  de  cette  perforation  et  réduisit  l'anse  suturée.  Le  succès  couronna 
celte  tentative.  Barette  a  étudié  très-complctement,  en  1883,  dans  sa  thèse  déjà 
citée,  ce  point  de  pratique  :  il  a  pu  réunir  27  observations  de  hernies  avec 
adhérences  et  il  conclut  de  la  manière  suivante. 

Il  conseille  de  toujours  enlever  les  adhérences  molles,  gélatineuses,  et  de  net- 
toyer complètement  la  surface  intestinale  avant  de  réduire.  Si  les  adhérences 
constituent  des  brides  allongées,  minces  et  vasculaires,  il  ne  faudra  jamais 
réduire  l'intestin  sans  avoir  divisé  ces  longs  tractus  qui  l'attireraient  de  nouveau 
au  dehors,  s'ils  n'étaient  détruits.  On  les  coupe  entre  deux  ligatures  pour  éviter 
toute  hémorrhagie. 

Dans  les  cas  d'adhérences  plus  solides  et  plus  serrées,  il  faut  toujours  en 
pratiquer  la  dissection  minutieuse  et  réduire  l'anse  libérée,  à  moins  que  l'état 
général  du  malade  soit  trop  mauvais  pour  permettre  une  longue  opération. 
Dans  ce  cas,  on  se  bornera  à  lever  l'étranglement  et  à  laisser  l'intestin  au 
dehors,  quitte  à  remettre  îi  un  moment  ultérieur  et  plus  favorable  le  second 
temps  de  l'opération.  Si  la  dissection  des  adhérences  donne  lieu  à  un  écoulement 
sanguin  abondant,  il  faudra  l'arrêter  par  la  compression  douce  de  l'intestin  avec 
des  éponges  antiseptiques  sèches.  Lorsque  ce  moyen  ne  suffit  pas,  on  pourra, 
imitant  la  conduite  du  professeur  Trélat,  toucher  un  à  un  les  points  qui 
saignent,  avec  un  stylet  rougi  ou  bien  trempé  dans  une  solution  de  perchlo- 
rure  de  fer  à  50  degrés.  On  pourra  aussi  se  servir  utilement  du  thermo- 
cautère (Boifûn).  Si,  dans  la  dissection,  l'intestin  se  déchire,  Barette  conseille 
d'éviter  l'anus  contre  nature,  et  de  pratiquer  la  suture  de  la  paroi  perforée  par 
une  série  de  points  placés  d'après  la  méthode  de  Lembert.  Cependant,  quand  la 
déchirure  est  assez  étendue  pour  que  la  réparation  de  substance  fasse  craindre 
la  possibilité  d'un  rétrécissement  capable  de  gêner  la  circulation  des  matières 
intestinales,  il  n'hésite  point  à  préconiser  la  l'ésection  complète  de  la  partie 
malade  avec  entérorrhaphie  circulaire. 

Enfin,  dans  les  cas  de  hernies  en  paquet  où  les  anses  intestinales  sont  tellement 
enchevêtrées  et  serrées  que  la  dissociation  en  est  presque  impossible,  il  conseille 
encore  la  résection  intestinale  et  la  suture  circulaire.  C'est  aussi  à  cette  pra- 
tique qu'il  faudrait  avoir  recours  dans  les  cas  d'adhérences  en  U,  car  elle  con- 
stitue le  seul  moyen  de  détruire  l'éperon  qui  met  obstacle  au  cours  des  matières. 

Boiffin,  dans  sa  thèse  (1887)  dont  nous  avons  déjà  parlé,  adopte  à  peu  près 
complètement  la  ligne  de  conduite  tracée  ci-dessus.  Il  ne  s'en  écarte  que  sur 
certains  points  de  détail.  U  admet  la  création  de  l'anus  contre  nature  dans  les 
cas  complexes  où,  après  avoir  incisé  le  sac,  le  chirurgien  n'a  pu  découvrir 
sûrement  la  cause  de  l'occlusion  intestinale,  ou  bien  lorsqu'après  avoir  cru  lever 


HERNIES.  869 

l'obstacle  on  voit  les  accidents  persister.  11  le  repousse  dans  tous  les  autres 
cas  et  conclut,  comme  Baretle,  à  la  nécessité  de  la  resection  avec  suture  intes- 
tinale, dans  toutes  les  circonstances  où  celui-ci  l'avait  déjà  admise.  Nous  revien- 
drons sur  cette  opération  à  propos  des  hernies  gangrenées. 

Enfin,  lorsqu'on  se  trouvera  en  face  des  adhérences  par  glissement,  il  sera 
nécessaire,  si  le  repli  péritonéal  qui  la  forme  est  trop  court  pour  permettre  la 
réduction  directe,  de  décoller  complètement,  par  une  dissection  minutieuse, 
l'intestin  et  le  sac  des  parties  voisines  :  une  fois  cette  manœuvre  achevée  jusqu'à 
l'orifice  herniaire,  on  peut  rentrer  la  hernie  et  traiter  ce  qui  reste  du  sac  au 
dehors  comme  d'ordinaire. 

B.  Lésions  de  l'intestin.  Les  lésions  de  la  paroi  intestinale  i[ui  peuvent 
empêcher  le  chirurgien  de  pratiquer  la  réduction  immédiate  de  l'anse  sont  les 
suivantes  :  une  gangrène  plus  ou  moins  étendue  de  l'intestin  avec  ou  sans  per- 
foration; une  petite  perforation,  un  état  tel  des  tuniques  intestinales  que  l'on 
puisse  craindre  une  perforation  et  une  gangrène  ultérieures.  Dans  les  trois  cas, 
la  conduite  à  tenir  est  différente  : 

\°  Lorsque  le  chirurgien  se  trouve  en  présence  d'un  intestin  noirâtre,  encore 
tendu,  mais  qui  ne  paraît  pas  avoir  sa  résistance  et  son  élasticité  ordinaires, 
comment  reconnaître  si  l'on  n'est  pas  en  présence  d'un  sphacèle  au  début? 
Nous  avons,  en  étudiant  la  gangrène  dans  l'étranglement,  indiqué  les  moyens 
conseillés  pour  apprécier  le  degré  de  vitalité  de  l'anse  herniée,  et  nous  avons 
dit  que  nous  préférions  les  lavages  avec  un  liquide  antiseptique  très-chaud. 
Sous  leur  influence,  si  l'intestin  peut  être  rentré,  on  verra  se  produire  une  cer- 
taine décoloration  de  la  paroi  intestinale  et  quelques  mouvements  vermiculaires. 

La  même  hésitation  peut  aussi  se  produire  en  présence  de  certaines  lésions 
localisées,  telles  qu'une  érosion  superficielle,  la  présence  de  phlyctènes  remplies 
de  sérosité  sanguinolente,  l'existence,  surtout  au  niveau  du  collet,  de  plaques 
grisâtres  indiquant  une  infiltration  purulente  de  la  paroi.  Nous  avons  vu  que, 
dans  tous  ces  cas,  la  réduction  a  pu  être  quelquefois  suivie,  à  des  intervalles  plus 
ou  moins  éloignés,  d'une  perforation  et  d'une  péritonite  rapidement  mortelle. 

Duplay,  à  la  suite  de  Yelpeau,  conseille  la  réduction,  dans  l'espérance  que,  si 
la  perforation  se  produit,  elle  sera  tardive  et  qu'elle  aura  donné  à  des  adhé- 
rences prolectrices  le  temps  de  se  former.  Seulement,  il  ajoute  que  la  réduction 
doit  être  faite  avec  toutes  les  précautions  possibles,  de  manière  à  laisser  l'anse 
réduite  au  niveau  de  l'ouverture  interne  du  trajet,  afin  que,  si  la  rupture  arrive, 
les  liquides  intestinaux  trouvent  immédiatement  une  issue  à  l'extérieur.  Nous 
serions  plus  disposés  à  adopter,  sur  ce  point,  la  pratique  de  Gosselin,  qui  préfère 
laisser  l'hitestin  au  dehors,  après  avoir  débridé.  Si  la  perforation  a  lieu,  elle  se 
fera  au  dehors,  et  sans  danger  d'épanchement  ;  et,  d'un  autre  côté,  si  l'anse 
herniée  n'est  point  atteinte  trop  profondément,  on  la  verra  se  réduire  peu  à 
peu  et  rentrer  lentement  dans  l'abdomen. 

2°  Lorsque  l'intestin  porte  une  toute  petite  eschare  ou  une  petite  perforation, 
quelle  conduite  doit-on  tenir?  La  question  mérite  d'être  discutée.  Disons  tout 
d'abord  que  par  petites  perforations  nous  entendons  désigner,  avec  Malgaigne, 
celles  qui  ont  moins  de  1  centimètre  de  diamètre.  Cette  interprétation  a  été 
adoptée  par  M.  Pissot  [De  la  suture  de  l'intestin  gangrené  dans  les  hernies 
étranglées.  Thèse  de  Paris,  1870)  et  plus  récemment  par  M.  Larivière  {De  l'em- 
ploi de  la  liqature  et  de  la  suture  de  l'intestin  dam  les  petites  perforations 
des  hernies  ^étranglées.  Thèse  de  Paris,  1876).  Au  point  de  vue  des  causes  qui 


S'iO  HERMES. 

leur  donnent  naissance,  elles  ont  ctû  divisées  par  Iluguier  en  trois  classes  :  per- 
forations pathologiques,  accidentelles  ou  mixtes. 

Les  premières  siègent,  tantôt  au  niveau  du  sillon  d'étranglement,  et  ce  sont 
les  plus  communes,  tantôt  au  niveau  de  la  convexité  de  l'anse.  Elles  sont 
linéaires,  ou  arrondies,  et  nous  avons  suffisamment  indique,  précédemment, 
leurs  différents  mécanismes.  Les  perforations  mixtes  sont  dues  à  l'action,  sur  un 
intestin  déjà  malade,  d'un  traumatisme  qui  eût  été  inoffensif  sur  une  paroi  saine. 
Elles  peuvent  être  causées  par  un  corps  étranger  contenu  dans  l'anse,  par  des 
tractions  exercées  sur  l'intestin,  soit  pour  l'attirer  au  dehors,  soit  pour,  la 
réduire,  et  surviennent  aussi  dans  la  dissection  des  adhérences  serrées.  Enfin, 
les  perforations  accidentelles  sont  celles  qui  se  produisent  sous  le  bistouri  de 
l'opérateur,  soit  pendant  l'incision  des  couches  superficielles  et  du  sac,  quand 
on  arrive  sur  l'intestin  sans  s'en  apercevoir,  soit  pendant  les  manœuvres  du 
débridement.  Ouol  que  soit  le  mécanisme  de  ces  lésions,  elles  peuvent  toutes 
être  réunies  en  un  seul  groupe  au  point  de  vue  thérapeutique. 

Leur  traitement  a  été  variable  suivant  les  époques,  et  les  différents  moyens 
qui  leur  ont  été  appliqués  ont  été  rappelés  et  tour  à  tour  soutenus  dans  une 
discussion  restée  célèbre,  à  la  Société  de  chirurgie,  en  1801.  Les  méthodes  pro- 
posées jieuvent  se  réduire  à  quatre.  Ce  sont  :  la  réduction  simple,  Vétablis- 
semeiit  d'un  anus  contre  nature,  la  kélotomie  sans  réduction  et  l'oblitération 
suivie  (le  réduction. 

La  réduction  simple  a  été  autrefois  préconisée  par  Lawrence,  et  pratiquée  par 
Velpeau  dans  un  certain  nombre  de  cas.  Quelques  succès  ont  été  suivis  de  tels 
désastres  que  cette  pratii|ue  a  été  universellement  repoussée  et  condamnée. 
L'anus  contre  nature  a  été,  en  1861,  défendu  par  M.  Verneuil,  et  accepté,  avec 
quelques  réserves,  par  Broca.  Cette  méthode  qui,  dans  certains  cas,  a  pu  rendre 
quehpies  se/'vices,  a  l'inconvénient  de  créer  une  infirmité  dégoûtante  et  dont  l:i 
cure  radicale  fait  courir  à  l'opéré  des  dangers  sérieux.  Aussi,  de  nos  jours,  elle 
est  presque  complètement  rejetée. 

L'absence  de  réduction  de  l'anse  perforée  avait  été  mise  en  pratique  au  siècle 
dernier,  par  La  Peyronie.  Palfyn  et  Iluguier  ont  imité  cette  conduite  en  ayant 
la  précaution  de  fixer  l'anse  au  dehors,  pour  éviter  sa  réduction  spontanée,  par 
un  fil  traversant  le  mésentère,  ou  les  appendices  épiploïques  quand  il  y  en  a. 
Gosselin  préconise  l'abandon  pur  et  simple  dans  la  plaie,  en  laissant  s'établir 
une  fistule  stercorale.  Laugier  garde,  lui  aussi,  l'intestin  au  dehors,  mais  il 
suture  la  perforation. 

Enfin  la  suture  et  la  réduction  de  l'anse  perforée,  qui  avaient  été  quelquefois 
tentées  par  les  chirurgiens  du  siècle  dernier,  ne  trouvèrent  qu'un  seul  partisan 
dans  la  discussion  de  1861,  et  ce  défenseur  fut  Giraldès.  Mais  depuis,  grâce  aux 
heureux  résultats  de  tentatives  nouvelles,  elle  a  été  successivement  adoptée  par 
MM.  Pissot  et  Larivière  dans  leurs  thèses  déjà  citées,  par  Malgaigne  et  Le  Fort 
dans  leur  Traité  de  médecine  opératoire,  par  Duplay  et  principalement  par 
Barette.  Celte  suture  intestinale  peut  se  pratiquer  de  deux  façons  :  soit  par 
adossement  des  séreuses  (procédés  de  Jobert,  de  Lembertet  deGely),  soit  par  la 
ligature  latérale.  Dans  les  deux  méthodes,  la  réunion  se  fait  par  les  séreuses  qui 
s'unissent,  grâce  à  la  production  d'une  péritonite  adhésive  localisée,  et  le  fil  dis- 
paraît par  résorption  ou  bien  en  tombant  dans  la  cavité  intestinale.  Barette  a  pu 
réunir  18  observations  dans  lesquelles  on  a  fait  la  suture  intestinale,  on  y  compte 
16  guérisons.  Il  a  rapporté  6  cas  de  ligature  latérale,  dont  un  seul  fut  suivi  de 


HERNIES.  871 

mort.  Nous  pouvons  ajouter  une  observation  personnelle  de  guérison  d'une 
déchirure  traumatique  par  la  suture  intestinale  et  la  réduction.  Avec  les  sécu- 
rités que  donne  la  méthode  antiseptique,  cette  pratique  doit  être  considérée 
aujourd'hui  comme  la  règle  à  suivre. 

o"  Lorsqu'à  l'ouverture  du  sac  le  chirurgien  se  trouve  en  présence  d'une 
large  perforation,  ou  d'un  sphaoèle  plus  ou  moins  étendu  de  l'anse  herniée,  il  ne 
peut  évidemment  songer  à  en  pratiquer  la  réduction.  D'un  autre  c^é,  il  risque, 
en  débridant,  de  détruire  des  adhérences  protectrices  et  d'exposer  le  malade  à 
un  épanchenient  intra-abdominal  des  matières  intestinales. 

Il  n'y  a  dans  ces  conjonctures  que  deux  manières  de  procéder  :  favoriser 
l'établissement  d'un  anus  contre  nature,  ou  faire  la  résection  des  parties 
malades  de  l'intestin  suivie  de  l'entérorrhaphie.  Ces  deux  procédés  méritent 
d'être  successivement  examinés. 

L'anus  contre  nature  a  été  déjà  préconisé  au  siècle  dernier.  C'est  Littre  qui. 
Je  premier,  en  1700,  posa  le  précepte  de  la  résection  des  portions  d'intestin 
gangrenées  et  de  l'établissement  de  l'anus  contre  nature.  Méry,  en  1700,  publia 
une  observation  d'anus  contre  nature  après  élimination  de  4  à  5  pieds  d'intestin 
grêle  chez  une  jeune  fille  atteinte  de  hernie  crurale  étranglée.  La  Peyronie,  en 
1732,  perfectionna  le  procédé  :  il  fixa,  après  avoir  réséqué  la  j  arlie  altérée,  un 
demi-pied  environ,  les  deux  bouts  de  l'intestin  dans  la  plaie  à  l'aide  d'un  double 
fil  passé  dans  le  mésentère.  11  obtint  ainsi  un  anus  contre  nature  qui  guérit  spon- 
tanément. Mais  le  défenseur  le  plus  célèbre  de  la  méthode  fut  Louis  qui,  dans 
•son  Mémoire  sur  la  cure  des  hernies  étranglées,  lu  à  l'Académie  de  chirurgie 
■en  llhl,  le  préconisa  d'une  manière  absolue,  s'efforçant  même  de  démontrer 
qu'il  est    jilus    avantageux   que   le  rétablissement  de  la  route  naturelle  des 
matières.   11  admet  cepeudant  la  possibilité  d'une   suture  secondaire  pour  le 
guérir.   Scarpa,  Dupuytren,  s'en  déclarent  les  partisans,   ainsi  que  Murât,  eu 
182  i,  dans  \e  Dictionnaire  en  18  2'o/?/?nes.  C'est  la  thérapeutique  uinversellement 
adoptée  par  tous  les  chirurgiens  français  de  la  première  moitié  de  ce  siècle,  y 
compris  Gosselin.  C'est  aussi  celle  qui  est  seule  indiquée  par  S.  Duplay.  Voici 
la  pratique  de  Gosselin.  11  conseille,  dans  ces  cas,  d'ouvrir  largement  l'anse  gan- 
grenée. Si,  alors,  le  chirurgien  voit  immédiatement  s'écouler  en  abondance  les 
matières  contenues  dans  le  bout  supérieur,  on  n'a  plus  qu'à  attendre  l'élimi- 
nation des  eschares,  et  la  formation  d'un  anus  contre  nature  qu'il  faudra  le  plus 
souvent  tiaiter  plus  tard.  Si,  au  contraire,  l'écoulement  des  matières  est  insuf- 
fisant,  Gosselin  conseille  d'introduire  le  doigt  dans  l'intestin  jusqu'au  delà  de 
l'anneau  herniaire,  puis  de  glisser,  à  la  faveur  de  cette  sorte  de  dilatation  du 
collet,  une  sonde  en  gomme  n°  18  ou  20  de  la  filière  Charrière.  «  Si  les  matières 
intestinales,  dit  Duplay,  font  aussitôt  issue,  la  sonde  est  bien  placée  dans  la  cavité 
du  bout  supérieur;  si,  au  contraire,  après  s'être  assuré,  par  le  moyen  d'une  injec- 
tion poussée  dans  la  sonde,  qu'elle  n'est  pas  obstruée  par  des  matières  concrètes, 
celle-ci  ne  donne  pas  passage  au  contenu  de  l'intestin,  il  est  probable  qu'elle  a 
été  introduite  par  le  bout  inférieur  :  il  faut  alors  la  retirer  avec  précaution, 
chercher  avec  le  doigt  le  bout  opposé  et,  quand  on  l'a  trouvé,  répéter  la  même 
manœuvre  et  y  faire  pénétrer  la  sonde  qu'on  laisse  à  demeure  » . 

Dans  certains  cas,  lorsque  Leschare  est  à  moitié  détachée  et  la  perforation 
établie,  il  suffira  de  laisser  les  choses  en  l'état;  l'anus  contre  nature  est  déjà, 
pour  ainsi  dire,  établi,  l'ouverture  du  sac  aura  terminé  l'opération. 

Cependant  les  inconvénients,  les  dangers,  les  difficultés  que  l'on  éprouve  dans 


^72  HERMES. 

certains  cas  à  obtenir  la  guérison  de  l'anus  contre  nature,  ont  poussé  beaucoup 
de  cbirurgiens  ù  faire  mieux,  et  ùcbercher  la  guérison  immédiate  du  malade  par 
une  opération  souvent  difficile  et  compliquée  :  je  veux  parler  de  rentéreetomie 
avec  entérorrhaphie.  Néanmoins,  bien  souvent,  il  faudra  se  contenter  de  l'anus 
contre  nature.  Barette  n'hésite  pas  à  conclure  que,  «  dans  tous  les  cas,  cette 
pratique  est  et  restera  encore  longtemps  la  seule  intervention  utile  entre  les 
mains  d'un  médecin  dépourvu  d'assistance  et  d'outillage  suffisants  pour  donner 
quelques  chances  de  succès».  Mais,  quand  on  se  trouve  dans  les  conditions 
opposées,  les  opérations  complémentaires  peuvent  être  absolument  autorisées  et 
on  peut  admettre  comme  vrai  le  précepte  suivant  du  professeur  Trélat  rappelé 
par  Barette  :  «  Il  ne  faut  admettre  l'anus  contre  nature  que  lorsqu'il  s'est  établi 
lui-même  ». 

Nous  venons  de  voir  que  quelques-uns  des  partisans  de  l'anus  contre  nature 
n'avaient  pas  hésité  à  pratiquer  la  résection  des  parties  mortifiées.  C'est  dire 
que  l'entérectomie  n'est  pas  une  chose  nouvelle.  Bouillv,  dans  un  mémoire 
publié  dans  la  Renie  de  chirurgie  pour  1881,  p.  55,  a  fait  l'historique  de  cette 
opération.  Nous  n'avons  ici  l'intention  que  de  rapporter  ce  qui  a  trait  à  la  cure 
des  hernies  gangrenées,  et,  à  ce  sujet,  il  ne  faut  pas  remonter  plus  haut  que  le 
début  du  dix-huitième  siècle.  Nous  avons  déjà  rapporté  les  observations  de  Littre, 
1700,  Méry,  1701.  Karcy,  en  H'iô,  pratiqua,  lui  aussi,  la  résection  intestinale,  et 
on  peut  voir  dans  la  méthode  de  La  Peyronie  que  nous  avons  rappelée  la  première 
tentative  de  rapprochement,  après  la  résection,  des  deux  bouts  de  l'intestin.  Le 
premier  essai  sérieux  de  réunion  de  l'intestin  appartient  à  Ramdohr  et  date  de 
1727.  Son  observation  est  rapportée  dans  la  thèse  de  Mœbius.  Après  avoir  réséqué 
environ  deux  pieds  d'intestin  sphacélé,  avec  la  portion  de  mésentère  qui  lui 
appartenait,  ce  chirurgien  mit  les  deux  bouts  de  l'intestin  l'un  dans  l'autre  et 
les  fixa  dans  cette  position  par  un  point  de  suture.  Le  malade  guérit  assez  rapi- 
dement. En  1757,  Puverger  fit  une  seconde  tentative  qui  fut  aussi  couronnée  de 
succès,  mais  dans  laquelle  il  revint  cà  la  pratique  des  Quatre  Maîtres,  qui  au 
quatorzième  siècle  suturaient  l'intestin  sur  une  portion  de  trachée-artère,  pour 
en  conserver  le  calibre.  Après  avoir  réséqué  l'intestin  gangrené,  il  réunit  par 
une  suture  ses  deux  bouts  sur  une  trachée  de  veau  et  réduisit  le  tout  dans  le 
ventre.  Le  malade  guérit.  La  troisième  opération  que  nous  pouvons  citer  appartient 
à  un  chirurgien  anglais  nommé  Nayler,  et  a  été  rapportée  par  Cheston  de  Glo- 
cester,  en  1794.  Il  tenta,  lui  aussi,  la  suture  intestinale  après  résection  de 
quatre  pouces  d'intestin  gangrené.  Malheureusement,  la  suture  échoua,  et  le 
malade  eut  un  anus  contre  nature. 

Avec  le  dix-neuvième  siècle  commença,  pour  cette  opération,  une  période 
expérimentale  et  de  physiologie  pathologique  à  laquelle  se  rattachent  les  noms  de 
Travers,  Thompson,  A.  Cooper,  Jobert,  Reybard.  Nous  n'avons  pas  la  prétention 
de  faire  ici  complètement  l'histoire  de  l'entérorrhaphie.  Mais  au  point  de  vue 
qui  nous  occupe  nous  citerons  encore  l'opération  de  Lavielle  fils,  de  Mirabaste 
(Landes),  qui,  en  1811,  publia,  à  la  Société  de  médecine  de  Paris,  un  cas  de 
guérison  d'une  hernie  étranglée  par  le  procédé  de  Ramdhor.  Le  malade  guérit  -, 
mais  la  conduite  du  chirurgien  fut  sévèrement  jugée  par  Devilliers,  son  rappor- 
teur. Nous  nous  bornerons,  avant  d'arriver  à  la  période  contemporaine,  à  rap- 
peler deux  succès  d'entérorraphie,  dont  l'un  appartient  à  Reybard  en  1827, 
l'autre  à  Dieffenbach  en  1859. 

A  partir  de  1875,  la  suture  intestinale,  délaissée  complètement  pour  l'anu 


HERNIES.  875 

contre  nature,  reparut  de  nouveau  avec  la  me'thode  antiseptique,  et  ces  premières 
opération:;  appartiennent  à  Lucke,  1873,  à  Kronlein,  1876,  à  Kocher.  1878, 
puisàLudwick,  Ilagedorn,  Wahl,  Dittel,  Billroth,  Czerny,  Madelung,  Cari  Jaffé, 
Rydingier,  etc.,  à  l'étranger. 

En  France,  citons  une  observation  du  professeur  Guyon,  publiée  en  1880, 
dans  la  thèse  de  Pcyrot,  et  les  faits  de  Bouilly.  Ce  dernier  chirurgien  fit  paraître 
en  1885  dans  la  Revue  de  chirurgie,  avec  la  coloration  d'Assaky,  un  second 
mémoire  sur  la  question,  et  il  put  réunir  36  observations  modernes  d'entérec- 
tomie  suivie  d'entérorrhaphie.  Après  les  avoir  discutées  et  analysées,  avecle  plus 
grand  soin,  il  arrive  aux  conclusions  suivantes  :  a  L'entércctomie  et  la  suture 
sont  autorisées  et  indiquées  dans  des  circonstances  déterminées  et  peuvent  être 
tentées  : 

1»  Toutes  les  fois  que  l'état  général  de  l'opéré  ne  sera  pas  assez  mauvais  pour 
faire  redouter  la  durée  plus  grande  de  l'opération  et  l'administration  prolongée 
du  chloroforme,  et  faire  prévoir  une  terminaison  rapidement  mortelle,  soit 
par  syncope,  refroidissement,  abondance  des  vomissements,  congestion  pul- 
monaire. 

2"  Que  l'examen  minutieux  de  la  variété  de  hernie,  de  la  nature  actuelle  des 
accidents;  permettra  de  rejeter  l'existence  d'une  péritonite  localisée  ou  d'une 
grave  complication  d'ordre  quelconque; 

3*>  Que  l'on  pourra  constater,  au  moment  de  l'opération,  qu'il  n'y  a  point  de 
matières  fécales  épanchées  dans  le  péritoine  ; 

4°  Que  l'on  croira  pouvoir  facilement  attirer  à  l'extérieur  toute  la  portion 
intestinale  et  mésentérique  gangrenées,  et  réséquer  dans  les  portions  saines, 
tant  de  l'intestin  que  du  mésentère; 

50  Que  l'on  pourra  rétablir,  d'une  manière  solide  et  efficace,  la  continuité  de 
l'intestin,  sans  être  gêné  par  une  trop  grande  différence  de  calibre  des  bouts 
réséqués  ». 

La  question  de  l'entérectomie  fut  reprise,  pour  la  cure  de  l'anus  contre  nature, 
par  Pûllosson  dans  sa  thèse  d'agrégation  (1883).  La  même  année,  au  Congrès 
allemand  de  chirurgie,  Riedel  (d'Aix-la-Chapelle)  publie  un  travail  sur  la  ques- 
tion et  se  montre  partisan  de  la  résection  et  de  la  suture  hâtive  dans  les  hernies 
étranglées. 

D'ailleurs,  le  moment  où.  doit  se  faire  cette  opération  est  variable  suivant  les 
auteurs  ;  les  uns  préfèrent  l'opération  immédiate,  les  autres  une  intervention 
plus  retardée.  Barette  a  pu  réunir  dans  sa  thèse  49  observations  de  résection 
avec  suture  précoce,  qui  ont  donné  les  résultats  suivants  :  26  guérisons,  et  23 
morts;  2  malades  ont  conservé  un  anus  contre  nature.  Il  y  aurait  donc  une 
mortalité  de  47  pour  100  environ,  en  chiffres  bruts.  Mais,  si  nous  pouvions 
faire  ici  l'histoire  détaillée  de  ces  observations,  nous  verrions  que,  dans  certains 
cas,  il  faudrait,  avec  Bouilly  et  Barette,  tenir  compte  «  de  plusieurs  circon- 
stances qui  auraient  pu  peser  sur  les  déterminations  des  opérateurs  et  qui 
étaient  à  leurs  yeux  des  contre-indications  formelles  de  l'opération.  » 

La  gravité  des  résultats  que  nous  venons  de  citer  a  engagé  plusieurs  chirur- 
giens à  faire  l'opération  en  deux  temps,  et  à  retarder  par  conséquent,  plus  ou 
moins  longtemps,  la  suture  intestinale.  On  a  ainsi  l'avantage  de  laisser  s'évacuer 
l'abcès  fécal,  s'éliminer  les  eschares,  ou,  si  l'on  pratique  la  résection  immédiate, 
de  permettre  au  malade  de  revenir  de  l'état  général  grave  causé  par  l'étrangle- 
ment, et  aux  adhérences  protectrices  de  s'établir.  «  II  sera  donc  prudent,  si  l'on 


814  «ERNIES. 

a  résolu  d'iiitei'venir  secondairement  (dit  Barette),  de  le  faire  avant  que  l'inflam- 
malion  adliésive  ait  commencé  à  se  produire,  ou  Lien  après  que  tous  les  sym- 
ptômes inflammatoires  auront  complètement  disparu.  »  Parmi  les  partisans  de 
l'opération  secondaire  nous  pouvons  citer  Graefe,  assistant  de  Thiersch  (1881), 
Rydygier,  JuUiard  (de  Genève),  Bouilly.  Et  encore,  suivant  le  moment  de  l'in- 
tervention, il  existe  deux  méthodes  :  rentérorrhaphie  secondaire  précoce,  et 
l'enlérorrhapliie  secondaire  tardive  ou  reculée.  Pour  le  premier  procédé,  Barette 
n'a  pu  trouver  que  5  opérations,  qui  ont  fourni  2  guérisons  et  5  morts,  et. 
parmi  ces  derniers,  un  opéré  de  Lucke,  qui  avait  déjà  une  péritonite  au  moment 
de  l'intervention,  ce  qui  eijt  dû  la  conire-indiquer.  On  peut  donc  admettre  une 
mortalilii  de  ÔO  pour  100.  L'opération  tardive  a  été  plus  fréquemment  exécutée, 
puisque  nous  trouvons,  dans  le  même  auteur,  29  opérations  par  ce  procédé  qui 
se  décomposent  ainsi  :  17  guérisons,  15  morts.  II  y  aurait  donc  une  mortalité 
moyenne  de  45  pour  100. 

La  gravité  de  ces  résultats  a  inspiré  à  Bouilly  la  création  d'un  procédé  mixte. 
En  présence  des  dangers  de  ces  opérations  et  aussi  des  périls  considérables  que 
fait  courir  l'anus  contre  nature,  frappé  surtout  de  ce  que  les  nombreux  cas  de 
suture  intestinale  ont  été  suivis,  même  chez  des  malades  qui  ont  guéri,  de  h 
formation  d'une  fistule  stcrcorale,  ce  chirurgien  a  cru  devoir  inventer  le  pro- 
cédé suivant.  En  face  d'une  hernie  étranglée  et  gangrenée,  il  fait  la  kélotomie, 
résèque  l'anse  mortifiée  en  totalité,  en  ayant  soin  de  tailler  dans  les  parties  fran- 
chement saines,  puis  il  pratique  la  suture  immédiate,  mais  en  prenant  la  pré- 
caution de  laisser,  sur  la  partie  convexe  de  l'anse  intestinale,  une  baie,  un  orifice 
qui  permette  l'issue  des  gaz  et  des  matières  du  bout  supérieur.  Ensuite  il  fixe  à 
la  peau,  par  une  suture,  cette  petite  plaie  intestinale.  La  fistule  stercorale  ainsi 
établie  se  guérira  plus  tard  spontanément,  ou  nécessitera  une  enlérorrhaphie 
latérale,  opération  presque  sans  danger.  Cette  pratique  n'a  été,  d'après  Barette, 
suivie  que  deux  fois,  une  fois  par  Bouilly,  une  fois  par  AValter  Pye.  Les  deux 
malades  sont  morts,  mais,  bien  que  nous  n'ayons  pas  trouvé  d'autres  essais  de 
ce  procédé,  depuis  la  thèse  de  Barette,  il  ne  nous  semble  pas  possible  de  juger 
une  méthode  avec  si  peu  de  faits. 

Nous  ne  pouvons  ici  décrire  en  détail  le  manuel  opératoire  de  la  résection 
intestinale  et  de  la  suture  ;  nous  allons  en  rappeler  les  points  principaux.  Insis- 
tons tout  d'abord  sur  la  nécessité  absolue  d'une  antisepsie  parfaitement  rigou- 
reuse, et  surl'obligation  de  soins  minutieux  anté-opératoires.  Les  premiers  temps 
de  l'opération  sont  ceux  de  la  kélotomie.  Arrivé  à  la  résection,  le  chirurgien  doit 
se  préoccuper  d'empêcher  l'effusion  des  matières.  Les  procédés  pour  y  arriver 
sont  nombreux.  Billrotha  employé  la  compression  digitale,  Schede,  Jaffé,  Bouilly, 
une  ligature  provisoire  modérément  serrée,  Rydygier  de  longues  pinces  hémo- 
statiques dont  les  mors  sont  garnis  de  caoutchouc  pour  éviter  de  blesser  l'intes- 
tin. Barette  penche  pour  la  ligature.  Il  laudra  réséquer  et  lier  un  coin  mésenté- 
rique  dont  l'étendue  sera  directement  en  rapport  avec  celle  de  l'anse  intestinale 
que  l'on  désii-e  supprimer.  Quant  à  l'intestin,  on  le  résèque,  soit  circulairement, 
si  les  deux  bouts  ont  sensiblement  le  même  calibre,  soit  plus  ou  moins  oblique- 
ment dans  le  cas  contraire.  Puis,  avant  de  faire  la  suture,  il  faut  laisser  évacuer 
le  bout  supérieur  et  laver  avec  soin  les  deux  extrémités  de  l'intestin,  intus  et 
extra,  avec  une  solution  tiède  d'acide  borique  de  2  à  4  pour  100. 

Avant  d'arriver  à  la  suture,    nous  devons  parler  de  la  quantité  d'intestin 
qu'il  est  permis  de  supprimer.  Barette  dit  à  ce  sujet  que,  dans  les  40  observa- 


HERNIES.  875 

lions  qu'il  a  pu  trouver  où  ce  point  ait  été  indiqué,  la  longueur  réséquée  varie 
de  2  à  65  centimètres  ;  et  le  pronostic  ne  paraît  pas  varier  notablement  avec  la 
longueur  de  la  partie  enlevée.  Cependant  «  on  comprend  facilement,  ajoute-t-il, 
que  plus  celle-ci  est  considérable,  plus  les  difficultés  de  la  réunion  sont  nom- 
breuses, et  cela  surtout  à  cause  de  la  brèche  faite  au  mésentère.  »  Les  dimensions 
indiquées  ci-dcssus  ont  été  quelquefois  dépassées,  et  nous  pouvons  citer  une 
observation  de  Kocber  {Corresp.  Bl.  fur  Schioeh.  Mrzte,  février  et  mars  1886) 
dans  laquelle  une  résection  de  1"',60  d'instestin  grêle  avec  sutuie  primitive  fut 
suivie  de  guérison,  chez  un  homme  de  cinquante  sept  ans.  Dans  un  autre  cas, 
Baum  [Fortschritte  der  Medic,  n°  24,  1884)  réséqua,  chez  une  femme  de 
quarante  ans,  à  la  suite  de  tistides  stercorales  consécutives  à  une  kélotomie, 
l"',o7  d'intestin  grêle.  La  malade  guérit,  mais  bientôt  après  elle  perdit  l'appé- 
tit, ses  forces  diminuèrent,  elle  s'amaigrit  rapidement  et  finit  par  succomber 
quatre  mois  après  sou  opération.  L'autopsie  ne  révéla  aucune  lésion  capable 
d'expliquer  la  mort,  et  l'auteur  croit  qu'il  faut  TMltribuer  au  raccourcissement 
exagéré  des  dimensions  de  l'intestin  et,  par  suite,  à  la  nutrition  incomplète.  11 
semble  donc,  d'après  celte  observation,  que  la  résection  intestinale  peut  entraî- 
ner certains  dangers,  même  après  la  guérison  opératoire,  quand  elle  supprime 
une  trop  grande  quantité  de  l'organe  de  la  digestion. 

Nous  ne  désirons  pas  insister  sur  les  divers  procédés  de  suture  intestinale  : 
ils  ont  tous  été  employés,  et  dérivent  de  ceux  de  Jobert  et  de  Lembert,  même  la 
suture  à  double  rang  de  Czerny  (1880)  et  sa  modification,  peu  avantageuse  du 
reste,  par  Gussembauer  (de  Prague)  en  1881. 

En  résumé,  la  résection  suivie  de  la  suture  intestinale,  faite  avec  les  précau- 
tions que  nous  venons  de  passer  en  revue,  nous  parait  être  une  opération  appelée 
à  rendre  de  réels  services,  lorsqu'elle  sera  pratiquée  en  obéissant  aux  indica- 
tions qui  ont  été  formulées  par  Bouilly,  et  que  nous  avons  indiquées  plus  haut. 
On  peut  cependant  dire  à  ce  sujet,  avec  Barette  :  «  La  suture  sera  toujours  une 
opération  délicate,  minutieuse,  et  appartenant  seulement  à  ceux  qui  seront 
rompus  à  toutes  les  manœuvres  opératoires.  » 

Enfin,  bien  que  nous  n'ayons  pas  ici  à  traiter  de  l'anus  contre  nature,  nous 
devons  indiquer  que  la  suture  intestinale  a  pu  être  utilement  employée  pour  sa 
guérison.  A  ce  sujet,  nous  pouvons  le  considérer  comme  une  cure  tardive  des 
hernies  avec  gangrène.  Bouilly  lui  a,  dans  ce  cas,  assigné  les  indications  sui- 
vantes : 

1°  Dans  les  cas  où  des  tentatives  antérieures  :  compression,  application  de 
l'entérotome,  suture,  autoplaslie,  ont  été  suivis  d'insuccès; 

2°  Quand  l'examen,  fait  méthodiquement,  fait  reconnaître  la  difficulté  de  se 
rendre  un  compte  exact  de  l'état  des  parties,  il  vaut  mieux  faire  une  interven- 
tion large  et  franche  qu'une  incomplète,  qui  fait  courir  les  mêmes  dangers  sans 
offrir  les  mêmes  chances  de  succès  ; 

ô°  Quand  on  aura  reconnu  une  disposition  anormale  des  deux  bouts;  super- 
position, croisement,  éloignement  ou  différence  notable  de  calibre,  ou  plusieurs 
perforations  sur  le  même  point; 

4°  Quand  il  existe  un  renversement  irréductible  de  l'un  des  deux  bouts  de 
l'intestin,  et  à  plus  forte  raison  des  deux; 

5°  Quand  il  y  a  complication  d'un  prolapsus  étendu  de  la  muqueuse  avec  ou 
sans  invagination  de  la  portion  intestinale  sous-jacente; 

6"  Quand  on  reconnaîtra  un  anus  contre  nature  sans  éperon,  constitué  par 


876  HERNIES. 

une  de  ces  larges  pertes  de  substance  qu'une  suture  des  bouts  de  rorifice  ne 
saurait  combler. 

Accidents  pouvant  survenir  pendant  la  kélotomie.  En  dehors  des  complica- 
tions précédentes  de  l'opération,  et  qui  sont  presque  toutes  la  source  d'indica- 
tions et  d'interventions  nouvelles,  il  peut  survenir,  dans  le  cours  d'une  kélotomie 
simple,  un  certain  nombre  d'accidents  opératoires  que  nous  devons  faire  con- 
naître. Ce  sont  :  Vhémorrhagie,  la  blessure  de  l'intestin,  une  fausse  réduction 
avec  persistance  des  phénomènes  d'étranglement,  et  la  réduction  d' un  intestin 
perforé. 

1°  L'hémorrhagie,  qui  tient  presque  toujours  à  la  section  d'une  des  artères 
importantes  qui  existent  au  voisinage  de  tous  les  orifices  herniaires,  était  beau- 
coup plus  fréquente  autrefois  qu'aujourd'hui.  Dans  les.  observations  anciennes, 
ou  peut  trouver  un  certain  nombre  de  cas  de  mort  dus  a  cet  accident,  par  suite 
d'une  hémorrhagie  intra-abdominalc.  Aussi,  c'est  pour  l'éviter  que  les  chirur- 
giens de  nos  jours,  après  avoir  mieux  précisé,  pour  chaque  anneau,  les  points 
d'élection  où  l'on  pouvait  porter  le  bistouri  sans  danger,  ont  repoussé  les 
grands  débridemenls,  pour  leur  préférer  les  petites  incisions,  les  débridements 
multiples,  et  la  dilatation  des  anneaux  avec  un  instrument  mousse.  Si,  malgré 
toutes  ces  précautions,  on  avait  le  malheur  de  couper  une  artère  importante, 
ce  que  l'on  peut  reconnaître  par  l'écoulement  d'une  notable  quantité  de  sang 
par  la  plaie,  et  par  les  signes  généraux  d'une  hémorrhagie  grave,  il  faudrait,  si 
le  point  qui  donne  du  sang  est  élevé,  et  qu'on  ne  puisse  faire  la  ligature  dans  la 
plaie,  ne  pas  hésiter  à  agrandir  les  incisions  externes  pour  arriver  jusqu'au  vais- 
seau divisé,  le  saisir  et  le  lier. 

2"  La  blessure  de  V intestin  rentre  dans  les  perforations  traumatiques  déjà 
étudiées  précédemment.  Si  la  blessure  est  petite,  il  faut  faire  la  suture  latérale; 
si  elle  est  plus  grande,  on  se  conduira  comme  s'il  s'agissait  d'une  grande  perfo- 
ration spontanée. 

5"  La  réduction  en  maise  pendant  l'opération  sera  étudiée  à  propos  de  la 
persistance  des  accidents  après  la  kélotomie. 

4"  La  réduction  d'un  intestin  perforé  se  révèle  par  l'apparition  très-rapide 
d'une  péritonite  suraiguë.  Si  la  perforation,  cependant,  est  située  au  voisinage 
de  l'anneau,  il  pourra  quelquefois  se  produire  un  anus  contre  nature  ou  une 
fistule  stercorale.  C'est  là  une  terminaison  favorable  assez  exceptionnelle  dont 
Duplay  cite  deux  exemples  personnels.  En  tous  cas,  c'est  une  complication  que 
le  chirurgien  pourra  presque  toujours  éviter,  s'il  a  soin  de  ne  réduire  qu'après 
un  examen  minutieux  de  l'anse  herniée. 

Phénomènes  et  soins  consécutifs  à  V opération  de  la  kélotomie.  D'ordinaire, 
aussitôt  après  l'opération,  on  voit  cesser  tous  les  accidents  de  l'étranglement,  les 
phénomènes  généraux  disparaissent,  l'état  du  malade  s'amende  rapidement,  les 
selles  reparaissent  au  bout  de  quelques  heures,  et  tout  rentre  dans  l'ordre.  Là 
plaie  de  la  kélotomie  est  une  plaie  peu  grave  qui  guérit  assez  rapidement. 

Mais  cette  marche,  absolument  favorable  et  sans  incident,  n'est  pas  toujours 
constante,  et,  d'un  autre  côté,  il  est  nécessaire  desavoir  comment  il  faut  soigner 
l'opéré  pour  favoriser  le  rétablissement  des  fonctions  et  le  retour  rapide  à  la 
guérison. 

Cette  question  du  traitement  du  blessé  après  la  kélotomie  a  soulevé  des  dis- 
cussions nombreuses.  Les  chirurgiens  anciens,  persuadés  que  le  but  principal 
de  l'opération  était  de  permettre  au  plus  tôt  la  circulation  des  matières  intesti- 


HERNIES.  877 

nales,  étaient  d'avis  de  s'assurer,  immédiatement  après  l'opération,  de  la  per- 
méabilité de  rinlestin.  Pour  cela,  ils  prescrivaient  immédiatement  un  purgatif, 
qu'ils  réitéraient  même  sans  hésiter,  si  le  premier  n'était  pas  suivi  d'effet. 

Cependant  on  a  bientôt  reconnu  que  ce  mode  de  traitement  pouvait 
avoir  des  dangers,  et  on  y  a  peu  à  peu  renoncé.  «  Ce  moyen,  dit  Gosselin, 
m'a  paru  avoir  deux  inconvénients  :  celui  de  fatiguer  par  des  évacuations 
abondantes  un  organisme  déjà  épuisé  par  l'étranglement,  et  celui  de  favo- 
riser, s'il  existe  quelque  perforation  larvée,  un  épanchement  dans  le  péri- 
toine. » 

On  a  donc  pensé  qu'il  pourrait  être  préférable,  au  contraire,  d'agir  en  sens 
mverse  et  de  diminuer  les  contractions  intestinales  en  donnant  de  l'opium. 
Cette  pratique  a  été  recommandée  par  le  professeur  Gosselin,  dans  ses  Leçons 
sur  les  hernies  abdominales,  en  1865,  et  la  même  année,  dans  une  discussion  à 
ce  sujet  qui  eut  lieu  devant  la  Société  de  chirurgie  (4  et  11  janvier),  elle  avait 
été  soutenue  par  MM.  Monod,  Demarquay  et  Le  Fort.  Outre  l'immobilisation  de 
l'intestin,  l'opium  aurait  encore  l'avantage,  suivant  ce  dernier  chirurgien,  de 
calmer  les  phénomènes  généraux  et  de  diminuer  les  accidents  nerveux  réflexes 
causés  par  la  constriction  de  l'intestin. 

Aujourd'hui  l'emploi  de  l'opium  après  la  kélotomie  est  presque  universelle- 
ment adopté,  et  on  l'administre,  en  général,  à  la  dose  de  10  centigrammes  en 
5  fois,  pendant  les  trois  premiers  jours.  Cependant  on  peut  encore  rester  les 
premiers  jours  dans  l'expectative  en  attendant  les  évacuations  naturelles.  Duplay, 
dans  son  livre,  conseille  cette  méthode,  en  restreignant  l'emploi  de  l'opium  aux 
cas  où  ii  y  aurait  de  la  douleur  du  ventre,  de  l'éréthisme  nerveux,  ou  des 
symptômes  de  péritonite  commençante.  l\  serait,  au  contraire,  contre-indiqué, 
s'il  existait  du  ballonnement  du  ventre,  de  l'inertie  de  l'intestin  et  surtout  de  la 
gêne  respiratoire  et  de  l'anxiété. 

Quoi  qu'il  en  soit,  il  arrive  souvent  que  les  premières  évacuations  intestinales 
tardent  un  peu  à  se  produire.  Aussi,  dans  les  cas  où,  au  bout  de  trois  ou  quatre 
jours  après  l'opération,  le  malade  n'aurait  pas  eu  de  selles,  on  sera  autorise  à 
avoir  recours  à  un  purgatif,  administré  soit  par  la  bouche,  soit  en  lavement. 

Enfin,  dans  certains  cas,  au  bout  de  quelques  jours  le  ventre  devient  doulou- 
reux, une  véritable  diarrhée  succède  à  la  constipation  absolue  de  l'étrangle- 
ment. Ces  phénomènes  se  montrent  surtout  à  la  suite  des  étranglements  graves 
et  peuvent  être  d'un  pronostic  fâcheux  ;  on  devra,  pour  les  combattre,  avoir 
encore  recours  à  l'opium  donné  à  doses  fractionnées,  mais  en  quantité  assez 
grande  (10  à  15  centigrammes  par  jour). 

Le  ré'ime  alimentaire  des  opérés  doit  être  aussi  très-surveillé.  Il  ne  faut  pas 
mettre  à  la  diète  les  malades  déjà  affaiblis  par  les  phénomènes  généraux  graves 
de  rétran"lement  ;  it  faudra  très-rapidement  chercher  à  relever  leurs  forces. 
Certains  malades,  en  effet,  ont  succombé  à  l'épuisement  que  paraît  avoir  déter- 
miné l'étranoleraent  lui-même.  II  est  donc  absolument  indiqué  de  nourrir  les 
opérés  de  suite,  mais  peu  à  peu,  et  tout  en  suivant  les  progrès  de  leur  rétablis- 
sement. 

Enfin,  quand  le  malade  est  guéri,  il  sera  absolument  nécessaire  de  lui  faire 
porter  un  banda^^e  herniaire  au  moins  pendant  plusieurs  mois.  En  effet,  la  kélo- 
tomie, même  avec  la  cure  radicale,  ne  met  pas  toujours  à  l'abri  de  la  récidive. 
Celle-ci  était  presque  constante  après  les  kélotomies  simples.  «  Gosselin  affirme, 
dit  Duplay,  que  tous  ceux  de  ses  opérés  qu'il  a  pu  revoir  plus  ou  moins  long- 


878  HERNIES. 

temps  après  l'opération  présentaient  une  nouvelle  hernie.  Celle-ci  peut  même 
s'étrangler,  ainsi  que  Gossclin  et  Berger  en  ont  rapporté  chacun  un  exemple.  » 
Aujourd'hui  que  la  kélotomie  est  complétée  par  la  cure  radicale,  celte  récidive 
est  assurément  moins  fréquente,  mais,  pour  l'éviter,  il  sera  tout  aussi  nécessaire 
qu'auparavant  d'assujettir  la  cicatrice  à  l'aide  d'un  bandage  bien  fait,  au  moins 
pendant  les  premiers  mois. 

La  guérison  ne  se  produit  pas  toujours  aussi  facilement  après  l'opération. 
Nous  n'avons  parlé  jusqu'ici  que  de  la  marche  normale,  dans  les  cas  simples, 
mais  cette  terminaison  favorable  peut  être  empêchée  ou  retardée  par  certaines 
complications  générales  ou  locales,  et  quelques-uns  de  ces  accidents  sont  sus- 
ceptibles d'entraîner  la  mort. 

Coiiijilications  coméculives  à  la  kélotomie.  Les  complications  qui  se  mon- 
trent à  la  suite  de  la  kélotomie  peuvent,  pour  la  commodité  de  la  description, 
èlre  divisées  en  locales,  abdominales  ou  éloignées. 

a.  Complications  locales.  Au  premier  rang  nous  devons  signaler  la  possibi- 
lité des  complications  ordinaires  des  plaies,  telles  que  l'inflammation  phlegrao- 
neuse  de  la  plaie  et  de  ses  environs,  les  fusées  purulentes,  l'angioleucite, 
l'érysipcle,  qui  ne  prennent  de  la  gravité  que  par  lem  intensité  ou  leur  étendue. 
D'ordinaire,  il  sera  facile  de  les  éviter  eu  observant  tous  les  préceptes  de  la 
méthode  antiseptique.  Les  phénomènes  inflammatoires  locaux  ne  sont  véritable- 
ment à  redouter  <iue  s'ils  gagnent  en  profondeur;  car  ils  peuvent  alors  se  pro- 
pager par  le  trajet  herniaire  et  entraîner  à  leur  suite  une  péritonite  généralisée 
qui  le  plus  souvent  emportera  le  malade.  Cependant,  fréquemment,  la  suppu- 
lalion  n'a|)portera  qu'un  retard  de  quelques  jours  à  la  guérison,  en  reculant 
la  cicatrisation  d'une  plaie  qui  aurait  dû  se  fermer  par  première  intention. 

Néanmoins  ilpeut  quelquefois  survenir  des  gangrènes  localisées  qui  ont  une 
gravité  réelle  et  qui  ne  sont,  du  reste,  que  l'expi  ession  d'un  état  général  mauvais. 
Amsi,  Duplay  a  vu  plusieurs  fois  survenir  un  sphacèie  du  sac  laissé  dans  la  plaie  : 
les  malades  ont  pourtant  guéri.  De  plus,  dans  un  cas,  publié  par  Fleury  (de 
Clermont  [Bull,  de  la  Soc.  de  chiv.,  1869,  p.  202]),  unhornme  de  quarante-deux 
ans,  opéré  pour  une  herniecrurale  volumineuse  étranglée  depuis  trois  jours,  vit, 
six  jonrs  après  l'opération  et  sans  cause  appréciable,  alors  que  le  malade  parais- 
sait en  voie  de  guérison,  se  produire  une  gangrène  des  parois  abdominales,  qui 
s'étendit  très-rapidement  à  tout  le  côté  droit  du  ventre.  Le  malade  mourut  en 
deux  jours.  Dans  une  autre  observation,  publiée  par  Pamard,  à  la  Société  de 
chirurgie,  un  opéré  de  hernie  crurale  fut  très-rapidement  emporté  par  un 
phlegmon  gangreneux  diffus.  L'opérateur  avait  constaté,  pendant  l'opération, 
sur  la  face  interne  du  sac,  quelques  phlyctènes  remplies  de  sérosité  noirâtre. 
Bien  évidemment,  dans  ces  deux  cas,  quoique  les  manifestations  morbides 
aient  été  localisées,  les  chirurgiens  ont  eu  affaire  à  une  septicémie  à  marche 
rapide. 

p.  Complications  abdominales.  Les  complications  qui  se  montrent  du  côté 
de  l'abdomen  sont  de  beaucoup  les  plus  fréquentes.  Elles  peuvent  tenir  à  des 
causes  variable  et  sont  de  gravité  très-inégale. 

Nous  avons  déjà  parlé  du  retard  apporté  quelquefois,  même  dans  les  cas  favo- 
rables, au  rétablissement  des  fonctions  intestinales.  Dans  ces  circonstances,  il 
n'y  a  guère  qu'un  peu  d'inertie  intestinale.  Cependant  les  accidents  semblent 
persister  ajirès  le  débridement  :  le  ballonnement  du  ventre  ne'diminue  pas,  les 
vomissements  se  reproduisent  tout  en  restant  seulement  bilieux  ou  alimentaires, 


HERNIES.  819 

et,  au  Ijoul  de  quelques  jours,  soit  spoutancment,  soit  après  radministratiou 
d'un  purgatif,  tout  rentre  dans  l'ordre. 

Mais  souvent  cette  terminaison  favorable  ne  se  montre  pas  :  les  accidents 
durent,  s'aggravent  même,  et  l'on  voit  survenir  la  mort  malgré  le  débri- 
dément  et  la  réduction.  Ces  pliénomènes  peuvent  tenir  à  plusieurs  circon- 
stances. 

Le  pseudo-étranglement  paralytique,  qui  a  été  invoqué  pour  expliquer  cer- 
tains de  ces  faits  et  dont  nous  avons  déjà  parlé  à  propos  du  taxis,  ne  paraît  pas. 
à  lui  seul,  suffisant  pour  amener  la  terminaison  fatale.  Ordinairement  la  paralysie 
Hitestinale  n'est  que  le  résultat  d'une  péritonite.  Dans  d'autres  cas,  «  à  ce 
pseudo-étranglement  paralytique  il  faut  associer,  dit  Duplay,  l'influence  de 
l'épuisement  nerveux,  d'une  congestion  pulmonaire  généralisée  ou  d'autres 
accidents  jiroduits  par  l'élrangloment.  » 

D'autres  fois  on  a  pensé  que  la  persistance  des  accidents  était  due  à  un  rétré- 
cissement de  l'intestin.  La  permanence  du  sillon  d'étranglement  après  la 
réduction,  qui  peut  durer  quelques  jours,  est  capable,  en  effet,  quelquefois, 
de  créer  un  obstacle  suffisant  pour  arrêter  le  cours  des  matières.  11  est  rare, 
cependant,  que  cette  sténose  ne  cède  pas  au  bout  de  peu  de  jours.  On  pourrait 
aussi  se  trouver  en  présence  d'un  rétrécissement  spasmodique.  Nous  ne  connaissons 
comme  exemple  de  cet  accident  que  le  cas  rapporté  par  Berger  et  cité  par  Duplay  : 
«  Le  professeur  Verneuil,  à  l'ouverture  d'une  liernie  inguinale  congénitale  cliez 
un  jeune  enfant,  put  constater  l'existence  d'un  rétrécissement  à  l'une  des  extré- 
mités de  l'anse  intestinale  lierniée.  Des  pressions  directes,  exercées  par  le  clii- 
rurgien,  eurent  quelque  peine  à  faire  francbir  aux  matières  intestinales  le  point 
rétréci.  »  Enfin  il  existe  des  cas  assez  nombreux  de  rétrécissement  permanent 
de  l'intestin  ii  la  suite  de  l'étranglement.  Nous  avons  déjà  parlé  plusieurs  fois  du 
cas  célèbre  de  Uitscli  et  de  la  coarctalion  cicatricielle  ou  inflammatoire,  étudiée 
dans  la  thèse  de  Guignard.  Duplay  cite  une  observation  de  Maisonneuve,  qui  se 
rapporte  à  cette  sorte  de  rétrécissement  et  qui  démontre  qu'il  est  susceptible  de 
causer  la  persistance  des  phénomènes  de  l'étranglement,  avec  tous  ses  dangers. 

Dans  un  autre  groupe  de  faits,  les  accidents  sont  dus  à  une  fausse  réduction 
pratiquée  pendant  la  kélotomie.  Nous  avons  déjà  indiqué  et  étudié  ces  faits  à 
pi'opos  du  taxis,  nous  n'y  reviendrons  ici  que  brièvement.  L'intestin  peut  être 
partiellement  réduit  et  retenu  par  un  orifice  profond  :  il  est  donc  nécessaire 
que  le  chirurgien  s'assure,  en  introduisant  le  doigt  dans  le  trajet  herniaire, 
qu'il  n'a  pas  pratiqué  une  réduction  incomplète.  D'autres  fois  l'opérateur, 
ayant  négligé  de  fixer  solidement  le  sac  quand  il  fait  pénétrer  le  doigt  dans 
l'anneau  pour  guider  le  bistouri  de  Cooper,  voit  la  hernie  fder  sous  la  pression, 
et  une  réduction  en  masse  se  produire  sous  ses  yeux.  11  ne  faudrait  pas  hésilei', 
dans  ces  cas,  à  agrandir  l'ouverture  et  à  aller  à  la  recherche  du  sac,  pour 
délivrer  l'intestin  encore  saisi.  Enfin  nous  avons  vu  aussi  que  l'intestin  peut 
être,  pendant  la  réduction,  refoulé,  à  travers  l'incision  du  débridement,  dans  le 
tissu  cellulaire  sous-péritonéal,  et  s'y  étrangler.  Streubel  a  rassemblé  quelques 
exemples  de  cet  accident  qui  a  fait  l'objet  d'un  travail  de  Farabeuf  à  la  Société 
de  chirurgie  (1877).  Si  l'on  soupçonnait  cette  complication,  il  faudrait  immé- 
diatement agrandir  l'ouverture  pour  dégager  l'anse  saisie  et  pratiquer  un  nou- 
veau débridement  suivi  d'une  nouvelle  réduction, 

La  continuation  des  phénomènes  de  l'étranglement  après  l'opération  peut 
aussi  tenir  à  ce  que  le  chirurgien  ne  s'est  pas  adressé  à  la  véritable  cause  des 


880  lIER^ilES. 

accidents.  Je  me  contenterai  de  rappeler  la  possibilité  de  la  kélotomie  faite  sur 
une  hernie  irréductible  coïncidant  avec  un  étranglement  interne,  et  la  présence 
de  deux  hernies  dont  l'une  seule  est  étranglée,  alors  que  le  chirurgien  a  opéré 
l'autre.  Ce  sont  plutôt  là  des  erreurs  de  diagnostic  dont  il  existe  des  exemples, 
mais  qu'un  examen  attentif  doit  faire  éviter. 

C'est  dans  celte  catégorie  de  faits  que  doivent  rentrer  les  opérations  portant 
sur  des  hernies  propéritonéales  ignorées.  Leur  sac  superficiel  est  ouvert,  le  pre- 
mier collet  est  débridé  et  le  chirurgien  réduit  le  contenu  de  ce  premier  sac  dans 
le  second,  croyant  avoir  levé  l'obstacle,  alors  que  l'agent  véritable  de  l'étrangle- 
ment siège  au  niveau  de  l'orifice  abdominal  du  second  sac.  D'ordinaire  cet  acci- 
dent a  été  méconnu  ;  cependant,  dans  5  ou  4  cas  que  nous  avons  cités  déjà  [voy. 
Anatomie  pathologique  des  hernies  réductibles),  les  chirurgiens  'ont  pu  faire 
à  temps  le  diagnostic  de  cette  disposition  exceptionnelle,  inciser  largement 
la  paroi  abdominale  et  aller  débrider  le  véritable  étranglement.  Les  signes 
capables  de  le  faire  reconnaître  seraient  la  présence  d'une  hernie  inguinale 
congénitale  avec  ectopie  testiculaire  et  la  nécessité  de  pressions  soutenues  pour 
réduire  une  anse  néanmoins  peu  serrée.  De  plus,  l'exploration  attentive  de 
la  partie  profonde  du  trajet  herniaire  pourrait  permettre  de  découvrir  le  sac 
profond. 

Mais,  de  toutes  les  complications  abdominales,  la  plus  grave  et  en  même 
temps  la  plus  fré([uente,  celle  qui  cause  le  plus  souvent  la  mort  c'est,  sans 
contredit,  la  péritonite.  Elle  peut  survenir  de  trois  manières.  Elle  est  d'abord 
consécutive  à  une  perforation  intestinale,  précoce  ou  tardive,  après  la  réduction 
de  l'anse  herniée.  Elle  est  alors  suraiguë  et  emporte  très-rapidement  le  malade. 
En  second  lieu,  il  peut  y  avoir  une  péritonite  par  propagation,  l'inflammation 
développée  au  niveau  de  la  plaie  ayant  gagné  la  profondeur  et  envahi  la  séreuse 
abdominale.  Dans  ce  cas,  elle  a  une  marche  plus  lente  que  précédemment  et 
s'annonce  par  de  la  douleur,  du  ballonnement  du  ventre,  des  vomissements. 
Très-souvent,  enfin,  il  peut  y  avoir  un  début  sourd;  les  évacuations  intestinales 
ne  se  sont  pas  produites,  les  vomissements  ont  persisté  en  devenant  bilieux,  le 
ventre  est  douloureux  dans  toute  son  étendue,  le  pouls  est  petit  et  fréquent, 
l'état  général  s'altère  rapidement  et  le  malade  ne  tarde  pas  à  mourir. 

Cette  dernière  forme  paraît  se  rapprocher  de  cette  variété  particulière  de 
péritonite  qui  a  été  décrite,  dans  ces  dernières  années,  sous  le  nom  de  septi- 
cémie périlonéale,  et  dont  nous  avons  déjà  parlé  à  propos  de  la  rnort  dans 
l'étranglement. 

Voici,  d'après  la  thèse  de  Momon  (1882),  quel  en  est  l'aspect  clinique.  L'opé- 
ration paraît  avoir  réussi;  tous  les  phénomènes  ont  disparu,  le  malade  est  très- 
bien  pendant  un  jour  ou  deux;  puis,  peu  à  peu,  la  température  s'élève  légère- 
ment, la  langue  devient  sèche,  la  peau  chaude,  il  y  a  quelques  nausées,  puis 
rapidement  les  accidents  graves  éclatent.  Le  faciès  prend,  en  quelques  heures, 
l'aspect  grippé,  abdominal,  il  y  a  de  l'angoisse  respiratoire,  la  température  monte 
rapidement  à  40  degrés  et  au  delà.  En  même  temps  le  ventre  reste  souple,  il  n'est 
ni  ballonné,  ni  douloureux,  les  selles  sont  normales  et  la  plaie  marche  réguliè- 
rement vers  la  guérison.  Mais  l'évolution  de  la  maladie  est  rapide,  le  malade 
s'abat  de  plus  en  plus,  la  température  s'élève  et  les  phénomènes  s'accentuent 
jusqu'à  la  mort  qui  survient  rapidement,  quelquefois  au  milieu  d'un  délire  assez 
bruyant. 

Si  le    chirurgien  diagnostique  [cette  terrible  complication,   il  n'y  a  qu'un 


HERNIES.  881 

trailcnieiit  à  tenter,  c'est  celui  qui  a  été  essayé  avec  succès  par  Peyrot  dans  une 
observation  citée  par  M.  Momon.  Il  faut  ouvrir  le  péritoine,  même  si  la  réunion 
est  faite,  pour  permettre  l'écoulenient  du  liquide,  faire  la  toilette  abdominale, 
faire  pénétrer  nn  drain  ou  une  sonde  jusque  dans  la  cavité  péritoncale  et  y  faire 
passer  plusieurs  litres  d'une  solution  antiseptique,  jusqu'à  ce  que  l'eau  ressorte 
claire  et  limpide.  La  malade  de  Peyrot  fut  sauvée  par  ce  moyen,  mais,  tout 
en  l'essayant,  il  faut  Ijieu  se  souvenir  de  la  gravité  exceplionnelle  de  cette  com- 
plication et  des  chances  minimes  de  succès  que  l'on  peut  avoir. 

Complications  éloic/nées.  Certains  malades  succombent  enfin  quelquefois, 
sans  que  l'on  puisse  découvrir  les  causes  de  leur  mort.  Nous  avons  vu  que 
les  comjdications  pulmonaires  et  rénales  de  l'étranglement  sont  susceptibles, 
même  après  la  kélotomie,  d'emporter  les  malades.  Quelquefois  on  ne  trouve 
absolument  aucune  lésion  :  l'opéré  meurt  de  sun  étranglement.  Dans  ce  cas,  le 
cours  des  matières  ne  se  rétablit  pas  franchement,  il  survient  une  diarrhée  abon- 
dante, le  malade  s'affaiblit  rapidement  et  succombe.  On  ne  peut  invoquer,  pour 
expliquer  cette  lin,  que  «  le  retentissement  fâcheux  de  l'étranglement  sur  toute 
l'économie  et  la  perturbation  profonde  qu'ont  amenée  dans  les  conditions  de 
l'existence  la  douleur  prolongée,  les  troubles  étendus  de  la  circulation  et  la 
suspension  des  fonctions  qui  sont  peut-être  le  plus  intimement  liées  à  la  nutri- 
tion générale  de  l'organisme  humain.  » 

Enfin  il  peut  exister,  après  la  kélotomie,  des  complications  plus  ou  moins 
graves,  mais  encore  peu  expliquées,  dont  nous  devons  nous  boi-ner  à  citer  quel- 
ques exemples.  Nous  rappellerons  une  observation  de  Cossy  (Société  anato- 
mique,  4875),  dans  laquelle  il  survint,  à  la  suite  du  débridement  d'une  hernie 
crurale  étranglée,  une  phlébite  occupant  les  veines  fémorale  et  iliaque  externe. 
Le  malade  mourut  d'une  embolie  pulmonaire  ;  un  caillot  considérable  oblitérait 
les  deux  divisions  de  l'artère  pulmonaire.  Citons  encore  le  cas  de  Gazin  [Bull, 
de  la  Soc.  de  cliir.,  1874),  dans  lefjuel  une  kélotomie  fut  jnatiquée  pour  une 
hernie  crurale  dont  l'étranglement  très-grave  avait  revêtu  l'aspect  du  véritable 
choléra  herniaire.  Cinq  jours  après  l'opération,  le  malade  ressentit  une  sensation 
particulière  de  fourmillement  dans  les  doigts  des  deux  mains  et  des  pieds. 
Deux  jours  après,  la  pulpe  augmentait  de  volume  et  l'épidermc  était  soulevé, 
par  un  épanchement  de  liquide,  jusqu'à  la  seconde  phalange.  Les  jours  suivants, 
l'épiderme  se  rompit,  l'eau  s'écoula  et  les  doigts  desquamèrent  comme  dans  la 
scarlatine.  Faut-il  rapporter  ces  accidents  à  la  kélotomie,  ou  plutôt  croire  que 
ce  sont  là  des  complications  tardives  de  l'étranglement?  Dans  le  premier  cas,  la 
phlébite  peut  bien  être  due  au  bistouri,  mais,  dans  le  cas  de  Cazin,  il  s'agit  pro- 
bablement d'un  accident  de  l'étranglement. 

De  quelques  modifications  apportées  au  mode  opératoire  de  la  kélotomie. 
Les  mauvais  résultats  que  donnait  autrefois  la  kélotomie  ont,  de  tout  temps, 
poussé  certains  chirurgiens  à  en  modifier  le  manuel  opératoire  ;  les  uns  cher- 
chaient à  ne  pas  ouvrir  le  péritoine,  pour  éviter  la  péritonite;  les  autres  a 
limiter  autant  que  possible  cette  ouverture;  d'autres  enfin  ont  imaginé  certaines 
modifications  de  détail  que  nous  allons  rapidement  passer  en  revue. 

X"  Kélotomie  sans  ouverture  du  sac.  Cette  méthode,  qui  a  surtout  pour  but, 
en  laissant  le  péritoine  intact,  d'éviter  la  péritonite,  a  été  inventée  par  J.-L.  Petit, 
en  1718,  au  dire  de  Garengeot.  Ce  chirurgien  avait  môme  essayé  de  préciser  les 
cas  dans  lesquels  ce  procédé  pouvait  être  employé.  Il  fut  combattu  par  Mauchart, 
en  1722,  qui  lui  reprochait,  à  juste  titre,  de  ne  pas  permettre  de  se  rendre 
DICT.  ENC.   A"  s.   Xllf.  ^^ 


88iJ  IIEKINIES. 

compte  de  l'état  de  l'iiilesliii,  ce  qui  pouvait  amener  la  véduclion  d'une  anse 
yaiîgrence  ou  ilu  moins  profondément  altérée,  llcister,  Scliarp,  en  1741,  avaient 
eux.  aussi,  et  pour  les  mômes  raisons  que  Mauchart,  repoussé  ce  nouveau  procédé 
opératoire.  Il  fut  cependant  remis  en  honneur  en  1750  par  Ravaton,  qui  s'en 
croyait  l'inventeur.  Mais  bientôt,  en  France,  la  plupart  des  autours  arrivèrent 
à  le  rejeter,  surtout  après  que,  à  la  suite  de  Dupuytren  et  de  son  élève  Maunoury, 
on  admit  que  le  plus  souvent  l'étranglement  était  produit  par  le  collet  du  sac 
et  non  par  les  anneaux.  Cependant,  on  Angleterre,  la  méthode  conservait  des 
partisans.  Astley  Cooper  la  défendit  et  après  lui  Ashton  Key  et  Lucke.  En 
Allemagne,  lUchler  avait  paru  l'accepter  dans  quelques  cas.  Hesselbach  et 
Dielfenbacli  l'avaient  à  leur  tour  préconisée,  mais  il  faut  reconnaître  que,  de 
même  qu'en  France,  elle  n'avait  pas  été  généralement  admise.  Le  mémoire  de 
Malgaigne,  qui  tenta  de  repousser  complètement  l'étranglement  par  les  anneaux 
et  de  prouver  que  le  collet  du  sac  était  toujours  la  cause  de  cet  accident,  devait 
amener  un  abandon  encore  plus  grand  de  la  méthode  do  J.-L.  Petit. 

Elle  fut  cependant  reprise  on  18(i5  parColson  (de  Boauvnis),  qui  publia  dans 
les  ArcJtives  de  médecine  un  mémoire  im|)Oitant  à  ce  sujet,  appuyé  sur  des 
observations  favorables.  Gossolin,  Alphonse  Ciuérin,  Le  Fort,  l'employèrent  à  leur 
tour  dans  (piolquos  cas.  Elle  fut  encore  l'objet  de  travaux  intéressants  de  la 
part  de  Huutrelepont  {Arcliiv  von  LanyenbecI,-,  1867-1868),  de  Chauvet  {De  la 
liélolomie  sans  om^erlure  du  sac.  Th.  de  Bei'ne,  1872),  de  Ravoth  [Berliner 
IdUmche  Wochenchrift,  1 866),  de  Freber  [Wien.  medic.  Wochenachr.,  1807),  en 
Alloniagne.  Ce  procédé  fut  aussi  étudié  en  France  dans  ces  dernières  années 
dans  deux  thèses  inaugurales  :  celle  d'Aug.  Colson  {De  rope'ration  de  la  hernie 
clranylée  sans  ouverture  du  sac.  Paris,  1874)  et  celle  d'Affre  {De  l'opération 
de  la  hernie  étranglée  sans  ouverture  du  sac.  Paris,  1876).  Ces  auteurs  ont 
appuyé  leurs  conclusions  sur  des  statistiques  avantageuses.  Ainsi,  nous  trouvons, 
dans  la  thèse  d'Affre,  un  tableau  comprenant  852  cas  d'opérations  sans  ouver- 
ture du  sac,  se  décomposant  en  2')',.)  crurales,  85  inguinales,  10  ombilicales, 
1  ventrale,  17  inconnues.  Il  y  aurait  eu  267  guérisons  :  180  crurales,  66  ingui- 
nales, 8  ombilicales,  1  ventrale  et  12  inconnues;  et  85  morts,  soit  59  crurales, 
10  inguinales,  2  ombilicales  et  5  inconnues. 

Malgré  ces  l'osultats  relativement  avantageux,  et  quoique  Collin,  Chauvel  et 
Affre,  aient  essayé  de  limiter  son  emploi  à  des  cas  parfaitement  précisés, 
cependant  son  usage  n'a  pas  prévalu,  à  cause  de  certains  désavantages  réels  sur 
lesquels  nous  reviendrons  tout  à  l'heure.  Le  procédé  opératoire  est  par  lui-même 
des  plus  simples.  Agissant  au  début  comme  dans  la  kolotomie  ordinaire,  on 
arrive  sur  le  sac  sans  l'inciser  :  on  cherche  alors  à  isoler  le  collet  des  anneaux 
qui  le  serrent;  on  débride  l'annoau  à  l'aide  d'un  bistouri  droit  ghssé  entre  le 
collet  et  l'orifice  fibreux,  en  obéissant  aux  indications  ordinaires  du  débride- 
ment,  puis,  par  des  manœvres  de  taxis  exercées  sur  la  face  externe  du  sac,  on 
cherche  à  réduire  son  contenu  dans  le  venti'e.  On  est  averti  que  le  débridement 
externe  est  suffisant  quand,  après  l'incision  de  Panneau,  on  voit  se  produire  un 
élargissement  manifeste  du  collet.  «  Si,  au  contraire,  dit  Duplay,  le  contenu  du 
sac  résiste  aux  pressions,  si  le  eollet  a  l'air  de  ne  pas  vouloir  se  laisser  dilater, 
Lucke  et  après  lui  B.  Colson  ont  conseillé  de  l'attirer  légèrement  au  dehors  et 
de  chercher  à  l'amincir  par  des  tractions  que  l'on  exerce  sur  lui,  ou  en  le 
déchirant  superficiellement  avec  un  instrument  mousse  sans  intéresser  toute  son 
épaisseur.  » 


HERMES.  885 

Malgré  cette  siniplicilé  opératoire,  il  existe  un  certain  nombre  d'inconvé- 
nients graves,  dont  le  plus  sérieux  est  celui  (jui  avait  déjà  été  indiqué  par  Mau- 
cliart,  dès  1722  :  la  possibilité  de  réduire  un  intestin  perforé  ou  gangrené,  faute 
d'avoir  pu  constater  l'état  de  l'anse  herniée  par  l'examen  direct.  Nous  savons, 
en  effet,  qu'eu  dehors  des  cas  de  gangrène  confirmée  avec  épanclieraent  gazeux, 
et  même  d'un  abcès  stercoral,  nous  n'avons  aucun  signe  positif,  autre  que  la 
vue  de  l'anse  herniée,  pour  reconnaître  le  degré  de  l'étendue  des  altérations 
intestinales.  De  plus,  ce  procédé  est  inapplicable  aux  nombreux  cas  où  l'étran- 
glement est  produit  par  le  collet  du  sac.  Enfin,  on  comprenait  davantage  soi; 
emploi  à  l'époque  oiî  l'ouverture  du  péritoine  était  toujours  considérée  comme 
une  opération  grave.  Mais,  aujourd'hui  que,  grâce  à  la  méthode  antiseplicjue,  la 
chirurgie  abdominale  et  les  opérations  intra-péritonéales  ont  perdu  beaucouj) 
de  leur  gravité,  on  ne  comprend  plus  la  nécessité  de  courir  un  risque  aussi 
grand  que  celui  que  nous  venons  de  signaler.  De  nos  jours,  en  effet,  le  cadre  de 
la  kélotomie  s'est  notablement  agrandi,  et,  ainsi  que  le  fait  remarque)'  Picqué, 
cette  opération  est  aussi  bien  un  moyen  de  contrôle  qu'un  procédé  de  débride- 
ment.  Or,  comme  ce  contrôle  ne  peut  exister  que  lorsque  le  sac  est  ouvert,  et 
que  rien,  en  dehors  de  l'examen  attentif,  ne  peut  sîirement  nous  faire  connaître 
l'état  exact  de  lanse  herniée,  le  procédé  ordinaire  nous  paraît  préférable  à  celui 
de  J.-L.  Petit. 

C'est,  du  reste,  pour  la  même  raison  que  nous  croyons  devoir  rejeter  le  pro- 
cédé de  débridement  sous-cutané  de  Jules  Guérin,  universellement  abandonné 
de  nos  jours,  et  celui  de  Malgaigne,  qui  conseillait  de  diviser  les  enveloppes  de 
la  hernie  dans  une  étendue  juste  suffisante  pour  arriver  au  collet  du  sac  et  pour 
inciser  celui-ci,  de  dehors  en  dedans,  par  petits  coups.  Enfin,  nous  repoussons 
également  la  kélotomie  sans  réduction,  préconisée  comme  méthode  générale,  par 
Marc  Girard,  qui  d'ailleurs  n'a  été  acceptée  à  ce  titre  par  aucun  chirurgien. 
Tout  au  plus  doit-on,  en  présence  de  certaines  lésions  douteuses,  débrider  sans 
réduire,  et  nous  avons  essayé  déjik  d'indiquer  dans  quels  cas.  Citons  encore,  et 
pour  la  rejeter  aussi,  l'opération  de  Pioiisset  dans  laquelle  on  ouvre  le  ventre  au 
voisinage  de  l'anneau  herniaire,  pour  chercher  les  bouts  de  l'intestin  qui  s'y 
engagent  et  les  réduire  par  des  tractions  exercées  de  dedans  en  dehors.  Ce  pro- 
cédé a  été  aussi  préconisé  par  Annandale.  en  1873,  avec  cette  différence  que, 
après  avoir  atteint  l'anneau  en  traversant  la  paroi  abdominale  au-dessus  de  lui, 
il  le  débride  avec  un  bistouri  de  Cooper,  comme  dans  la  kélotomie  ordinaire. 
Ghavasse,  en  1882  [the  Lancet,  27  mai),  aurait  obtenu  un  succès  par  ce  procédé 
qui  nous  semble  constituer  une  opération  beaucoup  plus  grave  que  la  kélotomie 
complète  ordinaire  que  nous  avons  décrite,  et  qui,  pour  cette  raison,  ne  nous 
paraît  pas  devoir  lui  être  préféré. 

Celle-ci  paraît,  en  effet,  devoir  être  uniquement  adoptée  dans  tous  les  cas.  Nous 
n'y  reconnaissons  guère  qu'une  exception  :  ce  sont  les  cas  de  fausse  réduction, 
alors  que  la  tumeur  herniaire  ne  se  retrouve  plus  au  voisinage  de  l'anneau  et  a 
djspavu  dans  l'abdomen.  Dans  ce  cas,  on  pourrait  ouvrir  largement  le  ventre, 
pratiquer  la  laparotomie,  pour  aller  à  la  recherche  de  l'obstacle.  D'ailleurs  un 
étranglement  interne  est  substitué  à  l'étranglement  externe,  et  ce  sont  do 
nouvelles  indications  qui  doivent  guider  l'action  du  chirurgien.  Dans  tous  les 
autres  cas,  la  kélotomie  faite  à  ciel  ouvert,  en  ouvrant  le  sac,  et  avec  toutes 
les  précautions  antiseptiques,  est  la  méthode  de  choix  à  la({uelle  il  faut 
s'arrêter. 


S8l  HERNIES. 

Résu/tals  (le  la  kéloLomie.  Pour  juger  exactement  les  résultats  de  l'opéra- 
tion de  la  hernie  élranii;léc,  il  ne  faut  pas  seulement  se  borner  à  rapporter  les 
chiffres  bruts  de  telle  ou  telle  statistique,  car  on  risquerait  de  se  tromper  con- 
sidérablement sur  leur  signification,  si  l'on  ne  cherchait  à  les  interpréter  con- 
venablement. 

r4ertcs,  il  faut  l'avouer,  la  kélotoniie  reste  une  opération  toujours  grave,  et 
dont  la  gravité  paraît  tenir  beaucoup  plus  à  l'état  particulièrement  mauvais  dans 
lequel  on  opère,  dans  bon  nombre  de  cas,  qu'au  traumatisme  opératoire  lui- 
même.  Beaucoup  de  résultats  mauvais  sont  dus  aussi  à  ce  que  l'opération  a 
été  trop  longtemps  rej^ardée  comme  la  ressource  suprême  et  tentée  in  extremis, 
alors  que  faite  plus  tôt  elle  eût  donné  lieu  à  des  succès  presque  certains.  Aussi, 
nous  sommes  loin  aujourd'hui  des  résultats  déplorables  fournis  par  les  statis- 
tiques anciennes  et  surtout  par  celles  de  Malgaigne.  Ce  chirurgien,  qui  avait 
relevé  les  opérations  de  kélolomie  faites  dans  les  hôpitaux  de  Paris  pendant 
quatre  années,  de  1856  à  1841,  est  arrivé  aux  chiffres  suivants  :  Sur  220  opérés 
\7\7)  morts  et  87  guérisons  seulement,  soit  une  mortalité  de  60  pour  100  envi- 
ron. Déjà,  à  l'époque  de  Gosselin,  les  proportions  étaient  modifiées.  Dans  ses 
Leçons  sur  les  heimiea,  ce  chirurgien  ne  rapporte  que  ses  opérations  person- 
iiolles,  au  nombre  de  G6,  qui  comprennent  55  guérisons  et  51  morts,  soit  une 
létlialitc  de  40  pour  100  seulement.  Du  reste,  à  mesure  que  les  indications  sont 
mieux  connues,  que  l'opération  est  faite  plus  tôt  et  dans  de  meilleures  con- 
ditions, les  résultats  s'améliorent.  Les  chiffres  que  nous  pouvons  citer  reposent, 
malheureusement,  sur  des  observations  trop  peu  nombreuses  pour  avoir  une 
signification  absolument  indiscutable.  Ils  poitent  cependant  eu  eux  leur  ensei- 
gnement. De  plus,  il  sera  facile  de  voir  que  l'apparition  et  la  généralisation  de 
la  méthode  antiseptique  a  encore  abaissé  la  proportion  des  revers. 

Ainsi  M.  Desprès,  ([ui  est  encore  un  des  rares  adversaires  de  cette  méthode, 
jiubliait  en  1881  (Gaz.  des  hôpitaux,  15  janvier)  la  statistique  des  hernies  opé- 
rées par  lui  depuis  neuf  ans.  Les  opérations,  au  nombre  de  46,  fournissaient 
un  chiffre  de  24  morts  pour  22  guérison  seulement. 

Au  contraire  Swcnson,  publiant,  en  1880,  les  résultats  des  kélotomies  faites 
pendant  l'année,  à  l'hôpital  de  Sabbastberg  (Suède),  trouve  4  morts  seulement 
sur  14  opérations,  c'est-i\-diie  une  mortalité  de  28  pour  100.  Seeger,  dans  sa 
thèse  inaugurale,  publiée  à  Berlin  en  1885  (Recherches  sur  la  casuistique  de  la 
hemiotomie),  a  rassemblé  tous  les  cas  de  hernies  étranglées  observés  à  l'Université 
royale  de  Berlin  de  1877  à  1881.  Ils  sont  au  nombre  de  81,  dont  75  furent 
opérés.  Ces  kélotomies  ont  été  faites  41  fois  sur  des  femmes.  52  fois  chez  des 
hommes.  Sur  les  41  femmes,  11  morts  seulement,  soit  27  pour  100;  sur 
les  42  liommes,.4  morts  aussi,  soit  52  pour  100.  Enfin  Beuno-Schmidt  a  pré- 
senté au  douzième  Congrès  des  chirurgiens  allemands  (1885)  un  mémoire  sur 
les  résultats  de  la  kélotomie  depuis  l'emploi  des  antiseptiques.  Il  a  pu  réunir 
508  opérations  dont  115  morts,  soit  50,9  pour  100  de  mortalité.  II  fait  observer, 
en  outre  qu'avant  les  pansements  de  Lister  la  léthalité  pouvait  être  fixée  à 
4o  pour  100  environ.  La  nouvelle  méthode  aurait  donc  fait  gagner  9  pour  100 
environ,  sans  compter  qu'un  certain  nombre  de  décès  sont  dus  à  des  affections 
intercurrentes.  Déplus,  si  on  divise  les  cas  par  catégories,  ils  deviennent  encore 
plus  significatifs.  Benno-Schmidt  les  partage  en  quatre  groupes  qui  donnent  les 
chiffres  suivants  : 

1"  Herniotomie  avec  réduction  du  contenu  :  mortalité  'il ,  A  pour  100; 


HERNIES.  88:. 

'2"  Herniotoniie  avec  résection  de  l'épiploon  et  réduction  du  contenu  :  Wior- 
<rt/«7e  22,2  pour  100; 

5"  Ilerniotomie  avec  résection  intestinale  suivie  de  la  réduction  d'un  intestin 
suturé  :  mortalité  1&  pour  100; 

4»  Herniotomie  avec  établissement  d'anus  contre  nature  :  mortalité  80,5 
pour  100. 

Nous  aurions  voulu  pouvoir  placer  à  côté  de  ces  statistiques  étrangères  les 
résultats  de  la  pratique  chirurgicale  française  depuis  ces  dernières  années,  et 
correspondant  aux  opérations  faites  avec  l'observation  des  règles  de  la  méthode 
antiseptique.  Malheureusement,  nous  manquons  de  documents  suffisants  pour 
le  faire.  Nous  savons  néanmoins  que  chez  nous,  comme  chez  nos  voisins,  la 
statistique  delà  kélotomie s'est  notablement  améliorée  depuis  quelques  années. 

Cependant  il  ne  serait  pas  absolument  équitable  d'attribuer  uniquement  ces 
résultats  favorables  à  l'emploi  de  la  méthode  antiseptique  ;  la  kélotomie  était 
déjà  beaucoup  moins  meurtrière  avant  son  apparition.  Cela  tient  à  ce  que  les 
chirurgiens  avaient  pu  déjà  bien  mieux  se  rendre  compte  des  indications  de 
'opération  :  ils  avaient  compris  tous  les  dangers  d'un  taxis  trop  prolongé,  et 
compris  aussi,  suivant  l'expression  de  Du[)lay,  que  «  les  malades  meurent  bien 
plus  de  l'évolution  pathologique  qui  a  débuté  avec  l'étranglement,  des  lésions 
intestinales  et  de  leurs  conséquences  (troubles  circulatoires,  nerveux,  etc.), 
que  du  traumatisme  opératoire.  » 

Aussi,  pour  nous  résumer,  nous  pouvons  dire  (|ue  la  kélotomie  sera  d'autant 
plus  suivie  de  succès  que  l'on  |)0urra  la  pratiquer  plus  tôt,  avant  que  les  lésions 
sérieuses  et  souvent  irrémédiables  de  l'intestin  se  soient  produites  et  que  le 
malade  soit  en  proie  a  un  état  général  grave  ;  qu'elle  ne  devra  jamais  céder 
le  pas  à  un  taxis  fait  en  dehors  des  limites  strictes  que  nous  avons  tracées. 
Nous  sommes  même  disposé  à  aller  plus  loin  et  à  conseiller,  dans  les  cas  dou- 
teux, où  le  chirurgien  hésite  à  affirmer  un  étianglement,  une  opération  qui 
risque  d'être  inutile,  persuadé  qu'il  y  a  beaucoup  moins  de  périls  à  faire  la 
kélotomie  quand  il  n'en  est  pas  besoin  qu'à  laisser  évoluer  un  étranglement 
méconnu.  Donc  nous  sommes  absolument  partisan  de  la  kélotomie  hâtive  et 
rigoureusement  antiseptique. 

En  face  des  accidents  herniaires  il  faudra  toujours  se  souvenir  du  précepte  si 
souvent  formulé  :1e  chirurgien  appelé  auprès  d'un  malade  atteint  d'étrangle- 
ment herniaire,  ne  doit  quitter  le  malade  qu'après  avoir  levé  l'étranglement, 
soit  parle  taxis,  soit  par  la  kélotomie.  Akdré  Boursifr. 


TABLE   DES  CHAPITRES 


DéOnitioii 667 

Classification  des  Hernies. 668 

Etiologie 670 

Mécanisme  et  pliysiologie 680 

Anatomie  pathologique 687 

Symptômes ^'^ 

Diagnostic ^1' 

Marche  et  évolution  de  la  hernie. 'Î21 

Traitement  des  hernies  réductibles 728 

A"  Traitement  palliatif "^29 

2"  Traitement  curatif  et  cure  radicale 740 


88(3  IIER'.OLD. 

Accidents  des  hernies .  757 

1°  Étranplement 761 

Anatomie  patliologiqup  do  rolrangloniniit . . 762 

Symptômes 779 

Terminaison  de  rélran^leinenl 792 

Mécanisme  de  l'étranglement 800 

2°  Des  pseudo-étranglements 809 

Engouement 809 

Inflammation 8H 

5°  Hernies  irréductibles 819 

Diagnostic  des  accidents  herniaires 822 

Traitement  des  accidents  herniaires 832 

Du  taxis 853 

Accidents  du  taxis 844 

Do  la  kélotomie 856 

Difficultés  inhérentes  à  la  kélotomie 866 

IMiénomènes  et  soins  consécutifs  à  l'opération 87 

Résultats  de  la  kélotomie 88 

A.  B. 

n^'.RO.VKD  (Je\x).  Analoaiisle  Ihinçuis,  né  à  Montpellier,  mort  au  siège 
de  La  Uoclielle,  en  16'27.  Ueçu  docteur  à  Montpellier  en  1575,  il  obtint  la  place 
de  médecin  ordinaire  de  Charles  IX  ;  il  assista  à  l'autopsie  de  Henri  lll  et  fut 
le  premier  médecin  do  Louis  XIII.  On  a  de  lui  :  Hippostologie,  c'est-à-dire 
discoîirs  des  os  du  cheval.  Paris,  1599,  in-4".  L.  Hn. 

llKRODicrs.  Médecin  grec,  né  à  Mégare,  vivait  au  cinquième  siècle  avant 
Jésus-Christ  à  Selymbria,  en  Thrace.  Il  fut,  paraît-il,  l'un  des  maîtres  d'Hippo- 
crate.  Il  appliquait  la  gymnastique  à  la  préservation  de  la  santé  et  au  traite- 
mont  des  maladies.  On  le  soupçonne  de  s'être  livré  au  charlatanisme.      L.  H  n. 

HKRODIEIV!».      Voy.  Hkrons. 
nKRODOTE  (Les  deu.\). 

Hérodote.  Elève  d'Agatlîinus,  de  la  secte  des  pneumatiques,  vivait  pro- 
bablement vers  la  fin  du  premier  siècle,  à  Rome,  sous  Trajan.  Galion,  Oribase 
et  Aétius,  nous  ont  conservé  des  fragments  de  ses  œuvres,  dont  les  principaux 
se  trouvent  dans  la  collection  de  Mattliœi  (Moscou,  1808,  10-4").        L.  Hn. 

Hérodote  (deTarse).  En  Cilicie,  fut  l'élève  de  l'empirique  Menodote  et  le 
maître  de  Sextus  Empirions.  Il  vivait  dans  la  première  moitié  du  second  siècle 
après  Jésus-Christ.  Il  est  considéré  comme  l'auteur  de  l'écrit  pseudo-galénique 
intitulé  :  EiffayoûvÀ  Î!  tarpoç.  L.  Hx. 

HEROLD  (Joha.nn-Moritz-David).  Médecin  et  naturaliste,  né  à  léna,  le 
3  janvier  1790,  mort  à  Marbourg,  le  50  décembre  1862.  Il  fut  en  1809  pro- 
secteur à  Halle  et  fut  reçu  docteur  à  Marbourg  en  1812  [Observata  quaedam 
ad  capitis  humani  partiiim  strucluram  et  conditionem  ahnormem),  nommé 
professeur  extraordinaire  de  médecine  à  l'Université  de  cette  ville  en  1810,  pro- 
fesseur ordinaire  en  1822.  enfin,  en  1824.  professeur  de  zoologie  et  directeur 
du  musée  zoologique.  Herold  a  publié  un  grand  nombre  d'ouvrages  avec  planches 
«ur  l'embryologie  des  animaux  sans  vertèbres.  L.  Hn. 


HEKO.N.  887 

HÉKOIV.  Les  Hérons,  qui  ronslituaient  la  majeure  partie  de  l'ancien  genre 
Àrdea  de  Liriné,  forment  maintenant,  sous  le  nom  d'Ardéidés,  une  famille  dis- 
Imcte  dans  l'ordre  des  Échassiers,  famille  dont  les  limites  coïncident  avec  celles 
de  la  tribu  des  Hérodiens  de  certains  auteurs.  Chez  la  plupart  des  Ardéidés  le 
bec  est  conique,  très-pointu  et  fendu  au  moins  jusqu'au-dessous  de  l'œil,  la 
mandibule  supérieure  est  déprimée  à  sa  base  dans  laquelle  s'ouvrent  les  narines 
dans  des  sillons  plus  ou  moins  profonds;  les  lores  (c'est-à-dire  l'espace  qui 
s'étend  de  chaque  côté  entre  l'œil  et  le  bec)  sont  dénudés;  les  tarses  sont  garnis 
ordinairement  de  larges  scu telles  sur  leur  face  antérieure  ;  les  doigts  extérieurs, 
longs  et  déliés,  ne  sont  rattachés  les  uns  aux  autres  que  par  des  membranes  peu 
développées  et  se  terminent  par  des  ongles  aigus  et  dont  le  médian  est  dilaté  et 
pectine  sur  son  bord  interne;  enfin  le  pouce,  fort  allongé,  s'insère  au  même 
niveau  que  le  doigt  externe  et  repose  sur  le  sol  par  toute  son  étendue.  Le  plu- 
mage offre  des  teintes  variables,  depuis  le  blanc  pur  jusqu'au  noir  fuligineux, 
en  passant  par  le  fauve,  le  brun,  le  gris  uniforme  ou  maculé  de  noir,  mais  il  se 
distingue  fréquemment  soit  par  la  présence  de  taches  longitudinales  sur  le  devant 
du  cou,  soit  par  l'allongement  et  la  forme  effilée  des  plumes  de  l'occiput,  de  la 
poitrine,  des  épaules  et  du  dos. 

Par  l'ensemble  de  leur  squelette  et  par  les  particularités  fournies  par  les 
diverses  pièces  et  leur  charpente  osseuse,  les  Hérons  diffèrent  encore  davantage 
des  autres  Échassiers,  tels  que  les  Grues,  les  Cigognes,  les  Totanidés.  Ainsi  leur 
os  canon,  ou  tarso-métatarsien,  est  allongé  et  comprimé  d'avant  en  arrière,  au  lieu 
d'offrir  plus  de  largeur  sur  les  faces  latérales  que  sur  la  face  antérieure,  et  il 
se  termine  inféricurement  par  des  trochlées  digitales  qui  ne  sont  pas  disposées, 
comme  chez  la  plupart  des  Échassiers,  sur  une  ligne  transversale  très-arquée, 
mais  qui  sont  rangées  suivant  une  ligne  presque  droite;  le  tibia,  fort  allongé, 
présente  une  disposition  spéciale  des  condyles  articulaires;  le  fémur  est  très- 
grêle,  le  sternum  est  muni  d'un  bréchet  qui  s'étend  d'un  bout  à  l'autre  du  bou- 
clier et  qui  est  souvent  courbé  sur  son  bord  inférieur;  la  clavicule  furculaire 
affecte  la  forme  d'un  V  et  se  fait  remarquer  par  l'existence  d'une  apophyse 
récurrente  et  d'un  tubercule  qui  se  joint  au  sommet  du  bréchet;  enfin  la  tête 
est  aplatie  et  élargie  dans  la  région  frontale  et  rétrécie  fortement  dans  sa  moitié 
postérieure,  par  suite  de  l'extension  des  fosses  temporales  qui  remontent  jus- 
qu'au sinciput. 

La  famille  des  Ardéidés  renferme  actuellement  près  de  100  espèces  qui  se 
distribuent  en  plusieurs  genres  {ArdeaL.,  Botauriis  Steph.,  TigrisomaSy/.,  Nyc- 
tiardea  Sw.,  Cancroma  L.  et  Balœniceps  Gould)  et  qui  sont  répandues  sur  toute 
la  surface  du  globe,  à  l'exception  des  régions  boréales  et  australes.  Ces  espèces 
ou  genres  se  distinguent  assez  facilement  les  uns  des  autres,  soit  par  la  forme  du 
bec,  soit  par  le  mode  de  coloration  du  plumage  ou  des  proportions  des  diverses 
parties  du  corps.  Ainsi  les  Balxniceps,  dont  on  ne  connaît  qu'une  seule  espèce 
(Balseniceps  rex  Gould)  vivant  dans  le  nord-est  de  l'Afrique,  sur  les  bords  du  Nil 
Blanc,  atteignent  des  dimensions  considérables  et  possèdent  un  bec  en  forme  de 
sabot  à  carène  légèrement  incurvée,  à  pointe  très-crochue,  au  moyen  duquel  ils 
saisissent  les  Poissons  et  les  Batraciens  dont  ils  font  leur  nourriture;  les 
Savacous  [Cancroma),  qui  sont  représentés  également  par  une  espèce  unique 
(C  coeidearia  L.),  mais  qui  sont  propres  aux  régions  tropicales  du  Nouveau 
Monde,  ressemblant  un  peu  aux  Balxniceps  par  la  forme  de  leur  bec  dont 
la  mandibule  supérieure  est  toutefois  plus  aplatie,  en  forme  de  cuiller  renversée. 


888  HÉROiN. 

en  même  temps  ([u'ils  se  ra[)[)roclient  des  Hérons  [)ar  leur  taille  et  par  les 
couleurs  grises,  blanches,  noires  et  rousses  de  leur  plumage;  enfin  les  Hérons 
proprement  dits  offrent  tous  les  caractères  essentiels  de  la  famille  des  Ardéidés, 
dont  ils  constituent  le  groupe  le  plus  important,  et  se  reconnaissent  facilement 
à  leur  hoc  conique  et  acéré,  à  leur  tète  aplatie  comme  celle  d'un  reptile,  à  leur 
cou  très-allongé  et  susceptible  de  se  ployer  en  S  pour  ramener  la  tête  entre  les 
épaules,  ou  bien  au  contraire  de  se  détendre  comme  un  ressort  de  façon  à 
darder  le  bec  sur  la  proie. 

Tous  les  Hérons  recherchent  le  voisinage  de  l'eau  et  se  tiennent  soit  sur  les 
côtes  de  la  mer,  soit  sur  les  rives  des  fleuves  ou  au  bord  des  marécages.  l)oués 
d'une  vue  perçante,  ils  découvrent  les  petits  Mammifères  qui  se  glissent  au  milieu 
des  joncs,  les  Vers  et  les  Mollusques  qui  rampent  sur  la  vase,  les  Poissons  qui  se 
jouent  dans  les  eaux,  et  ils  les  happent  brusquement  ou  les  percent  de  leurs  man- 
dibules. Ils  peuvent  rester  des  heures  entières  immobiles  à  guetter  leur  proie, 
ou  bien  ils  se  promènent  avec  des  allures  inquiètes  et  compassées.  Leur  vol  est 
assez  soutenu,  mais  beaucoup  moins  puissant  que  celui  des  Grues  et  des  Cigognes, 
et  dans  l'eau  ils  se  meuvent  avec  une  certaine  gaucherie.  Leur  voix  est  des  plus 
désagréables  :  c'est,  suivant  l'âge  ou  l'espèce,  tantôt  un  hurlement  prolongé, 
tantôt  un  grincement  ou  une  sorte  de  glapissement.  Ces  cris  se  font  entendre 
surtout  pendant  l'été,  sous  la  saison  de  la  nidification.  Alors  les  Hérons,  qui 
d'ordinaire  montrent  un  naturel  farouche,  deviennent  sociables  et  se  réunissent 
dans  une  même  localité  pour  nicher  à  côté  les  uns  des  autres  et  constituer  ce  que 
l'on  appelle  des  lieroîmièren.  Ces  colonies,  qui  sont  parfois  formées  par  des  Hérons 
d'espèces  différentes,  étaient  jadis  fort  communes  eu  Europe,  et  l'on  en  comptait 
même  un  assez  grand  nombre  dans  notre  pays;  mais  les  progrès  de  la  culture 
et  le  dessèchement  des  marais  les  font  successivement  disparaître.  Une  des  der- 
nières qui  subsistent  dans  notre  pays,  celle  d'Écury-le-Grand,  qui  a  été  fondée  par 
des  Hérons  cendrés  {Ardea  cinerea  L.),  n'a  même  été  conservée  que  grâce  à  la 
spéciale  protection  dont  elle  a  été  entourée  par  le  comte  de  Sainte-Suzanne  sur 
les  terres  duquel  elle  se  trouve  située. 

L'espèce  dont  je  viens  de  citer  le  nom,  le  Héron  cendré,  habite  l'Europe,  l'Asie 
et  l'Afrique,  et  séjourne  pendant  toute  l'année  dans  le  midi  de  la  France,  tandis 
que  dans  nos  départements  du  Nord  elle  part  au  mois  de  septembre  pour  ne  revenir 
qu'au  mois  de  mars.  Elle  atteint  une  forte  taille,  les  individus  adultes  mesurant 
plus  de  \  mètre  de  long,  et  présente  des  couleurs  fort  agréables  à  l'œil,  du  blanc, 
du  noir  et  du  gris  cendré.  Chez  le  Héron  pourpré  [Ardea  pur  pur  ea  L.),  qui  appar- 
tient également  à  la  faune  européenne,  les  dimensions  sont  un  peu  plus  faibles 
et  le  plumage  est  fortement  nuancé  de  noir  pourpré  et  de  roux,  tandis  que 
chez  les  Aigrettes,  dont  on  distingue  plusieurs  espèces  de  tailles  différentes 
[Ardea  ou  Egretta  nlba  L.,  Ardea  garzetta  L.,  etc.),  le  blanc  pur  s'étend  sur 
toute  la  livrée  de  l'adulte. 

A  côté  de  ces  espèces  je  citerai  encore  le  Garde-bœuf  ibis  [Ardea  bubulcus  Savi- 
gny),qui  est  ainsi  nommé  parce  qu'en  Afrique  on  le  voit  souvent  dans  les  pâtu- 
rages, au  milieu  des  troupeaux  de  buftles,  sur  le  dos  desquels  il  ne  craint  pas 
de  se  percher,  le  Héron  crabier  [Ardex  comata  Pall.),  qui  est  commun  en  Sicile, 
en  Italie  et  en  Crimée,  la  Blongios  nain  [Ardea  rninuta  L.),  Héron  de  très-petite 
taille  au  manteau  d'un  noir  verdâtre,  bordé  de  rouge,  qui  est  répandu  pendant 
la  belle  saison  sur  une  grande  partie  de  la  France,  le  Butor  [Ardea  ou  Bofaiirus 
stellaris  L.),  espèce  d'un  peu  plus  petite  taille  que  le  Héron  pourpré  et  de  formes 


HEHOPHILE.  88y 

plus  trapues  avec  uue  livrée  rousse,  tachetée  de  noir  ;  entiu  le  Bilioreau  {Ardea 
grisea  ou  Nyclicorac  europœus  Steph.),  qui  porte  un  manteau  gris  et  une  calotte 
d'un  noir  brillant,  à  reflets  bleuâtres  et  verdàtres. 

Les  Aigrettes  sont  encore,  sur  divers  points  du  globe,  l'objet  d'une  chasse 
active,  à  cause  du  parti  que  les  pluniassiers  savent  tirer  des  longues  plumes 
décomposées  qui  ornent  les  côtés  du  dos  de  ces  oiseaux.  Quant  aux  Hérons  gris, 
on  ne  les  tient  plus  en  si  haute  estime  qu'au  moyen  âge,  époque  à  laquelle  on 
les  considérait  comme  un  gibier  royal,  digne  d'être  servi  dans  les  repas  de  céré- 
monie. La  chair  des  Hérons,  comme  celle  de  la  plupart  des  oiseaux  piscivores,  a 
cependant  fort  mauvais  goût,  elle  est  sèche,  dure  et  d'une  digestion  difficile,  et 
l'on  ne  s'expliquerait  guère  pourquoi  elle  était  appelée  à  l'honneur  de  figurer 
sur  les  tables  royales,  si  l'on  ne  savait  que  le  vol  du  Héron,  c'est-à-dire  la  chasse 
de  cet  oiseau  au  moven  de  Faucons  admirablement  dressés,  constituait  jadis  un  des 
plaisirs  favoris  des  rois  et  des  princes. 

Dans  l'ancienne  thérapeutique  les  Hérons  avaient  aussi  trouvé  leur  emploi  : 
leur  graisse  passait  pour  calmer  les  douleurs  de  la  goutte,  pour  guérir  la  surdité 
et  pour  éclaircir  la  vue.  E.  Ocstalet. 

Bibliographie.  —  Lémei  y  (Hic).  Dict.  univ.  des  drogues  simples.  Paris,  1735,  p.  71. — 
Arnoult  de  Noblevillk  et  Salerne.  Suite  de  la  matière  médicale  de  Geoffroy,  t.  III,  p.  104. 
Reichenow  (A.)-  Systematische  Uebersicht  der  Schreitvôgel.  In  Journ.  fiirOmith.,  1877, 
p.  232.  —  Breiim.  Vie  des  Animaux,  édit.  Iraiiç.  Oiseaux,  t.  II,  p.  647.  E.  0. 

IlÉROPlllLE.  Célèbre  médecin  et  anatomiste  grec,  de  la  famille  des 
Asclépiades,  vivait  vers  555-280  avant  l'ère  chrétienne;  il  était  contemporain 
d'Érasistrate,  son  rival.  Hérophile  naquit  à  Chalcédoinc,  en  Bithynie,  et  vint  se 
fixer  à  Alexandrie  sous  Ptolémée  Soter.  Disciple  de  Praxagoras  de  Cos  et  de 
Chrysippe  de  Cnide,  il  acquit  une  grande  réputation  comme  médecin  et  contribua 
à  fonder  l'Ecole  de  médecine  d'Alexandrie.  C'est  surtout  pai-  ses  travaux  d'ana- 
tomie  et  de  physiologie  qu'il  est  connu  ;  il  ])artage  avec  Érasistrate  la  gloire 
d'avoir  en  quelque  sorte  fondé  l'anatomic  {voy.  Érasistiute). 

Les  ouvrages  d'ilérophile  ne  sont  pas  venus  jusqu'à  nous;  on  en  trouve  les 
titres  et  quelques  fragments  dans  une  dissertation  de  Marx  :  llerophilus.  Eut 
Beitrag,  etc.  (Carlsruhe  u.  Baden,  1858,  in-8»)  et  De  Herophili...  vita,  scriptis 
atque  in  mecUcina  merilis  (Gottingae,  1840,  in-4«).  Voici  le  titre  de  ses 
ouvrages:  'Ava-oy.f/.à(ou  'AvaTOf^ix-ïj),  en  plusieurs  livres;  — ïliplô'fôrAuùii; — nspi 
c-p'jyf/.6iv  ■Kpry_y,j.a.xii7.:;  (ouvrage  attaqué  par  Galien  et  par  Héraclide  [de  Tarente])  ; 
~-Ucf,l  ahiijl;  —  nob;7rl;  v.oi-jà.ç  Sà^^^a;  (contre  les  préjugés  vulgaires),  cité  par 

Soranus;  Tou.aiwTr/6v,  cité  également  par  Soranus.  Cielius  Aurelianus   parle 

encore  d'un  ouvrage  en  plusieurs  livres  :  De  aimtionibus ;  SextusEmpiricus,  d'un 
ouvrage  Sur  la  diélélique.  Hérophile  avait  écrit  en  outre  des  Commentaires 
sur  Hippocrate;  celui  sur  les  Pronostics  existait  encore,  paraît-il,  au  septième 
siècle;  un  fragment  manuscrit  en  a  été  traduit  en  italien  par  Puccinotti,  Storia 
di  med.,  tome  II,  page  195.  La  bibliothèque  ambrosienne  de  Milan  possède  un 
commentaire  sur  les  Aphorismes,  qui  n'est  mentionné  ni  par  les  Anciens  ni 

par  Marx. 

Quatre  grands  médecins,  Zeuxis,  Apollonius  Mys,  Héraclide  (d'Erythrée)  et 
Aristoxène,  écrivirent  des  ouvrages  sur  la  vie  et  les  œuvres  d'Hérophile;  tout  a 
été  perdu.'La  réputation  d'Hérophile  égalait  presque  celle  d'Hippocrate. 

La  vie,  d'après  ce  célèbre  anatomiste,  était  gouvernée  par  quatre  forces  :  la 


890  UÉROPlliLK 

uulritivc,  la  calorilique,  la  pensante  et  lu  seiisitive;  les  organes  correspondants 
étaient  le  foie,  le  cœur,  le  cerveau  et  les  nerfs.  Parmi  ces  derniers,  il  en  était  de  ' 
scnsitifs  et  de  soumis  à  la  volonté,  d'autres  (les  ligaments)  allaient  d'un  os  à 
un  autre;  les  nerfs  dérivaient  du  cerveau.  Dans  le  cerveau,  Héropliile  a  décrit 
les  enveloppes,  les  plexus  choroïdes,  les  sinus  veineux  dont  le  conOuent  (pressoir 
d'Héropliile)  porte  encore  son  nom,  les  ventricules  du  cerveau,  notamment  le 
quatrième  oîi  il  plaçait  le  siège  de  Tànie  et  dont  il  a  nommé  le  calamus  scripto- 
riiis  (xâXoipo;);  il  a  décrit  les  membranes  de  l'œil,  la  sclérotique,  la  choroïde,  la 
rétine  (àpjjtSXscTpoctfÎÀç),  puis  le  corps  vitré,  etc.  11  a  découvert  les  cliylifères  et 
décrit  exactement  le  foie,  les  trompes,  l'épididyme,  tju'il  appelait  -napao-râr/j;, 
le  duodénum,  qui  lui  doit  son  nom  (Juo^exaSâzTu>ov),  l'os  hyoïde,  etc.  ;  il  nomma 
les  veines  pulmonaires  (y>s^|/  àpTsptwôjjç). 

La  respiration,  pour  flérophile,  était  un  phénomène  parement  mécanique, 
résultant  de  la  systole  et  de  la  diastole  des  poumons;  les  artères  renferment  du  . 
pncuma  qu'ils  tirent  et  du  poumon  et  de  l'air  extérieur  par  la  peau  ;  leur  mou- 
vement propre  (ÈvepYsta)  est  la  systole.  Entre  la  systole  et  la  diastole  se  place 
une  pause.  Il  fut  amené  ainsi  à  étudier  le  pouls  dont  il  reconnut  le  rhythme  dé- 
pendant du  rhythme  du  cœur,  et  dont  il  observa  les  différences  selon  l'àge  et 
l'état  de  santé  ou  de  maladie. 

l)'a|uvs  Ilérophile,  les  maladies  résultent  de  l'altération  des  humeurs;  la 
paralysie  est  duc  a  un  défaut  d'innervation,  la  mort  subite  à  une  jiaralysie  du 
cœur.  Il  emploie  la  thérapcnli(|ue  l)ippocrati<iue,  attache  une  grande  importance 
au  régime,  préconise  la  saignée,  les  médicaments  composés,  les  spécifiques,  etc. 
En  chirurgie,  il  avait  accpiis  une  grande  jé[tutation  pour  la  cure  des  ulcères. 
En  obstétrique,  il  décrivait  de  nombreuses  causes  de  dystocie  et  connaissait  les 
modifications  de  la  portion  vaginale  dans  la  grossesse.  L.  11^'. 


FIN     DU    TREIZIEME    VOI.UMEDE    LA    QUATIUEME     SERIE 


ARTICLES 

CONTENUS  DANS  LE  TREIZIÈME  VULUMK 

(4"   série) 


llÉMATOCÈLE    VAGINALE.  IlecluS. 

IlÉMATOciiLORiNE.  Ilénocque. 

Héiiatocuylurie  (voy.  Hématurie]. 
Héjiatochistalmne  (voy.  Ilc'moglobiiie). 
1IÉ.MAT0CYAM>E  (voy.  Ilcmadjaiiiiie). 
Hématode  (Fongus)  (voy.  Fongus,  p.  'iST). 

IIÉMATOÏDINE.  Hahll. 

IIÉMATOÏNE.  Ilénocque. 

llÉMATO-LLTÉINE.  Icl. 

llÉMATosiE.  A.  Broca. 

1IÉ3IAT0MÈTRE  (voy.  Circulatiou,  p.  414). 

IIÉSIATOMVÉLIE.  Hahll. 

IlÉMATOPORPHïRi.NE  (voy.  UéiHoglobine). 


1 

28 


'29 
29 
29 

29 

50 


Hématopote. 

Laboulbène. 

50 

Hématorachis. 

Hahn. 

55 

Hématoscopie. 

Hénocque. 

35 

Hésiatosre. 

1(1. 

41 

Hématoxylike. 

Hahn. 

41 

Hématoxylon    (Botan.) 

(voy.  Campêche, 

p.  30). 

—          (Emploi). 

Éloy. 

41 

Hématozoaires. 

Blanchard. 

45 

Hématurie. 

Bourel-Roncière. 

75 

Hémenterie  (voy.  Hirudinécas). 

Héjiéralopie. 

Gayet. 

145 

Hémérés. 

Lefèvre. 

177 

Hémérocalle.  ' 

Id. 

177 

Héméros. 

•Id. 

177 

Hémérosichys. 

Id. 

177 

Hémérotes. 

Id. 

177 

Hémiacépuales. 

Larcher. 

180 

Héuianesthésie. 

Burlureaiix. 

187 

Hémichorée. 

Id. 

187 

Héuicràme  (voy.  Migraine], 

Héuidactyle. 

Sauvag-e. 

194 

Hémiencephales. 

Hahn. 

195 

Hémihèles. 

Larcher. 

195 

Hêmwelliqde  (Acide). 

Hahn. 

193 

Hémine. 

Id. 

195 

Hémiopie. 

Burlureaux. 

193 

Hémipages. 

Larcher. 

199 

llÉMipiiRACTE.  Sauvage.  199 

llÉMipiMQUE  (Acide).  Hahn.  200 

Hémiplégie  en  gé.néral.  Lereboullet.  200 

—        spASMODiQur.  infantile.    Marie.  200 
Hémiptères.  Laboulbène.  237 

Hémistome  (voy.  Tre'matodes], 
Hémitéries.  Larcher.  247 

Hémitritée  (Fièvre).  Hahn.  248 

Hemming  (^Vill. -Douglas).  Bureau.  248 

IlÉMociiROMOGÈNE  (voy.  Hémoglobine], 
llÉMocïANiNE.  Hénocque.  248 

Hémodromographe    (voy.     Circulation , 

p.  420). 
llÉMODRoMOMÈTRE  {wo^- Circulation,  p.  418 

et  420). 
HÉMODyNAMo.Mf;TRE    (voy.    Circulation, 

p.  414). 
ilÉMOGLoiiiNE.  Hénocque.  248 

Hémoglobdline  (voy.  Hémoglobine). 
IlÉMOGLOBixuRiE.  Hénocque.  27 

Hémomasomètre.  Hahn.  291 

Hémomètre  (voy.  Hémomonomètre). 
Hémophilie.  Rochard.  291 

llÉMOPis  (voy.  llirudinées). 
Hémoptysie.  AVidal.  504 

Hémorriiagie.  Renaut.  355 

HÉMORRnoÏDAL(Nerf)  (voy.  Sacj-e  [PlexusJ). 
—         (Plexus)  (voy.  Sympathique 

et  Hémorrhoïdales,  p.  477). 
Hémorrhoïdales  (Artères  et  Veines). 

Vincent.  475 
Hémorrhoïbes.  Id.  478 

Hémospasie.  Brochin.  508 

Hémostase.  II.-L.  Petit.  515 

Hémotachomètre  (voy.  Circulation, p .419). 
Hempel  (Ad.-Friedr.-Heinr.).  Hahn.  527 

Henckel  (Joach.-Friedr.).  Id.  528 

Hendricksz  (Pieter).  Bureau.  528 

Hendy  (James).  Hahn.  528 

Henke  (Ad.-Christ.-Heinr.).  Id.  528 

Henkel  (voy.  Henckel], 


89'2 


ARTICLES    DU   TREIZIEME   VOLUME. 


IIenle  (l<'riedr.-Uust.-Jak.].  Ilalin. 

Hknné.  Bâillon. 
IIenxebane  (voy.  Jusguiainc). 

IIe.nnebon  (Stat.  marine).  RoUireau. 

IlENNEis  (Jolin).  Hahn. 

Hen-mngeh  (Les  deux).  Id. 

IIennings.  (Wilhelm).  Dureau. 
Henri  de  Monuevii.le  (voy.  Hcnnondavillc) 


529 
529 

529 
530 
550 
530 

551 
551 
551 
532 


IIenuiques  (Jorge-llenrique).  Hahn. 

Henry  (Les).  Id. 

Henschel  (Les  deux).  Id. 

Hensleu  (Les).  Id. 

llÉrATAi.niE  (voy.  Foie). 
llÉrATiniiE  (Colaiiique).  Lefèvre.  532 

—  (Artère)  (voy.  Cœliaques). 

—  (Canal)  (voy.  Biliait-es). 

—  (Plexus)  (voy.  Si/niiiaUiique). 
Héi'a.tiques  (Veines  sus-)  (voy.  rote). 

—  (Bolani(iue).  Lefèvre.  555 

—  (Coliques).  Mofsé.  534 
Héi'atisation.  LerebouUct.  578 
llÉi'ATiTE  (voy.  Foie). 

llEi'ATOsœi'iE  (voy.  Divination). 
llErrA^b■s.  Halin. 

IIei'tylacétique  (Acide).  Id. 

IIeptylamine.  Jd. 

Heptyle.  Id. 

—  (Ilydrurc  d'j  (voy.  Ilejtlanes). 


llEl'TÏLiiNE.  llaliu. 

Heptylidène.  Id. 

Heptylique  (Alcool).  Id 

Heptïliq\;es  (Ethers).  Id. 

Heptïlmai.o.mque  (Acide).  Id. 

llEPTYLSui.FuniQUE  (Acidc).  Id. 
IIÉRACLÉUM  (voy.  Berce). 

llÉiiACLiDEs  (Les).  Hahn. 

Héuaclite.  Id. 


57,S 
579 
579 
570 

579 
579 
580 
580 
580 
581 

581 
581 


Liétard. 
Hahn. 

Lefèvre. 

Éloy. 

Hahn. 

Oustalet. 

LcreliouUet. 

oy.  Meliadia). 

Hahn. 

Leiourneau. 

Bureau. 


Herambasena. 

IlÉRAS. 

Hérat  (voy.  Iran). 

Herbe. 

Herbes  (Sucs  d'). 

Herbixiaxa. 

Herbivores. 

Heuroriste. 

ilr.iicuLEs  (Bains  d') 

Heuedia  (Les  deux). 

llÉHÉniTÉ. 

Hekholdt  (Les  deux 

llEniciuM.  Leièvre. 

Heri.ng  (Eduard  von).  Hahn. 

Hf.mssANT  (Les  deux).  Chéreau. 

llÉBissov.  Oustalet. 

Hebitiera.  Bâillon. 

Kerlitz  (David).  Dureau. 

Hermann  (Les).  Hahn, 
llEiiMAi'iinonisME  (Tératologie).  Hcrrmann. 
—            (Héd.  légale).      lourdes. 

HermustXdt  (Sigism.-Friedr.).  Hahn. 

Herwi.xe.  Oustalet. 

Her.mione.  Stéphanos. 

IIebmodactes.  Leièvre. 

Hermonoavii.le.  Hahn.  606, 

Hernandkz  (Les).  Dureau. 

llERîiANDiA.  Bâillon. 

Herniaire.  Id. 

Hernies.  Boursier. 

IlÉROAni)  (Jean).  Hahn. 

llÉBODicus.  Id. 
Hérodiens  (voy.  Hérons). 

Hérodote  (Les  deux).  Hahn. 

Heuold  (Joh.-Mor.-Dav.).  Id. 

Héron.  Oustalet. 

IlÉROPHiLE.  Hahn. 


582 

582 

582 
585 
580 
586 
586 

588 
588 
605 
006 
006 
606 
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009 
609 
009 
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604 
064 
064 
665 
665 
666 
606 
007 
886 
880 

886 
886 
887 
889 


FIN    DE    L^    TAULE    DU    TKEIZIKMK    VOLUME    DE    LA     QUATRIE.ME    CElilE 


6947.  —  Iniprinierie  A.  Lahure,  rue  du  Fieurus,  0,  à  Taris. 


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V 


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